QUrLal we HISTOIRE | te NATURELLE OISEAUX. TOME DIX-SEPTIÈME. PT UN VO HISTOIRE B 727 NATURELLE Pan BUFFON, 4 DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL, OISEAUX. TOME DIX-SEPTIEME. WE Pnsonian Institu} % RICHMOND :° À COLLECTION. 2 À LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE DE P. DIDOT L’AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 5, ET Firmin DIDOT, RUE DE THIONVILLE, N° 116. AN VII. — 1799. | HAS TOTRE. NA TU. R EL L Es LES" GOQÉLANDE q, E T LÉS MOUETTES*" É s deux noms, tantôt réunis et tantôt séparés, ont moins servi Jusqu'à ce jour à distinguer qu’à confondre les espèces comprises dans l’une des plus nombreuses familles des oiseaux d’eau. Plusieurs na- turalistes ont nommé goélands ce que | » * En latin, larus et gavia ; sur nos côtes de la Méditerranée , gabian ; sur celles de l'Océan, mauve; en allemand , mew, mewe (wiauleur, de meuwen , miauler );en groenlandois, akpa , selon Eggede ; naviat, dans Anderson, | 6 HISTOIRE NATURELLE. d’autres ont appelé mouettes , et quelques uns ont indifféremment appliquéces deux noms comme synonymes à ces mêmes oiseaux ; cependant il doit subsister entre toute expression nominale quelques traces de leur origine, ou quelques indices de leurs différences , et il me semble que les noms goéland et mouelte ont en latin leurs correspondans /arus et gavia ,; dont le premier doit se traduire par goéland, et le second par woweite. 1] me paroît de plus que le nom goéland désigne les plus grandes espèces de ce genre, et que celui de mroueite ne doit être appliqué qu'aux plus petites espèces. On peut même sui- vre jusque chez les Grecs les vestiges de cette division; car le mot xérŸos, qui selit dans Aristote, dans Aratus et ailleurs , _ désigne une espèce ou une branche parti- culière de la famille du Aëpos ou goéland. Suidas et le scholiaste d’Aristophane tra- duisent xér@os par larus ; et si Gaza ne l’a point traduit de même dans Aristote, c'est que, suivant la conjecture FA Pierius, ce traducteur avoit en vue le passage des Géorgiques où Virgile pa- x 2 sn : DES GOÉLANDS. 7. roissant a à la lettre les vers œ Ara- tus, au liéu de xém@es qui se lit dans le poète grec, a substitué le nom de fulica. Mais si la /ylica des anciens est, notre foulque ou morelle , .ce que lui attribué ici le poète latin, de présager la tempête en se jouant sur le sable, ne lui convient point du tout *, puisque la foulque ne vit pas dans la mer, et ne se Joue pas sur le sable , où même elle ne se tient qu'avec peine. De plus, ce qu’'Aristote attribue à son xéx@os, d’avaler l’'écume de la mer comme une pâture, et de se laisser prendre à cette amorce , ne peut guère se rapporter qu’à un oiseau vorace comme le goéland ou la mouette : aussi Aldrovande conclut-il de ces inductions comparées, que le nom de Aëpos dans Aristote est générique , et que celui de éngos est spécifique , ou plutôt parti culier à quelque espèce subalterne de ce * L’épithète que Cicéron, traduisant ces mêmes vers d’Aratus, donne à la foulque, lui convient aussi peu qu'elle convient bien au goéland: Cana fulix itidem fugiens à gurgite ponti, Nunciat horribiles clamans instare procellas, (De Divinetione, lib, I.) \ ‘ 8 HISTOIRE NATUREL: même genre. Mais une remäïque que Turner a faite sur la voix de ces oiseaux, semble fixer ici nos incertitudes ; il regarde le mot xé7@es comme un son imitatif de la voix d’une mouette, qui termine ordi- _ mairement chaque reprise deses cris aigus ‘par un petitaccent bref, une espèce d’éter- nument, lepk, tandis que le goéland ter- mine son eri par un sou différent et plus grave, cob. Le nom grec xir@os répondra donc ; dans notre division, au nom latin gavia, et désignera proprement les espèces infé- rieures du genre entier de ces oiseaux, c'est-à-dire, les mouettes ; de même le nom grec Awpos, ou larus en latin, tra- duit par goéland, sera celui des grandes espèces. Et pour établir un terme de com- paraison dans cette échelle de grandeur, nous prendrons pour goélands tous ceux de ces oiseaux dont la taille surpasse celle du canard, et qui ont dix-huit ou vingt pouces de la pointe du bec à l'extrémité de la queue, et nous appellerons rouettes tous ceux qui sont au-dessous de ces dimensions; il résultera de cette division, D 'ÉT/T + ONE CRI JPA DES GOÉLANDS. 9 que la sixième espèce donnée par M. Bris- son, sous la dénomination de première mouette, doit être mise au nombre des soélands , et que plusieurs des goélands de Linnæus ne seront que des mouettes. Mais, ayant que d'entrer dans cette dis- Û tinction des espèces , nous indiquerons les caractères généraux et les habitudes communes au genre entier des uns et des autres. | Tous ces oiseaux, goélands et mouettes, sont également voraces et criards : on peut dire que ce sont les vautours de la mer ; ils la nettoient des cadavres de toute espèce qui flottent à sa surface, ou qui sont rejetés sur les rivages : aussi lâches que gourmands , ils n’attaquent que les animaux foibles, et ne s’acharnent que sur les corps morts. Leur port ignoble, leurs cris importuns, leur bec tranchant et crochu , présentent les images désa- gréables d’oiseaux sanguinaires et basse- ment cruels : aussi les voit-on se battre avec acharnement entre eux pour la cu- rée; et même, lorsqu'ils sont renfermés ct que la captivité aigrit encore leur humeur } Là 10 HISTOIRE NATURELLE féroce , ils se no : ns motif appa- rent , et le premier dont le sang coule, détroit la victime des autres; car alors leur fureur s'accroît, et ils mettent en pièces le malheureux qu'ils pi blessé sans raison. Cet excès de ie é ne se manifeste guère que dans : Vo espèces ; ; mais toutes, gr KM et petites, étant en liberté, s’épient , se guettent sans cesse pour se piller et se dérober réciproquement la nourriture ou la proie. Tout convient à leur voracité ; le poisson frais ou gâté ; la chair sanglante, récente ou corrompue; les écailles , les os même, tout se digère ouse consume dans leur es- tomac : ilsavalent l’amorce etl’hamecon ; ils se précipitent avec tant de violence, qu'ils s’enferrent eux - mêmes sur une pointe que le pêcheur place sous le hareng ou la pélamide qu’il leur offre en appât, et cette manière n’est pas la seule dont on puisse les leurrer ; Oppien a écrit qu’il suflit d’une planche peinte de quelques figures de poissons, pour que ces oiseaux viennent se briser contre : mais ces por- traits de poissons devoient donc être aussi DES GOËELANDS. 7r parfaits que ceux des raisins de Parrha- sius ! j Les goélands et les mouettes ont éga- : lement le bec tranchant, alongé, applati par les côtés, avec la pointe renforcée et recourbé en croc , et un angle saillant # à la man ibule inférieure. Ces caractères, plus apparens et plus prononcés dans 1N - goélands, se marquent néanmoins dans toutes les espèces de mouettes ; c'est même ce qui les sépare des hirondelles de mer, qui n’ont ni le croc à la partie supérieure du bec, ni la saillie à l’inférieure, sans compter que les plus grandes hirondelles de mer le sont moins que les plus petites moucttes. De plus, les mouettes n’ont pas la queue fourchue, mais pleine : leur jambe , ou plutôt leur tarse, est fort élevé; et mêmeles goélands et les mouettes seroitent de tous les oiseaux à pieds pal- més les plus hauts de Jambes, si le flam- mant , l'avocette et l’échasse, ne les avoient encore plus longues, et si déme- surées , qu'ils sont à cet égard des espèces . de monstres. Tous lesgoélands et mouettes ont les trois doigts engagés par une palme 12 HISTOIRE NATURELLE pleine, et le doigt de derrière dégagé; mais très-petit. Leur tête est grosse; ils la portent mal et presque entre les épaules, soit qu'ils marchent ou qu'ils soient, en. repos. Ils courent assez vitesurlesrivages, et volent encore mieux au-dessus des flots ; leurs longues ailes, qui, lors- qu'elles sont pliées, dépassent la queue, et la quantité de plumes dont leur corps est garni, les rendent très-légers. Ils sont aussi fournis d’un duvet fort épais * , qui est d’une couleur bleuâtre, sur - tout à l'estomac : ils naissent avec ce duvet; mais les autres plumes ne croissent que tard, et ils n’acquièrent complétement leurs couleurs, c’est-à-dire, le beau blanc sur le corps, et du noir ou gris bleuâtre sur le manteau, qu'après avoir passé par plusieurs mues , et dans leur troisième année. Oppien paroît avoir eu connois- * Aldrovande prétend qu’en Hollande on fait beaucoup d'usage du duvet de mouettes ;: mais ïl est difficile de croire ce qu’il ajoute, savoir, que ce duvet se renfle en pleine lune, par une corres- pondance sympathique avec l’état de la mer, dont Je flux est alors le plus enfié. ee . DES GOÉLANDS. 13 sance de ce progrès de couleurs, lorsqu'il dit qu'en vieillissant ces oiseaux de- viennent bleus. ds e Ils se tiennent en troupes sur les rivages de la mer ; souvent on les voit couvrir de leur multitude les écueils etles falaises, qu'ils font retentir de leurs cris impor- tuns , et sur lesquels ils semblent four- imiller , les uns prenant leur vol, les autres s’abattant pour se reposer, et tou- jours en très-grand nombre. En général, il n’est pas d'oiseau plus commun sur les côtes , et l’on en rencontre en mer Jus- qu'äcent lieues de distance. Ils fréquentent les îles et les contrées voisines de la mer dans tous les climats ; les navigateurs les ont trouvés par-tout. Les plus grandes es- pèces paroissent attachées aux côtes des mers du Nord. On.,raconte que les goé- lands des îles de-Féroé sont si forts et si voraces , qu’ils mettent souvent en pièces des agneaux, dont ils emportent des lam- beaux dans leurs nids. Dans les mers gla- ciales, on les voit se réunir en grand nombre sur les cadavres des baleines ; ils se tiennent sur ces masses de corruption 2 # hd M "4 “ N \ » : 14 HISTOIRE NATURELLE sans en craindre l'infection ; ils y assou: wissent à lise toute leur voracité, et en tirent en même temps l’ample pâtire qu'exige la gourmandise innée de leurs petits. Ces oiseaux déposent à milliers leurs œufs et leurs nids jusque sur les terres glacées des deux zones polaires ; ils ne les quittent pas en hiver, et semblent être attachés au climat où ils se trouvent, et peu sensibles au changement de toute température. Aristote, sous un ciel à la vérité infiniment plus doux, avoit déja remarqué que les goélands et les mouettes. ne disparoissent point, et restent toute l'année dans les lieux où ils ont pris nais- sance. | Il en est de même sur nos côtes dé France, où l’on voit plusieurs espèces de ces oiseaux cn hivér comme en été; ou leur donne sur l'Océan le nom de mauves ou mniaules, et celui de gabians sur la Méditerranée : par-tout ils sont cons nus , notés par leur voracité et par la désægréable importunité de leurs cris re- doublés. Tantôtilssuivent les plages basses de la mer, et tantôt ils se retirent dans le ‘ Le © se nat DES GOÉLANDS. 15. creux des rochers, pour attendre le pois- son que les vagues y jettent : souvent ils accompagnent les pêcheurs , afin de profiter des débris de la pêche. Cette habi- tude est sans doute la seule cause de l'amitié pour l'homme, que les anciens attribuoient à ces oiseaux. Comme leur chair n’est pas bonne à manger*, et que leur plumage n’a que peu de valeur, on dédaigne de les chasser, et on les laisse approcher sans les tirer. Curieux d'observer par nous - mêmes les habitudes de ces oiseaux , nous avons cherché à nous en procurer quelques uns dewivans, et M. Baillon , toujours em- pressé à répondre obligeamment à nos demandes , nous a envoyé le grand goé- land à manteau noir, première espèce, et le goéland à manteau gris, seconde espèce. Nous les avons gardés près de * On n’en pourroit pas goûter sans vomir, si, avant de les manger, on ne les avoit exposés à l'air pendus par les pattes, la tète en bas : pendant quelques jours , afin que l’huile ou la graisse de ba- leive sorte de leur corps, et que le grand air en Ôte Je mauvais goût. , ai 0A sc. hé ET 16 HISTOIRE NATÜRELLE quinze mois dans un jardin où nous pou- vions les observer à toute heure. Ils dôn- nèrent d’abord des signes évidens de leur mauvais naturel, se poursuivant sans cesse, et le plus grand ne souffrant jamais que le petit mangeût ni se tînt à côté de lui. On les nourrissoit de pain trempé et d’intestins de gibier, de volaille et autres débris de cuisine, dont ils ne rebu- toient rien, et en même temps ils ne lais- soient pas de recueillir etde chercher dans le jardiu les vers et les limacons, qu'ils savent bien tirer de leurs coquilles. Ils alloient souvent se baigner dans un pétit bassin , et au sortir de l’eau ils se se- couoient , battoiïent des ailes en s’élevant sur leurs pieds, et lustroient ensuite leur plumage , comme font les oies et les canards. Ils rôdoient pendant la nuit, et souvent on les a vus se promener à dix et onze heures du soir. Ils ne cachent pas, comme la plupart des autres oiseaux, leur tête sous laile pour dormir ; ils la tournent seulement en arrière, en pla- cant leur bec entre le dessus de l'aile et le dos. DES «4 LANDS. 37 . Lorsqu'on vou oit prendre ces oiseaux, ils cherchoient à mordre et pincoient très- serré; il falloit, pour éviter le coup de bec et s’en rendre maître, leur jeter un mouchoir sur la tête. Lorsqu'on les pour- suivoit, ils accéléroient leur course en étendant leurs ailes: d'ordinaire ils mar- choient lentement et d'assez mauvaise grace. Leur paresse se marquoit Jusque. dans leur colère ; car quand le plus grand poursuivoit l’autre , il se coutentoit de le suivre au pas, comme s'il n’eût pas été pressé de l’atteindre : ce dernier, à son tour , ne sembloit doubler le pas qu’au- tant qu'il le falloit pour éviter le combat; et dès qu'il se sentoit suffisamment éloi- gné, 1l s’arrétoit, et répétoit la même manœuvre autant de fois qu’il étoit né- cessaire pour être toujours hors de la portée de son ennemi , après quoi tous deux restoient tranquilles, comme si la distance sufhisoit pour détruire l’antipa- thie. Le plus foible ne devroit-il pas tou- Jours trouver ainsi sa sûreté en s’éloi- gnant du plus fort ? Mais malheureuse- ment la tyrannie est, dans les mains ü® ae 7 ie 38 HISTOIRE NATU Le D : se ce PP Te l'homme, un instrument qu’il pperet | qu'il étend aussi loin que sa pensée." Ces oiseaux nous parurent avoir oublié pendant tout l'hiver l'usage de leurs ailes; ils ne marquèrent aucune envie de s’en- voler : ilsétoient, à la vérité , très-abon- damment nourris, et leur appétit, tout véhément qu'il est, ne pouvoit guère les tourmenter; mais au printemps ils sen- »“ tirent denouveaux besoins et montrèrent. d’autres desirs; on les vits’efforcer de s'éle- ver en l'air, etilsaurotent pris leur essor si leurs ailes n’eussent pasété rognées de plu- sieurs pouces ; ils ne pouvoient donc que s'élancer comme par bonds , ou pirouet- ter sur leurs pieds , les ailes étendues- Le sentiment d'amour qui renaît avec la saison, parut surmonter celui d’antipa- thie, et fit cesser l’inimitié entre ces deux oiseaux ; chacun céda au doux ins- tinct de chercher son semblable; et quoi- qu'ils ne se convinssent pas , étant d’es- pèce trop différente, ils semblèrent se rechercher ; ils mangèrent, dormirent et se reposèrent ensemble : maïs des cris plaintifs et des mouvemens/inquiets À DES GOÉLANDS. x exprimoient assez que le plus doux sen- tué de la Nature n’étoit qu'irrité sans être satisfait. Nous allons maintenant faire l’énumé- : ration des différentes espèces de ces oi- seaux, dont les plus grandes seront com- prises , coinme nous l'avons dit, sous le nom de goélands, et les petites sous celui de 7noueftes. LT » hé tié SÛS de Li 7 ; < 20 , HISTOIRE NATURELLE + pére 53° L L 74 LE GOÉËÉLAND A MANTEAU NOIR #*. Première espèce. N ous lui donnons la première Did comme au plus grand des goélands : ila deux pieds et quelquefois deux pieds et demi de longueur. Un grand inanteau d’un noir ou noirâtre ardoisé lui couvre son large dos ; tout le reste du plumage est blanc. Son bec fort et robuste, long de trois pouces et demi, est Jaunâtre , avec une tache rouge à l'angle saillant de la mandibule in ferieuses ; la paupière est d’un jaune aurore ; les pieds , Avec leur membrane, sont d'ine couleur de. chair blanchâtre et comme farineux. À Le cri de ce grand goéland , que nous * Voyez les planches enluminées y n° 990 ; sous a dénomination de nOit-MAnNlEQUe Zom 17 d EA Æ Lay 4 29 . LE GOELAND A MANTEAU NOIR. {Fouquet SJ AL EE ‘6 À DIE S..G O1 LAN DS... 2: avons gardé toute une année, est un sou enroué, qua , qua, qua, prononcé d’un ton rauque et répété fort vîte : mais l’oi- seau ne le fait pas entendre fréquemment; et lorsqu'on le prenoit, il jetoit un autre cri douloureux et très-aigre. 22. HISTOIRE NATURELLE P'RRLOPMARL abs | LI LE. G O'É LAND À MANTEAU GR'IS?L s Seconde espèce. L Le gris cendré étendu sur le dos et les épaules est une livrée commune à plu- sieurs espèces de mouettes, et qui dis- tingue ce goéland. li est un peu moins grand que le précédent ?; et à l'exception de sou manteau gris et des échancrures noires aux grandes penues de Paile, il a de même tout Le reste du plumage blanc. L’œil est brillant et l'iris jaune, comme dans l'épervier ; les pieds sont de couleur de chair livide; le bec, qui dans les jeunes est presque notiratre, est d’un jaune pâle dans les adultes, et d’un beau : Voyez les planches enluminées, n° 293, SOUS le nom de zones cendre. 2 Le module est trop grand de moiti: dans la planche enluminée. LE GOELAND A MANTEAU GRIS, JA -aupiel 4 DES GOÉLANDS. 23 * jaune presque orangé dans les vieux ; il y a une tache rouÿe au renflement du demi-bec inférieur , caractère commun à plusieurs des espècés de goélands et de mouettes. Celui-ci fuit devant le précé- dent , et n’ose lui disputer la proie : mais. il s'en venge sur les moucttes qui lui sont intérieures en force ; il les pille, les poursuit et leur fait une guerre Lois. nuelle. Il fréquente beaucoup, dans Îes mois de novembre et de décembre, nos côtes de Normandie et de Picardie, où on l'appelle gros miaulard et bleu-manteau , comme l’on appelle zoir-manteau celui de la première espèce. Celui-ci a plusieurs eris très-distincts qu'il nous a faitentendre - dans le jardin où il a vécu avec le précé- “dent. Le premier et ie plus fréquent de ces cris semble rendre ces deux syllabes “quiou, qui partent comme d’un coup de siflet , d'abord bref et aigu, et qui finit en trainant sur un ton plus bas et plus doux. Ce cri unique ne se répète que par intervalles ; et, pour le produire, l’oiscau alonge le cou, incline la tète ét semble faire effort. Son second cri, qu'il ne jetoit ‘ 24 HISTOIRE NATURELLE que quand on le poursuivoit ou qu’on le serroit de près, et Qui par conséquent étoit une expression de crainte ou de colère, peut se rendre par la syllabe tia, ia, prononcéc en sifflant , et répétée fort vîte. On peut observer en passant que, dans tous les animaux, les cris de colère ou de crainte sont toujours plus aigus et plus brefs que les cris ordinaïres. Enfin, vers le printemps, cet oiseau prit un nou- vel accent de voix très-aigu et très-per- caut, qu’on peut exprimer par le mot quieute ou pieute, tantôt.bref et répété précipitamment , et tantôt traîné sur la finale eute, avec des intervalles marqués , comme ceux qui séparent les soupirs d’une personne afligée. Dans l’un et l’autre cas, ce cri paroît être l'expression plaintive du besoin inspiré par l’amour non sa- tisfait. E, 4 DES GOÉËÉLANDS. 25 LE GOÉLAND BRUN *. Troisième espèce. Cs goéland a le plumage d’un brun sombre, uniforme sur le corps entier , à l'exception du ventre, qui est rayé trans- versalement de brun sur fond gris, et des grandes pennes de l'aile, qui sont noires. Il est encore un peu moins grand que le précédent ; sa longueur, du bec à l’extrémité de la queue, n’est que d’un pied huit pouces, et d’un pouce de moins du bec aux ongles, qui sont aigus et robustes. Ray observe que cegoéland, par toute l'habitude du corps, a Pair d’un oiseau de rapine et de carnage; et telle est en effet la physionomie basse et cruelle de tous ceux de la race sanguinaire des goélands. C’est à celui-ci que les natura- * Eu anglois, 2rown gull. &? ' « de. | : ve ” “ LA 26 HISTOIRE NATUREDHE* listes semblent être convenus de rappor: ter l'oiseau ca/arractes d’Aristote, lequel, suivant que l'indique son nom , tombe sur l’eau comme un trait pour y salle sa proie ; ce qui se rapporte très-bien à ce que dit Willughby de nôtre goéland , qu'il fond avec tant de rapidité sur un pois- son que les pêcheurs attachent sur une planche pour l'attirer , qu'il s’y casse la tête. De plus, le cafarractes d’Aristote est sûrement un oiseau de mer, puisque, suivant ce philosophe , il boit de l’eau marine *. Le goéland brun se trouve en effet sur les plus vastes mers, et l'espèce en paroît également établie sous les lati- tudes élevées du côté des deux poles ; elle est commune aux îles de Féroé et vers les * Rien de moins vrai, sans doute, que ce que dit Oppien, que le catarractes se contente de dé- poser ses œculs sur les algues, et laisse au vent le soin de les faire couver ; si ce n’est ce qu'il ajoute, que vers le temps où les petits doivent éclore, le mäle et la femelle prennent chacun entre se serres les œufs d’où ïls prévoient que doit sortir un petit de leur sexe, et que les laissant tomber à plusieurs reprises dans Ja mr ; les petits éclosent dans cet excrcice. DES GOËLANDS. 27 côtes de l'Écosse ; elle sembie étre encore plus répandue dans les plages de l'Océan austral, et il paroît que c’est l’oiseau que nos navigateurs ont désigné sous le nom e cordonnier, Sans Œu'On puisse en{revoir d Î sans qu'on p en{revoir la raison de cette dénomination *: Les nglois 1 ont rencontré nombre de Anglois , qui out rencontré nombre d ces oiseaux dans le port Egmont, auxiîles alkian , uines, leur on nié Falkland ou Malouines, leur ont do le nom de poules du port Egmont, et ils en parlent souvent sous ce nom dans leurs relations. Nous ne pouvons micux faire que de transcrire ce qu'on en lit de plus détaillé dans le second Voyage du célèbre * Suivant les notes que M. le vicomte de Quer- hoent a eu la bonté de nous communiquer, les cordonniers se sont rencontrés Sur sa roule, non seulement vers le cap de Bonnc‘Espérance, inmais à des latitudes plus basses ou plus hautes en pleme mer. Cet observateur semble aussi distinguer une grande et une petite espèce de ces oiseaux cordon- niers, comme 1] paroît à la note suivante : « Je crois que les habitans des eaux vivent avec « plus d'union et plus de société que ceux de terre, « quoique d'espèces et de tailles fort différentes. « On les voit se poser assez près les uns des autres < sans aucune défiance ; ils chassent de compagnie, 28 HISTOIRE NATURELLE capitaine Cook. « L'oiseau, dit-il, que L « « « « « À A f A ff - dans notre premier 'éabe ,nousavions nommé poule du port Esmont, voltigea plusieurs fois sur le vaisseau ( par 64 degrés 12 minutes latitude sud, et 40. degrés longitude est ): nous reconnümes que c’étoit la grande mouetie du Nord, larus catarractes, commune dans les hautes latitudes des deux hémisphères. Elle étoit épaisse et courte, à peu près de la grosseur d’une grande corneille , d’une couleur de brun foncé ou de cho- colat , avec une raie blanchâtre en et je n'ai vu qu'une seule fois un combat eutre une graude envergure (unc frégate, suivant toute apparence) et un cordonnier de la petite espèce : il dura assez long-temps dans l'air; chacun se défendoit à coups d'ailes et de bec. Le cordon- nier, infiniment plus foible, esquivoit par son agilité les coups redoutables de son adversaire , sans céder ; il étoit battu, lorsqu'un damier qui se Lrouva dans le voisinage, accourut, passa et repassa plusieurs fois entre les combattans, et parvint à les séparer. Le cordonmier reconnois- sant suivit son libérateur, eb vint avec lui aux environs du vaisseau. » DES GOÉLANDS « forme de demi-lune au - dessous de « chaque aile. On m’a dit que ces poules «se trouvent en abondance aux îles de « Fero , au nord de l'Écosse, et qu’elles « ne s’éloignent jamais de terre. ILest sûr « que jusqu'alors je n’en avois Jamais vu « à plus de quarante lieues au large; mais « Je ne me souviens pas d'en avoir ap- « perçu moins de deux ensemble , au lieu « qu'ici J'en trouvai une seule qui étoit « peut-être venue de fort loin sur les îles « de glaces. Quelques jours après nous en « vimes une autre de la même espèce, « qui s’élevoit à une grande hauteur au- « dessus de nos têtes, et qui nous regar- « doit avec beaucoup d’attention ; ce qui « futune nouveauté pournous, qui étions « accoutumés à voir tous les oiseaux « aquatiques de ce climat se tenir près de « la surface de la mer. » | 39 HISTOIRE NATURELLE LE GOÉLAND VARTÉ, OU LE. CRISA Bb Quatrième espèce. Lr plamage de ce goéland est haché et moucheté de gris han sur fond blanc ; les grandes pennes de l’aile sont noïrâtres; le bec, noir, épais et robuste, est long de hate polices Ce goéland ed de ta plus grande espèce ; il a ciuq pieds d’en- vergure , mesure prise sur un individu envoyé vivant de Montreuil - sur-mmer , par M. Baillon. Cegrisard avoit PRE TNN vécu dans une basse-cour, où il avoit fait périr son camarade à force de le * Voyez les planches enluminées, n° 266. Eu anglois, great grey gull ; et dans le pays de Cornouailles , wagell ; en hollandois, mallemuckdés Zom 27. LL 3. Zag 30 : = = np LE 4 LE GOELAND VARIE ow LE GRISARD. JL Pauguet De. le %: CANARD OV) % En ter Tr ‘ 1 : | { de D re DES GOÉLANDS. 3s battre. Il montroit cette familiarité hasse de l'animal vorace , que la faim seule attache à la main qui le nourrit. Celui-ci avaloit des poissons plats presque aussi larges que son corps, et prenoit aussi, avec la même voracité, de la chair crue, et même de petits animaux entiers, comme des taupes , des rats et des oi- seaux *. Un goéland de même espèce, qu'Anderson avoit recu de Groenland, attaquoit les petits animaux, et se défen- doit à grands coups de bee contre les chiens et les chats, auxquels rl se plaisoit à mordre la queue. En lui montrant un mouchoir blane, on étoit sûr de le faire crier d’un ton percant, comme sit cet objet lui eût représenté quelqu'un des ennemis qu’il peut avoir à redouter en mer. Tous les grisards , suivant les observa- tions de M. Baïllon , sont, dans le pre- micer âge, d’un gris sale etsombre ; mais, * D’où vient apparemment que l'on a appliqué au grisard la fable que fait Oviedo d’un oiseau qui a un pied palmé pour nager, et l'autre armé de griffes de proie pour saisir. _ 3 HISTOIRE NATURELLE dès la première mue, la teinte s’éclaircit: le Yentre et le cou sont les premiers à blanchir, et après trois mues Le plumage est tout ondé et moucheté de gris et de blanc, tel que nous l’avons décrit; en- suite le blanc gagne à mesure que l'oiseau vieillit, et les plus vicux grisards finissent par blanchir presque entièrement. L’on voit donc combien l’on hasarderoit de créer d'espèces dans une seule, si l’on se fondoit sur ce caractère unique , puis-. que la Nature y varie à ce point les cou- leurs suivant l’âge. Dans le grisard , comme dans tous les. autres goélands et mouettes , la femelle ne paroît différer du mâle que par la taille, qui est un peu moindre. Belon avoit déja observé que les grisards ne sont pas communs sur la Méditerranée ; que ce n’est que par accident qu'il s’en rencontre dans les terres * , mais qu'ils se tiennent en grand nombre sur nos côtes. * M. Lotinger prétend ‘avoir vu quelques uns de ces oiseaux sur les grands étangs de Lorraine, dans le temps des pêches; et M. Hermann nous parle d’un grisard lué aux environs de Strasbourg. DES GOÉLANDS 33 de l'Océan. Hs se sont portés bien loin les mers, puisqu'on nous assure er _avoir-recu de Madagascar ; néanmoins le véritable berceau de cette espèce paroît être dans le Nord. Ces oiseaux sont les premiers que les vaisseaux rencontrent en approchant du Groenland, et ils sui- vent constamment ceux qui vont à la pêche de la baleine, jusqu’au milieu des glaces. Lorsqu'une baleine est morte et que son cadavre surnage , ils se jettent dessus par milliers et en enlèvent de tous côtés des lambeaux !. Quoique les pê- cheurs s'efforcent de les écarter en les frap- pant à coups de gaules ou d’avirons, à peine leur font-ils lâcher prise, à moins de les assommer. C’est cet acharnement stupide qui leur a mérité le surnom de sottes bêtes, mallemucke en hollandois ?. 1 Les barengs fournissent aussi beaucoup à Îa pâture de ces “légions d'oiseaux. Zorgdrager dit avoir vu quantité d’arêtes de harengs auprès des nids des oiseaux aquatiques sur les rochers du Groenland. 2 Du mot mall, qui veut dire sot., stupide , et du mot mocke , qui dans l’ancien allemand signifie bête, animal. Martens dérive ce dernier autre- a ‘ PA PRE 9077 OUR “ L : 34 HISTOIRE NATURELLE Ce sont en effet de sots et vilains oiseaux qui se battent et seimordent, dit Martens, en s’arrachant l'un l’autre les morceaux, quoiqu'il y ait sur les grands cadavres où ils se repaissent , de quoi assouvir pleine: ment leur voracité. - Belon trouve quelque rapport entre la tête du grisard et celle de l'aigle; mais il y cn a bien plus entre ses mœurs basses et celles du vautour. Sa constitution forte et dure le rend capable de supporter les temps les plus rudes; aussi les naviga teurs ont remarqué qu'il s'inquiète peu des orages en mer : il est d’ailleurs bien garni de plumes, qui nous ont paru faire la plus grande partie du volume de son corps très-maigre. Cependant nous ne pouvons pas assurer que cesoiseaux soient tous et toujours maigres; car celui que nous avons vu l’étoit par accident : il avoit un hamecon accroché dans le pa- lais, qui s’y étoit recouvert d’une callo- ment, et prétend qu'il désigne la manière dont ces oiseaux attroupés tombent sur les balemes, comme des nuées de moucherons; mais RAR d'An- dersan nous paroît la meilleure, DES GOÉLANDS 35 sité, et qui devoit l'empêcher d’avaler aisément. Suivant Anderson , il y a sous la peau une membrane à air, semblable à celle du pélican. Ce même naturaliste observe que son /zallemucke de Groenland est, à quelques égards, différent de celui de Spitzberg , décrit par Martens; et nous devous remarquer sur cela que Martens lui-même semble réunir sous ce nom de mallemucke, deux oiseaux qu'il distingue d’ailleurs, et dont le second, ou celui de Spitzherg , paroît, à la structure de son bec articulé de plusieurs pièces et sur- mouté de narines en tuyaux, aussi-bien qu’à son croassement de grenouille, être pétrel plutôt qu'un goéland. Au reste , il paroît qu’on doit admettre dans l’espèce du grisard ure race ou variété plus grande que l'espèce commune , et dont le plu- mage est plutôt ondé que tacheté ou rayé. Cette variété , qui a été décrite par M. Lid- beck , se rencontre sur le golfe de HPPAE nie, et certains individus ont jusqu’à buit à dix pouces de plus dans leurs prin- cipales dimensions que nos grisards com- muns, | RAA RUE Lit 3 HISTOIRE NATURELLE LE GOÉLAND A MANTEAU GRIS-BRUN, + Ô U LE BOURGMESTRE !. _ Cinquième espèce, F ” Lrs Hollandois qui fréquentent les mers du Nord pour la pêche de la baleine, se voient sans cesse accompagnés par des nuées de mouettes et de goélands. Ils ont cherché à les distinguer par les noms significatifs ou imitatifs de r2allemucke, kirmew , ratsher, kutgeghef”, et ont appelé 1 En anglois, herring-gull ; sen bollandois’, burghermeister ; et 11 nous paroît qu’ on doit y rapporter le krikie des Norvégiens, le skerro des Lappons, et le ta/tarok des Groenlandois. # Voyez l’article précédent et les suivans. A RE EP OR D ED PR PR TAN M ROOT CRRPETN TE és Le et Due ve das state dé ee À ; DES GOÉLANDS celui-ci burgher-meister ou sn à cause de sa démarchegrave et desa grande taille, qui leleur a fait regarder comme le magistrat qui semble Dis avec auto- rité au milieu de ces peuplades turbulentes et voraces. Ce goéland bourgmestre est en effet de la première grandeur, et aussi gros que le goéland noir- manteau. Il a le dos gris brun, ainsi que les pennes de l'aile, don: les unes sont terminées de Hbc. les autres de noir, le reste du plumage blanc ; la paupière est bordée de rouge ou de jaune; le bee est de cette dernière couleur, avec l'angle inférieur fort saillant et d’un rouge vif; ce que Martens exprime fort bien, en disant qu'il semble avoir une cerise au bec. Et c’est P probablement: par inadvertance , ou en comptant pour rien le doigt postérieur, qui est en effet très-petit, que ce voya- geur ne donne que trois doigts à son bourgmestre; car on le reconnoît avec certitude, et à tous les autres traits, pour le méme oiseau que le grand gocland des côtes d'Angleterre, appelé dans ces pa- rages Lerring-gull, parce qu'il y pêche Oiseaux, X VII. 4 LA Le + … dant LE LA \ 38 HISTOIRE RAT | AT 7 ‘10} aux harengs. Dans les mers du Nord ) ces oiseaux vivent des cadavres des brantis poissons. « Lorsqu'on traîne une baleine « à l'arrière du vaisseau , dit Martens, ils - « s'attroupent et viennent enlever de gros « morceaux de son lard: c’est alors qu’on _« les tue plus aisément; car il est presque « impossible de les atteindre dans leurs « nids, qu'ils posent au sommet et dans. «les fentes des plus hauts rochers. Le _« bourgmestre, ajoutet-il, se fait redou- «ter du mallemucke, qui s’abat devant « lui, tout robuste qu'il est, et se laisse « battre ct pincer sans se revancher. Lors- « que le bourgmestre vole, sa queue « blanche s'étale comme un éventail. « Son cri tient de celui du corbeau. Il « donne la chasse aux jeunes lumbs, et « souvent on letrouveauprès des chevaux … «marins (/”orses), dont il re qu'il « avale la fente. » y Suivant Willughby, les œufs de ce goé- Jand sont blanchâtres, parsemés de quel- ques taches noirâtres , et aussi gros que : es œufs de poule. Le P.Feuillée fait men- tion d’un oiseau des côtes du Chili et du h ‘@ es AE À sa 6. M MO is EN QUE, A 0, LA ré Mr". \ , 4” | DES GOÉLANDS 3 Pérou, qui, par sa figure, ses couleurs et sa voracité, ressemble à ce goéland du Nord, mais qui probablement est plus petit, car ce POTTER naturaliste dit que ses œufs ne sont qu’un peu plus gros que ceux de la perdrix. Ilajoute qu’il a trouvé l’estomac de ce goéland tout rempli des plumes de certains petits oiseaux des côtes de la mer du Sud, que les gens du pays ‘nomment /ocoquilto. | | COR À / ! 2 BE GO LAND 0 A MANTEAU GRIS ET BLANC. Sixième espèce. . : 1 Fi + % < . Jr est assez probäble que ce goéland, décrit par le P. Feuillee, et qui est à peu près de la grosseur du g sôélande à manteau gris, n’est qu'une nuance ou‘une variété . de cette espèce, ou de quelque-autre des précédentes, prise à un période différent. d'âge : ses traits et sa figure semblent M nous Pi indiquer. Lemanteau, dit Feuillée, est gris melé de blanc, ainsi que le Abou du cou, dont le Ha est gris cluir, de méme que tout le parement; les peunes + Je sommet de la tete est gris. Il ajoute, | comme une singularité, sur le nombre | des articulations des doigts, que l’inté- + rieur n’a que deux articulations, celui du de la queue sont d’un minime obscur, et k: R ” 4 0: ÉLaN D se RU , a bien trois, et l extérieur quatre , ce qui le rend le plus long ; mrais cette structure, la plus FMOrables l’action de nager, en _ce qu’elle met la plus grande largeur dt la rame du côté du plus grand arc de son mouvement, est la même dans un crand nombre d'oiseaux d’eau , et même dans plusieurs oiseaux de ssasbt nous l'avons observé en ee Pi sur le jacana, la poule sultane, la poule d’eau. Le doigt fs extérieur a dans ces oiseaux quatre pha- langes, celui du milieu trois, et l’inté- rieur deux phalanges seulement. ” 1# L( Pi emière ab 73 | —_. k ‘# : D'ipnis ce que nous avo it des - grisards qui blanchissent daus la vieil- lesse, on pourroit sroR eme M bléuçhé n'est qu’un vieux grisard : mais elle est beaucoup moins grande que ce goéland; elle n’a le bec ni si grand ni - si fort, et son plumage, d’un blanc par- fait, n’a aucune teinte ni tache de gris. Cette mouette blanche n’a guère que quinze pouces de longueur , du bout du ” _ bec à celui de la queue. On la reconnoît à la notice donnée dans le 7’oyage au Spitsberg du capitaine Phipps. Il observe _ fort bien que cette espèce n’a point été décrite par Linnæus, et que l'oiseau nom- mé par Martens ra ou Le sénateur, lui ‘ressemble parfaitement, au caractère des pieds près, auxquels Martens n’attribue * Voyez les planches enluminées, n° 994, sous le nom de cérad Blanc du Spitzberg. L { \ me PER très- petit, ait échappé e l'attention de ce naviga- teur, on reconnoîtra à à tout le reste notre Mouette blanche dans son ratsher. Sa ts; 2 . peut penser fe" sa blancheur, dit-il , surpasse celle de la neige; A ce qui se marque lorsque l'oiseau se promène vité qui Jui a fait donner ce nom de ratsher, ou sénateur. Sa voix est basse et forte ; et au lieu que les petites mouettes ou Àzrmews semblent dire #ir ou fair, le sénateur dit £ar. Il se tient ordinairement seul, à moins que quelque proie n’en . rassemble un certain nombre. Martens sur les glaces avec une gra-. en a vu se poser sur le corps des morses, et se repaître de leur fente. LA MOUETTE . ne 10 LE: 4 LA ’ 11 LL TRE À * e Fr 4 LE LUTGEGHERE RH Seconde espèce. D le if « découpionsia graisse des BP loe quan- \ PAL | « tité de ces oiseaux venoient criant près « de notre vaisseau ; ils sembloi: lit pros « noncer kutgeshef». Ce nom rend en effet. l'espèce d'éter nuinent, keph, keph, es diverses moucettes captives 1 nous ont fait entendre, et d’où nous avons conJecturé que le nom grec xérpos pouvoit bien dé- Ne” river. Quant à la taille, cette mouetle ad yes les planches enluminées , n° 387, sous Ja dénomination de moueite cendrée tachetée. Lx _. En Angleterre, au pays de Cornoualles {ar= | rock ; el d ième que nibse y pouces! de de ax ( plumage, sur un fond je beau blanc en devant du corps, et de ris sur le manteau , est distingué par quelques traits de ce Me gris, qui for- ment sun le dessus du cou comme un ; demi-collier, et par des taches de blanc et de noir mélangé sur les couvertures de l'aile, avec des variétes néanmoins dont nous allons: faire mention. Le doigt de | derrière, | qui est très-petit dans toutes les ù moucttes, est presque nul dans celle-ci, comme | eu Belon et Ray; et c est A, à: de là sans doute que Martens ne lui k donne que trois doigts. Il ajoute que cette Lu - mouette vole toujoursavecrapiditécontre le vent, quelque violent qu’il'soit ; mais qu'elle a dans l'oiseau sundjager ” un persécuteur opiniatre, et qui la tourmente pour l'obliger à rendre sa fente, qu'il avale avidement, On verra dans Particie suivant que c’est par erreur qu’on attri- bue ce goût dépravé au strundjager ?. De 1 À Ja lettre, chasse-merde. 2 Voyez ci-après l’article du stercoraire. les mers du Nord que ec ‘cette mouette tachetée ; on la voit sur les côtes L d'Angleterre, A'Écae Belon, qui l’a ren= … contrée en Grèce, dit qu'il l’eût reconnue | au seul nom de /aros qu’elle y porte en- core; et Martens, après lavoir observée au Spitzherg, l’a retrouvée dans la mer d'Espagne, un peu différente, à la vérité, | mais assez reconnoissable pour ne pas s’y méprendre: d’où il infère très-judicieuse- ment que des animaux d’une même es- pèce , mais placés dans des climats très- différens et très-éloignés, doivent ‘tou- jours porter quelque empreinte de cette différence des climats. Elle est assez grande ici pour qu'on ait fait deux espèces d’une seule ; car la zouette cendrée de M. Bris- son doit certainement se rapporter à la mouette cendrée tachetée, comme le simple coup d'œil sur les deux figures qu'il en donne l'indique assez ; maïs ce. qui le prouve, c’est la comparaison que nous avons faite d’une suite d'individus, où toutes les nuances du plus au moins de noir et de blanc dans l'aile se mar= _ DES MOUETTES. 47 quent, depuis la livrée décidée de mouette tachetée , telle que la représente notre planche enluminée, jusqu'à la simpl e cou leur grise et presque entièrement dénuée de noir, telle que la moueite cendrée de M. Brisson : mais le demi-collier gris, ou quelquefois noirâtre, marqué sur le haut du cou, est un trait de ressemblance commune entre tous les individus de cette espèce. De grandes troupes de ces mouettes pa- rurent subitement aux environs de Semur en Auxois, au mois de février 1775 : on les tuoit fort aisément, et on en trouvoit de mortes ou demi-mortes de faim dans les prairies, dans les champs et au bord des ruisseaux ; en les ouvrant, on ne ES + { trouvoit dans leur estomac que quelques débris de poissons, et une bouillie noi- râtre dans les intestins. Ces oiseaux n’é- toient pas connus dans le pays; leur apparition ne dura que quinze jours. Ils étoient arrivés par un grand vent de midi qui soufla tout ce temps * * Observation communiquée par M. de de beillard, | à % LA Gi LANDE MOUETTE. ENDRÉE, "\ 17 sh cÆ VE | “MoU TTE A PIEDS SLRUS” “ \ Troisième espèce. # É L A couleur bleuâtre des pieds et du bec, constante dans cette espèce, doit la dis- tinguer des autres, qui ont généralement les pieds d’une couleur de chair plus ou moins vermeille ou livide. La mouette à pieds bleus a de’seize à dix-sept-pouces de longueur, de la pointe du bec à celle de la queue. Son manteau est d’un.cen= _dré clair; plusieurs des pennes de l'ailé -sont échancrées de noir; tout le reste du | PRRRE est d’un blanc 0 # # L: CRE $: Ve Voyez les planches enluminées, n° 077e FR. - ta | rt KT 4 4 ù :; Va mk # : À ni: Le | Ne ga LA ' nn “ay # \ # “EM . Ù Lo A DES MOUETTES. 4. Willughby semble désigner » À Eece comme la plus commune.en Angleterre *, . On la nomme grande mniaulle sur nos côtes de Picardie; et voici | les obsér pions que M. Baillon a faites sur les Méreud is + nuances de couleurs que prend successi à vement le plumage decés mouettes dans la suite de leurs mues , suivant les diffé- rens âges. Dans la première année, les pennes des ailes sont noirâtres; ce n’est qu'après la seconde mue qu’elles prennent un noir décidé et qu'elles sont variées de taches blanches qui les relèvent. Aucune jeune mouette n’a la queue blanche; le bout en est toujours noir ou gris. Dans ce même temps, la tête et le dessus du cou sont marqués de quelques taches, qui peu à peu s’effacent et le cèdent au blanc pur. Le bec et les pieds n’ont leurs couleurs pleines que vers l’âge de / PU Tai PR ge PA Ne oué à 7 « deux ans. A ces observations très- intéressantes , Sn elles doivent servir à empêcher - qu'on ne multiplie les: “espèces sur de V4 ds * The common sea-mew. "18 pig > # sn So HISTOIRE NATURELLE À simpleswari iétés individuelles, M. Baillon | L fun ‘1 sd . U N +" L Le : am pe , <. (EE en ajoute quelques unes sur le naturel particulier de la mouette à pieds bleus. Elle s’apprivoise plus difficilement que les autres, et cependant elle paroît moins … farouche en liberté ; elle se bat moins et. m'est pas aussi vorace que la plupart des autrés : mais elle n’est pas aussi gaie que la petite mouette dont nous allons par- ler, Captive dans un jardin, elle cher- choït les vers de terre : lorsqu'on lui pré- sentoit de petits oiseaux, elle n’y tou- choit que quand ils étoient à demi déchi- rés ; ce qui montre qu'elle est moins car- nassière que les goélands ; et comme elle est moins vive et moins gaie que les pe- tites mouecttes dont il nous reste à parler, elle paroît tenir le milieu, tant pour le naturel que par la taille, entre les unes et les autres. PAT: 4 . » à de "y Wa MOUETTES. à LA PETITE MOUETTE CENDRÉE * # Quatrième espèce. * “ La différente couleur de ses pieds , et une plus petite taille, distinguent cette .!mouette de la précédente, à laquelle du reste elle ressemble pau een par les . couleurs ; on voit le même cendré clair et bleuâtre sur le manteau , les mêmes échancrures noires achetées de blanc aux grandes pennes de l'aile, et enfin le même blanc de neige sur tout le reste du plumage , à l'exception d’une mouche. . noire que porte constamment cette petite mouette aux côtés du cou derrière l’œil. - * Voyez les planches enluminées, n° 969, sous la dénomination de petit goéland. En italien, gavina , galetra ; et sur le lac de à Côme , guleder. | | ah à is is Les ae Jeunes ont, comme pour Hvréis ‘à Fos taches brunes sur les couvertures de , les plumes be de cou- : w’à la seconde ou te nie année que les pieds et Le bec deviennent d'un beau roüge ; auparavant : ils sont livides. à #2. # 4 “Celle-ci et la mouette rieuse sont les 4 deux plus petites de toute la familles elles ne sont que de la grandeur d'u ? gros pigeon, avec beaucoup moins d'é- paisseur de cor ps. Ces moueltes ceridrées # n’ont que treize à quatorze a longueur ; elles sont très - Joli es propres et fort remuantes ». n O1T chantes que les grandes , et son! ‘cepen-* dant plus vives. Elles mangent bé: aucoup d'insectes; on les voit, durant lé te faire ? mille évolutions us l'air après 1és sca- rabées et les mouches : elles en pr ennent uue telle quantité, que souvent léur œso- phage en est rein pli jusqu'au béc. Elles suivent sur les rivières la marée imon- | tante *, et se répandent à à quelques lieues L * Quelquefois elles les rencontrent fort haut 1 * AU à + D (MOUVETTES. | sa dans les terres, prenant dans les marais les vermisseaux et les sangsues, et le soir elles retournent à la mer. M. Baillon , qui a faitcesobserva ti ons, ajoute qu’elles s’habi- ans les jardins, ety vivent tuent aisément dar d'insectes, de petits lézards et d’autres reptiles S HA Hg on peut les nourrir de pain trempé; mais il il faut toujours leur donner beaucoup d’eau , parce qu’elles se lavent à chaque instant le bec et les pieds: Elles sont fort criardes, sur - tout les “Jeunes , et sur la côte de Picardie on les appelle petites ee Il paroît que le nom de fattaret leur a aussi été donné rélativement leur ‘cri ;-et rien n’em- péchequ'on ne : regarde comme les mêmes oiseaux ces mouettes grises dont parlent À lesrelations des Portugais aux Indes orien- tales , sous le nom de garaïos, et que les HRVtEMle rencontrent en quantité dans la traversée de Madagascar aux Maldives. C’est encore à quelque espèce semblable ou à la même que doit se rapporter l’oi- seau nommé à Lucon fambilagan, et qui M. Baillon en a vu sur la Loire à plus de cinq uante Leves de son embouchure. 5 — 2 est une nomette grise de] ip petite taille suivant la courte descri} tic n qu’ en « es DU dans sa en des’ oiseaux des ilippines , inséré ans jo philosaplaques. À #3 # +74 ! 4 Léa? Ey< { » à #4 - l È f L " EL . NC A \ à 4 nd AACE * : TA \ L ci ” & ; 6 MA + LL RUTE wir La L *’ L ï 4 LA MOUETTE RIEUSE* rs Cinquième espèce. Le cri de cette petite mouette a quelque ressemblance avec un éclat de rire, d’où vient son surnom de 7rieuse. Elle paroît un peu plus grande qu'un pigeon ; mais elle a, comme toutes les mouettes, bien rate de corps que de volume Mrs de La quantité de plumes fines dont elle est revêtue , la rend très-légère : aussi vole- t-elle une continuellement sur les eaux; et pour le peu de temps qu’elle “est à terre, on l’y voit très-remuante et très-vive. Elle est aussi fort criarde, par- ticulièrement durant les nichées, temps où ces petites mouettes sont plus rassem- * Voyez les planches enluminées, n° 970. En anglois, laughing-gull, pemit-gull, black- eap ; en allemand, grosser see-schwalle , grauer fischer. blées. La ponte. est de six œufs olivâtres tachetés de noir. Les jeunes sont bonnes | mr , et, suivant les auteurs de la. 0 ologie britannique, V onen prend grand 4 nombre dans les comtés. d’Essex et de Stafford. . Quelques unes de ces mouettes rieuses s'établissent sur les rivières et même sur des étangs dans l'intérieur des terres *, et il paroît qu’elles fréquentent d’ailleurs ; les mers des deux continens. Catesby les a trouvées aux îles de Bahama; Fernan- dès les décrit sous le nom mexicain de pipican, et, comme toutes les autres mouëttes, és" abondent sur-tout dans - les contrées du Nord. Martens, qui les a observées à Spitzherg , et qui les nomme dirmews, dit qu'elles pondent sur une mousse blanchâtre, dans laquelle on dis- tingue à peine te œufs, parce qu' ils sont à peu près de la couleur de cette mousse, c’est-à-dire, d'un blancsale où _verdâtre , piqueté de noir ; ils, sont de la grosseur di œufs de pigeon , mais fort * On voit de ces oiseaux sur! la Tamise, près de Gravesend , sulvaut Albin. - La) ga 1x 2 PE MORE EE des « ; | A x” F DÉS MOUÉËÉTTES. 5 pointus par un bout : le moyeu de l’œuf est rouge , et le blanc est bleuâtre. Mar- tens dit qu Pil en mangea et qu'il les trouva fort bons et du même goût quelles œufs de vanneau. Le père et la mère s’élancent. courageusement contre ceux qui enlèvent leur nichée, et cherchent mème à les en écarter à coups de bec et en jetant de grands cris. Le nom de {irmews , dans sa première syllabe kir ! exprime cel or : suivant le même voyageur, qui conte dant observe qu'il a trouvé des différences dans la voix de ces oiseaux, suivant qu'il les a rencontrés dans les régions polaires ou dans des parages. moins septentrio- naux, comme vers ke côtes d'Écosse , d’irlande , et dans les mers d'Alenents à 11 dr qu’en général on troûve de la différence dans les cris des animaux de même espèce, selon les climats où ils vivent; ce qui pourroit tiès-bien étre, sur-tout pour les oiseaux, le cri n'étant dans les animaux que l’expression de la sensation la plus habituelle , ct celle du climat étant dominante dansles oiseaux, plus sensibles que tous les autres animaux VU 0 À ÿ 4 58 HISTOIRE NATURELLE aux variations de l'atmosphère et aux impressions de la température. < .Martensremarque encore que ces mouet- tes, à Spitzberg , ont les plumes plus fines et due chevelues qu’elles ne les ont dans nos mers. Cette différence tient encore au chmat. Une autre qui ne nous paroît tenir qu'à l’âge, est dans la couleur du bec et. _ des pieds : dans les uns ils sont rouges , ét sont noirs dans les autres. Mais ce qui prouve que cette différence ne constitue _ pas deux espèces distinctes , c’est que la nuance intermédiaire s’offre dans plu- sieurs individus ,| dont les uns ont le bec rouge et les pieds seulement rougeâtrés ; d’autres le bec rouge à la pointeseulement, et dans le reste, noir. Ainsi nous ne re- connoîtrons qu’unemouetterieuse, toute la différence sur laquelle M. Brisson se fonde pour en faire deux espèces sépa-. rées , ne consistant que dans la couleur du bec et des pieds. Quant à celle du | plumage, si la remarque de cet ornitho- logiste est juste, notre planche enlumi- née représente la femelle de l'espèce, re- connoissable en ce qu’elle a le front et la - L DES MOUETTES ‘ : gorge marqués de blanc, au lieuque, dans ‘le mâle, toute la tête est couverte d’une _calotte noire; les grandes pennes de l'aile | sont aussi en partie de cette couleur; le manteau est cendré bleuâtre et le reste du corps blanc. gi 3 LA MOUETTE D'HIVER * L Li 4 _ 4 Sixième espèce. À LU { / 4 4 Nous soupconnons que l'oiseau dés he sous cette dénomination pourroit bien n'être pas autre que notre mouette tache- tée . laquelle paroît en Angleterre pen- dant l'hiver dans l’intérieur des terres ; et notre conjecture se fonde sur ce que ces oiseaux, dont la grandeur est lamême, ne diffèrent dans les descriptions des na- turalistes qu’en ce que la mouette d'hier a du brun par-tout où notre mouette tachetée porte du gris, et l’on sait que le brun tient souvent la Dee du gris dans la première livrée de ces oiseaux, sans compter la facilité de confondre l’une et l’autre teinte dans une description ou © * En anglois, winier-mew; et dans le Cam- buidgshire, coddimoddy. \ à à dans une M eure Si Lalla que a la Zoologie britannique paroissoit meil- leure, nous parlerions avec plus de con- : fiance. Quoi qu'il en soit, cette mouette que l’on voit en Angleterre, se nourrit en. hiver de vers de terre ; et les restes à demi digérés que ces oiseaux rejettent par le bec, forment cette matière gélatineuse connue sous le nom de séar - shotou star- gelly. Après l'énumération des espèces, des goélands et des mouettes, bien décrites et distinctement connues , nous ne pou-. vons qu’en indiquer quelques autres, qu’on pourroit vraisemblablement rap- porter aux précédentes , si les notices en étoient plus complètes. 4°. Celle que M. Brisson : Sens sous le nom de perite mouette grise, tout en di- sant qu’elle est de la taille de la grande _ mouette cendrée , et qui ne paroît en effet différer de cette espèce, ou de celle du goéland à manteau gris, qu’en ce qu’elle a du blanc mélé de gris sur le dos. 2°, Cette grande mouette de mer dont parle Anderson, laquelle pêche un ex- l à v Q é: HISTOIR ATURELLE cellent poisson , » appelé en Islande runmas gen, l'apporte à terre et n’en mange que | le foie ; sur quoi les paysans instruisent leurs enfans à courir sur la mouctte aussi- | tôt qu’elle arrive à terre, pour lui enle- “ver sa proie. | | 3°. L'oiseau tué par M. Banks, par la latitude de 1 degré 7 minutes nord, et la longitude de 28 degrés 5o minutes , et qu’il nomma 7oueile à pieds noirs, ou larus crepidatus. Les excrémens de cet oiseau parurent d’un rouge vif, appro- chant de celui de la liqueur du coquillage hélix quiyflotte dans ces mers. On peut croire que ce coquillage sert de nourri- ture à l'oiseau. 4°, La mouette nommée, par les insu- laires de Lucon, faringting, et qui, au caractère de vivacité qu’on lui attribue , et à son habitude de courir rapidement sur les rivages, peut également être la petite mouette a ou la mouette rieuse. 5°. La mouette du lac de Mexico, nom- mée par les habitans acuicuitzcail, et dont Fernandés ne dit rien de plus. rs 6°. Enfin un goéland observé par M. le à# . La DES-MOUETTES. . 63 vicomte de Querhoent à la rade du cap de Bonne-Espérance , et qui, suivant la notice qu’il à eu la bonté de nous don- ner, doit être une sorte de noir-man- teau , mais dont les pieds , au lieu d’être rouges , sont de couleur verd de mer. Es Ï G> \ a k & D Le #4 px # j 8 3 “ai 'H F £ M 1% . ÿ L! Vo ICI un oiseau qu'on rangeroit parmi les mouettes , en ne considérant quesa taille et ses trés: : mais s’il est de la fa- mille , c’est un parent dénaturé ; car il “est le persécuteur éternel et déclaré de plu- _ sieurs de ses proches, et particulièrement + de la‘petite mouette cendrée tachetée, fe. les FA nommée FLIEPE IT par les pê- 4 nt: | eux, c’est pour en avélét la FR fente, et, dans cette idée, ils lui ont im- Moss le nom de s/rundjager, auquelrépond celui de séercoraire : mais nous ie donne- Va # M les planches si n° 'O9E. “ j \ à “ LE LABBEoz {4 STERCORAIRE . b; aug uel À. ge + : HISTOIRE NATURELLE. 65 - rons ou plutôt nous lui conserverons le - mom de /abbc; ear il y a toute apparence que cet oiseau ne mange pas la fiente, mais le poisson que la mowette poursui- vie rejette de son bec ou vomit*, d’au- tant plus qu’il pêche souvent lui-meèime, {'qu'ilmange aussi de la graisse de baleine, et que dans la grande quantité de subsis- tances qu'offre la mer aux oiseaux qui | * Quelques naturalistes ont écrit que certaines espèces de mouettes en poursuivent d’autres pour manger leurs excrémens. J'ai fait tout ce qui a dé- pendu de moi pour vérifier ce fait, que j’ai toujours répugné de croire. Je suis allé nombre de fois au bord de li mer, à l'effet d’y faire des observations ;. - j'ai reconnu ce qui a donné lieu à cette fable : le VOICI. En ‘ 4 Les mouettes se font une guerre continuelle pour la curée , du moins les grosses espèces et les moyennes : lorsqu'une sort de l’eau avec un poisson au bec, la première qui Pappercoit fond dessus pour le lui prendre ; si celle-ci ne se hâte de l’avaler, elle est poursuivie à son-tour par de plus fortes quelle, qui lui donnent de violens coups de bec; elle ne peut les éviter qu’en fuyant ou en écartant son ennemi : soit donc que le poisson la gêne dans” 5 œ PE +. 66 HISTOIRE NATURELLE l'habitent , il seroit bien étrange .que : celui - ci se Fit réduie à un mets que tous les autres rejettent, Ainsi le nom'de ster- coraire paroît A0 é ARE MPANE ,ctlon doit préférer celui de Zabbe, par lequel les pêcheurs désignent cet oiseau, afin d'évi- ter que son nom puisse induire en erreur) sur son naturel et ses habitudes. ‘. son vol, soit que la peur lui donne quelque émo- üon, soit enfin qu’elle säche que le poisson qu'elle “porte est le seul objet de la poursuite, elle se hâte de le vomir; l’autre, qui le voit tomber! le recoit | avec adresse et avant qu %l ne soit dans l’eau ; il est rare qu'il lui échappe. Le poisson paroît toujours blanc en l'air, parce qu’il réfléchit la lumière , et il semble, à cause de: la roideur du vol, tomber derrière la mouette qu L le vomit. Ces deux circonstances ont trompé les observateurs. J'ai vérifié le même fait dans mon jardin; j’aï poursuivi , en criant, de grosses mouettes ; ‘cles ont vomi en courant le poisson qu’elles venoient d’avaler : je le leur ai rejeté; elles l’ont très-bien recu en l'air , avec autant d'adresse que des chiens. (Note communiquée par M. Baillon, de Mons | treml-sur-mer.) L. L 7\ Ru PES ’ D U'TR HD Personne ne les a mieux décrites que Ghister, dans les Mémoires de l'académie de Stockholm. « Le vol du labbe, dit-il, est « très-vif et balancé, comme celui de « l’autour : le vent le plus fort ne l’em- « pêche pas dé se diriger assez Juste pour « saisir en l’air les petits poissons que les « pêcheurs lui jettent. Lorsqu'ils l’ap- « pellent Zab, Lab, il vient aussitôt, et « prend le poisson cuit ou crud, et les « autres alimens qu’on lui jette : il prend « même des harengs dans la barque des « pêcheurs; et s’ils sont salés, il les lave _« avant de les avaler. On ne peut guère « l’approcher n1 le tirer que lorsqu'on lui « Jette un appât. Mais les pêcheurs mé- « ec ces oiseaux, parce qu'ils sont our eux l’annonce et le signe presque « certain de la présence du hareng; et en « effet, lorsque le labbe ne paroît “a , la « pêche est peu abondante: Cet oiseau est «presque toujours sur la mer; on n’en « voit ordinairement que deux ou trois « ensemble, et très-rarement cinq ou six. « Lorsqu'il ne trouve pas de pâture à la «amer, il vient sur le rivage attaquer les # «-mouettes, qui 4 abs qu'il paroït ; m1 « mais il fon ls elles, les atteint, se «pose sur leur Ci» # leur donnant « deux où roi, les force à ‘rendre « par le bec le poisson qu elles ont dans | « l'estomac, qu'il avale à l’instant: Cet « oiseau, ainsi que les moucttes, pond « ses ie sur les rochers. Le mâle est . « plus noir et un aisé plus gros a la _« femelle.» D'IOUE ont hnl cesoitau labbe à longue queue que ces observations paroissent avoir par- . ticulièrement rapport, nous ne laïssons pas de les regarder comme également propres à l’espèce dont nous parlons’, qui a la queue taillée de manière: que les deux plumes du milieu sont à la vérité les plus longues, mais sans néanmoins excéder les ee de beaucoup..Sa gros- seur est à peu près celle de notre petite Mouette, et sa couleur est d’un cendré brun, ondé de: grisâtre *, Les ailes sont . * Cette couleur est M claire au-dessous du corps, et guelqnefois, selon Martens, le ventre est blanc. | A ; comme ceux des mouettes, et seulement* FE f AG ont fort grandes , et les pieds sont conformés un peu moins forts; les « oigts sont plus courts : mais le bec diffère davantage de celui de çes oiseaux; car le bout de la mandibule supérieure est armé d’un on- glet ou crochet qui paroît surajouté ; caractère par lequel le bec du labbe se rapproche de cetut des pétrels, sans ce- peñdant avoir comme eux les narines €l1 tuyaux. ; Le labbé a dans le port et l'air de tete quelque chose de l'oiseau de proie, et son genre de vie hostile et guerrier ne dément pas sa physionomie : il marche le corps droit, et crie fort haut. Il semble ,' dit Martens, prononcer i-ja ou PM quand c’est de loin qu’on lentend et que sa voix retentit. Le genre de vie de ces oiseaux les isole nécessairement, et lés disperse : aussi le même navigateur observe-t-1l qu'il est rare qu’on les trouve rassemblés. Il ajoute que l’espèce ne lui a pas paru nombreuse, et qu'il n’en a vu que fort peu dans les parages de Spitzherg. Les vents orageux du mois DIU VER BE. 111 CON 4, ! om HI STOIRE D de novembre 1779" po | ‘ces oiseaux sur les côtes de Picmdibies ils nous onté! ‘envoyés par les soins de © M.Baillon , et C’est d’après ces individus que nous aÿnbe fait la description pré \ Le : ” T " cédente. #” , LE à” “ ñ Er À . { . Lena n a TÉLÉS : r4 4 | HA \ \ | $ k | ” L . si { ; » +. À Li | LP, | pu by { w * * A à ‘ LA \ L ss { " * à fl L : v FA (00 m0 : ÿ à # L | 4 f \ Ld } 4 DU LABBE. 7 LE LABBE A LONGUE QUEUE*. L> prolongement des deux plumes du milieu de la queue en deux brins déta- chés et divergens, caractérise l'espèce de cet oiseau, qui est, au reste, de la même taille que le bbhe précédent. Il-a sur la _ tête une calotte noire; son cou est blanc, et tout le reste au are est gris; He quefois les deux longues plumes de la queue sont noires. Cet oiseau nous a été envoyé de Sibérie, et nous pensons que c’est cette même espèce que M. Ginelin a rencontrée dansles plaihes de Mangasea, sur les bords du fleuve Jénisca. Elle se trouve aussi en Norvége, et même plus bas, dans la Finmarchie, dans l’Anger- * Voyez les planches enluminées, n° 762, sous la dénomination de stercoraire à longue queue de Sibérie. L D Cu RNA du ra" CM / ‘ F 4h dj HI STOIRE NAT ROLE 5. 4 pu manie : et Ma Edwards l'a recue de la a d’ Ho où il remarque que les Anglois . elle cet oiseau , sans doute à cause , de ses hostilités contre la mouette, #e man of war bird (le Vaisseau de guerre, ou l'oiseau guerriér) ; mais 1l faut remar- quer que ce nom de vaisseau de guerre où guerrier étant déja donné, et beaucoup plus à propos, à la frégate, on ne doit point l'appliquer à celui-ci. Cet auteur ajoute qu’à la longueur des ailes ét à la. foiblesse des pieds ; il auroit jugé que cet oiseau devoit se tenir plus souvent en mer et au vol que sur terre et posé. En même temps il observe que les pieds sont. rudes comme une lime; et propres à se soutenir sur le corps glissant des grands _poissons. Ce naturaliste juge, coinme nous, que le labbe , par la forme de son bec, fait la nuance entre les mouettes et les MENT | “M. Brisson fait une troisième espèce dé stercoraire ou de labbe, sous la dénomina- tion de séercoraire rayé; mais comme il ne l’établit que sur la description que-dorinié M. Edwards d'un individu qu'il regarde AS RU L À B BE 53 lui-même comme la femelle du sterco- raire à longué queue, nous n’adopterons pas cette troisième espèce. Nous pensons, avec M. Edwards, que ce n’est qu’une variété de sexe ou d'âge, à laquelle même on pourroit peut-être rapporter notre première espèce : car sa ressem- blance avec cet individu d'Edwards, ét la conformité des habitudes naturelles de tous ces oiseaux, paroiïssent l'indiquer ; et dans ce cas il n’y auroit réellement qu'une seule espèce d'oiseau labbe ou stercoraire, dont l’adulte ou le mâle por- teroit les deux longues plumes à la queue, et dont la femelle auroit à peu près, comme le représente notre planche enlu- ininée, n° 991, tout le corps brun, ou, comme le dépéint Edwards, le mauteau d'un cendré brun fencé sur les ailes et la queue, avec le devant du corps d’un gris blanc sale; les cuisses, le bas-ventre et le croupion, croisés de lignes noirâtres et brunes. PL Qissaux, XVII. Es 7 À sd Lu, Qt 1e « L’'ANHIN GA ). - : S 1 la régularité des formes , l’accord des proportions et les rapports de l’ensemble … de toutes les parties, donnent aux ani- maux ce qui fait à nos yeux la grace et la beauté , si leur rang près de nous n’est marqué que par ces caractères, si nous ne les distinguons qu’autant qu'ils nous plaisent, la Nature ignore ces distinc- tions, et il suffit, pour qu'ils lui soient chers, qu'elle ieur ait donné l'existence et la faculté de semultiplier : elle nourrit également au désert l’élégante gazelle et le difforme chameau, le joli chevrotain ét la gigantesque girafe; elle lance à la fois dans Îles airs l'aigle superbe et le hideux vautour; elle cache sous terre et dens l’eau mille générations d'insectes de ‘formes bizarres et disproportionnées ; * Voyez les planches enluminées, n° 959, l’an- hinga de Cayenne; et n° 060, l’anhinga noir de Cayenne. Zom 1 LL guet - J ” ÿ s À 4 —_ HISTOIRE NATURELLE. 95 enfin elle admet les composés Îles plus disparates,, pourvu que, par,les rapports résultant de leur organisation, ils puis- sent subsister et se reproduire: c’est ainsi que ; sous la forme d’une feuille, elle fait vivre les mantes: que, sous une coque sphérique, pareille à celle d’un fruit, elle. emprisonne les oursins; qu’elle filtre la vie et la ramifie, pour ainsi dire, dans les branches de l’étoile de mer; qu’elle applatit en marteau la tête de la zygène, et arrondit en globe épineux le corps en- tier du poisson lune. Mille autres pro- ductions de figures non moins étranges ne nous prouvent-elles pas que cette mère universelle a tout tenté pour en- fanter, pour répandre la vie et l’étendre à toutes les formes possibles? non con- tente de varier le trait primitif de son dessin dans chaque genre, en le fléchis- sant sous les contours auxquels il pou- voit se prêter, ne semble-t-elle pas avoir voulu tracer d’un genre à un autre, et même de chacun à tous les autres, des Hignes de communication, des fils de rap- prochement et de jonction, au moyen Î 76 HISTOIRE NATURELLE desquels rien n’est coupé et tout s’en chaîne , depuis le plus riche et le plus hardi de ses chefs-d’œuvre, jusqu'au plus simple de ses essais? Ainsi, dans lhis- toire des oiseaux, nous avons vu l’au- truche, le casoar, le dronte, par le rac- courcissement des ailes et la pesanteur du corps, par la grosseur des ossemens de leurs jambes, faire:la nuance entre les animaux de l'air et ceux de la terre: nous verrons de même le pinguin, le manchot, oiseaux demi-poissons, se plon- ger dans les eaux, et se mêler avec leurs habitans ; et l’anhinga, dont nous allons parler, nous offre l’image d’un reptile enté sur le corps d’un oiseau , son cou long et gréle à l'excès, sa petite tête cy- Jindrique, roulée en Pas de- même venue avec le cou, et efhlée en un long bec aigu, rose TA à la figure et même au mouvement d’une couleuvre, soit par la manière dont cet oiseau étend brus- quement son cou en partant de dessus les arbres, soit par la facon dont il le replie et le lance dans l'eau pour dardex les poissons. \ \ ! DE L’ANHINGA. 77 Ces singuliers rapports ont également frappé tous ceux qui ont observé l’an- hinga dans son pays natal, le Bresil et la Guiane; ils nous frappent de même jusque dans la dépouille desséchée et conservée dans nos cabinets. Le plumage du cou et de la tête n’en dérobe point la forme gréle; c’est un duvet serré et ras comme le velours: les yeux d’un noir brillant, avec l'iris doré, sont entourés d’une peau nue; le bec a sa pointe bar- belée de petites dentelures rebroussées en arrière; le corps n’a guère que sept pouces de longueur , et le cou seul en a le double. L’excessive longueur du cou n’est pas la seule disproportion qui frappe dans la figure de l’anhinga ; sa grande et large queue, formée de douze plumes étalées, ne s’écarte pas moins de la coupe courte ct arrondie de celle de la plupart des oiseaux nageurs. Néanmoins l’anhinga nage et même se plonge tenant seule- ment la tête hors de l’eau, dans laquelle 1l se submerge en entier au moindre soup- con de danger; car il est très-farouche, 7 gp. i [ CE Lee” rh no 0) (1! ML, : - N \ x 78 HISTOIRE NATURELLE et jamais on ne le surprend à terie; ilse tient toujours sur l’eau, ou perché sur les plus hauts arbres, le long des rivières et des savanes noyées. Il pose son nid sur ces arbres, et y vient passer la nuit. Cependant il est du nombre des oiseaux parfaitement palmipèdes,ayantlesquatre doigts engagés par une membrane d’une seule pièce, avec l’ongle de celui du mu- lieu dentelé intérieurement en scie. Ces rapports de conformation et d’habitudes, naturelles semblent rapprocher l’anhinga des cormorans et des fous; mais sa pe- tite tête cylindrique et son bec eflilé en pointe sans crochet le distinguent et le séparent de ces deux genres d'oiseaux. Au reste, on a remarqué que la peau de l’anhinga est fort épaisse, et que sa chair est ordiñairement très-grasse, mais d’un goût huileux désagréable, et Marc- grave ne la trouve guère meilleure que celle du goéland, qui est assurément fort mauvaise. | Aucun des trois anhingas représentés dans nos planches enluminées ne res- semble parfaitement à celui dont ce natu- + k DE L'ANHING A. 79 rakiste a donné la description. L'anhinga du n° 960 a bien, comme celui de Marcgrave, le dessus du dos pointillé, le bout de la queue liséré de gris, et le reste d’un noir luisant; mais il a aussi tout le corps noir, et n’a pas la tête et le cou gris, et la poitrine d’un blanc ar- genté. Celui du n° 959 n’a point la queue Hisérée. Néanmoins nous croyons que ces deux individus apportés de Cayenne sont non seulement de la même espèce entre eux, mais encore de la même es- pèce que l’anhinga du Bresil décrit par Marcgrave, les différences de couleurs qu'ils présentent n’excédant point du tout celles que l’âge ou le sexe peuvent mettre dans le plumage des oiseaux, et particu- lièrement des oiseaux d’eau. Marcgrave fait observer de plus que son anhinga avoit les ongles recourbés et très-aigus, et qu’il s’en sert pour saisir le poisson; que ses ailes sont grandes, et se portent étant pliées jusqu’au milieu de sa longue queue :-mais il paroît lui donner une taille un peu trop forte en l’égalant au canard. L’anhinga que nous connoissons a, d'u EE er. D'NOPENUER PUTT _&o HISTOIRE NATURELLE peut avoir trente pouces ou même plus, d FT de la pointe du bec à celle de la queue ; : mais cette grande queue et son long cou occupent la plus grande partie de cette dimension, et son corps ne paroît pas beaucoup plus gros que celui d’un mo- rillon. # _” DÉ L’ANHINGA. Sr L’ANHINGA/ROUX *. (à) Nous venons de voir que l’anhinga est naturel aux contrées de l'Amérique méridionale; et malgré la possibilité du voyage pour un oiseau navigateur et de plus muni de longues ailes, malgré l'exemple des cormorans et des fous, qui ont traversé toutes les mers, nous au- rions restreint celui-ci sous la loi du cli- mat, et n’aurions pas cru, sur une simple dénomination , qu’il se trouvât au Séné- gal, si une note de M. Adanson, Jointe à l'envoi d’un de ces oiseaux, ne nous assuroit qu'il y a en effet une espèce d’an- hinga sur cette côte de l'Afrique, où les naturels du pays lui donnèrent le nom de £andar. Cet anhinga du Sénégal, re- présenté n° 107 de nos planches enlumi- * Voyez les planches enluminées, n° 107, sous le nom d’anhinga du Sénégal, JR. 18,27 62 HISTOIRE NATURELLE. nées, diffère de ceux de Cayenne, en ce qu'il a le cou et le dessus des aïles d’un - fauve roux, tracé par pinceaux sur un fond brun noirâtre, avec le reste du plu- _ mage noir. Du reste, la figure, le port et la grandeur, sont absolument les mêmes que dans les anhingas d'Amérique. tù SET LE BEC-EN-CISEAUX #; Le genre de vie, les habitudes et les mœurs dans les animaux, ne sont pas aussi libres qu’on à l'imaginer : leur conduite n’est pas le péaduit d’une pure liberté de volonté ni même un ré- sultat de choix, mais un effet nécessaire qui dérive de la conformation, de l’or- ganisation et de l'exercice de ete fa- cultés physiques. Déterminés et fixés cha- cun à la manière de vivre que cette né- essité leur impose et prescrit, nul ne cher che à l’enfreindre , ne peut s’en écar- ter : c’est par cette Hit tout aussi Yariée que leurs formes, que se sont trouvés peuplés tous les districts de la Nature. L’aigle ne quitte point ses ro- chers, ni le héron ses rivages : l’un fond du haut des airs sur l’agneau, qu'il * Voyez les planches enlumimées, n° 357, sous la dénomination de Gec-en-ciseaux de Cayenne. éd Cru CC NT | } , 84 . HISTOIRE NATURELLE enlève ou déchire par le seul droit que : lui donne la force de ses armesl, ét par. l'usage qu'il fait de ses serres cruelles ; l'autre , le pied dans la fange , attend, à l’ordre du besoin, le passage de la proie fugitive. Le pic n’abandonne ja- inais la tige des arbres, alentour de la-. quelle il lui est ordonné de ramper; la barge doit rester dans ses marais, l’'a- louette dans ses sillons, la fauvette dans ses bocages; et ne voyons-nous pas tous les oiseaux granivores chercher les pays habités et suivre nos cultures, tandis que ceux qui préfèrent à nos grains les fruits sauvages et les baies, constans à nous fuir, ne quittent pas les bois et les lieux escarpés des montagnes, où ils vi- vent loin de nous, et seuls avec la Na- ture , qui d’avance leur a dicté ses lois et A les moyens de les exécuter ? Elle * retient la gélinotte sous l'ombre épaisse des sapins; le merle solitaire sur son ro- cher ; le loriot dans les forêts, dont il fait retentir les échos, tandis que l’ou- tarde va chercher les friches arides j et le râle les humides prairies. Ces lois de DU BEC-EN-CISEAUX. 85 la Nature sont des décrets éternels, 1m- inuables , aussi constans que la forme des êtres; ce sont ses grandes et vraies propriétés, qu'elle n’abandonne ni ne cède jamais, même dans les choses que nous croyons nous être appropriées; Car, de quelque mauière que nous les ayons acquises , elles n’en restent pas moins sous son empire : et n'est-ce pas pour le démontrer qwelle nous a chargés de loger des hôtes importuns et nuisibles, les rats dans nos maisons, l’hirondelle sous nos fenêtres, le moineau sur nos toits? et lorsqu'elle amène la cigogne au haut de nos vieilles tours en ruine, où s’est déja cachée la triste famille des oiseaux de nuit, ne semble-t-elle pas se hâter de reprendre sur nous des possessions usur- pées pour un temps, mais qu’elle a chargé la main sûre des siècles de lui rendre ? Ainsi les espèces nombreuses et di- verses des oiseaux, portées par leur ins- tinct et fixées par leurs besoins dans les différens districts de la Nature, sé par- tagent, pour ainsi dire, les airs, la terre et les eaux; chacune y tient sa place, 8 \ LM 4 L r : Rs. nd F Me, + of LL "A \ 4 86 HISTOIRE NATURELLE et y jouit de son petit domaine et des moyens de subsistance que l’étendue ou le défaut de ses facultés restreint ou mul- tiplie. Et comme tous les degrés de l’é- chelle des êtres ; tous les points de l’exis- tence possible doivent être remplis, quel- ques espèces, bornées à urie seule ma- nière de vivre, réduites à un seul moyén de subsister , ne peuvent varier l'usage des instrumens imparfaits qu'ils tiennent de la Nature : c’est ainsi que les cuillers arrondies du bec de la spatule paroissent uniquement propres à ramasser Îles co- quillages ; que la petite lanière flexible et l'arc rebroussé du bec de l’avocette, la réduisent à vivre d’un aliment aussi mou que Je frai des poissons; que l'huftrier n’a son bec en hache que pour ouvrir les écailles, d’entre lesquelles il tire sa pâ- ture; et que le bec-croisé pourtoït à peine se servir de sa pince brisée, s’il ne savoit l'appliquer pour soulever l'enveloppe en écaille qui recèle la graine des sapins; eufin , que l’oiscau nommé bec-en-ciseaux ne peut ni mordre de côté, ni ramasser devant soi, ni becquer en avant, son bec | DU BEC-EN-CISEAUX. : 8» étant composé de deux pièces excessive- ment inégales, dont la mandibule infé- rieure, alongée et avancée hors de toute proportion , dépasse de beaucoup la supé- rieure, qui ne fait que tomber sur celle- ci, comme un rasoir sur son manche. Pour atteindre et saisir avec cet instru- ment disproportionné , et pour se servir d’un organe aussi défectueux, l’oiseau est réduit à raser en volant la surface de la mer, et à la sillonner avec la partie in- férieure du bec plongée dans l’eau , afin d'attraper en-dessous le poisson et l’en- lever en passant. C’est de ce manége, ow plutôt de cet exercice nécessaire et pé- nible , le seul qui puisse le faire vivre, que l'oiseau a recu le nom de coupeur d’eau de quelques observateurs, comme par celui de bec-en-ciseaux on a voulu désigner la manière dont tombent l’une sur l’autre les deux moitiés inégales de son bec , dont celle d’en bas, creusée en souttière , relevée de deux bords tran- chans, recoit celle d’en haut, qui est tail- lée en lame. | La pointe du bec est noire, et sa par- ÿ # F | \ 1 RU NE VON ITR 88 HISTOIRE NATURELLE . tie près de la tête est rouge, AT que les pieds, qui sont conformés comme ceux des mouettes. Le bec-en-ciseaux est à peu près de la taille de la petite mouette cen- drée ; il a tout le dessous du corps, le devant du cou et le front blancs; il a aussi un trait blanc sur l’aile, dont quel- ques unes des pennes , ainsi que les laté- rales de la queue , sont en partie blanches; tout le reste du plumage est noir ou d’un beau noirâtre dans quelques individus : c’est même simplement du brun, ce qui paroît désigner une variété d’âge ; car, selon Catesby , le mâle et la femelle sont de la même couleur. | | On a trouvé ces oiseaux sur les côtes de la Caroline et sur celles de la Guiane. Is sont nombreux dans ce dernier parage et paroissent en troupes, presque toujours au vol, ne s’abattant sur les vases que pour se reposer. Quoique leurs ailes soient très-longues , on a remarqué que leur vol est lent; s’il étoit rapide, il ne leur per- mettroit pas de discerner la proie qu'ils ne peuvent enlever qu’en passant. Sui- sant les observations de M. de la Borde, 4 DU BEC-EN-CISEAUX. 8 ils vont, dans la saison des pluies, nicher sur les îlets, et particulièrement sur le Grand - Connétable ,, près des terres de Cayenne. L'espèce paroît propre aux mers de l’A- mérique ; et pour la placer aux Indes orientales, il ne suflit pas de la notice donnée par le continuateur de Ray, sur un simple dessin envoyé de Madras, et qui pouvoit avoir été fait ailleurs. Il nous paroît aussi que le coupeur d’eau des mers méridionales, cité souvent par le capi- taine Cook, n’est pas le même que notre bec-en-ciseaux de la Guiane, quoiqu’on leur ait donné le même nom; car, indé- pendamment de la différence des climats et de la chaleur de la Guiane au grand froid des mers australes , il paroît, par deux endroits des relations de M. Cook, que ces coupeurs d’eau sont des pétrels, et qu'ils se rencontrent aux plus hautes latitudes, et jusqu’entre les îles de glaces, avec les albatrosses et les pinguins. “LARERESRN ARE U LE NODDI*. L'uommur , Si fier de son domaine, et qui en effet Commande en maître sur la terre qu'il habite , est à peine connu dans une autre grande partie. du vaste empire de la Nature ; il trouve sur les mers des ennemis au-dessus de ses forces, des obs- tacles plus puissans que son art, et des périls plus grands que son courage : ces barrières du monde qu'il a osé franchir, sont les écueils où se brise son audace, où tous.les élémens conjurés contre lui conspirent à sa perte, où la Nature en uw mot veut régner seule sur un domaine qu'il s'eforce vainement d'usurper; aussi n'y parott-il qu’en fugitif plutôt qu’en maître. S'il en trouble les habitans, SE " * Voyez les planches enluminées, n° 097 ; sous le nom de mowuette brune de la Louisiane. Noddy, en anglois, siwmfe sof, élourdi; et celte dénonunation a rapport au naturel @e l'oiseau - ” Voyez ci-dessus son histoire. LE NODDI. jf ugu Ed. …." L “ , PRES É ue : . « - LORTE HISTOIRE NATURELLE. 0 mème quelques uns d’entre eux, tombés dans ses filets ou sous, les harpons, de- viennent les victimes d’une main qu’ils ne connoissent pas , le plus grand nom- bre, à couvert au fond de ses abîmes.. voit bientôt les frimas, les vents et les orages, balayer de la surface des mers ces hôtes importuns et destructeurs qui re Peuvent que par instans troubler leur repos et leur liberté. Et en effet, les animaux que la Nature, avec des moyens et des facultés biën plus foibles en apparence , a rendus bien plus forts que nous contre les flots et les tem- pêtes , tels que la plupart des oiseaux pé- lagiens , ne nous connoissent pas ; ils se laissent approcher, saisir même , avecune sécurité que nous appelons stupide, mais qui montre bien clairement combien l'homme est pour eux un être nouveau, étranger , inconnu, et qui témoigne de la pleine et entière liberté dont jouit l’es- pèce, loin du maître qui fait sentir son pouvoir à tout ce qui respire près de lui. Nous avons déja vu et nous verrons encore plusieurs ‘exemples de cette imbéciilité en. * În 92 HISTOIRE NATURELLE apparente , ou plutôt de cette profonde sécurité qui caractérise les oiseaux des srandes mers. Le noddi dont il estici ques- tion , aéténommé #oineau fou (passer stul- tus), dénomination néanmoins très-im- propre, puisque le noddi n’est rien moins qu'un moineau , et qu'il ressemble à une grande hirondelle de mer ou à une petite mouette, et que, dans la réalité, il forme une espèce moyenne entre ces deux genres d'oiseaux ; car 1l a les pieds de la mouette et le bec conformé comme celui de l’hi- rondelle de mer. Tout son plumage est d’un brun noir, à l'exception d’une plaque blanche en forme de calotte au sommet de la tête. Sa taille est à peu près celle de la grande hirondelle de mer. Nous avons adopté le nom de noddi j qui se lit fréquemment dans les relations des voyageurs anglois, parce qu’ilexprime l’'étourderie ou l’assurance folle avec la- quelle cet oiseau vient se poser sur les mâts et sur les vergues des navires, et même sur la main que les matelots lui tendent. L'espèce : ne paroît pas s'être étendue ? r .® DU NODDI. "68 fort au-delà des tropiques ; mais elle est très-nombreuse dans les lieux qu’elle fré- quente. À Cayenne, nous dit M. de la : Borde , « il y a cent noddis ou #.ouaroux « pour un fou ou une frégate; ilscouvrent « sur-tout le rocher du Grand-Connétable, « d’où ils viennent voltiger autour des « vaisseaux ; et lorsqu'on tire un coup de « canon , ils se lèvent et forment par leur « multitude un nuage épais ». Catesby les a également vus pêcher en grand nombre, volant ensemble et s’abaissant continuel- lement à la surface de la mer, pour enle- ver les petits poissons, dont les troupes en colonne sont chassées et pressées par les grands vents. Cette pêche semble se faire, de la part de ces oiseaux, avec beau- coup de plaisir et de gaieté, si l’on en juge par la variété de leurs cris, par le grand bruit qu'ils font et qu’on entend de quelques milles. Tout ceci, ajoute Cates- by , n’a lieu que dans le temps des ni- chées et de la ponte, qui se fait sur le rocher tout nud, après quoichaquenoddi se porte au large et erre seul sur le vaste océan. | L'AVOCETTE*X k Lirs oiseaux à pieds palmés ont presque tous les jambes courtes’; l’avocette les & très-longues , et cette disproportion, qui sufhroit presque seule pour distinguer cet oiseau des autres palmipèdes, est accom- paguée d’un caractère encore plus frap- pant par sa singularité ; c'est le renverse- ment du béc : $a courburé, tournée en haut, présenté un arc de cetcle relevé, dont le centre est au-dessus dé la tête. Ce bec est d'une substance tendre et presque membraneuse à sa pointe ; ; il ést mince, foible , gréle,' comprimé horizontale=. = + * Voyez. les planches enluminées, n°353. # + Ari: nom vient de l'italien, avocetta. 1? avocette a | porte encore en Ltalie les noms de Beccotorto, béc- corella ; et sur le lac Majeur, spinz0g0 d'aqua : pour la distinguer cle l'autre spinzago, qui ést da courlis. En allemand , frembder a vogel, schabel, schnabel; et en Autriche, kramb=schabl ; eu anglois, scooper.' Zom 27 - 218. Lay 94 : PUR .. ë HISTOIRE NATURELLE. 05 ment, incapable d'aucune défense et d'au- eur effort. C’estencore unedeceserreurs, eu, sil'on veut , de ces essais de la Na- ture, au-delà desquels elle n’a pu passer sans détruire elle-même son ouvrage; car, en supposant à ce bec un degré de cour- bure de plus , Poiseau ne pourroit at- teindre ni saisir aucune sorte de nourri- ture, et l'organe donné pour la subsistance et la vie ne seroit qu'un obstacle qui pro- duiroit le dépérissement et la mort. L'on doit donc regarder le bec de l’avocette comme l'extrême des modèles qu'a pu tracer ou du moins conserver la Nature, et c’est en même temps et par la même raison ke trait le plus éloigné du dessin des formes sous lesquelles se présente le bec dans tous les. autres oiseaux. Il est même difficile d'imaginer com- ment cet oiseau se nourrit à l’aide d’un instrument avec lequel il ne peut ui bé- queter ni saisir, mais tout au plus sonder ke limon le plus mou : aussi se borne- t-il à chercher «lars l’écume des flots le frai des poissons , qui paroît être le prin- cipal fonds de :;5a nourriture. Il se peut 96 HISTOIRE NATURELLE. aussi qu'il mange des vers; car l’on né trouve ordinairement dans ses viscères qu’une matière glutineuse, grasse au tou- cher, d’une couleur tirant sur le jaune orangé , dans laquelle :on reconnoît en- core le frai du poisson et les débris d’in- sectes aquatiques. Cette substance gélati- neuse est toujours mêlée dans le ventri- cule de petites pierres blanches et crystal- lines !, et quelquefois il y a dans les intestins une matière grise ou d’un verd terreux , qui paroît être ce sédiment li- moneux que les eaux douces, entraînées par les pluies, déposent sur le fond de leur lit. L’avocette fréquente les embou- chures des rivières et des fleuves:?, de préférence aux autres plages de la mer. Cet oiseau , qui n’est qu'un peu plus gros que le vanneau, a les jambes de sept à huit pouces de hauteur , le cou long et la tête arrondie. Son plumage est d’un blanc de neige sur tout le devant du corps , et coupé de noir sur le dos 4 1 Willughby dit n'avoir trouvé rien autre chose. 2 Du moins sur nos côtes. de Picardie, où ces | #bservations ont été faites, k ÿ DE L’AVOCETTE, 97 la queue est blanche, le bec noir, etles preds sont bleus. On voit l’avocette courir, à la faveur de ses hautes jambes, sur dés fonds cou- verts de cinq à six pouces d’eau ; mais pour parcourir les eaux plus profondes, elle se met à la nage, et dans tous ses mouvemens elle paroît vive , alerte, in- constante. Elle séjourne peu dans les mêmes lieux , et dans ses passages sur nos côtes de Picardie, en avrileten novembre, elle part souvent dès le lendemain de son arrivée, en sorte que les chasseurs ont grand’peine à en-tuer ou saisir quelques unes. Elles sont encore plus rares dans l'intérieur des terres que sur les côtes ; cependant M. Salerne dit qu’on en a vu s’avancer assez loin sur la Loire, et il assure que ces oiseaux sont en grand nombre sur les côtes du bas Poitou, et qu'ils y font leurs nichées. Il paroît , à la route que tiennent les avocettes dans leur passagé , qu'aux ap- proches de l’hiver elles voyagent vers le Midi , et retournent au printemps dans le Nord; car il s’en trouve en Danemarck, 9 | y HISTOIRE NATURELLE en Suède , à la pointe du sud de ile d'Oé- Jand, sur les côtes orientales de la Grande: Bretagne; il en arrive aussi des volées sur la côte occidentale de cette île, qui ny … séjourneut qu'un mois ou deux , ét dispa- roissent à l'approche du grand froid Ces oiseaux ne font que passér en Prusse. On les voit très-rarement en Suisse; et, sui- vant Aldrovande, ïls ne paroïssent guèré plus souvent en Italie : cependant ils y sont bien connus et bien nommés. Quel- ques chasseurs ont assuré qué leur cri peut s'exprimer par les syllabes crex, erex : mais ce léger indice’ ne suffit pas pour qu’on puisse soupconner que l’oi- seau nommé-crex par Aristote, soit le méme que l’avocette ; car le crex, dit ce philosophe. est en guerre avec'le'loriot et le merle : or il est très-certain que lPa- vocette n’a rien à déméler avec ces deux oiseaux des bois ; et d’ailleurs ce cricrex, crex, est Ééleraent celui de la barge et du râle de terre. | On trouve à la plupart des avocettes de la boue sur le croupion , et les plumes en paroissent usées par les frottemens ; DELLA NO NCETITDIES apparemment ces oiseaux essuient leur bec. à leurs plumes, ou l'y logent pour dormir,;sa forme ne paroissant pas moins embarrassante pour le placer durant le repos que pour s’en servir dans lPaction à inoins que. l'oiseau ne dorme, comme les pigeons, la tête sur la poitrine. L'observateur qui nous cemmunique ces: faits *. est persuadé que l'avocette, dans le;premier âge, est grise; et ce qui fonde son opinion, c’est qu’au temps du passage de novembre on eu voit plusieurs qui ont les extrémités des plumes scapu- laires grises, ainsi que celles du croupion : or ces plumes-et celles qui couvrent ics ailes, sont ceiles qui conservent le plus long-temps la livrée de la naissance ; la couleurterne des grandes pennes des ailes et la teinte pale des pieds, qui, dans l’a- dulte, sont d’un beau bleu , ne laissent pas douter d’ailleurs que les avoccttes à plumage mélé de gris ne soient les jeunes, Il y a peu de différences extérieures dans cette espèce entre le mâle et la femelle, * M. Baillon , de Monireuil-sur-mer, xoo HISTOIRE NATURELLE. Les vieux ont beaucoup de noir ; mais les vieilles femelles en ‘ont presque autant : seulement il paroît que la taille de celles- ci est généralement un peu plus petite, et que la tête des premiers est plusronde, avec le tubercule charnu qui s'élève sous la peau près de l’œil, plus enflé. Il n’y à pas non plus de quoi établir, une variété dans l’espèce sur ce que les avocettes de Suède ont le croupion noir, selon Lin- næus, et que celles qui vivent en grand nombre sur un certain lac de basse Au- triche , ont le croupion blanc, comme le fait observer Kramer. Soit timidité, soit finesse, l’avocette évite les piéges, et elle est fort difficile à prendre. Son espèce , comme on l’a vu, n’est bien commune nulle part, et persil peu nombreuse en individus. SR LE COUREURTY. Tous les oiseaux qui nagent et dont les doigts sont unis par des membranes, ont le pied court, la jambe reculée et souvent en partie cachée dans le ventre; leurs pieds construits et disposés comme des rames à large palme | à manche rac- courci, à position oblique, semblent être faits exprès pour aider le mouvement du petit navire animé : l'oiseau est lui-même le vaisseau , le gouvernaïl et le pilote. Mais au mulieu de cette grande troupe de navigateurs ailés, trois espèces d’oi- seaux forment comme un groupe isolé: ils ont , à la vérité, les pieds garnis d’une membrane , comme les autres oiseaux nageurs ; mais ils sont en même temps montés sur de grandes jambes, ou plutôt * Aldrovande lui applique les noms grecs de xenses et de rpéy:nss ; et c'est d’après celui de cor- rire, qu’on lui donne en Italie, que nous avons formé celui de coureur. HISTOIRE NATURELLE sur de hautes échasses , et, par ce carag« ! tère , ils se rapprochent des oiseiux de rivage; et, tenant à deux grands genres très-différens , ces trois espèces forment un de ces degrés intermédiaires, une de ces nuances qu'en tout a tracées la Na ! ture, , Ces trois oiseaux à pieds palinés et à hautes jambes sont l’avocette dont nous venons de parler, le flammant , ou phé- nicoplière des anciens, et le coureur, . ainsi nommé, dit Aldrovande, de la cé- lérité avec laquelle on le voit courir sur les rivages. Ce naturaliste, par qui seul nous connoissons cet oiseau , n'OUS ap- prend qu’il n’est pas rare en Htalie. Nous ne le connoissons point en Frautce, et, selon toute apparence, il ne se trouve pas dans les autres contrées de l'Europe, ou du moins il y est extrémement rare. Charleton dit en avoir vu ün individu sans faire mention du lieu d’où il venoit. Selon Aldrovande , les cuisses de cet oi- seau courcur shit courtes à proportion de la hauteur des jämbes; le bec, jaune dans son étendue, est noir à la pointes. = ve DU COUREUR 103 il est court et ne s'ouvre pas beaucoup; le manteau.est couleur de gris-de-fer , et le ventre blanc; deux plumes blanches. à pointe noire couvrent la queue. C’est tout ce que rapporte ce naturaliste, sans rien ajouter sur les dimensions ni la gran- deur du corps, qui, dans sa figure, sont à peu près les mémes que celles du plu: vier. Aristote et Athénée parlent également d’un oiseau à course rapide , sous le nom de trockilos, en disant qu’il vient en temps calme chercher sa nourriture sur l’eau. Mais ce sochilos est-il un oiseau palmi- pède et nageur ; comme le dit Aldro- vande, qui {e rapporte à son oiseau cou- reur ? ou, comme l'indique Élien , le trochilos n'est-il pas un oiseau de rivage du genre des poules d’eau ou des plu- viers à collier ? C’est ce qui me paroît difficile à décider , par le peu de rensei- gnemens que nous ont laissé les anciens, Tout ce qui résulte de leurs notices , c’est que ce trochilos est de la classe des o1- seaux aquatiques, et c’est au moins avec nue espèce de convenance qu'Elien lus % Fe | È e k . | mnt to4 HISTOIRE NATURELLE. applique ce que l’antiquité disoit de loi seau qui entre hardiment dans la gueule du crocodile pour manger les sangsues , et qui l’avertit de l'approche de la man= gouste ichneumon. Cette fable a été appli- quée, avec autant d’absurdité qu'il est possible d’en mettre à l'application d’une fable , à un petit oiseau des bois , qui est le roitelet-troglodyte , et cela par une erreur de nom, le roitelet - troglodyte ayant quelquefois recu le nom de #rocAi- los, à cause de son vol tournoyant *. * Voyez l’arucle du troglodyte, tome X de cette- Histoire , page 136. AR L. LA TA Fe : |: 2 LE FLAMMANT pe j Jaugues AS : À LP | D mm nm # LE FLAMMANT., O U LE PHENICOPTÉÈRE *. Dixsia langue de ce peuple spirituel et sensible, les Grecs, presque tous les mots peignoient l’objet ou caractérisoient la chose , et présentoient l’image ou la des- cription abrégée de tout être idéal ou réel. Le nom de phénicopière, oiseau à l’aile de flamme, est un exemple de ces rapports sentis qui font la grace et l’éner- gie du langage de ces Grecs ingénieux; rapports que nous trouvons si rarement dans nos langues modernes , lesquelles -ont souvent mème défiguré leur mère en la traduisant. Le nom de phénicoptère, tra- duit par nous, ne peignit plus l’oiseau, et bientôt ne représentant plus rien, per- * Voyez les planches enluminées, n° 63. En laun, phœnicopterus ; en espagnol, et'aux es du cap Verd, flamenco si - dé eu pe : ? 106. HISTOIRE NATURELLE- dit ensuite sa vérité dans équivoque. »s plus anciens ‘naturalistés françois | EP Oncoieul flambant ou flammant; peu à peu, l’étymolosie oubliée permit d’é- crire famant où famand, et d'uu oiseau couleur de feu ou de flamme on fit un M oiseau de 7/andre ; on lui supposa meme des rapports avec les habitans de cette « contrée ; où il n'a jamais paru !. Nous | avons desc cru devoir rappeler iCi SON ancien nom , qu'on auroit du lui conser= à ver , comme Île plus riche, ét si bien adpkorié à que Les Latins crurent devoir l'adopter ?. 1 Willugbby, en remarquant cette dénomination trompeuse , dit que loin que cet oiseau soit {fréquent en Flandre, il ne croit pas même qu'on FSU jamais vu. Sur quoi Gesner s’abandonne à plusieurs maavais raisonucfens, trouvant dans la grandeur de ces oiseaux du rapport avec la stature des Fla- mavds , supposant d'ailleurs faussement que la plupart de ceux que l'on voit nous sont apportés de Flandre. ! k 2 Pline, Apicius, Juyénal,, Suélone, tous ont, yetenu le mot grec, en y ajoutant seulement la ter= mipalson latine phœnicopterus.. ) a DU FLAMMANT. 1097 Cette aile couleur de feu n'est pas le seul caractère frappant que porte cet oiseau : son bec d’une forme extraor- dimaire } applati et fortement féchi en- dessus vers son milieu , épais et quarré en-dessous commé une tar cuiller; ses jambes d'une excessive. hauteur; son cou long et gréle ; sonc6r ps plus Hot non- té, quoique plus 'Betit que celui de la cigogne , Offrent une figure d’un beau bizarre et d'une forme distinguée parmi les plus grands oiseaux de rivage. C’est avec raison que Willughby, par- laet de ces grauds oiseaux à pieds demi- palmés qui hantent le bord des eaux sans néanmoins nager ni se plonger, les appelle des espèces isolées, formant un genre à part et peu nombreux; car le flammant en particulier paroît faire la nuance entre la grande tribu des oiseaux de rivage et celle tout aussi grande des oiseaux navigateurs, desquels il se rap- proche par les pieds à demi palmés , et dont la membrane étendue entre les doigts , et de l’une à l’autre pointe, se retire de son milieu par une double échan- 108 HISTOIRE NATURELLE .crure *. Tous les doigts sont très-courts ; | et l'extérieur fort petit; le corps l’estaussi - relativement à la longueur des jambes et | du cou. Scaliger le compare à celui du béron, et Gesner à celui de la cigogne, en remarquant, ainsi que Willugbby, la loxgueur extraordinaire de son cou cffilé. Quand le flammant a pris son en- tier accroissement, dit Catesby , il n’est pas plus pesant qu’un canard sauvage, et cependant il a cinq pieds de hauteur. Ces grandes différences dans la taille, indi- quées par ces auteurs, tiennent à l’âge, ainsi que les variétés qu’ils ont remar- quées dans le plumage : il est en général doux, soyeux et lavé de teintes rouges plus ou moins vives et plus ou moins étendues. Les grandes pennes de l’aïle sont constamment noires, et ce sont les cou- vertures grandes et petites, tant inté- rieures qu’extérieures, qui portent ce beau rouge de feu dont les Grecs frappés tirèrent le nom de phénicoptère. Cette cou- leur s'étend et se nuance par degrés de * Ce que du Tertre exprime très-bien en disant” que ses pieds sont à derni marins. À D'U ELA MM ANT, ro l'aile au dos et au croupion, sur la poi- trine , et enfin sur le cou, dont le plu- mage, au haut et sur la tête, n’est plus qu'un duvet ras et velouté. Le sommet de la tête, dénué de plumes, un cou très- gréle , avec un large bec, donnent à cet oiseau un air tout extraordinaire. Son crâne paroît élevé, et sa gorge dilatée en avant pour recevoir la mandibule infé- rieure du bec, qui est très-large dès l’ori- ginc: les deux mandibules forment un caual arrondi et droit Jusque vers le mi- lieu de leur longueur ; après quoi la man- dibule supérieure fléchit tout d’un coup par une forte courbure, ct de convexe qu'elle étoit, devient une lame plate: l'inférieure se plie à proportion , conser= vant toujours la forme d’une large gout- tière; et la mandibule supérieure , par uue autre petite courbure à sa pointe, vient s'appliquer sur l'extrémité de la mandibule inférieure : les bords de toutes deux sont garnis en dedans d’une petite dentelure noire, aiguë, dont les pointes sont tournées en arrière. Le docteur Grew, qui a décrit très-exactement ce bec; ÿ Oisecux, À NIL 19 tio HISTOIRE NATURELLE remarque de plus un filet qui règne en dedans sous la partie supéricure , Ct la partage par le milieu : il est noir depuis sa pointe jusqu’à l’endroit où il fléchit, et de là jusqu’à la racine il est blanc dans l’oiseau mort, mais apparemment sujet à varier dans le vivant , puisque Gesner le dit d’un rouge vif; Aldrovande, brun; Willughby, bleuâtre; et Seba, jaune. « À une tête ronde et petite, dit di « Tertre, est attaché un grand bec, long « de quatre pouces , moitié rouge et moi- « tié noir , et recourbé en forme de cuil- « ler ». MM. de l’académie des sciences, qui ont décrit cet oiseau sous le nom de déécharu, disent que le bec est d’un rouge pâle, et qu’il contient une grosse be bordée de papilles charnues, tournées en arrière, qui remplit la cavité ou la large cuiller de la mandibule inférieure. Wormius décrit aussi ce bec extraordi- naire, et Aldroyande remarque combien Ja Nature s’est jouée dans sa conforma- tion; Ray parle de sa ligure étrange : mais aucun d'eux ne l’a examinée assez soi- gneusement pour décider un point que DU FLAMMANT. 11 sous desirerions d’être à portée d’éclair- cir ; c’est de savoir si, dans ce bec singu- lier, c’est, comme l'ont dit plusieurs naturalistes, la partie supérieure qui est mobile , tandis que l'inférieure est fixe etsans Mons x Des deux figures de cet oiseau données par Aldrovande, et qui lui avoient été envoyées de Sardaigne, l’une n’exprime point les caractères du bec, qui sont assez bien rendus dans l’autre ; et nous devons remarquer à ce sujet que, dans notre planche enluminée même, les traits de ce bec , son renflement , son aplatissement, ne sont pas assez fortement prononcés , et qu'il est figuré trop pointu. Pline semble mettre cet oiseau au nom- bre des cigognes , et Seba se persuade mal-à-propos que le phénicoptère, chez les anciens, étoit rangé parmi les ibis. IL n'appartient ni à l’un ni à l’autre de ces genres : nou seulement son espèce est * Ceite assertion se trouve dans le fragment de Ménippe , d’après lequel Rondelet l’a répétée. Wormius, Cardan et Charleton prétendent l’avoit yéribéc, d HISTOIRE NATURELLE , ble , mais seul il fait un genre à part ; ; et du reste, quand les anciens placent ensemble les espèces analogues, ce n’est point dans les idées étroites ni suivant les méthodes scholastiques de nos nomencla- teurs ; c’est en observant dans la Nature . par quelles ressemblances des mêmes fa- cultés , des mêmes habitudes, elle rap- proche certaines espèces, les rassemble, et en forme, pour ainsi dire, un groupe réuni par des manières communes de vivre et d’être. | On peut s'étonner avec raison de ne point trouver dans Aristote le nom du phénicoptère , quoique nommé dans le mème temps par Aristophane , qui le range dans la troupe des oiseaux de ma- rais (Awuratu); mais il étoit rare et peut- être étranger dans la Grèce. Héliodore dit expressément que le phénicoptère est un oiseau du Nil ; l'ancien scholiaste sur Juvé- nal dit aussi qu'il est fréquent en Afrique : cependant il ne paroît pas que ces oiseaux demeurent constamment dans les climats les plus chauds ; car on en voit quelques uns en Italie, et en beaucoup plus grand DU FLAMMANT. nombre en Espagne , etil'est peu d’années où il n’en arrive pas quelques uns sur nos côtes de Languedoc et de Provence, par- ticulièrement vers Montpellier et Mar- tigues , et dans les marais près d'Arles, d’où je m'étonne que Belon, observateur si instruit, dise qu’on n’en voit aucun én France qui n’y ait été apporté d’ail- leurs. Cet oiseau auroit-il étendu ses mi- srations d’abord en Italie, où autrefois il ne se voyoit pas, et ensuite jusque sur nos côtes ? l'est, comme on le voit, habitant des contrées du Midi, et se trouve dans l'an- cien continent, depuis les côtes de la Méditerranée jusqu’à la pointe la plus australe de l'Afrique ; on en trouve en grand nombre dans les îles du cap Verd, au rapport de Mandeslo, qui exagère la grosseur de leur corps, en le comparant à celui du cygue. Dampier rencontra quelques nids de ces oiseaux dans celle de Sal. Ils sont en quantité dans les provinces occidentales de lPAfrique, à Augola , Congo et Bissao , où , par res- _pect superstitieux, les Nègres ne souffrent 19 ( 44 HISTOIRE NATURELLE _ pas qu'on tue un seul de ces oiseaux ; ils les laissent paisiblement s'établir ; jusqu” au milieu de leurs habitations. On les trouve de même à la baie de Saldana, et dans toutes les terres voisines du cap de Bonne- Espérance | où ils passent le jour sur la côte, et se retirent la nuit au milieu des grandes herbes qui se trouvent daus quel- ques endroits des terres adjacentes. Au reste, Le lammant est certainement un Oiseau voyageur, mais qui ne fré- quente que les climats chauds et tempé- rés , et ne visite pas ceux du Nord. Il est vrai qu’on le voit, dans certaines saisons, paroître en divers lieux , sans qu’on sache précisément d’où il arrive : mais jamais on ne l’a vu s’avancer dans les terres septentrionales ; et s’il en paroît quelques uns dans nos provinces inté- rieures de France, seuls et égarés , ils semblent y avoir été jetés par quelque coupde vent. M. Salerne rapporte, comme chose extraordinaire, qu'on en a tué un sur la Loire. C’est dans les climats chauds que ses courses s’exécutent , et il les a portées de l’un à l’autre continent; car NN 1 DU FLAMMANT. #15 il est du petit nombre d'oiseaux communs aux terres méridionales de tous deux. On en voit au Valparais, à la Concep- tion, à Cuba, où les Espagnols les nom- ment /amencos ; 1ls’en trouve à la côte de Vénézuela, près de l’île Blanche et de l’île d'Aves, et sur l’île de la Roche, qui n’est qu’un amas d’écueils. Ils sont bien con- nus à Cayenne, où les naturels du pays leur donnent le nom de fococo ; on les voit border le rivage de la mer ou voler en troupes. On les retrouve dans les îles de Babhama. Hans Sloane les place dans le catalogue des oiseaux de la Jamaïque ; Dampier les retrouve à Rio de la Hacha. Ils sont en très-grand nombre à Saint- Domingue , aux Antilles et aux îles Ca- ribes, où ils se tiennent dans les petits lacs salés et sur les lagunes. Celui dont Seba donne la figure, lui a été envoyé de Curaçao. On en trouve également au Pé- rou , jusqu'au Chili. Enfin il est peu de régions de l'Amérique méridionale où quelques voyageurs n'aient rencontré ces oiseaux. Ces flammans d'Amériquesontpar-tout | NOT NOR 116 HISTOIRE NATURELLE 1 les mêmes que ceux de l'Europe et d'A- frique. L'espèce de ces oiseaux semble êtreunique et plus isolée qu'aucune autre, puisqu'elle s’est refusée à toute variété. Ces oiseaux font leurs petits sur les côtes de Cuba et des îles de Bahama, dans les plages noyées ct sur les îles bites , telles que celle d’Aves, où Labat trouvanombre de ces oiseaux et leurs nids. Ce sont de petits tas de terre glaise et de fange amas- sés du marais , relévés d'environ vingt pouces en pyramide au milieu de l’eau, où leur base baigne toujours, et dont le sommet tronqué, creux et lissé, sans aucun lit de plumes ni d'herbes, recoit immédiatement les œufs que loiscau couve cn reposant sur ce petit monticule, les jambes pendantes, dit Catesby, comme un homme assis sur un tabouret, et de manière qu'il ne couve ses œufs que du croupion et du bas-ventre. Cette singu- lière situation est nécessitée par la lon- gueur de ses jambes, qu'il ne pourroit jamais ranger sous lui s’il étoit accroupi. Dampier décrit de même leur manière de nicher dans l’île de Sal. C’est toujours DIOPE B'AMM'A NT. root dans les lagunes et les mares salées qu’ils placent leurs nids. Ils ne font que deux œufs , ou trois au plus ; ces œufs sont blancs, gros comme ceux de l’oie, ct un peu plus alongés *. Les petits ne com- mencent à voler que lorsqu'ils ont acquis presque toute leur grandeur; mais ils courent avec une vitesse singulière peu de jours après leur naissance. Le plumage est d’abord d’un gris clair, et cette couleur devient plus foncée à inesure que leurs plumes croissent ; mais 1l leur faut dix ou onze mois-pour l’entier accroissement de leur corps, et ce n’est qu’alors qu’ils commencent à prendre leur belle couleur, dont les teintes sont foibles dans la jeunesse, et deviennent plus fortes et. plus vives à mesure qu'ils avancent en âge. Suivant Catesby, il se passe deux ans avant qu'ils acquièrent toute leur belle couleur rouge. Le P. du Tertre fait la même reniarque. Mais, quel que soit le progrès de cette teinte dans leur plu- * Décrit sur des œufs de zococo , ou flammant de Cayenne, au Cabinet du roi. 118 HISTOIRE NATURELLE mage, l’aile est colorée la première, et le rouge y est toujours plus éclatant que par-tout ailleurs : cette couleur s'étend ensuite de l'aile sur le croupion , puis sur le dos et la poitrine , et jusque sur le cou; il y a seulement dans quelques individus de légères variétés de nuances qui pa- roissent suivre les différences du climat : par exemple, nous avons remarqué le ‘rouge plus ponceau dans le flammant du Sénégal, et plus orangé dans celui de - Cayenne, seule différence qui ne suflit pas pour constituer deux espèces, comme l’a fait Barrère. Leur nourriture dans tout pays est à peu près la même ; ils mangent des co- quillages , des œufs de poissons et des insectes aquatiques : ilslescherchentdans la vase en y plongeant le bec et partie de la tête ; ils remuent en même temps et continuellement les pieds de haut en bas pour porter la proie avec le limon dans leur bec, dont la dentelure sert à la retenir. C’est , dit Catesby, une petite graine ronde semblable au millet, qu'ils élèvent ainsi en agitant la vase, qui fait D'Ü FLAMMANT. 119 le grand fonds de leur nourriture ; mais cette prétendue graine n’est vraisembla- blement autre chose que des œufs d’in- sectes, et sur-tout des œufs de mouches et Mode ons, aussi multipliés dans les plages noyées de l'Amérique, qu'ils peu- vent l’être dans les terres basses du Nord, où M. de Maupertuis dit avoir vu des lacs tout couverts de ces œufs d'insectes qui ressembloient à de Ja graine de mil. Ap- paremment ces oiseaux trouvent aux îles de l'Amérique cet aliment en abondance: mais sur les côtes d'Europe on les voit se nourrir de poissons , les dentelures dont leur bec est armé n'étant pas moins pro- pres que des dents à retenir cette proie glissante. Ils paroissent comme attachés aux ri- vages de la mer; si l’on en voit sur des fleuves , comme sur le Rhône, ce n’est jamais bien loin de leur embouchure : ils se tiennent plus constamment dans les lagunes , les marais salés et sur les côtes basses, et l’on a remarqué, quandon a voulu lesnourrir, qu’il falloit leur donner à boire de l'eau salée. 10 HISTOIRE NATURELLE Ces oiseaux sont toujours en troupes, ct pour pêcher ils se forment naturelle- ment en lle ; ce qui de loin présente une vue singulière, comme de soldats rangés en ligne. Ce goût de s’aligner leur reste, inème lorsque, placés l’un contre l’autre, ils se reposent sur la plage : ils établissent des sentinelles et font alors une espèce de garde , suivant l’instinct commun à tous les oiseaux qui vivent en troupes ; et quand ils péchent, la tète plongée dans l’eau , un d'eux est en vedette, la tête haute , et si quelque chose l'alarme, il jette un cri bruyant qui s'entend de très- loin , et qui est assez semblable au son d’une trompette ; dès-lors toute la troupe se lève et observe dans son mouvement de vol un ordre semblable à celui des grues : cependant, lorsqu'on surprend ces oiseaux , l'épouvante les rend immobiles et stupides, et laisse au chasseur tout le temps de les abattre presque Jusqu'au dernier. C’est ce que témoigne du Tertre, et c’est aussi ce qui peut concilier Îles récits contraires des voyageurs, dont les. uns représentent les flammans comme - DU FLAMMANT. 121 des oiseaux défians et qui ne se laissent guère approcher, tandis que d’autres les disent lour ds, étonnés, et se laissant tuer les uns après rh autres. Leur chair est un mets recherché : Ca- tesby ia sonner, pour sa délicatesse, à celle de la perdrix ; Dampier dit qu file est Ge fort bon ha , quoique maigre ; du Tertre la trouve excellente, malgréun petitgoüt demarais, etla plupartdes voya- seurs en parient de même. M. de Peiresc 2 est presque le seuil qui la dise mauvaise ; mais , à le différence que peuvent y mettre les climats, il faut joindre l'épuisement de ces oiseaux, qui n'arrivent sur nos côtes que fatigués d’un long vol. Les an- ciens en ont parlé comme d’un gibier exquis *. Pu:lostrate le compte entre les délices des festins. Juvénal, reprochant aux Romains leur luxe déprédateur, dit * Caligula , devenu assez fou pour se croire dieu, avoit choisi le phénicoptère, avec le paon, pour les hosties exquises qu'on devoit immoler à sa divi- uité; et la veille du jour où il fut massacré, dit Suétone, il étoit aspergé, dafs un sacrifice, du sang d’un phénicoptère. ; : à 50 122 HISTOIRE NATURELLE qu’on les voit couvrir leurs tables et des oiseaux rares de Scythie et du superbé phénicoptère. Apicius donne la manière savante de l’assaisonner ; et ce fut cet homme, dont la voracité, dit Pline, en- gloutissoit les races futures, qui décou- vrit à la langue du phénicoptère cette saveur qui la fit rechercher comme le morceau le plus rare *, Quelques uns de * Lampride compte parmi les excès d'Hélioga- Dale celui d’avoir fait paroïtre à sa table des plats remplis de langues de phénicoptères. Snéione dit que Vitellius rassemblant les délices de toutes les parües du monde, faisoit servir à la fois dans ses lestins les foies de scares, les laites de murènes, les cervelles de faisans, et les langues de phéni- coptères ;. et Martial faisant honte aux Romains de Jeurs goûts destructeurs, fait dire à cet oiseau, que son beau plumage a frappé les yeux, et que sa langue est devenue la proie des gourmands, toue comme si cette langue eût dû piquer leur goût dépravé, autant que la langue musicale et char mante du rossignol, autre tendre victime de ces déprédateurs. } Dat mihi penna rubens nomen; sed lingua gulosis Nostra sapit : quid, 6i garrula lLingua foret ? # | \ DU FLAMMANT. 123 nos voyageurs , soit dans le préjugé des anciens où d’après leur propre expé- rence , parlent aussi de l'excellence de ce morceau. " La peau de ces oiseaux , garnie d’un bon duvet, sert aux mêmes usages que celle du cygne. On peut les apprivoiser assez aisément, soit en les prenant jeuues dans le nid, soit même en les attrapant déja grands dans les piéges, ou de toute autre manière ;car, quoiqu'ils soient très- sauvages dans l’état de liberté, une fois. captif, le flammant paroît soumis , et semble même affectionné : et en effet il est plus farouche que fier , et la même crainte qui le fait fuir , le subjugue quand il est pris. Les Indiens en ont d’entièrement pri- vés ; M. dePeirescenavoit vu de très-fami- liers, puisqu'il donne plusieurs détailssur leur vie domestique. «Ils mangent plus de nuit que de Jour, dit-il, et trempent dans l’eau le pain qu’on leur donne. Ils sont sensibles au froid et s’approchent du feu jusqu'à se brüler les pieds; et lors- qu'une de leurs jambes est impotente, ils marchent avec l’autre, en s’aidant du ( LE Xe ACTE SA à: Vlr dur 2 1: 1 - 124 HISTOIRE NATURELLE. . bee, ct l'appuyant à terre comme un pied ou uné béquille. Ils dorment peu ct ne reposent que sur une jambe, l’autre re- tirée sous le ventre ». Néanmoins ils sont délicats et assez difficiles à élever dans nos climats : même 1l paroît qu'avec assez 4 a | nu de docilité pour se plier aux habitudes de la captivité, cet état est très-contraire à leur nature, puisqu'ils ne peuvent le supporter long-temps, et qu'ils y lan- guissent plutôt qu'ils ne vivent; car ils ne cherchent pas à se multiplier, etjamais ils n’ont produit en domesticité. ° né 19 LE CYGNE*. Lér D\ixs toute société, soit des animaux, soit des hommes , la violence fit les ty- rans; la douce autorité fait les rois. Le lion et le tigre sur la terre ; Paigle et le vautour dans les airs, ne règnent que par da guerre, ne dominent que par l’a- bus de la force et par la cruauté, au lieu que le cygne règne sur les eaux à tous les titres qui fondent un empire de paix, la grandeur , la majesté, la douceur ; avec des puissances, des forces, du courage, et la volonté de n’en pas abuser et dé ne les employer que pour la défense , il sait combattre et vaincre sans jamais atta- quer : roi paisible des oiseaux d’eau, il brave les tyrans de l’air ; il attend l'aigle * Voyez les planches enluminées, n° 13. En latin, o/or; en italien, cno, eygno; en” espagnol , cisne ; en allemand, schwan ; en an- glois, swan; le petit, cygnet; le privé, 1ame- swan; le sauvage, wild-swan, elk, et, sclon quelques uns, Aocoper. An repousse ses assauts en opposant à ses armes la résistance de ses plumes et les coups précipités d’une aile vigoureuse qui lui sert d'égide , et souvent la victoire couronne ses efforts. Au reste, 1l n'a que ce fier ennemi ; tous les oiseaux de guerre le respectent, et il est en paix avec toute Ja Nature : il vit en ami plutôt qu'en roi au milieu des nombreuses peuplades des oiseaux aquatiques, qui toutés semblent se ranger sous sa loi; il n’est que le chef, le premier habitant d’une république tran- quille *, où les citoyens n’ont rien à craindre d'un maître qui ne demande qu'’autant qu'il leur accorde, et ne veut que calme et liberté. Les graces de la figure, la beauté de la forme , répondent dans le cygne à la douceur du naturel ; 1l plaît à tous les * Les anciens croyoient que le cygne épargnoit non seulement les oiseaux, mais même les pois- _sons ; cè qu'ilésiode indique dans son Boucher d’Hercule, en représentant des poissons nageant tranquillement à côté du cygne. #+ 126 HISTOIRE NATURELLE - # \ Sa a « à sans Île provoquer, sans le craindre; il R Us C1 Ÿ: GA NE, 127 yeux ; il décore , embellit tous les licux qu'il fréquente ; on l'aime, on l’applan- dit, on l’admire *. Nulle espèce ne le imcrite mieux : la Nature en effet n’a * e L'intérêt, dit M. Baïllon, qui a déterminé & l’homme à domter les animaux, et à appris « voiser des oiseaux, n’a eu aucune part à la do « uesticilé du cygne. Sa beauté et l'élégance de « sa forme l'ont engagé à l’approcher de son ba- « bitauon uniquement pour l’orner. Il a eu, dans- « tous les temps, plus d’égards pour lui que pour « les autres êtres dont 1l s’est rendu maître: « ue l’a pas tenu eapuif; il Pa destiné à décorer «& les eaux de ses jardins, et l’a laissé y jouir de « toutes les douceurs de la liberté..... L’abon- « dance et le choix de la nourriture ont augmeñté le volume du corps du cygne privé : mais'sa forme e n'en a perdu rien de son élégance ; 1l a conservé « les mèmes graces et la même souplesse dans tous « ses mouvemens; son port Imajestueux est tou- « jours admiré; je doute méme que tous ces agré- « mens soient aussi étendus dans le sauvage. » Note communiquée par M. Baïllon, cousciller du roi, et son bailli de Waben, à Montreuil-sur- mer, que nous avons eu et.que nous aurons en eore plusieurs fois occasion de citer. » » C2 i F CEST A< 07 x28 HISTOIRE NATURELLE répandu sur aucune autant de’ ces graces nobles et douces qui nous rappellent l'i- dée de ses plus charmans ouvrages ; coupe de: corps “élégante , formes arrondies, gracieux contours , blancheur éclatante ct pure, mouvemens flexibles et ressen- tis ; attitudes tantôt animées , tantôt lais- sées dans un mol abandon; tout dans le cygne respire la volupté : l’enchantement que nous font éprouwer les graces ct la beauté, tout nous l’annonce , tout le peint comme l'oiseau de l’amour !; tout justifie la spirituelle et riante mythologie . d’avoir donné ce charmant oiseau pour père à la plus belle des mortelles ?. 4 Horace attelle des cygues au char de Vénus : Quæ Cnidon Fulgentesque teñet Cycladas, et Paphon _ Junctis visit oloribus. (Carm. lib. IIF, od. 28.) 2 Hélène, née de Léda et d’un cygne, dont, suivant Pantiquité, Jupiter avoit pris la figure. Euripide, pour peindre la beauté d'Hélène, en faisant en même temps allusion à sa naissance, [a désigne par lépithète ouua nuemepor, forma \ _ €ycn EG RO ’ DO CÉPCONE ! 129 À sa noble aisance, à la facilité, la liberté de ses mouvemens sur l’eau, on doit le reconnoître non seulemeutcomme le premier des navigateurs ailés, mais comme le plus beau modèle que la Nature nous ait offert pour l’art de la naviga- tion *. Son cou élevé et sa poitrine relc- vée et arrondie semblent en effet figurer la proue du navire fendant l’oude; son large estomac en représente la carène; son corps penché en avant pour cingler se redresse à l’arrière et se relève en poupe; la queue est un vrai gouvernail ; les pieds sont de larges rames, et ses grandes ailes demi-ouvertes au vent et doucement en- flées sont les voiles qui poussent le vais- seau vivant, navire et pilote à la fois. Fier de sa noblesse, jaloux de sa beau- té, le cygne semble faire parade de tous ses avantages ; il a l'air de chercher à re- cueillir des suffrages, à captiver les re- gards ; et il les captive en effet, soit que, * Nulle figure plus fréquente sur les navires des anciens, que la figure du cygne ; elle paroïssoit à la proue, et les nautonuiers en tUroient un augure favorable. r sl ds nd Ai, y | L Ta d. ” “0 À 330 HISTOIRE NATURELLE voguant en troupe, on voie de loin, au milieu des grandes eaux, cinglerla flotte ailée, soit que s’en détachant et s’appro- chant du rivage aux signaux qui l’ap- pellent ! , il vienne se faire admirer de plus près en étalant ses beautés, et déve- loppant ses graces par mille mouvemens doux , ondulans et suaves. Aus avantages de la Nature , le cygne réunit ceux de la liberté ; sin st pas du nombre de ces esclaves que nous puis- sions contraindre ou renfermer ? : libre 1 Le cygne nage avec beaucoup de grace et rapi- dement quand il veut ; il vient à ceux qui d'appel lent. (Salerne, page 405.) M. Salerne dit au même endroit que, quand on veut faire venir le cygne à. è soi, on l'appelle godard. x Suivant M. Frisch, on lui donne , en allemand, Je nom de frank, et il s'approche à ce nom. 2 Le cygne renferm£ dans une cour est toujours triste ; le gravier lui blesse les pieds ; 1] fait tous ses efforts pour fuir et s’envoler, et il part en effet, si l’on n’a pas l’attention de lui couper les ailes à chaque mue. J’en ai vu un, dit M. Baïllon, qui a vécu ainsi pendant trois ans; il étoit inquiet ou Le DU CYGNE 13€ sur nos eaux, il n’y séjourne, ne s'établit qu’en y jouissant d'assez d’iadépendance pour exclure tout sentiment de servitude et de captivité ; 1l veut à son gré parcou- rir les eaux, débarquer au rivage, s’éloi- guer au large, ou venir, longeant la rive, s’abriter sous Îles bords, se cacher dans les joncs , s’enfoncer dans les anses les plus écartées, puis, quittant sa solitude, revenir à la société, et jouir du plaisir qu'il paroît prendre et goûter en s’appro- chant de l'homme, pourvu qu’il trouve en nous ses hôtes et ses amis , et non ses maîtres et ses tyrans. Chez nos ancêtres, trop simples ou trop sages pour remplir leurs jardins des beau- tés froides de l’art, en place des beautés vives de la Nature, les cygnes étoient en possession de faire l’ornement de toutes les pièces d’eau * ; ils animoient, égayoient sombre, toujours maigre et silencieux, au point qu’on n’a jamais entendu sa voix ; on le nourrissoit péanmoins largement de pain, de son, d'avoine, d’écrevisses et de poissons : 1l s’est envolé quand on a cessé de rogner ses ailes. * Ce goût n’avoit pas été inconbu des anciens, a RE de nt + lip 132 HISTOIRE. NATURELLE les tristes fossés des CRÈTE ; ils déco- roient la plupart des rivières ! , et meme celle de la capitale ?, et l’on vit l’uu des plus sensibles et des plus aimables de nos princes mettre au nombre de ses plaisirs celui de peupler de ces beaux oiseaux les bassins de ses maisons royales. On peut encore Jouir aujourd'hui du méme spec- tacle sur les belles eaux de Chanülly , où les cygnes font un des ornemens de ce lieu vraiment délicieux, dans lequel tout respire le noble goût du maître. Le cygne nage si vite, qu’un homme marchant rapidement au rivage,a grande peine à le suivre. Ce que dit Aïbert, qu'il nage bien, marche mal et vole médiocre- ment, ne doit s'entendre, quant au vol, que du cygne abâtardi par une domesti- cité forcée ; car, libre sur nos eaux, et sur-tout sauvage, 1l a le vol très-haut et * Suivant Volaterran, on n’en nourrissoit pas moins de quatre mille sur la Tamise. 2 Témoin le nom de l’éle aux eygnes, donné encore à ce terrain quembrassoit la Seine au-des- % L sous des Invalides. R DU. CHENE. 133. très-puissant. Hésiode lui donne Pépithète d’altisolans" ; Homère le range avec les oiseaux grands voyageurs, les grues ct les oies; et Plutarque attribue à deux cygnes ce que Pindare feint des deux aigles que Jupiter fit partir des deux côtés opposés du monde, poür en marquer Île milieu au point où ils se reucontrèrent. Le cygne, supérieur en tout à lote , qui ne vit guère que d’herbages et de graines, sait se procurer une nourriture plus déli- cate et moins commune ? ; il ruse sans cesse pour attraper et saisir du poisson ; il prend mille attitudes différentes pour le succès de sa pêche , et tire tout l’avan- tage possible de son adresse et de sa grande force; il sait éviter ses ennemis ou leur résister : un vieux cygue ne craint pas dans l’eau le chien le plus fort; son 1 PAGDTI@OTACe 2 Le cygne vi de graines ct de poissons, sur-tout d’anguilles ; il avale aussi des grenouiiles, des sang- sues, des limacons d’eau , et de lherbe; il digère aussi promptement que le canard , et mange consi- dérablemens. (A7. Baïllon.) j 42 LA " Al ait PER AT "4 134 HISTOIRE NATURELLE RS coup d’aile pourroit casser la jambe d’ün homme, tant il est prompt et violent. Enfin il paroît que le cygne né redoute aucune embüche , aucun ennemi, parce qu'il à autant de courage que d'adresse et de force * Les cygnes sauvages volent en grandes troupes , et de mème les cygnes domes- tiques marchent et nagent attroupés ; leur instinct social est en tout très-fortement marqué. Cet instinct, le plus doux de la Nature , suppose des mœurs innocentes, des habitudes paisibles, et ce naturel L * Le cygue, m'écrit le même observateur, ruse sans Cesse pour saisir les poissons, qui sont sa nour- | riture de préférence... Il sait éviter les coups que ses ennemis peuvent lui porter. Si un oiseau de proie menace les petits, le père et la mère les dé- fendent ‘avec intrépidité ; ; ils les rangent autour deux , et l’oiseau ravisseur n’ose plus MA Si quelques chiens veulent les assailhr, ils vont au- devant et les attaquent. Au reste, le cygne plonge et fuit, si la force de son ennemi est supérieure à la résistance qu'il peut\lui opposer; néanmoins ce nest guère que dans l’obscurité de la nuit et pendant le had , que les cygnes sont quelquefois surpris par les évite el les ioupss | DU. C'Y.G N E. 139 délicat et sensible qui semble donner aux actions produites par ce sentiment , l’in- tention et le prix des qualités morales. Le be 13 a de plus l'avantage de jouir jusqu'à un âge extrémement avancé, de sa belle et douce existence. Tous les ob- servateurs s’accordent, à lui donner une très-longue vie; quelques uns même en ont porté la durée jusqu’à trois cents ans, ce qui sans doute est fort exagéré : mais Willughby ayant vu une oïe qui, par preuve certaine, avoit vécu cent ans, n'hésite pas à eonclure de cet exemple, que la vie du cygne peut et doit être plus longue , tant parce qu'il est plus grand que parce qu'il faut plus de temps pour faire éclore ses œufs, l’incubation dans les oiseaux répondant au temps de la gestation dans Îles animaux, et ayant peut-être quelque rapport au temps de, l'accroissement du corps, auquel est pro- portionnée la durée de la vie. Or le cygne est plus de deux ans à croître, et c’est beaucoup ; car, dans les oiseaux, le dé- veloppement entier du corps est bien plus prompt que dans les animaux quadru: pèdes, | j ” 126 HISTOIRE NATURELLE La femelle du cygne couve pendant six semaines au moins. Elle commence à pondre au mois de février. Elle met, comme l’oic, un Jour d'intervalle entre la ponte de chaque œuf. Elle en produit de cinq à huit, et communément six ou sept. Ces œufs sont blancs et oblongs ; ils ont la coque épaisse et sont d’une gros- seur très-considérable. Le nid est placé tantôt sur un htd’herbessèchesaurivage, tantôt sur un tas de roseaux abattus, entassés et-même flottans sur l’eau. Le couple amoureux se prodigue les plus douces caresses, et semble chercher dans le piaisir les nuances de la volupté; ils y préludent en entrelacant leursicous ; ils respirent ainsi l'ivresse d’un long embras- sement ; ils se communiquent le feu qui les embrase; et lorsqu’enfin le mâle s’est pleinement satisfait, la femelle brûle en- core; elle le suit, l’excite, l’enflamme de nouveau, et finit par le quitter à regret pour aller éteindre le reste de ses feux en se lavant dans l’eau *. * D'où vient l'opinion de sa prétendue pudeur, D LU: € Y-G.N:'E. 137 Les fruits d'amours si vives sont ten- drement chéris et soignés ; la inère re- cueillenuit et jour ses petitssousses ailes, et le père se présente avec intrépidité pour les défendre contre tout assaillant. Son courage , dans ces momens, n’est com- parable qu’à la fureur avec laquelle il combat un rival qui vient le troubler dans la possession de sa bien-aimée. Dans ces deux circonstances , oubliant sa dou- ceur , il devient féroce et se bat avec acharnement ; souvent un Jour entier ne suit pas pour vider leur duel opiniâtre. Le combat commence à grands coups d'ailes , continue corps à corps, et finit ordinairement par la mort d’un des deux ; car ils cherchent réciproquement à s’é- touffer en se serrant le cou et se tenant par force la tête plongée dans l’eau. Ce qui, selon Albert, est telle, qu’elle ne voudroit pas manger après ces momens avant que de s'être lavée. Le docteur Bartholin, enchérissant encore sur cetie idée de la pudicité du cygne , assure que , cherchant à éteindre ses feux, 1l mange des orties, recette qui seroit apparemment aussi bonne pour un docteur gy€ pour un CySuEe éd 32 +7 S'EM Li LL Lis an AARALE 24 LE": RUSSES te à | St et à Ÿ 138 HISTOIRE NATURELLE sont vraisémblablement ces combats qui ont fait crôire aux anciens que les cygnes se dévoroient les uns les autres. Rien west moins Vrai; mais seulement ici, comme ailleurs, les passions furicuses naissent de la HAS la plus douce , et c’est l'amour qui enfante la guerre*?. En tout autre temps ils n’ont que des habitudes de paix ; tous leurs sentimens * Aristot. lib. IX, cap. x. Élien étoit encore plus mal informé , lorsqu'il dit que le cygne tue quelquefois ses petits. Au reste, ces fausses idées tenoient peut-être moins à des faits d'histoire natu- relle, qu'à des traditions mythologiques : en effet , tous les Cycnus de la Fable furent de fort mé- chans personnages ; Cycnus, fils de Mars, fut tué par Hercule , parce qu'il étoit voleur de grand chemin ; Cycnus, fils de Neptune , avoit poignardé Philoése sa mère , il fut tué par Achille; enfin le beau Cycnus, ami de Phaéton, et fils d’A pollon comme lui, étoit inhumain et cruel. ? M, Frisch prétend que ce sont les plus vieux cygnes qui sont les plus méchans et qui troublent les: plus Jeunes , et que, pour assurer la tranquillité des couvées, il faut diminuer le nombre de ces vieux mâless L- 2 / BU CT'GNE. 1% sont dictés par l'amour : aussi propres que voluptueux , ils font toilette assidue chaque jour ; on les voit arranger leur plumage , le nettoyer , le lustrer, et prendre de l’eau dans leur bec pour la répandre sur le dos, sur les ailes, avec un soin qui suppose le desir de plaire, etne peut être payé que par le plaisir d’être armé. Le seul temps où la femelle néglige sa toilette, est celui de la couvéc; les soins maternels l’occupent alors toute entière, et à peine donne-t-elle quelques instans aux besoins de la Nature ct à sa subsis- tance. Les petits naissent fort laids et seule- ment couverts d’un duvet gris où jau- nâtre, comme les oisons; leurs plumes ne poussent que quelques semaines après, et sont encore de la méme couleur. Ce vilain plumage change à la première mue, au mois de septembre ; ils prennent alors beaucoup de plumes blanches, d’autres plus blondes que grises , sur-tout à la poitrine et sur le dos. Ce plumage cha- inarré tombe à la seconde mue, et ce n’est qu'à dix-huit mois et même à deux aus k TE PTS PQ RON ET Te dun uit du ra fht PAT UTYTE H " Li bd \ 140 HISTOIRE NATURELLE d'âge que ces oiseaux ont pris leur belle k robe d’un blanc pur. et sans tache ; ce n'est aussi que dans ce temps qu'ils sont en état de produire. Les jeunes cygnes suivent leur mère, pendant le premier été : mais ils sont for= cés de la quitter au mois de novembre, nr. les mâles adultes les chassent, pourétre … plus libres auprès des femelles. Ces jeunes oiseaux , tous exilés de leur famille ,. se rassemblent par la nécessité de leur sort commun ; ils se réunissent en troupes et ne se quittent plus que pour s’apparier et former eux- mêmes de nouvelles fa- milles. .. Comme le cygne mange assez souvent des herbes de marécages, et principale- ment de l'algue, il s'établit de préférence sur les rivières d'un cours sinueux ettran- quille, dont les rives sont bien fournies d’herbages. Les anciens ont cité le Wéan- dre, le Mincio, le Strymon, le Caystre, fleuves fameux par la multitude des cygnes dont on les voit couverts. L’île chérie de Vénus, Paplos, en étoit rem- plie. Strabon parle des cygnes d'Espagne, … MU CET CN RTE A et, suivan#Elien!, l’on en voyoït de temps en temps paroître sur la mer d'Afrique ; d’où l’on peutjuger , ainsi que par d’autres _ indications ?, que l’espèce se porte Jusque davs les régions du Midi: néanmoins celles du Nord semblent être la vraie patrie du _ cygne et son domicile de choix , puisque c’est dans les contrées septentrionales qu'il niche et multiplie. Dans nos provinces, nous ne voyons guère decygnes sauvages que dans les hivers les plus rigoureux. Gesner dit qu'en Suisse on s'attend à un rude et long hiver quand on voit arriver beaucoup de cygnes sur les lacs. C’est dans cette même saison rigoureuse qu'ils paroissent sur les côtes de France, d’An- gleterre et sur la Tamrise, où ilest défendu de les tuer , sous peine d’une grosse amende, Plusieurs de nos cygnes domes- 1 Hisi. anim. bb. IX, cap. 36. 2 Suivant Fr. Camel, le cygne se trouve à Lu- con, où on le nomme agac; mais cet auteur ne nous dit pas si c'est la race du cygne privé trans- porté, ou l’espèce naturelle et sauvage, qui se trouve dans cette capitale des Philippines. 142 HISTOIRE NATURELLE pes partent alors avec les sauvages, si l'on n’a pas pris la précaution a'ébarbé les grandes plumes de leurs ailes. Néanmoins quelques uns nichent et passent l'été dans les parties septentriô nales de l'Allemagne, dans la Prusse et. la Pologne; et, en suivant à peu près s cette latitude , on lestrouve curiles 0 s près d’Azof FH vers Astracan, en Sibérie, chez lesJakutes, à Seleginskoi, etjusqu’au Kamtschatka. Dans cette même saison des nichées, on les voit en très-grand nombre sur les rivières et les lacs de la Lapponie ; ils s’y nourrissent d'œufs et de chrysalides d’une espèce de moucheron , dont sou- vent la surface de ces lacs est couverte, Les Lappons les voient arriver au prin- temps du côté de la mer d’Allemagne ; une partie s'arrête en Suède, et sur-tout en Scanie. Hoïrebows prétend, qu'ils restent toute l’année en Islande , et qu’ils habitent la mer lorsque les eaux douces sont glacées ; mais s'il en demeure en effet quelques uns ; le nombre suit la loi commune de migration, et fuit un hiver que l'arrivée des glaces du Groenland tes 'i.od'at AR: Yi y ‘Atiellé é ? # xtds : AR RT te NE DE MN ET ’ 4: . ; , \ ; \ ” \ h DIU OV GUN ES TE 3 rend encore plus rigoureux en Islande qu’en Lapponie. Ces oiseaux se sont trouvés en aussi grande quantité dans les parties septen= trionales de l'Amérique que dans ceiles de l'Europe ; ils peuplent la baie d'Hud- son, d’où vient le nom de Carry-swan's- nest, que l’on peut traduire porte - nid de cygne, imposé par le capitaine But- ton à cette longue pointe de terre qui s’'avance du nord dans la baie. Ellis a trouvé des cygnes jusque sur l’{/e de Marbre , qui n’est qu’un amas de rochers bouleversés alentour de quelques petits lacs d'eau douce. Ces oiseaux sont de même très-nombreux au Canada , d'où il paroît qu’ils vont hiverner en Virginie et à la Louisiane; et ces cygnes du Ca- nada et de la Louisiane , comparés à nos cygues sauvages, n’ont offert aucune différence. Quant aux cygnes à tête noire des îles Malouines et de quelques côtes de la mer du Sud, dont parlent les voya- geurs , l'espèce en est trop mal décrite pour décider si elle doit se rapporter ou non à celle de notre cygne. Les a emo: çqui se trouvent entre le cygne sauvage et le cygne privé, ont fait croire qu'ils formoient deux espèces distinctes et séparées. Le cygne sauvage est plus petit; son plumage est oO, | nément plus gris que blanc ! ; il n’a de caroncule sur le bec, qui toujours.est | noir à la pointe, et mt n’est Jaune que près de la tête. Mais, à bien apprécier ces différences , on verra que l'intensité de la couleur , de même que la caroncule ou bourrelet charnu du front, sont moins des caractères de nature qué des indices et des empreintes de domesticité. Les couleurs du plumage et du bec étant sujettes à varier dans les cygnes comme dans les autres oiseaux domestiques, on peut donner pour exemple le cygne privé à bec rouge dont parle le docteur Plott?. 1 Le cygne représemié dans nos planches enlu- minées, est le cygne domestique ; un individu sau- vage conservé au Cabinet du roi, est tout d’un gris blanc universel sur tout le plumage, mais plus foncé et presque brun : sur le dos et le sommet de la tête. 2 On doit encore rapporter ici ces cygues que * 4 \ {\ Fr : | 4 Ro 7. | D'Û: C-Y GN'ES PU Pres D'ailleurs cette différence dans la cou leur du plumage n'est pas aussi grande qu’elle le paroît d’abord. Nous avons vu que les jeunes cygnes domestiques naïs- sent et restent long-temps gris : il paroît que cette couleur subsiste plus long-téemps encore dans les sauvages, mais qu’enfin ils deviennent blancs avec l’âge ; car Edwards a observé que, dans le grand hiver de 1740, on vit aux environs de Londres plusieurs de ces cygnes sauvages qui étoient entièrement blancs. Le cygne domestique doit donc être regardécomme uue race tirée anciennement et originai- rement de l'espèce sauvage. MM. Klein, Frisch et Linnæus , l’ont présumé comme moi, quoique Willughby et Ray pré- tendent le contraire. Belon regarde le cygne comme le plus grand des oiseaux d’eau ; ce qui est assez vrai, en observant néanmoins que le Piddi a vus dans les chasses du grand duc, lesqu els avoient les plumes de Ja tête et du cou marquées à la pointe d’une teihte jaune on orangée ; particula- rité qui lui sert à expliquer Pépithète de purpurei qu’Horace donne quelque part aux cygnes. Oiseaux, X V1I. 13 E 4 PR 4 M)" v MR in uls ct 7, * À AR ÿ 4 L ’ PAU n | vw : à à É,n- * ’ : À à } Ca RP MAT Ÿ . æ | 146 HISTOIRE NATURELLE pélican a beaucoup plus d’envergure!, « ‘que lé grand albatross a tout au moins autant de corpulence ?, et que le flam- mant ou phénicoptère a bien plus de hauteur, eu égard à ses jambes démesu- rées ÿ. Les cygnes, dans la race domes- tique, sont constamment un peu plus gros et plus grands que dans l’espèce sau- vage ; il y en a qui pèsent jusqu’à vingt- cinq livres. La longueur, du bec à la queue , est quelquefois de quatre pieds et demi, et l’envergure de huit pieds. Au reste , la femelle est en tout un peu plus petite que le mâle. Le bec, ordinairement long de trois pouces et plus, est, dans la race domes- tique, surmonté à sa base par un tuber- cule charnu, renflé et proéminent, qui donne à la physionomie de cet oiseau une sorte d'expression. Ce tubercule est ? Voyez l’article de cet oiseau, tome XVI, page 204. A + ? Voyez ci-après l’article de Pa/harross. 3 Voyez l'article de cet oiseau, dans ce volume, page 105. DU CYGNE 147 revêtu d’une peau noire, et les côtés de la face, sous les yeux , sont aussi cou- verts d’une peau de même couleur. Dans les petits cygnes de la race domestique, ‘le bec est d’une teinte plombée : il de- vient ensuite Jaune ou orangé, avec la pointe noire. Dans la race sauvage, le bec est entièrément noir, avec une mem- brane Jaune au front. Sa forme paroît avoir servi de modèle pour le bec des deux familles les plus nombreuses des oiseaux palmipèdes, les oïes et les ca- nards : dans tous, le bec est applati, épa- té , dentelé sur les bords, arrondi en pointe mousse, et terminé à sa partie supérieure par un onglet de substance cornée. | Dans toutes les espèces de cette nom- breuse tribu , 1l se trouve au-dessous des- plumes extérieures un duvet bien fourni qui garantit le corps de l'oiseau des im- pressions de l’eau. Dans le cygne, ce duvet est d’une grande finesse, d’une mollesse extrême et d’une blancheur par- faite ; on en fait de beaux manchons et des fourrures aussi délicates que chaudes. # % juil { 148 HISTOIRE NATURELLE La chair du cygne est noire et dure, et c’est moins cômme un bon mets que comme un plat de parade qu’il étoit servi dans les festins chez les anciens },, et, par la même ostentation , chez nos an- cêtres. Quelques personnes m'ont néan- moins assuré que la chair desjeunescygnes étoit aussi bonne que celle des oies du méme âge. Quoique le cygne doit assez silencieux , il a néanmoins les organes de la voix con- formés comine ceux des oiseaux d’eau les plus loquaces ; la trachée-artère , descen- due dans le sternum , fait un coude ?, se relève , s’appuie sur les clavicules, et de là, par une seconde inflexion , arrive aux poumons. À l'entrée et au-dessus de 1 Les Romains l’engraissoient comme l’oie, après Jui avoir crevé les yeux , ou en le renfermant dans une prison obscure. 2 Selon Willugbhy, cette particularité de con- formation est propre au cygne sauvage, el ne se trouve point la même dans le cygne domestique ; ce qui semble fonder ce que nous allons rapporter de la différence de leur voix : mais cela ne suffiroit. peut-être pas pour prouver que leurs espèces soient ( Do CTo RE 14) la bifurcation, se trouve placé un vrai larynx , garni de son os hyoïde , ouvert dans sa membrane en bec de flûte ; au- dessous de ce larynx, le canal se divise en deux branches, lesquelles, après avoir formé chacune unrenflement ,s’attachent aux poumons. Cette conformation, du moirs quant à la position du larynx, est commune à beaucoup d'oiseaux d’eau, et meme quelques oiseaux de rivage ont Iles memes plis et inflexions à la trachéec- artère, comme nous l’avons remarqué dans la grue ; et, selon toute apparence, c’est ce qui donne à leur voix ce reten- tissement bruyant et rauque, ces sons de trompette ou de clairon qu'ils font en- tendre du haut des airs et sur les eaux. Néanmoins la voix habituelle du cygne privé est plutôt sourde qu'éclatante; c’est une sorte de sirideur, parfaitement sem- blable à ce que le peuple appelle le jure- différentes, cette diversité n’excédant pas la somme des impressions , tant intérieures qu’extérieures, que la domesticité et ses habitudes peuvent produire à 3 longue sur une race assujettie. 15 . CP CO D MDN TOR | AT 150 HISTOIRE NATURELLE ment du chat, et que les anciens avoient bien exprimé par le mot imitatif drensant. C'est, à ce qu'il paroît, un accent de menace ou de colère; l’on n’a pas remar- qué que l'amour en eût de plus doux !, et ce n’est point du tout sur des cygnes presque muets, comme le sont les nôtres dans la domesticité , que les anciens avoient pu modeler ces cygnes harmo- nicux qu'ils ont rendus si célèbres. Mais 1l paroît que le cygne sauvage a mieux conservé ses prérogatives , et qu'avec le sentiment de la pleine liberté , il en a aussi les accens. L’on distingue en effet dans ses cris, ou plutôt dans les éclats de sa voix, une sorte de chant mesuré, modulé * , des sons bruyans de clairon, 1 Observations faites à Chantilly, suivant les vues de M. le marquis d'Amezaga, et que M. Grou- velle, secrétaire des commandemens militaires de S. A. S. Msr le prince de Condé, a bien voulu prendre soin de rédiger. « Leur voix , dans la saison « des amours , et les acceus qui leur échappentalors « dans les momens les plus doux , ressémblent plus « à UN murmure qu'à aucune espèce de chant. » 2 M. l’abbé Arnaud, dont le génie est fait pour ? © É L nr Tu à [ | | n + ji d* AU ICT GONE. 67 no mais dont les tons aigus et peu diversifiés sont néanmoins très-éloignés de la tendre mélodie et de la variété douce et brillante du ramage de nos oiseaux chanteurs. ranuner les restes précieux de la belle et savante antiquité, a bien voulu concourir avec nous à véri- fier et à apprécier ce que les anciens ont dit du chant du cygne. Deux cygnes sauvages qui se sont établis “d'eux-mêmes sur les magnifiques eaux de Chantilly, semblent s'être venus offrir exprès à cette intéres- sante vérification. M. l’abbé Arnaud estallé jusqu’à uoter leur chant, ou, pour mieux dire, leurs cris harmonieux , et 1l nous en écrit en ces termes : «On « ne peut pas dire exactement que les cygnes de « Chantilly chantent, ils crient; mais leurs cris « sont véritablement et constamment modulés. Leur « voix n'est point douce ; elle est, au contraire, ai- « guë, percante et très-peu agréable : je ne puis la « mieux comparer qu'au son d’une clarinette em- « bouchée par quelqu'un à qui cet instrument ne « seroit point familier. Presque tous les oiseaux ca- « nores répondent au chant de l’homme, et sur-tout « au son des instrumens : J'ai joué pendant long- « temps du violon auprès de nos cygnes, sur tous « les tons et sur tout£s les cordes; j’ai même pris « l’unissom de leurs propres accens, sans qu'ils aient « El LS jh Au reste, les anciens ne s’étoient pas contentés de faire du’cygne un chantre. | 152 HISTOIRE NATUI Pa ÇS « paru y faire attention. Maïs si dans le bassin où L] L2 L] { L2 « 1ls nagent avec leurs petits, on vient à jeter une GS oïe , le mâle, après avoir poussé des sons sourds , « fond sur l’oie avec impétuosité , et la saisissant au «cou, il lui plonge, à tres-fréquentes reprises, « la, tête dans l’eau, et la frappe en même temps « de ses ailes; ce seroit fait de loie si l’on ne ve- « noit à son secours : alors, les ailes étendues, le « cou droit et la tête haute , le cygne vient se pla- « cer vis-à-vis de sa femelle , et pousse un cri au- « quel la femelle répond par un cri plus bas d’un « demi-ton. La voix du mâle va du /a au sc bémol; « celle de la femelle du so7 dièse au La. La pre- « mière note est brève et de passage , et fait l'effet « de la note que nos musiciens appellent sensible ; « de manière qu'elle n’est jamais détachée de la « seconde , et se passe comme un coulé. Observez « qu'heureusement pour l’oreille, 1ls ne chantent « Jamais tous deux à la fois : en effet, si, pendant « que le mâle entonne le 57 Bemol, la femelle fai- « soit entendre le /a, ou que le mâle donnât le /a, « landis que la femelle donne le so dièse, il eu « résulteroit la plus âpre et la plus insupportable « des dissonances. Ajoutons que ce dialogue est « soumis à un rhythme constant et réglé , à la mes 7 nn, sé v Pat: L Lé ' #: | | D UV C:Y G'N EF: 154 merveilleux; seul entre tous les êtres qui r . : x ,. k 20 (. frémissent à l'aspect de leur destruction, « sure à deux temps. Du reste, l'inspecteur m’a « assuré qu’au temps de leurs amours , ces oiseaux « Ont un cri encore plus percant, mais beaucoup « plus agréable. » Nous joimdrons ici une observation intéressante, qui ne nous a été communiquée qu'après l’impres- sion des premières pages de cet article. «Il y a « une saison Où l’on voit les cygnes se réunir et « former une sorte d'association républicaine, pour «le bien commun ; c’est celle des grands froids. « Pour se maintenir au milieu des eaux, dans le « temps qu’elles se glacent, ils s’attroupent et ne « cessent de battre l’eau, de toute la largeur de « Jeurs ailes, avec un bruit qu’on entend de fort « Join, et qui se renouvelle avec d'autant plus de « force dans les momens du jour et de la nuit, « que la gelée prend avec plus d'activité ; leurs « efforts sont si efficaces, qu'il n’y à pas d'exemple « que la troupe des cygnes ait quitté l'eau dans les « plus longues gelées , quoiqu’on ait vu quelquelois « un cygne seul et écarté de l’assemblée générale, « pris par la glace au milieu des canaux. » (Extrait de la note rédigée par M. Grouvelle, secrétaire des commandemens militaires de S. A.S., Ma Îe prince de Condé.) | | L +” va : p} 1 hs | 4 154 HISTOIRE Nas TE ty il chantoit encore au moment de son agonie, et préludoit par des sons harmo- nieux à son dernier soupir. C’étoit, di- soient-ils, près d’expirer, et faisant à la vie un adieu triste et tendre, que lecygue rendoit ces accens si doux et si touchans, et qui, pareils à un léger et douloureux murmure, d’une voix basse, plaintive et lugubre , formoient son chant funèbre !. On entendoit ce chant lorsqu’au lever de l’aurore, les vents et Les flots étoient cal- més ; on avoit même vu des cygnes expPi- rant en musique et chantant leurs hymnes funéraires. Nulle fiction en histoire natu- relle , nulle fable chez les anciens, n’a été plus célébrée, plus répétée, plus accrédi- tée ; elle s’étoit emparée de l'imagination vive et sensible des Grecs : poètes ?, ora- ? teurs *, philosophes même , l’ont adop- * Suivant Pythagore, c’étoit un chant de joie, par lequel cet oiseau se félicitoit de passer à une meil- leure vie. 2 Callimaque, Eschyle, Théocrite, Euripide, Lucrèce, Ovide, Properce , parlent du chant du eygne,eten tirent des comparaisons. 35 Voyez Cicéron; voyez aussi Pausamaset autres — la : MONO TGN'E.\; 155 tée * comme une vérité trop agréable pour vouloir en douter. Il faut bien leur pardonner leurs fables ; elles étoient ai- mables et touchantes ; elles valoient bien de tristes, d’arides vérités : c’étoient de doux emblèmes pour les ames sensibles, Les cygnes, sans doute, nechantent point leur mort; mais toujours, en parlant du dernier essor et des derniers élans d’un beau génie prêt à s’éteindre, on rappel- Jlera avec sentiment cette expression tou- chante : c’est le chant du cygne! * Socrate dans Platon, et Aristote lui-même, mais d'après l’opinion commune, et sur des rap- ports étrangers. LL L’OIE*, #) Dixs chaque genre , les espèces pre- mières ont emporté tous nos éloges, et n’ont laissé aux espèces secondes que le mépris tiré de leur comparaison. L’oie, par rapport au cygne, est dans le même * Voyez les planches enluminées, n° 985, l’oie sauvage. En ancien francois, ouë : le mâle, jars; et le pe- tit, oëson; en laün, anser; en italien , oca, papara; en allemand, gans, ganser, ganserich, et le jeune, ganselin; en Espagnol, ganso, paio; le mâle, an- sar, ansarea où bivar, et le jeune, patico, huijo de pato; en anglois , goose , geese. Ces noms se rapportent à la race domestique de”: l’oie ; les phrases et les noms suivans appartiennent à son espèce sauvage. En allemand, milde ganz, grawe ganz, schnée ganz; en espagnol, ansar bravo; en italien, oca salvatica; en anglois, wild goose, greylagg; en suédois, will goas; en polonois, ger dzika; en groenlandois, nerlech;: en huron, ahongue; en uexicain , {/alacatl. ARLES LE Lag 206 . 4 % HISTOIRE NATURELLE. 107. -# cas que l'âne vis-à-vis du cheval : tous deux ne sont pas pris à leur Juste valeur ; le premier degré de l’infériorité paroissant être une vraie dégradation, et rappelant en même temps l’idée d’un modèle plus parfait, n'offre, au lieu des attributs réels de l'espèce secondaire, que ses cou- trastes désavantageux avec l’espèce pre- mière. Éloignant done pour un moment la trop noble image du cygne, noustrou- verons que l’oie est encore, dans le peuple de la basse-cour , un habitant de distinc- tion. Sa corpulence, son port droit, sa démarche grave, son plumage net et lustré, et son naturel social qui la rend susceptible d’un fort attachement et d’une longue reconnoissance, enfin sa vigilance très-anciennement célébrée, tout con- court à nous présenter l’oie-comme l’ux des plus intéressans et même des plus utiles de nos oiseaux domestiques; car, indépendamment de la bonne qualité de sachairet de sa graisse, dont aucun autre oiseau n’est plus abondamment pourvu, Joie nous fournit cette plume délicate sur laquelle la mollesse se plaît à reposer, 14 / 158 HISTOIRE NATURELLE et cette autre plume, instrument de nos. pensées, et avec laquelle nous écrivons ici son éloge. On peut nourrir l’oie à peu de frais, et l’élever sans beaucoup de soins : elle s’'accommode à la vie commune des vo- lailles , et souffre d’être renfermée avec elles dans la même basse-cour, quoique cette manière de vivre, et cette contrainte sur-tout, soient peu convenables à sa nature ; car il faut, pour qu'elle se dé- veloppeenentier et pour former de grands troupeaux d’oies , que leur habitation soit à portée des eaux et des rivages en- vironnés de grèves spacieuses et de gazons ou terres vagues, sur lesquelles ces oi- sceaux puissent paître et s’ébattre en li- berté. On leur a interdit l'entrée des prai- ries, parce que leur fiente brüle les bonnes herbes , et qu'ils les fauchent Jusqu'à terre avec le bec, et c’est par la même raison qu'on les écarte aussi très-soigneu- sement des blés verds, et Ti vE ne leur laisse les champs Hibres + ‘après la ré- colte. Quoique les oies nie se nourrix Lu RENE? O0 TE 159 de gramens et de la plupart des herbes, elles recherchent de préférence le trèfle, le fénu-grec , la vesce , les chicorées, et sur-tout la laitue, qui est le plus grand régal des petits oiseaux. On doit arracher de leur pâturage la jusquiame, la ciguë et les orties, dont la piqüre fait le plus grand mal aux Jeunes oiseaux. Pline ‘assure, peut-être légèrement, que, pour se purger, les oies mangent de la sidé- rite. La domesticité de l’oie est moins an- cienne et moins complète que ceile de la poule. Celle-ci pond en tout temps , plus cnété, moins en hiver ; mais les oies ne produisent rien en hiver, et ce n’est com- munément qu’au mois de mars qu’elles commencent à pondre : cependant celles qui sont bien nourries , pondent dès le mois de février , et celles auxquelles on épargne la nourriture ne font souvent leur ponte qu’en avril. Les blanches, les grises, les Jaunes et les noires, suivent cette règle, quoique les blanches pa- roissent plus délicates, et qu’elles soient en eflet plus difficiles à élever. Aucune ne 160 HISTOIRE NATURELLE fait de nid dans nos basses-cours * , et ne pond ordinairement que tous les deux Hart ; inais toujours dans le même lieu. Si on enlève leurs œufs, elles font une seconde et une troisième ponte, et même une quatrième dans les pays chauds. C’est sans doute à raison de ces pontes succes- sivesque M.Salerne ditqu’elles ne finissent . qu'en juin. Mais si l’on continue à enle- * Elles s’enfoncent sous la paille pour ÿ pondre et mieux cacher leurs œufs; elles ont conservé cette habitude des sauvages, qui vraisemblablement percent les endroits les ane fourrés des joncs et des plantes marécageuses, pour y couver ; et, dans les lieux où on laisse ces oïes domestiques pres- que entièrement libres, elles ramassent quelques ma- ériaux, sur lesquels elles déposent leurs œufs. « Dans Pile Saint-Domingue, dit M. Buillon ; où « beaucoup d'habitans ont des oïes privées sem- « biables aux nôtres, elles pondent dans les sa- « vanes auprès des ruisseaux et canaux ; elles com- « posent leurs aires de quelques hrins d'herbes e sèches, de paille de maïs ou de mil ; les femelles « y sont moins fécondes qu’en France, leur plus « srande ponte est de sept ou huit œuis. » (Note communiquée par M. Baillon.) 4 DE L° OFE. 167 ver les œufs, l’oie s'efforce de continuer à pondre , et enfin elle s’épuise et périt ; ‘à car le produit de ses pontes , et sur-tout des premières , est nombreux : chacuse ‘est au moins de sept, et communément de dix , douze ou quinze œufs, et méme de seize, suivant Pline. Cela peut être vrai pour l'Italie ; mais dans nos provinces intérieures de France , comme en Bour- gogne et en Champagne, on a observé que les pontes les plus nombreuses n’é- toient que de douze œufs. Aristote re- marque que souvent les Jeunes oies, comme les poulettes, avant d’avoir eu communication avec le mâle, pondent des œufs clairs et inféconds, et ce fait est général pour tous les oiseaux. Mais si la domesticité de l’oie est plus moderne que celle de la poule , elle paroît être plus ancienne que celle du canard ;: dont les traits originaires ont moins chan- gé; en sorte qu'il y a plus de distance ne entre l’oie sauvage et la pri- vée, qu'entre les canards. L’oie domes- + ee est beaucoup plus grosse que la sauvage; elle a les proportions du corps 14 8 ,-les ailes anoins fortes et moins roides : tout a changé de couleur dans son M ut elle ne conserve rien ou presque rien.de son état primitif : elle paroît méme avoir oublié les douceurs de son ancienne li- berté ; du moins elle ne cherche point, comine le canard, à la recouvrer ; la ser- vitude paroît l'avoir trop affoiblie ; elle m'a plus la force de soutenir assez son vol pour pouvoir accompagüuer ou suivre ses. . frères sauvages , qui, fiers de leur puis- sance ; lot la dédaigner et même la méconnoître * : Pour qu'un sf ASE d’oies privées prospère et s’augmente par une.-prompte multiphcation , il faut, dit Columelle, * Je me suis informé, dit M. Baillon, à beau. coup de chasseurs qui tuent des oïes sauvages 1ous les aus; je n'en ai trouvé aucun qui en ait vu de privées parmi ces sauvages, où qui en ait tué de métives. Et si quelquefois des oïes privées s’échap- pent, elles ne deviennent pas libres : elles vont se mêler dans les marais voisins > parmi d’autres Éga- lement privées ; elles ne font que changer de maître. {Voie communiquée par M. Baillon.) . À à } “à À V2 + DE L’OIE. de que le nombre des femelles soit triple de celui des mâles. Aldrovande en permet six à chacun ; et l'usage ordinaire, dans à nos provinces , est de lui en donner au- delà de douze, et même jusqu'à vingt. Ces oiseaux préludent aux actes de l’a- mour en allant d'abord s ‘égayer dans l’eau ; ;: ils en sortent pour s’ uvir,etrestent. accouplés plus long-temps et plus intime- ment que la plupart des autres, dans les- quels l’union du mâle et de hi femelle n'est qu’ une simple compression, au lie qu'ici l’accouplement est bien réel pri “à fait par intromission , le mâle étant telle- ment pourvu de l'organe nécessaire à cct acte , que les anciens avoient consatré l’oie au dieu des jardins. Au reste, le mâle ne partage que ses plaisirs avec la femelle, et lui laisse tous les soins de l’incubation; et quoiqu’elle ,. couve constamment ct si assidumment , qu'elle en oublie le boire et le manger, si on ne place tout près du nid sa nourri- ture, les économes conseillent néanmoins de charger une poule des fonctions de mère auprès des jeunes cisons, afin de L' # Re. s 7 "4 164 HISTOIRE NATUREBLE | multiplier ainsi le nombre des couvées; et d'obtenir de l’oie une seconde-et même une troisième ponte. On lui laisse cette dernière ponte. Elle couve aisément dix à douze œufs, au lieu que la poule ne peut couver avec succès que cinq de ces mémes œufs. Mais 1l seroit curieux de vé- riñier si, comme le dit Columelle , la mère ole, plus avisée que la poule, refu- seroit de couver d’autres œufs que les siens#l :1. Il faut trente jours d'incubation, comme daus la plupart des grandes espèces d’oi- sceaux, pour faire éclore les œufs, à moins, comme le remarque Pline, que le temps n’ait été fort chaud , auquel cas il en éclot dès le vingt-cinquième Jour. Pendant que l’oie couve, on lui donne du grain dans un vase, et de l’eau dans un autre , à quelque distance de ses œufs, qu'elle ne quitte que pour aller prendre un peu de nourriture. On a remarqué qu’elle ne pond guère deux jours de suite, et qu'il y a toujours au moins vingt- quatre heures d’intervalle, et quelque- fois deux ou trois jours, entre l'exclusion de chaque œuf. pl ! # DE L’OTITE. 165 Le premier aliment que l’on donne aux oisons nouvéau - nés, est une pâte de retrait de mouture ou de son gras, pétri avec des chicorées ou des laitues hachées; c’est la recette de Columelle , qui recom- mande en outre de rassasier le petit oison avant de le laisser suivre sa mère au pâ- turage , parce qu'autrement , si la faim le tourmente, il s’obstine contre fes tiges d'herbes ou les petites racines, et, pour les arracher, il s'efforce au point de se démettre ou se rompre le cou. La pra- tique commune dans nos campagues ent Bourgogne, est de nourrir les jeunes oi- sons nouvellement éclos avec du cerfeuil baché; huit Jours après, on y mêle un peu de son très-peu mouillé, et l’on a attention de séparer le père et la mère lorsqu'on donne à manger aux petits, parce qu’on prétend qu’ils ne leur laisse- roient que peu de chose ou rien : on leur donne ensuite de l’avoine ; et dès qu'ils peuvent suivre aisément leur mère, on les mène sur la pelouse auprès de l’eau. Les monstruosités sont peut-être encore plus communes dans l'espèce de l’oie que: À + gui » "id Ÿ 166 HISTOIRE NATURELLE 12 1 dans celle des autres oiseaux domestiques. | Aldrovande a fait graver deux de ces monstres : l’nn a deux corps avec une seule tête ; l’autre a deux têtes et quatre pieds avec un seul corps. L’excès d’em- bonpoint que l’oie est sujette à prendre, et que l’on cherche à lui donner, doit causer dans sa constitution des altéra- tions qui peuvent influer sur la BF tion. En général , les animaux très pal sont peu Er : la graisse trop abon- dante change la qualité de la De séminale et même celle du sang : une oïe très-grasse à qui on coupa la tête, ne rendit qu’une liqueur blanche, et ayant été ouverte, on ne lui trouva pas une goutte de sang rouge. Le foie sur-tout se grossit de-cet cmbonpoint d’obstruction d’une manière étonnante : souvent une oie engrajssée aura le foie plus gros que tous les autres viscères ensemble; et ces foies gras quenos gourmands recherchent, étoient aussi du goût des Apicius ro- mains. Pline regarde comme une question intéressante de savoir à quel citoyen l'on goit l'invention de ce mets, dont il fait = DE L'O'E. 167 honneur à un personnage consulaire. Ils nourrissoient l’oie de figues, pour en rendre la chair plus exquise, et ils avoient déja trouvé qu’elle s’engraissoit beau- coup plas vîte étant renfermée dans un lieu étroit et obscur ; mais il étoit réservé à notre Lobrikhuise plus que barbare de clouer les pieds et de crever ou coudre _ les yeux de ces malheureuses bêtes , en les gorgeant en même temps de oué _ Jette et les empêchant de boire pour les. 3. | étoufferdans leur graisse*. Communément et plus humainement, on se contente de lès enfermer pendant un mois, etil ne faut guère qu’un boisseau d'avoine pour engraisser uue oie au point de la rendre très - bonne ; on distingue même le mo- ment où on peut cesser de leur donner. autant de nourriture, et où elles sont assez grasses, par un signe extérieur très- évident : elles ont alors sous chaque aile une pelote de graisse très-apparente. Au * J. B. Porta, raffinant sur cette cruauté, ôse bien donner l’horrible recette de rôtir l’oie 1oute vive, et de la manger membre à membre , tandis que Je cœur palpite encore. 0. LUE NY QU. dy Cat 4 168 HISTOIRE NATURELLE | reste, on a observé que les oïes élevées au bord de l’eau coûtent moins à nour- rir , pondent de meilleure heure, et s'en- graissent plus aisément que les autres. Cette graisse de l’oie étoit très - estimée des anciens, comme topique nerval et comme cosmétique : ils gn conseillent l'usage pour raffermir le sein des femmes nouvellement accouchées , > u et pour 44 tretenir la netteté et la fraîcheur de la peau : ils ont vanté , comme médicament, | la graisse d’oie que l’on préparoit à Co- : magène avec un mélange d’aromates. | Aldrovande donne une liste de recettes où cette graisse entre comme spécifique contre tous les maux de la matrice ; et Willughby prétend trouver dans la fiente d’oie le remède le plus sûr de l’ictère. Du reste , la chair de l’oie n’est pas en elle- même très-saine : elle est pesante et de dificile digestion ; ce qui n’empéchoit pas qu'une oie, ou, comme on disoit, une-ouë *, ne fût le pra de régal des sou- * Suivant M. Salerne, le nom de la rue aux Ours, à Paris, est fait par corruption de rue aux Quës, qui est son vrai nom, venu de la quantité | L ed Nes: , : ’ PEL O1EL' 169 pers de nos ancêtres *, et ce n’est que depuis le transport de l'espèce du dindon de l'Amérique en Europe, que celle de l'oie n’a, dans nos basses-cours comme dans nos cuisines, que la seconde place. Ce que l'oie nous donne de plus pré- cieux , c'est son duvet ; on l’en dépouille plus d’une fois l’année. Dès que les jeunes oisons sont forts et bien emplumés, et que les pennes des ailes commencent à se croiser sur la queue, ce qui arrive à sept semaines ou deux mois d'âge, on commence à les plumer sous le ventre, sous les ailes et au cou. C’est donc sur la fin de mai ou au commencement de juin qu'on leur enlève leurs premières plumes ; ensuite cinq à six semaines après, c'est-à-dire, dans le courant de - . f . e d'oies exposées chez les rôtisseurs qui peuploient autrefois cette rue , et qui ÿ sont encore en nombre * Témoin l’oie de M. Patelin, et l’oce de la Saint- Martin, dont parle Schwenckfeld, zussi-bien que du présage que le peuple tiroit de los du dos de cette oïe , d’un rude hiver si l'os étoit clair, et d’un hiver mou s’il paraissoit taché ou terne. è 15 PUS 150 HISTOIRE NATURELLE juillet, on la leur enlève une secc fois, et encore au commencement de sep- teribie pour la troisième et dernière fois. Ils sont assez maigres pendant tout ce temps , les molécules organiques de la. nourriture étant en grande partie absor- bées par la naissance ou l'accroissement des nouvelles plumes ; mais, dès qu’on les laisse se remplumer de bonne heure en automne, ou même à la fin de l'été, ils prennent bientôt de la chair et rm de la graisse, et sont déja très-bons à. manger vers le milieu de l’hiver. On ne piume les mères qu’un mois ou cinq se- maines après qu’elles ont couvé; mais on peut dépouiller les mâles et les femelles qui ne couvent pas, deux ou trois fois par an. Dans les pays froids, leur duvet est meilleur et plus fin. Le prix que les Romains mettoient à celui qui leur venoit de Germanie, fut plus d’une fois la cause de la négligence des soldats à garder les postes de ce pays ; car ils s’en alloient par cohortes entières à la chasse des oies. On a observé sur les oies privées , que les grandes penues des ailes tombent, ME L'OTE: | TE pour aïnsi dire , toutes ensemble, et sou- vent en une nuit; elles paroiïssent alors honteuses et timides ; elles fuient ceux qui les approchent. Quarante jours suf- fisent pour la pousse des nouvelles pennes; alors éiles ne cessent de voleter et de les essayer pendant quelques Jours. Quoique la marche de l'oie paroisse lente , oblique et pesante, on ne laisse pas d’en conduire des troupeaux fort loin, à petites journées. Pline dit que, de son. temps, on les amenoit du fond des Gaules à Rome, etque,dans ceslonguesmarches, les plus fatiguées se mettent aux premiers rangs , Comme pour être soutenues et poussées par la masse de la troupe. Ras- semblées encore de plus près pour passer la nuit , le bruit le plus léger les éveiile, et toutes ensemble crient ; elles jettent aussi de grands-cris lorsqu'on leur pré- sente de la nourriture, au lieu qu’on rend le chien muet en lui offrant cet appât ; ce qui a fait dire à Columeile que les oies étoient les meilleures et les plus sûres gardiennes de la ferme* , et Végèce * Ovide décrivant la cabane de Philémon et ET, 47 72 HISTOIRE NATURELL 3 n'hésite pas de les donner pour plus | vigilante sentinelle que l’on puisse poser dans une ville assiégée. Tout le mondé. sait qu’au Capitole elles avertirent les Romains de l'assaut que tentoient les Gaulois , et que ce fut le salut de Rome : aussi le censeur fixoit-il chaque année une somme pour l'entretien des oies , tan- dis que, le même Jour, on fouettoit des chiens dans une place publique, comme pour les punir de leur coupable silence à dans un moment aussi critique. Le cri naturel de l’oie est une voix très- bruyante; c’est un son de trompette où de clairon , c/angor, qu’elle fait entendre très-fréquemment et de très-loin : mais elle a de plus d’autres accens brefs qu’elle répète souvent; et lorsqu'on l’attaque-ou l’effraie, le cou tendu, le bec béant, elle rend un sifflement que l’on peut compa- rer à celui de la couleuvre. Les Latins ont cherché à exprimer ce son par des mots imitatifs, sérepit, gracitat, stridel. Soit crainte , soit vigilance, l’oie ré+ Bauais , dit: Unicus anser erat, minimæ custodia villæ. (Metamorph. lib. VIII, v, 634.) y E EL’, O I:E. 173 pète à tout moment ses srands cris d’a- vertissement ou de réclame; souvent toute la troupe répond par une acclamation générale ; et de tous les habitans de la basse-cour, aucun n’est aussi vociférant ni plus bruyant. Cette grande loquacité ou vocifération avoit fait donner, chez les anciens , le nom d’oie aux indiscrets parleurs, aux méchans écrivains et aux bas délateurs, comme sa démarchegauche et son allure de mauvaise grace nous font encore appliquer ce même nom aux gens sots et niais!. Mais, indépendamment des marques de sentiment, dessignes d’in- telligence que nous lui reconnoissons ?, le courage avec lequel elle défend sa cou- vée, et se défend elle-même contre Foi- seau de proie, et certains traits d’atta- chement , de reconnoissance même, très- ? On connoît le proverbe : franc oison, bête eomime une Cte. 2 C’est Pouie qui paroît être le sens le plus subtil le l’oie ; Lucrèce semble croire que c’est l’odorat. Humanum longè præsentit odorem, Romulidarum arcis servator, candidus anser, (De nat, rer. lib, IV,) Eù 194 HISTOIRE. NATURELLE FX singuliers, que les anciens avoient recueil. lis, démontrent que ce mépris seroit trèse mal fondé ; et nous pouyons ajouter à ces traits, un exemple de la plus grande constance d’attachement * : le fait nous * Nous donnons cette note dans le style naïf du concierge de-Ris, terre appartenant à M. Anisson Dupéron , où s'est passée la scène de cetie amitié si constante et sifidèle. « On demande à Emmanuel, « comment l’ote à plamage blanc, appelée jucquot, « s’est apprivoisé avec lui. 11 faut savoir d’abord « qu'ils étoient deux mâles, ou jars, dans la basse- « Cour, un gris et un blanc, avec trois femelles; « c'étoit toujours querelle entre ces deux jaus à qui « auroit la compagnie de ces trois dames; quand & Jun ou l’autre s'en étoit emparé, il se mettoit à « leur tête, et empêchoit que l’autre n’en appro- R chât. Celui qui s’en étoit rendu le maître dans la & nuit, ne vouloit pas les céder le matin ; enfin les « deux galans en vinrent à des combats si furieux, « qu'il falloit y courir. Un jour entre autres, attiré « du fond du jardin par leurs cris, je les trouvait, æ leurs cous entrelacés, se donnant des coups « d’ailes avec une rapidité et une force étonnanté; « les trois femelles tournoient autour, comine vou- & lant les séparer, mais inüitilement, Enfin le jars (4 DE L'OLE. 175 a été communiqué par un homme aussi véridique qu'éclairé , auquel je suis rede- vable d’une partie des soins et des atteri- A A blanc eut du dessous , se trouva renversé, et étoit très-maltraiié par l’autre ; je les séparaï , heureu- sement pour le blanc, qui y auroit perdu la vie. À lors le gris sé mit à crier, à chanter et à battre les ailes , en courant rejoindre ses compagnes, en leur faisant à chacune tour-à-tour un ramage qui ne finissoit pas, el auquel repondoient les trois dames, qui vinrent se ranger autour de lui. Pen dant ce temps-là , le pauvre jacquot faisoit pitié, er, se retirant tristement , Jetoit de loin des cris de condoléance ; 1} fut plusieurs jours à se rétablir, durant lesquels j’eus occasion de passer: par les cours où 1] se tenoit: je le voyois toujours exclus de la société ; et à chaque fois que je pas- sois, il me venoit faire des harangues , sans doute pour me remercier du secours que je lui avois donné dans sa grande affaire. Un jour il s’appro- cha si près de moi, me marquant tant d'amitié , que je ne pus m'empêcher de le caresser en Jui passant la inain le long du cou et du dos, à quoi il parut être si sensible, qu'il me suivit | jusqu'à lissuc des cours. Le lendemain je repas- sai, et il ne manqua pas de courir à mui: je Jui . ' Ÿ Se 576 HISTOIRE NATURELLE tions que J'ai éprouvés à l’Imprimerte royale pour l'impression de mes ouvrages. Nous avons aussirecu de Saint-Domimgue « fis la même caresse, dont il ne se rats pas ; « eLcependant, par ses facons, 1lavoit Pair de vou- « loir me conduire du côté de ses chères amies ; je « ly conduisis en effet. En arrivant il commenca R sa harangue, et l’adressa directement aux trois A dames, qui ne manquèrent pas d’ÿ répondre : f aussitôt le conquérant gris sauta sur jacquot ; je R les laissai faire pour un moment , il étoit toujours « le plus fort. Enfin je pris le parti de mon jac- « quol, qui étoit dessous; Je le mis dessus ; «1l revint dessous , je le remis dessus; de ma- « nière qu'ils se battirent onze minutes, et, par « le secours que je lui portai, 1l devint vainqueur e du gris, et s'empara des trois demoiselles. Quand « l’ami jacquot se vit le maître , il n’osoit plus quit- « ter ses demoiselles, et par conséquent il ne venoit « plus à moi quand. je passois ; 1l me donnoit seu- « lement de loin beaucoup de marques d'amitié « en criant et battant des ailes, mais ne quiltoit « pas sa proie, de peur que l’autre ne s'en em- ; a ARS We 2 Pa « parât. Le temps se passa ainsi jusqu’à la eouvai- « son, qu'il ne me parloit toujours que de loin; « mais quand ses femmes se mirent à couver, 1 MES L'OTE, 177 e ! A une relation assez semblable, et qui prouve que, danscertaines circonstances, l’oie se montre capable d’un attachement « les 1, 2 et.redoubla son amitié vis-à-vis de moi. « Un jour m'ayant suivi jusqu’à la glacière , tout au « haut du parc, qui étoit l'endroit où 1l falloit le « quitier, poursuivant ma route pour aller aux « bois d'Orangis, à une demi-lieue de IX, je l’en- fermai dans le parc; il ne se vit pas plutôt séparé de moi, qu'il jeta des cris étranges. Je suivois L ‘4 « cependant mon chemin , et J'étois environ au tiers « de la route-des bois, quand le bruit d’un gros vol « me fit tourner la tête; je vis mon jacquot qui « sabattit à quatre pas de moi ; 1l me suivit dans « tout le chemin, partie à pied, partie au vol, me « devançcant souvent, et s’arrêtant aux croisières des chemins pour voir celui que je voulois prendre. « Noire voyage dura ainsi depuis dix heures du ma- ün jusqu'à huit heures du soir, sans que mon A & compagnon eût manqué de me suivre dans tous « les détours du bois, et sans qu'il Pie faugué. « Dès-lors il se mità me suivre et à m’ accompagner « par-lout, aû point d'en venii importun, ne pou- & vant aller à aucun endroit qu’il ne füt sur mes « pas, jusqu'à venir un jour me trouver dans l’église; « une autre fois, comme il me cherchoit dans le 178 HISTOIRE NATURELLE personnel , très-vif et très-fort , et meme d’une sorte d'amitié passionnée qui Ja fait languir et périr loin de celui qu’elle a choisi pour l’objet de son affection. … É # « village , en passant devant la croisée de M. le curé, & il m’entendit parler dans sa chambre, et trouva la porte de la cour ouverte ; il entre, monte l'esca- « lier, et, en entrant, fait un cri de joie, qui fit « grand’peur à M. le curé. « Je m'afllige en vous contant de si beaux traits de mon bon et fidèle ami jacquot, quand Je pense « que c’esi moi qui ai rompu le premier une si bellg amitié ; mais 1] a fallu n°en séparer par force: le « pauvre jacquot croyoic être libre dans les appar- « temens les plus honnêtes, comme dans le sien « et, après plusieurs accidens de ce genre, on me l'enferma , et je ne le vis plus; mais son inquié- | « tude a duré plus d’un an, et il en a perdu la wie « de chagrin; 1l est devenu sec comme un morceau © « de bois, suivant ce que l’on m’a dit; car je n’ai € pas voulu le voir, et l’on m’a caché sa mort jus- « qu’à plus de deux mois après qu'il a élé défunt. - « S'il falloit répéter tous les traits d'amitié que ce « pauvre jacquot m'a donnés, je ne finirois pas de « quatre Jours, sans cesser d'écrire. Il est mort dans « la troisième année de son rèone d’ amitié ; FI il avoit « en tout sepi ans et deux mois, » L \ CANEUM COTE 179 Dès le temps de Columelle, on distin- guoit deux races dans les oies domes- tiques ; celle des blanches, pius ancien- nement , et celle à plumage varié, plus récemment privée ; et cette oie, selon Varron, n’étoit pas aussi féconde que l'oie blanche : aussi prescrivent-ils au fermier de ne composer son troupeau que de ces oies toutes blanches, parce qu’elles sont aussi les plus grosses ; en quoi Belon paroît être entièrement de leur avis. Ce- pendant Gesner a écrit à peu près dans le inême temps que l'on croyoit avoir en . Allemagne de bonnes raisons de préférer la race grise, comme plus robuste, sans être moins fécoude; ce qu'Aldrovande confirme également pour l'Italie : comme si la race la plus anciennement domes- tique se fût à la longue afloiblie; et en cfet il ne paroît pas que les oïes grises ou variées soient aujourd’hui, ni pour la taille ni pour la fécondité, inférieures aux oies blanches. Aristote , en parlant des deux races ou espèces d’oies, l’une plus grande, et l'autre plus petite, dont l'instinct est de LA 180 HISTOIRE NATURELLE vivre en troupes, semble, par la der- nière, entendre l'oie sauvage; et Pline traite spécialement de celle-ci, sous le nom de ferus anser. En effet, l’espèce de l’oie est partagée en deux races ou grandes tribus , dont l’une , depuis long-temps domestique, s’est affectionnée à nos de- meures , et a été propagée , modifiée par _ nos soins ; et l’autre, beaucoup plus nombreuse , nous a échappé, et est res- tée libre et sauvage : car on ne voit entré l'oie domestique et l’oie sauvage de diffé- rences que celles qui doivent résulter de l'esclavage sous l’homme , d’une part, et, de l’autre, de la liberté de ia Nature. L'oie sauvage est maigre et de taille plus légère que l’oie domestique ; ce qui s’ob- serve de même entre plusieurs races pri- vées par rapport à leur tige sauvage, comme dans celle du pigeon domestique comparée à celle du biset. L’oie sauvage a le dos d’un gris brunâtre , le ventre blanchâtre, et tout le corps nué d’un. blanc os dont le bout de chaque plume est frangé. Dans l’oie domesti cette couleur roussâtre a varié; € DE L’OIE. 18t des nuances de brun ou de blanc ; elle a uëme disparu entièrement dans la race blanche. Quelques unes ont acquis une huppe sur la tête ; mais ces changemens sont peu considérables en comparaison de ceux que la poule, le pigeon et plu- sieurs autres espèces, ont subis en domes- ticité : aussi l’oie et les autres oiseaux d'eau que nous avons réduits à cet état domestique , sont-ils beaucoup moins éloignés de l’état sauvage , et beaucoup moins soumis ou captivés que les oiseaux gallinacés , qui semblent être les citoyens naturels de nos basses-cours. Et dans les pays où l’on fait de grandes éducations d’oies, tout le soin qu’on leur donne pen- dant la belle saison , consiste à les rap- peler ou ramener le soir à la ferme , et à lcur offrir des réduits commodes et tran- quilles pour faire leur ponte et leur ni- chée; ce qui suffit, avec lasyle et Pali- ment qu'elles y trouvent en hiver, pour les affectionner à leur demeure et les em- pêcher de déserter : le reste du temps elles vont. habiter les eaux, ou elles viennent \s 'ébattre et se reposer sur les rivages; et Cid VII. 18 1% \ 18e HISTOIRE NATURELLE dans une vie aussi approchante de la li- berté de la Nature, elles en reprennent presque tous les avantages, force de cons- titution, épaisseur et netteté de plumage, vigueur et étendue de vol. Dans quelques contrées même où l’homme moins civilisé, c’est-à-dire, moins tyran, laisse encore les animaux plus libres, 1l y a de ces oies qui, réellement sauvages pendant tout lété, ne redeviennent domestiques que pour l'hiver; nous tenons ce fait de M. le doc- teur Sanchez, et voici la relation inté- ressante qu’il nous en a commuuiquée : « Je partis d’Azof, dit ce savant méde- « CIN, dans l'automne de 1736; me trou- « vant malade, et de plus craignant d’être « enlevé par les Tartares Cubans, je réso- « lus demarcher en côtoyantle Don, pour « concher chaque nuit dans les villages « des Cosaques, sujets à la domination de « Russie. Dès les premiers soirs, je remar- « quai une grande quantité d’oiés'en l'air, « lesquelles s’abattoïent et se répandoïent «sur les habitations; le troisième jour «sur-tout, J'en vis un si grand nombre « au coucher du soleil, que je m'informai & « « « « « « LS LAN F.: « < LAN « € = « DE L’'OIE. 183 des Cosaques où Je prenois ce soir-là quartier, si les oies que je voyois étoient domestiques , et si elles venoient de loin, comme il me sembloit par leur. vol élevé. Ils me répondirent, éton- nés de mon ignorance, que ces oi- seaux venoient des lacs qui étoient fort éloignés du côté du nord, et que chaque année au dégel, pendant les mois de mars et avril, il sortoit de chaque maison des villages six ou sept paires d’oies, qui toutes ensemble pre- noient leur vol et disparoissoient pour ne revenir qu'au commencement de l'hiver, comme on le compte en Russie, c’est-à-dire, à la première neige ; que ces troupes arrivoient alors augmentées quelquefois au centuple , et que se di- visant, chaque petite bande cherchoit, avec sa nouvelle progéniture, la mair- son où elles avoient vécu pendant lhi- ver précédent. J'eus constamment ce spectacle chaque soir, durant trois se- maines; l'air étoit rempli d’une infi- unité d’oies qu’on voyoit se partager en bandes: les filles et les femmes, chacune \ LRO | 184 HISTOIRE NATURELLE « à la porte de leurs maisons, les regardant, «se disoient, voilà mes oies, voila les oies « d’un tel; et chacune de ces bandes met- « toit en effet pied à terre dans la cour où « elle avoit passé l'hiver précédent. Je ne « cessai de voir ces oiseaux que lorsque «jJ'arrivai à Nova-Poluska,où l'hiver étoit « déja assez fort. » C’est apparemment d’après quelques relations semblables qu'on a imaginé, comme le dit Belon , que les oies sau- vages qui nous arrivent en hiver, étoient | ‘domestiques dans d’autres contrées : mais cette idée n’est pas fondée; car les oies sauvages sont peut-être de tous les oi- seaux les plus sauvages et les plus fa- rouches; ct d’ailleurs la saison d'hiver où nous les voyons, est le temps même où il faudroit supposer qu'elles fussent domestiques ailleurs. . On voit passer en France die oies sau- vages dès la fin d'octobre ou les premiers jours de novembre *. L'hiver, qui com- * C’est au mois de novembre , m’écrit M. Hé- bért, qu’on voit en Brie les premières oïes sau- vages, et il en passe dans cette province jasqu'aux | 185. mence alors à s'établir sur les terres du Nord, détermine leur migration; et 6 qui est assez remarquable, c’est que l’on voit dans le même temps des oies domes- tiques manifester par leur inquiétude et par des vols fréquens et soutenus, ce desir de voyager *; reste évident de l'instinct fortes gelées, en sorte que le passage dure à peu près deux mois. Les bandes de ces oïes sont de dix ou douze, jusqu’à vingt ou trente, el jamais plus de cinquante; elles s’abatient dans les plaines en- semencées de blé, et y causent assez de dommages, pour déterminer les cultüivateurs à faire garder leurs champs par des enfans qui, par leurs cris, en font fuir les oies : C’est dans les temps humides qu’elles font plus de dépêts, parce qu’elles arrachent le blé en le pâturant; au lieu que pendant la gelée elles ne font qu’en couper la poinie, et laissent le reste de la plante attachée à la terre. * « Mon voisin, à Mirande, nourrit un troupeau « d’oies, qu'il réduit chaque année à une quinzaine » «en se défaisant d'une partie des vicilles et con+ « servant une partie des jeunes. Voici la troisième « année que je remarque que, pendant Je mois « d’octobre, ces oiseaux prennent une sorte d’in- « quiétude, que je regarde comme un resie du 16 44 186 HISTOIRE N subsistant, et par. LedW ot dc ces oiseaux ; quoique depuis long-temps privés , tie « desir de voyager. Tous les jours, vers les quatre « beures du soir, ces oïes prennent leur volée, « passent par-dessus mes jardins , font le tour de «la plaine au vol, et ne reviennent à leur gite « qu’à Ja nuit; elles se rappellent par un cri, que « j'ai très-bien reconnu pour être le même que « celui que les oies sauvages répètent dans leur « passage, pour se rassembler et se tenir en com- « pagnie. Le mois d'octobre a été cette année celui « où l’herbe des pâturages a repoussé; indépen- « damment de cette abondante nourriture, le pro- « priétaire de ce troupeau leur donne du grain tous « les soirs dans cette saison, par la crainte qu'il a «d'en perdre quelques unes. L'an passé 1l s’en «égara une qui fut retrouvée deux mois après à « plus de trois lieues. Passé la fin d’octobre , ou «les prenners jours de novembre , ces oies re= “« prennent leur tranquillité, Je conclus de cette « observation, que la dormesticité la plus ancienne « {puisque celle des oïes dans ce pays, où il n’en « naît point de sauvages, doit être de la plus hante « antiquité ), w’efface point entièrement ce carac- «tère impriué par la Nature, ce desir inné de « voyager. L’oie ie de abâtardie appesantie, « Lente un voyage , S CXErce tous les jours; et quois à | 167 _nent encore à leur état sauvage par les premières habitudes de nature. Le vol des oies sauvages est toujours très-élevé *; le mouvement en est doux « qu'abondamment nourrie, et ne manquant de « rien, je répondrois que s’il en passoit de sau- « vages dans cette saison , 1l s’en débaucheroït tou- « jours quelques unes, et qu’il ne leur manque que « l'exemple et un peu de courage pour déserter ; « je répondrois encore que, si on faisoil ces mêmes « informations dans les provinces où on nourrit « beaucoup d’oies, on verroil qu'il s’en perd chaque « année, et que c’est dans le mois d'octobre. Je ne -« sache pourtant pas que toutes les oïes que l’on « nourrit dans les basses-cours , donnent ces mar- « ques d'inquiétude ; mais il faut considérer que « ces oies sont presque , dans la captivité, encloses « de murs, ne connoïssant point les pâturages, nè ‘« la vue de l'horizon; ce sont des esclaves en qui « s’est perdue toute idée de: leur ancienne liberté. » (Observation communiquée par M. Hébert.) * «Tln’y a que dansles jours de brouillards, que « les oïes sauvages volent assez près de terre pour « pouvoir les tirer, » (Observation communiquée par 1. Hébert.) # dE dau di QUE 188 HISTOIRE NATURELLE et ne s'annonce par aucun bruit ni siffle- ment ; l'aile, en frappant l'air, ne paroît pas se déplacer de plus d’un pouce où deux de la ligne horizontale. Ce vol se fait dans un ordre qui suppose des com- binaisons, et une espèce d'intelligence supérieure à celle des autres oiseaux , dont les troupes partent et voyagent confusément et sans ordre. Celui qu’ob- servent les oies, semble leur avoir été tracé par un instinct géométrique; C est à la fois l’arrangernent le plus commode pour que chacun suive et garde son rang, en jouissant en méme temps d’un vol ‘ libre et ouvert devant soi, et la disposi- tion la plus favorable pour fendre l'air avec plus d'avantage et moins de fatigue pour la troupe entière ; car elles se rau- gent sur deux lignes obliques formant un angle à peu près comme un V; ou si la bande est petite, elle ne forme qu’une seule ligue : mais ordinairement chaque troupe est de quarante ou cinquante ; chacun y gardesa place avec une justesse admirable. Le chef, qui est à la pointe de l'angle, et fend l'air le premier, va se. | D E de © C I F ui, 189 reposer au dernier rang lorsqu'il est fati- gué; et tour-à-tour Îles autres prennent la première place. Pline s’est plu à décrire ce vol ordonné et presque raisonné : « Il « n’est personne, dit-il, qui ne soit à por- « tée de le considérer; car le passage des « oies ne se fait pas de nuit, mais en « plein Jour. » On a même Sa quelques Noa de partage où les grandes troupes des o1- seaux se divisent, pour de là se répandre en diverses contrées : les anciens ont indi- qué le mont Taurus, pour la division des troupes d’otes dans toute l'Asie mineure*; le mont Sfe/la, maintenant Cossonossi (en langue turque, champ des oies), où se rendent à l’arrière-saison de prodigicuses troupes de ces oiseaux, qui de là semblent partir pour se disperser dans toutes les parties de notre Europe. Plusieurs de ces petites troupes ou bandes secondaires se réunissant de nou- * Oppien dit qu’au passage du mont Taurus, les oles se précautionnent contre leur naturel jaseur qui Jes décéleroit aux aigles, en s’obstrnant le kec avce un caliou ; et le bou Plutarque répète ce conte. nd LS vai. INA: SL MNT FUTUR ; PDP: GOT’ PE A0 4.009 (y LL LU 2 : 199 HISTOIRE NATURELLE veau, en forment de plus grandes et jusqu’au nombre de quatre ou cinq cents que nous voyons quelquefois en hiver s’abattre dans nos champs, où ces oiseaux causent de grands dommages , en pâtu- rant les blés qu’ils cherchent en grattant jusque dessous la neige:heureusement les oies sont très-vagabondes, restent peu en un endroit, et ne reviennent guère dans: le même canton ; elles passent tout le jour sur la terre dans les champs ou les prés, mais elles vont régulièrement tous les soirs se rendre sur les eaux des rivières ou des plus grands étangs ; elles y passent la nuit entière, et n’y arrivent qu'après le coucher du soleil ; il en survient même après la nuit fermée , et l’arrivée de cha- que nouvelle bande est célébrée par de grandes acelamations, auxquelles les ar- rivantes répondent de facon que sur les huit ou neuf heures, et dans la nuit la plus profonde, elles font un si grand bruit et poussent des clameurs si multipliées , qu’on les croiroit assemblées par milliers. On pourroit dire que, dans cette saison, les oies sauvages sont plutôt oiseaux de . Sep # 7 É dé x | m4 DE L'OIE. | 197 plaine qu’oiseaux d’eau, puisqu'elles ne se rendent à l’eau que la nuit, pour y chercher leur sûreté ; leurs habitudes sont bien différentes et même opposées à celles “des canards, qui quittent les eaux à l'heure où s’y rendent les oies, et qui ne vont pâturer dans les champs que la nuit, et ne reviennent à l’eau quequandles oies la quittent. Au reste, les oies sauvages, dans leur retour au printemps , ne s’arrêtent guère sur nos terres; onn’en voit même qu'un très-petit nombre dans les airs , et 1l y a apparence que ces oiseaux voya- geurs ont pour le départ et le retour deux routes différentes. | Cette inconstance dans leur séjour, jointe à la finesse de l’ouïe de ces oiseaux et à leur défiante cireonspection, font que leur chasse est difficile *, et rendent # Il est presque impossible, dit M. Hébert, de les tirer à l’arrivée, parce qu'elles volent trop haut, et qu'elles ne commencent à s’abaisser que quand elles sont au-dessus des eaux. J’ai tenté, ajoute-t-1l, avec aussi peu de succès, de les surprendre le ma- tin à Vanbe du jour; je passois la nuit entière davs les champs; le bateau étoit préparé dès la veille ; £ 4 Re d'a EX : "na n. mé. % " L 192 HISTOIRE NATURELLE anéme inutiles la plupart des piéges qu’on leur tend ; celui qu'on trouve décrit daus Aldrovaude , est peut-être le plus sûr de tous , et le mieux imaginé. « Quand la « gelée , dit-il, tient les champs secs, on « choisit un lieu propre à coucher uu long « filet assujetti et tendu par des cordes, » de manière qu'il soit prompt et preste à « s’abattre , à peu près comme les nappes « du filet d’alouette , mais sur un espace plus long, qu’ou recouvre de poussière ; « on y place quelques oies privées pour « servir d’'appelaus. Ilest essentiel de faire À nous nous y embarquâmes long-temps avant le jour, ct nous nous avancions à la faveur des ténèbres bien avant sur l’eau , et jusqu'aux derniers roseaux ; uéanmoins nous nous trouvions toujours trop loin de la bande pour tirer, et ces oiseaux trop défians s’élevoient tout en partant assez baut pour ne passer sur mos têtes que hors de la portée. de nos ärmes : toutes ces oles ainsi rassemblées parloient ensemble, et attendoient le grand jour, à moius qu'on ne les eût inquiétées; ensuite elles se sépa- roient et s'éloignoient par bandes , et peut-être dans le même ordre qu’elles s'étoieut réunies le soir pré- eccen’. — ; DE L’OITE. | 193 « tous ces préparatifs le soir , et de ne pas « s'approcher ensuite du filet; car,si le « matin les oies voyoient la rosée ou le « givre abattus , elles en prendroient dé- « fiance. Elles viennent donc à la voix de « ces appelans, et, après de longs circuits « et plusieurs tours en Pair, elles s’abat- « tent : l’oiseleur caché à cinquante pas « dans une fosse, tire à temps la corde du « filet, et prend la troupe entière ou « partie sous sa nappe. » Nos chasseurs emploient toutes leurs ruses pour surprendre les oies sauvages : si la terre est couverte de neige, ils se revétent de chemises blanches par-dessus leurs habits ; en d’autres temps, ils s’en- veloppent de branches et de feuilles , de manière à paroître un buisson ambulant ; ils vont jusqu’à s’affubler d’une peau de vache , marchant en quadrupèdes, cour- bés sur leur fusil ; et souvent ces strata- gèmes ne suffisent pas pour approcher les oies, même pendant la nuit. Ils pré- tendent qu’il y en \a toujours une qui fait sentinelle le cou tendu ct la tête élevée, ct qui, au moindre danger, donue 17 194. HISTOIRE NATURELLE à la troupe le ‘signal d'alarme. Mais, comme elles ne peuvent prendre subi- tement l'essor , et qu’elles courent trois ou quatre pas sur la terre, et battent des ailes pendant quelques momens avant que de pouvoir s'élever dans l’air, le chasseur a le temps de les tirer. Les oies sauvages ne restent dans ce pays-ci tout l'hiver , que quand la saison est douce; car dans les hivers rudes, lorsque nos rivières et nos étangs se gla: cent, elles s’'avancent plus au midi , d'où > l'on en voit revenir quelques unes qui : repassent vers la fin de mars pour retour- ner au nord. Elles ne fréquentent donc les climats chauds, et même la plupart des régions tempérées , que dans le temps de leurs passages ; car nous ne sommes pas informés qu'elles nichent en France : quelques unes seulement nichent en Angleterre , ainsi qu'en Silésie et en Bothnie ; d’autres, en plus grand nom- bre, vont nicher dans quelques cantons de la grande Pologne et de la Lithuanie; néanmoins le gros de l'espèce ne s'établit que plus loin Mate le Nord , et sans s’ar- DE L’OTITE. 195 rèter ni sur les côtes de l'Irlande et de l'Écosse, ni même en tous les points de la longue côte de Norvége; on voit ces oiseaux se porter en troupes immenses jusque vers le Spitzberg ,le Groenland et les terres de la baie d'Hudson , où leur graisse et leur fiente sont une ressource pour les malheureux habitans de ces contrées glacées. Il y en a de même des troupes innombrables sur les lacs et les rivières de la Lappouie , ainsi que dans les plaines de Mangasea , le long du Jénisca , dans plusieurs autres parties de la Sibérie , jusqu’au Kamtschatka , où elles arrivent au mois de mai, et d’où elles ne partent qu’en novembre, après avoir fait leur ponte. M. Steller les ayant vues passer devant l’île de Behring, volant en automne vers l’est, et au printemps vers l’ouest, présume qu'elles viennent d'Amérique au Kamtschatka. Ce qu'il y a de plus certain, c’est que la plus grande ._ partie de ces oies du nord-est de l’Asie gagne les contrées du midi vers la Perse, les Indes et le Japon , où l’on observe _leur passage de même qu’en Europe; om 396. HISTOIRE NATURELLE assure même qu'au Japon la sécurité dont on Îles fait jouir, leur fait oublier” leur défiance naturelle. | Un fait qui semble venir à l'appui du passage des oies de l'Amérique en Asie, c'est que la méme espèce d’oie sauvage qui se voit en Europe et en Asie, se trouve aussi à la Louisiane , au Canada, à la nouveile Espagne et sur les côtes occidentales de l’Amérique septentrio- nale: nous ignorons si cette même espèce se trouve également dans toute l'étendue de Amérique méridionale ; nous savons seulement que la race de l’oie privée, transportée d'Europe auiBresil , passe pour y ayoir acquis une chair plus délicate et de meilleur goût , et qu’au contraire elle a dégénéré à Saint-Domingue , où M. le chevalier Lefebvre Deshayes a fait plu- sicurs observations sur le naturel de ces oiséaux en domesticité, et particulière- nent sur les signes de joie que donue l'oie mâle à la-naissance des’ petits *. * Quoique Voie souffre ici d’être plumée de son. duvet trois fois l’année, son espèce néanmoins est moins précieuse dans un climat où la santé défend, AIDE LOUE 197. M. Deshayes nous apprend de plus qu’on voit à Saint-Domingue une oie de pas- en dépit de la mollesse, de dormir sur le duvet, et où la paille fraîche est le seul lit où le sommeil puisse s’abattre. La chair de l’oie n’est pas non plus aussi bonne à Saint-Domingue qu’en France ; ja- mais elle n’est bien grasse; elle est filandreuse, et celle du canard d'Inde mérite à tous égards la pré- férence, (Observation communiquée par M. le chevalier Lefebvre Deshayes.) | Les naturalistes n’ont pas parlé , ce me semble, + des témoignages singuliers de joie que le jars ou le uäle donne à ses petits les premières fois qu’il les voit manger; cet animal démontre sa satisfaction en levant Ja tête avec dignité , et en trépiguant des pieds, dé façon à faire croire qu’il danse. Ces signes de contentement ne sont pas équivoques , puisqu'ils n’ont lieu que dans cette circonstance, et qu'ils sont répétés presque à chaque fois qu’on donne à manger aux oisons dans leur premier âge. Le père néalige sa propre subsistance pour se livrer à la joie de son cœur : cette danse dure quelquefois long-temps; et quand quelque distraction , comme celle de volailles qu’il chasse loin de ses petits, Ja lui fait interrompre, il la reprend avec une nuou= velle ardeur. (Tdem.) 17 LA 1 e UE UN RTE UV PAR ETS E 198 HISTOIRE NATURELLE ( sage qui , comme en Europe , est un peu moins grande que l'espèce privée; ce qui semble prouver que ces oies voyageuses se portent fort avant dans les terres imé- ridionales du nouveau monde , comme dans celles de l’ancien continent, où eiles ont pénétré Jusque sous: la: zoue torride * , et paroissent même l'avoir tra- versée toute entière : car on les trouve au Sénégal , au Cougo, jusque dans les terres du cap de Bonne-Espérance , et peut-être Jusque dans celles du continent austral. En effet, nous regardons ces oies que les navigateurs ont rencontrées le long des terres Magellaniques , à la terre de Feu , à la nouvelle Hoïllande, etc., comme tenant de très-près à l'espèce de * Tous les climats, m'’écrit M. Baiïllon, con- viennent à Joie comme au canard, voyageant de même et passant des régions les plus froides dans les pays situés entre les tropiques. J’en ai vu arri- _ ver beaucoup à l’île de Saint-Domingue aux ap- proches de Ja saison des pluies, et elles ne pa- roissent pas souffrir d’altération sensible daus des températures aussi opposées. ; ‘ DE L’OIE. 199 nos oies , puisqu'ils ne leur ont pas donné d'autre nom. Néanmoins il paroît qu’outre l'espèce commune , il existe, dans ces contrées , d’autres espèces dont nous al- lons donner la description. 200 HISTOIRE NATURELLE L L’OIE DES TERRES MAGELLANIQUES*. Seconde espèce. ——s V4 Crrrr grande et belle oïie, qui paroît être propre et particulière à cettecontrée, a la moitié inférieure du cou, la poitrine et le haut du des richement émaillés de festons noirs sur un fond roux; le plu- nage du ventre est ouvragé de mémes festons sur un fond blanchâtre ; la tête et le haut du cou sont d’un rouge pour- pré ; l’aile porte une grande tache blan- che; et la couleur noirètre du manteau est relevée par un reflet de pourpre. | _ Il paroît que ce sont ces belles oies que le commodorc Byron désigne sous le nom d'aies peintes, et qu'il trouva sur la pointe * Voyez les planches enluminées, n° 1006. DE L’OIE. 207 Sandy, au détroit de Magellau. Peut-être aussi cette espèce est-elle la même que celle qu’indique le capitaine Cook sous la simple dénomination de rouvelle espèce d’oie, et qu’il a rencontrée sur ces côtes orientales du détroit de Magellan et de la terre de Feu, qui sont entourés par d’im- menses lits Hottans de passe-pierre. . 1} Pts de Li dés 7 v4 u. 202 HISTOIRE NATURELLE 44 « « « Le A 4 « LC 4 « « € L< A « L<4 Le A L’OIE = DES ILES MALOUINES + id FALKLAND. Troisième espèce. D: plusieurs espèces d’oies dont la chasse , dit M. de Bougainville , for- moit une partie de nos ressources aux îles Malouines | la première ne fait que pâturer. Ou lui donne improprement le nom d’oufarde. Ses jambes élevées lui sont nécessaires pour sc tirer des grandes herbes , et son long cou la sert bien pour observer le danger. Sa démarche est légère, ainsi que son vol, et elle n’a point le cri désagréable de son es- pèce. Le plumage du mâle est blanc, avec des mélanges de noir et de cendré sur le dos et les ailes; la femelle est fauve, et ses ailes sont parées de cou- \ \ DE L'OLE: 203 « leurs changeantes. Elle pond ordinaire- « ment six œufs. Leur chair saine, nour- & rissante et de bon goût, devint notre « principale nourriture. Il étoit rare qu’on en manquât : indépendamment de celles qui naissent sur l’île, les vents d’est en « automne en amènent des volées , sans « doute de quelque terre inhabitée; car « les chasseurs reconnoissoient aisément « ces nouvelles venues au peu de crainte «que leur inspiroit la vue des hommes. « Deux ou trois autres sortes d’oies que « nous trouvions dans ces mêmes îles, « m’étoient pas si recherchées , parce que, « se nourrissant de poisson, elles en con- « tractent un goût huileux. » Nous n’indiquons cette espèce sous la dénomination d’oie des îles Malouines, que parce que c’est dans ces îles qu’elle a été vue et trouvée pour la première fois par nos navigateurs francois ; car il paroît que les mêmes oies se rencontrent au canal de Noël, le long de la terre de Feu , de l'île Schagg dans cemême canal, etsur d’autres îles près de la terre des États : du moins M. Cook semble renvoyer, à leur sujet, à, À À 204 HISTOIRE NATURELLE la description de M. de Bougainville , lors= qu'il dit : « Ces oies paroissent très-bren « décrites sous le nom d'’ovfardes. Elles « sont plus petites que les oies privées _ « d'Angleterre, mais aussi bonnes ; elles « ont le bec noir et court, et les pieds « Jaunes. Le mâle est tout blanc ; la fe- « melle est mouchetée de noir et de blane : « ou de gris, et,elle a une grande tache … « blanche sur chaque aile ». Et quelques - pages auparavant, il en fait une descrip- tion plus détaillée en ces termes : « Ces « oies nous parurent remarquables par « la différence de couleur entre le mâle «et la femelle. Le mâle étoit un peu « moindre qu’une oie privée ordinaire, « et parfaitement blanc, exceptélespieds, « qui étoient Jaunes , et le bec, qui étoit « noir ; la femelle , au contraire, étoit « noire, avec des barres blanches en tra- « vers, une tête grise, quelques plumes « vertes, et d’autres blanches. Il paroît « que cette différence est heureuse; car « la femelle étant obligée de conduire «ses petits, sa couleur brune la cache « inicux aux faucons etaux autres ciseaux, Dé 17 O E À. 205 «de proie ». Or ces trois descriptions paroissent appartenir à la méme espèce, et ne diffèrent entre elles que par le plus ou le moins de détails. Ces oies fournirent aux équipages du capitaine Cook un ra- fraichissement aussi agréable qu'il le fut, aux îles Malouines, à nos François. \ / ME La | 206 HISTOIRE NATURELLE "4 | | L’OIE DE GUINÉEKx. Quatrième espèce. L>r nom d'oie-cygne (swan-goose) que - Willughby donne à cette grande et belle vie, est assez bien appliqué , si l’oie du Canada, tout aussi belle au moins, n’a- voit pas le même droit à ce nom, et si d’ailleurs les dénominations composées ne devoient pas être bannies de lhis- toire naturelle. La taille de cette belle oie de Guinée surpasse celle des autres oies. : Son plumage est gris brun sur le dos, gris blanc au-devant du corps , le tout également nué de gris roussâtre , avec une teinte brune sur la tête et au-dessus du cou. Elle ressemble donc à l’oie sau-” vage par les couleurs du plumage : mais la grandeur de son corps et le tubercule élevé qu’elle porte sur la base du bec, l'approchent un peu du cygne, et cepeu- * Voyez les planches enfuminées, n° 374, DEL Ô VE. 207 dant elle diffère de l’un et de l’autre par sa gorge enflée et pendante en manière de poche ou de petit fanon ; caractère très- apparent , et qui a fait donner à ces oies le nom de abotières. L'Afrique et peut- être les autres terres méridionales de l’an- cien continent paroissent être leur pays natal ; et quoique Linnæus les ait appe- lées oies de Sibérie, elles n’en sont point originaires, et ne s’y trouvent pas dans leur état de liberté : elles y ont été appor- tées des climats chauds ; et on les y a multipliées en domesticité, ainsi qu’en Suède et en Allemagne, Frisch raconte qu'ayant plusieurs fois montré à des Russes de ces oies qu’il nourrissoit dans sa basse - cour, tous , sans hésiter, les avoient nommées oces de Guinée, et non pas oces de Russie ni de Sibérie. C’est pour- tant sur la foi de cette fausse dénomina- tion donnée par Linnæus , que M. Brisson, après avoir décrit cette oie sous son vrai nom d’oie de Guinée, la donne une seconde fois sous celui d’oie de Moscovie, sans s'être appercu que ses deux descriptions sont exactement celles du méme oiseau, 208 HISTOIRE NATURELLE Non sculem ent cette oie des pays chauds produit en domesticité dans des climats plus froids, mais elle s'allie avec l'espèce commune dans nos contrées ; et decemé- ‘lange il résulte des métis qui prennent de notre oic le bec et les pieds rouges, mais qui ressemblent à leur père étranger par la tête , le cou et la voix forte, grave, ct néanmoins éclatante; car le clairon de ces grandes oies est encore plus retentis- sant que celui des nôtres , avec lesquelles elles ont bien des caractères communs. La même vigilance paroît leur être natu- relle. « Rien, dit M. Frisch, ne pouvoit « bouger dans la maison Mara Ja nuit, « que ces oies de Guinée n’en avertissent « par un grand cri : le jour, elles annon- « coient de même les hommes et les ani- « maux qui entroient dans la basse-cour, « et souvent, elles les poursuivoient pour « les becqueter aux Jambes ». Le bec, sui- vant la remarque de ce naturaliste, est armé sur ses bords de petites dentelures,, et la langue est garnie de papilles aiguës ; le bec est noir , et le tubercule qui le sur- monte est d’un rouge vermeil. Cet oiseau nl: ind ils “er # BR" DOTE 209 ‘porte la tête haute en marchant ; son beau port et sa grande taille lui donnent uu air assez noble. Suivant M. Frisch , la peau du petit fanon ou la poche de la gorge n'est . mi molle ni flexible, mais ferme et résistante ; cequi pourtantsemble peu s’accorder avec l’usage que Kolbe vous dit qu’en font au Cap les matelots et les soldats. On m'’a envoyé la tête et le cou d’une de ces oies, et l’on y voyoit, à la racine de la mandibule inférieure du bec, cette poche ou fanon : mais, comme ces parties étoient à demi brülées, nous n'avons pu les décrire exactement ; nous avons seulement reconnu par cet envoi qui nous a été adressé de Dijon, que cette oie de Guinée se trouve en France comme en Allemagne , en Suède et en Sibérie. ié LE 4 “ La 210 HISTOIRE NATURELLE : ” L’OIE ARMÉE*X à Cinquième espèce. Csrrse espèce est la seule nou seule- ment de la famille des oies, mais de toute la tribu des oiseaux palmipèdes, qui ait aux ailes des ergots ou éperons , tels que ceux dont le kamichi, les jacanas, quel- ques pluviers et quelques vanneaux sont armés ; caractère singulier, que la Nature a peu répété , et qui, dans les oies, dis- tingue celle-ci de toutes les autres. On peut la comparer , pour la taille , au ca- nard musqué ; elle a les jambes hautes et rouges, le bec de la même couleur , et surmonté au front d’une petite caroncule; la queue et les grandes pennes des ailes sont noires ; leurs grandes couvertures * Voyez les planches enluminées, n° 982, sous la dénomination d’oie d'Égypte; n° 983, la fe- melle. BE L’O1IE: 211 sont vertes ; les petites sont blanches et traversées d'un ruban noir étroit ; le man- teau est roux, avec des reflets d’un pourpre obscur ; le tour des yeux est de cette même couleur, qui teint aussi, mais foiblement , la tête et le cou ; le devant du corps est finenient liséré de petits zig- zags gris sur un fond blanc jaunâtre. Cette oie est indiquée dans nos planches enluminées comme venant d'Égypte. M. Brisson l’a donnée sous le nom d’ore de Gambie ; et en effet il est certain qu’elle est naturelle en Afrique, et qu'elle se trouve particulièrement au Sénégal. ul " - 212 HISTOIRE NATURELLE NW | L’OIE BRONZÉEr*. Sixième espèce. C'esr encore ici une grande et belle espèce d’oie, qui de plus est remarquable par une large excroissance charnue, en forme de crête au-dessus du bec , et aussi par les reflets dorés , bronzés et luisans d'acier bruni, dont brille son manteau sur un fond noir ; la tête et la moitié su- périeure du cou sont mouchetées de noir dans du blanc par petites plumes re- broussées , et comme bouclées sur le derrière du cou ; tout le devant du corps est d’un blanc teint de gris sur les flancs. Cette oie paroît moins épaisse de corps, et a le cou plus gréle que l’oie sauvage commune ,quoique sa taille soitau moins aussi grande, Elle nous aétéenvoyéede la * Voyezles planches enluminées, n° 937, sous le nom d’ore de la côte de Coromandel. DE L’OIE. 213 côte de Coromandel ; et peut-être l'oie à crête de Madagascar , dont parlent les voyageurs Rennefort et Flaccourt , sous le nom de rassangue , n'est-elle que le même oiseau , que nous croyons aussi reconnoître à tous ses caractères dans l’ipecatiapoa des Bresiliens |, dont Marc- grave nous a donné la description et la figure : ainsi cette espèce aquatique se- roit une de celles que la Nature a rendues communes aux deux contincns. 214 HISTOIRE dnbiduni | ” L’OIE D'ÉGYPTE* 2 Septième espèce. Csvre oie est vraisemblablement celle que Granger, dans son Voyage d'Égypte, appelle loie du Nil. Elle est moins grande que notre oie sauvage ; son plumage est richement émaillé et agréablement varié; une large tache d’un roux vif se remarque sur la poitrine ; et tout le devant du corps est orné, sur un fond gris blanc , d’une hachure très-fine de petits zigzags d’un ceudré teint de roussâtre ; le dessus du dos est ouvragé de même , mais par zigzags plus serrés, d’où résulte une teinte de gris roussâtre plus foncé; la gorge, les joues et Le dessus de la tête sont blancs ; le reste du cou et le tour des yeux sont d’un beau roux ou rouge bai, couleur qui teint aussi les pennes * Voyez les planches enluminées, n° 37q : L'OIE D'EGYPTE . # Parque : À AUNDIES L'O TE 219 dé l'aile voisines du corps ; les autres pennes sont noires ; les grandes couver- tures sont chargées d’un reflet verd bronzé sur un fond noir ; et les petites, ainsi que les moyennes, sont blanches ; un petit ruban noir coupe l'extrémité de ces dernières. Cette oie d'Égypte se porte ou s’égare dans ses excursions, quelquefois très-loin de sa terre natale; car celle que repré- sentent nos planches enluminées , a été tuée sur un étang près de Senlis; et, par la RE insten que Ray donne à cette oie , elle doit aussi quelquefois se rencontrer en Espagne * , - # | * Anser hispanicus pareus. Ray, Synopsis apium , page 130, na, I. de US \ \ } “216 HISTOIRE NATURELLE L'OIE DES ESQUIMAUX. Huitième espèce. | Ovrne espèce de nos oies sauvages, qui vont en si grand nombre peupler notre nord en été, il paroît qu’il y a aussi dans les contrées septentrionales du nou- veau continent , quelques espèces d’oies qui leur sont propres et particulières. Celle dont il est ici question fréquente la baie d'Hudson etles pays des Esquimaux ; elle est un peu moindre de taille que l'oie sauvage commune ; elle a le bec et les pieds rouges ; le croupion et le dessus des aïles d’un bleu pâle; la queue de cette même couleur, mais plus obscure ; le ventre blanc nué de brun ; les grandes pennes des ailes et les plus près du dos sont noirâtres ; le dessus du dos est brun, aiusi que le bas du cou, dont le dessous est moucheté de brun sur un fond blanc ; 1c sommet de la tête est d’un roux brülé. NS LASER DE L'OIE. 217 L'OIE RIEUSE. Neuvième espèce, Éowarps a donné le nom d'oie rieuse à cette espèce , qui se trouve, comme la précédente , dans le nord de l’Amé- rique , sans nous dire la raison de cette dénomination , qui vient apparemment de ce que le cri de cette oie aura paru avoir du rapport avec un éclat de rire. Elle est de la grosseur de notre oïe sau- vage ; elle a le bec et les pieds rouges, le front blanc ; tout le plumage au-dessus du corps, d’un brun plus ou moins foncé, et au-dessous, d’un blanc parsemé de quelques taches noirâtres. L’individu dé- crit par Edwards lui avoit été envoyé de la baie d'Hudson; mais il dit en avoir vu de semblables à Londres dans les grands hivers. Linnæus décrit une oie qui se trouveen /elsingie( Faun. Suec. n° 92), Oissaux, XVI. 19 218 HISTOIRE NAT et qui semble être la même; d'où il paroît que, si cette espèce n'est pas précisément | ” commune aux deux continens , Ses voya- ges , du moins dans certaines circons- tances , la font passer de l’un à l’autre. u : s À - ME æ 2 JDE L'OIE. C s19 BOIS CRAVATE* Dixième espèce. Uxr cravate blanche passée sur une gorge noire distingue assez cette oïe,. qui est encore une de celles dont l'espèce paroît propre aux terres du nord du nou- veau monde , et qui en est du moins originaire ; elle est un peu plus grande que notre oie domestique , et a le cou et le corps un peu plus déliés et plus longs ; le bec et les pieds sont de couleur plom- _bée et noirâtre; la tête et le cou sont de même noirs ou noirâtres ; et c’est dans ce fond noir que tranche la cravate blanche qui lui couvre la gorge. Du reste, la teinte dominante de son plumage est un brun obscur et quelquefois gris. Nous * Voyez les planches enluminées, n° 346, sous le nom d’oie sauvage du Canada. 4 Le « RE, 20 HISTOIRE na LUS connoissons cette oie en France sous le nom d’oie du Canada ; elle s'est même assez multipliée en domesticité', et on la trouve dans plusieurs de nos pro- vinces. Il y en avoit ces années der- nières plusieurs centaines sur le grand canal à Versailles , où elles vivoient fami- lièrement avec les cygnes : elles se te- uoient moins souvent sur l’eau que sur les gazons au bord du canal, et il y ena actuellement une grande quantité sur les magnifiques pièces d’eau qui ornent les … beaux jardins de Chantilly. On les a de même multiphiées en Allemagne eten An- gleterre ; c’est une belle espèce , qu'on pourroit aussi regarder comme, faisant une nuance entre ds aise du cygne et celle de l’oie. À R Ces oies à cravate voyagent vers le sud en Amérique ; car elles paroissent en hiver à la Caroline, et Edwards rapporte qu'on les voit dans le printemps passer” en troupes au Canada , pour retourner à la baie d'Hudson , et dans les autres parties les plus septentrionales de l'Amé-" rique. DE L'OIE. 29€ Outre ces dix espèces d’oies , nous trouvons dans les voyageurs lindica- tion de quelques autres qui se rappor- teroient probablement à quelques unes des précédentes , si elles étoient bien dé- crites et mieux connues; telles sont : 1°. Les oies d'Islande, dont parle An- derson sous le nom de zzargées, qui sont un peu plus grosses qu’un canard; elles sont en si grand nombre dans cette île , qu’on les voit attroupées par milliers. 2°. L’oie appelée elsinguer par le même auteur , laquelle vient s'établir & l’est de l’ile, ef qui, en arrivant, est si fatiguée, qu'elle se laisse tuer à coups de béton. | 3°. L’oie de Spitzberg , nommée, par les Hollandois , oce rouge. 4°, La petite oie /ooke des Ostiaks, dont M. de l'Isle décrit un individu tué au bord de l’Oby. « Ces oies, dit-il, « ont les ailes et le dos d’un bleu foncé et lustré ; leur estomac est rougeâtre, .« et elles ont au sommet de la tête une «tache bleue de forme ovale, et une « tache rouge de chaque côté du cou; 39 À 222 HISTOIRE NATURELLE «il règne depuis la tête jusqu’à l’esto- - “imac, une raie argentée de la largeur L o . «d'un tuyau de plume, ce qui fait un «< très-bel effet. » Q 9. Il se trouve à Kamtschatka , selon Kracheninnikow , cinq ou six espèces , 0 k, 3 . d’oies, outre l’oie sauvage commune ; sa- Voir : /a gumeniski, l’oie à cou court, l’oie grise tachetée, l'oie & cou blanc , la petite oie blanche, l’oie étrangère. Ce voyageur n’a fait que les nommer, et M. Steller dit seulement que toutes cès oies arrivent à Kamtschatka dans le mois de mai, et s’en. retournent dans celui d'octobre. 6°. L’oie de montagne, du cap de Bonne- Espérance, dont Kolbe donne une courte description, en la distinguant de l'oie d’eau, qui est l’oie commune, et de la jabotière, qui est l’oie de Guinée. Nous ne parlerons point ici de ces pré- tendues oies noires des Molugues, dont les pieds sont, dit-on , conformés comme ceux des perroquets ; car de semblables dispa- rates ne peuvent être imaginées que par des gens entièrement ignorans en histoire naturelle. | | ESPEQRT 3 ee L- HR “à Re + WA LIN OUTRE. 223 Après ces notices, il ne nous reste, pour compléter l'exposition de la nombreuse famille des oies, qu’à y joindre les espèces du cravant, de la bernache, et de leider, qui leur appartiennent, et sont du même genre. i be: LE ChREVANES L5 nom de cravant, selon Gesner, n’est pas autre que celui de grau-ent, en alle- mand canard brun. La couleur du cravant: est effectivement un gris brun ou noi- râtre assez uniforme sur tout le plumage : mais, par le port et par la figure, cet oiseau approche plus de l’oie que du canard ; il a la tête haute et toutes les proportions de la taille de l’oie, sous un moindre module , et avec moins d’épais- seur de corps et plus de légéreté; le bec est peu large et assez court; la tête est petite, et le cou est long et grêle; ces deux parties, ainsi que le haut de la poi- trine, sont d’un brun noirâtre, à l’ex- ception d’une bande blanche fort étroite, qui forme un demi-collier sous la gorge; caractère sur lequel Belon se fonde, pour trouver dans Aristophane un nom relatif * Voyez les planches enluminées, n° 342. En italien, ceson ; en anglois, brent goose ; en flamand, raigans. HIS TOIRE NATURELLE. 223: à cet oiseau. Toutes les pennes lès ailes et de la queue, ainsi que les couvertures supérieures de celles-ci, sont aussi d’un brun noirâtre; mais les plumes latérales et toutes celles du dessous de la queue sont blanches. Le plumage du corps est gris cendré sur le dos, sur les flancs et au-dessus des ailes ; mais 1l est gris pom- melé sous le ventre, où la plupart des plumes sont bordées de blanchâtre. L'iris de l’œil est d’un jaune brunâtre; les pieds et les membranes qui en réunissent les doigts, sont noirâtres , ainsi que le bee, dans lequel sont ouvertes de grandes na- rines , en sorte qu'il est percé à jour. _ On a long-temps confondu le cravant avec la bernache, en ne faisant qu’une seule espèce de ces deux oiseaux. Wil- lughby avoue qu'il étoit dans l’opinion que là tag et le cravant n’étoient que le mâle et la femelle *, mais qu’en- * M. Frisch, en rendant raison du nem de baumgans , oie d'arbre, qu’il applique au cravant, dit que c'est parce qw'il fait son nid sur les arbres, à quoi 1l »’y a nulle apparence; il y en a büen plus \J 7 \ 226 HISTOIRE NATURELLE suite il reconnut distinctement et à plu- sieurs caractères, que ces oiseaux for- moient réellement deux espèces diffé+ rentes. Belon , qui indique le cravant par le nom de cane de mer à collier, désigne äilleurs la bernache sous le nom de cra- vant*; et les habitans de nos côtes font aussi cette méprise : la grande ressem- blance dans le plumage et dans la forme du corps, qui se trouve entre le cravant et la bernache, y a donné lieu : néanmoins la bernache a le plumage décidément ‘noir, au lieu que dans le cravant il est à croire que ce nom est encore emprunté de la ber= pache, à qui la fable de sa naissance dans les bois. pourris l’a fait donner. Voyez ci-après l’article de cet oiseau. * Aldrovande se trompe beaucoup davantage en prenant l'oiseau décrit par Gesner sous le nom de pica marina, pour le cravant ou l’oie à collier de Belon; celte pie de mer de Gesner est le guzlle- mot, et cette méprise d’un naturaliste aussi savant qu’Aldrovande, prouve combien les descriptions, pour peu qu’elles soient fautives ou confuses, ser- vent peu en histoire naturelle, pour donner une idée nette de l’objet qu’on veut représenter. DU CRAVANT. 227 plutôt brun noirâtre que noir; et indé- pendamment de cette différence, le cra-. vant fréquente les côtes des pays tempé- rés ,.tandis que la bernache ne paroît que . sur les terres les plus septentrionales; ce qui suffit pour nous porter à croire que ce sont en effet deux espèces distinctes et séparées. Le cri du cravant est un son sourd et creux ; que nous avons souvent entendu , et qu’ #6 peut exprimer par oZan, ouan; c'est une sorte d’aboiement rauque que cet oiseau fait entendre fréquemment : il a aussi, quand on le poursuit, ou seule- ment lorsqu'on s’en approche, un siffle- ment semblable à celui de l’oie. Le cravant peut vivre en domesticité; nous en avons gardé un pendant plu- sieurs mois : sa nourriture étoit du grain, du son ou du pain détrempé. Il s’est cons- tamment montré d’un naturel timide et sauvage, et s’est refusé à toute familia- rité; renfermé dans un jardin avec des canards-tadornes , il s’en tenoit toujours éloigné : il est même si craintif, qu’une sarcelle avee laquelle il avoit vécu aupa- 223 HISTOIRE NATURELLE ravant , le mettoit en fuite. On a remar- qué qu’il mangeoit pendant la nuit au- tant et peut-être plus que pendant le jour. Il aimoit à se baigner, et il secouoit ses ailes en sortant de l’eau : cependant l'eau douce n’est pas son élément natu- rel; car tous ceux que l’on voit sur nos. côtes, y abordent par la mer. Voici quel- ques: observations sur cet oiseau, qui nous ont été communiquées par M. “Bail. lon. « Les cravants n’étoient guère connus « sur nos côtes de Picardie avant l'hiver « de 1740; le vent de nord en amena alors «une quantité prodigieuse ; la mer en « étoit couverte. Tous les marais étant « glacés, ils se répandirent danslesterres, « et firent un très-grand dégât en pâtu- « rant les blés qui n’étoient pas couverts « de neige; ils en dévoroient jusqu'aux «racines. Les habitans des campagnes, « que ce fléau désoloit, leur déclarèrent «une guerre générale ; ils approchoient « de très-près pendant les premiers jours, «et en tuoient beaucoup à coups de « pierres et de bâtons : mais on les voyoit, « &« « « &« « A. Lai À À À « « DU CRAVANT. 229 pour ainsi dire, renaître; de nouvelles troupes sortoient à chaque instant de la mer et se Jetoient dans les champs; ils détruisirent le reste des plantes que la gelée avoit épargnées..…. « D’autres ont reparu en 1765, et les bords de la mer en étoient couverts; mais le vent de nord qui les avoit ame- nés ayant cessé, ils ne se sont pas ré- pandus dans les terres, et sont partis peu de jours après. | « Dépuis ce temps on en voit tous les hivers, lorsque les vents de nord souf- flent constamment pendant douze à quinze Jours; il en a paru beaucoup au commencement de 1776 : inais la terre étant couverte de ncige, la plupart sont restés à la mer; les autres qui étoient entrés dans les rivières ou qui s’étoient répandus sur leurs bords, à peu de dis- tance des côtes, furent forcés de s’en retourner par les glaces que ces rivières charioient ou que la marée y refouloit. Au reste, la chasse qu’on leur a donnée les a rendus sauvages, et ils fuient ac- « tuellement d'aussi loin que tout autre « gibier .» 29 G ‘ LA BERNACHE* Exrre les fausses merveilles que l’igno- rance , toujours crédule , a si long-temps mises à la place des faits simples et vrai- ment admirables de la Nature , l’une des plus absurdes peut-être , et cependant des plus célébrées , est la prétendue pro- duction des bernaches et des macreuses dans certains coquillages appelés conques anatifères, ou sur certains arbres des côtes d'Écosse et des Orcades, ou même dans les bois pourris des yieux navires. Quelques auteurs ont écrit que des fruits dont la conformation offre d'avance des linéamens d’un volatile, tombés dans la mer s'y convertissent en oiseaux, Munster , Saxon le grammairien et * Voyez les planches enluminées, n° 855. Æn anglois, /ernacle, scotch-goose ; en alle mand, éaum-ganss. Quelquefois on a désigné la bernache sous le nom de cravant, el quelques . { , 1 24 à naturalistes n’ont pas bien distingué ces deux. SISEAUX \ LC 24 . Leg 230. : Nas . £ D LS RUE, r HISTOIRE NATURELLE. 23r Scaliger l’assurent ; Fulgose dit même qué les arbres qui portent ces fruits, ressemblent à des saules, et qu’au bout de leurs branches se produisent de petites boules gonflées, offrant l'embryon d’un canard qui pend par le bec à la branche, et quelorsqu'il est mûr et formé, il tombe dans la mer et s'envole. Vincent de Beauvais aime micux l’attacher au tronc et à l'écorce, dont il suce le suc, jusqu'à ce que , déja grand et tout couvert de plumes , il s’en détache. Leslæus , Majolus , Oderic |, Torque- mada , Chavasseur , l'évêque Olaüs et un savant cardinal , attestent tous cette étrange génération ; et c’est pour la rap- peler que l'oiseau porte le nom d’anser arboreus, et l’une des îles Orcades où ce prodige s'opère, celui de Pomonia. Cette ridicule opinion n’est pas encore assez merveilieusement imaginée pour Cambden, Boëtius et Turnèbe ; car, selon eux, c’est dans les vieux mâts et autres débris des navires tombés et pourris dans l'eau, que se forment d’abord comme de petits champignons ou de gros vers, CAR CRUE Tue He de 0, 232 HISTOIRE NATURELLE qui peu à peu se couvrant de duvet et de plumes , achèvent leur métamorphose em se changeant en oiseaux !. Pierre Danisi, Dentatus, Wormius, Duchesne , sont les prôneurs de cette merveille absurde, de laquelle Rondelet, malgré son savoir et son bon sens , paroît être persuadé. Enfin chez Cardan , Gyraldus, et Maier qui a écrit un traité exprès sur cet oi- seau sans père ni mère, ce ne sont ni des fruits ni des vers , mais des co- quilles qui l’enfantent ; et ce qui est en- core plus étrange que la merveille , c’est que Maier a ouvert cent de ces coquilles prétendues anatifères, et n’a pas manqué de trouver dans toutes l'embryon de l'oiseau tout formé ?. Voilà sans doute t Un grave docteur, dans Aldrovande . lui assure avec serment avoir vu et tenu les petites bernaches encore informes et comme elles tomboient du bois pourri 2 Au reste, le comte Maier a rempli son traité de tant d’absurdités et de puérilités, qu'il ne faut pas, pour infirmer son témoignage, d'autres motifs que ceux qu'il fournit lui-même; 11 prouve la pos- PA | | DELLA BRERNACEE:.. 233 bien des erreurs , et même des chimères, sur l’origine des bernaches : mais comme ces fables ont eu beaucoup de célébrité, et qu'elles ont même été accréditées par un grand nombre d'auteurs , nous avons cru devoir les rapporter , afin de montrer à quel point une erreur scientifique peut être contagieuse , et combien le charme du merveilleux peut fasciner les esprits. Ce n’est pas que parmi nos anciens naturalistes , il ne s’en trouve plusieurs qui aient rejeté ces contes : Belon , tou- jours judicieux et sensé, s’en moque ; Clusius , Deusingius , Albert-le-Grand , n’y avoient pas cru davantage ; Bar- tholin reconnoît que les prétendues sibilité de la génération prodigieuse des bernaches par l'existence des loups - garoux et par celle des sorciers : 1l la fait dériver d’une influence immédiate des astres ; et si la simplicité n'étoit pas si grande, on pourroit l’accuser d’irrévérence dans le chapitre qu’il intitule cap. FI. Quod finis proprius hu- jus volucris generationis sit, ut referat duplici suâ naturâ, vegetabili et animali, Christum , Deum et hominem , qui quoque sine patre et ma- tre , ut 1lla, existit, 20 1 à y, à ' MT. VOTE PP AL Lin a: à 234 HISTOIRE NATURELLE coques anatifères ne contiennent qu’ut animal à coquille d’une espèce particu- lière ; et par la description que Wor- mius , Lobel et d’autres font des corchæ anatiferæ , aussi-bien que dans les figures qu’en donnent Aldrovande et: Gesner , toutes fautives et chargées qu’elles sont, il est aisé de reconnoître les coquil- lages appelés pousse-pieds sur nos côtes de Bretagne , lesquels par leur adhé- sion à une tige commune , et par l'espèce de touffe ou de pinceaux qu'ils épa- nouissent à leur pointe, auront pu offrir à des imaginations excessivement pré- venues , les traits d’embryons d'oiseaux attachés et pendans à des branches , mais qui certainement n’eugendrent pas plus d'oiseaux dans la mer SA Nord que sur nos côtes. Aussi Æneas Silvius raconte-t-il que se trouvant en Écosse , et demandant avec empressement d’être couduit aux lieux où se faisoit la merveilleuse géné- ration des bernaches , il lui fut répondu que cen'’étoit que plus loin, aux Hébrides ou aux Orcades , qu’il pourroit en être témoin ; d'où il ajoute agréablement DE LA BERNACHE, 235 qu'il vit bien que le miracle reculoit à mesure qu'on cherchoit à en approcher. Comme les bernaches ne nichent que fort avant dans les terres du Nord, per- sonne , pendant long-temps , ne pou- voit dire avoir observé leur génération , ni même vu leurs nids; etles Hollandois, dans une navigation au 80° degré, furent les premiers qui les trouvèrent. Cepen- dant les bernaches doivent nicher en Norvége , s’il est vrai , comme Île dit Pontoppidan , qu'on les y voie pendant tout l'été ; elles ne paroissent qu’en au- tomne et durant l'hiver sur les côtes des provinces d’Vorck et de Lancastre en Angleterre , où elles se laissent pren- dre aux filets, sans rien montrer dela défiance ni de l'astuce naturelle aux autres oiseaux de leur genre ; elles se rendent aussi en Irlande, et particulière- ment dans la baie de Longh-foyle, près de Londonderri, où on les voit plonger sans cesse pour couper par la racine de grands roseaux , dont la moelle douce leur sert de nourriture , et rend, à ce qu’on dit, leur chair très-bonne. IL est rare qu'elles 4 236 HISTOIRE NATURELLE descendent jusqu’en France ; néanmoins il en a été tué une en Bourgogne, où des vents orageux l’avoient jetée au fort d'un rude hiver. La bernache est certainement de la famille de l'oie; et c’estavecraison qu’Al- drovande reprend Gesner de l'avoir ran- gée parmi les canards. À la vérité , elle a la taille plus petite et plus légère , Le cou plus grêle, le bec plus court et les jambes proportionnellement plus hautes que l’oie ; mais elle en a la figure, le port et toutes les proportions de la forme. Son plumage est agréablement coupé par. grandes pièces de blauc et de noir ; -et c’est pour cela que Belon lui donne le nom de zonnetle ou religieuse : elle a la face blanche et deux petits traits noirs de l'œil aux narines:; un domino noir couvre Île cou et vient tomber , en se coupant en rond , sur le haut du dos et de la poitrine; tout le manteau est riche- ment ondé de gris et de noir , avec un frangé blanc; et tout le dessous du corps est d’un beau blanc moiré.. Quelques auteurs parlent d’unaseconde : DE LA BERNACHE 23 espèce de bernache , que nous nous con- tenterons d'indiquer ici ; ils disent qu’elle est en tout semblable à l’autre, et seu- lement un peu moins grande : mais cette différence de grandeur est trop peu considérable pour en faire deux espèces ; et nous sommes sur cela de l'avis de M. Klein , qui, ayant comparé ces deux bernaches , conclut que les orni- thologistes n’ont ici établi deux espèces que sur des descriptions de simples. va- riétés. L’EIDER#*. Cesr cet oiseau qui donne ce duvet Si doux , si chaud et si léger, connu sous le nom d’eider-don ou duvet d'eider, dont on a fait ensuite édre-don, ou par corruption aigle-don ; sur quoi l’on a faus- sement imaginé que c’étoit d’une espèce d’aigle que setiroit cette plume délicate et précieuse. L’eider n’est point unaigle,mais une espèce d'oie des mers du Nord, qui ne paroît point dans nos contrées , et qui ne descend guère plus bas que vers les côtes de l'Écosse. L’eider est à peu près gros comme l’oie. Dans le mâle, les couleurs principales du plumage sont le blanc et le noir; et par. une disposition contraire à celle qui s’ob-. #1 * Voyez les planches enluminées, n° 209, sous | la dénomination d’o'e à duvet, ou eider mâle de _ Danemarck ; ef n° 208 , leider femelle. Par quelques uns, ote à duvet, canard à duvet; en allemand, eyder-ente , eider-gans, eider-vogel; en auglois, cutbert-duck, edder-fowl. ' ‘ «EG AR CAN en AA 4 ï D PA D NN VHS CARRE 1 * & à HISTOIRE NATURELLE. 239 serve dans la plupart des oiseaux , dont généralement les couleurs sont plus fon- cées en dessus qu'en dessous du corps, leider a le dos blanc et le ventre noir, ou d’un brun noirâtre : le haut de la tête, ainsi que les pennes de la queue et des ailes, sont de cette même couleur, à l'exception des plumes les plus voisines du corps, qui sont blanches. On voit au bas de la nuque du cou une large plaque verdâtre , et le blanc de la poitrine est lavé d’une teinte briquetée ou vineuse. La femelle est moins grande que le mâle, et tout son plumage est uniformément teint de roussâtre et de noirâtre, par lignes transversales et ondulantes, sur un fond gris brun. Dans les deux sexes, on remarque des échancrures en petites plumes rases comme du velours, qui s'étendent du front sur lies deux côtés du bec , et presque Jusque sous les narines. Le duvet de l’eider est très-estimé , et sur les lieux même, en Norvége et en Islande, il se vend très-cher. Cette plume est si élastique et si légère, que deux om trois livres, en la pressant ct la réduisant el f Le CN La 240 HISTOIRE NATURELLE en une pelote à tenir dans la main, vont se dilater jusqu’à remplir et renfler le couvre-pied d’un grand lit. Le meilleur duvet, que l’on nomme duvet vif, est celui que l’eider s’arrache pour garnir son nid , et que l’on recueille dans ce nid même; car , outre que l’on se fait scrupule de tuer un oiseau aussi utile, le duvet pris sur son corps mort est moins bon que celui qui se ramasse dans les nids , soit que, dans la saison de la nichée, ce duvet se trouve dans toute sa perfection, soit qu’en effet l’oi- seau ne s’arrache que le duvet le plus fin et le plus délicat, qui est celui qui couvre l'estomac et le ventre. 5 Il faut avoir attention de ne le chercher et ramasser dans les nids qu'après quel- ques jours de temps sec et sans pluie; il ne faut point chasser aussi brusquement ces oiseaux de leurs nids, pârce que la: frayeur leur fait lâcher la fente, dont. souvent le duvet est souillé, et, pour le purger de cette ordure , on l’étend sur un crible à cordes tendues, qui, frappées d'une baguette, laissent torgher tout ce” DE L’'EIDER. 247 qui est pesant, et font rejaillir cette plume légère. Les œufs sont au nombre de cinq ou six, d’un verd foncé, et fort bons à manger *; et lorsqu'on les ravit, la fe- melle se plume de nouveau pour garnir son nid, et fait une seconde ponte, mais moins nombreuse que la première; si l’on dépouille une seconde fois son nid, comme elle n’a plus de duvet à fournir, le mâle vient à son secours, et se déplume l'estomac, et c’est par cette raison que le duvet qu’on trouve dans ce troisième nid est plus blanc que celui qu’on recueille dans le premier. Mais, pour faire cette * Anderson prétend que, pour en avoir quan- üié, on fiche dans le nid un bâton haut d’un pied, et que loiseau ne cesse de pondre jusqu’à ce que le tas d'œufs égalant la pointe du bâton , il puisse s’as- seoir dessus pour les couver ; mais s’il étoit aussi vrai qu’il est peu vraisemblable que les Islandois employassent ce moyen barbare, ils entendroient bien mal leurs intérêts, en faisant périr un oiseau qui doit leur être aussi précieux, puisque l'on remarque en même temps quexcédé par cette pente forcée , 1] meurt le plus souvent. 21 L: : (AA te IUT ’ 12 ' s à | | 242 HISTOIRE NATURELLE troisième récolte , on doit attendre que la mère eider ait fait éclore ses petits : car ; si on lui enlevoit cette dernière ponte, qui n’est plus que de deux ou trois œufs, : ou même d'un seul, elle quitteroit pour Jamais la place ; au lieu que si on la laisse enfin élever sa famille, elle reviendra. l’année suivante, en ramenant ses petits ù qui formeront de nouveaux couples. ? En Noryvége et en Islande, c’est une propriété qui se garde soigneusement et se transmet par héritage , que celle d’un canton où les eiders viennent d'habitude faire leurs nids. Il y a tel endroit où il se trouvera plusieurs centaines de ces nids. Ou juge, par le grand prix du duvet, du profit que cette espèce de possession peut rapporter à son maître : aussi les Islandois font-ils tout ce qu'ils peuvent pour attirer les eiders chacun dans leur terrain ; et quand ils voient que ces oiseaux com- mencent à s'habituer dans quelques unes des petites îles où 1ls ont des troupeaux, ls font bientôt repasser troupeaux et chiens daus le continent , pour laisser le champ libre aux eiders, et les engager à | AU } 3 Fe BÉ L’'EIDER 243 s’y fixer. Ces insulaires ont mème formé par art et à force de travail plusieurs petites îles, en coupant et séparant de la grande divers promontoires ou !lan- gues de terre avancées dans la mer. C’est dans ces retraites de solitude et de tran- quillité que les eiders aiment à s'éta- blir, quoiqu'ils ne refusent pas de nicher près des habitations, pourvu qu’on ne leur donne pas d'inquiétude et qu’on en éloigue les chiens et le bétail. « On peut «mème , dit M. Horrchows, comme j'en « ai été témoin, aller et venir parmi ces « oiseaux tandis qu'ils sont sur leurs œufs, « sans qu'ils en soient effarouchés, leur « Ôter ces œufs sans qu'ils quittent leurs « nids , et sans que cette perte les em- « péche de renouveler leur fonte jusqu’à « trois fois. » Tout ce qui se recueille de duvet est vendu annueilement aux marchands da- nois et hoïilandois , qui vont l'acheter à Drontheim et dans les autres ports de Norvége et d'Islande ; il n’en reste que très-peu ou méme point du tout dans le pays. Sous ce rude climat, le chasseur RUE MAR El aie à y] À , f *. r 244 HISTOIRE NATURELLE robuste , retiré sous une hutte ,; EnVe- loppé de sa peau d'ours, dort d’un-som- meil tranquille et peut-être profond, tan- dis que le mol édredon , transporté chez nous sous des lambris dorés , appelle en vain le sommeil sur la tête toujours agi- tée de l’homme ambitieux. | Nous ajouterons ici quelques faits sux l’eider , que nous fournit M. Brunnich dans un petit ouvrage écrit en damois, traduit en allemand , et que nous avons fait nous-mêmes traduire de cette langue en francois. On voit, dans le temps des nichées , des eiders mâles qui volent seuls, etn’ont point de compagnes ; les Norvégiens leur donnent le nom de gield-fugl, gield-aee : ce sont ceux qui n’ont pas trouvé à s’apparier , et qui ont été les plus foibles dans les combats qu'ils se livrent entre eux pour la possession des femelles, dont le nombre, dans cette espèce, est plus petit que celui des mâles ;, méanmoins elles sont adultes avant eux, d’où il arrive que c'est avec de vieux mâles que les Jeunes femelles font leur pre- DÉUL ET DER 245 mière ponte, laquelle est moins nom- breuse que les suivantes. | Au temps de la pariade, on entend continuellement le male crier 4a Lo, d’une voix rauque et comme gémissante ; la voix de la femelle est semblable à celle de la cane commune. Le premier soin de ces oiseaux est de chercher à pla- cer leur nid à l’abri de quelques pierres ou de quelques buissons et particulière- ment des genevriers ; le mâle travaille avec la femelle, et celle-ci s'arrache le duvet et l’entasse jusqu’à ce qu’il formé tout alentour un gros bourlet renflé, qu'elle rabat sur ses œufs quand elle les quitte pour aller prendre sa nour- riture ; car le mâle ne l’aide point à couver , et 1l fait seulement sentinelle aux environs pour avertir si quelque ennemi paroît : la femelle cache alors sa tête, et, lorsque le danger est pressant, elle prend son vol , et va joindre le mâle , qui, dit-on, la maltraite s’il arrive quelque malheur à la couvée. Les cor- beaux cherchent les œufs et tuent Îles petits : aussi la mère se hâte-t-elle de 21 246 HISTOIRE NATURELLE faire quitterle nid à ceux-ci peu d’ heures -après qu'ils sont éclos , les prenant sur son dos , et, d’un vol dot les transportant | à la mer. | Dès-lors le mûle la quitte , et ni les. uns ni les autres ne reviennent plus à terre; mais plusieurs couvées se réunis- sent en mer , et forment des troupes de vingt ou trente petits avec leurs mères , qui les conduisent et s'occupent iuces- samment à battre l’eau pour faire re- monter , avec la vase et le sable du fond , les insectes et menus coquillages dont se nourrissent les petits, trop foi- bles encore pour plonger. On trouve ces jeunes oiseaux en mer dans le mois de juillet et même dès le mois de juin, et les Groenlandois comptent leur temps d'été par l’âge des jeunes eiders. | Ce n’est qu’à la troisième année que le mâle a pris des couleurs démeélées et bien distinctes; celles de la femelle sont beaucoup plutôt décidées , et, en tout, son développement est plus prompt que celui du mâle ; tous, dans le premier ee , Sont également couverts ou vêtus d'un duvet noirâtre. MDN L'EIDER. 247 L'’eider plonge très - profondément à la poursuite des poissons ; il se repaît aussi de moules et d’autres coquillages, et se montre très-avide des boyaux de poisson que les pêcheurs jettent de leurs barques. Ces oïiseaux tiennent la mer tout l'hiver, mème vers le Groenland, cherchant les lieux de la côte où il y a le moins de glaces, et ne revenant à terre que le soir, ou lorsqu'il doit y avoir üne tempête , que leur fuite à la côte, durant le jour , présage , dit-on , infailli- blement. Quoique les eiders voyagent, et non, seulement quittent un canton pour passer dansunautre , mais aussis’avancent assez avant en mer pour que l’on ait imaginé qu’ils passent de Groenland en Amé- rique, néanmoins on ne peut pas dire qu'ils soient proprement oiseaux de pas- sage, puisqu'ils ne quittent point le climat glacial, dont leur fourrure épaisse leur permet de braver la rigueur , et que c’est en effet sans sortir des parages du Nord, que s’exécutent leurs croi- sières , trouvant à se nourrir en Mer Par= ( 248 HISTOIRE NATURELLE: tout où elle est ouverte et libre de glaces : aussi remarque-t-on qu ils s’avan- cent à la côte de Groenland jusqu’à l’île Disco, mais non au-delà , parce que plus haut la mer est couverte de glaces, et même il sembleroit que ces oiseaux fré- quentent déja moins ces côtes qu'ils ne faisoient autrefois. Néanmoins il s’en trouve Jusqu'au Spitzherg ; car on reconnoît l’eider dans le canard de mon- tagne de Martens |, quoique lui - même lait méconnu; et il nous semble ausst” retrouver l’eider à l’île de Behring et à la pointe des Kouriles. Quant à notre mer du Nord, les pointes les plus sud où les eiders descendent , paroissent être les îles Kerago et Kona près des côtes d'Écosse , Bornholm , Christiansoë , et la province de Gothland dans la Suède, . LE CANARD FEMELLE. | | où LA CANE | 1 Pauquet-. S | LE CANARD. h, J auquel. Ta : EU RE CAN AR D *: L'aommEx a fait une double con- quête , lorsqu'il s'est assujetti des animaux hbabitans à là fois et des airs et de l’eau. Libres sur ces deux vastes élémens , éga- lement prompts à prendre les routes de l'atmosphère , à sillonner celles de la mer ou plonger sous les flots , les oiseaux d’eau .sembloient devoir lui échapper à jamais , ne pouvoir contracter de société ni d'habitude avec nous , rester enfin éternellement éloignés de nos habitations, et même du séjour de ja terre. Lu * Voyez les planches enlauminées, n° 776, le canard mâle; et n° 777, sa femelle. La femelle, cane; le petit, caneton et Aal- bran ; par les Latus, anas ; en italien, anttra, anatre , anadra ; en espagnol, anade ; en alle- mand, ent, endt, et autrefois, ant, antoogel ; le mâle, racha , racischa, par rapport à sa voix enrouée, et par composition et Corruption, e7= trach , entrich; la femelle, endre; en flamand, aenie , aende ; en hollandois, le mâle, woordt où 259 HISTOIRE NATURELLE Ils n’y tiennent en effet que par le 1 seul besoin d’y déposer le produit de Jeurs amours ; mais c’est par ce besoin. ” . . “ même , et par ce sentiment si cher à tout ce qui respire , que nous avons SU les captiver sans contrainte , les appro- cher de nous , et, par l'affection à leur famille, les attacher à nos demeures. Des œufs enlevés sur les eaux, du milieu des roseaux et des joncs, et don- nés à couver à une mère étrangère qui les adopte, ont d’abord produit dans nos basses-cours des individus sauvages, awaerdt ; la femelle, eendt ; en anglois, duck (wild-duck, le sauvage; ame-duck , le privé). En Noriandie, suivant M. Salerne, le canard mâle s'appelle malart ; la canc, bourre, et le petit, Dourret (ces noms appartiennent à la race domestique). Les Allemands les désignent sous les noins de haut endte, zam-ente ; les Italiens sous ceux que nous avons déja cités, et plus particulière- ment par celui de anitra domestica, Les dénomu- nations suivantes désignent la race sauvage : en allemand, mild-endie , mertz-endte, gros-endte, hag-ent ; sur le lac de Constance, 0lass-ent; et sur le lac Majeur, spiegel-ent ; en italien, entire salpatica ; cesones + 1 | L fi ” DU CANARD. 25c farouches , fugitifs et sans cesse inquiets de trouver leur séjour de liberté : mais, après avoir goûté les plaisirs de l’amour dans l’asyle domestique |, ces mêmes oi- seaux , et mieux encore leurs descen- dans, sont devenus plus doux, plus trai- tables, et ont produit sous nos yeux des races privées ; car nous devons observer, comme chose généraie, que ce n'est qu'après avoir réussi à traiter et conduire une espèce, de manière à la faire mul- tiplier en domesticité , que nous pouvons nous flatter de l'avoir subjuguée ; autre- ment nous n’assuJettissons que des indi- vidus , et l'espèce, conservant son indé- pendance , ne nous appartient pas. Mais lorsque, malgré le dégoüt de la chaîne domestique , nous voyons naître entre les mâles et les femelles ces sentimens que la Nature a par-tout fondés sur un libre choix, lorsque l'amour a commencé à unir ces couples captifs , alors leur esclavage , devenu pour eux aussi doux que la douce liberté, leur fait oublier peu à peu leurs droits de franchise natu- rellé , et les prérogatives de leur état bail MEL EE LA are il CORPS SN Le PPT TUE 252 HISTOIRE NATURELLE sauvage, et ces lieux des premiers plai- sirs | des premières amours , ces lieux si chers à tout etre sensible, deviennent léur demeure de prédilection et leur habitation de choix. L'éducation de la famille rend encore cette affection . plus . profonde , et la communique en même temps aux petits, qui, s'étant trouvés citoyens par naissance d’un séjour adopté par leurs parens , ne cherchent point à en changer ; car , ne pouvant avoir que peu ou point d'idée d’un état différent ni d’un autre séjour, ils s’attachent au lieu où ils sont nés comme à leur patrie, et l’on sait que la terre natale est chère à ceux même qui l’habitent en esclaves. Néaumoins nous n'avons conquis qu'une petite portion de l'espèce entière, sur-tout dans ces oiseaux auxquels la Na- ture sembloit avoir assuré un double droit de liberté, en les confiant à la fois aux espaces libres de l’air et de la mer : une partie de l'espèce est, à la vérité, devenue captive sous notre main ; mais la plus grande portion nous a échappé , nous. échappera toujours , et reste à la Nature come témoin de son indépendance. ‘DU C À N’A R D. 253 : L'espèce du canard et celle de l’oie sont ainsi partagées en deux grandes tribus ou races distinctes, dont l’une, depuis long-temps privée, se propage dans nos basses-cours , en y formant une des plus utiles et des plus nombreuses familles de nos volailles ; et l’autre , sans doute , encore plus étendue , nous fuit constamment , se tient sur les eaux,ne fait, pour ainsi dire, que passer et re- passer en hiver dans nos contrées, et s'enfonce au printemps dans les régions du Nord, pour y nicher sur les terres les plus éloignées de l'empire de l'homme. C’est vers le 15 d’octobre que parois- sent en France les premiers canards *: leurs bandes, d’abord petites et peu fré- quentes , sontsuivies , en novembre, par d’autres plus nombreuses. On reconnoît ces oiseaux dans leur vol élevé , aux lignes inclinées et aux triangles réguliers * Du moins dans nos provinces septentrionales : ils ne paroissent que plus tard dans les contrées du midi ; à Malte, par exemple, suivant que nous l'assure M. le commandeur Desmazys, on ne les vois arriver qu'en novembre, Oiseaux, X NII, 22 - RS bat ni à 254 HISTOIRE NATURELLE que leur troupe trace par sa disposition dans l’air ; et, lorsqu'ils sont tous arrivés des régions du Nord , on les voit conti- nuellement voler etse porter d’un étang, d’une rivière à une autre ; c'est alors que les chasseurs en font de nombreuses cap- tures , soit à la quête du Jour ou à l’em- buscade du soir , soit aux différens piéges et aux grands filets. Mais toutes ces chasses supposent beaucoup de finesse dans les moyens employés pour surpren- dre , attirer ou tromper ces oiseaux, qui sont très-défians. Jamais ils ne se posent qu'après avoir fait plusieurs circonvolu- tions sur le lieu où ils voudroient s’abat- tre , comme pour l’examiner , le recon- noître , et s'assurer s'il ne recèle aucun ennemi ; et lorsqu’enfin ils s’abaissent, c’est toujours avec précaution ; ils flé- chissent leur vol, etse lancent oblique- ment sur la surface de l’eau , qu'ils effleu- rent et sillonnent ; ensuite ils nagent au large et se tiennent toujours éloignés du rivage ; en même temps quelques uns d'entre eux veillent à la sureté pu- blique , et donuent l'alarme dès qu'il # : og DU CANARD. 255 a péril, de sorte quele chasseur se trouve souvent décu , etles voit partir avant qu’il ne soit à portée de les tirer: cependant, lorsqu'il juge le coup possible , il ne doit pas le précipiter ; car le canard sauvage, au départ, s'élevant verticalement , ne s'éloigne pas dans la même proportion qu’un oiseau qui file droit, et on a tout autant de temps pour ajuster un canard qui part à soixante pas de distance, qu’une perdrix qui partiroit à trente. C’est le soir , à La chiite, au bord des eaux sur lesquelles on les attire , en y pla- cant des canards domestiques femelles , que le chasseur gîté dans une butte, ou couvert et caché de quelque autre ma- nière , les attend et les tire avec ayan- tage : il est averti de l’arrivée de ces oiseaux par le sifllement de leurs ailes, et se hâte de tirer les premiers arrivans ; car , dans cette saison , Ja nuit tombant promptement , et les canards ne tombant, pour ainsi dire, qu'avec elle, les momens propices sont bientôt passés. Si l’on veut faire une plus grande chasse, on dispose des filets dont la détente vient répondre / : A du ju | 256 HISTOIRE NATURELLE dans la hutte du chasseur, et dont les mappes occupant un espace plus ou moins grand à fleur d’eau , peuvent em- “brasser , en se relevant et se croisant, la ‘troupe entière des canards sauvages que les appelans domestiques ont attirés. Dans cette chasse , il faut que la passion du chasseur soutienne sa patience ; im- mobile |, et souvent à moitié gelé dans sa guérite , il s'expose à prendre plus de rhume que de gibier : mais ordinairement le plaisir l'emporte, et l'espérance se re- nouvelle ; car le même soir où il a juré, en souffiant dans ses doigts, de ne plus retourner à son poste glacé, il fait des projets pour le lendemain. | En Lorraine, sur les étangs qui bordent la Sarre, on prend les canards avec un filet tendu verticalement, et semblable à la pantière qui sert aux bécasses. En plu- sieurs autres endroits, les chasseurs, sur un bateau couvert de ramée et de ro- seau , s’approchent lentement des canards dispersés sur l’eau , et, pour les rassem- bler , ils laâchent un petit chien. La crainte de l'ennemi fait que les canards se ras- æ DU CANARD. 257 semblent, s’attroupent lentement, et alors on les peut tirer un à un à mesure qu'ils: se rapprochent , et les tuer sans bruit _avec de fortes sarbacanes, ou bien on tire sur la troupe entière avec un ‘gros fusil d'abordage qui écarte le plomb et en tue ou blesse un bon nombre : maison ne peut les tirer qu’une fois ; ceux qui échappent reconnoissent le bateau meur- trier , et ne s’en laissent plus approcher. Cette chasse, très-amusante, s'appelle /e badinage. On prend aussi des canards sauvages au moyen d’hamecons amorcés de mou de veau , et attachés à un cerceau flot- tant. Enfin la chasse aux canards est par- tout * une des plus intéressantes de l’au- tomne et du commencement de l'hiver. * Navarette fait pratiquer aux Chinois, pour'les canards, la même chose dont Pierre Martyr donne Pinvention aux Indiens de Cuba , qui, nageant, et la tête renfermée dans une calebasse, et seule hors de l'eau, vont, dit-il, sur leurs lacs prendre par les pieds les oïes sauvages. Mais nous doutons qu'au rouveau monde et à la Chine cette chasse ait été d’un meilleur produit que la recette plais 22 " v' : / 258 HISTOIRE NATURELLE De toutes nos provinces, la Picardie est celle où l'éducation des canards do- mestiques est la mieux soignée , et où la chasse des sauvages est la plus fructueuse, au point même d'être pour le pays un objet de revenu assez considérable : cette chasse s’y fait en grand et dans des anses ou petits golfes disposés naturellement, ou coupés ayéc art le long de larive des eaux ct daus l'épaisseur des roseaux. Mais nulle part cette chasse ne se fait avecplus d'appareil et d'agrément que sur le bel sante qu'un de nos journalistes nous a donnée de -s1 bonne foi dans/un certain cahier de /a Nature : considérée sous ses différens aspects, où l’auteur enseigne le moyen de prendre une bande entière de canards, qui tous, l’un après l’autre, viendront senfiler à la même ficelle, au bout de laquelle est attaché un gland, lequel, avalé par le premier de la troupe, qui le rend au second, qui le rend au troisième, et ainsi de suite , toujours filant la ficelle, tous successivement se trouvent enfilés du bec à la queue. On peut se souvenir aussi de quel ton plaisant se moqua de cette ineptie un autre journaliste du temps, aussi ingémeux dans sa ma= lice que notre considérateur de la Nature est bon dans sa simplicité. 4 ff \ Le DU CANARD. 259 étang d’Armainvilliers en Brie. Voici la description qui nous en a été communi- quée par M. Ray, secrétaire des comman- demens de S. À. Ms le due de Penthièvre. « Sur un des côtés de cet étang, qu’om- « bragent des roseaux et que borde un « petit bois, l’eau forme une anse eufon- « cée dans le bocage , et comme un petit port ombragé où règne toujours le « calme. De ce port, on a dérivé des ca- « naux qui pénètrent dans l’intérieur cu « bois , non point en ligne droite, mais en arc sinueux. Ces canaux , nominés « cornes, assez larges et profonds à leur « embouchure dans l’anse, vont en se « rétrécissant et en diminuant de largeur « et de profondeur à mesure qu'ils se cour- « bent en s’enfonçant dans le bois Loû ils finissent par un prolongememt en « pointe et tout-à-fait à sec. | « Le canal, à commencer à peu près « à la moitié de sa longueur , est recou- - « vert d’un filet en berceau, d’abord « assez large et élevé, mais qui se resserre « et s’abaisse à mesure que le canal s’é- « trécit, ct finit à sa pointe en une nasse À À À ; V'a6 260 HISTOIRE N « profonde et qui se ferme en poche. « à À À & JS LS Li À ne ! + CA MA, _ * (15 Le ATURELLE. « Telest le grand piége dressé et préparé pour les troupes nombreuses de ca- nards , mêlées de rougets, de garrots, de saïcelles, qui viennent dès le milieu d'octobre s’abattre sur l'étang ; mais, pour les attirer vers l’anse et les fatales cornes , il faut inventer quelque moyen subtil , et ce moyen est concerté et prêt depuis long-temps. « Au milieu du bocage et au centre des canaux , est établi le canardier, qui, de sa petite maison, va trois fois par jour répandre le grain dont il nourrit « pendant toute l’année plus de cent canards demi-privés , demi-sauvages , et qui tout le jour nageant dans l'étang, mé manquent pas, à l'heure accoutu- iée, et au coup de sifflet, d'arriver à grand vol en s’abattant sur l’anse, pour enfiler les canaux où leur pâture les attend. | | | « Ce sont ces zraîtres , comme le canar- dier les appelle, qui, dans la saison, se mêlant sur l'étang aux troupesdes sauvages, les amènent dans l’anse, et L'1 V8 ' : , a 4 ÿ DU CANARD. 267 « delà les attirent dans les cornes, tandis « que , caché derrière une suite de claies - « de roseaux , le canardier va jetant de- « vant eux le grain pour les amener jus- « que sous l'embouchure du berceau de « filets; alors se montrant par les inter- « valles des claies, disposées obliquement, « et qui lé cachent aux canards qui vien- « nent par-derrière , il effraïe les plusavan- « cés, qui se jettent dans le cul-de-sac, et « vont pêle-mêle s’enfoncer dans la nasse. « On en prend ainsi jusqu’à cinquante et « soixante à la fois. Il est rare que les « demi-privés y entrent ; ils sont faits à «ce Jeu, et ils retournent sur l'étang « recommencer la même manœuvre ét « engager une autre capture *. » Dans le passage d'automne, les canards sauvages se tiennent au large sur les grandes eaux , ettrès-éloignés des rivages; * Willughby décrit exactement la même chasse qui se fait dans les comités de Lincoln et de Nor- folk en Angleterre, où l’on prend, du:il, jusqu’à quatre mille canards {apparemment dans tout un hiver). [1 dit aussi que pour les attirer on se sert du petit chien roux; et de plus, il faut qu'un r LR 262 arauo: PS NOR ils y passent la plus grande partie du jour à se reposer ou dormir. « Je les ai obser- « vés avec une lunette d'approche, dit « M. Hébert, sur nos plus grands étangs, « qui quelquefois en paroïissent couverts; «on les y voit la tète sous l’aïle et sans « mouvement, jusqu'à ce que tous pren- < nent leur vélié une demi-heure après « le coucher du soleil. » = 4 1 En cffet, les allures. des canards sau- vages sont plus de nuit que de jour; ils paissent, voyagent, arrivent et partent principalement le soir et même la nuit : la plupart de ceux que l’on voit en plein jour , ont été forcés de prendre essor par les chasseurs ou par les oiseaux de proie. La nuit, le sifflement du vol décèle leur passage. Le battement de leurs ailes est plus bruyant au moment qu'ils partent, et c’est même à cause de ce bruit que grand nombre de canards niche dans ces contrées marécageuses, puisque la plus grande chasse, sui- vant sa narration, se fait lorsque , les canarüs étant tombés en mue, les nacelles n’ont qu’à les pousser devant elles dans les filets tendus sur les étangse ordis 1.10 CAO ” à DU CANARD. 263 Varron donne au canard “ir de guassagipenn«. Tant que la saison ne devient pas ri- goureuse, les insectes aquatiques et les petits poissons, les grenouilles qui ne sont pas encore fort enfoncées dans la . vase , les graines du j jonc, la lentille d’eau et quélques autres plantes marécageuses, fournissent aboridamment à à la pâture des canards : mais, vers la fin de décembre ou au commencement de Janvier, si les grandes pièces d’eau stagnante sont gla- cées , ils se portent sur les rivières encore coulantes , et vont ensuite à la rive des bois ramasser les glands ; quelquefois même ils se zettent dans les champs ense- mencés de blé; et lorsque la gelée conti- nue pendant huit ou dix jours, ils dis- paroissent pour ne revenir qu'aux dégels, dans le mois de février. C’est alors qu’on les voit repasser le soir par les vents de sud ; mais ils sont en moindre nombre : leurs troupes ont apparemment diminué par toutes les pertes qu’elles ont souffertes la, l'hiver. L'instinct social paroît s’etre aoibli à mesure que leur nombre DL à - 264 HISTOIRE NATURELLE s’est réduit ; l’attroupement même n’a presque plus lieu : ils passent dispersés, fuient pendant la nuit, et on ne les trouve.le Jour que nalhiié dans les j JOnCs ; ‘ils ne s’arrétent qu’autant que le vent contraire les force à séjourner, Ils semblent. dès-lors s’unir par couples ; 4 et se hâtent de gagner les contrées du Nord, où ils doivent nicher et passer] l'été. Fr Dans cette saison , ils couvrent, pour ainsi dire , tous he lacs et toutes les rivières de Sibérie, de Lapponie, et se | portent encore plus loin dans le Nord, jusqu'au Spitzhberg et au Groenland. « En « Lapponie, dit M. Hoœgstroem, ces oi- « seaux semblent vouloir, sinon chasser, « du moins remplacer les hommes; car, _« dès que les Lappons vont au printemps « vers les montagnes , les troupes de ca- « nards sauvages volent vers ia merocci- « dentale ; et quand les Lappons redes- « cendent en automne pour habiter. la « plaine, ces oiseaux l'ont déja quittée. » meurs autres voyageurs rendent le même témoignage. « Je ne crois pas, dit « Regnard, qu'il y ait pays au monde k << = ps. r \ LA TS k DIU CANARD 1 265 « plus abondant en canards, sarcelles et « autres oiseaux d’eau que la Lapponie ; « les rivières en sont toutés couvertes. :.. « etaumois de mai, leurs nidss’y trouvent. \ « en telle abondance, que le désert en « paroît rempli ». Néanmoins il reste dans nos contrées tempérées quelques couples de ces oiseaux , que quelques circons- tances ont inédhées de suivre le gros de l'espèce, qui nichent dans nos marais. Ce n'est que sur ces traîneurs isolés qu’on. a pu observer les particularités des amours de ces oiseaux, et leurs soins pour l’édu- cation des petits dans l’état sauvage. Dès les premiers vents doux , vers la fin de février, les mâles commencent à rechercher les femelles, et quelquefois ils se les disputent par des combats * La pariade dure environ trois semaines. * Les gens de l'étang d’Armaiuvilliers nous ont dit que quelquefois un mâle en a deux, et les con- Serve ; mais, comme les canards nourris sur cet étang sont dans un état mitoyen entre l’état sau- . vage et la vie domestique, nous ne rangerons poin ce fait parmi ceux qui représentent Leu habitudes vraunent naturelles de lPespèce. 23 Py ii LIU : Ù 1 LL, A “a D; ad CrT) ‘tas Néras ' pi L me 266 HISTOIRE NATURELLE Le mâle paroît s’occuper du choix d’un lieu propre à placer le produit de leurs amours ; il l'indique à la femelle, qui l’a- grée et s’en met en possession : c’est ordi nairement une touffe épaisse de jones ; élevée et isolée au milieu du marais. La femelle perce cette touffe, s’y enfonce et l’arrange en forme de nid en rabattant les brins de joncs qui la gênent. Maïs, quoique la cane sauvage , cominé les autres oiseaux aquatiques, place de pré-. férence sa nichée près des eaux, on ne laisse pas d’en trouver quelques nids dans les bruyères assez éloignées , ou dans les champs sur ces tas de paille que le laboureur y élève en meules, ou même dans les forèts sur des chênes tronqués, et dans de vieux nids abandonnés. On trouve ordinairement dans chaque nid dix à quinze et quelquefois jusqu’à dix- huit œufs ; ils sont d’un blanc verdûâtre, et le moyeu est rouge. On a observé que la ponte des, vieilles femelles est plus mombreuse et commence plus tôt que celle des jeunes. Chaque fois que la femelle quitte ses PO TS 1 | DU G AN AUR D: 11 267 œufs , même pour un petit temps, elle , les enveloppe dans le duvet qu’elle s’est arraché pour en garnir son nid. Jamais _elle ne s’y rend au vol ; elle se pose cent pas plus loin , et, pour y arriver, elle _ marche avec défiance , en observant s’il n’y a point d’ennemis : mais lorsqu'une fois elle est tapie sur ses œufs, l'approche même d’un homme ne les lui fait pas quitter. R | Le mâle ne paroît pas remplacer la femelle dans le soin de la couvée; seu- lement il se tient à peu de distance : il l'accompagne lorsqu'elle va chercher sa nouïriture , et la défend de la persécution des autres mâles. L'incubation düre trente jours. Tous les petits naissent dans la même journée , et dèsile lendemain la mère descend du nid et les appelle à l’eau. Timides ou frileux , ils hésitént, et même quelques uns se retirent; néanmoins le plus harai s’élance après la mère, et bientôt les autres le suivent. Une fois sortis du nid, ils n’y rentrent plus; et. quand il se trouve posé loin de l’eau ou qu'il est trop élevé, le père et la mère * Œuis t 268 HISTOIRE NATUREL les prennent à leur bec, et les trans- portent l’un après l'autre sur l’eau ; le soir la mère les rallie et les retire dans les roseaux, où elle les réchauffe sous ses ailes peudant la nuit : tout le jour'ils guettent, à la surface de l’eau et sur les herbes , les moucherons et autres menus insectes qui font leur première nourri- ture; on les voit plonger, nager, et faire mille évolutions sur l’eau, avec Me | de vîtesse que de facilité. | n +4 La Nature, en fortifiant d’abord en eux les muscles néccssaires à la natation, semble négliger, pendant quelque temps, la formation ou du moins l’accroisse#ent de leurs ailes. Ces parties restent près de six semaines courtes et informes : le jeune canard a déja pris plus de la moitié de son accroissement , 1l est déja emplumé sous le ventre et le long du dos ayant que les pennes des ailes ne commencent à paroître; et ce n’est guère qu'à trois mois qu'il peut s’essayer à voler. Dans cet état, on l'appelle La/bran, nom qui paroît venir de l'allemand, #Æalber-ente _ (demi-canard); et c’est d’après cette ) va 1 # 0 FU pu CANARD. 269 impuissance. de voler que l’on fait aux halbrans une petite chasse aussi facile que fructueuse sur les étangs et les ma- rais qui en sout peuplés. Ce sont appa- remment aussi ces mêmes canards trop jeunes pour voler, que les Lappons tuent à coups de bâton sur leurs lacs. La même espèce de ces canards sau- vages qui visitent nos contrées en hiver, et qui peuplent en été les régions du nord de notre continent , se trouve dans les régions Cor rrespondantes du nouveau | monde: leurs migrations et leurs voyages de l'automne et du pr intemps paroissent y Ctre réglés de même et s'exécuter dans les mêmes temps; et l’on ne doit pas être surpris que des oiseaux qui fré- quentent le Nord de préférence , et dont le vol est si puissant , passent des régions boréales d’un continent à l’autre. Maïs nous pouvons douter que les canards vus parlesvoyageurs ,et trouvés engrand nombre dans les terres du Sud , appar- tiennent à l’espèce commune de nos ca- _nards, et nous croyons qu’on doit plutôt les rapporter à quelqu’une des espèces #3 bis 0 Au 70 HISTOIRE NATURELLE que nous décrirons ci-après , et qui sont en effet propres à ces climats; nous de- vons au moins le présumer ainsi, Jusqu'à ce que nous connoissions plus particu- lièrement l'espèce de ces canards qui se trouvent dans l’archipel austral. Nous savons que ceux auxquels on donne à Saint-Domingue le nom de canards sau- vages, ne sont pas de l'espèce des nôtres; et par quelques indications sur Îles oi- _ seaux de Îla zone torride, nous ne croyons pas que lespèce de notre ca- nard sauvage y ait pénétré , à moins qu'on n'y ait transporté la race do- mestique. Âu reste, quelles que soient les espèces qui tévotéié ces régions du Midi, elles n'y paroissent pas soumises aux voyages et migrations, dont la cause, dans nos climats, vient de la vicissitude des saisons. - Par-tout on a cherché à priver, à s'approprier une espèce aussi utile que l’est celle de notre canard ; et non seu- lement cette espèce est devenue comi- mune , mais quelques autres espèces étrangères , et dans l’origine également DOG AN AR D: ; sauvages , se sont multipliées en domes- ticité, et ont donné de nouvelles races privées ; par exemple, celle du canard musqué , par le doubleprofit de sa plume ct de sa chair , et par la facilité de son éducation , est devenue une des volailles les plus ee et une des plus répandues dans le nouveau monée *. Pour élever des canards avec fruit et en former de grandes peuplades-qui pros- pèrent, il faut, comme pour les oies, les établir dans un lieu voisin des eaux, et où des rives spacieuses et libres en gazons et en grèves leur offrent de quoi paître , se reposer et s'ébattre. Ce n’est pas qu'on ne voie fréquemment des ca- nards renfermés et tenus à sec dans l'enceinte des basses-cours : mais ce genre de vie est contraire à leur nature; ils ne font ordinairement que dépérir et dégé- nérer dans cette captivité ; leurs plumes se froissent et se rouillent ; leurs pieds s’ofensent sur le gravier ; leur bec se fêle par des frottemens réitérés ; tout est lésé, * Voyez ui-après l’artucle du canard musqueé \ ne [ 273 HISTOIRE NATURELLE blessé , parce que tout est contraint jet des canards ainsi nourris ne pourront jamais donner ni un aussi bon duve n une aussi forte race que ceux qui jouissent * d'une partie de leur liberté et peuvent vivre dans leur élément : ainsi, lorsque le lieu ne fournit pas naturellement quelque courant ou nappe d'eau , il faut y creuser une mare dans laquelle les ca- _nards puissent barboter, nager, se laver et se plonger , exercices absolument né- cessaires à leur vigueur et méme à leur santé. Les anciens, qui traitoient avec plus d'attention que nous les objets in- téressans de l’économie rurale et de la vie champêtre , ces Romains qui d’une main remportoient des trophées , et de l'autre conduisoient la charrue , nous ont ici laissé, comme en bien d’autres + choses , des instructions utiles. Columelle et Varron nous donnent en détail et décrivent avec complai- sance la disposition d’une ‘basse - cour aux canards ( zessotrophium ) : ils y veu- lent de l’eau , des canaux, des rigoles, des gazons , des ombrages , un petit lac hi, I LL RAT di AÉRE À," 2 at s 1 ÈE ATEN dr. dit". a DU CAN A R D. sn avec sa petite île * ; le. tout disposé d'une manière Si sitenidhié et si pittoresque , qu'un lieu semblable seroit un orne- ment pour la plus belle maison de cam- # pague. | fi * « Medià parte defoditur lacus....:.... ora « cujus clivo paulatim subsideant, ut tanquam « littore descendatur in aquam..... media pars « terrena sii, ut colocasiis alisque familiaribus « aquæ viridibus conseratur, quæ inopacent avium « receptacula..... per circuitum unda pura vacet, « ut sine lmpedimento, cum apricitate dii ges- « uni aves, nandi velocitale concertent.... gra « mine ripæ vesiiantur..... parietum in circuilu « effodiantur cubilia quibus nidificent aves, eaque « contegantur buxeis aut myrteis fruticibus...... « statim perpetuus canaliculus humi depressus con- « stituatur , per quem quotidie mixti cum aqua €ibi « decurrant ; sic enim pabulatur id genUs AVIUIM . . » « mario Meuse festucæ surculique in aviario spar = « sendi, quibus nidos sitruant..... et qui 2ess0- « trophium constituere volet , avium circa paludes « ova colligat, et cohortalibus gallinis subjiciat : « sic enim exclusi atque educati pulli deponuné « ingenia sylvestria. .... sed clathris superpositis, s aviarlum relibus contegatur, ne aut avolandi sit Le LEON AN ds soit infogthil sangsues , ae érir les } mn AU" « poteslas domesitis AV, aut aquilis ve. a CC | À « pitribus involandi. m7 O0 Je ne puis résister au plaisir de traduire libre- ment ce morceau, saus espérer d’en rendre toute Ja grace. « Autour d’un lac à rives en pente douce, et du < milieu duquel s'élève une petite Île ombragée de « verdure et bordée de roseaux , s’étendra l’en= A2 ceinte, percée dans son contour de loges pour < nicher; devant ces loges coulera une rigole, où « chaque Jour sera jeté le grain destiné aux canards, « nulle pâture ne leur étant plus agréable que celle « qu'ils puisent et qu'is pêchent dans l’eau : 1à « vous les verrez s’ébattre, se jouer, se devancer « les uns les autres à la nage ; là vous pourrez & élever et voir se former sous vos y£ux une race « plus noble, éclose d'œufs dérobés aux mids des « sauvages : l'instinct de ces petits prisonniers , farouche d’abord , se tempère et s’adoutil; mais, Ai | «ypour mieux assurer vos captis, et les défendre « en même temps de l'oiseau ravisseur , il convient « que tout l'espace soit enveloppé et couvert d'un « filet ou d’un treillis. » 0 ON PÉTÉR .. 7 D U C A DA R D. s’attachant à leurs pieds ; et se détruire on peuplera l’étaug de tanches ou d’autres poissons qui en font leur pâture. Dans toutes les situations , soit d’une eau vive ou au bord d’une eau dorimanté , on doit placer des paniers à nicher couverts en dômes,, et qui of- frent iutérieurement une aire assez com- mode pour inviter ces oiseaux à s'y placer : La femelle pond de deux en deux jours , et produit dix , douze on quinze œufs ; elle en pondra même Jusqu'à trente et quarante si on les lui enlève, et si l’on a soin de la nourrir laïgement. Elle est ardénte en amour, et le mâle est jaloux ;1l s’approprie ordinairement deux ou trois femelles qu’il conduit, protége ét féconde : à leur défaut, on l’a vu rechercher des ‘alliances peu assorties, et la femelle n’est guère plus réservée à recevoir des caresses étrangères. Le temps de lexciusion des œufs be # Ko." Vi de plus de quatre semaines *; ce temps * Il paroît que les Chinois font éclore des œufs de canards, comme ceux des poules, par la cha 27e 4) PR pue HISTOIRE Porn est le même lorsque c’est une poule qui a couvé les œufs : la poule s attache ce soin et devient pour Jes petits caen uné mère étrangère , mais qui n° en est pas moins tendre ; on le voit par sa ie, licitude et ses alarmes, lorsque, conduits pour la première fois au bord de l’eau, ils sentent leur élément et s’y jettent poussés par l'impulsion de la Nature malgré les cris redoublés de leur con ductrice , qui du rivage les rappelle en vain , en s'agitant et se tourmentant comme une mère désolée. La première nourriture qu’on donne aux jeunes canards est la graine de millet ou de panis, et bientôt on peut leur jeter de l'orge : leur voracité naturelle se manifeste presque en naissant ; jeunes ou adultes, ils ne sont jamais rassasiés ; ils avalent tout ce qui se rencontre , comme tout ce qu’on leur présente ; ils déchi- rent les herbes, ramassent les graines , à L 5 # ÿ leur artificielle , suivant cette notice de François Camel : {nas domestica ytic Luzoniensibus , eujus ovu Sinæ calore forent et excludunt. DU CANARD. 277 gobent les insectes et pêchent les petits poissons, le corps plongé perpendicu- lairement et la queue seule hors de l’eau; ils se soutiennent dans cette attitude for- cée pendant plus d’une demi - minute par un battement continuel des pieds. Ils acquièrent en six moisleur grandeur et toutes leurs couleurs : le mâle se dis- tingue par une petite boucle de plumes relevée sur le croupion; il a de plus la tête lustrée d’un riche verd d’émeraude et l’aile ornée d’un brillant miroir ; le demi-collier blanc au milieu du cou, le beau brun pourpré de la poitrine et les couleurs des autres parties du corps sont assortis , nuancés, et font en tout un beau plumage , qui est assez connu et d’ailleurs fort bien représenté dans \ notre planche enluminée, Cependant nous devons observer que ces belles couleurs n’ont toute leur vi- vacité que dans les mâles de la race sauvage ; elles sont toujours plus ternes et moins distinctes dans les canards do- mestiques , comme leurs formessont aussi moins élégantes et moins légères : un œil 24 A, | si WT NU AVE 558 HISTOIRE NATURELLE | ‘un peu exercé ne sauroit s’y méprendre, Daus ces chasses où les canards domies- tiques vont chercher les sauvages ,ctles amènentaveceux sous le fusil duchasseur, une condition ordinaire est de payer au canardier un prix convenu pour chaque canard privé qu'on aura tué par méprise: mais il est rare qu’un chasseur exercé s’y trompe, quoique ces canards domestiques soient pris et choisis de même couleur que les sauvages ; car , outre que ceux- ci ont toujours les couleurs plus vives, ils ont aussi la plume plus lisse et plus serrée , le cou plus menu , la tête plus fine, les contours plus nettement pronou- cés;ct, dans tous leurs mouvemens , on reconnoît l’aisance , la force et l'air de vie que donne le sentiment de la liberté. « À considérer ce tableau de ma gué- «rite, dit ingénieusement M. Hébert, « je pensois qu’un habile peintre auroit « dessiné les canardssauvages, tandis que « les canards domestiques me sembloient « l'ouvrage de ses élèves ».Les petits même que l’on fait éclore à la maison d'œufs de sauvages , ne sont point encore parés — 4 DONCAN MR ID, 1 2700) de leurs belles couleurs , que déja on les distingue à la taille et à l'élégance des formes ; et cette différence dans les D 4 < : contours se dessine non seuiement sur le plumage et la taille, mais elle est bien plus sensible encore lorsqu'on sert le canard sauvage sur nos tables ; son es- tomac est toujours arrondi, tandis qu'il forme un angle sensible dans le canard domestique , quoique celui-ci soit sur- chargé de beaucoup plus de graisse que le sauvage , qui n’a que de la chair aussi fine que succulente. Les pourvoyeurs le reconnoissent aisément aux pieds, dont les écailles sont plus fines , égales et lus- trées , aux membranes plus minces, aux ongles plus aigus et plus luisans , et aux jambes plus déliées que daus le canard privé. du canard proprement dit, mais dans toutes celles de cette nombreuse famille, et en général dans tous les oiseaux d’eau à bec large et à pieds palmés, est tou- jours plus grand que la femelle. Le con- traire se trouve dans tous les ciseaux de Le mâle, non seulement dans l'espèce : Ne ji 28o HISTOIRE NATURELLE proie, dans lesquels la femelle est cons- tamment plus grande que le mâle. Une autre remarque générale sur la famille entière des canards et des sarcelles , c’est que les mâles sont parés des plus belles couleurs, tandis que les femelles ‘n'ont presque toutes que des robes unies, brunes , grises ou couleur de terre; et cette différence, bien constante dans les espèces sauvages, se conserve et reste empreinte sur les races domestiques, au- tant du moins que le permettent les va- riations et altérations de couleurs qui se sont faites par le mélange des deux races sauvages et privées. En effet, comme tous les autres ciseaux privés , les canards ont subi Îles in-. fluences de la domesticité ; les couleurs du plumage se sont afloiblies, et quel- quefois même entièrement effacées ou changées : on en voit de plus ou moins blancs, bruns , noirs ou mélangés ; d’autres ont pris des ornemens étrangers à l'espèce sauvage; telle est la race qui porte une huppe. Dans une autre race encore plus profondément travaillée, DU CANAR D.. 201 déformée par la domesticité, le bec È est - tordu et courbé ; la constitution s’est al- térée, et les yidus portent toutes les marques de la dégénération; ils sont foibles, lourds et sujets à prendre une graisse excessive ; les petits, trop délicats, sont difficiles à élever. M. Frisch, qui a fait cette observation, dit aussi que la race des canards blancs est constamment plus petite et moins robuste que les autres races, et il ajoute que dans IC ù mélange des individus de différentes cou- leurs, les petits ressemblent généralez A ment au père par les couleurs de la tête, du dos et de la queue; ce qui arrive de 3 même dans le produit de l’union d’un canard étranger avec une femelle de l’es- pèce commune, Quant à l'opinion de Belon sur la distinction d’une grande et d’une petite race dans l'espèce sauvage, nous n’en trouvons aucune preuve, et, selon toute apparence, cette remarque n’est fondée que sur quelques différences entre des individus plus ou moins âgés. Ce n’est pas que l'espèce sauvage n'offre elle-même quelques variétés purement AT: us , Fe f'TALRZ PP RAT “4 ” SE aan 262 HISTOIRE NATURELLE accidentelles, ou qui tiennent peut-être à son commerce sur les étangs avec les races privées. En effet, M. Frisch observe que les sauvages et les privés se mélent et s’apparient ; et M. Hébert a remarqué qu'il se trouvoit souvent dans une même couvée de canards nourris près de grands étangs, quelques petits qui ressemblent aux sauvages, qui en ont l'instinct fa- rouche, indépendant, et qui s’enfuient avec eux dans l’arrière-saison : or ce que le mâle sauvage opère ici sur la femelle domestique, le mâle privé peut l’opérer de même sur la femelle sauvage, sup- posé que quelquefois celle-ci cède à sa poursuite ; et de là proviennent ces diffé- rences en grandeur et en couleurs*, que l'on a remaäarquées entre quelques indivi- dus sauvages. Tous, sauvages et privés, sont sujets, * Schwartze milde gans (le canard sauvage noir}, dans Frisch. KT FUN Nous avons vu nous-mêmes, sui létang d'Ar- mainvilliers, dont tous les canards ont la livrée sauvage, deux variétés, l'une appelée rouge, dont les flancs sont en plumes d’un beau bai brun; an PONS RNAICTA NE ND: SIT 508 comme les oies, à une mue presque subite, dans laquelle leurs grandes plumes tom- bent en peu de jours, et souvent en unc seule nuit; et non seulement les oies et les canards, mais encore tous les oiseaux à pieds palmés et à bec plat, paroissent être sujets à cette grande mue. Elle arrive aux mâles après la pariade, et aux fe- melles après la nichée; et il paroît qu’elle est causée par le grand épuisement des mâles dans leurs amours, et par celui des femelles dans la ponte et l’incubation.. « Je les ai souvent observés dans ce temps « de la mue, dit M. Baïllon : quelques « Joursauparavant je les avois vus s’agiter « beaucoup, et paroître avoir de grandes « démangeaisons ; ils se cachoiïent pour « perdre leurs plumes. Le lendemain ct « les jours suivans, ces oiseaux étoient « sombres et honteux; 1ls paroissoient auire étoit un mâle qui n'avoit pas le collier, mais en place tout le bas du cou et le plastron de la poitrine, d’un beau gris. C’est à de pareils indi- vidus qu'il faut rapporter les deux variétés que donne M. Brisson, sous les noms de Doschas ma- jor grisea ; et boschas major nævia: 284 HISTOIRE NATURELLE | sentir leur foiblesse, n’osoient étendre « leurs ailes, lors même qu’on les pour- « suivoit, et sembloient en avoir oublié « l’usage. Ce temps de mélancolie duroîit « environ trente Jours pour les. canards j « et quarante pour les cravans et les oies: « la gaicté renaissoit avec les plumes ; «alors ils se baignoient beaucoup, et _<« commencçoient à voleter. Plus d’une fois « j'en ai perdu faute d'avoir remarqué le « temps où ils s’éprouvoient à voler : ils « partoient pendant la nuit; je les enten- « dois s’essayer un moment auparavant : «Je me gardois de paroître, parce que À « tous auroient pris leur essor. » L'organisation intérieure, dans les es- pèces du canard et de l’oie, offre quel- ques particularités : la trachée-artère, avant sa bifureation pour arriver aux poumons, est dilatée en une sorte de vase osseux et cartilagineux, qui est propre- ment un second larynx placé au bas de la trachée, et qui sert peut-être de maga- sin d’air pour le temps où l’oiseau plonge, et donne sans doute à sa voix cette réson- nance bruyante et rauque qui caractérise. La j DU CANARD. 285 son cri. Aussi les anciens avoient-ils ex- primé par un mot particulier la voix des canards ; et le silencieux Pythagore vou- loit qu’on les éloignât de l'habitation où son sage devoit s’absorber dans la médi- tation: mais pour tout homme, philo- sophe ou non, qui aime à la campagne ce qui en fait le plus graud charme, c’est- à-dire, le mouvement, la vie et le bruit de la Nature, le chant des oiseaux, les cris des volailles, variés par le fréquent et bruyant #arkan des canards, n'of- fensent point l’oreille, et ne font qu’ani- mer, égayer davantage le séjour cham- pèêtre; c’est le clairon, c’est la trompette parmi les flûtes et les hautbois; c’est la musique du régiment rustique. Et ce sont, comme dans une espèce bien connue, les femelles qui font le plus de bruit et sont les plus loquaces; leur voix est plus haute, plus forte, plus sus- ceptible &’inflexions, que celle du mâle, qui est monotone, et dont. le son.est tou- jours enroué. On a aussi remarqué que la femelle ne gratte point la térre, comme la poule, et que néanmoins elle gratte / Mai LL :) 286 HISTOIRE NATURELLE dans l'eau peu profonde, pour déchausser les racines, ou pour déterrer les insectes et les coquillages. Il y a dans les deux sexes s deux longs cœcums aux intestins, .et l’on a observé que la verge du rôle est tournée ‘en spirale *. Le bec du canard, comme dans le cygne et dans toutes lés espèces d’oies , est large, épais, dentelé par les bords!, garni intérieurement d’une espèce de pa- lais charnu , rempli d’une langue épaisse et terminée à sa pointe par. un onglet corné, de substance plus dure que le reste du bec. Tous ces oiseaux ont aussi la queue très - courte, les Jambes placées fort en arrière et presque engagées dans l'abdomen. De cette position des jambes, résulte la difficulté de marcher et de garder l'équilibre sur terre; ce qui leur donne des mouvemens mal dirigés, une démarche chancelante |, un air lourd * Dans certains momens, elle paroît assez longue el pendante; ce qui a fait imaginer aux gens de la campagne que loisean ayant avalé une petite couleuvre, on la lui voit ainsi pendue vive à l'anus. La | à DU CANARD. 287 . qu’on-prend pour de la stupidité, tandis qu'on reconnoît au contraire, par la fa- cilité de leurs mouvemens dans l’eau, la force , la finesse et même la subtilité de leur instimet. La chair du canard est, dit-on, pesante et échauïifante ;cependanton en faitgrand asaze, et l’on sait que la chair du canard sauvage est plus fine et de bien meilleur soût que celle du canard domestique. Les anciens le savoient comme nous; car l’on trouve dans Apicius jusqu’à quatre diffé- rentes manières de l’assaisonner. Nos Api- cius modernes n’ont pas dégénéré, et un pâté de canards d'Amiens est un morceau connu de tous les sourmands duroyaume. La graisse du canard est employée dans les topiques. On attribue au sang la vertu de résister au venin , même à celui de la vipère. Ce sang étoit la base du fameux antidote de Mithridate. On croyoit en effet que les canards, dans le Pont, se nourrissant de toutes les herbes veni- meuses que produit cette contrée, leur sang devoit en contracter la vertu de re- pousser les poisons ; et nous observerons | F4 5:88 HISTOIRE NATUR LLE en passant que la dénomination d’anas Ponticus des anciens ne désigne pas une espèce particulière , comme l’ont cru quelques nomenclateurs, mais l’espèce même dé notre canard sauvage, qui fré= quentoit les bords du Pont-Euxin comme les autres rivages. | Les naturalistes ont cherché à mettre de l’ordre et à établir quelques divisions générales et particulières dans la grande famille des canards. Willughby divise leurs nombreuses espèces en canards ma rins où qui n’habitent que la mer, et en canards fluviatiles ou qui fréquentent les rivières et les eaux douces : mais comme la plupart de ces espèces se trouvent éga- lement et tour-à-tour sur les eaux douces et sur les eaux salées, et que ces oiseaux passent indiffér ie des unes aux autres, la division de cet auteur n’est pas ed et devient fautive dans l’applica- tion ; ee les caractères qu ‘1l donne aux espèces, ne sont pas assez constans. Nous partagerons donc cette très-nom- . breuse famille par ordre de grandeur, en la divisant d'aborden canards et sarcelles, WTT DUXCANARD. 269 x . Kara Lé e et comprenant sous la première dénomi- nation toutes les espèces de canards qui, par la grandeur, égalent ou surpassent l'espèce commune; et sous la seconde, toutes les petites espèces de ce même genre , dont la grandeur n'excède pas celle de la sarcelle ordinaire : et comme l'on a donné à plusieurs de ces espèces des noms particuliers, nous les adopte- rous , pour rendre les divisions plus sen- sibles,. ee Fab 2 LÜeaux, A VLT, G! Le) 299 HISTOIRE NATURELLE . LE CANARD MUSQUÉ#*. ' ] EE, C & canard est ainsi nommé , parce qu'il exhale une assez forte odeur de muse. IE ést beaucoup plus grand que notre canard commun ; c’est mème le plus gros de tous les canards connus : il a deux pieds de longueur, de la pointe du bec à l'extrémité de la queuc. Tout le plumage est d’un noir brun, lustré de verd sur le * Voyez les planches enlaminées, n° 089. à Vulgairement, canard d’ Inde, cane de Guiné canard de Barbarie; par les Anglois, guin duck, muscory-duck, indian-duck ; par les RE | mands, endianischer entrach, teurkisch endte ; par les Italiens, anatre d’ I vie , anatre di (68 bia ; par les Francois de la Guiane, canard franc, ou simplement canard. Il nous semble qu'on doit y rapporter ces canards appelés au Chili, patos reales, qui ont sous le bec une crête rouge, €ë peut-être aussi l’anas magna regia de Fr. EE 5 appelé papan à Lucon, L RE. = - Î Paquet J DA CANARD :, 20 dos et coupé d'une large tache blanche sur les couvertures de l'aile; mais dans les ces, suivant ÂAldrovande , le devant du cou est mélangé de quelques plumes blanches. Willughby dit en avoir vu d’entièrement blanches : cependant la vérité est, comme l’avoit dit Belon, que quelquefois le mâle est, comine la femelle, éntièrement blanc , où plus où moins varié de blanc ; et ce changement des couleurs en blanc est assez orüinaire dans les races devenues domestiques. Mais le caractère qui distingue celle du canard musqué , est une large plaque en. peau nue ; rouge et semée de papilies, laquelle couvre les joues, s'étend jusqu’en arrière des yeux , et s’enfle sur la raeine du bec en une caroncule rouge que Belon compare à une cerise; derrière la tête du mâle pend un bouquet de plumes en forme de huppe que la femelle n’a pas; elle est aussi un peu moins grande que le male, et n’a pas de tubercule sur le bec, ous deux sont bas de jambes et ont les pieds épais, les ongles gros, et celui du doigt intérieur crochu ; les bords de # sn! : A Cal 292 HISTOIRE NATURELLE la mandibule supérieure du bec sont « | garnis d’une forte dentelure”, et nn onglet tranchant et recourbé en arme la pointe. h, Ce gros canard a la voix grave et si basse , qu'à peine se fait-il entendre , à moins qu'il ne soit en colère ; Scaliger ? s’est trompé en disant qu'il étoit muet. Il marche lentement et pesamment; ce qui n’empéche pas que, dans l’état sauvage, il ne se perche sur les arbres. Sa chair est bonne et ‘même fort estimée en Amérique , où l’on élève grand nombre de ces canards ; et c’est de là que vient en France leur nom de canard d’Ine: néanmoins nous ne savons pas d’où cette espèce nous est venue ; elle est étrangère au nord de l’Europe , comme à nos con-" trées, et ce n'est que par une méprise de mots, contre laquelle Ray sembloit s'être inscrit d'avance , que le traduc- teur d’Albin a nommé cet oiseau canard de Moscorie. Nous savons seulement que ces gros canards parurent pour la première fois en France du temps de Bclon, qui … les appela cazes de Guinée ; et en meme _ s L s MUC AN AIROL ET on temps Aldrovände dit qu’on en apportoit du Caire en Italie ; et tout considéré , 1 paroît par ce qu'en dit Marcgrave, que l'espèce se trouve au Bresil dans V'état sauvage ; car on ne peut s'empêcher de reconnoître ce gros canard dans son anas sylvestris magnitudine anseris, aÜssi- bien que dans l’ypeca-guacu de Pison : mais , pour l’ipecati-dpoa de ces deux au- teurs , on ne peut douter , par la seule inspection des figures |, que ce ne soit une espèce différente, que M. Brisson n’auroit pas dü rapporter à celle-ci * Suivant Pison,ce groscanards'engraisse égalemeut bien en domesticité dans la. basse-cour, ou en liberté sur les rivieres ; et 1l est encore recommandable par sa grande fécondité : la femelle produit des œufs en grand nombre, et peut couver dans presque tous les temps de l’année. Le mâle est très - ardent en amour, et il se distingue entre les oiseaux de son genre par le grand appareil de ses or- ganes pour la génération : toutes les * Voyez ce que nous avons dit de l’Ipecati-apot, «ous l'aricl es l’'oce Dbronzée. 25 , sf n 294 HISTOIRE NATURELLE femelles lui conviennent ; il ne dédaigne pas celles des espèces inférieures ; il s’ap- parie avec la cane commune , et de cette union proviennent des métis qu’on prétend être inféconds, peut-être sans autre raison que celle d'un faux préjugé. _ Ou nous parle aussi d'un accouplement de ce canard musqué avec l'oie : mais cette union est apparemment fort rare, au lieu que l’autre a lieu Journellement dans les basses-cours de nos colons de Cayenne et de Saint-Domingue , où ces gros canards vivent et se multiplient comme les autres‘en domesticité. Leurs’ œufs sout tout-à-fait ronds ; ceux des plus Jeunes femelles sont verdâtres , et cette couleur pâlit dans les pontes sui- vantes. L’odeur de musc que ces oiseaux répandent, provient, selon Barrère, d’une humeur jaunâtre fitrée daus Îles COrps slanduleux du croupion. Dans l'état sauvage ; et tels qu’on les trouve dans les savanes noyées de la Guiane, ils nichent sur des troncs d’ar- bres pourris, et la mère, dès que les petits sont éclos, les prend ls apres l'autre DU CANARD. . 295 #vec le bec et les jette à l’eau. IL paroît que les crocodiles-caïmans en font une grande destruction; car on ne voit guère de familles de ces jeunes canards de plus de cinq à six , quoique les œufs soient en beaucoup plus grand nombre. Ils mangent dans les savanes la graine d’un gramen qu'on appelle 72z sauvage , vo- lant le imatiu sur ces immenses prai- ries inondées , et le soir redescendant vers la mer; ils passent les heures de la plus grande chaleur du Jour perchés sur des arbres toufus. Ils sont farouches et dé- fans : ils ne se laissent guère approcher, et sont aussi difficiles à tirer que la plu- part des autres oiseaux d’eau, LE PAU Cu Cd.) Ev | | ee.) 2966 HISTOIRE NATRELLE LE CANARD SIFF LEUR, ET LE VINGEON ou GINGEON !. | Fo ’ Ur voix claire et sifflante, que lon peut comparer au son aigu d'un fifre*?, 1 Voyez les planches enluminées, n° 625. On a rapporté au canard siffleur le nom grec de zrménod, qui vraisemblablement appariient à un canard à tête rousse, mais qu’à ce titre l’on peut rapporter aussi-bien au millouin. fon appelle l'oi- seau penelops qouvméneyur , collum phænicei co- Joris.. Suivant Tzetzès, ces oiseaux avoient porté au rivage Pénélope , encore enfant, jetée dans la incr par la barbarie de son ptre Fcare. Le penelops est donc certainement un oiseau d’eau. Pline dit plus expressément, penelops ex anserino genere (lib. X, cap. 22). Mais comme la grande affimté des deux genres de lPoie et du canard peut les fure ment confondre, et qu'il faut trouver au pe- : aise Le | Zom 27. | | LU 19 : Lag 290: = sd TE ? auquel” 2 Tom 17: os. lag 296 : of, 1 Panguet LS be A UN) MR | ad *. A0 DU CANARD. | 207 distingue ce canard de tous les autres, _ dont la voix est enrouée et presque croas- sante. Comme il siffle en volant et très- fréquemment, il se fait entendre souvent et reconnoître de loin; 1l prend ordinai- reiment son vol le soir et méme la nuit; il a l’air plus gai que les autres canards; il nelops un cou phænicei coloris, ce qui ne se “rencontre pas parmi les oïes, rien n’empêche de _ chercher cet oiseau pere les espèces de canards ; 4 mais de décidér si c’est en effet le canerd siffleur plutôt que le millouin, c’est ce que le peu d’indi- cation Jaissé là-dessus par les anciens ne paroît pas rendre possible. En quelques unes de nos provinces , lecanard sif- fleur s'appelle orgnard; en basse Picardie, oigne; en basse ren penru, ce qui veut dire tête rOUSE ; sur la côte du Croisic on lappelle moreton, nom appliqué ailleurs au millouin ; en catalan, piulla; vers Strasbourg, schmery et LA ente ; en Silésie, pfe if-endilir; en suédois, wri-and; en anglois, w'him , wigeon, common wigeon, whewer. 2 M. Salerne semble croire que ce sifflement est produit par le battement des ailes, et le voya- geur Dampier est dans le même préjugé : mais ils se trompent; c’est une véritable voix, un sifflet rendu , comme tout auire cri, par la glotte. NATURELLE 298 HISTOI EI est très- agile-et t toujours en mouvement. Sa taille est au-dessous de celle du canard commun, ct à peu près pareille à celle du souchet. Son bec, fort court, n’est pas plus gros que celui du garrot; il est bleu, et la pointe en est noire. Le plumage sur le haut du cou et la tête est d’un beau roux ; le sommet de la tête est blanchà- tre ; le dos est liséré et vermiculé finement de petites lignes noirâtres en zigzags sur un fond blanc; les premières couvertures forment sur l’aile une grande tache blan- che, et les suivantes un petit miroir d’un verd bronzé; le dessous du corpsest blanc, mais les deux côtés àe la poitrine et les épaules sont d’un beau roux pourpré. Suivant M. Baillon, les femelles sont un peu plus petites que les mâles, et demeu- rent toujours grises, ne An pas en vieillissant, comme les femelles des sou- chets, les couleurs de leurs mâles. Cet observateur aussi exact qu’attentif, et en même temps très-Judicieux, nous a plus appris de faits sur les oiseaux d’eau que tous les naturalistes qui en ont écrit; il a reconnu, par des observations bien \ vR 29G suivies, que le ta M le canard à longue queue, qu’il appelle rare. le chipeau et le souchet, naissent gris et conservent cette couleur jusqu’au mois de février, en sorte que dans ce premier temps l’on ne distingue pas les mâles des femelles : mais au commencement de mars leurs plumes se colorent , et la Nature leur donne les puissances et les agrémens qui conviennent à la saison des amours; elle les dépouille ensuite de cette parure vers la fin de juillet; les mâles ne conservent rien ou presque rien de leurs belles couleurs ; des plumes grises et som- bres succèdent à celles qui les embellis- soient; leur voix même se perd ainsi que celle des femelles, et tous semblent être condamnés au silence comme à l’indiffé- rence pendant six mois de l’année. C’est dans ce triste état que ces oiseaux partent au mois de novembre pour leur long voyage, et on en prend beaucoup à ce premier passage. Il n'est guère pos- sible de distinguer alors les vieux des jeunes , sur-tout dans les perards ou ca- uards à lougue queue, le revétement de 300 la robe grise étant encore plus total dans cette espèce que dans les autres. Lorsque tous ces oiseaux retournent dans le Nord vers la fin de février ou le commencement de mars , ils sont parés de leurs belles couleurs, et font sans cesse entendre leur voix, Lui sifflet ou leurs cris ; les vieux sont déja appariés, etil ne reste dans nos marais que quelques _ souchets, dont on peut observer la ponte et la couvée. Les canards siffleurs volent et nagent toujours par bandes. Il en passe chaque hiver quelques troupes dans la plupartde nos provinces, même dans celles qui sont éloignées de la mer, comme en Lorraine, en Brie; mais ils passent en plus grand nombre sur les côtes , et notamment sur celles de Picardie. « Les vents de nord et denord-est, dit « M. Baillon, nous amènent les canards << Sifieurs en grandes troupes; le peuple, «en Picardie , les connoît sous le nom « d’oignes. Ils se répandent dans nos ma- « rais: une partie y passe l'hiver ; l’autre « va plus foin vers le Midi. POUR 0. 7 at ‘ # DU CANARD. 307 « Ces oiseaux voient très-bien pendant « la nuit, à moins que l'obscurité ne soit « totale ; ils cherchent la même pâture «que les canards sauvages, et mangent _ «comme eux les graines de joncs et d’au- «tres herbes, les insectes, les crustacées, « les grenouilles et les vermisseaux. Plus le « vent est rude, plus on voit deces canards « errer. lis se tiennent bien à la mer et à « l'embouchure des rivières malgréle gros « temps, et sont très-durs au froid. «Ils partent régulièrement vers la fiu « de mars, par les vents de sud ; aucun «ne reste ici. Je pense qu'ils se portent « dans le Nord, n'ayant jamais vu ni leurs « œufs ni leurs nids. Je puis pourtant ob- « server que cet oiseau naît gris, etqu'il « n’y a avant la mue aucune différence, « quant au plumage, entre les mâles et « les femelles ; car souvent dans les pre- « miers Jours de l’arrivée de ces oiseaux, « j'en ai trouvé de jeunes encore presque «tout gris, et qui n’étoient qu’à demi « couverts de plumes distinctives de leur « Sexe. « Le canard siflleur , ajoute M. Baillon, | 26 - 302 HISTOIRE NATURELLE « s’accoutume aisément à la domesticité ÿ « il mange volontiers de l’orge, du pain, < et s’engraisse fort ainsi nourri. Il lui faut « beaucoup d’eau ; il y fait sans cesse « mille caracoles, de nuit comme de jour. « J’en ai eu plusieurs fois dans ma cour; « ils m'ont toujours plu à cause de leur « gaieté. » | L'espèce du canard sifleur se trouve en Amérique comme en Europe ; nous en avons recu plusieurs individus de la Louisiane, sous le nom de caxard jensen* et de canard gris. Il semble aussi qu’on doivele reconnoître sous le nom de #:veor que lui donnent les Anglois, et sous ceux de vingeon ou gingeon de nos habitans de Saint-Domingue et de Cayenne; et ce qui semble prouver que ces oiseaux des cli- mats chauds sont en effet les mêmes que * Voyez les planches enluminées, n° 955. Nous observerons néanmoins plusieurs traïts.de différence entre ce canard jensen de la Louisiane, | tel qu’il est ici représenté, et notre canard siffleur, soit que ces différences puissent et doivent s’ex- pliquer par celle des climats, soit quil se soit ic sissé quelque erreur dans les dénominations. D C A N AR D. 303: les canards siffleurs du Nord, c’est qu’on les a reconnus dans les latitudes intermé- diaires : d’ailleurs ils ont les mêmes habi- tudes naturelles, avec les seules diffé- rences que celle des climats doit y mettre. Néanmoins nous ne prononcons pas en- core sur l'identité de l’espèce du canard sifleur et du vingeon des Antilles. Nos doutes à ce sujet et sur plusieurs autres faits seroient éclaircis, si la guerre, entre autres pertes qu'elle a fait essuyer à l'histoire naturelle, ne nous avoit enlevé une suite de dessins coloriés des oiseaux de Saint-Domingue , faite dans cette île avec le plus grand soin par M. le cheva- lier Lefebyre Deshayes, correspondant du Cabinet du roi. Heureusement les mé- moires de cet observateur aussi ingé- nieux que laborieux , nous sont parvenus en duplicata, et nous ne pouvons mieux faire que d’en donner ici l'extrait ,-en at- tendant qu’on puisse savoir précisément si cet oiseau est en effet le même que notre canard siffleur. | «Le gingeon , que l’on conuoît à la « Martinique sous le nom de sirgeon, dit | € 304 HISTOIRE NATURELLE « « « < LS < # LCA A L< CN Le LS Le À < ad L< LS < Lo L< " EN Le La Le LS € " « " # < Le EN € Le) < LA « à / M. le chevalier Deshayes, est une espèce particulière de canard , qui n’a ‘pas le goût des voyages de long cours, comme le canard sauvage , et qui borne ordi- nairementses courses à passer d’un étang ou d’un marécage à un autre , ou bien aller dévaster quelque pièce de riz, quand il en a découvert à portée de sa résidence. Ce canard a pour instinct particulier de se percher quelquefois sur les arbres; mais, autant que J'ai pu l’observer , cela n’arrive que durant les grandes pluies , et quand le lieu où il avoit coutume de se retirer pendant le jour est tellement couvert d’eau, qu'il ne paroît aucune plante aquatique pour le cacher et le mettre à l'abri, ou bien lorsque l'extrême chaleur le force à chercher la fraîcheur dans l'épaisseur des feuillages. « On seroit tenté de prendre le vingeon pour un oiseau de nuit, caril est rare de le voir le jour; mais aussitôt que le soleil est couché, il sort des glaïeuls et des roseaux pour gagner les bords dé- couverts des étangs, où il barhote et « EU CANARD © patüure comme le reste des canards. On auroit de la peine à dire à quoi il s’oc- cupe pendant le jour ; il est trop diffi- cile de l’observer sans être vu de lui : mais 1l est à présumer que, quoique caché parmi les roseaux , il ne passe pas son temps à dormir ; on en peut Juger par les gingeons privés , quine paroissent chercher à dormir pendant le jour que comme les autres volailles, lorsqu'ils sont entièrement repus. | « Les gingcons volent par bandescomme les canards, même pendant la saison des amours. Cet instinct qui les tient attroupés paroît inspiré par la crainte; et lon dit qu’en ect ils ont toujours, comme les oies, quelqu'un d'eux en vedette, tandis que le reste de la troupe est occupé à chercher sa nourriture. Si cette sentinelleappercoit quelquechose, elle en donne aussitôt avis à la bande par un cri particulier, qui tient de la cadence ou plutôt du cheyratement. À l'instant tous les gingeons mettent fin à leur babil, se rapprochent, dressent la tête, pretent l’œil et l’orcille. Si le je "35 LT 806 HISTOIRE NATURELLE « bruit cesse, chacun se remet à la pâ= « ture; mais si le signal redouble ct an- « nonce un véritable danger , l'alarme est « donnée par un cri aigu. et percant , et « tous les gingeons partent en suivant le donneur d’avis , qui prend le premier « sa volée. « Le gingeon est babillard : lorsqu'une « bande de ces oiseaux paît ou barbote, rott-kopf, rett-hals, comme le mil- louin. , L | J ‘ * ‘#8 LÀ Ga HISTOIRE NATURELLE ou noir âtre qui, sur le ve tre, est légè- rément ondé ou nué de gris; ñ y a du blanc aux flancs et aux épaules, et le dos. est d’un gris brun; le Bec Mrs de l œil sont d’un rôuge de vermillon. Cette espèce, quoique moins commune que celle du canard siflleur sans huppe, a été vue dans nos climats par plusieurs observateurs. | DU CANARD. 313 à | LE SIFFLEUR À BEC ROUGE ET NARINES JAUNES *. Apparemment que cette dénomi- nation de s/#/eur est fondée dans cette espèce, comme dans les précédentes, sur 1e sifflement de ia voix ou des ailes. Quoi qu'il en soit, nous adoptons, pour la distinguer, la dénomination de siffeur au bec rouge qu'Edwards fui a donnée, en. y ajoutant les zarines jaunes, pour le sé- parer du précédent, qui a aussi le bec rouge. Ce siffleur est d’une taille élevée, mais pas plus grosse que celle de la mo- relle. Sans être paré de couleurs vives et brillantes, c’est dans son genre un fort bel oiseau : un brun marron étendu sur le dos y est nué de roux ardent ou orangé foncé; le bas du cou porte la méme teinte, * Voyez les planches enluminées , n° 826, sous la dénomination de canard siffleur de Cayenne. 27 814 HISTOIRE RATORÉELE qui se fond dans du gris sur la Site : les couvertures de l'aile, avées de rons- sâtre sur les. épaules, prennent cité un cendré clair, puis un blanc pur; ses peunes sont d’un brun noirâtre, et les plus grandes portent du blanc dans leur milieu du côté extérieur; le ventre et la queue sont noirs ; la tête ekt coiffée d’une calotte roussâtre, qui se prolonge par un long trait noirâtre sur le haut du cou; tout le tour de la face et la gorge sont en plumes grises. Cette espèce se trouve dans l'Amérique septentrionale, suivant M. Brisson : néan- moins nous l'avons recue de Cayenne. * DU CANARD. \ 3x5 ta. HE. NE LE SIFFLEUR À BEC NOIR * . X% | LR Novs adoptons encore ici la dénomina- tion d'Edwards, parce que l'indication de , climat, donnée dans nos planches enlu- xninées et dans l'ouvrage de M. Brisson, ne peut servir à distinguer cette espèce, non plus que la précédente, puisqu'il paroît que toutes deux se trouvent éga-. lement dans l'Amérique septentrionale et aux Antilles. Les jambes et le cou, dans ces deux espèces, paroissent proportion- nellement plus alongés que dans les au- tres canards : celui-ci a le bec noir ou noirâtre ; son plumage, sur un fond brun, , est nué d'ondes roussâtres ; le cou est moucheté de petits traits blancs; le front et les côtés de la tête, derrière les yeux, * Voyez les planches enluminées, n° 804, sous Ja dnomination de canard siffleur de Saint- Doiningue, 07. 7 à » , tt hs im) Ris D FE . … . x \ ’& : ' Fe n 41" 4 ‘ + , 36 HISTOIRE NATURELLE sont teints de roux; et les plumes noires | du sommet de la tête se portent en ar- rière en forme de huppe. Suivant Hans Sloane, ce canard, qui se voit fréquemment à la Jamaïque, se perche et fait entendre un sifflement. Bar- rère dit qu’il est de passage à la Guiane, qu'il pâture dans les sayanes , et qu'il est excellent à manger. : AUS SON. Ce des Tac & . L De da . À n° NS A2 V VAT CE è is ie £ RUES 4 y ; 2 DRE tps tonte dedunt on time can op sun Agé ain rer miréten ac En isén mon n MR te ne ER + LOUE Poe A © : 2 AE f M 1 LE CHIPEAU ou RIDENNE Zee LT Lie D) F DU CPAUN AR D: 0!" 3 LE CHIPEAU, O UÙU LE RIDENNE* 4 4: Ld f ‘ ® Lz canard appelé chipeau n'est pas si grand que notre canard sauvage. Il a la tête finement mouchetée et comme pi- quetée de brun noir et de blanc; la temte noirâtté dominant sur le haut de la tête ct le dessus du cou ; la poitrine est ri- chement festonnée ou écaillée, et le dos et les flancs sont tous vermiculés de ces ux couleurs ; sur l'aile sont trois taches _ ou bandes, l’une blanche, l’autre noire, £t la troisième d’un beau marron rou- geâtre. M. Baillon a observé que de tous * Voyez les planches enlumimées, n° 058. Sappele ridelle où ridenne , en Picardie; en anglois, gadwal ou gray ; en nd. schnarr ou schnerr-endte , schnatier=endie, et pat quel- ques uns, /einer, 27 +) ” > 38 HISTOIRE NATURELLE "UN | les ue le chipeau est celui qui con- serve Île dite long-temps les belles cou- leurs de son plumage , mais qu’enfin il prend, comme les autres, une robe grise après la saison des amours. La voix de ce canard ressemble fort à celle du canard sauvage; elle n’est ni plus rauque ni plus bruyante , quoique Gesner semble vouloir le distinguer et le caractériser par le nom d’enas strepera ; et que :ce nom ait été adopté par les ornithologistes. Le chipeau est aussi habile à plonger qu'à nager ; il évite le coup de fusil en s’enfonçcant dans l’eau. Il paroît craintif et vole peu durant le jour ; il se tient tapi dans les jones, et ne cherche sa nourriture que de grand matin ou le soir , et même fort avant dans la nuit : on l'en tend alors voler en compagnie des sil. fleurs ; et comime eux, il se prend à.lPap- pel des canards privés. « Les canards « chipeaux, que nous appelons ridennes, « dit M. Baillon , arrivent sur nos côtes «.de Picardie au mois de novembre , « par les vents de nord-est ; et lorsque « ces vents se soutiennent pendant quel- L ie. j # DU CANARD. 319 «ques jours , ils ne font que passer et ne « séjournent pas. Dès la fin de février , « aux premiers vents de sud, on les voit « repasser retournant vers le Nord. « Le mâle est toujours plus gros et plus « beau que la femelle : il a , comme les « canards millouins et siffleurs mâles, le « dessous de la queue noir, et dans les « femelles cette partie du plumage est « toujours de couleur grise. ; « Elles se ressemblent même beaucoup « dans toutes ces espèces ; néanmoins un peu d'usage les fait. distinguer. Les fe- melles chipeaux deviennent fort rousses «“ en vieillissant. À ñ « Le bec de cet oiseau est noir; ses pieds « sont d’un jaune sale d’argille , avec les «membranes noires, ainsi que le dessus « des jointures de chaque article des « doigts. Le mâle a vingt pouces du bec « à la queue , et dix-neuf pouces jusqu’au « bout des ongles ; son vol est de trente « pouces. La femelle ne diffère que d’en- « viron quinze lignes dans toutes ses di- « IMeENSIONS. « Je nourris dans ma cour, depuis plu- 5h 520 HISTOIRE NA’ FF L « « « & « « < # « &« À L< La) < Le) À À « €« URELLE sieurs mois, continue M. Baillon, deux chipeaux mâle ét femelle ; ils ne veulent pas manger de grain,etne vivent que da son et de pain détrempé. J'ai eu de même des canards sauvages qui ont refusé le grain ; Jeu ai eu d’autres qui ont vécu d'orge dès les premiers jours de leur captivité. Cette différencé vient , ce me semble , des lieux où ces oiseaux sont nés : ceux qui viennent des marais inha- bités du Nord, n’ont pas dû connoître l'orge‘ét le blé ; et il n’est pas étonnant qu'ils refusent , sur-tout dans les pre- miers temps de leur détention , une nourriture qu'ils n’ont jamais connue : ceux au contraire qui naissent en pays cultivé , sont menés la nuit dans les champs par les pères et mères , lorsqu'ils ne sont encore que halbrans; ils y man- gent du grain, et le connoissent très- bien lorsqu'on leur en offre dans la basse-cour , au lieu que les autres s’y laissent souvent mourir de faim, quoi- qu'ils aient devanteux d’autres volailles qui rainassantle grain , leur indiquent l'usage de cette nourriture. » \ AO VMS e DU CANARD, Sr PASOUCHET, ou LE ROUGE*. L £ souchet est remarquable par son grand et large bec épaté , arrondi et di- laté par le bout, en manière dewuiller; ce qui lui a fait donner les dénominations de canard cuiller | canard spatule, et le. surnom de platyrhinchos , parlequel il est désigné et distingué chez les ornitholo- gistes parmi les nombreuses espèces de son genre. Il est un peu moins grand que le canard sauvage. Son plumage est riche en couleurs , et il semble mériter l’épi- . Voyez les planches enluminées, n° 971, eË u° 972, sa femelle. En Picardie, rouge, rouge à la cuiller; en aunglois , schoveler ; en allemand , breit-schnabel, schall-endtle, schilient, schild-endile ; et par quelques uns, faesehenmul, 32 HISTOIRE NATURELLE _thète de très-beau que Ray lui donne : la tête et la moitié supérieure du cou sont d’un beau verd ; les couvertures de l’aile près de Dépeulé sont d’un bleu tendre ; les suivantes sont blanches, et les der- nières forment sur l'aile un PAPE verd bronzé ; les mêmes couleurssearquent , mais plus foiblement , sur l’aile de la fe- melle , qui, du reste, n’a que des couleurs obscures d’un gris blanc et roussâtre , maiilé et festonné de noirâtre ; la poitrine et le bas du cou du mâle sont blancs, et tout le dessous du corps est d’un beau roux ; cependant il s’en trouve quelque- fois à ventre blanc. M. Baillon nous as- sure que les vieux souchets, ainsi que les vieux chipeaux, conservent quelquefois leurs belles couleurs, et qu'il leur vient des plumes colorées en même temps. que les grises , dont ils se couvrent chaque année après la saison des amours; et i} remarqué , avec raison , que cette singu- larité dans les souchets et les chipeaux a pu tromper et faire multiplier , par les nomenclateurs , le nombre des espèces de ces oiseaux : il dit aussi que de très- DU CANARD. 333 Vieilles femelles qu'il a vues, avoient, comme le mâle, descouleurs sur les ailes; mais que, durant leur première année d'âge, ces femelles sont toutes grises : du reste , leur tête demeure toujours de cette couleur. Nous devons encore placer ici les bonnes observations qu'il abien voulu nous communiquer sur le souchet en par- ticulier. « La forme du bec de ce bel oiseau ; « dit M. Baillon , indique sa manière de « vivre : ses deux larges mandibules ont « les bords garnis d’une espèce de dente- « lure ou de frange , qui, üne laissant « échapper que la boue, retient les ver- « misseaux et les menus insectes et crus- « tacées qu'il cherche dans la fange au « bord des eaux ; il n’a pas d'autre nourri- « ture *. J'en ai ouvert plusieurs fois vers « la fin de l’hiver et dans Îles temps de « gelée ; je n’ai point trouvé d'herbe dans « leur sac , quoique le défaut d'insectes * Il faut y joindre les mouches, que le souches attrape adroitement en voltigeant sur l'eau; d’où ui viennent les noms de muggent et d’anas rrus- caria que lui donne Gesner: {à 324 HISTOIRE NATURELLE « eût dû les forcer de s’en nourrir : on ne « les trouve alors qu’auprès des sources; « ils y maigrissent beaucoup ; ils se refont «au printemps en mangeant des gre- nouilles. | « Le souchet barbote sans cesse , prin- cipalement le matin et le soir, et même fort avant dans la nuit. Je pense qu'il « voit dans l'obscurité , à moins qu’elle « ne soit absolue. Il est sauvage et triste; « on l’accoutume difficilement à la domes- « ticité ; ilrefuse constamment le pain et « le grain : J'en ai eu un grand nombre « quisont morts après avoir été embéqués « long -temps , sans qu’on ait pu leur. « apprendre à manger d'eux-mêmes. J’en « ai présentement deux dans mon jardin; «Je les ai embéqués pendant plus de « quinze Jours : ils vivent à présent de « pain et de chevrettes, dorment presque « tout le Jour, et se tiennent tapis contre « les bordures des buis; le soir, ils trot- « tent beaucoup, et se baignent plusieurs « fois pendant la nuit. Il est fâcheux « qu’un aussi bel oiseau n'ait pas la gaieté « de la sarcelle ou du tadorue, et ne. a A A BU CA N AIR D: 1 3% « puisse devenir un habitant de nos basses- « COUTS. « Les souchets arrivent dans nos can- « tons vers le mois de février ; ils se ré- « pandent dans les marais , et une partie «y couve tous les ans : Je présume que « les autres gagnent le Midi, parce que «ces oiseaux deviennent rares ici après « les premiers vents de nord qui souflent «en mars. Ceux qui sont nés dans le pays «en partent vers le mois de septembre. & Il est très-rare d’en voir pendant l'hiver; « sur quoi Je Juge qu'ils craignent et fuient « le froid *. «Ils nichent ici dans les mêmes endroits « que les sarcelles d’été ; ils choisissent, « comme elles, de grosses touffes de joncs « dans des lieux peu praticables , et s’y « arrangent de même un uid : la femeile « y dépose dix à douze œufs d’un roux un « peu pâle. Elle les couve pendant vingt- « huit à trente Jours, suivant ce que _= L LE CANARD A LONGUE QUEUE Rhin à: DE TÉRRE-NEUVE* RTE es. dr Cr canard , très-différent du précédent par le plumage, n’a de rapport avec lui “que par les deux longs brins qui de même lui dépassent la queue. La figure coloriée que donne Édwards de cet oiseau, présente des teintes brunes sur Îles parties du plumage où le canard nommé de Miclon dans nos planches en- luminées , a du noir. Néanmoins on re- counoît ces deux oiseaux pour être de la même espèce, aux deux longs brins qui dépassent leur queue, ainsi qu’à la belle distribution de couleurs : le blanc couvre la tête et le cou jusqu’au haut de la poi- trine et du dos; il y a seulement une * Voyez les planches enluminées, n° 1008, sous . le nom de canard de Miclon. MU: C'AN A RiD.: 11 335 bande d’un fauve orangé, qui descend depuis les yeux le long des deux côtés du cou: le: ventre, aussi-bien que deux fais- ceaux de ducs longues et étroites, cous chées entre le dos et l'aile, sont du même blanc que la téte et le cou; le reste du plumage est noir, aussi-bien que le bec; les pieds sont d’un rouge noirâtre, et on remarque un petit bord de membrane qui règne extérieurement le long du doigt intérieur, et au-dessous du petit doigt de derrière. La longueur des deux brins de la queue de ce canard augmente sa di- mension totale ; mais à peine dans sa gros- seur égale-t-il le canard commun. Edwards seupconne, avec toute appa- rence de raison , que son canard à longue queue de la baie d’ Hudson est la femelle de celui-ci: la taille, la figure et même le plumage, sont à peu près les mêmes; seu- lement le dos de celui-ci est. moins varié de blanc et de noir, et en tout le PAEBe est plus brun. Cet individu, qui nous paroît être la femelle, avoit été pris à la baie d'Hudson, et l’autre tué à Terre-Neuve; et comme 336 HISTOIRE NATURE la même espèce se recounoît dati 1 velda des Islandois et de Wor he 4 paroït que cette espèce est, on. : pas sieurs autres de ce genre, habitanee dés terres les plus reculées du Nord.'Ælle se retrouve à la pointe nor ‘d-est de l'Asie; 7 car on la reconnoît dans le’ sawhi des Kamtchadales, qu'ils appellent aussi #idn- gitch, ou acangitch, c’est-à-dire, diacre, parce qu l'ils trouvent que cecanard chante comme un diacre russe : d’où il paroît qu'un diacre russe CHAME"e comme ui Ca- nard. | Fin du tome div-septième. L< FABLE Des articles contenus dans ce volume, L ES goélands et les mouettes, page 5. Le goéland à manteau noir, 20. Le goéland à manteau gris, 22+ Le goéland brun, 25. Le goéländ varié, ou le grisard, 30. Le goéland à manteau gris-brun, ou le bourg- mestre , 36. Le goéland à manteau gris et blane, 40. La mouette blanche, 42. La mouette tachetée, ou le kutgeghef 44. La grande mouere cendrée, ou mouette à pieds bieus, 46. La petlie mouette cendrée, 51. | * La mouette rieuse, 55, La mouette d hiver , Go. Le labbe , ou le stercuraire , 64. Le labbe à longue queue , 7x. L’anhinga, 74. L’anbinga roux, 81. Le bec-en-ciseaux,, 63. Le noddi, 00. L’avocetie, 04. Le coureur, 101. 338 TABLE Le flammant si le phénicopière, "ob Fe Le cygne, 125. : Loic, 1567 + ARTE L’oie des terres Magellaniques, 200; L’oie des îles Malouines ou Falkland, 200. L’oie de Guinée, 206. | 2TEL ‘ L’'oie armée, 210. _ L’oie bronzée, 212 L'oie d'Égypte, 214 53 . L’oie des Esquimaux, 216: L'oie rieuse, 217. L'oie à cravate, 219 Le cravant, 224. La bernache, 230. L’eider., 238. Le canard, 240. Le canard musqué ; 2004 Le canard siffleur , et le vingeon ou singeon 296. Le siffleur huppé, 3rx. Le siffleur à bec rouge et uarines jaunes, 313. . Le siffleur à bec voir, 315. Le chipeau, ou le ridenne, 317. Le souchet, ou le rouge, 327. ES! Le pilet, ou canard à longue queue, 330. Le canarë à longue queue de Terre-Neuve, 334 \ E L’IMPRIMERIE DE PLASSAN, .; ET 4} A? 5 di 1" Mi se CA