LL [APN AURA SAS ve P % jo CE \ HISTOIRE NAT UI RE L LE: | QUADRUPÈDES, TOME HUITIÈME. HI STOIRE + B di NATURELLE N Par BUFFON, +. # DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. QUADRUPEDES. TOME HUITIEME. 5 Ed | SoinNE COLLECTION. , Was a lônal Mu Î ) on 180ù ee A PARIS, 7 À LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYP»É DE P. DIDOT L’AÎrÉ, Gazerres pu Louvre, N° 5, £7 FrRmin DIDOT, RUE DE ruioNviLzz, N° 116. AN VII: — 1799. Ve DAT Thor: À D < LE VE q 4 2 #7. "; % # LR FE 3 | & et { Seuguet. SP, HISTOIRE NATURELLE DES MULEÉETS* Ex conservant le nom de zzulet à l'animal qui provient de l'âne et de la jument, nous appellerons bardeau celui qui a le cheval | pour père et l’ânesse pour mère. Personne na jusqu'à présent observé les différences qui se trouvent entre ces deux animaux d’es- pèce mélangée : c’est néanmoins l’un des plus k | * Cet article doit être regardé comme une addi- tion à ce que J ai déja dit au sujet des mulets dans le discours qui a pour titre , De la dégénération des animaux , et aussi à ce que jen ai dit à l’ar- ucle des serins ; tome VI. KO F. 1 . 6 “HISTOIRE NATURELLE _ Lan sûrs moyens quenous ayons pour réconnoitf et distinguer les rapports de l'influence du mâle et de la femelle dans le produit de la génération. Les observations comparées de ces deux mulets et des autres métis qui pro- viennent de deux espèces différentes, nous indiqueront ces rapports plus précisément et plus évidemment que ne le peut faire la +. simple comparaison de deux individus de la même espèce. | Nous avons fait représenter ici le mulet (planche 1°), et le bardeau (planche 2), afin que tout le monde soit en état de les compa- rer, comme nous allons le faire nous-mêmes. D'abord le bardeau est beaucoup plus petit que le mulet : il paroît donc tenir de sa mère l’ânesse les dimensions du corps ; et le mu- let, beaucoup plus grand et plus gros que le bardeau, les tient également de la jument sa mère. La grandeur et la grosseur du corps paroissent donc dépendre plus de la mère que du père dans Les espèces mélangées. Main- tenant, si nous considérons la forme du … corps, ces deux animaux, vus ensemble, paroissent être d’une figure différente : le bardeau a l’encolure plus mince, le dos plus DES MULETS. MES | tranchant, en forme de dos de carpe, la “ croupe plus pointue et avalée, au lieu que le mulet a l’avant-main mieux fait, l’en- colure plus belle et plus fournie, 1eè côtes plus arrondies , la croupe plus pleine et la hanche plus unie. Tous deux tienneut donc plus de la mère que du père, non seulement pour la grandeur, mais aussi pour la forme du corps. Néanmoins il n’en est pas de même de la tête, des membres et des autres extré- mités du corps. La tête du bardeau est plus longue et n'est pas si grosse à proportion que celle de l’âne, et celle du mulet est plus courte et plus grosse que celle du cheval *: ils tiennent donc, pour la forme et les di- mensions de la tête, plus du père que de da mère. La queue du bardeau est garnie de crins à peu près comme celle du cheval ; la queue du mulet est presque nue comme celle de l’âne : ils ressemblent donc encore à leur pèrepar cette extrémité du corps. Lesoreilles du mulet sont plus longues que celles du cheval, et les oreilles du bardeau sont.plus * Comparez les figures, planches r et 2, du mulet et du bardeau, avec les figures du cheval et de Ja a tome T, pages G et IIS. ce D à È EUA NS 8 HISTOIRE NATURELLE courtes que celles de l’âne : ces autres tri fités du corps appartiennent donc aussi plus au père qu’à la mère. Il en est de même de la forme des jambes : le mulet les a sèches comme l'âne , et le bardeau les a plus four- nies. Tous deux ressemblent donc par la tête, par les membres et par les autres ex- trémités du corps , beaucoup plus à leur père qu'à leur mère. Dans les années 17951 et 1752, j'ai fait ac- coupler deux boucs avec plusieurs brebis, et j'en ai obtenu neuf mulets ; sept mâles et deux femelles. Frappé de cette différence du nombre des mâles mulets à celui des femelles , je fis quelques informations pour tâcher de savoir si le nombre des mulets mâles qui pro- viennent de l’âne et de la jument, excède à. peu près dans la même proportion le nombre des mulets : aucune des réponses que j'ai reçues ne détermine cette proportion; Imais toutes s’accordent à faire le nombre des mâles muiets plus grand que celui des femelles. On verra dans la suite que M. le marquis de Spontin - Beaufort ayant fait accoupler un chien avec une louve, a obtenu quatre mu- lets ; trois mâles et une femelle. Enfin, ayant _ DES MULETS. 0 fait des questions sur des mulets plus aisés à _-bbprocréer, j'ai su que, dans les oiseaux mu lets, lenombre des mâles excède encore beau- coup plus le nombre des mulets femelles. J'ai dit , à l’article du serin des Canaries, que de dix-neuf petits provenus d’une serine et d’un chardonneret, il n’y en avoit que trois fe- melles 1. Voilà les seuls faits que je puisse présenter comme certains surcesujet?, dont 1 Voyez le tome VI de l'Histoire naturelle des oiseaux, article du serin des Canaries. 2 Ce que je trouve dans différens auteurs au sujet des jumarts, me paroît très-suspect. Le sieur Léger, @ans son Histoire du Flaudois, année 1669, dit que, dans les vallées du Piémont, il y a des animaux d'espèces mélangées, et qu’on les appelle jumarts ; que quand ils sont engendrés par un taureau et une jument, on les nomme 4af ou Buf; et que quand ils sont engendrés par un taureau et une ânesse, on les appelle #:f; que ces jumarts n’ont point de cornes, et qu'ils sont de la taille d’un mulet; qu'ils sont très-légers à la course; que lui- même en avoit monté un le 30 septembre, et qu’il fit en un jour dix-huit lieues ou cinquante-quatre inilles d'Italie; qu’enfin ils ont la démarche plus sûre et le pas plus aisé que le cheval. D’après une semblable assertion, on croiroit que io HISTOIRE NATURELLE | il ne paroît pas qu’ hi se soit jamais occupé à et qui cependant mérite la plus grandeatten- tion ; car ce n'est qu’en réunissant plusieurs faits semblables qu'on pourra développer ce qui reste de mystérieux dans la génération par le concours de deux individus d'espèces différentes , et déterminer la proportion des puissances effectives du mäle et de la femelle dans toute reproduction. cés jumarts provenant du taureau avec la jument et l'ânesse existent , ou du moins qu’ils ont existé 5 néanmoins, men étant informé, personne n’a pu me confirmer ces faits. | Le docteur Shaw, dans son Histoire d'Algéh, dit qu'il a vu en Barbarie un animal appelé kuwmrah, et qui est engendré par l’union de l’âne et de la vache; qu’il est solipède comme l’âne, et qu'iln'a point de cornes sur la tête, mais qu’à tous autres égards il diffère de l’âne ; qu’il n’est capable que de peu de service; qu'il a la peau, la queueerfa tête, comme la vache, à l’exception des cornes. Le doc- teur Shaw est un auteur qui mérite confiance; ce- pendant, ayant consulté sur ce fait quelques per- sonnes qui ont demeuré en Barbarie, et particuliè- rement M. le chevalier James Bruce, tous m'ont assuré n’avoir aucune connoissance de ces animaux engendrés par l’âne et la vache, DES MULETS. ze -De mes neuf mulets provenus du bouc et de la brebis , le premier naquit le 15 avril. Observé trois jours après sa naissance, ef comparé avec un agneau de même âge , il ew différoit par les oreilles qu’il avoit un peu plus grandes, par la partie supérieure de la tête, qui étoit plus large, ainsi que la dis- tance des yeux ; 1l avoit de plus une bande de poil gris blanc depuis la nuque du cou jusqu’à l’extrémité de la queue ; les quatre jambes , le dessous du cou, de la poitrine et duventre, étoient couverts du même poil blanc assez rude; il n’y avoit un peu deläine que sur les flancs entre le dos et le ventre , et encore cette laine courte et frisée étoit mêlée de beaucoup de poil. Ce mulet avoit aussi les jambes d’un pouce et demi plus longues que l’agneau du même âge. Observé le 3 mai suivant, c’est-à-dire, dix-huit jours | après sa naissance, les poils blancs étoient en partie tombés et remplacés par des poils bruns, semblables pour la couleur à ceux du bouc, et presque aussi rudes. La proportion des jambes s’étoit soutenue; ce mulet les avoit plus longues que l'agneau de plus d’un pouce et demi : il étoit mal sur ses longues jambes, Aie de VE ” HISTOIRE NATURELLE ‘et ne marchoit pas aussi bien que l'agneau. Un accident ayant fait périr cet agneau, je n’observai ce mulet que quatre mois après, et nous le comparämes avec une brebis dw même âge : le mulet avoit un pouce de moins que la brebis sur la longueur qui est depuis l’entre-deux des yeux jusqu’au bout du mu- seau, et un demi-pouce de plus sur la lar=. geur de la tête, prise au-dessus des deux yeux à l'endroit le plus gros. Ainsi la tête de ce mulet étoit plus grosse et plus courte que celle d’une brebis du même âge; la cour- bure de la mâchoire supérieure, prise à l’en- droit des coins de la bouche, avoit près d’un demi-pouce de longueur de plus dans le mu- let que dans la brebis. La tête du mulet n’é- toit pas couverte de laine; mais elle étoit gar- nie de poils longs et touffus. La queue étoit de deux pouces plus courte que celle de Ia brebis. , | Au commencement de l’année 1752, j’ob- tins de l’union du bouc avec les brebis, huit autres mulets, dont six mâles et deux fe- melles. Il en est mort deux avant qu’on ait pu les examiner; mais ils ont paru ressem= _bler à ceux qui ont vécu, et que nous allons D'ÉSYMU D ETS: 9 | décrire en peu de mots. Il y en avoit deux, Jun mâle, et l’autre femelle, qui avoient quatre mamelons , deux de chaque côté, comme les boucs et les chèvres ;'et en général ces mulets avoient du poillong sous le ventre, et sur-tout sous la verge, comme les boucs, et aussi du poil long sur les pieds ; princi- _ palement sur ceux de derrière. La plupart ‘avoient aussi le chanfrein moins arqué que les agneaux ne l'ont d'ordinaire, les cornes des pieds plus ouvertes, c'est-à-dire, la fourche plus large et la queue plus courte que les agneaux f. J'ai rapporté, dans le volume de l'Histoire naturelle , à l’article du chien ?, les tentatives que j'ai faites pour unir un chien avec une louve; on peut voir toutes les précautions que j'avois cru devoir prendre pour faire réussir cette union. Le chien et la louve n’a- voient tous deux que trois mois au plus lors. qu'on les a mis ensemble, et enfermés dans une assez grande cour, sans les contraindre autrement et sans les enchaîner. Pendant la 1 Note communiquée par M. Daubenton, de académie des sciences. 3 Tome I, page 307 M; Ha ‘4 \ LR dos Li. Ce MT een "Re | PA TN NL ñ 7 HISTOIRE NATURELLE première année, cesjeunes animaux indice en paix et paroissolient s’aimer ;. dans la se— conde année , ils commencèrent à se disputer la nourriture, quoiqu'il y en eût au-delà du nécessaire : la querelle venoit toujours de la Jouve. Après la seconde année, les combats devinrent plus fréquens. Pendant tout ce temps, la louve ne donna aucun signe de chaleur ; ce ne fut qu’à la fin de la troisième année qu'ons’apperçutqu'elleavoit les mêmes symptômes que les chiennes en chaleur : mais, loin que cet état les rapprochäât l’un de l’autre, ils n’en devinrent tous deux que plus féroces; et le chien, au lieu de couvrir la louve, finit par la tuer. De cette épreuve j’ai cru pouvoir conclure ! que le loup n’est pas tout-à-fait de la même nature que le chien, que les espèces sont assez séparées pour ne pouvoir les rap- procher aisément, du moins dans ces cli= mats ,et je m’exprime 2 dans les termes sui vans : «Ce n’est pas que je prétende, d’une « manière décisive et absolue, que le renard « et la louvene se soient jamais, dans aucun « temps ni dans aucun climat, mêlés ayec le 1 Tome I, page 3rr. 2 Tome I, page 312. / DESMULETS. 15 « chien : les anciens l'assurent assez positi- « vement pour qu'on puisse avoir éncore sur « cela quelques doutes, malgré les épreuves « que je viens de rapporter ; et javoue qu'il - « faudroit un plus grand nombre de pareilles « épreuves pour acquérir sur ce fait une cer- « titude entiëére ». J'ai eu raison de mettre cette restriction à mes conclusions ; car M.le marquis de Spontin-Beaufort ayant tenté cette même union du chien et de la louve, a très-bien réussi, et dès lors il a trouve et . suivi mieux que moi les routes et les moyens que la Nature se réserve pour rapprocher quelquefois les animaux qui paroissent.être incompatibles. Je fus d’abord informé du fait par une lettre que M. Surirey de Boissy me fit l'honneur de m'écrire , et qui est conçue dans Les termes suivans : | A Namur, le à juin 1773. «Chez M. le . marquis de Spontin , à Namur, a été élevée une très-jeune louve , à laquelle on a donné pour compagnon un presque aussi jeune chien depuis deux ans. Ils étoient en liberté, ve- naut dans les appartemens , cuisine , écu- rie , elc. , très-caressans , se couchant sur la ? 16 HISTOIRE NATURELLE table etsurles pieds de ceux qui l’entouroient. Ils ont vécu le plus intimement. Le chien est une espèce de mâtin braque très-visoureux. La nourriture de la louve a été le lait pendant les six premiers mois ; ensuite on lui a donné de la viande crue, qu’elle préféroit à la cuite. Quand elle man- geoit, personne n'osoit l’approcher : en un autré temps on en faisoit tout ce qu'on vou- loit, pourvu qu’on ne la maltraitât pas. Elle caressoit tous les chiens qu'on lui conduisoit, : jusqu’au moment qu’elle a donné la préfe- rence à son ancien compagnon : elle entroit en fureur depuis contre tout autre. C’a été Le 25 mars dernier qu’elle a été couverte pour la première fois : ses amours ont duré seize jours, avec d'assez fréquentes répétitions, et elle a donné ses petits, le 6 juin, à huit heures du matin : ainsi le temps de la ges- tation a été de soixante-treize jours au plus. Elle a jeté quatre jeunes de couleur noirâtre: il y en a avec des extrémités blanches aux pattes et moitié de la poitrine, tenant en cela du chien, qui est noir et blanc. Depuis qu’elle a mis bas, elle est grondante, et se hérisse contre ceux qui approchent; elle ne DES MULETS. 7 .reconnoît plus ses maîtres : elle étrangle- roit le chien même, s’il étoit à portée. J'ajoute qu’elle a été attachée à deux chaines depuis une irruption qu’elle a faite à la suite de son galant , qui avoit franchi une mu- raille chez un voisin qui avoit une chienne en chaleur; qu’elle avoit étranglé à moitié sa rivale ; que le cocher a été pour les séparer à grands coups de bâton, et la reconduire à sa loge, où, par imprudence, recommençant la correction, elle s’est animée au point de le mordre à deux fois dans la cuisse ; ce qui l'a tenu au lit six semaines, par les incisions considérables qu'on a été obligé de faire. » Dans ma reponse à cette lettre, je faisois mes remerciemens à M. de Boissy, et j'y joignois quelques réflexions pour éclaircir les doutes qui me restoient encore. M. le marquis de Spontin ayant pris communica- tion de cette réponse , eut la bonté de m’é- crire lui-même dans les termes suivans : Namur, le 14 juillet 1773. « J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les réflexions judicieuses que vous faites à M. Surirey de Boissy, que à in 18 HISTOIRE NATURELLE j'avois prié de vous mander ; pendant mon été absence , un événement auquel je m’osois encore m'attendre, malgré la force des ap- parences , par l'opinion que j'avois et que j'aurai toujours, comme le reste du monde, de l'excellence et du mérite des savans ou- vrages dont vous avez bien voulu nous éclai- rer. Cependant, soit l'effet du hasard ou d’une de ces bizarreries de la Nature, qui, comme vous dites, se plait quelquefois à sortir des règles générales, le fait est incontestable, comme vous allez en convenir vous-même , si vous voulez bien ajouter foi à ce que j'ai l'honneur de vous écrire; ce dont j'ose me flatter d'autant plus, que je pourrois auto- riser le tout de l’aveu de deux cents per- sonnes au moins qui, comme moi, ont été témoins de tous les faits que je vais avoir l'honneur de vous détailler. Cette louve avoit tout au plus trois jours, quand je l’achetai d'un paysan qui l’avoit prise dans le bois, après en avoir tué la mère. Je lui fis sucer du lait pendant quelques jours, jusqu'à ce qu’elle pût manger de la viande. Je recom- mandai à ceux qui devoient en avoir soin , \ de la caresser, de la tourmenter continuel- DES MULETS. 1 lement , pour tâcher de lapprivoiser au moins avec eux; elle finit par devenir si fami- lière, que je pouvois la mener à la chasse dans les bois, jusqu'à une lieue de lamaison, sans risquer de la perdre ; elle est mème revenue quelquefois seule pendant la nuit, les jours queje n'avois pu la ramener. J'étois beaucoup plus sûr de la garder auprès de moi quand j avois un chien; car elle les a toujours beau- coup aimés, et ceux qui avoient perdu leux répugnance naturelle , jouoient avec elle, comme sic'eûüt été deux animaux de la même espèce. Jusque-là elle n’avoit fait la guerre qu'aux chats etaux poules, qu’elle étrangloit d’abord, sans en vouloir manger. Dès qu’elle eut atteint un an, sa férocité s’étendit plus loin , et je commençai à m'appercevoir | qu'elle en vouloit aux moutons et aux chiennes , sur-tout si elles étoient en folie. Dès lors je lui ôtai la liberté, et je la faisois promener à la chaîne et muselée ; car äl lui est arrivé souvent de se jeter sur son conduc- teur , qui la contrarioit. Elle avoit un an au moins, quand je lui fis faire la connoissance du chien qui l’a couverte. Elle est en ville, dans mon jardin, à la chaîne, depuis les 20 HISTOIRE NATURELLE derniers jours du mois de novembre passé. Plus de trois cents personnes sont venues la voir dans ce temps. Je suis logé presque au centre de la ville : ainsi on ne peut supposer qu’un loup seroit venu la trouver. Dès qu’elle commença à entrer en chaleur , elle prit un tel goût pour le chien, et le chien pour elle, qu’ils hurloient affreusement de part et d'autre quand ils n’étoient pas ensemble. Elle a été couverte le 28 mars pour la pre- mière fois, et depuis , deux fois par jour, pendant deux semaines environ. Ils restoient attachés près d’un quart d'heure à chaque fois , pendant lequel temps la louve parois- soit souffrir beaucoup et se plaindre , et le chien point du tout. Trois semaines après, on s’apperçut aisément qu’elle étoit pleine. Le 6 juin, elle donna ses petits au nombre de quatre, qu’elle nourrit encore à présent , quoiqu'ils aient cinq semaines , et des dents très-pointues et assez longues. Ils ressemblent parfaitement à de petits chiens, ayant les oreilles assez longues et pendantes. Il y en a un qui est tout-à-fait noir, avec la poitrine blanche, qui étoit la couleur du chien. Les autres auront, à ce que je crois, la couleur DES MULETS. 27 de la louve. Ils ont tous le poil beaucoup plus rude que les chiens ordinaires. Il n’y a qu'une chienne qui est venue avec la queue irès-courte, de même que le chien, qui n’en avoit presque pas. Îls promettent d’être grands , forts, et très-méchans. La mère en a un soin extraordinaire... Je doute si je la garderai davantage, en ayant été dégoüté par un accident qui est arrivé à mon cocher, qui en a été mordu à la cuisse si fort, qu'il a éte six semaines sur son lit, sans pouvoir se bouger : mais je parierois volontiers qu’en la gardant , elle aura encore des petits avec ce même chien, qui est blanc, avec de grandes taches noires sur le dos. Je crois, Monsieur, avoir répondu par ce détail à vos observa- tions, et j'espère que vous ne douterez plus de la vérilé de cet événement singulier. » Je n’en doute pas en effet, et je suis bien aise d’avoir l’occasion d’en témoigner publi- quement ma reconnoissance. C’est beaucoup gagner que d'acquérir, dans l’histoire de la Nature, un fait rare; les moyens sont tou-— jours difhciles , et, comme l’on voit, très- souvent dangereux : c’étoit par celte dernière f 22 HISTOIRE NATURELLE raison que j'avois séquestré ma louve etmon chien de toute société; je craignois les acci= dens en laissant vivre la louve en liberté. J’avois précédemment élevé un jeune loup qui, jusqu'à l’âge d’un an, n’avoit fait au- cun mal , et suivoit son maitre à peu prè comme un chien : mais dés la seconde année il commit tant d’excès ; qu’il fallut le con- damner à la mort. J’étois donc assuré que ces animaux, quoiqu’adoucis par l'éducation, reprennent avec l’âge leur férocité naturelle; et en voulant prévenir les inconvéniens qui ne peuvent manquer d'en résulter, et tenant ma louve toujours enfermée avec le chien, j'avoue que je n’avois pas senti que je pre- nois une mauvaise méthode : car, dans cet état d’esclavage et d’ennui , le naturel de la louve, au lieu de s’adoucir, s’aigrit au point qu’elle étoit plus féroce que dans l’état de nature; et le chien ayant été séparé de si ‘bonne heure de ses semblables et de toute société, avoit pris un caractère sauvage et cruel, que la mauvaise humeur de la louve ne faisoit qu'irriter ; en sorte que, dans les deux dernières années, leur antipathie devint si grande, qu'ils ne cherchoiïent qu’à s’entre- DESTMULETS.:: 23 dévorer. Dans l’épreuve de M. le marquis de Spontin, tout s’est passé différemment. Le chien étoit dans l’état ordinaire ; 4l avoit toute la douceur et toutes les autres qualités que-cet animal docile acquiert dans le com- merce de l'homme. La louve, d'autre part, ayant été élevée en toute liberté et familiè- rement, dès son bas âge, avec le chien, qui, par ‘cette habitude sans contrainte, avoit perdu sa répugnance pour elle , étoit deve- nue susceptible d'affection pour lui ; elle l’a donc bien reçu lorsque l'heure de la Na- ture a sonné ; et quoiqu'elle ait paru se plaindre et souffrir dans l’accouplement, elle a eu plus de plaisir que de douleur, puisqu'elle a permis qu’il fût réitéré chaque jour pendant tout le temps qu'a duré sa chaleur. D’aïlleürs le moment pour faire réussir cette union disparate a été bien saisi :. c’étoit la première chaleur de la louve; elle n’étoit qu’à laseconde année de son âge; elle n’avoit donc pas encore repris entièrement son naturel féroce. Toutes ces circonstances, et peut-être quelques autres dont on ne s’est point apperçu, ont contribué au succès de l’accouplement et de la production. I 24 HISTOIRE NATURELLE sembleroit dné , par ce qui vient d'être dit, k. _que le moyen le plus sûrde rendreles ani- maux infidèles à leur espèce, c'est de les … mettre, comme l'homme, en grande société, : en les accoutumant peu à peu ayec ceux pour lesquels ils n’auroient sans cela que: de l'indifférence ou del’antipathie. Quoi qu’il en soit, on saura maintenant, grace aux soins de M. le marquis de Spontin, et on tiendra dorénavant pour chose sûre, que le chien peut produire avec la louve, même dans nos climats. J’aurois bien desiré qu'a- près une expérience aussi heureuse, ce pre- mier succès eût engagé son illustre auteur à tenter l’union du loup et de la chienne, et celle des renards et des chiens. Il trouvera peut-être que c’est trop exiger , et que je parle ici avec l’enthousiasme d’un natura- liste insatiable : jen conviens, et j'avoue que la découverte d’un fait nouveau dans la Na- ture m'a toujours transporté * * Un fait tout pareil vient de m’être annoncé par M. Bourgelat, dans une lettre qu’il ma écrite le 5 avril #75, et dont voici l’extrait. « Mylord comte de Pembroke me mande, dit «e M. Bourgelat, qu'il a vu accoupler, depuis plu DES MULETS. _ 15 * Mais revenons à nos mulets. Le nombre des mâles, dans ceux que j'ai obtenus du bouc et de la brebis, est comme 7 sont à 2; dans ceux du chien et de la louve, ce nombre est comme 3 sont à 1 ; et dans ceux des char- donnerets et de la serine, comme 16 sont à 3. Il paroit donc presque certain que le nombre des mâles , qui est déja plus grand que celui des femelles dans les espèces pures, est encore bien plus grand dans les espèces mixtes. Le mâle influe donc en général plus que la « sieurs jours, une louve et un gros mâtin; que la « louve est apprivoisée, qu’elle est toujours dans À Ja chambre de son maître, et constamment sous À ses veux‘; enfin qu'elle ne sort qu’avec lui, et qu’elle le suit aussi fidèlement qu’un chien. Il ajoute qu’un marchand d’animaux a eu, à quatre « reprises différentes, des productions de la louve « et du chien. Il prétend que le loup n’est autre « chose qu'un chien sauvage; el en cela il est d’ac- « cord avec le célèbre anatomiste Hunter. Il ne pense & pas qu’il en soit de même des renards. Il n'écrit « encore que la chienhe du lord Clansbrawill, fille < d’un loup, accouplée avec un chien d’arrêt, a fait « des petits qui, selon son garde-chasse, seront < excellens pour le fusil. » 3 26 HISTOIRE NATURELLE femelle sur la production, puisqu'il donne son sexe au plus grand nombre, et que-cè nombre des mâles devient d'autant plus grand que les espèces sont moins voisines. Ï1 doit en être de même des races différentes: on aura en les croisant , c’est-à-dire, em prenant celles qui sont les plus éloignées, on aura, dis-je, non seulement de plus belles productions, mais des mâles en plus grand nombre. J'ai souvent tâché de deviner pour- quoi, dans aucune religion, dans aucun RU en, le mariage du frère et de la sœur n’a jamais été autorisé. Les hommes ‘auroient-ils recennu , par une très-ancienné expérience, que cette union du frère et de la sœur étoit moins féconde que les autres, où produisoit-elle moins de mâles et des. enfans.plus foiblés et plus mal faits ? Ce qu il y a de sûr, c'est que l'inverse du fait est Vrai; car on sait, par des expériences mille fois répétées, qu'en croisant les races au lieu de les réunir, soit dans les animaux , Soit dans l'homme, on anoblit l'espèce, et que ce moyen seul peut la maintenir belle et même la perfectionner: : 2:40! «14p, l'es Joignons maintenant ces fails, ces résul- PT'DÉSTMULE TS: 27 tats d'expériences et ces indications à d’autres faits constatés, en commençant par ceux que mous ont transmis les anciens. Aristote dit positivement que le mulet engendre, avec la juthent , un animal appelé par les Grecs hinnus ou ginnus. Il dit de même que la mule peut concevoir aisément, mais qu’elle _ ‘ue peut que rarement perfectionner son fruit. _ De ces deux faits, qui sont vrais, le second est en effet plus rare que le premier, et tous deux u’arrivent que dans des climats chauds. M. de Bory, de l’académie royale des sciences, et ci-devant gouverneur des îles de l’'Amé- rique , a eu la bonté de me communiquer un fait récent sur ce sujet , par sa lettre du 7 mai 1770, dont voici l'extrait : « Vous vousrappelez peut-être, Monsieur, que M. d'Alembert lut, à l’académie des sciences , l’année dernière 1769, une lettre dans laquelle on lui mandoit qu’une mule avoit mis bas un muleton, dans une habita- tion de l’île Saint-Domingue; je fus chargé d'écrire pour vérifier le fait, et j'ai l’hon- _meur de vous Ta le certificat que j'en ai reçu... Celui qui m'écrit est une personne | 28 HISTOIRE NATURELL | à digne de foi. Il dit avoir vu des mulets cou-. Yrir indistinctement des mules et des eavales, comme aussi des mules couvertes par des mulets et des étalons.» LH Ce certificat est un acte juridique de noto- ee , Signé de plusieurs témoins, etdûment contrôlé et légalisé. IL porte en substance que, le 14 mai 1769, M. de Nort, chevalier de Saint-Louis, et ancien major de la lésion royale de Saint-Domingue , étant sur son habitation de la Petite-Anse , on lui amena une mule qu'on lui dit être malade ; elle avoit le ventre très-gros , et il lui sortoit un boyau par la vulve. M. de Nort, la croyant enflée, envoya chercher une espèce de maré- chal nègre qui avoit coutume de panser les animaux malades ; que ce nègre étant arrivé en son absence , il avoit jeté bas la mule pour lui faire prendre un breuvage ; que l'instant d’après la chûte, il la délivra d’un petit mulet bien conforme, dont le poilétoit long et très-noir ; que ce muleton a vécu une heure; mais qu'ayant éte blessé, ainsi que . la mule, par sa chûte forcée, ils étoient morts . d'un et l’autre, le muleton le premier, c’est- _ DES 'MULETS." 7 2% àdire, presque en naissant, et la mule dix heures après ; qu'ensuite on’avoit fait écor- cher le muleton, et qu'on a envoyé sa peau au docteur Maty, qui l’a déposée (dit M. de Nort} dans le Cabinet de la société royale de Londres. D'autres témoins oculaires, et particu- Jièrement M. Cazavant, maitre en chirur- gie, ajoutent que le muleton paroissoit être à terme et bien conformé ; que , par l’appa- rence de son poil, de sa tête etde ses oreilles, il a paru tenir plus de l’âne que les mulets ordinaires ; que la mule avoit les mamelles gonflées et remplies de lait; que lorsque l’on apperçut les pieds du muleton sortant de la vulve, le nègre, maréchal ignorant, l’avoit tiré si rudement, qu’en arrachant de force le amauleton, 1l avoit occasionné un renverse- ment dans la matrice, et des déchiremens quiavoient occasionné la mort de la mére et du petit. | Cesfaits, qui me paroissent bien constatés, nous démontrentque, danslesclimats chauds, Ja mule peut non seulement concevoir, mais perfectionner et porter à terme son fruit. On m'a écrit d'Espague et d'Italie qu’on en avoit 5 " |! Lx dés fi PE EN OS ON ARRET Aa los sn * » L | "YA L'UNCUE 3o HISTOIRE va PGO | ‘ plusieurs exemples ; mais aucun des faits qui m'ont élé transmis, n’est aussi bien véri- fié que celui que je viens de rapporter : seu- lement 1] nous’ reste à savoir si cette mule de Saint-Domingue netenoit pas sa conception : de l’âne plutôt que du mulet ; la ressemblance de son muleton au premier plus qu’au second de ces animaux, paroitroit l’indiquer : l'ar- deur du’ tempérament de l'âne le rend peu délicat sur le choix des femelles , et le porte à rechercher presque également l’ânesse ; la jument et la mule. Il est donc-certain que le mulet peut engen- drer , et que la mule peut produire; ils ont, comme les autres animaux, tous les organes convenables ét la liqueur nécessaire à la gé- nération : seulement ces animaux d'espèce mixte sont beaucoup moins féconds , et tou- jours plus tardifs que ceux'd’éspèce pure ; d’ailleurs ils n’ont jamais produit dans'les climats froids , et ce n’est que rarement qu’ils prodüisent dans les pays chauds, et encore plus rarement dans les contrées tem pérées ; dès lors leur infécondité, sans étre äbsolue, peutnéanmoins être regardée comme positive, puisque la production est si rare , DESEMUDETDS ! M qu'on peut à peine en citer un certain nombre d'exemples : mais on a d’abord eu tort d’as- surer qu absolument les mulets et les mules ne pouvoient engendrer, et ensuite on a eu encore plus grand tort d'avancer que tous les autres animaux d'espèce mélangée étoient, comme les mulets, hors d’état de produire ; les faits que nous avons rapportés ci - devant sur les métis produits par le bouc et la bre- bis , sur ceux du chien et de la louve, et particulièrement sur les mélis des serins et des autres oiseaux, nous démontrent que ces métis ne sont point inféconds, et que quel- ques uns sont même aussi féconds à peu près que leurs père et mère. Un grand défaut, ou , pour mieux dire, un vice très-fréquent dans l’ordre des con- noissances humaines, c'est qu’une petite erreur particulière et souvent nominale, qui ne devoit occuper que sa petite place en attendant qu’on la détruise, se répand sur toute Ia chaîne des choses qui peuvent yavoir rapport, et deviérit par-là une erreur de fait, une trés-grande erreur, et forme un préjugé général , plus difficile à déraciner que l’opi- üion particulière qui lui sert de base. Un 3% HISTOIRE NATURELLE mot, un nom qui, comme le mot zulet, | n’a dû et ne devroit encore représenter que l’idée particulière de l'animal provenant de l'âne et de la jument , a été mal-à-propos appliqué à l'animal provenant du. cheval et de l’ânesse , et ensuite encore plus mal à tous les animaux quadrupèdes et à tous Les oiseaux d'espèce mélangée; et comme, dans sa pre- mière acception, ce mot 724let renfermoit _ l'idée de l’infécondité ordinaire de l’animal provenant de l’âne et de la jument, on a, sans autre examen, transporté cette même idée d’infécondité à tous les êtres auxquels on a donné le mème nom de zzulet : je dis à tous les êtres ; car, indépendamment des animaux quadrupèdes, des oiseaux , des pois- sons, on à fait aussi des mulets dans les plantes, auxquels on a, sans hésiter, donné, comme à tous les autres mulets, le défaut sénéral de l’infécondité, tandis que, dans le réel , aucun de ces êtres métis n’est absolu-: ment infécond, et que, de tous, le mulet proprement dit, c’està-dire, l'animal qui seul doit porter ce nom, est aussi le seul dont l’infeconditeé , sans être absolue, soit assez positive pour qu'on puisse le regarder POSNAVU RENE SI lit 38 comme moins fécond qu'aucun autre, c’est- à-dire, comme infécond dans l’ordre ordi- naire de la Nature, en comparaison des ani- maux. d'espèce pure, et même des autres animaux d'espèce mixte. Tous les mulets, dit le préjugé, sont des animaux viciés qui ne peuvent produire : aucun animal, quoique provenant de deux espèces, n’est absolument infécond, disent l’expérienceet la raison ; tous, au contraire, peuvent produire, et il n’y a de différence que du plus au moins ; seulement on doit observer que , dans les espèces pures, ainsi que dans les espèces mixtes, il y a de grandes différences dans la fécondité. Dans les pre- mières, les unes, comme les poissons, les insectes, elc., se multiplient chaque année par milliers, par centaines; d’autres, comme les oiseaux et les petits animaux quadrupèdes, sereproduisent par vingtaines, par douzaines; d’autres enfin, comme l’homme et tous les grands animaux, ne se reproduisent qu'un à up. Le nombre dans la production est, pour ainsi dire, en raison inverse de la grandeur des animaux : le cheval et l’âne ne produisent qu'un par an; et, dans le même espace de "38 HISTOIRE NATURELLE | temps , les souris, les mulots, les chi d'Inde , produisent trente ow quarante. La : fécondité de ces petitsanimaux est donc trente ou quarante fois plus grande; et en faisant une échelle des différens degrés de fécondité, les petits animaux que nous venons de nom— mer seront aux points les plus élevés ; tandis que le cheval , ainsi que l’âne , se trouveront presque au terme de la moindre fécondité ; car il n’y a guère que l'éléphant qui soit encore moins fécond. Dans les espèces mixtes, c’est-à- FE dans celles des animaux qui, comme le mulet; proviennent de deux espèces différentes, 1l y a, comme dans les espèces pures, des de- grés différens de fécondité, ou plutôt d’infé- condité; car les animaux qui viennent de deux espèces , tenant de deux natures, sont en général moins féconds , parce qu’ils ont moins de convenances entre eux qu'il n’y en a dans les espèces pures, et cette infécondité est d'autant plus grande que la fécondité naturelle des parens est moindre. Dès lors si les deux espèces du cheval et de l’âne, peu fécondes par elles-mêmes, viennent à se mé- ler , l’infécondité primitive, loin de dimi- DES MULETS,. 35 nuer dans l'animal métis , ne pourra qu'aug- menter ; le mulet sera non seulement plus infécond que son père et sa mêre, mais peut- être le plus infécond de tous les animaux métis ; parce que toutes les autres espèces mélangées dont on a pu tirer du produit, telles que celles du bouc et de la brebis, du chien et de la louve, du chardonneret et de la serine,etc., sont beaucoup plus fécondés que lesespèces de l'âne et du cheval. C’est à cette cause particulière et primitive qu’on doit râpporter l'infécondité des mulets et des bardeaux ; ce dernier animal est même plus infécond que le premier , par une seconde cause encore plus particulière. Le mulet pro- venant de l’âne et de la jument tient de son père l’ardeur du tempérament, et par con— séquent la vertu prolifique à un très-haut degré , tandis que le bardeau provenant du cheval et de l’ânesse est, comme son père, moins puissant en amour, et moins habile à engendrer; d’ailleurs la ‘jument , moins ar- _ dente que l’ânesse, est aussi plus féconde , puisqu'elle retient et conçoit plus aisément, plus sûrement. Ainsi tout concourt à rendre le mulet moins infécond que le bardeau ; car 36 HISTOIRE NATURELLE l’ardeur du tempérament dans le mâle, qui Ÿ est si nécessaire pour la bonne génération, - et sur-tout pour la nombreuse multiplica- tion , nuit au contraire dans la femelle , et l'empêche presque toujours de retenir et de concevoir. 189 fit Ce fait est sénéralement vrai, soit dans les animaux, soit dans l'espèce humaine: les femmes les plus froides avec les hommes les plus chauds, engendrent un grand nombre d’enfans : ilest rare , au contraire; qu’une femme produise si elle est trop sensible aw physique de l'amour; l’acte par:lequel on arrive à la génération, n’estalors qu une fleur sans fruit, un plaisir sans effet : maïs aussi dans la plupart des femmes qui sont pure- ment passives, c'est, comme dans le figuier . dont la séve est froide, un fruit quitse-pro- duit sans fleur ; car l'effet de cet acte est d'autant plus sûr qu'il est moins troublé dans les femelles par les convulsions du plai- sir : elles sont si marquées dans quelques unes, et même si nuisibles à la conception dans quelques femelles, telles que l’ânesse, qu’on est obligé de leur jeter de l’eau sur la croupe, ou même de les frapper rudement- À D LU DES MULETS. 37 pour les calmer ; sans ce secours désagréable, ‘ellesné deviendroientpas mères, ou du moins me le deviendroient que tard, lorsque , dans un âge plus avancé, la grande ardeur du tempérament seroit éleinte ou ne subsiste- roit qu'en partie. On est quelquefois obligé de se servir des mêmes Le pour faire concevoir les jumens. Mais, dira-t-on , les chiennes et les chattes, qui paroissent être ;encore plus ardentes en amour que la jument et l’ânesse, nemanquenñt néanmoins jamais de concevoir ; Le fait que vous avancez sur l'infécondité des femelles _ trop ardentes en amour, n’est donc pas séné- ral ; et souffre de grandes exceptions. Je:ré- pouds que l'exemple des chiennes et des chattes, au lieu de faire une exception à la rèole, en seroit plutôt une confirmation ; car à quelque excès qu'on veuiilè supposer les convulsions intérieures des organes de la chienne, elles ont tout le temps de secalmer peudant la longue durée du temps qui se passe entre l'acte consommé et la retraite du mâle , qui ne peutse séparer tant que subsis- tent le gonflement et l’irritation des parties, Ii en est de même de la chatte, qui ,de toutes Quadrupèdes, WITL. 4 33 HISTOIRE NATURELLE. Jes femelles, paroitêtre la plus ardente; puis- qu'elle appelle ses mâles par des cris lamen- tables d'amour , qui annoncent le plus pres< sant besoin : mais c’est, comme pourlechien, par une autre raison de conformation dans le mâle, quecette femelle: si ardente ne manque jamais de concevoir ; son plaisir très- vif dans l’accouplement estnécessairement mêle d’une douleur presque aussi vive. Le gland du ‘chat est hérissé d’épines plus grosses et plus poignantes que celles de sa langue, qui; comme l’on sait, est rude au point d’offenser la peau ; dès lors l’intromission ne peut être que fort douloureuse pour la femelle, qui s’en plaint et l'annonce hautement par. des cris encore plus perçans que les premiers :la douleur est si vive , que la chatte fait en ce moment tous ses efforts pour échapper , et le chat, pour la retenir, est forcé de la saisir sur le cou avec ses dents, et de contraindre et soumettre ainsi par la force cette même femelle amenée par l'amour. | Dans les animaux domestiques soignés et bien nourris , la multiplication est plus grande que dans les animaux sauvages; on le voit par l'exemple des chats et des chiens, - je” à! DES MULETS. 39 qui produisent dans nos maisons plusieurs fois par an, tandis que le chat sauvage et le chien abandonné à la seule Nature ne pro- duisent qu'une seule fois chaque année. On le voit encore mieux par l'exemple des oi- seaux domestiques : y a-t-il dans aucune espèce d'oiseaux libres une fécondité com- parable à à celle d’une poule bien nourrie, bien Yétée par son coq? Et, dans l’espècehumaine, quelle différence entre la chétive propagation des sauvages et l’imménse population des nations -civilisées et bien souvernées !' Mais nous ne parlons ici que de la fécondité natu-— relle aux animaux dans leur état de pleine liberté; on en verra d’un coup d'œil les rapports dans la table suivante, de laquelle : on pourra tirer quelques conséquences utiles à l'histoire naturelle. ete: 46 HISTOIRE NATURELLE ï À. B 1 E D E 8er De la fécondité Ponsttumenen Age auquel Tès males sont en Var da. gendrer, et les femelles de produire. NOMS des ANIMAUX. PSE RTE EC es À Et : 2 uù 197 M A ËE, FEMELLE. 12 | | à 15 ou 20 ans. 1Lé rlunocéros:.!à 15 ou 20 ans. L’ hippopotame : | Leivorse. :.::. at. ee «ee € e%0068e95.e.xù 4 0. % ee ee © 4 & © © © 6%. 0% 9 eee 0 X } x Be-chameau. . lala ans, 1... dames L'éléphant.....là 30 ans. Mure d à A J0 ANS, ,,. Lé dromädaire) fa 4 ii it EX ans este — Lé‘cheval. :..,:.1à 2 ansé F... là 2 ms 00700 Le «zèbre:....:là 2 ans... man Lane: . 4, Pare ame À 0, amet TR Le te 50 280 à 19 AS d'A QUE A à de cs Res * A deux ans et demi le cheval n’engendre que des pou- lains foibles ou mal faits; il fdut qu'il ait quatre ans, et même six pour les chevaux fins, DES MULETS. 4 AN PBOR TS :, des animaux. #. . Age auquel les mâles cessent DURÉE on. d’engendrer, et les femelles de produire. de la mères font à ; chaque por-| mem ee, gestation, tée. M A LE, FEMELLE, r petit en 3 vit 2 siècles. OU 4 ans. r petit....|vit 70 ou 80 ans. PAS te ae € « Épelit. Hi MEFIEL Ÿÿ MOIS . ... Fan. à peur ent é. vit do ou 5o pes Lo. aus 1 an à peur petit... idem... pren ZI, MOIS. .. 1 IT DANS; . r, quelq. 2.1à 25 ou 30 à 18 ou 20 ans, - | dlSe L, rarem. 2 idem... e. + e A x1 mois et|r,rarem. 2.lzdem......là 25 où 30 plus | 9 mois ....fr petit....{vit 15 ou 18 “ ans. { ANIM AU X. ne Le Den. 4m Lever si a à 8 mois. 1 d'AnsL es x 93 ansp 0e à'T4 ans... à NAS à 18 mois. Le rene :.::0: Bec lama. L'homme. ..... Les grands singes Le OAon Nr , Le saiga....... À Tant de Le chevreuil: ...l1 r8 mois. Le chamoïs. . ...1\ r an.!.. ÎLa chèvre et le bouc. À EAU LT La brebis et lelà belier. ét EL AI... gendrer, et les femelles de produire. MALE. ..…. à 18 mOIs..... TEE ae guet là Sons Ce LT LAIA ame ae À . eo à 13 ANS... … 2183408. : +. .+ * ee A'T'an {Ve reg Le ae à » de & LI A... ses 4 7e. 20e M LU 4 mâles sont en état d’en- 3 HISTOIRE NATURELLE NOMS Age auquel les des FEMELLE, attepeeenrhatientinenirenttinntiatthettttttinnnene TA....se.e e L] e e « DES MULETS. 43 Age auquel les mâles cessent d’engendrer, et les femelles de produire, DUREEÏNombre des petits que les de la mères font à £ ‘ chaque por- gestation. tée. FEMELLE, smnamammmsenng,, | “mcm. Y mois ....|r,rarem. 2. 8 mois et pl.} r, rarem. 2. à 9 ans... vit 30 ou 35 ans. vitr6 ans.. “F2 ans. à y anse D mois. 4. br metit. TE STATE 2 9 mois....}r, quelq. 2. to SRE quelque. 5 mois....lr,quelq.2; peut pro- duire deux fois daus les climats chauds. mois. ...11, quelqe 2: à r2 ans. L'6 ans....{à ro où 12 ans, vitjusqu’àrb où 20 ans. vit r2 Ou 15 ans. vit, dit-on, 20-an$e : : à 9 ans... mois...-|r, 2, quel- OUR que‘ois 3. MOIS....]t, 2, rare- ment 3. 5 mois..i.fr, 2, rare- ment 3, et Jamais plus OT 7 Or "or à 7 anse ; de 4. 5 mois....|r,quelq.2;là 8 ans....!à ro ou 12 peut pro- anse | -- À: duire 2 fois]. : dans les cli- bats chauds. Te phoque. .... L'Obrs et Lie Le blaireau..:.. Aie: Don: ei cal Les léopards et le tigre. Le donn.,5.,. Le chien dans l’é- tal de nature. . Nous, LUE Le renard 1... Le char, L À. ï _ Age auquel les mâles sont en état d’en- gendrer, et les femelles de produire. ON EG RE ae AMEN +. 0e e © + & 8 & A ASE ON CE do ANS ÉPDLEURSE 4 LS à Y ou 10 mois. 0... ee AI dT Alta nn se à 00040660 à A AE SEE à. 2 nes. 0 AID Janus, ..,...8 à m Ehe : UuNe à 9 Où ro mois. *..0.0.... à I als, dus 0.0, e » DES MULETS. 45 | DURÉE Nombre des de la gestation. plus. mois. ; plus. moIs. . _ _ 73 jours ou . plus. 63 jours... 63 jours... entre en cha- leur en h1- pro- ver; duit mois vril. au ges... L2 15 ou 4 petits. 20622000): d'a- Age auquel les mâles cessent d’engendrer , et les femelles ‘dé produire. petits que les mères font à chaque por-. tée. e FEMELLE, I 2 ou 3 pelits, À 259) 49 €E Jamais. plus de À, vit 20 où 25 ans. vit 20 ou 2 ans. 3 ou 4, une seule fois par an. 4 où à, une! seule fois par an. 9,6,etJus- à 15 ou 20 » 15 ou 20 qu’à 9, une! ans. | ans. seule fois par an. 3, 4, 5, Glà rb ans. [à 15 ans. petits. 6 et. 3) 4, Jusqu'à à ro ou rrià ro ou r1 6. ans. ans. 2, 3 Ou 4. 46. NOMS des ANIMAUX. Le chat dans l’é- tat de nature. dr fouime. 42: La martre ....… Le patois. 2 £a belette 7"... L'’hermine .. ... L'écureuil ..... Le a ; Le hérisson. bes loirsi 4... F’ondatra.:. 0: Le desman..... Les sarigues. . .. HISTOIRE NATURELLE 1 [L Age auquel les mâles sont en état d'en: gendrer, et les femelles de produire, À FEMELLE. avant r an ....}avant tr an .... à 1 an tout au plus. à Tr an tout au plus. 4 À Tr an tout au plus. à I (81 d'A à Tr an tout au plus. Nr ane 3e dès la première année. DENT: L'IIRUIT + Tamil rise dès la pri année. idem. ss 0 L'E RNA Ti S LA La | 4 an, .. +. 0 +. © dès la première année . +... à L an, 006. ee dès la première année ,.....° . 00 ee ee + © © .. 0 9 © © © ©. 0e © s. E D U RÉ E INombre des pe etits que les N de la A mères font à fee, auquel les mâles cessent! d’engendrer , et les femelles de produire. chaque por- gestation. tée. mens À ones 56 jours... |4, 5 ou 6.. comme les chats, dit- on, C’est-à- dire , - 56 jours. zdem...... RE... 5 ee» entre en cha- leur en Mars , e!: : met bas au mois de | mai. LUR … 7e e slots és CR 40 jours en- viron. 2%: RACE OS 3 > 4 ét,6 A 3, 40t 5. cdem.. e. ee demi; oO AA. à PAL AE 53 5, 4 CE 22 Mens. 4 9 Ou 0. . MIBIUS. : . LE 45, 6et7. MALE, FEMELLE. à 9.ans. . . « M 9 ans. " à 8 ou 10là 8 ou ro ans. ans. à 8 ou 10!:dem...... ans. engendre toute sa vie. | LÉem. CCE] LD ere M. 0: idem: 1: vit 6 ans... produit toutesa vie. idem. se ee à idem”. ® + »« idem. . e + « « à te EN ER TO NET L à À 4°? { L'TLPER a® PL 48 HISTOIRE NATURELLE “ % Û À, Age auquel les mâles sont en état d’én- NOMS | gendrer, et les femelles de produire. des ANIMAUX, Les philandres. ù Les cochons. ... ai, es ee ee 6e ee” Les tatous...... de. ee © © dès la premièref dès la. première Les hèvres.. année. année. . . à 5 ou 6 mois... Leslapins....., à 5 ou 6 mois. dès la première dès la première Le furet, .... * année, . année. » DURÉE Nombre de Ia gestation. ne. + 4 MOIS. 22 ‘95. 4 produisent f. 30 ou 3: Jours. em. : . : 2 40 jours... _ des petits que les mères font à chaque por- tée, 4, D et 6. to 12, 15: eE jainais plus de 20; et produi- sent deux fois par an 4 ptits, et plusieurs fois par an. DSP Ét 4 Et produisent plusieurs fois par au 4, 5 el jus- qu'à 8, € produisen: plusieurs 1018 par an. 5,6; jusqu’ Ye pro- duit deux re 4 par au en, domes- ticité. J DES MULETS,. 49 Age auquel les mâles cessent d engendrer, et les femelles de produire. FEMELLE, area EE RE IP CREER STE [à r5 ans. d'TO/Ans. vivent 7 Où . Ô ans. vivent 8 ou Y ans. produit: pen- dant toute sa yie. A NOMS | des ANIMAUX. ® Fes rats LL... Les mulots'£ ..: Les souris. ..... Le surmulot. ... Le cochon d'Inde ‘ 5 L } . Age auquel les mâles sont en état d’en- gendrer, et les femelles de produire, FEMELLE, En RS ARTS PER dès la première dès la première} année. _ année, LAETe ec te 040 adete k se 0 dem: La E idée. à. 2.289008 : { È . Ÿ è ï ler .ù 30 den. 2 AU DES MULETS. Se D. DU R'ÉE | Nombre: ‘ des jee auquel les mâles cessent petits que les ’engendrer , et les femelles de 12 MP PI EreS ont al de produire. u chaque por- D gestation. tee. | . MAL É. FEMELLE. LES DES SR TEE 4 5 ou 6 sem.|5 où 6, ei produisent produisent} pendant plusieurs | loute leur fois par an.f vie. I Mois ou à 9 où 10, et idem. semaines. | produisent plusieurs fois par an. buse 5 ou 6, etl:dem. produisent plusieurs fois paran. AS STE EU Depuis 12| dem. jusqu’à 19, el produit trois fois âr am. 3 semaines. {produit hui} vit 6 ou 7 foisparan:| ans; pro-f rèreportée, duit toute 4 où 5; 2def sa vie, qui portée , Ef est de 5 ouf ou 6; etles] 6 ans. autres, de- puis 7 6. jusqu'à 11 petits. D TIR SAN AE LA, ni % 4 82 HISTOIRE NATU RELLE Voilà l’ordre dans lequel la Nature si | ‘À présente les différéens degrés de la fécondité % des animaux quadrupèdes. On voit que cette … fécondité est d'autant plus petite que l'animal est plus grand. En général, cette même échelle inverse de la fécondité relativement à la grandeur, se trouve dans tous les autres ordres de la Nature vivante; les petits oiseaux produisent en plus grand nombre que les grands : il en est de même des poissons, et peut-être aussi des insectes. Mais en ne con=. sidérant ici que les animaux quadrupèdes, on voit dans la table qu’il n’y a guère que le cochon qui fasse une exception bien mar- quée à cette espèce de règle ; car il devroit se trouver, par la grandeur de son corps, dans. lenombre des animaux qui ne produisent que deux ou trois petits une seule fois par an, au lieu qu’il se trouve être en effet aussi fécond que les petits animaux. Cette table contient tout ce que nous sa vons sur la fécondité des animaux dans les espèces pures. Mais la fécondité, dans les animaux d'espèce mixte, demande des considérations particulières; cette fécondité est, comme je l'ai dit, toujours moindre À L 2 DNS: MUDETS: : 53 que dans les espèces pures. On en verra clairement la raison par une simple suppo- _sition. Que l’on supprime , par exemple, tous les mâles dans l'espèce du cheval , et toutes les femelles dans celle de l’âne , ou bien tous les mâles dans l’espèce de l’âne, et toutes les femelles dans celle du cheval;ilne naïitra plus que des animaux mixtes, que nous avons appelés 7zzulets et bardeaux , et ils naitront en moindre nombre que les che vaux ou les ânes, puisqu'il y a moins de rapports de nature entre le cheval et l’ânesse ou l’âne et la jument , qu'entre l'âne et l’ânesse, eu le cheval et la jument. Dans le réel , c’est le nombre des convenances ou des disconvenances qui constitue ou sépare les espèces; et puisque celle de l'âne se trouve de tout temps séparée de celle: du cheval, il est clair qu'en mélant ces deux espèces , soit par les mâles , soit par les femelles , on diminue le nombre des convenances qui constituent l'espèce. Donc les mâles engen- dreront et les femelles produiront plus diffi- cilement, plus rarement, en conséquence de leur melange; et même ces espèces mélan- gées ne produiroient point du tout si leurs 5 ip 54 HISTOIRE NATURELLE disconvenances étoiént un peu plus grandes. | Les mulets de toute sorte seront donc tou= jours rares dans l'état de Nature ; car ce n’est qu’au défaut de sa femelle naturelle qu’un animal , de quelque espèce qu'il soit, re- cherchera une autre femelle moins conve- nable pour lui, et à laquelle il conviendroit moins aussi que son mâle naturel. Et quand mème ces deux animaux d'espèces différentes s’approcheroient sans répugnance, et se join- droient avec quelque empressement dans les temps du besoin de l'amour, leur produit ne sera ni aussi certain ni aussi fréquent que dans l'espèce pure, où le nombre beau- coup plus grand de ces mêmes convenances fonde les rapports de l'appétit physique, ef en multiplie toutes les sensations. Or ce pro- duit sera d'autant moins fréquent dans l’es- pèce mêlée , que la fécondité sera moindre dans les deux espèces pures dont on fera le mélange ; et lé produit ultérieur de ces ani- maux mixtes provenus des espèces méêlées sera encore béaucoup plus raré que le pre- mier, parce que l’animal mixté, héritier, pour aïnsi dire , de la disconvenance de na- ture qui se trouve entre ses père et mère, el \ — f ON NDIBSUMULETS: 111 0 6 n’etant lui-même d'aucune espèce , n’a par- faite convenance de nature avec aucune. Par exemple, je suis persuadé que le bardeau couvriroit en vain sa femelle bardeau, et qu'ilne résulteroit rien de cet accouplement ; d'abord par la raison générale que je viens d'exposer , ensuite par la raison particulière du peu de fécondité dans les deux espèces dont cet animal mixte provient, et enfin par la raison encore plus particulière des causes qui empêchent souvent l’ânesse de concevoir avec son mäle, et à plus forte raison ayec un mâle d’une autre espèce: je ne crois donc pas que ces petits mulets pro- venant du cheval et de l’ânesse puissent produire entre eux , ni qu'ils aient jamais formé lignée , parce qu'ils me paroissent réunir toutes les disconvenances qui doivent amenñer l’infécondite. Mais je ne prononcerai pas aussi affirmativement sur la nullité du produit de la mule et du mulet, parce que des trois causes d’infécondité que nous ve- nons d'exposer , la dernière n’a pas ici tout son effet ; car la jument concevant plus faci- lement que l’ânesse, et l’âne étant plus ardent, plus chaud que.le cheval, leur puis- *s AR DRE 56 HISTOIRE NATURELLE sance respective de-fécondité.est plus grande. # | et leur produit moins rare que celui de l’ä- nesse et du cheval; par conséquent le mulet sera moins infécond que le bardeau : néan- moins je doute beaucoup que le mulet ait. jamais de avec la mule, et je pré- sume, d’après les exemples mêmes des mules qui ont mis bas, qu’elles devoient leur im— prégnation à l’Âne plutôt qu'au mulet ; car on ne doit pas regarder le mulet comme le mâle naturel de la mule, quoique tous deux portent le même nom, ou plutôt n’en dif- fèrent que du masculin au féminin. Pour me faire mieux entendre, établissons, pour un moment, un ordre de parenté dans les espèces , comme nous en admettons un dans la pareuté des familles. Le cheval et la jument seront frère et sœur d'espèce, et pa= rens au premier degré. Il en est de même de l’âne et de l’ânesse. Mais si l’on donne l’âne à la jument, ce sera tout au plus comme son. cousin d’espèce , et cette parenté sera déja du second degré; le mulet qui en résultera, participant par moitié de l’espèce du père et de celle de la mère, ne sera qu’au troisième degré de parenté d'espèce avec l'un et l’autre. ARS MTUMENMST EU De Dés lors le mulet et la mule, quoiqu’issus des mêmes père et mère, au lieu d’être frère et sœur d'espèce, ne seront parens qu'au qua- trième degré, et par conséquent produironé plus dificilement entre eux que l'âne et la jument, qui sont parens d'espèce au second degré. Et, par la même raison, le mulet et la mule produiront moins aisément entre eux qu'avec la jument ou avec l’âne , parce que leur parenté d'espèce n’est qu’au troi- sième degré, tandis qu'entre eux elle est au quatrième ; l’infécondité qui commence à se manifester ici dès l2 second degré, doit être plus marquée au troisième, et si grande au quatrième , qu’elle est peut-être absolue. . En général, la parenté d’espèce est un de ces mystères profonds de la Nature, que l’homme ne pourra sonder qu’à force d’expé- riences aussi réitérées que longues et diffi- ciles. Comment pourra-t-on connoître autre- ment que par les résultats de lunion mille et mille fois tentée desanimaux d'espèces dif- férentes, leur degré de parenté? l’âne est-il parent plus proche du cheval que du zèbre ? le loup est-il plus près du chien que le renard ou le chacal ? À quelle distance de 58. HISTOIRE NATURELLE l’homme mettrons-nous les grands singes | qui lui ressemblent si parfaitement par la conformation du corps ? Toutes les. espèces Ê d'animaux étoient-elles autrefois ce qu’elles sont aujourd'hui ? leur nombre w’a-t-1l pas augmenté, ou plutôt diminué ? les espèces foibles n'ont-elles pas été détruites par les b Rs plus fortes, ou par la tyrannie de l’homme, dont le nombre est devenu mille fois plus grand que celui d'aucune autre espèce d’ani- maux puissans ? Quels rapports pourrions- nous établir entre cette parenté des espèces et une autre parenté mieux connue, qui est celle des différentes races dans la mème espèce ? la race en général ne provient-elle pas, comme l’espèce mixte, d’une disconve- nance à l'espèce pure dans les individus qué ont formé la première souche de Ja race ? IL y a peut-être daus l'espèce du chien telle race si rare, qu’elle est plus difficile à pro- créer que l'espèce mixte provenant de l’âne et de la jument. Combien d’autres questions à faire sur cette seule matière , et qu'il y en a peu que nous puissions résoudre ! que de faits nous seroient nécessaires pour pouvoir prononcer et même conjecturer ! que d'ex- < ee DES MULETS. 5 . périences à tenter pour découvrir ces faits , les reconnoître ou même les prévenir par des conjectures fondées ! Cependant, loin de se décourager , le philosophe doit applaudir à la Nature’,.lors mêmefqu’elle lui paroît avare ou trop mystérieuse, et se féliciter de ce qu’à mesure qu'il lève une partie de son voile, ‘ellé lui’ laisse entrevoir une immensité d’autres objets tous dignes de ses recherches. Car ce que nous connoissons déja, doit nous faire juger de ce que nous pourrons con- noître ; l'esprit humain n’a point de bornes, il s'étend à mesure que l'univers se déploie : l’homme peut donciet doit tout tenter, il ne lui faut que:du temps pour tout savoir. Il pourroit même , en: multipliant ses observa- tions , voir et prévoir tous les phénomènes, tous les evénemens de la Nature avec autant _ de vérité et de certitude que s’il les deéduisoit immédiatement des causes : et quel enthou-— siasme pluspardonnabie,;ou même plus noble, que celui de croire l'homme capable de re- connoître toutes les puissances , et découvrir par ses travaux tous les secrets de la Na- _ ture! | Ces travaux consistent principalement en EL k 4 #) pa 'R Go “HISTOIRE NATURELLE k observations suivies sur les différens sujets qu'on veut approfondir, et en: expériences raisounées , dont le succès nous apprendroit de nouvelles vérités ; par exemple, l’union des animaux d’espèces différentes , par, la= quelle seule on peut reconnoitreleur parenté, n’a pas été assez tentée. Les faits que nous avons pu recueillir au sujet de cette-union volontaire ou forcée, se réduisent à sipeu de chose , que nous ne sommes, pas. en état de prononcer sur l'existence réelle des 7w- mnaris. | je: | On a donné ce nom /zmart , d'abord aux animaux mulets ou métis qu’on a prétendu provenir du taureau et de la jument; mais on a aussi appele/zmnart le produit réel ou prétendu de l’âne et de la vache, Le docteur Shaw dit que dans les provinces de Tunis et d'Alger il y a une espèce de mulet nommé kumrack, qui vient d’un âne et d’une vache; que c’est une bête de charge, petite à la vé- rité, mais de fort grand usage ; que cenx;qu’il a vus n’avoient qu'une corne -au;pied: comme l'âne, mais au’ils étoient fort différens à tous égards , ayant le poil lisse, et la queue et la tête de vache, excepté qu’ils n’ayoient point de cornes. DES MULETS. " Voilà donc déja deux sortes de jumarts; le premier qu’on dit provenir du taureau et de la jument ; et le second’ de l’âne et de la vache. Et il est encore question d’un troi- sième jumart, qu'on prétend provenir du taureau et de l’ânesse. Il est dit dans le voyage de Mérolle, que dans l'ile de Corse il y avoit un animal portant les bagages, qui provient du taureau et de l’ânesse, et que, pour se le procurer , on couvre l'à- nesse'ayec une peau de vache fraiche , afin de tromper le taureau. Mais je doute également de NEchtence réelle de ces trois sortes de jumarts, sans . \ . cependant vouloir la nier absolument. Je vais même citer quelques faits particuliers ; qui prouvent la réalité d’un amour mutuel et d’un accouplement réel entre des ani- maux d'espèces fort différentes, mais dont néanmoins 1l n’a rien résulté. Rien ne pa- roit plus éloigné de l’aimable caractère du chien que le gros instinct brut du cochon, et la forme du corps dans ces deux animaux est aussi différente que leur naturel ; cepen- dant j'ai deux exemples d’un amour violent entre le chien et la truie : cette année même 6 62 HISTOIRE NATURELLE - 1774, dans le courant de l'été, un ‘ehen ! épagneul de la plus grande taille, voisin de l'habitation d’une truie en chaleur, parut la prendre en grande passion; on les enferma ensemble pendant plusieurs jours , et tous les domestiques de la maison furent témoins de l’ardeur mutuelle de ces deux animaux ; le chien fit même des efforts prodigieux ét très-réitérés pour s’accoupler avec la truie, mais la disconvenance dans les à de la génération empècha leur union !. La même chose est arrivée plusieurs années auparavant dans un lieu voisin ?; de manière quele fait ne parut pas nouveau à la plupart de ceux qui en étoient temoins. Les animaux, quoique d'espèces très-différentes:, se prennent done souvent en affection, et peuvent-par conisé- quent , dans de certaines circonstances , se prendre entre eux d’une forte passion ; car il est certain que la seule chose qui ait em=— pêché, dans ces deux exemples , l’union du chien avec la truie, ne vient que de la con— formation des parties qui ne peuvent aller Ce fait est arrivé chez M. le comte de la Feuille, dans sa terre de Fr oslois en Bourgogne. 2 À Billy, près de Chanceau en Bourgogne. DES MULETS. 63 énsemble ; mais il n’est pas ésalement cer- tain que, quand il y auroit eu intromission, et mème accouplement consommé, la pro- ductidn eût suivi. Il est souvent arrivé que plusieurs animaux d’espèces différentes se sont accouplés librement et sans y être for- ces : ces unions volontaires devroient être prolifiques, puisqu'elles supposent les plus grands obstacles levés, la répugnance natu- relle surmontée , et assez de convenance entre les parties de la génération. Cependant ces accouplemens , quoique volontaires, et qui sembleroient annoncer du produit, n’en donnent aucun ; je puis en citer un exemple récent , et qui s’est, pour ainsi dire, passé sous mes yeux. En 1767 et années suivantes, dans ma terre de Buffon , le meunier avoit une jument et un taureau qui habitoient dans la même étable , et qui avoient pris tant de passion l’un pour l’autre, que, dans ‘tous les temps où la jument se trouvoit en chaleur, le taureau ne manquoit jamais de la couvrir trois ou quatre fois par jour , dès qu'il se trouvoit en liberté; ces accou- plemens réitérés nombre de fois pendant plusieurs années , donnoient au maître de à DE RE ADS Qu PENDAR TAN SRE Ù 64 HISTOIRE NATURELLE ces animaux de grandes espérances d’en voir le produit. Cependant il n’en a jamais.rien résulté ; tous les habitans du lieu ont été témoins de l’accouplement très-réel et très- réitéré de ces deux animaux pendant plu- sieurs années * , et en même temps de la nullité du produit. Ce fait très-certain pa- voit donc prouver qu’au moins dans notre. climat le taureau n’engendre pas avec la jument, et c’est ce qui me fait douter très- légitimement de cette première sorte de ju= mart. Je n’ai pas des faits aussi positifs à opposer cofûtre la seconde sorte de jumart dont parle le docteur Shaw, et qu’il dit pro- venir de l’âne et de la vache. F’avoue même que, quoique le nombre des disconvenances de nature paroisse à peu près égal dans ces deux cas, le témoignage positif d’un voya- * Je n’étois pas informé du fait que je cite ici lors. que j'ai écrit, tome VIT, p.219, dix ans auparavant, que les parties de la génération du taureau et de la jument étant très-différentes dans leurs proportions et dimensions, je ne présumoiïs pas que ces animaux pussent se joindre avec succès et même avec plaisir; car il est certain qu’ils se joignoient avec plaisir, quoiqu’il nait jamais rien résulté de leur umion. DES MULETS, os. geur aussi instruit que le docteur Shaw semble donner plus de probabilité à l’exis- tence de ces seconds jumarts qu’il n’y en a pour les premiers. Et à l'égard du troisième jumart provenant du taureau et de l’ânesse, je suis bien persuüadé, malgré le témoignage de Méroile, qu'il n'existe pas plus que le jumart provenant du taureau et de la ju- ment. Il y a encore plus de disconvenance , plus de distance de nature du taureau à l’ä- nesse qu'à la jument, et Le fait que j'aï rapporté de la nullité du produit de ja jument avec le taureau , s'applique de lui- même , et, à plus forte raison, suppose le défaut de produit dans l’union du taureau avec l’ânesse. DE LA MULE. “Exemples d’accouplement prolifique de le mule avec le cheval. Nous avons dit dans plusieurs endroits de notre ouvrage, et sur-tout dans celui où nous traitons des mulets en particulier, que la mule produit quelquefois, sur-tout dans les pays chauds. Nous pouvons ajouter aux exemples que nous en avons donnés, une relation authentique que M. Schiks , consul des états - généraux de Hollande à Murcie en Espagne, a eu la bonté de m'envoyer, écrite en espagnol, et dont voici la tra- duction. | En 1763, le 2 août, à huit heures du soir, chez le sieur François Carra , habitant «de la ville de Valence, une de ses mules, très- bien faite et d’un poil bai, ayant été saillie par un beau cheval gris de Cordoue, fit une trés-belle pouline d'un poil alezan avec les «rins noirs : cette pouline devint très-hbelle, * HISTOIRE NATURELLE. 67 et se trouva en état de servir de monture à l’âge de deux ans et demi. On l’admiroit à Valence, car elle avoit toutes les qualités d’une belle bête de l'espèce pure du cheval; elle étoit très-vive , et avoit beaucoup de jarret : on en a offert six cents écus à son maitre, qui n'a jamais voulu s’en défaire. Elle mourut d’une échauffaison sans doute, pour avoir été trop fatiguée, ou montée trop tôt. En 1765, le 10 juin, à cinq heures du matin , la même mule de François Carra, qui avoit été saillie par le même cheval de Cordoue , fit une autre pouline aussi belle que la première et de la même force, d’un poil gris sale et crins noirs, mais qui ne vécut que quatorze mois. En 1767, le 31 janvier, cette même mule produisit pour la troisième fois, et c’étoit un beau poulain , même poil gris sale, avec les crins noirs, de la même force que les autres; il mourut âgé de dix-neuf mois. Le premier décembre 1769, cette mule, toujours saillie par le mème cheval, fit une pouline aussi belle que les autres, qui mou- rut à vingt-un mois. 68 HISTOIRE NATURELLE Le 13 juillet 1771, vers les dix heures du … soir, elle fit un poulain, poil gris sale, très- ; fort, et qui vit encore actuellement en mai … 1777. Ces cinq animaux métis, mâles et fe- imelles, viennent d’un même cheval, lequel étant venu à mourir, François Carra en. acheta un autre très-bon, du même pays de … Cordoue, le 6 mars 1775 ; il étoit poil bai brun , avoit une étoile au front, les pieds blancs de quatre doigts, et les crins noirs. Ce cheval bien fait et vigoureux saillit la mule sans qu'on s’en apperçüt, et, le 5 avril 1776, elle fit une pouline d’un poil alezan brûlé, qui avoit aussi une étoile au front et les pieds blancs comme le. père : elle étoit d’une si belle tournure, qu’un peintre ne pourroit pas en faire une plus belle. Elle a les mêmes crins que les cinq autres; c’est aujourd’hui une très-bonne bête : on espère : qu’elle réussira; car on en a un très-grand soin , et même plus que des autres. On ajoute que lorsque cette mule mit bas pour la première fois, le bruit s’en ré- pandit par toute la ville; ce qui y attira un concours de monde de tout äge et de toute condition. : DE LA MULE. 69 ‘au 1774, don André Gomez de la Vega, intéendant de Valence, se fit donner la rela- tion des cinq productions de la mule, pour la présenter au roi. DU CHEVADL#* Nous avons donné la manière dont on traite les chevaux en Arabie, et le détail des soins particuliers que l’on prend pour leur éducation. Ce pays sec et chaud , qui paroït être la première patrie et le climat le plus convenable à l'espèce de ce bel animal, permet ou exige un grand nombre d'usages qu’on ne pourroit établir ailleurs avec le mème succès. Il ne seroit pas possible d’élever et de nourrir les chevaux en France et dans les contrées septentrionales comme on le fait dans les clinats chauds : mais les gens. qui s'intéressent à ces animaux utiles, seront bien aises de savoir comment on les traite dans les climats moins heureux que celui de l'Arabie , et comment ils se conduisent et savent se gouverner eux-mêmes lorsqu'ils se trouvent indépendans de l’homme. * Pome I, page 8. ADDITION À L'ARTICLE À h pb. \} | ! HISTOIRE NATURELLE, "x Suivant les différens pays et selon les diffé- rens usages auxquels on destine les chevaux, on les nourrit différemment. Ceux de race arabe, dont on veut faire des coureurs pour la chasse en Arabie et en Barbarie, ne man sent que rarement de l'herbe et du grain: on ne les nourritordinairement que de dattes et de lait de chameau, qu'on leur donne le soir et le matin ; ces alimens, quiles rendent plutôt maigres que gras, les rendent en même temps très-nerveux et fort légers à la course. Ils gettent même les femelles chameaux, qu'ils suivent, quelque grands qu'ils soient; et ce n’est qu’à l’âge de six ou septans qu'on commence à les monter. . : En Perse, on tient les chevaux à l’air dans la campagne le jour et la nuit, bien ceu- verts néanmoins contre les injures du temps, sur-tout i'hiver, non seulement d’une cou- verture de toile, mais d'une autre par-dessus qui est épaisse et tissue de poil, et qui les tient chauds et les défend du serein et de la pluie. On prépare une place assez grande et spacieuse, selon le nombre des chevaux, sur un terrain sec et uni, qu'on balaye et qu’on accommode fort proprement ‘: on les y 72 HISTOIRE NATURELLE attache, à côté l’un de l'autre, à une corde 4 assez longue pour les contenir tous, biei tendue et liée fortement, par les deux-bouts à deux chevilles de fer enfoncées dans la terre; on leur lâche néanmoins le licoû au- quel ils sont liés, autant qu’il le faut por qu'ils aient la liberté de se remuer à leur aise: Mais, pour les empêcher dé faire aucüné vio= lence, on leur attache les deux pieds dé der: riêre à une corde assez longue qui se partage 4 en deux branches, avec des boucles de ‘fer aux extrémités, où l’on place une cheville enfoncée en terre au-devant des chevaux!; sans qu’ils soient néanmoins serrés si étroi- tement qu'ils ne puissent se coucher, se lever et se tenir à leur aise, mais seulement pour les empècher de faire aucun désordre: &t quand on les met dans des écuries, on'les attache et on les tient de.la méme facon: Cette pratique est si ancienne chez les Pérez sans, qu'ils l’observoient dès le temps! de Cyrus, au rapport de Xénophon. Ils préz teudent, avec assez de fondement, que ces animaux en deviennent plus doux, plus traitables, moins hargueux entre eux'; ce qui est utile à la guerre, où les chevauà 4 à " ? à | DU CHEVAL 1:98 inquiets incommodent souvent leurs voi- sins lorsqu'ils sont serrés par escadrons. Pour litière, on ne leur donne en Perse que du sable et de la terre en poussière bien sèche, sur laquelle ils reposent et dorient aussi bien-que sur la paille. Dans d’autres pays, comme en Arabie et au Mogol, on fait sécher leur fente, que l’on réduit en poudre, et dont on leur fait un lit très-doux. Dans toutes ces contrées, on ne les fait jamais manger à terre, ni même à un ratelier; mais on leur met de l'orge et de la paille hachée dans un sac qu’on attache à leur tête, car il n'ya point d'avoine et l’on ne fait guère _de foin dans. ce climat : on leur donne seu- lement de l’herbe ou de l’orge en verd au printemps, et en général on a grand soin de ne, leur fournir que la quantité de nour- riture nécessaire; car lorsqu'on les nourrit trop largement , leurs jambes se gonflent, et bientôt ils ne sont plus dé service. Ces chevaux, auxquels on ne met point de bride, et que l’on monte sans étriers, se laissent conduire. fort aisément ; ils portent la tète très-haute au moyen d'un simple petit bri- don, et courent très-rapidement ét d’un pas Quadrupides, V ITI. 7 L2 Mt 7 Eu 4 2 ANT 4 À OZ te, VON ENTRE ’ ; Fa lie TN TUE ji — & TRS 74 HISTOIRE rarviet LE trés-sûr dans les-plus nrahwais terrains. Pour \ les faire marcher, on n'emploie point: da 4 houssine, et fort rarement l’éperon: si quel- | qu'un en veut user, il n’a qu’une petite pointe cousue au talon de sa botte. Les fouets dont où se sert ordinairement, ne'sontifaits que de petités bandes de parchemin nouées et cordelées : quelques petits coups de ce fouet suffisent pour les faire partir et lés en- iretenir dans le plus grand mouvement. Les chevaux sont en si grand nombre en Perse, que, quoiqu'ils soient très-bons, ils ne sont pas fort chers. Il y en a peu de grosse et grande taille; mais ils ont tous plus!de force et de courage que de mineet debeauté. Pour voyager avec moins de fatigue ,''on se sert de chevaux qui vont l’amblé! et qu’on a précédemment accoutumés' à cette laîlure, en leur attachant par une corde le'piéd'de devant à celui de derrière , du même côté; et, dans la jeunesse, on leur ‘fend les na seaux, dans l'idée qu’ils en-respiretit ‘plus aisément : ils sont si bons marcheurs ; qu’ils font très-aisément pit à huit lièues de che- min sans S arrêter: Mais l'Arabie, la Barbatie et Ja Perse, ne D ét ! à ; | DEUUCEH E VA EX CE LE sont pas les seules contrées où l'on trouve de beaux et: bons chevaux : dans les pays même les plus froids, s'ils ne sont Point humides , ces animaux se maintiennent mieux que dans les climats très chauds. Tout le monde connoît la beauté des che- vaux danois, et la bonté de ceux de Suède, de Pologne, etc. En Islande, où le froid est excessif, et où souvent on ne les nourrit que de poissons desséches , ils sont très-vi— goureux , quoique petits ; il y en a même de si petits, qu'ils ne peuvent servir de monture qu'à des enfans. Au reste, ils sont si com- muns dans cette ile, que les bergers pardent leurs troupeaux à cheval : leur nombre n’est point à charge, car ils ne coûtent: rien à nourrir. On mène ceux dont on n’a pas be- soin dans les montagnes , où on les laisse plus ou moins de temps ‘après les avoir marqués ; et lorsqu'on veut les reprendre, on les fait chasser pour les rassembler en une troupe, et on leur tend des cordes pour les saisir, parce qu’ils sont devenus sauvages. Si quelques jumens donnent des poulains dans ces montagnes, les propriétaires les marquent comme les autres, et Les laissent LC 270 "PAS r LES D QUE a TNT fa K x F5 4 e L a ÿ À 76 HISTOIRE NATURELLE Mn 1 là trois ans. Ces chevaux de montagne de- viennent communément plus beaux, plus | fiers*et plus gras que tous ceux qui sont éle- vés dans les écuries. ALE Ceux de Norvége ne sont guère plus: srands, mais bien proportionnés dans leur petite taille : ils sont jaunes pour la plupart, et ont une raie noire qui leur règne tout le long du dos; quelques uns sont châtains, et il y en a aussi d’une couleur de gris de fer. Ces chevaux ont le pied extrêmement sûr; ils marchent avec précaution dans les sen- tiers des montagnes escarpées, et se laissent glisser en mettant sous le ventre les pieds de derrière lorsqu'ils descendent un terrain roide et uni. Ils se défendent contre l'ours; et lorsqu'un étalon apperçoit cet animal vo- race, et qu’il se trouve avec des poulains ou des jumens, il Les fait rester derrière lui, va ensuite attaquer l’ennemi, qu’il frappe avec ses pieds de devant, et ordinairement il le fait périr sous ses coups. Mais si le cheval veut se défendre par des ruades, c’est-à-dire, avec les pieds de derrière, il est perdu sans res- source; car l'ours lui saute d’abord sur le dos et le serre si fortement, qu'il vient à bout de l’étouffer et de le dévorer. 6 DU CHEV AI. 77 Les chevaux de Nordlande ont tout au plus quatre pieds et demi de hauteur. À mesure _qu'on avance vers le nord, les chevaux de- S viennent petits et foibles. Ceux de la Nord- lande occidentale sont d’une forme singu- lière : ils ont la tête grosse, de gros yeux, de petites oreilles, le cou fort court, le poi- trail large, le jarret étroit, le corps un peu loug , mais gros, les reins courts entre queue et ventre, la partie supérieure de la jambe longue , l’inférieure courte, le bas de la jambe sans poil, la corne petite et dure, la queue grosse , les crins fournis, les pieds petits, sûrs, et jamais ferrés; ils sont bons, rarement rétifs et fantasques, grimpant sur ioutes les montagnes. Les pâturages sont si bons en Nordlande, que , lorsqu'on amène de ces chevaux à Stockholm , ils y passent rarement une année sans dépérir ou maigrir et perdre leur vigueur. Au contraire, les chevaux qu'on amène en Nordlande des pays plus septentrionaux, quoique malades dans la première année, y reprennent Ip forces. L'excès du chaud et du froid semble être également contraire à la grandeur de ces ani- : # 78 HISTOIRE NATURELLE maux. Au Japon, les chevaux sont générale- … ment petits; cependant il s'en trouve d'assez | bonne taille, et ce sont probablement ceux. qui viennent des pays de montagnes, et il en est à peu près de même à la Chine. Ce- pendant on assure que ceux du Tonquin sont d’une taille belle et nerveuse, qu’ils sont bons à la main, et de si bonne nature, qu’on peut les dresser aisément, et les rendre propres à toutes sortes de marches. Ce qu'il y a de certain, c’est que les che- vaux qui sont originaires des pays secs ek, chauds, dégénèrent et même ne peuvent vivre dans les climats et les terrains trop humides , quelque chauds qu'ils soient; au lieu qu'ils sont très-bons dans tous les pays de montagnes, depuis le climat de l'Arabie jusqu’en Danemarck et en Tartarie dans notre continent , et depuis la nouvelle Es- pague jusqu'aux terres Magellaniques dans le nouveau continent : ce n’est done nt le chaud ni le froid , mais l’humidité seule qui leur est contraire. On sait que l’espèce du cheval n’éxistoit pas dans ce nouveau continent lorsqu'on en a fait la découverte : et l'on peut s’étonuer : EST AC CS 4 WIN € K di 4 No à 4 d : DU CHEVAE. | 79 avec raison de leur prompte et prodisieuse multiplication ; car, en moins de deux cents ans , le petit nombre de cheyaux qu'on ya transportés d'Europe , s’est si fort multiplié, et particulièrement au Chili, qu'ils y sont à très-bas prix. Frezier dit que cette pradi- gieuse multiplication est d'autant plus éton- nante, que les Indiens mangent beaucoup de chevaux , et qu’ils les ménagent si peu pour le service et le travail, qu'il en meurt un très-grand nombre par excès de fatigue. Les chevaux que les Européensonttransportés dans les parties les plus orientales de notre continent, comme aux îles Philippines, y ont aussi prodigieusement multiplié. En Ukraine etchez les Cosaques du Don, les chevaux vivent errans dans les campagnes. Dans le grand espace de terre compris entre le Don et le Nieper, espace très-mal peuple, les chevaux sont en troupes de troi4, quatre ou cinq cents, toujours sans abri, mêèmé dans la saison où la terre est couverte de neige : ils détournent cette neige avec le pied de devant pour chercher et manger l'herbe qu'elle recouvre. Deux ou trois hommes à cheval ont le soin de conduire ces troupes de & HISTOIRE NATURELLE chevaux, ou plutôt de les garder, caï on les 4 laisse errer dans la campagne; ebce n est al 4 dans les temps des hivers les plus rudes qu’on à cherche à Les loger pour quelques jours dans À les villages, qui sont fort éloignés les uns … des autres dans ce pays. On a fait sur ces. ÿ troupes de chevaux abandonnés, pour ainsi dire, à eux-mêmes , quelques ‘observations qui semblent prouver que les hommes ne sont pas les seuls qui vivent en société, et qui obéissent de concert au commandement de quelqu'un d’entre eux. Chacune de ces troupes de chevaux a un cheval-chef qui la commande, qui la guide, qui la tourne et range quand il faut marcher ou s'arrêter : ce chef commande aussi l’ordre et les mou- vemens necessaires lorsque la troupe est attaquée par les voleurs ou par les loups: Ce chef est très-vigilant et toujours alerte: il fait souvent le tour de sa troupe ; et si - quelqu'un de:ses chevaux sort du rang ou reste en arrière, il coprt à lui, le frappe d'un coup d'épaule , et lui fait prendre sa place. Ces animaux, sans être montés mi conduits par les hommes, marchent en ordre à peu près comme notre cavalerie. Quoi- | : DU CHEVAL. 8r qu'ils soient en pleine liberté , ils paissent en files et par brigades , et forment diffé- rentes compagnies sans se séparer ni se mêler. Au reste , le cheval-chef occupe ce poste encore plus fatigant qu’important pendant quatre ou cinq ans; et lorsqu'il commence à devenir moins fort et moins actif, un autre cheval ambitieux de com- mander, et qui s’en sent la force, sort de la troupe, attaque le vieux chef, qui garde son commandement s’il n’est pas vaincu, mais qui rentre avec honte dans le gros de Ja troupe s’il à été battu, et le cheval victo- rieux se met à la tête de tous les autres, et s’en fait obéir *. : En Finlande , au mois de mai, lorsque les neiges sont fondues, les chevaux partent de chez leurs maîtres , et s’en vont dans de certains cantons des forêts, où il semble qu'ils se soient donne le rendez-vous. Là, ils forment des troupes différentes, qui ne se mêlent ni ne se séparent jamais : chaque troupe prend un canton différent de la forêt * Extrait d’un mémoire fourni à M. de Buffon par M. Sanchez, ancien premier médecin des ar= mées de Russie. NW MR, AE ONE Loges Qu à 82 HISTOIRE NATURELLE F pour sa pâture; ils s’en tiennent à un cer- | tain territoire, et n’entreprennent point sur w celui des autres. Quand la pâture leur man-/ É que , ils décampent, et vont s'établir dans d’autres pâturages avec le même ordre: La po- lice de leur société est si bien réglée, et leurs marches sont si uniformes, que leurs maîtres savent toujours.où les trouver lorsqu'ils ont. besoin d'eux; et ces animaux, après avoir fait leur service, retournent d'eux-mêmes yers leurs compagnons dans les bois. Au mois de septembre, lorsque la saison devient mauvaise, ils quittent les forêts, s’en ‘re- viennent par troupes , et se rendent chacun a leur écurie. Ces chevaux sont petits, mais bôns et vifs, sans être vicieux. Quoiqu’ils soient généra- ! lement assez dociles, il y en a cependant quelques uns qui se défendent lorsqu’on les prend , ou qu’on veut les attacher aux voi tures. Ils se portent à merveille et sont gras quand ils reviennent de la forêt; mais l'exercice presque continuel qu'on leur fait faire l'hiver, et le peu de nourriture qu'on leur donne, leur font bientôt perdre cet em- bonpoint. Ils se roulent sur la neige comme —— ’ D'UN C/HENVIALLS 2 88, les autres chevaux se roulent sur l'herbe. 115 passent indifféremment les nuits dans la cour comme dans-l'écurie , lors même qu'il fait uu froid très-violent. ; fe Ces chevaux, qui, vivent en troupes ét souvent éloignés de l’empire de l'homme, font la nuance entre les chevaux domestiques et les chevaux sauvages. Il s’en trouve de ces derniers à l’ile de Sainte-Hélène, qui, aprés y avoir été transportées, sont devenus si sau- vages et.si.farouches, qu’ils se jetteroient du baut des rochers dans la mer plutôt que de se laisser prendre. Aux environs de Nippes, il s’en. trouve qui ne sont pas plus grands que des ànes, mais plus ronds, plus ramassés et bien proportionnés : ils sont vifs et infa- tigables , d’une'force et d’une ressource fort au-dessus de-ce qu’on en devroit attendre. À Saint-Domingue, on, n’en voit point de la grandeur des chevaux de carrosse , mais ils sont d’une: taille moyenne et bien prise. On en prend quantité avec des piéges et des nœuds coulans. La plupart de ces chevaux ainsi pris-sont.ombrageux. On en trouve aussi dans la Virginie, qui, quoique sortis de cavales privées, sont devenus si farouches 84 HISTOIRE NATURELLE dans les bois, qu’il est difficile de les abor+ der, et ils appartiennent à celui” qui peut les prendre : ils sont ordinairement si re. vêches, qu’il est très-diicile de les domter: « Dans la Tartarie, sur-tout dans Le pays entre « Ürgenz et la mer Caspienne, on se sert, pour chasser les chevaux sauvages qui y sont « communs , d'oiseaux de proie ‘dressés pour cette chasse : on les accoutuime à prendre l'animal par la tête et par le cou , tandis. qu'il se fatigue sans pouvoir faire lâcher prise à l'oiseau. Les chevaux sauvages du pays des T'artares Mongoux et Kakas ne sont | pas différens de ceux qui sont privés : on les trouve en plus grand nombre du côté de l’ouest, quoiqu'il ‘en ‘päâroïsse aussi quel quefois dans le pays'des’Kakas qui. borde le Harni. Ces chevaux säuvages sont si légers, qu’ils se dérobént'aux flèches même des plus habiles chasseurs. Ils marchent: en troupes nombreuses; et lorsqu'ils rencontren tdes che- vaux privés , ils les environnentetles forcent La à prendre la fuite. Ontrouve encore au Congo des chevaux sauvages en!'asséz bon nombre, On eu voit quelquefois aussi aux environs ) du cap de Bonne-Espérance ; mais on ne les DU CHEVAL 85 peer pas; parce qu’on préfère les chevaux qu’on, y amène de Perse. J'ai dit, à l’article du cheval, que, par toutes les observations tirées des haras, le mâle paroiît influer beaucoup plus que la femelle sur la progéniture, et ensuite je donne quelques raisons qui pourroient faire douter de la vérité générale de ce fait, et qui pourroient en même temps laisser croire que le mâle et la femelle influent également sur leur production.Maintenant je suis assuré depuis, par un très-grand nombre d’obser- vations , que non seulement dans les che- vaux , Mais MmêmME dans l’homme et dans toutes les autres espèces d'animaux, le mâle influe beaucoup plus que la femelle sur la forme extérieure du produit, et que le mäle est le principal type des races dans chaque espèce. J'ai dit que , dans Vordonnance commune de ta Nature, ce ne sont pas les mâles, mais : les femelles qui constituent l’unité de l’es- pèce : mais cela n'empêche pas que le mâle “ne soit le vrai type de chaque espèce, et ce que j'ai dit de l'unité, doit s’entendre seu- Aement de La plus grande facilité qu'a la | ê 86 HISTOIRE NATURELLE. SR représenter toujours. son éépèce sl quoiqu’elle se prête à différens mâles. Nous … avons discuté cé point avec grande attention | dans l’article du serin * ; et dans ce volume à $ Varticle du mulet, en sorte. que, quoique Ja .) femelle paroisse influer plus que le mälesur » Je spécifique de l’espèce, ce n’est jamais pour Ja perfectionner, le mâle seul étant capable. \ de la maintenir pure et de la rendre plus ; parfaite. SEE 1 # * Histoire naturelle des oiseaux, tome VI. / re Den SE 1 74 Fr EX Ex. "7 Tom 6 . ER € A cp E A à : = QU _ E ASS 44 TT POUCHE VAL. NS S UR ce que j'ai dit, d'après quelques voya-. geurs, qu'il y avoit des chevaux sauvages à l'ile de Sainte-Hélène, M. Forster m'a écrit qu'il y avoit tout lieu de douter de ce fait. « J'ai, dit-il; parcoufu cette île d’un bout à « l’autre, sans y avoir rencontré de chevaux « sauvages ; et l’on m'a même assuré qu’on « n'en avoit jamais entendu parler ; et à l’é- « gard des chevaux domestiques et nes dans « l'ile, je fus informé qu’on n’en élevoit qu'un « petit nombre pour la monture des per- _«sonnes d’un certain rang; et même, plu- « tÔt que de les propager dans l’ile même, « on fait venir la plupart des chevaux dont « on a besoin , des terres du cap de Boune- « Espérance , où ils sont en grand nombre, « et où on les achète à un prix modéré. Les « habitans de l’île prétendent que , si l’on en «nourrissoit un plus grand nombre, cela « seroit préjudiciable à la pâture des bœufs «et des vaches , dont la compagnie des #7 CADRES À € O7 AA A LA AE mL. AOC INR EEE SE ’ 38 HISTOIRE NATURELLE « Indes tâche d'encourager la propagation ; «et comme il y en a déja deux mille six « cents , et qu’on veut en augmenter le « nombre jusqu’à trois mille, il n’est pas & probable qu’on y laissât vivre des chevaux « sauvages , d'autant que l'ile w’a que trois « lieues de diamètre , et qu’on les auroit au «moins reconnus, s'ils y eussent existé. «Il y a encore un petit nombre de chèvres « sauvages qui diminuent tous les jours; car - «les soldats de la garnison les tuent dès « qu’elles se présentent sur les rebords ou « bancs des montagnes qui entourent la val- « lée où se trouve le fort de James; à plus’ « forte raison tueroient-ils de mème les che- « vaux sauvages, s’il y en avoit. | « À l'égard des chevaux sauvages qui se « trouvent dans toute l'étendue du milieu de « l'Asie, depuis le Wolsa jusqu'à la mer du « Japon , ils paroissent être, dit M. Forster, « Les rejetons des chevaux communs qui sont « devenus sauvages. Les Tartares , habitans « de tous ces pays, sont des pâtres qui vivent « du produit de leurs troupeaux , lesquels «a consistent principalement en chevaux, # L & | «ea LA « quoiqu'ils possèdent aussi des bœufs, des … \ DINOME VAL, 89 « dromadaires et des brebis. Il y a des Cal- « moucks ou desKirghizes qui ont des troupes « de mille chevaux , qui sont toujours au « désert pour y chercher leur nourriture. Il «est impossible de garder ces nombreux « troupeaux assez soigneusement pour que. «de temps en temps il ne se perde pas « quelques chevaux qui deviennent sauvages, « et qui, dans cet élat même de liberté , ne «laissent pas de*s’attrouper ; on peut en « donner un exemple récent. Dans l’expedi- « tion du czar Pierre I contre la ville « d'Azoph ; on avoit envoyé les chevaux de « l’armée au pâturage ; mais on ne put ja- « mais venir à bout de les rattraper tous : «ces chevaux devinrent sauvages avec le «temps, et ils occupent actuellement le « step ( désert) qui est entre le Don , l'U- « kraine et la Crimée; le nom tartare que « l’on donne à ces chevaux en Russie et en « Sibérie , est farpan. Il y a de ces tarpans, - « dans les terres de l’Âsie qui s'étendent « depuis le 56° degré jusqu'au 30° de lati- « tude. Les nations tartares, les Mongoux « et les Mantchoux, aussi-bien que les Co- « saques du Jaïk , les tuent à la chasse pour 8 LE HAE AAA Re MC QUE TPM ESPACE « go HISTOIRE NATURELLE . «.en manger la chair. On a observé que ces «chevaux sauvages marchent toujours en « compagnie de quinze ou vingt, et rarement « en troupes plus nombreuses : on rencontre « seulement quelquefois un cheval tout seul ; « mais ce sont ordinairement de jeunes che- « vaux mâles, que le chef de la troupe force « d’abandonner sa compagnie, lorsqu'ils sont « parvenus à l’âge où ils peuvent lui donner « ombrage : le jeune cheval relégué tâche « de trouver et de séparer quelques jeunes « jumens des troupeaux voisins , sauvages où « domestiques , et de les emmener avec lui, «et 1l devient ainsi le chef d’une nouvelle « troupe sauvage. Toutes ces troupes de tar- « pans vivent communément dans les dé- «serts arrosés de ruisseaux et fertiles en « herbages ; pendant l'hiver , 1ls cherchent «et prennent leur pâture sur les sommets « des montagnes, dont les vents ont emporte « la neige:ils ont l’odorat très-fin , et sentent «un homme de plus d’une demi-lieue ; on « les chasse et on les prend en les entourant «et les enveloppant avec des cordes enlacées. « Ils ont une force surprenante, et ne peuvent « être domtés lorsqu'ils ont un certain äge, D-U CHE V À T. gx. « et même les poulains ne s’apprivoisent que « jusqu'à un certain point; car 1ls ne perdent « pas entièrement leur férocité, et retiennent « toujours une nature revêche. | | « Ces chevaux sauvages sont , comme les « chevaux domestiques , de couleurs très- « différentes ; on a seulement observé que le « brun, l’isabelle et le gris de souris, sont les « poils les plus communs : il n’y a parmi «eux aucun cheval pie, et les noirs sont « aussi extrêmement rares. Tous sont de « petite taille ; mais Ja tête est, à proportion, « plus grande que dans les chevaux domes- « tiques. Leur poil est bien fourni , jamais « ras , et quelquefois même il est long et « ondoyant : ils ont aussi les oreilles plus . « longues, plus pointues, et quelquefois ra— « battues de côté. Le front est arqué , et le « museau garni de longs poils ; la crinière «est aussi très-touffue , et descend au-delà « du garrot : ils ont les jambes très-hautes, et « leur queue ne descend jamais au-delà de _« l’inflexion des jambes de derrière; leurs « yeux sont vifs et pleins de feu. » y À ADDITION AUX ARTICLES DE L'ANE'#r DU ZÈBRE: . / ; L'ixs domestique ou sauvage s’est {trouvé dans presque tous les climats chauds et tem- péres de l’ancien continent, et n’existoit pas dans le nouveau lorsqu’on en fit la décou— verte. Mais maintenant l’espèce y subsiste avec fruit, et s’est même fort multipliée depuis plus de deux siècles qu’elle y à été transportée d'Europe ; en sorte qu’elle est aujourd’hui répandue à peu près également dans les quatre parties du monde. Au con- traire, le zèbre, qui nous est venu du cap de Bonne-Espérance , semble être une espèce confinée dans les terres meéridionales de l’A- frique, et sur-tout dans celles de la pointe de cette £rande presqu'île, quoique Lopez dise qu'on trouve le zèbre plus souvent en 1 Tome I, page 115. 8 Tome V, page 114. LR MALE æ FEMELLE = A ea) N = ee 1 \ RAR ee Grise À RE - + Le M . ré Ent x Br dl ss Dre) AS AR à em HISTOIRE NATURELLE. 93 Barbarie qu'à Congo, et que Dapper rap- porte qu’on en rencontre des troupes dans les forêts d'Angola. | à Ce bel animal, qui, tant par la variété de ses couleurs, que par l'élégance de sa figure, est si supérieur à l'âne, paroît néanmoins lui tenir d'assez près pour l'espèce, puisque la plupart des voyageurs lui ont donné le nom d’éze rayé, parce qu’ils ont été frappés de la ressemblance de sa taille et de sa forme , qui semble au premier coup d'œil avoir plus - de rapport avec l’âne qu'avec le cheval : car ce n’est pas avec les, petits ânes communs qu’ils ont fait la comparaison du zèbre, mais avec les plus grands et les plus beaux de l'espèce. Cependant je serois porté à croire que le zèbre tient de plus près au cheval qu’à l’âne; car il est d’une figure si élégante, que quoiqu'il soit en général plus petit que * le cheval, il n’en est pas moins voisin de cette espèce à plusieurs égards; et ce qui pa- roît confirmer mon opinion, c’est que dans les terres du cap de Bonne-Espérance , qui paroissent être le pays naturel et la vraie patrie du zèbre, on a remarqué avec quelque étonnement qu'il y a des chevaux tachetés, 1 A, < POLE PERS 94 HISTOIRE NATURELLE sur le dos et sous le ventre, de jaune, de ñ noir , de rouge et d'azur; et cette raison par= ticulière est encore appuyée sur un fait géné- ral, qui est que dans tous les climats les chevaux varient beducoup plus que les ânes par la couleur du poil. Néanmoins nous ne déciderons pas si le zèbre est plus près de l'espèce du cheval que de celle de l’âne; nous espérons seulement qu’on ne tardera pas à le : savoir. Comme les Hollandois ont fait venir dans ces dernières années un assez grand nombre de ces beaux animaux, et qu’ils en ont même fait des attelages pour le prince stathouder , 1l est probable que nous serons bientôt mieux informés de tout ce qui peut avoir rapport à leur nature. Sans doute on n'aura pas manqué de les unir entre eux, et probablement avec les chevaux ét les ânes pour en tirer une race directe ou des races bâtardes. Il y a en Hollande plusieurs per- sonnes habiles qui cultivent l’histoire natu- relle avec succès; ils réussiront peut-être mieux que nous à tirer du produit de ces ani- maux, sur lesquels on n’a fait qu’un essai à la ménagerie de Versailles en 1761. Le zèbre mâle, âgé de quatre ans, qui y étoit alors, Se \ RER DE L’ANE ET DU ZÈBRE. 05 ayant dédaigné toutes les ànesses en chaleur*, n’a pas été présenté à des jumens; peut-être aussi étoit-il trop jeune : d’ailleurs il lui manquoit d’être habitué avec les femelles qu’on lui présentoit ; préliminaire d'autant plus nécessaire pour le succès de l'union des espèces diverses , que la Nature semblemême und: y dans l’union des individus de même espèce. | Le mulet fécond de Tartarie, que l'on Y appelle czigithai , et dont nous avons parlé, pourroit bien être un animal de la même espèce, ou tout au moins de l’espèce la plus voisine de celle du zébre; car il n’en diffère évidemment que par les couleurs du poil. Or l’on sait que la différence de la couleur du poil ou des plumes est de toutes les dif férences la plus lésère et la plus dépendante de l'impression du climat, Le'czigithai se _ trouve dans la Sibérie méridionale ; au Thi- _ bet, dans la Daouurie et en Tartarie. Gerbil- lon ditqu'on trouve cesanimaux dans le pays des Mongoux et des Kakas, qu’ils diffèrent des mulets domestiques, et qu’on ne peut les * Histoire naturelle, tome V, page 116. 96 HIST OIRE NATURELLE - accoutumer à porter des fardeaux. Muller ét Gmelin assurent qu’ils se trouvent en grand. « nombre chez les Tunguses, où on les chassé comme d'autre gibier; qu’en Sibérie, vers … Borsja, dans les années sèches , on en voit un grand nombre; et ils ajoutent qu’ils sont comparables, pour la figure, la grosseur ét la couleur, à un cheval bai clair, excepté la queue, qui est comme. celle d’une vache, et les oreilles, qui sont fort longues. Si ces voya- geurs , qui ont observé le czigithai, avoient pu le comparer en même temps au zébre, ils y äuroient peut-être trouvé plus de rap= ports que nousw’ensupposons. Îlexiste, dans le cabinet de Pétersbourg, des peaux bour= rées de czigithai et de zèbre : quelque diffé= : rentes que paroissent ces deux peaux parles couleurs, ellés pourroient appartenir égale- ment à des animaux de mème espèce, ou du moins d'espèces très-voisines ; le temps seul peut sur cela détruire ou confirmer nos doutes. Mais ce qui paroît fonder la pré- somption que le czigithai et le zèbre pour-. roient bien être de la même espèce, c'est que tous les autres animaux de l'Afrique se trouvent également en Asie, et qu'il ny % DE L'ANE ET DU ZÈBRE. 97 | auroit que le zèbre seul qui feroit ‘exception à ce fait général. R - Au reste, si le czigithai n est pas le même que le zèbre, il pourroit être encore le mêine animal que l’onagre ou âne sanvase de l’A- sie *. J'ai dit qu'il ne falloit pas confondre _ l’onagre avec le zèbre: mais/je ne sais si l’on | peut dire la même chose de l’onagre et du CZigithai ; car il paroïît, en comparant les relations des voyageurs, qu’il y a différentes sortes d’ânes sauvages, dont l’onagre est la plus remarquable, et il se pourroit bien. aussi que le cheval , l'âne, Le zèbre et Le czi- githai constituassent quatre espèces; et, dans _ le cas où ils n’en feroient que trois , il est encore incertain si le czigithai est plutôt un onagre qu’un Zèbre, d'autant que quelques voyageurs parlent de la léoéreté de ces _onagres, et disent qu’ils courent avec assez de rapidité pour échapper à la poursuite des chasseurs à cheval, ce qu’ils ont également assuré du cZigithai. Quoi qu’il en soit , le . cheval, l’âne , le zèbre et le czigithai sont tous du même genre , et forment trois ou * Histoire vaturelle, tome V, page 116. 9 08 HISTOIRE NATU ELLE. à Quatta branches de la même famille | dont les deux premières sont, de temps immémo-— 1 rial, réduites en domesticité; ce qui doit faire | espérer qu'on pourra de mème y réduire les . deux dernières, et en tirer. peut-être beau coup d'utilité. | A HN ‘ afx | MT /IGITHUATL. DE L'ONAGRE, ET DU ZÉBRE. Ox peut voir dans l’article précédent les doutes qui me restoient encore sur la diffé- rence ou sur l'identité d'espèce de ces trois animaux. M. Forster a bien voulu me com- muniquer quelques éclaircissemens qui sem blent prouver que ce sont réellement trois animaux différens , ; et qu’il y a même dans l'espèce du zèbre une variété constante : VOICI l'extrait de ce qu’il m’a écrit sur ce sujet. «On trouve dans le pays des Tartares Mongoux une grande quantité dé chevaux sauvages ou {arpans, et un autre animal ap- pelé czigifhai; ce qui, dans la langue Mon- goux , Signifñie /ongue oreille. Ces animaux vont par troupes : on en voit quelques uns dans Les déserts voisins de l’empire de Russie à A MC NI RURSS | | xo0 HISTOIRE NATURELLE fus et dans Le grand désert Gobée (ou Cobi ): # fé | sont en troupes de vingt , trente et même cent. La vitesse de cet animal surpasse de beaucoup celle du meilleur coursier parmi les chevaux ; toutes les nations tartares eu conviennent : une mauvaise qualité de cet animal, c’est qu’il reste toujours indom- table. Un Cosaque ayant attrapé un de ces jeunes czigithais, et l'ayant nourri pen- dant plusieurs mois, ne put le conserver ; car il se tua lui-même par les efforts qu’il fit pour s'échapper , ou se soustraire à l’o- béissance. A Chaque troupe de czigithais a son chef, comme dans les tarpans ou chevaux sauvages. Si le czigithai-chef découvre ou sent de loin quelques chasseurs, il quitte sa troupe, et va seul reconnoître le danger ; et dès qu’il s'en est assuré , il donne le signal de la fuite , et s'enfuit en effet suivi de sa troupe: mais si malheureusement ce chef est tué, la troupe, n'étant plus conduite, se disperse, et les chasseurs sont sûrs d’en tuer plusieurs autres. Les czigithais se trouvent principalement dans les déserts des Mongoux, et dans celui qu'on appelle Gobée : c'est une espèce \ El SUN 2 ROUE EEE EC AREAS ; DU CZIGITHAI,\etc 1ot moyenne entre l’âne.et le cheval ; ce qui a donné occasion au docteur Messchermide d'appeler cet animal zzulet fécond de Daou- rie* , parce qu'il a quelque ressemblance avec le mulet, quoique réellement il soit in-— finiment plus beau. Il est de la grandeur d’un mulet de moyenne taille ; la tête est un peu lourde ; les oreilles sont droites , plus lon- , gues qu'aux chevaux , mais plus courtes qu'aux mulets; le poitrail est grand, quarré “en bas et un peu comprimé. La crinière est. courte: et hérissée, et la queue est entière- ment semblable à celle de l’âne ; les cornes des pieds sont petites : ainsi le czigithai res- semble à l’âue par la crinière, la queue et les sabots. IL a aussi les jambes moins char- nues que le cheval , et l’encolure encore plus légère et plus leste. Les pieds et la partie in- férieure des jambes sont minces et bien faits. L’épine du dos est droite et formée comme celle d’un âne, mais cependant un peu plate. La couleur dominante, dans ces ani- maux, est le brun jaunâtre. La tête, depuis * La Daourte ést une province russe en Sibérie, vers les frontières de la Tartarie chinoise. On ne doit pas la confoudre avec la Dorie des anciens. 9 LE Des LRO PA A NO GPA Lee 102 HISTOIRE NATURELLE les yeux jusqu'au muffle, est d’un fauve | jaunâtre ; l’intérieur des jambes est de cette même couleur ; la crinière et la queue sont presque noires , et il y a le long du dos une bande de brun noirâtre, qui s’élargit sur le train de derrière, et se rétrécit vers la queue. En hiver , leur poil devient fort long et on- doyé ; mais en été il est ras et poli, Ces ani- maux portent la tête haute, et présentent, en courant, le nez au vent. Les Tunguses et d’autres nations voisines du grand desert regardent leur chair comme une viande déli- cieuse. | | d Outre les tarpans ou chevaux sauvages, et les czigithais ou mulets féconds de Daourie, on trouve, dans les grands déserts au-delà du Jaïk, du Yemba , du Sarason, et dans le voisinage du lac Aral, une troisième espèce d'animal que les Kirghises et les Calmoucks appellent foular ou #houlan, qui paroit être l'ozager ou l’oragre des auteurs, et qui semble faire une nuance entre le czigi- thai et l'âne. Les koulans vivent en été dans les grands déserts dont nous venons de parler, et vers les montagnes de Tamanda, etils se retirent, à l’approchede l’hiver, vers les con: | 1 DU CZIGITHAI, etc. 303 fins de la Perse et des Indes. Ils courent avec _ une vitesse incroyable ; on n’a jamais pu venir à bout d'en domter un seul, et il y en a des troupeaux de plusieurs mille ensemble. Ils sont plus grands que les tarpans , mais moins que les czigithais. Leur poil est d’un ! beau gris, quelquefois avec une nuance lésèe- rement bleuâtre , et d’autres fois avec un mélange de fauve; ils portent le long du dos une bande noire , et une autre bande de même couleur traverse le garrot et des- cend sur les épaules. Leur queue est par- _#faitemert semblable à celle de l’âne; mais les oreilles sont moins grandes et moins amples. À l'égard des zèbres, j'ai eu occasion de les bien examiner dans mes séjours au cap de Bonne-Espérance , et j'ai reconnu dans cette espèce une variété qui diffère du Zèbre ordinaire , en ce qu’au lieu de bandes ou raies brunes et noires dont le fond de son poil blanc est rayé , celui-ci au contraire est d’un brun roussâtre, avec très-peu de bandes larges, et d’une teinte foible et blanchätre = on a même peine à reconnoître et distinguer ces bandes blanchätres dans quelques indivi- =" TE { ve PAM ANOR MR PNSRROL ENT PEN ER 104 HISTOIRE NÉ O mat dus qui ont une couleur uniforme de brun roussätre , et dont les bandes ne sont que des nuances peu distinctes d’ une teinte un peu plus pâle ; ils ont, comme les autres zèbres , le bout du museau et les pieds blan- châtres , et ils leur ressemblent en tout, à l'exception des belles raies de la robe. On seroit donc fondé à prononcer que ce n’est qu'une variété dans cette espèce du zèbre: qe cependant ils semblent différer de ce dernier par le naturel , ils sont plus doux et plus obéissans; car on n’a pas d'exemple qu’on ait jamais pu apprivoiser assez le zèbre rayé pour l’atteler à une voiture , tandis que ces” zèbres à poil uniforme et brun sont moins revèches , et s’accoutument aisément à la domesticité. J'en ai vu un dans les cimpagnes du Cap, qui étoit attelé avec des chevaux à une voiture; et on m'assura qu'on élevoit un assez grand nombre de ces animaux pour s’en servir à l’attelage, parce qu'on,a trouvé qu’ils sont, à proportion , plus forts qu'un cheval de mème taille. » J'avois dit, page 94, qu’on avoit fait des altelages de zèbres pour le prince stathouder; » DU CZIGITHAI, etc ‘105 ce fait, qui m'avoit été assuré par plus d'une personne , n’est cependant pas vrai. M. Allamand, que j'ai.eu si souvent occa= sion de citer avec reconnoissance et avec des éloges bien mérités, m'a fait savoir que j'a- vois été mal informé sur ce fait ; le prince _Stathouder n’a eu qu’un seul zèbre : mais M. Allamand ajoute dans sa lettre, au sujet de ces animaux , un fait aussi singulier qu'intéressant. Mylord Clive, dit-il, en reve- nant de l’Inde, a amené avec lui une fe- melle zèbre dont on lui avoit fait présent au cap de Bonne-Espérance ; après l'avoir gar- dée quelque temps dans son parc en Angle- ierre, il lui donna un âne pour essayer s ’1l n'y auroit point d'accouplement entre ces” animaux : mais cette femelle zébre ne voulut point s’en laisser approcher. Mylord s’avisa -de faire peindre cet âne comme un zébre: la femelle, dit-il , en fut la dupe, l’accouple- ment se fit, et il en est né un poulain par- faitement semblable à sa mère, et qui peut- être vit encore. La chose a été rapportée à M. Allamand par le général Carnat, ami particulier de mylord Clive, et lui a été confirmée par mylord Clive fils. Mylord Pitt # : > LS | 4° re = TA + ne HISTOIRE NATURELLE ” a eu aussi la bonté de m’en écrire dans les termes suivans : L « Feu mylord Clive avoit une très- belle femelle de zèbre que j'ai vue à Clen- nom, l’une de ses maisons de campagne ; avec un poulain mâle (/foa/), provenant d'elle, qui n’avoit pas encore un an d'âge, et qui avoit été produit par le stratagème suivant. Lorsque la femelle zèbre fut en chaleur, on essaya plusieurs fois de lui pré- senter un âne, qu’elle refusa constamment d'admettre: mylord Clive pensa qu’en faisant peindre cet âne, qui étoit de couleur ordi- naire, et en imitant les couleurs du zébre. mâle, on pourroit tromper la femelle ; ce qui réussit si bien, qu'elle produisit le pou- lain dont on vient de parler. « J'ai été dernièrement , c’est-à-dire , jet été1778, à Clennom pour m’informer de ce ‘qu’étoient devenus la femelle Zèbre et son poulain , et on m'a dit que la. mère étoit morte , et que le poulain avoit été envoyé à une terre assez éloignée de mylord Clive,où :J'on a souvent essayé de le faire accoupler avec des ânesses , mais da il n'en a es rien résulte. » LÉ 4 LE —— | METRE " "4 DU CZIGITHAT, etc. xo7 & Je ferai cependant sur ces faits une lé- gère observations c’est que j'ai de la peine à croire que la femelle zèbre ait reçu l’âne uniquement à cause de son bel habit , et qu'il y a toute apparence qu on le lui a pré- senté dans un moment où elle étoit en meil- leure disposition que les autres fois. Il fau- droit d’ailleurs un grand nombre d’expé- riences, tant avec le cheval qu'avec l’âne, pour décider si lé zébre est plus près de l’un que de l’autre. Sa production ayec l’âne indi- queroit qu'il est aussi près que le cheval de l'espèce de l’Âne; car on sait que le cheval produit avec l’ânesse , et que l’âne produit avec la jument : mais il reste à reconnoître, par l'expérience, si le cheval ne produiroit pas aussi-bien que l’âne avec la femelle zèbre, et si le zèbre mâle ne produiroit pas avec la jument et avec l’ânesse. C’est au cap de Bonne-Espérance que l’on pourroit tenter ces accouplemens avec succès. COUAGGA CE Cr animal , dont je n’ai eu aucune Con noissance qu Aie l'impression des feuilles précédentes où il est question na et du zèbre , me paroïit être une espèce bâtarde ou intermédiaire entre le cheval et le zèbre, ou peut-être entre le zèbre et l’onagre. Voici ce que M: le professeur Atamatd en à pu- blié nouvellement dans un supplément à l'édition de mes ouvrages , imprimée eu Hollande. | | « Jusqu'à Musa dit ce savant natura- iste, on ne connoissoit que le nom de cet animal, et même encore très-imparfaite= ment , sans savoir quel quadrupède ce nom indiquoit, Dans le journal d’un voyage en- trepris dans l'intérieur de l'Afrique par { CRE ÉES .4 end [4 + COL RE CERTA ur dl à Le EE E ‘5 HISTOIRE NATURELLE. 109 ordre du gouverneur du cap de Bonne-Espé- rance ; il est dit que les, voyageurs virent. entre autres animaux, des chevanx sauvages, des ânes et des gzachas. La signification de ‘ce dernier mot m’étoitabsolumentinconnue, lorsque M. Gordon m'a appris que le nom de qguachas étoit celui de Awagga, que les Hottentots donnent à l'animal dont il s’agit, et que j'ai cru devoir retenir, parce que } n'ayant jamais été décrit ni même connu en Europe, il ne peut être désigné que par le nom qu'il porte dans le pays dont il est ori- ginaire. Les raies dont sa peau est ornée, le . font d’abord regarder comme une variété dans l’espèce du zèbre, dont il diffère cepen- dant à divers égards. Sa couleur est d’un brun foncé, et, comme le zèbre, il est rayé très-résulièrement de noir, Abu le bout du museau jusqu'’au-dessus des épaules, et _cette même couleur des raies passe sur une jolie crinière qu’il porte sur lé cou. Depuis les épaüles , les raies commencent à perdre” de leur longueur , et, allant en diminuant, elles disparoissent à la région du ventre, avant d’avoir atteint les cuisses. L’entre-deux de * ces raies est d'un brun plus clair, et il est Quadrwpides, VIII, 10 (1 |: w\ \ A" 11493 L' HAS OBS AV EME Li Aa, À AP, ’ F "“. "h, 1} SUN HISTOIRE NATURELLE. presque blanc aux oreilles. Le dessous du corps, les cuisses et les jambes sont blanches; sa queue, qui est un peu plate, est aussi gar- nie de crins ou de poils de la mème couleur: la corne des pieds est noire; sa forme res- semble beaucoup plus à celle du pied du cheval qu’à la forme du pied du zébre. On s'en convaincra en comparant la figure que j'en donne, avec celle de ce dernier animal. Ajoutez à cela que le caractère de ces animaux est aussi fort différent; celui des couaggas est. plus docile: car il n’a pas encore été possible d’apprivoiser les zèbres assez pour pouvoir les employer à des usages domestiques ; au lieu que les paysans de la colonie du Cap attellent les couaggas à leurs charrettes, qu'ils tirent très-bien ; ils sont robustes et forts : il est vrai qu'ils sont méchans, ils mordent et ruent ; quand un chien les approche de trop près, ils le repoussent à grands coups de pieds, et quelquefois ils le saisissent avec Les dents ; les hyènes mème, que l’on nomme loups au Cap, n’osent. pas les attaquer: ils marchent en troupes, souvent au nombre de plus de cent; mais jamais on ne voit un zèbre parmi eux, quoiqu ils vivent dans les mêmes eudroits. À DU KWAGGA,elc. «it Tout cela semble indiquer que ces ani- maux sont d'espèces différentes; cependant ils ne diffèrent pas plus entre eux que les mulets diffèrent des chevaux ou des ânes. Les couaggas ne seroient-ils point une race bâ— tarde de zèbres ? Il y a en Afrique des chevaux, sauvages. blancs; Léon l’Africain et Marmol l'assurent positivement ; ef ce qui est plus authentique encore , c’est le témoignage de ces voyageurs dont j'ai cité le journal : ils ont vu de ces chevaux blancs ; ils ont vu aussi des ânes sauvages. Ces animaux ne peuvent- ils pas se mêler avec les zèbres , et produire une race qui participera des deux espèces ? J'ai rapporté ci-devant un fait qui prouve qu'une femelle zèbre , couverte par un âne, a eu un poulain. On ne peut guère douter que l’accouplement d’un cheval avec un zèbre ne füt aussi prolifique. Si celui des chevaux avec des ânesses ne produit, pour l'ordinaire , que des mulets stériles, cela n’est pas constant ; on a vu des mules avoir des poulains , et il est fort naturel de suppo- ser que les chevaux ayant plus d’affinité avec les zèbres qu'avec les ânes, il peut re- sulter du mélange de ces animaux, d’autres 112 HISTOIRE ? NATURELLE animaux féconds capables de faire RE et ceci est également applicable aux ânes, puisque les zèbres sont une espèce mitoyenne entre les chevaux et les ânes. Ainsi je suis fort porté à croire que les couaggas ne sont qu'une race bâtarde de zèbres, qui, pour la figure et les caractères , tiennent quelque chose des deux éspèces dont ils tirent leur origine. Quoi qu'il en soit, on a beaucoup d’obli= gation à M. Gordon de nous les'avoir fait connoître; car c'est lui qui m’en a envoyé le dessin et la description. IL en vit un jour deux troupes, l’une d’une dizaine de couag- gas adultes, et l’autre composée uniquement de poulains qui couroient après leurs mères : \l poussa son cheval entre ces deux troupes ; et un des poulains ayant perdu de vue celle qui précédoit , suivit aussitôt de lui-même le cheval, comme s’il eût été sa mère. Les jeunes zèbres en font autant en pareil cas. M. Gordon étoit alors dans le pays des Bosje- mans , et fort éloigné de toute habitation: ainsi il fut oblisé d'abandonner ce poulain le lendemain, faute de lait pour le nourrir , -et il le laissa courir où il voulut. Il en à DU KWAGGA, etc. 113 actuellement uu autre qu’il réserve pour la ménagerie de monseigueur le prince d'O- . range. N'ayant pas pu se procurer un couagga adulte, il n’a pu m'envoyer que le dessin d’un poulain ; mais il me mande qu’il n’y a aucune différence entre un poulain et un couagga qui a fait toute sa crue, si ce n'est dans la grandeur, qui égale celle d’un zébre , et dans la tête, qui est, à proportion, un peu plus grosse dans le couagsa adulte. La diffé- rence qu’il y a entre les mâles et les femelles est aussi très-petite. Depuis que le Cap est habité, ces animaux en out quittéles environs, etilsnese trouvent plus que fort avant dans l’intérieur du pays, Leur cri est une espèce d’aboiement très-pré- cipité, où l’on distingue souvent la répétition de la syllabe £wah, Ewah. Les Hottentots trouvent leur chair fort bonne ; mais elle - _ déplait aux paysans hollandois par son goût fade. Le poulain, qui est ici représenté, avoit, depuis le bout du museau jusqu’à la queue, trois pieds sept pouces et trois lignes ; le train de devant étoit haut de deux pieds et dix pouces, et celui de derrière étoit plus bas " 19 4 HISTOIRE NATURELLE. d’un pouce ; sa É gete étoit din de quatorze pouces. D ; Voilà tout ce que M. Allamand a pu recueillir sur l’histoire de cet animal; mais je ne puis m'empêcher d'observer qu’il paroît y avoir deux faits contraires dans le récit de M. Gordon : il dit, en premier lieu, que les paysans des terres du Cap attellent Les couaggas à la charrette , et qu’ils tirent très- bien, et ensuite il avoue qu’il n’a pu se pro- curer un couagsa adulte pour en faire le des- sin ; il paroiît donc que ces animaux sont rares dans ces mêmes terres du Cap, puis- qu'il n’a pu faire dessiner qu'un poulain. Si l'espèce étoit réduite en domesticité , 1l lui auroitété facile de se procurer un de ces ani- maux adultes. Nous espérons que ce natura- liste voyageur voudra bien nous donner de plus amples informations sur cet animal, qui me paroit tenir au zèbre de plus près qu'aucun autre. ARE a . “SA A tn jo. nd is LE GNOU ox NIOU. D: À Danger Sp ” DU GNOU, Cs bel animal, qui se trouve dans l’inté- rieur des terres de l'Afrique, n’étoit connu d'aucun naturaliste : mylord Bute, dont on connoîït le goût pour les sciences, est le pre- mier qui m'en ait donné connoissance , en m’envoyant un dessin colorié , au-dessus duquel étoit écrit : feva-heda an bos-bujfel , animal de trois pieds et demi de hauteur, & deux cents lieues du cap de Bonne-Espé- rance. Ensuite M. le vicomte de Querhoënt, qui a fait de très-bonnes observations dans ses derniers voyages , a bien voulu m'en con- fier ‘le journal, dans lequel j'ai trouvé un autre dessin de ce même animal, sous le nom * Gnou doit se prononcer en mouillant le gr, v’est-à-dire, rmioue Det UR A A Li be m6 HISTOIRE NATUREETIÆ 0 ‘de zof , avec la courte description suivante ; «J'aivu, dit-il, à la ménagerie du Cap, un quadrupéde que les Hottentots appellent nou : il a tout le poil d’un brun très-foncé : mais une partie de sa crinière , ainsi que sa queue et quelques longs poils autour des yeux, sont blancs. IL est ordinairement de la taille d'un grand cerf ; il a été amené au Cap de l’intérieur des terres en octobre 1773. Aucun animal de cette espèce n’est encore atrivé en Europe; on n’y en a jamais en- voyé qu’un qui est mort dans la traversée. On en voit beaucoup dans l'intérieur du - pays : celui qui est à la ménagerie du Cap, paroit assez doux; on le nourrit de pain, d'orge et d'herbe. » | M. le vicomte Venerosi Pesciolini, com- mandant de l'ile de Groix, a aussi eu la bonté de m'envoyer tout nouvellement un dessin colorié dé ce même animal, qui ma paru un peu plus exact que les autres ; ce dessin, que nous donnons ici, étoit accom- pagné de la notice suivante : 1. « J'ai cru devoir vous envoyer, Monsieur, la copie fidèle d’un animal trouvé à cent cin- quante lieues de l’établissement principal des “+ DU G:NO U. | 117 Hollandois , dans la baie de la Table, au cap de Bonne-Espérance. Il fut rencontré avec Ja mère par un habitant de la campagne , pris et conduit au Cap, où il na vécu’que trois jours ; sa taille étoit celle d'un moyen mouton du pays , et celle de sa mère égaloit celle des plus forts. Son nom n'est point connu, parce que, de l’aveu même ‘des Hot- tentots, son naturel sauvage l’éloigne de tous les lieux fréquentés , et sa vitesse le soustrait promptement à tous les regards. Ces détails, ajoute M. de Venerosi, ont été donnés par M. Berg, fiscal du Cap. » On voit que cet animal est très-remar- quable , non seulement par sa grandeur, mais encore par la beauté de sa forme, parla _crinière qu'il porte tout Le long du cou, par sa longue queue touffue, et par plusieurs autres caractères qui semblent l’assimiler en partie au cheval et en partie au bœuf. Nous lûi conserverons le nom de gzou (qui se prononce 7iou) qu'il porte dans son pays. natal, et dont nous sommes plus sûrs que de celui de feva-heda ; car voici ce que m'en a écrit M. Forster : « Il se trouve au cap de Bonne-Espérance PU ah ; L RARE A 118 HISTOIRE NATURELLE ” trois espèces de bœufs : 1°. notre bœuf com- -mun d'Europe; 2°. le buffle, qne je n’ai pas eu occasion de décrire, et qui a beaucoup de rapport avec le buffle d'Europe; 3°. le gnou. Ce dernier animal ne s’est trouvé qu’à cent quatre-vingts ou deux cents lieues du Cap ; dans l’intérieur des terres de l'Afrique ; on a tenté deux fois d'envoyer un de ces animaux en Hollande, mais ils sont morts dans la tra- versée *. J'ai vu une femelle de cette espèce en 1775; elle étoit âgée de trois ans : elle avoit été élevée par un colon, dont l’habi- tation étoit à cent soixante lieues du Cap, qui l’avoit prise fort jeune avec un autre jeune mâle ; il les éleva tous deux , et les amena pour les présenter au gouverneur du Cap; cette jeune femelle, qui étoit privée, fut soignée dans une étable et nourrie de pain bis et de feuilles de choux; elle n’étoit pas iout-à-fait si grande que le mâle de la même * On verra, par Paddition que M. Allamand a fait imprimer dans le tome XV de mes ouvrages, édition de Hollande , qu’un de ces animaux est arrivé vivant à là ménagerie du prince d'Orange, où M. Allamand l’a dessiné et décrit avec son exacti= tude ordinaire. \ Li 1 p 1 NO SO DIU 'G:N ONU. | 119 portée. Sa fiente étoit comme celle des vaches: communes. Elle ne souffroit pas volontiers les caresses ni les attouchemens, et, quoique fort privée, elle ne laissoit pas de donner des coups de cornes et aussi des coups de pieds : nous eûmes toutes les peines du monde d'en prendre les dimensions , à cause de son in- docilité. On nous a dit que le gnou mâle, dans l’état sauvage, est aussi farouche et aussi méchant que le buffle, quoiqu'il soit beaucoup moins fort. La jeune femelle dont nous venons de parler, est assez douce; elle ne nous a jamais fait entendre sa voix; elle ruminoit comme les bœufs : elle aimoit à se promener dans la basse-cour, s’il ne faisoit pas trop chaud ; car , par la grande chaleur, elle se retiroit à l’ombre ou dans son étable. Ce gnou femelle étoit de la grandeur d’un daim, ou plutôt d’un âne; elle avoit au garrot quarante pouces et demi de hauteur, mesure d'Angleterre, et étoit un peu plus basse des jambes de derrière , où elle n’avoit que trente-neuf pouces. La tête étoit grande à proportion du corps, ayant quinze pouces et demi de longueur depuis les oreilles jus- qu'au bout du museau : mais elle étoit com 120 HISTOIRE NATURELLE . primée des deux côtés ; et vue de face, elle paroissoit étroite. Le muffle étoit quarré, et les narines étoient en forme de croissant; il y avoit dans la mächoire inférieure huit dents incisives , semblables par la forme à celles du bœuf commun. Les yeux étoient fort écartés l’un de l’autre , et placés sur les « côtés de l’os frontal; ils étoient grands, d’un » brun noir, et paroissoient avoir un air de férocité et de méchanceté, que cependant l'éducation et la domesticité avoient modifié dans l’animal. Les oreilles étoient d'environ cinq pouces et demi de longueur, et de forme semblable à celles du bœuf commun. La lon- re ) Li gueur des cornes étoit de dix-huit pouces en . les mesurant sur leur courbure ; leur forme étoit cylindrique, et leur couleur noire. Le corps étoit plus rond que celui du bœuf, et l'épine n'’étoit pas fort apparente, c’est-à- dire , fort élevée; en sorte que le corps du ouou sembloit, par la forme, approcher beaucoup de celui du cheval. Les épaules étoient musculeuses, et les cuisses et les jambes moins charnues et plus fines que celles du bœuf; la croupe étoit effilée et relevée, mais applatie vers la queue, comme - : A 4 { h ” SD'U G N OU. | 12H celle du cheval. Les pieds 'étoient légers et menus ;: ils avoient chacun deux sabots L 1 pointus en devant, arrondis aux côtés et de couleur noire. La queue avoit vinot-huit pouces de longueur , y compris les longs poils qui étoiént à son extrémité. Tout le corps étoit revêtu d’un poil court etras , semblable à celui du cerf pour la cou- leur. Depuis le museau jusqu'à la hauteur des yeux, il y avoit de longs poils rudes et hérissés, en forme de brosse, qui entouroient presque toute cette partie : depuis les cornes jusqu'au garrot, il yavoit une espèce de cri- nière formée de longs poils . dont la racine est blanchätre, et la pointe noire ou brune ; sous le cou, on voyoit une autre bande de longs poils, qui se prolougeoit depuis les jambes de devant jusqu'aux longs poils blancs de la lèvre inférieure ; et sous Le ventre, il y avoit uné touffe de très-longs poils auprès du nombril : les paupières étoient garnies de poils d'un brun noir, et les yeux étoient entourés par-tout de longs poils très-forts et de couleur blanche. » Je dois ajouter à cette description, que AL Forster a bien voulu me communiquer , 11 y LUN | HISTOIRE NATURELLE, Li lé observations que M. le professeur Alla- mand a faites sur cet animal vivaut, qui est | arrivé plus nouvellement en Hollande; ce. savant naturaliste l'a fait imprimer à la. suite du XV° volume de mon ouvrage sur l’histoire naturelle, édition de Hollande , et je ne puis mieux faire que de la copier ici. Le, RS “ LE GNOU &@'Aprés M. Aamant . DU GNOU, Par M. le professeur ALLAMAND. Lis anciens nous ont dit que l'Afrique étoit . fertile en monstres. Par ce mot, il ne faut entendre que des animaux inconnus dans les autres parties du monde ; c’est ce qu’on vérifie . encore de nos jours, lorsqu'on pénètre dans celte vaste région : on en a vu divers exem- ples dans les descriptions d'animaux données par M. de Buffon, et dans celle du sanglier d'Afrique, que j'y ai ajoutée. L'animal que je vais décrire en fournit une nouvelle preuve; la figure que j en donne icia étégravéed’après un dessin envoyé du cap de Bonne-Espérance, mais dont je n'ai pas osé faire usage dans mes additions précédentes à l’ouvrage de M.'de Buffon , parce que je le regardois comine la représentation d'un animal fabuleux, J'ai été détrompé par M. le capitaine Gordon, à qui je l'ai fait voir ; c’est un officier de mérite, que son goût pour l’histoire naturelle et l’en- f 7 124 HISTOIRE N ATURELLE\- | vie de connoître les mœurs et les coutumes des peuples qui habitent la partie méridio- nale de l'Afrique, ont conduit au Cap. De là il a pénétré plus avant dans l'intérieur du pays qu'aucun autre Européen, accompagné. d’un seul Hottentot. Il a bravé toutes les in- commodités d'un voyage de deux cents lieues, à travers des régions incultes, et sans autre provision pour sa nourriture que lesvésetaux qui lui étoient indiqués par son compagnon de voyage, ou Le gibier que son fusil lui pro— curoit. Sa curiosité a été bien récompensée par le grand nombre de choses rares qu'il a vues, et d'animaux dont il a rapporté les dépouilles, . Dès qu’il eut vu le dessin dont je viens de parler , il m’apprit qu’il ne représentoit point un animal chimérique, mais un véri- tableanimal, dont la race étoit très-nomkreuse en Afrique. Il en avoit tué plusieurs , etil avoit apporté la dépouille de deux têtes; il m'en a donné une que j'ai placée au cabinet de notre académie. Dans le même temps, on envoya du Cap un de ces animaux vivans à la ménagerie du prince d'Orange, où il est actuellement, etse porte très-bien. USE IN OU | 125 -IL est étonnant qu'un animal aussi gros et aussi singulier que celui-ci , et qui vraisem- blablement se trouve dans les lieux où les Européens ont pénétre, ait été inconnu jus- qu’à présent, ou qu'il ait éte décrit si impar- faitement , qu'il a été impossible de s’en former aucune idée. Il embarrassera assuré ment les nomeuclateurs qui voudront le ran. ser sous quelques unes des classes auxquelles ils rapportent les différens quadrupèdes: Il tient beaucoup du cheval, du taureau et du cerf, sans être aucun de ces trois animaux. On ne manquera pas de lui donner un nom composé , propre à indiquer la ressemblance qu'il a avec eux. | Les Hottentots le nomment gzou, et je crois devoir adopter cette dénomination, en observant que le g ne doit pas être prononce avec cette fermeté qu'il a quand il commence un mot, mais qu’il ne doit servir qu’à rendre grasse l'articulation de l’z qui le suit, comme il fait au milieu des mots dans seigneur, par exemple , carnpagne , et d'autres. C’est à M. Gordon que je dois la connoissance de ce nom. (3 ! À ni Cet animal est à peu près de la grandeur Ayo 126 HISTOIRE NATURELLE ip d'un âne. Sa hauteur est de trois pieds et 1 demi : tout son corps, à l'exception des en-: Le droits que j'indiquerai dans la suite, est cou- vert d'un poil court comme celui du cerf, de | couleur fauve, mais dont la pointe est blan— châtre , ce qui lui donne une légère teinte de gris blanc. Sa Lète est grosse et ressemble fort à celle du bœuf; tout le devant est garni de longs poils noirs, qui s'étendent jusqu’au- dessous des yeux, et qui contrastent singu- lièrement avec des poils de la mème longueur, mais fort blancs, qui lui forment une barbe à la lèvre inférieure. Ses yeux sont noirs et. bien fendus ; les paupières sont garnies de cils formés par de longs poils blancs, paral- -_ ‘lèles à la peau , et qui font une espèce d’é- toile, au milieu de laquelle est l'œil; au-des- sus sont placés, en guise de sourcils, d’autres. poils de la même couleur, et très-longs. Au haut du front sont deux cornes noires, dont la longueur, mesurée suivant l'axe, est de dix-neuf pouces: leurs‘hases, qui ont près de dix-sept pouces de circonférence, se touchent et sont appliquées au front dans une étendue de six pouces ; ensuite elles se courbent vers ‘Jehaut, et se terminent en uné pointe per- DUT ECNNIOT. ‘127 pendiculaire et longue de sept pouces , comme ou peut le voir dans la figure. Entre les cornes prend naissance une crinière épaisse, qui s'étend tout le long de la partie supérieure du cou jusqu’au dos : elle est formée par des poils roides , tous exactement de la même longueur , qui est de trois pouces ; la partie inférieure en est blanchâtre, à peu pres jus- = HUM , NAS qu'aux deux tiers de leur hauteur, et l’autre Liers en est noir. Derrière les cornes sont les oreilles , couvertes de poils noirâtres et fort courts. Le dos est uni, et la croupe ressemble à celle d’un jeune poulain ; la queue est com- posée, comme celle du cheval, de longs crins blancs ; sous le poitrail, il y a une suite de longs poilsnoirs, quis’étend depuis les jambes antérieures , le long du cou et de la partie in- férieure de la tête, jusqu’à la barbe blanche de la lèvre de dessous : les jambes sont sem- blables et d’une finesse égale à celle du cerf, ou plutôt de la biche. Le pied est fourchu comme celui de ce dernier animal; les sabots en sont noirs , unis, et surmontés en arrière d’un seul ergot placé assez haut. Le gsuou n'a point de dents incisives à la mâchoire supérieure; mais il en a huit à Dre À V 120 OR TN ÉUORLE LL RER AULPAON "LAS CL EC RS tot \ ne ; ai (VUS po ru FAN | La \ NUE ARALIA AS EU Ti | : ja »'\ 128 HISTOIRE NATURELLE l’iuférieure : ainsi je ne doute pas qu'il ne rumine, quoique je n’aie pas pa m'en assurer par mes propres yeux, non plus que par le témoignage de l’homme qui a soin de celui du prince d'Orange. Sans avoir l'air extrémement féroce, dl indique cependant qu'il n’aimeroit pas qu'on s’approchät de lui. Lorsque j'essayois de le ioucher à travers les barreaux de sa loge, 1l. baissoit la tète et faisoit des efforts pour bles. ser avec ses cornes la main qui vouloit le \ à caresser. Jusqu'à présent il a été fnferméet obligé de se nourrir des végétaux qu'on lui a donnés ; et il paroït qu'ils lui conviennent, car il est fort et vigoureux. La race, comme je l’ai remarqué , en est nombreuse et fort répandue dans l'Afrique. Si mes conjectures sont fondées, je suis fort environs du cap de Bonne-Espérance qu’il habite, mais qu'il se trouve aussi en Abis- sinie. Dans Ia quatrième Dissertation sur la côte orientale d'Afrique, depuis Mélinde jusqu’au détroitde Babel-Mandel,;ajoutéeaux 7oyages de Lobo ,on litce passage : «Il y a encore dans NY porté à croire que ce n'est pas seulement aux _ tres DA IGN "OU, | 129 à 4 L2 LS L] « l'Ethiopie des chevaux sauvages, qui ont «les crins et la tête comme nos chevaux, et « hennissent de one ; mais ils ont deux « petites corues toutes does et Les pieds « fourchus comme ceux du bœuf. Les Caffres « appellent ces animaux e/2pophos. » Cette description, tout imparfaite gt fau tive qu'elle est ,-comme la plupart de celles que Lobo nous a données, paroit convenir à notre gnou. Quel autre animal connu y a- t-il qui ressemble à un cheval avec des cornes et des pieds fendus ? La ressemblance seroit plus grande encore si je DORA dire qu'il hennit ; mais c’est ce dont je n’ai pe pu être instruit. Jusqu'à présent personne n’a enten- du sa voix. Ne seroit-ce point aussi le même animal dont a parlé le moine Cosmas? Voici ce qu'il en dit: à « Le taureau -cerf. Cet animal se trouve « en Éthiopie et dans les Indes. Il est prive ; « les Indiens s’en servent pour voiturer leurs _« marchandises , principalement le poivre, «qu'ils transportent d'un pays à un autre, « dans des sacs faits en forme de besaces. Ils « tirent du lait de ces animaux, et eu font « du béurre : nous en mangions aussi ja MAN nl NA Mb Ce dati ; WE dE SR DA 130 HISTOIRE NATURELLE « chair après les avoir égorgés , coin Co « les chrétiens; pour les païens, ils les as- « somment. Cette même bête, dans l’Éthio=. û « pie, est sauvage et ne s’apprivoise pas. « Ce taureau-cerf ne seroit-il point le che- « val cornu et à pieds fendus de Lobo ? ils se « trouvent l’unetl’autredans l'Éthiopie; tous «les deux ressemblent, à divers égards, au « cheval, au taureau etau cerf, c’est-à-dire, «au gnou. Il est vrai que, quoique lesani- | «maux des Indes soient assez connus jus- «qu'à présent, personne n’a dit qu'il y en «eût qui ressemblassent à celui dont ilest « question ici, et qui doit cependant y être, «si c’est le même dont parle Cosmas. Mais, « dans un paysaussi habité que l'Inde, la race «ne pourroit-elle pas y avoir été éteinte par _«lenombre des chasseurs qui ont travaillé à « les prendre ou à les tuer, soit pour les faire « servir de bêtes de somme, soit pour les « manger ? D’ailleurs est-il bien certain que « cet animal ne s’y trouve plus, ou qu'il ne « se soit pas retiré dans des lieux éloignées et « solitaires, afin d'y être plus en sûreté? IL, «y a dans les déserts de la province de la « Chine nommée Censi, un animal qu'on DETUUT F DU GNOU. 13t « appelle céeval-cerf, que Du Halde dit n'être « qu’une espèce de cerf, guère moiris haut « que les petits chevaux des provinces Se- « Tchuen et de Yun-Nane. J'ai peine à croire « que la taille seule ait suffi pour faire don- « ner à un cheval le surnom de cerf. Le gnou « ressemblant, par sa tête et par ses cornes « au taureau, par sa crinière et par sa queue «au cheval, et par tout le reste de son corps «au cerf, il réunit tous les caractères qui « peuvent l'avoir fait nommer faureau- cerf «par Cosmas , et cheval cerf par les Chi- « nois. » | Je serois même tenté de croire que L hip-. pélaphe d’Aristote étoit notre gnou, si je n’a- vois pas contre moi l’autorité de M. de Buf- fon , qui, fondé sur de bonnes raisons, a prouvé que c’est le même animal que le cerf des Ardennes et le tragélaphe de Pline. Je dirai cependant celles qui ont, fait d’abord impression sur moi. M: L’hippelaphe, suivant Aristote, se trouve dans le pays des Ærachofas, qui est situé entre la Perse et l'Inde, et par-là même voi- sin de la patrie du gnou. Il a une crinière qui s'étend depuis la tête jusqu’au-dessus des LÉ » à LÉ PR NE PRO RER 1 épaules , et qui n'est pas grande; Aristote la compare à celle du pardion , ou , comme l’é: rit Gaza, de l’épparaion, qui est vraisem- blablement la girafe, laquelle a effective ment une crinière plus approchante de-celle du gnou qu'aucun autre animal sauvages Diodore de Sicile dit qu’il se trouve en Ara- bie, et qu’il est du nombre de ces animaux qui participent à deux formes différentes. IL est vrai qu’il parle du tragélaphe ; mais, comme je viens de le remarquer d'après M. de Buffon , c’est le même animal que l'hippélaphe. On trouvera dans la note le passage de Diodore *, tel qu'il a été rendu par Rhodomanus, et qui mérite d’être cité. Enfin, pour dernier trait de ressemblance, l’hippélaphe a une espèce de barbe sous le gosier , Les pieds fourchus et à peu près de la grandeur du cerf. Tout cela se trouve aussi : bien dans lé gnou que dans le cerf des Ar- dennes ; mais ce qui décide la question en * Quinetiam tragelaphi et bubali, pluraque du- plis formæ animalia, ex diversisshmis videlicet naturis contemperata, illic (in Arabia) procreantur. Quorum singularis descriptio longan sibi mOoram posceret. | a v: as bete DU GNOU. " 18 faveur du sentiment de M. de Buffon, c’est que si Aristote a été bien instruit, l'hippe- laphe a des cornes comme le chevreuil, et que sa femelle n’en a point, ce qui ne con- vient pas à notre animal. ’ Mais qu'il ait été connu ou non, j'ai tou- jours été autorisé à dire qu’il avoit été décrit si imparfaitement , qu’on ne pouvoit s’en former aucune idée. Il constitue une espèce très-singulière, qui réunit en soi la force de la tête et des cornes du taureau , la légéreté et le pelage du cett, et la beauté dela crinière, du corps et de la queue du cheval. Avec le temps, ne parviendra-t-on point à connoître aussi la licorne , qu’on dit habi-- ter les mêmes contrées, que la plupart des: auteurs regardent comme un animal fabu- leux, tandis que d'autres assurent en avoir vu , et même en avoir pris de jeunes ? Je n’ai rien à ajouter ni à retrancher à cette bonne description, n1 aux très-judi- cieuses réflexions du savant M. Allamand, et je dois même avertir , pour l'instruction de mes lecteurs , et pour la plus exacte connois- sance de cet animal grow, que le dessin qu’il 12 | DS DA AUDE PAU AUS No 134 HISTOIRE NATURELLE. AT a fait graver dans l'édition de Hollande de Us: d « \ | À P, mon ouvrage, et que je donne ici, meparoît plus conforme à la Nature que celui de ma planche6; les cornes sur-tout me semblent être mal représentées dans celle-ci, et l'espèce de ceinture de poil que l’animal porte autour du museau, me paroit factice : en sorte que : l’on doit avoir plus de confiance à la figure donnée par M. Allamand qu'à celle-ci ; et c’est par cette raison que je de fait copier et graver. ADDITION AUX ARTICLES DU BŒUF:, DU BISON, DU WOARBU: ET DU BUFFLE 2. ! L;, bœufs et les bisons ne sont que deux races particulières, mais toutes deux de la même espèce, quoique le bison diffère tou- jours du bœuf, non seukement par la loupe qu’il porte sur le dos, mais souvent encore “par la qualité, la quantité et la longueur du poil. Le bison ou bœuf à bosse de Madagascar réussit très-bien à l’île de France; sa chair y est beaucoup meilleure que celle de nos bœufs venus d'Europe, et, après quelques généra- tions , sa bosse s’efface entièrement. ILa le poil plus lisse, la jambe plus effilée et les _ cornes plus longues que ceux de l’Europe. J'ai vu, dit M. de Querhoënt, de ces bœufs bossus qu’on amenoit de Madagascar , qui en avoient d’une grandeur étonnante. 1 Tome Ï, page 150. ? Tome V, page 24 1 Û sat. (Hi AT NE At "AU Me) At: jh LM NY Fa + Ms pi \ SAUL US TA jé “ "6 HISTOIRE NATURELLE Le bison dont nous dns ici la avr. d et que nous avons vu vivant, avoit été pris jeune dans les forêts des parties tempérées de l'Amérique septentrionale, ensuite amené en Europe , leve en Hollande > et acheté par un Suisse qui le transportoit de ville en ville dans une espèce de grande cage, d’où il ne. sortoit point, et où il étoit même attachépar la tête avec quatre cordes qui la lui tenoient étroitement assujettie.L” énorme criniére dont sa tête est entourée, n’est pas ‘du crin , Mais de la laine ondée et divisée par flocons pen- dans comme une vieille toison. Cette laine _est très-fine, de même que celle qui couvre la loupe et tout 1e devant du corps. Les par- ties qui paroissent nues dans la gravure, ne le sont que dans certains temps de l’année , et c’est plutôt en été qu’en hiver ; car, au mois de janvier, toutes les parties du corps étoient à peu près également couvertes d’une laine frisée très-fine et très-serrée, sous la- quelle la peau paroissoit d’un brun couleur de suie , au lieu que, sur la bosse et sur les autres parties couvertes également d’une laine plus longue, la peau est de couleur tannée. Cette bosse ou loupe , qui est toute de chair, + RU 5 'Œ UE," cie 137 varie comme lembonpoint de l'animal. I ne nous a paru différer de notre bœuf d'Eu- rope que par cette loupe et par la laine. Quoiqu'il fût très-contraint, il métoit pas féroce ; 1l se laissoit toucher et caresser par ceux qui le soignoient. _ On doit croire qu'autrefois 1l y a eu des bisons dans le nord de l'Europe; Gesner a même dit qu’il en existoit de son temps em Écosse. Cependant , m’étant soigneusement informé de cedernier fait, on m’a écrit d’An- gleterre et d'Écosse qu’on n’en avoit pas de mémoire. M. Bell, dans son 7oyage de Rus- sie à la Chine, parle de deux espèces de bœufs qu'il a vus dans les parties septentrionales de l'Asie, dont l’une est l’aurochs ou bœuf sau- vage, demême race que nos bœufs, et l’autre, dont nous avons donné l'indication d’après Gmelin sous le nom de vache de Tartarie ‘ou vache grognante, nous paroit être de la même espèce que le bison. On en trouve la description * dans notre ouvrage; et, après avoir compare cette vache grognante avec le bison, j'ai trouvé qu’elle lui ressemble par * Tome V, page 45 et suivantes, | | 12 \ 138 HISTOIRE NATURÉLLE tous les caractères, à l'exception du grogne ment au lieu dumugissement : mais j'ai pré- suméque ce grognement n’étoit pas unéaffec- tion constante et générale , mais contingente et particulière, semblable à la grosse voix en- trecoupée de nos taureaux, qui ne se fait en tendre pleinement que dans le temps du rut; d'ailleurs jai été imformé que le bison dont je donne la figure, ne faisoit ; jamais retentir sa voix, el que quand même on Jui causoit quel- Q que douieur vive, il ne se plaignoit pas ; en sorte que son maître disoit qu’il étoit muet; et on peut penser que sa voix se seroit déve— loppée de même par un grognement ou par des sons entrecoupés , si, jouissant de sa liberté et de la présence d’une femelle, il eût été excité par l'amour. Au reste, les bœufs sont très-nombreux en Tartarie et en Sibérie. Il y en a une fort grande quantité à Tobolsk, où les vaches courent les rues même en hiver , et dans les campagnes , où on en voit un nombre prodi- gieux en été. Nous avons dit qu’ en Irlande . les bœufs et les vaches manquent souverft de cornes : c’est sur-tout dans les parties méri- dionales de l'ile, où les pâturages nesont pont 4 vé RENE ŒUU TE, ete 139 abondans , et dans les pays maritimes, où les fourrages sont fort rares, que se trouvent ces bœufs et ces vaches sans cornes; nouvelle preuve que ces parties excédantes ne sont produites que par la surabondance de lanour- riture. Dans ces endroits voisins de la mer, l’on nourrit les vaches avec du poisson Cult dans l’eau et réduit en bouillie par le feu. Ces animaux sont non seulement accoutu- més à cettenourriture, maisilsen sont mème très-friands; et leur lait n’en contracte, dit- on, ni mauvaise odeur ni goût désagréable. Les bœufs et les vaches de Norvége sont en général fort petits ; ils sont un peu plus grands dans les iles qui bordent les côtes de Norvége : différence qui provient de celle des pâturages, et aussi de la liberté qu’on leur donne de vivre dans ces iles sans contrainte; car on les laisse absolument libres, en prenant seule- ment la précaution de les faire accompagner de quelques beliers, accoutumés à chércher eux-mêmes leur nourriture pendant l'hiver. Ces beliers détournent la neige qui recouvre l'herbe, et les bœufs les font retirer pour en manger. Ils deviennent avec le temps si fa- rouches , qu'il faut les prendre avec des ! NOT PAR 1 ME Se téiié PE es En loco ent r ‘ ci A4 jo HISTOIRE NATURELLE cordes. Au reste, ces vaches demi-sauvages | donnent fort peu de lait. Elles mangent, à défaut d'autre fourrage , de l’algue mêlée avec du poisson bien bouilli. IL est assez singulier que les bœufs à bosse ou bisons, dont la race paroît s'être étendue depuis Madagascar et la pointe de l'Afrique, et depuis l'extrémité des Indes orientales jus- qu'en Sibérie, dans notre continent, et que l'on a retrouvée dans l’autre continent , jus- qu'aux Illinois, à la Louisiane, et même jusqu'au Mexique, n'aient jamais passé les ‘terres qui forment l’isthmede Panama; car on n’a trouvé u1 bœufs ni bisons dansaucune partie de l'Amérique méridionale, quoique le climat leur convint parfaitement, et que les bœufs d'Europe y aient multiplié plus qu’en aucun lieu du monde. À Buenos-Ayres et à quelques degrés encore au-delà, ces ani- - maux ont tellement multiplié et ont si bien rempli le pays, que personne ne daigneseles approprier ; les chasseurs les tuent par mil- liers, et seulement pour avoir les'cuirs et la graisse. On les chasse à cheval ; on leur coupe les jarrets avec une espèce de hache, ou on les prend dans des lacets faits avec une forte DU BŒUF, ct. T4L courroie de cuir. Dans l’île de Sainte-Cathe- rine, sur la côte du Bresil, on trouve quel- ques-petits bœufs dont la chair est mollasse et désagréable au goût : ce qui vient, ainsi que leur petite taille, du défaut et de la mau- vaise qualité de la nourriture; car, faute de fourrage, on les nourrit de calebasses sau- vages. | En Afrique, il y a de certaines contrées où les bœufs sont en très-grand nombre. Entre le cap Blanc et Serrelionne, on voit, dans les bois et sur les montagnes, des vaches sau- vages ordinairement, de couieur brune, et’ dont les cornes sont noires et pointues; elles multiplient prodigieusement, et le nombre eu seroit infini si les Européens et les Nèsres ne leur faisoient pas continuellement la guerre. Dans les provinces de Duguela et de Tremecen , et dans d’autres endroits de Bar— barie, ainsi que dans les déserts de Numidie, on voit des vaches sauvages couleur de mar- ron obscur, assez petites et fort léoères à Ia course ; elles vont par troupes quelquefois de cent ou de deux cents. ( À Madagascar, les taureaux et les vaches de la meilleure espèce y ônt été amenés des LA 142 HISTOIRE NATURELLE À autres provinces de l'Afrique ; ils ont une bosse sur le dos : les vaches donnent si peu de lait, qu'on pourroit assurer qu’une vache de, Hollande en fournit six fois plüs. Il y a dans cette ile de ces bœufs à bosse ou bisons sau- vages qui errent dans les forèts ; la chair de ces bisons n’est pas si bonne que celle de nos bœufs. Dans les parties méridionales de l'A- sie, on trouve aussi des bœufs sauvages; les chasseurs d’Agra vontles prendre dans la mon. iagne de Nerwer, qui est environnée de bois: cette montagne est sur le chemin de Surate à Golconde. Ces vaches sauvages sont ordinai- rement belles , et se vendent fort cher. | Le zébu semble être un diminutif du bi- son, dont la race , ainsi que celle du bœuf, subit de très-srandes variétés, sur-tout pour la grandeur. Le zébu, quoiqu'originaire des pays très-chauds, peut vivre et produire dans nos pays tempérés. « J'ai vu, dit M. Collin- «son, grand nombre de ces animaux dans «les parcs de M. le duc de Richemond, de «M. le duc de Portland, et dans d’autres « parcs ; iis y multiplioient et faisoient des « veaux tous les ans, qui étoient les plus « jolies créatures du monde: les péresetmères ND D EU ele Y | 140 « venoient de la Chine et des Indes orien- « tales. La loupe qu’ils portent sur les épaules «est une fois plus grosse dans le mâle que « dans la femelle, qui est aussi d’une taille « au-dessous de celle du mâle. Le petit zébu « tette samère comme lesautres veaux tettent «les vaches ; mais le lait de la mère zébu « tarit bientôt dans notre climat }eton achève « de les nourrir avec de l’autre lait. On tua « un de cesanimaux chez M. le duc deRiche. « mond ; mais la chair ne s’en est pas trou- « vée si bonne que celle du bœuf *. » Il $e trouve aussi dans la race des bœufs sans bosse de très-petits individus, et qui, comme le zébu, peuvent faire race parti- culière. GemelliCarreri vit, sur la route d’Is- pahan à Schiras, deux petites vaches que le bacha de la province envoyoit au roi, et qui n’étoient pas plus grosses que des veaux. Ces petites vaches, quoique nourries de paille pour tout aliment, sont néanmoins fort grasses , et il m'a paru qu’en général les zébus ou petits bisons , ainsi que nos bœufs de la petite taille, ont le corps plus charnu et * Extrait d’une lettre de feu M, Collinson à M. de Buffon, datée de Londres, le 30 décembre 1764: \EL fa ": 2 dd PAM \: d: ou er Li 44 HISTOIRE NATURELLE plus gras que les bisons et les bœufs de taille ordinaire. k | Nous avons très-peu de chose à à ajouter à ce que nous avons dit du buffle ! ; nous di- | rons seulement qu’au Mogol on les fait com- battre contre les lions et les tigres, quoiqu ils. HE puissent g cuère se servir de leurs cornes. Ces animaux sont très-nombreux dans tous les climats chauds, sur-tout dans les contrées _ marécageuses et voisines des fleuves. L’eauou - l'humidité du terrain paroissent leur être encore plus nécessaires que la chaleur du cli- mat?, et c’est par cette raison que l’on n’en trouve point en Arabie, dont presque toutes les terres sont arides. On chasse les buffles sauvages , mais avec grande précaution; car . ils sont très- dangereux etviennent à l'homme dès qu’ils sont blessés. Niébuhr rapporte, au sujet des buffles domestiques, « que dans « quelques endroits, comme à Basra ; on a « l’usage, lorsqu'on trait la femelle du buffle, « de lui fourrer la main jusqu’ au coude dans 1 Tome V, page 24e 2 J'ai dit ailleurs que les buffles réussiroient en France. On vient de tenter de les faire me: dans le Brandebourg, près de Berlin. Lé \ DU BŒUF, ete. 145 « la vülve , parce que l’expérience a appris « que cela leur faisoit donner plus de lait» ; ce qui ne paroiît pas probable : mais il se pourroit que la femelle du bufile fit, comme quelques unes de nos vaches, des efforts pour , retenir son lait , et que cette espèce d’ ’opéra— tion douce relâchât la contraction de ses mamelles. Dans les terres du cap de Bonne-Espérance, - le buffle est de la grandeur du bœuf pour le corps ; mais:il a les jambes plus courtes , la tête plus large : ïl est fort redouté. Il se tient souvent à la lisière des bois; et comme il a la vue mauvaise, il y reste la tête baissée pour pouvoir mieux distinguer les objets entre les pieds des arbres; et lorsqu'il apper-. çoit à sa portée quelque chose qui l’inquiète, il s’élance dessus en poussant des mugisse- meus affreux, et il est fort difficile d’échap- per à sa fureur; ilest moins à craindre dans la plaine. Il a le poil roux et noir en quel- ques endroits. On en voit de nombreux trou peaux. | Qusdrupides. VIII. | | DES BŒUFS. Js dois ici rectifier une erreur que j'ai faite au sujet de l’accroissement des cornes ‘des bœufs , vaches et taureaux. On m’avoitassuré, et j'ai dit (tome I, page 179), qu'elles tombent à l’âge de trois ans, et qu’elles sont rempla- cées par d’autres cornes qui, comme les secondes dents, ne tombent plus. Ce fait n’est vrai qu’en partie ; il est fondé sur une mé- prise dont M. Forster a recherché l’origine. Voici ce qu’il a bien voulu m'en écrire. : «A Tâge de trois ans, dit-il ,;une lime très-mince se sépare de la corne; céttélame , qui n’a pas plus d'épaisseur qu’une feuille de bon papier commun, se gerce dans toutesalon: gueur, et,au moindre frottement, elle tombe ; mais la corne subsiste, ne tombé pas:en en- tier, et n’est pas remplacée paruneautre: c'est une simple exfoliation, d’où se forme cette espèce de bourrelet qui se trouve depuis l’âge de trois ans au bas des cornes des taureaux, 4 HISTOIRE NATURELLE. 147. des bœufs et des vaches, et, chaque année sui- vante, un nouveau bourrelet est formé par l'accroissement et l’addition d’une nouvelle lame conique de corne, formée dans l’inté- rieur de la corne immediatement sur l'os qu’elle enveloppe, et qui pousse le cône corué de trois ans un peu plus avant. Il semble donc que la lame mince , exfoliée au bout de troisans, formoit l’attache de la corne à l'os frontal, et que la production d’une nou- velle lame intérieure force la lameextérieure, qui s’ouvre par une fissure longitudinale et tombe au premier frottement. Le premier bourrelet formé, les laimes intérieures suivent d'année en année, et poussent la corne trien- nale plus avant, et le bourrelet se détache de même par le frottement; car on observe que ces animaux aiment à frotter leurs cornes contre les arbres ou contre les bois dans l’é- table : 1l y a même des gens assez soigneux de leur bétail pour planter quelques poteaux dans leur pâturage, afin queles bœufs et les vaches puissent y frotter leurs cornes; sans cette précaution, ils prétendent avoir remar- qué que ces animaux se battent entre eux par les cornes, et cela parce que la déman- 148 HISTOIRE NATURELLE. geaison qu ils y éprouvent, les Aorecli à cher. cherles moyens de la faire cesser. Ce poteau sert aussi à ôter les vieux poils, qui, poussés par les nouveaux, causent des HARAREtME sons à la peau de ces animaux. » Ainsi les cornes du nn et ne tombent jamais en entier que par acci- dent, etquand le bœuf se heurteavec violence contre quelque corps dur ; et lorsque cela arrive, il ne reste qu'un petit moignon qui est fort sensible pendant plusieurs jours; et quoiqu'il se durcisse, ilne prend jamais d'ac- : croissement , et l'animal est écorné pour toute la vie. \ = CL CZ POP) j 149 41 AU PE 9 ES Êr 1 1 Luque EL Das 2 9: Î Paques 14 Î d” LE NT ANR \ reg 17 Ve X DELAUROCEHS, ET E | DU BISON. VE. Forster m'a informé que la race des au- rochs ne se trouve actuellement qu’en Mos- covie, et que les aurochs qui étoient en Prusse et sur les confins de la Lithuanie, ont péri pendant la dernière guerre ; mais il assure que les bisons sont encore communs dans la + Moldavie. Le prince Démétrius Cantemir en parle dans sa Description de la Moldasie (partie I, chap. VII). «Sur les montagnes occidentales de la Moldavie, on trouve, dit- il, un animal que l’on appelle z;7br, et qui ést indigène dans cetie contrée : il est de la grandeur d'un bœuf commun; mais il a la tête plus petite, le cou plus long, le ventre moins replet et les jambes plus longues : ses cornes sont minces , droites, dirigées en haut, | 15 : LT de 150 HISTOIRE NATURELLE et leurs extrémités, qui sont assez pointues ; ne sont que très-peu tournées en dehors. Cet animal est d'un naturel farouche : 1l est très- léger à la course;1l gravit, commeles chèvres, sur les rochers escarpés, et on ne peut l’at- traper qu'en le tuant ou le blessant avec les armes à feu. C’est l'animal dont la tête fut mise dans les armes de la Moldavie, par Pra- gosh, le premier prince du pays ». Et comme le bison s'appelle en polonois, zurb, quin'est pas éloigné de zirbr, on peut croire que c’est le même animal que le bison ; car le prince Cantemir le distingue nettement du buffle, en disant que ce dernier arrive quelquefois . sur les rives du Niester, et n’est pas naturel à ce climat, tandis qu’il assure que le zëmbr se trouve dans les hautes montagnes de la partie occidentale de la Moldavie, ou ille dit indigène. | Quoique les bœufs d'Europe, les bisons d'Amérique , et les bœufs! à bosse de l'Asie, ne diffèrent pas assez les uns des autres pour en faire des-espèces:séparées,, puisqu'ils pro- duisent ensemble, cependant.,on doit les con- sidérer comme des races distinctes qui con— servent leurs caractères; à moins qu’ellesne PAIPÉ L'AUROË HS. 15£ se mélent , et que, par ce mélange, ces ca— ractères distinctifs ne s’effacent dans la suite des générations. Par exemple, tous les bœufs de Sicile , qui sont certainement de la même espèce que ceux de France, ne laissent pas d'en différer constamment par la forme des cornes, qui sont très-remarquab}l es par leur longueur et par la régularité de leur figure. Ces cornes n’ont qu'une légère courbure, et leur longueur ordinaire, mesurée en ligne droite, est ordinairement de trois piéds y eE quelquefois de trois pieds et demri; elles sont toutes très-régulièrement contouruées, et d'une forme absolument semblable, en sorte ‘que tous les bœufs de cette île se ressemblent autant entre eux par ce caractère qu'ils différent en cela des autres bœufs de l'Eu- rope. | ® De même la race du bison a en Amérique une variété constante. Nous donnons ici la figure (planche 5) d'une tète qui nous a été communiquée par nu savant de l’upi- versite d'Édimbourg , M. Magwan, sous le nom de fée de bœuf musqué; et c’est en. cffet le même animal qui a été décrit par le P° Charlevoix (tome HI, page 132). On = « L 152 HISTOIRE NATURELLE | voit, par la grandeur et la position des cornes de ce bœuf ou bison musqué, qu'il diffère par ce caractère du bison dont nous avons donné la figure dans ce volume, et dont les cornes sont très-différentes. Celui-ci a été trouvé à la latitude de 70 degrés, près de la baie de Baffin. Sa laine est beaucoup plus longue et plus touffue que celle des bisons qui habitent des contrées plus tempérées ; il est gros comme un bœuf d'Eu- rope de moyenne taille ; Le poil, ou plutôt la laine sous le cou et le ventre, descend jus- qu'à terre : 1] se nourrit de mousse blanche ou lichen, comme le renne. | Les deux cornes de ce bison musqué se réumissent à leur base, ou plutôtn'ontqu'une origine commune au sommet de la tête, qui est longue de deux pieds quatre pouces et demi, en la mesurant depuis le:bout du nez jusqu’à ce point où les deux cornes sont, jointes ; l’intervalle entre leur extrémité est de deux pieds cinq pouces et. demi :, la tête est si large, que la distance du centre d’un œil à l'autre est d’un pied quatre pouces du pied françois. Nous renvoyons, pour le reste. de la … description de, cet animal, à celle qui a-été: DE L’AUROCHS. 153 donnée par le P. Charlevoix. M. Magwan nous a assuré .que. cette description de Charlevoix ,convenoit parfaitement à cet animal. J'ai dit, page 137 de ce volume, que m'é-- tant informe s’il subsistoit encore des bisons en Écosse, on m’avoit répondu qu’on n'en avoit point de mémoire. M. Forster m’écrit à ce sujet que je n’ai pas été pleinement in- formé. « La race des bisons blancs, dit-il, subsiste encore en Écosse , où les seisneurs, et particulièrement le duc de Hamilton , le duc de Queenbury, et, parmi lespairs anglois, le comte de Tankarville, ont conservé dans leurs parcs de Chatelherault et de Drum- lasrrig en Écosse, et de Chillingham dans le comté de Northumberland en Angleterre, cette race de bisons sauvages. Ces animaux tiennent encore de leurs ancètres par leur férocité et leur naturel sauvage : au moindre bruit ils prennent la fuite , et courent avec une vitesse étonnante; et lorsqu'on veut sen procurer quelques uns, on est obligé de Jes tuer à coups de fusil:mais cette chasse ne se fait pas toujours sans danger; car si ] 154 HISTOIRE NATURELLE orne fait que blesser l'animal, bien loin de prendre la fuite, il court sur les chasseurs, et les perceroit de ses cornes, s'ils netrouvoient | pas les moyens de l’éviter ; soit en montant ‘sur un arbre, soit en se sauvant dans quel- qu es Maisons. Quoique ces bisons aiment la sobiride , ils s’approchent cependant des habitations lors- que la faim et la disette, en hiver, Les forcent \à venir prendre le foin qu’on leur fournit sous des hangars. Ces bisons sauvages ne se mêlent jamais avec l'espèce de nos bœufs ; ils sont blancs sur le corps, et ont le museau et les oreilles noires; leur grandeur est celle d’un bœuf commun de moyenne taille, mais ils ont les jambes plus longues et les cornes plus belles ; les mâles pèsent environ cinq cent trente livres , et les femelles environ quatre cents ; leur cuir est meilleur que celui du bœuf commun. Mais ce qu'il y a de sin- gulier , c’est que ces bisons ont perdu, par . Ja durée de leur domesticité , les longs poils qu'ils portoient autrefois. Boëtius dit : Gz- gnere solet ea silva boves candidissimos, ir formam leonis jubam habentes, etc.(Descript. ‘4 £ 5 Le , FX À | L { URUE er Er UE O:C HS. 159 regni Scotiæ, fo. xj). Or, à présent, ils n’ont plus cette jube ou crinière de longs poils, et sont par-là devenus différens de tous les bisons qui nous sont connus... Loi DU: ECM J'ar recu , au sujet de cet animal , de trés- bonnes informations de la part de monsignor Caëtani, de Rome; cet-illustre prélat ÿ à joint une critique très-honnète et très-judi- cieuse de quelques méprises qui m'étoient échappées , ét dont je m’empresse de lui témoigner toute ma reconnoissance, en met- tant sous les yeux du public ses savantes … es ES qui répandront plus de lumières | que je n’avois pu le faire sur l’ histoire natu- relle de cet animal utile. 9 J'ai dit * que, « quoique le buffle soif «aujourd'hui commun en Grèce et domes- «tique en Italie, il n'étoit connu ni des « Grecs, n1 des Romains, et qu’il n’a jamais « eu de nom dans la langue de ces peuples ; «que le mot même de ézfle indique une. «origine étrangère, et n’a de racine ni dans « la langue grecque, ni dans Ja latine. .... + * Tome V, page 24. HOT Et HISTOIRE NATURELLE. 157 : « que c’est mal-à-propos que les modernes « lui ont appliqué le nom de bzbalus, qui, « en grec et en latin , indique, à la vérité, un | «animal d'Afrique, mais très-différent du « buffle, comme il est aisé de le démontrer « par les passages des auteurs anciens ; qu’en- « fin, si l'on vouloit rapporter le bubalus à «un genre , 1l appartiendroit plutôt à celui « des chèvres ou gazelles qu’à celui du bœuf « ou du buffle. » | Monsignor Caëtani observ: «que Robert Etienne, dans le Thesaurus linguæ latinæ , fait mention de deux mots qui viennent du grec, par lesquels on voit que les bœufs , sous le genre desquels les buffles sont com- pris, étoient nommés d'un nom presque semblable au nom italien bzfalo : Bupharus dicitur terra quæ arari facilé potest ; nam pharos aratio est , sed et bovis epitheton. Le même Étienne dit que le mot bvpharus étoit l’épithète que l’on donnoit à Hercule, parce qu’il mangeoit des bœufs entiers. Tout le monde connoît la célèbre fête des Athéniens, appelée buphonia, qui se célébroit après les mystères en immolant un bœuf, dont le sacrifice mettoit tellement fin à tout car- 34 158 HISTOIRE NATURELLE nage, que l’on condamnoit jusqu’au couteau qui avoit donné la mort au bœuf immolé. Personne n’ignore que les Grecs changéoient la lettre z en /, comme le mot grec 2abu en labu. Hérodote se sert du mot /abunisus, que Bérose dit zabunisus, comme nous l’ensei- guent Scaliger, De emendatione temporum, cap. VT, et les fragmens de Bérose. De même la parole grecque z#77eymon se changeoit en mleymon ; on peut consulter là-dessus Pitis- cus, Lexicon, litt. N: d’où il faut conclure que le mot buphonia pouvoit s’écrire et se prononcer en grec bpholia. Pitiscus, Lexi- con antiquit. Rom. lit. L, dit: «Les Romains « employèrent souvent la lettre Z en place de « l’r, à cause de la plus douce prononciation « de la dernière, d’où Calpurnius, au vers 39 « desa première églogue,mei /axineaau lieu « de fraxinea »; et il est très-vraisemblable qu'il s’est autorisé, pour cé changement, sur d'anciens manuscrits. Le même Pitiscus dit encore que Bochart, dans sa Géographie, rassemble une grande quantité d'exemples de ce changement de 7 en Z. Enfin Morért, dans son Dictionnaire, lettre À, dit clairement que la lettre r se change en /, comme capella de se | DU BUFFLE. 159 caper. D’après toutes ces autorités, il est dif- ficile de ne pas croire que le mot bupharus ne soit le même que bvphalus ; d’où il suit que ce mot a une racine dans la langue grecque. Quant aux Latins, on voit dans Scaliger , De causis linguæ latinæ, qu'il fut un temps où , au lieu de la lettre f, on écrivoit et ox prononçoit b , comme bruges pour fruges ; on trouve aussi dans Cicéron, frezo qui vient du grec bremo ; et enfin Nonius Mar- cellus, De doctorum indagine, met siphilum pour sibilum.:Ce n’est donc pas sans raison que les Laätins ont pu nommer cet animal bubalus, et qu'Aldrovande en a fait buffelus, et les Italiens bzfalo. La langue italienne est pleine de mots latins corrompus ; elle a sou- vent changé en fle 6 latin : c’est ainsi qu'elle a fait 6g/olco de bibulcus ; tartufo de tubera. Donc bzfalo vient de bubalus ; et, comme il a été démontré ci-dessus , duphalus n’est autre chose que le bwpharus ; ée qui prouve la racine du nom wfle dans les langues grecque et Jatine. » Monsignor Caëtani montre sans doute ici — »“ AI TRES 160 HISTOIRE NATURELLE la plus belle érudition ; cependant nous de= vons observer qu'il prouve beaucoup mieux la possibilité de dériver le nom de #y/fe de quelques mots des langues grecque et latine, qu'il ne prouve que réellement ce nom ait été en usage chez les Latins ou les Grecs; le mot bupharos signilie proprement un champ labourable, et n’a pas de rapport plus décidé au buffle qu’au bœuf commun. Quant à l’é- pithète de 772ange-bœuf donnée à Hercule, on doit l’écrire &wphagus , et non pas bu- plarus. Sur ce que j'ai dit, « que le buffle, natif « des pays les plus chauds de l'Afrique et des « Indes , ne fut transporté et naturalisé en « Italie que vers le septième siècle », Monsi- gnor Caëtani observe « que.la nature mème de cet animal donne le droit de douter qu’ik puisse être originaire de l'Afrique , pays chaud et aride qui ne convient point au bufle ,puisqu’il se plaît singulièrement dans les marais et dans l’eau, où il se plonge vo- lontiers pour se rafraîchir ; ressource qu’il trouveroit difficilement en Afrique. Cette considération ne tire-t-elle pas une nouvelle force de l’aveu que fait M, de Buffon lui- DU BUFFLE. N 26€ même à l’article du chameau, qu'il n’y a point de bœufs en Arabie , à cause de la sé- cheresse du pays , d'autant plus que le bœuf ne paroît pas aussi amant de l’eau que le. buffle? Les marais pontins et les maremmes de Sienne sont , en Italie, les lieux les plus favorables à ces animaux. Les marais pon- tins sur-tout paroissent avoir été presque toujours la demeure des buffles; ce terrain humide et marécageux paroît leur être telle- ment propre et naturel, que de tout temps le gouvernement a cru devoir leur en assu- xer la jouissance. En conséquence, les papes, de temps immemorial , ont fixé et déterminé une partie de ces terrains qu’ils ont affectés uniquement à la nourriture des buffles ; j'en parle d'autant plus savamment, que ma fa- mille, propriétaire desdits terrains , a tou- jours été obligée, et l’est encore aujour- d’'hui, par des bulles des papes, à les con- server uniquement pour la nourriture des buffles , sans pouvoir les ensemencer. » ILest très-certain que, de toute l'Italie, les marais pontins sont les cantons les plus propres aux buffles ; mais il me semble que | | | Dir AE RC RS À 2 CRT AIROEIPETEONS ! Lust "Ape OT ES MAN OUIER gr 162 HISTOIRE NATURELLE … Monsignor Caëtani raisonne un peutrop rigoureusement, quand 1l en infère que l'A- frique ne peut être le pays de l’origine de ces animaux , Comme aimant trop l’eau et les ‘marécages pour être naturels à un climat si chaud, parce qu'on prouveroit, par le mème argument , que l’hippopotame ou le rhino- céros n’appartiennent point à l'Afrique. C’est encore trop étendre la conséquence de ce que j'ai dit, qu'il n’y a point de bœufs ni de buffles en Arabie, à raison de la séchéresse du pays et du défaut d’eau , que d’en conclure la mème chose pour l'Afrique ; comme si toutes les contrées de l’Afrique étoient des Arabies , et comme si les rives profondé- ment humectées du Nil, du Zaïre, de la Gambra, comme si l'antique Palus Trito- nides n’étoient pas des lieux humides, et tout aussi propres aux buffles que le petit canton engorgé des marais pontins. « En respectant la réfutation que M. de Buffon fait de Belon , ou ne conçoit pas pour- quoi il soutient impossible la perfection de l'espèce du buffle en Italie. M. de Buffon sait mieux que personne, que presque tous les h \ ) : DU BUFFLE. 163 animaux éprouvent des changemens dans leur organisation, en changeant de climat, soit en bien, soit en mal, et cela peu ou beaucoup. La gibbe ou bosse est extrêmement commune enArabie ; la rachétide est une maladie presque universelle pour les bêtes dans ces climats ; le chameau , le droma- daire, le rhinocéros , et l’éléphant lui-même, en sont souvent attaques... Quoique M. de Buffon, dans son article du buffle, ne fasse point mention de l'odeur de musc de ces animaux, il n’en est pas moins vrai que cette odeur forte est uaturelle et particulière aux buffles. J'ai même formé le projet de tirer le musc des excrémens du buffle, à peu près comme en Égypte on fait’ le sel ammoniac avec l'urine et les excré- mens du chameau *. L'exécution de ce pro- jet me sera facile , parce que , comme je l’ai dit plus haut, les pâturages des bufiles, dans V'État ecclésiastique, sont dans les fiefs de ma famille... * On tire le sel ammoniac, par la combustion du fumier de chameau, de la suie que cette com- büstion produit ; et ce n’est assurément pas par les mêmes moyens que l’on pourroit extrairc-la partie odoranie et musquée des excrémens du hujlle. ÿ R + # | fr do 164 HISTOIRE NATURELLE J’observe encore , au sujet des bœufs intel ligens des Hottentots , dont parle M. de L Buffon, que cet instinct particulier est une analogie avec les buffles qui sont dans les marais pontins, dont la mémoire passe pour une chose unique... Au reste, on ne peut qu'être fort étonné de voir qu'un animal aussi intéressant et très-utile n’ait jamais été peint ni gravé , tandis que Salvator Rosa et Etienne Bella nous ont laissé des peintures et gravures de différens animaux d'Italie. IL étoit sans doute réservé au célèbre restaurateur de l’histoire naturelle , de l'enrichir le premier de Ia gravure de cet animal , encore très-peu connu. » Dans un supplément à ces premières ré- Îlexions , que m'avoit envoyé M. Caëtani, il ajoute de nouvelles preuves ou du moins d’autres conjectures sur l'ancienneté des buffles en Italie , et sur la connoissance qu'en avoient les Latins , les Grecs, et même les Juifs: quoique ces détails d’érudition n’aient pas tin rapport immédiat avec l’histoire na— turelle , ils peuvent y répandre quelque. j. “DU BUFFLE 165 lumière; et c’est dans cetle vue, autant que . dans celle d’en marquer ma reconnoissance à l’auteur, que je crois devoir les publier ici par extrait. \ X «Je crois, dit M. Caëtani , avoir prouvé, par les réflexions précédentes, que le buflle étoit connu des Grecs et des Latins, et que son nom a racine dans ces deux langues *. Quant à la latine, j'invoque encore en ma faveur l'autorité de Du Cange, qui, dans son Glossaire, dit au mot bubalus : Bubalus, bufalus, buflus. cite-ce vers du septième livre du quatrième poème de Venance, évêque de Poitiers, célèbre poète du cin- quième siécle : | C4 ; \ Seu validi bufahi fenit inter cornua campum. , Pour le mot bus, il est tiré de Æ/bertus Aquensis , lib. II, cap. 43; de Jule Scaliger, * M. Caëtani a bien prouvé que le om de Buffle peut avoir sa racine dans les deux langues, mais non pas que ce même nom ait élé d’usage chez les Grecs et les Romains, ni par conséquent que le buffle en ait été connu. Exercilaf. 206, n° 3, et de Lindenbro- gius, ad Ammiani lib. XXII, etc. comme on peut le voir dans Du Cange. Il est bien vrai que le cinquième siècle n’est pas celui de la belle latinité; cependant , comme il ne s’agit pas ici de la pureté et de l'élégance de la langue, mais d'un point seulement gram- matical, 1l ne s'ensuit pas moins que cet exemple indique un grand rapport du bba- Zus des Latins , du bufalo des Italiens, et du . buffle des François. Cette relation est encore prouvée d’une manière plus formelle par un passage de Pline au sujet de l’usage des Juifs de manger du chou avec la chair du bufile. Une dernière observation sur la langue grecque , c’est que le texte le plus précis en faveur du sentiment de M. de Buffon est certainement celui de Bochart, qui, dans son Æierozoicon, parte TI, lib. IIT , cap. 22, dit, vocemn grœcam bubalon esse capræ spe- ciern ; mais 1l est évident que cette autorité est la même que celle d’Aristote, aussi- bien que d'Aldrovande et de Jonston, qui ont dit la même chose d’après ce philo- sophe. 1 | BUIBUF EL: 11. 167 Au reste, il est facile de démontrer que la connoissance du buffle remonte encore à une époque bien plus éloignée. Les interprètes et les commentateurs hébreux s'accordent tous à dire qu'il en est fait mention dans le Perz- fateuque mème. Selon eux, le mot 7achmur signifie buffle. Les Septante, dans le Deuté- ronome, donnent la même interprétation en traduisant jackmurpar bubalus; et, de plus, la tradition constante des Hébreux a toujours été que le jachmur étoit le buffle : on peut voir sur cela la version italienne de la Bible par Deodati , et celle d'Antoine Brucioli, qui a précédé Deodati.... Une autre preuve que les Juifs ont connu de tout temps le buffle , c’est qu'au premier livre des Æois, chap, IV, v. 22 et 23 , il est dit qu’on en servoit sur :la table de Salomon ; et en effet c’étoit une des viandes ordonnées par la lé- sislation des Juifs, et cet usage subsiste encore aujourd'hui parmi eux... Les Juifs, comme le dit fort bien M. de Buffon , sont les seuls a Rome qui tuent le buffie dans leurs boucheries ; mais il est à remarquer qu'ils ne lé mangent guère qu'avec l’assaisonnement des choux , et sur-tout le premier jour de 168 HISTOIRE NATURELLE Li leur année, qui tombe toujours en septembre WTA E 14 # i ou octobre, fête qui leur est ordonnée at chapitre 12 de l'ÆZvode , verset 14... Pline l’a dit expressément : Carnes bubulas ad- diti caules magno ligni compendio perco= quunt (liv. XXII, chap. 7). Ce texte est. formel , et, en le rapprochant de l’usage constant et perpétuel des Juifs, on ne peut pas douter que Pline n'ait voulu parler du buffle..…. Cet usage des Juifs de Rome est ici du plus grand poids, parce que leurs familles, dans cette capitale ,-sont incontestablement les plus anciennes de toutes. les familles romaines ; depuis Titus jusqu’à présent, ils n'ont jamais quitté Rome, et leur Gerra est encore aujourd’hui le même quartier que Juvénal dit qu’ils habitoient anciennementz _ Ils ont conservé précieusement toutes leurs coutumes et usages; et quant à celle d’assai- sonner la viande du buffle avec les choux, la raison y a peut-être autant de part que la superstition : le chou, en hébreu , s'appelle cherub, expression qui signifie aussi z2u/ti- plication. Ce double sens leur ayant fait imaginer que le chou étoit favorable à la multiplication , ils ont affecté ce légume à L PU BUrELE 19 leur premier repas annuel, comme étant un bon augure pour croître et multiplier, selon le passage de la Genèse *. Outre les preuves littérales de l'ancienneté | de la connoissance du buffle, on peut encore la constater par des monumens authentiques. IL est vrai que ces monumens sont rares: mais leur rareté vient sans doute du mépris que les Grecs avoient pour les superstitions ésyptiennes , comme nous l'enseigne Héro- dote ; mépris qui ne permit pas aux artistes grecs de s'occuper d'un dieu aussi laid et aussi vil à leurs yeux que l’étoit un bœuf ou un bufile..….. Les Latins, serviles imita- teurs des Grecs, ne trouvant point de mo- dèles de cet animal , le négligèrent également, en sorte que les monumens qui portent * Nous ne contesterons pas à M. Caërani que le mot hébreu cherub ne signifie un chou ; mais comme on sait d’ailleurs que le mot cherub signifie un bœuf, que, de plus, nous avons traduit ce même moL cherub par chérubin, 1l paroîtroit assez sin- guler de trouver dans un même mot un chou, un bœuf et un ange, si l’on ne savoit que la langue hébraïque est si peu abondante en termes distint- tifs, que le même terme désigne très-souvent des choses toutes différentes. [nd 19 \ 170 , HISTOIRE NATURE LLE l empreinte de cet ne , Sont trés-rares.… Mais leur petit nombre suffit pour constater son ancienne existence dans ces contrées. Je possède moi-même une tête antique de buffle , qui a été trouvée dernièrement dans une fouille à la maison de plaisance de l’em- pereur Adrien à Tivoli. Cette tête est un morceau d'autant plus précieux, qu'il est unique dans Rome, et fait d’ailleurs par main de maitre. Il est très-vrai qu'on ne. connoit aucun autre morceau antique qui représente le buffle , ni aucune médaille qui en offre la figure, quoiqu'il y en ait beaucoup qui portent HAS animaux... M. de Buffon objectera peut-être que ce morceau de sculpture aura été fait sans doute sur un buffle d'Égypte, ou de quelque autre pays, et non à Rome ni en Italie. Mais en supposant ce fait, dont il est presque impos- sible de fournir une preuve ni pour ni contre , 11 n’en résultera pas moins que les Romains n’ont pas pu placer la tête du bufile dans une superbe maison de plaisance d’empereur sans lui avoir donné un nom, ef que par conséquent ils en ayoient con- noissance. MAO TBUrÉLDE T0 La tête dont il s’agit est si parfaitement régulière, qu'elle paroît avoir été moulée sur une tête naturelle du buffle, de la ma- nière que l’histoire rapporte que les Égyp- tiens mouloient leurs statues sur les cadavres mêmes. | _ Au reste, je soumets encore ces nouvelles observations aux lumières supérieures de M. de Buffon. Je n’ose pas me flatter que chacune de mes preuves soit décisive : mais je pense que toutes ensemble établissent que le buffle étoit connu des anciens ; proposition contraire à celle de l’illustre naturaliste, que je n'ai pas craint de combattre ici. J'at- iends de son indulgence le pardon de ma témérité, et la permission de mettre sous ses yeux quelques particularités du buffle, dont il n’a peut-être pas connoïissance , et qui ne sauroient être indifférentes pour un phi- losophe comme lui, qui a consacré sa vie à admirer et publier les merveilles de la Nature. | L’aversion du buffle pour la couleur rouge est générale dans tous les bufiles de l'Italie, sans exception; ce qui paroît indiquer que ces animaux ont les nerfs optiques plus 17: HISTOIRE NATURELLE délicats que les quadrupèdes connus. La foi= blesse de la vue du buffle vient à l'appui de cette conjecture. En effet , cet animal paroît souffrir impatiemment la lumière : il voit mieux la nuit que le jour, et sa vueest telle- ment courte et confuse, que si, dans sa fureur, il poursuit un homme , il suffit de se jeter à terre pour n’en être pas rencon- tré ; car le buflle le cherche des yeux de tous côtés, sans s’apperceyoir qu'il en est tout voisin... 0 Les buffles ont une mémoire qui surpasse celle de beaucoup d’autres animaux. Rien n’est si commun que de les voir retourner seuls et d'eux-mêmes à leurs troupeaux , quoique d’une distance de quarante ou cin- quante milles, comme de Rome aux marais pontins. Les gardiens des jeunes buffles leur donnent à chacun un nom, et, pour leur apprendre à connoitre ce nom , ils le répètent souvent d’une manière qui tient du chant, en les caressant en même temps sous le men- ton. Ces jeunes buffles s’instruisent ainsi en peu de temps , et n’oublient jamais ce nom, auquel ils répondent exactement en s’arré- tant, quoiqu'ils se trouvent mêlés parmi # 4 f' R ne CTOU BUEFFLE 173 un troupeau de deux ou trois mille bufiles. L'habitude du buffle d'entendre ce nom ca- dencé est telle, que; sans cette espèce de chant , il ne se laisse point approcher étant grand , sur-tout la femelle pour se laisser traire * ; et sa férocité naturelle ne lui per- mettant pas de se prêter à cette extraction artificielle de son lait, le gardien qui veut traire la buffle , est oblige de tenir son petie auprès d’elle , ‘ou, s’il est mort, de la trom- per en couvrant de sa peau un autre pelié - buffle quelconque ; sans cette précaution, “qui prouve, d'un côté, la:stupidité de la buffle , et, de l’autre ,. la finesse de son odo- rat , il est impossible de la traire. Si donc la buffle refuse son lait, même à un autre ni * Voyez ce que j'ai dit dans ce volume, page 149, de cette répugnance de la femelle buffle à se laisser traire, et sur le moyen singulier qu'on à imaginé pour la vaincre, qui est de lui mettre Ja main et le bras dans la vulve pendant tout le temps. de lextraction du lait. Cette pratique, du cap de Bonne-Espérance, n est pas RÉAL LEE ’à Rome. D ailleurs, comme ce volume n’a PES qu’en 17-6, il paroït que M. Caëtani n’a pas été informé de ce fait, qui peut-être même n’est pas Lrès-cerlain. 15 A | LA NA ct 4,2 RENAN AE nuits FUN La: +1} x } DR k #7# HISTOIRE NATURELLE. Da bufle que le sien , il n’est pas étonnant qu’elle ne se laisse point téter par Le veau ; comme le remarque très-bien M. de Buffon: Cette circonstance de l'espèce de chant , nécessaire pour pouvoir traire la buffle femelle , rappelle ce que dit le moine Bacon dans ses observations ( 7’oyage en Asie par Bergeron, tome Il), qu'après Moal et les Tartares vers l’orient, «il y a des vaches « qui ne pérmettent pas qu'on les traie , à « moins qu'on ne chante » ; il ajoute ensuite «que la couleur rouge 1 rend furieuses ) «au point qu'on risque de perdre la vie, si «l’on. se trouveautour d’elles ». Il est indubi- iable que ces vaches ne sont autre chose que des buffles ; ce qui prouve encore que cet animal n’est pas exclusivement des climats chauds. La couleur noire et le goût. és a le de la chair de buffle donneroient lieu de croire que le lait participe de ces mauvaises qua- lies; mais , au contraire , il ést fort bon : | conservant seulement un petit goût 1m usqué qui tient de celui de la noix muscade, On en fait du beurre excellent : ; ila une saveur.et une blancheur- supérieures à celui de la “4 DU BUFFLE. FN 2m9 vache : cependant on n’en fait point dans la campagne de Rome, parce qu'il est trop dispendieux ; mais on y fait une grande consommation du lait préparé d’autres ma- nières. Ce qu'on appelle communément œufs de buffle, sont des espèces de petits fromages auxquels on donne la forme d'œufs, qui sont d’un manger très-délicat. Il y a une autre espèce de fromage que les Italiens. nomment prosatura , qui est aussi fait de lait de buffle ; il est d’une qualité inférieure au premier : le menu peuple en fait grand usage , et les gardiens des buffles ne vivent presque qu'avec le laitage de ces animaux. Le buffle est très-ardent en amour : il com- bat avec fureur pour la femelle; et quand la victoire la lui a assurée , il cherche à en jouir à Vécart. La femelle ne met bas qu’au prin- temps, et une seule fois l’année; elle a quatre mamelles, et néanmoins ne produit qu’un seul petit; ou si par hasard eile en fait deux, sa mort est presque toujours la suite de cette fécondité. Elle produit deux années de suite, ét'sé repose la troisième, pendant laquelle elle: demeure stérile , quoiqu’elle recoive le mâle. Sa fécondité commence à l’âge de e LAN 176 HI STOIRE NATURELLE. quatre ans, et finit à douze. Quand elle entre en chaleur, elle appelle le mâle par un mu- gissement particulier, et le recoit étant arré- tée, au lieu que la vache Le reçoit quelquefois en marchant. Quoique le buffle naïisse et soit élevé en troupeau, il conserve cependant sa férocite naturelle , en sorte qu’on ne peut s’en servir à rien, tant qu'il n’est pas domté. On com- mence par marquer, à l’âge de quatre ans , ces animaux avec un fer chaud, afin de pou- voirdistinguer les buffles d’un troupeau de ceux d’un autre... La marque est suivie de la castration, qui se fait à l’âge de quatre ans, non par compression des testicules , mais par incision et amputation. Cette opération paroïit nécessaire pour diminuer l’ardeur vio- lente et furieuse que le buffle montre aux combats , et en même temps le disposer à recevair le joug pour les différens usages aux- quels on veut l’employer.…... Peu de temps après la castration, on leur passe un anneau de fer dans les narines..….. Mais la force et la férocité du buffle exigent beaucoup d’art pour parvenir à lui passer cetanneau. Après l’avoir fait tomber au moyen d’une corde que l’on jee mn AE L IE \ 3 DU BUFFLE:. 177 entrelace dans ses jambes , les hommes des- tinés à cela se jettent sur lui pour lui lier les quatre pieds ensemble, et lui passent dans les narines l'anneau de fer; ils lui délient ensuite les pieds, et l’abandonnent à lui- même : le buffle furieux court de côté et d'autre, et, en heurtant tout ce qu'il ren—, Contre, cherche à se débarrasser de cet an— heau ; mais avec le temps il s’accoutume insensiblement , et l'habitude autant que la douleur l’amènent à l’obeissance; on le conduit avec une corde que l’on attache à cet anneau, qui tombe de lui-même par la suite, au moyen de l'effort contiuuel des conduc- teurs en tirant la corde : mais alors l’an- neau est devenu inutile ; car l'animal , déja vieux , ne se refuse plus à son devoir... « Le buffle paroit encore plus propre que le taureau à ces chasses dont on fait des diver- tissemens publics, sur-tout en Espagne. Aussi les seigneurs d’ftalie qui tiennent des buffles dans leurs terres, n’y emploient que ces animaux... La férocité naturelle du buffle s’augmente lorsqu'elle est excitée, et rend cette chasse très-intéressante pour les spectateurs. En effet, le buffle poursuit _ ge did ALU En 178. HISTOIRE, NATURELLE l'homme avec acharnement jusque dans les maisons, dont il monte les escaliers avec uné facilité particulière; il se présente même aux fenêtres , d’où il saute dans l’arène, fran-. chissant encore les murs, lorsque les cris redoubles du peuple sont parvenus à le rendre furieux. | J'ai souvent eté témoïn de ces chasses, qui se font dans les fiefs de ma famille. Les femmes mème ont le courage de se présenter dans l’arène ; je me souviens d’en avoir vu un exemple dans ma mère. La fatigue et la fureur du bufile, dans ces sortes de chasses, le fait suer beaucoup ; sa sueur abonde d’un sel extrèmement âcre et pénétrant , et ce sel paroît nécessaire pour dissoudre la crasse dont sa peau est presque toujours couverte... Le buffle est, comme l’on sait , un animal ruminant, et, la rumination étant très- favorable à la digestion, il s'ensuit que le buffle n’est point sujet à faire des vents. L'observation en avoit déja été faite par Aristote, dans lequel on lit: Nullum cornu- tum animal pedere… . Le terme de la vie de buffle est à peu près —— à HU BURELE)l : 1% Je même que celui de la vie du bœuf, c’est-à- dire, à dix-huit ans, quoiqu'il y en ait qui vivent vingt-cinq ans; les dents lui tombent assez communément quelque temps avan de mourir. En Italie, ilest rare qu’on leur laisse terminer leur carrière ; après l’âge de douze ans, on est dans l’usage de les engrais- ser, et de les vendre ensuite aux Juifs de Rome : quelques habitans de la campagne, | forces par la misère, s’en nourrissent aussi. Dans la terre de Labour du royaume de Naples, et dans le Patrimoine de Saint- Pierre , on en fait un débit public deux fois la semaine. Les cornes du buffle sont recher- chées et fort estimées : la peau sert à faire des liens pour les charrues , des cribles et des couvertures de coffres et de malles : on ne l’emploie pas, comme celle du bœuf, à faire des semelles de souliers, parce qu’elle est trop pesante, et qu'elle prend facilement Veau: 2. | Dans toute l’étendue des marais pontins, il n’y a qu’un seul village qui fournisse les pâtres ou les gardiens des buffles : ce village s'appelle Cisierna, parce qu’il est dans une plaine où l’on n’a que de l’eau de citerne, et | SORTE SN 180- HISTOIRE NATURELLE | c’est l’un des fiefs de ma famille... Les ba-. bitans , adonnés presque tous à garder des troupeaux de buffles, sont en même temps les plus adroits et les plus passionnés pour les chasses dont il a été parle ci-dessus... Quoique le buffle soit un animal fort et robuste , il est cependant délicat, en sorte qu’il souffre également de l’excès de la cha- leur , comme de l’excès du froid : aussi, dans le fort de l'été, le voit-on chercher l’ombre et l’eau , et dans l'hiver les forêts les plus épaisses. Cet instinct semble indiquer que le buffle est plutôt originaire des climats tempérés que des climats très-chauds ou trés-froids. Outre les maladies qui lui sont communes avec les autres animaux , il'en est une par= ticulière à son espèce , et dont il n’est atta- qué que dans ses premières années... Cette maladie s'appelle barbone ; expression qui a rapport au siége le plus commun du mal, qui est à la gorge et sous le menton. J'ai fait en dernier lieu un voyage exprès pour être ‘ témoin du commencement, des progrès et de la fin de cette maladie ; je me suis même fait accompagner d’un chirurgien et d’un \. \ Pa! 1 DE CRU PE Er 0 lade médecin , afin de pouvoir l’étudier, et ac- -quérir une connoissance précise el raisonnée de sa cause, ou du moins de sa nature, à l'effet d’en offrir à M. de Buffon une descrip- tion exacte et systématique : mais ayant été averti trop tard, et la maladie, qui ne dure que neuf jours , étant déja cessée, je n'ai pu me procurer d’autres lumières que celles qui résultent de la pratique et de l’expérience des gardiens des troupeaux de buffles… + Les symptômes de cette maladie sont très= faciles à connoître, du moins quant aux extérieurs. La lacrymation est le premier ; l'animal refuse ensuite toute nourriture ; presque en même temps sa gorge s’enfle con- sidérablement, et quelquefois aussi le corps se gonfle en entier; il boite tantôt des pieds de devant , tantôt de ceux de derrière ; la langue est en partie hors de la gueule , et est environnée d’une écume blanche que l'ani- mal jette au-dehors..…. Les effets de ce mal sont aussi prompts que terribles; car en peu d'heures, ou tout au plus en un jour, l'animal passe par tous les degrés de la maladie, et Meurt. Lors- qu’elle se déclare dans un troupeau, presque Quadrupèdes , VIL 16 102 HISTOIRE NATURELLE tous les ; jeunes buflles qui n’ont pas atteint leur troisième année, en sont attaqués ; 5; er s’ils né sont âgés que d’un an, ils périssent presque tous ; dans ceux qui sont âgés de deux ans , il y en a beaucoup qui n’en sont pas atteints, et même il en échappe un assez grand nombre de ceux qui sont malades. Enfin , dès que les jeunes butfles sont parve- nus à trois ans , ils sont presque sûrs d’échap- “per; car il est fort rare qu’à cet âge ils en soient attaqués , et il n’y a pas d'exemple qu'au-dessus de trois ans aucun de ces ani- maux ait eu cette maladie : elle commence donc par les plus jeunes, comme étant les plus foibles, et ceux qui tettent encore en : sont les premières victimes; lorsque la mère, par la finesse de son cdorat, sent dans son petit le germe de la maladie , elle est la pre- mière à le condamner , en lui refusant la tette. Cette épizootie se communique avec une rapidité extraordinaire ; en neuf jours au plus, un troupeau de jeunes buffles, quelque nombreux qu'il soit , en est presque tout infecté. Ceux qui prennent le mal dans les six premiers jours, périssent assez sou- vent presque tous, au lieu que ceux qui n’en | DU BUFFLE. 193 _ sont attaqués que dans les trois derniers jours Ë échappent assez souvent, parce que depuis le sixième jour de l’épizootie la con- taoion va toujours en diminuant jusqu'au neuvième , qu'elle semble se réunir sur la tête d’un seul, dont elle fait, pour ainsi dire, sa victime d’expiation...… Elle n’a point de saison fixe ; seulement elle est plus commune et plus dangereuse au printemps et en été qu’en automne et en hiver... Une observation assez générale, e’est qu'elle vient ordinairement lorsqu'a- près les chaleurs il tombe de la pluie qui fait pousser de l’herbe nouvelle ; ce qui semble- roit prouver que sa cause est une surabon- dance de chyle et de sang , occasionnée par ce päturage nouveau, dont la saveur et la fraicheur invitent les petits buffles à s’en rassasier au-delà du besoin. Une expérience vient à l'appui de cette réflexion : les jeunes buffles auxquels on a donné une nourriture saine et copieuse pendant l'hiver, s’aban- donnant avec moins d’avidité à l’herbe nou- velle du printemps, n’en sont pas attaqués autant que les autres, et meurent en plus petit nombre. Dans les années de sécheresse, 184 HISTOIRE NATURELLE cette maladie se manifeste moins que dans les années humides; et ce qui confirme ce que je viens d'avancer sur sa cause, C'est queile changement de pâturage en est le seul demi-remède : on les conduit sur les mon-— tagnes, où la pâture est moins abondanteque . dans la plaine; ce qui ne fait cependant que ralentir la fureur du mal ,-sans le guérir. En vain les gardiens des troupeaux de bufiles ont tenté les différens remèdes que leur ont pu - suggérer leur bon sens naturel et leurs foibles counoissances ; 1ls leur ont appliqué à la gorge le bouton de feu; ils les ont fait bai- gner dans l’eau de fleuve et de mer ; ils ont séparé du troupeau ceux qui étoient infec— ‘tés, afin d'empêcher la communication du mal: mais tout a été inutile ; la contagion gagne également tous les troupeaux ensemble : et séparément ; la mortalité est toujours la même : le seul changement de pâturage semble y apporter quelque foible adoucisse- ment, et encore est-il presque insensible... La chair des buffles morts du barbone est dans un état de demi-putréfaction. Elle a été reconnue si dangereuse, qu’elle a réveillé J'attention du gouvernement , quia ordonné, è + D'UN B'OE PTE TT. 78 sous des peines très-sévères, de l’enterrer , et qui a défendu d’en manger. | Quoique cette maladie serabhé particu- _ lière aux buffles, elle ne laisse pas de se com- . muniquer aux différens animaux qu’on élève avec eux , comme poulains, faons et che- vreaux ; ce qui lui donne tous les caractères d’une épizootie. La cohabitation avec les buffles malades , le seul contact de la peau de ceux qui sont morts , suffisent pour infecter ces animaux, qui ont les mêmes symptômes, et bientôt la même fin......ÆEt même le cochon est sujet à la prendre; il en est atta- _qué de la même manière et dans le même temps, et il en est souvent la victime. Il y a cependant quelque différence, à ce sujet, entre le buffle et le cochon. 1°. Le bufïfle n’est assailli par ce mal qu'une seule fois dans sa vie, et le cochon l’est jusqu’à deux fois dans la même année ; de manière que celui qui a eu le barbone en avril, l’a souvent une seconde fois en octobre. 2°. Il n’y a pas d'exemple qu’un buffle au-dessus de troisans en ait été attaqué, et le cochon y est sujet à tout àge, mais beaucoup moins cependant Ve il est parvenu à son entier accroisse- 16 . \ i oi -186 HISTOIRE NATURELLE ment. 3°. L’épizoolie ne dure que neuf jours au plus dans les troupeaux de buffles , au lieu qu’elle exerce sa fureur sur le cochon pendant quinze jours , et encore au-delà : mais cetfe maladie n’est pas naturelle à son espèce, et ce n’est que par sa communication avec les buffles qu’il en est attaqué. Le barbone étant presque la seule maladie dangereuse pour le buffle , et étant en même 1 temps si meurtrière, que sur cent de ces animaux qui en sont attaqués dans leur pre- mière année, 1l est rare qu'elle en épargne une vingtaine, 1l seroit de la dernière im- portance de découvrir la cause de cette ma- ladie pour y apporter remède. Les remarques faites jusqu’à présent sont insufhsantes , parce qu’elles n’ont pu être que superfi- cielles.... Mais je me propose, dès que cette épizootie se manifestera de nouveau, d'aller une seconde fois sur les lieux pour l’exa- iminer avec des personnes de l’art, afin de pouvoir fournir à M. de Buffon une descrip- tion qui le mette en état de donner, par son sentiment, des lumières certaines sur cette matière. » 1 DU BUFFLE 187 . Quoique ce Mémoire de Monsignor Caëtani sur le buffle soit assez étendu dans l'extrait que je viens d’en donner, je dois cependant averlir que j'en ai supprimé, à regret, un grand nombre de digressions très-savantes , et de réflexions générales aussi solides qu in- génieuses, mais qui, n'ayant pas un rapport immédiat ni même assez prochain avec l'histoire naturelle du buffle, auroient paru déplacées dans cet article; etje suis persuadé que l'ulustre auteur me pardonnera ces omissions en faveur du motif, et qu’il re- cevra avec bonté les marques de ma recon- noissance des instructions qu’il m'a fournies. Sa grande érudition , bien supérieure à la mienne, lui a fait trouver les racines dans les langues grecque et latine, du nom du bufile; et les soins qu’il a pris de rechercher dans les auteurs et dans les monumens anciens tout ce qui peut avoir rapport à cet animal, donnent tant de poids à sa critique, que j y souscris avec plaisir. D'autre part, les occasions fréquentes qu’a eues M. Caëtani de voir , d'observer et d’exa- miner de près un très-grand nombre de buffles dans les terres de sa trés-illustre 160 HISTOIRE NATURELLE maison, l'ont mis à portée de FE histoire de leurs habitudes naturelles, beaucoup mieux que moi, qui navois jamais vu de ces ani- maux que dans mon voyage en Italie, et à la iménagerie de Versaillès , où j'en ai fait la description. Je suis donc persuadé que mes lecteurs me sauront bon gré d’avoir inséré! dans ce volume le Mémoire de M. Caëtani, et que lui-même ne sera point fäché de pa- roître dans notre langue avec son propre style , auquel je n’ai presque rien changé, parce qu'il est très-bon, et que nous avons beaucoup d'auteurs françois qui n’écrivent pas si bien dans leur langue que ce savant étranger écrit dans la nôtre. Au reste, j'ai déja dit qu’il seroit fort à desirer que l’on püt naturaliser en France cette espèce d'animaux aussi puissans qu’u- tiles« je suis persuadé que leur multiplica- tion réussiroit dans nos provinces où il se ‘trouve des marais et des marécages, Comme dans le Bourbonnois , en Champagne, dans le Bassigny, en Alsace, et même dans les plaines Le long de la Saone , aussi-bien que dans les endroits marécageux du pays d'Arles et des landes de Bordeaux. L’impératrice de AN Re Rs TA À DU BUFFLE. 189 Russieena fait venir d'Italie, et les a fait placer dans quelques unes deises provinces méridionales ; ils se sont déja fort multipliés dans le gouvernement d’Astracan et dans la nouvelle Russie. M. Guldenstaedt dit que le climat et les pâturages se sont trouvés très- favorables à ces animaux , qui sont plus robustes et plus forts au travail que les bœufs. Cet exemple peut sufñre pour nous encourager à faire l’acquisition de cette espèce utile, qui remplaceroit celle des bœufs à tous égards , et sur-tout dans les temps où la grande mortalité de ces animaux fait un si grand tort à la culture de nos terres. ADDITION A L'ARTICLE DE L'OURS. p & M de Musly, major d'artillerie au service des Etats généraux, a bien voulu me donner quelques notices sur des ours élevés en do- mesticité , dont voici l'extrait : : « À Berne, où l’on nourrit de ces animaux, dit M. de Musiy, on les loge dans de grandes fosses quarrées, où ils peuvent se promener: es fosses sont couvertes par-dessus , etma- | çonnées de pierre de taille, tant au fond qu'aux quatre côtés. Leurs loges sont ma- çonnées sous terre au rez-de-chaussée de la fosse, et sont partagées en deux par des mu- railles , et on peut fermer les ouvertures tant extérieures qu'intérieures par des grilles de fer qu’on y laisse tomber comme à une porte de ville. Au milieu de ces fosses, ilya : * Tome III, page 17. l HISTOIRE NATURELLE. rot dés trous dans de grosses pierres, où l’on peut dresser debout de grands. arbres : il y a de plus une auge dans chaque fosse, qui est toujours pleine d’eau de fontaine. Il y a trente-un ans qu’on a transporté de Savoie ici deux ours bruns fort jeunes, dont la femelle vit emcore. Le mâle eut les reins cassés , 11 y a déffx mois, en tombant du baut d’un arbre qui est dans la fosse. Ils ont com- mencé d’engendrer à l’âge de cinq ans, et depuis ce temps ils sont entrés en chaleur tous les ans au mois de juin, et la femelle a toujours mis bas au commencement de janvier ; la première fois elle n’a produit qu’un petit, et dans la suite, tantôt un, tantôt deux, tantôt trois , mais jamais plus, et, les trois dernières années , elle n’a fait _ qu’un petit chaque fois. L’homme qui en a soin croit qu’elle porte encore actuellement { r7 octobre 1771 ). Les petits, en venant au _monde, sont d’une assez jolie figure, couleur fauve, avec du blanc autour du cou, et n’ont point l'air d’un ours; la mère en a un soin extrème. Ils ont les yeux fermés pendant quatre semaines ; ils n’ont d’abord guère plus de huit pouces de longueur, et trois . 192 HISTOIRE NATURELLE mois après ils ont déja quatorze à quinze pouces , depuis le bout du museau jusque à la racine de la queue, et du poil de près d'un pouce. Ils sont alors d’une figure presque … ronde, et le museau paroîtètre fort pointu à. proportion du reste, de façon qu’on ne les viennent flueis + recounoît plus. Ensuite ilsu pendant qu'ils sont adultes peu à peu, et de fauves ils de blanc s’efface Lorsque le mâle et la femelle sont accou- plés, le male commence par des mouvemens courts, mais fort prompts, pendant envifon un quart de minute; ensuite il se repose deux fois aussi long-temps sur la femelle et sans s’en dégager; puis 1l recommence de la même manière jusqu'à trois ou quatre reprises; et l’accouplement étant consomme, le mâle va se baigner dans l’auge jusqu'au cou. Les ours se battent quelquefois assez rudement avec un murmure horrible : mais, dans le temps des amours, la femelle a ordi- nairement le dessus , parce qu'alors le mâle la ménage. Les fosses qui étoient autretois _ dans la ville , ont été comblees, et on em a fait d’autres entre les remparts et la vieille enceinte. Ces deux ours ayant été séparés $ lennent bruns. _: AT Ms. à DE L’OURS. \ 103 pendant quelques heures pour les transpor- ter l’un après l’autre dans les nouvelles fosses, lorsqu'ils se sont retrouvés ensemble, ils se sont dressés debout pour s’embrasser avec transport. Après la mort du mâle, la femelle a paru fort affligée ,et n’a pas voulu prendre de nourriture qu’au bout de plu- sieurs jours. Mais à moins que ces animaux ne soient élevés et nourris ensemble dès leur tendre jeunesse, 1ls ne peuvent se supporter; et lorsqu'ils y ont été habitués, celui qui survit ne veut plus en souffrir d’autres. Les arbres que l’on met dans les fosses tous les ans aû mois de mai, sont des mélèzes verds , sur lesquels les ours se plaisent à = grimper : néanmoins ils en cassent quelque- fois les branches, sur-tout lorsque ces arbres sont nouvellement plantés. On les nourrit avecdu pain de seigle, que l’on coupe en gros morceaux et que l’on trempe dans de l’eau chaude. Ils mangent aussi de toutes sortes de fruits ; et quand les paysans en apportent au marche qui ne sont pas mürs, les archers les jettent aux ours par ordre de police. Ce- pendant on a remarque qu'il y a des ours qui préferent les légumes aux fruits des arbres, | | (4 Lo F 194 HISTOIRE NATURE LLE Quand la femelle est sur le point de mettre bas , on lui donne force paille dans sa loge, | dont elle se fait un rempart, après qu'on l’a séparée du mäle, de peur qu’il ne mange les petits; et quand elle a mis bas, on lui donne une meilleure nourriture qu'à l'ordinaire. On ne trouve jamais rien de l'enveloppe, ce qui fait juger qu’elle l’avale. On lui laisse Les petits pendant dix semaines ; et après les en avoir séparés, on les nourrit pendant quelque temps avec du lait et des biscuits. L’ourse en question, que l’on croyoit pleine, fut munie de paille comme à l'ordinaire dans le temps que l’on croyoit qu’elle alloit mettre bas : elle s’en fit un lit où elle resta pendant trois semaines sans avoir rien produit. Elle a mis bas à trente-un ans , au mois de jan vier 1771, pour la dernière fois. Au mois de juin suivant , elle s’est encore accouplée ; mais au mois de janvier 1772, à trente-deux ans , elle n’a plus rien fait. Il seroit à sou- haïter qu’on la laissât vivre jusqu'au terme que la Nature lui a fixé, afin de le connoître. Il y a des ours bruns au mont Jura sur les frontières de notre canton, de la Franche. Comté et du pays de Gex : quand ils des— DE L’OURS. 195 cendent dans la plaine, si c’est en automne, ils vont dans les bois de châtaigniers, où is font un grand dégât. Dans ce pays-ci les ours passent pour avoir le sens de la vue foible , mais ceux de l’ouïe, du toucher et de l’odorat, très-bons *. » \ 4 En Norvése, les ours sont plus communs dans les provinces de Berguen et de Dron- theim que dans le reste de cette contrée. On en distingue deux races , dont la seconde est considérablement plus petite que la pre- mière. Les couleurs de toutes deux varient beaucoup; les uns sont d’un brun foncé, les autres d’un brun clair, et même il y en a de gris et de tout blancs. Ils’se retirent au commencement d'octobre dans des tanières ou des huttes qu’ils se préparent eux-mêmes, etoù ils disposent une espèce de lit de feuilles et de mousse. Comme ces animaux sont fort à craindre, sur-tout quand ils sont blessés , les chasseurs vont ordinairement en nombre, * Extrait de deux lettres écrites par M. de Musly, major d’artillerie au service de Hollande, à M. de Buffon, l’ue datée À Berne le 17 octobre r97r , et l'autre datée à la Haye le 3 juin 1772. LE \ à \ RARE E M | Y06 HISTOIRE NATURELLE © au moins de trois ou quatre; et comme us tue aisément les grands chiens, on n’en mène que des petits qui lui passent aisément sons le ventre , et le saisissent par les parties de la génération. Lorsqu'il se trouve excédé , il s'appuie le dos contre un rocher ou contre un arbre , ramasse du gazon et des pierres. qu'il jette à ses ennemis ; et c’est ordinaire- ment dans cette situation qu'il reçoit 16: coup de la mort. Nous avons vu à la ménagerie de Chantilly un ours de l'Amérique; il étoit d’un très- beau noir, et le poil étoit doux , droit et ZJong comme celui du grand sapajou, que nous avons appelé le coaifa. Nous n'avons remarqué d’autres différences dans la forme de cet ours d'Amérique, comparé à celui d'Europe , que celle de la tête , qui est un peu plus alongée, parce que le bout du mu- seau est moins plat que celui de nos ours. On trouve dans le journal de l’expedition de M. Bartram une uotice d’un ours d'Amé- rique, tué près de la rivière Saint-John, à , l'est de la Floride. | > « Cet ours, dit la relation, ne pesoit que | il DE L’OURS. 107 quatre cents livres, quoique le corps eût sept pieds de longueur depuis l'extrémité du nez jusqu’à la queue, Les pieds de devant “m'avoient que cinq pouces de large. La graisse étoit épaisse de quatre pouces : on l'a fait fondre , et on en -a tiré soixante, pintes de graisse , mesure de Paris *. » * Lettre de M. Collinson à M. de Rob D. dres, 6 février ré / ADDITION À L'ARTICLE DE L'OURS BLANC *. / LÀ Jr donne ici la figure de lours blanc de mer, d’après un dessin qui m'a été en- voyé d'Angleterre par feu M. Collinson. Si ce dessin est exact, il paroît certain que l'ours de mer est fort différent de celui de terre , et qu'on peut le regarder comme formant une espèce particulière. La tête sur- tout est si longue en comparaison de celle : de l’ours ordinaire, que ce caractère seul suf- firoit pour en faire deux espèces distinctes ; et les voyageurs ont eu raison de dire que ces ours sont faits tout autrement que les nôtres, ‘qu'ils ont la tête beaucoup plus lonoue et le cou aussi plus long que les ours de terre. D'ailleurs, dans ce dessin de l’ours de mer, il paroît que les extrémités des pieds sont fort différentes de celles des pieds de 2 Tome VIT, page 304. é / En E $ sut FC30 KS Ÿ W/4 , fi D, 4 74 (4 LOURS DE MER, COR 20e a) PL OUEST LUE CU 0e RC UE D'ALE, cé tie DS vin .°- HISTOIRE NATURELLE. 199 Tours de terre ; celles-ci tiennent quelque chose de la forme de la main humaine , tan- dis que l'extrémité des pieds de l’ours de mer est faite à peu près comme celle des grands chiens ou des autres animaux carnassiers de ce genre. D'ailleurs il paroit, par quelques. _ relations, qu'il y a de ces ours de mer beau- coup plus grands de corps que nos plus grands ours de terre. Gerard de Vera dit positivement qu'ayant tué un de ces ours, etayant mesuré la longueur de la peau après l'avoir écorché, elle avoit vingt-trois pieds de longueur; ce qui seroit plus du triple de celle de nos plus grands ours de terre. Ou trouve aussi, dans le recueil des voyages du Nord, que ces ours de mer sont bien plus grands et bien ‘plus féroces que les autres. Mais il est vrai que, dans ce même recueil, on trouve que quoique ces ours soient faits tout autrement que les nôtres, et qu’ils aient la tête et le cou beaucoup plus longs, le corps plus délié, plus effilé et plus agile, ils sont néanmoins à peu près de la même gran- deur que nos ours. | Tous les voyageurs s’accordent à dire qu'ils différent encore de l'ours commun, en ce k 200 HISTOIRE NATURELLE. / { EX à AN 07 qu'ils ontles os de la tête beaucoup plus durs, et si durs en effet, que quelque coup de mas- - ‘ sue qu'on puisseleur donner, ils ne paroissent point en être étourdis , quoique le coup soit assez fort pour assommer un bœuf, et à plus QI. forte raison un ours ordinaire. Les relateurs conviennent aussi que la voix de ces ours marins ressemble plutôt à l’aboiement d’un chien enroué qu’au cri ou au gros murmure de l’ours ordinaire. Robert Ladeassure qu'aux environs de la rivière de Rupper on tua deux ours de mer d'une prodigieuse grosseur, et que ces animaux affamés et féroces ayoient attaqué si furieusement les chasseurs, qu'ils avoient tué plusieurs sauvages et blessé deux Anglois. On trouve, pages 34 et 35 du troi- sième 7’oyage des Hollandois au Nord, qu'ils tuèrent sur les côtes de la nouvelle Zemble un ours de mer dont la peau avoit treize pieds de longueur; en sorte que, tout considéré, je serois porté à croire que cet animal si célèbre par sa férocité est en effet d’une espèce plus grande que celle de nos: ours. | TDavaurtS. . \ D Ü LAMA. N ous donnons ici la figure d’un lama dessiné d’après nature, et qui est encore actuellement vivant (août 1777) à à l’École vétérinaire au château d’Alfort. Cet animal, ‘amené des Indes espagnoles en Angleterre, nous fut envoyé au mois de novembre 17753: il étoit jeune alors, et sa mère, qui étoit avec lui, est morte presque en arrivant; on en peut voir la peau bourrée et le corps injecté sous la peau, dans le beau cabinet anato- mique de M. Bourgelat. Quoique ce lama füt encore jeune, et que le transport et la domesticité eussent sans doute influé sur son accroissement , et l'eussent en partie retardé, il avoit néan- moins près de cinq pieds de hauteur, en le mesurant en ligne droite depuis le sommet de la tête aux pieds de devant ; et dans son état dé liberté il devient considerablement plus grand et plus épais de corps. Cet ani- malest, dans le nouveau continent, le repré- dd LEE LME TT NES du LS Pi NUS . À - AurUe M + re du 202 HISTOIRE NATURELLE UM “4 À sentant du chameau dans l ancien : :1l semble 4 4 en être un beau diminutif, car sa fisure est élégante; et sans avoir aucune des diffor- mités du chameau, il lui tient néanmoins _ par plusieurs rapports et lui ressemble à plusieurs égards. Comme le chameau, il es£ propre à porter des fardeaux; il a le poil laineux, les jambes assez minces, les pieds courts et conformés à peu prés comme les jambes et les pieds du chameau: mais il en diffère en ce qu’il n’a point de bosse, qu'il a la queue courte, les oreilles longues, et qu’en general il est beaucoup mieux fait et d'une forme plus agréable par les propor- tions du corps. Son cou long bien couvert de laine, et sa tête qu'il tient toujours. haute , lui donnent un air de noblesse et de légéreté que la Nature a refusé au cha- meau.Ses oreilles longues de sept pouces sur deux pouces dans leur plus grande largeur, se terminent en pointe et se tiennent tou— jours droites en avant; elles sont garnies d'un poil ras et noirâtre. La tête est longue, lé- gère, et d’une forme élégante. Les yeux sont grands , noirs, et ornés, dans les angles internes, de grands poils noirs. Le nez est En | MUPLA MAT 203 . plat, et les narines sont écartées. La lèvre su- périeure est fendue et tellement séparée au- devant des mächoires, qu’elle laisse paroître les deux dents incisives du milieu , qui sont longues et plates, et au nombre de quatre à la mâchoire inférieure : ces dents incisives manqueut à la mâchoire supérieure, comme dans les autres animaux ruminans;il y a seulement cinq mächelières en haut comme en bas de chaque côté, ce qui fait en tout vinot dents mâchelières et quatre incisives. La tête, le dessus du corps, de la croupe, de la queue et des jambes, sont couverts d’un poil laineux couleur du musc un peu vineux, plus clair sur les joues, sous le cou et sur la poitrine, et plus foncé sur les cuisses et les jambes, où cette couleur devient brune et presque noire. Le sommet de la tête est aussi noirâtre , etc'est de là que part le noir | qui se voit sur le front ,.le tour des yeux , le 2ez , les narines, la lèvre supérieure et la moitié des joues. La laine qui est sur le cou est d’un brun foncé, et forme comme une crinière qui pend du sommet de la tête et va se perdre sur le garrot : cette même couleur brune s'étend, mais en diminuant de teinte, 24 HISTOIRE NATURELLE sur le dos, et y forme une bande d’uri brun foible. Les cuisses dr couvertes d’une grande laine sur les parties postérieures , et cette longue laine est en assez gros flocons ; : les jambes ne sont garnies que d’un boil ras d’un brun noirâtre. Les genoux de devant sont remarquables par leur grosseur, au lieu que, dans les jambes de‘derrière, il se pe vers le milieu un espace sous la peau, qui est enfoncé d'environ deux pouces. Les pieds sont séparés en deux doigts; la corne du sabot de chaque doigt est longue de plusd’un pouceet demi, et cette corne est noire, lisse, plate sur sa face interne, et arrondie sur sa face externe; les cornes du sabot des pieds de derrière sont singulières en ce qu'elles forment un crochet à leurs extrémités. Le tronçon de la queue a plus d’un pied de longueur ; il est couvert d'une laine assez courte : cette queue ressemble à une houppe; l'animal la porte droite, soit en marchant, soit en courant , et même lorsqu'il est en repos et couche. [a at D'UAMMA :.:.:.208 pieds. pouces, lignes. Donc du lama... 0.5 AE dE —— Hauteur, du tram de devant... 3. Au di La Hauteur du train de derrière... 3. bure Hauteur du ventre au-dessus de it, Te ent an Longueur de la tête du bout des F. lèvres à Poterie nt. AU UT ». Cet animal est fort doux, il n’a ni colère ni méchanceté, il est même caressant ; il se laisse monter par celui qui le nourrit, et ne refuseroit pas le même service à d’autres; 1l marche au pas, trotte, et prend mème une espèce de galop. Lorsqu'il est enliberté, il bondit et se roule sur l'herbe. Ce lama- que je décris étoit un mâle : on a observé qu'il paroît souvent être excité par le “be- soin d'amour. Il urine en arrière, et la verge est petite pour la prosseur de son corps. Il avoit passé plus de dix-huit mois sans boire au mois de mai dernier; et il me paroiît que la boisson ne lui est pas néces- saire, attendu la grande abondance de salive dont l’intérieur de sa bouche est continuel- lement humecté. On lit dans le Voyage du commodore 1 8. f 206 HISTOIRE NATURELLE. Byron, qu’on trouve des guanaques , c’est à-dire des lamas , à l’île des Pinguins , €k dans l’intérieur des terres, jusqu’au cap des Vierges, qui formeau nord l’entrée du détroie de Magellan. Ainsi ces animaux ne craignent nullement le froid. Dans leur état de nature et de liberté, ils marchent ordinairement par troupes de soixante ou quatre-vingts, et ne se laissent point approcher : cependant ils sont très-aisés à apprivoiser; car les gens de l'équipage du vaisseau de Byron s'étant saisis d’un jeune lama dont on admiroit la jolie figure, ils l’apprivoisèrent au point qu'il venoit leur lécher les mains. Le commodore Byron et le capitaine Wallis comparent cet animal au daim pour la grandeur , la forme et la couleur : mais Wallis est tombé dans l'erreur en disant qu’il a une bosse sur le dos. * LH. bg MERE FT 1 NN 2% Tom E . £ © (de E < 2 DE LA VIGOGNE. ee Novs donnons ici la figure d’une vigogne mâle qui a été dessinée vivante à l’École vété- “xinaire en 1774, et dont la dépouille empail- lée se voit dans le cabinet de M. Bourgelat : cet animal est plus petit que le lama , et voici ses dimensions. . * pee pouces. lignes. Longueur du corps mesuré en ligne droite, depuis le bout du nez jusqu’à l’origine de la UMR AA de 2 des abs US dé 4e 6. Hauteur du train de devant... 2. 4. 9. Hauteur du train de derrière.. 2. 6. 2 Hauteur du ventre au-dessus de Lee EMA CA SR UAIR “2h de >. Longueur He ln tete. nn, © 6. Ge: Longueur des oreilles. ....... ». 4. d- Larscardes oreilles. /17.,,.} NA An SR Grandèur de l’œil/...,:...." >, er Distance entre l’œil et le bout +| eds. LS JEANNE : SANS cn 9. Longueur de la queue avec sa Le OR PR D NE DE TX 28. HISTOIRE NATURELLE 0 La vigogne a beaucoup de rapport et même de ressemblance avec le lama; mais elle est d’une forme plus légère. Ses jambes sont plus longues à proportion du corps, plus menues et mieux faites que celles du lama. | Sa tête, qu elle porte droite et haute sur un cou long et délié, lui donne un air de légé- reté , même dans l’état de repos ; elle est aussi plus courte à proportion que la tête du lama ; elle est large au frout et étroite à l’ou- verture de la bouche, ce qui rend la physio- nomie de cet animal fine et vive ; et cette vivacité de physionomie est encore fort aug- mentée par ses beaux yeux noirs, dont l’or- bite est fort grande ayant seize lignes de longueur ; l'os PROS de l'orbite est fort relevé , et la paupière inférieure est blanche. Le nez est applati, et les naseaux, qui sont éçartés l’un de l’autre, sont, come les lèvres, d’une couleur brune mêlée de gris ; la lèvre supérieure est fendue comme celle du lama, et cette séparation est assez grande pour laisser voir dans la mâchoire inférieure deux dents incisives longues et plates. La vigogne porte aussi les oreilles droites, longues, et se terminant en pointe: elles sont : DETLA VIGOGNES . 209. nues bai dedans, et couvertes en dehors d’un poil court. La plus grande partie du corps de l'animal est d’un brun rougeätre tirant sur le vineux , et Le reste est de couleur isa- belle; le dessous de la mâchoire est d’un blanc jaune ; la poitrine, le dessous ‘du ventre, le dedans des cuisses et le dessons de la queue sont blancs. La laine qui pend sous la poitrine a trois pouces de longueur , et celle qui couvre le corps n’a guère qu’un pouce ; l'extrémité de la queue est sarnie de! longue laine. Cet animal a le pied fourchu , séparéen deux doigts qui s’écartent lorsqu'il marche; les sabots sont noirs, minces, plats par-dessous et convexes par-dessus ; ils ont un pouce de longueur sur neuflignes de hau- teur et cinq lignes de largeur ou d’empa- tement. | | : Cette vigogne a vécu quatorze mois à l'É- cole vétérinaire , et avoit passé peut-être autant de temps en Angleterre ; cependant elle n’étoit pas à beaucoup près aussi privée que le lama : elle nous a aussi paru d’un na- turel moins sensible , car elle ne donnoit nulle marque d'attachement à la personne qui la soignoit; elle cherchoit même à Hi NA ‘210 HISTOIRE NATURELLE ne mordre lorsqu'on vouloit la contraindre, et elle souffloit ou crachoit continuellement aw visage de ceux qui l’approchoient. On li donnoit du son sec et quelquefois détrempé dans l’eau ; elle n’a jamais bu d’eau pure ni d'aucune autre liqueur, et il paroît que la _vigogne a , comme le lama , une si grande abondance de salive, qu’ils n’ont nul besoin AC A Ne PTE AN A DAS Lieu TA SEM: FA UM J de boire. Enfin elle jette, comme le lama, son urine en arrière; et par toutes ces res— semblances de nature , on peut regarder ces - deux animaux comme des espèces du même genre, mais non pas assez voisines pour se mêler ensemble. | | Lorsque j'ai écrit, en 1766 , l’histoire du lama et de la vigogne, tome VI, je croyois qu'il n’y avoit dans ce genre que ces, deux espèces, et je pensois que l’alpaco ou alpaca étoit le même animal que la vigogne sous un nom différent; l’examen que j'ai fait de ces deux animaux, et dont je viens de rendre compte, m’avoit encore confirmé dans cette idée : mais j'ai été récemment informé que l’alpaca ou paco forme une troisième espèce | qu’on peut regarder comme intermédiaire entre le lama et la vigogne. C’est à M. le fu | DE LA VIGOGNE. Te : marquis de Nesle que je dois ces connois- sances nouvelles. Ce seisneur, aussi zéle pour l'avancement des sciences que pour le bien public , a même formé le projet de faire venir des Indes espagnoles un certain nombre de ces animaux, lamas, alpacas et vigognes, pour tâcher de les naturaliser et multiplier en France; et il seroit très à desirer que le gouvernement voulût seconder ses vues, la laine de ces animaux étant, comme l’on sait, d'un prix inestimable. Les avantages et Les difficultés de ce projet sont présentés dans le Mémoire suivant, qui a été donné à M. le marquis de Nesle par M. l’abbé Béliardy, dont le mérite est bien connu, et qui s’est trouvé à portée, par son long séjour en Es- pagne, d’être bien informé. «Le nom de lama, dit-il, est un mot générique que les Indiens du Pérou donnent indifféremment à toutes sortes de bêtes à laine. Avant la conquête des Espagnols, il n’y avoit point de brebis en Amérique; ces conqueé- rans les y ont introduites, et les Indiens du Pérou les ont appelées Zamas , parce qu’ap- paremment, dans leur langue, c’est le mot _— de PONT ch 2 pr É L_2 ro LAN? ARE Ve Me DR An 0 11r AM » ( ‘ \ % PE er bn ï : FUN ; } ù 1 Re 212 HISTOIRE NATURELLE pour désigner tout animal laineux : : cepen= dant, dans les provinces de Cusco, Potosi et Tucuman , on distingue trois espèces de lamas, dont les variétés Leur ont fait assigner des noms différens. Le lama, dans son état de nature et de liberté, est un animal qui a la forme d'un petit chameau. IL est de la hauteur d’un gros âne, mais beaucoup plus long; il a Le pied fourchu comme les bœufs; son cou a trente à quarante pouces de long; sa tête, qu'il porte toujours haute, ressemble assez à celle d'un poulain : une longue laine lui couvre tout le corps ; celle du cou et du ventre est beaucoup plus courte. Cet animal est originairement sauvage ; on en trouve encore en petites troupes sur des montagnes élevées et froides. Les naturels du pays l’ont réduit à l’état de domesticité, et on a remarqué qu'il vit également dans les climats chauds comme danslesplus froids; il rot aussi dans cet état. La femelle ne fait qu'un petit à chaque portée, et on n'a pu me dire de combien de temps est la ges- tation. | Depuis que les Espagnols ont introduit \ DE LA VIGOGNÉE. 213 dans le royaume du Pérou les chevaux et les mulets , l'usage des lamas est fort diminué ; cependant on ne laisse pas de s’en servir en- core, sur-tout pour les ouvrages de la cam pagne. On le charge comme nous chargeons nos ânes; 1l porte de soixante-quinze à cen£ livres sur son dos. Il ne trotte ni ne galope; mais son pas ordinaire est si doux, que les femmes s’en serventde préférence à touteautre imonture. On les envoie paître dans les campa- gues en toute liberté, sans qu'ils cherchent à s'enfuir. Outrele service domestique qu'on en _ tire, on a l’avantage de profiter deleurlaine. On les tond une fois l'an, ordinairement à la fin de juin ; on emploie dans ces contrées leur laine aux mêmes usages que nous employons le crin, quoique cette laine soit aussi douce que notre soie, et plus belle que celle de nos brebis. À Le lama de la sécode espèce est l’a/paca. Cet animal ressemble en général au lama ; mais il en diffère en ce qu'il est plus bas de jambes et beaucoup plus large de corps. L’al- paca est absolument sauvage, et se trouve en compagnie des vigognes. Sa laine est plus fournie et beaucoup plus fine que celle du lama ; aussi est-elle plus estimée. } 214) HISTOIRE NATURELLE | | _ La troisième espèce est la vigogre, qui est encore semblable au lama , à la réserve qu'elle est bien plus petite; elleest, comme l’alpa- ca, tout-à-fait sauvage. Quelques personnes de Lima en nourrissent par rareté et par pure curiosité ( mais on ignore si, dans cet état, ces animaux se multiplient et même s'ils s'accouplent). Les vigognes, dans cet état de captivité, mangent à peu près de tout ce qu'on leur présente, du maïs ou blé de Turquie, du pain et'toutes sortes d'herbes. La laine de la vigogne est encore plus fine que celle de l’alpaca , et ce n’est que pour avoir sa dépouille qu’on lui fait la guerre. Ii y a dans sa toison trois sortes de laine: celle du dos, plus foncée et plus fine , est la plus estimée ; ensuite celle des flancs, qui est d’une couleur plus claire ; et la moins appréciée est celle du ventre, qui est argen— iée. On distingue dans le commerce ces trois sortes de laine par la différence de leur prix. Les vigognes vont toujours par troupes assez nombreuses ; elles se tiennent sur là croupe des montagnes de Cusco, de Potosi et du Tucuman, dans des rochers âpres et des lieux sauvages ; elles descendent dans les VS | DE LA VIGOGNE. 219 vallons pour paître. Lorsqu'on veut les chas- ser , on recherche leurs pas ou leurs crottes, qui indiquent les endroits où on peut les trouver; car ces animaux ont la propreté et l'instinct d'aller déposer leur crottin dans le même tas. .... On commence par tendre des cordes dans les endroits par où elles pour- roient s'échapper ; on attache de distance en distance à ces cordes des chiffons d’étoffes de différentes couleurs : cet animal est si timide, qu'il n'ose franchir cette foible barrière. Les chasseurs font grand bruit, et tâchent de pousser les vigognes contre quelques rochers qu'elles ne puissent surmonter : l’extrème timidité de cet animal l'empêche de tourner la tête vers ceux qui le poursuivent; dans cet état, il se laisse prendre par les jambes de derrière, et l’on est sûr de n’en pas manquer um: on à la cruauté de massacrer la troupe entière sur le lieu. Il y a des ordonnances qui défendent ces tueries; mais elles ne sont pas observées. Il seroit cependant aisé de les tondre lorsqu'ils sont pris, et de se ménager upe nouvelle läine pour l’année suivante. Ces chasses produisent ordinairement de cinq cents à mille peaux de vigognes. Quand les 16 HISTOIRE NATURELLE | chasseurs ont le malheur de trouver quelque alpaca dans leur battue, leur chasse est pér= due : cet animal, plus hardi, sauve imman- quablement les vigognes ; il franchit la eorde sans s’effrayer ni s’embarrasser des chiffons qui flottent, rompl l'enceinte, et les vigognes le suivent. ‘ “ Dans toutes les Cordillières du hord de Lima, en se rapprochant de Quito, on ne . trouve plus nilamas, ni alpacas, ni visognes, dans l’état sauvage; cependant le lama do- mestique est fort commun à Quito, où on le charge et on l’emploie pour tous les ouvrages de la campagne. Si on vouloit se procurer des vigognes en | vie de la côte du sud du Pérou, il faudroit les faire descendre des provinces de Cusco ou Potosi au port d’Arica; là on les embarque- roit pour l'Europe: mais la navigation depyis la mer du Sud par le cap de Horn-estsi longué etsujette à tant d’événemens, qu’il seroit peut- être très-difficile de les conserver pendant la traversee. Le meilleur expédient et le plus sûr seroit d'envoyer un bâtiment exprès dans la rivière de la Plata; les vigognes qu’on auroit fait prendre, sans les maltraiter, dans La DE LA VIGOGNE. 217 la province de Tucuman, se trouveroient très à portée de descendre à Buenos-Ayres, et d’y être embarquées. Mais il seroit diffi- cile de trouver à Buenos-Ayres un bâtiment de retour préparé et arrangé pour le trans- port de trois ou quatre douzaines de vigognes: il n’en coûteroit pas davantage pour l'arme ment en Europe d’un bätiment destiné tout exprès pour cette commission, que pour le fret d’un navire trouvé par hasard à Buenos- Ayres. 11 faudroit en conséquence charger une maison de commerce à Cadix de faire armer - un bâtiment espagnol pour la rivière de la Plata ; ce bâtiment, qui seroit chargé en : marchandises permises pour le compte du commerce, ne feroit aucun tort aux finances d’Espagne : on demanderoit seulement la permission d'y mettre à bord un ou deux. hommes chargés de la commission des vi- sognes pour le retour ; ces hommes seront munis de passe-ports et de récommandations efficaces du ministère d'Espagne pour les gouverneurs du pays, afin qu'ils soient aidés dans l’objet et pour le succès de leur commis- sion. Îl faut nécessairement que de Buenos- Quadrupides, N LIT. 19 {à * (t | JUNE STE Ps UE AR ARDENNE V4 È F + a FA x FUN EM 21 NET Lie Lau ve A L / S Le 4 Lu { L v : ( RAR ï rs Le "4 De F'"e LR 210 HISTOIRE NATURELLE Ayres on donne ordre à Santa-Cruz de Ia Sierra, pour que des montagnes de Tucu- man on ÿ amène en Vie trois ou quatre douzaines de vigognes femelles, avec une demi-douzaine de mâles, quelques alpacas et quelques lamas, moitié mâles et moitie femelles. Le bâtiment sera arrangé demanière à les y recevoir et à les y placer commodé- ment ; c’est pour cela qu’il faudroit lui dé fendre de prendre aucune autre marchandise. en retour, et lui ordonner de se rendre d’a- bord à Cadix, où les vigognes se reposeroient, et d’où l’on pourroit ensuite les transporter en France. ...... Une pareille expédition, dans les termes qu'on vient de la projeter, ne sauroit être fort coûteuse... .. On pour- roit même donner ordre aux officiers de la marine du roi, ainsi qu’à tous les bâtimens qui reviennent de l'ile de France et de l’Inde, que si par hasard ils sont jetés sur Les côtes de l'Amérique et ‘obligés d'y chercher un abri, de préférer la relâche dans la rivière: de la Plata. Pendant qu’on seroit occupé aux réparations du vaisseau, il faudroit ne rien épargner avec les gens du pays pour obtenir quelques vigogues en vie, mâles et femelles, f ar # DE LA VIGOGNE. 219 ainsi que quelques lamas et quelques alpa- cas. On trouvera à Montevideo des Indiens qui font trente à quarante lieues par jour, qui iront à Santa-Cruz de la Sierra, et qui _s’acquitteront fort bien de la commission... 6 Cela seroit d'autant plus facile, que Les vais- seaux françois qui reviennent de l'ile de France ou de l’Inde, peuvent relâcher à Montevideo, au lieu d’aller à Sainte-Cathe- rine sur la côte du Bresil, comme il leur arrive très-souvent. Le ministre qui auroit contribué à enrichir le royaume d’un animal aussi utile, pourroit s’en applaudir comme de la conquête la plus importante. IL est surprenant que les Jésuites n’aient jamais songé à essayer de naturaliser les vigognes ‘ei Europe , eux qui, maîtres du Tucuman et du Paraguai, possédoient ce. trésor au milieu de leurs missions et de leurs plus beaux éta- blissemens, » Ce Mémoire intéressant de M. l'abbé Bé- liardy m'ayant été communiqué, j'en fis part à mon digne et respectable ami M. de Tolozan, intendant du commerce, qu, dans toutes les occasions , agit avec zèle pour le UE RE DR NRC RERO NE DT “de à { LU A dE ae dé | Hd ER 220 HISTOIRE NATURELLE | bien public. Il a donc cru devoir consulter sur ce Mémoire et sur le projet qu’il con- tient , un homme intelligent (M: de la Folie, inspecteur général des manufactures), et voici les observations qu’il a faites à ce sujet: É « L'auteur du Memoire, animé d’un vue. très-louable , dit M.-de la Folie, propose, comme une grande conquête à faire par un ministre, la population des lamas , alpacas et vigognes en France; mais il me permet- “tra les réflexions suivantes. Les lamas ainsi nommés par les Péru- viens, et carneros de la terra pax les Espa- gnols, sont de bons animaux domestiques , tels que l’auteur l’annonce; on observe seu- lement qu'ils ne peuvent point marcher pen- dant la nuit avec leurs charges : c’est la rai- son qui détermina les Espagnols à se servir de mulets et de chevaux. Au reste, ne consi- dérons point ces animaux comme bêtes de charge ( nos ânes de France sont bien préfé- rables) ; le point essentiel est leur toison : mon seulement leur laine est très-inférieure à celle des vigognes, comme l’obsérve l’au- FU DE LA VIGOGNE. gai teur, mais elle a une odeur forte et désa— gréable qu’il est difficile d'enlever. La laine de l’alpaca est en effet, comme il de dit , bien supérieure à celle du lama ; on la confond tous les jours avec celle de la vigogne, et il est rare que celte dernièren'en soit pas mêlée. Le lama s'apprivoise très-bien, comme l'observe l’auteur ; mais on lui objecte que les Espagnols ont fait beaucoup d'essais chez eux pour y naturaliser les alpacas et les vi- gognes. L'auteur, qui prétend le contraire, n'a pas eu à cet égard des éclaircissemens fidèles. Plusieurs fois on a fait venir en . Espagne une quantité de ces animaux, eton a tenté de les faire peupler ; les épreuves qu'on a multipliées à cet égard, ont été abso- lument infructueuses : ces animaux sont tous moris, et c’est ce qui est cause qu’on a depuis long-temps abandonné ces expériences. IL y auroit donc bien à craindre que ces animaux n’éprouvässent le même sort en France. Ils sont accoutumés dans leur pays à une nourriture particulière ; cette nourri- ture est une espèce de jonc très-fin, appelé cho; et peut-être nos herbes de pâturages 19 ‘292. HISTOIRE NATURELLE n'ont-elles pas les mêmes qualités, lesmêémes \ principes nutritifs en plus ou en moins: La laine de vigogne fait de belles étofes , L mais qui ne durent pas autant que celles qui sout faites avec de la laine des brebis. » * Ayant reçu cette réponse satisfaisante. à plusieurs égards, et qui confirme l'existence réelle d’une troisième espèce, c’est-à-dire, de l’alpaca, dans le genre du lama, mais qui semble fonder quelques doutes sur la possibi- lité d'élever ces animaux, ainsi que la vi- goone, en Europe , je l’ai communiquée, avec le Mémoire précédent de M. Béliardy, à- plusieurs personnes instruites, et particu-, lièrement à M. l'abbé Bexon, qui à fait sur cela Les observations suivantes : «Je remarque, dit-il, que le lama vit dans les vallées basses et chaüdes du Pérou, aussi-bien que dans la partie la plus froide de la Sierra , -et que par conséquent ce m'est pas la température de notre climat qui pour- roit faire obstacle et pos à: de s’y habi- £uer.. a À le considérer comme animal de mon- + DE LA VIGOGNE. 233 ture, son pas est si doux , que l’on s’en ser de préférence au cheval et à l'âne; 1l paroît de plus qu'il vit aussi durement qne l’âne, d'une manière aussi agreste et sans exiger plus de soins ( page 213). Il semble que les Espagnols eux-mêmes ne savent. pas faire le meilleur où le plus bel emploi de la laine du lama, puisqu'il est dit «que. quoique cette laine soit plus belle que «celle de nos brebis, et aussi douce que la « soie , ou l’emploie aux mêmes usages aux- « quels nous employons le erin » (zbidem). L’alpaca , espèce intermédiaire entre Île lama et la vigogue , et jusqu'ici peu counu, même des naturalistes, est encore entière-— ment sauvage; néanmoins c’est peut-être des trois animaux péruviens celui dont la œon- quête seroit la plus intéressante, puisqu’avec une laine plus fournie et beaucoup plus fine que celle du lama, l’alpaca paroit avoir une constitution plus forte et plus PORN qi celle de la vigogne (ibidem ). La facilité avec laquelle se sont nourries les vigognes privées que l’on a eues par cu- riosite à Lima, mangeant du maïs, du pain €t de toutes sortes d'herbes , garantit celle ù Ps Y s2æ HIS OIRE NATURELLE qu'on trouveroit à faire en grand l’édacatiom de ces animaux. Une négligence inconcevable nous laisse ignorer si les vigognes privées que l’on a eues jusqu'ici, ont produit en domesticité; mais je ne fais aucun doute que cet animal, sociable par instinct, foible par nature, et doue , comme le mouton , d'une timidité douce, ne se plût en troupeaux ras- semblés, et ne se propageät volontiers dans l’asyle d’un parc ou dans la paix d’une étable, et bien mieux que dans les vallons sauvages, où leurs troupes fugitives tremblent sous la serre de l’oiseau de proie ou à l'aspect du chasseur (page 214 ). La cruauté avec laquelle on nous dit que se font au Pérou les grandes chasses, ou plu- tôt les grandes tueries de vigogues, est une raison de plus de se hâter de sauver dans l’asyle domestique une espèce précieuse que ces massacres auront bientôt détruite ou du moins affoiblie au dernier point: Les dangers et les longueurs de la naviga- tion par le cap Horn , me semblent, conime à M. Béliardy, être un grand obstacle à tirer les vigogues de la côte du sud pär Arica , Cusco ou Potosi; et La véritable route pour DE LA VIGOGNE. 208 amener ces animaux précieux , seroit en effet de les faire descendre du Tucuman par Rio de la Plata jusqu’à Buenos-Ayres, où un bâtiment frété exprès et monte de gens en- tendus aux soins délicats qu’exigeroient ces animaux dans la traversée, les amèneroit à Cadix, ou mieux encore dans quelques uns de nos ports les plus voisins des Pyrénées ou des Cévennes, où il seroit le plus convenable de commencer l'éducation de ces animaux dans une réoion de l’air analogue à celle des Szerras, d'où on les a fait descendre. Il me reste quelques remarques à faire sur la lettre de M. de la Folie, qui ne me paroit offrir que des doutes assez peu fondés et des difficultés assez légères. 1°. On a vu que si le cheval et l'a ane l’em- portent par la constance du service sur le lama, celui-ci à son tour leur est préférable à d’autres égards; et d’ailleurs l’objet est bien moins ici de considérer le lama comme bête de somme, que de le regarder, conjointement avec la vigogre et l’alpaca , comme bétail à toison. | | 2°. Qui peut nous assurer qu’on ait fait en Espagne beaucoup d’essais pour naturalisex 226 HISTOIRE NATURELLE ces animaux ? et les essais supposés faits. l’ont-ils été avec intelligence ? Cen’est point. dans une plaine héhé mais, comme nous venons de l'insinuer, sur des croupes de montagnes voisines de la région des neiges, qu'il faut faire retrouver aux vigognes un climat analogue à leur climat natal. C'est moins des vigognes venues du Pérou que l’on pourroit espérer de former des troupeaux , que de leur race née en Europe ; et c'est à obtenir cette race et à la multiplier qu’il faudroit diriger les premiers soins , qui sans doute devroient être grands et continuels pour des animaux délicats et aussi dépaysés. | . Quant à l'herbe ycko:, il est difficile de croire qu’elle ne puisse pas être remplacée | par quelques uns de nos gramens ou de nos jones : mais , s’il le falloit absolument, je proposerois de transporter l'herbe ycho elle- même ; il ne seroit probablement pas plus difficile d’en faire le semis que tout autre semis d'herbage, et il-seroit heureux d’ac- quérir une nouvelle espèce de prairie arti- ficielle avec une nouvelle espèce de trou- peaux. x FR DE LA VIGOGNE. 227 5°, Et pour la crainte de voir dégénérer Ja toison de la vigogne transplantée , elle, © paroît peu fondée : il n’en est pas de la vigogue comme d’une race domestique et factice perfectionnée , ou, si l’on veut, dé générée tant qu’elle peut l'être, telle que la chèvre d'Angora , qui en effet, quand on Ja transporte hors de la Syrie , perd en peu de temps sa beaute; la vigogne est dans l’état sauvage; elle ne possède que ce que lui à donné la Nature, et que la domesticité pourroit sans doute, comme dans tonte autre espèce, perfectionner pour notre usage. » ï J'adopte entièrement ces réflexions très justes de M. l’abbé Bexon, et je persiste à croire qu'il est aussi possible qu'il seroit im- portant de naturaliser chez nous cés trois espèces d'animaux si utiles au Pérou, et qui paroissent si disposés à la domesticité. f At, le WPS TUE n ri RS ER, 128 Lol pe Ho De Ne DU MUSIC RE À \ TT Nine donnons ici la figure de l’animal du musc, que j'ai fait dessiner d'après la nature vivante. Cette figuré manquoit à mon ouvrage, et n’a jamais été donnée que d’une inanière très-incorrecte par les autres natu- ralistes. IL paroît que cet animal, qui n'est … commun que dans les parties orientales de l'Asie , pourroit s’habituer et peut-être même se propager dans nos climats; car il n'exige pas des soins trop recherchés : il a vécu pendant trois ans dans un parc de M: le duc de la Vrillière, à l'Hermitage, près de Versailles, où il n’est atrivé qu’au mois de juin 1772, après avoir été trois autres années en-chemin. Ainsi voilà six années de cap- tivité et de mal-aise, pendant lesquelles il s’est très-bien soutenu , et il n’est pas mort de dépérissement , mais d’une maladie acci- dentelle. On avoit recommandé de le nourrix avec du riz crevé dans l’eau, de la mie de pain , mêlés avec de la mousse prise sur le 1 e LE MUSC. sn. Paquet SL » here M Se “sdb gx dr æ LL OT D RS CT k re PA À satire 4 US Sete ON rate UT ARR NOT. # i / HISTOIRE NATURELLE. 229 tronc et les branches de chêne : on a suivi exactement cette recette; il s’est toujours bien porté, et sa mort, en avril 1779, n’a , ’ , , . \\ A élé causée que par une évagropile, c'est-à- dire, par une pelote ou globe de son propre poil qu’il avoit détaché en se léchaut et qu’il ‘avoit avalé. M. Daubenton, de l’académie des sciences, qui a dissèqué cet animal , &_ trouvé cette pelote dans la caillette à l’ori- fice du pylore. Il ne craignoit pas beaucoup le froid : néanmoins, pour l’en garantir , on le tenoit en hiver dans une orangetié , et, pendant toute cette saison , 1l n’avoit point d’odeur de musc; mais il en répandoit une assez forte en été, sur-tout dans les jours les plus chauds. Lorsqu'il étoit en liberté, il ne marchoit pas à pas comptés, mais couroit en sautant, à peu près comme un \_lièvre. Voici la description de cet animal que M. de Sève a faite avec exactitude. Le musc est un animal d’une jolie figure ; il a deux pieds trois pouces de longueur, vingt pouces de hauteur au train de derrière, et dix-neuf pouces six lignes à celui de devant. Il est vif et léser à la course et dans 20 oué TNA sont considérablement plus longues et plus fortes que celles de devant. La Nature la armé de deux défenses de chaque côté de la mâchoire supérieure, qui sont larges, diri- gées en bas et recourbées en arrière ; elles sont trauchantes sur leur bord postérieur en finissant en pointe ; leur longueur , au-des- sous de la lèvre, est de dix-huit lignes, et leur largeur d’une ligne et demie; elles sont de couleur blanche, et leur substance est. une sorte d'ivoire. Les yeux sont grands à pro- portion du corps, et l'iris est d’un bruu roux ; le bord des paupières est de couleur noire, ainsi que les naseaux. Ees oreilles sont grandes et larges, elles ont quatre pouces de hauteur sur deux pouces quatre ou ciuq lignes de largeur; elles sont garnies en dedans de grands poils d'un blanc mêlé de grisâtre, et en dessus, de poil noir rous- sâtre mêlé de gris, comme celui du front et du nez. Le noir du front est relevé par une tache blanche qui se trouve au milieu ; il y a du fauve jaunâtre au-dessus et au-des- sous des yeux : mais le reste de la tète paroît a" ” _ d’un gris d'ardoise, parce que le poil y est L E ‘4 \ 230 HISTOIRE NATURELLE tous ses mouvemens ; ses jambes de derrière DE MU SEC, 23r mélangé de noir et de blanc, comme celui du cou , où il y a de plus quelques légères teintes de fauve. Les épaules et les jambes de devant sont d’un brun noir, ainsi que les pieds ; mais cette couleur noire est moins foncée sur les cuisses et les jambes de der- rière , où il y a quelques teintes de fauve. Les pieds sont petits ; ceux de devant ont. deux ergots qui touchent la terre, et qui sont situés au talon : les sabots des pieds de derrière sont inégaux en longueur, l'imté- rieur étant considérablement plus long que l'extérieur ; il en est de même des ergots, dont l’interne est aussi bien plus long que l'externe. Tous les sabots des pieds, qui sont fendus comme ceux des chèvres, sont de couleur noire, ainsi que les ergots. Le poil du dessus , du dessous et des côtés du corps 1 est noirâtre, mélange de teintes fauves, et même de roussâtre en quelques endroits , parce qu’en général les poils, et sur-tout les plus longs , sont blancs sur la plus grande partie de leur longueur, tandis que leur extrémité est brune , noire, ou de couleur fauve. Les crottes de cet animal sont trés petites, d'un brun luisant , et de forme t BADIOE AL (R Pr SD TOMONIE Pat nt EL 17 532 HISTOIRE NATURELLE A alongée , et n’out aucune odeur , et le par- fum que l'animal répand dans sa cabane, n’est guère plus fort que l’odeur d’une ci- vette. Au reste, le musc paroît être un ani mal fort doux, mais en même temps timide et craintif; il est remuant et très-agile dans ses mouvemens , et 1l paroissoit se plaire à sauter et à s’élancer contre un mur , qui lui servoit de point d'appui pour le renvoyer à l’opposite. | : Comme M. Daubenton a donné à l’acadé- mie des sciences un bon Mémoire au sujet de cet animal, nous croyons devoir en rappor- ter ici l'extrait. | «« L’odeur forte et pénétrante du musc, dit-il , est trop sensible pour que ce parfum n'ait pas été remarqué en même temps que l'animal qui le porte; aussi leur a-t-on donné à tous les deux le même nom de zzusc. Cet animal se trouve dans les royaumes de Bou- tan et de Tunquin , à la Chine et dans la Tartarie chinoise, et mème dans quelques parties de la Tartarie moscovite. Je crois que, de temps immémorial , 1l a été recher- che par les habitans de ces contrées , parce DU, MUSC: 233 que sa chair est très-bonne à manger, et que sou parfurn a toujours dû faire un commerce ; mais on ne sait pas en quel temps le musc a commencé à être connu en Europe, et même dans la partie occidentale de l’Asie. Il ne pa- roit pas que les Grecs ni les Romains aient eu connoissance de ce parfum, puisqu'Aris- tote ni Pline n’en ont fait aucune mention dans leurs écrits. Les auteurs arabes sont les premiers qui en aient parlé; Sérapion donna une description de cet animal dans le hui- tième siècle... Je l'ai vu, au mois de juillet (1772), dans un parc de M. de la Vrillière, à Versailles ; l'odeur du musc, qui se répandoit de temps en temps, suivant la direction du vent , au tour de l'enceinte où étoit le porte-musc, auroit pu me servir de guide pour trouver cet animal. Dès que je l’apperçus , je recon- nus dans sa figure et dans ses attitudes beau- coup de ressemblance avec le chevreuil, Ja gazelle et le chevrotain; aucun animal de ce genre n’a plus de légéreté , de souplesse et de vivacité dans les mouvemens, que le porte-musc. Îl ressemble encore aux ani- maux ruminans, en ce qu’il a Les pieds four- | 20 ; AN At 0) ST SAT ST NN eEET TERTES \ à TEA CT EU 234 HISTOIRE NA TURELLE chus, et qu ‘ilmanque de dents incisives à la mâchoire SAPÉFIERTÉE 5 mais on ne peut le comparer qu’au chevrotain pour les deux dé- fenses ou longues dents canines qui tiennent à la mâchoire de dessus, et sortent d'un pouce et demi au-dehors des lèvres. La substance de ces dents est une sorte : d'ivoire , comme celle des défenses du babi= roussa et de plusieurs autres espèces d'ani- maux: mais les défenses du porte-musc ont une forme très-partigdulière ; elles ressem- blent à de petits coutdaux courbes, placésau- dessous de la gueule, et dirigés obliquement de haut en bas et de devant en arrière; leur bord postérieur est tranchant. .... Je crois qu’il s’en sert à différens usages. suivant les circonstances, soit pour couper les racines, soit pour se soutenir dans des endroits où il ne peut pas trouver d'autre point d'appui, soit enfin pour se defendre ou pour atta- quer...…. 4 | Le porte-musc n’a point de cornes; les oreilles sont longues, droites et très-mobiles ; les deux dents blanches qui sortent de la gueule , et les renflemens qu’elles forment à la lévre supérieure, donnent à la physio- DU MUSC. 235 momie du porte-musc , vu de face, un air singulier , qui pourroit le faire distinguer de tout autre animal, à l'exception du chevro- tain. 0 Les couleurs du poil sont peu apparentes ; au lieu de couleur décidée, il n'y a que des teintes de brun , de fauve et de blanchätre , qui semblent changer lorsqu'on regarde l’ani- mal sous différens points de vue, parce que les poils ue sont colorés en brun ou en fauve qu'à leur extrémité ; Le reste est blanc et pa- roit plus ou moins à différens aspects... IL y a du blancet du noir sur les oreilles du porte-musc, et une étoile blanche au milieu du front. Cette étoile me paroît être une sorte de livrée, qui disparoîtra lorsque l’animal sera plus âgé; car jene l'ai pas vuesur deux peaux desporte-musc qui m'ont été adressées pour le Cabinet du roi par M. le Monnier, mé- decin du roi , de la part de madame Ja com- tesse de Marsan... Les deux peaux dout il s’agit, m'ont paru venir d'animaux adulles É l'un mâle et l’autre femelle ; les teintes des couleurs du poil y sont plus foncées que sur le porte-musc vivant , que je viens de 4 104 236 HISTOIRE NA TURELLE décrire; il y a de plus, sur la face inférieure du cou, deux bandes blanchâtres »: larges d'environ un pouce, qui S’étendent irrégu— lièrement le long du cou, et qui formentrune sorte d’ovale alongé, en se rejoignant en avant sur la gorge, et en arrière entre les jambes de devant. Le musc est renfermé dans une poche pla- cée sous le ventre à l’endroit du nombril:je n'ai vu, sur le porte-musc vivant, que de petites éminences sur le milieu de son ventre; je n'ai pu les observer de près, parce que l'animal ne se laisse pas approcher... La poche du musc tient à l’une des peaux en—. voyées au Cabinet du roi; mais cette poche est desséchée : il m’a paru que si elle étoit dans son état naturel, elle auroit au moins un pouce et demi de diamètre ; il y a dans le milieu un‘orifice très-sensible, dont j'ai tiré de la substance du musc, très-odorante et de couleur rousse... M. Gmelin , ayant observé la situation de cette poche sur deux mâles, rapporte, dans le quatrième volume des Mémoires de l'académie impériale de Pé- fersbourg, qu’elle étoit placée au-devant et un peu à droite du prépuce..…. NS EUR PTE TU Mate | 4 ER M De M U S C. CAT AEE : à Le porte-musc diffère de tout autre animal , par la poche qu’il a sous le ventre, et qui enferme le musc; cependant, quoique ce ca- ractère soit unique par sa situation .....1} ne contribue nullement à déterminer la place du porte- musc parmi les quadrupèdes , parce qu'il y a des substances odoriférantes qui viennent d'animaux très-différens du porte-musc. Les caractères extérieurs du porte-musc, qui indiquent ses rapports avec les autres quadrupèdes , sont les pieds fourchus, les deux longues dents canines et les huit dents ancisives de la mâchoire du dessus , sans qu'il y en ait dans celle du dessous. Par ces caractères , le porte-musc ressemble plus au chevrotain qu'à aucun autre animal: il en diffère, en ce qu’il est beaucoup plus grand ; car 1l a plus d’un pied et demi de hauteur, prise depuis le bas des pieds de devant jus- qu’au-dessus des épaules , tandis que le che- vrotain n a guère plus d’un demi-pied. Les dents molaires du porte-miusc sont au nombre de six de chaque côté de chacune des | mâchoires; le chevrotain n’en a que quatre. JL y a aussi de grandes différences entre ces Mu) PE RON TR RRTRNNe 233 HISTOIRE NATURELLE | deux animaux pour la forme des dents mo- laires et des couleurs du poil. La poche du musc fait un caractère qui n'appartient qu’au porte-musc mâle : la femelle n’a ni poche, ni musc, ni dents canines , sui- vant les observations de M. Gmelin, que j'ai cité. | Le porte-musc que j'ai vu vivant, paroiït n'avoir point de queue. M. Gmelin a trouvé, sur trois individus de cette espèce, au lieu de queue, un petit prolongement charnu , long d'environ un pouce... [l y a des auteurs qui ont fait représenter le porte-musc avec une queue bien apparente, quoique fort courie. Grew dit qu’elle a deux pouces de! Jongueur ; mais il n’a pas observé si cette : partie renfermoit des vertèbres. | Dans la description que M. Gmelin a faite du porte-musc, les viscères m'ont paru res- semblans à ceux des animaux ruminans, sur-tout les quatre estomacs, dont le premier a trois convexités, comme dans les animaux sauvages qui ruminent. Si l’on joint ce ca- ractère à celui des deux dents canines dans la mâchoire du dessus, le porte-musc res- semble plus, par ces deux caractères, au cerf + { ul DU MUSC. "239 qu’à aucun autre animal ruminant, excepté le chevrotain, au cas qu'il rumine , comme il ya lieu de le croire. Ray dit qu’il est douteux que le porte- muse rumine. Les gens qui soignent celui que j'ai décrit vivant, ne savent pas s’il ru- mine : je ne l’ai pas vu assez long-temps pour en juger par moi-même; mais je sais, par les observations de M. Gmelin, qu'il a les organes de la rumination, et je crois qu’on le verra ruminer, etc. etc. » * ADDITION A L'ARTICLE . 9 DELA 'GIRAMENS Novs donnons ici la figure de la girafe d’après un dessin qui nous a été envoyé du cap de Bonne-Espérance , et que nous avons rectifié dans quelques points d’après les notices de M. le chevalier Bruce. Nous: donnons aussi la figure des cornes de cet ani- mal. Nous ne sommes pas encore assurés que ces cornes soient permanentes comme celles des bœufs , des gazelles, des chèvres , etc., ou , si l’on veut, comme celles du rhinocé-- ros, ni qu'elles se renouvellent tous les ans comme celles des cerfs ,. quoiqu’elles pa- roissent être de la même substance que le bois des cerfs; il semble qu’elles croissent pendant les premières années de la vie de l'animal , sans cependant s'élever jamais à * Tome VI, page 26. LA GIRAFFE. ] Pauquit- .p / : ENS ER ù < RSS : SR SSSS Sa sie IN Î auquet. S us Lei Den. M DANECTS rh 1 L k. Q Te LJre À » LA GIRAFFE Zom 8. | PUz7: SQUELETTE DE LA GIRAKFFE. O7 ue /. r 2e Re LC ST “. n Va %. PR. ee 7 D | gite. L£ Eu 3 FOOT RTE SRE HAE Ve “ À 0 HISTOIRE NATURELLE. 24x une grande hauteur , puisque les plus longues que l’on ait vues, n’avoient que douze à treize pouces de longueur , et que communément elles n’ont que six ou huit pouces , comme celle de la figure 14. C’est à M. Allamand, célèbre professeur à Leyde, que je dois la vonnoissance exacte de ces cornes. Voici l’ex- trait de la lettre qu’il a écrite à ce sujet, le 31 octobre 1766 , à M. Daubenton , de l’aca- _démie des sciences : . «J'ai eu l'honneur de vous dire que j’avois «ici une jeune girafe empaillée, et vous «m'avez paru souhaiter , ainsi que M. de « Buffon , de connoître la nature deses cornes ; « cela m'a déterminé à en faire couper une, «que je vous envoie pour vous en donner «uñe uste idée. Vous observerez que cette «girafe étoit fort jeune. Le gouverneur du « Cap, de qui je l’ai reçue , m'a écrit qu'elle «avoit été tuée couchée auprès de sa mère. « Sa hauteur n’est en effet que d'environ six « pieds, et par conseéquent ses cornes sont « courtes et n’excèdent guère la hauteur de: « deux pouces et demi; elles sont couvertes « par-tout de la peau bien garnie de poils, et 21 LAN RAD PUR AE \ r Le 342 HIsT OIRE a BOT & ceux. qui terminent la pointe sont beau « coup plus grands que les autres, et forment «un pinceau dont la hauteur excède celle de. « la corne. La base de ces cornes est large de « plus d’un pouce : ainsi elle forme un cône «obtus. Pour savoir si elle est creuse ou, «solide, si c’est un bois ou une corne, je « l'ai fait scier dans sa longueur avec le mor° « ceau du crâne auquel elle étoit adhérente; « je l'ai trouvée solide et un peu spongieuse, « sans doute parce qu’elle n’avoit pas encore «acquis toute sa consistance. Sa contexture | « est telle, qu'il nè paroit point qu’elle soit « formée de poils réunis comme celle du rhi- «nocéros, et elle ressemble plus à celle du « bois d’un cerf qu’à toute autre chose ; je _«dirois même que sa substance n’en diffère «point, si j'étois sûr qu'une corne qu'on «m'a donnée depuis quelques jours pour «une corne de girafe, et qui m'a été envoyée «sous ce nom, en fût véritablement une. « Elle est droite, longue d’un demi-pied, «et assez pointue : on y voit encore quel- «ques vestiges de la peau dont elle a été «recouverte, et elle ne diffère du bois d’un «cerf que par la forme. Si ces observations . 1 DELA GIRAFE. 243 « ne vous suffisent pas, je vous enverrai avec « plaisir ces deux cornes, pour que vous « puissiez les examiner avec M. de Buffon. « Je dois encore remarquer par rapport à ceé - Qanimal, que je crois qu'on a exagéré en « parlant de la différence qu’il y a entre la « longueur de ses jambes de devant et celles « de derrière ; cette différence est assez peu « sensible dans la jeune girafe que j'ai. » C'est d’après ces cornes envoyées par M. Allamand que nous en donnons ici la figure. Mais, indépendamment de ces deux cornes ou bois qui se trouvent sur Îa tête de la fe- melle girafe , aussi-bien que sur celle du mâle, il y a au milieu de la tête, presque à distance égale , entre les narines et les yeux, une excroissance remarquable, qui paroit être un.os couvert d'une peau molle, garnie d’un poil doux. Ce tubercule osseux a plus de trois pouces de longueur , et est fort in— cliné vers le front, c’est-à-dire qu’il fait un angle très-aigu avec l’os du nez. Les couleurs de la robe de cet animal sont d’un fauve clair. et brillant, et les taches en genéral sont de figure rhomboïdale, - | FATE RU TM 244 HISTOIRE NATURELLE US | Il est maintenant assez probable, parl'i ins<. pection de ces cornes solides et d’une subs- tance semblable au‘bois des cerfs,” que la girafe pourroit être mise dans le genre des cerfs, et cela ne seroit pas douteux si l’on étoit assuré que son bois tombe tous les ans; mais il est bien décidé qu’on doit la séparer du genre des bœufs et des autres animaux dont les cornes sont creuses. En attendant, nous considérerons ce grand et bel animal comme faisant un genre particulier et unique: ce qui s'accorde trés-bien avec les autres faits de la Nature , qui, dans les grandes espèces, me double pas ses productions; car l’élé- phant , le rhinocéros, l’hippopotame, et peut-être la girafe, sont des animaux qui forment des genres particuliers ou des espèces uniques qui n'ont point d'espèces collatérales ; c'est un privilége qui ne paroïit accordé qu’à la grandeur de ces animaux , qui surpasse de beaucoup celle de tous les autres. Dans une lettre que j’ai reçue de Hollande, et dont je n'ai pu lire la signature, on m’a envoyé la description et les dimensions d’une girafe , que je vais rapporter ici. DE LA GIRAFE | 145 « La girafe est l’animal le plus beau et le « plus curieux que l'Afrique produise. Il a « vingt-cinq pieds de longueur du bout dela _« tête à la queue. On lui a donné le nom de « chameau - léopard , parce qu'il a quelque ressemblance au chameau par la forme de « sa tête, par la longueur de son cou, etc. , «et que sa robe ressemble à celle des léo- « pards par les taches dispersées aussi réguliè- « rement, On en trouve à quatre-vingts lieues «du cap de Bonne-Espérance , et encore « plus communément à une profondeur plus « grande. Cet animal a les dents comme les « cerfs : ses deux cornes sont longues d'un « pied ; elles sont droites et grosses comme «le bras , garnies de poil , et comme cou- « pées à leurs extrémités. Le cou fait au moins «la moitié de la longueur du corps, qui, « pour la forme, ressemble assez à celui du « cheval. La queue seroit aussi assez sem— « blable ; mais elle est moins garnie de poil «que celle du cheval. Les jambes ressemblent «assez à celles d’un cerf; les pieds sont garnis «de sabots très-noirs , obtus et écartés. « Quand l’animal saute, il. Jen « ensemble les « deux pieds de devant, et ensuite Les deux 21 À Le in Push L'ÉCOLE GAS à n | * 246. HI STOIRE NATURELLE « de derrière, comme un cheval qui auroit «les deux jambes de devant attachées : ül «court mal et de mauvaise grace; on peut «très - aisément l’attraper à la course. Il _@porte toujours la tête très-haute , et ne se «nourrit que des feuilles des arbres, ne « pouvant paitre l'herbe à terre, à cause de « Sa trop sine hauteur. Il est même forcé «de se mettre à genoux pour boire. Les fe- «melles sont en général d’un fauve plus «clair, et les mâles d’un fauve brun. Il y « en a aussi de presque blancs , les taches sont « brunes ou noires. Voici les dimensions d'un « de ces animaux, dont les peaux-ont été en- « voyées en Europe. » : pieds. pouc. lign. Lonpueur de la tetes Yo be 8 » Häuteur du pied de devant jusqu’au MARTEL. danse A lue ea RES » ». Hauteur du garrot au-dessus de la EC à CAE VE PA A A AE A AE si » » Longueur depuis le garrot jusqu'aux si MEUTS 4 Le tiens D'ou Ni UM AR RENNES 6 » Longueur depuis les reins jusqu'à Ffqueue., TU «4 2470 000 6 » Hauteur depuis Ada de derzière ù | PR LOTS à à à ts à ae D 2 + LS IDÉIDA GLRATET 1 2 J'avois livré cet article sur la girafe à l'impression , lorsque j'ai reçu, le 23 juillet 1775, la belle édition que M. Schneider a faite de mon ouvrage, et dans laquelle j'ai vu, pour la première fois, les excellentes - additions que M. Allamand y a jointes; je ne puis donc mieux faire aujourd'hui que de copier en entier ce que MM. Schneider et Allamand disent au sujet de cet animal, iome XIIT, page 17, de l'Histoire naturelle, edition de Hollande. « M. de Buffon blâme avec raison nos no- menclateurs modernes, de ce qu'en parlant de la girafe ils ne nous disent rien de la na- ture de ses cornes, qui seules peuvent four- mir le caractère propre à déterminer le genre auquel elle appartient ,.et de ce qu'ils se sont amusés à nous en faire une description sèche et minutieuse , sans y joindre aucune figure. Nous allons remédier à ce double défaut. M. Allamand, professeur d’histoire natu— relle à l’université de Leyde, a placé, dans le cabinet des curiosités d'histoire naturelle de l’université, la peau bourrée d’une jeune 243 HISTOIRE NATURELLE girafe : il a bien voulu nous en communi- quer le dessin, que nous avons fait graver dans la planche première K, et ilya nié la description suivante. | à M. Tulbaoh, souverneur du cap de Bonne- Espérance, qui a enrichi le cabinet de notre académie de plusieurs curiosités naturelles irès-rares , m'a écrit,en m’envoyant la jeune girafe que nous avons ici, qu’elle avoit été tuée par ses chasseurs, fort avant dans les terres, couchée auprès de sa mère , qu’elle tétoit encore. Par-là il est constaté que la girafe n'est pas particulière à Éthiopie \ comme l’a cru Theévenot. | Dès que je l’eus reçue , mon premier soin fut d'en examiner les cornes , pour éclaircir le doute dans lequel est M. de Buffon sur leur substance. Elles ne sont point creuses comme celles des bœufs et des chèvres, mais solides comme le bois des cerfs, et d’une consistauce presque semblable; elles n'en diffèrent qu’en ce qu'elles sont minces, droites et simples, c'est-à-dire, sans être divisées en branches ou andouillers : elles sont recouvertes dans * Tome XIII de cet ouvrage, édition de Hob lande, in-4°. | FAN MAMIE GRAS Ÿ DE LA GIRAFÉE. 249 toute leur longueur de la peau de l’animal , et jusqu'aux trois quarts de leur hauteur ; cette peau est chargée de poils courts, sem— blables à ceux qui couvrent tout le corps ; vers leur extrémité, ces poils deviennent plus lonss ; ils s'élèvent environ trois pouces au-dessus du bout mousse de la corne, et ils sont noirs : ainsi ils sont très-difiérens du duvet qu’en voit sur le refait des cerfs. Ces cornes ne paroissent point être compo- sées de ces poils réunis, comme celles du rhinoceros : aussi leur substance et leur tex- ture est tout autre. Quand on les scie sui- vant leur longueur, on voit que, comme les es , elles sont formées d’une lame dure quE en fait la surface extérieure ,et qui renferme au-dedans un tissu spongieux ; au moins cela est-il ainsi dans les cornes de ma jeune girafe : peut-être que les cornes d'une girafe adulte sont plus solides ; c’est ce que M. de Buffon est actuellement en état de détermi- ner : je lui ai envoyée une des cornes de ma girafe , avec celle d'une autre plus âgée, qu'un de mes amis a reçue des Indes orien- tales. | Quoique ces cornes soient solides comme 250 HISTOIRE NATURELLE. celles des cerfs, je doute qu’elles tombent de A CA ; , 47 mème que ces dernières : elles semblent être une excroissance de l’os frontal, comme l’os qui sert de noyau aux cornes creuses des bœufs et des chèvres, et il n’est guère possible qu'elles s’en détachent. Si mon doute est fonde, la girafe fera un genre particulier, différent de ceux sous lesquels on comprend les animaux dont les cornes tombent , eË ceux qui ont des cornes creuses, mais per- manentes. SL Ah Les girafes adultes ont au milieu du front un tubercule qui semble être le commen- cement d’une troisième corne : ce tubercule ne paroît point sur la tête de la nôtre, qui yraisemblablement étoit encore trop jeune. Tous les auteurs, tant anciens que mo- dernes , qui ont décrit cet animal, disent qu'il y a une si grande différence entre la longueur de ses jambes, que celles de de- vant sont une fois plus hautes que celles de derrière. Il n’est pas possible qu'ils se soient trompés sur un caractère si inarqué : mais j'ose assurer qu’à cet égard la girafe doit changer beaucoup en grandissant; car , dans la jeune que nous avons ici, la hauteur des Clan VOVES, MON MARTEL LL: CeY MT h ut) 5 _ NT DE LA GIRAFE. Die jambes postérieures égale celle des jambes antérieures ; ce qui n'empêche pas que le train de devant ne soit plus haut que celui de derrière, et cela à cause de la différence qu'il y a dans la grosseur du corps, comme on le voit dans la figure : mais cette diffe- rence n’approche pas de ce qu’on en dit, comme on pourra le conclure par les dimen- sions que je vais donner. Le cou de la girafe est ce qui frappe le plus ceux qui la voient pour la première fois : il n’y a aucun quadrupède qui l'ait aussi long, sans en excepter le chameau : qui d'ailleurs fait replier son cou en diverses fa= çons; ce qu’il ne paroît pas que la girafe puisse faire. Sa couleur est d’un blanc sale, parsemé de taches fauves, ou d’un jaune pâle, fort près les unes des autres au cou, plus éloignées dans le reste du corps, et d’une figure qui approche du parallélogramme ou du rhombe. La queue est mince par rapport à la lon- sueur et à la taille de l’animal ; son extré— mité est garnie de poils ou plutôt de crins noirs, qui ontsept à huit pouces de longueur. Une crinière composée de poils roussâtres, » 25 HISTOIRE NATURELLE de’ trois pouces de longueur, et inclinée vers la partie postérieure du corps, s'étend depuis la tête tout le long du cou jusqu’à la moitie du dos ; là , elle continue à la distance de quelques pouces : mais les poils qi la forment sont penchés vers la têle, et près de l’origine de la queue elle semble recommen- cer,et s'étendre jusqu’à son extrémité; mais les poils en sont fort courts, et à peine les distingue-t-on de‘ceux qui couvrent le reste + du corps. Ses paupières, tant les supérieures que les inférieures, sont garnies de cils formés par. une rangée de poils fort roides ; on en voit desemblables , mais clair-semés et plus longs, autour de la bouche. Sa physionomie indique un animal doux et docile, et c’est-là ce qu’en disent ceux qui l'ont vue vivante. Cette description de la girafe, ajoutée à ce qu'en dit M. de Buffon d’après ' divers. auteurs , et accompagnée de la figure que j'ai jointe ici, suffit pour en donner des idées plus justes que celles qu'on en a eues: jusqu’à présent; il n’y manque que les di- imensions de ses principales parties. Les voici : DELA GIRAFE 253 ra | pieds. pouc. lign. Longueur du corps entier, mesuré | en ligne droite, depuis.le bout du museau jusqu à l’anus......,.. D "7 6 Hauteur du tram de devant:..... 4 5 » - Hauteur du train de derrière....... 4 > 3 Longueur de la tête, depuis le bout . du museau jusqu’à l’origine des CES nn dan 5 0 etes le 442 9 7 Circonférence du bout du museau, puise derrière les naseaux.....4 >» 9 5 Circonférence de la tête, prise au- | dessus degiyeux...s ges. du sos I 5 9 Contour de Il ouverture de la bouche » rr 6 Distance entre les angles de la mä- choire inférieure. ...ss 1... 2 AE Distance entre les naseaux....... AE I 2 Distance entre les yeux, mesurée | eu hone droite... raie due j 4 6 5 Longueur de l'œil d’uu angle à \ A PU 0 MU Rte 200 Distance entre les deux paupières. OUVETLES. » , os do due ve due dodo ot À I Ê Distance entre l’angle antérieur et Jesbeut-des lèvres... 344. 55012 66 Distance entre l’angle postérieur et RE. duin-cless on dre Mau D nl 00 6. Quadrupèdes, II. 22 { 254 HISTOIRE NATURELLE s pieds. pouc. TN pdt des cornes... Unit 0 VINS Distance d’une corne à l’autre , prise : STE to au Das. 4 émerge PIRE Set ES Q Distance des cornes aux oreilles. . > » 1 2 J Longueur des oreilles. #.,....,.. °» 16 » Largeur de la base, mesurée sur la courbure . 5 ANUS a 65 52 Distance entre Les deux. oreilles, prise au bas... a 4 4 RS Ie OO MAOMSAIONNTE de ae 20 ( Circonférence près de la tête. ....,. x HOALS Circonférence près des épaules. LE TS we") "a Circonférence du corps, prise der- rière les jambes de devant..... 3 zr 4 Circonférence devant les jambes de î derrière. 4 414 rte +41 SU mister Longueur du troncon de la queue... € 313 Circonférence à son origine....... 3 CALE Hauteur des jambes de devant, de- F puis la plante des pieds jusque : (st sous la poitrmes. {444 cui À N3100 Grtiiee Hauteur des jambes de derrière, depuis la plante des pieds jusque iQ sous'le veñitre.-".1."100.21#01/008 L a Longueur des sabotsiii,13,206, MN À SSI ent Hauieur des sabots... .2424%.1,,0:: » 2 7 F DE LA GIRAFE. - 253 d'u pieds. pouc. lign. Largeur des deux sabots dans les RE ant... en. Un 3 5 Largeur des deux sabots dans les PEUR MÉTIIETC. 4... 2 3 sa Circonférence des deux sabots réu- mis, prise sur les pieds de devant t#t I 6 Circonférence prise sur les pieds de LT ea a pl à mn à .» » Je ne donne point ici les circonférences du genou , du boulet, ni du päturon , non plus que les longueurs des différentes parties qui composent les jambes, parce qu’il ne m'a pas été possible de les prendre sur une peau bourrée , où ces différentes parties ne sont pas exactement déterminées. » | * On voit par cette description , non seule- ment la grande intelligence , mais la circons- pection et la prudence que M. Allamand met dans les sujets qu’il traite. J'aurois fait co— pier sa planche pour accompagner sa des- cription : mais comme j en donne une autre, et que d’ailleurs sa girafe étoit fort jeune, j'ai cru que je devois m'en dispenser, Je ferai 256 HISTOIRE NATURELLE je "M seulement une observation au sujet des cornes Æ que le même M. Allamand a eu la bonté de - m'envoyer : je doute beaucoup que la plus longue ait appartenu à une girafe; elle n’a nul rapport de proportion avec les autres, qui sont très-prosses, relativement à leur longueur , tandis que celle-ci est menue, c'est-à-dire, fort longue pour sa grosseur. IL. est dit dans la description anonyime rap poriée ci-dessus, que les girafes adultes ont les cornes longues d’un pied et grosses comme le bras ; si celle-ci, qui est longue d’un demi- pied, étoit en effet une corne de girafe , elle seroit deux fois plus grosse qu’elle ne l’est : d’ailleurs cette prétendue corne de girafe m’a paru si semblable à la dague d'un daguet, c'est-à-dire, au premier bois d’un jeune cerf, que je crois qu'on peut, sans se tromper, la . regarder comme telle. | Mais je serois assez de l’avis de M. Afla- mand , au sujet de la nature des cornes de. girafe : le tubercule qui, dans cet animal, ait "pour aisi dire, une troisième corne au milieu du chanfrein, ce tubercule, dis-je, est certainement osseux ; les deux petites cornes sciées etoient adhérentes au crâne sans (DE LA GIRAFE 257 être appuyées sur des meules, elles doivent donc être regardées comme des prolonge- mens osseux de cette partie. D'ailleurs le poil ou plutôt'le crin dont elles sont envi- ronnées et surmontées , ne ressemble en rien au velours du refait des cerfs ou des daims: ces crins paroissent être permanens , ainsi que la peau dont ils sortent; et dès lors la corne de la girafe ne sera qu’un os qui ne diffère de celui de la vache que par son en- veloppe, celui-ci étant recouvert d’une substance cornée où corne creuse, et celui de la girafe couvert seulement de poil et de peau; ‘RZ RS v PM NOUVELLE ADDITION . A L'ARTICLE DE LA GIRAFE. Lors QUE nous avons donné la première addition à l’articlé de cet animal, dont la hauteur surpasse celle de tous les autres animaux quadrupèdes , nous n’ayions pu recueillir encore que des notions impar- faites, tant par rapport à sa, conforma- tion qu à ses habitudes. Avec quelque soin que nous eussions comparé tout ce qui à èle écrit au sujet de la girafe par les anciens naturalistes et les modernes, nous ignorions encore si elle portoit-sur-la tête des bois ou des çornes ; et quoique la figure que nous avons donnée de cet animal ,; soit moins défectueuse qu'aucune de celles que l'on avoit publiées avant nous , cependant nous avons reconnu qu'elle n’est point exacte à plusieurs écards. M. Gordon , observateur" très-éclairé, quenousavons cité plusieurs fois avec éloge, a fait un second voyage dans l'in- à Ni à LT \ HISTOIRE NATURELLE. 259 terieur de l'Afrique méridionale :: 1l a vu et pris plusieurs girafes; et les ayant exami- nées avec attention , il en a envoyé à M. Alla- mand un dessin que j'ai fait copieret graver; nous y. joindrons plusieurs détails intéres- sans sur les habitudes et, la conformation de cet animal si remarquable par sa gran-— deur. à | Les girafes se trouvent, dit-il, vers le vingt-huitième degré de latitude méridio- nale, dans les pays habités par des nègres, que les Hottentots appellent Briras ou Bri- quas ; l'espèce ne paroit pas être répandue vers le sud au-delà du vingtneuvième degré, et ne s'étend à l’est: qu'à cinq ou six degrés du méridien du Cap. Les: Caffres, qui ha- bitent les côtes orientales de l'Afrique , me connoissent point les airafes ; il paroît aussi qu'aucun voyageur n'en a vu sur les côtes occidentales de ce continent, donit elles ha- bitent seulement l’intérieur. Elles sont con- finées dans les limites que nous venons d’in- diquer vers ie sud, l’est et l’ouest, et du côté du nord on les retrouve jusqu'en Abissinie , et mème dans la haute Egypte. Lorsque ces antmaux sont debout et en 260 HISTOIRE NATURELLE ne repos, leur couestdans une position ve HOT Leur hauteur, depuis la terre jusqu’au-dessus de la tête, est, dans les adultes, dé quinze à seize pieds. La girafe que j'ai fait repré. senter et dont la depouille est dans le cabinet de M. Allamand , étoit haute de quinze pieds deux pouces. Sa longueur étoit peu propor- tionnée à sa hauteur : elle n’avoit que cinq pieds cinq. pouces de longueur de corps , me- surée en droite ligne depuis le devant de la poitrine jusqu’à l'anus. Le train dé devant, mesure depuis terre jusqu’au - dessus des épaules, avoit neuf pieds onze pouces de hauteur ; mais celui de derrière n’étoit hauüt que de huit pieds deux pouces. On a cru qu’en genéral la grande différence de hauteur qui se trouve entre le derrière et le devant de la girafe, provenoit de l’iné- galité de hauteur dans les jambes : mais M. Gordon a envoyé à M. Allamand tous les os d’une des jambes de devant et d’une des jambes de derrière; elles sont à peu près _de la même longueur, comme on pourra le voir par les dimensions rapportées à la fin de cet article, en sorte que l'inégalité des deux trains ne pent être attribuée à celte a Es Ja DE L'A GIRAFE. 26€. cause , mais provient de la srandeur des omo- plates et des apophyses épineuses des ver- tèbres du dos. L’os de l’omoplate a deux pieds de longueur , et les premières apo- physes épineuses sont longues de plus d’un pied ; ce qui suffit pour que le train de de- vant soit plus élevé que celui de derrière d'environ un pied huit à neuf pouces , comme on peut le voir dans le squelette de cet ani- mal que nous donnons ici. ( La peau de la girafe est parsemée de taches rousses ou d’un fauve foncé sur un fond blanc. Ces taches sont très-près l’une de l’autre, et de figure rhomboïdale ou ovale et même ronde. La couleur de ces taches est moins foncee dans les femelles et dans les jeunes mâles que dans les adultes, et toutes en général deviennent plus brunes et même noires à mesure que l'animal vieillit. Pline a écrit que le caméléopard, qui est le même animal que la girafe, avoit destaches blanches sur un fond roussâtre; et en effet, lorsqu'on voit de loin une girafe, elle paroît presque en- tièrement rousse, parce que les taches sont beaucoup plus graudes que Les espaces qu’elles laissent entre elles, de façon que ces inter NN RENNES TP 262 HISTOIRE NATURELLE | % valles semblent être des taches blanches semées sur un fond roussätre. La forme de la tête de la girafe a quelque ressemblance avec celle de la tête d’une brebis : sa longueur est de ‘plus de deux pieds; le cerveau est très— petit; elle est couverte de poils parsemés de taches semblables à celles du corps, mais plus petites. La lèvre supérieure dépasse Fin- - férieure de plus de deux pouces; il y a huit dents incisives assez petites dans la mâchoire inférieure; et,.comme dans tout autre ani- mal ruminant, il ne s’en trouve point dans la mâchoire supérieure. Joseph Barbaro, cité par Aldrovande , écrit que la girafe a une langue ronde, dé- liée , violette , longue de deux pieds, et qu’elle s’en sert comme d’une main pour cueillir les feuilles dont elle se nourrit + mais c’est une erreur, et M. Gordon a re connu dans toutes les girafes qu'il a prises e& disséquées , que la langue de ces animaux ressemble par la forme et la substance à la langue des gazelles ; et 11 a reconnu aussi que leur structure intérieure est à peu près la même , et que la vésicule du fel est fort petite. DE LA GIRAFE. 263 Les yeux sont grands , bien fendus , bril- lans , et le regard en est doux. Leur plus long diamètre est de deux pouces neuf lignes , et les paupières sont garnies de poils longs et roides en forme de cils; et il n’y a point de larmier au bas des yeux. | La girafe porte au-dessus du front deux cornes un peu inclinées en arrière. Nous avions déja pensé, d’après celle que M. Alla- mand nous avoit envoyée , qu’elles ne tom- boient pas chaque année comme les bois des cerfs, mais qu’elles étoient permanentes comme celles des bœufs , des beliers, etc. Notre opinion a été entièrement confirmée par les observations de M. Ailamand sur une tête décharnée qu'il a dans sa collection. Les cornes de la girafe sont une excroissance de l'os du front, dont elles font partie, et sur lequel elles s'élèvent à la hauteur de sept pouces ; leur circonférence à la base est de plus de neuf pouces; leur extrémité est ter- minée par une espèce de gros bouton. Elles sont recouvertes d’une peau garnie de poils noirs, et plus longs vers l'extrémité, où ils forment une sorte de pinceau qui manque cependant à plusieurs individus, vraisembla- ) PTE PA AA K KA Lu pa: Ve Ca DES 4 { À, ; de 264 HISTOIRE NATURELLE blement parce qu’ils les usent en se frottant contre les arbres. Ainsi les cornes de la gi rafe ne sont pas des bois , mais des cornes comme celles des bœufs , et elles n’en dif£ fèrent que par leur enveloppe, les cornes des bœufs étant renfermées dans une subs= tance cornée , et celles de la girafe étant seu- lement recouvertes d'une peaugarniedepoils. Imndépendamment de ces deux cornes, 1ly a au milieu du front un tubercule qu'on prendroit, au premier coup d'œil, pour une troisième corne , mais qui n’est qu’une ex- croissance spongieuse de l'os frontal, :d’en-— viron quatre pouces de diamètre sur deux pouces de hauteur. La peau qui le couvre est quelquefois calleuse et dégarnie de poils, à cause de l'habitude qu'ont ces animaux de frotter leur tête contre les arbres. Les oreilles ont huit à neuf pouces de lon- sueur ; et l’on remarque entre les orerlles et les cornes deux protubérances composées de glandes qui forment un assez gros volume.» Le cou. a six pieds de longueur; ce qui donne à chaque vertébre une si grande épais- seur , que le cou ne peut guère se fléchir. est à l'extérieur garni en-dessus d'une CII 4 DELA 'GIRATE. 1: 269 hière qui commence à la tête, et qui sè ter- mine au-dessus des épaules dans les adultes, mais qui s'étend jusqu’au milieu du dos dans les jeunes girafes. Les poils qui la composent _ sont longs de trois pouces, et forment des touffes alternativement plus ou moins fon- cées. _ La partie du dos'qui est près des épaules est fort élevée : ils’abaisse ensuite ;: il se relève et se rébaisse encore vers la queue, qui est très - mince et a deux pieds de longueur. Elle est couverte de poils très-courts , et son extrémité est garnie d’une touffe de poils noirs applatis , très-forts et longs de deux pieds. Les nègres se servent de ces crins de girafe pour lier les anneaux de fer et de cuivre qu'ils portent en forme de bra- celet. | Le ventre, eleve au-dessus de terre de cinq pieds sept pouces vers la poitrine, et seule- ment de cinq pieds vers les jambes de der- rière , est couvert de poils blanchâtres. Les jambes sont tachetées comme le reste du corps, jusqu'au canon, qui est sans tache et d'un blanc sale. Les sabots sont beaucoup plus hauts par- | 23: : 266 HISTOIRE NATURELLE devant que par-derrière, et ne sont. poin Li surmontés d’ergots comme dans les autres animaux à pieds fourchus. D'après toutes les comparaisons que l’on a pu faire entre les mâles et les femelles, soit pour la forme , soit pour les couleurs , on n’y a pas trouvé de différence sensible ; et il n’y en a qu'une qui est réelle, c’est celle de la grandeur , les femelles étant toujours plus petites que les mâles. Elles 0nt quatre ma- melles , et cependant ne portent ordinaire- ment qu’un petit; ce qui s'accorde avec ce que nous savons de tous les grands animaux, qui communément ne produisent que un seul petit à chaque portée. Quoique le corps de ces animaux paroisse disproportionné dans plusieurs de leurs par- ties , ils frappent cependant les regards, et attirent l'attention par leur beauté, lors-- qu'ils sont debout et qu’ils relèvent leur tête. La douceur de leurs yeux annonce celle de leur naturel. Ils n’attaquent jamais les autres animaux, ne donnent point de coups de tête, comme les beliers; et ce n’est que quand ils sont aux abois, qu’ils se défendent avec les pieds , dont ils frappent alors la terre avec violence, | DE LA GIRAFE. 267 Le pas de la girafe est un amble; elleporte ensemble Le pied de derrière ei celui de de- vant du même côté; et, dans sa démarche, le corps paroît toujours se balancer. Lors- qu’elle veut précipiter son mouvement, elle ne trotte pas, mais galope en s'appuyant sur les pieds de derrière ; et alors, pour maintenir l'équilibre , le cou se porte en arrière lorsqu'elle élève ses pieds de devant, et en avant lorsqu'elle Les pose à terre : mais en général les mouvemens de cet animal ne sont pas très-vifs ; cependant, comme ses - jambes sont très-longues , qu’elle fait de très- grands pas , et qu'elle peut marcher de suite pendant très-long-temps, il est difficile de la suivre et de l’atteindre méme avec un bon cheval. Ces animaux ont fort doux, et l’on peut croire qu 1l est possible de Les apprivoiser et de Les rendre domestiques; néanmoins ils ne le sontnulle part, et dans leur état de liberté _ils se nourrissent des feuilles et des fruits des arbres, que, par la couformation de leur corps et la longueur de leur cou, ils saisissent avec . plus de facilité que l’herbe qui est sous leurs pieds, et à laquelle ils ne peuvent atteiudre qu'en pliant les genoux. \ 268 HISTOIRE NATURELLE Leur chair , sur-tout celle des jeunes ,: est % assez bonne à manger , et leurs os sont rem- plis d’une moelle que les Hottentots trouvent ‘exquise : aussi vont-ils souvent à la chasse des girafes, qu’ils tuent avec leurs flèches empoisonnées. Le cuir de ces animaux est épais d’un demi-pouce. Les Africains s’en servent à différens usages; ils en font des vases où ils conservent de l’eau. Les girafes habitent uniquement dans les plaines : elles vont en petites troupes de cinq ou six, et quelquefois de dix ou douze; ce- pendant l'espèce n’est pas très-nombreuse. Quand elles se reposent , elles se couchentsur le ventre; ce qui leur donne des callosités au bas de la poitrine et aux jointures des ÿ jambes. Nous croyons devoir ajouter ici Les Anh sions d’une girafe tuée par M. Gordon dans le pays des grands Namaquas.' Hauteur mesurée en ligne droite, depuis la plante des pieds de de- 2 ? vant jusqu'au-dessus du tubercule qui est sur Ja tête, lorsque l’ani- mal a le cou dressé perpendicu- MEME", 0 AU EEE 15 À >» pieds. pouc. lign. UE à L4 Fm. \ À ÎDE LA GIRAFE di MES Longueur depuis le bout du mu- seau le long du cou, ou en sui- vant la courbure du corps jusqu’à l’origine de la queue... ......., Longueur du corps depuis la poi- EH pieds. pouc. lign. 13 _trine jusqu'à l'anus en droite : 12112 ARE, PARLE ORAN LUN Es Longueur en suivant la courbure.. Hauteur jusqu’au-dessus du garrot ER ene DOME LES JU. ANR Hauteur en suivant la courbure... Hauteur du train de derrière jus- qu’au-dessus dela croupe en ligne ho ES ee du et Un Hauteur suivant li coùebuire : : 240: Hauteur de la parue inférieure du corps au-dessus du terrain près de la poitrine 5 +. + © + © © © © © à © © © e. : Hauteur entre les jambes de der- ae 2 ONE CERN UP SIREN Circonférence du corps derrière les jamhesider déyantis ue CR Circonférence derrière les jambes de-derrière.....,............ Longueur de la tête, depuis le bout du museau jusque derrière les Cr 10 3 &I (È » ANNE QE Anne CE à t à Le 270 HISTOIRE NATURELLE pieds. pouc. Jign. \ éuinences qui sont entre Îles. cornes et les creilles........... 2 Ar à Distance entre le bout du museau | 4 ; et le milieu des yeux... 044.2 et Neon Longueur des yeux:, +, 2.241440 a: 144 Longueur de la prunelle dans sa ù plus grande dimension. de US RUE Dur» Longueur dans sa plus courte di- mebsione. « . «122 à: 0 SO MNOINRAENS » Longueur des cornes... .,:,03 3h) te » Circonférence des cornes à leur base » x >» Circonférence des cornes près du sommet . 4 . 2308 das ui e L'URSS 7 » Distance entre les bases des cornes .» 2 » Distance entre leurs extrémités . JS dés Ni » Longueur des oreilles... 544590 Y » Circonférence des oreilles près de léuxbase ee JDE AR DEN > Circonférence de la tête devant les Cons nie AU RSS ne NOUS 7 4 Circonférence derrière les dents in- Ÿ Cisitese DAS AT a 0 de nb ae 00 MONTE 8 » Longueur du Cou... 404 RUE Be 6 Circonférence du con près de latête 2 6 6: Circonférence du cou à son milieu, 3 » » Circonférence pris des épaules en. #5 6 DURE % TIDENLA IGLRABES «1 sr. 2e pieds, pouc. lign. Longueur de la queue et de ses | Qi 1. {1° CPAS RENTRER AMEEr FRA Longueur de la poitrme en ligne Û one EAU UE el 54 es 7 » Longueur de la partie postérieure RATER LL ex dant Ru audit 2 3 Longueur de la jambe de devant, depuis la plante du pied jusqu’au | DOM TR NE tint 0 2 3 Longueur depuis le coude jusqu’à —" OPEN ID RS Ce r 3 Circonférence de la jambe de devant à l'endroit où elle estleplusmince x . 2 » Circonférence à son milieu au-dessus ADS LU ed ph PRO pi > Circonférence près du corps.....: 3 6,100 Longueur des jambes de derrière, depuis la plante des pieds jus- CS MU AUX PEUOMR Lu , li4 2 10 Longueur depuis le genou jusqu’au Dont du fémpe et 0 2 dE 5 Circonftrence de la jambe de der- rière à endroit le plus mince... r + 6 Circonférence à son milieu au-des- | is OU SETOL- 2 LES AU Venu T2 » > . Circonférence près du corps. ...... & > » pe à DA A4 re HISTOIRE NATURELLE. pieds. pouc. lign. Hauteur de la partie antérieure des sabbtsss de deu das ne PAPERS ASTM Hauteur de leur partie postérieure. : » MERS Longueur de la plante du pied de devant...........4....s.4..te) 2) gum Sa largeur....,................ > Gun Longueur de la plante du pied de derrière : 4 ie a QT URSS 8 » Sa largeur.f, 5 ose usedaie ent ete OA NRNR Dimensions des différentes parties du sque- lette de la girafe, envoyé par M. Gordon à M. Allamand. L'on a conservé dans la figure que nous enr donnons ici, la représentation d’un très-fort ligament qui sert à l'animal à soutenir et diriger son cou : ce ligament s'étend le long des vertèbres dorsales au-dessus de leurs apo- physes épineuses ; il est adhérent à toutes les cervicales , et il a sa direction au bas de celle qui est immédiatement au-dessous de Tatlas. (l DE LA GIRAFE. pieds. pouc. lign. puni Longueur de la iête , depuis le bout de la mâchoire supérieure jusqu’à LS TRE ARRRMMARERnn te Sa circonférence près des cornes... Sa circonférence où finissent les os MR MEe cl y Juno ie Longueur de la mâchoire inférieure Longueur de ses branches........ Largeur des dents mâchelières su- Ones da à die arts al 2) Largeur des denis mâchelières infé- LEE IE AA ON EE EEE Largeur de l’ouverture des narines. Le plus grand diamètre des orbites Distance entre les orbites et l’extré- mé des os du nez. is, à Éionaueur des corngs:…. 140 Circon!érence de leurs bases. ..... Circonférence de leur extrémité ar- HOME 5 22 à LAVILGISURE AL raide dt Circonférence au-dessous de cet ar- TOMESSEIMCLE auhs ab si il das Hauteur du tubercule qui est sur le CÉZANNE AO An re ARE UE Ponpuenr de sa base...) LiomeReur di CON: die 2e à je sie D D >: D EL 9 O9 2m3 9 10 D D IT 6 274 HISTOIRE NATURELLE pieds. pouc. Hs. 41 Longueur 4 Pailas. si ha iRel Circonférence de l’atlas à Pendroit Je plus MCE 10 CESSE Longueur de la troisième vertèébre du cou, qui est la plus longue. . Longueur de la septis:me, qui est la’ plus courte. +000 = 0e + 0 © © © « . Circonférence de cette dernière ver- LObBreLNE LiiaU BNR LUSRe RE Longueur de la colonne vertébrale, depuis le cou jusqu’à l’os sacrum P Jusq Longueur de:l’os sacrume sas Longueur des cinq lausses vertèbres du coccix, qui sont le commen- cement de la queue...:....4, Longueur des treize osselets qui for- ment les vertèbres de la queue. . Largeur de la partie la plus large des.os des hanchesi:..,.4.4409.4 Distance entre les os des hanches qui forment le grand bassin. ... Diamètre de la plus grande ouver- ture-du peut bassin. . .,.4.400 Diamètre de sa plus petite ouver- L4 EUTC «soon s 00 0 oetotoe 6 no 04e de Diamètre de la cavité cotyloide..…. D. » b “# FRE IL IE 10 19 QURUTA >» \ # DE LA GIRAFE. pieds. pouc. lign. Longueur du trou ovalare........ Longueur de l’apophyse épineuse de la première vertèbre dorsale... Longueur de celle de la seconde ver- RE UMR an Longueur de celle de la troisième, qui est la plus longue. .......:. Longueur de celle de la quatrième Longueur de celle de la quator- zième, qui est la dernière des Da TarBEUR Aie es au tete vértebres du dos... "Ju rsh Longueur de Papophyse épineuse de la première des vertèbres lom- barres... 990 ae 3.2 duo Longueur de celle de la seconde... Longueur de celle de la troisième. . Longueur de celle de la cinquième et dernière des verttbres lom- Hier epie san Eole Le er Longueur du sternum.........., Longueur de la longue côte, sui- vaus'ila cvurbure.. Us Longueur du cartilage par lequel elle.adhtre au sternum,........ Largeur de la grosse côte, 1... » > 2 p)) > 3 3 D) F ES + po) 25 2 À. 6 à pa 21 276 HIS TOIRE NATURELLE 1 Longueur de l’omopläte 4 at Sa circonférence à l’endroit le plus Nétroit. 40, 280 NN Hauteur de son épine à l’endroit le DIUSA CINE OR RE RARES Diamètre de la cavité glénoide. Longueur de l’humérus.......... Sa circonférence à l’endroit! le plus THINCE +: 00 ACCES ON I eE Longueur de l’os du coude ...... Bonsueur de l’olécräne. .. ....240 Circonférence de l’os du coude à l’endroit le “plis mindes vor. eus Longueur du canon de la jambe de Hovant. 2 eu MNT A ARR Sa circonférence à l’endroit le plus mire 2... Mit as Loûgueur du fémuri. 460 4 0 Sa circontérence à l’endroit le plus pnce. NS LES SUR IDE Longueur du tarse.....,.1:.0utl. Longueur du tibia..........4:. Sa circonférence à l’endroit le plus ARE. Jose ein le de TER Longueur du canon de la jambe postérieure . tes ne a AU ss À 12) Largeur dé Sa” Lase ie 0 CRAN À 2. 1 -E 2 9 _& © E pieds. a lign. À | Te PE Qx © 10 DE LA GIRAFE. 27 | À | pieds. pouc.\dign. Sa circonférence à l’endroit le plus PTT 20e EAN Arena" 7 » Donne la cotules ....,.4.h #13 6 Sa: plus grande largeur... RE Te 3 » Épaisseur Hé la colle) lo 2 > Longueur des os sésamoïdes ..... > > 6 Longueur de la première phalange PE 0 ie a ra 4 Longueur de la seconde phalange. D Le Longueur de la troisième phalange. » 3 4 Le Fr | DU TAPIR*, O U MAÏPOURL \ “s Cr animal , qu'on peut regarder comme l'éléphant du nouveau monde, ne le repré- sente néanmoins que très-imparfaitement par la forme, et en approche encore moins par la grandeur : il sera facile d’en faire au juste la comparaison’; car j'ai cru devoir . donner ici une seconde figure du lapir qui est plus exacte que celle du volume V, plane che 15 , laquelle n'avoit été faite que sur une esquisse dessinée par feu M. de la Conda- mine : celle-ci a élé prise sous nos yeux et sur l'animal vivant, auquel notre climat ne convient guère; car, après son arrivée , il n'a vécu que très-peu de temps à Paris entre * Voyez Parucle du £apir ou maïpouri, tom. V4 page 1cù, Zont 8 . Pl28 IE see ve QE Qu) . ; - ; ; = Be IS L LE TAPIR o MAIÏIPOURI : ;: Fauquet J _ TN } les mains du sieur Rugieri, qui cependant en avoit beaucoup de soin. On voit que l’espèce de trompe qu'il porte au bout du nez , n’est qu’un vestige ou rudi- ment de ceile de l'éléphant ; c’est le seul caractère de conformation par lequel on - puisse dire que le tapir ressemble à l’élé- phant. M. de la Borde, médecin du roi à Cayenne, qui cultive avec succès différentes parties de l’histoire naturelle, m'écrit que le tapir est en effet le plus gros de tous les qua- drupèdes de l'Amérique méridionale, et qu’il y en a qui pêsent jusqu'à cinq cents livres : or ce poids est dix fois moivdre que celni d’un éléphant de taille ordinaire , et l’on n’aufoit jamais pensé à comparer deux ani- maux aussi disproportionnés, si le tapir, indépendamment de cette espèce de trompe, n’avoit pas quelques habitudes semblables à celles de l'éléphant. Il va très-souvent à l’eau “pour se baigner , et non pour y prendre du poisson , dont il ne mange jamais; car il se nourrit d'herbes comme l'éléphant , et de feuilles d’arbrisseaux : il ne produit aussi qu'un petit. de Ces animaux fuient de mème Je voisinage l \ HISTOIRE NATURELLE. 279. è mi A SA nu | ie 280 HISTOIRE. NATURELLE des lieux habités, et demeurent aux environs des marécages et des rivières,qu’ils traversent souvent pendant le jour et même pendant la nuit. La femelle se fait suivre par son petit, A Û et l'accoutume de bonne heure à entrer dans l'eau, où il plonge et joue devant sa mère, qui semble lui donner des leçons pour cet exercice : le père n’a point de part à l’édu- cation ; car l’on trouve les mâles toujours . seuls , à l'exception du temps où L Les femelles sont en chaleur. - \ L'espèce en est assez nombreuse dans l’in- _térieur des terres de la Guiane, et il en vient .de temps en temps dans les bois qui sont à quelque distance de Cayenne. Quand on les chasse , ils se réfugient dans l’eau, où il est aisé de les tirer : mais, quoiqu'ils soient d'un naturel tranquille et doux, ils deviennent dangereux lorsqu'on les blesse ; on en a vu se jeter sur le canot d’où le coup étoit parti, pour tâcher de se venger en le renversant. Il faut aussi s’en garantir dans les forêts: ils y font des sentiers ou plutôt d’assez larges che- mius battus par leurs fréquentes allées et venues; car ils ont l'habitude de passer et repasser toujours par les mêmes lieux; eb il PÉCDU''T ARTE. 2OE est à craindre de se trouver sur ces chemins, dont ils ne se détournent jamais *, parce que leur allure est brusque, et que, sans cher- cher à offenser ,' ils heurtent rudement tout ce qui se rencontre devant eux. Les terres voisines du haut des rivières de la Guiane sont habitées par un assez grand nombre de tapirs , et les bords des eaux sont coupés par les sentiers qu'ils y pratiquent ; ces chemins sont si frayés, que les lieux les plus déserts semblent, au premier coup d'œil, être peu plés et fréquentés par les hommes. Au reste, * Un voyageur n’a raconté qu’il avoit failli d’être la victime de son peu d'expérience à ce sujet; que, dans un voyage par terre, 1l avoit attaché son hamac à deux arbres pour y passer la puit , et que le hamac traversoit un chemin bauu par les tapirs. Vers Îles neuf à dix heures du soir, 1l entendit un grand bruit dans la forêt; c’étoil un tapir qui venoit de son côté : 1l n’eut que le temps de se jeter hors de son hamac, ét de se serrer contre un arbre. L’ani- mal ne s'arrêta point; 1l fit sauter le hamac aux branches, et froissa cet homme contre l'arbre; en- sue, sans se détourner de son sentier baltu , 1l passa au milieu de quelques nègres qui dormoijent à terre auprès d’un grand feu ,.et1l ne leur fit aucun mal, - 24 j Eu ; 1" HAN QE 282 HISTOIRE NATURELLE on dresse des chiens pour chasser ces ani- maux sur terre, et pour les suivre dans l’eau : mais, comme ils ont la péau très-ferme et très-épaisse, 1l est rare qu’on + tue du pre- mier coup de fusil. 1: LA Les tapirs n'ont pas d'autre cri qu'une espèce de sifflet vif et aigu, que les chasseurs et les sauvages imitent assez parfaitement pour les faire approcher et les tirer de près, On ne les voit guère s’écarter des cantons qu'ils ont adoptés. Ils courent lourdement et lentement. Ils n'attaquegs ni les hommes ui les animaux, à moins que les chiens ne les approchent de trop prés ; car, dans ce cas , ils se défendent avec les dents et les tuent. | La mère tapir paroi avoir grand soin de son petit: non seulement elle lui apprend à nager , jouer et plonger dans l’eau, mais encore. lorsqu'elle est à terre, elle s’en fait constamment accompagner ou suivre; el si le petit reste en arrière, elle retourne de temps en temps sa trompe , dans laquelle est placé l’organe de l’odorat, pour sentir sil suit ou s’il est trop éloigné , et, dans ce cas, elle l’appelle et l'attend pour se remettre en marche, DU TAPIR. 263 On en élève quelques uns à Cayenne en domesticité ; ils vont par-tout sans faire de mal : ils mangent du pain, de la cassave, des fruits ; ils aiment qu’on les caresse , et sont grossièrement familiers, car ils ont un air pesant et lourd, à peu près comme le cochon. Quelquefois ils vont pendant le jour dans les bois , et reviennent le soir à la mai- son ; néanmoins il arrive souvent lorsqu'on leur laisse cette liberté, qu’ils en abusent et ne revienrient plus. Leur chair se mange, mais n’est pas d’un bon goût; elle est pe- sante , semblable , pour la couleur et par J'odeur , à celle du cerf. Les seuls morceaux assez bons sont les pieds et le dessus du cou. 6 M, Bajon , chirurgien du roi à Cayenne, _a envoyé à l'académie des sciences , en 1774, un Mémoire au sujet de cet animal. Nous croyons devoir donuer par extrait les bonnes observations de M. Bajon , et faire remat- quer en même temps deux méprises qui nous paroissent s'être glissées dans son écrit, qui d'ailleurs mérite des éloges. « La figure de cet animal, dit M. Bajon, tn A Un MA DU. 284 HISTOIRE NATURELLE approche en général de celle du cochon ; il est cependant de la hauteur d’un petit mulet, ayant le corps extrêmement épais, porté sur des jambes très-courtes. IL est couvert de. poils plus gros, plus longs, que ceux de l’âne ou du cheval , mais plus fins et plus courts que les soies du cochon, et beaucoup moins épais. Ii a une crinière dont les crins, tou— jours droits, ne sont qu'un peu plus longs que les poils du reste du corps ; elle s'étend de- | puis le sommet de la tête jusqu’au commen- cement des épaules. La tête est grosse et un peu alongée, les yeux sont petits et très- noirs ; les oreilles courtes , ayant , pour la forme, quelque rapport avec celles du co- chon. Il porte au bout de sa mâchoire supeé- rieure une trompe d'environ un pied de long, dont les mouvemens sont très-souples , eë dans laquelle réside l’organe de l’oderat; il s'en sert, comme l'éléphant, pour ramasser . des fruits, qui font une partie de sa nourri- ture: les deux ouvertures des narines partent de l'extrémité de la trompe. Sa queue est très-petite, n'ayant que deux pouces de long ; elle est presque sans poils. Le poil du corps est d’un brun légèrement ne DU TAPIR. 285 fonce. Les jambes sont courtes et grosses; les pieds sont aussi fort larges et un peu ronds. Les pieds de devant ont quatre doigts, et ceux de derrière n’en ont que trois : tous ces doigts sont enveloppés d’une corne dure et épaisse. La tête, quoique fort grosse, contient un très- petit cerveau. Les mâchoires sont fort alon+ gées et garnies de dents, dont le nombre ordinaire est de quarante ; cependant 1l y en a quelquefois plus et quelquefois moins. Les dents incisives sont tranchantes, et c’est dans celles-ci qu’on observe de la variété dans le nombre. Après les incisives , on ‘trouve une dent canine de chaque côté, tant supérieurement qu'inférieurement , qui à beaucoup de rapport aux défenses du sanglier. On trouve ensuite un petit espace dégarni de dents , et les molaires suivent après, qui sont très-grosses et ont des surfaces fort étendues. Di En disséquant le tapir o ou maïpourt , la première chose qui m’avoit frappé, continue M. Bajon, c'est de voir qu’il est animal ru- minant..… Les pieds et les dents du maïpouri n'ont pourtant aucun rapport avec ceux de: uos animaux ruminaus.. Cependant le maï- # 6 HISTOIRE NATURELLE pouri a trois poches ou estomacs AU à rables qui communément sont fort pleins, sur-tout le premier, que j'ai toujours trouvé comme uu ballon... Cet estomac répond à la pame du bœuf: mais ici le réseau ou bonnet n'est presque point distinct, de sorte que ces deux parties n’en font qu'une. Le deu- xième estomac, nommé le feuillet, est aussi . : . ; % x fort considérable, et ressemble beaucoup à celui du bœuf , avec cette différence que les feuillets en sont beaucoup plus petits, et que les tuniques en paroissent plus minces. Enfiu le troisième estomac est le moins grand et Le plus mince; on n’y observe dans l’inté- rieur que de simples rides, et je l’ai presque toujours trouvé plein de matière tout-à- - fait digérée. Les intestins ne sont pas bien sros , mais très-longs; l'animal rend les matières en boules, à peu près comme celles du cheval. » Je suis obligé de contredire ici ce qu'avance M. Bajon , et d'assurer en même temps que cet animal n’est point ruminant , et n'a pas trois estomacs comme il le dit. Voici mes preuves. On nousavoitamené d'Amérique un DU TAPIR. 287 tapir ou maäïpouri vivant; 1l avoit bien sup- porté la mer, et étoit axrivé à vingt lieues de Paris , lorsque tout-à-coup 1l tomba malade etmourut: on ne perdit pas de temps à nous l'envoyer , et je priai M. Mertrud , habile chirurgien démonstrateur en anatomie aux écoles du Jardin du roi, d’en faire l’ouver- ture , et d'examiner les parties intérieures ; chose très-familière à M. Mertrud , puisque c'est lui qui a bien voulu disséquer , sous les yeux de M. Daubenton, de l'académie des sciences , la plupart des animaux dont nous avons donné les descriptions. M. Mertrud joint d’ailleurs à toutes les connoissances de l'art de l'anatomie , une grande exactitude dans ses opérations. De plus, cette dissection a , pour ainsi dire, été faite en ma présence, et M. Daubenton le jeune en a suivi toutes les opérations et en a rédigé es résultats. Enfin M. de Sève, notre dessinateur, qui voit très-bien, y étoit aussi. Je ne rapporte ces circonstances “. pour faire voir à M. Bajon que nous ne pouvons nous dispenser de le contredire sur un prémief point très-essen- tiel : c’est qu’au lieu de trois estomacs, mous n’en avons trouvé qu'un seul dans cet * LUS a og LE. CS k k/ NW. È NY “# , LPC ET ANUS 28 HISTOIRE NATURELLE animal. La capacité en étoit, à la vérité, fort ample et en forme d'une poche étranglée en deux endroits; mais ce n’étoit qu’un seul viscère , un estomac simple et unique, qui n’avoit qu'une simple issue dans le duode- num , et non pas trois estomacs distincts et séparés , comme le dit M. Bajon : cependant 1l u’est pas étonnant qu'il soit tombé dans cette méprise, puisque l’un des plus célèbres anatomistes de l’Europe, le docteur Tyson, de la société royale de Londres, s’est trompé en disséquant le pecari ou fajacu d'Amé- rique , duquel au reste il a donné une très- bonne SARRnnon dans les Transactions phi- losophiques , n° 155. Tyson assure, comme M. Bajou le dit du tapir , que Le pécari a trois estomacs , tandis qu'il n’en a réellement qu’un seul, mais partage à péu près, comme x celui du tapir, par deux étranglemens qui semblent , au premier coup d'œil , en indi- quer trois *. : | | Il nous paroit donc RAM Da le tapir ou maïpouri n’a pas trois estomacs , et qu'il n’est point animal ruminant; car nous pouvons * Voyez tome IV de cette Histoire ; page 37. DU PNPIR | 289... encore ajouter à la preuve que nous venons d’en donner , que jamais cet animal, qui ést arrivé vivant jusqu'auprès de Paris, n’a ru- mine. Ses conducteurs ne le nourrissoient que de pain , de grain , etc. Mais cette mé- prise de M. Bajon n'empêche pas que son Mémoire ne contienne de très-bonnes ohser- vations ; l’on en va juger par la suite de cet extrait, dans lequel j'ai cru devoir interpo- ser quelques faits qui m'ont été communi- qués par des témoins oculaires. « Le tapir ou maïpouri mâle, dit M. Ba- jon , est constamment plus grand et plus fort que la femelle ; les poils de la crinière sont plus longs et plus épais. Le cri de l’un et de l’autre est précisément celui d’un gros sifflet ; le cri du mâle est plus aigu, plus fort et plus-perçant que celui de la femelle. Les parties de la génération du mâle semblent avoir un rapport très-srand avec celles du cheval ou de l’âne ; elles sont situées de la même façon ; et on observe sur le fourreau, comme dans le cheval, à peu de distance des testicules , deux petits mamelons trés- peu. apparens , qui indiquent l'endroit des Quadrupid:s, NII TL. Ne A age SO a... | 4 Fu La D ENTER jo HISTOIRE NATURELLE _mamelles. Les testicules sont très-gros, et $ pèsent jusqu'à douze ou Lo is onces cha" cun..…..La verge est grosse et n’a qu’un corps cäverneux. Dans son état ordinaire, elle est reufermée dans une poche considérable , for- mée par le fourreau ; mais, lorsqu'elle est en érection , elle sort toute entière comme celle du cheval. » Une des femelles que M. Bajon a disse- quées, avoitsix pieds de longueur, et parois- soit n’avoir pas encore porté. Ses mamelles, au nombre de deux , n’étoient pas bien grosses ; elles ressemblent en tout à celles de l’ânesse ou de la jument. La ruse étoit à un bon pouce de l'anus. Les femelles entrent ordinairement en cha- leur aux mois de novembre et de décembre ; chaque mâle suit une femelle , et c’est-là le seul temps où l’on trouve deux de ces ani- maux ensemble. Lorsque deux mâles se ren- contrent auprès de la même femelle , ils se battent et se blessent cruellement. Quand la femelle est pleine, le mâle la quitteet la laisse- aller seule, Le temps de la gestation est de dix à à ouze mois; car omen voit de jeunes dès LA ; DU TAPIR. RU ON VOIE le mois de septembre. Pour mettre bas, la femelle choisit toujours un endroit élevé et un terrain sec. Cet animal , bien loin d’être amphibie, comme quelques naturalistes l'ont dit, vit continuellement sur la terre, et fait cons- tamment son gîte sur les collines et dans les endroits les plus secs. Il est vrai qu'il fréquente les lieux marécageux ; mais c’est pour y chercher sa subsistance , et parce qu'il y trouve plus de feuilles et d'herbes que sur les terrains élevés. Comme il se salit beaucoup dans les endroits marécageux PAR à qu'il aime la propreté , il va tous les matins et tous les soirs traverser quelque rivière, ou se laver dans quelque lac. Malgré sa grosse masse , il nage parfaitement bien , et plonge aussi fort adroitement : mais il n’a pas la faculté de rester sous l’eau plus de temps que tout autre animal terrestre ; aussi le voit-on à tout instant tirer sa trompe hors de l’eau pour respirer. Quand il est poursuivi par les chiens , il court aussitôt vers quelque rivière, qu'il traverse promptement pour tâcher de se soustraire à leur poursuite. li ne mange point de poisson ; sa nourri- 292 HISTOIRE NATURELLE 4 Ji ture ordinaire sont des rejetons et des pousses tendres , et sur-tout des fruits tombés des arbres. C’est plutôt la nuit que le jour qu'il : cherche sa nourriture ; cependant il se pro- mène le jour, sur-tout pendant la pluie. Il. a la vue et l’ouïe très-fines ; au moindre mouvement qu'il entend , il s'enfuit, et fait. un bruit considérable dans le bois. Cet ani- mal, très-solitaire, est fort doux et même assez timide; il n’y a pas d'exemple qu'il ait cherché à se défendre des hommes. Il n’en est pas de même avec les chiens: il s’en défend très-bien , surtout quand il est blessé,; il les tue même assez souvent, soit en les mordant, soit en les foulant aux pieds. Lors- qu'il est élevé en domesticité, 1l semble être susceptible d’attachement. M. Bajon en a nourri un qu'on lui apporta jeune, et qui n’étoit encore pas plus gros qu'un mouton ; il parvint à l’élever fort grand, et cet ani- mal prit pour lui une espèce d'amitié ; il le distinguoit à merveille au milieu de plu= sieurs personnes ; il le suivoit comme un chien suit son maître, et paroissoit se plaire beaucoup aux caresses qu’il lui faisoit; il Jui léchoit les mains ; enfin il alloit seul se pro- DOPÉ PDT NUL ES Cor mener dans les bois, et quelquefois fort loin, et il ne manquoit jamais de revenir tous les soirs d’assez bonne heure. On en a vu un autre , également .apprivoisé, se promener dans les rues de Cayenne , aller à la cam- pagne en toute liberté, et revenir chaque. soir : néanmoins, lorsqu'on voulut l’embar- quer pour l’amener en Europe, dès qu’il fut à bord du navire, on ne put le tenir; il cassa des cordes très-fortes avec lesquelles on l’a- voit attaché ; il se précipita dans l’eau , ga- gua le rivage à la nage , et entra dans un fort de palétuviers , à une distance assez con- sidérable de la ville; on le crut perdu, mais le soir même il se rendit à son gite ordi- naire. Comme on avoit résolu de l’embar- quer , on prit de plus grandes précautions, qui ne réussirent que.pendant un temps ; car, environ moitié chemin de l'Amérique en France , la mer étant devenue fort orageuse, l'animal se mit de mauvaise humeur, brisa de nouveau ses liens , enfonça sa cabane , et se précipita dans la mer , d’où on ne put le retirer. | L'hiver, pendant lequel il pleut presque ious les jours à Cayenne, est la saison la 25 294 HISTOIRE NATURELLE plus favorable pour chasser ces animaux avee succès. | min + HU « Un chasseur indien , qui étoit à mon service, dit M. Bajon , alloit se poster au milieu des bois ; il donnoit cinq à six coups d'un sifflet fait exprès , et qui imitoit très- bien leur cri : s’il s’en trouvoit quelqu'un aux environs, il répondoit tout de suite; et alors le chasseur s'acheminoit doucement vers l’endroit de la réponse, ayant soin de le faire répéter de tempsen temps, et jusqu’à ce qu'il setrouvât à portée detirer. L’animal, pendant la sécheresse de l'été, reste au con- traire tout le jour couché; cet Indien alloit alors sur les petites hauteurs, et tâächoit d’em découvrir quelqu'un, et de le tuer au gite : mais cette manière étoit bien plus stérile que la première. On se sert de lingots ou de très- grosses balles pour les tirer, parce que leur peau est si dure, que le gros plomb ne fait que l’égratigner ; et avec les balles et mème les lingots , 1l est rare qu’on les tue,du pre- inier Coup : on ne sauroit croire combien ils ont la vie dure. Leur chair n’est pas absolu- ment mauvaise à manger: celle des vieux RON NN Te Î est coriace , et a un goût que bien des gens trouvent désagréable; mais celle des jeunes est meilleure , et a quelque rapport avec celle du veau. » \ Je n'ai pas cru devoir tirer par extrait, du Mémoire de M. Bajon , les faits anatomiques ; je n'ai cité que celui des prétendus trois estomacs, qui néanmoins n'en font qu’un: j'espère que M. Bajon le reconnoitræ lui- mème , s’il se donne‘la peine d'examiner de nouveau celte partie intérieure de la- ] nimal. Une autre remarque qui me paroît néces- saire , et que nous croyons devoir faire, quoique nous ne soyons pas aussi certains du fait que de celui du seul estomac, c’est au sujet des cornes de la matrice. M. Bajon assure que , dans toutes les femelles qu'il a disséquées , l'extrémité des trompes, qui répond aux ovaires, est exactement fermée, et que leur cavité n’a absolument aucune communication avec ces parties. « Jai, dit-1l, soufflé de l'air dans ces trompes , et je l'ai pressé avec force; il ne DU TAPIR. \ (20 296. HISTOIRE NATURELLE db: _s'en est point échappé jf n’en est point en= tré du .côté des ovaires. Cette extrémité des trompes , qu'on appelle Le pasillon ou le- morceau frangé , paroît être terminée en. rond , et on observe à l’extérieurde son extré- mité plusieurs culs-de-sac, que l’on dirait d’abord être autant de communications avec son intérieur : mais 1ls sont formés par des replis membraneux , produits par la mem— brané qui leur est fournie par les lisamens larges ; au moyen de laquelle membrane, les trompes se trouvent attachées aux ovaires. L’entière” oblitération de l'extrémité des trompes qui répond aux ovaires, est un phé- momène qui portera sans doute quelque at- teinte au système ordinaire de la génération. La nouveauté , l'importance et la singula- rité de ce phénomène, ajoute M. Bajon, ont ‘fait que je me suis mis en garde contre mes PIORIES observations. J'ai donc cherché à m assurer du fait par de nouvelles recherches, pour qu'il ne me restät point de doute ; de sorte que la dissection de dix à FU: fe- melles , ‘que j'ai faite dans l'espace de trois à quatre mois , m'a mis à même de pouvoir aitester la réalité du fait, tant dans les DU TAPIR. 207 jeunes femelles, que dans celles qui avoient porté; car j'en ai disséqué qui avoient du lait dans les mamelles, et d’autres qui éloient pleines. » { 2 Quelque positive que soit cette assertion , et quelque nombreuses que puissent être à cet égard les observations de M. Bajon , elles ont besoin d’être répétées, et nous paroissent si opposées à tout ce que l’on sait d’ailleurs , que nous ne pouvons y ajouter foi. Voici maintenant les notes que j'ai re- cueillies pendant Ja dissection que M. Mer- trud a faite de cet animal à Paris. | L’estomac étoit situé de manière qu’il pa- roissoit également étendu à droite comme à gauche ; la poche s’en terminoit en pointe, moins alongée que dans le cochon, et 1l y avoit un angle bien marqué entre l’œsophage et le pylore, qui faisoit une espèce d’étran- glement, et la partie gauche étoit beaucoup pius ample que la droite: le colon avoit beaucoup d’ampleur ; il étoit plus étroit à son origine et à son extrémilé que dans son milieu : la grande circonférence de l’es- tomac étoit de trois pieds un pouce ; la (RRORUENTIN PEER 298 HISTOIRE NATURELLE | petite circonférence, de AU pieds six: lignes. _ pieds. pouc, lign. A à 4 } y ! Longueur du foie ......... » tr ». à Epaisseur: du foie. !. 14e) 1e NINSENES 6. Largeur du foie, 218 41 SE E, 18 I] n'y avoit point de vésicule de fiel, mais seulement un conduit bi- aire qui s’ouvroit dans le duo- denum, à côté du canal pancréa- tique. Longueur de à rate. 2". SO NTEMEONNENENES Largeur de la rate... .,... 4. » 2 2 Épaisseur de la rate ?, . : 4... 5 I » Hauteur du cœurs : à. SES 5 » Circonférence du cœur. +... 1x 2 » Le trou ovale étoit fermé. | Diamètre de l'aorte. 7:14 «4.050 L » Longueur des intestins grêles, de- puis le pylore jusqu’au cœcum. . 38 2 » Circonférence des intestins grêles dansles endroits les plus gros. . » 3 6 Circonférence dans les endroits les plus petits « «+. 4 se «se 2 3 2, Longueur du coœcuin. .:.. +... Æ 10 » Circonférence du cocum à l’endroit le plus gros. ......... . + 2 4 (Fe nv DU TAPIR. Circonférence du colon à l’endroit le plus gros . +...» se. Circonférence du colon à l’endroit Ep mnte seu sen Circonférence du rectum à l’endreit le plus gros. . . . . “.. +... Circonférence du rectum à l'endroit Jeplus petit +, 7 Centre nerveux. LS ne, Longueur des reins. . . «+. . Largeur des reins, . +... . .. Épaisseur des reins. « sAspte Diamètre de la vulve . . .. Longueur du vagin. . . .. . . . . Longueur du corps de la matrice . Longueur des cornes de la matrice. Grande circonférence de la vessie, . Petite circonférence de la vessie . . Longueur de lPuretère . . . . ... Circonférence de luretère . . ..e Longueur des testicules où ovaires: Parseurdes testicules, …. .. . Épaisseur des testicules. . . . . .. Bonsueur.de là langüe:. . . . . .. Longueur de lanimal, depuis le Dous du nez à l’anuse ,. . . : : 209 pieds. pouc. lign. : de 7 » y >» "7 6 4 » 0 » #2 198 1 2 T » IL 6 2 6 LC > 0 6 10: 4 h 2 6 () VE > 6 2' 1% 2 » ; 3 ».* 300 HISTOIRE NATURELLE. pieds. À ne lign, Hauteur du ME de derrière, . . , 2 [e) 4 Hauteur du train de devant, ..,. 2, . 61 2 Longueur de Pœil d’un angle à l'autre, 240 4 Ge PEN | CR I Dans le temps que l’on a fait cette dissec- tion , et pris les mesures précédentes, nous n'avions pas encore reçu le Mémoire de M. Bajon. Nous eussions sans doute examiné de beaucoup plus près l’estomac, et sur-tout les cornes de la matrice de cet animal; mais quoique cet examen ultérieur n'ait pas été fait , nous sommes néanmoins convaincus qu’il n’a qu'un estomac, et en même temps très-persuadés qu’il ya communication entre les ovaires et l’extrémité des trompes de la matrice. Au reste, le tapir , qui est le plus gros qua- drupède de l’Amérique méridionale , ne se trouve que dans cette partie du monde. L’es- pèce ne s’est pas étendue au-delà de b isthme de Panama; et c’est probablement parce qu'il n’a pu franchir les montagnes de cet isthme; car la température du Mexique et des autres provinces adjacentes auroit convenu à la mature de cet animal , puisque Samuel Wallis et quelques autres voyageurs disent en avoir trouvé, ainsi que des lamas, jusque dans les terres du détroit de Magellan. ‘ t } , { : panne der von d ‘ it ‘ \ ADDITION DE L'ÉDITE UR HOLL ANDOIS ! (M. le professeur ALLAMAND) A L'ARTICLE DU TAPIR, Volume V, page 106. cos les tapirs soient assez com- muns dans les parties de l'Amérique méri- dionale où les Européens ont des établisse- mens , et qu’on en voie quelquefois dans les basse-cours des particuliers, où on les nourrit avec les autres animaux domestiques, il est cependant fort rare qu’on en transporte en Europe. Je ne crois pas mème que jusqu’à présent on y en ait vu plus d’un, qui a été montré à Amsterdam en 1704, sous le nom de cheval marin, et dont un peintre de ce temps-là a fait des dessins qui se conservent dans les collections de quelques curieux, | HISTOIRE NATURELLE. 303 mais qui représentent cet animal si impar— faitement, qu'on ne sauroit l’y reconnoîitre: M. de Buffon n’a jamais vu le tapir *, non plus que les autres naturalistes qui en ont parlé dans l’histoire qu’il en a donnée; il a été obligé de copier la description qui en a été faite par Marcgrave et par Barrère, et de citer ce qu’en ont dit les voyageurs: la figure qu'il y a ajoutée, lui a été communiquée par M. de la Condamine, et c’est la seule qui en donne une idée passable ; c’est même la seule qui en ait éte faite , car il faut compter pour rien celle que Marcgrave en a publiée, et qui a été copiée par Pison ; elle est trop mauvaise pour qu'elle mérite aucune attention. Depuis quelques semaines nous avons ici, en Hollande, deux de ces animaux, dont l’un est promené de ville en ville pour être montre dans les foires; et l’autre est dans la ménagerie du prince d Orange, qui est peut- être la plus intéressante de l’Europe pour un naturaliste , vu le grand nombre d'animaux * Ce quiétoit vrai pour le temps où M. Allamand a écrit; mais depuis le tapir m’a été bien connu, et je lai fait dessiner d’après nature, comme on vient de le voir. | / / A QE 304 HIST OIRE NATURELLE 14. rares qu'on y envoie tous les ans, tant des Indes orientales , que d'Afrique et d'Amé- rique. Le tapir qui est dans cette ménagerie, est un mâle; l’autre est une femelle. Le pre- mier est représente dans la planche IX !. Si l’on compare cette figure avec celle que M. de Buffon a donnée d’après le dessin qui lui a été fourni par M. de la Condamine , on y trouvera des différences assez sensibles? La planche X représente la femelle dans une attitude que cet animal prend souvent. Marcgrave a donné une très-bonne descripa tion du tapir , et M. de Buffon , ne l'ayant ja- mais vu, ne pouvoit rien faire de mieux que de la rapporter tout comme il l’a fait. Cepen- dant ,comme quelques particularités lui sont échappées, j'ajouterai ici les observations que j'ai faites sur l'animal même. Celui qui est dans la ménagerie du prince d'Orange doit être fort jeune , siau moins cet animal parvient à la grandeur d’une petite vache, : Tome XV, édition de Hollande. | 2 M. Allamand a raison pour cetie ancienne figure; mais celle que je donne ici ayant été fante d apris nature, comme la sienne, on peut les re- garder comme également bonnes. \ { La) DU TAPIR. 309 comme le disent quelques voyageurs : il égale à peine la hauteur d'un cochon, avec lequel _ même il est aisé de le confondre, si on le voit de loin. Il a le corps fort gros à propor- tion de la taille ; il est arqué vers la partie postérieure du dos, et terminé par une large croupe assez semblable à ‘celle d’un jeune poulain bien nourri. La couleur de sa peau ét de son pelage est d’un brun foncé, qui est le même par tout le corps. Il faut promener sa main sur son dos pour s’appercevoir qu’il y a des poils, quine sont pas plus grands que du duvet; il en a très-peu aux flancs, et ceux qui couvrent la partie inférieure de son corps _ sont assez rares et courts. Il a une crinière de poils noirâtres d'un pouce et demi de hau- teur, et roides comme des soies de cochon, mais moins rudes au toucher , et qui dimi- nuent en longueur à mesure qu’ils s’ap- prochentdes extrémités. Cette crinière s'étend dans l’espace de trois pouces sur le front, et de sept sur le cou. Sa tête est fort grosse et relevée en bosse près de l’origine du museau. Ses oreilles sont presque rondes , et bordées, dans leur contour, d’une raie blanchâtre. Ses 4 - yeux sont petits, et placés à une distance Z ee: ” 4 "RME (36 HISTOIRE NATURELLE presque égale des oreilles et de l angle de la bouche. Son groin est terminé par un plan circulaire, à peu près semblable au boutoir d'un cochon, mais moins large, son dia- mètre n’égalant pas un pouce et demi; eë c’est là où sont les ouvertures.des narines , qui, comme celles de l'éléphant, sont à l’ex- trémité de sa trompe, avec laquelle le nez du tapir a beaucoup de rapport; car il s'en sert à peu près de la même.façon. Quand il ne l’emploié pas pour saisir quelque chose, cette trompe ne s'étend guère au-delà de la lèvre inférieure, et alors elle est toute ridée circulairement: mais 1l peut l'alonger pres- que d'un demi-pied, et mème la tourner de côté et d'autre pour prendre ce.qu'on lui pré- sente; mais non pas comme l'éléphant, avee cette espèce de doigt qui est au bout supérieur de sa trompe, et avec lequel j'ai vu un de ces animaux relever un sou de terre pour le donner à son maître. Le tapir n’a point-ce doigt ; il saisit avec la partie inférienre de son nez alongé, qui se replie. pour cet effet en dessous. J'ai eu le plaisir de: lui voir prendre de cette manière plusieurs morceaux de pain que je lui offrois, et qui paroissoient f être fort de son goût. Ce n’est donc pas sim- plement la lèvre, comme celle du rhinoce- ros, qui lui sert de trompe ; c'est. son nez, qui, à la vérité, lui tient aussi lieu de lèvre; car, quand:il l’alonge en levant la tète pour attraper ce qu’on lui présente, elle laisse à _ découvert les dents de la mâchoire supé- rieure : en dessus elle est de couleur brune, comme tout le reste du corps, et presque sans aucun poil; en dessous elle est de couleur de chair: on peut voir que c’est un fort muscle susceptible d’alongement et de contraction, qui, en se courbant, pousse dans la bouche les alimens qu'il'a saisis. 10 Les jambes du tapir sont: courtes et fortes : les pieds de devant ont quatre doigts, trois antérieurs, dont celui du milieu est le plus long; le quatrième,est au côté extérieur ; il est placé plus haut et il est PAS pelit que les autres : Les pieds de derrière n’en ont que trois. Ces doigts sont terminés par des ongles : noirs, pointus et plats; on peut les Compa- rer aux sabots desanimaux à pieds fourchus; ils environnent et renferment toute l’extré- mité des doigts ; chaque doigt est marqué d’une raie blanche à l'origine des ongles. La DU TAPIR. 307 Ve EE TRS CRD SL SPORE EME 38 HISTOIRE. NATURELLE sue, ; queue imérite à peine ce nom; cen est qu’ un k tronçon gros et long comme le petit doigt, et de couleur de chair en dessous. a. Marcgrave dit que les jeunes tapirs portent la livrée, mais qu’ils la perdent quand ils sont adultes, et sont par-tout de couleur de terre d'ombre, sans aucune tache de diffé- : rentes couleurs. Comme c’est là le cas du tapir ur je décris, on en pourroit conclure qu'il n'est pas aussi jeune que sa taille semble l'indiquer. | Cet animal est fort doux: il s “arprbéhe de ceux qui entrent dans sa loge; il les suit fa- milièrement, sur-tout s'ils ont quelque chose ‘à lui donner, et il souffre d’en être caressé. Je n’ai pu remarquer dans sa physionomie cet air triste et mélancolique qu'on lui prête, et qui pourroit bien avoir été confondu avec la douceur qu’annonce son regard. Il ne m'a pas été possible de compter exac- tement ses dents incisives : il ne les décou- vroit pas assez long-temps pour que je pusse m'assurer de leur nombre; et quand je vou- lois lui relever son nez pour les mieux voir, il secouoit fortement la tête, et m'obligeoit de lâcher prise. IL m’a semblé cependant \ DU TAPIR.. 30g qu'il y en avoit huit à chaque mâchoire, très-bien arrangées *, et de la grosseur des - dents incisives de l’homme. Marcgrave dit qu'il en a compté dix à chaque mâchoire. Les dents canines ne m'ont pas paru les surpas- seren grandeur , et ne sortoient point hors de la bouche, comme la figure donnée par M. de la Condamine à M. de Buffon sembleroit le faire croire. Quant aux dents mâchelières, je n'ai pu les appercevoir. Voici les dimensions de ces principales parties : Longueur du corps, depuis le bout du museau jusqu’à l’anus. Hauteur du tram de devant... - Hauteur du train de derrière... Longueur de la tête, depuis le bout du museau jusqu'aux RENE En et nimes nude à à ” Longueur des oreilles......... Distance des yeux aux oreilles. . EN » : 2 3 6 2 3 4 pieds. pouces. lignes; 6 6 * M. Allamand n’a pas pu voir toutes les dents incisives du tapir; mais nous les avons. vues, et elles sont au nombre de dix en haut et de dif en bas, : 5e ON OT os HISTOIRE NATURELLE | pieds. ponces, lignege | | Circonférence du cou | près. de la LTÉE. ie NE » « 2,0) Circonférence du cou près des | ÉDaURES. USERS Ô » Longueur de la queue... 0 Tente 6 Hauteur du ventre par-dessus la SE TOR ETS ARS este ve Venere 2 | » î Longueur du plus grand ongle, tant des pieds de devant que de derrière. 224 7e : 6 Je n’ai point vu la femelle dont j'ai parlé ci-dessus , et qu’on promène dans nos foires; mais une personne qui s'intéresse à tout ce, qui peut contribuer à la perfection de notre édition , l’a observée avec soin, et voici le résultat des SA A m ‘elle m'a commu niquées. Cette femelle est un peu plus grande que le mâle que je viens de décrire; on la nourrit avec du pain de seigle, du gruau cuit, des herbes , etc. : elle aime sur-tout les pommes, qu'elle sent de loin; elle s'approche de ceux qui en ont, et fourre son groin dans leurs poches pour les y prendre. Au reste, elle mange tout ce qu'on lui présente, des ï DU TAPIR,. ; 3x1 “carottes, da poisson , de la viande, et jusqu’à 8es propres excrémens, quand elle a faim. Elle connoît son maître autant qu’un co- chon connoît celui qui le nourrit. Elle est fort douce. Elle ne fait entendre aucun son de voix : l’homme qui la fait voir, dit que, quand elle est fatiguée ou irritée, elle pousse un cri aigu qui ressemble à une sorte de sif- flement. Le mâle qui est dans la ménagerie du prince d'Orange , fait la même chose, si je dois m'en rapporter à celui à qui là garde en est confiée. | Ses poils sont, comme ceux du mâle, très-courts , ou presque nuls; sur le dos ; elle en à quelques uns plus sensibles à la mâ- choire inférieure , aux flancs, et derrière les pieds de devant. Ses oreilles sont bordées de petits poils très-fins , d’un blanc jaunâtre. Elle n’a point de crinière comme le mâle, mais seulement, là où elle devroit être, quel. ques poils éloignés les uns des autres , et plus - longs que ceux du reste du corps. La crinière seroit-elle une marque qui différencieroit les sexes, comme cela se voit dans le lion et dans d’autres animaux ? | Elle a deux mamelles longues d’un demi- pouce entre les jambes de derrière. l 312 HISTOIRE NATURELLE Elle a deux dents canines à tue mâä- choire, et celles de la mâchoire supérieure ;. sont plus grandes que celles d’en bas ; ce-qui est le contraire de ce qu’on voit dans les cochons, et de ce que ui la figure qu'a donnée M. de Buffon. Il n’ y a pas eu moyen de compter ses dents incisives. Lorsqu'elle étend son nez, ses narines offrent de larges ouvertures, et elles se re- ferment quand elle le retire. La même chose arrive au mâle. Elle a beaucoup de force dans ses dents; on lui voit quelquefois transporter d’un endroit à un autre la crèche dans laquelle on lui donne à manger. Son attitude favorite est de s'asseoir sur ses pieds de derrièré. comme un chien, et c'est là l'attitude la plus.agréable où l’on puisse la voir : aussi est-ce celle dans laquelle on J’a représentée ( planche X ) *. Voici les dimensions de cette femelle : pieds. pouces, lignes, Longueur du corps, depuis. Ie \ bout du museau jusqu'à l’anus. 5 À * Voyez le tone XY de cet ouvrage, chien de Hollande. DU TAPIR. 313 UN pieds# pouces. lignes. Hauteur du train de devant. .... Hauteur du train de derricre.., Longueur de la tête, depuis le bout du groin jusqu’aux oreilles, Distance des yeux aux oreilles... Circonférence de la tête, prise à l'origine des mâchoires.. ..... Circonférence de la tête, prise Hevariss (ureilles,: 211,440 Longueur de Pœil d’un angle à Pre RON PRE, à Longueur des oreilles. . ..,.... Largeur des oreilles........... Circonférence des oreilles près. Me Et 3e hou, Distance entre les oreilles...... Circonférence du cou près des ÉPAe RU eut Circonférence du corps derrière les jambes de devant........ Circonférence du mieu du corps. Circonférence devant les jambes dede a cu Longueur de la queue... ....... Hauteur des jambes de devant qu'à là poitrine... 2 2 fi v 37 8 9 2 x US 9 bi 2 6 v Oh v L : ; 5 SCENE" 314 HISTOIRE NATURELLE 4 Tnt + SUR pieds. pouces. lignes. Hauteur des jambes de derrière. / £. 4 2. Circonférence des jambes de de- 14 Vans PR RUE à de) HR MAE MNT CN ( 6 Circonférence des jambes de der- \ | PÉTER: don cel Den ACTE Be à Longueur du plus grand ongle LUE des pieds de derrière........ » Z' 0 : Lougueur du plus grand ongle Mt des pieds delevant. , 445244 10 OMR Dans nos colonies américaines on dônne le nom de buffle aux tapirs, et je ne sais pourquoi; ils ne ressemblent en rien aux animaux qui portent ce nom. Fin du tome huitième. DA. B'ÈNE | | Des articles contenus dans ce volume. À D ES mulets, page 5. De la mule, 66. Addition à hide du cheval, 7o. Du cheval, 87. | Addition aux articles de l’âne et du zèbre, 92. Du czigithai, de l’onagre et du zèbre , 99. Du kwagoa, ou couagga , 108. Du gnou, où niou, 119. Dn gnou, par M. le professeur Allamand, 123. Addition aux articles du bœuf, du bison ce zébu et du bufle, 135. Des bœufs, + De l’aurochs, et du bison, 149. Du buffle, 156. Addition à l’article de l’ours, 190. Addition à l’article de l'ours blanc, 198. Du lama, 201. De la vigogne, 207. Du musc, 228. Addition à l’ar ticle de la ab, 240. Y A % À , Lire L'AéT Mr RFC" MORT S RU KR. ; FELR 7 Lo: TS PEER EN x a FT - A #4 Led Lu) TABLE N ouvelle addition à T article | de. ï sir, so : si Du tapir, ou maïpouri , 278. Addition de éditeur hollandois (M. Je rie Allemand) à à Var cle du ne: 302. et OL \ | 1 ” { : Fe: 1 KR DE L'IMPRIMERIE DE PLASSAN. 2 88° ame © f L + 1. {l 3 9088 00769