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GRANDIDIER ———0 VOLUME V HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE PAR GUILLAUME GRANDIDIER TOME PREMIER DE LA DÉCOUVERTE DE MADAGASCAR A LA FIN DU RÈGNE DE RANAVALONA re (1861) PARIS IMPRIMERIE PAUL BRODARD à COULOMMIERS (Seine-et-Marne) MDCCCCGXLII | CNET | (LPS N EIRE EAP REN HET # HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE DE MADAGASCAR LIVRE PREMIER DÉCOUVERTE DE MADAGASCAR CHAPITRE I MADAGASCAR DANS LES TEMPS ANCIENS Les Chaldéens, les Juifs et les Arabes qui, dans un but de commerce, ont fréquenté dès l’antiquité la plus reculée la côte orientale d'Afrique, aussi loin, sinon plus loin que Sofala, ont certainement visité l’archipel des Comores et Madagascar. Il est probable également que les Grecs ont eu, dès le commencement de l’ère chrétienne, connaissance de l’île que nous nommons Madagascar &) et qu’ils décrivent (du côté de l'Ouest) comme « une terre basse, couverte d'arbres et d’arbrisseaux et arrosée par de nombreuses rivières peuplées de crocodiles, et où l’on trouve de grosses tortues ». Au moyen âge (?),les Arabes qui, poussés par le fanatisme musulman, ont, après la mort de Mahomet, entrepris la conquête religieuse de l’Asie et de l’Afrique ®), donnant un grand essor à la géographie de ces régions, (1) Voir le vol. I. Histoire de la Géographie gascar des Arabes, le chap. 11 de l’Ethno- de Madagascar, p. 1-11. graphie de Madagascar, relatif aux immigra- (2) Hist. de la Géo. de Mad., p. 11-22. tions sémites, t. I, p. 96-165, et le chap. IV, 3) Voir, au sujet des immigrations à Mada- relatif aux immigrations indiennes, p. 165-169. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. ‘il 2 MADAGASCAR. en ont parlé dès le xe siècle ® sous le nom de Djafouna, ainsi que des îles dénommées aujourd’hui Comores dont l’une d’elles, Kanbalou (probablement Anjouan), était depuis longtemps déjà habitée par des Arabes. Edrici décrit exactement les îles Zanedj(®, les îles Comores, et dit que l’une d’elles, la grande île de Chezbezat (Madagascar) a 1,200 milles de circonférence et qu’on y trouve des perles, des cannes à sucre, des arbres à camphre et des aromates (des arbres à gomme et du santal). Marco Polo, le célèbre voyageur vénitien, est, comme l’on sait, le premier qui a parlé d’une île nommée Madagascar, île qui n’est autre que l’îlot de Mogdicho et le pays limitrophe, situés sur la côte orientale d'Afrique; en 1492, Martin Behaim sur la foi de Marco Polo, les a figuré sur son globe, comme une grande île au Nord de Zanzibar (4. C’est le voyageur portugais Pierre de Covilham, que le roi Dom Juan avait envoyé, en 1487, en Orient pour s’enquérir des pays producteurs d'épices, qui eut à Sofala, en 1489, connaissance d’une île nommée « La Lune »(5), qui était fort riche et spacieuse, ayant plus de 900 milles de circonférence » et a pour la première fois, signalé son existence en Europe (5). (1) D'abord Macoudi, qui a visité Kanbalou (l’une des Comores) et qui parle de Djafouna (Madagascar), puis le grand géographe Edrici en 1153, et de nombreux autres auteurs, mais qui n’ont fait que répéter ce qu'avait dit Edrici. Jusqu'à la fin du xve siècle, les géographes européens l’ont aussi copié avec quelques variantes de peu d'importance, souvent même en y faisant des modifications malheureuses qui ont gâté l’œuvre de leur devancier. () El-Andjiyah (Anjouan), Kermoha (Mo- héli) et une avec un Djebel en-mar, une mon- tagne de feu, un volcan (la Grande Comore). Ces îles sont d’ailleurs représentées sur la carte d’Edrici, ainsi que Chezbezat (Madagascar), d’une façon toute fantaisiste (Hist. de la Géo- graphie de Mad., pl. I.) (3) Identification longtemps discutée, mais que les récentes recherches de M. P. Pelliot sur Marco Polo confirment. (4) Hist. de la Géog. de Mad., p. 24-32. (o) Les habitants du Sud-Est de l’Afrique donnaient aux îles situées auprès de leur conti- nent, si remarquables par le volcan de Ngazidya ou de la Grande Comore, le nom de Komoro, qui ne vient pas du mot arabe Kamar, Lune, comme l’ont admis les anciens géographes, mais des deux mots Xo-Moro qui, dans la langue des indigènes du Mozambique, signifient : « où il y a du feu ». (Voir la note (3) de la page 15 et la notule (a) de la page 38 de l’Hist. de la Géog. de Mad.). (6) FERNANDO LOPES DE CASTANHEDA, His- toria de los descobrimentos e Conquista da India pelos Portuguezes, t. I, p.3-4, et JEAN TEM- PORAL, De l'Afrique, t. III, 1830, p. 419-424. — C’est vraisemblablement en se référant à cette mention que certains auteurs, comme Lamartinière, géographe de Philippe V (dans son Dictionnaire de 1741), par exemple, disent que l’île de Madagascar a été découverte en 1492, le jour de la Saint-Laurent. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE 3 Jusqu'au xvie siècle, et même jusqu’au xvn®, les habitants de Mada- gascar étaient divisés en groupes familiaux indépendants les uns des autres, en clans dont les membres très unis, car leur sécurité n’était qu’au prix de cette union, vivaient sous le régime patriarcal, ayant pour chef l'héritier légitime de l’aïeul commun et observant religieusement les commandements et les prescriptions des ancêtres; l’amour du clan primait tout autre sentiment; la solidarité entre ses membres était complète et ils s’assistaient les uns les autres contre leurs ennemis, qu’ils eussent tort ou raison; ils étaient généralement en hostilité avec leurs voisins. Beaucoup de ces clans se désignaient par le mot zafy (litt. : descendants), suivi du nom de l’aïeul commun et le pouvoir du chef s’exerçait, à la manière des patriarches, sur tous ceux qui descendaient de la même souche que lui, qui lui étaient unis par la communauté d’origine; ces chefs étaient tout à la fois les chefs temporels et les chefs spirituels, les pontifes de la famille; ils avaient une autorité arbitraire sur tous ses membres, des faits et des gestes desquels ils étaient respon- sables, les enfants dépendant plutôt d’eux que de leur père; néanmoins, les rapports des parents et des enfants étaient basés sur une affection mutuelle, car l’affection des parents pour leurs enfants, comme celle des enfants pour leurs parents, était très remarquable : c’est un des beaux traits du caractère des Merina et même de tous les Malgaches. C'étaient d'ordinaire les frères qui succédaient aux frères, l'héritage au droit de commandement revenant, conformément au droit patriarcal, au plus proche parent de l’aïeul commun qui, lorsque le chef mort avait un frère puîné, était ce frère; cette règle répondait du reste, aux besoins de ces clans dont les habitudes de guerre et de pillage nécessitaient la présence à leur tête de chefs capables de commander et d’inspirer le respect; suivant un de leurs proverbes : « Un pays sans vieillards est un pays maudit, un pays perdu. » Il y avait bien, sur les côtes Nord-Ouest et Nord-Est, quelques villes où s'étaient établis dès le x£, et peut-être dès le 1x£€ siècle, des émigrés arabes ou persans(), mais c’étaient des centres commerciaux qu'ont (4) Voir le chap. 11 du t. I de l’Ethnographie de cette Histoire de Madagascar, p. 96-165. 4 MADAGASCAR. découverts et visités les premiers marins portugais qui, en allant aux Indes, ont, dès 1500, par les hasards de la navigation, découvert l’île de Madagascar. C’est aussi vers cette époque que divers immigrants, les uns ayant quitté dès longtemps l'Arabie à la suite de dissensions religieuses comme les Zafin-dRaminia, les autres, jetés sur la côte par des naufrages ou amenés par le courant sud-équatorial, comme les Antisaka et les Marose- ranana, de l’Inde, ou, comme les Andriana merina, de Java, ont peu à peu imposé leur autorité à quelques-uns de ces clans; une transforma- tion identique s’est opérée vers la même époque dans le reste de Mada- gascar, qui n’a plus été dès lors divisé en groupes familiaux, mais en une vingtaine de peuplades. CHAPITRE IT HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE L'ILE DE MADAGASCAR AU XVIe SIÈCLE Après que Vasco de Gama eût tenté et réussi en 1497 son voyage, par mer, d'Europe aux Indes, quelques navigateurs suivant cette nouvelle route, ont été, par le hasard des vents et des courants, écartés de la côte Sud-Est d'Afrique et ont découvert l’île de Madagascar. Le premier Européen) qui a vu cette terre est Diogo Dias, l’un des capitaines des treize navires de la flotte de Pedraluarez Cabral(®?), qui se rendaient du Portugal dans l’Inde; séparé de ses compagnons dans les parages du cap de Bonne-Espérance par une violente tempête, il ne suivit pas comme eux la côte de Mozambique, mais longea la côte orientale d’une grande île 5) à laquelle il donna le nom de San Lorenzo, de Saint-Laurent, parce que c’est le 10 août, jour de la fête de ce saint, qu'il en eut la première vue. Il jeta l’ancre dans un port bien abrité et, ne voyant personne sur la plage, il envoya à la découverte un de ces condamnés que le roi de Portugal faisait mettre à bord des navires pour être jetés à l’aventure sur les terres inconnues et qui, en récompense de leurs services, pouvaient obtenir leur grâce. Cet émissaire entra dans (4) Voir à l’Appendice n° I, p.356, la liste des principaux marins et colons venus autrefois à Madagascar. (2) Tous les auteurs attribuaient la découverte de Madagascar à Fernan Soares, qui a aperçu cette île le 1er février 1506; c’est A. GRAN- DIDIER qui, dans une note à l’Académie des Sciences sur les cartes de Madagascar, a rectifié l'erreur commise jusque-là (Comptes rendus du 3 mars 1884, p. 52). Voir t. I de la Collection des Ouvrages anciens concernant Madagascar, par A. et G. GRANDIDIER, p. 3-9, avec la pre- mière carte de cette île par Cantino en 1502. — Voir à l’Appendice n° I la liste des principaux atterrissages des Européens sur les côtes de Madagascar aux XVI® et XVII siècles. (3) Ge n’est qu'après avoir doublé le Cap Nord, le Cap d’Ambre, et mouillé dans l’une des baies du Nord-Ouest, qu'il connut que c'était une île. 6 MADAGASCAR la brousse et y trouva quelques paillottes habitées par des noirs tout nus avec lesquels il communiqua par signes, et dont quelques-uns l’accom- pagnèrent à bord pour y vendre des poules, des ignames et des fruits sauvages en échange de couteaux, de miroirs, de verroteries, etc. Les Portugais restèrent assez longtemps dans ce port, mais, plusieurs étant morts de la fièvre, ils mirent à la voile et atterrirent au Nord de MalindiU). En août 1503, Alfonso de Albuquerque à passé dans l'Est de Mada- gascar en se rendant du cap de Bonne-Espérance dans l'Inde) et, un peu plus tard ia même année, Diogo Fernandes Peteira, qui commandait un des navires de la flotte d’Antonio de Saldanha, en a suivi toute la côte orientale, prenant les plus grandes précautions et, chaque soir, jetant l’ancre. Comme son équipage était décimé par la maladie et que l’eau manquait, il se décida à passer l’hivernage dans une baïe où il y avait de la bonne eau et du poisson en abondance, et où il demeura jusqu’au mois d'août 1504, attendant les vents favorables pour aller à Cochin 6). L’amiral Fernan Soares ayant trouvé des vents contraires dans l'Océan Indien, en 1506, en revenant de Cochin avec huit navires chargés d’épices, (1) GASPAR CORREA, As lendas da India (Les légendes de l'Inde) t. I, p.153; J0AO DE BARROS, Da Asia portuguesu, t. I, p. 395, et A. GRAN- DIDIER, Bull. du Comité de Madagascar, 1898, p. 529-531, et Revue de Madagascar, 1€r sem. 1902, p. 35. Au retour de Pedraluarez Cabral, cette île a été figurée, sous le nom de Co- morbimam (Comordiva, litt. île Comor), sur les planisphères dressés en 1502 par Canerio et Cantino (Voir t. I, Hist. de la Géo- graphie, pl. 5* et 5°). Un voyageur italien, Ludovico Verthema, qui a traversé le canal de Mozambique en 1508, dit que les Portugais seront bientôt les maîtres de Madagascar vu que, y ayant brûlé beaucoup de villes et de vil- lages, ils sont très craints des indigènes, et il ajoute : « D’après ce que j'ai vu en Asie eten Afrique, le roi de Portugal me semble devoir être le roi le plus riche du Monde s’il continue comme il a commencé, et il mérite certaine- ment une semblable récompense pour les grands efforts qu’il fait afin de répandre le christia- nisme à travers le Monde » (Appendice to Hakluyt’s Voyages, 1811). Dans la seconde moitié du XVIe siècle, après avoir doublé le Cap, les Portugais prenaient d’ordinaire pour aller aux Indes, comme c’était la règle dans la pre- mière moitié, le canal de Mozambique parce qu’ils pouvaient se ravitailler à Mozambique et s’y reposer, mais lorsque, partis trop tard d'Europe, ils ne pouvaient s’y arrêter, ils pas- saient à l'Est de Madagascar, mais la traversée était très pénible (Lettre écrite en 1584, HAKLUYT, Voyages, t. IT, 1625. (2) CoRREA, As lendas da India, t. I, p. 386, et A. et G. GRANDIDIER, Ouv. anc.conc. Mad., tome I, p. 5. (3) CORREA, As lendas da India, t. I, p. 418; A. GRANDIDIER, Revue de Madagascar, 1°T sem., 1902, p.36, et A. et G. GRANDIDIER, Ouvw. anc. conc. Madag., tome I, p. 10. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 7 fit une route différente de celle qu’on avait coutume de suivre et, le 1® février, il aperçut la terre de Madagascar. Le 7, comme il longeait la côte orientale en mer calme, il vit venir dix pirogues montées par des nègres armés de sagayes et de boucliers ainsi que d’arcs et de flèches; l’une d’elles accosta son vaisseau et les vingt-cinq hommes qu’elle portait montèrent à bord : on leur donna des étoffes et des vivres. Ils s’en allèrent si rapidement qu’on n’en put saisir aucun et, en s’éloignant, ils tirèrent sur les Portugais @) qui firent feu de leurs canons, mais sans les atteindre. Le capitaine d’un des deux navires qui accompagnaient l’amiral, en ayant connaissance, fit sauter plusieurs matelots dans les pirogues qui entou- raient son navire; effrayés, les indigènes se jetèrent à la mer et tentèrent de s'enfuir, mais les Portugais s’emparèrent de vingt et un d’entre eux et en blessèrent quelques autres. Continuant de suivre la côte et arrivé à l'embouchure d’une grande rivière, l'amiral s’y arrêta pendant quatre jours pour faire de l’eau; un matin, en débarquant, les matelots furent assaillis par des nègres qui leur lancèrent une grêle de flèches et en blessèrent un, mais les canons du navire en eurent vite raison. Il continua à longer la côte, qu'il croyait être celle de l’Afrique puisqu'il la suivait depuis dix-sept jours : tous les soirs au coucher du soleil se levait une forte brise accompagnée d’averses et de tonnerre : le 18 février, en vue du Fort-Dauphin, le tonnerre est tombé sur le vaisseau amiral sans faire grand mal. Le lendemain, ils ont atteint le cap Sud de cette terre après l’avoir, d’après les pilotes, suivie sur une longueur de 189 lieues. C’est alors seulement que Fernan Soares connut qu'il venait de côtoyer pendant si longtemps l’île de Madagascar. Il emmena à Lisbonne, où il arriva le 23 mai 1506, les Malgaches qu’il avait appréhendés et qui sont les premiers qui soient venus en Europe (1. (1) Ce ne sont certainement pas les Mal- (2) CASTANHEDA, Hist. descobr. da India, t. IT gaches qui ont commencé les hostilités; s’ilsse (édit. 1833), p. 72; MAJOR, The life of Prince sont sauvés si vite, c’est qu'ils ont vu qu’on vou- Henry of Portugal, édit. 1868, p. 415; A. GRAN- lait s'emparer d’eux et, lorsqu'ils se sont crus DIDIER, Revue de Madagascar, 17 sem. 1902, hors d’atteinte, peut-être se sont-ils servis de p. 36-37, et A. et G. GRANDIDIER, Our. anc. leurs armes. conc. Mad., tome I, p. 10-13. 8 MADAGASCAR. Cette même année 1506, trois navires de la flotte de Tristan da Cunha séparés des autres navires pendant une tempête, longèrent la côte orien- tale de Madagascar; arrivés à Mozambique, où hivernait l’amiral, le commandant de l’un d’eux, Manoel Teles de Meneces ©), et le commandant d’un autre, Jean Rodrigues Pereira da Coutinho, qui avait atterri dans le Sud-Est, à Matitanana, et s'était emparé de deux indigènes ayant aux bras des manilles d’argent, lui dirent qu’il y avait dans cette île beaucoup de gingembre, de girofle, d'épices diverses et d’argent. A cette nouvelle, Tristan da Cunha ®) se résolut, au lieu d’attendre à Mo- . Zambique l’époque favorable pour aller dans l'Inde, c’est-à-dire l’établis- sement de la mousson du Sud-Ouest, à partir à la découverte de ces richesses et, au commencement de décembre 1506, il fit voile pour Mada- gascar avec sept navires(®, emmenant un musulman de Mozambique, nommé Bogima, qui connaissait cette île et en parlait la langue. Les Portugais touchèrent d’abord, le 8 décembre, à la baïe de Boina 6), où il y avait une grande ville arabe. Bogima, qui était descendu à terre pour préparer les voies à l’amiral, fut maltraité par ses compatriotes qui lui reprochèrent d'amener des chrétiens dans le pays, et il ne dut son (1) Cette flotte, qui comprenait 14 navires Pereira da Coutinho, d’Antonio da Campo, de et 1,300 soldats, est partie de Lisbonne le 6 mars 1506 (BARROS). (2) Qu'il appela, le 10 août 1506, Bahia for- mosa, Belle baie, nom que cette rade ne mérite certainement pas. Voir A. et G. GRANDIDIER, Ouv. anc. conc. Mad., t. I, p. 13. (3) Camoëns a consacré les vers suivants à Tristan da Cunha, qu’il considère à tort comme ayant découvert Madagascar. De Saë-Lourenco-vé a ilha affamada Que Madagascar he d’alquns chamada. Serà seu nome em todo o mar que lava As îlhas do Austro, e praias, que sa chamam De Saô-Lourenço, e em todo 6 Sul se affamam ! (Os Lusiadas, X, 137 et 39). (4) C’étaient, en outre du navire amiral, ceux de Jean Gomes d’Abreu, de Jean Rodrigues Fr. da Tavora, de Tristan Alvarez et d’Alfonso de Albuquerque. « En débarquant dans le Nord- Ouest, écrit de Mozambique, le 2 février 1507, Alfonso de Albuquerque au roi Dom Manoel, nous avons trouvé un village arabe dont les habitants se sont immédiatement enfuis et où il y avait une assez grande quantité de vivres; nous les avons pris et nous avons mis le feu au village. Dans un bois voisin, nos soldats ont tué plusieurs de ces Maures qui s’y étaient cachés et ont amené quelques femmes au Capitaine- major qui les a renvoyées à terre. » (A. et G. GRANDIDIER, Ouvrages anciens concernant Madagascar, t. II, p. 519). (5) Les uns ont donné à cette baie le nom de Bahia de Dona Maria da Cunha, dame d’hon- neur de la reine et fiancée au fils de l’amiral, et d’autres celui de Bahia de la Conceiçao, parce que le 8 décembre est le jour de la fête de l’Immaculée Conception. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. o salut qu’à ce que, voyant du bord le péril où il était, on tira des coups de fusil qui forcèrent les assaillants à quitter la plage. Les Portugais descendirent alors à terre et poursuivirent les habitants dans la brousse; ils en tuèrent plusieurs et emmenèrent à bord quelques femmes qu'ils relâchèrent ensuite. Après avoir fait mettre le feu à la ville, Tristan da Cunha longea la côte et arriva à Nosy Manja, îlot situé à l’entrée de la baie de Mahajamba (. Cet îlot, où résidait le roi du pays et qui n’était qu'à une portée d’arbalète de la terre ferme, était très peuplé; il y avait une petite mosquée et beaucoup de maisons étaient en pierres et en chaux et surmontées d’une terrasse (2). Voyant que les habitants quittaient la ville, l’amiral fit placer deux chaloupes à l’entrée du chenal, avec l’ordre de couper la route à ceux qui tenteraient de gagner la terre ferme, puis il embossa ses navires devant la ville et fit débarquer les équipages. Les Arabes, voyant ces préparatifs, furent pris de panique et la plupart, ne prenant pas garde aux chaloupes, qui commandaient le chenal, s’entas- sèrent pêle-mêle dans des pirogues qui, étant trop chargées, coulèrent; en très peu de temps, la mer fut couverte de plus de deux cents cadavres d'hommes, de femmes et d'enfants. Lorsque les Portugais mirent pied à terre, ils trouvèrent sur la plage beaucoup d’Arabes armés de sagayes et de boucliers, qui tentèrent de les empêcher de débarquer, mais ne tardèrent pas à s’enfuir; ils les poursuivirent et mirent la ville à sac, s’emparant de beaucoup d’or, d’argent et d’étoffes; car c’est à Langany, port de Nosy Manja, que les boutres de Malindi et de Mombaz viennent échanger les marchandises de l’Afrique, de l’Arabie et de l’Inde contre (1) La baïe de Mahajamba était appelée, aux XVIe et XVIIS siècles, par les Portugais Massa- lagem velha, par les Français Vieux Magelage ou Vieux Massailly, et par les Anglais Old Mathelage, noms qui dérivent du mot arabe moussalla (ltt. : où l’on s’assemble pour prier) ou qui ne sont peut-être qu’une corruption du nom de la baie de Mahajamba. Voici ce qu’en dit Gigault, capitaine du houcre le Petit Saint- Jean, en 1669 : « La baie du Vieux Masselage a été habitée autrefois par des Arabes dont on HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. voit encore les maisons de pierres et quelques mosquées; elle est belle et grande... A trois lieues en dedans, il y a une petite île sur laquelle nous trouvâmes un fort beau village bâti en pierres » (Remarques sur les principales baïes de l’île Dauphine, Fort Dauphin, 22 février 1670, Archives du Dépôt de la Marine, carton 1, pièce 26, et Du Bois, Voyage aux îles Dauphine, etc., 4672). (2) BARROS, Da Asia portuguesa, Décade II, liv. I, chap. 1. 2 10 MADAGASCAR. des esclaves et du riz. Ils firent plus de cinq cents prisonniers, presque tous des femmes et des enfants; il y avait à peineune vingtaine d'hommes. Le lendemain matin, ils virent venir un grand nombre de pirogues où il y avait environ 600 Arabes qui demandèrent en grâce qu’on leur rendît leurs femmes et leurs enfants, ce à quoi consentit Tristan da Cunha à condition qu’ils lui donneraient quelques bœufs et des vivres frais, ainsi que des renseignements sur les productions naturelles du pays. Ils lui apportèrent 50 vaches, 20 chèvres, du riz et du maïs en abondance et diverses espèces de fruits, et ils lui dirent que tous les habitants de l’île étaient des nègres et qu’il n’y avait de villes arabes que sur la côte, mais que, dans aucune, les maisons n'étaient aussi belles que dans la leur, ajoutant que le pays produisait un peu de gingembre, mais pas en quan- tité assez grande pour en charger des navires, et qu’on n’y trouvait ni girofle, ni argent, que toutefois on leur avait dit que dans le Sud-Est les habitants portaient des manilles de ce métal. Ces renseignements ne satisfirent pas Tristan da Cunha qui, du reste, ne les crut pas exacts. Il partit le lendemain pour la baie d’Anorontsanga et arriva en plein jour devant la ville de Sada. La population de cette baie était principa- lement composée d'esclaves africains, de Cafres, qui s'étaient enfuis des villes de Mombaz, de Malindi et de Magdichou; près de deux mille, armés de sagayes et de boucliers, ainsi que d’arcs et de flèches, se massèrent sur la plage afin de s’opposer au débarquement des Portugais, mais quelques coups de canons leur firent prendre la fuite et leur ville, qui n'était composée que de paillotes et de huttes, flamba de telle sorte que la montagne tout entière sembla être en feu. De la baie d’Anorontsanga, Tristan da Cunha vogua vers le Nord, naviguant le jour le long de la côte et jetant l’ancre la nuit. Le 25 décem- bre, il atteignit le cap d’Ambre, auquel il donna le nom de Cap Natal parce qu'il le vit le jour de Noël, mais les vents et les courants qui étaient contraires l’ayant empêché de le doubler il se décida à se séparer d’AI- fonso de Albuquerque, qui retourna avec trois navires à Mozambique d’où, le 8 février 1507, il écrivit au roi du Portugal Manoel pour lui parler de la découverte de l’île de Saint-Laurent : Tristan da Cunha continua HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 11 avec les quatre autres vers le Sud, pensant pouvoir de ce côté arriver plus facilement à Matitanana, où il espérait trouver les clous de girofle, le gingembre et l’argent dont lui avaient parlé Manoel Teles de Meneces et Jean Rodrigues Pereira. Le navire que commandait Pereira, et qui précédait les autres, échoua pendant la nuit sur un des nombreux îlots qui sont semés le long de la côte; aux cris poussés par les naufragés, Tristan da Cunha, comprenant qu’il y avait là des écueils, changea de route, mais, le matin, lorsqu'il ne vit plus les navires de Ruy Pereira et de J. Gomes d’Abreu, les croyant perdus tous les deux, il se refusa à continuer une navigation aussi dangereuse et regagna directement Mozambique; à la vérité la premier avait en effet naufragé, mais l’autre, comme nous le verrons plus loin, était sain et sauf. L’équipage du navire de Ruy Pereira procéda au sauvetage des objets les plus précieux, notamment du coffre où était renfermé l’argent destiné à l’achat des épices et des denrées coloniales; le maître, le pilote et treize matelots s'embarquèrent ensuite dans une chaloupe et gagnèrent Mozam- bique, d’où Tristan da Cunha les renvoya à bord de son navire, sous le commandement de Juan da Vega, pour lui rapporter les objets sauvés du naufrage). dre, mais qu'ils n’abandonnent pas les navires, de peur que les indigènes ne vinssent les piller (4) Le récit que fait de ce naufrage Gaspar Correa dans les As Lendas da India est différent. Le voici : « Alfonso de Albuquerque, après s’être approvisionné à Mozambique, est venu aux îles Comores où il a retrouvé Tristan da Cunha qui, depuis qu'il l'avait quitté, avait eu de grands déboires, ayant perdu les navires de Joao Rodrigues Pereira et de Ruy Mendes, qui avaient heurté contre un banc de corail. Le lendemain matin, Tristan da Cunha, qui voguait en avant, ne voyant pas venir ces Vaisseaux, mit en panne et attendit parce que, le vent étant contraire, il ne pouvait retourner en arrière, Les naufragés envoyèrent un homme par terre pour tâcher de joindre l’amiral qu’il trouva au bout de quatre jours et qui, à cause du vent contraire, ne pouvant aller à leur secours, leur fit dire qu'il allait directement à Mozambique d’où il leur enverrait des bateaux pour les pren- et brûler. De retour, le messager trouva les mâts coupés et, quoi qu'il leur dit, les naufragés cons- truisirent avec les planches du bordage des navires, des embarcations où ils amassèrent force biscuits, et les capitaines qui avaient un intérêt dans la cargaison s’entendirent avec les matelots afin qu'ils retirassent de l’eau les mar- chandises en plongeant, leur en promettant le tiers comme rémunération; trente-deux d’entre eux se mirent à la besogne et sauvèrent les coffres du roi qui contenaient, chacun 12,000 cruzades (environ 40,000 frs), ainsi que beaucoup de caisses de coraïi ouvré, mais treize moururent de l’excès de fatigue. Les embarca- tions ne pouvant tout contenir, on n’y mit, en outre des personnes, que les vivres, l’eau et l'or et l’argent, et on laissa les marchandises à 12 MADAGASCAR. Avant de quitter Mozambique pour l'Inde, Tristan da Cunha mit à bord du Santa Maria, qui retournait en Europe sous les ordres d’Antonio de Saldanha, les deux Malgaches du Matitanana que lui avait amenés Ruy Pereira et qui furent présentés au roi du Portugal, auquel fut en même temps remise la lettre où l’amiral lui donnait avis des renseigne- ments qu’il avait recueillis sur Madagascar. Quant à Jean Gomes d’Abreu, il avait réussi à doubler le cap d’Ambre et, après avoir longé la côte orientale de l’île, il avait jeté l’ancre à l’em- bouchure du Matitanana et y avait attendu l’amiral, dont il ignorait les décisions. De nombreuses pirogues avaient immédiatement entouré le navire, apportant du poisson et des cannes à sucre. Le maître, qui parlait plusieurs langues et entre autres l’arabe, descendit dans l’une d’elles pour décider quelques-uns de ces indigènes à monter à bord, mais elles partirent aussitôt et l’emmenèrent à terre. Abreu s’embarqua tout de suite avec 24 hommes dans une chaloupe qu’il arma de pierriers et se mit à leur poursuite; il n’était plus qu’à une demi-lieue de la côte, lorsqu'il vit revenir les pirogues avec le maître vêtu d’un pagne de coton à la mode du pays et portant des manilles aux poignets, des bagues aux doigts et, au cou, une grosse chaîne à laquelle étaient attachées trente cruzades, le tout en argent; c’étaient les cadeaux que lui avait faits le roi du pays : les Malgaches, en l’emmenant, n’avaient eu d’autre but que de montrer un blanc à leur roi. Abreu se décida alors à aller à terre et entra dans la rivière, mais une tempête qui s’éleva subitement l’empêcha pendant quatre jours de franchir la barre de l'embouchure et pendant ce temps, l'équipage du navire, qui craignait d’être jeté à la côte, mit à la voile et gagna l'Afrique, abandonnant Jean Gomes d’Abreu, qui mourut peu après de chagrin dans la maison du roi du lieu, qui lui avait donné une charitable hospitalité : des 24 matelots qui étaient à terre avec lui, 8 moururent de maladie et 13 se résolurent à se rendre à Mozambique, terre. Arrivés après beaucoup de souffrances à caravelle de Joao Pinheiro, qui était arrivé sur Mozambique, ces rescapés allèrent dans l’Inde, le lieu du naufrage douze jours après leur où le vice-roi leur alloua la part quileurrevenait départ; il y recueillit 40 naufragés qui se trou- dans ce sauvetage. Tristan da Cunha, aussitôt vaient encore là ainsi que lereste dela cargaison, à Mozambique, avait envoyé à leur secours la les canons, etc., et il retourna à Mozambique. » HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 13 préférant mourir en mer plutôt que de rester à terre comme leurs trois autres compagnons. Après avoir consolidé leur chaloupe, y avoir entassé des provisions et avoir rempli d’eau plusieurs bambous, ils partirent et, longeant la côte orientale, ils doublèrent le cap d’Ambre et s’arrétèrent dans l’une des baies du Nord-Ouest pour s’y approvisionner d’eau; ils y furent assaillis à coups de sagayes et de pierres par les indigènes et plusieurs furent blessés. De là, ils traversèrent le canal de Mozambique et furent recueillis aux îles d’Angoxa par Lucas da Fonseca, qui les mena dans sa caravelle à Mozambique, d’où ils gagnèrent GoaU). En 1507, Vasco Gomes d’Abreu partit de Sofala avec quatre navires, pour aller chercher à Madagascar les épices dont avait parlé au roi de Portugal Tristan da Cunha dans ses lettres envoyées par Antonio de Saldanha. On n’a jamais eu de nouvelles de ces navires qui ont certai- nement été perdus dans le cyclone qui a eu lieu dans le canal peu après leur départ (?). A la suite de ces voyages, le roi de Portugal Dom Manoel a écrit, le 25 septembre 1507, au pape Jules II, une lettre (% où il lui a annoncé la découverte d’une « grande île qui n’est pas inférieure à Ceylan et qu’ha- bitent des Sarrasins, île située sur la côte Est de l’Afrique et ayant une longueur de un million de pas( ». Dès que le roi Dom Manoel eut connaissance, par Antonio de Sal- danha et par les deux Malgaches qu’il avait amenés, des richesses qui existaient à Madagascar, il chargea Diogo Lopes de Sequeira d’aller explorer cette ile. Ce capitaine partit de Lisbonne en 1508; après 21-26. Voir A. et G. GRANDIDIER, Ouvrages anciens concernant Madagascar, t. I, p. 14-43 et 44-45. (2) CoRREA, loc. cit., t. I, p. 784; BARROS, loc. cit. déc. IT, liv. I, chap. VI, p. 89, et A. et (1) CORREA, As lendas da India, t. I, p. 662 et 665-668; Comentarios do Albuquerque, 1557 (édit. 1776), parte I, chap. VIIL, IX et X, p. 33- 43; BARROS, Da Asia portuguesa (édit. 1778), déc. IE, Liv. I, chap. 1, p. 7-18, et chap. vi, p. 87-88; CASTANHEDA, Hist. descobrim. por- tug., 1552 (édit. 1833), t. II, chap. XXX et XXXI, p. 101 et suivantes; MANOEL DE FARIA Y SOUSA, Asia portuguesa, t. I, p. 95, et JEROME OSORIO (HIERONYMUS OsoRiIUs), Da vida del Rey Dom Manoel, t. II, liv. V, p. G. GRANDIDIER, loc. cit., p. 43-44. (3) Epistola serenissima Regis Portugalensium ad Julium Papam secundum de victoria contra Infideles habitä. (4) Imprimé à Abrantes (Portugal), format in-40, 7 MADAGASCAR. avoir doublé le cap de Bonne-Espérance, par le travers des Medâos de Ouro (les Dunes d’or) il rencontra Duarte de Lemos, et fit route avec lui pour Madagascar. Surpris par une tempête, ils se réfugièrent le 4 août dans la baie de Ranofotsy (à 30 kilomètres O.-S.-0 du Fort-Dauphin), qu’ils nommèrent baie de Saint-Sébastien et où ils trouvèrent deux des trois mousses qui étaient venus l’année précédente avec Jean Gomes d’Abreu et qui étaient restés à terre, n'ayant pas voulu partir dans la chaloupe avec les treize matelots survivants. De là, Duarte de Lemos mit à la voile pour Mozambique et Diogo Lopes alla à Taolan- kara (le Fort-Dauphin actuel), qu'habitaient les descendants des matelots Goudjerats, qui avaient été jetés jadis sur cette côte par une tempête ou par les courants (®; il y rencontra le troisième mousse du navire d’Abreu : ce jeune homme, qui savait déjà le malgache, servit aux Portugais d’interprête avec le roi Andriamoma, de race arabe, mais ils n’obtinrent aucun renseignement satisfaisant au sujet du girofle, du gingembre et de l’argent. Diogo Lopes et Jeronimo Teixeira, qui y étaient aussi venus, ravitaillèrent leurs navires et firent voile vers le Nord. Le 12 août, jour de la Sainte-Claire, Diogo Lopes arriva à une île proche de terre, très peuplée, à laquelle il donna le nom de cette Sainte (c’est une des îles de Sainte-Luce) et où il prit encore des vivres. Poursuivant le 13 octobre son voyage d’exploration avec beaucoup de précautions à cause des nombreux îlots et hauts-fonds qui sont semés le long de cette côte, il arriva au royaume du Matitanana, où il espérait acheter du girofle et du gingembre; il y fut bien accueilli, mais n’y trouva rien : il apprit que les clous de girofle qu’on y avait vus et qui avaient induit en erreur Jean Rodrigues Pereira, provenaient d’une jonque de Java qui, ayant perdu sa route à la suite d’une tempête, avait été jetée sur cette côte et dont la cargaison avait été éparpillée sur la plage. Il y avait du gingembre, mais pas en assez grande quantité pour en charger (1) Les Voajiry, caste que les Zafin-dRaminia (Voir t. I, de l'Ethnographie cette Histoire de venus postérieurement dans le Sud-Est de Madagascar, p. 165-168). Madagascar reconnaissent comme tompon-tany, (2) D’après CASTANHEDA, Hist. de los desco- c’est-à-dire comme habitant le pays avant leur brimentos portug., t. II, p. 341-342. arrivée, sont les descendants de ces matelots HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 15 un navire, Car les gens du pays ne le cultivaient pas en grand; ils en plan- taient seulement quelques pieds pour les Arabes, qui aiment cette épice. Quelques indigènes de l’intérieur portaient des manilles d'argent, mais d’un argent très impur dont ils ignoraient la provenance. Deux matelots, que Diogo Lopes avait envoyés de la baïe de Sainte- Claire (de Sainte-Luce), à la découverte, arrivèrent à Matitanana, après avoir parcouru une cinquantaine de lieues sans avoir trouvé autre chose que quelques pieds de gingembre marron. Ils avaient rencontré deux Indiens de Cambaye qui étaient les seuls survivants d’un navire qui, se rendant de l’Inde à Sofala, s'était perdu dans ces parages il y avait une trentaine d’années. Voyant qu'il n’obtenait aucun résultat, Diogo Lopes quitta Matita- nana et, après avoir visité une grande baïe où se jettent trois rivières), qu’il nomma baie de Saint-Sébastien (baie de Diego Soarez) parce qu’il la découvrit le 20 janvier 1509, il s’en alla dans l’Inde, où il arriva le 21 avril @). Sur l’ordre du roi Dom Manoel, l'amiral Juan Serrano partit en 1510 avec trois navires pour explorer l’île de Madagascar; il établit un comp- toir à Taolankara (le Fort-Dauphin actuel), comptoir qui n’a pas pris d'importance, puis il alla de port en port sans plus de succès que ses devanciers, si bien qu’il se décida à gagner l'Inde où il arriva en 1511 au commencement de la belle saison (). Le 11 juin 1514, le roi Dom Manoel envoya deux navires, l’un sous les ordres de Luis Figueira et l’autre sous ceux de Pedreanes, pour aller explorer Madagascar et y installer une factorerie à Matitanana, sur la côte Sud-Est, où il y avait une ville populeuse et quelques Arabes de Malindi. Figueira y construisit un fortin où il séjourna six mois dans l’attente de la récolte de gingembre dont les indigènes lui promettaient (1) Les rivières d’Antomboka, d’Isahata- nana et de Sahakamboina. (2) BarRos, Da Asia portuguesa, déc. IT, iv. IV, chap. 111, p. 391-395; CASTANHEDA, Hist. de los descobrim. portug., t. II, 1552, chap. CVI, p. 341, et A. et G. GRANDIDIER, Ouv. anc. conc. Mad. t. I, p. 46-50. Il à été nommé gou- verneur de l’Inde en 1518. (3) P. LAFITAU, Hist. découvertes portugaises, t.1,1733, p.398 et 416; H. MAJOR, Life of Prince Henry of Portugal, p. 418; et A. et G. GRANDI- DIER, Ouv. anc. conc. Mad., t. I, 1903, p. 50-15. 16 MADAGASCAR. une grande abondance, mais ceux-ci finirent par l’attaquer dans l’inten- tion de lui prendre ses marchandises, ce quile décida à se rendre à Mozam- bique, où il retrouva Pedreanes qui avait découvert plusieurs ports sur la côte orientale, notamment la baie de San Antonio (baie d'Antongil) et, plus au Nord, celle de Bemaro (Vohémar), où il avait acheté beaucoup de copal (. Le roi de Portugal a envoyé en 1515 une flotte sous le commandement de Bastian da Souza, afin d'établir des relations commerciales avec Madagascar et avec la côte orientale d'Afrique, mais le navire qui por- tait le chef de traite se perdit corps et biens et Souza s’en alla à Mozam- bique, où il hiverna, et partit pour l'Inde sans avoir rien fait ®. Il fut renvoyé dans ces parages en 1521, à la tête de deux navires; le roi Dom Manoel lui avait adjoint comme chef de traite Henrique Pereira et lui avait donné l’ordre de construire un fort à Matitanana, pour y acheter le gingembre qu'on disait y exister et aussi parce que, la route pour aller aux Indes étant moins dangereuse par l'Est de Madagascar que par le canal de Mozambique, il était utile d'établir un point de relâche où les navires pussent se ravitailler et prendre de l’eau. Une tempête sépara les deux navires au cap de Bonne-Espérance et, quand Bastian da Souza eut attendu en vain, pendant quelques jours, en rade de Matita- nana, l’autre navire à bord duquel étaient les matériaux nécessaires à la construction du fort et les hommes qui devaient y demeurer, il s’en alla à Mozambique dans l’espoir de l’y trouver. Il n’y était point et, comme la saison était avancée, il y hiverna; lorsque vint la mousson, en 1522, il partit pour l’Inde afin de demander au vice-roi les moyens de construire le fort. Comme il approchaïit de Goa, il rencontra le navire qu'il avait si longtemps attendu et qui, lui aussi, était à sa recherche; il apprit alors qu’Henrique Pereira était arrivé dans la rade de Matitanana dix jours après son départ, qu'il avait alors passé l’hivernage dans une des baïes de Madagascar et que, l’époque étant maintenant propice, il (1) BARROS, Da Asia portuguesa., déc. III, (2) CORREA, As lendas da India, t. II, liv. I, chap. 1, p.5 et 6; et A. et G. GRANDI- p. 464; et A. et G. GRANDIDIER, loc. cit. DIER, Ouvw. anc. conc. Mad. t. I, 1903, p.52-53. p.53. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 17 venait prendre des informations dans l’Inde. Ils mouillèrent tous deux à Goa le 20 août 1522. Quelques jours après arriva la nouvelle de la mort du roi Dom Manoel et l’ordre de son successeur, Dom Juan III, de sus- pendre toute construction de forteresses; Bastian da Souza fut alors relevé de sa mission à Madagascar (1). Sur les cinq navires partis du Portugal pour l’Inde en 1527, deux échouèrent sur des hauts-fonds de la côte Sud-Ouest, auprès de la baie de Morombé, celui de l’amiral Manoel de la Cerda et celui d’Aleixo de Abreu. Les équipages se sauvèrent à terre et élevèrent des murs de pisé autour de leur camp, où ils entassèrent les armes et autres objets qu'ils avaient sauvés du naufrage; ils vécurent misérablement en ce lieu pendant une année, s’alimentant difficilement avec les vivres qu’ils achetaient aux indigènes au moyen de marchandises diverses et atten- dant anxieusement que quelque bateau vint les recueillir. Enfin un des navires de la flotte de Nuno da Cunha, que commandait Antonio de Saldanha, passa un soir en vue de terre; les naufragés s’empressèrent d’allumer de grands feux qu’ils disposèrent en forme de croix afin de montrer que, sur cette côte, en plein pays sauvage, il y avait des chrétiens. À la vue de ces feux, Saldanha mit en panne et attendit le Jour; il se rapprocha un peu de terre, sans toutefois atterrir à cause des écueils et des hauts-fonds dont cette mer est semée et, pendant huit jours, s’éloignant de terre la nuit et s’en rapprochant le jour, il croisa dans ces parages, mais ne voyant rien venir et une violente tempête s'étant élevée, il largua les voiles et continua son voyage. Voyant leur espoir déçu, les naufragés se résolurent à aller à la côte orientale, où ils étaient assurés d’avoir une plus grande abondance de vivres et où ils pensaient trouver quelque moyen de gagner Mozambique, car les Portugais parlaient alors beaucoup des ports du Sud-Est, notam- ment de Matitanana. Ils se partagèrent en deux troupes d'environ 300 personnes chacune et pénétrèrent dans l’intérieur, abandonnant sur la (1) CORREA, As lendas da India, t.Il,p.674; p.269-270; CASTANHEDA, Hist. de los des cobrim. BARROS, Da Asia portuguesa, déc. III, iv. VII, port. t. V, chap. LXxIX, p. 290 et 291; et A. chap. 1, p. 107 et 108, et Liv. VIII, chap. IV, et G. GRANDIDIER, loc. cit., p. 55-51. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 3 18 MADAGASCAR. côte un malade que Nuno da Cunha a recueilli un mois et demi après U). C’est en 1527 qu'a eu lieu le premier atterrissage des Français à Mada- gascar : de trois navires corsaires partis de Dieppe pour aller aux Indes, un a abordé sur la côte Sud-Est de Madagascar; le capitaine, croyant être dans l’Inde, entra dans une baïe où il échangea des coutelas, des haches et des objets divers contre des pagnes, du piment, de la cannelle sauvage, du mauvais santal, etc., toutes marchandises de peu de prix. Revenu à Dieppe, il apprit avec peine que ce qu’il rapportait n’avait pas de valeur. Un matelot était resté à terre et fut recueilli en 1531 dans la rade de Rano- fotsy (à 30 kilomètres O.-S.-0. du Fort-Dauphin) par Diogo da Fon- seca, en même temps que quatre naufragés portugais, trois prove- nant du vaisseau de Manoel de la Cerda et un de celui d’Aleixo de Abreu (). Dans cette même année de 1527, Pero Vaz o Roxo et Pere Annes Francès, qui étaient chargés de porter les ordres du roi de Portugal au Gouverneur de l’Inde, atterrirent en décembre à la côte Sud-Est de Madagascar, contrairement aux instructions qu'on leur avait don- nées, dans le but de s’y livrer au pillage; ils s’y perdirent tous les deux corps et biens (). Il est assez probable que les Portugais qui se sont établis dans la province d’Anosy, où ils ont construit un fort en pierres et dressé une stèle sur l’Îlot de Fanjahira (à 9 kilomètres à l'Ouest du Fort-Dauphin), sont les naufragés de ces navires, auxquels se sont peut-être joints quelques-uns de ceux des navires de l’amiral de la Cerda et d’Aleixo de Abreu venus de la côte Ouest par terre. Les ruines de ce fort, Nosy Trano- vato (litt. : île de la maison en pierres) comme l’appelaient les Malgaches, (1) CORREA, t. III, p. 182-183 (a); Di0GO Loc. cit, déc. IV, liv. V, chap. VI, p. 584 (en DO COUTO, Da Asia portuguesa, déc. IV, liv. III, note), et liv. IIT, chap. 11, p. 261, et A. et chap. V, p. 206-207 et A. et G. GRANDIDIER, G. GRANDIDIER, loc. cit., p. 59-60. Ouv. anc. conc. Mad. t. I, p. 58-59. (3) CORREA, loc. cit., t. III, p. 225; et A. et. (2) CoRREA, loc. cit., t. III, p. 241; BARROS, G. GRANDIDIER, loc. cit., p. 60. (a) Correa raconte plus loin, p. 309, que les naufragés du navire de Manoel de la Cerda ont été divisés en petites escouades de quatre à cinq, que les indigènes ont alors tués facilement, HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 19 ont été visitées par le R. P. Mariano en 1613 (1 et, vers 1650, par Flacourt et le R. P. Nacquart. « Ces naufragés, dont le chef était connu sous le nom de Diamasinoro ou Macinorbé (par corruption d’Andria meu senhor ou Meusenhorbé ou Grand Monseigneur), voyant qu'ils n’avaient pas le moyen de retourner au Portugal, se marièrent avec des filles du pays dont ils eurent nombre d’enfants. À la fin, cependant, ils construisirent un bateau sur lequel beaucoup d’entre eux s’embarquèrent, promettant de revenir trouver leurs femmes et de leur apporter des marchandises, mais celles-ci n’en ont plus entendu parler et les Hollan- dais leur ont dit qu'ils avaient tous péri. » Un Roandriana, un seigneur du lieu, lui dit : « Si vous êtes des compatriotes des marins qui ont nau- fragé jadis, ma femme est de votre sang, mais moi je suis d’une autre race » (de race arabe, venant de la Mecque, en passant par Mangalore, dans l’Inde) et le P. Mariano conclut : « Nous ne pouvions qu’ajouter foi à ce récit, fait par un aussi brave homme, en présence d’une assemblée nombreuse de gens venus de toutes les parties du pays et qui n’eussent pas manqué de le contredire s’il nous avait conté des mensonges (2). » (1) Relaçao da Jornada e novo descobrimento da Tiha de San Lourenço, 1613-1614, À. et. G. GRAN- DIDIER, Collection des Ouvrages anciens concer- nant Madagascar, t. II, p. 41-47. (2) La version que donne Flacourt est diffé- rente : « Ces étrangers excitèrent l'envie des indigènes, qui résolurent de s’en débarrasser par traîtrise pour les piller. Ayant à inaugurer la maison nouvellement bâtie d’un de leurs Roandriana ou chefs, ce qui est chez eux l’occasion d’une fête nommée Misanasana (ouverture d’une maison), ils y invitèrent tous les Portugais, leur demandant d’apporter avec eux leurs plus belles marchandises et ils les mas- sacrèrent tous, à l’exception de cinq d’entre (a) Voici ce que raconte Barros (loc. cit., déc. IV, Liv. III, chap. 11, p. 263) : eux qui, avec l’aide d’une trentaine de leurs esclaves, réussirent à regagner le fort d’où les emmena plus tard un navire se rendant dans l’Inde. Cette version, qui est très postérieure à celle du P. Mariano, semble moins vraisem- blable (Histoire de Madagascar, 1658, p. 32 et 33, et Mémoires de la Congrégation de la Mission des Pères Lazaristes, t. IX, par l’Abbé DURAND, 1866, p. 22). — Vers 1600, des Hollandais qui revenaient de Java avec une cargaison d'épices se sont perdus sur la côte Sud-Est ;ils ont trouvé à Manafiafy (Sainte-Luce) des métis portugais qui étaient des descendants des matelots des navires de Pero Vaz o Roxo et de Pere Annes Francès (a). « Pendant que ces Hollan- dais étaient occupés à couper des arbres pour construire une embarcation afin de se rendre à Bantam, ils furent abordés par des indigènes qui les embrassèrent et leur dirent en portugais qu’ils étaient les petits-fils de naufragés portugais dont le navire s’était perdu sur cette côte et qui s'étaient sauvés à terre. Tous avaient pris femme dans le pays et avaient eu de nombreux enfants dont ils descendaient, quoique rien n’eût pu le faire supposer dans leur aspect physique, ni dans leur habillement. Ils venaient s'informer s’il n’y avait pas parmi eux quelques Pères et ils furent fort déçus lorsqu'ils apprirent qu’ils n’avaient pas à faire à des Portugais, car ils avaient l’envie de s’instruire à la manière de leurs 20 MADAGASCAR. Nuno da Cunha, ® qui est parti de Lisbonne le 18 avril 1528, avec 2,500 hommes et 11 navires, pour aller prendre le gouvernement de l’Inde, a doublé, en juillet, le cap de Bonne Espérance où une tempête dispersa sa flotte. Arrivé en vue de la côte Sud de Madagascar, il voulut prendre de l’eau au cap Sainte-Marie, mais les vents ne lui permirent pas d’y aborder et il alla, avec les deux navires qui ne l’avaient pas quitté, celui de son frère Pero Vaz da Cunha et celui de Dom Fernando de Lima, à la baie de San lago (de Befotaka, au Sud de Morombé), car il n’y avait plus à bord des trois vaisseaux, pour 1,144 personnes, que 60 pipes d’eau. A trois lieues de ce port, il se jeta sur des hauts-fonds où, l’année pré- cédente, avaient échoué Manoel de la Cerda et Aleixo de Abreu; il put heureusement s’en sortir sans dommages et aller mouiller dans la baïe même, où aboutit une grande rivière (le Mangoky). Dès qu'il eut jeté l’ancre, beaucoup d’indigènes vinrent de l’intérieur, apportant des moutons, des volailles, des haricots et d’autres vivres qu’ils échangèrent contre des morceaux de fer et divers objets de peu de valeur. Deux jours après, ils lui amenèrent un Portugais, tout dépenaillé, qui était à bord du navire d’Aleixo de Abreu et qui, tout heureux de se retrouver avec des compatriotes, raconta que les deux équipages s'étaient séparés, l’un, celui de l’amiral, allant dans l’intérieur, et l’autre, celui d’Aleixo de Abreu, voulant traverser l’île à la recherche d’un port où il pourrait trouver un navire, mais que lui, étant malade et trop faible pour suivre ses compatriotes, il était resté sur la côte, où les indigènes l’avaient molesté tant qu’il avait eu quelques objets qui leur faisaient envie, mais qui avaient été, au contraire, serviables et hospitaliers quand il avait été dépouillé de tout et nu comme eux. Pendant que l’équipage faisait sa provision d’eau dans la rivière qui (1) Nuno da Cunha a été le 10€ gouverneur portugais de l’Inde. ancêtres. Lorsque ces Hollandais, ayant construit leur bateau, furent arrivés à Bantam, ils firent part de la demande de ces pauvres gens à un Frère Augustin portugais, qui s’empressa d’en aviser Dom Frey Aleixo de Meneces alors archevêque de Goa et gouverneur de l’Inde. » Ce Frère portugais, Frère Athanase, qui était prisonnier dans une île de la Sonde, a fait un récit analogue dans une lettre à l’archevêque de Goa qui a été publiée dans le Bulletin de la Société de Géographie de Lisbonne, 1887, p. 354-355 (A. et G. GRANDIDIER, Ouvr. anc. conc. Madagascar, t. 1, p. 265-268). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 21 se jette dans cette baie de San Iago ®), Nuno da Cunha envoya plusieurs personnes à un village qui se trouvait à une petite distance de la côte, afin de s’enquérir des productions du pays et de sa fertilité. Elles revin- rent satisfaites de ce qu’elles avaient vu, ainsi que des indigènes qui leur avaient vendu des vivres, mais dont ils n’avaient pu tirer aucun rensei- gnement au sujet des épices et des métaux précieux dont ils leur avaient montré des échantillons. Il y avait trois jours que Nuno da Cunha était dans cette baie lorsque son navire, rompant ses amarres, fut jeté à la côte où il se brisa; il répartit alors ses 2,200 hommes entre les deux autres navires, qui avaient heureusement tenu bon et, après avoir mis le feu à son navire, il mit à la voile pour Malindi le 4 septembre 1528 (?). Jean et Raoul Parmentier, qu’envoyait à Sumatra et aux Moluques le célèbre armateur de Dieppe Jean Ango, sont partis de cette ville au commencement de 1529, à bord des deux navires Le Sacre et La Pensée, et sont arrivés en vue de Madagascar le 24 juillet. S’étant approchés de terre le 26, ils appréhendèrent deux indigènes qui étaient dans une pirogue et, après leur avoir donné des étoffes de coton et des chapelets, ils les renvoyèrent en même temps qu’un autre qui était venu de bonne volonté, mais, à cause de la barre qui obstruait l'embouchure du Manam- (4) Cette rivière, le Mangoky, a changé de cours depuis longtemps et se jette actuellement un demi-degré plus au Nord. (2) BARROS, Da Asia portuguesa, déc. IV, chap. 1, Liv. IT, p. 264-270; CORREA, As lendas da India, t. III, p. 309 (a); DioGo Do CouTo, Da Asia portuguesa, déc. IV, liv. V, chap. 1, 2e partie, chap. XLVIL, p. 66; et A. et G. GRAN- DIDIER, Ouv. anc. conc. Mad., t. I, p. 65-76. — CORREA et d’ANDRADA qui le copia, ne sont pas d’accord avec Barros et Couto au sujet du port où a eu lieu ce naufrage, ainsi que celui de la Cerda, qu'ils disent être sur la côte orientale; mais nous avons plus de confiance dans le récit p- 331-332, et chap. ui, p. 333-335 et 337-339; de Barros et de Couto (b). d’ANDRADA, Cronica del Rey Dom Joao II1,1613, (a) Correa raconte que lorsque son navire eut été jeté à la côte, Nuno da Cunha fit transporter sur l'autre les objets précieux et mit à la voile pour se rendre à Zanzibar, mais que, la nuit, ne sachant où il allait, il entra dans une baie d’où il ne sut plus comment sortir. Quelques matelots qu’il envoya dans une chaloupe pour chercher une issue furent attaqués à coups de sagaye et de pierres par les indi- gènes, et l’un d’eux fut tué; il fit alors descendre à terre une cinquantaine d'hommes qui les mit en fuite et il s’'empara d’un vieillard qui lui servit de pilote, puis il partit pour la côte d’Afrique. (b) Correa, p. 282, parle de l’envoi, par le roi de Portugal, en 1529, de Diogo Botelho pour chercher des nouvelles de Luis de Meneces et de Manoel de la Cerda sur la côte Sud-Est d’Afrique et à Mada- gascar, mais il ne donne aucun renseignement au sujet du résultat de cette mission. 22 MADAGASCAR. bolo (1, les capitaines ne voulurent pas envoyer d’embarcations à terre; toutefois, deux hardis matelots nommés Vassé et Jacques l’Écossais, ayant demandé à aller à terre, on le leur permit et ils revinrent satisfaits du bon accueil que leur avaient fait les indigènes. Le lendemain, trois Malgaches apportèrent à bord un chevreau et des fruits qu’on leur paya avec des chapelets et de la cotonnade. Le soir, les Français levèrent l’ancre afin de chercher une rade meilleure où ils pussent prendre de l’eau et du bois. Le lendemain matin, ils envoyèrent à bord de deux canots quelques hommes chargés de voir si l’on pouvait approcher de terre et s’y procurer de l’eau (?. Arrivés sur la plage, ils furent bien accueillis et, laissant leurs armes dans les canots, trois d’entre eux, Vassé et Jacques l’Écossais accompagnés du contremaître, s’en allèrent dans le bois avec deux Malgaches qui disaient les mener là où il y avait force gingembre et qui leur parlaient d’or et d'argent; trois autres les suivaient à une petite distance quand tout à coup ils entendirent Jacques pousser un grand cri et ils virent venir à eux, en courant, le contremaître et Vassé poursuivis par une vingtaine d’indigènes qui, après les avoir tués à coups de sagaye, continuèrent à poursuivre les autres jusqu’au bord de la mer; l’un d’eux, qui tenait à la main la chemise toute sanglante du premier qu’ils avaient tué, de Jacques l’Écossais, quand il vit qu'ils lui échappaient, jeta cette chemise par terre et, de colère, la piétina; ils s’en retournèrent alors dépouiller les deux autres. Les matelots qui étaient restés au bord de la mer avaient, pendant ce temps, ramassé des graines qui ressemblaient au cubèbe, ainsi que du sable « semé de petites limures ou écailles d’or et d’argent »; tout en (1) Le Manambolo, qui se jette dans le canal de Mozambique par la latitude de 1900”, était à une centaine de kilomètres au Sud des derniers comptoirs arabes établis sur la côte Ouest de Madagascar aux XVE et XVI® siècles, comptoirs où venaient et résidaient des Antalaotra (litt. : des gens d’outre-mer), des Arabes, des Indiens, et beaucoup de métis d’Arabes et d’Afri- cains. (2) Ils se trouvaient alors à une petite dis- tance des comptoirs arabes dont on voit encore aujourd’hui les ruines auprès et au Nord de Maintirano (lat. S. 18010”), à l’un de ces bras de mer situés entre 18050” et 18030’ de latitude, qui étaient fréquentés par les Arabes établis dès longtemps depuis Maintirano jusqu’au Nord de Madagascar (Voir t. I, de l’Ethnographie de Madagascar, p. 160-161, notes). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 23 croyant que ce sable contenait de l’argent (c’étaient en réalité des pail- lettes de mica), ils jugèrent que, «vu le temps qu'il faudrait pour en avoir en quantité, il y aurait plus de perte que de gain ». Comme ils roulaïent les barriques d’eau vers leur embarcation, voyant une dizaine d’indigènes s'approcher, ils leur tirèrent quelques coups d’arquebuse et, voyant qu'ils continuaient à avancer sans manifester la moindre peur, car ils n'avaient aucune connaissance des armes à feu, ils tirèrent quelques coups de pierrier qui en blessèrent un; du coup, les autres eurent peur et se sauvèrent en emportant le blessé. Revenus à bord, les Parmentier partirent le lendemain matin 31 juil- let et ils ancrèrent le soir auprès d’une des sept Iles Stériles, qu'ils ont nommées les Iles de Crainte, à cause des craintes que leur inspirèrent les hauts-fonds dont elles sont entourées, et ils y passèrent le dimanche 1% août : la plupart des matelots étaient malades du scorbut qui avait commencé à sévir après qu'ils eurent doublé le cap de Bonne-Espérance. Le 2, ils partirent, se dirigeant vers les Comores, où ils arrivèrent le 8, sans s’y arrêter d’ailleurs, et continuèrent vers le Nord (1). 1 En 1530, les deux frères Duarte et Diogo da Fonseca ont été envoyés au secours de Manoel de la Cerda, d’Aleixo de Abreu et de Nuno da Cunha, par le roi Dom Juan qui venait d'apprendre leurs naufrages. Le premier, Duarte, étant entré dans une grande baie (baie d’Ampalaza ou baie des Masikoro?), se noya avec dix matelots en se rendant à terre à bord de sa chaloupe qu’une lame de fond fit chavirer. Le second, en longeant cette même côte en 1531, aperçut de grandes colonnes de fumée qui appelèrent son attention et il envoya s’enquérir s’il n'y avait pas quelques naufragés en ce lieu; en effet, on y trouva quatre Portugais, trois matelots du navire de la Cerda et un de celui d’Aleixo de Abreu, et un Fran- çais abandonné en 1527 par un navire de Dieppe. Il y avait, dit-on, beaucoup d’autres Portugais dans l’intérieur, mais épars çà et là, de sorte que Diogo da Fonseca renonça à les chercher, et il emmena les quatre qu’il (1) CH. SCHEFER, Le Discours de la Navigation tales. Bull. Soc. norm. de Géo., mai-juil. 1883, de Jean et Raoul Parmentier, 1883; P. MARGRY, p. 183-184 et 233-238, et A. et G. GRANDI- Navigation des Dieppois dans les mers orien- DIER, Ouv. anc. conc. Mad., t. I, p. 76-85. 24 MADAGASCAR. avait recueillis à Mozambique, d’où il partit pour l’Inde en avril 1531 (1), Un « grand capitaine français » aurait fait un voyage à Madagascar vers 1539; certains auteurs pensent qu’il n’est autre que Jean Fonteneau, dit Alphonse le Saintongeois, dont nous allons parler plus loin. Il se contente d’ailleurs de dire que cette île est habitée par une population guerrière et cruelle et que les Portugais y sont venus, mais n’y ont pas commercé à cause de l’aridité des côtes (2). Jean Fonteneau, dit Alphonse le Saintongeois, est un célèbre capitaine- pilote de François 1°, qui est allé de Sofala à la baïe de Dona Maria da Cunha (baïe de Boina) à cette même époque, et qui en a donné une vague description en quelques lignes, disant que « la coste de l’île de Saint Laurens est très dangereuse, que les habitants sont de mauvaises gens qui ne veulent trafficquer avec personne que eulx mesmes » et que « le Roy de Portugal y a eu aultrefois une festurie (factorerie) et lui ont tué trois cens gens ». D'ailleurs, « la terre est bonne et s’y cueille force gym- gambre (gingembre) blanc et de bons sucres et y a de la pierrerie (des pierres précieuses) et de l’or en pouldre. (5) » Martin Alfonso de Sousa, le 12€ Gouverneur de l’Inde, a envoyé de Cochin à Madagascar, en 1543, Diogo Soares (#, pour s’enquérir des nouvelles de son frère Pero Lopez de Sousa, qu’il croyait s'être perdu sur les côtes de cette île. Diogo Soares y alla et se livra à des vols et à des pillages et il est revenu à Goa en mai, rapportant de ses déprédations beaucoup d’argent et de nombreux esclaves (). (1) CORREA, As lendas da India, t. IT, p.385; Alphonse le Saintongeois, Poitiers, 1559; BARROS, Da Asia portuguesa, déc. IV, liv. III, chap. 11, p.258; FRANCISCO D'ANDRADA, Cro- nica del Rey dom Joao ITT, 2e partie, chap. LXIV, p. 89 et 91, et A. et G. GRANDIDIER, Ouv. anc. conc. Mad., t. I, p. 85-88. (2) RAMUSI0, Navigationi e viaggi, 1565, t. III, p.429, verso; ESTANCELIN, Recherches sur les na- vigateurs normands, 1832, p. 195 et 240; VITAT, Hist. des anciennes villes de France, t.Il.p.67-111, et A. et G. GRANDIDIER, Ouv. anc. conc. Mad., t. I, p. 88-89. (3) Voyages adventureux du Capitaine Jean G. MUSSET, Bull. de Géographie historique et descriptive, 1895, n° 2, p. 175-295; Manus- crit français de la Bibl. Nationale, de 1545, n° 676, fol. 128 et 129, et A. et G. GRANDIDIER, Ouv. anc. conc. Mad., t. I, p. 90-93, avec carte, et 95. (4) Gentilhomme galicien, venu dans l’Inde à lasuite deplusieurs meurtres qu’ilavait commis au Portugal. (5) CORREA, As lendas da India, t. IV, p.266 et 275, et A. et G. GRANDIDIER, Ouv. anc. conc. Mad., t. I, p. 89. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 25 Sur l’ordre du roi de Portugal, le vice-roi de l’Inde, Francisco Barreto, envoya à Madagascar, en janvier 1557, Balthazar Lobo de Sousa à la tête d’une caravelle et de deux barques pouvant naviguer à la rame, afin qu’il explorât les ports de cette île pour s’enquérir des nouvelles des marins de la Burgaleza et de la Santa Cruz (parties de Lisbonne, l’une en 1550, l’autre en 1552), qui avaient disparu en revenant de l'Inde au Portugal en 1553, ainsi que pour rechercher le meilleur endroit pour y fonder un comptoir et y bâtir une forteresse « à l’abri de laquelle les navires portugais allant dans l’Inde ou en venant pussent hiverner en toute sûreté ». Parti de Goa, Balthazar Lobo de Sousa fit voile pour Madagascar, dont il longea la côte Ouest. Les deux bateaux à rames en reconnurent tous les ports dont ils fixèrent la position et où ils firent des sondages, tout en s’enquérant des naufragés; quant à lui, il alla les attendre dans la baie de Mahajamba. De cette expédition il rapporta des notions générales sur l’île, maïs il ne trouva aucun Portugais (). Des 6 navires qui partirent en janvier 1559 de l’Inde pour le Portugal, l’un d’eux, la Nossa Senhora da Barca, que commandait Dom Luis Fernandes de Vasconcellos, fut surpris par un cyclone dans les parages de Madagascar. Comme il avait une voie d’eau et qu’il enfonçait rapide- ment, le commandant fit mettre la chaloupe à l’eau et s’y embarqua avec 6 marins et quelques provisions, puis, se tenant à distance dans la crainte que tousles gens du bord ne s’y précipitassent etla fissent chavirer, il appela ceux qu'il voulait emmener avec lui. Quand il en eut embarqué soixante, il donna l’ordre de mettre à la voile, mais, s’apercevant que le Père Fr. Fernando de Castro était resté à bord où il était occupé à con- fesser les matelots, il revint pour le prendre. Ce digne prêtre, mû par la foi et la charité, ne voulut pas quitter le navire, disant qu'il lui importait plus de sauver les âmes des 200 hommes qui allaient périr que de sauver sa vie. Vasconcellos et ses compagnons lui demandèrent de bien vouloir prier pour eux et ils s’éloignèrent, laissant le reste de l’équipage en pleurs. Ils n’étaient encore qu’à une petite distance du navire lorsqu'ils le virent (1) Dioco po CouTo, Da Asia portuguesa, G. GRANDIDIER, Ouv. anc. eonc. Mad., t. I, déc. VII, liv. IV, chap. v, p. 310-318; et A. et p. 97-105, et t. II, p. 524-598. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 4 26 MADAGASCAR. disparaître dans les flots, « ce qui leur fut, dit l’historien Diogo do Couto qui raconte cette scène, un spectacle douloureux ». Le lendemain ils virent la baie de San Iago (baie de Tsingilofilo ou Morombé) sur la côte Ouest par 200 1/2 (en réalité par 21950") de lati- tude, côte qu'ils longèrent, se nourrissant avec le peu de vivres qu’ils avaient avec eux; contournant la pointe Sud, ils s’en allèrent le long de la côte orientale, entrant dans diverses baies où ils achetèrent pour les malades quelques poules, sans descendre à terre. Dans quelques-unes de ces baies ils trouvèrent des Javanais (1). Ils se soutenaient en mangeant des coquillages et des poissons qu’ils pêchaient le long de la côte. Voguant vers le cap d’Ambre, ils entrèrent dans une grande baie, fort belle, située par 13° de latitude Sud (baie de Vohémar, lat. S. 13921”), où ils trouvèrent une galiote portugaise qui, allant de l’Inde à Mozambique, avait dû y relâcher à cause des vents contraires. Ils y hivernèrent ensemble en attendant les vents favorables pour aller à Mozambique (?). Vers 1535, le gouverneur de Mozambique, Dom Jorge de Meneces, voulant établir des relations commerciales avec Madagascar, envoya un navire de guerre à l’îlot de Mazalagem (dans la baie de Mahajamba) pour y établir un poste de traite, mais, comme il savait que les Anta- laotra ou Arabes de la côte Nord-Ouest étaient hostiles aux Portugais, il mit avec le chef de traite 10 soldats et 2 religieux. Surpris de la venue de ces étrangers, les Antalaotra témoignèrent du désir de vivre en bon accord avec eux, mais la mésintelligence ne tarda pas à se mettre entre les Portugais, qui retournèrent à Mozambique, ne laissant à Madagascar que le Père Fray Juan de San Thomas, religieux dominicain qui s’em- ployait avec une grande ferveur à la conquête spirituelle des habitants et sur qui se vengèrent les Antalaotra en l’empoisonnant (). En appre- (1) Ces gens parlaient le javanais, « c’étaient naufragés qui, chassés de la côte orientale, ont donc, dit Diogo do Couto, des Javanais nau- pénétré dans l’intérieur et ont établi leur hégé- fragés ou fils de naufragés, car s’ils eussent été monie dans l’Imerina. des Javanais venus à Madagascar il y a fort (2) Dioco po CouTo, Da Asia portuguesa, longtemps, par suite du métissage, ils n’eussent déc. VII, Liv. VIII, chap. 1, p. 175-179. plus parlé la langue de leurs ancêtres et n’eus- (3) Joao pos SANTOS, Hist. de l'Ethiopie sent plus eu le teint cuivré ».Cesont ces Malais orientale, trad. Charpy, 1684, Liv. IT, chap. VI, HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 27 nant sa mort, Dom Jorge de Meneces résolut de le venger et, l’année suivante, fit détruire la ville. Quelque temps après, il envoya un navire dans la baie de Boina pour y acheter des vivres. Le capitaine reçut du pays les meilleures promesses, mais, prévenu par un indigène qu’on tramait une trahison contre lui, il se contenta d’envoyer à terre une chaloupe dont les matelots furent, pour la plupart, massacrés en débarquant. Le premier atterrissage des Hollandais à Madagascar a eu lieu à la fin de 1595, lorsque l’amiral Cornélis de Houtman se rendit aux Indes orientales. Parti le 11 août de la rade de San Bras (Port Élisabeth) sur la côte Sud de l’Afrique, il ne découvrit Madagascar que le 3 septembre, sa flotte ayant eu à subir plusieurs tempêtes qui avaient séparé ses navires et, comme la plupart des marins étaient très malades du scorbut, il résolut d’y relâcher et il mouilla à la pointe Sud-Est, auprès de la baïe d’Andrahomana (, puis, longeant la côte Sud, il est allé à Ampalaza où, dès son arrivée, il a perdu 28 hommes qu’on a enterrés sur un îlot (Nosy Manitsa) situé à l’entrée de cette baie, et auquelil a donnéle nom de Hollandschekerckof (Cimetière des Hollandais) : il pensait y faire de l’eau, mais comme elle était saumâtre il n’en fit pas prendre. Quelques matelots qui étaient allés explorer la contrée furent attaqués à coups de pierres et durent se rendre : on leur prit leurs armes et on les dépouilla de leurs vêtements, les laissant complètement nus; ils finirent par rega- gner leur canot et rentrèrent à bord en un piètre état. Quelques jours après, à hommes furent envoyés pour reconnaître le pays, mais eux aussi furent attaqués par une cinquantaine d’indigènes qui leur lancèrent des flèches; ils tirèrent alors trois coups d’arquebuse dont le pre- mier tua un des assaillants qui, pris de peur, s’enfuirent; continuant leur visite, ils constatèrent que le pays était sec et boisé. Le 22, la péniche, accompagnée d’une chaloupe bien armée, alla voir en suivant la côte s’il ne serait pas possible de se procurer des vivres p. 157-163; MANOEL DE FaARIA y SOUSA, Asia 1666, p. 842; et A. et G. GRANDIDIER, loc. cit. portuguesa, 1666, t. III part. I, chap. 1V, 527, p. 155-159. ; p. #1; G. CARDOSO, Agiologio lusitano, t. III, (1) A 20 milles au Sud-Ouest du Fort-Dauphin. 28 MADAGASCAR. frais. Le troisième jour, après avoir fait environ une quarantaine de lieues, elle arriva à Nosy Vé, d’où elle alla à l'embouchure de l’Onilahy ou baie de Saint-Augustin; les matelots y achetèrent des moutons gras pour de la verroterie ou de petits miroirs et un gros bœuf pour une cuillère d’étain. « C’est un fort beau pays, ont-ils dit, pleins d'oiseaux et de guenons (de maques) qui se jouaient dans les tamariniers dont les fruits sont si bons contre le scorbut, dont nos équipages sont si tourmentés. » On comptait alors en effet plus de 70 morts par le scorbut. La péniche et la chaloupe rentrèrent à Ampalaza le 1% octobre et la flotte, mettant à la voile, alla mouiller dans la baïe de Saint-Augustin où elle arriva le 9. A peine débarqués, les Hollandais achetèrent autant de bœufs et de moutons qu'ils en purent charger, un bœuf ou trois ou quatre moutons, et même une petite fille de dix ans ® pour une cuillère d’étain. Les malades furent descendus à terre afin qu’ils pussent se reposer, mais le 13, une centaine d’indigènes, les voyant si faibles, les dépouillèrent de tout ce qu'ils avaient avec eux et, comme ils cherchaïient à se défendre, ils les frappèrent à coups de pierres; quelques-uns des malades qui avaient des fusils en firent usage et les Malgaches, sautant dans leurs pirogues, qui étaient au nombre de 25, s’enfuirent pour se mettre à l’abri d’une nouvelle attaque. Les Hollandais firent autour du camp, au moyen d’abattis, des retranchements qu'ils garnirent de plusieurs pierriers. Quelques-uns, étant allés à la chasse et ayant trouvé un tisserand qui travaillait à son métier, s’en emparèrent et l’'emmenèrent prisonnier. Quant aux Malgaches qui avaient pillé les malades, ils revinrent trafi- quer comme si rien n’était arrivé; ainsi qu'il fut facile de voir, soit aux blessures toutes fraîches qu’ils avaient, soit aux objets qu’ils avaient volés et qui pendaient à leur cou, aussi les Hollandais voulurent reprendre ces objets, ce qui amena une grand querelle et causa la mort de deux indigènes et la capture de deux hommes, de deux femmes et de quatre enfants, sans compter les blessés : des deux pri- sonniers l’un, qui était un chef, fut échangé contre un bœuf et deux (1) Mais, en la voyant pleurer amèrement, ils la relâchèrent par compassion. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 29 moutons, et l’autre se noya en voulant se sauver, n’ayant pu nager à cause des menottes qui lui liaient les mains; quant aux deux aînés des enfants, ils ne trouvèrent pas preneur, même pour un mouton, si bien qu'on les garda à bord et qu'ils allèrent plus tard en Hollande. Le 17 novembre, la péniche fut envoyée plus au Nord en quête de fruits, d’oranges ou de citrons; elle revint le 25, ayant été jusqu’au 20° parallèle (jusqu’au-delà de Morondava) « sans avoir rien trouvé que de pauvres sauvages nus, à l’exception de leurs parties naturelles qu'ils couvraient d’une écorce d’arbre ». Depuis la dernière échauffourée, les relations avec les Malgaches étaient rien moins qu’amicales et les Hollandais eurent beau faire, ils n'obtinrent ni bétail, ni vivres: le 28 novembre, le pilote d’un des navires, attiré traîtreusement hors du camp avec deux volontaires, fut attaqué et tué et aussitôt « un grand nombre de noirs sortirent du bois en dansant pour témoigner leur joie ». Le lendemain, les Hollandais vinrent au nombre de 48 pour le venger, mais, lorsqu'ils arrivèrent au village, ils trouvèrent tous les Malgaches décampés avec femmes, enfants et bagages. Lorsqu'ils furent de retour à la plage, ayant vu venir près du camp deux indigènes dans une pirogue, ils les poursuivirent et s’em- parèrent de l’un d’eux, qu’ils crurent reconnaître pour un de ceux ayant assisté au meurtre du pilote et qu’ils exécutèrent au lieu même où celui-ci avait été tué. Cette exécution rompit définitivement toutes relations avec les Malgaches et, le 1% décembre, les Hollandais ramenèrent les malades à bord, puis, le 14, mirent à la voile pour continuer leur route vers Java, mais, ayant remarqué que les vents et les courants les pous- saient plus au Nord qu’à l'Est et beaucoup de leurs malades ayant eu des rechutes, ils résolurent, le 5 janvier 1596, de retourner à Madagascar et de relâcher à l’île de Sainte-Marie, dans l’espérance d'y trouver des rafraîchissements. Le 11, ils mouillèrent au Sud de cette île (à l’île des Nattes). Un grand bateau, monté par 5 hommes, leur apporta du très beau riz, des cannes à sucre, des limons et une poule, pour lesquels les Hollandais leur donnèrent en échange des mouchoirs et de la verroterie. Les matelots qui allèrent 30 MADAGASCAR. à terre trouvèrent beaucoup d’indigènes qui leur apportèrent des limons, ainsi que du lait, des bananes, du piment et divers fruits du pays. Le lendemain, ils y retournèrent et allèrent jusqu’à un village où des femmes leur fournirent des poules, diverses sortes de fruits et d’autres choses, pour lesquelles on leur donna de la verroterie. Le 14, on offrit au chef, qu’on nomme cheiïk, un assez beau miroir et des perles de verre bleu qu’on lui mit au cou, et un grand canot, monté par 25 personnes, apporta à bord, des chèvres, des moutons, des poules, du riz et divers fruits dont on acheta la plus grande partie. Deux des navires allèrent dans une baïe plus au Nord (baïe de Lokantsantsa, où est l’îlot Madame); là, les hommes, qui sont forts et puissants et qui sont armés de javelots et ont de grands boucliers de bois (), sont extrêmement jaloux de leurs femmes; ils sont vêtus de lambas de rabane et les femmes portent un corps de jupe et une robe qui leur descend jusqu’à mi-jambe. Le 15, plusieurs pirogues vinrent vendre des vivres et, dans l’après- midi, une embarcation venant de la Grande Terre, que manœuvraient 16 rameurs, amena à bord un « Phulo » (Filohany), un chef, avec 8 autres nobles personnages, qui fit une grande harangue en présentant à l’amiral un cadeau de riz et de fruits; on lui donna en échange de petits miroirs, des boucles d’oreilles et des verroteries; il portait, enroulé autour de la ceinture, un morceau de cotonnade à raies, qui descendait jusqu’à terre et il avait sur la tête un bonnet ayant la forme d’une mitre d’évêque, avec une longue corne, portant en haut une houpette, de chaque côté au-dessus des oreilles. Les femmes avaient, pour s’embellir, enduit leur visage d’une pâte blanche. Le 18, on y enterra le quartier-maître du Maurice; « par les signes qu'ils firent, les indigènes indiquèrent que son âme était au ciel : ils ont plus de connaissance de Dieu que ceux de la baie Saint-Augustin ». Le 21, les Hollandais levèrent l’ancre et se dirigèrent vers la baie d’Antongil, où ils n’arrivèrent que le 23; ils s’arrêtèrent auprès de deux villages où, avec des objets de peu de valeur, ils achetèrent des chèvres, des poules, (1) Ces boucliers sont si grands que, « lors- entièrement cachés et on ne voit que le bout qu'ils se baissent derrière leur bouclier, ils sont : d’un de leurs pieds». HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 31 du riz, des fèves, des oranges, du gingembre et du miel. Le 24, ils allèrent jusqu’au fond de la baïe, où se jette une grande rivière, et ils mouillèrent auprès d’une île (Nosy Marosy). Le 27, l’amiral envoya trois canots à la Grande Terre (distante d’environ 5 kilomètres), deux à la ville de Spac- kenbourg (Ambatomasina) et un à celle d’Angeli (Andranofotsy) (à 7 kilomètres plus à l'Est), villes entourées d’une forte palissade dont la porte était gardée par une vingtaine d’hommes armés. Quand les Hollan- dais arrivèrent à Spackenbourg, le chef et ses compagnons étaient ivres de {oaka, boisson d’un goût agréable faite de miel et de riz, et ils vinrent à leur rencontre, suivis de la plupart des habitants qui chantaient et battaient du tambour et qui leur firent boire de leur {oaka dans une corne de bœuf. En retournant à bord, les Hollandais passèrent auprès de huttes qui n'étaient autres que les tombeaux des « Phulos » (Filohany), des chefs, dont les corps étaient déposés sur la terre, dans des troncs d’arbres creusés recouverts d’une autre pièce de bois ouvragé. Revenant le lendemain, ils achetèrent 700 livres de riz et beaucoup de poulets, et les jours suivants, jusqu’au 2 février, ils continuèrent à faire le trafic de vivres, et ils résolurent de mettre à la voile le 3, personne n'ayant plus le scorbut « que cette bonne nourriture avait chassé ». Mais il y eut pendant la nuit une terrible tempête, un cyclone, et les canots de deux des vaisseaux furent emportés à la côte de la Grande Terre; on les envoya chercher, mais ils étaient déjà dépecés et toute la ferrure, jusqu’au dernier clou, en avait été retirée. Les Malgaches, voyant que les Hollandais étaient furieux, se hâtèrent d'emmener en pirogues leurs femmes et leurs enfants dans l’intérieur, tandis qu'une cinquantaine d'hommes armés de lances et de boucliers s’opposa à ce qu'ils débar- quassent, ce qu'ils ne tentèrent pas d’ailleurs de faire, car ils s’empres- sèrent d'aller aviser l’amiral qui envoya trois chaloupes, portant chacune 16 hommes bien armés, « avec l’ordre d’acheter des pirogues pour rem- placer les canots, ainsi que des vivres, mais, si on les leur refusait, de les attaquer et d’en user avec eux comme ils en avaient usé avec les canots ». Les Hollandais, en arrivant, furent reçus par une grêle de pierres, mais les balles qu'ils envoyèrent à leurs agresseurs et qui, à la grande sur- 39 MADAGASCAR. prise de ces derniers, traversèrent leurs boucliers et tuèrent trois ou quatre d’entre eux, les mirent en fuite; le feu, mis accidentellement consuma complètement la ville dont les maisons étaient de bois et de paille, brûlant toutes les provisions, riz et autres, si bien que « tout ce qu'on put sauver ne valait pas un réal de huit (environ 5 francs) ». Les trois jours suivants, les Hollandais et les indigènes ont eu quelques conciliabules et ont échangé de menues marchandises contre quelques bœufs, mais se tenant de part et d’autre sur la défensive (1). Enfin, le 12, tous les vaisseaux levèrent l’ancre, après avoir fait de l’eau dans la petite île (Nosy Marosy) auprès de laquelle ils étaient mouillés, et sor- tirent de la baie d’Antongil en route pour les Maldives, Sumatra et Java (1. La flotte hollandaise de 8 vaisseaux qui est partie de Texel, île à l’entrée du Zuiderzee, le 1€ mai 1598, sous le commandement de l’amiral Cornelis van Neck, a subi le 28 juillet une grande tempête qui la sépara en deux : cinq mouillèrent le 24 août à un cap au Sud-Ouest de Madagascar (Pointe de Fenambosy, sur la côte Mahafaly), d’où ils par- (1) CORNELIS DE HOUTMAN donne la descrip- tion des habitants de la baie d’Antongil, que nous reproduisons ci-dessous (a). (2) Journael vande Reyse der Hollandtsche Schepen ghedaen in Vost-Indien (1598) et Appendix (1598); Premier livre de l'Histoire de la navigation des Hollandais aux Indes Orien- tales, par G.M. A. W. L. (W. LODEWIJCKSZ), 1598, recto p.5, au verso p.14; DE CONSTANTIN, Recueil des voyages. de la Compagnie des Indes Orientales formée dans les Pays-Bas, 1725, t. I, p. 286-341; et A. et G. GRANDIDIER, Ouvrages anciens concernant Madagascar, t. I, p. 163- 239, avec cartes et planches. (a) Ces Malgaches sont fort noirs, mais ils n’ont pas les cheveux aussi crêpus que les Nègres d’Afrique, ni le nez aussi aplati, ni les lèvres aussi lippues. Ils aiment extrêmement le toaka, le rhum, et pour boire ils se servent d’un grand tronçon de bambou, humant le liquide à même. Leurs maisons sont surélevées de 4 à 5 pieds au-dessus de terre. Ils ont peu de meubles et sans valeur; ils s’asseoient et se couchent sur des nattes bien ouvragées et, pour oreillers, ils ont de petits tabourets de bois, artistement travaillés, sur lesquels ils posent leur tête pour dormir. Les hommes ne portent qu’un morceau de toile enroulé autour des reins et du ventre; les femmes ont une jupe qui descend jusqu'aux genoux. Les chefs ont aux bras plusieurs bracelets de cuivre qu’ils estiment fort et des colliers de verroterie au cou et aux poignets et, au lieu de sceptre, ils portent un long hachereau (hachette). Ils ont des blocs de bois creusés où ils pilent le riz pour le débarrasser des glumes, de la balle; des tamis pour le monder, des sacs pour le garder, des pots pour le faire cuire et des calebasses pour le manger. L’occupation des hommes est de chasser, de pêcher et d’élever du bétail. Ce sont les femmes qui sèment et qui plantent le riz et deux ou trois sortes de petites fèves et qui en font la récolte; elles cultivent aussi des bananiers dont les fruits forment, avec les grains, leur principale nourriture. Ils ne mangent que rarement de la viande; c’est du poisson et du lait qu’ils prennent avec les grains et ces fruits. Leur bétail consiste en de beaux bœufs dont ils font grand cas; ils ont beaucoup de chèvres, mais peu de moutons. Leurs volailles sont des poules et des canards. Les limons, les citrons et les oranges y sont en quantité, ainsi que le curcuma ou safran des Indes. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 33 tirent le 29 et, après avoir doublé le cap Julien (cap Sainte-Marie), ils découvrirent l’île Maurice. Les trois autres vinrent atterrir à l’île Sainte- Marie, où ils s’'emparèrent du « Phulo » (Filohany), du chef, parce qu’il ne leur donnait pas les provisions dont ils avaient besoin, et qu’il n’avait pas d’ailleurs; contre une vache et son veau, on lui rendit la liberté. Les Hollandais assistèrent à la pêche et à la capture d’une baleine sur la côte de cette île. Puis, ils allèrent à la baie d’Antongil, où ils séjour- nèrent 5 jours sans pouvoir se procurer de vivres du fait de la guerre que se faisaient les rois du pays, dont les sujets étaient dépourvus de tout. Ils partirent alors pour Bantam, à Java, où ils arrivèrent le 26 novembre ®. Dans leur troisième voyage aux Indes, à bord du Middleburg, les Hollandais sont arrivés en vue de Madagascar le 6 janvier 1699 et, après avoir cherché en vain à doubler le cap Saint-Roman (cap Sainte-Marie), ils se sont dirigés vers la baie de Saint-Augustin, où ils ont mouillé le 3 février. Il y avait sur la plage beaucoup de gens, mais qui s’enfuirent tous quand les Européens débarquèrent, car le maître d'équipage du Middleburg, qui était venu 3 ans auparavant avec l’amiral Houtman, « avait appréhendé un Malgache, qu’il avait attaché au pilori et tué à coups de fusil, et s’était ignominieusement conduit avec beaucoup d’au- tres ». Ce n’est qu’au bout de sept jours qu’ils réussirent à acheter une vache et un peu de lait; aussi, affamés et ne pouvant se procurer de vivres puisque les indigènes ne voulaient pas entrer en relations avec eux, ils partirent le 14 mars, donnant à cette baie le nom de « Baïe de la Famine »; longeant ensuite la côte Ouest, ils allèrent aux Comores où ils séjournèrent à Mayotte du 30 mars au 17 avril, et à Anjouan du 19 au 28 . (1) Hettweede Boeck, Journael ost Dagh-register inhoudende een warachtich verhael ende histo- rische vertellinghe van de Reyse, 1598, 1601, p. 4-7; Bilibaldus Stroboeus Silesius, dans la Quarta pars India Orientalis de De Bry, p. 105 et 411 et pl. III, et dans la Quinta pars, p. 3-9 et pl. IV et XXI; ARGENSOLA, Conquista de las Islas Molucas, 1609,p 235-238; DE CONSTAN- TIN, loc. cit., 1725, t. IT, p. 155-164, et A. et G.GRANDIDIER, Ouvw.anc., Mad., t. I, p.240-254. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE, (2) Relation de John Davis, pilote anglais à bord du Middleburg dans PURCHAS, His Pil- grimes, t. I, 1625, p. 118-119; Hist. générale des Voyages, t. I, 1746, p. 367-368 ; JOHN HAMILTON Moore, Collection of Voyages and Travels, t. I, 1780, p. 342; KEW'S Collection of Voyages, t. VIII, 1813, p. 47-48; Hakluyt Society, t. LIX, 1884, p. 65-69; Antananarivo Annual, 1892, p. 9-10, et A. et G. GRANDIDIER, Ouv. anc. conc. Mad., t. I, p. 254-257. 2 34 MADAGASCAR. A la fin de 1599, l’amiral Et. van der Hagen, qui allait à Java avec trois vaisseaux, a été obligé de s'arrêter à Madagascar pour prendre de l’eau. Après en avoir reconnu la pointe méridionale (le cap Sainte- Marie), il suivit la côte orientale et jeta l’ancre dans une rade foraine (entre Andevorante et Tamatave?), où il resta cinq jours, achetant quelques vivres frais, mais n’y trouvant que « de l’eau sale et pleine de vers » (1), et non la bonne eau dont ils avaient grand besoin, les Hollandais mirent à la voile le 10 novembre pour aller à la baie d’Antongil. Un des navires fut drossé par les courants sur des hauts-fonds et dut jeter l’ancre pour ne pas être jeté à la côte, ce n’est que le 15 qu’il put reprendre sa course avec les deux autres qui l’avaient attendu en courant des bordées. Tous les bateaux arrivèrent deux jours après au fond de la baïe, où ils mouillèrent à l’abri de l’îlot (Nosy Marosy). Aucun indigène ne se montrant, l’amiral envoya une chaloupe remonter la rivière qui se jette au fond de la baie confiant aux matelots de menus objets destinés à allécher les insulaires, mais ils ne purent en joindre un seul; les jours suivants, ils ne furent pas plus heureux, ils eurent beau semer des perles de verre, des miroirs, etc., le long des chemins qu’ils suivaient, ils n’arrivèrent pas à entrer en pourparlers avec eux. A la fin, toutefois, ils réussirent à en amadouer quelques-uns, mais n’obtinrent que très peu de vivres et, le 21 décembre, le vent étant favorable, ils levèrent l'ancre et firent route vers Sumatra (2). Deux des quatre vaisseaux de la flotte du général hollandais Paul Caerden ont relâché, le 2 mai 1600, dans la baie d’Antongil, où ils ont pris de l’eau, ainsi que des citrons et des oranges, et, le 6, ils sont partis pour Bantam (). Les Anglais ne sont venus pour la première fois à Madagascar qu’en 1601; la première flotte qu'ils ont envoyée en Extrême-Orient a relâché le 17 décembre de cette année à l’île Sainte-Marie et, n'y ayant pas trouvé à se ravitailler, elle s’est rendue à la baie (4) Dans les lagunes qui se trouvent tout le p. 352-362, et A. et G. GRANDIDIER. Ouv. anc. long de cette côte, l’eau est en effet croupissante. conc. Mad., t. I, p. 257-263. (2) DE CONSTANTIN, loc. cit., t. III, 1795, (3) DE CONSTANTIN, loc. cit. t. III, p. 154-155. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 39 d’Antongil (1). A la fin du xvrre siècle, de 1688 à 1726, de nombreux pirates, la plupart anglais, ont pris Madagascar pour centre de leurs courses et ce pendant près d’un demi-siècle ; satisfaits des richesses dont ils s'étaient emparés au cours de leurs expéditions, ils se sont établis surtout à l’île Sainte-Marie et sur la côte voisine. Le gouvernement anglais, effrayé de l’extension que prenait la piraterie dans l'Océan Indien, envoya en 1699 une flotte pour la réprimer. Les Espagnols n’ont jamais envoyé de navires à Madagascar parce que, d’après le traité de Tordesillas (1495), qui partageait le monde extra-européen entre eux et les Portugais, Madagascar était dans la zone attribuée aux Portugais, qui d’ailleurs s’en sont désintéressés à partir de 1658. (1) Voir l’Ethnographie, t. I, p. 481. à 1722) et IV, p. 48-51 (commerce entre les (2) Voir, dans la Collection des Ouvrages pirates et les États-Unis en 1699-1700) et Cap. anciens concernant Madagascar, par A. et G. CH. JOHNSON, À general history of the Pyrates. GRANDIDIER, les tomes III, p. 450-638 (pirates Londres, 1724, 2 vol. (Madag. passim). de 1688 à 1716), V, p. 46-118 (pirates de 1718 LEE NS ur LIVRE DEUXIÈME HISTOIRE DES MERINA CHAPITRE I LES PREMIERS HABITANTS DE L’IMERINA, LES VAZIMBA ET ÉEURSLCHEES, LES" HOVA A Madagascar, jusqu’au xvi® siècle et même jusqu’au xvire, il n’y avait pas d'états, de royaumes; les habitants étaient répartis en tribus ou plutôt en clans, en familles qui étaient généralement en hostilité les unes avec les autres, non pas, d'ordinaire, dans le but d’agrandir leur domaine, mais simplement pour piller leurs voisins et faire des pri- sonniers afin de les réduire en esclavage; ce n’est que vers le milieu du xvrie siècle que quelques-uns de ces clans ont commencé à être groupés en petits états : c’est ce qui a eu lieu dans le centre de l’île avec les descendants des émigrants malais venus au xvi® siècle (1), dans le (1) En 16143, le R. P. Luis Mariano a dit que Coll. Ouvr. anc. Madagascar, t. IL, p. 6 et 22) Madagascar « a été peuplé par des immigrants (voir aussi la note 4, p. 58). Il n’est pas douteux venus, les uns de Malacca, ce que prouve la en effet qu’il y a eu à Madagascar, à diverses langue qui est très semblable au malais, les époques, des immigrations de Malais, volon- autres de la Cafrerie » (A. et G. GRANDIDIER, taires ou non (a). La venue de jonques malaises (a) M. Juzzy a émis l'hypothèse que les Andriana de l’Imerina comme ceux du Sud-Est, étaient des descendants des Arabes venus dans l’Anosy et il leur donna comme premier ancêtre un arrière petit-fils de Raminia, un fils de Ra-Koba-Hajy, Mahajomary (Notes, Reconn. et Explor., 31 juillet 1598, p. 890, avec un tableau généalogique, et Revue de Madazg., décembre 1906, p. 1042-1043). M. E.-F. GAUTIER, dans sa note « Les Hovas sont-ils des Malais? » émet une opinion conforme à celle de M. Jully et dit : «les nobles de l’Imerina sont peut-être hindous? et pourquoi pas Arabes? » (Journal Asiatique, mars-avril 1900, p. 278-296). En 1769, ze GENTIL avait déjà dit que « les Hovas étaient une race dégénérée des Arabes de la côte Sud-Est » ajoutant cependant que «leurs traits et leur air les font ressembler un peu à des Égyptiens et à des Chinois ». Ces opinions ne sont pas, généralement, admises et ne sauraient l'être car tout l’ensemble des constatations et des faits qui sont exposés ci-après semble bien les infirmer. Le Père H.-M. Dugois s’appuyant sur la parenté qui existe entre la langue malgache et la langue sanscrite 38 MADAGASCAR. Sud-Est avec ceux des émigrants arabes et, dans le Sud-Ouest et l'Ouest, avec ceux des émigrants indiens (1). Dans l’ensemble des peuplades de Madagascar, les Merina occupent, à juste titre, la première place; en effet, comme l’a dit La Salle à la fin du xvine siècle, parmi les Malgaches « qui sont un peuple d’enfants capricieux, enjoleurs et rusés », il y a lieu de mettre à part « le peuple sur les côtes de Madagascar a été maintes fois constatée et, en août 1808, Barthélemy Hugon en a vu aborder dans l’Est plusieurs qu’une tempête avait fait dévier de leur route : Sylvain Roux a eu plusieurs des matelots malais nau- fragés dans sa garde (Manuscrit des Arch. Minist. des Colonies, Corresp. Madagascar, carton XI). C’est surtout dans le Sud-Est (a), vers Maha- noro, dit M. C. SAVARON, et dans le Sud que ces émigrants malais ont abordé (b); on y trouve en effet les traces de leur passage et, dans l’An- droy, comme dans le pays Mahafaly, encore aujourd’hui, il y a de nombreux indigènes qui leur hégémonie dans le centre de Madagascar y sont venus au commencement du XVI siècle (c). (1) Les Arabes, les Indiens, les Malais, ainsi du reste que les Européens qui y ont aussi participé, ont donné naissance à de nombreux métis qui ont peu à peu imposé leur suprématie aux indigènes de race noire orientale. Ceux-ci, par suite de leur timidité, de leur douceur natu- relle, de leur ignorance, ont été facilement dominés par ces immigrants ou leurs enfants, qui étaient plus instruits et plus entrepre- nants, d'autant que la grande liberté des mœurs leur permettait de nouer des relations avec les filles des chefs et d'augmenter leur ont le type mongolique (Ceux qui ont établi influence. a émis l’hypothèse que le peuplement de la Grande Ile pourrait être dû aux grandes migrations mondiales parties de l’Asie. Les Merina descendraient des Kamites (le groupe Kamito-sémitique se rattache anthropo- logiquement aux Caucasiens ; ce sont des Blancs. plus ou moins fortement nigritisés) et les Vazimba repré- senteraient les Négritiens. Cette théorie des vagues successives permettrait d'expliquer la parenté des popu- lations géographiquement très éloignées comme les Papous et les Malgaches, sans qu'il soit nécessaire de les faire descendre les unes des autres (Bull. de l’ Acad. Malg., 1924, pp. xv-XvI1). (a) « Nous sommes une race étrangère, disent les Hova; nos pères sont venus du Sud-Est sous la conduite d’un chef vaillant et sage, l'ancêtre de notre roi Radama. Le peuple qui possédait les terres où nous sommes fut en partie subjugué, en partie détruit... ». Le R. P. CALLET est aussi de cet avis (Tantara ny Andriana, 1908, p. 116). (b) Dans son Dictionnaire madécasse et français (manuscrit 1816), FROBERVILLE dit que les Oves (Hova) descendent de blancs qui furent jetés vers le milieu de la côte Ouest par le naufrage d’un grand vaisseau. Noël dit aussi que « les Hova ont été chassés du Ménabé qu'ils habitèrent longtemps, et ont été poursuivis par leurs ennemis jusque dans les montagnes inaccessibles du centre » (Recherches sur les Sakalava, 1844, p. 91). — Les Hova sont montés en masse de l'Ouest, venant du pays sakalava entre Marohazo et Mahabo, et se sont d’abord établis à Ifanongoavana, sous le règne d’Andrianamponga (soit vers 1350). — M. CRÉMAzY, ainsi que les RR. PP. ABINAL ET DE LA VAISSIÈRE, pense aussi que les Hova sont venus de l'Ouest. (ce) Les Merina de race javanaise sont d'apparence plus débile que ceux de race indo-mélanésienne et leur type est franchement mongolique; ils ont des rites funéraires autres que ceux si caractéristiques des peuplades des côtes, quoique leur culte pour leurs ancêtres soit tout aussi profond : ils ensevelissent aussitôt après le décès, ils ne relèguent pas les tombeaux loin de leur vue, dans des endroits cachés, et ils ne craignent pas d’évoquer le souvenir des morts. Leur habileté dans les travaux manuels, tels que ceux d’orfèvrerie, de tissage et de tannerie, est grande. Leur langue, tout en étant analogue, est moins nasale, plus complexe et plus savante. Leurs institutions sociales étaient plus fortes et leurs états plus puissants étaient régis par des chefs dont l’autorité sur leurs sujets était d’autant plus réelle que si, suivant une antique coutume, ils prenaient dans les conjonctures graves l’avis du peuple, c’était en kabary, en assemblée plénière; à la tête de soldats nombreux et bien armés prêts à appuyer, s’il en était besoin, les propositions gouvernementales : c’est ce qu’on peut appeler le suffrage universel habilement dirigé. Ces Merina ont peu à peu exercé une grande influence sur les autres peuplades et, grâce à leur intelligence, à leur ténacité et à leur discipline, ils ont fini par acquérir la suprématie à Madagascar, comme les Malais l’ont prise dans l’archipel indien. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 39 hova, qui est le plus intelligent, le plus ingénieux, le plus laborieux, mais le plus voleur, et qui seul cultive bien et qui sait soigner son pays ». Sociables, hospitaliers et très disciplinés, généralement d’un caractère doux et pacifique, ils sont adroits, pratiques et désireux d’apprendre, imitant ce qu’on leur montre, toutefois sans esprit d'initiative ou d’in- vention; ils sont travailleurs et très commerçants, mais sans moralité, fourbes et ingrats, toutefois remarquablement aptes au progrès. Les Vazimba U), qui occupaient le centre de Madagascar lors de la découverte de cette île par les Européens étaient, ainsi que le montrent leurs mœurs et leur langue, les descendants d’immigrants venus volon- tairement ou non d'îles de l'Océan Pacifique, qui, comme d’autres insulaires de l’Extrême-Orient, y ont été portés par le grand courant équatorial. Leurs chefs, et il en était de même chez les Betsileo et les Antanala, étaient désignés sous le nom d'Hova (). Par respect des traditions et des coutumes de leurs ancêtres qui, habitants des îles madréporiques, avaient pour principale, sinon pour unique nourriture, le poisson, et qui, n’ayant à leur disposition ni mine- rai, ni argile, ne faisaient pas d’armes en fer ), ni de vases en terre, ils ont continué leur même genre de vie et ont choisi dans la région centrale la vaste région (# occupée par des lacs et de vastes marais (% où ils pouvaient se livrer à la pêche et continuer le régime de leurs ancêtres, dédaignant le bétail qui y existait cependant. Leurs villages étaient des agglomérations de maisons en pisé rougeâtre. (1) Voir l'étude sur les Vazimba d’Imerina, dans l’Ethnographie, t. I, p. 234-235 de cette Histoire de Madagascar. (2) Jusqu'au commencement du xIx£ siècle, le centre de Madagascar a été désigné par les indigènes eux-mêmes sous le nom d’Ankova (litt. : où habitent les Hova) et ce nom de Hova était donné à tous les habitants du centre sans que les nobles en fussent froissés. Dans certaines îles de l'Océanie, aux Tonga, « chef » se dit Houa (Dict. RABONE). (3) La tradition dans l’Imerina est que les Vazimba n’avaient pour armes que des sagayes dont la pointe était non en fer, mais en tany manga, en argile cuite; il est plus vraisemblable qu'ils avaient des piques en bois très dur et pointues, comme récemment, il y en avait encore dans le Sud. (4) Qu'ils ont nommée « Bemihisatra», (litt : où l’on s’est arrêté). On l’a depuis appelée «Ime- rina » (litt. : où la vue s’étend au loin (parce que le pays est nu, sans arbres). (5) Dont beaucoup ont été ultérieurement transformés en rizières depuis le règne d’An- driantsitakatrandriana, fils .d'Andrianjaka et petit-fils de Ralambo. 40 MADAGASCAR. La généalogie des chefs Vazimba remonte à environ l’an 1300 ®) : le premier dont le souvenir soit arrivé jusqu’à nous est Andrianerinerina, auquel certaines légendes prêtent une origine divine (), et dont le onzième successeur a été vers 1530 la petite reine Rafohy, dont le royaume se composait de sa modeste capitale et de quelques humbles hameaux, et qui a épousé un Javanais naufragé, l'ancêtre des rois merina, Rama- nihimanjaka (le roi Ramanihy). Rafohy, comme sa mère (certains historiens disent sa fille ou sa sœur) Rangita, habitait le village de Meri- manjaka, situé à 6,500 mètres Sud-Sud-Est de Tananarive, qu’entourait (1) Voir à l’Appendice, n° 2, la liste de ces chefs. — Pour l’histoire des Merina depuis l’époque des Vazimba jusqu’à Andrianampoi- nimerina, voir History of Madagascar, d'ELLIS, t. IT, 1838 (Vazimba, p. 114-115 ; Andriamanelo, p. 117; Ralambo, p. 117-119; Andrianjaka, p. 119-120; Andriamasinavalona, p. 121-122; Andrianjafy, p. 122-123); Manuscrits merina de la Bibliothèque GRANDIDIER, in-folio, 1870, t. I (Origine des Merina, p. 1-4) et t. IT (Histoire des Vazimba, p. 322-324, et Généalogie et His- toire des rois, p. 344-358); R.-P. CALLET, Tan- tara ny Andriana, t. 1, 1878 (depuis le temps des Vazimba jusqu’à Andriamasinavalona), et t. IT, 4875 (jusqu’à Andrianampoinimerina), et’ Zraka, 15 septembre 1897 au 15 octobre 1898 (Andriama- nelo, 94-95 et 125-128 ; Ralambo, p. 134-135 ; An- drianjaka, p. 151-152 et 157-159; Andriantsita- katrandriana, p. 166-167 et 173-175 ; Andriama- sinavalona, p. 183-184, 191, 198-200, 214-216, 231-232 et 236-238; les fils d'Andriamasinava- lona, p. 247-248 et 253-255; Andriambeloma- sina, p. 261-264; les trois arrière-petits-enfants d’Andriamasinavalona, p. 269-262; RR. PP. ABINAL et de LA VAISSIÈRE, Vingt ans à Mada- gascar, 1885, p. 60-84; D' J. RASAMIMANANA et L. RAZAFINDRAZAKA, Contribution à l’histoire des malgaches « Les Andriantompokoindrindra», 1909, p. 1-45; R. P. MaALzAC, Histoire du Royaume Hova, 1912 (les Vazimba, p. 15-28 et 30-31; les Andriana merina, p. 28-31; Andria- manelo, p. 31-33; Ralambo, p. 34-40; Andrian- jaka, p. 40-45; Andriantsitakatrandriana, p. 46- 91; Rasakatsitakatrandriana, p. 51-53; Andria- masinavalona, p. 54-65; ses quatre fils, p. 65- 69; ses trois petits-fils, p. 70-74, et ses trois arrière-petits-fils, p. 74-76). CG. SAVARON ainé, Contribution à l’histoire de l’Imerina, Bull. de l’Acad. malg., 1928, p. 61-81; CHEFFAUD, Note sur la chronologie des rois d’Imerina. Bull. Acad. malg.. 1936, p. 37-47. (2) I y a des Merina qui prétendent que cet Andrianerinerina n’était pas l'ancêtre des chefs Vazimba, mais celui des Andriana malais; Dieu, disent-ils, envoya un jour son fils sur la terre pour jouer avec les Vazimba, leur recom- mandant de ne pas le mener auprès des mou- tons et surtout de ne pas lui en faire manger. Un Vazimba impie dit : « Bah! faisons cuire sa nourriture dans un pot où nous avons coutume de cuire du mouton, et nous verrons ce qu’il adviendra. » Mais lorsque le fils de Dieu eut pris son repas, il ne put regagner le ciel, et Dieu dit aux Vazimba : « Pourquoi gardez-vous mon fils? » Les Vazimba, pris de peur, s’enfuirent, mais, les faisant assembler, il leur demanda : « Que préférez-vous? Servir mon fils, ou que je prenne vos vies? » « Servir votre fils » répon- dirent-ils. « Eh bien! mon fils s’appelle Andria- nerinerina », dit Dieu et, remontant au ciel, il lui envoya une femme qui lui donna un héritier, Andriananjavonana. — Il y a lieu de remarquer que les ancêtres maternels des Andriana merina, des chefs d’origine malaise, étaient des Vazimba et que ces Andriana n'avaient pas à Madagascar d’ancêtres paternels avant le XVI siècle. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 41 un grand fossé et où donnait entrée une double porte encadrée par de grands piliers de pierre. Rangita, comme ses prédécesseurs, a, suivant l’usage de ses ancêtres océaniens, qui étaient des pêcheurs et des marins, été enterrée dans une pirogue recouverte d’une autre qu’on coulait dans un lac voisin; une tradition indigène dit que seuls les intestins, ont été immergés dans le marais situé au Nord de Merimanjaka appelé depuis Farihin-dRangita et que les autres restes mortels ont été déposés dans le tombeau de Rafohy, situé à l'entrée du village (); en tous cas les eaux du marais ont été depuis regardées comme sacrées par les An- driana ou métis malais dont elle était l’aïeule, et tous les souverains merina, jusqu’à la fin de leur monarchie, ont invoqué dans leurs prières les sept derniers souverains vazimba dont ils citaient d’abord les noms (1, et sont venus souvent offrir sur ses bords des sacrifices : c’est là qu’on puisait l’eau dans laquelle se baignait chaque année le souverain à la fête du Fandroana « pour renforcer et bonifier son destin ». Parmi les nombreuses familles de Vazimba qui habitaient le centre de Madagascar %), il y en a une autre, celle des Antehiroka (#), qui avait aussi une grande importance : (4) SAVARON AÎNÉ, « Notes sur le Farihin- dRangita (marais de Rangita) Nord d’Imeri- manjaka », Bull. Acad. malg., 1912, p. 373- 371. (2) Andriampandrana, Rafandrandava, Ra- masindohafandrana, Rafandrampohy, Rafan- dramanenitra (qui ont tous les cinq régné à Ampandrana, où ils sont enterrés, et que, dans les prières, Andriamampoinimerina réunissait sous le vocable commun : Rafandrana), Rafohy et Rangita. Puis venaient les noms de ses neuf ancêtres métis de Vazimba (d’Indo-Mélanésiens) et de Javanais. (3) Les mpanjaka, les rois ou plutôt les roite- lets, étaient nombreux en Imerina à cette époque : on en comptait huit dans l’Avaradrano (à Ambohidrabiby, à Antananarivo, à Amba- tomanga, à [lafy, à Namehana, à Merimandroso, à Amboatany et à Ikialoy), sept dans le Vakini- sisaony (à Ampandrana, à Merimanjaka, à Ala- sora, à Hiaranandriana, à Andramasina, à Tsia- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. c'est celle dont sont issus les premiers fahy et à Ambatomanga), trois dans le Marova- tana (à Ambohidratrimo, à Ampananina et à Ambohimirimo); cinq dans l’Ambodirano (à Androibé, à Antsahadinta, à Fenoarivo, à Vatonilaivy et à Ambohibeloma) et trois dans le Vakinankaratra (à larivo, à Imanandriana et à Ambositra). Quant à la sixième province d’Imerina elle n’avait pas, disent les historiens malgaches, de «grands rois » (!!), mais une foule de petits chefs, descendants d’Andrianantoa- rivo, les Zanakandrianantoarivo : chaque village avait son principicule. — Du reste, jusqu’à la fin du xvirie siècle, jusqu'à Andrianampoini- merina, il n’y avait pas, dans l’Imerina, que trois ou quatre rois, il y en avait peut-être une trentaine, tous parents du reste, qui reconnais- saient dans une certaine mesure la suzeraineté des plus puissants d’entre eux, mais qui n’en étaient pas moins, en fait, indépendants : on était en pleine féodalité. ; (4) Voir l’Appendice, n° Il, page 358. 6 42 MADAGASCAR. ministres de la reine Ranavalona Tr et de ses successeurs, maïs, n’ayant pas comme la précédente contracté d’alliance avec des Malais, elle a été réduite en sujétion après que, vers 1620, Andrianjaka se fût emparé de Tananarive, où régnaient Andriambodilova et Ratsimandafika, qu'il traita d’ailleurs généreusement (4). Toutefois, les Andriana merina ont honoré ses chefs, notamment Andriampirokana, qui était contemporain de Ralambo et qui était le père d’Andriambodilova et de Ratsiman- dafika (), Les Vazimba du Sud, du Vakinankaratra, ont aussi leur célébrité (®); c’est dans le massif d’Ankaratra, dit la légende, que vivait Rasoalao qui a épousé le géant Rapeto, le chef du pays au Nord du lac Itasy, autour du Mont Ambohimiangara (4 : ces deux célèbres Vazimba, qui sont l’objet de récits fabuleux, auraient été contemporains du premier ancêtre des Andriana merina, dont le fils aurait épousé leur petite-fille (5). Il y a aussi des Vazimba dans l'Ouest de Madagascar () qui seraient, croit-on, les descendants des Vazimba du Centre vaincus par les Merina et qui se seraient réfugiés dans cette région de l’île; ils sont dispersés sur la côte et dans l’intérieur et se sont adaptés à leur milieu; les traditions familiales qui ont persisté jusqu’à nos jours s'accordent à dire qu'ils sont venus du Nord au Sud, mais qu'il y a eu aussi une immigration de l’Est vers l’Ouest. Ils sont pour la plupart des pêcheurs « sur terre » comme ils disent, c’est-à-dire des rivières et des lacs tandis que les Sakalava Vezo sont des (1) Toutefois, en les honorant, il les à éloignés de Tananarive, où il s’est établi, et il leur a assigné comme résidence, au premier, Ambohi- manarina, où son tombeau a été l’objet de la vénération générale, et au second, Ambohitri- niarivo, où il est enseveli; il leur a donné comme apanage les localités d’Ambohitrinimanga et d’Amboditsiry; Raïniharo, le ministre de Rana- valona I, a hérité de cette dernière, que son fils Rainilaiarivony a transformée en une belle campagne. (2) Les souverains de l’Imerina ont toujours rendu de grands honneurs aux « restes sacrés » de ces trois Hova vazimba dont le tombeau du père est à Tananarive. Ce sont leurs descendants qui avaient la charge honorifique de bénir les princes qu’on allait circoncire. (3) Voir l’Appendice, n° II, page 358. (4) Rapeto serait mort dans l’Imamo et sa femme Rasoalao à Manerinerina, dans le pays sakalava. (5) Voir la note 1 du premier paragraphe de l’Appendice, page 358. (6) R. DRURY, The adventures of R. Drury during fifieen years of capitivity in the island of Madagascar, Londres, 1729. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 43 pêcheurs « sur mer ». Leur religion diffère de celle des Sakalava; le trait le plus saillant est l’absence d’hazomanga. A part ces Vazimba lacustres, il existe un groupement de Vazimba montagnards établis au Nord de la Tsiribihina, dans une partie de la chaîne de Bemaraha où ils sont dissimulés sous le nom de Beosy ®. (1) E. BIRKELI, Les Vazimba de la Côte Ouest de Madagascar (Mémoires de l’Académie mal- gache), Tananarive, 1936. CHAPITRE II LES PREMIERS ANDRIANA MERINA (1530(?)-1787) (1 I. — C'est le fils de Rafohy, de la petite reine Vazimba de Merimanjaka, Andriamanelo , qui a ouvert la dynastie des Andriana, c’est-à-dire des (1) Les rois de cette dynastie ont été consi- (2) L'histoire relative aux souverains dérés après leur mort et même pendant leur vie comme Zanahary, comme Andriamanitra, c’est- à-dire comme des êtres divins, détenteurs dans une certaine mesure de la puissance de Dieu, d’une puissance extra-naturelle, du hasina (de la sainteté) et ils avaient par conséquent droit à de grands honneurs et à toutes sortes de privi- lèges (voir le tome III de l’Ethnographie, de cette Hist. de Madag., p. 611-612, n° 240). — Ils appelaient Ambanilanitra (litt. : ceux qui sont sous le ciel) tous leurs sujets, nobles, bourgeois et esclaves, et Ambaniandro [litt. : ceux qui sont sous l’(astre du) jour] leurs sujets merina est tirée, surtout jusqu’à 1811, des Tantara ny Andriana du R. P. CALLET qui à recueilli avec une patience infatigable toutes les légendes relatives à l’Imerina (a), qu'a. d’ailleurs résumées le R. P. MALZAC dans son Histoire du Royaume hova, p. 19-166, et dont les RR. PP. ABINAL et de LA VAISSIÈRE (Vingt ans à Madagascar, 1885) ont publié de courts extraits. ELLIS, dans son Hist. of Madag. t. II, en avait donné un aperçu jusqu’en 1836, enfin, M. C. SAVARON dans : Contribution à l’histoire de l'Imerina, Bull. Acad. Malg., 1931, p. 56-66, une importante étude sur le peuplement du Centre de lIle, et les con- quêtes des différents souverains jusqu’à Andrianjaka. libres, car ils croyaient au début qu'il n’y avait pas d’autres hommes sur la terre que les habitants de Madagascar. (a) Tantara ny Andriana, édit. 1908; Vazimba, p. 7-64; Andriamanelo, p. 65-138; Ralambo, p. 139- 236; Andrianjaka, p. 237-274; Andriantsitakatrandriana, p. 275-281; Andriantsimitoviaminandriandehibé,. p. 282-283; Razakatsitakatrandriana, p. 284-292; Andriamasinavalona, p. 293-374; ses quatre fils, p. 376- 419; ses trois petits-fils, (Andriambelomasina, etc.), p. 220-442; ses trois arrière-petits-fils, p. 422-430 et 937-939 et 408; Andrianampoinimerina, p. 430-432 et 484-486, 507-865 et 966-1060; Radama I, p. 232, 702-703, 726-727, 1060-1179, 702, 703, 1136, 1137, 1147-1179; Radama II, p. 1186; Rasoherina, p. 1188. (Des extraits en ont été donnés dans l’/raka depuis le 15 septembre 1897 jusqu’en 1903). — Voir aussi pour Andrianampoinimerina et ses successeurs jusqu’à Ranavalona Il, le vol. II du MS malgache de la Bibliothèque GRANDIDIER, p. 268-368. — Dans les Documents sur la côte occidentale de Madagascar (1845), GuizzaiN parle d’Iamboasalama (Andrianampoinimerina) p. 42-45; dans le Vaovao frantsay-malagasy du 29 janvier 1897, p. 19, il y a un T'antara ahazoan-kevitra ayant trait à Andrianampoinimerina, et, dans le Bulletin de l’Académie Malgache (vol. X, 1912, p. 157-182), le R. P. Soury-LAVERGNE a donné une Tranche- d'histoire merina : Andrianampoinimerina, les sept ans de paix, tirés des Tantara ny Andriana du R. P. CALLeT (p. 434-443 et 483-506). G. JuLien a fait, dans le tome I des Znst. politiques et sociales- de Madagascar, 1908, l’histoire de son œuvre politique, législative et sociale, p. 172-428. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 45 chefs d’origine malaise (4), dynastie qui a remplacé celle des Hova, c’est- à-dire des chefs d’origine indo-mélanésienne. Andriamanelo a succédé à sa mère vers 1530 (?) et, grâce à son intelli- gence et à sa volonté, qualités inhérentes à la race jaune que lui avait transmises son père, il a accru son petit domaine et a entouré d’un fossé sa ville d'Alasora, dans laquelle on n’a plus dès lors pénétré que par deux portes. Il avait un frère cadet () qui lui inspirait de la jalousie et qu’il fit tuer. Il épousa la fille de Rabiby, le roi d’'Ambohidrabiby, dont elle était l’unique héritière; cette princesse, nommée Randapavola (1, eut sept enfants dont les 6 premiers moururent en bas âge, mais dont le septième, nommé Ralambo (litt. : le Seigneur Sanglier), parce qu’au moment où il est né (9 à Ambohibaoladina, au nord-est d’Ambohipeno, un sanglier a été tué dans les fossés de cette petite ville ($), grandit heu- reusement sous les yeux de son père, qui s’occeupait d'accroître ses États. (4) Les filles d’émigrés malais et les femmes vazimba ne devant avoir et, le plus générale- ment, n’ayant de relations qu'avec des Malais ou des métis malais, ont eu, dès la seconde et la troisième génération, des enfants n'ayant plus qu’un quart et même un huitième de sang noir (a). En 1613, le R. P. Luis MARIANO écri- vait : (Il y a des Malgaches qui ont presque le teint des Blancs et qui peuvent soutenir la com- paraison avec les métis les plus clairs, ce sont ceux qu’on amène du royaume des Hova, du Centre de l’île, et qu’on vend dans la baie des Boïina aux Arabes : parmi ces blancs, quelques- uns ont les cheveux crépus, d’autres les ont lisses comme nous ». (Ouv. anciens conc. Madagascar, par A. et G. GRANDIDIER, t. II, p. 12-13). — Voir au sujet de ce nom de hova la note 3 de la page 91 de l'Ethnogra- phie, t. I, de cette Histoire de Madagascar (2) Les Merina n’ayant appris à compter les dates qu’à partir de 1820 avec les missionnaires anglais, il est impossible de fixer d’une manière précise le commencement et la fin des règnes des rois qui ont précédé Andrianampoinimerina. (3) Rafohy en effet avait deux fils et elle leur dit : «Raha anio tontolo andro, anao Andriama- nelo, fa lahimatoa hianao; ary raha ny farany, an’ Andriamananitany kosa ». (Toi, Andriama- nelo, tu es l’aïné et tu règneras pendant le jour; mais quand viendra le soir, ce sera le tour d’Andriamananitany). (4) Mais qui, après la naissance de son fils Ralambô, prit le nom de Rasolobé. (5) Du vivant de sa grand’mère Rafohy. (6) Nommée depuis lors Ankadindambo (litt. : où est le fossé du sanglier). (a) Certains auteurs ne croient pas qu'une centaine de Javanais venus en Imerina au commencement du xvie siècle ait suffi pour exercer une influence sur l’organisation sociale et le développement économique de Madagascar. Il est très compréhensible cependant que ces Javanais, très supérieurs par leur intelli- gence et par leur industrie aux Vazimba, qui n’avaient pas encore été en contact avec les Arabes du Nord-Ouest, n’ont pas eu grand-peine à s'imposer peu à peu à eux et à prendre le pouvoir, comme l’a fait dans le Sud-Est une poignée d’Arabes. D'ailleurs une centaine de Javanais, arrivant dans un pays où ils ont tout de suite pris femme et où la très grande liberté de mœurs qui y existait leur permettait d’avoir en outre beaucoup d’enfants illégitimes, a donné naissance à tant de métis que ceux-ci se mariant entre eux conformé- ment à la loi qu’ils avaient édictée. et par conséquent andriana purs, et les femmes étant mères dès l’âge de 13 à 14 ans, ils étaient déjà nombreux au bout d'un demi-siècle. ; 46 MADAGASCAR. La légende merina est que l’usage du fer était encore inconnu dans le Centre de Madagascar au xv® siècle 4) et que, dès son arrivée au pouvoir dans la première moitié du xvie, le fondateur de la dynastie malaise, Andriamanelo, transporta sa résidence de Merimanjaka à Alasora et apprit à ses sujets : 1° à forger le fer (? pour faire des sagayes, armes qui n'étaient pas alors en usage dans l’Imerina, ainsi que des haches, des coutelas, etc.; 20 à creuser avec les haches des pirogues pour remplacer les radeaux de rondins et de joncs dont se servaient jusque-là les Vazimba; 39 à connaître l’avenir par le moyen du sikidy ), de la bonne aventure, et du fanandroana, de l’astrologie, et, 49 à circoncir leurs enfants suivant certains rites, consacrant, pour cette cérémonie, l’eau du /arihy, du petit lac auprès d’Alasora. Ces soi-disant inventions n’étaient nouvelles que pour les habitants du Centre, descendants, comme nous l’avons dit, d’insulaires océaniens qui n’avaient pas encore été en relations avec les immigrants soit arabes, soit indiens, installés, quelques-uns depuis fort longtemps, sur les côtes. Une fois armés, Andriamanelo et ses sujets (4 eurent sur les clans voisins une supériorité qui leur permit d'augmenter leur domaine « Andao isikia hanainga, fa manao vy manindrona Andrianamelo », disaient les Vazimba, (Fuyons, car Andriamanelo a fabriqué du fer qui tue) (5); il soumit facilement les clans habitant depuis Analamanga (Tananarive actuel) jusqu’à Antanamalaza (à une vingtaine de kilomètres (1) Ce n’était vraisemblablement pas parce qu'ils ignoraïient l’usage du fer ou le moyen de s’en procurer que les Vazimba n'avaient point d'armes ou d'instruments de métal; c'était par respect des coutumes de leurs ancêtres qui, habitant des îles de formation corallienne, où il n’y avait pas de minerai, n’avaient jamais fait de sagayes et quoiqu'’ils ne fussent pas sans savoir que, dès longtemps, les peuplades voi- sines en avaient, ils n’en continuaient pas moins à mener la même vie que leurs ancêtres, n’ayant d’autres armes que des javelots en fany manga (en argile cuite), ou plutôt des piques en bois dur. (2) Les immigrants javanais, qui n'étaient pas sans avoir quelques notions à cet égard, ont eu la chance de trouver de l'excellent minerai de fer à fleur de terre à la frontière orientale de l’Imerina. (3) D'origine sémitique. — Voir l’Ethno- graphie, t. III, p. 495-506, 511 (n° 1 et 2), 596 (n° 211) et 622-624 (n°° 272 et 273). (4) Ces nouveau-venus, qui étaient très intelligents, avaient de remarquables facultés d'adaptation et leur expansion au milieu des autres peuplades a eu sur elles un grand effet, quoiqu'ils aient abusé de leur supériorité pour les exploiter. (5) Manuscrit merina, de la Bibliothèque GRANDIDIER, p. 1-2 HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 47 à l'Est-Sud-Est de Tananarive) et, voulant conserver la pureté de sa race, il donna comme femme à son fils Ralambo sa petite-nièce Ratsi- tobina (Ü), qui était la petite-fille de son frère Andriamananitany, de ce frère qu'il avait fait tuer. Il a été enterré à Alasora. II. — Ralambo succéda à son père vers 1570 @) et prit alors une deuxième femme, Rafotsimarohavina (), dont la beauté l’avait séduit et qui lui donna un fils, Andriantompokoïindrindra (4. Quant à la vady bé, à la première femme, elle n’eut un enfant, Andrianjaka (), qu'après la vady kely, la seconde femme. Comme son père, Ralambo continua à étendre (1) Comme les mariages entre parents proches étaient prohibés, on a exorcisé le couple et offert à Dieu un sacrifice avec des prières. (2) Les premiers rois de l’Imerina portaient comme insigne, non pas une Couronne comme leurs derniers descendants, mais un bandeau de drap rouge, large de quatre centimètres, qu'ils ceignaient autour de la tête et qui portait en avant un petit crocodile en argent flanqué de chaque côté d’un bout de corne de bœuf. Le crocodile, long d’environ sept centimètres, en avait sur le dos un plus petit, long de trois cen- timètres, dont la tête était placée au-dessus de sa queue et la queue sur le cou; quant aux bouts de corne, qui mesuraient environ quatre centimètres, ils étaient fermés par un tampon de bois arrondi au sommet duquel était placée une grosse perle rouge (R. P. Camboué). — On donnait à ces rois le nom d’Andriamanitra hita maso, la divinité qu’on voit, qui est visible. — C’est sous le règne de Ralambo, comme nous l’avons dit, que le nom d’Imerina (litt. : (pays nu, où l’on voit au loin) à été donné à la région centrale de Madagascar (a). Voir au sujet des premiers souverains merina « Ny tantaran-dRoazana » (de Rangita à Ralambo) dans le Mpanolo tsaina, 1909, p.106- 110, et 1910, p. 29-36. (3) Litt. : Madame qui a beaucoup de boucles d'oreilles. Le Dr RASAMIMANANA n'’attribue à Ralambo qu’une femme, la petite-nièce de Rabiby dont il aurait eu deux enfants :une fille Ravaomasina et un fils Andriantompokoin- drindra (Contribution à l'histoire des Malgaches, 1909, p. 5). (4) Litt. : Le Seigneur qui est tout à fait mon maître. (5) Litt. : Le Seigneur puissant. (a) À la mort du souverain, disent les annales merina, les Grands du pays s’entendaient au sujet de son héritier et annonçaient alors au peuple et la mort du roi et le nom de son successeur : lorsqu'il y avait deux prétendants, celui qui n’était pas élu était mis à mort, ainsi que ses partisans, considérés comme coupables de haute trahison et de révolte. Le nouveau souverain se montrait alors à son peuple, vêtu d’un manteau pourpre, et l’un des chefs disait : « Voici, Ambanilanitra (litt. : vous tous qui vivez sous le ciel), voici le maître du pays, le maître du royaume. Dieu et ses ancêtres le lui donnent. Ayez donc con- fiance! il ne dévorera pas vos femmes (tsy hihinam-bady anareo) il ne dévorera pas vos enfants (sy hihinan-janaka anareo), il ne dévorera pas vos biens (tsy hininam-pananana anareo) il apportera dans vos familles la prospérité et la tranquillité (hanao 1izay handrian’ny vadinareo sy ny zanakareo) ». Le peuple poussait le hoby, acclamant le souverain et criait: « Salut à vous qui êtes notre maîtrel » et le souverain répondait : « J'accepte vos souhaits. Ayez confiance, chers Ambanilanitra, car moi, successeur d’un tel et d’un tel (et il disait les noms de ses deux prédécesseurs), moi l’héritier des douze souverains, je suis votre père, je suis votre mère. Que vos femmes et vos enfants dorment tranquilles! Pauvres ou riches, vous n’avez rien à craindre, car je veillerai sur vous. Que tout le pays repose en paix! » Le peuple acclamait de nouveau le souverain et les chefs lui faisaient hommage lige en lui présentant une piastre et un bœuf volavita (rouge et blanc). Après avoir remercié les chefs et le peuple, le souverain retournait dans son palais et on annonçait les règles du deuil (Manuscrits merina, de la Bibliothèque GRANDIDIER, in-folio, p. 262-263, et traduction, cahier n° 10 p. 121-125). 48 MADAGASCAR. son autorité, grâce, disent les Malgaches, aux sampy. ou puissants talismans qu'il avait acquis (1), mais surtout en raison de l’infériorité de ses voisins, tant au point de vue des connaissances générales et de l'intelligence qu’à celui des armes dont ils disposaient. Il ne cessa d’être en lutte avec les Vazimba, mais il triompha facilement, aussi bien de ceux qui étaient au Nord et qui vinrent attaquer, les uns (), Ambohipeno () et les autres, Ambohimanambola (#, que de ceux qui étaient au Sud et à l'Est et qui, les uns cherchant à s'emparer d’Ambohi- baoladina, furent mis en fuite par un seul coup de fusil, le premier qui ait été tiré en Imerina 5), et les autres, les habitants de Merinkasinina (, (1) Les premiers Sampy sont venus en Ime- rina, du temps de Ralambo, ce sont : Rakeli- malaza (litt. : qui, tout petit qu'il est, a un grand renom), Manjakatsiroa (litt. : (A Mada- gascar), il n’y a pas deux souverains) et Rafan- taka (litt. : le roseau). Ils ont été apportés du Sud-Est, de l’Imorona où habitent les descen- dants d’une colonie arabe, le premier par une femme Ikalabé qui fuyait son pays et qui vint résider à Ambohimanambola, à 10 kilomètres à l'Est de Tananarive; quand les habitants de cette ville connurent la puissance de son talis- man, ils la tuèrent de peur qu’elle leur ravit ce trésor inestimable, qui rendait le souverain invincible, le mettait à l’abri de tous les mal- heurs et protégeait le peuple contre les épidé- mies et les cultures contre la grêle. Manjakat- siroa qui assurait le souverain contre toute concurrence, était devenu le compagnon insé- parable de Ralambo et de ses successeurs jus- qu’en 1869, année où la Reine et le Premier Ministre ont embrassé la religion chrétienne; Rafantaka était aussi préposé à la sauvegarde du souverain et de sa famille et, lorsque après son avènement il se montrait à son peuple pour la première fois, c’est avec ces deux talismans à la main qu'il montait sur la pierre sacrée de la place d’Andohalo. (Voir, t. III, de l’Ethno- graphie, p. 605-608, n° 234). La foi dans la puis- sance de ces talismans était telle que, lorsque le général Duchesne marchait sur Tananarive en 1895, Rakelimalaza fut porté solennellement au-devant des envahisseurs par une procession de Merina avec la conviction qu'il les arré- terait et les ferait reculer. (2) Le R. P. CALLET dit que cette première attaque à été faite, non pas par des Vazimba, mais par des Sakalava. (3) La légende dit que le Seigneur de cette petite ville était un Andriana, un métis malais parent et vassal de Ralambo qui, après avoir invoqué Rakelimalaza, inspiré par ce talisman, prit des œufs pourris et les lança contre les ennemis : un seul fut atteint et tomba raide mort, entraînant du même coup dans l’autre monde tous ceux qui étaient auprès de lui. Épouvantés, les autres s’enfuirent et s’embour- bèrent dans les marais où la plupart périrent : ce lieu s'appelle Mandamoka (litt. : qui est pourri) (R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, 1908, p. 142). (4) Un autre lieutenant de Ralambo, Andria- nalina, dit la légende, ayant pris en main ce même Rakelimalaza, invoqua le ciel et aussitôt tomba sur les assaillants une quantité énorme de grêle qui couvrit la colline et tua les ennemis (R. P. CALLET). (5) Les assaillants, en s’enfuyant, furent, dit-on, engloutis dans les marais appelés depuis Ankonamantsina (litt. : où il y a des marais infects), parce que les nombreux cadavres qui y étaient massés répandaient une très mauvaise odeur (R. P. CALLET). (6) A 7 kilomètres à l’E. d’Ambohipo. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 49 donnant dans un piège habilement tendu (), furent vaincus : pour per- pétuer le souvenir de cette victoire qui le rendit maître d’un canton de l'Est, il a élevé un vatotsangana, une pierre commémorative, à Ambohi- bato, et l’endroit a pris le nom d’Analamahazo (litt. : où est le bois du triomphe); sur cette pierre se sont placés depuis les rois merina lors de leur avênement (?). (1) Le roi vazimba, Andrianafovaratra (litt. : le maître de la foudre, parce qu’on lui attri- buait le pouvoir de se servir de la foudre pour couper les arbres et fendre le bois qui lui ser- vaient à cuire sa nourriture) refusait, dit la tra- dition, de se soumettre à Ralambo parce qu'il avait des talismans qu'il jugeait tout puissants. Celui-ci lui envoya à sa ville d’Ambohibato un homme habile, Andrianandritany (litt. : la en effet en route pour aller à la rencontre de son rival, mais, pendant ce temps, ce perfide conseiller mit le feu à Merinkasinina et le roi vazimba, apercevant les flammes, s’empressa de revenir sur ses pas, mais, surpris par les ennemis qui s'étaient cachés aux environs, il dut se sauver vers l’Est et n’osa plus lutter contre Ralambo, dont il jugea les talismans supérieurs aux siens. (Ny Iraka, p. 136) (a). (2) Car c’est là qu’a commencé à se former le royaume merina (b). colonne du pays), qui lui conseilla d’aller se mesurer avec lui parce que, lui dit-il, il était sûr d’en avoir raison, Andrianafovaratra se mit (a) Dans les manuscrits merina que nous possédons, il est relaté que Ralambo s’est emparé d'une ville située au Sud-Ouest d’Ambohimanga en faisant déposer pendant la nuit, sur les bords de la rivière, du riz et de la viande sur des feuilles de bananiers, comme si c’étaient les restes du repas d’un grand nombre d'hommes; le matin les Vazimba, pris de peur à cette vue, dirent : « Ralambo est venu cette nuit pour se battre avec nous; sauvons-nous et allons nous réfugier ailleurs, car il a à sa disposition le fer qui tue et il nous exterminerait », et ils s’en allèrent chez les Antairoka (MS, in-folio, t. I, p. 2). Dans le t. Il, p. 156, il y a une variante : ce ne sont plus les restes d’un repas qu’en se réveillant les Vazimba trouvèrent aux environs de leur ville, mais un repas complet, comme si leurs ennemis surpris n’avaient pas eu le temps de le consommer et, s’étant assis, ils mangèrent; mais pendant qu’ils se régalaient, Ralambo et ses hommes se jetèrent à l’improviste sur eux en leur criant : « Ah! bandits, vous mangez notre riz et notre viande! », et ceux-ci, éperdus, s’enfuirent chez les Antairoka. (b) Ezuis (Hist. of Madagascar, t. II, p. 114-115); le R. P. CaLLeT (Tantara ny Andriana); M. Jurry (Origine des Andriana ou Nobles, Notes, Reconn. et Explor., t. V, 1898, p. 890-898) et le R. P. Mazzac (Mioe sur les dynasties hova, t. VII, 1899, p. 519-521), ont chacun dressé une liste des rois ayant régné en Imerina qui en compte, jusqu'à Andrianampoinimerina compris, respectivement 23, 21, 24 et 25. Voici les noms des 21 souverains énumérés par le R. P. CALLET : 19 Andrianamponga (litt. : le roi du tambour) qui a régné à Fanongoavana; 20 Andrianamboniravina (à Ambatondrakorikia); 3° Andrian- dranolava (id); 4° Rafandrandava (à Ampandrana); 5° Ramasindohafandrana (id); 6° Rafandrampohy (id); 7° Rafandramanenitra (à Ambohimasimbola); 8° Rafohy, vers 1525 (à Merimanjaka); 9° Rangita (id); 10° Andriamanelo {à Alasora); 11° Ralambo (à Ambohitrabiby); 12° Andrianjaka (à Tananarive); 13° Andriantsitakatrandriana (id); 14° Andriantsimitoviaminandriandehibé (id); 15° Andriamasinavalona, son frère (id); 16° Andrianjakanavalomandimby (id); 17° Andriampoinimerina (id); 18° Andrianavalo- bemihisatra (id) (dont le tombeau est le septième et dernier des Trano fito miandalana, des sept tombeaux royaux existant dans le Rova de Tananarive); 19° Andriambalohery, son frère cadet (qui, mort à la suite d’une maladie de peau, n’a pas été enterré aux côtés de ses ancêtres); 20° Andrianamboatsi- marofy (qui, vaincu et chassé de Tananarive en 1794, n’a pas été enseveli dans le tombeau de ses ancêtres) et, 21° Andrianampoinimerina, son cousin, qui a régné de 1787 à 1810 et qui a eu pour successeurs Radama I (1810-1828), Ranavalona Ier (1828-1861), Radama IT (1861-1863), Rasoherina (1863-1868), Ranavalona II (1868-1883) et Ranavalona III (1883-1897). D’après un manuscrit ancien, dit manuscrit de Rabetrano publié par Dr J. RasamiImanana et L. RazAFINDRAZAKA, dans Contribution à l’histoire des Malgaches, « Les Andriantompokoindrindra », Ambohimalaza 1909, les douze souverains merina ayant précédé Andriamanelo auraient été : 1. Andriananjavonana 2. Andrianabhitrahitra, 3. Andrianerinerina, à Ifanongoavana, (Voir la suite de cette notule à la page suivante.) HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 7 50 MADAGASCAR. Il en a également dressé une, qu’on a appelée Ambatondralambo, auprès d’Ambohidrabiby où il résidait, en commémoration de ses conquêtes dans le Nord, et c’est du haut de ce pelvan, de cette pierre levée, qu’il a dès lors présidé ses kabary, ses assemblées publiques. Son « royaume » avait alors une étendue de quinze lieues du Nord au Sud et de huit lieues de l'Est à l'Ouest c’est lui, dit-on, qui a donné alors le nom d’ « Imerina » @) (litt. : où la vue s’étend au loin) au pays qui lui appartenait et qui, depuis, comprend toute la région centrale de Madagascar. Un jour que Ralambo était tranquillement à Ambohidrabiby, il apprit tout à coup qu’une armée de Sikanaka et de Bezanozano s’avan- çait contre sa capitale. Aussitôt, il fit appeler ses deux fils : lorsque les envoyés arrivèrent à Ambohimalaza, où habitait l’aîné, Andriantompokoindrindra, ils le trouvèrent en train de faire une partie de /anorona (sorte de jeu de dames ou plutôt de trictrac), son jeu favori (?), et, malgré leurs instances pressantes, ils eurent pour toute réponse : Zzaho mbola hamono ny telo ho dimy (avec ces trois jetons, ou graines, je vais en prendre cinq), tandis que le cadet, Andrianjaka, qui habitait Ambohimanga, accourut tout de suite à l’appel de son père et il lui conseilla de combler les fossés qui entouraient la petite ville de glumes ou menues pailles de riz et de bouses sèches, puis d'y mettre le feu et de couvrir le tout de cendres. C’est ce qui fut fait. Quand les ennemis parurent, les assiégés tirèrent quelques coups de fusil, puis s’enfuirent, et les assaillants se lançant (4) Nommé jusque-là Bemihisatra (litt. : l’Imerina au temps de Ralambo, vers 1630. où beaucoup d’immigrants se sont fixés). (2) Voir le tome III de l’Ethnographie de Voir dans l’Ethnographie, t. I, de cette cette Histoire de Madagascar, p. 133-134 et Histoire de Madagascar, p. 231 et note 3, et Appendice, n° 109. p. 233 note 1, l'étendue et les divisions de . Andrianamponga, époux de Ramananitanilehibe, à Ifanongoavana. . Andrianamboniravina, époux de Rampoloalina, à Ambatondrakorika. . Andriandranovola, époux de Ramanalimanjaka, à Ambatondrakorika. . Rafandrandava, époux de Ramanalimihoatramboninitany, à Ampandrana. Randriamasindohafandrana, époux de Ramanalimananamboninitany, à Ampandrana. 9. Rafandrampohy, époux de Rasoalimanjaka, à Ampandrana. 10. Andriampandramanenitra, époux de Rafaramahery, à Ambohimasimbola. 11. Rangita, à Merimanjaka. 12. Rafohy, épouse de Ramanalimanjaka, à Alasora. D SI D OK 7) HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 51 à leur poursuite et croyant le terrain solide, s’aventurèrent sur les cendres qui remplissaient les fossés et furent tous brûlés, à l'exception de trois qui purent se sauver. Ralambo, à la suite de la noble conduite d’Andrianjaka, décida de le reconnaître comme l'héritier du trône (4), mais, voulant régler l’ordre de succession sans violer les usages ordinaires, il envoya quérir ses deux fils sous le prétexte d’une grave maladie : l’aîné jouait, comme toujours, au fanorona et ne quitta pas son jeu, tandis que le cadet accourut en toute hâte sans même prendre le temps d’aller chercher son lamba. Son père lui dit : « Tu es venu le premier. Je croyais aller rejoindre aujourd’hui mes ancêtres et je les ai invoqués, j'ai invoqué Dieu, et il a été décidé que c’est celui de mes deux fils qui arriverait le premier qui me succéderait. C’est donc toi qui seras mon successeur. Quant à ton aîné, qui a préféré rester à jouer, il restera Seigneur d’Ambohimalaza, où il percevra les tributs ordinaires ainsi que le vody hena, la culotte du bœuf (@). Lorsque tu prendras la parole dans les kabary, les assemblées I DE peuple, consulté selon l’usage, après coup, acclama Andrianjaka comme publiques c’est Andriantompokoindrindra qui te répondra (#). le futur souverain de l’Imerina. C’est sous Ralambo qu’on a commencé à élever du bétail dans l’Imerina (#), les Vazimba ayant jusque-là conservé les coutumes de (1) Car, disait-il, « deux taureaux ne peuvent être dans un même enclos sans se battre; de même deux rois ne peuvent résider dans un même royaume sans combattre l’un contre l’autre ». E. B. estime qu'Andriantompokoin- drindra a été écarté du trône pour des raisons politiques et d’origine de race, La Tribune de Madagascar, 11 mai 1937. (2) La famille d’Andriantompokoindrindra avait seule l”’ « honneur » de procéder au lavage du corps des souverains et princes du sang défunts et de l’envelopper de lambas. (3) Ny telo no ho dimy no nanariany ny ady sy ny fanjakana sy tsy namonjeny ahy marary, ka aza atosika eo Ambohimalaza izy, fa aoka izay hajia miditra any sy ny vody hena ho haniny; aza alaïn-tahiry ny zokinao, fa izany no anjarany. Izao kosa Razaka, fa hanjaka hianao. Mba ataovy voaloham-bady ny zanak’ Andriantom- pokoindrindra, fa zana-jokiny. Ary raha hika- bary ialahy, dia Andriantompokoindrindra no hamaly kabary an’ialahy. (4) Ralambo, dit la légende, est le premier Merina qui ait mangé de la viande de bœuf (a). (a) D’après la légende, les Vazimba regardaient les bœufs comme des animaux inutiles, bons à rien, et, dit-on, se hâtaient de les enterrer quand ils mouraient, pour que l’air n’en fut pas empuanté. Ralambo, en ayant rencontré un jour un troupeau, eut la fantaisie de goûter la viande d’un de ces animaux; il en choisit un bien gras, le fit tuer et en fit cuire la viande. Il ne se risqua pas toutefois à en manger-le premier, mais, quand il eut constaté que les personnes de son entourage qui en avaient mangé n’en étaient point incom- 92 MADAGASCAR. leurs ancêtres, qui étaient des Indo-Mélanésiens, des pêcheurs et non des éleveurs. Cet élevage prit rapidement de l’importance et le roi préleva, sur tout animal tué, comme droit régulier ,le {rafona (la bosse) «parce que c'était la partie du bœuf la plus élevée et que personne n’était au-dessus de lui », et le vody hena, le quartier d’arrière « parce que, dans son royaume, tout lui appartenait, jusqu’à la fin des fins (1) ». Ralambo a inauguré dans le Centre de Madagascar la fête du nouvel an, du Fandroana , ou du Bain, à l'instar de celle que célébraient les Antimorona du Sud-Est et où il pontifia comme grand-prêtre de son peuple, ainsi que l’ont fait tous ses successeurs; il exigea de chaque village le tribut d’un vody hena et de chaque habitant le vidin'ny aina (litt. : le prix de la vie), c’est-à-dire un impôt d’un tout petit morceau d'argent du poids d’un grain de riz. Il établit de l’ordre parmi ses sujets (#) et divisa les nobles (4), les (1) Les bœufs qu’on appelait jusque-là jamoka, dit-on, furent dès lors nommés omby, et les moutons, au lieu de besavily, ondry (Lesona tsotsotra ny amin’i Madagaskara, 1905, p.315). (2) Voir dans le tome III de l’Ethnographie de cette Histoire de Madagascar, p. 410-426 et 601-605, et le Tantara ny Andriana du R. P. CALLET, 1908, p.35 et 36. Sous Ranava- lona III, cette fête a été reportée au 22 no- vembre, qui était le jour anniversaire de sa naïs- sance. (3) Voir dans le tome I de l’Ethnographie de cette Histoire de Madagascar, p. 624-625, les divers castes et clans de l’Imerina, qui étaient, comme dit Mayeur en 1785, (Bull. de l’Acad. malgache, vol. XII, 2 partie, 1913, p. 31), « divisée en trois classes principales : la famille royale de Ralambo, les Zafindralambo (de race malaise plus ou moins pure); les Hova- lahy et les Hovavavy (les hommes et les femmes Hova) qui forment la classe libre et sont des nègres orientaux, et les esclaves d’héri- tage des princes, des Zazamainty, comprenant deux classes, les Manisotra, qui dépendaient du roi de Tananarive, etles Manendy, quiappar- tenaient au roi d’Ambohimanga » (a). (4) Les Zafindralambo, comme on les appelle, ne pouvaient se marier qu'entre eux. modées, il y goùta et la trouva très bonne : l’endroit où a eu lieu ce premier repas de bœuf a été nommé Ambatofotsy [litt. : où les pierres étaient blanches (de graisse)]. Après cet essai, le roi ordonna à ses sujets de rassembler tous les bœufs qu’ils trouveraient et de les enfermer dans des parcs à Ambohidrabiby, à Amboatany et à Ambohibato, puis, les ayant réunis dans un kabary solennel, il leur dit : « J’ai goûté la viande de bœuf et je l’ai trouvée très bonne. Or, tous les bœufs de ce pays (jamoka) m’appartenant, je me réserve le tringitringy Ou trafona, la bosse, ainsi que le vody hena, le quartier d’arrière, et on ne les appellera plus jamoka, mais omby » (R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, 1908, p. 145). Depuis lors, le vody hena est toujours réservé aux chefs. (a) « Les Zafindralambo sont cuivrés ou olivâtres et ont les cheveux souples et longs; dans cette classe, on voit même des femmes qui sont presque blanches : ils ne se marient jamais qu'entre eux pour ne pas avilir leur race, et les hommes n’approchent des femmes d’une autre race que dans le concubinage, et les Hovalahy, lorsqu'ils sont surpris avec une femme ou une fille d’une classe plus élevée que la leur, sont punis de mort. « Les Hovalahy prennent autant de femmes qu’ils peuvent en entretenir, et ils ont en général, pour elles, des manières affables et complaisantes qu’elles s’efforcent de mériter par la douceur et l’amabilité de leur caractère. Les maris hova ne sont point jaloux de leurs compagnes; ils s’aiment mutuellement, HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 93 descendants des immigrants javanais, en quatre classes : 1° son fils Andriantompokoindrindra, qui eût pu monter sur le trône et qui habi- tait Ambohimalaza et y fut enterré, fut désigné comme chef de la première classe (1); 20 son cousin (ou neveu?) Andrianamboninolona, qui habitait à Ambohitromby où il a été enterré, fut celui de la seconde; 3° son parent Andriandranando, qui l’avait aidé dans ses conquêtes et demeurait à Ambohipeno où il est enterré, fut celui de la troisième; ces trois premières classes furent désignées sous le nom générique d’An- drianteloray (litt. : les Seigneurs qui avaient trois pères distincts); 49 les enfants de Ralambo ( autres qu'Andrianjaka et Andriantom- pokoindrindra n’eurent pas droit à des honneurs particuliers et ils ont formé la quatrième et dernière classe de la noblesse : ils habitaient à Lazaina, à Ambatofotsy, etc. (5). (4) Ses descendants ont maints privilèges honorifiques (a). (2) Les Zanadralambo, comme on les appelle. (3) Au-dessus de ces quatre elasses, comme nous le verrons plus loin, lorsque nous parlerons d’Andriamasinavalona, il en a été ultérieure- ment ajouté deux autres de telle sorte qu’il y A cette époque les Hova ou les boninolona; 59° les Andriandranando et 6° les Zanadralambo, auxquelles vint encore se super- poser ultérieurement les princes qui formaient la caste des Zanakandriana. Voir aussi G. GRAN- DIDIER, Études ethnographiques. Les quatre castes des Merina. Les Annales coloniales, 7 novem- bre 1907 et E.B. Un peu d'histoire malgache, à eut six castes de noblesse merina : {0 les Zaza- marolahy; 20 les Andriamasinavalona; 3° les Andriantompokoindrindra; 4° les Andrianam- propos d’une caste de noblesse, La Tribune de Madagascar, 11 mai 1937. mais il n’y a nulle gêne, nulle contrainte dans cette union : si l’un des époux manque à la foi conjugale il n’est obligé à aucune réparation envers la partie offensée et un mari qui voit, après plusieurs années de mariage, que sa femme n’a pas eu d’intrigue, lui en fait quelquefois le reproche. « Par un usage singulier, il est permis, le premier jour de la lune d’août, d’accorder les faveurs de l'amour à qui bon semble, sans que les époux puissent s’en formaliser. « Les femmes hova sont exemptes de tous travaux fatigants..… et les hommes vont aux champs labourer la terre et creuser des canaux pour irriguer les rizières. « Le sexe d’Ankova est généralement doué d’une figure agréable; ses traits sont réguliers et ses formes sont belles. Les maris tiennent à ce que leurs épouses paraissent dans les fêtes avec les avantages que l’opu- lence ajoute à la beauté : elles sont alors vêtues de canezous et de lambas de soie garnis de petites perles d’étain ou de rassade blanche, et des manilles, ainsi que des chaînes d’argent, ornent leurs bras et leurs jambes; elles portent des colliers de corail rouge et leurs cheveux, élégamment tressés, sont entremêlés de grains de corail. » (a) Les membres de cette classe avaient non seulement, comme nous l’avons dit page 51, note 2, seuls le droit d’ensevelir les rois et les princes du sang, mais aussi de construire les Tranomasina ou les Trano- manara (maisons sacrées) qu’on élève sur la tombe des rois et des princes. Ils sont d’ailleurs exemptés de toutes les corvées, excepté de prendre part à la construction des palais du souverain. Leur grandeur s'oppose à ce qu'ils exécutent la plupart des travaux que font les autres Malgaches : ils peuvent toutefois, sans déchoir, bâtir des maisons, mais non les enclos, et travailler aux forges, mais sans pouvoir se servir eux-mêmes des bêches ou autres instruments qu’ils ont fabriqués. Aussi, sont-ils d'ordinaire pauvres, mais, imbus de leur importance et fort orgueilleux, ils ne veulent rien avoir à faire avec les gens du peuple avec lesquels ils ne daignent pas manger et auxquels ils ne consentent pas à prêter même une natte pour dormir ou un vase pour boire de l’eau. (Ezuis, History of Madagascar, t. 11, 1838, p. 120). 54 MADAGASCAR. indigènes du Centre de l’île étaient encore puissants et les chefs d’origine malaise ne pouvaient pas leur imposer toutes leurs volontés. Ralambo est mort très vieux à Ambohidrabiby, où il est enterré à côté de son grand-père maternel : son tombeau est un simple amas de pierres qui surmonte une chambre souterraine aux parois d’épaisses planches taillées à la hache. III. — Vers 1610, Andrianjaka, qui pendant la vie de son père avait résidé à Ambohimanga et avait soumis à son autorité la région située à l'Ouest jusqu’au mont Andringitra (quien est distant de 4 lieues), résolut de s'emparer d’Analamanga (). Après avoir épousé la fille d’Andriam- panarivomanga (2), Ravadifohy (%), qui fut la mère d’Andriantsitaka- trandriana (#, il se rendit au Nord-Est de cette montagne et, y établis- sant son camp, il y fit allumer de nombreux feux. A la vue des tentes qui y étaient dressées et d’où il sortait une épaisse fumée, la plupart des Vazimba d’Analamanga prirent peur et s’enfuirent, abandonnant leur village (5); Andrianjaka y monta sans tarder disant : « Ici, nous ne serons pas deux, j'y serai seul ($) » puis, passant auprès du tombeau (1) Litt. : Là où il y a un bois sacré ou joli. Montagne nommée ainsi à cause d’un bouquet d'arbres qui la couronnait, et qui a pris à cette époque le nom d’Antananarivo, qu'il a conservé depuis sous la forme francisée de Tananarive. (2) Litt. : le richard admirable. Il était le chef de la noble famille des Zanadralambo et résidait à Lazaina. (3) D’après la tradition, comme il se mettait en marche pour conquérir Analamanga, un de ses esclaves lui dit avoir vu une jeune fille d’une grande beauté qui lavait des fibres de rafia avec une suivante sur le bord de la rivière et reçut l’ordre de la lui amener de gré ou de force; la suivante s’y opposa mais les parents, mis au courant, donnèrent leur consentement. (4) Litt. : Le Seigneur qui n’a pas son pareil. Après sa naissance, sa mère prit le nsm de Ravo- lolantsimitovy. (5) D’après une autre version, les Vazimba ont cherché à résister, mais leurs ennemis étant armés de lances tandis qu'ils n’avaient que des bâtons, ils furent vite mis en déroute. L’endroit où eut lieu ce combat s’appelle Ananjakanjaka (litt. : où il y a eu une (lutte) violente (Manuscrit merina, in-folio, de la Bibliothèque GRANDIDIER, t. Il, cahier 11, p. 156). — ELLIS fait un récit différent : « Andrianjaka, attaquant Anala- manga, a poursuivi le chef Vazimba jusque dans la partie Nord-Est de la ville où il l’a tué; les habitants se sont alors rendus, mais à la condition que ni lui, ni ses descendants, ne pas- seraient jamais dans cette partie de leur ville où avait péri leur chef et, en effet, jusque récemment, aucun membre de la famille royale ne passait dans ce quartier » (Hist. of Mada- gascar, t. IT, p. 119). ELLIS fait erreur car c’est plus tard, lors de la déposition du roi merina Rasakatsitakatrandriana par Andriamasinava- lona, qu’a eu lieu cette interdiction. (6) L'endroit où furent prononcées ces paroles porte le nom de Ambohitsiroamanjaka (litt. : la ville où ne règnent pas deux rois). Les habi- tants qui ne s'étaient pas enfuis durent prêter HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 59 d'Andriampirokana et arrivant au sommet de la colline que couvrait un bouquet de bois, il s’écria : « Ho arivo an-tanana! » (Puissent mes sujets être mille dans cette villel), ville qu’il nomma Antananarivo (litt. pour se construire tout de suite une maison et un rova, une palissade M). : où il y a mille bras, mille guerriers), et il fit couper des arbres Voulant être seul maître à Tananarive, il en fit sortir les deux chefs qui y étaient restés, les fils d’Andriampirokana (), qu’il combla d’ailleurs d’honneurs et auxquels il accorda maints privilèges (%), mais qu'il relégua dans des fiefs, l’un, Andriambodilova (#, à Ambohimanarina qui est encore un des principaux centres d’Antehiroka, et l’autre, Ratsiman- dafika, à Ambobhitriniarivo. Cependant, les rois n’ont pas cessé d’honorer la mémoire de ces trois Antehiroka (°). le serment de fidélité à l’endroit nommé Andra- nomalahelo (litt. : où l’eau est triste). (1) Connue sous le nom de Masoandrotsiroa (litt. : où il n’y a pas deux soleils). Puis il en a construit une autre qu’il a appelée Besakana. (2) La famille d’Andriampirokana, les Ante- hiroka, d’où sont issus les premiers ministres de Ranavalona I" et de ses successeurs, notam- ment le dernier, le célèbre Rainilairivony, comptait une lignée de huit rois Vazimba, ancêtres d’Andriampirokana et rois de Tana- narive. (3) Ce sont les fils d’Andriampirokana et leurs descendants qui présidaient à l'inauguration de toutes les constructions faites pour le souverain, ainsi qu'aux cérémonies de la circoncision des princes : les Zanadahy (les descendants du (grand homme), comme les a appelés Andriama- sinavalona étaient, disait-il, les « colonnes de son royaume », et il leur a accordé le privilège de tsy maty manota (litt. : qui ne sont pas mis à mort, lors même qu'ils sont coupables). (4) Son épouse Ranoro était gardienne d’un talisman Vazimba sur lequel on a raconté maintes histoires (a). (5) Ils croyaient voir de temps en temps revenir leurs esprits et ils leur offraient alors en sacrifice un bœuf volavita (rouge et blanc) afin d'obtenir leur protection et leur faveur. Tous les Merina avaient la même croyance et les sol- (a) Quand Andriambodilova épousa Ranoro, il dut, dit-on, lui promettre qu’il ne parlerait jamais de sel. Un jour qu’elle était absente, sa fille s’étant mise à pleurer, son père, qui n’arrivait pas à la consoler, impatienté, finit par dire : « Est-elle têtue, cette fille de sel! » Instruite par son art divinatoire de ces paroles impies, la mère prit sa fille et s’en alla vers l’Ouest, et jamais plus on ne la revit. Les Merina disent qu’elle a plongé dans l’Ikopa et la nomment Ranoromasina (Ranoro la Sainte). Elle était très célèbre dans l’Ime- rina; on l’adorait au lieu nommé d’après elle Andranoro (Où est Ranoro), où est une pierre d’où, dit-on, elle s’est jetée dans le fleuve. Quand on l’invoquait, il fallait appeler le sel « piment doux », et quand on en portait en cet endroit « il fondait de suite ». Ranavalona Ire est allée en pèlerinage à Andranoro et y a sacrifié un bœuf volavita : à cette époque, une prêtresse ou voyante était attachée à ce lieu et servait de truchement aux fidèles qui voulaient gagner les faveurs de Ranoro; elle jouait du valiha, de la guitare malgache, et, tombant en somnambulisme, elle entrait, disait-elle, en communication avec la sainte Vazimba et rapportait sa réponse. On l’accusa de tromper la reine et le peuple, et Ranavalona lui fit prendre le tanghin; elle sortit triomphante de cette épreuve, passa alors trois jours sous l’eau (?), puis dansa sur une corde très fine sans qu’elle cassât et fut dès lors comblée d’honneurs. Mais Ranoro était volage et elle est allée habiter le lac Itasy, où elle s’est retrouvée avec d’autres Vazimba qui, tous, assurait-on, venaient se chauffer au soleil sur un rocher situé au bord, où Ranavalona Ir, « s'étant assurée du fait », a offert le sacrifice d’un bœuf. 56 MADAGASCAR. Andrianjaka convoqua alors ses sujets et leur fit creuser des fossés pour dessécher les marais situés au Sud de sa capitale, en en faisant écouler les eaux, afin d’y cultiver le riz, car, comme il l’a proclamé ©, il n’admettait pas qu'il n’y eût pas du riz en abon- dance. Il eut la chance de se procurer cinquante fusils et trois barils de poudre venant des Sakalava (. Sous son règne, la cérémonie de la circoncision a été célébrée avec plus de solennité; c’est lui qui a introduit l’usage des chaînes d’argent et de divers autres ornements et qui a inauguré les danses et les chants rituels (). A cette époque, les ordalies ou épreuves judiciaires se faisaient au moyen du tanghin qu’on administrait à des poulets; Andrianentoarivo, seigneur de la province Nord-Ouest de l’Imerina, du Vonizongo, le fit prendre à ses vassaux qui étaient rudes et grossiers, mais il y eut beau- coup de morts et Andrianjaka ne permit pas qu’on opérât de la sorte dans son royaume. Ce roi est mort vers 1630 et a été enseveli à Tananarive ainsi que les six qui lui ont succédé. Ses prédécesseurs avaient chacun son tombeau, tandis que les divers membres des familles de leurs sujets étaient tous ensevelis dans un seul et même caveau, mais aucun signe extérieur ne les distinguait; c’est à partir d’Andrianjaka qu’un Trano masina (litt. : maison sainte), un petit mausolée (ou à vrai dire une modeste maison- nette) (4) a été élevé sur ceux des rois et qu'ont été institués les usages dats, en partant pour la guerre, emportaient un peu de terre prise à leurs tombeaux, pensant se mettre ainsi à l’abri des balles des ennemis. Si une personne n’appartenant pas à la famille des Antehiroka habitait ou même s’asseyait auprès d’un de ces tombeaux, ils étaient per- suadés qu’elle tomberait malade, et ceux qui passaient auprès du tombeau d’Andriambodi- lova, par respect et par crainte, descendaient de filanjana, de palanquin, fermaient leur parasol, s’ils en avaient un, et ôtaient leur chapeau, s’ils en portaient. (1) Tsy avelako tsy hisy vary io any am-parany any. (2) A cette époque, en effet, il n’était encore venu dans l’Imerina qu’un seul fusil, sous le règne de Ralambo. (3) Voir le tome IIT de l’Ethnographie de cette Histoire de Madagascar, p. 602 (note 2) et 603. (4) C’est le premier des Trano fito miandalana (litt. : des sept mausolées alignés) où sont enterrés les sept premiers rois ayant résidé à Tananarive. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 57 et les cérémonies pour les funérailles royales (4), ainsi que les règles du deuil (). IV. — Andriantsitakatrandriana (litt. duquel n’arrivent pas les autres Seigneurs) s’est occupé activement d'augmenter les rizières au Sud de Tananarive (®), et il a transformé de grands marais en champs fertiles (# qu’il a nommés et qu’on nomme encore aujourd'hui Betsimitatatra (litt. : vaste (territoire) que ne coupent pas des canaux) (5. C’est sous son règne qu'a été apporté du Sud-Est le célèbre talisman Ramahavaly (litt. : celui qui sait répondre), qui avait les serpents à son service; on lui attribuait le pouvoir de le Seigneur à la hauteur repousser les attaques des ennemis et d’arrêter les épidémies. Il a eu deux fils, Andriantsimitoviaminandriandehibé de sa vady bé, de sa première épouse, et Andriamanjakatokana d’une autre de ses femmes, de Rafoloarivo, et il partagea son royaume entre eux, recon- naissant ce dernier, qui était son préféré, comme roi de Mahatsinjo, tandis qu'il proclamait l’aîné roi de Tananarive, mais celui-ci, qui voulait (1) On n’a plus pu dire que le souverain était mort, maly, ni que son corps, faty, était enterré, ni levina, mais il a fallu dire qu’il avait tourné le dos (à la terre), niamboho, et que son corps, son masina [litt. : son (corps sacré)] était caché, voatakona, ou mieux, tako-masoandro (litt. : le soleil est caché). (2) Dès lors, tous les Merina durent, sous peine de mort, se raser la tête à trois reprises pendant l’année que durait le deuil. Personne ne pouvait porter de chapeau ni de vêtements autres que le lamba national, que personne d’ailleurs ne devait rejeter sur les épaules, tout le monde devant l’attacher au-dessous des aisselles. Il était formellement défendu de se coucher dans un lit, ainsi que de se baigner, de se laver les mains et les pieds et de laver le linge. (3) Construisant la grande digue d’Ankadim- bahoaka. Les rois qui résidaient à Alasora avaient déjà établi des digues le long de l’Ikopa pour empêcher les eaux de ce fleuve d’inonder les plaines voisines et permettre d’y cultiver le riz, et Andrianjaka avait continué cette HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. œuvre en faisant creuser le canal nommé Anka- dimbahoaka. — Andriatsitakatrandriana dit à sa femme : « Hanao ny sakeli-drano isika izay hahatonga ty heniheny hetrina Betsimitatatra üty ho tanimbary ». (Il faut que nous fassions des prises d’eau, des canaux, pour transformer ces grands marais fangeux de Betsimitatatra en rizières), et il ajouta : « Monina anosin-drano isika; ataovy izay hahavary ty Beisimitatatra üty » (Car nous habitons au milieu de marais, dans une île, et il faut que ce Betsimitatatra produise du riz), et il fit construire un remblai, une chaussée, depuis Ankadimbahoaka jusqu’à Ampeloka. (4) Les descendants des immigrants malais ont cultivé en effet le riz avec art; semant le riz au printemps dans des champs bien préparés, ils le transplantaient en novembre et décembre, lorsque les pluies tombaient abondamment, et, trois ou quatre mois après, ils le récoltaient. (5) Car, dans cette plaine, il n’était pas besoin de faire des fossés ou des petits canaux comme on en faisait dans les vallées. 58 MADAGASCAR. régner seul, attaqua à l’improviste le village où résidait son frère, qui s’enfuit avec sa mère à Ambobhitrinimanjaka, et y mit le feu. V. — Quand son père mourut vers 1650, Andriantsimitoviaminan- driandehibé (4) régna donc sans concurrent (?). Comme lui, il s’occupa d'étendre les rizières et fit prolonger les digues du Betsimitatatra le long de l’Ikopa : pour ce travail, il divisa ses sujets en deux escouades, l’une, au Nord, sous la direction de son fils aîné, Razakatsitakatran- driana (), l’autre au Sud, sous celle de son fils cadet, Andrianjakanava- londambo (#, qui, ayant fini le premier, alla aider son frère. « Fort bien, mon fils, lui dit son père! tu es-vraiment un homme et tu as un bel avenir », prédiction qui s’est accomplie, car ce jeune prince est devenu illustre sous le nom d’Andriamasinavalona (5). VI. — Razakatsitakatrandriana, qui succéda à son père vers 1670, fut un mauvais roi, maditra (têtu) comme l’ont surnommé ses sujets, tandis que son frère cadet, plein de sagesse, était aimé du peuple, qui eût désiré l’avoir pour maître. Un ami de leur père, homme de grand sens, Andriamampandry, alla leur faire visite et l’aîné des deux princes, qui était dur et avare, le reçut sans lui rien offrir, s’excusant sur la pauvreté de son village, l’autre, au contraire, le traita de son mieux; à chacun d’eux, avant de les quitter, il avait demandé combien il avait de cœurs et l’aîné avait répondu qu’il n’en avait qu’un, tandis que son frère avait dit qu’il en avait deux. Andriamampandry réunit alors les principaux chefs et leur fit part de ce qui venait de se passer, terminant en disant : « Est seul digne de régner celui qui a deux cœurs, qui, pour (2) Sous son règne « les gens de l’intérieur, qui s'appellent Houvs (Hova), trafiquaient avec les indigènes de la baie du Nouveau Massalège (Boina, sur la côte N.-0.) » Journal maritime de 1668. (1) Litt. : Le Seigneur qui est au-dessus des plus grands. Ce nom, qui a 33 lettres, est peut- être l’un des plus longs qu’on connaisse, avec ceux d’Andriantsimitoviaminandriandrazaka, le fils aîné d’Andriamasinavalona, qui en a 34, et surtout d’Andriantsimitoviaminandrianam- poinimerina (litt.: le Seigneur qui n’est pas l’égal du Seigneur qui est le Désiré de l’Imerina), l’oncle d’Andrianamboatsimarofy, qui en a 40, et d’Andrianjakanavalondambotsimitoviami- nandriana, qui en a 44, mais dont, dans l’ordi- naire de la vie, on supprime les 21 dernières. (3) Litt. : l’homme puissant à qui aucun Seigneur ne peut être comparé. (4) Litt. : Le Seigneur puissant qui est comme le sanglier. (5) Litt. : le Seigneur qui est saint et au-des- sus de tous. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 59 condamner et pardonner, non seulement prend conseil de lui-même, comme celui qui n’en a qu'un, mais prend conseil aussi du peuple ». « C’est vrai, dirent les chefs! C’est lui que nous voulons pour roi car, lui, il aura pitié de nous tous », et ils confièrent à Andriamampandry la mission de déposer Razakatsitakatrandriana. Celui-ci ne prit avec lui qu'un seul compagnon, Andriamanalina qui, arrivé à la porte de la demeure du roi, prononça contre lui des imprécations terribles puis, secouant son lamba pour leur donner encore plus de force, il s’enfuit. Plein de terreur à la suite de la malédiction lancée contre lui, le roi demanda conseil à Andriamampandry qui, après avoir fait semblant de tirer le sikidy, lui conseilla de quitter son palais et d’aller de maison en maison pour fuir sa mauvaise destinée. Pendant ce temps, Andrianja- kanavalondambo, quittant Alasora, vint à Tananarive et entrant dans le palais, fit mettre le feu à la maison dans laquelle était le roi, qui se sauva chez les Sakalava : depuis, aucun roi n’a plus jamais passé dans le quartier où était cette maison, de crainte d’avoir le même sort. VII. — Son frère fut aussitôt proclamé roi sous le nom d’Andriama- sinavalona, vers 1675 (1), et le peuple fêta son avènement avec joie, aux sons de la conque marine; la prédiction de son père était réalisée. Le roi détrôné tenta de reprendre le pouvoir avec l’aide des Sakalava, qui l’abandonnèrent dès qu’ils furent en vue de Tananarive; il fit alors sa soumission et vécut tranquillement dans le lieu de résidence qui lui fut fixé. Il n’a pas été enseveli avec les trois rois précédents, ayant perdu la couronne avant sa mort. Andriamasinavalona, le roi « aux deux cœurs », « au cœur large » comme l’a appelé Andriamampandry, a introduit la coutume de con- (4) GUILLAIN, Documents sur la partie occi- dentale de Madagascar, 1845, p. 42; R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, édit.; 1908, p. 294-315, et R. P. MALzAC, Hist. du Royaume hova 1912, p. 54-65. M. CHEFFAUD s’appuyant sur le rapport d’O. L. Hemmy, chef de traite du vaisseau hollandais De Brack, qui a séjourné du 14 août au 9 novembre 1741, dans la baïe de Masselage (aujourd’hui Bombetoke) estime que le règne d’Andriamasinavalona ne peut avoir commencé que vers 1710 au plus tôt, alors que le R. P. Malzac place sa mort en cette même année. M. Cheffaud a été amené à cette conclusion par l'étude qu'il a faite des concordances des dates avec les règnes des rois sakalava du Boina en particulier d’Andriamaheninarivo. (Bull. de l’Acad. malg., 1936, p. 37-41). 60 MADAGASCAR. sulter le peuple dans les affaires importantes (), mais il n’en a pas moins, comme ses successeurs du reste, agi en souverain absolu. Son renom de bonté et de sagesse lui gagna de nombreux sujets. Un de ses parents, Andriampanarivofonamanjaka, qui résidait à Fanongoavana (à 40 kilomètres au S.-S.-E. de Tananarive), se soumit le premier, le reconnaissant pour son suzerain, autant par crainte de son redoutable voisin que pour avoir un protecteur contre les clans de la forêt voisine (2), que du reste, il rallia peu après à sa cause. Maître de cette partie orientale de l’Imerina, il se tourna vers l'Ouest et fit alliance avec Andriambahoaka qui résidait dans l’Imamo, auprès du lac Itasy, à Manazary (à environ 80 kilomètres S.-S.-0. de Tananarive} et dominait un vaste territoire, convenant (#) que ce serait la rivière Ombifotsy qui séparerait l’Imerina de l’Imamo et que les deux Etats vivraient en paix (4). (1) Les lois malgaches ont pour devise : Tsy (3) Dans uneréunion tenue à Ambohidramijoy. adidiko Izaho irery, fa Izaho sy hianareo, ce n’est pas moi seul (le souverain) qui fais les lois, c’est moi d'accord avec vous (mon peuple). Dès le règne d’Andriandranolava, vers 1360, on réunissait déjà à Ampandrana le peuple en kabary, en assemblées plénières, mais seulement lorsqu'il plaisait au roi. (2) Avant de se décider, Andriampanarivo- fonamanjaka consulta, dit-on, les sept astro- logues les plus fameux du pays, qui l’approu- vèrent et allèrent avec lui à Tananarive, où il fit sa soumission (a). (4) « Quand vous viendrez dans mon pays, vous n’y serez pas un étranger, VOUS en serez. le maître », se dirent-ils l’un à l’autre : cette phrase est aujourd’hui proverbiale. Puis, ils se jurèrent solennellement de ne pas se faire la. guerre et offrirent à Dieu et à leurs ancêtres, sur le bord de l’Ombifotsy, en témoignage de leur alliance, le sacrifice d’un bœuf blanc, d’un omby fotsy, d’où est venu le nom de cette impor- tante rivière de la province d’Imerina (b). Ce n’est que sous le règne d’Andrianampoinimerina. que l’Imamo fut annexé à l’Imerina. (a) « Sire, dit-il à Andriamasinavalona, je suis votre homme-lige : mettez-moi à mort ou laissez-moï la vie, ce que vous ferez sera bien fait, car vous avez seul le droit de commander. » — « Ce que tu me dis me fait plaisir, répondit le roi; mais ne descendons-nous pas tous deux d’Andrianjaka? ne sommes-nous pas: parents? Aie confiance! » — Andriampanarivofonamanjaka, heureux de cette réception cordiale, prêta serment de fidélité et le roi, pour lui témoigner sa satisfaction, lui donna sa sœur comme femme et lui promit d’être son ray amandreny, tout à la fois son père et sa mère. Par reconnaissance pour cet accueil paternel, il parcourut les villages voisins et poussa jusqu’à l’Angavo et Lohasaha, chez les Bezanozano, obtenant la soumission à son suzerain de nombreux clans dont les chefs reçurent de l’argent et des lambas- en témoignage de satisfaction. (b) On raconte que, pour fixer les limites respectives de leurs États, ils convinrent de partir chacun de sa capitale, au lever du soleil et de marcher l’un vers l’autre jusqu’à ce qu’ils se rencontrassent et que le point où ils se rencontreraient serait la limite. Andriambahoaka agit mal : il partit la veille au soir et dormit en route, mais il se réveilla tard le lendemain et il n’avait fait encore que peu de chemin lorsqu'il rencontra Andriamasinavalona à Ambararano où, conformément à leur convention, ils sacrifièrent un bœuf blanc. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 61 Une grande famine ayant désolé l’Imerina (4), il prolongea tout de suite les digues de l’Ikopa afin d'augmenter l’étendue des rizières : « je suis le maître de cette île, dit Andriamasinavalona, je n’y ai d’autre ennemi que la famine, contre laquelle les digues qui encaissent l’Ikopa sont pour nous un rempart; aussi, vais-je les rendre plus épaisses et les prolonger (? ». C’est lui, dit-on, qui a introduit dans l’Imerina, pour découvrir les criminels, l'épreuve des ordalies, des jugements de Dieu, le /sobo, qui consistait à prendre sans se brûler la main une pierre au fond d’une marmite d’eau bouillante, et le {anghin, dont on râpait la noix qu’on mélangeait avec du riz : l’inculpé qui le vomissait était déclaré inno- cent (5). Andriamasinavalona a eu douze femmes, nombre qui est devenu depuis réglementaire pour les rois merina, tandis que les princes et les simples mortels n’ont eu désormais droit à plus de sept; de ces douze femmes, quatre furent mères des quatre rois qui ont succédé à leur père, quatre ont donné naissance à des enfants qui ont formé la caste des nobles appelés Andriamasinavalona (4), et les quatre autres n’ont pas eu d'enfants. Le roi aurait, dit-on, acheté aux Sakalava, un bon nombre de fusils, de la poudre, et même un canon. Aveuglé par son amour paternel, malgré les sages avis de ses conseil- (1) Famine, tsimiompy (litt. : qui ne donne pas à manger), comme on l’a appelée, qui dura sept ans, dit, non sans exagération, la chro- nique. (2) Izao, ray Merina ambaniandro, tsy misy isy ho ahy izao manodidina ty Nosy ity, ka tsy mba manan-drafy aho, fa ny mosary no rafy ko, — ary tsy mba manam -bola milevina sy vakoka, fa ny fefloha no manda ko, — ka hanatevina sy hanampy iny aho : fa iny no vahilava mora ladi- nina, tantara be isy mba ho levona, fa fela- tanany ny raza’ko, ka navela n°’ Andriantsitaka- trandriana sy Andriantsimitoviaminandriande- hibé amy ko ho adidy nareo (R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, 2e édit. 1908, t. I, p. 297). (3) Manuscrits merina de la Bibliothèque GRANDIDIER, p. 12-13 et traduction, p. 31- 32. (4) Pour Zafy (Descendants d’) Andriamasi- navalona. Cette caste était au-dessus des quatre instituées par Ralambo (voir p. 52-53), mais au-dessus de ces cinq, il a encore créé la classe des Zazamarolahy ou princes du sang, princes de la famille des rois régnants et qui, comme le sou- verain, ont eu le droit de porter le parasol rouge et d’avoir sur leurs tombeaux un trano masina (voir p. 93). 62 MADAGASCAR. lers (4), Andriamasinavalona a partagé son royaume entre quatre de ses enfants (2) et a donné à chacun d’eux, de son vivant, le gouverne- ment d’une des quatre seigneuries : 19 À Andrianjakanavalomandimby, le Sud (Tananarive); 20 A Andriantsimitoviaminandriandrazaka, l'Est [Ambohimanga (1, Ilafy et Merinkasinina (le pays des Tsimahofotsy)]; 30 À Andriantomponimerina l'Ouest (Ambohidratrimo et tout le Marovatana). 49 À Andrianavalonimerina le Nord (Ambohidrabiby et tout le Man- diavato). Il donna à son neveu Andrianambonimerina, qu’il désigna comme devant succéder à ses quatre fils, le canton d’Alasora, formant ainsi une cinquième seigneurie qui ne tarda pas à être indépendante (. Quant à Andriamasinavalona, il résida à Tananarive (5). (1) Surtout d’Andriamampandry (a). (2) « Loaka ny akany, fa firy ny atody? (litt. : le nid est grand ouvert, combien d'œufs y voyez- vous? »), leur demanda-t-il. — Jray no anay» (Un seul nous suflit), répondirent-ils, ne jugeant pas bon que l’Imerina fût partagé entre plu- sieurs rois, ce qui ne plut pas à Andriamasina- valona, qui a divisé l’Imerina entre quatre de ses fils (R. P. CALLET, Tantara ny Andriana). (3) Dont l'entrée était interdite à trois caté- (4) Le commandant GUILLAIN, qui a recueilli cette même tradition en 1842 dans le N.-0. de Madagascar, ce qui semble en assurer l’exacti- tude, ajoute qu’Andriamasinavalona a prédit que ces divers royaumes seraient de nouveau réunis sous un seul roi et que cette prophétie a été réalisée par Andrianampoinimerina, qui s’en est maintes fois vanté (Documents sur la partie occidentale de Madagascar,1845, p. 42-43). (5) Andriamampandry s’efforça en vain de convaincre le roi des effets funestes de cette politique, mais en vain (b). gories d'êtres impurs : {0 aux porcs, 20 aux chiens et 3° aux Vazaha, aux Européens. (a) Appelé à assister au kabary qu’Andriamasinavalona avait convoqué pour y annoncer le partage de son royaume, il ne s’y rendit pas, prétextant qu'il n’avait pas de lamba convenable et, comme le roi lui en envoya un pour lui marquer qu'il tenait à sa présence, il le lui renvoya déchiré aux quatre coins et plein de boue, lui montrant par cette allégorie que l’Imerina, déchiré en quatre, serait avili par ses enfants. En le recevant, le roi dit : « Je comprends fort bien ce que veut dire Andriamampandry, mais ce qui est déchiré peut se recoudre et ce qui est sali peut être lavé ». Le kabary eut donc lieu : « Je partage, dit-il, mon royaume, en quatre seigneuries; à la tête de chacune desquelles je mets un de mes enfants, qui ne seront pas rois et gouverneront sous ma direction », mais en réalité, c’est quatre rois qu’il avait nommés. (b) Un jour, il attacha un coq à chacun des quatre coins de la cour qui était devant la maison royale et au milieu de laquelle il mit une poule, puis il les lâcha; se précipitant les uns sur les autres, ils se livrèrent un combat acharné : le roi comprit l’allusion, mais ne dit mot. Peu après il lâcha, après en avoir fermé la porte et la fenêtre, quatre éperviers dans la maison où était le roi, maison fort modeste, comme elles étaient toutes alors et qui ne comprenait qu’une seule pièce servant tout à la fois de salle de réception, de chambre à coucher et de cuisine et toute enduite de suie, car, à cette époque, il n’y avait pas de tuyau de cheminée pour donner issue à la fumée qui ne pouvait s’échapper que par la porte ou par la fenêtre; ces oiseaux, effrayés, volèrent de côté et d’autre et firent tomber beaucoup de suie et de poussière sur le roi comme sur les autres personnes présentes qui, naturellement, maugréèrent : « Le bruit et l’ennui que vous causent ces oiseaux, dit-il, ne sont rien auprès des malheurs qui menacent le peuple et le royaume. » — « Je vous remercie de vos conseils, dit le roi, mais je ne puis les suivre. » Il se rendait bien 63 HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. frèy » Sisaon Ÿeuiseweuput/ ÉLUS un & È EF 3 20 C) eo { à . euersop/ EN oa vyonuoquy rie O NY HÏ a O 8 N v 4 Kuegeiste \ 8 À NO VSISINDHAYA > > 0 : Ë PR à MU enephyoquy 2 euencoBuouey O1 Pxopuomquy DS oS0upueuiyoquuy| @ £ È À à + PUOUEOUDf p: e P 702)0)] oguoyoi DU DSPUD S e eJPA ; 14 (Q eueuouoeses(o. © NE Fiuediyoquu y gr euMeseA PE y SLR LI euoGjoaiya uy F5 : = nu iuedi o oavi 1 $ ° eyeuelyoq ÿ vanyoquy Ms 54 10j0q4aq OWPWLIUOAIJTA © 20Seque b = 5 L ouey07 . 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Andriamasinavalona résolut de le châtier et marcha avec ses trois autres fils et ses soldats contre Ambohidratrimo, mais comme il arrivait auprès de cette ville, un des chefs, qui avait fait cacher le prince dans un trou, vint à lui et lui annonça que son seigneur « était en terre », et comme on lui en ouvrit les portes, croyant son fils mort, il y entra sans défiance avec quelques suivants mais, dès qu'il eut franchi les portes (?), on les ferma et il fut prisonnier : dès lors, Andriantomponimerina ne cessa de demander à son père de le reconnaître pour l’unique héritier du royaume, mais en vain, et ce ne fut qu'après sept ans de captivité qu’il regagna sa liberté grâce aux Antantsaha, clan habitant au Nord de l’Ankaratra, qui a réussi à le faire évader (. (4) Ayant ordonné à tous ses sujets de se (2) Il n’y en avait pas moins, dit la chronique, couper les cheveux courts et de ne porter qu’un de sept. petit toupet, il a fait vendre comme esclaves (3) Les Antantsaha, chasseurs et pêcheurs tous ceux qui n’obéirent pas à son ordre. habiles, avaient été chargés par Andrianjaka- compte qu'Andriamampandry avait raison, mais son amour pour ses fils l’emportait;, toutefois, il crut devoir consulter le sampy, le talisman Matsatso, pour savoir lequel d’entre eux était le plus digne de lui succéder : le prêtre, le gardien, déclara que c'était celui d’Ambohidrabiby, Andrianavalonimerina, mais, cette réponse ne lui agréa pas et il fit jeter le sampy dans le lac voisin et tuer le gardien; le prêtre du sampy Soratra, qui résidait à Ambohipo, de peur d’avoir le même sort que son malheureux confrère, enfouit dans la terre son talisman afin d’être dispensé de répondre, mais celui de Kelimalaza, plus adroit, dit, au nom de son talisman, que c'était le roi qui devait choisir, et Andriamasinavalona, enchanté de cette réponse, décida que dorénavant le pouvoir serait partagé entre lui, le roi, Kelimalaza et le peuple, de sorte que, sûr de la docilité de Kelimalaza, il était assuré d’être souverain absolu. Pendant ce temps, Andriamampandry alla visiter les princes pour se rendre compte de leur caractère et de leur valeur, pour voir lequel était plus digne de succéder au roi : il fit présent à Andrianambonimerina d’un perroquet, qui fut tué tout de suite, rôti et mangé, à l’aîné des quatre fils, Andrianjakanavalomandimby, un pot de miel qui fut également mangé immédiatement, à Andriantomponimerina des rognons qui furent mis sur le feu et mangés séance tenante, à Andrianavalonimerina un citron et un métier de tisserand que celui-ci donna à sa femme, et, enfin, une corde propre à amarrer un bœuf et une hache à dépecer la viande à Andriantsimi- toviaminandriandrazaka, qui, faisant amener tout de suite un bœuf le fit amarrer avec la corde, tuer avec la hache et cuire pour régaler son hôte, auquel il donna pour sa femme et ses enfants une corbeille pleine de provi- sions : c’est celui-là, bon, charitable et intelligent qui, en vérité, était digne de gouverner le pays. Le roi, avisé de ces divers faits, voulut lui-même faire une expérience : il convoqua un soir tous ses enfants chez lui et, au milieu de la nuit, lorsqu'ils furent tous endormis côte à côte, à la lumière du feu qui brüûlait dans la pièce, il constata leur position pendant leur sommeil, persuadé qu’elle lui ferait connaître leur caractère et leur destinée; or, Andriantsimitoviaminandriandrazaka avait la tête plus haut que celle de ses frères; « vous le voyez, dit Andriamampandry, c’est bien lui qui est parfait ». Toute- fois, comme le roi ne se rendait toujours pas, il résolut de lui donner une leçon violente : il le pria de convoquer le peuple sur la vaste place d’Andohalo et, quand la foule y fut compacte, il fit lâcher un taureau furieux qui, se ruant au milieu des assistants, causa une panique effrayante et la mort de quelques personnes. Le roi le blâma, mais il lui répondit : « Comprenez-moi, Sire. Vous avez beaucoup d’enfants et vous les aimez tendrement, ce que je comprends; mais si plusieurs règnent ils se feront la guerre les uns aux autres et le peuple sera maltraité et écrasé comme il l’était tout à l’heure », et il ajoutait : «c’est celui qui réside à Ambohimanga qui est le plus digne de régner et qui devrait être seul roi ». Mais cet homme sage ne fut pas écouté. (R. P. CaALLeT, 1878, Tantara ny Andriana p. 301-302, reproduit par le R. P. Mazzac, Hist. Royaume hova, p. 59-61, et TaccHi, Antananarivo Annual, 1892, p. 475-476). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 65 En reconnaissance de cet heureux événement, les chefs conseillèrent au roi d'offrir à Dieu, en sacrifice, un de ses sujets. Le peuple épouvanté prit la fuite, mais un sujet dévoué, Ratrimofoloalina, se présenta prêt à donner sa vie pour complaire à son roi; on le garrotta et on fit tous les préparatifs du sacrifice, mais, au dernier moment, on immola simplement un coq et on traça autour de son cou un cercle de sang : à cause de son dévouement, il a été rangé, lui et les membres de sa famille, parmi les isy maly manota, ceux qu’on ne tue pas quoique coupables de crime (). À 18 kilomètres au Sud de Tananarive, à Ambohijoky, il y avait un petit roi indépendant. Andriamasinavalona chargea 30 esclaves Mani- sotra, qui venaient d’être affranchis par leur maîtresse, Rasahala, l’une de ses femmes, de l’attaquer, leur promettant de leur donner en récom- pense son territoire. Pendant la nuit, à l’aide de cordes, ils escaladèrent la palissade et, pendant que les uns gardaiïent la porte, les autres mas- sacrèrent tous les hommes en état de porter les armes qui, surpris dans leur sommeil, ne se défendirent pas : en l’honneur de ce fait d'armes, le roi leur donna le nom de Manisotra (litt. : ceux qui enlèvent), et ils formèêrent un clan redoutable auquel se joignirent de nombreux esclaves marrons et des Merina insubordonnés (2). Andriamasinavalona est mort à un âge avancé (®) après un règne long et glorieux, il a été enseveli à Tananarive. navalomandimby de délivrer son père, ce à quoi ils arrivèrent en apportant de nombreux pro- duits de leur chasse et de leur pêche, qui furent l’occasion d’un grand festin auquel prirent part les gardiens; pendant que ceux-ci cuvaient leur viande, le roi parvint à se sauver. En récompense de ce service, les Antantsaha ont eu, comme les nobles, le privilège, en cas de crime capital, d’être mis à mort sans effusion de sang, par stran- gulation ou par immersion. (4) Voir la note 3 de la page 55. — Cette histoire est rapportée différemment dans l’Antananarivo Annual de 1889, p. 1-6, par M. A. KINGDON, qui dit que ce simulacre de sacrifice humain a bien été fait sous le règne d’Andriamasinavalona, mais à l’occasion de HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. l'édification du palais (?) de Besakana. Or, ce palais (?) a été construit cinquante ans environ auparavant, sous le règne d’Andrianjaka; il nous semble donc que le récit que nous donnons d’après le R. P. CALLET est plus exact. — Ranavalona [°, sur l’avis de ses astrologues, a fait une cérémonie analogue avec un enfant qu’on a fait semblant de sacrifier. (2) Ils résistèrent à Andrianampoinimerina lui-même, qui les soumit et changea leur nom en Tsimanisotra (litt.: ceux qui n’enlèvent pas). (3) M. TACCHI, qui fixe approximative- ment son décès à l’année 1750 (Antananarivo Annual, 1892, p. 474), dit qu'il est mort ayant été jeté par sa femme à bas de son lit, qui était à une hauteur de deux mètres au-dessus du 9 66 MADAGASCAR. VIII. — L’Imerina fut dès lors, vers 1710, partagé en quatre royaumes (1) et, chacun des quatre frères voulant être maître chez lui, la discorde devint plus grande que jamais : les sujets d’un royaume, dit la tradition, n’osaient pas se hasarder à franchir les limites des royaumes voisins de peur d’être appréhendés et réduits en captivité. L’aîné des princes qui régnait à Tananarive (®, Andrianjakanavalomandimby, prenant les armes, marCha contre Ambohimanga (®) avec l'intention de s’en emparer, mais Andriantsimitoviaminandriandrazaka repoussa cette attaque avec l’aide de ses sujets (4), les Tsimahafotsy, et chercha dès lors à étendre les limites de son royaume (5). Il commença par ériger à Fidasiana un valo masina, une pierre sacrée (5) sur laquelle il montait pour en recevoir force sol, suivant l’usage, mais est-ce exact? C’est Andrianjafy qui a tué de cette manière son frère, parce qu’il avait protégé Rambaosalama contre ses perfides embûches. (1) Dans un mémoire au Ministre de Pont- chartrain, daté de 1714 le sieur Parat, employé du Gouvernement français à Koulpointe, dit que « les rois des Dambouets [d’Ambohitra (ou d’Antsihanaka)] et des Balambo ou Ancôves [Amboalambo (ou Hova)], paient tribut aux rois du Nord-Ouest et de l'Ouest, à Samanatte (Tsimanato), roi de Massali ou Boina, et à Thomalarivo (Tomalarivo), roi du Ménabé (?) auxquels ils apportent comme présents des soieries ». « Les Balambo (Hovas) sont blancs naturellement, mais le plus grand nombre est basané : ils sont bien faits de taille et de visage, les cheveux fort longs, vivant à l’européenne, mangeant dans des plats, se servant d’assiettes, de couteaux, de cuillers, et faisant leur manger à peu près comme nous. La terre qu'ils habitent est fort fertile en riz; il y a beaucoup de bœufs et de moutons. Ce pays est gouverné par un roi absolu. Ils plantent des oignons, de l’ail, des choux, ce que ne font point les autres indigènes (Archives des fortifications des colonies, n° 3). — Le marin danois Holst marque sur sa carte de la baie de Bombétoke (1738), que le fleuve Bet- siboka mène chez les Amboalambo (Voir le volume de cette Histoire de Madagascar : Histoire de la Géographie, pl. XLV). (2) Il y a à Tananarive un quartier nommé Ambohitantely (litt. : le village du miel), parce que c’est là que vivait ce prince auquel, comme nous l’avons dit, notule de la page 64, Andria- mampandry présenta, en lui faisant visite, un vase plein de miel qu’il mangea gloutonnement. (3) Voir pour l’histoire d’Ambohimanga : Mme et le DT RAHARIJAONA, Anciennes Rési- dences royales, Bull. Acad. malg., 1931, p. 109. (4) Pour se venger de son échec, il fit saisir et vendre comme esclave tout Tsimahafotsy qui s’aventurait sur son territoire et appela à son aide un parti de Sakalava : tout commerce, dès lors, fut paralysé. (») Du temps de ces deux rois vivait, en 1714, au Ménabé, ROBERT DRURY, qui a fait le récit de ses « Aventures pendant ses quinze années de captivité (1701-1716) » et qui y a vu, à Mahabo, deux marchands merina dont il a obtenu les renseignements suivants : «le pays des Amboa- lambo (ou Hova) est partagé en deux royaumes, gouvernés par deux frères qui ont les lobes de leurs oreilles encastrant de grandes rondelles d’agent »; ils venaient vendre aux Sakalava du fer, qu'ils fabriquent en grande quantité dans leur pays, et aussi de la soie... Ils faisaient aussi quelquefois, ont-ils dit, « du commerce sur la côte Sud-Est, à Matitanana et dans l’Anosy, mais pas assez pour se procurer un nombre suffisant de fusils et de munitions ». (6) Pierre ronde, à surface polie, épaisse d’un HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE, 67 et pouvoir lors des cérémonies solennelles; puis, investi ainsi de la puis- sance suprême et ayant fait prononcer à ses sujets le serment de fidélité 1), il s'occupa d’agrandir son royaume. Tout près, était la ville d’Ambohi- drabiby, où régnait un de ses frères qui était peu intelligent et dont il s’empara par ruse : ayant l’air d’être en bonne amitié avec ce frère, il le poussa à s'occuper activement des travaux des champs et, s’étant pro- curé des fusils et de la poudre, il profita de ce que sa ville était sans défense pour y venir avec son armée à l’improviste; y ayant pénétré sans coup férir, il le força à se rendre, lui laissant toutefois la vie sauve et ses terres à titre de seigneurie, de fief. Maître dès lors du Nord de l’Imerina et à la tête de deux peuplades guerrières, les Tsimahafotsy, ou gens d’Ambohimanga, et les Mandiavato, ou gens d’Ambohidrabiby, et pensant à augmenter encore l’étendue de son petit royaume, Andriantsimitoviaminandriandrazaka se préoccupa empan, sous laquelle il déposa une piastre et des perles rouges de diverses formes, et il monie de la circoncision, pour donner de la force et du courage à ses héritiers, etc. immola un bœuf volavita, un bœuf rouge marqué de grandes taches blanches, dont le sang fut versé sur la pierre en invoquant Dieu et ses ancêtres, pierre qui eut dès lors une vertu surnaturelle. Il en érigea d’autres pour la céré- (1) En trois endroits différents (a). Cette manière de prêter le serment de fidélité aux souverains merina a été dès lors observée, soit à Ambohimanga, soit à Tananarive. Voir l’Appendice n° III, page 358. (a) Le peuple fut mené à Andranoritra, endroit ainsi nommé parce qu'il y a très peu d’eau, où il fit le mively rano. Dans cette eau, on jeta des bouses sèches et des grains de riz coulés, et un noble de la caste des Andriamasinavalona, y plantant sa sagaye qu’il frappait avec un petit bâton, prononça cette imprécation : « Qu'il meure sans postérité celui d’entre nous qui violera le serment de fidélité qu’il va prêter! Qu'il dépérisse comme ces grains de riz coulés! Qu'il soit desséché comme cette mare! Mais, celui qui y sera fidèle, qu’il soit comblé de toutes sortes de biens!» Puis, tous les assistants profondément inclinés furent aspergés avec cette eau. On se transporta ensuite auprès de la pierre sacrée, à Fidasiana, où l’on fit le milefon'omby, où on immola un veau qui n’avait plus sa mère, omby kely kamboty, et on mit sa tête à la place de sa queue, les pattes de devant à la place de celles de derrière, et vice-versa, et on éparpilla les entrailles, et un Andriamasina- valona perça la victime de sa sagaye dans tous les sens en disant : « Qu'il soit écartelé comme ce veau, celui qui violera le serment qu’il va faire à notre roil Qu'il meure et avec lui ses femmes et ses enfants et que leurs entrailles -soient dispersées à tous les vents, comme celles de cet animal! Mais, celui qui y sera fidèle, qu’il soit comblé de toutes sortes de biens! » Puis tous les assistants vinrent, chacun à son tour, sagayer le veau en prononçant des malédictions contre ceux qui se parjureraient. Enfin une troisième cérémonie, le misotro vokaka, eut lieu à Ambatorangotina, où l’on mit de la terre prise aux tombeaux des rois dans une pirogue pleine d’eau, de cette eau les assistants prirent avec leurs mains une petite quantité qu’ils burent, s’essuyant ensuite les mains sur leurs cheveux, pendant qu’un Andria- masinavalona disait : « Qu'il meure, celui qui boit cette eau à laquelle est mêlée de la terre provenant du tombeau de nos rois, si jamais il trahit notre roil Mais que celui qui lui sera fidèle soit comblé de toutes sortes de biens! » — Pour les serments du milefon'omby et du vokaka, quand les assistants étaient très nom- breux l’Andriamasinavalona seul sagayait le omby kely kamboty et buvait le vokaka et prêtait seul le serment, pendant qu’un des assistants avait la main posée sur son épaule et que tous les autres, de proche en proche, s’appuyaient sur celle de leur voisin, formant une chaîne ininterrompue et participant ainsi à la prestation du serment. 68 MADAGASCAR. de désigner celui de ses fils auquel il laisserait son royaume, qu’il ne voulait pas démembrer, car les Merina partageaient leurs biens entre leurs enfants comme ils l’entendaient. Voulant se rendre compte quel était celui qui en était le plus digne, il envoya des messagers les chercher, leur recommandant de bien observer leur manière d’être; or ceux-ci, comme les jeunes princes rentraient le soir à la maison, constatèrent que seul Rakotomavo (Andriambelomasina) se tenait debout au poteau du milieu, tandis que ses frères s’étendaient tout de suite par terre; le roi en augura qu’il serait actif et veillerait au bien du royaume; toutefois, avant de prendre une décision, il voulut encore se rendre compte, comme l’avait fait son père, quelle était leur position respective pendant leur sommeil et il vit que c'était encore Andriambelomasina qui avait la tête plus haut placée sur l’oreiller que ses frères. Il n’hésita plus dès lors et le nomma son héritier unique. Quant au roi du Marovatana, Andriantomponimerina (), qui résidait à Ambohidratrimo et qui avait retenu son père captif pendant sept ans, il est mort un peu après lui victime de sa gloutonnerie (?). Ses sujets vou- lurent l’ensevelir à Tananarive, aux côtés des autres souverains merina, mais les habitants de la capitale refusèrent de recevoir dans leur ville le corps de celui qui avait tenu si longtemps captif son père; les Marovatana vengèrent leur roi en construisant une grande digue qui refoula l’eau dans le Sud et, inondant les rizières, exposa le Sud de l’Imerina à la famine; force fut d'accepter le corps du fils rebelle, maïs on l’enterra à distance et, pour le punir de sa mauvaise action, le {rano manara, le petit mausolée construit sur son tombeau n’a pas été réparé lorsqu'il est tombé en ruines. IX. — Au début de son règne, vers 1730 (%, Andriambelomasina (4 (1) Le petit-fils de ce roi a porté ce mêmenom. 65 ans en 1810, était né vers 1745 quand son (2) Un jour qu’il mangeait, avec sa voracité ordinaire, un fœtus de veau arraché au ventre de sa mère à son intention, il fut étranglé, dit-on, par un os qui s’arrêta dans son gosier. (3) Pour nous guider dans l’obscure chrono- logie des premiers rois merina, nous savons que le petit-fils d’Andriambelomasina, Andrianam- poinimerina, qui est mort à l’âge de 60 à grand-père vivait encore. (4) TACCHI dit qu’il a eu dix enfants dont. l’un a été Ranavalonandriambelomasina, qui a été la mère d’Andrianampoinimerina (Antanana- rivo Annual, 1892, p. 476 et 479), et un autre Andrianjafy, l’aîné, qui a été le roi d’Am- bohimanga. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 69 eut à combattre un parti de Sakalava qui, à l’instigation de son cousin le roi de Tananarive, Andrianamponimerina, vint attaquer, sans succès du reste, Ambohimanga (). Maître du Nord de l’Imerina, il s’occupa dès lors d'étendre son petit royaume du côté du Sud; il maria sa fille Ranava- lonkoandriamanitra à Andrianjakafonamanjaka (), seigneur d’Amba- tovory qui, dès lors, se rangea sous l’autorité de son beau-père, aban- donnant son suzerain le roi Andriantomponimerina. Celui-ci, furieux de cette trahison, attaqua à l’improviste Ambatovory et, s’en étant emparé, fit prisonniers le seigneur rebelle, sa femme et ses enfants. Andriambelomasina, qui arriva trop tard pour secourir son gendre, s’'empara néanmoins d'Ambatovory et racheta sa fille et ses petits- enfants pour la somme de 150 piastres (750 francs); quant au gendre, il parvint peu après à s'échapper et rejoignit sa famille à Ambohimanga. Ce roi, d’après certaines chroniques malgaches, aimait à commercer avec les Vazaha, qu’il n’a jamais trompés, disent-elles : ce sont ces Blancs qui lui ont vendu des canons et des fusils ®) et qui ont fait les pièces de monnaie dites {araiky, dénommées volan-drazana (l'argent des ancêtres); on croit que les premières étaient des pièces arabes apportées sur la côte Nord-ouest par les Musulmans, les Merina les recherchaïent, pour les sonora, les offrandes à Kelimalaza (4). Prudent et sage, Andriambelomasina (5) désigna pour lui succéder, (4) Quelque temps après ces mêmes Saka- (3) Ces Vazaha étaient-ils des Européens? ou lava renouvelèrent cette attaque, sans plus de n'’était-ce pas plutôt des Arabes venant de la succès (a). côte Nord-Ouest? (2) Fils d’Andriampanarivofonamanjaka et (4) Manuscrits malgaches de la Bibliothèque d’une sœur d’Andriamasinavalona, par consé- GRANDIDIER, 1870, in-folio, t. IT, cahier II. quent oncle à la mode de Bretagne d’Andriam- (5) Dans le Dictionnaire du Commerce de belomasina. Savary, 1741, p. 392, il est dit : « Quoique les (a) C’est la petite ville d’Ambohitraza, située à trois lieues au N. E. d’Ambohimanga qu'ils atta- quèrent. Comme les fossés qui l’entouraient étaient profonds et ne leur permettaient pas d’en tenter l'assaut, un Sakalava vigoureux défia en combat singulier celui des assiégés qui voudrait se mesurer avec lui. Le chef de la ville, Andrianato, accepta le défi, mais son beau-frère Ratrimo s’y opposa et, avec une sagaye et une bêche usée à la main, il vint se mettre devant son adversaire, qui était armé d’un fusil et d’une sagaye. Pendant que les femmes de la ville, pour encourager leur champion, chantaient le chant de guerre habituel Ehé! mahery ny anay! Ehé! tsy ho leon’olona ny anay! Eh! Eh! il est courageux, notre homme! Eh! Eh! il est invincible! le Sakalava tira son coup de fusil et manqua Ratrimo qui, se préci- pitant sur lui, lui asséna sur la tête un grand coup de bêche qui le tua net. Les Sakalava, effrayés, prirent la fuite, poursuivis par les Merina qui voulaient s’en emparer pour les réduire en esclavage, mais dont le chef Andrianato fut tué, ce qui mit fin au combat. Les descendants de ce chef, les Zanak’Andrianato, sont encore aujourd’hui fiers de la vaillance de leur aïeul et ont une réputation d'hommes courageux. 70 MADAGASCAR. d’abord Andrianjafy, l’aîné de ses quatre fils, et ensuite, comme celui-ci n’avait pas d’enfant, le fils de l’aînée de ses six filles, Ramboasalama (1), qu’à certains signes il avait reconnu comme prédestiné et qui régna plus tard et s’illustra sous le nom d’Andrianampoinimerina. On a, à cette époque, changé le mode d'administration du tanghin : avant de le prendre, l’inculpé a dû avaler trois morceaux de peau de songe, gros comme le doigt, et boire ensuite beaucoup d’eau de riz; s’il les vomissait, il était reconnu innocent (21. Sous le règne d’Andriambelomasina, il y eut deux famines qu’on a appelées mavo vava (litt. : aux lèvres livides) à cause de la pâleur des habitants qui mouraient de faim : pendant la première, qui fut la plus terrible, le riz n’étant pas arrivé à maturité, ils durent se nourrir de racines () et beaucoup moururent; pendant la seconde, la récolte fut seulement moins abondante que d’ordinaire. C’est à cette époque que le roi mourut; il a été enseveli à Ambohimanga. X. — Devenu roi d’'Ambohimanga vers 1770, à la mort de son père (#), Madécasses paraissent peu disposés à entretenir un commerce réglé avec les Nations d'Europe, il semble, comme l'ont éprouvé souvent les Français qu'ils y seraient plus propres que quantité d’autres peuples d'Afrique. » (1) Ou Ramboasalamatsimarofy ou bien Iam- boasalamanjaraka. Il était fils d’Andriamiara- manjaka, chef de Kaloy, et de Ranavalonan- driambelomasina. (2) Sous Andrianampoinimerina, aux peaux de songe ont été substitués des morceaux de peau de poule (a). (3) Notamment de racines d’avoka (Vigna angivensis) qu'ils mangeaient crues, « n’ayant pas la force d’allumer du feu pour les cuire » (b). (4) Les deux autres arrière-petits-fils d’An- driamasinavalona : Andrianavalobemihisatra et Andriantomponimerina n’ont eu, pendant leur règne, aucun événement digne d’être signalé. Le premier, qui a été le troisième successeur à Tananarive d’Andriamasinavalona (étant fils d’Andriampoinimerina et petit-fils d’Andrian- jakanavalomandimby), a clos la série des sept premiers rois qui se sont succédé de père en fils à Tananarive et qui, y ayant régné jusqu’à leur mort,sont enterrés dans les Tranofitomiandalana (litt. : les sept maisons qui sont en ligne, qui sont à la file), les sept tombeaux que surmon- tent des maisonnettes, objet d’une grande véné- ration, et qui sont dans l’enceinte du Palais (voir E. BAUDIN et J.-J. RABEARIVELO, Tana- (a) On administrait le tanghin : 1° pour les crimes de lèse-majesté, de révolte ou de sorcellerie (Manus- crits merina, in-folio, p. 59-70, et traduction française, p. 93-120); 2° pour se justifier d’une accusation portée par un parent ou un habitant du pays (p. 70-80 et 120-147); 3° à des chiens en cas de procès pour héritage ou pour d’autres causes (p. 80-86) et 4° à des poules (p. 86-98 et 162-192). (b) « Les héritiers et successeurs d’Andriamasinavalona, dit la tradition, vivant en perpétuelle discorde les sujets d’un des royaumes n’osaient franchir les limites des royaumes voisins de peur d’être faits pri- sonniers et réduits en esclavage. Aussi, lorsque la récolte venait à manquer dans l’un d’eux, ses habi- tants préféraient se laisser mourir de faim plutôt que de se hasarder à aller chercher des provisions hors de chez eux. » HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. HA Andrianjafy s’attira la haine de ses sujets par ses exactions, sa méchan- ceté, notamment en faisant massacrer par une troupe de Sakalava, sans motif sérieux, les habitants de deux villages dont il était mécontent U), tandis que son neveu Ramboasalama, qui devait lui succéder, était aimé de tout le monde, autant à cause de ses qualités morales que de son intelligence. Aussi, en conçut-il de la jalousie, d’autant que, depuis qu’il avait été désigné comme son héritier, il lui était né un fils, Ralahitokana, auquel il voulait laisser le trône (2?) et il se décida à s’en débarrasser : un jour, se promenant avec lui, il l’emmena sur l’un des rochers, l’Amba- tomiantandro (), qui se trouvent au sommet d’Ambohimanga et qui dominent un précipice, avec l'intention de l’y précipiter, mais le jeune prince, qui venait d’être prévenu des intentions homicides de son oncle, profita d’une occasion qui se présenta pour le quitter et s’enfuit dans le narive, ses rues, ses quartiers, 1937, p. 27-32). fut dépossédé par Andrianampoinimerina. Andriambalohery, frère d’Andrianavalobemi- hisatra, auquel il succéda, a régné sept ans, mais étant mort de la lèpre, il n’a pas été enterré aux côtés de son frère, non plus que son neveu (le fils de sa sœur) Andrianamboatsimarofy, qui a été vaincu par Andrianampoinimerina et chassé de Tananarive. Le second a, comme son père Andriamanani- merina et son grand-père Andriantomponime- rina, résidé à Ambohidratrimo: il s’est tenu en dehors des rivalités qui troublaient le reste de l’Imerina. Il a été remplacé par son neveu An- driambelo, qu'avait désigné sa grand’mère Ramorabé, qui le fit mettre ensuite à mort parce qu’il avait donné à tort de l’argent aux Antehiroka et qui le remplaça par son frère cadet, Rabelanonana, auquel succédèrent Ravo- rombato leur sœur, et son fils Rabehity, qui (a) Andrianamboatsimarofy manda auprès de lui ces Ravoandriana pour (1) Mayeur dit que pour punir les Ravoan- driana, habitants de divers villages situés au environs d’Ambatomanga qui étaient ses sujets et qui ne l’avaient pas soutenu dans la guerre qu'il avait faite à Andrianampoinimerina, il avait abandonné ces villages à Andrianamboa- tsimarofy, roi de Tananarive, à la condition tenue secrète que ces sujets rebelles seraient vendus comme esclaves, et Andrianamboatsi- marofy a rétabli la paix entre les deux ennemis (a). (2) Car, disait-il dans son langage imagé, «il ne me convient pas de ramasser les sauterelles pour les enfants d’autrui (c’est-à-dire de son neveu Ramboasalama) ». (3) Litt. : Le rocher qui pointe, qui s’élève vers le ciel. C’était le point culminant de toute la ville. qu'ils lui rendissent hommage comme étant leur suzerain. Ignorant la clause secrète, ils vinrent avec les présents ordinaires, mais une trentaine d’entre eux fut saisie et vendue à un créole, M. Savoureux, qui était venu acheter des esclaves. À cette nouvelle, toute la population du canton se révolta et plusieurs milliers d'hommes vint investir la ville et délivrèrent les prisonniers; ils se calmèrent alors et décidèrent que, puisqu'Andrianjafy avait cédé de propos délibéré ses droits sur eux, ils ne pousseraient pas plus loin leur rébellion contre Andria- namboatsimarofy, qu’ils consentaient à reconnaître pour leur roi, puisque cet acte monstrueux n’était pas de son fait et qu’il avait été perpétré à la demande de leur suzerain, mais qu'ils s’opposeraient par la force à ce qu'aucun de ceux qui avaient été vendus sortit du pays, ce qu'ils firent en effet (MAyEuURr, « Voyage au pays d’Ancove en 1785 », Bull. de l’Académie malgache, vol. XII, 1913, 2e partie, p. 25-26). 72 MADAGASCAR. Nord (1. Les douze principaux chefs du pays, conseillés et appuyés par l’astrologue Ratendromboahangy, se concertèrent alors avec quelques autres Tsimahafotsy ? et Mandiavato () et l’un d’eux, Rabefiraisana, leur ayant demandé : « Est-ce que vous admettez qu’on change la parole (1) ELuis, Hist. of Madagascar, 1838, t. IT, p.122. — Manuscrits merina de la Bibliothèque GRANDIDIER, Cahier 11 (a). (2) Le R. P. CALLET dit que ce n’est que lors de cette réunion qu'ils ont pris le nom, que signifie : ceux qui n’approuvaient pas, parce qu'ils « n’approuvent pas, n’admettaient pas qu'on changeât la parole d’Andriambeloma- (3) Les Mandiavato, dont le chef-lieu était Ambohidrabiby, avaient été ralliés à sa cause par trois arrière-petits-fils d’Andriamasinava- lona qui résidaient à Andranovelona et lui avaient demandé la seule faveur d’être, à l'avenir exemptés de la redevance du vody hena, du quartier d’arrière des bœufs, que tous les sujets devaient donner à leur roi. Sina ». (a) « L’oncle invite de temps en temps son neveu à des promenades en apparence inoffensives, au cours desquelles il projette, tantôt de le précipiter par mégarde dans un abîme, tantôt de le noyer dans un marais. La victime in spe est toujours prévenue à temps et trouve un prétexte poli pour se dérober. Un jour, par exemple, le roi se retourne au moment décisif de la promenade et dit d’un ton dégagé : « Tiens, où donc est le prince? — Il s’est arrêté tout à l’heure pour s’arracher une épine du pied; où diable a-t-il bien pu passer? » En désespoir de cause, et n’arrivant pas à faire disparaître par accident son héritier présomptif, le roi se décide à l’exécuter officiellement. Il lui envoie des émissaires qui, en outre de leurs couteaux, étaient porteurs d’un magnifique cercueil d’argent destiné à contenir les restes mortels de Ramboasalama... Toujours prévenu à temps, le prince fait son paquet et part avant le jour, le bâton sur l'épaule. Grand émoi à Ambohimanga : « Où donc est Ramboa? sa maison est fermée, il est parti ce matin avec des bagages; il y a de l’Andrianjafy là-dessous. » Cependant, le fugitif rencontre par hasard, au coin d’une rizière, un notable cultivateur d'Ambohimanga appuyé sur sa bêche. — Où donc vas-tu si vite? — Des explications s’échangent, à la suite desquelles le notable se précipite vers Ambohimanga, après avoir dit à Ramboa. : « Ne t’en va pas; tu seras roi ce soir. » — Une conspiration s’ourdit entre douze chefs ». (GAUTIER, AMBOHIMANGA, « la ville sainte : Madagascar », Notes, Reconnaissances et Explora- tions, t. 1, 1897, p. 100). Ce n’était pas, comme le dit Jully, un simple cultivateur qui l’avait interpellé, mais un astrologue réputé, Ratendromboahangy, auquel il conta les projets criminels de son oncle. « Ne pars pas, lui dit celui-ci, mais va offrir à tes ancêtres sur le Mangabé (montagne à l’Ouest d’Ambohimanga) le sacrifice d’un bélier » qu’il alla chercher chez lui, recommandant de brûler complètement le suif et le bout de la queue, ainsi qu’un morceau de la poitrine, et de manger le reste avec sa femme et ses enfants, sans en donner le moindre morceau à qui que ce fût, même à ses esclaves. Ramboasalama fit ce sacrifice en disant : « Écoute ma prière, à mon Dieu, souverain maître de toutes choses, écoutez-la aussi, Soleil et Lune, Terre et Ciel, et vous les douze montagnes saintes, et vous mes ancêtres! je n’ai fait aucun mal à mon oncle, je n’ai pas porté dommage au royaume, et il veut me tuer sans motif. C’est pour cela que je vous adresse cette prière. Protège-moi, à mon Dieu! Puissé-je, mon cher grand-père, posséder ce royaume confor- mément à ta volonté! » Pendant ce temps, Ratendromboahangy s’en était allé à Ambohimanga et, ayant réuni les chefs, il leur avait demandé s’ils voulaient obéir aux volontés de leur roi Andriambelo- masina : « Voilà, leur dit-il, Andrianjafy qui, sans respect pour les ordres de son père, veut tuer Ram- boasalama. Le laisserez-vous faire? » Les chefs, au nombre de douze, après s’être concertés, convinrent que Ramboasalama était en effet leur roi et ils l’envoyèrent chercher. Quand celui-ci vit arriver vingt hommes armés de sagayes et de fusils, il crut qu'ils venaient pour le tuer, mais, quoique ses esclaves le pressassent de fuir, il les attendit de pied ferme : « Est-ce vous qu’Andrianjafy envoie pour me tuer? » — « Non, maître, ne craignez rien. Nous sommes envoyés par les douze chefs, ainsi que par les Andria- marofotsy et les Andriantsiravinandriana pour vous escorter jusqu'à Ambohimanga et vous protéger. » — « Merci, mes amis, mais vous ne pourrez pas me protéger contre Andrianjafy et ses trois mille guerriers. Laissez-moi donc m’exiler. » — « Nous vous assurons que vous n’avez rien à craindre avec nous. » Et Ram- boasalama, cédant à leurs instances, monta avec eux à Ambohimanga, où ils le conduisirent à Mahandry la demeure des rois; toute la population de la ville y était accourue, les chefs lui dirent : « Andrianjafy ne veut pas obéir aux ordres d’Andriambelomasina, il veut tuer Ramboasalama. Or, qui est votre roi? » — Ramboasalama », répondirent tous les assistants (Manuscrit merina de la Bibliothèque GRANDIDIER, cahier II). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 73 d’Andriambelomasina? » tous répondirent que Ramboasalama devait régner, ajoutant : « Qu'il périsse, celui qui veut changer la parole d’'Andriambelomasina! » Ils se rendirent tous alors auprès du prince et, après lui avoir exposé les justes récriminations et les doléances du peuple, lui dirent qu'ils le prenaient pour leur roi, car, ajoutèrent-ils, «Andrianjafy gouverne mal et il cherche à vous faire mourir pour laisser la couronne à son fils contrairement à la volonté de son père; il faut donc lui enlever le pouvoir et vous, qu’Andriambelomasina a désigné pour lui succéder, vous devez dès maintenant prendre sa place et régner » (1), Ils sagayèrent ensuite, suivant l’usage, un veau en pro- nonçant solennellement le serment (? qu’ils reconnaissaient d’ores et déjà Ramboasalama pour leur roi, et ils s’en retournèrent à Ambohi- manga, emportant chacun un fagot de bois (). Andrianjafy, qui était alors à Ilafy pour la circoncision de son fils, ayant connaissance de ce complot les manda; ils vinrent à son appel, sachant avoir l’appui des trois principaux chefs de l’endroit (, et n’hésitèrent pas à l’accuser de violer la loi : «J'ai juré, leur dit-il, d’obéir aux prescriptions de mon père et de laisser le royaume à Ramboasalama quand viendra (1) Ajoutant : « Entre les mains d’Andrian- jafy et de ses fils, nous étions meurtris, nous étions déchiquetés comme un poussin entre les serres d’un oiseau de proie, et nous voulons que cet état de choses, qui est intolérable et odieux, prenne fin ». — « Ce que vous dites, Rabefirai- sana, répondit Ramboasalama, est juste et je l’approuve. Soyez donc sans inquiétude, car je respecterai les volontés de mon grand-père et je mettrai à mort quiconque fera souffrir mon peuple. » (2) Voir la note 1 et la notule a, de la p. 67. (3) Ramboasalama a, par reconnaissance pour ces douze chefs qui l'avaient fait roi, édicté que ni eux, ni leurs descendants, ne pourraient être condamnés à mort pour aucun crime, si ce n’est en cas de lèse-majesté et de rébellion contre le souverain, qu’ils seraient, suivant son expression, {sy maty manota, qu’on ne les tuerait pas, quoique coupables : ataoko manan-ko tantaraina hianareo, leur a-t-il dit, HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. je veux que vous soyiez couverts de gloire pour toujours. Quant à leurs auxiliaires, aux «trente » qui les avaient aidés, il leur a accordé le privi- lège, non d'échapper à la mort en cas de crime, mais d’être tués sans que leur sang coule, soit étouffés, soit enterrés vivants dans un silo ou bien noyés dans un bourbier; en outre, leur domicile était inviolable et les juges ne pou- vaient, en aucun cas, pénétrer dans leur maison sans leur autorisation : {sy hitsahim-patana, tsy ahintsa-molaly, ce sont des gens chez qui on ne va pas secouer la suie (dans les maisons mal- gaches, où il n’y a pas de tuyaux de cheminée pour laisser échapper la fumée, les plafonds sont tout couverts de suie). Ces engagements ont été respectés par ses successeurs. (4) Hagamainty, Ramanana et Andriantsi- lavo, le grand-père de Raïnilaiarivony, les prin- cipaux des Tsimiamboholahy (litt. : qui ne tournèrent pas le dos), des habitants d’Ilafy. 10 74 MADAGASCAR. son tour, et j'y obéirai, je m’opposerai à ce qu’on change quoi que ce soit à ce qu’il a ordonné. Suis-je coupable?» Et, à son fils qui l’engageait à faire mettre à mort ceux qui avaient nommé un autre roi, il répondit qu’il ne pouvait tuer ceux qui agissaient conformément à la volonté de son père. Revenus à Ambohimanga, où on les attendait impatiemment, les chefs « dansèrent de joie » d’avoir si bien réussi et, ayant appelé le peuple au son de l’antsiva, de la conque royale, ils lui présentèrent le nouveau roi sur la pierre sacrée de Fidasiana () : un des assistants, Ravolana, ayant manifesté sa désapprobation, fut sagayé par Rabefiraisina et il n’y eut plus d'opposition. Ramboasalama prit dès lors le nom d’Andria- nampoinimerina (?), c’est-à-dire le Seigneur que désirait l’Imerina (pour roi) et tous les habitants d’Ambohimanga ( l’acclamèrent et lui jurèrent fidélité; le roi leur répondit : « Merci, mon peuple! Mes ancêtres m'ont légué ce pays et vous êtes « mon père et ma mère ». Comptez sur moi, car je vous gouvernerai avec justice ». Rabefiraisana (4 lui offrit alors, aux acclamations des assistants, comme hasina, en témoignage de sou- mission, de vasselage, un bœuf volavita (rouge avec de grandes taches blanches) et un bœuf malaza (beau, remarquable) puis s’écria : « Conformément au vœu d’Andriambelomasina, l’île entière doit cons- tituer votre royaume, et comptez sur nous pour mettre sous votre domination les tribus qui chercheraient à y échapper. » Et les assistants, se réjouissant de l’accession au trône de Ramboasalama, disaient : « C’est donc vrai, le voilà roi! maintenant nous serons tranquilles, car nous avons un maître bon et doux au lieu d’un maître orgueilleux et injuste, qui nous prenait tout ce qui lui plaisait. » (1) Litt. : où l’on paraît avec majesté (a). (4) A cette occasion, le roi lui accorda, ainsi (2) Litt. : qui est dans le cœur (qui est le bien- aimé) de l’Imerina. (3) Appelé dès lors Ambohimanga ny ray (tt. : le père) c’est-à-dire la capitale du royaume d’Andrianampoinimerina. qu’à Hagamainty et comme il l'avait fait à ceux qui l’avaient aidé à conquérir le trône, le privi- lège, pour eux et leur famille, tsy maty manota, de ne pouvoir être mis à mort, quelque crime qu'ils commissent, excepté celui de lèse-majesté. (a) Ezzis (Hist. of Madagascar, t. II, 1838, p. 122-123) raconte autrement la prise d’Ambohimanga : ayant échappé aux embüches que lui tendait Andrianjafy, dit-il, Ramboasalama profita d’une de ses absences pour retourner à Ambohimanga et, s’en étant emparé avec l’aide de ses partisans, ceux-ci allèrent de porte en porte, demandant aux habitants des maisons : « Pour qui êtes-vous? S’ils répondaient : x Pour Andrianjafy », ils étaient immédiatement sagayés. Quand quelques-uns eurent ainsi été mis à mort, tous les autres se soumirent. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 75 Avant de quitter la vatomasina, la pierre sacrée, qui est à l’Est d’Ambo- himanga, et sur laquelle montaient les rois lors de leur avènement, se tournant vers l'Est, il cria d’une voix forte : « À moi le royaume! je prends tout le pays du côté de l'Est. » Se rendant ensuite à l'Ouest de la ville, à Ambatomenaloha, il fit la même cérémonie, puis, sur le côté Sud-Est de la colline, à Ambohinarenana (), il reçut de nouveau, sur la place de Fidasiana, la soumission du peuple, qui le salua du chant rituel () : Voici notre roi, eh! eh! eh! notre roi est bon, eh! eh! eh! c’est notre soleil! eh! eh! eh! c’est notre divinité! eh! eh! eh! ceux qui nous l'envient ne l'auront pas! Puis, on dansa (8) après que le roi eût dit : « Dieu et Andria- masinavalona, l’aïeul de mon aïeul, ainsi que ses successeurs, m'ont donné ce royaume et vous tous, ainsi que vos femmes et vos enfants, vous pouvez être rassurés et vous fier à moi, car je gouvernerai pour le bien de tous, et qui que ce soit qui « mangera » (dépouillera) mes sujets, je le tuerai. » Les chefs répondirent : « Vous voici le gardien des traditions du saint roi Andriambelomasina; nous en sommes heureux et nous vous jurons obéissance. Ayez confiance en nous ». Montant alors au sommet d’Ambo- himanga, suivi triomphalement par tout le peuple qui l’acclamait, il fit une prière, invoquant de nouveau Dieu, ses aïeux et son père. Le peuple chanta et dansa jusqu’au soir, où il y eut une grande distribution de viande de bœuf. Après cette première consécration, trente jours après eut lieu la présentation solennelle de l’élu, dans son costume royal, au peuple du Nord de l’Imerina, monté sur la pierre sacrée, et on lui fit le hasina, l’offrande sainte de la piastre entière. Le roi dit alors : « Je ne serai content que quand la mer sera la limite de mon royaume. » (1) Où était la maison de Rabefiraisana, le chef des douze conjurés et le principal auteur du coup d’État qui avait mis Andrianampoini- merina sur le trône et où se trouvait aussi une Ny Andrianay, Eh! Eh! Eh! Zanahary nay, Eh! Eh! Eh! Dans cet atoa, cet hymne, à Zanahary (divi- nité) on a substitué andriana, reine, depuis la pierre sacrée sur laquelle il monta. (@) Ny Andrianay, Eh! Eh! Eh! isara Andriana, Eh! Eh! Eh! Ny Andrianay, Eh! Eh! Eh! masoandronay, Ehl!Eh!Eh! conversion de Ranavalona IT au christianisme. (3) Danse rituelle et courte, consistant sim- plement en mouvements cadencés du corps, des bras et des jambes. è 76 MADAGASCAR. Dès qu'il connut ces nouvelles, Andrianjafy voulut rentrer à Ambohi- manga, mais il n’y réussit pas et Andrianampoinimerina le poursuivit à Ilafy, dont les chefs étaient d’ailleurs d’accord avec lui pour ne pas s’op- poser sérieusement à ce qu’il s'emparât de la ville 4) ; aussi y entra-t-il sans coup férir, et Andrianjafy s'enfuit à Tananarive, mais il fut, peu après, appréhendé (2) et mis à mort (”. Ces événements sont survenus en 1787 (1). (1) Les principaux chefs d’Ilafy, Hagamainty, Adriantsilavo (le grand-père du premier ministre Raïnilaiarivony) et Ramonana, étaient con- venus avec Andrianampoinimerina que les sol- dats des deux armées ne mettraient pas de balles dans leurs fusils et, après deux jours de combatsimulé,les Tsimiamboholahy prirent tout à coup la fuite, comme s’ils étaient battus (a). (2) Il chercha, mais en vain, des partisans pour tâcher de reconquérir son royaume. Pour s’en débarrasser, Andrianampoinimerina le fit traîtreusement inviter par les habitants d’Am- bohitrasahaba, près d’Ilafy, à assister à un combat de taureaux et, pendant qu'il y était, il le fit prendre et enchaîner; il ne voulait pas le faire mettre à mort, mais les chefs d’Ambohi- manga exigèrent qu'on le tuât parce qu'il avait opprimé le peuple (b). (3) ELLIS, Hist. of Madagascar, t. II, p. 123, et GUILLAIN, Documents sur la côte Ouest de Madagascar, 1845, p. 43. Il ne disparut pas, toutefois, sans chercher à se venger (c). (4) On sait en effet qu'Andrianjafy était encore «roi à Ilafy » en 1785 (MAYEUR, Voyage au pays d’Ancove, Bull. Acad. malgache, 1913, vol. XII, 2€ partie, p. 30). (a) Hagamainty et Andriantsilavo, quoiqu’ayant livré Ilafy, protégèrent toutefois leur roi Andrianjafy et ne permirent pas que des soldats qui le poursuivaient le missent à mort; ils le conduisirent jus- que auprès de Tananarive où, avant de les quitter, il les bénit à la manière malgache en leur lançant dans la bouche un peu de sa salive. Andrianampoinimerina les ayant blämés de l'avoir fait échapper, ils dirent : « C’était notre roi et quoique nous soyons obligés de le déposer à cause de sa conduite, nous. lui sommes néanmoins attachés et nous ne pouvons abandonner celui qui nous a été confié enfant. Qui livre son roi est un homme sans cœur et, si nous l’avions livré, quelle confiance pourriez-vous avoir en nous?’ »— « Vous avez raison, leur répondit le roi, et je vous remercie d’avoir sauvé mon oncle, mais mon peuple le déteste. Que Dieu vous bénisse pour votre fidélité! » (b) Andrianampoinimerina plaida timidement sa cause, mais les Tsimahafotsy lui dirent : « Non! car il a mangé nos femmes et nos enfants (expression toute métaphorique) », et il alla se promener à l'Ouest d’Ambohimanga, pendant qu’on emmenait du côté de l’Est le malheureux Andrianjafy : comme un simple. plébéien n’avait pas le droit de porter la main sur un roi, ce furent deux de ses neveux, l’un fils d’un de ses frères, l’autre fils d’une de ses sœurs, qui furent chargés de le tuer, et le lieu où eut lieu l’exé- cution, en dehors d’Ambohimanga, a été depuis lors et est encore aujourd’hui appelé Antsahafady (litt. : le champ taboué). (c) Andrianjafy ne disparut toutefois pas sans s’être vengé sur un membre de sa famille, son propre. frère, qui avait été secrètement l’auxiliaire de Ramboasalama et l'avait prévenu des complots tramés. contre lui, Andriantsimitovizafinitrimo, (sans égal) père de celle qui fut plus tard Ranavalona Ire; l’his- toire de sa mort est assez malgache pour mériter d’être racontée : tous ceux qui ont pénétré dans une- des vieilles cases royales que le temps a respectées ont remarqué, dans le coin Nord-Est, un lit perché tout en haut de pieux très élevés, à 2 m.,50 ou 3 mètres du sol, où l’on grimpe au moyen d’une échelle rudimentaire. C’était là que, pour mesure de prudence, couchaient jadis les grands personnages, et plusieurs. exemples prouvent que cette précaution était dangereuse : il est question d’un vieux roi que sa femme, qui, évidemment, couchait dans la ruelle, fit tomber du haut du lit d’un coup de pied adroit et vigoureux : l'instant d’après elle était veuve. Pareille mésaventure fut fatale au « prince sans égal ». Il était sur son. lit lorsque Andrianjafy lui prit insidieusement la main, sous prétexte d’y lire l’avenir, et il s’y cram- ponna si vigoureusement que le reste du corps suivit; le prince sans égal fit une culbute qui lui rompit le- cou. Andrianjafy fit creuser, pour l’ensevelir, une fosse profonde comme un puits : « Qu’on ne puisse plus avoir son corps, dit-il, qu’il soit introuvable, même pour sa mèrel » Et l’on entassa dessus des. pierres et de la terre. Plus tard, il a été transporté à Ambohimanga par ordre d’Andrianampoinimerina; il fallut, dit-on, creuser pendant toute une journée pour l’atteindre. (Juzzy, Madagascar : Notes, Recon- naissances et Explorations, 1897, t. I, p. 101-102). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 77 XI. — Petit-fils du roi de Tananarive Andriampoinimerina (4) qui, ainsi que ses deux successeurs (2), « était un prince sans caractère et sous lequel les Hova étaient devenus un peuple de brigands » (, Andrianam- boatsimarofy a été le premier roi du centre de Madagascar qu’aient visité des Européens (4). À cette époque, vers 1770, l’Ankova (5), comme ils nommaïient l’Imerina, était encore partagé entre plusieurs rois ou plutôt seigneurs, tous Andriana, tous parents, dans la région du Nord, mais encore Hova dans les autres régions (%. Tous les villages étaient entourés d’un fossé large de 7 mètres et profond de 9 (7). Andrianamboatsimarofy ($) était, dit Mayeur, de la branche aînée (°? (1) Andriampoinimerina était le fils d’An- drianjakanavalomandimby et le petit-fils d’An- driamasinavalona (R. P. MALZAC). MAYEUR (Bull. Acad. malg., 1913, 2e partie p. 33) lui donne comme successeur immédiat son petit- fils Andrianamboatsimarofy. (2) Andrianavalobemihisatra (1747-1763?) et son frère Andriambolorohery, mort de la lèpre (1763-1770?) (3) MAYEUR, Bull. Acad. malg., 1913,2e partie, p. 33. (4) MAYEUR en 1770 (Bull. Acad. malg., 1913, 2e partie, p. 22), 1777 et 1785, le traitant SAVOUREUX (loc. cit. p. 27) et J. DE LA SALLE, le compagnon de Benyowsky, qui dit avoir été reçu le5 novembre 1787 par le roi des Oowa (Hova), Boisimaroufis (Ambohatsimarofy), de la famille Amboalambo (?) (Manuscrit dans les Archives des fortifications des Colonies (cartons de Madagascar, n° 97) (a-t-il fait le voyage qu'il raconte?) (3) Litt. : le pays où sont les Hova, car, encore à la fin du XVIIe siècle, le pays que nous dési- gnons sous le nom d’Imerina n’était pas tout entier sous la domination des Andriana d’ori- gine malaise, de race jaune, et il y avait des petits clans ayant pour chefs des Hova, des descendants des immigrants venus aussi de l’Extrême-Orient, mais antérieurement, et de race noire. (6) MAYEUR, Bull. Acad. malg., 1913,2° partie, p. 30-31. Il cite les Antimamo, les habitants de l’Imamo, où se trouve le lac Itasy, qui avaient un souverain indépendant des rois d’origine javanaise, avec lesquels il faisait le commerce d'esclaves. (7) MAYEUR, Bull. Acad. malg. {re partie, p.161. (8) Litt. : Le chien vigoureux. (9) Branche mâle, tandis que les autres «descendent des anciens rois par les femmes» (a). 1913, (a) Mayeur a reçu la visite d’Andrianamboatsimarofy, le roi de Tananarive, en août 1777, dans un village situé sur les bords de l’Andrantsay (à 115 km environ S.-0. de Tananarive). Ce roi était venu, en se cachant et en prenant le nom d’un de ses chefs, dans ce pays ennemi, afin de s’entretenir secrète- ment avec lui. « Il lui demanda pourquoi les Blancs donnaïent la préférence aux autres rois sur lui, qui serait charmé d’être en relations avec eux. » Mayeur lui répondit qu'ils avaient eu plusieurs fois leurs caravanes pillées par ses sujets, ce qui les avait éloignés de son pays. Le roi reconnut que ses sujets, les Manisotra, avaient une liberté illimitée et qu’ils avaient commis quelques excès lorsqu'il était jeune, mais que l’ordre était rétabli maintenant et que les étrangers étaient en toute süreté chez lui (loc. cu. p- 155). Mayeur résolut de saisir cette occasion d’entrer en relations intimes avec ce roi et de visiter sa capitale. Il quitta donc le chef du pays d’Andrantsay, Andrianiony, sans lui parler de son projet et, pour ne pas éveiller ses soupçons, il reprit la route qu’il avait suivie en venant, se dirigeant vers l'Est, mais à une certaine distance il s’achemina vers le Nord et, passant au pied du mont Vontovorona, il arriva le 6 septembre 1777 au bord du Lempona, affluent de l’Onivé qui coule au pied du versant Sud de l’Ankaratra (par 19030’ environ de latitude), et y trouva le camp du roi merina, qui l’accueillit avec 78 MADAGASCAR. des Andriana et possédait le Sud de l’Imerina, jusqu’à la vallée du Lem- pona, au Sud des Monts Ankaratra (1), tandis qu’Andrianjafy et Andria- nampoinimerina étaient de la branche cadette, mais étaient néanmoins plus puissants, surtout le second, qui avait su gagner l'affection du peuple. Sa mère était Rabodomanjakanimerina et sa vadibé, sa première femme, était Ratsavola, sa cousine germaine; la seconde, Ratsimihanta, également sa parente, était la fille d’Andrianjafy qui, quoique son cou- sin et son beau-père, a eu avec lui plusieurs guerres, guerres peu meur- trières d’ailleurs (2 et sans résultats, mais qui cependant, pour avoir sa protection, se reconnut son vassal lorsqu'il fut chassé d’Ambohimanga par Andrianampoinimerina, et lui abandonna son domaine, réduit alors à Ilafy. Les feudataires des rois merina, qui étaient d’ailleurs tous parents, avaient droit, dit Mayeur, à la « grande palissade », droit qui leur était enlevé en totalité ou en partie pour cause de désobéissance ou de rébel- lion; ils avaient également droit au tiers et quelquefois même à la moitié du tribut dû au roi. Jusqu’alors, aucun Européen n’avait encore pénétré dans le centre (1) Mayeur dit que ce royaume comprenait vent pour cause des motifs futiles, des querelles 8 districts, ou plutôt 8 fiefs, et qu’il y avait de famille, souvent le désir de razzier quelques 1,587 villages. malheureux prisonniers pour les vendre comme (2) Ces guerres, en effet, avaient le plus sou- esclaves au bord de la mer, etc. (a). des transports de joie. Partis tous le lendemain, ils arrivèrent seulement le 15 à Tananarive, où Mayeur fut reçu avec de grands honneurs et logé auprès du roi et de sa première femme; quant à ses maromita ou porteurs, ils furent répartis dans la ville et le roi leur montra un magasin plein de riz où ils purent puiser à discrétion, et il donna deux beaux bœufs (loc. cit., p. 156-159). (a) En 1785, Andrianamboatsimarofy était en guerre avec son cousin Andrianavelonjafy, roi d’Ala- sora. Le 1er septembre les deux armées étaient en présence et sur le point d’en venir aux mains; le 9 elles se battirent dans la plaine entre Vatomena et Alasora : il y avait 12,000 combattants, dont 22 furent tués ou blessés après une lutte qui dura de dix heures à quatre. La victoire était indécise et chacun revint à son camp. Du 10 au 20, il y eut quelques escarmouches; le 20, Andrianamboatsimarofy, ayant reçu un renfort de 3,000 hommes, marcha le lendemain contre la ville ennemie, mais ne put y pénétrer; l’affaire devenait sérieuse quand une nuée de sauterelles, de criquets, s’abattit sur le pays. Conformément à l’usage, tous les combattants mirent bas les armes et se mêlèrent pour se livrer à la des- truction de l’ennemi commun et, en un instant, la campagne fut couverte de plus de 20,000 personnes, femmes, enfants, vieillards, soldats, qui se mirent tous avec ardeur à ramasser les sauterelles car, disaient les combattants, leur destruction importe à tous les habitants du pays, tandis qu’une guerre n’intéresse le plus souvent que ceux qui l’ont fomentée. Le 30, la guerre recommença et Andrianamboatsimarofy, à la tête de ses 10,000 hommes contre 6,000, attaqua de nouveau Alasora par plusieurs côtés : l’assaut dura de 9 heures du matin à 7 heures du soir sans qu’il eût réussi à y pénétrer, car la ville était bien fortifiée, et il dut se retirer ayant eu 150 hommes tués ou blessés, tandis que les ennemis n’en avaient que 26 hors de combat. Le lendemain, chaque parti réclama ses morts afin de les enterrer : les cadavres « entiers » se payèrent 20 piastres (MAYEUR, Bull. Acad. malg., 1913 p. 28). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 79 de Madagascar. En 1777, le baron de Benyowsky envoya Mayeur visiter une partie de la côte orientale et surtout l’intérieur, avec la mission d'étudier le pays, ses productions et les moyens d’y établir un commerce stable et d’y contracter des alliances. Mayeur est allé en août dans l’'Andrantsay (), et en septembre et en octobre dans l’Imerina, à Tana- narive, dont le roi Andrianamboatsimarofy est venu le chercher au-delà des limites de son royaume (), lui proposant de faire avec lui le serment d'amitié et de l'emmener à sa capitale, ce qu’il accepta avec joie et, partis le 1° septembre, ils y arrivèrent le 15. (1) Nous parlerons en détail de la visite de (2) MAYEUR, Bull. Acad. malq., 1913, p. 154- Mayeur dans l’Andrantsay quand nous traite- 456 (a) et 155-166 (b). Voir aussi H. FROIDE- rons du Betsileo, dans le quatrième volume de VAUX. — Madagascar du XVI siècle à 1811 cette Histoire. in : Hist. des Colonies françaises, tome VI, 1933. (a) « On vint m’annoncer le 26 août qu’une armée de 2,000 hommes envoyée par un roi hova m’atten- dait pour me piller lors de mon départ et, le 27, je fus appelé à une conférence secrète avec un homme inconnu dans le pays, qu’accompagnaient 8 autres hommes également inconnus; je lui donnai audience en secret comme il le désirait : c'était Andrianamboatsimarofy lui-même, qui venait me voir incognito. I1 me demanda pourquoi les Européens donnaient la préférence aux autres rois plutôt qu’à lui, qui serait heureux cependant d’être en relations avec eux; je lui répondit que plusieurs fois les gens de la côte avaient été pillés par ses sujets, ce qui les avait éloignés de son pays. « Il est vrai, dit le roi, que les Manisotra ont commis jadis quelques excès parce que ces hommes, qui sont mes esclaves, jouissaient alors d’une liberté illimitée qu’ils n’ont plus depuis que je suis en âge de gouverner par moi-même. Aujourd’hui, j’ai rétabli l’ordre partout et je puis t’assurer que les étrangers sont en sûreté chez moi. Je n’ai pu résister au désir de te voir, te sachant si près de mon pays, et de t'y emmener avec moi. » La singu- larité de cette aventure m’étonna et elle me parut d’un bon augure pour le succès de ma mission; je résolus d’en profiter. Il me proposa de faire le serment d’amitié avec lui et je le fis au nom du Gouvernement français pendant la nuit, dès que nos gens furent endormis; je lui fis présent d’un de mes habits, et il s’en alla très content. Le lendemain, j’assemblai mes porteurs et, sous le sceau du secret, je leur racontai ce. qui s’était passé et que je me rendrais à Tananarive, prenant la route du Nord au lieu de celle de l'Est; tous me répondirent que j'étais le maître et il fut décidé qu’on ne parlerait pas de ce projet aux gens de l’Andrantsay, qu’on reprendrait d’abord la route de l’Est et qu’ensuite on se dirigerait vers le Nord et qu’on rejoindrait le roi à son camp au Nord de Vontovorona. » (b) « Partis le 1er septembre, nous sommes arrivés le 6 au camp du roi, qui était établi dans la vallée de l’Onivé, près de son confluent avec le Lempona. Dès que nous eûmes tiré trois coups de fusil, signal convenu, le roi vint au-devant de nous et, tout joyeux, il s’élança dans mes bras et m’embrassa, puis il donna deux gros bœufs à mes gens. Parti le lendemain 7, il s'arrêta à Ambohitsara, où l’attendait sa seconde femme et où nous restâmes jusqu’au 13 : les habitants de cette région lui donnèrent en cadeau de bienvenue 400 piastres, un magnifique lamba de soie d’une valeur de 150 piastres, 30 bœufs et 10 beaux esclaves; les bœufs furent distribués à son escorte, ainsi qu’à mes porteurs. Le 13, nous campâmes à Ambohima- natona et il m’y présenta un de ses sujets qui savait faire de la poudre, poudre qui, à trente pas, tuait un homme, mais qui était très hygrométrique et crassait énormément, et à laquelle, comme disait son inven- teur qui en gardait jalousement le secret, il manquait quelque chose (ce quelque chose était le soufre). Le 14, nous couchâmes à Antanjombato (à 4 km au Sud de Tananarive) : c'était le jour où, chaque semaine, s’y tenait un {sena, un marché où l’affluence est énorme et où se vend tout ce que produit le pays esclaves (en nombre considérable, car les deux tiers de ceux qui sont vendus à la côte de l’Est en pro- viennent et beaucoup sont expédiés à la côte Nord-Ouest) quelques bœufs seulement (car ils sont rares dans le pays, où ils ne peuvent vivre aux champs que de décembre à avril et où, pendant les 8 autres mois, mois de sécheresse, on est obligé de les nourrir avec de la paille de blé, dont on est avare parce que, dans ce pays dénudé, elle remplace le bois à brûler), oies, canards, poules, coton. soie en cotons, ou cardée, ou filée et teinte en rouge ou en bleu. Ces gens n’ont point d’espèces monnayées au coin de leur roi; toutes les monnaies leur conviennent pourvu qu'elles aient le poids; ils reçoivent aussi l'argent coupé qu’ils pèsent au moyen de grains de riz en paille dans de petites balances fort justes : la piastre d'Espagne pèse, sui- vant eux, 720 grains de riz. « À Tananarive, le marché public a lieu le samedi et il y en a un le vendredi dans l’Imamo, la province 80 MADAGASCAR. Andrianamboatsimarofy convoqua alors ses sujets ainsi que les chefs des peuplades voisines (1), pour assister à un grand kabary, à une assemblée générale qui eut lieu en octobre 1777 et où, en présence de Mayeur, il prononça le discours suivant : « C’est une honte que le peuple d’Ankova, l’un des plus considérables de Madagascar et le plus éclairé, soit haï et méprisé par des nations plus sauvages et plus brutes. Prenez-vous-en à votre amour du vol et du pillage qui finira par éveiller le courage de nos ennemis (?). Mais ne craignons (1) Les peuplades indépendantes des Merina de sauterelles, qui fondit sur le champ de dont les députés étaient présents à ce kabary sont les Sihanaka, les Bezanozano, les Antam- bolo, les Sahanala, les Zafindranala, les Antan- jafy, les Foloray, les Zafirambo, les Antan- drantsay, les Antimena, etc. (2) Il y avait dans le centre de continuelles disputes entre les roitelets ou chefs voisins, suivis d’escarmouches et de pillages, notam- ment au sujet des convois d’esclaves menés à la côte Est pour y être vendus aux créoles des îles Mascareignes. « Le 21 septembre 1785, écrit Mayeur, les gens du roi d’Antananarivo, Andria- namboatsimarofy, au nombre de dix mille hommes, se portèrent sur le village d’Alasora au sujet d’un convoi d’esclaves et la bataille s’engagea avec un tel acharnement qu'il sem- blait qu’elle dût être définitive, lorsqu'une nuée bataille, fit tout à coup cesser le feu. Tous mirent bas les armes et s’unirent contre l’ennemi commun. Le roi dit à Mayeur, qui était stu- péfait d’étonnement à cette vue, qu’un de ses ancêtres en avait agi ainsi dans une circons- tance semblable et lorsque la victoire lui était assurée, malgré les représentations de ses capi- taines, car la destruction des sauterelles importe à tous les habitants de la région tandis que, le plus souvent, la guerre n’intéresse que celui qui l’a entreprise, et qu’il avait maudit ceux qui n’agiraient pas de même. Depuis cette époque, ajouta Andrianamboatsimarofy, il est d’usage de cesser les combats à la venue des sauterelles » (MAYEUR, Voyage au pays d’Ancove, Bull. de l’Acad. Malgache, vol. XII, 2 partie, 1913, p. 28). Ouest de l’Imerina, qui est presque exclusivement affecté à la vente du sel que les habitants du Ménabé y apportent de la côte Ouest, ainsi que des bœufs et des feuillages de rafia : le sel y est hors de prix, mais les Hova, nés malins et fourbes, se rattrapent en le payant avec de l’argent qui est allié à deux tiers d’étain. « Enfin le 15, nous avons fait notre entrée à Tananarive et, à cette occasion, on a déployé toute la pompe que le pays comporte : on a tiré beaucoup de coups de fusil et consommé 300 livres de poudre. Le roi m'a logé dans la palissade, l’enceinte de son palais, et mes porteurs ont été répartis dans la ville; avant de les congédier, il leur a montré un magasin où il y avait 8 ou 10 mille livres de riz et il leur a dit d’y puiser à discrétion, puis il nous a fait présent de deux bœufs disant qu’il nous en donnerait d’autres dès que nous en demanderions. a Tous ces pays de l’intérieur, l’Andrantsay comme l’Ankova (le Betsileo comme l’Imerina), sont entière- ment nus et dégarnis; on n’y voit d’arbres que ceux qui sont plantés dans les fossés autour des villages et le nombre n’en est pas grand. « Le roi d’Ankova (de Tananarive et du Sud) est l’un des plus puissants princes de Madagascar. Tous les gens libres, hommes, femmes et enfants, lui paient annuellement une demi-piastre par tête et le dixième en nature de tous les animaux qu'ils possèdent, plus un quart de piastre par esclave et une mesure, soit une soixantaine de livres de riz par laboureur libre ou esclave. Ses sujets fournissent des corvées pour les divers travaux : ils sont partagés en 8 groupes (ou fiefs, clans), les Voromahery, les Manisotra, les Maro- mena, les Antambodirano, les Zafimbazaha, les Antaloharano, les Antatsimondrano et les Antavara- drano, apanages, soit du roi, soit de membres de sa famille. Il peut mettre sur pied une armée de 20,000 hommes; s’ils étaient aguerris comme les Sakalava, il n’y aurait point à Madagascar de puissance capable de leur résister, mais leur naturel doux et pacifique les porte vers les métiers utiles et leur fait rechercher l’amitié de leurs voisins, qu’ils achètent même à prix d’argent ou par des présents. » HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 81 pas seulement qu’ils nous attaquent, faisons mieux! méritons leur estime et leur amitié et établissons des relations commerciales avec les étrangers, payons-leur leur dû. Alors, nous serons aimés et respectés et l’amour de la paix, qui nous est naturel, ne sera plus mis sur le compte de la lâcheté. « Je vous ai assemblés pour vous faire ces reproches et vous engager à vous livrer à de meilleures industries. Il ne faut plus qu’on dise : le peuple d’Ankova attend les voyageurs sur la route pour les détrousser, il vole des familles entières pour les vendre comme esclaves! il est le plus fertile en ruses, mais il est le plus lâche, car il se cache pour faire ses coups. Non il faut au contraire qu’on dise : le peuple d’Ankova ne fait de mal à personne, il respecte les voyageurs, il accueille avec bienveil- lance les étrangers, il fait le commerce avec loyauté, il n’attaque point injustement, mais, si on l’attaque, il se défend et il abat ses ennemis : voilà ce qu'il faut qu’on dise de vous, ce que je veux qu’on dise, car je suis votre roi. « Vous allez donc jurer solennellement que vous ne volerez plus. Quiconque manquera à son serment sera fait esclave avec toute sa famille, s’il ne peut rembourser le montant du vol et 200 piastres d'amende. Vous allez jurer en outre que vous ne ferez de tort à aucun étranger, blanc ou noir, et que vous n’achèterez ni ne vendrez aucune marchandise avec de la fausse monnaie, des faux poids ou des fausses mesures; quiconque sera convaincu de ces crimes sera puni de mort. Telle est ma volonté. » Se tournant alors vers Mayeur, il lui dit : « Tu viens d’entendre mes recommandations. Mon intention est de punir le vice. Cette réforme, je le sais, ne s’opèrera pas aussi promptement que je le voudrais, parce que mes ancêtres ont toujours traité ce peuple avec une indulgence qui l’a enhardi, mais j'espère l’y amener peu à peu, parce que je ferai des exemples. » S'adressant ensuite aux nombreux voisins et étrangers qui assis- taient à ce kabary, il leur dit : « Dites-bien à tout le monde que je veux réprimer le vice, faire estimer mon peuple, le rendre redoutable à nos ennemis. Dites bien que nous avons fait le serment de ne plus vous HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 11 82 MADAGASCAR. voler, ni vous piller, ni nous servir de fausse monnaie, ou de faux poids, mais que, si quelqu'un des vôtres nous fait du tort, je m'en vengerai. Je veux la justice, je veux la paix, mais, si vous m'y forcez, je saurai me faire respecter (1). » Les étrangers ayant témoigné par leur silence qu'ils adhéraïent au serment proposé par le roi, on amena un petit bœuf galeux auquel, on coupa le cou, la queue, les quatre pieds, la loupe et le nombril, et l’on mit la tête à la place de la queue et la queue à la place de la tête, on intervertit de même les pieds, ainsi que la loupe et le nombril , et les chefs des villes et des villages, ainsi que les étrangers, s’avançant sept par sept la sagaye à la main, jurèrent de se soumettre à la loi qui venait d’être édictée. « A peine le serment fut-il fini que le roi m'adressant la parole, m’offrit de renouveler en présence de son peuple, celui qu’il avait fait en secret avec moi à Andrantsay, afin de me prouver, ajouta-t-il, que son dessein en m'attirant chez lui n’avait point été de m'en imposer par de vaines protestions. J’acceptai et le serment fut renouvelé. » Cette assemblée avait duré de 9 heures du matin à 5 heures du soir, et des messagers partirent tout de suite pour faire connaître cet événement à tous les habitants du royaume. « Les Européens, dit MAYEUR, qui ont fréquenté l’île de Madagascar et qui liront ces mémoires auront de la peine à se persuader qu’on trouve dans l’intérieur de cette grande île, à trente ou quarante lieues des côtes, sur un sol ignoré, environné de toutes parts de peuplades brutes et sauvages, plus de lumières, plus d'industrie, une police plus active, des arts plus avancés que sur les côtes mêmes dont les habitants sont en relations constantes avec les étrangers et qui par ce commerce ne peuvent manquer d'agrandir le cercle de leurs connaissances. J’assure néanmoins que tout ce qui précède et tout ce qui suit est conforme à la vérité. Je n’ai aucun intérêt à la dissimuler, à prêter à ce peuple (1) MAYEUR, Manuscrit du British Museum 167 (texte un peu différent du précédent). et copie Bibl. Grandidier, p. 54, et Bull. Aca- (2) Omby mifotitra, litt. : bœuf dont les mem- démie malgache, 1913, première partie, p.166- bres sont renversés, intervertis. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 83 un génie, des mœurs, des lumières qui ne seraient plus les siens » (1. Ce roi, plein de si bons sentiments et si désireux de bien faire, s’adonna malheureusement à la boisson. Mayeur dit qu'Andrianamboatsimarofy, ayant goûté en 1765 du toaka, du rhum distillé, que des Malgaches lui avaient apporté de la côte Est, remarqua qu’il lui donnait des forces et de la hardiesse pour faire ses harangues ou kabary. Il venait de suc- céder à son grand-père, Andriampoinimerina, mais étant sans caractère et, « comme il voulait régénérer les mœurs », il en faisait de fréquentes, dont il assurait le succès en buvant du {oaka; mais, peu à peu, il but avec excès et, plongé dans une ivresse presque continuelle, perdant toute retenue et toute honte, il se rendit coupable de tous les crimes auxquels conduisent la perte de la raison et les passions sans frein. Le peuple supporta longtemps sans se plaindre ses excès et ses extra- vagances, mais, en 1782, Andrianamboatsimarofy, en état d’ivresseayant tué sa vadibé, sa première femme, il se souleva et les chefs, prenant son fils aîné âgé de six ans, lui dirent : « Voici celui qui doit te succéder, celui qui sera notre roi après toi. Puisque tu ne lui donnes que de mauvais exemples, nous le prenons avec nous et tu ne le reverras plus. Continuellement ivre, tu nous accables de maux innombrables et nous les avons sup- portés sans nous plaindre parce que tu es le fils de nos rois, mais tu viens de tuer ta femme, ta cousine germaine, et peut-être un sort pareil menace-t-il cet enfant que nous aimons. Aussi voulons-nous le mettre en sûreté. Ainsi, renonce à ton vice ou tu perdras ton fils ainsi que ton autorité. Nous te donnons une semaine pour réfléchir et, en attendant, tu seras parmi nous sans honneurs que nous reporterons sur ton fils. » Ils emmenèrent alors le jeune prince, qui fut remis à Raïnitsaralafy, le chef des Manisotra, homme de grande réputation, et Andrianam- boatsimarofy resta accablé. La semaine écoulée, le peuple s’assembla de nouveau et le roi jura qu'il ne boirait plus de {oaka et qu’il se décla- rait déchu de la royauté s’il manquait à son serment. L'assemblée lui (4) MAYEUR, Manuscrit du British Museum et copie Bib. Grandidier. Troisième voyage au pays d’Ancove en 1777, p. 51. 84 MADAGASCAR. rendit alors son fils et prononça la peine de mort contre quiconque introduirait dans le royaume des liqueurs fortes. Il respecta son serment pendant quelques années (4), mais, vers 1790, il était retombé dans son vice et, lorsqu'il n’avait pas de foaka, il usait d’opium que les Arabes apportaient de Majunga et qu'ils débitaient en secret. Les vexations ont alors repris de telle sorte qu’on ne lui a plus obéi et que, en 1792 (2), Andrianampoinimerina lui a pris sa capitale Tananarive; il s’est réfugié chez un de ses parents, sans ressources et sans considération (. (4) Il le respectait encore en 1785, lors du second voyage de Mayeur dans l’Imerina, mais, en 1793, dit DUMAINE, il était alors plus que jamais adonné à son vice. (2) EPIDARISTE COLIN dit qu'après la prise de Tananarive il s’est établi dans le Sud, où il est mort deux ans après, et que son jeune fils Maro- manompo, après avoir cherché à lutter pendant plusieurs années, à fini par se réfugier à une trentaine de lieues au Nord (Ann. des Voyages, t. XIV, 1811, p. 91-92). — Andrianamboatsi- marofy a été enterré à Ambohimanatrika. Certains Malgaches prétendent qu'il a été fait prisonnier et qu'Andrianampoinimerina l’a fait mettre à mort. Un autre Français, JACQUES DE LA SALLE, un des compagnons de Benyowsky et le second Européen qui est venu dans le centre de Mada- gascar, a, prétend-il, traversé l’Imerina en novembre 1787 et y a vu le roi de Tananarive, Andrianamboatsimarofy, puis il y est revenu l’année suivante, en septembre 1788, et a été reçu à Ambohimanga par Andrianampoinime- rina. (Notes, Reconnais. et Explorations;, vol. IV, 1898, t. II, p. 575-576 et 577). (3) MAYEUR, Manuscrit du British Museum du 12 avril 1793, et copie Bibl. Grandidier, p. 41. et Bull. de l’Acad. malg. 1913, vol. XII, 2e par- tie, p. 33-34. CHAPITRE III ANDRIANAMPOINIMERINA (1787-1810) (1) Nous sommes maintenant arrivés à la période historique, à l’époque où les faits sont, dans une certaine mesure, contrôlés par des récits authentiques. Jusqu'à la fin du xvure siècle, les habitants du centre de Madagascar avaient vécu en pleine féodalité (?) et ne s’étaient guère occupés qu'à tirer du sol aride de leurs montagnes la nourriture néces- saires à leur existence, ou à razZzier leurs voisins pour se procurer des esclaves qu'ils vendaient sur les côtes. C’est Andrianampoinimerina, roi que ses sujets, comme le dit ce nom long, mais éloquent, « portent dans leur cœur », qui a jeté, il y a moins d’un siècle et demi, les bases du royaume puissant qui couvrait les deux tiers de l’île lorsque nous l'avons prise en 1895. Andrianampoinimerina (), qui a porté le nom de Ramboasalama (4) (4) Es, Hist. of Madagascar, t. II, 1838, p. 122-128; GUILLAIN, Doc. sur Madagascar, 1845, p. 42-45; R. P. CALLET, Tantara ny An- driana, 1908, p. 430-432, 484-486, 507-865 et 966-1060, et R. P. MaALzAC, Hist. Roy. hova, 1912, p. 83-162; RR. PP. ABINAL et de LA VAISSIÈRE, Vingt ans à Madagascar, p. 85-101. P. Soury-LAVERGNE. Les commencements d’un règne (Andrianampoinimerina), Les Études, 1912, p. 666-688 et Tranche d'histoire : Andria- rampoinimerina, roi du Nord, « Les sept ans de paix » (1787-1794), Bull. Acad. malg., 1912, p. 157-182. G.-S. CHAPUS, Petite histoire de Madagascar, 1932, p. 25-38. (2) Jusqu'à l'avènement d’Andrianampoini- . merina, les Andriana ou nobles d’origine malaise, vivaient, comme nos Seigneurs du Moyen Age, dans leurs petites villes ou villages fortifiés, au milieu de leurs vassaux ou serfs, et se faisaient continuellement la guerre. Soumis par Andria- nampoinimerina et ses successeurs, ils ont con- servé leur m2nakely, leurs fiefs; leurs vassaux ont dès lors payé la moitié de la dîme au roi et l’autre moitié à leur Seigneur, ils ont aussi été soumis à double corvée. (3) Nommé souvent par abréviation Impoina, celui qu’on porte dans son cœur. (4) Litt. : bon chien. Ce nom, vilain suivant l’idée des Malgaches qui, jadis, n’estimaient aucunement ces animaux, lui a été donné à cause de sa naissance qui, ayant eu lieu un jour propice entre tous, lui présageait une carrière remarquable; il ne fallait: pas, en lui don- nant un beau nom, appeler sur lui l'attention 86 MADAGASCAR. jusqu’à son avènement au trône, était né le 1° Alahamady (), c’est-à- dire le premier jour de l’année malgache (entre 1745 et 1750); or, comme chacun sait, ou doit savoir, que sa destinée est fixée, régie, par la phase de la lune au moment de sa naissance, celle sous laquelle était né le jeune prince étant la plus puissante de toutes, il n’était douteux pour personne qu'il était appelé à de grandes, très grandes destinées , et, des mauvais génies qui peuplent la terre et qui, soleil au solstice d’été, d’où vient la lumière. par jalousie, auraient pu lui jouer quelque méchant tour (a). (1) Mois lunaire. — Le 1er Alahamady, étant Andrianampoinimerina n’entrait jamais à Am- bohimanga, ou n’en sortait, que par la porte du Nord-Est, nommée Ambatomitsangana. (2) Plusieurs prophéties ont, disent les Mal- gaches, pronostiqué sa grandeur future (b). le premier de l’an, la « porte » par laquelle on entre dans l’année, correspond au Nord-Est, qui était considéré comme la «porte » par où entre le (a) Nous avons dit, p. 37, que l’Imerina était partagé jusqu’à la fin du xvurie siècle, jusqu’à Andrianampoi nimerina, entre de nombreux petits rois, la plupart du reste parents : voici les noms de quelques-uns d’entre eux qui « régnaient » en 1785 et que cite Mayeur, qui y a fait à cette époque un voyage. D’abord, Simaroufe ou Dienamboitsimaroufe (Andrianamboatsimarofy), roi de Tananarive, son frère Diamatoui nimerine (Andriamatoanimerina), qui résidait à Tanamalaza (à 18 km S$.-E. de Tananarive), ses cousins Dianzaffé-andriam-magnets (Andrianjafy andriamanitsa), qui demeurait à Ilafy à (8 kilomètres au Nord-Est) Dianampouine (Andrianampoinimerina) qui avait alors de trente-cinq à quarante ans et qui devait lui succéder, et Dianavélouzaffé (Andrianavalonjafy), qui demeurait à Alasora (à 4 kilomètres au Sud-Est) puis deux autres parents, Andriène bé laoune (Andriambelaona), qui s’est soumis à Andria- namboatsimarofv, et Dianbellou (Andriambelona), roi de Marovatana, qui a été assassiné vers 1768 par Andrianjafy; ce meurtre a été la cause d’une guerre que, pour le venger, fit alors Andrianam- boatsirofy. Lorsque Mayeur était à Tananarive, en 1785, l'héritier au trône était Maromanompo, le fils aîné d’Andrianamboatsimarofy et de sa padibé, de sa première femme, Ratsavola, sa cousine germaine, qui avait alors environ quinze ans. La guerre que se faisaient les petits rois avait pour but, sinon unique, au moins principal, de se procurer des esclaves pour les vendre soit sur la côte Ouest, soit surtout sur la côte Est, et plusieurs montagnes portent le nom d’Ampamoizankova (litt. : où les Hova sont au désespoir), parce que c’est de leurs sommets que les Hova réduits en esclavage et qu’on allait vendre sur la côte jetaient le dernier coup d’œil sur leur patrie. On se tendait même quelquefois des embüches entre habitants de villages voisins : on invitait un passant à entrer dans sa maison et le malheureux tombait dans une fosse creusée dans ce but en arrière de la porte et soigneusement dissi- mulée, et il était dès lors prisonnier; aussi, était-il devenu d’usage de passer en avant de ses invités pour leur montrer qu'ils n’avaient rien à craindre. (b) Son grand-père, Andriambelomasina, ayant réuni ses fils et ses petits-fils dans son village d’Am- bohitrontsy (où, dit-on, est né Andrianampoinimerina), leur présenta divers objets à choisir; Ramboasalama prit un peu de terre : « À lui la terre... et le royaume! » s’écria son grand-père. Sa grand’tante Ramorabé, l’épouse d’Andriamananimerina, le roi d’Ambohidratrimo, sachant qu’elle allait recevoir sa visite, tira le sikidy pour connaître son avenir et, apprenant par la révélation de ce jeu fatidique que cet avenir s’annonçait très brillant, à son arrivée elle le bénit trois fois en lui soufflant au visage, suivant la coutume malgache, de l’eau qu’elle avait prise dans sa bouche, d’abord lorsqu'il entra, puis lorsqu'il fut auprès du poteau central, et enfin lorsque, sur son invitation, il s’assit dans le coin Nord, qui est le coin sacré, la place d'honneur. Et comme ses fils lui témoignaient leur déplaisir de la voir traiter leur cousin avec ces honneurs, « que voulez-vous, leur dit-elle, c’est son pintana, sa destinéel » Quand, trois jours après, il partit, elle le bénit de nouveau, lui souhaitant bonheur et longue vie : « Sois heureux mon petit « kioto » (mon cher enfant), sois puissant et victo- rieux, que nos ancêtres te protègent! Je souhaite que tous les Merina te reconnaissent pour roi. Les braves gens t’aimeront, car tu seras bon pour eux. » On raconte encore qu’un noble, Andriamamilaza, qui demeurait dans le Nord-Est auprès de la forêt, alla un jour rendre visite aux divers princes. Chez l'héritier du roi de Tananarive, tout en lui faisant les salutations d’usage, il déposa sur le sol un tsontsoraka, un bâton très droit, un morceau de bambou et du miel; s'étant absenté pendant quelques instants, à son retour, il ne trouva plus le tsontsoraka et s’en alla en emportant le bambou etle miel, disant : « Je m'en vais, car c’est un pays HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 87 de fait, il a été un roi éminent (). Il avait coutume de dire : « Tout meurt autour de nous, seul, mon royaume ne mourra pas », et, s’adres- sant à son peuple, il ajoutait : « Tant que je serai là, vous pourrez avoir confiance et, après moi, ayez confiance en mes descendants, car nous sommes des souverains qui ne trompent pas. » Une fois sacré roi (), Andrianampoinimerina entretint pendant les premières années des relations amicales avec ses voisins et se concilia plus de partisans par son habileté et sa générosité que par la force des armes, montrant dès lors un esprit politique des plus remarquables. Agissant avec sagesse et prudence, il s’entoura d'hommes intelligents et dévoués dont il fit ses conseillers; d’abord au nombre de 50, au (1) Aussi, jusque vers la fin de la monarchie merina, à l'anniversaire de sa naissance, le monies religieuses comme grands-prêtres, fai- sant seuls la paix et la guerre, nommant les 4er Alahamady de chaque année, a-t-on tiré en son honneur tous les canons de la capitale. (2) Les Merina avaient une forte hiérarchie qui les distinguait de toutes les autres peu- plades malgaches, où l'autorité n’était que nominale et où régnait l’anarchie. Leurs rois étaient des despotes absolus, reconnus par leurs sujets comme infaillibles, comme ne pouvant mal faire parce que, à leurs yeux, ils incar- naient leurs ancêtres les roa amby ny folo mpanjaka (litt. : les douze rois) (a); la désobéis- sance à leur volonté était non seulement un crime, mais un sacrilège. Aussi étaient-ils les maîtres du pays, du tany, de la terre, ainsi que de la vie et des biens de leurs sujets; ils réunis- saient les quatre pouvoirs, religieux, législatif, exécutif et judiciaire, agissant dans les céré- officiers et levant l’armée, édictant seuls les lois, jugeant eux-mêmes les affaires impor- tantes et, seuls, condamnant à mort (Notes de voyage d'A. GRANDIDIER, 1869, p. 1518-1522 et 1678). Quand ils se montraient en public, on les saluait du cri Andriamanitra lehibé ny Mpan- jakanay (tt. : Notre souverain est une grande divinité) et on les appelait souvent Ny Andria- manitra hita maso (litt. : la divinité que voient les yeux des hommes). La loi de progéniture n’était pas de droit absolu, car le souverain pouvait, à son gré, choisir son successeur parmi les membres de sa famille; il y avait toujours plusieurs Zanakan- driana ou princes du sang qui pouvaient pré- tendre au trône et être acceptés comme rois par le peuple. où ce qui est droit et bon disparaît. » Ayant porté chez le prince d'Ambohidratimo le bambou et le miel, après une courte absence, il le trouva en train de goùter au miel et partit tout de suite avec ces deux objets, disant : « Je m’en vais, car ici le pays est comme ce miel que dévorent des imbéciles, exposé à la convoitise des voisins; je ne sais vraiment pas comment cela finira. » Mais, chez Ramboa- salama, rien ne fut touché; aussi se réjouit-il et lui dit-il : « Ton pays a de l’avenir et tu seras roi. » Cet Andriamamilaza fut un des premiers à aider Ramboasalama à s'emparer du pouvoir et ce fut lui qui, lorsque le roi nouvellement élu demanda pour lui faire un sacrifice de l’eau que n’eût jamais souillée un chien en passant par-dessus, lui apporta de l’eau de pluie recueillie dans un bambou de la forêt. Le roi lui accorda comme aux deux premières classes de la noblesse, les Zanakandriama- sinavalona et les Zanakandriantompokoindrindra, l’honneur d’avoir un trano manara, une maisonnette au-dessus de son tombeau. Ses descendants, les Zafimamy, portaient aux rois merina, tous les ans au Fandroana, du miel recueilli dans la forêt. (a) L’hérédité avait une grande importance dans l’Imerina, comme dans tout Madagascar du reste. Dans tous ses kabary, Radama I commençait toujours par remémorer son origine, sa descendance des premiers chefs merina, qui établissait son droit incontestable au trône. 88 MADAGASCAR. premier rang desquels étaient les 12 chefs qui l'avaient aidé à conquérir le pouvoir 0), ils furent plus tard portés au nombre de 70. Il fit d’abord un traité d’alliance ® avec le roi de Tananarive et avec la reine d’Ambohi- dratrimo (%), avec lesquels il s’entendit pour fixer les limites respectives de leurs petits royaumes; puis il prit pour femme Ravaonimerina, la fille du roi de Tananarive, Andrianamboatsimarofy auquel il donna en échange sa sœur Ralesoka (4). La paix dura sept ans, pendant lesquels 1l s’occupa de fortifier son royaume contre les incursions des peuplades voisines, surtout dans le Nord-Est, le long de la grande forêt, où les Bezanozano et les Sihanaka volaient aussi bien les bœufs que les personnes; pour protéger ses (1) Ces cinquante Hova de confiance, qui ont été peu après portés au nombre de soixante-dix et qu'il appelait Tsindranolahy, comprenaient d’abord les douze chefs d’Ambohimanga qui l’avaient aidé à prendre le pouvoir, et puis quelques Mandiavato, Tsimiamboholahy et surtout des Tsimahafotsy, ainsi que quelques nobles, olona mahatoky sy mahafatra-po [gens auxquels on peut se fier et qui satisfont mon cœur (dignes de ma confiance)] disait-il d’eux. Ces Tsindranolahy ne quittaient jamais le roi, ni jour, ni nuit, se relayant et examinant, débattant les affaires avec lui, formant son conseil ; souvent se joignaient à eux les notables de la région où l’on se trouvait et où il y avait beaucoup de gens « ayant de bonnes idées », be ny mpihevitra ao, dont les plus éminents étaient Hagamainty et Rabefiraisana (voir p. 74, Ts et 76). C’est parmi ces soixante chefs qu’il prit ses vadintany, ses ambassadeurs ou délégués, ainsi que les juges et les inspecteurs, car ce n’est que sous Radama Ier qu'ont été créés les Andriambaventy, les juges et les officiers civils, et les Manamboninahitra, les officiers de l’armée. Ces chefs, ces hommes de confiance, étaient comblés d’honneurs; au Fandroana, au jour de l’an, le roi leur donnait un omby malaza, un beau bœuf, tandis que ses autres sujets n'avaient qu’un petit morceau de viande; à plu- sieurs d’entre eux, il offrit de les anoblir, mais ils n’acceptèrent pas dans la pensée que leurs ancêtres n’approuveraient pas Ce changement et les puniraient; il leur octroya alors divers privilèges, notamment des « rizières indépen- dantes », libres de toutes charges, des lohom- bintany |litt. : terre-tête de bœuf (terre privi- légiée)]. (2) Consacré par un serment solennel, fait en frappant de l’eau croupie, mively rano, en sagayant un veau, milefon’ omby, en buvant de l’eau à laquelle était mêlée un peu de terre prise aux tombeaux des rois leurs ancêtres, misotro vokaka, et en prononçant, pendant qu'ils tiraient un coup de fusil, l’imprécation : Izay mamadika izao teny izao, matesa am-basy tokana! Qu'il meure d’un coup de fusil, celui qui violera son serment ! (3) Ramanandrianjaka, dont il a épousé la fille, Rambolamasoandro, qui a été la mère de Radama I°®. (4) En faisant cette convention, qui ne devait - pas se réaliser tout de suite, Andrianampoini- merina et Andrianamboatsimarofy prononcèrent l’imprécation suivante : «Si Raseloka ne devient pas l’épouse d’Andrianamboatsimarofy, que les rizières d'Ambohimanga deviennent la propriété de Tananarive! et, si Ravaonimerina ne devient pas l’épouse d’Andrianampoinimerina, que les rizières de Tananarive deviennent la propriété d’Ambohimanga ! » Puis, ils festoyèrent car, dit l’histoire malgache, « manger ensemble for- tifie l’amitié ». HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE, 89 sujets contre ces incursions, il fit construire, sur des points culminants, quatre fortins entourés de fossés profonds @) dont il confia la garde aux Zanakandrianato (2). Il mit aussi en défense sa frontière de l'Ouest contre les Sakalava et fonda plusieurs villages pour barrer la route à l’ennemi, notamment celui d’Imerimandroso (#), tout entouré de fossés très profonds, où il mit une garnison de Tsimahafotsy (4). Quelques années plus tard, vers 1793, à l’occasion de la circoncision de son fils Radama (5, il envoya en présent à chacun de ses alliés, les (1) Dont le principal était Andrainarivo. (2) Les Zanakandrianato, qui étaient réputés pour leur bravoure, possédaient un talisman, le Zanaharitsimandry (litt. : la divinité qui ne dort pas), qu'ils portaient solennellement et qui défendait de reculer : ceux qui allaient de l’avant, disaient-ils, étaient sûrs de vaincre, tandis que ceux qui reculaient mouraient frappés par une balle ennemie, aussi allaient-ils tou- jours de l'avant, sans prononcer la moindre parole, et étaient-ils très redoutables. Ils figu- raient dans les cérémonies officielles, telles qu’à l’avènement des rois et à la circoncision des princes, et ils étaient exempts de l'impôt du vody hena (du quartier d’arrière de tous les bœufs tués dans le royaume), excepté à la fête du Fandroana, du premier jour de l’an. (3) Litt. : l’Imerina qui va en avant, qui s'étend. Ce grand village est à six kilomètres à l'Ouest d’Ambohimanga. (4) Il appelait vavatany (litt. : bouches de son pays), portes de son pays, ces postes avancés, tout à la fois défensifs et offensifs, qui étaient placés de manière qu’ils pussent s’entr’aider, mampivady (litt. : qu’il avait mariés, conjugués) comme il disait : dans les postes du Sud il mit de bons Avaradrano et des Mandiavato (gens d’Ambohidrabiby) dans ceux du Nord, et sur- tout du Nord-Est; de cette dernière région venaient constamment en effet des bandes de pillards qui cherchaient à enlever des femmes et des enfants et à râfler des bœufs; à l'Ouest, qui était en butte aux incursions des Marovatana ainsi qu’à celles des Sakalava il mit à Ambohi- dava et à Imerimandroso, les deux princi- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. , paux postes de ce côté, des soldats appartenant à quatre clans, auxquels il recommanda de vivre en paix : « Si vous vous disputez ou si vous vous battez le matin, leur dit le roi, je veux que tout soit fini le soir, car vous êtes loin de votre famille et il faut que vous vous aiïdiez les uns les autres. S’il en est autrement, je frap- perai les coupables d’une amende», car, ajoutait- il en s’adressant au chef, « l'Ouest est un pays où l’on se bat, où il faut toujours être sur le qui-vive, et où il y a du mérite à aller; ametra- hako anao eto sy apetrako fotsina hipetraka eto hianao, fa hitana ny taniko (je ne te mets pas là pour que tu y restes sans rien faire, je t’y mets pour que tu gardes mon pays) ». En effet, les voisins, les Marovatana et d’autres pillards, venaient surprendre les hommes isolés, les femmes, les enfants, qu’ils emmenaient au loin pour les vendre comme esclaves. Very ny oloko! Mes sujets me sont volés, disait Andria- nampoinimerina avec tristesse ; aussi, pour empé- cher ces vols et ces razzias, il avait établi autour de son petit royaume les postes dont nous venons de parler et qu'il avait fait fortifier : il avait fait creuser tout autour des fossés de six brasses que les habitants ont, toutes les fois qu’ils l’ont pu, affouillés en y dérivant des cours d’eau, et on n’y pénétrait que par des portes souterraines qu’on fermait la nuit avec d’énormes pierres rondes et plates, de grosses meules, qu’on faisait rouler, vavahady natao zohy nasiana vato akodia. (5) Dont la mère était Rambolamasoandro, sœur du roi d’Ambohidratrimo, qu'avait soumis Andrianampoinimerina. 12 90 MADAGASCAR. rois de Tananarive et d’Ambohidratrimo, mille bœufs (1, mais ils lui furent renvoyés avec colère parce que, dirent ces rois, ils étaient ensor- celés (* et, lui déclarant la guerre (), ils marchèrent contre Ambohi- manga. Alors, Andrianampoinimerina, confiant la défense de cette ville à quelques guerriers choisis, alla hardiment attaquer Analamanga et monta à l’assaut avec un tel élan qu’il s’en empara facilement : les ennemis, surpris de ce coup d’audace, accoururent, mais trop tard, et Andrianam- boatsimarofy s'enfuit dans l'Ouest, à Fenoarivo (%. Il y installa une garnison de mille de ses soldats 5), mille voanjo comme on les appelait (f et a substitué au vieux nom de cette ville, Analamanga, celui de Anta- nanarivo (Tananarive), litt. : la ville des mille bras, des mille soldats; il a en outre réparti cinq cents hommes dans cinq villages situés à l’entour (7. Malheureusement, la variole régnait alors à Tananarive et, la plupart des nouveau-venus ayant pris cette maladie, la garnison étant décimée et affaiblie, le roi Andrianamboatsimarofy en profita pour envoyer à la rescousse les intrépides Manisotra d’Ambobhijoky, qui en reprirent possession (%, pas pour longtemps, car, dès qu’ils furent (4) 1002, précise la chronique. (2) A cette occasion, la fille du roi de Tanana- rive, Ravaonimerina, qui avait été promise comme femme à Andrianampoinimerina, lui fut enlevée pour la marier au prince héritier d’Am- bohidratrimo. (3) Disant, suivant la formule habituelle : Ataovy mafy ny vohitra, indro izahay ho avy any, fortifiez vos villes, car nous arrivons! à quoi Andrianampoinimerina répondit : Jay zaka- nareo dia ataovy! allez-y et faites ce que vous pourrez, ajoutant : Koaahyny fanjakanaamin’'ny farany, enfin à moi le royaume! Et il se mit en campagne en disant : Andao hosisina! (litt. : allons et grignotons les bords [des voisins]), marchons et agrandissons nos frontières. (4) À dix kilomètres de Tananarive. (5) Pris par tiers dans les trois clans des Tsimahafotsy, des Mandiavato et des Tsimiam- boholahy. D’autres disent que la garnison com- prenait mille soldats de chacun de ces clans, soit un total de trois mille (a). — Aussi, au début, Tananarive a-t-il été considéré comme un «voanjo » [litt. : une pistache (plantée en terre)], une colonie formée par l'immigration. (6) Le nom de voanjo s’appliquait aux mili- taires chargés de garder une ville, et le territoire nouvellement conquis, ainsi qu'aux colons qui les accompagnaient. (7) L'un d’eux, qui est au pied Ouest de Tananarive, porte encore aujourd’hui le nom d’Anosizato [litt. : l’île aux cent (hommes)]. (8) C’est à cette défaite, dit le R. P. CALLET, qu’il faut probablement attribuer la sévérité (a) Aussi, comme ce sont les habitants de l’Avaradrano (du Nord-Est de l’Imerina) qui ont aidé Andrianam- poinimerina à conquérir, ont-ils toujours été favorisés par les souverains merina et, lorsque A. GRANDI- DIE était à Tananarive, les habitants des autres provinces se montraient fort mécontents de la faveur accordée aux officiers supérieurs de l’armée et aux gens de la cour, ainsi qu'aux ouvriers employés à fabriquer les fusils, les canons et la poudre, etc., qui étaient tous des Avaradrano, à l’exclusion presque complète des habitants des cinq autres provinces. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 91 retournés chez eux, Andrianampoinimerina s’en empara de nouveau; mais pendant qu’il célébrait à Ambohimanga le Fandroana, la fête du Bain, du Premier de l’an, les Manisotra, y pénétrant à l’improviste par plusieurs côtés, mirent en fuite les Avaradrano, leurs ennemis, et firent de nombreux prisonniers (1). Andrianampoinimerina se décida alors à faire le siège régulier Les habitants, réduits enfin par la famine, s'étant rendus, il fut clément de Tananarive, siège qui dura trois mois (c'était en 1797) (1. et défendit qu’on massacrât et même qu’on pillât les maisons, permet- tant seulement à ses soldats de prendre ce qui leur était nécessaire pour se nourrir (3), mais leur donnant des rizières (4. Comme lors de la première prise, il désigna pour garder la ville des individus appartenant aux trois principaux clans du Nord de l’Imerina, les Tsimiamboholahy, les Tsima- hafotsy et les Mandiavato, qui eurent chacun dans la ville leur quartier spécial et auxquels il a donné le nom de « Voromahery » (litt. : faucons). Cette appellation, élogieuse pour leur courage, a excité parmi eux une grande joie, qui s’est manifestée, suivant l'usage, par une danse générale. La conquête définitive de Tananarive lui valut la soumission de inouie qu'Andrianampoinimerina a déployée contre ceux qui étaient atteints de cette maladie ordonnant de les enterrer vivants afin que le fléau ne pût s'étendre. Divers chefs lui ayant remontré qu'il se privait ainsi d'hommes cou- rageux qui, guéris, pourraient combattre pour lui, il consentit à ce qu’on les relégât à la cam- pagne, dans des lieux écartés, c’est l’usage qui a prévalu. Mais la crainte de cette maladie conta- gieuse a toujours été si grande que le cadavre de ceux qui en sont morts n’entre pas dans le tombeau de famille et est enfoui dans la terre en des lieux déserts. Sous Radama Ier, on a commencé à vacciner avec du vaccin introduit par les Anglais (Voir le volume de cette His- toire de Madagascar, Ethnographie, tome IV, p. 441). (4) Pendant ces guerres ou plutôt escar- mouches, il était de règle qu’il y eût tous les mercredis une suspension d’hostilités pendant laquelle les combattants des deux camps entraient en rapports les uns avec les autres, afin de permettre aux parents de racheter sur le tsana ou marché hebdomadaire de ce jour les prisonniers tombés au pouvoir de l’ennemi. (2) « Il y a douze ans que Tananarive a été pris », a écrit un traitant créole qui était à Madagascar en 1808 (Ann. Malte-Brun, 1811, t. XIV, p. 92. (3) « Prenez des poulets, si vous voulez, mais rien d’autre, car le royaume est à moi et tous les Merina sont mes enfants. » (4) Tout en gardant leurs rizières de leur pays natal, ils en reçurent d’autres dans la grande et belle plaine à l’Ouest de Tananarive, le Betsimi- tatatra. 92 MADAGASCAR l’Imamo occidental dont Manazary, près du lac Itasy, était le chef- lieu (). Il s’en prit ensuite à la région Sud-Est de l’Imerina, au Vakinisisaony, qui était en pleine anarchie par suite de la mauvaise administration des rois de Tananarive, et il dut attaquer de nombreux villages les uns après les autres (2). (4) Le roi de ce petit état, Andriamary (a), Ratafy, a épousé la sœur de Radama, Rabodo. était un descendant d’Andriambahoaka, qui (2) D'abord Alasora (c), Ambohijanaka, Am- s’est allié à Andriamasinavalona et dont nous bohitraina (d), Tsiafahy (e), Merinkasinina, An- avons parlé (p.60) (b). Son fils, le jeune prince tanamalaza, Ambatomanga(f),l’Amoronkay(g), (a) « Au commencement de son règne, dit Ezzis, Andrianampoinimerina jugea que la conquête de l’Imamo était très désirable et il y fit plusieurs incursions heureuses. Les chefs et le peuple le repoussèrent cependant et l’issue du combat était douteuse quand le roi Andriamary lui offrit de reconnaître sa souve- raineté, mais à certaines conditions, dont l’une des plus importantes était que son mauvais jour, son jour néfaste, n’étant pas le même que celui de son suzerain, il le conserverait néanmoins, parce que les astrologues avaient déclaré que, si on laissait vivre les enfants nés ce jour-là, il mourrait. Des serments solennels furent échangés à ce sujet » (Hist. of Madagascar, t. II, p. 305-306). (b) Parmi les prisonniers faits à Tananarive, il y avait deux filles d’Andriamary qu’Andrianampoini- merina, au lieu de les garder selon l’usage, renvoya dans leur pays. Leur père fut si content de revoir celles qu’il croyait à tout jamais perdues, qu’il lui envoya des messagers pour lui dire qu’il voulait être son « enfant », c’est-à-dire qu’il se reconnaissait son vassal à condition que rien ne serait changé dans son gouvernement, ce à quoi adhéra son suzerain. Peu après, il vint à Ambohimanga avec le parasol rouge, comme s’il était encore roi. Andrianampoinime- rina, surpris de voir quelqu'un venir avec les insignes de la royauté, s’avança vers lui le fusil sur l'épaule, et lui demanda de loin s’il venait faire la guerre. « Si je porte le parasol rouge, répondit-il, c’est pour bien gouverner mon peuple, qui est aussi le vôtre. » Le roi se réjouit de cette réponse, qui lui montrait que son nouveau vassal lui était dévoué. Les descendants d’Andriamary ont gouverné ce fief jusqu’à la fin de la monarchie merina. (ce) Que gouvernait Andrianavalonjafy et dont il fit le siège; il s’'empara du roi qu’il ne fit pas mettre à mort, se contentant de l’exiler dans le Nord, à Vohilena. (d Andrianampoinimerina dut également faire le siège de ce village, placé sur un haut pic, qu'habitait le clan des Zanamihoatra; mais un jour, ayant surpris des femmes et des enfants qui allaient à la source chercher de l’eau, au lieu de s’en emparer et de les réduire en esclavage, suivant l’usage, il les renvoya, les chargeant de dire à leurs chefs « qu’il ne venait pas prendre des femmes et des enfants, mais qu’il vou- lait être le seul roi de l’Imerina, pour lui donner la paix et qu’il ne soit pas un repaire de sangliers ». Les chefs acceptèrent sa suprématie. (e) En mettant le siège devant Tsiafahy, Andrianampoinimerina envoya des messagers aux habitants pour leur dire « qu’il leur apportait la paix et la concorde, que, lorsqu'il y avait dans un pays plusieurs rois, chacun d’eux voulait l'emporter sur ses voisins et qu’il s’ensuivait des combats qui ruinaient le peuple et le rendaient malheureux, que, pour remédier à ce triste état de choses, Dieu l’avait choisi pour être le roi unique du pays, afin que le peuple jouisse des bienfaits de la paix ». Ils n’écoutèrent pas tout de suite ces paroles, mais, lorsqu'ils furent en proie à la famine, ils se soumirent. (f) Ce village, qui est placé au sommet d’une montagne escarpée, était protégé par un fossé profond; les habitants se défendirent courageusement et ne se rendirent qu’après avoir soutenu trois assauts. Andrianam- poinimerina leur laissa la vie sauve et leur permit de continuer à habiter leur ville, espérant à tort se les concilier, car ils se révoltèrent plus tard. Andrianampoinimerina a érigé, à 2 kilomètres à l'Ouest d’Ambatomanga, en commémoration de sa victoire, une grande pierre, haute de 6 à 7 mètres, et épaisse de 0 m. 10 à 0 m. 15, sur laquelle les passants jettent, en formant un souhait, un petit caillou, croyant que s’il reste sur le haut du monolithe, leur vœu sera exaucé. (g) Le chef de l’'Amoronkay, pays situé à l’Est-Sud-Est de Tananarive, et où l’on fabrique du fer, un certain Andriantsaratandra (litt. : le Seigneur aux bonnes tenailles), fit sa soumission et conserva son pays à titre de fief. Ses descendants en étaient encore seigneurs lors de notre prise de possession. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 93 Après la conquête de Vakinisisaony, Andrianampoinimerina entreprit celle du Marovatana, dans le Nord-Est de l’Imerina, qui fut aussi difficile et aussi longue. Ce furent d’ailleurs les Marovatana qui, venant subrepticement pendant la nuit, cherchèrent à le surprendre et à l’atta- quer à l’improviste, mais les cris des corbeaux que les assaillants avaient réveillés étonnèrent le roi, qui jugea qu’il se passait quelque chose d’ex- traordinaire; son devin, qu’il consulta, lui ayant déclaré qu’ils annon- çaient l’approche d’ennemis, il envoya à leur rencontre les Tsimahafotsy, quiemmenèrent avec eux Radama encore enfant et les mirent en déroute), exterminant beaucoup de ceux qui, comme disait Andrianampoini- merina, « avaient tenté de faire un trou dans l’Imerina comme les rats en font dans un lamba ». Encouragé par cet heureux succès, il se décida à partir en guerre contre les Marovatana. Il attaqua d’abord plusieurs petits villages, qu’il prit aisément et brüûla, mais les villages fortifiés, où avaient cherché asile de nombreux fugitifs, lui opposèrent une résistance sérieuse. Les Antehiroka (®), clan de Vazimba, des premiers maîtres de l’Imerina, Androrosy ou Andororosy (h), Ambohimanam- bola (1), Ambohipeno (j), etc. (1) La chronique raconte que, aussitôt après cette victoire, deux corbeaux passèrent devant le roi et que le devin lui dit qu’ils apportaient une bonne nouvelle et, en effet, les vainqueurs arrivèrent peu après. Depuis lors, tous les matins, Andrianampoinimerina et ses succes- seurs, Radama Ier et Ranavalona [re, ont fait distribuer aux corbeaux de Tananarive du riz et de la viande; on en régalait ainsi chaque jour de 300 à 400 de ces animaux. (2) Famille des premiers ministres qui ont gouverné le pays depuis Ranavalona re. (k) Les habitants d’Androrosy se sont soumis d’eux-mêmes. Ils sont connus dans l’Imerina sous le nom de « mendiants », parce qu’un de leurs ancêtres avait deux fils dont l’un se mit à mendier et l’autre à voler. Ce dernier s’enrichit promptement mais, à la fin, pris en flagrant délit, il fut mis à mort. Désolé, le père réunit ses enfants et leur fit promettre solennellement de toujours mendier, eux et leurs descendants, maudissant ceux qui ne se conformeraient pas à son injonction, car « celui de mes fils qui a mendié est un honnête homme et plein de vie, tandis que celui qui s’est adonné au vol a été condamné à mort : car en volant on trouve la mort et, en mendiant, on trouve la vie ». Obéissant scrupuleusement à cet ordre de leur ancêtre, tous ses descendants, même riches, mendient au moins trois fois par an, à la fête du Fandroana, du Bain, c’est-à-dire le premier jour de l’année, et lors dela première et de la seconde récolte de riz : vêtus de haillons, ils parcourent les villages et les marchés en chantant des complaintes langoureuses et demandant l’aumône. (c) Il tenta ensuite, mais en vain, de s’emparer d'Ambohimanambola, le sanctuaire de Kelimalaza. Ce talisman renommé ne le lui permit pas et il ne persista pas, mais, peu après, les habitants firent leur sou- mission, et Kelimalaza devint le talisman préféré d’Andrianampoinimerina. (j) Ambohipeno se soumit aussi, mais, comme dans une escarmouche antérieure, ses habitants avaient blessé d’un coup de fusil le roi au genou, ils en furent chassés et durent se transporter avec tout ce qui leur appartenait à Sahafa, près d’Ambohimanga. 94 MADAGASCAR. se sont fait remarquer par leur courage et leur ténacité : Ambohitrinia- rivo, l’un de leurs principaux cantons, n’a été pris qu'après un assez long siège et grâce à l'incendie que leurs ennemis réussirent à y allumer; les femmes et les enfants pris de panique, s’enfuirent, mais, ne pouvant traverser l’Ikopa qui était .débordé, ils furent faits prisonniers. A cette vue, les hommes, qui étaient décidés à mourir plutôt qu’à se rendre, pour éviter qu’on les massacrât, se rendirent, et Andrianampoinimerina consentit à les leur rendre moyennant une somme de trois piastres par tête. D’autres villages d’Antehiroka (4) firent alors leur soumission et le roi, tenant à s'attacher ses nouveaux sujets qui étaient des guerriers intrépides, leur distribua des rizières et leur accorda divers privilèges : il dressa à Ivato une pierre commémorative (?) destinée à perpétuer le souvenir de leur alliance. Allant plus au Nord, il reçut la soumission des habitants d’Andrano- masina, village entouré cependant de deux fossés profonds. À Miakotso, il fut repoussé, mais, aidé par deux chefs amis de ses habitants, il s’en empara par ruse (%). Plusieurs villages voisins, jugeant toute défense inutile, se soumirent (4). Il attaqua alors plusieurs fois, mais sans succés, Ambohidratrimo, dont le roi mourut sur ces entrefaites; il cessa momen- tanément ses attaques, ne voulant pas s’en prendre « à un jeune innocent que certainement protégerait Dieu, tandis que son père, qui avait gran- dement péché, ne pouvait compter sur son aide ». Toutefois, il sut se rattacher plusieurs grands personnages (5) et les habitants jugèrent bon de se rendre (%, d'autant qu’il portait sur lui le puissant talisman « Man- (1) Notamment Ambohimasina. (2) Sorte de colonne rétrécie en son milieu : « Cette pierre est pour moi et pour vous, leur dit le roi; elle est d’une seule pièce, parce que je ne veux pas que vous soyez séparés de moi; le haut, c’est moi, et le bas c’est Vous. » (3) Ces chefs proposèrent aux habitants de leur vendre des fusils, de la poudre et des balles en échange de trente esclaves, mais quand ceux- ci sortirent de la ville pour en prendre livraison, ils furent appréhendés par les soldats d’Andria- nampoinimerina qui, cachés aux environs, attendaient ce moment pour s’en emparer. Maître de la ville, le roi y fit construire un palais et traita avec bienveillance ces guerriers intré- pides. (4) Notamment Amboniloha et Ambohipo- loalina. (5) Surtout Tsiampiry, le chef des Manendy. (6) Leur jeune roi Rabehity se réfugia à Ambohitrinimanjaka, dont les habitants le livrèrent à Andrianampoinimerina, qui le fit mettre à mort. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 95 jakatsiroa », litt. : qui ne permet pas qu'il y ait deux rois (1). La conquête du Marovatana était terminée (*. Quant aux Vonizongo, qui obéissaient à une foule de petits chefs de la famille des Zanakandrianantoarivo, chaque village ayant pour ainsi dire son principicule, ils avaient déjà fait leur soumission, à l’exception de quelques localités qui, après la conquête du Marovatana, se rendirent et durent payer chacun une amende de mille piastres. Andrianampoinimerina s’occupa alors de conquérir l’Ambodirano. Chassé de Tananarive, Andrianamboatsimarofy vécut encore deux ans et fut enseveli à Fenoarivo; son fils, Ramaromanompo, lui succéda et régna pendant cinq ans, résidant d’ordinaire à Ambohijoky, mais, étant allé s'établir à Fenoarivo contre l’avis de ses fidèles Manisotra, il fut trahi par les habitants de cette ville et dut se rendre; il fut relégué dans le Nord, près d’Imerimandroso, et sa fille Ravaomanjaka devint l’épouse d’Andrianampoinimerina. Peu à peu, tous les habitants de l’'Ambodirano se soumirent; toutefois, les Manisotra qui, quoique des- cendants d'esclaves, étaient les guerriersles plus courageux de Madagascar, ne se rendirent pas, et Razakatahiny, qui avait tramé le complot avec les habitants de Fenoarivo, les attaqua avec une armée et fit le siège d’Ambatomalaza, près d’'Ambohijoky. Ils lâchèrent alors un millier de bœufs, après lesquels se mirent à courir les assiégeants, croyant qu'ils renonçaient à se battre, et, se jetant alors sur eux, les mirent en déroute et les poursuivirent jusqu’auprès de Tananarive. Une seconde et une troisième campagnes contre Ambohijoky ne furent pas plus décisives. Chaque fois, les Manisotra mirent les assail- lants en fuite, en tuant un grand nombre () et coupant les mains des (4) Ce talisman, qui avait été apporté du Matitanana, était accompagné de deux drapeaux, l’un blanc, appelé « Mahazotany » (litt. : qui gagne du pays), et l’autre rouge, appelé « Maha- zovola » (litt. : qui gagne de l’argent). Les Mal- gaches croyaient qu’à la vue de ce sampy et de ses drapeaux les gens tombaient évanouis et pouvaient être alors facilement mis à mort. C’est, dit-on, par la crainte que lui inspirait « Manjakatsiroa » que le chef des Manendy, Tsiampiry, fit sa soumission et abandonna le petit roi Rabehity. (2) Et, dit la chronique, il rentra en posses- sion de sa femme, Ravaonimerina, première cause de la guerre. (3) Ayant fait prisonnier le chef des Tsima- hafotsy, ils le mirent à mort. 96 MADAGASCAR. prisonniers qu'ils faisaient pour les lancer toutes sanglantes au milieu des ennemis : « Nous ne pourrons jamais les vaincre, disaient ceux-ci; se battre avec eux, c’est se battre avec des bêtes féroces ». Andrianampoinimerina se décida alors à prendre le commandement d’une quatrième expédition : « ces esclaves osant résister à leur maître, dirent les Andriana, les Seigneurs, eh bien! nous allons nous emparer d’eux et nous les taillerons en pièces, il ne faut pas qu’il y en ait un seul qui reste vivant », et, prenant leurs sagayes et leurs boucliers, ils exécu- tèrent une danse guerrière, puis ils partirent avec le roi et l’armée. Dès qu’ils se présentèrent devant Ambohijoky, les femmes, sortant la sagaye à la main, provoquèrent les assaillants, et les hommes, les atta- quant avec fureur, les mirent en fuite et en firent un grand carnage en les poursuivant. Dans cette poursuite, ils s’'emparèrent du roi et, comme ils allaient le sagayer, son confident Razakatahiny, qui l’accom- pagnait, s’écria : « Ne le tuez pas! c’est le roi. Est-ce que vous voudriez lutter avec Dieu? » — « Qui donc est le roi? », demandèrent-ils. — « C’est moi », répondit Andrianampoinimerina en ouvrant le parasol rouge, insigne de la royauté. — « Soyez béni! Sire, dirent les Manisotra, qui s'étaient promis d'éviter même de le blesser, car, quoique bien décidés à ne pas lui abandonner leur {any, leur terre, ils le respectaient, nous n’en voulons qu’à vos sujets, aux Tsimahafotsy, qui veulent nous exter- miner; quand à vous, nous vous reconnaissons comme notre roi. » Andrianampoinimerina, plein d’admiration pour leur courage et touché du respect qu’ils lui avaient manifesté, se décida à ne plus leur faire la guerre et à tâcher de se les rallier par une habile diplomatie. Sa première tentative ne fut pas heureuse : il leur envoya comme ambas- sadeurs trois Manisotra, trois de leurs parents, qui furent traités comme rebelles et traîtres et mis à mort; toutefois, les Manisotra étaient divisés, les uns voulaient se soumettre, les autres voulaient résister. Cinq cents entre eux se présentèrent devant le roi, lui disant : « C’est vous seul, Sire, que nous craignons; quant à vos sujets, nous ne les craignons pas, car, eux, ils ne sont pas capables de nous vaincre »; le roi leur donna 200 bœufs et ils promirent de revenir dans quelques jours faire leur soumission. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 97 Mais, revenus à Ambohijoky, ils furent assaillis par les huées des habi- tants, qui leur prédirent que les Hova les tueraient tous lorsqu'ils se seraient rendus à eux, et les femmes leur reprochèrent leur lâcheté, leur criant : « Vous n’êtes pas des hommes, vous êtes des lâches! passez- nous vos salaka (culottes malgaches) et vos fusils », et, brandissant des fusils, elles tiraient en l’air, si bien que ceux qui voulaient se soumettre n'osaient pas, et la guerre continuait. On était alors au commencement de l’automne et le moment de la moisson approchait; le roi envoya alors pendant la nuit ses Hova, qui y allèrent tout tremblants d’être surpris par ces « bêtes féroces », abattre avec de longues perches le riz qui était presque mûr. Les Manisotra furent consternés de ce désastre lorsqu'ils virent leur moisson anéantie; ils tinrent bon néanmoins encore pendant quelques mois, mais la famine et les dissensions qui augmen- taient de jour en jour amenèrent leur soumission. Pour les punir de leur résistance, Andrianampoinimerina les relégua à Alasora et mit à Ambobhijoky une colonie de Voromahery (4). Il ne restait plus qu’à reconquérir l’Imamo oriental pour que le royaume d’Andriamasinavalona fût reconstitué. Plusieurs descendants d'Andriambahoaka (? y vivaient indépendants, dont le plus puissant était Andriampoetsakarivo, qui habitait Ambohibeloma, ville fortifiée située à une journée de marche à l'Ouest de Tananarive, et qui, invité par Andrianampoinimerina à se reconnaître son « enfant », c’est-à-dire son vassal, répondit fièrement : « Le « tapia » (arbre qui est particulier à l'Ouest de l’Imerina) ne monte pas jusqu’à Tananarive, et l’ambrevade (plante cultivée seulement dans l'Est de l’Imerina) ne descend pas jusque dans l’Imamo », c'était dire : restons chacun chez nous (. Andria- nampoinimerina s’empara d’abord de divers villages sans défense (4), puis essaya de prendre Ambohibeloma, mais, se heurtant à une forte résistance, il en abandonna momentanément le siège et s’en alla atta- (1) Un certain nombre de Manisotra se reti- planter un tapia dans la cour de son palais; ra à Ambohibeloma, ainsi que chez les Betsileo l'arbre poussa, mais il ne donna pas de fleurs et les Bezanozano. et ne tarda pas à mourir. (2) Dont nous avons parlé p. 60. (4) Ambohitsoa et Antaromanana. (3) En réponse, Andrianampoinimerina fit HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE, 13 98 MADAGASCAR. quer Sahavondronina, qu’entouraient de grands fossés toujours pleins d’eau grâce à un canal souterrain qui les faisait communiquer avec l’'Ombifotsy; les assiégeants furent longtemps avant de savoir d’où venait cette eau, mais au bout de six mois ils découvrirent le canal qu'ils détruisirent et les habitants, privés d’eau, durent se rendre : le roi, furieux d’avoir été retenu si longtemps en cet endroit, défendit que qui que ce fût y habitât dorénavant, et il fit mettre à mort le chef Andria- marobasy. Cette prise entraîna la capitulation, non seulement d’Arivo- nimamo et des autres villages de cette province, mais aussi celle d’Ambo- hibeloma, dont le chef Andriampoetsakarivo, voyant qu’il ne pourrait résister indéfiniment, déclara à son peuple que Dieu livrait le royaume à Andrianampoinimerina, et il s’enfuit avec sa famille et ses esclaves; poursuivi et traqué à la fois à Tampoketsa, il congédia ses suivants et il attendit, assis sur un tronc d’arbre, les soldats hova qui le poursui- vaient et qui le mirent à mort (4). Quant aux principaux habitants, ils vinrent faire leur soumission à Tananarive et, suivant l’usage, dan- sèrent devant le roi pour témoigner leur joie de devenir ses sujets; deux des danseurs, deux frères qui étaient esclaves (), furent remarqués à cause de leur beauté et de la grâce de leur danse par Andrianampoini- merina, qui demanda l’un d’eux à leur maître et obtint l’aîné, Ratsi- mivony, qu'il échangea plus tard, en insistant, contre le cadet, Rama- haisahy (%), dont l'esprit et le grand attachement pour son maître l’avaient frappé et qui, sous le nom de Raïiningory, s’est acquis une juste célébrité par son courage et son habileté dans la guerre; il n’est mort qu’en 1875, après avoir été longtemps le chef de tous les esclaves et avoir été élevé au plus haut grade, à celui de 16€ honneur. Ayant rétabli le royaume d’Andriamasinavalona, il s’occupa de l’étendre vers le Nord-Est et s’attaqua aux Sihanaka, qui s’étendaient (4) Andrianampoinimerina a donné Ambohi- deuxième mois de l’année lunaire, ce qui, beloma comme fief à son beau-frère Rabasivalo, disent les astrologues, lui présageait une belle guerrier député. destinée. Son nom, Ramahaisahy, signifie (2) Esclaves d’Andrianamboarinandriama- « celui qui sait être hardi, qui sait être coura- nitra, neveu d’Andriampoatsakarivo. geux », et était on ne peut mieux appliqué. (3) Il était né à la nouvelle lune d’Adaoro, le HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 99 jusque dans la vallée du Mananara, à l’Ouest de la bande de forêt qui limite de ce côté l’Antsihanaka, et contre les incursions desquels il avait établi, dès le début de son règne, quatre fortins (4). C’est un de ses neveux, Rakotovahiny ®), qu’il chargea de les refouler au-delà de la forêt, mais qui fut honteusement battu; son frère aîné, envoyé à la rescousse pour venger ce honteux échec, ne fut pas plus heureux; ayant essayé de prendre Ambobhitsitakatra (litt. : la ville qu’on ne peut escalader), qui est situé au sommet d’une haute montagne, il fut mis en fuite et laissa au pouvoir de l’ennemi le beau-frère du roi, qui était réputé comme guerrier intrépide, Rabasivalo. Furieux de ces échecs, Andrianampoinimerina tint un grand kabary : « Pourquoi, Ô mon peuple, avez-vous abandonné lâchement mes fils et pourquoi avez-vous fui? C’est moi-même que vous avez abandonné en vous enfuyant! je ne puis admettre une sembable lâcheté et je vous mettrai à mort. Et vous, Rakotovahiny et Rabodolahy, vous ai-je mis à la tête de mes soldats pour que vous les livriez aux ennemis? » — «Soyez béni, Sire, répondirent les soldats, soyez béni! Ne croyez pas que nous ayons fui, car nous n'avons fait que suivre nos chefs, et de quoi donc sommes-nous coupables? » — « Étiez-vous d'accord avec mes ennemis, leur dit le roi? Vous alliez pour prendre du butin et c’est vous qui êtes pris! vous me couvrez de honte. Que chacun des six corps d’armée dénonce les coupables. » Alors, les Avaradrano, les Sisaony, les Marova- tana, les Ambodirano, les Vonizongo (les soldats originaires de ces cinq provinces de l’Imerina) et les Mainty (les Noirs ou descendants d'esclaves), qui étaient séparés en six corps différents s’avancèrent, il leur demanda : « Quel est celui de vous qui a, le premier entraîné les autres afin que, selon toute justice, je le mette à mort, lors même qu'il serait mon parent?» Rabefiraisana, le chef des Avaradrano, avoua que ses hommes avaient été les premiers à fuir, mais qu'ils n'avaient fait que suivre le prince. (4) Voir plus haut, p. 88. d’accord avec leur tante, sa vadibé (son épouse (2) Neveu et fils adoptif, puisqu'il l’avait principale), Rabodonimerina, qui n'avait pas adopté, ainsi que son frère aîné Rabodolahy, d’enfants. 100 MADAGASCAR. Les Sisaony dirent : « Soyez béni, Sire! nous n’avons pas abandonné le prince et, tous, nous avons été entraînés dans la déroute. Nous méri- tons la mort, tuez-nous tous, puisque aucun de nous n’a été courageux : vous êtes le maître. » Et les chefs des quatre autres corps d’armée firent des réponses analogues, tous se déclarant prêts à mourir pour expier leur faute. « Puisque vous reconnaissez votre faute, leur dit alors Andrianam- poinimerina, je ne vous mettrai pas à mort, car, comme dit le proverbe, «un arbre seul ne fait pas une forêt et, avec un seul doigt, on ne peut saisir un pou », et, en somme, vous êtes mes conseillers, vous êtes « mon père et ma mère »; aussi, vos aveux et votre dévouement me réjouissent. » Puis, s’adressant en colère à ses fils, il ajouta : « Et vous, que j'avais chargés d'étendre mon royaume, avez-vous fui? » — « Nous nous sommes battus, répondit Rabodolahy, mais les soldats se sont enfuis et je les ai suivis. » — « Prends garde mon fils. N’as-tu pas dit : À quoi bon risquer ma vie ici, puisque je ne dois pas être roi? Je t’ai mis à la tête de mes soldats parce que je t’aimais et, si tu ne te croyais pas capable de les commander, tu n’avais qu'à me le dire. Ce ne sont pas les soldats qui ont fui les premiers, c’est toi et ton frère! » « Soyez béni, répondit Rabodo- lahy! Parlez et nous obéirons, nous travaillerons pour d’autres, car vous êtes notre maître. » Quant à Rakotovahiny, il dit : « Soyez béni! je suis le cadet. Décidez ce que vous voulez faire de moi. Lorsque j'ai vu que tous les soldats allaient mourir, je les ai entraînés; faites donc de moi ce que vous trouverez bon et juste, mais épargnez les soldats. » — « Tu as bien parlé, mon fils, tu avoues ta faute et je te pardonne. Parlons maintenant de ce que nous devons faire pour le bien du royaume. » Et, ayant relégué Rabodolahy à Anjohy, dans le Nord-Est, et Rako- tovahiny à l'Est d’Alasora, à Ambobhitrandriananahary, il prit lui-même le commandement de l’armée et, arrivé à Manohilahy, ville sihanaka située à une quinzaine de lieues au Nord de Tananarive, qu’il somma de se rendre : « Venez, si bon vous semble; la tête de bœuf est cuite et toute prête à manger », dirent les habitants, suivant la formule consacrée, c’est-à-dire les combattants sont prêts à vous recevoir. Toutefois, peu HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 101 après, ils se soumirent (4) et Andrianampoinimerina entreprit le siège d’Ambohibeloma, ville importante (?), dont les habitants refusèrent de lui faire leur soumission. Il fit remplir les fossés d’herbe et lancer un cerf-volant auquel étaient attachés des tisons ardents qui, tombant sur les toits en chaume des maisons, y mirent le feu et, profitant du désarroi qui s’ensuivit, ses soldats franchirent les fossés pleins d’herbe et, se précipitant sur les Sihanaka, ils en tuêrent un grand nombre et restèrent maîtres de la place (#. Le roi mit 800 hommes, les « Valonjatolahy » en divers points du pays qu’il venait de conquérir, notamment à Anjozo- robé et à Antoby, qui sont encore habités par les descendants de ces « Valonjatolahy » (), puis il revint à Tananarive (5). Ces diverses expéditions terminées, Andrianampoinimerina tint un grand kabary, une grande assemblée, où il annonça à son peuple ses projets : « Voici ce que j’ai à vous dire. Nous avons fini nos conquêtes à l'Est, au Nord et à l'Ouest; il nous reste à faire celle des Betsileo dans (1) Mais peu après, les trois principaux chefs ayant été mis à mort comme coupables de sor- cellerie, leurs sujets indignés s’enfuirent au- delà de la forêt. (2) CoPPALLE qui, allant d’'Ambatondrazaka à Tananarive en 1825, a traversé Ambohibeloma, dit que « ce grand village était très ancienne- ment et très puissamment fortifié et a soutenu un siège mémorable contre Andrianampoini- merina ». (3) Le chef des Sihanaka, Tohana, qui était un devin réputé et qui s'était enfui avec ses talismans à Ampamoizankova, défia le gardien du célèbre talisman merina Ramahavaly. Tohana, dit la légende, lança pendant une demi- journée la foudre sur son rival sans qu’il tombât malade et sans que sa maison brûlât. Au con- traire, sur l’ordre donné par Rasoalahatra à son sampy, à son talisman, de faire saisir son adversaire par des serpents, un grand nombre de ces reptiles se rua sur le malheureux Tohana qui, terrifié, demanda grâce et reconnut la supériorité de Ramahavaly. Andrianampoini- merina, heureux de ce succès, autorisa son gar- dien à prélever tous les lundis, au marché, une des portions de bœuf qui lui étaient réservées, afin de bien traiter les serpents de Ramahavaly. (4) Il en mit aussi à Maromby (au Nord du Mananta), à Andriba, à Vohitsara, à Vohilena, à Miakotso et à Maneva, qui devaient aussi défendre l’Imerina contre les Sakalava. C’est en mai 1808 qu'il a fait la guerre aux Sihanaka (Archives coloniales). (5) En passant près d’Ambohijanahary, Andrianampoinimerina mangea des voakan- drina (Carissa edulis), fruits juteux et acides qu’il trouva si bons qu'il défendit de toucher aux trois petits bois qui en produisaient le plus. Jusqu'en 1895 leur gardien en portait encore au souverain tous les ans lors de la fête du Fandroana. D'autre part, déplorant les ravages causés dans la grande forêt par les incendies qu’on y allumait continuellement, il défendit que dorénavant on y mit le feu, car il voulait que ses sujets pussent s’y procurer les poutres et les planches, ainsi que le bois de chauffage dont ils avaient besoin. 102 MADAGASCAR. le Sud. Ils sont innombrables, ces Betsileo qui remplissent le ciel et la terre; aussi, je vous en préviens afin que, dans l’avenir, vous ne me fassiez pas de reproches, il est à craindre que beaucoup d’entre vous ne périssent dans cette campagne. Mais il faut que nous les soumettions pour alléger vos charges. » — «Comptez sur nous, Sire, répondit le peuple. Dût périr le tiers, dût même périr la moitié d’entre nous, nous ne recu- lerons pas. Que celui qui ne vous obéira pas soit mis à mort ! » — Le roi répondit : « À moins que Dieu, qui est tout-puissant, leur vienne en aide, je les assujettirai à mon autorité. S'il y en a qui me résistent, je compte sur vous comme sur des remparts en pierre imprenables. Je vous condui- rai d’ailleurs moi-même, car Dieu m’a donné ce pays jusqu'aux rivages de la mer et je veux m'en rendre maître. » Le premier roi betsileo avec lequel il entra en contact, Andrianantara, roi du Manandriana, au Nord du Matsiatra, dont la capitale était Fiha- sinana (), fit sa soumission sans coup férir et ses parents suivirent son exemple; aussi fut-il maintenu Seigneur du Manandriana. Andrianampoinimerina s’attaqua alors à un des plus puissants rois betsileo, Andriamanalinarivo (?), qui régnait au Sud-Ouest de l’Anka- ratra, au Sud de l’Andrantsay. À ses envoyés (%), qui lui demandaient de le reconnaître pour son « père », il répondit après avoir mesuré avec ses bras un long bâton qu'il leur tendit : « Voici la mesure de ma brasse. Si celle de votre roi est plus grande je me déclarerai son « enfant », mais si elle est plus courte je suis son frère. » Andrianampoinimerina n'avait pas les bras aussi longs qu’Andriamanalinarivo mais, mettant ce bâton droit devant lui et montrant aux envoyés que sa taille était d’un pouce plus grande, il leur dit : « Il importe peu que ma brasse soit plus courte que ce bâton, car ce n’est pas la longueur des bras qui rend digne d’être (4) Lat. S. 2004915”; long. E. de Paris terribles paroles : « Sont-ce, oui ou non, des 4403610”. hommes? Si ce ne sont que des hommes, qu’ils (2) Descendant des parents d’une des femmes viennent, nous les tuerons»,et qu'ils répondirent d’Andriamasinavalona qui, ayant quitté leur audacieusement : « Nous sommes des hommes pays qui était situé au Sud de Mantasoa, et vous ne nous tuerez pas.» (RR. PP. ABINAL s'étaient établis dans le Betsileo. et DE LA VAISSIÈRE, Vingt ans à Madagascar, (3) On raconte que ces envoyés, en attendant 1885, p. 90). d’être introduits auprès du roi, entendirent ces HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 103 roi. Je suis plus grand que lui et, à ce titre, je suis son « père ». Pendant ce temps, le roi betsileo fortifia sa ville, mais, apprenant que son fils avait fait sa soumission sans le prévenir, il se décida aussi à se soumettre et, après l’échange de conventions, l’envoyé d’Andrianampoinimerina s’écria en tirant un coup de fusil en l’air : « Qu'il périsse d’un coup de fusil, celui qui manquera à son serment! » Andrianampoinimerina demanda alors qu’on lui livrât les Manisotra qui, lors de la prise d’'Ambohijoky, s'étaient réfugiés chez les Betsileo et les avaient exhortés à ne pas reconnaître sa suzeraineté, mais Andria- manalinarivo ayant, sur le conseil de ses fils, refusé et s’étant réfugié à Fandanana, ville située au Sud de l’Andrantsay et à l'Ouest d’Antsirabé et très bien fortifiée, il en fit le siège, accompagné de son fils Radama, qui avait alors quatorze ans, mais il ne réussit pas à s’en emparer. L’année suivante, il reprit sa campagne au Sud du massif de l’Anka- ratra et, accompagné de nouveau par Radama, auquel il donna le com- mandement d’un de deux corps de son armée, il s’empara de plusieurs villages ®) et, ayant pris un des fils d’Andriamanalinarivo, Andriambe- losalama, il le fit mettre à mort à cause de sa rébellion, puis il marcha contre Andriamanalinarivo, après avoir obtenu la soumission de deux de ses fils (? qui étaient à Fandanana, et s’empara de Fivavahana, où il s'était réfugié : il le fit mettre à mort comme rebelle et on l’enterra à Faliarivo. Ces trois villes de Fandanana, de Fivavahana et de Faliarivo furent dès lors condamnées à ne plus avoir d'habitants. Andrianampoinimerina s’attaqua alors au petit royaume traversé par le Mania, dont le roi Ravoekembahoaka habitait Kiririoka. Il le somma de se rendre, lui promettant de lui conserver son royaume et de lui laisser, ainsi qu’à ses sujets, leurs femmes, leurs enfants, leurs esclaves, leurs bœufs et leur fortune. Mais Ravoekembahoaka lui répondit : « Comme vous, je suis roi et, comme vous, je suis courageux. Croyez-vous (4) Ambohimitsara, Amborompotsy (rési- (2) Andriambongo et Andriamanalinabehian- dence d’Andriambelosalama, un des fils d’Andri- tana. Ils furent maintenus, après la mort de amanalinarivo), Ambohidrainahandriana. Ceux leur père, comme seigneurs de son territoire, le d’Ambohitrandraina, d’Antsirabé et de Betafo Menaberoarivo. se sont soumis de bonne grâce. 104 MADAGASCAR. que vos fusils et vos sagayes me fassent peur? » et, au son de la conque, appelant son peuple, il l’encouragea à se bien battre, ajoutant : « Je combattrai jusqu’à ce que mon crâne soit brisé en mille morceaux, jus- qu’à ce que les os de mes bras et de mes jambes soient en pièces. » Andrianampoinimerina ne put prendre d’assaut Kiririoka qui était au sommet d’un haut pic et il lui fallut faire un long siège, combattant tous les jours, mais enfin, Ravoekembahoaka s'enfuit et les habitants se soumirent et prêtèrent le serment de fidélité. Andrianampoinimerina se mit alors à danser de joie et, depuis, ce lieu si difficile à conquérir s’appelle Nandihizana, litt. : où il a dansé (. Il retourna ensuite dans l’Imerina, ayant soumis à sa loi tout le pays situé au Sud de l’Ankaratra jusqu’au Matsiatra, et ramenant un grand butin et de nombreux prisonniers qui devinrent esclaves des Merina, ainsi que beaucoup de bœufs, dont le quart fut remis au roi; qui reçut aussi un grand nombre de {siarondahy (?), d'esclaves royaux 6). Le Vakinankaratra était conquis, mais il restait au Sud du Matsiatra trois petits royaumes betsileo, l’Ilalangina à l'Est, l’Isandra à l'Ouest, et l’Arindrano au Sud, qui, sous le règne illustre d’Andriamanalina I, n’en formaient qu'un (#. Andriamanalina IT qui, ayant perdu deux des provinces du royaume de son père, ne régnait plus que sur l’Isandra, accepta les propositions que lui adressa Andrianampoinimerina et se fit frère de sang avec lui (5). L’Ilalangina se soumit aussi presque sans coup férir (%), ainsi qu’une partie de l’Arindrano, le Tsienimparihy, dont le roi Rarivoarindrano (4) Lat. S. 2004645”, et long. E. de Paris, 44045107. (2) Par corruption, dit-on, de tsy ory lahy, litt. : hommes qui ne sont pas malheureux. à la poitrine, et Andrianampoinimerina lui renvoya une goutte du sien, ainsi que le cou- teau, qui a été conservé précieusement sous le nom de tambolana ela. (3) Le tantsaha Andriantsoanandriana, qui a été zélé et habile, a reçu, en récompense, des terres et des dons importants. (4) Comme l’attestent les monolithes monu- mentaux qui perpétuent son nom. (5) Il lui envoya une goutte de son sang sur le couteau avec lequel il s'était fait une incision (6) Les habitants durent toutefois livrer leurs fusils et payer une petiteamende. Mais Andriam- bavizanaka, la fille aînée des cinq enfants du roi Raïnindrantsara, qui était mort dans un combat avec son voisin de l’Arindrano, con- serva le pouvoir. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 105 Mansnbo} ts TSIROANOMANDIDY VW Mahajlo MIANDRIVAZO T K D A (29) ET Pt a, ARIVONIM KIANGARA © © FIHAONA! Ambohimasina Le, se Da ST @ à Sahavondronineo e @ Ex MIARINARIVO © = Manazary LAC ITASY oSoavinandrians BEZANOZ ANO Tritriva SETAFO® D &ANTSIRABE Ÿ Baby SFonianane Buy 2255 Fè SÂn batofinandrahans oAmbohimahazo Ka Le Nendih rene ©AMBOHIMANGA (du Sud) ps (æ) VW AMBOHIMAHASOA J mis PAlanindrano /FIANARANTSOA © {Ivoneana) HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 14 106 MADAGASCAR. fit également sa soumission (4), mais l’autre partie, le Vohibato, resta indépendant jusqu'après l'avènement de Radama. Ces trois États situés au Sud du Matsiatra, après avoir été incorporés dans le Vaki- nankaratra, en ont été détachés pour former la province du Betsileo, avec Fianarantsoa pour capitale. 19 l’Avara- drano, au Nord et au Nord-Est de Tananarive ();-20 le Vakinisisaony, à l'Est et au Sud-Est de Tananarive; 39 l’Ambodirano, à l'Ouest et au Sud-Ouest de Tananarive; 40 le Marovatana, au Nord du précédent; L’Imerina comprit dès lors six grandes provinces (?) 59 le Vonizongo, au Nord du précédent; et 60 le Vakinankaratra, au Sud du massif de l’Ankaratra, provinces dont les habitants furent répartis en groupes distincts (4), mais avec la recommandation de ne pas les quitter (5). Quant au pays betsileo situé au Sud du Matsiatra, il fut divisé en trois principautés, l’Isandra (capitale Fanjakana), l’Ilalangina (cap. Alananindrano), et le Tsienimparihy (cap. Vohibato); chacun des chefs qu'Andrianampoinimerina avait laissés à leur tête, après qu'ils avaient reconnu sa suzeraineté, et au nombre desquels était Andriambaviza- naka, reine de l’Ilalangina, avait à ses ordres environ 10,000 guerriers. Andrianampoinimerina voulut que tous ses sujets anciens et nou- veaux, renouvelassent, à Ambohimanga ou à Tananarive, leur serment de fidélité dont voici la teneur : « Si nous violons le serment que nous faisons à Andrianampoinimerina, que cette sagaye, se retournant contre nous, nous transperce! Que le coup de fusil qui part en ce moment nous tue! » Après que chaque tribu eût prononcé ce serment, un bœuf fut (1) Andrianampoinimerina lui fit bâtir dans le Sud le fortin d’'Ambohimandroso (litt. : la ville qui pousse, qui fait reculer [l’ennemi]), pour arrêter les incursions et les déprédations des peuplades du Sud. (2) Voir le croquis page 63 de ce volume et la carte de l’Imerina dans le vol. Ethnogra- phie, tome I (face à page 236). (3) Où habitaient les trois clans, les Tsimaha- fotsy (qu’on appelait les rain’ny olona, les pères des autres districts, leurs chefs de file), les Tsi- miamboholahy et les Mandiavato, ainsi que les Voromahery, corps d'élite prélevé sur les trois groupes précédents. Le chef de l’Avaradrano était Rabefiraisana. Ces clans étaient dénommés Zokin’ Imerina, les aînés des Merina. (4) Ainsi, les Tsimahafotsy, une des tribus de l’Avaradrano, ont été divisés en 16 clans. (3) « Je veux que vous restiez attachés à votre province comme les afody isy mifindra reny, comme les œufs couvés par la poule qui les a pondus ». HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 107 transpercé avec la sagaye, puis on frappa l’eau dormante, velirano : c’est à Andranofitoviana [litt. : où l’eau est la même (pour tous les sujets du roi)] qu'avait lieu cette cérémonie. Après toutes ces conquêtes, Andrianampoinimerina convoqua les représentants de ces provinces et leur dit : « J’aime également tous les clans qui sont réunis ici et je veux qu’il n’y ait aucune différence entre vous. Tous, vous êtes mes sujets, je suis le maître du pays et de vous tous, dont le sort est lié au mien, car vous m'êtes unis, attachés, comme le sont à une pintade ses plumes qui, toutes, innombrables et variées qu’elles soient, n’en forment pas moins un seul et même plumage. « Je désignerai des vadintany, des commissaires, qui veilleront à la sûreté du royaume. Quant aux membres de ma famille, aux Havan’An- driana, à chacun d’eux j’assignerai une résidence afin qu'ils n’entrent pas en compétition et en conflit, et je leur recommande instamment de ne pas « dévorer mes sujets » (1); chacun aura un vodivona, un fief, dont les habitants folovohitra, roturiers, seront leurs vassaux et leur paieront l’hajia, les impôts féodaux, dont ils vivront; mais, s’il y en a qui pressurent mes sujets, quel que soit leur degré de parenté avec moi, ils seront sévèrement châtiés. « Je tiens essentiellement à ce que les folovohitra ), qui ne sont ni les Havan’ Andriana, ni les esclaves, vivent en bonne intelligence, car akanga be tsy vakin'amboa (litt. : un chien ne vient pas à bout d’une bande de pintades) l’union fait la force. « Je ne veux pas qu'Ambohimanga et Tananarive se prévalent de leur situation privilégiée pour mépriser les autres clans, et je punirai ceux qui agiront de cette manière, car les habitants de tout l’Imerina sont tous mes sujets, mais je punirai également ceux qui mépriseront (1) Car «les menakely ou serfs de mes parents, a-t-il dit, ne sont pas des esclaves; je les ai mis à votre service et c’est par dévouement pour vos personnes qu'ils vivent avec vous. Si vous les vendiez comme esclaves, vous vendriez mes sujets et ce serait un grand crime... Ils doivent vous servir parce que je vous considère comme mes enfants mais, hormis moi, le roi, personne ne peut les vendre sous peine de s’exposer à un châtiment terrible ». (2) Sont folovohitra les Hova, soit menabé, soit menakely, c'est-à-dire les sujets libres vivant, soit sur des terres du domaine royal, soit sur des terres féodales, ainsi que les {an- dapa fotsy, les Manisotra et les Manendy, mais non les Tsiarondahy. 108 MADAGASCAR. Ambohimanga et Tananarive, oubliant le respect dû à ces Zokin’ Imerina, à ces frères aînés auxquels est dû l’Imerina actuel et, parmi eux, ce sont les Tsimahafotsy qui sont les rain’ny olona, les pères des autres, puisque ce sont eux qui m'ont mis sur le trône, et à Ambohimanga je décerne le surnom de Vilany vy (litt. : de marmite en fer) parce que, dans cette marmite, j’ai cuit tous les mets que j’ai voulu. Quant aux Voromahery de Tananarive, comme le faucon dont ils portent le nom, ils sont si forts et planent si haut qu'ils méritent l’admiration de tous les autres Merina. « Quoique vos esclaves vous appartiennent certainement, personne autre que moi ne peut disposer de leur vie, car il n’y aurait plus de souverain si tout le monde pouvait, à son gré, juger et condamner. «J'ai divisé mon royaume en six provinces et je veux, Ambaniandro (1), que vous restiez attachés à celle où vous êtes nés, car il ne faut pas qu'atody tsy mifindra reny [litt. : que vous soyez comme des poussins sortis d’œufs qui n’ont pas été couvés par leur mère (par la poule qui les a pondus)], que vous abandonniez votre pays natal pour venir, soit à Ambohimanga, soit à Tananarive; les charges publiques sont réparties entre chacune d’elles par sixièmes. Les guerres et les rivalités entre clans étant à jamais terminées, je veux que dorénavant la lutte ait lieu sur le terrain du travail et de l’industrie; les provinces de ceux de mes sujets qui failliront à leur tâche seront condamnées à payer une amende de mille piastres le lokam-panompoana (?), au profit de celles dont les habitants se seront fait remarquer par leur zèle et leur ardeur. « Les Avaradrano, qui m'ont aidé dans mes premières entreprises, seront les « aînés » de l’Imerina; les Vakinisisaony, les Marovatana, les Ambodirano et les Vonizongo ses cadets, et les Vakinankaratra les puînés. « Chaque fois que le service de l’État nécessitera une corvée (), la moitié des hommes des diverses provinces partira. (4) Ambaniandro désigne tous les habi- sée aux combattants qui s’étaient conduits tants, des princes au dernier des escla- lâchement. ves. (3) Miloloha tany mena (litt. : porter sur la (2) Remplagçant le lokan’ady, l'amende impo- tête de la terre rouge). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 109 « Je vous rappelle, Merina, que le sol de ce pays m’appartient ainsi que le pouvoir et, n'ayant ni assez de bœufs, ni assez d’argent pour vous en donner à tous, je vais diviser les terres à riz en hetra (4) et vous les distribuer à raison de un hetra par homme; ainsi chacun de vous, pauvre ou riche, humble ou puissant, aura de quoi se nourrir, mais il devra toujours être à ma disposition, puisque je lui aurai assuré les moyens de vivre. Par hetra, vous paierez un impôt de {apa-bary ( ou isam- pangady. « Travaillez donc le sol qui vous nourrira, puisque vous voilà en possession d’un hetra, d’un champ (%) mais ne laissez pas les mauvaises herbes l’envahir, car, à présent que mon gouvernement est fortement établi et que le pays est en paix, je n’ai plus d’autre ennemi à redouter que la famine. En outre des terres à riz, vous avez des lohasaha, des vallons propices à la culture du manioc, ainsi que du fampon-lanety, des coteaux; que chacun de vous les attaque avec ardeur, mais je veux que vous ne preniez pas plus de terre que vous n’en pouvez cultiver. Quant aux fanety lehibé, aux grands plateaux, ils doivent être également répartis entre tous mes sujets, car je veux que chacun ait sa place au soleil. « Et voici maintenant la forêt qui ne peut se répartir : c’est là qu’or- phelins, veuves et malheureux iront chercher leurs moyens d’existence, car, sans cela, comment vivraient-ils, ne possédant rien et n'ayant rien à vendre? Donc, qu’on les laisse libres de se livrer au trafic qu’ils vou- dront. Quant à mes parents et à mes vassaux, ils auront aussi toute (1) Hetra (a), étendue de rizière jugée suffi- n’a pas été réparti en hetra et n’y ont possédé de sante pour nourrir une famille (b) : selon la terres que ceux qui les ont achetées. nature du sol et l'intelligence et l’activité des (2) Soit un boisseau et demi. cultivateurs, il produirait de 20 à 100 vary, soit (3) Champ qu'ils ne pouvaient d’ailleurs environ de 30 à 150 hectolitres, l’Anativalo seul vendre qu’à des membres de leur tribu. (a) Des orim-bato, des pierres plantées en terre perpétuaient le souvenir de l'attribution faite à chaque clan; ils étaient placés aux limites des diverses zones et quiconque les arrachait ou les déplaçait était puni de la perte de la liberté. (b) Les familles dont le nombre des membres croissait avec les générations, ne pouvant étendre la surface de leurs hetra, étaient obligées de les subdiviser proportionnellement au nombre de leurs enfants qui n’en devaient pas moins, chacun, payer la taxe de l’isam-pangady. Nul souverain merina n’a touché cette répartition. 119 MADAGASCAR. liberté pour prendre dans la forêt les matériaux dont ils auront besoin, mais il est interdit d’y mettre le feu, si ce n’est pour fabriquer le charbon nécessaire pour les travaux de forge, et encore sur le bord. « Merina, rappelez-vous bien mes volontés, car je veux que ceux qui posséderont des terres puissent en léguer la propriété à leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. « Je suis, a-t-il dit, les traces de mon grand ancêtre Andriamasinava- lona comme un sanglier suit dans la boue les traces d’un autre sanglier, je respecte la tradition et l’ordre de choses existant ». On a prétendu, mais à tort, que le roi du Menabé et la reine du Boina Ravahiny avaient reconnu la suprématie des Merina; il y a eu échange de politesses et de cadeaux entre Andrianampoinimerina et les souve- rains sakalava, mais aucune reconnaissance de vassalité (@). Les relations \ amicales qu'il a cherché à se créer avec le roi du Menabé et avec la reine du Boiïina avaient peut-être pour but, but plus ou moins lointain, de devenir un jour leur suzerain, mais, à l’époque, il n’en fut rien. Le fils adoptif, d’Andrianampoinimerina, Ramavolahy qui avait été relégué dans le Sud-Est de l’Imerina, à Anjohy, après sa défaite chez (1) GUILLAIN dit (Documents historiques sur la côte Ouest…., p.33 et 55) que le fils aîné d’An- drianampoinimerina, Ramavolahy, a dirigé une expédition contre le Menabé, où il arriva pendant que le pays était en deuil par suite de la mort du vieux Mikiala; on échangea des cadeaux, suivant l'usage malgache, et il retourna en Imerina (a). Il est certain également que le Boina, sur la côte Nord-Ouest, que gou- vernait alors déjà depuis longtemps la reine sakalava Ravahiny, reine puissante et res- pectée, a attiré l’attention du roi d’Imerina et que, ne pouvant espérer le conquérir de vive force, il se lia amitié avec elle (b). (a) Envoyé par son père, vers 1808 ou 1809, pour répondre à l’appel de sa nièce (dit GuiLraIN, mais simplement parente éloignée) Rabodo, qui prétendait avoir à se plaindre de son époux Mikiala, le roi du Ménabé, et que celui-ci ne voulait pas laisser retourner en Imerina Ramavolahy arriva dans la province du Manambolo comme ce roi venait de mourir et, après s’être entendu avec Rabodo, il fit un cadeau de cent bœufs et s’en retourna en Imerina. C’est le fils de cette princesse, Ramitsaha, qui succéda à Mikiala. b) Il lui a envoyé une ambassade pour l’inviter à monter à Tananarive; elle a accepté et y est venue quoique déjà âgée, avec ses petits-fils Tafikandro et Andriantsolivola, et une suite nombreuse. Elle a dit-on, présenté le hasina, l’offrande habituelle en hommage lige, mais elle l’a fait vraisemblablement par simple politesse, sans y attacher l’importance que lui attribuaient les Merina, et a offert en cadeau 3 canons, 20 fusils et 7 barils de poudre; en échange, elle a reçu 400 bœufs, 500 vary (environ 500 hectolitres) de riz, 1,500 piastres, etc., magnifique cadeau qui avait pour but de gagner l’amitié et l’alliance des Sakalava du Boina. Peu de temps après son retour à Majunga, vers 1808 ou 1809, Ravahiny est morte; lors de ses funérailles, d’après Guillain, Andrianampoinimerina a envoyé 400 bœufs pour y être sacrifiés, et 1,200 hommes pour y assister, ainsi qu'une forte somme d’argent et des lambas destinés à être déposés, suivant l’usage, dans son tombeau. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 111 les Sihanaka (), poussé par la haine qu'il avait contre son frère Radama, que chérissait particulièrement son père (2), résolut de se débarrasser de ce rival détesté (%) et, ayant recruté des adhérents (4), et s'étant déguisé et armé d’un poignard, il chercha à diverses reprises à l’attirer dans un piège, mais sans succès; il projeta alors, dit-on, de tuer son père pour prendre sa place et alla un jour, dans ce but, lui faire une visite dans sa villa d'Ambohipo, mais le roi, qui avait eu vent de son projet, le fit fouiller et, comme on trouva sur lui un poignard et un coutelas, il le fit saisir, ainsi que ses complices qui l’accompagnaient, et les fit exécuter immédiatement 5). Le peuple applaudit à cet acte de justice et le chef des Avaradrano, Rabefiraisana, prononça en leur nom le serment suivant : « Qui que ce soit qui cherche à troubler ce royaume, s’il veut mettre sur le trône un autre prétendant que celui qu’a choisi (4) Voir p. 100.— Ramavolahy est souvent confondu avec son frère d'adoption; c’est peut- se sentait capable de gouverner le royaume, il répondit : «Oh! oui. Si par malheur, je ne règne être la même personne, Rabodolahy. (2) Amdrianampoinimerina ayant un jour réuni ses femmes, remit à chacune d'elles un panier; tandis que dans celui de la mère de Rabodolahy, il y avait une forte somme d’ar- gent, celui de la mère de Radama ne contenait que de la terre. « Voici qu’on lui donne la terre, dit à son fils la mère de Rabodolahy, et par conséquent le royaume! n’y a-t-il pas de quoi te faire mourir de chagrin? » pas, il y aura des flots de sang répandus ». (4) Surtout parmi les habitants d’Alasora et d’Ambatolevy et, depuis lors, Alasora n’a plus été une résidence royale. (5) On emmena Rabodolahy au lieu. de sa résidence, à Ankadiaivo où il fut sans délai mis à mort (a). Tous ceux qui étaient entrés dans le complot furent exécutés ou réduits en escla- vage, et on fit prendre le tanghin à ceux dont la culpabilité n’était pas évidente (b). (3) Son père lui ayant un jour demandé s’il (a) De notables Merina ont raconté cette histoire à A. GraAnpipIEeR, en 1869, d’une toute autre façon, et nous avons quelque raison de croire qu’elle est plus vraie que celle que nous donnons ci-dessus d’après Ezuis (Hist. of Madagascar, t. Il, p. 116 et 128) et d’autres auteurs. En effet, vers 1809, Rabodolahy, âgé alors de 24 ans, et, malgré son échec chez les Sihanaka, «était, dit Hugon, qui l’a vu en 1808 à Tananarive, hardi et heureux à la guerre, aimé du peuple et considéré comme le successeur de son père à cause des conquêtes qu'il avait faites ». (Manuscrit du British Museum.) Radama, jaloux de la faveur dont il jouissait complota de s’en débarrasser; il se mit d'accord avec ses principaux partisans, qui lui donnèrent traîtreusement avis que son frère avait résolu de le tuer pendant son sommeil, afin de ne pas avoir de compétiteur au trône, et qu'il ferait bien d’être toujours armé afin de pouvoir se défendre en cas de surprise. Un jour que Rabodolahy était couché dans la chambre de son père, les traîtres prévinrent Andrianampoinimerina que son fils avait caché sous son lamba un lefom-pohy, un poignard, et qu’il n’attendait que le moment favo- rable pour le tuer, afin de s'emparer du pouvoir; le roi, trouvant en effet le poignard sous l’oreiller et croyant l’accusation fondée, le fit mettre à mort. (A. Grandidier, Notes manuscrites, 1869, cahier 22, p. 1518). (b) HAver, qui avait une mission auprès de Radama en 1820 et qui est mort en cours de route, parle de l’autre frère, qui aurait été aussi exécuté : « Dès qu'Andrianampoinimerina, dit-il, eut vent du complot tramé contre lui par son fils Ramavolahy, que soutenait sa mère Rabodonimerina, il réunit un grand kabary dans lequel il leur demanda deux fois s’ils étaient coupables, leur promettant leur grâce s'ils avouaient : ils avouèrent et, sur un signe du roi, les bourreaux les mirent à mort; leurs complices subirent la même peine ». (Archives coloniales, manuscrit.) 112 MADAGASCAR. le roi, qu’il périsse! Quel qu'il soit, nous le mettrons à mort (1) ». Après qu'Hagamainty eût fait une déclaration analogue, le roi répondit : « Je suis content de vous, en voyant l’amour que vous avez pour moi. Mes enfants vous appartiennent aussi bien qu’à moi, aussi n’encouragez pas dans leurs errements ceux qui sont insensés et vous, qui êtes leurs conseillers, donnez-leur de bons avis, ne les laissez pas s’égarer dans la mauvaise voie ». Et il déclara formellement que Radama serait roi après lui, et que son épouse Ramavo (Ranavalona) lui succéderait ensuite. Il envoya alors Radama conquérir Ambositra, dans le Betsileo, dont le roi, descendant de Mpanalina, ne s'était pas encore soumis. A la tête d’une armée de valeureux Manisotra, Radama marcha contre cette ville, d’où sortit le roi ennemi avec la couronne sur la tête. « À moi de le tuer! » s’écria Radama en saisissant un fusil et, le visant, il tira et le tua; aus- sitôt, ses soldats se précipitèrent à l’assaut et, pénétrant dans la ville, massacrèrent tous ceux qui ne s’enfuirent pas et restèrent maîtres de la place, qu’ils rasèrent. Plusieurs des chefs et des habitants des provinces centrales qu’Andria- nampoinimerina avait annexées à son royaume s'étaient retirés dans le Boïna et, dénommés Manendy, se livraient à de fréquentes incursions sur son territoire, y brûlant et pillant des villages. Il avait demandé à la reine Ravahiny de les lui livrer, ce qu’elle refusa, et il se soumit à sa décision, mais, quand il se sentit assez fort pour parler haut et ferme, il demanda à son petit-fils Tsimaloma, qui lui avait succédé, sinon de les lui livrer, au moins de les expulser de son territoire et, sur son refus, il y envoya des troupes sous les ordres de Radama, et alors commença la guerre qui a été finalement si fatale aux Volamena, à la dynastie sakalava du Boina. Toutefois, les premiers combats furent favorables aux Sakalava () et Andrianampoinimerina ne persévéra pas dans cette (4) Ajoutant : « L'enfant qui mord le sein de nombre de bœufs et, dit-on, un âne et une sa mère qui le nourrit est rejeté. Rabodolahy ânesse. « Il s’était avancé, dit M. Victor Noël, a conspiré contre le royaume et a attenté à la jusqu’à Belongo, à quelques journées au Sud vie de notre roi, il fallait que la loïieût son cours.» de Marovoay, mais il fut repoussé et son seul (2) Radama ramena cependant un grand butin fut un âne noir. A la vue de cet animal HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 113 entreprise, étant alors en guerre avec les Sihanaka et les Bezanozano ct ayant besoin de tous ses moyens pour triompher d’eux (1); néanmoins, il reçut solennellement Radama sur la place d’Andohalo où, l’ayant fait monter avec lui sur la pierre sacrée et lui ayant mis en main le talis- man Manjakatsiroa (litt. : le souverain qui est sans rival), il lui dit : « Avec ce talisman, tu conquerras Madagascar jusqu’à la mer », puis il le présenta au peuple : « Voici celui qui sera votre roi après moi. Acclamez- le » (2), Les assistants acclamèrent alors le jeune prince, auquel ils pré- sentèrent le hasina, l’offrande d’une piastre en témoignage de leur sou- mission (3), puis ils se mirent à danser en signe de joie. Puis le roi fit l’offrande de deux belles perles, d’une piastre et d’un bœuf aux sampy, aux talismans, qui étaient rangés autour de l’estrade royale, chacun avec son étendard particulier (# et il leur demanda de le protéger. Le peuple se retira alors heureux et content. On était en 1809 et Andrianampoinimerina, qui était âgé d'environ 64 ans, sentant ses forces diminuer, fit un pélerinage à Nosifito (5), à l'Est de Tananarive, presque à la naissance du Mananara. Là se trouve une source sacrée où les souverains merina avaient coutume, lorsqu'ils appréhendaient la mort, de venir contempler leur image, hizaha tandin- dona, comme ils disaient (%, persuadés que cette image réfléchie sur l’onde pure de cette source leur révélerait le sort qui les attendait. Lorsqu'il y fut arrivé (7, quittant sa suite, il se rendit seul au fizahana inconnu, Andrianampoinimerina s’est écrié : «Nous avons pris aux Sakalava leur âne, le pays sera à nous ». (1) GUILLAIN, loc. cit., p. 44-45. (2) Ajoutant : « Si quelqu'un veut trans- gresser mon ordre, qu'il soit mis à mort, quel qu’il soit! » (3) Disant : «Ayez confiance en nous, Sire; ce que vous voulez, nous le voulons, et, si quel- qu’un cherche à contrevenir à vos ordres, nous le mettrons à mort et nous découperons son cadavre en petits morceaux que nous donne- rons à manger aux chiens. » (4) Ces étendards étaient rouges, à l’excep- tion de celui de Rabehaza, qui était blanc. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. () Lat. S. 180 35'35”; long. E. de Paris, 450 29/50”. (6) La reine Ranavalona II s’est encore con- formée à cet usage en 1883. (7) En s’y rendant, il passa à Ampitantelo (au S.-E. d’Andrainarivo), dont les habitants, des Zanakandrianato, lui offrirent en sus du hasina, de la piastre obligatoire en témoignage de soumission, 2 bœufs, 4 moutons, 20 oies, 40 canards, 50 poulets, 80 mesures de riz, du manioc et des patates. « Qui a fourni ces pré- sents? » demanda le roi. — « Nous seuls, répon- dirent les chefs Zanakandrianato, nous n’avons rien demandé aux pauvres ». — « Puisque vous n’avez rien demandé, aux veuves, aux 15 114 MADAGASCAR. tandindona, au lieu où l’on regarde son image et, l’ayant regardée, il n’y vit rien d’extraordinaire. Toutefois, pour plus de sûreté, il alla à Vodivato, où se faisait une consultation semblable, mais là, l’image que lui refléta la source sacrée le plongea dans la tristesse, car il y vit le présage de sa mort prochaine. Deux mois après, il tomba malade () et, un an après le voyage à Nosifito, sentant sa fin approcher, il réunit autour de lui, à Mahandri- hono (Ambohimanga), ses parents, ses amis et les principaux chefs, et il leur fit ses adieux et leur exposa ses dernières volontés (?) : « Je dois vous dire, mes chers amis, que je suis très malade et que je vais mourir. Dieu m'appelle et mes jours sont comptés; je vais vous quitter et monter au ciel; c’est pourquoi je vous ai fait venir. Mon corps sera mis en terre, mais mon esprit et mon âme resteront avec Radama et avec vous. « Et d’abord, chers amis, voici Radama, un autre moi-même (#). Il ne devait pas me succéder, mais Dieu lui a donné ce royaume et je vous le confie : veillez sur lui afin qu’il ne soit pas en butte aux maléfices des sorciers, qu'il n’écoute pas les mauvais conseils et qu’il ne commette orphelins et aux malheureux, dit Andrianam- poinimerina, j'accepte vos présents ». (1) Ses courtisans accusèrent les Zanakan- drianato d’Ampitantelo de lui avoir jeté un sort et on fit prendre le tanghin à un poulet qui les représentait et qui vécut. Les accusateurs durent alors boire le tanghin et l’un d’eux périt dans cette épreuve. (2) Les « dernières paroles » (a) d’Andrianam- poinimerina, Teny natao n'Andrianampoinime- rina taminy Lahidama sy ny havany sy ny sakai- zany rehetra, raha marary mafy izy, ont été recueillies pour la première fois par A. GRANDI- DIER en 1869, de la bouche de l’un des princi- paux chefs de la reine Ranavalona Ire. (Manus- crits merina, in-folio, de la Bibliothèque GRAN- DIDIER, p. 5-12, et traduction par A. GRANDI- DIER (volume petit in-40), p. 10-30). Elles ont (a) Von-teny (litt. : nières paroles, des injonctions d’un moribond. été publiées depuis, en malgache dans Teny Soa 1884, p. 75-76, 106-108 et 119-121; en anglais par M. WiLLiAM E. COUSINS dans l’Antanana- rivo Annual de 1885, p. 44-51; en français dans la Revue Bleue du 19 octobre 1889 (repro- duites en partie dans le Progrès de l’Imerina des 4 et 11 décembre 1889), et en malgache avec la traduction française en regard, par le R. P. MALZAC, dans le Bulletin de l’Académie mal- gache, 1902, p. 67-76 (texte malgache d’après le Tantara ny Andriana du R. P. CALLET, p. 1053-1056); le R. P. MALZAC a donné le texte français dans son Histoire du Royaume hova, 4912, p. 154-160. (3) Indro Dama, tsy mba naterako io, fan aloako tao am-bavako, dit le texte malgache, litt. : Voilà Radama, que je n’ai pas enfanté, mais que j'ai vomi de ma bouche. paroles qui nouent, qui obligent), comme disent les Malgaches en parlant des der HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 115 pas d’actes qui le rendraient indigne d’être mon successeur. D'ailleurs, je serai toujours au milieu de vous et le conseillerai. « Il y a plus d’un siècle qu'Andriamasinavalona a fixé les limites de ce x royaume et l’a légué à ses successeurs, qui me l’ont transmis et je le remets entre vos mains et celles de Radama. Nous nous sommes, vous (1) et moi, donné beaucoup de mal et nous avons souvent risqué notre vie pour le constituer. Aussi, soyez maudits si vous laissiez Radama mal agir! et maudit soit Radama s’il n’écoute pas vos conseils, car, en réalité, le royaume n’est pas tant à lui qu’à vous, qui avez combattu si courageu- sement pour le former . Il n’y a certes pas de roi plus illustre que moi, il n’y a pas d'homme qui soit plus courageux, et cependant, sans votre aide, je n’eusse pu triompher. Voici Radama, que Dieu a désigné pour me succéder et qu'il a placé sous votre sauvegarde. Mais, tout jeune qu'il est, il est bien capable d’être roi; ne l’empêchez donc pas de suivre ses goûts et laissez-le prendre les plaisirs de son âge, car il n’est pas insensé. D'ailleurs, je serai toujours à ses côtés et je ne l’abandonneraï pas. « C’est à vous qu'il incombe de vous occuper des affaires du royaume, dont vous lui rendrez compte, mais veillez à ce qu’il ne soit pas un mauvais roi. Il est jeune et n’a pas d’expérience; ne le laissez pas se rendre odieux au peuple en condamnant à mort des gens qui ne le mé- ritent pas. Soyez pour lui de bons conseillers, car un roi qui a de bons conseillers rend le peuple heureux, et comportez-vous avec lui comme vous vous êtes comportés avec moi : ne l’induisez pas en erreur et ne lui cachez pas ce qui est mal. Un roi n’a pour parents que ceux qui exécutent loyalement les lois de son royaume et concertez-vous à ce sujet, car «un seul doigt ne peut saisir un pou et un seul arbre ne forme pas une forêt »5): (1) Ry hidi-vato, litt. : vous qui êtes les ser- rures de pierre, inébranlables (du royaume). @) Fa hianareo no vaky loha sy tapa-pe sy lany mondron-kery sy nanao ny aïinareo tsy ho zavatra raha tsy izaho Ramboasalama no hanana any Besakana (litt. : Vous, dont les crânes ont été brisés, les cuisses cassées, les forces épuisées, et qui n’avez pas hésité à donner votre vie pour que moi, Ramboasalama (Andrianampoinime- rina), je possède le palais de Besakana (Tanana- rive) (Manuscrit merina de la Bibliothèque GRANDIDIER, in-folio, 1870, p. 6). (3) Fa ny tondro tokana tsy mba mahazo hao, ary ny hazo tokana tsy ala, locution proverbiale très usitée à Madagascar : les pasteurs mal- gaches protestants la citaient souvent dans leurs prêches, lorsqu'ils faisaient appel à l’umion de leurs ouailles. 116 MADAGASCAR. le gouvernement du royaume est en effet entre les mains des chefs. Je vous le répète et vous le répéterai de l’autre monde tous les jours : veillez bien sur Radama, faites en sorte qu'il soit aimé du peuple et qu’il vive longtemps pour pouvoir conquérir une part de la terre et du ciel. » Ayant entendu ces paroles, les assistants se mirent à se lamenter et à pleurer, et nul d’entre eux n’eut la force de répondre. Le roi les congédia alors en disant : « N'oubliez pas mes recommandations et retirez-vous » et, le lendemain, ayant appelé à son chevet ses femmes et ses enfants, il leur dit : « O Radama, mon enfant chéri (), tu n’es pas un homme comme les autres, tu es un roi venu du ciel (2), tu es le bien-aimé de Dieu () et je ne meurs pas puisque tu me succèdes. « Nous deux, Radama, sommes seuls les maîtres de ce royaume que Dieu nous a donné, et à toi de continuer mon œuvre comme j’ai continué celle de nos ancêtres (4). Je te laisse une masse d’armes, de sagayes, ainsi que le tanghin, qui est si précieux, et je te laisse aussi de bons juges, des juges équitables, de quoi bien gouverner. « Et d’abord, mon fils bien-aimé, voici mes femmes (5) et mes enfants : je te les confie, chéris-les, car tu es leur protecteur naturel, toutefois ne compte pas trop sur l’affection de tes parents. Ne laisse pas se perdre le principe d'autorité, mais ne sois pas dur, ni fier avec tes sujets : c’est à toi, à toi seul, que je les lègue; aies-en bien soin et veille à ce qu’ils soient traités avec justice ($), mais s’ils agissent mal envers le royaume, n'hésite pas à leur appliquer les lois dans toute leur rigueur (). (1) Sombinaikio, litt. : petit morceau de ma vie, de moi-même (Manuscrit merina, Bibl. GRANDIDIER, in-folio, p. 8). (2) Andriamani-datsaka, litt. : une divinité descendue (du ciel) (Loc. cit., p. 8). (3) Volavolan-janahary, litt. : le gâteau (le petit chéri) du bon Dieu (loc. cit., p. 8). (4) Koa aza vonoimaso aho sy ny Razantsikia, litt. : ne nous arrache pas les yeux, à moi, ni à nos ancêtres (continue notre œuvre) (loc. cit. p. 9). (5) L'une d’elles, Rabodonizimiraahlahy, n’est morte que le 5 juillet 1884, veuve depuis 74 ans, ayant été mariée dansles toutes premières années du xIx® siècle, elle était presque centenaire. (6) Fa amboa homana ondry ka ny fo no manefa, litt. : comme un chien qui (au lieu de garder les moutons) en mange un et le paie de sa vie (loc. cit. p. 9). (7) Comme on se sert d’un lamba matevina arony ny fanala manara izao no arony ny rivotra, litt. : d’un lamba épais, d’une bonne couverture pour se protéger contre le froid et contre le vent (loc. cit., p. 9). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 117 «Je m'en vais et je te laisse. Tu as entendu raconter et souvent même tu as vu de tes yeux mes nombreux hauts faits, car il n’y a pas de mon- tagnes que je n’aie gravies, pas de plaines que je n’aie parcourues pour combattre nos ennemis et cependant, si Dieu ne m'avait pas donné ce royaume, je n’en serais pas devenu le maître, maïs il m'a fait cette grâce, et mes ancêtres m'ont béni et donné le nom de Ramboasalama (litt bon chien) et, comme j'ai vaincu et dominé partout, je suis devenu célèbre sous celui d'Andrianampoinimerina, mais ce n’est pas sans en avoir vu de dures avant d’avoir réussi à constituer ce royaume (). « Rappelle-toi, Radama, que l'intelligence prime la force et que, souvent, du mal sort le bien (); aussi je te félicite d’avoir à tes côtés ces « vieux taureaux » (les chefs qui t’accompagnent), car ils sont invin- cibles. Si je possède aujourd’hui ce pays, c’est parce qu'ils n’ont pas hésité à exposer leur vie pour que je m’en rende maître et qu’ils ont été mes « boucliers » que nulle balle, nulle sagaye, n’ont pu percer. Aussi, consultes-les quand tu auras à prendre une décision, mais malheur à eux s'ils te trompent () et n'hésite pas alors à les punir (4). « Je te dirai encore, cher fils, de ne pas t’occuper seulement de tes parents. Quand on est à la tête d’un royaume, on doit avoir pour but de le consolider, de l’étendre. Tout repose sur toi : si tu le gouvernes bien, si tu observes bien les recommandations que je te fais, il n’y a pas, dans toute cette île, un seul coin de terre dont tu ne deviennes le maître (5) ». (1) Zzaho anie nandoa aty aman’afero voa naha- tsangy ny hary, litt. : j'ai vomi le foie et le fiel avant d’acquérir ce que je possède. (2) He anie ny hery tsy mahaleo ny fanahy, fa ny soa anatin’ny ratsy, car souvent il lui a fallu tuer pour vaincre et conquérir. (3) Fa injay anie ilay ireny hanao fanjaitra be vody, hanjay mandrombitra, litt. : Malheur à eux s’ils faisaient avec toi comme une aiguille qui fait un gros trou dans l’étoffe qu’elle déchire en la cousant. (4) Koa hanampimaso any ialahy, tapaho roa mitovy, koa avalano rano sy teteho, omeo ny amboa, fa izaho tsy nanana adivarotra aminy, fa soa efa nifamaliana ny ahy sy izy fa ny zavatra maro, litt. : S'ils cherchaient à te mettre un bandeau sur les yeux, coupe-les en deux mor- ceaux que tu jetteras dans l’eau, ou en plusieurs que tu donneras à manger aux chiens, car je ne leur dois rien : ils m'ont bien servis, il est vrai, mais je les ai récompensés (Manuscrits merina, 1869, Bibl. GRANDIDIER, in-folio, p. 11). (5) Tsy misy tsy hananan’ialahy üty nosy ty, fa ny anarany basy kio : Tsimaroanosy, litt. : il n’y à pas un coin de terre dans cette île dont tu ne deviennes le maître, car le nom de mon fusil que tu vois là est : « IL n’y en a pas plu- sieurs à Madagascar ». 118 MADAGASCAR. Avant de mourir, il prononça encore ces paroles : « Radama, tu es le successeur des douze rois et le mien : Et vous, mes conseillers, qui êtes ici autour de moi, efforcez-vous d’étendre ce royaume, afin que vos femmes et vos enfants puissent y avoir une vie heureuse, car les ordres du roi sont d'autant mieux respectés que son royaume est plus grand. « Mes amis, ce pays appartient dès maintenant à Radama. Un roi a de la peine à régner sagement et il n’est pas facile d’ailleurs de porter dignement le nom d’un père aussi parfait que moi; veillez donc sur lui, car c’est aussi bien à vous qu’à Radama que j'ai fait mes recomman- dations et donné mes ordres; personne n’est l’égal de Radama, qui n’a d'ordres à recevoir de personne. « Souviens-toi, Radama, que notre royaume nous a été donné par Dieu et n’a d’autres limites que la mer () et qu'après toi il appartiendra à ta femme Ramavo (?) (qui a régné en effet après Radama sous le nom de Ranavalona Ir) ». Enfin, il recommanda qu’on l’enterrât aux côtés de son père et de sa mêre à Ambohimanga, mais que Radama, lorsque son heure serait venue, eût son tombeau à Tananarive, au Nord des « Fitomiandalana », des sept tombeaux des ancêtres (%), mais un peu plus élevé. « Obéi et admiré par tous ses sujets, a dit la reine Ranavalona II dans son kabary, son discours, du 29 mars 1879, Andrianampoinimerina a su grouper en un puissant royaume l’Imerina et personne n’eût osé prendre un «{ain’omby (litt. : une bouse de bœuf) qui aurait été retourné par quelqu'un d’autre pour qu’il séchât au soleil (4) », c’est-à-dire n’eût osé prendre le bien d’autrui. « Andrianampoinimerina, a dit le prince Coroller (5), était un grand (4) Indro ny ranomasina no valam-parihinao. — Ses successeurs, obéissant à ces paroles, n’ont, depuis, cessé de travailler à agrandir le territoire qu’il leur a légué. (2) Indro kosa Mavo : raha tsy maniry ny trafon’ombalahy, ny farany anie azy kosa, litt. : Voici Ramavo (Ranavalona); si elle ne convoite pas la bosse du bœuf, du zébu (c’est-à-dire la royauté) (avant que son heure soit venue), le royaume lui appartiendra (après Radama). (3) Ces tombeaux sont dans le Rova, dans l’enceinte des Palais de Tananarive, au Sud du Trano vola. (4) En Imerina, qui est une région nue, sans arbres, la bouse de bœuf sert, ainsi que l’herbe sèche, de combustible. (5) ELLIS, Hist. of Madagascar, 1838, t. IT, p. 124-195. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 119 homme, mais il avait beaucoup de vices. Il était supérieur à ses prédé- cesseurs par son héroïsme et ses talents, ainsi que par l'intelligence, par l’énergie et aussi la prudence avec lesquelles il exécutait ses pro- jets; son esprit, toujours en éveil, formait continuellement des plans qu'il ne mettait en œuvre qu'après mûre réflexion, mais, dès qu’il avait commencé une entreprise, il s'y adonnait complètement. Ses projets étaient vastes et ambitieux et, quoiqu'il ait passé presque toute sa vie à faire la guerre et à agrandir son royaume, il n’en a pas moins encouragé ses sujets à se livrer à l’agriculture et au commerce, les inci- tant à entrer en relations d’affaires avec les étrangers. Il aimait la guerre et admirait les gens courageux. Passionné et opi- niâtre, il a souvent commis des actes cruels et barbares, mais il était doux et affable dans l’ordinaire de la vie. Dans sa jeunesse, il se plaisait aux jeux athlétiques, courant, sautant, grimpant ou lançant des jave- lots ou des dards. Il était sobre et il a prohibé l’usage des liqueurs fortes ainsi que leur entrée dans l’Imerina; il a également défendu de cultiver le tabac et d’en importer. « Il haïssait les hypocrites et les gens faux. Il respectait les vieillards et aimait la justice; il se plaisait à siéger au tribunal, veillant à ce qu’on respectât les droits des pauvres gens et récompensant les bons juges, punissant au contraire sévèrement les juges prévaricateurs. Il était éloquent et était généreux envers ses sujets. Mais, malgré ses vertus privées, ses intérêts politiques l’ont induit à commettre à l’égard de ses rivaux et des chefs qu’il a subjugués des actes très injustes ». « Andrianampoinimerina, écrivait un traitant créole, Hugon, qui est allé à Tananarive en mai 1808 (), a tout l’aspect d’un Malais ©; ses cheveux sont droits et raides. De tous les chefs de Madagascar, il est le plus riche, le plus craint et le plus éclairé; plein d’ambition il ne cesse de faire la guerre et est vainqueur partout; son génie et sa bravoure semblent chercher les obstacles pour les surmonter. Autant qu’il le peut, il a besoin de s'initier aux arts pratiqués en Europe, et il (1) EPIDARISTE COLIN, Ann. des Voyages, (2) Il est fort laid, ajoute le traitant, qui lui t. XIV, 1811, p. 89. donne 50 ans, alors qu’il en avait environ 63. 120 MADAGASCAR. ne manque jamais de demander aux traitants des nouvelles de l’empe- reur Napoléon, qu'il ne connaît que sous le nom de Bonaparte, et les prodiges qu’il a opérés l’enchantent. Si le pays sur lequel il règne est le plus peuplé, il est aussi le plus malheureux; la plupart de ses sujets, en effet, n’ont pour se couvrir que des morceaux de toile usés qu’ils achètent aux maromita, aux colporteurs ». Les missionnaires anglais qui sont venus à Tananarive sous le règne de son fils Radama en font le portrait suivant (@) : « C’était, disent-ils, un homme énergique, brave, hardi et aventureux, et cependant prudent, sagace et fin, n’hésitant pas à recourir aux ruses et aux artifices mes- quins. Très attaché aux pratiques de la divination, à l’usage des talis- mans et autres coutumes nationales, il a donné son appui aux supers- titions de ses sujets. Il s’est rendu populaire en veillant à ce que la justice fût bien rendue, assistant quelquefois lui-même aux séances du tribunal. Actif, industrieux, il a beaucoup encouragé et fait pro- gresser l’industrie. Pendant son règne, l’Imerina est devenu un grand marché d'esclaves : c’étaient des prisonniers qu’on échangeait princi- palement contre des armes et des munitions (2) ». Ce qui est certain, comme l’a dit A. GRANDIDIER (), c’est que « agis- sant tantôt par la force, qu’il n’employait que là où la diplomatie avait échoué, tantôt par la ruse, sachant à l’occasion se montrer généreux, mais toujours et partout faisant preuve d’une habileté supérieure, ce roi a réussi, en quelques années et avec une poignée d'hommes, à con- quérir un territoire de 4,000 lieues carrées, habité par la population la plus industrieuse, la plus brave et la plus dense de toute l’île ». (1) ELLIS, Hist. of Madagascar, 1838, t. II, (3) Madagascar et ses habitants : discours p. 126-127. prononcé à l’Institut : séance publique annuelle (2) Les principaux marchands d’esclaves des cinq Académies, le 25 octobre 1886, p. 27, étaient Jean-René et Fisatra (a). par A. GRANDIDIER. (a) « En 1807, divers traitants ayant eu leurs esclaves pillés par les Bezanozano, notamment Char- denoux et Peno, qui en perdirent 39, Andrianampoinimerina menaça ces Bezanozano de s'emparer de leur pays s’ils ne s’amendaient pas et ne laissaient pas libre la route entre ses États et la mer : il y avait six à sept ans que la route, entre la côte Est et l’Imerina, était pratiquée par des Blancs qui se plaignaient de son insécurité » (Manuscrit des Archives Coloniales). — D'après FROBERVILLE (Dict. madécasse et français manuscrit 1816), un traitant nommé Lebel est allé dans le pays d’Imerina, chez les Hova, en 1800 : il y a vu Andrianam- poinimerina. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 121 Andrianampoinimerina est mort en 1810 à Tananarive, dans sa demeure de Besakana, à l’âge de soixante-cinq ans environ, après un règne de vingt-trois ans, dont il a passé les sept premières années à Ambo- himanga. Dès qu’il eut « tourné le dos au monde », comme disent les Malgaches en parlant de la mort du souverain, miamboho, eut lieu un grand kabary, une grande assemblée où fut annoncée la triste nouvelle, ainsi que l'avènement au trône de Radama qui, par sa volonté, lui succédait : « Comptez sur nous, Radama, dit l’un des chefs du peuple. Ce royaume a été fondé par Celui qui vient de mourir et qui vous le laisse en héritage; si quelqu'un a l’audace de s’opposer à l’exécution de ses volontés, nous le mettrons à mort, car malheur à celui qui n’obéi- rait pas à son ordre qui nous est un héritage sacré ». « Du moment que vous obéissez à la parole d’Andrianampoinimerina, répondit Radama, vous n'êtes plus orphelins puisque je deviens votre père, et moi, quoique j’aie perdu le mien, je ne suis pas non plus orphelin, puisque vous êtes dès lors mon ray aman-dreny, « mon père et ma mère ». Ayez donc confiance, ê mon peuple et, ce que vous avez fait pour lui, continuez à le faire pour moi; je compte sur vous, comme vous pouvez compter sur moi ». Le peuple attribua la mort d’Andrianampoinimerina à des sortilèges et ordre fut donné de faire boire le tanghin à tous les habitants pour en découvrir l’auteur; un seul individu, Andriantsandra, succomba et son cadavre fut jeté aux chiens. Jusque-là, c'était une pirogue en bois qui servait de cercueil. Celui d’Andrianampoinimerina, sur son ordre, fut fabriqué avec les piastres qui lui avaient été données comme hasina, en marque de soumission, et avec les chaînes d’argent que donnèrent les riches. Ordre fut donné à tout le monde de se raser les cheveux U), et le corps du roi, le masina (litt. : le saint) fut exposé pendant une semaine dans le palais de Besakana. Un nombre considérable de Merina est venu camper autour de Tananarive : les hommes se succédaient pour monter la garde (4) Voir à ce sujet, l’Ethnographie de cette Histoire de Madagascar, tome III, p. 89, et aote (3) et appendice n° 87, p.551. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 16 122 MADAGASCAR. devant le palais et tirer des coups de fusil; des pleureuses ne cessaient de pousser des gémissements et des cris auprès du mort. Tous les deux jours, on tuait tantôt 200 bœufs, tantôt 400, pour nourrir la foule des assistants, ayant soin, suivant l’ordre d’Andrianampoinimerina, d’en- terrer profondément les ossements et les cornes (4) pour que les chiens ne puissent les manger et les souiller. Après une semaine d'exposition, le masina fut transporté en céré- monie à Ambohimanga au bruit assourdissant d’une fusillade incessante, et le corps y resta encore exposé pendant une semaine : le peuple dressa ses tentes tout autour. Quand la « pirogue » (le cercueil) en argent fut terminée, on y déposa le corps enveloppé de 80 lambas de soie rouge : chacune des six provinces de l’Imerina en donna 10, et ses parents en donnèrent aussi 10, ainsi que ses femmes et ses enfants. Le tombeau fut bâti au Nord de celui d’Andriambelomasina et on l’ensevelit au moment du coucher du soleil, car il était naturel que le roi de Madagascar disparût dans sa tombe au moment même où disparais- sait l’astre du jour : à ses côtés, fut déposé un canon brisé en morceaux. Pendant cette cérémonie, on n’a pas cessé de tirer des coups de fusil et des torches enflammées éclairaient la scène; l’immense foule des assis- tants accourus de toutes parts poussaient des gémissements et de grands cris. Quant à Radama, suivant l’usage, il resta dans son palais jusqu’à ce que les funérailles fussent terminées, puis il se rendit aux divers valo masina, aux pierres sacrées, pour demander aide et protection à Dieu, aux sampy ou talismans et à ses ancêtres, surtout à son père. Le lendemain, après la distribution de viande de bœuf au peuple, on publia les prescriptions du deuil, qui devait durer un an : on devait se raser les cheveux trois fois pendant cette année et, pendant tout ce temps, il fut défendu de battre des mains, de jouer d’aucun instrument de musique, de chanter, de danser, de filer le coton et la soie, de forger du fer et de faire de la poterie, de porter le lamba sur les épaules (qu’on (1) Plus tard, Radama a permis de déterrer été gardées comme reliques d’Andrianampoini- ces cornes afin qu’on en fit des cuillers qui ont merina. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 123 devait laisser à nu, l’attachant sous les aisselles), de se laver le visage et les pieds, de dormir dans un lit et de se livrer aux plaisirs illicites. Seuls, Radama et ses proches ne se coupèrent pas les cheveux (1). Andrianampoinimerina () a non seulement beaucoup étendu les limites (1) « Depuis notre conquête, dit J. CAROL dans Le Temps du 27 novembre 1897, tout ce qui a appartenu à ce grand roi a été transporté d’Ambohimanga à Tananarive, dans une chambre du palais de Manampisoa : son filan- jana, sa vaisselle plate du plus pur style pre- mier Empire, ses lambas de soie brune, son linceul (qu’on aurait dû lui laisser), son parasol rouge en simple laine sans broderies, les deux fusils de provenance arabe qu’on a trouvés dans sa sépulture, son grand tambour en bois, ses chandeliers en fer forgé et son escabeau, petit meuble célèbre en Imerina : taillé dans une seule pièce de bois, il se compose de deux disques, l’un servant de base et l’autre de siège, réunis sans doute certain objet qui passe tous les autres en importance historique : un monolithe schis- teux d’environ vingt pouces delong sur dix de large, creusé en forme de plateau, où sont dis- posés cinq petits cubes de pierre. C’était le palla- dium de la monarchie hova; il servait tous les ans à faire cuire lerizsymbolique du Fandroana que la reine offrait à ses invités. La royauté qui devait durer autant que lui est morte; elle est allée rejoindre la foi aux oracles qui était depuis longtemps perdue ». (2) Une garde royale veillait nuit et jour sur le souverain (a) et des lois somptuaires réglaient les usages de la cour (b) et de sa vie (c) (G. JULIEN, Inst. pol. et soc. de Madag., par des colonnettes en retrait. On y mettra aussi 1908, t. IT, passim). (a) Mpiambina ny Mpanjaka. — Cette mesure de précaution a été renforcée sous Ranavalona re, qui a ordonné qu’on veillât non seulement dans l’intérieur du Palais, mais aussi au dehors, en poussant fréquem- ment le cri Zovy? Qui va là? tandis que d’autres agitaient des crécelles, battaient des mains et frap- paient le sol du pied, afin de tenir à l’écart les esprits malins; cet usage s’est perpétué jusqu’à la déposition de Ranavalona III, le 28 février 1897. (b) Le parasol rouge était l’apanage du souverain que toutefois, dans les premiers temps de la monar- cie merina, il laissait arborer aux Zanakandriana, aux princes, et aux Andriamasinavalona, ainsi qu'aux gardiens des Sampy, des talismans, mais plus tard il a été réservé au souverain. Seul aussi, le souverain pouvait porter du corail sur la tête; les nobles avaient le droit d’en mettre à la nuque et le peuple sur le corps. Seul, le souverain pouvait se marier avec qui bon lui plaisait : tsy misy mahazo milomano amin’ Ime- rina afa-tsy ny Mpanjaka irery 1hany (litt. : En Imerina, personne à l’exception du souverain, ne peut nager librement). Le souverain est comme le feu : s’en approche-t-on de trop près, il peut vous brüler, mais, si l’on s’en tient trop éloigné, on éprouve une sensation de froid, c’est-à-dire que ceux qui vivent dans son intimité sont plus exposés à encourir son blâme, mais que ceux qui en sont trop éloignés ne savent souvent que faire pour ne pas lui déplaire. Ny Andriamanjaka tahaky ny afo : raha akekizina loatra mahamay ary raha lahavitina, mangatsiaka. On ne répandait pas le sang, tsy alatsa-dra, des descendants des sou- verains. ÂNy tenin Andriana tsy mba mitsaika, fa mingodona, les ordres du souverain ne se chuchotent pas, ils doivent retentir comme un bruit de pas (ils doivent être entendus de tous, être portés à la con- naissance de tous). Aleo halan’ Andriana toy izay halam-bahoaka, mieux vaut encourir la haine du souverain que celle du peuple. Il n’y avait que les princes et les princesses du sang qui pouvaient se vêtir d’un lamba pourpre. Si une princesse mettait au monde des jumeaux, elle était reléguée loin de Tananarive, parce qu’il ne fallait pas qu’il y eût deux prétendants au trône, pas plus, disait-on, qu’on ne doit mettre deux taureaux dans le même parc, tsy mety ombilahy roa am-pahitra. L’enfant d’un prince du sang né lors de la nouvelle lune d’alakaosy, les deux premiers jours du neuvième mois de l’année malgache, époque réputée très néfaste, perdait sa qualité et, sous Ranavalona Ire, si une esclave royale mettait au monde un enfant ces jours-là on le tuait en lui plongeant la tête dans un vase plein d’eau, dia ahohoka ho faty eo amin’ny rano antsahafa ny zaza, Car ces enfants auraient, disait-on, nui au souverain et, en les tuant, on conjurait le danger (d’ailleurs, beaucoup de simples particuliers agissaient de même avec les enfants de leurs esclaves, par souci de leur sécurité). (c) Chaque fois qu’on se trouvait en présence du souverain, qu’on allât à lui ou qu’il vint à passer ou que, étant auprès de lui, on le vit boire ou chiquer, on devait se découvrir en se retirant un peu en arrière. Lors de l’avènement du roi, comme lorsqu'ils revenaient d’un long voyage ou qu'ils relevaient d’une 124 MADAGASCAR. de son royaume (1), mais il a fait plus pour le bien de son peuple en cons- tituant son pays suivant les principes de la justice et en le gouvernant avec sagesse. De tout temps, à Madagascar, le principe d'autorité a été entre les mains de chefs de clans ou de castes et même de chefs de famille, des aînés, qui maintenaient une discipline où, comme dit M. G. JuLIEN (?, trois autres clans seront les cadets des Avara- drano », et il a disséminé des voanjo (litt. : des (1) Il a nommé Zokin’ Imerina (litt. : les aînés de ses sujets de l’Imerina) tous les Avaradrano, qualifiant de rain’ny olona, de pères des trois autres clans, soit des Mandiavato, des Tsimiam- boholahy et des Voromahery, les Tsimahafotsy «parce que, a-t-il dit, ils m'ont mis sur le trône semences), des colonies d’Avaradrano parmi ses autres sujets, afin de les surveiller et de les soumettre à sa loi. (2) Institutions politiques et sociales de Mada- et qu'ils sont la source d’où je suis sorti; les gascar, 1908 t. I, p. x. grave maladie les princes du sang et les grands personnages devaient, en témoignage de fidélité, lui baiser la plante des pieds. Le souverain mangeait toujours seul, à part, sur une natte ou sur une table, et on ne devait pas lui servir de mets toditra, auxquels on a goûté et qui sont dès lors souillés, profanés : sous aucun prétexte, le cuisinier ne devait y goûter, même pour s’assurer s’ils étaient bons à manger, s'ils étaient cuits à point. Il ne mangeait jamais dans un vase venant d’outre-mer, ce qui, disait-on, aurait été la cause de l’envahissement de Madagascar par des étrangers et de sa conquête, ni d’aliments cuits dans une marmite qui s'était fendue pendant la cuisson, « ce qui était d’un mauvais présage » (beau- coup de Malgaches avaient cette même superstition et jetaient alors le contenant et le contenu). Les ser- viteurs du souverain devaient avoir madio tanana, les mains « pures », c’est-à-dire devaient, avant de toucher aux aliments qu’ils transportaient ou aux objets lui servant, se laver les mains; aussi, leur donnait-on ce nom de madio tanana. Lorsque le pouvoir était entre les mains d’une reine, les dames de la cour, ainsi que les femmes et les filles des Manamboninahitra et des Andriambaventy, des autorités militaires et civiles d’un rang élevé, Lakaoly (du français « l’École ») comme on les appelait, qui étaient attachées à sa personne, se déplaçaient avec elle en quelque lieu qu’elle se transportât et l’entouraient dans les grandes cérémonies, formant le cortège royal lorsqu'elle sortait du palais; il y avait en outre les tsindranovavy, d’un ordre un peu inférieur aux précédentes, qui ne suivaient pas comme celles-là la reine dans tous ses déplacements, mais qui se tenaient à sa disposition lorsqu'elle traversait la région où elles habitaient. La récolte ou l’achat de denrées destinées au souverain n’avait lieu qu'après avoir consulté le mpisikidy ou devin, qui indiquait de quel côté ou dans quel marché il fallait aller les chercher; puis, quand elles avaient été apportées dans le palais, chaque espèce était l’objet d’une consul- tation et on ne gardait que celles que le mpisikidy avait déclarées « bonnes à manger » : cette pratique, comme les suivantes, n’a été abandonnée qu’en novembre 1869, lors de la conversion de la reine Ranavalona IT au christianisme. Quand on transportait pendant la nuit des aliments destinés au souve- rain, de peur que les matoatoa, les revenants des Vazimba, des anciens occupants de l’Imerina, ne vinssent se livrer à de terribles représailles contre les occupants actuels en les goûtant et les empoisonnant, le serviteur qui les portait avait sous le bras gauche un tison allumé, dont le bout incandescent était au-dessus du plat qu’il tenait des deux mains; quant au lait que, paraît-il, les matoatoa recherchaient d’une manière toute particulière, on ne l’introduisait dans le palais que de jour. Personne ne pouvait introduire dans le Rova, dans l'enceinte du palais, soit des aliments, soit des vêtements, dans la crainte des influences maléfiques qui eussent pu s’en dégager et atteindre le souverain : tout gardien, tout serviteur, tout ouvrier, etc., devaient aller prendre leurs repas en dehors du Rova, à moins de soumettre leurs ali- ments à l’examen du mpisikidy, du devin. (Sous Ranavalona Ire, il y a eu des exécutions sommaires à la suite d’infractions très légères). La personne qui transportait dans l’enceinte du Ropa, du palais, les effets du souverain ou sa nourriture, devait toujours être accompagnée par une ou deux autres qui criaient Mitodiha! Mitodiha! Regardez! Regardez! afin que tout le monde se tournât vers ces objets en ôtant son chapeau. Au contraire, quand le transport avait lieu dans la ville, ils criaient T'anclà! Tanilà! Rangez-vous! Tenez-vous à l'écart! et tous ceux qui étaient sur le passage devaient s’éloigner tout en saluant, sous peine d’être fort malmenés, sinon sagayés sur place. Dans les circonstances solennelles, telles que le Fan- droana, les grands kabary, le hasina vola tsy vaky, l’offrande d’une piastre entière était faite au nom des diverses classes de la noblesse par un de leurs représentants, ainsi que par le peuple, qui devait y ajouter le don d’un bœuf volavita, rouge avec de grandes taches blanches. Il y avait en outre les hasina indivi- duels dans le but de témoigner sa reconnaissance et pour consacrer les actes (tels qu’un arrêt judiciaire, une HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 125 se mélaient l’absolutisme (1 et un certain esprit démocratique; les coutumes témoignaient d’un respect évident pour les personnes ( et (1) « L'État, c’est moi », disaient les souve- rains malgaches. (2) Ainsi, avait le droit à la vie tout individu, puisque « ce n’était pas voler que de prendre des fruits de la terre pour manger en cas de besoin, pourvu qu’on n’emportât pas de provisions », et un voleur pris de remords était mis à même de restituer l’objet volé par un ingénieux pro- cédé qui lui évitait la honte de se faire con- naître. Le droit d’asile était reconnu à tous; en cas de maladie ou d’empêchement, la collectivité travaillait, ensemençait et moissonnait le champ momentanément abandonné; l’assis- tance judiciaire était accordée aux nécessiteux; une sépulture convenable, aux frais de la collec- tivité, était assurée aux malheureux; les femmes et les vieillards étaient l’objet d’un culte (on adoptait les uns et les autres étaient hospita- lisés) ; enfin, le travail était obligatoire pour les gens valides sous peine d’expulsion de la com- munauté. adoption ou un rejet d’enfant, un bienfait, une grâce, etc.), hasina d’une valeur variant de un voamena à quatre piastres (de 0 fr. 20 à 20 frs) qui était remis au mandray, au percepteur, par l'intéressé accompagné de deux témoins. Il était formellement interdit de porter sur soi dans le Rova, dans le palais, ainsi que partout où se trouvait le souverain, non seulement aucune arme, mais tout instrument tranchant ou pointu. Nul ne devait poser le pied sur le seuil des portes du palais, que seul pouvait fouler le pied du roi, mais l’enjamber, le pied droit d’abord. Quiconque trébuchait et tombait devant le palais était taxé de sorcellerie : l’accident était considéré comme dû à une intervention surnaturelle pour dénoncer des desseins criminels nourris contre le souverain et, pour se justifier, il fallait se soumettre à l’ordalie du tanghin (dans l'Ouest, la sanction était plus draconienne : tout individu qui, passant devant la maison des Eny, des reliques des rois Maroseranana défunts, venait à trébucher, était sagayé sur le champ. Les personnes qui entraient pour la première fois dans le Rova, dans l’enceinte du palais, et même les habitués qui étaient restés plus de trois jours sans y venir, devaient se purifier par l’afana, c’est-à-dire par l’aspersion, répétée trois fois, d’eau dans laquelle étaient plongés, d’après l’indication du mpisikidy, du devin, des objets divers. La même formalité était requise pour les objets qui entraient dans le Rova (surtout, sous Ranavalona Ire, pour les denrées alimentaires qui lui étaient destinées). L’accès du Rova était interdit pendant un mois à toute personne ayant pénétré dans une maison où il y avait un mort. Depuis Andria- nampoinimerina, à la mort des souverains, tous leurs sujets ont dû se raser la tête : lorsque sa sœur Rale- soka mourut, les Hova qui venaient d’être réunis sous son autorité se rasèrent la tête en signe de deuil, comme ils avaient coutume de le faire lorsqu'ils perdaient un de leurs parents et, depuis lors, cette cou- tume devint obligatoire pour les rois et n’a plus été autorisée pour personne autre; seuls, le successeur et sept ou deux fois sept personnes de sa suite, ainsi que les gardiens des principaux talismans, en étaient exempts. Du reste, les prescriptions du deuil, qui durait toujours fort longtemps (un an d'ordinaire jusqu’à Ranavalona II) étaient nombreuses et très astreignantes : on ne pouvait ni chanter, ni jouer d'aucun instrument, façonner des vases en argile, construire des murs en terre, avoir des intrigues galantes, coucher dans des lits, se vêtir autrement qu'avec le lamba national attaché sous les bras, porter des chaussures, tisser des étoffes de soie, etc.; ceux qui perdaient un parent pendant le temps du deuit royal l’ensevelissaient en secret, sans manifestations extérieures. Les souverains et les princes du sang, et eux seuls, ne s’ensevelissaient qu'après le coucher du soleil et on se servait de termes spéciaux pour parler d’eux : on dit mafanafana (qui a un peu chaud), miamboho (qui tourne le dos), afenina (qui est caché), au lieu de marary (qui est malade), maty (qui est mort), alevina (qui est enterré), et la cérémonie de l’afana, de l’exorcisme, s’appelle tampimasoandro (le soleil s’est caché). Autrefois, on n’admettait pas deux sou- verains dans un même cercueil, car Manjaka tokana, un souverain règne seul; depuis Ranavalona Il, cet usage n’a plus été suivi. Les divers honneurs funèbres étaient rendus aux rois par des clans spéciaux; tous ceux qui procédaient à l’arrangement d’une sépulture royale devaient être nu-pieds et ni se moucher, ni cracher. Quiconque passait devant les tombes royales devait ôter son chapeau et hâter le pas. Dès qu’un condamné à mort avait aperçu le souverain ou même seulement son parasol rouge, ou bien lorsqu'il avait réussi à pénétrer dans le Rova, dans l’enceinte de son palais, soit sur la place d’Andohalo ou sur celle de Mahamasina, il avait la vie sauve. Quand un takatra, une ombrette, oiseau au plumage brun, tra- versait le chemin que suivait le souverain ou volait au-dessus d’une ville où il résidait, on immolait immé- diatement un taureau de couleur brune, semblable à celle de l'oiseau. Quand des porteurs d’objets destinés au souverain apercevaient, soit un takatra, soit un héron noir, les gardiens du talisman Kelimalaza, purifiaient ces objets, ou même les jetaient lorsque l’oiseau néfaste était un héron. 126 MADAGASCAR. pour la propriété (1), quoique, d’après les idées malgaches, le roi fût maître absolu (? aussi bien des gens que des richesses et des terres de ses sujets, et remplit les fonctions de grand-prêtre dans les cérémonies religieuses (; en lui était concentré tout pouvoir pour commander, décider de la paix ou de la guerre, faire les lois et condamner; il avait le droit, en vertu de sa toute-puissance, de choisir son successeur dans sa famille, sans respecter l’ordre de primogéniture, et de se servir de ses sujets comme un maître de ses esclaves : en conséquence, les corvées de toutes sortes, ainsi que les fonctions, étaient obligatoires et gratuites (4). (1) Lorsque les droits de propriété sont indis- cutables, les Merina disent : Tsy mety ny manon- tany somotra amin’olona, est-ce qu’on demande à un homme qui porte sa barbe si elle est bien à lui? (a) Le partage des biens était fait con- formément aux dispositions testamentaires des défunts mais, lorsqu'il n’y en avait pas, la suc- cession était partagée également entre tous les cohéritiers. Fréquemment, les chefs de famille recommandaient à leurs enfants de ne pas par- tager leurs biens et laissaient à l’aîné la gestion de la totalité, aîné qui avait dès lors, vis-à-vis de ses frères et sœurs, toutes les charges qui incombaient à un père : c'était le ko-drazana (litt. : la ceinture des ancêtres) (voir l’art. 224 du Code de 1881). Cette coutume existait sur les côtes comme dans le centre. Les maîtres étaient toujours les héritiers de leurs esclaves, qui, souvent, étaient plus riches qu’eux, que ceux-ci eussent ou n’eussent pas d'enfants. (2) À Madagascar, les rois et les chefs ont toujours eu le pouvoir le plus absolu sur leurs sujets, mais, comme ces sujets pouvaient passer facilement avec leurs biens (qui ne comprenaient que quelques objets, du bétail et des esclaves) chez le Seigneur voisin qui, content de voir le nombre de ses vassaux s’accroître et, par con- séquent, de devenir plus puissant, les accueillait à bras ouverts, ils étaient obligés de les ménager et toujours, dans les affaires importantes, ils le réunissaient en kabary et l'avis de la majorité prédominait toujours : il est vrai que cette majorité était presque toujours, sinon toujours, de l’avis du seigneur. (3) Notamment dans le Fandroana, la fête du nouvel an. (4) Il était toutefois d’usage qu’il donnât aux corvéables, en témoignage de satisfaction pour les tâches difficiles, des étoffes, des bœufs, du riz et quelquefois de l’argent, mais ces dons n'étaient nullement à titre de salaires. Ces fanompoana ou corvées de l’État, étaient sup- portés par tous les sujets libres des six provinces de l’Imerina et imposés à chacune d’elles pour un sixième; les corvées les plus fréquemment imposées étaient la construction des maisons ou résidences royales, l'édification des digues, le transport du matériel et des objets pour le gou- vernement, les expéditions militaires, etc., en somme tous les travaux ou tâches, soit d’uti- lité générale, soit pour le service particulier du souverain. (a) Ils laissent d’ordinaire les pauvres gens prendre dans leurs champs le chaume de riz laissé après la coupe et qui leur sert soit de kolokolo, de fourrage pour leurs animaux, ou de kitay, de combustible, mais s'ils y plantent un kiïady, un piquet au haut duquel sont attachées quelques brindilles de paille, nul n’y peut pénétrer ni rien prendre. Il est fort rare que les Malgaches vendent à titre définitif, varo-maty (litt. : marché mort, sur lequel il n’y a plus à revenir), leurs terres de culture et surtout leurs rizières, à moins d’y être forcés, à cause du respect pour tout ce qui leur vient de leurs ancêtres, mais ils font des fehi-vavany (litt. : ils prêtent des champs), c’est-à-dire qu’ils en cèdent la jouissance jusqu’à ce qu’ils aient restitué à l’acheteur la somme qu’ils en ont reçue. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 127 La terre lui appartenait, mais il autorisait ses sujets à en user et il la leur laissait même vendre à d’autres Malgaches; toutefois, il voulait que ses sujets fussent laborieux : « les paresseux sont méprisables, a-t-il dit, … si vous voyez un individu dormir après le lever du soleil, rouez-le de coups ». Seuls, à Madagascar, les Merina ont été labo- rieux, productifs, accomplissant un effort social dans un but d'intérêt général. Avant Andrianampoinimerina, les tribus et même les clans de l’Imerina étaient en perpétuelle rivalité et les disputes et les conflits étaient inces- sants;il résolut d’y mettre fin et il y réussit (1), mais tout absolu qu'ilétait (2), comme ses prédécesseurs et ses successeurs, il s’appuyait sur des con- seillers intelligents qui l’aidaient dans son gouvernement ainsi que dans ses conquêtes; il soumettait ses projets, ou plus exactement les décisions (4) Avant Andrianampoinimerina, comme nous l’avons dit, on était en pleine féodalité. Les seigneurs, dénommés Tompomenakely se faisaient continuellement la guerre; soumis par Andrianampoinimerina, ils ont néanmoins conservé leur menakely, leur fief, ainsi que leurs vassaux, qui leur payaient la moitié de la dîme, l’autre moitié revenant au roi (a). Depuis lors, hors de leur fief, les Tompome- nakely n’ont plus eu droit qu'aux honneurs dus à tous les nobles et n’avaient pas part au gouvernement s'ils n'étaient pas nommés par le roi à quelque fonction publique : il y en avait qui avaient de hautes charges, mais d’autres n'étaient qu’aides de camp de Hova ou bour- geois, et il y avait même des Andriamasinava- lona, des nobles de haute lignée, qui étaient simples soldats, mais ils avaient le privilège de ne pas monter la garde, privilège que n’avait pas la petite noblesse. Quand on tuait un bœuf dans un menakely, le vody hena, la culotte, revenait au seigneur (Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 1333- 1338). (2) Ny Mpanjaka, disaient les Malgaches, manjaka tokana, tsy refesy na aloni-mandidy, manjaka tsy roa, le pouvoir du souverain est sans limites. Andrianampoinimerina a déclaré en effet qu’il pouvait disposer à son gré de ses sujets et de leurs biens (JULIEN, Inst. pol. et soc. de Madag., 1908, t. IT, p. 49) (b). Ny tany atao hoe : an’ny Mpanjaka, a-t-il été proclamé dans tous les kabary, dans toutes les assem- blées, la terre est la propriété du souverain, et Andrianampoinimerina ajoutait : « J'aime également tous mes sujets, à quelque clan qu’ils appartiennent : les plumes d’une pin- tade ont beau être très nombreuses et de nuances variées elles n’en constituent pas moins un seul plumage ». Et il recommandait aux membres de sa famille de « ne pas les dévorer », de ne pas les opprimer; il défendit aux maîtres d'esclaves de les tuer, car « moi seul ai le droit de donner la mort aux hommes ». (a) Les Menabé, ou sujets directs du roi, qui étaient des libres et non des vassaux, payaient leurs impôts au souverain en totalité. (b) I n’y avait que les Tandapa, les serviteurs attitrés du souverain, qui pouvaient entrer librement dans son palais et encore, lorsque pour une raison quelconque ils n’avaient pas cessé de vaquer à leurs fonctions habituelles plus de trois jours; autrement, comme pour tout autre individu, il fallait qu'ils y fussent autorisés. 128 MADAGASCAR. qu’il avait prises d’accord avec ses conseillers, ses vadin-tany ), à l’appro- bation quasi obligatoire de ses sujets libres, réunis en kabary, en assemblée solennelle, soit à Ambohimanga, soit sur la place d’Andohalo à Tana- narive ( : c'est dans ces grandes assises que se promulguaient les lois %, qu’on ordonnait les corvées, qu’on annonçait les guerres, etc. (1) Ces émissaires royaux, hommes de choix, ces vadin-tany (litt. : les maris du pays) comme on les appelait, qui étaient d’abord au nombre de cinquante, puis de soixante-dix, traitaient de toutes les affaires du gouvernement « ils étaient les yeux, les oreilles et les mains chargés de tout connaître, de tout juger et d'exécuter ses volontés » et ils portaient dans les provinces « la parole du roi », exposant ses ordres ou ses projets et veillant à ce qu’ils fussent exécutés, distribuant les corvées dans les divers districts, y levant le nombre de soldats voulu, percevant les impôts qu’ils transmettaient au roi, jugeant les affaires graves et soumettant leur sentence au roi, car aza manaron-doha-Andriana (n’enve- loppez pas la tête du souverain), il ne faut pas lui dissimuler la vérité. Ilambohoa-mahefa, atrehi-mahefa, les agents du gouvernement doivent toujours bien agir, soit qu'on leur tourne le dos, soit qu'on les regarde. Ny fanja- kana toy ny voly, ka izay mahava matetika manana ny vokatra (l'administration d’un pays est comme la culture d’un champ; celui qui sarcle souvent son champ a la meilleure récolte), dans un pays bien administré, rien ne doit être laissé au hasard, il faut veiller à tout avec soin, et 1sy mba azo anaovana anati-fo maharary, les actes d’un gouvernement ne doivent pas être inspirés par des considérations de personnes; tsy melty raha manampi-maso sy mamahan-dali- (a) Tsy mety, disent les Malgaches, raha homana amam-bolony (litt. : tra ny Andriana (on ne doit pas cacher la vérité au souverain, ni lui servir des mets où sont tom- bées des mouches), il ne faut pas abuser de sa confiance (JULIEN, Inst. polit. et soc., t. II, passim). (2) « Quoique le pays et le royaume soient à moi et que je puisse faire ce qu’il me plaît (koa manarana fo aho), je tiens à consulter mes conseillers et mes sujets, car je ne veux pas leur imposer ma volonté par le teniko fa andriana, par ma seule décision ». En effet, tsy mety raha manan-tompo tsy miera na manana Andriana tsy miraharaha, il est aussi fâcheux d’avoir un maître qui n’en fait qu’à sa tête que d’en avoir un qui ne s'occupe de rien; ny fanjakana tsy azo ana- ranana ny adala, il ne faut pas que les affaires du gouvernement soient entre les mains d’in- sensés ou de prévaricateurs (a); et {sy mba azo anaovana an-kenamaso, les décisions ne doivent pas être influencées par le souci du qu’en dira- t-on, c’est-à-dire que les décisions du gouverne- ment doivent être uniquement inspirées par le sentiment du droit et de l'équité (JULIEN, Inst. polit. et soc. de Madagascar, 1908, t. II). (3) Lois transmises oralement jusqu’au mois de septembre 1868, où a paru le premier code de lois écrites. En 1830, il n’y avait encore aucun juge qui sût lire; quand on avait une nouvelle loi à promulguer, on l’annonçait sur le marché. il ne convient pas de manger en même temps la viande et le poil); il ne faut pas que les fonctionnaires publics commettent des exactions, pressurent leurs administrés, car c’est un grand crime de mampangidy hoditra ny Mpanjaka (litt. : de rendre la peau du souverain amère, désagréable), de faire haïr le souverain; 1sy mety raha manao dian'omby jamba amin'ny fanjakana, quand on gère les affaires de l’État, il ne faut pas se conduire comme un bœuf aveugle qui tâtonne pour trouver sa Voie; tsy mety raha manao anaty jo maharary sy zanaka tsy mba meloka, on ne doit pas écouter ses inclinations (quand on rend la justice) et proclamer (faussement) : mon fils n’est pas coupable; 1sy mety raha mamono fanilo, on ne doit pas éteindre les torches afin qu’on ne voie plus clair, et tsy meiy ny manako ny maty aza ahoako (litt. : on ne doit pas se désintéresser de la mort du voisin, on ne doit pas dire : que m’importent ceux qui meurent!), un chef ne doit pas être indifférent aux malheurs du peuple et ne s’occuper que de ses intérêts. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 129 Des vadin-tany inférieurs reliaient les divers villes et villages au conseil supérieur : ils comprenaient, à la tête de chaque fief, le seigneur et, à la tête de chaque /okon'’olona, de chaque clan, son chef (), puis, sous eux, les chefs de village et d’autres chefs choisis parmi les habitants qui, tous, avaient pour mission de transmettre au peuple les ordres du roi, de veiller à ce que les lois fussent exécutées et les sanctions infligées, et de juger les petits procès, les affaires litigieuses, ayant le droit d’imposer de légères amendes aux délinquants, de lever les impôts qu’ils portaient à Tanana- rive, de distribuer les corvées. « Cette institution patriarcale et salutaire, dit le R. P. CALLET, a subsisté sous la monarchie merina jusqu’à notre conquête, telle qu'elle a été créée par Andrianampoinimerina, et a terminé avantageusement une multitude de petits litiges qui, portés devant les chefs supérieurs de Tananarive, auraient fait dépenser beaucoup plus que la valeur de l’objet en contestation ». Les lois, disaient les Malgaches (2), sont faites pour tout le monde (#. Celles édictées par Andrianampoinimerina, qui étaient conformes au droit naturel et en rapport avec les mœurs des Malgaches, respectaient, tout en les améliorant et les complétant, les coutumes des indigènes; en voici quelques-unes : tous les sujets avaient leur part des charges publiques et des corvées qu’exige le service de l’État, du fanompoana (4); chacun était maître absolu de ses actes dans l’intérieur de sa maison (5) (4) M. G. JULIEN a donné dans le tome. II de ses Ins. pol. et soc. de Madagascar, 1908 p. 30-38, la charte type de fokon’ olona, où sont indiqués leurs droits de police et de basse justice et leurs devoirs; un mpiadidy veille au bon fonc- tionnement de la communauté. (2) Fiütsarana tsy atondro havana, ary ny rariny tsy enti-mandefitra. La justice n’a pas à s’occuper des parents que peuvent avoir les justiciables, car le sentiment de leur bon droit ne suffit pas à consoler ceux qui sont victimes d’iniquités, et lakana tsy mifidy Andriana, fa izay rendrika lena (litt. : Quand une pirogue chavire, tous ceux qui y sont, aussi bien les nobles que les roturiers, sont mouillés), c’est- à-dire tous les sujets du roi sont égaux devant HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. la loi (JULIEN, Inst. polit. et soc. de Madagascar, 1909, t. IT, p. 135 et 136). (3) Ce qui, en pratique, n’était pas exact. (4) Ny fanompoana, dit un proverbe merina, tahaka ny loloha lanitra ka samy miloloha ny tandrifiny, les charges publiques sont pour les Merina comme le ciel, dont chacun a un mor- ceau au-dessus de sa tête (JULIEN, Inst. pol. et soc. de Madag., 1908 t., IT, p. 113). (5) Samy manjaka eran’ny varavarany ny olona, chacun est maître de ses actes en dedans des portes et des fenêtres de sa maison. — La légende rapporte que, sous le règne d’Andria- nampoinimerina, un roturier qui venait de se marier s'était amusé à se vêtir d’un lamba pourpre comme s’il eût été le roi. Dénoncé, il 17 130 MADAGASCAR. et avait le droit de disposer de ses biens à son gré (1), ainsi que de ses femmes et de ses enfants (?; les revenus des biens des époux étaient mis en commun et, s’ils se séparaient, le mari gardait les deux tiers et la femme un tiers; le propriétaire d’un objet perdu ou volé avait le droit de le reprendre là où il le retrouvait (); prendre et manger sur place du manioc ou toute autre racine ou tubercule n’était pas un délit, etc. Les peines infligées, même aux simples délinquants, étaient d’une sévérité excessive (4) et il y avait un vava vola, une prime à la dénoncia- tion, c’est-à-dire une somme de trente piastres pour récompenser un avoua son acte, mais il fit remarquer qu'il diabolique, comme le compagnon habituel des n’avait pas outrepassé son droit puisqu'il n’était pas sorti de sa maison, et il eut gain de cause (JULIEN, Inst. pol. et soc. de Madag., 1908, t. Il, p. 127-128). (1) C’est-à-dire, soit de les donner à qui bon lui semblait, soit de les partager entre ses enfants à son gré (a). (2) C'est-à-dire de répudier ses femmes et de rejeter ses enfants (JULIEN, Inst. pol. et soc. de Madag., 1908, t. IT, p. 129 et 133) (b). (3) Sauf au possesseur, si l’objet a passé par plusieurs mains, à se dédommager auprès de ceux qui le lui ont vendu ou donné. (4) Na amboako, na amboan’olona, izay volon- kary ariana (litt. : que ce soit mon chien ou que ce soit celui d’autrui, s’il a le pelage (gris) d’un kary, d’un chat sauvage, il faut le rejeter, le tuer (le kary était regardé comme un animal (a) Les personnes qui se constituaient réciproquement zazalava (litt. sorciers), c’est-à-dire qu'il faut abandonner à son sort, aux peines qu'il a encourues, toute per- sonne, parent ou indifférent, qui a violé les lois auxquelles tout le monde est assujetti (JULIEN, Inst. polit. et soc. de Madagascar, 1908, t. IT, p. 136-137). Car, disait Andrianampoinimerina, «il faut que je fasse des exemples afin que mon peuple devienne raisonnable; ce n’est pas sans regret que je sacrifie la vie du plus humble de mes sujets, mais les criminels ne sont-ils pas les artisans de leur malheur ». Les peines variaient suivant le rang des criminels : ainsi les nobles, jusqu’à la caste des Andriantompokoindrindra incluse, lorsqu'ils étaient condamnés aux galères, ne portaient pas de chaînes de fer comme les galériens ordinaires; par respect pour leurs castes, les chaînes étaient remplacées par une simple corde. enfants prolongés, famille agrandie) héritaient les unes des autres et participaient au partage au même taux que les enfants qu'ils avaient : c’étaient ordinairement les frères et les sœurs qui se constituaient zazalava, afin de conserver dans la même famille un patrimoine qui, sans cette convention, eût risqué d’être morcelé ou dissipé. Quelquefois, c’étaient les ascendants qui avaient stipulé dans leurs dispositions testamentaires que leurs enfants seraient zazalava et, dans ce cas, il fallait le consentement unanime des intéressés pour que chacun reprît la libre disposition de sa part du patrimoine commun. (b) Les Merina avaient le droit d’adopter non seulement des enfants, mais aussi des vieillards, et on a vu des esclaves adopter des libres. Quand un individu offrait un peu de graisse à une femme au moment où elle accouchait, en disant : « Voici pour oindre le nouveau-né dont je fais mon héritier, l'adoption était valable; on pouvait aussi faire enregistrer comme ses enfants des jeunes gens quelconques qui s’enga- geaient à servir comme soldats et qui exonéraient ainsi leurs « frères » du service militaire. L’adoption d’un enfant n’entrainait pas, d’ailleurs, son rejet par ses parents légitimes, dont il restait toujours l’héri- tier. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 131 acte utile au pays : non seulement le code merina punissait de mort U) les assassins et les sorciers (2) et, dans le but de prévenir toute rébellion, les rebelles et les conspirateurs (%), mais aussi, à cause de la nécessité de tenir par la crainte un peuple ignorant et grossier, ceux qui volaient des biens du souverain et de l’État (4), les individus qui commettaient l’adultère avec les femmes du roi, les chefs qui trafiquaient de la justice pour s'enrichir, ceux qui s’'emparaient traîtreusement d'individus qu’ils vendaient comme esclaves, ceux qui pillaient les tombeaux, ceux qui pénétraient dans les maisons par effraction, ceux qui volaient des bœufs (5), ceux qui volaient du riz dans les greniers ou même dans les champs sur pied, Ceux qui volaient au pauvre pêcheur la nasse qui était son gagne-pain, Ceux qui se servaient de faux poids ou de fausses mesures, et même les Hova ou libres qui contractaient des unions avec des Mani- sotra et des Manendy, qui étaient des esclaves (%). Pendant quelque temps Andrianampoinimerina a interdit (1) On liait les mains des criminels et, les jetant le ventre par terre, on leur passait la sagaye ou un coutelas à travers les reins; quelquefois, on leur coupait ensuite la tête pour l’exposer, et même les bras et les jambes. Le corps d’un criminel condamné à mort n’est pas enterré, il est livré aux chiens et aux corbeaux, car, croient les Malgaches, un individu dont le corps est déchiqueté et qui n’a pas les honneurs de la sépulture est anéanti, fena sy ambiroa, corps et âme, et on n’a plus rien à craindre de lui. (2) Les sorciers étaient le plus souvent préci- pités du haut de la roche d’Ampamarinana, qui est située un peu au Nord et sous les fenêtres du Manjakamiadana, du Palais royal. Il y avait à Tananarive un autre rocher, Ambohi- potsy, d’où on les précipitait aussi et où on a construit depuis un temple protestant. (3) Jadis, les nobles étaient exécutés sans qu'on fit couler leur sang : on les plongeait, soit dans des fondrières de boue ou dans des marais, soit dans le sol vaseux des parcs à bœufs, qui était d'ordinaire mou. aux Merina, sous peine de mort, (4) Tout vol, soit dans le Rova, dans l’en- ceinte du palais, soit dans les tsena, les marchés publics assimilés au Rova, qui étaient par consé- quent des lieux sacrés, si minime qu’il fût, était puni de mort, ainsi que ceux qui invoquaient indûment le nom du souverain, ce qui était considéré comme un sacrilège. (5) Les vols de bœufs étaient très sévèrement punis : quelquefois, tous les habitants d’un village étaient vendus comme esclaves pour avoir mangé de la viande d’un bœuf volé, lors même qu'ils ignoraient le vol (Notes de voyage manuscrites d'A. GRANDIDIER, 1869, p. 1844). (6) « Je mets, a dit Andrianampoinimerina, des Manisotra et des Manendy à Alasora, dont les habitants vont être en contact permanent avec eux. Que ces habitants ne laissent pas leurs enfants jouer ensemble au kivadivady (à mari et femme), car si des adultes contractaient de telles unions vous encourriez la peine capi- tale » (JULIEN, Inst. polit. et soc. de Madag., 1908, t. I, p. 213-214). 132 MADAGASCAR. de boire du rhum et de fumer du chanvre et même du tabac 1. (1) Ces lois draconiennes (a) n'étaient pas toujours mises à exécution (b). (a) Il a spécifié douze catégories de crimes entraînant la peine de mort pour le coupable et de l’escla- vage pour ses femmes et ses enfants (lany vady amanjanaka), peine qui le plus souvent, pour le chef de famille, consistait à avoir la tête tranchée et accrochée à une potence ou, quelquefois, à être sagayé, ou à être précipité vivant du haut de la roche d’Ampamarinana, à Tananarive, leur corps étant livré aux chiens : 19 Ny mikomy ou la révolte contre l’autorité; 2° Ny manangana andrian-kafa ou la proclamation comme roi d’un autre prince; 30 Ny manani-drova ou l'escalade de l’enceinte royale; 4° Ny manava vadin’ Andriana ou l'excitation à la débauche des femmes du souverain; 5° Ny mangaron-dapa ou vol commis dans la demeure du roi; 6° Ny homana tongoa mihonkona ou dilapidation des revenus du gouvernement; 79 Ny manao tenin Andriana tsy ho masina où négation du caractère sacré qu'ont la parole et la volonté du souverain; 8° Ny mamoky hankany amin'ny tsy mety sy hanaratsy ny tany sy ny fanjakana ou excita- tion à faire des actes défendus par l'autorité. « Je ne veux pas, a-t-il dit, et vous ne pouvez pas permettre que mon pays soit à la discrétion des insensés et des perturbateurs; les faux bruits, les calomnies, me sont intolérables, car, avec des mihoy hkono (des « on dit »), on discrédite le gouvernement. Je déteste aussi qu’on boive du toaka, des boissons alcooliques, et qu’on fume du rongony, du chanvre, parce qu’alors vous êtes comme des brutes et que je n’arriverais pas à vous gouverner » et, faisant alors avaler de l’eau-de-vie à un taureau qui ne tarda pas à tomber à terre comme une masse inconsciente, il ajouta : « Comment des hommes pourraient-ils résister à un breuvage qui vient si facilement à bout d’un animal aussi fort? » 99 Ny azon-tambim-bola amin-karena ka ny tsy mety atakalo ny mety, ou acceptation de dons en argent ou de présents pour commettre des actes contraires à l’équité ou à la morale. Quant aux fonctionnaires prévaricateurs, dit-il, « je les punirai de mort, car je ne veux pas de cor- ruption ni de vénalité dans mon royaume : je tiens essentiellement à ce que, puissants ou humbles, vous jouissiez paisiblement des biens qui sont à vous »; 100 Ny manao ody mahery sy ny mamosavy, ou fabri- cation et usage de charmes maléfiques, ainsi que pratiques de sorcellerie, notamment le tsitrabadi- mantsaka [litt. : la femme qui est allée chercher de l’eau ne revient pas assez vite à la maison (pour trouver son mari vivant, tant l’effet est foudroyant)], l’harok’aty (litt. : qui provoque un dévoiement mortel), le tendri-hatoka (litt. : qui frappe à la nuque, qui envoûte), le manara-mody [qui accompagne chez soi (qui permet juste à la victime de rentrer chez elle, où elle meurt en arrivant)], le voan-kanina [litt. : le noyau d’aliments (qui, mis dans les aliments, provoque de fortes coliques et amène la mort de ceux qui le mangent)], le tongo-dia (charme fait avec de la terre foulée par celui contre qui on l’employait et sur laquelle on prononçait certaines formules cabalistiques), etc. (G. JuLren). (« Toutes les fois qu’un de mes sujets sera accusé du crime de sorcellerie, a-t-il dit, soumettez-le, conformément à l’usage de mes ancêtres, au fampinomana, à l'épreuve du tanghin, grâce à laquelle on débarrasse le pays de cette mau- dite engeance responsable de la mort de tant de braves gens »); 11° Ny mamono olona, ou homicide, et 120 Ny mangalatra, ou vol (« car je veux, a-t-il dit, que petits et grands jouissent paisiblement de leurs biens, autrement il n’y aurait pas de prospérité possible dans un pays »). Le souverain seul avait droit de vie et de mort, aussi bien sur ses sujets libres que sur les esclaves; toutefois, un maître qui tuait son esclave avec un bâton, pourvu qu’il ne fût pas ferré, n’était pas poursuivi parce que la mort était, dans ce cas, considérée comme accidentelle. « Je compte sur ces sanctions pénales, a conclu Andrianampoinimerina, pour assurer la paix et donner la prospérité à mon royaume. Qu'il soit bien entendu que les auteurs de l’un de ces crimes, fussent-ils mes parents ou chefs de tribu, ne bénéficieront en aucun cas de la grâce, car il faut que l’Imerina jouisse enfin d’une paix que rien ne viendra plus troubler ». Les condamnés à mort étaient d’ordinaire livrés au peuple, qui les lapidait pendant qu'on les condui- sait au lieu du supplice, les rouant de coups, quelquefois les tailladant avec les sagayes, de sorte que les pauvres malheureux marchaient au supplice tout ahuris, les yeux hors de la tête et qu’ils y arrivaient plus morts que vifs; les enfants se plaisaient beaucoup à ce spectacle et prenaient leur part de ces « jeux»; mais on évitait de les blesser trop grièvement, afin qu'ils pussent arriver au lieu du supplice sans. qu'on fût obligé de les y porter. La coutume était qu’un criminel condamné à mort, et même simple- ment mis aux fers, qui se trouvait sur le passage du souverain ou de son héritier présomptif fût sauvé, mais on s’arrangeait toujours pour que ce cas ne se présentât pas : Radama II seul, a usé de ce privilège. Ajoutons cependant qu’on admettait quelquefois des circonstances atténuantes et qu’à la peine de mort était substituée celle des galères, de la gadra lava, un certain nombre de forçats étant réunis par une: chaîne commune. (b) On raconte qu’un jour un conseiller du roi, Hagamainty, rencontrant un voleur de bœufs que l’on menait au supplice, ordonna d’attendre avant de l’exécuter et, ayant été trouver le roi, lui dit : « Que faire à un coupable qui se repent? » — « Quel est ce coupable? » demanda le roi. — « J’ai rencontré un homme qu’on allait tuer et je lui ai sauvé la vie. » — « Et pourquoi? » dit le roi. — « Parce qu’il s’est HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 133 Plusieurs délits entraînaient l'esclavage des délinquants (voleurs de fiefs, faux accusateurs (4), débiteurs insolvables (2), et ceux de moindre importance des peines plus légères (). Ces lois comportaient toutefois des exceptions (4); il en est une cependant qui a fait pendant quelque temps de nombreuses victimes : Andrianampoinimerina a voulu que les {sena, les marchés ou bazars qui se tenaient en Imerina chaque jour de la semaine en un endroit différent et où affluait une grande foule, ne fussent pas exploités par (1) Ces diverses condamnations entraînaient la confiscation des biens des coupables : fafana hatrany avara-patana ka hatrany atsimom- patana (litt. : ils étaient balayés du Nord de leur foyer jusqu’au Sud). (2) Quand un débiteur était insolvable, on vendait d’abord ses biens, puis lui-même, puis ses femmes et ses enfants, jusqu’à ce que la dette soit soldée et, s’il y a des cautions et qu'il y ait un reliquat, on vend les cautions. (3) Pour les crimes de moindre importance, on attachait quelquefois le coupable au haut d’une grande perche et on le laissait exposé pen- dant trois heures aux huées et aux injures de la population, puis, avec une hache, on coupait la perche et, s’il n’était pas tué en tombant, il reprenait sa liberté. La fustigation était fré- quemment employée; elle entraînait rarement la mort, cependant ELLIS dit qu’en 1821 trois femmes prisonnières de guerre qui avaient réussi à s'échapper, ayant été reprises, ont péri sous le fouet. Pour les délits ordinaires, on enchaînait le condamné en mettant à son cou un fort anneau de fer qu’une lourde chaîne formée d’anneaux allongés, de 20 à 25 centi- mètres de long, reliait à un gros anneau rivé autour de chacune des chevilles; ces gadra lava (litt. : (homme avec une) longue chaîne) comme on les appelle, étaient employés à réparer les routes. Pour les petits délits commis par des militaires, on faisait courir le coupable sur la pente abrupte d’une colline avec un fusil dans sa main droite, qu'il devait tenir au-dessus de sa tête; on le dégradait souvent, enlevant aux gradés un ou plusieurs voninahitra, un ou plu- sieurs galons, qu’il leur fallait ensuite recon- quérir un à un, mais, a-t-on assuré à À. Grandi- dier, les militaires condamnés pour vol (action qui, paraît-il, n’était nullement infamante), une fois leur peine finie, reprenaient leur ancien grade; quant aux borizano, aux civils, ils étaient condamnés à des amendes. (4) Il y avait une classe d'individus dénommés tsy maty manota [litt. : qu’on ne met pas à mort pour un crime comportant cependant cette peine (parce qu’eux-mêmes ou leurs ancêtres avaient rendu d'importants services au souve- rain)]. Ils étaient exonérés en outre de l’impôt du vody hena, du quartier d’arrière des bœufs tués pour être mangés, que tout sujet devait au roi. repenti. Mais pourquoi tuez-vous des hommes pour de simples bœufs? » — Andrianampoinimerina consentit à n’exiger que trente piastres d’amende. Une autre fois, un voleur avait à gravir une haute colline pour y être exécuté; lorsqu'il fut arrivé à mi-chemin, Hagamainty dit au roi : « La route est longue et on a le temps de réfléchir. Ne croyez-vous pas qu’il faille rappeler cet homme? » — « Oui, vraiment la route est longue et on a le temps de réflé- chir. Faites-le revenir », et il ajouta : « Quand les chefs sont sensés, le royaume est bien administré, et le peuple jouit de la paix. » Un jour, un homme fut condamné à mort pour avoir chiqué du tabac. Hagamainty dit au roi : « Est-ce qu’on avale le tabac ou bien le crache-t-on? » — « On le crache », dit le roi. — « Mais si on le crache, reprit Hagamainty, un peu de salive ne peut être nuisible au sol et pour- quoi serait-elle nuisible à vos sujets et la cause de leur mort? » — Andrianampoinimerina comprit la justesse de cette observation et supprima la peine de mort pour ceux qui useraient, du tabac (R. P. Car- LET, T'antara ny Andriana, édit. 1908 p. 772-773). 134 MADAGASCAR. les voleurs, et il a ordonné qu’ils fussent respectés comme son propre palais, de sorte que les allants et venants étaient autorisés à mettre à mort, séance tenante, quiconque souillait ce lieu sacré en y volant quoi que ce fût : aussi les vols y étaient-ils devenus extrêmement rares. On n’acceptait pas les accusations des femmes contre leurs maris U), ni celles des esclaves contre leurs maîtres, de peur qu’elles ne fussent dues à la rancune; le coupable qui se dénonçait lui-même n’était pas condamné. Quelquefois le peuple était sommé de dénoncer les criminels, surtout les sorciers. Lorsque la culpabilité n’était pas évidente, les juges avaient, depuis Andrianjaka (vers 1610), recours au tanghin (poison employé dans les ordalies); jusqu’à Andriamasinavalona, on ne l’administrait qu'à des poulets, mais ce roi ordonna que, dans certains cas qu'il se réservait de spécifier, on le fit prendre aux inculpés eux-mêmes. Les individus déclarés coupables de sorcellerie par le tanghin étaient, suivant le cas, étranglés ou tués à coups de pilon ou précipités du haut de rochers; les esclaves étaient rarement mis à mort, car leur mort ne rapportait rien ni aux juges ni aux exécuteurs des hautes œuvres, mais il n’en était pas de même pour les gens riches (?. Les corps de ceux qui mouraient par le tanghin étaient livrés aux chiens et aux corbeaux. Comme nous l’avons dit, les litiges (% étaient portés devant les (1) © Il n’y a pas dans mon royaume, a dit Andrianampoinimerina, de loi qui intéresse plus la vie de mes sujets que celle du mariage. Moi qui suis tout-puissant sur la terre et dans le ciel, je m’interdis de séparer deux époux parce que ce n’est pas moi qui les ai unis; c’est le mari, le chef de la famille, qui est maître sou- verain et doit, oui ou non, répudier sa femme ». (2) Les inculpés avaient quelquefois recours à des supercheries. Il n’était pas rare qu’un ami de l’inculpé prit le tanghin à sa place; or, on a raconté à A. Grandidier qu'un deceux-cin’ayant, après une demi-heure, rendu qu’une des trois peaux, en glissa, dans l’espoir de le sauver, deux autres dans un vomissement qu’il croyait devoir être le dernier; malheureusement, les vomissements reprirent et, dans le vase. on trouva cinq peaux. Il fut tué sur place et son ami fut précipité du haut d’Ampamarinana, la roche Tarpéienne de Tananarive, qui est un peu au Nord et au-dessous du palais de Manjaka- miadana. (3) Litiges nombreux, car les Merina sont très processifs, très experts en manœuvres fraudu- leuses, exigeant et prenant ce qui ne leur est pas dû, misaraka, comme ils disent, échangeant de fausses promesses de mariage, alléguant de faux titres de propriété, se prévalant de faux pouvoirs, etc. (a). (a) Quand un procès était jugé par les fokon’olona, les chefs de clans, les parties versaient un hasina, une contribution de élasiray (soit de 0 fr. 30), ou de roa voamena (de 0 fr. 40) pour le trésor royal, ainsi du reste que tous les condamnés après la lecture de la sentence les concernant. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 135 tribunaux, devant les vadin-tany ®, mais le plus souvent on s’arrangeait à l'amiable, soit en se justifiant ou s’excusant, soit en recourant à l’arbi- trage de parents ou de voisins, qui agissaient comme des sortes de juges de paix. Lorsque l’arrangement n’avait pas lieu de cette manière, l’affaire était d’abord portée devant le fokon'’olona (), les chefs locaux qui consti- tuaient un tribunal inférieur, puis devant les vadin-tany (; les procès (1) Le breuvage sacramentel qu'ont bu les juges et les autres assistants en témoignage de fidélité et d'adhésion aux volontés du roi était de l’eau d’un étang sacré à laquelle était mêlée de la bouse d’un jeune taureau tout noir qu’on avait immolé après avoir prononcé de terribles imprécations et dont la mère était morte, quelques grains de riz non parvenus à maturités et du vokaka, de la terre prove- nant des tombes royales disséminées sur les douze collines sacrées (a) et sur laquelle Andria- nampoinimerina prononça l’imprécation sui- vante : « Que celui, juge ou justiciable, qui mentira dans un procès, meure de la même mort que celle du taureau qu’on vient d’immoler! que le vokaka le fasse périr ». (2) Les fokon’olona, les clans, étaient dans une certaine mesure autonomes : ils étaient investis de prérogatives étendues, surtout dans l’ordre judiciaire, connaissant de tous les litiges entre les membres de leur communauté, et ils assuraient eux-mêmes la police de leurs groupements (JULIEN, Instit. polit. et soc. de Madagascar, t. I, p. 363-371) (b). (3) Vadin-tany (litt. : les époux du pays) (c). Les parties qui se croyaient lésées pouvaient (a) En effet douze des collines d’Imerina ont conservé chez les Malgaches le titre de « Douze montagnes royales », en souvenir des petits Éatts qu’elles constituaient; ce sont dans l’ordre de leur position géogra- phique par rapport à Tananarive : au Nord, Ilafy, Namehana, Ambohidrabiby, Ambohimanga, au Nord- Ouest, Ambohidratrimo, Ambohimanjaka, à l'Est, Ambohimanambola, au Sud-Est Alasora, au Sud-Ouest, Antsahadinta, à l'Ouest, Manjakazafy, Ambohidrapeto, enfin au centre de toutes, les trois collines soudées ensemble qui formaient Analamanga — aujourd'hui Antananarivo (Tananarive) (UrBain-FaurEc et GEorGes Lavau, Les douze « montagnes » de l’Imerina. Revue de Madagascar, avril 1935, p. 85-99). (b) Is avaient convenu d’un commun accord d’assurer eux-mêmes la sécurité et l’ordre publics et de sévir immédiatement, sans faire appel ni aux vadin-tany, ni au roi, contre tout individu coupable d’un délit passible d’une amende; lorsque l’arrangement qu’ils proposaient était accepté par les deux parties, celles-ci payaïent le hasina pour le roi, en signe d’allégeance, et l’orimbato pour le fokon’olona, en témoignage d’acceptation de sa sentence : le hasina était nominalement vola tsy vaky (litt. : une piastre qui n’est pas coupée), une piastre entière, mais lorsque les plaideurs étaient pauvres, on n’exi- geait pas la remise d’une piastre et quelquefois on se contentait d’un petit sou, car il n’était pas permis d’éluder complètement cette formalité; quant à l’orëmbato (litt. : la piastre plantée en terre en sou- venir du jugement), il consistait d’ordinaire en un paiement de trois quarts de piastre, mais le taux en était variable, dépendant, tant de la générosité que des moyens des plaideurs : une fois ces deux taxes payées, l’affaire était définitivement réglée. Quand le coupable était un récidiviste incorrigible, le fokon’olona demandait au roi la permission de le mettre à mort, permission qu’il octroyait d'ordinaire et le criminel était exécuté publiquement un jour de marché, afin qu’il y eût de nombreux témoins. (c) Les vadin-tany (voir la note 1 de la page 128) étaient entourés du respect et des égards dus à des représentants du roi, investis de sa confiance, veillant à la sécurité et à l’ordre publics, intermédiaires entre lui et ses sujets, soit pour leur signifier ses volontés soit pour être mis au courant de leurs vœux, et autorisés à parler et à prendre des décisions en son nom dans les tribus ou les clans auxquels ils étaient attachés : ils étaient choisis parmi les personnes qui avaient une situation prépondérante, matérielle et morale, et étaient chargés de provoquer et de recueillir les dépositions des parties, ainsi que des témoins dans les affaires litigieuses que n’avaient pu régler les fokon’olona et de tâcher de les concilier, prononçant lorsqu'ils réussissaient le didim-panjakana, l'arrêt du tribunal royal. « J'entends, a dit le roi, qu'ils agissent honnêtement et je sévirai contre eux si mioty manta fa tsy mahandry masaka (litt. : s’ils cueillent hâtivement des fruits qui ne sont pas encore mûrs), s’ils vous prennent de force ce qui vous appartient. Car je veux bien qu’ils acceptent les libéralités que leur font de bon cœur leurs admi- nistrés, mais je ne veux pas qu’ils les pressurent et qu’ils les dépouillent contre leur gré. Les affaires du 136 MADAGASCAR. sérieux et les cas graves étaient jugés à Tananarive et le verdict était soumis à l’approbation du souverain qui, seul, pouvait connaître des en appeler au souverain, mais «faites attention, et pitié que je vous verrai y recourir » (a) (JU- leur disait-il, que cette haute juridiction est LIEN, Inst. pol. et soc. de Madag., 1908, t. I, très coûteuse pour les deux, et c’est avec peine p.175 et 371-376). royaume sont trop importantes pour que je les sacrifie à mes affections ou que je les laisse entre les mains de gens inexpérimentés. Étant mes représentants, {sy tia lainga, ils ne doivent jamais mentir (ce nom qui sous Andrianampoinimerina s’appliquait aux eadin-tany eux-mêmes, a, sous Ranava- lona 1re, désigné la sagaye d’argent qu'ils portaient comme insigne de leur autorité) et, s’ils venaient à prévariquer, à dénaturer le sens de mes paroles, leur faute retomberait non seulement sur eux, mais aussi sur leur famille, sur leurs femmes et leurs enfants. » Quoique la charge de vadin-tany fût héréditaire, en cas d’indignité elle était octroyée à une autre famille. (a) « Je veux, a dit à ses sujets Andrianampoinimerina dans deux kabary solennels tenus, l’un à Ambohimanga et l’autre à Tananarive, je veux instituer une justice qui vous assurera la possession de vos biens dont je veux que, faibles ou puissants, vous ayez la libre jouissance. J’ai désigné des hommes de bien choisis parmi les Tsimahafotsy (clan d’Ambohimanga), que j'appelle vadin-tany et qui veilleront à ce que vos biens soient respectés, à ce que l’union règne parmi vous, qui me dénonceront ceux d’entre vous qui commettront des méfaits ou qui croupiront dans l’oisiveté, de sorte que je puisse les réprimander, les punir, et au contraire récompenser ceux qui auront les plus belles récoltes. Ces vadin-tany seront vos chefs et c’est à eux que vous devrez vous adresser lorsque vous aurez une plainte à formuler; ils seront mes intermédiaires avec vous et, comme je ne puis « ouvrir ma porte à tout venant », ce sont eux que je charge de m’exposer vos réclamations et vos doléances. a Si, lorsque aura surgi un différend au sujet de dommages causés sans mauvaise intention, une des parties reconnaît, après discussion, son tort en disant : Matesa ny aho ko fa diso aho! (litt. : Que je meure! car c’est moi qui ai tort), ou bien Mifan-jato, mifan’ arivo (litt. : je vous demande cent fois, mille fois pardon), l’affaire sera terminée, car l’aveu du remords est une compensation suffisante. Mais si les deux parties s’entêtent, c’est au fokon’olona, aux membres du clan (constitués en tribunal de première instance) à en connaître d’abord. Ce n’est qu'après ces juridictions que les plaideurs en appelleront en premier ressort aux vadin-tany forains, qui se déplacent dans le ressort de leur clan, de leur tribu, puis, s’il en est besoin, en appel aux vadin-tany résidants, auxquels les forains feront leurs rapports et qui, suivant que je serai à Tananarive ou à Amkohimanga, tiendront leurs assises soit à Ambatondrafandrana, soit à Ambatorangotina, et, quand teny tonga vodi-rova, quand ils m’auront exposé les faits de la cause, je prononcerai le jugement définitif : riana be fanasana (litt. : ce sera la cascade où se fait la grande lessive.) Je veux que personne ne soit condamné à mort sans avoir pu se défendre (4sy hataoko maty tsy mileny), mais, étant un roi juste et impartial, je frapperai sévèrement quiconque me mentira. Je veux que vous me signaliez, quels qu’ils soient, ceux qui occasionneront des désordres dans mon royaume; je n’admets pas que les habitants de maisons contiguës ignorent ce que font leurs voisins : vous devez ouvrir vos oreilles toutes grandes afin de me faire connaître ce qu’il m'importe de savoir; ne rien me dire quand ils agissent mal, c’est se faire leurs complices et je les punirai sévèrement, car j’ai le devoir de veiller à la sauvegarde de la société; je les traiterai en horirika amonosana anana (litt. : comme les feuilles de songe qui ont servi à envelopper d’autres légumes et qu’on mange avec eux) Sachez bien, du reste, que ce que vous pourriez être tentés de me cacher, Dieu ne manquera pas de me le dévoiler; comme vos actes parviendront toujours à ma connaissance, faites en sorte qu’ils ne soient pas répréhensibles. « Je hais tous ceux qui commettent de mauvaises actions et ce que j’ordonne, c’est afin que vous viviez heureux et tranquilles avec vos femmes et vos enfants. » Andrianampoinimerina a fait souvent opérer des fisavana, des recherches, des perquisitions, dans le but de découvrir les suspects; les vadin-tany parcouraient par son ordre le pays à la recherche des chenapans, des vauriens, qu'ils faisaient comparaître, les interrogeant et convoquant les témoins de leurs coupables agissements, puis, s1 leur culpabilité était prouvée, les menant devant le roi, qui leur infligeait la peine qu’ils avaient encourue; s’ils niaient les crimes ou les délits dont on les accusait, on les soumettait à l’ordalie du tanghin car, a dit Andrianampoinimerina, « c’est par cette ordalie que vous parviendrez à découvrir les imposteurs,. mais chaque fois que vous y recourrez, vous m'en aviserez afin que je délègue le grand juge, un Andriamasinavalona, qui fera l’épreuve en présence du fokon’olona, du clan, que le tanghin soit administré à un chien ou à l’inculpé lui-même. Celui qui suc- combera après avoir absorbé le breuvage expiera son crime qu’il n’a pas voulu avouer, et ses biens seront confisqués; quant à ses femmes et à ses enfants, ils devront faire le serment qu’ils n'étaient pas ses complices. Tous ceux qui seront soumis à l'épreuve paieront deux piastres cinq sikajy (soit environ 13 francs), représentant le vidim-boa, le prix de la graine L’accusé qui refusera de boire avouera par là même sa culpabilité et subira le châtiment qu’il mérite. » Si l'épreuve était favorable aux accusés, les accusateurs devaient payer un taha, une amende, une HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 137 crimes capitaux; comme la corruption était quasi générale (1), rares étaient les plaideurs qui gagnaient leur procès sans avoir acheté le ver- dict (2). Les Tompomenakely, ou seigneurs de fiefs, avaient pleins pouvoirs pour juger les différents survenus entre leurs serfs et ils ne se privaient pas d’en tirer amples bénéfices. L'armée merina (), les Foloalindahy (#), comme on la nommaiït, ne ressemblait pas aux armées européennes; le soldat qui, en temps de paix, vivait paisiblement dans son village et cultivait ses rizières, à l’appel de son souverain, prenait sa sagaye et son fusil (5) et marchait au combat sous la conduite de son chef (5. Le camp, qui était toujours (1) Avant que nous ayons pris possession de Madagascar, il y avait de grandes associations dénommées par les Merina mpihinam-bohoaka (litt. : les mangeurs de peuple), qui exploitaient et ruinaient des provinces dont ils terrorisaient les habitants et, comme les meneurs apparte- naient aux hautes classes, souvent même à l’entourage de la reine et du premier ministre, on ne sévissait pas contre eux. (2) Verdict cher, si l’on en croit le dicton : haren-kiadiam-boamena, fitsaram-bolafolo, l’objet du procès vaut quatre sous, mais le Jugement coûte 12 fr. 50, car Atody tsy miady amam-bato (litt. : des œufs ne sauraient se battre contre des pierres), disent les pauvres gens qui se désistent de leur plainte ou de leur demande lorsqu'ils ont à faire à plus forts et plus riches qu'eux. (3) L’armée, qui ne comptait en tout que 70,000 hommes en état de porter les armes sous Andrianampoinimerina (non compris les esclaves qui n'étaient pas admis à se battre) était exclusivement recrutée parmi les Merina : Ny tanindrana tsy natao miaramila (litt. : on ne prend pas de soldats dans les autres pro- vinces).Plustard, quand la dénomination merina fut solidement installée dans le Betsileo, l’Ant- sihanaka et le pays des Betsimisaraka, la cons- cription y a été aussi établie. (4) Litt. : les cent mille hommes. On la nommait aussi Kiadin'ny fanjakana (litt. : le poteau, le gardien du royaume) ou Tabiha sy reharehan'ny mpanjaka (litt.: l'honneur et l’or- gueil du souverain). (5) Andrianampoinimerina avait acheté beau- coup d’espingoles, de gros fusils à canon court et évasé, que les Merina ont appelé bosy (du hollandais busche ou peut-être du français bouche); il les paya dix esclaves l’un et s’en servit à la guerre (a). Un autre européen lui apporta, au début de son règne, un canon qu'il paya très cher et qu'il plaça à Ambohimanga pour défendre la ville sainte « Ikotobé » (litt. : le gros garçon), comme on l’appelait; plus tard, il s’en procura quatre autres (Manuscrits merina de la Biblioth. GRANDIDIER, in-folio, 1870, t. Il, cahier 11, et traduction, p. 151). (6) Jusqu’en 1816, les armées merina étaient des troupes irrégulières qui agissaient par sur- indemnité de 29 1/2 piastres, mais, s’il était évident qu'ils étaient de mauvaise foi et qu'ils avaient calomnié sciemment un innocent, ils étaient passibles de la peine capitale comme ayant commis le crime antohim-bato, d’avoir tenté de perdre un innocent. Mais si l’accusation était reconnue juste, le coupable subissait la peine de mort, ses femmes et ses enfants étaient réduits en esclavage au profit du gouverne- ment et ses biens étaient confisqués moitié pour l’État et moitié pour le fokon’olona, son clan (JuLIEN, loc. cit., t. I, p. 376-382). (a) L’équipement se composait d’un anjaka ou grosse ceinture de cuir à laquelle était attaché le 1sifa ou la corne à poudre, d’un arampona ou sac pour mettre les balles, et d’un zahitra ou pochette dans laquelle sont mis les couteaux et la pierre à aiguiser. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 18 138 MADAGASCAR. établi d’après un plan invariable comprenait six sections séparées par de larges voies, qui correspondaient chacune à l’une des six provinces de l’Imerina et étaient placées les unes par rapport aux autres suivant leur position géographique, et où les soldats prenaient leurs quartiers suivant leur lieu d’origine : au centre était le rova (la palissade, l’enclos, du roi ou du général en chef) et, autour, les gardes et les esclaves royaux; au Nord-Est, les Avaradrano, au premier rang desquels étaient les Voromahery; au Sud-Est, les Vakinisisaony; au Sud-Ouest, les Ambo- dirano et, plus au Sud, les Vakinankaratra; au Nord-Ouest, les Maro- vatana et, plus au Nord, les Vonizongo. Grâce à cette disposition chacun savait où il devait planter sa tente. Une fois campées en face de l’ennemi, les troupes se partageaient en deux corps, dont l’un marchait au combat, tandis que l’autre restait au camp pour garder le roi ou le général et, au besoin, se porter au secours du premier. Andrianampoinimerina a fait la guerre avec une certaine humanité : d'ordinaire, il défendait de tuer les ennemis, qu’il tâchaïit au contraire de s’attacher par de bons procédés; toutefois, lorsqu'ils s’obstinaient à lui résister, il les réduisait le plus souvent en esclavage, en gardant pour lui les deux tiers et partageant l’autre tiers entre les officiers. Des bœufs qu'on prenait, le quart appartenait aux soldats qui s’en étaient emparés. L’appât du butin les excitait naturellement beaucoup. C’est de son camp que le roi ou le général en chef contemplait le combat et, pendant la guerre, dans les villages des combattants ainsi que dans prise et qui se livraient au pillage; elles avaient des armes à feu dont l’usage ne remontait guère au-delà de 1790, mais en petit nombre. Encore, sous Andrianampoinimerina, les armes étaient surtout des sagayes et des boucliers, ainsi que des bâtons pointus à un bout et des pierres que lançaient les assiégés contre les assaillants. Jus- qu’à la fin du règne de Ranavalona re, les officiers avaient le droit de s’attacher un cer- tain nombre d’aides de camp pour les assister dans leurs devoirs professionnels; depuis, cer- tains grands-officiers en ont eu jusqu’à 1,500 qui allaient faire du commerce pour eux de côté et d'autre et qui commettaient toutes sortes d’abus : Ranavalona II y a mis fin par sa procla- mation du 13 juillet 1876, qui a fixé le nombre maximum que pouvaient avoir les divers gradés, soit 30 pour les 16€ honneurs, 25 pour les 15°, 20 pour les 148, etc., et 3 pour les 10€ et 1 pour les 9; tous les aides de camp qui sont restés sans emploi ont été enrôlés comme soldats sous le nom de Tsentsimenitra enin-toko. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 139 le camp, les femmes chantaient le rary, le chant de guerre, pour demander à Dieu de protéger leurs maris et de leur donner la victoire. Ceux qui s'étaient distingués par leur bravoure étaient félicités et récompensés par des cadeaux et ils avaient l'honneur d’être autorisés à mettre un voromahery, un faucon (en bois) au sommet de leur maison. Quant aux déserteurs et aux lâches, les uns étaient brûlés vifs () et les autres étaient, suivant le cas, soit réduits en esclavage avec leur famille, soit condamnés à des peines plus ou moins infamantes, telles que de faire, sous les huées des habitants, le tour de leur village en portant de lourdes pierres sur la tête, tandis que leurs femmes lavaient les pieds de celles dont les maris s'étaient fait remarquer par leur vaillance. Sous Andrianampoinimerina comme sous les rois précédents, quand les hommes étaient en expédition, les femmes formaient matin et soir de petits groupes et chantaient des sortes de cantiques, des prières pour la vie et le succès du roi et de leurs maris et parents, finissant par des imprécations contre les ennemis, en brandissant de petits bâtons du côté où avait lieu la guerre (?). Quant aux borizano, aux civils %), ils avaient pour fanompoana, pour (1) Aussi, y avait-il un proverbe qui disait : (2) Mirary, comme elles disaient, elles chan- Aleo mandroso ho faty toy izay miverin-ko may, taïent la guerre, elles chantaient leurs maris (a). il vaut mieux marcher droit à la mort que de (3) Les nobles, les Andriana, n’étaient pas retourner en arrière pour être brûlé vif. corvéables, mais ils devaient diriger et surveiller (a) Voici quelques-uns de ces chants : E ray lahy tsy avela, tsy avelanay, tsy ho az0o ny vady ny azy, ray lahy, tsy avelanay, tsy avelanay tsy ho azo ny zanaka ny azy, ray lahy, tsy avelanay, tsy ho azo, E ray lahy, tsy avela, tsy avelanay tsy ho azo (Que nos chers guerriers triomphent de leurs ennemis! qu’ils s'emparent de leurs femmes et de leurs enfants! qu’ils soient vainqueurs!l), ou bien : Tahio nao any izy Andriamanitra ny Andriamanjaka any no any e, tahio nao any izy Andriamanitra e, ro Ranona any no any tahio nao any izy Andriamanitra e (dia tononina izay lehibe) tsy ho tsipalo-bahy any izy, tsy ho azon’aveotra el! tahio nao any izy Andriamanitra e ny Ambaniandro any ho any, tahio nao any izy Andriamanitra e ho tsara mandroso any izy ko tsara miverina, tahio nao any izy Andriamanitra e! (O Dieu tout-puissant, prenez sous votre sainte garde notre roi qui combat au loin! prenez sous votre toute-puissante protection un tel, qui est à la guerre! (et élevant la voix) Aïde-les, ê mon Dieu! fais qu'ils ne soient pas blessés même légèrement (litt. : qu'ils ne soient pas égratignés, même par une ronce)! Aide tous nos Ambaniandro (tous nos concitoyens) qui se battent au loin et fais qu’ils soient vainqueurs et nous reviennent bientôt en bonne santé! Aïde-les, Ô mon Dieul), ou bien : Æ ray lahy arovy nao any izy Andriamanitra e ny Andriamanjaka any no any, arovy nao any izy Andriamanitra e ny Ambaniandro any no any, arovy nao aminy izy Andriamanitra e! (Que Dieu protège le roi qui est au loin! Qu'il protège aussi nos soldats!l), ou bien : E ray lahy mahery, mahery ny anay! Dondony ny vody lozoka hiakarany mahery nay! e ray lahy mahery, e ray lahy tsy leo izahay tsy leo, ny mahery nay no any, tsy leo izahay tsy leo! (Nos hommes sont victorieux! frappons à coups redoublés sur les poteaux de la porte de l’enceinte de notre ville; ils sont forts et vaillants, nos hommes et ils ne seront pas vaincus, car ils sont invincibles). Pendant tout le temps de l’expédition, les femmes des com- battants devaient, sous peine de mort, n’avoir aucune relation avec d’autres hommes (Manuscrits merina de la Bibl. GRANDIDIER, in-folio, 1869, p. 259-260, et traduction, 5° cahier, p. 116-117). 140 MADAGASCAR. corvée, le hazo lava (litt. : le long bâton) ( et le hadin-tany (litt. : de creuser la terre), c’est-à-dire de transporter les bois de la forêt à pied d'œuvre, ainsi que les marchandises, approvisionnements, armes, muni- tions, etc., pour le service de l’État, et d'exécuter tous les travaux publics (digues, ponts, canaux, édifices pour le gouvernement, etc.) (). Les Malgaches, chez lesquels l’unité sociale est, non la famille, mais le clan, la tribu (, ont pratiqué de tout temps la solidarité sociale et admis la responsabilité collective des membres de la communauté : very an- tanana adidin’ny tanana, very antsaha adidin'ny saha (4), disent-ils, la ville est responsable du mal qui se fait dans la ville et la campagne l’est de ce qui se fait dans la campagne; quand un crime ou un délit sont commis dans un lieu, quand il y survient un sinistre ou une calamité, l’ensemble des habitants doit en rechercher les auteurs, faire tous leurs efforts pour y remédier. Les membres d’un même /okon’olona, d’un même clan, forment aussi des associations fifehezana amim-pihavanana (litt. : des bottes, des paquets d’amis), en vue d’entreprises ayant pour but le bien de la communauté : 19° en cas de hatairana, d’alerte, soit d’une incursion de pillards ou d’une attaque de brigands, soit d’un incendie, de la rupture d’une digue, etc. (5); les bourgeois, les Hova; quant aux Menakely, aux vassaux des seigneurs féodaux, leurs cor- vées se partageaient entre ceux-ci et le souve- rain, qui abandonnaiït à leur profit la moitié de ses droits. (1) Les Betsileo, qui habitaient au Nord du Matsiatra, étaient seuls corvéables. Les Beza- nozano, comme les Betsimisaraka ne faisaient de corvées que de village en village. (2) Les corvéables qui apportaient des objets à Tananarive pour le gouvernement étaient tenus, en arrivant dans la ville, de pousser de nombreux hoby, cris de réjouissance, soit des hou, hou, hou prolongés. (3) Il y a une solidarité organique entre tous les membres d’un fokom-pirenena, d’un clan; la faute de l’un d’eux entraîne pour ses parents des malheurs de toutes sortes et, aussi, des sanctions pénales frappent-elles ceux qui se 29 pour s’assister mutuellement ($) conduisent mal, qui violent les fady, les tabous, lesquels fady, lesquels tabous sont, comme l’on sait, apparentés aux croyances relatives à la pureté et à l’impureté légales chez les anciens Hébreux et autres peuples sémitiques. (4) JULIEN, Inst. polit. et soc. de Madagascar, 1908, t. II, p. 263. (5) Vonjeo re! Vonjeo re! Au secours! au secours! criaient-ils dans ce cas, pour appeler l'attention de leurs concitoyens. (6) Les membres de ces associations se pro- mettaient assistance dans les corvées; ceux qui étaient pris pour des corvées loin de leur rési- dence recevaient de leurs concitoyens un vatsy, un viatique, des provisions, ou, si la levée des hommes valides était générale, ceux qui res- taient au village les suppléaient dans la mesure de leurs moyens, poursuivant à leur place, autant qu’ils le pouvaient, les travaux agricoles HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 141 et pour secourir les malheureux (1) ; 30 dans les cas de décès (2); et 49 lors du traînage des dalles pour la construction des tombeaux (%). Ceux qui ne remplissaient pas leurs obligations étaient mis à l’amende et, lorsqu'ils mouraient, {sy alevi-maty, personne ne leur rendait les derniers devoirs. L’hospitalité a toujours été largement et généreusement pratiquée dans l’Imerina, comme dans tout Madagascar du reste. Tout passant, tout voyageur, était bien accueilli et était logé et invité gracieusement à prendre part aux repas de ses hôtes bénévoles (4). ou le commerce, l’industrie abandonnés, veil- lant à la conservation des biens des absents ainsi que sur leurs femmes et leurs enfants. Car isy mety raha atao hoe : may itsy trano avaratrat [itt. : c’est mal de dire que la maison qui est au Nord brüûle (sans porter secours aux habitants], il ne suffit pas de déplorer les malheurs d’autrui, on doit s’empresser de les secourir. (JULIEN, Inst. pol. et soc. de Mad., 1908, t. II, p. 264). (1) « Si celui qui est laborieux n’est pas heu- reux dans ses entreprises, secourez-le; quant aux paresseux, abandonnez-les (raha manao ka tsy ambininy ampisambory fa havana ory, fa raha miraviravy tanana avelao hivarina aman-tany) », conseil qui montre combien les Merina, dès longtemps, estimaient le travail. (2) Participaient au fanekem-pihavanana, à l’association de mutualité, tous les membres d’un même fokon’olona, d’un même clan, qui s’assistaient mutuellement en cas de décès, y participaient, aussi bien les mahalevin-tena, ceux qui, par leur position de fortune, pouvaient se passer de l’aide d’autrui, tant pour la cons- truction de leur tombeau que pour l’achat de lamba mena, des suaires, etc., et les tsy mahale- vin-tena, les indigents, qui n’ont pas les moyens de couvrir ces frais; dans ce cas, les membres de l’association versent une contribution plus forte que dans le cas précédent, afin de réunir les fonds nécessaires ; tous les membres de l’asso- ciation conduisaient le tsy mahalevin-tena à sa dernière demeure (JULIEN, Inst. pol. et soc. de Madag., 1908, t. IT, p. 159-160, et aussi t. I, p. 325-326). (3) JULIEN, Loc. cit. t. I, p. 326-332. — « Quand vous aurez à traîner des dalles de pierre pour un tombeau, a ordonné Andrianampoini- merina, qui que ce soit qui, par orgueil ou à cause de sa richesse ou de sa position, se refu- sera à tirer sur les câbles, chassez-le de votre communauté, car il est indigne de rester parmi vous. Lorsque les bœufs offerts pour cette céré- monie auront été abattus, ayez soin que per- sonne ne soit laissé à l’écart; autour de vous, il y aura des enfants et des femmes, des veuves et des orphelins, ne négligez personne et que les morceaux de viande soient égaux pour tous. [lne faut pas que, dans une circonstance où tout le monde aura dépensé une égale somme d'efforts et de dévouement, il y en ait qui s’arrogent des droits plus grands que les autres sous le prétexte qu'ils sont plus forts ou qu’ils ont apporté le concours de leurs esclaves, car les pauvres, les veuves et les orphelins seraient frustrés de leur part, ce qui serait injuste, puisqu'il s’agit d’un travail dans lequel chacun fournit obligeam- ment le tribut de toutes ses forces et où le mérite est égal... Si, au lieu de viande de bœuf, on ne peut vous donner que du manioc, que personne, noble ou roturier, ne méprise cette nourriture comme indigne de lui; celui qui se conduirait ainsi, repoussez-le et cessez tous rapports avec lui... Que tout sentiment d’orgueil disparaisse devant la mort ». (4) Nous avons souvent reçu l’hospitalité des Malgaches des diverses peuplades; nous nous contenterons de citer l’exemple suivant : « A Antongodrahoja, fort merina situé à environ 200 kilomètres au Nord de Tananarive, j'ai été accueilli avec une touchante hospitalité. Le 142 MADAGASCAR. Depuis Ralambo, tout sujet libre, noble ou roturier, a dû, à la fête du Fandroana, du premier de l’an, offrir au souverain le hasina [litt. : (objet) qui a une vertu intrinsèque], c’est-à-dire de lui payer, en témoi- gnage de soumission, de vasselage, le vidin-aina (litt. : le prix de l’exis- tence, de la vie), de lui acheter le droit de vivre moyennant le paiement par personne d’un tout petit morceau d'argent du poids d’un ventimbary raiky, d’un grain de riz, valant un peu moins de un centime (1). Andria- nampoinimerina a ordonné en outre à ses sujets de lui offrir le hasina, qui était d'ordinaire dans ce cas une paratra {sy vaky (litt. : une piastre qui n’est pas coupée en morceaux), une piastre entière, lors de la circon- cision de ses fils, de l’adoption d’un enfant et de l’affranchissement d’un esclave (sorte d'enregistrement de l’acte qui, autrement, n’était pas valable), à la fin des procès, lors de l'avènement des souverains (et, dans ce cas, l’offrande était faite en leur nom par les chefs de clans), de leur retour d’une guerre et des grands kabary, lors de leur passage dans les villages lorsqu'ils voyageaient (les habitants devaient, en sus, donner des produits de leurs cultures) : qui ne payait pas ces hasina, ces impôts, propriétaire de la maison où je devais passer la nuit, qui était le lefitra, c’est-à-dire le second du fort, m'a déclaré tout d’abord qu'il me pre- nait pour fatidra, pour frère, et qu'il me don- nait, ou plutôt qu’il me prêtait ses deux femmes; puis prenant mon chapeau, sans m’en demander la permission, il s’en est coiffé et a mis sur ma tête le sien qui était trop petit; il n’en a pas moins gardé le mien tout le temps que je suis resté à Antongodrahoja» (Notes de voyage manus- crites d'A. GRANDIDIER, 1869, p. 1105-1106). (1) Soit sept millimes environ. (2) Chaque firenena, c’est-à-dire chaque tribu, chaque clan, offrait au souverain le hasina d’un vola tsy vaky, d’une piastre entière, toutes les fois qu'il se montrait à ses sujets dans un kabary, au Fandroana (au jour de l’an), à la cérémonie de la circoncision, lorsque, voya- geant, il traversait une ville. Les Andriana ou nobles, lorsqu'ils se mariaient, les roturiers, lorsqu'ils épousaient une vady kely, une seconde femme, ceux qui adoptaient un enfant et ceux qui rejetaient leur enfant, les héritiers qui pro- cédaient au partage des biens de leurs parents, les maîtres qui affranchissaient un de leurs esclaves, tous étaient tenu d'offrir le hasina, ce qui authentifiait l’acte. Lors du passage du souverain dans un village les habitants étaient tenus de lui offrir, en outre du hasina, non seulement le gîte, mais les vokatra, les produits de la terre : riz (un zehivava) un panier d’un empan (cube) pour la bouche (pour manger) par habitant, manioc, patates, cannes à sucre, des fary raiky bololona (avec leur feuillage), bananes, etc, auxquels ils devaient ajouter un ou plusieurs bœufs (seule- ment lors d’un premier passage), des moutons et des volailles. Les princes et les hauts fonction- naires avaient aussi droit, lorsqu'ils voyageaient à un vatsy, à des provisions de bouche pour le voyage, mais moins abondant naturellement, proportionné à leur rang. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 143 était passible d’une amende de cent piastres, soit 500 francs. Quant à la terre, à celle du moins cultivée en riz, le souverain prélevait l’isam- pangady ou isan-ketra @), ou tapa-bary, impôt de trois vala ou trois me- sures de riz (soit de 66 à 90 litres suivant les régions, mais ramenées ensuite à 60), par étendue de rizière pouvant nourrir une famille (2); il prenait aussi le vody hena (le quartier d’arrière de droite) de tous les bœufs qu’on tuait (5). En somme, sous Andrianampoinimerina, en outre de l’impôt foncier dont nous venons de parler, le {ongoa mihonkona (#), les revenus du gou- vernement (5), l’hajia comme disent les Malgaches, comprenaient (5) : 1° le Variraiventy isan’taona, impôt de capitation s’élevant à un varirai- venty, soit à 1/720€ de piastre ou 7/10e de centime; 29 le hasin Andriana ou droit d’allégeance payé au souverain ou à ses représentants en diverses circonstances; 30 le /adin-tseranana ou droits de douane; 4° les haren’ny (4) Tout folovohitra, tout homme libre, était astreint à l’impôt de l’isam-pangady (litt.: par bêche) (a), comme à celui du vody hena, quelle que fût sa position. Les détournements ou fraudes opérés sur ces impôts entraînaient la peine de mort pour le coupable et de l’escla- vage pour ses femmes et ses enfants. (2) Les Merina désignaient sous le nom de tongoa mihonkon-drazana, héritage des ancêtres, des temps anciens, cet impôt de l’isam-pangady, ainsi que les haren'ny maty momba, les biens tombés en déshérence, et la redevance vody hena. (3) Avant lui, ses prédécesseurs prenaient tout l’arrière-train des bœufs, à l’exception de ceux tués par les bouchers, qui ne donnaient que le quartier de droite; il s’est contenté, et ses successeurs l’ont imité, de la culotte de droite seule. Quelques familles, nommées manan- tombon-tsoa tsy hanim-body hena (litt. : qui ont le privilège d’être exemptées de l'impôt du vody hena) étaient exonérées de cette obligation. (4) « Quiconque détournera tout ou partie de ces revenus, violera ma volonté souveraine, a dit Andrianampoinimerina, et sera puni de mort et ses femmes et ses enfants seront vendus comme esclaves, car je n’abandonne une partie de ces biens qu’à ceux de mes parents ou de mes sujets qu’il me plaira d’avantager ». (5) Étaient exigibles en argent : le varirai- venty isan-taona [qu’on prélevait le premier de l’an, au Fandroana, comme vidin’'aina (droit à la vie], le hasin’Andriana, le vola amidy basy ainsi que le varifitoventy isan’olona ou sou pré- levé lors du décès d’un souverain et destiné à la confection du cercueil en argent. (6) Les seigneurs féodaux, les tompomenakely, touchaient la moitié des revenus versés au gouvernement par leurs serfs, des revenus TOYaux. (a) L’isam-pangady, appelé aussi 1san-ketra et tapa-bary, était une taxe proportionnelle au nombre d’xetra occupé. « Dès qu’un homme peut et veut cultiver un ketra, a dit Andrianampoinimerina, qu’on lui en donne un, afin qu’il ne soit pas dénué de toutes ressources et qu’il soit en état de me servir. Que toute veuve qui le demandera en ait aussi un. Si quelqu'un parmi les Grands du royaume accaparaît des hetra et en laissait manquer de pauvres gens, vivait dans l’abondance tandis que d’autres seraient privés du nécessaire, ce serait un état de choses que je ne tolérerais pas. » Dans les menakely, les fiefs, la moitié de l’isam-pangady était pour le souverain et l’autre moitié pour le seigneur. 4144 MADAGASCAR. maty momba ou biens tombés en déshérence; 50 les haren’ny maty meloka ou biens des criminels condamnés à mort, qui étaient sujets à confis- cation; 69 les haren’ny maty mamosavy ou biens des gens condamnés pour sorcellerie (1); 70 le vody hena ou taxe d’abattage des bœufs; 80 le vola amidy basy, la contribution pour la défense nationale (qui a été levée pour la première fois sous Andrianampoinimerina), argent qui a servi à acheter des fusils (?); et 99 /anatitry ny faritany sy ny firenana sasany, c’est-à-dire les offrandes et les présents en nature que devaient donner divers clans, tels que nattes, piments, oiseaux d’eau, tortues, fécule de diverses plantes farineuses, etc. (8). Il y avait aussi le haba, les taxes commerciales que payaient les marchandises, soit sur les marchés, soit en passant d’une province dans une autre ou en traversant certaines rivières. Enfin, il y avait des contributions extraordinaires perçues pour le service de l’État, ny vola didiana haloa hanaovam-panjaka : c'était pour faire face aux échéances des emprunts, ainsi que pour payer les armements que le gouvernement malgache faisait venir de l’étranger; ces contributions, qui se sont fréquemment répétées sous le règne de Ranavalona III, ont été une charge fort lourde pour le peuple. On peut encore mettre au nombre des impôts perçus par le souverain, le prélèvement du tiers des bœufs capturés dans les guerres, ainsi que les quatre piastres par tête de prisonnier (qui était réduit en esclavage); ces impôts étaient considérés comme une compensation, une indemnité, pour les armes et les munitions qu’il fournissait à ses soldats. En outre de ces divers impôts, il y en avait un plus lourd, le fanom- poana, la corvée, car, à l’exception des nobles et des militaires, tous les libres étaient corvéables à merci, pouvant être employés pour le service du riz et de tous les autres produits de la terre, des vokatry ny tany, n’était pas obligatoire, mais ceux qui obtenaient des primeurs tenaient à honneur de les porter au souverain ou à son (4) « Criminels, a dit Andrianampoinimerina, qui causent la mort d’un si grand nombre de mes sujets, et dont je veux faire disparaître les pratiques abominables ». (2) Cet argent a été versé au taux de un kirobo (4 fr. 20) par tête d’esclave et de un voamena (0 fr. 20) pour tous les autres Malgaches. (3) L’offrande des santa-bary, des prémices représentant, lequel, en échange, leur donnait un morceau de vody hena, du quartier d’arrière d’un bœuf et parfois de l’argent. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 145 du gouvernement sans limite de temps et sans aucune rémunération ) : on ne leur fournissait même pas les vivres (); cependant parfois, lors de certains grands travaux, le souverain leur octroyait généreusement quelques bœufs qui, d’ailleurs, ne fournissaient pas une bouchée de viande pour chacun d’eux; il est vrai qu’on leur laissait toujours le temps de cultiver leurs terres ou de travailler pour eux. Quant aux esclaves, ils étaient exempts de corvée et il n’était pas rare que, pour l’éviter, ils refusassent l’affranchissement que leurs maîtres leur proposaient. Comme tous les Malgaches, Andrianampoinimerina croyait à un Dieu suprême : manao Andriamanitra tsy hisy ka mitsambiki-mikimpy, disait-il (on fait un saut les yeux fermés en croyant que Dieu n'existe pas), mais il vénérait ou même adorait ses ancêtres (%, ainsi que douze sampy ou talismans (4 dont les gardiens ou prêtres étaient honorés et exemptés de (1) En outre des corvées faites pour le gou- vernement, les Betsimisaraka et autres peuplades conquises ont été considérées comme taillables à merci par les gouverneurs et les principaux officiers des forts qui leur en ont imposé à leur profit, corvées illégales, mais lourdes pour les pauvres indigènes. (2) « L’érection du palais de la reine Ranava- lona re, écrit MME IDA PFEIFFER, a été une œuvre gigantesque. Tous les travaux ont été exécutés par le peuple comme corvées, sans qu’il reçut ni salaire, ni nourriture. On prétend que, pen- dant sa construction, 45,000 hommes ont suc- combé à la peine et aux privations, mais cela inquiète fort peu la reine et la moitié de la population peut périr pourvu que ses ordres suprêmes s’accomplissent. Le transport de la plus grande colonne n’a pas occupé moins de 5,000 hommes et son érection a duré douze jours ». (Voyage à Madagascar en 1857, trad. française, p. 209-210). M. Laborde, qui a pris part à l'érection de ce palais, a dit à A. Gran- didier qu'il y a eu en effet un très grand nombre de morts, mais pas autant que le dit Mme Pfeiffer. (3) Les douze rois, comme on les appelait, quoiqu'’ils fussent beaucoup plus nombreux (a). (4) Et non pas idoles, comme on le dit à tort si souvent. (Voir l'Ethnographie, t. III, p. 355- 306, 427-438, 438-440, 443-444, 448 et 605-609, n° 233). — Tandis que, dans toutes les autres peuplades malgaches, chaque individu a ses ody, ses talismans, « qu’il adore, qu'il con- sulte »; comme le dit Souchu de Rennefort (Hist. des Indes Orientales, in-49, 1688, p. 55), dans l’Imerina ce sont ceux du Souverain que les Merina, par une obéissance passive, vénè- rent au-dessus de tous les autres. Ces talis- mans étaient des objets quelconques, sanctifiés à leurs yeux, soit par des invocations, soit par de prétendus miracles qu'ils avaient opérés, objets contenus dans des cornes de bœufs, quel- (a) 1° Rafandrana (comprenant les cinq rois qui ont régné à Ampandrana et qui ont tous porté ce nom légèrement modifié); 2° Rangita et 3° sa fille Rafohy (à Merimanjaka); 4° Andriamanelo (à Alasora); 5° Ralambo (à Ambohidrabiby); 6° Andrianjaka; 7° Andriantsitakatrandriana; 8° Andriantsimitoviami- nandriandehibé; 9° Andriamasinavalona et, 100 trois de ses fils (Andrianjakamandimby, Andriantom- ponimerina et Andrianavalobemihisatra) (tous les sept à Tananarive, dans les Trano fito miandalana); 11° Andriantsimitoviaminandriandrazaka (à Ambohimanga), et 12° Andriambelomasina (ces deux derniers ancêtres directs d’Andrianampoinimerina et plus illustres que les rois de Tananarive). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 19 146 MADAGASCAR. tout autre service. Il offrait des sacrifices à ses ancêtres (D ainsi qu’aux Sampy, mais il n’admettait pas les imposteurs. On raconte, dit le R. P. Callet, qu'un devin célèbre, voulant s'enrichir, convint avec ses parents qu’il se ferait passer pour mort et se ferait adorer au bout de quelque temps : un tronc de bananier qu’on enveloppa dans des lambas rouges remplaça son cadavre et les pleurs et les soupirs de ses proches firent croire à un grand chagrin; cinq mois après, à la fin du deuil, il se cacha dans une grotte et, contrefaisant une voix d’outre-tombe, il répon- dait aux demandes qu’on lui faisait et tendait la main pour recevoir les offrandes. Andrianampoinimerina, entendant parler de ce fait miracu- leux, voulut voir de ses yeux et, s'étant rendu sur les lieux et entendant la voix mystérieuse, il offrit à l'être invisible de l’argent, mais, lorsque la main s’étendit pour le prendre, il la saisit et attira à lui le devin qui trompait le peuple et qu’il fit mettre à mort, réduisant en outre sa famille en esclavage. Au bas de la colline sur laquelle était bâti Ambohimanga, il y avait l’'Ambohimasina, où étaient gardés les bœufs sacrés, omby volavita (bœufs blancs et rouges) ainsi qu’omby mitrongy tany (taureaux et vaches qui fouillent la terre avec leurs cornes), qui jouaient un rôle important dans certaines cérémonies, notamment au Fandroana, au jour de l’an. Personne, revenant d’un enterrement, ne devait s’approcher de ce parc. Ainsi que nous l’avons déjà montré, Andrianampoinimerina n’a pas été seulement un conquérant, un guerrier, mais un bon administrateur, et il s’est utilement appliqué à développer dans le pays dont il avait quefois des morceaux de bois grossièrement sculptés en forme d'êtres humains, rarement son rôle, que les Merina s’adressaient, soit pour obtenir la guérison de maladies graves ou pour d'animaux ou mêmes bruts. Il n’y avait pas de culte public, vu qu’on n’adore pas des talismans mais, à certaines époques et en certaines cir- constances, le peuple était appelé à des céré- monies pour lesquelles Andrianampoinimerina, comme d’ailleurs ses successeurs, fournissaient des bœufs, des étoffes précieuses, ete. C’est aux talismans, qui tiennent de Dieu certains pouvoirs, certaines vertus, et qui avaient chacun réussir dans leurs entreprises, ou pour vaincre leurs ennemis, ou pour avoir de bonnes mois- sons, et pour être protégés contre la grêle (à celui qui protégeait contre la grêle, on payait le sixième de la moisson de riz), etc. (4) Agissant comme grand-prêtre de son peuple, de même que chaque chef de famille agissait comme grand-prêtre de ses parents. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 147 grandement étendu les limites, l’agriculture () et le commerce : il avait affaire, il est vrai, à une population mieux douée que les autres au double point de vue intellectuel et social (2); les Merina ont en effet, comme dit E.-F, Gautier, des vertus relatives; ils sont, dans une certaine mesure, industrieux, travailleurs et économes. Le riz étant la base de la nourriture des Merina, il montrait l'intérêt qu'il portait à sa culture, en disant : Izaho sy ny vary no mitovy, Moi et le riz, nous ne faisons qu’un; aussi, pour en étendre la culture, afin d'éviter à son peuple la famine, « qui était son ennemie », conti- nuant l’œuvre si bien commencée par ses prédécesseurs (8), a-t-il fait construire dans les six provinces de l’Imerina de nombreuses digues, notamment quatre grandes (#, pour encaisser les rivières, et établir (1) « Les guerres étant maintenant à jamais terminées, je veux, a-t-il dit à ses sujets, que vous vous adonniez avec ardeur au travail de la terre, que vous rivalisiez, dans vos districts respectifs, à qui aura les plus beaux produits; ceux qui auront failli dans leur tâche paieront une amende de mille piastres à ceux du district qui auront mérité cette prime, le lokam-panom- poana (litt. : le pari de la corvée) ». (JULIEN, Instit. polit. et soc. de Madagascar, t. I, p. 179). (2) « Le Hova, dit CHAPELIER en 1804, se rap- proche de l’Européen par ses connaissances dans les arts; il travaille le fer et il le forge aussi bien que nous, il est excellent imitateur et contre- fait à s’y tromper la plupart des objets que lui portent de temps en temps les Européens qui vont commercer chez lui : il imite si bien les piastres que les traitants y ont souvent été trompés. J’ai vu des balances, des couteaux, apportés d’Ankova, qui m'ont surpris par le fini du travail » (Ann. des Voyages, t. XIV, 1811, p. 61). (3) Par Andrianjaka, vers 1620, et surtout par son fils Andriantsitakatrandriana (voir plus haut p. 56 et 57). « Rappelez-vous bien mes volontés, Merina, a dit Andrianampoini- merina; je tiens essentiellement à ce que ceux qui possèdent des terres puissent en léguer la propriété indiscutable à leurs enfants, petits- enfants et arrière-petits-enfants », et il a pré- sidé en personne à la répartition des terres, tant exploitées que cultivables, dans les six provinces de l’Imerina, fixant lui-même les limites de ces provinces et chargeant des vadin- tany, des commissaires, de fixer les orim-bato, les bornes, qui, élevées aux limites des diverses zones, perpétuaient le souvenir des attributions faites aux divers clans et qu’il était défendu de déplacer, sous peine de perdre la liberté, et de répartir les parcelles individuelles ou hetra. Aucun souverain n’a touché à la répartition faite par Andrianampoinimerina et les familles ont vécu sur leur lot, le partageant entre ses mem- bres, sans pouvoir en augmenter la superficie. (4) Fefiloha (digues ou chaussées élevées des deux côtés d’une rivière) ou Lava tehezana (tt. : les côtes, les os d’une région). En réalité, elles avaient été construites par Andriamasinavalona mais, mal construites et n’ayant pas été entre- tenues, elles étaient à refaire entièrement (a). (a) Les tribus ou clans qui les avaient construites devaient, lorsqu'elles étaient achevées, prononcer l'engagement de demeurer dans les limites que ces digues leur assignaient : ils n'avaient pas le droit de quitter leur pays d’origine pour aller se fixer dans un autre, même contigu, conformément aux ordres formels du souverain, qui les menaçaient de peines sévères « s’ils troublaient l’ordre qu’il avait jugé bon d'établir ». 148 MADAGASCAR. des canaux (1 pour permettre les irrigations qui assuraient des récoltes abondantes ( : il a réparti les terres à rizières de ces provinces entre les 73,000 hommes valides qui composaient son armée, soit en 73,000 hetra ou lots ( qui devaient payer un impôt annuel d’un {apa-bary, soit 3 vata de riz (de 66 à 90 litres, suivant les régions). Comme nous venons de le dire, c'était l’isam-pangady, l'impôt par bêche (4. Les autres cul- tures n'étaient pas, d’ailleurs, négligées (5) et il se plaisait à récompenser ceux de ses sujets qui lui apportaient les plus beaux produits. « L s paresseux, disait-il souvent, deviennent nécessairement des voleurs », et il poussait tout son peuple à travailler; lorsque quelqu'un venait mendier pour nourrir sa famille, il lui faisait d’abord donner u bêche, lui recommandant de s’en servir pour se procurer des vivres (5). (1) Il a inauguré solennellement le canal qu’il a fait établir entre Tananarive et Sahafa, près d’Ambohimanga, en se rendant en bateau de l’une à l’autre, ce qui fut cause de grandes réjouissances. (2) « Pour obtenir du riz, disait Andrianampoi- nimerina, il faut de l’eau, et cette eau je vous la fournirai, mais vous, mes sujets, entendez-vous pour vous la distribuer; vous n’aurez pas le droit de refuser à votre voisin, dont le champ est en contre-bas du vôtre, l’eau qui, l'ayant fertilisé, doit ensuite se déverser sur le sien; qui- conque privera son voisin de l’eau qui lui est nécessaire sera sévèrement puni. Sachez bien que les digues que j’ai construites ont pour but d'assurer à tous l’eau qui est aussi indispen- sable aux pauvres qu'aux riches ». « J'entends aussi, ordonna-t-il, que dans la plaine du Betsimitatatra vous ne fassiez plus piétiner les rizières par les bœufs en vue du repiquage des plants de riz», et il a formellement recommandé de ne pas modifier le régime ou le cours des eaux, dont dépend, disait-il, la prospérité agricole de l’Imerina, exposant et décrivant minutieuse- ment dans plusieurs ordonnances les mesures à prendre pour développer et améliorer la culture du riz. (3) Ces 73,000 lots étaient ainsi répartis entre ces provinces 19,000 dans l’Avaradrano, 10,000 dans le Sisaony, 8,000 dans le Marova- tana, 8,000 dans l’Ambodirano, 10,000 dans le Vonizongo et 18,000 dans le Vakinankaratra. (4) Il y avait dans l’Imerina des terres nom- mées lhombintany, qui avaient été données à titre de récompense nationale et qui étaient libres de tout impôt; elles retournaient au sou- verain, au gouvernement, lorsqu'il n’y avait pas d’héritiers directs. (5) Les coteaux et les marais ont fait l’objet d’attributions globales au profit des fokon’ olona, des clans. Quant aux terres lava volo, non défrichées, elles appartenaient à qui y construisait une maison ou qui les cultivait et elles pouvaient être vendues par leur proprié- taire. (6) Car, disait-il, la faim est une mauvaise conseillère et est la cause de la plupart des crimes. Aux pauvres, aux veuves et aux orphe- lins qui venaient lui demander l’aumône, 1l donnait une bêche, leur disant : « Voici une bêche qui vous permettra de récolter de quoi apaiser votre faim et, si votre récolte excède vos besoins, si petit que soit cet excédent, vous aurez de quoi acheter un poulet qui, au bout d’un an, aura grossi et pourra être échangé contre une petite oie qui, lorsqu'elle aura grossi, sera remplacée par une jeune brebis qui, lorsqu'elle aura mis bas, le sera à son tour par HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. Aussi le travail de la terre était-il Andrianampoinimerina s’est aussi un grand développement. Avant lui, 149 en honneur sous son règne (1). efforcé de donner au commerce il y avait déjà dans l’Imerina et sur ses confins quelques marchés (® où, dit Mayeur en 1785, « on trou- une génisse qui, devenue vache, vêlera, et chaque veau produira un bénéfice et, après quelques années les bénéfices accumulés vous permettront d’acheter un esclave. Ainsi, en vous donnant cette bêche, je vous donne le bien-être et la fortune ». (1) Il a organisé le dinasa, la lutte entre les agriculteurs, afin d’exciter leur émulation et les inciter à produire les meilleures récoltes et les plus abondantes : « Sans le dinasa, a-t-il dit, sans cette concurrence, on ne reconnaîtrait pas ceux qui méritent l’estime et les encoura- gements.. Je veux qu’on n'ait aucun égard pour ceux d’entre vous qui ne travaillent pas... J’enverrai des vadin-tany, des commissaires, pour vous inspecter ». En Imerina, il y avait deux sortes de ventes immobilières : l’une qui était à titre définitif et l’autre à réméré, faite à un prix moindre, puisque à un moment quelconque le vendeur pouvait rentrer en possession de son bien en restituant la somme qu'il avait reçue. (2) Il y en avait un chaque jour de la semaine dans l’Imerina, en des endroits différents, et quelques-uns en outre dans l’Imamo (MAYEUR, Voyage dans l’Ankova en 1785, Bull. Acad. malgache, vol. XII, 2e partie, 1913, p. 36-38) (a). Les tsena, les marchés hebdomadaires dont, par la suite, il s’est établi chez les Bezanozano, les Sihanaka et les Betsileo, étaient désignés par le nom du jour de la semaine où ils se tenaient en certaines places fixes; on y vendait tous les produits, tant locaux, indigènes, qu’indiens et européens, et même des esclaves. Chacun expo- sait ses marchandises par terre, sans ordre, attachant quelquefois à un poteau planté à côté de lui quelqu'un des objets qu’il vendait; les marchands de produits similaires se met- taient d'ordinaire à côté les uns des autres. Les Merina sont très habiles à marchander, à miady varotra (à combattre pour le prix) comme ils disent, et les pourparlers sont très longs; les marchés se concluent par le souhait Soava tsarà! Prospérez et soyez heureux! (a) On les nommaït fihaonana (litt. : lieux où l’on se rencontre) : ces jours-là, les gens du pays oubliaient leurs griefs, il y avait trève; on y vendait des captifs. Du reste, le trafic y était dépourvu de sécurité; les affaires s’y traitaient pendant le grand jour et en hâte, car le soir, marchands et acheteurs eussent risqué d’en venir aux mains, etils ne circulaient sur les routes qu’en groupes, afin de ne pas être exposés à être enlevés et vendus aux négriers. Andrianampoinimerina résolut de mettre un terme à cet état de choses : il voulut que les transactions y fussent faites de bonne foi et en sécurité. Il changea leur nom et les appela tsena et il recommanda que l’ordre le plus absolu y fût observé : les premiers furent établis dans l’Ava- radrano, et il fixa les emplacements où il s’en tiendrait un chaque jour de la semaine; le vendredi fut affecté à celui de Fiadanana, au Sud et à côté de Tananarive, et il fut transporté dans la ville même peu après. Ces marchés étaient assimilés aux lapa, aux résidences royales, lapan'ny Fanjakana, où toutes les affaires devaient être conclues « au grand jour », ampahibemaso, et servaient à porter à la connaissance du public les ordres du gouvernement. En outre de ces grands marchés hebdomadaires, il a établi des tsena lava, des marchés permanents, sur les tendrombohitra roambinifolo, les douze montagnes sacrées, ainsi que dans quelques autres villes et qui, quoique moins importants que les autres, étaient ouverts tous les jours. « Je vous ai dotés de marchés, a dit Andrianampoinimerina à ses sujets, afin que vous ayez plus de bien-être, marchés où les pauvres et les orphelins trouveront l’occasion d’écouler les produits de leur travail et de se procurer les moyens de vivre; on les appellera tsena parce que c’est là que chacun de vous trouvera ce dont il a besoin, parce que, là, tout sera réuni, de sorte que chacun puisse aller sans hésitation « au-devant » (an-tsena, à la rencontre) de ce qu’il cherche, car on y pourra tout vendre, jusqu à de l’eau pour boire à ceux qui auront soif, et les pauvres gens y trouveront le moyen de gagner honnêtement leur vie. « Ces marchés sont considérés à l’égal de mes lapa, de mes propres palais : quiconque sera surpris en flagrant délit de vol sera coupable du crime de mangaron-dapa (litt. : de vol dans le palais), comme s'il avait volé dans les rova (dans l’enceinte des résidences royales) soit de Tananarive, soit d’Ambohimanga, ou 150 MADAGASCAR,. vait généralement toutes les productions de Madagascar et même beau- coup de marchandises de l’Inde importées par les Indiens de Surate »; il y en établit un grand nombre et ordonna aux chefs de donner le bon exemple en vendant leurs denrées ou en achetant ce dont ils avaient besoin à un prix modéré. Pour éviter les fraudes, il établit un système de mesures et de poids qui fut obligatoire partout : il fixa la longueur de la brasse qui devait servir à mesurer les étoffes et la capacité du vala ou caisse qui devait servir à mesurer le riz ou autres denrées ana- logues; comme la seule monnaie divisionnaire consistait en petits mor- ceaux de piastre espagnole coupés au couteau, qu’on pesait dans de petites balances au moyen de grains de riz bien pleins avec leur glume, dont 720 équivalaient au poids d’une piastre, il substitua à ces grains dans un lapa quelconque des douze collines sacrées, et, quel que soit le genre du vol, quelle que soit sa valeur, le coupable sera mis à mort sur le champ, car il faut se débarrasser des criminels qui troubleraient mon royaume (cette sanction barbare, pour des délits souvent de peu d’importance, a été abrogée par la loi du 14 juillet 1878). «J’établis les tsena afin que tous mes sujets puissent y satisfaire leurs besoins, si petits qu’ils soient, et nul marchand d’un produit ou d’une denrée quelconques ne pourra se refuser à en vendre sous le prétexte que la quantité demandée est trop petite. J’exige aussi que les débitants de viande suivent l’ordre dans lequel se présenteront les acheteurs, car je n’admets pas qu’ils en délaissent un, qui s’est présenté le premier, parce qu’il a moins d’argent qu’un autre. « Les produits et denrées de même nature doivent être groupés ensemble, afin que les acheteurs se rendent sans hésitation aux endroits où ils ont à faire. « Je recommande aux marchands de vendre leurs marchandises à des prix raisonnables, et ils doivent les étaler bien à la vue, afin qu’on ne puisse écouler dans ce lapan’ Andriana des objets provenant de vols. « J’interdis de vendre à crédit des denrées d’alimentation, parce qu’elles inciteraient les pauvres gens à s’endetter : or, plus heureux sont ceux qui se contentent d’avaler leur salive que ceux qui s’endet- tent; quand on ne doit rien, on ne craint personne et on marche la tête haute. « Pour assurer la sécurité au commerce, je fixe pour mesure de capacité, qui vous servira doréna- vant d’étalon; le vata, dont six feront le vary iray; vous ne vous servirez pas dorénavant, sous peine d’être condamnés à mort, d'autre mesure que de ce vata menalefona et de ses subdivisions. Je vous donne aussi un modèle de balance que vous devez employer pour vos pesées d’argent, avec la série des poids. Je serai impitoyable à l’égard de ceux qui feront usage de fausses mesures et de poids faux, car je considère comme des criminels ceux qui font tort, même du poids d’un seul grain de riz (de 7/10e de centime) à de pauvres gens qui possèdent si rarement une piastre. » On ne pouvait vendre dans les tsena, ni hena ratsy, ni henan-doza, c’est-à-dire de la viande réputée impure d'animaux abattus à l’occasion de funérailles ou de l’ordalie par le tanghin, ni d’étoffes quelconques ayant servi dans une cérémonie funèbre. Jusque-là chacun avait, en effet, sa balance et ses poids particuliers, et beaucoup en avaient deux séries, l’une pour recevoir l’argent et l’autre pour payer, ce qui amenait des discussions sans fin et sou- vant des rixes. Andrianampoinimerina a établi l’unité des poids et mesures et a imposé un modèle uniforme de balance, mizana tsy mandainga (litt. : la balance qui ne ment pas, qui ne trompe pas), et il a ordonné de briser et de jeter les anciennes, sous peine de mort pour ceux qui ne se conformeraient pas à son ordre. Il a fixé à 5 le nombre de poids à employer, 2 de Zoso (une demi-piastre), un de kirobo (un quart de piastre), un de sikajy (un huitième de piastre) et un de roavoamena (un douzième de piastre), qui servaient soit seuls, soit ajoutés ou opposés les uns aux autres; pour les petites pesées on se servait de grains de riz non décortiqués, akotry, et non desséchés, dont 5 formaient le poids dénommé vary dimy venty, 5 de ces vary dimy venty pesaient un voamena (un vingt-quatrième de piastre, soit environ 0 fr. 20), mais comme ces grains, pris au hasard, n'étaient pas tous mafonjafonja, « bien pleins », au lieu de 5 ou de 25, on en mettait 7 ou 40 : les poids étaient en fer et les premiers ont été faits par des Andriana de la caste des Andriandranando, habiles forgerons et bons armuriers, qui, les ayant soumis à l’examen du roi, ont obtenu le privilège exclusif de les fabriquer. Ces balances et poids d’Andrianampoinime- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 151 de riz des poids dont il fixa la valeur : loso (demi-piastre), kirobo (quart de piastre), sikajy (huitième) et voamena (vingt-quatrième); avec ces poids, diversement mêlés ou opposés sur les plateaux, on obtenaït toutes les sommes jusqu’à celle de vingt centimes, ne se servant de grains de riz, variraiventy, dont chacun équivalait à 1/720€ de piastre (à environ trois quarts de centime) () que pour les sommes inférieures. Sous son règne, depuis 1800 (2), le commerce avec les Européens, qu'Andrianampoinimerina disait « aimer beaucoup », mais qu’il ne lais- sait pas résider parmi ses sujets, prit un certain développement, surtout (1) Variraiventy, un grain de riz, variroaventy, (2) Et surtout depuis 1804, année où la deux grains, variteloventy, trois grains, etc…., France mit un agent commercial et une gar- eranambatry, dix grains. nison à Tamatave. rina ont été accueillis avec enthousiasme par les Merina, ainsi que par les Betsileo, car les transactions ont été dès lors faites plus honnêtement. Parmi les subdivisions du voata (soit 22 litres), une mesure d’usage courant était le fatam-bary, qui en était le douzième, soit près de 2 litres, ration de riz quotidienne considérée comme nécessaire à un couple et à son enfant. La ration d’une personne s’appelait eran’ny an-tanan-droa [litt. : le contenu (de riz décortiqué) dans les deux mains jointes], soit 1/20e de oata ou un litre. Pour les mesures de longueur, c’est la brasse du roi qui a été adoptée comme brasse légale, refy, et on a déposé dans les principaux centres un modèle pour servir de témoin en cas de contestation; il a été décidé que 3 pas ou dingana, 7 pieds ou dia, 8 empans ou zehy, et 96 tendro ou doigts, équivaudraient à la brasse. Les espèces monétaires comprenaient les ariary (de l’arabe al-rial) ou piastres, soit espagnoles, soit mexicaines, que les Merina coupaient en morceaux pour avoir de la menue monnaie, vola vaky (litt. : argent coupé) comme ils disaient. Dès le commencement du xrxe siècle, les pièces françaises de 5 francs ont eu cours et ont été recherchées et, quoique plus légères de 2 grammes, ont été admises à l’égal des piastres. Dans les tsena, les marchés, il y avait des changeurs, des mpanakalo-vola, qui donnaient en argent coupé le poids d’une piastre d’Espagne, qui vaut 5 fr. 50, contre une pièce de 5 francs entière, plus, comme sandamparantsa, comme agio, un surplus variant de un eranambatry (soit 7 centimes) à un stkajy (soit O fr. 625). [Voir dans l’Ethnographie, t. IV, p. 335, les poids, mesures et monnaies en usage à Madagascar sous la monarchie merina|. Les Merina ont, dès longtemps, fait de la fausse monnaie, vola ratsy ou korantinavo, coulant des pièces en cuivre qu’ils couvraient d’une mince couche d’argent : plusieurs faux monnayeurs ont été condamnés à mort, notamment sous Ranavalona re. Le taux d'intérêt ordinaire qui, au début, était de 120 p. 100, et qui était toujours fixé d’un commun accord, était, par piastre et par mois, de un voamena (0 fr. 20), soit de 50 p. 100; lorsqu'il était payable en riz, ce qui était fréquent, il s'élevait à vary iray (c’est-à-dire à 6 vata de grains, soit de 130 à 140 litres) par piastre et par an : l’argent prêté, disent les Malgaches, miteraka, enfante, et le mot « intérêt » se traduit par zana-bola (litt. : l'enfant de l’argent); prêter à intérêt, c’est mampanjana-bola, faire produire à l’argent des enfants; il était souvent stipulé que, si le remboursement de l’argent prêté, du fampanjanaham-bola, n’était pas effectué à la date convenue, les gages deviendraient la propriété du créancier et que « le débiteur n’aurait ni pieds pour frapper, ni mains pour se cramponner », ka tsy misy tongony hisipaka na tanany handrangotra. Les débiteurs insolvables, encore peu d’années avant notre prise de possession, pouvaient être vendus comme esclaves : la moitié du prix était attribuée au gouvernement et l’autre moitié servait à désintéresser les créanciers; à la demande du fokon’olona, des membres du clan, ou du Tompomenakely, du seigneur féodal, le créancier consent à accorder des facilités de paiement à un créancier malheureux. [ANDRIANAMPOINIMERINA, Xabary nataony teo Andohalo; R. P. Career, Tantara ny Andriana 1908, passim, et G. JuLiEx, Jnst. polit. et soc. de Madagascar, t. 1, 1908, p. 382-428 (Son œuvre législative et sociale).] 152 MADAGASCAR. le commerce des esclaves, mais ils n’étaient admis qu’à Ambatomanga (à 22 kilomètres E. de Tananarive), les Sampy, les talismans s’oppo- sant à ce qu'ils résidassent dans toute autre ville de l’Imerina, et, si quelqu'un d’eux obtenait exceptionnellement la permission de venir à Tananarive, il devait en sortir avant la nuit. Les convois d’esclaves (1) en route pour la côte Est, passaient tantôt librement chez les Bezano- zano, tantôt au contraire y étaient arrêtés, à moins que les traitants ne leur payassent de grosses sommes; à la fin de 1808, Andrianampoi- nimerina exigea les armes à la main que le passage à travers l’Ankay fût laissé libre, car notre agent commercial de Tamatave lui proposait de lui fournir les armes et la poudre dont il avait besoin en échange de 2,000 à 2,500 esclaves pour nos îles de Bourbon et de France, s’enga- geant à n’en pas vendre aux autres peuplades (. La traite s’est faite depuis sans encombre. (1) « On tire annuellement de l’Imerina de Ankaratra) pour y acheter des esclaves avec 1,500 à 1,600 esclaves » (1790) (a). des fusils et de la poudre et de fournir ainsi des (2) Andrianampoinimerina se plaignait en armes à ses ennemis (Archives Coloniales, 1808 effet de ce que deux traitants français étaient et 1809) (b). venus dans l’Andrantsay (au Sud des Monts (a) « L'exercice de l’imagination mène souvent les hommes au-delà des bornes que prescrit la pro- bité, et les Hova, qui n’ont aucun frein, font des friponneries inouies pour satisfaire leur avidité. Ils savent le besoin continuel de nos colonies en esclaves et les moyens qu’ils mettent en usage pour nous en procurer sont presque tous odieux. Un homme puissant par sa fortune ne rougit pas de susciter une querelle à son voisin plus faible pour lui arracher injustement sa liberté; un père vend ses enfants; d’autres enlèvent les voyageurs sur les chemins ou les gardiens de moutons et vont les vendre aux mar- chés qui se tiennent chaque semaine à différents endroits dans l’Ankove. Plusieurs se rassemblent en armes et vont, pendant la nuit, surprendre des villages pour en voler les malheureux habitants; enfin, d’autres emploient une ruse perfide envers les voyageurs : ils pratiquent, m’a-t-on dit, dans l’intérieur de leur maison une fosse très profonde; qu’on tient couverte de nattes et ils mettent une vieille femme sur la porte du logis pour inviter les étrangers qui leur paraissent ingénus à prendre des rafraïchissements ou de la nourriture et, si l’étranger entre, il tombe dans la fosse d’où il ne peut sortir sans secours: à la nuit, il vient des gens qui le retirent de la fosse, lui passent une corde au cou et vont le vendre. On se procure aussi dans l’Ankove beaucoup de prisonniers de guerre. L’Ankove est la partie de Madagascar qui fournit le plus d’esclaves aux îles Bourbon et de France » (Voyage au pays d’Ancove en 1790, par DumMAINE, Annales de Géographie, t. XI, 1810, p. 180-181). (b) Si l’esclavage n’était pas dur à Madagascar il n’en était pas de même aux iles Bourbon et Maurice Les premiers colons transportés à Bourbon par la Compagnie des Indes Orientales, dit le comTE G. MARESCHAL DE BIiÈvVRE (Rev. Hist. des Colonies Françaises, 1917, p. 170-185), ne pouvant eux-mêmes mettre cette île en valeur, ont fait appel aux négriers qui leur ont fourni des esclaves malgaches et afri- cains. Un siècle après, il y en avait 40,000, tandis que les Français n'étaient guère plus de 10,000; ces esclaves, ceux « de pioche » surtout, qui ne pouvaient rien posséder ni, par conséquent, rien acquérir, n’obéissaient qu’à deux mobiles, l'espoir d’une nourriture un peu meilleure et surtout la crainte des coups : aussi s’évertuaient-ils à se donner le moins de mal possible, à manger et à boire autant qu'ils le pouvaient et, entre temps, à se livrer à de menus vols. CHAPITRE IV RADAMA Ier (1810-1828) ( Né en 1792 à Ambatomanga, Radama (?), que son père Andrianampoi- nimerina (# avait désigné solennellement comme son successeur, a pris le pouvoir en 1810, âgé par conséquent de dix-huit ans. Un des loholona, chefs de province lui promit fidélité : «(Comptez sur nous, Radama, jura-t-il. Celui qui vient de mourir et qui a fondé ce royaume, vous l’a légué et, si quelqu'un veut s'opposer à la volonté et aux ordres d’Andrianampoi- nimerina, nous le mettrons à mort, quelque cher qu’il nous puisse être. Nous sommes la pierre sur laquelle est gravée sa volonté; ses ordres, nous les conservons comme un trésor précieux, comme un héritage sacré. Malheur à ceux qui y contreviendraient. » — « Du moment que vous respectez la volonté et les ordres d’Andrianampoinimerina, répondit Radama, vous n’êtes pas orphelins, car dès lors je suis votre père, et, moi-même, je ne suis plus orphelin, puisque je vous ai. Ayez donc confiance, Ô mon peuple! Successeur d’Andrianampoinimerina, j’exécu- terai ses volontés, et ce que vous avez fait pour lui, faites-le pour moi, Je compte sur vous : la confiance que nous avons les uns dans les autres est un trésor inépuisable, un lien qui nous unit intimement », et il ajouta : (1) ELLIS, History of Madagascar, 1838, t. II, p. 128-416; GUILLAIN, Documents sur la côte occidentale de Madagascar, 1845, p. 50-115 (Ménabé, p. 54-67, et Boïna, p. 67-110); La- CAILLE, Connaissance de Madagascar, 1863, p. 94-151; A. GRANDIDIER, Notes manuscrites, 1869, p. 1665-1697; RR. PP. ABINAL et DE LA VAISSIÈRE, Vingt ans à Madagascar, 1885, p.101- 119; R. P. CALLET, Tantara ny Andriana,t.IV, p. 1061-1072, et l’Jraka, 1899-1900; R. P. MAL- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIAIE. ZAC, Histoire du royaume hova, 1912, p. 162-232. (2) Radama ou Ra Adama, le seigneur Adam, est un nom qui vient des Antimorona. Il est quelquefois employé comme synonyme d’Ala- hamady, le premier mois de l’année malgache. (3) Sa mère était Rambolamasoandro. Les RR. PP. ABINAL et DE LA VAISSIÈRE disent qu'elle s’appelait Raleimanahary et qu’elle fut étranglée avec un lamba de soie (Vingt ans à Madagascar, 1885, p. 102). 20 154 MADAGASCAR. « Nous allons tuer tous les bœufs gras qui appartiennent à Andrianam- poinimerina (et il en fit immédiatement donner 500 au peuple) et occupez-vous de réunir les plus beaux lamba mena (suaires de soie rouge), que vous possédez pour en envelopper le roi mon père avant de le mettre dans sa « pirogue d’argent », dans son cercueil » (. « Il était petit et fluet, dit le Commandant Moorsom, qui a vu Radama en 1823 à Foulpointe, et, quoique âgé de trente ans, il avait l’apparence d’un tout jeune homme, ne paraissant pas en avoir plus de vingt » @ II. avait, dit Hugon , « une figure fort intéressante et un air vraiment royal »; il parlait bien (#), ajoute Ellis, il avait « l'esprit vif et fin (5) » et de grandes qualités : instinct du commandement, hardiesse dans les vues, énergie dans l'exécution, opiniâtreté malgré les revers, mais sa passion principale était l'ambition, qui a été un puissant stimulant pour le déve- loppement de la civilisation de son pays. Suivant l’usage, il a eu dans la succession de son père toutes ses épouses, à l’exception de sa mère, épouses dont plusieurs avaient, par politique, été prises dans les familles des rois soumis ou vaincus. Il n’hésitait pas à sévir impitoyablement contre tout individu, si haut placé qu’il fût, lorsqu'il supposait qu’il était son ennemi ou son adver- saire. Quoiqu'ayant pris le pouvoir sans opposition, il jugea bon de se débarrasser de ceux de ses parents qui pouvaient lui porter ombrage : plusieurs furent noyés ou étranglés, car on ne devait pas faire couler le sang d’un membre de la famille royale; d’autres furent simplement exilés en quelque village éloigné de Tananarive. (1) R. P. CALLET. (2) Moorsom, commandant de l’Ariadne (ELLIS, History of Madagascar, 1838, t. IT p. 310). (3) Hugon a vu Radama dans l’Ankova en 1808 et, quoiqu'il eût en réalité de quinze à seize ans, il ne lui en donnait que douze à treize (Manuscrit du British Museum, Fonds Farquhar, t. VIII, pièce 9). (4) Il parlait et écrivait le français assez correctement, dit le baron Milius le 26 no- vembre 1820 (Archives Coloniales, dossier 2, liasse 1). (5) Comme il était encore un enfant, ayant vu que son père, qui était en mauvaise intelli- gence avec sa mère, avait répudié celle-ci, il attacha dans son cabinet à une chaise, pendant son absence, un jeune poulet et, lorsque le roi lui en demanda la raison, il répondit que ce poulet appelait sa mère. Andrianampoinimerina com- prit la leçon et fit revenir sa femme. (ELLIS, Hist. of. Madag., 1838, t. II, p. 128-129). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 155 A cette époque, vêtu du lamba national, il recevait assis par terre, car, dans sa résidence, il n’y avait ni sièges, ni tables; il mangeait dans des plats d'argent dont personne autre que lui n’osait se servir et, malgré la défense de vendre et de boire en Imerina des liqueurs fortes, il en faisait un grand usage. Il eut, dès son avènement, l’occasion de faire preuve de ses talents militaires. Les Bezanozano d’Ambatomanga qu'avait soumis Andria- nampoinimerina, refusèrent de prendre le deuil à la mort de ce roi et se révoltèrent; Radama à la tête de ses miaramila G), de ses soldats, alla châtier « ces esclaves qui refusaient de pleurer leur roi », mais ce ne fut pas sans peine qu’il s'empara de la ville dont il chassa les habitants et brûla toutes les maisons, défendant à qui que ce fût d’y habiter à l'avenir sous peine d’être mis à mort et donné à manger aux chiens. Peu après, il alla dans le Betsileo punir les habitants d’Ambositra qui eux aussi s'étaient révoltés et, les ayant forcés de capituler, il mit le feu à cette ville, qui ne fut de nouveau habitée que sous le règne de Ranavalona. Après ces deux victoires, Radama rentra à Tananarive, où il mit fin au deuil de son père, qui avait duré une année entière, et il s’y fit intro- niser solennellement. Au jour fixé, sortant de son palais, il vint sur la place d’Andohalo et, debout sur la pierre sacrée qui est au centre et dont il était censé recevoir le pouvoir souverain sur Madagascar, en pré- sence d’une grande foule, il prononça ces paroles : « O mon peuple, ayez confiance! Dieu m’a donné ce royaume et Andrianampoinimerina m'a laissé sa succession, me chargeant de vous gouverner, vous pouvez donc vivre en paix. » Un des principaux chefs du peuple, Rainimahay, lui répondit : « Sire, nous avons pleine confiance; puisqu'Andrianampoini- merina vous a désigné pour lui succéder, et nous vous disons de n'avoir nulle crainte, car il vous a béni comme le maître de ce royaume et jamais nous ne l’oublierons. Aussi, vous offrons-nous le hasina (vous faisons- nous le serment d’allégeance) en témoignage de soumission et de fidélité, (4) Miara-mila, litt. : qui cherchent de compagnie. 156 MADAGASCAR. afin qu’il vous donne force et vertu pour que vous viviez longtemps au milieu de votre peuple! » Et le peuple acclama le roi, qui ordonna de distribuer de nombreux bœufs aux habitants des six provinces de l'Imerina. Radama se rendit ensuite à Ambohimanga pour «demander aux diverses pierres sacrées de cette ville la vertu, la grâce surnaturelle qu’elles con- tiennent »; il y eut de nombreuses cérémonies et fêtes. À la dernière, à « Je suis votre père, Ô mon peuple, puisqu'Andrianampoinimerina vous a Amboara, vêtu d’habits somptueux, il fit la harangue suivante : placés sous mon autorité. Ayez donc pleine confiance et vivez en paix; cultivez la terre avec ardeur, car, de ce royaume que mon père n'a légué, je n’en abandonnerai jamais la moindre parcelle, pas même une parcelle où l’on ne pourrait mettre qu'un seul grain de riz. » Sûr de l'affection et de la fidélité de ses sujets, il ne leur fit pas prêter les serments habituels du velirano, du sotro-vokaka et de lefon'omby "1. Comme son père, Radama avait l'ambition d'agrandir son royaume et, pendant tout son règne, il chercha à conquérir de nouveaux pays. La première expédition qu'il fit dans ce but fut dirigée contre le Vohibato, la seule partie du Betsileo qui fût encore indépendante et qui était gou- vernée par deux frères, Rarivoekembahoaka et Andriambelaza, qui s'étaient partagé le royaume de leur père Ramarovahoaka. Il vint camper auprès de l'emplacement actuel de Fianarantsoa et, ayant convoqué les divers chefs ou rois betsileo qui lui étaient soumis, il attaqua d’abord Iharanany, village perché au haut d’un grand rocher difficile à escalader, qui était à l'entrée du territoire ennemi, mais ses habitants, pris de ter- reur à la vue de l’armée merina, mirent le feu à leurs maisons et s’en- fuirent (®). Il traversa alors tout le territoire du Vohibato sans trouver (1) Serments qu’on prêtait en frappant l’eau, en buvant de l’eau mêlée à de la terre prise au tombeau des rois et en sagayant un veau (voir plus haut, p. 67). Depuis, on a fait aussi prêter serment à Tananarive en frappant l’eau croupie de la mare située soit à Antsahatsiroa, soit sur la place d’Ambodinandohalo et quand, sous Radama II, cette dernière fut détruite, sur de l’eau mise pour cette cérémonie dans une pirogue. (2) Tout près de là, est une belle et grande pierre sur laquelle s’est assis Radama pendant que ses soldats montaient à l’assaut, pierre vénérée, sur laquelle nul n’ose s’asseoir et qu’on n’ose pas fouler aux pieds. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 157 d’ennemis, et il arriva à la ville d’Ifandanana, où s’étaient rassemblés de nombreux fugitifs. Cette ville, qui était bâtie sur le sommet d’un énorme rocher à pic de tous les côtés, et où l’on ne pouvait arriver que par un raidillon, sou- tint un siège fort long, à la fin duquel les habitants, mourant de faim, plutôt que de se rendre, préférèrent se donner la mort : formant de grandes rondes et tournoyant les yeux bandés au bord du précipice, ils y tombèrent; on dit que 3 000 personnes, hommes, femmes et enfants, périrent de la sorte et qu’il n’en resta en vie que 300, à qui le courage manqua et qui furent faits esclaves. Maître du Vohibato, Radama avait dès lors sous sa domination tout le Betsileo ©, et il s’en retourna en Imerina, laissant des émissaires négocier la soumission de l’un des deux rois, de Rarivoekembahoaka, qui s'était enfui, mais qui finit par con- sentir à faire le serment de fidélité . Radama envoya aussi des expéditions qui furent heureuses contre les Bezanozano du Nord, ainsi que contre les Sihanaka, en 1815, sous le commandement du général Rafaralahy, devenu célèbre depuis, expédi- tions heureuses autant à cause de la lâcheté native des habitants que de leur division en de nombreux clans ayant chacun leur chef. On sait que la France avait conservé quelques postes à Madagascar à la fin du xvrr1e siècle et pendant les toutes premières années du x1X£ 6); mais l'Angleterre s'étant emparée le 18 février 1811 de l’île Bourbon et de l’île de France, désormais île Maurice, l'y remplaça, et l’agent fran- çais, Sylvain Roux, qui était établi à Tamatave (#, dut lui livrer tous (1) Les souverains betsileo qui s'étaient soumis à Radama, le roi de l’Isandra, Rajaoka- rivony à Fanjakana, la reine de l’Ilalangina, Andriambavizanaka à Alananindrano, et le roi de Tsienimparihy, Rarivoarindrano à Vohibato, étaient chargés de surveiller les frontières de leurs pays, afin de s’opposer aux incursions des pillards du Sud et de l'Ouest. (2) Quelque temps après, il y eut une ten- tative de révolte qui n’eut pas de suite, et les rebelles livrèrent leurs fusils en témoignage de fidélité sincère, comme l’avaient fait les autres rois betsileo. (3) « Tamatave est actuellement (en 1810), dit Epidariste COLIN (Ann. des Voyages, t. XIV, 1811, p. 101), la résidence de l’agent commer- cial français. On y a élevé un petit fort armé de six pièces de canon de 18 et palissadé. L'agent et le détachement de soldats qui com- posent sa garnison logent dans son enceinte. » (4) En 1804, sous Napoléon, le général Decaen, gouverneur de l'ile Maurice, a fait transporter le chef-lieu des possessions fran- 158 MADAGASCAR. nos établissements; la garnison anglaise qui y fut mise ayant été tout de suite décimée par la fièvre, fut retirée, et il n’y resta que quelques agents. Peu après, le traité de Paris du 30 mai 1814 rendit à la France ses droits sur Madagascar (1). Mais le gouverneur de Maurice, Sir Robert Far- quhar ), qui avait formé de grands projets au sujet de cette île, ne voulut pas les abandonner et arguant, malgré les justes réclamations du gouverneur de Bourbon, M. Bouvet de Lozier, que la cession de l’île de France avait été faite avec ses dépendances; il prétendit que les éta- blissements français de Madagascar y étaient compris et, sans plus attendre, il agit comme en étant le seul maître; il tenta même, en décembre 1815, de fonder une colonie sur la côte Nord-Est, à Port- Louquez, colonie d’ailleurs qui ne réussit pas (, et, le 25 mai 1816, il avisa le gouverneur de Bourbon que « l’île de Madagascar ayant été cédée à la Grande-Bretagne comme dépendance de l’île de France, il avait l’ordre d’y exercer exclusivement tous les droits dont la France jouissait jusque-là », ajoutant que, « si la colonie de Bourbon avait besoin des approvisionnements qu’elle avait coutume d’en tirer, il était autorisé à lui permettre de commercer avec elle et à accorder aux navires français des licences pour trafiquer en des points déterminés ». cation où sont traitées et étudiées, à l’aide de documents officiels, les relations de la France çaises de Madagascar de Foulpointe à Tama- tave, qu'il fit munir d'ouvrages défensifs et d'artillerie. (1) L'article 8 dit en effet qu’elle rentrera en possession de tous les établissements qu’elle possédait avant 1792, à l'exception de certaines colonies au nombre desquelles ne figurait pas Madagascar. (2) Né en 1776, Farquhar était le fils d’un médecin réputé et petit-fils d’un pasteur écos- sais. Il avait débuté dans la carrière coloniale au Bengale, puis accompagné l’amiral Raïinier, aux Indes néerlandaises et enfin gouverneur des îles Moluques. A l’aide de documents offi- ciels anglais, Mme Sonia HOWE, dans un livre récent : L'Europe et Madagascar, Paris 1936, a tracé un portrait de Sir Robert Farquhar et résumé son œuvre politique, p. 142-190; à M. R. DECARY, on doit une importante publi- et de Madagascar en ce qui concerne la côte orientale. (L'Établissement de Sainte-Marie de Madagascar sous la Restauration et le rôle de Sylvain Roux. Correspondance générale, 1937, un volume de 720 pages). (3) Les colons anglais envoyés à Port- Louquez avaient comme chef un M. Burch, qui refusa brutalement au chef indigène une pièce de toile bleue que celui-ci lui demandait et même le frappa; ce chef fit appel à ses voisins et se vengea, tuant tous les Anglais à l’excep- tion d’un seul, qui réussit à se sauver dans un bateau. Ce chef, dit ELLIS (Hist. of Madagascar, t. II, p. 111-112), fut désapprouvé par ses conci- toyens, qui le mirent à mort (?), et il vint d’autres colons qui furent bien reçus. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 159 Il n’était pas toutefois très assuré de la validité de ses prétentions et il se hâta, à tout hasard, d'étendre son influence jusque dans le centre de l’île ©; connaissant l’autorité qu'avait le roi Radama, il y envoya au milieu de 1816 un ancien traitant qu’il connaissait, un nommé Charde- naux, qui jeta les bases de l'influence anglaise à Madagascar, s’occupant d'y nouer des relations commerciales et cherchant à emmener quelques enfants de grande famille pour les faire élever à Maurice aux frais de la colonie. Reconnaïssant l’intérêt que présentaient pour son pays ces pro- positions et conscient des avantages que pouvait avoir pour lui une alliance avec l’Angleterre, Radama les accepta (?) et confia à Charde- naux (8), qui revint à Maurice le 10 septembre 1816, deux de ses frères, Ratafikia et Rahovy, pour être élevés par les vazaha, les étrangers (1). Le gouvernement français, mis au courant des menées de Farquhar, fit à ce sujet des observations au gouvernement anglais, qui reconnut qu’en effet « Madagascar ne faisait pas partie des établissements cédés à la Grande-Bretagne par le traité de Paris », et qui, par une dépêche du 18 octobre 1816, donna l’ordre à Farquhar de remettre aux autorités françaises les établissements que la France possédait à Madagascar au 1® janvier 1792, reconnaissant formellement ses droits. Le gouverneur de Bourbon, quand il connut cette décision, envoya à Maurice M. Martin Lacroix en réclamer l’exécution, mais Farquhar changea dès lors de politique et écrivit le 30 août 1817 aux administra- (i) Le 10 avril 1843, les deux chefs mulâtres, Jean René et Fiche, avaient écrit à Farquhar pour lui demander sa protection, mais le gou- verneur de Maurice, qui regardait Madagascar comme une dépendance de sa colonie, ne jugea pas utile d'agir; il en fut autrement lorsque, en octobre 1816, la France rentra en possession de ses droits sur la côte Est (Revue de Madagascar, t. I, 1899, p. 34- 31). (2) L’entrevue à eu lieu à Mahazoarivo et, avant d'accepter les propositions, Radama exigea que Chardenaux et un autre créole, Vollamial, d’une part, et, d’autre part, ses deux frères et ses quatre ministres, fissent le fatidra, le serment du sang. (3) Carayon dit, mais à tort croyons-nous, que c’est à Lesage qu'il confia cette mission. (4) «Farquhar a rendu des honneurs fous aux frères de Radama; à leur arrivée à Maurice, il les a salués de sept coups de canon et il les a fait servir par des domestiques blancs. Mme Far- quhar ne sortait dans sa calèche qu’en compa- gnie de ces deux Malgaches couverts de riches habits, ce qui, dit Milius, gouverneur de l’île Bourbon, choquait les convenances et blessait les préjugés. » (Archives du Ministère des Colo- nies, Madagascar, Correspondance générale.) 160 MADAGASCAR. teurs de Bourbon « qu’il considérait le territoire de Madagascar comme appartenant aux Malgaches (1); qu’il n'avait formé aucun établissement aux lieux où les Français avaient des postes en 1792 et qu'il n’avait donc rien à remettre; que s'étant convaincu que le commerce de Madagascar était indispensable à l’existence de Maurice et de Bourbon, dans les cir- constances actuelles il devait regarder ce commerce comme également libre pour leurs habitants ». Le 7 novembre, le gouverneur lui répondit : « qu'avant le 1% janvier 1792, la France possédait depuis plus de cent cinquante ans la souveraineté de l’île de Madagascar, aux mêmes titres que celles que différentes puissances, et particulièrement l'Angleterre, exercent dans différentes parties du monde sur de grands pays. Ces titres sont l’acte de prise de possession et une longue jouissance non contestée », ajoutant que Sir Robert Farquhar avait lui-même affirmé ces droits « en réclamant avec rigueur pour l'Angleterre l'exercice exclusif des droits dont jouissait la France à Madagascar », tant qu’il pensait que Madagascar faisait partie des dépendances de l’île de France. Farquhar n’en continua pas moins ses agissements et, à la fin de 1816, il envoya à Tananarive son aide de camp, le capitaine Lesage, avec la mission de faire avec Radama un traité de paix et d’amitié ( et de pré- (1) Il était cependant reconnu dans le droit des gens que, lorsqu'une puissance européenne avait pris possession d’un point quelconque dans une île, comme l'ont fait les Anglais par exemple en Australie, elle était considérée dès lors par les autres puissances comme ayant pris possession de l’île entière. Farquhar lui- même, dans une lettre du 2 novembre 1815, disait que, « héritière des droits de la France à Madagascar, l’Angleterre avait seule le droit de faire le commerce à Madagascar, ainsi que les nations auxquelles elle accorderait des licences, celles-ci ne devant d’ailleurs trafiquer que dans les ports qu’elle désignerait ». (2) Radama, qui se rendait parfaitement compte de l’appui qu'il pouvait trouver en Angleterre pour atteindre son but (a), était tout disposé à conclure ce traité (b). (a) Aussi traitait-il Farquhar avec déférence, et il y a aux Archives du Ministère des Colonies, une lettre adressée au gouverneur de l’ile Maurice commençant par ces mots : « Monsieur et frère », lettre datée du 11 octobre 1820, où il annonçait que l’agent de Farquhar, M. Hastie, était arrivé. (b) D’après le Tantara ny Andriana du R. P. Callet (édit. 1908, p. 1074), quand Radama apprit l’arrivée à Madagascar de la mission Lesage, il fit un kabary, une réunion publique, où il dit à son peuple : «Il y a une chose à laquelle je tiens essentiellement et que je veux exécuter et je vous en avertis, Ô mon peuple. J’ai parmi les Européens des amis et je vous annonce que je les fais venir ici, à Tananarive; je vous en préviens parce qu'Andrianampoinimerina leur a interdit de pénétrer dans le cœur de l’Imerina. » Et comme un des principaux chefs s’opposait à ce projet, disant : « Sire, votre père n’a pas laissé les Européens venir jusqu'ici; sous son règne ils n'étaient pas autorisés à dépasser Ambatomanga et vous les faites venir à Tananarivel Réfléchissez bien! » Radama lui répondit : « Si je les fais monter ici, en voici la raison : c’est que je veux créer une armée, et ces Anglais m’aideront à former des soldats qui défendront mon royaume, qui en seront HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 161 parer si possible l'abolition de la traite des esclaves malgaches : il était accompagné d’un interprète, d’un médecin, d’un négociant, de plusieurs artisans et, dans le but de lui montrer les exercices et les manœuvres des troupes européennes, de 30 soldats; mais on était dans la saison mau- vaise, dans la saison des pluies, et la plupart des hommes de son escorte furent pris par la fièvre et 7 succombèrent. Le roi ne cessa de lui envoyer des messages amicaux en même temps que des vivres 4), lui exprimant le regret que l’incendie qui venait de consumer son palais ne lui permît pas de le recevoir comme il l’eût désiré, et tout le long de la route, les habitants lui apportaient par ordre, du riz, du lait, des volailles, etc. Quand il arriva près de Tananarive, vinrent au-devant de lui 80 Merina notables, divisés en quatre groupes de 20 personnes, toutes richement habillés de beaux lambas de soie, les femmes ornées de chaînes, de col- liers, de bracelets et d’anneaux aux jambes, les hommes ayant sur la tête une sorte de diadème et quelques bijoux en argent et, autour des reins, une ceinture contenant leurs fétiches, et portant à la main leur fusil, dont la crosse était couverte de clous d’argent; après avoir déposé devant lui les présents de riz, de viande et de fruits que les femmes por- taient sur leur tête, pendant qu’il prenait une collation avec ses compa- gnons, ils dansèrent devant lui tout en chantant. Là, un filanjana, un palanquin, prit Lesage qui, escorté par les gardes de Radama, entra dans Tananarive (?), où vinrent à sa rencontre, en dansant et prenant toutes sortes de poses, des soldats armés chacun d’un fusil et d’une lance, quel- ques-uns avec un bouclier, ces soldats, qui était au nombre de 7 à (1) Lorsque Lesage arriva dans l’Imerina, il y fut reçu par quarante Malgaches envoyés par le roi pour l’escorter à la capitale, qui lui donnèrent en son nom, comme provisions de voyage, cent bœufs, en même temps qu’une lettre de bienvenue. (2) Mais, lorsqu'il arriva au bas de la ville, on le pria d’attendre quelques instants qu’on ait tiré un coup de canon, car le canon qu'on avait chargé avait éclaté et il fallait le temps d’en préparer un autre. Un quart d’heure après, le coup étant enfin parti, il put se rendre au Palais. (ELLIS, History of Madagascar, 1838, t. II, p. 131-139). « les cornes protectrices ». Les Anglais ne nous cacheront rien de ce que les Européens ont chez eux; ils nous fourniront des canons, des fusils, de la poudre, des pierres à fusil et des balles; avec ces armes, on peut agrandir son royaume. De plus, ils nous apprendront à fabriquer toutes sortes de belles et bonnes choses, de superbes habits rouges, de beaux habits noirs, des sabres magnifiques, enfin tout ce qui se fait de bien au delà des mers ». Le peuple applaudit aux desseins du roi. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 21 162 MADAGASCAR. 8,000, tirèrent de nombreux coups de fusil en l’honneur de l’arrivée des Anglais qui firent leur entrée triomphale au milieu de plus de 60,000 spec- tateurs. Arrivé au palais entre deux rangs de gardes du roi, Lesage trouva Radama assis sur une espèce de trône, entouré d’une vingtaine de ministres et d’officiers, tous accroupis par terre; quant à lui, il s’assit sur un escabeau couvert d’une étoffe blanche. Après un échange de compliments, Lesage présenta ses lettres de créance que lut un des princes, et le roi l’assura que sa venue lui causait un grand plaisir, et lui offrit divers passe-temps, notamment des combats de taureaux. Tout en n’abordant pas directement la question de l’esclavage avec le roi, il n’en a pas moins, dans la conversation, déploré les effets funestes, surtout au point de vue de l’appauvrissement, tant en travail- leurs et en défenseurs qu’en mères de famille, qui en résultait pour Madagascar, point de vue qui ne pouvait manquer d’attirer l’attention d’un esprit intelligent comme celui de Radama. Étant peu après, tombé gravement malade de la fièvre, Radama le visita fréquemment et, quand il perdait connaissance, quatre membres de la famille royale restaient à son chevet. La plupart des membres de la mission furent également fort malades et soignés aussi avec une grande sollicitude. Quand Lesage fut remis, il s’'unit avec Radama par la fatidra, le serment du sang, le 14 janvier 1817, après lui avoir remis les présents qu'il était chargé de lui donner de la part du gouverneur de Maurice, et, le 4 février, tous deux signèrent un traité qui fut plus tard ratifié par Farquhar. Le lendemain il partit et le roi l’accompagna à pied pendant 5 à 6 kilo- mètres, et plusieurs membres de la famille royale l’escortèrent jusque dans l’Ankay, à une centaine de kilomètres de Tananarive. À la demande de Radama, Lesage a laissé à Tananarive deux sous- officiers anglais pour instruire ses troupes, mais, tandis que l’un s’est fait haïr par sa sévérité excessive et sa méconnaissance du caractère merina, l’autre, le sergent Brady (), s’est concilié l’amitié des indigènes et a joui longtemps de l'estime du roi, ainsi que de celle du peuple. (1) «Mulâtre de la Jamaïque, dit Froberville, discipliner l’armée de Radama, mais quinesavait soldat anglais qui est parvenu à organiser et pas lire. » (Revue de l'Orient, janvier 4846, p.55.) HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 163 De 1804 à 1811, Tamatave avait été occupé par les Français, qui y avaient entretenu une garnison, mais qui l’avaient évacué lors de la prise de possession des îles Bourbon et de France par les Anglais; quand, à la suite du traité du 30 mai 1814, Farquhar dut abandonner ses pré- tentions sur Madagascar, son envoyé, le capitaine Lesage, sur son ordre, afin de contrecarrer l'influence française, incita Radama à s'emparer de la côte orientale où étaient des ports, centres de commerce avec l'étranger; le conseil lui agréa et il s’y rendit presqu’aussitôt, en juillet 1817, accom- pagné du sergent Brady, que Lesage lui avait laissé et qui commandait effectivement, sinon officiellement son armée composée de 25,000 hommes, dont les quatre cinquièmes, au moins, étaient de simples porteurs. A cette époque il y avait sur la côte Est deux mulâtres fils d’un Fran- çais et d’une Zafin-dRaminia du Fort-Dauphin, Jean-René ®) et Fiche (en malgache, Fisatra); les Anglais, quand ils se substituèrent aux Français à Tamatave en 1811, employèrent Jean-René comme inter- prête et, lorsque par suite des ravages causés par la fièvre, ils durent évacuer cette ville, c’est lui qui en fut nommé chef par Farquhar. Au début, Jean-René n’eut pas assez de louanges pour célébrer ses nouveaux amis, le capitaine Lesage entre autres qui, à son passage, l’avait comblé de présents, mais quand, plus tard, il vit poindre l’armée merina avec Radama et Brady, il s’entendit avec son frère Fiche, qui s'était tou- jours montré méfiant à l’égard des Anglais, pour s'opposer à l'invasion de la côte Est par les Merina et chercha à défendre Tamatave (®) : il vit alors combien il avait eu tort de se fier aux paroles de Lesage et de son successeur Pye, qui l’avait assuré de l’appui de l'Angleterre, d'autant que les traitants français, qui leur avaient promis leur con- (1) Né le 28 septembre 1781 à bord d’une corvette française qui allait du Fort-Dauphin à Maurice, il a été élevé et instruit dans cette dernière île; puis il est venu en 1798 à Tama- tave, où il a fait, comme les traitants créoles, la traite des esclaves dont il est allé s’appro- visionner une ou deux fois dans l’Imerina. L'agent français Sylvain Roux l’avait muni de fusils qui lui avaient permis d'étendre son autorité sur les districts voisins, qu'il gouver- nait avec sagesse. Quant à son frère aîné Fiche, quoiqu'illettré, il avait un bon juge- ment et était aimé et respecté. (2) Fiche, voyant l’impossibilité de résister, se réfugia sur l’île aux Prunes et ne retourna à Ivondrona qu'après le départ de Radama. 164 MADAGASCAR cours (1), espérant obtenir à de bonnes conditions une partie des esclaves que Radama traînait à sa suite, n’ont pas tenu leur parole. Découragé, il écouta Pye et Brady, qui intervinrent comme médiateurs, et il fut décidé que, accompagné de quelques-uns de ses Betsimisaraka, il se rendrait à moitié chemin du camp merina et que Radama, avec un nombre de soldats égal, viendrait l'y trouver; dans cette entrevue fut signé un traité qui, tout en reconnaissant Jean-René comme chef héré- ditaire de Tamatave, lui enlevait la souveraineté du pays; le lende- main, sur les bords du Mananareza, eut lieu un grand kabary, où il s’unit par le fatidra, le serment du sang, au roi qui devint son zoky, son frère aîné, et par conséquent son chef. En juillet 1817, pendant que Radama était encore près de Tamatave, le sergent Hastie (, qui avait été chargé de faire l’éducation militaire des deux jeunes princes, frères du roi, amenés à Maurice par Charde- naux le 10 septembre 1816, et qui a joué à Madagascar un grand rôle, y est arrivé avec ses deux pupilles ®), apportant pour la cour d’Ime- rina de nombreux cadeaux, notamment des chevaux. Il remit à l’agent anglais Pye une lettre de A. W. Blane, secrétaire de Sir Robert Far- quhar, le gouverneur de Maurice, en date du 28 juin 1817, où, après avoir fait l'éloge de Hastie, il lui donne des instructions pour « travailler à l’abolition de l'esclavage sans précipitation, mais adroitement, par persuasion, en démontrant à Radama qu'il lui sera plus profitable d'avoir de nombreux sujets et d'obtenir par leur travail des denrées (1) Et devaient faire le service de deux pièces de campagne abandonnées par Sylvain Roux. (2) Hastie était le troisième envoyé de Far- quhar à Madagascar dans l’espace d’un an; Chardenaux et Lesage (dans le 2e semes- tre 1816), Hastie (en juillet 1817). Ce dernier, qui était souple, astucieux et actif, et qui avait pour but principal de sa mission de nuire à la cause française, avait été, a-t-on dit à A. GRAN- DIDIER, geôlier dans l’Inde de la famille de Tippo-Saïb, et que, sous son habile direction, plusieurs des membres de cette famille, dont le gouvernement anglais avait intérêt à se débar- rasser, avaient disparu (?). Hastie, ajoutait-on, un jour qu'il accompagnait Radama qui faisait une visite au commandant d’un navire de guerre sur rade à Majunga, avait revêtu son ancien costume de sergent, n’osant pas y aller avec son vêtement habituel tout chamarré d’or. (Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 2349-2350). Voir aussi Marius-Ary LEBLOND. — Madagascar de 1815 à 1906 in : Hist. des Colonies franç. tome VI, 1933. (3) A bord de la frégate anglaise le Phaéton, capitaine Stanfell. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 165 qu'ils échangeront avantageusement contre des marchandises de l’'Eu- rope et de l'Asie, que de les vendre pour être exportés hors de Mada- gascar, ce qui dépeuple le pays. Il faut, non seulement qu’il les pousse à étendre et à améliorer leurs cultures, mais aussi à se livrer à maintes industries utiles que nous pourrons leur enseigner; il faut lui faire com- prendre l'utilité d'ouvrir des routes sûres et bonnes jusqu’à la côte afin de pouvoir se servir de bêtes de somme et lui apprendre à tirer profit des forêts ainsi que des mines de son pays. Les Malgaches sont paresseux et par conséquent pauvres, et il faut les convaincre que par le travail ils s’enrichiront. Notre agent doit leur apprendre à construire des maisons comme les nôtres et il faut que nous leur envoyions des ouvriers qui leur enseigneront les principaux métiers. Il n’est certes pas facile de faire l'éducation de tout un peuple, mais un despote peut y aider et abréger la période d'apprentissage ». En montant à Tananarive avec les chevaux que le gouverneur de Maurice envoyait à Radama (®, Hastie traversa Ivondrona, dont l’em- placement n’était plus marqué que par des ruines et des cendres, ses 150 maisons ayant été démolies ou brüûlées par l’ordre du roi, pour prendre les poutres et les traverses qui ont servi à faire les radeaux nécessaires pour traverser la rivière (%. Il arriva à Tananarive le 16 août 1817, ayant trouvé tout le long de la route de nombreux cadavres (1) Cest avec les plus grandes difficultés qu’il les mena à Tananarive, tant à cause des sentiers impraticables pour ces pauvres bêtes qu’à cause de la mauvaise nourriture qu’on leur donnait; il en mourut un en route, le plus beau, celui qui était destiné à Radama. Quand il monta la première fois à cheval, il prit un chapelet de gris-gris et mit dans sa bouche un petit talisman, afin qu'ils le protè- gent dans sa chevauchée, mais à cette appré- hension, dès qu’il eût fait le tour de la cour, succéda vite de la joie; il cria et rit aux éclats et, lorsqu'il eut mis pied à terre, il dansa, disant que rien ne lui avait encore donné tant de plaisir. Son amour du cheval s’accrut avec l'exercice. (2) Hastie raconte qu’en passant à Ranoma- fana (à 25 km. de la côte Est, d’Andovo- ranto), où, comme son nom l'indique, il y a une source thermale, le guide qui l’accom- pagnait lui déclara qu'il était indispensable de faire au génie protecteur du lieu une offrande propitiatoire et, pour lui complaire, Hastie remplit un verre d’eau-de-vie qu'il lui donna; après avoir fait son incantation et avoir versé quelques gouttes de liqueur dans la source, comme celui-ci se disposait à boire le reste, Hastie lui prit le verre des mains et en versa le contenu dans l’eau sacrée, mais le désappointement qu'il vit sur la figure du guide était tel qu'il remplit de nouveau le verre et le lui donna. 166 MADAGASCAR auxquels ses porteurs ne faisaient nulle attention (. Il y fut reçu solennel- lement par Radama (), qui s’occupa lui-même de son installation, venant à tout instant le voir. Le roi ayant reconnu parmi les domestiques un esclave africain qu’il avait donné avec trois autres au capitaine Lesage, Hastie profita de l’occasion pour lui dire qu’à l’île Maurice, comme en Europe, il n’y avait pas d’esclaves et que Sir Robert Farquhar regrettait de voir tant de Malgaches enlevés de leur pays quand ils pourraient et devraient, par leur travail, en accroître les richesses, de sorte que Radama « pourrait être alors l’un des plus grands rois du monde ». Après un long entretien, Radama finit par dire qu’il ferait volontiers un traité pour empêcher l'exportation de ses sujets et plusieurs marchands d’esclaves, étant à cette époque venus de Tamatave à Tananarive, ne trouvèrent pas auprès de lui l'accueil accoutumé; toutefois, si absolu qu'il était, il n’osa pas encore abolir la traite, car, dit-il, « mon peuple aime ce com- merce et que ferais-je d’ailleurs des ennemis que je prends chaque jour à la guerre et auxquels je ne saurais me fier; d’autre part, quand j'ai à me plaindre des habitants d’un village, que puis-je faire d’autre pour les punir? Et, du reste, mes sujets sont paresseux et n’aiment pas à tra- vailler; or, il me faut de l’argent », mais il ajouta que « si le gouverne- ment anglais lui fournissait des armes et des munitions, il pourrait consentir à arrêter la traite, mais que, s’il l'empêchait maintenant, les chefs des royaumes indépendants l’attaqueraient, car il n'aurait pas les moyens de se défendre, et qu’il lui fallait les moyens de repousser ses ennemis ». Le 7 septembre 1817, Hastie quitta Tananarive pour aller à Maurice, emmenant quatre jeunes Merina que le roi envoyait apprendre la musique Européens comme esclaves voyaient leur pays, l’Imerina, pour la dernière fois. (1) Une seule fois il les a vus passer une corde autour du cou d’un de ces cadavres et le traîner dans un bois voisin. En montant à Tananarive, il a passé en un point de la route nommé Ampitomaniankova (litt. : où pleurent les Hova), parce que c’est de là que les indi- gènes emmenés à la côte pour être vendus aux (2) Radama l’a reçu vêtu d’un uniforme anglais dont lui avait fait présent Farquhar, tunique rouge, pantalon bleu, bottes vertes et chapeau militaire. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 167 militaire, mais trouvant à Tamatave une lettre importante du gouverneur de Maurice pour le roi, il jugea bon de la lui porter lui-même et il revint sur ses pas; dans cette lettre, il était surtout question de la traite des esclaves, ainsi que des pillages que faisaient tous les ans les pirates betsi- misaraka dans les îles Comores, et Farquhar proposait à Radama d’en- voyer une ambassade en Angleterre, qu’il serait heureux d'accompagner, devant partir en décembre ou en janvier prochains. Le 9 octobre eut lieu un grand kabary, une grande assemblée popu- laire de 5,000 personnes, pour discuter la question de la traite, kabary où, a dit Radama, « le peuple a eu l’audace de me demander si j'étais l’esclave des Anglais et de me dire qu'ils combattraient avec des bâtons et à coups de pierre plutôt que d’y renoncer, mais je leur montrerai que je suis le maître et il faudra qu’ils m’obéissent ». Le lendemain en effet l'affaire fut réglée et, quatre jours après, Hastie reprit la route de Tama- tave, accompagné de 4 plénipotentiaires chargés par le roi de négocier avec le commandant Stanfell du Phaëélton, le traité stipulant l’abolition de la traite des esclaves dans les possessions du roi de Madagascar, traité qui fut conclu le 23 octobre 1817 et où il était stipulé que le gou- verneur de Maurice fournirait à Radama un certain nombre d’armes et de munitions (M), (4) Voir la notule (a) ci-dessous. Milius, gouverneur de l’île Bourbon, a écrit le 26 no- vembre 1820 une lettre où il dit : « Farquhar, le bon général Farquhar, comme on l’appelle aujourd’hui, le gouverneur de l’île Maurice, avait toléré la traite des esclaves jusqu’à son dernier voyage en Angleterre et, au moyen de cette condescendance et de ses qualités per- sonnelles, il avait subjugué les cœurs de ses administrés. Aujourd’hui, il se montre d’une extrême sévérité envers ceux qui se livrent à ce trafic et, plusieurs fois, il m’a écrit pour m’en- gager à coopérer avec lui dans le but d’éteindre complètement ce commerce. » (a) M. le vice-amiral Robert Farquhar, capitaine général, gouverneur et commandant en chef de l’Ile Mau- rice et de ses dépendances, représenté par ses mandataires, M. le capitaine Stanfell, de la marine royale, com- mandant le bitiment de Sa Majesté le Phaëton, et T. R. Pye, agent du gouvernement anglais à Madagascar, les susnommés revêtus de pleins pouvoirs, d’une part; Et Radama, roi de Madagascar et de ses dépendances, représenté par ses mandataires Ratsalika, Ram- polo, Ramano et Ranahato, ayant reçu pleins pouvoirs, d’autre part; On fait la convention suivante : Article 1. — Les parties contractantes conviennent de maintenir et perpétuer à jamais la confiance, l’amitié et la fraternité qui existent entre elles et qui sont déclarées par les présentes. Article 2 — Les parties contractantes s’engagent par les présentes à faire cesser entièrement, à partir de la date de ce traité, dans toute l’étendue des États du roi Radama, toute vente ou toute cession d’esclaves ou de personnes quelconques pour les transporter de Madagascar dans un autre pays. Radama, roi de Madagascar, fera une proclamation et une loi interdisant à tous ses sujets et à toutes 168 MADAGASCAR. A la suite de ce traité, Radama a fait la proclamation suivante : « Habitants de Madagascar, aucun de vous n’ignore l’amitié qui nous unit au gouverneur de Maurice et l’attachement que nous lui avons voué. Sa préoccupation, bien différente de celle des gens des autres pays qui ont visité Madagascar, a été d'augmenter notre prospérité et notre bon- heur. Il n’a pas cherché à nous priver de nos biens, ni de nos droits, il n’a pu supporter que nos enfants fussent emmenés au loin en esclavage et il nous a envoyé des hommes pour développer l’agriculture afin de nous préserver de la famine, pour nous enseigner les arts et l’industrie et pour nous apprendre à nous défendre contre nos ennemis. Depuis l'établissement du gouvernement britannique dans notre voisinage, nous sommes plus en sûreté et plus heureux et nous en sommes recon- naissants à notre bon père et ami (au gouverneur de Maurice, Sir Robert Farquhar), qui nous a valu ces bienfaits. « Sa nation et son roi ont fait des lois pour empêcher que vous soyez emmenés en esclavage loin de votre île, et il a puni les Blancs qui ont osé les violer. « Il nous a demandé de l’aider dans ce travail qui est pour notre bien et il a promis de nous aider à punir toute infraction à ces lois. « Volontiers nous acceptons les propositions de notre père et ami et déclarons que, si quelqu'un de nos sujets ou quelque personne dépendant de notre autorité se rend à l’avenir coupable de vendre un esclave ou toute autre personne pour être transportée hors de Madagascar, il sera lui-même réduit en esclavage et ses biens seront confisqués. personnes dépendant de lui, de vendre aucun esclave pour être exporté hors de Madagascar, d’aider, de faciliter ou de favoriser une semblable vente, sous peine par le contrevenant d’être lui-même réduit en esclavage. Article 3. — En considération de la concession faite par Radama, roi de Madagascar, et par son peuple, et en témoignage de parfaite satisfaction, les mandataires de Son Excellence le gouverneur de Maurice s'engagent à payer annuellement à Radama, pour l’indemniser de la diminution de revenus qui en résultera, les articles suivants : 1,000 dollars en or et 1,000 dollars en argent, 100 barils de poudre de cent livres chacun, 100 mousquets anglais avec tous les accessoires, 10,000 pierres à fusil 400 gilets rouges, 400 chemises, 400 pantalons, 400 paires de souliers, 400 shakos, 400 montures de fusil, 12 sabres de sergents avec ceinturons, 400 pièces de toile blanche de l’Inde, 200 pièces de toile bleue, un habit d’uniforme complet, avec chapeau et bottes, pour le roi Radama, et deux chevaux (le tout pouvant valoir environ cinquante mille francs). Article 4. — Les parties contractantes s'engagent à protéger le roi d’Anjouan contre les incursions des pirates des côtes de Madagascar et d'y mettre fin. Les signatures de Ratsalika et des autres plénipotentiaires merina étaient en caractères arabes (Duc- tionnaire de Froberville). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 169 « En renonçant aux droits que je percevais sur la vente des esclaves qu’on exportait, je donne l’exemple. En conséquence, que ceux de mes sujets qui ont des esclaves les emploient dorénavant à planter le riz, à garder les troupeaux, à récolter de la cire et à fabriquer des vêtements ou tout autre article dont ils tireront profit. « J'écris à mon frère (de sang) Jean-René et aux autres chefs de la côte de saisir à leur profit et pour leur usage tous les esclaves qu’on essaierait d'exporter de leurs provinces respectives, et de donner aide et assistance à l’agent du Gouvernement de Maurice pour exécuter cette loi. « Tous les ans, les Malgaches ont coutume d’attaquer le Sultan d’An- jouan et les habitants des autres îles Comores. Notre excellent ami, le gouverneur de Maurice, a, l’an dernier, fait échouer les projets que l’on avait à cet égard. Nous nous joignons à lui pour défendre toute entre- prise hostile contre les habitants des îles Comores et des autres îles de la côte d'Afrique, sous peine de me causer un extrême déplaisir et d’en- courir le châtiment réservé aux pirates. « Telle est ma volonté. Que tous les Malgaches en soient avisés; leur soumission à cet ordre donnera le bonheur. » En signant ce traité anti-esclavagiste, Radama allait à l’encontre des habitudes et des intérêts de ses parents et des chefs, et même de ses sujets, à l'exception des esclaves, mais il ne toléra pas la moindre obser- vation et l’un de ses beaux-frères s’étant permis de blâmer sa décision, il le fit mettre à mort ainsi que son père et son frère qui l'avaient approuvé car, dit-il, « il faut exécuter la loi avec impartialité ». Hastie alla alors à Maurice, où il vit Farquhar qui partait pour l’Angle- terre, et revint tout de suite à Madagascar pour veiller à l'exécution du traité 4), Mais, dit Ellis, qui a été mal informé, « le général Hall, qui fit l'intérim, refusa de remplir les engagements contractés « avec un chef de sauvages », disait-il, et Hastie, en arrivant à Tamatave pour aller 1) La variole sévissait alors Tananarive succès. (Voir dans l’Ethnographie, tome IV, et Ellis dit qu'Hastie a introduit la vaccination chap. Médecine, p. 441, les essais et le déve- jennerienne qui a été appliquée avec un plein loppement de cette vaccination). 12 12 HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 170 MADAGASCAR. chercher à Maurice le premier paiement de la subvention stipulée dans le traité, qui devait avoir lieu en mai 1818, y trouva une lettre de lui qui l’appelait à Port-Louis, où le gouverneur lui dit qu’il ne la païerait pas ». Cette accusation portée par Ellis contre le général Hall, dont, dit-il, « la conduite a déshonoré le nom anglais () », à été mise à néant par le comte d’Albermarle qui, ayant passé quelque temps à Maurice, a cons- taté que « Farquhar ainsi que tous les autres fonctionnaires, dont le devoir était de faire respecter les prescriptions du Slave-Trade A bolition Act, ont trouvé préférable de n’en pas tenir compte et que, en prenant l'intérim, Hall, qui était au contraire pour l'abolition de la traite et qui, à cause de cela, était détesté des créoles, a jugé utile, non seulement de suspendre de ce fait le président du tribunal ainsi que le procureur général, et de destituer divers employés, mais de faire procéder à des visites dans les « camps » des planteurs ©). En réalité Farquhar, non seu- lement a maintenu les anciennes lois concernant les esclaves qui ont été appliquées jusqu’à la fin de 1826, époque à laquelle ont été introduits divers adoucissements et certaines restrictions, et il en a même préco- nisé l'importation, disant en 1812 que « sans la traite, la colonie serait annihilée en peu de temps ». Ses paroles et ses actes ne s’accordaient nullement (#). Le 27 août 1818, le gouverneur de Bourbon, baron Milius, a écrit au « Prince Radama, chef de la nation des Hovas » que, la paix étant conclue entre la France et l’Angleterre, le roi Louis XVIII a ordonné de rétablir entre sa colonie de Bourbon et Madagascar les anciennes relations de commerce et d’amitié qui sont si nécessaires aux peuples des deux îles. Dans ce but, il a envoyé comme agent commercial Sylvain Roux, qui avait déjà résidé en cette qualité à Madagascar, voulant qu’il entretienne la bonne harmonie entre les Français et les Malgaches, (1) History of Madagascar, t. II, p. 217. moins ratifié le traité conclu par Farquhar. (2) Quant au reproche fait au général Hall (3) Comte d’ALBERMARLE, Fifty years of my de ne pas avoir fait le paiement stipulé life, t. IT, p. 92 et suiv.; Report of the Commis- pour la cessation de la traite, il n’y a pas sioners of Inquiry upon the Slave-Trade at lieu de s’y arrêter, puisque le gouvernement Mauritius, juin 1829, et OLIVER, Antan. Ann., anglais n'avait pas approuvé et encore 1888, p. 473-479 et 1891, p. 319-321. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 171 « sans s’immiscer dans les différends entre les chefs de Madagascar, si ce n’est pour les concilier par la persuasion (4) ». Quand Radama sut que l’indemnité stipulée dans le traité n’était pas payée, il en fut très irrité et manifesta l’intention de favoriser les Français au détriment des Anglais, qui, dit-il, « l’avaient trompé » et, le traité étant dès lors rompu, il autorisa de nouveau la traite. Vers cette époque, en 1819, le hasard mena à Madagascar un caporal français, nommé Robin, qui s'était enfui de Bourbon, où il était en gar- nison, à cause de quelques fautes graves contre la discipline ®) et qui, à cause des circonstances, fut bien accueilli par Radama dont il gagna la confiance et devint le secrétaire, on peut même dire le maître d’école; il a ouvert à Tananarive une petite école primaire et a toujours joui d’une grande influence . (1) Sylvain Roux était chargé de remettre à Radama divers présents, dont une glace ainsi qu’une lettre (Arch. Colon. Minist. des Colonies (a) et R. DECARY, L'établissement de Ste Marie de Madagascar sous la Restauration et le rôle de Sylvain Roux. Correspondance générale, 1937, page 118 et suiv.). (2) En 1816, il avait déserté après avoir volé le pécule des soldats de sa compagnie et s’était enfui à Maurice, où il s’était fait passer pour le neveu d’un général mort à Waterloo. Cette ressource étant épuisée, il s’est fait maître d’école, il a figuré dans une troupe dramatique, puis il est parti « par-dessus bord » pour Mada- gascar (LA VERDANT, Colonisation de Mada- gascar, 1844). (3) Robin a, le premier, introduit l’usage de l’alphabet européen à Madagascar où, jusque-là, on n’avait (et très rarement, sauf sur les côtes Nord-Ouest et Sud-Est) employé pour écrire que les caractères arabes, et il a créé le premier enseignement officiel à Madagascar. Andria- nampoinimerina à eu un secrétaire antalaotra, un lettré d’origine arabe venu du Nord-Ouest, dont Radama a été l'élève, mais jusque-là les Merina, comme les autres Malgaches du reste, n’avaient aucune connaissance ni de la lecture, ni de l'écriture : on a quelques pages où, en regard de mots malgaches écrits en caractères arabes par Radama, est mise leur traduction en français, et dont deux sont reproduits en fac-similé dans les Notes, Reconnaïssances et Explorations, 1898, p. 516 bis (b). Voir l’étude complète du Cahier de Radama dans : HUGUES BERTHIER, De l'usage de l’arabico-malgache en Imerina au début du XIXE® siècle. Le cahier d'écriture de Radama I. Mém. de l’ Acad. malg., fase. XVI, 1933, p. 1-134. (a) Est-ce en réponse à cette lettre qu'il a écrit celle, datée de la fin de 1818, qui est conservée au Ministère des Colonies et où il se plaint avec arrogance de l’arrestation, légitime cependant, de la goélette la Prospérité qui faisait la traite et menace d’user de représailles envers les navires français qui atterriront dans ses États. Il ajoute qu’il n’a pas à se soumettre aux lois édictées par les souve- rains d'Europe qui ne lui ont pas démandé son avis. (b) D’un caractère indépendant, Robin a choisi la carrière des armes et, en 1812, abandonnant livres et parents, il s’engagea dans un régiment de cavalerie et fit une partie de la campagne du Nord. La dynastie changeant, il quitta le service; pendant les Cent jours, il rentra dans l’armée, puis il s’engagea dans un régiment en partance pour l’île Bourbon, avec son grade de sergent. Après deux ans de séjour dans cette colonie, il commit des actes d’insubordination qui furent très sévèrement punis. Mis en 172 MADAGASCAR. Farquhar n’avait pas eu seulement le projet de faire l’éducation agri- cole, industrielle et militaire des Merina, mais aussi leur éducation reli- gieuse, et il avait fait appel au concours des Directeurs de la London Mis- sionary Sociely, qu’il avait fortement engagés à y fonder une mission et des écoles et qui y envoyèrent deux missionnaires, MM. David Jones et Thomas Bevan, partis d'Angleterre en février 1818 et arrivés en juillet à Port-Louis, où les retint le général Hall, qui était hostile à toute entre- prise à Madagascar. Hastie, qui arrivait de Madagascar, leur conseilla de ne rien tenter pour le moment. Toutefois, ayant pu obtenir du gou- verneur deux domestiques qui devaient leur servir d’interprètes, mais à la condition qu'ils se rendraient simplement compte si une mission protestante avait chance d’y réussir, ils partirent le 8 août. Ils tou- chèrent l’île Bourbon où le gouverneur, le général Lafitte, les reçut aima- blement, maisleur confirma les renseignements peu encourageants qu'ils avaient eus à Maurice; ils continuèrent néanmoins leur voyageet, quoique les négriers cherchassent à s’opposer à leur venue, le chef de Tamatave, Jean-René, leur fit un bon accueil tout en les prévenant que, depuis la violation du traité, Radama était très irrité contre les Anglais. Ils réso- lurent néanmoins de tenter un essai à Tamatave et firent construire sur le bord du Mananareza une maison qui fut prête le 8 septembre et où ils prison, il réussit à s'évader avec quelques compagnons d’infortune et, s’étant procuré un petit bateau, il se sauva à l’île Maurice, d’où il gagna Tamatave en 1819 et alla à Tananarive. Il s’y livra, dit-il, à des spéculations et devint rapidement un personnage important; il épousa la fille d’un Merina qui faisait le commerce des bœufs et devint le professeur de Radama, à qui il apprit à lire, écrire, cal- culer et parler en français; il avait, entre temps, appris le malgache. Radama, ayant appris qu’il avait servi dans l’armée de Napoléon, lui montra le portrait de l’'Empe- reur en lui disant : « Napoléon est mon modèle, je veux l’imiter, suivre son exemple. » Le caractère absolu de Radama amena entre eux plusieurs brouilles, après lesquelles ils ne se voyaient plus pen- dant quelque temps, mais ils ne tardaient pas à se réconcilier. En 1826, il fut nommé grand maréchal du palais et commandant supérieur de la côte Est. Le com- mandant de la Seine, qui est venu alors à Tamatave, lui a donné avis que sa condamnation était levée et qu’il était rentré en grâce auprès des autorités de l'ile Bourbon. Quand survint la mort de Radama, inquiet de ce qui allait se passer et craignant pour sa vie, il profita de la venue de /Za Creuse pour quitter Tamatave et il alla chercher à soulever le Nord-Ouest, mais, ayant peu d’armes et peu de poudre, il ne put rien faire et, laissant Ramanetaka qui s’était enfui à Anjouan, il alla à Bourbon avec deux de ses aides de camp qui, n'ayant pas réussi à intéresser le gouverneur à la cause de leur maître, ne tardèrent pas à s’en retourner. Resté à Bourbon, Robin fut nommé agent de colonisation aux appointements de 3,000 francs, mais on n'a plus entendu parler de lui, sauf en 1831, où il est intervenu au sujet de notre établisse- ment de Tintingue (D' PAUL ACKERMANN, Hist. des Révolutions de Madagascar de 1642 à nos jours, 1833, p. 79 et 49; Erzis, Hist. of Madagascar, t. Il, 1838, p. 218, 223 et 230-237; A. GRANDIDIER, Notes de voyages manuscrites, 1868, p. 2350-2351; Henri d'Escamps, Histoire de Madagascar, 1883, p. 65-116; Jurry, Notes Reconnaissances et Explorations, 1898, t. Il, p. 511-516, et fasc-similé du cahier d'écriture de Radama. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 173 ouvrirent une école avec 6 élèves au nombre desquels était Berora, le neveu de Jean-René; ce nombre augmenta peu à peu et les missionnaires furent satisfaits de l'intelligence et de la docilité de ces enfants, ainsi que des progrès qu’ils firent. Le but de leur visite préliminaire ayant été atteint, ils retourne- rent à Maurice, où ils arrivèrent le 9 octobre 1818, avec l'intention de revenir sans délai à Madagascar après avoir rendu compte de leur mission; mais, Mme Bevan étant tombée malade, son mari dut rester à Port- Louis et, seuls, M. et Mme Jones partirent avec leur petite fille et débar- quèrent le 19 octobre à Tamatave, où ils furent reçus avec joie par leurs élèves qui les attendaient avec impatience. Ils y firent construire une école sur un emplacement que leur accorda Jean-René, mais on entrait en mauvaise saison et ils furent atteintes de la fièvre. Le baron de Mackau, qui était alors sur rade avec sa frégate, apprenant leur maladie, alla les voir et leur envoya des médicaments et des vivres 4) : en décembre moururent, à quelques jours d'intervalle, Mme Jones et sa fille. Lorsque M. Bevan, au milieu de janvier 1819, put quitter l’île Maurice avec sa femme et sa fille, il apprit ces tristes nouvelles et trouva M. Jones malade; après avoir hésité, il décida de rester et s'installa à Andevorante, mais quelques jours après tous les trois succombèrent (®). Quand M. Jones fut rétabli, il rouvrit à la fin d'avril une école, au grand contentement des indigènes; Brady, général dans l’armée merina, qui arriva de Tana- narive en ce moment, lui annonça que Radama était bien disposé à l’égard des missionnaires anglais et désirait qu'ils instruisissent les Merina, et qu'il le recevrait avec plaisir. Mais l’état de sa santé obligea M. Jones à partir le 3 juillet pour Maurice, où il resta jusqu'en mai 1820, se soignant et instruisant de jeunes enfants esclaves. La traite, qui avait recommencé, comme nous l’avons dit, après le (1) Comme le Baron de Mackau retournait (2) La petite fille le 25 janvier 1820, le père en Europe, il prit à son bord le fils de Fiche le 31 et la mère le 3 février. Les Anglais ont cru (Fisatra) et neveu de Jean-René Berora (Louis- qu'ils avaient été empoisonnés, mais l’époque René), qui était à l’école de M. Jones, et qu'il était fort mauvaise et il n’est pas douteux que emmenât pour qu'il fit son éducation en France, c’est la fièvre paludéenne.qui les a tués. où il a vécu depuis et est mort en 1832. 174 MADAGASCAR départ de Farquhar, a continué jusqu’à son retour en juillet 1820, époque à laquelle il s’empressa de réparer le tort fait à l’honneur ainsi qu'aux intérêts de l’Angleterre en renouvelant, le 11 octobre, le traité précédent (1). Pendant l’absence de Farquhar, Radama avait entrepris la conquête du Ménabé. Ramitraho, qui avait succédé vers 1809 à Mikiala (), le roi du Ménabé, son père, eut à se défendre contre ses deux frères, Lahi- tsambé (%) et Raholatsy (nommé par les Merina Raholatra) qui, après une lutte plus ou moins longue, durent fuir. Raholatra se réfugia en Imerina, où le roi lui accorda sa protection, pensant se servir de lui pour assujettir le Ménabé dont il songeait à s'emparer. En effet Radama, qui avait à diverses reprises envoyé des émissaires sommer Ramitraho de reconnaître sa suprématie (4 et n'avait pas obtenu de réponse satisfai- sante, se décida à envoyer, en février 1820, une expédition (5) sous le commandement des généraux Ramamba, Andrianikija et Robin (6), qui arriva jusqu’à Tsiombikibo, la résidence du roi, mais celui-ci n’y était plus, étant parti à la recherche de l’ennemi et, quand les deux armées se trouvèrent en présence, elles se battirent pendant six heures et, finale- (1) A cette époque, les premières guerres qu'avait faites Radama lui avaient fait com- prendre la supériorité d’une armée disciplinée et les avantages que lui procurerait une alliance avec l’Angleterre. Voir, au sujet de ce traité, p. 167 et 168 notule (a). (2) Dont le nom posthume est Andriant- soanarivo. (3) Nommé à tort Kelisambay par GUILLAIN. (4) De se reconnaître, suivant l’expression malgache l° « enfant » de Radama (a), à quoi le roi du Ménabé répondit : « Ma main droite appartient à mon père qui, seul est mon maître, et ma main gauche appartient à ma mère; il m'est donc impossible de me soumettre à Radama. » (5) Ellis dit que, au grand kabary où cette décision fut prise et auquel assistaient 20,000 personnes, il fut décidé qu’on ferait d’abord partir ceux qui avaient déjà eu la fièvre, comme moins aptes à la contracter en pays sakalava, et que les autres ne partiraient qu’à la saison sèche (Hist. of Madagascar, t. LT; p.218) (6) Robin avait donné aux Merina les pre- mières leçons de tactique militaire et, seul, il avait le grade de maréchal. GUILLAIN (p. 80, note) croit, sans pouvoir l’aflirmer, et nous le croyons aussi, que c’est lui qui, sous le nom d’Andrianikija, à dirigé, de concert avec le général Ramamba, cette expédition, ainsi que celle du Boïna. (a) Les souverains merina demandaient d'ordinaire aux autres rois voisins s’ils se reconnaissaient leurs « enfants » et, le plus souvent ceux-ci, pour éviter la guerre, acceptaient cette formule qui n’était guère que nominale, mais quand ils voulaient réellement s'emparer du pays, ils demandaient au roi ennemi l’ankibentanana, le pouce, de sa vadibé, de la reine, et de son fils aîné, demande indiscrète et exorbitante qui n’était jamais admise, de sorte que la guerre s’ensuivait. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 175 ment, les Merina lächèrent pied et rentrèrent en débandade dans l’Ime- rina (, Radama résolut de réparer cet échec et, satisfait des progrès qu’avaient fait ses soldats qu'instruisait le sergent anglais Brady, et qui étaient au nombre d’un millier, il convoqua un grand kabary, une grande assemblée populaire, où il annonça sa décision de faire une nouvelle expédition au Ménabé, ajoutant que tout homme valide en état de porter les armes partirait à la guerre ou paierait un impôt de dix piastres. « Le 23 juin 1820, la veille du départ pour la campagne du Ménabé, 500 chefs de district s’assemblèrent dans la cour du palais pour jurer fidélité à leur souverain dans la guerre qu’on allait faire; s’exaltant les uns les autres, ils se portaient des défis et faisaient des paris de 500 à 1,000 piastres à qui serait le plus brave; le roi, qui se tenait à la porte du palais ayant aussi à la main une sagaye et un bouclier, les excitait de la voix et du geste, taxant à 9 piastres (45 fr.) la tête de chaque ennemi qui lui serait apportée, flattant leur cupidité en les assurant d’un butin considérable et promettant de conférer de grands honneurs aux plus braves. Au point du jour, une salve d’artillerie donna le signal du départ et le roi, après avoir fait une prière à son grand ancêtre Andriamasinava- lona et sacrifié en son honneur un coq et une génisse, monta sur son palanquin couvert de velours rouge et partit, suivi de l’agent anglais Hastie et des 70,000 à 90,000 individus qui devaient l’accompagner dans sa campagne et qui ne comprenaient qu'un millier de soldats disciplinés : après son départ, la ville et ses environs parurent déserts, car il n’y resta plus que les femmes et les enfants, ainsi que les hommes âgés ou infirmes. « Les Sampy ou talismans nationaux ouvraient la marche et chaque clan, voire même chaque soldat, avait en outre les siens; les devins et les mpisikidy, les diseurs de bonne aventure, étaient consultés sur la (1) GUILLAIN, Documents sur la partie occi- n’y a pas eu de combats sérieux, simplement dentale de Madagascar, 1845, p. 56 (d’après des escarmouches (Tanjara ny Andriana, ELLIS). — Le R. P. CALLET dit, d’après les édit. 1908, tome II p. 1068). Merina, que Ramitraho s’est dérobé et qu’il 176 MADAGASCAR. route qu’on devait suivre, sur les aiguades où l’on devait s’arrêter, sur les lieux propices aux campements, sur les gués par lesquels on devait traverser les rivières et enfin sur les résultats qu’on pouvait attendre des combats; on observait également le vol des oiseaux qui traversaient la route ou qui planaient au-dessus de l’armée pour en tirer des augures favorables ou néfastes. « Dans cette foule, les individus d’un même clan allaient ensemble, ayant leur chef particulier, et chacun devait se fournir lui-même d'armes, fusil ou sagaye et bouclier. Le frère de Ramitraho, Raholatra, servait de guide à l’expédition, mais les Merina n’avaient pas en lui une entière confiance et ils le faisaient surveiller par une centaine d'hommes. Radama marcha d’abord à petites journées à la tête de cette foule en désordre, qui fut ensuite répartie en plusieurs corps qui devaient plus tard se reunir en un point convenu. « Le 8 juillet, jour où l’on présumait que le roi entrerait sur le terri- toire sakalava, toutes les femmes de Tananarive et des environs sortirent au lever du jour de leurs maisons et, assemblées en groupes, entonnèrent, comme prières et bénédictions pour l’armée et son chef, le mirary ou chant de guerre : « Il est allé vers l'Ouest, notre roi, notre divin maître! qu’en tout lieu il soit vainqueur! » Puis, s'adressant aux soldats : «Maniez bravement la sagaye!l », disaient-elles, et elles lançaient toutes sortes d'imprécations contre l'ennemi, tenant à la main une petite baguette qu’elles brandissaient de leur côté avec un enthousiasme sauvage. Cette cérémonie eut dès lors lieu tous les matins et tous les soirs et quelquefois même pendant la journée. «Arrivés sur le bord du Tsitsobohina (ou Tsiribihina) auprès du lac Hima (à une cinquantaine de kilomètres de son embouchure), les Merina traver- sèrent la rivière et trouvèrent à Andranomena, près d’Ampatipatika, l’armée sakalava avec laquelle ils en vinrent aux mains, sans résultat ; ils parcoururent en vain le pays sans pouvoir la joindre de nouveau, ayant seulement çà et là quelques escarmouches, et finalement, à la fin d’oc- tobre, décimés par les fièvres bien plus que par les combats, ils se déci- dèrent à rentrer dans l’Imerina, rapportant toutefois un butin considé- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 177 rable dont tous, chefs et soldats, semblaient avoir fait l'unique but de leur campagne : leur conduite fut en effet bien plus celle de brigands que de soldats; s’agissait-il de prendre du bétail ou quelques individus sans défense, ils se précipitaient avec furie, mais qu’une action s’engageât, personne ne songeait à soutenir son voisin ou à se maintenir à son poste; chacun ne s’occupait que de soi, prompt au pillage et surtout prêt à fuir dès qu’il y avait du danger; ils ne respectèrent même pas les tombes des anciens rois du Ménabé, situées à Nosy Salo, et s’emparèrent de l’argent, des fusils et des autres objets qui y étaient déposés. À Mananarivo (à une trentaine de kilomètres du canal de Mozambique et non loin du Tsitso- bohina ou Tsiribihina) où résidait Ramitraho, Hastie trouva un des aoly, un des talismans de ce roi; les Merina s’en réjouirent, car, dirent-ils, « nous sommes sûrs de ne pas tarder à nous emparer de ses dévots, car voici que les Sakalava abandonnent leurs aoly et sûrement les aoly ne les protégeront plus », mais, ajoute Ellis, ils se trompaient, ils se sont en effet cachés dans les bois et dans des grottes où ils ont trouvé un meilleur asile qu’auprès de leurs talismans. Dans la résidence de Rami- traho, les Merina ont découvert deux canons dont ils se sont emparés mais, ne pouvant les emporter avec eux dans leur retraite malheureuse, ils les ont enterrés sur le bord du fleuve et, plus tard, le général Rama- netaka les a pris et rapportés à Tananarive. « La fièvre et surtout la famine (® causèrent de terribles ravages parmi (4) « Ramitraho n’a pas cherché à lutter contre Radama et a eu recours à la ruse; il s’est contenté de fuir à son approche, emmenant tous les bœufs et autres animaux domestiques et emportant ou détruisant toute espèce de vivres. Aussi l’armée merina fut-elle bientôt en proie à une famine affreuse; les soldats en furent réduits à manger toutcequ’ilstrouvaient. Le peu de riz qu’on trouvait se vendait extré- mement cher : deux poignées coûtaient une piastre (5 francs) et, seuls, les plus riches pou- vaient en acheter pour échapper à la mort; la plupart, n’ayant ni argent, ni vivres, périrent sans combattre, victimes de cette terrible HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. famine. En approchant de Tananarive, plu- sieurs se précipitèrent avec tant d’avidité sur le riz et sur les songes qu’ils moururent d’indi- gestion. Les chefs, certains esclaves et les soldats les plus robustes purent seuls suivre le roi et réintégrer leurs foyers. Malgré le désastre qu'avait subi Radama, à son retour dans l’Imerina, les femmes et les enfants, pleins de joie à sa vue, manifestèrent leur allé- gresse par des chants et des danses » (R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, édit. 1908, p. 1068-1069, et R. P. MALZAG, Hist. du royaume hova, 1912, p. 187). ; 178 MADAGASCAR. eux, entraînant la mort de 25,000 à 30,000 hommes. Radama lui-même et l’agent anglais n’eurent, pendant huit jours, d'autre nourriture qu’une poignée de riz et quelques oiseaux qu’ils tuèrent, et les soldats jon- chaient les chemins de leurs cadavres. Aussi, ne fut-ce qu’un cri en Ime- rina : « Notre armée est anéantie, il n’en reste plus rien! » Il n’y avait pas en effet de village, de famille, qui n’eût à déplorer la mort d’un parent ou d’un ami et, pendant plusieurs mois à Tananarive, il n’y eut pas de jour où ne fut entendue une décharge de mousqueterie annonçant l’arrivée du corps ou des ossements d’un de ceux qui avaient succomhé dans cette guerre. « Avant de rentrer à Tananarive, Radama fit des ablutions lustrales, ainsi que les personnes de sa suite, et il se rendit ensuite en grande pompe sur la place d’Andohalo où, entouré de tous les Sampy, les talis- mans royaux, et après qu’on eut immolé un bœuf, il fit un discours, van- tant son expédition et remerciant les soldats ainsi que les femmes merina qui, par leurs mirary, leurs chants et leurs prières, avaient soutenu le courage des combattants et contribué à la victoire () ». En décembre 1820, eut lieu dans la plaine de Sahafa, auprès d’Ambo- himanga, à une vingtaine de kilomètres au nord de Tananarive, un grand kabary, une grande assemblée, pour récompenser les soldats qui s'étaient distingués dans cette seconde expédition du Ménabé, auquel assistaient 30,000 Merina : le régiment instruit par le sergent Brady fut loué pour sa belle conduite et le succès qu’il avait obtenu (?). Après que les andriam- baventy, les notables, et les loholona les chefs de province, eurent assuré le roi de leur dévouement et de leur fidélité, Radama se leva et prononça un grand discours où, après avoir rappelé son illustre lignée et les droits qu'il avait de régner sur Madagascar, il exposa ses projets relatifs à une nouvelle campagne au Ménabé, annonçant que dorénavant il n'emmène- rait pas ses sujets en masse à la guerre, car il en avait constaté le mau- vais résultat, et qu'il ne prendrait plus avec lui que des soldats exercés, (1) ELus, Hist. of Madagascar, t. II, 1838, 1845, p. 58-61, et reproduit par le R. P. MALZAC, p- 252-256, traduit par GUILLAIN dans ses Do- Histoire du royaume hova, p. 184-187. cuments sur la Côte Occidentale de Madagascar, HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 179 qui seuls pourraient l’aider à vaincre ses ennemis et à soumettre toute l’île à sa loi, et assurer la paix à son royaume. « Il faut donc, conclut-il, que j’aie une armée nombreuse. À vous de fixer le nombre de soldats que doit fournir chaque province (4); quant à ceux qui ne seront pas appelés au service militaire, ils paieront une taxe qui servira à l’entretien de ceux qui seront à la guerre (2) ». Ce discours fut très applaudi. Le roi ayant alors demandé que ceux qui voulaient s’enrôler se réunissent et formassent un groupe séparé, immédiatement un grand nombre se leva, disant : « Sire, nous sommes à votre disposition, très honorés de servir sous vos ordres ». En peu de jours, il y eut 14,000 enrôlements (8). Le 25 mars 1821, ces recrues ayant déjà une certaine instruction, Radama convoqua un grand kabary, également auprès d’Ambohimanga, où elles formèrent la haie autour de la place, et le roi, après les avoir passées en revue, se rendit à la tribune centrale où, quittant son uniforme (1) Les soldats ne furent recrutés que dans cinq des provinces de l’Imerina; le Vakinanka- ratra fut exclus. (2) « Car, ajouta-t-il, pour vous, vétérans qui avez combattu avec mon père, vous resterez ici pour cultiver la terre et consolider le royaume, mais je vous demande de venir en aide à ceux qui, faisant la guerre, ne pourront plus travailler leurs rizières et il faut que vous payiez pour eux le cinquième de vos biens et le dixième de votre riz; ce sont vos enfants, et nous devons leur donner de quoi vivre pendant leur campagne ». Cet impôt fut dès lors prélevé pour les soldats pendant le règne de Radama (R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, 1908, p. 1080). (3) Soit 4,000 parmi les Avaradrano, 3,000 parmi les Vakinisisaony, 2,000 parmi les Maro- vatana, autant chez les Ambodirano et les Vonizongo, auxquels on adjoignit 1,000 des- cendants d’esclaves. Ces soldats furent instruits par le sergent anglais Brady et, aux 10 voni- nahitra « honneurs » ou grades qui existaient alors, Radama en ajouta trois, le onzième pour Brady, le douzième pour Hastie et le trei- zième pour Robin, qui avait toutes ses sympa- thies. A cette même époque, le 29 décem- bre 1820, Radama, qui avait reçu le 17 octobre, avec beaucoup de plaisir, dit-il, 5 barils de pou- dre, 60 gravures représentant des scènes mili- taires françaises, { shako, deux coupons de drap écarlate, 1 petit modèle de moulin à maïs, etc. et surtout le portrait du roi Louis XVIII peint à l’huile, que lui envoyait le gouvernement français en cadeau, en remer- ciait le gouverneur de Bourbon, le baron Milius, ajoutant : « J'aime les Français; leur loyauté et leurs principes honnêtes leur attirent l'estime de toutes les nations qui les connaissent; j'aurais désiré continuer plus longtemps le commerce avec cette nation estimable, mais voyant de tous côtés des entraves contraires à leurs intérêts et aux miens, je me suis décidé à prendre d’autres dispositions... » et, à la fin de la lettre, il y avait de la main de Radama : « Radama bon ami toujours pour Français et pour M. le Gouverneur Milius, Radama mpan- jaka ». (Archives du Ministère des Colonies, Madagascar, Corresp. générale, Carton XII, lettre H). $ 180 MADAGASCAR. de général, il endossa un vêtement de fantaisie, mi-européen et mi- arabe. La population de Tananarive et des environs y assistait presque tout entière : il n'y avait pas moins de 60,000 à 70,000 assistants. Après divers exercices militaires et plusieurs feux de peloton, les soldats se groupèrent autour de lui pour pouvoir l'entendre. Leur ayant dit d'enlever la bayonnette de leurs fusils, il prit dans sa main un talis- man et fit une prière, remerciant Dieu de la protection et des faveurs qu'il lui avait accordées, ainsi qu’à ses sujets; puis, ordonnant de remettre les bayonnettes aux fusils, il prononça un long discours, fréquemment interrompu par les acclamations et les applaudissements de l’immense foule. Après un hommage rendu à ses grands ancêtres Ralambo et Andria- masinavalona, et surtout à son père, le vaillant Andrianampoinimerina, il fit l’éloge de la bravoure de ses sujets, dont témoignaient les cicatrices que beaucoup d’entre eux portaient; puis, s'adressant aux nouveaux soldats qui avaient si bien fait l'exercice, il leur dit : « Vous avez reçu une bonne instruction militaire et vous êtes très supérieurs à vos pères; il n’y a pas aujourd’hui une peuplade que vous ne puissiez vaincre, une ville que vous ne puissiez prendre. Ce qu’il importe, c’est que vous soyez toujours bien unis et que vous coopériez intelligemment ensemble. Rap- pelez-vous les paroles que m’a dites mon père : « Sache, Radama, que l’île de Madagascar est tout entière à nous, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, que la mer seule forme la limite de notre royaume; notre peuple est plus riche et plus heureux que tous les autres de ce pays et, pour toi, c’est un honneur d’être son roi, pour lui, c’est un bonheur d’être sous ton autorité. Ne t’arrête pas avant d’avoir conquis l’île tout entière ». Cette mission que m’a donnée mon père, je l’ai remplie de mon mieux jusqu'à ce jour. Reconnaissant la supériorité de troupes disci- plinées et instruites, j’ai fait appel à mes sujets pour former une armée régulière : 14,000 y ont répondu et, grâce à mon alliance avec l’Angle- terre, je puis leur fournir des armes, des munitions et des uniformes. Si, officiers comme soldats, vous faites votre devoir, nous n’avons rien HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 181 à craindre, car vous, les Foloalindahy (litt. : les 100,000 hommes, l’armée) qui êtes de bons soldats, des soldats braves, vous m’aiderez à soumettre cette île que la mer entoure de tous côtés. Quant aux châtiments qu’il y aura lieu d’infliger aux lâches et aux déserteurs, je vous laisse le soin de décider quels ils doivent être ». Les commandants des divers corps firent alors de solennelles décla- rations de fidélité envers leur roi, déclarations que leurs soldats appuyè- rent chaleureusement, l’assurant de leur plein et entier dévouement et ajoutant : « Quant à ceux qui n’accompliront pas leur devoir, qui agiront lâchement, qui fuiront devant l'ennemi, que le roi agisse à leur égard suivant son bon plaisir, qu’il leur fasse prendre le tanghin, qu’il leur tranche la tête, qu’il les laisse mourir de faim et qu’on donne leurs corps aux chiens, ou bien qu’on les brûle sur un bûcher et qu’on jette leurs cendres au vent ». Le roi remercia ses sujets pour leur fidélité et leurs promesses, ajoutant : « Quant aux lâches et aux déserteurs, ne formulons pas de peines en ce moment, mais quant à ceux qui se conduiront fidè- lement et bravement, je veux qu'ils reçoivent les éloges qu’ils mériteront et qu'ils montent en grade ». Tous les militaires présents, officiers et soldats, insistèrent tout d’une voix pour que les lâches et les déserteurs fussent brûlés vifs, ce qui fut adopté (4), en spécifiant toutefois que leur crime n’entraînerait pas de conséquences fâcheuses pour leurs femmes et leurs enfants. L’armée tout entière confirma cette loi en présentant le hasina au roi; puis les chefs présentèrent chacun le leur, en appelant sur lui les bénédictions du ciel, et en exprimant le vœu que leurs enfants fussent encore plus braves qu’eux. Radama se retira alors sous une tente qui était dressée dans la plaine et où il dîna gaiement (?). C’est alors qu’il ordonna aux soldats qui, jusque-là, tressaient leurs cheveux en nattes plus ou moins nom- (1) Car, ajoutèrent-ils, « il est juste qu'ils (2) Ezuis, Hist. of Madagascar, t. II, p. 257- paient de leur vie leur lâcheté, comme un 261, traduit par GUILLAIN, loc. ct, p. 61-64, chien qui a dévoré une brebis paie par sa mort et reproduit dans R. P. MALZAC, loc. cit., p. 187- le méfait qu’il a commis ». Une pierre commémo- 190, avec additions d’après le Tantara ny rative fut dressée à Sahafa pour rappeler cette Andriana du R. P. CALLET, p. 1077-1080. loi. 182 MADAGASCAR breuses, de les couper en ne gardant qu’un petit toupet, et il donna le premier l'exemple (1. Prêt dès lors à reprendre son expédition contre le Ménabé, Radama partit à la fin de juin 1822 (? avec sa nouvelle armée, qui comprenait 13,000 soldats et 6,000 porteurs de bagages et de provisions. Il ne se passa pas un long temps avant que n’arrivât à Tananarive la nouvelle qu'il avait été victorieux et qu’il n'avait eu que quelques soldats tués et peu de blessés et que, au contraire, l’ennemi avait éprouvé de grandes pertes d'hommes et de butin. En arrivant à Midongy qui est sur les confins du Betsileo et du Ménabé, il avait envoyé aux chefs Sakalava un message pour les prévenir qu’il venait pour les punir de leur conduite à son égard, que toutefois, s’ils voulaient faire la paix avec lui et reconnaître sa suzeraineté, il oublie- rait le passé et leur accorderait les mêmes privilèges qu’à ses autres sujets, mais que, s’ils rejetaient ses propositions, il leur montrerait qu’il était le maître. À ce message, le chef Lahimainty répondit fièrement : « Dites à Radama que s’il a de la poudre, des fusils, nous aussi nous en avons. Il sait ce qu’il veut, mais nous aussi nous avons notre volonté. Qu'il vienne donc et, s’il le peut, qu'il prenne notre ville! » Midongy est bâti sur le sommet d’un énorme rocher à pic et on n’y accède que par un seul sentier escarpé. Les habitants (®) se défendirent bravement, (1) Les soldats tenaient à leurs tresses et il y eut un grand mécontentement dans la popu- lation. Les femmes se réunirent, demandant grâce pour la chevelure de leurs maris et de leurs parents, et les princesses mirent leurs récriminations et leurs plaintes aux pieds du roi qui, irrité, répondit qu'il mettrait à mort ceux qui ne lui obéiraient pas et, faisant venir les femmes les plus mutines, les menaça de mort si elles continuaient à récriminer; dès lors, elles se résignèrent (R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, p. 1079). On dit même que, quelques-unes ayant osé blâmer publiquement Radama de changer les coutumes des ancêtres, il ordonna « qu’on coupât leurs cheveux de façon à ce qu'ils ne repoussassent plus » et ainsi fut fait : on coupa la tête de cinq de ces énergumènes qui étaient à la tête de la rébel- lion et tout rentra dans l’ordre. (2) Avant de partir, il célébra le Fandroana, la fête du nouvel an, qui avait lieu le 20 juin : le 49 il y eut les feux de joie rituels et les illu- minations et le lendemain les sacrifices habi- tuels, tant à Tananarive qu’à Ambohimanga, sur la tombe d’Andrianampoinimerina. (3) Il n’y avait, dit-on, que 50 guerriers sakalava dans la ville, lorsque 1,000 Merina l’attaquèrent, mais, à cause de sa situation au sommet d’un rocher inexpugnable, ces Sakalava tuèrent, avec des fusils ainsi qu'avec HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 183 jetant sur les assaïllants de gros blocs de rocher qui en tuèrent beaucoup et se servant en même temps de leurs fusils et de leurs sagayes . Leur belle défense n’empêcha pas toutefois Radama de s’emparer de la ville, dont le chef et plusieurs habitants furent massacrés et d’autres réduits en esclavage; la plupart des femmes préférèrent se donner la mort avec leurs enfants en se jetant dans le précipice plutôt que de tomber entre les mains des Merina. Radama y laissa 2,000 hommes avec Rakizoarivo comme gouverneur, puis il alla de l’avant à la recherche du roi du Ménabé, Ramitraho, divi- sant son armée en plusieurs corps qui prirent des routes différentes; mais ce roi, effrayé du succès de Radama et de l’armée nombreuse qu’il avait avec lui, jugea prudent d’entrer en pourparlers avec lui et lui fit proposer sa fille Rasalimo en mariage, acceptant en même temps, disent les Merina, la suzeraineté de Radama, mais, en réalité, contractant sim- plement avec lui une alliance. Le mariage eut lieu tout de suite et la guerre fut dès lors terminée : auprès de l'endroit où fut célébré le mariage Radama établit un village et un grand marché qu’il nomma Tsiroaman- didy [litt. : (où) il n’y en a pas deux qui commandent (c’est-à-dire qui obéit à un seul roi)] ?), pour bien établir qu'il prétendait être seul à régner à Madagascar, et les Merina disent (% qu’il a laissé des garnisons d'un millier de soldats à Janjina, à Bondrony, à Malaimbandy et à Mahabo (#,. Radama partit avec son épouse, qu’accompagnèrent 300 notables sakalava et esclaves et il rentra à Tananarive à la fin de 1822 : arrivé à Ambaniala, à quelques kilomètres de la capitale, de nombreux Merina vinrent lui présenter leurs hommages et lui offrirent en présents les pro- duits de leurs champs; heureux de voir des terres si bien entretenues, il des pierres et des morceaux de bois, une (3) R. P. CALLET, loc. cit, p. 1084-1086, et dizaine d’assaillants chacun. A la fin cependant, KR. P. MALZAC, loc. cit., p. 192-193. Radama s’empara de la ville. (4) C'est seulement dans ces postes que les (1) Deux soldats merina ayant fui, furent Sakalava du Ménabé obéissaient aux Merina; brûlés vifs, conformément à la loi qui avait été partout ailleurs ils avaient conservé leur pleine édictée dans le kabary du 25 mars 1821. indépendance. (2) Lat. S. 18047’, long. E. Paris 43050’. 184 MADAGASCAR. leur dit : « Quelle différence avec l’année passée, où tous les habitants étaient partis à la guerre, où il n’y avait plus personne ici pour cultiver la terre, et cependant nous n’avons pas été victorieux! Et cette année, au contraire, avec mes troupes enrégimentées et bien entraînées, j'ai soumis les ennemis et, en rentrant ici, je trouve mon pays riche en produits de toutes sortes ». Il fut reçu à Tananarive, le 23 janvier 1823 avec de grandes démons- trations de joie et, suivant l’usage, en y arrivant, il monta sur la pierre sacrée d’Andohalo où il reçut le hasina, l’offrande propitiatoire, du peuple, ainsi que ses félicitations; les ambassadeurs sakalava, qui accom- pagnaient la princesse, firent à Radama, au nom des Antimena, des habitants du Ménabé, et de leur roi, le serment d’allégeance. Puis il se rendit au palais avec la reine sakalava 4), dans une voiture que lui avait envoyée le gouverneur de Maurice, entre deux haies de soldats et pas- sant sous trois arcs de triomphe ornés de feuillage et de fleurs et de bandes d’étoffe. Il traita avec beaucoup d’égards les envoyés de Rami- traho, auxquels il fit montrer les curiosités de la capitale, surtout les diverses industries importées par les artisans anglais et, lorsqu'ils par- ürent, il leur fit remettre de nombreux présents pour leur roi, entre autres deux chevaux, des étoffes de toutes sortes, indigènes et étrangères, quelques pièces d’or et quelques piastres, ainsi qu’une chaîne d'argent, travail remarquable des orfèvres merina; on leur donna aussi des graines de diverses plantes et de divers légumes, mais on a su qu’ils les avaient jetées en route, disant : « À quoi bon ces graines? N’en avons-nous pas tant et plus chez nous? (?) ». Il a aussi envoyé plusieurs charpentiers et toute jeune; 20 un fils que Radama I, qui sa- vait que sa famille le tuerait, confia à Robin, qui promit de le garder envers et contre tous, mais on le tua pendant que son gardien dor- mait et on le fit passer pour mort de maladie (1) Rasalimo, l’épouse sakalava de Radama I se plut d’abord dans sa nouvelle patrie, où elle fut comblée de prévenances et d’honneurs, mais, au bout de quelque temps, désireuse de revoir son père et son pays, elle s’enfuit avec quatre Sakalava; rattrapée chez les Vonizongo, elle fut ramenée à Tananarive et les quatre Sakalava furent mis à mort. (Tantara ny An- driana, p. 1086). Elle a eu deux enfants : 1° une fille mariée à Ramboasalama et morte (A. GRANDIDIER, Notes de voyage manuscrites, p: 4157); (2) Il nous semble plus probable qu'ils les ont jetées croyant qu’elles contenaient quelque sortilège ou maléfice. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 185 forgerons avec leurs outils pour construire une belle maison pour le roi du Ménabé (1). En janvier 1825, le général Rafozehena fut envoyé avec des soldats pour se faire livrer les fusils des habitants, des Antimena, et il passa plusieurs mois à chercher leur roi Ramitraho, après quoi il s’en retourna à Tananarive avec les quelques fusils qu'il avait pu recueillir de côté et d'autre; Radama ne trouva pas ce résultat satisfaisant et le renvoya au mois de mai 1826 à la poursuite de Ramitraho qui, après s’être long- temps dérobé, finit par lui faire dire que s’il lui avait donné sa fille en mariage, c'était avec le désir et dans le but de vivre en bonne intelli- gence avec lui et qu'il lui livrerait, comme il le lui demandait, tout de suite une partie de ses armes et le reste dans quelques mois, maïs à des civils et non à un général à la tête de ses troupes. A la réception de ce message Radama envoya au Ménabé son épouse Rasalimo, la fille de Ramitraho, avec Andrianikija (nom sous lequel les Merina désignaient le « général » Robin), à la tête d’un millier de soldats pour l’escorter, mais le père refusa de recevoir sa fille, cherchant à éluder sa promesse et, quand enfin il consentit à une entrevue avec les Merina, au lieu de se conformer aux stipulations, il y vint avec une grande troupe de Saka- lava armés, méditant une trahison, mais ses mauvais projets furent déjoués; plus tard venant à résipiscence, il envoya une ambassade à Radama et la paix se rétablit (. (4) ELLIS, Hist. of Madagascar, t. IT, p. 283- 286 et 300; GUILLAIN, Documents sur la Côte O. de Madagascar, 1845, p. 61-67, et R. P. 23 janvier 1823), et 300-301; GUILLAIN, Docu- ments sur la côte occidentale de Madagascar, p. 04-67, 92-93 et 108-110; R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, 1902 et édit. 1908, p. 1068-1069, 1077-1080 et 1084-1086 (extraits dans l’Zraka de 1899 et de 1900), et R. P. MaALzAC, Histoire du Royaume hova, 1912, p. 183-190 (a). CALLET, Tantara ny Andriana, 1908, p. 1084- 4086, traduit dans l’Histoire du royaume hova, du R. P. MALZAC, 1912, p. 190-193. () Ezuis, History of Madagascar, t. II, p. 218-219, 252-262, 283-286 (19 juin 1822- (a) Le commandant Lagougine sous le pseudonyme de « MarRiELD », dit que « Radama, homme sans foi ni loi, se voyant dans l'impossibilité de vaincre Ramitraho par les armes, résolut d’en venir à bout par la trahison et l’assassinat. Il fit la paix et s’allia avec Rasalimo, laissant avec le roi du Ménabé quelques-uns de ses confidents chargés de capter sa confiance et de l’assassiner. Ce complot réussit à merveille et la tête de Ramitraho fut portée en triomphe à Tananarive et présentée à Radama qui ne put contenir sa joie et sa rage à la vue de la tête de celui qui l’avait vaincu sur le champ de bataille, se livrant sur elle aux outrages les plus barbares et les plus insensés, la souf- fletant, lui crachant à la figure et la jetant ensuite en pâture aux cochons ». Il n’y a pas un mot de vrai dans ce récit. (La France à Madagascar, 1887, p. 65). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 24 186 MADAGASCAR. D'ailleurs, pendant toute l’année 1827, l'attention de Radama fut occupée du côté de l'Est, où apparaissaient des symptômes de rébellion, surtout dans les provinces d’Anteva et d’Antsihanaka. Dès son retour à Maurice en juillet 1820, Farquhar avait désigné, pour être son agent politique et diplomatique auprès de Radama, Hastie, et, pour s'occuper des questions religieuses et scolaires, pour ouvrir des écoles et donner aux Malgaches de l'instruction, le missionnaire de la L. M. S., M. David Jones (); tous les deux partirent pour Tamatave, en septembre. En montant à Tananarive (®), ils croisèrent plusieurs convois d'esclaves, tous enchaînés, qui descendaient à la côte et dont l’un n’en comptait pas moins d’un millier. Arrivés le 4 octobre, vers midi, au pied de Tananarive, ils reçurent l’avis que le roi les recevrait à quatre heures : à ce moment, plusieurs coups de canon furent tirés en leur honneur. Un peu avant quatre heures, Robin, le secrétaire de Radama, vint les chercher, ayant à la main la montre du roi, et les con- duisit au palais entre deux haies de soldats; dans la cour étaient massés des tambours, des cymbaliers et des chanteuses. Radama, venant tout joyeux à leur rencontre leur serra amicalement la main à tous deux et les conduisit à la salle de réception qui était bien meublée et où ils accé- dèrent par un escalier en bois massif; puis, renvoyant la garde, il fit servir un bon repas auquel prirent part Hastie, Jones, Robin 6%), et Brady, ainsi que cinq des principaux dignitaires de la cour (4). (1) En 1818, les pasteurs protestants Jones et Bevan étaient venus à Tamatave puis,en 1820, Jones alla avec Hastie à Tananarive, où ils furent bien accueillis par Radama. Toutefois, ce n’est qu'en février 1824 que le roi a autorisé les prédications en malgache. Voir l’ouvrage du Rév. Gustave MONDAIN, missionnaire à Mada- gascar, Un siècle de mission protestante à Mada- gascar, 1920, 1 vol. in-16 de 372 pages. (2) À mi-chemin entre la côte et la capitale, Hastie reçut une lettre en créole dans laquelle Radama lui disait qu'il l’attendait, « l’assurant qu’il n’était pas aussi prompt à couper les têtes qu'on le disait ». (3) Robin, dit Ellis, vint faire des protesta- tions d'amitié aux Anglais, mais Hastie lui répondit « qu'il ne pouvait pas avoir à leur égard de bons sentiments et qu’il le priait de le laisser tranquille ». (4) Le naturaliste allemand HILSENBERG raconte qu’en 1820, un neveu de Radama, venu à Maurice, « où il s’était enrichi de con- naissances diverses et d'expérience », y fomenta, parmi les esclaves malgaches qui étaient au nombre de 16,000, une insurrection dans le but de massacrer les créoles et les Européens, de s'emparer des navires qui étaient dans le port et de faire voile pour Madagascar. Mais la cons- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 187 Le lendemain, il reçut avec plaisir les cadeaux que lui envoyait Far- quhar, surtout les chevaux dont il monta un tout de suite, faisant toutefois remarquer que ces cadeaux lui étaient donnés par suite de conventions spéciales, et, invitant Hastie et Jones à monter aussi, il alla pendant plus de cinq kilomètres sur une route qui était fort bonne et qui étonna Hastie, lui qui en avait jusque-là si souvent déploré le manque à Madagascar. Le soir, il y eut de nouveau un diner, puis le roi joua aux cartes avec Hastie et, tout en jouant, il se plaignit de la violation du traité, disant queses sujets se servaient comme proverbe de la phrase «faux comme un Anglais », et moi, dit-il, «n’ai-je pas fait mettre à mort mes parents, Andriamanalina et sa famille, parce qu’ils avaient blâmé le traité ). Hastie tâcha de lui expliquer que le traité qu’il disait violé n’était pas en réalité définitif, n’ayant pas reçu la sanction du roi, mais que, cette formalité étant maintenant remplie, s’il reprenait les négo- ciations, personne n’oserait plus l’enfreindre. Radama s’appesantit sur les difficultés qu’il avait eues à vaincre pour arriver à signer ce traité, lui disant : « Ce traité, je l’ai signé contre l’avis de mes conseillers et il n’a pas été exécuté; vous m’aviez promis de nombreux objets pour compenser les pertes que l’arrêt de la traite occasionnerait à mes sujets et je devais leur en distribuer une grande partie et vous n’avez pas tenu vos promesses. Que puis-je leur dire aujourd’hui? Pourront-ils vous croire, après une si odieuse violation de la foi jurée?» Hastie rejeta toute la responsabilité sur le général Hall et, à la fin, Radama se montra piration fut découverte, le prince, appré- hendé, fut condamné à mort ainsi que les prin- cipaux conjurés; toutefois, avant d’exécuter le prince, le gouverneur consulta Radama qui, très irrité de la conduite de son neveu, déclara qu'il ne le reconnaissait plus comme son parent et que la justice devait suivre son cours. Le et dont nous avons besoin, telles que canons, fusils, poudre, et de nombreux objets, même des étoffes, car nous n’en faisons que peu, sinon en vendant des esclaves, ce qui nous permet de nous approvisionner. En nous permettant de nouveau de faire la traite, le roi nous a demandé, de lui donner, par tête d’esclave, 2 piastre 1 /2 prince fut pendu ainsi que huit de ses complices. (Nouv. Ann. des Vayoges, 2e série, t. XI, {re se- mestre 1829, p. 159-162). (1) Un des ministres de Radama a dit à Hastie en 1820 : « Avec quoi nous procurons- nous les choses que nous ne produisons pas au lieu de une, afin d'améliorer son royaume, et précisément nous venons de faire la guerre avec les Sakalava et avons ramené des esclaves dont un millier est à vendre en ce moment à Tamatave ». 188 MADAGASCAR. enclin à oublier la faute, mais il lui fallait, disait-il, obtenir l’assentiment de son peuple pour qui, depuis cette violation du traité, le nom d’Anglais était devenu synonyme de fourbe. Un grand kabary fut alors convoqué à Antsahatsiroa, auquel assistèrent 20,000 personnes (), mais, lorsque le roi exposa la demande d'Hastie concernant l’abolition de l’esclavage, ses paroles furent accueillies par des murmures et l’un des chefs, Rafaralahy, avant parlé avec véhémence contre ce projet, il dit à l’envoyé de Farquhar : « Vous le voyez, ils ne le veulent pas. Les Français n’ont-ils pas mis à mort un de leurs rois? Je ne voudrais pas avoir le même sort ». Toutefois il finit, ainsi que ses conseillers, par se rendre aux raisons d'Hastie; le 11 octobre 1820 fut signé un nouveau traité ratifiant, d’une part, l’ancien et abolissant définitivement la traite des esclaves et, d'autre part, stipulant que le prince Ratefy (% et Andriantsimisatra (4 iraient en Angleterre, que vingt Malgaches recevraient de l'instruction (5), soit dix à Maurice () et dix en Europe, et que Farquhar enverrait à Madagascar des artisans anglais. Radama se rendit en grande cérémonie à la résidence d’'Hastie et signa le traité qu'il le pria de porter à Maurice afin qu’il fût défi- nitivement ratifié, et il donna l’ordre de ramener en Imerina tous les esclaves qui étaient à vendre sur la côte (7). bien d’accord avec les intentions du roi de France ». (1) Voir Ezuis, Hist. of Mad., t. IT, p. 237. (2) « Il paraît, écrit le baron Milius, gou- verneur de l’île Bourbon, dans une lettre du 20 novembre 1820 que dans la convention faite par Farquhar avec Radama pour l’abolition de touteexportation denoirs, il yauneclausesecrète d’après laquelle Radama livrera aux Anglais, à titre d’« engagés », tous les prisonniers qu’il fera dans ses guerres ». Milius qui avait, le premier, étudié ce projet d’ « engagés », était fâché de se voir prévenu par les Anglais par suite des lenteurs de l’administration française (Archives du Ministère des Colonies, Madagascar, Correspondance générale, carton XII, dossier 1, pièce 1). En 1821, il a répondu à Radama, qui lui annonçait sa prohibition d'exporter des esclaves, « qu'il était heureux de lui voir prendre une mesure dont l’adoption était si (3) Beau-frère de Radama. (4) Rafaralahy avait été d’abord désigné, mais il fut remplacé parce qu’il voulait emmener avec lui une de ses femmes. (5) Un de ces jeunes Merina qui, la veille du départ, était en parfaite santé, se dit malade le lendemain et ne pas pouvoir partir. Radama trouva de suite le remède pour le guérir : il lui fit donner 50 coups de corde, puis pendre par les pouces au haut du mât du pavillon, afin que toute la population de Tananarive pût le voir et méditer sur cet exemple qui, « j’aime à penser, a dit le roi, aura quelque effet ». (6) Plus huit pour apprendre la musique (7) De 1813 à 1826, les dépenses faites à Madagascar par le gouvernement de Maurice HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 189 Hastie se mit en route le 19, entre deux haies de soldats, au son du canon, accompagné au début du chemin par le roi et, arrivé le 1% novem- bre à Tamatave où, au grand désappointement des 55 négriers qui y étaient alors, attendant leurs cargaisons d’esclaves, le prince Ratefy annonça dans un grand kabary, un grand palabre, que l'exportation des esclaves était dorénavant défendue barqua le 5 pour Maurice ®), où il saison, jusqu’en avril 1821. se sont élevées à 1,550,000 francs (surtout en 1816-17 et en 1821-26) (Rapport à la Chambre des Communes du 10 juillet 1828) (a). (1) Avant de partir pour Maurice, Hastie fit rédiger par Jean-René un extrait de la proclamation de Radama qu'il remit aux Arabes qui se trouvaient alors à Tamatave, pour la transmettre à leurs compatriotes du Nord-Ouest, afin qu'ils n’en ignorassent pas. (2) Peu après arrivèrent les présents que le (a) En vertu du traité conclu à la date du 23 octobre 1817 entre Sa Majesté Radama, sous des peines sévères (1), il s’em- resta jusqu’au retour de la bonne roi d'Angleterre envoyait à Radama : entre autres une coupe en or, deux lances également en or, une épée, une paire de pistolets, un fusil de chasse, etc., etc. En les montrant à ses entours, Radama s’écria : « Je suis l’enfant du roi d'Angleterre et, avec un tel ami, je n’ai plus rien à craindre »; puis il donna l’ordre d'élever un gibet pour y pendre ceux de ses sujets qui contreviendraient à la loi sur la traite des esclaves et, lorsque peu après il roi de Madagascar, et Son Excellence M. le vice-amiral R. T. Farquhar, capitaine général, gouverneur et l'abolition de la traite des esclaves commandant en chef de l’île Maurice et de ses dépendances, a été et demeurera à jamais respectée. Les parties contractantes s'engagent séparément à accomplir les articles et conditions dudit traité avec la plus scrupuleuse fidélité. Par suite du traité sus-énoncé, lequel a été ratifié par ordre de Sa Majesté Britannique et accepté ce jour par Sa Majesté le Roi de Madagascar, les conventions suivantes ont été faites entre M. James Hastie, agent du gouvernement anglais, représentant Son Excellence le gouverneur Farquhar, et le roi Radama : M. Hastie s'engage, au nom de son gouvernement, à emmener 20 sujets libres de Sa Majesté le roi Radama, qui seront élevés dans l’étude des différentes professions d’artisans, telles que d’orfèvre, bijoutier, tisserand, charpentier, forgeron, ou qui seront placés dans des arsenaux, chantiers de port de mer, etc. De ce nombre, dix seront envoyés en Angleterre et dix à l’île Maurice, aux frais du gouvernement anglais. … M. James Hastie s'engage à emmener en outre avec lui 8 autres individus et à leur faire enseigner la musique, afin de former un corps de musiciens pour les gardes de Sa Majesté le Roi de Madagascar. En conséquence du présent article et des conditions sus-mentionnées, le roi Radama fera une pro- clamation par laquelle il notifiera que la traite des esclaves est abolie dans tous ses États. De plus, il invitera toutes les personnes habiles dans des métiers et professions ou possédant des talents à visiter son pays, leur promettant protection, et sera ladite proclamation publiée dans la Mauritius Gazette. (Voir Ezuis, Hist. of Madagascar, 1838, t. II, p. 194-195). Voici la proclamation que Radama a adressée à son peuple conformément à la promesse contenue dans le traité : « Radama, roi de Madagascar, müû par les mêmes principes d'humanité qui ont porté le Souverain de la Grande-Bretagne et les autres nations à abolir et à prohiber l’exportation des esclaves, fait par ces présentes une proclamation dans laquelle il défend solennellement d’exporter des naturels de Madagascar sous peine d’être réduit en esclavage. « Le roi Radama saisit cette occasion pour inviter toutes les personnes qui possèdent des talents ou qui exercent des professions à venir visiter son pays pour y étudier ses produits. Il leur donne l'assurance sacrée qu’il protègera leurs efforts et secondera leurs entreprises ». — Radama, à Tana- narive, le 11 octobre 1820. Le 31 mai 1823, de nouveaux articles furent ajoutés aux conventions des 23 octobre 1817 et 11 octobre 1820, d’après lesquels les navires anglais furent autorisés à saisir tout navire faisant la traite des esclaves sur les côtes de Madagascar. 190 MADAGASCAR. Le 8 décembre 1820 ont commencé à Tananarive les opérations sco- laires des missionnaires, auxquelles s’est beaucoup intéressé Radama ); ce jour-là M. Jones a ouvert la première école avec trois enfants, nombre qui s’est accru journellement. Radama bénit, en les aspergeant d’eau sainte, les fondations de la maison, comme il avait coutume de le faire pour les membres de sa famille, voulant que le peuple conçût de l’estime et du respect pour ses hôtes. Le Rév. David Griffiths, qui arriva alors à Maurice, se mit tout de suite à l’étude du malgache en attendant la bonne saison pour aller à Mada- gascar, où il se rendit en avril 1821 en compagnie d'Hastie. Débarqués à Tamatave, ils montèrent à Tananarive, recevant tout le long de la route de fréquents messages affectueux de Radama qui, quoiqu'il fût en deuil ainsi que la population à cause de la mort de son grand-père, les reçut aussitôt leur arrivée, sans attendre le « jour propice ». L'œuvre scolaire s’est dès lors, comme nous l’exposerons plus loin, développée de plus en plus sous la protection du roi, qui assistait quel- quefois aux examens annuels et qui, aimant à entendre les enfants chanter, entrait fréquemment dans l’école lorsqu'ils faisaient de la musique. Le prince Ratefy, qui revenait d'Angleterre où il avait assisté à la réunion annuelle de la « London Missionnary Society » de mai 1821 en compagnie de quatre jeunes malgaches envoyés pour y faire leur édu- cation et qui arriva à Madagascar en janvier 1822, eut à ce sujet une heureuse influence sur Radama. Il avait fait la traversée avec le Rév. J. Jeffreys et sa femme, et plusieurs artisans anglais, MM. Brooks, Chick, Canham et Rowlands qui, ayant attendu à Maurice la bonne saison, n’arrivèrent à Tamatave que cinq mois plus tard, le 6 mai 1822; il fut reçu () avec de grands honneurs par Radama, qui lui posa une foule de questions. Quant à la mission anglaise, elle eut la chance de apprit le retour d’Hastie avec l'indemnité prédit que, quoi qu’il arrivât, les Anglais ne lui promise, il « dansa de joie », comme toutes les paieraient jamais d’indemnité. fois qu’un événement heureux lui arrivait, et (1) Voir au sujet de l’Enseignement sous il proclama que le sikidy était une divination Radama I, p. 240. mensongère, puisqu'il lui avait maintes fois (2) Il avait revêtu un uniforme anglais. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 191 trouver à Maurice Hastie, qui y était venu passer quelques mois pour régler la question d’annuité au sujet de l’abolition de l’esclavage et qui alla avec eux à Tamatave où il reçut de Radama l'avis qu'il y envoyait le prince Ratefy pour y présider, en son nom, un kabary, une assemblée populaire, où il devait annoncer que le roi ne voulait plus qu'il y eût dans ses États de maraude ni de pillage et que ceux qui conti- nueraient à s’y livrer seraient sévèrement punis, et qu’il entendait que toutes dissensions entre parents, toute discorde entre individus, fussent oubliées (9. Ces mesures montraient que Radama, dont l'esprit s’éclai- rait, voulait tirer son peuple de l’anarchie où il vivait. La mission anglaise, conduite par Hastie, et à laquelle s’étaient adjoints deux botanistes allemands, MM. Bojer et Hilsenberg venant aussi de Maurice ©), arriva le 10 juin 1822 à Tananarive, où elle fut reçue avec de grands honneurs et invitée à dîner avec le roi; puis on conduisit les membres dans des maisons préparées à leur intention. Le lendemain l’agent anglais Hastie paya au roi l'indemnité convenue pour l’abolition de la traite et lui remit les cadeaux que lui envoyait le gouverneur de Maurice. Le 17 juin, le roi assista avec le prince Ratefy et Hastie à l’examen des élèves de M. Jones, et à celui des élèves du Rév. Griffiths, au total de 85 élèves qui furent interrogés sur la lecture, l'écriture et le calcul, ainsi que, pour les filles, sur les travaux de couture. (1) Jean-René, le chef de Tamatave, peu de temps auparavant, y étaient admis. refusa d’y assister parce que les assassins de (2) Voir Nouv. Ann. des Voyages, 2 série, son frère Fiche (Fisatra), qui avait été tué t. XI, 197 semestre 1829, p. 145-168 (a). (a) « À peine nos navires entraient-ils dans le port de Tamatave, dit Hilsenberg, que, du milieu de la foule des spectateurs et des indigènes, sortit brusquement une troupe d’une soixantaine de jeunes négresses, très jolies, bien faites, la physionomie expressive, à un signal donné, elles se précipitèrent dans l’eau en poussant un grand cri et nagèrent vers les vaisseaux. Les entourant comme des sirènes, elles empoignèrent tout ce qui était à leurs mains. voiles, cordages, barriques, puis, avec promptitude et adresse, elles grimpèrent le long du bord et s’élancèrent sur le pont. Toutes mouillées de l’eau de la mer, elles se jetèrent sur les matelots, se pendant à leur cou, les embrassant et les caressant avec tendresse. Nous restions immobiles de surprise. Force fut à chacun, depuis le commandant jusqu'aux officiers, de se conformer à l’usage ». Les deux jardiniers botanistes allemands, C. T. Hilsenberg, d’Erfurt et H. W. Bojer, sont restés six mois à Madagascar et ont parcouru les environs de Tananarive, faisant des observations sur les plantes du pays. Retourné à Maurice, Hilsenberg s’est embarqué en juillet 1824, comme botaniste de l'expédition, à bord du navire du commandant Owen, qui faisait le levé des côtes de Madagascar, mais il est mort peu après de la fièvre, à l’île Sainte-Marie, le 11 septembre. 192 MADAGASCAR. Vers la fin de septembre 1822, deux des missionnaires, MM. Jones et Griffiths, et un des ouvriers anglais, M. Canham, firent une excur- sion jusqu’à une centaine de kilomètres à l'Ouest de Tananarive pour se perfectionner dans la pratique de la langue malgache, se familiariser avec les mœurs et les croyances des indigènes et se rendre compte de leurs cultures (4) ils visitèrent les villages d’Ambatobehivy où, comme son nom l'indique, se trouvent des mines de fer, et qui compre- nait 80 maisons entourées d’un large fossé plein de vignes cultivées, et d’Imanambola où ils ont vu de nombreux forgerons en train de fabriquer des armes, des bayonnettes pour le gouvernement; le soir de ce même jour, ils ont rencontré les grands troupeaux de bœufs qui avaient été pris dans la guerre avec les Sakalava. Ils rentrèrent à Tananarive le 30 octobre, satisfaits de leur excursion. Ayant appris que, le 20 mars 1822, douze chefs betsimisaraka de la région située sur la Grande terre, en face de l’île de Sainte-Marie, s'étaient déclarés vassaux de Sylvain Roux, le commandant de cette île, Radama a fait, le 13 avril, une proclamation déclarant nulle toute cession de territoire qu'il n'aurait pas autorisée et, le 18 juin, il envoya 2,000 ouvriers escortés par 100 soldats pour former un établissement commercial à Foulpointe, sous la direction de Rafaralahy (, auquel de grand luxe, mais seulement de l’herbe ou de la paille sèches, il n’hésita pas, pour rece- voir convenablement les vazaha, les Euro- péens, à démolir son lit à coups de hache pour leur fournir un bon combustible, en se félici- (4) Dans plusieurs des villages où ils passè- rent la nuit, couchant naturellement sur des nattes étendues sur le plancher, leur sommeil, disent-ils, était troublé par les mugissements, les bêlements, les grognements et autres bruits des veaux, des moutons et des cochons, hôtes habituels des maisons des paysans merina (il en était de même en 1869 et en 1870, lorsque A. Grandidier est venu en Imerina). Comme ils passaient un soir auprès d’un village, un vieil- lard courut après eux pour les prier de s'y arrêter et de passer la nuit dans sa maison; ils acceptèrent cette offre hospitalière et leur hôte fit étendre des nattes sur le sol et déposa devant eux un cadeau de vivres, pou- lets, canards, un cochon et du riz et, comme généralement les Merina n’ont pas de bois à brûler, qui est sur le plateau central un objet tant qu'ils aient bien voulu accepter son hospi- talité, eux qu'honorait son roi. Lorsque les Anglais lui eurent donné quelques yards de cotonnade blanche, il les remercia, en appelant sur eux les bénédictions du ciel et de la terre, de Dieu et de Radama, et il dansa de joie. Quelquefois, le soir, les femmes du village se réunissaient devant la porte de la maison où ils recevaient l'hospitalité et chantaient leurs douces romances et leurs tristes complaintes. (2) Rafaralahy, en s’y rendant, tint dans l’Antsihanaka un kabary auquel assistèrent 4,000 Sihanaka et où il les avertit que HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 193 le roi fit remettre de l’argent, des étoffes et des bœufs pour subvenir aux besoins de ces colons : Sylvain Roux, qui n'avait avec lui que quelques Français, ne put s'opposer à cette prise de possession par les Merina ®. Arrivé le 6 juillet, Rafaralahy expliqua aux habitants qu'il venait établir des relations avec les Vazaha, les étrangers, ce qui leur per- mettrait de développer leur commerce et leur industrie et de s’enrichir (?, Radama y vint en juin 1823 }, afin de bien établir son autorité sur la côte Est, «ayant, dit le commodore Moorsom, pris avec lui ses 13,000 sol- dats disciplinés afin de pouvoir causer utilement avec le commandant français de l’île de Sainte-Marie ». Arrivé sur la côte, à Ivondrona (4), il ne cessa pas de faire tirer des coups de fusil et même de canon jusqu’à Tamatave, et les navires anglais qui étaient sur la rade répondirent en Radama avait choisi Foulpointe pour y faire le commerce avec les Anglais et que, doréna- vant, ils pourraient y aller vendre avantageu- sement leurs denrées et marchandises quel- conques, et ils décidèrent d'envoyer tout de suite 200 des leurs avec des produits du pays. Hastie y vint faire une visite après s’être rendu en août à Maurice, et il fut à temps à Tananarive pour asâister au retour de Radama revenant de sa campagne dans l'Ouest, le 23 janvier 1823; il ramenait les 8 musiciens malgaches. (4) Voir R. DEcaRY, L'établissement de Ste Marie sous la Restauration et le rôle de Syl- vain Roux. Correspondance générale, 1937, page 570 et suiv. (2) « Quand vous aurez payé les droits et les impôts, leur dit-il, vous aurez toute liberté de conclure les marchés que vous voudrez et vous pouvez être assurés que vos propriétés seront respectées, car les voleurs et les assassins seront sévèrement punis. Sachez également que je m'intéresserai à ceux qui travailleront à fournir des denrées et des marchandises pour l’exportation et les aiderai ». (3) En partant en congé pour l’Angleterre, Sir Robert Farquhar toucha en mai à Tama- tave, où il espérait trouver Radama qui, ayant été retenu à Tananarive par la fête du Fan- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. droana, du premier de l’an malgache, n’arriva à la côte qu’en juin. (4) D’après la tradition, les deux veuves du géant légendaire Darafify (qui personnifie les indigènes vaincus et conquis par les immi- grants arabes), après la mort de leur époux bien-aimé, inondèrent de leurs larmes la région située au Sud de Tamatave, qu’elles changèrent en lacs qui portent leurs noms Rasoabé et Rasoamasay. Les Betsimisaraka gardaient toujours le silence en traversant ces lagunes, de peur de troubler dans leur retraite ces veuves inconsolables, dont ils avaient une grande peur, car ils croyaient, s’ils faisaient du bruit, qu’elles soulèveraient les eaux de ces lacs et feraient sombrer leur pirogue. Radama, se mettant au-dessus de ces croyances populaires, se mit à parler à haute voix, au grand scandale de ses compagnons, et fit tirer des coups de canon et de fusil malgré leurs conseils. Les vagues ne se levèrent pas et la traversée fut des plus calmes. Étonnés que, loin de s’irriter, les déesses l’eussent reçu avec respect, les chefs du pays lui dirent : « Vous êtes arrivé sain et sauf parce que vous êtes un fils de Dieu! Puisque Rasoabé et Rasoamasay vous obéissent, à plus forte raison devons-nous Vous faire notre soumission ». 12 C1 194 MADAGASCAR. le saluant de tous leurs canons : on venait de renouveler le traité d’alliance anglo-merina. Il tint un kabary, une assemblée solennelle, où furent con- voqués tous les Betsimisaraka depuis Foulpointe jusqu’à Mananjary, à Ambodinimananareza, à l'embouchure du Mananareza : « Si quelqu'un, y dit-il, veut s'emparer dans ce pays qui m'a été légué par mon père Andrianampoinimerina, ne serait-ce que d’un {any rapahan-tanana (litt. : morceau de terre qu’on peut couvrir avec la main), nous le renions ». — « Oui, répondit le peuple, qu’il périsse! qu’il meurel! » — « Je compte sur vous, habitants de la côte, ajouta le roï, comme vous pouvez compter sur moi. Successeur d’Andrianampoinimerina, je suis le maître de ce payset vous n’avez rien à craindre. Livrez-vous donc en paix à vos cultures, car vous êtes tous ray aman-dreny (litt. : mon père et ma mère). Ce que je vous dis aujourd’hui, je l’ai déjà dit dans l’Imerina; vivez donc en paix sous mon autorité, car je suis ray aman-dreny (litt. : votre père et votre mèêre) » — « Ayez confiance, répondirent les Betsimisaraka, et vivez tranquillement à Tananarive, car c’est vous qu'Andrianampoinimerina nous a donné pour ray aman-dreny. » Une grande pierre fut érigée sur le bord de la rivière en commémoration de ce kabary, et le roi fit distribuer aux assistants beaucoup de bœufs et de {oaka, de rhum. A Tamatave, Radama reçut les jeunes Merina qu'il avait envoyés apprendre la musique à Maurice, et il fut charmé des fanfares qu'ils lui jouèrent. Après s'être entendu avec Jean-René, il quitta cette ville, y laissant une garnison sous les ordres de Ratefy et, avec Hastie qui arri- vait de Maurice, il alla à Foulpointe, qui était autrefois le chef-lieu des établissements français dans l'Est de Madagascar (4); et il arracha la « pierre de possession » que les Français y avaient érigée, disant aux Betsimisaraka, dans le kabary qu’il fit à ce sujet : « Si quelqu'un de vous garde le souvenir de cette pierre et cède même un pouce de terrain aux Vahaza, aux Blancs, qui prétendent en être les maîtres, je le renie ». Puis il envoya ses soldats dans le Nord, piller et incendier les propriétés (4) A son arrivée, Rafaralahy et ses femmes, un dîner où l’on but à la santé de Radama, dont une était sœur de Radama, se jetèrent à ainsi qu’à celle du roi d'Angleterre et de la ma- ses pieds et baisèrent ses bottes. Il y eut ensuite rine anglaise et à la prospérité de Madagascar. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. CAP D'AMBRE Malaimbondy Jorjine na: R. RAFANGANA FORT DAUPMIN CAP 8" MARIE 196 MADAGASCAR. des Français, tant à la Pointe à Larrée qu’à Tintingue. La frégate anglaise l’Ariadne était alors sur la rade; son commandant, le commo- dore Moorsom, lui ayant demandé audience, il alla au-devant de lui à cheval, entouré d’un état-major d’officiers et avec une escorte de soldats, et il l'emmena à la résidence du général Rafaralahy (). « Radama, dit le commodore Moorson, est un homme réellement extraordinaire; son intel- ligence est très supérieure à celle de ses compatriotes et il a beaucoup de bon sens. Tout despote qu’il est et très jaloux de son autorité, quoi- que exigeant l’obéissance immédiate à ses volontés et n’hésitant pas à sévir, il est néanmoins plein de prudence et de sagacité, hésitant à changer les coutumes établies; il gouverne en opposant le peuple aux chefs (1. » En quittant Foulpointe, il accepta la proposition du commodore de le mener à la baie d’Antongil, ne gardant avec lui que 200 soldats et envoyant par terre, sous les ordres de Ramanetaka, les autres, qui com- mirent de nombreuses déprédations, même dans les tribus qui reconnais- saient Radama; le roi fit relâcher les prisonniers qu’ils avaient faits. L'expédition française envoyée pour prendre possession de l’île Sainte- Marie était arrivée à la fin d’octobre 1821, mais la fièvre sévit si fort que quelques mois après, dès le commencement de 1822, il ne restait plus sur pied qu’un petit nombre de marins et d'ouvriers et un seul enseigne. Sylvain Roux, qui avait été mis à la tête de la colonie, mourut en 1823, et M. Blévec, qui le remplaça (), « protesta solennellement le 15 août 1823, au nom de Sa Majesté Louis XVIII et des chefs malgaches ses vassaux, contre l’envahissement de cette région par les Merina et, d’ailleurs, (1) Le commodore Moorsom lui remit deux Bibles, une en anglais et une en français « qui contiennent, lui dit-il, un exposé de la religion des Anglais » et sur lesquelles il écrivit le nom du roi : elles furent déposées dans son tom- beau avec maints autres objets. (2) Invité par le Commodore Moorsom à venir à bord de sa frégate, il y alla plusieurs fois avec Ramanetaka et Hastie, mais lors des premières visites, il exigea que, pendant qu'il était à bord, plusieurs officiers anglais restassent à terre comme otages. Il regardait avec atten- tion et intérêt tout ce qu’on lui montrait. Lorsqu'il revint de la première, il fut accueilli par les cris de joie de ses sujets, qui se mirent à chanter et à danser; en abordant au rivage, il mit un genou en terre, disant : « Ma mère (la terre) m’a permis de la quitter pendant quelques instants; fils respectueux, je la salue en revenant. » (3) Il y avait alors le commandant, 7 offi- ciers et 65 hommes de troupes, plus 182 noirs (soit 85 hommes, 37 femmes et 60 enfants) et quelques colons et traitants. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 197 contre toute occupation, faite ou à faire, sur la côte Est, sur laquelle ils n’ont aucun droit (1), ainsi que contre le prétendu titre de roi de Madagascar pris illégalement par le roi des Hova ». Cette protestation fut portée à Radama par le commandant de La Bacchante, M. de Moli- tard, et l’impressionna puisqu'il dit « qu’il n’avait nulle prétention sur l’île de Sainte-Marie et qu’il n’aurait point pris Tintingue, la Pointe à Larrée et autres points de la côte orientale si nous y eussions été établis ». M. Blévec pensant qu'une telle réponse pouvait laisser croire à un désir d’entente envoya alors auprès de lui M. Albrand, mais Radama, à l’insti- gation des Anglais, refusa de le recevoir et lui adressa un manifeste où il déclarait que, «s’il admettait les droits de la France à la possession de Sainte-Marie, il n’admettait l’ingérence d’aucune nation étrangère sur le Tanibé, la Grande Terre, et qu’il ne permettait aux étrangers, de quelque nationalité qu'ils fussent, de s’y établir qu’en se soumettant aux lois de son royaume et que, quant au titre de roi de Madagascar, il le prenait parce qu'il était le seul dans toute l’île qui fût capable de le soutenir ». Radama se fit ensuite transporter, à bord de l’Ariadne, à la baïe d’An- tongil, avec sa suite, et laissa une petite garnison dans plusieurs villages de la côte; il profita aussi de sa présence pour fonder plusieurs stations militaires jusqu’à Vohémar où il plaça un corps d'armée. Puis, il s’en retourna à Tananarive en passant par l’Antsihanaka (), où, ayant campé à Vohilava, sur la rive nord-ouest du lac, il a attaqué le village d’Anosim- boahangy, situé dans une île, où s’étaient retranchés les Sihanaka les plus intrépides qui opposèrent une forte résistance, si bien que l’un des chefs merina, Andrianavalona, qui conduisait la colonne sur des radeaux, s'enfuit épouvanté (%); toutefois, la place fut prise et les prisonniers furent (1) Protestation visant les prétentions (2) Les Sihanaka étaient, comme les Hova émises par Radama dans sa proclamation du de l’Imerina, des Vazimba (a). 13 avril 1822, ainsi que dans le kabary de (3) Comme lors de cette attaque la pluie juin 1823 (voir p. 180 et 194). tombait à torrent, les fusils, ainsi que les quel- (a) D’après le vieux chef de Mankary, Fihandroa, les mpanazary, les prêtres ou devins sihanaka, avaient prêché l’émancipation des esclaves et la promiscuité des sexes, tous les hommes et toutes les femmes étant égaux et devant être mis en commun, ce qui, n'étant pas approuvé par tous les Siha- naka, a amené les opposants à réclamer le secours de Radama, qui s’empressa d’envoyer des soldats pour s'emparer des mpanazary qui s’enfuirent chez les Sakalava. 198 MADAGASCAR. nombreux : Radama se fit donner deux piastres et demie par esclave pris par les soldats et les bœufs furent partagés également entre le roi et ceux qui s’en étaient emparés. Quant au fuyard Andrianavalona, il fut brûlé vif conformément à la loi martiale . Sylvain Roux dit que, dans cette expédition, « Radama a fait de 9 à 10,000 prisonniers, afin de maintenir ses marchés d’esclaves bien approvisionnés, et qu’il a fait, sagayer de 2,000 à 2,500 vieillards et enfants qui étaient inutiles pour son commerce de traite ( ». En passant par Ambatondrazaka, il y laissa une petite garnison et il fut de retour à Tananarive le 2 janvier 1824 (); les devins qu'avaient consultés les ministres pour savoir le jour propice où il devrait y faire son entrée solennelle avaient fixé le 11, mais, voulant montrer qu'il entendait y entrer quand bon lui semblait, il alla directement à son palais, sans attendre, contrai- rement aux usages, le jour fixé par les augures. Pendant son séjour à Foulpointe, Radama avait chargé Jean-René de faire une expédition dans le Sud de Tamatave afin de soumettre la côte orientale jusqu’à Mananjary, expédition qu'il mena à bien (# et qui lui ques canons qu'il traînait avec lui ne purent (2) Archives du Ministère des Colonies, être utilisés, la poudre étant mouillée; aussi, lorsque les Sihanaka attaquèrent ses soldats avec leurs sagayes et leurs frondes, un grand nombre de soldats prit la fuite, mais ceux qui soutinrent le choc furent victorieux. Le général Andrianavalona, qui commandait les fuyards, fut condamné, comme nous le disons plus loin, à être brûlé vif, le général Brady demanda qu'il fût plutôt fusillé, mais le roi n’y consentit pas et le général qui avait fui fut brûlé, mais ses parents eurent la consolation d’être autorisés à recueillir ses cendres et de les ensevelir dans le tombeau de famille. (4) À Ambohidava, entre Ambohitsoa et Andriba (a). Carton XIII. (3) Lorsqu'il passa à Ambohimanga, il trouva les habitants l’attendant à la porte au lieu de venir au-devant de lui; mais le chef le voyant en colère à cause de ce manquement à l'étiquette, lui dit : « Je vois que vous êtes irrité contre nous. Mais pourquoi avez-vous toujours des Européens avec vous? C’est pour cette raison que nous vous avons attendu ici. Mais, n'importe, tout vous réussit! » Le roi se mit à rire et ne laissa point Brady entrer dans la ville. (4) Il fut aidé dans cette campagne par un grec, Nicole, père de Mme Drieux, qui, à la tête de 300 soldats malgaches qui lui étaient dévoués, se distingua et fit de nombreux prison- (a) Les Sihanaka ont raconté à A. Grandidier que ce général ne s’est nullement enfui, mais que Radama, jaloux de sa réputation de vaillant soldat, très courageux, lors de l’assaut donné à l’île du lac Alaotra, le fit partir du pied de la colline sur laquelle est bâti le village d’Ambohidava, parce qu’il savait qu’en cet endroit où les eaux du lac débouchent vers la mer, le courant était contraire et très fort, et que, pour cette raison, il ne pourrait pas arriver, au moins en temps utile, pour l’assaut d’Anosimboahangy et que par conséquent, conformément à la loi martiale, il serait brûlé vif comme lâche (Routier manuscrit d'A. Grandidier, p. 458). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 199 valut l'attribution de pouvoirs très étendus sur ce territoire, sous le contrôle toutefois du gouverneur merina de la province. Dès son retour dela côte Nord-Est, Radama s’occupa de la conquête du Nord-Ouest (1). A la fin de 1822, l’année même de l’avènement d’Andrian- tsoly (2), âgé alors de vingt-trois ans, qui venait de succéder comme roi du Boïina à son frère Tsimaloma, le commodore Nourse, venu à Majunga avec deux navires de guerre, lui avait donné, au nom du gouverneur de Maurice, un drapeau qu’il l’avait engagé à arborer au lieu de sa résidence comme un signe d'union de tous les chefs de Madagascar : ce drapeau n'était autre que le drapeau merina; il lui avait conseillé en même temps d'envoyer des ambassadeurs à Tananarive pour y conclure une alliance, ambassadeurs qu’il a envoyés en effet en décembre 1822 et qui y arri- vèrent pendant les fêtes célébrées par Radama au retour de sa campagne du Ménabé. L’étonnement de ces ambassadeurs fut grand quand ils apprirent que le drapeau donné à Andriantsoly par le commodore Nourse n'était autre que celui des Merina et, comme ils protestaient, Radama leur dit qu’il allait se rendre à Analavory avec ses troupes et que leur roi pourrait venir l’y joindre et que là ils décideraient, soit pacifiquement, soit les armes à la main, à qui appartiendrait la suprématie; c’est avec cet ultimatum qu’ils retournèrent au Boïina au mois de février 1823. A la fin de cette même année, ayant soumis les populations de la côte orientale, Radama renouvela son ultimatum, donnant à Andriantsoly six mois pour prendre une décision (), après quoi, lui fit-il dire, « il le niers. Nicole s’est également rendu utile après la guerre et Radama l’a nommé grand- juge à Mananjary. (1) Ezuis, History of Madagascar, t. II, p. 317-318, 329-351 et 357-360; GUILLAIN, Documents sur la côte occidentale de Madagascar, p. 39-44 (au xvirIe siècle et du temps de Rava- hiny),67-115 et (sous Radama I et Ranavalonal, de 1822 à 1841), p. 115-144; et R. P. MALZAC, Histoire du royaume hova, p. 204-219. (2) En prenant le pouvoir, il s’était converti à l’islamisme, comme l’avait fait son père Oza, et il avait pris le nom de soly, le converti. (3) Pendant cette trêve, le prince Ratefy, beau-frère de Radama, qui était récemment revenu d'Angleterre, qui conduisait une expé- dition contre les Sihanaka, pilla en passant plusieurs villages du Sud du Boïna et emmena des esclaves et du bétail; quelques-uns de ses soldats violèrent même des tombes pour y pren- dre l’argent et les objets qui y étaient déposés. Quand Radama connut ces vols, il ordonna qu'on remit toutes choses en état et il fit faire amende honorable à ceux qui avaient violé les tombes, et il disgrâcia Ratefy qui, toutefois, fut nommé plus tard gouverneur de Mananjary. 200 MADAGASCAR. forcerait à se soumettre s’il ne lui avait pas donné une réponse satisfai- sante », et en effet, n’en ayant pas reçu au printemps de 1824, il se pré- para à partir à la conquête du Boina, du pays des Sakalava du Nord- Ouest. Après avoir fait ses dévotions sur les tombes de ses ancêtres et invoqué leur protection, il quitta Tananarive avec son armée le 28 mai 1824, accompagné d’'Hastie et le 12 juin, il campa à Analavory, où il renou- vela à Andriantsoly l'invitation à venir conférer avec lui en apportant le drapeau que lui avait remis le commodore Nourse. Il l’attendit pen- dant quelque temps mais, apprenant qu’une grande armée sakalava s’apprêtait à lui résister et conscient de la supériorité de la sienne, il se décida à commencer la lutte tout de suite : il envoya un détachement de 500 hommes en avant-garde et, ayant appris qu’il n’y avait aucun préparatif de défense, il alla de l'avant sans tarder @). Hastie lui ayant demandé l'autorisation de le précéder avec 50 hommes afin d’exposer son but aux Sakalava et de tâcher d'obtenir pacifiquement leur sou- mission, se convainquit que le peuple ne songeait nullement à résister et il ramena quelques-uns des habitants que Radama accueillit avec bienveillance : revenus chez eux, ils rassurèrent leurs concitoyens qui se préparaient à fuir avec leurs troupeaux, de sorte que l’armée merina traversa le pays sans trouver de résistance. Hastie, qui allait toujours de l’avant avec ses 50 acolytes, arriva le 27 juin à Doany, capitale du Boina (), où il arbora le « drapeau d’amitié » : (4) « En passant au pied du Mont Namakia, au moment de quitter le massif central pour descendre dans les plaines du Boina, Radama ordonna à chaque soldat ou porteur de son armée, qui comptait, dit-on, 75,000 personnes, d'y mettre une pierre, une seule, et j'ai vu l’énorme tas de ces pierres, dont la grosseur varie de celle d’un abricot à celle d’un petit boulet, tas mesurant une vingtaine de mètres de long sur un mètre à 4 m. 50 de large. « À quelques mètres plus loin s’en trouve un autre, beaucoup plus petit, qui ne contient guère plus d’un quart des pierres du tas précé- dent, et qui a été formé par les soldats ren- trant chez eux. Il est vrai que Radama a laissé, çà et là, dans le Boina, quelques postes et quel- ques détachements, mais le nombre des Merina qui ont péri dans cette expédition est incroya- ble » (Routier manuscrit d'A. GRANDIDIER, 1869, p. 269). (2) Ville de 740 maisons environ. La demeure du roi était meublée confortablement avec quelques meubles indiens et, dans une grande pièce de 12 mètres sur 6 mètres, étaient expo- sés les crânes des ancêtres du roi entourés d’une tenture blanche. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 201 la ville était abandonnée depuis la veille et il n’y avait d’autre habitant qu’un matelot; le drapeau merina qu'avait donné le commodore Nourse à Andriantsoly était par terre, foulé aux pieds, il le hissa de nouveau. Puis il se rendit à Majunga, non sans peine, car ses guides l’abandonné- rent, et il demanda la faveur d’une entrevue au commandant de la place, un Antalaotra, Houssein, qui le reçut lui et son escorte de 50 hommes sous un tamarinier auprès de sa demeure, entouré de 400 Sakalava armés de fusils ), qui se mirent à danser au son de grossiers tambours et en frappant, au lieu de cymbales, sur des plateaux en cuivre. Il lui exposa le but que se proposait Radama, but tout pacifique lui affirma-t-il, mais Houssein lui répondit insolemment, parlant de Radama en termes grossiers; une seconde conférence n’eut pas plus de succès : pendant ces entrevues le chef antalaotra était assis sur un siège élevé, ayant à ses pieds un baril plein de poudre et plusieurs cornes à poudre ainsi que de nombreuses pierres à fusil et, entouré de ses soldats, armés de fusils à pierres ou d’arcs et de flèches et de sagayes, qui, lorsqu'Hastie leur déclara que Radama était en marche pour les soumettre, proférèrent des menaces tout en simulant un combat, fantasia grotesque à laquelle le chef mit fin en s’écriant : « Quand Radama viendra, il me trouvera comme aujourd’hui sous ce tamarinier, qu’il lui serait plus facile de déraciner que de m’enlever d'ici », et ayant parlé, il fit tirer un coup de canon, pensant effrayer Hastie et ses compagnons, mais à ce moment même les Merina arrivèrent et le mirent à mort : c'était le 2 juillet 1824. L’armée campa dans la plaine à l'Est de la ville et les généraux Rama- netaka et Rameno, accompagnés d’'Hastie , s’efforcèrent de rassurer les habitants, insistant sur les intentions de Radama qui voulait, (4) Ellis dit à tort qu'ils étaient armés d’arcs et de flèches, mais à cette époque il y avait longtemps qu'ils avaient aussi des fusils. (2) Ramanetaka et Hastie ne vivaient pas en bonne intelligence. Un jour qu'ils se bai- gnaient dans un torrent, Hastie fit faire un plongeon au général merina, qui s’en alla en murmurant : « Je le tuerai, je le tuerai! » Radama, qui était présent, lui dit : « Il faut HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. pour l’instant que nous supportions tout des Européens; flattons-les, car nous avons besoin d’eux, mais un jour viendra où nous aurons acquis leur savoir et, alors, nous les chasse- rons tous. » Il croyait qu’en quelques années ses sujets seraient aussi instruits que les Euro- péens et leurs égaux à tous égards, sinon supérieurs (A. GRANDIDIER, Notes de voyage manuscrites, p. 2337). 26 202 MADAGASCAR. disaient-ils, «surtout développer et favoriser le commerce et l’industrie »; la plupart, se rangeant du côté du plus fort, se soumirent; il n’y eut de réellement mécontents que quelques marchands d'esclaves auxquels il fut déclaré qu’à l’avenir leur commerce ne serait plus toléré. Ainsi, sans coup férir, Radama était arrivé au cœur du Boina, dont il occupait la ville de beaucoup la plus importante (1); sa conduite géné- reuse envers les vaincus avait facilité sa prise de possession : en effet, il avait maintenu dans son armée une discipline sévère, ayant décrété la peine de mort contre tout soldat qui commettrait le moindre vol ou qui userait de violence à l’égard d'individus inoffensifs : dès le début de la campagne, il avait fait exécuter un soldat coupable du larcin d’un simple kirobo (soit 1 fr. 25), voulant que la loi fût appliquée dans toute sa rigueur ; aussi l'esprit de justice qui réglait ses actes a-t-il donné confiance aux peuples vaincus. Se rendant compte que le pays n’était soumis que là où avait passé son armée, il expédia deux corps d'armée assez considérables, l’un au Nord, l’autre au Sud de la Betsiboka, afin d'étendre son autorité sur tout le Boina. La première s’avança vers la province de Marofototra où com- mandait pour Andriantsoly le chef Tsoara; rencontrant ce chef qui se rendait auprès de son roi pour prendre ses ordres, le général merina le somma de reconnaître la souveraineté de Radama et, sur son refus, il le fit mettre à mort, comme l'avait été le gouverneur de Majunga, Hous- sein. La seconde, qui était sous les ordres de Robin et qui a opéré dans le Sud du Betsiboka, a été transportée de l’autre côté de la baïe à bord des boutres qui étaient sur la rade de Majunga et qui furent réquisi- tionnés; débarquée à la pointe Katsepy, elle s’est rendue dans la province de Maevamahamay, où elle eut à soutenir un combat assez sérieux, mais le chef des Sakalava et des Manendy, Tifindraza, ayant été tué, ses troupes s’enfuirent et les Merina firent un butin considérable et beau- coup de prisonniers; Robin retourna alors à Marovoay, où campait Radama. (4) Radama venait de prendre Majunga capitaine Vidal qui explorait avec le Comman- lorsqu’arriva sur rade, le 15 juillet 1824, le dant Owen la côte Ouest de Madagascar. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 203 Andriantsoly restant introuvable, Radama mit sa tête à prix, à 500 piastres, mais sur les observations que lui fit à ce sujet Hastie, il retira cet ordre et fit annoncer que s’il faisait sa soumission il aurait la vie sauve. À cette nouvelle, Andriantsoly, qui s'était réfugié dans une des îles boisées de l’embouchure du Betsiboka, se décida à se soumettre et envoya trois de ses chefs prêter en son nom le serment d’allégeance, mais, lorsque Hastie alla le trouver dans son repaire pour lui dire d'appeler son peuple au kabary, à la grande assemblée que Radama voulait convo- quer, il répondit que « son royaume était si grand qu’il lui faudrait une année entière pour le réunir ». Il finit toutefois par consentir à avoir une entrevue avec Radama et il lui envoya des émissaires pour en fixer la date (1), Il arriva au camp le 19 juillet () et ce ne fut pas sans une certaine appréhension qu’il traversa la masse de soldats sous les armes qui entou- rait Radama et quand, après un long discours, continuellement acclamé, d’un des généraux qui vantait le courage et la puissance de son roi, il fut convié à dîner, quoique les mets qui lui furent présentés eussent été cuits et lui fussent présentés par un musulman, il prétexta un malaise subit pour ne rien manger et ne tarda pas à quitter la table parce que, dit-il, « c’est l'heure de la prière » : en réalité, il craignait d’être empoisonné. Radama se rendit à Ambatolampy, à six kilomètres a sud-est de Majunga, dans le canot du commodore Nourse (%), qui, pendant la (4) N'ayant jamais été en rapport avec des Européens, Andriantsoly ignorait leurs usages de politesse et fut fort étonné lorsqu'Hastie lui dit qu'il ne lui avait pas fait d’observations lorsqu'il ne lui avait pas rendu son salut, mais qu’il ne devrait pas manquer de saluer le roi Radama; ayant demandé ce qu’il voulait dire, car il n’avait pas fait attention au salut que lui avait fait Hastie, chaque fois qu'ils se trou- vaient en présence, il le pria de le mettre au courant de cet usage et de lui donner une leçon. (2) L'endroit où eut lieu cette première entrevue, situé sur la rivière de Marovoay (lat. S. 160330; long. E. de Paris 44°15'40") a pris le nom d’Ampihaonana (litt.: où a eu lieu le rendez-vous), et ce nom, sous la forme Ambohipihaonana (litt. : où est la ville du rendez-vous), à désigné l’habitation du roi Andriantsoly. (3) A Majunga, Hastie a baissé dans l’estime de Radama parce que, pour l’accompagner à bord de la frégate du commodore Nourse, il avait revêtu son uniforme de sergent anglais, n’osant se parer de celui tout chamarré d’or qu'il portait d'ordinaire; ses matières humbles et obséquieuses vis-à-vis les officiers anglais produisirent le plus mauvais effet (A. GRAN- DIDIER, Notes de Voyage manuscrites, p. 2348). 204 MADAGASCAR. traversée, l’incita à développer le commerce et à améliorer la législa- tion afin que les Européens pussent venir dans son pays, ce qu’il promit de faire, et il lui proposa de prendre à son bord une vingtaine de jeunes Malgaches afin qu’ils y reçussent quelque instruction nautique, pro- position qu'il accepta avec plaisir. Andriantsoly était très inquiet au sujet de la décision que prendrait Radama à son égard, car « il désirait, déclarait-il, vivre au bord de la mer, aimant beaucoup le poisson » et parce que, ce qu'il ne disait pas, il aurait plus de facilité pour s'évader, et il demanda que sa résidence fut établie sur un monticule d’où la vue s’étendait sur une vaste étendue de rizières, car, ajouta-t-il, « là, mes pieds seront au-dessus de la tête de mes sujets que, de cette manière, je dominerai toujours ». On lui accorda cette faveur et, ayant fait prendre à Doany, sa demeure précédente, divers poteaux sacrés, il les y fit transporter. Mais pendant ce temps, la fièvre faisait des ravages terribles dans l’armée merina : 1,652 malades étaient incapables de se lever et il y en avait 4,202 impropres à faire du service; Radama ne s’en montra pas inquiet et il se contenta de les faire évacuer les uns et les autres vers la région montagneuse où d’Imerina on pouvait venir les secourir. Dès que l'habitation d’Andriantsoly fut prête 4), l’armée eut l’ordre de se préparer à partir et, le 15 août, elle se mit en marche, 4 officiers supérieurs restant avec leurs troupes dans le Boina : Ramanetaka à Majunga avec 1,100 soldats, commandant la région située à l'Est de la Betsiboka, au Nord du Kamoro et au Sud de la Mahajamba; Ramaro- sikina, commandant la région à l'Ouest de la Betsiboka; Rameno, com- mandant la région au Sud de la Sofia entre la Mahajamba et la Saha- malaza, et Razatova au Nord, de la Sahamalaza au Cap d’Ambre et à Vohémar. Radama, toujours préoccupé d'étendre les limites de son (1) Il s’y installa avec sa famille et une garde la tutelle de Ramanetaka, du gouverneur soi-disant d'honneur de 30 soldats merina, merina, qui exerçait le pouvoir de fait. Radama garde qui, en réalité, avait la mission de le avait exigé la remise de tous les fusils, remise surveiller. Dans les Æabary, on lui donnait le dont beaucoup éludèrent l'exécution en cachant titre de mpanjakabé, de grand roi, mais son leurs armes. autorité était toute nominale, car il était sous HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 205 royaume, résolut, en revenant en Imerina, de visiter la partie du pays sakalava située à l'Ouest de la Betsiboka () et il fit annoncer qu'il tien- drait un grand kabary, une grande assemblée, au pied du Mont Ambohi- trosy ®), où il se rendit très lentement afin que les habitants du pays eussent le temps de s’assembler, laissant les soldats s’amuser à chasser les bœufs sauvages qui étaient fort nombreux; mais de tous les chefs, celui du Maraha, Monita, seul y vint et les autres se contentèrent d'envoyer quelques émissaires; ce fut le seul résultat de cette campagne car, si les habitants de l’Ambongo et du Maraha n’ont fait aucune résis- tance, ils échappaient tout naturellement au joug que voulait leur imposer Radama en se réfugiant dans les bois et les marécages qui cou- vrent cette région. Le 26 octobre Radama et son armée rentrèrent en Imerina, en traversant un pays cultivé, le Vonizongo. Le 2 novembre 1824, Radama arriva à Tananarive, où il fut reçu solennellement, mais, malade de la fièvre, il remercia brièvement ses sujets, puis il les congédia et rentra se soigner dans son palais, les con- viant au grand kabary qu'il fixa au 14 et où il exposa les hauts faits de sa campagne, qui n'avait pas duré moins de cinq mois, disant : « Aujour- d’hui, l’île tout entière est à moi! Elle n’a plus qu’un maître! () Les fusils et les sagayes peuvent par conséquent « dormir » car, si des rebelles essaient de se lever contre moi, J’ai des soldats pour les réprimer. Je suis le protecteur de tous mes sujets, des femmes comme des enfants, (1) Dans le Sud du Boïina, Radama trouva des Manendy qui, ayant fui Andrianampoini- des résultats analogues à ceux que son père et lui avaient eus dans le Centre et dans l'Est. merina, s’y étaient réfugiés, il fit exécuter ceux qu'il prit. (2) Dans le Milanja : lat. S. 16045’, long. E. de Paris 42040’. (3) Le discours de Radama, comme dit GUILLAIN (Documents sur la Côte Ouest de Madagascar, 1845, p. 90), témoignait de sa noble ambition, mais n’exposait pas la situation telle qu’elle était, car si, par sa volonté persé- vérante et par l’autorité qu'il exerçait sur ses sujets, il avait beaucoup agrandi son royaume, il ne pouvait pas s’attendre à obtenir des peu- plades encore si sauvages de l’Ouest et du Sud Si, avec une armée nombreuse et disciplinée, Ra- dama avait pu parcourir en vainqueur le pays sakalava et obtenir une apparence de soumis- sion, il n’avait pas les moyens de le gouverner. Toutefois il se flattait, en désarmant les peu- plades conquises, de pouvoir les tenir en mains, mais il eût fallu les désarmer complètement, ce qui n’était pas possible, et le nombre des garnisons qu'il pouvait laisser dans les pays conquis était trop petit et les forts étaient trop espacés pour qu'il eût une réelle autorité sur leurs habitants. 206 MADAGASCAR. des veuves et des orphelins; vous pouvez travailler en paix, en toute sé- curité, planter le riz, le manioc, les pommes de terre, le coton, le chanvre, le lin, et élever les vers à soie qui viennent d’être importés. Si vous ne travaillez pas la terre, vous serez comme ce petit bœuf qui est là devant vous et à qui personne ne s'intéresse, personne n'aura pitié de vous; travaillez donc, car ne croyez pas que l’or et l’argent vous tomberont du ciel! » Puis, après que ses sujets lui eurent fait le hasina, lui eurent prêté le serment d’allégeance, il les remercia des travaux qu'ils avaient faits, par corvée bien entendu, pendant son absence; ils avaient enlevé une partie de la terre de la colline d’Ambohijanahary, qui est située à l'Ouest de Tananarive et que Radama avait la prétention de niveler, et ils avaient apporté de la forêt les poutres et les traverses pour la cons- truction du palais. À la fin de janvier 1825, quelques milliers de Merina, soldats et civils, furent envoyés en diverses parties du Boina et du Ménabé pour y cons- truire des villages et s’y établir, afin, par leur exemple, d’apprendre aux Sakalava à cultiver la terre et de leur faire perdre leurs habitudes de rapine et de pillage. Mais on apprit en mars que les habitants de ces pays avaient refusé de livrer leurs armes et s'étaient révoltés, attaquant les garnisons nouvellement installées et les massacrant. Dans le Boina, Andriantsoly, qui avait donné asile à 30 esclaves d’Houssein, le gou- verneur antalaotra de Majunga, tué comme nous l’avons dit lors de la prise de cette ville, fut sommé par le gouverneur merina Ramanetaka de les lui restituer; il refusa, mais celui-ci vint les lui enlever de force. Comme les chefs sakalava de cette région étaient très mécontents des nombreuses exactions auxquelles ils étaient journellement soumis, leur roi n'eut pas de peine à s’entendre avec eux, ainsi qu'avec les envoyés que leur dépêcha à ce moment même le roi du Ménabé, pour s’allier contre l’ennemi commun, et le 1° mars 1825, Andriantsoly se jeta avec ses sujets à l’improviste sur le fort d’'Ampihahonana (litt. : où l’on fait halte), dont ils massacrèrent la garnison, puis ils se mirent en marche vers Majunga, recrutant sur leur route environ 2,000 hommes. Mais, allant lentement, ils n’arrivèrent que le septième jour tandis qu’ils n’au- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 207 raient dû en mettre tout au plus deux, de sorte que Ramanetaka, averti de leur venue, eut le temps de mettre en défense son fort de Saribengy, qui domine de 120 mètres la ville de Majunga; la garnison hova, sachant d’après ce qui s'était passé à Ampihaonana, qu’elle n’avait pas de quartier à attendre, se défendit courageusement en s’abritant derrière les retranchements et força l’ennemi à se retirer. Beaucoup de Sakalava s'étant réfugiés dans la ville même de Majunga, Ramanetaka fit une sortie et mit le feu à la ville d’où l’ennemi tiraillait sur ses soldats, les maisons, en roseaux et en feuillages, flambèrent en un instant et furent toutes brüûlées : les habitants se sauvèrent en hâte, abandonnant leurs biens et, s'embarquant précipitamment à bord des 70 boutres qui étaient sur rade, allèrent aborder de l’autre côté de la baïe, à la pointe de Kat- sepy (à 8 km. 1/2 à l'Ouest de Majunga). D’autres assaillants avaient fui jusqu’à Ambondro où Andriantsoly attendait le résultat de l’assaut ; dès l’arrivée de la nouvelle de l'échec, il fut abandonné par tous ceux qui étaient avec lui et se cacha avec un homme et deux femmes, qui lui étaient seuls restés fidèles, dans un bois voisin; ayant pu se procurer une pirogue, il alla rejoindre les fugitifs de Majunga, puis il s’enfuit dans la baie voisine de Boina qui est à une distance d'environ 22 kilomètres d’où il s'embarqua sur un boutre avec plusieurs Antalaotra et vogua vers le Nord : les Antalaotra, en effet, lui avaient en sous main prêté leur appui et, maintenant ruinés, les uns se joignirent à lui tandis que d’autres poussèrent jusqu’en Afrique. Quant à sa famille, à son cousin Tafikandro, à sa tante Taratsa, à sa sœur Oantitsy et à ses nièces Miha et Taosy, qui étaient à Marovoay, ils délibérèrent sur ce qu’il était opportun de faire, mais comme la dis- cussion se prolongeait et qu'ils n’arrivaient pas à une conclusion, Tañ- kandro prit le parti de s’en aller avec quelques centaines de personnes dans l’Ambongo. Les autres n’avaient pas encore pris de décision quand les Merina, arrivant, les appréhendèrent ; Oantitsy, feignant d’être malade, réussit à se sauver avec sa nièce Taosy, qui était censée la soigner, et chercha à joindre Andriantsoly, accompagnée par le chef Boina-Mary; après maintes péripéties, elle finit par atteindre Anorontsangana. 208 MADAGASCAR. Arrivé à Nosy Langany (Nosy Manja), dans la baie de Mahajamba, Andriantsoly appela ses sujets à son aide et donna aux chefs de la baïe d'Ampasindava l’ordre d'attaquer le poste () que les Merina y avaient établi depuis l’expédition du prince Ratefy dans le Nord. Les Saka- lava ayant subi une défaite, il envoya un boutre avec 70 Antalaotra et deux petites pièces d’artillerie, qui l’enlevèrent et massacrèrent la garnison. Avisé de cette révolte par Ramanetaka, Radama expédia à son secours 2,000 hommes sous les ordres du général Rainimaka qui, après avoir laissé quelques troupes de renfort tant à Marovoay qu’à Majunga, marcha sur la baie de Mahajamba. Lorsque Raïinimaka en approcha, les Sakalava se sauvèrent abandonnant Andriantsoly ainsi que les Antalaotra qui, dès lors, décidèrent de remonter plus au Nord : quand les Merina y arrivèrent, la place était évacuée et Ramanetaka, furieux de voir la flottille des boutres quitter Nosy Langany comme il y arrivait, mit le feu au village et retourna à Majunga. La flottille fit route pour Anoront- sangana où elle arriva le 25 juillet et où la population du pays vint rendre hommage à son souverain, population qui ne comprenait que quelques milliers d'individus : c'était tout ce qui lui restait des sujets du grand royaume de Ravahiny. Quant aux Antalaotra qui l’avaient suivi, ils reprirent immédiatement Jeurs habitudes de négoce, que d’ailleurs les Merina ne leur laissèrent pas le temps de développer. Andriantsoly et ses chefs, qui avaient appris à leurs dépens l'utilité d’une tactique militaire intelligente, cherchèrent à profiter du répit qu'ils avaient pour tâcher de mettre leurs soldats au niveau de leurs ennemis; 800 Sakalava environ furent assemblés à cette fin et dressés tant bien que mal par quelques Antalaotra qui avaient reçu à Majunga un sem- blant d'instruction militaire. Pendant l’hivernage, il n’y eut pas d’hostilités et, insouciants comme toujours, les Sakalava reprirent leur vie habituelle, comme s’ils étaient définitivement délivrés de leurs ennemis, tandis qu’au contraire Radama, (1) Poste d’Ampasindava, qui est situé par au fond de la baie à laquelle il donna son 13048’ Lat. S., et 45058’ long. E. de Paris, nom. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 209 décidé à en finir, préparait une expédition sérieuse. Dès le retour de la belle saison, en avril 1826, il donna l’ordre à Ramanetaka de se rendre à Anorontsangana avec une dizaine de boutres et de nombreuses pirogues et, en même temps, il envoya sous le commandement du général Rama- rosandy, une armée de 4,000 hommes qui devait attaquer Andriantsoly et ses Sakalava par terre, tandis que la flottille lui couperait la retraite du côté de la mer, mouvement qui, d’ailleurs, fut mal exécuté. Lorsqu’Andriantsoly eut connaissance de l’approche de l’armée merina, il envoya à sa rencontre ses troupes qui la harcelèrent, mais qui ne furent pas capables de l’arrêter ; 1,200 Antalaotra, qui s'étaient massés au pied de la haute montagne Bezavona, à 45 kilomètres à l’Est-Sud-Est d’Anorontsangana, pour garder le passage qui conduisait à cette ville, le défendirent pendant quelque temps, mais, ayant été tournés pendant la nuit, ils durent battre en retraite et, ayant regagné Anorontsangana, ils embarquèrent précipitamment- leurs familles et leurs biens, ainsi qu'Andriantsoly qui avait, dit-on, bravement pris part à l’action. Quand, le 12 avril, Ramarosandy entra dans la ville, ils pensèrent attendre dans la baie son départ, mais, apprenant par des pêcheurs la venue de la flottille de Ramanetaka, ils partirent définitivement : le boutre qui por- tait Andriantsoly fit voile pour Mayotte et les autres, après avoir fait leur provision d’eau à l’île de Karakajoro ), partirent soit pour les Comores, soit pour l'Afrique. Ramanetaka donna à l’armée l’ordre de brûler la ville et de retourner à Tananarive, puis il rentra à Majunga où, à la fin de cette même année 1826, il mourut de la fièvre : c'était un bon militaire, qui avait pris de l’influence sur les indigènes. Les Merina partis, les Sakalava sortirent des bois où ils s’étaient cachés et, se réunissant, ils élurent comme reine Oantitsy qui, avec son manan- tany, son ministre Boina-Mary, n’avait pas voulu quitter Madagascar et s'était réfugiée dans la baie d’Ambavatoby et qui, seule, représentait la famille royale dans le Boina, son frère Andriantsoly ayant, comme nous l'avons dit, abandonné Madagascar. La nouvelle reine s'établit d’abord (4) Lat. S. 1305630”; long. E. de Paris, 45026/50”. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 19 1 210 MADAGASCAR. entre Anorontsangana et le mont Bezavona, ensuite à Kapany, au fond de la baie où se jette la Sahamalaza, à 12 kilomètres environ de son em- bouchure, gouvernant la population qui occupait cette partie du pays sans être inquiétée par les Merina 4). Andriantsoly, qui était parti pour Mayotte où il pensait trouver un asile auprès du sultan, qui était le fatidra, le frère de sang de son père Oza, fut surpris pendant la traversée par une tempête qui l’entraîna jusqu’à la côte d'Afrique, à l’île de Monfia. Ÿ ayant rencontré un parent du sultan de Mascate, de Seyid-Saïd, qui l’engagea à se rendre à Zan- zibar pour se concerter avec le gouverneur de cette île; il y alla, mais n’y trouva pas l’appui qu’il espérait et qu’en tout cas on voulait lui faire payer trop cher, de la cession d’une partie de son royaume. Sur ces entre- faites, un envoyé de sa sœur Oantitsy vint à Zanzibar s’enquérir des raisons de son séjour si prolongé loin de son pays et l’engager à venir reprendre le pouvoir, en même temps qu’il lui annonça que Radama venait de mourir. À cette nouvelle, abandonnant toute négociation, il se hâta de retourner à Madagascar, où il arriva en décembre 1828 à l’em- bouchure du Joja, au fond de la baie d’Ampasindava; sa sœur lui remit le pouvoir et il s'établit à Anorontsangana où le rejoignirent beaucoup d’Antalaotra. En 1825, la France ne possédait sur toute la côte Est que le Fort-Dau- phin, qui était fort éloigné de l’Imerina et entouré par des tribus indé- pendantes, et on ne pouvait guère penser que Radama voudrait s’en emparer, mais, à l’instigation des agents anglais, il se résolut à chasser la France de la Grande Ile et, vers la fin du mois de février, 2,000 hommes, sous la conduite de Ramananolona (, cousin de Radama, vinrent camper auprès du Fort-Dauphin, qu’occupait un poste français comprenant un (1) En janvier 1828, sa nièce Taosy mit au monde la petite princesse Tsiomeko. (2) Qui avait l’ordre d’y rester comme gou- verneur avec une garnison de 1,000 hommes, le reste devant revenir en Imerina. Ces Merina avaient fait un grand butin de fusils d'esclaves et de bétail, mais non sans avoir perdu beaucoup de monde. Ayant appris quel- ques jours plus tard que les Antanosy s'étaient révoltés, Radama envoya tout de suite un renfort de troupes et donna des ordres pour qu’on portât par mer des provisions aux assié- gés du Fort-Dauphin. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 211 officier et 5 soldats. Sommés de se rendre, ils refusèrent, mais deman- dèrent, pour avoir le temps de prendre les ordres du gouverneur de l’île Bourbon, M. de Freycinet, un armistice de deux mois, qui leur fût accordé. Les Merina, profitant des facilités que leur donnait l’armistice, se portèrent à l’improviste sur le fort le 14 mars 1825 et, y entrant de vive force, arrachèrent le drapeau français qu’ils remplacèrent par celui de Radama, et firent prisonnier l'officier et les 5 soldats, qui furent du reste remis en liberté presqu’ausssitôt, car M. de Freycinet, n’ayant pas de forces suffisantes, dut se contenter de les envoyer chercher à la baïe de Sainte-Luce où ils s'étaient réfugiés, tout en écrivant une lettre pleine de menaces à laquelle Radama répondit en permettant, par un décret, l'entrée des navires anglais dans les ports de Madagascar, et en autorisant les Anglais à résider dans l’île @). Mais, quelques mois après, les habitants de la province du Fort- Dauphin, renforcés par leurs voisins, au nombre de plus de 10,000, se préparèrent à attaquer la garnison merina, qui ne comprenait que 1,600 hommes; le général Ramananolona en envoya contre eux 500 qui les mirent en fuite mais qui, ayant voulu les poursuivre à travers les bois, furent accablés par le nombre et y périrent tous. Les insurgés reprenant alors confiance, cernèrent dans le Fort-Dauphin les Merina, qui n’eurent d'autre moyen de sortir de cette situation critique qu’en confiant à un bateau français qui se trouvait sur rade une lettre pour M. de Freycinet, gouverneur de l’île Bourbon, où étaient incluses deux dépêches, l’une pour Radama et l’autre pour Jean-René. Le gouverneur n'ayant pas les moyens de soutenir les rebelles, crut opportun de se montrer généreux et rendit le service qu’on lui deman- dait, mais profita de l’occasion pour écrire à Radama, lui rappelant les actes d’hostilité dont les Français avaient à se plaindre et lui (1) Ge décret, qui a été publié officiellement l’île, à y commercer et y construire des navires, dans la Gazette de Maurice du 18 juin 1825, ainsi qu’à y bâtir des maisons et y cultiver permettait l’entrée de tous les navires anglais des terres. On a établi alors des douanes dans dans les ports de Madagascar moyennant un les principaux ports et les Français ont éprouvé droit de 5 p. 100 sur la valeur des marchan- les plus grandes difficultés à y faire du com- dises, et autorisait les Anglais à résider dans merce. 212 MADAGASCAR. demandant de conclureuntraité d’alliance et d'amitié. Radama répondit le 23 août 1825 qu'il était le souverain de toute l’île de Madagascar et qu'il accueillerait volontiers une députation pour discuter les clauses de ce traité; M. de Freycinet ne répondit pas à cette proposition. A cette même époque eut aussi lieu sur la côte orientale, dans les envi- rons de Foulpointe, une révolte des Malata Betsimisaraka, qu’appuya le commandant de l’île de Sainte-Marie en leur fournissant de la poudre, mais que les Merina réprimèrent grâce à un navire qui yÿ transporta rapi- dement des renforts (1). Les rebelles, qui avaient massacré le 12 jan- vier 1826 le poste merina de la rivière Soamianina (un peu au Sud de la Pointe à Larrée), durent livrer leurs armes et furent astreints à fortifier Foulpointeenl’entourant de palissades;les chefs, les Malata, se rendirent, en 1826 à Tananarive, à la suite du général qui les avait vaincus, pour faire leur soumission et demander au roi la sanction de la grâce que leur avait accordée le général, mais Radama refusa et les retint prisonniers : deux ans après, lors de sa mort, ils furent tous massacrés. Au commencement de 1826, mourut Jean-René; Hastie, qu’il avait nommé son exécuteur testamentaire, s’embarqua le 19 mai pour Maurice, d’où ilrevint malade en compagnie de trois missionnaires, D. Johns, Came- ron et Cummins; son état empira et pendant sa maladie Radama lui témoigna de l’affection et de la reconnaissance pour les services qu’il lui avait rendus (2) : il mourut le 8 octobre 1826, laissant une veuve et un enfant d’un an (); son successeur Robert Lyall, arriva à Maurice avec (1) ELLIS dit qu’au mois de juin 1825, les Betsimisaraka de Maroa (de la baie d’Antongil) et du Nord-Est refusèrent aussi de livrer leurs armes aux Merina, mais que Hastie est allé parlementer avec eux et a facilement rétabli la tranquillité dans cette région (Hist. of Mada- gascar, 1838, t. IT, p. 359). (2) Hastie, Andrianasy (litt. : le Seigneur Asy [pour Hastie]), comme le nommait Radama, avait en effet exercé une grande influence sur le roi, ayant organisé et même souvent conduit ses principales expéditions et lui ayant donné en maintes circonstances d’utiles conseils. C'était un homme habile, qui menait les affaires avec adresse. (3) Contrairement aux usages, le roi vint le voir sur son lit de mort, ainsi que les juges, beau- coup d'officiers et de gens du peuple, et il lui fit faire de pompeuses funérailles. Hastie était né à Cork en 1786; il fut employé au service de Mada- gascar pendant sept ans et resta deux ans à Maurice dans l’expectative. Le 25 octobre, Radama écrivit à Locke Lewis, gouverneur de Maurice (An account of the Ovahs, Journ. Roy. Geogr. Soc. London, mai 1835, p. 230), qu'il avait à l’informer HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 213 sa famille à la fin de 1827, mais, la saison étant mauvaise, il se contenta de venir à Tamatave faire une visite à Radama, qui s’y trouvait alors, et s’en retourna à Maurice, d’où il ne partit qu’en juillet 1828; il arriva à Tananarive le 1° août, au lendemain de la mort du roi. En juin 1826, il y a eu un des plus grands kabary qui aient jamais eu lieu, et auquel ont assisté beaucoup de chefs des pays conquis, du Ménabe et du Boiïina, de Vohémar, du pays des Betsimisaraka et des Betanimena, ainsi naturellement que de l’Imerina et du Betsileo. Ces chefs ont prêté à Radama, qui se préparait à partir pour une expédition militaire, le hasina, le serment d’allégeance. Puis, ayant passé l’armée en revue, le roi ordonna que dorénavant les commandements fussent faits, non plus en anglais, mais en malgache. A la fin de juin, Radama se mit en route pour la côte Est avec 1,500 sol- dats, laissant le général Rafozehana comme commandant de Tanana- rive; il y resta jusqu’au mois de novembre 1827 et revint alors à Tana- il était resté à Tamatave pour affaires, mais beaucoup aussi pour son plaisir. En juillet 1827, le général Brady partit à la tête de 9,000 soldats et de 500 porteurs de bagages, pour aller attaquer dans le Sud-Est Rabedoka, narive en si mauvais état qu'on conçut de grandes craintes : le chef de Vangaindrano, qui, tandis que les mpanjaka, les chefs de l’Imorona, avaient reconnu l’autorité de Radama sans coup férir U), avait refusé de se soumettre; l’opération dura plus de sept mois, la popu- lation étant nombreuse et ayant opposé une grande résistance : Rabe- doka fut pris et mis à mort; son corps, découpé en morceaux fut attaché de la mort de James Hastie : « Par ses sages conseils, dit-il, et sa préoccupation d’aider les guère d'autre document intéressant sur le centre de l’île que celui fait par James Hastie malheureux, il a augmenté chaque année l’atta- chement que j'avais pour lui et il a gagné celui de mon peuple qui pleure la perte d’un père et d’un ami. Afin de montrer ma considération pour lui et mon affliction de sa mort, je lui ai fait rendre tous les honneurs possibles et lui ai fait de magnifiques funérailles. » Entre les récits de Mayeur et de La Salle, d’une part, et le voyage de Carayon, d’autre part, on n’a en 1817-1818 (Bull. Acad. malgache, 2 tri- mestre 1903, p. 92-114 et 241-269, et 1€r tri- mestre 1904, p. 17-36). (1) « Lorsque je suis venu dans le Sud-Est en 1870, les descendants des trois principaux chefs étaient Andriambolamenarivo, Rama- hariarivo et Ravelonarivo qui, s’étant reconnus vassaux de Radama, percevaient la moitié de la dime du riz » (A. GRANDIDIER). 214 MADAGASCAR. au haut de grandes perches, et une vingtaine de ses chefs qui ne voulurent pas se soumettre furent également massacrés; 2,000 individus, dit-on, périrent dans ces combats. Les vainqueurs traitèrent cruellement les vaincus et se livrèrent à d’ignobles insultes sur les cadavres des morts; quant aux militaires merina qui s'étaient conduits lâchement, qui étaient au nombre de neuf, ils furent mis au milieu d’un cercle de fagots et brûlés vivants, endurant d’horribles souffrances. L’armée victorieuse rentra en Imerina en janvier 1828, ramenant d’énormes troupeaux de bœufs et de nombreux prisonniers dont Radama fit relâcher les libres, ne gardant que les esclaves et 5,000 fusils. A cette même époque, à la fin de 1827, les Betanimena et les Anteva , ainsi que les Sihanaka, tentèrent de se révolter, mais furent vite matés (2). Les excès de boisson auxquels se livrait Radama et ses habitudes de débauche avaient altéré sa santé si gravement que quand, en novem- bre 1827, il revint de Tamatave, où il avait plus que jamais usé et abusé de la vie, il fut incapable de s'occuper, comme c’était son habitude, des affaires politiques et se montra moins volontiers en public. Il se rendit à Nosifito, non pas pour demander aux eaux de cette source sacrée, comme l'avait fait son père (#), le secret de sa destinée, mais pour y prendre un peu du repos nécessaire dans son état de santé. Au printemps de 1828, il s’affaiblit beaucoup et la maladie fit de rapides progrès. Conscient de la gravité de sa maladie, il convoqua ses parents et les grands personnages du royaume et, après avoir adressé ses félicitations et ses remerciements à ceux qui avaient contribué à l'agrandissement et à la prospérité de son royaume, il donna à tous de sages conseils et leur recommanda expressément de ne pas opprimer le peuple. Lorsqu'il n’y eut plus d'espoir, comme on voulait prévenir les Grands du pays de son état, il s’y opposa : « Ils prétendraient, dit-il, que j’ai été ensorcelé et ils soumettraient à l’ordalie du tanghin un grand nombre de (1) Clan d’Antanala habitant entre le Man- était jeune et très estimé, ayant été convaincu goro et le Mananjara. d’avoir fraudé sur la part du roi dans le butin, (2) L’un des généraux envoyés pour réprimer fut condamné à mort et fusillé. cette tentative de rébellion, Ralahifotsy, qui (3) Voir plus haut, p. 113. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 215 personnes, dont beaucoup mourraient. Or, je ne veux pas qu’on mette à mort des innocents » et, comme on lui proposait d'envoyer chercher les principaux talismans, Kelimalaza, Mahavaly et autres, il refusa : « Pour guérir mon père, on a eu recours à toutes sortes de sampy, de talis- mans, et inutilement. Je ne veux pas de ces mômeries. Qu’on laisse de côté les devins et les astrologues ». Il mourut le dimanche 27 juillet 1828, âgé de trente-six ans, mais au lieu d'annoncer sa mort, on dit au contraire qu’il allait mieux et on fit jouer la musique devant le palais. Le mardi 29 eut lieu un kabary, une grande assemblée publique, afin que le peuple prêtât serment de fidélité «à quiconque serait désigné par le roi comme son successeur », kabary où il fut expliqué au peuple que le roi se sentant plus malade voulait qu’il prêtât immédiatement ce serment, et, le 1® août au matin, le peuple apprit avec une émotion profonde que c'était la reine Ranavalona qui était choisie pour succéder à Radama et à qui il avait prêté serment de fidélité. Le 3 août eut lieu l'annonce officielle que le roi Radama « avait tourné le dos (à ses sujets) @), s'était retiré (2) (auprès de ses ancêtres h», et que son successeur, désigné depuis longtemps par son père Andrianampoi- nimerina, était sa vadibé, la première de ses femmes, Ramavo, qui prit dès lors le nom de Ranavalona (). (4) Niamboho, expression réservée au sou- verain. (2) Nody, niesotra. (3) Radama avait maintes fois déclaré, dit-on, que sa femme Ramavo devait lui succéder, dier par de vieux Merina bien renseignés sur l’histoire de leur pays que Radama I avait désigné pour son successeur son neveu Rako- tobé, mais qu'il ne l’avait pas fait monter sur le vatomasina, la « pierre sainte », pour le consa- car son père, ajoutait-on, en avait décidé ainsi, et il ne lui était pas loisible de modifier l’ordre de succession qu'il avait établi, car ce n’était pas par suite de son mariage qu’elle devait hériter du trône; elle lui avait été donnée comme femme principale, comme vadim-panjakana (litt. : l’épouse du royaume), parce qu’elle devait lui succéder. Or il a été dit à A. Grandi- crer, par suite de la superstition d’après laquelle « le souverain qui y fait monter son successeur ne survivra pas longtemps ». À sa mort, Rana- valona Ie, par les intrigues du premier Ministre et de son entourage, l’a supplanté. Le récit d’Ellis qu'Andrianampoinimerina a fixé la ligne de succession future aux seuls enfants issus de Ranavalona qu'il a mariée à Radama (a), est (a) Andrianampoinimerina avait exclu du trône ses enfants, à l’exception de Radama, et les avait rangés dans la caste des Zazamarolahy, voulant prévenir des guerres civiles et le démembrement du royaume, comme cela avait eu lieu à la mort d’Andriamasinavalona. Il avait réglé qu'après la mort de Radama les souverains 216 MADAGASCAR. Quand le peuple connut la mort du roi, il en accusa les sorciers, mais beaucoup de Malgaches de son entourage, plus éclairés, se rendirent par- faitement compte que c'était l’abus des liqueurs fortes qui avaient ruiné sa santé et abrégé sa vie et, après sa mort, jetèrent avec indignation du haut du rocher d’Ampamarinana, la roche Tarpéienne malgache, le rhum qu'ils trouvèrent en grande quantité dans son palais. La ville de Tananarive prit immédiatement un aspect lugubre, les mai- sons furent fermées et un morne silence régna partout, interrompu seule- ment par les gémissements des habitants. Le 11, on tira des coups de canon de minute en minute depuis le matin jusqu’au coucher du soleil et, le lendemain, les batteries et l'infanterie firent tour à tour des décharges jusqu’au soir. Le palais fut tout couvert, au dedans comme au dehors de toile blanche et bleue (. Ont été alors publié les ordres suivants : 1° Tous les sujets de Radama, à l'exception de la reine, de quelques personnes de sa suite, des gardiens des talismans et des Européens, se raseront la tête trois ou quatre fois un conte inventé à la mort de Radama par les meneurs pour faire passer aux yeux du peuple Ranavalona comme seule héritière légitime. Les Grands du royaume l’ont mise sur le trône parce que, avec une reine naturellement plus docile aux suggestions des chefs qu’un roi, ils espéraient être les maîtres et gouverner à leur gré. (A. GRANDIDIER, Notes manuscrites, 1869, p. 1518 et 1520 et Bull. Comité de Mada- gascar, 1895, p. 325-330). (1) Le prince Coroller, 1828 (Nouv. Ann. des Voyages, 1839, t. IV, p. 19-23). seraient pris parmi les descendants de sa grand’-mère Rasoherina, femme d’Andriambelomasina (par consé- quent la souche-mère des souverains d’Imerina), et spécialement dans la descendance de ses sœurs Ralesoka, Rabodonandriantompo et Ratavanandriana (car les enfants d’une femme sont certainement de son sang, tandis que ceux attribués à un homme peuvent très bien et, à Madagascar, sont très souvent, les enfants d’un autre homme) : « Mes sœurs, a-t-il dit, doivent être le « grand foyer » d’où sortiront les maîtres de ce royaume ». Ralesoka, l’aînée, n’ayant pas d’enfants, il avait désigné Ramavo, la fille aînée de sa seconde sœur Rabodonandriantompo, pour succéder à son fils Radama. Toutefois les Tsiarondahy, caste vassale du souverain, et quelques autres, complotèrent de mettre sur le trône Rakotobé, fils de Ratefy et de la sœur aînée de Radama, que celui-ci avait désigné pour son successeur; dès que Radama fut à l’agonie, Andriamam- bavola et Rainimahay, membres puissants du gouvernement et quiétaient au courant du complot tramé contre Ramavo, dit le R. P. Callet (Tantara, p. 1121-1124), accoururent, mais ils furent arrêtés à la porte du palais par deux Tsiarondahy, Andriantsimijay et Tsiaribika, qui les menacèrent de leurs sagayes s’ils avançaient; étant allés chercher une hache et un bouclier, ils réussirent à enfoncer la porte et, s’étant jetés sur les deux Tsiarondahy et les ayant désarmés, ils pénétrèrent avec eux dans la chambre du roi, qui avait déjà perdu l’usage de la parole, et leur demandèrent qui Radama avait désigné comme son successeur; les Tsiarondahy ayant répondu hardiment que c'était Rakotobé, ils s’approchèrent du roi : « Est-ce Rakotobé que vous avez désigné pour vous succéder? Est-ce Raketaka (la fille de Rasalimo, la princesse du Ménabé, âgée alors de quatorze ans et seul enfant de Radama alors survivant, dont le frère avait été, croit-on, cruellement mis à mort afin d’assurer la succession à Rakotobé)? » Le roi n’ayant fait aucun signe, « est-ce, reprirent-ils, Ramavo, votre épouse? » Il fit un signe de tête aflirmatif et, ces mêmes ques- tions lui ayant été posées trois autres fois, les trois fois il ne fit signe qu’au nom de Ramavo, et les deux Tsiarondahy, convaincus d’imposture, furent immédiatement mis à mort (étant dès lors hors d’état de raconter ce qui s'était réellement passé dans cette scène macabre). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 217 pendant le deuil aux époques qui seront ultérieurement fixées; 20 les femmes de la capitale et des environs viendront se prosterner devant le palais et hitomany, elles « pleureront » et pousseront des lamentations jour et nuit, ayant les épaules nues et ne laissant pas traîner à terre le lamba, qui pourra être propre, contrairement à l’ancien usage, car Radama aimait la propreté; elles ne porteront aucun vêtement voyant, ni de chapeau; elles ne mettront pas de pommade sur leurs cheveux et ne se serviront pas de miroir; 3° personne ne se fera porter dans un filanjana, dans un palanquin, ni ne montera à cheval; 4° personne ne tissera d’étoffes de soie, ne tressera de chapeaux, ne fera de poteries, ni de sucre, ne travaillera les métaux précieux, ni les bois de charpente, n’écrira; 59 lorsqu'on se rencontrera, on ne se saluera pas; on ne jouera d’aucun instrument et on ne chantera, ni ne dansera; 60 on ne se parlera pas dans la rue et les gens mariés aussi bien que les célibataires ne doivent se livrer à aucune action licencieuse pendant le jour; 7° personne ne doit coucher dans un lit ou s’asseoir sur une chaise, on doit coucher et s'asseoir par terre. On ne doit pas non plus se servir de table. Toutes ces pres- criptions durent être suivies rigoureusement sous peine de châtiments. Le deuil, qui devait réglementairement durer une année, n’a duré que dix mois et a fini le 27 mai 1829. La loi contre l’usage des boissons alcooliques fut, à cette occasion, confirmée, et la peine de la décapitation prononcée contre ceux qui y contreviendraient. Tous les Malgaches présents durent faire le serment d’allégeance, trempant la main droite dans l’eau que contenait une pirogue mise devant le palais et à laquelle était mêlée un peu de terre prise au tom- beau du père de Radama et s’en mettant quelques gouttes sur la tête; il y en eut même qui en burent. Pendant dix jours, tous les soirs, de nombreux coups de fusil furent tirés; les fanfares et les violons jouèrent nuit et jour et la foule ne cessa d’affluer dans le rova, dans la cour du palais, apportant des lambas, des bœufs, surtout de l’argent, destinés à rehausser l’éclat des funérailles; de nombreux ouvriers travaillèrent au tombeau et forgèrent le cercueil HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 2 2] 218 MADAGASCAR. en argent (1). Les funérailles eurent lieu avec la plus grande pompe; pendant les deux jours qui les précédèrent, le canon tonna de minute en minute depuis le lever jusqu’au coucher du soleil ®. Le 13 août, dans l'après-midi, on déposa dans la fosse qui était profonde tous les objets et effets précieux qui appartenaient à Radama () et qu’on pensait devoir lui être utiles ou agréables dans l’autre monde et, dès que le soleil fut couché, car un souverain doit disparaître de la surface de la terre en compagnie du masoandro, de l’astre du jour, on le porta dans son tom- (4) Pour le faire, ils ont employé 14,000 pias- tres espagnoles, d’un poids, par conséquent, de près de 40 kilogrammes : il avait 8 pieds (2 m. 40) de long sur 4 1/2 (1 m. 35) de large, et 4 1/2 (1 m. 35) de haut, à cause des nombreux lambas qui enveloppaient le corps; il était grossièrement fait. (2) Le cercueil recouvert de velours rouge et orné de franges et de glands d’or fut porté, le 12 août, par 60 ofliciers supérieurs, qui avaient le crêpe au bras, et déposé dans le palais de Besakana, où il resta jusqu’au lende- main. Le 13, les Européens demandèrent et obtinrent de le porter de Besakana au Tranovola (où il résidait d'ordinaire) : les coins du drap mortuaire étaient tenus par le général Brady, le prince Coroller, le chef des ateliers royaux Louis Legros (l'architecte du tombeau) et le Rév. Jones, missionnaire anglais. Sous une tente qui était intérieurement tendue de drap rouge et qui était ornée, tant à l’intérieur qu’à l'extérieur, de larges galons et de franges, soit en or, soit en argent, s'élevait le catafalque, qui était entouré d’une balustrade à colonnes dorées, sur laquelle étaient posés des chande- liers et des lampes sépulcrales en argent; on y parvenait par deux escaliers; la famille royale qui faisait paraître une douleur très vive, était réunie dans cette chapelle funéraire qui était à côté même du tombeau autour duquel des jeunes filles vêtues de blanc avec une ceinture noire remuaient des éventails. Ce tombeau se composait d’un soubassement carré en blocs de granit, d’une dizaine de mètres de côté sur » mètres de haut, sur lequel s'élevait une chambre sépulcrale, richement décorée, où étaient placés une table, deux chaises, une bouteille de vin, une carafe d’eau et deux gobelets, afin que l’ombre de Radama y pût recevoir l’ombre de son père Andria- nampoinimerina, et y goûter les plaisirs qui lui avaient été chers pendant sa vie. Voir Ethnographie, vol. III, p. 518 et 523-524 (récit par le prince Coroller dans : JOURDAIN, Notice sur les Ovas, Nouv. Ann. des voyages t. XXIV, 4, de l’année 1830 p. 19-23). (3) Tels que de nombreux couverts d’argent, tant d'Europe que de Madagascar même, des vases d’or et d'argent et de la vaisselle plate dont le gouvernement anglais lui avait fait présent, de beaux vases de porcelaine de Chine, des sagayes ornées d’or, d’argent et de pierre- ries, des chaînes d’or d'Europe et du pays, des bagues de diamants et de nombreux bijoux de toute espèce, des malles pleines d’habits brodés de tout genre, des bottes et des éperons de divers métaux, des chapeaux galonnés et ornés de beaux plumets, enfin les portraits à l’huile de Napoléon Ier, de Frédéric le Grand, de Louis XVIII et du roi d'Angleterre ainsi que de nombreuses gravures coloriées représentant des vues d'Europe, des combats sur terre et sur mer. On y déposa aussi 10,000 piastres d’Espagne et toutes sortes de monnaies d'Europe et des Indes, et on immola devant le tombeau 6 magnifiques chevaux, afin que leurs ombres continuassent à être au service de leur maître. En ce jour, plus de 20,000 bœufs furent sacrifiés, tant dans Tananarive que dans les provinces voisines. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 219 beau, enveloppé de nombreux suaires; on le mit dans le cercueil d’argent qui y était déposé d’avance et sur lequel était gravé l'inscription sui- vante : Antananarivo, 18 asorotany 1828, Radama manjaka, tompony ny anivon ny riaka, qui est souverain de l'ile au milieu des mers 4). Plusieurs contemporains nous ont laissé un portrait de Radama, tant au physique qu’au moral ®) : il était, disent-ils, petit (%) et avait (4) Voir le tome III de l’Ethnographie (3) On lui avait, dit Désiré LAVERDANT, de cette Histoire de Madagascar, p. 523-524, envoyé d’Angleterre des vêtements magnifi- n° 29, et p. 546 (tombeau). ques, mais trop grands; « On me prend donc (2) Hilsenberg, 1822 (a), le prince Coroller, là-bas pour un géant, s’écria-t-il, c’est mon 1828 (b), Carayon, 1826, Lacaille, 1862, etc. esprit qui est grand! » (Revue de l'Orient, 1845, On a de lui un portrait à l’huile (c). p. 145). (a) « Radama est remarquable par son extrême activité, son ardeur, sa présence d’esprit; tous ses sujets le respectent, l’aiment et le redoutent. La perspicacité de son jugement, son équité, impossibilité de le tromper sont universellement reconnues. Il était vêtu simplement. Il prit un plaisir extrême à m’entendre jouer de Ja flûte et il ne cessait de me prier d’en jouer ». (Nouvelles Annales des Voyages, tome XI, 1° semestre 1829, p. 160). (b) Radama était petit (taille de 1 m. 65 environ) et mince; il avait la tête ronde avec la face ovale, le front plat avec une cicatrice provenant d’une blessure qu’il s’était faite en tombant de cheval, les yeux petits et vifs, le nez un peu camard, la lèvre inférieure grosse et tombante, les oreilles petites, percées pour porter des boucles, le teint brun olive, les cheveux noirs et gros, bouclés (« moins lisses, dit Carayon en 1844, que ceux des Andriana ordinaires; on eut dit qu'il était d’une race mélangée. ») Il riait fort lorsqu'il était gai. Il avait une jolie main, de petits pieds et une belle peau. Très affable, il avait l’esprit subtil et fin, et sa voix était douce, sa conversation agréable et enjouée. Très intelligent, il cherchait à s’instruire et aimait à s’informer, à s’enquérir. Il était orgueilleux, plein d’ostentation et très accessible à la flatterie; il était brave et intrépide, mais vif et même violent, n’hésitant pas à commettre des actes injustes, car, très jaloux de son autorité, il ne supportait pas la moindre opposition à ses idées et à ses volontés, il n’acceptait aucun avis sur ce qu’il disait ou faisait et ne tolérait même aucune remarque; on raconte, dit Lacaille (dans la Connaissance de Mada- gascar, 1863, p. 150), qu’un de ses généraux lui ayant fait une observation qui lui déplut, il écrasa d’un coup de poing une lampe qui brülait à ses côtés en lui disant : « Oublies-tu donc que je puis t’anéantir à l’instant, aussi facilement que j’ai éteint cette lampe? » Quoique strict observateur de ses paroles et de ses écrits, il a souvent sacrifié la justice à l’intérêt politique; il surveillait jalousement ses généraux, même favoris, auxquels, dans les relations de chaque jour, il prodiguait maints témoignages d’amitié; il entretenait une armée d’espions et prenait souvent un déguisement pour se rendre compte par lui-même de ce dont s’entretenaient le soir ses sujets dans leur intérieur. Quoique cupide, il était large dans ses dépenses personnelles, car il aimait le faste et se plaisait à revêtir des habits luxueux, mais il était toujours propre et bien tenu. Il montait bien à cheval et était bon chasseur. Dans ses déplacements, il accueillait avec pompe et générosité les chefs des clans, des tribus qui lui apportaient leurs hommages. Comme il aimait beaucoup à être loué, à être glorifié, il a toujours traité favo- rablement les étrangers, de manière à leur laisser une impression favorable, quoique, défiant et jaloux, il s’en méfiât, voyant en eux (et non sans raison), des espions venus pour préparer la conquête de son pays par quel- qu’une des puissances européennes. Il avait un vrai talent pour combattre et pour conquérir, mais il n’a pas toujours bien gouverné les peu- plades conquises, car il a plus cherché à agrandir son royaume qu’à le civiliser, et à obtenir des revenus par les produits de la guerre et le pillage que par le développement de l’agriculture, de l’industrie et du commerce. Mais, à cette phase de l’histoire de Madagascar, il ne pouvait en ètre autrement. (c) Radama ayant manifesté le désir d’avoir son portrait, le gouverneur de Maurice lui envoya le peintre André Coppalle, qui écrit en 1825 : « À mon arrivée à Madagascar, le général Rafaralahy me remit une lettre du Roi dans laquelle il m’offrait la moitié du prix que je lui avais demandé pour faire son portrait. Lui ayant témoigné mon étonnement de ce marchandage, il me dit qu’il était autorisé à m'’offrir quelque chose de plus, mais je lui ai déclaré que je n’étais pas marchand et que j’allais retourner à Maurice. Une heure après, j'ai 220 MADAGASCAR. une physionomie agréable et expressive; il était vif et actif, ardent et résolu, sentant vivement et agissant avec vigueur. Son amour-propre était excessif et l'amour de la gloire était un mobile puissant de ses actions; il était très sensible aux éloges : Andriamanitra hita maso, divi- nité que voient les yeux, comme l’appelaient ses sujets (1). Il a formé une grande armée sur le modèle de celles d'Europe et, grâce à son alliance avec l’Angleterre , il a beaucoup augmenté l'étendue de son royaume, qu'il s’est en même temps occupé de civiliser, mettant son despotisme au service de la civilisation, tandis que les chefs des autres peuplades étaient de vrais barbares, restés aussi ignares que leurs sujets; il a supprimé la traite des esclaves, donné son appui aux travaux des missionnaires anglais pour les bénéfices matériels qu’ils lui apportaient, adopté pour ses sujets un système d’éducation sous la direction de maîtres anglais et permis l'installation d’une presse à imprimer, aïnsi que la publication de livres d'enseignement et de livres religieux, favorisé l’intro- duction et la diffusion de nombreux métiers et de divers arts des pays civilisés, mais il n’a pas adhéré au christianisme, tout en en tolérant l'introduction. Cette préoccupation constante d'agrandir et de civiliser à l'instar de l’Europe son royaume, qui ne l’empêchait pas toutefois de se méfier des Européens, même de ses bons amis les Anglais (8), est le trait pré- dominant du caractère de Radama, qui, tout en le parcourant à la tête de (1) Il s'appelait aussi, comme nous l’avons (3) En 1825, Radama a formellement dé- dit, Tompony ny anivon'ny riaka, « souverain fendu à ses sujets de vendre à tout étranger de l’ile qui est au milieu des mers », et cette un morceau de terre quelconque, car, quoi- qualification a été gravée sur sa tombe. qu’il sentît le besoin des leçons des Euro- (2) Aussi prit-il souvent comme air natio- péens, il craignait leur main-mise sur son nal le God save the Queen, coutume qui a pays. été conservé jusque sous Radama II. reçu une autre lettre du Roi qui acceptait toutes mes conditions : ces deux lettres portaient la même date et Rafaralahy avait ordre de ne me les montrer que successivement ». Ce portrait fut terminé le 18 janvier 1826 et payé 1,500 piastres d'Espagne. Le R. P. Taix a eu l’occasion de le voir un jour que Radama II lui deman- dait de faire son portrait et, l’ayant mené dans une des salles du Trano Vola et ayant tiré le rideau qui le couvrait, lui dit : « Faites-moi comme çà ». Coppalle a fait plusieurs autres portraits de Radama I : à la Société Asiatique de Londres, il y en avait un à l’huile représentant le roi, avec deux gardiens de sampy ou talismans et un tombeau malgache dans le fond (donnée en 1832 par le Col. W. M. Colebrooke);ce tableau a malheureusement été détruit dans un incendie vers 1840; M. de Froberville a aussi un très joli dessin à la plume. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 221 son armée et en soumettant de nombreux petits États indépendants (1, n’a cessé de s'occuper d'améliorer et de perfectionner les conditions physiques et morales de son peuple (?. Malheureusement, son amour de l’ostentation et du plaisir s’est accru avec la connaissance des mœurs européennes et il a fini par s’adonner à la boisson, passant les nuits dans des orgies, au milieu d'hommes et de femmes dansant, fêtes noc- turnes qui ont ruiné sa santé et raccourci sa vie. Dès que les Merina sont entrés en rapports avec les Européens, ils en ont apprécié et ambitionné les connaissances et les produits, ils ont cherché à s’assimiler leur civilisation, écoutant leurs conseils dont ils ont tiré parti pour leur politique, tout en conservant leurs institu- tions nationales, celles-ci ont été dès lors mieux réglées et en ont acquis plus de force, montrant ainsi la différence de mentalité entre eux et les autres peuplades qui, en rapports journaliers avec les Européens longtemps avant eux, n’ont cherché qu’à leur prendre leurs marchan- dises, sans se demander à quoi était due leur supériorité. Les chefs Merina ont toujours fait preuve d'intelligence et d'esprit de suite dans leur politique; ils ont établi dans leur pays, depuis longtemps, un ordre social très supérieur à celui des autres peuplades malgaches. C’est sur- tout dans l’organisation intérieure de l’Imerina que se révèle la supé- riorité de la race malaise sur la race indo-mélanésienne : depuis 1595, les Sakalava de la baie de Saint-Augustin ont reçu très fréquemment, presque tous les ans, la visite des vaisseaux européens, hollandais, français et surtout anglais; or, ces Sakalava qui, depuis trois siècles, étaient en rapports constants avec des Européens, n’ont jamais cherché à se civiliser, et ils étaient encore à la fin du siècle dernier aussi sauvages que lors de la découverte de leur île. Les fusils qu’ils ont possédés dès (1) Il faut remarquer que la densité de la population merina, beaucoup plus grande que celle des autres peuplades et, ajoutons, son génie propre, n’ont pas peu contribué à lui permettre cette extension. (2) « Pour moi, dit LACAILLE avec quelque exagération, mon admiration va surtout à Andrianampoinimerina qui, isolé de tout, a trouvé dans son génie seul les ressources propres à jeter les fondements de la nationalité merina » (Connaissance de Madagascar, 1863, p. 151). Il y a lieu de remarquer en effet que l’organisa- tion politique qui est due au père de Radama, a été la cause de la soumission des nombreuses peuplades qu’il a conquises, en lui permettant d’accabler par le nombre de paisibles voisins. 222 MADAGASCAR. le milieu du xvire siècle ne leur ont jamais servi qu’à razzier et à piller leurs voisins ou à tuer leurs ennemis personnels; les missionnaires qui ont essayé de les civiliser ont dû renoncer à leur œuvre. Ce que nous disons des Sakalava, qui sont surtout des pasteurs, s'applique aussi, quoiqu’à un moindre degré, aux peuplades de la côte orientale, avec lesquels nous sommes en rapports depuis deux siècles et demi, et qui sont des agriculteurs. Au contraire les Merina qui, jusqu’à la fin du xvu1e siècle, n’avaient eu aucun contact avec les Européens, avaient déjà à cette époque une organisation sociale remarquable, comme Mayeur l’a constaté en 1774, et, dès qu’ils ont été en relation avec eux, ils ont cherché à les égaler, à s’assimiler leur civilisation. En somme, comme nous l’avons déjà noté, les Merina à l’encontre des autres peuplades, sont depuis longtemps gouvernés, ayant une hiérarchie au sommet de laquelle est le souverain. La ville de Tananarive, qui est située dans une vaste plaine, jadis immense marais peu à peu transformé pour la plus grande partie en fertiles rizières et dont, sous Andrianampoinimerina, les divers quar- tiers étaient chacun habités par des clans particuliers, ou affectés à certains groupes de la population, a pris, sous le rêgne de Radama, \ un grand développement : à cette époque, elle avait de 15,000 &) à (4) D’après un traitant qui y est allé en 1808; résider à Tananarive avec leurs femmes, leurs d’autres disent 18,000, mais en 1833, lorsque enfants et leurs esclaves, la population a plus Ranavalona a levé, en Imerina, une armée de que doublé (a). Tananarive a été, jusque 37,000 soldats dont 12,000 ont été appelés à récemment, la seule grande ville de Mada- (a) Antananarivo (litt. : la ville des 1,000 (soldats) parce que, lorsqu'Andrianampoinimerina s’en est emparé elle s'appelait alors Analamanga, il y a installé une garnison de 1,000 de ses soldats), se voit de 30 à 40 kilomètres, de quelque côté que l’on arrive, et son aspect est impressionnant. Les sommets des collines sur lesquelles elle est bâtie se sont peu à peu couronnés de palais et les maisons construites sur les versants sont souvent comme superposées, étagées les unes au-dessus des autres. Une loi défendait d'employer la pierre, ainsi que la brique, dans la construction des maisons dans l’an- ‘“ienne enceinte de la ville, loi qui a été abolie en 1868, lors de la convers on de la reine au christianisme; depuis lors, elles ont été à peu près toutes reconstruites et cette partie de la ville, qui était jusque-là en bois ‘et en roseaux, est aujourd’hui en pierres ou en briques, et les toits, qui étaient en chaume, sont en tuiles. Aussi les incendies, qui étaient si fréquents jadis, détruisant une vingtaine, une quarantaine et même une centaine de maisons, sont rares aujourd’hui. À l'Est, une vallée étroite sépare la ville des montagnes; des autres côtés, la vue est plus étendue : il y a au Nord le district assez plat d’Avaradrano, où surgit l’ancienne capitale de l’Imerina, Ambohimanga, et, à l'Ouest ainsi qu’au Sud, de vastes plaines cultivées en riz, qui sont toutes vertes à l’époque des pluies et brunes et tristes à la saison sèche. De nombreux petits bourgs et hameaux sont épars tout le long des bords ou font saillie çà et là comme autant d’ilôts. Au loin, au Sud-Ouest, s’élève le grand massif d’Ankaratra, haut de 2,680 mètres, qui domine cette plaine de 1,500 mètres. Les rues de la ville, pour la plupart en forte pente, étaient souvent ravinées par la pluie de novembre à HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 223 18,000 habitants et était entourée de fossés; il n’y avait que des ruelles accidentées et étroites ou des sentiers qui ne donnaient d'ordinaire passage qu’à une seule personne à la fois, si l’on excepte la route allant au Palais. Les maisons, ou plutôt les cases, à toits surélevés, y étaient pêle-mêle, toutes à des niveaux différents, construites sur des soubassements soutenus par des murs en pierres sèches ou en terre argileuse. Dans la ville haute, qu’entourait un mur, elles étaient toutes en planches et leur toit, très pointu ( était couvert en jonc, tandis que dans la ville basse, dans les faubourgs, leurs murs étaient, pour la plupart, en pisé, en terre argileuse rouge, et les toitures en chaume (?). L'intérieur des maisons était très sale; les moutons, les porcs et les volailles y étaient enfermés la nuit, et le lit des maîtres était un mauvais grabat élevé au-dessus du sol de 1 m. 1/2 à 2 mètres, dont le dessous servait d’étable. Les maisons des gens riches étaient dans le même genre, mais elles avaient leurs murs en planches de 12 à 15 centimètres de largeur, dressées verti- gascar (b); Fianarantsoa, qui est la seconde en importance, est notablement plus petite, et, quant aux autres, dans le courant du siècle dernier, elles ne méritaient guère le nom de villes, à l’exception de quelques ports des côtes est et nord-ouest. (1) Radama Ier est le premier qui ait eu dans l’Imerina une maison avec un toit pyramidal; toutes les maisons étaient avec pignons. (2) Dans l’Imerina, les maisons étaient en effet, en général, en pisé, et mesuraient d’ordi- naire 6 mètres de long sur 4 de large; certaines avaient un plafond à 2 m. 1/2 du sol, plafond au-dessus duquel se trouvait une chambre à laquelle on accédait par une échelle, et qui était éclairée par une fenêtre percée dans chacun des pignons supportant le toit, qui est très élevé et pointu. Le rez-de-chaussée était quelquefois divisé en deux pièces, par une cloison, soit en planches, soit en bararata ou roseaux, Où par un mur en terre. Des nattes grossières couvraient le sol, sauf à l’endroit où était le foyer, et de plus fines tapissaient les parois. Quelques maisons plus grandes, celles du seigneur du lieu et des gens riches, avaient, entre le rez-de-chaussée et les combles, un étage dont un balcon faisait tout le tour. Toutes ces habitations étaient d’ordinaire au milieu d’une petite cour enclose d’un mur en terre plus ou moins haut. En outre des villages, il y avait, et il y a encore, tant sur le versant des collines que sur le bord des rizières, des vala, des groupes de trois ou quatre cases, sortes de fermes, qu’en- toure un mur qui autrefois était circulaire et qui est d'ordinaire, aujourd’hui, carré. (Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 1313-1315.) mars, ce qui d’ailleurs les nettoyait. Des passants nu-jambes et nu-pieds; çà et là des borizano chargés de colis ou de paquets, des filanjana ou palanquins portés par quatre hommes, des femmes avec une jarre pleine d’eau sur Ja tête, ou bien une pile de briques, etc. Quelquelois des gadra lava, des galériens, réparant les rues. Sur les places, ainsi que le long des routes près de la ville, de petits marchands offrant aux passants, sous des parapluies de rafia, des denrées et objets divers, telle était la capitale de l’Imerina sous Radama Ier. (b) Tananarive exerçait une grande influence sur tout Madagascar, influence intellectuelle, morale et sociale : presque tous les gouverneurs des provinces et leur état-major en venaient ou y avaient des attaches. 224 MADAGASCAR. calement, leur faîtage était aussi en charpente; les lits y étaient un peu plus élevés, car, plus un homme était puissant, plus son lit était exhaussé : on y montait au moyen d’une échelle. La demeure du roi entourée d’une palissade de madriers hauts de 8 à 10 mètres était à l’extrémité Sud de la ville. La porte d’entrée était très étroite et très solide. Dans cette enceinte, sur un des côtés, il y avait cinq à six maisonnettes surmontant des tombeaux dans lesquels étaient ensevelis les ancêtres royaux; en face, étaient deux ou trois maisons, hautes de 4 mètres, avec un toit très bien fait, soutenu par d'immenses solives : ces maisons étaient celles du roi et de son fils aîné et on y voyait les cadeaux que leur avaient faits les traitants français. Il était fady, for- mellement défendu, de transporter un cadavre ou de faire passer un criminel qu'on conduisait au supplice par les places dites fihasinana, où l’on prêtait les serments de fidélité, Andobalo, Mahamasina et Antsahatsiroa. La place d'Andohalo, qui était en pente et triangulaire et qui pou- vait, dit-on avec les alentours, contenir jusqu’à 100,000 personnes, était située au Nord du Palais et était le lieu où se faisait sur le Vato masina, la pierre sacrée qui est au milieu, le couronnement du souverain, et où se tenaient les kabary royaux, les grandes assemblées publiques. Dans toute la région centrale il y avait, çà et là, beaucoup de forte- resses naturelles, comme Miakotso, Ambohimanga, Ambatomanga, etc. dans l’Imerina, Iharanany, Ifandanana, Fanjakana, etc., dans le Betsileo, Ikongo chez les Antanala, etc., où les habitants se renfermaient à l’abri des ennemis, et de nombreux villages merina qui, bâtis au sommet de collines, étaient entourés de fossés larges et profonds, grâce auxquels les habitants jouissaient jadis d’une tranquillité relative : on n’y péné- trait que par un étroit couloir dont on fermait l’entrée au moyen d’une énorme meule de granit qu’on roulait le soir entre quatre piliers, deux de chaque côté de la porte (1. (4) Le forteresses merina avaient d'ordi- plusieurs mètres de hauteur surmontée d’une naire trois enceintes : dans la première, celle de palissade, se trouvait l'habitation du comman- l'intérieur, qu’entourait une levée de terre de dant; dans la deuxième; également de pieux, HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 225 Au point de vue religieux, Radama était très indifférent (); il sui- vait quelques pratiques qui lui venaient de ses ancêtres; il célébrait notamment la fête du Fandroana, du premier de l’an malgache, où il fonctionnait comme grand-prêtre de son royaume (?), mais il s'était mis au-dessus des nombreuses superstitions de ses sujets et il avait peu de foi dans les sampy, les talismans nationaux qu’on vénérait autour de lui (), et encore moins dans les ody, les charmes, les amulettes (4); il laissait le peuple les révérer, mais il n’a jamais rendu de culte qu’à Manjakatsiroa (litt. étaient les cases des officiers et des soldats me- rina : toutes deux avaient quatre portes placées chacune à un des points cardinaux et armées de deux canons qui, posés sur de simples amas de bois, étaient à chaque décharge jetés à terre par l'effet du recul, et il fallait à force de bras les remettre sur leurs grossiers affûts. La troisième enceinte, qui était semblable aux deux autres, laissait entre elle et la deuxième un espace assez vaste dans lequel étaient les cases des habitants. (1) Il y avait dans la cour du Palais un Vato masina, une pierre sacrée sur laquelle se fai- saient les sacrifices et sur laquelle seul le sou- verain pouvait monter; c’est là que, dans les occasions solennelles, il mettait le pied à terre, soit en sortant de son palanquin, soit en des- cendant de cheval. Dans tous les villages où il y avait des sampy, des talismans royaux, il y avait aussi une pierre sacrée. (2) Radama tenait essentiellement à ce que ses sujets célébrassent le Fandroana avec tous ses rites. N’a-t-il pas dit en effet que, « à celui qui ne respectera pas les prescriptions rituelles, qui mettra à mort des quadrupèdes pendant les cinq jours précédant cette fête, tapahiko ny celui qui règne seul), qui était son symbole (5). lohany (je couperai le cou) ». Voir dans Ethno- graphie, t. LI, p. 599, n° 230, 19 la description du Fandroana du 9 août 1819 par J. Hastie. (3) Au début de son règne, et même encore en 1816, les ody ou talismans se vendaient dans les isena, les marchés publics, mais cela a cessé un peu plus tard (ELLIS, Hist. Mada- gascar, 1838, t. IT, p. 139). (4) Quand on invoquait un ody pour obtenir ses faveurs, on procédait à une sorte d’incan- tation : après l’avoir enduit de jabora, de suif, pendant qu’on l’exposait aux vapeurs du bois résineux de ramy en combustion, on lui adres- sait la prière suivante, qu’on terminait par l’énoncé de son vœu, de son désir : Mihaïnoa, ry tsy avonana;ry mandalo dia raikitra ;ry mijery dia tia; ry tezitra faly…. Exauce-moi, ô toi dont on ne peut se moquer; toi auprès de qui on ne peut passer sans être séduit, toi que, au premier regard, on aime, et qui n'offense d’abord que pour mieux contenter ensuite (voici ce que je te demande)... etc. (JULIEN, Revue de Madagascar, 2€ sem. 1907, p. 361). () Il s’est plus d’une fois moqué des autres (a) et a bien témoigné le peu d'importance (a) En 1823, les habitants d’un village étant venus lui demander une belle étoffe pour couvrir leur sampy, leur talisman, il leur dit : « Il est donc bien peu puissant, votre sampy, qu’il ait besoin, pour se vêtir, de mendier un morceau d’étoffe. Si réellement il est puissant, il peut se procurer son vêtement lui-même ». Une autre fois, voyant le gardien d’un sampy renommé entrer dans la cour de son palais, avec ce talisman à la main, en courant, sautant, faisant toutes sortes de simagrées et de grimaces ridicules, tandis qu’il causait avec de nombreux officiers, lui demanda pourquoi il se conduisait de la sorte et, sur sa réponse que c'était malgré lui, qu’il ne pouvait s’en empêcher, il lui dit : « Donne-le moi, ton sampy, que je voie s’il en sera de même avec moi », et l'ayant pris il marcha tout posément dans la cour. S’adressant alors à un officier qui se trou- vait auprès de lui et qui était petit et maigre, « prends donc ce sampy, lui dit-il, toi qui es plus léger que moi; peut-être suis-je trop lourd? » Cet officier le prit et marcha sans ressentir le moindre trouble, ni HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 29 226 MADAGASCAR. Après avoir eu confiance dans le sikidy, il en avait par la suite reconnu l’inanité (1, qu'il leur attribuait au moment de sa mort. (Voir plus haut, p.215) (a). Il n’était pas, du reste, le seul Merina qui n’ajoutât pas foi aux Sampy (b). (1) Dans les premières années de son règne, il faisait tirer le sikidy et le tirait lui-même dans les cas importants, mais il a peu à peu neur de Maurice devait envoyer à Radama, chaque année, une somme d’argent et de nom- breux objets, le sikidy, consulté à diverses reprises, avait toujours répondu que rien ne viendrait. Aussi lorsqu'Hastie arriva, en jan- vier 1821, avec la subvention promise, le roi perdu confiance dans ses oracles, surtout en janvier 1821 : après le deuxième traité conclu au sujet de la traite, d’après lequel le gouver- dit qu'il avait menti et qu’il n’y avait aucune foi à ajouter à ses prédictions, et il le rejeta pour toujours. la moindre extase. Le gardien s’en alla tout penaud, tout confus, et cette leçon fut d’un effet salutaire pour plusieurs des assistants. (a\ Il n’aimait pas les imposteurs. Le mpitahiry, le gardien du talisman Ramahavaly, prétendait, lorsqu'il le portait, être parfois saisi d’un fort tremblement et être forcé de s’arrêter, de par la volonté du talisman et, dans ce cas, il marchait sur les orteils, comme font les danseuses de l'Opéra. Radama, qui n’avait aucune foi dans ces jongleries, le mit simple soldat dans son armée, mais quand Ranavalona prit le pouvoir elle le réintégra dans ses fonctions. Une autre fois, ayant appris qu’un homme qui se prétendait inspiré se vantait de prédire l'avenir, il le fit venir et le reçut en cérémonie, des chanteuses chantant lorsqu'il arriva : Tonga ny Andriamanitra! « Le voilà, Phomme divin! le voilà, il est arrivé! » Le Roï lui ayant demandé s’il pouvait dévoiler l’avenir et découvrir ce qui était caché au vulgaire, sur sa réponse aflirmative : « Eh bien, lui dit-il, une pièce d’or a été perdue auprès de la maison; nous l’avons cherchée sans la trouver, dites-moi où elle est, et je croirai alors à votre divinité ». Le pauvre garçon se mit à trembler et montra au hasard 4 ou 5 endroits où l’on ne trouva naturellement. rien. « Ah! Ah! dit Radama, mais c’est un imposteur,; il trompe le pauvre monde et lui vole son argent. Allons, qu’on prenne un bon bâton et qu’on lui en donne une volée de coups! » Sitôt dit, sitôt fait. Puis le Roi ordonna qu’on lui tranchät la tête; mais au moment où il arrivait sur le lieu du supplice, un messager vint annoncer que la peine capitale était commuée en gadra lava, en peine des galères. Les Merina croyaient que des êtres surnaturels, intermédiaires entre les hommes et Dieu, des « Ranakan- driana » comme ils les nommaient, avaient donné aux Malgaches la connaissance de la divination et répon- daient, tout comme la Sybille de Cumes de classique mémoire, aux demandes de leurs fidèles; en réalité, il y avait, dans la grotte où ils étaient censés habiter, un écho qui était considéré comme le porte-parole de ces Ranakandriana, mais il y avait aussi de la supercherie : cette grotte et les rochers d’alentour étaient tout oints du sang et de la graisse des victimes offertes en sacrifice à ces divinités et, autour, gisaient les cornes des bœufs et les têtes de moutons et de volailles qui leur étaient offertes en sacrifice. Radama alla un jour visiter ces Ranakandriana et, entrant dans la grotte, les salua d’un Tsarava tompoko é? (Allez-vous bien, mes maitres?), salut respectueux auquel une voix basse et solennelle répondit : Tsara hiany (Très bien); puis il offrit une pièce d’argent qu’une main, qui s’avança doucement, vint prendre, mais le Roi la saisit en disant : « Mais ce n’est pas la main d’une divinité, c’est celle d’un être humain! », et il donna l’ordre aux personnes qui l’accompagnaient de tirer dehors cet imposteur, qu’il exila dans une région malsaine où, peu après, il est mort de la fièvre. Le roi perdit ainsi peu à peu la foi dans les superstitions du pays, ainsi d’ailleurs que beau- coup de Merina. (b) Lorsqu'une école fut établie en 1826 à Betsizaraina {village situé à 7 kilomètres 1/2 au N.-E. du palais de Tananarive), qui était la résidence du sampy vénéré de Rabehaza, le maïtre en ayant parlé un jour en termes irrévérencieux, fut vertement réprimandé par les chefs du lieu et, comme il leur répondait que « leur Rabehaza était moins que rien et que la poussière des chemins valait plus que lui », il fut violemment battu et les chefs portèrent plainte devant le juge, qui changea l’instituteur de localité. Quelques jours après, il survint une chute de grêlons qui l'ut attribuée sans conteste à la colère du talisman. Les habitants en ramas- sèrent autant qu’ils purent et les jetèrent dans la salle de l’école, et menacerent les enfants de les châtier s’ils continuaient, comme leur maître, à traiter Rabehaza sans respect : « Nous vous avons élevés avec soin, leur dirent-ils, et voici que vous abandonnez les coutumes et les croyances de vos pères: nous vous donnons le temps de réfléchir, mais si vous ne venez pas à résipiscence, nous nous plaindrons au roi. — Nous ne pouvons vous empêcher de vous plaindre au roi, répondirent les enfants, mais nous sommes habitués à dire la vérité et nous ne pouvons pas dire que nous croyons à Rabehaza quand, au fond de notre cœur, nous n’y croyons pas. » Quand les habitants allèrent à Tananarive porter le montant de leurs impositions, ils se plai- gnirent au roi de l’instruction qu’on donnait à leurs enfants dans les écoles. disant : « Nos enfants abandonnent les usages de leurs ancêtres et délaissent nos divinités. — Travaillez et livrez-vous à vos occupations habi tuelles leur répondit le roi, et laissez vos enfants s’instruire. » HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 227 Tout en ne s’opposant pas à la propagande que faisaient les mis- sionnaires anglais pour convertir les Merina à la religion chrétienne W, Radama, comme nous venons de le dire, ne s’y intéressait pas (2); il la tolérait pour ne pas entraver l’œuvre pédagogique. Dès le dernier dimanche du mois de décembre 1823, des services religieux ont eu lieu chaque dimanche (#), services auxquels assistait un millier de personnes. Mais l’année suivante, le roi fit dire aux missionnaires qu’ils étaient trop zélés et que, s'ils continuaient à instruire le peuple comme ils le faisaient au point de vue religieux, « ils mettraient son pays sens dessus dessous, que ses sujets tenaient à leurs anciennes coutumes et ne vou- laient pas entendre parler d’un autre Dieu que du leur, d’autres croyances que de celles de leurs ancêtres ». « Il ne faut pas, ajoutait-il, aller trop lentement, parce qu’alors on n’atteint pas son but, ni trop vite de peur de faire un faux pas, une chute, car, quand un homme court de toute sa vitesse, au moindre choc, à la moindre poussée, il tombe ». Il interdit de mêler le culte et l’instruction. (1) Farquhar fit appel au concours des Direc- teurs de la London Missionary Society (a), qui envoyèrent deux missionnaires, MM. Jones et Bevan; ceux-ci arrivèrent en août à Tamatave, où ils s’occupèrent de fonder une école. (3) Dans la chapelle attenante à la maison de M. Griffiiths (ELLIS, Hist. Madagascar, t. II, p. 309 (b). Dès le premier dimanche du mois de septembre 1822, les missionnaires anglais, quoiqu’appartenant à diverses sectes, (2) Les missionnaires eurent beau lui exposer l’histoire du Christ, il ne voulut pas remplacer les divinités qu'il mettait de côté par une autre qu'il considérait comme un ancêtre des Européens. ont formé une congrégation et ont procédé à une communion générale, au Lords Supper, dans la Cour du Palais (ELLIS, Hist. Madagascar, 1838, t. II, p. 292). (a) Dès ses débuts, en 1796, la L. M. £., lorsqu'elle commença son œuvre dans les îles de l'Océan Paci- fique, songea à s établir aussi à et, s'étant renseignée, elle chargea le docteur Vanderkemp. lorsqu'il quitta l’Angleterre en 1798, de tâcher d'y organiser une mission et, s’il le pouvait, de visiter cette île; en effet, arrivé au Cap de Bonne-Espérance le 31 mars 1799, il écrivait le 18 mai que, selon les infor- mations qu’il avait pu recueillir, il était à désirer qu’on y établit une mission, et il conseillait d’y envoyer le plus tôt possible trois ou quatre missionnaires qui pourraient parcourir facilement la Côte Ouest dans les pirogues du pays; ce projet n’ayant pu être mis à exécution, il renouvela son appel en 1804 et, en 1810, se trouvant libre, il résolut d’y aller lui-même; ne trouvant dans l'Afrique du Sud aucun moyen direct de commu- nication, il prit en 1811 la résolution de se rendre à Maurice, mais, étant tombé malade, il mourut sans avoir pu réaliser son projet. Les Directeurs de la L. M. S. prirent de nouvelles informations et, au commencement de 1814, envoyèrent à Maurice le Rév. J. Le Brun, avec des instructions pour préparer une mission à Mada- gascar; Farquhar exprima aux Directeurs de la L. M. S. sa satisfaction de la venue de ce missionnaire à Maurice et leur recommanda chaleureusement de fonder une mission à Madagascar et, dans leur rapport de 1817, ces Directeurs ont exprimé le désir et l’espoir de lui donner tout prochainement des missionnaires; effectivement, au mois d’août, furent désignés les Rév. S. Bevan et Jones qui, partis en février 1818, arrivèrent à Maurice en juillet, alors que Farquhar était déjà parti. (b) Le 1% janvier 1822 a eu lieu à Tamatave le premier baptême protestant, celui de l'enfant du Rév. David Griffiths. M. Jones a profité de cette occasion pour expliquer le but de cette cérémonie. 228 MADAGASCAR. En août 1825, a été inaugurée une « assemblée de prières » pour les jeunes Malgaches et, au commencement de 1827, lors des examens scolaires, un message de Radama recommanda que « les élèves qui étaient licenciés assistassent aux offices du dimanche et continuassent à apprendre les Saintes Écritures », ajoutant que « ceux qui désireraient être baptisés ou mariés par les missionnaires étaient libres de le faire si bon leur semblait ». Depuis le commencement de 1828, il y a eu le diman- che, à la chapelle de la mission, trois services, un de grand matin pour les écoliers, où était enseigné le catéchisme, le service public avant midi et, dans l’après-midi, une réunion des missionnaires et de Malgaches. Néanmoins, l’enseignement religieux s'est peu répandu, d'autant que l'imprimerie anglo-malgache n’a pu fonctionner utilement qu’en 1830. Les Merina ont le sentiment et le respect de la hiérarchie; le sou- verain, comme les chefs d’ailleurs, avait une politique nette et persévé- rante. Tout absolu qu’il était, le souverain respectait religieusement les traditions léguées par ses prédécesseurs ainsi que les usages ancestraux dont il était en réalité l’esclave, et quoiqu’assumant la responsabilité entière de ses faits et gestes, que nul n’aurait osé critiquer, dans de nombreux cas il n’en consultait pas moins les Grands de son royaume, les « Maroseranina » (4), qui avaient une réelle autorité sur le peuple (?), plus grande que celle des Andriambaventy ou hauts magistrats (). Toutefois Radama, qui était très jaloux de son autorité, réunissait rarement son Conseil des Ministres et se contentait de demander à chacun d’eux, en particulier, quand bon lui semblait, son avis, et il pre- nait sa décision seul. (4) Les « Maroseranina » n’étaient pas une caste, un clan particulier; ils comprenaient les membres de la famille royale, les seigneurs des menakely ou seigneurs féodaux, les puis- sants du jour, courtisans et favoris, ainsi que les chefs militaires que Radama avait distin- gués à cause de leur bravoure et de leurs succès; c'était parmi eux qu'étaient choisis d’ordi- naire les gouverneurs des provinces, recrutés presque toujours parmi les Avaradrano, les habitants de la province du Nord de l’Imerina, d’où était originaire la famille royale. (2) Radama, qui était très soupçonneux a pris ombrage de quelques-uns de ces Marose- ranina, qu'il a exilés dans des localités mal- saines où ils n’ont pas tardé à mourir. (3) Tandis que les Maroseranina étaient souvent invités à la table du roi, les Andriam- baventy n’avaient jamais cet honneur. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 229 Toutes les fois qu’il y avait une décision grave à prendre, il convoquait, suivant l’usage antique et respecté, son peuple à un kabary, à une assemblée solennelle, soi-disant pour le consulter, mais où il exposait son sentiment, ses projets, sachant parfaitement que nul n’eût été assez osé pour manifester une opinion différente de la sienne : « N’en est-il pas ainsi, Ambaniandro, vous tous qui m’écoutez? leur deman- dait-il à la fin de son discours. N'est-ce pas votre avis? » et la foule l’acclamait, répondant par de nombreux « Eny! Eny! » Ouil Oui! En outre de ces kabary solennels, il y en avait dans les principaux fsena ou marchés hebdomadaires, dans les chefs-lieux de province et dans les villes importantes, où, soit des officiers, soit des magistrats, faisaient connaître à la population la volonté, les ordres du roi. Les souverains merina avaient de nombreux esclaves et beaucoup de bœufs qu’ils se transmettaient de l’un à l’autre; quant à leurs revenus disponibles annuellement, ils n’eussent pas, à beaucoup près, suffi s'ils eussent dû payer leurs employés, leurs agents, les militaires, etc., () et ce quoique les travaux d’utilité publique, ainsi que les transports des objets pour le gouvernement fussent faits par corvées (©) : en effet les sources de ces revenus n'étaient autres que : 1° le butin fait à la guerre, dont le tiers des bœufs pris () revenait au souverain, ainsi que quatre piastres par tête d’esclave, de prisonnier (4) ; 29 le hasina ou piastre donnée en certaines circonstances (5) en témoignage d’allégeance; 39 l’isam- pangady où tapa-bary, ou isan-katra, soit environ 50 litres de riz, par (4) En Imerina, aucun fonctionnaire n’avait le souverain qui fournissait les armes et les de traitement; leur seule rémunération pécu- niaire était une petite part dans certains impôts, distribuée d’ailleurs sans régularité aux principaux d’entre eux. (2) Dans les menakely ou fiefs, la moitié des corvées était pour le roi et la moitié pour le seigneur féodal. (3) Ces bœufs étaient en partie distribués à la population à certaines fêtes ou en diverses occasions, en partie vendus sur la côte aux Européens, en partie gardés par le souverain. (4) La somme était plus forte lorsque c'était munitions. (5) Le hasina était remis au souverain : 19 dans les kabary solennels ainsi qu’au Fan- droana, au premier de l’an, par les officiers supérieurs, les Andriambaventy ou magistrats, les loholona ou chefs de village et les diverses corporations; 20 par les parents des enfants nouveau-nés ou adoptés et des enfants qu'on circoncit, ainsi, quelquefois, que lors des mariages; c’étaient de petites sommes, mais qui, répétées, formaient un total assez important. 230 MADAGASCAR. hetra () : le riz était le seul produit de la terre qui fût imposé; 49 le vody hena, le quartier d’arrière avec la queue de tous les bœufs tués pour être mangés ; 59 les droits de douane () et diverses taxes; 60 les amendes et les confiscations; 70 le mondrom-pangady ou la « bêche usée » que chaque maison, chaque famille, devait donner depuis Radama pour fabriquer des armes; 8° le riz que, lors des expéditions, les borizano, les civils, devaient fournir aux militaires. Souvent les Grands du pays, les chefs, offraient les prémices de leurs récoltes au souverain, mais ce n’était pas obligatoire. Il n’y avait aucun impôt sur les esclaves, ni sur le bétail; on avait étudié un impôt sur les maisons, un impôt d’isan- trano, mais il n’a pas abouti. Avant Radama (# et pendant les premières années de son règne, il n’y avait pas à Madagascar d'armée proprement dite, d'armée per- manente, de soldats de métier; lorsqu'une expédition était décidée, tout homme, sans préparation, ni instruction adéquate, partait en guerre, une vraie horde de brigands agissant la nuit par surprise et ayant pour but surtout le pillage; les esclaves portaient les provisions (5); (4) Étendue de rizière jugée suflisante pour nourrir une famille. Dans les menakely, les fiefs, le tapa-bary se partageait également entre le roi et le feudataire. (2) Les vody hena de tous les bœufs tués à Tananarive étaient pour le souverain et il n°y avait que le quartier d’arrrière sans la queue qui se vendait au bazar. Dans les villages, où l’on en tue très peu du reste, il était l’apanage des nobles ou des chefs. (3) En juin 1828, un aouveau tarif des droits de douane a été établi, « le roi Radama étant persuadé que le tarif rectifié sera d’une grande importance pour le bonheur et la civilisation de ses sujets et pour leur commerce avec les nations étrangères : dorénavant les droits sur les importations seront de 10 p. 100 sur toutes les marchandises, de 5 p. 100 sur les provisions, de 33 p. 100 sur l’arak et de 4 p. 100 sur les munitions de guerre, et. sur les exportations, de 10 p. 100 généralement sur toutes les produc- tions du pays, de 5 p. 100 sur l’argent monnayé et de 5 p. 100 sur les chevaux; et les droits de port seront de 12 centièmes et demi (0 fr. 625) par tonneau, de 25 centièmes (1 fr. 25) par pied de tirant d’eau. Signé : ROBIN, grand-maréchal » (Nouv. Annales des Voyages, 2 série, t. XI, 1829, p. 379). Blancard qui, de moitié avec Hastie, avait affermé les droits de douane pour 40,000 piastres par an, a résilié son contrat parce qu'ils y perdaient. (4) L’étendard de Radama, qui est conservé dans le Musée de Tananarive, est en soie avec un globe terrestre qu’enserre l’aigle, ou plus exactement le faucon, de Madagascar. (5) Aussi, pour défendre les villages contre les incursions des ennemis, avait-on coutume, jusqu’à Radama, de les percher sur de hauts rochers ou de les entourer de hady, de fossés assez profonds, qui existent encore en beaucoup d’endroits : à cette époque, en effet, les armes en usage étaient des sagayes et des boucliers et, pour se défendre, des bâtons pointus et des pierres; sous Andrianampoinimerina, il y avait HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 231 les batailles rangées leur étaient inconnues : quand une armée s’avançait, l’autre reculait, allant à la débandade et après une attaque tumultueuse dès qu’un des partis avait deux ou trois hommes morts, il s’enfuyait. En janvier 1817, les deux sous-officiers 4) venus à Tananarive avec les trente soldats qu'avait amenés l’envoyé anglais, le capitaine Lesage, y restèrent à la demande de Radama qui, ayant vu manœuvrer ces soldats, s'était rendu compte de la supériorité et de l’importance d’une armée disciplinée et instruite; ils formèrent peu à peu aux diverses manœuvres 400 hommes, nombre qui fut porté ensuite à 1,000 : on a d’abord donné aux divers grades des noms pareils à ceux usités en Europe mais ces noms, difficiles à prononcer pour les Malgaches, furent rem- placés par des chiffres, le caporal ayant 1 voninahitra (), un grade, un galon, le sergent en ayant deux, le sous-lieutenant trois et ainsi de suite jusqu’au général de division qui en avait 11 ); seul, Robin en avait 12. Jusqu'au cinquième, les grades étaient conférés par les chefs directs, au-dessus par le souverain. Mais ce n’est qu’en 1820 qu'a été réellement organisée la première armée digne de ce nom, les foloalindahy (# ou la tandroky ny tany sy quelques armes à feu. Radama n’a pas entretenu les fossés de Tananarive, qui étaient inutiles avec les nouvelles armes de guerre. Ces hady avaient du reste moins de valeur dans les plaines que sur les hauteurs; quant aux habitants des vil- lages voisins des forêts, en cas d’alerte, ils se réfugiaient dans les bois. (4) Le sergent Carêne (?), qui est mort peu après son arrivée, et Brady. (2) Litt. : fleur des champs. Les simples sol- dats étaient « l'herbe sans fleurs » : cette déno- mination vient de ce que Radama, lorsqu'il était satisfait de la conduite à la guerre de certains militaires, leur donnait une fleur comme marque distinctive, comme marque d'honneur et qu’on a pris dès lors d’apprécier leur valeur, de fixer leur rang, leur grade, d’après le nombre de fleurs qu’ils avaient reçues. (3) Les officiers, les dignitaires, s’appelaient manamboninahitra (litt. : ceux qui ont des fleurs des champs). Chez les Merina on était d'ordinaire 1402, 12e honneur d’emblée, car ils ne comprenaient pas qu'il fallait gagner ses grades par l'étude, par l’expérience; quand ils avaient revêtu l'uniforme, ils se figuraient qu'ils avaient acquis en même temps la science et l'intelligence nécessaires; il est vrai qu'ils avaient à faire à de piètres ennemis. — Seuls, les Andriamasinavalona avaient la garde des drapeaux et, dans les expéditions, c’étaient eux qui les portaient; il y avait peine de mort contre ceux qui les perdaient. (4) Litt. : les Cent mille hommes, quoiqu’elle n’en ait jamais compté, à beaucoup près, un tel nombre. Nous avons dit que sous Andrianam- poinimerina, lors des expéditions militaires, les femmes restées dans leurs villages se réu- nissaient, matin et soir, pour faire le mirary, c’est-à-dire pour chanter des sortes de litanies dans lesquelles elles demandaient à Dieu de 232 MADAGASCAR ny fanjakana ®, comme on l’a appelée. Car s’il y a eu, dans l’expédi- tion du Ménabé qui eut lieu pendant le second semestre de 1820, un millier de soldats dressés par Brady, l’un des sous-officiers laissés par Lesage au service de Radama, l’armée merina n’était encore en réalité qu'un ramassis, une horde d'hommes de tous âges et de toutes sortes, au nombre d'environ 70,000, tant combattants que porteurs et esclaves, dont plus de 25,000 sont morts de maladie et surtout de faim. C’est au retour de cette malheureuse expédition, en décembre, que Radama annonça dans un kabary solennel qu’il allait former une armée régu- lière ®), que dorénavant il ne prendrait plus tous les hommes en masse et choisirait, enrôlerait ceux qui devraient être soldats (%) et qui seraient donner au roi la victoire et de protéger leurs maris et leurs parents, et vomissaient des impré- cations contre les ennemis en brandissant du côté du pays où avait lieu la guerre, comme si c’étaient des armes, de petits bâtons. Radama a coupé court à ce vieil usage (qui a d’ailleurs été repris sous Ranavalona Ire), en disant « qu'il n’avait nul besoin de chansons pour réussir et que, au lieu de chanter, elles s’occupassent de leur ménage ». (4) Litt. : les cornes défensives du pays et du royaume. On disait aussi tabiha sy reharehan’ny mpanjaka (litt. : qui est l’honneur et l’orgueil du souverain). (2) D’après les avis des Anglais (a). (3) Le gouvernement fixait le nombre de soldats, âgés en général de 16 à 30 ans, que devait fournir, suivant leur population, chacune des provinces de l’Imerina et du Nord du Bet- sileo (jusqu’au Matsiatra), seules appelées à fournir des soldats (b), et qu’on incorporait dans une des divisions militaires : ils se distin- (a) Les deux classes, miaramila, les militaires, et borizano, les civils, ont eu dès lors chacune son fanompoana, son service et ses charges bien distincts : le rôle des militaires était de défendre le territoire national et aussi de faire respecter dans les provinces conquises l’autorité du souverain de l’Imerina:; les sol- dats mis çà et là en garnison pour surveiller les pays annexés, avaient aussi pour mission de combattre, par leurs rapports journaliers et par leur exemple, la méfiance et l’ignorance des peuplades conquises. Cette organisation a donné de bons résultats. mais les chefs militaires de ces stations ont souvent abusé de leur situation pour occuper leurs soldats à des travaux dont ils tiraient seuls profit. Les miaramila, les soldats, étaient tenus de se couper les cheveux ras sur le sommet et sur l’arrière de la tête, laissant seulement une bande circulaire sur le devant de la figure, au-dessus du front. Les ouvriers d'état, poudriers, forgerons, maçons, etc.…., étaient assimilés aux militaires. Il y avait des miaramila vehivavy (litt. : des femmes militaires), les femmes et les filles des hauts officiers, et des tsindrano vavy, les femmes de l’entourage de la reine, qui formaient la cour. Les charges des civils étaient, d’une part, le kazo lava (litt. : les longues poutres, les longs bâtons) qui con- sistait à couper les arbres et à transporter le bois de l’endroit où on l’abattait à l’endroit où on l’utilisait, ainsi que les marchandises, les provisions, les munitions de guerre à l’usage du gouvernement, transports qui se faisaient à dos d'hommes à l’aide d’un bambou ou d’un bâton aux bouts desquels les paquets étaient attachés, d’autre part, le hadin-tany (litt. : les travaux de terrassement), auxquels s’ajoutait la construction des édifices publics, des ponts, des canaux, des digues, etc. Certains clans avaient pour corvée, les uns, de préparer et porter le charbon pour les forgerons et, les autres, d’extraire et de fondre le minerai. Les borizano vehivavy, c’est-à-dire presque toutes les femmes libres, avaient aussi leurs charges et leurs corvées : elles avaient à fournir les effets et les objets destinés soit au souverain, soit à l’armée. Seules en étaient exemptées les femmes qui figuraient dans les fêtes de la cour et pour qui l’obligation d’avoir une fihaingoana, de belles toilettes, était quelquefois ruineuse (G. JULIEN, Instit. polit. et soc., t. 11, 1909, p. 114- 119, n°5 150, 151, 156, 159 et 160, et p. 121-125, n° 166-172). (b) Soit environ 45.000, pris dans toutes les castes, nobles, roturiers et esclaves royaux ou Tsiarondahy, dont la plupart étaient armés de fusils à pierre et les autres de sagayes. Chacune des sept provinces, le Voro- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 233 exercés au maniement des armes ainsi qu'aux manœuvres militaires, mais que les civils paieraient une taxe pour subvenir à leur entretien (), Séance tenante, 13,000 s’enrôlèrent et, trois mois après, en mars 1821, ils savaient déjà manœuvrer : le 25, le roi les passa en revue. Les armes à feu dont ils ont été dès lors tous armés, leur discipline, leur manière d'attaquer en corps, au lieu de faire une guerre de tirailleurs et de par- tisans effrayaient tellement des gens pacifiques ou, tout au plus, habitués à de petites escarmouches dans le but de piller et à qui souvent le pays dénudé ne permettait pas de se cacher, qu’ils n’attendaient même pas, d'ordinaire, d’être attaqués pour se soumettre. Tout en étant très fier de son armée qu’il jugeait invincible dans les combats avec les diverses peuplades malgaches, il se rendaït bien compte qu’elle était inférieure à celles des Vazaha, des Européens, mais il savait que, pour arriver à son royaume, il leur fallait traverser la grande forêt de la région orientale et que là, le général « Tazo », la fièvre paludéenne, les arrêterait (2). Radama édicta des peines très sévères contre les soldats qui manquaient à leurs d2voirs ou à la discipline : guaient des civils par la coiffure, ayant les cheveux coupés courts et pouvant porter un chapeau de paille, tandis que les borizano, les civils, les portaient longs et tressés à peu près comme les femmes et n'avaient pas le droit d’avoir un chapeau; ils ne payaient pas la dîme et pouvaient voyager armés d’une sagaye. Ils restaient chez eux jusqu’à ce qu’on les appelât pour une expédition, mais, chaque mois, ils passaient une revue dans leur province respec- tive. On leur donnait un fusil, une tunique, un pantalon et un chapeau, mais pas de souliers si ce n’était à la garde du souverain; les mardis de la seconde semaine de chaque mois, ils devaient s’épiler les joues et le menton ou se raser (usage qui a existé jusqu'à Radama II, qui à permis le port des moustaches ou de la tout militaire qui désertait en face barbe) : il y avait peine de mort pour les voleurs de fusils, qui étaient brûlés vifs. Dans la vie ordinaire, beaucoup d'officiers portaient le chapeau haut de forme ordinaire, une chemise, un pantalon, et, par-dessus, un lamba drapé. (1) Chaque maison a dû dès lors payer, chaque année, un mondrom-pangady, une bêche usée, pour fabriquer des sabres et des baïon- nettes. (2) Les Anglais avaient dit aux Merina qu’en déboisant le versant oriental et en faisant écouler les eaux, ils assainiraient le pays; cette parole ne fut pas perdue et ils défendirent de déboiser, tenant à garder à leur service les deux généraux qu'ils jugeaient invincibles, Ala (Forêt), Tazo (Fièvre). (Notes de Voyage manuscrites d'A. GRANDIDIER, 1869, p. 1143). mahery (dont Tananarive était la capitale et qui comprenait des familles de toutes les autres provinces), l’Avaradrano, le Marovatana, le Vonizongo, l’Ambodirano, le Sisaony et le Vakinankaratra. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 30 234 MADAGASCAR. de l’ennemi était brûlé vif ® et ceux qui abandonnaïent ou se laissaient prendre leurs armes étaient marqués au fer rouge. Ceux qui esquivaient l'exercice d’une facon continue étaient gadrana, enchaînés par groupes ou, si ce n’était qu'une absence accidentelle, ils recevaient dix coups de bâton. Quant aux faux mouvements dans les divers exercices et autres fautes, ils étaient l’objet de peines diverses, telles que de pétrir avec les pieds de la terre argileuse jusqu’à ce qu’elle fût transformée en boue liquide, d’être plongé pendant quelque temps, soit dans de la boue, soit dans de l’eau, ou de transporter sur la tête une lourde pierre, poursuivis par des hommes armés de bâtons. En outre de l’armée régulière, dont 3,000 soldats formaient la gar- nison de Tananarive, il y avait des milices locales, des miaramila lava volo (litt. : soldats aux longs cheveux), ainsi appelés parce qu'ils n’étaient pas obligés de se couper les cheveux comme les soldats. Il n’y avait pas de règle pour la nomination, ni pour l’avancement des officiers qui dépendaient du souverain; ils étaient généralement des hautes classes et on n’exigeait d'eux aucun examen; ils avaient souvent des aides de camp, qui étaient des espèces de factotums. Les hauts officiers avaient de grandes situations, souvent lucratives, comme celles de gouverneurs de province, les Solom-bava ny Mpanjaka (litt. : ceux qui remplacent la bouche du souverain), qui concentraient dans leurs mains tous les pouvoirs, étant non seulement chefs militaires, (1) Cette peine a été décrétée par Radama pour tout militaire ayant fui devant l’ennemi, car, disait-il, « aucun crime n’est aussi grand que d'abandonner son roi à la guerre », mais gascar, t. IT, p. 261, ne parle pas de cette im- mixtion du roi dans la question de la punition à infliger aux déserteurs et aux lâches : « Quant aux lâches et aux fuyards, aux traîtres et aux comme il ne voulait pas avoir l’air d’en être l’instigateur, il chargea 4 des principaux chefs de son armée de soulever cette question et de la discuter avec les officiers et de leur faire voter la solution qu'il désirait; quant à lui, il devait faire semblant de la trouver cruelle et de la désapprouver, mais les officiers et même les soldats, poussés par les chefs, devaient la réclamer, et alors il se soumettrait à leur dési£ (d’après ce qu'ont dit à A. Grandidier de vieux chefs merina en 1869). ELLIS, Hist. of Mada- prévaricateurs, que le roi en fasse ce que bon lui semblera, aurait dit le peuple, qu’il les sou- mette à l’ordalie du tanghin, qu'il les fasse fusiller ou sagayer, qu’il leur coupe la tête, qu’il les fasse périr d’inanition et donne leurs corps à manger aux chiens, ou bien qu'il les fasse brûler vifs et jette leurs cendres au vent, et il fera bien »; il n’a oublié qu’une chose, c’est que ce verdict populaire était suggéré par le roi lui-même. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 235 mais aussi chefs civils et même grands-juges; ils avaient droit à cer- tains revenus domaniaux; ils percevaient les impôts et, au bord de la mer, les droits de douane, dont une partie leur restait entre les mains, et très souvent pressuraient le peuple. Ces charges excitaient naturel- lement la convoitise et, seuls, les riches les obtenaient en achetant, au moyen de dons d’argent et de grands présents, la protection des hauts personnages de la cour. Radama s’est rendu compte que, si une armée disciplinée lui était indispensable pour mener à bien ses projets de conquête, il lui était non moins nécessaire, pour gouverner ses sujets avec justice et intelli- gence, de perfectionner la juridiction qui, jusqu’à lui, était fort som- maire, étant rendue par les chefs civils; il sépara les pouvoirs judiciaires des pouvoirs civils et nomma des andriambaventy (ltt. : des personnages importants), magistrats chargés de juger les procès que n’avaient pas clos les diverses juridictions : les loholona, les chefs du village, agissant comme juges de paix, et les vadin-lany, ou les farantsa, magistrats de première instance (4), qui étaient les intermédiaires entre le peuple et le souverain et qui, surtout le jour du marché hebdomadaire de leur circonscription, se tenaient sur un petit tertre avoisinant où ils rece- vaient les plaintes et les réclamations des habitants, et d’où ils tiraient un coup de fusil pour appeler le public lorsqu'ils avaient un message du gouvernement à lui communiquer : ce tribunal instruisait les causes qui étaient portées à sa barre, lentement et souvent à prix d’argent (?); quant aux condamnations à mort (), la sentence devait être soumise (4) Dans chaque district, il y en avait dix chargés d’administrer la justice, d'exécuter les ordres du souverain, de percevoir la dîme, d’arrêter les délinquants et de juger les crimes, ainsi que les procès en première instance rela- tifs à la propriété, aux legs, etc., chaque partie plaidant sa propre cause : quand il y avait doute, on recourait au tanghin, qu’on admi- nistrait à deux chiens ou à deux poules repré- sentant chacun un des plaignants. (2) Les plaideurs faisaient en effet souvent des cadeaux aux juges pour acheter leur ver- dict. Le jugement rendu, ils donnaient au sou- verain et aux juges une pièce d’argent en marque d’acquiescement. Les amendes se par- tageaient entre le roi, ses femmes et les juges, quoiqu’en réalité le roi fût maître de les répartir à son gré; les délateurs et les témoins en avaient aussi leur part. (3) Les exécutions et les supplices avaient lieu soit à Ampamarinana, près du palais de Tananarive, d’où l’on précipitait les condamnés qui tombaient dans des buissons de raiketra, de nopals, soit à Ambohipotsy, au Sud de la 236 MADAGASCAR. au souverain et être approuvée par lui. Il n’y avait pas de lois géné- rales, chaque clan ayant ses usages. Dans chaque district il y avait une ville ou village principal où étaient le lapa, la maison du gouvernement, et, devant, la pierre sacrée pour les sacrifices. Les causes étaient plaidées et jugées en plein air, car il était bon que la justice fût rendue au grand jour ). Radama eut la sagesse d’adoucir certaines lois trop draco- niennes (2, substituant pour de nombreux délits la peine des gadra lava, des fers (#), à la peine de mort (), de supprimer les immunités ville. Quand on conduisait au supplice un con- damné, s’il venait à se trouver sur le passage du souverain, il était grâcié. (1) ELLIS raconte qu’au commencement les juges se réunissaient dans une maison où ils n'étaient pas exposés aux regards de tous les passants. Une fois le roi étant venu auprès de cette maison, dont ils ne sortirent pas pour lui rendre l'hommage habituel, soit qu’ils ne l’eus- sent pas vu, soit qu'ils ne jugeassent pas néces- saire de le saluer, la fit, séance tenante, démolir et ordonna qu’à l’avenir ils tinssent leurs au- diences en plein air (Hist. of Madagascar, t. I, 1838, p. 101), ce qui eut lieu dès lors dans la cour du Palais, près de la porte d’entrée. (2) On a dit à A. Grandidier qu'il y eut sous e règne de Radama Ier un Malgache qui fut crucifié à la suggestion d'Hastie, mais un seul. Toutefois d’autres Malgaches affirment que le premier crucifiement avec des clous a eu lieu en {825 pour punir un homme qui avait favo- risé la fuite de la princesse sakalava Rasalimo, l’une des épouses de Radama, puis que ce sup- plice avait été infligé à un homme qui s’était servi du nom du roi pour obtenir frauduleuse- ment de l’argent, ainsi qu’à trois incendiaires. Ilastie, qui était dit-on d’un caractère cruel et qui semble avoir été l’instigateur de ce supplice, en a, au contraire, accusé le Rév. Grif- fiths, avec lequel il était en inimitié. Sous Ranavalona Ire, ce supplice a été plus fréquemment appliqué : dans le Sud-Est, 50 des principaux habitants ont été crucifiés et sont morts dans d’horribles souffrances (ELLIS, Hist. Madagascar, 1838, t. II, p. 520). (3) Quel que fût leur crime, on ne pouvait attacher des nobles avec des fers. C’est sous Radama Ier qu'a été inaugurée la gadra lava : les fers se composaient d’un anneau grossière- ment travaillé, gros comme le pouce, et courbé à coups de maillet autour du cou et d’un semblable au bas de chacune des jambes; au collier pendait un anneau oblong auquel était attachée une barre de fer de la même grosseur qui arrivait à mi-ventre, où elle se reliait par un anneau à deux tiges rigides, de la longueur de la jambe, dont l'extrémité inférieure était attachée aux anneaux des pieds; le poids de ces fers était énorme et les tiges étaient très incommodes et blessaient les membres. On n’exigeait pas du reste des condamnés un grand travail. Ils étaient, d'ordinaire, accouplés par deux et, quand l’un mourait, on lui coupait quelquefois la tête pour ne pas avoir la peine de le déferrer et alors le survivant traînait, sa vie durant, les deux chaînes. (4) Quant à la peine de mort par le feu pour les soldats qui fuyaient devant l’ennemi, elle a toujours été maintenue. On attachait le cri- minel à un poteau avec des cordes mouillées, on enduisait son corps de graisse, puis on l’en- tourait de fagots auxquels on mettait le feu; quelquefois on en brülait plusieurs ensemble, les attachant les uns aux autres avec des chaînes de fer et mettant le feu à des fagots placés au vent à eux. Toutefois, en de nombreux cas, Radama s’est montré plus humain : les anciens ont raconté à A. Grandidier que, en 1824, un commerçant bordelais nommé Filihau avait tué un créole qu’il accusait de l’avoir volé; les HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 237 scandaleuses dont jouissaient certains individus et leur famille W, ainsi que l'épreuve judiciaire par le tanghin (?). Les traitants européens ou créoles qui commettaient des délits et autorités de Maurice ne voulurent pas con- naître d’un fait qui s’était passé en pays étran- ger et Radama ne voulut pas faire exécuter un Vazaha, un Blanc; il se contenta de le bannir à quelque distance de Tananarive, malgré les obsessions d’Hastie, mais un jour que le roi était ivre, l’agent anglais lui arracha l’ordre de le mettre à mort; comme les officiers malga- ches connaissaient la volonté du roi, ils refu- sèrent de le faire exécuter séance tenante, et alors Hastie se rendit auprès du négociant qu’il tua de sa main. (4) Les souverains merina avaient exempté de toute punition, non seulement ceux de leurs sujets qui leur avaient rendu de grands services, mais aussi leurs descendants, et les individus ainsi exonérés étaient si nombreux qu’une grande partie de la population merina avait pris l’habitude de commettre une foule de délits et même de crimes, surtout de menus larcins, grâce auxquels beaucoup d’entre eux vivaient sans travailler. Radama résolut de mettre un terme à ces pratiques qu'il jugeait fâcheuses à tous égards (a) : « très décidé à honorer ceux dont les actes méritent mes éloges, a-t-il dit, je ne puis admettre que les descendants de ces valeureux citoyens, ni même ces citoyens, puissent être exonérés des fautes qu’ils com- mettent », et il a édicté que tout individu ayant commis un vol dont la valeur serait supérieure à celle d’une poule (qui valait alors 0 fr. 20), serait passible du tribunal, et que ceux qui seraient coupables de menus larcins travaille- raient à l'entretien des routes un certain nombre de jours; «pour éviter que la faim, cette mauvaise conseillère, a-t-il ajouté, fasse com- mettre des vols, j’ordonne qu’on emploie à la réfection des routes quiconque s’offrira pour y travailler ». (2) L’abolition de l’ordalie du tanghin eut lieu à la suite d’une leçon que donna un jour Hastie à Radama.. Le roi était venu lui faire une visite et quoique, plusieurs fois, son aide de camp eût annoncé sa présence, comme Hastie qui paraissait être très occupé à planter des graines ne répondait pas, il s’en alla furieux; mais Hastie, qui l’épiait du coin de l’œil, courut après lui et lui fit ses excuses : « Est-ce que je ne suis pas le roi, clama Radama en colère? Et pourquoi me traitez-vous de la sorte? — Non, lui répondit-il, vous n’êtes pas roi ici, car il y a quelqu'un plus puissant que vous, qui est votre maître. — Je voudrais bien le voir, ce roi plus puissant que moi! — Suivez-moi, dit Hastie, qui le mena devant la plate-bande où il faisait semblant de planter des noix de tanghin, le voilà votre maître! » — Radama comprit l’apologue et s’écria : « A l’avenir, je serai seul maître dans mon royaume », et de ce jour, il défendit qu’on administrât ce poison aux per- sonnes, n’en permettant plus l’usage que sur les animaux pour trancher les différends (R. P. MALZAC, Histoire du Royaume Hova, 1912, p. 221-222). S'il ne l’a pas prohibé complète- ment, ont dit les vieux chefs merina à Alfred Grandidier c’est que ses grands-parents ne vou- laient manger que des mets cuits par quel- qu’un qui, ayant pris le tanghin, ne pouvait être soupçonné de sorcellerie. (a) Il y avait en effet des familles qui étaient exemptées de toute punition à venir (sauf pour l’exil) à cause des services que leurs ancêtres avaient rendus au pays; Radama I a aboli cet usage; un Andriana, un noble, dit Ellis, vint un jour demander au roi qu’on libérât un de ses esclaves qui venait d’être arrèté parce qu’il avait volé, se prévalant du privilège de sa famille. Pendant qu'avait lieu ce kabary, cet entretien, Radama envoya quelques-uns de ses gens le piller, puis il le congédia, lui disant qu’il allait réfléchir. L’Andriana en rentrant chez lui constata qu’il avait été volé et accourut chez le roi auquel il se plaignit et qui lui dit : « Je sais, ton voleur vient justement de venir, mais je lui ai pardonné à cause des services que ses parents m'ont rendus », lui démontrant ainsi l’absurdité de cet usage qu’il abolit. 238 MADAGASCAR. même des crimes étaient presque toujours simplement bannis, ren- voyés de Madagascar ". Sur les conseils d’'Hastie, qui attira son attention sur la fâcheuse coutume qu'avaient ses sujets de mettre à mort les enfants nés à cer- tains jours réputés néfastes, il l’assimila à un meurtre, ordonnant de traduire les coupables devant le tribunal ©. Comprenant également que les énormes dépenses faites par les Merina pour honorer leurs parents morts étaient fâcheuses à tous égards!(#), il déclara que les dettes contractées pour se procurer des objets des- tinés à être ensevelis avec les morts seraient nulles et non avenues, qu’on ne pourrait pas en exiger le paiement. En outre du fanompoana, de la corvée, que devaient au gouverne- ment tous les borizano, les civils, il y avait diverses sortes d’impôts, de taxes : les hetra ou impôts fonciers qui frappaient surtout les rizières et autres terrains cultivés, nommés aussi isampangady [litt. : taxe par bêche (parce qu’elle était due par quiconque en possédait)]|; les haba ou droits essentiellement commerciaux que devaient payer les mar- chandises, soit sur les marchés, soit en passant d’une province dans une autre ou en traversant certaines rivières; les variraiventy isan’olo- miaina où impôt de capitation montant à 1/720€ de piastre (soit environ les 7/10 d’un centime); les /adin-iseranana ou droits de douane; les haren'ny maly momba ou biens tombés en déshérence; les haren’ny (1) Ellis cite cependant un ouvrier mauricien qui a été mis aux fers en 1821 et condamné à trois ans de prison, ainsi qu'un autre créole, qui a également été mis aux fers en 1828, jusqu’à ce qu’il eût payé une amende pour avoir vendu des liqueurs, et a été chassé ensuite. Il y a eu aussi en 4824 le cas Filihau, dont nous avons parlé dans la note (4) de la page 236. (2) Sauf dans l’Imamo, parce qu’Andria- nampoinimerina, après des combats qui n’a- vaient pas donné de résultats définitifs, fit avec le chef de ce petit royaume, Andriandra- maro, un traité d'alliance dont un des articles stipulait expressément que « le jour néfaste pour la naissance des enfants de ses sujets serait religieusement observé, parce que les augures avaient dit que, si l’on laissait vivre les enfants nés ce jour-là, il mourrait ». Andria- nampoinimerina ayant conclu ce traité et fait le serment de l’exécuter, Radama ne s’est pas cru libre de passer outre. (3) On avait la coutume de les envelopper dans de nombreux lambas coûteux et de les orner de bijoux de valeur, que les parents n'hésitaient pas à acheter à crédit afin de les honorer, mais que souvent ils ne pouvaient pas payer à la date fixée, ce qui amenait leur réduction en esclavage ou tout au moins leur ruine et, par suite, une existence précaire et dégradée HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 239 maty meloka ou biens des criminels condamnés à une peine entraînant la confiscation; le vody hena ou taxe d’abattage, comprenant un quar- tier d’arrière de tout bœuf abattu; les /anatitry ny faritany sy ny firenana sasany ou offrandes en nature provenant des divers clans, telles que grandes nattes, oiseaux aquatiques, tubercules comestibles de nénu- phars, fécule de diverses plantes farineuses, piment, etc.; le lanjam- bola ou charges qui incombaient occasionnellement, soit dans certaines circonstances, à tous les habitants du pays ou à ceux d’un village, d’un district, lors de visites à de grands personnages, ou lorsqu'un clan avait à payer une amende (/ati-dina), soit lorsque le gouvernement général ou local taxait la population pour faire un service d’intérêt public; enfin, ny vola didiana haloa hanaovam-panjakana, ou les contributions extraordinaires perçues pour le service de l’État, surtout pour payer les armements venant de l'étranger (). Écoutant les justes observations que lui fit Hastie au sujet des graves dangers que faisait courir à la santé publique l’état de saleté dans lequel croupissait la population de Tananarive, dont beaucoup d'habitants étaient affligés de maladies dégoûtantes et pénibles, il donna des ordres à la suite desquels la ville fut tenue plus proprement, édictant des péna- lités sévères contre ceux qui ne s’y conformeraient pas. A Madagascar, les maladies n'étaient pas considérées comme pro- venant de causes naturelles; on les croyait dues à des sorts jetés par des gens malintentionnés et dont on avait la plus grande peur. Le 24 août 1817, une des sœurs de Radama qui était malade depuis quel- ques jours fut atteinte de délire; les quatre femmes qui la soignaient furent soumises à l’épreuve du tanghin, pour savoir si l’une d’elles ne lui avait pas jeté un sort : trois furent déclarées coupables et, après qu’on leur eût coupé les doigts et les orteils, puis les bras, les jambes, le nez et les oreilles, on les précipita du haut du rocher d’Ampamarinana (la roche tarpéienne de Tananarive). Les enfants s’amusèrent alors à lapider ces pauvres corps et les assistants, loin de manifester la (4) JULIEN, Institutions politiques et sociales de Madagascar, 1909, t. IT, p. 125-127. 240 MADAGASCAR moindre pitié à cet horrible spectacle, y prenaient un visible plaisir (1). Si, comme son père, Radama avait l’âme guerrière et si, dès qu’il est entré en rapports avec les Européens, il à compris l'importance d’une armée régulière, formée de soldats soumis à une discipline sévère, ce qui lui a permis de s’assujettir de nombreuses peuplades barbares, il n’a pas moins compris la nécessité de donner à ses sujets de l'éducation, sans laquelle on n’est bon à rien (?), et de développer les arts utiles à la vie d’un peuple qui cherchait à se civiliser. Radama est le premier souverain malgache qui ait compris l’utilité de donner, sinon à tout son peuple, du moins à certains de ses sujets de l'instruction (8); avec raison, il a pensé que la lecture et l’écriture avaient une importance capitale, non seulement pour ses relations avec les étrangers et pour les affaires de son gouvernement, pour commu- niquer avec les gouverneurs des diverses provinces, mais aussi, Comme il l’écrivait à Sir Robert Farquhar, « pour adoucir la misère de son peuple et lui faire aimer le travail qui seul procure le bonheur », ajou- tant : « Je considère l’instruction comme le don le plus précieux qui puisse être fait à mon peuple. Si les Anglais l’instruisent, je serai éter- nellement leur ami. » Aussi accepta-t-il avec empressement les maîtres qui s’offrirent à lui pour éduquer et civiliser ses sujets; c’est le sergent français Robin qui eut la gloire d'ouvrir à Tananarive, en 1819, la première école : il eut pour premier élève le roi lui-même qui apprit avec lui à lire, à écrire, et même un peu de français (4), mais il ne pou- arabes, et les chefs antimorona n’ont jamais cessé d'écrire leurs mémoires, c’est-à-dire leur généalogie et les faits importants auxquels ils ont assisté, les fils recevant leur ins- truction de quelque membre de leur famille, qui (4) ELLIS, History of Madagascar, t. II, 1838, p. 176-177. (2) « J'aimerais mieux, a-t-il dit, ne pas être roi que de gouverner des gens qui ne savent ni lire, ni écrire, que d’être roi d’un peuple barbare et ignare ». (3) Il y a toutefois lieu de remarquer que, dans le Sud-Est de Madagascar et dans le Nord, partout où il y avait des colons arabes ou de leurs descendants, existaient quelques écoles où l’on enseignait à lire et à écrire les caractères est le savant du clan (Voir p. 347 du t. IV de l’Ethnographie de cette Histoire de Madagascar). (4) C’est par suite des leçons de Robin qu'il a voulu qu’on adoptât autant que possible la prononciation française, celle des voyelles a et à surtout variant beaucoup en anglais (a). (a) Voici une lettre écrite en français par Radama lui-même, datée de l'ananarive, le 18 mai 1819 : « Mon- sieur Dayot, j'ai reçu votre lettre par laquelle vous me dites que vous avez prêté sur la bonne foi à un Ova HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 241 vait prétendre à répandre l'instruction dans l’Imerina , et les mis- sionnaires indépendants anglais suppléèrent à cette insuffisance dès 1820 (2) : le 8 décembre en effet M. Jones, qui avait accompagné Hastie, ouvrit une école () avec trois élèves, un neveu du roi et deux enfants qui sont devenus gouverneurs de Tamatave; six mois après il y avait 21 élèves, dont un tiers de filles, tous appartenant à la noblesse : Radama, qui s’intéressait beaucoup à l’œuvre scolaire des mission- naires anglais, a, comme nous l’avons déjà dit, béni en les aspergeant d’eau sainte les fondations de cette école. A cette époque arrivèrent M. et Mme Griffiths (4 qui ouvrirent, le 23 octobre 1821, à Ambodinandohalo, une seconde école (5) avec (1) Lorsque Radama a appris à écrire les caractères français, les dames de la cour ont été seules admises à assister et à prendre part aux leçons, de sorte que cour et école sont deve- nues synonymes, et qu’on a appelé ces dames Lakoly (l'École). Plus tard, pour l’école propre- ment dite, on a dit Sekoly (de l’anglais school). (2) En 1818, deux de ces missionnaires étaient venus à Tamatave et y avaient ouvert une petite école, mais ils n’avaient pu, comme ils le désiraient, monter à Tananarive par suite du mécontentement qu'avait causé au roi Radama le manque de parole du gouverneur intérimaire de Maurice, le général Hall, qui refusait d'exécuter les clauses du traité signé par Farquhar. Ce n’est que lorsque celui-ci, ayant repris son poste, eut fait amende honorable à ce sujet, que le roi reprit les relations avec les Anglais et que le missionnaire protestant Jones put aller à Tananarive. (3) Cette première maison d'école, qui ne comprenait qu'un rez-de-chaussée, avait de 6 à 7 mètres de côté et était divisée, par de minces cloisons, en trois pièces, une cham- bre à coucher, une salle à manger et une salle d'école; des nattes couvraient la terre. (4) Mme Griffiths et sa petite fille sont les premières Européennes qui sont venues dans l’Imerina, et elles ont naturellement été l’objet de la curiosité générale. Dès le lendemain de l’arrivée de M. et Mme Griffiths, le 45 mars, Radama leur assigna un terrain pour la construction d’une maison provisoire et, séance tenante, les ouvriers nivelèrent le terrain et creusèrent les fondations, puis ils élevèrent les murs en terre et placèrent le toit, si bien que le 23 l’école put être ouverte : les élèves appor- tèrent à Mme Griffiths des étoffes diverses en la priant de vouloir bien leur confectionner des vêtements à la mode d'Europe. (5) Comme la maison de M. et Mme Griffiths n’était pas finie trois mois après leur arrivée, le roi donna ordre de hâter les travaux et leur fit tenir le billet suivant : « Je vous souhaite une longue vie et je vous prie de ne pas vous inquiéter, car je vous ferai construire la maison que vous désirez, si toutefois mes sujets en sont capables. Mais, si vous voulez qu’elle soit toute semblable à celles de Maurice, qui pourra la bâtir? Je ne le sais pas. Trouvez celui qui en la valeur de cinq têtes. Vous devez être instruit, Monsieur, que j’ai dans le temps envoyé mes ministres à Tamatave prévenir tous les Blancs de ne rien prêter à aucun Ova parce que la majeure partie de ceux qui descendent à Tamatave sont des chevaliers d'industrie; néanmoins, si je puis découvrir, cet homme, je le ferai saisir et vous ferai rendre justice et si, de votre côté, vous le découvrez, je vous autorise à vous emparer de sa personne et de tout ce qui lui appartient. J’ai l’honneur de vous saluer. Radamamanjaka havana (parent, ami). (Nouv. Annales des Voyages, vol. XXIV, 1839, t. IV; octobre-décembre, p. 26). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 31 242 MADAGASCAR. 15 élèves, soit 11 garçons et 4 filles © : il fut convenu, d’accord avec Radama, qui leur déclara qu’il serait un « père pour eux », qu'ils s’occuperaient de l'éducation des enfants du peuple, tandis que M. Jones continuerait celle des enfants des familles nobles. Au mois de décembre, conformément à l’usage merina d'offrir au souverain les prémices des produits de la terre ainsi que de ceux de l’industrie, Mme Griffiths présenta les premiers travaux à l'aiguille faits par ses élèves à Radama, qui s’en montra très satisfait et donna à chacune des jeunes ouvrières un vola kely, un « petit morceau d’argent ». A la fin de cette année les missionnaires, jugeant qu’il était bon pour leurs élèves, ainsi du reste que pour eux, de prendre un peu de repos, leur donnèrent quelques jours de congé. Aussitôt, le 30 décembre, eut lieu un kabary, une réunion des juges et du peuple, qui reprochèrent aux Anglais de ne pas vouloir instruire leurs enfants et qui, sans avoir demandé d’explications, attaquèrent violemment les missionnaires, les traitant de chats-huants, de porcs, de chiens, de chats, tous animaux regardés alors comme impurs et malfaisants, et Radama leur é rivit pour savoir pourquoi ils avaient arrêté les cours, disant que, s’ils avaient à se plaindre de leurs élèves, ils devaient les punir, les châtier, même fussent-ils ses parents, car, ajouta-t-il, « ils vous appartiennent, corps et âmes, tant qu'ils sont sous votre direction ». Toutefois, après expli- cation, tout s’arrangea. En janvier 1822, l’école étant trop petite pour le nombre d’écoliers, qui était de 38, le roi donna un terrain plus grand, ainsi que le bois néces- saire pour la construction, et désigna 12 ouvriers pour aider les mis- sionnaires; les travaux commencèrent le 7 février. Le 17 juin 1822, a eu lieu, en présence du roi, le premier examen des écoliers malgaches, tant de l’école de Jones que de celle de Grifiths, au nombre total de 85. est capable et je fournirai le bois. Voilà ce que (1) Le gouverneur de Maurice donnait aux vous dit votre bon ami le roi Radama ». Le roi missionnaires anglais une subvention annuelle donna le terrain, fit apporter le bois et désigna de 360 piastres, soit 1,800 francs, et leur payait douze ouvriers, et la maison ne fut finie qu’en les frais de voyage. 1823. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 243 En avril 1823, il fit installer dans l'enceinte du Rova, de son palais, une école sous la direction du sergent français Robin, tout à fait indépendante et sans liens avec la mission anglaise, école que fréquentèrent 300 officiers et leurs femmes; les enfants n’y étaient pas admis, l’enseignement qui y était donné, n’était d’ailleurs pas adapté à leur mentalité. En partant, en juin 1823, pour Tamatave et Foulpointe, le roi autorisa le Rév. J. Jeffreys à ouvrir une troisième école; pour son début, celui-ci réunit 12 élèves et, comme ses deux confrères, les trouva attentifs aux leçons et désireux de s’instruire (9. Mais incapables de comprendre les raisons pour lesquelles ces Européens venaient donner cette instruc- tion à leurs enfants et sachant par leur triste expérience qu’il en était venu beaucoup faire la traite des esclaves, les Merina pensèrent qu’ils venaient eux aussi dans ce but et qu’ils s'étaient entendus avec Radama pour leur voler leurs enfants, d’autant que le prince Ratefy, qui était parti pour l’Angleterre avec de jeunes Malgaches, ne les avait pas ramenés : la crainte de voir leurs enfants enlevés pour les pays lointains fit que beaucoup de parents les cachèrent dans les silos à riz, pensant ainsi empêcher qu’on les recrutât pour les écoles (2); plu- sieurs y sont morts étouffés, faute d’air. Le mal était grand, et comme Radama venait de partir en guerre, sa mère, Rambolamasoandro, femme énergique et intelligente, prit sur elle de faire annoncer à tous les {sena, à tous les marchés de l’Imerina, que « quiconque ferait de faux rapports sur le roi et sur les Européens serait réduit en esclavage et que quiconque cacherait ses enfants dans des silos, pouvant ainsi causer leur perte, serait mis à mort », car, ajouta-t-elle, « ce que veut Radama, c'est que vos enfants reçoivent de l'instruction pour le bien de notre pays, et non pas qu’ils soient emmenés en terre étrangère ». L'effet de (4) M.Jeffreys, qui avaitouvert en mars 1824, freys est retournée en Angleterre avec ses à la demande de Radama, une école à Amba- autres enfants. tomanga (à 22 kilomètres de Tananarive), n’a (2) Pour les y faire tenir tranquilles, pour résidé que deux années et demie à Madagascar qu'ils ne fissent pas de bruit, ils leur faisaient (du 10 juin 1822 au 4er janvier 1825); il est accroire que les Anglais venaient chercher à mort en mer, ainsi que sa fille aînée, et Mme Jef- Madagascar des enfants pour les manger. 244 MADAGASCAR. ce message fut grand et dès lors on n’entendit plus parler d'enfants cachés dans des silos. Les trois écoles dirigées par les missionnaires anglais furent réunies en mars 1824 dans le même local, à Ambodinandohalo (), par ordre de Radama, sous le nom d’École normale, destinée à fournir des maîtres aux autres écoles qu’il projetait de fonder dans son royaume. « Si vous voulez, dit-il à ses sujets, que vos enfants soient sages et heureux, envoyez-les à l’école, afin qu’on leur donne l'instruction nécessaire; je récompenserai ceux qui seront assidus, laborieux et sages. » A cette époque, il y eut un examen public des écoliers à Tananarive; le roi, qui y assista, s’en montra satisfait, et les missionnaires profitèrent de l’occa- sion pour lui demander de conférer des distinctions aux meilleurs élèves; il autorisa l’ouverture, dans des villages voisins de Tananarive, de sept écoles, dont ces meilleurs élèves seraient les maîtres. Cette décision plut aux uns, déplut à d’autres qui, toutefois, lorsque Radama leur fit demander quelles étaient leurs raisons, répondirent qu’ils n’en avaient pas et que ce qui lui plaisait leur plaisait aussi. « Eh bien! leur fit-il répéter si vous voulez être heureux, envoyez vos enfants à l’école et laissez-les s’instruire, car j'honorerai ceux qui seront sages et laborieux ». Dès lors il n’y eut plus, au moins ouvertement, d’opposi- tion. A cette époque il y avait 268 enfants fréquentant l’école de Tanana- rive, dont 40 apprenaient l’anglais, et les missionnaires avaient lieu d’être satisfaits, d'autant que plusieurs de leurs élèves étaient capables d’être maîtres d’école à la campagne. Peu après, ce nombre augmenta consi- dérablement puisqu'on dit qu’il y en eut 2,000 dans le courant de 1824. A la fin de 1825, on a fondé à Tananarive une « Société des Écoles de la Mission anglaise à Madagascar » pour pourvoir à la fourniture du matériel pédagogique et soulager la « London Missionary Society » (2); (4) Dans le bâtiment construit pour M. Grif- (2) On a recueilli la première année 165 pias- fiths, pris en quelque sorte comme type d'école tres de dons, 137 piastres de souscriptions. modèle pour celles qu’on avait l'intention de Hastie a prêté, sans intérêts, 500 piastres et construire. MM. Jones et Griffiths ont pris la le roi a donné 50 piastres et le terrain pour y direction des classes des garçons et Mme Grif- ériger le bâtiment, qui a coûté 722 piastres. fiths celle de la classe des filles. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 245 on a construit un bâtiment où l’on a établi deux magasins, l’un pour la distribution gratuite aux élèves des divers articles nécessaires aux études, l’autre pour leur vente aux particuliers au bénéfice de la Société, et une bibliothèque publique. Beaucoup de Malgaches se plaignirent qu’on enseignât à ces élèves une nouvelle religion et le mépris des coutumes de leurs ancêtres; le roi lui-même, à la fin de cette année, jugea que l'instruction donnée par les missionnaires bouleversait le pays et leur intima l’ordre de mettre un frein à leur trop active propagande, vu que le peuple mur- murait et qu'il ne jugeait pas sage d’aller à l'encontre du sentiment populaire : « Certes, leur dit-il, mon peuple admire les nouveautés que vous nous apportez, mais il n’a nullement le désir d'acquérir les connais- sances qui lui seraient nécessaires pour les adopter. » Toutefois le nombre des écoles augmenta et dans l’Imerina (1), en 1826, il y en avait 30 avec 30 maîtres et 2,051 élèves (), et, en 1828 (#), lorsque server le souvenir des faits qu’autrement vous oublieriez, et vous pouvez acquérir, pour votre (1) M. Johns, envoyé d’Angleterre pour rem- placer M. Jeffreys, n’arriva à Madagascar qu'en septembre 1826, et le Rév. J.-J. Freeman en septembre 41827. (2) Après leur examen annuel, auquel il assista comme d’ordinaire, Radama les passa en revue et, après avoir énuméré toutes les écoles existant dans l’Imerina et félicité celles qui étaient les plus prospères, a dit en finissant sa harangue : « Allez, et dites à vos parents que, en allant à l’école et en suivant les cours avec assiduité, vous ne me faites pas seulement plaisir à moi et aussi à vos maîtres, mais que vous vous honorez vous-mêmes et que vous les honorez eux aussi. Les connaissances que vous acquérez sont utiles pour toutes sortes de choses: sachant lire et écrire vous pouvez relater et con- plus grand bien, les bons principes qui feront de vous de loyaux sujets. Allez chez vous et dites à vos parents que je suis content de vous. Craignez Dieu et soyez fidèles à votre roi ». Les maîtres d’école des divers districts procla- mèrent alors leur dévouement à Radama, qui leur donna en présent 10 bœufs. (3) Le 18 février eut lieu, comme d’ordinaire, l’examen annuel des écoliers, maïs, contraire- ment à son habitude, Radama, qui était gra- vement malade, n’y vint pas et s’y fit repré- senter par le prince Coroller et quelques autres officiers (a). Les élèves qui avaient oublié ce qu’on leur avait appris furent tenus de recom- mencer leurs études. (a) « Les missionnaires. a dit aux parents des élèves le prince Coroller, ont quitté leur pays pour instruire vos enfants, et quelques-uns sont morts en remplissant cette généreuse mission. Aussi veillez à ce que vos enfants suivent assidûment les classes. Que ceux qui ont fini leur éducation reviennent toutefois le dimanche, ainsi que les jours d’examen, afin qu’ils n’oublient pas ce qu’ils ont appris ». Radama s’est fait rendre compte du résultat de cet examen et il a écrit aux missionnaires la lettre suivante, traduite littéralement : « Et dit Radama, j’ai vu le document que vous m’avez fait parvenir et qui dit que tout est bien dans vos écoles. Et, dit votre ami : en vérité, les habitants de mon pays sont ignorants, ils ne savent ni lire ni écrire, ils ne sont pas au courant des mœurs et des usages des peuples civilisés. Néanmoins, avant que vous veniez ici, ils savaient prier Dieu, et, après Dieu, le roi était le premier de tous, une divinité visible, parce que c’est 246 MADAGASCAR. Radama est mort (), il y en avait 38 avec 44 maîtres et 2,309 élèves (?); l’enseignement qui y était donné magnifiait naturellement le roi et son pays , mais le peuple continuait à y être hostile parce que, disait-il non sans quelque raison, « les enfants, une fois instruits, seraient désignés pour le fanompoana, le service du gouvernement », service obligatoire et non rémunéré. Après le décès de Radama, toutes les affaires publiques ont été sus- pendues, surtout pendant les premiers temps; il en a été de même pour les écoles, qui ont été alors fermées à Tananarive comme dans les cam- pagnes : M. Bennet, le missionnaire qui se rendait en Extrême-Orient, ayant demandé une audience à la reine Ranavalona, elle lui fit répondre qu’elle ne pouvait recevoir la visite d'aucun étranger avant d’avoir paru en public devant son peuple. Il regagna alors, non sans difficulté, la côte Est, n'ayant été autorisé à s'y rendre que sous la surveillance de 700 soldats que la reine envoyait à Tamatave. Au commencement de 1824, les missionnaires anglais ont demandé à Radama la permission de faire venir une presse pour imprimer les livres d'éducation en malgache; le roi dit qu'il réfléchirait et ne donna l’autorisation que trois ans après, de sorte que leur œuvre n’a pas pris (4) Cinq jours avant la mort de Radama, arrivèrent à Tananarive les Rév. Tyerman et Bennet qui, envoyés dans les îles de l’Océan Pacifique par la « London Missionary Society », s’arrêtèrent à Madagascar; le 30 juillet 1828, neuf jours après son arrivée, le Rév. David ‘Tyerman est mort, âgé de 53 ans. (2) Au commencement de 1827, le prince Coroller, qui fut chargé par Radama de visiter, en compagnie de M. Jones, le Betsileo ainsi que l’Imamo et le Vonizongo, procéda à l’ouverture de 14 nouvelles écoles. — D’après ELLIS (His- tory of Madagascar, 1838, t. IT, p.415), il y avait à Madagascar, à la mort de Radama, une cen- taine d’écoles et de 4 à 5,000 élèves. (3) MM. Carayon et Arnoux, traversant en 1826 un village de l’Imerina où il y avait une école, causèrent avec les élèves qui, heu- reux de montrer leur savoir, écrivirent sur le tableau les phrases suivantes : « Radama n’a point d’égal parmi les princes », « Radama est au-dessus de tous les chefs de Madagascar, il est le maître de toute l’île », « Le royaume de Madagascar, tout entier, appartient à Radama et appartient à lui seul », etc. (LACAILLE, Con- naissance de Madagascar, 1863, p. 145). lui qui fait la loi : s’il n’y avait pas un roi pour protéger les femmes et les enfants, ce ne serait pas bien. C’est Dieu qui met le roi sur le trône, car le roi est le général de Dieu et, si je n’étais pas là, les choses ne marcheraient pas bien. Quant à mon peuple, il n’a aucune notion de ce qui est bien et de ce qui est mal; aussi suis-je très content que vous soyez venus comme maîtres d'école pour le faire progresser en sagesse et en science. Ainsi parle Radama, votre ami, à qui ce pays a été donné par Dieu et qui est le maître de la loi ». (Ezis, History of Madagascar, 1838 t. Il, p. 386). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 247 tout de suite le développement qu'ils désiraient. Quand cette autori- sation fut donnée, la « London Missionary Society » a envoyé à Tana- narive un imprimeur, M. Hovender, qui y est arrivé en novembre 1827 avec tout le matériel nécessaire, mais qui y est mort de la fièvre le mois suivant. MM. Jones et Griffiths, qui avaient traduit en malgache une grande partie de la Bible, ont essayé d'imprimer quelques petits ouvrages (1); M. Baker remplaçant M. Hovender, n’est arrivé qu’en octobre 1828, trois mois après la mort de Radama : il installa une presse qui a depuis lors fonctionné convenablement, mais ce n’est qu’en 1830 que l’imprimerie a pu livrer au public de nombreux exemplaires du Nouveau Testament. Radama a cherché à développer parmi ses sujets l’agriculture (?), ainsi que l’industrie et le commerce () maïs en vain, car « à quoi bon travailler, disaient les Merina, à quoi bon nous donner de la peine, puisque nous n'avons pas le droit de porter de bijoux, ni certains vête- ments qui nous plairaient, et que ceux que nous pouvons porter, nous les obtenons sans nous donner beaucoup de mal ». Il résolut de leur faire des concessions et, comme ils lui demandaient à les autoriser à manger du porc, dont la prohibition n’était pas chez eux d’ordre religieux, mais un usage ancestral qui s'était établi par simple imitation des immi- grants arabes du Nord, il leur en donna l’autorisation à la condition qu'ils l’aideraient à organiser son armée d’après des principes nouveaux. En 1823, un kabary, une grande assemblée publique, fut alors convoqué, et les restrictions sur les vêtements et sur la nourriture furent abolies : toutefois, afin qu’il y eût un signe distinctif entre nobles et bourgeois, seuls les nobles furent autorisés à porter de l’or ou du corail sur la tête. (4) Des manuels de lecture, comprenant un alphabet, un livre d’épellation, les 23 pre- miers versets du premier chapitre de la Genèse en malgache, un petit volume d’hymnes, un petit catéchisme et l'Évangile de Saint-Luc. (2) Mais il n’admettait pas que des étran- gers pussent posséder des terres à Madagascar. En 1825 il a défendu à ses sujets de leur en ven- dre. On lui avait dit que les Anglais avaient fondé leur puissance dans l’Inde en acquérant des terres et il en avait peur; cependant il reconnaissait les services qu'ils lui avaient rendus et qu'ils lui rendaient encore. (3) Il demanda à Londres, en 1820, des mis- sionnaires pour éclairer son peuple et le civiliser à l’européenne, mais en stipulant qu'on lui enverrait en même temps des artisans pouvant faire de ses sujets de bons ouvriers. 248 MADAGASCAR. Radama recommanda formellement à ses sujets de se livrer activement, soit à l’agriculture, soit à l’industrie, soit au commerce, et il décréta que quiconque passerait deux ou plusieurs jours sans travailler, sans rien faire, serait contraint de travailler ce même nombre de jours aux routes. Ce message fut accueilli avec joie; des acclamations frénétiques remercièrent le roi de ces concessions et les assistants se livrèrent à des manifestations si exubérantes que, pendant deux heures, les ministres ne purent parler. Dans un kabary qui eut lieu en mai 1824, les chefs des districts de l’Imerina reçurent des instructions et des ordres principalement au sujet de l’agriculture, de l’industrie et des travaux publics. Pour montrer leur zèle à accomplir les désirs du roi, ces chefs, ainsi que les notables du pays, parièrent entre eux à qui réussirait le mieux, notamment dans la plantation de mûriers et dans l'élevage des vers à soie : ces paris variaient de 100 à 1,000 piastres. Quand le prince Ratefy est allé en Angleterre en 1821, les neuf Mal- gaches qui l’y ont accompagné, et qui ont été confiés aux soins de la « London Missionary Society », ont d’abord été placés, pour y com- mencer leur éducation, au « British Foreign School », à Londres, puis, à l’exception de l’un d’eux qui, malade, dut retourner dans son pays, ils furent envoyés à Manchester, où ils furent initiés aux métiers de char- pentier, de serrurier, de peintre, de filateur et de teinturier, de cordon- nier ou d’orfèvre : deux sont morts en Angleterre et les six autres sont retournés à Madagascar à diverses époques, les deux derniers n’étant partis qu’en août 1828. Dix autres ont été mis en apprentissage à Mau- rice. Quelque temps après, en 1822, il en a encore été envoyé en Angle- terre dix pour apprendre la musique. En 1821, après l’abolition de la traite des esclaves, cinquante jeunes Malgaches ont été instruits dans l’art de la navigation à bord des navires de guerre de la flotte anglaise de l'Océan Indien : les dépenses occasionnées par cet apprentissage ont été supportées par le gouver- nement anglais. En 1826, M. Blancard est venu proposer à Radama un traité de com- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 249 merce auquel Hastie, un peu avant sa mort, s’est opposé autant qu’il l'a pu, parce qu’il le trouvait nuisible à Madagascar, mais qui était tentant pour un souverain dont le trésor vide demandait à être rempli sans délai. Radama qui se préoccupait aussi de doter son pays des bienfaits matériels de la civilisation européenne, s’est entendu avec la « London Missionary Society » pour qu’elle envoyât à Madagascar plusieurs arti- sans anglais qui pussent initier les Merina aux principaux métiers. En juin 1822, sont arrivés à Tananarive les nommés Brooks, Chick, Canham et Rowlands, avec le Rév. J. Jeffreys et deux botanistes allemands, Bojer et Hilsenberg. À ces ouvriers 4), le roi a donné une pièce de terre bien située pour l’usage auquel elle était destinée et un domestique à chacun d’eux, à la condition qu’ils apprendraient leurs métiers à huit jeunes Malgaches qui enseigneraient ensuite à leurs compatriotes les arts mécaniques d'Europe : ces ouvriers leur apprirent à travailler le fer, à tanner et corroyer les cuirs, ainsi qu’à perfectionner le filage et le tissage de la soie, du lin et du coton. Et il mit sous les ordres des deux botanistes allemands dix laboureurs afin que, pendant leur séjour dans l’Imerina, ils leur apprissent la culture des plantes indi- gènes utiles et des plantes introduites, ainsi que le dessin des jardins. En septembre 1826 est arrivé à Tananarive le charpentier Cameron, qui a formé un grand nombre d'ouvriers auxquels il a surtout appris à travailler le bois ®); il en a eu jusqu’à 600 sous ses ordres et il a dirigé, pendant neuf ans, la plupart des travaux publics. Par un ordre donné dans un kabary en 1823, des ponts ont été construits en divers points de l’Imerina afin de faciliter les communi- cations, notamment celui d'Ampitantafika ® et celui d’Antanjombato, (4) L’un d’eux, Brooks, mourut presque subitement dix jours après son arrivée. On l’enterra dans un terrain que le roi donna et qui est devenu le cimetière des Anglais. (2) Il ne réussit pas, cependant, à les habi- tuer à faire des planches avec la scie; jusqu’à une époque toute récente, ils se servaient HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. uniquement de la hache, préférant façonner ainsi les pièces de bois qui leur étaient néces- saires. Sous l’ancienne monarchie merina, le métier de charpentier n’était exercé que par des andriana, des nobles. . (3) Démoli plus tard par les pluies de l’hiver- nage. 32 250 MADAGASCAR. qui permettait de traverser l’Ikopa. Mais Radama n’a jamais voulu permettre qu’on ouvrit une route entre Tananarive et Tamatave, car, disait-il, « la forêt et la fièvre, voilà deux bons généraux qui me défen- dront contre les Européens ». Il y a lieu de noter que Radama s’est fait bâtir non seulement un palais dans le Rova, dans l'enceinte royale de Tananarive, le Trano- vola (litt. : l’édifice (orné) d’argent) (4), mais aussi un grand bâtiment en bois à Soanierana ( qui, après notre prise de possession de Madagascar, a servi pendant quelque temps de caserne aux soldats français et qui est aujourd’hui démoli. Il a eu l’idée bizarre d’enlever la colline d’Ambohijanahary, qui est située au Sud-Ouest de Tananarive, mais, après y avoir fait travailler pendant plusieurs mois des milliers d'hommes, voyant qu’on n’arrivait à aucun résultat appréciable, si ce n’est d’avoir creusé quelques grands fossés (visibles encore aujourd’hui), il y renonça. Il eut alors l’idée d'étendre la ville du côté du Nord-Ouest et, dans ce but, il fit casser de grandes roches à Ambatovinaky (%) et y traça un chemin; la popu- lation, qui était à l’étroit, bâtit alors des maisons dans le quartier d'Ambatonakanga, où il n’y avait que des champs de manioc et de patates. (4) Ainsi nommé parce qu’il était embelli (?) (2) Bâti en 1826 par le charpentier français de quelques ornements d’argent; il était cou- Legros, tout en bois : il était formé de trois vert en bardeaux, à l'instar de quelques maisons corps de maison réunis qu’entourait une galerie habitées par des créoles qu'il avait vues à et, autour de laquelle on avait planté une Tamatave. rangée d’arbres. (3) Litt. : Où des rochers ont été cassés. CHAPITRE V RANAVALONA Ire (1828-1861) (1) Ranavalona (?) est la première femme (%) qui soit montée sur le trône d’Imerina (#); elle avait environ quarante ans. Son premier acte a été de faire mettre à mort, d'accord avec ses conseillers qui l’avaient amenée (4) ELLIS, History of Madagascar, 1838, t. II, p. 405-411 et 417-437; GUILLAIN, Docu- ments sur la côte occidentale de Madagascar, 1845, p. 115-144 (N. O., p. 110-124, et Ménabé, p. 124- 139), 156-157, 194-195, 204-233 et 260-261; ELLIS, Three visits to Madagascar, 1859, p. 17- 18; O. SACHOT, Voyages d’Ellis à Madagascar, 4860, p. 17-18, 41-46, 100-103 et 209-217; A. GRANDIDIER, Notes de voyage manuscrites, 4869, p. 1221, 1358-1388, 1402-1420, 1516-1520 et 1665-1797 ; LACAILLE, Connaissance de Mada- gascar, 1863, p. 136-202; J. SIBREE, Madagascar and its people, 1870, p. 294; R. P. DE LA VAIS- SIÈRE, Histoire de Madagascar, 1884, t. I, p. 203-291 et 348; RR. PP. ABINAL et DE LA VAISSIÈRE, Vingt ans à Madagascar, 1885, p. 119-126; R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, édition 1908, p. 702-703 et 1122-1179; R. P. MALZAC, Histoire du royaume hova, 1912, p. 230 et 234-326 et G. S. CHAPUS, Petite his- toire de Madagascar, 1932, p. 52-67. (2) Le nom de « Ranavalona » implique l’idée d’un objet précieux qu’on conserve soigneuse- ment, comme d’une belle pièce d’étoffe qu’on plie avec le plus grand soin. (3) A Madagascar, d’après les anciennes cou- tumes, une reine n’était pas plus au point de vue du mariage ou du concubinage qu’au point de vue des autres actes de sa vie soumise aux mêmes lois que ses sujets qui, sous peine d’une déchéance irrémédiable, ne pouvaient épouser un homme d’une caste inférieure. Elle choïisis- sait qui lui plaisait et pouvait, sans que per- sonne y trouvât à redire, élever jusqu’à elle pour un temps plus ou moins long, au seul gré de sa fantaisie, tout homme qui avait attiré son attention, quelqu'humble que fût sa naissance. Un souverain était tout puissant à Madagascar et, chez les peuplades indépendantes, il pouvait même commettre un inceste sans qu’on osât le blâmer quoique, aux yeux de tous les Mal- gaches, ce fût un grand crime, un très grand crime. En réalité, en montant sur le trône, une Reine dépouillait son sexe et était consi- dérée à l’égal d’un roi à tous les points de vue. (4) Son père était un des chefs qui ont sauvé Andrianampoinimerina quand son oncle An- drianjafy voulut s’en débarrasser en le poussant dans le précipice du haut du sommet d’Am- bohimanga; de là est venue sa désignation comme la première des Roambinifolovavy, des douze femmes, de Radama et son héritière présomptive. 252 MADAGASCAR. à la souveraineté (), le jeune prince Rakotobé (, ainsi que son père Ratefy ® alors gouverneur de Tamatave (, et sa mère Rabodosahondra sœur de Radama Ier 5), Rambolamasoandro, la mère de Radama Ier (6), son cousin germain Ramananolona, gouverneur de Fort-Dauphin, et Rafaralahy ou Andriantiana, gouverneur de Foulpointe renommé pour sa bravoure (7, Ramanetaka, le gouverneur du Nord-Ouest depuis 1825, fut le seul des proches parents de Radama qui échappa à l'arrêt de mort prononcé contre tous ceux qui pouvaient lui donner ombrage; au lieu de se rendre à Tananarive, comme la reine l’y conviait, il s’embarqua sur un boutre arabe avec sa famille et ses esclaves et quelques fidèles, (1) C’est Rainijohary, homme fourbe et avare, qui, avec quelques autres Hova influents, l’a contrainte et forcée à monter sur le trône; elle savait que Radama avait désigné son neveu Rakotobé pour son successeur et elle acquiesçait à ce choix, mais les Grands Hova qui, afin de pouvoir gouverner à leur gré, préféraient une reine à un roi, la maintinrent prisonnière et, malgré ses suplications, Rainiharo qui était convenu avec Rainijohary de la tuer plutôt que de la laisser sortir, l’empêcha de sortir (a). Nous devons ajouter, pour être véridiques, que, loin de lui tenir rancune, elle lui fut ensuite très reconnaissante de cet acte d'autorité sur sa personne. (2) Qui était le plus proche héritier du trône; il avait été élevé dans les principes anglais. (3) Qui avait été en Angleterre. (Voir plus haut p. 188 et 190.) (4) Rappelé à Tananarive, aussitôt après la mort du roi qui était son beau-frère. (5) Ratefy et Rabodosahondra tentèrent de se sauver à Tamatave, mais, arrêtés dans la forêt, ils furent ramenés à Tananarive et accusés de complot contre la Reïne : le prince, reconnu coupable, fut sagayé le 6 octo- bre 1828; la princesse, qui était enceinte, fut d’abord bannie, puis peu après elle fut aussi sagayée. (6) Rambolamasoandro, mère de Radama I°r avait pour menakely, pour fief, le canton de Soavinimerina (à 25 km. Ouest de Tananarive); elle fut brûlée vive dans une maison d’Antan- jondroa (près des chutes de Farahantsana) que sa belle-fille, la reine Ranavalona, fit entourer de paille et de fagots auxquels on mit le feu par son ordre. (Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 1365). (7) Il fut exécuté « parce qu'il ne s’était pas rasé les cheveux assez vite en apprenant la mort de Radama ». (a) Ce sont, d’accord avec une des femmes d’Andrianampoinimerina, Rasandrasoa, et un vieux noble influent, Andriamambavola, qui croyait pouvoir l’épouser ou tout au moins la gouverner, les deux principaux ministres, Rainiharo et Raiïnijohary qui, préférant voir sur le trône une femme qui ne pouvait qu'être un instrument entre leurs mains, qu’un homme ayant ses volontés, mirent Ramavo sur le trône; elle accepta la couronne, mais, peu après, elle prit peur et se dédit; les conjurés l’enfermèrent alors et Rainijohary, le sabre à la main, l’empêcha de sortir de son appartement, pendant qu’Andriamihaja et d’autres allèrent faire égorger les princes et les prin- cesses de la famille de Radama; elle eut beau se jeter aux pieds de ceux qui la gardaïent, on ne la laissa pas sortir avant que la nouvelle de son élévation fût publique. Le jour de son couronnement, elle avait l’air ahuri, effrayée : on eût dit une victime traînée au sacrifice; un Père de la Mission s’est écrié en la voyant : « Ecce Homo! » On ne l’a d’ailleurs laissée voir aux Européens que le temps de la saluer. Le coup fait, elle a été recon- naissante à Raïiniharo et à Rainijohary de l’avoir contrainte et forcée et elle le leur a témoigné. (D’après le récit fait à Alfred Grandidier par Jean Laborde, qui a été mêlé à tous les événements qui se sont passés à Madagascar sous le règne de Ranavalona Ire ou qui en a eu, du moins, une connaissance complète. Notes de voyage manuscrites d'A. GRANDIDIER, 1869, p. 1199-1200, 1220 et 1327-1329). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 253 et il s’en alla à l’île d’Anjouan; les troupes envoyées pour l’arrêter arri- vèrent trop tard (1. Au lendemain de son intronisation, cinquante-trois autres personnes parentes ou amies de Radama ont été mises à mort, tandis que deux cent soixante chefs dont le crime était d’être restés fidèles à Radama et d’être riches périrent par le tanghin (?). Ranavalona a gardé, à titre d’époux, les femmes de Radama, car un (1) Mais, mal accueilli par le Sultan d’Anjouan, (2) Notes de voyage manuscrites d’A. GRAN- il alla à Mohéli dont il s’empara et où ilrégna DIDIER, 1869, p. 1365. sous le nom d’Abderaman ;il est mort en 1841 (a). (a) Dès que Ramanetaka fut à bord du boutre, il fit larguer la voile et, emmenant avec lui sa famille et 70 esclaves dévoués, il quitta Majunga en s’écriant : « La vie est douce, la mienne est sauve. » Il alla aux îles Comores, d’abord à Anjouan, puis, ne s’y jugeant pas en sûreté, à Mohéli, où se trouvaient, en outre des Mohé- liens proprement dits, de race arabe et musulmans, de nombreux Antankarana qui y avaient jadis émigré avec leur chef Andrianany et beaucoup d’esclaves mozambiques et dont il s’empara. Il plaça ses états sous la protection de la France et fit jurer à tout le peuple de l’île de reconnaître comme reine sa fille aînée Ilomby Sody, qui était née vers 1834, mais après sa mort et celle, survenue peu après, de sa femme (la mère des deux jeunes princesses, qui avait d’ailleurs épousé un Arabe en secondes noces) le commandant supérieur de Mayotte, M. Passot, lui donna vers 1847, comme gouvernante, Mme Droit, veuve du mécanicien Droit, l’associé de M. Laborde à Ilafy en 1831, qui était Mauricienne, mais d’origine Hova,; celle-ci connaissait non seulement Madagascar et le prince Rakoto, cousin des deux princesses, mais aussi les princesses, qu’elle avait souvent vues toutes petites lorsqu'elle habitait Mohéli avec son mari qui, obligé en 1835 de quitter l’Imerina, s’y était réfugié et y était mort le 1er janvier 1837. (Voir Ethnographie, Vol. IV, t. I page 575.) Il y avait une dizaine d’années que Mme Droit était avec les deux filles de Ramanetaka lorsque, à la fin de 1857, elle fut l’objet d’une tentative d’empoisonnement par les chefs du pays, jaloux de l’autorité qu’elle avait sur ses pupilles et, malgré les protestations de la jeune reine, expulsée avec sa sœur Mme Languedoc, à Mayotte où elle est morte peu après. Les deux princesses qui étaient encore des enfants furent chacune forcées d’accepter un mari arabe; tous leurs livres et objets de piété furent détruits et elles furent maintenues à l’intérieur de leur palais, à la manière des femmes arabes, sans pouvoir communiquer avec l'extérieur. Elles eurent chacune un enfant, mais la plus jeune, Iomby Salama, mourut en couches. Le R. P. Finaz est venu plusieurs fois à Mohéli en 1860 et 1861, notamment à bord du ZLabourdonnais, commandant Desprez, à la fin de janvier, et à bord de la Somme, commandant Fleuriot de Langle, au milieu de décembre; la reine lui remit une lettre pour son cousin le prince Rakoto; elle s’efforça d’obtenir des com- mandants le retour de son mari Saïdy Hamady qui, ayant irrité les Mohéliens par ses exactions et ennemi de la France, avait été exilé à Mayotte, mais elle ne l’obtint pas. Son autorité n’était pas plus grande sur les chefs de son peuple que sur les commandants français : M. Lambert lui ayant demandé l’autorisation de créer à Mohéli une plantation, les chefs dirent : «Si la Reine donne malgré nous l’autorisation que demande M. Lam- bert, nous prendrons ses enfants et tous ses gens et nous irons ailleurs, la laissant seule avec ses Français. » En avril 1861, le R. P. Finaz et M. Arnaud, agent de M. Lambert, furent en butte aux sortilèges des sorciers les plus fameux du pays; ils ne s’en portèrent d’ailleurs pas plus mal, mais la population qui, jusque-là, leur fournissait des vivres et les objets nécessaires à leur existence, s’écarta d’eux comme de pestiférés et leur situation devint grave. Seule, la Reine continua à les recevoir et, dès lors, fut aussi l’objet des insultes de ses sujets; se sentant en danger elle en fit part au gouverneur de Mayotte, réclamant pour elle et pour ses enfants la protection de la France. Ce gouverneur, M. Gabrié, écouta sa plainte et fit droit à son appel : le 4 juillet, La Seine et La Perle allèrent à son secours à Fomboni; les officiers et les matelots, et Lambert qui se trouvaient à bord, descendirent à terre où eut lieu un grand kabary qui se termina par la condamnation à la déportation des trois principaux chefs, des trois ministres Ratsivandy, Abdallah Moussalim et Ali Moalimo, qui l’opprimaient; l’ordre de les embarquer immédiatement fut donné et exécuté, à la grande surprise et à la consternation de ces chefs et à la grande joie de la Reine, de Iomby Sody, qui bénit le commandant et surtout le R. P. Finaz, son «Père chéri » comme elle l’appelait, qui lui avait été d’un si grand secours : maintenant la Reine est libre (R. P. de la Vaissière, Hustoire de Madagascar : ses habitants et ses missionnaires, 1884, t. I, p. 325-344). 254 MADAGASCAR. souverain « qui a toujours l’âme occupée de choses viriles G), l'esprit puissant et adonné aux grandes affaires, le cœur invincible aux adver- sités », ne peut appartenir au sexe faible. Aussi ses conseillers décidèrent- ils qu’elle ne se remarierait pas, mais qu'elle prendrait les amants qui lui agréeraient, et que les enfants qu’elle aurait à quelque époque qu’ils naquissent, seraient les enfants de Radama. Elle a continué la politique de conquête inaugurée avec tant d’activité et de succès par Andrianampoinimerina et par Radama ; elle s’est efforcée, non seulement de maintenir sous son autorité les pays conquis par ses prédécesseurs, mais d’en conquérir d’autres, tâche qu'elle a accomplie difficilement et imparfaitement. Le vieux parti merina, nombreux et puissant, qui avait porté Ranava- lona au pouvoir et qui n’approuvait pas les innovations de Radama, replongea Madagascar, qui commençait à se civiliser, dans son ancienne barbarie (2?) et fit revivre les coutumes idolâtriques, avivant, d’une part, la haine de l’étranger et cherchant à se débarrasser des Européens dont il redoutait l'influence 6) et, d’autre part, excitant les clans les uns contre les autres, abrutissant le peuple par l’excès de la servitude et exterminant quiconque faisait montre d'énergie et de courage. Son premier acte fut (1) « Toute Reine, à Madagascar, est consi- dérée comme un homme : lorsqu'on me parlait du roi du Ménabé et de sa sœur Tsinaotsa, on me disait : Ny Mpanjaka aminy anadahy, le Roi et son frère, car une princesse apte à suc- céder au Roi n’est pas, comme nous autres Européens le croyons, du sexe féminin. » (Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, p. 1510.) (2) Disons toutefois que, tout barbare qu'était leur gouvernement, les Merina étaient gou- vernés : ils avaient une hiérarchie au sommet de laquelle était le premier ministre, qui était redouté de tous. Certainement le gouverne- ment n’était pas irréprochable, les officiers pressuraient le peuple et étaient eux-mêmes dépouillés par leurs supérieurs, y compris le premier ministre : la plupart volaient leurs inférieurs et étaient volés par leurs supérieurs, mais la sécurité était beaucoup plus grande en pays soumis qu’en pays indépendant : comme l’a dit M. E.-F. Gautier, il n’y a qu’un petit nombre d'individus ayant le droit de piller et, encore, ne peuvent-ils le faire qu’en sauvegar- dant les apparences. (3) Ranavalona fit dire aux Européens au lendemain de la mort de Radama : « Vous mis- sionnaires, et vous tous, hommes blancs, ne soyez pas effrayés, quoique vous ayez appris que quatre des principaux chefs ont été percés de coups de lance ce matin dans le palais. Il est vrai qu’ils ont été mis à mort, mais c’est parce qu’ils s’opposaient à ce que je fusse Reine…., voilà tout. Ne craignez donc pas, car je vous dis que je vous protégerai, vous chérirai, et tout ce que Radama a fait pour vous, je le ferai et je ferai encore plus. Donc, n’ayez pas peur » (Nouv. Ann. des Voyages, t. XIV, 1829, p. 323). Paroles en l'air, dont les actes de la Reine et deses con- seillers ont tout de suite montré la fausseté. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 255 de faire annuler par la Reine le traité avec l'Angleterre; Robert Lyall, l’agent du gouvernement britannique, le successeur d’Hastie, qui n’est venu à Tananarive qu’en 1828 (Ü), tout en étant reçu avec les honneurs ordinaires, n’a pas été admis, à cause du deuil, à présenter ses lettres de créance, ni à avoir des relations officielles. Le 29 novembre, il reçut l’avis officiel que la Reine ne le recevrait pas comme agent du gouvernement britannique, ne se considérant pas comme liée par le traité conclu avec Radama, et qu’elle n’accepterait plus l’annuité que payait l'Angleterre, quoiqu'elle n’eût pas l'intention de rétablir la traite des esclaves. La saison étant mauvaise pour aller à la côte, Lyall continua à résider à Tananarive, où il fut d’ailleurs traité respectueusement. Quand, au printemps de 1929, le 29 mars, il voulut partir, il vit avec frayeur venir à sa maison, à 6 heures du matin, une foule de gens à la tête desquels marchaient les gardiens de Ramahavaly, célèbre sampy ou talisman que l’un d’eux portait au bout d’une perche, enveloppé de drap rouge. Un des domestiques fut appréhendé et mis aux fers, mais, après quelques jours de prison, il fut relâché; quant à Lyall et à son fils aîné, on les accusa d’être des mpamosavy, des sorciers, et on les força de partir sans délai et d’aller à Ambohipeno, qui est à une dizaine de kilomètres, sans leur permettre de rien emporter, ni même sans les laisser prendre congé des autres membres de leur famille : leur cour était pleine de serpents que le sampy, disaient les Merina, envoyait pour manifester sa colère et sa haine contre les vazaha, les Européens, mais que ses gar- diens avaient tout simplement apportés dans des sacs. Lyall dut donc partir ®, suivi par le porteur du talisman qu’escortaient cinquante hommes marchant à la file deux par deux, le buste nu, et tenant chacun à la main un serpent qu’il levait en l’air, le faisant se tordre; cette pro- (1) Nommé en 1827 après la mort d’Hastie, n’arriva à Tananarive que le 1er août 1898. il est arrivé à Maurice à la fin de cette année (2) On lui reprochait d’être entré à cheval avec sa famille et, apprenant qu’en ce moment dans le village sacré où résidait Ramahavaly et Radama était à Tamatave, il alla le voir, mais d’avoir fait prendre par ses serviteurs des ser- la saison était mauvaise pour voyager à Mada- pents et des papillons qu’il collectionnait dans gascar, il n’y séjourna pas et retourna à un but scientifique. Maurice où il attendit la bonne saison; il 256 MADAGASCAR. cession, qui s’avançait en silence, était accompagnée par une grande foule. Quelques jours après Mme Lyall rejoignit, avec ses autres enfants et ses bagages, son mari à Ambohipeno et ils partirent tous pour Tama- tave (1). Dès son avènement au trône, en 1828, Ranavalona a publié un code de 48 lois (2) qui ont fixé certains principes utiles de droit coutumier () et qui étaient, dit-elle, celles des rois auxquels elle succédait, mais qui contenaient des pénalités barbares (4). Le deuil de la cour, qui a été d’un an, a fini le 27 juillet 1829; en conséquence, Ranavalona fut intronisée aussitôt après; le 12 août, niseho, elle fit son apparition sur la pierre sacrée de la place d’Andohalo 65) sur laquelle elle monta pour recevoir le pouvoir suprême (5), ainsi (1) Robert Lyall est mort à Maurice, peu de temps après son retour. (ELLIS, His. of Mada- gascar, 1838, t. IT, p. 417-421). (2) ELLIS, Hist. of Madagascar, t. IT, p. 382- 386, et publié en malgache et en français par M. A. GANON dans le Bulletin de l’Académie malgache, 1907, p. 3-22, et en français par M. G. JULIEN dans les Institutions politiques et sociales de Madagascar, t. I, 1908, p. 434-451. Ce code était rédigé sous la forme d”’ « Instruc- tions aux gouverneurs des provinces »; il était confidentiel et le peuple n’en a pas eu connais- sance; les chefs, les gouverneurs eux-mêmes n’en connaissaient que certaines parties. (3) La question des dommages et intérêts pour délit y est résolue par l’allocation, dans de nombreux cas, d’un taha, c’est-à-dire d’un dédommagement, d’une compensation; la récu- sation de certains témoignages (d’un des époux contre l’autre ou d’un esclave contre son maître) est prévue; par un principe de justice bienveil- lante, « toutes les peines sont réduites de moitié lorsque l’accusé s’avoue coupable » et « l’on ne doit rien reprocher à celui qui, ayant volé des objets comestibles ne les emporte pas, mais les consomme sur place », car il est poussé à ce vol par la faim. Quant aux habitants des provinces autres que l’Imerina reconnus coupables, ils étaient passibles de peines moins fortes : elles étaient réduites de moitié, car « ces provinces sont encore à pacifier », dit la reine Ranavalona (A. GANON, Bull. Acad. malg., 1907, p. 3-4). (4) Ainsi ceux qui volaient un bœuf ou du riz encore sur pied, ainsi que ceux qui faisaient usage de faux poids ou de fausses mesures, étaient réduits en esclavage; les soldats qui abandonnaient le poste qui leur avait été assigné étaient condamnés à être brûlés vifs, tout comme ceux qui fuyaient sur le champ de bataille, etc. L’ordalie du tanghin a été remise en honneur dès le mois de janvier 4829 et a fait de très nombreuses victimes innocentes. En 1835, le 14 adizaoza, Ranavalona Ire a remis entre les mains de neuf dignitaires du royaume une copie d’un testament politique secret que nous reproduisons plus loin, notule (a) p. 318. (5) Place qui est au centre de Tananarive et qui a une étendue de près de 3 hectares. (6) ELuis, History of Madagascar, 1838, t. IT, p. 421-429 (a). (a) « La Reine, en sortant du palais, alla d’abord prier sur la tombe d’Andriamasinavalona, ayant en mains les bannières des deux talismans royaux Manjakatsiroa et Fantaka, qu’elle remit ensuite entre les mains de leurs gardiens, puis elle monta dans son filanjana, son palanquin, qui était recouvert d’une étoffe écarlate, ornée de galons d’or, et partit à une heure moins un quart, précédée du prince héritier Ramboasalama et HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 257 que le serment solennel d’obéissance et les hommages de son peuple. Peu de temps après, pendant que, voulant continuer l’œuvre de escortée d’une foule de généraux et d’officiers : elle était portée par des officiers et était entourée par des troupes de chanteuses, des femmes de la côte Est à sa droite, des Sakalava à sa gauche, et par derrière des Merina (appelées Tsimiriry), que suivaient dans des filanjana, des palanquins recouverts d’étoffe blanche, les membres de la famille royale; les Tsimandaovavy, les femmes des gardes du corps, habillées en bleu et chantant tout en marchant, fermaient le cortège avec les Tsimandaolahy, les gardes du corps armés de sagayes et de sabres dans leurs fourreaux. Ce cortège passait entre deux rangées de soldats qui faisaient la haïe et était suivi par une grande foule qui criait et chantait. « Arrivée à Andohalo, la Reine monta sur la pierre sacrée, ayant le visage tourné vers l’Est et escortée par cinq généraux qui tenaient, chacun, leur sabre d’une main et, de l’autre, leur chapeau ou leur casque. Après que la musique eut joué l’air national, la Reine dit : Masina, masina va aho. (Suis-je consacrée, consacrée?) Masina, masina, masina hianao (Oui, vous êtes consacrée, consacrée, consacrée), dirent les cinq généraux, et la foule s’écria : Trarantitra hianao, Ranavalomanjaka (Vivez jusqu’à la plus extrême vieillesse, reine Rana- valona!) Descendant alors de la pierre du côté de l’Est, elle prit les talismans Manjakatsiroa et Fantaka, qui étaient enveloppés d’une étofte écarlate brodée d’or, et leur dit : « Vous m’êtes donnés par mes précédesseurs et je me confie à vous; prenez-moi donc sous votre sainte garde », puis elle les remit à leurs gardiens et, remon- tant dans son filanjana, elle fut portée à l’estrade qui était à une petite distance et où, montant du côté de l'Est, elle alla s’asseoir sur le trône qui y était installé et qui était recouvert d’une étoffe écarlate ornée de galons d’or. A sa droite s’assit sa sœur aînée Ramirahavavy, la mère du prince Ramboasalama, et, à sa gauche, le prince Ramboasalama, le prince héritier; les autres membres de la famille royale l’entouraient et, devant elle, était un major de sa garde qui tenait ouvert au-dessus de sa tête un grand parasol en soie rouge. Les femmes de Radama et quelques autres membres de sa famille avaient pris place, ainsi que les femmes des juges, au Nord et au Sud de l’estrade, tandis que les Andriana ou nobles, les juges et les officiers, étaient assis à l'Est et à l'Ouest. Aux deux coins de l’estrade, du côté de l’Ouest, se tenaient les gardiens des talismans Manjakatsiroa et Fantaka, qui étaient recouverts d’une étoffe rouge et or que le vent faisait flotter. Il y avait, assistant à cette cérémonie, environ 60,000 personnes, dont 8,000 soldats rangés devant l’estrade en carré, au centre duquel se tenaient les deux musiques et de nombreux officiers. Après être restée quelque temps assise sur son trône, la Reine se leva, les musiques jouèrent de nouveau l’air national (1), puis s’adressant à l’immense assemblée, elle dit : « Veloma Zana-dRalambo, veloma Zanak’ An- driana, veloma Zanak’ Andriamasinavalona, etc. (c’est-à-dire : je vous salue Zana-dRalambo, etc., etc., soit les principaux clans). Si vous ne me connaissez pas encore, c’est moi, Ranavalona, votre Reine, qui me présente devant vous. » « Hoby! Hoby! » cria le peuple en signe de réjouissance. « Dieu, continua-t-elle, a donné ce royaume à mes ancêtres, qui l’ont transmis à Andrianampoinimerina, et Andrianampoinimerina l’a laissé à Radama à la condition que je lui succéderais. N’est-il pas vrai, Ambaniandro? » Tous répondirent : « C’est vrai. » Elle continua : « Je ne changerai rien à ce qu'ont fait mes ancêtres et Radama, mais j’y ferai des additions. Car ne croyez pas, parce que je suis une femme, que je sois sans force et que je ne sache rien, que je sois incapable de vous gouverner. Ma constante préoccupation sera de développer votre bien-être et de vous rendre heureux. Comprenez-vous bien ce que je vous dis, Ambaniandro? » « Oui, oui, » répondirent-ils tous. Son premier ministre Rainimahay, qui avait déjà figuré lors de l’intronisation de Radama (voir p. 155), se plaçant à l’Ouest de l’estrade, dit alors : « Vivez longtemps, reine Ranavalona, vivez très longtemps! Vivez longtemps aussi, Ramirahavavy et vous, son fils, Ramboasalamal » Puis, se tournant vers le peuple, il lui dit qu’il pouvait avoir pleine confiance et répéta ce que venait de dire la Reine, y ajoutant quelques observa- tions. Alors les divers clans se levèrent et un chef de chacun d’eux présenta, tour à tour, le hasina, une piastre d'Espagne, comme hommage, puis vinrent, faisant aussi acte de soumission, les chefs des habitants des provinces excentriques, ainsi que les Arabes de Mascate, qui venaient d’arriver à Tananarive pour y vendre leurs marchandises, les Européens et, les derniers de tous, au nom de l’armée, les généraux, que représentait Ravalontsalama, le plus âgé. La Reïne ne remercia personnellement que les Européens et l’armée. La Reine retourna alors à son palais au bruit du canon. Entrée dans le rova, dans l’enceinte, elle alla devant la tombe de Radama et, descendant de son filanjana, elle prit les étendards des talismans Manjakatsiroa et Fantaka et fit une courte prière qu’elle termina par ce souhait : « Puisse ton nom être éternellement respecté! » Puis, elle se rendit au palais de Mahitsy et congédia les princes et les officiers. Pour cette cérémonie, Ranavalona était coiffée à la malgache : ses cheveux étaient divisés en de nombreuses petites tresses; elle avait sur la tête un diadème d’or et de corail, autour du cou trois colliers, aux bras trois bracelets de vakamiarina (de boules de cristal), de perles ovales et de corail, aux chevilles des bracelets de pierres précieuses et de perles de verre de diverses couleurs, des boucles d’oreille et, aux troisième et quatrième doigts de chaque main, des bagues d’or avec des pierres précieuses. Elle avait le front enduit de taniravo, de terre argileuse blanche. Elle portait un akanjo, un corsage, en soie rouge, orné de galons d’or et fermé derrière par des boutons d’or, un kitamby, une jupe, en soie blanche, un lamba rouge avec des galons d’or, des bas de soie blancs et des souliers en cuir jaune. Les princes et les princesses étaient vêtus à l’européenne. (1) Voir à l’Appendice n° IV p. 360. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 33 258 MADAGASCAR. Radama, étendre son royaume, elle envoyait une expédition dans l'Ouest contre l’'Ambongo, expédition du reste qui succomba presque tout entière de faim et de maladies, elle mit au monde un fils, le prince Rakoto (1) qui est devenu roi à sa mort, le 18 août 1861, sous le nom de Radama II et que, quelques jours après, elle présenta à ses sujets en disant, le sceptre à la main : «J'ai à vous dire, Ô mon peuple, que j'avais soif et que j'ai trouvé de l’eau, que j'étais en train de vanner du riz pour manger et qu’il est survenu un bon vent qui l’a émondé, enfin que mon souhait s’est réalisé, car je souhaitais avoir un enfant et il m’est né un fils. Voilà ce que je vous annonce. Ayez donc confiance. » Des acclama- tions enthousiastes accueillirent cette nouvelle et pendant plusieurs jours le peuple manifesta sa joie par des danses et des chants. Au bout de trois mois, on coupa les cheveux du jeune prince, cérémonie qui fut encore le sujet de grandes fêtes publiques. Le gouvernement français qui, depuis 1823, réclamait inutilement contre les empiètements continuels des Merina sur la côte orientale, se décida à agir : deux compagnies de cent Yolofs chacune furent trans- portées du Sénégal à l’île de Sainte-Marie, à bord de la frégate la Meuse et on prépara en France l'envoi de mille deux cents hommes de troupe; mais la nouvelle de la mort de Radama étant arrivée à Paris sur ces entrefaites, on crut à tort qu’on aurait plus facilement raison d'une femme (?) et on se contenta d’envoyer une petite troupe de sol- dats, tout à fait insuffisante (%). Le capitaine de vaisseau Gourbeyre, à la tête de six navires et de quatre cent trente-sept hommes de troupes (1) Ce prince, soi-disant fils posthume de habituelle : « Qu'ils viennent! Nous ne leur Radama Ier et accepté sans conteste comme tel par tous les Malgaches, quoique né treize mois après la mort du Roi, qui avait eu lieu le 27 juillet 1828, était en réalité le fils d’Andria- mihaja, le premier ministre de Ranavalona lors de son avènement. Ranavalona avait deux sœurs qui ont été les mères, l’une du prince Ramboasalama et l’autre dela princesse Rabodo. (2) Les Merina, mis au courant des réclama- tions des Français dans un grand Æabary tenu à Tananarive, s’écrièrent avec leur jactance abandonnerons même pas un pouce carré de terre. S'il le faut, nous irons tous combattre contre eux, libres et esclaves, et nos femmes aussi iront, car nous ne les laisserons pas prendre pied dans notre pays! » (3) CAP. JOURDAIN, Madagascar : expédition de 1829 (Revue de l'Orient, avril 1846, p. 273- 297). (4) Dont la frégate Terpsichore, les corvettes de charge Nièvre et Chevrette, et la gabarre Infatigable. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 259 expéditionnaires (1), vint à Tamatave le 9 juillet 1829 dans l’intention d'envoyer des cadeaux à la reine (?) par deux de ses officiers et d’entrer en pourparlers avec le gouvernement merina, mais s’étant rendu compte que la garnison était augmentée et qu’on faisait des préparatifs de défense (3), il se contenta de lui écrire le 14 juillet, pour lui notifier qu’il allait de nouveau occuper Tintingue et que la France exigeait que ses droits sur les points de la côte orientale qu’elle possédait précédemment fussent reconnus, lui donnant vingt jours pour faire une réponse précise. Se rendant alors à Tintingue, il en reprit possession le 2 août et y éta- blit un fort entouré de grands fossés, qu’il arma de huit canons et sur lequel flotta le drapeau français le 10 septembre. Pendant ce temps, arriva la réponse du premier ministre merina, Andriamihaja (%, qui, sans répondre au reproche de l’envahissement des comptoirs français, demandait de quel droit il formait, sans la permission de la Reine, un établissement à Tintingue, et qui se mit en mesure de s'opposer à l’inva- \ sion étrangère : en effet, il envoya des soldats merina à la Pointe à Larrée (), afin d'arrêter et harceler les ennemis, et avec l’ordre d’empé- (4) Soit 331 hommes d’infanterie, 85 artil- leurs et 21 ouvriers militaires. (2) Ces présents consistaient en deux cache- mires français, une robe de cour en velours cramoisi et une autre en tulle brodé, deux pièces de gros de Naples et une très belle pendule, tous produits de nos manufactures. (8) Ayant appris à Tananarive dans le mois d’août 1829 que la France envoyait une expé- dition, à Madagascar, la reine Ranavalona fit une levée d’environ 14,000 soldats afin d’être en mesure d'empêcher les Français de s’établir en un point quelconque du littoral. En effet, nos traitants furent non seulement expulsés de la côte Est, mais leur commerce y fut entravé : un de nos compatriotes, ancien ouvrier de l’ar- tillerie de marine nommé Pinson qui, en mai 1829, se rendait de l’île de Sainte-Marie à la baie d’Antongil pour s’y fixer, surpris par une bourrasque, dut atterrir au premier endroit qui se trouvait à sa portée et où survinrent précisé- ment à ce moment quelques soldats merina qui l’accusèrent de trafiquer, contrairement à la loi, en un point non occupé par leurs troupes et qui, sans plus ample informé, le garrotèrent et l’emmenèrent à Tananarive; le gouverneur, sans perdre de temps, fit annoncer au son du tambour que, le lendemain, un Français serait vendu au prix ordinaire d’un esclave. Les trai- tants établis en ce lieu rachetèrent ce malheu- reux et prévinrent le commandant de l’île de Sainte-Marie, qui réclama en vain contre cet acte barbare. (4) Qui avait supplanté Raïinimahay dans les bonnes grâces de la Reine. Dans une pre- mière lettre, Andriamihaja avait informé le commandant Gourbeyre que la Reine recevrait les commissaires français s’ils étaient rendus à Tananarive le 23 août; or, cette lettre n'étant arrivée que le 22 août, était nulle et non avenue. (5) Soit à une vingtaine de kilomètres au Sud-Est de Tintingue. 260 MADAGASCAR. cher les indigènes d’avoir, avec les Français, sous peine de mort, aucune relation et de ne leur rien vendre. Le commandant Gourbeyre, comprenant que la guerre qu’il voulait éviter était nécessaire, laissa à Tintingue trois cents hommes et alla, le 10 octobre, s’embosser devant le fort de Tamatave, où les Merina n'étaient établis que depuis douze ans et, sur la réponse que fit le gouver- neur à son envoyé qu'il n’avait pas les pouvoirs nécessaires pour traiter, il lui annonça que les hostilités allaient commencer sans aucun délai, et elles commencèrent en effet, car on débarqua immédiatement deux cent trente-huit hommes. En moins d’un quart d'heure, dit Ellis (), la pou- drière sauta, de nombreuses maisons furent détruites et beaucoup d'individus furent tués, et les soldats merina, effrayés et d’ailleurs dépourvus de munitions, s’enfuirent à Ambatomanoina, dans une petite redoute située sur la rive gauche de l’Ivondrona, à une dizaine de kilomètres plus au Sud, d’où ils furent chassés : le capitaine Schoell, qui fit ce hardi coup de main avec une centaine d’Yolofs (@), tua environ cinquante soldats merina, les autres, pris de panique, s’enfuirent, quel- ques-uns jusqu’à Tananarive, qu'ils remplirent d’effroi. Malheureu- sement, le commandant Gourbeyre n’avait pas de forces suffisantes pour occuper définitivement Tamatave et il dut l’évacuer, emmenant à bord de ses navires les traitants qui redoutaient les représailles des Merina et qui se rendirent à l’île de Sainte-Marie. Le 27 octobre, il attaqua Foulpointe, dont la garnison essaya de résister à l’attaque des Français, mais ne tarda pas à aller se réfugier dans une (1) Hist. of Madag., 1838, t. II, p. 431-434. (2) «Le nom de Yolof a laissé dans la mémoire des habitants de Tamatave un souvenir terri- fiant : lors de la prise de cette ville, ces Africains se mirent aux trousses des Merina qu'ils pour- suivirent, ne faisant de quartier à personne, pendant une quinzaine de kilomètres, jusqu’à l’Ivondrona où les fuyards, fous de terreur, se précipitèrent en masse pour ne pas tomber entre les mains de leurs sauvages ennemis, qui courent comme le vent et brûlent comme le feu, disaient les Malgaches. » Il y eut des Merina qui ne s’arrêtèrent qu’une fois arrivés à Tanana- rive (a). (a) Ils y apportèrent, a raconté le traitant Provins, un boulet de 36, disant : « Ces masses effrayantes tom- baient autour de nous serrées comme des gouttes de pluie, mettant tout en pièces, tuant une foule de soldats », à quoi leur répondirent les hauts personnages de l’Imerina que ces boulets ne devaient effrayer personne, « puisque, vu leur grosseur, il était facile de les voir venir et de les éviter » (LAVERDANT, Colonisation de Mada- gascar, 1844, p. 178). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 261 redoute hors de la portée de leurs canons. Le capitaine Schoell ayant débarqué avec ses Yolofs, l'y poursuivit, mais cette petite troupe écrasée par le nombre des ennemis, dut, malgré sa vaillance battre en retraite, laissant sur le champ de bataille onze morts, dont le capitaine, et quinze blessés; les Merina n’avaient pas moins de soi- xante-quinze morts et de cinquante blessés. Ayant été prendre à Tintingue un renfort de cinquante Français et de vingt Yolofs, le commandant Gourbeyre alla, le 4 novembre 1929, bombarder le fort merina de la Pointe à Larrée, où ses troupes péné- trèrent, tuant dix-neuf ennemis, faisant vingt-sept prisonniers, pre- nant huit canons et deux cent cinquante bœufs et mettant en déroute le reste des Merina; il y eut onze Français tués. Mais on était en pleine saison fiévreuse et le général « Tazo » (litt. : fièvre) venant au secours de la Reine, fit de tels ravages dans les troupes françaises que l'expédition rentra à l’île de Sainte-Marie, laissant toutefois une garnison de quatre cents hommes à Tintingue, dont Gour- beyre fit achever les fortifications. Au moment où il allait en partir, à la fin de novembre, il reçut la visite de deux plénipotentiaires, Ratsitohina et Coroller 4) envoyés par Ranavalona pour traiter de la paix, mais il vit dès les premiers mots qu’il n’était pas possible de s'entendre, la Reine refusant de reconnaître à la France le droit de posséder un point quelconque « un seul pouce » de Madagascar (. Le gouvernement français, tout en préparant une nouvelle expédition pour la prochaine bonne saison, au lieu d'engager tout de suite les hosti- lités et d'agir, parlementa, menaça, et le temps passa. Au printemps de 1830, le gouverneur de l’île Bourbon croyant qu'il y avait quelque chance de conclure un traité envoya à Tananarive M. Tourette; mais ce pléni- (1) Coroller, qui était fils d’un Mauricien et d’une Malgache et neveu de Jean René et de Fiche, était hostile aux Français, dit le capi- taine Jourdain en 1829, mais « il a feint avec une si grande habileté des sentiments d’amitié pour le commandant Gourbeyre et pour plu- sieurs officiers qu’au début personne n’a soup- çonné sa duplicité : il est mort en novembre 1835 (Luis, History of Madagascar, t. II, p. 519). (2) Une lettre de la Reine adressée au roi de France, lettre écrite par l’amant de la Reine, Andriamihaja, alors tout puissant, lui faisait un récit inexact des événements qui venaient d’avoir lieu, cherchant à l’intéresser à son peuple et l’engageant à retirer ses troupes de Madagascar. 262 MADAGASCAR. potentiaire ne fut pas autorisé à pénétrer dans l’Imerina; arrêté au pied du mont Angavo, il y exposa ses demandes, mais il fut éconduit par le premier ministre Andriamihaja. Les Merina continuèrent leurs préparatifs de défense dans la crainte du retour des Français. Et les pratiques superstitieuses reprirent de plus belle; les hommages et les offrandes publiques aux sampy, aux talismans, se multiplièrent, ainsi que les consultations du sikidy, de la divination, et de l’hitsaka andro, de l’astrologie, et on reprit l’usage du tanghin, y soumettant un grand nombre de personnes soupçonnées de sorcellerie dans le but de « purifier le pays » et plusieurs centaines, sinon plusieurs milliers, périrent. Obéissant à l’ordre du sikidy, la Reine se transporta, au commencement de 1830, à Ambohimanga, où elle séjourna quelques mois. Sur ces entrefaites, éclata en France la révolution de Juillet et le roi Louis-Philippe, ayant d’autres préoccupations, rappela, le 27 octobre, les bâtiments affectés à cette expédition @) et, abandonnant notre der- nière possession sur la Grande Terre, ne laissa qu’à l’île de Sainte-Marie une petite garnison, confiant au gouverneur de Bourbon le soin de con- clure avec la reine Ranavalona un traité de commerce sans soulever la question de souveraineté : Tintingue fut évacué le 3 juillet 1831 et, au lendemain de cette évacuation, les Merina, qui, au nombre de trois mille, attendaient, l’arme au bras, le départ des Français, massacrèrent un grand nombre de Betsimisaraka de cette région qui avaient accepté l'autorité de la France. M. Tourette, envoyé de nouveau à Tananarive pour tâcher de conclure un traité de commerce, ne fut pas davantage Suarez qu’on disait, avec raison, plus saine et meilleure à tous les points de vue que celle (4) Le conseil d’amirauté du roi Louis- Philippe avait exprimé en effet l’avis « que le parti le plus sage à prendre à l’égard de Mada- gascar était de renoncer, quant à présent, à tout projet d'établissement dans cette île, en prenant les précautions nécessaires pour sauver l’hon- neur de nos armes ». Toutefois, le gouvernement français s’en occupa de nouveau en 1832. Le ministre de la Marine, le comte de Rigny, envoya à cette époque le navire la Nièvre, com- mandant Bigeault, explorer la baie de Diego d’Antongil; M. Bigeault, qui en a fait en 1833 le plan à l’échelle de 1/15.000 (publié à 1/50.000€), a déclaré que c’était le lieu le plus propre à un grand établissement colonial. Le gouverneur de l’île de la Réunion, le contre-amiral Cuvillier, écrivit à ce sujet au ministre qui, non seulement refusa de s’occuper de cette entreprise, mais réduisit les fonds attribués à l’île Sainte-Marie, n’y laissant plus que 37 soldats ou employés. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 263 admis à y aller, quoiqu’on l'ait, cette fois, laissé venir jusqu’à 3 milles de la capitale @) et qu’il ait été traité avec de grands égards. L’ère des hostilités fut dès lors close. A l’annonce de la mort de Radama, diverses tribus du Sud-Est se sont révoltées et des troupes ont été envoyées contre elles : les soldats merina, qui ne perdirent qu’une cinquantaine d'hommes dans cette expé- dition, ont ravagé le pays, massacrant tous les hommes qu’ils prirent, soit un millier environ, et ramenant avec eux vingt mille bœufs (2), un grand butin et huit cents femmes et enfants, qui sont entrés à Tananarive en octobre 1829 à la suite de leurs vainqueurs, attachés les uns aux autres par une corde nouée autour du cou et portant un paquet sur la tête; beaucoup de ces femmes avaient un nourrisson attaché dans le dos ou tenaient à la main un ou deux petits enfants; quelques jours après, ils ont été mis en vente (#). Deux ans plus tard, en 1831, une autre armée merina (4 alla dans le Sud-Est et soumit les Antisaka, s’emparant de Vangaindrano. Ayant convoqué auprès de cette ville les habitants du pays, au nombre d’environ vingt-cinq mille, pour qu'ils prêtassent serment de fidélité à la reine Ranavalona, le général merina leur fit déposer leurs armes sous le prétexte que l'emplacement où ils étaient réunis était le lapa, que c'était là que se traitaient les affaires du gouvernement, et quand ils furent ainsi esclaves étaient immédiatement (1) Quand il fut arrivé à 3 milles de Tanana- rive, avant de lui permettre d’y entrer, on lui demanda ses lettres de créance et, quand on sut qu’elles n’émanaient pas du roi de France, mais seulement du gouverneur de l’île Bourbon, on lui refusa de l’introduire auprès de la Reine, qui ne pouvait traiter qu'avec un représentant du Roi. (2) Que la Reine leur acheta au taux d’une demi-piastre l’un. (3) « Dans une autre région du Sud-Est, dit ELLIS, les Merina, en ayant soumis les habitants, choisirent 50 des plus vénérables qu'ils clouè- rent à des croix, autour de leurs villages, et qu’ils laissèrent mourir dans d’horribles tor- tures; les femmes qui se refusaient à être leurs sagayées. Quant à ceux qui, fait prisonniers, ont été emmenés pour être vendus dans l’Imerina, beau- coup moururent de fatigue et de faim en s'y rendant. Cette conduite infâme a voué le nom merina à l’exécration des populations du Sud- Est dont les chefs ont, à la fin de 1837, fait appel au gouverneur de l’île Maurice pour qu'il leur donne secours et protection » (Hïist. of Madagascar, 1838, t. IT, p. 520-521). (4) Cette armée fut aspergée, avant de partir, avec de l’eau bénite, de l’eau dans laquelle avait été plongé le sampy ou talisman royal Rakelimalaza, dont un fragment d’ailleurs suivait les troupes pour les protéger et assurer la victoire. 264 MADAGASCAR. assemblés, sans armes, les soldats qui les entouraient de toutes parts se jetèrent sur eux et en firent un horrible carnage : presque tous furent égorgés (1), Dans le Nord-Ouest, dès qu’Andriantsoly, le roi du Boina qui, comme nous l’avons dit (®), avait été chercher un appui auprès du sultan de Zanzibar, avait connu la mort de Radama, il s'était hâté de revenir à Madagascar, où il avait débarqué au fond de la baie d’Ampasindava en décembre 1828. Sa sœur Oantitsy avait envoyé plusieurs chefs sakalava et quelques Antalaotra lui souhaiter la bienvenue et l’inviter à venir auprès d’elle reprendre le pouvoir; il alla alors s'établir de nouveau à Anorontsangana qu’il avait occupé précédemment et où le rallièrent de nombreux Antalaotra (%). Profitant des embarras qui assaillaient Rana- valona de toutes parts dans l'Est comme dans l'Ouest et même dans le Centre, il avait envoyé une troupe de Sakalava sous le commandement de son ministre Raosy attaquer plusieurs postes merina jusqu’à une vingtaine de lieues au Nord de Majunga; après une campagne de trois mois, Raosy était revenu, en janvier 1830, victorieux. Toutefois, il ne s’est pas senti en état de prêter main forte à son cousin Tafikandro (4), qui était traqué à Kiombikibo, auprès de la rivière Man- jaray, mais auquel, ne pouvant porter secours, il a envoyé un boutre qui lui a permis, à la fin de 1830, de s'enfuir à Anorontsangana, où il est resté avec son cousin, pendant quelque temps tranquille en raison, comme nousallons le dire, des craintes queles Merina avaient d’une attaque des Français, attaque en prévision de laquelle ils avaient accumulé la masse de leurs soldats dans l'Est; mais, au printemps de 1831, n'ayant plusde pré- occupations de ce côté, ils s’occupèrent de rétablir leur autorité dans les pro- vinces qui avaient plus ou moins secoué leur joug, et ils envoyèrent dans le Boina une armée de sept mille hommes, sous le commandement (4) Notes de voyage manuscrites d’A GRAN- DIDIER, 1869, p. 1842-1843. (2) Voir p. 210. (3) En avril 1829, le fils du sultan de Mayotte est venu le complimenter de la part de son père, qui était son fatidra, son frère de sang, et l’assurer de son appui en cas de besoin. (4) Les Merina avaient déjà fait antérieure- ment, en 1829, une expédition contre Tafi- kandro qui s’était enfui, mais ils avaient dû se retirer, ayant perdu la plupart de leurs soldats de la fièvre et autres maladies. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 265 du général Ramaromisy, quise rendit à Majunga et, delà, à Anorontsangana et qui n'eut pas de peine à vaincre les Sakalava d’Andriantsoly ) qui, pris d’une panique folle, s’enfuirent à la débandade. Andriantsoly se retira à Baramahamay ( et les Antalaotra allèrent à bord de leurs boutres plus au Nord, sur la côte de l’Ankarana. Les Merina entrèrent dans Anorontsangana le 13 septembre 1831 et envoyèrent de tous les côtés des détachements qui poursuivirent les fuyards, tuant les hommes, emmenant les femmes et les enfants en esclavage. En même temps, la flottille merina visita la côte et, s'étant arrêtée à l'embouchure du Baramahamay, elle faillit s’emparer d’Andriantsoly, qui s’y croyait en sûreté et qui n’eut que le temps de se jeter à la hâte dans une pirogue et alla se cacher dans les bois du mont Andranomiserana (#); puis elle se rendit à Nosy bé, où elle enleva deux cents Sakalava, presque toute la population de l’île. L’armée de terre, de son côté, brüûla les villages, ravagea le pays et fit un grand nombre de captifs. Les Merina partis, Andriantsoly et les Sakalava sortirent des bois et le roi s’établit de nouveau à Anorontsangana; mais en janvier 1832, ses sujets, mécontents de ses tendances arabes, l’abandonnèrent et pro- clamèrent sa sœur Oantitsy reine; il accepta sa déchéance sans chercher à lutter, d'autant que sa sœur lui témoignait beaucoup d'affection. Toutefois celle-ci ayant, sur le conseil de ses chefs, envoyé des ambas- sadeurs à Ranavalona pour lui donner avis de son avènement et lui exprimer le désir d’entretenir avec elle des relations de bon voisinage et lui ayant fait acte de soumission au nom des Sakalava du Nord- Ouest, il n’approuva pas cette reconnaissance de la souveraineté de Ranavalona sur son pays et, craignant pour sa vie, il partit avec sa famille et ses biens pour Mayotte, le 15 juillet 1832, suivi par la plupart des Antalaotra et par quelques Sakalava qui lui étaient restés fidèles. Tafikandro, qui avait les mêmes craintes, partit de son côté et se rendit (1) Ces Sakalava étaient au nombre de son second, Fofotsy, très grièvement blessé. 5,000 et étaient conduits par le ministre d’An- (2) A 22 kilomètres plus au Nord. driantsoly, Raosy, ils ont eu à lutter le (3) Montagne haute de 685 mètres, difficile 80 août 1831 contre 7,000 Merina, mieux armés d’accès, qui est à 41 kilomètres au Nord-Ouest et mieux commandés; Raosy fut tué et de Baramahamay. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 34 266 MADAGASCAR. à l'embouchure du Manjaray. Quant à Oantitsy, sa politique prudente lui a assuré, ainsi qu'à ses sujets, la tranquillité. Il n’en fut pas de même dans le reste du pays sakalava. Revenu dans l'Ambongo. Tafikandro y reprit le pouvoir, mais Ranavalona envoya contre lui une armée qui envahit le pays, y commit toutes sortes d’atrocités (® et ramena plusieurs milliers de captifs (2). À cette époque entrent dans l’histoire de Madagascar trois Français qui devaient jouer un rôle important pour la défense des intérêts de notre pays et dont l'influence a persisté, on peut dire, jusqu’à la conquête : ce sont Napoléon de Lastelle, Jean Laborde et J. Lambert. Napoléon de Lastelle (8), capitaine marchand de Saint-Malo, avait (1) Dans le pays des Mivavy et des Tsitam- piky (a). (2) Dans cette même province, il y a eu subséquemment trois autres expéditions (b). (3) Voir BoucAN-LAUNAY, Biographie de Lastelle, Paris, Rev. des col. et des pays de pro- tect., mai 1895, p. 127-131. CAP. DE VILLARS, Madagascar 1638-1894. Etablissement des Fran- çais dans l’Ile, Paris, 1912, un vol. de 264 pages [Lastelle, p.215-216] et DT FONTOYNONT, Napo- léon de Lastelle (1802-1856). Tananarive, La Revue de Madagascar, juillet 1935, p. 91-107. (a) « Le chef d’un village, reconnu coupable par l’ordalie du tanghin d’avoir caché des armes, fut mis à mort, et les principaux habitants furent jetés, les mains liées, dans une fosse profonde où ils restèrent deux jours sans manger, puis on les crucifia autour du village à une petite distance les uns des autres. Plusieurs des femmes et des parentes de ces malheureux, exaspérées, préférèrent la mort à l’esclavage qui leur était réservé : « Ici, s’écrièrent-elles, est la terre de nos pères, de nos époux, de nos frères que vous avez lâchement assassinés sous nos yeux, et vous voudriez que vous nous suivions en Imerina pour y vivre dans la douleur et dans l’esclavage! Plutôt mourir ». Les sagayes les firent taire; elles périrent toutes sur place » (GUILLAIN, Documents sur la partie occidentale de Madagascar, 1845, p. 123). (b) La première de ces expéditions a été faite vers 1836 par Rainijohary qui, à la tête de 5,000 hommes, attaqua les bourgs fortifiés de Maintimaso et de Tsiombikibo, dont il ne s’empara qu’après un siège d’un mois et demi : les Sakalava avaient éloigné en lieu sûr les femmes et les enfants et, lorsqu'ils furent obligés de fuir, ils partirent avec leur roi Tafikandro après avoir détruit tout ce qui eût pu servir à la nourriture des ennemis. Les Merina retournèrent alors dans l’Imerina, ayant perdu 2,000 hommes, et Rainijohary fut reçu à Tananarive, pour une victoire achetée bien cher et sans résultats, par une double salve de tous les canons de la capitale. Une autre expédition eut lieu à la fin de 1842 par le général Rainitsimisetra qui, à la tête de 4,000 hommes, s’approcha pendant la nuit de la ville de Tsiombikiko, mais Tafikandro et les habitants, avertis à temps, allèrent tous se cacher dans les bois et, lorsque l’ennemi se présenta, il n’y restait plus qu’une vingtaine de personnes et le commandant Guillain, qui s’empressa de regagner la côte et son navire. L’armée merina battit inutilement la campagne et se retira. En 1853, Ranavalona tenta de nouveau de mettre l’'Ambongo sous son autorité, car elle avait appris que des missionnaires catholiques français s’étaient établis à Baly pour évangéliser les Sakalava, et elle ne voulait pas que des étrangers s’établissent à Madagascar. Aussi y envoya-t-elle une armée de 6,000 hommes, que devait appuyer du côté de la mer une troupe de soldats amenés à bord de quatre boutres, mais, était mouillé dans la rade, à ce moment, un brick de guerre français, le Victor, qui amenait les missionnaires, les boutres, à cette vue, s’enfuirent : c'était le 24 juillet. Le lendemain, les troupes venues par terre attaquèrent les Sakalava qui luttèrent vaillamment pendant plusieurs jours; le 29, parut à l’entrée de la baïe un trois-mâts américain, qui amenait 400 soldats merina mais qui, à la vue du brick français, vira de bord et s’en alla. Les combats toute- fois se continuaient à terre et le 30, le vieux Raboky, chef de Baly et représentant de Tafikandro, s’apprêtait à fuir avec les habitants de la ville quand un renfort sakalava accourut et refoula l’ennemi. Les habitants de de l’Ambongo, grâce à la présence du brick le Victor, restèrent indépendants. En 1857, Ranavalona ayant appris que des missionnaires catholiques s’étaient de nouveau installés à Baly, a envoyé une armée de 1,500 hommes pour les chasser, mais les Pères jugèrent prudent de se retirer et ils allèrent à Nosy bé. Les Merina, en arrivant, ne les y trouvèrent donc plus et ils s’en retournèrent à Tananarive; un mois après, les missionnaires y rentrèrent. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 267 d’abord été associé de la maison Rontaunay, à l’île Bourbon; en avril 1818 il commandait le Jeune-Emile et fait escale à Tamatave où il apporte des denrées venant de Maurice. Séduit par le pays, Lastelle revient et, sept ans après, se fixe définitivement à Madagascar; il installe à Foul- pointe une sucrerie, des cultures de caféiers et de céréales ainsi qu’une plantation d’arbres fruitiers. Puis précédé de la réputation d’un homme industrieux et habile, il monte à Tananarive où il parvient à conquérir la confiance de la Reine qui l’emploie à maintes reprises dans ses rela- tions d’affaires avec l’Europe. Ainsi, en 1838 et en 1844, elle l’envoie en France faire l’achat d’armes et c’est à la suite du second voyage que 23,000 fusils furent livrés par son intermédiaire à l’armée hova. Mais, ruiné en 1845 par la rupture des négociations avec l'Europe, il s’installe à Tamatave où, presque oublié, il meurt le 27 juin 1856 d’une syncope chloroformique. Napoléon de Lastelle ne s'était pas marié, mais à la fin de sa vie avait vecu maritalement avec Juliette Fiche, dite Princesse Juliette, nièce de Jean-René et que les Malgaches appelaient Reniboto. Cette femme dont nous aurons à parler et dont on a loué les sentiments français, semble, comme l’a montré le docteur Fontoynont, avoir joué un double jeu. Elle entretenait avec Rainilaïiarivony une correspondance par laquelle elle renseignait le Premier Ministre sur la situation politique et les événements des pays voisins ainsi que de l'Europe; elle fit aussi disparaître des manuscrits importants écrits par Napoléon de Lastelle et qui eussent jeté sur cette époque des aperçus sans doute nouveaux. Son petit-neveu, M. Lionel de Lastelle du Pré, se souvient d’avoir vu ces documents chez Juliette, à ITamatave. Napoléon de Lastelle est inhumé à quelques kilomètres de Tamatave, à Mahasoa, près de Sahamaîy. C’est Charles de Lastelle, établi à Mahela, non loin de Mananjary où il dirigeait l’usine à sucre de Soamandrakizay qui annonça à son frère Napoléon demeurant alors à Ivondrona qu’un navire s’était perdu sur la côte, au nord du Fort-Dauphin, et qu’il venait de recueillir un nau- fragé nommé Jean Laborde. 268 MADAGASCAR. Né à Auch le 14 octobre 1804, Jean Laborde (), fils d’un maître charron-bourrelier-sellier, avait quitté la France pour aller tenter la fortune aux Indes. Il y avait fondé un établissement prospère, mais ayant appris qu'un navire chargé de richesses s’était échoué à l’île Juan de Nova, il se sentit repris par l’esprit d'aventure, liquida son commerce et fit voile vers cette île. C’est alors que la tempête le fit échouer sur la côte orientale malgache. La Reine Ranavalona I", informée de l’événement par M. de Lastelle, colon à Mahela, fit monter le naufragé qui, dès la première entrevue, sut produire sur elle une impression profonde. Séduite par son entrain, son esprit d'initiative et d'adaptation, elle lui accorda sa protection et fit confiance à ses idées et à ses projets. Il était âgé de vingt-six ans. A ce moment commence la période industrielle de la vie de Laborde. Avec la seule aide de quelques manuels, il crée de multiples industries qui forcent l’admiration de la souveraine et de son peuple. Après un court séjour au village d’Ilafy, près de Tananarive, où il fabrique ses premiers canons, mais où les matières premières lui font trop défaut, il s'installe à Mantasoa où il avait remarqué, en montant sur les Hauts- Plateaux la présence de l’eau, du fer et du bois, dont la réunion était indispensable pour la bonne exécution de ses travaux. La Reine, de plus en plus conquise par son intelligence audacieuse, ne lui ménage ni l’argent ni les hommes. Plusieurs milliers d'ouvriers venant de tous les points de l’Imerina sont mis à sa disposition. Il défriche le terrain couvert d'arbres et de broussailles, élève des digues, creuse de longues canalisations, transforme deux marécages en lacs artificiels; il construit d'énormes bâtiments en pierre, des fours à poterie, à cémen- tation, un four à chaux, un haut fourneau. Une activité débordante anime ce centre industriel; Jean Laborde toujours présent insuffle sa (4) Voir A. JULLY, Laborde : l’œuvre et 1920, Paris, 1924, 1 vol. de 254 pages. MARLIO, l’homme (1805-1878), Tananarive, Notes, Un grand Français à Madagascar : Jean Recon. et Expl., juin 1898, p. 676-680. Laborde, Paris, La Revue de Paris, 187 mai G. GRANDIDIER, Biographie de Laborde, in 1924, p. 147-182, et Raymond DECARY, Man- Le Myre de Vilers, Duchesne, Gallieni. Qua- tasoa et l’œuvre de Jean Laborde, Tananarive, rante années de l’histoire de Madagascar, 1880- La Revue de Madagascar, janv. 1935, p. 67-90. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 269 volonté aux officiers de la Reïne, qui lui sont adjoints, comme aux hommes qui travaillent sous sa direction : on fond canons et boulets, on fabrique verre et porcelaine, savon et bougies, liqueurs, papiers, bijoux et cire à cacheter, on tisse des étoffes, on tanne le cuir, on forge des para- tonnerres, on confectionne même des fleurs artificielles et des instru- ments de musique. Le plaisir s’unit au travail; les fêtes se succèdent en l’honneur de la souveraine à laquelle Laborde s’ingénie à plaire. À Mantasoa, où elle vient volontiers villégiaturer et se reposer des soucis du pouvoir, elle a sa maison, sa piscine à l’eau toujours renouvelée. Au sommet du Rova, un trône lui a été érigé, du haut duquel elle aime à contempler son peuple au travail et entendre monter jusqu’à elle la rumeur des usines, le grin- cement des roues hydrauliques et des alésoirs. L'activité de Laborde dépasse les limites de Mantasoa. Il élève à Tananarive le palais royal de Manjakamiadana (®) dont la charpente est soutenue par une poutre centrale de 39 mèêtres de hauteur qu’il faut apporter de 20 lieues de distance; il construit son propre tombeau ainsi que le mausolée du Premier Ministre Raïiniharo, dont le style rappelle les monuments de l’Inde; il fait venir de France les trois aigles de bronze qui décorent le palais de la Reine; il améliore la culture de la canne à sucre et introduit le blé, la vigne, divers arbres fruitiers. C’est en somme l’histoire de toutes les industries malgaches qu’il faudrait reprendre pour condenser son œuvre; aujourd’hui encore les indigènes fabriquent savon et bougies suivant les procédés qu'il leur a enseignés. En 1855, alors que Mantasoa est en pleine activité, Jean Laborde, ému par les cruautés de la reine, se laisse entraîner dans le complot tramé contre elle; il est découvert et exilé à l’île de la Réunion. Rappelé à Tamatave trois ans plus tard, il ne peut cependant remonter à Tanana- rive qu'après la mort de Ranavalona et l’avènement de Radama II en 1861. Il est alors nommé Consul de France, mais déjà son œuvre (4) Voir URBAIN-FAUREC, La Revue de Madagascar, octobre 1934, p. 87. 270 MADAGASCAR. industrielle périclite. Beaucoup d’ouvriers travaillaient malgré eux, aucun Malgache n’avait été capable de le remplacer et d’assurer la direc- tion des usines. Les unes après les autres, les roues hydrauliques et les machines s'étaient arrêtées, pendant que les fours s’éteignaient; quelques bâtiments commencaient à se dégrader faute d’entretien. Mais par contre c’est de cette année 1861 que date le début de la carrière politique de Laborde, car il fut aussi véritablement le précur- seur, le soldat d'avant-garde qui prépara dès le milieu du siècle der- nier l’entrée de Madagascar dans la plus grande France. Après la mort de Radama IT, son influence sur la Reine Rasoherina avait amené celle-ci à reprendre les pourparlers avec la France en vue de la conclusion d’un traité. Sa ténacité avait été récompensée et le traité était enfin signé le 1% mai 1865. Jusqu'à l’année 1878, celle de sa mort, Laborde est resté sur la brèche, défendant les intérêts de la France et veillant sur nos nationaux. Il a succombé à Tananarive le 27 décembre, après avoir consacré quarante-six années de son existence à Madagascar. Un cortège consi- dérable accompagna son cercueil jusqu’à Mantasoa; à l’heure précise où il fut inhumé dans le tombeau qu'il avait construit, les canons de Tananarive, en suprême hommage, le saluèrent de salves répétées. Quant à M. J. F. Lambert (®, né à Redon en 1824, il était établi depuis quelque temps à Maurice, où il avait fondé une importante maison de commerce, lorsqu'il vint, en 1855, visiter M. de Lastelle à Tamatave. Il obtint par l'intermédiaire de ce dernier l’autorisation de monter à Tananarive et, en s’y rendant, passait le 10 juin par Mantasoa où il nouait avec M. Laborde une amitié qui ne devait jamais se démentir. Dès son arrivée à Tananarive, M. Joseph François Lambert fut bien accueilli par le prince Rakoto dont il sut conquérir toute la confiance et l'estime. Tous deux formèrent en quelques semaines un vaste projet d’après lequel l'autorité des Hova devait être reconnue sur l’île toute entière, tandis que la France lui aurait assuré l’indépendance en la (4) Voir Cap. DE VILLARS, Madagascar,1638- Paris, 1912, 1 vol. de 264 p. et Archives du 1894. Etablissements des Français dans l’Ile, Ministère des Colonies, correspond. Madag. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 271 prenant sous son protectorat. D’autre part, dès le 25 juin, le prince héri- tier donnait à M. Lambert « pouvoir exclusif de constituer et diriger une compagnie ayant pour but l'exploitation des mines de Madagascar, soit celles déjà connues, soit celles qui pourraient plus tard être découvertes ». Cette compagnie devait « avoir le droit d’ouvrir des canaux, des routes, chantiers de constructions et tous autres établissements d’utilité publi- que, de battre monnaie à l'effigie du prince; en un mot, faire tout ce qu’elle jugerait convenable au bien du pays ». Elle recevait en outre le privilège de « choisir sur les côtes et dans l’intérieur des terrains inoc- cupés pour être mis en culture et d’en devenir propriétaire ». Aucun droit n’était exigé en retour de la Compagnie; elle devait seulement « s'engager par réciprocité loyale » à aider le prince dans ses projets d’amélioration et de civilisation de son pays. Ces engagements excessifs, qui dépassaient en vérité ce que l’on devait attendre d’un prince sérieux, sont connus sous le nom de Charte Lambert (1). Muni de cette charte, M. Lambert quitta Tananarive dès le mois d’août 1855 pour aller à Paris faire part à Napoléon III des projets du prince Rakoto. Mais on était alors à la belle époque de la première entente cordiale avec l'Angleterre, et l’empereur crut devoir conseiller à M. Lam- bert d’aller en conférer à Londres avec lord Clarendon, chef du Foreign- Office, en lui offrant de partager le protectorat. Le ministre anglais refusa, mais il tira parti de la confidence en envoyant à Tananarive le pasteur Ellis avec mission de prévenir la Reïne et de faire échouer le trop beau projet de Lambert. Cela se passait au début de l’année 1856. La Reine fit alors répandre le bruit que le prince Rakoto s'était allié aux Français pour la renverser et voua désormais à son fils une haine implacable. Puis elle en profita pour donner libre cours à son penchant sanguinaire. Tous ceux de ses sujets qu’elle soupçonna de lui être défa- vorables furent sacrifiés. En même temps, elle redoublait de sévérités envers tous les étrangers et particulièrement envers les Français. M. Laborde, M. Lambert, bien que ce dernier eut été reçu avec de grands honneurs à son retour de France, et tous nos. autres nationaux (4) En voir le texte à l’Appendice n° V, p. 362 272 MADAGASCAR. furent expulsés au mois d’août 1857. La Reine les fit conduire jusqu’à Tamatave par une escorte militaire qui les fit séjourner à plaisir dans les gîtes d’étape les plus malsains, notamment à Beforona, dans l’espoir que la maladie les décimerait. Ce voyage dura cinquante- deux jours, mais ils purent enfin gagner Tamatave et la Réunion (1, Comme nous l’avons dit, le roi du Ménabé, Ramitraho, avait envoyé en 1827 une ambassade à Radama qui avait conclu avec lui une conven- tion d’après laquelle ses sujets devaient lui remettre leurs fusils, mais, dès qu’il connut la mort de son gendre, le roi de l’Imerina, Ramitraho se déclara indépendant et attaqua les troupes merina, peu nombreuses du reste, qui étaient cantonnées dans son pays; en même temps, son frère Kelisambay et son parent Tsifalany chassèrent les Merina des postes qu'ils occupaient dans les provinces de Beheta et d’Ambaliky; toutefois, ces rois sakalava ne réussirent pas à les expulser tous, notamment des forts d’Ankavandra et de Manandaza, bâtis par Ranavalona au pied du Bongolava (du versant Ouest du Massif Central) à la frontière Est du Ménabé, ainsi que des postes établis par Radama . Malgré la présence des Merina, les habitants ont donc pu se maintenir indépendants, ils se retiraient lorsque l’ennemi venait, et rentraient chez eux lorsqu'il était parti. Il en fut ainsi jusqu’à la mort de Ramitraho, qui est survenue au commencement de 1834 : son fitahina, son nom posthume, est Andriamahatantiarivo (litt. : le Seigneur qui soutient, qui aide mille personnes). Par suite de l’anarchie dans laquelle vivaient les peuplades sakalava et de leur ignorance en tactique militaire, ainsi que de la dissémination de leurs troupes, trois mille Merina maintenaïient, tant bien que mal il est vrai, sous leur autorité une bonne partie de l’Ouest et du Nord-Ouest, mille deux cents dans le Boina, et mille huit cents dans le Ménabé méri- dional. (1) De ce convoi d'’expulsés faisait aussi intéressante, parue en allemand en 1861. partie Mme Ida Pfeiffer, la célèbre voyageuse (2) Radama, dans la campagne qu’il a faite autrichienne, alors âgée de soixante ans. Elle au Ménabé en 1822, y a laissé des garnisons était arrivée à Tananarive avec M. Lam- d’un millier de soldats à Janjina, à Bondrony, bert, et a laissé de son voyage une relation à Malaimbandy et à Mahabo. HISTOIRE POLTIQUE ET COLONIALE. 273 Rainimahay, le premier ministre de Ranavalona (4), avait été vite supplanté par Andriamihaja, qui était alors l’amant de la Reine et qui a exercé pendant deux ans un pouvoir absolu, exaspérant le peuple par sa dureté et sa tyrannie, imposant de nombreuses corvées non seulement aux libres mais, contrairement à tous les usages, aux esclaves, qu’il a enregimentés pour s’en servir quand bon lui semblerait et, enfin, s’alié- nant les gardiens de talismans par son incrédulité. Ses abus de pouvoir irritèrent les Grands, à la tête desquels étaient Rainiharo, Raïnijohary et Ravalontsalama , et qui résolurent de s’en débarrasser; dans ce but, ils eurent recours au tanghin; ils allèrent, au commencement de 1830, trouver en secret la Reine, dont ils connaissaient la superstition, et lui dirent : «Salut, Ô notre Reine! voici ce que nous avons à vous dire : aucun chef ne s’est jamais conduit à votre égard comme Andriamihaja, nous n’y comprenons rien. On dirait qu’il n’est pas votre sujet, mais votre époux, qu'il est non seulement votre égal, mais votre maître; il offense gravement votre Majesté et cela, nous ne pouvons le souffrir. Nombreux sont parmi nous les hommes qui méritent votre confiance; à vous de choisir celui qui vous agrée. Donc, nous vous proposons, nous qui sommes « votre père et votre mère », nous qui vous avons mise sur le trône, de faire semblant d’être malade et nous demanderons à subir l'épreuve du tanghin, nous tous, les Grands du pays, aussi bien les princes et les princesses que les ministres et les juges ». La Reine, qui aimait beaucoup Andriamihaja, prit sa défense et voulut s'opposer au dessein de ces chefs et aller le prévenir, mais, sabre en main, ils l’'empêchèrent de sortir du palais, lui disant qu’ils savaient qu'il était un mpamosavy, un dangereux sorcier, et que l’épreuve du tanghin à laquelle il allait être soumis résoudrait la question : elle ne fit plus dès lors d'opposition (). « Oui, dit-elle alors, je vois que vraiment vous êtes « mon père et ma mère », mais comme le tanghin n’a encore jamais été administré aux (1) Ou plutôt le « commandant en chef » de à la fois d’Andrianampoinimerina et de Radama son armée. C’est lui qui a dirigé les affaires du qui avaient épousé, chacun, une de ses sœurs gouvernement lors de l’avènement de Rana- d’âges très différents. valona re. (3) D’après Laborde. Notes de voyage manus- (2) Ravalontsalama était le beau-frère tout crites d'A. GRANDIDIER, 1869, p. 2399. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 35 274 MADAGASCAR. princes et aux chefs, si j’agis autrement, je crains que le peuple me blâme. — N'ayez pas peur d’être blâmée, répondirent les chefs, puisque ce n’est pas vous qui nous imposez l'épreuve et que c’est nous qui la réclamons. » La Reïne accéda alors à leur proposition et, faisant semblant d’être malade, convoqua ses parents et les principaux chefs, malgré les efforts que fit Andriamihaja pour l’en dissuader. Son état semblant empirer, les chefs dirent : « Que faire? il est à craindre que le peuple nous accuse d’avoir étouffé la Reine et ne nous mette à mort », et les princesses s’'écrièrent : « Nous avons peur et nous demandons qu’on nous soumette à l’épreuve du tanghin, afin qu'il soit bien démontré que nous ne sommes pour rien dans la maladie de la Reine; autrement, nous avons peur d’être massacrées par le peuple. » — « Je ne puis vous faire prendre le tanghin, dit la Reine, car ni Andrianampoinimerina, ni Radama, dans leur dernière maladie, ne vous ont soumis à cette épreuve. » — « Tuez- nous de suite, alors, car le peuple ne nous laissera certainement pas en vie. Non, vous ne pouvez pas nous refuser, puisque nous vous le deman- dons. » La Reine ne résista plus et les femmes burent séance tenante, le tanghin; les chefs demandèrent alors à subir l'épreuve; le poison, habi- lement administré, démontra l’innocence de tous. Andriamihaja, sommé d’imiter ses pairs, n’osa refuser de peur d’être accusé d’avoir empoisonné la Reine, mais son hésitation fut considérée comme un aveu de sa culpa- bilité et il fut mis à mort dans sa demeure. Après le meurtre de son favori, le père de son fils bien-aimé Rakoto, Ranavalona eut ses nuits troublées par de sombres cauchemars; ayant consulté ses devins, sur leurs indications elle fit exhumer son cadavre, qu’on décapita, et remplacer sa tête par celle d’un chien noir, ses affreux rêves continuant, elle fit brûler le corps, dont les cendres furent jetées au vent, et fit démolir sa maison : la terre sur laquelle elle s'élevait fut jetée du haut de la roche tarpéienne malgache et son emplacement a été aspergé d’eau sainte (M). (4) FREEMAN et JOHNS, Persecutions in Madagascar, 1840, p. 14-20, et ELLIS, Mada- gascar revisited, 1867 p. 293. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 275 Le nouveau favori, Rainiharo (®, le successeur d’Andriamihaja, partit en guerre contre les Antanala, à la tête d’une armée de sept mille hommes, et attaqua Ikongo, leur principale ville, située à l’Est du Bet- sileo, qui était imprenable; c'était en effet une forteresse naturelle qui pou- vait impunément et indéfiniment braver toutes les attaques des Merina, car elle était bâtie en haut d’une énorme falaise rocheuse qu’il était impossi- ble d’escalader; le plateau qui la couronnait était arrosé par plusieurs sources et avait des terres fertiles. Après un siège de sept mois (2), il dut se retirer et, après avoir essayé de s'emparer, en passant, de Vohibé, il razzia les villages environnants, laissant un millier de soldats pour garder le pays et cinq cents hommes à Fianarantsoa. Trois fois encore, les Merina ont tenté de s'emparer d’Ikongo, sans plus de succès, car, à la troisième, après un siège de neuf mois, si les habitants ont reconnu la souveraineté de Ranavalona, ils n’ont pas toute- fois laissé les Merina pénétrer dans l” « imprenable » forteresse. Ranavalona essaya, également sans succès, de soumettre à son autorité les tribus Bara qui venaient attaquer les Betsileo chez lesquels elle avait construit en 1831 le fort et la ville de Fianarantsoa. Ce fut Rainijohary, favori et amant de la Reine en même temps que Raïniharo, qui fut mis à la tête de cette expédition; il marcha contre Isalo, un des bourgs les plus importants du pays Bara. Ses habitants eurent une telle terreur à la vue de l’armée merina qu’ils se rendirent sans combattre et livrèrent leurs armes en prononçant le serment de fidélité à la Reine; ceux des villages voisins firent aussi, pour la plupart, acte de soumission ; en conséquence ils eurent tous la vie sauve, mais ceux qui tentèrent de résister furent vite domptés, les hommes furent mis à mort, les femmes et les enfants réduits en esclavage. En rentrant à Tananarive, le vainqueur Raïinijohary eut les honneurs d’une double salve de tous les canons de la ville. Mais cette soumission n’était qu'apparente et, dès que les Merina furent partis, les Bara reprirent leur indépendance et il fallut organiser une nouvelle expédition en 1835, dont, cette fois, (1) Fils d’Andriantsilavo. naivo, que Radama Ier avait envoyé pour s’en (2) Tout comme le général Razakandria- emparer et qui avait dû y renoncer. 276 MADAGASCAR. Rainiharo eut le commandement et qui, forte de cinq mille hommes, marcha contre Andriampirenena, qui est situé près d’Isalo, et dont il s’empara, le brûlant ainsi que de nombreux villages environnants : les Bara s’enfuirent et, après le départ de l’ennemi, rentrèrent chez eux et, en quelques jours, avaient reconstruit leurs maisons, qui n’étaient guère pour la plupart que des paillottes 4). De son camp, situé auprès d’Andriampirenena, Raïniharo expédia à la baie de Saint-Augustin, à Salara, un corps de mille hommes (?) afin d'étendre, comme le dit le R. P. Callet ), sa domination non seulement sur les peuplades du Sud-Ouest, mais aussi sur les Européens et les créoles qui y faisaient le commerce (#. Lors de cette expédition, il y eut une trahison qui fit haïr les Merina : un navire de Bourbon, le Voltigeur, vint de Mahela, avec un détachement de cinquante Merina commandés par trois officiers, mouiller dans la baie de Saint-Augustin; plusieurs chefs sakalava, au nombre desquels se trouvait le fils du roi du pays, Marotoetsa, invités à venir à bord, s’y rendirent sans défiance, mais bientôt ils s’aperçurent que le navire appareïllait et, comprenant le danger, ils cherchèrent à s’échapper, mais, garrottés, ils furent trans- portés au Fort-Dauphin et menés à Tananarive où on les mit tous à mort, y compris le fils du roi. Depuis lors, les Merina ont été plus honnis et détestés que jamais, et les Français, dont un avait prêté la main à cette (4) On dit qu’un corps d’armée, sous le com- mandement de Ramiandrivola, a assiégé la ville bara de Tsaranoro et que, ne pouvant pas l'emporter d'assaut, il la cerna du côté de l’Est et l’affama. Les habitants préférèrent se laisser mourir de faim plutôt que de se rendre; en y entrant, les Merina trouvèrent les femmes et les animaux morts; les cavités des rochers sont, dit-on, encore pleines d’ossements. (2) ELLts, History of Madagascar, t. II, 1838, p. 518-521 (a). (3) Tantara ny Andriana, p. 1152. (4) GUILLAIN (Documents sur la partie occi- dentale de Madagascar, 1845, p. 348) dit que Marotoetsa ou King Baba a fait sa soumission à Radama, mais c’est une erreur, car il a sim- plement entretenu des relations amicales avec lui. Il parle aussi de trois expéditions faites dans le Fiherenana, mais en tout cas celle de 1835, qui serait la troisième, est la seule qui ait eu quelque importance. (a) « L’armée envoyée en 1835 contre les Sakalava de la baie de Saint-Augustin, a manqué son but et est revenue décimée par la maladie et les privations, ne rapportant pas le riche butin sur lequel elle comptait. Lorsqu'elle y est arrivée, il y avait 25 navires anglais sur la rade, traitant avec les indigènes les produits du pays; ceux-ci leur demandèrent secours contre les envahisseurs et, l’ayant obtenu, ils forcèrent les Merina à se retirer. Cet événement, qui déplut fort à Ranavalona, lui fit plus que jamais désirer d’expulser les missionnaires anglais. » HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 211 trahison, furent pendant longtemps l’objet de la méfiance des Sakalava (1. Cet odieux guet-apens venait d’avoir lieu lorsqu’arriva à Saint-Augus- tin l’armée du général Raombalahisolo; aussi les habitants s’enfuirent- ils dans les bois. Le général eût bien voulu obliger les traitants européens à reconnaître la suzeraineté de Ranavalona, mais les canons des navires anglais, qui étaient sur rade, occupés à faire du commerce, lui inspirè- rent une crainte salutaire et il alla rejoindre, non sans difficulté, Raïi- niharo qui, se rendant compte que ces populations étaient irréductibles, quitta le pays bara. Plus tard, les Merina s’établirent à Ihosy, mais leur domination était fort limitée dans la région. Quoique cette opéra- tion eût été peu glorieuse, la rentrée du général en chef à Tananarive fut saluée par une double salve de tous les canons de la ville; ce fut la dernière opération militaire de Raïniharo. Inquiète toutefois des événements qui se déroulaient sur les côtes de l’Ile, Ranavalona a envoyé, au début de 1836, à Paris et à Lon- dres une ambassade ? pour s’assurer les bonnes graces de la France et de l’Angleterre, mais celle-ci revint deux ans plus tard sans avoir obtenu de résultat. Le roi du Ménabé, Ramitraho (, qui est mort au commencement de 1834, a eu comme successeur son fils Rainihasy, mais quinze jours après, une armée merina de sept mille hommes envahit le pays et une division de trois mille hommes, sous le commandement du général Rainimamba, surprit le jeune roi à sa résidence d’Ambondro, à l’em- bouchure du Morondava, où ses sujets célébraient les funérailles du roi défunt; ceux-ci pris de panique, s’enfuirent, laissant entre les mains des ennemis Raïnihasy et sa mère Donia, qui n’eurent d’autres ressources que de prêter le serment de fidélité à Ranavalona et de se mettre sous la (1) LACAILLE, Connaissance de Madagascar, ches, Mem. Acad. malg. fase. VII, 1928, p. 9-44. 1863, p. 189. (3) Voir p. 174 et 183, et GUILLAIN, Doc. (2)MONDAIN(G.), Documents historiques malga- sur la partie occid. de Mad., 1845, p. 124-198 (a). (a) Sous Ranavalona, les postes merina sur les confins du Ménabé et dans le Ménabé même étaient : 1° Ana- labé, Bevato, Tsiroanomandidy, Ankavandra; 20 Mahatsinjo, Mahasolo, Manandaza; 3° Midongy, Malaim- bandy, Mahabo; 40 Mandrarivo, Manja. Les forts, échelonnés du Nord au Sud sur:le versant Ouest du Bongo- lava, Andranonandriana, Beditra, Ankavandra, Imandra et Manandaza, protégeaient l’Imerina contre les incursions des Sakalava. 278 MADAGASCAR. protection du général Raïnimamba, qui les installa à Mahabo 1, espé- rant par leur intermédiaire dominer facilement la population, et retourna ensuite à Tananarive, croyant avoir atteint le but de son expédition. Ranavalona, instruite de ces événements, envoya à Kelisambay qui avait succédé à Raïinihasy sur le trône de Mahabo, un présent consis- tant en piastres, fusils, étoffes et autres objets divers, pour être dépo- sés dans le tombeau de Ramitraho, lui faisant dire en même temps qu’elle comptait qu’il vivrait en bonne intelligence avec elle, comme elle avait vécu avec son frère pendant ses dernières années. Il chargea quelques-uns de ses chefs d’aller la remercier, leur recommandant de ne pas oublier qu’il était son égal; loin de suivre ces instructions, ils lui firent acte de vasselage, ce qu’apprit indirectement Kelisambay, qui les fit sagayer pendant qu'ils festoyaient dans sa résidence. Plu- sieurs centaines de colons envoyés de l’Imerina au Ménabé pour y étendre l’influence de Ranavalona étant arrivés à ce moment et ayant été chassés, le général merina Raïinilambo vint avec deux mille soldats; il eut vite fait de battre et de mettre en fuite les Antimena, dont il désarma un grand nombre. Quant à Kelisambay, qui s'était sauvé à Andrahongy, il retourna à l'embouchure du Tsitsobohina (Tsiribihina) dès que les Merina s’en furent allés; mais l’année suivante une nouvelle expédition le mit en fuite et il se réfugia dans le Nord du Fiherenana, où il mourut peu après, en 1857, dans une île du Mangoky où il s'était retiré. Son fils aîné Tarany, âgé de quatorze ans, lui succéda et pendant son règne les Merina vinrent rarement dans le Ménabé. A la fin de 1835, un descendant des rois du Boiïina qui avait fait sa soumission à la reine Ranavalona et qui avait été nommé gouverneur de Vohémar, mécontent des officiers merina qui avaient la surveillance de cette région, quitta avec son frère Sambay, le Nord-Est et se réfugia dans le Boina. Comme les Merina se disposaient à les poursuivre, la reine sakalava Oantitsy mourut, le 13 mars 1836, ayant pour successeur sa fille Tsiomeko, qui n’était âgée que de huit ans; Tsimandroho prit le (1) Nommé aussi alors Niengantsoa [litt. : (poste) que l’on quitte, tout bon qu'il est]. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 279 commandement de ses sujets et alla à la rencontre des ennemis, qui étaient peu nombreux et qu’il mit facilement en fuite. Mais, lorsqu'on apprit à Tananarive cet échec, on expédia une armée de deux mille hommes qui, après avoir pourchassé les Sakalava pendant deux mois de tous les côtés, retourna dans l’Imerina avec un millier de prisonniers. L'année suivante, au mois de juin, Ranavalona y envoya une nouvelle expédition afin de consolider sa suprématie; plusieurs milliers de Saka- lava quittèrent la Grande-Terre et se réfugièrent dans les îles et îlots voisins, à Nosy bé, à Nosy Komba et à Nosy faly : les Merina se con- tentèrent de mettre en 1837 une garnison à Anorontsangana. Quant aux Sakalava, ils s’entendirent avec le roi Tsimiharo, fils de Tsialana, et demandèrent aide à Seid-Saïd, sultan de Zanzibar, qui accepta la suze- raineté de leur pays, s’engageant à les aider à chasser les Merina et à réta- blir leur autorité; en effet, il expédia à Madagascar, en novembre 1838, un navire de guerre avec quelques soldats et des munitions et un fort fut établi dans la baie d’Ambavatoby, en face de Nosy bé, et quand, quelques mois après, le 5 mars 1839, deux cents Merina du fort d’Ano- rontsangana se présentèrent à l’improviste, ils furent repoussés, mais le navire du sultan retourna à Zanzibar et un grand nombre de Saka- lava pour échapper aux Merina s’embarquèrent avec leur reine pour Nosy bé, tandis que Tsimiharo allait dans l’archipel des Nosy Mitsio. En 1838, une expédition fructueuse en esclaves et en bœufs fut entreprise sous les ordres de Rainimaharo jusqu’au Fort-Dauphin ®. À ce moment, mouilla sur la rade de Nosy bé le navire de guerre fran- çais le Colibri; les Sakalava qui s'étaient réfugiés dans cette île deman- dèrent au capitaine d'infanterie de marine, M. Passot, de les prendre sous sa protection; il leur promit de transmettre leur requête au gouverne- ment français et, en attendant, il alla dire au gouverneur d’Anorontsan- gana de s'abstenir dorénavant de toute hostilité contre les habitants de Nosy bé, car ils venaient de se mettre sous la protection de la France; depuis ce jour, les Merina n’ont plus fait de tentative contre cette île. (1) R. P. A. Boupou, Journal de route d’une expédition de Rainimaharo en 1838, Bull. Acad. malg., 1932, pp. 88-112. 280 MADAGASCAR. De retour à Bourbon, le capitaine Passot mit au courant de la situa- tion le gouverneur de Hell, qui l’autorisa à faire droit à la requête des Sakalava de Nosy bé, et à leur garantir la protection du gouvernement français; revenu à Nosy bé il fit, le 14 juillet 1840, avec Tsiomeko, reine du Boina, assistée de ses principaux chefs, un traité d’après lequel elle cédait le territoire de son royaume à la France, ses sujets devenant ceux du roi des Français; nous avons dès lors pris officiellement possession de Nosy bé; notre drapeau fut arboré à Hellville aux acclamations des indigènes le 5 mai 1841. Le roi des Antankarana, Tsimiharo, a également profité du passage de M. Passot pour se mettre sous le protectorat de la France, à laquelle il a cédé ses droits sur l’Ankarana. Dès que Tsiomeko et Tsimiharo eurent abandonné la Grande-Terre, lès populations de leurs royaumes ne se sont plus soulevées contre les Merina et, par suite, elles n’ont plus eu à subir les invasions périodiques de leurs ennemis. Nous raconterons plus loin les persécutions dont les missionnaires pro- testants anglais et les chrétiens indigènes ont été victimes, mais, quand en 1835 les Anglais durent partir, cet exode ne suffit pas à Ranavalona, qui poursuivit d’une haïne toujours grandissante tous les Européens, qu'elle finit par vouloir traiter comme ses propres sujets et soumettre à la juridiction malgache, rendue pour eux encore plus dure. Le 13 mai 1845 , par ordre de la Reine, les traitants français et anglais résidant à Tamatave furent convoqués chez le grand-juge, qui leur lut le décret suivant : (A partir de ce jour, tous les habitants et commerçants étrangers seront tenus de se soumettre à la loi malgache que je promulgue aujour- d’hui, c’est-à-dire, de faire toutes les corvées du gouvernement, ainsi que tous les travaux auxquels sont astreints les libres, et même ceux réservés aux esclaves, de prendre le tanghin lorsque le juge les y condamnera, d’être vendus comme esclaves s’ils sont insolvables, d’obéir à tout ordre donné non seulement par tout officier, mais aussi par n’importe lequel de (1) Le récit des événements que nous rela- dans la Revue de Madagascar, 127 semestre 1900, tons ci-après est tiré d’un manuscrit de p. 13-26. M. Laborde, qui y a assisté, et que j’ai publié HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 281 mes sujets, car je ne leur accorde aucune des prérogatives qu'ont les Hova, de ne sortir de Tamatave sous aucun prétexte et de ne faire aucun commerce avec l'intérieur de l’île. Quinze jours sont donnés aux négociants et traitants pour réfléchir; s’ils n’ont pas alors accepté ces conditions, leurs clôtures seront brisées, leurs marchandises seront livrées au pillage et ils seront embarqués sur le premier navire qui viendra sur rade. » Les traitants européens ne pouvaient pas accepter de semblables conditions et d’autre part, l'expulsion était pour eux la ruine; ils protestèrent, mais en vain, car « le gouvernement qui leur avait donné la permission de s'établir à Madagascar était bien libre de la leur retirer quand bon lui semblait ». Apprenant la triste situation dans laquelle se trouvaient les Européens à Tamatave, le commandant Romain-Desfossés s’y rendit avec sa fré- gate le Berceau et la corvette la Zélée pour les protéger et, le même jour, y arriva le capitaine anglais William Kelly, avec le Conway, venant de l’île Maurice dans le même but; leurs protestations furent vaines et les traitants, onze Français et douze Anglais, qui se trouvaient dans la ville durent se réfugier sur leurs navires, pendant que les Merina pillaient et dévastaient leurs propriétés. Malgré leurs forces insuffisantes, les commandants français et anglais jugèrent nécessaire de venger l’affront fait à leurs nationaux. Tamatave était défendu par trois forts reliés entre eux par des sou- terrains () et sa garnison était d’un millier de Merina. Le 15 juin au matin, deux officiers de marine portèrent à terre une protestation écrite en français et en anglais que personne ne voulut recevoir et que le com- mandant Kelly réussit enfin à remettre entre les mains du gouverneur en lui signifiant qu'il attendrait la réponse jusqu’à 2 heures de l’après- midi. Celle-ci vint en effet à 2 heures, disant : « Nous avons reçu votre lettre et nous vous déclarons que nous ne changerons rien à la procla- mation que nous avons édictée comme loi de Madagascar. Je vous salue, dit Razakafidy, gouverneur de Tamatave ». Cinq minutes après, le (4) Le fort principal, celui du centre, avait été construit par deux Arabes de Zanzibar après l’expédition Gourbeyre. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 36 282 MADAGASCAR. bombardement commença; les forts répondirent () et au bout d’un quart d'heure un violent incendie, causé par les obus, se déclara dans le fort du Nord, qui fut dès lors abandonné. Après avoir lancé de nombreux projectiles sur les deux autres pendant une heure, trois cents marins débarquèrent et, s’avançant hardiment contre l'ennemi qui se tenait caché dans ses retranchements, engagèrent une lutte corps à corps avec les Merina, qui, après avoir résisté quelque temps, se retirèrent dans leurs casemates; les Français et les Anglais, qui avaient épuisé leur stock de cartouches, ne purent chercher à les en déloger et ils se retirèrent sans que les Merina osassent se montrer. Il était resté sur le champ de bataille seize Français (?) et cinq Anglais, dont quatre corps seulement purent être emportés (3); quoiqu'ils eussent de leur côté plus de deux cents morts et autant de blessés, les Merina n’en chantèrent pas moins victoire et, ayant coupé la tête des dix-sept Européens dont les corps étaient restés sur le terrain, ils les plantèrent au haut de pieux, triste spectacle que virent les marins français et anglais en appareillant le 17 juin (4), Pendant que ces événements se passaient à Tamatave, Ranavalona (1) Le tir de leurs canons était assez bien dirigé, car les deux navires français ont été atteints, sans grands dommages toutefois. (2) Dont l’enseigne de vaisseau Bertho, les lieutenants Noël et Monod-Ducimetière, de l'infanterie de marine. (3) Parmi ces 21 morts, il y avait 4 officiers; les blessés ont été au nombre de 55. (4) «L’attaque de Tamatave par les comman- dants Romain-Desfossés et Kelly, qui était nécessaire pour faire respecter les Européens, a été fort mal menée. On a débarqué le soir au moment où la brise est la plus forte et au plus mauvais endroit de la rade, de sorte que les munitions ont été mouillées, et d’ailleurs, à peine débarqués et entrés dans le fort, les marins ont été rappelés à bord par signaux parce que la nuit venait. On dit que 800 Merina ont été tués, mais voyant les Européens se retirer et regagner leurs navires, les Malgaches ont cru que nous étions battus, d'autant que 14 têtes d’Européens avaient été coupées et étaient exposées. Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 1043-1045; Le Monîteur universel, 7, 13, 16 et 17 juin et 26 septembre 1845; Ann. marit. (Bajot), t. XCIII, 1845, partie officielle, p. 967-971, et partie non officielle, 2e section, Revue coloniale, t. IV, 1845, p. 415-429; Revue de l'Orient, 1846, t. XI, p. 146-158 (a). (a) Lorsque les Français et les Anglais ont attaqué Tamatave, Ranavalona a dit : « Des gens cherchent à s'emparer du pays d’Andrianampoinimerina, expédions à Tamatave « Ikotobé » [litt. : le gros gars (le premier canon introduit dans l’intérieur de Madagascar sous le règne d’Andrianampoinimerina)] et, en effet, on le trans- porta très péniblement, à grands renforts de bras. à travers plaines et montagnes. Comme il arrivait à moitié route, dans la forêt d’Analamazaotra, on apprit que l'ennemi, après avoir bombardé Tamatave, s’en était allé. Pleine de fierté, la Reïne s’écria : « En sentant l’odeur de mon canon, les Européens ont pris la fuite. » (Bull. de l’Académie malgache, 1912, p. 9). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 283 était en excursion dans le pays sakalava, à la chasse des bœufs sauvages à Manerinerina, traînant à sa suite cinquante mille personnes 1). Partie le 23 mai 1845, elle n’était encore qu’à Tafaina le 22 juin, lorsqu’arriva le message qui lui annonçait le bombardement de Tamatave; elle donna immédiatement l’ordre d'envoyer au secours du gouverneur Razakafidy, mille deux cents hommes et « Ikotobé », le canon qui était à la porte du palais d’Ambohimanga (), mais un second message, arrivé quelques heures après, la rassura (%) : « J’ai tué, écrivait Razakafidy, un grand nombre de ces lâches, j’ai fait couper la tête à dix-sept d’entre eux et, ces têtes je les ai fait mettre sur des piques () afin d’épouvanter les Euro- péens qui auraient, comme ces brigands, le désir d’envahir notre pays. Quant à leurs navires de guerre, les canons de nos forts les ont criblés de boulets et leur ont tué tant de monde que l'infection des nombreux cadavres vient jusqu’à terre. Ne craignez plus rien des Vazaha, des Européens, car ils n'auront pas l’envie de revenir. Je vous jure, s'ils osaient revenir, que je les traiterais de la même manière et que je n’en laisserais pas un seul en vie. Au moment où je vous écris, on ne voit plus leurs navires, qui s’en sont tous allés. » A la réception de cette missive, tout le camp « dansa de joie » et on tira le canon en l’honneur de cette victoire. Laborde, qui connaissait de longue date les hâbleries coutumières des Merina et qui venait de recevoir une lettre de M. de Lastelle où les faits étaient exposés tels qu’ils s’étaient passés, mit la Reine et le premier ministre au courant des événements et la Reine reconnut le tort qu'avait (1) Soit 5,000 officiers, 16,000 soldats et 30,000 porteurs et femmes. Ranavalona occu- pait au milieu du campement un enclos formé par un petit mur en mottes de gazon sur lequel étaient plantés des pieux hauts de 4 mètres et ayant de 5 à 6 centimètres de diamètre, pieux qu’on transportait de camp en camp. Dans l’intérieur de cette cour, il y avait 11 tentes, dont une était en drap rouge, couleur royale, mais la reine n’y passait jamais la nuit, car elle craignait que les Sakalava vinssent tirer sur elle (G. GRANDIDIER, Voyage de la reine Rana- valona Ire à Manerinerina, Revue de Mada- gascar, janvier 1900, p. 13-26). (2) Voir la notule (a) ci-dessus, p. 282. (3) Ce message annonçait aussi qu’il n’avait perdu que 40 soldats et 5 officiers, qu'il avait chassé les Français et les Anglais et leur avait pris 30 fusils, 9 sabres et 4 pistolets. (4) Les têtes de nos malheureux compa- triotes restèrent ainsi exposées pendant de nombreuses années. Elles sont figurées dans la planche, p. 325, du Voyage de Mme IpaA PFEIFFER (Le Tour du Monde, 2e semestre, 1861). 284 MADAGASCAR. eu le gouverneur de Tamatave de repousser les propositions des com- mandants des navires de guerre sans lui en avoir référé, ajoutant qu’elle comprenait fort bien qu'ils fussent mécontents. Mais Rainijohary, ministre influent qui avait la haine des étrangers et qui entretenait ce sentiment chez la Reïne ainsi que le culte des anciens usages, était pré- sent à ce conciliabule : il prit la parole et dit : « À mon avis, ce sont les Européens qui ont tort, car ils ont tiré les premiers sur les forts et sur les habitants de Tamatave; ils auraient dû attendre. Ils nous ont tué des hommes, ils sont descendus à terre, en armes, pour s'emparer de notre pays et le gouverneur a bien fait de se défendre. Au reste, les Européens ne nous font pas peur. Je remercie notre ami Laborde de ses conseils, mais nous ne pouvons pas les suivre, Car jamais nous ne permettrons que notre Reine soit avilie : ses ancêtres lui ont légué l’île de Madagascar et aucun souverain ne sera assez puissant pour la lui ravir. Nos soldats sont innombrables et tous sont résolus à se faire tuer pour elle. Ce qu'il nous faut faire, c’est de ne plus rien vendre aux Européens afin qu’ils meurent de faim. » Cette fanfaronnade excita un grand enthousiasme parmi les assistants, qui se rallièrent à cette opinion, et le premier ministre, tout en remerciant de ses conseils M. Laborde qui, lui dit-il, rendait tous les jours à Madagascar de si éminents services, lui déclara que, malgré tous les torts qu'avait eus le gouverneur de Tamatave, il ne pouvait faire des excuses à des hommes qui avaient tiré sur les forts, et il ajouta confidentiellement : « Je puis tout vous dire à vous qui êtes mon ami et celui du prince Rakoto et sur qui je compte comme sur moi- même. Eh bien! je ne puis suivre vos conseils, si bons qu’ils soient U); je reconnais toute la vérité de ce que vous avez dit à la Reïne et de ce que vous venez de me dire, mais si je faisais ce que je devrais, on m’accu- serait d’avoir peur des Européens et d’être un lâche. Il me faut laisser aller les événements sous peine de perdre toute autorité. Je reconnais les torts du gouverneur de Tamatave, mais je ne puis le désapprouver sans me compromettre. Plus tard, quand le prince sera sur le trône, je pourrai (1) Je sais, lui dit-il. que vos conseils partent « du ventre », expression employée par les Mal- gaches pour dire « du cœur ». HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 285 agir à ma guise. Quant à vous, parlez sincèrement, sans crainte, mais toutefois n’attaquez pas les Sampy, les talismans, vous vous feriez trop d’ennemis (1) ». La Reine éleva au grade de maréchal Razakafidy pour le récompenser de sa vaillance (?), et elle déclara qu’elle ne voulait plus avoir aucun rap- port avec les Européens et que dorénavant elle leur refuserait l’eau, le bois et les autres produits de son pays qu’ils venaient y chercher : « Puisqu'ils veulent s'emparer du pays qu'Andrianampoinimerina et Radama m'ont légué, je leur ferai voir que ce n’est pas impunément qu’on s’attaque à un peuple brave, comme le mien. » — « Oui, oui, crièrent tous les assistants, chassons de notre pays tous les Européens, ne leur permettons pas d’y avoir des plantations, ni des pâturages pour leur bétail, et il faudra bien qu'ils s’en aillent (%) ». Quand le silence se fut rétabli, la Reine remercia l’assemblée et puis, se tournant vers son fils, elle lui demanda son opinion : «Je ne suis pas, répondit le prince, de l’avis de l’assemblée, car tout le monde veut la guerre et moi je veux la paix. Radama, mon père, aimait les Européens qui, disait-il, nous sont très (1) Raïniharo, qui est mort en 1852, avait, au début, fait beaucoup de mal; les relations qu'il n’a cessé d’entretenir avec M. Laborde avaient modifié ses idées et, dès cette époque, ses intentions étaient bonnes : il voulait faire abdiquer Ranavalona et donner le pouvoir à Radama Il. (2) Razakafidy était ivre-mort pendant l’attaque du fort et, jusqu’après le départ des navires, il est resté caché dans un souterrain, mais, le danger passé, il fut d’autant plus cruel qu’il avait eu plus peur. Un matelot anglais, qui avait été très grièvement blessé et, qui n'ayant pu regagner son navire, s'était caché sous un buisson, fut découvert par une vieille femme merina qui en avisa le gouverneur. Razakafidy envoya une troupe nombreuse de soldats s’emparer de ce malheureux, qu’il fit transporter sur la place principale de la ville où, par son ordre, en présence d’une foule considé- rable de Malgaches, on le martyrisa, lui cou- pant le nez, puis les oreilles, lui crevant les yeux, lui enlevant, les uns après les autres, les membres avec un mauvais couteau, et c’est alors seulement qu’on lui coupa la tête, qui fut exposée à côté des autres au bout d’une pique. (3) Un des officiers proposa de boucher les passes de tous les ports avec des pierres, du sable, du bois, afin que les navires ne pussent pas y entrer; un autre voulait que, tout autour de l’île, on plantât une haie épaisse d’arbres épineux pour empêcher les étrangers d'y aborder, et qu’on élevât un grand mur, ne lais- sant qu’une seule entrée où serait installée une paire de ciseaux gigantesque qui les couperait en deux lorsqu'ils tenteraient d’entrer; il y eut même un mauvais plaisant qui dit que, comme les zana-tsahona, les têtards, les Européens n avaient pas de pays à eux où ils pussent se reposer et que les Malgaches n’avaient qu’à les chasser à coups de poing et à coups de pied chaque fois qu’ils tenteraient d'aborder; cette dernière proposition fit rire et clôtura le kabary. 286 MADAGASCAR. supérieurs et nous apprennent une foule d’utiles et bonnes choses; aussi les attirait-il et il engageait les Grands du royaume à les combler de prévenances. Souvent il a dit que, sans eux, il n’eût pas été ce qu'il était et, aujourd’hui, on veut leur faire la guerre, on veut les chasser! et avec quoi, avec leurs fusils, leur poudre, leurs canons! Non, je ne suis pas de l’avis de l’assemblée. » Maints assistants approuvaient le prince, mais ils n’osaient pas manifester leur opinion de peur de se compromettre. Le 28 juin, la Reïne, suivie de sa formidable escorte, continua sa pro- menade à travers un pays désert jusqu’à la rivière Jangoa qu’elle attei- gnit le 30, puis, dix jours après, elle arriva au pied du Bongolava, aux plaines de l'Ouest; mais ce ne fût que le 25 juillet qu’elle atteignit la plaine de Manerinerina, où elle séjourna quatre jours et où l’on prit trois cent soixante-dix bœufs sauvages (1), Un peu avant d’y arriver, Rana- valona, escortée par de nombreux officiers et deux mille soldats, fit l’ascension du Mont Ambohimanaritra, qui la domine, et offrit sur son sommet un sacrifice à Rasoalao pour que sa chasse fût heureuse, et on voit qu’elle l’a été : Rasoalao était une reine Vazimba de l’Imerina occi- dental qui, vaincue parles Andriana d’origine malaise, est venu mourir auprès de cette montagne et que les Merina considèrent comme la maîtresse de tous les bœufs sauvages de cette région, provenant, disent-ils, de ses anciens troupeaux. Ranavalona eût voulu aller jusqu’à la mer, qu’elle n’avait jamais vue, mais elle dut y renoncer parce que, malgré les racines de plantes sauvages qu'on allait recueillir de tous les côtés, on ne pouvait subvenir, dans ce pays quasi désert, à la nourriture de cinquante mille personnes : beaucoup, surtout parmi les esclaves (15,000, dit Laborde), mou- rurent de faim (2); d’autres périrent empoisonnés (%. Le 11 août, après (4) La chasse aux bœufs sauvages est très fatigante, car ces animaux sont si farouches qu’on ne peut les approcher que par surprise; ils sentent et fuient l’homme à grande distance. (Voir Ethnographie, vol. IV, tome 4 p.138-139) (2) Une des servantes de la Reine qui, affamée, avait pris un biscuit dans la tente royale, fut mise à mort, car un larcin commis dans l’enceinte du palais ou du camp de la Reine, si petit qu'il fût, était puni de mort. (3) Il y a dans tout l’Ouest une plante, le tavolo (Tacca pinnatifida), dont les Sakalava tirent une excellente fécule, de l’arrow-root, mais il faut faire subir aux rhizomes tubéreux HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 287 avoir fait distribuer quarante bœufs aux soldats, exécuter des danses et tirer dix-neuf coups de canon à boulet dans la direction de l’Ouest, on se mit en route pour retourner à Tananarive, où l’on arriva un mois après, le 19 septembre; on campa dans la plaine de Mahamasina, le Champ de Mars, qui est située au pied de la ville, en attendant que les oracles eussent fixé le jour propice à la rentrée de la Reine dans son palais. Ce jour venu, elle fit son kabary sur la place d’Andohalo, assise sur un trône haut de trois mèêtres, entourée des grands officiers du palais et des gardiens des principaux talismans et d’une armée de vingt-six mille soldats, et en présence, dit-on, de cent quarante mille spectateurs venus de toutes les parties de l’Imerina. Quand la troupe eut présenté les armes et que les musiques eurent joué l’air national (), tous les assistants ayant mis chapeau bas, la Reine se leva, ayant à la main une belle ombrelle de soie écarlate, et dit : « Écoutez, Ambaniandro (®. Moi, Rabodon’Andrianampoinimerina, Reine de Madagascar, je vous remercie, vous qui ne m'avez pas accom- pagnée dans mon excursion, pour le bon ordre qui n’a cessé de régner ici pendant mon absence, ainsi que vous, qui m'avez accompagnée. Je remercie aussi Dieu et mes ancêtres de m'avoir protégée pendant ce voyage. « Sachez, Ambanilanitra (#), que les Français et les Anglais ont tenté de s'emparer du pays qu'Andrianampoinimerina et Radama m'ont donné, mais mes ancêtres s’y sont opposés et s’y opposeront toujours. Vous n’avez rien à craindre des Européens, car je remplace Andrianam- poinimerina et Radama. « Officiers et soldats se sont bravement comportés dans le combat qui râpés un lavage pour leur enlever leur toxicité (2) Ambaniandro (litt. : qui sont sous le naturelle, et beaucoup de Merina qui ne con- soleil), c’est-à-dire les Andriana et les Hova, naissaient pas la manière de les préparer se les nobles et les libres. sont empoisonnés. (3) Ambanilanitra (litt. : qui sont sous le (1) Voir à l’Appendice n° IV p.360lamusique ciel), c’est-à-dire tous les habitants, Andriana, et les paroles de l’hymne national du règne de Hova et Andevo, les nobles, les libres, les Ranavalona re. esclaves. 288 MADAGASCAR. vient d’avoir lieu à Tamatave; aussi ai-je récompensé le gouverneur ainsi que tous ceux qui se sont distingués. Il y en a peut-être parmi vous qui pensent que j'ai eu tort de faire la guerre aux Européens, eh bien, moi je vous dis que je ne les crains pas. Mes soldats les chasseront toutes les fois qu’ils auront l’audace de vouloir s'emparer de mon pays. « Je vous préviens que je leur ai refusé et leur refuserai dorénavant tous les produits de mon pays et j’ai ordonné que mes sujets n’aient aucun rapport avec eux (1. Laissons-les mourir de faim! S'ils me livrent ceux qui ont attaqué mes soldats à Tamatave, je verrai alors ce que je ferai. Mais que les Européens restent chez eux; ici, nous avons tout ce qu’il nous faut pour nous nourrir et nous vêtir et il n’en est pas de même en Europe; nous avons tout ce qui nous est nécessaire pour les com- battre et nous sommes plus braves qu'eux. Madagascar leur fait envie, mais Dieu a donné à chacun ici-bas sa part; qu'ils restent chez eux comme nous restons chez nous et, s’il leur prend l'envie de revenir dans l’espoir de s'emparer du beau et grand royaume que mes ancêtres m’ont donné, alors nous les exterminerons tous. Est-ce bien, Ambanilanitra? » Un oui formidable retentit de toutes parts et, quand les trompettes eurent sonné pour qu’on fit silence, la Reine continua : « Ne croyez pas, Ambaniandro, parce que je suis une femme, que je suis faible. Non! Andrianampoinimerina et Radama, en me léguant leur royaume, m'ont légué aussi leur courage. Malheur à ceux qui auront à l’éprouver! Ambaniandro, je vous défends de prier à la manière des Euro- péens, priez comme nos ancêtres; je punirai sévèrement ceux qui me déso- béiront. » La Reine s’assit alors sur le trône et le premier ministre, prenant la parole, lui dit : « Que Dieu et vos ancêtres vous protègent! qu’ils vous accordent santé et longue vie! tout ce que j'ai à vous dire, c’est que vous pouvez compter (1) La fermeture des ports importait peu d'Europe, mais qui y trouvaient l’avantage aux deux puissants ministres, Rainiharoet Raïini- d’empêcher les autres Grands du pays de faire johary, qui étaient non seulement fort riches et du commerce et par conséquent de s’enrichir. n'avaient nul besoin des marchandises et objets HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 289 sur nous, ainsi que sur vos soldats et, se tournant vers les officiers et le peuple, est-il vrai, leur dit-il, que la Reine peut compter sur vous. » « Oui! » répondit-on de tous côtés. — « Non, jamais, continua Raïniharo, nous ne laisserons les Vazaha, les étrangers, prendre votre pays, nous mourrons plutôt tous. Ne craigniez donc rien, car nous sommes autour de vous pour vous défendre et vous protéger. » Le public donna une approbation unanime à ce discours, puis les chefs des divers districts parlèrent ensuite, approuvant la Reine et lui promettant soumission et fidélité. Ranavalona rentra ensuite dans son palais, pendant que le canon tonnait et que la troupe tirait des coups de fusil (). Pendant que ces événements se passaient à Madagascar, la nouvelle des actes barbares perpétrés sur nos marins souleva un moment en France l'indignation, et le Ministre de la Marine, l’amiral de Mackau, décida d'envoyer une expédition pour venger nos pauvres compatriotes, mais dans sa séance du 5 février 1846, la Chambre des députés refusa les crédits aux ministres Guizot et de Mackau et invita le gouvernement à surseoir pour le moment à toute expédition militaire contre les Merina, car, dit- elle, à l'encontre du gouvernement, « il ne faut pas s'engager sans une nécessité bien reconnue dans des expéditions lointaines et onéreuses », et la révolution de 1848 fit perdre de vue la question de Madagascar (2). (4) La Reine fit briser les pierres élevées au- dessus des tombes des Européens enterrés à Mahamasina, à Tananarive, « afin, dit-elle, d’effacer toutes traces de leur venue dans nos pays ». C’étaient tous des Anglais qui étaient inhumés dans ce cimetière, à l’exception d’un Français, nommé Mérillon, le tailleur de Rana- valona. (2) Toutefois, le commandant de la station navale de l'Océan Indien, le commandant Febvrier des Pointes, continuait à s’en préoc- cuper (a). (a) Le commandant Febvrier des Pointes invitait en novembre 1848 « le général Laborde à unir ses efforts aux siens pour rendre à Madagascar la prospérité naissante qui était grandement menacée, et ramener de beaux jours dans ce pays si riche d’avenir ». Le 6 décembre, Laborde lui a répondu, lui disant : «Je n’ai jamais cessé, Commandant, d’être du nombre des enfants de la France et j’ai toujours fait tout ce qui a dépendu de moi pour sa prospérité, regrettant de n’avoir pu faire davantage... J’ai reçu la lettre pour le prince Rakoton- Radama, ainsi que le projet de traité entre la France et Madagascar, que j’ai traduit en malgache. Le prince m’a dit qu’il était heureux que la France voulût délivrer le peuple malgache de ses atroces gouvernants et qu’elle désirât le voir à la tête du gouvernement, mais « assurez-vous, a-t-il ajouté, qu’elle est décidée à faire tous les efforts nécessaires car, si elle ne veut qu’ébaucher cette entreprise, mieux vaut que je souffre jusqu’à ce que Dieu me délivre, ainsi que le peuple, du joug terrible que ma mère nous impose. Je ne signerai aucun traité que sûr d’une réussite complète, car ma signature peut nous perdre tous. J’ai, conclut Laborde, applaudi à ces nobles sentiments et lui ai dit qu’un prince ne devait jamais hésiter quand il s’agissait du bonheur de son peuple, mais qu’il ne devait pas non plus se sacrifier imprudement; il a alors écrit au Commandant, mais il n’a pas voulu signer le traité dont il approuve, m’a-t-il dit, tous les articles, mais qu’il ne signera qu'après que le gouvernement français aura exécuté ce qu’il lui propose. Ce n’est que dans la crainte que le projet ne HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 37 290 MADAGASCAR. En cette année 1848, les Mauriciens tentèrent de renouer des rela- tions amicales avec la cour d’Imerina, mais sans aucun succès, et les ports des côtes soumises aux Merina restèrent fermés à tous les Euro- péens de 1845 à 1853. A cette époque, Ranavalona a fait construire à Ambohimanga un fort circulaire dont les murs étaient très hauts et très épais, et où étaient son habitation, ainsi que les tombeaux de plusieurs rois, notamment d’Andrianampoinimerina 4), tombeaux qui renfermaient de grands trésors et que veillait jour et nuit une garde de trois cents soldats sous les ordres d’un douzième honneur, d’un maréchal. Le versant Sud de la colline sur laquelle est bâtie la ville est un rocher à pic; du côté de l'Est, du Nord et de l'Ouest, elle était entourée d’un double rang de fossés (2), Trois chemins y donnaient accès, ayant chacun trois portes, soit en pierres sèches, soit en maçonnerie, une au pied de la colline, la seconde à mi-côte et la dernière à l'entrée de la ville, qui est bâtie sur le sommet (%); les grosses meules ou roues de pierre au moyen desquelles on les fermait avaient plus de deux mêtres de diamètre, et il ne fallait pas moins d’une trentaine d'hommes pour les rouler et fermer la porte le soir (4). En 1850, deux ans avant sa mort, Raïiniharo, qui voulait laisser à ses enfants ses charges et son pouvoir et qui s'était étroitement lié avec le prince Rakoto, dit un jour en sa présence à Ranavalona : « Je suis plein d'admiration pour le prince votre fils. Sa bonté, sa générosité, le bien (1) C’est là aussi qu’a été enterrée Rana- (3) Depuis Ranavalona Ire, de nombreuses valona re. maisons ont été construites, tant sur les ver- (2) Malgré ces fortifications, les Sakalava sants qu’au pied. ont plusieurs fois rançonné les habitants (4) Notes de Voyage manuscrites d’A. GRAN- d’Ambohimanga avant Andrianampoinimerina. DIDIER, 1869, p. 1347-1348. réussisse pas et parce qu'il se défie de l’habitude de publicité qu'ont les Européens, qu’il ne l’a pas signé, mais vous pouvez compter sur lui et agir en conséquence. Toutefois, je dois vous prévenir que sans des forces suffi- santes, cette entreprise ne réussira pas et qu’elle ne servira alors qu’à perdre un prince plein d’avenir, ainsi que ceux qui l’entourent, et à accroître la fureur des tyrans qui oppriment ce pauvre peuple ». La révolution de 1848 ayant, comme nous l’avons dit, fait perdre de vue en France la question de Mada- gascar, sept ans passèrent, pendant lesquels la vieille Reine fit peser sur son peuple une épouvantable tyrannie, Le prince Rakoto a alors écrit une lettre à l’empereur Napoléon III pour réclamer son secours, et Laborde, Raharolahy et Razafinkarefo lui en écrivirent aussi une, mais il a refusé d’intervenir (A. DAnpouAu, Bulletin de l’Académie malgache, vol. IX, 1911, p. 143-149). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 291 qu'il fait chaque jour autour de lui, lui ont attiré l’affection de vos sujets, qui s’estiment heureux de l’avoir un jour pour roi. » La Reine, qui idolâtrait son fils, fut sensible à cet éloge, et le prince sortit pour cacher l’émotion que lui causait l’attendrissement de sa mère. Resté seul avec la Reine, il ajouta : « Tous les Rois devraient lui ressembler. » Ranavalona, émue, pleurait de joie. Le moment était favorable pour lui soumettre un plan qu’il avait combiné avec Laborde : « Pourquoi, reprit-il, ne lui cèderiez-vous pas le trône? Vous le guideriez, vous lui donneriez vos conseils et, désormais sans inquiétude pour son avenir, vous n’auriez aucune préoccupation lorsque le moment serait venu d’aller rejoindre Radama Ier. » La Reïine parut approuver cet avis et peut-être l’eût-elle suivi si l’astucieux et néfaste Raïinijohary ne l’en eût détournée en lui faisant prédire par les oracles que, dès qu’elle aurait abdiqué, elle mourrait. N'ayant pu mettre le prince sur le trône, Raïniharo continua néan- moins à lui préparer la voie et, lorsqu'il se sentit mourir, il le fit appeler et lui dit : « Prince, vous serez bientôt Roi, car la Reine votre mère est très âgée et, moi, je n’ai plus que peu de temps à vivre; en récompense de mon dévouement, je vous demande de protéger mes enfants. » Rakoto lui répondit qu'ils seraient « ses frères ». S’adressant alors à ses fils, Raïniharo leur dit : « Voilà votre Roi! aimez-le toujours comme un frère. » Ils se serrèrent la main avec effusion et promirent de ne pas oublier la parole d’un mourant 4). Il est mort le 11 février 1852. Commandant en chef de l’armée merina et, par le fait, premier ministre de Ranavalona, il a dirigé les affaires de l’État pendant une vingtaine d’années, instigateur, quoiqu’on ait dit, des mesures cruelles et tyranniques prises par la Reine, car rien ne se faisait dans le royaume sans son assentiment, on peut même dire sans son ordre; dès lors, la politique à l’égard des Européens a été moins impla- cable (2, Il s’était fait construire dans le bas de Tananarive, à Isotry, (4) Rapport du Consul LABORDE dans Le (2) Toutefois, en mourant, il a montré quel- Moniteur officiel, et Notes de voyage manuscrites ques sentiments d'humanité envers ses esclaves, d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 1556-1558. car il recommanda qu’on ne leur fît pas prendre 292 MADAGASCAR. pour lui et sa famille, un tombeau magnifique, plus vaste et plus beau que tous les autres, et lorsque son corps y fut transporté, la Reine lui fit rendre les plus grands honneurs : on lui fit franchir un nombre considé- rable de bœufs abattus en son honneur, afin qu'ils l’accompagnassent dans l’autre monde, et aussi pour le repas rituel des assistants; les décharges de mousqueterie qui accompagnèrent son corps pendant le transfert de son palais à son tombeau, ainsi que les trois salves de tous les canons de Tananarive, montrèrent aux Merina en quelle haute estime la Reine le tenait : elle a même décrété qu’à l’avenir, chaque fois qu’on ouvrirait son tombeau pour y déposer le corps d’un membre adulte de sa famille, on tirerait cinq coups de canon, privilège dont sa famille était très fière. Privée de son principal mari morganatique, car son second, Rainijohary ne lui suffisait pas, Ranavalona assembla son conseil pour lui demander son avis; Celui-ci, qui n’ignorait pas quel était son choix in petto, dit qu'il était naturel que le fils succédât à son père. Donc, Raharo, fils aîné de Raïniharo, ou, comme on l’appelait plus communément, Raïni- voninahitriniony (1), le remplaça comme commandant en chef des troupes merina et, à la tête de neuf mille hommes, alla guerroyer dans le Sud- Est afin de soumettre les peuplades indépendantes de cette région (2); le tanghin, comme c’était l’usage à la mort des grands personnages, et sa volonté a été exécutée Il n’est pas douteux que l'intimité dans laquelle il a longtemps vécu avec Laborde avait, dans les dernières années de sa vie, complètement modifié ses idées antérieures. (1) Raïnivoninahitriniony était fruste et malavisé, cruel lorsqu'il était ivre, ce qui lui arrivait fréquemment; il n’avait d’ailleurs d'énergie que lorsqu'il avait bu. Il était moins intelligent que son frère cadet Rainilaiarivony. (2) En 1852 a eu lieu une révolte qui s’est propagée du Fort-Dauphin à Mahela (a), soit sur plus de 400 kilométres. (a) 11 y a eu dans le Sud-Est, en 1852, une révolte qui, commencée à Fort-Dauphin, s’est propagée tout le long de la côte jusqu’à Mahela. Le gouverneur du Fort-Dauphin avait trop pressuré les Antanosy, envoyant dans les divers villages ses officiers qui, plantant un bâton en terre, disaient aux chefs : « Avant que l’ombre que projette ce bâton sur la terre ait atteint ce point (qu’ils montraient du bout de leurs sagayes), il faut que vous m’ayez fourni tant de coton », et si la quantité exigée n’était pas fournie à l’heure dite, ils étaient condamnés à une forte amende. Aussi y eut-il un soulèvement général, mais les forts tinrent bon, quoique privés de toutes communications avec Tananarive. Alors eurent lieu plusieurs expéditions, notamment celles de Rainivoninahi- triniony, dont il est parlé ci-dessus, de Raheno, etc. Les hostilités durèrent trois ans; les insurgés se livraient à des pillages incessants, disparaissant pendant quelques mois, puis revenant à la charge, et le calme ne revint qu’en 1855, grâce au navire à vapeur le Mascareignes, que M. Lambert mit à la disposition de la reine Rana- valona pour porter secours à la garnison du Fort-Dauphin et la ravitailler. Après la soumission, il y a eu degrands massacres et il y eut un vrai exode des Antanosy, les uns s’en allant s’engager à l’île de la Réunion, les autres, sous la direction de leur roi Zaomanery, s’expatriant et allant s’établir sur les bords du haut Onilahy ou Saint- Augustin (Notes de voyage manuscrites d'A. GRANDIDIER, 1870, p. 2136-2138). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE, 293 son frère cadet, Rainilaiarivony, l’y accompagna comme commandant en second. Cette armée quitta Tananarive vers le mois de juin 1852 et, traversant les pays des Betsileo et des Antanala, arriva, après un mois de marche, au Matitanana et campa, huit jours après, dans l’Ouest de Mahama- nina ©), où le roi Ralambo prêta serment de fidélité à Ranavalona. Entrant alors en pays insoumis, dans les provinces d’Ifasina et d’Isaka, elle ren- contra sur les bords du Manampatrana une bande d’Antifasina, qu’elle dispersa facilement, puis elle traversa la ville d’Ankarana (, dont les habitants s'étaient enfuis, et ne trouva de résistance qu’à Vohitravoha qu’elle ne put prendre; passant outre et laissant Vangaindrano () dans l'Ouest, elle atteignit péniblement la rivière Masianaka, maïs les vivres manquant et sans cesse harcelée par les indigènes, elle fut obligée de s’en retourner. Six jours après, elle arriva à Vangaindrano, dont tous les habi- tants avaient pris la fuite à l’exception d’une quarantaine. Un corps d'armée alla, sous le commandement d’Andriantsitohaina, venger l’échec subi devant Vohitravoha et, ayant emporté d'assaut ce fortin, il mit à mort tous les hommes dont on s’empara et emmena captifs les femmes et les enfants pour les vendre comme esclaves. Depuis deux mois et demi que l’armée avait quitté Tananarive, il était mort vingt-deux militaires en combattant et quarante-huit de maladie; pour éviter à l’avenir de « semblables pertes » on recourut à l’intercession du puissant talisman Ramahavaly qui accompagnait l’armée et dont le gardien, revêtu d’un beau lamba de soie rouge, aspergea solennellement tous les soldats d’eau lustrale dans laquelle il l'avait plongé, en s’écriant : « Voici ce que Ramahavaly vous dit : ne craignez rien! que les maladies tombent du ciel ou qu’elles sortent de terre, je vous en préserverai. » Quelques jours après, le général en chef ayant appris que la route allant au Nord n’était pas sûre et que plusieurs courriers y avaient été (4) Mahamanina (que des cartes désignent (2) Ankarana est à 20 kilomètres environ de sous le nom de Mahamasina) est à 40 kilomètres la mer. environ de la mer. (3) Vangaindrano est à 17 kilomètres et demi de la mer. 294 MADAGASCAR. tués, divisa son armée en trois corps, un qui suivit le bord de la mer, un autre dans l’intérieur des terres, et le troisième, sous son commandement, entre les deux précédents. Arrivé à Farafangana où plusieurs milliers d’Antifasina s'étaient fortifiés dans l’îlot situé à l'embouchure du Manam- patrana, il eut beau leur envoyer des boulets et même chercher à incendier leur ville en faisant planer au-dessus un cerf-volant auquel était attachée une torche enflammée, ce fut en vain, et il se décida à le prendre à l’abordage : il fit couper de nombreux bambous et construire deux immenses radeaux à l’aide desquels ses soldats purent aborder l’île, dont les habitants, après une petite résistance, se rendirent. Il leur fit livrer leurs armes, fusils et sagayes, puis, les ayant fait passer sur le bord Nord de la rivière, il fit ranger d’un côté les femmes et les enfants et conduire les hommes soi-disant pour prêter le serment de fidélité à Ranavalona dans un vallon où, dès qu'ils furent assemblés, les soldats merina les entourèrent et les massacrèrent : neuf cent cinquante Antifasina, dont trois roitelets sur cinq, fucent victimes de ce guet-apens ®, Le comman- dant en chef Raïnivoninahitriniony a, en cette occasion comme dans d’autres (2), fait preuve d'hypocrisie et de cruauté. Quant aux femmes et aux enfants, qui étaient au nombre de deux mille, ils furent réduits en esclavage et partagés entre les officiers (#). Après ce haut fait, Raïinivo- ninahitriniony retourna triomphant à Tananarive, ayant été absent pendant cinq mois et demi. Comme le dit le R. P. Malzac, la cruelle Ranavalona pouvait être fière d’un tel commandant en chef; aussi lui accorda-t-elle, lorsqu'il fit son entrée solennelle dans la capitale, les honneurs d’une salve de tous les canons. Dès lors, il prit la direction des affaires du royaume, mais il eut pour rival Raïinijohary, qui eut toujours une grande influence sur la Reine, dont il était, comme le commandant en chef, un des maris (*, et qui (1) D’après un manuscrit merina qui fait le (3) Le commandant en chef en eut 150 pour récit de cette expédition jour par jour, et que sa part et son frère cadet, le commandant en cite le R. P. MALZAC dans son Histoire du second Raïnilaiarivony, 80. royaume hova, p. 278-279. (4) Surtout en 1857. Dans plusieurs livres (2) Notamment lorsque, plus tard, il fit français, ona écrit, à tort, qu'il était premier mi- assassiner Radama Il. nistre, tandis que c’était Rainivoninahitriniony. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 295 soutenait Ramboasalama, le prétendant évincé. Ramboasalama, qui ne cessait d’intriguer contre son rival, le prince Rakoto, chercha à gagner à sa cause les fils de Rainiharo, qui étaient les plus puissants personnages de Madagascar, mais qui restèrent fidèles à Rakoto; il n’en continua pas moins ses menées et son parti est devenu assez fort pour qu’on ait craint qu'il l’emportât (1), A partir de cette époque, la cour d’Imerina se montra moins hostile aux Européens; sous l'inspiration de son parrain (? Laborde, le prince Rakoto, avec sa cour nombreuse de jeunes Andriana, de jeunes nobles, chercha à faire revivre les jours glorieux du rêgne de Radama Ier et à réagir contre les tendances du vieux parti, qui avait anéanti toute influence étrangère à Madagascar. Les Grands du pays avaient d’ail- leurs intérêt à modifier leur politique intransigeante, car, en chassant les traitants Européens, ils avaient causé à leur pays un grand préjudice; en effet, ils ne pouvaient pas les empêcher de s'établir dans les nombreux endroits qui n'étaient pas soumis à leur autorité, comme sur la plus grande partie de la côte occidentale, où pouvaient parfaitement s’approvisionner les îles de la Réunion et de Maurice 5). Les lois barbares édictées contre les Européens avaient été, en réalité, funestes aux Merina (), car la Reine et les officiers n’avaient plus les revenus des douanes, les Grands du pays ne pouvant plus exporter leurs bœufs et leurs produits étaient (1) Notes de voyage manuscrites d’A. GRAN- en effet affamer les Européens. DIDIER, 1869, p. 1560-1562 (a). (4) Quoiqu'ils fussent en partie ravitaillés (2) Non pas parrain de baptême, mais par- par une maison américaine de Majunga en rain de circoncision. armes, en poudre, etc. (3) En fermant leurs ports, ils avaient cru (a) « Ramboasalama, neveu de Ranavalona, commença à intriguer contre le prince Rakoto après la mort de Rainiharo. Quoiqu'il fût généralement détesté et qu’il eût révélé à maintes reprises son caractère fourbe et cruel et sa cupidité par des crimes qu’on lui reprochait tout bas, il était parvenu à force d’intrigues à réunir un assez grand nombre de partisans. Mais comprenant que, pour assurer le succès de ses coupables desseins il avait besoin d’un autre concours que celui d'hommes achetés à force d’argent ou effrayés par ses menaces, il chercha à se concilier celui des plus riches et des plus puissants de Madagascar, de Raiïnivoninahitriniony et de Raïnilaiarivony, les fils de Rainiharo qui, en outre de leurs très nombreux esclaves, avaient autour d’eux, à leur service personnel, plus de 2,000 aides de camp ou affidés dont beaucoup avaient les plus hauts grades de l’armée. Il fit tout ce qu’il put pour les rallier à sa cause; il alla même jusqu’à prendre pour femme leur sœur aînée, voulant leur donner la preuve de ses bonnes dispositions à leur égard, mais ils restèrent fidèles à Rakoto. a Néanmoins, le parti de Ramboasalama devint plus puissant de jour en jour et, à la fin du règne de Rana- valona, on a craint qu'il triomphât, mais les fils de Raïniharo, par leur fermeté et leur prudence, ont déjoué les complots ». 296 MADAGASCAR. privés d'énormes bénéfices et les établissements de Lastelle, ruinés, ne donnaient plus à la Reine et au premier ministre les sommes assez importantes qu’ils avaient coutume de toucher. La Société des Missions de Londres, informée par les chrétiens merina qui étaient réfugiés à l’île Maurice de cette tendance nouvelle, envoya à Madagascar le Rév. William Ellis ® et M. Cameron pour se renseigner au sujet des intentions du gouvernement merina. Arrivés à Maurice en juin 1853, ils allèrent à Madagascar, à bord d’un schooner de soixante- dix tonneaux, emportant une adresse à la reine Ranavalona, adresse signée par deux cents ou trois cents notables de cette île et demandant la réouverture du commerce; ils débarquèrent à Tamatave au milieu du mois de juillet, après en avoir reçu l’autorisation du gouverneur, à qui ils remirent l’adresse, ainsi qu’une lettre pour la Reine où ils lui demandaient la permission de lui faire une visite amicale. Accueillis cordialement par l'officier que leur avait envoyé le gouverneur et qui les emmena chez lui à travers la foule des curieux, ils reçurent la visite du grand juge Raï- nibehevitra, le deuxième personnage de la ville, qui leur souhaita la bienvenue de la part du gouverneur et s’informa de leurs projets, deman- dant s’il était vrai, comme on le disait, que l'Angleterre armaït une flotte pour faire la guerre à Madagascar; ils le rassurèrent et retournèrent à bord, très satisfaits de cette première entrevue (*?. Au bout de quinze jours arriva la réponse : la Reine faisait dire qu’elle était absorbée par les affaires du royaume et ne pouvait s'occuper d’autre chose et que ce qu'ils avaient de mieux à faire, c'était de s’en retourner d’où ils venaient afin de ne pas être pris par les fièvres. Force leur fut donc de retourner à Maurice. Toutefois, ils emportaient une nouvelle relativement favo- rable, puisque la Reine leur avait fait dire qu’elle consentait à reprendre avec leurs compatriotes les relations commerciales, à condition qu’ils lui payassent une indemnité (ou plutôt une amende) de quinze mille (1) Secrétaire, pour l’étranger, de la London se promenèrent autour de Tamatave, étudiant Missionary Society. les mœurs des habitants, recueillant des (2) Pendant qu’ils attendaient la réponse de échantillons de la flore malgache et prenant la lettre qu'ils avaient adressée à la Reine, ils des croquis. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 297 piastres, somme que les Mauriciens se résignèrent à payer (1) : «en effet, leur dit le gouverneur de Tamatave, est-il admissible, est-il juste, que vous attaquiez un pays, que vous bombardiez une ville, parce que vous n'en approuvez pas les lois; chez vous, les résidants sont tenus d’obéir aux lois,aux règlements, et pourquoi n’en serait-il pas de même chez nous?» Les ports de Madagascar furent dès lors rouverts au commerce euro- péen, au plus grand contentement des traitants et des Malgaches (2), et aussitôt un navire anglais qui était en rade emporta quatre-vingt-treize bœufs à Maurice, et trois navires français, qui attendaient la conclusion des négociations, en prirent aussi chacun un chargement pour l’île de la Réunion. Quelque temps après, Ranavalona, désirant renouer de bonnes rela- tions avec le gouvernement anglais, envoya à Maurice une ambassade chargée de complimenter le gouverneur de Maurice et de le prévenir que, (1) Ce furent M. Cameron, de la London avec joie; des coups de canon furent tirés en Missionary Society, et un négociant de Port- signe d’allégresse et un banquet fut offert à Louis, M. Mangeot, qui portèrent cette somme à MM. Cameron et Mangeot ainsi qu'aux autres Tamatave en octobre 1853 (a). Européens présents pour célébrer la conclusion (2) On accueillit cette nouvelle à Tamatave de cette affaire. (a) Lettre écrite au sujet de la réouverture des ports au commerce européen : Antananarivo, 23 asorotany (23 octobre 1853). A Messieurs J. Cameron et A. Mangeot, et aux personnes qui les ont envoyé payer la somme stipulée pour l’offense commise par William Kelly et Romain-Desfossés et leurs compagnons à bord de trois navires : j’ai à vous informer que j’ai parlé à nos officiers supérieurs, et que nos officiers supérieurs ont parlé à la Reine au sujet des 15,000 piastres que vous avez proposé de payer en raison de l’offense commise par Romain-Desfossés et William Kelly et leurs compagnons à bord de trois navires, sur votre déclaration que le paiement de cette somme ne vous donne aucun droit, ni sur le territoire, ni sur le royaume. Or, en ce qui regarde les 15,000 piastres, nos officiers supérieurs ont ordonné de recevoir l’argent; nous le recevrons donc, et le commerce sera ouvert et, comme les droits de douane appartiennent à la reine de Mada- gascar, nous les percevrons, comme autrefois, sur les importations et les exportations, car nous ne change- rons rien aux anciens usages. En ce qui concerne l’exportation d’esclaves outre-mer, Radama n’était pas partisan de ce commerce. Notre Reine n’y a non plus apporté aucun changement et, en conséquence, nous n’exporterons pas d’esclaves outre- mer, Et il vous a été dit aussi qu’un certain européen, un Français, a pris possession d’une portion de terre à Baly pour servir de fort afin d’y recevoir des navires, qu’il y a construit une maison où il réside. Nos officiers supérieurs ont, en conséquence, envoyé des soldats pour le chasser au delà de la mer. Nous ne le mettrons pas à mort, mais sa propriété sera confisquée, car il n’avait pas le droit de s’établir sans notre permission dans un de nos ports. Toutefois, quoique nous disions que nous ne le tuerons pas, s’il tue quelqu’un des soldats que nous y envoyons, nos soldats le tueront. Et nous vous en avertissons afin que vous ne disiez pas : « Pour- quoi, après l’ouverture du commerce, détruisez-vous encore les propriétés des Européens? » Et nous vous disons encore : « Si un Européen débarque en un point du territoire de Madagascar où il n’y a point de poste militaire, y établit un comptoir, sa propriété sera confisquée à notre profit et il sera chassé de Madagascar. Et comme chaque souverain a établi à son gré la loi du pays qu’il gouverne — que ce soit le nôtre ou le vôtre, — les animaux et les denrées que nous défendons de vendre ne doivent pas être emportés hors de notre pays par vos navires, et, de même quant aux choses que vous ne voulez pas nous vendre, il est bien entendu que vous n’avez pas besoin de venir les mettre en vente chez nous. Ainsi dit Rainiketaka, trei- zième honneur, officier du Palais (Voyages d’Ellis à Madagascar, par OcTAvE SAcxor, 1860, p. 43-46). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 38 298 MADAGASCAR. quand il voudrait, il pourrait faire enlever les crânes des soldats euro- péens, qui étaient toujours exposés, depuis huit ans, comme trophée devant le fort de Tamatave, et les faire enterrer à sa convenance; un sous-officier fut chargé de cette mission mais, quand il arriva, le com- mandant de l’île de Sainte-Marie avait déjà fait transférer dans cette colonie française les restes de nos compatriotes, ainsi que ceux des marins anglais. Quoique le commerce fût réouvert, les Européens n’eurent pas néan- moins l’autorisation de pénétrer dans l’intérieur de l’île, ils ne pouvaient s'établir que sur la côte. Le Rév. Ellis, venu à Tamatave d’abord en 1853, puis en juin 1854 Ü), avait sollicité la permission d’aller à Tanana- rive, mais il ne put l'obtenir et il retourna à Maurice, d’où il se rendit en Angleterre. Cette autorisation, qu'il avait vainement sollicitée, M. Lambert l’obtint grâce au grand service qu’il rendit au gouvernement merina. Allant faire un voyage en France, il voulut se rendre compte s’il y avait quelque chose à faire à Madagascar et, en passant à la Réunion, il prit à son bord le R. P. Finaz, préfet apostolique des Petites Iles de Mada- gascar : les Jésuites n'avaient, jusque-là, pu faire d'essais d’évangélisa- tion que sur les côtes des provinces indépendantes des Merina, et le R. P. Finaz espérait pouvoir profiter de cette occasion pour pénétrer chez les Merina, mais ne pouvant s’y présenter avec le costume ecclé- siastique, la religion des Européens y étant prohibée, il prit des habits laïques et, pour mieux dissimuler son identité, se fit appeler Hervier, du nom de sa mère. Arrivés à Tamatave le 10 avril 1855, ils furent cordialement reçus par M. de Lastelle. Apprenant que, l’année précédente, sous l'inspiration de M. Laborde, le prince Rakoto avait écrit à l’empereur Napoléon III pour lui demander de l’aider à mettre fin au régime de terreur que sa mère avait établi dans son royaume (), M. Lambert résolut de monter (1) Il y a séjourné trois mois, de juin à sep- avait en effet écrit une lettre à Napoléon afin tembre. de lui demander aide contre les ministres et (2) « Le 14 janvier 1854, le prince Rakoto contre les conseillers de sa mère, oppresseurs HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 299 à Tananarive afin de se rendre compte de la situation réelle et de voir s’il ne pourrait pas exécuter ce projet, mais il n’était pas facile d’obtenir la permission d’aller dans l’Imerina où, depuis vingt ans, deux Européens seulement avaient été admis, Laborde et Lastelle : sur le conseil de Lastelle, il offrit à la Reine de mettre à sa disposition son navire à vapeur, le Mascareignes, pour porter secours à la garnison merina de Fort-Dau- phin qui, cernée par les Malgaches du Sud, était en grand danger d’être massacrée ou de mourir de faim, et il lui demanda l’autorisation de faire avec son secrétaire M. Hervier, pendant ce temps, un voyage à Tanana- rive. La Reine accepta cette proposition et, pendant que le Masca- reignes ravitaillait les soldats merina de Fort-Dauphin, MM. Lambert et Hervier montèrent à Tananarive avec l'autorisation d’y rester un mois (). Ils arrivèrent le 10 juin à Mantasoa ), à la grande usine industrielle de M. Laborde, qui leur fit une réception magnifique et, trois jours après, ils allèrent à Tananarive, mais comme on était à l’époque du Fandroana, de la fête du nouvel an, la Reïne leur fit souhaiter la bienvenue, mais ne put les recevoir. Quant au prince Rakoto, impa- tient de voir les vazaha, les étrangers, il leur fit une visite le surlendemain de leur arrivée (#) et, après avoir remercié le R. P. Finaz du service du peuple, lettre que le neveu de Laborde, qui allait à l’île de la Réunion faire son éducation, avait portée au R. P. Jouen pour la faire par- venir à son adresse. Cette année-là, il y eut un sous ses ordres et les armes et la poudre à sa disposition, trahit et on ne fit rien. Ce complot avait été organisé parce que les Grands savaient que l’ex-prétendant avait le projet d’assassiner complot pour déposer la Reine et mettre fin au régime de terreur qui pesait sur Madagascar; Laborde et de Lastelle avaient pour but de placer Madagascar sous le protectorat de la France et ils étaient d'accord avec tous les Grands du pays pour laisser à la Reine son titre, mais pour donner le pouvoir à son fils, et ils avaient convenu de ne mettre personne à mort. Mais Raïnivoninahitriniony, qui avait l’armée le prince » (Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, p. 2358). (1) La Reine s’enquit si M. Hervier savait jouer du piano. « J’apprendrai », répondit-il. (2) Ou Soatsimanampiovana, à 36 kilo- mètres E.-S.-E. de Tananarive. (3) M. Hervier (le R. P. Finaz) a donné son portrait en 1855 (R. P. DE LA VAISSIÈRE, Mada- gascar, t. I, p. 237-238) (a). (a) Le prince Rakoto, qui a vingt-six ans, est petit de taille, sa physionomie est européenne ; il met de l’expres- sion dans tout ce qu’il dit, se lève à tout moment de son siège, s’avançant vers son interlocuteur comme pour faire passer en lui, avec des gestes naturels et forts, toute l’énergie des sentiments exprimés dans ses discours. Sa soif de civilisation lui fait prendre quelquefois l’apparence pour la réalité et son cœur l’emporte; il ne sait pas se défier de la malice humaine et ne saurait se figurer qu’on peut lui nuire. . « Rakoto est toujours vêtu à l’européenne et il fuit les cérémonies lorsqu'il n’est pas forcé de les subir. I est constamment en courses sur un palanquin fort commun, mais léger. Il veut tout voir de ses yeux et entre 300 MADAGASCAR. 4 . qu'avait rendu son confrère, le R. P. Jouen, à cinq de ses Menamaso envoyés en mission à la baie de Baly et qui, étant tombés entre les mains des Sakalava et ayant été vendus comme esclaves, avaient été rachetés par les missionnaires (®. Il termina en exprimant le désir que son peuple fût délivré des chefs qui l’opprimaient si cruellement (?). C’est le 19 juin qu’eut lieu la réception de MM. Lambert et Hervier (R. P. Finaz) au palais (®) et, le 25, la Reïne leur fit donner un grand repas (1) Ils ont été envoyés à l’île de la Réunion, contre tout Malgache sortant de son pays sans à l’établissement des Pères Jésuites de la Res- l’autorisation de la Reine. source d’où, après un enseignement sommaire, (2) Il remit à M. Lambert, quelques jours ils sont retournés cinq mois après, le 31 octobre, après, une lettre qu’il le priait de remettre à à Tananarive, cachant soigneusement leur l’Empereur des Français (a). venue de Bourbon, car il y avait peine de mort (3) Le R.P. Finaz en a donné la description (b). dans tous les réduits. Il s’est entouré de jeunes gens habillés aussi à l’européenne, qu’il appelle ses « Menamaso », choïsis parmi ceux auxquels il peut se fier entièrement et qui consentent à ne pas avoir de grades dans l’armée pour être plus libres de le servir. Le prince les envoie partout. Il leur fait apprendre la médecine du pays et les a chargés de soigner gratuitement les soldats malades, ainsi que toutes les personnes qui veulent avoir recours à eux. Cette bande, chérie des uns, redoutée des autres, ne craint aucune autorité. Sur l’ordre du prince, les « Menamaso » vont briser les fers des condamnés ou assister à l’administration du tanghin lorsqu'il est averti à temps de quelque préparatif de ce genre : il n’y a pas eu de victime du tanghin en la présence d’un « Menamaso », car ceux qui sont chargés de l’administrer savent ce qu’il leur en coûterait s’ils ne prenaient toutes les précautions possibles pour empêcher l’effet du poison » (Le R. P. de la Vaissière). (a) « Sire, je conjure Votre Majesté d’écouter les paroles de M. Lambert et les prières qu’il vous adressera en mon nom, comme si elle les entendait sortir de ma bouche, car c’est moi qui les lui ai confiées avec des détails qu'il n’était pas opportun d’écrire. Considérez-le donc comme un autre moi-même. « Que Votre Majesté ne repousse pas la prière que je lui ai déjà adressée dans ma lettre précédente et que je lui renouvelle par l’intermédiaire de M. Lambert, car le malheur de mon peuple est à son comble. » De leur côté, un groupe de chefs merina remit aussi à M. Laborde la lettre suivante : « L’Empereur des Français ne peut pas repousser les prières que nous lui adressons au sujet de Madagascar, dès qu’il connaîtra les malheurs qui désolent notre malheureux pays : la multitude de gens massacrés chaque jour, de femmes et d'enfants vendus comme esclaves, le tanghin administré à tort et à travers, l’abus des corvées qui enlèvent au préjudice de tout le peuple, les hommes à leurs travaux; il semble qu’on veuille faire mourir de faim ceux de nos compatriotes que la sagaye ou le tanghin ont épargnés. Il y a peu de signatures au bas de cette lettre, mais Votre Majesté ne doit pas s’en étonner; elle se couvrirait de noms si nous la présentions aux nombreux par- tisans du prince Rakoto et de la civilisation de notre pays, mais il nous faut, par prudence, cacher ce qui pour- rait être cause de la mort de milliers de personnes. Si nous vous prions avec tant d’instance, Sire, de ne pas tarder à nous envoyer les secours qui, seuls, peuvent nous sauver, ce n’est pas seulement la vue des maux présents, c’est aussi la crainte d’un malheur irréparable, car nous redoutons qu’on assassine le prince Rakoto pour l’empêcher de régner un jour. Secourez-nous donc, Sire! » (b) « Les mpisikidy ou tireurs de sorts ayant déclaré à la Reine, paraît-il, que ce jour était favorable pour notre réception solennelle au palais, nous avons été avertis que Ranavalona nous recevrait vers le milieu de la journée. Nous avons commencé dès lors à nous mettre en grande tenue; puis, au moment fixé, nous avons pris place sur nos palanquins et, précédés de deux officiers également en palanquin, nous nous sommes acheminés vers le palais. On se rassemblait de toutes parts pour nous voir passer, comme on eût fait pour des êtres extraordinaires. Après dix minutes de chemin, nous sommes arrivés au palais dont des soldats armés de fusils gardaient la porte. « Arrivés devant le portail de la cour, nous sommes descendus de nos chaises; nos conducteurs ont successi- vement fait lever quatre rangs de baïonnettes croisées en faisceaux qui se sont de nouveau abaissées derrière nous après notre passage. La porte de la cour s’est ouverte et nous sommes entrés du pied droit (c’est la con- signe) et chapeau bas. Nous nous sommes alors trouvés dans une cour à peu près carrée, de moyenne gran- deur, toute entourée d’une palissade propre, en bois équarris et liés avec du fer. En face de nous, trente soldats sous les armes tenaient toute la largeur de cette cour; un peu plus loin et de l’autre côté de la palissade, était le palais de la Reine, bâtiment en bois de 40 mètres de hauteur, dont chacun des trois étages (y compris le HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 301 dans la maison du Commandant en chef de l’armée (c’est-à-dire du pre- mier ministre), repas pantagruélique où ont paru deux cents mets et qui a duré plus de dix heures . Rakoto ne se contenta pas, comme nous l’avons dit, de demander aide et protection à la France, il accorda à M. Lambert, autant du moins qu'il était en son pouvoir, des concessions importantes, qu’il promit de ratifier lorsqu'il serait le Roi, et il lui octroya une charte dite Charte Lambert ( à l'effet d'établir une compagnie qui apporterait à Madagascar des capitaux et l’industrie européenne. En un mois, M. Lambert était arrivé à des résultats inespérés, grâce aux conseils et à l’appui de M. Laborde : non seulement il avait obtenu du prince Rakoto ce qu’il souhaitait, mais il avait gagné les bonnes grâces de Ranavalona Ire en lui prêtant son navire à vapeur (), et il avait acquis (1) Voir le volume Ethnographie de cette Reine a, sur sa demande, décrété que les pièces Histoire de Madagascar, t. III, p.563, n9 120-20. françaises de 5 francs seraient dorénavant (2) Voir page 271. acceptées dans tout son royaume à l’égal des (3) A l’occasion du service rendu à la gar- piastres espagnoles (dont la valeur intrinsèque nison de Fort-Dauphin par M. Lambert, la est cependant plus grande de 0 fr. 60). Elle a, rez-de-chaussée) est entouré d’une varangue assez large. A notre gauche, s’élevait le palais de Rakoto, le « Tranovola » (la maison d’argent), construit sur le même plan que celui de la Reine, mais plus petit, puis le tombeau de Radama, l’époux de la Reine actuelle, qui n’a rien de remarquable, et devant lequel, après avoir salué la souveraine, il est de règle d’aller s’incliner. « Les musiciens de la Reine avaient été convoqués pour notre réception. C’est la première fois qu’un pareil honneur était fait à des étrangers. « Selon l’usage, la Reine se trouvait sur son balcon, au premier étage de son palais, avec sa couronne d’or, son manteau royal en satin brodé d’or, assise sur un sopha, les jambes croisées, et garantie du soleil par un parasol de soie rouge bordé de broderies et de franges en or. Elle avait à ses côtés le prince son fils, son neveu Ramboasalama, et quelques officiers. « Dès que nous avons été devant la Reine, M. Lambert, M. Laborde, nos deux introducteurs et moi, la musique militaire, assez bonne, entonna l’air de la Reine (cet air a été recueilli et harmonisé, ultérieurement par le R. P. Colin). Alors, les soldats qui étaient devant nous, se tournant vers le palais, ont présenté les armes. Cet air fini, nous nous sommes inclinés trois fois en disant : « Vivez longtemps, Madame! Soyez exempte de maux! Vivez longtemps avec vos sujets! » La Reine a causé alors un peu avec nous de son balcon et a remercié M. Lambert d’avoir prêté son bateau à vapeur pour porter des vivres au Fort-Dauphin. M. Lambert a offert ensuite, en témoignage de respect, le hasina, soit une pièce d’or de 5 fancs, qu’a prise l'officier qui comman- dait les soldats. « La conversation finie, la Reine nous a invités à passer dans le palais de Rakoto pour y traiter d’affaires par l’entremise de ses officiers. Nous l’avons saluée, ainsi que le tombeau de Radama et, franchissant la haie de soldats qui était devant nous, nous nous sommes bientôt trouvés sous la varangue du palais d’argent : la grande salle a environ 42 mètres sur 10 et elle n’est éclairée que par la porte d’entrée; au milieu, est une colonne qui soutient l’édifice. « Nous y trouvâmes les princes et les officiers envoyés par Sa Majesté pour traiter d’affaires. M. Lambert demanda que notre pièce de cinq francs eùt cours comme la piastre espagnole, proposa d’emmener quelques jeunes gens pour les faire instruire, etc., etc. « Les officiers allèrent porter les paroles de M. Lambert à la Reine et revinrent un moment après. La Reine accordait que la pièce de cinq francs eût cours dans ses états, mais la réponse concernant la permission d’en- mener des jeunes Malgaches hors de Madagascar nous fit voir qu’il ne fallait pas y compter. « Nous sommes ensuite rentrés chez nous. » 302 MADAGASCAR. une grande popularité en distribuant de l'or à droite et à gauche et en faisant des cadeaux de valeur. Les distractions ne manquèêrent pas aux deux Vazaha pendant leur court séjour d’un mois à Tananarive. « Ainsi le 26 juin, de notre terrasse, dit le R. P. Finaz, nous avons assisté à une grande revue que nous avons parfaitement vue; le simple soldat et les grades inférieurs sont obligés d'être en costume, c’est-à-dire de quitter leurs lambas pour n'avoir d'autre vêtement que le salaka (la culotte malgache). À partir du qua- trième honneur, les officiers habillés en bourgeois européens, les uns en habit, d’autres en redingote, ou bien en soldat anglais, en soldat autri- chien, etc. Nous avions sous les yeux environ quatre mille hommes. Comme le même jour on faisait d’autres revues dans trois autres quartiers de la province d’Imerina, il pouvait y avoir dans toute cette province quinze mille soldats : ils ne manœuvraient pas très bien. De temps en temps des armées partent pour aller au secours du Fort-Dauphin ou pour combattre les Sakalava. Pauvres gens! accablés de services, de de ce fait, rendu service non seulement au com- ont pu acheter des bœufs, qu’autrement ils merce français, mais aussi à ses sujets, auxquels seraient allés chercher chez les peuplades indé- les créoles des îles de la Réunion et de Maurice pendantes de l'Ouest (a). (a) On sait en effet qu’à Madagascar, en outre des monnaies arabes qui avaient cours dans le Nord, les piastres espagnoles du xvrrre siècle (dénommées volangita, litt. : crêpues, enchevêtrées, parce que les armes d’Espagne sont surchargées de détails qui semblent embrouillés), ainsi que les piastres mexicaines (dites tanamasoandro, litt. : où il y a des rayons de soleil, parce qu’elles portent un soleil surmonté d’un bonnet phrygien) et boli- viennes (dites Lohkazo, litt. : où il y a un arbre, parce qu’il y en a un sur l’avers), formaient le principal stock métallique de Madagascar, avant que nos pièces de cinq francs en argent y aient été admises, pièces auxquelles on donnait des noms différents suivant leur effigie, mais elles ont vite disparu de la circulation, ayant été, soit enterrées avec leur propriétaires pour les suivre dans l’autre monde, soit coupées, suivant l’ancien usage mal- gache, en petits morceaux pour faire la monnaie divisionnaire qui se pesait dans des balances; ils avaient plus d'avantage à leur faire subir cette opération qu'aux pièces françaises qui étaient d’un poids inférieur, ne pesant que 25 grammes au lieu de 27. En effet, sans monnaie divisionnaire, les Merina ont pendant longtemps coupé avec une hache ou un coutelas les piastres en morceaux de grandeurs inégales et, à l’aide de toutes petites balances dont ils devaient l’usage aux Arabes de la côte Nord-Ouest, comme l’indique leur nom mizana, et d’une série de poids en fer, ils estimaient les sommes à la pesée : pour fabriquer ces poids ils avaient pesé une piastre mexicaine avec des grains de riz dans leur glume et avaient compté qu’il en fallait environ 720 et que, par conséquent, sept, soit varifitoventy, équivalaient au centième d’une piastre; ils avaient de même calculé que 72 ambatry, 72 ambrevades ou graines du Cajanus indicus, plante que l’on cultive en grande quantité dans le Centre, tant comme légume que pour nourrir les vers à soie, et que 24 graines du voamena formaient aussi le contrepoids d’une piastre, de sorte qu’ils ont appelé eranambatry et voamena la 72e partie de la piastre (soit environ 7 centimes 1/2) et la 24e (soit environ O0 fr. 20); ils avaient fabriqué des poids au moyen desquels ils faisaient ces diverses pesées et auxquels ils ont ajouté ceux de Loso, soit d’une demi-piastre, de ktrobo, soit d’un quart de piastre, ou 1 fr. 25, et de sikajy, soit du huitième de piastre ou 0 fr. 625. Le nom malgache de la piastre, artary, n’était autre que son nom arabe al-rial. Les Merina étaient experts dans l’art de faire de la fausse monnaie; quand c’étaient des piastres entières, il était facile de les reconnaître, tant au poids qu’à la frappe, qui était défectueuse parce qu’elles avaient été coulées dans des moules, mais il n’en était pas de même de la monnaie fragmentaire (voir CLÉMENT DELHORBE, Revue de Madagascar, 1°7 semestre 1905, p. 484-507). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 303 corvées, soumis à toutes sortes de vexations, on ne leur donnait jamais aucun salaire; pas d’étoffe pour leurs vêtements, pas de riz pour leur nourriture! » Les trois jours suivants, ils assistèrent à des combats de taureaux, spectacle favori de Ranavalona () et, le 1er juillet, eut lieu, en présence de la Reine, un grand bal (2). M. Hervier (R. P. Finaz), que les Malgaches appelaient Rangahibé (), et qui désirait beaucoup demeurer à Tananarive aussi longtemps que possible, demanda à Ranavalona, à qui M. Laborde l’avait présenté comme « un savant connaissant tout » et « pouvant donner au prince Rakoto des leçons de omni re scibili », et obtint l’autorisation d’y séjourner après le départ de M. Lambert. Mais plus que jamais il dut cacher sa qualité de missionnaire et ne put dire la messe qu’en secret : la pre- mière fois, ce fut le 8 juillet 1855, la veille du départ de M. Lambert (4). Vers la fin d’août, l’armée ramena en triomphe à Tananarive un offi- cier et deux matelots de l’ Augustine, ainsi qu’un délégué de l’adminis- tration de Bourbon, M. Paré, et un traitant, M. Périer d'Hauterive, que les Merina avaient capturés le 14 juin 1855 sur la côte Sud-Est, dans une embuscade qu’ils leur avaient dressée parce que, malgré les défenses de la Reine, ils voulaient acheter des esclaves pour les exporter; ils furent mis en prison sous la garde de geôliers passibles de mort s’ils les laissaient non seulement s'évader, mais même sortir; nonobstant, tous les jours jusqu’à leur rachat qui ne fut pas sans présenter de diff- cultés, le prince Rakoto allait les prendre et les conduisait chez M. La- borde, grâce à qui on les relâcha, le 22 octobre, moyennant une rançon (1) Elle avait ses taureaux favoris et elle a amèrement pleuré la mort de l’un d’eux qu’elle a fait enterrer avec tous les honneurs dus à un Andriana, à un prince : des 12€ honneurs, des maréchaux, l’ont porté à son tombeau, qui était à côté du fsena, du grand marché, et dont l'emplacement est marqué par une pierre levée, un Vato isangana. Voir le vol. Ethnographie, de cette Histoire de Madagascar t. III, p. 141, notule a. @) Voir le vol. Ethnographie, t. II, p. 150, notule a. (3) Litt. : le grand Monsieur respectable. (4) Cette messe fut célébrée dans un pavillon isolé de la maison de M. Laborde à Ambodinan- dohalo, portes et fenêtres closes; étaient pré- sents : le prince Rakoto, M. J. Lambert, M. Jean Laborde et quatre personnes de con- fiance (R. P. MALZAC, Hist. du royaume hova, 1912, p. 296). 304 MADAGASCAR. de cent trente piastres par tête (soit pour les cinq environ 3,500 fr.) (9. Mais à cette époque se passa un fait plus grave, qui suscita la colère dela Reine. Un ancien consul de France à Maurice, avait formé en face de Nosy bé, dans la baie d’Ambavatoby, un établissement pour l’exploi- tation d’une mine de houille qu'il croyait y exister, établissement qu’il avait fortifié et muni de canons. La Reine, apprenant par le gouverneur d’Anorontsangana qu’un Français avait eu l’audace, l’impudence, de s'installer sans sa permission sur un point de la côte de Madagascar, envoya immédiatement contre lui un corps d’armée, afin de l’expulser de vive force et de le mettre à mort s’il résistait. M. Lambert écrivit à M. Darvoy pour l’engager à quitter Madagascar, mais en vain et, le 19 octobre 1855, il fut assiégé par deux mille hommes; il se défendit vaillamment, mais succomba sous le nombre et fut tué et les quatre- vingt-dix-sept Mozambiques qu’il employait furent faits esclaves; son employé, M. Sautré, blessé et fait prisonnier, fut amené à pied à Tana- narive, où il arriva le 26 décembre . La Reine, après avoir manifesté son courroux, finit par le relâcher moyennant une grosse somme (600 piastres environ), et le 5 janvier 1856 le renvoya à Majunga. Ce fâcheux événement pouvait faire craindre au R. P. Finaz d’être expulsé de l’Imerina, aussi s’évertua-t-il à justifier sa réputation d’ «homme universel ». Il acquit d’abord et à peu de frais celle de «grand musicien » grâce au piano à mécanique et à clavier que M. Lambert avait (4) Note manuscrite dans les Archives du Ministère des Colonies, Corr. générale, carton XXI, et R. P. RÉGNON, Madagascar et le roi Radama II, 1863. (2) Ce malheureux matelot ne connaissait pas un mot de malgache et il ne doutait pas qu’on l’amenait à Tananarive pour l’y exécuter. Comme il entrait dans la ville, le prince Rakoto le rencontra et s’enquit de quel crime s'était rendu coupable ce Vazaha, cet Européen; dès qu'on lui eût conté l’histoire, il s’approcha de lui, l’amena à son fanjana, à son palanquin, et l’ayant pris sur ses genoux il se fit conduire chez Laborde. Le pauvre diable, qui se croyait dans les bras du bourreau et ne doutait pas qu’on le conduisit au supplice, tremblait de peur : la suite du prince, la musique qui l’escor- tait, les hoby, les acclamations du peuple sur son passage ne lui laissaient aucun doute sur le sort qui l’attendait, et il tenait ses yeux fermés pour ne pas voir un spectacle qui le terrifiait. Lorsque le prince le déposa chez Laborde, quoi- qu’il entendît ce dernier lui parler français, il fut quelques minutes sans pouvoir ouvrir les yeux et, quand on lui donna un verre de vin de Madère à boire, ses mains tremblaient si fort que le précieux liquide tomba par terre. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 305 A donné à la Reine, exécutant sur le clavier quelques morceaux faciles, appris à la hâte pendant les quelques jours que l’instrument était resté chez M. Laborde. La Reine avait été ravie de ces auditions. Puis, il lança dans les airs un ballon, sujet de grand étonnement pour les Mal- gaches, qui ne pouvaient comprendre « qu’une aussi grosse machine s’élevât toute seule » et qui ne trouvèrent pas de paroles pour exprimer leur surprise et leur admiration (Œ). Il composa des pièces dramatiques, il fit fonctionner deux télégraphes, dont celui à cadran intéressa vivement les Merina qui pouvaient en saisir le mécanisme, il fit même marcher un chemin de fer en miniature (?), il se fit photographe et tira des por- traits, mais le comble de son art fut de fabriquer de la poudre blanche jugée par les Malgaches très supérieure à la poudre à canon qu'ils em- ployaient. Tous ces « prodiges » n’empêchaient pas maints chefs de l’ac- cuser d’être un espion, mais la Reine, émerveillée de tous ces spectacles si divers et si intéressants, et conseillée par M. Laborde, le prince Rakoto et ses amis, l’autorisa à prolonger son séjour à Tananarive (#). Au printemps de 1856, courut dans les principaux ports de Madagascar le bruit, venant de l’île Maurice, que M. Lambert était allé à Paris pour (1) C’est le 5 novembre 1855 qu’eut lieu cet événement mémorable (a). (2) Toutefois, par suite de difficultés de cons- truction qu’il ne put vaincre, sa locomotive n'allait qu’à reculons. (3) R. P. MALZAC, Histoire du royaume hova, 1912, p. 299. Toutefois, elle aurait dit à des familiers : « Oui, ce doit être un espion, mais laissons-le achever sa poudre blanche, puis nous le renverrons », car elle croyait que cette poudre serait très utile à son armée et la rendrait invincible. (a) Voici le récit intéressant qu’en donne le R. P. Finaz dans son journal : « Ce matin j’ai fait avertir Sa Majesté que, le temps étant favorable, je me tenais à sa disposition pour l’ascension de l’aérostat. Le prince Rakoto et deux de ses amis, envoyés par la Reine, se rendirent avec moi sur la place de Mahamasina. Tous les habitants de Tananarive, avertis de ce qui allait se passer, se tenaient par groupes sur les terrasses, curieux de voir un spectacle si nouveau pour eux. Au-dessus de tous ces spectateurs, tout en haut de la ville, s’élevait le parasol rouge : la Reine était là. Jamais je n’ai vu tant d’yeux fixés sur moi. « Par précaution, de crainte d’un accident, je m'étais muni de deux ballons, et bien m’en a pris, car le pre- mier s’est déchiré au moment où je le gonflais. « Déjà, la foule traitait les Blancs d’imposteurs. Comment voulez-vous qu’une grosse machine comme celle- là s’élève toute seule? D’ailleurs, jadis, les missionnaires anglais ne se sont-ils pas réunis pour faire un ballon, et jamais ils n’ont pu réussir. » Je prends mon second ballon en recommandant à Dieu la réussite de mon expé- rience. Or, jamais ballon ne s’est élevé si bien ; il s’est promené sur la ville et, après avoir comme salué la Reine, il est revenu au-dessus de nos têtes et s’est élevé dans les nuages pour reparaître un instant après. Le temps était magnifique; il n’y avait pas un souffle de brise. Après avoir fait son ascension, le ballon est descendu, aux yeux de tout le monde ébahi, à peu de distance de l’endroit où je l’avais lancé. « Les Malgaches n’en pouvaient revenir et Sa Majesté a été si surprise, si étonnée, que tout le temps elle s’est tenu la tête dans la main, les yeux fixés sur cet objet si nouveau pour elle;-et, en m’envoyant remercier, elle m’a fait remettre trente piastres en son nom et au nom du prince Rakoto « pour acheter, a-t-elle dit, du laoka c’est-à-dire des friandises. » (R. P. Marzac, Histoire du royaume hova, 1912, p. 298-299.) HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE, 39 306 MADAGASCAR. déterminer les Français à faire la guerre à Madagascar. En effet, M. Lambert avait été reçu par Napoléon IIT, mais l'Empereur, tout en lui témoignant le vif intérêt qu’il prenait à sa communication, lui déclara qu’il ne pouvait pas, sans être préalablement entendu à ce sujet avec le gouvernement britannique, s’immiscer dans les affaires de Madagascar au risque de refroidir l’entente cordiale @). M. Lambert alla donc voir lord Clarenton à Londres, mais le chef du Foreign Office désapprouva tout projet d’un protectorat non seulement français, mais même franco-anglais, « tout protectorat, dit-il, étant forcément le germe d’une prise de possession », et il approuva seulement le projet d’une compagnie anglo-française pour l’exploitation des mines de Madagascar. Ellis, qui était en rapports constants avec le Foreign Office et qui, du reste, est parti peu après pour Tananarive, ainsi que les missionnaires de Londres, mirent leurs correspondants de Madagascar au courant de ces pourparlers et soulevèrent l’indignation du gouvernement merina contre les Français. Il y eut alors une réunion des Ministres au Palais. L’un d’eux proposa d'interrompre le commerce avec les Européens : (Non, répondit la Reine, car ce serait leur donner un motif pour nous attaquer. » — « Mais ne faudrait-il pas du moins empêcher Lambert de revenir? » — « Nous ne sommes pas sûrs qu'il soit notre ennemi et, puisqu'il doit nous apporter tous les objets que nous lui avons demandés, laissons-le venir. Toutefois, je vais donner à Tamatave l’ordre qu’on ouvre tous ses paquets. » — « Et ce M. Hervier, que fait-il ici? ne faut-il pas le ren- voyer? » La Reine ne répondit rien (?). Ellis, qui n'avait pu monter à Tananarive en 1853, reçut en 1855 l'autorisation tant désirée et s'embarqua en Angleterre ke 20 mars 1856; il arriva à Tamatave le 13 juillet et, le 26 août, à Tananarive, où il reçut un accueil courtois et cordial; il offrit à la Reine de beaux cadeaux et il lui remit en outre ceux que le Gouverneur de Maurice lui envoyait avec ce billet fort laconique : « J’envoie à Votre Majesté, par mon ami (1) On était en effet en pleine guerre de (2) Madagascar, par le P. DE LA VAISSIÈRE, Crimée et le Congrès de Paris allait se réunir. t. I, p. 261, 265-266. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 307 Ellis, des cadeaux que je la prie d’accepter »; de plus, il distribua de l’or à pleines mains aux grands personnages, 30,000 piastres, dit-on (9. La Reine le reçut solennellement en septembre ©) et l’invita à un grand repas ainsi qu'à un bal; M. Laborde lui donna un grand dîner. Il travailla naturellement à faire triompher la politique anglaise (®) et ne se fit pas faute de raconter à la Reine ce que Lambert avait fait contre elle, ajoutant qu'il viendrait prochainement avec des troupes françaises pour la détrôner et mettre son fils à sa place : il aurait, dit-on, morigéné le prince Rakoto et insisté sur le crime qu’il commettait en se révoltant contre sa mère, ajoutant « que la cour d'Angleterre, en appre- nant ses projets, avait pris le deuil », à quoi le prince aurait répondu qu'il n’avait agi que dans le seul but d’ôter à la Reine le pouvoir de commettre des cruautés, lui laissant volontiers tous les autres et ne demandant rien pour lui. Mme Ida Pfeiffer, qui cite ces divers faits, ajoute (1) Dans une lettre à M. Menou, Laborde dit soixante mille — D'. FONTOYNONT, Bull. Acad. malg., 1937, p. 31. (2) La Reine étant sur le balcon du Palais et lui, suivant la coutume, dans la cour. (3) IDA PFEIFFER (Voyage à Madagascar, 4862, traduction française, p. 204 et suivante) Rév. Ellis, dépositaire de la pensée du gouver- nement britannique, qui, dit-elle, proclamait à tout venant que la France était l’humble ser- vante de l’Angleterre et « ne pouvait rien faire sans sa permission), et cependant, dit M. Francis Riaux, on ne peut pas la soupçonner d’une grande partialité en faveur de la France (a). s’exprime avec sévérité sur le compte du (a) Les navires anglais qui mouillaient à Madagascar ne cessaient de dire « que la France était une petite nation qui ne possédait pas de navires comme l’Angleterre, que ses menaces n'étaient pas à craindre, que les Anglais arrêteraient les Français s’ils allaient plus loin qu’ils ne voulaient, etc. Quant à Ellis, s’il n’avait pas une mission officielle, il apportait de l’argent, beaucoup d’argent, pour acheter à la politique anglaise des partisans et, à force d’argent, il réussissait. Il dit à la Reine «qu’il n’était pas venu pour traiter des questions commerciales, mais pour s'occuper de la prospérité et du bien du pays et qu’il appor- tait, en même temps qu’un message d’amitié du gouvernement anglais, une lettre du gouverneur de Maurice » : « le gouvernement de la Grande-Bretagne, ajouta-t-il, désire vivement le bonheur et la prospérité de Mada- gascar et tient à maintenir d’amicales relations avec la Reine, mais il n’entend pas s’immiscer dans les affaires de son royaume et il n’a aucune réclamation à lui adresser » (Three visits to Madagascar, 1859, chap. xIv, p. 376-377). « Au lieu d’arriver à Tananarive avec la branche d’olivier, dit Mme Ida Pfeiffer (Voyage à Madagascar, 1862, p. 204), Ellis y est venu avec le glaive, trahissant et calomniant M. Lambert et faisant au prince Rakoto un sermon sur son crime inoui de vouloir se révolter contre sa mère, ajoutant que la Cour d’Angleterre en avait été si affligée qu’elle avait pris le deuil, faussetés extrêmement ridicules » remarque Mme Pfeiffer qui en raconte de nombreuses autres d’ailleurs. Au moment où il s’agitait à Tananarive, le gouverneur de Maurice, qui était au courant des projets de Laborde et de Lambert, Français ayant sa résidence à Maurice, lança une proclamation où il menaçait « de la déportation ou de la peine de la réclusion tout Anglais ou tout étranger qui ferait une démarche pouvant être considérée comme faite au mépris des lois de Madagascar ». Le journal français de l’île, Le Cernéen, demanda si M. le Gouverneur possédait un exemplaire du Code de Ranavalona, puisqu'il le prenait si vivement sous sa puissante protection, mais ce qui frappa tout le monde, c’est que M. Lambert qui était notoirement le seul étranger résidant à Maurice qui s’occupât de la politique de Madagascar et que pût viser cette menace de dépor- tation. Ainsi se manifestait le mauvais vouloir de l’Angleterre à notre égard (RrAuUx, /Zntroduction au Voyage de Mme Ida Pfeiffer, 1862, p. LrI-LV). 308 MADAGASCAR. que « M. Ellis, ne reculant pas devant les mensonges les plus grossiers racontait que M. Lambert, avait arraché frauduleusement au prince la signature du contrat et que celui-ci, irrité de cet abus de confiance, l’avait pour toujours banni de sa présence () ». Il eût bien voulu pro- longer son séjour à Tananarive, mais le mois qu’on lui avait accordé, comme à M. Lambert l’année précédente, expirant le 26 septembre, il ne put obtenir la prolongation qu’il demanda et il dut partir, emportant quelques beaux lambas de soie que lui donna la Reine, ainsi que vingt bœufs pour le gouverneur de Maurice et dix pour lui (?). Comme il descendait à Tamatave, Ellis rencontra trois Français que Ranavalona faisait venir pour une opération de rhinoplastie. Rainima- nonja, frère du ministre Rainijohary, avait une partie du nez rongée par un cancer et n’osait plus se montrer à la cour, ni en public; la Reine, qui l’aimait beaucoup et qui avait appris qu’il y avait des maîtres dans l’art de la rhinoplastie, avait prié M. de Lastelle de lui envoyer un de ces savants, mais le seul qu’il trouva fut tellement effrayé des difficultés de la route qu'à moitié chemin il ne voulut pas aller plus loin, revint sur ses pas et retourna à Bourbon. Mais M. de Lastelle étant mort au mois de juin de cette année, le P. Jouen, préfet apostolique de Madagascar, prit l’affaire en mains et, dès le mois d’août, il avait trouvé l’homme qu'il fallait, le docteur Milhet Fontarabie. Mais il ne convenait pas que le savant chirurgien montât seul à Tananarive et il fut décidé, avec l’assentiment de la Reine conseillée par M. Hervier (P. Finaz), qu’il serait accompagné des deux aides qui le secondaient toujours dans les cures difficiles : or, le P. Jouen, qui désirait se rendre compte de l’état des esprits dans la capitale, s’offrit pour être l’un d’eux et choisit pour son second le P. Webber qui venait précisément d’achever à la Ressource (île Bourbon) les « Dictionnaires malgache-français et français-malgache » (%). Donc, au commencement d'octobre 1856, le docteur Milhet arriva avec MM. Du- (1) Cité par le R. P. DE LA VAISSIÈRE, t. I, même jour, venant du Cap de Bonne-Espérance. p. 267 et 268. (3) Le premier comprenant 798 pages, a été (2) Deretour à Port-Louisle2 décembre, ils’y publié en 1853 et le second, en comprenant 850, trouva avec Mme Ida Pfeiffer qui y arrivait ce a été publié en 1855. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 309 quesne (ou P. Jouen) et Joseph (ou P. Webber), qui était un musicien distingué, aussi bien qu’un habile aide-chirurgien. Ce fut à Mantasoa (Soatsimanampiovana), dans la grande usine créée par M. Laborde, qu’ils furent présentés à la Reine (1). L'opération réussit parfaitement et la vieille Reine sembla prendre en grande estime M. Milhet et ses compagnons, d'autant qu’'Ellis avait dit, avant de quitter Madagascar, qu’ « opérer Rainimanonja, c'était le tuer », et la science et l’habileté des docteurs français furent dès lors l’objet de l'admiration générale; pendant leur séjour, qui fut de trois mois, plusieurs autres opérations importantes ont mis le comble à leur réputation. Aussi leur offrit-on des fêtes de toutes sortes, des combats de taureaux, des danses, des festins, etc. Rainijohary, voulant leur témoigner sa reconnaissance pour la guérison de son frère, leur donna (1) La Reine arriva à Mantasoa, escortée de 20,000 à 25,000 personnes (a). (a) « À peine le grand parasol rouge réservé à la Reine, racontent les Pères Jouen et Webber, nous eut-il signalé la venue de Sa Majesté, que nous nous sommes hâtés d’aller à sa rencontre et de nous mettre sur son passage. Dès qu’Elle nous eut aperçus, elle fit arrêter son palanquin; quoiqu'on la dise très âgée, ses traits, d’un teint olivâtre, sont bien conservés, et elle porte parfaitement le diadème. Trois ou quatre petits enfants des principaux officiers de sa cour étaient assis devant elle. Sa physionomie est celle d’une bonne maman et contraste d’une manière étrange avec le caractère cruel et sanguinaire qu’on lui connaît. Après nous avoir salués d’un demi-sourire assez gracieux, elle s’informa de l’état de notre santé et si nous avions fait un bon voyage. Nous répondimes à cette marque d'intérêt en faisant le hasina, c’est-à-dire en lui présentant la pièce d’or qu’il est d’usage de lui offrir en signe de suzeraineté. Puis, sur son invitation, nous primes rang dans le cortège et l’escortâmes jusqu’à l’entrée de sa résidence, où nous primes congé d’elle pour regagner notre demeure, où nous ne tardâmes pas à être suivis par un bœuf magnifique que Sa Majesté envoyait aux docteurs pour compléter le menu de leur dîner. « La Reine ne resta que quelques semaines dans son château de Soatsimanampiovana, et elle regagna sa capitale où elle fit une entrée solennelle le 30 octobre 1856. On eût dit qu’elle avait à cœur de nous donner une haute idée de sa puissance et de sa grandeur, car jamais on ne la vit déployer autant de luxe et de magnificence. Toutes les populations des environs avaient reçu l’ordre de se trouver sur son passage, formant une haie sans fin de chaque côté de la route. Le rendez-vous était au château de Soanierana, situé au pied de Tananarive. C’est de là, vers une heure de l’après-midi, que partit le cortège royal dont nous avions l’honneur de faire partie. Par un raffinement d’orgueilleuse coquetterie, Sa Majesté a voulu nous montrer la partie à l'Ouest de sa capi- tale, où s’étendent jusque fort loin les riches et magnifiques rizières de l’Imerina, arrosées par la belle rivière de l’Ikopa. Partant du Sud, le cortège traversa la vaste plaine du Champ de Mars et monta au palais de Manja- kamiadana. « Voici dans quel ordre défila, pendant près de cinq heures, cette innombrable procession. En tête, marchaïent sur deux rangs et en palanquin tous les officiers de la cour et de l’armée, chacun suivant son grade. Puis venaient les généraux, les maréchaux du palais, le Commandant en Chef, les dames de la cour, les princes et les princesses de la famille royale, l’héritier présomptif du trône Rakoton-dRadama avec Rabodo, son épouse et nièce de la Reine, tous les deux magnifiquement vêtus et portés sur des palanquins d’une richesse extraordinaire, et enfin, au milieu d’un long carré de 200 à 300 soldats, ses gardes du corps, sur un superbe palanquin garni de velours écarlate et entouré de pendeloques et de franges d’or, qui a coûté à Paris, assure-t-on, 35,000 francs, appa- raissait, dans tout l’éclat de sa toilette royale, Ranavalomanjaka, le front ceint du diadème et la tète ombragée par le magnifique parasol royal en drap écarlate brodé en or et orné de garnitures et de franges d’or. Derrière elle, autour du carré des soldats, marchaient 200 chanteuses dont les voix, accompagnées de claquements des mains, ne cessaient de chanter à perte d’haleine les louanges de leur divine maîtresse : «Oh! Oh! Oh! la bonne Reïnel etc. Et, quand les 100,000 voix des spectateurs échelonnés tout le long de la route répétaient ce refrain et ces louanges, on conçoit que la tête de la vieille Reine en fût ébranlée et qu’elle se crüt au-dessus des simples mor- tels. » (Histoire du royaume hova, par le R. P. Mazzac, 1912, p. 304-305.) 310 ; MADAGASCAR. un repas solennel, où lui et toute sa famille figurèrent vêtus à la française, et àla fin duquel on remit au docteur les honoraires convenus et divers cadeaux, mais il fallait aux Pères quelque chose de plus, ils voulaient que l’un d’eux restât en comgagnie du P. Finaz, et ils réussirent en fai- sant observer par un des amis de M. Laborde que, quoique l’opération eût parfaitement réussi, il pouvait survenir une rechute, un accident, et qu'il était prudent de prier un des docteurs de rester encore quelque temps. Raïinijohary, frappé de cette observation, en conféra avec la Reine qui fit la demande à M. Milhet; après avoir fait pour la forme quelques difficultés, il consentit, en reconnaissance de la cordiale récep- tion qu'il avait reçue dit-il, à laisser à Tananarive M. Joseph (le P. Web- ber), « jusqu’à ce qu'il revint pour revoir ses malades et saluer Sa Ma- jesté » 4). Le P. Jouen, au comble de ses vœux, reprit alors le chemin de Bourbon en compagnie de M. Milhet. Pendant que les PP. Finaz et Webber surveillaient le nez de Raini- manonja, la Reine qui, «en vieillissant dit un témoin oculaire, croissait en superstitieuse férocité », prit en 1857 des mesures d’une cruauté inconnue jusque-là (?); il ne se passait pas de jour qu'il y eût quelques individus condamnés à mort, soit pour sorcellerie, soit pour des fautes légères, ou soumis à l'épreuve du tanghin, mais au mois d’avril, ce fut une vraie hécatombe, puisque quatorze furent condamnés à être brûlés vifs et soixante-cinq à être sagayés, que douze cent trente-sept ont été mis aux fers et que deux cent huit ont dû payer de grosses amendes sous peine d’être réduits en esclavage, eux, leurs femmes et leurs enfants. C’est pendant ce règne de la terreur que M. Lambert annonça son retour à Madagascar, nouvelle qui fut bien accueillie de tous, les unsatten- dant de beaux cadeaux, les autres pensant au changement qui pourrait s'effectuer dans la politique. Débarqué à Tamatave le 13 mai 1857 (1, avec Mme Ida Pfeiffer qui l’accompagnait (4, il monta tout de suite à (1) Histoire du Royaume hova, par le HRanavalona et son gouvernement. Voir ce R. P. MALZAC, p. 306-307. récit à l’Appendice n° VI, p. 365. (2) Le R. P. Finaz a fait dans son journal (3) Après une absence de deux ans. le récit navrant des horreurs commises par (4) Agée de soixante-deux ans. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 311 Tananarive, où il arriva le 30 et fut magnifiquement reçu. Il apportait de splendides présents pour la Reine et pour le prince Rakoto, ainsi que pour les Grands du royaume, au nom de la « Compagnie de Mada- gascar, foncière, industrielle et commerciale », ces cadeaux avaient coûté deux cent mille francs, dit-on. Rakoto apprit avec regret que la France ne pouvait venir au secours de son malheureux pays, mais il ne se découragea pas et il décida de mettre en œuvre tous les moyens qu’il pourrait pour écarter le ministre Raïnijohary, un des amants de la Reine qui s’était attiré par ses rigueurs la haine du peuple et qui était en rivalité avec le commandant en chef Rainivoninahitriniony. Un complot fut ourdi dans ce but, d'accord avec la « Société des Priants » qui s'appelait « Gens de la Prière » et qui, depuis 1835, par ses prédications politico-religieuses, tentait d’amener un nouvel état de choses dans son malheureux pays; le prince Rakoto devait en attendre le résultat en compagnie de MM. Laborde et Lambert : Raiïnijohary écarté, la Reine adopterait une autre politique ou bien on gouvernerait sans elle. Le 20 juin 1857 devait être le grand jour : à 2 heures du matin, les conjurés devaient se glisser secrètement dans le palais de la Reine, dont les portes devaient rester ouvertes sous la garde d'officiers dévoués à Raharo, le chef de l’armée, et, à un signal donné, on devait proclamer Rakoto roi et on aurait signifié à la Reine que c'était la volonté de la noblesse, de l’armée et du peuple. Le canon devait annoncer le change- ment de souverain, le changement de règne. Au dernier moment, Raharo fit dire que, par suite d'obstacles imprévus, il n’avait pu faire occuper le palais par ses officiers et qu’il fallait attendre une autre occasion. Mais un ministre méthodiste, le Rév. Lebrun, arrivé récemment à Tamatave d’où il pouvait facilement correspondre avec la capitale, et mis au Courant de ce qui s’y préparait, avait écrit aux chefs des Priants qu'ils allaient faire les affaires de la France et non celles de leur pays, et que « leur travail n’aboutirait qu’à l'établissement du catholicisme »; puis, voyant que malgré tout ils persévéraient dans leur projet, dont il voulait à tout prix arrêter l'exécution, il chercha parmi eux quelqu'un 312 MADAGASCAR. qui jouât le rôle de traître, qui dénonçât ses frères et ses amis, les vouant à la mort : ce fut un hova nommé Ratsimandiso 4) un des chefs des Priants, le seul indigène qui eût été jusqu'alors ordonné comme ministre de la religion indépendante, et qui était à la tête des écoles protestantes de l’Imerina; il alla dans la nuit du 29 juin trouver le vieux Raïinijohary et lui dénonça la Société dont il faisait partie comme coupable de prier, de baptiser, de pratiquer le christianisme défendu par les lois, et comme cherchant à établir la république et, dans ce but, à le renverser et l’assas- siner; il accusa en outre les Français d’avoir donné de l’argent pour favo- riser l’exécution de ce projet. « Rapport est aussitôt fait à la Reine, dit le R. P. de la Vaissière (2). Le palais est entouré d’une triple garde. Le 3 juillet, on convoque le peuple sur la place publique et la Reine lui fait dire que les « religion- naires », malgré ses défenses, se sont réunis pour prier et recevoir le baptême et le pain, qu’ils prêchent la république, l’affranchissement des esclaves et l'égalité de tous, et que des étrangers leur ont donné de l'argent. On nomme dix chefs que le peuple doit appréhender et amener le plus tôt possible, et les autres priants qui auraient assisté aux réunions proscrites doivent, s’ils veulent conserver leur vie, venir au plus tôt s’accuser eux-mêmes et se soumettre à la punition que la Reine jugera à propos de leur infliger : on savait à quoi s’en tenir sur sa clémence à cet égard, et le prince Rakoto fit d’ailleurs avertir les Priants de ne pas se dénoncer; aussi la plupart se cachèrent-ils; avant l’assemblée, trois cents disparurent de Tananarive; un village situé à quatre lieues de la capitale, composé de dix-neuf maisons, fut totalement abandonné. Néanmoins il y en eut qui, par peur, lassitude ou simplicité, se livrèrent (1) Ce traître qui, plus tard, lorsqu'il eut un tionner sous le règne de Ranavalona Ire. Sous enfant, prit suivant l’usage des Hova, le nom de Raïnisoa, de «père de Soa », avait établi la liste des chrétiens indigènes; le prince Rakoto l'ayant eue entre les mains la déchira après l'avoir lue, mais Raïinijohary n’en eut pas moins connaissance; Ratsimandiso a été mis à la tête des écoles indigènes qui ont continué à fonc- Ranavalona II, il était officier du palais et, quoique toujours et malgré tout affilié aux pro- testants, il était peu estimé » (Notes de voyage manuscrites d'A. GRANDIDIER, 1869, p. 2356 et 2363). (2) Madagascar, ses habitants et ses mission- naires, 1884, t. I, p. 189-291. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 313 d'eux-mêmes; on les envoya au supplice et ils y marchèrent avec un courage admirable. « Raïnijohary arriva même à persuader à Ja Reine qu’on voulait l’assassiner : un couteau de chasse trouvé chez un religionnaire en était la preuve certaine; un Priant, lui disait-on, l’avait avoué dans les tor- tures. Mais il désirait surtout atteindre les Européens et il les accusa tous, la Reine ne voulait cependant pas entendre parler de la culpabilité de M. Laborde, qui lui rendait tant de services depuis si longtemps (); toutefois, sa maison fut entourée d’espions qui avaient ordre de saisir quiconque irait visiter les Européens. M. Lambert était alors alité avec la fièvre; Ranavalona envoya ses devins qui lui jetèrent un sort en disant : « Si tu as de mauvais desseins, meurs, sinon vis »; il se rétablit et la Reine dit à Raïinijohary : « Vous voyez bien que ce Blanc est innocent. » « Bientôt les dix chefs des révolutionnaires, traqués de toutes parts, tombèrent entre les mains de Rainijohary (. On trouva sur l’un d’eux une lettre du Rév. Lebrun, où il encourageait les Priants à persévérer dans leur dessein et leur promettait toutes sortes de secours. A l’aide de cette pièce, Raiïinijohary pouvait persuader à la Reine que tous les Européens en Imerina faisaient de la politique contre elle, de conni- vence avec les religionnaires, mais, pour s'emparer plus sûrement de son esprit, il proposa de soumettre à l’épreuve du tanghin, non les Européens eux-mêmes, c’eût été trop compromettant pour le royaume, (1) Ranavalona, qui tenait à garder son « vieil ami » auprès d'elle, fit tirer le sikidy quatorze fois pour bien s’assurer qu’elle ne pou- vait le garder, sinon auprès d’elle, au moins à Madagascar : la première consultation le chas- sait de la ville de Tananarive, la deuxième du faubourg, la troisième de Soatsimanampiovana (son usine), et ainsi de suite, jusqu’à la quator- zième qui l’envoyait outre-mer à son très grand regret, et elle obéit non pas naturellement à l’oracle de Dieu, comme elle le croyait, mais à Rainijohary, ministre qui était l'ennemi de Laborde et de tous les Européens et qui ne cessait de lui dire : «il est vrai que Laborde n’a fait que du bien dans l’Imerina : voyez son HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. établissement de Soatsimanampiovana, que de belles inventions! que de grands travaux! Aucun de nous n’eût jamais pu faire la millième partie de ce qu’il a fait, je ne sais même pas si un être humain peut faire de semblables choses, seul, un sorcier peut en être capable. » C'était le coup de massue! (Notes de voyage manus- crites d’A. GRANDIDIER, p. 1234-1235 et 1429). (2) Huit officiers, disent les Malgaches, furent condamnés à boire le tanghin, mais les administrateurs du poison, craignant d’encourir la disgrâce du prince Rakoto, et même de Raïinivoninahitriniony, qui commençait à par- tager ses idées, adoucirent la dose et tous furent déclarés innocents. 40 314 MADAGASCAR. mais des poules représentant chacune un d’eux. Ce projet plut à la Reine et M. Laborde, les deux missionnaires et jusqu’à la touriste, Mme Pfeiffer, fort innocente assurément du complot, eurent chacun sa poule, à laquelle on administra le tanghin : la mort de l'animal prouvait la culpabilité de l’accusé qu'il représentait; les poules moururent toutes, sauf celle de l’aide-chirurgien Joseph (R. P. Webber), qui avait soigné avec dévoue- ment Raïnimanonja, le frère de Rainijohary. « Ranavalona ne douta plus que tous les Européens, à l’exception de M. Joseph, avaient trempé dans le complot, et elle pensa même un moment à les faire tous exécuter, mais son conseil lui ayant représenté qu'il serait dangereux de traiter de la sorte M. Lambert, qui était certainement un agent secret du gouvernement français, elle se ravisa, et un ordre d’exil fut prononté contre tous les Euro- péens, le P. Webber excepté. Chacun d’eux pouvait emporter ses effets; on lui donnait pour cela des porteurs, ainsi que pour sa per- sonne. Les biens et propriétés de M. Laborde devenaient la propriété de la Reine. » Le prince Rakoto intercéda pour M. Laborde, mais inutilement; le soir du 7 juillet, il alla lui dire, ainsi qu’à M. Lambert, un dernier adieu; le P. Webber ne jouit pas d’ailleurs longtemps de la faveur qui lui avait été faite; huit jours après le départ de ses compatriotes, on lui enjoignit, sous le plus vain prétexte (dans une certaine circonstance il avait omis de faire le hasina à la Reine) de partir ®. Le 8, la Reine défendit à qui que ce fût, sous peine de mort, de passer le seuil de la maison où étaient les Européens. Les soldats envoyés à la recherche des chrétiens ne firent pas beau- coup de prisonniers, car tous avaient fui dans les montagnes ou dans les bois; aussi, très irritée qu'on en ait appréhendé aussi peu, s’est-elle (4) Maïs, lui avait-on dit, « si vous rencon- M. Milhet, toutefois, ne put s’entendre avec la trez le docteur Milhet, qui nous a promis de Reine au sujet des honoraires qu’elle lui offrait revenir au bout d’un an et qui est peut-être en pour s’établir à Madagascar et il ne tarda pas à route, vous pouvez remonter avec lui. Le retourner à Bourbon, et son « aide-chirurgien » P. Webber le rencontra et rentra à Tananarive. le suivit. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 315 écriée « qu'il fallait fouiller les entrailles de la terre, sonder les lacs et les rivières, afin qu'il n'échappât pas un seul des individus qui osaient contrevenir à ses ordres. » Le 9 eut lieu un autre grand kabary sur la place du marché, où l’on annonça que tous ceux qui aideraient les chrétiens à se cacher ou à fuir ou qui ne les en empêcheraient pas seraient punis de mort, et qu’au contraire ceux qui les dénonceraient ou les livreraient seraient déchargés des délits qu’ils auraient pu commettre et récompensés (1), Le 10, des officiers supérieurs sont entrés, avec une suite nombreuse, dans la cour de M. Laborde, où étaient gardés les Européens, et ont demandé les présents qu’avait apportés M. Lambert pour la Reine et les princes et princesses et qui leur furent remis (?). Le 11, on a saisi une vieille femme, dénoncée comme chrétienne, et on lui a scié l’épine dorsale. Le 12, on a découvert dans un village voisin de Tananarive six chrétiens dans une fosse à riz, et on les a amarrés et emmenés, ainsi que tous les habitants qui ne les avaient pas dénoncés. Presque tous les jours il y avait des kabary, des assemblées, soit dans la capitale, soit dans les villages avoisinants, pour prévenir le peuple que tous les malheurs qui avaient frappé et qui frappaient encore le pays pro- venaient des chrétiens, et pour lui ordonner de les dénoncer, ainsi que les livrer. « Je ne prendrai de repos, a dit Ranavalona, que lorsque le dernier de mes sujets chrétiens sera anéanti. » (4) « Un corps de troupes de 1,500 hommes a été envoyé le 9 juillet 1857 dans la baie de Baly, où vivent depuis trois ou quatre ans 5 missionnaires catholiques qui y ont fondé une petite église. La Reïne en est très irritée, car (2) Il y avait plusieurs très belles robes, dont quelques-unes avaient coûté plus de 1,500 francs de superbes uniformes pour le prince Rakoto, une selle avec une magnifique housse. Il y avait aussi un piano à clavier et à mécanique, apporté elle a décrété que tout blanc qui aborderait ou séjournerait en un endroit où il n’y a pas de poste de ses soldats hova devrait être mis à mort. Le prince Rakoto a dépêché aux Pères un messager sûr pour les prévenir, et ils ont quitté Baly avant l’arrivée des troupes » (IDA PFEIFFER, Voyage à Madagascar, 1857, édition française, p. 259). par une corvée de 150 hommes, qui, partie de Tamatave vers le 10 maï, est arrivée à Soatsima- nampiovana le 9 juillet. Ces cadeaux restèrent au palais jusqu’au 17, jour où on les rapporta à M. Lambert au moment même où, exilé, il devait s’en retourner à la côte; disons toutefois qu’ils ne sont pas tous revenus et qu’il s’en est « perdu dans le transport » 316 MADAGASCAR. Enfin le 17 juillet 1857, les six Européens furent exilés et reçurent l’ordre de quitter Tananarive; ils durent partir sans délai (. Quand il ne resta plus d'Européens dans l’Imerina et que la popula- tion indigène eut été décimée par d’innombrables exécutions sommaires et par le tanghin, la reine Ranavalona se tranquillisa et les quatre der- nières années de son règne furent paisibles : elle fit de fréquentes excur- sions autour de Tananarive et même parfois des voyages lointains (? qui, s'ils ne manquaient pas d’agréments pour Sa Majesté, étaient quel- quefois fort pénibles pour la foule innombrable qu’elle traînait à sa suite. Toutefois, sentant qu’elle n’avait plus longtemps à vivre, un an avant sa mort, elle assembla sa famille et les principaux officiers et chefs, et leur manifesta sa volonté expresse de donner le trône à son fils Rakoto. Au commencement de son règne, elle avait proclamé que son successeur serait Ramboasalama, son neveu et fils adoptif, mais lorsque, peu après, Rakoto lui fut né, elle changea l’idée et, dès 1832, elle siégea solennelle- ment sur la pierre sacrée de Mahamasina, l’ayant à ses côtés; toutefois, (1) IpA PFEIFFER raconte ces événements dans et à Andranompasika, au Sud de Vohilena son Voyage à Madagascar (traduction française, (qu’elle fit un an environ avant sa mort et où, p. 266-275) (a). Dans son agenda, M. LABORDE ayant consulté son image dans une fontaine donde le 19 comme date de son départ. sacrée, comme l'avait fait Andrianampoini- (2) On cite particulièrement ses promenades merina à Nosifito et à Vodivato, elle apprit au lac Itasy, à Andranomafana, à Tsinjoarivo qu’elle n’avait plus longtemps à vivre). (a) Voici ce qu’elle a écrit : « Après treize jours de captivité, le 17 juillet 1857, Laborde (dont le fils Clément avait aussi été exilé), Lambert, Marius, deux autres Européens et moi, nous vimes arriver dans la cour de notre habitation une centaine d’officiers et de juges, escortés par un détachement de soldats et l’un des juges nous dit « que nous étions venus à Madagascar dans le but d’y établir la république et d’abolir l'esclavage, que nous avions eu de nombreux conciliabules avec les chrétiens, qui étaient odieux à la Reine comme au peuple et que nous avions engagés à persévérer dans leur culte, que ces menées révolutionnaires avaient tellement irrité le peuple contre nous que, pour nous protéger, la Reine avait dû nous traiter en prisonniers, car tous les Merina demandaient notre mort, et elle, qui n’avait jamais ôté la vie à un Européen, ne voulait pas non plus le faire aujourd’hui quoique les crimes que nous avions commis l’y autorisassent, et qu’elle se con- tentait de nous bannir pour toujours de ses États, que nous devions tous quitter Tananarive dans une heure, à l'exception de M. Laborde, auquel était accordé un délai de vingt-quatre heures ». On restitua à M. Lambert tous les cadeaux qu’il avait faits à la Reine, au prince et aux grands officiers, et une troupe composée d’un commandant, de 20 officiers et de 50 soldats fut chargée de nous accompagner et de nous surveiller jusqu’à la mer; une semblable escorte accompagna M. Lambert, avec l’ordre de rester au moins à une journée de marche derrière notre convoi. « Notre voyage de retour à Tamatave fut très pénible, car au lieu de nous le laisser faire, comme d’habitude, en 8 jours, on nous força à rester longtemps dans des contrées malsaïines (18 jours à Beforona) et à loger dans de misérables huttes, où le vent et la pluie pénétraient aussi bien à travers le toit qu’à travers le plancher, nous arrachant de nos grabats pour nous faire voyager, sans s’inquiéter si le temps était beau ou s’il pleuvait, et si nous souffrions d’accès de fièvre. Le jour, il y avait devant la porte de la hutte où nous étions parqués, 6 sol- dats les armes croisées et, la nuit, ils couchaient dans l’intérieur. Nous mîmes 53 jours pour arriver à Tamatave » (d’où Mme Ida Pfeiffer partit le 16 septembre pour l’île Maurice). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 317 ce fut seulement le 9 alahasaty 1860 qu’elle proclama sa volonté « Vous voyez devant vous, leur dit-elle, Rakoton-dRadama, l’enfant de mon cœur 4). C’est à lui que tous doivent obéir, car il est le successeur d’'Andriamasinavalona, d’Andriambelomasina, d’Andrianampoinimerina et de Radama, et moi-même je régnerai par lui. Telle est ma volonté dernière. « Vous voyez aussi ici Ramboasalama, mon fils adoptif (2); je l’aime comme mon propre fils et vous ne devez pas me blâmer de l’avoir au début de mon règne désigné comme mon successeur; mais il s’agit du royaume, dont je dois me préoccuper avant tout et, depuis, je vous ai souvent fait connaître que j'avais changé d’idée : car, lorsqu’a été inau- gurée la pierre sacrée sur la place de Mahamasina, vous y avez vu Rakoto siéger à mes côtés, honneur qui vous indiquait votre futur roi. Lorsque j'ai inauguré mon palais de Manjakamiadana, devant tout mon peuple, je l’ai désigné pour mon successeur et, maintes fois, j'ai dit les mêmes paroles. Lorsqu’a eu lieu sa circoncision, j’ai encore manifesté mon choix. Oui, c’est lui qui doit régner, c’est mon fils chéri, mon fils unique, et tous doivent lui obéir. « Si vous aimez vos Rois, ne changez rien au testament que je vous laisse. Ceux qui suivront ma parole seront comblés d’honneurs; car ma parole vous rendra invincibles, elle vous donnera force et gloire; veillez sur Rakoto, veillez à ce qu’il ne soit pas victime de la violence et de l'injustice : il est une divinité dont vous êtes les sujets, il est le maître puissant et incomparable que personne ne peut égaler et à qui appar- tiennent le ciel et la terre. « Rappelez-vous aussi qu'après lui, à sa mort, c’est son épouse Rabodo qui doit lui succéder (). » (1) Elle a même ajouté : « C’est mon cœur qui l’a produit et je l’aime tendrement, je l’aime tant que je ne souffrirai pas que même une puce le pique. » (2) Ramboasalama était le fils de la sœur cadette de Ranavalona; Ramahatra et Ramonja étaient ses frères utérins; il était fort riche, il ne touchait pas à ses revenus pas plus qu’à ses gains, qu'il accumulait et enfouissait, suivant l’usage des Merina. (3) R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, p. 1170, 1175 et R. P. MALZAC, Histoire du Royaume hova, p. 318-319. Dès longtemps, dès 1835, Ranavalona avait fait un testament poli- 318 MADAGASCAR. Rabodo, indiquée dans le testament de Ranavalona comme successeur de son cousin et mari Rakoto (Radama IT), avait environ quinze ans de plus que lui; ce choix, qui semble extraordinaire, était cependant con- forme à l’ordre de succession établi par Andrianampoinimerina, qui avait arrêté que les souverains seraient pris de préférence parmi les femmes (4) tique secret confié à Raïniharo et huit autres que les enfants étaient bien les enfants de leur hauts personnages de l’Avaradrano, où elle fai- sait connaître ses volontés (a). (1) Car, à Madagascar, la généalogie s’éta- blissait par les femmes; on était sûr, en effet, mère, tandis que, dans un pays où les mœurs sont si libres, jamais on ne pouvait être assuré quel était le père. Il en était du reste de même dans beaucoup d’autres pays. (a) « Voici, Rainiharo, mes volontés royales, écrites sur ce papier que je vous confie, faites-les connaître à votre postérité et que jamais, jamais, rien n’y soit changé. « Le droit de régner en maître sur la terre de Madagascar appartient exclusivement aux femmes issues en ligne directe de Rasoherina (femme d’Andriambelomasina) et de sa sœur Ralesoka (qui d’ailleurs n’eut pas d’enfants) (toutes deux sœurs de la grand-mère de Ranavalona Ire, Ranavalonjanahary), quel que soit leur père, les seules qui seront les descendantes légitimes d’Andrianampoinimerina. Tels seront à jamais les seuls maîtres de cette terre... « Radama Ier est le premier qui ait organisé une armée régulière, grâce à laquelle il a soumis à son autorité toute l’île... C’est un legs précieux dont j’ai hérité et que j’entends conserver intact. Nul ne devra jamais proposer la suppression de l’armée, car les soldats sont pour le gouvernement ce que les cornes sont pour le taureau, tout à la fois la force et la garantie du pays. Grâce à l’armée, nos frontières ont été poussées jusqu’aux rivages de l'Océan et jamais, jamais, on ne devra porter une main sacrilège sur cette institution qui est l’œuvre de Radama. « L'usage de l'écriture, qui est dù à l’initiative de Radama, ainsi que les écrits qui en sont résultés, doivent être à tout jamais respectés... « C’est pendant mon règne, en adizaoza 1835, qu’on a appris à fabriquer des fusils, à Andriambé, et de la poudre, à Isoraka; tous les fusils qu’on fabriquera à l’avenir devront être marqués à mon nom. Que mes suc- cesseurs ne cessent jamais d’en fabriquer, car ce sont les meilleurs garants de notre puissance. « Les chefs des Fotsy, des libres, doivent continuer à être pris, suivant la tradition, parmi tnt {voir t. I de l’Ethnographie, p. 249-251), qui ont du talent, car c’est à eux qu *Andrianampoinimerina et Radama ont dû le pouvoir, et ils ont toujours été considérés comme « la marmite de fer » (incassable par conséquent) {où l’on cuit le manger) et le « vakitronga » ou les morceaux de racines d’arbre (pour le faire cuire) qu’on ne peut séparer (qui sont inutiles l’un sans l’autre). Il faut qu’il en soit toujours ainsi. « Parmi mes Mainty ou Tsiarondahy (Mangarano, Faliary et Ambohipoloalina), (c’est-à-dire les esclaves du souverain) ceux qui ont du mérite doivent avoir l’autorité sur leurs pairs, car ils ont combattu avec Andrianam- poinimerina et avec Radama pour leur donner le pouvoir : ils ne devront jamais être séparés de la couronne. « Vous, Fotsy, et vous, Mainty, vous ne devrez jamais abandonner le souverain, tant qu’il sera choisi dans la descendance de Rasoherina ou de Ralesoka, quel qu’il soit. « Vous êtes comme les aînés et comme les tuteurs des cinq autres tribus de l’Imerina, et je vous recom- mande de ne pas les traiter avec mépris. « Si des Européens viennent dans ce pays répandre l’enseignement et qu’ils vous invitent à les imiter dans leurs usages, à vous faire baptiser, à former des associations et à croire ce qu’ils vous disent, sachez que tout cela est défendu dans mon royaume. « Si quelqu'un vous dit qu’il y a en tel endroit de l’or ou de l’argent, et vous engage à l’extraire, sachez que je m’oppose à ce qu’on fouille le sol, car si chacun pouvait se procurer à sa guise des métaux précieux, nous retournerions au temps de l’anarchie [raha manjaka Hova (quand les Hova régnaient, c’est-à-dire au temps des Vazimba)] : tous ses sujets étant riches, le souverain ne pourrait pas témoigner sa reconnaissance à ceux qui lui sont dévoués et il n’y aurait pas de pauvres gens à qui il pourrait venir en aide. « Telles sont mes volontés, comme celles d’Andrianampoinimerina et de Radama. Je vous les confie à vous, Rainiharo, Rainijohary, Raïiningitabé, etc., etc., et vous devez veiller à ce qu’elles soient scrupuleusement exécutées par les souverains mes successeurs. Ne les leur laissez pas ignorer et transmettez-les à vos enfants, à vos petits-enfants, à vos arrière-petits-enfants et à toute votre postérité, si loin qu’elle se perpétuera. Vous êtes les hommes en qui j’ai mis ma confiance et à qui je ne dissimule pas mes pensées les plus cachées, que je consi- dère comme les tuteurs de mon peuple. » (G. JULIEN, Znstitutions politiques et sociales de Madagascar, t. I, P. 451-461.) HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 319 ou les descendants par les femmes de sa grand-mère Rasoherina 1, Vers la fin du règne de Ranavalona Ire, il y eut, en 1856, un grand dîner des Menamaso auquel assista le prince Rakoto. Tous les convives, au nombre desquels se trouvait Soumagne (?), y furent empoisonnés (), à l'exception de Marie, la maîtresse du prince, qui, sous le prétexte d’être indisposée, avait peu mangé : c'était le prétendant évincé, Ramboasa- lama, qui, de connivence avec Raïinijohary, avait voulu d’un coup se débarrasser de ses adversaires. Le docteur Mailloux a, dit-on, constaté dans les vomissements de notre compatriote Soumagne la présence d’arsenic et, d’après lui, ce qui a sauvé les convives de ce festin, c’est que la dose de poison était trop forte et a provoqué des vomissements immédiats : on n’en a rien dit à la vieille Reine parce qu’elle eût fait mettre à mort la moitié des habitants de Tananarive (4). Vers le milieu de 1861 5), Ranavalona est tombée malade et, ayant convoqué les principaux personnages de son royaume, elle leur recom- manda de nouveau son fils Rakoto : « Vous êtes, leur dit-elle, les déposi- taires des volontés d’Andrianampoinimerina et de Radama. Or, voici Rakoto, l’enfant de mon cœur, le successeur d’Andrianampoinimerina, de Radama et de moi-même. » Raïnilaiarivony, prenant la parole au nom de tous, lui répondit : « Comptez sur nous, 6 Reine. Rakoto est le (1) Car il était fils de Ranavalonandriam- belomasina, fille aînée de Rasoherina, et il avait déclaré que Rabodonandriantompo et Ratava- nandriana, filles de Ranavalonjanajanahary, seconde fille de Rasoherina, seraient le « grand foyer » d’où l’on tirerait les rois de l’Imerina. Or, Rabodonandriantompo l’aînée des deux sœurs, avait eu trois filles dont la première était Ramavo, qui régnait alors sous le nom de Ranavalona [re, et dont la seconde avait donné le jour à Rabodo, qui était alors la femme prin- cipale (vadim-panjakana) de Rakoton-dRadama, et que Ranavalona [re désignait pour succéder à son fils et qui a en effet régné après lui sous le nom de Rasoherina. La troisième, Ramasin- drazana, avait pour fille Ramoma, qui fut d’abord la femme principale de Rakoto et qui était du même âge, mais, pour obéir à la loi de primogéniture, elle fut remplacée par sa cousine Rabodo : plus tard, elle devint reine à son tour sous le nom de Ranavalona IL (P. MALzAC, Histoire du Royaume hova, p. 319-320). (2) Soumagne à été pendant longtemps vice- consul de France à Tamatave. (3) Le grand-juge Philibert, qui y assistait, en est mort (Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 2423). (4) Notes de voyage manuscrites d'A. GRAN- DIDIER, 1869, p. 2436-2437 et 2474. (5) On raconte que, un soir du mois d’avril, des feux follets ont apparu dans la plaine de Tananarive, et que la population y a vu un présage de la mort prochaine de la Reine (R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, p. 1172). 320 MADAGASCAR. « désiré » de nous tous; les volontés d’Andrianampoinimerina, de Radama et de Votre Majesté sont gravées profondément dans nos cœurs. » Au bout d’un mois, la Reine se trouvant mieux, alla à Ankatso offrir des sacrifices en action de grâces, mais elle était loin d’être rétablie et sa maladie s’aggrava. Comme on savait que Ramboasalama, désigné tout d’abord pour lui succéder, aspirait toujours au trône et était appuyé par Raïinijohary et de nombreux partisans, les amis du prince Rakoto l’avertirent du danger qu’il courait, mais celui-ci ne manifesta aucune crainte; toutefois, Rainivoninahitriniony, le Commandant en chef, et la plupart des autres chefs n'étaient pas sans appréhension; décidés à exécuter les volontés de Ranavalona, dévoués à Rakoto, ils aug- mentèrent le nombre des soldats chargés de garder le palais ainsi que les avenues de la ville, et donnèrent à divers officiers l’ordre de se tenir prêts avec leurs troupes, qui comptaient plus de deux mille hommes, Ramboasalama, comprenant qu'il n’avait nulle chance de réussir, se décida, trois jours avant la mort de la Reine, à aller trouver Rakoto et à l’assurer qu’il le reconnaîtrait pour Roi ©. Dans la nuit du 18 août 1861 (), le 11 Alahasaty 1862 du calendrier malgache, est morte paisiblement dans son lit, à l’âge d’environ soixante- treize ans (%, Ranavalona, qui, pendant son règne de trente-trois ans, n’a pas fait mettre à mort moins de deux cent mille de ses sujets l*. (1) Tantara ny Andriana, t. II p. 1172-1173. (2) Une lettre de Clément Laborde du 5 no- vembre 1862, reproduite par M. Cheffaud (Bull. de l’Acad.malg. 1935, p.51) dit :le 16août à midi. (3) JuzLY dit quatre-vingt-un ans (Notes, Reconnaissances et Explorations, 1898, p. 678), mais ce doit être une erreur. (4) Voir la description de l’enterrement de Ranavalona Ire dans l’Appendice du vol. Ethno- graphie, t. III, p. 524-525, n° 30. En outre du deuil sévère imposé aux Malgaches dont nous parlons dans cet Appendice, les Européens ont mis un crêpe à leur chapeau, ayant été invités à témoigner leurs regrets à la mode de leur pays par le grand-juge, quoique, ajoutait-il, « il ne leur en donnât pas l’ordre » (a), mais tous s’empressèrent d’obtempérer. Il y avait à Tamatave, comme l’on sait, une sorte de confrérie de « Tsimihorirana », de filles publi- ques officiellement attachées au gouverne- ment (b), qui s’inscrivaient le soir pour avoir la permission d’aller passer la nuit à bord des (a) Vu les tendances rétrogrades de la nouvelle cour d’Imerina, les missionnaires anglais ne célébrèrent pas d’offices publics jusqu’après les funérailles, jusqu’au 12 août, jour où a été prêché de nouveau un sermon, mais en anglais, car les usages nationaux ne permettaient pas de le faire en malgache pendant le deuil royal. (b) Elles étaient requises dans toutes les grandes réceptions comme chanteuses officielles, et avaient place dans tous les cortèges. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE, 321 Son corps est resté exposé pendant dix jours à Tananarive, puis a été transporté à Ambohimanga où, deux jours après, le 30, il a été enseveli, conformément à l’usage, après le coucher du soleil, pendant la nuit , Son cercueil, tout en argent, était encore plus grand que celui de Ra- dama, mais tout aussi grossièrement fait : il a absorbé trente mille pias- tres. Puis l’ordre fut donné aux habitants, pour témoigner leur regret de la mort de la Reine, de porter des vêtements sales ou déchirés et de se couper les cheveux, ce qu’ils firent (®, les uns en se rasant la tête, les autres en se servant simplement de ciseaux; le 13 novembre, ils durent faire de nouveau la même opération, mais le 27 la fin du deuil fut pro- clamée, à la grande joie des Malgaches, et aussitôt réapparurent les chapeaux et les akanjo ou corsages. Un souverain merina distribue suivant son bon plaisir les fonctions du gouvernement; ses esclaves peuvent prétendre aux plus hautes places, mais en réalité ce sont les Hova, les bourgeois, qui occupent les situations en vue, surtout ceux de l’Avaradrano, de la province du Nord de l’Imerina, où a pris naissance la dynastie régnante. Mais, tandis que le despotisme de Radama avait été tout au service de la civilisation, celui de Ranavalona l’a été au service de la barbarie. Les souverains n’ont pas de fady, tout leur est permis; aussi une Reine peut-elle entretenir des relations avec tels hommes qui lui agréent et Ranavalona a amplement profité de ce privilège : les enfants nés de ces unions plus ou moins passagères sont tous « sans père », mais n’en sont pas moins légitimes. Mais ayant été l’une des épouses de Radama, quoi- qu’elle n’ait eu un enfant, un fils, que plus d’un an après la mort de ce Roi, on lui en attribua la paternité : Rakoton-dRadama [Rakoto, (fils de Radama)], comme on l’appelait. « Ranavalona, dit Ellis en 1856, n’est pas grande, mais elle est forte; navires européens sur rade et qui devaient, le baigné en un lieu situé à l'Ouest de Tanimena lendemain matin, répondre à l’appel; pen- avant de rentrer à Tananarive. dant les deux premiers mois du deuil, elles (2) A l’exception de neuf privilégiés; le Roi n’eurent pas la permission d’exercer leur métier, et la Reine ainsi que cinq de leurs serviteurs et fort bien vu du reste des Malgaches. les deux ministres - Rainivoninahitriniony et (1) Après les funérailles, Radama II s’est Rainijohary. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 41 322 MADAGASCAR. sa tête est toute petite et bien proportionnée; elle a la figure ronde avec un beau front, de petits yeux, un nez court, peu élargi, des lèvres minces et un menton légèrement arrondi. Son expression était plutôt agréable, quoiqu’elle fût parfois dure. » Cette même année, le P. Jouen écrivait : «Sa physionomie est celle d’une bonne maman et contraste étrangement avec le caractère cruel et sanguinaire qu’on lui connaît. » Certes, elle s’est opposée énergiquement à tout ce qui n'était pas le fanaon-drazana, la coutume des ancêtres, mais ajoutant « excepté pour ce qui rend mon pays plus prospère », car si elle ne voulait pas qu’on portât atteinte aux us et coutumes de son pays, aux coutumes d’Andrianampoinimerina et de Radama, elle autorisait les Européens à enseigner les arts et les sciences mais dépourvus de tout caractère religieux : toute barbare qu’elle était, elle avait le désir de voir son peuple progresser, surtout matériellement. « Elle n’était pas, a dit M. Laborde à Alfred Grandidier, la méchante femme que l’on croit; dans la vie ordinaire, elle était même bonne et elle aimait passionnément son fils M, mais elle était superstitieuse à : (1) Quand on critiquait devant elle les actes un jour : « Vous êtes la première femme de du prince contraires à ses ordres, elle avait cou- tume de dire : « Que voulez-vous il est si jeune et puis c’est mon fils! » Elle a dit à Laborde en 1845 : « Ah! quel bon fils que mon Rakoto! C’est Radama en personne. Comme son père, il aime les Vazaha, les étrangers, aussi ne veut-il entendre parler ni de divination, ni de tanghin, cela me peine et je crains qu'il ne lui arrive malheur comme à son père, qui est mort jeune parce qu'il à abandonné les usages de nos ancêtres pour suivre ceux des Européens. Les Anglais l’ont ensorcelé, surtout Hastie qui lui a appris à s’enivrer avec des liqueurs fortes; jamais je n’oublierai ce que cet homme m'a dit Radama, vous êtes aussi la plus méchante. Faites comme nous, buvez, buvez, et vous deviendrez bonne. » Depuis ce jour, je n’ai plus pu voir cet homme, qui a été bien puni, puis- qu’il est mort quelque temps avant Radama » (Notes de Voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 1358-1359). Le prince Rakoto n’avait pas reçu d’autre éducation que celle qu’il s'était procurée en conversant tous les jours avec Laborde (a), ainsi qu'avec les missionnaires catholiques pen- dant leur séjour à Tananarive. Naturellement généreux, clément, désintéressé, il était l’avocat, le soutien, l’ami des pauvres (b.) (a) Laborde a développé les nobles sentiments qui caractérisaient Radama II et, le prenant en affection dès son enfance, il l’a suivi d’un œil paternel pendant tout le temps qu’il est resté à Madagascar, jusqu’à ce qu’il ait été lui-même exilé, l’instruisant et le mettant au courant de la civilisation européenne par des conversations fréquentes. S (b) « Il a ordonné, dit Ina PFE1FFER (Voyage à Madagascar, 1857, p. 154), qu’on le prévienne toutes les fois qu'un malheureux vient implorer son secours, même la nuit si le condamné doit être exécuté le lendemain matin, et il se lève, prenant comme par hasard le chemin par lequel il doit passer, et, lorsqu'il le rencontre, il coupe ses liens et lui rend la liberté... Quoiqu’aimé des nobles et du peuple, il est toujours accompagné d’au moins une demi-douzaine de ses fidèles qui, au nombre de 40, ont tant d’amour et de vénération pour lui qu’ils ont fait le serment de le défendre au péril de leur vie. » HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 323 l’excès et les favoris auxquels elle se livrait, à la lettre, corps et âme, et qui avaient sur elle un grand ascendant, ainsi que les conseillers per- fides et méchants qui l’entouraient et qui lui prodiguaient des hommages comme à une divinité, l’y encourageaient, afin d’avoir prise sur elle » ; ainsi, elle faisait veiller toutes les nuits dans son palais et aux alentours pour écarter les revenants des Vazimba, des anciens maîtres du centre de Madagacar, et des exécutions sommaires ont été faites par suite de l’intro- duction d'aliments ou de vêtements qui n'avaient pas été soumis à l'examen des mpisikidy, des diseurs de bonne aventure, dont elle entre- tenait une douzaine (?) et en qui elle avait une confiance absolue (#). Les souverains malgaches (4 avaient seuls le droit de revêtir un (4) Voir la notule a. () Voir Ethnographe, t. III, p. 496, 2€ partie de la notule (a). (3) La divination par le sikidy s’exerce au moyen de graines que l’on dispose en quatre lots de quatre rangées chacun, ayant leur nom et leur sens caché, et qu’on combine, les plaçant et les déplaçant suivant certaines règles (voir l’Ethnographie de cette Histoire de Madagascar, t. III, p. 497-505) (b). (4) C'était une injure d’appeler « souverain des Hova (litt.: des bourgeois)», le souverain des Merina, qui, d’ailleurs, voulait qu’on l’appelât souverain de Madagascar quoiqu'il n’en possé- dât qu’une partie. En 1837, le capitaine d’un navire de commerce, M. Garnot, écrivit une lettre avec la suscription : « À Ranavalona, reine des Hova »; une heure après, un maréchal du palais, accompagné de plusieurs officiers, vint et déchira devant lui sa lettre en lui disant que, s’il écrivait une seconde lettre avec une sembla- ble suscription, on le chasserait de Madagascar. (a) Ranavalona, qui croyait que son peuple était créé et mis au monde pour elle, qu’il était sa « chose », avait certes un orgueil insensé et les ministres ont usé et abusé de l’adulation et de la plus basse flatterie pour la maintenir dans leur dépendance. Laborde m’a raconté que, pendant qu’il causait un jour dans le palais avec Raïnijohary, la Reine passa à côté d’eux et que, sa robe ayant frôlé le lamba du ministre, celui-ci parut consterné et, se baissant jusqu’à terre, en essuya le bas, pour montrer qu’il n’était pas digne de toucher même le vêtement de cette haute et puissante dame, qui a d’ailleurs paru enchantée de la bassesse de son ministre, qui était cependant un de ses amants en titre, au vu et au su de tout le monde (Notes de Voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, p. 1265). Mais plusieurs épisodes de sa vie montrent qu’elle n’était pas aussi bonne que la jugeait Laborde et qu’elle était d’un caractère despote et ombrageux : ainsi un vieux chef vénéré du peuple, Ramantavary, qui avait été l’ami d’Andrianampoinimerina et de Radama, lui apporta un jour les prémices de ses récoltes : « Votre vieux serviteur, lui dit-il, vient vous souhaiter une bonne santé et une longue vie et vous offrir, ainsi qu’au prince Rakoton-dRadama, les prémices de ses champs. » « Le peuple de Madagascar n’a pas deux maîtres, répondit la Reine. Rakoton-dRadama est mon fils, mais, tant que je serai de ce monde, je serai seule maîtresse du royaume. Allez, je n’accepte pas vos prémices. » Le vieillard fut appréhendé à sa sortie du palais et mis aux fers; huit jours après il fut vendu et tous ses biens furent confisqués; sa famille, qui était riche, le racheta (loc. cit., p. 1257 bis). Une autre fois, ayant vu son favori causer intimement avec une de ses esclaves, une antandonaka, la fit enfermer dans une maison où on la martyrisa pendant huit jours, puis, le neu- vième, on la conduisit sur une colline près de Tananarive où, avec un couteau, on lui coupa les membres les uns après les autres, et défense fut faite à sa famille d’enterrer son pauvre corps mutilé (loc. cit., p. 1266), etc. (b) Lorsque le sikidy avait rendu son arrêt, s’il était fatal, Ranavalona devenait féroce. Laborde m’a raconté que, un matin que la Reine causait avec lui, sa sœur entra et s’assit sans rien dire; Ranavalona lui ayant demandé si elle était malade, elle répondit qu’elle avait passé une très mauvaise nuit et elle raconta que, à diverses reprises, elle avait rêvé qu’une de ses servantes lui marchaït sur la poitrine. Un mpistkidy, un tireur de sikidy, appelé immédiatement, consulta l’oracle, qui donna une réponse néfaste; la Reine donna immédia- tement l’ordre de couper la tête à cette malheureuse femme, qui fut exécutée sans savoir quel crime elle avait commis (lWVotes de voyage manuscrites d'A. GRANDIDIER, p. 1265). 324 MADAGASCAR. manteau rouge et de porter du corail sur la tête; les Andriana, les nobles, en mettaient à la nuque et aux pieds; tout le monde, même les esclaves, pouvait s’en orner le cou, les bras et le corps. Dans les grands kabary, les assemblées solennelles, ils tenaient à la main un sabre qui était tout en or (. Le cérémonial auquel étaient assujetties, à l'égard du souverain, toutes les personnes de son entourage était très sévère (2). Il y avait pour les Andriana, les nobles, ainsi que pour les Hova, les roturiers, des règles ou plutôt des coutumes auxquelles ils se conformaient servilement ainsi un noble, fût-il simple soldat, était salué, même par les hauts per- sonnages, d’un T'sara hiany va, Tompoko? (litt. : Vous trouvez-vous bien, Monsieur?) tandis qu’on disait aux bourgeois, quel que fût leur rang, Akory hianao, Tompoko? (litt. noble pouvait épouser une femme d’une noblesse inférieure à la sienne, comment ça va-t-il, Monsieur?) Un mais non une Hova, car on ne voulait pas qu’il y eût une fusion entreles vainqueurs et les vaincus; les enfants d’un Andriana et d’une Hova res- taient Hova comme leur mère, et une femme qui épousait un homme d’une classe inférieure à la sienne descendait à celle de son mari 6), et elle était déshéritée et n’avait plus le droit d’être ensevelie dans le tom- beau de famille, droit auquel les Malgaches tiennent tant. Les femmes nobles ont seules le droit de se faire porter à califourchon sur le dos d'esclaves, babena, comme elles disent, et elles sont fières de ce privi- lège (4), Ni Andriana, ni Hova, à l'exception des militaires, ou bien à la mort du souverain, ne pouvaient se couper les cheveux (5). Les princes et les seigneurs feudataires avaient le droit de garder le vody hena (soit tout le train, soit le quartier d’arrière) des bœufs pour leur consomma- tion, mais si les animaux étaient tués pour la vente de leur viande, cette pièce était réservée au souverain. (1) Ce sabre est au musée de Tananarive. (2) De sévères sanctions punissaient les moindres infractions. Voir à l’Appendice n° VII, p. 366. (3) Notes de voyage manuscrites d'A. GRAN- DIDIER, 1869, p. 1338. (4) Les femmes hova, roturières, peuvent cependant se permettre cette chevauchée aux enterrements. (5) Cet usage est tombé en désuétude sous Rasoherina et a été aboli en 1869, sous le règne de Ranavalona II. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 325 Les Grands du royaume merina, comme sur une moindre échelle leurs compatriotes du centre de l’île, étaient d’une avarice incroyable : toute- fois, cette avarice ou plutôt cette économie poussée à sa plus extrême limite vient d’un sentiment louable dans une certaine mesure, ces sommes jalousement mises de côté et amassées souvent sou à sou devant, croient-ils, leur assurer le bien-être et une vie heureuse dans l’autre monde; aussi tous les Merina amassent-ils tant et plus qu'ils peuvent, enterrant chaque pièce qu’ils gagnent per fas et nefas à côté des précédentes qui, toutes, ne revoient plus le jour que dans des cas excep- tionnels, comme par exemple pour se racheter de l'esclavage si le malheur voulait qu'ils perdissent la liberté. Un Merina se prive plu- tôt du strict nécessaire que de toucher à son pécule qui est enfoui sous terre dans des trous creusés çà et là et connus de lui seul, qu’il ne révêle même pas à ses femmes ni à ses enfants : que de pécules ainsi perdus! (@) Quand la reine Ranavalona offrait un dîner à des étrangers, elle faisait mettre dans quelqu'un des plats un peu de « terre prise aux f{ranofito- miandalana, aux sept tombeaux des Rois ) enterrés dans l’enceinte du palais de Tananarive », persuadée qu’ils en mourraient s’ils avaient de mauvaises intentions contre le fanjakana, le royaume. Les étrangers qui pénétraient dans le Rova, dans l’enceinte du palais, étaient soumis à un afana, à une purification, un exorcisme, ainsi du reste que tous les paquets et les provisions et les indigènes, à l’excep- tion des habitués (#). (1) On raconte à Madagascar une légende qui montre ce côté si particulier du caractère des Merina : deux Hova, dit-on, traversaient une rivière à gué; un en atteignit le bord sain et sauf et l’autre était sur le point d’y arriver lorsqu'il fut happé par un crocodile. Après s'être débattu quelque temps et sentant ses forces diminuer, lorsqu'il n’eût plus que la tête hors de l’eau, il cria à son ami : « Dis à ma femme que mon argent est caché à … », mais au moment de révéler son secret il hésita et, ne finissant pas sa phrase, il fit un dernier effort pour se dégager de l’étreinte du monstre; n’y réussissant pas, il dit à nouveau : « Dis à ma femme que mon argent est caché à... », mais, tandis qu’il hésitait encore, l’eau arriva dans sa bouche et il fut noyé sans avoir dit où était déposé son argent qui ne fut jamais retrouvé (Notes de voyage manuscrites d'A. GRANDIDIER, 1869, p. 1445-1446). (2) Voir l’Ethnographie de cette Histoire de Madagascar, t. III, p. 545-546. (3) Voir Ethnographie, t. III, p.377, notule a, et à l’Appendice n° %5, p. 553-555. 326 MADAGASCGAR. Sous le règne de Ranavalona re, a été construit le premier grand édi- fice de Madagascar, le Manjakamiadana ®), grand et bel édifice long de trente mètres, large de dix-huit et haut de trente-neuf ). Le poteau de l’angle Nord-Est, du Vola mahitsy, le premier qu’on devait élever conformément au rite royal et qu’on a en effet élevé, toutefois non sans peine (%) mesurait, non comprise la partie plantée en terre, vingt-deux mètres de hauteur et avait près d’un mêtre de diamètre à sa base. Avant de combler le trou dans lequel on le planta, on y déposa un petit taureau en argent et divers talismans (4. La colonne centrale, qui avait trente- neuf mêtres de haut, non comprise la partie mise en terre, et qui, comme les poteaux des angles, a été apportée ou plutôt traînée par plusieurs milliers d'hommes, à travers vallées et montagnes, d’une vingtaine de lieues, de la forêt de l'Est à Tananarive 5). Le toit était couvert d’ar- doises qu’avaient apportées du Mont Ambatomarirana (soit de 180 km. S. S. O0.) quatre mille Betsileo (f). Laborde a commandé en France trois faucons, trois voromahery, en bronze (’), dont l’un, très grand, a été placé (4) Litt. : (Où) l’on gouverne avec succès, en paix. (2) Soit rez-de-chaussée 6 m. 50, premier étage 6 m. 40, second étage 9 m. 10, et toit pyra- midal à peu près aussi haut que large. Ce bâti- ment, qui était tout en bois, a depuis reçu, sous Ranavalona Il, un revêtement en pierre et les côtés mesurent maintenant environ 43 mètres sur 32. (3) Les Merina, suivant leur usage, cher- chèrent à le dresser en glissant des bottes de paille de riz sous son sommet, jusqu’à ce qu’il eût une inclinaison de 30 à 409, puis en le tirant à l’aide de cordages; mais ce moyen, bon pour de petites pièces de quelques mètres, ne réussit pas, et après plusieurs tentatives dans lesquelles il y eut des blessés et même quelques tués, ils y renoncèrent. Laborde, auquel eut alors recours la Reine, fit construire une grue à trois pieds, haute de 13 à 14 mètres, à l’aide de laquelle il dressa facilement le célèbre Vola mahitsy, et dont il avait d’abord fait un modèle qu’il avait surmonté, pour amuser le petit prince Rakoto, de deux marionnettes battant du tambour. C’est à tort qu’Ellis attribue la construction de la première grue à Madagascar à un Hova, Raïnitsitsoraka, gredin qui, condamné et vendu comme esclave pour avoir empoisonné sa mère (Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 2364-2370). (4) Le soldat qui arrangeait ces reliques fut écrasé par la faute de ceux qui tenaient les cordes et qui, les ayant lâchées pendant un instant, laissèrent pencher le poteau. (5) Par erreur, dans l’Ethnographie, t. III, la hauteur de ce poteau central est marquée de 27 mètres. Voir la description du Manjaka- miadana dans ce tome, p. 262-263. (6) Ils ont, en tout et pour tout, reçu 50 bœufs, soit un bœuf pour 80 hommes. Ils étaient obligés de se nourrir à leurs frais. (7) Une escorte nombreuse accompagna, dans leur ascension de Tamatave à Tananarive, ces trois faucons, que beaucoup de Malgaches ont pris pour des divinités venant d'outre-mer. A Tananarive, ils furent déposés sur la place HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 327 au sommet du Manjakamiadana, du grand palais, et, ayant les ailes ouvertes, symbolisait la puissance merina qui s’étendait (ou plutôt prétendait s'étendre) sur toute l’île, et deux plus petits qui ont été placés, l’un sur le Tranovola ou Palais d'argent, et l’autre sur la grande porte d'entrée du Rova, de l’enceinte royale, porte située au Nord (®. Ranavalona y a logé rarement, mais elle aimait à se promener dans les galeries: qui l’entourent et, une fois par an, à la fête du Fandroana, elle y recevait les délégations de ses sujets et leurs hommages. En outre du Manjakamiadana et du Tranovola, il y avait dans le Rova, plusieurs autres maisons parmi lesquelles, Besakana, où résidait Andrianampoinimerina, Mahitsy, où était gardé le talisman Manjaka- tsiroa, Manampisoa et Tsarahafatra ©). Ces édifices ) dominent toutes les maisons de Tananarive, hautes cases en bois à toits surélevés et aigus entourées de murs bas en terre pétrie et durcie au soleil, et entassées les unes sur les autres et séparées par des rues tortueuses. La plupart ont un paratonnerre, quelquefois placé au sommet d’un mât et dont la chaîne se perd dans un puits rempli d’eau et de charbon, bienfait dû à l'initiative de Laborde et d'autant plus appréciable que, dans la saison pluvieuse, le tonnerre tombe très fréquemment sur Tananarive (%. Cette ville où, en 1820, il y avait douze mille habitants suivant les Anglais, et de quinze à dix-huit mille suivant d’autres personnes, a pris une grande extension en 1833, où Ranavalona y a mis une garnison de douze mille soldats; aussi, d’Andobalo, sous la garde de nombreux soldats, et, après les avoir fait exorciser et asperger avec de l’eau consacrée afin d’écarter les mauvais sorts, on les porta en grande pompe dans la cour du palais et on les hissa chacun à leur place. Avoir un voromahery en bois au sommet de sa maison était un honneur qu’accordait Andria- nampoinimerina à ceux de ses sujets qui s’étaient distingués par leur bravoure. (1) La salle du rez-de-chaussée, comme celle des deux autres étages, avait un parquet en bois d’ébène et de vandrika (Craspidospermum verticillatum), bois dur, d’un jaune clair, et était bien meublée. (2) Voir E. BAUDIN et J.-J. RABEARIVELO. Tananarive, ses rues, ses quartiers. 1937, 98 pages et FRENÉE, Guide à Madagascar. 1931, pp. 144-160. (3) Dénommés rova (citadelles, palais royaux) et toujours sur le point culminant de la ville, car nul ne peut demeurer au-dessus du Roi. (4) Pendant que j'étais à Tananarive, la foudre est tombée deux fois à quelques mètres de la maison que j’occupais. 328 MADAGASCAR. \ . en 1838, la population était-elle estimée à cinquante mille âmes; en 1869, on a calculé qu’il y avait dix-neuf mille maisons et soixante- quinze mille habitants. Agissant, suivant l’usage merina, comme grand-prêtre de son peuple, la Reine sacrifiait chaque année au Fandroana, la fête du nouvel an, un bœuf devant le tombeau d’Andrianampoinimerina, à Ambohimanga, et un autre devant celui de Radama à Tananarive, tenant à la main les deux Sampy, les deux talismans royaux Manjakatsiroa et Fantaka, et tournée du côté de l'Est, faisant une prière pour le bonheur et la pros- périté de son royaume (). Comme Radama Ier, elle a défendu de mettre à mort les enfants nés les jours réputés néfastes, car « ces enfants, a-t-elle dit, sont des êtres tout comme nous et non des animaux (?) ». Les gouverneurs des provinces jouissaient d’une autorité presque absolue, mais ils étaient surveillés par le commandant en second qui rendait compte de leurs actes à Tananarive, et qui était à son tour espionné par d’autres officiers, de sorte que le premier ministre était tenu au courant, on peut dire jour par jour, de la politique suivie par ses agents, ainsi que des sentiments qu’ils avaient à son égard : en cette surveillance mutuelle, résidait la force du premier ministre et de son gouvernement. Comme les gouverneurs n'étaient pas plus rémunérés que les autres fonctionnaires malgaches, ils tiraient le meilléur parti possible de leur situation quasi toute puissante : il n’y avait nulle honnêteté dans la gestion des affaires; ils étaient habiles à pressurer leurs administrés et faisaient argent de tout, des privilèges, des concessions et même de la justice. Il faut d’ailleurs dire que ces pratiques avaient lieu pour ainsi dire ouvertement, avec l’assentiment des grands chefs de Tananarive, puisque ces gouverneurs, lorsqu'ils avaient recueilli beaucoup d’argent, (1) Voir le récit détaillé d'un Fandroana (2) Voir le volume Ethnographie de cette sous Ranavalona Ir dans le volume Ethno- Histoire de Madagascar, t. IIT, p. 452, notule graphie de cette Histoire de Madagascar, t. III, n° 2. p. 999-601, n° 230-20. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 329 en envoyaient une partie en cadeau au premier ministre, qui ne se fai- sait pas faute, s’il ne trouvait pas le cadeau assez copieux, de les en aviser et il leur fallait s’exécuter, l’augmenter. L’impôt annuel des Merina était au début un zehivary, un empan cube de riz (mesure avec l’empan de la main); il a été ensuite aug- menté et donné non plus par individu, mais par maison; jusqu’à la fin du règne de Ranavalona, dans l’Imerina, le fahafolo ou la dîme du riz revenait au souverain, mais il n’en a jamais été prélevé sur les autres produits de la terre. Les peuplades soumises à l’autorité des Merina étaient astreintes à des corvées régulières, en plus de celles qui leur étaient imposées pour des travaux d'utilité publique () : ainsi les Bezanozano et les Sihanaka, dès l’âge de quatorze ou quinze ans, étaient corvéables et, tous les trois ou quatre mois, le tiers des hommes devait apporter en Imerina des écorces d’hafotra (Astrapæ sp., Dombeya sp. etc.), qui servent à faire des cordes, du bois de boribory, avec lequel on fait de la poudre ou du savon, des nattes, des canards sauvages pris au collet pour la Reine, etc. Imbue des mêmes idées politiques que Radama, Ranavalona s’est beaucoup occupée de l’armée qu’elle a cherché à développer encore davantage (2), tant pour maintenir l’ordre dans les régions soumises à son autorité que pour continuer à étendre son royaume. À la mort de Radama, elle a mis à sa tête Raïiniharo, son premier ministre, qui ne prit d’ailleurs que plus tard le titre de Commandant en chef de l’armée : à lui incombaient la conduite des guerres, la répression des révoltes, la nomination des gouverneurs des provinces, sans avoir à en référer à la Reine. Un très grand nombre d'officiers, jusqu'aux douzièmes honneurs, aux (4) Non seulement les corvéables portent mais vola kely qu'ils s’adjugent sans vergogne. gratuitement, même sans être nourris, les paquets et les objets divers pour le souverain et le gouvernement, mais les officiers qui escor- tent la caravane se font donner par eux un vola kely, un petit morceau d’argent, soi-disant pour le souverain, afin, leur disent-ils, de lui mani- fester leur contentement de travailler pour lui, HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. ( Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 1888). (2) Jusque vers la fin de son règne, on n’enrôlait comme soldats que les Merina au Nord de la Matsiatra, mais dans les dernières années, Ranavalona én a pris au Sud de cette rivière, chez les Betsileo. 42 330 MADAGASCAR. maréchaux, étaient attachés, sous le nom de dekany (d’aides de camp), à des officiers qui leur étaient supérieurs en grade (). Le Commandant en chef en avait huit cents, les treizièmes honneurs quarante, les dou- zièmes trente, les onzièmes dix-huit, les dixièmes sept et les neuvièmes quatre. Ces aides de camp servaient de secrétaires et recevaient les rapports, mais faisaient surtout les commissions de leurs chefs et le commerce de colporteurs à leur profit. Quant aux aides de camp de la Reine, qu’on appelait les officiers du palais, ils portaient dans les derniers temps un grand ruban en sautoir par-dessus leur uni- forme (. Ranavalona s’est préoccupée de pourvoir ses soldats de fusils et de canons, non seulement achetés à l’étranger, mais aussi fabriqués dansses états, armes, comme elle disait, Kiadin-lany sy kiadim-panjakana ary tohan’ny ananany (litt. : qui étaient la sauvegarde de son pays et de son gouvernement, ainsi que de ses sujets, et qui protégeaient leurs biens) (#). Les soldats (4 qui, lorsque le pays était en paix, vivaient dans leurs (4) «Voyant à une revue un très grand nom- bre d'officiers, j’ai demandé à l’un d’eux quels étaient les plus nombreux, des manamboninahi- tra, des officiers et sous-officiers, ou des soldats : «Parbleu !les manamboninahitrayme répondit-il, étonné que je fisse une aussi sotte question » (a). (2) Notes de voyage manuscrites d’A. GRAN- (3) Il y avait à Tananarive 40 canons en fer en batterie et 4 en bronze (dont 3 venaient d'Europe), ces derniers seuls sur train, et il y en avait 50 petits, fondus à Soatsimanampio- vana par Laborde, qui ont été montés sur affût et répartis entre les divers forts de Madagascar. (4) Les esclaves du souverain étaient tous de DIDIER, p. 1346. droit soldats, aussi bien les Antandonaka que (a) Dans mes voyages à travers les provinces soumises aux Merina, il m’est maintes fois arrivé de trouver dans les fortins où je m’arrêtais pour passer la nuit, un de ces innombrables manamboninahitra dekany (aides de camp) d’un des hauts personnages de la cour d’Imerina, qui se présentait comme Zrak’ Andriana, comme envoyé par le souverain; ayant ouvert les ballots que portaient, de village en village, des corvéables qu’il payait d’un gracieux, mais peu coûteux Veloma hianareo! hotahin’ Andriamanitra! (Ayez une longue vie et que Dieu vous garde!) il en exposait le contenu sur des cordes tendues à travers la maison où il s’installait, mettant à ses doigts les bagues qu’il voulait vendre, tous objets que lui avait confiés son patron, le grand personnage ou l'officier supérieur auquel il était attaché; ces objets étaient tarifés à lui de se débrouiller pour les vendre un peu plus cher afin d’avoir un petit bénéfice. Dans ces forts, après le salut obligatoire du nouveau venu, auquel répondait le commandant en demandant des nouvelles de la capitale : comment va la Reine? Comment va le premier ministre? Comment va le Baba ny maro (le père des nombreux «esclaves de la Reine? »). Comment vont les douze femmes du souverain? Comment va la cité sainte d’Ambohimanga? Comment vont les canons de Tanana- rive, etc., on faisait à ces Zrak’ Andriana des cadeaux de vivres, cochon, volailles, riz, manioc, comme étant envoyés par les Grands d’Imerina; ils étaient en effet porteurs d’une lettre circulaire de leur patron, avertissant les manamboninahitra, les officiers, qu’il a pensé leur être agréable et utile en leur envoyant tels ou tels objets, telles et telles marchandises dont ils doivent avoir besoin : les commandants étaient tenus de faire des achats et d’en faire faire par les officiers sous leurs ordres. » (Motes de voyage manuscrites d'A. GRANDIDIER.) HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE, 331 villages respectifs ®, étaient tenus de se réunir tous les quinze jours pour faire l'exercice et, de temps en temps, ils passaient la revue, spec- tacle curieux : dès quatre heures du matin, soldats et officiers commen- çaient à descendre des divers quartiers de Tananarive, allant au Champ de de Mars qui s'étend au pied Ouest de la colline sur laquelle est bâtie la ville, et, à huit heures et même à neuf, il y en avait encore qui s’y ren- daient, car faute d’horloges dans la ville et de montres dans leurs goussets, ils ne pouvaient pas être exacts au rendez-vous. La revue consistait à former plus ou moins mal quelques carrés, manœuvre qu'ils exécutaient lentement et qu'ils accompagnaient de vociférations et de cris baroques et sauvages n’ayant de signification dans aucune des langues que parlent les hommes, quoique, disait-on, ils fussent issus de l’anglais (2), mais ils étaient méconnaissables! (). Quand cette pauvre manœuvre si péniblement exécutée avait pris fin, c'était la débandade et chacun rentrait chez lui jusqu’à la prochaine revue. Les officiers, qui étaient extrêmement nombreux (® et qui n’avaient d’ailleurs aucune les Mainty (a). — Les jeunes soldats non mariés ne pouvaient pas être réduits en esclavage par lesquels ont été dès lors pris tous les officiers supérieurs, ainsi que les employés de l’intérieur suite de la condamnation de leur père, comme c'était le lot de ceux qui étaient des civils, des borizano. (4) En 1833, Ranavalona a levé 37,000 sol- dats, dont 12,000 ont été désignés pour résider dans le Voromahery, à Tananarive, où ils sont venus habiter avec leurs femmes, leurs enfants et leurs esclaves, et qui a pris dès lors une grande extension. Radama Ier, qui voulait opérer la fusion des divers clans de Merina, avait pris les officiers supérieurs de son armée, ainsi que les personnes de son entourage, dans les 7 pro- vinces de l’Imerina, sans faire d’autre distinc- tion que le mérite; mais à sa mort, Ranavalona a rétabli le privilège des Avaradrano, parmi du palais, et même les ouvriers chargés de fabriquer la poudre, les fusils et les canons, et il en est résulté un grand mécontentement parmi les habitants des autres provinces (Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 1296-1297). (2) Par exemple Sapaoritra, dérivé de sup- port (sous-entendu arm), soit portez arme, etc. (3) « Un des principaux exercices, dit Mme Pfeiffer, consistait à lever le pied droit en même temps qu’on posait le fusil par terre et qu'on claquait des mains. C'était drôle, » ajoute-t-elle. (4) Tandis que sous Radama il n’y avait qu’un seul 12e honneur, un seul maréchal, (a) Les Antandonaka (litt. : ceux qui vivent dans l’enceinte royale) gardaient le palais de la Reine et avaient le privilège d'approcher de son auguste personne; c’étaient, comme nous l’avons dit, des Andriana, des nobles qui, vendus pour dettes, avaient été rachetés par Andrianampoinimerina et avaient des grades comme les Hova, les bourgeois. Quant aux Mainty (litt. : les Noirs), les autres esclaves du souverain, qui se subdivisaient en Tsiarondahy (qui gardaient l’enceinte du palais), Manendy et Manisotra, leur nombre s’était peu à peu tellement accru que beaucoup d’entre eux ont été rangés parmi les Merina corvéables : en 1870, on ne comptait pas moins de 60,000 Mainty. Leur chef Rainingory, qui avait une très haute position, était lui-mème un Mainty. 332 MADAGASCAR. connaissance de leur métier, remontaient dans la ville, les uns à cheval, les autres à pied, tous marchant à la file; ils portaient un vêtement bourgeois, redingote et chapeau noir des époques et des modes les plus diverses, et ils s’en allaient dandinant et faisant toutes sortes de mines, prenant toutes sortes de poses qu'ils se figuraient leur donner un air guerrier (1). Comme disait peu poliment, mais non sans quelque raison, un Européen nouveau-venu dans le pays : « Vous êtes bien assez laids, mes pauvres amis, avec vos accoutrements ridicules, sans vous enlaïdir davantage par vos grimaces ». Tout en rentrant chez eux, ils se déshabil- laient peu à peu dans la rue, ne gardant guère que la chemise et le salaka, la culotte malgache, où, plus exactement, le petit caleçon que portent tous les Malgaches; ceux qui avaient des souliers s’empressaient de les ôter en pleine rue et les remettaient à leurs esclaves qui les suivaient, se tenant à leur disposition près d’eux, mais hors des rangs, et portant souvent une gargoulette à laquelle se désaltéraient de temps en temps leurs maîtres. Ces officiers n’étaient pas tous assez riches pour acheter une paire de souliers. Sous Ranavalona Ire, les déserteurs et les lâches étaient condamnés aux mêmes peines que sous Radama Ier. Pour les manquements à la discipline, on punissait le coupable soit en le fouettant, soit en le faisant marcher à quatre pattes (; ces punitions corporelles n’étaient pas réser- Robin, Ranavalona a créé des 14€ et puis des 16e. Il y avait, même en dehors des familles princières, des enfants en bas âge qui avaient de hauts grades. (1) « Les officiers s’habillent chacun suivant sa bourse, car, dans l’armée malgache, on ne règle pas les uniformes suivant les grades : chacun fait comme il l’entend; un officier subalterne peut porter les épaulettes d’un colonel anglais, tandis que son chef n’aura que celles d’un sous-lieutenant français; bien plus, il est de bon goût de changer de costume plu- sieurs fois dans la même journée et de paraître successivement en écarlate, en bleu, en velours selon le caprice du moment » (BROSSARD DE CORBIGNY, Revue maritime et coloniale, t. V, 1862, p. 562-563). (2) En 1870, quand Alfred Grandidier était à Tananarive, cette punition n’était plus que rarement appliquée, mais elle l’était fréquem- ment sous Ranavalona Ire; il fallait se traîner par terre sur les coudes et les genoux pendant un temps assez long et si les coudes, meurtris par la terre argileuse, qui est dure lorsqu'elle est sèche, ou par les pierres anguleuses qui couvrent le sol, s’étendaient, laissant toucher les poignets, on était vite rappelé à l’ordre à grands coups de gaule (a). (a) Sous Rasoherina, le premier ministre a parlé d’abolir les punitions corporelles car, a-t-il dit : «Si les coups devaient civiliser, il y a longtemps que les bœufs le seraient. » HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 333 vées aux simples soldats qu’on frappait, mais les officiers, non seulement ceux d’un grade inférieur, quelquefois même ceux des plus hauts grades (1) y étaient soumis. Ranavalona a rétabli l’usage du mirary, des chants de guerre; les femmes et les parents des soldats partis en expédition avaient autrefois la coutume de se réunir dans leurs villages matin et soir, et de chanter des sortes de cantiques, pensant ainsi intercéder auprès de Dieu pour qu'ils soient victorieux. Il ÿ avait un corps d'élite ou plutôt de confiance qui était chargé de la garde intérieure du palais, comprenant des Antandonaka ) et des Tsimandoa qui, avant d’être admis, subissaient l’épreuve du tanghin pour savoir s’ils ne nourrissaient pas quelque mauvais dessein et s'ils n'étaient pas quelque peu sorciers; ils montaient la faction jour et nuit, armés de sagayes et de sabres (4); mais celle des portes du rova, de l'enceinte, ainsi que de la cour, était confiée aux soldats de l’armée régulière. Ces deux gardes occupaient sept cents hommes, auxquels le mot d'ordre était donné chaque matin et chaque soir à un maréchal du palais par le commandant en chef de l’armée 6). (1) Ce n’était que rarement d’ailleurs qu’on leur infligeait la schlague (a). — À Mahamasina, on voyait souvent des soldats et des officiers condamnés à recevoir des coups pour une faute quelquefois légère; dans ce cas, on les forçait à courir, soit poursuivis par un homme armé d’une grande gaule avec laquelle il cherchait à les frapper, soit sur un chemin où, de place en place étaient placées des vedettes qui leur donnaient un coup de bâton lorsqu'ils passaient devant eux. (2) Esclaves dont les ancêtres avaient été vendus pour dettes ou fautes graves. (3) Tsimandoa (litt. : qui n’abandonnent jamais « parce qu’ils sont toujours auprès du souverain »); ils étaient choisis parmi les Tsia- rondahy, esclaves du souverain qui servaient dans l’armée régulière. (4) Ils ne prenaient de fusils que pour accompagner la Reine lorsqu'elle sortait. (o) Notes de voyage manuscrites d’A. GRAN- DIDIER, 1869, p. 1267-1269. (a) Un jour à Tanimandry, lors du voyage de la reine Rasoherina au bord de la mer en 1867, tous les officiers du palais, à l’exception d’un ou deux, ont été battus parce qu’ils étaient tous arrivés à l’appel en retard et, parmi eux, il y avait des 15° honneurs; comme l'officier chargé d’administrer les coups, qui était toujours d’un grade au moins égal à celui de l’officier qu’il battait, car il fallait respecter la hiérarchie, ne frappait pas assez fort, le ministre Rainimaharavo le condamna à recevoir à son tour des coups, et il n’y a pas jusqu’au pre- mier ministre Rainivoninahitriniony qui n’ait été battu par ordre de son frère cadet Raïnilaïarivony, le com- mandant en chef de l’armée, pour avoir répondu insolemment au roi Radama IT : «ilest, a-t-il dit, le premier du royaume, et il doit, tout le premier, donner le bon exemple »; le chef des Menamaso, des mignons du Roi, fut chargé de le frapper, mais il ne l’osa pas et ce fut un d’entre eux, mais d’un rang inférieur, qui le soufileta. Rainivoninahitriniony ne dit rien, mais il eut dès lors une haïne violente contre les Menamaso, haine qui a eu les conséquences les plus graves et les plus tragiques, ayant été la cause de leur meurtre et, par suite, de l’assas- sinat du Roi (Notes de voyage manuscrites d'A. GRANDIDIER, p. 1255-1256). 334 MADAGASCAR. Dans les diverses provinces, il y avait des renivohitra (des chefs-lieux, des forts principaux), et des zanabohitra (litt. : des enfants de fort, des for- tins) : ainsi, dans l'Ouest par exemple, Mahabo, Malaimbandy, Tremo, Ankalamavony, Midongy, étaient des renivohitra, tandis que Janjina, Ambohinomé, Andakabé, Manja étaient des zanabohitra, les deux pre- miers, de Malaimbandy et, les deux autres, de Mahabo. Ces forts, si on peut leur donner ce nom, étaient défendus par deux ou trois palis- sades en gros pieux, et ce n'étaient pas les soldats qui suppléaient par leur vaillance au manque de fortifications, car on ne peut pas donner ce nom aux mercantis et aux cultivateurs qui étaient appelés à prendre les armes. Aucun d'eux n’avait une garnison supérieure à deux cent cin- quante ou trois cents militaires; en 1870, à Midongy, il y avait en tout cent dix soldats et officiers. Les Merina donnaient à leurs forts le nom générique d’Antananarivo sy Ambohimanga, parce qu'ils étaient tous considérés comme lapa, comme étant une des résidences du souverain (1). L'administration était aux mains des gouverneurs des provinces, qui étaient les seuls intermédiaires entre la Reine et le peuple et qui, cumulant les pouvoirs militaire, civil et Judiciaire, recevaient, par l’entre- mise du premier ministre, les ordres et les lettres de la Reine dont ils faisaient part aux officiers, aux soldats et au peuple, les réunissant, s’il y avait lieu, pour les leur lire. Ils renseignaient la Reine et le premier ministre sur tout ce qui se passait dans leur gouvernement et sur les ordres qu’ils avaient donnés. Ils se rendaient compte si l’inventaire du matériel de guerre qui leur était remis chaque matin était exact; ils distribuaient de temps en temps du riz et de la toile aux soldats. Ils nommaient aux places de capitaine des douanes et de gardien des pas- sages des rivières. Ils fixaient et dirigeaient les corvées. Ils mettaient à la retraite les Tsaramiantitra, les indigènes trop vieux pour faire un service actif. Ils percevaient les impôts et les taxes qu’ils transmettaient au Premier Ministre, ainsi que l’argent provenant des douanes, tant exté- (4) « Je suis heureux, m'’écrivait le com- arrivé en bonne santé à Tananarive et à mandant du fort de Manja lors de ma venue Ambohimanga » (Notes de voyage manuscrites dans ce fort, en mars 1870, que vous soyez d’A. GRANDIDIER, p. 2012). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE, 335 rieures qu'intérieures (1), Ils accueillaient toutes plaintes et toutes réclamations, d’où qu'elles vinssent, soit du peuple malgache, soit d'étrangers. Ils tranchaient les difficultés de toutes sortes et les procès relatifs à leurs gouvernements ou aux particuliers. Ils légalisaient et signaient tout papier d’affaires et toutes pièces émanant de leur adminis- tration. Ils recevaient le compte des bois exportés par les concession- naires et en faisaient part au Premier Ministre. Ils s’occupaient des écoles et ils recevaient les rapports (2. Enfin, ils recevaient les étrangers de distinction. Pour toute cette besogne, ils ne touchaient aucun traitement et devaient subvenir eux-mêmes à tous leurs besoins; mais ils avaient des Deka, des aides de camp, dont ils usaient et abusaïent et, sous le prétexte d’appliquer la loi, ils ne se faisaient pas faute d’accuser ou de faire accuser, par des agents à leur solde, de crimes imaginaires des gens riches afin de s'emparer de leurs biens. Jusqu'en 1868, année où a été publié et promulgué le premier code malgache, on suivait les anciennes coutumes (%) et, quand on édictait une nouvelle loi ou quand on en remettait en vigueur une qui était tombée en désuétude, on l’annonçait sur les {sena, les marchés (4). Les crimes punis de mort étaient le meurtre, la haute trahison, la sorcellerie 6), le sacrilège, la violation des tombeaux, la fabrication de fausse monnaie, l'usage (4) Lors du partage de la taxe de capitation et des droits de douane, une part revenait aux fonctionnaires et aux principaux officiers, mais cette part, lorsqu'elle n’était pas remise aux ayants droit par le premier ministre lui-même, était toujours diminuée de moitié et même des deux tiers, que volaient ceux qui étaient chargés de la leur remettre. Et les volés ne se plai- gnaient pas, car, s’ils faisaient un procès à ce sujet ils le gagnaient, mais leurs voleurs les faisaient tuer quelque temps après sous un prétexte quelconque (Notes de voyage manus- crites d'A. GRANDIDIER, p. 1888). . (2) Plus tard, sous Ranavalona IT, ils fai- saient construire les temples où ils prêchaient eux-mêmes quand il le fallait et faisaient res- pecter le dimanche. (3) Ranavalona avait fait rédiger un code de lois le 27 adijady (10€ mois de l’année mal- gache) 1828 (Voir ELLIS, Hist. of Madagascar, t. 1, 1838, p. 382-386, et G. JULIEN, Instit. polit. et soc. de Madagascar, t. I, 1908, p. 434-451), mais le peuple n’en a jamais eu connaissance; les gouverneurs des provinces eux-mêmes n'étaient mis au courant que de certains articles, car les grands chefs craignaient que, si les délinquants connaissaient les délits qu’on punissait, ils prissent des précautions et tournassent la loi. (4) Radama Ier à quelquefois fait afficher ses ordres à la porte de son palais. (5) Ranavalona faisait quelquefois empa- queter dans une natte fortement serrée les sorciers, dont la tête seule restait dehors et dont on laissait le corps pourrir. 336 MADAGASCAR. à faux du nom du Roi, le vol dans le lapa, dans l’enceinte du palais, ainsi que dans les {sena, les marchés (), l’adultère avec les femmes du Roi et la fuite pendant les combats (2). Les Andriana, les nobles, étaient exécutés en les plongeant soit dans des marais ou des fondrières, soit dans des parcs à bœufs dont le sol était vaseux et profond, où ils périssaient asphyxiés (%). Pour les criminels condamnés à être sagayés, on leur liait les mains et, après les avoir jetés à terre, on leur passait une sagaye ou un coutelas à travers les reins; quelquefois, on leur coupait le cou, ainsi que les bras et les jambes, et on exposait la tête : leurs corps n'étaient jamais enterrés et étaient la proie des chiens et des corbeaux (#. Les soldats fuyards, comme quelquefois les chrétiens, étaient attachés à un poteau auprès duquel on allumaïit un grand foyer à feu lent (5). Quant aux forçats, ils étaient attachés plusieurs ensemble, à 60 centi- mètres de distance les uns des autres, au moyen de barres de fer rivées du poids de 12 kilogrammes environ par individu (%). On imprimait sur le front ou sur la joue des coupables, au moyen d’un tatouage, une marque indélébile qui dénonçait le crime qu'ils avaient commis : un hibou sur une joue et un kary, un chat sauvage, sur l’autre pour les sorciers, un couteau pour les assassins, une bêche pour ceux qui avaient violé des tombeaux, etc., stigmates indélébiles. Les enfants étaient solidaires des fautes de leurs parents, dont ils (1) Les tsena étaient considérés comme des lapa, parce que c’est là que se faisaient les pro- clamations royales. (2) Le bûcher était, comme nous l’avons dit p. 181, le supplice réservé aux militaires. (3) On tuait les grands personnages par sur- prise, traîtreusement, le plus souvent chez eux- mêmes, afin d'éviter toute lutte et toute résis- tance; la mère de Radama Ier a été brûlée dans sa maison et le prince Ratefy (voir p. 252) a été aussi mis à mort chez lui. (4) Car, croient les Malgaches, un mort auquel on ne rend pas les derniers devoirs, qu'on n’enterre pas suivant les rites obliga- toires à leurs yeux, ne rejoint pas ses an- cêtres dans l'Élysée malgache et reste errant et désemparé à la surface de la terre. (5) On pouvait encore compter au nombre des crimes capitaux celui d’avoir déplu à la Reine; en effet, vers 1850, Ranavalona a pros- crit en masse la corporation des orfèvres, qui a été exilée dans une région malsaine où beaucoup sont morts de la fièvre, parce qu'ils avaient eu le malheur de lui fabriquer des plats d’argent qui n’étaient pas au goût de Sa Majesté. (6) Autrefois, les fers ne pesaient pas moins de 25 kilogrammes; l’anneau du cou, qui avait 15 centimètres de diamètre et qui était rabo- teux, passait à travers un trou percé au haut d’une lourde barre de fer longue de près d’un mètre; les deux des chevilles étaient un peu moins pesants. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 337 suivaient le sort, excepté ceux qui faisaient partie de l’armée ou qui étaient mariés; aussi, n'étant jamais sûrs du lendemain, les Merina mariaient, d'ordinaire, leurs enfants de très bonne heure, pour les mettre à l’abri de peines qui pouvaient les frapper inopinément. Dans l’Imerina, les Andriambaventy et les Farantsa (1), qui étaient les chefs du peuple, étaient en même temps les magistrats, les juges. Leur nombre n’était pas fixé; il y en a d’abord eu une douzaine, puis, peu à peu, il y en a eu plus de trente ®). Il n’y avait ni gendarmes, ni agents de police (), ni huissiers; une sagaye d’argent, le Tsy tia lainga (litt. : qui abhorre le mensonge), dont il y avait plusieurs dans le palais du sou- verain, les remplaçait : quand on la portait d’un endroit à un autre, tout le monde la saluait. Lorsqu'il y avait une dénonciation ou un grave procès, l’accusateur ou la partie plaignante en réclamait la présence et le juge en donnait avis au premier ministre (4, quelquefois même au souverain; trois personnes la portaient alors chez l’inculpé et, si l’accusa- (4) En outre de leurs attributions judiciaires, les Farantsa étaient chargés de la police et per- cevaient les contributions, vendaient sur le marché les individus condamnés à l’esclavage, gardaient la poudre, etc. Les Tsimahafotsy d’Ambohimanga ont fait un accord d’après lequel « étaient punis d’une amende les vols d'animaux domestiques, de manioc et de légumes dans leur clan et étaient responsables des dommages causés aux cultures ceux qui les foulaient aux pieds ou les laissaient fouler par leurs animaux, nul ne devant confier leur garde à des enfants inconscients » (G. JULIEN, Instit. polit. et soc. de Madagascar, t. I, 1908, p. 369-370). (2) Ce sont eux aussi qui transmettaient les messages royaux. Ils tenaient audience en plein air, au Nord du Palais, sous un petit aloka, un mauvais hangar. (3) Aucune police n’étant instituée, le gou- vernement, comme dit le R. P. Abinal, pour- voyait à sa défense et à celle des particuliers au moyen de l’espionnage mutuel, des dénoncia- tions et de l’emploi du tanghin envers ceux qui HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. étaient soupçonnés. À chacun de veiller sur soi et sur ses biens; le gouvernement n’intervenait que quand le criminel était arrêté. Quand les méfaits se multipliaient outre mesure dans une région, les autorités faisaient faire une sorte de battue générale; chaque clan devait se réunir et expulser de son sein les sujets malfaisants ou suspects qui étaient livrés au gouvernement et, d'ordinaire, mis aux fers. (4) Raiïnivoninahitriniony était très cruel, surtout lorsqu'il était ivre; alors il faisait battre le tambour à travers la ville pour annoncer une exécution et, en plein jour, il faisait sagayer une douzaine d'individus, des inculpés qui n’avaient pas encore passé en jugement. Quand, soit la nuit, soit le matin, les habitants de Tana- narive entendaient le tambour, ils disaient : Mpanjaka meloka (elle n’est pas contente, la Reine), ajoutant à voix basse : « Le premier ministre est ivre. » Quant à son frère cadet Rainilaiarivony, il faisait faire ses exécutions en secret et on disait de ses victimes Teio omaly [elles étaient ici hier (sous-entendu : aujour- d’hui elles n’y sont plus)]. 43 338 MADAGASCAR. tion était grave, elles attachaient l’accusé et le conduisaient devant les juges, mais si l’affaire était peu importante, elles lui donnaient l’ordre de se présenter au tribunal (1. Quand les juges, ayant entendu les deux parties, ne savaient quel ver- dict ils devaient rendre, ils avaient alors recours à l’ordalie du tanghin, que d’ordinaire les accusés réclamaient eux-mêmes pour prouver leur innocence, mais quelquefois on les forçait à la subir : d’ailleurs, quand un des inculpés refusait, il était tenu pour coupable et était condamné, Pour les cas peu graves, on faisait l’épreuve sur deux chiens, qui repré- sentaient chacun une des parties; l’animal qui mourait entraînait la con- damnation de l’accusé qu’il représentait, et celui dont le chien avait sur- vécu s’empressait de faire le hasina, l’offrande de la piastre, en marque de soumission à la loi du Souverain, afin qu’il n’y eût plus de recours possible. Disons que l’argent donné par les intéressés tant aux juges qu'aux exécuteurs de l’ordalie jouait un grand rôle dans ces verdicts. C'était sur la place d’Ambatoroka, dans la partie Est de Tananarive, qu’avaient lieu les exécutions et les supplices (2). Les courtisans et les familiers de Ranavalona attendaient que ceux qui pouvaient les contrecarrer ne fussent pas là pour faire reviser les sen- tences prononcées par les juges, en présentant l’affaire à l’avantage de leur protégé (), et, dès qu’ils avaient son assentiment, ils couraient leur (1) Notes de voyage manuscrites d'A. GRAN- charge de Raïiningory, a été enterré à Amba- DIDIER, 1869, p. 1349. toroka parce qu'il avait désapprouvé l’exposi- (2) Raïningitabé, le chef des Mainty [des tion des têtes d’Européens à Tamatave en 1845. esclaves (du souverain)] haut et puissant per- (3) Au Palais, disait Laborde à Alfred Gran- sonnage qui a été le prédécesseur dans cette didier, tout se fait par l'intrigue (a). (a) « Les courtisans qui avaient le droit de pénétrer dans les appartements de la Reine et qui étaient du reste peu nombreux, attendaient ce moment pour user de leur influence à leur avantage ou à celui de leurs parents ou de leurs amis. Ce n’est en effet ni la naissance, ni le grade, ni l'intelligence et le talent, qui donnent de l’in- fluence, mais la faveur, l’amitié : il y a, m’a dit Laborde, des ministres et des maréchaux qui n’ont pas l’influence d’un petit officier des pages, ni même celle de certains esclaves. Rarement la Reine connaît la vérité, car les rapports qu’on lui fait sont presque toujours mensongers et comme ceux qui les lui font sont juges et parties, les verdicts sont rarement équitables. Du reste, la Reine change souvent plusieurs fois d’opinion dans la même journée et des affaires tranchées, bien ou mal, étaient remises en question, étaient revisées, et le jugement était prononcé d’après l’ordre de Sa Majesté, dont la volonté flotte au gré de son entourage. Comme les gens de la Cour qui entourent la Reine vivent en grande partie de ces intrigues, ils ne se dénoncent pas, quoiqu’ils se haïssent, et la vieille Reine, qui ne se rendait compte de rien par elle-même, se laissait aduler, se pâmant de plaisir en recevant les hommages que ses vils courtisans lui prodiguaient comme à une divinité » (Notes de voyage manuscrites d'A. GRANDIDIER, 1869, p. 1285-1286). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 339 dire le verdict qu’elle leur ordonnaïit de prononcer. Aussi, comme les justiciables ne pouvaient pas compter sur des jugements équitables, tâchaient-ils d’acheter deux ou trois courtisans influents et, de cette manière, ils étaient presque sûrs d’avoir gain de cause. Pour que le jugement fût définitif, il fallait que la partie ayant gain de cause eût présenté le hasina 4) et que celui-ci eût été accepté, et elle donnait aux témoins un orim-bato [litt. : pierre dressée (en témoignage)|], c’est-à-dire un vola kely, un petit morceau d’argent, pour qu’à l’avenir ils certifiassent quel avait été le jugement. Sous Ranavalona, les Tompo menakely, les seigneurs féodaux, ont perdu le droit de haute et basse justice; ils avaient encore le droit d'intervenir dans les affaires de leurs vassaux et de chercher à concilier les parties, mais c’étaient les Andriambaventy, les magistrats nommés par la Reïne, qui jugeaient; toutefois, les sentences n'étaient exécutoires qu'après qu’elles avaient reçu la sanction royale, surtout lorsqu'il s’agis- sait de la peine capitale. Les Malgaches ont toujours à la bouche, soit le nom de Dieu, Andria- nanahary ), qu’ils invoquent comme le créateur et le souverain maître de toutes choses (%, soit ceux de Zanahary ou d’Andriamanitra, sous lesquels il désignait quelquefois Dieu, mais le plus souvent les intermé- (1) Autrement, c'était comme un acte auquel manquait la signature. () Voir le volume Ethnographie de cette Histoire de Madagascar, t. III, p. 290-316, et les Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDI- DIER, 1870, p. 1698-1723. (3) « Qui, ont dit à Alfred Grandidier des vieillards merina, veille à tout, voit tout, gou- verne tout, récompense les bons, punit les méchants et venge les opprimés. » Quand on demande à un Merina qui a créé le monde, il répond : « C’est Dieu », 1zy nanao ny tongotra amy ny tanana [litt. : c’est lui qui a fait les pieds et les mains (des hommes)];, mais quand on leur en demande plus, ils disent non sans raison : Nous ne savons pas, ce sont des choses auxquelles nous ne pensons pas, qui sont au- dessus de notre entendement. Les Malgaches ont l'esprit positif et nullement spéculatif comme les Indiens; ils n’ignorent pas que rien ne se fait sans le consentement de Dieu, mais ils ne connaissent pas ses voies. Ils croient à une vie future, mais ne s’en font pas une idée nette; l’idée de récompense pour les braves gens était généralement admise, mais beaucoup d’actes coupables, immoraux, n'étaient pas considérés par eux comme tels : ainsi mentir, tromper, étaient dans bien des cas œuvre méri- toire, tandis que manger du porc dans cer- tains villages, élever une orfraie ou un chat sauvage, etc., étaient des crimes qui méri- taient les plus grands châtiments (Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 1703-1707). 340 MADAGASCAR. diaires entre Dieu et les hommes, ainsi que tout ce qui est supérieur, ce qui est sacré, notamment les sampy () ou talismans. Or, comme nous l’avons dit, Ranavalona était superstitieuse à l’excès et quoiqu'’elle ait suivi, au point de vue militaire, la politique de Radama, cherchant à fortifier et à étendre sa domination sur les diverses peu- plades malgaches, elle en a adopté une tout opposée à l’égard des étran- gers, non seulement rompant toutes relations avec les gouvernements français et anglais, mais cherchant à détruire l'influence religieuse qu’avaient prise les missionnaires anglais (?, car, comme l'écrit le R. P. Malzac (), « dans ceux de ses sujets qui embrassaient le christianisme, renonçant au culte de leurs ancêtres et adorant Jésus-Christ, que beau- coup de Merina croyaient être un ancêtre des souverains de l'Europe (#) », (4) Litt. : aïdes, auxiliaires (donnés aux tsiroa et de Rafantaka (b), plus près que trois hommes par Dieu, les uns pour mener les expé- ditions à bonne fin, les autres pour leur rendre la vie heureuse, guérir leurs maux, etc., (a). Voir leur description dans le volume Ethno- graphie de cette Histoire de Madagascar, t. III, p. 431-434 et 605-609, ainsi que dans les Notes manuscrites d'A. GRANDIDIER, p. 1709-1723. Ces sampy, c’est-à-dire leurs gardiens, qui voyaient d’un mauvais œil les Européens, abhorraient beaucoup des animaux venant d'outre-mer, tels que les cochons et les chiens, qu’on ne laissait pas pénétrer dans leurs villages et qu’on ne laissait même pas s’appro- cher de Tananarive, sanctuaire de Manjaka- lieues, et les oignons, qui ne pouvaient être apportés dans la ville haute. (2) ELLIS, History of Madagascar, 1838, t. Il, p. 437-537; R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, t. IV, 1902, et Zraka, 1900-1902, et R. P. MALZAC, Histoire du Royaume hova, 1912, p. 262-268 (c). (3) R. P. MALZAC, Histoire du Royaume hova, 1912, p. 263. (4) Informée par ses espions que les mission- naires anglais enseignaient aux Malgaches chré- tiens que Jéhovah était le premier des rois d'Angleterre et Jésus-Christ le second, et qu'ils devaient les craindre et leur obéir, Ranavalona (a) Lorsque les Sampy, les talismans, étaient portés dans la rue, surtout Kelimalaza, tout le monde devait sortir des maisons devant lesquelles ils passaient et les femmes chantaient Tsara Andriana [Voilà le bon souve- rain (qui est tout-puissant|)], le même chant que lorsque la Reine passait dans les rues, tandis que les hommes poussaient le hoby, cri ou plutôt sorte de hurlement, hô-6, hô-6, hô-6, …, qu’ils prolongeaient aussi longtemps que le leur permettait leur souffle. Mais sous Ranavalona, qui les avait remis en faveur, le peuple n’avait plus pour eux la vénération qu’Elle et ses acolytes eussent voulu lui voir : les quatre qui étaient les protecteurs de son royaume étaient Manjakatsiroa, Kelimalaza, Mahavaly et Rafantaka (Notes de voyage manuscrites d'A. GRANDIDIER, p. 1262-1263). (b) Manjakatsiroa n’était autre qu’un petit sac plein de sable. Quant à Rafantaka, qui protégeait surtout contre les balles et contre la grêle, c’était la pointe d’une corne de bœuf qu’enveloppait un morceau de lamba mena, d’étoffe de soie rouge ornée de perles de formes et de grandeurs diverses, et dans laquelle était enfoncé un morceau de bois rouge portant inscrustés des morceaux de fer et des perles de verre, le tout abondamment enduit d’huile de ricin et enfermé dans un petit panier, dûment graissé, lui aussi car, paraît-il, l'huile de ricin est douée de vertus sanctifiantes extraordinaires (voir Monpain, Rafantaka, Bull. de l’Académie Malgache, 1904, p. 311-317). (ce) Quoique hostile aux missionnaires, Ranavalona ne témoigna pas franchement tout de suite son oppo- sition, et ceux-ci purent fonder leur Église chrétienne dans le centre de l’île et réunir 30,000 écoliers; en 1831, les 28 premiers convertis ont été baptisés. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 341 Ranavalona voyait des apostats, des traîtres préférant des souverains étrangers à leurs propres souverains et, au besoin, prêts à leur livrer le pays; elle jugeait donc que c’était un parti dangereux qu’il fallait anéantir en s’attaquant aussi bien aux indigènes chrétiens qu'aux missionnaires qui les endoctrinaient. Toutefois, au début de son règne, appréciant les services que rendaient à son peuple les artisans anglais, elle n’apporta aucun changement à l’ordre de choses établi ®) et, le dimanche 22 mai 1831, elle envoya même au temple des Indépendants le message suivant : «Sa Majesté ne change rien à ce qu’a dit Radama. Pourra, qui le voudra se faire baptiser, se marier selon la coutume des Européens, célébrer la mort du Christ, et, qu’il agisse ainsi ou non, il n’encourra aucun blâme (? ». Les missionnaires anglais continuèrent avec zèle à traduire se décida à arrêter cette propagande et, le dimanche 1€ mars 1835, elle convoqua le peuple à un grand kabary, à une grande assem- blée publique, sur la place de Mahamasina, où se massèrent 15,000 soldats. Après que les canons eurent tonné, un ministre harangua la foule, blâmant l’abandon des anciens usages, et il lut le décret royal suivant : « Tous ceux qui se sont fait baptiser, ainsi que ceux qui prient dans des maisons spéciales doivent s’en accuser et, s’ils ne le font pas dans le courant du mois, ils seront mis à mort. » Alors commença une terrible persécution contre les chrétiens qui furent, hommes et femmes, soit sagayés ou précipités du haut de rochers ou sciés en morceaux ou brülés, soit fouettés et chargés de lourdes chaînes et exilés au loin, soit vendus comme esclaves, soit des- titués de leurs fonctions et privés de leurs biens, etc. martyrs dont beaucoup montrèrent de la grandeur d’âme. Après la mort de Ranavalona Ire, réappa- rurent beaucoup de ces chrétiens, qui avaient avaient vécu cachés dans les bois ou dans les grottes des montagnes. Cinq temples ont été construits à Tananarive à la mémoire des martyrs qui sont morts sous le règne de Ranavalona Ire : à Ambohipotsy, à la mémoire de Rasalama, la première martyre; à Ampamarinana, à celle des martyrs précipités du haut des rochers; à Faravohitra, à celle des martyrs brûlés, et à Ambatonakanga, ainsi qu’à Fiadanana, à celle des martyrs lapidés. (1) Parti pour cause de santé le 23 juin 1830, M. Jones, l’un des pionniers du travail mission- naire à Madagascar, a reçu de la Reine et des membres du gouvernement des témoignages de sympathie : ils lui souhaitèrent un prompt retour et firent tirer le canon au moment de son départ, et une escorte de 20 militaires l’accom- pagna jusqu'à Tamatave. (2) La chapelle du R. D. Griffiths était trop petite pour recevoir les assistants, dont beaucoup venaient ensuite chez le mission- naire pour s’instruire (a). Le 5 juin 1831, une autre chapelle fut ouverte dans le Nord de la été exilés dans des régions fiévreuses ou qui ville, à Ambatonakanga, où officiait le (a) Les missionnaires ont eu souvent une cinquantaine de Merina, quelques-uns d’un haut rang, qui venaient s’instruire chez eux. Ces néophytes étaient exposés à de petites persécutions et à mille ennuis, mais ils les sup- portaient patiemment et sans récriminations; souvent, ils se réunissaient entre eux pour lire les Écritures, ainsi que pour prier et chanter. A la fin de 1831, une des chapelles comptait 70 membres et l’autre également un bon nombre. 342 MADAGASCAR. et publier les Écritures et quelques autres livres 4) car, ne sachant pas le sort qui leur était réservé, ils voulaient que leurs prosélytes les eussent entre leurs mains, et ils firent appel à un vieux missionnaire, le R. J.-J. Freeman, qui avait quitté Madagascar à la fin de 1829 pour aller au Cap de Bonne-Espérance, et qui jugea de son devoir d’y répondre. Estimant utile d'établir des relations entre le Sud de l'Afrique et Mada- gascar, il affréta un navire à bord duquel, accompagné par M. et Mme At- kinson, missionnaires au Cap, il se rendit à Tamatave, où ils arrivèrent le 29 août 1831 (2), rapatriant cinq esclaves malgaches auxquels fut donnée la liberté, et amenant des chevaux, des moutons et d’autres animaux utiles, ainsi que diverses plantes, des tubercules et des graines. Ils eurent la permission de monter à Tananarive (), où ils arrivèrent le 20 septembre, et furent bien reçus. M. Freeman reprit ses anciennes fonc- tions, mais il ne tarda pas à se rendre compte que la cour d’Imerina n'avait nullement le désir que le christianisme se répandit dans le peuple, et que l'instruction n’était encouragée que dans le but de former des officiers pour l’armée et des scribes ou des employés pour le gouverne- ment et, quand ils étaient connus comme favorables à la religion chré- tienne, on les laissait dans les emplois inférieurs (4). (2) Quant à Mme Freeman et à ses deux enfants, ils retournèrent en Angleterre. Un R. D. Johns et que fréquentèrent d’assez nombreux fidèles (a). (2) Is ont imprimé 5,000 exemplaires du Nou- veau Testament en malgache, 2,000 des Évan- giles, 1,500 du catéchisme, un millier de diffé- rentes brochures et, en plus, un syllabaire et un petit manuel d’arithmétique; ils ont eu la satis- faction de constater que ces livres étaient accueillis avec faveur par un assez grand nombre de leurs élèves qui ont répandu l'instruction non seulement à Tananarive, maismême dans la cam- pagne, sans qu'ils y participassent eux-mêmes. troisième était mort en rade de Tamatave au moment de partir. (3) Les Révérends Canham et Kitching étaient venus à leur rencontre à Tamatave et le gouvernement merina fit transporter leurs baga- ges gratuitement par les borizano ou corvéables. (4) Les Malgaches convertis étaient vus d’un fort mauvais œil, si bien que l’un d’eux, accusé de sorcellerie, a été soumis à l’épreuve du tan- ghin, à laquelle il a heureusement échappé. (a) Le dimanche qui a suivi celui où a été publié le message de la Reine, le 29 mai 1831, vingt Merina nouvelle- ment convertis ont été publiquement baptisés par le R. D. Griffiths sous un prénom chrétien, les premiers dans le centre de Madagascar et, sept jours après, huit autres par le R. D. Johns, à qui l’un de ces néophytes a écrit le 30 mai la lettre suivante : « Puissiez-vous vivre longtemps, Monsieur, et ne jamais être malade! Voilà ce que vous souhaite votre fils R.... J’ai appris avec bonheur que la Reine nous permettait de recevoir le baptême ainsi que les autres sacrements, et je me voue, corps et âme, à Jésus afin de le servir de toutes mes forces et de l’aimer de tout mon cœur. M’étant ainsi donné corps et âme, je vous prie de me recevoir dans votre église, afin que je puisse glorifier Dieu aussi longtemps que je vivrai. C’est ce que dit R.... » (Ezzis, History of Mada- gascar, 1838, t. II, p. 447.) HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 343 Quelques mois plus tard, en novembre 1831, défense fut faite à tous les élèves des écoles, ainsi qu’à tous les soldats, de se faire inscrire au nombre des membres de l’Église chrétienne, de se faire baptiser et de prendre part à la Cène, de manger le pain et de boire le vin, lors même qu'ils en avaient l'habitude et, en mai 1832, à tous les esclaves d'apprendre à lire et à écrire, en un mot de renoncer aux coutumes des ancêtres. Maints hauts personnages, tout en continuant à assister aux offices, à mion- drika, comme disent les Malgaches ®), n’osèrent pas se faire baptiser, et lors du Lord’s Supper, de la première Communion des néophytes, la Reine déclara qu'il était défendu dans son royaume de boire du vin, ainsi que des liqueurs, et que, par conséquent, les Malgaches qui buvaïent du vin violaient la loi, qu’ils devaient dorénavant se contenter de boire de l’eau et, en effet, ils durent s’y résoudre (. Le dimanche 15 février 1835, la Reine qui, relevant de maladie, allait solennellement remercier les sampy, les talismans royaux, entendit des chants religieux en passant devant le temple protestant; furieuse, elle dit aux officiers qui l’entouraient : « Les entendez-vous? ils ne se tairont que lorsque j'aurai fait couper la tête à quelques-uns d’entre eux (% », Ces paroles ne furent pas perdues car, le lendemain même, un chef important vint dire à la Reine: «Que Votre Majesté veuille bien me (1) Miondrika, litt. : baisser la tête comme les moutons. (2) Au milieu de 1834, Mme Freeman mais les chefs du gouvernement coupèrent court à ce prosélytisme, qu’ils jugèrent dangereux. (3) M. Laborde a raconté à Alfred Grandidier est retournée à Madagascar, ainsi que M. et Mme Baker, qui avaient profité de leur séjour en Angleterre pour y faire imprimer 5,000 exemplaires des Psaumes et un catéchisme en malgache, ainsi qu’un syllabaire. A la fin de cette année, le gardien du talisman Zanaharitsi- mandry (litt. : la divinité qui ne dort pas), un certain Raïnitsiandavaka, qui avait eu de nom- breux colloques avec un nommé Raintsiheva, un Zélé chrétien, et qui ayant fait un amalgame de certaines croyances chrétiennes relatives à Adam et Eve, à la résurrection des morts, etc., avec celles des razana, des ancêtres malgaches, avait réuni des prosélytes, chercha à convertir la Reine, qu'un Anglais, arrivé à Madagascar et reçu à la cour, marcha sur le pied d’un haut officier merina qui crut qu'il le faisait exprès et dit : «Ils sont bien insolents, ces Anglais!» L’Anglais, s'étant fait traduire cette phrase, répondit : « J'aime ces nègres, qui se permettent de juger les blancs! » Peu après, il y eut une réunion des Anglais résidant à Tananarive qui, dans leurs conversations, décrièrent les Merina, des sau- vages disaient-ils, et qui traitèrent la Reine de vieille sorcière, d’empoisonneuse; quelques-uns des serviteurs présents comprirent ces propos malencontreux qui, répétés à Ranavalona, la blessèrent profondément. 344 MADAGASCAR. donner une sagaye, car je vois que les Européens vilipendent, traitent avec mépris les illustres ancêtres de Votre Majesté, les gardiens sacrés de Madagascar, à qui notre pays doit sa grandeur et son salut, je vois que vos sujets abandonnent les croyances et les coutumes de nos ancêtres. Les principes que prêchent les Européens et que leurs livres répandent ont déjà de nombreux prosélytes, aussi bien parmi les Grands du royaume que dans le peuple et surtout parmi les esclaves. Or, toutes ces prédications n’ont d'autre but que de préparer la voie à leurs compa- triotes qui, au premier signal, tomberont sur nous et s’empareront d’au- tant plus facilement de notre pays qu’un grand nombre de vos sujets les aidera. Telle sera la conséquence certaine de leur enseignement et, comme je ne veux pas assister à une semblable catastrophe, je vous demande de me donner une sagaye afin que je me perce le cœur avant que ce jour maudit n’arrive. » La Reine fut effrayée en entendant ce discours et prit les mesures les plus rigoureuses pour abolir le christianisme dans l’Imerina. Le 26 fé- vrier 1835, elle fit porter aux missionnaires un message leur enjoignant de respecter les mœurs de son pays, tout en suivant les leurs, et de ne pas faire célébrer le dimanche à ses sujets, ni de les baptiser, cérémonies contraires aux lois de son royaume (), et, le 1€ mars, a été publié sur la place de Mahamasina, en présence d’une foule innombrable (2), l’édit royal qui prohibait l'exercice de la religion chrétienne dans toute l’étendue des possessions de Ranavalona : « Je vous le déclare formellement, Ô mon peuple, je ne veux point adresser de prières aux ancêtres des Européens, je ne veux prier que Dieu et mes ancêtres. Chaque nation a ses divinités et ses ancêtres. Les nôtres ont fait régner les douze rois, et m'ont donné le pouvoir; si, parmi mes sujets, il en est qui suivent la religion des Vazaha, je les mettrai à mort, car c’est à moi seule que les douze rois ont légué ce royaume (). » (1) LACAILLE, Connaissance de Madagascar, 1912, p. 265. Dans ce kabary tous les Merina 1863, p. 167-168. chrétiens furent sommés de confesser leur (2) 150,000 personnes, dit-on. « crime » sous peine de mort, et on ordonna (3) R. P. CALLET, Tantara ny Andriana, 1908, comme punition pour les officiers la rétrograda- p.1159 et R. P. MALZAC, Hist. du royaume hova, tion. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 345 Dès lors, les mpivavaka, les « priants » (1), furent pourchassés et ne purent plus pratiquer le christianisme qu’en secret; quant aux mission- naires anglais, ils furent expulsés et la plupart quittèrent Tananarive au mois de juin 1835; seuls, le R. D. Johns et l’imprimeur Baker ne par- tirent que l’année suivante, en juillet 1836, après avoir achevé l’impres- sion du dictionnaire malgache-anglais. Les traitants européens, qui n'étaient pas compris dans le décret d'expulsion, ont continué leur com- merce comme par le passé. Pendant les quinze années d’apostolat des Indépendants à Tananarive, dix à quinze mille Merina avaient, dit-on, appris à lire, un certain nombre à écrire et quelques-uns à parler anglais, et un millier de jeunes gens s'étaient exercés aux métiers de forgeron, maçon, menuisier, COr- donnier, etc. Après le départ des missionnaires, les chrétiens indigènes ont été l’objet de poursuites incessantes et, dès 1836, beaucoup furent soumis à l’ordalie du tanghin ©); l’année suivante, un grand nombre furent accusés de lire les Livres Saints et de s’assembler pour prier, et les uns furent condamnés à de fortes amendes, d’autres furent chargés de chaînes, et il y en eut qui furent réduits en esclavage; une femme même, Rasa- lama (%, fut mise à mort, ainsi qu’un jeune homme, Rafaralahy (4). Six (1) « Les mpivavaka, les priants, étaient en réalité plutôt un parti politique qu’une véri- table confrérie religieuse, se proposant de civi- liser Madagascar à l’européenne et d’améliorer le sort du peuple; quand les missionnaires anglais furent partis, ils se rallièrent autour de leurs élèves; ils avaient leurs chefs, leurs réu- nions et leurs prêches, mais ils comptaient peu de personnages importants dans leurs rangs; en somme, ce qu'ils voulaient et cherchaient, c'était un autre gouvernement moins despo- tique, plus libéral. Quant aux vrais croyants, très peu nombreux du reste, ils se contentaient de prier en famille, et ne se réunissaient pas publiquement (Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 1345). (2) Le gouverneur de Mananjary ayant HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. accusé deux officiers et 33 soldats d’avoir violé les lois du royaume en pratiquant la religion chrétienne, l’épreuve du tanghin fut faite à Tananarive sur trois femmes esclaves qui étaient censées représenter les inculpés et qui furent reconnues innocentes; la Reine, pour plus de sûreté, fit administrer le poison à un chien qui survécut. Les accusés furent proclamés innocents et leur accusateur fut mis à mort. (3) Le 7 août 1937, l’Église protestante a célébré le centenaire de sa mort, considérant Rasalama comme une de ses martyrs. (4) D’après Ellis, de juillet 1836 à mars 1837, tant comme chrétiens que pour divers autres « crimes », il y eut 56 criminels brülés vifs, 60 sagayés et 900 exécutés, ayant été déclarés coupables par l’épreuve du tanghin, soit au 44 346 MADAGASCAR. réussirent à quitter Madagascar et allèrent en Angleterre. En 1840, soixante chrétiens qui se cachaient dans les bois furent trahis et neuf furent mis à mort, mais la persécution fut plus terrible que jamais en 1849 : pendant le mois de mars, on appréhenda plus de mille chré- tiens, dont quatorze furent précipités du haut d’Ampamarinana ), la roche Tarpéienne de Tananarive (?), quatre nobles furent brûlés vifs, d’autres mis aux fers ou bien réduits en esclavage et la plupart condamnés à de fortes amendes. Cette persécution devint dans la suite moins active, surtout grâce au prince Rakoto qui, tendrement aimé par sa mère, lui arrachait beaucoup de victimes; toutefois, la loi qui proscrivait la religion chrétienne était toujours en vigueur : lorsqu'Ellis était à Tananarive en 1856, on lisait tous les quinze jours devant les troupes qui passaient la revue bi-hebdo- madaire réglementaire la déclaration suivante : « Si quelqu'un administre ou reçoit le baptême, je le ferai mettre à mort, dit la reine Ranavalona, car il change la religion de mes ancêtres, la religion des douze Rois. Par conséquent, surveillez le peuple et cherchez, et, si vous en trouver qui commettent ce crime, tuez-les; car je veux qu’on mette à mort tous ceux qui en sont coupables, leur nombre atteindrait-il la moitié de la population totale. Quiconque cherchera à changer les usages de mes ancêtres, quiconque adressera ses prières aux ancêtres des Européens et non à Andrianampoinimerina et à Radama, aux saints talismans qui ont sauvegardé les douze Rois et aux douze montagnes total 1,016 exécutions à Tananarive ou aux environs en huit mois (ELLIS, History of Mada- gascar, t. IT, p. 522). Mais M. Laborde a dit à A. Grandidier que, après l’expulsion des mis- sionnaires anglais, 1,500 Merina avaient été arrêtés comme chrétiens, que 13 avaient été tués, que 900 (surtout des esclaves et des gens du peuple) avaient été remis en liberté et que 600 militaires, après avoir promis de ne plus pratiquer la religion chrétienne, avaient été dégradés et condamnés à divers travaux manuels à l’usine de Soatsimanampiovana, à tailler les pierres, etc. Un an après, ils ont été libérés à la demande de M. Laborde. Quant aux victimes, que d'ordinaire on tuait avec la sagaye ou avec un coutelas, leurs têtes étaient quelquefois exposées au bout de bâtons, et leurs corps étaient abandonnés aux chiens comme il est d’usage lorsqu'il s’agit de sorciers (A. GRANDIDIER, Notes de voyage, manuscrites, 1869, p. 2357-2358). (1) Quelquefois, avant de les précipiter, on les emballait dans une natte qu’on cousait. (2) Roche qui est haute de près de 100 mètres et qui est située à l'Ouest du palais, surplom- bant le Champ de Mars. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 347 saintes, je le ferai tuer. Tel est l’ordre de la reine Ranavalona (), » Lors de l’expulsion des Français en 1857, neuf chrétiens furent mis à mort (2), dont un par lapidation (), et dix-sept furent enchaînés quatre (1) Voyages du D' W. Ellis à Madagascar, par O. SAGHOT, 1860, p. 209-217. (2) « Du sang, toujours du sang! est la devise de la reine Ranavalona; cette méchante femme croit avoir perdu sa journée si elle n’a pas pro- noncé au moins une demi-douzaine de sen- tences de mort. » (IDA PFEIFFER, Voyage à Madagascar en 1857, édit. française, p. 212) (a). (3) D’après Ellis, il y eut 14 chrétiens lapidés en juillet 1857 à Fiadana (à 2 km. 1/2 au S.-O. de Tananarive), dont l’un d’eux, Andriama- nantena, pendant que la foule l’assommait à coups de pierre, fit à haute voix une courte prière, demandant à Dieu de pardonner à la Reine et à ses compatriotes sa mort et celle de ses compagnons; leurs corps ont été pour la plupart, la proie des chiens, quoique quelques chrétiens fidèles soient venus la nuit enlever pour les enterrer les restes qu’ils purent recueillir, surtout les têtes; les membres de leurs familles, au nombre de 66, durent prendre le tanghin ou furent mis aux fers. Ellis ajoute (a) « Le 3 juillet 1857 fut un jour de terreur et de désolation à Tananarive. La Reine ayant eu connaissance du complot tramé par son fils, le prince Rakoto, Laborde et Lambert, enjoignit au peuple de venir assister à un grand kabary : une pareille convocation remplit toujours d’épouvante le peuple qui, par une triste expé- rience, sait que les kabary présagent souvent des persécutions et des condamnations à mort. Aussi, à cette annonce, les habitants s’enfuirent-ils en poussant des cris et des hurlements comme si Tananarive était envahi par une armée ennemie, et on eût pu le croire en voyant des troupes en occuper toutes les issues et les soldats arracher de force les pauvres gens de leurs maisons et de leurs cachettes et les pousser devant eux vers la place du kabary. Quand la plus grande partie de la population de la ville, hommes, femmes et enfants, y fut assem- blée, on lut le message de la Reine qui, après avoir exposé qu’elle avait appris à son grand effroi que, à Tana- narive seulement, il y avait plusieurs milliers de chrétiens parmi ses sujets, qui savaient cependant combien elle haïssait cette religion, annonçait qu’elle allait faire rechercher les coupables qui seraient punis avec la dernière rigueur; à la fin il était dit que ceux qui se déclareraient eux-mêmes auraient la vie sauve, tandis que ceux qui attendraient qu’on les dénonçât subiraient de terribles supplices. Ce fut un misérable hova, Ratsimandiso, un chrétien que les missionnaires anglais honoraient du titre de « Révérendissime », qui fut le traître dénonciateur, prétendant ne s’être fait chrétien que pour connaître tous ses coreligionnaires et, dans l’espoir d’une grande récompense, donner ainsi à la Reine la possibilité de les anéantir tous d’un seul coup; il avait en effet dressé une liste complète des chrétiens de Tananarive, liste qu’il remit à un ministre qui était tout dévoué au prince Rakoto et qui, l’ayant lue, la déchira : plusieurs milliers, avertis ainsi à temps, purent se sauver dans la forêt où beaucoup, sans abri et sans nourriture, périrent. D’autres, qui ne purent ou qui ne voulurent pas quitter la ville, furent soumis à toutes sortes de tortures pour les forcer à dénoncer les chrétiens qu’ils connaissaient » (IDA PFEIFFER, Voyage à Madagascar en 1857, édit. française, p. 252-255)... Le 9 juillet, irritée qu’on n’eût encore arrêté que peu de chrétiens, la Reine s’écria qu’il fallait fouiller les entrailles de la terre et sonder les rivières et les lacs pour qu’il n’échappât pas au châtiment un seul de ceux qui violaient ses lois et, à midi, eut lieu un nouveau kabary où elle fit annoncer que tous ceux qui aideraient les chrétiens à fuir ou ne les en empè- cheraient pas, ou les cacheraient, seraient punis de mort, et qu’au contraire ceux qui les dénonceraient, qui les empêcheraient de fuir ou les ramèneraient seraient récompensés et ne seraient pas punis s’ils venaient à commettre quelque délit... Hier soir, le 11 juillet, une vieille femme a été dénoncée devant le tribunal, on l’a saisie aussitôt et, ce matin, on lui a fait subir un supplice horrible, sur la place du Marché, on lui a scié l’épine dorsale. Le 12, on a saisi dans un village voisin de Tananarive 6 chrétiens cachés dans une chaumière. Les soldats l’aväient fouillée et allaient la quitter quand ils entendirent tousser,; ils se remirent à chercher et, dans un grand trou creusé dans la terre que recouvrait de la paille, on trouva ces malheureux. Ce qui m’étonna, c’est que les autres habitants, qui n’étaient pas chrétiens, ne les ont pas trahis malgré la peine de mort qu’ils encouraient, et, en effet, non seulement les 6 chrétiens, mais tous les habitants du village, hommes, femmes et enfants, ont été garrottés et emprisonnés... Le 13, la Reine ne cessa de demander au peuple de livrer les chrétiens, car elle leur attribue tous les malheurs qui ont frappé et qui frappent encore Madagascar, et elle ne prendra de repos que lorsque le dernier chrétien aura été anéanti.... Le 18, jour de mon départ pour Tama- tave, 10 chrétiens périrent dans les plus atroces supplices : pendant tout le trajet, de la prison à la place du Marché, les soldats les frappaient constamment à coups de lance; arrivés sur la place, ils furent lapides, et ce ne fut qu’ensuite qu’on leur trancha la tête; ces malheureux ont fait preuve d’une grande fermeté d'âme et ont expiré en chantant des hymnes. Leurs têtes ont été exposées sur des piques ». (IDA PFEIFFER, Voyage à Madagascar en 1857, édit. française, p. 258-259, 263-264, 265 et 270-271.) 348 MADAGASCAR. par quatre; leurs femmes furent soumises à l’ordalie du tanghin, mais aucune ne mourut. Les dernières persécutions contre les chrétiens ont eu lieu en juin 1860. En 1832, M. de Solages, préfet apostolique de la Réunion et des petites îles de Madagascar, qui était venu avec l'intention d’aller évangéliser les Merina, fut arrêté à Andovoranto (Andevorante) où lui fut notifié l’ordre de ne pas continuer son voyage et où, gardé à vue dans une misérable case, il périt de maladie et de misère le 8 décembre (1). Au commencement de 1855, le prince Rakoto ayant appris qu’il y avait des missionnaires français sur la côte Nord-Ouest, dans la baïe de Baly, eut le désir de se mettre en relations avec eux et il envoya six hommes de confiance, six chrétiens anciens élèves des méthodistes anglais, les visiter de sa part. Ces émissaires, qui étaient obligés de tenir leur mission secrète, échappèrent non sans peine à la surveillance des soldats de la Reine, mais ils furent appréhendés par les Sakalava qui allaient les mettre à mort lorsque des trafiquants arabes proposèrent de les acheter comme esclaves; le marché fut conclu et trois furent vendus à un navire marchand en partance pour Bourbon, qui toucha à Hell- ville où, trouvant le R. P. Finaz, ils lui remirent la lettre du prince à l’adresse des missionnaires de Baly. Le P. Finaz s’occupa de les racheter, ainsi que deux autres qui se trouvaient à Mahagolo, et il eut le bonheur d'y réussir, mais il ne put avoir de nouvelles du sixième. De Nosy bé, les cinq Merina allèrent à Bourbon avec les PP. Finaz et Jouen : «en les menant à Bourbon, a dit le P. Jouen, nous voulions leur montrer un pays civilisé et chrétien, où la religion se pratique au grand jour avec toute la pompe de son culte; nous voulions les instruire à fond dans la religion catholique afin qu'ils en devinssent les propagateurs et les apôtres auprès de leurs compatriotes. » En effet, après quelques mois de sérieuse instruction, ils retournèrent à Madagascar, toutefois en pas- sant par l’île Sainte-Marie et rentrant furtivement dans leur pays, car que 57 furent mis aux fers par bandes de 5, (1) GEORGES GOYAU. Les grands desseins de 7et de plus, et envoyés loin de Tananarive; missionnaires d'Henri de Solages (1786-1832), 50 furent soumis à l’ordalie du tanghin;il yen Paris, 1933, 1 vol. de 295 pages. eut aussi qui furent réduits en esclavage. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 349 il y avait peine de mort contre tout Malgache ayant quitté Madagascar sans l’autorisation de la Reine. Comme nous l’avons déjà dit, le R. P. Finaz, préfet apostolique des petites îles malgaches de Sainte-Marie et de Nosy bé, qui est venu à Tananarive avec M. Lambert en 1855, est le premier prêtre qui ait célébré une messe dans l’intérieur de Madagascar 4 : le prince Rakoton-dRadama et sa femme la princesse Rabodo, accompagnés de quatre officiers, y ont assisté ainsi que Laborde et un autre Européen, «cérémonie imposante dans ce pays barbare, dans cette ville où les chrétiens étaient punis de mort lorsqu'on les découvrait . » Dès son avènement au trône, Ranavalona a interdit les écoles dans les villages où étaient gardés les talismans royaux, et l’enseignement s’en est ressenti; d’autre part, elles ont été fermées pendant les six pre- miers mois du deuil et, lorsqu'elles furent rouvertes, on appela pour être incorporés dans l’armée sept cents instituteurs ainsi que les meïlleurs élèves, ce qui donna à réfléchir au peuple, qui se montra dès lors moins désireux d'envoyer ses enfants à l’école; aussi, à la fin de 1829, y avait- il dans les écoles moitié moins d’élèves que sous Radama. En mai 1832, il y eut un examen public des élèves des écoles (3), mais qui n’eut pas les heureux résultats qu’en attendaient les missionnaires anglais, car ils constatèrent que le but que se proposait le gouvernement merina était de connaître le nombre et l’âge des élèves et leurs aptitudes aux divers métiers, et qu'il n’appréciait, ou plutôt ne tolérait, leur ensei- gnement que pour former des scribes et des employés pour le gouver- nement, ou des officiers pourl’armée et aussi, surtout même, des artisans, des ouvriers d'industries diverses qui lui étaient utiles. La défense qu'il fit aux esclaves, non seulement de pratiquer la religion chrétienne, mais même d'apprendre à lire et à écrire sous peine, pour le maître, d’être (1) La seconde messe à Tananarive a été dite par le R. P. Jouen et la troisième par le R. P. Webber. (2) Laborde a dit à A. Grandidier : Le prince et la princesse m’avaient mis entre eux afin que je leur explique les diverses cérémonies ;le prince en fut ému et la princesse y assista aussi avec plaisir (Notes de voyage manuscrites d’A. (GRAN- DIDIER, p. 1293-1295). (3) Sokoly ou Sekiolona (mot venant de l’anglais school), tandis que Lakoly (mot venant du français l’école) signifie «les dames de la cour». 350 MADAGASCAR. réduit lui-même en esclavage et, pour l’esclave, des châtiments les plus sévères, ne laissait aucun doute sur ses projets. Et, cependant, le nombre des Merina qui voulaient s’instruire était réellement considérable. En décembre 1834, la Reine défendit à tous ses sujets d'apprendre à lire et à écrire ailleurs que dans les écoles du gouvernement, afin de couper court à l’enseignement religieux qui était donné dans les écoles anglaises. En janvier 1832, Ranavalona a donné l’ordre « de ne vendre le riz et les bœufs de son royaume que contre des bons fusils et de la bonne poudre, au prix de six piastres espagnoles le fusil et de une piastre pour un poids de poudre de cinquante piastres, soit environ trente-six piastres (environ deux cents francs) le quintal, mais elle a autorisé ses sujets à acheter des marchandises venant de l'étranger pour de l’argent, des cordages, des nattes, des moutons, des chèvres, des volailles et autres objets, à l'exclusion du riz et des bœufs, qui ne pouvaient être vendus qu’en échange de munitions (1) ». Vers 1843 (, de Lastelle a affermé pour trois années, moyennant la somme de six mille piastres (soit 30,000 francs) par an, le droit d’ex- porter par les trois ports de la côte Est, Mananjary, Mahela et Mahanoro, ou d’y importer, toutes marchandises; mais comme en 1845 les gouver- neurs de cette côte ont reçu l’ordre de ne rien vendre aux Européens, toutes les transactions ont été arrêtées et M. de Lastelle a perdu son argent. Ce n’est qu’en 1853, à la fin de novembre, que le commerce a été rétabli avec les Européens : acheteurs et vendeurs eurent alors toute liberté de faire les transactions à leur gré, mais ils devaient payer un droit de 10 p. 100 tant sur les exportations que sur les importations, et il était spécifié qu'aucun indigène ne pouvait être emmené hors de Madagascar. Les Grands du royaume faisaient tous du commerce; les ministres (1) Lettre écrite par le prince Coroller au les douanes dela côte Est moyennant une somme commandant de l’île Sainte-Marie, M. Tourette, annuelle de 40,000 piastres (soit 200,000 francs) le 23 janvier 1832 (Nouv. Ann. des Voyages, mais ayant constaté que, loin de gagner à ce 4833, t. I, p. 387-388). marché comme ils l’avaient espéré, ils y per- (2) Sous Radama Ier, un traitant, M. Blan- daient: en conséquence ils s’étaient retirés. card, et l’agent anglais Hastie avaient affermé HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE 351 donnaient l'exemple, notamment Raïinimaharavo, plus âpre encore au gain que ses collègues : au {sena, au grand marché hebdomadaire du vendredi, il accaparait divers articles, comme le bois à brûler par exemple, et ses deka, ses aides de camp étaient chargés de le revendre plus cher à ceux qui avaient épuisé leur provision avant la fin de la semaine; ses esclaves débitaient sur les petits marchés quotidiens les fruits et les légumes de son jardin, les toiles et autres objets qu’il faisait venir gra- tuitement de Tamatave par corvées, et ce qu'il gagnait, et qui n’était pas peu, était enterré et ne revoyait plus le jour. Tous, cependant, n'étaient pas aussi àâpres. Ainsi son frère Rainandriantsilava, renommé, il est vrai, pour sa générosité, était plus libéral; il donnait à ses aides de camp six mois ou un an de congé et à leur retour il se contentait de par- tager avec eux leur bénéfice, mais, lorsqu'ils mouraient, il exigeait que leur famille fît la déclaration de tout ce qu’ils possédaient et, dans ces biens, il prenait ce qui lui convenait, laissant le reste généreusement aux parents : c'était, disons-le, un Hova exceptionnellement charitable; ses frères et ses cousins, comme la plupart de ses collègues, prenaient tout. Dès 1821, MM. de Rontaunay et Arnoux avaient établi sur la côte Est de Madagascar des sucreries et des guildiveries ou distilleries de rhum ; M. de Lastelle, homme intelligent et actif dont nous avons déjà parlé, et qui avait remplacé M. Arnoux comme directeur de ces éta- blissements, obtint de Ranavalona la permission de continuer l’entre- prise qui avait été gravement compromise en 1829 par la malheureuse expédition Gourbeyre, mais qui, après avoir été de nouveau prospère, périclita après l'expédition des commandants Romain Desfossés et Kelly en 1845, expédition qui a rompu toutes relations entre les Merina et les Européens 1). De 1821 à 1845, le chiffre d’affaires de ce comptoir n’a (4) « Après la fermeture des ports, le sucre beau lui dire : «le sucre est là, vous m’empêchez que fabriquait M. de Lastelle ne pouvant plus être exporté restait en magasin. Le premier ministre, qui était intéressé dans cette industrie et devait toucher chaque année une somme de 2,000 piastres, soit 10,000 francs, exigea qu’elle lui fût versée quand même. M. de Lastelle avait de l’exporter et par conséquent de le vendre, je ne puis donc pas vous donner d'argent; prenez- en pour la somme qui vous est due. » « C'est vrai, lui répondit-il, mais néanmoins payez- moi, car un Vazaha, un Européen, a toujours de l’argent quand il veut. » Et il a fallu payer. 352 MADAGASCAR. pas été moindre de vingt-trois millions de francs, soit douze millions de denrées et d’objets exportés et onze millions de marchandises diverses importées. En 1832, plusieurs milliers de Merina ont été appelés à terminer le canal commencé sous la direction des artisans anglais dans le but de relier l’Ikopa au grand lac d’Amparihibé, qui est près de Tananarive et dont les eaux servaient à faire marcher les roues des moulins cons- truits sous la direction de Cameron. L'ordre de la Reine aux corvéables appelait l’attention de ses sujets sur les grands services que les mission- naires anglais rendaient à son pays (1. Un Français, M. Droit, a installé en 1829 une fabrique de fusils à Avaratr’ Ilafy, à une douzaine de kilomètres au Nord de Tananarive (2) et, dès son arrivée en Imerina, en 1832, à la demande de Ranavalona, Laborde (%) qui, comme l’a dit un traitant (4), «doué d’une grande intelli- gence et tombé au milieu de barbares, a tout tenté et presque toujours réussi », s’associa à lui; mais Droit, que la Reine voulut faire participer Notes de voyage d'A. GRANDIDIER, 1869, p. 2145). Voir pour les établissements et les en- treprises, tant industrielles que commerciales, de M. de Rontaunay l’Ethnographie de cette Histoire de Madagascar, t.1,p.573-574et 659-661. (1) ELLis, Hist. of Madagascar, t. II, p. 456. (2) On s’y servait de charbon de bois et non, comme l’a dit à tort Macé Descartes, de houille qui n’existe pas dans l’Imerina. (3) Il avait fait naufrage, en revenant des Indes, sur la côte Est, auprès de Mahela, en 1831; il avait alors vingt-six ans. C’est à ses efforts persévérants, à l’estime générale qu'il à conquise par son aménité et sa générosité, ainsi que par les utiles travaux qu'il a entrepris et menés à bonne fin, et par les services qu'il n’a cessé de rendre tant à l’Imerina qu’à de nom- breux individus, qu'est due la transformation rapide d’un pays barbare en un pays quasi civilisé. Les artisans anglais venus sous le règne de Radama Ier avaient déjà introduit la civili- sation; ils avaient contribué à former une armée disciplinée et bien armée et ils avaient enseigné quelques-uns des métiers et des arts utiles à tout pays civilisé, mais l’œuvre de Laborde est plus merveilleuse; non seulement il a créé de toutes pièces la grande et admirable usine dont nous parlons ici, mais il a eu sur la politique du gouvernement merina une influence considé- rable et heureuse : il a amené le premier ministre tout-puissant, Rainiharo, à modifier ses idées au sujet du mode de gouvernement et il a exercé une grande influencesur son fils Rainilaiarivony, le tout-puissant ministre des dernières Reines; il a donné de bons conseils à son « filleul » Radama Il, qui l’avait en grande amitié et estime et qui, sur son conseil, a aboli l’ordalie par le tanghin, à appelé dans l’Imerina les Européens, missionnaires et autres, et a auto- risé la liberté des cultes, mais qui malheureu- sement, pendant l’exil de son parrain, de 1857 à 1861, s’entoura de débauchés et de gens sans caractère. Voir aussi ci-dessus, p. 268. (4) Picoron, ancien traitant à Madagascar, Notes du 25 octobre 1845 (Bull. de l’Acad. malgache, 1911, p. 143). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 353 à la trahison du navire le Volligeur dans la baie de Saint-Augustin en 1835 &), s’y étant refusé et ayant été banni de Madagascar (2), il fut dès lors seul à la tête de cette fabrique, qu’il transporta dès 1837 en un lieu plus favorable aux vastes projets qu’il nourrissait : il choisit l’'empla- cement de Mantasoa, situé à trente-six kilomètres à l’Est-Sud-Est de Tananarive, sur le bord de l’Anjozoro, petit affluent de l’Ikopa et à proximité de la forêt et des mines de fer, et bientôt, sous sa vigou- reuse et intelligente impulsion, le petit hameau de Mantasoa est devenu une ville qu’il a nommée Soatsimanampiovana [litt. : la bonne (ville) qui ne change pas, qui est fortement établie] et, dans cette ville (), en plein pays barbare, de grands bâtiments ont été construits (4), ainsi qu'un haut fourneau tout en pierres de taille, où l’on a fondu le minerai, et de vastes bassins à écluses qui ont fourni une eau abondante et ont fait tourner des roues hydrauliques; on a forgé le fer et fait de l’acier pur et cémenté, on a fondu et foré des canons et des mortiers, on a fabriqué toutes sortes d'armes ainsi que de la poudre et des fusées à la Congrève et des paratonnerres; on a tanné des peaux, on a fait de la verrerie et de la faïence, des pots et des assiettes, des briques et des tuiles; on a brûlé de la chaux, on a fabriqué du savon, des couleurs diverses 6), de la bougie, du papier, de l’encre, de la cire à cacheter, ainsi que de la potasse et de l’alun, de l’acide sulfurique et de l’acide nitrique; on a tissé des étoffes et, à partir de 1843, élevé des vers à soie de Chine (6); on a établi une corderie qui n’existait pas encore, afin d’avoir les cordages pour pouvoir dresser les poteaux ou colonnes d'angle du palais du Manjakamiadana, du grand palais de Tananarive, on a fait du noir animal pour raffiner le sucre, ainsi que du charbon de (4) Voir plus haut, p. 276. (4) Dont un n’avait pas moins de 57 m. de (2) I s’est réfugié à Mohéli, où il est mort long. deux ans après. (5) Indigo, bleu de Prusse (fait avec du sang (3) Voir le plan de 1837 dans les Notes manus- de bœuf, de la potasse et de l’alun) et teintures crites d'A. GRANDIDIER, ainsi que dans Notes, rouge, jaune et blanche. Reconnaissances et Explorations, 1898, p. 680 (6) Auparavant, on cardait la soie des et J. CHAUVIN, Jean Laborde, 1805-1878, Mem. vers indigènes, qu'on filait ensuite; avec Acad. malg., fase. XXIX, 1939,95 p. avec cartes les bombyx de Chine, les Merina ont appris à et plans. dévider les cocons. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 45 304 MADAGASCAR. bois suivant la méthode européenne, mais que les Malgaches n’ont pas adoptée. Laborde a, en outre, importé des bœufs normands et bretons, des omby rana, des bœufs sans bosse, ainsi que des mérinos, des moutons d'Égypte et même des antilopes. Laborde a aussi établi une distillerie de rhum, ainsi qu’une sucrerie, mais non dans l’Imerina, à Lohasaha dans l’Ankay, qui est à 20 kilomètres au Sud-Est de Soatsimanam- piovana et seulement à une altitude de sept cent vingt mètres, et où par conséquent la culture de la canne à sucre réussit mieux que sur les hauts-plateaux ; il y a aussi planté des rocouyers d'Amérique (Bixa orellana) pour avoir du roucou, afin de teindre la soie. Il a initié en outre aux méthodes européennes des forgerons, des char- pentiers, des maçons, des tailleurs de pierres (), ainsi que des tourneurs en bois, en fer et en cuivre. Pour établir et alimenter toutes ces industries, il lui a fallu se docu- menter (2) et chercher les matières premières aux quatre coins de l’Ime- rina, et s’ingénier à remplacer ce qui lui manquait. Il a montré et expliqué à la Reine et aux hauts personnages l’utilisa- tion de la vapeur; il leur a fait voir une machine électrique et un micro- scope, qu'ils ont du reste, regardés sans s’y intéresser. Ranavalona n’était jamais plus contente que lorsqu'elle était à Man- tasoa F), fière de cette grande ville où travaillaient de mille deux cents à mille cinq cents ouvriers et plus, et où plusieurs milliers de corvéables, quelquefois dix mille, ne cessaient d’apporter de toutes les régions de l’Imerina toutes sortes de matières premières, ainsi que le combustible nécessaire, et heureuse d’être auprès de son «grand ami», de son «parent», Laborde, le grand et généreux Laborde que, comme a dit Jully, « le (1) On lui doit le mausolée monumental érigé à Isotry, au bas de Tananarive, pour Raiïniharo et sa famille. (2) Cest surtout dans les Manuels Roret, qu'il a fait venir de France, a-t-il dit lui-même à A. Grandidier, qu'il a puisé la plupart des notions pratiques qui lui ont été utiles. (3) « A Mantasoa, centre de tant de merveil- leuses industries jusque-là inconnues des Mal- gaches, Laborde recevait souvent la visite de la Reine et de sa cour. Elle y eut bientôt une demeure entourée de pavillons pour son fils et ses parents et pour ses officiers, et même un trône en plein air, construit en pierres, sur lequel elle montait pour présider les fêtes et les assem- blées qui y avaient lieu. Elle y oubliait les atro- cités qui ont ensanglanté son règne » (DOCTEUR AUG. VINSON, Voyage à Madagascar en 1862). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 39 Qt peuple aimait et pillait » (9, Le gouvernement merina lui a proposé de lui donner le plus haut grade après celui de premier ministre, mais il a refusé, voulant conserver son entière indépendance, et il n’en a été que plus respecté et plus utile. Il a été le seul Européen qui a été autorisé à résider dans les États de la reine Ranavalona de 1845 à 1853, pendant le temps où toutes relations avec les Vazaha, les étrangers, étaient inter- dites, où les ports leur étaient fermés. Aujourd’hui Mantasoa, jadis si prospère, est, depuis 1862, devenu un amas de ruines lamentables (?), (4) Son neveu Campan, constatant que la provision de bois à brûler, qui est cher à Tana- narive, diminuait à vue d'œil, lui en fit la remarque et il lui répondit : « Nous ne sommes pas les seuls à nous en servir, c’est bien; il est juste que l’argent que me donne le gouverne- ment retourne au peuple qui l’a fourni » (Notes, Reconnaïssances et Explorations, 1898, p. 676). (2) Voir Notes de voyage manuscrites d’A. GRANDIDIER, 1869, p. 1139-1140, 1424- 1425, 1428-1435, 1483 et 1485-1486, ainsi que dans cette Histoire de Madagascar, le volume Ethmographie, t. I, p. 575-576 et note 1, et t. IV, p. 151-152 et RAYMOND DECARY, Mantasoa et l’œuvre de Jean Laborde, La Revue de Madagascar, janv. 1935, p. 67. AIMONS mé 4 nn PR Ed | AIO VE. " A à ne art rte S furas DU ECTS NEA" NN A ET LEE Motte | É ere AE dE tes aire m7 ES 1 À: à ne RD ETES n ” [24 T a | ; Ê P _ J v n o IS ON NT ENS RSA MEN A, L 2 sspvafdie Knin ml LEUT: jo air PRET Y LIEN Le BLUE LT vu “A MÉFOTE EAN year OR | sing ni re er eu APPENDICE AU TOME I DE L'HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE DE MADAGASCAR I. LISTE DES PRINCIPAUX MARINS OU COLONS EUROPÉENS VENUS A MADAGASCAR DEPUIS SA DÉCOUVERTE JUSQU'AU MILIEU DU XVII® SIÈCLE. — A. Portugais. — 1° en 1500, Diogo Dias (sur les côtes E. et N.-O.); 20 en 1503, Diogo Fernandes Peteira (sur la côte E.); 3° en 1506, Fernan Soares (sur la côte S.-E.); 4° en 1506, Manoel Teles de Meneces (sur la côte E.); 5° en 1506, Juan Rodrigues Pereira (sur la côte N.-O.); 6° en 1506, Tristan da Cunha (sur la côte N.-O.); 7° en 1507, Jean Gomes d’Abreu (sur la côte S.-E.) ; 8° en 1508, Diogo Lopes de Sequeira (sur la côte S.-E.); 9° en 1510, Juan Serrano (sur la côte E.); 10° en 1515, Luis Figueira (sur la côte S.-E.), et Pedreanes (sur la côte N.-E.); 11° en 1521, Bastian de Sousa (sur la côte S.-E.); 120 en 1527, Manoel de La Cerda et Aleixo d’Abreu (sur la côte $S.-O.); 130 en 1527, Pero Vaz o Roxo et Pere Annes Francès (naufragés sur la côte S.-E.); 14° en 1530, Duarte et Diogo da Fonseca (sur la côte S.-O.) ; 15° en 1543, Diogo Soares; 16° en 1557, Balthazar Lobo de Sousa (sur la côte N.-O.); 17° en 1559, Luis Fernandes de Vasconcellos [sur les côtes S.-O. et E. (naufragés)]; 18° en 1587, P. Fray Juan de San Thomas (sur la côte N.-O.); 19° en 1613 et 1614, Cap. Paulo Rodrigues da Costa et RR. PP. Pedro Freire et Luis Mariano (sur les côtes O. et S.); 20° en 1616 et 1617, Cap. Joâo Cardoso de Pina et les RR. PP. Manoel d’Almeida, Luis Mariano, Custodio da Costa et d’Azevedo (sur les côtes $. et O.); 21° en 1629, les RR. PP. Luis Mariano et Francisco Ribeiro (sur la côte N.-O.); 22° en 1620, le R. P. Joao Gomes (sur la côte N.-0.); 23° en 1630, le R. P. Luis Mariano (sur la côte N.-O.). B. Hollandais. — 1° en 1595 et 1596, l'amiral Cornelis de Houtman (sur les côtes $.-0 et N.-E.); 20 en 1598, Jacques Corneiis van Neck et Wybrant van Warwyk (sur la côte N.-E.); 3° en 1599, John Davis à bord d’un navire hollandais (sur la côte S.-0.); 4° en 1600, un navire de la flotte de Paul Caerden (à Antongil); 5° en 1600, Et. Van der Hagen (sur la côte E.); 6° en 1600, navire naufragé dans le S.-E. ; 7° en 1602, l’amiral Georges Spilberg (dans la baie de Saint-Augustin); 8° en 1604, Van der Hagen (à Antongil); 9° en 1610 (à Antongil); 10° en 1612, l’amiral Verhuff (à Sainte-Luce dans le S.-E.); 11° en 1618, naufrage (sur la côte S.), auquel échappe Pitre; 12° en 1619, G. Isbrantsz Bontekoe (à l’île de Sainte-Marie); 13° en 1625, le Schiedam (à l’île de Sainte-Marie); 14° en 1625, (à Sainte-Luce, dans le S.-E.); 15° en 1625, Bontekoe (à Sainte-Luce); 16° en 1625, le Middelborch (à Antongil) et la Hollandia (à Sainte-Luce) ; 17° en 1626, |’ Ams- terveen (à Sainte-Luce); 18° en 1626, le Wapen van Rotterdam (à Antongil); 19° en 1627, le Ouwerkere; 20° en 1628, le Der Veer (à Sainte-Luce); 21° en 1632, le S’ Gravenhage (dans la baïe de Saint-Augustin) et le Der Veer (à Antongil); 220 en 1635, 6 vaisseaux hollandais (dans la baie de Saint-Augustin); 23° en 1635 (?), nau- frage à Karimboly (sur la côte $.), où le capitaine et plusieurs matelots sont tués; 24° en 1639, un navire hollandais mouille (sur la côte E.), d’abord à Antongil, puis à l’île Sainte-Claire, auprès de Fort-Dauphin: 250 en 1639, Mandelslo (dans la baïe de Saint-Augustin); 26° en 1641, 1644 et 1645, Adrien Van der Stel (sur les côtes ©. et E.); 27° en 1645 et 1646, Van der Meersch (à Antongil, à Sainte-Luce et au Fort-Dauphin); 280 en 1646, Reinier Por (à Antongil), et 29° en 1647, Van der Meersch (à Antongil et à Sainte-Luce). C. Français. — 1° en 1527, un navire a relâché sur la côte S.-E., le capitaine croyant être arrivé aux Indes; 29 en 1529, Jean et Raoul Parmentier (sur la côte O., au Ménabé et aux Iles stériles) ; 3° en 1539, Jean Fon- teneau, dit Alphonse de Saintonge [sur la côte S.-E. (?)] ; 4° en 1602, François Martin, de Vitré, et Pyrard, de Laval (dans la baie de Saint-Augustin); 5° en 1620, le général de Beaulieu, commandant la flotte dite « de Montmorency » (à Saint-Augustin); 6° en 1632, Jacques Assaline à bord d’un navire de Dieppe appartenant au sieur Fermanet, marchand de la ville de Rouen, qui voulait faire un établissement dans l’île de Sainte-Marie : Fermanet, qui avait une grande confiance dans l’avenir de la colonisation de Madagascar, sachant que Colbert avec qui il était en relations « avait le dessein de faire une forte habitation dans l’île de Sainte-Marie de peur que les Hollandais ne s’en saisissent », lui a écrit le 7 avril 1774 (Biblioth. Nation., Départ. des Manuscrits, Mélanges Colbert, t. CXX, fol. 83-84, et Collection des Ouvrages anciens concernant Madagascar par A. et G. Grandidier, t. VIII, note p. LXXI-LXX XIII) qu’il approuvaitses projets et il lui suggérait l’idée de « dresser les personnes qu’il voulait envoyer à Madagascar et qui devaient avoir quelque naissance et l'honneur en consi- 358 MADAGASCAR. dération, avant que de les embarquer, afin qu’elles apprissent les Belles Sciences, comme les mathématiques, la milice, la carte, les fortifications, la piété et tout ce qui regarde l’éducation d’un honnête homme »; 7° en 1638, Alonse Goubert et Cauche (dans le S.-E., dans la baïe de Saïnte-Luce); 8° en 1642 et 1643, Cocquet avec Pronis et Foucquembourg (à Antongil, à l’île de Sainte-Marie et à Sainte-Luce) ; 90 en 1643, Rézimont (dans le S.-E.); 100 en 1644, L’Ormeil (dans le N.-E. et dans le S.-E.) ; 110 en 1646 et 1647, Le Bourg (au Fort-Dauphin, à Tamatave et à Fénerive) et 12° en 1648, Flacourt. D. Anglais. — 1° en 1601, James Lancaster (à Antongil, et à l’île de Sainte-Marie); 2° en 1607, David Middleton (à la baie de Saint-Augustin) ; 3° en 1608, William Keeling et William Finch (à Saint-Augustin); 4°en 1609, Richard Rowles (à Saint-Augustin et dans le N.-O., à la baïe actuelle de Radama); 5° en 1610, Henri Middleton (à Saint-Augustin); 6° en 1612, Edmond Marlowe et John Davis (à Saint-Augustin); 7° en 1613, Christopher Newport (à Saint-Augustin); 8° en 1614, Nicholas Downton (à Saint-Augustin); 9° en 1626, Thomas Herbert (sur la côte S.-0.); 10° en 1630, cinq navires anglais ont relâché dans la baie de Saint-Augustin; 110 en 1630, Richard Boothby et Walter Hamond (à Saint-Augustin); 120 en 1644, relâche de l’Indevoir; 13° en 1645, relâche du Delphin, et 14° en 1645, John Smart, Powle Waldegrave et 140 colons anglais s’établissent dans la baie de Saint-Augustin, dont 12 seulement reviennent dans leur pays, tous les autres ayant succombé dans cette malheureuse entreprise. IT. GÉNÉALOGIE DES CHEFS VAZIMBA.— À. — Andrianerinerina, l’ancêtre des chefsVazimba,des Hova (!),régna à Anerinerina, au Nord d’Angavokely, vers l’an 1300. Son fils Andriananaivonana se fixa sur l’Angavo de l'Est. Son fils Andrianamponga, avec sa femme Ramananiambonitany (*), régna à Fanongoavana. Son fils Andrianamboniravina, régna à Ambatondrakorikia et eut deux fils, Andriamoraony et Andriandranolava. Andriamoraony céda ses droits à son cadet, qui resta comme son père à Ambatondrakorikia et qui laissa son principal chef, Baroa, gouverner en son nom et opprimer le peuple. Andriampandrana, fils d’Andriandranolava, régna à Ampandrana, où résidèrent aussi ses successeurs : Rafandrandava, Ramasindohafandrana, Rafandrampohy et Rafandramanenitra, qui fut le père de Rangita. Rangita a régné, ainsi que sa fille Rafohy(*), à Merimanjaka, cette dernière vers 1520. Ralambo est le premier qui a ordonné d’invoquer ces quatre personnages comme ses ancêtres (4). B. — Généalogie des Vazimba Antehiroka, d’après le R. P. Callet : 1° Andriandroka; 20 Ratsitakondrazana; 3° Razevozevo; 4° Razevomanana, qui a régné à Fanongoavana (au Sud de Mantasoa, auprès du marché de Talata de l’Amoronkay); 5° Ramasinanjoma; 6° Rasambomanoro, qui a régné à Tananarive; 7° Ramasinamparihy ; 8° Andriandroka II, qui a régné à Ambohidrabiby ; 9° Andriam- pirokana, contemporain de Ralambo; 10° et 11° Andriambodilova et Ratsimandafika, ses fils, qui rési- daient à Tananarive lorsqu’Andrianjaka s’en empara au commencement du xvre siècle. C.— Généalogie des Vazimba du Vakinankaratra : 1° Andriandranoala; 2° Andrianjokotanora; 3° Faralahina- taontany et 4° Andriampenitra, qui a résidé à Fenitra, à l'Est de l’Ankaratra, et qui vivait, croit-on au milieu du xvie siècle, contemporain par conséquent d’Andriamanelo. L’histoire (?) raconte que lorsque les descendants d’Andriandranoala eurent atteint le nombre de mille, ce qui eut lieu sous le règne d’Andriam- penitra, ils furent attaqués par le clan des Ontaiva au moment où ils étaient occupés à faire la moisson de riz et massacrés ou réduits pour la plupart en esclavage. Désespéré, Andriampenitra maudit les rizières des Ontaiva qui, depuis lors, n’ont plus eu de riz et ne se sont plus nourris que de mais, de manioc et de patates, et il maudit également celles qui entouraient sa résidence, et voilà pourquoi le riz ne pousse plus aux environs du massif d’Ankaratra (où la température, d’ailleurs, n’en permet pas la croissance) : les descendants des Ontaiva sont connus aujourd’hui sous le nom de Zafitsimanirivary (litt. : les descendants chez qui le riz ne pousse pas) (R. P. Callet). III. CÉRÉMONIES DU SERMENT DE FIDÉLITÉ AU SOUVERAIN. — Les Malgaches prêtaient le serment d’allé- geance, de fidélité, au souverain, soit en plantant une sagaye dans le corps d’un jeune taureau, omby mifotitra (dont les diverses parties du corps sont interverties), soit en jetant une sagaye dans de l’eau stagnante, de l’eau croupie, du rano malahelo (de l’eau triste), soit en faisant boire un peu d’eau dans laquelle on a mis du vokaka, de la terre prise aux tombeaux des rois. La prestation de ce serment avait lieu soit à l’avènement d’un roi, soit après la conquête d’un pays, ou bien après un événement, une conspiration, qui ont irrité le souverain. (*) D’après une autre version, ce serait Andriandravin- dravina (litt. : le Seigneur des feuillages) qui serait le pre- mier roi Hova; il est enseveli à Ambohitsitakatra (à 15 lieues au Nord de Tananarive). Il eut, dit-on, trois fils : Andrianoranorana (litt. : le Seigneur de la pluie) qui épousa la petite-fille de Rapeto et de Rasoalao, Ramaso- voariaka, et qui alla à Maroantsetra, Andrianamponga {litt. : le Seigneur du tambour) ou Andriananjavonana (litt. : le Seigneur des nuages), qui habita l’Angavo, et Andriamanjavona (litt. : le Seigneur du brouillard) qui résida à Anandribé, à l'Ouest de l’Angavo. Andriananjavo- nana a été le père de Razanahary, qui se fixa sur la mon- tagne d’Ambohijanahary, à côté de Tananarive, où elle a été enterrée et honorée comme Vazimba. Sa fille Rafa- ravary a été la mère d’Andriampandrana, qui s’est établi au Sud de Tananarive, à Ampandrana, où il a été enseveli ainsi que ses successeurs : Rafandrandava, Rafandram- pohy et Rafandramanenitra. (2) Teny soa, juillet 1868, p. 82 et R. P. Callet, Tan- tara ny Andriana, p. 8. (5) Certains historiens (Ellis, R. P. Malzac, etc.), trans- posent ces deux noms. (“) Pour l’histoire de ces temps anciens, voir dans les Teny soa de 1881 (p. 13-14, 17-18, 44, 60-62, 70-71, 102- 104, 118-119, 138-139, 152-153, 167 et 184-185) et de 1882 (p. 117-118 et 151-153), le Tantaran’ny ntaolo. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 359 A. Serment sur l’« omby mifotitra ». — On tuait un jeune taureau tout; noir et, après l’avoir dépecé, on mettait la tête à la place de la queue et la queue à la place de la tête, les pattes de devant à la place des pattes de derrière et celles de derrière à la place de celles de devant : c’était l’omby mifotitra, et, lui ouvrant le ventre, on y plantait au milieu des intestins plusieurs sagayes dont les principaux personnages présents prenaient de la main droite le manche, tous les assistants faisant la chaîne en mettant la main droite sur l’épaule de leur voisin. L’irak’ Andriana, l’envoyé du souverain, qui était toujours un noble de la caste des Zanakan- driamasinavalona, prenait alors la parole : « 1° Voici ce que j’ai à vous dire : vous pouvez avoir foute confiance dans notre nouveau souverain qui vous protégera, vous et vos familles. Reconnaiïssez-le donc comme votre seigneur et maître et jurez-lui fidélité et obéissance éternelles. Il est indispensable que vous fassiez ce serment pour l’introniser. Vous avez ici devant vous l’omby mifotitra tout dépecé et, en vérité, je vous le dis, ceux qui acclameront un autre souverain seront, percés de coups de sagaye comme ce jeune taureau. » — « Oui! oui! » criait le peuple. « 20 Et je vous le dis, que ceux qui tenteraient d'enlever Ambohimanga et Tananarive (la ville sainte et la capitale du royaume) à notre souverain, soient traités comme cet omby mifotitra; » — « Oui! oui! » criait le peuple. « 3° Que ceux qui reconnaîtront pour leurs souverains maîtres d’autres prétendants que les descendants de Rasoherina et de Ralesoka (les reines dont les descendants sont seuls réputés héritiers légitimes des souverains merina), soient maudits et traités comme cet omby mifotitra; » —— « Oui; oui; », criait le peuple. « 40 Et je vous le dis, si quelque prétendant voulait s'emparer du pouvoir au détriment du souverain légi- time et si ses amis vous faisaient des cadeaux d’argent et de riches présents, ne les écoutez pas, ou bien vous serez maudits et traités comme cet omby mifotitra ». — « Oui! ouil » criait le peuple. « 5° Et quand bien même le souverain aurait puni pour des actes nuisibles à son royaume ou à lui quelqu'un des membres de votre famille, en le condamnant à mort ou en confisquant ses biens et en faisant vendre ses femmes et ses enfants, ses parents ne doivent pas lui en garder rancune; ils doivent continuer à célébrer ses louanges et à se tenir à ses ordres. Sinon, qu'ils soient maudits et traités comme cet omby mifotitra ». — « Oui! oui! » criait le peuple. « 6° Quelle que soit la condamnation que prononce le souverain contre vous, vous ne devez pas le renier, vous ne devez pas le fuir, et, courant à travers champs et traversant les torrents, aller vous réfugier dans les grottes des montagnes ou dans les forêts, vous ne devez pas chercher à le détrôner, à attaquer Ambohimanga et Tananarive, ni à combattre ses soldats. Sinon, soyez maudits et traités comme cet omby mifotitra. » — « Oui! oui! » criait le peuple. « 70 Et je vous le dis, que celui qui, dans le but sacrilège de faire mourir le souverain, lui jettera un sort au moyen d’ody mahery, de maléfices, lui tendra des embüches, se munira d’armes, soit maudit et traité comme cet omby mifotitra ». — « Oui l ouil » criait le peuple. « 8° Et si c’est un grand personnage, un chef, qui pousse le peuple à se révolter, qui cherche à bouleverser le royaume, à renverser le souverain légitime, le seul que nous devons honorer et servir, qu’il soit maudit et traité comme cet omby mifotitra. » — « Oui! oui! » criait le peuple. « 9° Et si le souverain envoie au loin quelqu'un de ses chefs pour soumettre un pays et que ce chef y trouve un bon peuple et de bonnes terres, il ne faut pas qu’il abandonne son seigneur et maitre et combatte contre ses soldats et ses sujets, qu’il tourne ses armes contre Ambohimanga et Tananarive, ou bien il sera maudit et traité comme cet omby mifotitra. » — « Ouil ouil » criait le peuple. « 109 Que ceux qui commettent des actes interdits par les usages, mais que n’a pas spécialement édictés le souverain, soient eux aussi maudits et traités comme cet omby mifotitra. » — « Ouil oui! » criait le peuple. « 119 Et que ceux qui chercheront des prétextes, des faux-fuyants pour manquer à leur parole, ainsi que ceux qui garderont le silence ou qui s’absenteront pendant la prestation du serment dans l’intention de pousser le peuple à se révolter, à mettre sur le trône un autre souverain que le souverain légitime, qu’ils soient maudits et traités comme cet omby mifotitra. » — « Oui! ouil » criait le peuple. « 120 Et, en vérité je vous le dis aussi bien à ceux qui sont présents qu’à ceux qui sont absents, je le dis même aux enfants encore à la mamelle, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas, ne changez pas le sens de mes paroles, n’usez pas de sortilèges pour violer vos promesses. Autrement, que vous soyez maudits et que vous n’ayez pas de postérité. Faites bien attention qu'il est terrible ce serment que vous prononcez en ce moment; J’en appelle à Dieu, le Tout-Puissant créateur du Ciel et de la Terre, j’en appelle à tout ce qui a du pouvoir et de l'influence dans les cieux et sur la terre, au soleil et à la lune, aux douze montagnes sacrées, aux villes saintes d'Ampandrana, d’Alasora, de Merimanjaka, d’Ambohidrabiby, d’Antananarivo et d’Ialamasina où, dans l’enceinte du palais, sont les sept tombes royales, aux mânes de Ramada Ier, d’Ambohimanga, où sont enterrés Andriantsimitoviaminandriana, Andriambelomasina, Andrianampoinimerina qui a formé le royaume d’Imerina et Rabodonandrianampoinimerina (Ranavalona Ire), d’Ambohidratrimo, d’Ilafy et de Namehana, aux « sampy », aux talismans sacrés de Kelimalaza, de Fantaka et de Manjakatsiroa, ainsi qu’à tout ce qui est sacré sur la terre et sous le ciel » (Manuscrit merina de la Bibliothèque Grandidier, in-folio, 1864, p. 41-48 et traduction, p. 73-86). B. Serment du « velirano ». — On prenait un tsindridritra (sorte d’insecte), de la bouse d’un veau dont la mère était morte, un miolankatoka (sorte de sauterelle), une pincée de la terre des tombeaux des rois, un balai usé, une poignée d’ordures ramassées à l’entrée de la ville, et de l’ampombo (des glumes, de la bale de riz) et on jetait ces divers objets dans une mare dont l’eau était stagnante, croupie, et autour de laquelle le peuple était assemblé. Les chefs ayant pris à la main un rameau de l’arbuste ambtiaty sokoka (Vernonia appendiculata) 360 MADAGASCAR. qu’on désignait dans ce cas sous le nom de hazo mihena (litt. : bois qui diminue de volume) et, tous les assistants faisant la chaîne en mettant chacun la main droite sur l’épaule de son voisin, l’irak’ Andriana, l’envoyé du souve- rain, disait : « Nous voici devant ce rano malahelo (litt. : cette eau triste), là où notre souverain m'a dit de vous faire prêter le serment du velirano, serment que de tout temps le peuple a prêté pour lui jurer obéissance, pour assurer la tranquillité et la prospérité du pays, afin que chacun, hommes, femmes et enfants, y vive en sécurité. « 19-120 Et je vous dis que voici du rano malahelo, un tsindridritra, un miolankatoka, une pincée de terre prise aux tombeaux des rois, un vieux balai, une poignée d’ordures et de l’ampombo (à partir de cette phrase ont lieu les mêmes anathèmes, les mêmes malédictions que dans le serment de l’omby mifotitra) ». Lorsque l’envoyé du souverain avait terminé son objurgation, les chefs jetaient dans la mare le rameau d’ambiaty qu'ils tenaient à la main, en tirant un coup de fusil chargé à balle et s’écriant : « Que ceux qui viole- ront ce serment meurent d’un coup de fusil. » (Loc. cit., p. 48-54 et traduction, p. 86-89.) C. Serment du « vokaka ». — On mettait un peu de terre prise dans les tombeaux des rois, du vokaka comme on l’appelle, puis une pièce d’or, une balle, un peu de poudre et de la bourre de fusil et du sel soit dans une pirogue pleine d’eau, soit, si la cérémonie se faisait dans le palais, dans une corne de bœuf également pleine d’eau et, quand tous les assistants faisant la chaîne avaient mis chacun ja main droite sur l’épaule de son voisin, l’irak Andriana, l'envoyé du souverain, disait : « Le souverain vous promet sa protection, à vous et à vos familles, afin que vous viviez en paix dans vos villages, mais, a-t-il ajouté, « qu’ils me jurent fidélité et obéissance; ils seront heureux sous mon gouvernement, mais il est indispensable qu’ils me reconnaissent pour leur souverain et qu’ils me consacrent. » «10-120 Et je vous dis que voici du vokaka, de la terre prise aux tombeaux des douze rois, de l’eau d’or, une balle qui peut tuer, de la poudre qui est puissante et de la bourre en charpie, voici du sel qui, dès qu’il a été mis dans l’eau, a disparu (et remuant ces divers objets avec une sagaye, il prononçait les mêmes anathèmes, les mêmes malédictions que dans le serment de l’omby mifotitra) ». Alors il buvait un peu de cette eau et, s’en versant dans la main, il s’en mettait sur le front, sur la gorge, au creux de l’estomac, aux genoux et aux pieds et tous les assistants en faisaient autant, puis, prenant la pirogue ou la corne et la renversant, il s’écriait : Que nous soyons renversés, que nous soyons à bas, comme cette pirogue, comme cette corne, si nous manquons à notre serment ». Ils la remettaient ensuite droite, disant : Que ceux qui tiendront leur serment soient heureux et dans une bonne position, stables comme cette pirogue; Puis ils fai- saient le hasina au souverain (Loc. eit., p. 54-59, et traduction, p. 89-92). IV. — MusIQUE, HYMNES NATIONAUX. Sous Radama 1%, comme sous ses prédécesseurs, il n'y avait pas, à vrai dire, d’air national; dans les cérémonies officielles sous le règne du successeur d’Andrianampoinimerina, la musique malgache jouait sou- vent le « God save the King ». HYMNE NATIONAL JOUÉ SOUS LE RÈGNE DE RANAVALONA I". na- va. O6 na npan - ja - Ra mpan.ja — 361 ET COLONIALE. HISTOIRE POLITIQUE MANDRESY. — Chant populaire en l’honneur de la reine Ranavalona re. 1 î ie sa fl | To .: ù LL | a 080 ‘ É JNT| LS at il il Il 9 ff [hi QE Il af) AÙS LIN À dl 100 Qi fl [Al _H FT [Le (EU ll il sl | l NE | ji MAUE (1 j WA | à) sal | sf|| KA nt 24 a no - ï Ib [| ie I ù il ! il | If] [k Di 46 HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE, 362 MADAGASCAR. AIR NATIONAL HOVA AN TON MAT Ÿ FT Ces trois mélodies ont été recueillies et harmonisées par le R. P. E. Colin. V.— CHARTE DE CONCESSION DE RADAMA À M. LAMBERT. Nous, Radama Il, roi de Madagascar, Vu notre charte en date du quinze alahamady mil huit cent cinquante-six (28 juin 1855), par laquelle nous avons donné pouvoir exclusif à notre ami M. J. Lambert de constituer et de diriger une compagnie ayant pour but l’exploitation des mines de Madagascar et la culture des terrains situés sur les côtes et dans l’intérieur. Attendu qu'il est important d'arrêter les termes de la charte définitive que nous accordons à M. J. Lambert pour les services qu’il nous a rendus, et le mettre à même de former cette Compagnie, que nous appelons de tous nos vœux pour nous aider dans nos projets de civilisation de notre pays : CHAPITRE PREMIER Nous autorisons M. J. Lambert à former une Compagnie ayant pour but l’exploitation des mines de Mada- gascar, des forêts et des terrains situés sur les côtes et dans l’intérieur. Ladite Compagnie aura le droit de créer des routes, canaux, chantiers de construction, établissements d'utilité publique, faire frapper des monnaies à l'effigie du roï, en un mot, elle pourra faire tout ce qu’elle jugera conve- nable au bien du pays. CHAPITRE II ARTICLE PREMIER. — Nous accordons et concédons à la Compagnie le privilège exclusif de l’exploitation de toutes les mines de Madagascar, soit de celles qui sont déjà connues, soit de celles qui pourraient plus tard être découvertes. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 363 Arr. 2. — Nous accordons et concédons également à ladite Compagnie, soit pour elle-même, soit pour ceux qu'elle admettra en participation de cette faculté, le privilège de choisir sur toutes les côtes et dans l’intérieur du pays des terrains inoccupés pour être mis en culture. En conséquence, la Compagnie deviendra propriétaire des terrains qu’elle aura choisis dès qu’elle nous aura fait connaître sa prise de possession. ART. 3. — La Compagnie ne payera aucuns droits sur les minéraux exploités, ni sur les produits qu’elle pourra faire. Arr. 4. — Les produits de l’exploitation des mines de Madagascar et de ses cultures jouiront du privilège de libre exportation, sans droits de sortie; ses propriétés ne seront pas susceptibles d’être grevées d’impôts; ce qui entrera pour la Compagnie ne payera aucun droit. ART. 5. — Nous nous engageons à favoriser cette Compagnie de tout notre pouvoir et spécialement à l’aider à se procurer des travailleurs. Nous abandonnons à la Compagnie toutes les usines de Soatsimanampiovana, afin de la mettre à même d’em- ployer immédiatement des ouvriers. Nous donnons également à la Compagnie le château de Soanierana, pour y établir le siège de son administration. De son côté, la Compagnie s’engage envers nous par une réciprocité loyale à nous aider selon son pouvoir dans nos projets d'amélioration et de civilisation de notre pays, se rappelant qu’elle est fondée dans le but de procurer le bien et la prospérité de notre gouvernement. Voulons que la présente charte, faite de bonne foi en présence de Dieu, pour aider à la civilisation de notre pays, soit une garantie pour notre ami J. Lambert en même temps qu’elle sera pour lui un témoignage de notre reconnaissance, afin de l’aider à former cette Compagnie, que nous désirons voir se constituer le plus tôt possible, et qu’elle soit un gage de notre parole royale, qu'il ne nous est plus permis de retirer. Antananarivo, 8 alakarabo 1862 (9 nov. 1861). Signé : Rapama II. M. Lambert s’engage à donner à $. M. Radama II et à ses successeurs le 10 p. 100 sur les bénéfices nets que la Compagnie fera. Antananarivo, 19 asombola 1863 (12 sept. 1862). Parafé : R. R. Dans une lettre du 25 novembre 1862, M. Delagrange, Commandant de l’ile Sainte-Marie, a annoncé que, dans les premiers jours d’octobre, il a pris possession au nom de M. Lambert : 1° de tous les terrains situés autour du port de Vohémar qui lui ont paru de quelque valeur; 2° d’une forêt de copaliers de dix-huit lieues de long, et il ajoute : on a dû en faire autant sur la côte Nord-Ouest (Rapport du baron de Richemont). ACTE DE TRANSMISSION DE LA CHARTE DE LA COMPAGNIE M. Paul Panon-Desbassayns, baron de Richemont, sénateur, agissant comme Gouverneur de la Compagnie de Madagascar, foncière, industrielle et commerciale, formée en Société anonyme le deux mai mil huit cent soixante-trois, autorisée par décret de Sa Majesté l'Empereur, du même jour, et en vertu de la délibération du Conseil d'administration de ladite Société, en date du 7 mai courant. Et M. Joseph-François Lambert, envoyé de Sa Majesté Radama II, roi de Madagascar, ont arrêté entre eux le traité suivant, en réalisation des engagements conditionnels pris dès le 20 mars dernier. M. Lambert cède par ces présentes : A la Compagnie de Madagascar, foncière, industrielle et commerciale, ce qui est accepté par M. le baron de Richemont, les droits ci-après, dont la concession lui a été faite par la charte du roi Radama, savoir : 1° L'autorisation de former une Compagnie ayant pour but l'exploitation des mines de Madagascar, des forêts et des terrains situés sur les côtes et dans l’intérieur; 2° Le privilège exclusif de l’exploitation de toutes les mines de Madagascar, soit de celles qui sont déjà con- nues, soit de celles qui pourraient plus tard être découvertes; 3° Le privilège, soit pour la Compagnie, soit pour ceux qu’elle admettra à participer à ce droit, de choisir sur toutes les côtes et dans l’intérieur du pays des terrains inoccupés pour être mis en culture et de devenir propriétaire des terrains choisis, dès que la prise de possession aura été notifiée au Gouvernement de Madagascar; 4° L’exemption de tous droits sur les minéraux exploités et sur les produits que pourra faire la Compagnie; 5° Le privilège de libre exportation des produits des mines de Madagascar et de ses cultures, sans droits de sortie; 6° L’exemption de tous impôts sur les propriétés de la Compagnie et sur les objets qui entreront pour son service ; 7° La promesse du roi de favoriser la Compagnie, et spécialement de l’aider à se procurer des travailleurs; 8° Le droit de créer des routes, canaux, chantiers de construction. Ne sont pas compris dans cette cession : 19° Le droit, concédé par la charte, de créer des établissements d'utilité publique, ni de faire frapper des mon- naies. ÿ 20 Ni le château de Soanierana, ni les usines de Soatsimanampiovana, qui sont réservées par M. Lambert. Cette cession est faite aux conditions suivantes : 364 MADAGASCAR. 1° La Compagnie remettra, sur la quittance de M. Lambert, le dixième du capital versé sur les actions ou les obligations émises, sans néanmoins que ce dixième puisse dépasser deux millions, dixième qui appartiendra : 19° Pour moitié à Sa Majesté Radama II, et sera payé à M. Lambert, sur sa quittance, en sa qualité d’envoyé du roi; 2° Pour un quart à M. Lambert personnellement; 3° Pour le dernier quart à M. Laborde, cette portion sera payée sur la quittance de M. Lambert. En déduction de ces deux millions, M. Lambert reconnaît avoir reçu de la Compagnie de Madagascar la somme de deux cent cinquante mille francs, formant le dixième des deux millions cinq cent mille francs, capital de cinq mille actions actuellement émises, et sur lesquelles un million deux cent cinquante mille francs seulement sont actuellement exigibles. De laquelle somme de deux cent cinquante mille francs, M. Lambert a donné par les présentes quittances à la Compagnie : 10 en sa qualité d’envoyé de Sa Majesté Radama Il, jusqu’à concurrence de cent vingt-cinq mille francs; 20 en sa qualité de mandataire verbal, ainsi qu’il le déclare, de M. Laborde, et en exécution de la dispo- sition ci-dessus, jusqu’à concurrence de soixante-deux mille cinq cents francs; 3° en son nom personnel pour le surplus. A l'égard du surplus, le payement n’en devra être effectué qu'au fur et à mesure des versements sur les actions ou obligations à émettre par prélèvement du dixième des versements, et sans que M. Lambert ait le droit d’exiger que les émissions des actions ou obligations ou les appels de fonds soient plus ou moins importants, l’Assemblée générale des actionnaires de la Compagnie devant seule déterminer, sur la proposition du Conseil d'administration, le chiffre et les époques de ces émissions. 20 Dix pour cent seront réservés pour Sa Majesté Radama sur les bénéfices, après déduction de toutes les charges sociales et après les prélèvements à opérer sur les produits annuels de l’exploitation pour compenser, à titre d'amortissement, la dépréciation et l’usure du matériel appartenant à la Compagnie et pour la reconsti- tution, s’il y avait lieu, dans le capital social, des sommes prélevées pour le service des intérêts à 5 p. 100 par an des actions pendant les quatre premières années, si ce prélèvement était autorisé. 3° Après déduction à faire aussi sur les bénéfices de 5 p. 100 pour le fonds de réserve et de la somme néces- saire pour répartir aux actionnaires 9 p. 100 du capital social, l'excédent des bénéfices sera attribué pour 20 p.100 à M. Lambert. 4° Le prélèvement de Sa Majesté Radama II et l'allocation faite à M. Lambert seront payés chaque année aux époques déterminées pour la répartition des dividendes aux actionnaires. 5° Aucun droit de contrôle ne pourra être exercé pour la fixation de ces prélèvements, les comptes publics rendus aux actionnaires devant suffire pour la décharge de la Compagnie. 60 M. Lambert sera résident général de la Compagnie près le roi de Madagascar. Il devra chaque année faire un rapport au Gouverneur sur la situation des établissements de la Compagnie, qui lui facilitera les moyens de visiter ses établissements. Ses autres attributions seront déterminées par le Conseil d'administration de la Compagnie. Ce mandat est dès à présent assuré à M. Lambert, et ne pourra lui être retiré tant qu’il lui conviendra de le conserver. 7° Le Consul général ou l’agent représentant de Sa Majesté le roi de Madagascar, résidant à Paris, aura le droit d’assister, avec voix consultative, aux séances du Conseil d'Administration. 8° Pendant sa résidence à Madagascar, M. Lambert recevra, à titre d’indemnité et pour frais de représen- tation, une somme annuelle de cinquante mille francs, par imputation sur les 20 p. 100 qui lui sont alloués dans les bénéfices et sans qu’il y ait lieu à la répétition d’une année sur l’autre, si les 20 p. 100 ne produisaient pas cette somme. 9° Dans le cas où M. Lambert se verrait contraint de quitter Madagascar avant un délai de douze ans, les 20 p. 100 seraient réduits à moitié, mais sans que des absences momentanées puissent être considérées comme une renonciation par M. Lambert à sa résidence de Madagascar. Mais les 20 p. 100 lui seraient acquis s’il restait douze ans à Madagascar! les héritiers de M. Lambert auront droit après lui à la quotité des bénéfices dont il jouira, soit 20 p. 100 après douze ans, soit 10 p. 100 s’il a quitté Madagascar, ou s’il meurt avant le délai de douze années. 10° La Compagnie supportera les frais qu’aurait fait faire M. Delagrange, Commandant de Sainte-Marie, pour la prise de possession de terres qui doivent être livrées à la Compagnie, sous déduction des produits que ces terres auraient donnés. 11° Aucune vente ne pourra être faite à des tiers par la Compagnie qu’à la condition que 10 p. 100 du produit annuel seront remis par l’acquéreur à S. Majesté Radama II, mais, dans ce cas, Sa Majesté, n’aura pas droit au dixième du prix perçu par la Compagnie sur la vente. Cet impôt de 10 p. 100 ne pourra, bien entendu, être perçu sur les fermages des biens qu’elle affermera, le droit de Sa Majesté se trouvant représenté par le prélèvement de 10 p. 100 sur les bénéfices de la Compagnie. 129 Dans le cas où la Compagnie viendrait à se dissoudre pour une cause quelconque, aucune action ne pour- rait être exercée contre elle ni sur ses biens, par Sa Majesté Radama, ni par M. Lambert pour les allocations résultant du présent traité, ni à aucun titre. Les cessions faites à des tiers devraient être respectées ; la Compa- gnie pourvoirait à sa liquidation et réaliserait son actif au mieux de ses intérêts, et, quant aux privilèges concédés en vertu du présent traité, ils seraient repris par M. Lambert ou par Sa Majesté le roi de Madagascar dans l’état où ils se trouveraient au jour de la dissolution. Les sommes qui auraient pu être payées à la Compagnie à l’occasion de ces cessions lui demeureraient acquises, HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 365 mais les redevances, allocations et indemnités quelconques stipulées dans les contrats, et qui n’auraient pas été acquittées, deviendraient la propriété de M. Lambert ou de Sa Majesté le Roi. Les propriétés dans lesquelles la Compagnie n’aurait fait aucun travail ou établissement rentreraient de même à Sa Majesté le Roi ou à M. Lambert. Maïs, quant aux propriétés sur lesquelles la Compagnie aurait fait ses dépenses. leur rétrocession donnerait lieu à son profit à des indemnités qui seraient réglées d’un commun accord. Fait et passé à Paris, l’an mil huit cent soixante-trois, le huit mai. Décret : Napoléon, notre Conseil d’État entendu, avons décrété et décrétons ce qui suit : ARTICLE PREMIER. — La Société anonyme formée à Paris sous la dénomination de Compagnie de Madagascar, fonciére, industrielle et commerciale, est autorisée. Sont approuvés les statuts de la dite Société. Le $ mai 1863. NAPOLÉON. VI. Récit pu PÈRE FiN4z. — «Je ne saurais mieux comparer, dit-il, l'état actuel du royaume de Ranavalona en mai 1857, qu’au règne dela Terreur en France, de cette terreur de 1793 qu ôtait jusqu’au courage du désespoir, jusqu’à l’idée de se soustraire à cette terrible situation : on n’ose sortir de sa maison de crainte de ne plus y rentrer, et on n’ose y rester parce que, au moment où l’on s’y attend le moins, on en est arraché pour être mené au supplice; on tremble pour sa femme et ses enfants qui seront vendus et pour ses biens qui seront confisqués, si l’on est accusé, ce qui veut dire condamné, car, à la moindre dénonciation, on est exécuté sans être averti du motif de la condamnation. « Rakoto en sauve beaucoup, mais il ne peut les sauver tous, d’autant que les gardiens de ceux qui ne sont pas exécutés immédiatement répondent des prisonniers sur leur tête : au commencement de mars le prince avait envoyé quelques-uns de ses gens couper les liens d’un pauvre malheureux condamné à périr dans l’eau bouil- lante pour le prétendu crime de sorcellerie, mais ces envoyés furent pris et mis à mort par ordre de la reine; il faut dire, à leur louange, que leurs compagnons n’en ont pas moins continué leur œuvre humanitaire. « Depuis plusieurs mois, il y avait peu de jours où deux, quatre, six personnes ne fussent condamnées juridi- quement à mort, la plupart pour crime de sorcellerie, quelques-unes pour des fautes légères, peu pour des crimes véritables, sans compter ceux qui succombaient à l'épreuve du tanghin. « Tout à coup, le 12 mars, comme s’il n’y avait pas assez de ces sacrifices quotidiens, la Reine tint une assem- blée du peuple dans laquelle, reprochant à ses sujets de ne point assez se dénoncer, elle leur déclara qu’elle leur accordait un mois pendant lequel ceux qui se sentaient coupables, s’ils voulaient avoir la vie sauve, devaient s’accuser eux-mêmes, et les habitants de chaque district devaient dénoncer les « malfaiteurs » sous peine d’être considérés eux-mêmes comme coupables. Beaucoup pensèrent qu’il valait mieux s’accuser soi-même pour avoir la vie sauve, car ce qui pouvait leur arriver de pire, c'était d’être réduits en esclavage : or, la condition d’esclave paraissait enviable à un grand nombre, car on était ainsi à l’abri des vexations incessantes que les petits propriétaires subissaient de la part des grands; d’autre part, ne pas s’accuser, c'était s’exposer au dernier supplice; ne serait-on pas traîné devant les juges par des voisins, des parents mêmes, poussés par la crainte que leur district entier, hommes, femmes, enfants, ne perdissent la liberté s'ils étaient soupçonnés de faiblesse, ou qu’on ne les soumit à l’épreuve du tanghin? On prit donc comme le meilleur parti de s’accuser spontanément. « Aussi, vers la fin de mars, les accusations se multiplièrent tellement qu’on dut augmenter le nombre des juges et de leurs secrétaires. Le nombre des malfaiteurs ou gens censés tels par leur propre confession, fut si énorme qu’on n’osa plus les laisser entrer dans la ville : on recevait leurs aveux dans un faubourg. « Le mois accordé expirait le 9 avril. Ce jour-là le nombre de ceux qui s'étaient accusés eux-mêmes était de 1445111 Mais, paraît-il, il n’y avait pas assez de victimes, car la Reine, par grâce, accorda encore quinze jours; ce terme passé, on devait subir la peine de son crime dans toute sa rigueur. Néanmoins, on ne suspendit pas, pendant ce temps-là, les exécutions; le 20 avril, six personnes furent mises à mort : deux d’entre elles, le père et son tout jeune fils, accusés d’avoir la faculté de tuer par la seule puissance de leur regard, subirent le supplice de l’eau bouillante. Le lendemain 21 avril, quatre autres personnes, dénoncées comme sorciers, et le 22, trois qui étaient inculpées de posséder des talismans plus puissants que ceux de la Reine, périrent également dans l’eau bouillante. « Le 26 avril eut lieu une première assemblée du peuple qui fut très nombreuse; beaucoup de Merina étaient venus, quelques jours auparavant, camper dans les environs de Tananarive; elle comprenait environ 15,000 mili- taires, dont 5,000 officiers et 45,000 autres personnes, soit 60,000 sujets de Sa Majesté réunis sur la grande place de Mahamasina; quant aux habitants de la ville, ils étaient presque tous restés sur leurs terrasses en amphi- théâtre, d’où ils contemplaient ce qui allait se passer. « Les chefs des districts reçurent l’ordre de faire avancer tous ceux qui s'étaient accusés et de les garrotter immédiatement, ce qu'ils firent avec une telle brutalité que quelques-uns de ces malheureux eurent les bras coupés par les cordes; ils répondaient sur leur tête de ceux qui étaient commis à leur garde. Mais quelques-uns de ceux qui s’étaient dénoncés, craignant avec raison qu’on leur eût tendu un piège, ne se présentèrent pas et se réfugièrent chez les Sakalava, laissant leur famille exposée à la vengeance impitoyable du gouvernement. n « Le 29 avril, jour fixé pour la seconde assemblée, ainsi que pour la proclamation et l'exécution de la sentence, divers corps de musique parcoururent la ville dans tous les sens et le canon ne cessa de gronder; les ofliciers et 366 MADAGASCAR. les juges se mirent en grande tenue et, lorsque le peuple fut réuni, la Reine fit annoncer que, conformément à sa promesse, elle ne ferait pas mourir ceux qui s'étaient accusés eux-mêmes, ordonnant qu’on coupât les cheveux à ceux qui avaient volé des poules, que les voleurs de moutons, d’oies, de canards et autres animaux du même genre, perdraient la moitié de leurs biens et la moitié de leurs personnes et des personnes de leurs familles (c’est-à-dire que, après la confiscation de la moitié de leurs biens, ils fussent réduits en esclavage, eux, leurs femmes et leurs enfants, à moins qu'ils ne pussent payer la moitié de la somme à laquelle on estimerait leur valeur) et que les voleurs de bœufs ou d’objets de valeur supérieure fussent mis aux fers pour leur vie et que leurs femmes et leurs enfants fussent vendus comme esclaves. Il y eut 208 condamnés à la perte de leurs biens et de leur corps; le nombre des malheureux qui furent mis aux fers et dont les biens furent confisqués fut de 1,237, et celui de leurs femmes et de leurs enfants qui, malgré leur innocence, ont été vendus comme esclaves, fut trois fois plus fort. « Restaient ceux qui, ne s'étant pas dénoncés, avaient été accusés par d’autres, soit 79; par ordre de la Reine, 14 furent condamnés à être brûlés vifs en public et 65 à être tués à coups de couteau, chacun dans son district, le jour même. Quatorze bûchers furent allumés séance tenante et, pendant qu’on les allumait, cinquante barbares armés de sagayes et de boucliers criaient en dansant autour des victimes. « Quant au supplice des 1,237 condamnés aux fers, voici comment il se pratique d’ordinaire et comment il leur a été appliqué. Deux, quatre, six et même jusqu’à huit condamnés du même district, portant chacun un gros collier de fer, sont attachés les uns aux autres à environ 60 centimètres de distance, par ces colliers, que relient des barres de fer rivées avec soin : c’est un poids d’environ 12 kilogrammes que chacun d’eux porte; puis, on les renvoie ainsi enchaînés par groupe dans leur district. Les chefs sont responsables de leur fuite, mais personne n’est chargé de les nourrir; c’est à ceux qui le veulent bien de ne pas les laisser mourir de faim, car les femmes et les enfants de ces 1,237 condamnés étant réduits en esclavage ne peuvent s’occuper de ce soin (aussi dit-on que beaucoup sont morts de faim après un certain temps). Quel supplice pour tous les malheureux d’un groupe quand l’un d’eux tombe malade et, lorsqu'il meurt, on coupe la tête à son cadavre, qu’on enlève alors de la chaîne, mais ses compagnons d’infortune ont à porter le poids de ses fers qui s’ajoute à celui des leurs : le dernier survivant a à porter jusqu’à sa mort tous les fers de ses compagnons. Les trop naïfs accusateurs d'eux-mêmes n’ont donc pas été exécutés, la Reine leur a tenu parole, mais, condamnés à cet affreux supplice des fers, tous sont morts à petit feu. « Je ne dois point omettre de signaler une autre circonstance de leur condamnation; on leur a imprimé sur le front ou sur la joue, à l’aide du tatouage, une marque ineffaçable : « voleur de bœufs », lit-on sur le front de ceux qui sont condamnés pour ce genre de vol; ceux qui ont fait des aveux de sorcellerie portent sur une joue l’image d’un hibou et sur l’autre celle d’un chat sauvage, le compagnon habituel du sorcier; les violateurs de tombeaux, les assassins, les voleurs qui se sont creusé des passages sous terre pour pénétrer dans les maisons et les piller, reçoivent sur la joue des figures de bêches, de couteaux, etc., de sorte que tous sont marqués d’un stigmate indélébile. « Les 1,237 condamnés aux fers étaient à peine partis pour leurs districts respectifs qu’a eu lieu un événe- ment qui était la conséquence du précédent, mais qui, sans avoir la même importance, a fait néanmoins dans la population une impression encore plus fâcheuse, ses réclamations les plus justes étant considérées comme un crime d’État. Le 12 mai, 30 hommes et 33 femmes du même district se présentèrent devant les juges, leur décla- rant que, conformément aux ordres de Sa Majesté, ils venaient dénoncer ceux qui ne s’étaient pas accusés eux- mêmes à l’époque fixée : en conséquence, ils portaient à la connaissance de la Reine les concussions et les crimes dont un de leurs chefs se rendait journellement coupable; mais le chef dont la vie était mise en péril par cette dénonciation se hâta d’aller trouver deux des principaux conseillers de la Reine, et il leur donna même, dit-on, tous ses biens pour gagner leur faveur. Aussi son affaire fut-elle présentée à Ranavalona comme une révolte du peuple, au mépris de son autorité que représentait ce chef. On ne saisit donc de ces 63 personnes, qu’on mit aux fers après les plus terribles admonestations, puis on envoya arrêter leurs parents et leurs voisins, si bien que, trois jours après, on avait emprisonné comme rebelles 200 hommes et 200 femmes qui habitaient le district du chef accusé. Le 17 mai, celui qui avait porté la parole, et qui avait le grade de lieutenant-colonel, fut exécuté; six de ses principaux compagnons furent condamnés à prendre le tanghin et l’un d’eux, une femme, en mourut; les autres n’ont obtenu leur délivrance qu’en faisant leur soumission et bénissant, en paroles du moins, le chef qui s’en est retourné triomphalement dans son district, qu’il a plus que jamais pressuré. « Voilà où conduit le gouvernement d’une femme qu’on dit être bonne dans son intérieur, mais qui, au malheur d’être superstitieuse à l’excès, joint celui d’avoir de méchants conseillers qui la trompent » (R. P. Malzac, Histoire du royaume hova, 1912, p. 307-312). VII. CÉRÉMONIAL ROYAL. — 10 Lorsque la Reine s’habillait et que ses servantes lui donnaient ses vêtements, tant ordinaires que de gala, on devait, avant de les lui présenter, les passer au-dessus du feu pour détruire les sortilèges dont ils pouvaient être les véhicules. 20 Lorsque la Reine buvait, qu’elle fût dans son palais ou en voyage, tous les hommes présents ôtaient leur chapeau et l’échanson qui lui servait à boire, d'ordinaire de l’eau, en versait d’abord un peu dans sa main et la buvait pour s'assurer qu’elle ne contenait pas de sortilèges : s’il ne faisait pas cette épreuve, il était passible de peines extrêmement sévères. 3° Toutes les fois qu’elle prenait du tabac, comme font tant de Malgaches, pour le mâcher, pour chiquer, les hommes ôtaient leur chapeau et, dès qu’elle avait mis sous sa langue la pincée de tabac auquel était ajouté un peu de cendre, tous les assistants disaient : Trarantitra! (Vivez longtemps!); dans les cérémonies officielles, les soldats présentaient les armes et la musique jouait l’air de la reine; dans les bals de la cour, les danseurs s’arrè- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 367 taient jusqu’à ce qu’elle eût mis le tabac dans sa bouche : ces danseurs devaient du reste, sous peine d’encourir une punition sévère, faire une légère révérence chaque fois qu’ils passaient devant elle. 4° L’eau pour l’usage de la reine était rarement prise à une fontaine; on allait le plus souvent la chercher en des lieux éloignés de Tananarive, quelquefois au milieu d’une rivière, mais d’ordinaire on creusait dans un bas-fond un trou, d’après l’indication donnée par le mpisikidy, le devin, le sorcier, au chef des porteurs d’eau qui n’était rien moins qu’un marosaly, un maréchal, qui était seul à connaître le pronostic du sikidy, de l’oracle. Les porteurs, au nombre de cinq, de treize ou de dix-sept, toujours en nombre impair, étaient conduits par deux officiers armés d’une énorme sagaye, et portaient, chacun, deux sajoa, deux jarres mises dans des paniers en natte qui étaient attachés aux deux bouts d’un bâton; lorsqu'ils passaient avec leur charge, tous ceux qui les rencontraient devaient se ranger de côté et s’arrêter et les hommes devaient enlever leur chapeau sous peine d’être sagayés sur place ou tout au moins d’être punis sévèrement. Tous les objets destinés à la reine, quelle qu’en fût la provenance, étaient portés comme l’eau. Quant aux membres de la famille royale, ils faisaient aussi accompagner par un ou deux individus armés d’une sagaye les esclaves de confiance qui allaient chercher l’eau pour eux. Beaucoup de Merina saluaient cette eau, quoique ce ne fût pas obligatoire. L 59 La reine Ranavalona Ire entretenait auprès de son palais une douzaine de vaches laitières qui, lorsqu'elles sortaient, étaient escortées par des officiers et accompagnées par diverses personnes. Tous ceux qui se trouvaient sur leur passage étaient tenus de s’écarter; il y en avait même qui ôtaient leur chapeau, mais ce n’était pas obligatoire. Toutefois, il ne fallait pas les toucher avec la main sous peine d’être sévè- rement puni. 6° D'’ordinaire, la Reine faisait deux repas par jour, vers neuf heures le matin et vers cinq heures le soir. Elle mangeait à terre sur une natte très fine, longue d’une dizaine de mètres et large de deux, et ce n’est qu’excep- tionnellement qu’elle mangeaïit à table; lorsqu'elle s'était assise sur la natte, on mettait le couvert, les serviteurs apportant tous les objets en les tenant à la hauteur de leur front. Le mpisikidy, le devin, qui avait interrogé le sort avant qu’on ne fit cuire les mets, le consultait de nouveau, et on ne les servait que si la réponse était favo- rable. Le serviteur chargé de les apporter, dès qu’il les avait reçus, les passait au-dessus du feu pour les purifier, puis les portait sur la natte, toujours escorté de deux ou trois personnes. Sa Majesté se lavait alors les mains, puis donnait l’ordre de manger, et les convives devaient manger tant qu’elle mangeaïit, et cesser lorsqu'elle avait fini; alors tous les convives se levaient et, en chœur, lui disaient : Trarantura! (Vivez jusqu’à la plus extrême vieillessel). On ne buvait qu'après le repas, comme dans tout Madagascar. Un des commensaux arri- vait-il en retard, il prenait place sur la natte sans rien dire et mangeait; il ne saluait la reine et les assistants que quand le repas était terminé. 7° Avant d’entrer dans l’appartement de la reine, qui que ce fût, même les princes et les princesses, devait s’arrêter devant la porte, à côté de la sentinelle, et dire : Alao aho (Venez me chercher); quand il avait été reconnu par les serviteurs et annoncé à la reine, qui l’avait autorisé à entrer en disant : Avelao andeha (Laissez venir), il pénétrait dans le palais, mais s’il en sortait, ne fût-ce que pendant quelques minutes, il lui fallait subir la même formalité, le même cérémonial. 11 devait entrer dans la pièce le pied droit d’abord, sous peine de passer pour sorcier ou, tout au moins, d’encourir de graves remontrances, et, se tenant à distance, il demandait à la Reine : Tsara hiany, Tompoko vavy? (Êtes-vous en bonne santé, ma Maîtresse?) et, quand elle avait répondu : Tsara, tsara (Je vais bien), il ajoutait : Trarantitra? (Vivez très longtemps). S'il y avait un prince ou une princesse du sang présents, il les saluait alors d’un Tsara hiany Tompoko; et, se tournant vers les autres personnes présentes, il leur disait : Akory hiany, hianareo, Tompoko? (Et vous, Messieurs, comment allez-vous?) l’assemblée répon- dait, si le visiteur était un andriana, un noble : Tsara hiany, Tompoko? (Êtes-vous bien, mon Maître?) et s’il était un Hova, un bourgeois, un roturier : T'sara hiany akory hiango? (Nous allons bien, et vous, comment allez- vous?). On prenait alors place parmi les assistants et, si l’on passait devant la reine, on se courbait jusqu’à terre; on ne devait jamais lui tourner le dos et, qu’on fût assis sur une chaise ou par terre, il ne fallait pas tenir les jambes allongées de son côté, car on aurait eu l’air de lui donner un coup de pied, il fallait les replier sous sa chaise ou les ramener sous soi. 8° Aucun étranger, tant européen qu'indigène, ne pouvait entrer même dans le Rova, dans l’enceinte du Palais, dans la cour, sans autorisation et sans y être accompagné par un des officiers de garde, sous peine de mort, ou tout au moins sans être soumis à l’ordalie du tanghin. La Reïne ne recevait jamais d’étrangers dans l’intérieur du palais; elle se tenait sur le balcon du Manyjaka- miadana, ayant au-dessus de sa tête un énorme parasol de drap écarlate brodé d’or que tenait un officier du palais. Sur un bonnet de velours rouge brodé d’or qui couvrait ses cheveux, était placée sa couronne, qui était en or, et sa robe, ainsi que son lamba, étaient en soie, brodés d’or et d’argent. Sur toute la façade, au-dessous du balcon, il y avait trois rangs de soldats avec la musique militaire à leur droite. La Reine et sa cour étaient toujours à leur place avant que quelques officiers du palais et un ou deux des officiers de garde introduisissent. les visiteurs qui, ôtant leurs chapeaux, venaient au pied du balcon. Après que les soldats qui étaient postés devant eux, ayant fait demi-tour, avaient présenté les armes à Sa Majesté pendant que la musique jouait l’air royal, puis avaient repris leurs places, ils saluaient la Reine qui leur rendait leur salut et s’informait de leur santé; ils se rendaient alors au tombeau de Radama Ier, devant lequel ils s’inclinaient trois fois, et, revenus à leurs places, ils saluaient les princes et les princesses qui étaient présents. Alors seulement ils parlaient à la reine, toujours debout et nu-tête, mais sans parler d’affaires, car les affaires avec les étrangers se traitaient toujours hors du palais avec les ministres. Lorsque la conversation avait pris.fin et que les compliments d’usage avaient été échangés, de nouveau les soldats se tournaient vers la Reine et lui présentaient les armes, la musique rejouait l’air royal, les visiteurs saluaient la Reine et, après s’être inclinés trois fois devant le tombeau de 368 MADAGASCAR. \ Radama Ier, ils se retiraient (voir aussi la présentation à la cour d’Imerina de Mme Ida Pfeiffer, Voyage à Madagascar en 1857, trad. française, p. 207-209). Lorsque des étrangers étaient reçus par la Reine, non plus officiellement, mais comme amis, on les intro- duisait quelquefois dans le Tranovola et, là, ils pouvaient parler affaires. 9° Lorsque la Reine sortait, elle était toujours accompagnée de quelques membres de la famille royale, de la plupart des officiers du palais et des principaux officiers de l’armée : 400 soldats de la garde, et souvent plus, formaient un rectangle où, à la suite des principaux officiers et des princes et princesses qui étaient portés sur des filanjana ou palanquins ordinaires du pays, les premiers sur deux rangs, venait la Reine portée par huit soldats sur un palanquin découvert fait à Paris, palanquin garni de velours écarlate avec franges d’or, et à l'arrière duquel était ouvert un magnifique parasol en drap également écarlate brodé d’or. Une garde d’esclaves royaux, Antandonaka et Tsimandao, l’entourait et, derrière, marchait un groupe de serviteurs. En dehors de la haïe des soldats était groupé le chœur des chanteuses qui étaient les femmes des Tsimandao, au nombre d’une centaine, et qui suivaient partout la Reine et, dans les fêtes, remplaçaient souvent par leurs chants la musique pour les danses indigènes : ces chanteuses ne cessaient de chanter les louanges de leur divine maîtresse, Eh! eh! eh! isara Andriana! Eh! eh! eh! la bonne Reine! etc., et, quand les cent mille voix de la foule qui se pressait sur le passage de Ranavalona répétaient en chœur ces louanges, il n’est pas étonnant que sa tête en fût ébranlée et qu’elle se crût bien au-dessus d’une simple mortelle, comme nous l’avons dit page 309, notule (a). En avant du rectangle officiel, marchait un grand nombre d'officiers, musique en tête. Partout où passait la Reine, tous les habitants s’assemblaient par groupes pour lui rendre hommage et, d’aussi loin qu’elles l’apercevaient, toutes les femmes se mettaient à chanter indéfiniment Hé! Hé,tsara Andriana! (La voilà la bonne Reine!) et, lorsqu'elle passait, tous les gens présents s’écriaient : Tsara hiany, tsara hiany, tompoko vavy ! (Portez-vous bien, portez-vous bien, ma maîtresse), à quoi elle répondait : Tsara hiany! (Bien), et les assistants lui souhaitaient une vie longue : Trarantitra tompoko! (Puissiez-vous atteindre la plus extrême vieillesse!) (Notes de voyage manuscrites d’A. Grandidier, 1869, pp. 1260-1265, 1269-1270 et 1288-1293). TABLE ANALYTIQUE LIVRE PREMIER DÉCOUVERTE DE MADAGASCAR CHAPITRE PREMIER. — Madagascar dans les temps anciens............. no Chaldéens, Juifs, Arabes, Grecs dans l'antiquité, 1. — Arabes au Moyen Age, 1. — Européens, 2. CHAPITRE II. — Histoire de la découverte de Madagascar par les Européens au xXVISIS ec EE CER CT Ron On Ba bo nd TA EEE Po de dobnoodoootoos : Sa découverte par Diogo Dias, 5. — Fernan Soares côtoie la côte Est du Nord au Sud, 6. — Tristan da Cunha visite la côte Nord-Ouest, 8. — Jean Gomes d’Abreu longe la côte Est, 12. — Diogo Lopes de Sequeira visite le Sud-Est avec Duarte de Lemos et va à Diego Suarez, 13. — Juan Serrano va au Fort-Dauphin, 15. — Luis Figueira et Pedreanes vont à Matitanana, 15. — Bastian da Sousa va à Matitanana, 46. — Nau- frage de 5 navires portugais dans le Sud-Ouest et de 2 dans le Sud-Est, 17. — Premier atterrissage des Français à Madagascar, 18. — Portugais naufragés, 49. — Nuno da Cunha naufrage sur la côte Sud-Ouest, 20. — Jean et Raoul Parmentier abordent la côte du Ménabé, 21. — Duarte et Diogo da Fonseca, 23. — Jean Fonteneau, dit Alphonse le Saintongeoïs, va à la baie de Boïna, 24. — Diogo Soares pille la côte Est, 24. — Balthazar Lobo de Sousa longe la côte Ouest, 25. — Dom Luis Fernandes de Vascon- cellos fait naufrage sur la côte Sud-Ouest, 25. — Le gouverneur de Mozambique envoie un navire dans la baie de Mahajamba pour y établir des relations commerciales, puis un autre dans la baïe de Boina, 26. — Premier atterrissage des Hollandais à Madagascar en 4595 : l'amiral Houtman sur la côte Ouest, 27. — Trois navires hollandais de la flotte de Cornelis van Neck atterrissent à Sainte-Marie et à Antongil, 32. — Le Middleburg va à la baie de Saint-Augustin, 33. — L’amiral van der Hagen mouille sur la côte Est, puis va à Antongil, 34. — Paul Caerden relâche à Antongil, 34. LIVRE DEUXIÈME HISTOIRE DES MERINA CHAPITRE PREMIER. — Les premiers habitants de l’Imerina : les Vazimba et leurs chefs, ES TO VAR ER ele ent a RE TER 1. Les Vazimba venus des îles de l'Océan Pacifique, 39. — 2. Leurs chefs : les reines Rangita et Rafohy, 40. HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 47 370 TABLE ANALYTIQUE CHAPITRE Il. — Les premiers Andriana merina (1530(?)-1787).................... CHAPITRE III. — Andrianampoinimerina (1787-1810)............. Ë CHAPITRE IV. — Radama Ier (1810-1828)... I. Andriamanelo, 44. — II. Ralambo, en lutte avec les Vazimba, étend son petit domaine et répartit ses sujets en 4 classes, 47-54. — III. Andrianjaka s'empare de Tananarive et déve- loppe la culture du riz, 54-57: — IV. Andriantsitakatrandriana transforme les marais de la plaine de Tananarive en fertiles rizières, 57. — V. Andriantsimitoviaminandriandehibé continue à endiguer les eaux pour transformer les marécages en rizières, 58. — VI. Raza- katsitakatrandriana, mauvais roi, est déposé et remplacé par son frère, 58. — VII. Andria- masinavalona, qui a introduit l’usage de consulter le peuple et a étendu son royaume, ayant gagné beaucoup de sujets par sa bonté et par sa sagesse, mais qui a eu le tort de le partager entre quatre de ses fils, 59. — VIII. L’Imerina partagé en 4 royaumes, 66 Andriantsimi- toviaminandriandrazaka, 67; Andriantomponimerina, 68. — IX. Andriambelomasina, 68; pièces arabes taraiky, 69. — X. Andrianjafy : haï par ses sujets, il est déposé et remplacé par son neveu Ramboasalama (Andrianampoinimerina), 70. — XI. Andrianam- boatsimarofy, 77; son entrevue avec Mayeur, 80; serment de fidélité fait par les Merina, 82; mis en demeure de renoncer à son vice d’ivrognerie, 83. Vit en paix avec ses voisins pendant sept ans, 88, puis s'empare d’Analamanga (Tana- narive), 91, et, étendant peu à peu ses conquêtes, reconstitue le royaume d’Andriamasi- navalona, 97; il soumet ensuite les Sihanaka, 98, ainsi que les Betsileo, 102; il est dès lors le maître de la région centrale et donne aux habitants ses ordres et ses instructions, 101. — Ses relations amicales avec le roi du Ménabé et la reine du Boina, 110. — Radama fait la guerre dans le Betsileo et est proclamé son héritier, 112. — Andrianampoinimerina attaque le Boïina et rétablit l’ordre chez les Sihanaka et les Bezanozano, 113. — Il tombe malade : ses dernières volontés, 114; son aspect et son caractère, 118; sa mort et ses funérailles, 121. — Étiquette, 122. — Gouvernement, 123. — Administration de la justice, 127. — Armée merina et guerre, 137. — Corvées des civils, 139. — Solidarité sociale, 140. — Hospitalité, 141. — Impôts, 142. — Religion malgache et Sampy (talismans), 145. — Agriculture et irrigations, 147. — Commerce : marchés, mesures de capacité et de longueur, poids, etc., numéraire, 149. — Traite des esclaves, 151. Succède à Andrianampoinimerina, 153. — Son aspect, 154. — Il réprime la rébellion des Bezanozano d’Ambatomanga, puis des Betsileo d’Ambositra, 155. — Il est intronisé solen- nellement, 155. — Il achève la conquête du Betsileo, 156. — Il envoie une expédition contre les Bezanozano du Nord et contre les Sihanaka sous les ordres de Rafaralahy, 157. — Hostilités avec la France à la suite des prétentions de Farquhar qui envoie à Madagascar des agents, Lesage, Brady et Hastie, qui entreprennent des pourparlers au sujet de l’abolition de la traite des esclaves, 159, ainsi que de l’éducation militaire des Merina, 162. — Le Français Robin arrive en 1819 et devient secrétaire de Radama, 171. — Arrivée de mis- sionnaires protestants et d'artisans anglais envoyés par Farquhar pour faire l’éducation reli- gieuse des Merina ainsi que leur éducation agricole et industrielle, 172. — Radama entre- prend, en 1820, la conquête du Ménabé et, après plusieurs échecs, il revient victorieux à Tana- narive à la fin de 1822, ayant épousé Rasalima, fille de Ramitraho, le roi du Ménabé, qui toutefois conserve son indépendance, 175. — Il va à Tamatave et poursuit ses opérations, d’abord jusqu’à Foulpointe, 193, puis jusqu’à la baie d’Antongil et dans l’Antsihanaka, qu’il conquiert, 197. — Jean René fait une expédition au Sud de Tamatave jusqu’à Manan- jary, 198. — Radama entreprend la conquête du Nord-Ouest et envoie, en 1823, un ultima- tum à Andriantsoly; en mai 1824, il se met en marche pour le Boina, dont il s'empare, et revient victorieux à Tananarive le 2 novembre : il envoie quelques milliers de Merina coloniser diverses parties, tant du Boina que du Ménabé, 199. — Andriantsoly, vaincu, se réfugie aux Comores et revient à Anorontsangana après la mort de Radama, 209. — Radama envoie Ramananolona s'emparer de Fort-Dauphin, que gardaient six soldats français, 211. — Révolte des Malata betsimisaraka, appuyés par le commandant de l’île Sainte-Marie, et leur soumission, 212. — Mort de Jean René. Hastie va à Maurice d’où il ramène trois mis- sionnaires anglais, D. Johns, Cameron et Cummins, et meurt peu après, en octobre 1826; 85-152 153-250 TABLE ANALYTIQUE 371 Robert Lyall le remplace, 212. — Radama part pour la côte Est en juin 1826 avec1,500 soldats pour régler diverses affaires et il en revient, en novembre 1827, en très mauvais état de santé, pendant que Brady, à la tête de 9,000 hommes, allait attaquer dans le Sud-Est Vangaindrano où son armée fit un butin considérable et commit de grandes cruautés, 213. — Révolte des Betanimena et des Sihanaka à la fin de 1827, vite réprimée, 214. — Mort de Radama Ier, 215. — Ranavalona lui succède, 215. — Portrait de Radama Ie* au physique et au moral, 219. — Tendance des Merina à se civiliser : ils apprécient les produits d’outre-mer et ambi- tionnent les connaissances des Européens, 221. — Description de Tananarive, 222. — Forts et fortins de la région centrale, 224. — Religion malgache, 225, et propagande protestante, 227. — Mode de gouvernement, 229. — Revenus, finances, 229: — Armée, 231-235. — Justice, 235 (ordalie du tanghin, 237). — Impôts (autres que le fanompoana, la corvée), 238. — Hygiène, 239. — Éducation, enseignement, ouverture d’écoles, 240 (école normale, 244; ordre de ne pas enseigner une nouvelle religion, 245). — Installation d’une imprimerie à Tananarive en 1827, 246. — Développement de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, 247. — Envoi de neuf jeunes Merina pour apprendre divers métiers et arrivée à Madagascar du charpentier Cameron et d’artisans anglais, ainsi que de deux botanistes allemands, 249. — Ordre donné en 1823 de construire des ponts en divers points de l’Imerina pour faciliter les communications, 249.— Construction du Trano vola, du Palais d’argent, dans l’enceinte du Rova de Tananarive, et du bâtiment de Soanierana, 250. — Radama donne l’ordre de raser la colline d’Ambohijanahary, qui est au Sud-Ouest de Tana- narive, puis il y renonce, 250. CHAPITRE V. — Ranavalona Ire (1828-1861) .............. oibaenobninesssese 201-200 Son avènement, 251. — Ramanetaka s’enfuit aux Comores, 252. — Robert Lyall à Madagascar, 255. — Publication d’un code de lois, 256. — Fin du deuil et intronisation, 256. — Expédition malheureuse dans l’Ambongo et naissance du prince Rakoto, 258. — Le commandant Gourbeyre commence les hostilités et occupe Tintingue qu'il abandonne en juillet 1831, 258. — Expéditions dans le Sud-Est en 1828-1829, 263. — Nouvelle expédition dans le Sud-Est en 1831, 263. — Retour d’Andriantsoly dans le Nord-Ouest; il trouve sa sœur Oantitsy y régnant et il retourne aux Comores, à Mayotte, 264. — Tafi- kandro dans l’Ambongo, 266. — Biographie de Napoléon de Lastelle, 266. — Biographie de Jean Laborde, 268. — Biographie de Joseph-François Lambert, 270. — Raïnimahay sup- planté dans les faveurs de Ranavalona par Andriamihaja, qui est mis en demeure de prendre le tanghin, 273. — Rainiharo devient le favori de la reine, 285; il va attaquer sans succès Ikongo, puis il est envoyé contre les Bara, 275. — Expédition contre Tuléar, 276. — Cam- pagne au Ménabé, 277. — Mort d’Oantitsy, à qui succède sa nièce Tsiomeko, 278. — Campagne des Merina dans le Nord-Ouest et prise de Nosy bé par les Français, 279. — Persécution contre tous les Européens et notamment contre les missionnaires anglais, 280. — Venue des commandants Romain-Desfossés et Kelly à Tamatave, pendant que Rana- valona chasse les bœufs sauvages à Manerinerina; fin néfaste des hostilités, 281. — Cons- truction d’un fort à Ambohimanga, 290. — Tentative pour faire abdiquer Ranavalona, 290. — Mort de Raïniharo, 291, remplacé par Rainivoninahitriniony, qui fait une expédition dans le Sud-Est (massacre à Farafangana), 293. — Rainivoninahitriniony rentre à Tananarive et prend la direction du royaume, 294. — Le prince Rakoto et les intrigues de Ramboasa- lama, 294. — Politique plus favorable aux Européens : retour des missionnaires anglais Ellis et Cameron et réouverture des ports après le paiement de l’indemnité, 296. — Lambert et le R. P. Finaz montent à Tananarive, 299. (Portrait du prince Rakoto, 299, notule a.) Descrip- tion d’une revue et du costume des troupes, 302. — (La pièce française de 5 francs est autorisée, 304, notule a.) — Arrivée à Tananarive de prisonniers français, tant marins pris sur la côte Sud-Est que mineurs pris sur la côte Nord-Ouest, 303. — Le R. P. Finaz à Tana- narive, 304. — Pourparlers entre les gouvernements français et anglais au sujet d’un pro- tectorat français à Madagascar. Ellis monte à Tananarive et se livre à des intrigues contre la France, 306. — Opération de rhinoplastie : les PP. Jouen et Webber montent à Tananarive, 308. — Lambert revient, 310. — Régime de terreur, 311. — Complot du prince Rakoto pour délivrer le pays de la tyrannie de sa mère; les Européens sont exilés, 311.— Ranavalona pro- clame le prince Rakoto son héritier et remet son testament au premier ministre, 317. — Ramboasalama essaie d’empoisonner le prince Rakoto, 319. — Ranavalona tombe malade et 372 TABLE ANALYTIQUE meurt en 1861; ses obsèques, le deuil, 319. — Prérogatives du souverain, 321. — Caractère et superstitions de Ranavalona, 322. — Usages et étiquette de la cour, 323. (Usages des Andriana et des Hova, 324). — Construction du Manjakamiadana, 326. — Administration des pro- vinces, 328. — Impôts et corvées, 329. — Armée merina, 330. — Forts et fortins, 334. — Justice, 335. — Religion malgache, 340. — Persécution des chrétiens : des protestants, 343, et des catholiques, 347. — Écoles, 349. — Commerce, 350. — Industrie (MM. Droit, Laborde), 352. APPENDICE ....... ARS AO D SD DO SO dre BAD ASOCIB 0000000 20050086 1. Liste des principaux marins ou colons européens venus à Madagascar depuis sa décou- verte jusqu’au milieu du xvr° siècle : A. Portugais, 357. — B. Hollandais, 357. — C. Fran- çais, 357. — D. Anglais, 358. — II. Généalogie des chefs vazimba : A. Hova, 358. — B. Antehiroka, 358. — C. du Vakinankaratra, 358.— III. Cérémonies du serment de fidélité au souverain : A. serment sur l’e omby mifotitra », 359. — B. serment duc velirano», 359. — C. serment du « vokaka », 360. — IV. Musique, hymnes nationaux; Hymne national joué sous le règne de Ranavalona I, 360. — Mandrozy, chant populaire en l’honneur de la reine Ranavalona I, 361. — Air national hova, 362. — V. Charte de concession de Radama à M. Lambert, 362. — VI. Récit du Père Finaz : persécutions religieuses, 365. — VII. Céré- monial royal, 366. LISTE DES CROQUIS. L’Imerina, avant Andrianampoinimerina ............................ bondaosodoë 63 Be’royaume!d'ANdriaDaMPOINIMErINA ee. eee ice Is cite sie ele else 105 195 Campagnes de Radamanl eee ereieiletmierese eee cle eieleieeelels ae sels see cie U ele 357-368 TABLE ALPHABÉTIQUE ABpaALLAH Moussazim, ministre de la reine de Moheli, p. 253 notule (a). ABDERAMAN — Ramanetaka, p. 253 note (1). ABINAL (R. P.), aut. cit., p. 337 note (3). ABINAL ET DE LA VAISSIÈRE (R. R. P. P.), aut. cit., p. 38 notule (b), 40 note (1), 44 note (2), 85 note (1), 102 note (3), 153 notes (1) et (3) et 251 note (1). ABREU (ALEIxO DE), marin portugais, p. 17, 18, 20, 23 et 357. ABREU (JEAN Gomes D’), marin portugais, p. 8 note (4), 11, 12 et 357. ABREU (Vasco Gomes D’), marin portugais, p. 13. ACcKERMANN (Dr PauL), aut. cit., p. 172 [notule (b) de la page 171]. Air national hova, p. 362, App. IV. Alahamady, premier mois de l’année malgache. Alahasaty, cinquième mois de l’année malgache. Alakaosy, neuvième mois de l’année malgache. ALANINANDRANO, Capitale de l’Ilalangina, p. 106 et 157 note (1). ALAOTRA, lac de l’Antsihanaka, p. 198 notule (a). ALASORA, Ville d’Imerina, p. 41 note (3), 45, 46, 47, 49 et 50 notule (b}, 59, 62, 86 notule (a), 92 note (2) et notule (c), 97, 100, 111 note (4), 131 note (6), 145 notule (a) et 359. ALASORA, une des douze montagnes royales, au Sud- Est de Tananarive, p. 135 notule (a). ALBERMALE (comte d’), fonct. angl., p. 170 et note (2). ALBRAND, agent français, p. 197. ALBUQUERQUE (ALFONSO DE), marin portugais, p. 6, 8 note (4), 10, 11 note (1). Azr Moarimo, ministre de la reine de Moheli, p. 253 notule (a). ALMEIDA (R. P. MANOEL D’), missionnaire portugais, p- 357. ALPHONSE LE SAINTONGEO1S, Voir Fonteneau (Jean). ALVAREZ (TRISTAN), marin portugais, p. 8 note (4). AMBALIKY, province sakalava, p. 272. AMBANIALA, localité d’Imerina, p. 183. AMBANIANDRO, appellation désignant collectivement les Andriana et les Hova. AMBANILANITRA, appellation désignant collective- ment les Andriana, les Hova et les Andevo c’est-à- dire l’ensemble des habitants de l’Imerina. AMBARARANO, localité de l'Ouest de l’Imerina, p. 60 notule (b). AMBATOBEHIVY, Village de l'Ouest de l’Imerina, p'2192* AMBATOFOTSY, ville d’Imerina, p. 53. AMBATOLAMPY, Village du Boina, p. 203. AMBATOLEVY, ville d’Imerina, p. 111 note (4). AMBATOMALAZA, Ville d’Imerina près d’Ambohijoky, p. 95. AMBATOMANGA, Ville sur la route de Tamatave à Tana- narive, p. 41 note (3), 92 note (2) et notule (f), 152, 153, 155, 160 notule (b) et 252 note (4). AMBATOMANGA, forteresse naturelle en Imerina, p. 224. AMBATOMANOINA, redoute merina sur la rive nord de l’Ivondrona, p. 260. AMBATOMARIRANA, mont au S. S. O. de Tananarive, P. 326. AMBATOMASINA, Ville sur la baie d’Antongil, p. 31. AMBATOMENALOHA, Colline à lOuest d’Ambohi- manga, p. 75. AMBATOMIANTANDRO, rocher au sommet d’Ambo- himanga, p. 71 et note (3). AMBATOMITSANGANA, porte du Nord-Est d'Ambohi- manga, p. 86 note (1). AMBATONAKANGA, quartier de Tananarive, p. 250, 341 [note (4) de la page 340] et note (2). AMBATONDRAFANDRANA, Ville d’Imerina, p. 136 notule (a). AMBATONDRAKORIKIA, Ville d’Imerina, p. 49 notule (b) et 358. AMBATONDRALAMBO, localité à côté d’'Ambohidra- biby, p. 50. AMBATONDRAZAKA, Ville sihanaka, p. 101 note (2) et 198. AMBATORANGOTINA, localité d’Imerina, p. 67 notule (a) et 136 notule (a). AMBATOROKA, place de l'Est de Tananarive, p. 338 et note (2). AMBATOVINAKY, quartier de Tananarive, p. 250 et note (3). AMBATOVORY, ville d’Imerina, p. 69. AMBAVATOBY, baie du Nord-Ouest, p. 209,279 et 304. 374 AMBoALAMBO, famille et caste hova, p. 77 note (4). AmBoara, localité d’Imerina, p. 156. AMBOATANY, Ville d’Imerina, p. 41 note (3). AMBODINANDOHALO, quartier de Tananarive, p. 241, 244 et 303 note (4). AMBODINIMANANAREZA, localité à l'embouchure du Mananareza, p. 194. AMBoDIRANO, province et clan du Sud-Ouest de l’Ime- rina, p. 41 note (3), 95, 99, 106, 108, 138, 148 note (3), 179 note (3), et 233 [notule (b) de la page 232]. AmBopirTsiRY, localité d’Imerina, p. 42 note (1). AMBOHATSIMAROFY, Souverain hova, p. 77 note (4). AMBOHIBAOLADINA, Ville d’Imerina, p. 45 et 48. AMBOHIBATO, ville d’Imerina, p. 49 et note (1). AMBOHIBELOMA, Ville d’Imerina, p. #1 note (3), 97 et note (1), 98 et note (1) et 101 et note (2). AMBOHIDAVA, ville d’Imerina, p. 89 note (4) et 198 note (1) et notule (a). AMBOHIDRABIBY — Ambobhitrabiby, ville d’Imerina, p. 41, 45, 50, 62, 64 [notule (b) de la page 62], 67, 72 note (3), 89 note (4), 145 notule (a), 358 et 359. AMBOHIDRAINAHANDRIANA, Village betsileo, p. 103 note (1). AMBOHIDRAMIJOY, localité d’Imerina, p. 60 note (3). AMBOHIDRAPETO, une des douze montagnes royales, à l'Ouest de Tananarive, p. 135 notule (a). AMBOHIDRATRIMO, ville d’Imerina p. 41 note (3), 62, 64, 71 [note (4) de la page 70], 86 notule (b), 88, 89 note (5), 90 et note (2), 94 et 359. AMBOHIDRATRIMO, une des douze montagnes royales, au Nord-Ouest de Tananarive, p. 135 notule (a). AMBOHIJANAHARY, Colline à l'Ouest de Tananarive, p. 101 note (5), 206, 250 et 358 note (1). AMBOHIJANAKA, ville d’Imerina, p. 92 note (2). AMBOHIJOKY, ville d’Imerina, p. 65, 90, 95-97 et 103. AMBOHIMALAZA, ville d’Imerina, p. 49 notule (b), 50, 51 et 53. AMBOHIMANAMBOLA, Ville d’Imerinia, p. 48 et note (1). AMBOHIMANARINA, ville d’Imerina, p. 42 note (1) et 55. AMBOHIMANARITRA, monts du pays sakalava, p. 286. AMBOHIMANATONA, Ville de l’Imerina méridional, p. 79 notule (b). AMBOHIMANATRIKA, localité d’Imerina, p. 84 note (1). AMBOHIMANDROSO, ville du Betsileo, p. 106 note (1). AMBOHIMANGA, ville sainte d’Imerina, p. 49 notule (a), 50, 52 note (3), 54, 62, 64 [notule (b) de la page 62] 66-72, 74 et note (3) et notule (a), 75, 76 note (2) et notules (b) et (c), 78, 84 note (1), 86 note (1), 88 notes (1) et (4), 89 note (3), 91, 92 notule (a), 93 [notule (j) de la page 92], 106-108, 114, 118, 121- 123, 128, 136 notule (a), 137 note (5), 145 notule (a), 146, 148 note (1), 149 notule (a), 156, 178, 182 note (2), 198 note (3), 222 notule (a), 262, 283, 290 et note (2), 321, 328, 330 notule (a), 334 et note (1), 337 note (1) et 359. AMBOHIMANGA, une des douze montagnes royales, au Nord de Tananarive, p. 135 notule (a). TABLE ALPHABÉTIQUE AMBOHIMANJAKA, une des douze montagnes royales, au Nord-Ouest de Tananarive, p. 135 notule (a). AMBOHIMANAMBOLA, ville d’Imerina, p. 93 [note (2) et notule (i) de la page 92]. AMBOHIMANAMBOLA, une des douze montagnes royales, à l’Est de Tananarive, p. 135 notule (a). AMBOHIMASIMBOLA, Ville d’Imerina, p. 49 notule (b) et 50 [suite de la notule (b) de la page 49]. AMBOHIMASINA, important village antehiroka, p. 94 note (1). AMBOHIMASINA, localité près d’Ambohimanga, p. 146. AMBOHIMIANGARA, montagne au Nord du lac Itasy, p- 42. AMBOHIMIRIMO, ville d’Imerina, p. 41 note (3). AMBOHIMITSARA, village betsileo, p. 103 (note (1). AMBOHINARENANA, Colline au Sud-Est d’Ambohimanga p. 75. AMBOHINOMÉ, fort merina dans l'Ouest, p. 334. AMBOHIPENO, Ville d’Imerina, p. 45, 48, 53, 93 [note (2) et notule (j) de la page 92], 255 et 256. AMBOHIPIHAONANA — Ampihaonana, ville sakalava, p. 203 note (2). AmBoxipo, ville d’Imerina, p. 48 note (6) et 64 [notule (b) de la page 62]. AMBOH1Po, résidence royale, p. 111. AMBOHIPOLOALINA, ville du Marovatana, p. 94 note (4). AMBOHIPOLOALINA, clan de Tsiarondahy, p. 318 notule (a). AmBouxipoTsy, rocher au Sud de Tananarive, p. 131 note (2) et 235 note (3). AMBOHIPOTSY, quartier de [note (4) de la page 340]. ; AMBOHITANTELY, quartier de Tananarive, p. 66 note (2). AMBOHITRABIBY, Ville d’Imerina, p. 49 notule (b). AMBOHITRAINA, ville d’Imerina, p. 92 note (2) et notule (d). AMBOHITRANDRAINA, Village betsileo, p. 103 note (1). AMBOHITRANDRIANANAHARY, localité à l'Est d’Ala- sora, en Imerina, p. 100. AMBOHITRASAHABA, près d’Ilafy, p. 76 note (2). AMBOHITRAZA, Ville d’Imerina, p. 69 notule (a). AMBOHITRINIARIVO, Ville d’Imerina, un des princi- paux cantons antehiroka, p. 42 note (1), 55 et 94. AMBOHITRINIMANGA, localité d’Imerina, p.42 (note (1), AMBOHITRINIMANJAKA, Ville d’Imerina, p. 58 et 94 note (6), AMBOHITROMBY, ville d’Imerina, p. 53. AmBonirRontsy, localité d’Imerina, lieu de nais- sance d’Andrianampoinimerina, p. 86 notule (b). AwBonirrosy, montagne du Milanja, p. 205. AMBOHITSARA, Ville du Betsileo, p. 79 notule (b). AMBOHITSIROAMANJAKA, localité près de Tananarive, p. 54 note (6). AMBOHITSITAKATRA, Ville de l’Antsihanaka, p. 99. AMBOHITSITAKATRA, localité d’Imerina, p. 358 note (1). Tananarive, p. 341 TABLE ALPHABÉTIQUE AMBOHITSOA, village de l’Imamo, p. 97 note (4). AmgoxiTsoA, localité sihanaka, p. 198 note (1). AMBONDRO, ville sakalava, p. 207 et 277. AMBONGO, région sakalava, p. 205, 207 et 266 et notule (b). AMBONILONA, ville du Marovatana, p. 94 note (4). AMBOROMPOTSY, village betsileo, p. 103 note (1). AMBOSITRA, Ville du Vakinankaratra, p. 41 note (3). AMBOSITRA, ville du Betsileo, p. 112 et 155. AMBRE (cap D’), extrémité septentrionale de Mada- gascar, p. 10 et passim. AMORONKAY, pays à l’Est-Sud-Est de Tananarive, p- 92 note (2) et notule (g) et 358. AmpaLAzA, baie et village du Sud de Madagascar, p. 23, 27 et 28. AMPAMARINANA, la roche tarpéienne de Tananarive, p. 131 note (2), 132 notule (a), 134 note (2), 216, 235 note (3), 239, 341 [note (4) de la page 340] et 346 et note (2). AMPAMOIZANKOVA, montagnes des confins de l’Ime- rina, p. 86 notule (a). AMPAMOIzANKOVA, localité du Nord-Est de l’Imerina, p. 101 note (3). AMPANANINA, Ville d’Imerina, p. 41 note (3). AMPANDRANA, ville sainte d’Imerina qu’habitèrent les souverains vazimba, p. 41 notes (2) et (3), 49 notule (b), 50 [notule (b) de la page 49], 60 note (1), 145 notule (a), 358 et note (1) et 359. AMPARIHIBÉ, lac près de Tananarive, p. 352. AMPASsINDAVA, baie et poste merina du Nord-Ouest de Madagascar, p. 208 et note (1), 210 et 264. AMPATIPATIKA, Village du Menabé, p. 176. AMPELOKA, localité près de Tananarive, p. 57 note (3). AMPIHAONANA, Ville sakalava, p. 203 note (2), 206 et 207. AMPITANTAFIKA, pont en Imerina, p. 249. AMPITANTELO, localité d’Imerina, p. 113 note (7) et 114 note (1). AMPITOMANIANKOVA, localité sur la route de Tana- narive à Tamatave, p. 166 note (1). AMSTERVEEN, navire hollandais venu en 1626, p. 357. ANALABÉ, poste merina, p. 277 notule (a). ANALAMAHAZO, localité à l'Est de Tananarive, p. 49. ANALAMANGA — Antananarivo — Tananarive, p. 46 et 54 et notes (3) et (5). ANALAMANGA, prend le nom d’Antananarivo = Ta- nanarive, p. 90. ANALAMANGA — Antananarivo, une des douze mon- tagnes royales, p. 135 notule (a). ANALAMAZAOTRA, village de la forêt de l’Est, p. 282 notule (a). ANALAVORY, localité du Boina, p. 199 et 200. ANANJAKANJAKA, localité près de Tananarive, p. 54 note (5). ANATIVALO, région de l’Imerina, p. 109 note (1). ANCOVE = pays des Hova. ANCÔvEs — Hova, p. 66 note (1). ANDAKABÉ, fort merina dans l'Ouest, p. 334. 379 ANDEVORANTE — Andovoranto, ville et port de la côte orientale de Madagascar,p.34,165note(2)et348. ANDpoHaLo, place de la ville de Tananarive, p.48 note (1), 64 [notule (b) de la page 62], 113, 125 [notule (c) de la page 123], 128, 155, 178, 184, 224 256, 257 [notule (a) de la page 256] et 287. ANDRADA (FRANcISCO D’), aut. cit., p. 21 note (2) et 24 note (1). ANDRAHOMANA, baie de la côte Sud-Est, p. 27. ANDRAHONGY, ville sakalava, p. 278. ANDRAMASINA, ville d’Imerina, p. 41 note (3). ANDRAINARIVO, fortin de la frontière Nord-Est d’Ime- rina, p. 89 note (1) et 113 note (7). ANDRAINARIVO, Ville d’Imerina, p. 113 note (7). ANDRANOFITOVIANA, localité d’Imerina, p. 107. ANDRANOFOTSY, Ville sur la baie d’Antongil, p. 31. ANDRANOMAFANA, localité dans le Nord-Est, p. 216 note (2). ANDRANOMALAHELO, localité près de Tananarive, p. 55 [note (6) de la page 54]. ANDRANOMASINA, ville du Nord-Ouest de l’Imerina, p. 94. ANDRANOMENA, localité du Menabé, p. 176. ANDRANOMISERANA, montagne du Nord-Ouest, p. 265 et note (3). ANDRANOMPASIKA, localité au Sud de Vohilena, p. 316 note (2). ANDRANONANDRIANA, poste merina, p. 277 notule (a). ANDRANORITA, localité d’Imerina, p. 67 notule (a). ANDRANORO, localité sur les bords de l’Ikopa, p. 55, notule (a). ANDRANOVELONA, ville d’Imerina, p. 72 note (3). ANDRANTSAY, rivière et région betsileo, p. 77 notule (a), 79 et note (1), 82, 102, 103 et 152 note (2). ANDRIAMAHATANTIARIVO, nom posthume de Rami- traho, p. 272. ANDRIAMAHENINARIVO, Souverain sakalava du Boina, p. 59 note (1). ANDRIAMAMBAVOLA, chef merina, p. 216 [notule (a) de la page 215] et 252 notule (a). ANDRIAMAMILAZA, noble merina, p. 86 notule (b). ANDRIAMAMPANDRY, Conseiller d’Andriamasinavalona, p. 58, 59, 62 notes (1) et (5) et notules (a) et (b) et 66 note (2). ANDRIAMANALINA, COMpagnon d’Andriamampandry, p. 59. ANDRIAMANALINA Î, souverain betsileo, p. 104. ANDRIAMANALINA Il, souverain betsileo, p. 104 et note (5). ANDRIAMANALINA, parent de Radama I, p. 187. ANDRIAMANALINABEHIANTANA, fils d’'Andriamanali- narivo, p. 103 note (2). ANDRIAMANALINARIVO, roi betsileo, p. 102 et note (2). ANDRIAMANANIMERINA, SOUVerain Imerina, p. 71 [note (4) de la page 70] et 86 notule (b). ANDRIAMANANITANY, frère de Ralambo, p. 47. ANDRIAMANANITANY, second fils de Rafohy, p. 45. note (3). 3176 ANDRIAMANANTENA, martyr indigène, p. 347 note (3). ANDRIAMANELO, fils de Rafohy, premier souverain andriana, p. 40 note (1), son règne 44-47, 49 notule (b), 145 notule (a) et 358. ANDRIAMANITRA, nom malgache de Dieu. ANDRIAMANITRA HITA MASO, n0m donné aux premiers rois de l’Imerina, p. 47 note (2) et notule (a). ANDRIAMANJAKATOKANA, fils d’Andriantsitakatran- driana, p. 57. ANDRIAMANJAVONA, chef vazimba, p. 358 note (1). ANDRIAMAROBASY, chef de Sahavondronina, p. 98. ANDRIAMAROFOTSY, clan des environs d’Ambohi- manga, p. 72 notule (a). ANDRIAMARY, roi de l’Imamo occidental, p. 92 note (1) et notules (a) et (b). ANDRIAMASINAVALONA, SOuverain merina, p. 40 note (1), 44 notule (a), 49 notule (b), 53 note (3), 54 note (5), 55 note (3), son règne : 59-65, 69 note (2), . 70 note (4) et notule (b), 72 note (3), 75, 77 note (1), 92 note (1), 97, 98, 102 note (2), 110, 115, 134, 145 notule (a),,147 note (4), 175, 180, 215 notule (a), 256 notule (a) et 317. ANDRIAMASINAVALONA caäste noble merina — Zafy Andriamäasinavalona, p. 61 et note (4), 67-notule (a), 123 notule (b), 127 note (1), 136 notule (a) et 231 note (3). ANDRIAMATOANIMERINA, notule (a). ANDRIAMBAHOAKA, chef de l’Imamo, p. 60 et notule . (b); 92 et 97.: ANDRIAMBALOHERY, SOuVerain merina, p. 49 notule (b) et 71 [note (4) de la page 70]. : ANDRIAMBAVENTY, classe de fonctionnaires merina, p. 88 noté (1); 124 [notule (c) de la page 123], 228, -229 note (5); 337 et 339. ANDRIAMBAVIZANAKA, fille aînée de Raïnindrantsara, p. 104 note (6). ANDRIAMBAVIZANAKA, souveraine betsileo, p. 106 et 157 note (1). ANDRIAMBÉ, localité d’Imerina, p. 318 notule (a). ANDRIAMBELAONA, SOuVerain merina, p. 86 notule (a). ANDRIAMBELAZA, chef betsileo, p. 156. ANDRIAMBELO, chef d’Ambohidratrimo, p. 71 [note (4) de la page 70]. ANDRIAMBELOMASINA, Souverain merina, aïeul de Ramboasalama, p. 40 note (1), 44 notule (a), son règne : 68-70, 72 note (2) et notule (a), 73-75, 86 notule (b), 122, 145 notule (a), 216 [notule (a) de la page 215], 317, 318 notule (a) et 359. ANDRIAMBELONA, roi du Marovatana, p. 86 notule (a). ANDRIAMBELOSALAMA, fils d’Andriamanalinarivo, p. 103 et note (1). ANDRIAMBODILOVA, fils d’Andriampirokana, chef vazimba antehiroka, p. 42, 55 et notule (a) et 358. ANDRIAMBOLAMENARIVO, chef du Sud-Est, p. 213 note (1). ANDRIAMBOLOROHERY, souverain merina, 1763-1770? p. 77 note (2). souverain merina, p. 86 TABLE ALPHABÉTIQUE ANDRIAMBONGO, fils d'Andriamanalinarivo, p. 103 note (2). ANDRIAMIARAMANJAKA, rina, p. 70 note (1): ANDRIAMIHAJA, ministre de Ranavalona Jr, p. 252 notule (a), 258 note (1), 259 et note (4), 261 note (2), 262 et 273-275. ANDRIAMOMA, roi malgache d’origine arabe, p. 14. ANDRIAMORAONY, fils d’Andrianamboniravina, chef vazimba, p. 358. ANDRIAMPANARIVOMANGA, chef merina, père de Rava- difohy, p. 54. et en un, vassal d’Andria- masinavalona, père d’Andriajankafonamanjaka, p. 60 et note (2) et notule (a) et 69 note (2). ANDRIAMPANDRAMANENITRA, SOUVerain : vazimba p. 50 [notule (b) de la page 49]. ANDRIAMPANDRANA, SOuVerain Vazimba, p. 41 note (2) et 358 et note (1). ANDRIAMPENITRA, Chef vazimba.du Vakinankaratra, p. 358. CS VO ; ANDRIAMPIRENENA, Ville bara, p. 276. ANDRIAMPIROKANA, Chef vazimba antehiroka, père d’Andriambodilova et de Ratsimandafika, de 42,55 et notes (2) et (3) et 358. ANDRIAMPOETSAKARIVO, Chef d'Ambohibeloma, P. 97 et 98 et note (2). ANDRIAMPOINIMERINA, SOUVerain merina, p. 49 no- tule (b), 70 (note 4), 77 et note (1) et. 83. ANDRIANA — nobles merina, d’origine malaise. père d’Andrianampoinime- ANDRIANAFOVARATRA, SOUVerain . vazimba, PP 49 note (1). ANDRIANAHITRAHITRA, SOUverain Ceene, p. 49 notule (b). ANDRIANALINA, lieutenant de Ralambo, p. 48 note (4). ANDRIANAMBOARINANDRIAMANITRA, neveu d’An- driämpoatsakarivo, p. 98 note (2). ANDRIANAMBOATSIMAROFY, SOUVerain merina, p. 49 notule (b), 71 [note (4) de la page 70] note (1) et notule (a), son règne : 77-84, 86 notule (a), 88 et note (4), 90 et 95. ANDRIANAMBONIMERINA, neveu d’Andriamasina- valona, p. 62 et 64 [notule (b) de la page 62]. ANDRIANAMBONINOLONA, Cousin (ou neveu) de Ra- lambo, p. 53. ANDRIANAMBONINOLONA, classe de noblesse merina, p. 53 note (3). ANDRIANAMBONIRAVINA, SOUVerain vazimba, p. 49 notule (b), 50 [notule (b) de la page 49] et 358. ANDRIANAMPOINIMERINA, SOUVerain merina 1787- 1810 — Ramboasalama, p. 40 note (1), 41 notes (2) et (3), 44 notule (a), 49 notule (b), 60 note (4), 62 note (4), 68 notes (3) et (4), 69-71, 74 et note (3), 76 notes (1) et (2) et notules (a), (b) et (c), 78, 84.et note (2), son règne : 85-152, 153-155, 160 notule (b), 171 note (3) 180, 182 note (2), 194, 205 note (1), 215 et note (3) et notule (a), 221. note (2), 222 et notule (a),230 note (5),231 note (4),238 note TABLE ALPHABÉTIQUE (2), 251 note (4), 252 notule (a), 254, 257 [notule (a) de la page 256], 273 note (2), 274, 282 notule (a), 285, 287, 290 et note (2), 316-320, 322, 327, 328, 346, 359 et 360. ANDRIANAMPONGA, Souverain vazimba d’Ifanon- goavana, p. 38 notule (b), 49 notule (b), 50 [notule (b) de la page 49] et 358 et note (1). ANDRIANANAHARY, nom malgache de Dieu. ANDRIANANDRITANY, rival d’Andrianafovaratra, p. 49 note (1). ANDRIANANJAVONANA, chef vazimba, fils d’Andrianeri- nerina, p.40 note (2), 49 notule (b) et 358 et note (1). ANDRIANANTARA, souverain du Manandriana, p. 102. ANDRIANANTOARIVO, Chef merina, p. 41 note (3). ANDRIANANY, Chef antankarana, p. 253 notule (a). ANDRIANATO, chef d’Ambobhitraza, p. 69 notule (a). ANDRIANAVALOBEMIHISATRA, SOUVerain merina, fils d’Andriamasinavalona, p. 49 notule (b), 70 note (4), 77 note (2) et 145 notule (a). ANDRIANAVALONA, Chef merina, p. 197 et note (3), 198 et notule (a). ANDRIANAVALONIMERINA, fils d’Andriamasinavalona, p- 62 et 64 [notule (b) de la page 62]. ANDRIANAVALONJAFY, souverain merina, chef d’Ala- sora, p. 78 notule (a), 86 notule (a) et 92 notule (c). ANDRIANASY, nom donné à Hastie, par Radama Ier, p. 212 note (2). ANDRIANDRAMARO, souverain de l’Imamo, p. 238 note (2). ANDRIANDRANANDO, parent de Ralambo, p. 53. ANDRIANDRANANDO, classe de noblesse merina, p. 53 note (3). ANDRIANDRANANDO, caste de forgerons, p. 150 [no- tule (a) de la page 149]. ANDRIANDRANOALA, chef vazimba du Vakinanka- ratra, p. 358. ANDRIANDRANOLAVA, fils d’Amdrianamboniravina, chef vazimba, p. 49 notule (b), 50 [notule (b) de la page 49], 60 note (1) et 358. ANDRIANDRAVINDRAVINA, premier roi hova, p. 358 note (1). ANDRIANDROKA, chef vazimba antehiroka, p. 358. ANDRIANDROKA II, chef vazimba antehiroka, p. 358. ANDRIANENTOARIVO, Souverain du Vonizongo, p. 56. ANDRIANERINERINA, chef vazimba, vers 1300, p. 40 et note (2), 49 notule (b) et 358. ANDRIANIKIJA, général merina, peut-être Robin? p. 174 et note (6). ANDRIANIONY, chef de l’Andrantsay, p. 77 notule (a). ANDRIANJAFY, souverain merina, fils aîné d’An- driambelomasina, p. 40 note (1), 66 [note (3) de la page 65], 68 note (4), son règne : 70-76, et 78. ANDRIANJAFY, oncle d’Andrianampoinimerina, p. 251 note (4). ANDRIANJAFY ANDRIAMANITSA, p. 86 notule (a). ANDRIANJAKA, sOuVerain merina, fils de Ralambo, p. 39 note (5), 40 note (1), 42, 44 note (2) et notule HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. souverain merina, 371 (a), 47 et note (5), 49 notule (b), 50, 51, 53, son règne : 54-57, 65 note (1), 134, 145 notule (a), 147 note (3) et 358. ANDRIANJAKAFONAMANJAKA, p. 69. ANDRIANJAKAMANDIMBY, aieul d’Andrianavobemihi- satra, p. 70 note (4). ANDRIANJAKAMANDIMBY, fils d'Andriamasinavalona, p. 145 notule (a). ANDRIANJAKANAVALOMANDIMBY, SOUVErain merina, p. 49 notule (b). ANDRIANJAKANAVALOMANDIMBY, fils d’Andriamasi- navalona, p. 62, 64 note (3) et [notule (b) de la page 62], 66 et 77 note (1). ANDRIANJAKANAVALONDAMBO, a régné sous le nom d’Andriamasinavalona, fils cadet d’Andriantsimi- toviaminandriandehibé, p. 58. ANDRIANJAKANAVALONDAMBOTSIMITOVIAMINAN- DRIANA, chef merina, p. 58 note (1). ANDRIANJOKOTANORA, chef vazimba du Vakinanka- ratra, p. 358. ANDRIANORANORANA, Chef vazimba, p. 358 note (1). ANDRIANTELORAY, nom générique des trois premières classes de la noblesse merina, p. 53. ANDRIANTOMPOKOINDRINDRA, fils de Ralambo, p. 40 note (1), 47 et notes (3) et (4), 50, 51 et notes (1), (2) et (3) et 53 et note (1) et notule (a). ANDRIANTOMPOKOINDRINDRA, classe de merina, p. 49 notule (b) et 53 note (3). ANDRIANTOMPONIMERINA, fils d'Andriamasinavalona, p. 62, 64 et [notule (b) de la page 62], 68, 69 et 145 notule (a). ANDRIANTOMPONIMERINA, fils d'Andriamananimerina, p. 70 note (4). ANDRIANTRANA = Rafaralahy, p. 252 et note (7). ANDRIANTSANDRA, Mmerina mort du tanghin, p. 121. ANDRIANTSARATANDRA, chef de l’Amoronkay, p. 92 notule (g). ANDRIANTSILAVO, aiïeul de Raïnilaiarivony, p. 73 note (4), p. 76 note (1) et notule (a) et 275 note (1). ANDRIANTSIMIJAY, membre de la caste des Tsiaron- dahy, p. 216 [notule (a) de la page 215]. ANDRIANTSIMISATRA, noble merina, p. 188. ANDRIANTSIMITOVIAMINANDRIANA, SOUVerain merina, p. 359. ANDRIANTSIMITOVIAMINANDRIANAMPOINIMERINA, On- cle d’Andrianamboatsimarofy, p. 58 note (1). ANDRIANTSIMITOVIAMINANDRIANDEHIBÉ, SOUVerain merina, p. #4 notule (a), 49 notule (b), 57, 58 et 145 notule (a). ANDRIANTSIMITOVIAMINANDRIANDRAZAKA, fils d’An- driamasinavalona, p. 58 note (1), 62, 64 [no- tule (b) de la page 62], 66, 67 et 145 notule (a). ANDRIANTSIMITOVIZAFINITRIMO, père de Ranavalo- na Ire, p. 76 notule (c). ANDRIANTSIRAVINANDRIANA, clan des environs d’Am- bohimanga, p. 72 notule (a). chef d’Ambatovory, noblesse 48 378 ANDRIANTSITAKATRANDRIANA, SOUVerain merina, petit-fils de Ralambo, p. 39 note (5), 44 notule (a), 49 notule (b), 54, 57 et note (3), 145 notule (a) et 147 note (3). ANDRIANTSITOHAINA, chef militaire merina, p. 293. ANDRIANTSOANANDRIANA, guerrier célèbre, p. 104% note (3). ANDRIANTSOANARIVO, nom posthume de Mikiala, p. 174 note (2). ANDRIANTSOLIVOLA, ambassadeur de la reine saka- lava Ravahiny, p. 110 notule (b). ANDRIANTSOLY, souverain sakalava, p. 199 et note (2), 201-204, 206-210, 264 et 265 et note (1). ANDRIBA, ville du Boïina, p. 101 note (4) et 198 note (1). ANDRIÈNE BÉ notule (a). ANDRINGITRA, montagne à l'Ouest d’Ambohimanga, p. 54. ANDROIBÉ, ville d’Imerina, p. 41 note (3). Anprorosy (ou Andororosy), ville d’Imerina p. 93 [note (2) et notule (h) de la page 92]. Anproy, pays du Sud de Madagascar, p. 38 [note (1) de la page 37]. ANERINERINA, localité d’Imerina, p. 358. ANGaAvo, monts à l'Est de l’Imerina, p. 262 et 358 et note (1). ANGAvokEeLy. localité d’'Imerina, p. 358. ANGEL, nom donné par les Hollandais à la ville d’Andranofotsy, p. 31. ANGLais (voyages des) au xvire siècle, p. 34 et 35. ANGLAIS, marins et colons venus au xvi® siècle et pendant la première moitié du xvre. App. I, D., p. 358. ANcGo (Jean), armateur français, p. 21. ANGoxA, iles de la côte orientale d’Afrique, p. 13. ANJouy, ville d’Imerina, p. 100. ANgouaAn, une des îles Comores, p. 33, 169 et 253 et notule (a). ANKADIAIVO, résidence de Rabodolahy, p. 111 note (5). ANKADIMBAHOAKA, digue protégeant les rizières de Betsimitatatra, p. 57 note (3). ANKADINDAMBO — Ambohibaoladina, p. (6). ANKARANA, région du Nord de Madagascar, p. 265 et 280. ANKARANA, ville de la région orientale, p. 293 et note (2). ANKALAMAVONY, fort merina dans l'Ouest, p. 334. ANKARATRA, massif montagneux dans le Sud-Ouest de l’Imerina, p. 42, 64, 77 notule (a), 78, 102, 1084, 152 note (2), 222 notule (a) et 358. ANKATso, localité d’Imerina, p. 320. ANKAVANDRA ville de l'Ouest, fort merina, p. 272 et 277 notule (a). AxKxay, région à l’Est et au Sud-Est de l’Imerina habitée par les Bezanozano, p. 152, 162 et 354. LAOUNE — Andriambelaona, p. 86 45 note TABLE ALPHABÉTIQUE ANKONAMANTSINA, Marais près d’Ambohibaoladina, p. 48 note (5). ANKOVA — Hova, p. 39 note (2). ANKOVA = pays habité par les Hova, p. 53 [notule (a) de la page 52], 77, 80 et 81. ANKOVE, Voir Ankova. ANORONTSANGANA (baie d’), sur la côte Nord-Ouest, p. 10 et passim. ANORONTSANGANA, Ville et port du Nord-Ouest de Madagascar, p. 207, 209, 210, 279, 264 et 304. ANOSIMBOAHANGY, village dans une île du lac Alaotra, p. 197 et 198 notule (a). ANoOsizATO, localité à l’Ouest de Tananarive, p. 90 note (7). ANosy, province du Sud-Est de Madagascar, p. 18, 37 notule (a) et 66 note (5). ANTAIROKA — Antehiroka?, p. 49 notule (a). ANTALAOTRA, tribu islamisée du Nord-Ouest et du Sud-Est de Madagascar, p. 26, 171 note (3), 201, 207-210, 264 et 265. ANTALOHARANO, clan habitant l’Imerina, [notule (b) de la page 79]. ANTAMBODIRANO, clan du Sud de l’Imerina, p. 80 [notule (b) de la page 79]. ANTAMBOLO, peuplade des confins de l’Imerina, p. 80 note (1). ANTANALA = Tanala, peuplade de la grande forêt orientale, p. 39, 214 note (1), 224, 275 et 293. ANTANAMALAZA, Ville d’Imerina, p. 46 et 92 note (2). ANTANANARIVO — Analamanga = Tananarive, capi- tale de l’Imerina, p. 41 note (3), 222 et note (1) et notule (a), 359 et passim. ANTANDONAKA, classe d’esclaves du souverain, p. 330 note (4) et notule (a) de la page 331, 333 et note (2) et 367 (ou 368?) ANTANDRANTSAY, peuplade des confins méridionaux de l’Imerina, p. 80 note (1). ANTANJArY, peuplade des confins de l’Imerina, p. 80 note (1). ANTANJOMBATO, ville au Sud de Tananarive, p. 79 notule (b). ANTANJOMBATO, pont sur l’Ikopa, p. 249. ANTANJONDROA, localité près des chutes de Farahan- tsana, p. 292 note (6). ANTANKARANA, peuplade du Nord, p. 253 notule (a) et 280. ANTANoOsy,peuplade du Sud-Est, p. 292 notule (a). ANTANTSAHA, clan du Nord de l’Ankaratra, p. 64 et note (3). ANTAROMANANA, village de l’Imamo, p. 97 note (4). ANTATSIMONDRANO, peuplade de l’Imerina, p. 80 [notule (b) de la page 79]. ANTAVARADRANO, peuplade de l’Imerina, [notule (b) de la page 79]. ANTEHIROKA, clan de Vazimba du Nord-Ouest de l’Imerina, p. 41, 55, 71 [note (4) de la page 70], 93 et 94. p. 80 p. 80 TABLE ALPHABÉTIQUE ANTEHIROKA, généalogie des chefs vazimba, p. 358. App. Il, B. ANTEVA, clan d’Antanala, p. 214. ANTEvA, région à l’Est de l’Imerina, p. 186. ANTIFASINA, peuplade du Sud-Est, p. 293, 294. ANTIMAMO, habitants de l’Imamo, p. 77 note (6). ANTIMENA, habitants du Menabé, p. 80 note (1), 184, 185 et 278. ANTIMORONA, peuplade du Sud-Est, p. 52 et 153 note (2). AnrisaKkA, descendants d’immigrants indiens, p. 4. AnrisAKA, peuplade du Sud-Est, p. 263. ANTONGIz, baie de la côte orientale, p. 30-35, 196, 197, 212 note (1), 259 note (3), 262 note (1), 357 et 358. ANTONGODRAHOJA, fort merina, p. 141 note (4). ANTSAHADINTA, ville d’Imerina, p. 41 note (3). ANTSAHADINTA, une des douze montagnes royales, au Sud-Ouest de Tananarive, p. 135 notule (a). ANTSAHAFADYy, localité voisine d’Ambohimanga, p. 76 notule (b). ANTSAHATSIROA, localité d’Imerina, p. 188 et 224. ANTSIHANAKA, pays au Nord-Est de l’Imerina, p.99, 137 note (3), 186, 192 note (2) et 197. ANTSIRABÉ, ville betsileo, p. 103 et note (1). antsiva, conque employée pour les appels, générale- ment constituée par un gros coquillage. ARGENSOLA, aut. cit., p. 33 note (1). ARIADNE (L’), frégate anglaise, p. 196 et 197. ARINDRANO, province betsileo, p. 104 et note (6). ARIVONIMAMO, ville de l’Imamo, p. 98. ArnNauD, agent de M. Lambert, p. 253 notule (a). ArNoux, négociant français, p. 246 note (3) et 351. Asorotany, quatrième mois de l’année malgache. ASsALINE (Jacques), marin français venu en 1632, p. 357. ATHANASE (FRÈRE), religieux portugais, p. 20 no- tule (a). ATKiNson (M. Er ME), missionnaires anglais, p. 342. Aucx, ville de France, lieu de naissance de Jean La- borde, p. 268. AuGusTiNE (L’), bateau faisant le commerce des esclaves, p. 303. AVARADRANO, province et clan du Nord-Est de l’Ime- rina, p. 41 note (3), 89 note (4),91, 99, 106 et notes (3) et (4), 108, 111, 124 note (1), 138, 148 note (3), 149 notule (a), 179 note (3), 222 notule (a), 228 note (1), 233 [notule (b) de la page 232], 317 note (3), 318 notule (a), 321 et 331 note (1). AvarATR’ILary, localité au Nord de Tan., p. 352. B BaccæANTE (LA), frégate française, p. 197. Baker (M. Er Mme), missionnaires anglais, p. 343 note (2). BAKER, imprimeur de la mission protestante anglaise, successeur de M. Hovender, p. 247 et 345. 319 BaramBo = Amboalambo, p. 66 note (1). Bazy, ville et baie de la côte Nord-Ouest, p.266 notule (b), 297 notule (a), 315 note (1) et 348. BanTAM, ville des Indes néerlandaises, p. 34. BarA, peuplade du Sud, p. 275 et 276. BARAMAHAMAY, rivière et ville sakalava, p. 265 et notes (2) et (3). Baroa, principal chef d’Andriandranolava, vazimba, p. 358. BARRETO (FRANcIsco), vice-roi de l’Inde, p. 25. Barros, aut. cit., p. 8 note (1), 13 note (1), 15 note (2), 16 note (1), 17 note (1), 19 notule (a), 21 note (2) et 24 note (1). BauDin (E.) et RABEARIVELO (J.-J.), aut. cit., p. 70 note (4) et 327 note (2). BEAULIAU (GÉNÉRAL DE), commandant la flotte dite « de Montmorency », p. 357. BEpiTRA, poste merina, p. 277 notule (a). BEroRoONA, ville betsimisaraka, p. 272 et 316 notule (a). BEHETA, province sakalava, p. 272. BELONGo, village sakalava du Boïina, p. 112 note (2). Benaim (MARTIN), géographe, p. 2. BEmARAHA, chaîne de montagnes du pays sakalava, p. 43. BEmaro, nom malgache de Vohémar, p. 16. BEmixisATRA = Imerina, p. 39 note (4) et 50 note (1). BENNET (Rev.), missionnaire anglais, p. 246 et note (1). BEnyowsky (BARON DE), aventurier hongrois, p. 77 note (4), 79 et 84 note (1). BEosy, peuplade de la chaîne de Bemaraha, p. 43. BEercEAU (LE), frégate française, p. 281. BEroRA, neveu de Jean-René, p. 173 et note (1). BErRTHIER (HuGuEs), aut. cit., p. 171 note (3). BErTHo, enseigne de vaisseau français, p. 282 note (2). BEsAKANA, demeure royale dans le rova de Tanana- rive, p. 55 note (1), 65 note (1), 121, 218 note (2) et 327. besavily = ondry — mouton. BerTaro, ville betsileo, p. 103 note (1). BETANIMENA, peuplade de la région orientale, à l'Est de l’Imerina, p. 213 et 214. BersiBokA, fleuve du Nord-Ouest de Madagascar, p. 66 note (1) et 202-205. BETsiLEO, pays et peuplade du Centre, au Sud de l’Imerina, p. 39 et passim. BersimIsARAKA, peuplade de la côte orientale, p. 137 note (3), 140 note (1), 145 note (1), 164, 193 note (4), 194, 212 et note (1) et 213. BETSIMITATATRA, rizières au pied de Tananarive, p. 57 et note (3), 58, 91 note (4) et 148 note (2). BETSIZARAINA, village de l’Imerina, p. 226 notule (b). Bevan (Rev. Tomas), missionnaire anglais, p. 172, 173 et 227 note (1). BEvan (ME), missionnaire anglaise, p. 173. Bevaro, poste merina, p. 277 notule (a). BEZANOZANO, peuplade de la moyenne vallée du chef 380 Mangoro, p. 50, 80 note (1), 88, 97 note (1), 113, 120 notule (a), 140 note (1), 149 note (2), 152, 155, 157 et 329. Bezavona, montagne du Nord-Ouest, p. 209 et 210. Bièvre, voir Mareschal de Bievre (comte G.). BIiGEAULT, officier de marine commandant la Nièvre, p. 262 note (1). BirkeLi (E.), aut. cit., p. 43 note (1). BLancarp, commerçant français, p. 230 note (3), 248 et 350 note (2). BLanE (A. W.), secrétaire de Sir Robert Farquhar, p. 164. BLevec, successeur de Sylvain Roux, p. 196 et 197. Bocima, musulman de Mozambique, compagnon de Tristan da Cunha, p. 8. Borna (BAIE DE), sur la côte Nord-Ouest de Mad., p.27. BornA, région sakalava au Nord-Ouest de l’Imerina, p. 45 note (1), 66 note (1), 110 et note (1) et notules (a) et (b), 112, 174 note (6), 199 et note (3), 200 et note (1), 202, 204-206, 213, 264, 272 et 278. Boina-Mary, chef sakalava, ministre d’Oantitsy, | p. 207 et 209. BorsimArouris — Ambohatsimarofy, p. 77 note (4). Bozser, botaniste allemand, p. 191 et notule (a) et 249. BomBEeTore, baie à l'embouchure de la Betsiboka, p. 59 note (1) et 66 note (1). BOoNAPARTE, p. 120. Bonprony, ville sakalava, p. 183 et 272 note (2). BoncoLava, montagnes à l’Ouest de l’Imerina, p. 272, 277 notule (a) et 286. BonTEKkoE (WILLEM YSsBRANTZ), voyageur hollan- dais, p. 357. Boorugy (RicHARp), négociant anglais venu en 1630, p. 358. Boucan-Launay, aut. cit., p. 266 note (3). Boupou (R. P. ApRiEN), aut. cit., p. 279 note (1). Bour8on (ILE), devenue île de la Réunion, une des Mascareignes, p. 158 et passim. Bouver DE Lozier, gouverneur de Bourbon, p. 158. Brapy, sous-officier et agent anglais, p. 162 et note (1), 163, 164, 173, 175, 178, 179 note (3), 186, 198 note (3), 213, 218 note (2), 231 note (1) et 232. Brooks, artisan anglais, p. 190 et 249 et note (1). BrossArD DE CORBIGNY, aut. cit., p. 332 note (1). Bry (DE), aut. cit., p. 33 note (1). Burca, colon anglais, p. 158 note (3). BURGALEZA, navire portugais, p. 25. C CaBraL, voir Pedraluarez Cabral. CAERDEN (PAUL), général hollandais, p. 34 et 357. CALLET (R. P.), aut. des T'antara ny Andriana, la plus importante source de renseignements sur l’histoire merina, aut. cit. p. 38 et passim. CamBAye, ville de l'Inde, dans le Goudjerat, p. 15. TABLE ALPHABÉTIQUE CAMBOUÉ (R. P.), aut. cit., p. 47 note (2). CAMERON (REv.), missionnaire anglais, p. 212. CAMERON, charpentier anglais, p. 249 et 352. CAMERON (J.), agent anglais, de la L. M. S., p. 296, 297 notes (1) et (2) et notule (a). CAMOENS, aut. cit., p. 8 note (3). Campan, neveu de Jean Laborde, p. 355 note (1). Campo (ANTONIO DA), marin portugais, p. 8 note (4). CANERIO, géographe du XVI® siècle, p. 6 note (1) CANHAM, artisan anglais, p. 190, 192 et 249. CANHAM (REv.), missionnaire anglais, p. 342 note (3). CANTINO, géographe du XVI° siècle, p. 6 note (1) CaARAYON, aut. cit., p. 159 note (3), 213 [note (3) de la page 212], 219 note (2) et 246 note (3). Carposo (G.), aut. cit., p. 27 [note (3) de la page 26]. CARENE (?), sous-officier anglais, p. 231 note (1). CaRoL (J.), aut. cit., p. 123 note (1). CASTANHEDA (FERNANDO LoPEs DE), aut. cit., p. 2 note (6), 7 note (2), 13 note (1), 14 note (2), 15 note (2) et 17 note (1). CASTRO (FR. FERNANDO DE), religieux portugais, p. 25. Caucxe (F.), voyageur français venu en 1638, p. 358. CERDA (MANOEL DE LA), marin portugais, p. 17, 18, 20#et#25: Ceremonial royal, p. 366, App. VII. Cérémonies du serment de fidélité au souverain, p. 358, App. III. CHAPELIER, aut. cit., p. 147 note (2). CHapus (G.-$.), aut. cit., p. 85 note (1) et 251 note (1). CHARDENAUX, traitant anglais, agent de Farquhar, p- 159 et note (2) et 164 et note (2). CHARDENOUX, traitant, p. 120 notule (a). Charte de concession de Radama à M. Lambert, p. 362, App. V. CHAUVIN (J.), aut. cit., p. 353 note (3). CHEFFAUD, aut. cit, p. 40 note (1), 59 note (1) et 320 note (2). CHEVRETTE (La), corvette française, p. 258 note (4). CHEzBEZAT, nom donné à Madagascar par Edrici, p. 2. Cuicx, artisan anglais, p. 190 et 249. CLARENDON (LoRD), chef du Foreign-Office, p. 271 et 306. Cocxiw, ville de l’Inde, p. 6. CocquerT, marin français venu en 1642, p. 358. CoLBERT, aut. cit., p. 357. CoreBroOKE (W. M.), colonel anglais, p. 220 [notule (c) de la page 2191. Cozr8ri (LE), navire de guerre français, p. 279. CoziN (R. P. Eure), missionnaire catholique français, directeur de l’Observatoire de Tananarive, p. 301 [notule (b) de la page 300] et aut. cit., p. 362. CoziN (EpiparistEe), voir Epidariste Colin. Comores, archipel au Nord-Ouest de Madag., p. 33. ConceiçAo (BAHIA DE LA), nom donné à la baie de Boiïna, p. 8 note (5). CoNsTANTIN (DE), aut. cit., p. 32 note (2), 33 note (1) et 34 notes (2) et (3). Conway, navire de guerre anglais, p. 281. TABLE ALPHABÉTIQUE CopPpaLLe (ANDRE), artiste peintre, p. 101 note (2) et 219 notule (c). CorBicny (BRossARD DE), Voir Brossard de Corbigny. CoroLLer (PRINCE), neveu de Jean-René et de Fiche, p. 216 note (1), 245 note (3) et notule (a), 246 note (2), 261 et note (1) et 350 note (1), et aut. cit., p. 118, 218 note (2) et 219 note (2) et notule (b). CorrEa (Gaspar), secrétaire d'Alfonso d’Albuquerque, aut. cit., p. 6, 11 note (1), 13 notes (1) et (2), 16 note (2), 17 note (1), 18 notes (1), (2) et (3), 21 note (2) et notules (a) et (b) et 24 notes (1) et (5). Costa (PauLo RopriGuEs DA), capitaine portugais venu en 1613, p. 357. Cousins (Wizzram E.), aut. cit., p. 114 note (2). CouTiNHo (JEAN RODRIGUES PEREIRA DA), marin portugais, p. 8 et note (4). Couro (Dioco po), aut. cit., p. 21 note (2), 25 note (1) et 26 et notes (1) et (2). CovizxAM (PIERRE DE), voyageur portugais, p. 2. CRAINTE (ILES DE), nom donné aux îles Stériles par Parmentier, p. 23. CREUSE (La), navire français, p. 172 [notule (b) de la page 171]. Cummixs, missionnaire anglais, p. 212. Cunaa (Nuno pa), marin portugais, p. 17, 18, 20 et note (1), 21 et notule (a) et 23. Cunua (PErRO VAz pa), marin portugais, p. 20. CunxaA (TRISTAN DA), amiral portugais venu en 1506, p. 8-13 et 357. CuvILLIER (CONTRE-AMIRAL), gouverneur de l’île de la Réunion, p. 262 note (1). D Dawsourrs — Ambohitra ou Antsihanaka? p. 66 note (1). Danpouau (A.), aut. cit., p. 290 [notule (a) de la page 289. Darariry, géant légendaire, p. 193 note (4). Darvoy, ancien consul de France à Maurice, p. 304. Davis (Jon), pilote anglais du Middleburg, p. 33 note (2), 357 et 358. Dayor, commerçant français, p. 240 notule (a). DE Bracx, vaisseau hollandais, p. 59 note (1). DEcaEN (général), gouverneur de l’île Maurice, p. 157 note (4). Decary (Raymonp), aut. cit., p. 158 note (2), 171 note (1), 193 note (1), 268 et 355 note (2). Découverte de l’ile de Madagascar, p. 5. DELAGRANGE, commandant de l’île de Sainte-Marie, p. 363. DELHORBE (CLÉMENT), aut. cit., p. 302 notule (a). DeLpxin, navire anglais venu en 1645, p. 358. Der VEER, navire hollandais, p. 357. DesPrEz, commandant du ZLabourdonnais, p. 253 notule (a). DIAMATOUI NI MERINE — Andriamatoanimerina, p. 86 notule (a). 381 DrANAmPOUINE — Andrianampoinimerina, p. 86 no- tule (a). DIANAVÉLOUZAFFÉ — Andrianavakonjafy, p. 86 no- tule (a). DrAnNBELLOU — Andriambelona, p. 86 notule (a). DIANZAFFÉ-ANDRIAM-MAGNETS — Andrianjafy an- driamanitsa, p. 86 notule (a). Dras (Di0Go), navigateur portugais qui a découvert Madagascar le 10 août 1500, p. 5 et 357. Dreco-Suarez, baie au Nord de Madagascar, p.262 note (1). DIENAMBOITSIMAROUFE — Andrianamboatsimarofy, p. 86 notule (a). DyaArounA, nom donné à Madagascar par les Arabes, DA2 Doany, capitale du Boina, p. 200 et note (2) et 204. Dona Marta DA Cunxa, nom donné à la baie de Boina p. 8 note (5) et 24. Dora, mère de Rainihasy, p. 277. Dowxnron (NicaoLas), marin anglais venu en 16184, p. 358. Dreux (Mme), p. 198 note (4). Droir, mécanicien, associé de Laborde, p. 253 notule (a) 352 et 353 note (2). Droit (Mme), gouvernante des filles de Ramanetaka, p. 253 notule (a). Drury (RogEerr), aut. cit., p. 42 note(6) et66 note (5). Dugois (PÈRE H.-M.), aut. cit., p. 37 notule (a). DucHESsNE (GÉNÉRAL), commandant de l’Expédition de 1895, p. 48 note (1). DumaINE, aut. cit., p. 83 note (1) et 152 notule (a). DuquEsNE — Père Jouen, p. 308. DuranpD (ABBÉ), aut. cit., p. 19 note (2). E E. B. aut. cit., p. 54 note (1) et 53 note (3). Eprici, géographe arabe, p. 2. Ezus (Rev. Wiccram), missionnaire anglais, aut. cit., p. 40 note (1) et passim. EpiparisTe CoLin, aut. cit., p. 84 note (1), 119 note (1) et 157 note (3). Escawps (Henri D°), aut. cit., p. 172 [notule (b) de la page 171]. Espagnols (voyages des) au XVIIe siècle, p. 35. EsTANcELIN, aut. cit., p. 24 note (2). F FaLrarivo, ville betsileo, p. 103. Fazrary, clan de Tsiarondahy, p. 318 notule (a). FAMINE (BAIE DE LA), nom donné par les Hollandais à la baie de Saint-Augustin, p. 33. fanandroana = astrologie, p. 46. FaAnDaANANaA, ville betsileo, p. 103. Fandroana = fête du Bain, premier de l’an malgache. 382 FanyaniRA, ilot proche du Fort-Dauphin, p. 18. FANJAKANA, capitale de l’Isandra, Betsileo, p. 106, 157 note (1) et 224. FANONGoAvANA, = lfanongoavana, ville d’Imerina, p. 49 notule (b), 60 et 358. fanorona, sorte de jeu de dames. FanrakA, talisman merina, p. 256 notule (a), 328 et 359. FARAFANGANA, ville et port de la côte orientale, p. 294. FARAHANTSANA, chutes de l’Ikopa, p. 252 note (6). FARALAHINATAONTANY, Chef vazimba du Vakinanka- ratra, p. 358. farantsa, classe de fonctionnaires merina, p. 337 et note (1). FaravouiTRA, quartier de Tananarive, p. 341 [note (4) de la page 340]. Faria y Sousa (MANOEL DE), aut. cit., p. 27 [note (3) de la page 26]. FarimiIN-DRANG1TA, marais au Nord de Merimanjaka, p. 41 et note (1). Fariay, petit lac sacré à côté d’Alasora, p. 46. Farquaar (Sir Rogerr), gouverneur de l’île Maurice, p. 154 note (3), 158 et note (2), 159 et notes (1) et (3), 160.et note (1) et notule (a), 162-164, 166 et note (2), 167 et note (1) et notule (a), 168, 169, 170 et note (2), 172, 174, 186, 187, 188 et note (1), 189 notule (a), 193 note (3), 227 note (1) et notule (a) et 240. Faurec (URBAIN), voir Urbain-Faurec. FEBVRIER DES PoinTes, officier de marine français, p. 289 note (2) et notule (a). FENAmBosy, cap du pays mahafaly, p. 32. FENERIVE, ville et port de la côte orientale, p. 358. FENITRA, localité d’Imerina, p. 358. FENOARIVO, ville d’Imerina, p. 41 note (3), 90 et note (4) et 95. Fer, son emploi en Imerina, p. 46 et notes (1) et (2). Fermaner, marchand de Rouen, armateur, p. 357. Frapana, localité du Sud-Ouest de l’Imerina, p. 347 note (3). FrapANANA, ville d’Imerina, p. 149 notule (a) et 341 [note (4) de la page 340]. FranarAnTsoA, capitale du Betsileo, p. 106, 156, 223 [note (1) de la page 222] et 275. Ficue — Fisatra, frère de Jean-René, p. 120 note (2), 159 note (1), 163 et note (2), 191 note (1) et 261 note (1). Ficne (JULIETTE) dite Princesse Juliette, nièce de Jean-René, p. 267. FipasiANA, localité près d’Ambohimanga, p. 66, 67 notule (a), 74 et 75. FicugirA (Luis), marin portugais venu en 1515, p. 15 et 357. FiaaAnpro4, chef de Mankary, p. 197 notule (a). FIHASINANA, capitale du Manandriana, p. 102. FIHERENANA, fleuve et région du Sud-Ouest, p. 276 (note (4) et 278. TABLE ALPHABÉTIQUE filohany, nom donné aux chefs par les Hollandais, p. 30, 31 et 33. FiziHaAU, commerçant bordelais, p. 236 note (4) et 238 note (1). Finaz (R. P.), missionnaire français — M. Hervier, p. 253 notule (a), 298-300, 302-304, 308, 310 et note (2), 348, 349 et aut. cit., 365, App. VI. Fincx (WizLram), voyageur anglais venu en 1608, p. 358. FisaTrA, nom malgache de Fiche, frère de Jean-René, voir Fiche. FivavanaAnNA, ville betsileo, p. 103. FLAcOURT (ÉTIENNE DE), directeur général de la compagnie française de l'Orient, venu en 1648, p. 19 et aut. cit. note (2) et 358. FLEURIOT DE LANGLE, commandant de la Somme, p. 253 notule (a). foloalindahy, nom donné à l’armée merina. Fororay, peuplade des confins de l’Imerina, p. 80 note (1). folovohitra, roturiers, sujets libres. Fomgoni, ville de Moheli, p. 253 notule (a). FonsecA (DioGo pa), marin portugais venu en 1530, p. 18, 23 et 357. Fonseca (DuARTE DA), marin portugais venu en 1530, p. 23 et 357. Fonseca (Lucas DA), marin portugais, p. 13. FonTENEAU (JEAN) dit Alphonse de Saintonge ou le Saintongeois, capitaine pilote de François Ier venu en 1539, p. 24 et 357. FonrToynonT (Dr), aut. cit., p. 267 et 307 note (1). ForT-DAuPin, ville et port du Sud-Est, établisse- ment français, p.163 et note (1), 210 et note(2), 267, 276, 292 note (2) et notule (a), 301 [notule (b) de la page 300], 302, 357 et 358. fotsy = libres, p. 318 notule (a). , FoucquEmBourG, colon français venu en 1643, p. 358. FouLPoinTe, ville de la côte orientale, p. 66 note (1), 154, 157 note (4), 192, 194, 196, 198, 212, 243 et 260. Français, marins et colons venus au xvie siècle et pendant la première moitié du xvrre, App. I. C., p. 397. FRANCE (ILE DE), devenue Ile Maurice, une des Masca- reignes, p. 158. FRANCEs (PERE ANNESs), envoyé du roi de Portugal, marin venu en 1527, p. 18, 19 note (2) et 357. FREDERIC LE GRAND, p. 218 note (3). FREEMAN (REv. J.-J.), missionnaire anglais, p. 245 note (1) et 342. FREEMAN (ME), p. 342 note (2) et 343 note (2). FREEMAN ET JonnNs, aut. cit., p. 274 note (1). FREIRE (R. P. PEepro), jésuite portugais venu en 1614, p., 357. FRENÉE, aut. cit., p. 327 note (2). FREYCINET(DE), gouverneur de Bourbon, p.211 et212. FROBERVILLE (BARTHELEMY HUET, Chier DE), aut. cit., p. 38 notule (b), 120 notule (a), 162 note (1), TABLE ALPHABÉTIQUE 38 168 [notule (a) de la page 167] et 220 [notule (c) de la page 219]. FroiDEvAUXx (H.), aut. cit., p. 79 note (2). G Gagrié, gouverneur de Mayotte, p. 253 notule (a). Gaxon (A.), aut. cit., p. 256 notes (2) et (3). GaARNOT, capitaine d’un navire de commerce, p. 323 note (4). Gaurier (E.-F.), aut. cit., p. 37 notule (a), 72 notule (a), 147 et 254 note (2). G. M. A. W. L. (W. Lodewijcksz), aut. cit., p. 32 note (2). Go, ville de l’Inde, p. 16 et 17. Gomes (R. P. Jo4o), jésuite portugais venu en 1620, p. 357. GouBErT (ALONSE), marin français venu en 1638, p- 358. GoupJERaAT, province de l’Inde, p. 14. GourBEYRE, officier de marine français, p. 258, 259 note (4), 260, 281 note (1) et 351. Goyau (GEORGES), aut. cit., p. 348 note (1). GRANDIDIER (ALFRED ET GUILLAUME), aut. Cit., p. 1 et passim. Grirritas (Rev. DAvip), missionnaire anglais, p. 190- 192, 227 note (3) et notule (b), 236 note (2), 341 note (2) et 342 [notule (a) de la page 341]. GRIFFITHS (REv. ET Mme), missionnaires anglais, p. 241 et notes (4) et (5), 242, 244 note (1) et 247. GuiLLaIN, aut. cit., p. 44 notule (a), 59 note (1), 62 note (4), 76 note (3), 85-note (1), 110 note (1) et notule (b), 113 note (1), 153 note (1), 174 notes (3) et (6), 175 note (1), 178 note (1), 181 note (2), 185 notes (1) et (2), 199 note (1), 205 note (3), 251 note (1), 266 notule (b), 276 note (4), 277 note (2) et 289. GuizoT, ministre français, p. 289. H HaAKkLuYyT, aut. cit. p. 6 note (1). HaAGamainTy, chef d’Ilafy, conseiller d’Andrianam- poinimerina, p. 73 note (4), 74 note (4), 76 note (1) et notule (a), 88 note (1), 112 et 132 notule (b). HAGEN (ÉT. van DER), amiral hollandais, p. 34. HALL (GÉNÉRAL), gouverneur de l’île Maurice, p. 169, 170 et note (2), 172 et 187. Hamon» (W.) chirurgien anglais venu en 1630, p. 358. hasina, hommage rendu au souverain considéré comme d’essence divine, p. 44 note (1). HASsTIE, sous-officier anglais, agent de Sir Robert Far- quhar, p.160 notule(a),164-167,169 et note(1),172, 175, 177, 179 note (3), 186-191, 194, 196 note (2), 200, 201 et note (2), 203 et notes (1) et (3), 212 et notes (1), (2) et (3), 225 note (2), 226 note (1), 230 note (3), 236-239, 241, 249, 255 et note (1), 322 note (1) et 350 note (2). Co Havan’ Andriana, membres de la famille royale. HAver, chargé de mission auprès de Radama, p. 111 notule (b). hazomanga, monuments votifs en bois érigés par les Sakalava, p. 43. HELL, gouverneur de Bourbon, p. 280. Hezzvizze, port de Nosy bé, p. 280. Hemmy (O0. L.), chef de traité hollandais, p. 59 note (1). HERBERT (Tomas), voyageur anglais venu en 1626, p. 358. HERVIER — R. P. Finaz, p. 298, 300, 303, 306 et 308. HIARANANDRIANA, Ville d’Imerina, p. 41 note (3). HiLsENBERG, botaniste allemand, p. 186 note (4), 191 et notule (a), 219 note (2) et notule (a) et 249. Hima (Lac), près de l'embouchure de la Tsiribihina, p. 176. hoby, cri par lequel le peuple acclamait et approuvait le souverain, p. 47 notule (a). Hollandais, marins et colons venus au xvi® siècle et pendant la première moitié du xvue, App. I, B, p. 397. HozzanDrA, navire hollandais venu en 1625, p. 357. HozLANDscHEkERcKOF (Cimetière des Hollandais), nom donné à Nosy Manitsa, p. 27. Hozsr, marin danois, p. 66 note (1). HoussEein, chef antalaotra, p. 201, 202 et 206. Hourman (CorNezis DE), amiral hollandais, p. 27, aut. cit., p, 32 note (1) et notule (a), 33 et 357. Houvs — Hova, p. 58 note (2). Hova, nom donné aux chefs, puis à une caste et à un peuple, p. 37 et passim. hovalahy, hommes de la caste merina des libres, p. 52 note (3) et notule (a). hovavavy, femmes de la caste merina des libres, p. 52 note (3). Hovenver, imprimeur de la L. M.S., p. 247. Howe (Mme Sonra), aut. cit., p. 158 note (2). Hucon (BarTHELEMY), traitant créole, aut. cit., p. 38 note (1) de la page 37], 111 notule (a), 119 et 154 et note (3). IALAMASINA, ville d’Imerina, p. 359. IAMBOAsALAMA — Andrianampoinimerina, p. 44 no- tule (a). TAMBOASALAMANJARAKA — Ramboasalama — Andri- anampoinimerina, p. 70 note (1). Iarivo, ville d’Imerina, p. 41 note (3). IFANDANANA, ville betsileo, p. 157 et 224. IFANONGOAVANA, ville d’Imerina, p. 38 notule (b), 49 notule (b) et 50 [notule (b) de la page 49]. IFasiNA, province du Sud-Est, p. 293. IHARANANY, village betsileo, p. 156 et 224. Ixosy, ville bara, p. 277. 384 IxALABÉ, femme qui a apporté Rakelimalaza en Imerina, p. 48 note (1). IxraLoy, ville d’Imerina, p. 41 note (3). Ixonco, ville et forteresse naturelle des Antanala, p. 224 et 275. IxopA, affluent de la Betsiboka, p. 55 notule (a), 58, 61, 94, 250, 309 notule (a) et 352. IxoroBé, nom donné au premier canon apporté à Madagascar, p. 282 notule (a), et 283. Izary, ville d’'Imerina, p. 41 note (3), 62, 73 et note (&), 76 et notes (1), (2) et (3) et notule (a), 78, 86 notule (a), 253 notule (a), 268 et 359. Izary, une des douze montagnes royales, au Nord de Tananarive, p. 135 notule (a). ILALANGINA, province du Betsileo, p. 104 et note (6), 106 et 157 note (1). Izes sTÉRILES, archipel de la côte Ouest, p. 357. Imamo, région à l'Ouest de l’Imerina, p. 42 note (4), 60 et note (4), 77 note (6), 79 notule (b), 92 et note (1) et notule (a), 97, 149 note (2), 238 note (2) et 246 note (2). IMANAMBOLA, village de l'Ouest de l’Imerina, p. 192. ImMANANDRIANA, Ville d’Imerina, p. 41 note (3). Imanpra, poste merina, p. 277 notule (a). ImeriNA, nom de la province centrale de Madagascar, p. 37 et passim. ImEeriNA, nom donné au royaume de Ralambo, p. 50 et note (1). IMERIMANDROSO, ville d’Imerina, p. 41 note (3), 89 et notes (3) et (4) et 95. ImoronaA, région du Sud-Est de Madagascar, p. 48 note (1) et 213. Indépendants, secte religieuse, p. 345. Inpevoir, navire anglais venu en 1644, p. 358. INFATIGABLE (L’), gabarre française, p. 258 note (4). Iomgy SALAMA, seconde fille de Ramanetaka, p. 253 notule (a). Iomsy Sopy, fille aînée de Ramanetaka, p. 253, notule (a). IsarA, province du Sud-Est de Madagascar, p. 293. IsaLo, ville bara, p. 275 et 276. IsanprA, province du Betsileo, p. 104, 106 et 157 note (1). IsoraKA, localité d’Imerina, p. 318 notule (a). Isorry, quartier de Tananarive, p. 291 et 354 note (1). Irasy, lac au Sud-Ouest de l’Imerina, p. 42, 55 notule (a), 60, 77 note (6), 92 et 316 note (2). Ivaro, localité du Nord-Ouest de l’Imerina, p. 94. IvonpronA, rivière et village près de Tamatave, p. 163 note (2), 165, 193, 260 et 267. J Jacques L’Écossais, matelot français, p. 22. jamoka = omby = bœuf. JANGoA, fleuve de la baie d'Ampasindava, p. 286. JANJINA, ville sakalava, p. 183, 272 note (2) et 334. TABLE ALPHABÉTIQUE Javanais, venus en Imerina au xvie siècle, p.45 notule (a). JEAN-RENÉ, mulâtre, chef de Tamatave, p. 120 note (2), 159 note (1), 163 et note (1), 164, 169, 172, 189 note (1), 191 note (1), 194, 198, 211, 212 et 261 note (1). JEFFREYS (REv. J.), missionnaire anglais, p. 190 et 249. JEFFREYS (Rev. J. ET Mme), missionnaires anglais, p. 243 et note (1) et 245 note (1). JEUNE-ÉMiLe, bateau de la maison Rontaunay, p. 267. J'iny, reliques des rois sakalava, p. 125 [notule (c) de la page 123]. Jonns (Rev. D.), missionnaire anglais, p. 212, 245 note (1), 342 [note (2) et notule (a) de la page 341] et 345. JOHNS ET FREEMAN, voir Freeman et …… JoHNsON (CH.), aut. cit., p. 35. Joza, rivière du Nord-Ouest, p. 210. Jones (Rev. Davip), missionnaire anglais, p. 172, 186 et note (1), 187, 190-192, 218 note (2), 227 note (1) et notules (a) et (b), 241 et note (2), 242, 284 note (1), 246 note (2), 247 et 341 note (1). Jones (Rev. Er Mme), missionnaires anglais, p. 173 et notes (1) et (2). Josepx — R. Père Webber, p. 309 et 314 et note (1). JouEn (R. P.), missionnaire catholique français, p. 299 [note (2) de la page 298], 300, 308-310, 322, 348 et 349 note (1). JOURDAIN (CAPITAINE), aut. cit., p. 218 note (2), 258 note (3) et 261 note (1). Juan (Dom), roi de Portugal, p. 2 et 23. JuAN III (Dom), roi de Portugal, p. 17. Juan DE Nova, île du canal de Mozambique, p. 268. Juces II (PAPE), p. 18. JuLiEN (G.), aut. cit., p. 44 notule (a), 123 note (2), 124, 127 note (2), 128 notes (1) et (2), 129 notes (1), (2), (4) et (5), 130 notes (2) et (4), 131 note (6), 132 notule (a), 135 notes (2) et (3), 136 notule (a), 140 notes (4) et (6), 141 notes (2) et (3), 147 note (1), 151 [notule (a) de la page 149], 225 note (4), 232 notule (a), 239 note (1), 256 note (2), 318 notule (a), 335 note (3) et 337 note (1). JuLien (Car), nom donné au Cap Sainte-Marie, p. 33. J'ULIETTE (PRINCESSE) — Fiche (Juliette). Jury (A.), aut. cit., p. 37 notule (a), 72 notule (a), 76 notule (c), 172 [notule (b) de la page 171], 268 note (1), 320 note (3) et 354. K kabary = assemblée publique. Kamites, groupe anthropologique, p. 38 [notule (a) de la page 37]. € Kamoro, fleuve du Nord-Ouest, p. 204. TABLE ALPHABÉTIQUE 385 KanBaLou [probablement Anjouan], p. 2. Kapany, localité sakalava, p. 210. KARAKAJORO, île au Nord-Ouest de Madagascar, p.209. KarimBoLy, région de la côte Sud, p. 357. Karsepy, pointe occidentale de la baie de Majunga, p. 202 et 207. KeeziNe (Wicram), voyageur anglais venu en 1608, p. 358. KEeLimaLAzA, talisman merina dont le sanctuaire était Ambohimanambola, p. 64 [notule (b) de la page 62], 69, 93 [notule (i) de la page 92], 125 [notule (c) de la page 1231, 215, 340 notule (a) et 359. KezisAmBAYy, nom donné à tort à Lahitsambé, p. 174 note (3). KezisamBAY, souverain sakalava, frère de Ramitraho, p. 272 et 278. Kezzy (WiLLrAm), officier de marine anglais, p. 281, 282 note (4), 297 notule (a) et 351. Kew, aut. cit., p. 33 note (2). Kinc BaBa — Marotoetsa, souverain sakalava, p. 276 note (4). Kincpon (A.), aut. cit., p. 65 note (1). Kiomsixi80, ville sakalava, p. 264. KiririoKkA, ville du Betsileo, p. 103 et 104, KircinG (RE v.), missionnaire anglais, p. 342 note (3). Komoro, nom ancien de la Grande Comore, p. 2 note (5). L LaBorpe (CLÉMENT), fils de Jean Laborde, p. 316 notule (a), aut. cit., p. 320 note (2). LAaBoRDE (JEAN), p. 145 note (2), 253 notule (a), 266, 267, sa biographie : 268-270, 271, 283, 284, 285 note (1), 289 notule (a), 291 et notes (1) et (2), 286, 295, 298 et note (2), 299, 300 notule (a), 301 [notule (b) de la page 300], 303 et note (4), 304 note (2), 305, 307 et note (1) et notule (a) 310, 311, 313 et note (1), 314, 315, 316 note (1) et notule (a), 322 et note (1) et notule (a), 323 notules (a) et (b), 326 et note (2), 327,338 note (3) et notule (a), 343 note (3), 346 [note (4) de la page 345], 347 notule (a), 349 et note (2), 352 et note (1), 354 et note (3), 355 et note (2) et 363. LapourDonNais, navire français, p. 253 notule (a). LacaiLre, aut. cit., p. 153 note (1), 219 note (2) et notule (b), 221 note (2), 246 note (3), 251 note (1), 277 note (1) et 344 note (1). La CErDA (MANoEL DE), marin portugais venu en 1527, p. 357. Lacroix (MARTIN), envoyé du gouverneur de Bourbon p. 159. LAFFITTE (GÉNÉRAL), gouverneur de l’île Bourbon, p. 172. LaArITAU (P.), aut. cit., p. 15 note (3). LAGouciNE (CommANDANT), aut. cit., p. 185 notule (a). HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. LaniImAINTYy, chef sakalava, p. 182. LAHITSAMBÉ, frère de Ramitraho, p. 174. Lakaoly, femmes attachées à la personne de la souve- raine d’Imerina, p. 124 [notule (c) de la page 123]. lamba — vêtement national malgache. LAMARTINIÈRE, géographe du xvirre siècle, p. 2 note (6). LamBerT (Josepu-FRANÇoIs), p. 253 notule (a), 266 sa biographie : 270-272, 292 notule (a), 298, 299, 300 et note (2) et notule (a), 301 [notule (b) de la page 300], 303 et note (4), 304-306, 307 et notule (a), 308 et note (2), 310 et note (2), 311, 313, 314, 315 et note (2), 316 notule (a), 347 notule (a), 349, et 362-364. Lancaster (CAP. JAMES), marin anglais venuen 1601, p. 358. Lancurpoc (Mme), sœur de Mme Droit, p. 253 no- tule (a). La PENSÉE, navire de J. et R. Parmentier, p. 21. La Ressource, localité de l’île Bourbon, p. 308. La SALLE (JAcQUEs DE), compagnon de Benyowsky, p. 38, 77 note (4), 84 note (2) et 213 [note (3) de la page 212]. LaAsTELLE (CHARLES DE), frère de Napoléon de Las- telle, p. 267 et 268. LASTELLE (NAPOLÉON DE), sa biographie : p. 266-267, 283, 296, 298 et note (2), 299, 308, 350 et 351 et note (1). LASTELLE DU PRÉ (LIONEL DE), petit neveu de Napo- léon de Lastelle, p. 267. LA VaissiÈèRE (R. P. DE), aut. cit., p. 253 notule (a), 300 [notule (a) de la page 299], 306 note (2), 308 note (1) et 312 et note (2). La VAISSIÈRE (DE) ET ABINAL (R.R. P.P.), voir Abinal et …… LAVERDANT (DÉsiRÉ), aut. cit., p. 171 note (2), 219 note (3) et 260 notule (a). LazaINA, ville d’Imerina, p. 53. LEe8BEL, traitant, p. 120 notule (a). LEBLonp (Marius-Ary), aut. cit., p. 164 note (2). LE BourG (RoGer), marin français, p. 358. LE BruN (Rév. J.), missionnaire anglais, p. 227 notule (a). LEeBruN (RÉv.), missionnaire anglais, p. 311 et 313. Le Cernéen, journal français publié à Maurice, p. 307 notule (a). Lecros (Louis), architecte du tombeau de Rada- ma Ier, p. 218 note (2) et 250 note (2). Lemos (DuaARTE DE), marin portugais, p. 14. LEmPonA, affluent de l’Onivé, p. 77 notule (a), 78 et 79 notule (b). Le SAcRE, navire de J. et R. Parmentier, p. 21. LESAGE (CAPITAINE), aide de camp de Sir Robert Farquhar, en mission à Madagascar, p. 159 note (3), 160 notule (b), 161 et notes (1) et (2), 162, 163 166, 231 et 232. L. M. $. = London Missionary Society. Locke Lewis, gouverneur de Maurice, p. 212 note (3). 49 386 Lonewiscksz (W.) — G. M. A. W.L., aut. cit., p. 32 note (2). LonasanaA, localité de l’Ankay, p. 354. LoxanrsAnTsA, baie de l’île Sainte-Marie où est l’îlot Madame, p. 30. London Missionary Society = L. M. $. Société pro- testante de missionnaires anglais. Lopes (Dioco), voir SequEIRA (Dioco LoPEs DE) amiral portugais, p. 14 et 15. L'Ormeiz (ou LormEeiL), marin français, p. 358. Louis XVIII, roi de France, p. 170, 179 note (3), 196 et 218 note (3). Louis-PaiziPPe, roi des Français, p. 262 et note (1). Lozier (Bouver DE), voir BOUVET DE LoZIER. Lune (ÎLE DE LA), nom donné à Madagascar par Pierre de Covilham, p. 2. Lyazz (Rogerr), agent anglais, successeur de James Hastie, p. 212, 255 et note (1) et 256 et note (1). M Macé Descartes, aut. cit., p. 352 note (2). MacxkAu (BARON DE), officier de marine français, p. 173 et note (1). MackaAu (AmIRAL DE), ministre de la Marine, p. 289. Macoupir, géographe arabe, p. 2 note (1). Mapame, ilot de la côte Sud-Ouest de l’île de Sainte- Marie, p. 30. MAEVAMAHAMAY, province sakalava, p. 202. MauaAso, ville sakalava, capitale du Menabé, p. 38 notule (b), 66 note (5),183, 272 note (2), 277 notule (1), 278 et 334. ManaraALy, pays et peuplade du Sud-Ouest de Mada- gascar, p. 32 et 38 [note (1) de la page 37]. MaxacoLo, localité du Nord-Ouest, p. 348. ManayJamBA, baie et fleuve du Nord-Ouest, p. 8 et note (1), 25 et 204. MaxasomARy, fils de Ra-Koba-Hajy, p. 37 notule (a). MaHAMANINA, ville de la région orientale, p. 293. MaHamAsINA — Mahamanina, p. 293 note (1). ManamasiNA, le Champ de Mars de Tananarive, p. 125 [notule (c) de la page 123], 224, 287, 289 note (1), 305 notule (a), 316, 317, 333 note (1), 341 [note (4) de la page 340] et 344. MaAHANDRIHONO (Ambohimanga), p. 114. Mananpry, demeure royale à Ambohimanga, p. 72 notule (a). Maxaxworo, ville et port de la côte orientale, p. 38 [note (1) de la page 37] et 350. Manasoa, localité près de Tamatave, p. 267. MaxasoLo, poste merina, p. 277 notule (a). ManarTsiNIO, ville d’Imerina, p. 57. MAHATSINJO, poste merina, p. 277 notule (al. Manavazy, talisman merina, p. 215 et 340 notule (a). Manavavy, voir MANJARAY. MaAnAzoARIvo, résidence de Radama Ier. MaAxazoTANY, drapeau blanc qui accompagnait le talisman Manjakatsiroa, p. 95 note (1). TABLE ALPHABÉTIQUE MaxHazovoLA, drapeau rouge qui accompagnait le talisman Manjakatsiroa, p. 95 note (1). MAxELA, ville et port de la côte orientale, p. 267, 268, 276, 292 note (2) et notule (a), 350 et 352 note (3). Maxirsy, résidence royale dans le Rova de Tana- narive, p. 257 [notule (a) de la page 256] et 327. Marzroux, médecin français, p. 319. MainTimAso, ville de l’'Ambongo, p. 266 notule (b). MainTiRANO, ville de la côte occidentale de Mada- gascar, p. 22 note (2). Mainry = Tsiarondahy, classe d’esclaves du souve- rain, p. 99, 318 notule (a), 330 note (4) [et notule (a) la page 331] et 338 note (2). Mason (H.), aut. cit., p. 15 note (3). MasuxcA, ville et port de la côte Nord-Ouest, p. 84, 110 notule (b), 164 note (2), 199, 201-204, 206-209, 253 notule (a), 265, 295 note (4) et 304. MaraimBaAnDy, ville sakalava, p. 183, 272 note (2), 277 notule (a) et 334. MazaTa, metis d'Européens et de Malgaches, p. 212. Mazinoi, ville de la côte orientale d’Afrique, p. 21. Mazzac (R. P.), aut. de l’Histoire du royaume hova, p. 40 note (1) et passim. ManariAry, nom de Sainte-Luce, p. 19 note (2). MaxamBoLo, fleuve de la côte Ouest, p. 21,22 note(1) et 110 notule (a). MANAMBONINAHITRA, Officiers de l’armée, attachés à la cour du souverain, p. 88 note (1) et 124 [notule (c) de la page 123]. MANAMPATRANA, fleuve de la côte orientale, p. 293 et 294. Manampiso4, un des palais du Rova de Tananarive, p. 123 note (1) et 327. Mananara, rivière dans l'Est de l’Imerina, p. 99 et 113. Mananarivo, résidence de Ramitraho, p. 177. MANANAREZA, rivière près de Tamatave, p. 164, 172 et 194. MananpazA, fort merina, p. 272 et 277 notule (a). MANANDRIANA, province betsileo, au Nord du Mat- siatra, p. 102. Manansary, fleuve de la région orientale, p. 214 note (1). MananyJarY, ville et port de la côte orientale, p. 194, 198 et note (4), 199 note (3), 267, 345 note (2) et 350. MananrTa, rivière de l’Antsihanaka, p. 101 note (4). Manazary, ville de l’Imamo, près du lac Itasy, p. 60 et 92: ManpamokA, marais près d’Ambohipeno, p. 48 note (3). MaxpezsLo (J.A.), voyageur hollandais venu en 1639, p. 357. MANDIAVATO, province et peuplade du Nord-Est de l’Imerina, p. 62, 67, 72 et note (3), 88 note (1), 89 note (4), 90 note (5), 91, 106 note (3) et 124 note (1). ManprARivo, poste merina, p. 277 notule (a). TABLE ALPHABÉTIQUE Mandrozy, chant populaire, p. 361. Manenpy, clan du Marovatana, p. 52 note (3), 94 note (5), 107 note (2), 112, 131 et note (6), 202, 205 note (1) et 331 notule (a). MANERINERINA, localité et plaine du pays sakalava, p. 42 note (4), 283 et note (1) et 286. Maeva, ville du Menabé, p. 101 note (4). MaxcaBé, montagne à l'Ouest d’Ambohimanga, p. 72 notule (a). MançcaLorE, ville de l’Inde, p. 19. ManGarANoO, clan de Tsiarondahy, p. 318. Manceor (A.), négociant de Port-Louis, Maurice, p. 297 notes (1) et (2) et notule (a). Mancoxy, fleuve de la côte occidentale de Mada- gascar, p. 20, 21 note (1) et 278. MaAxGoro, fleuve de la région orientale, p. 214 note (1). Man:1A, rivière du Betsileo, p. 103. MaxisorrA, clan du Sud de l’Imerina, p. 52 note (3), 65 et note (2), 77 notule (a), 79 notule (a), 80 [notule (b) de la page 79]. 83, 90, 91, 95-97, 103, 107 note (2), 112 et 131 et note (6). Mana, ville du Menabé, p. 277 notule (a) et 334 et note (1). MAN3AKAMIADANA, Palais royal, à Tananarive, p.131 note (2}, 134 note (2), 269, 309 notule (a), 317, 326 et notes (1), (2) et (3), 327 et note (1), 353 et 367. MANJAKATSIROA, talisman merina, p. 48 note (1), 95 et note (1}, 113, 225, 256, 327, 328, 340 note (1) et notules (a) et (b) et 359. ManyaxkaAzAFy, une des douze montagnes royales, à l'Ouest de Tananarive, p. 135 notule (a). Mansaray où Manavavy, rivière du Nord-Ouest p. 264 et 266. Manxary, localité sihanaka, p. 197 notule (a). Manoez (Dow), roi de Portugal, p. 10, 13, 15-17. ManoniLaAxy, ville sihanaka, p. 100. Maxrasoa, ville du Sud-Est de l’Imerina, siège des usines de Laborde, p. 102 note (2), 268-270, 299, 309, 353, 354 et note (3), 355 et 358. MarauaA, pays sakalava, p. 205. Marco Pozo, voyageur vénitien, p. 2. MarescHAL DE BIEVRE (COMTE G.), aut. cit., p. 152 notule (b). MarraNo (R. P. Luis), missionnaire portugais, p. 19 et note (2), 37 note (1), 45 note (1) et 357. Marie, maîtresse du prince Rakoto, p. 319. MariEeLp, pseudonyme du Commandant Lagougine, p. 185 notule (a). Marins ou colons européens venus à Madagascar depuis sa découverte jusqu’au milieu du xvre siècle, App. I. p. 357. Marius, compagnon de Jean Laborde et de Lambert, p. 316 notule (a). Mario, aut. cit., p. 268 note (1). Marzowe (Epmonp), marin anglais venu en 1612, p- 358. Maro41, village de la baie d’Antongil, p. 212 note (1). MAROANTSETRA, Ville de la côte Est, p. 358 note (1). 387 MAROrOTOTRA, province sakalava, p. 202. Marouazo, ville du pays sakalava, p. 38 notule (b), Maromanompo, fils aîné d’Andrianamboatsimarofy. p. 84 note (1) et 86 notule (a). Maromgy, ville de l’Antsihanaka, p. 101 note (4). MaromenA, clan de l’Imerina, p. 80 [notule (b) de la page 79]. MAROSERANANA, famille de rois sakalava, p. 4 et 125 [notule (c) de la page 123]. MaROSERANINA, réunion des Grands du royaume, p. 228 et notes (1), (2) et (3). MaroToETsA, souverain sakalava, p. 276. MAROVATANA, province et clan du Nord-Ouest del’Ime- rina, p. 41 note (3), 62, 68, 86 notule (a), 89 note (4) 93, 95, 99, 106, 108, 138, 148 note (3), 179 note (3] et 233 [notule (b) de la page 232]. Marovoay, ville du Boina, p. 112 note (2), 202 et 208. MarTiN (FRANÇois), de Vitré, colon français venu en 1602, p. 357. MaAscAREIGNES, navire de M. notule (a) et 299. MaAscaREIGNES (ILES), esclaves vendus aux ….. p. 80 note (2). MasraNaKA, rivière de la région orientale, p. 298. Masixoro, baie du Sud de Madagascar, p. 23. MAsoOANDROTSIROA, maison dans le rova de Tanana- rive, p. 59 note (1). Massazr = Boina, p. 66 note (1). MaAssELAGE, baie dite maintenant de Bombetoke, p. 59 note (1). MATITANANA, fleuve, ville et région de la côte orien- tale, p. 8, 12, 14-17, 66 note (5) et 293. MarsaATso, talisman merina, p. 64 [notule (b) de la page 62]. MarsrATrA, rivière du Betsileo septentrional, p. 102, 104, 106, 140 note (1) et 232 note (3). Maurice (1LE), une des Mascareïignes, p. 33 et 158. mavo pava = famine, p. 70. Mayeur, aut. cit., p. 52 note (3), 71 note (1) et notule (a), 76 note (4), 77 et notes (3), (4), (6) et (7) et notule (a), 78 et note (1) et notule (a), 79 note (1) et (2) et notules (a) et (b), 80 et note (2), 81, 82 et note (1), 83 et note (1), 84 note (3), 149 et note (2), 213 [note (3) de la page 212] et 222. Mayorre, une des îles Comores, p. 33, 209, 210, 253 notule (a), 264 note (3) et 265. MazALAGEM, îlot dans la baie de Mahajamba, p. 26. menabé, sujets libres du domaine royal. MENABÉ, région sakalava, à l’ouest de l’Imerina et du Betsileo, p. 38 notule (b), 66 notes (1) et (5), 110 et note (1) et notule (a), 174, 175, 177, 179, 182, 183 et note (4), 184, 185 et notule (a), 199, 206, 213, 216 [notule (a) de la page 215], 254 note (1), 272 et note (2), 277 et notule (a), 278 et 357. MENABEROARIVO, royaume d’Andriamanalinarivo p. 103 note (2). menakely, vassaux des seigneurs féodaux. Lambert, p. 292 388 Menamaso, compagnons et confidents de Radama II, p. 300 [et notule (a) de la page 299], 319 et 333 notule (a). Mexeces (Dom Frey Azeixo), archevêque de Goa, p. 20 notule (a). Mexeces (Luis pe), marin portugais, p. 21 notule (b). Mexneces (Manor TELES DE), marin portugais, p. 8, 11 et 357. Mexeces (Dom Jorce DE), gouverneur de Mozam- bique, p. 26 et 27. MExnou, correspondant de Jean Laborde, p. 307 note (1). MERILLON, tailleur de Ranavalona I°°, p. 289 note (1). MERIMANDROSO — Imerimandroso, p. 41 note (3). MERIMANJAKA, Ville d’'Imerina, p. 40, 41 et note (3), 44, 46, 49 notule (b), 50 [notule (b) de la page 49], 145 notule (a), 358 et 359. MEniNa, habitants de l’Imerina, p. 37 et passim. MERINKASININA, ville d’Imerina, p. 48, 49 (note (1), 62 et 92 note (2). Meuse (La), frégate française, p. 258. Mrarorso, ville d’Imerina, p. 94, 101 (note (4) et 224. MippezBorcH, navire hollandais venu en 1625, p. 357. MinpzeBurG, navire hollandais venu en 1699, p. 33. Minpceron (Davip), marin anglais venu en 1607, p. 358. MippzeTon (sir HENRY), marin anglais venu en 1610, p. 358. Mipowcy, ville sur les confins du Betsileo et du Menabé, p. 182, 277 notule (a) et 334. Mira, nièce d’Andriantsoly, p. 207. MixraLA, roi du Menabé, p. 110 note (1) et notule (a) et 174. MiLAnyJA, province sakalava, p. 205 note (2). MizHET FonNTARABIE, chirurgien français, p. 308, 309, 310 et 314 note (1). Mizius (BARON), gouverneur de Bourbon, p. 154 note (4), 159 note (4), 167 note (1), 170, 179 note (3) et 188 note (2). Mirsi0, archipel au Nord-Ouest de Madagascar, p. 279. Mivavy, peuplade de l’Ambongo, p. 266 note (1). Mocpicxo, ilot sur la côte orientale d’Afrique, p- 2. Moxezt, une des îles Comores, p. 253 note (1) et notule (a) et 353 note (2). Mozrrarp (pe), commandant de La Bacchante, p.197. MonpaIN (GusTAvE), aut. cit., p. 186 note (1), 277 note (2) et 340 notule (b). Moxri4, île de la côte orientale d'Afrique, p. 210. MoxirA, chef du Maraha, p. 205. Moxop-DucimeTiÈRE, lieutenant d'infanterie de marine, p. 282, note (2). Monruorency (flotte dite : de), p. 357. Moore (Jon HAMILTON), aut. cit., p. 33 note (2). Moorsom (commoporEe), officier de marine anglais, p. 154 et note (2), 193 et 196 et notes (1) et (2). MoromBé, baie du Sud-Ouest de Madagascar, p. 17. TABLE ALPHABÉTIQUE MoronpaAvA, fleuve et ville de la côte Ouest de Mada- gascar, p. 29 et 277. MPANALINA, souverain betsileo, p. 112. mpanjaka, nom malgache désignant les souverains p. #1 note (3). Mpivavaka = Priants, confrérie religieuse ou plutôt parti politique, p. 345 note (1). Musique, hymnes nationaux, p. 360. App. IV. Musser (G.), aut. cit., p. 24 note (3). N NacquarT (R. P.), missionnaire français, p. 19. NamakiA, montagne au Nord-Ouest de l’Imerina, p. 200 note (1). NAMEHANA, ville d’Imerina, p. 41 note (3) et 359. NamEnaANA, une des douze montagnes royales, au Nord de Tananarive, p. 135 notule (a). NanprxizANA, nom donné à Kiririoka, ville betsileo, p. 104 et note (1). NaPoLéon Ier, p. 120, 172 [notule (b) de la page 171] et 218 note (3). NaPoLÉON III, p. 271, 290 [notu'e (a) de la page 289], 298 et note (2), 300 notule (a), 306, 363 et 364. Naraz (car), nom donné au cap d’Ambre par Tristan da Cunha, p. 10. NATTES (ILE DES), au Sud de l’île de Sainte-Marie p. 29. Neck (CorNELis VAN), marin hollandais, p. 32. Négritiens, groupe anthropologique, p. 38 [notule (a) de la page 37]. NEwPorT (CHRISTOPHER), marin anglais venu en 1613, p. 358. Nicoze, père de Mme Drieux, p. 198 note (4). NIENGANTSOA — Mahabo, p. 278 note (1). Nièvre (La), corvette de charge française, p. 258 note (4). Nièvre (La), navire de guerre français, p. 262 note (1). Noëz (Vicror), aut. cit., p.38 notule (b)et112 note (2). Noëzr, lieutenant d’infanterie de marine, p. 282 note (2). NostriTo, lieu de pèlerinage dans l’Est de l’Imerina, - p. 113, 114, 214 et 316 note (2). Nossa SENHORA DA BARCA, navire portugais, p. 25. Nosy 8é, île du Nord-Ouest de Madagascar, p. 265, 266 notule (b), 279, 304, 348 et 349. Nosy FALy, île du Nord-Ouest, p. 279. Nosy KowgaA, île du Nord-Ouest, p. 279. Nosy Lancany = Nosy Manja, île de la baie de Mahajamba, p. 208. Nosy MaxnirsA, îlot à l’entrée de la baie d’Ampalaza, p. 27. Nosy Mana = Nosy Langany, p. 9 et 208. Nosy Marosy, île dans la baie d’Antongil, p. 31, 32 et 34. Nosy SaLo, lieu de sépulture des anciens rois du Menabé, p. 177. TABLE ALPHABÉTIQUE Nosy Tranovaro, nom donné par les Malgaches à l’ilot de Fanjahira, p, 18. Nosy VÉ, île près de l'embouchure de l’Onilahy, p. 28. Nourse (commopore), officier de marine anglais, p. 199, 200, 201 et 203 et note (3). Nouveau MassALÈGE, nom donné à la baie de Boina, p. 58 note (2). O OanriTsy, souveraine sakalava, sœur d’Andriantsoly, p. 207, 209, 210, 264-266 et 278. Oziver (Cap. S. PasrieLp), aut. cit., p. 170 note (3). OmgtrorTsy, rivière limitant l’Imerina à l'Ouest, p. 60 et note (4) et 98. omby = bœuf. omby mifotitra, forme de serment de fidélité au sou- verain, p. 82 note (2) et 359, App. III A. ondry = mouton. OxiLAny, fleuve du Sud-Ouest, p. 28 et 292 notule (a). Oxivé, rivière du versant Sud de l’Ankaratra, p. 77 notule (a) et 79 notule (b). OnTaivaA, clan vazimba de l’Ankaratra, p. 358. Oowa — Hova, p. 77 note (4). Osorio (JEroME), [Hieronymus Osorius], aut. cit., p. 13 note (1). OuwerKkERE, navire hollandais, venu en 1627, p. 357. Ovaxs — Hova. Ovas = Hova. Oves — Hova. Owen (Ct), officier de marine anglais, hydrographe, p. 191 notule (a) et 202 note (1). OzA, souverain sakalava, p. 199 note (2) et 210. P Panon-DesBassayns (PAUL) — baron de Richemont, voir Richemont (baron de). PararT, employé du Gouvernement français en 1714, p. 66 note (1). Paré, délégué de l'administration de Bourbon, p. 308. PÉRIER D'HAUTERIVE, traitant, p. 303. PAarMENTIER (JEAN), marin français, p. 21, 23 et note (1) et 357. PARMENTIER (RaouL), marin français, p. 21, 23 et note (1) et 357. Papous, peuplade de l’Océanie, p. 38 [notule (a) de la page 37]. PassoT (cAPITAINE), commandant supérieur de Mayotte, p. 253 notule (a), 279 et 280. PEDRALUAREZ CABRAL, amiral portugais, p. 5. PEeDREANES, marin portugais, p. 15 et 357. Pezzior (Pau), aut. cit., p. 2 note (3). PExo, traitant, p. 120 notule (a). Pereira (HEeNRIQUE), chef de traite portugais, p. 16. Pereira (JEAN Ropriques), marin portugais, p. 11 et note (1), 14 et 357. 389 PEREIRA (Ruy), marin portugais, p. 11. PERLE (LA), navire français, p. 253 notule (a). PetTeirA (Dioco FERNANDES), marin portugais, p. 6 et 357. Preirrer (Mme Ip4), voyageuse autrichienne, aut. cit., p. 145 note (2), 272 note (1), 283 note (4), 307 et note (3) et notule (a), 310 et note (4), 314, 315 note (1), 316 note (1) et notule (a), 322 notule (b), 331 note (3), 347 note (2) et notule (a) et 367. PHAETON, frégate anglaise, p. 164 note (3) et 167 et notule (a). PxiLiBErT, grand-juge merina, p. 319 note (3). phulo = filohany, nom donné aux chefs par les Hollandais, p. 30, 31 et 33. Picoron, traitant, p. 352 note (4). PiNA (Car. Joao CARDOso DE), marin portugais venu en 1616, p. 357. Pinson, ouvrier français, p. 259 note (3). PiNKEïRo (Jo4o), marin portugais, p. 12 note (1). Pitre, marin hollandais venu en 1618, p. 357. PoiNTE A LARRÉE, établissement français sur la côte orientale, p. 196, 197, 212, 259 et note (5) et 261. PONTCHARTRAIN (DE), aut. cit., p. 66 note (1). Por ({ReEINIER), voir Reiïnier Por. Port-Louquez, ville de la côte orientale de Mada- gascar, p. 158 et note (3). Portugais — marins, colons et missionnaires venus au xvie et pendant la première moitié du xvur® siècle, App. I. A. p. 357. PowLe WALDEGRAVE, voyageur anglais venu en 1645, p. 358. Priants (Société des), secte religieuse et politique, p. 311 et 313. Pronis, gouverneur français venu en 1643, p. 358. PROSPÉRITÉ, goélette française, p. 171 notule (a). Provins, traitant français, p. 260 notule (a). PruNEs (ILE AUx), île près de Tamatave, p. 163 note (2). Purcuas, aut. cit., p. 33 note (2). Pye (T. R.), agent anglais, successeur de Lesage, p. 163, 164 et 167 notule (a). Pyrarp, de Laval, colon français venu en 41602, p. 357. R RaABaAsiVALO, beau-frère d’Andrianampoinimerina, D RABEARIVELO (J.-J.) et Baupin (E.), aut. cit., voir Baudin (E.) et … RaBepoka, chef de Vangaindrano, p. 213. RABEFIRAISANA, Chef Tsimahafotsy, p. note (1), 88 note (1), 99, 106 note (3) et 111. RaBEnazA, talisman merina, p. 113 note (4) et 226 notule (b). Rageniry, chef d'Ambohidratrimo, p. 71 [note (4) de la page 70], 94 note (6) et 95 note (1). 72, 74, 75 390 RABELANONANA, chef d’Ambohidratrimo, p. 71 [note (4) de la page 70]. RaBErTRANO, auteur d’un manuscrit historique, p. 49 notule (b). Ragigy, souverain merina, p. 45 et 47 note (3). Ragopo, sœur de Radama, épouse de Ratafy, p. 92 note (1). Ragopo, épouse de Mikiala, p. 110 notule (a). Ragopo, épouse du prince Rakoto (Radama Il), devenue reine sous le nom de Rasoherina, p. 309 notule (a), 317, 318, 319 note (1) et 349 et note (2). Ragoporany, neveu et fils adoptif d’Andrianam- poinimerina, p. 99 et note (2), 100, 111 notes (2) et (5) et notule (a) et 112 note (1). RABODOMANJAKANIMERINA, mère d’Andrianampoini- merina, p. 78. RABODONANDRIANAMPOINIMERINA — Ranavalona Ire, p- 399. RABODONANDRIANTOMPO, sœur d’Andrianampoini- merina, p. 216 [notule (a) de la page 215]. RABODONANDRIANTOMPO, fille de Ranavalonjanajana- hary, p. 319 note (1). RABODONIMERINA, épouse d’Andrianampoinimerina, p. 99 note (2) et 111 notule (b). RABODONIZIMIRAHALAHY, épouse d’Andrianampoini- merina, p. 116 note (5). RagoposanonprAa, mère de Ranavalona Ire, sœur de Radama Ier, p. 252 et note (5). RaBoky, chef de Baly, p. 266 notule (b). RaABoNE, aut. cit., p. 39 note (2). RapamaA Ier, souverain merina, fils d’Andrianam- poinimerina et de Rambolamasoandro, 1810- 1828, p. 44 notule (a), 49 notule (b), 87 notule (a), 88 note (3), 89, 92 note (1), 93 et note (1), 103, 111 et note (2) et notules (a) et (b), 112 et note (2), 113, 114 et note (3), 115-118, 120, 121, 122 et note {1), 123, son règne : 153-250, 252 et notes (1), (6) et (7), 253 et note (3), 257 [notule (a) de la page 256] 258 et note (1), 272 et note (2), 273 note (2), 274, 275 note (2), 276 note (4), 285, 287, 291, 295, 318 notule (a), 319, 320, 322 et note (1), 328, 329, 335 note (4), 336 note (3), 341, 346, 350 note (2), 352 note (3), 359, 360 et 367. RapamA Il, souverain merina, 1861-1863, p.44 notule (a), 49 notule (b), 132 notule (a), 258 et note (1), 269, 270, 285 note (1), 289 notule (a), 321 note (1), 322 notule (a), 333 notule (a), 352 note (3) et 362-364. RaADaMA (BAIE DE), dans le Nord-Ouest, p. 358. RaFANDrA, nom de souverains vazimba, p. 145 notule (a). RAFANDRAMANENITRA, SOuVerain vazimba, père de Rangita, p. 41 note (2), 49 notule (b) et 358 et note (1). RAFANDRAMPOHY, sOuvVerain vazimba, p. 41 note (2), 49 notule (b), 50 [notule (b) de la page 49] et 358 et note (1). RaranDrANA, nom de souverains vazimba, p. 41 note (2). TABLE ALPHABÉTIQUE RAFANDRANDAVA, souverain vazimba, p. 41 note (2) 49 notule (b), 50 [notule (b) de la page 49] et 358 et note (1). RAFAnNTAKA, talisman merina, p. 48 note (1) et 340 note (1) et notules (a) et (b). RararaLAHy, martyr indigène, p. 345. RararaLAny = Andriantiana, gouverneur de Foul- pointe, p. 252 et note (7). RaAFARALAHY, général merina, p. 157, 188 et note (4), 192 et note (2), 193, 194 note (1), 196 et 219 notule (c). RAFARAMAHERY, épouse d’Andriampandramaneni- tra, p. 50 [notule (b) de la page 49]. Rararavavy, mère d’Andriampandrana, chef vazim- ba, p. 358 note (1). Raroy, souveraine vazimba, vers 1525, mère d’An- driamanelo, p. 40, 41 et note (2), 44, 45 notes (3) et (5), 49 notule (b), 50 [notule (b) de la page 49], 145 notule (a) et 358 et note (3). RaAFoLoARIvO, épouse d’Andriantsitakatrandriana, p. 57. RAFOTSIMAROHAVINA, seconde femme de Ralambo, mère d’Andriantompokoindrindra, p. 47 et note (3). RAFOZEHENA, général merina, p. 185 et 213. RanariIAoNA (Mme Er Dr), aut. cit., p. 66 note (3). Ranaro = Rainivoninahitriniony, fils aîné de Raini- haro, p. 292. Ranaro, chef militaire merina, p. 311. RanaroLAnY, aut. cit., p. 290 [notule (a) de la page 289]. RAHENo, chef militaire merina, p. 292 notule (a). RanoLaTrA, nom donné à Raholatsy par les Merina, p. 178. RanoLarTsy, frère de Ramitraho, p. 174 et 176. Ranovy, frère de Radama Ier, p. 159. RAINANDRIANTSILAVA, frère de Rainimaharavo, p. 351. RAINIBEREVITRA, grand juge de Tamatave, p. 296. Raïninaro, ministre de Ranavalona Ier, p. 42 note (1), 252 note (1) et notule (a), 269, 273, 275-277, 285 note (1), 288 note (1), 289, 291, 295 notule (a), 317 note (3), 318 notule (a), 329, 352 note (3) et 354 note (1). RaïninaAsy, souverain sakalava, fils de Ramitraho, p. 277 et 278. RaïNisonarY, ministre de Ranavalona Ire, p. 252 note (1) et notule (a), 266 notule (b), 273, 275, 284, 288 note (1), 292, 294, 308-311, 312 et note (1), 313 et note (1), 314, 318 notule (a), 320, 321 note (2) et 323 notule (a). RAINIRETAKA, aut. cit., p. 297 notule (a). RAINILAIARIVONY, fils cadet de Raïniharo, p. 42 note (1), 55 note (2), 267, 292 note (2), 295 notule (a), 319, 333 notule (a), 337 note (4) et 352 note (3). RaAINILAMBO, général merina, p. 278. RAINIMAHARAVO, ministre de Rasoherina, Ranavalona Ire, p. 333 notule (a) et 351. RAINIMAHARO, général merina, p. 279 et note (1). et de TABLE ALPHABÉTIQUE Rainimagay, chef du peuple, p. 155. RaïnimaHAy, ministre de Ranavalona Ire, p. 216 [notule (a) de la page 215], 257 [notule (a) de la page 256] et 273. RaïinimaKA, général merina, p. 208. RaINIMAMBA, général merina, p. 277 et 278. RaiNIMANONJA, frère de Rainijohary, p.308-310 et314. RaAININDRANTSARA, souverain betsileo, p 104 note (6). RaINING1TABÉ, chef des Mainty, homme de confiance de Ranavalona re, p. 318 notule (a) et 338 note (2). RainiNcory — Ramahaisahy, ancien esclave devenu guerrier célèbre, p. 98. RarniNcory, chef des Mainty, esclaves du souverain, p- 331 notule (a) et 338 note (2). RainisoA — Ratsimandiso, p. 312 note (1). RarniTsaARALAFY, chef des Manisotra, p. 83. RaïINITSIANDAVAKA, gardien du talisman Zana- haritsimandry, p. 343 note (2). RAINITSIMISETRA, général merina, p. 266 notule (b). RarniTsiTsORAKA, gredin hova, p. 326 note (3). RAINIVONINAHITRINIONY, fils aîné de Rainiharo, ministre de Ranavalona Ire, p. 292 et note (1) et notule (a), 294 et note (4), 295 notule (a), 299 [note (2) de la page 298], 311, 313 note (1), 320, 321 note (2), 333 notule (a) et 337 note (4). RaiInTsiHE VA, zélé chrétien, p. 343 note (2). RasAokaARiIvony, souverain betsileo, p. 157 note (1). RakELIMALAZA = Kelimalaza, talisman merina, p. 48 notes (1), (3) et (4) et 263 note (4). RAKETAKA, fille de Rasalimo, p. 216 [notule (a) de la page 215]. Raxizoarivo, gouverneur de Midongy, p. 183. Ra-KoBa-Hasy, ancêtre Andriana, p. 37 notule (a). RaxorTo (PRINCE) — RAKOTON-DRADAMA, fils de Ranavalona Ire, a régné sous le nom de Radama II, p. 253 notule (a), 258 et note (1), 270, 271, 274, 284, 290, 291, 295 et note (2) et notule (a), 298 et note (2), 299 notule (a), 300 notules (a) et (b), 301 [et notule (b) de la page 300], 303 et note (4), 304 note (2), 305 et notule (a), 307 et notule (a), 311, 312 et note (1), 309 notule (a), 313 note (2), 314 notes (1) et (2), 316, 317, 318 et notule (a), 319 note (1), 320, 321, 322 note (1), 323 notule (a), 326 note (3), 346, 347 notule (a), 348 et 349 et note (2). RaxorToBé (PRINCE), neveu de Radama Ier, p. 215 note (3), 216 [notule (a) de la page 215] et 252 et notes (1) et (2). RaxoromaAvo — Andriambelomasina, p. 68. RaxoTovaxiny, neveu et fils adoptif d’Andrianam- poinimerina, p. 99 et note (2) et 100. RazauiForsy, général merina, p. 214 note (2). RALAHITOKANA, fils d’Andrianjafy, p. 71. RazamBo, souverain merina, p. 40 note (1), 42, 44 notule (a), 45 et note (4), son règne : 47-54, 56 note (2), 142, 145 notule (a), 180 et 358. RaLamBo, souverain betsimisaraka, p. 293. RALEIMANAHARY, nom attribué à la mère de Rada- ma Ier, p. 153 note (3). 391 RaLesokA, sœur d’Andrianampoinimerina et épouse d’Andrianamboatsimarofy, p. 88 et note (4), 125 [notule (c) de la page 1231, 216 [notule (a) de la page 215], 318 notule (a) et 359. Ramanarsany — Rainingory, esclave d’Andria- namboarinandriamanitra, p. 98 et notes (2) et (3). RAMAHARIARIVO, chef du Sud-Est, p. 213 note (1), RAMAHATRA (PRINCE), frère utérin de Ramboasalama, p. 317 note (2). RamaAHAvaALy, talisman merina, p. 57, 101 note (3), 255 et note (2), 226 notule (a) et 293. RamAmBaA, général merina, p. 174 et note (6). RAMANALIMANANAMBONINITANY, épouse de Randria- masindohafandrana, p. 50 [notule (b) de la page 49]. RAMANALIMANJAKA, épouse d’Andriandranovola, p. 50 [notule (b) de la page 49]. RAMANALIMANJAKA, époux de Rafohy, p. 50 [notule (b) de la page 49]. RAMANALIMIHOATRAMBONINITANY, épouse de Ra- fandrandava, p. 50 [notule (b) de la page 49]. RamananaA, chef d’Ilafy, p. 73 note (4). RAMANANDRIANJAKA, reine d'Ambohidratrimo, p. 88 note (3). RAMANANIAMBONITANY, épouse du chef vazimba, Andrianamponga, p. 358. RAMANANITANILEHIBÉ, épouse d’Andrianamponga, p. 50 [notule (b) de la page 49]. RAMANANOLONA, général merina, cousin de Rada- ma Ier, p. 210 et note (2), 211 et 252. RAMANETAKA, général merina, p. 172 [notule (b) de la page 171], 177, 196 et note (2), 201 et note (2), 204 et note (1), 206-209, 252 et 253 note (1) et notule (a). RAMANIHIMANJAKA, ancêtre des rois merina, p. 40. Ramano, mandataire de Radama Ier, p. 167 notule (a). RaAmANTAvARY, chef merina, p. 323 notule (a). RAmAROMANOMPO, fils d’Andrianamboatsimarofy, p. 95. Ramaromisy, général merina, p. 265. RaAmMAROSANDY, général merina, p. 209. RAMAROSIKINA, général merina, p. 204. RAMAROVAHOAKA, souverain betsileo, p. 156. RaAMAsINAMPARIHY, Chef vazimba antehiroka, p. 358. RaAMaASsINANJOMA, Chef vazimba antehiroka, p. 358. RAMASINDOHAFANDRANA, SOuVerain vazimba, p. 41 note {2), 49 notule (b) et 358. RamaAsiNDrAZANA, troisième fille de Rabodonandriam- tompo, p. 319 note (1). RamaAsovoaARIAKA, épouse d’Andrianoranorana, chef vazimba, p. 358 note (1). Ramavo, fille aînée de Rabodonandriantompo, épouse de Radama Ier, régna sous le nom de Ranava- lona I°°°, p. 112, 118 et note (2), 215 et note (3), 216 [notule (a) de la page 215], 252 notule (a) et 319 note (1). : RamavoLany, fils d’Andrianampoinimerina, p. 110 et note (1) et notule (a) et 111 notule (b). 392 RAMBOASALAMA, souverain merina qui régna sous le nom d’Andrianampoinimerina, p. 66 [note (3) de la page 65], 70, 71, 72 notule (a), 73 et notes (1) et (3), 74 et notule (a), 76 notule (c), 115 note (2) et 117. RamBoasaLAmA, gendre de Rasalimo, p. 184 note (1). RanmBoasALamA (PRINCE), neveu et fils adoptif de - Ranavalona Ire, p. 256 notule (a), 295 et notule (a), 301 [notule (b) de la page 300], 316, 317 et note (2) et 320. RAMBOASALAMATSIMAROFY — Ramboasalama, p. 70 note (1). RAMBOLAMASOANDRO, épouse d’Andrianampoini- merina et mère de Radama Ier, p. 88 note (3), 89 note (5), 153 note (3), 243 et 252 et note (6). RaAmENo, général merina, p. 201 note (2) et 204. RAMIANDRIVOLA, général merina, p. 276 note (1). RaminiA, ancêtre des Andriana, p. 37 notule (a). RAMIRAHAVAVY, sœur aînée de Ranavalona Ire, mère du prince Ramboasalama, p. 257 [notule (a) de la page 256]. RamiTrRAno, souverain sakalava, p. 174, 175 note (1), 176,177 et note (1), 183, 184, 185 et notule (a), 272, 277: et 278: RamiTsAnA, reine du Boina, fille de Mikiala, p. 110 notule (a). RamomA, épouse du prince Rakoto, a régné sous le nom de Ranavalona II, p. 319 note (1). RamonanaA, chef d’Ilafy, p. 76 note (1). Ramonsa, frère utérin de Ramboasalama, p. 317 note (2). RamoraABé, épouse d’Andriamananimerina, aïeule d’Andriambelo, p. 71 [note (4) de la page 70] et 86 notule (b). RamPozro, mandataire de Radama Ier p. 167 notule (a). RamPoLoaLINA, épouse d'Andrianamboniravina, p. 50 [notule (b) de la page 49]. Ramusio, aut. cit., p. 24 note (2). RananaTo, mandataire de Radama Ier, p. 168 notule (a). Ranakandriana, êtres surnaturels, p. 226 notule {a). RANAVALONA Ire, souveraine merina, 1828-1861, p. 42, 49 notule (b), 55 note (2) et notule (a), 93 notes (1) et (2), 114 note (2), 118 et note (2), 123 notule (a), 124 [notule (c) de la page 123], 137 note (6), 145 note (2), 214, 232 [note (4) de la page 231], 236 note (2), 246, son règne : 251-355 et 365-368. RANAVALONA Îre : HYMNE NATIONAL joué sous son règne, chant populaire en son honneur, App. IV, p. 360-361. RANAVALONA Il, souveraine merina, 1868-1883, p. 44 notule (a), 49 notule (b), 75 note (4), 113 note (6), 124 [notule (c) de la page 123], 137 note (6), 312 note (1), 319 note (1), 324 note (5), 326 note (2) et 325 note (2). RaANAvVALONA III, souveraine merina, 1883-1897, p. #9 notule (b), 52 note (2), 123 notule (a) et 144. TABLE ALPHABÉTIQUE RANAVALONANDRIAMBELOMASINA, épouse d’Andriam- belomasina et mère d’Andrianampoinimerina, p. 68 note (4), 70 note (1) et 319 note (1). RANAVALONJANAHARY, seconde fille de Rasoherina, aïeule de Ranavalona Ire, p. 318 notule (a) et 319 note (1). RANAVALONKOANDRIAMANITRA, fille d’Andriambelo- masina, p. 69. RanDpapavoLA, épouse d’Andriamanelo, p. 45. RANDRIAMASINDOHAFANDRANA, souverain vyazimba, p. 50 [notule (b) de la page 49]. RANGAHIBÉ, nom donné par les Malgaches à M. Her- vier, p. 303 et note (3). RanGrrA, souveraine vazimba, p. 40, 41 et notes (1) et (2), 47 note (2), 49 notule (b), 50 [notule (b) de la page 49], 145 notule (a) et 358 et note (3). Ranororsy, baie à l’Ouest-Sud-Ouest du Fort-Dau- phin, p. 14 et 18. RANOMAFANA, village betsimisaraka, p. 165 note (2). Ranoro, sainte vazimba, épouse d’Andriambodilova, p. 55 note (4) et notule (a). RanoromasiNA — Ranoro, épouse d’Andriambodi- lova, p. 55 notule (a). RAOMBALAHISOLO, général merina, p. 277. Raosy, ministre d’Andriantsoly, p. 264. RapPEro, géant légendaire vazimba, p. 42 et note (4). RaPEro, souverain vazimba, p. 358 note (1). RARIVOARINDRANO, souverain betsileo, p. 157 note (1). RARIVOEKEMBAHOAKA, chef betsileo, p. 156 et 157. RasAHALA, épouse d’Andriamasinavalona, p. 65. RASAKATSITAKATRANDRIANA, SOUVerain merina, p. 40 note (1) et 54 note (5). RasaLamA, martyr indigène, p. 341 [note (4) de la page 340] et 345. RasaLimo, épouse de Radama Ier, fille de Ramitraho, p. 183, 184 note (1), 185 et notule (a), 216 [notule (a) de la page 215] et 236 note (2). RasamBomAnoRo, chef vazimba antehiroka, p. 358. RaAsAmIMANANA (Dr J.), aut. cit., p. 40 note (1), 47 note (3) et 49 notule (b). RasanDraAsAO, hova influent, p. 252 notule (a). RasoaABÉé, épouse de Darafify, p. 193 note (4). RasoaLao, femme légendaire du géant vazimba Rapeto, p. 42 et note (4). RasoALAo, souveraine vazimba, épouse de Rapeto, p. 286 et 358 note (1). RASOALIMANJAKA, épouse de Rafandrampohy, p. 50 [notule (b) de la page 49]. Rasoamasay, épouse de Darafify, p. 193 note (4). RaAsoHERINA, souveraine merina, 1863-1868, p. 44 notule (a), 49 notule (b), 270, 324 note (5), 332 no- tule (a) et 333 notule (a). RasoHERINA, aïeule d’Andrianampoinimerina, épouse d’Andriambelomasina, p. 216 [notule (a) de la page 217], 318 notule (a), 319 note (1) et 359. RasozoBé — Randapavola, p. 45 note (4). RaATArIKIA, frère de Radama Ier p. 159. 104 et TABLE ALPHABÉTIQUE Rarary, fils d'Andriamary, p. 92 note (1). RATAVANANDRIANA, sœur d’Andrianampoinimerina, p. 216 [notule (a) de la page 215] et 319 note (1). RaTEry (PRINCE), beau-frère de Radama Ier, p. 188 et note (3), 189, 190, 191, 194, 199 note (3), 208, 216 [notule (a) de la page 215], 248, 252 et notes (3), (4) et (5) et 336 note (3). RATENDROMBOAHANGY, astrologue, p. 72 et notule (a). RarTrimo, beau-frère d’Andrianato, p. 69 notule (a). RATRIMOFOLOALINA, s’est sacrifié pour Andriamasi- navalona, p. 65. RarsazikA, mandataire de Radama Ier, p. 167 notule (a). Rarsavoza, épouse d’Andrianamboatsimarofy, p. 78 et 86 notule (a). RATSIMANDAFIKA, SOuverain vazimba, driampirokana, p. 42, 55 et 358. RarTsimAND1s0, traître hova, un des chefs des Priants, p. 312 et note (1) et 347 notule (a). RarTsimiHANTA, fille d’Andrianjafy, épouse d’An- drianampoinimerina, p. 78. Rarsimivony, esclave d’Andrianamboarinandria- manitra, p. 98 et note (2). RATSITAKONDRAZANA, Chef vazimba antehiroka, p.358. RATsiTOHINA, épouse de Ralambo, p. 47. RaATsiTOæINA, envoyé de Ranavalona I'°, p. 261. RaTsivanpy, ministre de la reine de Mohéli, p. 253 notule (a). RavaDiFoHy, épouse d’Andrianjaka, mère d’An- driamtsitakatrandriana, p. 54. RavaxiINy, souveraine du Boina, p. 110 et note (1) et notule (b), 112 et 208. RAVALONTSALAMA, général merina, beau-frère d’An- drianampoinimerina et de Radama, p. 257 [notule (a) de la page 256] et 273 et note (2). RavaomasinA, fille de Ralambo, p. 47 note (3). RAVAONIMERINA, fille d’Andrianamboatsimarofy, épouse d’Andrianampoinimerina, p. 88 et note (4), 90 note (2) et 95 note (2). RAVAOMANJAKA, épouse d’Andrianampoinimerina, p. 95. RaAvELoNaARIvO, chef du Sud-Est, p. 213 note (1). RavoanDrIAnA, habitants de villages voisins d’Am- batomanga, p. 71 note (1) et notule (a). RAVOEKEMBAHOAKA, souverain betsileo, p.103 et 104. RavoLaNaA, sagayé par Rabefiraisina, p. 74. RaAvoLoLANTsIMITOvy — Ravadifohy, mère d’An- driantsitakatrandriana, p. 54 note (4). Ravoromgaro, sœur d’Andriambelo, p. 71 [note (4) de la page 70]. RazAFINDRAZAKA (L.), aut. cit., p. 40 note (1) et 49 notule (b). RAzAFINKAREFO, aut. cit., p. 290 [notule (a) de la page 289]. RaAzAKAFIDY, gouverneur merina de Tamatave, p. 281, 283 et 285 et note (2). RAZAKANAVALONDAMBO — dambo, p. 59. fils d’An- Andrianjakanavalon- HISTOIRE POLITIQUE ET COLONIALE. 393 RAZAKANDRIANAIVO, général merina, p. 275 note (2). RAZAKATSITAKATRANDRIANA, SOUVerain merina, fils aîné d’Andriantsimitoviaminandriandehibé, p. 44 notule (a), 58 et 59. Razananary, chef vazimba, fils d’Andriananjavo- nana, p. 358 note (1). RazaATAHINY, auteur d’un complot contre Andrianam- poinimerina, p. 95 et 96. RazATOvA, général merina, p. 204. RAZEVOMANANA, chef vazimba antehiroka, p. 358. Razevozevo, chef vazimba antehiroka, p. 358. REGNON (R. P.), aut. cit., p. 304 note (1). REINIER Por, fonctionnaire hollandais venu en 1646, p. 357. ReniBoTo, nom malgache de Juliette Fiche, p. 267. REzIMONT (GILLES) marin français venu en 1643, p. 358. Riaux (Francis), aut. cit., p. 307 note (3) et notule (a). RiBEiRO (R. P. FrANcisco), missionnaire portugais venu en 1629, p. 357. RIGHEMONT (BARON DE) — Paul Panon-Desbassayns, sénateur, gouverneur de la Compagnie de Mada- gascar, p. 363. RiGny (comTE DE), ministre de la marine, p. 262 note (1). Roambinifolovavy, les douze femmes de Radama Ier, p. 251 note (4). Rogin, sous-officier français, instructeur et secrétaire de Radama Ier, p. 171 et notes (2) et (3) et notule (b), 174 et note (6), 179 note (3), 184 note (1), 186 et note (3), 202, 230 note (3), 231, 240 et note (4), 243 et 332 [note (4) de la page 331]. Romain-DEsrossés, officier de marine français, p.281, 282 note (4), 297 notule (a) et 351. RonTAuNay (DE), maison de commerce française, p. 267 et 351 et note (1). Roux (Syzvain), chef de la colonie française de Sainte- Marie, p. 38 [note (1) de la page 37], 157, 164 note (1), 170, 171 note (1), 192, 193 et note (1), 196 et 198. Rova, enceinte du palais royal. RowLanps, artisan anglais, p. 190 et 249. Rowzes (Ricuarp), marin anglais venu en 1609, p. 358. Roxo (PEro Vaz O), marin portugais, p. 18. S Sacnor (Ocrave), aut. cit., p. 251 note (1), 297 notule (a) et 347 note (1). SADA, ville sur la baie d’Anorontsangana, p. 10. SanarA, localité près d’Ambohimanga, en Imerina, p. 93 [notule (j) de la page 92], 148 note (1) et 178. SAHAMAFY, Village près de Tamatave, p. 267. SAHAMALAZA, fleuve du Nord-Ouest, p. 204 et 210. SAHANALA, peuplade des confins de l’Imerina, p. 80 note (1). 50 394 SAHAVONDRONINA, ville de l’Imamo, p. 98. SALARA, village sur la baïe de Saint-Augustin, p. 276, SALDANHA (ANTONIO DE), marin portugais, p. 6, 12, 13 et 17. Saipy Hamapi, époux de la reine de Mohéli, p. 253 notule (a). SarnT-AuçGusriN, baie formée par l'embouchure de l'Onilahy, p. 28, 30, 33, 221, 276 et notule (a), 277, 292 notule (a), 353, 357 et 358. SarNTE-CLAIRE, nom donné par Diogo Lopes de Se- queira à une des îles et à la baie de Sainte-Luce, p. 14 45 et 357. SainTe-Luce, baie du Sud-Est, près du Fort-Dauphin, p. 211, 357 et 358. SaINT-LAURENT, nom donné à l’île de Madagascar au xvie siècle, p. 5. SAINTE-MaRie (car), extrémité méridionale de Ma- dagascar, p. 33 et 34. SAINTE-MaARIE, île de la côte orientale de Madagascar, p. 29, 34, 35, 191 notule (a), 192, 193 et note (1), 196, 197, 212, 258, 259 note (3), 260, 261, 262 note (1), 298, 348, 349, 357 et 358. SAINT-RomAn, nom donné au cap Sainte-Marie, p. 33. SAINT-SÉBASTIEN, nom donné à la baie de Rano- fotsy, p. 14. SAINT-SÉBASTIEN, nom donné par Diogo Lopes de Sequeira à la baie de Diego-Suarez, p. 15. SAINTONGE (ALPHONSE DE), voir Fonteneau (Jean). SAKALAVA, peuplade qui habite presque tout l'Ouest de Madagascar, p. 38 et passim. SAMANATTE — Tsimanato, roi du Boïina, p. 66 note (1). SamBAy, chef sakalava, p. 278. sampy, nom générique des talismans. SAN ANTONIO, nom donné par Pedreanes à la baie d’Antongil, p. 16. San Bras, nom ancien de Port-Elisabeth, Afrique du Sud, p. 27. SAN Iaco, nom donné à la baie de Tsingilofilo ou Morombé, p. 20, 21 et 26. SAN Lorenzo, nom donné à l’île de Madagascar par Diogo Dias, p. 5. SanTA Cruz, navire portugais, p. 25. SanTA Maria, navire de la flotte de Tristan da Cunha, p. 12. San THomaAs (PÈRE FRAY JUAN DE), religieux por- tugais, p. 26 et 357. SANTOS (Joao pos), aut. cit., p. 26 note (3). SARIBENGY, fort de Majunga, p. 207. SAUTRÉ, employé de M. Darvoy, p. 304. SAvARON (C.), aut. cit., p. 38 [note (1) de la page 37], 40 note (1), 41 note (1) et 44 note (2). SAvVARY, aut. cit., p. 69 note (5). SAVOUREUX, traitant créole, p. 71 notule (a) et 77 note (4). ScHErFER (Cx.), aut. cit., p. 23 note (1). SCHIEDAM, navire hollandais venu en 1625, p. 357. SCHŒLL, Capitaine français, p. 260 et 261. TABLE ALPHABÉTIQUE SEip-Saip, sultan de Zanzibar, p. 279. SEINE (La), navire français, p. 172 [notule (b) de la page 171]. SEINE (La), navire français, p. 253 notule (a). SequeIRA (Dioco Lopes DE), amiral portugais, p. 13- 15 et 357. SERRANO (JUAN), marin portugais venu en 1510, p. 15 et 357. Seyip-SarD, sultan de Mascate, p. 210. SIBREE (JAMES), aut. Cit., p. 251 note (1). SIHANAKA, peuplade des confins Nord-Est de l’Ime- rina, p. 50, 80 note (1), 88,.98, 101 et notes (3) et (4), 111 et notule (a), 113, 149 note (2), 157, 197 et note (2), 214 et 329. sikidy, moyen de divination, p. 46. SIMAROUFE — Andrianamboatsimarofy, p. 86 no- tule (a). SisAoNY, province, rivière et clan du Sud-Est de l’Imerina, p. 99, 100,148 note (3) et 233 [notule (b) de la page 232]. SMART (Joun), marin anglais venu en 1645, p. 358. SoAMANDRAKIZAY, usine à sucre de Charles de Las- telle, p. 267. SOAMIANINA, rivière de l'Est, p. 212. SOoANIERANA, demeure royale à proximité de Tanana- rive, p. 250, 309 notule (a) et 363. SoarEs (Dioco), gentilhomme galicien venu en 1543, p. 24 et 357. SoARES (FERNAN), marin portugais venu en 1506, p. 5 note (2), 6, 7 et 357. SOATSIMANAMPIOVANA, Ou Mantasoa, siège des usines de Laborde, p.299 note (2), 309 et notule (a), 313 note (1), 315 note (2), 330 note (3), 346 [note (4) de la page 345], 353 et note (3), 354 et 363. SOAVINIMERINA, localité à l'Ouest de Tananarive, p. 252 note (6). SorFALA, Ville de la côte orientale d’Afrique, p. 1 2 et 13. SoriA, fleuve du Nord-Ouest, p. 204. SoLAGEs (M. DE), préfet apostolique de la Réunion et des petites îles de Madagascar, p. 348 et note (1). SomME (La), navire français, p. 253 notule (a). soratra = sampy, p. 64 [notule (b) de la page 62]. Soucau DE RENNEFORT, aut. Cit., p. 145 note (4). SOUMAGNE, vice-consul de France à Tamatave, p. 319 et note (2). Soury-LAVERGNE (R. P.), aut. cit., p. 44 notule (a) et 85 note (1). Sousa (BazrHAzAR LoBo DE), marin portugais venu en 1557, p. 25 et 357. SousA (BASTIAN DE), marin portugais venu en 1521, p. 16, 17 et 357. SousAa (MANOEL DE FARIA y), aut. cit., p. 13 note (1) et 27 [note (3), de la page 26]. SousA (MARTIN ALFONSO DE), gouverneur de l’Inde, p. 24. Sousa (PERO Lopez DE), marin portugais .p. 24. TABLE ALPHABÉTIQUE 395 SPACKENBOURG, nom donné par les Hollandais à la ville d'Ambatomasina, p. 31. SPILBERG (GEORGES), amiral hollandais venu en 1602. p. 357. STANFELL, commandant le Phaeton, p. 164 note (3) et 167 et notule (a). STÉRILES, îles de la côte occidentale de Madagascar, p. 23. SURATE, ville de l’Inde, p. 150. AK Taceui, aut. cit., p. 64 [notule (b) de la page 62] 65 note (3) et 68 note (4). TarAINA, localité d’Imerina, p. 283. TAFIKANDRO, ambassadeur de la reine sakalava Ra- vahiny, cousin d’Andriantsoly, p. 110 notule (b), 207, 264 et note (4), 265 et 266 et notule (b). TALATA DE L'AMORONKAY, siège d’un important marché dans le Sud-Est de l’Imerina, p. 358. Taix (R. P.), missionnaire catholique français, p. 220 [notule (c) de la page 219]. TAMATAVE, ville et port de la côte orientale de Mada- gascar, p. 34, 157 et note (3), 163, 164, 167, 193 et notes (3) et (4), 194, 198, 358, et passim. TamPoKerTsA, localité de l’Imamo, p. 98. TANALA = Antanala. TANAMALAZA, ville d’Imerina, p. 86 notule (a). TANANARIVE, Capitale de l’Imerina, p. 40 et passim. Tandapa, serviteurs attitrés du souverain, p. 127 notule (b). tanghin, poison servant aux ordalies. Tanibé — Grande Terre. TaniImAnNDRy, ville de l’Imerina oriental, p. 333 notule (a). tany manga, argile cuite, p. 46 note (1). TaozanxarA, nom malgache du Fort-Dauphin, p. 14 et 15. Taosy, nièce d’Andriantsoly, p. 207 et 210 note (1). Tarany, fils aîné et successeur de Kelisambay, p. 278. TaraATsA, tante d’Andriantsoly, p. 207. TavoraA (FR. DA), marin portugais, p. 8 note (4). TeixEIRA (JERONIMO), marin portugais, p. 14. TEmPoRAL (JEAN), aut. cit., p. 2 note (6). TERPsICHORE, frégate française, p. 258 note (4). Texei, île à l'entrée du Zuidersee, Hollande, p. 32. TxomaLarivo — Tomalarivo, roi du Menabé? p. 66 note (1). Tomas (R. PÈRE FRrAY JUAN DE SAN), dominicain portugais venu en 1587, voir San Thomas (R,. P. Fray Juan de). TiriNprazA, chef des Sakalava et des Manendy, p- 202. TINTINGUE, ville de la côte orientale de Madagascar, établissement français, p. 172 [notule (b) de la page 171], 196, 197, 259 et 261. toaka, boïsson fermentée p. 31. Toxana, chef sihanaka, p. 101 note (3). Tomazarivo — Thomalarivo, p. 66 note (1)- tompomenakely — seigneurs féodaux. ToxcA, îles de l'Océanie, p. 39 note (2)- TorpesiLras (traité de), p. 35. TourETTE, agent français, commandant de l’ile de Sainte Marie, p. 261, 262 et 350 note (1). trafona — bosse du bœuf. TRANO FITO MIANDALANA, les sept tombeaux royaux du Rova de Tananarive, p. 49 notule (b) et 56 note (4). tranomananara, maison sacrée élevée sur certains tombeaux merina, p. 53 notule (a). tranomasina, maison sacrée élevée sur certains tom- beaux merina, p. 53 notule (a) et 56. TRANOVOLA, résidence royale du Rova de Tanana- rive, p. 218 note (2), 250, 301 [notule (b) de la page 300], 327 et 367. Treo, fort merina dans l’Ouest, p. 334. TSARAHAFATRA, un des palais du Rova de Tanana- rive, p. 327. Tsaranoro, ville bara, p. 276 note (1). isena — marché. TsrarAnY, ville d’Imerina, p. 41 note (3) et 92 note (2) et notule (e). TsrALANA, chef antankara, p. 279. Tsrampiry, chef des Manendy, p. 94 note (5) et 95 note (1). TsrarIBiKA, membre de la caste des Tsiarondahy, p. 216 [notule (a) de la page 215]. TsraronNDAHY, caste des esclaves du souverain, p. 107 note (2), 216 [notule (a) de la page 215], 232 notule (b), 331 notule (a) et 333 note (3). TsrENIMPARIHY, partie de l’Arindrano, province du Betsileo, p. 104, 106 et 157 note (1). TsiFrALANY, chef sakalava, p. 272. TsimAHAFOTSyY, peuplade du Nord de l’Imerina p- 62, 66 et note (4), 67, 72, 76 notule (b), 88 note (1), 89, 90 note (5), 91, 93, 95 note (3), 96, 106 notes (3) et (4), 108, 124 note (1), 136 notule (a) et 337 note (1). TsimaromA, petit-fils de Ravahiny, p. 112 et 199. TsimAND40, gardes du Palais, p. 333 et note (3) et 367. TsiMANDAOLAHY, gardes du corps du souverain, p. 257 [notule (a) de la page 256]. Tsimanpaovavy, femmes des gardes du corps du souverain, p. 257 [notule (a) de la page 256]. Tsimanpoa — Tsimandao. Tsimanprono, chef sakalava, p. 278. TsimANATO — Samanatte, roi du Boina, p. 66 note (1) TsimANiIsoTRA, nom donné aux Manisotra par Andria- nampoinimerina, p. 65 note (2). TsimIAMBOHOLAHY, clan de la région d’Ilafy, p. 73 note (4), 76 note (1), 88 note (1), 90 note (5), 91 106 note (3) et 124. TsimIHARO, souverain antankara, fils de Tsialana, p. 279 et 280. 396 TsimIHORIRANA, confrérie de chanteuses, p. 320 note (4). TsimiriRY, chanteuses merina, p. 257 [notule (a) de la page 256]. TsiNAOTSsA, sœur du roi du Menabé, p. 254 note (1). TsiNDRANOLAHY, conseil de chefs institué par An- drianampoinimerina, p. 88 note (1). TsiNsoARIVO, ville du Sud de l’Imerina, p. 316 note (2). TsiomB1K180, ville sakalava, p. 174 et 266 notule (b). TsromExo, souveraine sakalava, fille et successeur d’Oantitsy, p. 278 et 280. TsrriBIHINA — Tsitsobohina, fleuve de l'Ouest, p. 43, 176, 177 et 278. TsiROANOMANDIDY, poste merina, p. 277 notule (a). TsiramriKy, peuplade de l’Ambongo, p. 266 note (1). TsirsoBoniNA, voir Tasiribihina, fleuve de l'Ouest. TsoarA, chef sakalava, p. 202. tsobo — ordalie. TyERMAN (Rev. Davip), missionnaire anglais, p. 246 note (1). U UrRBAIN-FAUREC, aut. cit., p. 269 note (1). V vadibé, première épouse. vadikely, épouses autres que la première. vadintany, ambassadeurs, délégués, p. 88 note (1). vaccin jennérien, Sa première application sous Radama Ier, p. 91 [note (8) de la page 90]. VAKINANKARATRA, province et clan du Sud-Ouest de l’Imerina, p. 41 note (3), 42, 104, 106, 108, 138, 148 note (3), 179 note (1), 233 [notule (b) de la page 232] et 358. VAKINISISAONY, province et clan à l'Est et au Sud- Est de Tananarive, p. 41 note (3), 92, 93, 106, 108, 138 et 179 note (3). valiha = instrument de musique malgache. Van DER HAGEN (Er.), amiral hollandais, p. 34 et 357. VanDERKEMP, médecin anglais, p. 227 notule (a). Van per MEERscH, gouverneur hollandais de Mau- rice venu en 1645, 1646 et 1647, p. 357. VAN DER STEL (ADRIEN), gouverneur hollandais de Maurice venu en 1641, 1644 et 1645, p. 357. VANGAINDRANO, ville et port de la côte orientale, p. 213, 263 et 293 et note (3). Van NeEcx (Jacques CorNeLis), amiral hollandais venu en 1598, p. 357. Vasco DE GamA, voyageur portugais, p. 5. VasconceLLos (Dom Luis FERNANDES DE), marin portugais venu en 1559, p. 25 et 357. Vassé, matelot français, p. 22, vatomasina — pierre sacrée. TABLE ALPHABÉTIQUE VATOMENA, localité voisine d’Alasora, p. 78 notule (a). VATONILAIVY, ville d’Imerina, p. 41 note (3). vatotsangana = pierre commémorative, p. 49. Vazaha — Blancs, Étrangers. VazimBA, premiers occupants du Centre de Mada- gascar, p. 37 et passim. VazimBA, généalogie des chefs, App. II, A, p. 358. VAZIMBA ANTEHIROKA, généalogie des chefs, App. II, B, p. 358. VAZIMBA DU VAKINANKARATRA, généalogie des chefs, App. II, C, p. 358. Vaz o Roxo (PEro), marin portugais venu en 1527, envoyé du roi de Portugal, p. 18, 19 note (2) et 357. VEGA (Juan Da), marin portugais, p. 11 note (1). celirano — forme de serment de fidélité au souverain, App. III, B, p. 359. VERHUFF, amiral hollandais venu en 1612, p. 357. VERTHEMA (L.), voyageur italien, p. 6 note (1). Vezo, Sakalava pratiquant la pêche, p. 42. Vicror, brick de guerre français, p. 266 notule (b). VipaL (CAPITAINE), collaborateur du Ct Owen, p. 202 note (1). Vizany vy, surnom donné à Ambohimanga, p. 108. VILLARS (CAPITAINE DE), aut. cit., p. 270 note (1). Vinson (Dr AuGuste), aut. cit., p. 354 note (3). vintany —= destinée. Voasiry, caste du Sud-Est, p. 14 note (1). Vopivaro, lieu de pèlerinage dans l'Est de l’Imerina, p. 144 et 316 note (2). vody hena — quartier d’arrière du bœuf. VonEmar, ville et port de la côte orientale, p. 197, 204, 213, 278 et 363. VouxiBATo, région betsileo et capitale du Tsienimpa- rihy, p. 106, 156 et 157 et note (1). VoxiBé, village betsileo, p. 275. VouiLAVaA, village sur les bords du lac Alaotra, p. 197. VouiLENaA, ville d’Imerina, p. 92 notule (c), 101 note (4) et 316 note (2). VoniTRAVOHA, ville de la région orientale, p. 298. VoxiTsARA, ville de l’Antsihanaka, p. 101 note (4). VoLaAMENA, dynastie sakalava du Boïna, p. 112. volavita, qualifie un bœuf rouge et blanc destiné aux sacrifices. VozLamiaL, créole anglais, p. 159 note (2). VoLTIGEUR, navire français, p. 276 et 353. VoxizonGo,pays et peuplade au Nord-Ouest de l’Ime- rina, p. 56, 95, 99, 106, 108, 138, 148 note (3), 179 note (3), 184 note (1), 205, 233 [notule (b) de la page 232] et 246 note (2). VonrTovorona, montagne au Sud de l’Imerina, p. 77 notule (a) et 79 notule (a). VoromAHERY (faucons), nom donné aux guerriers de Tananarive, puis à la province centrale de l’Ime- rina et à ses habitants, p. 80 [notule (b) de la page 79], 91, 97, 106 note (3), 108, 124 note (1), 138, 232 notule (b) et 331 note (1). TABLE ALPHABÉTIQUE 397 W WALDEGRAVE (PowLe), voir Powle Waldegrave. WAPEN VAN ROTTERDAM, navire hollandais venu en 1626, p. 357. WEB8er (R. P.), missionnaire français, p. 208, 309 et notule (a), 310, 314 et note (1) et 349 note (1). WyBRANT vAN Warwyx, amiral hollandais venu en 1598, p. 357. Y Yozors, soldats venant du Sénégal, p. 258, 260 et note (2) et 261. Z Zarimamy, descendants d’Andriamamilaza, p. 87 [notule (b) de la page 86]. ZaFimMBAZAHA, clan habitant l’Imerina, p. 80 [notule (b) de la page 79]. ZAFINDRALAMBO, Caste merina, p. 52 note (3) et notule (a). ZariN-DRAMINIA, caste islamisée du Sud-Est, p. 4 et 163. ZAFINDRANALA, peuplade des confins de l’Imerina p. 80 note (1). ZarirAMBo, peuplade des confins de l’Imerina, p. 80 note (1). ZAFITSIMANIRIVANY, Clan de l’Ankaratra, descendants des Ontaiva, p. 358. ZAFY ANDRIAMASINAVALONA, descendants driamasinavalona, p. 61 note (4). d’An- ZanaDany, descendants d’Andriampirokana, p. 55 note (3). ZANADRALAMBO, caste de noblesse merina, p. 53 notes (2) et (3). ZANAHARITSIMANDRY, talisman des Zanakandrianato, p. 89 note (2) et 343 note (2). ZaANaAHARY, nom malgache de la divinité, p. 44 note (1) et 339. ZANAKANDRIAMASINAVALONA, Caste de noblesse me- rina, p. 87 [notule (b) de la page 86] et 359. ZANAKANDRIANA, Caste de noblesse merina, p. 53 note (3), 87 note (2) et 123 notule (b). ZANAKANDRIANANTOARIVO, descendants nantoarivo, p. 41 note (3). ZANAKANDRIANANTOARIVO, famille des chefs du Vo- nizongo, p. 95. ZANAK’ANDRIANATO, descendants d’Andrianato, p. 69 notule (a). ZANAKANDRIANATO, Clan merina réputé pour sa bra- voure, p. 89 et note (2), 113 note (7) et 114 note (1). ZANAKANDRIANTOMPOKOINDRINDRA, Caste de no- blesse merina, p. 87 [notule (b) de la page 86]. ZANAMIHOATRA, clan habitant Ambohitraina, p. 92 notule (d). ZawziBAR, île de la côte orientale d’Afrique, p. 279. ZAOMANERY, souverain antanosy, p. 292 notule (a). ZazAMAINTy, descendants des esclaves royaux, p. 52 note (3). ZAzAMAROLAHY, Caste de noblesse merina, p. 53 note (3), 61 note (4) et 215 notule (a). ZÉLÉE (La), corvette française, p. 281. Zorin’ IMERINA, nom comprenant les clans princi- paux de l’Avaradrano, p. 106 note (3) et 124 note (1). d’Andria- 26808. — Imprimé en France chez BRODARD et TAUPIN, Coulommiers-Paris. — 4-1942. 1007 (1 ani