CP OR 2 A dé û 2 ë de À \ » ’ A PAS sd . AE TRS 73 sv é > e RON RO AE et 0 PCT 0 FT D OS PHISTOIRE Sat. NATURELLE Pan BUFFON, us DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. OISEAUX. | TOME DEUXIEME. SE GE SA AE ns, issonian IsbturgS RICHMOND % COLLECTION. lation Muse we “Le A LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE BE P. DIDOT L’AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 5, er Firmin DIDOT, RUE DE THIONVILLE, N° 116. AN VII. — 1799. Tan %; PJ», Pay Z. 1 | 1 J duquel: . | HISTOIRE PADURELLE LE FAUCON Lorsqu’ox jette les yeux sur les listes de nos nomenclateurs d'histoire naturelle?, on seroit porté à croire qu'il y a dans l’es- ; Eu latin moderne , falco ; en italien, Aa : en espagnol , Aalkon ; en allemand, fact ; aslpis , Jalcon. z M. Brisson compte douze ile dans cette première espèce ; savoir, le faucon-sors, le faucon- hagard ou bossu , le faucon à iète blanche, le fau- con blanc, le faucon noir, le faucon tacheté, le faucon brun , le faucon rouge, le faucon rouge des Indes, le faucon d'Italie, le faucon d'Islande et le sacre; et en même temps. il compte treize autres espèces ou variétés de faucous, différentes Oiseaux, I I. 1 ee D AN Bt 2 HISTOIRE NATURELLE pèce du faucon autant de variétés que dans 3 celle du pigeon, de la poule, on des autres oiseaux domestiques ; ; cependant rien n’est : moins vrai : l'homme n’a point influé sur la nature de ces animaux ; quelqu’utiles aux plaisirs, quelqu’agréables qu'ils soient pour le faste des princes chasseurs, jamais on n’a pu en élever, en multiplier l’espèce. On domte, à la verite, le naturel feroce de ces de la première ; savoir, le faucon-gentil, le faucon- pélerin, dont le faucon de Barbarie et le faucon de Tartarie sont des variétés ; le faucon à collier, le faucon de roche ou rochier ; le faucon de mon- tagne ou mon'agner, dont le faucon dé montagne cendré est une variété; le faucon de la baïe de Hudson , le faucon étoilé, le faucon huppé des Indes, le faucon des Antilles, et le faucon-pêcheur de la Caii. M. Linvæ us comprend sous l’in- dication générique de faucon vingt-six espèces diffé rentes : niais 1l est vrai qu’il coniond {ous ce même nom, comme 1l fait en tout, les espèces éloignées, aussi-bien que les espèces voisines; Car On trouve dans cette liste de faucons , les aigles , les pygargues, les orfraies , les ere » les buses , etc. Au moims la liste de M. Brisson, ‘quoique d'un tiers trop nombreuse, est faite avec ent de circonspec- uon et de discernement. 4 | DU FA UGON.::. 113 _ oiseaux par la force de l’art et des privations ; on leur fait acheter leur vie par des mouve- mens qu'on leur commande; chaque mor- ceau de leur subsistance ne leur est accordé que pour un service rendu ; on les attache, on les garrotte, on les affuble, on les prive même de la lumière et de toute nourriture, pour les rendre plus dépendans, plus do- ciles , et ajouter à leur vivacité naturelle l'impétuosité du besoin: mais ils servent par nécessité, par habitude et sans attachement ; ils deméurent captifs, sans devenir domes- tiques : l'individu seul est esclave; l’espèce est toujours libre, toujours également éloi- gnée de l'empire de l’homme; ce n’est même qu'avec des peines infinies qu'on en fait quelques uns prisonniers, et rien n'est plus difficile que d’étudier leurs mœurs dans l’état de nature. Comme ils habitent les rochers les plus escarpés des plus hautes montagnes, qu'ils s’'approchent très-rarement de terre, qu'ils volent d'une hauteur et d’une rapidité sans égale, on ne peut avoir que peu de faits sur leurs habitudes naturelles: on a seule- ment remarqué qu'ils choisissent toujours, pour élever leurs petits, les rochers exposés F , L ACTE PAL d'u ARITAON LT x (E HA U) (EME MR {ENT ASAS \ 1 À (Le : 4 HISTOIRE NATURELLE au midi; qu'ils se placent dans les rous C2 les anfractures les plus inaccessibles ; qu’ils ont ordinairement quatre œufs dans les der- miers mois de l'hiver; qu'ils ne couvent pas | long-temps, car les petits sont adultes vers le 15 de mai; qu’ils changent de couleur sui- : | vant le sexe , l’âge et la mue; que tes femelles sont considérablement plus grosses que les mâles ; que tous deux jettent des cris per- çans , désagréables et presque continuels,, dans le temps qu’ils chassent leurs petits pour les dépayser ; ce qui se fait, comme chez les aigles, par la dure nécessité qui. xompt les liens des familles et de toute so- ciété, dès qu’il n’y a pas assez pour partager, ou qu’il y a impossibilité de trouver assez de vivres pour subsister ensemble dans les mêmes terres. Le faucon est peut-être l’oiseau dont le courage est le plus franc, le plus grand, re- lativement à ses forces ; il fond sans détour et perpendiculairement sur sa proie, au lieu : que l’autour et la plupart des autres arrivent de côté: aussi prend-on l’autour avec des filets, dans lesquels le faucon ne s’empêtre jamais ; il tombe à plomb sur l'oiseau vic- DU FAUCON. D: time , exposé au milieu de l'enceinte des filets, le tue, le mange sur le lieu sil est gros , ou l'emporte s’il n’est pas trop lourd, ‘en se relevant à plomb. S'il y a quelque fai- sanderie dans son voisinage, il choisit cette _ proie de préférence: on le voit tout-à-coup fondre sur un troupeau de faisaus, comme s'il tomboit des nues, parce qu’il arrive de ._ si haut et en si peu de temps, que son appa- rition est toujours imprévue et souvent ino— , pinée. On le voit fréquemment attaquer le milan , soit pour exercer son courage, soit pour lui enlever une proie: mais il lui fait plu- tôt la honte que la guerre ; il le traite comme un lâche, le chasse, le frappe avec dédain , et ne le met point à mort, parce que le milan se défend mal, et que probablement sa chair répugne au faucon encore plus que sa lächeté ne lui déplait. Les gens qui habitent dans le voisinage de nos grandes montagnes, en Dauphiné, Bugey, Auvergne , et au pied des Alpes, peuvent s'assurer de tous ces faits *. On a envoyé de * Ils m'ont été rendus par des témoins oculaires, et particulièrement par M. Hébert, que J'ai déja k PE. UMA EP IRNENe EE Pas ere 5 F4 Au a AR A4 ue 6 ) d s'U fl si 6 HISTOIRE NATURELLE. Genève à la fauconnerie du roi, de jeunes faucons pris dans les montagnes voisines au mois d'avril, et qui paroissent avoir acquis toutes les dimensions de leur taille et toutes PA # < 1 leurs forces avant le mois de juin. Lorsqu'ils sont jeunes on les appelle faucons-sors, comme l’on dit Éarengs-sors, parce qu'ils sont alors plus bruns que dans les années suivantes ! (voyez planche 1 de ce volume) ; et l'on appelle les vieux faucons, £agards , qui ont beaucoup plus de blanc que les jeunes ? (voyez planche 11 de ce volume)$. Le faucon qui est représenté dans cette der- nière planche, nous paroît être de la seconde année, ayant encore un assez grand nombre de taches brunes sur la poitrine et sur le ventre; car à la troisième année ces taches diminuent, et la quantité du blanc sur le plumage augmente, comine on le peut voir cité plus d’une ie! et qui a chassé pendant cinq ans dans les montagnes du Bugey. 1 Voyez les planches enluminées, n° 470. 2 Puisque le faucon-sors et le faucon-hagard ou bossu ne sont que le même faucon, jeune et vieux, on ne doit pas en faire des variétés dans Pespèce. 3: Voyez les planches enluminées , n° 421 Ée.. DU FAUCON. Qi”. dans le faucon représeuté *, dans laquelle on a gravé par erreur le nom de /anzer, au lieu de Æercelet de faucon de la troisième année. Comine ces oiseaux cherchent par-tout les rochers les plus hauts, et que la plupart des iles ne sont que des groupes et des pointes de montagnes, il y en a beaucoup à Rhode, en Chypre, à Malte, et dans les autres îles de la Méditerranée, aussi-bien qu'aux Orcades et en islande ; mais on peut croire que, sui- vant les différens climats, ils paroissent subir des variétes différentes, dont il est necessaire que nous fassious quelque mention. Le faucon , qui est naturel en France, est gros comme une poule : 1l a dix-huit pouces de. longueur depuis le bôut du bec jusqu’à celui de la queue , et autant jusqu’à celui des pieds : la queue a uu peu plus de cinq pouces _ de longueur, et il a près de trois pieds et demi de vol ou d'envergure ; ses ailes, lors qu’elles sont pliées, s'étendent presque jns- qu'au, bout de la queue. Je ne dirai rien des couleurs, parce qu’elles changent aux diffé rentes mues, à mesure que l'oiseau avance en âge, et que d’ailleurs elles sont fidèlement * Voyez les planches enluminées, n° 430. & HISTOIRE NATURÉLLE représentées par les trois planches enlumi- nées que nous venons de citer ci-dessus, Fob- CR ÿ serverai seulement que la couleur la plus or- dinaire des pieds du faucon est verdâtre, et que, quand il s’en trouve qui ont les pieds et la membrane du bec jaunes!, les faucohniers les appellent faucon bec jaune, et les re- gardent comme les plus laids et les moins nobles de tous les faucons, en sorte qu'ils les rejettent de l’école de la fauconnerie. Job- serverai encore qu'ils se servent du tiercelet de faucon, c’est-à-dire du mâle , lequel est d'un tiers plus petit que la femelle, pour voler les perdrix , pies , geais, merles, ef autres oiseaux de cette espèce; au lieu qu’on emploie la femelle au vol du lièvre, du milan, de la grue, et des autres grands oi-- seaux. * Il paroiît que cette espèce de faucon, qui ést assez commune en France, se trouve aussi en Allemagne. M. Frisch? a donné la figure 1 Voyez celui qui est représenté dans la planche cnluminée, n° 430. | 2 Voici ce que M. Frisch dit de cet oïseau, qu'il appelle l'ennemi des canards où l’autour d’un brun noir : « [l a été pourvu par la nature de longues ailes de ’ LA 4 } SV. E A UC ON. ’coloriée d’un faucon-sors à pieds et à mem- brane du bec jaunes, sous le nom de erten- stosser ou schwartz-braune habigt, et il s’est ‘trompé en lui donnant le nom d’aufour brun; car il diffère de l’autour par la grandeur et par le naturel. Il paroît qu'on trouve aussi’ en Allemagne, et quelquefois en France, une espèce différente de celle-ci, qui est le faucon pattu à tête blanche, que M. Frisch appelle mal-à-propos vautour. « Ce vautour à pieds _« velus ou à culotte de plume est, dit-il, de « tous les oiseaux de proie diurnes à bec « crochu, le seul qui ait des plumes jusqu’à « la partie inférieure des pieds , auxquels «elles s'appliquent exactement. L’aigle des « rochers a aussi des plumes semblables , _« mais qui ne vont que jusqu'à la moitie des «pieds : les oiseaux de proie nocturnes, « comme les chouettes, en ont jusqu'aux « ongles ; mais ces plumes sont une espèce « de duvet. Ce autour poursuit toute sorte de « proie, et on ne le trouve jamais auprès des « et de plumes serrées les unes sur les autres... …., « C'est des oiseaux de proie l’un des plus vigoureux ; « il poursuit de préférence les canards, les poules # d’eau et autres oiseaux d'eau. » (Planche LXX1V.} 4 ITS qe AVOCATS L'ARNPENT PONS M 4 TO HISTOIRE NATURELLE « cadavres ». C’est parce que ce. n’est pas À: un vautour, mais un faucon, qu'il ne se nourrit pas de cadavres; et ce faucon a paru à quelques uns de nos naturaïistes assez sem- blable à notre faucon de France, pour n’en faire qu’une variété: s’il ne différoit en effet de notre faucon que par la blancheur de la tète, tout le reste est assez semblable pour qu'on ne dût le considérer que comme ya- riéte ; mais le caractère des pieds couverts de plumes jusqu'aux ongles , me paroît être spé- cifique, ou tout au moins l’indice d’une va- riété constante, et qui fait race à part dans l'espèce du faucon. _ Une seconde variété est le faucon Die ? qui se trouve en Russie, et peut-être dans les autres pays du Nord; il y en a de tout-a-fait blancs et sans taches, à l'exception de l’ex- trémité des grandes plumes des ailes, qui sont noirätres : il y en a d’autres de cette espèce , qui sont aussi tout blancs, à l'exception de quelques taches brunes sur le dos et sur les ailes , et de quelques raies brunes sur la queue. Comme ce faucon blanc est de la même erandeur que notre faucon , et qu'il u’en (liffère que par la blancheur, qui est la USE: DU FAUCON. IC couleur que les oiseaux , comme les autres animaux, prennent assez généralement dans les pays du Nord, on peut présumer avec fondement que ce n’est qu’une variété de l'espèce commune, produite par l'influence du climat : cependantil paroît qu’en Islande il y a aussi des faucons de la même couleur que les nôtres, mais qui sont un peu plus gros, et qui ont les ailes et la queue plus longues ; comme ils ressemblent presque en tout à notre faucon, et qu’ils n’en diffèrent que par ces légers caractères, on ne doit pas les séparer de l’espèce commune. Il en est de. même de celui qu’on appelle faucon-gentil, que presque tous les naturalistes ont donné comme différent du faucon commun, tandis ‘que c’est le même, et que le nom de gentil ne leur est appliqué que lorsqu'ils sont bien élevés , bien faits et d’une jolie figure : aussi nos anciens auteurs de fauconnerie ne comp- toient que deux espèces principales de faucon, le faucon-gentil, ou faucon de notre pays, et le faucon-pélerin ou étranger , et repar- doient tous les autres comme de simples va- riétes de l’une ou de l’autre de ces deux es- pèces. Il arrive en effet quelques faucons des pays étrangers, qui ne font que se montrer NN Re it MEL A « du : | t bai à HISTOIRE NATURELLE sans s'arrêter , et qu on prend au passage : il en vient sur-tout du côté du Midi, que l’on prend à Malte, et qui sont beaucoup plus noirs que nos faucons d'Europe : on en a pris même quelquefois de cette espèce en France; : et celui dont nous donnons la figure enlumi-— néel,a été pris en Brie. C'est par cette rai= son que nous ayons cru pouvoir l'appeler faucon passager. 11 paroît que ce faucon noir passe en Allemagne comme en France; car c’est le même que M. Frisch a donné sous le nom de jalco fuscus , faucon brun (planche zXxxrrr), et qu'il voyage beau- coup plus loin ; car c’est encore le même faucon que M. Edwards a décrit et repré- senté ? sous le nom de faucon noir de la baie de Hudson, et qui, en effet, lui avoit éte envoyé de ce climat. J’observerai à ce sujet, que le faucon passager ou pélerin, décrit par M. Brisson 5, n’est point du tout un faucon étranger ni passager , et que c’est absolument le même que notre faucon-hagard*; en sorte 1 Voyez les planches enluminées, n° 469. 2 Tome I, page 4. 3 Page 34r. 4 Voyez celui qui est és planches cilal rinéEs, n° 42Le “ MU TATEOW 0 que l’éspèce du faucon commun ou passager ne nous est connue jusqu’à présent que par le faucon d'Islande , qui n’est qu’une variété de l'espèce commune, et par le faucon noir d'Afrique, qui en diffère assez, sur-tout par a couleur, pour pouvoir être regardé comme formant une espèce différente. On pourroit peut-être rapporter à cette espèce Le faucon tunisien ou punicien, dont parle Belon, «et qu'il dit être un peu plus « petit que le faucon-pélerin, qui a la tête « plus grosse et ronde, et qui ressemble par «la grandeur et le plumage au lanier »; peut-être aussi le faucon de Tartarie, qui au contraire est un peu plus grand que le fau- con-pélerin, et que Belon dit en différer en- core, en ce que le dessus de ses ailes est roux, et que ses doigts sont plus alongeés,. En rassemblant et resserrant les différens objets que nous venons de présenter en dé- tail, il paroît, 1°. qu'il n’y a en France qu'une seule espèce de faucon , bien connue pour y faire son aire dans nos provinces montagneuses ; que cette même espèce se trouve en Suisse, en Allemagne, en Polosne, et jusqu’en Islande vers le nord, en Italie, 2 :4 HISTOIRE NATURELLE en Espagne et dans les îles de la Méditerra= née, et peut-être jusqu'en Égypte vers le midi; 2°. que le faucon blanc n’est, dans | cette même espèce, qu’une variété produite par l'influence du climat du Nord; 3°. que le faucon-gentil n’est pas une espèce diffé- rente de notre faucon commun *; 4°. que le faucon-pélerin ou passager est d’une espèce différente, qu’on doit regarder comme étran- gère, et qui peut-être renferme quelques va- riétés, telles que le faucon de Barbarie, le * Jean de Franchières, qui est l’un des plus an- ciens et peut-être le meilleur de nos auteurs sur la fauconnerie, ne compte que sept espèces d’oiseaux auxquels il donne le nom de faucon; savoir, le faucon-gentil, le faucon-pélerin , le faucon-tariaret, le gerfaut, le sacre, le lanier , et le faucon tunisien ou punicien : en retranchant de cette liste le ger- faut, le sacre et le lanier, qui ne sont pas propre- ment des faucons, 1l ne reste que le faucon-gentil et le faucon-pélerin, dont le tartaret et le tunisien sont deux variétés. Cet auteur ne connoissoit donc qu’une seule espèce de faucon naturelle en France, qu’il indique sous le nom de JR EEE et cela prouve encore ce que J'ai avancé, que le faucon- gentil et le faucon commun ne sont tous deux qu'une seule et mème espèce. DU FAUCON. 15 faucon tunisien, etc... Il n’y a donc’, quoi qu'en disent les nomenclateurs, que deux espèces réelles de faucons en Europe, dont la première est naturelle à notre climat, et se multiplie chez nous, et l’autre qui ne fait qu'y passer, et qu'on doit regarder comme étrangère. En rappelant donc à l’examen la liste la plus nombreuse de nos nomenclateurs au sujet des faucons, et suivant article par article celle de M. Brisson , nous trouverons, 19. que le faucon-sors n’est que le jeune de l'espèce commune : 2°. que le faucon-hagard n’en est que le vieux : 3°. que le faucon à tète blanche et à pieds pattus est une variété ou race constante dans cette même espèce : 49. sous le nom de faucon blanc, M. Brisson indique deux différentes espèces d'oiseaux , et peut-être trois; car le premier et le troi- sième pourroient être, absolument parlant, des faucons qui auroient subi la variété com- mune aux oiseaux du Nord, qui est le blanc; mais pôur le second , dont M. Brisson ne pa- roit parler que d’après M. Frisch, dont il cite la planche Lxxx, ce n’est certainement pas un faucon, mais un oiseau de rapine com— un en France, auquel on donne le nom ! ; e She, x6 HISTOIRE NATURELLE de Aarpaye : 5°. que le faucon noir est le véritable faucon-pélerin ou passager, qu’on doit regarder comme étranger : 6°. que le faucon tacheté n’est que le jeune de ce même faucon étranger : 7°. que le faucon brun est moins un faucon qu'un busard; M. Frisch est le seul qui en ait donné la représenta- tion, et cet auteur dit que cet oiseau attrape quelquefois en volant les pigeons sauvages, que son vol est très-haut, et qu'on le tire rarement, mais que néanmoins il guette les oiseaux aquatiques sur les étangs et dans les autres lieux marécageux; ces indices réumis uf RE Ÿ re, CCE nn D 7 nous portent à croire que ce faucon brun de M. Brisson n'est vraisemblablement qu’une variété dans l’espèce des busards, quoiqu'il n'ait pas la queue aussi longue que les autres busards : 8°. que le faucon rouge n’est qu'une variété dans notre espèce commune du fau- con, que Belon dit , avec quelques anciens fauconniers, se trouver dans les lieux maré- cageux, qu’il fréquente de préférence : 9°. que le faucon rouge des Indes est un oiseau étranger dont nous parlerons dans la suite: 10°. que le faucon d'Italie, dont M. Brisson ne parle que d’après Jonston, peut encore DU FAUCON. AE être, sans scrupule, regardé comme une va- riété de l’espèce commune de notre faucon des Alpes : 11°. que le faucon d'Islande est, cemme nous l'avons dit, une autre variété de l’espèce commune, dont il ne diffère que par un peu plus de grandeur : 12°. que le sacre n'est point, comme le dit M. Brisson, une variété du faucon, mais une espèee dif- férente qu'il faut considérer à part : 13°. que le faucon-sentil n’est point une espèce diffé- rente de celle de notre faucon commun, et que ce n’est que le faucon-sors de cette es- pèce commune que M. Brisson a décrit sous Je nom de faucon-gentil, mais dans un temps . de mue, différent de celui qu'il a décrit sous Je simple nom de faucon : 14°. que le fau- con appelé pélerin par M. Brisson n’est que notre même faucon commun, devenu par l’âge faucon-hagard À , et que par conséquent ce n’est qu'une variété de l’âge, et non pas une diversité d'espèce : 15°. que le faucon de Barbarie n’est qu’une variété dans l’es- pèce du faucon étranger , que nous avons nommé faucon passager ? : 16°. qu’il en est 1 Voyez les planches enluminées , n° 42r. * 2 Voyez les planches enluminées, n° 469. 3 18 HISTOIRE NATURELLE | de même du faucon de Tartarie : 27°. que le faucon à collier n’est point un faucon, mais un oiseau de tout autre genre, au- quel nous avons donné le nom de soubuse: … 18°. que le faucon de roche n’est point en- _ core un faucon, puisqu'il approche beaucoup plus du hobereau et de la crécerelle, et que par conséquent cest un oiseau quil faut considérer à part : 19°. que le faucon de montagne n'est qu'une variété du rochier: . que le faucon de montagne cendré n’est qu’une variété de l'espèce commune du fau- con : 21°. que le faucon de la baie de Hudson est un oiseau étranger, d'une espèce diffé rente de celle d'Europe, et dont nous par- lerons dans l’article suivant : 22°. que le faucon étoilé est un oiseau d’un autre genre que le faucon ; 23°. que le faucon huppé des. Indes, le faucon des Antilles, le faucon pêcheur des Antilles, et le faucon pé- cheur de la Caroline, sont encore des oi- seaux étrangers dont il sera fait mention dans la suite. On peut voir, par cette longue énumération, qu'en séparant même les oi+ seaux étrangers et qui ne sont pas préci- sément des faucons, et en Ôtant encore. le faucon pattu, qui n’est peut-être qu'une va- riété ou une espèce très-voisine de celle du faucon commun, il y en a dix-neuf que nous réduisons à quatre espèces ; savoir, le faucon commun, le faucon passager, le sacre et le busard, dont il n’y en a plus que deux qui soient en effet des faucons. Après cette réduction faite de tous les prétendus faucons aux deux espèces du fau- con commun ou gentil, et du faucon pas- sager ou pélerin, voici les différences que nos anciens fauconniers trouvoient dans leur nature et mettoient dans leur éducation, Le faucon-gentil mue dès le mois de mars, et même plus tôt : le faucon-pélerin ne mue qu’au mois d'août ; il est plus plein sur les épaules, et ila les yeux plus grands, plus enfoncés , le bec plus gros, les pieds plus longs et mieux fendus que le faucon-gentil. Ceux-qu’on prend au nid s'appellent facons niais ; lorsqu'ils sont pris trop jeunes, ils sont souvent criards et difficiles. à élever ; il ne faut donc pas les dénicher avant qu'ils soient un peu grands; ou, si l’on est obligé de les ôter de leur nid, il ne faut point les Wanier, mais les mettre dans un nid le plus so HISTOIRE N NATURELLE semblable au leur qu'on pourra; et les nourrir de chair d'ours, qui est une viande assez commune dans les montagnes où l’on prend ces oiseaux, et au défaut de cette nourriture, on leur donnera de la chair dé poulet : si l’on ne prend pas ces précau-— tions , les ailes ne leur croissent pas, et leurs jambes se cassent ou se déboîtenut aisément. Les faucons-sors ; qui sont les jeunes, et qui ont été pris en septembre, octobre et novembre, sont les meilleurs et les plus aisés à élever : ceux qui ont été pris plus tard, en hiver ou au printemps suivant et qui par conséquent ont neuf où dix mois. d'âge, sont déja trop accoutumés à leur li- berté pour subir aisément la servitude et demeurer en captivité sans regret, et lon n’est jamais sûr de leur obéissance et de leur fidélité dans le service ; ils trompent souvent leur maître, et quitte Man s'y attend le moins. On prend tous les ans les faucons-pélerins au mois de septembre, à leur passage dans les îles, ou sur les fa- laises de la mer. Ils sont de leur naturel prompts, propres à tout faire, dociles et fort aisés à iustruire : on peut les faire voler 63 DU FAUCON. à -pendant tout le mois de mai et celui de juin, parce qu’ils sont tardifs à muer; mais aussi, dès que la mue commence, ils se dépouillent en peu de temps. Les lieux où l’on prend le plus de faucons-pélerins sont non seu- lement les côtes de Barbarie, mais toutes les iles de la Méditerranée, et particuliè- rement celle de Candie, d’où nous venoient” autrefois les meilleurs faucons. Comme les arts n’appartiennent point à l’histoire naturelle, nous n’entrerons point ici dans les détails de l’art de la fauconne- rie; on les trouvera dans l'Encyclopédie. « Un bon faucon, dit M. le Roy, auteur de « l'article Fauconnerie, doit avoir la tête «ronde, le bec court et gros, le cou fort «long, la poitrine nerveuse, les mahuies « larges , les cuisses longues, les jambes « courtes, ka main large, les doigts déliés, « alongés et nerveux aux articles, les ongles. « fermes et recourbés, les ailes longues: les « signes de force et de courage sont les mêmes «pour le gerfaut et pour le tiercelet, qui « est le mâle dans toutes les espèces d'oiseaux « de proie, et qu'on appelle ainsi, parce « qu'il est d’un tiers plus petit que Ja fe- (FUIA 22 HISTOIRE NATURELLE « melle : une marque de bonté moins équi- « voque dans un oiseau, est de chevaucher « contre le vent, c’est-à-dire de se roidir « contre, et se tenir ferme sur le poing lors- « qu'on l’y expose. Le pennage d’un faucon | « doit être brun et tout d’une pièce, c’est-à- « dire d’une même couleur: la bonne couleur « des mains est de verd-d’eau; ceux dont les « mains et le bec sont jaunes, ceux dont le « plumage est semé de taches, sont moins «estimes que les autres. On fait cas des « faucons noirs : mais , quel que soit leur « plumage, ce sont toujours les plus forts «en courage qui sont les meilleurs..... IL « y a des faucons lâches et paresseux; il y « en a d’autres si fiers, qu'ils s’irritent contre «tous les moyens de les apprivoiser : il faut « abandonner les uns et les autres, etc. » M. Forget, capitaine du vol à Versailles, a bien voulu me communiquer la note sui- vante. «Il n’y a, dit:il, de différence essentielle «entre les faucons de différens pays que «par la grosseur. Ceux qui viennent du « Nord sont ordinairement plus grands que « ceux des montagnes des Alpes et des Py- e L2 DU FAUCON. 23 « renées ; ceux-ci se prennent, mais dans _« leurs nids : les autres se prennent au pas- «sage, dans tous les pays; ils passent en « octobre et en novembre , et repassent en « février et mars.... L'âge des faucons se « désigne très-distinctement la seconde an-— « née, c'est-à-dire à la première mue; mais « dans la suite les connoissanees deviennent « bien plus difficiles. Indépendamment des « changemens dé couleur, on peut les dis- « tinguer jusqu’à la troisième mue c’est-à- «dire, par la couleur des pieds et celle de. « la membrane du bec. » OISEAUX ÉTRANGERS . QUI ONT RAPPORT AU GERFAUT,. ET AUX FAUCONS. I. Lr faucon d'Islande, que nous avons dit ètre une variété dans l’espèce de notre faucon commun, et qui n’en diffère en effet qu'en ee qu’il est un peu plus grand et plus fort. : M LE faucon noir *, qui se prend au passage. à Malte, en France, en Allemagne, dont nous avons parlé, et que MM. Frisch et Edwards ont indiqué et décrit, qui nous 41 paroît être d'une espèce étrangère et diffé- . rente de celle de notre faucon commun. J'observerai que la description qu’en donne M. Edwards est exacte, mais que M. Frisch n’est pas fondé à prononcer que ce faucon doit être sans doute le plus fort des oiseaux * Voyez les plauches enluminées, n° 469. HISTOIRE NATURELLE. 25 dé proie de sa grandeur, parce que, prés de l'extrémité du bec superieur, il y a une | espèce de dent triangulaire ou de pointe tran- chante, et que les jambes sont garnies de plus grands doigts et ongles qu'aux autres faucons : car, en comparant les doigts et les _ ongles de ce faucon noir, que nous avons en nature, avec ceux de notre faucon, nous n'avons pas trouvé qu’il y eüt de différence ni pour la grandeur, ni pour la force de ces parties; et en comparant de même le bec de ce faucon noir avec le bec de nos fau- cons, nous avons trouve que dans la plu- part de ceux-ci il y avoit une pareille dent triangulaire vers l'extrémité de la mandi- bule supérieure ; en sorte qu'il ne diffère point à ces deux égards du faucon commun, comme M. Frisch semble linsinuer. Au reste , le faucon tacheié dont M. Edwards donne la description et la figure, et qu’il dit être du même climat que le faucon noir, c'est-à-dire , des terres de la baie de Hudson, | ne nous paroît être en effet que le faucon- sors ou jeune de cette même espèce, et par conséquent ce n'est qu'une variété produite dans les couleurs par la différence de l’âge, : Z Ÿ } ! 6 HISTOIRE NATURELLE et non pas une variété réelle ou variété de race dans cette espèce. On nous a assuré que la plupart de ces faucons noirs arrivent du côté du Midi : cependant nous en avons … vu un qui avoit été pris sur les côtes de l'Amérique septentrionale, près du banc de Terre-Neuve; et, comme M. Edwards dit qu'il se trouve aussi dans les terres voisines de la baie de Hudson , on peut croire que : l'espèce est fort répandue , et qu’elle fré- quente également les climats chauds, tem pérés ou froids. Nous observerons que cet oiseau , que nous avons eu en nature, avoit les pieds d’un bleu bien décidé, et que ceux que l’on trouve re- présentes dans les planches enlumineées de MM. Edwards et Frisch, avoient les pieds jaunes; cependant il n’est pas douteux que ce ne soient les mêmes oiseaux : nous avons déja reconnw., en examinant les balbuzards, qu'il y en avoit à pieds bleus, et d'autres à pieds jaunes ; ce caractère est douc beaucoup moins fixe qu'on ne l’imaginoit. Il en est de la couleur des pieds à peu près comme de celle du plumage; elle varie souvent avec l’âge, ou par d’autres circonstances. DES OISEAUX ÉTRANGERS, etc. 27. III L'orsEeAU qu’on peut appeler le faucon rouge des Indes orientales, très-bien décrit par Aldrovande, et à peu près dans les termes suivans. La femelle, qui est d’un tiers plus grosse que le mäle , a le dessus de la tête large et presque plat; la couleur de la tête, du cou, de tout le dos et du dessus des ailes, est d’un cendre tirant sur le brun; le bec est très-gros , quoique le crochet en soit assez petit; la base du bec est jaune, et le reste, jusqu’au crochet, est de couleur cendree; la pupiile des yeux est très-noire, l'iris brun; la poitrine entière, la partie supérieure du dessous des ailes, le ventre, le croupion et les cuisses sont d'un orange presque rouge ; 1l y a cependant au-dessus de la poitrine, sous le menton, une tache longue de couleur cendrée, et quelque petite tache de cette même couleur sur la poitrine; la queue est rayée de bandes en demi-cercle, alternativement brunes et cendrées; les jambes et les pieds sont jaunes , et les ongles noirs. Dans le mâle, toutes les parties rouses sont plus rouges, ek \ Le ‘ Ty LE A et A Ah à tt: Li " Y ; j pi 7 CC UE . Ne V 'k, 20 HISTOIRE NATURELLE toutes les parties cendrées sont plus brunes PR. le bec est plus bleu, et les pieds sont Due 4 jaunes. Ces faucons , ajoute Aldrovande , avoient été envoyés des Indes orientales au grand duc Ferdinand , qui les fit dessiner vi- vans. Nous devons observer ici que Tardif, Albert et Crescent, ont parlé du faucon rouge comme d’une espèce ou d’une variété qu'on connoissoit en Europe, et qui se trouve dans les pays de plaines et de marécages ; mais ce faucon rouge n’est pas assez bien décrit, pour qu’on puisse dire si c’est le même que le faucon rouge des Indes, qui pourroit bien, voyager et venir en Europe comme le faucon passager. | I V. L'orsEAU indiqué par Willughby sous Ja dénomination de falco indicus cirratus, qui est plus gros que le faucon, et presque égal à Pautour, qui a sur la tête une huppe dont l'extrémité se divise en deux parties quë pendent sur le cou. Cet oiseau est noir sur toutes les parties supérieures de la tête et du corps ; mais sur la poitrine et le veutre, son R DES OISEAUX ÉTRANGERS. 29 plumage est traversé de lignes noires et blan- ches alternativement: les plumes de la queue sont aussi rayées de lignes alternativement noires et cendrées; les pieds sont couverts de plumes jusqu’à l’origine des doists; l'iris des yeux, la peau qui couvre la base du bec, et les pieds, sont jaunes; le bec est d’un bleu noirâtre, et les ongles sont d’un beau noir. Au reste, il paroît, par le témoienage des voyageurs, que le genre des faucons est l’un des plus universellement répandus. Nous avons dit qu'on en trouve par-tout en Eu- xope, du nord au midi; qu’on en prend em quantité dans les îles de la Méditerranée, qu’ils sont communs sur la côte de Barbarie. M. Shaw, dont j'ai trouvé les relations pres- que toujours fidèles, dit qu’au royaume de Tunis il y a des faucons et des éperviers en assez grande abondance , et que la chasse à Voiseau est un des plus grands plaisirs des Arabes et des gens un peu au-dessus du com- mun. On les trouve encore plus fréquem- ment au Mogol! et en Perse?, où l’on pré- 1 On se sert du faucon au Mogol pour la chasse lu daim et des gazelles. 2 Relation de Thvenot , tome IF, page 200. —+ ‘ . L1 _ LA 32 HISTOIRE NATURELLE “ tend que l’art de la fanconnerie est plus etläiné que par-tout ailleurs ! ; on en trouve jusqu'a Japon, où Kæmpfer dit qu'on les tient plutôt par faste que pour l'utilité de la chasse; et ces faucons du Japon viennent des parties septentrionales de cette ile. Kolbe fait aussi | mention des faucons du cap de Bonne-Espé= rance, et Bosman de ceux de Guinee?; en sorte qu iln'y a, pourainsidire,aucuneterre, aucun climat dans l’ancien continent, où l’on ne trouve l’espèce du faucon; et comme ces oiseaux supportent très-bien le froid ; et qu'ils volent facilement et très-rapidement, on ne. doit pas être surpris de les retrouver dans le nouveau continent; il y en a dans le Groen- land Ÿ, dans les parties montagneuses de l'Amérique septentrionale et méridionale ÿ et jusque dans les îles de la mer du Sud. T'oyage de Jean Ovingion , tome I, page 20. — V’oyage de Chardin, tome It, pages 32 et 33. — Voyage de Dampier, tome AE page 29 et suivantes. 1 Joyage de Dampier, tome IT, page 25. 2 J’oyage de Guillaume Bosman, lettre xvmé, page 268. 5 Recueil des Voyages du Nord, tome x, p+ 99e | bi RE DES OISEAUX ÉTRANGERS , etc. 3e V. L'orsEaAuU appelé fanas par les nègres du Sénégal , et qui nous a etédonné par M. Adan- son sous le nom de faucon-pécheur*. Il res- semble presque en tout à notre faucon par les couleurs du plumage : il est néanmoins un peu plus petit, et il a sur la tête de longues plumes éminentes qui se rabattent en ar- rière, et qui forment une espèce de huppe, par laquelle on pourra toujours distinguer cet oiseau des autres du même genre: il a aussi le bec jaune, moins courbé et plus gros que le faucou. Il en diffère encore en ce que les deux mandibules ont des dentelures très- sensibles ; et son naturel est aussi différent , car il pêche plutôt qu’il ne chasse. Je crois que c’est à cette espèce qu’on doit rapporter l'oiseau duquel Dampier fait mention sous ce même nom de faucon-pécheur. «I1 res- « semble, dit-il, à nos plus petits faucons « pour la couleur et la figure; il a le bec et « les ergots faits’ tout de mème; il se perche _ «sur les troncs des arbres et sur les branches - « sèches qui donnentsur l’eau dans les criques ; * Voyez les planches enluminées , n° 478. | je 32 - HISTOIRE NATURELLE, ÿ « les rivières où au bord de la mer ; et, es « que ces oiseaux voient quelques petits pois- «sons auprès d'eux, ils volent à fleur d’eau’, « les enfilent avec leurs griffes, et s'élèvent «aussitôt en l’air, sans toucher l’eau de leurs «ailes ». Il ajoute « qu’ils n’avalent pas le « poisson tout entier, comme font les autres: « oiseaux qui en vivent, mais qu'ils le dé- « chirent avec leur bec, et le mangent sit « MOTCEAUX. » an "4 D en » À Tom 2. | s LENS P13. Pag 32 “ > } ObPHOBERE AU, :. Voyez la planche r11 de ce volume. | L £‘hobereau est bien plus petit que le fau- con, et en diffère aussi par les habitudes na- turelles. Le faucon est plus fier, plus vif et plus courageux ; il attaque des oiseaux beau- coup plus gros que lui. Le hobereau est plus lâche de son naturel; car, à moins qu'il ne. soit dressé, il ne prend que les alouettes et Les cailles : mais il sait compenser ce défaut . de-courage et d’ardeur par son industrie. Dès qu'il apperçoit un chasseur et son chien, il les suit d'assez près, ou plane au-dessus de leur tête, et tâche de saisir les petits oiseaux qui s'élèvent devant eux : si le chien fait . lever une alouette, une caille, et que le chas- seur la manque, il ne la manque pas. Il a l'air de ne pas craindre le bruit, et de ne pas connoître l’effet des armes à feu; car il s’ap- 1 Voyez les planches enluminées, n°5 43r et 432, 2 En anglois, 2obby; en italien , bacello. PAT. 34 HISTOIRE NATURELLE à proche de très-près du chasseur, qui le tue. souvent lorsqu'il ravit sa proie. Il fréquente : les plaines voisines des bois, et sur-tout celles où les alouettes abondent; il en détruit un. très-srand nombre , et elles connoissent Si bien ce mortel ennemi, qu’elles ne l’apper- çoivent jamais sans le plus grand effroi, et qu'elles se précipitent du haut des airs, pour. se cacher sous l'herbe ou dans les buissons > c'est la seule manière dont elles puissent échapper ; car, quoique l’alouette s'élève beaucoup, le hobereau vole encore plus haut qu’elle, et on peut Le dresser au leurre comme le faucon et les autres oiseaux du plus haut vol. Il demeure et niche dans les forêts, où il se perche sur les arbres les plus élevés. Dans quelques unes de nos provinces, om donne le nom de Lobereau * aux petits sei- gneurs qui tyrannisent leurs paysans, et plus particulièrement au gentilhomme à lièvre, qui va chasser chez ses voisins sans en ètre * Ce nom de hobereau , appliqué aux gentils homnies de campagne , peut venir aussi de ce qu'auirefois tous ceux qui n'étoient point assez. riches ‘pour entretenir une fauconnerie, se conten- toient d'élever des hobereaux pour la chasse. 2 TES A DU HOBEREAU. 35 prié, et qui chasse moins pour son plaisir que pour le profit. On peut observer que, dans cette espèce, le plumage de l'oiseau est plus noir dans la première année qu'il ne l’est dans les années suivantes. Îl y à aussi dans notre climat une variété de cet oiseau, qui nous a paru assez singulière pour mériter d’être représentée * : les différences consistent en ce que la gorge, le dessous du cou, la poitrine, une partie du ventre et les grandes plumes des ailes sont cendrée et sans taches; tandis que, dans le hobereau commun , la gorge et le dessous du cou sont blancs, la poitrine et le dessus du ventre blancs aussi , avec des taches longitu-— dinales brunes , et que les grandes plumes des ailes sont presque noirâtres. Il y à de même d'assez grandes differences dans les couleurs de la queue, qui, dans le hobereau commun, est blanchätre par-dessous, tra- versée de brun, et qui, dans l’autre, est ab- solument brune. Mais ces différences n’em— pêchent pas que ces deux oiseaux ne puissent être regardes comme de la même espèce; car ils ont la même grandeur, le même port, et * Voyez les planches enluminées, n° 43r. 36 HISTOIRE NATURELLE. | se Pouveus de même en France ; et d’ ailes À ils se ressemblent par un caractère spécifique très-particulier , c’est qu'ils ont tous deux, le bas du ventre et les cuisses garnis de À plumes d’un roux vif, et qui tranche beau-. coup sur les autres couleurs de cet oiseau. Il. n’est pas même impossible que cette variété, dont toutes les différences se réduisent à des nuances de couleurs, ne provienne de l’âge. ou des différens temps de la mue de cet oi- seau; et c’est encore une raison de plus pour ne les pas séparer de l’espèce commune. Au reste, le hobereau se porte sur le poing, dé- couvert et sans chaperon, comme l’émeril- lon, l’épervier et l’autour, et l’on en faisoit autrefois un grand usage pour la chasse des perdrix et des cailles. Tom 2, CRESSERELLE 4 1 Dauer. s. LACRÉCERELLE : Voyez la planche 1v de ce volume. LL crécérelle ? est l'oiseau de proie le plus commun dans la plupart de nos provinces de France, et sur-tout en Bourgogne : il n’y a point d’ancien château ou de tour aban- donnée qu’elle ne fréquente et qu’elle n’ha-— bite; c’est sur-tout le matin et le soir qu’on la voit voler autour de ces vieux bâtimens, et on l’eutend encore plus souvent qu’on ne la voit; elle a un cri précipité, p{;, pli, pli, ou pri, pit, pri, qu elle ne cesse de répéter 1 Voyez les planches enluminées, noS 4or et 49r. 2 En Jatin, Znnunculus ; en italien, canibello, titiinculo, tintarello , garinello ; en espagnol, cer- nicalo ou zernicalo; en allemand, roethel-weih ou wannenwacher, quod alas extendat{ait Schwenck- feld) ventiletque instar ventilabrt quod vannum nominant ; en anglois, kestril ou kestrel. On Ya aussi appelée en vieux francois , et encore actuelle- ment dans quelques provinces de France, cerce= relle , quercerelle , écrecelle. Oiseaux. IT. k 38 HISTOIRE. “NATURELLE en volant, et qui effraie tous les petits oiseaux, | sur lesquels elle fond comme une flèche, et … qu'elle saisit avec sés serres : si, par hasard, elle les manque du premier coup, «lle les poursuit sans crainte du danger jusque dans les maisons; j'ai vu plus d’une fois mes gens prendre une crécerelle et le petit oiseau qu’elle poursuivoit, en fermant la fenêtre d'une chambre ou la porte d’une galerie qui étoient éloignées de plus de cent toises des vieilles tours d’où elle étoit partie. Lors-. qu'elle a saisi et emporté l'oiseau, elle le tue et le plume très-proprement avant de le manger : elle ne prend pas tant de peine pour les souris et les mulots ; elle avale les plus petits tout entiers, et dépèce les autres. Toutes les parties molles du corps de la sou ris se digèrent dans l'estomac de cet oiseau : _ mais la peau se roule et forme une petite pe- lote, qu’il rend par le bec, et non par le bas; car ses excrémens sont presque liquides et blanchätres. En mettant ces pelotes qu’elle vomit dans l’eau chaude, pour les ramollir et-les étendre, on retrouve la peau entière de Ja souris, comme si on l’eût écorchée. Les ducs, les chouettes, les buses, et peut-être DE LA CRÉCERELLE. 3% beaucoup d'oiseaux de proie, rendent de pa- reilles pelotes , dans lesquelles, outre la peau roulée, il se trouve quelquefois des portions les plus dures des os : il en est de mème des oiseaux pêcheurs ; les arêtes et les écailles des poissons se roulent dans leur estomac, et ils les rejettent par le bec. La crécerelle est un assez bel oiseau; elle a l'œil vif et la vue très-perçante, le vol aisé et soutenu ; elle est diligente et courageuse: elle approche , par le naturel, des oiseaux nobles et généreux ; on peut mème la dresser, comme les émeriHons, pour la fauconnerie, La femelle est plus grande que le mâle, et elle en diffère en ce qu’elle a la tête rousse, le dessus du dos, des ailes et de la queue, rayé de bandes transversales brunes, et qu’en même temps toutes les plumes de la queue sont d’un brun roux plus ou moins foncé ; au lieu que, dans le mâle, la tête et la queue sont grises, et que les parties supérieures du dos et des ailes sont d’un roux vineux, semé de quelques petites taches noires. On peut voir les différences du mâle et de la femelle dans les RP ER enluminées que nous avons citées. Ed AU à 40 HISTOIRE NATURELLE Nous ne pouvons nous dispenser d'obser- à ver que quelques uns de nos nomenclateurs À modernes ont appelé épervier des aloueftes , î la crécerelle femelle , et qu'ils en ont fait À une espèce particulière et différente de celle de la crécerelle. ETS Quoique cet oiseau fréquente habituelle- inent les vieux bâtimens , il y niche plus ra- xement que dans les bois; et lorsqu'il ne. dépose pas ses œufs dans des trous de mu- . railles ou d'arbres creux, il fait une espèce de nid très-négligé, composé de büchettes et de racines, et assez semblable à celui des geais, sur les arbres les plus élevés des forêts : quelquefois il oceupe aussi les nids que les corneilles ont abandonnés. Il pond plus sou- ! vent cinq œufs que quatre, et quelquefois six, et même sept, dont les deux bouts sont teints d'une couleur rougeâtre ou jaunûâtre,. assez semblable à celle de son plumage. Ses | petits, dans le premier âge, ne sont couverts que d'un duvet blanc; d’abord il les nourrit avec des insectes, et ensuite il leur apporte des mulots en quantité, qu'il apperçoit sur terre du plus haut des airs, où il tourne len- … tement, et demeure souvent stationnaire DE LA CRÉCERELLE. 4 . pour épier son gibier, sur lequel il fond en ‘un instant : il enlève quelquefois une perdrix rouge beaucoup plus pesante que lui; sou- vent aussi il prend des pigeons qui s’écartent de leur compagnie : mais sa proie la plus or- dinaire , après les mulots et les reptiles, sont les moineaux, les pinsous et les autres petits oiseaux. Comme il produit en plus grand nombre que la plupart des autres oiseaux de proie, l’espêce est plus nombreuse et plus répandue ; on la trouve dans toute l'Europe, depuis la Suède jusqu’en Italie et en Espagne ; on la-retrouve même dans les pays tempérés de l'Amérique septentrionale. Plusieurs de ces oiseaux restent pendant toute l’année dans nos provinces de France: cependant j'ai re- marqué qu’il y en avoit beaucoup moins en hiver qu’en été; ce qui. me fait croire que plusieurs quittent le pays, pour aller passer ailleurs La mauvaise saison. | J'ai fait élever plusieurs de ces oiseaux dans de grandes volières: ils sont, comme je l'ai dit, d’un très-beau blanc pendant le premier mois de leur vie, après quoi les plumes du dos deviennent roussâtres et brunes en peu de jours. Ils sont robustes et | | 3 | JPA AL # HISTOIRE NATURELLE aisés à nourrir; ils mangent la viande crue … À AA qu’on leur présente, à quinze jours ou trois semaines d’âge : ils connoissent bientôt la personne qui les soigne , et s’apprivoisent | assez pour ne jamais l’offenser. Ils font en-— tendre leur voix de très-bonne heure ; et. quoiqu’enfermés , ils répètent le même cri qu'ils font en liberté : j’en ai vu s'échapper et revenir d'eux-mêmes à la volière, après un jour ou deux d'absence , et peut-être d’abstinence forcée. | | Je ne connois point de variétés dans cette espèce, que quelques individus qui ont la tête et les deux plumes du milieu de la queue grises, tels qu'ils nous sont représentés par M. Frisch (planche zxxxr ); mais M. Sa- lerne fait mention d’une crécerelle jaune qui se trouve en Sologne, et dont les œufs sont de cette même couleur jaune. « Cette « crécerelle , dit-il, est rare, et quelquefois « elle se bat généreusement contre le jean-le- « blanc, qui, quoique le plus fort, est sou «vent obligé de lui céder. On les a vus, : «ajoute-t-il, s’accrocher ensemble en l'air, « et tomber de la sorte par terre, comme une « motte ou une pierre ». Ce fait me paroît 4 ue | DE LA CRÉCERELLE. 43 _ bien suspect; car l'oiseau jean-le-blanc est non seulement très-supérieur à la crécerelle par la force, mais il a le vol et toutes les allures si différentes, qu'ils ne doivent guère _ se rencontrer. LE ROCHIER! ee \f ” L " L'oiseau qu’on a nommé faucon de roche ou 7ochier, n’est pas si gros que la créce- relle, et me paroît fort semblable à l’éme- rillon, dont on se sert dans la fauconnerie: I] fait, disent les auteurs, sa retraite et son nid dans les rochers. M. Frisch est le seul avant nous qui ait donné une bonue indi-. cation de cet oiseau, et l’on peut comparer dans son ouvrage la figure du rochier (planche LXXXVII) avec la nôtre, et aussi avec les crécerelles mâle et femelle, qui toutes trois sont assez bien rendues : leurs rapports de ressemblance et de différence sont encore - mieux exprimés dans nos planches enlumi- nées. En considérant attentivement la forme et les caractères de cet oiseau, et en les com- parant avec la forme et les caractères de l’es- pêce d’émerillon dont on se sert dans la fau- connerie?, nous sommes très-portés à croire * Voyez les planches cnluminées , n° 447. 2 Ibid. n° 468. 7 4 wi HISTOIRE NATURELLE. 45 que + rochier et cet émerillon sont de la. même espèce, ou du moins d’une espèce en- core plus voisine l’une de l’autre que de celle de la crécerelle. On verra dans l’ar- ticle suivant qu’il y a deux espèces d’éme- rillons, dont la première approche beaucoup de celle du rochier, et la ‘seconde de celle de la crécerelle. Comme tous ces oiseaux sont à peu près de la même taille, du même na- turel , et qu'ils varient autant et plus par le sexe et par l’âge que par la différence des espèces, 1l est très-difficile de les bien recon- noître; et ce n’est qu'à force de comparai- sons faites d’après nature, que nous sommes parvenus à les distinguer les uns des autres. . _ gr - ‘4 . pp p Li » h ‘ 2” x & si "4 :L'ÉMERILLON: # Voyez la planche v de ce volume. L'orsrau dont il est ici question n'est. point l’émerillon des naturalistes, mais l’é- merillon des fauconniers, qui n’a été indi- qué ni bien décrit par aucun de nos nomen- clateurs : cependant c’est le véritable éme- rillon dont on se sert tous les jours dans la fauconnerie, et que l’on dresse au vol pour la chasse. Cet oiseau est, à l'exception des pie-grièches, le plus petit de tous les oiseaux. de proie, n'étant que de la grandeur d’une grosse grive : néanmoins on doit le regarder comme un oiseau noble, et qui tient de plus près qu'un autre à l’espèce du faucon; il en à a le plumage *, la forme et l'attitude; il a * Voyez les planches enluminées, n° 468. 2 En latin, æsalon ; en italien , smerlo où smeri- glio; en allemand, myrle ou smyrlin. 3 T1 ressemble en effet, par les nuances et la distribution des couleurs, au faucon-sors. à Zon 2" Ë | ee ho Pag 47: # \ L'EMERILLION [ Souquet. “4 HISTOIRE NATURELLE. 47 le méme naturel, la même docilité, et tout autant d’ardeur etde courage. On peut en faire un bon oiseau de chasse pour les alouettes, les cailles, et même les perdrix, qu’il prend et transporte, quoique beaucoup plus pe- santes que lui; souvent il les tue d’un seul coup, en les frappant de l'estomac sur la tête ou sur le cou. Cette petite espèce, si voisine d’ailleurs de celle du faucon par le courage et le naturel, ressemble néanmoins plus au hobereau par la figure, et encore plus au rochier : on le distinguera cependant du hobereau, en ce qu’il a les ailes beaucoup plus courtes, et qu'elles ne s'étendent pas, à beaucoup près, jusqu’à l'extrémité de la queue, au lieu que celles du hobereau s’étendent un peu au-delà de cette extrémité : mais, comme nous l’a- vons déja fait sentir dans l’article précédent, ses ressemblances avec le rochier sont si grandes, tant pour la grosseur et la longueur du corps, la forme du bec, des pieds et des serres, les couleurs du plumage, la distri- bution des taches, etc......... qu’on seroit très-bien fondé à regarder le rochier comme une variété de l’émerillon , on du moins ÿ MP Lo N : 48 HISTOIRE NA ROUES comme une espèce si voisine, qu’on At. suspendre son jugement sur la diversité de. ces deux espèces. Au reste, l’émerillon s’é- ” loigne de l’espèce du faucon et de celle de tous" les autres oiseaux de proie par un attribut qui le rapproche de la classe commune des i autres biseaux; c’est que le mâle et la fe-… melle sont dans l’émerillon de la même gran-. deur, au lieu que, dans tous les autres oiseaux « de proie, le mâle est bien plus petit que la… femelle. Cette singularité ne tient donc point” à leur manière de vivre, ni à rien de tout ce” qui distingue les oiseaux de proie des autres” oiseaux; elle sembleroit d’abord appartenir » à la grandeur, parce que dans les pie-grié- ches, qui sont encore plus petites que les” émerillons , le mâle et la femelle sont aussi. de la mème grosseur; tandis que dans les aigles, les vautours, les gerfauts, les autours, les faucons et les éperviers, le mâle est d’un tiers ou d'un quart plus petit que la fe-" melle. Après avoir réfléchi sur cette singu-" larité, et reconnu qu’elle ne pouvoit pas … dépendre des causes générales , j'ai recher-w ché s’il n’y en avoit pas de particulières auxquelles on püût attribuer cet effet; et j'ai. re ec 7 … MM L'EMERTLLON.".. 4 trouvé, en comparant les passages de ceux qui ont disséqué des oiseaux de proie, qu’il y a dans la plupart des femelles un double _cœcum assez gros et assez étendu, tandis que dans les mâles il n’y a qu’un cœcum, - MO AE | 3 3 A ? variétés d’une seule espèce; et peut-être l’un de ces oiseaux n'est-il que le mâle ou la fe- melle de l’autre : mais tous deux ressemblent si fort à l’émerillon donné par M. Frisch, qu’on doit les regarder comme étant d’es- pèces très-voisines ; et cet émérillon d'Eu- rope, aussi-bien que ces émerillons d’Amé- rique dont les espèces sont si voisines, pa- roitront à tous ceux qui les considéreront 1 Tome I, page 382. 3 Voyez les planches enluminées, n° 444 3 Jbid. n° 465. ’ Ke pet “di : à % 1 pu DE L'ÉMERILLON 56e attentivément , beaucoup plus près de la crécerelle que de l’éemerillon des faucon- niers. IL se peut donc que cette espèce ait passé d’un continent à l’autre; et en effet, M. Linnæus fait mention des crécerelles en Suède , et ne dit pas que les émerillons s’y _ trouvent. Ceci semble confirmer encore notre opinion, que ce prétendu émerillon des na-— turalistes, n'est qu'une variété, ou tout au plus une espèce très-voisine de celle de la crécerelle : on pourroit même lui donner un nom particulier, si on vouloit la distin- guer, soit de lémerillon des fauconniers , soit de la crécerelle, et ce nom seroit ce- lui qu’on lui donne dans les îles Antilles. « L’émerillon, dit le P. du Tertre, que nos « habitans appellent 977 gry, à cause qu’en « volant 1l jette un cri qu'ils expriment par «ces syllabes g7y gry, est un autre petit « oiseau de proie qui n’est guère plus gros « qu'une grive; il a toutes les plumes de _« dessus le dos et les ailes rousses, tachées « de noir, et le dessous du ventre blanc, « moucheté d’hermine; il est armé de bec . «et de griffes à proportion de sa grandeur : «il ne fait la chasse qu'aux petits lézards et 52 HISTOIRE a Co ps «aux sauterelles, et quelquefois aux peti UN « poulets, quand ils sont nouvellement éclos. À «Je leur en ai fait lâcher plusieurs fois, «ajoute-t-il; la poule se défend contre lui 4 «et lui donne la chasse. Les habitans en À! « mangent; mais il n’est pas bien gras.» La ressemblance du cri de cet émerillon du P. du Tertre * avec le cri de notre cré= … cerelle est encore un autre indice du voisi= : nage de ces espèces; et il me paroît qu’on peut conclure assez positivement que tous ces oiseaux donnés par les naturalistes sous les noms d’ézerillon d'Europe, émerillon de la Caroline ou de Cayenne, et émerillon de Saint-Domingue ou des Antilles, ne font qu’une variété dans l’espèce de la crécerelle, à laquelle on pourroit donner le nom de gry gry, pour la distinguer de la crécerelle com- mune. » * Le cri de la crécerelle est pri pri; ce qui ap- proche beaucoup de gry gry, qui est le nom qu’on donne, aux Antilles, à cet oiseau, à cause de son cri. | LES PIE-GRIÈCHES. Css oiseaux, quoique petits, quoique dé- licats de corps et de membres, doivent néan- moins, par leur courage, par leur large bec, fort et crochu, et par leur appétit pour la chair, être mis au rang des oiseaux de proie, même des plus fiers et des plus sanguinaires. On est toujours étonné de voir l’intrépidite avec laquelle une petite pie-grièche combat contre les pies, les corneilles, les crecerelles, tous oiseaux beaucoup plus grands et plus forts qu’elle : non seulement elle combat pour se défendre, mais souvent elle attaque, et toujours avec avantage, sur-tout lorsque le couple se réunit pour éloigner de leurs pe- tits les oiseaux de rapine. Elles n’attendent pas qu'ils approchent ; il suffit qu’ils passent à leur portée, pour qu’elles aillent au-devant : elles les attaquent à grands cris, leur font des blessures cruelles, et les chassent avec tant de fureur , qu'ils fuient souvent sans oser revenir; et, daus ce combat inégal contre 5 SNA. DELA 54 HISTOIRE NATURELLE d’aussi srands ennemis, il est rare de les voir succomber sous la force, ou se laisser empor- \ ter ; il arrive seulement qu’elles tombent quelquefois avec l’oiseau contre lequel elles se sont accrochées avec tant d'acharnement, que le combat ne finit que par la chüte et la mort de tous deux: aussi les oiseaux de proie _les plus braves les respectent ; les milans, les buses, les corbeaux, paroissent les craindre et les fuir plutôt que les chercher. Rien dans la mature ne peint mieux la puissance et les droits du courage, que de voir ce petjt oiseau, qui n’est guère plus gros qu’une alouette, voler de pair avec les éperviers, les faucons et tous les autres tyrans de l'air, sans les redouter, et chasser dans leur domaine sans craindre d'en être puni; car, quoique les pie-grièches se nourrissent communément d'insectes , elles aiment la chair de préfe- rence : elles poursuivent au vol tous les pe- tits oiseaux ; on en a vu prendre des perdreaux et de jeunes levrauts; les grives, les merles , et les autres oiseaux pris au lacet ou au piége, deviennent leur proie la plus ordinaire ; elles les saisissent avec les ongles, leur crèvent la tête avec le bec, leur serrent et déchiquètent M “ DES PIE-GRIÈCHES. 55 le cou; et après les avoir étranglés ou tués , elles les plument pour les manger, les dépe- cer à leur aise, et en emporter dans leur nid les débris en lambeaux. Le genre de ces oiseaux est composé d’un assez grand nombre d'espèces : mais nous pouvons réduire à trois principales ceux de notre climat; la première est celle de la pie- grièche grise, la seconde celle de la pie- grièche rousse, et la troisième celle de la pie- grièche appelée vulgairement /’écorcheur: Chacune de ces trois espèces mérite une des- cription particulière , et contient quelques variétés que nous allons indiquer. LA PIE-GRIÈCHE GRISE :. Voyez la planche vi de ce volume. C ETTE pie-grièche grise? est très-commune dans nos provinces de France, et paroît être naturelle à notre climat; car elle y passe l'hiver et ne le quitte en aucun temps : elle habite les bois et les montagnes en été, et vient dans les plaines et près des habitations en hiver; elle fait son nid sur les arbres les plus élevés des bois ou des terres en mon- tagnes. Ce nid est composé au dehors de mousse blanche entrelacée d’herbes longues , et au dedans il est bien doublé et tapissé de laine; ordinairement il est appuyé sur une branche à double et triple fourche. La fe- melle, qui ne diffère pas du mâle par la gros- seur, mais seulement par la teinte des cou 1 En latin, /anius ; en itahen, gaza sperviera, Jalconello , orestlo, castrica , verla, stragazæina , ragazzoia. 2 Voyez les planches enluminées, n° 445: 4 Zom À, P J = à PL. 6, lag 97») LA PIE-GRIÈCHE GRISE. es / Î Soauquur a AU EE rt RS TE ANR “ dt kr HISTOIRE NATURELLE. 5; leurs plus claires que celles du mâle, pond ordinairement cinq ou six, et quelquefois sept, ou même huit œufs gros comme ceux d'une grive; elle nourrit ses petits de che- nilles et d’autres insectes dans les premiers jours , et bientôt elle leur fait manger de petits morceaux de viande que leur père leur apporte avec un soin et une diligence admi- rable. Bien différente des autres oiseaux de proie, qui chassent leurs petits avant qu’ils soient en état de se pourvoir d'eux-mêmes , la pie-srièche garde et soigne les siens tout le temps du premier âge; et quand ils sont adultes , elle les soigne encore : la famille ne se sépare pas; on les voit voler ensemble pendant l’automue entier , et encore en hi- ver , sans qu'ils. se réunissent en grandes troupes. Chaque famille fait une petite bande à part, ordinairement composée du père, de la mère, et de cinq ou six petits, qui tous prennent un intérêt commun à ce qui leur arrive, vivent en paix et chassent de concert, jusqu'à ce que le sentiment ou le besoin d'amour, plus fort que tout autre sentiment, detruise les liens de cet attachement, et en- lève les enfans à leurs parens : la famille 58 HISTOIRE NATURELLE nese sépare que pour en former de nouvelles. … Il est aisé de reconnoître les pie-grièches de loin, non seulement à cause de cette petite troupe qu’elles forment après le temps des” nichées, mais encore à [eur vol, qui n’est ns direct ni oblique à la même hauteur, et qui se fait toujours du bas en haut et de haut en bas alternativement et précipitam- ment; on peut aussi les reconnoître , sans les voir, à leur cri aigu éroui troui, qu’on entend de fort loin , et qu’elles ne cessent de répéter lorsqu'elles sont perchées au sommet des arbres. Il ya, dans cette première espèce, variété pour la grandeur, et variété pour la couleur. Nous avons au Cabinet une pie-grièche qui nous a été envoyée d'Italie, et qui ne diffère de la pie-srièche commune que par une teinte de roux sur la poitrine et le ventre* : on en trouve d’absolument blanches dans les Alpes; et ces pie -grièches blanches, aussi - bien que celles qui ont une teinte de roux sur le ventre, sont de la même grandeur que la pie-grièche grise , qui n’est elle-même pas plus grosse que le z7auvis, autrement la ° \r * Voyez les planches enluminées, n° 32, fig. re REX Fe re DE LA PIE-GRIÈCHE GRISE. 5 grive-mauvieite 1, mais 1l s’en trouve d’autres en Allemagne et en Suisse, qui sont un peu plus grandes, et dont quelques naturalistes ont voulu faire une espèce particulière, quoi- qu'il n’y ait aucune autre différence entre ces oiseaux, que celle d’un peu plus de grän- deur ; ce qui pourroit bien provenir de la nourriture, c’est-à-dire, de l’abondance ou de la disette des pays qu’ils habitent : ainsi Ja pie-grièche grise varie, même dans nos climats d'Europe, par la grandeur et par les couleurs. On ne doit donc pas être surpris si elle varie encore davantage dans des climats plus éloignés, tels que ceux de l'Amérique, de l’Afrique et des Indes. La pie-grièche grise de la Louisiane? est le même oiseau que la pie- * Elle diffère de la première en ce qu'elle est plus grande et plus grosse, et en ce qu’elle a les plumes scapulaires et les petites couvertures du des- sus des ailes d’une couleur roussâtre ; mais comme elle ressemble par tout le reste à la pie-grièche commune, ces différences, qui peut-être ne sont pas générales n1 bien constantes, ne nous paroïissent pas suffisantes pour établir une espèce distincte et séparée de la première. 2 Voyez les planches enluminées , n° 476, fig. 2. ” 6 HISTOIRE NATURELLE grièche grise d'Europe, de laquelle elle paroît | différer aussi peu que la pie-grièche d'Italie; on n'y remarqueroit mème aucune différence bien sensible, si elle n’étoit pas un peu plus petite et un peu plus foncée de couleur sur les parties supérieures du corps. La pie-grièche du cap de Bonne-Espérance!, la pie-grièche grise du Sénégal ?, et la pie- grièche bleue de Madagascar f, sont encore trois variétés très-voisines l’une de l’autre, x et appartiennent également à l'espèce com- " mune de la pie-grièche grise d'Europe; celle * du cap ne diffère de celle d'Europe qu’en ce À qu’elle a toutes les parties supérieures du « corps d’un brun noirâtre; celle du Sénégal { les a d’un brun plus clair, et celle de Mada- À gascar a ces mêmes parties d’un beau bleu : mais ces différences dans la couleur du plu= À mage, tout le reste étant égal et semblable d’ailleurs, ne suffisent pas, à beaucoup prés * pour en faire des espèces distinctes et sépa- * rées de la pie-grièche commune. Nous don= nerons plusieurs exemples de changemens de 7 de Le = = ee E She pe CA 1 Voyez les planches enluminées, n°47, fig. tr. 2 Tbid. n° 297, fig. r. ‘4 hi < Léid. n° 298 » fig. Le 4 Le DE LA PIE-GRIÈCHE GRISE. 6: couleur tout aussi grands dans d’autres oi- seaux, même dans notre climat; à plus forte raison ces changemens doivent-ils arriver dans des climats différens et aussi éloignés les uns des autres. L'influence de la tempéra- ture se marque par des rapports que des gens attentifs ne doivent pas laisser échapper : par exemple, nous trouvons ici que la pie- grièche étrangère qui ressemble le plus à notre pie-grièche d'Italie , est celle de la Louisiane ; or la température de ces deux climats n'est pas fort inégale , et nous trou- vous, au contraire, que celle du cap, du Sénégal et de Madagascar, ressemble moins, parce que ces climats sont en effet d’une tem- . pérature très-différente de celle d'Italie. Il en est de mème du climat de Cayenne, où la pie-srièche prend un plumage varié ou rayé de longues taches brunes *; mais comme elle est de la même grandeur que notre pie-grièche grise, et qu’elle lui res- semble à tous autres égards, nous avons cru pouvoir la rapporter avec fondement à cette . espêce commune. * Voyez les planches enluminées, n° 297: 6 LA PIE-GRIÈCHE ROUSSE. C ETTE pie-grièche rousse* est un peu plus petite que la grise, et très-aisée à reconnoître par le roux qu’elle a sur la tête, qui est quel- quefois rouge, et ordinairement d’un roux vif; on peut aussi remarquer qu’elle a les yeux d’un gris blanchâätre ou jaunâtre, au lieu que la pie-grièche grise Les à bruns; elle a aussi le bec et les jambes plus noirs. Le naturel de cette pie-grièche rousse est à très- peu près le même que celui de la pie-grièche grise : toutes deux sont aussi hardies, aussi méchantes l’une que l’autre ; mais ce qui prouve que ce sont néanmoins deux espèces différentes , c’est que la première reste au pays toute l’année, au lieu que celle-ci le quitte en automne, et ne revient qu’au prin-” temps : la famille, qui ne se sépare pas à la sortie du nid, et qui demeure toujours rassemblée, part vers le commencement de * Voyez les planches enluminées, n° 9, fig. 2, le mâle; et n° 3r, fig. r , la femelle. HISTOIRE NATURELLE. 63 septembre, sans se réunir avec d’autres fa- milles, et sans faire de longs vols ; ces oiseaux ne vont que d'arbre en arbre, et ne volent pas de suite, même dans le temps de leur départ : ils restent pendant l'été dans nos campagnes , et font leur nid sur quelque arbre touffu ; au lieu que la pie-grièche grise habite les bois dans cette même saison, et ne vient guère dans nos plaines que quand la pie-grièche rousse est partie. On prétend. aussi que de toutes les pie-grièches , celle- ci est la meilleure, ou, si l’on veut, la seule qui soit bonne à manger. Le mâle et la femelle sont à très-peu près. de la mème grosseur; mais ils diffèrent par les couleurs , assez pour paroître des oiseaux de différente espèce : nous renvoyons sur cela aux planches enluminées que nous ve- nons de citer, et qu'il suffira de compa- rer pour le reconnoître ; nous observerons seulement, au sujet de cette espèce et de la suivante, appelée /’écorcheur, que ces oiseaux font leur nid avec beaucoup.d’art et de propreté, à peu près avec les nièmes ma- tériaux qu’emploie la pie-griéehe grise; la mousse et la laine y sont si bien entrelacées 64 HISTOIRE NATURELLE avec les petites racines souples, les herbes « fines et longues, les branches pliantes des petits arbustes, que cet ouvrage paroît avoir # été tissu. Ils produisent ordinairement cinq | ou six œufs, et quelquefois davantage; etces œufs , dont le fond est de couleur blanchâtre, 1 sont en tout ou en partie tachés de bruxr ow le fauve. SPEREACIEES RES Pr ra SE ss / “sen ss x JF uqu Fe à : L'ÉCORCHEUR. Voyez la planche vit de ce volume. mu L'EcorcHrur*estun peu plus petit que la pie-grièche rousse, et lui ressemble assez par les habitudes naturelles; comme elle, il arrive au printemps, fait son nid sur des arbres , ou même dans des buissons, en pleine ‘campagne, et non pas dans les bois, part avec sa famille vers le mois de septembre, se nourrit communément d'insectes , et fait aussi la guerre aux petits oiseaux; en sorte. qu'on ne peut trouver aucune différence es- sentielle entre eux, sinon la grandeur, la distribution et les nuances des couleurs, qui - paroissent être constamment différentes dans chacune de ces espèces , tant celles du mâle que celles de la femelle: néanmoins, comme entre le mâle et la femelle de chacune de ces deux espèces, il y a dans ce mème caractère de la couleur encore plus de différence que * Voyez les planches enluminées, n° 3r, fig. 25. et n° 479 fig. 1» | / ù 66 HISTOIRE NATURELLE d’une espèce à l’autre, on seroit très-biers fondé à ne les regarder que comme des varié- tés, et à réunir sous la même espèce la pie-grièche rousse, l’écorcheur, et l’écorcheur varié, dont quelques naturalistes ont encore fait une espèce distincte, et qui cependant pourroit bien être la femelle de celui dont il est ici question ; nous renvoyons aux plan- ches enluminées pour en juger par la com- paraison. . Au reste, ces deux espèces de pie-grièches, avec leurs variétés, nichent dans nos climats, et se trouvent en Suède comme en France; en sorte qu’elles ont pu passer d’un continent. à l’autre. Il est donc à présumer que les es- pêces étrangères de ce même genre, et qui ont des couleurs rousses, ne sont que des va- rietés de l’écorcheur, d'autant qu'ayant l’u- sage de passer tous les ans d'un climat à Vautre, elles ont pu se naturaliser dans des climats éloignés, encore plus aisément que la pie-grièche, qui reste constamment dans notre pays. | Rien ne prouve mieux le passage de ces oiseaux de notre pays dans des climats plus chauds, pour y passer l'hiver ; que de les DE L'ÉCORCHEUR 67 retrouver au Sénégal. La pie-grièche rousse ! nous à été envoyée par M. Adanson, et c’est absolument le même oiseau que notre pie- grièche rousse d'Europe: il y en a une autre? qui nous a été également envoyée du Séné- gal , et qui doit n’être regardée que comme une simple variété dans l’espèce, puisqu'elle ne diffère des autres que par la couleur de la tête qu’elle a noire, et par un peu plus de longueur de queue ; ce qui ne fait pas, à beaucoup près, une assez grande différence pour en former une espèce ere et sé- parée. Il en est de même de l'oiseau que nous ayons appelé l’écorcheur* des Philippines® , 1 Voyez les planches enluminées, n° 477; fig. 2, 2 Jb1d. n° 470. 3 Tbid. n° 476, fig. r. 4 Il nous paroît que cet oiseau est le même que celui que M. Edwards a donné sous le nom de pie-grièche rouge où rousse huppée. « Cet oïseau , « dit-il, s'appelle charah dans le pays de Bengale, « et diffère de nos pie-grièches par une huppe qu'il « porte sur la tête ». Mais cette différence est bien légère , car cette huppe n’en est pas une ; c’est seu= lement une disposition de plumes qui paroissent hérissées comme celles du geai lorsqu'il est en co= lère, et que M. Edwards ayoue lui-même qu’il n’a — 68 HISTOIRE NATURELLE et encore de celle que nous avons appelée pie “ grièche de la Louisiane *, qui nous ont été envoyées de ces deux climats si éloignés l'un de l’autre, et qui néanmoins se ressemblent assez pour ne paroître que le même oiseau, et qui, dans le réel , ne font ensemble qu’une variété de notre écorcheur, à la femelle du— quel cette variété ressemble presque en tout. vue que dans l'oiseau mort : en sorte qu’on ne peut pas assurer si ces plumes n'avoient pas été redres- sées par quelque froissement avant ou après la mort de l’oiseau; ce qui est bien différent d’une huppe naturelle. La preuve de ce que je viens de dire, c'est qu'on voit une semblable huppe sur la tête de la pie-grièche blanche et noire de Surinam, dont le mêmé M. Edwards a donné la figure dans la première partie de ses Glanures. Ox nous avons cette espèce au Cabinet du roi, et il est certain qu’elle n’a point de huppe; dès lors nous ne pou- vons nous empêcher de présumer que cetle appa- rence de huppe, ou plutôt de plumes hérissées sur la tête, qui se trouve dans ces deux pie-grièches de M. Edwards, ne soit une disposition acciden- telle ou momentanée, et qui probablement ne se manifeste que quand loiseau est en colère : ainsi nous persistons à croire que cette pie-grièche de Bengale n'est qu'une variété de l’espèce de la pie- grièche rousse ou de l’écorcheur d'Europe. * Voyez les planches enluminées, n° 397: _ OISEAUX ÉTRANGERS QUI ONT RAPPORT A LA PIE-GRIÈCHE : = GRISE ET A L'ÉCORCHEUR. I. LE FINGARH. L'orsrau des Indes orientales, appelé à Bengale fnrgah, dont M. Edwards a donné la description sous le nom de pie-grièche des Indes, à queue fourchue, qui est certaine- ment une espèce différente de toutes les autres pie-grièches. Voici la traduction de ce que dit M. Edwards à ce sujet : « La forme du bec, . &les moustaches ou poils qui en surmontent « la base, la forcedes jambes, m'ont déterminé « à donner à cet oiseau le nom de pie-grièche, « quoique sa queue soit faite tout autrement « que celle des pie-srièches dont les plumes « du milieusont les plus longues; au lieu que « dans celle-ci elles sont beaucoup plus courtes AAA AUX ) js nm HISTOIRE NATURELLE d « que les plumes extérieures ; en sorte que 4e LE « queue paroit fourchue, c 'éstà-dire, vide au | « milieu vers son FRRFÉMUE. Il a le béc épais «et fort, voûüté en arc, à peu près comme " « celui de l’épervier, plus long à proportion « de sa grosseur, et moins crochu, avec des « narines assez grandes ; la base de la mandi- « bule supérieure est environnée de poils « roides...…... La tête entière, le cou, le dos « et les couvertures des ailes , sont d’un noit : « brillant, avec un reflet de bleu, de pourpre et de verd , et qui se décide ou varie suivant _« l'incidence de la lumière... La poitrine est « d’une couleur cendrée, sombre et noirâtre : « tout le ventre, les jambes et les couvertures « du dessous de la queue sont blanches; les « jambes, les pieds et les ongles sont d’un brun « noirâtre. Je doutois, ajoute M. Edwards, si «je devois ranger cet oiseau avec les pie « grièches ou avec Les pies ; car il me paroissoit « également voisin de chacun de ces deux « genres, et je pense que tous deux pourroient «n’en faire qu'un, les pies convenant, en. « beaucoup de choses, avec les pie-grièches. « Quoique personne en Angleterre ne lait « remarqué, il paroît qu’en France on y a fait 2 La) DES OISEAUX ÉTRANGERS, etc. #1. « attention, et qu'on a observé cette confor- « mité de nature dans ces deux oiseaux, puis- « qu'on les a tous deux appelés pres. » 1 I. ROUGE-QUEUE. L'orsE AU des Indes orientales indiqué et décrit par Albin sous le nom de rouge- queue de Bengale. Xl est de la même grandeur : que la pie-grièche grise d'Europe : le bec est d’un cendré brun; l'iris des yeux est blan- châtre , le dessus et le derrière de la tête noirs : il y a au-dessous des yeux une tache d’un rouge vif terminée de blanc, et sur le cou quatre taches noires en portion de cercle; le dessus du cou, le dos, le croupion, les couvertures du dessus de la queue, celles du dessous des ailes et les plumes scapulaires sont brunes ; la gorge, le dessus du cou, la poitrine , le haut du ventre, Les côtés et les jambes sont blanches; le bas du ventre et les couvertures du dessous de la queue sont rouges ; la queue est d’un brun clair; les pieds et Les ongles sont noirs. 2 HISTOIRE NATURELLE LILAS LANGRAIEN sr TCHA-CHERT *. LESs oiseaux envoyés de Manille et de. Madagascar, le premier sous le nom de /a7-. graien, et le second sous celui de #cLa-chert, que l’on a rapportés peut-être mal-à-propos au genre des pie-grièches, parce qu'ils en. diffèrent par un caractère essentiel, ayant les ailes, lorsqu'elles sont pliées, aussi lon- gues que la queue ; tandis que toutes les autres pie-grièches, ainsi que les oiseaux étrangers que nous y rapporterons, ont les ailes beaucoup plus courtes à proportion, ce qui pourroit faire croire que ce sont des oi- seaux d'un autre genre : néanmoins, comme celui de Madagascar approche assez de l’es- pèce de notre pie-srièche grise, à cette diffé-. rence près de la longueur des ailes, on pour- _ roit le regarder comme faisant la nuance entre notre pie-grièche ét cet oiseau de Ma- nille, auquel il ressemble encore plus qu’à. * Voyez les planches eulumiuées, n° 9) fgrs et n° 32, fa. 2 \ DÉS OISEAUX ÉTRANGERS. 3 notre pie-grièche ; et comme nous ne con-— noissons aucun genre d'oiseaux auquel on puisse rapporter directement cet oiseau de Manille, nous avons suivi le sentiment des autres naturalistes ; en lui donnant le nom de pie-grièche, aussi-bien qu'à celui de Mada- gascar : mais nous avons cru devoir 1C1 Mar- quer nos doutes sur la justesse de cette déno- mination. | LUN. BÉCARDES*. LESs oiseaux envéyés de Cayenne, le pre- mier, n° 304, sous le nom de pie-cgrièche grise, et le second sous celui, de pie-grièche rachetée, qui sont d’une espèce différente de nos pie-grièches d'Europe, et que nous avons cru devoir appeler bécardes , à cause de la . grosseur et de la longueur de leur bec, qu'ils ont aussi de couleur rouge. Ces bécardes dif- fèrent encore de nos pie-grièches , en ce qu'elles ont la tête toute noire, et l'habitude du corps plus épaisse et plus longue : mais * Voy. les planches enluminées, n°5 3o4 et 377 Oiseaux, LI, | fs à J 34 HISTOIRE NATURELLE d'ailleurs elles leur ressemblent -plus qu "à tout autre oiseau. Au reste, l’une nous parcît être le mâle, et l’autre la femelle de la même | espèce , sur laquelle nous observerons qu'il “ se trouve encore d’autres espèces semblables par la grosseur du bec, dans ce même climat ; de Cayenne, et dans d’autres climats très- éloignés, comme on va le voir dans les ar- titles suivans. SN BÉCARDE A VENTRE JAUNE *. L'oiseau envoyé de Cayenne sous le nom de pie-grièche jaune, qui, par son long bec, nous paroît être d’une espèce assez voisine de la précédente, et que, par cette raison, nous avons appelé la bécarde à ventre jaune; cax elles ne diffèrent guère que par les couleurs : les planches enluminées suffiront pour les faire reconnoître , et distinguer aisément l'une de l'autre. * Voyez les planches enluminées, n° 296. DES OISEAUX ÉTRANGERS. 5 se LE VANGA, ou BÉCARDE A VENTRE BLANC. L'OISEAU envoyé de Madagascar par - M. Poivre sous le nom de sangü, et qui, quoique différent, par lespèce, de nos pie- grièches et de nos écorcheurs, peut-être même étant d’un autre genre , a néanmoins plus de rapport avéc ces oiseaux qu'avec aucun autre : c’est pour cette raison que nous Vavons nommé, sur les planches enlumi- nées, pie-orièche ou écorcheur de Madagas- car. Mais on pourroit, à plus juste titre, le fapporter äü genre des bécardes dont nous venons de parler , et l'appeler bécarde à ventre blanc. Co de 4 Na à | L E SCHET-BÉ 2. L’oIsEAU envoyé de Madagascar par M. Poivre sous le nom de sczer-bé, et dont Voyez les planches enluminées, n° 228. 3? Ibid. n° 208, fig. 2. "6 HISTOIRE NATURELLE V espèce nous paroît si voisine de la précé- | dente, qu'on pourroit les regarder toutes … deux comme n'en faisant qu'une, si le cli- À mat de Cayenne n’étoit pas aussi éloigné qu'il . est de celui de Madagascar. Nous avons ap-. pelé cet oiseau pie-grièche rousse de Mada- | gascar, par la même raison que nous avons appelé le précédent pie-grièche jaune de Cayenne ; et il faut avouer que cette pie- grièche rousse de Madagascar approche, un peu plus que celle de Cayenne, de nos pie- grièches d'Europe, parce qu’elle a le bec-plus court, et par conséquent différent de, celui de nos pie-srièches d'Europe : au reste , ces deux espèces étrangères sont. plus. voisines V'une de l’autre que de,.nos pie-grièches d'Europe. | | | voit F Ÿ DCI TU ES LE TCHA- CHERT- B É*. L'orsEAU envoyé de Madagascar par M. Poivre sous le nom de #c4a- chert- bé, et que nous avons nommé, au bas de nos. planches enluminées, grande pie-grièche ver-\ * Voyez les planches enluminées , n° 374. DES OISEAUX ÉTRANGERS. #7 dêtre, et qui ne nous paroit être qu’une es pêce très-voisine, ou même une variété d'âge ou de sexe dans l'espèce précédente ; dont elle ne diffère guère que parce qu’elle a le bec un peu plus court et moins crochu, ef les couleurs un peu différemment distribuées. Au reste, ces cinq oiseaux étrangers et à gros bec, savoir, la pie-grièche grise et la pie- grièche jaune de Cayenne, la pie-grièche rousse, l’écorcheur et la pie-grièche verdâtre de Madagascar, pourroient bien faire un pe- tit genre à part, auquel nous avons donne le nom de pécardes, à cause .de la grandeur et de la grosseur de leur bec, parce que, dans le reel, tous ces oiseaux diffèrent assez des pie-srièches pour devoir en être séparés. EX: BE CONOULEKY*. ie | " L'oiseau qui nous a été envoyé du Séné- gal par M. Adanson sous le nom de pie- grièche rouge du Sénégal, et que les Nècres, dit-il, appellent gonolek, c’est-à-dire, man- seur d'insectes. C’est un oiseau remarquable * Voyez les planches enluminées, n° 56. 7 #8 HISTOIRE NATURELLE par Les couleurs vives dont il est peint; il est | à très-peu près de la même grandeur que la pie-grièche d'Europe, et n’en diffère, pour ainsi dire, que par les couleurs, qui néan-— moius suivent dans leur distribution à peu près le même ordre que sur la pie-grièche grise d'Europe: mais comme les couleurs en elles-mêmes sout très-différentes, nousavons cru devoir regarder cet oiseau comme étant d'une espèce différente. x. LE CALI-CALIC ær LE BRUIA *. L’oIsEAU envoyé de Madagascar par M. Poivre, tant le mâle que la femelle, le premier sous le nom de cali-calic, et le se- cond sous celui de bruia, que l’on peut rap- porter au genre de notre écorcheur d'Europe ; à cause de sa petitesse, mais qui du reste en diffère assez pour être regardé comme un oiseau d'espèce différente. * Voyez les planches enluminées, n° 299 ; fig. ‘2, le mâle; et fig. 2, la femelle, — . En DES OISEAUX ÉTRANGERS. 79 X I. \ PIE- GRIÈCHE HUPPÉE * L'orsE Au envoyé du Canada sous le nom de pie-srièche huppée, et qui porte en effet, .sur le Sommet de la tête, une huppe molle et de plumes longuettes qui retombent en arrière; mais qui du reste est une vraie pie- orièche, et assez semblable à notre pie:grièche rousse par la disposition des couleurs, pour qu'on puisse la regarder comme une espèce voisine, qui n'en diffère guère que par les ca- ractères de cette huppe , et dur bec, de est un peu plus 8 gros. s Voyez les planches enluminées, ue 475, fig. LES OISEAUX DE PROIE NOCTURNES. Les yeux de ces oiseaux sont d une sensi- bilité si grande, qu'ils paroissent ètre éblouis par la clarté du jour, et. entiérement offus=+ qués par les rayons du soleil ; il, leur faut une lumière plus douce, telle que. celle de l'aurore naissante ou du crépuscule tombant : F c'est alors qu'ils sortent de leurs. retraites pour chasser, ou plutôt, "ROUE: chercher leur nb ; car ils trouvent da ce > temps he. autres oiseaux et les petits animaux endor- mis, ou prêts à l’être. Les nuits où la lune brille sont pour eux les beaux jours, les jours de plaisir, les jours d’abondance , pendant lesquels ils chassent plusieurs heures desuite, et se pourvoient d'amples provisions : les nuits où la lune fait défaut sont beaucoup moins heureuses ; ils n’ont guère qu'une heure Ie soir et une heure le matin pour | 1e HISTOIRE NATURELLE. (81 4 chercher leur subsistance : car il ne faut pas croire que la vue de ces oiseaux, qui s'exerce si parfaitement à une foible lumière, puisse se passer de toute lumière, et qu’elle perce en effet dans l'obscurité la plus profonde; dès que la nuit ést bien close, ils cessent de voir, et ne diffèrent pas à cet égard des autres animaux, tels que les lièvres, les loups, les cerfs, qui sortent le soir des bois pour repaître ou chasser pendant la nuit: seulement ces animaux voient encore mieux le jour que la nuit; au lieu que la vue des oiseaux nocturnes est si fort offusquée pen- dant le jour, qu’ils sont obligés de se tenir dans le même lieu sans bouger, et que quand on les force à en sortir, ils ne peuvent faire que de très-petites courses, des vols courts et lents, de peur de se heurter : les autres oiseaux, qui s’'apperçoivent de leur crainte ou de la gène de leur situation, viennent à l'envi les insulter; les mésanges , les pin sons, les rouge-sorges, les merles , les geais, les grives, etc. arrivent à la file : l'oiseau de nuit, perché sur une branche, immobile, étonué, entend leurs mouvemens, leurs cris qui redoublent sans cesse, parce qu'il nu y A 82 HISTOIRE NATURELLE répond que par des gestes bas, en tournant sa tête, ses yeux et son corps, d'un air ridi- cule ; il se laisse même assaillir et frapper sans se défendre; les plus petits , les plus, foibles de ses ennemis, sont les plus ardens à le tourmenter, les plus opimiätres à le huer. C’est sur cette espèce de jeu de mo- querie ou d’antipathie naturelle qu'est fondé le petit art de la pipée; il sufhit de placer un oiseau nocturne, où mème d'en contre- faire la voix, pour faire arriver les viseaux à l'endroit où l’on a tendu les gluaux * : il faut s’y prendre une heure avant la fin du jour , pour que cette chasse soit heureuse; car si l’on attend plus tard, ces mêmes petits oiseaux, qui viennent pendant le jour pro voquer l'oiseau de nuit avec autan't d’audace que d’opiniâtreté, le fuient et le redoutent dès que l’obscurité lui permet de se mettre * Cette espèce de chasse étoit connue des an- ciens, car Aristote l'indique clairement dans les termes suivans : Die cœteræ aviculæ omnes noc- tuam cireumvolant, quod mirart ae Can adpo= lantesque percutiunt. Quapropter eû constitutà avicularum genera et varia mulla capiunt. (ist. anim. #0. 1X, cap. 1.) } RATE | « _ DES OISEAUX DE PROIE NOCT. 83 en mouvement, et de déployer ses facultés. Tout cela doit néanmoins s'entendre avec certaines restrictions qu'il est bon d’indi- quer. 1°. Foutes les espèces de hiboux et de chouettes ne sont pas également offusquées par la lumière du jour: le grand duc voit assez clair pour voler et fuir à d'assez grandes distances en plein jour; la chevèche, ou la plus petite espèce de chouette, chasse, pour- suit et prend des petits oiseaux long-temps avant le coucher et après le lever du soleil. Les voyageurs nous assurent que le grand duc ou hibou de l'Amérique septentrionale prend les gélinottes blanches en plein jour, et même lorsque la neige en augmente en- core la lumière. Belon dit très-bien dans son vieux langage, que quiconque prendra garde à la vue de ces oiseaux, ne la trouvera pas si zmbécille qu’on la crie. 2. I] paroît que le hibou commun ou moyen duc voit plus mal que le scops ou petit duc, et que c’est de tous les hiboux celui qui est le plus of- fusqué par la lumiere du jour, comme le sont aussi le chat-huant, l’effraie et la hu- lotte; çar on voit les oiseaux s’attrouper également pour Les insulter à la pipée. Mais, » O4 HISTOIRE NATURELLE avant de donner les faits qui ont rapport à chaque espèce en particulier, 1l faut en pré- senter les distinctions générales. : 44 On peut diviser en deux genres principaux les oiseaux de proie nocturnes, le genre du ‘4 V4 4 hibou et celui de la chouette, qui contien— nent chacun plusieurs espèces différentes : le caractère distinctif de ces deux genres, c’est que tous les hiboux ont deux aigrettes de plumes en forme d'oreilles, droites de chaque côté de la tête*, tandis que les chouettes ont la tête arrondie, sans aigrettes et sans aucune plume proéminente. Nous réduirons à trois les espèces contenues dans le genre du hibou; ces trois espèces sont, 19. le due ou graud duc , 2°. le hibou ou meyen duc, 3°. le scops ou petit duc : mais nous ne pouvons réduire à moins de cinq les es- pèces du genre de la chouette; et ces espèces sont, 1°. la hulotte ou huette, 2°. le chat- huant, 3°. l’effraie ou fresaie, 4°. la chouette ou grande chevèche, 59. la chevêche ou pe- tite chouette. Ces huit espèces se trouvent toutes en Europe et même en France : quel- * Ces oiseaux A pn remuer et faire baisser où élever ces algrettes à à volonté. DES OISEAUX DE PROIE NOCT. 25 ques unes ont des variétés qui paroissent dé- pendre de la différence des climats; d’autres ont des représentans dans le nouveau conti- nent : la plupart des hiboux et des chouettes de l'Amérique ne différent pas assez de celles de l’Europe, pour qu’on ue puisse leur sup- poser une même origine. Aristote fait mention de douze espèces d’oi- seaux qui voient dans l'obscurité et volent pendant la nuit; et comme dans ces douze espèces il comprend l’orfraie et le tette- - chèvre ou crapaud volant, sous les noms de phinis et d'œgotilas, et trois autres sous les noms de capriceps, de chalcis et de cha- radrios, qui sont du nombre des oiseaux pé- _cheurs et habitans des marais ou des rives des eaux et des torrens, il paroît qu’il a ré- duit à sept espèces tous les hiboux et toutes les chouettes qui étoient connues en Grèce de son temps. Le hibou ou moyen duc, qu’il appelle &ros, ofus, précède et conduit, dit-il, les cailles, lorsqu'elles partent pour changer de climat; et c’est par cette raison qu’on appelle cet oiseau dux ou duc. L’étymologie me paroit sûre; mais le fait est plus qu'in- certain. Îl est-vrai que les cailles, qui, : 3 HISTOIRE NATURELLE ‘ lorsqu'elles partent en automne, sont sur chargées de graisse, ne volent guère que la nuit, et qu’elles se reposent pendant le jour à l'ombre pour éviter la chaleur, et que par « conséquent on a pu s’appercevoir que lehi= bou accompagnoit ou précédoit quelquefois ; ces troupes de cailles : mais il ne paroît par aucune observation, par aucun témoignage à bien constaté, que le hibou soit, comme 4a caille, un oiseau de passage ; Le seul] fait que j'aie trouvé dans les voyageurs qui aille à l'appui de cette opinion, est dans la préface de l’Æistoire naturelle de la Caroline par Catesby. IL dit qu'à vingt-six degrés de la- titude nord , à peu près entre les les deux cèn- tinens d'Afrique et d'Amérique, c’est-à-dire , à six cents lieues environ de l’un et de l’autre, il vit, en allant à la Caroline, un hibou au- dessus du vaisseau où il étoit : ce qui le sur- prit d'autant plus que ces oiseaux, ayant des ailes courtes, ne peuvent voler fort loin, et sont aisément lassés par les enfans; ce qui arrive tout au plus à la troisième volée. El ajoute que ce hibou disparoiît après avoir fait des tentatives pour se reposer sur le vais- seau, / DES OISEAUX DE PROIE NOCT. 87 On peut dire en faveur du fait, que tous les hiboux et toutes les chouettes n’ont pas les ailes courtes , puisque, dans la plupart de ces oiseaux , elles s'étendent au-delà de l’ex- trémité de la queue, et qu’il n y a que le grand duc et Le scops, ou petit duc, dont les ailes, lorsqu'elles sont pliées, n'arrivent pas jusqu’au bout de la queue. D'ailleurs on voit ou plutôt on entend tous ces oiseaux faire d'assez longs vols en criant : dès-lors il sem- ble que la puissance de voler au loin pen- dant la nuit leur appartient aussi-bien qu'aux autres; mais que, n'ayant pas d'aussi bons yeux et ne voyant pas de loin , ils ne peuvent _se former un tableau d’une grande étendue de pays, et que c’est par cette raison qu'ils n’ont pas, comme la plupart des autres oi- seaux , l'instinct des migrations, qui suppose . ce tableau , pour se déterminer à faire de srands voyages. Quoi qu'il en soit, il paroît qu'en général nos hiboux et nos chouettes sont assez sédentaires; on m'en a apporté de presque toutes les espèces non seulement en été, au printemps, en automne, mais même dans les temps les plus rigoureux de l’hiver : il n’y a que Le scops, ou pelit duc, qui ne se ; ï L 68 HISTOIRE NATURELLE | trouve pas dans cette saison ; et j'ai été en effet informé que cette petite espèce de hébon part en automne et arrive au printemps. Ainsi ce seroit plutôt au petit duc qu’au moyen duc qu’on pourroit attribuer la fonc- tion de conduire les cailles ; mais ; encore une fois, ce fait n’est pas prouvé : et demême je ne sais pas sur quoi peut être fondé un autre fait avancé par Aristote, qui dit que le chat-huant (glaux, noctua, selon son in- terprète Gaza * ) se cache pendant quelques jours de suite; car on m’en a apporté dans la plus mauvaise saison de l’année, qu’on : avoit pris dans les bois: et si l’on prétendoit que le mot glaux, noctua, indique ici l’ef- fraie , le fait seroit encore moins vrai; car , à l'exception des soirées très-sombres et plu- vieuses, on l'entend tous les jours de l’année souffler et crier à l’heure du crépuscule. Les douze oiseaux de nuit SL ds par 1 2 3 Aristote, sont : byas, otos, ‘boues phinis. 5 6 7 Rates, eleos, RYCHERT ES MS slaur, chedrine: chalcis, PM Ne Re traduits en latin par Théodore Gaza: * Hist, anim. lib. VILT, cap. 16 _ 1 F DES OISEAUX DE PROIE NOCT. &y ad gas 10 à, dpi 1 Bubo, ofus, asio, oss'fraga, caprimuleus, 6 7 8 9 10 aluco ,J}cicunia, . ulula , noclua , charadrius , cicuma , ulula, ( II LR 12 chalcis, capriceps. J'ai cru devoir interpréter en françois les neuf premiers comme il suit: I 2} Le duc ou grand duc, le kibou ou moyen 20 EU F9 4903 4 Hi PS duc , le petit duc, l’orfraie, le fefte-chèvre ou | À crapaud volant, Veffraie ou fresaie, la Au- 7 ô | | lotte, la chouette ou grande chevéche, le chat. 9 , huant. f Tous les naturalistes et les rain conviendront aisément avec moi, 1°. que le byas des Grecs, bubo des Latins, est notre duc ou grand duc; 2°. que l’ofos des Grecs, otus des Latins, est notre hibou ou moyen duc; 3°. que le scops des Grecs, asio des La- ins, est notre petit duc; 4°. que le phinis des Grecs , ossifraga des Latins, est notre orfraie ou grand aigle de mer ; 5°. que l’ægo- tilas des Grecs, caprimulgus des Latins, est \ k Fe ban: 1 à é ur A NU ni re HISTOIRE NATURELLE notre tette-chèvre ou crapaud volant; 60. que _l’eleos des Grecs, a/uco des Latins, est notre effraie ou fresaie : mais ils me demarñderont en mème temps par quelle raison je prétends que le glaux est notre chat-huant, le 72yc#i- corax notre hulotte , et l'ægolios notre chouette ou grande chevêche ; tandis que: tous les interprètes et tous les naturalistes qui n'ont précédé, ont attribué le nom ægo- Lios à la hulotte, et qu’ils sont forcés d’avouer qu'ils ne savent à quel oiseau rapporter celui de zycticorax ; non plus que ceux du c£ara- drios, du chalcis et du capriceps, et qu'on ignore absolument quels peuvent être les oi- seaux désignés par ces noms; et enfin ils me reprocheront que c'est mal-à-propos que je transporte aujourd’hui le nom de g/atx au chat-huant, tandis qu’il appartient de tout temps, c’est-à-dire, du consentement de tous ceux qui m'ont précédé, à la chouette ou grande chevêche , et même à la petite chouette ou chevêche proprement dite, comme à la grande. Je vais leur exposer les raisons qui m'ont détermine, et je les crois assez fondées poux les satisfaire, et pour éclaircir l'obscurité qui DES OISEAUX DE PROIE NOCT. 9e resulte de leurs doutes et de leurs fausses in ; / terprétations. De tous les oiseaux de nuit dont nous avons fait l’'énumération , le chat- huant est le seul qui ait les yeux bleuâtres, et la hulotte la seule qui les ait noiratres ; tous les autres ont l'iris des yeux d’un jaune couleur d’or, ou du moins couleur de safran. Or les Grecs, dont j'ai souvent admiré la justesse de discernement et la précision des idées par les noms qu'ils ont imposés aux objets de la nature, et qui sont toujours re- latifs à leurs caractères distinctifs et frap- pans, n'auroient eu aucune raison de donner le nom glaux (glaucus), verd de mer où bleuätre , à ceux de ces oiseaux qui n'ont rien de bleuâtre, et dont les yeux sont noirs, ou oranges, ou jaunes ; ét ils auront avec fon- dément imposé ce nom à l'espèce de ces oi seaux qui, parmi toutes les autres, est la seule en effét qui ait les yeux de cette cou- leur bleuâtre. De même ils n'auront pas appelé zycticorax , c'est-à-dire, corbeau de nuit, des oiseaux qui, ayant les yeux jaunes ou bleus, et le plumage”blanc ou gris, n’ont aucun rapport au corbeau , et ils auront donné avec jusle raison ce nom à la hulotte, | 92 HISTOIRE NATURELLE qui est la seule de tous ces oiseaux nocturnes. qui ait les yeux noirs et le plumage aussi, presque noir, et qui de plus approche du corbeau plus qu'aucun autre par sa grosseur. rt NN IL y a encore une raison de convenance . qui ajoute à la vraisemblance de mon inter- prétation ; c’est que le zycticorax chez les Grecs, et mème chez les Hébreux, étoit un oiseau commun et connu, puisqu'ils en em- pruntoient des comparaisons (szcué nyctico- rax in dornicilio) : il ne faut pas s'imaginer, comme le croient la plupart de ces littéra- teurs, que ce fût un oiseau si solitaire et si rare, qu'on ne puisse aujourd'hui en retrou- ver l'espèce. La hulotte est par-tout assez commune; c'est de toutes les chouettes la- plus grosse, la plus noire, et la plussemblable au corbeau : toutes les autres espèces. en son£ absolument différentes. Je crois donc que cette observation, tirée de la chose même, doit avoir plus de poids que l'autorité de ces commentateurs , quine connoissent pas assez la nature pour en bien interpréter l'his- toire. Or, le glaux étant le chat-huant, ou, si l'on veut, la chouette aux yeux bleuâtres, 1) DES OISEAUX DE PROIE NOCT. 93 et le zycticorax étant la hulotte ou chouette aux yeux noirs, l'œgolios ne peut être autre que la chouette aux yeux jaunes : ceci mc- rite encore quelque discussion. Théodore Gaza traduit le mot zycticorax , d’abord par cicuma, ensuite par zlula, et enfin par cicunia. Cette dernière interpréta- tion n'est vraisemblablement qu’une faute des copistes, qui de cicuma ont fait cicunia : car Festus, avant Gaza, avoit également tra- duit zycticorax par cicuma, et Isidore par cecuma, et quelques autres par cecua; c'est même à ces noms qu'on pourroit rapporter l'étymologie des mots zuefa en italien , chouette en françois. Si Gaza eût fait atten— tion aux caractères du zycticorax, il s’en se- roit tenu à sa seconde interprétation w/ula , et il n’eût pas fait double emploi de ce terme ; car il eût alors traduit ægolios par cicuma. Îl me paroît donc, par cet examen comparé de ces différens objets et par ces raisons critiques, que le glaux est le chat- huant, le z2ycticorax la hulotte, et l’ægolios la chouette ou grande chevêche. I reste le ckaradrios, le chalcis et le ca- . priceps. Gaza ne leur donne point de noms + 94 HISTOIRE NATURELLE ! latins particuliers, ‘et se contente de copier L le mot grec, et de les indiquer par-c/ara- drius, chalcis et capriceps. Comme ces oi- seaux sont d’un genre différent de ceux dont nous traitons , et que tous trois paroissent être des oiseaux de marais et habitant le bord des eaux, nous n’en ferons pas ici plus ample mention ; nous nous réservons d'en : parler lorsqu'il sera question des oiseaux pècheurs, parmi lesquels 1l y a, comme dans les oiseaux de proie , des espèces qui ne voient pas bien pendant le jour, et qui ne pêchent que dans le temps où les hiboux et les chouettes chassent, c’est-à-dire , lorsque la lumière du jour ne les offusque plus. En nous renfermant donc dans le sujet que nous traitons , et ne considérant à present que les oiseaux du genre des hiboux et des chouettes, je crois avoir donné la juste interprétation des mots grecs qui les désignent tous; il n'y a que la seule chevêche ou petite chouette dont je ne trouve pas le nom dans cette langue. Aristote n’en fait aucune mention nulle part, et il y a grande apparence qu’il n’a pas distingué cette petite espèce de chouette de celle du scops, ou petit duc, DES OISËAUX DE PROIE NOCT. 05 parce qu’elles se ressemblent en effet par la grandeur, la forme , la couleur des yeux , et qu’elles ne diffèrent essentiellement que par la petite plume proéminente que le scops. porte de chaque côté de la tête, et dont là chevêche ou petite chouette est dénuée : mais toutes ces différences particulières seront exposées plus au long dans les articles sui- vans. Aldrovande remarque avec raison que. la plupart des erreurs en Bistoire naturelle sont venues de la confusion des noms, et que, _ dans celle des oiseaux nocturnes, on trouve _ l'obscurité et les ténèbres de la nuit. Je crois que ce que nous venons de dire pourra les dissiper en grande partie. Nous ajouterons, pour achever d’éclaircir cette matière, quel- ques autres remarques : le noi z/e, eule en ailemand , o#/, houlet en anglois, Auwette, . Au lotte en françois, vient du latin w/ula ; et celui-ci vient du cri de ces oiseaux nocturnes de la grande espèce. Il est très-vraisemblable, comme le dit M. Frisch, qu'on n’a d’abord nommé ainsi que les grändes espèces de chouettes, mais que les petites leur ressem- blant par la forme et par le naturel, on leur Sr" Li) 4 96 HISTOIRE NATURELLE! a donné le même nom, qui dès-lors est de= . venu un nom général et commun à tous ces: oiseaux : de là la confusion à laquelle on n’a qu'imparfaitement remédié , en ajoutant à ce nom général une épithète prise du-lieu de leur demeure ou de leur forme particu= lière, ou de leurs différens cris; par éxem= ple , stein-eule, en allemand, chouette des rochers , qui est notre chouette ou grande chevêche; #zrch-eule en allemand, church-ow!1 en anglois, chouette des églises ou des clo= chers en françois, qui est notre effraie, qu'on a aussi appelée sckleyer-eule, chouette voilée ; perl-eule , chouette perlée ou marquée de petites taches rondes; or2-eule en allemand, horn-owl en anglois, chouette ou hibou à oreilles en français , qui est notre hibou ou moyen-duc; #zapp-eule, chouette qui fait avec son bec le bruit que l’on fait en cassant une noisette, ce qui néanmoins ne peut dé- signer aucune espèce particulière, puisque toutes les grosses espèces de hiboux et de chouettes font ce même bruit avec leur bec. Le nom 6wbo, que les Latins ont donné à la plus grande espèce de hibou, c'est-à-dire au grand duc, vient du rapport de son cri avec . / DES OISEAUX DE PROIE NOCT. 97 le mugissement du bœuf; et les Allemands out désigné le nom de l'animal par le cri même, whu (ouhkou), puhu (pouhou). Les trois espèces de hiboux et les cinq espèces de chouettes que nous venons d’in- diquer par des dénominations précises et par des caractères aussi précis, composent le genre entier des oiseaux de proie nocturnes ; ils différent des oiseaux de proie diurnes : 1°. Par le sens de la vue, qui est excellent dans ceux-ci, et qui paroit fort obtus dans ceux-là, parce qu'il est trop sensible et trop * affecté de l’éclat de la lumière : on voit leur pupille, qui est très-large, se rétrécir au grand jour d’une manière différente de celle des chats. La pupille des oiseaux de nuit reste toujours ronde en se rétrécissant concentri- quement, au lieu que celle des chats devient perpendiculairement étroite et longue. 2°. Par Le sens de l’outïe : il paroît que ces oiseaux de proie nocturnes ont ce sens supérieur à tous les autres oiseaux, et peut-être même à tous les animaux; car ils ont, toute proportion gardée , les-conques des oreilles bien plus grandes qu'aucun des animaux : il y a aussi plus d'appareil et de mouvement dans cet 9 YA x 0 CN TTL ANNE K | 4 Het: NAN 98 HISTOIRE NATURELLE organe, qu'ils sont maîtres de fermeret d'ou- M vrir à volonté, ce qui n’est donné à aucun animal. 3°. Par le bec, dont la base n’est pas, comme dans les oiseaux de proie diurnes, couverte d’une peau lisse et nue, mais au contraire garnie de plumes tournées en de- vant; et de plus ils ont le bec court et mo- bile dans ses deux parties, comme le bec des perroquets; et c’est par la facilité de ces deux mouvemens, qu’ils font si souvent craquer leur bec, et qu'ils peuvent aussi l'ouvrir assez pour prendre de très-sros morceaux, que leur gosier, aussi ample , aussi large que J’ouverture de leur bec, leur permet d’avaler tout entiers. 40. Par les serres, äont ils ont un doigt antérieur de mobile , et qu’ils péuvent à volonté retourner en arrière ; ce qui leur donne plus de fermeté et de facilité qu'aux autres pour se tenir perchés sur un seul pied. 5°, Par leur vol, qui se fait en culbutant lorsqu'ils sortent de leur trou, et toujours de travers et sans aucun bruit, comme si le vent les emportoit. Ce sont là les différences générales entre ces oiseaux de. proie nocturnes et les oiseaux de proie diurnes, qui, comme l’on voit, n’ont, pour \ A : D 3 RS à 5 DES OISEAUX DE PROIE NOCT. % ainsi dire, rien de semblable que leurs armes , rien de commun que leur appétit pour la chair et leur goût pour la rapine. * LE DUC* ou GRAND DUC. { } Voyez la planche vrrr de ce volume. Lzss poètes ont dédié l’aigle à Jupiter, et Je duc à Junon : c’est en effet l’aigle de la nuit, et le roi de cette tribu d'oiseaux qui craignent la lumière du jour et ne volent que quand elle s'éteint. Le duc paroît être au premier coup d'œil aussi gros, aussi fort que l'aigle commun; cependant il est réelle- : ment plus petit, et les proportions de son corps sont toutes différentes : il a les jambes, le corps et la queue plus courtes que l'aigle, la tète beaucoup plus grande, les ailes bien moins longues, l’étendue du vol ou l’enver- 1 Voyez les planches enluminées, nos 435 et 385. 2? En latin, Oubo; en italien, duco, dugo; en espagnol, buho ; en allemand, whu, huhu, schuf- Jut, bhu, becghu , huhuy, hub, huo, puhi; en anglois, great horn-owl, eagle-owl. On l'appelle aussi en francois , grand hibou cornu ; en quelques endroits de l'Italie, barbagiani; en quelques en- droits de la France, Zarbaïan. Zo Tom 2 Mure 4g 101 1807 guet . a -HISTOIRE NATURELLE. or gure n'étant que d'environ cinq pieds. On distingue.aisément Le duc à sa grosse figure, à son,.énorme tête, aux larges et profondes cavernes de ses oreilles, aux deux aigrettes qui surmontent sa tête, et qui sont élevées de plus de deux pouces et demi; à son bec court, noir .et crochu; à ses grands yeux fixes et transparens ; à ses larges prunelles noires etenvironnées d’un cercle de couleur orangée;, à sa face entourée de poil, ou plu- tôt de petites plumes blanches et décompo— sées, qui aboutissent à uue circonférence d’au- tres petites plumes frisées ; à ses ongles noirs, très-forts et, très-crochus ; à son cou tres- court; à son plumage d’un roux brun taché de. noir et de jaune sur le dos, et de jaune sur le ventre , marqué de taches noires et traverse de quelques bandes brunes, mèêlées assez confusément ; à ses pieds couverts d’un duvet épais et de plumes roussätres jusqu'aux ongles ! ; enfin à son cri effrayant ? 4ÿzhou , 3 La femelle ne diffère du mâle qu’en ce que les plumes sur le corps, les ailes etla queue, sent d’une couleur plus sombre. 3 Voici ce que rapporte M. Frisch au sujel des 102 HISTOIRE NATURELLE houhou; bouhou ; pouhou, qu’il fait retentie dans le silence de la nuit, lorsque tôus les autres animaux se taisent : et c’ést alors qu'il les éveille, les inquiète, les poutsuit'et Tes enlève, ou les met à mort pour les dépecer et les emporter dans les cavernes qui lui sér- vent de retraite : aussi n’habite-til que les rochers ou les vieilles tours abandonnées ‘et situées au-dessus des montagnes. Il descénd rarement dans les plaines, et ne sé perche - 179 ; différens cris du puhu, schuffut ou granddue; qu'il a long-temps gardé vivant. « Lorsqu'il avoit faim, dit « cetauteur , il formoit un son assez semblable à celui « qui exprime son nom (en allemand , pu ) pou- « hou. Lorsqu'il entendoit tousser où cracher un « vieillard, il commençoit très-haut et très-fort, à « peu près du ton d’un paysan! ivre qui éclate en « riant, et 1] fusoit durer son cri ouhow où pou- « hou autant qu'il pouvoit être de temps sans re- « prendre haleine. Il m'a paru, ajoute M. Erisch, « que cela arrivoit lorsqu'il étoit en amour, et qu'il _ « prenoit ce bruit qu'un homme fait,en toussant , « pour le cri de sa femelle : mais quand il crie par « angoisse ou de peur, c’est un cri très-désagréable, « très-fort, et cependant assez semblable à celui des « oiséaux de proie diurnes ». (Traduit de l’allemand de Frisch, articie du ôubo ou grand duc.) AUPRS DU DUC ou GRAND-DUC. 105 pas volontiers sur les arbres , mais sur les églises écartées et sur les vieux châteaux. Sa chasse la plus ordinaire , sont les jeunes lèvres, les lapins, les taupes, les ‘mulots, les souris , qu’il avale tout entières, et dont. il digère la substance charnue , vomit le poil * , les os et la peau en pelottes arron- * « J’ai eu deux fois, dit M. Frisch, des grands « ducs vivans, et je les ai conservés long-temps. Je « les nourrissois de chair et de foie de bœuf, dont ils « avalolent souvent de fort gros morceaux. Loïs- « qu’on jetoit des souris à cet oiseau, il leur brisoitles « côtes et les autres osavec son bec ; puis il les avaloit « l’une après l’autre, quelqueiois jusqu'à cinq de « suite : au bout de quelques heures, les poils et « les os se rassembloient, se pelotonnoient dans son « estomac par petites masses, après quoi il les ra- < menoit en haut et les rejetoit par le bec. Au dé- « faut d'autre pâture, il mangeoil toute sorte de « poissons de rivière, petits et moyens; et après « avoir de même brisé et peloionné les arêtes dans « son estomac , 1l les ramenoit le long de son cou « et les rejetoit par le bec. I1 ne vouloit point du « tout boire; ce que j'ai observé de même de quel- « ques oiseaux de proie diurnes ». À la vérité, ces oiseaux peuvent se PASSE de boire ; mais cependant, quand 1ls sont à portée, ils Boivèb en se cachant. Voyez sur cela l’article du jean- -le-blance _ro4 HISTOIRE NATURELLE L dies; il mange aussi les chauve-souris, les serpens, les lézards, les crapauds, les gre- nouilles, et en nourrit ses petits : il chasse alors avec tant d'activité, que son nid re- gorge de provisions ; il en rassemble plus qu'aucun autre oiseau de proie. - On garde ces oiseaux dans les ménageries à cause de leur figure singulière : l’espèce n'en est pas aussi nombreuse en France que celle des autres hiboux , et il n’est pas sûr qu'ils restent au pays toute l’année ; ils y nichent cependant quelquefois sur des arbres creux, et plus souvent dans des cavernes de rochers , ou dans des trous de hautes et vieilles murailles : leur nid a près de trois pieds de diamètre, et est composé de petites branches de bois sec entrelacées de racines souples, et garni de feuilles en dedans. On ne trouve souvent qu'un œuf ou deux dans ce nid , et rarement trois : la couleur de ces œufs tire un peu sur celle du plumage de l'oiseau ; leur grosseur excède celle des œufs de poule. Les petits sont très-voraces , et les pères et mères très-habiles à la chasse, qu’ils font dans le silence et avec beaucoup plus. de légéreté que leur grosse corpulence ne pa- DU DUC ou GRAND DUC. 108 roit le permettre; souvent ils se battent avec les buées, et sont ordinairement les plus forts et les maîtres de la proie qu’ils leur enlévent. Ils supportent plus aisément la lumière du jour que les autres oiseaux de nuit; car ils sortent de meilleure heure le soir, et ren— trent plus tard le matin. On voit quelquefois le duc assailli par des troupes de corneilles, qui le suivent au vol et l’environnent par milliers ; il soutient leur choc, pousse des - cris plus forts qu’elles, et finit par les dis- perser, et souvent par en prendre quelqu’une lorsque la lumière du jour baisse. Quoiqu'ils aient les ailes plus courtes que la plupart des oiseaux de haut vol ils ne laissent pas de s'élever assez haut, sur-tout à l’heure du cré- puscule; mais ordinairement ils ne volent que bas et à de petites distances, dans les autres heures du jour. On se sert du duc dans la fauconnerie pour attirer Le milan : on at- tache au due une queue de renard , pour rendre sa figure encore plus extraordinaire ; il vole à fleur de terre, et se pose dans la campagne, sans se percher sur aucun arbre ; le milan , qui l’apperçoit de loin, arrive et s'approche du duc, non pas pour le com- 106 HISTOIRE NATURELLE! battre ou l’attaquer, mais comme pour l’ad- mirer, et il se tient auprès de lui assez long- temps pour se laisser tirer par le chasseur, ou prendre par les oiseaux de proie qu’on lâche à sa poursuite. La plupart des faisan- diers tiennent aussi dans leur faisanderie un duc qu’ils mettent toujours en cage sur des juchoirs , dans un lieu découvert, afix que les corbeaux et les corneïlles s’assemblené autour de lui, et qu’on puisse tirer et tuer un plus grand nombre de ces oiseaux criards qui inquiètent beaucoup les jeunes faisans ; et, pour ne pas effrayer les faisans , on tire les corneilles avec une sarbacane. On a observé, à l'égard des parties inte— rieures de cet oiseau , qu'il a la langue courte et assez large , l'estomac très-ample, l'œil enferme dans une tunique cartilagineuse en forme de capsule, et le cerveau recouvert d’une simple tunique plus épaisse que celle des autres oiseaux , qui, comme les animaux quadrupèdes, ont deux membranes pins re couvrent la cervelle. Il paroit qu’il y a dans cette espèce uné première variété qui semble en renfermer une seconde; toutes deux se trouvent en fta- « DU DUC où GRAND-DUC. 107 lie, et ont été indiquées par Aldrovande : on peut appeler l’un le duc aux ailes noires, et le second le duc aux pieds nuds. Le premier ne diffère en effet du grand duc commun que par les couleurs qu’il a plus brunes ou plus noires sur les ailes, le dos et la queue; et le _ second, qui ressemble en entier à celui-ci par ces couleurs plus noires, n’en diffère que par la nudité des jambes et des pieds, qui sont très-peu fournis de plumes : ils ont aussi tous deux les jambes plus menues et moins fortes que le duc commun. R Indépendamment de ces deux variétés qui se trouvent dans nos climats, il y en a d’au- tres dans des climats plus éloignés. Le duc blanc de Lapponuie, marqué de taches noires, qu'indique Linnæus , ne paroît être qu’une variété produite «par le froid du Nord. On sait que la plupart des animaux quadrupèdes sont naturellement blancs ou le deviennent dans les pays très-froids : il en est de même d'un grand nombre d'oiseaux ; celui-ci, qu’on trouve dans les montagnes de Lapponie , est blanc, taché de noir, et ne diffère que par cette couleur du grand duc commun : ainsi ou peut le rapporter à cette espèce comme simple variété, tue L 108 HISTOIRE NATURELLK Comme cet oiseau craint peu le chaud. et ne craint pas le froid , on le trouve également dans les deux continens, au nord et au midi ; et non seulement on y trouve l'espèce même, \ . M 74 NU CA NA es \ A mais encore les variétés de l'espèce. Le jacu- rutu du Bresil, décrit par Marcgrave!, est absolument le même oiseau que notre grand duc commun. Célui qui nous a été apporté des terres Magellaniques?, ne diffère pas ‘assez du grand duc d'Europe pour en faire une espêce séparée. Celui qui est indiqué par l’auteur du 7’oyage à la baie de Hudson, sous le nom de ibou couronné, et par M. Edwards , sous le nom de duc de Virgi- nie, sont des variétés qui se trouvent en Amérique les mêmes qu'en Europe; car la différence la plus remarquable qu'il y ait entre le duc commun et le duc de la baie de Hudson et de Virginie, c’est que les aigrettes partent du bec, au lieu de partir des oreilles. Or on peut voir de même dans les figures des trois ducs données par Aldrovande, qu’il n'y a que le premier, c’est-à-dire le duc 1 Hist. nat. Brasil. pag. 199. 2 Voyez les planches enluminées , n° 385. 3 Voyage à la baie de Hudson, tome 1, page 56. E. À DU DUC ou GRAND DUC. roj commun, dontlesaigrettes partent des oreil-- les, et que dans les autres, qui néanmoins sont des variétés quise trouvent en Italie, les plumes des aigrettes ne partent pas desoreilles, mais de la base du bec, comme dans le duc de Virginie, décrit par M. Edwards. Il me paroît donc que M. Klein a prononcé trop légère- ment , lorsqu'il a dit que ce grand duc de Virginie étoit d’une espèce toute différente de l’espèce d'Europe, parce que les aigrettes partent du bec, au lieu que celles de notre duc partent des oreilles : s’il eût comparé les figures d'Aldrovande et celles de M. Edwards, il eût reconnu que cette même difference qui ne fait qu'une variété, se trouve en Italie comme en Virginie, et qu’en général les ai- grettes dans ces oiseaux ne partent pas pré- cisément du bord des oreilles, mais plutôt du dessus des yeux et des parties supérieures à la base du bec. Oiseaux. IT. 10 LE HIBOU ‘ ou MOYEN DUC :. Voyez la planche 1x de ce volume. = b: hibou, ofus, ou moyen duc, a, comme le grand duc, les oreilles fort ouvertes, etsur- montées d’uneaigrette composée desix plumes tournées en avant” : mais cés aigrettes sont plus courtes que celles du grand duc, et n’ont guère plus d’un pouce de longueur; elles pa- roissent proportionnées à sa taille, car il ne pèse qu'environ dix onces, et n’est pas plus gros qu'une corneille : il forme donc une es— 1 Voyez les planches enluminées , nos 29 et 473. 2 En latin, asio ou ofus ; en italien, gufo , bar- bagianni ; en espagnol, mochuelo ; en allemand, orh-eule ou rautz-eule, ohrreutz, kautz-lein; en an- 3 Aldrovande dit avoir observé que chaque plume auriculaire qui compose l'aigrette peut se mouvoir séparément, et que la peau qui recouvre la cavité des oreilles naît de la parue intérieure la plie voi= sine de l'œil. : Tom 2 tr M à ni à NN “St NN NN KR : : Va lag TR LE HIBOU ou MOYEN DUC. f HISTOIRE NATURELLE. :rr pêce évidemment différente de celle du grand duc, qui est gros comme une oje, et de celle du scops ou petit duc, qui n'est pas plus grand qu'un merle, et qui n’a au-dessus des oreilles que des aigrettes très-courtes. Je fa cette remarque, parce qu'il y a des natura- listes qui n’ont regardé le moyen et le petit duc que comme de simples variétés d’une seule et même espèce. Le moyen duc a envi- ron un pied de longueur de corps, depuis le bout du bec jusqu'aux ongles, trois pieds de vol ou d'envergure , et cinq ou six pouces de longueur de queue : il a le dessus de la tête, du cou , du dos et des ailes , rayé de gris, de roux et de brun; la poitrine et le ventre sont roux, avec des bandes brunes, irrésulières et étroites; le bec est court et noirâtre; les yeux sont d’un beau jaune; les pieds sont cou- verts de plumes rousses jusqu’à l’origine des ongles, qui sont assez grands et d’un brun noirâtre : on peut observer de plus qu’il a la langue charnue et un peu fourchue, les ongles très-aigus ét très-tranchans, le doigt extérieur mobile et pouvant se tourner en arrière, l’estomac assez ample, la vésicule du fel très-grande, les boyaux longs d’envi- } | 12 HISTOIRE NATURELLE ron vingt pouces, les deux cœcum de deux pouces et demi de profondeur, et plus gros à proportion que dans les autres oiseaux de proie. L’espèce en est commune et beaucoup plus nombreuse daus nos climats * que celle À du grand duc, qu’on n'y rencontre que rare- ment en hiver; au lieu que le moyen duc y reste toute l’année, et se trouve méme plus aisement en hiver qu’en été : il habite ordi- nairement dans les anciens bâtimens ruines, dans les cavernes des rochers, dans le creux des vieux arbres , dans les forêts en mon- tagnes, et ne descend suère dans les plaines, Lorsque d’autres oiseaux l’attaquent , il se sert très-bien et des griffes et du bec; il se retourne aussi sur le dos pour se défendre , quand il est assailli par un ennemi trop fort. Il paroît que cet oiseau, qui est commun dans nos provinces d'Europe, se trouve aussi en ÂAsie: car Belon dit en avoir rencontre un dans les plaines de Cilicie. “ * Il est plus commun en France et en Italie qu'en Angleterre. On le trouve très-fréquemment en Bourgogne, en Champagne, en Sologne, et dans les montagnes de l'Auvergne. | DU HIBOU. 113 T1 y a dans cette espèce plusieurs variétés, dont la première se trouve en Italie, et a été indiquée par Aldrovande. Ce hibou d'Italie est plus gros que le hibou commun, et en diffère aussi par les couleurs : voyez et com- parez les descriptions qu’il a faites de l’un et de l’autre. Ces oiseaux se donnent rarement la peine de faire un nid, ou se l’épargnent en entier; car tous les œufs et les petits qu’on n’a ap- portés, ont toujours été trouvés dans des nids étrangers , souvent dans des nids de pies, qui, comme l’on sait, abandonnent chaque année leur nid pour en faire un nouveau ; quelquefois dans des nids de buses : mais ja- mais on n’a pu me trouver un nid construit par un hibou. Ils pondent ordinairement quatre ou cinq œufs; et leurs petits, qui sont blancs en naissant, prennent des couleurs au bout de quinze Nr Comme ce hibou n’est pas fort julie au froid, qu'il passe l’hiver dans notre pays, et qu'on le trouve en Suède comme en France, il a pu passer d’un continent à l’autre. IL paroît qu’on le retrouve en Canada et dans plusieurs autres endroits de l'Amérique 10 ALU rr4 HISTOIRE NATURELLE septentrionale ! ; il se pourroit même : que Je hibou de la Caroline , décrit par Catesby, et celui de l'Amérique méridionale, indiqué par le père Feuillée?, ne fussent que des variétés de notre hibou, produites par la différence des climats, d'autant qu'ils sont à très-peu près de la même grandeur, ét qu’ils ne différent que par les nuances et la distri- bution des couleurs. On se sert du hibou et du chat-huant pour ô attirer les oiseaux à la pipée; et l’on a re marqué que les gros oiseaux viennént plus volontiers à la voix du hibou, qui est une 1 Histoire de la nouvelle France, par Charte- voix, tome III, page 56. 2 Bubo ocro-cinereus , pectore maculoso. (Fewl- lée, Observations physiques, page 59, avec une figure.) Il paroît qu'on peut rapporter à cehibou de V À mérique méridionale ) indiqué par le P. Feuillée, celui dont Fernandès fait mention sous le nom de zecololt , qui se trouve au Mexique et à la nouvelle Espagne: mais ceci n’est qu'une vraisernblance fon- dée sur les rapports de grandeur et de climat; car Fernandès n’a donné non seulement aucune figure des oïseaux dont il parle, mais même aucune des- cription assez détaillée pour qu’on puisse le recou- noître., DUTHIBIQU:, ‘27 di6 espèce de cri plaintif ou de gémissement grave et alongé, cowl, cloud, qu’il ne cesse de répéter pendant la nuit, et que les pe- tits oiseaux viennent en plus grand nombre à celle du chat-huant , qui est une voix haute, une espèce d'appel, oo, Loho. Tous deux font pendant Le jour des gestes ridicules et bouffons en présence des hommes et des autres oiseaux. Aristote n’attribue cette es- pèce de talent ou de propriété qu’au hibou ou moyen duc, ofus ; Pline la donne au scops, ét appelle ces gestes bizarres 720/u$ satyricos : mais ce scops de Pline est le même oiseau que l’otos d'Aristote; car les Latins confon- doient sous le mème nom scops, l’ofos et le scops des Grecs , le moyen duc et le petit duc, qu'ils réunissoient sous une seule espèce et sous le même nom, en se contentant d’aver- tir qu’il existoit néanmoins de grands scops et de petits. | C’est en effet au hibou, ofts, ou moyen duc, qu’il faut principalement appliquer ce que disent les anciens de ces gestes bouffons et mouvemens satyriques; et comme de très- habiles physiciens naturalistes ont prétenau que ce nétoit point au hibou, mais à un 116 ‘HISTOIRE NATURELLE autre oiseau d’un genre tout différent, qu'om appelle /a demoiselle de Numidie, qu'il faut rapporter ces passages des anciens, nous ne pouvons nous dispenser de discuter ici cette question , et de relever cette erreur.: Ce sont MM. les anatomistes de l'académie des sciences qui, dans la description qu'ils nous ont donnée dejla demoiselle de Numidie, : ont voulu établir cette opinion, et s’expri— mer dans les termes suivans. « L'oiseau , « disent-ils , que nous déerivons , est appelé « demoiselle de Numidie , parce qu’il vient « de cette province d'Afrique, et qu’il a cer- « taines façons par lesquelles on a trouvé qu’il « sembloit imiter les gestes d’une fenime qui «affecte de la grace dans son port et dans «son marcher , qui semble tenir souvent « quelque chose de la danse. Il y a plus de « deux mille ans que les naturalistes qui ont « parlé de cet oiseau, l’ont désigne par cette « particularité de l’imitation des gestés et _« des contenances de la femme. Aristote lui «a donné le nom de bateleur, de danseur et «de boufflon, contrefaisant ce qu'il voit «faire... Il y a apparence que cet oiseau « danseur et houffon étoit rare parmi les an= ] | DOUX HE B'OU. | 117 « ciens, parce que Pline croit qu'il est fabu- « leux : en mettant cet animal, qu’il appelle « saiyrique, au rang des pégases, des griffons « et des sirènes, il est encore croyable qu'il a « été jusqu'à présent inconnu aux modernes, «puisqu'ils n’en ont point parlé comme « l'ayant vu, mais seulement comme ayant « lu dans les écrits des anciens la description «d'un oiseau appelé scops et afus par les « Grecs , et asio par les Latins, à qui ils « avoient donné le nom de danseur, de bute- « leur et de comédien ; de sorte qu’il s’agit de « voir si notre demoiselle de Numidie peut « passer pour le scops et pour l’ofus des an— « ciens. La description qu'ils nous ont laissée « de l’ofus ou scops, consiste en trois parti- « cularites remarquables... Ia première est « d’imiter les gestes... la seconde est d’avoir | « des éminences de plumes aux deux côtés « de la tète, en forme d’oreilles.... et la troi- « sième est la couleur du plumage, qu'A- « lexandre Myndien, dans Athénée, dit être « de couleur de plomb : or la demoiselle de « Numidie a ces trois attributs, et Aristote « semble avoir voulu exprimer leur manière « de danser, qui est de sauter l’une devant ve ? bi} 458 RU 1 t18 HISTOIRE E NATURELLE. « l’autre, lorsqu'il dit qu’on les prend quand Rai Ta x NDS + SP MR «elles dansent l’une contre l’autre. Belon « croit néanmoins que l’ofus d’Aristote est « le hibou, par la seule raison que cet oiseau, « à ce qu’il dit, fait beaucoup de mines avec « la tête. La plupart des interprètes d’Aris- « tote, qui sont aussi de notre opinion, se « fondent sur le nom d’ofus, qui signile «ayant dés oreilles : mais ces espèces d’o- « reilles, dans ces oiseaux, ne sont pas tout- «à-fait particulières au hibou ; et Aristote « fait assez voir que l’ofus n’est pas le hibou, « quand il dit que l’ofws ressemble au hibou, « et 1l y à apparence que cette ressemblance «me consiste que dans ces oreilles. Toutes « les demoiselles de Numidie que nous avons « disséquées, avoient aux côtés des oreilles « ces plumes qui ont donné le nom à l’ofus « des anciens... Leur plumage étoit d’un « gris cendré, tel qu'il est décrit par Alexan- « drè Myndien dans l'ofus.» | Comparons maintenant ce qu'Aristote dit de l’ofus , avec ce qu'en disent ici MM. de l'académie : Ojus noctuæ similis est, pinnulis circiter aures erninentibus prœditus, unde nomen accepit, quasi aurilurm dicas; non- HUIHIBOU)\ 119 nulli eum ululam appellant, alii asionem. Blatero hic est, et hallucinator, et planipes ; saliantes enirh imitatur. Capilur intentus in altero aucupe , altero circumeunte ut noctu«. L'otus, c’est-à-dire , le hibou ou moyen duc, est semblable au nocfua, c'est-à-dire, au chat-huant. Ils sont en effet semblables , soit par la grandeur, soit par le plumage, soit par toutes les habitudes naturelles: tous deux ils sont oiseaux de nuit, tous deux du même genre et d'une espèce très-voisine ; au lieu que la demoiselle de Numidie est six fois plus grosse et plus grande, d’une forme toute différente et d'un genre très-éloigné, et qu'elle n’est point du nombre des oiseaux de nuit. L'ofus ne diffère, pour ainsi dire, du roctua que par les aigrettes de plumes qu'il porte sur la tête auprès des oreilles; et c’est pour distinguer l’une de l’autre, qu'Aristote dit : Pinnulis circiter aures emi- nentibus prœditus, unde nomen accepit , quasi auritum dicas. Ce sont de petites plumes , pinnulæ, qui s'élèvent droites et en aigrettes auprès des oreilles, circiter au- res eminentibus, et non pas de longues plumes qui se rabattent et qui pendent de chaque 20 HISTOIRE NATURELLE | côté de la tête, comme dans la dernoialté de . Numidie. Ce n’est donc pas de cet oiseau , qui n'a point d'aigrettes de plumes relevées et en forme d'oreilles, de a éte tiré le nom de ofus, ue aurilus : C'est, au contraire, r ‘h \ du hibou, qu’on pourroit appeler zoc{ua au- jita, que vient évidemment ce nom; et ce qui achève de le démontrer, c’est ce qui suit . immédiatement dans Aristote: Nonnulli eum (otum) ululam appellant, alii asionem. C’est donc un oiseau du genre des hiboux et des chouettes, puisque quelques uns lui don- noient ces noms : ce n'est donc point la de- imoiselle de Numidie , aussi differente de tous . ces oiseaux qu'un dindon peut l'être d'un épervier. Rien, à mon avis, n’est donc plus mal fondé que tous ces prétendus rapports que l’on a voulu établir entre l’ofus des an- ciens et l’oiseau appelé dernoiselle de Nurni-. die, et l’on voit bien que tout cela ne porte que sur les gestes et les mouvemens ridi- cules que se donne la demoiselle de Numi- die. Elle a en effet ces gestes bien supérieu-. - rement au hibou : mais cela n'empêche pas. que celui-ci, aussi-bien que la plupart des. oiseaux de nuit, ne soit D/afero, bavard ou D U HIBOU: 12% criard !; zal/lucinator, se contrefaisant ; p/a- nipes, bouffon. Ce n’est encore qu'au hibou qu’on peutattribuer de se laisser prendre aussi aisément que les autres chouettes, comme le dit Aristote, etc. Je pourrois m’étendre en- core plus sur cette critique, en exposant et - comparant ce que dit Pline à ce sujet; mais en voilà plus qu'il n’en faut pour mettre la chose hors de doute, et pour assurer que lotos des Grecs n’a jamais pu désigner la demoiselle de Numidie, et ne peut s’appli- quer qu’à l'oiseau de nuit auquel nous don- nons le nom de Libou ou r170yen duc : j'ob- serverai seulement que tous ces mouvemens bouffons ou safyriques , attribués au hibou par les anciens, appartiennent aussi à pres- que tous les oiseaux de nuit?, et que, dans 1 M. Frisch , en parlant de ce hibou , dit que son cri est tres-fréquent et fort, et qu'il ressemble aux huées des enfans lorsqu'ils poursuivent quelqu'un dont ils se moquent; que cependant ce cri est com- mun à plusieurs espèces de chouettes. (Voyez F risch , à l'article des Orseaux nocturnes.) 2 Tousles hiboux peuvent tourner leur tète comme l'oiseau appelé £orcol. Si quelque chose d’extraordi- naire arrive , ils ouvrent de grands yeux, dressent 11 at 122 CHIST OIRE NATURELLE. le fait, ils se rédndsentt à une contenance étonnée, à de fréquens tournemens de cou, à des mouvemens de tête en haut, en bas et de tous côtés, à des craquemens de bec, à des trépidations de jambes, et des mouvemens de pieds dont ils portent un doigt tantôt en arrière et tantôt en avant, et qu’on peut aisément remarquer tout cela en gardant quelques uns de ces oiseaux en captivité : mais j’observerai encore qu'il faut les prendre très-jeunes, lorsqu'on veut les nourrir; les autres refusent toute la nourriture qu’on leur présente dès qu’ils sont enfermés. leurs plumes et paroissent une fois plus gros: ils étendent aussi les ailes, se baissent ou s’accroupis- sent; mais ils se relèvent promptement, comme étonnés : ils font craquer deux ou trois fois leur bec. (Idem , 1bidem. ) Tom 2 . | _2 a 2 10 , LA LE SCOPS: ou PETIT DUC”. * Voyez la planche x de ce volume. (us Vorci la troisième et dernière espèce du genre des hiboux, c’est-à-dire, des oiseaux de nuit qui portent des plumes élevées au- dessus de la tête: et elle est aisée à distinguer des deux autres, d’abord par la petitesse même du corps de l'oiseau , qui n’est pas plus gros qu’un merle, et ensuite par le raccour- cissement très-marqué de ces aigrettes qui surmontent les oreilles , lesquelles , dans cette espèce, ne s'élèvent pas d'un demi- pouce, et ne sont composées que d’une seule petite plume. Ces deux caractères suffisent pour distinguer le petit duc du moyen et du grand duc, et on le reconnoîtra encore aisé- * Voyez les planches enluminécs, n° 436. ? En latin, as’o; enitalien, zivetta , ou zuetta, nlochavello, chivino; en allemand , stock-eule; en anglois, Little horn-owl. 124 HISTOIRE NATURELLE ment à la tête, qui est proportionnellement plus petite par rapport au corps que celle des deux autres, et encore à son plumage plus élécamment bigarré et plus distincte- ment tachete que celui des autres : car tout son corps est très-joliment varié de gris, de roux, de brun et de noir; et ses jambes sont couvertes, jusqu’à l’origine des ongles, de plumes d'un gris roussâtre, mêlé de taches brunes. Il diffère aussi des deux autres par le naturel; car il se réunit en troupe en au- tomne et au printemps, pour passer dans d’autres climats; il n’en reste que très-peu, ou point du tout, en hiver dans nos provinces, et on les voit partir après les hirondelles , et arriver à peu près en même temps. Quoiqu ils habitent de préférence les terrains élevés, ils se rassemblent volontiers dans ceux où les mulots se sont le plus multipliés, et y font un grand bien par la destruction de ces ani- maux , qui se multiplient toujours trop, et qui, dans de certaines années, pullulent à un tel point, qu'ils dévorent toutes les graines et toutes les racines des plantes les plus ne- cessaires à la nourriture et à l'usage de Fhomme. On a souvent vu, dans les temps de ‘1 DU: S'C'OP'E. 125 cette espèce de fléau , les petits ducs arriver en troupe, et faire si bonne guerre aux mu lots , qu'en peu de jours ils en purgent la terre. Les hiboux ou moyens ducs se réu- nissent aussi quelquefois en troupe de plus de cent; nous en avons été informés deux fois par des témoins oculaires : mais ces as- semblées sont rares , au lieu que celles des scops ou petits ducs se font tous les ans. D'ailleurs c’est pour voyager qu’ils semblent se rassembler , et il n’en reste point au pays; au lieu qu’on y trouve des hiboux ou moyens ducs en tout temps : il est même à présumer que les petits ducs font des voyages de long cours, et qu'ils passent d'un continent à Vautre. L'oiseau de la nouvelle Espagne in- diqué par Nieremberg, sous le nom de #a/chi- euaïli, est ou de la mème espèce, ou d’une espèce très-voisine de celle du scops ou petit duc. Au reste, quoiqu'il voyage par troupes nombreuses , il est assez rare par-tout, et difficile à prendre; on n’a jamais pu m’en procurer ni les œufs ni les petits, et on a même de la peine à l’indiquer aux chasseurs, qui le confondent toujours avec la chevèche, parce que ces deux oiseaux sont à peu près 11 L 4 126 HISTOIRE NATURELLE de la même grosseur , et queles petites plumes éminentes qui distinguent le petit duc, sont très-courtes, et trop peu apparentes pour faire un caractère qu'on puisse reconnoitre de loin. Au reste, la couleur de ces oiseaux varie beaucoup , suivant l’âge et le climat , et peut-être le sexe: ils sont tous gris dans le premier âge; il y en a de plus bruns les uns que les autres, quand 1ls sont adultes. La couleur des yeux paroit suivre celle du plu- mage ; les gris n’ont les yeux que d'un jaune itrès-päle, les autres les ont plus jaunes ow d’une couleur de noisette plus brune : mais ces légères différences ne suffisent pas pour en faire des espèces distinctes et séparées. A HULOTTE.. L A hulotte, qu’on peut appeler aussi la - chouette noire, et que les Grecs appeloient nycticorax, ou le corbeau de nuit, est la plus grande de toutes les chouettes ; elle a près de quinze pouces de longueur, depuis le bout du becjusqu’à l'extrémité des ongles : elle a la tête irès-grosse, bien arrondie et sans aigrettes ; la face enfoncée et comme encavée dans sa plume; les yeux aussi enfoncés et environnés de plumes grisâtres et décomposées ; l'iris des yeux noirâtre, ou plutôt d’un brun foncé, ou couleur de noisette obscur; le bec d’un blanc jaunätre ou verdâtre; le dessus du corps cou- leur de gris-de-fer foncé, marqué de taches noires et de taches blanchätres ; le dessous du corps, blanc, croisé de bandes noires trans- * Voyez les planches enluminées, n° 44r. 2 En laun, wlula , et aussi en italien, selon Ges- ner, alocho, et quelquefois Jucharo; en allemand , huhu; en anglois, kowler. À | | \ \ ù \ r28 HISTOIRE NATURELLE versales et longitudinales ; la queue d’un peu plus de six pouces; les ailes s'étendant un peu au-delà de son extrémité; l’étendue du . vol de trois pieds; les jambes couvertes , jus— qu'à l’origine des doigts, de plumes blanches tachetées. de points noirs !. Ces caractères sont plus que suffisans pour faire distinguer 1a hulotte de toutes les autres chouettes; elle vole légèrement et sans faire de bruit avec ses ailes, et toujours de côté, comme toutes les autres chouettes : c’est son cri?, £ow ox ou où Ou Ou au, qui ressemble assez au hur- lement du loup, qui lui a fait donner par les Latins le nom d’ulula, qui vient d’u/u- lare, hurler ou crier comme le loup ; et c’est par cette mème analogie que les Allemands 1 On peut encore ajouter à ces caractères un signe distinctif, c’est que la plume la plus extérieure de l'aile est plus courte de deux ou trois pouces que la seconde, qui est elle-même plus courte d'un pouce que la troisième, et que les plus longues de toutes sont la quatrième et la cmquième ; au lieu que, dans leffraie, la seconde et la troisième sont les plus longues, et l’extérieure n’est plus courte que d’un demi-pouce. 2 Salerne, Ornithologie, page 53. L f F5; DELA HULOTTE 129 Pappellent 2x Au, ou plutôt 4ox hou *. La hulotte se tient pendant l’été dans les bois, toujours dans des arbres creux; quel- quefois elle s'approche en hiver de nos ha- bitations. Elle chasse et prend les petits oi-— seaux, et plus encore les mulots et les cam- pagnols; elle les avale tout entiers, et en rend aussi par le bec les peaux roulées en pelotons. Lorsque la chasse de la campagne me lui produit rien, elle vient dans les granges pour y chercher des souris et des rats : elle retourne au bois de grand matin, à l'heure de la rentrée des lièvres , et elle se fourre dans les taillis les plus épais, ou sur les arbres les plus feuilles , et y passe tout le * C’est d’après Gesner que Je dis ei que les Al- lemands appellent cette chouette zu hu; cependant c’est le grand duc auquel appar'ient ce nom : il dit aussi qu'ils l'appellent 7 et eul, M. Frisch ne lui donne que le nom générique eule, et dit que les autres surnoms qu'on lui doune en allemand sont sans fonde: ment, coinme celui de Ænapp-eule , par exemple, qui exprime le craquement que cet oiseau fait avec son bec, mais que toutes les espèces de chouettes .ont également ; et nachl-eul, qui sigmfie chouette de nuit, one toutes les chouettes soné également des oiseaux de nuit 130 HISTOIRE NATURELLE. : jour, sans changer de lieu : dans la mauvaise saison, elle demeure dans des arbres creux pendant le jour, et n'en sort qu’à la nuit. Ces habitudes lui sont communes avec le hibou ou moyen duc, aussi-bien que celle de pondre leurs œufs dans des nids étrangers , sur-tout dans ceux des buses, dés crécerelles, des corneilles et des pies : elle fait ordinaire- ment quatre œufs d’un gris sale, de forme arrondie, et à peu près aussi gros que ceux d'une petite poule. # pa P{/1u. Pag 130 2 AT -HUANT: LE CH T Louqut.à . ROC AIT-HU ANT :: * Voyez la planche x1 de ce voltme. Î à A PRÈS la hulotte, qui est la plus grande de toutes les chouettes, et qui a les yeux noi- râtres, se trouvent le chat-huant qui les a bleuâtres, et l’effraie qui les a jaunes : tous deux sont à peu près de la même grandeur; ils ont environ douze à treize pouces de lon- gueur, depuis le bout du bec jusqu’à l’ex- trémité des pieds : ainsi ils n’ont guère que deux pouces de moins que la hulotte ; mais ils paroissent sensiblement moins gros à proportion. On reconnoitra le chat-huant d’abord à ses yeux bleuâtres, et ensuite à la beaute et à la variété distincte de son * Voyez les planches enluminées, n° 437. 2 En latin, noctua; en Catalogne, cabeca; en alle- and, milchsanger, kinder, melcker, stock-eule; cn anglais, commen brown owl, ou leech-owl. 13: HISTOIRE NATURELLE plumage * ; et enfin à son cri #oko, hoko , w hehohoho, par lequel il semble mt à hôler ou appeler à haute voix. Gesner, Aldrovande, et plusieurs autres naturalistes après eux, ont employé le mot strix pour désigner cette espèce; mais je L2 LI La J. crois qu'ils se sont trompés , et que c’est à Veffraie qu'il faut le rapporter : s/rix, pris dans cette acception , c'est-à-dire, comme nom d'un oiseau de nuit, est un mot plutôt latin que grec; Ovide nous en donne l’éty- molopgie, et indique assez clairement quel est l'oiseau nocturne auquel il appartient, par Je passage suivant : | Strigum Grande caput, stantes oculi, rostra apta rapinæ ; Canities pennis, unguibus hamus inest. Est illis strigibus nomen ; sed nominis hujus Causa, qudd horrendà stridere nocte solent. La tête grosse, les yeux fixes, le bec propre à la rapine, les ongles en hameçon , sont des … Lé Voyez-en la description très-dé: aillée et très- exacte dans l Ornithologre de M. Brissou , tome l; age 5oo et suiv. : il suffit de dire ici que les cou- leurs du chat-huant sont Pie plus claires que celles Sr. er 22 j DU CHAT-HUANT. 133 caractères communs à tous ces oiseaux : mais la blancheur du plumage, canilies pennis, appartient plus à l’effraie qu’à aucun autre; et ce qui determine sur cela mon sentiment, c’est que le mot s/ridor, qui signifie en latin un craquement, un grincement , un bruit désagréablement entrecoupé et semblable à celui d’une scie, est précisément le cri gre, grei de l’effraie ; au lieu que le cri du chat- huantest plutôtune voix haute, un hôlement, qu'un grincement. | On ne trouve guère les chats-huans ailleurs que dans les bois : en Bourgogne, ils sont bien plus communs que les hulottes ; ils se tiennent dans des arbres creux, et l’on m’en a apporté quelques uns dans le temps le plus rigoureux de L'hiver; ce qui me fait présumer qu'ils restent toujours dans le pays, et qu’ils ne s’approchent que rarement de nos habita- tions. M. Frisch donne le chat-huant comme une variété de l’espèce de la hulotte, et prend de la hulotte. Le mâle chat-huant est, à la vérité, plus brun que la femelle ; mais il n’a que très- peu de noir en comparaison de la hulotte, qui, de toutes les chouettes, est la plus grande et la plus brune. 13 de ts 134 HISTOIRE NATURELLE. encore pour une seconde variété de cette même espèce , le mâle du chat-huant : sa planche Ê cotée XCIV est la hulotte; la planche xcw, À la femelle du chat-huant ; et la planche xoVI, « le chat-huant mâle. Ainsi, au lieu de trois | variétés qu’il indique, ce sont deux espèces « différentes ; ou, si l’on vouloit que le chat- | huant ne fût qu’une variété de l'espèce de la hulotte, il faudroit pouvoir nier les dif- férences constantes, et les caractères qui les distinguent l’un de l’autre, et qui me pa- roissent assez sensibles et assez multipliés pour constituer deux espèces distinctes et séparées. Comme le chat-huant se trouve en Suëde et dans les autres terres du Nord, il a pu passer d’un continent à l’autre : aussi le re- trouve-t-on en Amérique jusque dans les pays chauds. Il y a, au cabinet de M. Mau- duyt, un chat-huant qui lui a été envoyé de Saint-Domingue, qui ne nous paroit être qu'une variété de l'espèce d'Europe, dont il ne diffère que par l’uniformité des couleurs sur la poitrine et sur le ventre, qui sout rousses et presque sans taches, et encore par les couleurs plus foncées des parties supée rieures du corps. 212. lag 134 Tom 2. 2 “. 3 D EE | “ 7 TT 1 L'EFFRAIE ou LA FRESAIE ?. Voyez la planche x11I de ce volume. x L'crrrare , qu'on appelle communé- ment la chouette des clochers , effraie en effet par ses soufflemens che, chei, cheu, chiou, ses cris âcres et lugubres grec gre, crei, et sa voix entrecoupée qu’elle fait sou- vent retentir dans le silence de la nuit. Elle est, pour ainsi dire, domestique, et habite au milieu des villes les mieux peuplées : les tours, les clochers, les toits des églises et des autres bâtimens élevés, lui servent de retraite peudant le jour, et elle en sort à l'heure du 1 Voyez les planches enlunfinées , n°5 474 ét 440. 2 En latin, a/uco; en allemand et en flamand, kirch-eule, ce qui signifié chouette des églises; ‘schleyer-eule, chouette voilée, parce qu’elle semble avoir la tête encapuchonnée ; perl-eule, parce que son plumage est parsemé de taches rondes comme des perles, ou des gouites de liqueur; en anglois, white-owl, chouette blanche. 336 HISTOIRE NATURELLE crépuscule. Son soufflement, qu’elle réitère. | sans cesse, ressemble à celui d’un homme qui dort la bouche ouverte; elle pousse aussi, en volant et en se reposant, différens sons aigres, tous si désagréables, que cela, joint à l’idée du voisinage des cimetières et des églises , et encore à l’obscurité de la nuit, inspire de l’horreur et de la crainte aux enfans , aux femmes, et même aux hommes soumis aux mêmes préjugés et qui croient aux revenans, aux sorciers, aux augures : ils regardent l’effraie comme l'oiseau funèbre, comme le messager de la mort; ils croient que quaud il se fixe sur une maison, et qu’il y fait retentir une voix différente de ses cris ordinaires, c'est pour appeler quelqu'un au cimetière. | Onladistingueaisément desautres chouettes par la beaute de son plumage : elle est à peu près de la même grandeur que le chat-huant, plus petite que la hulotte, et plus grande que la chouette proprement dite, dont nous parlerons dans l’article suivant ; elle a un pied ou treize pouces de longueur depuis le bout du bec jusqu’à l’extremite de la queue, qui n’a que cinq pouces de longueur. Elle a DE L'EFFRAIE. 137 le dessus du corps jaune, onde de gris et de brun, et taché de points blancs; le dessous du corps blanc, marqué de points noirs; les yeux environnés très-régulièrement d’un cercle de plumes blanches et s1 fines, qu'on les prendroit pour des poils; l'iris d’un beau jaune ; le bec blanc, excepté le bout du cro- chet, qui est brun; les pieds couverts’de duvet blanc , les doigts b'ancs et les ongles noi- râtres. Il y en a d'autres qui, quoique de la mème espèce, paroissent au premier coup d'œil être assez différentes ; elles sont d’un beau jaune sur la poitrine et sur le ventre, marquées de même de points noirs: d’autres sont parfaitement blanches sur ces mêmes parties , sans la plus petite tache noire ; d’autres enfin sont parfaitement jaunes et sans aucune tache *. J'ai eu plusieurs de ces chouettes vivantes : il est fort aisé de les prendre, en opposant un petit filet, une trouble à poisson, aux trous qu'elles occupent dans les vieux bätimens. Elles vivent dix ou douze jours dans les vo- lières où elles sont renfermees; mais elles * Voyez les planches enluminées, n° 440. 12° 138 HISTOIRE NATURELLE refusent toute nourriture, et meurent d’ina- nition au bout de ce temps : le jour, .elles se tiennent, sans bouger, au bas de la volière; le soir , elles montent au sommet des ju- choirs, où elles font entendre leur soufflemen & che, chei, par lequel elles semblent appeler les autres. J'ai vu plusieurs fois, en effet ; d’autres effraies arriver au soufflement de l’effraie prisonnière, se poser au-dessus de la volière, y faire le même soufflement, et s’y laisser prendre au filet, Je n’ai jamais entendu leur cri àâcre (séridor') cret, grei, dans les vo- lières; elles ne poussent ce cri qu’en volant et lorsqu'elles sont en pleine liberté. La fe- melle est un peu plus grosse que le mäle, et a les couleurs plus claires et plus distinctes; c’est de tous les oiseaux nocturnes celui dont le plumage ést Le plus agréablement varie. L'espèce de l'effraie est nombreuse, et par- tout très-commune en Europe : comme on la voit en Suède aussi-bien qu’en France, elle a pu passer d’un continent à l’autre; aussi la trouve-t-on en Amérique, depuis les terres du nord jusqu’à celles du midi. Marcgrave l’a vue et reconnue au Bresil, où les naturels du pays l’appelient #2dara, DE L'EFFRAIE. 13y L'effraie ne va pas, comme la hulotte ét le chat-huant, pondre dans des nids étrangers : elle dépose ses œufs à crud dans des trous de murailles , ou sur des solives sous les toits, et aussi dans des creux d'arbres ; elle n’y met mi herbes, ni racines, ni feuilles, pour les recevoir. Elle pond de trés-bonne heure au printemps, c’est-à-dire, dès la fin de mars ou le commencement d'avril; elle fait ordinai- rement cinq œufs, et quelquefois six et mème sept, d'une forme alongée et de couleur blan- châtre. Elle nourrit ses petits d'insectes et dé morceaux de chair de souris : ils sont tout blancs dans le premier âge, et ne sont pas mauvais à manger au bout de trois semaines; car ils sont gras et bien nourris. Les pères et mères purgent Les églises de souris ; ils boivent aussi assez souvent ou plutôt mangent l'huile des lampes, sur-tout si elle vient à se figer: ils avalent les souris et les mulots, les petite oiseaux tout entiers, et en rendent par le bec les os , les plumes et les peaux roulées ; leurs excrémens sont blancs et liquides comme ceux de tous les autres oiseaux de proie. Dans la belle saison, la plupart de ces oiseaux vont le soir dans les bois voisins; mais 1ls * ) Ç 24 HISTOIRE NATURELLE reviennent tous les matins à leur retraite or . dinaire , où ils dorment et ronflent jusqu'aux heures du soir; et quand la nuit arrive, ils 44 2 \ÿ se laissent tomber de leur trou, et volent en : ” culbutant presque jusqu’à terre. Lorsque le froid est rigoureux, on les trouve quelquefois cinq ou six dans le même trou, ou cachées dans les fourrages; elles y cherchent l'abri, J’air tempere et la nourriture . les souris sont en effet alors en plus grand nombre dans les granges que dans tout autre temps. En au- tomne, elles vont souvent visiter pendant la nuit les lieux où l’on a tendu des rejettoires* et des lacets pour prendre des bécasses et des prives : elles tuent les becasses qu’elles trouvent suspendues, et les mangent sur le lieu ; mais elles emportent quelquefois les grives et les autres petits oiseaux qui sont pris aux lacets: elles les avalent souvent en- tiers et avec la plume; mais elles déplument ordinairement, avant de les manger, ceux qui sont un peu plus gros. Ces dernières * Rejeitoire, baguetie de bois verd courhée, au bout de laquelle on attache un lacet, et qui, par son ressort , en serre le nœud coulant et enleye l’oi- seau. Re En. 2 DE L’'EFFRAIE. 7 habitudes, aussi-bien que celle de voler detra- vers, c'est-à-dire, comme si le vent les empor- toit, et sans faire aucun bruit des ailes, sont communes à l’effraie, au chat-huant, à la hulotte et à la chouette proprement dite, dont nous allons parler. $ FX 7 a Wa À ’ ' + r: + À LT Fr | LA 'CHOUETENES O U £ LA GRANDE CHEVÊCHE:. Voyez la planche xr11 de ce volume. Crrre espèce, qui est la chouette propre- ment dite, et qu’on peut appeler /a chouette des rochers ou la grande chevéche, est assez commune : mais elle n’approche pas aussi souvent de nos habitations que l’effraie; elle se tient plus volontiers dans les carrières , dans les rochers, dans les bâtimens ruines et éloignés des lieux habités : il semble qu’elle préfère les pays de montagnes, et qu’elle cherche les précipices escarpés et les endroits 1 Voyez les planches enluminées, n° 438. 2? En latin, cccuma; en allemand, stein-kutz, ou stein-eule; en angloïs, great brown oml. — Noc- tuà quam saxatilerm Helvetii cognominant. 5 Z'om 2. ; 213. Lag143. s HISTOIRE NATURELLE. :43 selitaires ; cependant on ne la trouve pas dans les bois, et elle ne se loge pas dans des arbres creux. On la distinguera aisément de la hulotte et du chat-huant par la couleur dés yeux, qui sont d'un très-beau jaune , au lieu que ceux de la hulotte sont d’un brun presque noir, et ceux du chat-huant d’une couleur bleuâtre : on la distinguera plus dif- ficilement de l’effraie, parce que toutes deux ont l'iris des yeux jaune , environné de même d’un grand cercle de petites plumes blanches ; que toutes deux ont du jaune sous le ventre, et qu’elles sont à peu près de La même grandeur : mais la chouette des ro- chers est, en général, plus brune, marquée de taches plus grandes et longues comme de petites flammes ; au lieu que les taches de l’effraie , lorsqu'elle en a, ne sont, pour ainsi dire, que des points ou des gouttes; et c’est par cette raison qu’on a appelé l’effraie 20c- tua guttata, et la chouette des rochers dont il est ici question , zoc{ua flammeata. Elle a aussi les pieds bien plus sarnis de plumes, : et le bec tout brun, tandis que celui de l’ef- fraie est bianchâtre, et n’a de brun qu’à son extrémité. Au reste, la femelle, dans cette IAA HISTOIRE NATURELLE espèce, a les couleurs plus claires et 1 taches plus petites que le male , comme nous l'avons aussi remarqué sur la femelle du chat-huant. _ Belon dit que cette espèce s'appelle Z& grande chevéche. Ce nom n’est pas impropre; car cet oiseau ressemble assez , par son plu- mage et par ses pieds bien garnis de duvet, à la petite chevêche, que nous appelons sim- plement chevéche : il paroït être aussi du même naturel, ne se tenant tous deux que dans les rochers , les carrières, et très-peu dans les bois. Ces deux espèces ont aussi un nom particulier , daufz ou fautz-lein en allemand , qui répond au nom particulier chevéche en françois. M. Salerne dit que la chouette du pays d’Orleans est certainement la grande chevêche de Belon; qu’en Sologne on l’appelle chevéche, et plus communement chavoche ou caboche; que les laboureurs font grand cas de cet oiseau, en ce qu'il détruit quantité de mulots; que dans le mois d'avril on l'entend crier jour et nuit gout, mais d’un ton assez doux, et que, quand il doit pleuvoir, elle change de cri, et semble dire goyon; qu'elle ne fait point de nid, ne pond [e \ DALA CHOUETTE. :4 que trois œufs tout blancs, parfaitement ronds, et gros comme ceux d’un pigeon ra— mier..{l dit aussi qu’elle loge dans des arbres creux , et qu'Olina se trompe lourdement . quand il avance qu’elle couve les deux der- niers mois de l'hiver : cependant ce dernier fait n’est pas éloigné du vrai; non seule- ment cette chouette, mais même toutes les autres pondent au commencement de mars, : et couvent par conséquent dans ce même temps : et à l'égard de là demeure habituelle de la chouette ou grande chevèche dont il est ici question, nous avons observé qu’elle ne la prend pas dans des arbres creux , comme l’assure M. Salerne, mais dans des trous de rochers et dans les carrières, habitude qui lui est commune avec la petite chevèche dont nous allons parler dans l’article suivant. Elle est aussi considérablement plus petite que la hulotte, et mème plus petite que le chat- huant , n'ayant guère que onze pouces de longueur depuis le bout du bec jusqu'aux ongles. “IL paroît que cette grande chevêche , qui est assez commune en Europe, sur-tout dans les pays de montagnes, se retrouve en Amé- Oiseaux, TT. | | 15 Î Là 146 HISTOIRE NATURELLE rique dans celles du Chili, et que l’espèceine diquée par le P. Feuillée, sous le nom de chevéche lapin, et à laquelle il a donné ce surnom de lapin, parce qu’il l’a trouvée dans un trou fait dans la terre; que cette espèce, dis-je, n’est qu’une variété de notre grande chevêche ou chouette des rochers d'Europe : car élle est de la même grandeur, et n’en dif- fère que par la distribution des couleurs; ce qui n’est pas suffisant pour en faire une es- pêce distincte et séparée. Si cet oiseau creu- soit lui-même son trou, comme le P. Feuilléé paroit le croire, ce seroit une raison pour le juger d’une autre espèce que notre chevêche*, et même que toutes nos autres chouettes : mais il ne s'ensuit pas de ce qu’il a trouvé cet oiseau au fond d’un terrier, que ce soit * r°, Le P. du Tertre, en parlant de l'oiseau nocturne, appelé diable dans nos îles de PAmc= rique, dit qu'il est gros comme un canard ; qu'il a la vue affreuse, le plumage mélé de blanc et de noir ; qu'il repaire sur les plus hautes montagnes; qu'il se Lerrit comme le lapin dans les trous qu’il fait dans Ja ierre, où 1] pond ses œu's, les y couve et élève ses petits... qu’il ne descend jamais de la montagne que de nuit, et qu'en volant 1l fait ua cri fort du: DE LA CHOUETTE. 7:47 l'oiseau qui l'ait creusé; et ce qu’on en peut seulement induire, c’est qu’il est du même naturel que nos chevêches d'Europe, qui pré- fèrent constamment les trous, soit dans les pierres, soit dans les terres, à ceux qu'elles pourroient trouver dans les arbres creux. gubreet effroyable. (Histoire des Antilles, tomell, page 57.) 2°. Cet oiseau est cer'ainement le même que celui du P. Feuillée, et quelques uns des babi- tans de nos îles se trouveront peut-être à portée de vérifier s’il creuse en effet un terrier pour se loger et y élever ses petits. Tout le reste des indications que nous donnent ces deux auteurs , s’accorde à ce que cet oiseau soit de la même espèce que notre cheyêche ou chouette des rochers. Le 4 LA CHEVÉCHEN O UÙ PETITE CHOUETTE: Voyez la planche xrv de ce volume. “LA chevêche et le scops ou petit duc sont à peu près de la même grandeur; ce sont les plus petits oiseaux du genre des hiboux et des chouettes : ils ont sept ou huit pores de lon- gueur , depuis le bout du bec jusqu'à l'extré- # mité des ongles, et ne sont que de la grosseur " Voyez les planches enluminées , n° 439 Las | 2 Les Latins n’ont pas distingué cette espèce par un nom particulier, et ils l'ont vraisemblablement | confondue. avec celle du scops ou petit duc, asio. Il en est de même desItaliens, qui les appellent tous deux zuelta ou civetta; en espagnol, lechuza; en | allemand, kutz ou plutôt kauts-lein; en anglois, little He PU Lg, lag 149 HISTOIRE NATURELLE. 14ÿ d’un merle; mais on ne les prendra pas l’un pour l’autre, si l’on se souvient que le petit duc a des aigrettes, qui sont, à la vérité, très-courtes et composées d’une seule plume, et que la chevêche a la tête dénuée de ces deux plumes éminentes. D'ailleurs elle a l'iris des yeux d’un jaune plus pâle; le bec brun à la base, et jaune vers le bout, au lieu que le petit duc a tout le bec noir. Elle en diffère aussi beaucoup par les couleurs, et peut ai- sément être reconnue par la régularité des faches blanches qu’elle a sur les ailes et sur le corps, et aussi par sa queue courte comme celle d’une perdrix ; elle a encore les ailes beaucoup plus courtes à proportion, plus courtes même que la grande chevèche. Elle a un cri ordinaire, poupou, poupou , qu’elle _ pousse et répèté en volant, et un autre cri qu’elle ne fait entendre que quand elle est posée, qui ressemble beaucoup à la voix d'un jeune homme qui s’écrieroit aime, heme, esme, plusieurs fois de suite *. Elle se tient * Étant couché dans une des vieilles tours du châ- teau de Monthard, une chevêche vint se poser un peu avant le jour, à trois heures du matin, sur la tablette de la fenêtre de ma çhambre, et m'éveilla par in philosophes qui ont ‘traité des choses natu- relles. En effet, comment un animal si consi- dérable par sa grandeur, si remarquable par thologie, page 79), parle de trois sortes d’au- truches : le srouthos aqualique ou marin, qui est le poisson plat nommé plie ; l'aérien > qui est notre moineau ; et le £errestre (hsiaooes ) qui est notre PAR Deces trois espèces, la dernière est la seulé dont J'ai trouvé l’indication dans Hérodote (in Nel- pomene ; versüs finem ) ; encore ne puis-je être de l'avis de M. Salerne sur la manière d’entendre le strouthos katagaios, qui, selon moi, doit être ici traduit par autruche se creusant des trous dans la lerre : non que j’admette de telles autruches, mais parce qu'Hérodote parle en cet endroit des produc- tions singulières et propres à une certaine région de l'Afrique, et non de celles qui lui étoient communes avec d’autres contrées (Hæ sunt illic feræ, et'item guæ alibi). Or lPautruche ordinaire étant très-ré- pandue et par conséquent très-connue dans toute VAfrique, ou bien il n’en auroit pas fait mention en ce lieu , puisqu’elle n’étoit pas une production propre au pays dont il parloit ; ou du moins, s’il en eüt fait mention , 1] auroit omus l’épithète de zerrestre, qui Ajontoit rien à l'idée que tout le monde en avoit; et en cela cet historien n’eût fait que suivre ses pro= pres principes, puisqu'il dit ailleurs (27 T'halia) en parlant du chameau, Græcis utpote scientibus DE L'AUTRUGHE. :35 sa forme, si étonnant par sa fécondité, atta- ché d’ailleurs par sa nature à un certain cli- mat, qui est l'Afrique et une partie de l'Asie, % ; non puto describendum. {1 faut donc, pour donner au passage, ci-dessus un sens conforme à l'esprit de l’auteur, rendre le katagaios comme je l’ai rendu, d'autant plus qu’il existe réellement des oiseaux qui ont l’instinct de se cacher dans le sable, et qu’il est question dans le même passage de choses encore plus étranges, comme de serpens et d’ânes Cornus, d’a- céphales, etc. ; et l’on sait que ce père de l'histoire n'étoit pas toujours ennemi des fables n1 du mer- _velll eux. À l'égard des deux autres espèces de strouthos ; l'aérien et l’aquatique, je ne puis non plus accorder À M. Salerne que ce soit notre moineau et le pois- son nommé plie, n1 imputer avec lui à la langue grecque si riche , si belle, si sage, l'énorme dispa- rate de comprendre sous un même nom des êtres aussi dissemblables que l’autruche, le moineau et une espèce de poisson. S'il falloit prendre un parti sur les deux dernières sortes de strouthos, l’aérien et l'aquatique, j Je dirois que le premier est cette ou- tarde à long cou , qui porte encore aujourd’hui dans plus d’un endroit de l'Afrique le nom d'autruche volante , et que le second est quelque gros oiseau aquatique à qui sa pesanteur ou la {oiblesse de ses ailes ne permet pas de voler. D A QE oui D AA 76 HISTOIRE NATURELLE _ auroit-il pu demeurer inconnu dans des pays si anciennement peuplés , où il se trouve à la). Vérité des déserts, mais où il ne s’en trouve! point que l'homme n'ait pénétrés et st courus ? ï La race de l’autruche est donc une race très-ancienne, puisqu'elle prouve jusqu'aux premiers temps; mais elle n’est pas moins pure qu’elle est ancienne : elle a su se con- server pendant cette longue suite de siècles, et toujours dans la même terre, sans altéra- tion comme sans mésallance ; en sorte qu’elle est dans les oiseaux, comine l'éléphant dans les quadrupèdes , une espèce entièrement isolée et distinguée de toutes les autres es- pèces par des caractères aussi frappans qu’in- variables. : ù | L’autruche passe pour être le plus grand des oiseaux ; mais elle est privée, par sa. grandeur mème, de la principale prérogative des oiseaux, je veux dire la puissance de vo- ler. L’une de celles sur qui Vallisnieri a fait ses observations, pesoit, quoique très-maigre, cinquante-cinq livres toute écorchée et vidée de ses parties intérieures; en sorte que, pas- sant vingt à vingt-cinq Livres pour ces parties ‘ (DELAUTRUCHE, 19. et pour la graisse qui lui manquoit *, on peut, sans rien outrer, fixer le poids moyen d’une autruche vivante et médiocrement grasse , à soixante et quinze ou quatre-vingts livres : or quelle force ne faudroit-il pas dans les ailes et dans les muscles moteurs de ces ailes, pour soulever et soutenir, au milieu des airs une masse aussi pesante ? Les forces de la nature paroissent infinies lorsqu'on la contemple en gros et d’une vue générale : mais lorsqu'on la considère de près et en dé- tail, on trouve que tout est limité; et c’est à bien saisir les limites que s’est prescrites la nature par sagesse, et non par impuissance, que consiste la bonne méthode d'étudier et ses ouvrages et ses opérations. [ci un poids de soixante et quinze livres est supérieur par sa seule résistance à tous les moyens que * Ses deux ventricules, bien nettoyés, pesoient seuls six livres; le foie , une livre huit onces ; le cœur, avec ses oreillettes et les troncs des gros vaisseaux, une livre sept onces ; les deux pancréas, une livre 3. et 1l faut remarquer que les intestins, qui sont très- longs et très-gros,. doivent être d’un poids considé- rable. ( Voyez Notomia dello struzzo, tome L des æuvres de Vallisnieri, page 239 et suivantes. ) la nature sait employer pour élever et faire voguer dans le fluide de l'atmosphère, des corps dont la gravité spécifique est um mil- lier de fois plus grande que celle de ce fluide; et c’est par cette raison qu'aucun des oiseaux dont la masse approche de celle de lautruche, tels que le touyou, Le casoar, le dronte, n’ont ni re peuvent avoir la faculté de voler. El est vrai que la pesanteur n’est pas le seul obstacle qui s’y oppose; la force des muscles pecto- raux, la grandeur des ailes, leur situation avantageuse, la fermeté de leurs pennes*, etc. seroient ici des conditions d'autant plus ne- cessaires , que la résistance à vaincre est plus grande : or toutes ces conditions leur man- quent absolument; car, pour me renfermer dans ce qui regarde l’autruche, cet oiseau, à vrai dire, n’a point d'ailes, puisque les plumes qui sortent de ses ailerons sont toutes * J’appelle et dans la suite j'appellerai toujours ainsi les grandes plumes de l'aile et de la queue qui servent, soit à l’action du vol, soit à sa direction, me conformant en cela à l’analogie de la langue lame et à l'usage des écrivains des bons siècles, lesquels n'ont jamais employé le mot penna dans un:autre sens. Rapidis secat pennis, Virg. - : à hé PDE L’'AUTRUCHE. 179 effilées, décomposées, et que leurs barbes sont . delongues soies détachées les unes des autres, et ne peuvent faire corps ensemble pour frap- _ per l'air avec avantage, ce qui est la princi- pale fonction des pennes de l'aile. Celles de la queue sont aussi de la même structure, et ne peuvent par conséquent opposer à l'air une résistance convenable; elles ne sont pas même disposées pour pouvoir gouverner le vol en s’étalant ou se resserrant à propos, eë en prenant différentes inclinaisons : et ce qu'il y a de remarquable, c’est que toutes les plumes qui recouvrent le corps sont encore faites de même. L’autruche n’a pas, comme la plupart des autres oiseaux, des plumes de plusieurs sortes; les unes lanugineuses et du- vetées, qui sont immediatement sur la peau; les autres d’une consistance plus ferme et plus serrée, qui recouvrent les premières ; ek d’autres encore plus fortes et plus longues , qui servent au mouvement, et répondent à ce qu'on appelle les œuvres vives dans un vaisseau : toutes les plumes de l’autruche sont de la même espèce; toutes ont pour - barbes des filets détachés, sans consistance, | sans adhérence réciproque ; en un mot, toutes ” y ‘ TRE RTE TI (RE : ! VS TS LIRE MU L | et r8o HISTOIRE NATURELLE sont inutiles pour voler ou pouf diriger le : vol. Aussi l’'autruche est attachée à la terre” comme par une double chaîne, son excessive pesanteur et la conformation de ses ailes; et elle est condamnée à en parcourir laborieu- sement la surface, comme les quadrupèdes, … sans pouvoir jamais s'élever dans l’air. Aussi: a-t-elle, soit au dedans, soit au dehors, beau- coup de traits de ressemblance avec ces ani-. maux : comme eux, elle a sur la plus grande partie du corps, du poil plutôt que des: plumes; sa tète et ses flancs n’ont même que : peu ou point de poil, non plus que ses cuisses, … qui sont très-grosses, très-musculeuses, et où : réside sa principale force; ses grands pieds nerveux et charnus, qui n’ontque deux doigts, - ont beaucoup de rapport avec les pieds du- chameau, qui, lui-même, est un animal sin- gulier entre les quadrupèdes par la forme de : ses pieds; ses ailes, armées de deux piquans semblables à ceux du porc-épic, sont moins des ailes que des espèces de bras, qui lui ont été donnés pour se défendre; l’orifice des oreilles est à découvert, et seulement garni de poil dans la partie intérieure où est le ca- nalauditif; sa paupière supérieure est mobile POP LAUTRUOHE:, zxôr comme dans presque tous les quadrupèdes, et bordée de longs cils commre dans l’homme et l'éléphant ; la forme totale de ses yeux a plus de rapport avec les yeux humains qu’avec ceux des oiseaux, et ils sont disposés de ma: nière qu'ils peuvent voir tous deux à la fois le même objet; enfin les espaces calleux et dénués de plumes et de poils, qu’ellea, comme le chameau , au bas dus/ernumn et à l'endroit des os pubis, en déposant de sa grande pesan: teur, la mettent de niveau avec Les bêtes de somme les plus terrestres, les plus lourdes . par elles-mêmes, et qu'on a coutume de sur: charger des plus rudes fardeaux. Thévenot étoit si frappé de la ressemblänce de l’au- truche avec le chameau dromadaire *, qu’il a cru lui avoir vu une bosse sur le dos: mais quoiqu’elle ait le dos arqué, on n’y trouve rien de pareil à cette éminence charnue des chameaux et des dromadaires. | * Il faut que les rapports de ressemblance qi’a V’autruche avec le chameau soient en effet bien frap: pans , puisque les Grecs modernes, les Turcs, les Persans, l'ont nommée, chacun dans leur langue; oiseau-chameau : son ancien nom grec, s{routhoss est la racine de tous les noms, sans exception ; du’élle a dans les différentes langues de l'Europes Oiseaux, TI. | 16 | “ 18 HISTOIRE NATURELLE. h Si de l’examen de la forme éatért 20e nous passons à celui de la conformation in- terne, nous trouverons à l’'autruche de nou- velles dissemblances avec les oiseaux, et de nouveaux rapports avec les quadrupèdes. Une tête fort petite, applatie, et composée d'os très-tendres et très-foibles, mais fortifiée à sou sommet par une plaque de corne, est soutenue dans une situation horizontale sur une colonne osseuse d'environ trois pieds de haut, et composée de dix-sept vertèbres : la situation ordinaire du corps est aussi paral- lèle à l'horizon ; le dos a deux pieds de long et sept vertèbres, auxquelles s’articulent sept paires de côtes, dont deux de fausses et cinq de vraies : ces derniêres sont doubles à leur origine , puis se reunissent en une seule branche. La clavicule est formée d’une troi- sième paire de fausses côtes; les cinq véri- tables vont s'attacher par des appendices car- tilagineuses au s/ernurr, qui ne descend pas jusqu’au bas du ventre, comme dans la plu- part des oiseaux : 1l est aussi beaucoup moins saillant au dehors ; sa forme a du rapport avec celle d’un bouclier, et il a plus de lar- geur que dans l’homme même. De l’ossacrum DE L'AUTRUCHE. 183 nait une espèce de queue composée de sept vertèbres semblables aux sept vertèbres hu— maines : le fémur a un pied de long ; le tibia êt le tarse, un pied et demi chacun ; et chaque doigt est composé de trois phalanges comme dans l’homme, et contre ce qui se voit ordi- nairement dans les doigts des oiseaux, les- quels ont très-rarement un nombre ésal de phalanges. Si nous pénétrons plus à l intérieur, et que nous observions les organes de la digestion, nous verrons d’abord un bec assez médiocre *, capable d’une très- grande ouverture, une langue fort courte et sans aucun vestige de papilles; plus loin s'ouvre un ample pharynx proportionne à l’ouverture du bec, et qui peut admettre un corps de la grosseur du poing : l’æsophage est aussi très-large et très- fort, et aboutit au premier ventricule, qui fait ici trois fonctions; celle de jabot, parce * M. Brisson dit que le bec est unguiculé; Val- lisnier1, LE la pointe en est obtuse et sans crochet. La langue n’est point non plus d’une forme &i d’une grandeur constante dans tous les individus. Voyez Animaux de Perrault, partie " page 125; et Vallsnieri, ubi supra, 4 EUTITULE M! ie 184 HISTOIRE NATURELLE qu’il est le premier ; celle de ventricule parce qu'il est en partie musculeux, et en partie £ À muui de fibres musculeuses, longitudinales et circulaires; enfin celle du bulbe glandu- leux qui se trouve ordinairement dans la partie inférieure de l’œsophage la plus voisine du gésier, puisqu'il est en effet garni d'un grand nombre de glandes ; et ces glandes sont conglomérées, et non conglobées comme dans la plupart des oiseaux. Ce premier ventricule est situe plus bas que le second, en sorte que l'entrée de celui-ci, que l’on nomme commu. nément /’orifice supérieur; est xéellement l'o- rifice inférieur par sa situation. Ce second. ventricule n'estsouvent distingué du premier que par un léser étranglement, et quelque- fois 1l est séparé lui-même en deux cavités distinctes par un étranglement semblable, mais quine paroît point au dehors ; il est par- semé de glandes et revêtu intérieurement d’une tunique villeuse, presque semblable à la flanelle, sans beaucoup d’adherence, et criblée d’une infinité de petits trous répon- dant aux orifices des glandes : il n’est pas aussi fort que le sont communément les gésiers des oiseaux; mais il est fortihié pax ar. DE L'AUTRUCHE. E0b dehors de muscles très-puissans, dont quel ques uns sont épais de trois pouces : sa forme extérieure approche beaucoup de celle du ventricule de homme. | M. du Verney a prétendu que le canal hé- patique se terminoit dans ce second ventri- cule, comme cela a lieu dans la tanche et plusieurs autres poissons, et même quelque- fois dans l’homme, selon l'observation de Galien ; mais Ramby et Vallisnieri assurent avoir vu constamiment dans plusieurs au— truches l’insertion de ce canal dans le 4z40- denum, deux pouces, un pouce, quelquefois même un demi-pouce seulement au-dessous du pylore; et Vallisnieri indique ce qui au-— roit pu occasionner cette méprise, si c'en est ure, en ajoutant plus bas qu’il avoit vu dans deux autruches une veine aliant du second ventricule au foie, laquelle veine il prit d’abord pour un rameau du canal hépa- tique, mais qu’il reconnut ensuite dans les deux sujets pour un vaisseau sanguin, por- tant du sang au foie et non de la bile au ventricule. Le pylore est plus on moins large dans dif. férens sujets, ordinairement teint en jaune Le Es 16 186 HISTOIRE NATURELLE et imbibé d’un suc amer, ainsi que le fond du second ventricule; ce qui est facile à com— prendre, vu l'insertion du canal hépatique tout au commencement du duodenum, et sa direction de bas en haut. Le pylore dégorge dans le duodenurm, qui est le plus étroit des intestins, et où s’insèrent encore les deux canaux pancréatiques , un ki LUS pied et quelquefois deux et trois pieds au- dessous de l'insertion de l’hépatique , au lieu qu'ils s’insèrent ordinairement dans les oi- seaux tout près du cholédoque. Le duodenum est sans valvules, ainsi que le jejunum; V'iléon en a quelques unes aux ap- proches de sa jonction avec le colon : ces trois intestins srêles font à peu près la moitie de la longueur de tout le tube intestinal; et cette longueur est fort sujette à varier, même dans des sujets d’ésale grandeur, étant de soixante pieds dans les uns , et de vingt-neuf dans les autres. | Les deux cœcum naissent ou du commen- cement du colon , selon les anatomistes de l'académie, ou de la fin de l’ileon, selon le docteur Ramby; chaque cœcum forme une espèce de cône creux, long de deux ou trois DE L’AUTRUCHE. 187 pieds, large d’un pouce à sa base, garni à l’intérieur d’une valvule en forme de lame spirale, faisant environ vingt tours de la base au sommet, comme dans le lièvre, le lapin et dans le renard marin, la raie, la torpille, l'aiguille de mer, etc. Le colon a aussi ses valvules en feuillet : mais au lieu de tourner en spirale comme dans le cœcurn , la lame ou feuillet de chaque valvule forme un croissant qui occupe un peu plus que la demi-circonférence du colon, en sorte que les extrémités des croissans opposés empiètent un peu les unes sur les autres , ét se croisent de toute la quantité dont elles surpassent le demi-cercle; struc- _ ture qui se retrouve dans le colon du singe _ et dans le jejunum de l'homme, et qui se marque au dehors de l'intestin par des can- nelures transversales , parallèles, espacées d’un demi-pouce, et répondant aux feuillets intérieurs : mais ce qu'il y a de remarquable, c'est que ces feuillets ne se trouvent pas dans toute la longueur du colon, ou plutôt c'est que l’autruche a deux colons bien distincts ; l'un plus large et garni de ces feuillets inté- rieurs en ferme de croissans, sur une lon- 188 HISTOIRE NATURELLE aueur d'environ huit pieds ; l’autre plus étroie. et plus long, qua n’a ni feuillets ni valvules,. \ et s'étend jusqu'au rec{um : c'est dans ce se- cond coion que les excrémens commencent à se figurer , selon Vallisnieri. Le rectum est fort large, long d'environ un pied , et muni à son extrémité de fibres char- nues : 1l s'ouvre dans une grande poche ou. vessie composée des mêmes membranes que les intestins, mais plus épaisses, et dans la- quelle on a trouvé quelquefois jusqu'à huit onces d'urine *; car les uretères s’y rendent aussi par une insertion très-oblique, telle. qu’elle a lieu dans la vessie des animaux terrestres; et non seulement ils y charient l'u- rine, mais encore une certaine pate blanche qui accompagne les excrémens de tous les oiseaux. * L’nxine d’autruche enlève les taches d’encre , selon Hermolaus. Ce fait peut n’ètre point vrai: mais Gesner a eu tort de le nier, sur Je fondement unique qu'aucuir oiseau n avoit d'urine ; car tous les olseaux ont des reins, des uretères, st par Consé- quent de l’urine, et ils ne diffèrent des quédipetes sur ce poinl , qu’en ce que chez eux Je rectum s'ouvre dans la vessie. | LL 2 > fé Pa à, + d DEMETALU T RIU CHE: 169 Cette première poche, à qui il ne manque qu'un col pour être une véritable vessie, communique, par un orifice muni d’une es- pèce de sphincter, à une seconde et dernière poche plus petite, quisert de passage à l'urine et aux excrémens solides, et qui est presque remplie par une sorte de noyau cartilagi- neux, adhérent par sa base à la jonction des os pubis, et refendu par le milieu à la ma- nière des abricots. | Les excrémens solides ressemblent beau- coup à ceux des brebis et des chèvres; ils sont divisés en petites masses, dont le vo- iume n'a aucun rapport avec la capacité des intestins où ils se sont formés : dans les in- testins srêles, ils se présentent sous la forme d’une bouillie , tantôt verte, et tantôt noire, selon la quantité des alimens, qui prennent. de la consistance en approchant des gros in- testins, mais qui ne se figurent, comme je l'ai déja dit, que dans le second colon. On trouve quelquefois aux environs de l'anus , de petits sacs à peu près pareils à ceux que les lions et les tigres ont au même en- droit. Le mésentère est transparent dans toute ARE LE A Es, ” . Do à 14 1909 HISTOIRE NATURELLE son étendue, et large d’un pied en de certains endroits. Vallisnieri prétend y avoir vu des vestiges non obscurs de vaisseaux lympha- tiques ; Ramby dit aussi que les vaisseaux du mésentère sont fort apparens, et il ajoute que les glandes en sont à peine visibles : mais il faut avouer qu’elles ont été absolument - invisibles pour la plupart des autres obser- vateurs. Le foie est divisé en deux grands 1h comme dans l’homme; mais il est situé plus au milieu de la région des hypocondres, et n’a point de vésicule du fiel : la rate est con- tiguë au premier estomac, et pèse au moins | deux onces. Les reins sont fort grands, rarement ue coupés en plusieurs lobes, comme dans les oiseaux, inais le plus souvent en forme de guitare, avec un bassin assez ample. Les ureteres nesont point non plus, comme dans la plupart des autres oiseaux, couches sur les reins, mais renfermés dans leur subs- tance. L'épiploon est très-petit, et ne recouvre qu’en partie le ventricule; mais à la place de l’épiploon, on trouve: quelquefois sur les DÉLAUTRUCIE. |: rés intestins et sur tout le ventre une couche de graisse ou de suif, renfermée entre les apo— nevroses des muscles du bas ventre, épaisse depuis deux doigts jusqu’à six pouces; et c’est de cette graisse mêlée avec le sang que se forme la z7antèque, comme nous le verrons plus bas : cette graisse étoit fort estimée et fort chère chez les Romains, qui, selon le témoignage de Pline, la croyoient plus effi- cace que celle de l’oie contre les douleurs de rhumatisme, les tumeurs froides, la pa- ralysie; et encore aujourd’hui les Arabes l’emploient aux mêmes usages. Vallisnieri est peut-être le seul qui, ayant apparem- ment dissequé des autruches fort maigres, doute de l'existence de cette graisse, d'autant plus qu’en Italie la maigreur de l’autruche a passé en proverbe, 72ag70 Come uno s{Tuz20. Jl ajoute que les deux qu’il a observées pa- roissoient, étant disséquées, des squelettes décharnes ; ce qui doit être vrai de toutes les autruches qui n'ont point de graisse, ou même à qui on l’a enlevée, attendu qu’elles n’ont point de chair sur la poitrine ni sur le ventre, les muscles du bas ventre ne com- mençant à devenir charnus quesur lesflancs. 52 HISTOIRE ao Mo Ru Si des organes de la digestion je passe à ceux de la génération, je trouve de nouveaux 1 rapports avec l’organisation des quadrupèdes : ‘le plus grand nombre des oiseaux n’a point de verge apparente; l’autruche en a une assez considérable , composée de deux ligamens blancs , solides et nerveux , ayant quatre lignes de diamètre, revêtus d'une membrane épaisse , et qui ne s'unissent qu à deux doigts près de l'extrémité. Dans quelques sujets, on a apperçu de plus dans cette partie une substance rouge, spongieuse, garnie d'une multitude de vaisseaux; en un mGt, fort ap- prochant des corps cayerneux qu'on observe dans la verge des animaux terrestres: le tout est renfermé dans une membrane commune; de mème substance que les ligamens, quoi- que cependant moins épaisse et moins dure. Cette verge n'a ni gland, ni prépuce, ni même de cavité qui pût donner issue à la matière séminale, selon MM. les anatomistes de l’académie ; mais G. Warren prétend avoir disséqué une autruche dont la verge, longue | de cinq pouces et demi, étoit creusée longitu: dinalement, dans sa partie supérieure, d’une espèce de sillon ou gouttiére, qui lui parut AA 14 e \ 4. \ MCE AIU UE RUOME : 193 être le conduit de la semence. Soit que cette gouttière fût formée par la jonction des deux ligamens ; soit que G. Warren se soit mepris en prenant pour la verge ce noyau cartilagi- neux de la seconde poche du rectum, qui est en effet fendu, comme je l’ai remarqué plus haut; soit que la structure et la forme de cette partie soit sujette à varier en différens sujets , il paroît que cette verge est adhérente par sa base à ce noyau cartilagineux, d’où se repliant en dessous , elle passe par la petite poche, et sort par son orifice externe, qui est l'anus, et qui, étant borde d'un replimembra- neux , forme à cette partie un faux prépuce, que Le docteur Browne a pris sans doute pour un prépuce véritable, car il est le seul qui en donne un à l’autruche. Il y a quatre muscles qui appartiennent à l'anus et à la verge; et de là résulte entre ces parties une correspondance de mouve- ment, en vertu de laquelle, lorsque l’animal fieñte , la verge sort de plusieurs pouces *. * Warren a appris ce fait de ceux qui étoient chargés du soin de plusieurs autruches en Angle- ierres 17 x94 HISTOIRE NATURELLE Les testicules sont de différentes grosseurs eu différens sujets, et varient à cetégard dans la proportion de 48 à 1, sans doute selon l’âge, la saison, le genre de maladie qui a précédé la mort, etc. Ils varient aussi pour la configuration extérieure, mais la structure interne est toujours la même : leur place est sur les reins, un peu plus à gauche qu’à droite; G. Warren croit avoir apperçu des vésicules séminales. Les femelles ont aussi des testicules; car je pense qu'on doit nommer ainsi ces corps glanduleux , de quatre lignes de diamètre sur dix-huit de longueur, que l’on trouve dans les femelles au-dessus de l'ovaire, adhérens à l’aorte et à la veine-cave, et qu’on ne peut avoir pris pour des glandes surrénales que par la prévention résultante de quelque sys- tème adopté précédemment. Les canepetières femelles ont aussi des testicules semblables à ceux des mâles; et il y a lieu de croire que les outardes femelles en ont pareillement, et que si MM. les anatomistes de l'académie, dans leurs nombreuses dissections, ont cru n'avoir jamais rencontré que des mâles, c’est qu'ils ne vouloient point reconnoiître comme \ 4 AT 1% + DE L'AUTRUCHE:, rob femelle, un animal à qui ils voyoient des testicules. Or tout le moude sait que l’ou- tarde est parmi les oiseaux d'Europe, celut qui a le plus de rapport avec l’autruche, et que la canepetière n’est qu'une petite outarde; en sorte que tout ce que j'ai dit dans le traité de la génération sur les testicules des femelles des quadrupèdes, s'applique ici de soi-même à toute cette classe d'oiseaux, et trouvera peut-être dans la suite des applications en- core plus étendues. Au-dessous de ces deux corps Slndulene est placél’ovaire, adhérent aussi aux gros vais- seaux sanguins; on le trouve ordinairement garni d'œufs de différentes grosseurs, renfer- més dans leur calice comme un petit gland l'est dans le sien, et attachés à l'ovaire par leurs pédicules : M. Perrault en a vu qui étoient gros comme des pois, d’autres comme des noix, un seul comme les deux poings. Cet ovaire est unique, comme dans pres- que tous les oiseaux, et c’est, pour le dire en passant, un préjugé de plus contre l'idée de ceux qui veulent que les deux corps glanduleux qui se trouvent dans toutes les femelles des quadrupèdes, représentent ceë * " P : Le RE TR OR ONE 41 ANAL 1 N& NES Û jus Ne he NN AE 196 HISTOIRE NATURELLE ovaire, qui est une partie simple *, au lien A: d’avouer qu’ils représentent en effet les testi= cules , qui sont au nombre des parties doubles dans les mâles des oiseaux comme dans les quadrupèdes. L’éentonnoir de l’oviductus s'ouvre au-des-. sous de l'ovaire, et jette à droite et à gauche deux appendices membraneuses , Nu forme d’ailerons, lesquelles ont du rapport à à celles qui se trouvent à l'extrémité de la trompe dans les animaux terrestres. Les œufs qui se détachent de l’ovaire, sont reçus dans cet entonnoir, et conduits le long de l'oviductus dans la dernière poche intestinale, où ce ca- * Le bécharu est le seul oiseau dans lequel MM. les anatomistes de l’académie aient cru trou- ver deux ovaires ; mais ces prétendus ovaires éioienf, selon eux, deux corps glanduleux d’uve substance dure et solide, dont l’un (c'est le gauche) se divisoit en plusieurs grains de grosseurs inégales. Mais sans m'arréter à la différente structure de ces deux corps, eten tirer des conséquences contre l'identité de leurs fonctions, je remarquerai seulement que c'est une ati unique et dont on ne doit rien conclure jusqu’à ce qu’elle ait &ié confirmée. D'ailleurs jap percois dans ceite observaiion même une tendancerà l'unité, puisque loviducius , qui est certainement une dé épendance de Povaire, ÉLoIt unique. L DEAD TI UD UTMES 104: nal débouche par un orifice de quatre lignes de diamètre, mais qui paroit capable d’une dilatation proportionnée au volume des œufs, étant plissé ou ridé dans toute sa circonfe- rence ; l’intérieur de l’oviductus étoit aussi ridé, ou plutôt feuilleté, comme le troisième et le quatrième ventricule des ruminans. Enfin la seconde et dernière poche intesti- nale dont je viens de parler, a aussi dans la femelle son noyau cartilagineux, comme dans le mâle; et ce noyau, qui sort quelque fois de plus d’un demi-pouce hors de l'anus, a une petite appendice de la longueur de trois lignes , mince et recourbée, que MAN. les anatomistes de l'académie regardent comme un clitoris, avec d'autant plus de fondement, que les deux mêmes muscles qui s’insèrent à la base de la verge dans les mâles, s’insèrent à la base de cetteappendice dans les femelles. Je ne m’arrèterai point à décrire en détail les organes de la respiration, vu qu'ils res- semblent presque entièrement à ce qu’on voit dans tous les oiseaux, étant composés de deux poumons de substance spongieuse, et de dix cellules à air, cinq de chaque côté, dont la quatrième est plus petite ici comine VS 198 HISTOIRE NATURELLE Lu tous les autres. oiseaux pesans : ces cel- lules reçoivent l'air des poumons, avec less quels elles ont des communications fort sen- sibles ; mais il faut qu’elles en aient aussi. de moins apparentes avec d'autres parties, puisque Vallisnieri , en soufflant dans la trachée-artère, a vu un gonflement le long des cuisses et sous les ailes; ce qui suppose une conformation semblable à celle du pé- lican, dans lequel M. Mery a apperçu, sous l’aisselle et entre la cuisse et le ventre, des poches membraneuses qui se remplissoient d’air au temps de l'expiration, ou lorsqu'on souffloit avec force dans la trachee-artère, et qui en fournissoient apparemment au tissu cellulaire. Le docteur Browne dit positivement que. l’autruche n’a point d’épiglotte : M. Perrault le suppose, puisqu'il attribue à un certain muscle la fonction de fermer la glotte en rap- prochant les cartilages du larynx. G. Warren prétend avoir vu une épiglotte dans le sujet qu'il a disséqué; et Vallisnieri concilie toutes ces contrarietés, en disant qu'en effet il n’y a pas précisément une épiglotte, mais que la partie postérieure äe la langue en tient BE" L'AUTREUICEHE. 19% lieu, en Dentann sur la vor dans la déglutition. PT Il ya aussi diversité d'avis sur le nombre _ et la forme des anneaux cartilagineux du larynx : Vallisnieri n’en compte que deux cent dix-huit, et soutient avec M. Perrault qu’ils sont tous entiers Warren en a trouvé deux cent vingt-six entiers, sans compter les premiers qui ne le sont point, non plus que ceux qui sont immediatement au- dessous de la bifurcation de la trachée. Tout cela peut être vrai, attendu les grandes variétés auxquelles est sujette la structure des parties internes ; mais tout cela prouve en même “temps combien il est téméraire de vouloir décrire une espèce entière d’après un petit nombre d'individus, et combien il est dan— gereux par cette méthode de prendre ou de donner des variétés individuelles pour des caractères constans. M. Perrault a observé que chacune des deux branches de la trachée- artère se divise, en entrant dans le poumon, en plusieurs rameaux membraneux, comme dans l'éléphant. - Le cerveau, avec le nes forme une masse d'environ deux pouces et demi de long so HISTOIRE. NATURELLE sur vingt lignes de large. Vallisnieri assure que celui qu'il à examiné ne pesoit qu’une. once; ce qui ne feroit pas la douze-centièmé partie du poids de l’animal : il ajoute que . la structure en étoit semblable à celle du. cerveau des oiseaux , et telle précisement qu’elle est décrite par Willis. Je remarquerai néanmoins avec MM. les anatomistes de l’aca- démie, que les dix paires de nerfs prenneut leur origine et sortent hors du crâne de la même manière que dans les animaux ter- restres; que la partie corticale et la partie moelleuse du cervelet sont disposées comme dans ces mêmes animaux ; quon y trouve quelquefois Les deux apophyses vermiforines qui se voient dans l’homme, et un ventricule, de la forme d’une plume à écrire, commedans . la plupart des quadrupèdes. Je ne dirai ss mot sur les organes de. la circulation : c’est que le cœur est presque rond, au lieu que les oiseaux l'ont ordinai- rement plus alongé. d'est ÿ À l’écard des sens externes, j'ai déja perd \é de la langue, de l’oreille et de la forme exté- : rieure de l'œil; j’ajouterai seulement 1ci que sa structure interne est celle qu'on observe. BBD AUTRUOCHE.':, cor ordinairement dans les oiseaux. M. Ramby prétend que le globe tire de son orbite prend de lui-même une forme presque triangulaire; il a aussi trouvé l'humeur aqueuse en plus grande quantité, ét l'humeur vitrée en moindre quantité qu'à l'ordinaire. | Les narines sont dans le bec supérieur, non loin de sa base : 1l s'élève du milieu de chacune des deux ouvertures une protubé- rance cartilagineuse revêtue d’une membrane irès-fine, et ces ouvertures communiquent avec le palais par deux conduits qui y abou- tissent dans une fente assez considérable. On se tromperoit si l’on vouloit conclure de la structure un peu compliquée de cet organe, que l'autruche excelle par le sens de l’odorat: les faits les mieux constatés nousapprendront bientôt tout le contraire; et il paroiït en gé- néral que les sensations principales et domi: nantes de cet artimal sont celles de la vue et du sixième sens. “RE Cet exposé succinct de l’organisation inté- rieure de l’autruche est plus que suffisant poar confirmer l’idée que j’ai donnée d’abord de cet animal singulier, qui doit être regardé gomme un être de nature équivoque, etfaisane 23 HISTOIRE NATURELLE la nuance entre le quadrupède et l'oiseau : sa place, dans une méthode où l’on se pro poseroit de représenter le vrai système de la nature, ne seroit ni dans la classe des oi- seaux, ni dans celle des quadrupèdes , mais sur le passage de l’une à l’autre. En effet, quel autre rang assigner à un animal dont le corps, mi-parti d'oiseau et de quadrupède, est porté sur des pieds de quadrupède, et sur- A g.? monté par une tête d'oiseau, dont le mälea une verge et la femelle un clitoris comme les quadrupèdes, et qui néanmoins est ovi- pare, qui a un gésier comme les oiseaux, et en même temps plusieurs estomacs et des in- testins qui, par leur capacité et leur struc- ture, répondent en partie à ceux des rumi- nans, en partie à ceux d'autres quadrupédes ? Dans l’ordre de la fécondité, l’autruche semble encore appartenir de plus près à la classe des quadrupèdes qu’à celle des oiseaux; car elle est très-féconde et produit beaucoup: Aristote dit qu'après l’autruche, l'oiseau qu’il pomme africapilla, est celui qui pond le plus; et 11 ajoute que cet oiseau atricapilla pond vingt œufs et davantage; d’où il suivroit que avt Ho en pond au moins vingt-cinq : / < | eT PULAUTRUCHE | bo d’ailleurs, selon les historiens modernes et les voyageurs les plus iustruits, elle fait plu- siers couvées de douze ou quinze œufs cha- cune. Or, si on la rapportoit à la classe des oiseaux, elle seroit la plus grande, et par conséquent devroit produire le moins, sui- vant l’ordre que suit constamment la nature dans la multiplication des animaux, dont elle paroît avoir fixé la proportion en raison inverse de la grandeur des individus; au lieu qu'étant rapportée à la classe des animaux terrestres, elle se trouve très-petite relati- vemeut aux plus grands, et plus petite que ceux de grandeur médiocre , tels que le co- chon, et sa grande fécondité rentre dans l’ordre naturel et général. | Oppien, qui croyoit mal-à-propos que les chameaux de la Bactriane s’accouploient à rebours et en se tournant le derrière, a cru, par une seconde erreur, qu'un oseau-Cca- meau (car c’est le nom qu'on donnoit dès lors à l’autruche) ne pourroit manquer de s’ac- coupler de la même façon, et il l’a avancé comme un fait certain : mais cela n’est pas plus vrai de l’oiseau-chameau que du cha- imeau lui-même, comme je l'ai dit ailleurs ; 204 HISTOIRE NATURELLE et quoique, selon toute apparence, peu d'ob- servateurs aient été témoins de cet accouple- ment, et qu'aucun n'en ait rendu compte, on est en droit de supposer qu'il se fait à la manière accoutumée, jusqu'à ce qu’il y ait preuve du contraire. Les autruches passent pour être fort las- cives et s’accoupler souvent; et si l’on se rap- pelle ce que j'ai dit ci-dessus des dimensions de la verge du mâle, on conceyra que ces accouplemens ne se passent point en simples compressions, comme dans presque tous les oiseaux , mais qu'il y a une intromission réelle des parties sexuelles du mâle dans celles de la femelle. Thévenot est le seul qui dise qu’elles s’assortissent par paires, et que chaque mâle n’a qu’une femelle, contre l’u- sage des oiseaux pesans. | Le temps de la ponte dépend, du climat qu’elles habitent, et c'est toujours aux envi- rons du solstice d'été; c’est-à-dire, au com— mencement de juillet, dans l'Afrique sep- tentrionale, et sur la fin de décembre, dans l'Afrique méridionale. La température du chi-. mat influe aussi beaucoup sur leur manière de couver : dans la zone torride, elles se con- = DE L'AUTRUCHE, 205 tentent de déposer leurs œufs sur un amas de sable qu elles ont formé grossièrement avec leurs pieds, et où la seule chaleur du soleil les fait éclore; à peine les couvent-elles pendant la nuit; et cela mème n’est pas tou- jours nécessaire, puisqu'on en a vu éclore qui n’avoient point été couvés par la mère, ni même exposés aux rayons du soleil *. Mais, quoique les autruches ne couvent point ou que très-peu leurs œufs, il s’en faut beau- coup qu’elles les abandonnent; au contraire, elles veillent assidument à leur conserva- tion et ne les perdent guère de vue; c’est de là qu’on a pris occasion de dire qu’elles Les couvoient des yeux, à la lettre : et Diodore rapporte une façon de prendre ces animaux, fondée sur leur grand attachement pour leur couvée; c’est de planter en terre, aux envi- rons du nid et à une juste hauteur, des pieux _ armés de pointes bien acérées , dans lesquelles là mère s’enferre d'elle-même lorsqu'elle * Jannequin étantau Sénégal, mit dans sa cassette deux œufs d’autruche bien enveloppés d’étoupes ; quelque temps après, 1l trouva que lun de ces œufs “toit près d'éclore. 18 06 HISTOIRE NATUREL LE revient avec empressement se poser sur seé œufs. PE PIN Quoique le climat de la France soit beau coup moins chaud que celui de la Barbarie, on à vu des autruches pondre à la ména: gerie de Versailles : mais MM. de l’académie ont tenté inutilement de faire éclore ces œufs par une incubation artificielle, soit en em ployant la chaleur du soleil, ou celle d’un feu gradué et ménagé avec art ; ils n’ont ja- mais pu parvenir à découvrir dans les uns ni dans les autres aucune organisation com- mencée, ni même aucune disposition appa— rente à la génération d’un nouvel être : le jaune et le blanc de celui qui avoit été exposé au feu, s’étoient un peu épaissis; celui qui avoit été mis au soleil avoit contracté une très-mauvaise odeur; et aucun ne présentoit : la moindre apparence d’un fœtus ébauche, en sorte que cette incubation philosophique n'eut aucun succès. M. de Réaumur n’exis- toit pas encore. Ces œufs sont très-durs, trés-pesans et très- gros; mais on se les représente quelquefois encore plus gros qu'ils ne sont en effet, en prenant des œufs de crocodile pour des œufs Vol DE L'AUTRUCEHE. 207 d’autruche : on à dit qu’ils étoient comme la tête d’un enfant, qu'ils pouvoient contenir jusqu’à une pinte de liqueur, qu'ils pesoient quinze livres, et qu'une autruche en pondoit Hedmante dans une année; Élien a dit jus qu'à quatre-vingts : mais la plupart de ces faits me paroissent évidemment exagérés ; car, 1°, comment se peut-il faire qu'un œuf dont la coque ne pèse pas plus d’une livre, et qui contient au plus une pinte de liqueur, soit du poids total de quinze livres? Il fau droit pour cela que le blanc et le jaune de cet œuf fût sept fois plus dense que l’eau, trois fois plus/que le marbre, et à peu près autant que l’étain, ce qui est dur à supposer. 2, En admettant avec Willughby que l'autruche pond dans une année cinquante œufs, pesant quinze livres chacun, il s’en- suivroit que le poids total de la ponte seroit de sept cent cinquante livres, ce qui est beaucoup pour un animal qui n en pèse que quatre-vingts. Il me paroit donc qu’il y a une réduction considérable à faire, tant sur le poids des œufs que sur leur nombre; et il est fâcheux qu'on n'ait pas de mémoires assez sûrs poux Le) 4 LAN ARE AL | + PA 208 HISTOIRE NATURELLE déterminer avec justesse la quantité de cette réduction : on pourroit, en attendant, fixer le nombre des œufs, d’après Aristote, à vingt- cinq ou trente; et d’après les modernes qui ont parlé le plus sagement, à trente-six. En admettant deux ou trois couvées, et douze œufs par chaque couvée, on pourroit encore déterminer le poids de chaque œuf à trois où quatre livres, en passant une livre plus où moins pour la coque, et deux ou trois livres pour la pinte de blanc et de jaune qu’elle contient; mais il y a bien loin de cette fixa- tion conjecturale à une observation précise. Beaucoup de gens écrivent; mais il en est peu qui mesurent, qui pèsent, qui compa- rent : de quinze ou seize autruches dont on a fait la dissection en différens pays, iln’y en a qu’une seule qui ait été pesée, et c’est celle dont nous devons la description à Vallisnieri. On ne sait pas mieux le temps qui est néces- saire pour l’incubation des œufs : tout ce qu'on sait, ou plutôt tout-ce qu’on assure, c'est qu'aussitôt que les jeunes autruches sont écloses, elles sont en état de marcher ; et mème de courir et de chercher leur nour- riture; en sorte que dans la zone torride, où DE L'AUTRUCÉHE. 20ÿ elles trouvent le degré de chaleur qui leur convient et la nourriture qui leur est propre, elles sont émancipées en naissant, et sont abandonnées de leur mère, dont les soins leur sont inutiles : mais dans les pays moins chauds, par exemple, au cap de Bonne-Es- pérance, la mère veille à ses petits tant que ses secours leur sont nécessaires, et par-tout les soins sont proportionnés aux besoins. Les jeunes autruches sont d’un gris cendré la première année, et ont des plumes par- tout ; mais ce sont de fausses plumes qui tombent bientôt d’elles-mêmes, pour ne plus revenir sur les parties qui doivent être nues, comme la tête, le haut du cou, les cuisses, les flancs , et le dessous des ailes. Elles sont rem- placées sur le reste du corps par des plumes alternativement blanches et noires, et quel- quefois grises par le mélange de ces deux couleurs fondues ensemble : les plus courtes sont sur la partie inférieure du cou, la seule qui en soit revêtue ; elles deviennent plus longues sur le ventre et sur le dos ; les plus longues de toutes sont à l'extrémité de la queue et des ailes, et ce sont les plus recher- cheées. M. Kiein dit, d’après Albert, que les 18 an, RP AN AD NUR ER pe 210 HISTOIRE NATURELRE plumes du dos sont très-noires dans les mâles, … et brunes dans les femelles. Cependant MM. de l'académie, qui ont disséqué huit autruches, dont cinq mâles et trois femelles, ont trouvé à peu près semblable dans les unes et les autres; mais on n’en a jamais vu qui eussent des plumes rouges, vertes, bleues et jaunes, comme Cardan semble l’avoir cru, par une méprise bien déplacée, dans un ou- vrage sur la subtilité. | Redi a reconnu, par de noir obser- vations , que presque tous les oiseaux étoient sujets àavoir de la vermine dans leurs plumes, et même de plusieurs espèces; et que la plu- part avoient leurs insectes particuliers, qui ne se rencontroient point ailleurs : mais xl n'en a jamais trouvé en aucune saison dans les autruches, quoiqu'il ait fait ses observa- tions sur douze de ces animaux, dont quel- ques uns étoient récemment arrivés de Bar- barie. D'un autre côté, Vallisnieri, qui en a disséqué deux, n’a trouvé dans leur intérieur le plumage ui lombrics, ni vers, ni insectes quelconques: il semble qu'aucun de ces animaux n'ait d’appétit pour la chair de l’autruche, qu'als DE L'AUTRUCHE 2e l'évitent même et la craignent, et que cette chair ait quelque qualité contraire à leur mul- tiplication, à moins qu'on ne veuilleattribuer cet effet, du moins pour l’intérieur , à la force de l'estomac et de tous les organes diges- tifs ; car l’autruche a une grande réputation à cet égard : il y a bien des gens encore qui croient qu’elle digère le fer, comme la volaille commune digère les grains d'orge; quelques auteurs ont mème avance qu'elle digéroit le _ fer rouge : mais ou me dispensera sans doute de réfuter sérieusement cette dernière asser- tion ; ce sera bien assez de déterminer , d’a- près les faits, dans quel sens on peut dire que l’autruche digère Le fer à froid. _. ILest certain que ces animaux vivent priu- cipalement de matières végétales; qu’ils ont le gésier muni de muscles très-forts, comme tous les granivores *, et qu'ils avalent fort * Quoique l’autruche soit ommivore dans le fait, il semble néanmoins qu’on doit la ranger parmi les granivores, puisque, dans ses déserts, elle vit de dattes et autres fruits ou matières végélales, et que dans les ménageries on la nourrit de ces mêmes matières. D'ailleurs Strabon nous dit, Zv. FT, que lorsque les chasseurs veulent l’attirer dans le piége at ‘1 12 HISTOIRE NATURELLE \ souvent du fer *, du cuivre, des pierres, du. # verre, du bois, et tout ce qui se présente A à je ne nierois pas même qu'ils n’avalassent k quelquefois du fer rouge, pourvu que ce füt K en petite quantité, et je ne pense pas avec | cela que ce fût impunément. Il paroît qu'ils | avalent tout ce qu'ils trouvent, jusqu'à ce que leurs grands estomacs soient entièrement . pleins, et que le besoin de les lestér par un volume suilisant de matière est l’une des principales causes de leur voracité. Dans les | sujets disséqués par Warren et par Ramby , les ventricules étoient tellement remplis et distendus, que la première idée qui vint à ces’ deux anatomistes, fut de douter que ces animaux eussent jamais pu digérer une telle surcharge de nourriture. Ramby ajoute que les matières contenues dans ces ventricules, paroissoient n'avoir subi qu'une lésère altéra- tion. Vallisnieri trouva aussi le premier ven- qu'ils lui ont préparé, 1lslui présentent du grain pour appût: * Je dis fort souvent; car Albert assure très“posi- tivement qu'il n’a jamais pu faire avaler du fer plusieurs autruches, quoiqw’elles dévorassent avide- ment des os fort durs et même des pierres. MP NU TRUCME." 213 tricule entièrement plein d'herbes, de fruits, de légumes, de noix, de cordes, de pierres, de verre, de cuivre jaune et rouge, defer, d’étain,. de plomb et de bois; il yen avoit entre autres un morceau, et c’étoit le dernier avalé, puis- qu'il étoit tout au-dessus , lequel ne pesoit pas loin d’une livre. MM. de l’académie as- surent que les ventricules des huit autruches qu'ils ont observées, se sont toujours trouvés remplis de foin, d'herbes, d'orge, de féves, d'os, de monnoies , de cuivre, et de cailloux, dont quelques uns avoient la grosseur d’un œuf. L’autruche entasse doncles matières dans ses estomacs à raison de leur capacité, et. par la nécessité de les remplir; et comme elle digère avec facilité et promptitude , il est aisé de comprendre pourquoi elle est in- satiable. \ Mais quelqu’iusatiable qu’elle soit , on. me demandera toujours, non pas pourquoi elle consomme tant de nourriture , mais pourquoi elle avale des matières qui ne peu- vent point la nourrir, et qui peuvent même lui faire beaucoup de mal : je répondrai que c’est parce qu’elle est privée du sens du goût; et cela est d'autant plus vraisemblable, que ‘ à N Ki ANNE €. + : Xe 214 HISTOIRE NATURELLE sa langue étant bien examinée par d’ habiles # e deuiséee , leur a paru dépourvue detoutes ces papilles sensibles et nerveuses dans les- k quelles on croit, avec assez de fondement , D En que réside la sensation du goût : je croirois | même qu’elle auroit le sens de l’odorat fort » obtus ; car ce sens est celui qui sert le plus « aux animaux pour le discernement de leur nourriture; et l'autruche a si peu dé ce dis- cérnement, qu'elle avale non seulement le . fer , les cailloux , le verre, mais même le. cuivre, qui a une si mauvaise odeur, et que. Vallisnieri en a vu une qui étoit morte pour. avoir dévoré une grande quantité de chaux vive. Les gallinacés et autrés granivores , qui n'ont pas les organes du goût fort sen- sibles , avalent bien de petites pierres qu'ils . prennent apparemment pour de petites grai- nes, lorsqu'elles sont mêlées ensemble; mais si on leur présente pour toute nourriture un nombre connu de ces petites pierres, ils mourront de faim sans en avaler une seule ; à plus forte raison ne toucheroient-ils point à la chaux vive : et l’on peut conclure de là, ce me semble, que l’autruche est un des oï- seaux dont les sens du goût, de l’odorat, et DE L'AUTRUCÉHE DTU mème celui du toucher dans les parties in- ternes de la bouche, sont les plus émoussés et les plus obtus ; en quoi il faut convenir qu'elle s'éloigne beaucoup de la nature des quadrupèdes. Mais enfin que deviennent les substances dures, réfractaires et nuisibles, que l’au- truche avale sans choix, et dans la seule in- tention de se remplir? que deviennent sur- tout le cuivre, le verre, le fer? Sur cela les avis sont partagés, et chacun cite des faits à l'appui de son opinion. M. Perrault ayant trouvé soixante-dix doubles dans l'estomac d'un de ces animaux, remarqua qu'ils étoient la plupart usés et consumés presque aux trois quarts : mais il jugea que c'étoit plutôt par leur frottement mutuel et celui des cailloux, que par l’action d'aucun acide, vu que quel- ques uns de ces doubles qui étoient bossus, se trouvèrent fort usés du côté convexe, qui étoit aussi le plus exposé aux frottemens, et nullement endommagés du côté concave ; d'où il conclut que, dans les oiseaux, la dis- _ solution de la nourriture ne se fait pas seu- lement par des esprits subtils et pénetrans, Mais encore par l'action organique du yen- si | ho | AT ñ ) (4 n ASS | L L , ra sé l Wa W 4 N » À 9 \n A AUS 1] 216 HISTOIRE NATURBLLE tricule qui comprime et bat incessamment | les alimens avec les corps durs que ces mêmes \ animaux ont l'instinct d'avaler; et: il toutes les matières contenues dans cet esto— mac étoient teintes en verd, il conclut en | core que la dissolution du cuivre s’y étoit faite, non par un dissolvant particulier , ni par voie de digestion, mais de là même manière qu’elle se feroit si l’on broyoit ce. métal avec des herbes , ou avec quelque li-. queur acide ou salée. Il ajoute que le cuivre, bien loin de se tourner en nourriture dans l'estomac de l’autruche , y agissoit au con-! traire comme poison, et que toutes celles . qui en avaloient beaucoup mouroient bien- I MERE: re € tôt après. Vallisnieri pense, au contraire, que l’au- truche digère ou dissout les corps durs, prin- cipalement par l’action du dissolvant de l'estomac, sans exclure celle des chocs et frottemens qui peuvent aider à cette action principale. Voici ses preuves : 0 19. Les morceaux de bois, de fer ou dé verre, qui ont séjourné quelque temps dans les ventricules de l’autruche, ne sont point lisses et luisans comme ils devroient l'etre,. DE L'AUTRUCHE. 219 s'ils eussent été usés par le frottement; mais ils sont raboteux, sillonnés, criblés comme ils doivent l'être, en supposant qu'ils aient été rongés par un dissolvant actif. 20, Ce dissolvant réduit les corps les plus durs, de même que les herbes ; les Gi et les os , en molécules impalpables qu’on peut appercevoir au microscope, et même à l’œik nud. | :- 39. IL a trouvé dans un estoinac d’autruche un clou implanté dans l’une de ses parois, et qui traversoit cet estomac , de façon que les parois opposées ne pouvoient s'approcher, ni par conséquent comprimer les matières con- tenues, autant qu’elles le font d'ordinaire : cependant les alimens étoient aussi-bien dis- sous dans ce ventricule que dans un autre qui n'étoit traversé d'aucun clou ; ce qui prouve au moins que la digestion ne se fait pas dans l'autruche uniquement par tritu- ration. | 49, IL a vu un dé à coudre , de cuivre, trouvé dans l'estomac d’un chapon, lequel n’étoit rongé que dans le seul endroit par où il touchoit au gésier, et qui, par conséquent, étoit le moins exposé aux chocs des autres Oiseaux, IL. \ 19 218 HISTOIRE NATURELLE corps durs; preuve que la dissolution dés métaux, dans l'estomac des chapons, se fait plutôt par l’action d’un dissolvant, quel qu’il » soit, que par celle des chocs et des frotte- mens, et cette conséquence s'étend assez na- turellement aux autruches. 5°, Il a vu une pièce de monnoie rongée st profondément, que son poids étoit réduit à trois grains. 6°. Les glandes du premier estomac don- nent, étant pressés, une liqueur visqueuse, jaunâtre, insipide , et qui néanmoins im- prime très-promptement sur le fer une tache obscure. f 79. Enfin l’activité de ces sucs, la force des muscles du gésier , et la couleur noire qui teint les excrémens des autruches qui ont avalé du fer, comme elle teint ceux des per- sonnes qui font usage des martiaux et les . \ . \ , ° 2 , digèrent bien, venant à l'appui des faits pre- cédens , autorisent Vallisnieri à conjecturer, non pas tout-à-fait , que les autruches di- gèrent le fer et s’en nourrissent, comme di- vers insectes ou reptiles se nourrissent de terre et de pierres ; mais que les pierres, les metaux, et sur-tout le fer, dissous par le suc DE: L'AUTRUCEHE. 219 des glandes, servent à temperer, comme absorbans, les fermens trop actifs de l’esto- mac; qu’ils peuvent se mêler à la nourriture, comme élémens utiles, l’assaisonner , aug- menter la force des solides, et d’autant plus que le fer entre, comme on sait, dans la composition des êtres vivans, et que, lors- qu’il est suffisamment atténué par des acides _ convenables, il se volatilise, et acquiert une tendance à végéter, pour ainsi dire, et à prendre des formes analogues à celles des plantes, comme on le voit dans l’arbre de mars*; et c’est en effet le seul sens raison- able dans lequel on puisse dire que l'au- ‘truche digère le fer ; et quand elle auroit l'estomac assez fort pour le digérer véritable- ment, ce n’est que par une erreur bien ridi- cule qu’on auroit pu attribuer à ce gésier, comme on a fait, la qualité d’un remède et * Mémoires de l'académie des sciences, années 1905, r706 et suiv. Vallisnieri, tome I, page 242; et il confirme encore son sentiment par les obscrva- tions de Santorini sur des pièces de monnoie et des 4 F , ° 9° x clous trouvés dans l'estomac d’une autruche qu'il avoit disséquée à Venise, et par les expériences de l’aca- démie del Cimento sur la digestion des oiseaux. 220 . HISTOIRE NATURELLE 1 la vertu d'aider la digestion, puisqu'on ne peut nier qu’il ne soit par lui-même un mor: - ceau tout à fait indigeste : mais telle est la « nature de l'esprit humain; lorsqu'il est une fois frappé de quelque objet rare et singulier, 1l se plait à le rendre plus singulier encore , en lui attribuant des propriétés chimeriques « et souvent absurdes : c’est ainsi qu’on a pré-. tendu que les pierres les plus transparentes » qu’on trouve dans les ventricules de l’au- : truche, avoient aussi la vertu, étant portées au cou, de faire faire de bonnes digestions ; que la tunique intérieure de son gésier avoit celle de ranimer un tempérament affoibli et d’inspirer de l'amour; son foie, celle de gué- xir le mal caduc; son sang, celle de rétablir la vue; la coque de ses œufs réduite en pou- dre, celle de soulager les douleurs de la goutte et de la gravelle, etc. Vallisnieri a eu oc- casion de constater, par ses expériences , | la fausseté de la plupart de ces prétendues vertus ; et ses expériences sont d'autant, plus décisives, qu’il les a faites sur les per- sonnes les plus crédules et les plus préve- nues. L’autruche est un oiseau propre et partt : Ÿ pou P ) y il TA 5 DELA U T LU CHE. 221 culier à l'Afrique, aux iles voisines de ce continent , et à la partie de l’Asie qui confine - à l'Afrique. Ces régions, qui sont le pays na- tal du chameau, du rhinocéros, de l’éléphant et de plusieurs autres grands animaux, de- voient être aussi la patrie de l’autruche, qui est l'éléphant des oiseaux. Elles sont très-fré- quentes dans les montagnes situées au sud- ouest d'Alexandrie, suivant le docteur Po- cocke. Un missionnaire dit qu’on en trouve à Goa, mais beaucoup moins qu'en Arabie. Philostrate prétend même qu'Apollonius en trouva jusqu'au-delà du Gange : mais c’étoit sans doute dans un temps où ce pays étoit moins peuplé qu'aujourd'hui. Les voyageurs modernes n’en ont point apperçu dans ee même pays, sinon celles qu’on y avoit menées . d'ailleurs *, et tous conviennent qu’elles ne s’écartent guère au-delà du 35° degré de lati- * On en nourrit dans les ménageries du roi de Perse, selon Thévenot (tome IT, page 200); ce qui suppose qu’elles ne sont pas communes dans ce payse Sur la route d’Ispahan à Schiras, on amena dans le caravanserai quatre autruches , dit Gemelli Carreri, | tome II, page 238. 19 NAN L k " y ù NA ALERT y 2 HISTOIRE NATURELLE tude , de part et d'autre de la ligne ; et comme l’autruche ne vole point, elle est dans le cas de tous.les quadrupèdes des parties _méridionales de l’ancien continent, c’est-à= dire, qu’elle n’a pu passer dans le nouveau: « aussi n’en a-t-on point trouvé en Amérique; quoiqu’on ait donuné.son nom au touyou, qui lui ressemble en effet, en ce qu’il ne vole point et par quelques autres rapports, maïs | qui est d’une espècé différente, comme.nous * le verrons bientôt dans son histoire. Par la mème raison, on ne l'a jamais rencontrée en Europe, où elle auroit cependant pu trouver un climat convenable à sa nature dans la: Morée , et au midi de l'Espagne et de l'Italie; mais, pour se rendre dans ces contrées , 1l « eût fallu ou franchir les iners qui l’en sépa- roient, ce qui lui étoit impossible, ou faire le tour de ces mers , èét remonter jusqu'au boe degré de latitude pour revenir par le Nord en traversant:des régions très-peuplées , nouvel obstacle doublement insurmontable à la migration d’un animal qui ne se plait. que dans les pays chauds et les déserts. Les autruches habitent en effet, par préférence; les lieux les plus solitaires et Les plus arides, DE L'AUTRUCHE 223, où il ne pleut presque jamais *; et cela con- firme ce que disent les Arabes, qu’elles ne boivent point. Eiles se réunissent dans ces déserts en troupes nombreuses, qui de loin ressemblent à des escadrons de cavalerie, et ont jeté l’alarme dans plus d’une caravane. Leur vie doit être un peu dure dans ces soli- tudes vastes et stériles ; mais elles y trouvent Ja liberté et l'amour : et quel desert, à ce * Tousles voyageurs et les naturalistes sont d’ac- cord sur ce point; G. Warren est le seul qui ait fait un oiseau aquatique de l'autruche, l’animal le plus anti - aquatique qu'il y ait : il convient bien qu'elle ne sait point nager; mais elle a les jambes hautes et le cou long, ce qui lu donne le moyen de marcher dans l’eau et d'y saisir sa proie. D’ail- leurs on a remarqué que sa tête avoit quelque res semblance avec celle de Voie : en faut-il davantage pour prouver que l’autruche est un oiseau de rivière ? Voyez Transact. philos. n° 394. Un autre ayant oui dire qu'on voyoit en Abyssinie des autruches de la grosseur d’un âne , et ayant appris d’ailleurs qu'elles avoient le cou et Îles pieds d’un quadr upède , en a conclu etécrit qu’elles avoient le cou et les pieds d’un âne (Suidas ). 11 n’y a guère de sujet d'histoire vaturelle qui ait fait dire autant d'absurdités que, Pautruche, JM es UR AA € DNA" Lui: 224 HISTOIRE NATURELLE. rix , ne seroit un lieu de délices! C’est poux pri jouir , au sein de la nature, de ces biens : inestimables, qu'elles fuient l’homme: mais l’homme, quisait le profit qu’il en peuttirer, les va chercher dans leurs retraites les plus sauvages ; 1l se nourrit de leurs œufs, de leur. sang, de leur graisse, de leur Chair ; 11 se pare de leurs plumes; il conserve peut-être Vesperance de Les subjuguer tout-à-fait, et de les mettre au nombre de ses esclaves. L’au- truche promet trop d'avantages à l’homme, pour qu’elle puisse être en sûreté dans ses déserts. À | Des peuples entiers ont mérité le nom de struthophages, par l’usage où ils étoient de manger de l'autruche ; et ces peuples étoient voisins des éléphanutophages, qui ne faisoient pas meilleure chère. Apicius prescrit, eë avec grande raison, une sauce un peu Vive pour cette viande; ce qui prouve au moins qu'elle étoit en usage chez les Romains : Mais nous en avons d’autres preuves. L’em- pereur Héliogabale fit un jour servir la cer- velle de six cents autruches dans un seul repas. Cet empereur avoit, comme on sait, a fantaisie de ne manger chaque jour que re | Sn SES “ DE L'AUTRUCEHE,. 225 d'une seule viande, comme faisans, cochons, poulets; et l’autrüche étoit du nombre, mais apprêtée sans doute à la manière d’Apicius. Encore aujourd'hui les habitans de la Libye ; de la Numidie, etc. en nourrissent de privées, dont ils mangent la chair et vendent les plumes ; cependant les chiens n1 les ehats ne voulurent pas même sentir la chair d’une autruche que Vallisnieri avoit disséquée, quoique cette chair fût encore fraiche et ver- meille. À la vérité, l’autruche étoit d'une très-grande maigreur : de plus, elle pouvoit être vieille; et Léon l’Africain, qui en avoit goüté sur les lieux, nous apprend qu'on ne mangeoit guère que les jeunes, ‘et même après les avoir engraissées : le rabbin David _ Kimbi ajoute qu'on préféroit les femelles, et peut-être en eüt-on fait un mets passable en les soumettant à la castration. Cadamosto et quelques autres voyageurs disent avoir goûté des œufs d’autruche, et ne les avoir point trouvés mauvais : de Brue et le Maire assurent que, dans un seul de ces œufs , il y a de quoi nourrir huit hommes ; d’autres, qu’il pèse autant que trente œufs de poule : mais il y a bien loin de là à quinze livres. 226 HISTOIRE NATURELLE On fait, avec la coque de ces œufs, des . espèces de coupes, qui durcissent avec le temps, et CRE REERE en quelque sorte à de : l'ivoire. | Lorsque les Arabes ont tué une asisti ee ) ils lui ouvrent la gorge, font une ligature au-dessous du trou; et la prenant ensuite à | trois ou quatre, ils la secouent et la ressassent, comme on ressasseroit une outre pour la rin- cer; après quoi, la ligature étant défaite, 1} sort par le trou fait à la gorge une quantité considérable de mantèque en consistance d'huile figée; on en tire quelquefois jusqu’à | vingt livres d’une seule autruche. Cette man- tèque n’est autre chose que le sang de l’ani- mal mêlé, non avec sa chair, comme on l’a dit, puisqu'on ne lui en trouvoit point sur le ventre et la poitrine , où en effet il n’y en a jamais , mais avec cette graisse qui, dans les autruches grasses, forme, comme nous avons dit, une couche épaisse de plusieurs pouces sur les intestins. Les habitans du pays pré- tendent que la mantèque est un très-bon manger , mais qu’elle donne le cours de ventre. | Les Éthiopiens écorchent les autruches, et DE L'AUTRUCHE. 229 vendent leurs peaux aux marchands d’'Alexan- drie : le cuir en est très-épais*, et les Arabes s’en faisoient autrefois des espèces de soubre- vestes, qui leur tenoient lieu de cuirasse et de bouclier. Belon a vu une grande quantité de ces peaux toutes emplumées dans les bou- tiques d'Alexandrie ; les longues plumes. blanches de la queue et des ailes ont été re- cherchées dans tous les temps : les anciens les employoient comme ornement et comme distinction militaire, et elles avoient succédé aux plumes de cygne ; car les oiseaux ont toujours été en possession de fournir aux peuples policés , comme aux peuples sau- vages, une partie de leur parure. Aldrovande nous apprend qu'on voit encore à Rome deux statues anciennes , l’une de Minerve et l’autre de Pyrrhus, dont le casque est orné de plumes d’autruche. C’est apparemment de ces mêmes plumes qu’étoit composé le pennache des sol- dats romains, dont parle Polybe, et qui con- _* Schwenckfeld prétend que ce cuir épais est fait pour garantir l’autruche contre la rigueur du froid ; L2 > 1 L , 9 L] .- it que les pays Al n'a pas pris garde qu’elle n’habitoit que les pa) ; chauds. ; 228 HISTOIRE NATURELLE sistoit en trois plumes noires ou rouges d’ens » viron une coudée de haut; c’est précisément … la longueur des grandes plumes d’autruche. En Turquie aujourd'hui , un janissaire qui. s'est signalé par quelques faits d'armes, a le. droit d’en décorer son turban; et la sultane, . dans le sérail, projetant de plus douces vic- toires , les admet dans sa parure avec com- plaisance. Au royaume de Congo, on mêle. ces plumes avec celles du paon pour en faire des enseignes de guerre, et les dames d'An-. gleterre et d'Italie s’en font des espèces d’é- ventails. On sait. assez quelle prodigieuse. consommation il sen fait en Europe pour les chapeaux , les casques , les habillemens de théâtre , les ameublemens, les dais, les cérémonies funèbres, et même pour la pa-! rure des femmes; et il faut avouer qu'elles font un bon effet, soit par leurs couleurs na- turelles ou artificielles , soit par leur mouve- ment doux et ondoyant : mais il est bon. de savoir que les plumes dont on fait le plus de cas , sont celles qui s’arrachent à l’animal vivant , et on les reconnoit en ce que leur tuyau étant pressé dans les doigts, donne un suc sanguinolent,; celles, au contraire, qui DE L'AUTRUCHE. 229: ent été arrachées après la mort, sont sèches, légères, et fort sujettes aux vers. Les autruches , quoiqu’habitantes du dé- sert, ne sont pas aussi sauvages qu'on l’ima- gineroit : tous les voyageurs s'accordent à dire qu’elles s’apprivoisent facilement, sur- ._ tout lorsqu'elles sont jeunes. Les habitans de Dara, ceux de Libye, etc. en nourrissent des “troupeaux , dont ils tirent sans doute ces plumes de première qualité qui ne se pren- nent que sur les autruches vivantes ; elles _s’apprivoisent même sans qu'on y mette de soin , et par la seule habitude de voir des hommes, et d’en recevoir la nourriture et de . bons traitemens. Brue en ayant acheté deux . à Serinpate sur la côte d'Afrique, les trouva tout apprivoisées lorsqu'il arriva au fort Saint-Louis. | On fait plus que de les apprivoiser ; on en a domté quelques unes, au point de les mon- ter comme on monte un cheval : et ce n’est pas une invention moderne ; car le tyran Firmius, qui régnoit en Égypte sur la fin du troisième siècle, se faisoit porter, dit-on, par de grandes autruches. Moore, Anglois, dit avoir vu à Joar en Afrique, un homme 20 230 HISTOIRE NATURELLE voyageant sur une autruche. Vallisnieri parlè | d’un jeune homime qui s'étoit fait voir à Venise monté sûr une autruche, et lui fai- sant faire des espèces de voltes devant le menu peuple. Enfin M. Adanson a vu au comptoir de Podor deux autruches encore jeunes, dont la plus forte couroit plus vite que le meilleur coureur anglois, quoiqu’elle eût deux nègres sur son dos. Tout cela prouve : que ces animaux , sans être absolument fa- rouches, sont néanmoins d’une nature rétive, et que, si on peut les apprivoiser jusqu'à se laisser mener en troupeaux, revenir au ber: cail, et même à souffrir qu'on les monte, il est difficile, et peut-être impossible, de les réduire à obéir à la main du cavalier , à sen tir ses demandes, comprendre ses volontes et sy soumettre. Nous voyons, par la rela- : tion même de M. Adanson , que l’autruche . de Podor ne s’éloigna pas beaucoup , mais ! qu'elle fit plusieurs fois le tour de la bour-, gade, et qu'on ne put l'arrêter qu’en lui bar-. rant le passage. Docile à un certain point par | stupidité, elle paroît intraitable par son na- turel; et il faut bien que cela soit, puisque l'Arabe, qui a domté le cheval et subju guéle ] + DE L’'AUTRUCHE. 237. chameau, n’a pu encore maîtriser entière ment l’autruche: cependant jusque-là on ne pourra tirer parti de sa vitesse et de sa force; car la force d’un domestique indocile sé tourne presque toujours contre son maitre. Au reste, quoique les autruches courent plus vite que le cheval, c’est cependant aveë le cheval qu'on les court et qu’on les prend; mais on voit bien qu'il y faut un peu d’in- dustriei: celle des Arabes consiste à les suivre à vue, sans les trop presser, et sur-tout à les inquieter assez pour les empêcher de prendre de la nourriture, mais point assez pour les déterminer à s'échapper par une fuite prompte ; cela est d'autant plus facile, qu’elles ne vont guère sur une ligne droite, et qu'elles décrivent presque toujours dans leur course un cercle plus ou moins étendu. Les Arabes peuvent donc diriger leur marche sur un cercle concentrique , intérieur, paf conséquent plus étroit, et les suivre toujours à une juste distance , en faisant beaucoup moins de chemin qu’elles. Lorsqu'ils les ont ainsi fatisuées et affamées pendant un ou deux jours , ils prennent leur moment, fon- dent sur elles au grand galop, en les menant 232 HISTOIRE NATURELLE contre le vent autant qu'il est possible, et les tuent à coups de bâton, pour que leur … sang ne gâte point le beau blanc de leurs plumes. On dit que, lorsqu'elles se sentent » forcées et hors d’état d'échapper aux chas- seurs , elles cachent leur tête et croient qu'on ne les voit plus : mais il pourroit se | faire que l’absurdité de cette intention re- tombât sur ceux qui ont voulu s’en rendre les interprètes, et qu’elles n’eussent d'autre but, en cachant leur tête, que de mettre du moins en sûreté la partie qui est en même temps la plus importante et la plus foible. | Les struthophages avoient une autre façon de prendre ces animaux : ils se couvroient d’une peau d’autruche ; passant leur bras dans le cou, ils lui faisoient faire tous les mouvemens que fait ordinairement l’au- truche elle-mème; et, par ce moyen, ils pou. voient aisément les approcher et les sur-. prendre. C’est ainsi que les sauvages d'Amé- rique se déguisent en chevreuils pour prendre les chevreuils. à On s’est encore servi de chiens et de filets pour cette chasse, mais il paroît qu'on la à ÿ DE LAUTRUUCHE .: 233 fait plus communément à cheval ; et cela seul sufit pour expliquer l’antipathie qu'ox a cru remarquer entre le cheval et l’au- truche. | | Lorsque celle-ci court, elle déploie ses ailes et les grandes plumes de sa queue : non pas qu'elle en tire aucun secours pour aller plus vite, comme je l'ai déja dit; mais par un effet très-ordinaire de la correspondance .des muscles, et de la manière qu’un homme qui court , agite ses bras, ou qu'un éléphant qui revient sur le chasseur , drésse et déploie ses grandes oreilles. La preuve sans réplique que ce n’est point pour accélérer son mouve- ment que l’autruche relève ainsi ses ailes , e’est qu’elle les relève lors même qu’elle va contre le vent, quoique, dans ce cas , elles ne puissent être qu'un obstacle. La vitesse d’un animal n’est que l’effet de sa force em- ployée contre sa pesanteur; et comme l’au- truche est en même temps très-pesante eË très-vite à la course , il s’ensuit qu’elle doit avoir beaucoup de force : cependant, malgré sa force , elle conserve les mœurs des gra- nivores; elle n’attaque point les animaux plus foibles ; rarement même se met-elle en de : \ li 234 HISTOIRE NATURELLE défense contre ceux qui l’attaquent; bordée sur tout le corps d’un cuir épais et dur, pour- vue d’un large sernum qui lui tient lieu de cuirasse, munie d’une seconde cuirasse d'in sensibilité , elle s’apperçoit à peine des petites. atteintes du dehors, et elle sait se soustraire aux grands dangers par la rapidité de sa fuite : si quelquefoiselle se défend, c’est avec le bec, avec les piquans de ses aïlesi, et sur tout avec les pieds. Thévenot en a vu une qui, d’un coup de pied, renversa un chien. Belon dit dans son vieux langage, qu'elle pourroit ainsi 7Zer par ferre un homme qui fuiroit, devant elle; mais qu'elle jette, en fuyant , des pierres à ceux qui la poursuivent: j'en doute beaucoup, et d'autant plus, que la vitesse de sa course en avant seroit autant de retranché sur celle des pierres qu'elle lance- roit en arrière , et que ces deux vitesses opr posées élant à peu près égales, puisqu'elles. ont toutes deux pour principe Le mouvement des pieds, elles se détruiroient nécessaire ment. D'ailleurs ce fait avancé par Pline, et répété par beaucoup d’autres, ne me pa- roit point avoir été confirmé par auéun mo- derne digne de foi, et l'on sait que Pline DE L’'AUTRUCHE. 235 avoit beaucoup plus de génie que de critique. Léon l’Africain a dit que l’autruche étoit privée du sens de l’ouïe; cependant nous. avons vu plus haut qu'elle paroissoit avoir tous les organes d’où dépendent les sensations de ce genre; l'ouverture des oreilles est même fort grande, et n’est point ombragée par les plumes : ainsi 1l est probable, ou qu’elle n’est sourde qu’en certaines circonstances, - comme le tetras, c’est-à-dire dans 4a saison _ de l’amour, ou qu'on a imputé quelquefois à surdité ce qui n’étoit que l'effet de la stu- pidité. C’est aussi dans la même saison, selon toute apparence, qu'elle fait entendre sa voix ; elle la fait rarement entendre, car très- peu de personnes en ont parlé. Les écrivains sa- crés comparent son cri à un gémissement , et on prétend même que son nom hébreu, jac- nah, est formé d’ianah, qui signifie Æwrler. Le docteur Browne dit que ce cri ressemble à la voix d'un enfant enroué , et qu’il est plus triste encore : comment donc avec cela ne paroitroit-il pas lugubre et même terrible, selon lexpression de M. Sandys, à des voya- geurs qui ne s’enfoncent qu'avec inquiétude té être animé, sa ten Sea: | _estun pi à craindre e et une rencontre CE | x Sin f à hi k l f "4 ji: 7 . ; ? } À d Beta : Y CS & wi & 1 $ ! / : y % … 3 f T, + 4,36 " ; k , À %: AA ST C É % AU Fun se Hp " F pa A \ " ? NT. OU YOU D ES L'ivreucne de l'Amérique méridio- nale, appelée aussi autruche d'Occident, au- truche de Magellan et de la Guiane, n’est “point une autruche : je crois que le Maire est le premier voyageur qui, trompé par quelques traits de ressemblance avee Lau truche d'Afrique, lui ait appliqué ce nom. Klein, qui a bien vu que l’espèce étoit diffé- rente, s’est conteuté de l'appeler autruche b&- tarde. M. Barrère la nomme tantôt un Zéron, tantôt une grue ferrivore, tantôt un éreu à long cou; d’autres ont cru beaucoup mieux faire en lui appliquant, d’après des rapports, à la vérité mieux saisis, cette dénomination composée , casoar gris à bec d’autruche ; Moehring et M. Brisson lui donnent le nom - latin de Lea, auquel le dernier ajoute le nom américain de /owyou, formé de celui de touyouyou qu'il porte communement dans la Guiane; d’autres sauvages lui ont donne d’autres noms, yardu, yandu, andu et nan Re U ! 4 238 HISTOIRE NATURELLE duguacu, au Bresil; sallian, dans l’île de. Maragnan ; sri, au Chili, etc. Voilà bien des moms pour un oiseau si nouvellement connu : pour moi, j'adopterai volontiers celui de touyou que lui a donné, ou plutôt que lui a conserve M. Brisson, et je préférerai, sans hésiter, ce nom barbare, qui vraisemblable- … ment a quelque rapport à la voix ou au cri de l’oiseau; je le préférerai, dis-je, aux dé- nominations scientifiques, qui trop souvent ne sont propres qu’à donner de fausses idees, et aux noms nouveaux qui n’indiquent au— cun caractère, aucun attribut essentiel de l'être auquel on les applique. M. Brisson paroît croire qu’'Aldrovande a voulu désigner le touyou sous le nom d'avis eme; et il est très-vrai qu'au tome HIT de l'Ornithologie de ce dernier, page 541, il se trouve une planche qui représente le touyou et le casoar, d’après les deux planches de Nierembers, page 218; et qu’au-dessus de la planche d’Aldrovande est écrit en gros carac- tère, 47IS EME, de même que la figure du touyou, dans Nieremberg, porte en tête le nom d’ereu. Mais il est visible que ces deux titres ont été ajoutés par les graveurs DU TOUYOU. 7 1808 eu les imprimeurs, peu instruits de l’inten- tion des auteurs : car Aldrovande ne dit pas un mot du touyou; Nieremberg n’en parle _ que sous les noms d’yardou, de suri et d’au- truche d'Occident: et tous deux, dans leur description, appliquent les noms d’eze et d'erzeu au seul casoar de Java; en sorte que pour prévenir la confusion dés noms, l’ezze d’Aldrovande et l’ézeu de Nierémberg ne doivent plus désormais reparoître dans la liste des dénominations du touyou. Marc- grave dit que les Portugais l’appellent ez7a dans leur langue ; mais les Portugais, qui avoient beaucoup.de relations dans les Indes orientales, connoissoient l’éemeu de Java, et ils ont donné son nom au touyou d'Amé- rique, qui lui ressembloit plus qu’à aucun autre oiseau, de même que nous avons donné le nom d'autruche à ce mème touyou; et il doit demeurer pour constant que le nom d’emeu est propre au casoar des Indes orien- tales, et ne convient ni au touyou ni àaucun autre oiseau d'Amérique. . En détaillant les différens noms du touyou; j'ai indiqué en partie Les différentes contrées où il se trouve : c’est un oiseau propre à. 7 VAR AT AUS 174 NE A TR VOMNTTA Fra 5 À: DU à : »j0 HISTOIRE NATURELLE | l'Amérique méridionale, mais qui n "est pas ésalement répandu dans foutes les provinces : de ce continent. Marcgrave nous aphre qu’il est rare d’en voir aux environs de Fer- M nambouc; il ne l’est pas moins au Pérou et le long des côtes les plus fréquentées : mais il est plus cofnmun dans la Guiane, dans les capitaineries de Sérégippe et de Rio-srande, dans les provinces intérieures du Bresil, au Chili, dans les vastes forêts qui sont au nord de keimbouchure de la Plata, dans les sa- vanes immenses qui s'étendent au sud de cette rivière et dans toute la terre Magellanique, jusqu’au port Desiré, et même jusqu’à la côte. qui borde le détroit de Magellan. Autrefois il y avoit des cantons dans le Paraguai qui en étoieut remplis, sur—tout les campa- s gnes arrosées par l’Uraguai; mais à me ) sure que les hommes s’y sont multipliés, ils en ont tué un s#rand nombre, et le reste s’est éloigné. Le capitaine Wood assure que bien qu’ils abondent sur la côte septentrionale du détroit de Magellan, on n’en voit point du tout sur la côte méridionale : et, quoique … Coréal dise qu’il en a apperçu dans les îles de la mer du Sud, ce détroit paroît être law a Se Do Se 5 > SE ETS A ds. £ . PPT DU TOUYOU. 24T borne du climat qui convient au touyou , comme le cap de Bonne - Espérance est la borne du climat qui convient aux autruches; et ces îles de la mer du Sud, où Coreal dit avoir vu des touyous, seront apparemment quelques unes de celles qui avoisinent les _ côtes orientales de l'Amérique au-delà du détroit. Il paroit de plus, que le touyou, qui _ se plaît, comme l’autruche, sous la zone tor- ride, s’habitue plus facilement à des pays moins chauds, puisque la pointe de l'Amé- rique méridionale, qui est terminée par le détroit de Magellan, s'approche bien plus du pole que Le cap de Bonne-Espérance ou qu’au- cun autre climat habité volontairement par les autruches : mais comme, selon toutes les relations , le touyou n’a pas plus que Jautruche la puissance de voler, qu'il est, comme elle, un oiseau tout-à-fait terrestre, et que l'Amérique méridionale est séparée de l’ancien continent par des mers immenses, il s’ensuit qu'on ne doit pas plus trouver de touyous dans ce continent qu'on ne trouve d’autruches en Amérique, et cela est en effet conforme au témoignage de tous les voya- geurs. 21 ñ } D 342 HISTOIRE NATURELLE 1 Le touyou, sans être tout-à-fait aussi gros % que l’autruche, est le plus gros oiseau du : nouveau monde : les vieux ont jusqu’à six pieds de haut; et Wafer, qui à mesuré law cuisse d’un des plus grands, l’a trouvée pres que égale à celle d’un homme. Il a le long cou, la petite tête et le bec applati de l’'au=t truche *; mais pour tout le reste, il a plus” de rapport avec le casoar : je trouve même. dans l’Æistoire du Bresil par M. l'abbé Pré, vôt, mais point ailleurs, l'indication d’une espèce de corne que cet oiseau a sur le bec, et qui, si elle existoit en effet, seroit un trait de ressemblance de plus avec le casoar. Son corps est de forme ovoïdé, et paroît . presque entièrement rond, lorsqu'il est re: vêtu de toutes ses plumes; ses ailes sont très- courtes et inutiles pour le vol, quoiqu’on prétende qu’elles ne soient pas inutiles peus * On voit dans la figure de Nicrembérgs pag 218, uneespèce de calotte sur le sommet de la tête, qui à du rapport à la plaque dure et calleuse que l’autruche a au même endroit, selon le docteur! Browne (voyez l'histoire de l'autrucbe ) ; mais 1l n'est question de cette calotte m1 dans la description. de Nieremberg, ni dans aucune autre. S£- dE DT LS hi NON PIONOUMONUS': FI 223 la course : il a sur le dos et aux environs du croupion, de longues plumes qui lui tombent en arrière et recouvrent l'anus; il n’a point d'autre queue : tout ce plumage est gris sux le dos et blanc sur le ventre. C'est un oiseau très-haut monté, ayant trois doigts à chaque pied , et tous trois en avant ; car on ne doit pas regarder comme un doigt ce tubercule calleux et arrondi qu'il a en arrière, et sur lequel le pied se repose comme sur une es— pêce de talon : on attribue à cette confor- _ mation la difficulté qu’il a de se tenir sur un terrain glissant, et d y marcher sans tomber; en récompense, il court très-légèrement en pleine campagne, élevant tantôt une aile, tantôt une autre, mais avec des intentions qui ne sont pas encore bien éclaireies. Marc- grave prétend que c’est afin de s’en servir comme d'une voile pour prendre le vent; Nieremberg, que c'est pour rendre le vent contraire aux chiens qui le poursuivent ; Pison et Klein, pour changer souvent la direction de sa course, afin d’éviter par ses zigzags les flèches des sauvages ; d’autres enfin , qu'il cherche à s’exciter à courir plus vite, en se piquant lui-même avec une 44 HISTOIRE NATURELLE CAL espèce d’ aiguillon dont ses ailes sont armées. Mais, quoi qu’il en soit des intentions des à touyous, il est certain qu’ils courent avec ë une très-grande vitesse, et qu'il est difficile à aucun chien de chasse de pouvoir les at- : teindre : on en cite un qui, se voyant COupE, | s’élança avec une telle rapidité qu'il en im- posa aux chiens, et s’échappa vers les mon- tagues. Dans l’impossibilité de les forcer, les sauvages sont réduits à user d'adresse. et à leur tendre des piéges pour les prendre. Marcgrave dit qu'ils vivent de chair et de fruits; mais si on les eût mieux observés, on eût reconnu sans doute pour laquelle de ces deux sortes de nourriture ils ont un appétit de préférence. Au défaut des faits, on peut conjecturer que ces oiseaux ayant le même instinct que celui des autruches et des fru- givores, qui est d'avaler des pierres, du fer et autres corps durs, ils sont aussi frugivores, et que s’ils mangent quelquefois de la chair, c’est, ou parce qu'ils sont pressés par la faim, ou qu'ayant les sens du goût et de l’odorat obtus comme l’autruche, ils avalent indis= tinctement tout ce qui se présente. Nieremberg conte des choses fort étranges DU TOUYOU. 245 au sujet de leur propagation : selon lui, c’est le mâle qui se charge de couver les œufs; pour cela, il fait en sorte de rassembler vingt ou trente femelles , afin qu’elles pondent dans un même nid; dès qu’elles ont pondu, il les chasse à grands coups de bec, et vient se poser sur leurs œufs, avec la singulière précaution d'en laisser deux à l'écart qu'il ne couve point ; lorsque les autres commencent à éclore, ces deux-là se trouvent gâtés, et le mâle prévoyant ne manque pas d’en casser l'un, qui attire une multitude de mouches, _ de scarabées et d’autres insectes dont les pe- tits se nourrissent : lorsque le premier est consomme , le couveur entame le second et s’en sert au même usage. Îl est certain que tout cela a pu arriver naturellement; il a pu se faire que des œufs inféconds se soient cassés par accident, qu'ils aient attiré des insectes , lesquels aient servi de päture aux jeunes touyous : il n'ya que l'intention du père qui soit suspecte ici; car ce sont tou-— jours ces intentions qu'on prête assez légère- ment aux bêtes, qui font le roman de l’his- toire naturelle. À l'égard de ce mâle qui se charge, dit-on, Lo 21 :46 HISTOIRE NATURELLE de couver à l'exclusion des femellés , je se. vois fort porté à douter du fait, et comme _péu avéré, et comme contraire à l’ordre de la nature. Mais ce n’est pas assez d'indiquer « une erreur; il faut, autant qu'on peut, en. découvrir les causes, qui remontent quel-. quefois jusqu’à la vérité : je. croirois done volontiers que celle-ci est fondée sur ce qu’on aura trouvé à quelques couveuses des testicules, et peut-être une apparence de. verge comme on en voit à l’autruche femelle, | et ca on se sera cru en droit d'en conclure | que c'étoit autant de mâles. | | Wafer dit avoir apperçu dans une terre dé serte, au nord dela Plata, vers le 34me degré » de latitude méridionale, une quantité d'œufs | de touyou dans le sable, où, selon lui, ces ï oiseaux les laissent couver. Si ce faitiest vrai, les détails que donne Nieremberg sur l’incu- bation de ces mêmes œufs, ne peuvent l'être que dans un climat moins chaud et plus vois, sin du pole. En effet, les Hollandois trou vèrent aux environs du port Desiré, qui est” au 47me degré de latitude , un touyou qui couvoit, et qu'ils firent envoler; ils comp- térent dix-neuf œufs dans le nid. C’est ainse. \ ‘DU TOUYOU. 247 que les autruches ne couvent point ou pres- que point leurs œufs sous la zon: torride, et qu’elles les couvent au cap de Bonne-Espé- rance, où la chaleur du climat ne seroit pas sufhsante pour les faire éclore. Lorsque les jeunes touyous viennent de naître, ils sont familiers et suivent la pre- mière personne qu’ils renconirent; mais en vieillissant ils acquièrent de l'expérience et deviennent sauvages. Îl paroït qu'en général leur chair est un assez bon manger, non ce- pendant celle des vieux, qui est dure et de mauvais goût. On pourroit perfectionner cette viande en élevant des troupeaux de jeunes touyous, ce qui seroit facile, vu les grandes dispositions qu'ils ont à s’apprivoi- ser, les engraissant et employant tous les moyens qui nous ont réussi à l'égard des dindons, qui. viennent également des cli- mats: chauds eb tempérés du continent de F Amérique. Leurs plumes ne sont pas, à beaucoup près, aussi belles que celles de l’autruche : Coréal dit même qu’elles ne peuvent servir à rien. IL seroit à desirer qu'au lieu de nous parler de leur peu de valeur, les voyageurs nous L | 48 HISTOIRE NATURELLE. eussent donné une idée juste de leur struc= \ 1 ture : on a trop écrit de l’autruche, et pas Li assez du touyou. Pour faire l’histoire de l& ” première, la plus grande difficulté a été de rassembler tous les faits, de comparer tous ; les exposés, de discuter toutes les opinions, de saisir la vérite égarée dans le labyrinthe . des avis divers, ou noyée dans l'abondance | des paroles : mais pour parler du touyou, . nous avons été souvent obligés de deviner ce qui est, d’après ce qui doit être; de com- menter un mot échappé par hasard, d’inter- … préter jusqu’au silence; au défaut du vrai, . de nous contenter du vraisemblable; er un mot, de nous résoudre à douter de La plus grande partie des'faits principaux, et à igno- rer presque tout le reste, jusqu'à ce que tes observations futures nous mettent en état de remplir les lacunes que, faute de mémoires suffisans, nous laissons aujourd’hui mn son histoire. NES >” \ PE ÉASOARS Lzs Hollandois sont les premiers qui ont fait voir cet oiseau à l’Europe; ils le rap- portèrent de l’ile de Java en 1597, à leur re tour du premier voyage qu’ils avoient fait aux Indes orientales : les habitaus du pays l'appellent er2e, dont nous avons fait éeu. Ceux qui l’ont apporté lui ont aussi donné le nom de cassoware, que nous prononçons casoar, et que j'ai adopté, parce qu'il n'a jamais été appliqué à aucun autre oiseau; au lieu que celui d’ézzeu a été applique, quoique mal-à-propos, au touyou, comme nous l’avons vu ci-dessus dans l’histoire de cet oiseau. : Le casear, sans être. aussi srand ni même aussi gros que l’autruche, paroît plus massif aux yeux, parce qu'avec un corps d’un vo Jlume presque égal, il a le cou et les pieds * En Europe, cosoar ou cosowar. 25e HISTOIRE NATURELLE moins longs et beaucoup plus gros à propor= . tion, et la partie du corps plus renflée, ce. qui lui donne un air plus lourd. & Celui qui a été décrit par MM. de 1 ed À mie des sciences, avoit cinq pieds et demi, } du bout du bec au bout des ongles : celui que Clusius a observé étoit d’un quart plus petit. M Houtman lui donne une grosseur double de 4 celle du cygne, et d’autres Hoilandois celle M d’un mouton. Cette variete de mesures , loux & de nuire à la vérité, est au contraire la seule « chose qui puisse nous donner une connois- sance approchée de la véritable grandeur du « casoar ; car la taille d’un seul individu n’est » point la grandeur de l’espèce , et l’on ne peut » se former une idée juste de celle-ci qu’en law considérant comme une quantité variable entre certaines limites: d’où il suit qu’un na turaliste qui auroit comparé avec une bonne critique toutes les dimensions et les des-… criptions des observateurs , auroit des notions « plus exactes et plus sûres de l'espèce que chacun de ces observateurs qui n’auroit con. nu que l'individu qu’il aura mesuré et dé, cril. Le trait le plus sea ras dans La figure — a DE 5 < ra En È SLT UE A es DEUTC AS OA KR 25€ lu casoar , est cette espèce de casque conique 4 noir par devant, jaune dans tout le reste , qui s’elève sur le front, depuis la base du/bec jusqu’au milieu du sommet de la tète, et quelquefois au-delà : ce casque est formé par le renflement des os du crâne en cet endroit ; et il est recouvert d'une enveloppe dure, composée de plusieurs couches concentriques, et analogues à la substance de la corne de bœuf; sa forme totale est à peu près celle d’un cône tronqué, qui a trois pouces de haut, un pouce de diamètre à sa base, et trois lignes à son sommet. Clusius pensoit que ce casque tomboit tous les ans avec les plumes lorsque l'oiseau étoit en mue : mais MM. de l'académie des sciences ont remar- qué, avec raison, que c'étoit tout au plus Venveloppe extérieure qui pouvoit tomber ainsi, et non le noyau intérieur, qui, comme nous l'avons dit, fait partie des os du crâne; et même ils ajoutent qu’on ne s’est. _ point apperçu de la chûte de cette enveloppe à la ménagerie de Versailles, pendant les quatre annees que le casoar qu'ils décrivoient y avoit passées : néanmoins il peut se faire “é tombe en effet, mais en détail ; et par 252 HISTOIRE NATURELLE une espèce d’exfoliation successive , comme le bec de plusieurs oiseaux , et que cette par= ticularite ait échappé aux gardes. se la ména— gerie. 4 L’iris de l’œil est d’un jaune de topaze, et la cornée singulièrement petite, relative" ñ ment au globe de l'œil, ce qui donnelà l’ani-« mal un regard également farouche et ex=- traordinaire ; la paupière inférieure est la“ plus grande, et celle du dessus est garnie, . dans sa partie moyenne, d'un rang de petits. L poils noirs, lequel s’arrondit au-dessus dem l'œil en manière de sourcil , et forme au il soar une sorte de physionomie que la grande ouverture du bec achève de rendre mena-" cante ; les orifices extérieurs des narines sont. fort près de la pointe du bec supérieur. i Dans le bec, il faut distinguer la char-h pente du tégument qui la recouvre : cette charpente consiste en trois pièces très-solides,\ deux desquelles forment le pourtour, et la troisième l’arêtesupérieure, qui est beaucoup plus relevée que dans l’autruche; toutes les” trois sont recouvertes par une membrane qui remplit les entre-deux. Les mandibules supérieure et inférieure. AD U:CMSONAM": "283 du bec ont leurs bords un peu échancrés vers le bout, et paroissent avoir chacune trois pointes, La tête et le haut du cou n’ont que quel- ques petites plumes, ou plutôt quelques poils noirs et clair-semés, en sorte que dans ces endroits la peau paroît à découvert : elle est de differente couleur, bleue sur les côtés, d'un violet ardoisé sous la sorge, rouge par derrière en plusieurs places, mais princi- palement vers le milieu; et ces places rouges sont un peu plus relevées que le reste, par. des espèces de rides ou de hachures obliques dont le cou est sillonné : mais il faut avouer qu’il y a variété dans la disposition de ces couleurs. : Les trous des oreilles étoient fort grands dans le casoar décrit par MM. de l’académie, fort petits dans celui décrit par Clusius, mais découverts dans tous deux, et environnés, comme les paupières, de petits poils noirs. Vers le milieu de la partie antérieure du cou, à l'endroit où commencent les grandes plumes, naissent deux barbillons rouges et bleus , arrondis par le bout, que Bontius met dans la figure immédiatement au-dessus du Oiseaux, II: 23 254 HISTOIRE NATURELLE bec, comme dans les poules. Frisch en 4. représenté quatre, deux plus longs sur les côtés du cou, et deux en devant, plus petits - et plus courts; le casque paroît aussi plus. large dans sa figure , et approche de la forme. d’un turban. Il y a au Cabinet du roi une tête qui paroîit être celle d’un casoar, et qui porte un tubercule différent du tubercule du casoar ordinaire : c’est au temps et à l’obser= vation à nous apprendre si ces variétés et celles que nous remarquerons dans la suite, sont constantes ou nou ; si quelques unes ne viendroient pas du peu d’exactitude des des- sinateurs, ou si elles ne tiendroient pas à la différence du sexe ou à quelque autre cir> constance. Frisch prétend avoir reconnu dans deux casoars empaillés des varietés qui dis= tinguoient le male de la femelle; mais il ne. dit pas quelles sont ces différences. Hi Le casoar a les ailes encore plus petites que. l'autruche , et tout aussi inutiles pour le vol; elles sont armées de piquans, et même en plus grand nombre que celles de l’au+ truche. Clusius en a trouvé quatre à chaqué aile, MM. de l’académie cinq , et on en compte sept bien distinctes dans la figure de ‘DU CASOAR. 255 Frisch, planche 105. Ce sont comme des iuyaux de’plumes, qui paroissent rouges à leur extrémité, et sont creux dans toute leur longueur ; ils contiennent dans leur cavité une espèce de moelle semblable à celle des plumes naissantes des autres oiseaux : celui du milieu a près d’un pied de longueur, et environ trois lignes de diamètre; c’est le plus long de tous : les latéraux vont en décrois- sant de part et d'autre, comme les doigts de la main, et à peu près dans le même ordre. . Swammerdam s’en servoit en guise de cha- lumeau pour souffler des parties très-déli- _ cates, comme les trachées des insectes, etc. On a dit que ces ailes avoient été données au casoar pour l'aider à aller plus vite; d’autres, quil pouvoit s’en servir pour frapper, comme avec des houssines : mais personne ne dit avoir vu quel usage il en fait réelle ment. Le casoar a encore cela de commun avec l’autruche , qu’il n’a qu’une seule es— pèce de plumes sur tout le corps, aux ailes, autour du croupion, etc. ; mais la plupart de ces plumes sont doubles, chaque tuyau donnant ordinairement naissance à deux tiges plus ou moins longues et souvent 556 HISTOIRE NATURELLE inégales entre elles : elles ne sont pas d'une . Structure uniforme dans toute leur longueur; les tiges sont plates, noires et luisantes, di- « visées par nœuds en dessous, et chaque nœud produit une barbe ou un filet, avec cette dif- … férence que, depuis la racine au milieu de la tige, ces filets sont plus courts, plus souples, plus branchus, et, pour ainsi dire, Al ë # duvetés et d’une couleur de gris tanneé , au « lieu que, depuis le milieu de la même tige. à son extrémité , ils sont plus longs, plus durs et de couleur noire ; et comme ces der- niers recouvrent les autres et sont les seuls. qui paroissent , le casoar , vu de quelque dis- tance , semble être un animal velu , et du x même poil que l'ours ou le sanglier. Les. plumes les plus courtes sont au cou ; les plus. longues autour du croupion , et les moyennes » dans l’espace intermédiaire: eelles du crou-. pion ont jusqu’à quatorze pouces, et retom- bent sur la partie postérieure du corps; elles” tiennent lieu de la queue, qui manque abso- lument. Il y a , comme à l’autruche , un espace calleux et nud sur le s/errum, à l'endroit où. porte le poids du corps lorsque l'oiseau est BU CASOMR. 1" 25 couché, etcette partie est plussaillante et plus relevée dans le casoar que dans l’autruche. Les cuisses et les jambes sont revètues de plumes presque jusqu'auprès du genou; et ces plumes tiroient au gris de cendre dans le sujet observé par Clusius : les pieds, qui sont très-gros et très-nerveux, ont trois doigts , et non pas quatre, comme le dit Bon- tius, tous trois dirigés en avant. Les Hollan- dois racontent que le casoar se sert de ses pieds pour sa défense, ruant et frappant par derrière comme un cheval, selon les uns, et, selon les autres, s’élançant en avant contre celui qui l'attaque, et le renversant avec les pieds , dont il lui frappe rudement la poi- trine. Clusius, qui en a vu un vivant dans les jardins du comte de Solms à la Haye, dit qu'il ne se sert point de son bec pour se défendre, mais qu’il se porte obliquement sur son adversaire et qu’il le frappe en ruant : 1l ajoute que le même comte de Solms lui moutra un arbre gros comme la cuisse, que cet oiseau avoit fort maltraité, et entièrement écorche avec ses pieds et ses ongles. Il est vrai qu’on n’a pas remarqué à la ménagerie de Versailles, que les casoars 22 258 HISTOIRE NATURELLE qu'on y a gardés , fussent si méchans et si forts; mais peut-être étoient-ils plus appri- voisés que celui de Clusius : d’ailleurs ils vi- voient dans l'abondance et dans une plus étroite captivité; toutes circonstances qui adoucissent à la. longue les mœurs des ani- maux qui ne sont pas absolument féroces , enervent leur courage , abätardissent leur naturel, et les rendent méconnoissables au travers des habitudes nouvellement acquises. Les ongles du casoar sont très-durs, noirs au dehors et blancs en dedans. Linnæus dit qu’il frappe avec l’ongle du milieu, qui est le plus grard ; cependant les descriptions et les figures de MM. de l'académie et de M. Bris- son représentent l’ongle du doigt intérieur comme le plus grand, et il l’est en effet. Son ailure est bizarre; il semble qu’il rue du derrière, faisant en mème temps un demi- saut en avant : mais, malgré la mauvaise grace de sa démarche, on prétend qu'il court plus vite que le meilleur coureur. La vitesse est tellement l’attribut des oiseaux, que les plus pesans de cette famille sont. encore plus légers à la course que les plus légers d’entre les animaux terrestres. " DU CASOAR.. 259 Le casoar a la langue dentelée sur Les bords, et si courte, qu'on a dit de lui, comme du coq de bruyère, qu’il n’en avoit point : celle qu'a observée M. Perrault, avoit seulement un pouce de long et huit lignes de large. Il avale tout ce qu’on lui jette, c'est-à-dire, tout corps dont le volume est proportionné à l'ouverture de son bec. Frisch ne voit avec raison dans cette habitude qu’un trait de con- formité avec les gallinacés, qui avalent leurs alimens tout entiers, et sans les briser dans leur bec : mais les Hollandois, qui paroissent avoir voulu rendre plusintéressante l’histoire de cet oiseau, déja si singulier, en y ajoutant _ du merveilleux, n’ont pas manqué de dire, comme on l’a dit de l’autruche, qu’il avaloit non seulement les pierres , le fer, les gla- _.çouns, efc., mais encore des charbons ardens, et sans mème en paroitre incommode, . On dit aussi qu’il rend très-promptement ce qu'il a pris, et quelquefois des pommes de la grosseur du poing, aussi entières qu’il : les avoit avalées : et en effet, le tube intes- tinal est si court, que les alimens doivent passer très-vite; et ceux qui, par leur dureté, sont capables de quelque résistance, 260 HISTOIRE NATURELLE doivent éprouver peu d’altération dans un « si petit trajet, sur-tout lorsque les fonctions « de l’estomac sont dérangées par quelque ma- ladie. On a assuré à Clusius que, dans ce cas , 1l rendoit quelquefois les œufs de poule, dont il étoit fort friand, tels qu’il les avoit pris, c'est-à-dire , bien entiers avec la coque, et que, les avalant une seconde fois, il les digeroit bien. Le fond de la nourriture de ce même casoar, qui étoit celui du comte de “ Solms, c'étoit du pain blanc coupé par gros morceaux, ce qui prouve qu il est frugivore; ou plutôt 1l est omuivore, puisqu'il dévore en effet tout ce qu’on lui présente, et que, » s’il a le jabot et le double estomac des ani-… maux qui vivent de matières végétales , il a, Les courts intestins des animaux carnassiers. | Le tube intestinal de celui qui a été disséqué par MM. de l'académie, avoit quatre pieds … huit pouces de long et deux pouces de dia-n mètre dans toute son étendue; le cœæcum 4 ds, 1 étoit double et n’avoit pas plus d’une ligne de diamèire sur trois, quatre et cinq pouces de longueur : à ce compte, le casoar a les in- testins treize fois plus courts que l’autruche, FI " ou du moins de celles qui les ont le plus longs; DU:CASOAR.:' 26 et, par cette raison, il doit être encore plus vorace, et avoir plus de disposition à man- ger de la chair : c’est ce dont on pourra s’as- surer, lorsqu’au lieu de se contenter d'exa- miner des cadavres, les observateurs s’atta- cheront à étudier la nature vivante. Le casoar a une vésicule du fiel, et son canal , qui se croise avec le canal hépatique, va s’insérer plus haut que celui-ci dans le duodenum et le pancreatique s’insère encore au-dessus du cystique; conformation absolu- ment différente de ce qu'on voit dans l'au- truche. Celle des parties de la génération du mâle s’en éloigne beaucoup moins : la verge a sa racine dans la partie supérieure du rec- éum ; sa forme est celle d'une BAPE trian- gulaire, large de deux pouces à sa base et de deux lignes à son sommet; elle est composée de deux ligamens cartilagineux très-solides , fortement attaches l’un à l’autre en dessus, mais séparés en dessous , et laissant entre eux un demi-canal.qui est revêtu de la peau: les vaisseaux déférens et les uretères n’ont aucune communication apparente avec le ca- nal de la verge; en sorte que cette partie, qui paroît avoir quatre fonctions principales _ 262 HISTOIRE NATURELLE _daus les animaux quadrupèdes, la première Vu Li) ÿ # { d'1 de servir de conduit à l’urine, la seconde de … porter la liqueur séminale du mâle dans la | matrice de la femelle, la troisième de con-— tribuer par sa sensibilité à l'émission de cette … liqueur, la quatrième d’exciter la femelle , par son action , à répandre la sienne, semble être réduite, dans le casoar et l’autruche, aux deux dernières fonctions , qui sont de pro- duire dans les réservoirs de la liqueur sémi- nale du mäle et de la femelle les mouvemens de correspondance nécessaires pour l’émis- sion de cette liqueur. On a rapporté à Clusius que, l’animal étant vivant, on avoit vu quelquefois sa verge sortir par l'anus ; nouveau trait de ressemblance avec l’autruche. Les œufs de la femelle sont d’un gris de cendre tirant au verdâtre, moins gros et plus alongés que ceux de l’autruche , et semés d’une multitude de petits tubercules d’un verd foncé; la coque n'en est pas fort épaisse, selon Clusius, qui en a vu plusieurs; le plus grand de tous ceux qu'il a observés , avoit quinze pouces de tour d'un sens, et un peu plus de douze de l’autre. be. " DU CASOAR. 263 Le casoar a les poumons et les dix cellules à air comme les autres oiseaux, et particu— lièrement comme les oiseaux pesans, cette bourse ou membrane noire propre aux yeux | des oiseaux, et cetie paupière interne qui, comme on sait, est retenue dans le grand angle de l'œil des oiseaux par deux muscles ordinaires, et qui est ramenée par instans sur la cornée par l’action d’une espèce de pouliemusculaire, qui mérite toute la curio- sité des anatomistes. | Le midi de la partie orientale de l’Asie paroît être le vrai climat du casoar ; son do- maine commence, pour ainsi dire, où finit celui de l’autruche, qui n’a jamais beaucoup dépassé le Gange , comme nous l'avons vu dans son histoire, au lieu que celui-ci se trouve dans les îles Moluques, dans celles de Banda, de Java, de Sumatra, et dans les parties correspondantes du continent. Mais il s'en faut bien que cette espèce soit aussi multipliée dans son district que l’autruche Vest dans le sien, puisque nous voyons un roi de Joardam , dans l’île de Java, faire pré- sent d'un casoar à Scellinger, capitaine de vaisseau hollandois, comme d’un oiseau rare : 1,13 0, A HA (A 4 ARS y * J Let: A lou . ’ T *264 HISTOIRE NATURELLE Ja raison en est, ce me semble, que les Indes ” ñ k 4 % 3 w: orientales sont beaucoup plus peuplées que * l'Afrique ; et l’on sait quà mesure que L “ l’homme se multiplie dans une contrée , il « détruit ou fait fuir devant lui les animaux sauvages , qui vont toujours cherchant des asyles plus paisibles, des terres moins habi- ” 4 tées ou occupées par des peuples moins poli- cés, et par conséquent moins destructeurs. IL est remarquable que le casoar , l’au- truche et le touyou , les trois plus gros oi- seaux que l’on connoisse, sont tous trois attachés au climat de la zone torride, qu'ils. semblent s'être partagée entre eux, et où ils se maintiennent chacun dans leur terrain, sans se mêler ni se surmarcher ; tous trois véritablement terrestres, incapables de voler, mais courant d'une très-grande vitesse; tous” trois avalent à peu près tout ce qu'on leur» jette, grains, herbes, chairs, os, pierres ,. cailloux, fer, glaçons, etc.; tous trois ont le cou plus ou moins long, les pieds hauts et. très-forts, moins de doigts que la plupart des: oiseaux , et l’autruche encore moins que les deux autres; tous trois n’ont de plumes que d’une seule sorte, différentes des plumes des RE DU CASOAR. : "268 _ autres oiseaux, et différentes dans chacune de ces trois espèces: tous trois n’en ont point du tout sur la tête et le haut du cou, man- _quent de queue proprement dite, et n’ont que des ailes imparfaites, garnies de quelques tuyaux sans aucune barbe , comme nous avons remarqué que les quadrupèdes des pays chauds avoient moins de poil que ceux des régions du Nord; tous trois, en un mot, paroissent être la production naturelle et propre de la zone torride : mais, waloré tant de rapports, ces trois espèces sont différen- ciées par des caractères trop frappans, pour qu'on puisse les confondre. L’autruche se dis- tingue du casoar et du touyou par sa gran- . -deur , par ses pieds de chameau et par la nature de ses plumes; elle diffère du casoar en particulier par la nudité de ses cuisses et de ses flancs, par la longueur et la capacité de ses intestins, et parce quelle n’a point de vésicule du fiel ; et le casoar diffère du touyou et de l’autruche par ses cuisses couvertes de plumes, presque jusqu’au tarse, par les bar- billons rouges qui lui tombent sur le cou, et par le re qu'il a sur la tête. Mais j'apperçois encore dans ce dernier. 23 \ 266 HISTOIRE NATURELLE caractère distinctif une analogie avec les : | deux autres espèces : car ce casque n’est autre Le | chose, comme on sait, qu’un renflement des » os du crâne , lequel est recouvert d’une en= veloppe de cornée ; et nous avons vu dansk l'histoire de l’autruche et du touyou , que la. partie supérieure du crane de ces deux ani-. maux étoit pareillement munie d’une plaque. dure et calleuse. RP TE = É Re RP n PE rReSe — « 2 + LE DRONTE. O N regarde communément la légéreté comme un attribut propre aux oiseaux : mais, si l’on vouloit en faire le caractère essentiel de cette classe , le dronte n’auroit aucun titre pour y être admis; car, loin d'annoncer la légéreté par ses proportions ou par ses mouvemens, il paroit fait exprès pour nous donner l'idée du plus lourd des êtres organisés. Représentez-vous un corps massif et presque cubique, à peine soutenu sur deux piliers très-gros et très-courts, sur- monté d’une tête si extraordinaire, qu'on la prendroit pour la fautaisie d’un peintre de grotesques ; cette tête, portée sur un cou reuforcé et soitreux, consiste presque toute entière dans un bec énorme, où sont deux gros yeux noirs entourés d'un cercle blanc, et dont l’ouverture des mandibules se pro- Jonge bien au-delà des yeux, et presque jus- qu'aux oreilles; ces deux imandibules, con- 268 HISTOIRE NATURELLE caves dans le milieu de leur longueur, reni— » 74 T4 ; OT. + EL flées par les deux bouts, et recourbées à la. pointe en sens contraire, ressemblent à deux # à! cuillers pointues, qui s'appliquent l’une à l’autre la convexité en dehors : de tout cela il résulte une physionomie stupide et vorace, et qui, pour comble de difformité, est ac- compagnée d’un bord de plumes, lequel, suivant le contour de la base du bec, s’a- vance en pointe sur le front, puis s’arrondit autour de la face en manière de capuchon, d’où lui est venu le nom de cygne encapu- chonné (cycnus cucullatus. ) La grosseur, qui, dans les animaux, sup- pose la force, ne produit ici que la pesan-— teur. L’autruche, le touyou, le casoar, ne sont pas plus en état de voler que le dronte ; mais du moins ils sont très-vites à la course, au lieu que le dronte paroît accablé de son propre poids, et avoir à peine la force de se trainer : c’est dans les oiseaux ce que le pa- resseux est dans les quadrupèdes ; on diroit qu'il est composé d’une matière brute, inac=. tive, où les molécules vivantes ont été trop épargnées. IL a des ailes, mais ces ailes sont trop courtes et trop foibles pour l’élever dans. » DU DRONTE 269 les airs ; il a une queue, mais cette queue est disproportionnée et hors de sa place : on le prendroit pour une tortue qui se seroit affu- blée de la dépouille d’un oiseau ; et la nature, en lui accordant ces ornemens inutiles , semble avoir voulu ajouter l'embarras à la pesanteur , la gaucherie des mouvemens à V'inertie de la masse , et rendre sa lourde épaisseur encore plus choquante, en faisant souvenir qu'1l est un oiseau. Les premiers Hollandois qui le virent dans l'île Maurice, aujourd’hui l’ile de France *, l’'appelèrent #wa/gh-vogel, oiseau de dégoût, autant à cause de sa figure rebutante que du mauvais goût de sa chair : cet oiseau bizarre est très-gros, et n’est surpassé, à cet égard , que par les trois précédens; car il dope le _ cygne et le dindon. M. Brisson donne pour un deses caractères d’avoir la partie inférieure des jambes dénuée de plumes ; cependant la planche cexcrv d'Edwards le représente avec des plumes * Les Portugais avoient auparavant nommé cette ‘île, “ha do Cirne, c’est-à-dire {le aux Cygnes, apparemment parce qu'ils y avoient appercu des drontes qu ‘ils prirent pour des cygnes. 25 a 270 HISTOIRE NATURELLE non seulement jusqu’au bas de la jambe, mais encore jusqu'au-dessous de son articu— lation avec le tarse. Le bec supérieur est noi- : râtre dans toute son étendue , excepté sur la : courbure de son crochet, où il y a une tache rouge; les ouvertures des narines sont à peu prés, dans sa partie moyenne, tout proche de deux replis transversaux qui s’elèvent en : P cet endroit sur sa surface. Les plumes du dronte sont, en general, fort douces ; le gris est leur couleur domi- nante, mais plus foncé sur toute la partie supérieure et au bas des jambes, et plüs-clair sur l'estomac, le ventre et tout le dessous du corps ; il y a du jaune et du blanc dans les plumes des ailes et dans celles de la queue, qui paroissent frisées et sont en fort petit nombre. Clusius n’en compte que quatre ou cinq. À Les pieds et les doigts sont jaunes, et les ongles noirs : chaque pied a quatre doigts, dont trois dirigés en avant, et le quatrième: en arrière; c’est celui-ci qui a l’ongle le plus long. Quelques uns ont prétendu que le dronte avoit ordinairement dans l'estomac une. DU DRONTÉ. 27% pierre aussi grosse que le poing, et à laquelle on n'a pas mauqué d'attribuer la même ori- gine et les même vertus qu'aux bézoards ; mais Clusius, qui a vu deux de ces pierres de forme et de grandeur différentes , pense que l'oiseau les avoit avalees comme font les granivores , et qu'elles ne s’étoient point formées dans son estomac. Le dronte paroît propre et particulier aux îles de France et de Bourbon, et probable- ment aux terres de ce continent qui en sont les moins éloignées; mais je ne sache pas qu'aucun voyageur ait dit l'avoir vu ailleurs que dans ces deux iles. cl Quelques Hollandois l’ont nomme dodarse ou dodaers; les Portugais et les Anglois dodo: dronte est son nom original , je veux dire celui sous lequel il est connu dans le lieu de son origine; et c'est par cette raison que j'ai cru devoir le lui conserver, et parce qu'ordi- nairement les noms imposés par les peuples simples ont rapport aux propriétés de la chose nommée. On lui a encore appliqué les dénominations de cygne à capuchon, d’au- iruche encapuchonnée, de cog étranger, de walzh-vogel; et M. Moehring, qui n’a trouvé - 272 HISTOIRE NATURELLE. aucun de ces noms à son goût , a imaginé celui de rzphus, que M. Brisson a adopté pour son nom latin, comme s’il y avoit quel- que avantage à donner au même animal un nom différent dans chaque langue, et comme si l’effet de cette multitude de synouymes n'étoit pas d’embarrasser la science et de jeter de la confusion dans les choses. Ne multiplions pas les êtres , disoient autre- fois les philosophes ; mais aujourd’hui on doit dire et répéter sans cesse aux natura- listes : Ne multipliez pas les noms sans né- cessite. Rare LEE QUE Æ PRSOLITALRE E T L’OISEAU DE NAZAR E. \ L # solitaire dont parlent Lesuat et Carré, et l'oiseau de Nazareth dont parle Fr. Cauche, paroissent avoir beaucoup de rapports avec le dronte : mais ils en différent aussi en plu- sieurs points , et jai cru devoir rapporter ce qu'en disent ces voyageurs, parce que, si ces trois noms ne désignent qu’une seule et “unique espèce, les relations diverses ne pour- ront qu’en compléter l'histoire; et si, au contraire , ils désignent trois espèces diffé- rentes, ce que j'ai à dire pourra être regardé comme un commencement d'histoire de cha- cune , ou du moins comme une notice de nouvelles espèces à examiner, de inême que lon voit dans les cartes géographiques une $ af ré | D 1 Le 274 HISTOIRE NATURELLE indication des terres inconnues : dans tous Ÿ les cas, ce sera un avis aux naturalistes qui L se trouveront à portée d'observer ces oiseaux | de plus près, de les comparer, s’il est pos- sible, et de nous en donner une connoissance plus distincte et plus precise. Les seules questions que l’on à faites sur des choses ignorées , ont valu souvent plus d’une dé- couverte. Le solitaire de l’île Rodrigue est un très-… gros oiseau, puisqu'il y a des mâles qui pèsent : jusqu'à quarante-cinq livres : le plumage de ceux-ci est ordinairement mêlé de gris et de \ brun ; mais dans les femelles c’est tantôt le brun et tantôt le jaune blond qui domine. Carré dit que le plumage de ces oiseaux est. d’une couleur changeante, tirant sur le jaune, ce qui convient à celui de la femelle, et 1} ajoute qu'il lui a paru d’uue beauté admi-* rable. à | 5:40 Les femelles ont au-dessus du bec comme“ un bandeau de veuve: leurs plumes se ren- k flent des deux côtés de la poitrine en deux touffes blanches , qui représentent impar- À) faitement le sein d’une femme; les plumes des cuisses s’arrondissent par le bout en. DU SOLITAIRE, etc. 258 forme de coquilles, ce qui fait un fort bon éffet ; et comme si ces femelles sentoient leurs avantages , elles ont grand soin d’arran- ger leur plumage, de le polir avec le bec, et de lajuster presque continuellement , eu sorte qu’une plume ne passe pas l’autre. Elles ont , selon Lesuat , l’air noble et gracieux tout ensemble ; et ce voyageur assure que souvent leur bonne mine leur a sauvé la vie. Si cela est ainsi, et que le solitaire et le dronte soient de la même espèce , il faut admettre une très-srande différence entre le mäle et La femelle quant à la bonne mine. Cet oiseau a quelque rapport avec le din- don ; il en auroitsles pieds et le bec, si ses pieds n’étoient pas plus elevés et son bec plus crochu : il a aussi le cou plus long propor- tionnellement, l’œil noir et vif, la tête sans crête ni huppe, et presque point de queue; son derrière, qui est arrondi à peu près comme la croupe d’un cheval, est revêtu de ces plumes qu'on appelle couvertures. Le solitaire ne peut se servir de ses ailes pour voler; mais elles ne lui sont pas inutiles à d’autres égards : l’os de l’aileron se renfle à son extrémité en une espèce de bouton. S 276 HISTOIRE NATURELLE sphérique qui se cache dans les plumes et lui sert à deux usages ; premièrement pour se. défendre, comme il fait aussi avec le bec; en second lieu, pour faire une espèce de . battement ou de moulinet, en pirouettant vingt ou trente fois du même côté, dans l’es- pace de quatre à cinq minutes : c’est ainsi, dit-on , que le mâle rappelle sa compagne | avec un bruit qui a du rapport à celui d’une” crécerelle, et s’entend de deux cents pas. On voit rarement ces oiseaux en troupes, quoique l’espèce soit assez nombreuse; quel- ques uns disent même qu’on n'en voit és | deux ensemble. Ils cherchent les lieux écartés pour faire leur ponte : ils construisent leur nid de feuilles de palmier amoncelées à la hauteur. d'un pied et demi ; la femelle pond dans ce nid un œuf beaucoup plus gros qu'un œuf, d'oie, et le mâle partage avec elle la fonçHes de couver. | | Pendant tout le temps de l'incubation, et même celui de l'éducation , ils ne souffrent. aucun oiseau de leur espèce à plus de deux cents pas à la ronde : et l’on prétend avoir remarqué que c'est le mâle qui chasse les. } DU SOLITAIRE, etc. 297 mâles , et la femelle qui chasse les femelles ; remarque difhicile à faire sur un oiseau qui passe sa vie dans les lieux les plus sauvages et les plus écartés. | L’œuf, car il paroît que cés oiseaux n’en, pondent qu’un, ou plutôt n’en couvent qu’un à la fois ; l'œuf, dis-je, ne vient à éclore qu’au bout de sept semaines *, et le petit n’esten état de pourvoir à ses besoins que plusieurs mois après : pendant tout ce temps, le père et la mère en ont soin; et cette seule circonstance doit lui procurer un instinct plus perfec- tionne que celui de l’autruche, laquelle peut en naissant subsister par elle-même, et qui, n'ayant jamais besoin du secours de ses père et mère, vit isolée, sans aucune habitude _intime avec eux, et se prive ainsi des avan- tages de leur société, qui, comme je l’ai dit ailleurs, est la première éducation des ani- maux et celle qui développe le plus leurs qualités naturelles : aussi l’autruche passe- t-elle pour le plus stupide des oiseaux. * Aristote fixe au trentime jour le terme de lincubation pour les plus gros oiseaux, tels que aigle, l'outarde, l’oie ; 1l est vrai qu'il ne cite point Tl'autruche eu cet endroit. | 34 FA 243 HISTOIRE NATURELLE Lorsque l'éducation du jeune solitaire est finie, le père et la mère demeurent toujours unis et fidèles l’un a l'autre, quoiqu’ils aillent quelquefois se mêler parmi d’autres oiseaux de leur espèce : les soins qu’ils ont donnés en commun au fruit de leur union, semblent en avoir resserre les liens ; et lorsque la sai- son les y invite, ils recommencent une nou velle ponte. On assure qu’à tout âge on leur trouve une pierre dans le gésier, comme au dronte: cette pierre est grosse comme un œuf de poule, plate d’un côté, convexe de l’autre; et un peu raboteuse et assez dure pour ser= vir de pierre à aiguiser : on ajoute que cette pierre est toujours seule dans leur estomac ; et qu'elle est trop grosse pour pouvoir passer. par le canal intermédiaire qui fait la seule communication du jabot au gésier ; d’où l’on. voudroit conclure que cette pierre se formes naturellement et à la manière des bézoardsi dans le gésier du solitaire : mais pour moi j'en conclus seulement que cet oiseau est” granivore, qu’il avale des pierres et des caile loux comme tous les oiseaux de cette classe; notamment comme Vautruche ; le touyou,” ae : ST DES DU SOLITAIRE, ete 27 le casoar et le dronte, et que le canal de com- municationu du jabot au gésier est susceptible d’une dilatation plus grande que ne l’a cru : Leguat. ( Le seul nom de so/ifaire indique un natu- rel sauvage : et comment ne le seroit-il pas? comment un oiseau qui compose lui seul toute la couvée, et qui par conséquent passe les premiers temps de sa vie sans aucune société avec d’autres oiseaux de son âge, et n'ayant qu'un commerce de nécessité avec ses père et mêre, sauvages eux-mêmes, ne seroit-il pas maintenu par l'exemple et par l'habitude ? On sait combien les babitudes premières ont d'influence sur les premières inclinations qui forment le naturel ; et ïl est à présumer que toute espèce où la femelle me couvera qu’un œuf à la fois, sera sauvage comme notre solitaire : cependant il paroît encore plus timide que sauvage, car il se laisse approcher, et s'approche même assez familièrement, sur-tout lorsqu'on ne court pas après lui, et qu’il n’a pas encore beau- coup d'expérience; mais il est impossible de l’'apprivoiser. On l’attrape difficilement dans les bois, où il peut échapper aux chasseur 280 HISTOIRE NATURELLE par la ruse et par son adresse à se cacher; mais, comme il ne court pas fort vite, on! le prend aisément dans les plaines et dans les lieux ouverts. Quand on l’a arrête, il ne. jette aucun cri; mais il laisse tomber des. larmes , et refuse opiniàtrément toute nour-* riture. M. Caron, directeur de la compagnie des Indes à Madagascar, en ayant fait embar- À quer deux venant de l’île de Bourbon pour les envoyer au roi, ils moururent dans le vaisseau , sans avoir voulu boire ni manger. Le temps de leur donner la chasse est de puis le mois de mars au mois de septembre, qui est l'hiver des contrées qu'ils habitent, et qui est aussi le temps où ils sont les plus gras : la chair des jeunes sur-tout est d’un goût excellent. Telle est l’idée que Leguat n nous donne du solitaire : il en parle non seulement comme témoin oculaire, mais comme un observa= teur qui s’étoit attaché particulièrement et. long-temps à étudier les mœurs et les habi=\ tudes de cet oiseau; et en effet sa relation, quoique gâtée en quelques endroits, par des, idées fabuleuses *, contient néanmoins plus # Par exemple, au sujet du premier accouples DUVSOLITATRE, etc o268r _ de détails historiques sur le solitaire que je n’en trouve dans une foule d’écrits sur des oiseaux plus généralement et plus ancienne- ment connus. On parle de l’autruche depuis trente siècles , et l’on ignore aujourd'hut combien elle pond d'œufs et combien elle est de temps à les couver. ke L'oiseau de Nazareth, appelé sans doute ainsi par corruption, pour avoir été trouvé dans l’île de Nazare, a été observé par Fr. Cauche dans l’ile Maurice, aujourd'hui l’île Françoise; c’est un très-gros oiseau et plus gros qu'un cygne : au lieu de plumes, il a tout le corps couvert d’un duvet noir; et ce- pendant il n’est pas absolument sans plumes, car il en a de noires aux ailes et de frisées sur le croupion , qui lui tiennent lieu de queue : il a le bec gros, recourbé un peu par-dessous ; les jambes (c’est-à-dire les pieds) hautes et couvertes d’écailles, trois doigts à chaque pied, le cri de Foison, et sa chair est mé- diocrement bonne. La femelle ne pond qu’un œuf, et cet œuf ment des jeunes solitaires, où scn imagination pré- venue lui a fait voir les formalités d’une espèce de mariage , au sujet de la pierre de l'estomac, etc. « 24 CVS LE 18 SU 1 Es: ART MEME RENE 282 HISTOIRE NATURELLE est blanc et gros comme un pain d’un sou: : on trouve ordinairement à côté une pierre - blauche, de la grosseur d’un œuf de poule ; et peut-être cette pierre fait-elle ici Le même. effet que ces œufs de craie blanche que les fermières ont coutume de mettre dans le mid où elles veulent faire pondre leurs poules: … celle de Nazare pond à terre dans les forêts sur de petits tas d'herbes et de feuilles qu'elle. a formés; si on tue le petit, on trouve une pierre grise dans son gésier. La figure de cet oiseau , est-il dit dans une note, se trouve dans le Journal de la seconde navigation des Hol- dandeis aux Indes orientales ; et ils lappellent oiseau de nausée : ces dernières paroles sem- blent decider la question de l’identite de l’es- pèce entre le dronte et l’oiseau de Nazare, et la prouveroient en effet, si leurs descriptions ne présentoient des différences essentielles, notamment dans le nombre des doigts ; mais, | sans entrer dans cette discussion particulière, et sans prétendre résoudre un problème où il n’y a pas encore assez de donnees, je me con-. tenterai d'indiquer ici les rapports et les diffé- rences qui résultent de la comparaison des w trois descrip tions. bre Fr } 4 À A] ” TN 7 + | DU SOLITAIRE, «ic 293 Je vois d’abord, en comparant ces trois oi- seaux à la fois, qu’ils appartiennent au même climat et presque aux mêmes contrées: car le dronte habite l’ile de Bourbon et l’ile Fran- _Goise, à laquelle il semble avoir donné son nom d’//e aux Cygnes, comme je l’arremarqué plus haut. Le solitaire habitoit l’île Rodrigue dans le temps qu’elle étoit entièrement dé- serte, et on l’a vu dans l'ile Bourbon; l’oi- seau de Nazare se trouve dans l’ile de Na- gare, d'où il a tiré son nom, et dans l’île Françoise * : or ces quatre îles sont voisines les unes des autres; et il est à remarquer qu'aucun de ces oiseaux n'a été apperçu dans le continent. Ils se ressemblent aussi tous trois plus où «moins par la grosseur, par l'impuissance de voler , par la forme des ailes, de la queue et du corps entier; et on leur a trouvé à tous une ou plusieurs pierres dans le gésier, ce qui les suppose tous trois granivores : outre cela , ils ont tous trois une allure fort lente: car , quoique Leguat ne dise rien de celle du solitaire, on peut juger, par la figure qu'il * Voyez ci-dessus l’histoire de ces oiseaux. \ NL tt ho 284 HISTOIRE NATURELLE donne de la femelle *, que c’est un oiseau très-pesant. pe < Comparant ensuite ces mêmes oiseaux pris | deux à deux, je vois que le plumage du dronte se rapproche de celui du solitaire pour la couleur, et de celui de l'oiseau de Nazare pour la qualité de la plume qui n’est que du duvet, et que ces deux derniers oiseaux conviennent encore en ce qu'ils ne pondent et ne couvent qu'un œuf, Je vois de plus qu'on a appliqué au dronte _et à l'oiseau de Nazare le même nom d’oiseau de dégotit. Voila les rapports, et voici les différences : Le solitaire a les plumes de la cuisse ar-. rondies par le bout en coquilles; ce qui sup- pose de véritables plumes, comme en ont, ordinairement les oiseaux , et non du duvet, comme en ont le. dronte et l’oiseau de Na- zare. | | La femelle du solitaire a deux touffes de” plumes blanches sur la poitrine : on ne dit rien de pareil de la femelle des deux autres. Le dronte a les plumes qui bordent la. base * Voyage de Léguat, tome L es r DU SOLITAIRE, ete 285 du bec disposées en manière de capuchon ; et cette disposition est si frappante, qu'on en à fait le trait caractéristique de sa de- nomination (cycaus cucullatus) : de plus, il a les yeux dans le bec, ce qui n’est pas moins frappant ; et l’on peut croire que Leguat n’a rien vu de pareil dans le solitaire, puisqu'il se contente de dire de cet oiseau qu'il avoit tant observé, que sa tête étoit sans crête et sans huppe; et Cauche ne dit rien du tout de celle de l’oiseau de Nazare. Les deux derniers sont haut montés, au lieu que le dronte a les pieds très-gros et très-courts. Celui-ci , et Le solitaire, qu’on dit avoir à peu près les pieds du dindon , ont quatre doigts, et l'oiseau de Nazare n’en a que trois , selou le témoignage de Cauche. Le solitaire a un battement d'ailes très- remarquable, et qui n’a point été remarqué dans les deux autres. ; Enfin il paroît que la chair des solitaires, et sur-tout des jeunes , est excellente ; que celle de l'oiseau de Nazare est médiocre, et celle du dronte mauvaise. Si cette comparaison , qui a éte faite avec \ A Le à D du. 286 HISTOIRE NATURELLE la plus grande exactitude, ne nous met pas en état de prendre un parti sur la question proposée, c'est parce que les observations ne sont ni assez multipliées ni assez sûres. IE seroit donc à desirer que les voyageurs, et pi sur-tout les naturalistes, qui se trouveront à portée, examinassent ces trois oiseaux, ef qu'ils en fissent une description exacte, qui porteroit principalement : _ Sur la forme de la tête et du bec ; Sur la qualité des plumes; Sur la forme et les dimensions des pieds ; Sur le nombre des doigts ; Sur les différences qui se trouvent entre le mäle et la femelle ; Entre les poussins et les adultes ; Sur leur façon de marcher et de courir ; En ajoutant, autant qu’il seroit possible 1 ce que l’on sait dans le pays sur leur géne- ration , c’est-à-dire, sur leur manière de se rappeler, de s’accoupler , de faire leur nid” et de couver; 4 Sur le nombre, la forme, la couleur, le” poids et le volume de leurs œufs; : 3 Sur le temps de l’iucubation ; à Sur leur manière d'élever leurs petits; 44 a ë. Ÿ DU SOLITAÏRE,ete 28 Sur la façon dont ils se nourrissent eux- mêmes ; 1 à WA Enfin sur la forme et.les dimensions de leur estomac , de leurs intestins et de leurs parties sexuelles. | Lin du tome second. TABLE Des articles contenus dans ce volume. Le faucon, page 1. Oiseaux étrangers qui ont rapport au gerfaut et aux faucons, 24. Le hobereau , 33. La crécerelle, 37. Le rochier, 44. L’émerillon, 46. \ Les pie-grièches, 53. La pie-grieche grise, 56. La pie-yrièche rousse , 62. L’écorcheur, 65. | Oiseaux étrangers qui ont rapport à la piegriche grise et à J’écorcheur, 60. «} Le fingah, :hid. Rouse-queue, 71. Langraien et icha-chert, 72. RS. | | TABLE 289 | Bécardes, 73. | Bécarde à ventre jaune , 74 Le vanga, ou bécarde à ventre rt. nÈe Le schet-bé, 16:d. | Le RÉ > 76° Le gonolek, 77. “Le cali-calic et le br ua, 78: Pie-grièche huppée , 79- Le oiseaux de proie nocturnes, 80. Le duc ou grand duc, roc. Le hibou ou moyen duc, 110. Le scops ou petit duc, 125. La hulotte, 127. Le chat-huant » 131 L’effraie ou la ‘fresaie, 199: La chouette, ou la grande chevêche, r42. La chevèche ou petite chouette , 148. Oiseaux étrangers qui ont rapport aux hiboux et aux chouettes , 155. Le barfang, 160. Le chat-huant de Cayenne, 16. La chouette ou graude chevêche de Canada, 166. La chouetie ou grande chevêche de Saint-Domingue , 167. | Oiseaux qui ne peuvent voler, 168. L’autruche, 17.3- \ Oiseaux, 11: 25 Le touyou , a33: _ Le casoar ; 249. | Le bia PERL “5 Did à 4 His “T + &* j " EEE a é ù Lg * 7 Re is BCE ETS a MITE b 4 : A 0 a à . : n : ARE s DS UE nt 4 LE 9 28 10: ,' . k RUE re Eve re ee LT é coe 3F ce Pa re uo HiB hi fa. ne TS Re NET SEA DET D tr qd to soda FA È Fée CT A cc c6b $£: sq Ho 24018 be: — * = CRE attsy Laos LÉ 0#10 FAR NE EN Le : è Me dt : - à! ç .1Ës e J£ PRBEN CRE Ÿ : POS tn PE ACR hine : N x QU e 150 D 1Ù 45 NO) es a CA * * : , » PUR CEE : Fe él # . « * 4 4 2 LH = À PTE HER c: + | { ' Cap Se 4 à a Ÿ 0 s A 4 2 24 u t L . y e OLTA SES AP PL TEE, 36 “+ 12 * Fr ‘ + + » " 6 è 5 ce Pt f Te ra tsar 4 Ê aa * Re" : | #4: “à …“ de L ivédas + 1 & is ee) . e à : > = # 4 g ce ” , ni! 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