RES RER Er RS Set ZA nee FRS ae it ne. Fe 7 4. 2 Gt VIE * 4 | INTRODUCTION (AUX. OBSERVATIONS » SUR LA PHYSIQUE, + SUR L'HISTOIRE NATURELLE ET SUR LES ARTS, AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE, DÉDIÉES » A MonseiGneur LE COMTE D'ARTOIS; Par M. l'Abbé ROZIER, Chevalier de lEglife de Lyon, de L'Académie Royale des Sciences, Beaux-Arts € Belles-Lertres de Lyon, de Villefranche, de Dijon, de Marfeille, de Nifmes, de Fleffingue, de la Société Impériale de Phy- fique & de Botanique de Florence, de Zurich, de Madrid, Correfpondant de la Socièté des Arts de Londres, de la Société Philofophique de Philadelphie, &c. ancien Direëleur de l'Ecole Royale de Médecine- Vétérinaire de Lyon. 140 M E° SE C'ON' D. A PARIS, An JAY, Libraire, rue Saint-Jacques, au Grand Corneille, BARROIS lainé, Libraire, Quai des Auguftins. MD CC. LX XV II. AVEC PRIVILÉGE DU RO, (s HOVOUE A ei qe Lao À ce avk MORE ah pat J aboli nav SA à- rs ut Ÿ ATOS At Pet Ha HE Nores San? ee \4 LAS? AE € OS SU sans anne sn RTS w D ass L : ho A ARE De SE Lt Ve a RS UNS NO AA af Ye Ad UT ki, sata AN Lean ü..* sh UN SHRES LS OA LE yS ue TE + se: re caen Na a Sur sil à nil & nt Le 18e D « sit | ellieatod! dela UE «€ Énrape norton a Fr ef ifcguÀ, ? 235 Re uen sr , LIÉE = ou ché je à se 3 OS 8 RS ARTE a RETEURT LE J À * +? HR dl OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, SUR L'HISTOIRE NATURELLE Es SR ALES ARTS. DISSERTATION SUR LA VITESSE DU SON, PAR MS LA) M B'ELK. TI. L arrive quelquefois qu'une théorie, très-bonne en elle: même, diffère des réfulrats de l'expérience, uniquement parce que les expériences font mal faites, ou que lathéorie y eft mal appliquée. La théorie de la vitefle du Son nous en préfente un exemple remarquable, & qui mérite d’être ——) mis dans tout fon jour. Cette vitefle, déterminée par des obfervations fort exaétes, fe trouve être de 1040 jufqu’à 1080 pieds de Pa- ris , dans une feconde de temps. La théorie ne la donne pas immédiate- ment par elle même, mais moyennant d’autres obfervations, parce qu’elle la dérive de lélafticité de l’air ; & en faifant les calculs que la théorie prefcrit, il femble que cette vitefle ne devroit être que tout au plus de 950 pieds par feconde. Depuis Newton, qui, le premier, eut le talent de déve- lopper cêtte théorie, on a été généralement d’accord qu’elle donne la vitefle du Son confidérablement trop petite. Bien loin de rejetter lathéo- rie comme faufle ou contradiétoire, on fe contenta de la ranger, tout AVRIL 1772, Tome IL, A 2 4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, au plus, au nombre de celles qu’on faifoit fervir d’exemple quand on étoit d'humeur de faire voir que les plus belles fpéculations des Géomètres ne donnoient qu’un à peu-près, & différoient toujours plus ou moins de Pex- périence. Ce reproche, cependant, n’arrêtoit point les Géometres, qui, frappés de la beauté de lathéorie du Son, s’appliquèrent à laperfeétionner, & à la pourfuivre jufques dans tous les détails qw’elle offre. Ils imaginè- rent diverfes raifons aflez plaufibles, pourquoi & comment les réfultats de leurs calculs font différens de ceux que donne l’expérience. D'abord, ils trouvètent que dans la théorie on fuppofe l'air pur & débarraffé de toutes les particules étrangères, dont il eft toujours plus ou moins chargé, &c qu'ils regardoient comme des véhicules propres à accélérer le Son. Enfuite, dans le calcul, ils fuppofoient le diamètre des particules de l’air comme infiniment petit, en comparaifon de leur diftance mutuelle; enfin, dans le calcul, ils admettoient que, dans le mouvement ondulatoire de l'air, léloignement de chaque particule de fon point de repos, ne diffère qu’in- finiment peu de celuidela particule qui la précède oula fuitimmédiatement. J'ajouterai encore que, dans le calcul, on admet en toute rigueur, que la force élaflique eft en raifon réciproque de la diftance des particules, quoi- que du moins dans un air fort comprimé, on ait lieu de croire qu’elle aug- “mente un peu plus fortement: Voilà donc des raïfons entaflées lune fur l’autre, pour faire croire qu’en effet la vitefle du Son doit être beaucoup plus grande que ne la donne la théorie. Mais avec tout cela, elle ne devroit être que tant foit peu plus grande, Car en pefant bien chacune de cesrailons, ontrouve fans peine qu’elles ne peuvent altérer que très-infenfiblement la viteffe du Son. Il eft vrai que le diamètre des particules de l'air nous eft inconnu. Mais pour peu qu’on réfléchiffe que dans les machines pneumatiques , des fentes prefque invi- fibles font aflez grandes pour donner à Fair comprimé un libre paflage, on fe convaincra aifément que les particules d'air doivent être d’une petitefle qui les rende invifibles. Si lon confidère enfuite que l'air eft de 15 jufqu'à 16 mille fois moins denfe que l'or, & que l'or, nonobftant fa grande denfité, a encore aflez de pores pour 1m- biber beaucoup de vifargent, on voit aifément que l’efpace qui en- toure une particule d’air, eft aflez grand pour pouvoir être rempli tout au moins de 16000 autres particules d'un même diamètre, Cette extrême rareté de l’air naturel peut, fans contredit, nous faire regarder comme admiflible , la propoñition qui porte que, dans la théorie & dans le calcul du Son, on peut faire abftraétion du diamètre des particules de l’air. Il eft encore fort douteux d’ailleurs fi c’eft aux par- ticules de l'air elles mêmes qu’il faut attribuer l’élafticité que les phé- nomènes nous font voir, ou fi elle ne doit pas être attribuée à la chaleur, au feu, ou à quelque matière beaucoup plus fubtile, où même à quel- que fubftance immatérielle. Car tant que nous nous en tenons à des SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $ matières, quelque fubtiles qu’elles foient, la queftion d’où provient leur élafticité revient toujours. Quoi qu'il en foit, je rapporte ces poffbili- tés, uniquement pour faire voir que, tandis que le méchanifme de lélaf. ticité n’eft point encore démonftrativement détaillé, on peut le conce- voir de plus d’une façon, en forte qu’il foit indépendant du diamètre des particules de l'air. En effet, la grande rareté de l’air nous doit faire confidérer ces particules comme très-éloignées les unes des autres, & foutenues dans cet éloignement par des forces qui font pour ainf dire étrangères à ces particules. Mais, je ne m'arrêterai point à pourfuivre ici ces confidérations, d'autant que, dans la fuite de ce Mémoire, je n'aurai pas befoin d’en faire ufage, ni d’en tirer aucun argument. Je paffe donc à remarquer que les vapeurs .& d’autres particules hétérogènes, dont l’air eft charoé , ne contribuent que fort peu à changer la vitefle du Son, quoiqu’elles uiflent en diminuer la force & en étouffer la clarté; en effet, ces par- ticules n'étant point élaftiques, & ne fe foutenant dans l'air que par une certaine force de cohéfion, à peu-près comme de petites globules de vif-argent furnagent l’eau; ces particules, dis-je, doivent être con- fidérées comme de petites mafles lourdes, dont l’inertie s’oppole au mouvement ondulatoire de l’air, en arrête une partie, la réfléchit & la difperfe à-peu-près commeellesinterceptent & difperfent la lumière. C’eft- là tout l'effet qu’on doit en attendre ; & tandis qu’elles oppofent à l'air leur inertie, il efl clair qu’au lieu d'accélérer le Son, elles feroient plutôt capables de le retarder. Ce qui eft für, c’eft qu’elles dérangent le mou- vement onduletoire de l'air, & étouffent le Son en larrêtant & le dif- perlant. Aufli, les expériences faites par M M. Maraldi, de la Caiile, & Caflini, en 1738, de même que ceiles de Bianconi, en 1740, nous font-elles voir que le brouillard le plus épais ne produit fur le Son d'autre effet que celui que je viens de dire, & que la viteffle du Son n’en eft prefque point altérée. Si donc de tout ceci il s’enfuit que la théorie du mouvement du Son eft bonne autant qu’elle eft belle, & que les petites quantités dont on y fait abftraétion, peuvent être omifes fans aucune erreur perceptible; ë&t fi enfin, d’un autre côté, les expériences par lefquelles on a déter- miné la vitefle du Son, font fufifamment exactes pour en être afluré à dix ou vingt pieds près fur 1040 pieds, on doit naturellement être d'autant plus furpris de voir que, moyennant la théorie, on ne trouve que tout au plus 900 pieds. Quel moyen de fe tirer de cet embarras, fans faire quelques nouveaux faux pas ? Quant à moi, j'en infere, fans bälancer, que tandis que les expériences font bien faites, & que la théorie eft très-bonne , il faut néceffairement qu’elle ait été mal appliquée, ou que dans l'application qu'on en a faite, quelques cir- conftances n'aient point répondu aux conditions que préfuppole la AVRIL 1772, Tome 11. 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, théorie; &'c’eft ce que je me propole de faire voir avec toute lévi- dence requife. Pour cet effet, je commence par expofer la règle que prefcrit la théorie pour trouver la vitefle du Son; & afin de le faire avec moins de circonlocutions, je fuppoferai, par manière d'exemple, qu'il s’'agifle de déterminer cette vitefle à la furface de la mer : voici maintenant la règle, Au lieu de lathmofphère qui exifte, & dont la denfité décroit à mefure qu'elle s'élève, on en fuppofe une autre, laquelle, fans avoir ni plus de poids ni plus de mafle, ait dans toute fa hauteur une denfité égale à celle qui effe@ivement a lieu à la furface de la mer. On prend la moitié de cetre hauteur, & on calcule la vitefle qu’ac- querroit un corps tombant librement par cette moitié de la hauteur. Cette vitelle eft la même que celle du Son qu'il s’agifloit de chercher. Or, je dis que cette règle, très-bonne en elle-même, a éludé Pat- tente des Géomètres, en ce qu’elle a été mal appliquée. On voit bien que pour en faire l'application, il faut commencer par déterminer la hauteur de Pathmofphère, fuppofée également denfe. Il y a deux moyens pour cela; l’un, c’eft de pefer l'air, afin de trouver fa gravité fpécifique, & fon rapport à la gravité fpécifique du vif-argent, ëc afin de multiplier enfuite la hauteur du mercure dans le baromètre par le nombre qui exprimoit ce rapport. C’eft ainfi, par exemple, qu'ayant trouvé l’air 850 fois plus léger que l’eau, & l’eau 14 fois plus légère que le vif-argent, on en conclut que l'air étoit 11900 fois plus léger que le vif-argent. Ce nombre étant multiplié par la hauteur du baro- mètre que nous fuppoferons de 28 pouces, mefure de Paris, donne 333200 pouces, ou 27766<, pour la hauteur de l’athmofphère, fup- polée également denfe. La moitié de ce nombre, qui eft 13883 +, eft la hauteur par laquelle un corps doit tomber pour acquérir une viteffe égale à celle du Son; cette vitefle fe trouve être de 915$ pieds. Je remarque encore qu'à la furface de la mer, l'air eft prefque toujours moins léger que ne l'indique le nombre 850, dont on fe fert com- munément. L'autre moyen dont on pouvoit fe fervir, c’étoit de déterminer de combien de pieds 1l falloit monter, en commençant à la furface de la mer, pour que le baromètre defcendit d’une ligne. Ce nombre de pieds étant enfuite multiplié par le nombre de lignes qui exprime la hauteur du baromètre, donne la hauteur de l’athmofphère, fuppofée égale- ment denfe. Or, en comparant toutes les obfervations faites fur les Pyrennées, j'ai trouvé qu’à la furface de la mer , il ne répond que tout au plus 72 pieds à une ligne de defcente du baromètre. Suppofant donc la hauteur du baromètre de 28 pouces ou de 336 lignes, & multipliant 336 par 72, on trouve le produit de 24192 pieds, dont la moitié 12096 donne la hauteur par laquelle un corps doit tomber pour açquérir une és. à : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7 viteffe égale à celle du Son. Cette viteffe fe trouve n'être que 85 s pieds. Elle eft plus petite que celle que nous avons trouvée par la première méthode ; & la raifon de la différence , eft que l’air n’eft pas 850 fois plus léger que l’eau, mais beaucoup moins. J'ai rapporté ces deux façons de calculer la vitefle du Son , moyen- nant la théorie , uniquement pour faire voir de quelle manière la théa- rie avoit été appliquée, & quelles étoient les données dont on fe fer- voit dans cette application. Or, je dis que ces données ne font pas celles que la théorie exige & préfuppofe. Car, d’abord il eft clair que toute cette théorie eft fondée fur la condition que l'air foit pur & uni- formément élaffique : 1 faut qu'il foit pur, non parce que les particules hétérogènes accélèrent la vitefle du Son, car nous avons déjà vu qu'il n’en réfulte aucun effet perceptible; mais il faut qu'il foit pur, pour qu'on puifle déterminer fa denfité & la trouver exaétement telle que la théorie la préfuppofe. Afin de faire fentir combien cela importe, nous n’avons qu’à nous rappeller que c’eft en pefant l'air que nous déterminons fa denfité. Il eft clair qu’un pied cube d’air pefera davantage à mefure qu'il fera plus rempli de vapeurs & d’autres parties hétérogènes. Comme tou- tes ces parties font plufieurs centaines de fois plus pefantes que Pair, & qu’elles n’y font fufpendues que par les forces de cohéfion, il s’en- fuit premièrement que, quoiqu’elles augmentent fort le poids du pied cube d’air , elles n’occupent prefque point d’efpace, d’autant qu’elles fe trouvent dans les interftices que peut-être l'air même laïfleroit vuides. De-à, il s'enfuit, en fecond lieu, que l'air peut être très-chargé de ces parties étrangères , fans qu'il foit obligé de leur céder la place. De-l, 1l fuit encore, en troifième lieu, que la denfité d’un pied cube d’air pur, confidérée comme telle, refte la même, quoiqu’on remplifle cet air de parties hétérogènes & étrangères. Le poids & la denfité de ce mêlange augmentera fans contredit ; mais ce que j'appelle la denfité de Pair pur & fon élafticité reftera la même; du moins s’en faut-il beau- coup qu’elle change en raïfon de l’augmentation du poids. Si donc on pouvoit, d’une façon quelconque, déterminer le poids de toutes les parties hétérogènes qui fe trouvent dans un pied cube d’air, il faudroit fouftraire ce poids de celui de tout le pied cube, afin d’avoir le poids d’un pied cube d’air pur. Ce poids étant enfuite com- paré avec celui d’un pied cube de mercure, donneroit le rapport ou le ngmbre avec lequel il faudroit multiplier la hauteur du baromètre, pour avoir celle de l’athmofphère, fuppotée également denfe. Voici encore une autre manière d’envifager la chofe. Prenons d’a- bord l’athmofphère telle qu’elle eft chargée de matières étrangères & même dénuées, & d’un brouillard des plus épais; que la hauteur du baromètre foit de 28 pouces à la furface de la mer, & la vitefle du AVRIL 1772, Tome T1, 8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Son de 1040 pieds, comme elle réfulte des obfervations de MM. Ma- raldi, la Caille & Caflini de Thuri. Suppofons maintenant que toutes ces particules aqueufes & étrangèresfe changent tout d’un coup en air pur & élaftique, il ne fera pas difficile de prévoir ce qu’il en arrivera. Je dis, 1°. que la hauteur du baromètre & la vitefle du Son à la fur- face de la mer, refteront les mêmes; car ce changement n’altère ni le poids de toute la mafle, ni Pélafticité à la furface de la mer, à moins que dans les particules étrangères , il n’y en ait eu qui, de leur na- ture, pouvoient altérer ou diminuer Pélafticité de l'air, auquel cas, leur changement en air pur produiroit une augmentation dans la viteffe du Son, ce qui favoriferoit encore mieux ce que je me fuis propofé d’é- tablir dans ce Mémoire. En fecond lieu, je dis que chacune de ces particules étant changée en air pur, fe dilate dans un efpace plufieurs centaines de fois plus grand que celui qu’elle occupoit avant ce chan- gement. Et comme par ce changement elle devient élaftique, il s’en- fuit, en troifième lieu, qu’au lieu qu'auparavant elle n’avoit fait que comprimer l'air inférieur par fon poids, elle élève maintenant l'air fupérieur par fon élafticité. La conféquence en eft, que toute l’ath- mofphère, de même que celle qu'on fuppofe être également denfe, fera élevée; de forte que , pour que le baromètre baïfle d’une ligne, il faudra monter beaucoup davantage qu'il ne le falloit auparavant, lorfque l’athmofphère étoit encore chargée de particules, qui, fans s'élever, ne faifoient que l’abaiffer par leur poids. Voilà donc létat de l’athmofphère, tel qu'il eft préfuppofé dans la théorie du Son. Cet état n’exifte point, parce que l’air eft toujours plus où moins chargé de particules étrangères, C’eft donc par ce calcul qu’il faudra réduire l'état réel de l’athmofphère à cet état fuppofé , afin de trouver les données néceffaires pour calculer la vitefle du Son, laquelle, dans l’un & l’autre de ces deux états, eft la même à la fur- face de la mer, ou en tel autre endroit qu’on mettra pour bafe dans cette réduétion. J’ajouterai encore que fi, au lieu de fappofer que les particules étrangères foient changées en air pur & élaftique, on fuppofe fimple- ment qu’elles foient anéanties , l'air pur qui refte s’élèvera néanmoins : car, par cet anéantiflement, l’athmofphère fe trouve débarraffée d’un poids, qui, fans contribuer à fa dilatation, ne faifoit que l’abaiïffer en la comprimant; & quoique dans le cas de cet anéantifflement , la hau- teur du baromètre à la furface de la mer diminue, de même que la denfité de l'air, la hauteur de l’athmofphère, fuppofée également denfe, ne laiffera pas d’être augmentée. Voici encore une autre manière de fe figurer ce que je viens de dire. Concevons à la furface de la mer une filée verticale de particules : il eft clair que dans cette filée, deux particules voifines font comprimées &c rapprochées SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 9 rapprochées l’une de l’autre par la fomme du poids de toutes celles qui fe trouvent au-deflus d’elles. Confidérons donc les deux particules les plus bafles ou qui font contigués à la furface de la mer, & leur diftance, multipliée par le nombre de toutes les particules qui fe trouvent dans la filée, donnera la hauteur de l’athmofphère fuppofée également denfe, dont on fait ufage pour calculer la viteffe du Son, Cependant, cette hau- teur ne fera pas la véritable , dès que dans cette filée verticale , il fe trouve outre les particules d’air, encore des particules aqueufes , ou d’autres encore plus pefantes. Car ces particules ne font pas équi- valentes à un nombre égal de particules d’air, mais à un nombre beaucoup & même plufeurs centaines de fois plus grand. Ce n’eft donc pas au nombre, mais au poids de toutes ces particules qu’il faut avoir égard; & il eft clair qu’on pourroit Le faire moyennant la hauteur du baromètre, fi le poids & la diftance des deux particules d’air contiguës à la furface de la mer, étoient donnés. On pourroit encore le faire immédiatement par des expériences, fi depuis la furface de la mer jufqu’à la hauteur, par exemple, de 100 pieds, l'air étoit fans aucun mélange de matières hétérogènes. Car en éleyant un baromètre par ces 100 pieds, fon abaiïflement marqueroit le poids de toutes les particules d’air qui fe trouvent dans une colonne de 109 pieds, & cet abaïffement auroit à toute la hauteur du mercure, le même rapport que celui qui eft entre les 100 & la hauteur d’une athmofphère fuppofée également denfe. LL, Mais comme l’athmofphère eft toujours chargée de vapeurs & d’autres particules étrangères, nous ne pouvons pas nous fervir de ce moyen pour trouver cette hauteur: au contraire, 1l eft très-poflible de la trouver, moyennant la vitefle du Son, ce qui fervira en même tems pour faire une fupputation de la quantité moyenne des vapeurs & des particules étrangères dont l'air eft chargé à la furface de la mer. Cette viteffe a été trouvée en Angleterre par MM. Aulley , Flamfieed & Derham, de 1080 pieds de Paris, & en France en 1739, de 1040 pieds de Paris. Je m'en tiendrai à ce dernier nombre, & en divifant le quarré 1081600 par 31,2,je trouve 35816 pieds pour la hauteur de lathmofphère fuppofée également denfe & débarraflée de toutes particules étrangères. Le calcul rapporté ci-deflus pour l’air tel qu'il eft ne donnoit cette hauteur que de 24192 pieds, ce qui n'étant que la + partie du nombre précédent, fait voir que les particules étrangères dont l'air eft chargé, abaïffent l’athmofphère très confidérablement & en forte qu’à la furface de la mer, la hauteur du baromètre reflant la même, une co- lonne de 25 pieds de hauteur pèfe tout autant que dans une athmof- phère d’air pur, peferoit une colonne de 37 pieds de hauteur & d’une même bafe: d’où il fuit réciproquement que le poids d’un pied cube d'air naturel eft au poids d’un pied cube d'air pur, comme 37 à 25. AVRIL 1772, Tome Il. 10 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE: Donc en fuppofant même que les particules étrangères n’occupent que les interftices de l’air pur, il s’enfuit que tout ce fuperflu du poids dérive de ces particules étrangères, & que par conféquent elles font la © partie ou environ le tiers de tout le poids d’un pied cube d’air pris à la furface de la mer. Ce qui, le pied cube pefant 684 grains, donne 222 grains pour le poids des particules aqueufes, métalliques, falines, &c. qui fe trouve dans un pied cube d’air, & par l’air ne fera que de 684— 222 == 462 grains. Comme toutes ces particules, encore qu’on ne les fuppofe ni falines, pi métalliques, mais fimplement aqueufes, ne laiffent pas d’être 700 ou 800 fois plus pefantes qu’un nombre égal de particules d’air, on voit bien que ces particules étrangères qui nagent dans l’athmofphère, doi- vent être fort difperfées. Car foit dans un certain efpace le nombre des particules d’air pur; leur poids =pa celui des particules d’air étrangères— à, & leur poids fera=—800 p#. Donc la fomme ou le poids total=—(4 + 800 B)p. Or, nous avons vu que le poids des particules étrangères eft + de ce poids total. Donc il fera So0 bp— = (a+800b)p. ce qui donne a — 78416; de forte que contre 784 particules d’air, on ne pourra compter que tout au plus une particule étrangère & aqueufe. On n’en comptera pas même fur 1000 ou 2000, fi parmi ces particules étrangères il s’en trouve beaucoup de falines & de métalliques; & il eft clair que ce rap- port croîtra à mefure qu’on s'élève vers léS'régions fuperieures de l'air. Rapport fait par MM. Duhamel du Monceau & Tiller , à l’Académie Royale des Sciences, du Traité Météorologique, préfenté a? Académie par ‘le Pere Cotte, Prêtre de POratoire, & Correfpondant de cette Académie. C ET Ouvrage eft entrès-grande partie un Réfumé de ce qui eft contenu fur cette matiere dans le Recueil de l’Académie. Il tend au but qu’elle a eu fans doute en vue, en raflemblant dans fes Volumes, : depuis un grand nombre d’années, toutes les obfervations de ce genre qui lui ont été communiquées; & par-là, cet Oùüvrage n’en eft que plus digne de fon attention. Nous fentons toutes les peines qu’il a dû coûter à l’Anteur; mais al falloit enfin commencer à réunir, fous un coup d’oœil, tout ce qui étoit épars dans un nombre confidérable de volumes ; il falloit rappro- -Cher les obfervations correfpondantes , en écartant d’elles avec intelli- gence, tout ce qui pouvoit y occafonner des différences accidentelles ; & peut-être convenoit-il encore d’eflayer, avec beaucoup de circonf- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 11 pedion , à tirer quelques induétions utiles de ces obfervations multi- pliées & vues fans aucun Plan où l’on cherchât à les amener. Le goût qu'a M. Cotte pour les obfervations météorologiques; fon affiduité à les fuivre; le lieu. où il réfide (Montmorency ), & fon attention à recueillir plutôt des faits qu'à s’empreffer d'en déduire une théorie, lerendoient plus propre que perfonne à entreprendre un Traité fur cette matière, & à le préfenter avec toute la réferve qu'il exige: L’Auteur, après avoir donné , à la tête de fon Ouvrage, un dif. cours qui rouie d’abord fur lhiftoire, & enfuite fur lutilité des obfer- vations météorologiques, relativement à la partie phyfique des Météo- res, à l'Agriculture & à la Médecine, divife fon Traité en cinq Livres. Il eft queftion, dans le premier, des météores en général; il y eft parlé fuccinétement de l’athmofphère qui en eft le fiège; des caufes du froid & du chaud; de la variété des faifons , & de l’éle&ricité natu- relle , ainfi que du magnétifme, à caufe de la liaïifon qu'ils ont avec les météores. Pour établir plus d’ordre dans ce premier Livre, M. Cotte divile les météores en quatre clafles, dont la première comprend, fous le titre de météores aëriens, les vents & les trombes: les météores aqueux,, tels que la rofée , les brouillards, la pluie, la neige , la grêle, &ec. font renfermés dans la feconde claffe : il fembleroit que les trombes qui font rangées dans la première, appartiendroïent autant à celle-ci, comme un amas de vapeurs qui fe réfout communément en pluie, qui quelquefois même contient de la grêle ; quelleque foit la caufe qui fafle élever & foutenir dans l’air ce météore fingulier. Le tonnerre , les feux folets, le feu Saint Elme , forment la troifieme clafle; celle des météo- res enflammés : enfin, la quatrieme comprend les météores lumineux, tels que l’arc-en-ciel & les parhélies : quoique la lumière zodiacale & l'aurore boréale ne foient pas regardées proprement comme des mé- téores , l’Auteur les range dans cette dernière clafle; & par-là, il ne laifle rien à defirer dans le dénombrement de tout ce qui eft connu fous le nom de météores & des phénomènes qui y ont un rapport pro- chain. La partie phyfique des météores a principalement attiré l'atten- tion de M. Cotte. Leur hiftoire l’auroit écarté de fon plan; & d'ailleurs, M. l'Abbé Richard vient de publier fur cette matière , un Ouvrage très- détaillé. On trouve dans le fecond Livre du Traitéque nous examinons , la defcription des inftrumens météorologiques, des thermomètres , ba- romètres, hygromètres, anémomètres , udromètres , des boufloles & . des éle@romètres. M. Cotte entre dans un détail particulier au fujet des baromètres & des thermomètres, & 1l s'explique fur les formes plus ou moins avantageufes qu'on leur a données jufqu’à ce jour. Le troifième Livre eft en grande partie l'extrait des obfervations 8e AVRIL 1772, Tome 11 Bi 12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des tables météorologiques qui fe trouvent dans les Mémoires de l’Aca- démie depuis 1700. Cet extrait comprend neuf tables, où l’on voit d’un coup-d’œil, quels ont été, chaque année, dans un efpace de tems aufh long, les plus grands & les moindres degrés de chaleur , les plus grandes & les moindres élévations de mercure , les vents domi- nans, la quantité de pluie, &c. Ces neufs tables font fuivies de quatre autres qui ne remontent , pour les obfervations météorologiques , qu'à l’année 1740, époque du premier travail en ce genre, de M. Duhamel. Le progrès des produ@tions de la terre , le tems de leur floraifon, de leur maturité , & de tout ce qui tient à ces points intéreffans, font l’ob- jet de ces quatre tables. Celle qui vient immédiatement, eft Le tableau des naiflances, mariages & fépultures, extrait des regiftres de la pa- roifle de Montmorency depuis 1700 jufqu’en 1770. La quinzième table, enfin, eft un réfumé dela précédente pour chaque mois des foixante- dix années. Un réfultat des tables précédentes & d’une multitude d’obfervations météorologiques . forme le quatrième Livre de ce Traité: c’eft la par- tie la plus étendue de lOuvrage de M. Cotte , & celle qui demandoit le plus de foin: il! l’a divifée en trois feétions ; toutes les remarques inté- reflantes pour la phyfique, ainfi que les obfervations fur le thermo- mètre, le baromètre, l’anémomètre, & les autres inftrumens de ce genre, ont pu lui donner lieu de faire, font comprifes dans la pre- mière feétion. 1 La feconde contient les remarques auxquelles les obfervations Bota- nico-météorologiques de M. Duhamel & les fiennes propres, l’ont con- duit. M. Cotte y parle fuccinétement des influences que peuvent avoir les météores fur la végétation & les différentes efpèces de terre; il entre dans quelques détails au fujet des effets qu'ils peuvent produire fur les biens de Ja terre de toute efpèce. C’eft un recueil de plufeurs confé- quences tirées avec beaucoup de circonfpe@tion de toutes les obferva- tions qu’on a faites jufqu'icien ce genre. L'influence que peut avoir fur le corps humain le reffort & la pefan- teur de Pair, fa chaleur ou fa froideur, fa fécherefle ou fon humidité ; les effets plus ou moins fenfibles que peut produire À ce même égard, la différente qualité d’alimens , le climat, la manière de vivre; tous ces objetsrapprochés d’une longue fuite d’obfervations, entrent dans la: troïifieme feétion. M. Cotte reconnoît qu'il les a puifées principalement dans les Mémoires que M. Malouin a publiés pendant neuf années con- fécutives fur les maladies épidémiques, comparées avec les différen- tes températures de l’air. Cette troifième feétion eft terminée par les réfultats que les tables des naiflances, des mariages & des fépultures de la paroiïfle de Montmorercy , lui ont donné lieu d’établir, en com- mençant depuis 1700 jufqu’à l’année 1770. SUR LP'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13 Le cinquième & dernier Livre de Ouvrage de M.-Cotte, roule fur la manière de faire les obfervations météorologiques, fur la fituation du lieu qui y eft le plus propre, fur le choix des inftrumens que l'Obfervateur doit employer, & fur les précautions qu'il doit prendre lorfqw'il en fait ufage. Les trois premiers chapitres de ce cinquième Livre font confa- crés à ces détails. La manière de diftribuer les tables météorologiques & un journal d’obfervations en ce genre, faites par Auteur même pendant l’année 1771 , compofent le quatrième chapitre, qui renferme une méthode utile que M. Cotte propole, & un exemple qui en eft Papplication. Il s’agit enfin, dans le cinquième & dernier chapitre, de la manière de réfumer les tables météorologiques ; & dans ce chapitre ci, comme dans les précédens, un exemple vient à l'appui de la méthode, & ne fait que mieux fentir l'utilité qu’on en peut recueillir. L’étendue confidérable qu’a le Traité de M. Cotte, & les détails où ileft entré dans chaque Livre , principalement dans le quatrième , de- manderoïent une analyfe beaucoup plus longue que les bornes pref- crites , finous voulions expofer, même fommairement , les obfervations fans nômbre que cet Ouvrage a exigées. Il paroît, par le réfultat qu'a donné M. Cotte, réfultat établi fur un elpace de 71 ans, & en formant une année moyenne, que la plus rande chaleur va en France à 26 degrés du thermomètre de M. de Rae: & que le plus grand degré de froid, examiné auf fur le même nombre d’années , & en prenantune année moyenne, eft de fept de- grés au-deffous de zero du même thermomètre, On voit par-là,' que la liqueur de linftrument s'élève communément en éré quatre fois autant ou environ au-deflus du terme de là glace, qu'elle defcend en hiver au-deffous de ce terme. M. Cotte ; en fuivant la même méthode pour connoître la quantité de pluie qui tombe à Paris, année commune ; obferve qu’elle eft de r6 pouces 9 À lignes. Ce réfultat eft formé fur 66 années , dont la plus plus vieufe fur en 1711. Il tomba eneflet 25 pouces: Hg. d’eau”: celle oùil'en tomba le moins fut 1723 , puifque la quantité en fut bornée"à-7 pos ces 8 lignes. En rapprochant ces deux années, la quantité môÿenne de pluie fera de 16 pouces 5 lignes, qui, comme on voit} revient à peu-près à celle qui eft établie plus haut pour 66 années. Ainfi , il fem- ble que dans un certain efpace de tems, il tombé à peu: près la même quantité d’eau; & que ce qu'il en manque dans une année fèche,, pour qu’elle foit au niveau d’une année moyenne ,‘{e retrouve ou dans une feu'e année: pluvienfe ou''dans plufieurs qui (vont au-delà de Pannéèé moyenne. M. Corte oblerve que les pluies érorent plus abondantes au- trefois en France, qu’elles ne le font a&tüéllemenr; &'il fonde fa re- marque fur la diminurion des’ qualités moyennes qu'on a annoncées à AVRIL 1772, Tome 11. 14 2OBSEIRVATIONS SUREA PHYSIQUE, différentes époques On: voit en effet, que les. dix: premières années d’obfervations, en-partant de 1688, donnent une quantité moyenne de. ra pouces; qu’elle fe réduifit à 8, pouces 8 lignesen 1708 ou 1709 ; qu'à la vérité. elle étoit à-peu-près la même en 1718; mais qu’en 1728, où;après 40 ,ans d’obfervations , elle, n'étoit plus. que de 17 pouces & dignes; que cette quantité moyenne fe trouva réduite,en 1743 à 16 pouces 8 lignes : elle étoit à peu-près la même en 1754. Il s'agira d’exa- miner dans la fuite, fi cette diminution de pluies a lieu ainf après un certain nombre d’années, &,en formant un réfultat moyen, comme on.a déja fait pour 66 années ,‘prifes à trois ou quatre époques. La quantité confidérable de bois qu’on a abattus depuis 80 ans, paroît à M..Cotte;une caufe aflez naturelle de cette diminution. A L'article de la végétation, & fur:tout celle, des plantes qui font de première néceffité ; eft traité fort au long dans çet Ouvrage. L’Auteur y examine Pinfluence queles gelées ,. les grandes chaleurs, les pluies, les neiges , &c. peuvent avoir fur les grains de toute efpèce ; il y parle du tems le plus favorable, en général, pour Les femailles des. diffé- rentes efpèces de grains , & relativement aux climats dans, lefquels elles oivent être faites. Il s'appuie partout des meilleures obfervations qui ontété données en ce genre; il les rapproche , les combine, & pré- fente, fans rien aflurer de trop poñtif, ce qu’il en faut conclure raifonna- blement pour la pratique. Be : U s’explique, dans unarticle fort étendu aufi, fur l'influence des météores, à l'égard du corps humain; sil entre dans le détail des ma- Jadies épidémiques qui peuvent avoir pour caufe, foit le mauvais air ou changement, fubit dans fa température , foit la quantité des alimens, qui, dans. certaines:années, ne parviennent pas à leur point de matu- rité , c’eft toujours avec la même réferve qu'il s'explique. Il fonde fans cefle fes remarques fur les obfervations que M. Malouin a publiées dans les Mémoires de l’Académie, fur celles que M. Duhamel a données pendant plufieurs années à la fuite de fes obfervations météorologi- ques, & il y en, ajoute quelques-unes qui,lui font propres. Il remarque, par.exemple, que les maladiés de poitrine étant fort communes à Montmorency , il fembleroit d’abord que c’eftà l'air trop vif qu'on y relpire, que la caufe devroit étreattribuée : mais comme 1l n’y a prefque que les perfonnes du fexe que ces maladies attaquent, M. Cotte oblerve, avec aflez de vraifemblance, qu’on peut en afligner la caufe dans le genre de travail { celui de faire de la dentelle). dont. prefque toutes les femmes & les filles de Montmorency font occupées, On fait en effet qu'elles font toujours courbées fur leur petit métier, & que cette pofiure génante peut au moins contribuer ayx maux de poitrine dont la plupart d’entre elles fe plaignent. , . D'apres l'expolé que nous venons de faire , & encore mieux d’après Y'examen plus détaillé de Ouvrage de M, Cotte, dans lequel nous fom- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. rs mes entrés , nous croyons que ce Traité fera favorablement accueilli par le Public. Il eft à proprement parler, &e en grande partie, un pré= cis des Mémoires de l'Académie, fur les objets qui y font préfentés. On ne juge bien , qu’en le lifant , des peines qu'il a coûtées à PAuteur > comme nous l’avons déjà dit, & de l'attention qu’il a eue de bien faifir lefprit des Mémoires, dont il a fait ufage, à mefure: qu'il a eu befoin d’en tirer dés lumieres pour les points particuliers qu'il avoit ä/difcuter: L'Académie a accepté la dédicaceide cet Ouvrage ;:&'a pérmis à l’Auteur de le faire imprimer fous le Privilège de l'Académie, C’eft faire jouir le Public par anticipation , en lui préfentant ce rapport bien fait, & c’eft augmenter fes defirs même en les prévenants SUITE DU PRÉCIS SUR LES EAUX MINÉRALES. £ t i- CH Dé e RO UTILE à Des Eaux Mineérales Martiales. Y21. qe eaux minérales martiales font ainfi : nommées, ' parce qu'elles contiennent du fer. toi 1122. La noix de gallé eft, pour les eaux martiales, tine efpèce:de pierre de touche qui les fait aifément reconnoître. R 123. La poudre de noix de galle, jettée fur une eau martiale , ‘lui fait donc prendre, foit une couleur pourpre, plus ou moins foncée, - foit une couleur violette ou d’un noir délayé. L 124. La couleur plus ou moins foncée, que la noix de’ galle com- munique anx eaux martiales, eftrun indice du plus ou moins de fer qu’elles contiennent, | en 125. Si une eau réputée martiale, foumifelà cette épreuve, ne fe tient point, comme on yient de le dire (S. 122), on peut aflurer-qu’elle n’eft pas martiale, quand même ; par une analyfe recherchée, & pour ainfi,dire minutieule, on pourroit'patvenir à y démontrer quelques atômes de fer, comme, l’a fait. M. Bouldue pour'les eaux de Bourbon, 126. [Il y'a deux efpèces d'eaux! martiales. 127. Les unes contiennent un véritablervitriol dé mars; la noix de galle les colore en noir plus où moins délayé; évaporées ;‘elles donnent des cryftaux de vitriol; expofées à l'air, expofées à'la chaleur, mifes fous le récipient d’une mächine pneumatique, enfin gardées des années entières. dans des bouteilles, elles confervent leur qualité d'eaux mar- tiales ; & fe démontrent telles à l'épreuve ($..122). Hu128 Les eaux martiales -de-gette! efpèce. (. 126 )font-rares. Nous connoiflons. cependant, celles de Pafly; dites de Calfabipi, celles AWRIL 1772, Tome IL. ré ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dé Venai en Piémont, & celles de la fource de als, qu'on appelle 24 Dominique. | 129. Les eaux martiales de la feconde efpèce font infiniment plus communes ;le fer qu’elles contiennent n’y eft pas combiné avec l’acide vitriolique, mais l’état de diflolution dont il y jouit eft fi foible, &, pour ainf dire, fitendre, que le moindre degré de chaleur, le feul accès de l'air libre, le vuide de boyle, altèrent la compofition de ces eaux, & en précipitent le fer ; effer qui eft produit par le tems feul dans les vaifleaux les plus exaétement bouchés. La noix de galle leur fait prendre une teinte pourpre plus ou moins foncée. L’analyfe ne peut y démontrer un feul atôme de vitriol. 130. Les fameufes eaux de Pyrmont & de Spa; celles de Pay, qué léur proximité de Paris a rendues fi célèbres; celles de Forges ; celles de Gabian; celles de Vals, de la fource dite la Marquife, &c., font des cäux martiales de cette feconde efpèce, (K. 128 ). 131. Il fuit de ce qu’on a dit ( $. 128 ), que ce n'eft qu’à leur fource qu’on peut prendre ces eaux dans leur intégrité; encore faut-il pour cela les y prendre froides : tran{portées au loin , gardées long-tems dans les magafins, elles ont entièrement dépofé leur fer, & n’agiffent plus qu’à raifon des fubftances falines , dont toutes ces eaux font plus ou moins imprégnées. ( Voyez le S. 7 ). 132. Ces eaux ($. 128 ) font froides. Nombre d’entr’elles fort émi- nemment fpiritueufes ou aërées. (. 18 & fuiv ). 133. Celles qui, comme les eaux de Pafly, contiennent très-peu d’air furabondant, ont fimplement un goût ftyptique plus ou moins fort. Celles qui font notablement fpiritueufes ont de plus ie goût piquant ($.4), qui obfcurcit beaucoup le premier. ; 134. Ces eaux (S.128 ) diffèrent entr’elles, foit par le plus ou moins de fer qu’elles contiennent, foit à raïfon de la quantité ou de la qualité, des fubftances, foit falines, foit terreufes, qui $’y trouvent avec le fer. 135: Par le moyen de l'expérience ($. 123), on reconnoit fi une eau martiale eft forte ou légère. Si l’on veut favoir avec précifion quelle quantité de fer tient en diflolution une mefure donnée d’une ean mar- tiale de la feconde efpèce , 1l fuffit de la laïffer expolée à l'air libre, jufqu'à ce que le fer qu’elle contient foit précipité ; on fait fécher enfuite ce fédiment ou fafran martial, & on le pèfe. : 136. On pourroit aufli traiter ce fédiment au feu de reverbère avec un flux réduétif, & pefer le fer attirable par l’aimant qu'on au- roit obtenu par ce procédé. Mais de telles précifions me paroiflent minutieufes & fuperflues. 3p 2 Ye , 2 137: Pour ce qui concerne les autres fubftances, foit falines, foit terreufes, qui peuvent être contenues dans une çau martiale , J'ai donné, SUR"L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 17 donné, en parlant des eaux falines, les moyens de les reconnoitre & de les démontrer. 138. Quelques grains de limaille de fer, mouillés & triturés avec un égal poids de fleurs de foufre, mis dans un lieu frais en digeftion dans une bouteille pleine d’eau pure, & bouchée avec le plus grand foin, communiquent à cette eau, dans l’efpace de ‘rois où quatre jours, toutes les propriétés ($. 128) d’une eau martiale de la feconde efpèce. On peut donc, par le moyen de cette diflolution particulière du fer, & en la mêlant entelle ou telle proportion avec une eau faline naturelle ou fadice , plus ou moins compofée, plus où moins aërée, imiter avec un certain degré de précifion les variétés que l’on obferve dans la com- pofition des eaux minérales martiales de cette feconde efpèce ($. 128) 139: Il feroit fuperflu d’expofer les moyens dont on peut fe fervir pour imiter les eaux martales vitrioliques, ($. 126 ). 140. Les eaux martiales ne tirent pas uniquement leurs vertus du fer qu’elles contiennent , elles font en même tems falines (s. 7, 136), & ont des propriétés (5. 83) qui leur font communes avec les eaux falines. On les emploie même prefque indiftinétement dans les cas CS. 84, 87, 90, 93, 94, 95); & fouvent, nous ne nous décidons à donner la préférence à telle eau faline ou martiale, qu'à raifon de la commodité qu’a le malade de s’y tranfporter plus aifément & à moins de frais, ou de fe les procurer chez lui plus récentes & moins altérées. 141. Les eaux martiales plus éminemment toniques, & légèrement aftringentes, font cependant préférées dans certains cas : par exemple, lorfqu’il s’agit de modérer un flux menftruel où hémorrhoïdal. Elles font auffi plus particulièrement recommandées pour la guérifon des pâles couleurs, des cours de ventre opiniâtres, des pertes blanches, des pertes de femences, des écoulemens opiniâtres qui fuccèdent aux gonorrhées vénériennes. Plufieurs Auteurs aflurent aufi que ces eaux font très-utiles pour la guérifon de la paralyfie fcorbutique, efpèce de maladie que nous ne fommes guères à portée d’obferver dans ce climat. 142. Pour ce qui concerne l'emploi méthodique des eaux martiales, foit purgatives , foit fimplement altérantes & diurétiques , on doit con- fulter ce que nous avons dit fur le même fujet en parlant des eaux falines ($. 98 & fuiv.) CH A PaT RE IIL Des Eaux Minérales Sulfureufes. 143. | LR eaux fulfureufes exhalent une odeur d'œufs couvés, ou plutôt d'œufs durs qu’on ouvre tout chauds. Elles impriment une cou- AVRIL 1772, Tome 11. 18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, leur rougeâtre gorge de pigeon, violette, brune, noire à la fuperficie des lames d’argent qu’on y plonge ou qu’on expofe à leur vapeur : cette clafle d'eaux minérales eft très-nombreufe. On y compte celles de Barrèges , de Cauterêts; les eaux chaudes, les eaux Boues, celles de Bagnères, de Luchon, &c., dans le Béarn; les eaux de Morlitx, & plufieurs autres dans les Pyrennées du Rouffillon; les eaux de Bagnols dans le Gévaudan, celles d’Aix-la Chapelle, &c. 144. Nombre de faits démontrent que ces eaux (S$. 142) font effec- tivement impréenées de foufre. Leur odeur, quoique moins forte , eft évidemment analogue à celle du foie de foufre. Il fe fublime du véri- table foufie aux parois des conduits. des eaux d’Aix la-Chapelle ; il s’en ramafñe à la furface des eaux de la fource puante auprès d’Alais; on trouve dans beaucoup d’eaux fulfureufes des efpèces de glaires, qui, féchées, brülent comme le foufre, & exhalent la même odeur : le vinaigre exhale dans l’inftant l’odeur de ces eaux, comme celle de la diflolution du foie de foufre, Ces eaux & cette diflolution produifent des effets femblables fur l'argent & fur la diflolution d'argent. Enfin, c'eft par une diflolution particulière du foufre, qu'on réuflit à faire des eaux fulfureufes artificielles, qui ont les propriétés fenfibles & chymiques des naturelles. 145. Cependant, perlonne n’a donné jufqu’à préfentle moyen d’ana- lyfer ces eaux, de manière à en extraire, à mettre fous les yeux le foufre qu’elles contiennent fi évidemment. La grande difficulté d’une telle analyie me paroît tenir à deux caufes principales. Premièrement, à l'extrême volatilité dont jouit le founfre dans la diffolution particulière qui conftitue les eaux fulfureufes. (Voyez Le $. 146). Secondement, à ce qu’une quantité de foufre exceflivement petite, fuffit cependant pour communiquer une odeur d'œufs couvés à un volume d’eau con- fidérable. 146. C’eft en employant une terre abforbante pour intermède, qu’on réuflit à diffoudre le foufre dans l’eau, de manière à bien imiter les eaux fulfureufes. L’analyfe démontre une terre de cette nature dans les eaux d’Aix-la-Chapelle, de Barrèges. Cette terre eft plus abon- dante dans les eaux d’Aix-la-Chapelle, qui font plus éminemment ful - fureufes; on n’en trouve que très-peu ou point du tout dans les eaux de cette claffe qui font très-foibles. Nous avons donc tout lieu de pré- fumer, ou plutôt de conclure que les terres abforbantes font auf l’in- termède dont fe fert la nature dans la diflolution particulière du foufre, qui conflitue les eaux fulfureufes qu’elle nous donne. 147. Le foufre ainfi diffous fe dépage & s’exhale facilement. Une chaleur douce, le feul accès de l'air libre fufhfent pour fairé perdre à une edu fulfureufe fon odeur, fon goût, & les autres propriétés ($. 142, 143), qui la conflituent fulfureufe, Ces «eaux fe confervent un certain SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 19 tems dans des bouteilles bien bouchées. Celles qui font foibles y perdent bientôt leur qualité; celles qui font fortes, s’y confervent mieux. Mais leur odeur , devenue plus forte & même dégénérée , femble quelquefois annoncer qu’elles y ont fubi une efpèce de corruption, 1 148. C’eft pourquoi (#. 146 )iln’y a prefque pas de comparaïfon à faire entre les effets de ces eaux prifes à leur fource, ou tranfportées , fur-tout, lorfqu’elles ont un peu vieilli dans les Magalins. 149. Les eaux fulfureufes font prefque toutes chaudes, mais à des degrés très-différents. Celles d’Aix-la-Chapelle, celles d’Olete dans le Rouffillon, ont une chaleur qui approche de celle de eau bouillante : celles de Barrèges font chaudes, à-peu-près au quarantième . degré ; celles de Nyer dans le Rouflillon, au dix-neuvième, 150. Le gout des eaux fulfureufes eft défagréable ainfi que leur odeur; le degré de ces deux qualités fufit pour faire juger à-peu-près du degré de leur force. On peut encore en juger par la couleur plus ou moins foncée qu’elles donnent aux lames d'argent, & par le plus ou moins de promptitude avec laquelle elles produifent cet effet. Les eaux fulfureufes très-foibles ; expofées à l'air, perdent leur odeur dans un inftant. Celles qui font fortes ne la perdent entièrement que dans lefpace de dix-huit ou de vingt-quatre heures. 151. L’odeur des eaux fulfureufes réfroidies, eft plus forte & plus défagréable que lorfqu’elles font chaudes. 152. Ces eaux font en général onétueufes & rendent la peau douce. 15:. Il y a des eaux fulfureufes qui ne contiennent que très-peu de fubftances falines, & ce font les plus eftimées. Telles {ont les eaux de Barrèges, de Caurerêts, de Morlitx, &c. IL y ‘en a d’autres qui ,comme les eaux d’Aix-la- Chapelle, en contiennent beaucoup. Les vertus ou facultés de ces dernières font compoñées de celles des eaux falines, &c de celles des eaux fulfureufes. 154. Prifes intérieurement , les eaux fulfureufes ferrent le ventre; elles pañlent par les urines en proportion de la quantité qu’on en boit. Plus ou moins échauffantes fuivant leur degré de force (S.149), elles accélèrent la circulation du fang, portent un peu à la tête, diminuent le fommeil, augmentent la tranfpiration & l’appétit ; elles excitent quelquefois le crachement de fang aux perfonnès qui y ont de la dif- poñition. TE 155. On les fait prendre le matin à jeun; la dofe en eft différente fuivant leur degré de force. Celles de. Bagnols dans le Gévaudan, qui font très-foibles, peuvent fe prendre jufqu’à la dofe de quatre, de fix livres. On ne prend celies de Barrèges, de Cauterêts, de Morlix, qu'à celle de trois, quatre, cinq gobelets; & même, dans plufeurs cas, on les coupe utilement avecrle lait. 156: L'expérience a fait connoître que ces) eaux fulfureufes, prifes AVRIL 1772, Tome 11. C i 20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, intérieurement, étoient particulièrement utiles dans les maladies opi- niâtres de l’eftomac, qui dépendent de l’inertie de ce vifcère, des cru- dités glaireufes & acides qui s’y ramañlent. 157. Elles m'ont paru avoir des fuccès très-marqués dans les cours de ventre opiniâtres, & même dans la dyffenterie chronique. 158. Elles font recommandées à jufie titre pour la guérifon des pâles couleurs & pour le rétabliffement des règles diminuées ou fup- primées. Dans ce dernier cas, on craindroit de les employer chez les perfonnes qui ont des difpoñtions marquées aux affettions fpafmo- diques, ou au crachement de fang. 150. Ces eaux ont été particulièrement célébrées pour les belles cures qu’elles ont faites dans certaines maladies de poitrine; mais le bruit qu'ont fait ces cures, ÿ a fouvent attiré des malades auxquels elles ne convenoient pas. Les plus habiles Médecins en recommandent lufage pourfondre les duretés tuberculeufes du poumon, ou pour en déterger les ulcères, mais feulement dans les cas de cette efpèce où il n’y a que très-peu ou point de fièvre; fi la fièvre lente eft bien éta- blie, & fur-tout, fielle a une marche un peu vive, alors, ces eaux nui- fent pour l’ordinatre, loin de produire les bons effets qu’on fe croyoit en droit d’en attendre, Si le malade eft fufpe& de quelque difpofñition à lhemophthyfie, s’il eft fort fufceptible d’échauffement & d'irritation, nous donnons la préférence aux eaux fulfureufes foibles, à celles de Bagnols par exemple; ou fi nous confeillons les eaux de Cauterêts ou de Morlitx qui font plus fortes, nous recommandons de les prendre à petites dofes & coupées avec du lait. 160. Perfonne n’ignore combien la douche de Barrèges eft renom- mée pour la guérifon des ulcères calleux , fituleux , invétérés. Les effets admirables qu’elle produit dans ce genre de maladie, dépendent de la qualité fulfureufe des eaux de Barrèges, & de leur degré de chaleur qui eft porté à-peu-près au quarantième degré. Cette douche excire une forte de fièvre locale, augmente la fuppuration, favorile la déterfion de l’ulcère, en fond les callofités ; en un mot, elle le renouvelle pour ainfi dire, & le ramène à la condition d’une plaie fimple. 161 C’eft une chofe connue, que lopiniâtreté des vieux ulcères, fuites de coups de feu, dépend fouvent de quelque morceau de che- mile, de drap, &c. qui y eft retenu: la nouvelle inflammation, l'augmentation de fuppuration qu’excite la douche, déterminent quelque- fois l’expulfion de ces corps étrangers. 162. Les habiles Médecins & Chirurgiens, qui dirigent aux eaux le traitement de tels ulcères , ne négligent pas de faire en même tems les injettions , les dilatations, les contr’ouvertures nécefaires pour remé- dier à la flagnation dupus: & même, fi l’uléère eft entretenu par une ‘ SUR L'HIST., NATURELLE ET LES ARTS. 21 carie ,ileft quelquefois néceflaire de découvrir l'os affeété, & de mettre en ufage les opérations & les remèdes convenables pour enlever ou pro- curer l’exfoliation dela partie de cet os qui eft carice. 163. Dans ces fortes de cas ($. 559), pour feconder ce bon effet de la douche, on confeille ordinairement au malade de prendre chaque jour quelques gobelets d’eaux minérales, & le bain tempéré. 164. Les eaux fulfureufes prifes intérieurement, &r les bains des mêmes eaux font utiles dans les maladies de la peau , comme les dartres, les gales opiniâtres, la teigne. Les bains tempérés à-peu près du vingt-huit au trente-deuxième degré, me paroiflent convenir dans ces fortes de cas. Des bains plus chauds pourroient nuire loin d’être utiles. On doit auf favoir que la guérifon de ces maladies ne doit être entreprife qu'avec beaucoup de circonfpe&ion, & qu'il eft fouvent prudent de ne pas l’en- treprendre. 165. Les eaux de Barrèges ont quelquefois des. fuccès brillans , même dans les écrouelles , mais particulièrement chez les fujets qui font dans l'époque de la puberté. Les Médecins de Barrèges penfent que dans cette maladie, les friétions mercurielles ajoutent beaucoup à l'efficacité de leurs eaux. M. de Bordeu rapporte quelques exemples de cures opérées par cette méthode, même fur des malades qui avoient pañlé l’âge de pu- berté. 166. Leseaux fulfureufes qui font chaudes du trente-fix au quarante ou quarante - deuxième degré, peuvent encore donner des bains très- utiles dans la grérifon des paralyfies, de certaines roideurs des articu- lations, particulières aux genoux, de leur gonflement, de leur hydro- pifie menaçante ou confirmée. Les bains tempérés , les bains de vapeur des mêmes eaux , peuvent être très- utiles dans la fciatique & les dou- leurs rhumatifmales chroniques. Mais ces différens bains d’eaux fulfu- reufes partageant ces propriétés avec les bains de nombre d’eaux de qua- lités tres-différentes ; les effets falutaires qu'ils produifent dans ces fortes de cas, doivent être attribués à leur degré de chaleur , & non à leur qualité fulfureufe. CHAA NP EUTIRI EN DV: Des Eaux chaudes non Minerales. 167. FH oran obferve qu’il y a plufieurs eaux de cette efpèce, tant en Allemagne qu’en Italie. Nous en avons auffi en France. Telles font celles de Saint-Laurent en Vivarais , une partie des eaux nombreufes de Bagnères, celles de Rennes en Languedoc. 163. Ces eaux font les plus faciles à reconnoître : le goût, l’odorat n’y AVRIL 1772, Tome II. 22 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, découvrent rien de minéral: évaporées, elles ne laiflent que très-peu ou point de réfidu. 169. Quoique dépourvues de fubftances minérales , ces eaux ne font pes fans vertus. On les emploie utilement dans le traitement des affec- tions vaporeufes hypocondriaques, des maladies d'irritation des reins, de la veffie , de la poitrine, & des dérangemens opiniâtres de l’efto- mac, qui dépendent de la même caufe. 170. Les malades qu’on envoie à ces eaux, en prennent plus ou moins dans la matinée; plufieurs même en boivent à leurs repas. On joint ordi- nairement à leur ufageintérieur, celui du bain tempére. 171. On voit aifément pourquoi ces eaux ne fe tranfportent pas comme les autres pour être employées loin de leur fource, par les malades quine peuvent s’y rendre. Les eaux de Bagnères font de toutes les fources de cette efpèce, celles qui font les plus fréquentées. 172. Les eaux chaudes non minérales font fans contredit très-faciles à imiter. Il fuffit pour cela de faire tiédir une eau pure quelconque au bain -marie , afin qu’elle neprenne ni le goût , ni l'odeur qu’elle contraéte néceflairement lorfqu’on la fait chauffer à feu nud. On peut donc y fup- pléer de cette manière , quelque fimple qu’elle paroïfle, & on y fupplée peut-être fans le croire dans beaucoup de cas des maladies ($.168) où l’on prefcrit avec fuccès l’ufage abondant d’une eau de poulet , d'une eau de veau infiniment légère; mais on ne doit pas perdre de vue que le voyage qu’onentreprend pour fe rendre à ces eaux , l’exercice jour- nalier qu'on y fait, la diffipation qu'y procure la nouveauté des objets , l'air libre & pur qu’on y refpire , revendiquent une part confidérable des bons effets qu'elles produifent. 173. Ces eaux peuvent encore, fuivant leurs divers degrés de chaleur, donner des bains chauds, des douches, des bains de vapeur qu’on peut employer utilement dans la guérifon de la paralyfie, de la fciatique, des douleurs rhumatifmales chroniques, (voyez le $. 165$ ). 174. Leseaux minérales étant fi utiles & fi fouvent employées dans le traitement des maladies chroniques, les jeunes Médecins ne peuvent être trop empreflés de s’inftruire de la nature & des propriétés de celles qui font les plus employées dans le pays où ils ont fixé leur réfidence. 175. Les meilleures fources dans lefquelles on peut puifer ces connoif- fances, font, fi je ne me trompe, les nombreufes Differtations d'Hof- mann, celles de M. Prefleux fur les eaux de Spa; celles de Seip fur les eaux de Pyrmont; nombre de Mémoires inférés dans ceux de l’Acadé- nue des Sciences; l’{rer medicum de Springsfeld; la Differtation de M. Bordeu, intitulée, Aquiraniæ min. Aque ; l’ Analyfe des eaux de Seltz, par M. Venel; le Traité des eaux minérales du Rouffillon, par M. Cürrere; le Traité des eaux de Spa, par M. Limbourg ; le Traité des eaux minérales, par M. Monnet, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 23 176. Les Auteurs qui ont écrit fur l’ufage particulier de certaines eaux minérales , font fouvent trep généreux dans le nombre des propriétés, & fur-tout des propriétés exclufives qu’ils leur attribuent, On doit donc pefer attentivement le degré de confiance qu'ils méritent, & fe tenir en garde contre les erreurs qu'ils pourroient nous communiquer, NOUVELLES EXPÉRIENCES SUR LA PUTRÉFACTION DES HUMEURS ANIMALES, Dans lefqnelles il s'agit principalement du fédiment purulent , de la férofité du Jang & de la coëne pleuritique, par M. J.B. GABER. L n’eft aucune humeur dans le corps humain dont l’origine & la nature foient, fuivant moi, aufli douteufes & aufñ incertaines, que celle du pus; car fon odeur légèrement défagréable, & quelques autres fignes, lui donnent beaucoup de reflemblance avec les humeurs corrompues : cepen- dant, fi l’on fait attention à fon caraétère doux, agréable & un peu balfa- mique, on trouvera que la différence eft encore bien plus grande. Son épaiffeur , fon cgalité , fon opacité & fa blancheur, font autant de fignes particuliers d’une humeur corrompue. La plupart des Médecins & des Chirurgiens le regardent comme le produit de la vie & de laétion vitale, parce qu'ils n’ont jamais rencontré hors des corps animés une humeur pareille, foit produite par la nature, foit par les fecours de l'Art. Le célèbre Pringle a enfin découvert la véritable origine & la nature de cette humeur, & l’a expliquée par des expériences très-lumi- neufes, Il a obfervé que la férofité , digérée fans aucune aëtion vitale, dépofe un fédiment parfaitement femblable au vrai pus. Cette décou- verte m'a paru mériter toute mon attention. J’ai voulu tâcher de la per- fe&tionner autant qu’il dépendroit de moi. En conféquence, j'ai fait plu- fieurs expériences qui, fi je ne me trompe, confirment cette découverte, l'ornent, & montrent la vafte étendue de fon ufage dans cette partie de la pathologie. J'en ai fait auffi quelques - unes à cette occafñon touchant Ja coëne pleuritique. J'ai cru devoir foumettre les unes & les autres au jugement des Savans, 1°. J'ai conftaèmment obfervé que la férofité, en fe putréfiant , dépofe deux fortes de fédimens. L’un fe fépare dans les premiers jours de la digeflion , fans que la férofité foit troublée. Ce fédiment ef fort blanc, adhérent au fond du vale, & d'autant plus épais que le degré de cha- leur employé dans la digeftion eft moindre. À un degré de chaleur modéré , tel que le dixième degré du thermomètre de Réaumur , ce PAmeiz 1772, Tom. II. 24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fédiment reffembloit à cette membrane tendre qui couvre les inteftins des hydropiques.On voyoit à la furface de la férofité, une portion de la même matière, femblable à une membrane. L'autre fédiment fe dépo- foit plus tard, & la férofité fe dépofoit auparavant (4). La couleur de ce fediment étoit d’abord plus cendrée, & fa confiftance moins com- paéte ; mais avec le tempsil s’épaififloit , devenoit plus opaque & plus blanc. Si l’on augmentoit un peu la chaleur de la digeftion , le premier fédi- ment fe confondoit tellement avec le fecond, qu’il n’étoit pas poffible de les diftinguer. Le premier étoit fort mince, & avoit à peine deux ou trois lignes d’épaifleur, L'autre étoit beaucoup plus épais, & failoit plus d’un tiers de la férofité. Le premier, comme nous avons dit, fe féparoit par une chaleur égale à celle du corps humain, dans l’efpace d’un ou deux jours ; l’autre ne paroïfloit qu'après cinq ou fix jours & même plus tard. 2°. Plus la chaleur étoit grande, plutôt le fédiment fe dépofoit. Ce dépôt fe faifoit aufi beaucoup plus promptement dans les vafes étroits que dans de plus grands, toutes chofes égales d’ailleurs , pourvu qu’on eût foin de couvrir d’huile la furface de la férofité. Ce fédiment fe pré- cipitoit plus tard, toutes chofes égales d’ailleurs, dans les vaifleaux bouchés hermétiquement , que dans ceux dans lefquels la furface de la férofité étoit couverte d’huile; & de même, la féparation fe faifoit un peu plus tard dans ceux-ci, que dans ceux où la férofité étoit expofée à l'air. 3°. De plus, quoique le fecond fédiment parût d’un blanc cendré, opaque , homogène, & occupât la partie inférieure du vale, de ma- nière qu'il avoit une furface horifontale ; cependant, fi la férofité étoit fortie d’un corps cacochyme, & portoit la couleur de la bile ou de quel- qu'autre humeur dominante, le fédiment qui s’en féparoit n'étoit pas toujours du même caraëtère, mais 1l étoit inégal, divifé en flocons, dont une partie tomboit au fond du vafe , & l’autre nageoit à la furface, ce qui arrivoit plus fréquemment dans les vaifleaux ouverts, expofés au degré de chaleur du corps humain, où même à un plus fort. Lorfque la partie la plus fubtile étoit évaporée avant d’avoir pu s’épaiflir , le fédiment fe {éparoit d’une manière fi confufe , qu'il n’étoit plus blanc, mais plus ou moins noir, fétide, glutineux, femblable au capur mortuum qu'on trouve après la difbllation de la férofité. 4°. Je penfe que c’eft de là, ou de quelqu’autre caufe fortuite fem- blable , que Peau qui nagcoit fur le fédiment, tenoit la couleur verte “que M. Pringle (2) lui a remarquée, ainfi que je l'ai obfervé moi- {a) Pringle, Traité fur les fubftances fept, & antifept. t. II, exp. XLV. pag. 278e {b) Loc, cit. même SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. »$ même dans de la férofité tirée du fang des i@tériques, & expofée à une chaleur de vingt-cinq degrés; mais toutes les fois que j'ai mis à digé- rer la férofité faine & couverte d’huile , ou dans des vaiffeaux fermés hermétiquement , à une chaleur de vingt-cinq & même de trente-cinq degrés, J'ai conftamment obfervé que l’eau qui nageoït à la furface éroic fans couleur, & d'autant plus claire qu'elle avoit demeuré plus long- temps en digeftion. 5°. H eft inutile de dire que tandis que le fédiment fe dépoloit & s’épaififloit, il fortoit toujours quantité de bulles d’air à travers de lhuile qui -couvroit la férolité; l'air fe ramafloit fouvent en fi grande quantité dans les vaiffleaux bouchés hermétiquement, que les vaifeaux les plus forts fe brifoient quelquefois avec fracas, ce qui arrivoit prin- cipalement lorfque la grande quantité de férofité laïfloit peu de vuide dans le vaiffeau. 6°. Je crois devoir attribuer à cette compreflion de l'air, le retarde- ment de la féparation du iédiment dansles vafes ainfi bouchés. Car les expériences lumineufes de M. Boyle prouvent que cette comprefñon de l'air retarde & empêche tout mouvement inteftin & les commence- mens de putréfaction, d’où dépend la fuppuration du fédiment. 7°. J'ai jugé à propos de comparer les qualités de ce fédiment à celles du pus. 1°. Le pus eft blanchâtre, opaque & épais; nous avons dit que le fédiment a les mêmes qualités (c). 2°. Le pus fe diflout dans l’eau, & s’épaiflit de nouveau fi on le laifle repofer (4). J'ai obfervé dans mes expériences, que la même «uofe arrive au fédiment. 3°. Le froid ne coagule pas le pus(e). Le fédiment a la même pro- priété. 4°. Un pus louable eft toujours un peu fétide (f); mais prefque infen- fiblement (g). De même, le fédiment n’a prefque pas d’odeur au moment qu'il eft dépofé (4 ); de plus, il ne fait point encore effervefcence avec les acides ; bien plus , j'ai obfervé que le fédiment & l’eau qui furnage font coagulés par les acides & par le feu, & que le contraire arrive à la férofité tout- à -fait corrompue (i). Les expériences que j'ai faites m'ont prouvé que le pus a les mêmes propriétés; car il eft pareillement 4 e à 4c) V. Quefnay, de la fuppuration, p. 2, 3; Prix de l’Acad, de Chirurgie, t. LI. p. 3714 {d) Traité des cumeurs & des ulcères, c. J. p. 39, {e) Id. loc. cit. {f) Id. loc. cit. (g) Quefnay, loc. cit. Aquapendente, dans Efchenbach, loc, cit.; Grashuis, dans le même Lirs + 279. (à) Pringle, loc. cir. L (i) Haller, Élem. Phifol. e II. p. 132, Schwenche, Tamen ferum corruptum cum femine aci= dis mexallicis in maflam coire poft effervefcentiam. Hæmatolog. p. 134 AvRir 1772, Tome IL. D 26 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, coagulé par l’alkaol , par les acides & par le même degré de chaleur, que la férofité. Cette propriété me paroît d’un grand poids pour ceux qui attribuent l’origine du pus à la férofité. 5°. Enfin, le pus eft inflammable (k); & l'analyfe de la férofité prouve qu’elle contient auffi des parties inflammables (2). Se, Si nous faifons attention à ce qui fe pafle dans les plaies, nous verrons, fuivant Boerrhaave , que dans le moment où l’hémorrhagie a ceflé, elles font arrofées par une liqueur légère, délayée & rougeä- tre (m), qui fe change le troifième ou quatrième Jour , tantôt plutôt, tantôt plus tard, en une liqueur épaifle, blanche, égale, gralle, en un mot, en un vrai pus (z). Si nous faifons attention que ce changement n’a pas lien lorfque la plaie n’eft pas recouverte, foit par une croûte naturelle, foit par un emplâtre ( o); nous verrons clairement comment le pus fe forme du fédiment que la férofité dépofe dans la plaie après la réforation de la partie la plus fluide. Je ne doute nullement que le pus ne foit produit par l'épaififflement de la lymphe , quoiqu'un favant Médecin (p) prétende que la lymphe laillée tant qu’on voudra dans une plaie, ne s’épaiflit jamais, & que fon feul ufage eft de ramollir lés extrémités des artérioles , & de procurer par-là une iffue à ce phlo- giftique qui doit par la fuite fe changer en pus (4). Il eft cependant conftant que dans toutes les plaies , foit les plus légèrement enflam- mées, foit les plus éloignées de toute difpofition inflammatoire, il s'établit pour l'ordinaire une fuppuration louable, qui aide leur gué- rifon, & hâte leur cicatrifation (r), & l’on voit fouvent une matière femblable fortir du bord des paupières des enfans , lorfqw’elles ont été comme coilées pendant quelque tems, fans que pour cela l'on n’apper- coive aucun figne d’inflammation ni aucune trace de fuppuration ( '). On peut ajouter à ces preuves la remarque de M. Pringle (:) , que les fétons affoibliffent fenfiblement ceux qui les portent à caufe de Pabon- dance du pus qu'ils fourniflent; ce qui ne fauroit venir du feul vice de la partie affeétée fans une perte générale de la mafle des humeurs : & M. de Haen remarque , qu'il y a des hommes dont les plaies fourniffent une fi grande quantité de pus pendant fi long-tems , qu'elles leur cau- fent un épuifement qui les conduit enfin au tombeau, tandis que la PE ren) (x) Haller, loc. cit. p. 128, note À, () Id. loc. cit. p.139. tm) De cognofc. & cur. morb. aph. 158, n° 4 (n) Id. ibid. n°. 7. {o) Van Swieren, in eum locum, t, I, p, 2305 Grashuis, loc. cit. p. 287. €p) De Haen, t. II. p. 32 ad 36. (g) Id. 1bid. p. 37 ad 43. {r) Quefnay, loc. cit, p. 6 & 7. (f) Grashuis, loc, air. p. 299 (2) Loc. cit. SURL'HIST. NATURELLE: ET LES ARTS. 27 matière phlogifiique, flagnante dans les extrémités des vaifleaux, ne fauroit jamais fournir la centième partie du pus qui fort d’une plaie ; on conçoit affez facilement que cela vient du changement de la férofité du fang en pus (4), fans qu'il foit befoin d’avoir recours à la forma- tion du pus dans les vaiffeaux (y); puifque d’ailleurs on a obfervé qu'il fe forme du vrai pus dans toutes fortes de plaies, fans aucune inflammation locale, & même fans aucun vice dans la mafle des humeurs (x ). 9°. Ce fédiment qui étoit d’abord délayé & fluide , devient plus épais, plus opaque & plus blanc par une plus longue digeftion. La même chofe arrive au pus, foit dans une plaie, foit dans une partie enflammée. Il eft d’abord aqueux & délayé, mais il devient plus épais, plus opaque & plus blanc à mefure qu'il eft plus long-tems digéré ‘& qu'il approche davantage, comme on dit, de fa maturité. 10°. Comme, dans toute inflammation, la férofité mêlée avecle fang, s'épanche dans le tifu cellulaire (y), il eft aité de éoncevoir par -là pourquoi le pus d’une inflammation eft plus purrefcible (4); car les expériences de M. Pringle (a) & les miennes prouvent que le fang fe putréfie bien plus aïifément que la férofité. 11°. D'ailleurs , l'exemple des furoncles qui fourniflent du pus dans l’efpace d’un jour, prouve que la férofité eft tantôt plus, tantôt moins difpofée a dépofer le fédiment ; les angines qui fuppurent auffi dès le premier jour, démontrent la même chofe (4). Le pus fe forme , fui- vant moi, bien plus vite dans ces occafions, que le fédiment n’a cou- tume de fe féparer à une chaleur égale à celle du corps hümaïn, foit à caufe de la difpofñrion dont on a déja parlé, foit à caufe de la chaleur de linflammation qui furpañle la chaleur naturelle, foit enfin à caufe de la petite quantité de la férofité épanchée. Je n’oferois cependant pas aflurer que le pus ne puifle quelquefois couler des vaifleaux tout formé. On comprend par-là, pourquoi ce pus a fouvent fon fiège dans la mem- brane adipeufe ; parce que cette partie, à raifon de fon tiflu lâche, reçoit fouvent la férofité épanchée. On conçoit de même pourquoi la répercuflion d’une tumeur édémateufe qui furvient à une partie enflam- mée , procure la réfolution de cette inflammation ; parce que la réfo- lution a lieu toutes les fois que la férofité s’eft réforbée avant d’être transformée en pus. (u) P. 44, 45 {y) De Haen, loc, cit.; & Quefhay, fur la fuppuration, p, 17, (x) Vid. fup. note f. (y) Haller, Élem. Phifol. tr. I, p. 37, 38, 116, 116 17) Quefnay, loc. cit. p. 15, (a) Expér. XLIL {b) Vid. v præced, p. 80, AVRIL 1772, Tome II. D ï 28 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 12°. La férofité du fang des hydropiques eft quelque peu putréfiée; elle fait effervefcence avec les fels neutres, & à laide des acides, du feu on de l’alkaol, elle conferve la propriété de fe coaguler de même que la férofité faine. Ce que j'attribuerois volontiers au tempérament froid des malades, à un refte de mouvement de circulation dans lhu- meur épanchée, par lequel elle fe répand dans les grandes cavités &les remplit ; ce qui retarderoit fadépravation, d'où 1l w’eft pas furprenant qu'elle ne produife point de pus, mais qu’elle dépofe feulement un fédiment qui couvre tous les vifcères des malades, avec l'apparence d’une membrane, ainfi que nous l’avons dit. Mais quand la putréfac- tion augmente un peu, ce que l’on connoît par la foif, la toux, la fiè- vre , l’érifipèle, la lymphanité, alors, il fe forme un véritable pus, ainfi que l’on voit par les obfervations. Lorfqu’on apperçoit un peu de cette humeur , & qu'on la trouve peu corrompue & fans odeur, j'ai tou- jours obfervé qu’en l’expofant à la digeftion accoutumée, elle dépofe un vrai fédiment ; ce qui prouve que les membranes tapiflant la furface des vitcères ne font pas le ‘produit du fecond fédiment, mais du pre- mier, puifqu'elles contiennent la matière du fecond fédiment, qu’on peut retirer par une plus longue digeftion. 13°. Cêtte membrane qui, comme nous venons de le dire, tapifle les vifcères des hydropiques, expofée à un degré de feu violent, & laïflée quelque tems en digeftion , fe métamorphofe en un liquide qui a toutes les qualités d’un vrai pus. De même que le premier fédiment retenu à une plus longue digeftion prend le caraëtère du fecond, qui eft vraiment puriforme, de manière qu’on ne fauroit les diftinguer l’un de l’autre. D'où je conclus volontiers que cette membrane, de même que l’un 8 l’autre fédiment, font compolés de la même matière, qui par une courte digeftion fe fépare en moindre quantité , & prend la forme d’une membrane ou du premier fédiment , & par une digeftion plus forte & plus longue, fe dépofe en plus grande abondance, & forme le vrai pus. 14°. Comme quelques Auteurs prétendent que la graifle eft le feul ou du moins le principal principe du pus, j'ai tenté plufeurs expé- riences pour favoir ce que pouvoit produire la graifle mife en digeftion, Je lai vue rancir, fe putréfier, jaunir , fans dépofer aucun fédimenr, & fans acquérir la moindre reffemblance avec le pus: ce qui me porte- roità croire qu’elle eft plutôt propre À vicier qu'à produire le pus. Et en effet, les ulcères vénériens, dans lefquels la graifle corrompue & rance fe mêle avec le pus, font ordinairement fordides, & répandent un pus de mauvais cara@tère. . 15°. J'ai obfervé pareillement que le fang laïffé à une longue digef- hon, quoique dans un vaifleau fermé hermétiquement, devenoit plus fluide, & d’une couleur plus foncée; mais je n'ai jamais vu qu'il fe SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9 divisât en parties différentes , ni qu'il ait acquis aucune des qualités du pus. On voit par-là que l'opinion de ceux qui prétendent que le pus tire fon origine des globules du fang, atténués par la force vitale & devenus blancs, n’eft guères probable. Il paroït plus vraifemblable que le fang mêlé avec les autres principes du pus , le rend plus fétide & de plus mauvaife qualité, comme nous l'avons remarqué plus haut au fujet du pus de l’inflammation. Jai de même obferve que le fang mêlé avec de la férofité avoit rendu le fédiment dépofé , d’une couleur plus obfcure , & d’une odeur plus défagréable. 16°. Par la même raifon, la bile mêlée avec la férofité, rendoit la couleur & les autres qualités du fédiment d’autant plus différentes de celles du pus, qu’elle avoit été mêlée en plus grande quantité. D'où on conçoit aïfément pourquoi les abcès hépatiques fourniffent fi rare- ment un pus de bonne qualité; & les érifipèles produifent plutôt une matière ichoreufe qu'un vrai pus. 17°. J'ai cherché enfuite quel étoit le produit des parties folides miles en digeftion; à cet effet j'ai mis des morceaux de viande dans de la férofité ou dans de l’eau, & j'ai placé par deflus, un corps aflez pefant pour les contenir au fond du vafe, de peur qu’étant devenus plus légers par la putréfation , ils ne furnageaflent. J'ai recouvert l’une &t l’autre liqueur avec de l’huile, & les vafes ont été placés fur un fourneau pour exciter la digeftion. Alors, j'ai obfervé que la viande mife à digérer dans l’eau, fe convertifloit en une poudre pâle quin’avoit aucune reflemblance avec le pus; & que la viande que j’avois mife dans la {rofité, fe diflolvoit en particules rameufes , qui, mêlées avec le fédiment purulent de la férofité ; changeoïent fa couleur & fon égalité. 18°. Il paroît conftant, par tout ce que nous avons dit ci-deflus , que le pus ne doit point fon origine au mouvement vital, & que ce mouvement ne contribue qu’en excitant la chaleur, qui procure la dégénération fpontanée des humeurs. IL réfulte de plus, que ni la graifle, ni la bile, ni le fang, ni les folides ne font pas la matière pro- pre du pus , mais qu’elle fe trouve uniquement dans la férofité du fang; car toutes les autres humeurs , même les parties folides mêlées à la férofité, changent la couleur du pus, le vicient, & le déna- turent, 19°. On doit attribuer l’origine de l'humeur ichoreufe, autrement dite fanie , au mêlange de toure autre humeur avec la lymphe , ouà la trop longue ftagnation de cette humeur , ou bien à un degré de cha- leur trop fort & inégal, ou à un mauvais caraétère de la lymphe, ou bien à un défaut de la partie qui fournit une lymphe falée, ou dépravée d’une autre mamière. C’eft probablement pour cette raifon que la elladona & la ciguë, qui font des plantes narcotiques , relà- chant le riflu des vaifleaux, changent la fanie cancéreufe en vrai pus, AVRIL 1772, Tome IL. 30 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & en produifent une telle quantité que les malades tombent dans l’épui- fement, 10°. La lymphe confervée long-tems dans un vaiffeau bouché hermé- tiquement , après avoir dépofé fon fédiment , devient aufñ claire que l'eau de fontaine la plus pure : alors, le fédiment eft prefque tout dif- fipé, & il ne refle à fa place qu'un amas de petits fragmens qui ref- femblent à une fubftance calcaire ainfi que je l'ai obfervé dans de la lymphe confervée pendant plufieurs mois. M. Efkr rapporte dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Berlin, avoir obfervé dans la lymphe defléchée, des molécules tendres, femblables à la matière qu’on trouve dans les nodofités des goutteux; dans ce cas, l’eau qui furnage eft abfolument évaporable & elle eft fétide, Si on y mêle des acides concentrés, elle devient opaque & un peu femblable au lait ; elle fait une forte effervefcence, fans jamais fe coaguler: fion la laïfle pendant deux jours dans un vafe découvert , elle perd tout fon pouvoir de faire effervel- cence ; doit-on attribuer la formation du skirre à cette fubftance calcaireà 21°, On voit par-là, ce qu’on doit entendre lorfque M. Pringle dit que le fédiment ne change point la couleur de la lymphe, ni ne fe mêle plus avec elle. Cet Auteur penfe que ce fédiment eft compoié de la terre élémentaire deftinée à la nutrition des parties; en conféquence ;, jai été curieux d'obferver quelle feroit la couleur du fédiment fourni par la lymphe des animaux dont les os font teints d’une couleur rouge par la garance dontils fe nourriflent ; mais j'ai trouvé qu'il étoit , comme à l'ordinaire, d’un blanc cendré. 22°, J'ai fait enfuite des expériences avec de la lymphe durcie fur le feu , & mife après en digeftion; j'ai obfervé qu’elle fe diffolvoit peu-à- peu, qu'elle rendoit une eau, & prenoit la forme d’une gelée qui, en {e ramolliffant peu-à-peu, dépofoit un fédiment puriforme , tout-à-fait femblable au précédent; ce fédiment fe liquéfioit enfuite & fe conver- tiloit en une efpèce de fable très- fin, recouvert par une eau qui fur- nageoït: mais tous ces changemens arrivoient beaucoup plus tard que lorfque la lymphe n’avoit pas été coagulée, 23°, La même expérience faite avec du blanc d'œuf a produit les mêmes réfultats : j'y ai obfervé les mêmes phénomènes & les mêmes changemens que dans lalymphe mife en digeftion ; car ayant dépofé fon fédiment , il eft devenu très-liquide, maïs tout cela eft arrivé beaucoup plus tard que dans la lymphe, & le fédiment étoit d’une cou- leur plus obfcure & tirant fur le noir. 24°, Je n’ai parlé jufqu’à préfent que du fédiment puriforme dépofé par la lymphe; mais comme quelques Auteurs prétendent que la matière du pus eft précifément la même que celle de la coëne des pleurétiques, j'ai fait quelques expériences fur cette coëne, qui, à ce que je crois , ne feront pas déplacées ici. M, Pringle a obfervé que la coëne pleurétique renfermée dans un SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 31 vaïffeau couvert pendant les chaleurs de l’été, après l’efpace de quel= ues jours, devenoit fluide; j'ai obfervé la même chofe dans des vaif- eaux bouchés hermétiquement, de forte que toute cette croûte deve- noit entièrement fluide, plus ou moins vite, à raïfon de fa plus ou moins grande épaifleur. Elle prenoit peu-à-peu une couleur rouge à mefure qu’elle fe ramollifloit; malgré les précautions que j'avois prifes pour la féparer exa@tement de la partie rouge , elle fe changeoït pour- tant en un liquide plus ou moins teint de la même couleur , ce qui m'avoit fait foupçonner que les globules rouges du fang changeoïent de couleur , & devenoient réellement la matière de cette croûte. 25°. M'étant cependant procuré des croûtes très-blanches, en les laïffant tremper pendant vingt-quatre heures dans des vaifleaux, dont j’a- vois foin de changer très-fouvent l’eau qui étoit pourtant toujours teinte de rouge; les ayant enfuite mifes à digérer dans une liqueur très- limpide, fans couleur, & femblable à l'huile, jai obfervé qu’elles s’y réfolvoient, d’où j'ai cru qu'il étoit plus vraifemblable d’attri- buer la caufe de cette couleur rouge que j’avois vu naître peu-à-peu aux globules fanguins cachés dans l’intérieur de la coëne, qui venant à fe difloudre & fe mêler avec la matière propre de cette membrane, devenoient bien plus vifibles. J'ai eu occafion d’obferver une coëne qui me parut jetter un grand jour fur la théorie de la formation de cette fubftance; car cette coëne qui recouvroit le trombus du fang étoit épaïle , ferme, & fortement attachée à cette partie vers fa circonfé- rence; mais à mefure qu’elle approchoïit davantage du centre , elle fe changeoït en une membrane muqueufe , floculeufe , qui fe ramolliflant infenfiblement , aboutifloit enfin à une véritable férofité; de forte que la coëne fembloit former une couronne fur le placenta du fang. M. Quefnay avoit déja obfervé qu'il y a fouvent une fi grande quan- tité de globules mêlés avec la coëne, que celle- ci paroïît abfolument rouge, & eft tellement confondue avec l’autre, qu'on ne fauroit en déterminer lépaiffeur , fi on n’examinoit , en y faifant une incifionavec la lancette, jufqu’a quel point fa dureté & fa réfiftance s'étendent. Ce mélange des globules rouges avec la coëne, eft la principale caufe de la diminution apparente de la partie rouge du fang dans les mala- dies inflammatoires , relativement à l’épaifleur de la coëne. 26°. Mais revenons à notre objet. La coëne fe diflolvoit dans une liqueur huileufe & devenoit fétide. Elle étoit cependant encore fufcep- tible d’être coagulée par les acides; &, ce qui a plus de rapport à mon fujet , fi je la laiflois pendant quelque temps en digeftion dans un vaifleau bouché hermétiquement , elle ne produifoit aucun change- ment dans la liqueur huileufe , ni ne dépofoit aucun fédiment femblable au pus, mais elle dépofoit feulement quelques particules d’une poudre très- fine & de couleur cendrée; d’où 1l paroît vraïfemblable que AVRIL 1772, Tome 11. 32 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cette coëne eft compofée des parties de la lymphe différentes de celles qui produifent le fédiment, & qu’elle ne diffère pas moins des mem- branes des hydropiques, puifque celles-ci mifes en digeftion, ne font pas devenues fluides, mais vraiment puriformes. 27°. La coëne une fois diffoute , eft de nouveau coagulée par la cha- leur; ce qui explique pourquoi elle a été plus promptement difloute par l’eau chaude que par leau froide, parce que la coëne, de même que le fédiment , endurcis par la chaleur , fe liquéfient bien plus tard : d'ailleurs, la chaleur de la digeftion diflout d’autant plus promptement les parties de cette membrane, qu’elle eft plus forte lorfqu’elle fur- pañle le degré de la chaleur du corps humain. 28°.Comme cette humeur qui doit former la coëne ef d’abordfluide, & reflemble à une huile qui nage fur la furface du fang au moment qu’il fort de la veine, & qu’elle ne fe coagule qu’après un certain efpace de temps; j'ai voulu éprouver fi la chaleur du corps humain lui ren- droit fa première fluidité, comme cela arrive à la glace, mais je nai fait que de vains efforts; car ayant placé cette croûte à ce degré de chaleur , elle ne s’eft diffoute qu'après un intervalle de deux jours , & elle eft devenue fétide, fans que le froid püt jamais la condenfer de nouveau; d’où je conclus que ce n’étoit pas la chaleur, mais la putré- fattion commençante, qui produifoit fa liquéfa@ion. 20°. Le nitre, l’eau nitrée & même l’eau pure ont, il eft vrai, la faculté de diffoudre la coëne, mais je n'ai pas obfervé qu'ils produi- fiffent cet effet plus promptement que la chaleur de digeftion. De plus, J'ai vu l’eau furnager fur la coëne difloute, d’où il paroïît qu’on doit plutôt attribuer cette diffolution à la digeftion ou à la putréfation, qu’à la feule force de l’eau ; d’autant mieux que j'ai obfervé quecette même coëne, faupoudrée avec du nitre, ou quelqu’autre fel neutre, ou bien avec des alkalis fixes qui ont la vertu d'empêcher la putréfac- tion, étoit diffoute bien plus tard , & ne l’étoit pas tellement que, quoique mêlée avec ces fels, elle ne fe coagulät de nouveau, fi on l’expoloit au froid. 30°. Jai fait enfuite des expériences touchant l’a@ion des alkalis volatils fur cette coëne; j'ai obfervé qu'ayant verfé de lefprit volatil de felammoniac préparé avec de la chaux , fur cette membrane; ayant bouché enfuite le vafe qui la contenoit, & l’ayant expofé à une cha- leur de 25 degrés, j'ai obfervé, dis-je, que cette membrane , dans l’efpace d’une heure , s’eft changée en une efpèce de gelée tremblante, & au bout de quatre heures elle a été entièrement difloute, & con- vertie en une liqueur très-fluide, homogène, & tirant un peu fur le rouge. J'ai verfé enfuite cette même liqueur dans un vaifleau décou- vert , & l’elprit volatil s’ésant difipé, la liqueur s’eft de nouveau épaif- fie en peu de temps, & s’eft changée en gelée, Dans ce même . ; es SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 33 des portions de la même coëne que j'avois mifes en digeftion , foit feules au même degré de chaleur, foit avec du nitre , d’autres fels neu- tres, ou des alkalis fixes , n’ont été entièrement difloutes que le huti- tième jour & même plus tard, Une coëne très-blanche qui avoit été confervée plus d’un mois dans l’alkool, & y avoit acquis la dureté du cuir , qui n’avoit pu être ni ramollie ni diflonte par l'eau , l’a été facile- ment à l’aide des efprits voiatils, &c s’eft de nouveau coagulée tout auffi promptement. Cette diflolution ne fauroit être attribuée à la putré- faétion, puifqu’elle eft fi prompte , quoique la liqueur dont on fe fert réfifte fortement à la putréfa&tion, & qu'après fon évaporation, la coagulation fe fait de nouveau, Il faut cependant remarquer que la coëne , une fois difloute par les alkalis volatils, ne recouvre jamais fa première confiftance , mais qu’elle devientfemblable à une gelée ferme, qui eft difloute de nouveau par quelques gouttes d’efprits volatils , fans qu’il foit befoin de la mettre à digeftion. L’évaporation étant faite , la diffolution cefle, & la gelée reparoît. Jai vu diffoudre de la gelée de corne de cerf avec quelques gouttes d’efprit volatil de fel ammo- niac; mais cette diflolution étoit plus lente que celle de la coëne. La lymphe épaifie par l’aétion du feu, réfiftoit encore plus à l’a&tion du diflolvant; mais la diflolution du blanc-d'œuf étoit la plus lente & la moins parfaite, Ces deux dernières diffolutions , après l’évaporation de Pefprit diflolvant , fe condenfoient de nouveau en croûtes tranfpa- rentes. D'où il paroît que le véritable menftrue de la coëne phlogif- tique eft un alkali volatil; ce qui confirme l’analogie de cette mem- brane avec les polypes, qu’on dit être folubles par le fel volatil des urines. Mais eft-ce la diffipation de certaines parties, ou fimplement le froid, qui eft la caufe de la coagulation de la membrane qui doit former la coëne ?. L'expérience ne nous fournit encore aucune réponfe folide à cette queftion , non plus qu’à bien d’autres qu'on peut faire fur la nature & les phénomènes de cette coëne. Il feroit très-néceffaire que M. Gaber portât plus loin fes expériences: l’objet eft important ; &t des découvertes en ce genre enrichiroient beaucoup l’art de guérir. DCE AT AIANR NIONNN LIT VE PPEUESIERNER HISTOIRE LITTÉRAIRE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DE DIJON, POUR L'ANNÉE 1771; Lue à la féance publique du 3$ Décembre, par M. MARET, Doëteur en Médecine, & Secrétaire perpétuel. L 6-ru'on n’eft pas expofé aux regards du public, on peut fe con- tenter de bien faire, fans prétendre à l’avantage de voir fes contem= AVRIL 1772, Tome IL. 34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, porains rendre juftice aux efforts qu’on a faits: mais cette indifférence philofophique feroit déplacée dans un Corps Littéraire, comptable de emploi de fes talens; & les Académies , pour l'intérêt des fciences mêmes , doivent établir leurs droits à l’eftime publique, par l’expoñ- tion des fruits de leurs veilles. Pour fatisfaire à cette obligation, cette Société Littéraire a fait lire à pareil jour, depuis dix ans , une hiftoire fuccinte de fes travaux. Cet ufage que la plupart des autres Académies de Provinces ont adopté, eft peut-être le moyen le plus efficace d’exciter l’émulation; & l’on ofe avancer que l’'Hiftoire littéraire de l’année qui vient de finir, ne contribuera pas peu à prouver l'importance de cette inftitution. Un des premiers effets que l’émulation doit produire fur les Acadé- miciens, eft de les rendre attentifs à tout ce qui fe paffe autour d’eux. Plus la fcène dont ils font les fpe&ateurs, eft mobile, plus ils doivent s’appliquer à faifir les objets qui s'offrent à leurs yeux , à enchaîner le tems par leurs obfervations, s’il eft permis de s'expliquer ainfi: c’eft une obligation que n’ont pas méconnue ceux qui s’attachent à l’étude de lHifloire naturelle, de la Phyfique & de la Médecine. MM. Chauffier & Fournier ont communiqué des obfervations fur des vo/vulus, qui établiffent des variétés importantes à connoître. On voit dans l'obferyation de M. Fournier, que des noyaux de ce- rifes peuvent fe rafflembler dans le canal inteflinal, au point d’inter- dire aux excrémens la route qu'ils ont coutume de fuivre. M. Chauffier , en mettant fous les yeux de l’Académie une portion de Pinceflin s/eum 8 du méfentère rejettée par les felles, à la fuite des accidens de la pañon iliaque, a non-feulement démontré que l'invagi- nation d’un inteftin eft quelquefois bien réelle, mais encore que la nature peut rétablir d’elle-même la liberté du canal inteftinal , en déta- chant par la fuppuration la partie qui s’eft engaînée. î Sans quelque erreur dans le régime , la malade qui fait le fujet de cette obfervation , auroit recouvré entièrement la fanté, & elle a fur- vécu deux mois à la déjeétion de la portion inteftinale que M. Chauf- fier a apportée à l’Académie. Le procès-verbal de l’ouverture du cada- vre ne permet pas de douter de ce qu'on avance, puifqu’il conftate que linteftin s’étoit parfaitement cicatrifé fans rétréciffement ; évènement fi extraordinaire, qu’il a fallu une preuve de cette efpèce, pour con- vaincre de fa réalité. La claffe des phénomènes invraifemblables diminueroit beaucoup , fi un refpe& de préjugé ne s’oppofoit pas trop fouvent à ce qu’on allèt fouiller dans les entrailles des morts, pour découvrir la caufe des maladies qui les ont conduits au tombeau. L'intérêt public exigeroit qu'une loi expreffe heurtât de front ce préjugé; ce feroit un des plus fürs moyens de conduire l’art de guérir à fa perfeétion. La crainte de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 35 voir paroître fes fautes au grand jour, rendroit l’Artifte de plus en plus attentif; & les apparences fouvent illufoires, ne favoriferoient plus les projets de la méchanceté. Quelle eft l'ame honnête qui n'ait pas applaudi au confentement donné par Md. de S *** à l’ouverture du corps de fon époux? l’éve- nement paroïfloit inculper M. Hoin, & l’on a reconnu qu'une confor- mation extraordinaire de la veflie, conformation qu'on ne pouvoit ni prévoir ni reconnoître du vivant du malade, avoit feule contribué à rendre cet évènement funefte. » On a vu que la pierre qui étoit reftée dans la vefñe étoit chatonnée & nichée dans une efpèce de poche, d’où aucun inftrument ne pouvoit la déloger ; & par la forme même de cette pierre, que M. Hoiïn a mife fous les yeux de l'Académie, on s’eft convaincu que fon extraétion étoit impoflible. Cette conformation vicieufe de la veflie, quoique prodigieufement rare , peut encore fe retrouver dans quelques fujets , & la forme des pierres peut encore être dans une autre occafion, un obftacle au fuccès de l’opération de la taille, M. Maret, puiné , a dit que dans le cours de fes diffe&tions à Mont- pellier , il a vu une veffe dans laquelle on obfervoit de petites loges, profondes de fept à huit lignes fur un diamètre de fix à fepr, qui for- moient des appendices très-reflemblantes à des doigts de gants. Si une pierre fe .füt formée dans une de ces loges, & eùt pris enfuite aflez d’accroiflement pour prominer dans la veflie , & occañon- ner les accidens qui ont coutume d’annoncer lexiftence du calcul uri- naire, auroit-on été dans le cas de prévoir l’inutilité de l'opération à Auroiït-on pu ne pas la tenter pour foulager ie malade ? & cependant, il eft évident que cette opération eût été pratiquée fans fuccès. Parmi les malades que M, Maret l’ainé a taillés cette année, il s’en eft trouvé un dont Ja pierre reflembloit à cette double veflie, qui fert dans les poiflons à diminuer ou à augmenter leur volume, fuivant que ces animaux veulent s'élever ou s’enfoncer dans l’eau. Les deux lobes de cette pierre étoient réunis par une efpèce de pédicule fous un angle obtus. L'opération fut heureufe & le malade guérit; mais le hafard favorifa lOpérateur ; la pierre fe cafla à l’endroitoù les deux lobes s’unifloient : fans cet évènement, l'extration de cette pierre eût été impofhble. Nouvelle preuve qu'il y auroit fouvent de l'injuftice à rejet- ter fur l’Artifte le peu de fuccès des moyens auxquels il a recours, & d’autant plus que les malades , par leur obftination ou par leur incon- duite, rendent quelquefois inutiles les fecours les plus effcaces. Une fauffe honte avoit empêché une fille déja âgée , de faire l’aveu d’une hernie que les accidens de la maladie donnoient lieu de foupçon- ner. Ces accidens mêmes, par leur peu d’intenfité, n’avoient pas engagé le Chirurgien à faire aflez d'inftances pour s’aflurer de l’état de la malade; AVRIL 1772, Tome IL. E ij 36 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, on s’étoit enfin convaincu fort tard , qu'il n’y avoit d’autres ref- fources que l'opération. M. Maret l’aîné qui fut appellé dans ces circonftances fe décida à la pratique , mais fans aucun elpoir de fuccès , & feulement, pour n’avoir pas à fe reprocher d’avoir négligé le feul remède néceflaire. Il avoit porté un prognoftic fâcheux que l'évènement a confirmé ; l’inteflin étoit refté fi long-tems étranglé, qu'il étoit noir , & que la chaleur du ven- tre dans lequel on le fitrentrer, ne put lui rendre la vie. La gangrène de cette portion d’inteftin caufa la mort à la malade. M. Maret l'aîné, en donnant cette obfervation, a eu pour objet de faire fentir combien il eft important de ne pas attendre trop tard à faire en pareil cas une opération, qui par elle-même n’a rien de dangereux; il n’a pas cru que la mauvaife iflue de celle qu'il a pratiquée , dûüt l’en- gager à diffimuler cet évènement. Les naufrages n’ont pas moins fervi à perfetionner l’art de la navigation, que les expéditions maritimes les plus heureufes. Une autre obfervation donnée encore par M. Maret l'aîné , ef plus fatisfaifante pour l’obfervateur , puifqu’elle recule un peu les bornes de l'art de guérir. Un malheureux père de fept enfans alloit expirer, des fuites d’une pañion iliaque. Apres avoir, fans fuccès, épuifé toutes les reffources connues, on l’avoit abandonné aux foins de la nature , foins trop rarement efñcaces en pareilles circonftances. Dans cette extrémité, M. Maret propofa d'introduire de la fumée de tabac dans le canal intef= tinal par le fondement. Son avis fut approuvé, & ce remède rendit un citoyen à l'Etat, & un chef à une famille éperdue. Deux obfervations communiquées par M. Hoin, préfentent égale- ment des faits où l’art a triomphé dans des circonfiances des plus fâcheules. ; Dans une de ces obfervations, on voit une jeune femme à qui cet Accoucheur fit avec fuccès, à la fuite d’une faufle couche, l’extraétion d’un petit arrière-faix, à l’aide de la pince à faux germe, inventée par M. Levret. Dans l’autre, il eft queftion d’une mère de famille réduite à l’extré- mité, par une perte exceflive, dépendante encore du féjour d’un p/a- centa dans la matrice. Un tampon avoit modéré la perte, & avoit donné le tems de recourir au feul moyen capable de la faire cefler; mais les forces étoient tellement affoiblies, qu'il reftoit peu d’efpoir de fauver Ja malade, quand M. Enaux, Maître en Chirurgie, vint à fon fecours, La plus légère hémorrhagie pouvoit être mortelle; 1l étoit à cramdre que la vie ne s'éteignît dans le moment où l’on ôteroit le tampon. M. Hoin fut appellé en confultation ; il enhardit M. Enaux , en approu- vant {on projet. Celui-ci fit l’extraétion du corps étranger, partie avec fes doigts, partie avec La pince à faux germe de M.-Levret, & ces SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37 Meffeurs eurent la douce fatisfaétion d’arracher des bras de la mort, on pourroit dire de redonner la vie, à une femme très- précieufe à fa famille. M. Godart, Médecin à Verviers près de Liège, nouvellement reçu Académicien, a envoyé une obfervation intéreffante fur l’ufage d’un vin diurétique , connu dans fon pays depuis 1672, & dont il aflure avoir yu les plus heureux effets. L’anecdote qu’il rapporte au fujet de ce remède, mérite d’être con- fervée , parce qu’elle ajoute à l’idée que l’on doit avoir de la belle ame de Louis XIV. Ce Monarque pañloit dans le pays de Liège pour aller afliéger Maeftricht ; il fut touché de l’état d’une femme hydropique ; il ordonna à fes Médecins de travailler à la guérifon de cette malade: ces Meffieurs prefcrivirent le vin dont M. Godart a envoyé la formule, &c leur confeil fut fuivi du fuccès le plus flatteur. A ces obfervations, on doit ajouter celle que M. Enaux a commu- niquée à l’Académie , quoiqu'il ne foit pas aflocié aux travaux de cette Compagnie. Un enclavement d’une efpèce fingulière rend cette cbfer- vation d’autant plus curieufe & d’autant plus intéreflante, qu’elle eft unique en fon genre. M. Enaux avoit été appellé près d’une femme qui étoit dans le tra- vail de l’enfantement; un enfant fe préfentoit par les pieds & s’enga- geoit de façon à promettre un prompt accouchement : mais quand l’Ac- coucheur voulut dégager les bras, il fentit une tête qui appuyoit fur la poitrine de l’enfant dont le corps étoit en partie dehors. Il étoit évi- dent que cette tête n’appartenoit pas à celui-ci; qu’un fecond enfant fe préfentoit, & que les deux têtes s'étant accrochées , la fortie du pre- mier étoit impofhble, fans une manœuvre extraordinaire. M. Enaux fe décida fur le champ à faire envelopper le corps du premier enfant dans une ferviette , à l’aide de laquelle ille foutint; il plaça enfuite le for- ceps aux côtés de la tête du fecond , tira celui-ci par-deflous l’autre au moyen de cet inftrument, & l’accouchement du premier fe fit enfuite avec la plus grande facilité, Si lobfervation peut, ainf qu'il paroïît, contribuer à la perfe&ion de la Médecine & de fes différentes parties , elle n’a pas moins d'in- fluence fur la Phyfique & fur l'Hifloire naturelle. C’eft l’obfervation qui a mis M. Pazumot, Académicien, réfidant à Auxerre, en état de déterminer de lélévation du fol de cette Ville. Les obfervations météorologiques qu'il fait depuis trois ans, lui ont appris que la moyenne hauteur du mercure y étoit de 27 pouces 6 lignes. On fait que cette même hauteur eft de 28 pouces fur les bords de la mer; & évaluant les fix lignes de différence qui fe trou- vent entre ces hauteurs par les principes de M. du Luc, il a trouvé AVRIL 1772, Tome IL. 38 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que le fol d'Auxerre étoit élevé de foixante-feize toifes au-deffus du niveau de la mer. M. de Morveau a de même cherché à fixer l'élévation du fol de Dijon, & fes calculs ont porté cette élévation à cent trois toifes: mais il n’a opéré que d’après des obfervations trouvées dans les papiers de M. Bolet;7& quoique l’exaétitude de ce Phyficien lui füt connue , il a cru devoir ne donner ce réfultat qu’avec la réferve de le conftater par d’autres expériences qu'il fe propofe de faire dans la fuite. C’eft encore l’obfervation qui a découvert à M. l’Abbé Boullemier , que la phalène , connue fous le nom de grand paon, pouvoit refter près de deux ans fous la forme d’une chryfalide, tandis que l'opinion com- mure eft que le papillon en fort toujours avant le terme d’une année. Tous les effets du frottement des corps éleétriques par eux-mêmes, ne font pas encore connus. Une bouteille de verre blanc à goulot ren- verfé , ayant 7 à 8 pouces de hauteur &c trois & demi de diamètre, fe brifa avec explofion entre les mains de M. de Morveau, dans le tems où cet Académicien en nettoyoit l’intérieur à l’aide d’une plume. La bouteille étoit bien fèche, & n’avoit point encore fervi. M. de Mor- veau en tenoit le fond dans fa main gauche, tout fe pafloit dans l'air: cet effet fut probablement un phénomène éle@rique , mais l’arhmof- phère par fon humidité ne favorifoit pas l'Eleétricité. Cette remarque place naturellement ce phénomène dans le nombre de ceux qu’il n’eft pas tems encore de vouloir expliquer , & dont il eft intéreflant de confer- ver le fouvenir, parce qu'ils peuvent dépendre ou d'une combinaïfon de circonftances qu’on n'a pas pu faifir, ou d’une caufe inconnue dont ils ferviront quelques jours à démontrer la réalité. Mais, comme la dit M. Quenault, dans le favant difcours qu’on lit à la tête du premier volume de la colle&tion Académique : « Si l’obfervation eft le premier >» pas de la Philofophie, les faits que l'obfervation accumule doivent > être regardés comme les matières premières de nos idées générales , » 8 comme la bafe de la fcience ». Un des effets de l’émulation a donc dû être , non - feulement de por- ter les Académiciens à configner les obfervations dans les porte-feuilles de l’Académie, mais encore à généralifer les idées que les faits leur ont données, & à préfenter les réfultats des conféquences qu'ils en ont tirées, C’eft ce qu'ont fait plufieurs d’entr’eux. On a plufieurs fois amputé dans les articulations, les bras, les doigts des pieds & des mains que l’on ne pouvoit conferver aux malades; mais lon ne pratiquoit pas cette opération dans de plus grandes arti- culations : la force des ligamens qu'il falloit couper & l’étendue de la furface des cartilages qu'il falloit mettre à nud, infpiroïent des crain- tes. M. Brafdor, Maître en Chirurgie à Paris, eft le premier qui ait eMayé de les diffiper. M, Hoin, dans un Mémoire fur l'amputation, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39 dans l'article, achève de les détruire par des raifonnemens folides, appuyés fur des faits concluans, & notamment fur des obfervations qui lui font propres. Une de ces obfervations renferme l’hiftoire d’une ampu- tation, pratiquée avec le plus grand fuccès dans l'articulation du genou ; amputation qui, à ce qu’il nous femble , n’avoit encore été faite par aucun Chirurgien. M. Jannin , Correfpondant de l’Académie, demeurant à Lyon, dans un ouvrage qui eft aétuellement fous prefle, & qui a pour objet les maladies des yeux & des voies lacrymales, a pareillement donné le réfultat de plufieurs obfervations qui lui font particulières, & de celles qui lui ont été confignées dans les faftes de la Médecine par différens Auteurs. M. Maret, puîné , s’eft également fervi des opérations qu'il a faites fur les mœurs des François, nos contemporains, & fur les maladies qui en dépendent , pour réfoudre avec fuccès un problème important, propofé par l’Académie d'Amiens pour le prix de cette année. Il s’agifloit de déterminer quelle eft l'influence des mœurs des François fur la fanté ; de faire connoitre les maladies anciennes dont dont elles les ont délivrés , & les maladies nouvelles qu’elles leur ont données. L’énoncé du problème l’obligeoit à confidérer les François dans les différens fiècles qui fe font écoulés depuis la fondation de la Monar- chie : mais comme pour démêler avec précifion le rapport des caufes aux effets des mœurs, aux maladies, l'hiftoire des premiers fiècles n’eft que d’un foible fecours, M. Maret n’a pas cru devoir remonter plus haut que le dixième fiècle, époque des plus terribles fecoufles dont la France ait été ébranlée, & des plus grands ravages que les maladies aient faits en ce Royaume, C’eft én partant de ce point, qu'il a fuivi rapidement jufqu’à nos jours , tous les évènemens moraux & phyfiques, & qu'il a fucceflive- ment fait fentir l'influence que les mœurs ont eue fur les maladies aux- quelles les François ont été en proie en différens tems. Il réfulte de cette difcuffion, que le moment où la fanté des François a été & a dû être le moins altérée, eft à la fin du dix-feptième fiècle ; que nos mœurs réel- lement corrompues à bien des égards par l’égoifme, quoiqu’elles paroiffent épurées aux yeux de ceux qui les obfervent avec prévention, nous donnent, non-feulement une partie des maladies auxquelles nos ancêtres étoient fujets, mais nous rendent encore fufceptibles de beau- coup d’autres qu'ils connoifloient peu, où dont même ils n'auroient aucune idée. » S'il eft donc vrai, dit M. Maret dans fa Peroraifon; s’il eft vrai «> nos mœurs nous ont délivrés de la pefte, de la lèpre & de plu- » fieurs maladies cutanées, il ne l’eft pas moins qu’elles ont énervé nos AVRIL 1772, lome Il. 40 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » corps & affoibli nos ames. Elles nous ont rendus fufceptibles d’être » affedés d’une manière défavantageufe, & fouvent funefte, par des » maladies peu dangereufes de leur nature, Elles nous expofent à des »fluxions fans nombre, à des rhumatifmes multipliés, à la goutte, à » des coliques de toutes fortes d’efpèces , à des obftru&ions prefque >» toujours irréfolubles, à des engorgemens du cerveau & du poumon, >» qui fouvent donnent la mort dans l’inftant le moins prévu. Ce fontelles » qui enlèvent aux femmes la fécondité qui les rend chères à l’Etat, la » beauté qui aflure leur empire fur les hommes. Ce font elles qui prés » cipitent dans le tombeau une jeunelle fougueufe & imprudente ; par elles , le vieillard eft courbé fous le poids des maux bien plus que fous > le poids des ans. Sans le trouble que nos mœurs portent dans notreame, >» fans les défordres qu’elles occafionnent dans les fonétions de nos corps, » nous ne ferions pas afaillis d’un grand nombre de maladies qui nous » détruifent ou rendent notre exiftence douloureufe; nousn’aurions pas >» perdu notre gaieté, nousne gémirions pas fous les coups d'une inf- »nité de maladies convulfives, nous ne ferions pas dévorés d’ennuis, » & les vapeurs feroient méconnues ». Ce Mémoire eft terminé par une apoñtrophe aux François, dans laquelle M. Maret trace la réforme qu'il eft à defirer que l’on fafle dans les mœurs de notre fiècle. M. Beguiller a envoyé à l’Académie un Mémoire fur lergot , mala- die du feigle , heureufement très-rare en ce pays, mais dont il avoit apperçu des vefliges dans les champs voifins de cette Ville. Il en a donné une deicriprion fort exaéte dans ce Mémoire, & il ya joint un expofé des moyens capables d'empêcher que le vice d’un végétal auffi néceflaire, ne causât des maux que l'expérience a démontrés formida- bles. On doit favoir gré à ce Citoyen, d’avoir donné les premiers avis d’un évènement auf intéreffant par lui-même, & qui pouvoit être d’une conféquence aufi funefte. L'Académie qui s’eft férieufement occupée de cet objet, a fait faire plufieurs informations qui lui ont appris que les feigles & même les fromens de quelques cantons de la Province ont été infeétés de l’ergot; mais dans le tems même où l’exiftence de cette maladie fixoit fon attention, il parut dansle Jour- nal encyclopédique du premier Juin, l'extrait d’une Differtation de M. Schleger, Doëteur en Médecine , imprimée à Caflel , mais écrite en Allemand, dans laquelle le Médecin cherchoit à raflurer fur l’ufage de Pergot, & prétendoit que ce grain monftrueux ne pouvoit produire aucun mauvais effet. M. Maret, puiné, fentit combien les raifonnemens de cer Auteur pouvoient être pernicieux dans ces circonftances; & fans attendre la traduétion de cette Diflertation , il crut devoir en faire la critique d’après l'extrait du Journalifte. M. Schleger prétendoit juger de l'effet que lergot produiroit fur les hommes, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 4x hommes, par celui qu'il avoit produit fur des animaux, &t M. Maret a prouvé par un grand nombre de faits, que raifonner ainfi, c’étoit s’expofer à fe tromper ; que d’ailleurs, des expériences même faites par l’Auteur, il réfultoit que la farine de l’ergot eft acrimonieule, & que M. Schleger croyoit pouvoir par un argument 4 fortiori, s’autorifer du peu d'intenfité de l’acrimonie de cette fubftance , pour la faire regarde comme indifférente, Son raifonnement étoit vicieux , vu que cette inten- fixé n’eft pas déterminée de façon à fixer la proportion dans laquelle la farine de l’ergot pourroit être nuifible ; qu'il feroit donc très-impru- dent de s’en permettre l’ufage dans la fuppoñition qu’elle entreroit en trop petite quantité dans le pain, & d’autant plus que les obfervations les plus frappantes dont M. Maret fit une courte énumération, démon- trent que l’ergot a fouvent caufé les maladies les plus funeftes. Le projet de M. Maret étoit d'envoyer cette critique au Journal ency- clopédique pour placer le remède à côté du poifon : mais M. Duboueix , Doë&teur en Médecine à Cliffon en Bretagne, guidé par les mêmes vues, a rendu inutile l'exécution de ce projet. Il a fait inférer , page 275$ du premier volume du Journal encyclopédique pour le mois de Septembre , un Mémoire dans lequel il combat M. Schleger par les mêmes raifonnemens qu'a employés M. Maret. Cette conformité, dans les détails de ces deux Ouvrages, a déterminé à donner ici une notice un peu étendue de celui de notre Académicien. Elle eft une nouvelle preuve d’une vérité déja reconnue, que deux hommes placés dans les mêmes circonftances, peuvent & doivent penfer & agir de même. C’eft le 19 Juillet que M. Maret a lu fon Mémoire critique, & ce Mémoire n’a été communiqué à perfonne, Ainfi, la diftance des lieux , le tems où l'Ouvrage de M. Duboueix a paru, & la date de la leêture faite à l’Académie par M. Maret, éloignent tout foupçon de plagiat. Notre Académicien, en terminant fon Mémoire, faifoit des vœux pour que l’autorité prévint les maux que l’ergot pouvoit occafionner, èt par des défenfes rigoureufes , empêchât les Meüniers de moudredes grains ergotés. Cette précaution prife en 1710, fur l'avis de l’Acadé- mie Royale des Sciences de Paris, eut les plus heureux effets dans l'Or- léanois. La Société Littéraire, dont on écrit l’hiftoire , non moins zékée pour le bien public que lilluftre Compagnie qui cultive les Sciences avec tant de fuccès dansla Capitale, a cru devoir faire remettre un extrait du Mémoire de M. Maret, entre les mains de M. le Procureur- Général du Parlement. La fagefle de ce Magiftrat lui a fait craindre de donner l'alarme par un réquifitoire que l’univerfalité du mal pouvoit feul rendre néceffaire. M. Amelot, à qui rien n'échappe de ce qui peut intéreffer les Habi- tans de cette Province, avoit aufli vu avec inquiétude les feigles infec= tés de lergot ; mais redoutant, ainfi que M. Perard , l'effet des prohis AVRIL 1772, Tome IL. A2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, bitions légales , il avoit penfé qu'il fufffoit d'éclairer le Public fur le danger auquel il étoit expofé, & fur les moyens de s’y fouftraire. Conféquemment à cette idée vraiment philofophique, M, l’Intendant a fait imprimer & répandre dans la Province, le Mémoire que M. Be- quillet avoit envoyé à l’Académie; mais il étoit à craindre que ce moyen, quoique très-fage , ne fût infuffifant pour prévenir les maux qu’on étoit dans le cas de redouter. La misère extrême du Peuple pou- voit lui faire négliger de monder le grain néceffaire à fa fubfftance ; & par une fuite de fa prévoyance patriotique , M. Amelot a fait auffi imprimer & diftribuer un Mémoire de M. Maret, puîné , fur le traite- ment de la maladie qui fuit ordinairement l’ufage de l’ergot. On fe con- tentera de citer ce Mémoire, vu qu'il eft connu par l'impreffion. Il eft un autre Ouvrage du même Académicien , dont on ne rappel- lera encore que le titre, parce qu'il a été imprimé & répandu en cette Ville ; c’eft l'Expofé des expériences qu'il a faites avec M. de Morveau, pour connoître fi les farines que le Meûnier du moulin d’Ouche vendoit, étoient fophiftiquées. Expériences dont le réfultat a prouvé que lon avoit injuflement rendu ces farines fufpectes. Nous ne continuerons pas les détails des autres objets fur lefquels on a lu, pendant l’année dernière, à l’Académie de Dijon, des Differta- tions ou des Mémoires relatifs aux Belles-Lettres. Ce feroit s'éloigner du but de ce Recueil entièrement confacré à la Phyfique , à l'Hiftoire Naturelle & aux Arts. Ces Diflertations font en grand nombre , intéreflantes & toutes dignes de cette Académie. Le Public li eft redevable d’une excellente colle&tion de fes Mémoires. II feroit à iouhaiter que les autres Sociétés Littéraires fuiviffent l'exemple qu’elle leur donne; qu’elles nous communiquaffent chaque année, le titre ou l’anelyfe fuccinte des Ouvrages qu’elles tiennent pour ainfi dire enfevelis dans leur porte - feuille : le Public feroit au courant des nou- velles découvertes; il pourroit s’adreffer à ces hommes utiles & profi- ter de leurs veilles ; en nn mot, ce feroit un concours mutuel pour les progrès de la fcience, & des objets d’une utilitéréelle ne feroient plus circonfcrits dans les bornes d’une feule Province. Nous offrons ce Recueil comme un dépôt public, où tout Amateur a droit de prendre aéte de fa découverte. L'Hifloire de l’Académie eft terminée par un fait trop intéreflant & trop glorieux pour ja Bourgogne, pour que nous le pafñons fous filence. Notre Augufte Monarque, dit M. le Secrétaire perpétuel , jufle appré- ciatcur des talens, a fait élever à M. Crébillon , un maufolée qui répand fur notre compatriote un nouvel éclat. M. Lemoine, célèbre Sculp- teur, chargé d'élever ce monument , a penfé qu'il doubleroir en queli- que forte l'effet qu'il doit produire , s’il dépofoit à l’Académie, un Bufte de notre Concitoyen; le Bufte qu'il a fait d’après nature , quelques mois SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 43 avant la mort de cet illuftre Poëte , lui a fervi de modèle pour la figure principale du maufolée dont il étoit chargé. La reflemblance la plus frappante, le naturel des contours, & la force expreflive des traits, rendent ce Bufte d’autant plus précieux, qu'on croit voir l’Auteur d'Eleétre & de Rhadamifte, enfantant les Scènes pathétiques & terribles qui lui ont afluré l’immortalité. L'Académie fenfble à un auffi beau préfent, s’eft empreflée de témor- gner fa reconnoiffance à cet Artifte généreux ; & pour répondre à fes defirs , elle l’a aflocié à fes travaux. Qu SERV ALLONS SUR les Elémens de Minéralogie- Docimaffique de M. Suge, de l'Aca= $ démie Royale des Sciences. On a lu dans le Cahier du mois de Février, un détail exact des principes établis par l’Auteur; & malgré l’attention la plus fcrupuleufe à les faire paroître dans tout leur jour, nous nous fommes mal expli- qués, » On peut féparer de l’eau de chaux, avons-nous dit, par le » moyen de la pierre calcinée, l'acide phofphorique qu’elle contient ; #0on combine alors une terre abforbante par la calcination, elle n’eft » plus propre à produire de la chaux : #/ faut lire, l’eau de chaux ne » peut être décompofée par le moyen de Palkali fixe, chaque once » laifle précipiter près de deux grains de terre abforbante; on peut » féparer par le même moyen de la terre calcinée, l'acide phof- » phorique qu’elle contient; on obtient alors une terre abforbante». Mi. Doc. p.$7. LiG. 3. Cetaveu coûte peu lorfque l’on a en vue la vérité, & quand on defire fincèrement, mais fans prétention, mettre le Leéteur à même de juger” d'un Ouvrage. L’impartialité eft le flambeau qui nous guide ; & fi nous noustrompons, c’eft moins par mauvaile foi ou par un autre motif hon- teux, que par inattention. En ce cas, fi nous nous fommes trompés , nous prions l’Auteur de nous communiquer fes obfervations motivées & fon- dées ‘fur des faits, & elles feront publiées dans ce Recueil fans la plus légère altération. Ê Dès qu'il paroît un Ouvrage dans un genre nouveau, il excite aufli- tôt l'admiration des uns, la furprife des autres & la critique de plufeurs; mais on ne donne pas aufli aifément fon approbation, lorique les Ouvra- ges , dans le même genre, font multipliés : alors, on a déja des points de comparaïfon, des règles établies; &:1l eft difficile de les faire oublier , fur-tout, quand elles font fondées fur une longue fuite d’expériences, AVRIL 1772, Tome 11. Fi 44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les livres déja connus font aux livres nouveaux, ce que les poids font dans le baffin d'une balance, comparés aux objets placés dans l’autre baf- fin. Le Public tient l’anfe du fléau , & prononce. Cependant, les juge- mens de ce Cenfeur n’ont pas tous la même force & la même vérité. Le Public inftruit a, dans ce moment, tous les modèles en ce genre, pré- fens à fon imagination , & fes décifions font juftes; le Public moins inf- truit , rapporte tout aux connoiflances qu'il a acquifes; & fouvent peu apte à connoître davantage, il ne fait ni s’élever ni pafler outre ; enfin, le Public ignorant, juge indifféremment pour & contre, fuivant les impulfions qu'il a reçues, fans avoir aucun motif réel dans fa déter- mination. De-là, naïflent én foule les critiques, les obfervations, les analyfes, &c. Heureux encore fi ces difputes littéraires n'étoient pas terminées par des inveétives qui déshonorent leurs Auteurs, en faifant tire le Public à leurs dépens! Pour nous, bien éloignés de marcher dans cette carrière déja trop fréquentée, nous ne fortirons jamais des bornes prefcrites par l'honnêteté. Chacun a le droit d’avoir fon opinion, & on eft plus à plaindre qu’à blâmer fi on perfifte dans l'erreur. C’eft au Pu- blic à juger de nos obfervations fur les Elémens de minéralogie doci- maftique. De la diverfité des opinions naît l'évidence. L « L’acide vitriolique, dit M. Sage, fe combine avec le phlogif- > tique qui fe dégage des corps qui commencent à pañler à la putré- » faétion. I! devient acide nitreux : La décompofition du plätre, ajoute-t-il, D €J1 urze preuve de cette altération ». Il eft affez difficile de comprendre d’abord comment la décompofition du plätre peut fervir à établir cette affertion fur la tranfmutation de l'acide vitriolique en acide nitreux. Cette marche dans un Ouvrage intitulé Elémens de Docimafie , où les vérités doivent fe développer fuc- ceffivement , où la dépendance néceflaire des principes & des confé- quences doit frapper les efprits les moins attentifs, paroît peu philofo- .phique. M. Sage ayant à établir une affertion de cette importance , ne pouvoit réunir un trop grand nombre de preuves & détailler trop fcru- puleufement les expériences, à l’aide defquelles il auroit fuivi les pro- grès de la décompofition, & enfin, ceux de la tranfmutation de l’acide vitriolique en acide nitreux. Ce feroit une belle découverte en Chy- mie! Pour faïfir les principes de M. Sage, il faut favoir 1°. que le plâtre eft compofé d’acide vitriolique & d’une terre abforbante; 2°. que les plâtras donnent par leur leflive un nitre terreux, produit par la combi- naifon de l’acide nitreux, qui a pris la place de l’acide vitriolique, avec la bafe terreufe de ce dernier acide. Ce détail fi inftruttif, & qu'il étoit fi important de rapprocher de l’affertion qu’on avance ici , fe trouve feulement à la p. 18 ; encore eft-il conçu en ces termes. # Ce fel Le nitre terreux ) fe trouve dans la leffive des plâtras..., I SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 45 » fe décompofe lorfqu’on fait pañler la leflive des plâtras fur des cen- » dres alkalines, » L’acide nitreux n’ayant point la propriété de décompofer le gypfe, » il eff donc évident que c’eft l'acide vitriolique , contenu dans ce fel, » qui fe modifie & pañle à l’état d'acide nitreux ». Dans le développement de ces preuves, M. Sage s’appuie, comme l'on voit, fur le réfultat de deux procédés qu'il auroit fallu vérifier &z fuivre d’une manière différente. 1°. S'il eût examiné les plâtras d’où l’on tire le falpêtre, foit à Paris, foit dans les environs, il auroit reconnu que la plus grande partie du zitre, contenu dans ces plâtras, n’eft pas terreux : que par conféquent, les lefives de cendres alkalines qu’on pañle deflus ne le décompofent pas, & ne lui fourniffent pas une bafe d’alkali fixe qu'il a déja. Les détails de la préparation du Salpètre , telle qu’elle eft ufitée en Languedoc, auroient dû lui fournir matière à faire ces obfervations. MM. Venel & Montet remarquent très-bien que les cen- dres du Tamarifc, Tamarix Gallica, Lin., qu’on emploie dans ces lefli- ves, ne renferment point d’alkali qui foit libre & fufceptible de fe com- biner avec l'acide nitreux: d’ailleurs, nous rendrons compte dans le Volume du mois prochain des expériences de M. Tronfon. Ce labo- rieux Obfervateur a mis cette vérité dans tout fon jour. Si le nitre fe trouve dans les plâtras avec fa bafe alkaline ordinaire, & fi lesgendres qu’on ajoute dans fes préparations ne fervent qu’à dé- graiffer la matière pour dépurer le fel & en favorifer fa cryftalhifation & fa féparation d’avec le fel marin, comment M. Sage pourra-t-il trou- ver origine des matériaux du nitre dans les plâtras ? à Il paroît au contraire , que l’acide‘nitreux ne tire pas plus fon ori- gine du gypfe qu'il n’en tire la bafe alkaline qui lui eft unie: d’ailleurs, que le gypfe des environs de Paris fe décompole, que fon acide fe dénature pour fournir l’acide nitreux au falpêtre qu’on retire des plä- tras, c’eft précifément ce qu'il falloit établir par des expériences déci- fives, Il auroit fallu démontrer que le plâtre étoit totalement décom- pofé dans les plâtras, qu'il n’y refloit plus aucun veftige d’acide vitrio- lique; & qu’enfin cet acide s’étoit modifié en acide nitreux , fans qu'on pût aligner d’autre caufe à la préfence de l'acide nitreux dans les plä- tras. Mais comment penfer que ce foit le plâtre qui fournifle au nitre fon acide par l'effet d’une tranfmutation , lorfqw’on voit la craie & d’au- tres pierres calcaires , dans la compofition defquelles l'acide vitriolique n'entre point , fournir aufli abondamment le nitre que les plätras gyp- feux des environs de Paris ? Quelle feroit la reffource qu'auroit alors la nature pour fuppléer à l'acide vitriolique dans la formation de l’acide nitreux Ÿ Il étoit plus fimple & plus naturel de ne pas faire dépendre la for- mation de l'acide nitreux dela tranfmutation de l'acide vitriolique, ou AvVR1L1772,1ome. 11. 46 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, du moins de la prouver avant de l’établir en affertion. Lorfqu’on hafarde en Phyfique ou en Chymie de faufles pores que l'imagination transforme en principes, on s’expole à les voir chaque jour démenties par des expériences fuivies, que lefprit de recherche fait combiner avec adreffe & fagacité. Nous ne fuivrons pas davantage les autres aflertions de l’Auteur fur la tran{mutation des acides; il fuffit d’avoir indiqué dans cet article , la nature des preuves qu’il emploie, & ia méthode qu'il fuit pour les expofer. TL. L’acide phofphorique eft la partie brillante des aflertions de M. Sage, ou du moins, c’eft {ur lui qu’il les a multipliées davantage. On alu, Vol, de Février, p. 229, que cet acide eff l'acide marin , saltéré par la circulation dans les corps des animaux carnivores. Cette fuppolition n'eft pas fans vrailemblance; mais ce qui eft propre à M. Sage, & ce qu'il efpere démontrer, eft que cet acide /è crouve abondamment dans le règne minéral ; par exemple, dansle borax, dans le fpath calcaire , dans le fpathfufble, dans le bafalte , p. 4 & $ ; dans le Diamant, p. 132. Le LeCteur, après l'annonce de telles découvertes, doit être füre- ment très-curieux, & très-empreflé à chercher dans l’article de ces dif- férentes fubftances, les preuves multipliées & décilives quil croit devoir y rencontrer. Ces preuves y font-elles? il eft important de l’exa- miner, La liberté, dans la difcuflion des faits, nous eft pegmile; & l’'Auteur n'aura pas lieu de la défapprouver , après celle qu'il a prife dans {es aflertions. 1°. « Le borax eft un fel neutre, compofé d'acide phofphorique & de » l’alkali de {a foude ». On favoît déja que l’alkali de la foude entroit dans la compofition du borax ; mais malgré les grands travaux de plu- fieurs Chymiftes fur le fel fédatif, il ne paroît pas qu'on y eût encore reconnu la préfencede l'acide phofphorique. Voici comment M. Sage attaque ce problème. « Le fel fédatif eft foluble dans lefprit de vin, & > filon y metle feu, la flamme paroît verte. L'akération de la flamme de > lefprit de vin efl produite par l'acide phofphorique, contenu dans le fel » fédatif, dont une portion s’unit au phlogiftique de l’efprit de vin, & >» produit un phofphore qui, en brûlant rapidement, répand une flamme >» Jaune orangé; du mêlange de cette couleur avec la flamme bleue de > l'efprit de vin, il réfulte une couleur verte». * Cette démonfiration paroît appuyée fur des hypothèfes très-peu vrai- femblables. 1°. Suppofons que l'acide phofphorique entre réellement dans la compofition du fef fédatif, doit-il former rapidement du foufre en fe combinant avec le phlogiftique de l'efprit de vin; & le foufre formé de cette manière, doitil brüler fur le champ & répandre une flamme aufli légère que celle de l’efprit de vin? fi ces effets ne font pas une fuite SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47 nécellaire de l’exiftencede l’acide phofphorique dans le fel fédatif , c’eft à tort qu’on les cite en preuve de cette exiftence: je dis en outre, que toute la fuite de cette explication implique contradiction, Ce que nous connoïfons de l'acide phofphorique & de la difficulté qu’il a de fe combiner avec le phlogiftique, ne nous porte pas à regar- der fon union avec le phlogiftique de l’efprit-de-vin comme étant auffi ailée que le dit M. S.; d’ailleurs, pourquoi fuppofe-t-on qu'il fe foit formé unfoufre pour répandre une flamme femblable à celle de l'efprit de vin? Le phlogiftique & l’eau de lefprit de vin ne fufhifent-ils pas pour produire tous ces effets, fans qu'il foit befoin d’un foufre beaucoup moins combuftible, & qui ne brüle pas avec une flamme auf abon- dante ? Quant à la circonftance de la couleur verte de la flamme, elle eft encore aufli peu décifive, puifque plufieurs autres fubftances dif- foutes dans l'efprit de vin communiquent cette couleur à fa flamme, fans que les Chymiftes qui ont été témoins de ces phénomènes, aient eu recours pour les expliquer, à la formation d’un nouveau foufre phof- phorique. CS faloe le Mémoire de M. Macquer fur les différentes dif- folubilités des fels neutres dans l’efprit de vin. Cahier de Janvier & de Février. 2°. Paflons maintenant à la pierre calcaire ; peut-être que l’exiftence de lacide phofphorique s’v annoncera par des fignes moins équivoques & plus fenfibles. M. Sage prétend que fi la pierre calcaire, après fa cal- cination, attire l'humidité de l'air, c’eft en vertu d’un foie de foufre ; que ce foie de foufre eft compolé du foufre phofphorique qui naît de l'union de l’acide phofphorique combiné avec le phlogiftique renfermé dans la chaux, & de la terre abforbante de la chaux. Nous fommes encore ici dans la région des hypothèfes. C’eft en vertu de lexiftence d’un foie de foufre que la chaux attire l'humidité de l'air : première fuppolition. L’exiftence de ce foie de foufre peut bien n’en étre pas une , puifqu'il s'annonce par une odeur à laquelle on le reconnoît aifément: mais que cet kepar fait formé par un foufre femblable au phofphore de Kunckel, c’eft encore une fuppofition bien gratuite, & on eft étonné que l’Auteur l'ait apportée en preuve de fon aflertion. Qu'auroit - il dit davantage , s’il avoit décompofé le foie de foufre dont il eftqueftion , & qu’il en eut extrait un phofphore de Kunckel, Si M. Sage n'eft point {crupuleux fur le choix des preuves, il s’'eft du moins occupé à les multiplier. Les propriétés phofphoriques dont jouiflent les pierres calcaires après leur calcination , font dues , {elon lui, à cette efpèce de mophets Il y a tant de corps qui jouiflent de ces proprictés, & qui ont dans des états fi différens, que M. Sage ne peut guères s'appuyer fur celle de la chaux: d’ailleurs, les combinaifons de la chaux vive avec lacide nitreux & avec l'acide du {el marin, donnent de fi brillans phof- phores , qu'on ne peut rien conclure de cette propriété en faveur de AVRIL 1772, Tome IL. 48 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'acide phofphorique ; à moins que ces nouvelles combinaifons ne contri- buent à développer davantage l'acide phofphorique, & à le combiner avec le phlogiftique: mais encore une fois, on ne peut être fondé à don- ner ces explications , que lorfqu'on aura bien prouvé fon exiftence dans la pierre calcaire, & {on état de pholphore. I] refte encore à difcuter les plus fortes preuves de cette partie des Elé- mens minéralogiques. L’Auteur a reconnu que la leffive du mékange de l'alkali fixe & dela chaux vive tenoit en diffolurion un [el neutre produis par l'acide phofphorique de la chaux & l'a'kali fixe. C’eft un moyen de fair enfin cet acide : mais la grande difficulté eftque ce /e/ ne peut étre décom- pojë par aucun des acidés minéraux, Si Von a recours à un autre expé- dient, & fi l’on expofe ce fel {ur le feu , l'acide phofphorique fe difipe fans même donner aucun figne de fon exiftence, & l’alkali fixe très- blanc reîte feul au fond au creufet. La marche & les raifonnemens de l’'Auteur dans ces dernières expériences, ne fe réduifent-ils pas naturel- lement à ceci? Une preuve que l'acide phofphorique étoit dans la pierre à cautère, C'eft que je n’ai pu l'en tirer par les acides minéraux ; & une feconde preuve que cet acide phofphorique s’eft évaporé au feu, c'eft qu'il n’eft plus uni à l’alkali fixe. Cette logique n’eft pas celle du Phyfi- cien qui doute, & encore moins celle du Chymifte qui veut convaincre, 3°. Voici encore lacide phofphorique dans le [path fufible, combiné avec une rerre abforbante, Les preuves données par M. Sage fontaflez fuccintes; nous les expoferons très-fidelement. « Ce /e/ mêlé avec lesalkalis & les » fables , les fait entrer en une fufon fluide : on doit attribuer cette pro- » priété à fon acide de même que fa pefanteur. Les fpaths fufibles devien- » nent phofphoriques , & dans cet état , ils répandent une odeur de foie » de foufre». On ne fauroit difcuter la force de ces raifonnemens calqués fur le même modèle de ceux que nous venons d'apprécier : il fera plus conve- nable de rapprocher du Précis des affertions & des preuves de M. Sage, le détail des expériences de M. Margraff {ur le Spath fufible. I eft bon de comparer la marche du Chymiite de Berlin avec celle de notre Auteur , afin de mêler à ces obfervations polémiques autant d’inftruc- tion qu’il nous fera poflible. Le {path fufible, d’après les expériences de M. Margraf, eft compolé de l'acide vitriolique, d’uneterre abforbante & d’une portion d’argille. Quatre onces de fel fufible ont donné deux onces deux gros de terre abforbante , cinq gros d’argille & neuf gros d’acide vitriolique. Pour obtenir tous ces principes féparément, & déterminer leurpro- portion dans la compofition du fpath fufble, M. Margraff le réduifit en poudre, & le fit bouillir dans de l’eau chargée d’alkali fixe: peu - à - peu l'acide vitriolique quitta les fubftances terreufes auxquelles il étoit uni, & forma un tartre vitriolé, en fe combinant avec l’alkali fixe. La terre SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 49 terre abforbante fe précipita au fond du vafe avec l'argile. M. MargrafÆ parvint à féparer la terre abforbante de l'argile en la faturant avec lelprit de fel ou l’acide du vinaigre. Il évita de fe fervir d’acide vitriolique, parce que cet acide forme , avec laterre abforbante, unfel prefque infoluble qui refte uni à l'argile; au lieu queles autres acides employéscompofent avec Ja terre abforbante des fels folubles, & qui reftent fufpendus& diflous dans la liqueur, ce qui facilite la féparation de Ja terre abforbante d’avec l'argile. On eft étonné que M. Sage connoiffant les expériences de cet habile Chymifte & leur réfultat contraire à fes aflertions, ne les ait pas citées , au moins pour les contredire & pour montrer leur défe&tuolité, puif- qu'il étoit néceffäire, añn d’accréditer fes opinions , de ne pas laifler {ub- fifter la confiance fi juftement accordée par tousles Chymiftes, aux expériences de M. Margraff. 4°. IH refteroit à parler du bafalte & du diamant également compo- fés d'acide phofphorique & de laïlkali du quartz, mais comme ces obfervations fe multiplient en parcourant ces Elémens de minéralogie, nous croyons devoir renvoyer aux détails donnés fur la doétrine de M. Sage dans le Cahier de Février. On fe contentera feulement de faire ici une obfervation générale, A l’article de l'acide phofphorique, M. Sage promet de démontrer qu’il exifte très-abondamment dans plu- fieurs fubftances du règne minéral. D’après cette affurance, on s’emprefle de confulter les articles où il parle de ces corps naturels. Le Lecteur trouve alors quel’Auteur débute par leur déänition , où il indi- que l'acide phofphorique & les autres principes, comme s'il les eût extraits de ces corps : enfuite, il part de-là pour faire jouer à cet acide fon rôle dans les phénomènes dont il rend compte; enfin, on a épuilé la Jeéture de tous ces articles, fans que M. Sage ait daigné, pour fatis- faire ia curiofité qu’il a infpirée, montrer un atôme d'acide phofpho- rique tiré des corps où il l’avoit placé. Avant de quitter cet acide, il convient de citer le détail d’une expé- rience où il femble que M. Sage ait voulu s'attacher à une certaine pré- cifion. Il annonce que «{ix gros de phofphore de Kunckel ont été deux » mois à pafler à l’état de deliquium, & ont fourni dix-huit gros d'acide » blanc, tranfparent & fans odeur. Cet acide, ajoute-til, eit donc uni » à deux parties d’eau ». Il eft ficheux pour le Lefteur avide d'inftruétion , que M. Sage, dans Le détail de fes expériences, omette prefque toujours les circonftances capables d'en affurer & d’en conftater le rélultat. El ne dit pas, par exem- ple, en quel tems il a expolé ce phofphore à l'air ; fi c’étoit en été ou en hiver. Tout le monde fait qu’une certaine température de l’athmof- phère {uit pour faire brüler le phofphore & décompofer fon acide, Il y auroit pour lors beaucosp de mécompte dans le réfultat de Auteur, 2°, Il ne dit pas comment il s’eft enfuite afluré que le deiquium contint AVRIL 1772, Tome 11, 1 fo OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Pacide phofphorique dans la proportion d’une partie fur deux d’eau; puifque la feule différence de poids ne fuffit pas pour déterminer ce rapport, fi l’on admet les caufes du mécompte que nous venons d’indi- quer. III. Une des plus hardies affertions de M. Sage, eft celle qui con- cerne la nature du quartz. C’eff, felon lui , #7 compofé d'acide vitriolique G de terre abforbante , qui a éprouvé une altération particulière qui la rap- proche de Palkali fixe, La première preuve donnée par M. Sage de ces principes conflitu- tifs . eft la cryftallifation du quartz, qui prend une forme femblable à celle du tartre vitriolé. Nous avons fait voir, en rendant compte le mois dernier, de lOuvrage de M. de Lifle, fur les cryftaux, combien une méthode tendante à conclure des principes communs, d’après des formes femblables, étoit fujette à erreur ; & par conféquent, nous prions M. Sage de nous permettre de ne pas regarder comme vala- bles , les preuves tirées de la reffemblance des formes. Au défaut de celle ci, il en donne une autre répétée avec complai- fance dans trois ou quatre endroits de cet Ouvrage. Cette preuve eft la décompofition du quartz par la chaux dans le mortier. « L’acide phofpho- » rique qui fe trouve dans la chaux s’unit à /a bafe du quartz & produit > du bafalte: Pacide vitriolique du quartz s’unit à la terre abforbante de la » chaux , & forme du gypfe. La combinaifon qui réfulte de ce mélange, » cryflallife promptement , & produit des fels infolubles ». Il faut avouer que M. Sage eft magnifique dans fes Œthiologies. Il fait à grands frais du mortier. Tous les êtres qui jouent un rôle dans fes affertions , concourent à cette grande opération; c'eft dommage que l'exiflence de ces fubftances élémentaires foit au&i peu avérée que leur façon d'agir. Prétons-nous cependant & pour un inftant à l'illufion, L’acide phofphorique n’exifte pas dans Ja chaux, il ne peut fe combi- ner avec l’akali qui n’eft pas contenu dans le quartz, cela eft clair; mais fuppofons que l'acide phofphorique foit renfermé dans la chaux, M. Sage ne fe fouvient plus que fon acide phofphorique eft combiné dans la chaux avec le phlogiftique, & fous la forme de foufie. Si dans cet état de combinaifon, cet acide peut s'unir à l'alkali fixe, qu'il aura dégagé du quartz , il formera un nouveau foie de foufre & décompofera le foie de foufre à bafe terreufe, contenu dans la chaux. Aïnfi, en par- tant des données de l'Auteur, jene vois pas qu’il fe foit formé du bafalte, Je veux bien fuppofer que l'acide phofphorique foit devenu libre & qu'il fe foit réellement combiné avec l’alkali fixe du quartz; mais com- ment peut-on aflurer que cette union forme du bafalte , puifqu’on ne connoît par aucune expérience analytique , les principes conftitutifs de cette pierre? Je confens encore qu'il réfulte un bafalte de la combi- naifon de l'acide phofphorique de la chaux avec l'alkali du quartz; tie Mat SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 51 mais à condition qu’on m’accordera, qu’il peut également fe former, par la même voie, du diamant aufli bien que du bafalte, puifque , fuivant les Affertions de M. Sage, le diamant eft compofé des mêmes principes que le bafalte, Voyez le Vol, de Février, ou Ouvrage de l'Auteur. Revenons atuellement à l'acide vitriolique du quartz qui doit fe com- biner avec la terre abforbante de la chaux. II eft furprenant que M. Sage ait oublié que dans cette circonftance , il eft occupé à prouver que lacide vitriolique entre dans la compofition du quartz. Il met en prin- cipe ce qui eft en queftion: par conféquent, malgré la propenfion que nous avons eue jufqu’à préfent à le croire , nous ne pouvons , en bonne logique, lui accorder qu’il fe forme du gyple, que ce gypfe fe méle au bafalte, & qu’il réfulte de ce mélange des /e/s infolubles, quoique le gypfe foit foluble dans l’eau: ainfi, le mortier ne pourra pas prendre une certaine dureté, & il ne fera plus une preuve de la décompofition du quartz. On pourroit entrer en compolfition avec l’Auteur & lui indiquer un moyen de convaincre fes Lecteurs, qui feroit de montrer le bafalte & le gypfe tout formés dans le mortier fait avec la chaux & le quartz. Comme M. Sage ne fait point décompofer le bafalte, il ne pourra le faire reconnoiître à fes principes ; cependant, il le diftinguera du quartz, en ce que ie bafalte entre facilement en fufion , au lieu que le quartz eft infufible. Par conféquent, fi les morceaux de quartz ou de filex qui font entrés dans la compolition du mortier, font fufibles fans addition, je croirai qu'ils ont éprouvé un changement notable, & même, fi l'on veut, qu’ils font devenus du bafalte, quoi- que M. Sage ne m'ait point appris ce que c’eft que le bafalte. Je le dif- penferai même de me montrer le quartz changé en diamant & devenu volatil au feu , quoiqu’à fuivre toute cette théorie, le cas dût fe ren- contrer quelquefois. * En fecond lieu, que M.Säge continuant l’Analyfe du mortier, décom: pofe le gypfe qui s’y eftformé, qu'il m'en fafle voir à part les principes conftituans, c’eft-à-dire, l'acide vitriolique du quartz, & la terre abfor- bante dela chaux, j'oublierai, pour lors, que dans la premiere partie de {on raifonnement ila fait agir des êtres hypothétiques pour faire des mixtes aufli peu connus; j'annoncerai, en un mot , que M.Sage a décom- pofé le quartz. Notre Auteur paroît s'être peu occupé du moyen dont nous par- lons & qui fe préfente d’abord à l’efprit des Leéteurs, relativement à {on Œthiologie du mortier; il ne dit pas même qu’il ait analyfé aucun mortier, ni qu’il ait découvert dans cette analyfe des fubftances appro- chantes, pour leurs qualités, du bafalte ou du gypfe. . M. Sage n’auroit fans doute pas diffimulé des rélultats peu favorables à fesprétentions, dans l’efpérance que, peut-être par la fuite, ils feroient AVRIL 1772, Tome 11. Gi 52 OBSERVATIONS SUR LA PHFSIQUE, conformes à fa théorie. Il auroit eu grandtort, Ceux qui ont anatyfé Le mortier & qui y ont trouvé le quartz & le filex dans leur premier état, & la chaux entièrement foluble dans les acides, font difpofés à le publierz en forte que cette belle théorie commençant par mettre en jeu une foule d'êtres hypothétiques , finit. par annoncer des réfultats , dont les expé- riences les plus fimples & les plus faciles, démontrent la fauffeté, Comme la difcuflion de cet article eft importante, & que nous ne voulons pas que le Public nous reproche d’avoir diminué ou fouftrait les preuves données par M. Sage, nous ajouterons encore un trait pour les completter; il y compare le quartz qu’il ne connoît point, avec le fpath fufible qu'il ne veut pas connoître. « Le quartz n’a point la pefanteur du fpath fufible, ce qui annonce » que dans ce fel neutre, l'acide qui y Da eft srès-différens de > celui du fpach fufible «. Nous remarquerons cependant que, d’après les expériences de M. Margraff auxquelles on doit beaucoup de confiance, & dont les détails font fi fatisfaifans , le /pah fufible eff compofé d'acide vitriolique & de terre abforbante; par conféquent, fi la différente pefan- teur du quartz & du fel fufible , étoit un motiffufffant pour admettre dans ces deux corps un acide différent, il fuivroit de-là que l'acide vitrio- lique n’entreroit pas dans la compoñition du quartz, puifqu'il eft un des principes du fpath fufible. M. Sage continue à indiquer d’autres difté- rences dans Le fpath fufible & dans le quartz; mais elles ne prouventen aucune forte que l'acide vitriolique & l’alkali entrent dans la compo- fition de ce dernier corps naturel; ainfi ileft inutile de fuivre plus loin fur cet article, notre Minéralogifte-Docimaftique. IV, M. Sage annonce dans fon Ouvrage, p. 4, l'acide marin , comme Servant à sminéralifer la plupart des fubflances métalliques : il avoit déja parlé de cette découverte dans fon examen chymique publié en 1769, où il dit, p. 11 :«les fubftances métalliques fe trouvent fouvent mêlées » avec,le foufre, Parfenic & Pacide marin; la nature na employé que » ces trois intermèdes pour les minéralifer , &c. Mais aujourd'hui, plus riche par fes découvertes, il annonce dans fa Préface , p. vi: « qu'outre » l'arfenic & le foufre , qui, fuivant l’idée générale , étoient les feuls > minéralifateurs, l’acide marin, l’alkali volatil & la matière grafle » produite par l’alkali volatil décompofé, font trois intermèdes que la » nature emploie très-fouvent pour minéralifer les fubftances métal- vliques ». On eft furpris, avec raifon, que l’Auteur n'ait pas cité M. Lehman, puifque dans deux endroits de fon Traité de la formation des métaux, publié en 1752, il fait mention de l'acide marin comme minéralifateur; mais cé qu'il y a de plus fingulier encore, elt que M. Lehman parle de ce fait intéreffant comme étant parfaitement connu de tous les Minéralogiftes Allemands, & qu'il le donne en preuve d'une thèfe qu'il difcute. M. Lehman après avoir remarqué, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. y tome 2,p. 25, que les foffiles & les métaux font opaques, & que parmi les foffiles on trouve plus de corps tranfparens, que parmi les métaux: » On m'oppolera ici, ajoute-t-il, la mine d'argent cornée , la mine d’ar= » gent rouge tranfparente , la mine de plomb en cryftaux verds; mais » quelle eft la nature de ces corps? Tous trois font des métaux qui ont »été minéralifes par l'arfenic, & {ur-tout par l'acide du fel marin, qui » eff joint avec lui, &c. Ailleurs, p. 147,tom.2, M. Lehman s'occupe à indiquer les différentes fubftances qui fe combinent avec les métaux & déterminent les formes diverfes que prennent les mines. Je pourrois encore dire, ajoute-t-il, que la mine d'argent cornée eff redevable de [a forme a L'arfenic &' a l'acide du fel marin, €c. J'obferverai ici que le nom de mines d'argent cornées annonce aflez quele Minéralifateur étoit connu par tous ceux qui traitent les mines en grand. Les Chymiftes favent qu'on donne le nom de cornées à toutes les combinaifons de l'acide marin avecles fubftances métalliques , lorf- qu’elles ont une certaine confiftance de corne. Nous croyons pouvoir nous permettre ici cette remarque générale, M, Sage ne cite point dans fon Ouvrage les favans Chymiftes qui ont travaillé fur les mêmes matières que lui. Il eft vrai que fouvent n’ayant d'autre guide que lui- même, il n’eft pas dans le cas d'emprunter aucune vue des autres, V. On eft en droit de faire cette queftion; eft-il raifomnable, dansun Traité Elémentaire de Docimalie, fait pour des Etudiens& des Com- mençans , comme pour les gens de l’Art, de ne pas indiquer les moyens fimples de décompofer le gypfe? Sufit-il d'indiquer feulement les prin- cipes qui entrent dans fa compofition ? il femble que l'Auteur auroit dû citer le travail de M. Lavoifier fur le gypfe, aufi inftru@if pour le fond , que fatisfaifant pour fes réfultats, L’Étudiant a befoin d’être con- duit par la main, & de trouver dans es réfultats, les preuves claires du principe. La Chymie n’admet point d’article de foi; elle eft fondée fur des preuves, & ne fubfite que par elles, VI. M. Sage veut que le fel d’epfom ou d'Angleterre , ne diffère pas du fel de glauber. En cela, il n'eft pas d'accord avec l'expérience. Il eft vrai que le fel d’epfom ducommerce , qui fe tire de Lorraine & non d'Angleterre, eft un fel de glauber, dont on a troublé la cryftallifa- tion; mais le vrai {el d’epfom a une bafe particulière qui cryftallife toute feule , quoique ce foit une bafe terreufe. VII. Pour que la pierre calcaire foit fufceptible de diffolution dans l'eau & de cryftallifation, il eft néceflaire, felon M. Sage, qu’elle ait fubi la calcination qui lui enlève une partie de fa matière graîle. Ce principe eft contredit par des opérations de la nature très- multipliées & très étendues; puifque les ftalaétites, les albâtres, les cryftaux calcaires de toute efpèce , fe forment chaque jour dans les cavè tés des bancs horifontaux, & dans les grottes, fans que la matière cal- AVRIL 1772, Tome IL. s4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, caire, chariée & difloute par l’eau, ait pu éprouver en aucune forte l’action du feu. La nature a fans doute une reflource que M. Sage n’a pas encore failie dans fon laboratoire, pour détruire la partie grafle qui s’oppole, felon lui, à la cryftallifation. VIII. L’Auteurindique les principes des couleurs de certaines pier- res précieufes : il prétend, par exemple, « que la couleur de l'amé- » thifte eft due à du cobalt uni à l'acide marin; que le jafpe verd doit fa » couleur à du cobalt : expofé à un feu violent, il devient bleuâtre ». Comme M. Sage ne donne aucune preuve dans ce qu’il avance, relative- ment à ces deux premières pierres précieules , nous le prierons de les expofer avec plus d’exactitude que celle qu'il préfente du principe colorant du rubis. «J'ai fondu ungros de rubis avec deux gros d’alkali fixe, j'ai obtenu >» un verre brun & opaque, J'ai enfuite mélé ce verre avec trois par- aties de fel ammoniac, j'ai diftillé ce mélange : il a pafñlé d’abord de » l'alkali volatil, enfuite du fel ammoniac coloré en jaune: ce qui aynonce » une portion de fer dans Le rubis; puifqu’en mettent de la noix de Galle >» dans la diffolution du fel ammoniac, il s’eft fait de l’encre ». Après cet expolé, il refte à décider laquelle des trois fubftances ou de Pal- kali fixe, ou du rubis, ou du fel ammoniac, a fourni l’atôme de fer dont l'union avec la noix de Galle a fait l’encre. Si je me décidois pour quelques-unes de ces fubftances , ce feroit pour lafkali fixe qui contient ordinairement du fer. Nous remarquerons à cette occafion que M. Sage a employé dans la plupart de fes expériences, des Agens chymiques, qui, bien loin de démontrer la véritable caufe d’un effet, contribuent au contraire, à rendre les réfultats très-équivoques par l'influence qu'ils peuvent y avoir. IX. M. Sage a très-peu contredit dans fon Ouvrage, même lorf- qu’il a été d’un avis contraire à celui des plus habiles Chymiftes: nous croyons devoir difcuter ici les raifons qui l'ont déterminé à nier les réfultats de plufieurs obfervations fur l'Hiftoire naturelle. Elles con- couroient à prouver que le bafalte étoit un produit de volcan. Voici les faits oppofés à cette doctrine. Des pyrites cuivreufes & de la terre martiale jaune fe font trouvées dans le bafalte de S. Sandoux enfAuver- gne. Ces deux circonftances démontrent , fuivant ce Chymifte: « que le » feu n’a point eu de part à la formation de ces pierres. La pyrite cui- » vreufe fe décompofe er éprouvant l'alion du feu, & La terre martiale y » devient rouge ». Ces deux raifons ne détruifent point le fentiment oppofé. 1°. Pour- quoi les pyrites cuivreufes ne fe feroient-elles pas formées dans les cavités du bafalte , à mefure qu'il fe refroidifloit , fi les matériaux qui entrent dans leur compofition, ont pu s’y raflembler ? Pourquoi fup- pole-t-on que ces pyrites ont dû exifter dans le tems même où le bafalte SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, $$ étoit en fufon? Il eft poflible qu’elles fe foient formées par le refroi- diflement; par conféquent, l’exiftence d’une pyrite dans une pierre qui a éprouvé Paétion du feu, n’eft pas une circonftance incompatible avec l'état de lave, puifque la formation de la pyrite peut étre fuppo- fée poftérieure au tems de fa fufion? On peut fortiñier ce raifonne- ment par un exemple. Quoique le foufre fe détruife très-aifément au feu, & plus facilement encore que la pyrite, on en trouve néanmoins affez fouvent dans les cavités des laves. La fuite des productions des volcans d'Auvergne , confignée au Cabinet du Roi, renferme plufieurs laves femblables, avec des cryftaux de foufre. Ne pourroit-on pas à ce fujet, faire un raifonnement pareil à celui de M. Sage, en préten- dant qu’il eft impoflble que ces laves aient été dans un état de fufion, puifqu’elles renferment du foufre qui feroit détruit ez éprouvant l’aëtion du feu, I] fufiroit pour renverfer cette allégation, d’obferver que le foufre s’eft. fixé & cryftallifé dans les laves à mefure qu’elles fe font refroidies ; qu’ainfi le foufre n’a pas dû fe détruire par le feu qui l’a formé & qui a favorifé fa cryftallifation. * La feconde obje&ion eft encore plusfutile que la première. D’après quel principe l'Auteur avance-t:l que toute fubftance qui pañle par le feu , doit prendre & conferver une couleur rouge, fans diftinguer la quantité de fer qui la colore, la nature de la terre colorée & l’a&ion du feu? S’eft-il afluré d’ailleurs que les eaux n’ont pas pénétré la terre jaune ochreufe qu’il objeéte, & n’ont pas diminué par un lavage fuc- ceflif, l’intenfité de la couleur rouge? X. Quoique M. Sage n’ait démontré aucun principe commun dans certains corps naturels, il ne craint cependant pas dé les ranger dans une même clafle, malgré la contexture différente de leurs parties, & les formes apparentes qui les diftinguent. Ainfi, dans la claffe des bafal- tes, on trouve fuccefhvement les fchorls, la macle ou pierre de croix, la tourmaline, le bafalte martial de Cronfled , le bafalte à grands pril- mes d'Agricola, le jade même. Au défaut des réfultats chymiques, il paroît que la forme prifmatique a fervi de caractère générique pour rapprocher tous ces corps naturels. Cette méthode peut-elle être fuivie par les Savans, plus amateurs desobfervations & des expériences, que des nomenclatures arbitraires ? XI. Nous étions dans le deffein de faire connoître la manière dont M. Sage décrit les morceaux de minéralogie claflés fuivant fa méthode, Ces obfervations étant déja trop étendus, il fuffira de donner un ou deux exemples pris au hazard. » Le grès eft compofé de petites parties de quartz arrondies & unies » enfemble: il y, en a des carrières dans différentes contrées ; elles font » quelquelois découvertes (ou à découvert), & offrent des maflès de » différentes grofleurs. On trouve à Fontainebleau des roches de grès AVRIL 1772, Tome II, 56 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » très-con/idérables & La verre en paroît couverte ». Les petites partiesdu grès font anguleufes & non arrondies. > On nomme granit, les pierres qui font compofées de cailloux ou de » graviers cimentés enfemble , & dont les interftices font remplis par re » matière de même nature ». Qui reconnoïtra le granit à ces traits? « Première efpèce, Granit compofe de cailloux, poudingue:il eft fufcep- » tible d’un beau poli». Quel caractère fpécifique & générique ! « Troifième efpèce. Cailloux de Rennes, Cette efpèce de granit à un » fond rougeâtre, les taches qu’on y remarque font jaunâtres». Le cailloux de Rennes n’eft point un granit, c’eft un jafpe, , ANA LE ASE DE LA TERRE VÉGÉTATIVE D'ÉTAPLES; Par M. RIGAUT, Phyficien-Chymifle & Naturalifle de la Marine, & de la Société d'Agriculture de Laon. A vANT de donner cette analyfe, il faut faire connoître à ceux qui l'ignorent, ce qu'ils doivent entendre par ces mots serre végérative d Eta- plesen Boulonnois, C’eftun mélange de terres avec un fel préparé , dans cette Ville, par les foins de M.le Baron d’Efpuler; il la vend quatre fols la livre. Voici les avantages qu’on peut en retirer d’après les pro- mefles de M. d'Efpuler, confirmées par une multitude d'expériences publiées dans les Ouvrages périodiques , avec les règles générales fur fon ufage. Elle eft infiniment moins difpendieufe que les autres engrais : on la tran{porte facilement & prefque fans frais: elle rend les récoltes plus abondantes; il ne faut femer que la moitié de la graine qu’on a cou- tume d'employer avec les engrais ordinaires ; & pour les grains de Mars, autant de livres deterre végétative que de livres de femence; pour les légumes & autres plantes qui reftent en place, il fufit d'ajouter à la graine, avant de la femer , la quantité de terre végétative fuffifante pour lenvelopper, ce qui fait environ deux livres de cet engrais par perche de terrein : pour les légumes & fleurs qui fe tranfplantent, on épargnera Ja moitié du plant; mais on délayera la terre végétative dans de l’eau, en manière de bouillie, & on y trempera la racine de cette plante avant de la mettre en terre: deux livres d'engrais fufñi- fent pour chaque perche de terrein en vigne; on obferve la même règle pour les arbres fruitiers; l’engrais pulvérilé peut être diftribué fur les bleds, fur les prairies, &c, &ç- Écux qui defireront de plus grands décails SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $7 détails fur cet objet, pourront confulter le Journal d'Agriculture & du Commerce , cahier de Mars 1772. M. d’Efpuller a établi plufieurs Bureaux de diftribution , & a pris les foins convenables pour que cette terre parvienne fans altération, dans le domicile de ceux qui s’adrefle- ront à lui. « Cetteterre, dit M. Rigaut, eft difpoféeen forme de pain, du poids d'environ une livre & demie. On voit à leur furface une efflorefcence faline , qui n’eft autre chofe que du fel commun. Des perfonnes , dignes de foi, m'ayant afluré qu’elle avoit produit de très-bons effets, employée à une dofe double de celle prefcrite par l'Inventeur, fur des légumes, des fleurs, des prés artificiels, & méme fur des bleds; j'ai penfé que ce féroit rendre fervice aux Cultivateurs, que d’en faire l’analyfe, & d’en faire connoître les réfultats & les conféquences. J’aidélayé deux fois une livre de cette terre, réduite en pouffière, dans huit livres d’eau pluviale chaude; j'ai fait évaporer au bain de fable , les feize livres d’eau, provenant des deux lavages ; j'ai obtenu trois gros cinquante-fix grains de fel marin à bafe alkaline, connu plus vulgairement fous le nom de /8/ commun ou de cuiine, & huit grains de fe] marin à bafe terreufe, I! réfulte de cette analyfe , dont j'ai donné les détails de manipula- tion dans le compte que j'ai eu l'honneur de rendre au Miniftre, qu’une livre de la terre végétative d’Etaples, contient environ une demi-once de fel commun ; & qu'avec une livre de cefel , on peut compoler trente- deux livres de cet engrais. Quant à la nature de la terre d’Etaples , qui fert d’excipient au {el ; il importe peu de la connoître, quand il eft prouvé qu’elle ne doit fa propriété de fertilifer les terres qu’au fel qu’elle contient. Pour compoler un engrais femblable à celui dont on vient de parler, on mettra dans un vafe quelconque trente-une livres de la terre des champs féchée au foleil; on verfera deflus fix livres d’eau , dans laquelle on aura fait fondre une livre de fel, & l’on agiterale mélange, afin qu'il en foit par-tout imprégné également, & on le laiflera {écher, jufqu'à ce qu'il puiffe fe réduire en pouflière, afin de pouvoir le femer fur les terres, comme la terre - houille du Soifflonnois , ou la cendre de tourbes ; ou bien, on l’emploiera comme la terre végétative d’Etaples, fans néanmoins retrancher la moitié de la femence , ainfi que l’Înventeur le confeille, La terre végétative d’Etaplesfe vend quatre fols la livre ; & l’Inven- teur en prefcrit cinquante livres par arpent, ce qui revient à dix livres, Mais, comme le {el ne vaut qu'environ fix deniers à Etaples , ainfi que dans les autres pays où il n’y a point de Gabelle , il eft évident que la même quantité de terre végétative, compofée comme on vient de le dire, ne reviendra qu’à neuf deniers; & à dix-huit fols ou environ, AVRIL 1772, Tome 11. H 58 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans les pays de grande Gabelle, où le fel vaut douze fols la livre, Si les Cultivateurs qui feront ufage de cet engrais , trouvoient que les proportions de fel indiquées fuflent trop foibles, je penfe qu'il feroit plus avantageux d'employer cent livres de cet engrais, & même davan- tage par arpent, que d'augmenter les proportions de fel dans lestrente- une livres de terre données pour règle. Siles fels font périr les plantes, lorfqu’elles en reçoivent des impreflions trop fortes , ils produifent de très-bons effets, lorfqu'ils font mélés avec la quantité de terre indi- quée. La propriété qu’a le fel commun de fertilifer les terres, eft connue depuis long-temps, Les terres du Boulonnois les plus fertiles font celles qui font fituées fur le bord de Ia mer. L'eau, en paffant entre les débris des montagnes qui forment les côtes, & que les eflorts des vagues détrui- fent tous les jours, fe réduit en uné moufle ou écume légère. Cette écume eft quelquefois tranfportée par le vent fur lés terres à près d’une demi lieue de diftance. C’eft le fel contenu dans cette écume qui les fertilife au point qu’elles produifent toutes les années des récoltes abon- dantes , fans que l'on y mette aucun engrais. Lorfque la mer inonde des pays cultivés, ainft qu'il eft arrivé plu- fieurs fois dans le bas Calaïfis’ & dans la Flandre maritime, elle fair périr toutes les plantes qu’elle arrofe; mais lorfqu'on enfemence ces terres, on obtient plufieurs années de fuite des récoltes abondantes & débarraffées , fur-tout dans la première année, de toute efpèce d'herbes. La vérité des faits que je rapporte, détermine à penfer qu’il feroit utile d’arrofer les terres ; avant quede les enfemencer, avec de l'eau qui contiendroit à. peu-près autant de fel qu'il y en a dans l’eau de la mer. Une livre de fel fufroit pour trente-fix livres ou dix-huit pintes d’eau, melure de Paris. Ces arrofemens pourroient s’exécuter par le moyen d’un tonneau femblable à ceux dont on fe fert à Paris pour arrofer les promenades; mais, pour faire des effais, un arroloir ordinaire feroit fuf- fifant. Ces opérations coûtéroient peu dans les pays où le fel eff libre. Dans ceux de grande Gabelle, les Cultivateurs pourroient diminuer la dépenle, en faifant fervir à cet ufage la faumure des falaifons qu'ils confomment, ainfi que le fel des morues & des autres poiflons falés, On pourroit encore fe fervir pour ces arrofemens, des eaux-mères des falines & des falpétrières, que l’on étendroit dans un volume d’eau fuf fifant, Enfin, il feroit à delirer que MM. les Fermiers Généraux per- millent aux Cultivateurs d'employer, comme engrais, le {el commun que l'on obtient dans les premmières cuites du fälpêtre, & que l'on jette dans l’eau, de crainte qu'il ne foit employé aux ufages de Ia vie». SilAgriculture avoit un rapport immédiat avec le butde ce Recueil, nous dirions qu'il falloit, avant d’exalter la vertu du fel marin comme engrais pour les terres, avoir examiné s’il eft engrais par lui-même, SUR L'HIST. NATURELLE.ET LES ARTS. 59 comment il le devient par les combinaifons qu’il éprouve dans la terre, & dans quelle circonftance il convient de l'employer. Les Agronomes ne font pas d'accord entr'eux fur les principes de la fubftance nourricière des végétaux; les uns prétendent que, l’eau feule & l'air font fuffifans , fondés fur l'expérience des oignons de fleurs qui pouflent & fleuriflent dans les carafes; les autres penfent que la nutrition des plantes eft due à l’air & aux fubftances en tout genre qu'il tient en An , & ils prouvent leur opinion par l'exemple de l'oignon de féie, ou par celui de plantes grales, telles que les cadus , les aloës, les mefémbriathemum , &c.; les derniers enfin foutiennent quela terre feule unie à l'eau fuffit à la nutrition des plantes, puifque lapar- tie herbacée ou ligneufe, n’eft qu’une terre modifiée qu’on retrouve ailément après la deftruction de l'arbre, Il s’agit à préfent de concilier ces opinions, & de faire voir en peu de mots que ces Auteurs auroient raifon chacun dans leurs fens, s'ils ne le prenoient pas aufi ftrite- ment, Les anciens Chymifles, fans prefque en excepter aucun, étoient fortement perfuadés que l'eau pouvoit fe convertir en terre. La faufleté de cette opinion nous paroît démontrée jufqu’à l'évidence , dans le Mémoire de M. Lavoifier, inféré dans le cahier d'Août 1771. Or fi l’eau ne peut pas {e convertir en terre, comment donc feule peut- elle être la nourriture d’un arbre qui en contient une grande quantité ? Elle n’eft donc que le véhicule néceflaire pour la végétation. L'air & les fubftances qu’il tient en fufpenfion , ne fufñfent pas pour nourrirles her- bes & les arbres; fi les ‘piarites grafles forment une forte d'exception par leur manière de végéter, le Phyficien en connoît les raifons. L'air par lui-même ne contient d’autrecorps que le fien propre; & l'humi- dité athmofphérique , les parties huileufes, &c. {ont interpolées entre fes molécules, de forte qu’une molécule d'air foutient une molécule d'eau , & ainf fucceflivement de toutes les fubftances dont l'air athmof- phérique eft chargé. C’eft donc dans cetteeau, &c. que les partifans de la feconde opinion prétendent que l'on doit placer les fucs nourriciers;, mais cette eau ne peut contenir qu'une petite quantité de ces fucs , puifqu’elle eft obligée elle-même d’être en une proportion donnée, pour que l'air puifle la foutenir. Voyez le Mémoire de M. Jean Ek & l'abregé de celui de M. Leroi, ts de Décembre 1771. Voyez encore la Diflertation de M. Lambert, au commencement de ce volume, & vous lirez que.fur 784 particules d'air on peut tout au plus compter une particule étrangère & aqueufe, &c. Comment peut-on fuppofer à préfent, que l'air en général renferme à lui feul , & même uni à l’eau athmofphérique , aflez de fucs pour former un chéne majeflueux? Le grain de terre, & dans unétat ifolé, ne contient aucun fuc propre à la nourriture des végétaux; il fert feulement de matrice à AVRIL 1772, Tome IL. H ï 60 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ces fucs à peu-près comme l'air, d’excipient à l'eau athmofphériques if n'eft donc pas en lui-même une nourriture , en un mot, le principe de la végération. En conciliant ces trois opinions, on verra que l’eau, l'air & la terre contribuent à la végétation, & qu’elle ne peut exifter en général fans la réunion de ces trois principes; l'air eft néceflaire pour donner l’élaf- ticité à toutes les parties du végétal, l'eau pour en lubréfier les conduits & étre le véhicule du fuc nourricier, la terre pour préparer ce fuc nourricier; enfin, chacun contribue à la formation & à l’accroïflement du végétal, en y portant l’effence de fuc nourricier qu'il contient. Si l'air feul fufloit , à quoi ferviroient les racines? Si la terre {eule fufñi- foit, à quoi ferviroient les feuilles ? C’eft donc de ce concours mutuel que nai & fe perpétue la végétation, & elle s'exécute par le ferment occafionné par la chaleur. Rapprochons a@uellement ces généralités, & faifons-en l'application à lengrais procuré par le fel marin, confidéré comme avantageux pour la végétation, On trouve dans toutes les plantes, de l'air, de l’eau, de l'huile, du fel & de la terre: ces parties y exiftoient avant fa del- truétion , mais d’une manière mixtive & mélangée; l’art feul pouvoit les en féparer & les ifoler. Elles font montées dans le végétal, lui ont fervi de nourriture dans le même état de combinaifon qu'elles y exiftoient avant fa deftruction, avec cette différence néanmoins, que dans lé moment de leur intromifion dans les conduits féveux , elles étoient moins élaborées , moins atténuées. La perfection du fucnourricier eft due à la fluctuation afcendante & defcendante & continuelle de la sève, qui seft dégagée de fes impuretés à l’aide des vaifleaux excrétoires de la plante, c'eft-à-dire, par la tranfpiration, à-peu-près de la même manitre que le fuc nourricier s’épure dans l'homme. Les parties falines, huileufes, terreufes & même aqueufes, mélan- gées ou même confidérées dans l’état ifolé, font trop groflières pour S'infinuer par les bouches infiniment petites, ou fucçoirs qui fe trou- vent à l'extrémité des racines capillaires; il faut donc que ces fucs {ubiflent une altération qui les triture, les divife, pour ainfi dire, à Pinfini, afin de les combiner exactement, C’eft aufli dans cet état de combinaifon exacte, qu'elles fe préfentent fous la forme de vapeurs favonneufes aux différens fucçoirs des racines; & les parties les plus élaborées font les feules admifes dans les conduits féveux. Les plus groflières reftent dans la terre ou lexcipient , pour y fubir de nouvelles combinaifons , afin d’être en état de fe préfenter de nouveau pour étre reçues, Il réfulte de ce que nous venons dedire , que le fel marin n’eft pas par lui-même une nourriture ou un engrais pour les plantes. Les viandes falées qu'il racornit , prouvent qu’il nuiroit à la végétation ; il ne devient SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6x donc engrais qu’autant qu'il fert à rendre favonneux les fucs différens propres à la végétation. L'exemple cité par M. Rigaut, du Bou- lonnois, du Caléfis, de la Flandre maritime, confirme ce fentiment , quoiqu’on ne doive pas le prendre entièrement dans le fens de l’Au- teur. On doit attribuer la fertilifation dont il parle, non pas unique- ment au fel marin , mais à cette efpèce de graifle de l’eau de la mer, qui , unie à la bafe alkaline du fel marin, forme un favon; & l’écume fertilifante dont il parle encore, eft la preuve de l'exiftence de cet engrais favonneux. Nous venons de faire connoître fuccintement la marche fuivie par la nature pour procurer la nourriture des végétaux, & le Leéteur pourra faire l'application des différens fyflémes donnés par nos Agronomes, Ces femences d'idées, fi nous pouvons nous exprimer ainfi, fuffiront pour les mettre à même de former une théorie exacte fur les engrais ; il fuffira d'établir des règles générales d’après ces principes. La matière qui doit fervir d'engrais , eft toujours meilleure propor- tion qu’elle approche davantage de la nature des parties grafles & huileufes du règne végétal, Plus promptement les parties grafles, contenues dans la matière qui doit fervir d’'amendement, fe diflipent, moins elles font profitables au Cultivateur. Plus il y a de parties grafles dans une matière, plus elle eft dura- ble & plus elle contribue à la fertilité. Plus la matière qui doit fervir d'engrais ef difpofée à la putréfa&ion, plus aifément auñli elle fe fubtilife & fe réfout en vapeurs ; & ces vapeurs font le feul & unique moyen employé par la nature, pour nourrir le végétal & former les parties qui concourent à fa folidité, Ces règles générales exigeroient de plus grands détails; mais ce feroit s'écarter de notre but : Confultez les Elémens d'Agriculture chymique & phyfique de Vallerius , Ouvrage trop peu connu en France, un peu trop concis & fouvent mal entendu par ceux qui le lifent, parce qu'il fuppofe à fes Lecteurs beaucoup de connoiffances préliminaires, foit en Phyfique, foit en Chymie. On doit favoir gré à M. Rigaut d’avoir donné le procédé de compo fer une terre végétative, dont la livre ne coûtera que neuf ou douze deniers dans le pays de petite Gabelle, tandis qu’on la vend quatre fols à Etaples, js AVRIL 1772, Tome IL. 62 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, R'RICGNE" V EC) ETAANT. Lettre de M. JEAN Eccis à M. WILLIAM AITON, Botanifle de S. 4. R. la Princeffe Douairiere de Galles à Kew , fur une nouvelle efpèce d’'Anis éroilé , récemment découverte dans la Floride occidentale. MONSIEUR, J E vais vous tracer l’hiftoire de l’efpèce d’anis étoilé, foit de celle qui croit au Japon, en Chine & dans les autres Pays orientaux, foit de celle qu'on trouve dans Les deux Florides de l'Amérique. On lit dans le Théâtre de Parkinfon, p. 1569, une defcription de l’anis oriental , d’après Clufus. Parkinfon obferve que cette plante fut apportée en Angleterre fous le règne d’Elifabeth, par le Chevalier Thomas Cavendish, qui , dans fon voyage autour du monde , en recueil- lit aux liles Philippines quelques branches sèches , avec des coffes & des femences. Ces branches n’avoient ni feuilles! ni fleurs-; elles furent données à M. Morgan, Apothicaire de la Reine, & à M. James Garrat. Ce fut d'eux que Clufius les reçut. M. Geoffroi , dans fa Matière médicale, traduite par le Doëteur Dou- glas, l'appelle anifum finenfe, femen badian, fruclus flellarus, N dit que cette plante efttrès-eftimée en Chine & danstoutlOnent; que l’on s’en fert efficacement contre la mauvaife odeur de la bouche, contre le mauvais air, & comme un diurétique puiffant. Les Indiens font infufer le fruit dans l’eau; 8 après la fermentation, ilen réftilte une liqueur vineufe. Les Hollandois, dans les Indes occidentales, & les Naturels du pays , mêlent ce fruit avec leur thé & leur forbet. Kæmpfer, dans fon Ouvrage intitulé Amaænirates Exoticæ, p. 880, l'appelle Somo , Skimmi. Il donne la repréfentation d’une branche avec fes feuilles , fes fleurs & fes fruits. Il trouva cette plante dans le Japon, & il obferve que les Japonois & les Chinois , la regardent comme une plante facrée ; en effet, ils l’offrent à leurs Pagodes, & en brülent l'écorce comme un parfum fur leurs Autels. Ces peuples: étendent les branches de cet arbre furles tombeaux de leurs amis, & les y placent comme une offrande précieufe à leurs mânes. Les Gardes publics en pulvérifent l'écorce ; ils la confervent dans de petites boëtes allongées en manière de tuyau, pour l’ufage que je vais décrire. On met le feu à cette poudre par une des extrémités du tuyau; mais comme elle fe confume d’une manière uniforme & très-lentement, quand le feu eft parvenu à une diftance marquée , les Gardes fonnent une cloche; &z par le moyen de cette efpèce d'horloge, ils annoncent è" SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 63 l'héure au Public. Kæmpfer obferve enfin que cette plante augmente fingulièrêment la violence du poifon du poiflon nommé resraodon ocella- sus, Lin. Syft. Nat.p.333, appellé en Anglois #/adder fish. Nous devons la première découvérte de cette plante, à un des Nègres de William Clifton ; Jugé en Chef de la Floride occidentale: Son Maitre l’avoit chargé de cueillir, pour moi, des échantillons des plantes les plus rares ; & ce fut au mois d'Avril 1765 qu'il découvrit celle-ci dans un terrein marécageux , près de la ville de Penfacola. J'en reçus léchan- tillon au mois de Mai fuivant. À la fin de Janvier 1766, M. Bartram , Botanifte du Roï aux Flo- rides, la découvrit {ur les bords de la rivière St. Jean de la Floride occidentale, ainfi qu'il paroïît par la defcription qu’il en a donnée , & par le deffein d’une capfule & de quelques feuilles qu’il envoya à M. Collinfon , qui eut la bonté de me les communiquer. M. Bartram, dans fon Journal de la Rivière St, Jean, publié par le Doëteur Stork, à la fuite de fa Relation de la Floride orientale, s'exprime ainfi.« Mon fils trouva fur ces bords , une plante‘ douce & agréable , dont les feuilles reflemblent à celles du Laurier; l'odeur eft à-peu-près la même que celle du faffafras , & la capfule féminale eft d’une efpèce fingulière. La femence en étoit fortie. Il paroît que les plus fortes gelées ne lui font pas nuifbles. Plufieurs de ces arbres s'élèvent à la hauteur de vingt pieds ; ils font toujours verds, & fourniffent le plus agréable aromat connu ». Cette obfervation de M. Bartram, relativement aux gelées, peut nous être de quelqu'utilité pour la culture de cette plante. Nous favons , à n’en pas douter , que la Floride occidentale eft beaucoup plus froide que la Floride orientale; ainfi , à juger par les plantes de ce pays que vous avez cultivées ; il vous fera aïlé de calculer à quel point celle-ci pourroit réfifter à nos hivers. Si l'expérience réuflit , ce fera une acqui- fition précieufe pour nos Amateurs, & un ornementinouveau dans nos plantations. . Les vertus médicinales de cet anis , méritent également notre atten. tion. Les feuilles fourniffent un amer bienfaifant , un bon flomachique, Pécorce d’un jeune jet, putréfiée dans un vafé rempli d’eau, donne le mucilage le plus beau,& le plus clair ; les fleurs nouvelles, mifes dans l’eau avec un peu d’huile de tartre par défaillance, de rouge foncé qu'il étoit, fe change en brun clair ; huile de vitrio} au contraire leur communique une couleur femblable à celle du plus beau carmin, ce qui dénote leur vertu aftringente. Avant de vous donner la defcription de ‘cêtte efpèce d’anis , il faut Vous parler des caraétères qui m'ont engagé à pénfer qu'elle eft diffé- rente dé l’anis d'Orient. Les différentes enveloppes des femences de l’änis de Chine, telles AVRIL 1772, Tome II, 64 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qu'elles font décrites dans la Matière médicale, ont une autre odeur que celle de l’anis ordinaire. L'anis de la Floride eft aromatique , de même que les feuilles & les jeunes branches. La fleur de celui de Chine eft, fuivant Kæmpfer , d’un blanc jaune, femblable à celui de la fleur de narcifle; la fleur au contraire de notre anis, eft d’un rouge foncé. Kæmpfer compte dans la fleur qu'il examinoit, feize pétales, & huit rayons dans l'enveloppe des femences ; ceux de la nôtre font au nom- bre de vingt un à vingt-fept, & nous y comptons douze À treize rayons qui müriflent exattement. L'élévation de l'arbre d’anis eft la mêine en Chine & à la Floride. L’un & l’autre croiflent à la hauteur d’un cerifier; les feuilles en font oblongnes , ovales, pointues à chaque extrémité , charnues, peu veinées; elles croiffent alternativement en touffe, au fommet des petites branches. Le Doëteur Von:Linné a prisle cara@tère générique de l'ilicium ani- Jatum de Kæmpfer; il a claflé fucceffivement cette plante dans la dodé- çandrie polygynie & oftagynie; mais je fuis perfuadé qu’après la lec- ture de la defcription que Je vais vous donner, vous jugerez avec moi, que la fleur de notre anis étoilé eft de la polyandrie polygynie, &£ que ce genre eft voifin de celui du magnolia. Difcription de l'Anis étoilé de la Floride. Illicium Floridanum. &« Le périanthe ou le calice eft compofé de cinq petites feuilles mem braneules & colorées, qui ne fubfiftent pas long-temps; elles font con- caves , oblongues, ovales & pointues à leur extrémité. Ce calice varie fouvent dans le nombre de fes feuilles ; elles font quelquefois au nom- bre de quatre, de cinq ou de fix; Kæmpfer en a remarqué quatre. La corolle eft formée par vingt-un ou vingt-fept pétales faits en manière de lance, la grandeur eft différente fuivant le cercle qu'ils occupent: ceux du premier cercle ont un pouce de longueur, & font concaves & obtus; ceux du feçond font plus courts & plus étroits; ceux du troifième encore plus courts , plus étroits & plus pointus, & ce ne font point des neétaires, comme le fuppofe M. Von-Linné, Les étamines. Les filets qui fupportent les étamines font au nombre de trente environ , & ils font plats, très-courts, & placés l’un fur l’au- tre , entourant le germe ou l'embryon. Les anthères placés fur les filets , font élevés, oblongs , furmontés de chaque côté d’une efpèce de petite poche , renfermant la pouflière fécondante, dont chaque partie, exa- minée au microfcope, paroît fous une forme globuleufe. Le piftil. Les germes ou vaifleaux de l'embryon, font au nombre de vingt, 8 même plus, fitués circulairement ,au-deffus du réceptacle de la fleur, ils font comprimés & fe terminent en autant de ftyles extrê- mement pointus & recourbés en dehors à l'extrémité fupérieure, Les ftigmates Avril 177 2 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6 figmates ou ouvertures du ftyle font couverts d’un duvet, & placés en long fur le haut de chaque flyle. Le péricarpe confifte en douze & plus fouvent en treize petites cap- fules qui müriflent. Leur figure eft un ovale étroit ; leur fubftance eft dure & femblable au cuir; chaque capfule eft compofée de deux val- vules, &r ces capfules font difpofées horifontalement & circulairement comme les rayons d’une étoile. La femence eft douce & luifante, de figure ovale; elle paroït obli- quement coupée à fa bafe, chaque capfule en renferme une ». Nous n’avions point encore eu de defcription aufñ exaéte de anis étoilé, qui doit fon nom à l’odeur d’anis qu'il exhale , & à la forme des capfules du fruit, Il eft certain que celui d’Ellis diffère effentielle- ment de l’ilicium anifatum que le Chevalier Von-Linné a placé dans la dodécandrie oëétagynie ; il faudroit avoir le deffin exaét de celui de Chine, le comparer avec celui de l’anis étoilé de la Floride, pour démontrer en quoi ils diffèrent l’un de l’autre. Il eft certain que les def- criptions données par Bauhin, dans fon Traité des Arbres , par Geof- froy, dans fa Matière médicale , par le Chevalier Linné, dans le Species Plantarum , ne cadrent point avec celle de M. Ellis. Il n'eft pas furpre- nant que ce dernier fur -tout ait été trompé par l'échantillon informe d’après lequel Kæmpfer a parlé : Voici les propres paroles du Botanifte Suédois. Planta à me non vifa, fide Kæmpferi recepta, forte anifum flella= cum officinarum , quod adjetlum tetraodonti occellati ejus auget venenum. Le tetrodon ou tetraodon eft un poiflon. Voyez Lin. Syft. Nat. p.411. Artedi l'appelle & le carattérife ainf : O/ffracion maculofus , aculeis undi- que denfis , exiguis,, Gen. $8 , Syn. 85. Lorfque ce poiflon a mangé de l'anis étoilé ou que fa chair en eft faupoudrée , il eft alors très - véné- neux & même un poifon fubtil. La plante décrite par Rumph, 11 , 49, fous ie nom de Rex amoris, en eft le contre-poifon le plus afluré ; c’eft ophioxylon ferpentinum , Lin. Sp. p. 1478. On eft porté à croire avec M. Ellis, que l’anis étoilé de la Floride eft une efpèce nouvelle & différente de l’anis étoilé de Chine : il eft aifé d’en juger par la defcription donnée par ce Botanifte, fur-tout, fi on la compare avec celles que l’on a fur lanis de Chine, publiées par différens Auteurs qui fe font fucceffivement copiés ; on peut même ajouter que leurs defcriptions font fi informes, qu'il n’eft pas poffible de reconnoitre l’anis étoilé oriental , finon par les détails du fruit. EXPLICATION DE LA PLANCHE PREMIERE. A: Une branche de l'Iicium Floridanum, tirée de l'arbre cukivé dans le jardin de Son Altefle Royale la Princefle Douairiere de Galles à Kew. Les fleurs & la fructi= fication ont été deflinées d’après un échantillon envoyé de Penfacole par le Gou« verneur d’Urnford. AVRIL 1772, Tome II, I 66 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, b. Deux fleurs vues en face. Vues par derriere. Le bouton de la fleur fermée. e. e. Les pifils ou organes femelles , féparés des étamines ou des organes mâles. Un piftil avec le-verme, le ftyle & le ftigmate. Les organes mâles & femelles un peu groflis, Deux étamines croflies. I. Poufliere fécondante ou femence mâle. K. Le calice avec cinq petites feuilles. L. I. Les vaiffleaux féminaux avec treize capfüles, L. 1 La capfule de P//icium de Chine, avec huit rayons. Kæmpfer en compte le même nombre dans l'I/icium du Japon, qu'il nomme Somo ou Skimmi. M. Deux femences vulgairement nommées Badianes, DO m7 ro: REGNE ANIM AL. Defcription de plufieurs Infeäs. É ES infeêtes que nous avons fait graver, Planche IT, ont été envoyés de Cayenne. Les Amateurs de clafifications & de méthodes , peuvent, d'apres les fyflèmes de MM. le Chevalier Von-Linné & Geoffroy, rapporter l’inieéte défigné par la lettre À , au genre des leptures, & les trois autres à celui des capricornes. On ne les trouve point parmi ceux du même. genre, décrits dans la dernière édition des Œuvres du célèbre Naturalifte Suédois; nous ne croyons même pas qu'aucun Auteur en ait parlé, ce qui nous a engagés à les faire connoître & à les défigner par des phrafes particulières. La figure À. indique une lepture ; nous la nommerons le /eprure noire de Cayenne, xux pieds de derriere velus ; & en Latin, leptura Americana tota nigra, pedibus pofti- sis longiffimis , annulo pilorum cinttis. Cette lepture eft toute noire; fon corps depuis le bout des mâchoi- res à l'extrémité des élytres, a un peu moins de quatre lignes de lon- gueur ; {es antennes auffi longues que fon corps, font compofées depuis leur origine, juiques vers leur milieu, de pièces arrondies & d’égale groffeur ; de leur milieu à leur extrémité, elles font formées par des pièces ou articles contigus , applatis , alongés, & plus gros à mefure qu'on avance vers l'extrémité de l’antenne. Les deux pattes de derrière font une fois aufli longues que le corps, ou à peu dechofe près. La par- tie correfpondante à la cuifle eft un filet arrondi , grêle, liffe &t tres- long , {e terminant par un renflement pyriforme , life & brillant, La partie qui répond à la jambe, s'articule à l’intérieur du renfe- ment terminant la cuifle, À l'extrémité de la jambe , au-deflus du tarfe , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 67 on voit un flocon de longs poils noirs , fins & foyeux, qi environ- nent la partie à laquelle ils font attachés. Les pièces du tarfe fontelles- mêmes ornées fur les côtés de trois houpes de poils; le pied eft terminé par un double crochet comme à l'ordinaire. Cet infe&te a été trouvé à Cayenne fur des rofeaux , dans un lieu marécageux; nous ne favons rien de plus fur fa manière de vivre. L'infe&te défigné par fa lettre B. fera nommé Z capricorne de Cayenne, à antennes velues ; &en Latin, cerambix Americanus fubflavefcens , nigro confperfus, antennarum articulis quatuor primis, numerando & bafr, pilofis. La longueur de ce capricorne n’excède pas celle de quinze lignes; fa tête, fon corcelet , fes étuis , fes pattes, font d’un jaune pâle; fes yeux gros, faillans & noirs. Son corcelet eft armé de troispointes, dont deux placées fur les côtés & une endeffus. Il eft orné de chaque côté d’une large bande noire & longitudinale, Les élytres font déprimés dans leur milieu, leurs extrémités, leur bord extérieur , entiers, & le bord inté- rieur depuis l'extrémité jufques versle milieu, en remontant vers latête, font noirs. Outre ces lignes noires, on voit encore fur chaque élytre trois taches de même couleur ; une au haut & un peu fur le côté; une autre au milieu, à l'endroit de la dépreffion ; & enfin, la troifième placée au-deffous eft plus grande que les deux autres. Ces trois taches font oblongues, tracées obliquement & fort larges. Les antennes font compofées de neuf articles, dont les quatre pre- miers, à commencer par celui qui fert de bafe aux autres & s'articule avec la tête, font hériflés de poils ; les cinq autres font jaunes & n’ont rien de particulier; mais les quatre qui font velus, font couverts de poils noirs & de poils jaunes. Ces poils ne font point confondus, mais très-diftinéts ; les noirs entourent la moitié inférieure de chaque arti- cle, 8 les jaunes, la moitié fupérieure; cette agréable pofition fait paroi- tre les antennes alternativement ceintes d’anneaux noirs & d’anneaux jaunes. L'infeête indiqué par la lettre C. peut être nommé en François, Æ capricorne noir de Cayenne, à antennes épineufes ; & on peut le défigner en Latin par la phrafe fui- vante : Cerambix Americanus nigricans , antennis longi[Jèmis, fpinis tribus introrfum ATMuLIS . Ce capricorne a près d’un pouce & demi de longueur, Il eft dans toutes fes parties d’un noir lavé. Ses élytres font échancrés à l'extré- mité & terminés par deux pointes, dont l'intérieure eft beaucoup plus petite que lextérieure. Le corcelet eft cylindrique, rabo- teux , & comme chagriné; on y voit fur chaque côté deux pointes fort courtes. Les antennes font une fois auffi longues que le corps, compofées de neuf articles : le premier du côté de la tête eft fimple &t fans appendice; mais le fecond , le troifième & le quatrième font Av8iL 1772, lome 11. Li 68 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, armés chacun d’une épine, dont la pointe eft tournée en bas & en dedans: cette épine prend naïffance au bord fupérieur &e intérieur des articles qui font armés; les cinq derniers n’ont rien de remarquable. Nous nommerons en François le quatrième infeéte défigné par la lettre D. Le capri- corne rouillé de Cayenne ,à antennes dre & nous l’indiquerons en Latin par cette phrafe de Cerambix Americanus, capite & thorace rigricantibus , elytris férrugineis, antennis introrfum fpènofis. Ce capricorne eft de moitié plus petit que le précédent; fa ‘tête & fon corcelet font noirâtres, & fes pattes de la couleur de fes élytres. Les antennes font un peu plus longues que le corps, compoñées de neuf articles, dont le premier , à commencer du côté de la tête, n’eft point armé, & dont les fept fuivans le font chacun d’une épine, dif- pofées comme celles dont nous avons parlé en décrivant le capricorne précédent. Il y a une remarque effentielle à faire fur ces trois capricornes; c’eft que leurs antennes font compoffes de neuf articles feulement, tandis que celle des infettes de même genre, qui vivent dans nos climats, font ordinairement compofées de dix & fouvent de onze articles. M. Mauduit, Doëteur de la Faculté de Médecine, a eu la bonté de nous communiquer ces quatre infeétes. On connoît fon goût décidé pour cette partie de l’Hiftoire Naturelle; fa colle&tion devient chaque jour plus intéreflante , & l'étendue de fes connoiffances offre une refource précieufe aux Naturaliftes qui vont le confulter. Sibi € alis, ferviront toujours de devife aux véritables Savans; le feul génie médiocre craint de fe communiquer, HISTOIRE NATURELLE DES OISEAUX, Par M, DE BurroN, Tome IV, de lImprimerte Royale. À Paris, chez Panckoucke, Hôtel de Thou, rue des Poitevins, N Ous ne nous attacherons point à faire l’analyfe complette de PHif- toire naturelle des oifeaux. Nous nous contenterons de rapporter quel- ques paflages de leur vie & de leurs mœurs. Tout en eft admirable , &c le pinceau de l’Auteur , ajoute à l'intérêt que caule cette belle produc- tion de la nature. Nous ne ferons pas non plus l’éloge de M. de Buffon : qui n’admire fon génie, fes connoiffances , fon ftyle fublime ? L'Europe enuère , l'Univers inftruit , rendent hommage à des talens qui le placent avec juftice au rang des hommes illuftres qui ont éclairé le monde. Sûr de faire plaifir à nos Leéteurs, nous citerons les propres expref SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 69 fions de notre grand Naturalifte : extraire ce qu'il dit, ce feroit ôter des beautés aux détails qu'il fait. Après avoir parlé des différentes efpèces d’oifeaux qui compofent les trois premiers volumes de cet excellent Ouvrage, M. de Buffon commence le IV. par l’hiftoire du Paon. Quelle énergie, quelle cha- leur dans fon ftyle! quelle éloquence, quelle richefle dans la defcrip- tion ! Voici comme il s’exprime. «Si l'empire appartenoit à la beauté & non à la force , le paon feroit fans contredit, le roi des oïfeaux: il n’en eft point fur qui la nature ait verfé fes tréfors avec plus de profufon. La taille grande, le port impofant, la démarche fière , la figure noble, les proportions du corps, élégantes & fveltes, tout ce qui annonce un être de diftinétion , lui a été donné ; une aigrette mobile & légère, peinte des plus riches cou- leurs, orne fa tête, & l'élève fans la charger; fon incomparable plu- mage femble réunir tout ce qui flatte nos yeux dans le coloris tendre & frais des plus belles fleurs, tout ce qui les éblouit dans les reflets péullans des pierreries, tout ce qui les étonne dans l'éclat majeflueux de l’arc-en-ciel : non-feulement la nature a réuni fur le plumage du paon toutes les couleurs du ciel & de la terre, pour en faire le chef- d'œuvre de fa magnificence; elle les a encore mêlées, aflorties, nuancées, fondues de fon inimitable pinceau, & en a fait un tableau unique, où elles tirent de leurs mêlanges avec des nuances plus fom- bres, & de leurs oppofitions entr'elles, un nouveau luftre & des effets de lumières fi fublimes que notre art ne peut ni les imiter, mi les décrire». «Tel paroît à nos yeux le plumage du paon lorfqu'il fe promène paifble & feul dans un beau jour de printems. Mais fi fa femelle vient tout à-coup à paroître ; fi les feux de l’amour fe joignants aux fecrettes influences de la faifon , le tirent de fon repos, lui infpirent une nouvelle ardeur & de nouveaux defirs ; alors, toutes fes beautés fe multiplient, fes yeux S’animent & prennent de l’expreffion , fonaigrette s’agite fur fa tête, & annonce l’émotion intérieure; les longues plu- mes de fa queue déploient en fe relevant , leurs richefles éblouiffantes ; fa tête & fon cou fe renverfanr noblement en arrière , fe deflinent avec grâce fur ce fond radieux où la lumière du foleil fe joue en mille manières , fe perd & fe reproduit fans cefle , & femble prendre un nou- vel éclat plus doux & plus moëlleux , de nouvelles couleurs plus variées & plus harmonieufes ; chaque mouvement de l’oifeau produit des mil- hers de nuances nouvelles, des gerbes de reflets ondoyans & fugitifs, fans cefle remplacés par d’autres reflets & d’autres nuances toujours diverfes & toujours admirables ». « Le paon ne femble alors connoître fes avantages que pour enfaire hommage à fa compagne , qui en eft privée fans en être moins chérie ; AVRIL1772,1ome, 11, 70 OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUE, & la vivacité que l’amour mêle à fon aétion, ne fait qu’ajouter de nou velles grâces à fes mouvemens qui font naturellement nobles , fiers & majeftueux , & qui dans ces momens , font accompagnés d’un murmure énergique & fourd qui exprime le defir ». « Mais ces plumes brillantes qui furpaflent en éclat les plus belles fleurs, fe flétrillent aufñi comme elles, & tombent chaque année. Le paon , comme s’il fentoit la honte de fa perte, craint de fe faire voir dans cet état humiliant , & cherche les retraites les plus fombres , pour s’y cacher à tous les yeux , jufqu'à ce qu'un nouveau printems lui ren- dant fa parure accoutumée, le ramène fur la fcène, pour y jouir de l'hommage dû à fa beauté: car on prétend qu’il en jouit en effet; qu'il eft fenfible à l'admiration; que le vrai moyen de l’engager à étaler fes belles plumes, c’eft de lui donner des regards d’attention & des louan- ges ; & qu’au contraire lorfqu’on paroït le regarder froidement & fans beaucoup d'intérêt, il replie tous fes tréfors , & les cache à qui ne les fait point admirer ». Ce morceau auf riche dans l’expreffion que l’objet qu’il décrit left par les dons de la nature , eft fuivi de l'examen du lieu où le paona pris naïf nce: M, de Buffon croit qu'il vient originairement des Indes, & ce qu'il dit, à cette occafon , eft auf fatisfaifant qu'inftru@tif. L'âge de trois ans ef l’inftant où le paon eft en état de côcher fa femelle : c’eft au printems que ces oifeaux s’accouplent : la ponte fuit de pres la fécondation, & cette ponte devient plus abondante, fi l’on a foin de dérober les œufs. & de les faire couver par une poule vulgaire, « Si on larffe à la paone la liberté d’agir felon {on inftin@ , elle dépo- fera fes œufs dans un lieu fecret & retiré. Ses œufs font blancs & rache- tés comme ceux de dinde, & à-peu-près de la même grofleur; lorfque fa ponte eft finie, elle fe met à couver ». » Pendant tout le tems de lincubation, la paone évite foigneufement le mâle, & tâche fur-tout de lui dérober fa marche lorfqu’elle retourne à fes œufs : car dans cette efpèce, comme dans celle du coq & de bien d’autres, le mâle plus ardent & moins fidèle au vœu de la nature, eft plus occupé de fon plaifir particulier que de la multiplication de fon efpèce ; & s'il peut furprendre la couveufe fur fes œufs , il les cafle en s’approchant d’elle, & peut-être y met-il de l’inteation , & cherche- t-il à fe délivrer d'un obftacle qui l'empêche de jouir. Quelques - uns ont cru qu'il ne les cafloit que par fon empreflement à les couver lui- même , ce feroit un motif bien différent. L’Hiftoire naturelle aura tou- jours beaucoup d'incertitude ; il faudroit pour la lui ôter, obferver tout par foi-même : mais qui peut tout obferver » ? «Les paoneaux, jufqu'à ce qu'ils foient un peu forts , portent mal leurs aïles, les ont traînantes, & ne favent pas encore s’en fervir: dans ces commencemens, la mère les prend tous les foirs fur fon dos, & les SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. "1 porte l’un après l’autre fur la branche où ils doivent pafler la nuit; le lendemain matin, elle faute devant eux du haut de l’arbrelen bas, & les accoutume à en faire autant pour la fuivre, & à faire ufage deleurs ailes». « Lorfque les petits ont un mois d’âge ou un peu plus, l’aigrette commence à leur poufler, & alors ils font malades comme les dindon- neaux lorfqu'ils pouffent le rouge : ce n'eft que de ce moment que le coq paon les reconnoît pour les fiens 3 car tant qu’ils mont point d’ai- grette, il les pourfuit comme étrangers ». Nous ne finirions point, fi nous rapportions toutes les chofes inté- reffantes que dit M. de Buffon; l’analyte ne le permet pas, & notre admiration pour l’Auteur nous a déja fait paffer les bornes de la brié- veté que nous nous fommes prefcrite. Après avoir parlé du paon blanc, variété du paon naturel, & du paon panaché, produit du mêlange des deux premiers , M. de Buffon pañle aux Faifans. Il affigne le lieu de leur origine ; il montre comment leurs diverles émigrations fe font faites ; il décrit leur beauté, leur forme, leurs mœurs & leur caraétère fauvage: « quoiqu’accoutumés à la fociété des hommes (dit notre célèbre Naturalifte ), quoique com- blés de fes bienfaits, les faifans s’éloignent le plus qu'il eft poffible de toute habitation humaine; car ce font des oïfeaux très-fauvages, & qu’il eft extrêmement difficile d’apprivoifer. On prétend néanmoins qu’on les accoutume à revenir au coup de fifet, c’eft-à-dire, qu'ils s’accoutument à venir prendre la nourriture que ce coup de fifilet leur annonce toujours; mais des que leur befoin eft fatisfait , ils reviennent à leur naturel, & ne connoiffent plus la main quiles a nourris; ce font des efclaves indomptables qui ne peuvent fe plier à la fervitude, qui ne connoiffent aucun bien qui puifle entrer en comparaïfon avec la liberté, qui cherchent continuellement à la recouvrer, & qui n’en manquent jamais l’occafion. Les fauvages qui viennent de la perdre, font furieux ; ls fondent à grands coups de bec fur les compagnons de leur captivité, & n’épargnent pas même le paon ». « Leur naturel ef fi farouche , que non-feulement ils évitent l’homme, mais qu'ils s’évitent les uns les autres, fi ce n’eft au mois d'Avril qui eft le tems où le mâle recherche fa femelle; il eft facile alors de les trouver dans les bois, parce qu'ils fe trahiffent eux mêmes, par un battement d'ailes qui le fait entendre de fort loin, &tc. » Le faifan ef moins ardent que le coq ordinaire, & il eft fort jaloux : en parlant de la manière dont on doit former une faifanderie , & aflu- rer la propagation de l’efpèce, M. de Buffon s'exprime ainfi.« On fe gardera bien de renfermer plufieurs mâles dans la même enceinte; car ils {e battroient certainement , & fimroient peut-être par fe tuer ; il faut même faire en forte qu'ils ne puiflent ni fe voir, ni s’entendre ; autre- AVRIL 1772, Tome 11 72 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ment, les mouvemens d'inquiétude ou de jaloufñe que s’infpireroient les uns les autres, ces mâles , fi peu ardens pour leurs femelles, & cepen- dant fi ombrageux pour leur rivaux, ne manqueroiïent pas d’étouffer ou d’affoiblir des mouvemens plus doux , & fans lefquels il n’eft point de génération. Ainf, dans quelques animaux, comme dans l’homme, le degré de la jaloufie n’eft pas toujours proportionné au befoin de jouir». On dit que le faifan eft un oifeau fort ftupide , qui fe croit bien en füreté lorfque fa tête eft cachée, comme on l'a dit de tant d’autres, & qui fe laife prendre a tous les pièges; lorfqu’on le chafle au chien courant, & qu'il a été rencontré, 1l regarde fixement le chien tant qu'il eft en arrêt, & donne tout le tems au Chafleur de le tirer à {on aile : il fuflit de lui préfenter fa propre image, ou feulement un mor- ceau d’étoffe rouge fur une toile blanche, pour l’attirer dansle piège: on le prend encore en tendant des lacets ou des filets fur les chemins où il pañle le foir & le matin, pour aller boire: enfin, on le chañle à l’oifeau de proie; & l’on prétend que ceux qui font pris de cette manière, font plus tendres & de meilleur goût». « Suivant Olina & M. Leroi, cet oïfeau vit comme les poules com- munes, environ fix à fept ans; & c’eft fans aucun fondement qu’on a prétendu connoîitre fon âge par le nombre des bandes tranfverfales de fa queue ». Différentes efpèces d’oifeaux que quelques Naturaliftes rangent dans la claffe des faifans, fixent l'attention de notre célèbre Obferva- teur. Il les défigne fous le nom. d’oifeaux étrangers qui ont rapport aux faifans. I parle enfuite de ceux qui paroïflent auf avoir quelque rap- port avec le paon & le faifan; leur beauté, les brillantes couleurs de leurs plumes, les miroirs fuperbes dont celles de la queue font enri- chies, leur taille , leurs proportions , tout cela eft détaillé d’une manière admirable par M. de Buffon. Il affigne les diflemblances frappantes qui fe trouvent entre ces oifeaux ; & ce que dit ce favant Ecrivain, doit entraîner tout homme qui ne fera préoccupé d’aucune méthode. C’eft à tort que quelques Naturaliftes ont voulu rapporter le hocco au genre du dindon: d’autres ont erré en le regardant comme un fai- fan. On a vu le caractère fauvage & inquiet de celui-ci, fon horreur pour la captivité, fon inftinét Hu & ombrageux : « au contraire, dit M. de Buffon, le hocco eft un oïfeau paiñble , fans défiance, 8: même ftupide , qui ne voit point le danger, ou du moins qui ne fait rien pour l'éviter; il femble s’oublier lui-même , & s’intérefler à peine à fa propre exiftence. M. Aublet en a tué jufqu’à neuf de la même bande, avec le même fufil qu'il rechargea autant de fois qu'il fut néceffaire; ils eurent cette patience: on conçoit bien qu’un pareil oifeau eft fociable; qu'il s’accommode fans peine avec les autres oifeaux domeftiques, & qu'il s'apprivoife aifément; quoiqu’apprivoife, il s’éçarte pendant le jour, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 73 8z va même fort loin, mais il revient toujours pour coucher; & à ce que m'aflure le même M. Aublet, il devient même familier au point de heurter à la porte avec fon bec pour fe faire ouvrir, de tirer les domef- tiques par l’habit lorfqu'ils l'oublient, de fuivre fon maître partout ; &c s'il en eft empêché, de l’attendre avec inquiétude , & de lui donner à fon retour des marques de la joiela plus vive ». Le caracara offre un caraëtère oppofé au hocco: M. de Buffon rap- porte ce qu'en a écrit le P. du Tertre fous la dénomination de faifan. « Ce faifan , dit-il, eft un fort bel oïfeau, gros comme un chapon , plus haut monté, fur des pieds de paon; 1l a le cou beaucoup plus long que celui d’un coq, & le bec & la tête approchants de celui du cor- beau : il a toutes les plumes du cou & du poitrail d’un beau bleu lui- fant, & auffi agréable que les plumes des paons; tout le dos eft dun gris-brun, & les aîles & la queue qu'il a aflez courtes, font noires ». « Quand cet oifeau eft apprivoifé, 1l fait le maître dans la maïfon, & en chafle à coup de bec les poules-d’inde, & les poules communes, & les tue quels: il en veut même aux chiens qu'il becque en traître... J'en &ifVu un.... qui étoit ennemi mortel des Nègres , & n’en pouvoit fouffrir un feul dans la cafe qu’il nebecquât par les jambes ou par les pieds , jufqu’à en faire fortir le fang ». Après avoir fixé les véritables efpèces de perdrix & leurs variétés , M. de Buffon montre les erreurs que différens Voyageurs ont com- mifes en rangeant dans cette clafle pluñeurs oifeaux qui leur font oppo- fés. Rien n’eft plus intéreffant que la vie & les mœurs des perdrix; & nous citerons ce paflage prefque entièrement. « Les perdrix grifes ont l'inétiné& plus focial entr’elles que les rou- ges, car chaque famille vit toujours réunie en une feule bande qu’on appelle volée ou compagnie , jufqu’au tems où l'amour qui l’avoit for- mée la divife pour en unir les membres plus étroitement deux à deux; celles même dont par quelqu'accident les pontes n'ont point réufi, fe rejoignant enfemble & aux débris des compagnies qui ont le plus fouffert, forment fur la fin de l’été des compagnies fouvent plus nombreufes que les premières & qui fubfftent jufqu’à la pariade de l’année fuivante..… Elles commencent à s’apparier dès la fin de l’hi- ver après les grandes gelées; c’eft-à-dire , que chaque mâle cherche alors à s’aflortir avec une femelle; mais ce nouvel arrangement ne fe fait pas fans qu'il y ait entreles mâles, & quelquefois entre les femelles, des combats fort vifs: faire la guerre & l'amour ne font prefque qu'une même chofe pour la plupart des animaux, & fur-tout pour ceux en qui l'amour eft un befoin auf preffant qu'il left pour la perdrix : aufli les femelles de cette efpèce pondent-elles fans avoir eu de commerce avec le mâle comme les poules ordinaires. Lorfque les perdrix font AVRIL 17723 Tome ll. 74 . OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; une fois appareillées , elles ne fe quittent plus, & vivent dans une union & une fidélité à toute épreuve, &c. » « La femelle fe charge feule de couver ; & pendant ce tems, elle éprouve une mûe confidérable , car prefque toutes les plumes du ven- tre lui tombe ; elle couve avec beaucoup d’afliduité, & on prétend qu’elle ne quitte jamais fes œufs fans les couvrir de feuilles; le mâle fe tient ordinairement à portée du nid , attentif à fa femelle, & toujours prêt à l’accompagner lorfqu’elle fe lève pour aller chercher de la nour- riture ; & fon attachement ef fi fidèle & fi pur, qu'il préfère ces devoirs pénibles à des plaifirs faciies que lui annoncent les cris répétés des autres perdrix, auxquels il répond quelquefois, mais qui ne lui font jamais abandonner fa femelle pour fuivre l’étrangère : au bout du tems mar- qué, lorfque la fafon eft favorable, & que la couvée va bien, les. petits percent leur coque aflez facilement, courent au moment même qu'ils éclofent, & fouvent emportent avec eux une partie de leur coquille ; mais il arrive aufñ quelquefois qu'ils ne peuvent forcer leur prifon, & qu'ils meurent à la peine : dans ce cas on trouve les plu- mes du jeune oiïfeau collées contre les parois intérieures de l'œuf, & cela doit arriver néceffairement toutes les fois que#lœuf a éprouvé une chaleur trop forte : pour remédier à cet inconvénient, on met les œufs dans l’eau pendant cinq ou fix minutes; l'œuf pompe à travers fa coquille les parties les plus tenues de l’eau, & l'effet de cette humidité eft de difpofer les plumes qui font collées à la coquille à s’en détacher plus facilement ; peut-être auffi que cette efpèce de bain rafraîchir le jeune oifeau , & lui donne aflez de force pour brifer fa coquille avec le bec: ilen eft de même des pigeons , & probablement de plufeurs oifeaux utiles dont on pourra fauver un grand nombre par le procédé que je viens d'indiquer , ou par quelqu’autre procédé analogue ». « Le mâle qui n’a point pris de part au foin de couver les œufs, partage avec la mère celui d'élever les petits; ils les mènent en commun, les appellent fans ceffe , leur montrent la nourriture qui leur convient, & leur apprennent à fe la procurer en grattant la terre avec leurs ongles; il n’eft pas rare de les trouver accroupis l’un aupres de l’autre, & couvrant de leurs aîles leurs petits pouflins dont les têtes fortent de tous côtés avec des yeux fort vifs. Dans ce cas, le père & la mère fe déterminent difficilement à partir ; & un chafleur, qui aime la confer- vation du gibier, fe détermine encore plus dificilement à les troubles dans une fon@tion fi intéreflante : mais enfin, fi un chien s’emporte, & qu'il les approche de trop près, c’eft toujours le mâle qui part le pre- mier en pouflant des cris particuliers, réfervés pour cette feule circont- tance ; il ne manque guère de fe pofer à trente ou quarante pas, & on en a vu plufeurs fois revenir fur le chien en battant des aïles , tant lamour paternel infpire de courage aux animaux les plus timides} SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7$ mais quelquefois , il infpire encore à ceux-ci une forte de prudence , &c des moyens combinés pour fauver leur couvée: on a vu le mâle, après s'être préfenté, prendre la fuite ; mais fuir péfamment & en trai- nant l'aile, comme pour attirer l’ennemi par l’efpérance d’une proie facile; & fuyant toujours aflez pour n'être point pris, mais pas aflez pour décourager le chafeur , il l’écarte de plus en plus de la couvée: d’un autre côté, la femelle qui part un inftant après le mâle, s'éloigne beaucoup plus & toujours dans une autre direétion; à peine s’eft-elle abattue qu'elle revient fur le champ en courant le long des fillons , & s'approche de fes petits qui fe font blottis chacun de fon côté dans les herbes & dansles feuilles ; elle les raflemble promptement ; & avant que le chien qui s’eft emporté après le mâle ait eu le tems de revenir, elle les a déja emmenés fort loin, fans que le chaffeur ait entendu le moindre bruit : c’eft une remarque affez généralement vraie parmi les animaux , que l’ardeur qu'ils éprouvent pour lPaéte de la génération, eft la mefure des foins qu'ils prennent pour le produit de cet aéte : tout eft conféquent dans la nature, & la perdrix en eff un exemple ; car il y a peu d’oifeaux auffi lafcifs , comme il en eft peu qui foignent leurs petits avec une vigilance plus affidue & plus courageufe; cet amour de la couvée dégénère quelquefois en fureur contre les couvées étran- gères que la mère pourfuit fouvent , & maltraite à grand coup de bec ». Un examen fur les cailles en général eft fuivi de celui des pigeons; M. de Buffon décrit leurs différentes formes , leurs différentes habi- tudes. Il parle de l’attachement des femelles pour leurs œufs, attache. ment prodigieux & digne d’être cité. « On en a vu, dit notre illuftre Auteur, fouffrir les incommodités les plus grandes & les douleurs les plus cruelles, plutôt que de les quitter ; une femelle entrautres dont les pattes gelèrent & tombèrent, & qui malgré cette fouffrance & cette perte de membres , continua fa couvée juiqu'à ce que fes petits fuffent éclos, Ses pattes avoient gelé, parce que fon panier étoit tout près de la fenêtre de fa volière». « Tous (les pigeons ) ont de certaines qualités qui leur font com- munes, l'amour de la fociété, lattachement à leurs femblables, la douceur des mœurs, la chafteté, c’eft-à-dire, la fidélité réciproque, & l'amour fans partage du mâle & de la femelle; la propreté, le foin de foi-même qui fuppofent l’envie de plaire; l’art de fe donner des graces qui le fuppofe encore plus ; les careffes tendres, les mouvemens doux , les baifers timides qui ne deviennent intimes & preffans qu’au moment de jouir; ce moment même ramené quelques inftans après par de nouveaux defirs, de nouvelles approches également nuancées , également fenties; un feu toujours durable, un goût toujours conf- tant, & pour plus grand bien encore, la puiffance d'y fatisfaire fans cefle : nulle humeur , nul dégoût, nulle querelle; tout le temps de la AVRIL 1772, Tome 11. K ïj 76 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vie employé au fervice de l'amour & au foin de fes fruits; toutes les fon&tions pénibles également réparties ; le mâle aimant aflez pour les partager, & même fe charger des foins maternels, couvant régulière- ment à fon tour , & les œufs & les petits, pour en épargner la peine à fa compagne , pour mettre entr’elle & lui cette égalité , dont dépend le bonheur de toute union durable: quels modèles pour l’homme, s’il pouvoit ou favoit les imiter »! Ce Volume eft terminé par le genre des tourterelles dont le carac- tère, les mœurs, le penchant ont beaucoup de rapport à ceux des ramiers & des pigeons, & qui font encore plus tendres dans leurs amours. < Les morceaux que nous avons cités fufhfent pour montrer combien la le@ure générale de lhiftoire des oïfeaux eft intéreflante , inftrudive &: agréable. Un nouvel Ouvrage de M. de Buffon annonce toujours une augmentation de réputation pour ce célèbre Auteur, un plaifir & des connoïffances pour le Leéteur, & un livre immortel pour PHif- toire Naturelle. PERRET PRET NP UE 17 ERP SEEN TNT NEUTRE PME EEE R TERRE TEE AR ITS Etre MAÉ Ti PIE MR S: F O.R.G. ES; :G AP ALLLANN:E;S. RAPPORT fair à l Académie Royale des Sciences, par MM. MONTI- GNY & MACQUER, du Mémoire préfenté par M. TRONSON , Capi- taine d’Artillerie, fur la méthode fuivie pour travailler la Mine de Fer de l’Ifle dElbe. E Mémoire contient une defcription complette & détaillée des fourneaux à la Catalane & de leur ufage ; elle eft d'autant plus inté- reflante qu’elle diffère des autres &-qu’elle eft fort peu connue hors des Provinces de France & d’'Efpagne, qui font voifines des Pyrennées, telle que la Catalogne, la Navarre, la Bifcaye, le Rouffillon & le Comté de Foix. Ce qu’en dit Swedenbourg dans fon Traité du feu, prouve qu'il n’en avoit prefque aucune connoïffance. Mrs. de Courti- vron & Bouchu en donnent une expofition moins vague dans lart des forges ; mais elle ne fuffit pas à beaucoup près, pour faire connoître là manière économique & expéditive dont on y traite le fer, &c les avantages confidérables qu’on en retire. Par la méthode ordinaire affez généralement pratiquée dans le refte de l’Europe , on fond la mine dans les hauts fourneaux auxquels on donne juiqu’à 20 & 25 pieds de hauteur, On y fond enfemble le métal SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 977 & les matières hétérogènes qui l’enveloppent , tout coule enfemble dans un baflin de brafque pratiqué au bas du fourneau. Le fer & les fcories liquides reftent en partie confondus enfemble; les parties vitrifées furnagent, on les enlève à mefure que le baftinfe remplit, & lorfquil eft plein de métal, on le perce pour couler le fer en lingots qu'on appelle gueufes. En cet état ; le métal eft très-aigre & très-impur; il faut l’affiner à la forge par un feu plus doux, pour le débarrafer d’une partie des fcories demi-vitrifiées qui fe font empätées avec le fer, ainfi que les matières réfractaires qui ont été entrainées dans le bafin pendant la fonte. Ce mêlange eft une des caufes qui rendent le fer aigre & caflant; mais une autre caufe qui y contribue peut-être encore plus, c’eft le refroidiffement très-fubit en fufon lorfqu’il coule dans la lingotière. Le contaë& de l’air froid donne à fes parties péné- trées de feu une efpèce de trempe qu’il ne peut perdre qu’à force d’être alternativement chauffé & travaillé fous le marteau qui dégage en même tems les parties groflières & terreftres , & le laittier dont la fubftance du fer efl encore imbue. La méthode que décrit M. Tronfen, diffère entièrement de celle-ci. Elle n’emploie que de très-petits fourneaux qui n’ont pas trois pieds de hauteur, que lon conftruit & que l’on démolit très-aifément à chaque cuite. On établit le fourneau fur une efpèce de forge , peu dif- férente de celles dont on fe fert ailleurs pour affiner le fer ; & toutes les opérations que le métal doit fubir, à commencer par le grillage de la mine, fe font fucceflivement fur cette forge. Ce n’eft pas la diffé- rence des pefanteurs fpécifiques qui fépare le fer & le laitrier; c’eft la feule différence de fufbilité entre le fer & les matières qui l’accom- pagnent dans fa mine; les fcories fe fondent fans que le métal entre en fufon; c’eft une efpèce de rafage ou de liquation femblable à celle que l’on pratique pour féparer le plomb du cuivre, lorfqwon veut en tirer l’argent. Pour conftruire ces petits fourneaux, on fait un enduit de brafque fur le fol de la forge, en ménageant un baffin de la même brafque au- deflous de la tuyère ; autour de cette tuyère, on conftruit un petit mur avec des charbons pofés en long les uns fur les autres, ils ont 4 ou ÿ pouces de longueur , & forment ainfi autour de la tuyère une efpèce de puits demi-circulaire d’environ 18 pouces de rayon de 2 pieds & demi de profondeur; derrière ce petit mur de charbon, onen forme un autre , épais de fix pouces, avec la mine que l'on veut réduire; elle eft déja grillée & concaflée en morceaux gros comme des noix; en la caflant, on a eu foin d’en féparer à la main les morceaux de quartz & les pyrites; on foutient le fecond mur , en faifant pardehors un conduit de brafque, & on l’appuie avec de gros morceaux de mine brute rangés au pourtour & maçonnés ayec la même brafque, On les AVRIL 1772,Tome IL, 78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, emploie à cette conftruétion pour leur faire fubir un premier grillage. La partie fupérieure de ce troifième mur ef faite de morceaux de mine plus petits & déja grillés , qui reçoivent pendant la cuite un fecond grillage. Dans le vuide ou puits qui refte autour de la tuyère, tout étant ainfi préparé, on jette des charbons allumés, & pardeffus du charbon noir; on donne le vent avec une trompe de 20 à 24 pieds de hauteur, & l’on continue à mefure que le charbon fe confume devant la tuyère , à en fournir de nouveaux pendant trois heures ; c’eft le tems à-peu-près que dure la cuite: au bout d’une demi - heure de ce feu, les morceaux de mine font déja collés enfemble : ils forment une croûte folide autour du charbon: lorfque les matières vitrifiablescom- mencent à couler , on arrête le vent, & on détruit le fourneau en com- mençant par fon mur extérieur, qu'onavoit formé de mine brute. Ces pierres, après trois heures de grillage qu’elles viennent de fubir, fe concaflent aifément en morceaux plus petits , & c’eft alors qu’on en fépare à la main les morceaux de quartz & de pyrites. On continue la démolition du petit fourneau. Sur la croûte formée par la mine qui étoit expofée immédiatement à l’aétion du feu , on jette quelques fceaux d’eau pour la rafraichir; on la brife aifément en plufeurs gâteaux ; on retire du baffin le peu defcorie qui a déja coulé ; on remplit ce baffin de charbon, & l’on en charge la forge jufqu’à 18 pouces environ au- defflus de la tuyère: on forme des deux côtés deux petits murs de braf- que, pour contenir le charbon; on lallume, & on préfente à la flamme lancée par le vent de la trompe, quelques-uns des gâteaux qu'a produits la cuite; la partie vitrifiable de ces gâteaux entre alors en fufion parfaite, état dont le métal eft encore éloigné ; la fcorie vitri- fiée tombe dans le baflin & le remplit; on perce le bañlin d’un coup de ringard pour le vuider, & l’on continue d'opérer aïnfi, jufqu’à ce que les gâteaux mis fucceflivement à la forge, ne rendent plus de laittier. Is fe réumffent & fe fondent enfemble au fond du baffin fans fe fon- dre. On voit que le baffin fait ici le même effet que le creufet d’une forge d’affinerie. Au bout de quatre ou cinq heures que dure cette feconde opération, on arrête le feu, on enlève le maffelet de fer péné- tré de feu, on le bat fur le fol de l’attelier avec des mañles de bois, pour en rapprocher les parties; on fe fert de mafle de bois, pour qu'il n'éclate pas fous le marteau, & pour en détacher une partie du lait- tier qui refte adhérente à fa furface. Ce maflelet forti du feu fous la forme d'une éponge ou d’une pierre ponce, prend celle d’un lingot gros & court, fous le marteau dont le poids eft ordinairement de 200 livres. On réchauffe le lingot & on le tire fous le marteau. Il eft doux & malléable. Tout ce fervice eft fait par quatre hommes dont deux travaillent cnfemble & font relayés parles deux autres. En moins de 24 heures, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. "9 ils donnent en même tems & par le même feu , deux grillages à 7 ou 8 quintaux de mine de fer, & ils en retirent 3 à 4 quintaux de fer for- gé, qui fuivant M. Tronfon, eft équivalent au meilleur fer de Suède, par {on nerf & fa douceur, Celui qui provient de ces petits fourneaux , fe vend beaucoup plus cher en Corfe que le fer de la même mine d'Elbe , fondu fur la Côte de Tofcane , dans les hauts fourneaux , par la méthode ordinaire , en mettant le fer en fufion. On peut travailler ainf toutes les mines de fer dont la gangue eft fufble fans addition; on y trouvera l'avantage d’en tirer plus de fer & des fers de meilleure qualité, avec la plus petite dépenfe pofñlble, dans le moindre tems & fans aucune avance pour les conftruétions. On peut abandonner cette exploitation fans rien perdre, fi la mine ou le charbon vient à manquer. Par cette méthode, les grillages font plus parfaits que par-tont ailleurs, parce qu'ils fe font à feu ouvert , & que le courant de l'air aide beaucoup à la féparation du foufre & des demi- métaux. Enfin, c’eft le même feu, qui fans interruption grille la mine, la prépare, l’affine & fert à la réduire en fer forgé dans le moindre tems, avec toute l’économie poffible. Nous nous hâterons de publier ce Mémoire , dès qu'il fera imprimé. DESCRIPTION d'une Machine propre à vanner, nettoyer & raffafchir les grains ; par M. MUNIER, Sous-Ingénieur des Ponts & Chauffées de la Généralité de Limoges, & Membre du Bureau d'Agriculture de La Ville d'Angoulème. J E connois différentes machines propres à nettoyer & à rafraîchir les grains ; mais de toutes celles qui font parvenues à ma connoiffance, je n’en connois point de plus fimple, de moins difpendieufe , & dont on tire autant de fervice que de celle que je vais décrire. Un Charpen- tier ambulant , natif de Lorraine , en a fait quelques-unes dans les Pro vinces du Limoufin , du Périgord & de l’Angoumois : ces machines que l'on appelle moulins 4 vanner les grains, ont été goûtées ; plufeurs propriétaires ont engagé leurs Charpentiers à tâcher d’imiter les pre- miers modèles; ces Ouvriers ont plus ou moins bien réuffi : ces mou- lins commencent à fe multiplier; mais ils ne font pas encore affez con- nus, je ne les ai vu décrits nulle part, Tous ceux. qui fe feryent de cette machine, la trouvent fi commode en ce qu’elle eft portative, & fi utile , qu'ils ne peuvent lui refufer les plus grands éloges ; deux hommes là tranfportent dans le grenier de recette, pour nettoyer les bleds de rente de la pouflière & des mauvaifes graines qu’ils pourroïent conte- mir, pour remuer & rafraîchir de tems entems les tas de bleds que Jon voudroit conferver : & lors du battage des grains , l’on tire cette AVRIL 1772, Tome IL. 80 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, machine des greniers, on la tranfporte dans l'aire , pour y vanner les bleds. L’on enlève avec le rateau les plus grofles pailles; deux hommes enfuite fufffent pour vanner & nettoyer cent feptiers de bled dans la journée; l’un met la machine en mouvement, l’autre la charge, & ramaffe le bled vanné. La machine à nettoyer & vanner les grains eft établie fur fix mon- tans & quatre traverfes principales ; l'élévation (fig, première ) fait voir trois de ces montans À, B, C, & deux traverfes D, E. Les trois autres montans & les deux autres traverfes, forment l’autre côté de la machine femblable & oppofé à celui que nous voyons. Les montans principaux A, C, ont trois pouces de largeur ; ceux B, & les tra- verfes D,E, n’ont que deux pouces & demi. Ce bâtis eft foncé de planches de fept lignes d’épaiffeur , affemblées à rainures & languettes entrelles , ainfi que dans les montans &e les traverfes ; de manière que tout cet aflemblage forme en dedans de la machine un même parement fans faillie : il n’y a que les traverfes & montans qui débordent exté- rieurement fur les planches d’environ vingt: trois lignes. Si l’on ima- gine à préfent ces deux bâtis affemblés à dix-huit pouces de diftance parallèle, & entretenus devant & derrière par d’autres petites traverfes; qu’on les conçoive enfuite recouverts par des planches de fix lignes d’épaifleur feulement , emboîtées enfemble, & dans les traverfes E, dont elles fuivent linclinaifon, on aura la cage ou carcafle de la machine. Imaginons à préfent deux cribles de fil de fer V, fufpendus lun fur l’autre & adaptés à une trémie Q ; dans laquelle on met le grain que lon veut nettoyer. Concevons que la trémie porte fur les montans B,C; qu’elle traverfe le recouvrement de la cage de la machine ; que le fond de ladite trémie eft mobile , & fixé au fyftême des cribles V que la figure 2°, repréfente vu en face de la machine. Concevons la cage foncée parderrière par un tambour R , qui renferme des aîlesS , que lon met en mouvement par une manivelle & un engrenage T ; que ce mouvement forme intérieurement un courant d’air très-rapide, qui traverfe l’afflemblage V des deux cribles fur lefquels le grain tombe de la trémie, & de-là fur un plan incliné O, N, qui le con- duit àterre derrière la machine en pafant fous le tambour, on aura déja une légère idée des effets de cette machine. Il eft bon d’obferver que les cribles & le plan incliné font placés dans l’intérieur de lacage, qu’en conféquence ils ne devroient point paroître dans la figure pre- mière; mais qu'on a jugé à propos de les y figurer par des lignes ponéluées , afin de mieux indiquer leur pofition intérieure. La fisure 3°. eft une coupe ou profil {ur le derrière de la machine &c fur la ligne M ,Z , de la figure première; l’on y voit plus clairement la manivelle A, l'engrenage T , placés dans l’épaifleur du montant B, qui T:9B' 40; 3 # Avr 12772 KE 1 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 81 qui eft de trois pouces à cet endroi:; l'efieu ou axe € des aïîles D qui {ont logées dans l’intérieur du tambour. La roue dentée, qui eft fixée à la manivelle, eft de fer; elle a trois lignes d’épaifleur, & huit pouces quatre lignes de diamètre, de l’extré- mité d’une dent à l’autre. Les dents, au nombre de quarantetrois, ont environ quatre lignes & demie de longueur; elles engrènent dans une petite lanterne de fer d’environ deux pouces & demi de diamètre , & qui porte fix fufeaux. Les aîles du tambour font des tablettes de bois d'environ quatre lignes d’épaifleur; elles font clouces fur l’effieu C, (figure 3°.) qui a la figure d’un fufeau, & qui eft traverfé par un efñieu de fer. Ces tablettes fe plient fuivant la forme du fufeau, ce qui les rend un peu concaves dans le milieu; elles font auf délardées depuis l’effieu juf- qu’à leur extrémité, où elles ont feulement deux lignes d’épaifleur. La figure 4°. fait voir plus clairement le profil de leur affemblage & de leur forme, Les planches qui forment les côtés du tambour font faillantes en dedans de la machine d’un pouce qu’elles ont d’épaiffeur, la circonfé- rence dudit tambour eft foncée en planches minces de quatre à cinq lignes d’épaifleur, afflemblées à rainures & languettes. Le tambour a vingt-deux pouces de diamètre, & dix - huit pouces de largeur , mefuré hors œuvre. Il eft percé de chaque côté d’une ouverture $,S, (figure première ) d'un pied de diamètre pour recevoir de l'air, à mefure qu'il en dépenfe dans fon mouvement ; on laïffe environ deux lignes de jeu aux aîles dans leur contour , afin qu’elles ne frottent point contre le parement intérieur dudit tambour , dans lequel on pratique auffi un fegment R; ( figure première) qui fert de porte que l’on ferre avec deux couplets parle bas , & deux crochets par le haut, pour l'ouvrir & fermer à volonté; ce qui donne la liberté d'enlever ce qui pourroit tomber dans le tambour, & de réparer les ailes lorfqu’elles caflent ou qu’elles deviennent gauches. On met le bled à vanner ou à nettoyer dans la trémie Q, quia deux pieds en carré par le haut, & un pied de profondeur ; elle eft ouverte dans le bas fur fept à huit pouces en carré.. Cette ouverture inférieure fe ferme plus ou moins par une planche mobile, qui a des rebords A, B, (figure 2°.) Cette planche eft attachée à la trémie avec des lifières d’un cuir doux, ce qui donne la liberté de l’approcher à volonté du fond de la trémie, afin de faire couler plus ou moins de grains: l’afflem- blage des cribles eft foutenu en avant par une ficelle de chaque côté, qui s’entortille fur un rouleau H (figure première, ) plus ou moins , felon que l’on veut baïfler ou haufler le fyftême des cribles. La trémie eft encore un peu ouverte dans le devant, comme on peut le voir en C, (figure 2°. ); on bouche cette ouverture en tout ou AVRIL 1772, Tome 11. 82 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; €n partie par une petite tablette M ( figure première ,) qui tombe en couliffe par le moyen d’une petite corde qui s’entortille fur un autre rouleau N, Toutes ces petites précautions fervent à modérer la fortie des grains qui tombent fur les cribles de fil de fer. Ces cribles ont chacun un pied en carré , & font placés à cinq pouces environ de dif- tance l’un de l'autre. Ils font bordés par un cadre de gros fil de fer, d'une ligne de diamètre, fur lequel eft arrêté le fil de fer mince qui les compofe. On peut voir dans la figure 2°. les petites rainures que lon a pratiquées dans les montans de planches pour recevoir ces cribles. Le crible fupérieur eft formé par des carreaux irréguliers de cinq à fix lignes d'ouverture, afin que le bled, la balle & autres faletés pañlent facilement, Le crible inférieur eft à petits carreaux de deux lignesenvi- ron, afin que le bon grain puifle encore y pafler aifément , ainfi que toutes les mauvaifes graines qui feroient plus petites. Le grain tombe fur le plan incliné O,N (figure première), fur lequel il gliffe doucement. Ce plan forme un cadre de bois, dont le vuide eft rempli de fils de fer parallèles , entretenus de diftance en dif- tance par des traverfes qui font auf de fil de fer. Le vuide , entre les fils de fer, eft tel que le bon grain ne puifle pas y pañler, & foit con- traint d’aller tomber en N; mais de manière cependant que l’ivraie & autres mauvaifes graines plus petites que le bon grain, paflent à tra- vers pour tomber fous la machine, & ne pas être mêlées avec le bon grain. Le courant d’air excité par les aïles du tambour , pañle à travers les cribles, & remplit toute l'ouverture antérieure de la machine entre le plan incliné O &r le deffous de la trémie. Il chaffe bien loin en avant la pouflière & la balle; les grains défeétueux un peu moins loin; le feul grain de bonne qualité réfifte au courant par fa pefanteur , pañle à tra- vers les cribles, & fuit la route que j'ai indiquée. Pour que la trémie vuide bien, que les cribles agiffent comme fi une perfonne en remuoit un dans fes mains , on procure à tout le fyflême qui les aflemble un trémouflement , qui aide le grain à fortir de la tré- mie, & qui l'empêche de s’entaffer fur les cribles. Ce trémouflement eft caufé par le mouvement en avant & en arrière d’une règle fufpen- due à l’axe de fer du tambour, qui eft coudé d’environ deux lignes à fon extrémité F, (figure troifième, ) & à une cheville de fer avec pattes clouées dans la planche qui forme le côté du fyflème des cri bles. On pratique une rainure dans le côté de lacage de la machine pour le mouvement de la cheville. La roue dentée ayant quarante-trois dents & la lanterne fix fufeaux, elle fait faire à la lanterne fept tours & un fixième, pendant qu’elle en fait un. Mais un homme fait faire aifément à cette première roue, ou ce qui revient au même, à la manivelle quarante tours pendant une | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 83 minute de tems, d’où il fuit que la lanterne fait environ deux cens quatre-vingt-fept tours pendant le même 1ems; & comme il y a qua- tre aîles dans le tambour, qui y agitent l’air fucceflivement, il fuit que le courant d'air qui réfulte de ce mouvement eft produit par la percuf- fion & rotation fucceflive de onze cens quarante-huit coups d’ailes dans le tambour pendant une minute de tems. Si l’on veut diminuer ou augmenter ce courant, on ralentira ou augmentera le mouvement de la machine. Les fromens, feigles, orges, avoines, pois, lentilles, chenevis, &c., n’exifent peut-être pas une ventilation auffi forte. Il eft effentiel de prendre garde , dans la conftruétion de la machine, que le courant d'air traverfe tout le fyftème des cribles. Cette difpo- tion du courant dépend de l'ouverture R, G,Y , du tambour ( figure première ) , & enfuite du parement intérieur R, E, du recouvre- ment de la machine contre lequel le courant d’air doit fe réfléchir, de manière qu'il traverfe les cribles, & forte fans obftacle. Les montans & les traverfes de la machine feront en bois de chêne ou de vieux noyer ; tout le refte peut être fait avec des planches de peu de conféquence , comme , par exemple , de peupliers & autres bois blancs. L'on aura attention de pofer des viroles ou boëtes de fer par-tout où les eflieux appuieront & tourneront fur le bois, qui feroit bientôt rongé fans cette précaution, ce qui dérangeroit le mouvement de la machine. On remarquera dans la figure première les bras G R qui fervent à la porter comme une chaife à porteur d’un endroit à un autre; fi la machine eft pofée fur un plan uni, un homme feul pourra encore la faire ambuler, en adaptant deux roulettes Z, fous les pieds de der- rière. Le prix de la machine que je viens de décrire peut être évalué à foixante livres; j’en ai fait conftruire plufieurs qui ont coûté un peu . plus & un peu moins, cela dépend du choix & de la probité des Ouvriers. Mais on peut évaluer provifoirement la dépenfe de la menui- ferie à 30 liv.; celle de la ferrurie à 18 liv. , & celle enfin des cribles & du plan incliné en fil de fer, à 12 liv. Nous croyons faire plaifir à nos Leéteurs en mettant fous leurs yeux une machine aufli fimple & avantageufe. Elle fait honneur à fon Auteur: Nous avons déja fait connoître un de fes Ouvrages dans le Cahier de Septembre 1771. AvRir 1772; Tome IL. Li PHYSIQUE. DISSERTATION de M. CIGNA, fur les canfes de l'extinétion de la lumière d’une Bougie, & de la mort des Animaux renfermés dans ur efpace plein d'air. E feu & la flamme renfermés dans un efpaæ plein d'air, font ils érouffés par la fumée qu’ils produifent, owpar la raréfaétion de l'air dont tous les deux diminuent l’élafticité ? Je ne le penfois pas autrefois, &c je conjeéturois même qu'aucune vapeur n’étoit capable de produire cet effet; je regardoiscette extinction comme occafionnée par des chan- gemens furvenus à l’air par la chaleur de la flamme, & j'attribuois an même principe l’extin@ion de la flamme dans l'air vicié par la trenfpi- ration , la refpiration & l'expiration des animaux. Ces deux phéno- mènes me paroifloient analogues & différer entr'eux feulement du plus au moins : mais enfuite, ayant obfervé que les grenouilles, pref- que entièrement dépourvues de chaleur, produifoient dans l'air le même efet, j'ai commencé à douter de la vérité de mon opinion, & ce doute m'a engagé à tenter.de nouvelles expériences pour éclaircir cette queflion. J'avois penfé & même dit, que l'air dans lequel une flamme a été éteinte, eft vicié au point d’en éteindre fubitement une autre , même plufieurs jours après. M. Boyle s'étoit expliqué d’une manière affez fem- blable : fi on renferme, dit ce Phyficien, un animal, dans Pair où un autre animal aura péri, par exemple, dans l’efpace de quatre minutes, le fecond y fera fuffoqué dens l’efpace de trois. Jai répété l'expérience de M. Boyle par le procédé fuivant. Une cloche de verre pouvant con- tenir environ feize pouces d’eau, fut fufpendue fur un autre vaiileau plein d’eau , de manière que le bord du récipient étoit plongé dans ce liquide, à la profondeur de trois travers de doigts. Une poulie étoit fufpendue à la partie fupérieure & interne du récipient; cette poulie etoit traverfée par une petite corde, dont un des bouts étoit attaché à une petite cage ; l’autre extrémité paflant par deffous les bords du récipient & à travers l’eau , aboutifloit à ma main & me fervoir à éle- ver & à baïffer la cage, enfin à la retirer du récipient en la faifant paf- fer à travers l’eau. Je pouvois, par ce moyen, introduire dans le réci- pient un oifeau renfermé dans fa cage & le retirer à volonté fans chan- ger l’état de l'air, à caufe de l’obftacle que l’eau du récipient lui oppo- foit de tous côtés. Cet appareil fut ainf difpofé, & un chardonneret introduit dans cette efpèce de prifon, Cet oifeau infortuné, pendant les deux premières heures, abforba SHRAEATIST, NATURELLE ETLES. ARTS, 8 tellement l'air, que l’eau s’éleva environ à deux pouces au-deflus de fon niveau, & l'élévation augmenta enfuite peu-à-peu. L’oifeau ne parut pas fouffrir dans le commencement ; mais peu de tems après la refpira- tion devint laborieufe, les angoiffes augmentèrent; & après quatre heures & un quart, il devint la viétime de l'expérience & fut entière- ment fuffoqué. Je retirai ce chardonneret, & un fecond fut aufi-tôt introduit par le même moyen. Il y fut fuffoqué en deux minutes; &e dès le commencement, la refpiration avoit été cruellement laborieufe , quoique quelques bulles d’air fe fuffent introduites dans le récipient , lors du paflage de la cage. Un troifième chardonneret n’y vécut qu'ure minute, & le quatrième y périt dans une feconde. D’autres oifeaux furent introduits dans cet air vicié , & fur le champ, ils furent attaqués de convulfions violentes, de vomiflement , d’afflousiflement profond. L'eau, après les quatre premières heures, n'a plus paru s'élever fen- fiblement. Je verfai une partie de cette eau, de manière que l’air étant moins condenfé dans le récipient, l'eau revint à fon premier niveau. Uu nouveau chardonneret fut introduit, & il n'y vécut pasune minute ; &c cependant , il n’a pas davantage détruit l'élafticité de Pair. Il réfulte de ces expériences, 1°. que l'air eft tellemement vicié par la refpiration des animaux, que d’autres animaux qu'on y renferme, ne fauroient y vivre long-temps. 2°. L'air vicié par une flamme ou par la refpiration d’un animal, n'éteint pas feulement la lumière; mais il fuffoque les animaux qui la refpirent; & il eft mortel pour les plantes qu’on y renferme, s'il a déja perdu une partie de fon élafticité par l’abforption de quelqu’autre plante renfermée auparavant ; de forte qu’on voit cette dernière lan- guir, jaunir & périr enfuite en très-peu de tems. . 3°. La durée de la vie des animaux ainfi renfermés dans l'air vicié, eft en raifon direéte du volume de l’air & inverfe du nombre des ani- maux renfermés , ainfi que M. Veratti l'a obfervé. Ce Phyficien aflure cependant avoir remarqué une différence dans les grenouilles; elles ne périflent pas plutôt, quel que foit le nombre employé à ces expé- riences La refpiration de ces animaux , fuivant le même Auteur, ne paroît point être laborieufe, quoiqu’ils diminuent l’élafticité de Pair, & périfflent comme les autres animaux renfermés : en un mot, les gre- nouilles vicient l’air comme eux , & ne fauroient vivre long-tems dans - cet air artificiel , s’il eft permis de s'exprimer ainfi. La fingularité de ces phénomènes m’a engagé à les foumettre à de nouvelles recherches; pour cela, j'ai voulu examiner jufqu’à quel point la refpiration étoit néceffaire aux grenouilles. On fait qu’elles périffent dans le vuide de Torricelli; quelles demeurent engourdies pendant trois heures dans le vuide de Boyle; qu’elles en reviennent ; mais qu’elles y périffent entièrement dans l’efpace de fix ou fept heures. Cependant, M 41 1772, Tome IL, 86 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, on les a vues dans ce vuide y mourir après deux heures, & d’autres fois , feulement après vingt-fept & même plus. On doute fi les grenouilles périffent dans le vuidz faute de refpira- tion. Pour me convaincre de ce fait, j'ai voulu m’aflurer fi elles peu- vent vivre dans l’eau fans remonter fouvent à fa furface pour y relpi- rer, comme le femble indiquer leur manière de vivre; à cet effet , je les ai retenues au moyen d’un lien, au fond d’un vafe plein d’eau. Au bout d’une heure, elles paroïfloient mortes, flotter de côté & d'autre, comme des cadavres, fans donner aucun figne de mouvement; mais j'ai apperçu, en les obfervant attentivement pendant huit ou dix minu- tes, qu’elles avoient même fous les eaux, un mouvement femblable à celui de la refpirations qu’elles faifoient enfuite des efforts pour fe débarraffer de leurs liens; & qu’enfin, elles paroïffent mortes de nouveau pendant huit ou dix minutes. Cinq heures après, n’appercevant plus aucuns des mouvemens dont je viens de parler, j'en retirai une; mais croyant avoir vu les mêmes mouvemens dans les autres, j’attendis encore une heure avant d’en retirer une feconde : enfin, fept heures après ne voyant plus aucun mouvement , je retirai les trois dernières grenouilles. Elles furent fucceflivement placées dans des endroits diffé- rens. Les deux grenouilles retirées de l’eau après la cinquième & fixième heure, commencèrent à donner figne de vie; & les trois autres qui avoient refté fous l’eau pendant fept, n’ont jamais pu être rappellées à la vie, même avec les fecours de l’art. Ces expériences furent faites au mois de Septembre; la liqueur du Thermomètre, échelle de M. de Réaumur , étoit au quinzième degré au-deflous de zero. Cette obfervation eft eflentielle relativement à d’autres expériences fuivant lefquelles des grenouilles ont refté fous l’eau pendant plus de fix jours. Il peut très-bien arriver, fuivant la remarque de M. Haller , que les gre- nouilles & plufieurs autres animaux engourdis par le froid, vivent pendant long-tems fans refpirer. Nous allons rapporter les différens phénomènes obfervés fur les gre- nouilles renfermées dans l’air. Une grenouille fut placée dans un vafe capable de contenir douze onces d’eau ; la feconde dans un vafe du double de capacité; la troifième dans un vafe trois fois plus grand que le premier , & la quatrième fut laïffée à l’air libre. Le thermomètre de M. de Réaumur étoit alors au 20°. degré. Toutes les grenouilles, après quarante-huit heures, étoient pleines de vie; mais après foixante heures, elles furent réellement mortes, & il ne fut plus poffble de les rappeller à la vie. Aucun figne de refpiration gênée ne fe manifefta avant leur mort. Comme j'avois obfervé que les grenouilles périfloient à-peu-près dans le même tems, & dans l’air libre & dans l'air renfermé , je foup- sonnai que leur mort devoit être attribuée à une autre çaufe,par exemples SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 87 au manque d'eau, puifqu'il eft très -prouvé que des grenouilles vivent des femaines & des mois entiers dans de l’eau très-pure, fans autre aliment ; je crus devoir renfermer les grenouilles dans l'air & avec de l’eau, afin de pouvoir connoitre sûrement jufqu'à quel point le vice d’un air renfermé contribue à leur mort , après en avoir retran- ché toute autre caufe. Pour cela, j’ai renfermé une grenouille dans un vaiffeau de verre plein d’eau; trois autres ont été mifes dans des vaifleaux femblables. L’efpace occupé par l’air au-deflus de l’eau, auroit pu dans l’un & l’au- tre vaifleau, contenir encore vingt onces de ce liquide. Une autre grenouille fut renfermée avec le même volume d’air fans eau; enfin, la quatrième laiffée à l'air libre, le thermomètre de M. de Réaumurétoit alors au 15°. degré au-deflus de zero. Ces grenouilles étoient pleines de vie après quinze heures; mais au bout de vingt, les trois renfer- mées dans l’eau étoient mortes, & n’ont donné aucun figne de vie après que le vafe fut ouvert; celle, au contraire, qui avoit été placée toute feule & dans l’eau, vivoit encore après cinquante-cinq heures; mais elle mourut à la foixante-troifième: celle qui étoit renfermée dans l'air & fans eau, vivoit à la vingt-fixième, 8& mourut à la vingt-huitième ; l'air extérieur lui fut alors rendu inutilement ; enfin , celle qui avoit été laiflée en plein air, vivoit encore le cinquième jour; fon état étoit celui de langueur. Ces mêmes expériences furent répétées avec les mêmes foins & très- exaétement. Il en réfulta que de trois grenouilles’, renfermées enfemble dans l’eau , Pune ne vécut que vingt heures, l’autre trente, & la der- nière trente-cing ; de forte que la durée de la vie de chacune, addi- tionnée , ne pafloit pas quatre-vingt-cinq heures. La grenouille renfer- mée toute feule dans l’eau parut morte après foixante - quinze heures; &t le vafe ayant été découvert, elle revint à la vie. Celle qui étoit ren- fermée fans eau, périt dans l’efpace de vingt-quatre heures; & celle qui avoit été laiflée en plein air, vivoit encore le dixième jour. Les grenouilles renfermées avec de l’eau, fe précipitoient auffi -tôt au fond du vafe, & remontoient feulement & de tems en tems à la fur- face du fluide pour refpirer ; peu-à-peu, elles y venoient plus fréquem- ment, & à la fin elles nageoïent & refpiroient continuellement. Leur refpiration étoit dans le commencement petite & fréquente, enfuite, fréquente , forte & laborieufe; enfin, lorfque ces animaux approchoient de leur fin, ils ne pouvoient prefque plus furnager l’eau, leur tête s'en- fonçoit la première ; ils revenoient detems en tems vers la furface, y refpiroient alors avec force & étoient agités de violentes convulfions. Les grenouilles, au contraire, renfermées fans eau, n’ont éprouvé aucune convulfion, & leur refpiration ne paroïfloit pas fenfiblement gênée. Mai 1772, Tome IL. 88 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Il réfulte de ces expériences que les grenouilles , renfermées dans l’eau ne vivent que relativement à la quantité d’air contenue dans l’éten- due du vaifleau; qu’elles y périflent comme les autres animaux, par la difficulté de refpirer. La preuve la plus fenfble de la juftefe de ces concluñons eft, que, fi dans le moment où elles font tourmentées par les convulfons ou fur le point d’expirer, on leur donne un air nou- veau, elles reviennent fur le champ; mais, fuivant les dernières exné- riences, les grenouilles laiflées en plein air ont vécu plus long-tems que celles renfermées dans l'air & fans eau. Ce fait paroït être en oppoftion avec le réfultat de la première expérience ; foit qu’une confti- turion particuliére des grenouilles ou la différence d’air en fuffent la caufe, j'ai cru dévoir, par des expériences nouvelles’, en chercher la raifon. Pour cet effet, des grenouilles furent renfermées dans des vaiffeaux de la même capacité; les uns privés d’eau, les autres plus ou moins pleins; & j'obfervai que le prolongement de la vie des grenouilles rete- nues dans le vafe plein, étoit plus ou moins confidérable , relativement à leur nombre, fans cependant fuivre exaétement la raifon inverfe de ce nombre. De ce que les grenouilles périffent plutôt dans un air renfermé qu’à Pair libre, de ce que la célérité de leur mort dépend de leur nombre, il fuit évidemment que leur mort provient de toute autre caufe que de l'air renfermé , ou bien que leur vie eft en raïfon de la quantité de Pair : mais comme ces anomalies font fréquentes, fi on renferme les gre- nouilles fans eau ou avec de l’eau , on n’apperçoit pas la même diffé- rence, & cependant elles périffent également & avecles mêmes fymp- tômes, tantôt plus vite ou plus lentement, fuivant la quantité d’air renfermé. L'expérience a démontré que la durée des lumières des bougies pla- cées fous un même récipient , étoit en raifon inverfe de leur nombre, de même à peu-près que la durée de la vie des animaux; pourvu toute- fois que les bougies fuffent égales & brülaflent également. M. Hales a obfervé que des bougies égales placée: dans des récipiens inégatx, celle qui étoit renfermée dans le grand s’éteignoit beaucoup plus tard ; au contraire, les récipiens étant égaux & les bougies inégales, la plus grande flamme eft la première éteinte ; d’où il paroït, d’ailleurs toutes chofes égales , que la lumière des bougies placées dans un air renfermé eft plutôt éteinte, fi la quantité d’air eft peu confidérable. Le même Hales obferve qu’une bougie quelconque dure moins dans un grand récipient qu’elle ne devroit durer, eu égard à la quantité d’air con- tenu ; mais il obferve en même tems que cette bougie, dans un plus grand récipient , a abforbé une plus grande quantité d’air, Il eft arrivé de-là que cette bougie a brûlé un peu plus, & par con- féquent a moin duré ; mais on verra par lafuite que la quantité d’air abforbé SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 89 abiorbé répond affez à la grandeur de la flamme. Ce qui confirme rotre epinion, c'eft que le poids de la diminution d’une ou de plufieurs bou- gies femblables a prefque fuivi la raïfon de la capacité du récipient , c'eft-à-dire, de la quantité d’air avec lequel elles étoient renfermées. M. Beccaria a prouvé qu'ayant voulu calciner de la limaille d'étaim ou de plomb dans des vaifleaux de verre bouchés hermétiquement, il n'avoit pu en calciner qu'une partie feulement; & cette partie étoit relative au plus ou moins grand efpace vuide du vaiffeau. Comme les expériences dont nous venons de parler ont été faites fur l'air dont la denfité étoit la même, il étoit important d'examiner quels feroient les effets de l'air fur la durée de la vie des animaux, lorfque la denfité de ce fluide feroit différente. Pour cet effet, je pris une bouteille de verre, du contenu de cinquante livres d’eau, dont le col fermé par un couvercle de cuivre, de chacun des côtés, portoitun petit tuyau de verre continu à la bouteille. Un fiphon de verre , lutté hermétiquement , fut adapté à l’un de ces tuyaux, je le remplis de mer- cure , dont les divers degrés d’élévation me faifoient connoître les dif- férences de la denfité de l'air contenu dans la bouteille; & l'autre tuyau fut adapté à la machine pneumatique. Un moineau fut placé dans la boureille, & elle fut exattemert fermée au moyen du couvercle de cuivre. Je pompai l’air jufqu’à ce que le mercure contenu dans le fiphon füt monté à feize pouces dix lignes au-deflus de fon niveau, alors, j’em- pêchai la communication de la pompe avec la bouteille. IL s’étoit écoulé deux minutes depuis que le moineau avoit été renfermé. Cet oïfeau vomit, eut des convulfons, & parut enfuite fe porter affez bien pendant quelque tems; la refpiration d’abord petite & fré- quente , le devint davantage; enfuite, elle fut grande & fréquente, bien- tôt après grande & plus rare; enfin, il mourut agité de convulfions. Le mercure montoit peu-à-peu; de forte , qu’au moment de la mort de l’animal , fa hauteur étoit augmentée de 451. Le moineau vécut environ trente-cinq minutes depuis que la communication de la pompe avec la bouteille avoit été fupprimée. L’air fut introduit dans la bou- teille après la mort du moineau , & le mercure defcendit de trois pou- ces. J'ai obfervé que dans l’efpace d’une heure & demie, il étoit remonté un peu plus d’une ligne; ce qui pourroit bien être attribué à Pétat de l’athmofphère. Un fecond moineau fut mis dans la même bouteille après avoir été lavée , & l'air fut pompé jufqu’à ce que le mercure montât feulement à 13 p. 5 L., & la communication fut promptement fermée; il y avoit à peine deux minutes que le moineau étoit renfermé. Cet oifeau éprouva les mêmes fymptômes que le précédent ; il y vécut 70 minutes ; & au moment de fa mort, le mercure étoit à fept lignes au-deflus du point nommé. Mai 1772, Tome II, M co OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Enfin, un troifième moineau fut mis dans la bouteille, laiffant à. l'air fa denfité naturelle. Le mercure étoit à 27 pouces 6 lignes dans le. baromètre; l’oifeau a éprouvé les mêmes maux, aux convulfions près, Il a vécu trois heures & demie ; le mercure étoit monté dansle fiphon, à l’inftant de la mort, à un pouce une ligne & demie. Enfin , dans ces expériences , les quantités d’air étoient en raifon de 128,169, 330; c’eft-à-dire, comme 3, 4, 8 La durée de la vie fut de 35, 70, 210; c’eft à dire, comme 1,2, 6. Ce qui prouve que la durée de la vie dans l'air de diverfe denfité ne répond pas à la quan- tité d'air, lorfque fa denfité augmente; par conféquent, que la même quantité d’eir foutient plus long-tems la vie des animaux quand il eft condenié, que quand il eft raréfié. M. Boyie a fait fur l’air condenfé les mêmes expériences que j'ai faites fur l’air raréfié. Ce Phyficien avoit renfermé deux fouris dans deux récipiens égaux; l’air avoit dans l’un fa denfité naturelle, & il étoit deux fois plus denfe dans l’autre. Il a vu que la fouris renfermée dans ce dernier récipient a vécu quinze fois plus long-tems que dans l'air naturel, quoique la quantité d’air fût feulement double. Il réfulte de ces expériences que la diminution de l’élafticité de l'air eft plus grande, toutes chofes égales d’ailleurs, lorfque fa denfité eft augmentée, & que la diminution de la quantité fuit le rapport de la diminution de fa denfité : enfin, ces expériences prouvent encore que l'élafticité du nouvel air qu’on introduit dans le récipient après la mort des animaux, eft encore diminuée. M, Halles a obfervé fur les bougies ce que nous venons de remar- quer fur les animaux; c’eft-à-dire , qu’une bougie placée dans un air raréfié de moitié, s’eft éteinte beaucoup plutôt que de moitié; de forte que fa durée n’a pas fuivi le rapport de l'air renfermé. Or, de ce que la même quantité d'air eft moins pernicieufe aux animaux & éteint plus tard les bougies, felon qu’elle eft plus conden- fée, on conçoit pourquoi $22 pouces d’air , qui, dans fa denfité natu- elle, pourroient tout au plus fufäre à la refpiration d’un homme pen- dant 2 min. ; lorfqu'il eft renfermé dans la cloche du plongeur, & lorfque cet air eft comprimé par le poids de l’eau, pourquoi, dis-je, cet air eft fuffifant à fa refpiration pendant $ minutes & plus; car 100 pouces fufhlent, fuivant M. Halles, pour une minute. On com- prend aufli par-là, pourquoi l’air renfermé dans la même cloche, peut fervir plus long-tems à la refpiration, fuivant que la cloche eft enfon- cée plus ou moins avant dans l’eau, & comment cet air peut être ref- ferré dans un moindre efpace, par le poids de l’eau. M. Défaguilliers obferve très-bien que le tems , pour que l’air foit vicié , eft relatif à fon volume, quelle que foit fa denfité. Il fuit encore de ce que nous avons dit que l'air le plus raréfié n’eft SUR L'HIST. NATURELLE* ET LES ARTS. où pas contraire à la vie des animaux ni à la lumière, à caufe de fa raréfaétion ; mais parce que dans cet état, il fe corrompt plus promp- tement, & par conféquent, il devient plutôt nuifible. Les animaux qui y font renfermés, y refpirent aifément pendant quelque tems ; la ref- piration n’eft que plus fréquente, ainfi qu'on lobferve fur le fommet des montagnes ; elle eft laiflée peu à peu & plus fard fuivant la capa- cité du récipient; enfin, elle fe dérange de la même manière que lorf- que l'air eft naturel: or, fi l'air étoit funefte à raifon de fa raréfaëtion , il devroit nuire également promptement quelle que füt la capacité du réci- pient ; d’où il fuit que fa qualité nuifible ne doit pas être attribuée à fa rarcfa@ion : d'ailleurs , il eft conftant que le degré de denfité fuffant pour la refpiration , eft celui où l'air, par fa propre prefon, a la force de dilater les poumons. Or, la preffion néceffaire pour dilater le pou- mon, eft celle qui peut furmonter la force contraëtile de ce vifcère, puifqu’il n’y a point d’air dans la capacité de Ja poitrine qui augmente cette réfiftance; or ce degré de preffion furpafle à peine celle qui fait monter le mercure à 2 pouces ; par conféquent, l'air très-raréfié peut, par fa feule prefion , fuflire au méchanifme de la refpiration. On voit dans M. Halles la defcription d’une expérience faite fur des animaux, où il dit, qu'ayant adapté un fiphon au côté d’un chien quil avoit ouvert , l'efprit-de-vin qui y étoit contenu , s’élevoit à peine de 6 pou- ces dans une infpiration ordinaire; & dans la plus forte infpiration, l'élévation de cette liqueur ne pafloit pas 30 pouces, quoique la force fût fi grande que le poumon dilaté réfiftoit à la preffion de l'air infpiré. Pour connoître avec plus de certitude quel eft le degré de raréfac- tion que les animaux peuvent fupporter, j'ai fait l'expérience {uivante. J'ai mis un moïineau dans une bouteille de verre, dont j'ai exaftement bouché l'ouverture en liant autour de fon col une grande veflie vuide ; jai mis cette bouteille & un autre moineau fous le récipient de la machine pneumatique; j'ai pompé l'air jufqu’à ce que le mercure mon- tât à 19 pouces dans le fiphon. Sa hauteur dans le baromètre éroit alors à 27 p.:; j'ai introduit enfuite dans le récipient aflez d'air pour que le mercure defcendit de deux pouces ; j'ai pompé tout de fuite une égale quantité d’air, & j'ai continué de même à pomper & à intro- duire promptement la même quantité d’air pendant demi-heure : de cette manière, ces deux moineaux ont refté dans un air tellement raré- fié, qu'il pouvoit à peine foutenir le mercure à 7 p.+, ou tout au plus 9 5; avec cette différence cependant que le moineau renfermé dans la bouteille refpiroit toujours le même air, au lieu que l'air du récipient étoit renouvellé à chaque inftant, Le premier moineau vomit d’abord, & fa refpiration fut toujours petite & fréquente; ce vomiffement étoit produit par le changement fubit de l'air, & la fréquence de la refpira- tion par la raréfaétion de l'air. Enfuite il fut fort bien, & après l'efpace M4: 1772, Tome 11. M j o2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’une demi-heure, je le retirai très-fain & très-gai; l’autre fut attaqué de la difpnœæe & de mouvemens convulfifs, & périt peu de tems après avoir été retiré. Cette expérience confirme que l’air contenu dans le récipient de fa machine pneumatique, quoique très-raréfié, n’eft pas moins propre à la refpiration & à la vie des animaux , pourvu qu’on le renouvelle , & que les animaux fupporteroient plus facilement les changemens arrivés à la denfité de l'air lorfque cette denfité augmente, que lorfqwelle diminue. Les plongeurs renfermés dans leurs cloches, fupportent très- bien unair neuf fois plus denfe (Mufch.Eflais, $. 1411). Les animaux ne fouffrent aucune incommodité dans un air huit fois plus denfe dans la machine comprimante, (Haller. Elem. Phifiol. tom. IE, p. 194, not. O); au contraire, une alouette périt en deux minutes dans un air feulement deux fois plus raréfié. Boyle: Nov. Exp. Pneum. tit. XI. Exp. 3. On comprend encore par-là pourquoi les animaux fe portent très-bien dans l’air raréfié du fommet des montagnes; & les bougies y brûlent, tandis que le contraire arrive dans Pair raréfié au même degré, par le moyen d’une pompe; car Fair étant libre au fommet des montagnes, fe renouvelle de lui-même à chaque inftant, au lieu que l’autre étant renfermé , eft bientôt corrompu. il eft vraifemblable que fi l'air du fommet des montagnes étoit renfermé, 1l cauferoit auft promptement la mort que celui qu'on a raréfié au même degré par le moyen d’une pompe. Si nous comparons maintenant ces phénomènes avec ceux des liqueurs qui s’évaporent dans un efpace fermé , nous trouverons que les uns répondent exaétement aux autres. En effet, j'ai obfervé 1°. que l’éva- poration qui fe faifoit dans un efpace fermé, diminuoit peu-à-peu & cefloit enfin totalement ; de forte qu'il ne pouvoit plus s'élever de nou- velles vapeurs dans ce même efpace ; 2°. que la durée de l’évaporation étoit, toutes chofes égales d’ailleurs, relative à la capacité des réci- piens; 3°.enfin, que fi l'air eft raréfié, l’évaporation eft accélérée, de manière que le récipient eft beaucoup plutôt rempli de vapeurs; de forte que le tems que le récipient demeure à fe remplir, diminue en plus grande proportion que la denfité de l’air, ce qui arrive demême aux lumières & aux animaux renfermés dans l’air ainfi qu’on l’a vu ci-deflus, puifqu'ils languiffent d’abord peu-à-peu & périffent enfin; & une nouvelle bougie ou un nouvel animal qu’on renferme dans le même air , font étouffés dans l'inftant; & la durée de l’un &r de l’autre dans un air dont la denfité eft la même, eft relative à la quantité de Pair enfermé : mais fila denfité eft différente, ce rapport eit alors anéanti, ë&c ils périffent d’autant plutôt en fuppofant la quantité de l'air égale, que Pair eft plus raréfié ,& d’autant plus tard qu’il eft plus condenfé. Quoïque j'aie conclu que les bougies aient été éteintes & ces animaux 2 te SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 093 fuffoqués dans un air renfermé, par des vapeurs; cependant , je nofe- rois encore expliquer leur nature ni déterminer par quelle qualité pré- cife elles font funeftes; favoir fi c’eft feulement en comprimant des vapeurs” nouvelles, ou bien en changeant les qualités phyfiques ou méchaniques de l'air. Je tenterai quelques jours de nouvelles expérien- ces fur cet objet important. Si les vapeurs nuifent aux flammes , pourquoi l’air qui a paflé non- feulement fur une pièce de métal rougi au feu, mais encore à travers un verre, éteint-il une bougie; & pourquoi Pair contenu dans un réci- pient, devient-il incapable d'entretenir la flamme d’une bougie, fi l’on approche du feu des parois extérieures du récipient? Pour la première expérience , on place une bougie allumée dans un récipient percé de deux trous verticaux, & on approche de l'orifice inférieur un mor- ceau de verre rougi au feu. Jai obfervé que ce n'étoit pas une mau- vaife qualité contraétée,par le verre qui éteignoit la bougie, mais la raréfa@tion de l'air caufée par la chaleur du verre ; l'expérience ne réuf- fit pas lorfqu'on a foin d'empêcher l'onde caufée par la raréfation de l'air , de fe jetter avec impétuofité fur la lumière. Quant à l’autre expé- rience , je fuis très-incertain fi les exhalaifons du feu qu’on a approché des parois du récipient, n'ont pas pénétré à travers de ces paroïs qui étoient très-minces, ou bien par une petite fente, ou s’il n’y a pas eu quelqu’autre caufe de l’erreur ; puifque l'ayant de nouveau effayée avec un récipient plus épais , je n’ai fait que de vains efforts. Je me fuis con- vaincu autrefois que l’air corrompu, même par les animaux froids, devenoit incapable d’entretenir la flamme, ce qui me fit naître des dou- tes fur ma première opinion. D'ailleurs, M. Defaguiiliers remarque que Pair paflant fur des métaux rougis au feu, ne fe corrompt point sil n’eft infeété par les vapeurs, ou des métaux mêmes, ou des charbons, dont on s’eft fervi , & qu'on doit vérifier lesexpériences de M. Hauksbée, Jai épronvé que Pair renfermé pendant plufieurs mois dans une bou- teille placée fur un fourneau fort chaud, n’a contraëté aucune mau- vaife qualité; mais en voilà aflez fur ces expériences. On verra par la fuite que les autres argumens qui fembloient combattre notre hypo- thèfe des vapeurs, font d’une bien moindre importance. Si nous confidérons les phénomènes de la diminution de l’éfaiticité de l'air par la refpiration des animaux, il paroïîtra bien plus clair que lon doit reconnoître les vapeurs comme la caufe de la fuocation. II eft conftant que ces vapeurs diminuent cette élafticité , car elles s’atta- chent fi fortement à fes molécules , qu’elles diminuent leur force répul- five mutuelle. De-là , les vapeurs diminuent d’abord beaucoup l’élafi- cité de l'air , enfuite moins, à mefure qu’étant plus chargé de vapeurs, il devient moins propre à en recevoir de nouvelles, jufqu’à ce qu’en étant faturé , fon élaflicité ne pent plus en contenir, Si on admet de l'air Mai 1772, Tome 11 04 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nouveau dans le récipient, l’élaflicité diminue de nouveau : de-là, l'air fa&tice qui fort faturé de vapeurs ; fi on l’introduit dans un efpace vuide, ou fi on le mêle à un air aufli faturé de vapeurs, il ne perd rien de fon élafticité; tandis que le contraire paroit lui arriver dans un ‘air pur, parce qu'il diminue lélaficité de celui-ci par fes vapeurs. On conçoit par-là pourquoi certains corps quiproduifent de l'air, foit dans le vuide ou dans un air chargé de vapeurs, paroïffent au contraire en abforber lorfqu'ils font renfermés dans un air pur & naturel ; parce que le décroif- fement de l’élafticité de l'air renfermé dans les vapeurs, augmente en proportion de l’accroiflement de Pair. Pourquoi certains corps renfer- més dans l'air, paroïflent tantôt en produire & tantôt en abforber, parce que ces deux caufes étant alternativement dominantes, l’élafticité de l'air renfermé augmente & diminue alternativement. Pourquoi cepen- dant les corps quidiminuoient d’abord l’élafticité de l'air renfermé l’aug- mentent enfuite, tandis que l’élafticité de cet air chargé de vapeurs, ne peut plus diminuer; de manière que fon décroiïfflement , produit par cette caufe, furpañle l'augmentation caufée par le nouvel air. Ces phénomènes font très-conformes à ceux que produifent les ani- maux renfermés dans l'air; en effet, leur refpiration diminue d’abord l'élafticité de l'air; cette diminution fe fait enfuite plus lentement , de forte que l’air étant enfin chargé de vapeurs, fon élafticité ne fauroit diminuer davantage, Si dans ce moment on introduit de l’air nouveau, les vapeurs fe mêlent avec lui, & l’élafticité diminue encore; ce qui fait que l’air étant une fois faturé de vapeurs, fon élafticité ne fauroit diminuer davantage; parce que cette diminution n’eft pas proportion- née au nombre des animaux renfermés dans l'air, mais à la quantité de ce même air & dans une quantité donnée d’air. La diminution de lélafticité eft prefque la même, quel que foit le nombre des animaux qui y font renfermés; car quel que foit le nombre de cés animaux, ils ne fauroient répandre dans l’air au’delà d’une quantité déterminée de vapeurs, ni par conféquent affoiblir l’élafticité au-delà d’un certain point. De-là , il arrive que les animaux qu’on renferme dans un air déja faturé par les exhalaifons d’autres animaux, périflent promptement fans produire une diminution fenfible dans l’élafticité de Pair. Bien plus, les an taux qui peuvent vivre quelque tems dans un air ainfi chargé d’exhalaifons , non -feulement ne continuent pas fur la fin à diminuer Pélafticité de l’air dans lequel ils font renfermés; mais au contraire, ils produifent un nouvel air l’inftant avant leur mort, comme cela arrive à certains mêlanges, ainfi qu'il a été dit ci-deflus, qui abfor- bent Pair pur dont ils font environnés ; & lorfque l'air eft faturé dans leurs vapeurs , ils en produifent du nouveau. Puifque les vapeurs qui s’exhalent des animaux ont la faculté de diminuer lélafticité de l’air auquel elles fe mêlent , c’eft mal-à-propos SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. os que certains Phyficiens ont prétendu que cette diminution dépend de l'abforprion de Pair par les poumons des animaux , ou qu'il a paflé par le fang. Quoique l'air pafle par les poumons , & de-là pénètre dans le fang , il eft néanmoins néceflaire qu'il en forte en égale quan- tité , foit par les poumons, foit par quelqu’autre voie ; cependant cela n'arrive pas: d’ailleurs, fi cette hyporhèfe étoit fondée , un plus grand nombre des animaux placés fous le même récipient, abforberoient une plus grande quantité d’air ; les animaux placés dans un air plus raréfié, ne devroient pas diminuer fon élafticité; enfin, cer air fortant du fang &c des autres humeurs, étant plus denfe, devroit augmenter l'élaflicité de l'air ambiant: cependant le contraire arrive, & les expériences le démontrent. Suivant les loix générales, les plantes renfermées dans Pair, dimi- nuent aufli fon élafticité ; car en exhalant des vapeurs dans l'air qui les environne, elles affoibliffent peu - à - peu fa force élaftique ; leur évaporation diminuant aufhi à proportion , ces plantes languiflent, &c vant de périr, elles diminuent tellement l’élafticité de l'air par les _ qu’elles exhalent, qu'une nouvelle plante qu’on introduit, périt tout-à-coup fans diminuer davantage lélaflicité de Pair, Les phénomènes de la diminution de l’élafticité de l'air produite par la flamme, diffèrent beaucoup des précédens. En effet, la flamme ren- fermée dans l’air, non-feulement ne diminue pas d’abord fa force élaf- tique, mais au contraire elle l’augmente; enfuite cette diminution com- mence à être fenfble , & elle croît toujours jufqu’à ce que la flamme foit éteinte. Plus on renferme de bougies allumées fous un même réci-- pient, ou bien, plus les flammes qu’elles produifent font grandes, quoi- que leur durée foit moindre, relativement à leur nombre & à leur grandeur , & diminuent également en poids , cependant plus la force élaftique de l'air en eft diminuée; & au contraire, des bougies égales, placées fous des récipiens inégaux , diminuent prefque également lélaf- ticité de l'air ; de forte que l’abforption de l’air eft relative au volume des flammes & non pas à leur nombre, ni à la quantité d’air. De-là , une flamme renfermée dans l’air déja infeété par les exhalaïfons d’une autre flamme, affoiblit autant la force élaftique de Pair que la première, quoiqu’elle foit bien plutôt éreinte, & qu'elle ne dure guères que la cinquième partie du tems qu'avoit duré la première. Bien plus, une flamme renfermée dans un air rempli de fumée chaude, diminue de moitié plus fon: élafticité , quoiqu’elle dure beaucoup moins. - Ce qui démontre que la diminution de lélaflicité produite par les flammes, doit être attribuée à la raréfaétion de Pair, mais toujours produite au même degré par une flamme de la même grandeur, quelie que foit la capacité du récipient & qui augmente, quoique dans un même récipient , relativement au nombre des flammes ou à leur volume, Mai 1772, Tome 11. 96 OBSERVATIONS SÛR LA PHYSIQUE, & qui, enfin , eft toujours égale, foit que les flammes foient enfer mées dans un air pur ou infeêté , au lieu qu’elle augmente d'autant plus que l’air eft plus humide ; & par conféquent, plus fufceptible de dila- tation , lorfque la flamme languit, & encore plus lorfqu’elle eft éteinte. L'air moins raréfié par la chaleur fe condenfe , d’où fon élafticité paroit diminuer dans la même proportion que la chaleur. Voici une expérience faite pour diftinguer les effets de la raréfa@tion d'avec ceux des vapeurs qui diminuent l’élafticité. Une bougie allu- mée & foutenue par un chandelier, fut placée dans un vafe plein d’eau; le tout fut enfuite recouvert par un récipient de verre: après avoir mis Veau à niveau à l’aide d’un fiphon, jele plongeai dans l’eau pour pou- voir mefurer, par fon moyen, ladiminution de l’élafticité de l’air con- tenu fous la cloche. Par l'élévation de Feau dans ce fiphon , l’eau com- mença à monter aufli-tôt que la lumière de la bougie s’affoiblit , & elle s’éleva plus promptement & beaucoup plus haut, à l’inftant où la bou- gie s’éteignit; elle continua de monter pendant quelque tems jufqu’à ce que l'air fût refroidi, alors, je mefurai exaétement la plus grande hauteur où l’eau étoit parvenue. Je répétai encore la même expérience, avec cette différence que j’at- tachai la bougie à la branche du fiphon que je devois introduire fous le récipient. Cette bougie étoit placée de façon que le fiphon étant pen- ché, fa branche devoit d’abord être plongée dans l’eau, & immédia- tement après , la bougie étoit fubmergée & éteinte. J'avois difpofe les chofes de cette façon, afin que la bougie s’éteignit aufli-tôt que j'au- rois Ôté la communication de l'air renfermé fous la cloche avec lair extérieur , qui auroit pu réparer la perte de l’élafticité, caufée par la flamme , fans lui laifler le tems de confumer l'air ; de forte que l’éléva- tion de l’eau de‘la cloche au-deflus du niveau de l’eau extérieure, après lextinétion de la bougie , dépendit prefque entièrement de la con- denfation de l'air, fans qu'on pût l’attribuer , ni à l’abforption de ce fluide, ni à la diminution de fon élaflicité : cependant, l'eau ne monta pas moins dans cette expérience que dans la précédente, quoique la bougie eût refté bien plus long-tems allumée dans la première , & qu’elle eût pu par conféquent abforber l'air, fi effe@tivement elle l’abforboit. Il y eut cependant une légère différence, relative à la grandeur des flam- mes ; & plus javois foin qu’elles fuffent égales, moins aufli y eut-il d’inégalité dans l’élévation de l’eau. Il réfulte de cette expérience que la flamme d’une bougie ne dimi- nue prefque point l’élafticité de l'air, & que l'élévation de l’eau conte- nue fous les récipiens dans lefquels la bougie a été éteinte , dépend bien plutôt de la condeniation de l'air, auparavant raréfié par la chaleur , que de la diminution de l’élafticité de l’air ; enfin , on ne faura jamais décider files flammes affoibliflent plus ou moins la force élaftique de ce SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 07 ce fluide, que les animaux qui y font renfermés, fi on ne diftingue auparavant les effets de la raréfaétion, d'avec ceux de la diminution de l'élafticité. Le phofphore renfermé dans un récipient allumé par le moyen d’un verre ardent , ou dans un vaifleau fermé par la chaleur extérieure qu’on en approche, affoiblit l'élafticité de l'air; le pyrophore en s’échauffant &c en s’allumant de lui-même dans un récipient, produit le même effets la même chofe arrive, lorfque la fumée du foufre , déja refroidie, eft réchauffée de nouveau. La diminution de l’élaflicité produite par la flamme du foufre ou par toute autre flamme, dure 20 & même 30 heu- res après qu’elles font éteintes; enfin , le foufre ou une autre matière inflammable , allumés par le moyen d’un verre ardent, à travers les parois d’un récipient, affoibliflent auffi l'élafticité , d'où il réfulte-que cette qualité de l'air eft diminuée par certaines flammes, & même par les plus communes. L'expérience de M. Halles prouve que certaines flammes affoibliffent le reflort de l'air, & que d’autres produilent un air nouveau, fuivant la différence des matières qui font leur aliment, Ce célèbre Phyficien ayant difillé certains corps inflammables, s’ap- perçut que le reflort de l'air diminuoit , tandis que d’autres corps éga- lement inflammables , & des huiles mêmes, donnoiïent beaucoup d’air par la difillation. Il réfulte des expériences citées ci-deflus, que la diminution de l’élaf- ticité produite par Les vapeurs des flammes, eft beaucoup moindre que celle qui vient du refroidiflement & de la condenfation de l'air: car le foufre diftillé diminue beaucoup moins ce reflort que quandileft allu- mé; deux grains de phofphore allumés &e renfermés dans un récipient , abforbent 28 pouces d'air; tandis que dans un vafe couvert & allumé par l’aétion d’un feu externe, ils n’en confument que 13 : ce qui prouve combien eft imparfaite Ja mefure de la diminution de l’élafticité de Pair, prife fuivant l'élévation de l’eau ou du mercure dans un tube, Les flammes diminuent le reflort de Pair, non en l’abforbant, mais en exhalant des vapeurs qui diminuent la force répulfive des parties de ce fluide avec lefquelles elles fe mêlent; puifqu'’après Ja déflagration du foufre, fuivant la remarque de Halles , on ne trouve qu'une terre fèche , entièrement dépouillée d’air. . Après avoir démontré que ce font les vapeurs qui éteignent les flam- mes & fuffoquent les animaux renfermés dans l'air, 1l refte à chercher. fices vapeurs font les mêmes. J’ai déja remarqué que l'air infeté par des animaux, foit chauds, foit froids, éteignoit promptement les flam mes qu’on lui préfentoit. Papina également obfervé qu’une flamme s’étei- gnoit aufi-tôt, quand au lieu de recevoir un air pur, elle étoit envi- ronnée d’un air refpiré par un homme, fi l’on n’avoit foin de renouvel= ler cet air autour d’elle, au moyen d’un tuyau; l'air vicié par une flamme, M 41 1772, Tome IL. \ 98 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, quel que foit fon aliment, n’eft pas toujours nuifible aux animaux, quoiqu’elle éteigne promptement une autre flamme qu’on lui préfente; mais elle leur eft tantôt funefte & tantôt elle ne leur porte pas de pré- judice fenfible , fuivant la diverfité des matières qui lui fervent d’ali- ment: aufli, fuivant la remarque de M. Laghi, des animaux renfermés avec des flammes ordinaires, ont vécu fort long-tems après qu’elles ont été éteintes; cependant, fuivant le même Auteur, des animaux ont quelquefois péri avant l’extin@ion des flammes, fur-tout fi plu- fieurs bougies avoient été renfermées en même tems. Cette expé- rience prouve que ce n’eft pas par leurs exhalaïfons qu'elles ont été funeftes aux animaux, puifqu'un nombre quelconque de flammes, grand ou petit, renfermées dans un efpace donné , produit toujours la même quantité de vapeurs. Ces flammes font plus ou moins prompte- ment éteintes fuivant leur nombre, & elles perdent également du poids de leur matière. C’eft probablement plutôt par la raréfa@ion qu’elles caufent à l'air, raréfa@tion d’autant plus grande que le nombre des flammes eft plus confidérable, parce qu’en conféquence le volume d’air renfermé dans le récipient, diminue à proportion, & l’eau monte davantage. Par la même raifon, un moineau renfermé dans un réci- pient dont Pair fut raréfié par le moyen d’une chaleur extérieure n’y vécut pas une heure ; & un autre moineau renfermé dans un pareil réci- pient, dont tout l'air n’avoit pas été raréfié par la chaleur externe, y vécut 73 minutes. Boyle rapporte qu’un petit oifeau renfermé dans un même efpace avec une flamme d’efprit-de-vin, a vécu long-tems, après qu’elle a été éteinte; c’eft aufli ce que j'ai remarqué plufieurs fois. La flamme de certains bois eft peu nuifible aux animaux ; mais il y en a d’autres qui leur font meurtrières: de même , la flamme de la braïfe qui fe fait en plein air, leur fait peu de mal; celle au contraire des charbons de bois ou de terre, leureft mortelle. Les vapeurs du foufre ou de la poudre à canon allumée , leur font également funeftes. Les exhalaifons produites par certaines flammes ne font pas le moin- dre mal aux animaux, quoiqu’elles nuifent beaucoup aux autres flam- mes; ce qui prouve que les vapeurs qu éteignent les flammes font abfolument différentes de celles dans lefquelles les animaux font étouf- fés. Les flammes produifant ce dernier effet, exhalent donc , outre la vapeur contraire à la lumière & commune à toutes les efpèces de flam- mes, une autre vapeur incompatible avec la vie des animaux. Cette différence des deux vapeurs eft très-fenfible dans les charbons; car fi lon approche une bougie allumée de la vapeur des charbons par laquelle les animaux font fuffoqués, loin d’en être éteinte, cette vapeur s’al- lume elle-même: mais ces deux efpèces de vapeurs paroiïffent manifef- tement réunies, foit dans l’air qui a été refpiré, foit dans l’air fa@tice pro- duit par la décompofition de plufieurs corps, ou par la putréfaétion. Il SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 99 s’clève cependant ailleurs des vapeursnuiñbles aux flammesfeulement & non aux animaux ; telles font les exhalaifons de certaines flammes : d’au- tres corps produifent des vapeurs meurtrières pour les animaux , &c indif- férentes pour les flammes , & quelquefois même inflammables. Par conféquent , on n’eft pas fondé à attribuer la falubrité ou la mal- failance d’une flamme , à la quantité de matière qu’elle confume dans un tems donné, puifqu’un air propre à entretenir une flamme peut être très-funefte aux animaux, & vice vera. Enfin , le feu ou la flamme ne corrigent pas l’air infecté par lesexha- laïfons des animaux ou autres ; maisils le chaffent , afin qu’un air nou- veau prenne fa place. Auffi quand un air eft faturé de pareilles exha- laifons, loin d’être corrigé par le feu, il léteint, Si l’on demande à prélent quelle eft la nature de ces vapeurs funeftes aux flammes & aux animaux, voici ma réponfe: les exhalaifons nuifi- bles aux flammes ne font pas les fumées , puifque Pair infeêté par les flammes, conferve encore ce vice long-tems après la diffipation des fumées, & l'air ne peut être délivré de cette mauvaife qualité par fon pañlage à travers divers liquides qui retiennent les fumées. D’ail- leurs, les flammes qui ne produifent aucune fumée, telle eft la flamme de lalcool, ne font pas moins éteintes quand elles ont refté quelque tems renfermées dans l'air; enfin, les fumées des corps combuftibles , loin d’éteindre les flammes, font elles-mêmes inflammables. Ce n'’eft donc pas la matière du feu qui éteint la flamme renfermée dans Pair, mais plutôt la vapeur exhalée par cêtte matière dénaturée par l’aétion du feu. Les exhalaïfons qui étouffent les animaux dans ce même cas, vien- nent très-certainement de la refpiration; car les parois des récipiens en font obfcurcies après la mort des animaux ; & quand on les découvre, il en fort une odeur défagréable & nuifible. Ces vapeurs ne font pas fimplement aqueufes, puifqu’elles diminuent le reflort de l'air, ce que les vapeurs aqueufes ne font pas; d’ailleurs l'air commun contient fouvent beaucoup plus d’air que l’air qui a été refpiré , fans en être pour cela plus funefe. La vapeur qui fuffoque les animaux renfermés dans l'air reffemble beaucoup à une exhalaifon putride, & paroît contenir beaucoup d’al- kali volatil. M. Laghi a obfervé que des animaux ainfi renfermés , ont été bien plus promptement étouffés par la vapeur d’un fel femblable à l'efprit tiré du fang humain. ai auf éprouvé l’ation de ce fel fur la flamme ; en conféquence, j'ai renfermé , dans un air faturé par les vapeurs du fel ammoniac pré- paré avec la chaux, une bougie allumée, & j'ai obfervé qu’à l’appro- che de la bougie, tout l’air ‘ontenu s’eft enflammé : j'ai vu le même effet fur les vapeurs d’une teinture d’efprit de foufre ; mais l'air qui a M1 1772, Tome 11. N il 100 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fervi à la refpiration , non-feulement ne s’enflamme pas, mais encore il éteint la flamme , parce que les vapeurs, dont il eft infeété, diffèrent des exhalaifons du fel volatil, ou qu’elles font mêlées avec d’autres qui s’oppofent à fon inflammation, & éteignent la flamme; ce qui prouve que Ja compofition du fel volatil exige le mélange d’une fubf- tance grafle; on conçoit par-là pourquoi les vapeurs des corps putrides font quelquefois inflammables, & pourquoi au contraire une vapeur qui fuccède à l’alkali volatil évaporé, ou qui fe mêle avec lui, éteint la flamme. Un air chargé de pareilles vapeurs s’eft quelquefois enflammé plu- fieurs mois après en avoir été faturé. Ces vapeurs une fois difperfées dans l’air, lui reftent donc long-tems attachées ; de même un air infe&é, ou par une flamme ou par la refpiration, conferve long -tems cette mauvaife qualité. J'ai dit que les vapeurs, nuifbles aux animaux renfermés dans l'air, approchoient beaucoup de la nature des exhalaifons putrides; il faut faire attention qu'il y a un nombre infini de vapeurs fureftes aux ani- maux. Les expériencesde MM. Hauksbée, Defagulliers & Laghi, prou- vent quil y a une quantité de plantes dont les vapeurs font meur- trières , ainf que des corps dont la décompoñtion produit un air faétice & mortel. Les exhalaïfons vénéneufes font tantôt plus légères, tantôt plus pefantes que l'air; quelquefois elles interceptent le fon ; il y en a dont l’odeur eît forte , d’autres n’ont aucune odeur. 11 me refte à préfent à expliquer comment les vapeurs produites par les flammes & par les animaux , ramafñlées & réunies dans le même air, nuifent également aux mêmes corps ; je commence par les plan- tes: j'ai démontré ailleurs qu'on ne doit pas affigner la diminution du reflort de l’air comme la caufe de lextinétion des flammes. En voici une raïfon très-fimple : l’air une fois faturé des vapeurs d’une flamme, empêche l’éruption des nouvelles vapeurs que la matière de la flamme devroit produire en fe confumant ; de même qu'il arrive dans toutes les évaporations. La durée de la flamme renfermée dans l’air eft la même, foit qu'elle occupe la partie inférieure du récipient, foit qu’elle foit placée à la partie fupérieure, ou vers les côtés; & non-feulement, l'air ambiant ou celui qui eft au-deflus eft infe&teé, mais toute la mafle con- tenue dansle récipient l’eft également; de forte qu’une nouvelle flamme au'on veut introduire eft éteinte des qu’elle approche du bord; ce qui m'a fait dire que ce n’eft pas la chaleur, mais des exhalaifons également répandues, qui font la caufe de ce phénomène, J'ai montré a-deflus que les autres phénomènes de l’évaporation fupprimée dans un vaif- feau fermé, répondent très-bien à ceux de la flamme éteinte dans l’air renfermé. | C'eft à-peu-près par la mème caufe que les plantes périflent dans le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1601 même cas; elles diminuent d’abord un peu le reflort de l'air , & com- mencent à languir : de forte que lorfqu’elles font mortes, fi on intro- duit une nouvelle plante , elle périt fur le champ , fans avoir rien dimi- nué du reflort de l'air. D’où il réfulte que les vapeurs qui diminuent le reflort de l’air , font peu-à-peu retenues ; par conféquent , cette perte de l’élaflicité diminue, & la plante languit; enfin la plante périt, & le reflort de l’air n'en diminue pas davantage. L'évaporation eft néce{- faire aux plantes, afin qu’elles puiffent attirer par leurs racines de nou- veaux fucs , defquels leur vie dépend, On conçoit aifément par-là pour- quoi les arbres folitaires poufent des branches & des rameaux égale. ment de tous les côtés , au lieu que ceux qui naïflent dans les forêts, font plus élevés & plus minces. Les arbres folitaires exhalent également de tous les points de leur furface ; par conféquent, la fève nourricière fe diftribue également partout, & l’accroiflement eft égal. Dans les bois, au contraire, l’évaporation des branches latérales eft moindre, parce que l'air eft chargé des exhalaifons des arbres voifins; de-là, la fève montant en plus grande abondance vers le fommer, les fait croi- tre davantage dans ce fens, que dans tout autre. Il n’eft pas aufli aifé d’expliquer pourquoi Pair renfermé eft nuifible aux animaux ; il eft facile de démontrer que les vapeurs ne leur font pas funeftes par la diminution qu’elles caufent au reflort de l'air, ainf que je l'ai dit des flammes; puifque les animaux renfermés dans un air infeêté par les exhalaifons des autres animaux n’y périflent pas moins , malgré qu'on laifle entrer dans le récipient aflez d'air nouveau pour rétablir l'équilibre, ou qu’on rende à l'air ainfi raréfié fa denfité naturelle en y verfant de l’eau: j'ai même obfervé qu'un oïfeau que J'ai introduit dans un pareil récipient étoit mort , tandis que le mercure d’un fiphon n’éprouvoit aucun changement, ce qui me fit juger qu'il y avoit eu quelque ouverture par laquelle l'air avoit pu s’introduire , & fe renouveller en partie. Ce qui confirma mon idée, c’eft que l’animal vécut un peu plus long-tems. Il eft clair que lélafticité de l’air diminuée par les vapeurs n’eft pas la caufe de la mort des animaux , puifque dans ce cas l’air, n’agit pas par fon élafticité , mais par fon poids. M. de Haller a démontré qu'une refpiration continuelle fait périrles animaux, par la mêmerailon que l’air où ils font renfermés; cette opi- nion eft confirmée par ce qui fuit: linfpiration eft d'autant plus courte que Pair eft plus raréfié & plutôt infetté ; & d'autant plus longue, que l'air eft plus denfe & plus tard corrompu. Cependant, quand les animaux refpirent en plein air, celui qui eft contenu dans le poumon doit être aflez élaftique pour être en équilibre avec celui qui touche la glotte; par conféquent, ce reflort doit être diminué ; donc , ni les animaux qui retiennent leur haleine, ni ceux qui font renfermés dans l'air, n’y {ont pas fuffoqués à caufe de la diminution de fon élaflicité, Mai 1772, Tome 11, 02 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Si Pair infe@é traverfoit les poumons , il y auroit un autre mécha- niime qui le rendroit incapable de fervir à la refpiration. Cependant, ayant ouvert des lapins que javois érouffés dans l'air, J'ai trouvé la plé- vre par-tour adhérenre au poumon, & l’ayant percée dans l'eau, je n'ai apperçu aucune bulle d’air, ce qui me prouva que l’air infe&é ne traver{oit pas le poumon; d'où il réfulte que cet air ainfi corrompu , eft tres-propre à dilater le poumon. Il n’eft pas douteux que la machine quiimire la refpiration ne l’opérât très-bien avec un air pareil. Si l’on demande maintenant quelles font les raifons phyfiques de cette fuffocation caufée aux animaux par un air infeté, je répondrai que la première qui fe préfente d’abord eft la diminution, & même la cellation totale de la tranfpiration interceptée par les mêmes vapeurs dont Pair eft chargé & comme faturé, puifque les nouveaux animaux qu'on y renferme ne fauroient diminuer davantage le reflort de l'air, C'eft pour cette raifon que les hommes qui pañlent d’un air pur dans un air infeété , même plus froid , reffentent cependant une chaleur , prin- cipalement au vifage. Cependant, la tranfpiration ne paroïît pas d’une néceflité aflez abfolue , pour que fa fuppreffion puifle caufer une mort fi prompte aux animaux ; d'autant mieux que les autres évacuations peuvent fuppléer au défaut de celle-là: d’ailleurs , on fait que les ani- maux vivent & fe portent très bien dans un air très -condenfé, quoi- qu'il diminue confidérablement la tran{piration. La feconde caufe phyfique de ce phénomène , eff l’irritation du genre nerveux, produite par l’amas des vapeurs infe@ées. Les bronches & les poumons dont les nerfs font irrités, fe contraétent & refufent de céder à l'air qui doit les dilater. Boërhaave explique de cette manière l’ac- tion des vapeurs fulfureufes, & M. de Sauvage attribue le même pou- voir à une certaine vapeur putride qui n'a pourtant ni odeur ni faveur. I eft donc plus vraïfemblable d’attribuer ce phénomène aux vapeurs dont l'air qui a fervi à la refpiration eft infe&té, & qui, felon la remar- que de M. Laghi, ont une odeur fi défagréable qu’elles caufent des maux de cœur ; ces viciflitudes de la refpiration des animaux renfer- més dans un air pareil , favorifent cette opinion : au commencement de l’infeétion de l'air, la refpiration devient peu à-peu plus fréquente, mais plus petite, comme fi l'air étoit infpiré avec peine, qu'il forçât le poumon à le rejetter ; enfuite , à mefure que les vapeurs fe ramaffent , la refpiration devient beaucoup plus grande fans ceffer d'être fréquente. Les animaux qu'on expofe à un air anf infe&té par la relpiration, en font dans l’inflant afe@tés; ce qui prouve que cet air eft funefte, qu'il irrite Les bronches & les force à fe contracter au point d'empêcher le pañlage de l'air, d’où naît une anxiété que l’animal {e force d'appaifer par une infpiration forte & laborieufe. Comme l'effet eft le même, foit que la force de l'air infpiré foit diminuée , {oit que la réfiftance du SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 103 poumon foit augmentée , plufieurs Phyficiens l’attribuent à la diminu- tion du reffort de l’air. Mais ce que j'ai dit ci-deffus, prouve affez que l’on ne doit attribuer cette léfion de la refpiration qu'à l’augmentation de la réfiftance du poumon: d’ailleurs , les expériences de Halles & de Boyle confirment cette opinion. Ce dernier Auteur ayant condenfé l'air dans lequel un animal fouffroit, a remarqué que cette opération n’avoit point du tout foulagé l'animal. M. Halles ouvrit la trachée-artère d’un Chien vivant ; il attacha une veflie pleine d’air à l’ouverture, & il vit que par la feule compreffion de cette veffie, l'animal reprenoit des forces, malgré qu’il ne renouvellât pas Pair. Dans la première expé- rience , toute la force de l’air qui entroit dans le poumon dépendoit de la dilatation de la poitrine ; de forte, que quelle que füt fa denfité, fon a@ion fur le poumon étoit toujours relative à la force qui dilatoit la capacité de la poitrine. Il n’eft donc pas étonnant que la refpiration de l'animal n’en ait pas été moins laborieufe. Le contraire arrivoit dans la feconde expérience ; la compreffion de la veflie augmentoit l’aétion de l'air fur le poumon , fans qu'il fût néceffaire que la poitrine fit de plus grands efforts; en conféquence , le poumon fe dilatoit davantage, & l'animal refpiroit plus aifément, | On conçoit par-là pourquoi M. Halles, refpirant l'air contenu dans un récipient flexible par le moyen d’une veflie, a éprouvé un fentiment de fuffocation; & le chien, à la trachée artère duquel il avoit adapté une veflie, fut effectivement étouffé. On conçoit encore pourquoi les animaux périflent dans des récipiens fermés par des veflies vuides, quoique l'air extérieur, en pefant fur ces vefhes ou fur les parois flexi- bles des vaifleaux, doivent tellement les comprimer, que l’air qui y eft contenu, doit toujours être en équilibre avec l’air extérieur; pour- quoi les amimiaux périffent dans un air condenfé, quoique fon élafti- cité furpaffe celle de l’air naturel, fuivantles indications du baromètre ; pourquoi ils périflent également renfermés dans un air naturel, quoi- que le mercure defcende moins dans le baromètre que dans le change- ment de tems; pourquoi au contraire ils fe trouvent très-bien de l’air qu'ils refpirent fur le fommet des montagnes, & même de l'air raréfié par le pompement, pourvu qu'il foit renouvellé, malgré que fon aétion fur le poumon {oit bien moindre. On comprend enfin par-là pourquoi les animaux font également étouffés par les vapeurs fulfureufes & par Pair artificiel, répandus dans l'air libre, qui cependant dilate les pou- mons par fon poids & non par fon élafticité; or, ces vapeurs nefauroient caufer le moindre changement à ce poids,comme le baromètre le prouve; les animaux périffent plutôt cependant dans cet air que dansle vuide. . La feule différence qu'il paroît y avoir entre l'air qui a fervi à la ref- piration & celui qui eft chargé de vapeurs méphitiques , c’eft que celui- là ne produit point de convulfions ; mais cela paroît venir de ce que M 41 1772,Tome II. 104 \OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; l'air fe corrompant peu-à-peu par la refpiration, les animaux qui ÿ font renfermés s’y accoutument, ou bien de ce qu'ils s’affoibliffent peu- à-peu, & font par conféquent moins faciles à être affectés, Les animaux qu’on renferme dans un air déja corrompu par la refpiration d’autres animaux , périflent dans des convulfions cruelles : de plus, j'ai vu des animaux renfermés dans un air pur & naturel mourir dans les convul- fions; cela arrive lorique le récipient qui les renferme eft fi étroit que tout l’a contenu eft promptement infeté. La quantité malfaifante de l’air confiftant dans des vapeurs mêlées avec ce fluide , il n’eft donc pas étonnant que cet air foit également nui- fible dans quelque fens qu’il foit agité ; bien plus, ces vapeurs font telle= ment unies à l'air , qu'on n’a pas pu encore l'en débarraffer en le fai- fant pafler au travers de plufeurs liquides ; un froid violent a plutôt produit cet effet en cnagulant les vapeurs. Si l’on connoifloit la nature de ces vapeurs , peut-être trouveroit-on quelque liquide qui les abfor- beroit , fur-tout, fi on le faifoit traverfer par l'air infeété, ou peut être découvriroit-on quelqu’autre corps dont les exhalaifons bienfarfantes chafferoient ces vapeurs funeftes, ou fe mêleroient avec elles & les empêcheroient de nuire. Mais jufqu’à préfent, on n’a pas fait des dé- couvertes fur cette matière. Il y a un autre moyen de purifier l'air, qui, quoique peu praticable, contribue pourtant beaucoup à prouver que la qualité nuifible de l'air lui vient des vapeurs. Ces vapeurs font moins élaftiques que l'air , & fe raréfient moins que lui; fi on les en fépare donc une fois , elles ne s’y mêlent enfuite que très-lentement; on pourra par conféquent purifier l’air en le raréfiant & en le condenfant plu- fieurs fois. Par ce moyen, j'ai confervé la vie pendant trois heures cin- quante minutes à un moineau, tandis qu’un autre moineau placé dans une égale quantité d’air immobile, périt dans une heure vinst-une minutes ; mais Je parlerai une autre fois plus au long fur quelques par- ticularités de cette expérience , & fur quelques antres moyens de puri- fier l'air. Ce Mémoire eft conduit avec beaucoup de fagacité ; les vues en font neuves , & les expériences bien indiquées : elles demanderoient cepen- dant encore à être modifiées d’une manière particulière, fur tout dans les circonftances où il feroit poffible de renouveller l’air fans rien chan- ger à la conftitution de celui qui commence à ‘’infeéter fous un vaif- eau, afin de confirmer, autant qu'il {eroit pofñble, l’effet de la nou- velle mafle d’air introduite & fuiceptible de recevoir elle-même une nouvelle quantité de vapeurs ou exhalaifons. Ce Mémoire fera, en général, le plus grand plaifir aux Phyfciens, & fur-tout à ceux qui cherchent la vérité de bonne foi , & qui. ont toujours prêtsà abandon- ner leurs fentimens , lorfqu'ils fe trouvent en contradiion avec de nouvelles découvertes, On ne fauroit trop vivement inviter M. Cigna , à SUR'L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 110$ à tenter les expériences dont il promet de ‘’occuper. Tout ce qui fort de la plume de cet excellent Phyficien, eft sûr de plaire & d'être reçu avec empreflement. OBSERVATION de M. SCHÆFFER » fur une Fille exaëlement muette, & chantant cependant à voix très- diflinéte, des chanfons très-bien articulées. C ETTE obfervation tient du prodige, pour ne pas dire de la fable. Comment concevoir qu'une perfonne qui ne fauroit prononcer aucun mot, pas même une lettre, puiffe chanter des chanfons très-bien arti- culées, & d’une manière très-intelligible ? Tous les Phyfologiftes favent que les mêmes organes fervent à l’une & l’autre de ces facultés. C’eft par le moyen de la même bouche, dela même langue, de la même trachée-artère , du même diaphragme, &c. que nous chantons & que nous parlons. Bien plus, ce font toujours les mêmes lettres qu’on prononce, foit qu’on parle ou qu’on chante, foit qu’on le faffe dans une langue étrangère foit dans celle de fon pays. Ne paroît-il donc pas abfurde de croire que la même perfonne puille jouir d’une de ces facultés étant privée de l’autre? & en fuppofant cette pofñbilité, ne paroît-il pas plus conforme aux loix de la nature que lon ne puiffle pas chanter quoiqu'on püifle parler ? Toutes les perfonnes qui connoiffent la ftruëture du corps humain , favent qu'il eft bien plus aifé de parler que de chanter. Il y a certains organes qui ne font aucun mouvement pendant qu'on parle, & ne font d’aucun ufage dans le fimple difcours. Ils ne font pas plus nécelfaires au chant ; mais les parties néceffaires dans l’un & l’autre cas, font agitées avec beaucoup plus d’art & plus de force dans le chant que dans le difcours. Cela n’eft-il pas auffi aifé à démontrer par l'expérience qu’à prouver par le raifonnement ? Cependant, le cas dont il s’agit ici fem- bleroïit renverfer toutes les idées reçues à ce fujet. Pappris l’année dernière , dit M. Schæffer, qu'il y avoit à Ratif- bonne une pauvre fille exaétement muette , & qui cependant chantoit fort bien. Je voulus m'informer moi-même de la vérité du fait. Je fis venir cette fille chez moi; je la queftionnai fur différens fujets. Point de réponfe. Je la priai de chanter ; elle débuta à l’inftant par une chanfon qu’elle chanta parfaitement bien d’un bout à l’autre. Je lui adreflai de nouveau la parole ; je lui fis de nouvelles queftions; la voix lui man- qua, elle fut muette. Je vis très-bien qu’elle vouloit me répondre ; mais elle faifoit de vains efforts. Elle s’agita , fe trémoufla & tomba en fueur ; tous ces fignes me peignirent fon inquiétude, Elle ne put produire le Mai 1772, Tome 11, 106 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fon le plus foible ni proférer la moindre fyllabe. Je la priai de nou- veau de chanter. Elle recommença fans efforts ; fa voix eft très-douce & très- agréable. Sa chanfon finie, je lui parlai encore; mais je ne fus pas plus avancé que les deux premières fois. Voici une nouvelle épreuve. On me dit que cette fille favoit lire. Je lui préfentai un recueil de chanfons; je la priai de m'en lire une qui étoit notée. Ce fut en vain. Même travail, même inquiétude; voilà tout le fruit de fes efforts. Chantez donc, je vous prie , lui dis-je; auffi-tôt elle commença & chanta très-agréablement toute la chanfon fans omet- tre une note. Je tentai un nouvel effai, & la priai de prononcer deux outrois mots que je pris dans la chanfon qu’elle venoit de chanter. Ses efforts furent auffi grands & auf infruétueux : cependant , je crus entendre un fon très- foible , ayant un léger rapport avec les mots indiqués; mais elle étoit alors épuifée de fatigue. Elle réitéra néanmoins fes efforts; & peu- à-peu , à force de répéter fouvent les mêmes mots, elle parvint à les prononcer diftinétement & fans peine. Cette fille pouvoit avoir alors environ treize ans. Sa famille eft de Salsbourg. J’examinai les organes de la voix ; & autant que je pus en juger , il n’y manquoit rien. Elle étoit aflez bien faite & bien propor- tionnée , à fon col près, qui étoit un peutrop long; mais ce défaut me parut héréditaire. Elle paroïffoit un peu ftupide , & cela venoit de ce qu'étant peu propre aux foins d’un ménage , on ne l’avoit élevée qu’à filer de la laine; unique occupation à laquelle elle pafloit triflement fes jours. Il eft bon de favoir que cette fille avoit deux fœurs, dont l’ainée qui vit encore , parle très-bien ; & la cadette quieft morte fort jeune , étoit abfolument muette. Voici en peu de mots mon avis fur ce phénomène. Les épreuves faites avec beaucoup d'attention & plufieurs autres raifons, ne me permet- tent pas de foupçonner qu’il y ait de la fupercherie. Il feroit cependant ridicule d'attribuer cette mutité à. quelque caufe furnaturelle , ou à une faveur du ciel, comme le dit fa trop crédule fœur. Heureufement, nous ne fommes point ici dans ces pays où la fuperftitieufe crédulité fait regarder & prôner comme miraculeux , les faits qui s’éeartent tant foit peu des loix ordinaires de la nature. Je fuis très- convaincu auffi que cette mutité ne vient pas d’un vice dans les organes de la parole ; la bonne conformation de ces parties & de tout le refte du corps eft mon garant. le fuis au contraire dans la plus forte perfuafion que ce défaut ne vient que de la négligence de l’ufage & de l'exercice de ces organes. Les épreuves rapportées ci-deffus, confirment aflez cette opinion ; & s’il refte quelque doute , les remarques fuivantes pourront le difiper. I cft arrivé fans doute que cette fille aura paru dans fes premiers SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 107 ans avoir beaucoup de difficulté de parler. Ses parens qui étoient très- pauvres lauront fans doute négligée & abandonnée à [a nature, Ce défaut aura augmenté de plus en plus. Dans un âge plus avancé, la timidité & la pudeur l’auront encore plus empêchée de parler. La dif culté qu’elle éprouvoit à le faire , aura fans doute excité Les ris de fes compagnes & éteint abfolument en elle l'envie de parler; &r de cette manière, l'impuiffance de le faire aura augmenté de jour en jour. Ce qui confirme davantage mon opinion , c'eft que d’après les mêmes principes, on peut expliquer la facilité avec laquelle cette fille chan- toit. Je penfe que les mêmes obftacles doivent alors avoir difparu. Si plufieurs perfonnes chantent enfemble, on ne peut guères diftinguer celles qui bégaient ; c’eft la coutume des habitans de Salsbourg , de chan- ter plus fouvent quand ils font parmi eux , que de converfer : c’eft ce qui aura incité cette fille à chanter, & lui en aura facilité le pouvoir. Peut-être auffi que la mélodie lui aura plu; motif de plus pour vaincre, à l'égard du chant, les obftacles qui lui reftent encore à l’égard de la parole, - D’après cela, n’eft-il pas évident que cette mutité eft plutôt un mal moral qu’un mal phyfique ; ou, s’il y a quelque mal phyfique, il ett fi léger, que l'exercice fouvent répété & long-tems continué, fufür pour le difiper. J'aurai foin de faire apprendre à parler à cette fille ; je lui donneraiune perfonne qui y travaillera à mes dépens. Elle lui don- nera un certain nombre de lecons chaque femaine; elle lui apprendra à prononcer une certaine quantité de mots à chaque leçon, qu’elle répétera jufqu’à ce qu’elle puiffe les prononcer fans peine & de fon pro- pre mouvement. Je fuis afluré qu’elle parlera avec letems, avec la même facilité qu’elle chante aujourd’hui. La fuite m’apprendra f l'événement juitifiera mon attente, L'idée de M. Schæffer fur ce curieux phénomène, ef très judicieufe, fi le fait eft réellement vrai; & c’eft la feule opinion qu'un Phyficien , même tout homme raïfonnable , puifle embrafler. Cet Obfervateur paroît fermement perfuadé de la bonne foi de la fille dont il parle; cependant , fans nous défier de fes lumières, nous ofons avoir encore quelques doutes à ce fujet. Cette fille & fes parens étoient fort pau- vres ; ne feroit-ce pas une chofe qu'ils auroient imaginée pour inté- reffer en leur faveur, la générofité des gens riches & curieux, de voir un phénomène fi extraordinaire. Voici les motifs de notre doute. Ceite fille entendoit tout ce qu’on lui difoit , puifqu’elle obéifloit quand on lui ordonnoit de chanter. Elle n’étoit donc pas muette de naiffance, puifque ceux - ci font pour l'ordinaire muets & fourds. Elle ne l’étoit , dit M. Schæffer , qu’à caufe de la négligence de fes parens à lui appren- drê à parler: mais il paroît que cette raïfon n’eft pas entièrement fatis- faifante. Cette fille connoïfloit la valeur des termes, puifqu’elle faifoit Mai 1772, Tome 11. O ï 108 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des efforts pour répondre; donc on la lui avoit apprife. D'ailleurs, cette fille favoit lire; comment avoit-on pu lui apprendre à lire, puifqu’elle n'avoit jamais pu prononcer une feule fyllabe ? cette difficulté ne paroît pas éclaircie dans lobfervation. Enfin, fi cetre fille avoit pu apprendre à chanter , feulement en entendant les autres, à plus forte raifon, elle auroit dû apprendre à parler , puifque , fuivant M. Schæffer , il faut plus de travail pour la première opération, que pour la feconde; &c quel- que ordinaire que foit l’ufage du chant parmi les Proteftants de Sals- bourg , cependant, ils emploient bien plus fréquemment le difcours fim- plie dans la vie domeftique, ils ne chantent pas toujours; & cette fille, qu’on dit être un peu imbécille & pañler triftement fa vie à filer de la laine , étoit probablement plus fouvent réduite à la compagnie de fes parens, ou des filles de fon âge , dont elle auroit dû apprendre le langage. Nous defirerions favoir les fuccès des foins de M. Schæffer. Nous oferions même prédire qu'ils auront répondu à fon attente; car les parens de cette fille ayant trouvé du fecours dans la générofité de cette ame-honnèête, auront fans doute terminé leur fupercherie; & peut-être auf que la fille, ennuyée de jouer un rôle aufi pénible, aura fait plus de progrès fous fon maitre, qu’on n’auroit ofé l’efpé- rer; enfin , elle fe fera livrée à fon penchant naturel, GRIP ES PRE TURIN CE PP EE MERE SR SVG EEE ET CRETE ET RTE 74 RÉSULTAT de quelques expériences faites fur le Diamant, par MM. MAcQuER, CADET & LAVOISIER, lu à la Séance publique de l'Académie Royale des Sciences, le 29 Avril 1772. Er rétoit plus permis de douter de fa poffbilité de faire évaporer le diamant à l'air libre par la violence du feu, d’après les expériences multipliées qui avoient été faites fur cette fingulière fubftance. ( Voyez le Cahier de Janvier ). Ce fait avoit été annoncé en Angleterre par le célèbre Boyle. [Il avoit été complettement démontré à Florence par le Grand Duc de Tofcane, à l’aide du miroir ardent, & il avoit étécon- firmé en Allemagne par les expériences de l'Empereur François Premier, faites dans des fourneaux; enfin , des Chymiftes François, M. Darcet, M. Macquer, M. Rouelle & M. Roux, avoient contribué par de nou- velles expériences, à établir de plus en plus cette vérité. Ces expériences, en apprenant aux Chymiftes un fait très-extraor- dinaire, leur laifloit encore une vafte carrière à remplir. En effet, l’éva- poration du diamant fe faifoit-elle par une véritable réduétion de cette fubftance en vapeurs; en un mot, pouvoit-on la regarder comme une véritable volatilifation ? ou bien étoit-ce une efpèce de combuftion, femblable à celle qu'on remarque dans le phofphore & dans quelques SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 129 autres fubftances, ou enfin, n’étoit-ce pas plutôt une efpèce de décré- pitation , une divifion extrême des parties du diamant , occafionnée par le contaët d’un air froid, une volatilifation par trufion, pour me fervir de l’expreflion des Chymiftes ? La configuration du diamant , prefque tout compofé de lames appli- quées les unes fur les autres , voyez pl. 1, comme lobferve le Traduc- teur du Traité des Pierres de Théophrafte, fembloit favorifer cette opi- nion : mais elle étoit contredite en même tems par les expériences de Boyle ; & cette odeur âcre & pénétrante qu’il avoit fentie pendant l’opé- ration , fembloit annoncer une véritable volatilifation : d'un autre côté, l'obfervation fingulière faite par M. Macquer, cette efpèce d’auréole ou de flamme qu'il avoit remarquée , fembloit annoncer une combuftion ; mais on pouvoit lui oppofer l’opération de M. Darcet, faite dans des boules de pâte de porcelaine. Les circonftances de cette évaporation fembloient exclure toute idée de combulftion & de trufñon , & rame- noient le phénomène à l'effet d’une volatilifation ordinaire; c’eft-à dire, à l’opinion de Boyle. Telles étoient les incertitudes qui règnoient fur cette matière, & qui ne pouvoient être levées que par de nouvelles expériences. Le vœu de linftitution de l’Académie Royale des Sciences , étant que les objets de quelque importance foient traités en commun, nous avons cru, M. Macquer, M. Cadet & moi, ne pouvoir mieux remplir les fages vues de fes Fondateurs, qu’en aflociant nos travaux. Nous mous fom- mes aflemblés en conféquence dans le Laboratoire de M. Cadet, pour tirer au clair, s’il eft pofhble, cette matière encore obfcure; & voici la manière dont nous avons raifonné. Si le diamant eft véritablement volatil, s’il peut fe réduire en vapeurs fenfibles, comme l’a obfervé Boyle, il eft dès-lors pofble de le fou- mettre à la diftillation ou à la fublimation. Si, au contraire, le dia- mant n’eft point volatil, & qu'il ne fe détruife à l'air gu2 par combul- tion ou par quelque effet méchanique de l'air, quelque feu qu’on lui fafle éprouver dans les vaifleaux fermés, il n’en doit point être alté- ré: de-là , deux expériences à tenter ; la première , de foumettre le diamant au plus grand feu poffble dans des vaifleaux fermés; la feconde, de lui faire éprouver le mêmêé feu dans des vaifleaux diftillatoires. D’après ces vues générales, nous avons pris des diamans de toutes couleurs & de toutes qualités que nous avions raflemblés ; ils étoient en petites pierres, dont les plus fortes pefoient environ demi-grain , poids de marc; le tout réuni, pefoit 19 grains + poids de marc : ces dia- mans ontété placés dans une petite cornue de grès bien faine, & qui avoit été enduite de terre; elle étoit adaptée à un récipient de verre auquel elle a été lutée avec du lut gras: on avoit feulement ménagé un petit trou au matras pour donner iflue aux vapeurs, en fuppofant qu'il en Mai 1772, Tome IL. 110 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fortit. La cornue a été mife à feu nud, dans un fourneau dont M. Cadet avoit plus d’une fois éprouvé l'effet dans l’effai des mines. On a d’abord échauffé lentement les vaifleaux ; on a augmenté enfuite infenfiblement la chaleur; enfin , on a donné trois heures d’un feu très-violent; au bout de ce tems, on a laiflé réfroidir les vaifleaux, & on les a délutés. Le récipient ne s’efl trouvé contenir qu’un peu de vapeurs aqueufes , que ce lut avoit fournies. Par rapport à la cornue , elle étoit faine & entière; en la fecouant , on entendoit encore les diamans fonner dans fon inté- rieur, On les a obtenus fans peine , du moins la plupart , en retournant la cornue; & on lesa vu tomber à - peu- près tels qu'ils avoient été mis : ils éroient feulement prefque tous dépolis, & leur furface étoit recouverte d’un enduit brunâtre. L'intérieur de la cornue avoit acquis la même couleur ; cette teinte même avoit pénétré daas quelques endroits jufques dans l’intérieur de fa fubftance, comme on pouvoit le remar- quer dans les fra@ures. Ces diamans ayant été reportés à la balance, ne fe font plus trouvés peler que 16 grains , au lieu de 19 grains ?; mais ayant caffé la cor- nue , on s’eit apperçu que quelques diamans étoient demeurés au fond, & qu'ils y avoient été fortement attachés , par quelques portions de fable & de terre, que la violence du feu avoit ramollies & préparées à la fufion. Ces diamans pefoient environ ? de grain, d’où l’on a conclu que la diminution de poids qu’avoient éprouvé les diamans dans cette opération, étoit de 2 grains ==; c’eftà-dire, de près d’un feptième de leur poids. Quoique le feu donné dans cette operation fût fupérieur à celui qui avoit été employé chez M. Rouelle pour l’évaporation du diamant à l'air libre , on pouvoit cependant encore craindre que le défaut d’évapora- tion ne tint au degré du feu; & il étoit de la plus grande importance de lever toute forte de doute à cet égard. M. Maillard, habile Jouaillier, perfuadé que le diamant ne s’évapo- roit qu'autant qu'il avoit le contaë de l’air libre , avoit apporté avec un zèle digne de la reconnoiflance des Savans, trois diamans , dans l’inten- tion de les foumettre à telle expérience qu’on jugeroit à propos; il confentoit qu'ils fuffent tourmentés par le feu le plus violent, pourvu qu'on lui permit de les garantir du contaét immédiat de l'air. M. Mail- Jard fut en conféquence chargé de difpofer lui-même fes diamans dela façon qu'il jugeroit à propos. Il les plaça dans une pipe à tabac , rem- plie de charbon pilé ; cette pipe fut exaétement fermée avec un lut com- pofé de terre détrempée avec de l’eau falée; enfin, la pipe fut placée dans un creufet enduit de craie, lequel lui-même étoit contenu dans deux autres creufets abouchés l’un à l’autre ; toutes les jointures étoient exaëtement lutées avec la même terre détrempée d’eau falée. Le creufet ainfi difpofé, après avoir été bien féché, fut placé dans SURLHIST. NATURELLE ET LES ARTS, xxx un fourneau où il efluya pendant deux heures un feu très-vif: cepen- dant, comme on s’apperçut que les barreaux de la grille étoient un peu ferrés, que d’ailleurs , l'ouverture fupérieure du dôme n’étoit pas affez grande ; qu’elle n’étoit pas proportionnée au volume du fourneau, on craignit d’avoir manqué le but de l'expérience , faute d’avoir donné le plus grand feu poñlible. Dans certe circonftance , M. Macquer propofa d'envoyer chercher un fourneau d’une confiruétion particulière, qui don- noit un feu bien plus fupérieur à tous ceux connus , & dans lequel il avoit fondu avec beaucoup de facilité, la pierre à chaux, le gypfe & d’autres fubftances auff réfractaires. La propofition fut acceptée avec reconnoiflance; & en moins de deux heures, on fut en état de tranf- porter le creufet d’un fourneau dans l’autre , avec toutes les précautions convenables. On donna, à l’aide de ce dernier fourneau, deux heures du feu le plus violent ; après quoi, on jugea à propos d’arrêter , dans la crainte de fondre & le crenfet & le fourneau. On laiffa refroidir le tout pendant plufieurs heures , après quoi on tira le creufet du feu, Il étoit entièrement déformé; toute la craie & la terre qui fervoient de Jut, étoient vitrifiées & ne formoient qu’une mafle ; la feule pipe n’avoit point cédé à l’aétion du feu , elle avoit été feulement convertie en por- celaine , & faifoit corps avec les matières fondues, dont elle avoit été environnée; il ne fut plus poffible de ouvrir qu’en caffant le gâteau, Si-tôt que la pipe fut fendue, on en vit fortir & la poudre de char- bon auffi noire qu’elle y avoit été mife, & les huit diamans; ils avoient encore leurs facettes, leur poli; en un mot, ils étoient tels qu'avant l'opération ; ils avoient feulement pris une légère teinte de noir, qui ne paroïfloit que fuperficielle. Ces diamans pefés enfemble ou féparé- ment , donnèrent exaétement le même poids qu'avant l’opération. Comme il ne peut refter aucun doute fur la violence du feu donné dans ces expériences, elles prouvent d’une manière inconteftable que le diamant n’eft volatil qu’autant qu'il a le contaët de l'air ; que cet être, au contraire, eft abfolument fixe , lorfqu'il eft expofe à la violence du feu dans des vaifleaux fermés” & avec des précautions convenables , notamment lorfqu'il eft environné de poudre de charbon ; qu’enfin , fi le diamant s’eft évapore dans les expériences faites en Angleterre, en Italie , en Allemagne & en France, ce phénomène ne doit point s’attri- buer à une véritable volatilifation, comme on le penfoit; mais plutôt à une efpèce de combuftion, comme celle du charbon, & de quelques autres fubftances qui réfiftent , comme lui, à la violence du feu dans les vaifleaux fermés, ou bien que cet effet eft dû à une rédudion des parties du diamant en une poudre trés-fine, occafionnée par le conta@ de Pair. Nous nous propofons de nous aflurer, par de nouvelles expé- riences , à laquelle de ces deux opinions on doit s'arrêter, Mai 1772, Tome IL. 112 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, RÉSULTAT des Expériences faites le 30 Avril 1772 fur le Diamant € fur plufreurs autres Pierres précieufes, lu à l'Académie Royale des Sctences, le 2 Mai 1772, par M. MITOUARD, Démonflrateur en Chymie, & Maître en Pharmacie à Paris. LL E s expériences faites par MM. Macquer, Lavoifier & Cadet paroif- foient oppofées à celles de MM. Rouelle & Darcet, & même impliquer contradiétion. Les uns &r les autres n’avoient pour appuyer leurs fenti- mens, qu'une feule expérience , de forte que la queftion demeuroit indé- cife. J'ai cru devoir les répéter en préfence de ces Mefheurs, & plu; fieurs Membres de l’Academie fe font rendus à mon laboratoire, poûr examiner fi les réfultats feroient les mêmes. Mes expériences vont être mifes fous les yeux de l’Académie , & elle verra que dans le nombre, il s’entrouve une , fur-tout , qui exige une vérification particulière. Détail des procédes. 1°. Un petit creufet fermé avec le réfervoir d’une pipe blanche de Rouen, a été rempli de charbon réduit en poudre. Le côté de cette pipe correfpondant au tuyau étoit bouché avec du fable de Fondeur détrempé & retenu par du fil de fer. On a placé fur cette poufñère de charbon , un diamant rofe très-plat, taillé aux Indes; 1l ef nommé /aboræ chez les Jouailliers. Ce diamant avoit un petit œil verdâtre qui, au rapport des Bijoutiers préfens à cette expérience, étoit occafonné par la réflexion du feuilleti; il étoit égrifé fur un des côtés, & peloit 2 grains — fort. 2°. Une rofe jaune pefante un karat moins -= a été mife dans un creu- fet femblable, mais on a fubftitué ici la craie à la pouffière de charbon. 3°. Un diamant brut croute poli, très-brun & mal net, pefant s grains forts , a été placé fans intermède,dans un creufet femblable aux précédens. Ces trois réfervoirs de pipes ou creufets ont été fermés avec une petite plaque de tôle garnie de terre. Chacun a été renfermé féparé- ment dans un creufet d'Allemagne, recouvert d’un autre creufet de la même efpèce. Comme ces vaifleaux pouvoient être dérangés en les plaçant dans le fourneau où en y jettant les charbons, on a eu foin de les lier folidement enfemble avec du fil de fer, & de les recouvrir d’un lut fait avec la terre de Fondeur détrempée à cet effet. Ces creu- fets ainfi préparés, ont été placés devant un feu doux, afin de les def- fécher exaétement ; cette opération finie, ils ont été difpofés fur une petite élévation pratiquée avec des briques fur la grille d’un fourneau de coupelle deftitué de fa moufle. Le dôme de ce fourneau étoit fur- monté SUR L'HIST. NATURELLE ÊT LES ARTS. x13 monté d’un tuyau de huit pieds de hauteur & de cinq pouces de dia- mètre, À trois heures cinq minutes le feu a été mis dans le fourneau par un lit de charbons embrafés & recouvert par d’autres charbons noirs juf- qu'à la porte fupérieure, de manière que les creufets étoient enfeve- hs fous les charbons: à trois heures 25 minutes, les creufets étoient rouges ; & les tuyaux adaptés au dôme du fourneau , commençoient à le devenir. A trois heures trente minutes les tuyaux l’étoient prefque en- tièrement, & le feu avoit toute l’a@ivité dont il étoit fufceptible; on voyoit alors à travers la tôle embrafée le mouvement de la flamme femblable à des ondulations ou à des courans: cette flamme formoit au haut du tuyau un cône lumineux de quatre ou cinq pieds de hau- teur. L’air chargé d'humidité qui traver{oit le tuyau du fourneau, pro- duifoit un bruit confidérable dans fa route & à fa fortie : on pouvoit le comparer à celui que fait une voiture en roulant rapidement fur un pont. Le feu étoit fi vif que lorfqu’on ouvroit la porte du fourneau, On n’appercevoit aucun intervalle entre les charbons ; tout l’intérieur du fourneau paroifloit blanc , & la lumière étoit fi éclatante qu’on en fupportoit le reflet avec peine. On a mis, pour la dernière fois , du charbon à $ heures 15 minutes, & ce feu violent a été maintenu dans cet état jufqu’à cinq heures 35 minutes. Lorfque le feu a été tombé, on a retire les creufets; alors, on a trouvé les fupports, les creufets & leur lut ne faire qu’une feule & même mafle virifiée. On a café les creufets auffi-tôt après leur refroidiffement. Le diamant placé dans le creufet rempli de charbon ef forti intaët fans avoir diminué de fon poids, de fon poli, & fon eau n’a point été altérée. La rofe jaune pefant un karat moins =, renfermée dans la craie, avoit perdu fon poli, fes angles étoient émouflés, & on y diftinguoit des taches de différentes couleurs. Ce diamant a diminué de poids & il a été réduit à 3 grains moins un 16° ; il a été remis à un Lapidaire pour le repolir de nouveau & le faire fervir à de nouvelles expérien- ces. Sa furface a aë@tuellement , fuivant le rapport du Lapidaire, une croûte aufli épaifle qu’un diamant brut, Le diamant brut pefant ÿ grains & renfermé dans un creufet fans aucun intermède, a été trouvé pefant 4 grains moins un 8°. & un 32°. H a confervé fa forme, quoiqu'il ait perdu fon poli, & ia couleur a été abfolument altérée & a paflé au noir de jayer, ‘ Autres Expériences. À deux heures & un quart, on a mis dans une petite Cornue de grès lutée, deux diamans, l’un blanc, & l’autre brun, pefant enfem= Mai 1772, Tome IL. | T14 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ble un grain & un 64°. foible. Cette cornue a été placée dans un four- neau de réverbère, à laquelle un balion fans tubulure a été adapté &c luté. Le feu a été ménagé dans le commencement, pour échauffer lentement les vaiffeaux , jufqu’à trois heures trente minutes, afin d’em- pêcher leur fra@ure; alors, on l’a augmenté de manière qu’à trois heu- res quarante-huit minutes , il étoit déja affez fort pour que la cornue fût rouge. À trois heures cinquante-fix minutes, la flamme fortoit par la partie fupérieure du fourneau, & formoit un cône de lumière de douze à quinze pouces de hauteur ; à quatre heures quarante minutes, la chaleur étoit telle que le dôme du fourneau étoit embrafé. Le feu a été continué dans cet état jufqu’à fix heures & un quart. Les vaif- feaux retirés brülans, on y a trouvé les diamans; le blanc étoit bril- lant alors, mais devenu laiteux en refroidiflant ; le brun n’a prefque rien perdu de fa couleur, mais fa tranfparence a un peu fouffert ; alté- ration quiaété la canfe de fon léger changement de couleur, puif- qu’on fait qu’un corps coloré eft plus ou moins brillant, fuivant la facilité ou la réfiftance que la lumière éprouve en le traverfant, foit que ce pañlage foit dû à la réfleétion ou à la réfraftion. À quatre heures & un quart, on a placé dans une moufle rouge neuf coupelles contenant chacune une pierre précieufe. 1°. Un dia- mant jaune rofe, pefantungrain moins un 32°. foible. (Voyez planche I, figure I. B.), fa groffeur réelle (A); vu au microfcope, les lames y paroiïffent très-diftinétes. 2°. Un petit diamant brun, appellé /avoyard , pefant un demi-grain un 64°. ( Voy. fig. IL.) 3°. Un faphir d’eau. (Voy. figure IL.) 4°. Un faphir oriental. ( Voy. fig IV.) 5°. Une émeraude ( Voy.fig. V.) 6°. Un rubis terminé par deux pyramides (Voyez fi- gure VL. ). 7°. Un autre rubis brut. 89. Une améthyfte ( Voy. fig. VIL }. Une vermeille (Voy. fig. VIIL.). Un grenat Syrien ( Voyez figure IX ). 9°. Enfin un petit morceau de verre commun. A quatre heures & demie, tout étoit embrafé; à cinq heures & demie on a adapté un fecond tuyau fur le dôme du fourneau, pour aug- menter laétivité du feu, & on a placé à la porte de la moufle, des charbons qui , s’étant allumés, ont produit une chaleur plus confidé- rable. À cinq heures & demie le feu étoit très-violent. On a retiré alors les diamans du feu pour examiner, ainf que lavoit déja penfé M. Mac- quer, s'ils étoient lumineux: en effet, on a apperçu à leur furface déja diminuée de volume , une flamme légère & entièrement fembla- ble pour la couleur , à celle que l’on voit onduler fur: une portion de phoïphore expofé à l'air libre. A fix heures, les diamans étoient prefque entièrement évaporés, &e dans cet inftant les autres pierres ont été retirées du feu. Les rubis 'avoient perdu ni leur forme, ni leur couleur, ni leur poli; lamé- SURALPRIST. N'ATURELL'E*ET LES'ARTS. 15 thyfte étoit devenue glaceufe , & elle avoit totalement perdu fa cou leur; un faphir a été prefque entièrement décoloré, l'autre eft devenu obfcur; l’'émeraude a fondu en partie & a perdu fa tranfparence ; fa couleur a été peu altérée, elle a feulement pris un autre ton prove- nant de fon opacité ; la vermeille a confervé fa tranfparence, mais fa furface a perdu un peu de fon poli; le grenat Syrien eft devenu opaque. Il paroît réfulter de cette fuite d'expériences , que le diamant peut ne pas fe volatilifer dans un feu très violent, lorfqu’on l’unit avec un inter- mède, & fur-tout, quand il eft fouftrait au contaét de l'air; mais il refte à décider de quelle nature doit être cet intermède ; comment & par quels moyens s’opère laconfervation de cette pierre précieufe ; s’il eft néceffaire que le principe inflammable y foit abondant; s’il faut qu’il foit inaltérable & incapable de former une combinaïfon nouvelle dans les vaifleaux fermés, comme le charbon, par exemple, lorfqu'il y elt feul, puifque la craie devient chaux dans les vaifleaux fermés, & cette propriété eft peut-être nuifible au diamant. Je ferai porté à croire que le charbon, dans cette circonftance, agit comme matière contenant le principe inflammable, & qu'il garantit le diamant de la deftru&tion, comme il en garantit les fubftances métal- liques , même celles qui font inflammables ; telles que le zing, lanti- moine, lorfqu’on les tient dans des vaifleaux aflez exaétement fermés, pour que le charbon ne fe confume pas, comme cela eft arrivé à un diamant expofé au milieu de cet intermède, dans un vaifleau mal fermé. La privation de l'air paroït encore néceflaire pour la confervation du diamant ; c’eft-à-dire, pour empêcher fa volatilifation. Si le diamant, comme on a cru l’appercevoir, s’enflamme ; & fi cette flimme eft le réfultat de fa difipation, le contaët de l’air ne deviendroit nuifible que parce qu'il eft la caufe de la flamme , & qu’en ce cas , il accéléreroit la difipation. Si, au contraire, felon l'opinion très-vraifemblable de M. Cadet & d'après celle du grand Duc de Tofcane, le diamant fe dif. fipe par éclat à caufe du conta& de l’air, ne peut-on pas dire que cette diffipation doit être attribuée au frottement de cet élément, qui étant moins chaud que le diamant, en fait éclater la furface ? C’eft un fait facile à vérifier puifque les fragmens doivent fe retrouver; mais pour être sûr du fuccès, il eft nécelfaire de faire l'expérience un peu en rand, comme il fe le propofe avec MM. Macquer & Lavoifier ; & fuivant la promefle que je leur en ai faite, je contribuerai volon- ters à cette dépenfe, Il refte une autre difficulté À furmonter pour conftater ce fait ; c’eft de foumettre à l'expérience , le vaifleau qui doit être employé , pour s'affurer s’il ne feroit pas lui-même fufceptible à ce degré de cha= M 41 1772, Tome II, Pi] 116 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, leur, de laïffer échapper des petits fragmens de fa propre fubftance, qui pourroient faire prendre le change dans le cas où il y auroit une évaporation réelle, lamelleufe, fi je puis m’exprimer ainfi. Qui faitfiles vaifleaux mêmes de la porcelaine la plus dure n’auroient pas cet incon- vénient ? En faiïfant cette obje&tion , je ne prétends point contrarier les vues de MM. Macquer , Cadet & Lavoifier ; je defire au contraire que l’expé- rience ait lieu , & d’y contribuer de toutes les manières; mais il con- vient qu’elle foit faite en grand, au moins fur deux gros de diamans. Si le diamant fe diffipe par éclat, on doit en trouver les fragmens dans la cornue ; fi c’eft l'effet d’une inflammation , la matière de cette flam- me peut fe trouver dans le récipient comme on trouve celle du fou- fre, du phofphore , d’une bougie allumée: en attendant que l’on exé- cute ces expériences, voici celles que je propofe & dont je rendrai compte à l’Académie dans quelques jours. Je mettrai au milieu du charbon en poudre le diamant jaune, qui, dans l’expérience précédente , avoit été placé dans la craie , & qui s’y: étoit évaporé en partie. Le diamant appellé Zabora fera placé dans un autre creufet avec de la craie ou dans la poudre des os de moutons; j’emploierai fucceflive- ment d'autres intermèdes, & je prendrai les précautions les plus exaétes pour que le creufet ne foit point déluté pendant l’opération. Le diamant brut fera mis, comme dans les expériences précédentes ; fans aucun intermède. Son creufet bien luté fera placé dans un autre creufet contenant du verre en poudre , qui, formant une mafle conti- nue, empêchera l’admiflion du contaét de l'air extérieur. Suivant les rélultats que j'obtiendrai alors, je ferai des expériences d’un autre genre, qui tendront à s’aflurer fi la nature des intermèdes conferve le diamant plutôt que la privation d’air. Peut - être à force de travailler fur cet objet, on parviendra à acquérir des connoiflances certaines fur les caufes d’un effet auff fingulier. ENCEET AT RUE Écrire à l'Auteur de ce Recueil, au fujet des Élèmens de Minéralogie= Docimaflique, par M. SAGE. Paris, ce 8 Mai 1772. J "A1 déja eu l’honneur de vous écrire, Monfieur, que les opinions étoient libres, & que je ne demandois grace à perfonne: mais, Mon- leur, vous auriez pu lire ce que vous faifiez imprimer , avant de faire SURVEHISTNNATURELLE ET LES ARTS, 117 votre aéte d'impartialité; vous pouvez confronter, Monfieur, & vous verrez que votre citation n’eft pas pluscorreéte que la première. Quant aux obfervations fur mon Ouvrage, comme je fais qu’elles ne font pas de vous, je ne puis vous en favoir mauvais gré; faire un Volume par mois , eft une entreprife forte, 1l eft permis d’avoir des aides. J'ai l'honneur d'être, On lit dans les Obférvations fur la Phyfique, Cahier d'Avril : L’eau de chaux ne peut être décompofée par le moyen de lalkali fixe ; chaque once laifle précipiter près de deux grains de terre abfor- bante; on peut féparer, par le même moyen de la serre calcinée, D phofphorique qu’elle contient , on obtient alors une terre abfor- ante. On lit dans lés Élémens de Minéralogie- Docimaflique , page 57: L’eau de chaux peut être décompofée par l’alkali fixe; chaque once laifle précipiter près de deux grains de terre abforbante ; on peut fépa- rer, par le même moyen de la pierre calcaire calcinée, lacide phof- phorique qu’elle contient, on obtient alors une terre abforbante. Publier cette lettre, c’eft donner une preuve d’impartialité; & nous étions convaincus que M. Sage avoit l’ame trop belle pour nous favoir mauvais gré d’avoir dit la vérité. Les opinions font libres : cependant, un Livre élémentaire ne peut ni ne doit porter fur des opinions ; mais fur des principes démontrés par des faits les plus inconteftables. La Chyÿ- mie, depuis Becher, & fur-tout depuis Sthal, a une marche philo- fophique , qui apprend à diftinguer le vrai du vraifemblable, Il importe peu au Public que je fois ou ne fois pas l’Auteur de ces obfervations, pourvu qu’elles foient exaétes, inftruétives & bien pré- fentées ; c’eft à quoi je me fuis fortement attaché, & M. Sage me met en ce moment dans le cas de lui faire, ainfi qu’au Public, connoître ma manière de travailler. ” J'avoue qu'après avoir lu avec beaucoup d’attention les Elémens de Minéralogie - Docimaftique, ilne m'a pas été poffible de faifir en plu- fieurs endroits, le fens de l’Auteur , quoiqu'il appelle cette Docimafe un Livre Elémentaire. Il étoit donc de la prudence de confulter les Chymiftes & les Minéralogiftes les plus éclairés, avant de publier des obfervations. Il feroit à fouhaiter qu’on n’écrivit jamais fans avoir aupa- ravant bien étudié fon fujet ; & que l’Auteur ne s’en rapportant pas à foi-même, foumit fon jugement à celui des perfonnes inftruites. Le Public feroit moins excédé par un fratras de Livres, dans lefquels on trouve des hypothèfes accumulées, données hardiment pour des prin- cipes. Je protefte que toutes les fois que j'aurai à gendre compte d’un Mai 1772, Tome IL, 118 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ouvrage que je n’entendrai pas parfaitement, je confulterai les Gens de l'Art, & les Ecrits de ceux qui auront traité le même fujet. ‘Comme ces obfervations ont été trouvées aflez exaétes , à quelques fautes d’impreffion près, M. Sage eft prié d’en nommer les Auteurs , non d’une manière hypothétique, mais claire & précife: le Public fera charmé d’apprendre à qui ilen eft redevable. La lifte en fera longue, puifqu'il faudra citer le nom de tous ceux qui étudient ou écrivent fur la Chymie, & fur la Minéralogie. J'ofe dire que c’eft d’après la voix publique que ces obfervations ont été rédigées. Il y en avoit encore beaucoup à préfenter ; mais je les ai fupprimées, crainte de rendre cet article fafhidieux par fa longueur, M. Sage a raifon de convenir que, faire un Ouvrage par mois , eft une entreprife forte; auf c’eft notre excufe envers le Public, lorfqu'il ne trouve pas dans ce Recueil une précifion complette pour la partie typo- graphique. Par exemple, on lit dans le Cahier du mois dernier de [el fufible , 1l faut lire , de /path fufible. Tout homme inftruit voit aifément que c’eft une erreur de mot, parce que celui de /path fufible, rapporté avant & après , indique clairement le fens de la phrafe. Il eft bien diff- cile qu'il ne fe glifle beaucoup de fautes dans un Ouvrage fait & impri- mé auffi rapidement. MÉMOIRE DE M HOLLMANN, SUR l'origine des Corps marins , € des autres Corps étrangers qui fe trou- vent dans le lein de la terre. C ETTE queflion a été traitée par les plus célèbres Phyficiens. On leur doit des fyflèmes ingénieux, de favantes hypothèfes , des calculs immenfes fur la diminution de l’eau; mais, que conclure de tous leurs Ouvrages, finon qu’ils ont rapporté beaucoup de faits fecondaires ? Les uns concourent à prouver leurs opinions; les autres détruifent ce que les premiers fembloient confirmer ; le doute fubfifte & fubfiftera tant que l'homme ne connoîtra pas les caufes premières. Rien ne démon- tre mieux cette affertion , que la diverfité des fentimens, & la multitude d’écrits en ce genre. La vérité eft une ; & dès qu’elle paroît, le Phi- lofophe & l'Inèpte font forcés à la reconnoitre. Le Mémoire de M. Hollmann ne décidera sûrement pas mieux que lesautres Ouvrages, cette queftion tant de fois agitée : mais 1l rapporte des faits; & ces faits amoncelés ferviront peut -être quelque jour à un génie vafte, pour établir une théorie lumineufe. Depuis 19 ans, dit M. Hollmann, j'ai quitté la Haute Saxe pour SURVLPHIST. NATURELLE)\ET LES ARTS. 119 venir dans ces Contrées ( Gotringue). Mon premier foin a été d’exa- miner attentivement les phénomènes que la nature y préfente, Les édi- fices anciens & nouveaux m’offrent par-tout: des débris de coquillages : le pavé de cette Ville en eft chargé ; par-tout, je rencontre des srochites, des cornes d’Ammon , &c. {éparées, ou faifant corps avec des mafles de pierres ; en un mot, je n'ai vu nulle part des coquilles pétrifiées en auf grande quantité. La recherche de ces corps a toujours piqué ma curiofité, & j'ai defiré d'en connoïtre la nature. Des veilles aflidues, les confeils de mes amis ont augmentémes lumières, & j'ai trouvé loccafon la plus favorable d’en faire ufage. Ce Mémoire fera connoi- tre fi j'ai eu du fuccès : cependant, quoique depuis tant d’asaées j'aie acquis aflez de connoiflances pour favoir quelle eft la ture de ces corps, il me refte encore une longue carriere à parcôurir ; je ne l'ai jamais ignoré. Auf, dès que j'ai pu me procurer ces grands offemens pétrifiés, qui ont attiré l'attention des Naturaliftes , jai étudié leur ori- gine. Je n’ai d’abord eu que des probabilités ; & des preuves certaines & évidentes, n’ont pas tardé à leur fuccéder. Lorfque j'ai eu découvert la nature & l’afpeét du lieu où on les a trouvés, mon hypothèfe fur l’origine de ces corps étrangers, qui fe trouvent dans le fein de la terre, s’elt aufli-tôt retracée à mon efprit, & j'en ai fait l'application. Ecrire l'Iiade après Homère, c’eft fans doute une grande témérité, I faut avoir beaucoup de préfomption pour ofer traiter des coquillages pétrifiés, &c. , lorfque nous avons lhypothèfe de M. de Buffon, & de tant d’autres Ecrivains de la première clafle. D'ailleurs, on a fi fort : multiplié les conjeétures à cet égard , qu'il paroît impoflble d’en for- mer de nouvelles. Ces objettions auroient, je l'avoue, quelque fon- dement, fi je n’avois conçu mon hypothèfe depuis très-long-tems, Mais lorfqu'on a vu ces écrits multipliés , ces théories ingénieules de nos grands Naturaliftes, j'avois déja imaginé la mienne; & la crainte de la publicité, fouvent fi terrible , m’avoit feule empêché de lui don- ner le jour. Cette même crainte me retiendroit peut-être encore aujour- d’hui, fi je n’étois pas contraint en quelque forte de publier mes obfer- vations, Mon zèle pour le progrès de la Science, eft le feul guide que je fuive , en reprenant la chofe à fon origine & en failant connoître mes conjeétures, Il y a déja long-tems que les Savans furent étonnés pour la première fois , de trouver, dans le fein de la terre , dans des lieux éloignés de la mer , fur des montagnes mêmes, une fi grande quantité de produétions marines. La mer leur avoit-elle réellement donné , naïffance® la plu- part s’en doutoient à peine. Quelques - uns feulement plus attentifs, osèrent avancer que la mer couvroit autrefois notre continent; que différentes caufes l’avoient obligée de fe retirer, & qu'elle avoit laïffé à fec les corps marins que nous rencontrons, Ecoutons d'anciens M 411772, Tome LI, 120 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, témoins éloignés du tems où nous vivons. On ne peut les foupçonner de partialite. Libres de toutes les opinions inventées enfuite pour expli- quer ce phénomène , ils rapportent clairement & fimplement ce qu'ils ont vu. On s’eft cependant fervi de leurs conjeétures. Xénophane , ce Fondateur de la Seéte Eléarique , étoit perfuadé, comme l’aflurent quel- ques-uns , que la mer avoit autrefois couvert les terres. Mais à dire le vrai, ils ne donnent point de preuves fuflifantes de ce qu'ils avancent. Aurefte , le plus ancien des Hiftoriens, Hérodote , prefque Contempo- rain de Xénophane, voyant le grand nombre de coquillages que l’on trouvoit fur les montagnes d'Egypte , prétendoit que cette terre avoit autrefois été enfevelie fous les mers, & que les eaux s’étoient retirées peu-à-peu. Ce qu'Hérodote afluroit de l'Egypte , d’autres le foupçon- nérent de prefque toute la terre habitable. Strabon, en nous rappor- tant le fyflème d’Eratofthène , qui vivoit fous les Ptolomées Philopa- tor & Epiphane , fur la forme de la terre & fes différentes mutations, nous conferve aufli ceux de Straton , de Lampfacène & de Xanthus. Pour les faire connoître , 1l nous paroît utile d'employer les termes de Strabon , qui d'ailleurs rapporte tout à Eratofthène. Eratofthène aflure que l’eau , le feu, les tremblemens deterre, les exhalaifons, &c. cau- fent de fréquens changemens dans notre globe. Il s’agit donc de favoir, continue-t1l, comment 1l peut fe faire, que, dans des lieux éloignés de deux ou trois mille ftades de la mer, on trouve des coquillages , & même des efpèces de lacs remplis par l’eau de la mer: par exemple, fur le chemin qui conduit au Temple d’Ammon, qui a deux ou trois mille ftades de longueur , on trouve une auantité d’huitres, de fel, &c. Xanthus rapporte d’après Strabon, qu’il a vu dans des endroits fort éloignés de la mer, des pierres qui avoient la forme de peignes, de chéramides , &c. ; qu'en Arménie, en Phrygie, &c. on trouve des lacs remplis d’eau de mer, ce qui lui fait conclure que ces terres ont autre- fois éte le lit de la mer. Straton croit que le Temple d’Ammonr a peut-être autrefois été au milieu de la mer, & que les eaux ayant pris leur écoulement , l’ont laiffé à fec au milieu des terres. Il prétend que l'Egypte a été anciennement inondée jufqu'aux marais qui font auprès de Pelufe & du lac Serboris. En effet , dit-il , quand on creufe dans ces relaiffées de la mer, on trouve encore beaucoup de coquillages; ce qui prouve qu'ils ont autrefois été enfevelis fous les eaux de la mer, qui les ont enfuite abandonnés. Il en eft ainfi, ajoute Straton, d’une grande partie de notre continent, Eraftothène auroit bien pu s'attacher aux opinions de la See dont il étoit, & dire avec elle, quoique fans raïlon, que le monde avoit toujours exifté, qu’un Dieu Pavoit créé de toute éternité; que fouvent on voyoit mourir & renaître ce qu'il ren- ferme , par l’éluvion & l’exuftion : mais il a mieux aimé s’en rapporter à l'autorité d’ançiens Auteurs, dignes de foi, en croire fes propres con= jeétures SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 12r xeêtures, produire les preuves de fon fyftème, pour perfuader lui- même aux Sroiciens que [a terre avoit été couverte par la mer. Strabon femble avoir voulu réfuter le fentiment, ou du moins la méthode de Straton. Tous les Seétateurs de cette opinion, penfoient que la fuite des tems avoit feul pu opérer ces changemens. On le verra par ce que nous allons rapporter. ; Nous aurions peut-être dù nous borner à rapporter les opinions de ces anciens Auteurs: cependant , celles qui furent enfuite imaginées, contiennent des chofes remarquables. Ovide , par exemple, prétend que rien de ce qui eft fur la terre ne peut fe fouftraire à l'empire des eaux. Voici les Vers admirables où il expofe fon fyftême : Nil equidem durare diù fub imagine eâdem Crediderim. Sic ad ferrum veniftis ab auro, Sæcula ; fic toties verfa eft fortuna locorum. Vidi ego, quod fuerat quondam folidifima tellus, Effe fretum. Vidi faétas ex æquore terras, Et procul à pelago conchæ jacuêre marinæ : Et vetus inventa eft in montibus anchora fummis + Quodque fuit campus, vallem decurfus aquarum Fecit, & eluvie mons eft deduétus in æquor, Eque paludosàä ficcis humus arét arenis : Quæque fitim tulerant, ftagnata paludibus hument, Hic fontes natura novos emifit, ac illic. Claufit : Et antiquis tam multa tremoribus orbis Flumina profiliunt , aut excæcata refdunt. Et un peu après: Fluétibus ambitæ fuerant Antiffa Pharofque ; Et Phæniffa Tyros, quarum nunc infula nulla eit, Leucada continuam veteres habuëre coloni : Nunc frera circumeunt. Zancle quoque junéta fuiffe Dicitur Iraliæ, donec confinia Pontus Abftulit, & medià tellurem repulit undà. Selon ce que nous venons de rapporter , Ovide avoit vu des coquil- lages fofiles , & il en concluoit que la mer avoit autrefois couvert les terres, & que celles qui étoient pour lors enfevelies fous fes eaux, feroïent peut-être un jour à fec. Au témoignage de tous ces Auteurs Païens, joignons celui d’un Chrétien zélé, de Tertullien. Dans fon Livre de Pallio, il dit, en parlant de la mode : c’eft ainfi que notre con= M a1 1772, Tome IL, 122 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tinent fervit autrefois de lit aux eaux de la mer , & que la face de Ja terre eft entièrement changée, Les coquillages, les buccins, &c. crient encore fur les montagnes, & démontrent à Platon. qu'ils étoient jadis dans les flots. Tertullien veut fur-tout parler de l'Afrique où il étoit alors , & dont vraifemblablement les montagnes étoient couvertes de coquillages ; ce qui répondaffez aux obfervations qu’on a faites depuis. L'ignorance , qui dans les fiècles fuivans, enveloppa l'Europe de fon voile épais ; la fuperftition, le fanatifme , &c. firent oublier toutes ces obfervations : les phénomènes de la nature n’eurent plus que de fots admirateurs , & on n’en chercha point la caufe. Le règne affreux de la Philofophie d’Ariftote ne contribua pas pet à retarder le progrès des fciences. On ne connoifloit , on ne lifoit, on n’étudioit que les fubili- tés métaphyfiques. On étoit épris des quiddirés , des hæcceirés | & tout le refte étoit regardé comme inutilité. Les Savans de ce tems-là ne croyoient pas l’hiftoire naturelle digne de leur attention. On ne s’éton- nera donc plus de leur profond filence fur cette matière. Ils ne man- quoient cependant pas de phénomènes , peut-être même pouvoient-ils en obferver de plus intéreflans. O ignorance , que tu as caufé de maux à l'univers ! Un plus grand malheur menaçoït encore le progrès des fciences. Arif- tote avoit puifé chez les Egyptiens la plus terrible des erreurs. Il attri- buoit avec ces peuples une génération équivoque à tous les corps naturels. L'Europe entière fut bientôt infeftée de cette opinion , quitrouve encore aujourd’hui des défenfeurs. Rien de plus ordinaire alors, que d’enten- dre refufer une forme aux corps naturels ; les Savans prétendoient que les animaux & les végétaux étoient un jeu ou plutôt une erreur de la nature. Il n’eft donc pas étonnant qu'ils ne nous aient point tranfmis l'image des foffiles qui avoient quelque reffemblance avec les coquil- lages, &c. Cependant, il faut l'avouer , les difciples d’Ariftote ne pouf- sèrent point l’abfurdité auf loin que leur maître & les Egypriens. Ils imeginèrent une force Jérinale & plaflique, imprimée à la matière par le Créateur, par le moyen de laquelle ils expliquoient la génération des corps. Si les formes extérieures des corps avoient de la reflemblance avec quelques produétions de la nature ou de l’art, c’étoit un jeu de la nature. [ls fuppofoient , en effet, une certaine nature douée de la force d'agir & foumife à la caufe fuprême de toutes chofes. D’autres auffi fem- blent avoir voulu nous apprendre de bonne foi , que tous ces termes & ces diftinétions de l'école n’étoient que des fons & ne fignifioient rien. Nous ne parlons pas de ces Phyficiens fubtils qui appelloient les fofliles reflemblans aux corps humains, /apides fui generis , pierres de leur genre. Us favoient par ces beaux mots en impoler aux fots & aux ignorans , & faire tout plier fous le joug du pédantifme. à Il y a deux fiècles & plus, qu’on obferyoit en Europelesfoffiles , qui SUR L'HIST., NATURELLE ET LES ARTS. 123 reflemblent aux animaux, aux végétaux, aux produ“tions marines & exotiques , &c. Scipion Maffei nous apprend dans fes Lettres publiées à Vérone en 1517, que lors de la réparation du Château de S. Félix, on tailla le rocher qu'il domine ; on y trouva, dit ce Savant, une grande uantité de se/fdcées , d’ourfins , d’huîtres , de cancres, &c. &t autres pétri- Din, qui fournirent matière aux obfervations de Jérôme Fracaftor, aflez bon Naturalifte. Maffei regarde cette obfervation comme la pre- mière depuis l'antiquité. Il eft cependant certain qu’il y en avoit d'an- térieures à celles-là. Il s’étoit trouvé des Savans aflez attentifs pour reconnoitre l’analogie de ces fofliles avec les corps marins, pour leur donner la même origine, Il y en avoit même d’aflez courageux pour foutenir que c’étoit des reftes du déluge. Fracaflor lui-même, au rap- port de Sarayna fon contemporain, répondit , lorfqu’on le confulta fur le phénomène du Château S. Félix, qu'il aimoit mieux fuivre l'opinion de ceux qui prenoient ces foffiles pour les reftes du déluge ; que cependant , il n’en étoit pas convaincu. Avant Fracaftor, ce fentiment avoit plu à Alexarider ab Alexandro & à Luther. Ils ont eu des partifans zélés dans le fiècle dernier. Néanmoins ces anciennes erreurs fur la génération équi- voque , fur la force féminale & plaflique, fur les jeux de La nature, ont pré- valu, Ceux qui les avoient embraffées reftoient fort tranquilles , nes’ima- ginoient pas qu'il püt y avoir des objeëtions à leur faire. Leur fentiment eft tombé dans l’oubli prefque de lui-même ; on l’a redonné de nos jours, & 1l pafle pour nouveau. F Je ne connois ni l’auteur d’une opinion abfurde fur les os foffiles, trop grands pour être ceux d’aucun des animaux connus, ni le tems où elle a pris naiffance. Plufieurs en font remonter l'origine à l’'Hiftorien Jofephe, qui en racontant la prife de Chebron par les fraélites , parle de géants énormes qui exiftoient , & ajoute: « On voit encore quelques- »uns de leurs os qui font d'une grandeur démefurée, & que l’on ne » peut comparer avec ceux d'aucun animal connu ». S. Auguftin, trompé par une faufle apparence, a accrédité cette erreur. Il dit, en parlant de l’âge , de la grandeur & de la force des hommes qui vivoient avant le déluge: « Des fépulcres ouverts par la vétufté ou le débordement » des fleuves doivent convaincre les incrédules. ... Jai vu, en me pro- » menant fur les rivages de la mer à Utique, j'ai vu la dent molaire > d’un homme d’une grandeur fi énorme, qu'avec elle on auroit pu en * » faire cent comme les nôtres. C’étoit certainement la dent de quelque géant ». [l y a toute apparence que l'étude de l'Hiftoire naturelle étoit peu connue du tems de S. Aueuftin, & il.eft furprenant qu'un génie auffi vafte que celui de ce grand homme n'ait reconnu la caufe de fon erreur. C’eft à ces Savans qu'on doit l'origine de cette fable qui s’eft foutenue jufqu'à nos jours. Elle eft encore crue des ignorans qui ne connoïflent pas une dent d'éléphant , & ne favent pas difcerner los d’un homme Mai 1772, Tome IL. Q y 124 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, - de celui d’un animal. L’ignorance & la fuperftition ayant fait des pro= grès à l’ombre de l'autorité & du témoignage de ces hommes refpeéta- bles, il n’eft pas étonnant qu’elles aient jetté de profondes racines, & qu'on en aitété infefté pendant tant de fiècles. Quoique Suétone eût dit, que les os confervés par Oëtave à Caprés, & que l’on prenoit pour des os de géants, n’étoient que des os de bêtes féroces d’une groffeur énorme, quoique Bécan publia enfuite un écrit où il combattit l'opinion vulgaire , le mal étoit trop enraciné. Si l’on ne connoïfloit pas la force du préjugé , on feroit peut-être étonné de la voir foutenue par un Sa- vant de nos jours. Hermann Coringius, notre compatriote, a prétendu que nos pays avoient autrefois été habités par des géants, & que les os trouvés tous les jours dans le fein de la terre en étoient encore les reftes. Coringius en étoit fi convaincu ; qu’à l'entendre , il falloit être impudent pour le nier. Je ne voudrois pourtant pas aflurer, dit - il dans un autre endroit, que ces géants aient habité notre pays, puifque dans les cavernes de Baumanni & de Scharzfeldam, on trouve des os d’ani- maux inconnus , & que les eaux y ont fans doute entraînés. Cette fable des géants trouve encore aujourd’hui dés partifans , mais heureufement en bien petit nombre. Le règne de ces erreurs avoit plongé l’efprit des Savans dans la plus parfaite inertie ; ils n’ofoient pas les croire faufles, & en y adhérant, als ne pouvoient rechercher la vérité, Ces ténèbres durèrent long-tems. Il s’en trouva enfin parmi ceux qui admettoient la caufe du déluge, qui voulurent expliquer l’origine de ces corps par leur fyftème. Il leur deve- noit fort difñcile d’accorder en même tems la fable des géants; la rejetter leur eût paru impie. Burnet, le premier & un des plus fçavans d’entre eux, enflammé d’un zèle pieux & ardent, imagina un moyen très- fubtil d’éluder toutes les difficultés. Il falloit, en admettant le déluge, fuppofer une quantité d’eau prodigieufe , que le Créateur n'eût pu envoyer fur laterre, fans un miracle auffi grand que celui de la créa- tion. Burnet s’en apperçut facilement; il eut recours à la théorie de Defcartes fur la formation du monde, & il en fit une application fi heureufe pour détruire toutes les difficultés, qu'il fe la rendit propre & la publia comme fienne. Quand même nous accorderions à Burnet, que fon hypothèfe lève un grand nombre de difcultés, qu’elle explique en partie & d’une manière fort ingénieufe, ce qui regarde l'extérieur du globe, néanmoins, les phénomènes dépofent contre cette théorie 8 la détruifent entièrement. Si Burnet avoit bien examiné les produétions marines que l’on rencontre fouvent au milieu des montagnes, ou il les auroit regardées, à l'exemple de fes prédécefleurs , comme des jeux de la nature, ou il auroit vu lui- même que la théorie ne peut fatisfaire lefprit d'un Le@eur attentif, Mais il n’en a examiné aucune , & même il a négligé l'explication d’un phénomène fans lequel tout fon fyftême s’évanouit, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 12% Le fyftème de Burnet avoit fait fortune ; cependant, il étoit rempli de négligences & de défauts; ç’en fut affez pour engager d’autres Savans à le perfe&ionner. Woodward , Concitoyen & Contemporain de Bur- net, entra le premier dansla carrière. Il fe propofa principalement d’ex- pliquer deux chofes dans fa théorie. D'abord l’univerfalité du déluge , enfuite la confufion des corps terreftres , marins, &c. & le mêlange de coquillages & de terres, fuivant leur pefanteur fpécifique. Les corps figurés faifoient la bafe de ce fyftème, & Woodward eut bien- tôt grand nombre de profélytes: Scheuchzer , l’un des premiers , étoit regardé comme très-inftruit, & fon exemple donna la loi. L'autorité de ces deux grands hommes, tyrannifa les efprits ; & les foffiles qui portoient l'empreinte des animaux ou des végétaux, furent regardés par tous les Savans, comme des refles du déluge univerfel. On embraf- foit aveuglément cette opinion, fans examiner fi elle étoit vraifembla- ble. Quoiqu'on ne fuivit précifément ni le fyftème de Burnet, ni celui de Woodward, on ne laïfloit pas d'adopter la cauie du aéluge , quelque- fois fans donner de raifon de cette affertion; en un mot, ce fentiment étoit univerfellement reçu. Je ne révoquerai point en doute le déluge; j’admettrai les change- mens arrivés {ur le globe , enfin , tout ce que l’'Hiftorien facré rapporte. Mais je demanderai d’abord fi l’on doit regarder comme reftes du déluge, ces corps marins exotiques ou indigènes , que nous rencontrons dans nos terres; enfuite, fi perfonne n’a expliqué Le déluge de manière à nous fournir des preuves évidentes & fans replique ; & dans le cas de la néga- tive pour l’une & l’autre de ces queftions , ne peut-on pas donner une hypothèfe fatisfaifante ? Laïfons à Burnet la plus grande partie des argumens qu'il apporte contre l'explication ordinaire du déluge ; abandonnons -lui même celui par lequel il prétend prouver l'impofñlibilité d’un déluge univerfel , qui ait couvert le globe de cinq coudées d’eau. Cet argument, quoique affez fort, pourroit encore être préfenté d’une manière plus convain- cante. Suppofons donc feulement qu'il y a eu jadis une inondation ‘excitée par des caufes quelconques ; que les eaux de la mer, jointes à celles du ciel, aient fubmergé toute la terre & les plus hautes mon- tagnes, aucun deces phénomènes ne peut expliquer l’origine des foffiles. Il ne faut pas être bien verfé dans cette matière, & il n’eft pas befoin d’une grande attention pour s’en appercevoir. En effet, qui ne fait que tous les corps marins , répandus fur toute la furface de la terre, ne fe trouvent pas fur des penchans, fur des lieux inclinés; mais dans les endroits les plus élevés, au haut des montagnes? Les anciens avoient fait les mêmes obfervations. Si les eaux du déluge avoient réellement difperfé ces corps marins fur toute la furface de la terre, pourquoi , contre la loi dela pefanteur , Les auroient-elles portés fur les montagnes? Mai 1772, Tome 11. 126 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, il y avoit tant de vallées, tant de plaines où ils pouvoient être enfouis bien plus facilement: mais, diront peut-être quelques-uns , les fofliles des vallées ont été détruits par le tems, & ceux de l’intérieur des mon- tagnes fe font confervés en entier. On peut facilement répondre , comme . on le verra, à cette prétendue objeétion; cependant, je leur demande pourquoi il ne fe trouve pas dans les vallées des corps marins , à la même profondeur que dans les montagnes. En effet, fi cette profon- deur a fui pour conferver ces foffiles dans les montagnes , pourquoi n’en feroit-1l pas de même pour les vallées ? Ce qu'il y a encore de fort remarquable, c’eft que par-tout où ces corps marins font dans les montagnes , on les trouve, non pas difperfés &c de genres différens, comme onfe l’imagineroit, mais fouvent réunis en très-grande quantité , & du même genre, Ils y font même quelque- fois en fi grand nombre, que la terre peut à peine fe rapprocher, & qu'ils y forment des maffes de pierres énormes. Bien plus, ils font corps avec les pierres que l’on rencontre dans le fein de ces montagnes; & l'ufage multiplié que l’on en fait pour les chemins publics, les bâtimens, &c. n’a pu en faire méconnoître lefpèce. Quiconque fe tranfportera dans les carrières d’où on les tire, les voyant par milliers dans l’intérieur des pierres , fe perfuadera difficilement que c’eft - là l'ouvrage du déluge. Ce choix de coquillages du même genre, raffemblés en auf grande quantité dans l’intérieur des pierres, exige une autre caufe. Peut-on concevoir que l’inondation ait choifi & diftingué les genres ? d’ailleurs, ne lui fau- droit-1l pas plufeurs fiècles pour en réunir un auffi grand nombre ? enfuite, il n’eft pas rare d’en trouver ainfi agglomérés dans l’intérieur des mon- tagnes. Comment l’eau auroit-elle ralenti fa rapidité pour cette fois, & ne les auroit-elle pas entraînés ? On voit encore quelquefois dans la même pierre les plus petits coquillages unisavec les plus gros : or , ileft évident que Les eaux ne les ont pas ainfi tranfportés & rangés à caufe de leur grande petiteffe ; il n’eft pas moins certain que le lieu où on les trouve, eft celui de leur naïflance, &c qu'ils font reftés enfevelis dans le limon qui, par la fuite, devoit fe pétrifier. Si les eaux de la mer ont entraîné & raflemblé des corps marins en auffi grande quantité ; pourquoi ne les trouve-t-on pas mêlés avec des corps terreftres, que l’inondation n’aura pas manqué d’entrainer , fur- tout dans les endroits peu éloignés de la mer ? Eft - il vraifemblable que dans toute l'étendue du globe, ces corps marins aient feuls été vaincus par les eaux , &c qu’elles n’aient point déplacé ou enfoncé dans le limon, quelques végétaux , quelques minéraux , &c.? Le roulement auroit dû les confondre; cependant, on ne voit point de veftiges de cette confu- fon; la plus petite coquille fluviatile nee rencontre avec aucun de ces corps terreftres. Il ne faut donc plus aller chercher dans le déluge la caufe du phénomène des fofliles; on doit , de toute néceñlité , en admet- RS PR PE PT OS M VS tuant <> D, n SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 127 tre une autre. Il eft probable que les hommes, qui vivoient avant le déluge , travailloient & s’occupoient de quelques-uns des Arts que nous connoiffons. Conféquemment , les eaux du déluge ont dû ne pas épar- gner leurs produétions, & les confondre avec les coquillages qu’elles rou- loient dans leurs flots. Il n’en eft rien; tant de montagnes , tant de car- rières, n’ont jamais préfenté aux yeux des Obfervateurs , les traces les plus légères d'aucune produétion de l’art. Quelques-uns feulement ont prétendu avoir trouvé dans des profondeurs, comme les cryptes, les puits, &c. des débris de vaiffeaux. Cela eft fort douteux; & quand même ils auroient raifon , notre fyflême en deviendroit encore plus sûr. Nous parlons en effet des corps terreftres, travaillés des mains de l’art, & linondation la plusterrible n’auroit pu enfouir fi profondément les coquil- lages & autres foffiles. A ces rafonnemens, joignons - en un encore plus fort. Nous fuppo- fons, avec les Naturaliftes, que les pierres tirent leur origine d’une matière molle & fluide ; que ceite matière s’infinue dans les cavités des corps étrangers, {ur - tout dans celles des animaux où elle prend de la confiflance, fe durcit fous la forme du corps qui la renferme, & le repré- fente enfin comme la cire ou les métaux fondus repréfentent les corps dont on leur a fait prendre l'empreinte. De ce genre, font les surbinites & les conchites. La feule différence qui les caraëtérife , eft qué dans les uns la coquille de l'animal qui a fervi en quelque forte de moule à la matière lapidifique , eft confervée en entier ou en partie ; tandis que cette matière eft réduite en une efpèce de chaux : & dans les autres , on ren- contre à nud le zoyau pierreux qui s’eft formé dans la coquille, fans qu'il refle rien de cette dernière. Nous voyons très - fouvent ce noyau pierreux être dans une même mafle avec d’autres corps marins munis de leurs coquilles ou qui n’en font pas entièrement dépouillés; & felon toutes les apparences, ce noyau étoit déja formé & avoit acquis toute fa dureté quand cette union a eu lieu. Nous trouvons même des pétri- fications fi intimément unies avec des pierres, que certainement elles étoient depuis long-tems en état pierreux , quand elles fe font unies à la pierre qui les renferme. Que l’on examine attentivement combien de fiècles font néceffaires pour que cette mañle lapidifique acquière de la dureté ; & lorfque le noyau eft formé, combien de fiècles pour la def- trudtion entière de la coquille, combien de fiècles pour que ce noyau dépouillé de fa coquille , fafle corps avec une mafñle de pierres. Après cela , fans doute, on n'aura plus recours à un déluge de quelques mois, pour expliquer un phénomène qui demande des fiècles ; on fera même étonné qu’on ait ofé avancer une hypothèfe fi peu vraifemblable , & que la moindre réflexion peut détruire. ; A toutes ces preuves , joignons-en une dernière qui confirmera ce que M A1 1772, Tome IL. 128 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nous avançons. Dans beaucoup & prefque dans toutes les parties de notre globe où il a été poñfible de pénétrer, on a obfervé qu’il étoit compolé de différentes terres & corps terreftres rangés dans un certain ordre, qu'il a plu aux Phyficiens de nommer couches rerreffres, Non-feu- lement les loix de la pefanteur fpécifique font obfervées dans l’arran- gement de ces couches ; mais elles font encore divifées & féparées, de manière à faire voir qu'un fluide ambiant a pu feul les placer ainfi, & leur faire obferver les loix de la péfanteur fpécifique en obfervant lui- même celle de l’hydroftatique. La plupart rapportent ce phénomène au déluge; & jufqu’à préfent , Jen conviens , je ne vois rien qui s’y oppofe: cependant deux obftacles fe préfentent aufli-tôt. Je vois d’abord des cou- ches d’une épaifleur confidérables & fous ces couches, je rencontre à une grande profondeur, des corps marins & autres fofliles. Je conclus que des fiècles entiers ont à peine fuffi à former cet amas de terre & à y enfevelir ces coquillages. Ce n’eft donc plus l’ouvrage du déluges Jexamine enfuite attentivement, & je m'apperçois que ces couches, outre les loix de la pefanteur fpécifique, gardent fort exaêtement celles de l'alternative ; & que fouvent, après certain nombre de couches, on en retrouve une de la même efpèce que la première, quoique très-cer- tainement elle foit fpécifiquement plus légère que la précédente. Il ne me refte plus aucun doute, & je dis que s’il faut abfolument rechercher la caufe de ce phénomène dans les inondations, ce n’eft que dans les inondations multipliées & de longue durée, il faut donc encore exclure la caufe du déluge, puifqu’il a duré feulement quelques mois & qu'il n’eft arrivé qu’une fois. : Après tant de réponfesclaires & évidentes aux obje@ions fpécieufes des partifans du déluge , iln’eft perfonne, je l’efpère , Qui ne le rejette avec moi pour caufe des foffiles & des.couches rerreftres. Cependant, tout nous dit que les eaux feules ont pu donner lieu aux phénomènes que nous obfervons. Il faut donc revenir au fentiment des Anciens, & dire avec eux que la mer a autrefois couvert le continent. Les nations entiè- res en étoient convaincues , témoins les Egyptiens & les Grecs ; & lors qu'ils vouloient remonter à leur Grigine, 1ls avoient coutume de dire que leur pays étroit devenu habité après être forti des eaux. Les Sa- vans anciens qui devoient expliquer pourquoi on trouvoit des coquil- lages dans la terre , m’étoient pas , comme nous l'avons vu, fort éloignés de ce fentiment. Ce qui les embarrafloit, c’étoit de favoir comment les eaux avoient pu laiffer le continent à fec ; ils s’imaginoient que c’étoit l'ouvrage d’une longue fucceflion de tems (4). Il étoit pourtant difficile À ae SU Se (+) Nous ne parlons point ici des changemens peu confidérables, comme de léloi- gnement d’un Port, &c. à une flade ou deux; mais d’un changement univerfel de la mer en continent & du continent en mer. d'admettre SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 129 d'admettre cette fucceffon , elle fembloit répugner à l’ordre de la nature. Ces réflexions détournèrent la plupart des partifans de ce fentiment , qui entrouvent peut-être fort peu aujourd’hui ; au moins n’en ferois - je pas étonné, Mais nous penfons qu’on ne peut rien avancer de plus plau- fible que le fentiment des Anciens. Nous allons entrer dans quelques détails. Il faut d’abord montrer qu’il explique naturellement les phéno- mènes dont nous avons fait mention, & qui deviennent fi difciles à comprendre dans les autres fyftêmes. Suivons-les. Tout le monde fait que les coquillages vivans.s’attachent volontiers aux amas des fables amenés par les flots, & qu'on les y trouve en grande quantité, On n’ignore pas non plus que ces mêmes coquillages, lorfqu'ils font vuides, s'accumulent fur les collines & les montagnes voifines de la mer en auffi grand nombre que fur le rivage. Mais bientôt, ils fe trouvent cou- verts de limon & de terre 3 bientôt fuccède un nouvel amas de coquil- lages, une nouvelle couche de terre & de limon , jufqu’a ce qu’ils forment enfin une efpèce de montagne qui , néceflairement, fe trouve remplie de corps marins. Ces corps ne pouvoient, par la même raifon, s’ac- cumuler & s’enfevelir au fond de la mer.Il ne faut donc plus s'étonner fi nos montagnes autrefois entourées & couvertes par la mer, fetrou- vent remplies de coquillages. Si les coquillages des nouvelles généra- tions & ceux qui font vuides, fufhfent pour augmenter immenfément pendant un petit nombre d'années , ces amas qui n’étoient d’abord que des collines; s’étonnera-t-on; après une longue fuite de fiècles, de les voir fi confidérables? Doit-on s'étonner davantage de voir réunies & accumulées prefque dans le même endroit, tant de coquilles du même genre? leur fituation n’eft pas plus difficile à expliquer, un peu d'attention {ufäit pour en démontrer la raifon. En effet ces coquillages, avant d’être intimement unis, ont été agités par les flots de la mer, quiles ont déga- gés du limon qui les entouroit. Voilà pourquoi on les trouve fi rappro- chés. On obferve enfuite fort fouvent que dans les pierresils font pref- que toujours dans une poftion perpendiculaire. L’agitation des eaux fournit encore la raifon de ce phénomène. Le fyflême que nous avons embraflé explique auffi bien comment les zoyaux de certains coquil- lages ont eu beloin de plufeurs fiècles pour fe durcir , &c les coquilles elles-mêmes d’aufli longtems pour être détruites, comment ces noyaux ont pu faire corps avec les pierres , &c. On comprend encore très-faci- lement dans le même fyffêème, comment d’autres corps marins ont pu fe changer en pierres & fe remplir d’un fuc féléniteux ; pourquoi les cornes d'Ammon , qui jamais ne font jettées fur Le rivage , fe trouvent en fi grand nombre & d’une telle groffeur dans les terres; pourquoi on rencontre fouvent de très-petites coquilles à côtè d’autres très-grandes 3 pourquoi les petites coquilles font quelquefois réunies en fi grande quan- tité, que l’on s’apperçoit facilement qu’elles n'ont point été tranipors Mai 1772, Tome 11, 139 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tées par Les eaux. Si la terre que nous habitons a été réellement cou- verte par la mer , ferons-nous étonnés de ne point voir de produétions terreftres mêlées avec les corps marins? ne ferions-nous pas même fur- pris de ce mêlange s’il exiftoit ? Pendant plufieurs fiècles , la même partie de terre a pu être couverte par les eaux. Il eft probable, que pendant ce tems-là les mêmes agitations, les mêmes tremblemens de terre, les mêmes bouleverfemens ont eu lieu comme aujourd’hui: dès- lors, la mer engloutifloit ou entrainoit des terres de différentes efpèces. Ces terres {e font précipitées felon les loix dela pefanteur fpécifique; voilà l'origine des couches que l’on remarque à la furface de notre globe. Ces agitations ont été fort fouvent répétées , voilà celle de l’altérnative de ces mêmes couches ; rien de plus fimple & de plus naturel, Nous verrons par la fuite comment des corps terreftres ont pu être enfevelis à une fi grande profondeur. En un mot, on comprend dans notre fyflême la raïfon de Pirrégularité de la furface du globe. En effet, l'expérience nous apprend que la violente agitation des eaux de la mer & des fleuves rapides, eft la caufe première de l’inégalité de leurs lits. Souvent on voit naître des bancs de fable dans des endroits où on n’en avoit jamais apperçu. Ajoutons à cela que ceux qui ontétéà même d’obferver le fonds de la mer, nous affurent unanimement qu’on y rencontre les mêmes inéga- lités qu’à la furface de la terre. Que l’on examine attentivement nos mon- tagnes; que l’on confidère les changemens qu’elles éprouvent, leur variété, tout femble nous apprendre que c’eft l'ouvrage des flots. Il eft ämpofñble que ces mafles énormes de pierres que l’on voit s'élever fur la terre, n’aient pas été autrefois dans les eaux foutenués par le limon qui les entouroit; il répugne de dire que ces pierres fe font élevées comme les arbres, &c. Tous les phénomènes de Ja nature concourent à nous prouver que notre continent a été autrefois le lit de la mer; mais comment la mer at-elle pu abandonner & le laïffer à fec ? c’eft ce qu'il s’agit d'expliquer maintenant (a). Nous ne penfons pas. que ce fonds de terre ait pu s’éle- ver au - deflus des eaux ; cependant, nous ne taxons point d'abfurdité ceux qui fuivroient cette opinion. Elle a des preuves pour elle, & ne manque pas aujourd’hui de défenfeurs ; c’elt pourquoi , il eft nécef- faire que je donne quelques avertiflemens préliminaires, avant de pro- pofer mon fentiment. M. Moro, Phyficien aflez connu en Allemagne , a prétendu dernièrement que notre continent , autrefois lit pierreux de la mer, s’étoit élevé au deflus des eaux parla violence des feux qui l’avoient ébranlé; de -là, les montagnes, qui, fortant de la mer, ont vomi du feu & de la terre en allez grande quantité pour achever leur formation propre, (a) Voyez la belle Differtation de M. Ferner, au commencement du premier & du cond Cahier de Juillet & d’Août 1773, fur Ja diminution de l’eau de la mer. RE T \, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 131 & remplir les vallées, les plaines, & en former de nouvelles, Ainf, notre Continent a pris naiflance au milieu des eaux, comme les ifles mêmes. Selon cette hypothefe, les corps marins furent rejettés en même tems que les montagnes , & dès-lors, M. Moro ne s'étonne plus de voir les fommets couverts de ces coquillages répandus fur toute la furface de la terre. Il y auroit beaucoup d'objeions à faire, dans l'examen de cette opinion, fi nous voulions n’en pafler aucune fous filence; mais les bornes d’un Mémoire ne le permettent pas. Nous avons d’abord avoué que cela étoit fort poflible, fi on ne tenoit pas compte de quelques-uns des phénomènes. Nous ne pouvons pas aflarer fim- plement que notre continent n’a point été couvert par les eaux, puifque ce fyftême n’a rien d’aburde: ainfi, accordons.le à M. Moro;, qu'il a été couvert par les eaux de la mer; mais qu'il nous foit permis d'expliquer plus naturellement comment ce continent a été mis à fec: enfin, les feux fouterrains ont aflez de violence pouf produire des montagnes; cela ne répugne pas, & on en a des exemples. Que des coquillages aient été vomis en même tems du fond de la mer, cela eft encore fort poñfible. Néanmoins, quand toutes ces propo- fitions feroient vraies chacune en particulier, on n’en formeroit pas une hypothèfe vraifemblable. Les objeétions font plus fortes. La multitude des montagnes eft immenfe; & le plus fimple calcul nous apprend qu'en Allemagne feulement, on en peut compter plus de mille milliers. Parmi toutes ces montagnes, à peine en rencontre-t-on une, où l’on apperçoive quelques veftiges de ce feu fouterrain. Les terres qui ont êté vomies du fein de la mer, fuivent les loix de la pefanteur fpécifique, ce que M. Moro feroit fort embarraflé d’expli- quer dans fon fyflème. Enfuite, eft-il vraifemblable que les animaux & les végétaux par exemple, les exotiques, aient pris naïiflance dans les lieux où on les rencontre quelquefois, y aient pris de lac- croiflement juiqu'à ce qu'ils fuflent couverts & enveloppés par les terres des montagnes voifines? De plus, M. Moro avance qu'il n’y a pas plus de trois mille ans depuis la formation des Alpes, La nature eft donc terriblement épuifée! Quoi, depuis 30 fiècles elle n’a produit que les Alpes, fi on excepte cependant une petite montagne; enfin, fi la violence des feux fouterrains a formé les montagnes &c les terres, nous ne voyons pas pourquoi les volcans n’en produifent point. Nous fommes très-perfuadés que fi M. Moro voyoit l’arrangement de la nature dans nos carrières, il n’attribueroit plus ces phénomènes à un feu fouterrain. Nous ne nous arrêterons pas davantage à rétuter ce fyftème. Lorfqu’on l’envifage généralement, il ne montre rien d’im- pofüble ; mais examiné en particulier, il eft démenti par tous le phé+ aomènes. Son Auteur le croit cependant fi parfait, qu'il taxe prefque Mai 1772, Tome LL, R i 152 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de bêtife & d’abfurdité, ceux qui ne l’embraffent point. Nous avons déja expofé bien des hypothèfes ; aucune d’elles, comme on l’a vu, ne rélout les difficultés. Ne m’accufera-t-on pas de témérité, fi je veux en donner une à mon tour? Je ne le penfe pas: on ne fauroit trop s’oc- cuper d’une matière aufli importante; & les erreurs conduifent quel- quefois à la découverte de la vérité. J’ai d’abord prouvé que notre continent avoit autrefois été le lit de la mer; j'ai enfuite réfuté, en peu de mots, le fyftême de M. Moro , dont j'ai démontré l’impofñbilité. Il ne me refte pour reflource que les tremblemens de terre: ils font malheureufement trop fréquens ; & nous en voyons quelquefois ravager des lieux où ils étoient jufqu’alors inconnus. Je fuppofe d’abord que la caufe de ces bouleverfemens eft la même que celle des météores ignés , & ne font autre chofe qu’une explofion plus ou moins forte des feux fouterrains. Cette explofion devient terrible, lorfque les exha- laïfons inflammables font confidérables ; & que l’efpace eft petit; elles “le fonr beaucoup moins, quand il y a peu d’exhalaifons , & qu’elles ont lieu dans un grand efpace, L'expérience nous apprend que par-tout où arrivent ces tremblemens de terre, il exifte des cryptes & cavernes fou- terraines , dans léfquelles les exhalaifons inflammables naiflent , fe réu- mflent, s’:nflamment & frappent vivement l’air renfermé dans ces cavernes. On fait que ces boulevérfemens entr'ouvrent quelquefois la terre, y forment dés goufres , ou engloutiflent quelquefois des villes entières. Il n’eft pas néceffaire de rapporter des exemples, on les con- noît aflez & nousen avons encore fous les yeux ; témoin la ville d’Æer- culanum, qui, depuis tant de fiècles, étoit enfevelie. On fe fouvient encore des malheurs de Lima & de fes environs, de ceux de la Jamai- que & de Saint-Domingue ; il n’exifte que trop de ces cavernes affreufes dans la Carniolé, dans l’Hercynie, & dans tant d’autres parties de nos Contrées. Une grande partie de notre continent eft probablement fuf- pendue fur ces fouterrains comme fur des voûtes. Il eft à craindre pour ces pays infortunés, fi fouvent ravagés par ces explofons fubites , qu’ils ne {oient enfin engloutis pour ne plus reparoître. Sinous fuppofons donc que l’ancien continent reffembloit à celui que nous habitons; qu'il étoit comme le nôtre , porté fur des cavernes & des fouterrains; qu'il éprouvoit des tremblemens de terre ; fi nous fup- pofons que le lita@uel de la mer renfermoit autrefois des cryptes, des iles , &c., il nous eft facile de conje@urer ce qui a dû arriver par les ravages des eaux , des tremblemens de terre, &c. En effet , n’étoit-il pas naturel que ces eaux fe portaflent vers les lieux les plus inclinés, & qu’elles abandonnaffent leur lit plus élevé que les parties du continent écroulées & englouties? On conçoit la pofibilité de cet événement, perfonne n’eft en droit de la contelter ; & les preuves multipliées que nous avons apportées, détermineront fans doute le plus grand nombre à I SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. . 133 adopter notre fyftême, ou à dire du moins quil eft plus vraifemblable que tous ceux que nous avons déja cités. Si le fentiment que nous défendons ne répugne point, & a quelques degrés de probabilité, qui nous empèche d’aflurer que ces mutations ont changé le centre de gra- vité du globe, lui ont donné un axe de rotation différent, en le faifant tourner obliquement au plan de fon orbe annuel , ce qui n’a pu arriver fans un changement confidérable à la furface de la terre? En effet, les pays fitués auparavant entre la zône torride & les tempérées, fe font approchés des pôles. Ainf, les corps qui nous paroïflent étrangers dans le fein de la terre, font peut - être dans le lieu de leur naïflance. Enfuite, toutes les parties du globe ont dû néceflairement, dans leurs mouvemens diurnes, décrire des cercles différens. On ne s’étonnera donc plus que cela ait donné lieu à la difperfion des eaux & au mélange des corps exotiques & indigènes. Nous ne rapporterons pas tous les phénomènes auxquels cette muta- tion a pu donner lieu; nous nous contenterons d’avoir expofé notre théo- rie, & prouvé qu’elle s’accordoit avec les phénomènes. Peut-être étoit- elle la feule qui reftät pour les expliquer? & fi on parvenoit à en démon- trer la faufleté, ce qui n’eft pas impofñlble , on auroit lieu de défefpérer de la découverte de la vérité. Le Le@eur avouera avec nous, que le Mémoire de M. Hollmann renferme quelques détails intéreffans ; s’il n’eft pas écrit auf clairement qu’on le defireroit , ce n’eft peut-être pas la faute de l’Auteur. Les bor- nes prefcrites à un Mémoire, lempêchoient de s'étendre beaucoup, & il avoit {ans doute plufeurs autres objets à préfenter. L’expoñtion des fyflêmes anciens & modernes , les preuves pour & contre, la démont- tration du fien , &c. font autant d’articles qui euflent exigé des Mémoi- res particuliers. On s’appercevra qu’il n’y a rien d’exaétement neuf dans fa théorie, Ja dernière partie feule femble lui appartenir. Au refle , il y a toujours beaucoup de mérite à fe rencontrer avec les grands Hommes , & à per- feétionner leur fyftème. Mai 1772, Tome II, 134 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, LE DFA DE M. ELLIS AU CHEVALIER VON-LINNÉ, ,{ CONTENANT a defcription d'une Plante d'Amérique, connue par les Jardiniers fous la dénomination de Loblolly Bay, culrivée dans les envi- rons de Londres, dans laquelle il prouve que cette Plante nef pas un Hibifcus, comme le prétend M. Miller, ni un Hypericum, comme le fuppofe le Chevalier Linné ; mais une nouvelle efpèce pour laquelle M. Ellig propofe le nom de Gordonia. MONSIEUR, Le n'ignorez pas que la mauvaife habitude de décrire les nou: velles efpèces d’après les modèles defféchés , donne lieu à de fréquentes erreurs en Botanique. Lorfqu’une expérience mieux fondée vous ramène à l'évidence, vous êtes le premier à vous y rendre, Ce motif m’a engagé à vous écrire librement fur une matière dans laquelle votre fentiment fe trouve compromis. Nous cultivons depuis quelque tems cette plante toujours verte, appel- lée dans la Caroline méridionale & dans les Florides, Loblolly-Bay ou Alcea Floridana, dont Catesby fait mention dans fon Hiftoire de la Caro- line, vol. 1, tab. 44,p. 44. Cette plante a fleuri dans le jardin de M. Berwick à Clapham: & c’eft fur ces fleurs encore fraîches, que j'ai fait mon examen botanique. J'avois déja chez moi quelques échantillons de cette fleur defléchés, qui m’avoient été envoyés de Charlefton par M. Alexandre Charlefton, notre ami commun, En comparant les unes avec les autres, J’ai reconnu fans peine la raifon qui vous a engagé à placer cette plante dans la claffe de la Polyadelphie , & à la ranger parmi les Hypericum, fous le nom d’Æypericum Laftanthus, Dans les fleurs sèches , les étamines paroiflent divifées en cinq phalanges très- diftinétes , dont les filets font réunis: dans les fleurs nouvelles , au contraire, tous les filets des étamines font unis à leur bafe, & rangés circulairement autour du piftil. D'après cette obfervation , cette plante doit être claffée dans la monadelphie. Le feul doute qui mesrefte fur cette plante, eft de favoir précifé- ment fi elle renferme un ou cinq ftyles. Comme vous avez adopté le dernier de ces nombres, fans doute avec quelques fondemens, je m'en rapporterai à çe que vous déçidereze SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13 Si, après avoir examiné le fujet par vous-même , vous jugez, avec vos amis d'Angleterre & d'Amérique , que ce foit une efpèce nouvelle, je vous prie de la placer dans votre collection, fous le titre de Gordo- nia, pour rendre hommage à la mémoire de M. Gordon , à qui laBota- nique a tant d'obligations, & dont le mérite, pour la culture des plan- tes exotiques , eft univerfellement reconnu. M. Miller fait connoître dans fon Did@ionnaire, la difficulté extrême qu’on trouve à élever cette plante; & il ne craint pas de la placer dans le genre des ÆHibifeus ; mais comme le caraétère commun aux ÆHibifcus & celui du Gordonia, diffèrent effentiellement, je fuis perfuadé que vous conviendrez qu'il n’y a point de rapport entre ces individus , quaæd vous aurez pris la peine de lire la defcription fuivante. Daéfcripion du Gordonia, claffé dans la Monadelphie Polyandrie. Le calice ou périanthe, eft compofé de cinq feuilles rondes , con- caves & dures, généralement couvertes d’un petit duvet & velues par les bords ; au bas de la corolle , elles embraflent étroitement le germe ou le bouton qui renferme la femence. Ce calice fubfifte, jufqu’à l’en- tière maturité des femences. Sur la tige, & un peu au-deffous du calice, on diftingue quatre peti- tes feuilles florales ou braëtées, placées à des diftances inégales l’une de l’autre. Leur forme eft concave & oblongue , ronde vers l’extrémité fupérieure, & tronquée à la partie inférieure où chacune paroïît embraf. fer une partie de la tige. Ces quatre feuilles couvrent la fleur , ou plu- tôt fon calice, lorfqu’il eft encore foible ; mais à mefure que la fleur s’épa- nouit: les quatre feuilles s’éloignent, & elles tombent quand le calice eft parfait: on pourroit les regarder comme une efpèce de calice. La corolle ou feuille de la fleur. La corolle eft compofée de cinq péta- les ou feuilles plus larges , charnues, concaves, ovales, unies les unes aux autres par la partie la plus étroite de leur bafe; & ces pétales ne forment, pour ainfi dire, qu’une feule & même feuille dans cetendroir, On trouve dans l’intérieur de ces cinq pétales unis par leur bafe, une fubftance charnue & creufe, femblable à un neétaire ; cette fubftance paroît tenir à chacun des pétales, & elle y tient effe&tivement, & le germe y eft renfermé, La partie fupérieure de cette fubftance eft ondée de façon, que chaque ondulation répond au milieu de chacune des feuilles, Les éramines où organes méles, Les filets des étamines font très-nom- breux ; ils font implantés dans là circonférence de l’extrémité de la par- tie ondée, non pas divifés par parcelles, ou réunis feulement en petits faifceaux comme dans la Polyadelphie , mais placés à égale diftance l’un de Pautre, & attachés enfemble dans leur partie inférieure au tube même. Les anthères où la partie qui contient la femence mâle , font de Mar 1772, Tome 11, Li r * 136 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; forme ovale & élevée; fur chaque côté, il y a une petite cellule rem= plie d’une efpèce de farine globuleufe ou pouffière fécondante. Le piflil ou organe femelle, Le germe ou bouton féminal eft oval & pointu vers le bout où commence le ftyle : le /yle eft très-court; il a fur les côtés cinq petites pointes à fon fommet, & on diroit que ce font cinq ftyles réunis. L'extrémité de ces ftyles fuppofés eft terminé par cinq flygmates pointus , Ou ouvertures des ftyles , difpofés horifontalement en manière de rayon, & un peu retournés vers les pointes, On trouve à l'extrémité de chacune une cavité longitudinale, terminée en pointe. Le péricarpe où logement des femences. La cap{ule eft ovale, mais pointue à fon extrémité, elle eft de la nature du bois; elle fe divife à fon extré- mité , lorfqw’elle eft mûre, en cinq valvules, avec autant de cellules ou loges. Les fémences ont la forme d’un haricot, prefque aîlées feulement d’un A Cr côté & obliquement. Chaque cellule contient deux grains. EXPLICATION de la Planche deuxième. A. La fleur du La/fanthus où Gordonia , non ouverte, avec fon calice & | fes feuilles florales ou braîées. B. Les pétales féparés. Ils font unis à leur bafe. Voyez B.7, C. Les pétales ou la corolle épanouie, pour montrer le petit tube ou tuyau charnu, qui reçoit les filets à leur bafe. D. Le piftil ou bouton féminal a été entouré par la bafe de la corolle. Voyez B. 1. E. Le calice, compofé de cinq petites feuilles roïdes, F. Les quatres feuilles bra@ées. G. Le petit ftyle, & les cinq ftigmates. G. 1. Les ftigmales vus en grand. H. Le germe conique ou le bouton féminal , entouré par le calice. H. 1. Le vaifleau féminal avant qu'il foit mùr, avec le calice, I. Le péricarpe avec fes valvules ouvertes. K. Graines ailées. L, Trois pétales détachés, pour faire voir cemmentils font unis avee le tuyau charnu qui fupporte les étamines, M. Les étamines avec leur fommet, un peu groffies. N. Les feuilles florales qui entourent le bouton de la fleur lorfqu’il ef fermé, COURS Ma 2772 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 137 mm à MOURSI/D'HYPPIATRIQUE, Ou Traité complet de la Médecine des Chevaux, grand in folio, enrichi de Joixante-fept Planches, par M. Lafoffe, Hippiatre ; ayant pour épigraphe ces mots de Columelle : Ecquis verd futurum Hippiatrum docebit fi nullus Profeflor eft? À Paris, chez Edme, Libraire, rue Saint Jean- de-Beauvais, & chez l'Auteur, rue del'Éperon. Prix 108 Liv. broche ; f£ des Planches font enluminées 160 liv, & 240 liv. avec des chiffres & des enluminures fans chiffres , ce qui fait doubles eflampes. | LT Nro IR n’a rien épargné pour rendre cet ouvrage digne des bibliothèques les plus recherchées. Le papier en eft fuperbe; les gra- vures deflinées avec force, exécutées avec vigueur & d’un fini pré- cieux ; la partie typographique eft de la plus grande beauté. Cependant, ces accefloires font le moindre mérite de cet ouvrage , rempli de décou- vertes curieufes & importantes. L’Auteur l’avoit annoncé dans fon Guide du Maréchal le public lattendoit avec empreflement , & aujourd'hui, il furpafle fes efpérances. M. Lafofle donne dans fa préface, un Précis hiftorique des progrès de l’art vétérinaire, & il y démontre que les mots de Medicus veterina- rius, ou fimplement de veterinarius, étoient prefque les feuls employés par les Romains , pour défigner ceux qui fe confacroient à guérir & à avoir foin des chevaux & des bêtes de fomme. On les trouve dans Varron, dans Valere- Maxime, Pline, Columelle, &c. & celui de Vererinus dans Lucrece, L'art vétérinaire n’eft donc pas un art nouveau comme plufieurs perfonnes ont voulu le faire croire: il fuffit de confulter l'ouvrage de M. Vitet, & on ytrouvera un catalogue raifonné d’un nombre prodi- gieux d'écrits en ce genre, foit anciens, foit nouveaux. L’Auteur, excellent Anatomifte, & Elève de M. Ferrein, dont pen= dant cing ansil a préparé les fujets deftinés à fes démonftrations , a porté le coup d'œil de maître, & le génie de l’obfervarion fur l'anatomie du cheval. L'un & l’autre ne s’acquierent que par l’habitude de voir, d’étu- dier & de raifonner d’après les connoiflances acquifes & multipliées. IE ouvrit,en 1767, un cours gratuit dans lequel 1l a démontré pendant plu- fieurs années l’anatomie, les maladies du cheval, la ferrure , &c. Le nombre des Auditeurs faifoit l'éloge du Maître, & plufieurs font deve- nus {es proteéteurs ou fes amis. M. Lafoffe divife fon ouvrage en quatre parties. La première eft def tinée à l’hippotomie où anatomie du cheval, qui comprend l'offéologie ou defcription des os, la chondrologie ou defcription des cartilages, la /ÿn+ Mai 1772, Tome 11 138 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, defmologie où defcription des ligamens, la myologie ou traité des mufcles ; V'angiologie ou traité des artères & des veines, la zevrologie ou defcrip- tion des nerfs, la /plancnologie ou traité des vifcères, l’adénologie ou defcription des glandes. Cette première partie efl terminée par plufieurs points d'hippotomie. : Fr L’hygiène, ou l'art de conferver la fanté, remplit la feconde divifion de cet ouvrage. L’Auteur y traite du cheval confidéré dans la totalité &c dans la généralité de fes mouvemens , de l’examen des parties du che- val prifes féparément, de la nourriture qui lui convient, des foins qu’on lui doit, des exercices auxquels il eft deftiné. La troifième partie eft confacrée à l’hippopatologie ou traité des mala- dies. L’Auteur, fuivant la méthode de plufieurs Ecoles de Médecine, les divife en maladies externes, & en maladies internes; elles font pré- cédées par des généralités fur l’inflammation , le flegmon , &c. Enfin la dernière partie renferme un traité complet fur la ferrure, dans lequel M. Lafofle décrit le pied du cheval, démontre les défauts de la ferrure a@uelle , enfeigne les précautions à prendre pour ferrer les chevaux malades, les principes pour ferrer les mulets, les ânes , &c. Il termine cette divifion par des réponfes judicieufes & dignes d’un Hip- piatre, aux objeëtions faites contre la ferrure qu’il a propotée. Nous ne parlerons pas dans ce volume des découvertes anatomiques de l’Auteur , leur multiplicité exige un examen particulier ; nous nous contenterons de rapporter ce que M. Lafofle a dit de la dentition du cheval , des moyens de connoître fon âge par fes dents , & d’une décou- verte faite à ce fujet. Ce morceau feul fuffira pour faire connoître fa manière de voir, d’obferver &z de traiter les fujets qu'il difcute. De la ffruture des Dents & de leurs développemens , fervans à la connoif- Jance de l'âge, depuis l'embryon formé jufqu'a fa naiflance. Les dents, ces corps durs & plus onu moins blancs, font mous dans leurs principes; ce n'eft que par fucceffion de tems qu'ils acquièrent de de la folidité, du volume & une figure particulière. Dès que l’animal commence à prendre figure dans la matrice , ce qui arrive vers le dix-feptième ou le dix-huitième jour, on apperçoit entre les deux tables de la mâchoire inférieure deftinée à former par la fuite les alvéoles, une efpèce de gelée féreufe, qui paroït n'être renfermée que dans une efpèce de parchemin ; ce n’eft autre chofe que les alvéo- les confondus enfemble, Au commencement du troifième mois, on diftingue aïifément un alvéole (c’elt le premier du côté des incilives , car les dents molaires croiflent fucceflivement du devant en arrière), rempli d’un mucus d’un gris fale, de la groffeur d’un gros pois. En examinant cette fubftance avec le microfcope, on apperçoit à la partie fupérieure qui regarde SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 139 l'alvéole, des petits points en forme de chapelet, lefquels ne font autre chofe que le commencement des fibres qui doivent former la dent. Le refle eft fimplement muqueux; la partie inférieure de ce même mucus eft plus féreufe & a moins de confiftance. Au quatrième mois, on découvre la deuxième dent molaire dans le même état que celle que nous venons de décrire. Mais on diftingue à celle-ci une petite ligne blanchà- tre, ayant un peu de confiflance & la largeur d’un demi-quart de ligne , &c au-deflous , ces mêmes points dont nous avons parlé ; la partie infé rieure du mucilage eft plus épaifle , plus fale & plus abondante: vers la fin de ce mois, les dents des pinces tant de lamâchoire fupérieure que de linférieure commencent à fe former, à-peu-près dans l'ordre de l'autre, mais en s’alongeant. Au feptième mois , la troifième dent molaire fe montre dans l’état où étoit la précédente ; mais alors, ce trait de la première molaire s’elt aug menté, & a deux lignes & demie de large. En détruifant le refte du mucus , on apperçoit une feconde lame au-deflous, à-peu-près de la même largeur que celle-ci , & le mucus eft un peu plus épais. Au huitième mois, on diftingue aifément à la première dent, deux feuillets compofés de plufieurs fibres arrangées les unes à côté des au tres, pofées toujours perpendiculairement à l’alvéole , & repliées en dif- férens fens. Dans le même tems, le bord fupérieur de ces deux feuilles fe réunit en haut, & leurs fibres deviennent fi denfes , qu’on ne fauroit les diftinguer. La dent, dans cet état, a l'air d’un cornet ou d’un rouleau de papier ; elle fe trouve creufe par les deux bouts: mais en brifant ces rouleaux, l’on voit dans le milieu de la dent d’autres feuillets qui fe réu- niflent de la même façon que les premiers. Vers le dixième mois, ces deux autres dents acquièrent fucceflive- ment de l’accroiflement dans l’ordre de celle-ci. Vers le milieu de ce mois les dents mitoyennes commencent à fe former, & les pinces augmentent dans l’ordre des molaires de bas en haut. Au commencement du dixième mois, la première dent fe trouve déja bien avancée & prête à fortir de fon alvéole , & plus étroite de ce côté; le mucus a une couleur de jonquille chaire, eft beaucoup plus épais & en petite quantité ; c'eft vers la fin de ce mois que la première dent fort de fon alvéole: la fortie de la feconde fe fait vers le quinzième du onzième mois ; & la fortie de la troifième, vers le commencement du douzième : en forte que l'embryon d’un an a douze dents molaires {or ties, fix à chaque mâchoire. A la fin du douzième mois, les coins commencent à fe former , mais aucun d'eux ne fort de l’alvéole ; l'animal refte avec ce même nombre mde dents plus ou moins avancées , jufqu’au douzième mois révolu, qui eft leterme ordinaire où la jument mer bas, quoiqu'elle le fafle fouvent à onze mois de même qu'à treize pañlé, J'ai oui dire à des perfonnes Mai 1772, Tome IL. S i 140 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dignes de foi , que la portée des jumens avoit été prolongée jufqu’à la fin du quatorzième mois ; le poulain prêt à fortir de la matrice a donc les fix molaires dehors à chaque mâchoire ; les fix autres molaires ne font encore que mucilagineufes , mais plus ou moins avancées: il y a auffi à chaque mâchoire fix dents incifives, plus ou moins avancées ; c’eft- à-dire, les pinces, plus que les mitoyennes; & celles-ci, plus que les coins. De la connoiffance de l'âge du Cheval par linfpeétion des dents , depuis [a naif[ance jufqu'a 27 ans. Le poulain en naïflant a, comme nous venons de le dire, fix dents forties à chaque mâchoire, & même ufées, ce qui fembleroit annoncer que lanimal a mâché dans la matrice, ou que du moins fes mâchoires n’ont pas toujours refté dans l’inaétion ; mais le frottement modéré d’un feul mois feroit:il bien capable de les ufer d’une manière fenfible > Vers le dixième ou le douzième jour de fa naïfiance, les pinces ui étoient formées, fortent des deux mâchoires; les miroyennes paroif- ent une quinzaine de jours après, & ne fe trouvent {orties qu'un mois : après les premières. Les coins paroiflent vers le quatrième mois, de manière que le poulain fe trouve avoir fix dents de lait incifives à cha- que mâchoire , lefquelles fubfiftent jufqu’à deux ans & demi ou trois ans, tems où elles commencent à tomber, & d’où l’on part pour la con- noiïffance du poulain ; néanmoins, il eft très-aifé de tirer une indu@tion de l’âge de cet animal, depuis fa naïffance jufqu’à la chûte des pinces, qui eft, comme nous l'avons dit, à deux ans & demi ou à trois ans. On la peut tirer, non-feulement des dents incifives ; mais avec facilité même , des dents molaires. Les premières fix femaines de fa naïflance , le poulain a quatre dents incifives à chaque mâchoire, & fix molaires : ces incifives font les. pin- ces & les moyennes; ces dents font creufes en dehors & à deux racines, & reflemblent aux dents de chevaux , lorfque ces dernières font nou- vellement poufées ; c'eft-à-dire, qu’elles font pyramidales & fillonnées. en dehors; leur creux extérieur eft blanc; leur bord, foit interne , foit externe ( ce que j'appelle muraille de la dent }) , eft tranchant, & refte encet état jufqu’au troifième mois qu'il commence à s’ufer , & par con- féquent, ce creux à difparoitre. Le quatrième mois, les coins paroiffent. A fix mois elles font de niveau avec les mitoyennes. Si l’on examine à cet âge les dents du peulain, on trouvera que les pinces font d’un quart moins creufes que les mitoyennes, celles-ci de moitié moins que les coins. e Les quatre premières dents s’ufent peu-à-peu. Le trou difparoit de plusen plus , de façon qu’à un an on commence SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 141 à appercevoir un col au-deflous de la dent; elle a moins de largeur & eft à moitié remplie. A dix-huit mois, les pinces font'pleines , ou peu s’en faut, & moins larges; le col eft plus fenfible, À deux ans elles font toutes rafes & d’un blanc clair de lait; les mitoyennes font dans l’état où elles étoient à dix-huit mois. Ces dents fe maintiennent dans cet état jufqu’à deux ans & demi , quelquefois juf- qu’à trois ans, bien qu’elles montent & s’y ufent toujours, & devien- nent moins larges; c’eft-à-dire, qu’elles ne fervent plus d'indice cer- tain: mais en examinant les molaires , on trouvera qu’à un an le pou- lain en a quatre de lait, & une de cheval ; à dix-huit mois, ilena cinq, trois de lait & deux de cheval; qu'à deux ans les premières dents molaires de lait de chaque mâchoire , tombent & font place à la dent de cheval; car les chevaux ont fix dents de lait molaires à chaque mâchoire, qui font les premières avec lefquelles les poulains naïflenr, À deux ans & demi ou trois ans , les pinces tombent; & à celles-ci, fuccèdent les pinces de cheval. À quatre ans, le poulain a fix dents molaires; cinq de chevaux , & une de lair, qui eft la troifième & der- nière, À quatre ans ou quatre ans & demi , les coins tombent , & en même tems, la troifième dent molaire de jait; pour lors le poulain a douze dents molaires à chaque mâchoire , & fix incifives. À cinq ans, pour l'ordinaire , les crochets percent, & le cheval a en tout quarante dents. Les molaires ne fervent plus à la connoïffance de l'âge, que versles derniers tems de la vieilleffe; il n’y a donc plus que les incifives & le crochet qui l’indiquent. Telles font les parties d’où dépend principale- ment la connoiffance de l’âge du cheval; on voit que c’eft principale- ment par l’infpeétion de la mâchoire inférieure. À cinq ans, les pinces font un peu ufées, & leurs cerps fillonnés en devant; les mitoyennes font moins remplies ; la muraille du dedans eft tranchante, celle du dehors eft un peu ufée; les coins font à peu- près de la même hauteur que les mitoyennes, mais ce n’eft que la muraille externe des coins, car l’interne ne fait que paroïître. Les cro- chets ne font qu’à moitié fortis, & n’ont que trois lignes dehors; ils font très-pointus, leur fillon en dedans paroît, mais {ans être entier. A cinq ans & demi, les pinces font plus remplies; les murailles des mitoyennes commencent à s’ufer; la muraille interne des coins eft prefque égale à externe , mais elle laifle une petite échancrure en de- dans: le crochet eft prefque dehors ou bien avancé, ce qui dénote qu'il n’eft pas encore forti; ce font des crénelures internes que l'on voit être comprifes dans la gencive. A fix ans, les pinces font rafées, ou peu s’en faut: les mitoyennes M 41 1772, Tome IL, 142 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, font dans l’état où étoient les pinces à cinq ans; les coins font égaux par-tout & creux; la muraille externe eft un peu ufée; les crochets font entièrement pouflés, ils font pointus, pyramidaux, arrondis au dehors, & fillonneux en dedans; vers les gencives, on apperçoit en. dedans que les fillons font fortis, parce qu'ils ne règnent pas jufqu’au bas. À fix ans & demi, les pinces font entièrement rafées ; les moyennes le font plus qu’elles ne l’étoient : la muraille interne des coins eft un peu ufce, & ne laiffe qu’une cavité ; le crochet eft un peu émoufñlé d'une ligne ou environ. | À fept ans , les moyennes font rafées ; les coins font plus remplis, 8& le crochet ufé de deux lignes. À lept ans & demi, les coins font remplis à peu de chofe près, & le crochet eft ufé d’un tiers de l'étendue de fes fillons. À huit ans, le cheval a entièrement rafé, & le crochet eft arrondi. il et à propos d’obferver que les dents ne fe rempliffent pas; qu’elles ont toujours la même longueur qu’elles avoient dans le tems de leur for- mation, tant molaires qu'incifives ; mais qu’elles font pouflées au-de- hors dans les poulains, & dans les jeunes chevaux, par le mucilage qui fe trouve aux racines, ou par le diploé & par le fuc offeux qui fe trouve entre les deux tables de chaque côté de la mâchoire, & par le rappro- chement de ces deux tables; car, à confidérer les mâchoires inférieures des poulains , elles font très-arrondies dans leur bord inférieur au lieu que celles des vieux chevaux font tranchantes ; ce qui prouve que l’une & l’autre de ces parties contribuent à la fortie des dents. Il y a des chevaux ou des jumens qu’on appelle bégus, c’eft à-dire, qui marquent toujours; cela eft faux. Ils marquent à la vérité plus long-temps; ce qui ne fait pas une grande différence. D'ailleurs, que ce foit chevaux ou jumens, il y a toujours des indices certains de l'âge, foit par m largeur des dents, par leurs fillons , par leur figure ou par leur implantation ; il eft même bien rare qu’un homme qui a bien vu , bien examiné les dents, qui les a maniées plufeurs fois, n’apper- çoive pas l’âge des chevaux: ainfi, tous les Amateurs font invités à faire une colleétion de dents de différens âges, d’en confidérer attentie vement & fouvent la figure , la courbure & les différentes parties. Paff£ huit ans, les mêmes dents incifives fervent d'indice ainfi que les crochets; mais principalement les premières. Pour cet effet, il faut fe rappeller ce que nous avons dit, que les incifives ont une figure pyremidale; la face du dehors eft plate & marquée d’un fillon; celle du dedans eft arrondie & devient d’autant plus tranchante qu’elle approche davantage de fa fortie; fes côtés arrondis à leur fortie, font fillonnés à leurs racines. Il faut fe rappeller encore l’état des crochets qui font fillonnés en dedans, gros & arrondis dans leurs corps. Let 2 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 143 Ainfi, à neuf ans les pinces deviennent plus rondes, les crochets n'ont prefque plus de fillons. «+ A dix, les crocheis n’ont plus de fillons. De dix à douze , il y a peu de différence. } A douze, les pinces font moins larges, mais plus épaiffes; les crochets font totalement arrondis, De douze à quatorze, il y a peu de différence ; elle n’eft fenfible qu’à ceux qui fe font appliqués à bien diftinguer les changemens qui arri- vent aux dents. A quinze, les pinces font triangulaires & plongent en avant; pour lors, les crochets ne font d’aucun fecours. Dans l’efpace de quinze à vingt, les différences ne font fenfibles qu’en ce que les dents plongent davantage, & font plus petites; mais à vingt ans, l’on apperçoit les deux crénelures qui font aux côtés des dents, de façon que les dents font plates & moins ferrées. À vingt-un, & quelquefois à vingt-deux ans, les premières dents tombent, & font tellement ufces, qu’on y diftingue trois racines. A vingt-trois, les fecondes tombent, A vingt-quatre, c’eft la quatrième. A vingt-cinq, ce font les troifièmes. A vinot-fix , les cinquièmes molaires ; mais les fixièmes reftent quel- quefois jufqu'à trente. J'ai quelquefois vu des chevaux avoir à cet âge quatre dents molaires de chaque côté : jen ai vu d’autres avoit perdu toutes leurs molaires à dix-fept ans; quant aux incifives , elles combent les dernières. A l’âge de trente à trente-un ans, pour lors les gencives &c les alvéoles fe rapprochent, deviennent tranchantes & font fonélions des dents. Récapitulation de l’âge du Cheval, depuis [a naiffance jufqu'a La châte de Jes dents, laquelle arrive vers le vingt-fixieme ou trentieme année, Le cheval naît avec fix dents molaires à chaque mâchoire. Le dixième ou douzième jour après fa naïliance, 1l lui poufle deux pinces à chaque mâchoire. Quinze jours après les mitoyennes paroiffent. Trois mois après , celles-ci fortent les coins. A dix mois, les incifives font de niveau, & creufes À la vérité ; les pinces moins que les mitoyennes, & celles-ci moins que les coins, A unan, on diflingue un col à la dent; lon corps a moins de largeur ê& eft plus rempli, quatre dents molaires, trois de poulains & une de cheval. À dix-huit mois, les pinces font pleines; le poulain a cinq dents molaires , deux de cheval & trois de lait. Mai 1772, Tome IL. 144 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, À deux ans, les dents de lait font rafées, les premières dents molaires tombent, À deux ans & demi ou trois ans, les pinces tombent. # A trois ans & demi, les fecondes molaires tombent, ainfi que les mi- toyennes. A quatre ans , le cheval a fix dents molaires, cinq de chevaux & une de lair. A quatre ans & demi, les coins tombent. A cinq ans, les crochets percent. À cinq ans & demi, la muraille interne de la dent eft prefque égale à l'externe, & le crochet eft prefque dehors. A fix ans, les pinces font rafées ou peu s’en faut ; les coins formés, & la muraille interne un peu ufée. A fix ans & demi , les pinces font rafées entièrement ; la muraille in< terne des coins l’eft un peu auffi, & le crochet émoufé. A fept ans, les mitoyennes font rafées ou peu s’en faut, & le crochet ufé de deux lignes. À fept ans & demi, les coins font prefque rafés, & les crochets ufés d'un tiers. A huit ans, le cheval a rafé entièrement , & le crochet eft entièrement arrondi. A neuf ans, les chevaux n’ont prefque pas de crochet , les pinces font plus rondes. A dix ans, les crochets n’ont plus de crénelures , & font plus arrondis. À douze ans, les crochets font totalement arrondis; les pinces font moins larges & augmentent en épaifleur. A quinze ans, les pinces font triangulaires & plongent en avant. À vingt ans, les deux incifives font plates & écartées. À vingt & un an ou à vingt-deux, les deux premières dents molaires tombent. À vingt-trois , les fecondes. A vingt-quatre, la quatrième. A vingt-cinq, les troifièmes A vinot-fix, la cinquième. Et la fixième, quelquefois à vingt-fept ; mais ce terme n'eft pas fixe. Il fe recule quelquefois jufqu’à trente. - À l’égard des autres fignes auxquels plufieurs Auteurs ont attribué Îa connoiflance de l'âge du cheval , ils font abfurdes; on ne peut abfolu- ment s’en aflurer, que par l’infpeétion de la bouche. Les dents dont la fon@tion & l’ufage font connus de tout le monde, font expofées à des maladies ou à des vices de conformation, telles que la carie, la multiplication, &c. En effet, il y a des chevaux qui ont un SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 145 un double rang de dents incifives ; ce qui n’arrive point fans gèner les autres, fans leur Ôter leur foutien, & fans altérer le germe de la dent, D'autres chevaux ont des dents molaires doubles, leiquelles gênent les parois de la bouche & les uleèrent. Dans d’autres, l'émail de Ja dent eft très mou; de forte que l’on voit des mächoires où il y a des dents ufées, tandis que les antres ne le font pas. Il fe trouve auffi des dents dont l'émail eft tendre ; pour lors, les alimens & l'air les carient: cet accident occafonne fouvent aux chevaux de grandes douleurs, que l’on prend pour des tranchées. On n’avoit pas encore donné des notions aufli claires, aufli exaétes, auffi bien vues fur la dentition du cheval. M. la Foffe a découvert de grandes utilités fur un point effentiel, dont les Ecrivains de l'Art Vétérinaire ont fi fouvent parlé. Il leur manquoit la patience, fi né- ceflaire pour obferver, & peut-être les yeux de l'Obfervateur. Ces Auteurs, en général trop crédules, s’en font rapportés fur la foi de ceux qui avoient déja écrit, ou fur celle de ceux qui leur préparoient les pièces ; ce n’eft point ainfi qu’on parvient aux découvertes. La Fontaine dit: Z/ n'eff pour voir que l'œil du nraïtre,. La Fontaine a raifon, &la leçon qu'il donne devroit être fans cefle devant les yeux de tout hom- me qui étudie une fcience de faits. Nous ferons connoître dans le volume fuivant , les découvertes anatomiques de notre célebre Hippiatre. 0 DES: CRT PAT L-ON De L'Épervier cendré de Cayenne, eux qui s'appliquent à l'étude de l’'Ornithologie, reconnoiffent bientôt que la partie la plus embarraffante de leur étude, eft celle qui concerne les oifeaux de proie. La différence de groffeur entre des êtres de même efpèce, qui ne différent que par le fexe, la variété du plumage fuivant les âges, & même allez fouvent fuivant les faifons, par rapport aux mêmes individus, rendent les oifeaux de proie tres- difficiles à diftinguer sûrement entreux. C’eft d’après leur hiftoire fui- vie, & l'obfervation des changemens qu'ils éprouvent pendant le cours de leur vie qu'il faudroit les décrire. S’arrêter à en juger par leur plu- mage, ceft rifquer de s’égarer & de décrire comme différens, des animaux qui font cependant les mêmes. On trouve à la vérité un égal inconvénient pour tous les oïfeaux; mais il eft plus commun & plus fréquent par rapport à ceux qui vivent de proie, puifque de tous les oileaux , ils font ceux qui fe reffemblent le moins dans leurs différens M 411772, Tome II, 146 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; âges : cependant, la voie de la defcription eft prefque la feule méthode que les Naturaliftes aient fuivie jufqu’à préfent, & 1l faut avouer qu'il nelleur:a pas été facile de s’en former une autre, au moins reélative- ment aux oïfeaux étrangers , dont communément on ne leur fait par- venir que les dépouilies fans leut indiquer aucun trait particulier de leur manière de-vivre: : C’eft à ceux qui font fur les lieux à étudier les mœurs des animaux, les changemens qu’ils éprouvent & à en faire part aux Auteurs pour les publier. Alors l'Hiftoire naturelle acquerroit de la certirude, & les-connoïflances augmenteroïent à mefure que le nombre des indivi- dus diminueroit ; on ne les a déja que trop multipliés. Peut-être allons- nous! tomber dans le même. inconvénient que nous reprochons aux autres ; nous ferons comme eux forcés de donner pour excufe de n'avoir pas été à portée de faire mieux. Tout ce que nous pouvons pour les! progrès de la fcience, eft de faire des vœux ardens & de prier les perfonnes tranfportées dans les p2ys étrangers, de ne pas fe contenter d'accumuler des objets nouveaux à leurs yeux, mais d'en fuivre les progrès & d'en étudier l'hiftoire. C’eft le feul 8 tardif moyen- que nous ayons de connoître la nature. ‘Ce recueil fera Le dépôt de leurs découvertes, on n’oubliera rien pour répondre à leur attente. L’oifeau dont nous donnons Ja defcription, a des caraétères fi tran- chans, il reflemble fi peu à tous ceux déja décrits par les Auteurs que nous ne craignons pas d'en parler comme d’une efpèce finguliere, ow comme d’un être repréfenté fous une autre forme.-il a été envoyé de Cayenne , & nous le nommerons l’'EPERVIER CENDRÉ DE CAYENNE, & en latin Accipiter Americanus totus cinereus, caud& fubnigricante du- plici fafcit alba, pedibus rubris, (Voyez planc. HI ). Il eft un peu plus grand que lEpervier d'Europe , & il en a la forme. Sa longueur depuis le bout du bec jufqu’a l'extrémité de la queue, efË d'environ quinze pouces. Son bec a un pouce de long depuis la com- mifflure des deux mandibules jufqu’à l'extrémité de la fupérieure; il eft tout noir; tout le corps eft d’un gris cendré , il a au bas de la tête, par derrière, une tache blanche qui n’eft apparente que quand les plu- ines font écartées. Le duvet qui recouvre le cotps eft blanc, la queue eft prefque noire, traverfée de deux larges bandes blanches &c terminée en deffous par une tache cendrée à l'extrémité de chaque penne. - Le ventre ainfi que les plumes qui recouvrent la queue en deffous ; font mêlés de quelques traits blancs, ce qui fait paroître le tout d’un cendré clair; les jambes font longues & grêles, couvertes ainfi que le pied, d’écailles d'un rouge aflez vif; couleur pen commune aux oifeaux Ce proie, dont les jambes font communément jaunes ou plom- bées; les ongles {ont aflez courts & noirs, SUR. LHIST. NATURELLE ET LES, ARTS. 147 Cet oïfeau reflemble par la corpulence, par le coloris, par la forme & l'habitude du corps, avec l’oifeau que Belon appelle l'aurre oïfzau St. Martin, pour le diftinguer d’un autre, auquel 1l donne le même nom, & qui eft bien plus gros. Celui auquel nous comparons l’éper- vier cendré de Cayenne eft défigné par M. Brifloni, fous le nom de damier cendrée. Seroit-çe la même efpèce changée par lé climat & par la différence de nourriture ? j RAPPORT fair a l'Académie Royale des Sciences, par MM. MONTI- GNI & MACQUER, du Mémoire préfenté à l'Acadérieé par M. Trorfor,, Capitaine au Régiment Royal d'Aruillerie, Auteur dà plufieurs ‘autrès UE , que l’Acadèmie a jugé dignes de Jon approbation & de fès ctoges, « | ee ‘ o " D ANS ce nouvel ouvrage, M. Tronfon traite de la meilleure ma- nière d'extraire & de raffiner le falpêtre , pour parvenir à compofer des poudres plus aëtives & moins fujettes à fe gâter dans les Magafins du Roi, objet important pour l’Artillerie & qui ne left pas moins pour l'intérêt de Sa Majeñte. L'Auteur, éprès avoir acquis les connoïffances néceffaires pour por- ter dans la fabrication du falpêtre, toutes les lumières qu’on peut tirer de la Phyfique & de la Chymie, a parcouru & examiné avec foin les différens Atteliers , établis dans le Royaume, pour la préparation de ce fel. Il a vu avec étonnement, que nos Salpêtriers n'avoient point de pratiques conftantes, qu’aucuns n’étoient'en état de rendre raifon des procédés qu'ils exécutoient ; qu'en conféquence, il fortoit des dif- férentes fabriques de Paris, de Languedoé"& de Lorraine , des falpè- tres de différentes qualités. Cette feule confidération étoit fufffante pour déterminer un Phyficien éclairé & laborieux , à étudier fuccefli- vementtous les procédés de cet Art, à fe rendre compte des différentes pratiques ufitées , à balancer leurs avantages & leurs défauts ; enfin, a exécuter toutes les expériences néteflaires, pour reconnoïître & dé- terminer, dans chaque partie de cette. fibrication, la meilleure manière d'opérer. #04 Far 75 15 À Paris, on mêle dés cendres aux plâtras pour les effivér; ôn dé- graifle la leffive pendant la première cuite , en y jettant de la colle de Flandres. En Lorraine, on leffive les plâtras fans y mêler de cendres, mais on la fait pafler fur des céndres lorfqw’elle eft cuite ; pour la dé- graifler, En Languedoc, on léffive les plâtras fans aucune addition, & la léfive étant réduite à moitié, on la pañle fur des cendres de tamarifc, qui ; fuivant les expériences de M. Vénel & celles de M.-Montet, ne Ma11772, Tome 11. Ti) / 148 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, contiennent pas un atôme d’alkali fixe. En plufieurs endroits d’Aîles magne , on ajoute de la chaux aux cendres qu’on leflive avec les plà- tras. A Upfal, on n’emploie point de cendres pour l’extraétion du fal- pêtre : ce fel exifte-t-il tout formé dans le plâtras avec fa bafe d’alkali végétal ; ou cette matière première ne contient-elle, comme plufieurs ‘Auteurs l'ont penfé, que l’acide nitreux auquel il faut préfenter une bafe alkaline, foit pour former le falpêtre , foit pour en augmenter la quantité ?. Ces différens problèmes font ici réfolus par de nombreu- fes expériences faites avec foin, & réitérées. M. Tronfon ayant fait piler une quantité de plâtras, & les ayant long-tems fait remuer, pour que tout für exaétement mêlé, a partagé la mafle en trois portions égales qu'il a leffivées féparément, l’une avec des cendres de bois neuf, l’autre avec des cendres & de la chaux, la troihème fans chaux ni cendres. Il a fait cuire des quantités égales des trois leflives au même point de concentration, & les a mifes à cryftalifer. Ces expériences lui ont démontré; 1°, que l'addition des cendres, c’eft-à dire, de leur alkali, n’eft pas néceflaire pour l’extrac- tion du falpêtre ; que ce fel eft tout formé dans les plâtras, comme dans les plantes nitreufes ; qu'il y forme un fel neutre à bafe alkaline végétale. 2°, Que les plâtras leflivés fans addition, comme on le pra tique à Upfal, fouruiflent une plus grande quantité de matières falines, que quand on y joint les cendres ou la chaux ; mais que cet excès de poids vient d’une quantité de nitre à bafe terreule & des matières graf- fes qui y reflent lorfque la cendre ou la chaux ne font point mêlées avec les plâtras; qu’ainfi cette leflive eft moins pure que les deux autres. 3°. Que laddition de la chaux ne fert qu’à rendre la leflive moins erafle & le fel plus blanc, mais que cette blancheur altére la qualité du falpêrre. Les parties de la chaux qui font très-divifées dans: la leflive, fe joignent & s’attachent pendant la cryftallifation, aux lamines du falpêtre, en forte qu’elles fe trouvent prifes dans les ery£- taux de ce fel, ce qui nuit à leur tranfparence & dénonce leur impu= reté. Il en réfulte.un inconvénient plus confidérable, c’eft que les par- ticules de chaux attirant l'humidité de l’air, de même que le nitre à bafe terreule!, le falpêtre auquel ils font joints, ne peut jamais fervir à faire une bonne poudre. Ce fel a le même défaut lorfquil refte beau coup de fel marin, celui-citombant aifément en déliquefcence. Les mêmes expériences ont fait connoître à M. Tronfon , que l’ad- dition des cendres eft néceflaire pour féparer le fel marin du falpêtre. Dans les atreliers de Paris où l’on joint au plâtras un tiers de cendre, le fel marin tombe dès la première cuite. En Lorraine on ne fait paf- fer la leffive fur les cendres qu'après l’avoir concentrée au feu ; elle fe dégraifle & fe clariñe en paflant à travers les cendres, & lorfqu’on vient à lui donner une feconde cuite, les particules du fel marin n'étant plus embarraflées par les graifes , fe rapprochent & s’uniflent en mo: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 149 lécules aflez pefantes pour fe précipiter au fond de la chaudière ; lorf- qu'il ne s’en précipite plus , on décante la leflive qui furnage, & on la met à cryftallifer. L'addition de la colle de Flandres aide beaucoup au dégraillage , elle rend cette opération plus exacte par fon afhnité avec les matières grafles , elle les raflemble & les coagule en écume à la furface du bain où il eft facile de les enlever. C’eft fur-tout de l’extraétion exaéte du fel marin que dépend la bonté de la poudre; ce fel étranger empêche l’application intime des parties de foufre & de charbon à celles du falpêtre; l’aétion de la poudre en eft confidérablement diminuée. Il faut donc empêcher que ces deux fels ne cryflallifent enfemble, & c’eftce que l’on opère tant par l'addition des cendres que par l'application de la colle, pourvu cependant que le feu & l’évaporation foient bien ménagés pendant cette application. En Lorraine on ne jette la colle dans le bain que peu-à-peu, & après avoir rafraîchi le bain féparé chaque fois en y jettant quelques fceaux d’eau froide; on fait que le falnêtre eft beaucoup plus foluble dans l’eau chaude que dans l’eau froide , & il n’en eft pas de même du fel marin. Cette vérité , connue des Chymiftes, eft confirmée par de nouvelles expé- riences que M. Tronfon a faites plus en grand pour s'en aflurer. De-là, dépend uniquement la féparation des deux fels, lorfque la liqueur qui les tient en diflolution , eft bien dégraiflée. Une forte ébullition pouflée trop loin, fait précipiter les deux fels enfemble , lorfque la liqueur eft trop concentrée. Le fel marin peut fe cryftallifer dans l’eau chaude à tout degré inférieur à celui de l’eau bouillante, il n’en eft pasde même du falpêtre , il ne peut fe cryftallifer que par le refroidiflement de la liqueur qui l’a diflous. Il femble , dit ingénieufement M. Tronfon, que ce foit les particules de feu, & non les particules d'eau , qui tiennent le falpêtre en diflolution dans cette liqueur ; il femble que la liqueur qui fe refroidit, enlève au fel les parties qui le diffolvent. En effet, lorfqu'une trop forte concentration précipite ce fel au fond des chaudières, on le trouve dans le même état que le cryftal minéral, qui n’eft autre chofe que le nitre dépouillé de l’eau de fa cryftallifation , par la fufion au creufet. IL faut donc , pour opérer la féparation des deux fels, entrete- nir toujours aflez d'eau dans les chaudières, pour que le falpèêrre refte diflous pendant que les parties du fel marin fe réumilfent &c fe cryftal- Bfent. Il a fallu beaucoup d’expériences, dont nous ne rapporterons point ici le détail, tant fur les deux folutions traitées féparément , que fur leur mélange , mis an feu & évaporé pour parvenir à connoitre précilément ce qu’une quantité d’eau donnée peut difloudre de cha- cun des deux fels , tant à chaud qu’à froid, & ce que cette même quan- tité d’eau peut difloudre des deux fels enfemble. C’eft principalement ce point qu'il falloit étudier pour déterminer la quantité d’eau qu'il faut pendant les cuites. Une longue fuite d'expériences a fait connoître à Mai 1772, Tome 1, 139 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; M. Tronton , qu'il faut donner & entretenir dansies rafinages , par de fréquens rafraichiflemens, une quantité d’eau égale au poids des matiè- res qu'on a mile dans la chaudière ; & il en fait une rèole générale pour conduire l’opération du raffinage. Il fe fert des mêmes expériences pour démontrer plufieurs autres vérités phyfiques , utiles à l’art qu'il traite, "1°. Que le fel des fontaines falées, tel que le fel de Dieufe en Lorraine, eft plus foluble que le fel des marais falans , à caufe des parties terreufes & bitumineufes qui rerardent lation de l’eau fur le fel de mer; qu'il faut trois livres d’eau pour difloudre une livre de fel de Lorraine, & qu'il en faut quatre livrés pour difloudre une livre de fel de marais. 2°. Que l’eau chaude prend quatre gros par livre de fel marin de plus que l'eau froide, quantité qui tombe à mefüire que l’eau fe refroidit. Cette différence eft dun 32°. fur le fel de Lorraine ; elle n’eft que d’un .36°..fur le fel de mer. A l’égard du falpêtre , 1l réfulte des expériences de M. Tronfon, qu'il faut employer huit livres d’eau pour diffoudre à froid une livre de falpètre, la température étant au troifième degré au- deffus du terme de la glace; mais que trois livres d’eau fufilent pour difloudre ce même poids dans un air tempéré. Pour les grandes cha- leurs de l'été, l’Auteur trouve, comme feu M. Petit, Membre del'Aca- démie, que deux livres d’eau peuvent tenir dix livres de faipêtre, en dif- folution : ainfi, la quantité de falpêtre diffous dépend du degré de chaleur de l'eau ; & cette quantité varie depuis le terme de la glace , jufqu'à celui de l’eau bouillante, La cryftallifation s’opérantici par le refroidiffement, doit fe faire à raifon de l’excès du fel fur la quantité d’eau dans laquelle 1] nage, relativement à la température de cette eau. Ces principes bien établis ; fervent à expliquer tous Les phénomènes qui fe préfentent dans la cryflallifation des deux fels traités enfemble ou féparement; on voit pourquoi les cryftallifations font d’autant plus belles, & les cryfteux d'autant plus purs que la quantité d’eau eft d'autant plus grande , & que le refroidiflement eft plus lent; on voit que le falpêtre doit donner de plus gros cryflaux dans un air tempéré que dans un tems de gelée, parce que la liqueur a plus d’eau fuperflue quand l'air eft plus chaud: d’où il réfulte que la cryftallifation s'opère dans un milieu plus con- denfé, où les molécules falines nageant avec plus de liberté, s’uniflent plus réculièrement & fans confufion. On peut toujours juger de la bonté du falyètre par Ia pureté de fa tranfparence & la limpidité de fes cry{- taux. Le mélange des graiffes le rend jaunâtre , le mêlange du fel marin le rend blanchâtre & farineux. … Une autre fuite d'expériences a mis l’Auteur en état de juger à-peu- près de la quantité de fel marin qui refte uni au falpètre jufqu’à la dofe d'un 6°. environ. S'ils font mêlésen parties égales , le mélange mis fur Jes charbons ardens, rougit & bouillonne fans donner aucune flamme; il ne fufe point & finit par enduire Le charbon d’un beau verre blanc SUR PHIST. NATURELLE ET LES ARTS, 151 provenant de l’alkali marin fondu complétement. Deux parties de fal- pètre contre une de fel , donnent en bouillonnant une déronnation lente qui laifle après elle une pareille vitrification. A fix parties de falpêtre contre une de fel marin, la détonnation eft encore précédée de bouil- lonnement, mais il ne refte plus de verre blanc fur le charbon: enfin fi le mêlange eft de fept parties contre une , tous ces indices difparoiffent , & l'effet eft de même en apparence que fi le falpêtre étoit pur. L’Au= teur en conclud qu’on fe trompe beaucoup en jugeant que le falpêtre eft pur, lorfqu'il fufe fur lescharbons fans décrépiter. Les mélanges qu'il a faits en différentes proportions des deux fels diflous dans l’eau pour les cuire enfemble & les féparer avec toute l’exatitude pofiible , lui ont appris qu’une folution faturée de fel marin ne diflout dans un air tempéré que les deux tiers du falpêtre , que peut difloudre pareil poids d’eau pure; qu'ainfi, en cet état, elle ne diffout que les deux 9°. de fon poids dé falpêtre & un 12°. feulement dans les tems de oelée; qu’une folution faturée de fel marin & de falpêtre fe précipite dès les premiers bouillons de la liqueur: d’où il fuit que quand on travaille fur une difolurion où le fel & le falpêtre font comme 3 à 2,il eft impoñfible de les féparer; qu’un falpêtre bien purgé de matières grafles , cuit à grande eau avec toutes les précautions nécef- faires, s'il contient çO pour 100 de fel marin, en retiendra 25 à 30 pour cent, tellement mêlé dans le corps de la cryftallifation, qu'il ne fera fénfible ni au goût, n1 à la vue, fi ce n’eft vers la bafe du pain de fälpêtre. Quenfin, un falpêtre qui contiendroit 20 pour cent de fel marin, étant raffiné fuivant l’art, & traité avec foin, contiendra encore après Île raffinage 9 À 10 pour cent de fel marin. M. Tronfon trouve qu’en procédant de la manière la plus favorable, on ne peut parvenir qu'à enlever moitié environ de fel marin par chaque cuite, que le fel marin qui fe ‘précipite péndant les cuites n’eft jamais pur, qu'il contient toujours du falpêtre plus où moins, ce qui dépend dé l'état de concentration plus où moins grand dé la leffive. I eft-aifé d'appercevoir combien ces différentes connoïffances font importantes pour bien diriger les cuites du falpêtre dans.les atteliers , pour enfupprimer routes les additions inutiles ou préjudiciables telles que celle de là chaux ou de l’alun , ou celle du fel ammoniac que lon joint à la leffive dans quelques atteliers. On fent combien les principes éta- blis ci-deflus , font néceflaires pour bien opérer la {éparation des graiffes & celle du, fel marin qui font les deux points principaux de cette fabri- cation. Toute la théorie des opérations qui y concourent, eft développée dans ce Mémoire, de la façon la plus lamineufe & la plus précife. Nous atténilons avec impatience que cet Ouvrage important foit imprimé, nous le ferons connoître plus particulièrement, Mai 1772 , Tome II, ES OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, MÉMOIRE SUR LA CULTURE DE LA GARANCE, Par le Sieur ALTHEN. L E fieur Althen, Perfan d’origine, eft établi en France depuis envi- ron trenre ans ; & depuis ce même tems , il s’eft continuellement appli- qué à fure part des connoiflances qu'il a fur les produétions &+ les arts du Levant, où il a pañlé une grande partie de fa vie : la culture du coton, le filage & l’arçonnage de cette produétion, l’étamage du Levant, la pierre de virriol , enfin la garance ; il a fait des effais heureux fur toutes ces parties. [l a préfenté divers Mémoires aux Académies, aux Compa- gnies de Commerce , aux Perfonnes en place; mais, faute de moyens, tous fes effais ont été inutiles , tant à lui-même, qu'aux Provinces où il les a faits, & fes travaux font abfolument demeurés fans fruit, excepté celui qui fait l'objet de ce Mémoire. L Le fieur Althen n’eut pas plutôt remarqué l'attention particulière que le Gouvernement donnoit à la culture de la garance , qu'il s'empreffa de mettre en œuvre les connoïffances pratiques qu'il avoit acquifes fur cette partie, dans la Turquie d’Afie, où il a vécu long-tems. Man« quant des fonds néceflaires aux avances que demande cette culture, il eflaya de femer & de planter la garance fauvage, qui croit naturelle- ment dans plufieurs Provinces de ce Royaume ; mais il fut bientôt con- vaincu par fa propre expérience, que ce travail étoit en pure perte, & que la graine & les boutures de cette efpèce de garance, ne pou voient jamais produire une belle racine, telle qu'il la faut pour la teinture C1).IL s’intrigua alors pour fe procurer de la graine du Levant, & 1l L Norz. On doit aux foins de M. le Marquis de Claufonnette, aétuellement Miniftre du Roi près M. le Duc de Virtemberg & le Cercle de Souabe , la publication du fecret du fieur Althen, & la rédaction de ce Mémoire, dont les procédés font exaëts, M. de Claufonnette les ayant éprouvés lui-même dans fa terre en Languedoc, où ils ont eu le plus grand fuccès, Ce Mémoire a été communiqué à M. d'Ambournay, qui y a fait quelques notes, & qui va faire lui-même ufage de la méthode du fieur Âlthen , à laquelle il a donné fon approbation. (x) Certe profcription de [a garance fauvaze eft trop générale, puifqu’on en a trouvé de bonne par-tout; fans doute que le fieur Althen eft tombé für l’efpece défignée fous la phrafe botanique rubis MLontpefpuluna minor, dont les racines font, à la vérité, fort menues, de mince parenchyme colorant, & dont ia fibre ligneufe eft blanche & ne four- ait aucune çouleur, parvint RÉ \ : Ü SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Ts3 farvint enfin, après bien du tems & des peines, à en avoir deux ou trois onces. Ce fut avee ces foibles moyens qu'il établit une petite garancière, qui, au bout de quelques années, lui produifit environ cinquante quin- taux de boutures, qu'il planta dans les terres de M. le Marquis de Sey- tre de Caumont , dans le Comtat+Venaiflin , il y a environ cinq ans. Cette nouvelle garancière eut tout le fuccès imaginable, & elle a déja commencé à donner un produit confidérable à fes cultivateurs. On n’a ceflé de l’augmenter , tous les ans , de fon propre fonds, de fon pro- duit, & par le fecours d’un quintal de graine de garance de Smyrne , que M Bertin , Miniftre & Sécretaire d'Etat , ayant le Département de l'Agri- culture, fit délivrer à M. Caumont par M. l’Intendant de Provence. Cette culture occupe aujourd’hui quinze ou feize faumées de terre (1), aux- quelles on fe propofe d’en ajouter tous les ans de nouvelles. A limitation de M. le Marquis de Caumont, plufieurs Cultivateurs youlurent établir des garancières. Celle de Caumont, l'unique du pays , ne pouvoir fournir à tous ceux qui demandoïent des plants: à peine a-t-1l été poffble d’en former une vingtaine dans les terroirs de Lifle, Cavaillon, Carpentras , Monteu & Entraigues dans le Comtat Venaïffin; d’Arles & Toulon dans la Provence, de Fourques & Claufonnette en bas Languedoc. Toutes ces nouvelles garancières font dirigées par le fieur Alrhen, & elles ont toutes le même fuccès. Voici, en peu de mots , le réfultat de fes principes & de fa méthode, yne des plus fimples & des moins difpendieufes. Établiffement d'une Garancière, Tout le monde fait qu'il n’y a que deux manières de faire une garan= Cière ; l’une de femer la graine de garance , l’autre d’en tranfplanter des boutures. Le fieur Althen n’a apperçu jufqu’ici aucune raifon folide de préférence de l’une des deux ; & il fe fert indifféremment , & avec le même fuccès, de l’une & de l’autre. Graingde Garance. Nous avons déja dit qu'il ne falloit pas fe fervir de la graine de garance fauvage ( 2 ). Le fieur Althen a éprouvé qu'elle ne germoit qu’a- pe un an, & qu’elle ne produifoit qu’une plante chétive , d’une racine ort mince , qui ne pouvoit être que d’un très-petit avantage pour les teintureries , & d'aucun profit pour fes cultivateurs. La meilleure efpèce (2):La faumée de cette contrée eft de feize à dix-fepr cens toiles quarrées. | (1) j'ignore quelle peut être la garance fauvage dont la graine ne lève que [a deu- xième année; celle défignée ci-devant, lève en quinze, vingt ou vingt-deux jours, fui» gant la température de l'air, comme celle du Levant. M41 1772, Tome 11. V 154 "OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de graine qu'il connoifle ,eft celle qu'il recueille dans fes garancières; : & le lizari de Smyrne , que le Gouvernementfait venir depuis quelques années, pour les diftribuer aux cultivateurs: l’une & lautrelui paroif- fent également bonnes ; mais il emploie, avec plus de confiance, celle de fes garancières, parce qu'il eft afluré qu’on la cueille au point pré cis de fa maturité , & qu’on la fait fécher fuffifamment &c avec précau- tion ; au lieu que dans le Levant, où cette culture fe fait en grand , il n’eft guères poffible que , fur une quantité donnée de cette femence , il ne fe trouve beaucoup de mauvais grains , dont le défaut de maturité , la fermentation, ou la moififlure, ont détruit le germe. Mais quelque efpèce de graine qu’on emploie , elle demande une préparation. Préparation de la Graine, C’eft ici un fecret particulier. au fieur Althen, au moins en France, & il n’eft pas venu à fa connoiffance, que perfonne dans le Royaume, ufe de fa pratique. N’étant ni Phyficien, ni Botanifte, il n'eft point en état de rendre raifon de cetteopération ; mais il ofe aflurer le Gouverne- ment , qu'il la vu ainfi pratiquer dans la Turquie d’Afie ,où il a fuivi & dirigé des garancières, & qu’il a éprouvé lui-même en France, que cette . préparation étoit très-utile à la graine , qu’elle lempêchoit de s’abâtardir, qu’elle la faifoit germer & lever en plus grande quantité, & produire des plantes fenfiblement plus belles, dont les racines donnent une cou- leur plus vive que quand elle n’a pas été ainfi préparée : voici de quelle manière 1l s’y prend. Pour chaque livre de graine qu'il veut femer, il prend un quart de livre de garance fraîche , qu'il pile dans un mortier, après l'avoir bien lavée; il y ajoute un demi-fetier d’eau par quart de livre de garance pilée , & deux onces d’eau-de-vie. Il jette cette compoñtion fur la graine, de manière qu’elle s’en imbibe l’efpace de vingt-quatre heures, prenant foin de la remuer trois ou quatre fois pour prévenir la fermentation. Le lendemain, il met cette même graine dans un chau- dron d’eau , qu'il a fait bouillir l’efpace d’une heure cinq ou fix jours auparavant, & dans laquelle il a miswin panier de fente de cheval. IL l'y laifle deux ou trois jours, la remuant de tems én tèms, pour empê- cher qu’elle ne s’échauffe. Il faut auparavant avoir pañlé l’eau à travers - un linge, Enfin, il étend fa graine fur le pavé, jufqu’à ce qu’elle ait affez perdu de fon humidité pour être femée, & il la feme tout de fuite. Mais avant que de parler de la manière & du temsde la femer, il faut dire ua: anot de la préparation de la terre. Qualité & préparation de la terre pour une Garancière. Il en ef de la garance , comme de toutes les autres plantes, qui prof. pérent & produifent à proportion de la bonne qualité de la terre où on SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 155$ les place, & de la culture qu’on leur donne. Une terre mêlée de gravier, Ou qui auroit peu de profondeur , ne lui conviendroit pas :elle demande au moins trois pieds de bonne terre. La meilleure feroit une terre douce & légère, telle qu’elle fe trouve dans ce canton, fur les bords du Rhône & du Gardon, fur-tout, fi elle pouvoit facilement être arrofée. Pour ce qui eft du travail que cette terre exige, il eft hors de doute, & c’eft une fuite de ce que nous venons de dire, que plus elle fera remuée &e retournée, foit par la charrue , foit par la bêche ; que plus elle fera net- toyée des mauvaifes herbes, & fur-tout du chiendent ; que plus elle fera fumée & arrofée dans le tems de la fécherefle, plus auff la garance y prolpérera, plus elle y jettera de profondes & de grofles racines, plus enfin elle produira de la graine ( 1). Le champ qu’on doit femer , doit être divifé en plates-bandes inéga- les de quatre & de fix pieds , alternativement : celles de quatre pieds font deftinées à recevoir la femence, les autres à former, dans les com- mencemens, un ‘petit canal d’arrofages des deux côtés des plates ban- des femées fi l’arrofage eft pratiquable, &c à fournir dans la fuite de la terre pour les opérations que nous dirons ci-après. Tems € manière de femer la graine de Garance. La terre étant ainfi préparée & bien applanie , on peut femer lagraine de garance , auffi-tôt que la faïfon le permet, Le tems le plus favorable eft depuisle 15 Avril jufqu’au piemier Mai: il feroit dangereux de femer plutôt, à caufe du froid , qui l’'empêcheroit de germer. On feme la graine de garance à la volée, comme le bled, mais en beaucoup moindre quantité; 1l nefaut que cinq livres de graine par cha- que eyminée de terre (2), & fept & demi fi l'arrofage n’eft pas pof- fible, On recouvre enfuite la graine de deux ou trois pouces de terre, & on applanit tout le champ, Il faut fe reflouvenir de ce qui a été dit plus haut, qu’on n’enfemence que la moitié du terrain préparé , & même un peu moins de la moitié, c'efl-à-dire , les plates-bandes de quatre pieds. On peut femer dans les autres, des haricots.ou d’autres légumes ; mais il faut que la récolte en foit faite avant le mois de Septembre. Arrofage. Si la terre eft naturellement fraîche & humide, il n’eft pas néceflaire (x) J’adopreen entier la méthode de culture indiquée, je n'y trouve d’inconvémient Et ce qu'elle n'eft pas à la portée du commun des Cultivateurs; J'en excepte cepen- ant le bien que procure à la racine le fauchage des fanres, & je ‘crois avoir Kexpc- tience du contraire. - : (2) L'eyminée eft la huitième partie de la faumée, dont il eft parlé ci-dévant p. 15 3e Ma1 1772, Tome 11. Vi 156 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de l’arrofer d’abord après avoir femé; fi c’eft un terrain fec jufqu’à un certain point, il faut l’arrofer , non pas en faifant entrer l’eau dans les plates bandes femées , ce qui feroit très-nuifible, à moins qu’on ne fe fervit d’un arrofoir , mais en pratiquant un petit canal d’arrofage à droite & à gauche, dans les phites-bandes qu’on a laifé vuides. Culture des jeunes plantes de Garance, Au bout de quinze ou vingt jours, les jeunes plantes de garance com= mencent à paroître; & dès-lors, il faut commencer à farcler & à arra- cher, le plus foigneufement qu’il fe peut , les mauvaifes herbes qui font forties. On peut alors arrofer en plein, en faifant entrer l’eau dans les plates-bandes où font les plantes de garance. C’eft toute la culture que demande la garancière, jufqu’au mois de Septembre fuivant. Recouvrement des plantes de Garance. Si vous regardez les racines de vos plantes au mois de Septembre ;. vous verrez qu’elles ont jetté detous côtés, dans l’intérieur de la terre , à deux pouces de profondeur , de petites boutures jaunes ; il faut alors recouvrir les plantes de deux ou trois pieds de terre, qu’on prendra dans les plates-bandes qu’on avoit laïflé vuides, ou dans lefquelles on n’avoit femé que des légumes : il fant même augmenter la largeur de celle où font les plantes, de deux pieds qui fe prennent également de droite & de gauche, fur celles qui (og vuides ; en forte que celles-ci ne foient plus que de quatre pieds de lérgeur, tandis que les autres en auront fix. Cette augmentation eft néceflaire , pour favorifer la multi= plication des racines qui s'étendent toujours. Ce recouvrement fert, 1°. à étouffer les mauvaifes herbes, qu'il n’eft plus befoin déformais de farcler; 2°. & principalement, à favorifer la multiplication & l'augmentation des racines , que jettent de tous côtés les plantes lorfqu'elles font ainfi enterrées. Il feroit encore mieux de faire au mois de Mai fuivant, la même opération; mais cela n’eft pas abfolument néceflaire, & on peut fe contenter du farclage ordinaire. Récolte de la graine de Garance, Au mois de Septembre de la feconde année, c’eft-à-dire, dix - huit mois après qu’on a femé, les plantes de garance donnent une grande quantité de graines, qu'il faut recueillir dans ce mois, ou au commen- cement du fiuvant, aufl-tôt qu'elle eft mûre. Le figne unique de matue rité , eft qu’elle foit noire. Il y a deux manières de faire cette récolte ; l’une de cueillir la graine fur la plante grain à grain, & en plufieurs tems, pour ne prendre que celles qui font bien mûres , en attendant que les autres viennent en matu- aité ; & cette méthode, quoique plus longue, donne une plus grande SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 351 quantité de graines , & d’une meilleure qualité : l’autre, de faire cou- per ras de terre les branches & les tiges des plantes lorfque la plus grande partie de la graine eft müre; de les faire fécher, & d'en fépa- rer enfuite la graine, par le moyen le plus court & le moins difpen- dieux. On ne doit l'enfermer dans le grenier, que lorfqu’elle a été bien féchée au foleil, Fauchage de l'herbe de Garance, Si on avoit aflez de graines pour fon ufage, & qu’on n’eût pas occa< fion de fe défaire du fuperflu avec profit, ou pourroit, dès le mois de Mai de la feconde année, faire faucher l’herbe de la garance, pour fer- vir de fourrage: c’en eft un excellent pour toutes fortes de befliaux , & la coupe peut s’en faire au moins trois fois l’année. Ajoutez à cela, que ce fauchage fert merveilleufement À l’accroiffe- ment de la plante , & que les racines en groffifient beaucoup plus. Mais, foit que vous ramaflez la graine, foit que vous fauchiez , il faut nécef- fairement recouvrir de terre, immédiatement après ces deux opérations. Le fieur Althen n'ignorepas qu’il y a des Cultivateurs fans expérience, qui font arracher les racines de garance dès le mois d’'O&tobre de la feconde année, pour les réduire en poudre. Il ne défavoue pas, à la vérité, qu’on ne puifle dès-lors avoir des racines propres à être em- ployées pour la teinture; mais il foutient , fondé fur l'expérience qu'il en a faite, foit en France, foit dans fa patrie, que ces racines ne donne- ront alors que le tiers du produit qu’elles auroïent donné , fi on avoit différé encore un an de les arracher ; ce qui eft évidemment une perte confidérable pour le Cultivateur. On peut cependant, dès le mois d’'Of@obre de la feconde année, fans porter aucun préjudice notable à la garancière , y couper des bou- tures pour en former une nouvelle; & c’eft ici la feconde méthode de la culture de la garance, dont il faut parler. Plantation des boutures de Garance. On fait couper avec la bêche ou avec le hoyau les plantes de garance À cinq ou fix pouces de profondeur au-deffous de terre, parce qu'il y refte attaché une certaine quantité de petites racines. Si cette opération fe fait la troifième année, & qu'il faille arracher toutes les racines pour les faire fécher ou pour les tranfplanter dans un autre champ, on jette les boutures qu’on a coupées dans les foffés qui font à côté des plates- bandes de garance, &c qui fe trouvent creufés par les recouvremens qu'on a faits plufieurs fois , dans les deux outrois ans que la garance a refté en terre : on les couvre enfuite de la terre des plates-bandes voi- fines > & On applanit, Si on doit laiffer encore les racines-mères dans la même terre , on Mai:1772, Tome LI, 158 OBSE RVATIONS SUR LA PHYSIQUE; ; tranfplante les boutures qu’on en a féparées, & dans un autre champ qui fera préparé & divifé , comme il a été dit , en plates-bandes inéga- les de quatre & de fix pieds alternativement ; & on les placera dans les pla- tes-bandes de quatre pieds , qu’on recreufera d’un pied de profondeur : on,couvrira enluite , & on applanira bien tout le champ. Recolte de bled dans la Garancière, On peut, fi l’on veut, femer du bled pardeflus, pourvu qu’on ait Partention de femer un peu clair les plates-bandes qu'on a plantées. De-là, au tems de la moïflon , iln’y a d’autre culture que celle du far- clage qu’on a coutume de faire au bled. Après la moiflon , il faut, dans le pays d’arrofage , faire arrolertoute la garancière. Au mois de Sep- tembre fuivant , on voit fortir en quantité les plantes de garance, & on les fait recouvrir de deux ou trois pieds de terre, de la manière que nous l’avons expliqué. On continue de même les autres opérations juf- qu'à ce qu’on veuille tranfplanter ou arracher pour faire fécher. Récolte de la Garance. Nous avons déja dit qu'on pouvoit, abfolument parlant, faire une récolte de garance dix huit mois après avoir femé; maïs nous avons ajouté que cette précipiation feroit dommageable au Cultivateur, qui nauroit guères alors que le tiers de la récolte qu'il pourroit percevoir unan après. Le vrai tems. d’arracher les racines eft donc les mois de Septembre où d'Oftobre de la troifième année , c’eft-à-dire, deux ans & demi après qu’on l’a femée. Le fieur Althen affure même qu'il feroit encore plus avantageux de ne la faire qu'après trois ans & demi, & que l’excès du produit ; par l'augmentation de la quantité 8 de la qua- lité des racines , feroit beaucoup plus que de compenfer l'excès du tems &c des frais de culture. Pour ce qui eft de la garance produite par les boutures & non par la graine, le vrai tems d’en arracher les racines eft la fin de la troifième année depuis leur plantation. Comme on ne fème la graine qu'au mois d'Avril, & qu'on ne tranfplante les boutures qu'aux mois de Septembre ou O&obre, il arrive néceflairement qu’au tems de la récolte, qui doit toujours fe faire en Septembre ou O&tobre, l’une des deux garancesa fix mois de plus ou fix mois de moins que lautre : mais le tems eft toujours compenfé par la quantité & la grofieur des racines. Il ne faut pas oublier ce que nous avons déja dir à l’article de la plan- tation des boutures, qu'avant que d’arracher les racines, on peut ea féparer ce qui eft néceflaire, pour planter les plates- bandes on foflés vuides des deux côtés. Par cette méthode, on reproduit côntinuelle- ment fes garancières , & même on les multiplie , fans prefque rien per= dre de fa récolte, SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 159 Après avoir arraché les racines, il s’agit de les réduire en poudre propre à la teinture. Le fieur Althens’eft contenté jufqu'ici, en France, de vendre la plupart de fes racines pour boutures à tranfporter , & une petite partie à la Manufaéture d'Orange, ou aux Teinturiers d'Avignon, qui fe chargent de les pulvérifer eux - mêmes, Si, cependant , on defi- roit favoir fon avis & fa méthode pour cette dernière opération , les voici : Deux chofes fur-tout font néceffaires, pour que les racines de garance donnent une belle teinture; 1°. leur préparation avant que de les réduire en poudre , 2°. la manière dont on s’y prend pour les pulvérifer. Préparation des racines avant que de les réduire en poudre. La préparation des racines de garance , confifte à les imbiber de quel- qu'une des cinq liqueurs ou compofitions fuivantes. Première compofition. Environ quinze pintes d’eau commune pour chaque quintal de raci- nés , dans laquelle on fera difloudre fur le feu une livre d’alun. 2°, compofition. Même quantité d’eau pour chaque quintal de racines, dans laquelle on fera fondre une livre de miel commun , fans la mettre fur le feu. 3°. compofition. Même quantité d’eau & dans la même proportion , dans laquelle on jettera deux livres de fon. 4°. compofirion. Dix pintes de vinaigre , fans aucun mêlange d’eau , pour chaque quin- tal de garance, s°. compofition. Quinze pintes' d’eau commune par quintal de garance , dans laquelle on fera bouillir, pendant deux beures, deux livres de foude dont on fe fert dans les favonneries. Après l’avoir retirée du feu, on y jettera trois livres de fiente de mouton, qu’on aura ramaflée & fait fécher au mois de Mai : on remuera le tout de tems en tems , pendant trois ou quatre Jours, après lefquels on laiflera repofer cette compofition , jufqu’à ce que le marc foit tombé au fond. Ces cinq compofitions ne conviennent pas toutes également à toute forte de garance : il y a telle efpèce de racines, qui demande unique- ment la première, ou quelqu’autre des cinq compoñitions, tandis que telle autre en exige une différente, Cela fuppofe qu'il y a différentes Mar 1772, Tome LL, 160 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fortes de garances , & cette différence provient de celle des terroirs où elle eft cultivée. Dans certaines terres, la garance eft douce ; dans d’au= tres , elle ef falée ; ailleurs , elle eft âpre , &c. Le fieur Althen n’eft pas aflez verfé dans la théorie de cette opération, pour afligner à chaque efpèce de garance la compofition qui lui eft propre; il n’a d'autre moyen de déterminer le choix, que l'expérience qu'il eft aifé de faire en employant les cinq compoñitions qu'il vient d'indiquer , fur cinq dif férentes portions de garance d’un même terroir, Celle des cinq por- tions qui donnera la plus belle teinture, prouvera évidemment que la compoftion dont elle a été arrofée , eft celle qui convient le mieux à la garance de ce terroir. Telle eft au moins la pratique des pays du Levant, où il a vu cultiver cette plante. Cela fuppoté , après avoir découvert quelle efpèce de compoñition convient à votre garance, vous mettrez vos racines bien lavées dans une cuve ou dans une chambre bien carrelée; vous les arroferez de cette liqueur deux ou trois fois dans lefpace de deux jours; vous les étendrez enfuite dans un grenier ou hangard , jufqu’à ce qu’elles foient à demi-fèches, les remuant de tems en tems pour empêcher la moifif= fure , & enfin, vous acheverez de les faire fécher au foleil. Manière de réduire en poudre les racines de Garance. Dès que les racines font bien sèches, on les fait d’abord moudre à ur moulin de Tanneur ou à un moulin à olives, qu'on a eu foin de bien nettoyer. Quelque grafle que foit cette racine , après un certain tems de trituration, onen tire , en la paflant à travers un tamis , une première poudre qu’on appelle garance robée ( 1 ), & qui eft la plus baffle qualité de garance. On fait enfuite fécher au foleil le fon de cette première mouture, après quoi, on le met fous la même meule ; 6n le palle à travers le tamis, & on en fait une deuxième poudre , qu’on appelle garance nor robée, meilleure que la précédente, mais d’une qualité inférieure à celle de la troifième efpèce. Pour avoir celle-ci , il faut remettre à fécher au foleil le dernier fon ; &x enfuite le faire moudre àun moulin à bled, dont les deux meules foient un peu plus diftantes l’une de l'autre , qu’elles ne le font aux moulins ordinaires. Ce qui paffera après la mouture, à travers un tamis, fera la poudre la plus précieufe, ou la garance grappe. A ————— (1) La dénomination de gzrance robée n’eft pas exacte, puifque certe première & plus baïfe qualité n’eit formée que de la robe ou première enveloppe de la racine. Les Hollan- Jandois l’appellent mulle, & nous billion; la feconde poudre eft nommée par les Hol- landois, comme par l'Auteur, ron-robe; & la troifième, grappe : quant au moulin du feur Althen, il peut être aufh bon qu’un autre. Après SUR L'HIST: NATURELLE.ET LES ARTS. . 161 Après toutes ces opérations, il faut expofer une nuit au ferein ces trois différentes efpèces de poudre, les en retirer de grand matin, les enfermer féparément dans des barils dans une cave bien humide, & plus on les y laiflera , plus les poudres gagneront en bonté & en qualité. Telle eft en tout point la méthode que le fieur Althen a vu pratiquer, & qu’il a pratiquée lui-même dans la Perfe & dans la Turquie , où il a paflé longues années ; & il offre de prouver par expérience , non - feu- lement la bonté & l’utilité de fa culture, mais encore par la fupériorité de cette méthode fur toutes celles qu’on fuit en France. Il lui refte à par- ler de fon produit. Produit de La eulture de la Garance. Il réfulte des divers articles de ce mémoire, qu’on peut avoir une récolte de garance tous les trois ans, ou tous les deux ans & demi, & même tous les dix-huit mois, Prenons celle qu’on peut avoir tous les trois ans, & que nous eftimons la plus avantageufe , pour en fixer le produit, par lequel on pourra juger à-peu-près de celui des deux autres récoltes. Une eyminée de terre produit au moins deux mille livres de racines fraiches , qui fe réduifent à quatre cens livres de racines sèches , telles qu’on les vend ici aux Teinturiers. Leur plus bas prix eft de foixante livres le quintal : le produit d’une eyminée de terre eft donc pour trois SN Te ie tes rail re 240)HV. Les frais de culture peuvent fe porter à. . . 45. Refte pour trois ans. 4% 5! + à, 5 . 195. ÉÉponEuans 5 Dhs (sa lle æ + +1 10e A A Le produit feroit bien plus confidérable, f on vendoit fa garance eri poudre ; car quatre cents livres de racines sèches, rendront environ trois cens quatre-vingts livres de poudre des trois efpèces ci-deffus mention: nées , le déchet n'étant que cinq à fix pour cent. Or, trois cens quatre-vingts livres, à trente fols Ja livre ; donnent}. 7.405.010 0, ! 70 iv: : C’eft le produit de troisans, & pour un an. . 190 s Evaluez & précomptez les frais de la trituration que nous avons indi- quée; ce qui reftera fera encore un profit très-confidérable. On ne fait pas entrer dans cette évaluation le produit d’une récolte de bled , qu’on peut percevoir la première annéé de la plantation, non plus que celle des légumes qu’on peut femer tous les ans dans les plates- bandes vuides. Mai 1772, Tome II. X, 162 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Le fieur Althen ajoute encore à ce mémoire, qu'il eft furpris qu’on ne cultive pas la plante qui produit ce qu’on appelle la graine d’Avi- gnon, & qui fert beaucoup aux Teinturiers: il eftime que la culture de cette produétion feroit d’un plus grand avantage pour l'Etat. Il penfe de même de l’orcanette, qui croît naturellement en cette contréé dans les terreins fablonneux. Il faut convenir que de tout ce qui a été publié jufqu’à ce jour fur la culture de la garance , on n’avoit encore vu aucun mémoire plus inftruc- tif & mieux prouvé par des faits ; il ne nous paroît pas que la culture de la plante qui donne la graine d'Avignon , foit auf facile, J'en ai fait plufieurs effais infruétueux. On ne rifque rien d’eflayer : je defire que l’on fit plus heureux que moi. NOUVELLES EXPÉRIENCES SUR L'ÉLECTRICITÉ, Faites par M. CrGNA. L: A réputation de cet excellent Phyficien ne laïffe aucun doute fur l’exa@titude des expériences rapportées dans ce Mémoire , ni fur l’au- thenticité de leur réfultat ; ainfi, on ne doit avoir aucun foupçon à cet égard: cependant, il eftbon d’obferver que dans un fujet aufli délicat & dans une matière aufñ intéreflante que celle-ci, les premières expé- riences ne font pas toujours concluantes, fur-tout lorfqw’elles ne pré- : fentent pas aux Savans qui les ont répétées , les mêmes points de vue & les mêmes idées. Celles de M. Cigna font'jufles, & paroïflent étroi- tement liées avecles expériences qu'il cite & qu'il a multipliées & modi- fiées, de manière à leur donner toute l’authenticité dont elles font fuf- ceptibles pour le moment. On ne fauroit trop encourager & inviter les Phyficiens à les répéter; mais auparavant ils fe dépouilleront de tout efprit de parti, de toute idée fyftématique, parce qu'ils doivent , dans cette recherche, s’atta- cher feulement à accumuler des faits certains, d’après lefquels on par- viendra dans la fuite à établir.une opinion fondée fur de véritables prin- cipes. Nous indiquons , ileft vrai, une carrière immenfe à parcourir; elle ne plaira sûrement pas aux Phyficiens qui aiment à jouir dans le moment, & dont les opinions prématurées éprouvent le fort des infeêtes éphémères: les autres , au contraire, s’efforceront à lever , peu- à-peu, le voile qui leur dérobe la vérité, & après des travaux aflidus, ils parviendront à la connoître; c’eft à eux que s’adreflent ces vers d'Ovide: Non parvas animo dat gloria vires, Et fœcunda facit peétora laudis amor. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 163 M. Nollet, dit M. Cigna, avoit eu la bonté de m'envoyer la tra- duétion des expériences & des nouvelles obfervations concernant l’élec- tricité, par M. Robert Symmer, à laquelle il avoit ajouté quelques notes, Cet ouvrage renferme plufeurs découvertes très ingénieufes ; Be Ja plus admirable , fans doute, eft celle des deux élé@ricités dillinétes, féparées & même oppofées dans les bas éleétrifés par friétion, ou dans les verres éleétrifés par communication. l’ai cru qu’on pouvoit éclair- cir davantage l’aétion mutuelle de ces deux éleétricités , & leurs rap- ports entr’elles; J'ai donc commencé à ce fujet une fuite d'expériences. Elles ferviront du moins , malgré leur infuffifance & leur imperfe&tion, à prouver que tout autre Phyficien doué d’une plus grande fagacité, &c avec plus de patience que moi, pourroït perfeéionner cette matière, mm CHAPITRE PREMIER. De la fiittion de deux Rubans de foie de même couleur. 1. y ’AI pris deux rubans de [oie blanche après les avoir fait fécher au feu ; ils ont été tendus lun fur l’autre, & potfés fur un plan uni déférenr, c'eft-à-dire , de métal; ou comprimant, c’eft-à-dire, de verre; je les frot- tai enfuite avec une règle d'ivoire, taillée en tranchant. Les rubans étoient par ce moyen éle@rifés au point de s'attacher au plan: fion les en retiroit enfemble , ils s’artiroient l’un l’autre ; le ruban placé au-def- fus, & qui avoit été frotté, étoit plus éleétrique, & fon éle&ricité étoit réfineufe; l’autre l’étoit moins, & fon éleétricité étoit vitrée. Si on les féparoit du plan l’un après l’autre , ils fe repoufloient mutuelle- ment, & l’éleétricité de l’un & de l’autre étoit réfineufe. à 2. Les rubans, retirés du plan en même tems, fe repoufloient aufi F2 re mutuellement; cela arrivoit toutes les fois que celui du def- us avoit été féparé de celui de deffous pendant le frottement , ou bien quand ils n’étoient pas aflez tendus; en conféquence , le frottement comprimoit le ruban inférieur contre le plan, & l'éleétrifoit à-peu près de la même manière que celui du deflus. 3. Il n’eft pas néceffaire que les corps foient frottés bien immédiate- ment pour être éle@rifés, car les deux rubans que j'avois pliés dans une feuille de papier doré affez forte, ou dans une lame de plomb, ont été aflez fenfiblement éleétrifés par le frottement de ce papier ou de la lame de plomb. 4. Dans l'inftant où l’on enlève les rubans de deflus le plan où on les a frottés, on voit briller des érincelles dans les points de cette fépara« tion. On voit les mêmes étincelles quand on fépare les deux rubans l’un de l’autre ; mais quand une fois on les a féparés, ou du plan ou l’un de Juin 1772,Tome IL, Xi] 164 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; l'autre, on a beau les rapprocher , leur féparation ne produit plus d'étin= celles. 5: Quoique les rubans, retirés féparément du plan où ils avoient été frottés , fe repouflent mutuellement , fi cependant on les a une fois reti- rés enfemble , d’où naît leur vertu attraétive, on a beau les tendre de nouveau fur ce plan, & les en retirer féparèment, ils continueront rou- jours à s’attirer; & vice verfa. 6. On voit par-là comment des rubans pourront s’attirer par un côté, & fe repouffer par l’autre. Cela arrivera, fi, après les avoir frottés fur un plan, on les retire conjointement par un bout & féparément par l’autre. 7. Les rubans laifés fur le plan où on les a frottés, ne donnent pref- que aucun indice d’éleétricité. Etant retirés enfemble & réunis, ils donnent dans leurs deux faces, des fignes d’une forte éleétricité réfi- neufe , & agiflent comme un feul ruban réfineux éle&rifé, Si on les applique de nouveau fur le plan , ces fignes s’évanouiffent de nouveau , & reparoillent fi on les retire , jufqu’à ce que toute leur vertu éle&ri- que foit diffipée. 8. Si, au lieu de pofer de nouveau fes rubans fur le plan uni où ils avoient été frottés , on les place fur un corps velu & déférent, telle que la toile de chanvre ou de coton un peu humide, leurs éleétricités fe mettent en équilibre , & les rubans retirés ne donnent aucun figne d’éleétricité , tant qu'ils font unis: mais fi on les fépare , leur éleétri- cité eft oppofée , & a un degré égal; fi on les réunit de nouveau , elle difparoît encore, ainfi de fuite. ; 9. Les rubans fe repouffant mutuellement placés l’un fur l’autre fur une furface unie & déférente, s’y attachent tant foit peu; & fion les en fépare , ils continuent à fe repouffer : fi on les pole de la même manière fur une furface raboteufe & déférente, fi après y avoir refté quelques minutes on les en retire, ils s’attirent l’un l’autre; cela vient de ce que l'éle&ricité du ruban Le plus prochain de la furface velue, eft devenue vitrée , de réfineufequ'’elle étoit. 10. C’eft pourquoi, fi on frotte ces deux rubans placés dela manière indiquée fur une furface velue, ils acquièrent toujours des éleétrici- tés contraires ; & de quelque manière qu’on les en retire , le ruban fupé- rieur aura toujours une éleétricité réfineufe, & l’autre vitrée. 11. Un corps déférent quelconque, taillé en pointe, produit le même effet que le plan velu déférent. En effet, fi on fufpend les deux rubans dont la vertu éleétrique eft répulfive dans une pofition parallèle & face à face, & fi on place entre ceS deux rubans, une barre de métal taillée en pointe , & éloignée d’un ou deux pouces de chaque ruban, chacun d'eux s’attachera a la pointe voifine, & 1ls ne donneront plus aucun figne d’éleûricité tant qu’ils feront réunis, Si on les fépare, on verra SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 16$ te la face des rubans tournée vers la pointe de métal, a changé d’électrici- té ; & qu’elle eft devenue attirante. de repouffante qu’elle étoitauparavant. 12. Le même méchanifme par lequel l'életricité réfineufe d’un ruban devient vitrée, peut aufl éleétrifer un autre ruban qui ne left pas ; & cela en plaçant un ruban non-éléétrifé fur une furfaceraboteufe, & en met- tant pardeflus un autre rubanéle@rifé, ou bien en appliquant ce ruban éledrique fur un autre qui ne l’eft pas, & en les fufpendant la face tournée vers un corps de métal taillé en pointe & étendu dans toute fa longueur. On verra que le ruban éleétrifé de cette manière , a une élec- tricité oppofée à celle du ruban qui la lui communique ; de forte , que fi l’une eft réfineufe , l’autre fera vitrée, & vice verfä. On verra de plus que le ruban qui communique l’éle@ricité de cette façon, ne perd pas plus de fa vertu éle@rique, que s’il avoit fimplement demeuré fufpendu fans communiquer fon éleétricité. 13. Un feul ruban éle@rifé fuffra donc pour communiquer une vertu éle@rique , contraire à plufeurs autres rubans non éleétrifés , fi on les applique fucceffivement fur celui-là de la manière décrite. Chacun d’eux aura une éleétricité contraire, mais égale à celle de celui qui la com- murnique , au moment où elle eft communiquée. De cette manière, on peut multiplier prodigieufement l’éle@ricité fans friétion. 14. Je plaçai fur un plan uni, foit déférent , foit comprimant, un ruban blanc féché au feu ;j'en mis un autre un peu moins fec, & par conféquent moins comprimant pardeflous le premier ; je les frottat avec la même règle d'ivoire. De quelque façon que je les féparaffe du plan, le ruban fupérieur repoufloit toujours , & l’inférieur attiroit. 15. Il réfulte de-là que lation des pointes rend la face des rubans, tournée de leur côté, plus propre au paflage du fluide éle&rique. L'hu- midité du ruban inférieur , dans l’expérience précédente , produifit le même effet que les pointes fur le ruban fec. 16. J'ai fait les mêmes expériences avec des rubans noirs, & leur réfultat a été le même. 17. Si, au lieu d'ivoire, je me fervois d’une peau pour frotter Îles deux rubans blancs ou noirs, l'effet étoit exaétement le même ; je me fuis fervi du verre avec le même fuccès. Si l’on frotte les rubans avec du foufre, celui qui eft immédiatement fourmis au frottement, attire , tout le refte eft égal aux autres expérien- ces; mais dans un ordre inverfe, c’eft-à-dire, que les rubans qui fe répoufloient dans celles-là, s’attirent dans celle-ci. 18. Si je frottois , avec les mêmes corps, un ruban noir & blanc; tendu en l'air, attaché par fes deux bouts; ou bien, fi je froiflois ce même ruban fur ces corps, en le tenant par les deux extrémités, il étoit alternativement attiré par chacun de ces corps, & il y éprouvoit un frot- tement aflez rude; fi enfin je roulois ce même ruban en travers, & fi je Juin 1772, Tome 11, 166 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; faifois pafler un de ces corps dans toute fa longueur , le frottement étoit le même. 19. Le caraëtère de l'électricité ne fut pas fi conftant dans les rubans frottés avec du papier commun ou doré, Les rubans blancs éleétrifés de cette manière attirent ordinairement, & les noirs repouffent ; mais le contraire arrive aufñ quelquefois. Je n’ai pu jufqu’à préfent découvrir toutes les caufes de cette inconftance. J'ai feulement remarqué que les rubans ci-devant frottés par d’autres corps, étoient plus facilement éle@trifés par le papier commun ou doré. 20. Il eft conftant que deux rubans blancs ou noirs, pliés dans un papier commun ou doré , s’éleétrifent tandis qu’on frotte le papier fur une table. Car, fi on Ôte le papier, les rubans fe repouflent mutuellement; or, puifque les rubans ainfi enveloppés, n’ont de frottement que contre le papier où la dorure qui les entouroit, il réfulte delà que le papier commun ou doré , peut auf communiquer aux rubans une vertu répul- five : la manière de frotter peut donc auffi contribuer à l’inconftance dont il s’agit. es nr | C'HVANBUET REDDIT Du frottement de deux Rubans de foie de diverfes couleurs, & de l'élettricité des Bas, fuivant M. Symmer. . 21. | à ’opiNION de MM. Symmer & Nollet , fur la diverfité de l’a@tion éleétrique des rubans blancs & noirs, ne fauroit être adoptée en fon entier, comme je l’ai démontré dans le Chapitre précédent. Car la plus grande partie des corps, effayés par ces Meffieurs, & par plufieurs autres, dont je*me fuis fervi , ont tous communiqué à l’un & à l’autre ruban la vertu éleétrique de la réfine ; le foufre feul a produit un effet oppofé, J'examinerai maintenant les expériences qui ont déterminé ces Phyfi- ciens à embrafler cette opinion, 22. Voici en abrégé les expériences de M. Symmer. Ce Phyfcien après avoir chauffé une paire de bas, dont l’un étoit blanc & l’autre noir , les chaufloit tous les deux de la même jambe ; il les laifloit quel- que tems en cet état , ou bien 1l les agitoit de haut en bas, & de bas en haut ; il les Otoit enfuite l’un l’autre enfemble : tant qu'ils étoient ainfñ unis, ils ne donnoient prefque aucun figne d’éleétricité; mais fi on les feparoit l’un de l’autre , ils étoient alors fort éleétriques. L’éleétricité du bas blanc étoit vitrée, celle du noir étoit réfineufe. 23. M.Symmer ne dit pas un mot du frottement externe des bas ; par conféquent , cette éleétricité étoit entièrement l'effet du frottement SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 167 des bas contre la jambe, en les chauffant ou en les ôtant; ou bien de ces mêmes bas entre eux. 24. Or, fi le feul frottement des bas contre la jambe eft la caufe de leur éle@ricité, celui qui eft immédiatement fur la jambe, devroit fubir une éle@ricité plus forte, & par conféquent réfineufe : cependant , fui- vant le même Auteur, fi ce bas eft blanc, fon éle@ricité fera vitrée; & s'il eft noir, elle fera toujours réfineufe. D'où il réfulte, fuivant ces expériences , que le frottement des bas contre la jambe, n’eft pas la caufe de leur éle@ricité. 25. On ne peut donc attribuer cet effet qu’au frottement des bas entre eux. Car J'ai éprouvé qu'un ruban blanc, frotté avec un ruban noir, fuivant une des méthodes décrites ci-deflus , a acquis une éle@ri- cité vitreufe ; & le ruban noir , trotté avec le blanc, ena contraté une réfineufe. 26. M. Nollet a tendu un bas blanc & un noir l’un fur l’autre, par- deflus un corps déférent; il les a frottés enfuite, & ila obfervé que le bas blanc acquéroit toujours une éleêtricité vitrée, & le noir une élec- tricité réfineufe, 27-Enfin, quand j'ai frotté deux rubans de couleur oppofée fur un plan uni & propre à communiquer l’éle@ricité, lélericité du ruban blanc étoit toujours vitrée, & celle du noir réfineufe , foit que j’em- ployafle la peau, le papier , ou tel autre corps que ce fût ; cependant, le ruban fupérieur acquéroit quelquefois une éle@ricité analogue à celle du corps avec lequel je frottois ; celui qui étoit pardeflous avoit tantôt la même force, tantôt une force oppotée , fuivant que les rubans étoient retirés de deflus le plan, conjointement ou féparément, de même que lorfque les rubans étoient de la même couleur. 28. Or, comme dans le premier cas l’éleêricité n’eft pas analogue au corps frottant , mais à la couleur du corps frotté, le frottement opéré avec la peau ou le papier , n’eft donc pas la caufe de l'éleétricité de ce corps; mais elle dépend donc feulement du frottement d’un ruban con- tre l’autre, Dans le fecond cas, l’éleétricité répond au caraë&tère du corps frottant , parce que le ruban fubit un frottement plus fort de la part de ce corps , que contre l’autre ruban. 29. Le premier effet arrivoit conftamment quand le ruban fupérieur étoit lâche & tricoté à la manière des bas, parce qu’alors il s’ap- puyoit davantage fur le ruban inférieur ; il fubifloit de fa part un frot- tement plus violent, fur-tout lorfque le corps frottant étoit du nombre de ceux qui communiquent le moins d’éleétricité à la foie : fi, au con- traire, le ruban fupérieur étoit fort & d’un uflu ferré, & fi le corps frotrant pouvoit communiquer une forte éle&ricité à la foie, l'effet éroit totalement oppolfé ; alors le ruban étoit entièrement éle&trifé par fon frottement , & non pas par celui du ruban inférieur, JUIN 1772, Tome IL. 168 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 30. Cela eft fi vrai qu’un bas de foie blanc, frotté fur un plan de verre, au moyen d'un papier doré, a acquis une éleêricité réfineufe, tandis que le verre fur lequel il étoit avoit une éleétricité vitreufe ; & une étoffe de foie forte & d’un tiflu ferré, telle que le fatin blanc, pofée furle même plan de verre, & frottée avec un pareil papier , acquéroit fouvent une éle@ricité vitreufe, &t le plan de verre en avoit alors une oppofée. Cet effet étoit conftant, fi on employoit le foufre au lieu du papier doré. D'où il réfulte, pour le dire en paflant’, que la foie blanche , frottée fur le verre qui l’attire, acquiert toujours une éle@ri- cité contraire à la fienne , ce qui eft conforme aux loix de léleétricité décrites par M. Defagullier. Ces éleétricités font réellement oppofées, puifque des deux rubans ainfi éleétrifés , l’un repouflece que l’autre attire, &c ainfi tour-à-tour. On leur trouve d’ailleurs toutes les autres contrariétés. 31. Le ruban frotté reçoit donc fon éleëtricité du corps frottant, & quelquefois du ruban inférieur , fuivant qu'il fubit un plus grand frotte- ment de la part de l’un ou de l’autre, & fuivant que l’un ou l’autre font plus propres à communiquer cette éleäricité. 32. On prouve encore ce fait par l'expérience fuivante. Si on pofe deux rubans, un blanc & un noir, lun fur l’autre, ou bien un noïr entre deux blancs, ou un blanc entre deux noirs, & qu’on les frotte pliés dans du papier doré, les rubans acquerront toujours une éle&ri- cité vitrée, & les noirs une réfineufe; &, au contraire, deux rubans de la même couleur, blancs ou noirs, acquièrent toujours , par la même raïfon , une éleétricité réfineufe. Or, comme dans cette expérience, la force de l’aétion du frottement du papier qui enveloppe les rubans eft égale à celle du frottement des rubans entre eux, on peut conclure que les rubans reçoivent une plus grande éleétricité de la part des rubans d’une couleur différente que de celle du papier doré. ; 33. On conçoit aifément par-là pourquoi des bas chauffés deviennent élettriques, même fans aucun frottement extérieur , puifqu’en les met- tant l’un fur l’autre, il fe fait un frottement ; pourquoi cette éleétricité eft la même, foit que le bas blanc fût en deflus ou en deffous ; pour quoi, fi l'on frotte ces bas , quandils font chaufés, l’éle@ricité ne change pas; car les bas cédant facilement , le frottement caufé par la main, eft moindre que celui qu'ils fubiffent entre eux ; pourquoi deux bas de la même couleur s’éleétrifent très-foiblement , tandis que deux rubans de la même couleur, fi on les frotte , deviennent auf éle&triques que s'ils étoient de couleur différente ? M. Symmer ne frottoit pas fes bas quand il les a chauffés; par conféquent, s'ils avoient été de même couleur, ils n’a- voient pu être éleëtrifés que par le légerfrottement qu'ils fubiffoient con- tre fa jambe en les chauffant ou en les déchauffant, & leur aétion auroit été très-foible. Mais fi onfrotte ces bas de la même couleur, après les avoir chauftés , ils font fortement éle@rifés, aufli-bien que Les rubans dont je viens SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 169 Yiens de parler. Si on Ôte ces bas l’un après l’autre, celui du deffous fubira un frottement oppofé à celui qu'il avoit éprouvé de la part du fecond qu’on chaufloit; par conféquent, leur force pourra s’affoiblir : je pourrois ajouter, que, fuivant une loi générale, les corps doués d'éleétricités oppofées, confervent bien pluslong-tems leur vertu étant joints que féparés. Si le bas noir eft pardeffus le blanc,comme M. Symmer paroïît l'avoir pratiqué le plus fouvent, & fi on le frotte avec la main, le bas noir recevra par lefrottement de la main & par celui du bas blanc, une élec- tricité réfineufe ; l'éleétricité de ce bas fera par conféquent beaucoup plus forte, & il arrivera les mêmes chofes dont j'ai parlé ci - deflus, Quand on retire conjointement où féparément deux rubans de deffus le plan où on les avoit frottés. IL réfulte enfin de-là que l’éleftricité des bas dépend principalement du frottement qu'ils éprouvent l’un contre l'autre , quand on les chauffe ou quand on les tire l’un fur l’autre ; car : fi on les Ôte conjointement , il n’y a point de frottement réciproque; mais fi on les Ôte féparément , comme le frottement mutuel fera con- fidérable , leur éle&ricité s’affoiblira d’autant. Les bas déchauflés font fortement attachés l’un à l’autre , preuve certaine d’une éleétriciré déja communiquée , qu’on ne fauroit attribuer au frottement qu'ils fubiffent quand on les fépare lun de l’autre. SR, CHAPITRE IIl. De l'adhéfion conflante des Rubans éleërifès, contre les furfaces unies. 34. J ’A1 fufpendu une lame de plomb lifle & polie, foutenue par des cordons de foie, de manière qu’elle füt abfolument ifolée, J'ai enfuite approché de certe lame de plomb un ruban de foie doué d’une éleétri- cité vitrée, en le tenant par un bout , de manière que ma main füt éloi- gnée du plomb ; il étoit alors attiré foiblement. Si j'approchois enfuite mon doigt du plomb, je voyois paroître des étincelles entre Ini & le ruban, &t ce dernier s’en approchoit dans cet inflant avec vivacité & y demeuroit fufpendu. Dès-lors, le ruban continuoit à être attaché au plomb: mais tant qu'ils refloient unis, ils ne donnoient plus ni l'un ni l’autre aucun figne d'éleétricité ; & fi on les féparoit , on voyoit paroître de nouvelles érincelles entre lun & l’antre en approchant le doigt, & le ruban paroitloir auff éle&trique qu'auparavant. 35- Le fucrès étoit le même, fi, aulieu de ce ruban, j'employois celui dont l'éleétricité éroit réfineufe. 36.Si, quand on a approché de la lame de plomb un ruban doué JUiN 1772, Tome 11, 170 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’une éle@ricité , foit vitrée , foit réfineufe , ce plomb ne produit aucuné étincelle, il attire un autre ruban dont l’éleétricité eft analogue , & repoufle ceux dont l’éleétricité eft oppofée. Si l'on a vu auparavantdes étincelles, il attire l’un & l’autre; fi on détache le ruban du plomb après qu'il a produit une étincelle, il en attire un autre dont la force élec- trique eft de la même nature, & repoufñle celui dont léleétricité eft différente. 37. Par conféquent, le plomb auquel on a appliqué un ruban doué d’une éleétricité de la même nature ; répand un fluide éle&rique , qui repoufle le ruban dont l’éledricité eft la même : mais fi cette aétion du plomb a été reçue par le doigt fous la forme d’une étincelle , le plomb agit alors comme s’il n’étoit pas éleétrifé, & attire indifféremment lun. &t l’autre ruban. Si on détache le ruban, le plomb acquiert la faculté de recevoir la vertu éleétrique qu'il a communiquée ; c’eft pourquoi ik donne, à l’égard de l’autre ruban, des marques d’une éleétricité oppo- fée, & produit une nouvelle étincelle , fi on en approche le doigt. 38. Par la mème raifon, tant qu’on n’a pas épuilé la vertu éle&rique du même genre, en approchant le doigt du plomb , le ruban donne des fignes d’éle@ricité: mais quand le plomb a produit une étincelle, ces fignes d’éleéricité du ruban difparoïiffent;.fi on le fépare du plomb, 1l donne de nouveaux fignes d’éleétricité. 39. Il réfulte de-là que le ruban éleétrifé, approché de la furface unie du plomb, s'efforce de lui communiquer une vertu contraire & égale en quantité à la fienne : lorfquil y eft parvenu à laide de l'approche d’un doigt, il refte fortement attaché contre le plomb, & ni lun nt l’autre ne donnent en cet état aucun figne d’éleétricité; mais fi on les fépare , ils paroiflent alors l’un & l’autre également éleétriques , mais dans un fens oppofé. 40. Les érincelles & les cinq aïgrettes confirment ces faits. Car fi on approche un ruban éle&trifé de la furface unie du plomb, & un corps de métal pointu de l’autre côté, vous verrez briller une étincelle à la pointe de ce corps fi l'éleétricité du ruban eft vitrée; fi au contraire elle ef réfineufe, on appercevra une aigrette vers le même endroit. Ces phénomènes difparoiflent promptement ; & tant que le ruban refte atta- ché à la lame de plomb, on n’apperçois plus aucun figne d’éleétricité à la pointe de ce corps métallique. Si vous détachez le ruban, cette pointe donne de nouveaux fignes d’éleétricité, mais oppofés aux premiers; c’eft-à-dire, qu’il paroïtraune aigrette fi l’éleétricité du ruban eft vitrée, & une étincelle fi elle eft réfineufe. Si au lieu de tourner fimplement la pointe métallique vers la lame de plomb, on l'y attache , les mêmes phés« nomènes paroitront , mais en fens contraire. | 41. Le ruban éleëtrifé communique donc au plomb une éle&ricité con- traire à la fienne, tout de même qu’à un ruban non éle&rifé, La feule SUR L'HIST. NATURELLE ÊT LES ARTS. 1x7; différénce qu'il y a , c’eft que cette vertu ne fauroit être communiquée au ruban fion ne tourne vers lui la pointe d'un corps métallique , à caufe de la difficulté que le fluide éleétrique tronve à pénétrer le ruban; au lieu qu’elle eft très-facilement excitée dans le plomb , & par la pointe d’un corps métallique & par tout autre corps déférent de quelque figure qu'il foit. De plus, dès qu'un ruban éleétrifé a communiqué une élec- tricité contraire & égale en quantité à la fienne à un autre ruban non éle&rifé, ni l’un ni l’autre n’ont plus d’athmofphère éleétrique; de même, le ruban électrifé ayant une fois communiqué fa vertu dans un fens contraire à la lame de plomb, ni l’un ni l’autre ne donnent plus aucun figne d’éleêtricité , tant qu'ils reftent unis; mais ces fignes repa- roïffent au moment qu’ils font féparés. 42. On conçoit par-là, pourquoi , fi on approche fucceffivement de la furface polie du plomb deux rubans également életriques, on voit briller une étincelle en approchant le doigt entre le plomb & chaque ruban au moment où on les approche & où on les retire, au lieu que s'ils font approchés conjointement & retirés de même, il ne paroît aucune étincelle. Pourquoi , fi on approche du ruban attaché au plomb, un autre ruban dont l’éleétricité eft oppofée, le premier abandonne le plomb & s’unit au fecond , & une étincelle part du plomb dont on appro- che le doigt; car lorfque des rubans éle@trifés en fens oppofés & à égal degré agiffent l’un contre l’autre, ils ceffent d'agir fur les corps ambians ; par conféquent le plomb délivré de l’aétion du ruban qui lui étoit attaché, a la faculté de reprendre la vertu qu'il lui avoit commu- niquée, & de produire des étincelles. On conçoit enfin pourquoi deux ou plufieurs rubans doués de la même éleétricité & par conféquent fe repouffant mutuellement , appliqués fucceflivement à la lame de plomb, produifent fucceflivement tout autant d’étincelles, & s’attachent les unes pardeflus les autres à cette lame de plomb, & fi on les en retire aufli fucceffivement, les mêmes étincelles reparoiffent. 43. L’életricité communiquée à la lame de plomb, eft oppofée 8 à égal degré de celle du ruban qui lui eit appliqué; d’où il réfulte que les corps déférens peuvent recevoir & renvoyer autant de fluide que les corps comprimans en contiennent, Ainfi on penfe mal-à-propos que ces derniers corps contiennent une plus grande quantité de ce fluide que les premiers. 44. Voici une expérience qui démontre l'égalité de la quantité de ce fluide dans les corps de l’une & de l’autre clafle. J'ai fufpendu pendant l'été par des cordons de foie,un vaiffeau de métal plein de glace; j'ai placé autour de ce vafe des corps déférens très-légers, afin que l'élec- tricité la plus légère fût capable de leur caufer du mouvement. Toute la glace s’eft fondue fans que j'aie pu remarquer le moindre mouve- ment dans ces corps. L'eau, comme on fait, communique la commo- JUIN 1772, Tome IL. Yi 172 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tion, ce que la glace ne fauroit faire; par conféquent l’une doit être mife au nombre des corps qui communiquent le fluide éle&trique , & l’autre au rang de ceux qui le retiennent : or, fi les corps de cette der- nière clafle contiennent une plus grande quantité de fluide éle&trique que ceux de la première, la glace , qui en fe liquéfiant, pafle de l'une dans l’autre , devroit communiquer au vafe métallique l’excès de fon fluide, & en conferver feulement la quantité néceflaire au genre de corps parmi lefquels elle fe range en fe fondant. On n’obferve cepen- dant rien de femblable ; il eft donc très: probable que la glace & l’eau, c’eft à dire, les corps de Pun & l’autre claffe contiennent une égale quantité de fluide éle@rique. 4$. Si j'approchois le ruban éle&rifé des bords tranchans on des angles de la lame de plomb ifolée au lieu de fa furface polie, il étoit d’abord attiré & enfuite repouffé, L'approche du doigt produifoit alors une étincelle, & le ruban étoit de nouveau attiré; fi je retirois mon doigt, ilétoit encore repouffé : ainfi de fuite alternativement, jufqu’après Pextinétion totale de la vertu éle&rique. . 40. La vertu éleétrique communiquée au plomb dans cette expé- rience , eft donc du même genre que celle du ruban qui lexcite ; 8z pendant le rems de la communication, elle eft attractive, & ce tems fini, elle devient répulfive. Si on abforbe la vertu du plomb par l’ap- proche du doigt, le ruban lui communique ce qui lui en refte, & l’at- traétion reparoît pendant que dure cette communication, mais aufli-tôt que cette vertu eft accumulée alternativement, jufqu’à ce que toute la vertu du ruban foit épuifée. 47. En comparant cette expérience avec la précédente, on trouvera que dans la première le ruban a communiqué au plomb une életricité contraire & égale en force à la fienne, 8 dans la feconde le ruban a excité une vertu en tout égale à la fienne, Dans le premier cas, le plomb & le ruban fe font conftamment attirés mutuellement, 8e dans le fecond , tantôt ils fe font attirés & tantôt repouflés. Toute cette différence vient de ce que dans Pune, le ruban avoit été approché de la furface polie du plomb, & dans lautre je lavois approché des angles: c’eft-à- dire, que le ruban étant approché de la furface du plomb, le fluide éle&ri- que a de la peine à le traverfer & à fe répandre dans le plomb à caule de la vertu reflerrante du ruban ; & il excite dans le plomb une vertu contraire , mais égale en force à la fienne , afin d’être en équilibre, Au contraire, le ruban étant approché des angles du plomb, fa vertu eft plus aifément attirée par leur force; la même chofe arrive que fi le ruban étoit plus déférent. Le plomb acquiert une éleëtricité du même genre , & fes loix font conformes à celle des corps déférens. 43. Au moyen de cette diftinétion il eft aifé de répondre à cette quef= tion de M. Nollet , pourquoi les feuilles de métal font-elles alternative / SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. +73 ment attirées & repouflées par le tube ou les réfines éleétriques ? Quel- quefois cependant, elles en font fimplement atuirées, &t s’attachent for+ tement à leur furface ; & cela arrive toutes les fois que le fluide élec- trique fe dégage avec peine du corps qui le contient. Les feuilles qui oppofent leurs bords & leurs angles à ces corps, s’y attachent tout-à- fait: c'eft pourquoi elles font attirées & repouffées alternativement, Celles qui ont leur furface plate tournée vers ce corps , ou dont les angles regardent une partie oppofée, & font l'ofiice du doigt qu'on approche , fi on les foutient auprès du corps éleétrique avec la main, elles paroïffent comme entrainées, & demeurent fufpendues. 49. Un ruban éle&rifé ne s’afoiblit pas beaucoup par la communica- tion de fa vertu en fens contraire à un autre ruban non éle@rilé; car il peut en éleétrifer fucceflivement plufieurs de la même manière. De même, le ruban qui a communiqué à la lame de plomb une électricité contraire, & égale en force à la fienne , étant détaché du plomb, fem- ble avoir confervé fa vertu toute entière; & il pourra éleétrifer de la même manière plufeurs autres lames de plomb fucceffivement; ou, ce qui revient au même, fion attire l’éledtricité communiquée au plomb par le ruban, en faifant fortir des étincelles avec le doigt, le ruban de nouveau approché lui communiquera une feconde fois une égale quan- tité de vertu de la même nature, & ainfi de fuite , jufqu’apres l’extinc- tion total® de la vertu du ruban. Par conféquent, à chaque fois qu’on approchera le ruban de la furface du plomb, ou qu’on l'en rerirera , on verra fortir des étincelles, fi en même tems on approche le doigt du plomb; mais ces étincelles feront différentes les unes des autres, de forte que files unes ont l’effet de l’éleéricité vitrée du plomb, les au- tres dépendront de l’éleétricité réfineufe du même corps : de forte que l'on verra autant d'étincelles du même genre, qu’on approchera de fois le ruban de la lame de plomb; & le nombre d’érincelles du mêmegenre , oppofées aux premières , égalera le nombre qu’on en féparera. 50. Ces étincelles diminuent peu-à-peu , à mefure que la vertu élec- trique du ruban s’épuile, Maïs comme cela fe fair lentement , on peut avoir un grand nombre d’étincelles allez fortes, fi on approche ou fi l'on retire promptement le ruban de la lame de plomb. En effet , j'ai approché le crochet d’une petite bouteille que je renois dans ma main , de la lame de plomb, dans linftant où on lui préfentoit un ruban dont Péledricité éroit vitrée, & j'en ai tiré des étincelles. Dans ce même tems, j’attirois les étincelles qui fortoient du plomb, au moment de la féparation du ruban. Par le fecours d’un autre corps déférent, j’atti- rai avec le crochet de ma petite bouteille , environ quarante étincelles affez fortes, dont la bouteille étoit chargée , qui donnoient une com- motion. Sa face interne avoit une éle&ricité vitrée ; celle de la face externe étoit réfineufe. De même , fi j'accumulois dans la bouteille les JUIN 1772, Tome IL. %74 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, étincelles que le plomb produifoit à chaque éloignement du ruban, éf attirant celles qui fe formoient à chaque approche du même ruban, par le moyen d’un autre corps déférent, la bouteille s’en chargeoït encore & caufoit la même commotion; mais l’éleétricité de fes faces étoit oppo- fée , c'eft-à dire, que celle de la face interne étoit réfineufe, & celle de la face externe vitrée, Si j'attirois les unes & les autres étincelles avec le crochet de la même bouteille, elle ne s’éleëtrifoit pas, parce que ces deux vertus oppolées fe détruifoient mutuellement. Si je répétois ces expériences avec un ruban doué d’une élettricité réfineufe, les mêmes effets s’enfuivoient, mais dans un ordre inverfe, ainfi qu’on peut fe l’imaginer. D'où il réfulte que les étincelles produites entre Le plomb & le ruban , foit dans fon approche, foit lors de fon éloignement , dépen- dent de deux vertus éleétriques , oppofées comme nous l’avons démon- tré ci-deflus. ÿ1. M. Symmer ayant attiré dans une bouteille toute la vertu élec- trique des bas de foie, au moyen d'un fer pointu, a aufñ éprouvé une commotion proportionnée à l'électricité des bas communiquée à la bouteille. Pour moi, j'ai obtenu tout autant d’étincelles , dont chacune égale l’éledricité aétuelle du bas, que le bas a été approché de fois de la lame de plomb , & autant, mais d’une nature différente, qu'il en a éte éloigné; par ce moyen, je multiplie l’éleétricité fans frottement. 52. On voit en cela la caufe du phénomène dont j'ai parlé ci-deflus: Pourquoi les rubans ne donnent aucun figne d’éleétricité, tant qu'ils demeurent fur le plan où on les a frottés, tandis que ces fignes paroif- fent dès l’inftant qu’on les en retire ? c’eft parce que la vertu éle&rique réfineufe , dominante dans le ruban, eft en équilibre avec la vertu vitrée du plan, comme cela paroît, fi on ifole Le plan avant d’en avoir déta- ché les rubans; car il n’excitera aucune éle@tricité fur les corps exté- Ne jufqu’à ce que par la féparation des rubans l’équilibre ait été étruit. CHVAYPYIMENRSENT OV, Des phénomènes des tuyaux vuides d'air ou pleins de corps propres a tranf- mettre le fluide életrique ; de l'analogie des bas doués de vertus éleütriques oppofées, avec un verre éleétrife ; de l’adhérence de lélettricité aux corps propres à la retenir, 52 S 1 l’on frotte deux verres plats, exaëtement fecs, pofés l’un fur l’autre, & placés fur un corps poli, propre à tranfmettre l’éleétricité , par exemple, fur une feuille de papier doré, de manière qu'ils ne com- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7% muniquent qu'avec elle, ils s’éle@rifent & s'attachent, foit l’un contre l'autre , foit contre le papier. Si au lieu de papier doré on fe fert d’une lame de plomb affez mince , elle s'attache également aux verres qui la foutiennent malgré fon poids. 4. Le papier demeurant attaché aux verres, ils ne donnent aucun figne d’éleéricité, fi on l’en fépare; & fi les verres reftent réunis, ils paroiflent doués fur chacune de leurs faces, d’une éleétricité vitrée: car ils repouflent de chaque face un ruban dont la vertu éleétrique eft la même ; l’une & l’autre face attirent un ruban doué d’une vertu oppo- fée. Si on approche de nouveau le papier des verres, les fignes d’élec- tricité difparoiffent de nouveau ; & ainfi de fuite , à mefure qu’on appli- que le papier aux verres, ou qu’on les en fépare. Ces fignes recommen- cent & ceflent tour-à-tour, jufqu'à ce que la vertu foit entièrement éteinte. $5- Sionattachoit au papier, ou à la lame de plomb, un petit ruban de foie pour pouvoir les retirer fans les toucher & fans caufer une émiffion de la vertu éle&rique, un corps léger fufpendu par un fil de foie , entre le plomb & les verres, fubifloit alors des ofcillations très- fenfibles, & fon éleétricité étoit oppolée à celle des verres, c’eft-à- dire , réfineufe. 56. Les verres avoient auffi chacun une éleëtricité oppofée; & l’on appercevoit les mêmes ofcillations du corps léger fufpendu entre eux par un fil de foie , & fon éleétricité fupérieure étoit vitrée & plus forte , & l’inférieure étoit réfineufe. 57. On apperçoit facilement que cette expérience ne diffère point de celle où deux rubans de la même couleur, frottés fur un plan défé. rent, étant féparés l’un & l’autre du plan, léleétricité réfineufe du ruban {upérieur eft en équilibre avec l’éleétricité vitrée du ruban infé- rieur & du plan, & réfide également dans l’un & dans les autres; de même dans ceile ci, l’éleétricité vitrée du verre fupérieur étant en équi- libre avec la réfineufe, fe trouve également & dans le verre inférieur & dans fon armure. En conféquence, les verres ne donnent aucun figne d'éledricité jufqu’à ce que l’armure étant Ôtée , l'équilibre cefle. On peut faire avec ces mêmes verres les mêmes expériences que j'ai faites plus haut avec les rubans. 58. Si on laifle les verres frottés pendant un peu de tems fur un corps raboteux après en avoir Ôté la petite armure, ou bien fi on les frotte fur ce corps même, ils ne donnent aucun figne d’éleétricité quand on les en retire ; ils font cependant attachés l’un à l’autre, & fi on les fépare , ils donnent des marques d’une éleétricité oppofée, mais égale en force: ces fignes difparoïflent & reparoiffent de nouveau, fuivant que les verres font féparés l’un de l’autre, ou qu'ils font rapprochés ; en, quoi ils reffemblent encore aux rubans dont j’ai parlé ci-deffus, JUIN 1772, Tome IL 376 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 59. Mon expérience eft encore conforme à celle d'Hauksbée. Ce Phyficien avoit frotté des tubes vuides d’air ou pleins de corps propres à tranfmettre la vertu élè@trique ; ces tubes n’ont acquis qu'une éle@ricité prefque infenfble : mais quand il donnoit entrée à l'air, ou quand 1l vuidoit les tubes des corps dont iis éroient remplis, cette vertu devenoit très-forte fans aucune nouvelle friétion. Dans ce cas, léle@riciré vitrée de la face externe du tube , eft en équilibre avec la vertu réfineufe qui réfide en partie dans la face interne du même tube, ou dans fon armure , ou bien dans le vuide qui en tient lieu. En confé- quence , tant que cet équilibre dure , on n’apperçoit aucun figne externe d’éleétricité ; mais l’armure étant Ôtée, la vertu réfineufe diminue , & la vertu vitrée prédomine. 60. D'après mes expériences , il faut pour la réuflite de celle de M. Hauksbée que les corps dont le tube eft rempli, foient configurés de façon à pouvoir s'attacher à fes parois, & lui fournir une armure uniforme : fi au contraire ils font raboteux & anguleux, toute la vertu réfineufe s’attachera à la furface interne du tube; & l’équilibre de ces deux vertus fubfiftant , malgré qu'on ait Ôté ces corps après le frorre- ment du tube, il ne donnera prefque aucun figne d’éleétricité. G1. Si on arme des deux côtés les verres éleétrifés ,finvant la méthode décrite ci-deffus, ils ne produiront aucune fecoufle à canfe du contaét des armures oppolées; de même , les rubans ou les verres enveloppés de toute part dans un corps déférenc affez mince, comme dans une feuille de papier doré, quoiqu'ils continuent d’être adhérens, fi on les laifle quelques minutes ainfi enveloppés, ils n’ont pas pour cela perdu leurs vertus oppolées après leur féparation . tandis qu’ils auroient dû perdre dans un inftant par la communication des armures oppofées, la quantité de fluide eleétrique dont ils fe chargent ordin:irement. 62. J'ai répété l'expérience confeillée par M. Franklin: en confé- quence , j'ai pofé deux verres plats , unis & bien fecs, l’un fur l’autre; je les ai placés l’un & l’autre fur une lame déférente, de maniere que cette lame ne touchât pas la terre & fût ifolée; jai frotié enfuite la face fupérieure des verres, & par intervalle, j’approchois mon doigt de l’armure, & je faifois {ortir une étincelle: les verres devenoient adhérens l’un à l’autre & à la lame ; & fuivant la remarque de M. Franklin, ils fe chargeoïent , de forte qu'ayant mis une armure fur la face fupé- rieure des verres, le contaét réciproque de l’une avec l’autre caufoit une fecouile, 63. Mais ce qui paroîtra fingulier , les verres, après la fecouffe qui leur étoit cautée par la communication des deux armures, perfiftoient dans leur adhéfion, quoiqu'iis ne donnaflent aucun figne d’éledricité tant qu'elle duroit; cependant, après leur féparation , ils donnoient des marques d’une vertu oppofée; en un mor, ils étoient tels qu'ils avoient SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 177 avoient été immédiatement après le frottement dans l'expérience pré- cédente. Ils acquéroient dans celle-ci deux fortes d’éle&ricités, l’une qui caufoit la fecoufle & qui s’'évanouifloit après , & l’autre qui étoit plus durable. J’appellerai dorénavant la première éle@ricité de Franklin, & la feconde de Symmer, afin d'éviter les longueurs. 64. Si après la féparation des verres doués d’éleétricités oppofées ,on touche leurs armures, on voit fortir une étincelle de chacune, &c cette fecoufle détruit leur vertu; car fi on les réunit de nouveau, il ne paroît plus d’érincelles malgré qu’on fafle toucher les deux armures. Cependant, ce contaét des armures affoiblit peu leur éleétricité Symmériane, Car ils continuent à s’attirer & à caufer des ofcillations à un corps léger fufpendu entr'eux par un cordon de foie, ainfi que je l'ai oblervé ci- deffus. 65. L’éleétricité de Franklin eft donc femblable à celle du plomb, qui {e perd par le feul contaét, au moment où le ruban doué d'une éledricité contraire eft féparé ; au contraire l’éleétricité de Symmer reffemble à celle des verres ou des rubans, qui étant défunis, ont chacun leur atmofphère éle@rique qu'ils n’avoient pas étant unis, & qu'ils ne perdent qu'après un efpace de temps affez long par le contaét répeté des corps déférens. 66. L'une & l’autre vertu tend à s'échapper des corps qui les retien- nent aufli-tôt qu'on a Ôté l’obftacle oppofé par la proximité d’une éleëtricité oppofée; mais l'éleGricité de Franklin ainfi que celle du ‘plomb, s’échappe dans un inftant dans le premier corps déférent qui lui eft préfenté ; celle de Symmer ne le fait que lentement. 67. Si l’éleétricité de Symmer pouvoit s'échapper affez promptement des corps qui la retiennent , elle cauferoïit une fecouffe ainfi que celle de Franklin, à la communication des faces oppolées, & s’éteindroit dans un inftant ; or, comme le contraire arrive, il faut conclure qu’elle eft enveloppée & retenue par les corps dont elle ne fe dégage qu'avec peine & lentement. 68. Si on enveloppe en tout fens dans un corps déférent & velu, des verres ou des rubans imprégnés de léleétricité Symmériane , ils la perdront à la vérité plutôt que fi on les enveloppe dans un corps poli. Toute la différence vient de ce que les poils qui couvrent la furface velue, rendent plus facile le paflage du fluide éleétrique à travers les corps reflerrans. 69. Si ces corps contraétent difficilement la vertu éle@rique, & combien cette vertu une fois communiquée à ces corps,a de la peine à s’en débarrafler; & fi l’on fait attention que l'air agit abfolument de la même manière que les corps de cette clafle, on concevra que l'élé@ricité Symmériane eft la même que celle de Pair, qu’elle et très-engagée dans les pores des corps qui en font imbus , & qu’elle diffère JUIN 1772, Tome 11. 178 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de celle de M. Franklin qui ne réfide que dans les corps déférens où fimplement des autres , d’où elle n’a pas de peine à {e dégager. 70. Il paroît par-là que la ténacité de la vertu éle&rique n’eft pas propre feulement à la foie, mais qu’elle lui eft commune avec tous les corps retenans ; il eft encore évident que les éleétricités oppofées produifant des fecoufles, ne pañlent jamais au-d:1à du milieu de l'épaifleur du verre, encore moins fe cômmunique-t-elle d’un verre à l’autre : il réfulte enfin que cette ténacité de la vertu éle&trique ne dépend que de la difficulté avec laquelle le fluide éle@rique fe meut à travers les pores des corps retenans. 71. Il eft aifé de concevoir pourquoi un verre, dont on frotte la face fupérieure, tandis que l’armure de la face oppofée communique conftamment avec le terrain, ne produit jamais de fecoufle; il en eft de même d’une étoffe de foie & de tout autre corps frotié de la même manière. Car les vertus éleétriques oppolées, ayant un libre paflage par les faces oppofées du verre , doivent fe diffiper dans la même proportion qu’elles augmentent, à caufe de la communication fimulranée avec les corps déférens , d’un côté par la main qui frotte, & de l’autre par l’armure; le verre n’eft donc jamais capable de produire aucune fecouffe: mais, au contraire, lorfqu’une partie de ces fluides éleétriques a pénétré plus avant dans les pores du verre, elle s’en dégage plus difficilement, & ne fauroit fe difliper par la feule communication des faces oppofées du verre avec les corps déférens ; elle peut par confé- quent augmenter par la continuation du frottement, & fe manifefter par les fignes ci-deflus indiqués. 72. Voilà pourquoi un ruban de foie , enveloppé d’une lame défé- rente, acquiert par fon frottement léleûricité Symmériane : de même que la tourmaline qui eft éle&trifée par la chaleur du milieu déférent dans leauel elle eft plongée. 73. Il réfulte de-là 1°. que quand l’une des deux vertus éle&riques, vitreufe & réfineufe,fe porte à l’une des faces des verres ou desautres corps retenans, l’autre fe manifefte en épale quantité fur l’autre face, fi rien ne s’oppofe à fon paflage; 2°. que ces éle&tricités tendent à fe rapprocher mutuellement , c’eft pourquoi des lames d’un corps retenant qui en font imbues,demeurent unies; 3°. qu’elles ne font aucun effort pour fe répandre fur les corps ambians, voilà pourquoi elles ne produifent aucune atmof- phère; 4°. qu’elles pénètrent lentement & avec peine, une lame d’un corps retenant qu’on place entre-deux. 5°. Si on leur facilite les moyens de fe mêler , en réuniflant les extrèmités des corps déférens qui couvrent les faces oppofées , les éle&ricités qui s’y trouvent libres, choïfiflent cette voie pour fe réunir, & fe détruifent mutuellement en s’uniflant. 6°. La partie de ces vertus qui a pénétré plus avant dans les pores des corps retenans , a plus de peine à s’en dégager, & n’y parvient que SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 179 fort tard, fi on ne facilite fa fortie en approchant de toute part des corps déférens pointus. 7°. Comme ces éleétricités rendent à fe réunir , fi on livre feulement palfage à lune par l'approche d’un corps défé- rent, & que l’autre demeure retenue, celle-ci ne fe manifeftera pas. 8°. Toutes les fois que des lames qui pofédent ces vertus oppolées font défunies, elles ont chacune leur atmofphère particulière, 9°. La partie de ces éleétricités qui eft encore libre à leur furface, fe difipe en un inftant par le contaét des corps déférens. 19°. Mais la partie qui s’eft engagée plus avant dans leurs pores s’en débarraffe beaucoup plus lentement , à moins qu’on ne facilite fa fortie en approchamt un corps déférent pointu. CHAPITRE V.: De lufage des armures dans le chargement des verres, & des autres corps retenans. "4. O N connoît l'ingénieufe expérience par laquelle M. Franklin a chargé un verre en conduifant par la feule rotation du globe , le fluide éleétrique de l’une de fes armures dans l’autre, fans le fecours d’au- cune éleétricité étrangère; & cette autre dans laquelle il a déchargé un verre ifolé par le moyen d’un arc auñfi folé , fans qu'après le décharge- ment, On apperçut aucune trace d’éleétricité, foit dans le verre, foit dans les corps qui communiquoient avec lui. Ce favant Phyfcien con- clut dé ces expériences, que le verre contient une grande quantité de fluide éleétrique , qui, étant conduit de l’une de fes furfaces vers l’au- tre , le charge, & par fon égale diftribution , les chofes reviennent dans deur état naturel. 75. Suivant le même Auteur, ce fluide attiré d’une armure vers l’au- tre, & dont le verre fe charge, ne part pas de l’une ni ne s’arrête pas dans l’autre; mais il part de l’une des furfaces du verre en traverfant fon armure, & fe rend à l’autre furface À travers l’armure qui la couvre; & quoiqu’on change les armures, le chargement ne fe fait pas moins. En effet, ce Savant a obfervé que les étincelles qui fortoient du point du verre auquel les extrémités de l'arc déférent touchoient, avoient détruit l’armure dans cette partie , & brülé la colle qui la retenoit ; d’où il conclut que la force qui produit cette fecoufle ne réfide pas dans les armures, mais au-deflous d'elles, & qu’elle en emporte une partie dans fon paflage. : 76. Quoique cette opinion foit très-vraifemblable, je rapporterai cependant certaines expériences qui femblent perfuader que les éleétri- JUIN 1772, Tome 11. Z ij 180 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; cités dont les verres fe chargent, réfident principalement dans leurs armures, d’où elles pañlent à leurs furfaces externes ; je n’ai d'autre but en cela que d'engager les Phyficiens à étudier cette matière avec plus de foin. 77. J'ai pofé cinq à fix rubans de même couleur, exaétement fecs , les uns fur les autres ; je les ai frottés avec une règle d'ivoire fur un plan déférent uni. Javois foin, pendant ce frottement , d'empêcher que les rubans ne fe féparaffent les uns des autres, ou ne fe froiflaflent con- tre le plan fur lequel ils étoient : fi je retirois tous ces rubans l’un après l'autre après le frottement , à chaque ruban que j’ôtois, je voyois bril- ler une étincelle entre eux, précifément au point de leur féparation ; la même étincelle brilloit au moment que je dérachois le dernier ruban de la lame de plomb fur laquelle il étoit ; tous ces rubans ainfi féparés, avoient une éleétricité réfineufe. 78. Si j'enlevois ces rubans tous enfemble après le frottement , ils formoient un faifceau doué , dans chaque furface, d’une éledricité réfi- neufe. Si j'approchoiïs d’une furface velue la face des rubans qui avoit été poiée fur le plan déférent , afin de rétablir l’équilibre entre les éleétri- cités oppoiées; & fi je failois la féparation des rubans d’une manière oppofée, c’eft-à-dire, en commençant par le dernier , les mêmes étin- celles paroïfloient à la f‘paration de chaque ruban, & ils avoient tous une éleétricité vitrée, par conféquent oppofée à la précédente ; à l’excep- tion cependant du ruban fupérieur qui avoit confervé l’éledricité réfi- neufe , que le frottement lui avoit communiquée: 79: Par la même raifon, fi je frottois ces mêmes rubans pofés les uns fur les autres & appuyés fur un corps velu, & fi je les en détachois enfemble, j’avois un Hide dont les éleétricités oppofées étoient en équilibre ; les rubans du milieu avoient une éleétricité femblable à celle du ruban fupérieur ou de l'inférieur , fuivant que je commencçois leur féparation par l’un ow par l’autre, 60. Si je détachois deux de ces rubans enfemble, ils étoient unis lun à l’autre ; & tant qu'ils refloient en cet état, ils avoient la même élec- tricité qu’auroit eue un feul : fi je les féparois, j'obfervois que cette élec- tricité réfidoit feulement -dans leur face externe, mais que l’interne, par laquelle ils étoient attachés, avoit une vertu oppofée, mais plus foible. 81. Ce qui me porte à conje@urer que le frottement communique une vertu élcétrique au ruban fupérieur , & que les autres n’y partici- pent que foiblement. La vertu oppoiée & égale en force, fe ramaffe dans la lame déférente fervant d'appui aux rubans, & empêche par léquihbre de fa force , au ruban fupérieur de donner aucun figne d’élec- tricité. Si on fépare les rubans lun après autre, en commençant par celui de deflus, Péle@ricité de celui-ci pañle dans le feçond fous la SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 18» forme d’une étincelle; du fecond , elle pafle dans le troifième, ainfi de fuite, jufqu’à ce qu’elle foit toute dépofée dans le dernier ; par ce moyen, tous les rubans acquièrent une éle@tricité pareille à celle du premier. 82.Si on enlèvede deflus le plan tous les rubans à la fois , il eft vraifem- blable que la force éleétrique ramaflée dans ce plan qui étoit en équi libre avec l’életricité du ruban fupérieur , pafle en partie dans le der- nier ruban fous la forme d’une étincelle ; c’eft pourquoi les rubans fe raflemblent en faifceau : mais la force du ruban fupérieur prédomine , parce que toute la vertu du plan n’a pas été communiquée au dernier ruban. Si on tourne alors ce dernier ruban versune furface velue, fon éleétricité augmentera & rétablira l'équilibre entre elle & celle du ruban fupérieur. Si alors on fépare les rubans les uns des autres en commen- çant par le dernier , l'éleétricité de l’un fe communique à l’autre, fous la forme d’une étincelle , & tous les rubans auront une vertu pareille, mais contraire à celle du ruban fupérieur. 83. Enfin, f on détache deux rubans à la fois, leur face externe paroît avoir la vertu qui a été excitée en elle par le frottement, ou communiquée par le ruban qui en a déja été détaché; & la face interne, une vertu contraire, communiquée par le ruban oppofé, mais beau- coup moindre, fuivant le nombre de rubans qu’elle a eu à traverier pour parvenir à celui-là. C 84. Or, comme dans cette féparation l’éle&tricité des rubans placés aux deux extrémités fe communique aux intermédiaires fous la forme d’une érincelle ; fi l’on fépare une fois les rubans réunis en faifceaux, on a beau les réunir après, leur féparation neiproduit plus aucune étincelle, parce que la vertu éleétrique s'étant ainfi communiquée d’un ruban à l'autre, il n’y a plus de raiton pour la produétion de nouvelles étincelles. ‘85. On conçoit encore par ce qui vient d’être dit, pourquoi deux rubans une fois féparés l’un après l'autre du plan ou des autres rubans fur lefquels ils étoient, fe repouffent mutuellement , ou bien s’attirent réci- proquement fi leur féparation a été fimultanée ; fi on les rapproche du plan ou des autres rubans, & fi on les en détache de nouveau, foit fépa- rément , {oit conjointement , ils s’attirent & fe repouflent comme aupa- ravant; parce que dans leur première féparation les rubans contraétent une vertu éleétrique : cette vertu une fois contraétée , c’eft en vain qu’on les rapproche du plan ou des autres rubans ; ce qui explique les phé- nomènes expofés dans le premier Chapitre. 8c. Je plaçai des rubans polés les uns fur les autres fur une lame de métal qu’un globe éleétrifoit ; pendant ce tems , j’approchai de la face oppolée des rubans une pièce de métal tranchante, & étendue dans toute leur longueur ; le mouvement du globe étant ceflé , j'examinailes rubans & J'obiervai les mèmes phenomèngs que dans l'expérience précédente: JUIN 1772, Tome 11, 182 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE) c'eft-à-dire , que felon l’ordre dans lequel les rubans étoient féparés, 1fs contraétoient une vertu életrique contraire à celle de la lame de métal fur laquelle ils étoient placés , conforme à cette même force, à l’excep- tion cependant du ruban le plus voifin du corps métallique aigu, qui confervoit conftamment l’éleétricité contraire à celle de la lame, & qui lui avoit été communiquée par ce corps aigu. 87. Comme l’éledricité fe communique des rubans des extrémités aux autres, ou de la lame fur laquelle ils font appuyés au ruban voifin dans le moment de leur féparation, de même cette vertu pafle des armures dans les furfaces du verre dans le tems de leur féparation, ce qui paroît réfulrer de la grande affinité , ou pour mieux dire, de liden- tué de ces phénomènes. 88, J'ai armé un verre exaétement fec, de deux lames de plomb fim- plement appliquées, fans être collées; j’ai enfuite chargé le verre en la manière ordinaire : j’aiobfervé que l’armure s’attachoit alors très-forte- ment, & lorfque je l’enlevai, je vis des étincelles briller au point de féparation. 89. J'ai armé & chargé de la même façon, plufieurs morceaux de fatin appliqués les uns fur les autres (ils n’étoient capables de recevoir qu’une charge très-légère , parce que fi elle étoit trop forte, elle paf- foit d’une face à l’autre, & ces pièces d’étoffe perdoient leur électri- cité ); l’'armure s’attachoit fermement de côté & d’autre aux étoffes : mais quand j'ai voulu en détacher une, j'ai toujours vu une étincelle partir du point de la féparation vers l’autre armure, & j'avois beau fou- tenir celle-ci avec la main, les étoffes n’étoient plus éleétriques, & elles {e détachoïent par leur propre poids. 90. Il eft vraifemblable que les éle@tricités oppofées des armures pro duifent leur adhéfion avec les verres , ou avec les étoffes de foie; & que ces vertus paflant dans les furfaces des verres au moment de leur fépa- ration, produifent les étincelles qu’on voit briller en cet inftant. Le paffage rapide de cette vertu d’une armure dans la furface retenante la plus voifine, eft la caufe pour laquelle on ne fauroit en féparer une des morceaux de fatin, fans que cette vertu pafle de cette armure dans la furface de ces corps & parviennent à l’autre armure. ot. Mais l’expérience prouve que cette éleétricité des armures n’eft pas dépofée en entier dans la furface du corps armé, parce que la réfif- tance de ce corps en arrête une partie ; car fi les éle@tricités continuent d’être en équilibre dans un verre chargé après la féparation de fes armu- res , cela prouve feulement que chaque furface s’eft oppofée à la com- munication d’une égale quantité de vertu: mais quand une des faces des verres ou des rubans avoit été éleétrifée immédiatement par le frot- tement d’un autre corps, & l’autre par la communication d’une armure, fi on Otoit cette armure , elle n’emportoit pas toute la vertu; çar les SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 183 Élettricités oppofées étoient en équilibre, tant que cette armure ref- toit, mais l'équilibre cefloit au moment de fa féparation ; l’éleétricité de la furface frottée prédominoit , attendu que l’armure avoit emporté avec elle une partie de la vertu de la face oppofée. 92. J'ai confirmé la même théorie par d’autres expériences. Car fi un verre armé à fa face inférieure étoit éleétrilé , armé à fa face fupérieure par un corps métallique pointu fufpendu à la chaine, il fe chargeoit & 1es deux életricités étoient en équilibre, tant que l’armure lui étoit atta- chée : mais fi je lenlevois , la vertu de la face fupérieure prenoit le deffus. Si la face fupérieure étoit armée & éle@rifée par la chaîne, tan- dis que le corps métallique aigu oppofé à la face inférieure nue corref- pondoit à l’armure de la face fupérieure, le verre fe chargeoiït de nou- veau, l'équilibre étoit le même, & l’armure devencit adhérente; mais apres fa féparation il ne paroïfloit pas qu'elle eût dépofé toute fa vertu fur la furface du verre, puifque l’éleétricité dominante de la face infé- rieure fe manifeftoit également à la fupérieure, 93- En un mot , l’éleétricité qui a été communiquée à l’une des faces des verres ou de tout autre corps retenant, prédomine toujours fi elle a été excitée par une plus grande force. En conféquence , celle qui fera produite par une friétion immédiate ou communiquée par un corps aigu, l’emportera toujours fur celle qui viendra d’une furface plate ; fi ces vertus font également communiquées par des furfaces plates à l’une & à l’autre face, ou bien par deux corps également aigus , elles feront en équihbre : la même chofe arrivera fi une des faces eft éleétrifée par le frottement , & l’autre par l'approche d’un corps aigu. 94. De-là il paroît très-vraifemblable que l’éleétricité qui produit des fecouffes , réfide principalement dans les armures très-déférentes , & qu’elle a beaucoup de peine à s’introduire dans les pores des corps retenans. Cependant, comme ces deux vertus ont un penchant extrême à fe réunir , 1l en pafle une partie fur les furfaces des corps retenans, dans le moment qu’on Ôte les armures. Le frottement ou l’approche d'un corps aigu, rend le paflage du fluide éleétrique à travers les pre- mières couches des corps retenans, aufli facile qu’à travers les corps déférens, 95-Il eft donc pofñible que les corps déférens contiennent une auffi grande quantité de fluide éle@rique, que les corps retenans ; mais on ne peut exciter dans les premiers une éleétricité auffi forte que dans les derniers , parce que dans ceux-ci les deux vertus oppolées , qui tendent toujours à fe réunir, fe confondent, ce qu’onne fauroir empêcher que par linterpoñition d’un corps retenant. C’eft pourquoi les éleétricités oppofées , amaffées fur les furfaces des corps retenans, fe difipent aufli à çaufe de la réfiftance de l’air après la féparauion des lames retenantes, JUIN 1772, Tome 11. 184 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, auxquelles elles font attachées, parce qu’alors leur tendance à fe réu- nir cefle. 96. On conçoit par-là pourquoi tous les corps retenans, éprouvés jufqu'à préfent, font indifféremment propres à produire une fecoufle éleétrique. Ainfi , la porcelaine, le talc, le cryftal de roche, les réfi- nes , la cire d'Efpagne , la foie & l’air lui-même, produifent cet effet ; c'eft-à-dire, qu'il fuffit que ces corps foient propres à empêcher la réu- pion des deux éleétricités oppofées , rendantes à fe confondre, pour qu'ils puiffent fe charger , fans avoir égard à leur denfité, à leur élafticité, à leur mollefle, à leur fluidité, n1 à aucune autre qualité particulière. 97- Suivant cette théorie , on pourra facilement donner la raifon de cette expérience ingénieufe de M. Symmer, dans laquelle deux verres appliqués l’un contre l’autre, & armésfeulement en dehors, fe chargeoient comme sl n’y en avoit eu qu'un, & s’attachoient l’un à l’autre. Si au contraire chaque verre étoit renfermé dans une armure particu- lière, la furface fupérieure de chaque verre acquéroit une éle@ricité vitrée , & l’inférieure une éle@ricité réfineufe , égales en force à lordinaire, En conféquence , il n’y avoit point d’adhéfion entre eux : car, quand il n’y a point d’armure entre les deux verres, il n’y a aucun corps, excepté les armures externes, dans lefquelsl’élec- tricité foit mobile ; c’eft pourquoi l'éle@ricité ne peut produire une action contraire & égale en force que dans l’'armure oppofée; ces ver- tus contraires & égales en force, rélideront donc fur les furfaces oppo- fées des verres unis; mais lorfque les verres font armés féparément , Péleétricité de ces armures eft mobile : de-là l’éle&ricité vitrée, com- muniquée par le globe à l’armure fupérieure, chaffera tellement l’élec- tricité naturelle des armures intermédiaires, que l’éle&ricité réfineufe de ces armures fe ramaflera en égale quantité fur la plus voifine , & leur éle&ricité vitrée s’emparera de l’autre; car le terrain peut commu- niquer à l’armure inférieure , placée fous les verres, une égale quantité d'éleétricité réfineufe. Quand on décharge ces verres en faifant com- muniquer enfemble les deux armures externes, l’éle@ricité vitrée & réfineufe des armures intermédiaires , fe diftribue également dans cha- cune d’elles, & l'équilibre {e rétablit. Si le fluide éle@rique dont les verres font chargés paflait réellement d’une des furfaces du verre à l’au- tre, & y réfidoit , pour quelle raifon l'éle@ricité vitrée de la furface interne & fupérieure d’un verre qui n’eft pas armé, ne feroit-elle pas chaflée de fa place, & remplacée par l’éle@ricité réfineufe de la fur- face oppolée, pnifque ces deux furfaces fe répondent dans tous leurs points, ou pour mieux dire, fe touchent , & le fluide éleétrique n'au- roit pas befoin de véhicule pour pañler de l’une à l’autre ? Or, dans la théorie de M. Franklin, les armures n’ont pas d'autre emploi. 98. L'autre preuve qu'apporte le même Phyficien neft pas plus démonftrative ; SUR L'HIST. NATURELLÉ ET LES ARTS. 18 démonftrative ; car fi une portion de l’armure fe fépare du verre dans le point d’où part l’étincelle, cela peut également être l'effet, ou de la répercuffion du fluide éleétrique , ou de fon pallage direét à travers Parmure; puifqu'on voit quelquefois les globes éclater pendant l’ex- plofion, quoique le feu éle&rique qui en fert ne doive jamais traverfer leur épaifleur. CHAPITRE VL De la nature des Eleétricités contraires, 99. M ONSIEUR Franklin a expliqué par une hypothèle très-fimple 8& très-ingénieufe , la contrariété des éle@ricités vitrée & réfineule qu'il avoit démontrée par les expériences citées ci- deffus, & par nombre d’autres: Cet Auteur prétend que l’une dépend de l'excès du fluide élec- trique dans les corps, & l’autre du défaut de la quantité naturelle de ce même fluide; d’où il arrive qu’en fe mêlant en égale quantité, ils fe détruifent réciproquement. On apperçoit aifément l'excellence de cette hypothèfe , pour peu qu’on connoiffe la fimplicité de la nature, même dans les phénomènes les plus compliqués. Je ne diffimulerai pas qu’on peur expliquer cette contrariété d’une manière aufh fatisfaifante , par une autre hypothèle, fi les expériences l’exigent. 109. M. Symmer a démontré cette contrariété par denouvelles expé- siences, & a imaginé une autre hypothèfe pour remplacer celle de M. Franklin. Voici l'opinion de cet Auteur. Les deux éleétricités oppo- fées dépendent de deux forces oppofées & pofiiives, dont la con- trariété & le combat produit tous les phénomènes éle@riques; ces deux forces oppofées font l'effet de deux fluides de caraétères oppolés. 101. Quoique ce Phyficien ait gardé un filence modefte {ur la nature de ces deux fluides, cependant il fuit de fon hypothèfe que ce font deux fluides élaftiques s'attirant mutuellement, car ils ne font tran- quilles que lorfqu’ils font parvenus à fe mêler en égale quantité. Je ne prétends cependant pas interprêter par-là le fentiment de cet Auteur, puifqu'il s'eft tû lui-même là - déffus ; mon intention eft feulement de montrer que cette hypothèfe explique tous les phénomènes d’une ma: nière très-fatisfaifante. 102. En {uivant cette opinion , il eft tont aufli aifé d'expliquer les expériences de MM. Warlon & Franklin, touchant la circulation du fluide éleétrique. On conçoit auf facilement pourquoi. l’éleétriciré vitrée affluente, & l’éleétricité réfineufe effluente, font de la même efpèce , & vice verfé, foit à la pointe des corps aigus, FER fommet Juin 1772, Tome IL, a 186 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, du mercure dans les baromètres communiquant entre eux; car, forf- que l'un des deux élémens dominera dans quelques corps , il fe répan- dra dans les corps ambians, qui lui renverront de leur côté une égale partie de l’élément oppofé , & l'équilibre s’établira. En effet , fi on place une lame retenante entre deux corps déférens éleétrifés , dont l’un com- munique avec le terrain, le terrain attirera dans ce corps une égale quantité de l'élément oppofé, qui, étant retenu par la lameretenante , s'arrêtera à fa furface, jufqu’à ce que le paffage étant libre, ces élé- mens oppofés puiffent fe mêler réciproquement. On comprend par-là tout ce qu’on a dit ci-deflus fur l’éleétricité des corps retenans ; pour- quoi, par exemple, les élémens contraires mèlés exaétement dans les furfaces oppofées d’un verre, y demeurent tranquilles; &e fi on les fépare , l’éleétricité vitrée fe réfugie fur une furface , la réfineufe s'écoule fur l’autre, & le verre eft chargé, jufqu’à ce que l’égale diftribution de ces élémens foit rétablie: on conçoit de même ce qu'on a dit dans les Chapitres III & IV fur l'éle@ricité des corps retenans. Lorfqu'un élé- ment furabondant eft tellement embarraffé dans les pores d’un corps retenant , qu'il ne peut s'échapper qu'avec beaucoup de peine & de ‘tems ; l'élément qui doit prendre fa place, pénètre auf très-diffcile- ment ces mêmes pores, d’où il réfulte que celui-ci eft retardé dans les corps déférens, à moins qu'ils ne foient affez aigus, pour chaffer l’un & attirer l’autre. 103. M.Symmer penfe pouvoir appuyer fon hypothèfe fur des expé- riences directes. En effet, la fecouffe produite par un verre chargé, fe reflent dans les deux bras; & les ouvertures d’un papier traverlé par l'élettricité , font frangées, & Les franges de chaque côté, ont une direc- tion oppofée ; ce qui prouve, fuivant le même Phyficien, l’aétion des deux forces oppolées en dire&tion. Bien plus , il rapporte une expé- rience par laquelle il prétend faire toucher au doigt la vérité de cette opinion. La voici. Qu'on éle&rife fortement, par le moyen du globe éle&rique, une lame de métal bien mince pliée dans une feuille de papier; cette lame recevra deux impreflons de l’életricité qui aura traverfé le papier. Ces impreflions répondront aux petits trous du papier , à travers lefquels le fluide éleétrique aura pénétré, & ces trous aboutiront aux deux côtés oppofés de la lame. L'expérience de M. Bec- caria confirme cette hypothèfe, Car fi on approche les extrémités d’un arc déférent d’une lame de verre fufpendue & chargée, on la déchar- gera fans caufer la moindre fecouffe. 104. Mais quoique ces expériences: démontrent l’exiftence des deux forces agiflant dans des direétions oppofées , elies ne prouvent cepen- dant pas la nécefité de deux fluides oppofés; car M. Beccaria remar- que lui-même que la fecoufle eft en raiïfon inverfe de la grandeur du pañlage du fluide éleétrique. Ainf les deux bras reflentent la fecoufls SUR'L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 187 dans des points homologues, & ces dimenfions font plus étendues fi Péle@ricité eft plus forte. De plus, M. Franklin répond que les franges dont les direétions font oppolées, font l'effet de l’expanfion du fluide éleétrique autour du centre du courant, & non pas de la dire&ion du cou- rant lui-même. De même, on pourroit dire que les impreflions con- traires apperçues fur la feuille de métal dépendent, l’une de limpétuo- fité de la matière affluente , & l’autre du reflux de cette même matière, caufée par la réfiftance du papier de l’autre côté qu'il lui faut traverfer, M. Beccaria n’explique pas autrement pourquoi dans l’hypothèfe de M. Franklin , un verre qu'on décharge, n’éprouve aucune commotion. 105: La fimplicité de lhypothèfe de M. Franklin la rend préférable comme je l’aidit ci-deflus , parce que, fuivant cet axiome de l'Ecole, on ne doit pas multiplier les êtres fans néceffiré. Je fouhaïterois cependant qu'elle expliquât d’une manière fatisfaifante, pourquoi les deux éleétri- cités oppofées, qui ne peuvent fe mêler , s’attirent mutuellement , comme fi cette attra@tion étoit leur feule vertu, Mais en voilà aflez fur cette matière qui partage les Savans depuis fi long-tems; mon intention étoit de faire voir que l’hypothèfe qui admet une contrariété d'éle&ricités à fe réunir, & fe détruifant mutuellement par cette réunion, eft con- forme aux phénomènes connus jufqu’à préfent, L'Anatomie n’eft pas d’une grande néceflité à la pratique de la Médecine; THESE foutenue dans les Ecoles publiques de la Faculté de Médecine de Cambridge, par M. THOMAS OKESs , D, M. L A fingularité de cette thèfe nous a engagés à la traduire & à 1a publier dans ce Recueil. Elle plaira aux efprits caufliques ; mais un léger retour fur eux-mêmes étouffera bientôt la maligne joie à laquelle ils fe feront livrés. Le tableau des infirmités humaines eft effrayant ; & on voit avec un fentiment de peine, que, depuis Hypocrate , l'Art de guérir ait fait peu de progrès. Auroit-on jamais penfé qu’un Candidat, que celui qui par état devoit être l’apologifte & le défenfeur de l’Anatomie , eût ofé attaquer cette Divinité dans fon San@tuaire, environnée de lappareil impofant qui marche à fa fuite: qu’au milieu de fes fe&tateurs, & qu’afpirant à être afis avec eux, il eût entrepris de révéler le fecret de l'Ecole. Cet aûte de vigueur tient ou à la force de la perfuañon ou à la fingularité. Si l’Anatomie eft peu néceffaire ; fi comme dit l’Auteur , elle n’in- JUIN 1772, Tome II. Aa i 188 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dique ni l’origine du mal, ni l’aétion d’agir des remèdes, la Médecine n'eft donc pas une fcience fondée fur des principes certains ; elle eft donc réduite à un empirifme raifonné & fujette à tous les écarts de l’ima- gination quand le Médecin fe trompe dans fon raifonnement. Pauvres humains, vous avez tout à la fois à combattre vos maux, les Médecins & la Médecine! Telle eft la conféquence qui fembleroit devoir être tirée de la thèfe de M. Okes. Il eft dur d'enlever au malheureux accablé 8 gémiffant fous le poids de la douleur, ’efpérance; elle étoit le feul foulagement à fes maux ; pourquoi le détromper d’une erreur fi confolante dans ces cruels mo- mens! L’indifcret Epilhémée ouvrit la fatale boëte d’où fortirent tous les maux, mais l'efpérance refta au moins dans le fond. Me mortuorum qidem lacerationem necef[ariam effe. Que €& [2 non credulis x tarnen fxda fit, cum aliter pleraque in mortuis fe habeunr. CELSE. L’ouver- ture des cadavres n’eft pas néceffaire. Ce n’eft pas qu’il y ait de la cruauté dans cetteopération; mais elle efttrès-mal-propre, & prefque tout eft différent dans les cadavres. Les Savans , les Ecoles de Philofophie , & les Amateurs des Scien-. ces, me regarderont peut-être comme un audacieux qui prépare la ruine: des fciences & veut donner de nouvelles armes à l'ignorance ; comme: un téméraire qui cherche à enlever à Harvée, à Bellini, & aux autres Anatomiftes célèbres , les palmes glorieufes que la poftérité a attachées: fur leurs fronts. Je n'ai cependant pas la préfomption d’afpirer à l'empire des Arts; je ne me flatte point de triompher de toute la République des Lettres : mais la Philofophie a le droit de douter, & le Sage ne jure jamais fur la parole de fon Maître, quelque favant qu'il foit. Le doute eft la feule route qui conduit à la vérité; je m’attacherai donc toujours à rechercher en toutes chofes, quelle efffopinion la plus probable , fans avoir égard à tel ou tel fyflème. Quelle que foit à ce fujet l’opinion: du divin Hypocrate , je ne nierai cependant point que les Anatomiftes. paient rendu de très-grands fervices; & moins leurs talens ont été récompenfés, plus on doit des éloges à leurs. efforts. Qui pourroit aflez admirer Erafltrate, développant les vaiffeaux lac- tés ? Quels éloges ne mérite pas Bellini pour fon admirable découverte: des. vaifleaux mamillaires, qui, jufqu’à lui, avoient été ignorés, & dont aujourd’hui on découvre très-diftinétement les mamelons ? Il me femble voir Harvée entouré de cadavres de divers. animaux, cherchant dans leurs corps les fecrets de la nature, tâchant de décou- vrir la théorie de la circulation du fang &c de la génération. Ce n’eft point dans les livres, dans les ridicules hypothèfes, enfantées par des. imaginations chimériques , que ce grand homme cherche l’explication de ces myflères; mais c’eft dans les profondeurs de l’Anatomie , dans. des corps de divers animaux, ouverts en différens rems de leur portée. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 189 J'aime à le voir tourner en ridicule fes contemporains, qui, appuyés fur l'autorité de Galien, d’Ariftote, ou de quelque illuftre Ancien, pré- tendoient que tout étoit découvert, & que tous les efforts étoient déformais inutiles, Je ne parlerai point ici des belles inje&tions de Ruifch , ni des autres découvertes anatomiques, faites jufqu’à préfent. Il n’eft point d’Etudiant en Médzcine qui ne les connoiffe; mais’en rendant à ces Savans le tri- but de louanges qui leur eft dû, examinons en quoi leurs travaux ont été avantageux à leurs concitoyens , voyons fi leurs contemporains ou la poftérité en ont recueilli quelques fruits. Les diffe&tions des cadavres & les livres d’anatomie reffemblent à des cartes géographiques , fur lefquelles on voit les pays, les rivières & les montagnes, peintes de diverfes couleurs; mais on n’y trouve pas un mot fur les mœurs, les loix , &c. des peuples qui habitent ces régions; on n’y voit pas même les noms de ces peuples. Pour pen d'attention qu’on faffe à la fituation des parties du corps, & à leurs maladies, on verra combien peu l'anatomie contribue à la connoiflance de leurs caufes & de leurs fymptômes, au foulagement des douleurs , à leurs guérifons, & à prévenir leurs effets. Si après une application férieufe, nous parvenons à connoître certaines opérations de la nature, & de quels organes elle fe fert pour les manifefter; la manière dont elle agit fera toujours un myftère pour nous. Eft-il fur- prenant en effet que de foibles humains , tels que nous, chafés des régions de vie & de lumière, ne puiflent pas concevoir la méthode dont le grand Ouvrier s’eft fervi dans la formation de notre machine ; tandis qu’un Forgeron groffier & ignorant ne comprend rien à la ftruture d’une montre, dont les mouvemens & l’arrangement font lou- vrage d’un habile Artifte. La plupart des Médecins conviennent que les caufes du plus grand nombre des maladies dépendent des affeétions des nerfs. 11 eft donc néceffaire de connoître l’origine, la ftru@ure, les connexions & les propriétés des nerfs , avant de chercher les caufes des maladies qui em dépendent , & les en éloigner ; mais mâlheureufement , c’eft fur-tout: dans cette partie que notre ignorance eft plus grande. Je ne diraï rien ici de la partie médullaire du cerveau , n1 de la moëlle épinière, fource de tous les nerfs. Ruifch; Anatomifte célèbre, après les injeétions les plus fines; Leuwenoek , malgré l'excellence de fes microfcopes , n’ont pas ofé décider fi cette fubflance molle & pulpéufe, étoit en même tems vafculeufe. Examinons quelques-uns des principaux nerfs que le Scalpel place fous nos yeux; prenons-les dans le moment où ils partent de leur origine, couverts d’une forte tunique membraneufe, & où ils fe diftri- buent fur diverfes parties du corps, foit pour exercer Jeurs mouves JUIN 1772, Tome 1L ‘790 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, .… mens, foit pour préfider à leurs fenfations, ou pour s'acquitter des- deux fonétions. L'incifion tranfverfale de ces nerfs, nous démontre qu'ils ne font autre chofe que des faifceaux de fibres, parallèles, réunies entr'elles par le moyen du tillu cellulaire. Mais tenons-nous-en à la defcription d’un feul nerf; choififlons, par exempie , l'intercoital qui fort du plus gros ganglion , fitué auprès du pharinx devant les apophyfes des trois premières vertèbres. Ce nerf unit à l’artère carotide interne fournit d’abord plufieurs ramifications au canal offeux de l’apophife pierreufe ; il rentre enfuite dans le crâne, fans fe féparer de fa com- pagne ; il fe joint à la cinquième & à la fixième paire, & fournit des rameaux aux organes de la vue, de l’ouie, de la voix & de la déglu- tition ; il pafle enfuite dans la poitrine, & bien qu'il ne s’uniffe pas auffi étroitement avec les nerfs du poumon & du cœur, c’eft pourtant lui qui joue le plus grand rôle dans les mouvemens de fyftole & de dyflole du cœur, & dans la dilatation & la contraétion du poumon. De-là, il va fournir du fecours au diaphragme , à tous les vifcères du bas-ventre, & aux parties internes de la génération. Qui ne fe flatte- roit pas que la connoïffance exaéte d’un nerf dont la puiffance eft fi étendue, doit lui fournir l’étiologie des fymptômes de !a plupart des maladies. Vain efpoir ! l'Etre fuprême a couvert les caufes des maladies d'un nuage €pais. Paflons aux autres parties dont la ftruéture eft parfaitement connue , & voyons les avantages que cette connoiflance a procurés au Médecin praticien. Les yeux font placés dans un endroit élevé pour être comme à la découverte, & appercevoir plufieurs objets en même temps. Le Tout- Puiffant les a formés d’une ftruéture admirable ; il les a enveloppés dans des membranes fortes quoique minces & tranfparentes. Il les a fait mobiles & gliffans , afin qu'ils puffent éviter tout ce qui pourroit les bleffer, & diftinguer avec facilité les objets qui fe préfentent de toute part. Si nous examinons le conduit tortueux de l'oreille , nous ne ferons pas. moins frappés d’admiration. La prévoyance du Créateur n’a rien oublié. À l'ouverture de ce conduit fe dépofe une cire dans laquelle les petits animaux qui voudroïent pénétrer dans l'oreille, fe prennent comme à une.glue. Une membrane placée à l’orifice du labyrinthe, en défend l'entrée, & garantit les quatre offelets internes , qui, avec leurs mufcles , forment l'organe de l’ouie. Cependant les yeux s’obfcur- ciffent, la vue s'éteint ; is oreilles deviennent infenfibles aux impref- fions du fon, & nous voyons malheureufement tous les jours des furdités incurables. Jettons un coup d'œil fur les parties du larinx qui conftituent l'organe de la voix, Quel méchanifme ! quelle jufteffe dans ces cordes qui forment SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 191 les différens tons graves ou aïgus; dans ces ventricules campaniformes, qui, placés à face interne du cartilage tyroidien dont l'accord parfait avec les autres parties, produit cette charmante faculté qui fait le principal agrément de la vie, & nous rend , pour ainfi dire , égaux aux Dieux! Mais une paralyfie fubite s'empare du nerf, toutes les douceurs de la mufique difparoifent , il ne nous refte que le fentiment de notre propre mifere, qui nous rappelle notre fatale deflinée. Si nous paflons au cœur & aux artères qui l’avoifinent, nous n’y trouvons pas moins de fujet d'admirer la fagefle & la toute-puifflance du Créateur. Nous trouvons le cœur compofé de fortes colonnes mufcu- leufes , les artères bouchées par des valvuves mitrales & tricufpidales , les artères coronaires environnant le cœur de toutes parts; le péricarde qui le renferme , eft une forte membrane, Mais quel eft l’Anatomitte le mieux inftruit de la ftrudture de ces parties & de leurs ufages , qui ofât promettre la guérifon d’un polype au cœur ou de Phydropife du péricarde ? Les fymptômes de ces maladies font en effet fi obfcurs & fi incertains, qu'on ne fauroit les regarder comme patognomoniques ; l'inégalité du pouls, la dyfpnée , le fentiment de prefion d'angoifle vers la partie antérieure de la poitrine, la toux fèche, les palpitations du cœur, les fyncopes, la difficulté de refter couché , tous ces fignes conviennent également à la péripneumonie, aux tubercules du poumon, & à l’anévrifme de l'aorte. Les Obfervations de Malpighi, célèbre Anatomifte , nous ont appris que le poumon eft un amas de véficules placées les unes fur les autres & formant divers replis; chaque véficule a deux orifices, dont l’un s'ouvre dans latrachée-artère, & l’autre dans la véficule voifine, & par ce moyen ellescommuniquent toutes entr’elles. Enfin, elles aboutiffent toutes à la membrane commune du poumon. De plus, ce Savant a découvert par le fecours du microfcope, un réfeau merveilleux qui réunit & lie enfemble toutes ces véficules. Ce réfeau eft formé de petites ramifica- tions des vaifleaux fanguins , artériels & veineux ; ces vaifleaux portent le fang, au moyen de ces petits canaux tortueux, dans toutes les parties de ce vifcère. Quelle difculté , ou plutôt quelle impoñibilité n’y a-t-il pas à connoître parfaitement les maladies d’une partie fi fort compli- quée, renfermée dans un coffre offeux & inacceffible à la vue & au ta@&? On peut à la vérité quelquefois reconnoïtre les maladies de la poitrine à une petite fièvre, à de légers friflons, & à des douleurs vers cette région; on peut même annoncer la formation du pus : mais il y a tant d’analogie entre toutes les parties du corps, qu’on n'eft pas bien für, même dans ces cas, d’avoir afhgné le vrai fiège du mal. On trouve fous le fternum une cavité cellulaire formée par les deux facs de la plèvre, & par cetos; en lappelle médisftin. Klle eft quelquetois le fiege de linflammation & de la fuppuration, comme je l'ai vu plufeurs fois; JUIN 1772, Tome 11, 192 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; ; les poumons &r le péricarde étant d’ailleurs intaétes, la nature développe quelquefois elle-même le véritable caraë@tère de cette maladie, en cariant le fternum. D'ailleurs , les membranes qui tapiflent les parois de la poitrine font étroitement unies au diaphragme ; la partie poftérieure du diaphragme defcend fi bas , que le pilier droit s'étend quelquefois jufqu'à la cinquième vertèbre des Tombes. Si donc le diaphragme eft enflammé, comme cela arrive dans la RARES vraie, les malades ne fe plain dront-1ls pas des douleurs depuis les lombes jufqu' au col, fur-tout vers la réoion du cœur, comme dans la péripneumonie ou “dans linflam- mation du médiaflin où du péricarde ? Puifque les Médecins n’ont aucuns fignes pour connoître dans ces cas le véritable fiége du pus, & pour en prédire l’iflue, 1l faut convenir que toutes les conjedures tirées de la fituation des parties, montrent clairement la faufleté de la théorie , bâtie fur les fondemens de l'anatomie. Tous les Médecins favent que le pus fe forme dans l’efpace de trois ou quatre jours, & que fa formation eft ordinairement annoncée par la fievre & les friflons. Tulpius raconte l’hifloire d’un Sénateur qui mourut dans l’efpace de deux jours d’un violent vomiflement de pus, quoiqu'il n’eût eu aucun des {ymptômes qui annoncent la vomique, pas même la moindre toux ou la plus légère incommodité qui eût pu faire foupçonner cetamas. Qui eft-ce qui auroit pu prédire une mort fi prompte, venant d’une pareille caufe; tandis qu'il n'y avoit pas le moindre fymptôme qui püt faire foupçonner les tubercules du poumon, ou linflammation de l'intérieur - de la poitrine ? (Il n’eft cependant pas douteux que ce Sénateur devoit avoir efluyé précédemment quelque maladie grave dans cette partie. ) Qui eft-ce qui auroit pu dans ce cas s’en prendre au Médecin, qui, loin de prévoir une 1flue auf funefte , auroit donné à fon malade de plus douces efpérances ? Le mal étoit caché & n’étoit pas plus connu du malade que du Médecin; le malade s’en appercevoit fi peu qu'il n'inter- rompit jamais fes occupations ordinaires, qu'il ne fe crut jamais en danger, & qu'il portoit fans le voir, dans fon fein, la caufe cachée de fa mort. Fernel parlant de la vomique du poumon, rapporte plufieurs exemples de morts fubites venant d’une caufe pareille. Quelle dut être la furprife de certains Médecins Anatomiftes qui s’attendoient à trouver les poumons détruits par la fuppuration , on tout au moins ulcerés , attendu la quantité prodigieufe de pus crachée par leurs malades, lorfqu'ils trouvèrent à l’ouverture des cadavres, les pou- mons entiers, adhérens à la plèvre & au péricarde dans le côté gauche de la poitrine, la plèvre ni la membrane propre des poumons difé- quées exa@tement, ne fourniflant pas la moindre goutte de pus. Mais ils auroient connu la fource de ce pus, s'ils avoient fait attention à ce qui efl rapporté dans Hypocrate, que le finus frontaux, maxillaires &c fphé- noïdaux ; SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 193 foïdaux , étoient pleins de pus ; & comme tous ces finus ont leur iffae dans la cavité des narines, cette matière tombant des narines dans le gofier, étoit expulfée par la toux. Quelles font les lumières que les découvertes anatomiques ont fournies à la Médecine-Pratique, pour le traitement des maladies des vifcères du bas-ventre ? À combien de maux incurables & même indéfiniffables le feul canal inteftinal n’eft-il pas fujet ? Contemplons cette maffle de replis tortueux; examinons fa flruéture interne, parfemée de plis & de rides, couverte de petitessglandes innombrables, auxquelles Peyer a donné fon nom; confidérons ces petits vaiffeaux abforbans, deftinés à pomper le fuc nourricier : tous ces objets, je l'avoue, méritent notre admi- ration ;-mais depuis qu’on a acquis ces belles connoiffances , l’etomac en eft-1l moins fujet à l’inflammation ? Guérit-on plus fürement & plus facilement la lienterie, que ne le faifoit le célèbre Vieillard , qui a donné une defcription fi exatte & fi élégante de cette maladie ? Ce Prince des Médecins ignoroit la ftruéture des inteftins; mais obfer- vateur éclairé de la marche de la nature, il favoit que la matière morbi- fique ne pouvoit pas être expulfée par l'iflue qu’elle s’étoit procurée , & qu'il falloit lattirer vers une autre partie du corps; ce qui le déter- mina fans doute à prefcrire les émétiques & les fudorifiques. Que faifons- nous de plus aujourd’hui avec nos médicamens différens , dont l'effet eft pourtant le même ? Ce n’eft qu’en obfervant la marche de la nature & en fuivant fes préceptes, que nous devenons Médecins. Les guerres font un fléau fufcité par la colère célefte, fléau qui fait couler tant de larmes & tant de fang. Mais les maladies épidémiques, fur-tout les dyffenteries, ne font pas moins périr de Soldats que le fer & le feu ; & la vaine fcience de Peyer n’a pu encore réparer ni prévenir ces malheurs. N'’avez-vous jamais vu ou entendu raconter les ravages que les maladies contagieufes font en très-peu de temps dans une armée ? ignorez- vous le nombre prodigieux de malheureux Soldats qui font les viétimes de ces fléaux ? Quels remèdes a-on efflayés avec fuccès d’après les connoïffances anatomiques } La nature a accordé à l’homme des mains très-adroites, & propres à toute forte d'ouvrages, La foupleffe des doigts , ia facilité avec laquelle ils exécutent toute forte de mouvemens, donnent à la main cette aptitude pour la Peinture, la Sculpture & la Broderie ; elle n’a pas moins d’adreffe pour pincer un Luth, & pour jouer de tous les inftrumens à cordes &z à vent: mais fi l’on voit des gens agiles, on voit aufli des paralytiques & des goutteux. En effet, les maladies du bas-ventre font à peine guéries, ou pour mieux dire, terminées par la mort, que voilà les maladies des articu- lations qui {e préfentent en foule. Quel cœur de rocher ne feroit pas JUIN 1772, Tome 11. gs L «1 194 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, attendri à la vue d’un malheureux tourmenté par la paffon iliaque ! S3 nous fommes aflez heureux pour le foulager ; fi, fidelles à fuivre les . traces d'Hypocrate, nous avons prefcrit à propos les faignées, les pur gaufs , les lavemens, les bains chauds; fi nos efforts ont enfin le fuc- cès attendu , les tourmens ceflent & le malade paroît tranquille : mais événement étrange & funefte ! ce malheureux n’a racheté fes jours que par la perte de l’ufage de fes mains & de fes pieds. Les articulations font frappées d’une vraie paralyfe; l'inflammation du foie fur laquelle tous les Auteurs , tant anciens que modernes , ont tant écrit, doit être rangée parmi les maladies du bas ventre. La fièvré aiguë, une ardeur & une douleur vive vers la région du foie, font, fuivant tous les Ecri- vains, les fignes patognomoniques de cette dangerenfe maladie qui fe termine fréquemment par la gangrène & le fphacèle, Cependant, fi nous en croyons M. Hoffmann, les Auteurs qui ont écrit fur Fhépa- te, n'ont pas diftingué aflez clairement l'inflammation des ligamens du foie, ou des autres partiss voifines de ce vifcère & renfermées dans l’hypocondre , droit d'avec la véritable hépatite; par conféquent, on peut foupconner, fans injuftice, d’avoir fouvent décrit fons ce nom, linflammation de la plèvre ou des mufcles des faufles côtes, du péri- toine, ou des mufcles abdominaux, & même d’avoir pris l'inflimma- tion du duodénum ou du conduit colédoque , pour celle du foie. Foref- tus avertit les Médecins de ne pasfe méprendre à la vue d’une tumeur de l'hypocondre droit en plaçant fon fiège dans le foie, tandis qu’elle n'affete que les mufcles abdominaux. Tous les fymptômes ci-deflus mentionnés, tels que la douleur dans l’hypocondre droit, la difficulté de refpirer, l'inquiétude & la fièvre aigue, n’annoncent que l'inflam- mation des parties adhérentes aux faufles côtes, & ne méritent que le nom de faufle hépatite. Tous ces fignes annoncent bien une inflamma- tion ; mais quelle eft la partie qui en eft le fiège? C’eft ce qu’on ignore. Hoffmann prétend même que le foie n’eft pas fufceptible de s’enflam- mer, à caufe de fa fru@ure; qu'il arrive cepedant quelquefois qu’a- prés une fauffe hépatite , occupant les mufcles du bas-ventre, ou le pénitoine , il fe forme un abcès par la rupture duquel le pus s’épanche dans la partie convexe du foie; & fi l'on ne lui procure promptement une iflue, il ronge ce vifcère, le corrompt & le détruir. Si PAnato- mie n'a pu nous apprendre fi le foie eft fufceptible d'inflammation où non ; fi même après l'ouverture des perfonnes réputées mortesde cette maladie , on weft pas plus inftruit, quelles lumières doit - on attendre de cette Science dans des parties moins fenfibles? Pourquoi la mor- fure de la vipère produit-elle une i@tère univerfelle ? comment la dent d’un chien enragé peut-elle communiquer tant de maux avec fon venin à pourquoi la petite vérole & beaucoup d’autres maladies fe communi- quent-elles par l'infection de l'air, & le mal vénérien ne fe contra@e- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 195 t-il que par un contalt immédiat ? pourquoi l'urine efl-elle douce dans le diabète? pourquoi la morfure du dipfade (ferpent de Syrie), pro- duit-elle cétt@ maladie? pourquoi les écrouelles font-elles endémiques fur les Alpes, où on les attribue vulgairement à l'ufage de l'eau de neige ? pourquoi l'ufage des châtaignes procure-t-il la goutte à quel- qués Peuples de la Gaule Natbonnoïfe? pourquoi cette maladie auf effrayante que dangereufe, nommée en latin PZica polonica , n'afilige- t-elle que la Pologne? pourquoi les nodofités atiritiques attaquent- elles les articulations, & les exoftofes véroliques choififfent elles le milieu des os? Les exoftofes placées au milieu des os, dit Boerhzave, en parlant des maladies vénériennes, produifent bientôt la carie, prin- cipalement celles qui occupent le crâne. Il faut avouer que nous igno- rons les caufes prochaines de tous ces phénomènes ; qu'elles font ablo- dument occultes, 8 qu'il ny a aucun moyen de les découvrir. Si l'on defire un plus grand nombre d'exemples , nous avons fous nos yeux les maladies héréditaires, & les affeétions qui font devenues habituelles, telles que les maladies convulfives & fpafmodiques des perfs auxquelies font fujets les goutteux ; les épileptiques, les hypo- condriaques & les femmes hiftériques , dont l’efprit eft tellement affeëté, comme les Médecins le favent très-bien , qu'ils refufent tous les fecours de l’art, & fe livrent à une mort inévitable, Je ne dois pas omettre la fympathie des parties très-éloignées du corps, furtout après des bleflures, phénomène connu d’'Hypocrate, &c fréquent parmi nous, mais abfolument inexpliquable. L'expérience &c Tanalogie de cette affeétion avec les autres convulfions, nous a faitem- ployer dans ce cas l’opium avec beaucoup de fuccès. La connoiflance de la ftruêture du corps ne répand pas plus de clarté fur Pexplication de l’aétion des médicamens, que fur le traitement des maladies. Pourquoi les mouches cantharides prifes intérieurement , où appliquées extérieurement, portent-elles fi fortement {ur les canaux uri naires ? pourquoi le mercure excite-t-1l la falivation? pourquoi les bau- mes réfineux, par exemple, latérébenthine, donnent:ils une odeur de violette à l’urine? pourquoi les fommités d’afperges rendent-elles fon odeur fétide ? pourquoi a-t-on des antipathies pour telle ou telle chofe ? pourquoi les femmes , fur-tout , font-elles incommodées par l’odeur des parfums ou des fleurs? pourquoi certaines perfonnes ont-elles une aver- fon infurmontable pour tel ou tel remède ? Si l’Anatomie feule peut nous donner la folution de tous ces problè- mes, je crains bien que nous ne l’ayions jamais, La Nature, mère de toutes chofes , tire pour ainfi dire les effets du fein des caufes, & les met au jour fuivant des loix & par un méchanifme qu’elle feule connoit ; & elle couvre d’un voile épais les différences conftitutives des chofes. L’Anatomifte qui pafle fa vie dans un Amphithéâtre entouré de cada- JUIN 1772, Tome II. Bbij 1596 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vres, a la vanité de croire qu'il lit dans les entrailles de ces corps fans vie, les caufes de toutes les ations animales, mais fes efforts font fuperflus; c’eft en vain qu'il cherche dans les ténèbres dela mort un flambeau pour éclairer les vivans, en vainrien n'échappe à fon fcalpel. L’Anatomifte femblable aux anciens Augures , donne les rêveries de fon imagination pour les oracles des Dieux, & prétend les avoit lus dans les entrailles de fes viétimes. OBSERVATION DE M. HAVHN, SUR une Femme qui, ayant perdu fes pieds € fes mains, fupploit cepen= dant a ces parties avec ure adreffe étonnante. I: A femme dont je parle eft a&tuellement âgée de vingt-cinq ans, & d’une complexion très-vigoureufe ; elle parcourt l’efpace de quel- ques milles fans s'arrêter, faute, danfe légèrement quoiqu'elle foit pri- vée des pieds & des mains : malgré cela, elle remplit les fonétions de fon ménage avec une adrefle au-deflus de toute exprefñion. Les condy- les des bra; lui tiennent lieu de mains, les dents & les genoux viennent à fon fecours dans l’occafion. L'os du #bia plié lui fert de pied, & le genou en eft comme le talon; fes jambes font renfermées dans une cipèce de foulier qui eft de toute leur longueur. Cette fille eft née bien conftituée, avec fes pieds & fes mains; elle fut à l’âge de dix-huit ans attaquée de la petite vérole, dans laquelle il fe fit une métaftafe fur les articulations des pieds & des mains; 1l sy forma des ulcères malins qui la privèrent de l’ufage de ces parties. Un Chirurgien parvint enfin après beaucoup de tems à cicatrifer les plaies , ar le moyen de l'huile de fin 8 du jaune d’œuf. Cet état ne lui empè- É. pas de penfer à fe marier, & elle fit fes arrangemens avec un jeune homme de fon village. Le Curé du lieu refufa de lui donner la Béné- diétion nuptiale : elle fe pourvut en conféquence à l'Officialité qui lui accorda fa demande ; & dans la même année , elle fut mère, & nour- rice d’un garçon très-bien conftitué. On doit conclure de cette obfervation , que Phabitude & le befoin donnent À certaines parties la faculté de remplacer celles qui manquent. Elle prouve encore que l’imagination des mères n’a point d'influence fâcheufe fur les fœtus , fur-tout lorfque les indifpoñitions dont elles font attaquées ne font pas de naïflance, mais accidentelles; telles que la perte des membres dans la femme dont il s’agit, Cette dernière conféquence n’eft pas parfaitement exaéte: mais ce weft pas le cas de difcuter ici un objet traité & fouvent, foit pour la négauve, {oit pour lafirmative, F SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 197 RÉSULTAT des nouvelles Expériences fur le Diamant & Le Rubis, faites le 5 Mai1772, & lu à l’Académie Royale des Sciences le 9 Mai 1772, par M. M1iTOUARD, Aporhicaire, & Démonflrateur de Chymie, L: mardi, $ Mai, j'ai foumis à de nouvelles expériences, Îes diamans dont j'ai parlé dans mon précédent Mémoire. (Voyez page 112.). Il eft inutile de rappeller les précautions prifes alors; on fe contentera de dire que dans cette circonftance , elles ont été encore plus fcrupuleufes ; que le feu a été pouffé avec la même vigueur, &c. Il ee cependant bon d’obferver que , dans le commencement, on a eu foin d'échauffer doucement les creufets & le fourneau pendant plus d’une heure & demie avant de poufler le feu & que ce feu a été foutenu dans fa plus grande violence pendant deux heures & demie. Le diamant nommé /bora a été renfermé dans un petit creufet, dif- poié de la manière décrite dans le Mémoire précédent , entre deux cou- ches égales de corne de cerf calcinée, réduite en poudre très-fine, & rougie de nouveau avant de l’employer ; ce diamant qui avoit été pré- cédemment expofé au feu dans la pouflière de charbon, où il n’avoit rien perdu de fon brillant , de fon poli ni de fon poids, par un feu de deux heures & un quart, a éprouvé dans le nouvel intermède de corne de cerf, une altération fenfible, quoique les vaifleaux fuflent exade- ment fermés. Son poids qui avoit été de deux grains, poids de marc moins trois quarts de degrés, ne pefoit plus qu’un grain vingt-neuf trente-deuxièmes plus un quart de degré; la perte eft donc de trois trente-deuxièmes, ce qui fait environ un vingt-unième de fa pefanteur. Il s’eft dépoli dans toute fa furface, & il eft a@tuellement marqué de taches noires dans plufeurs endroits. La rofe jaune renfermée précédemment dans de la craie pulvérifée, qui y avoit perdu de fon poids dont le poli étoit détruit, & qui avoit été tachée diverfement dans plufeurs endroits, a été repolie avant d’être foumife à une nouvelle expérience : mais dans la vue de m’aflu- rer fi un diamant déja entamé par le feu, & dont la furface avoit fubi un degré d’altération par cet élément, ne donneroit pas plus aifément prife fur lui, quoique renfermé dans un intermède que l’on peut regar- der comme confervateur , j'ai fait conferver feize facettes, dans Petat où le feu les avoit auparavant réduites; on a feulement retaillé la bafe & les fix facettes qui en font la couronne. Cette pierre , ainfi difpofée, a été mife avec les précautions détaillées dans l'expérience précédente , au milieu d’un creufet rempli de charbon en poudre , & au même feu que la précédente; cette pierre n’a fubi aucune altération. Pour nous aflurer de la plus petite perte qu’elle auroit pu faire, nous avons eu JUIN 1772, Tome II. 198 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, recours à une balance d’effai , d’une fenfbilité extrême, & de beaucoup : fupérieure à celle dont les Bijoutiers fe fervent pour pefer les pierres précieufes. Le poids de marc & non celui de karat a été employé dans ces expériences ; non content d’avoir divife jufqu’au cent vingt-huitième de grain, on a encore eu égard aux degrés marqués fur le quart de cercle, placés derrière la partie fupérieure de l'aiguille du fléau. Ce diamant ou rofe jaune pefoit comme auparavant deux grains & demi un huitième & un cinquante-quatrième moins un demi degré ; & il n’a perdu ni fon poli ni fa couleur, On avoit cru appercevoir d’abord une petite diminution incommenfurable pour le poids; cet effet venoit de ce que la balance avoit été dérangée & n’etoit plus de niveau: mais rappellée à fon premier érat, on a obtenu abfolument les mêmes réfül- tats ; ce qu'il étoit très-important de vérifier, puifqu’on fent que quelque petite qu'ait été la diminution dans un temps donné, elle feroit devenue plus fenfible dans le même efpace de temps décuplé, & l’évaporation totale auroit eu lieu dans un temps fufñ(ant. Le diamant brut, pefant quatre grains un quart un huitième un feizième & un trois cens vingt-huitième de grain, & non de karat, mis dans le milieu.d’un creufet plein de verre en poudre, & renfermé dans un autre creufet, garni auf de la même matière, a éprouvé le même feu que les deux diamans dont je viens de parler. (Celui-ci avoit été précédémment altéré par le feu, quoique renfermé dans un creufet bien clos.) Dans cette feconde expérience, les creufets étant rétroidis & caflés, on n’a trouvé aucune trace de cette pierre; le verre étoit Fe d'un jaune foncé. On en doit attribuer la caufe au fable de Fon- deur , dont l’intérieur du creufet avoit été recouvert dans l'intention de boucher les HUE crevafles qui auroient pu s’y trouver. Ce fable étant ferrugineux , a donné cette couleur au verre blanc; quoiqu il foit très-vraifemblable que le diamant fe foit détruit ou évaporé dans cette opération, je me crois cependant autorifé à former un doute fur cette difparition. Il eft établi fur ce que dans le moment de la fraéture du creufet, quelques morceaux ont fauté fur terre; &c il eft pofñble que ce diamant , qui étoit noir, ait été confondu avec des fragmens de verre d’une couleur d’un jaune très-obfcur, quand il formoit des fragmens de la groffeur d’un pois. Ce doute paroît d'autant plus raifonnable , que la rofe retaillée avoit éprouvé le même fort; on l'avoit d’abord regardée comme dérruite , & on ne l'auroit peut-être jamais retrouvée, fans le brillant de fes facettes repolies, qui la firent découvrir. Ces obfervations m'engagent à répéter cette expérience avec le même verre , & Je ne cefferai de répéter, que lorfque j'aurai trouvé quelque chofe de pofitif fur la caufe de l’évaporation de cette pierre précieufe, Ces expériences m’engagent de plus en plus à penfer que ce n’eft pas feulement au défaut du conta@ de l'air, qu'il faut rapporter l’inal- scrabilité du diamant. Je perffte à penfer que la nature de l'intermède / SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 199 - neft pas indifférente; que le charbon agit dans cette circonftance, comme contenant du phlogiftique , & qu’il empêche la deftru&ion du diamant de la même manière qu'il s’oppofe à celle des fubftances métalliques. Elles apprennent que ces diamans étoient de nature évaporable, puif- qu'ils ont tous diminué de poids, lorfqu'ils n’ont point été renfermés dans le charbon; ainfi, ce feroit en vain que lon diroit qu'il eft des efpèces que le feu n’endommage pas, pour expliquer comment dans les premieres expériences, deux diamans ont fouffert de l’altération , & le troifième eft refté inta&. Par les expériences citées dans la note de M.le Baron d’Holbac, inférée dans fa traduétion du Traité de l'origine des Pierres, par Henkel, on voit que le rubis a réfiflé à l'aétion du feu, & que le miroir ardent fortifié d’une feconde lentille, a ramolli cette pierre précieufe ; qu'à laide d’une troifième lentille, il l’a réellement fondue; êt que, mêlée avec du verre, elle a paru fe fondre avec lui, effets occafonnés par une chaleur exceflive, produite par tout autre moyen que celui des fourneaux. Envieux d'apprendre, s'il étoit poffible , quel degré de force pouvoit avoir la chaleur employée dans les expériences décrites, J’ai expolé deux rubis, l’un avec des cendres, & l’autre avec du verre en poudre, ils y ont refté aufli long-temps que le diamant: on a brifé Les creufets après leur entier réfroidiflement , & on a trouvé les cendres vitrifiées fans y appercevoir aucune trace de rubis: dans l’autre, le verre fondu avoit pris une couleur noire, le rubis avoit gagné le fond du creufet, & il y a été réellement fondu; ce dont il a été facile de fe convaincre par l’infpeétion de fa forme , qui étoit entièrement différente, quoique fa couleur ne fût point altérée. Ce feu feroit-il donc auili aftif que celui du verre ardent? Plufieurs expériences, déja méditées, me mettront à même de décider cette queflion. Il me refte à communiquer à l’Académie un fait qui m’a été certifié par un des plus célèbres Bijoutiers de Paris, & qui fe trouve fort oppolé à toutes les expériences faites jufqu'à ce jour fur le rubis. Il lui eft arrivé plus de vingt fois que des rubis tombés par accident dans le feu, {e font décolorés. Ce fair attefté par lui-même, ne avoit pas paru douteux avant les expériences faites par les Chymiftes depuis un an. La nature de l’intermède dans lequel le rubis eft enveloppé , lorf- qu’on lexpofe au feu, pourroit-elle aufli occafionner des changemens > Comme ce fait eft intére{fant fai réfolu de m'en aflurer, 8 je me fuis déja procuré des rubis que je déftine à cet ufage. Si l’Académie me le permet, j'aurai l'honneur de lui communiquer le réfultat de mes expé- riences. Les frais & le travail ne me rebuteront jamais, lorfqu'il s'agira de confirmer des faits intéreflans, même fans en entrevoir les caules, & à plus forte raifon , quand, j’efpérerai pouvoir les développer. JUIN 1772, Tome IL. 260 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE RAPPORT fait a l’Académie Royale des Sciences le 27 Mai1772, par M. DEMAREST, du Mémoire de M.JARS, fur les Mines de Norwège. ke E Mémoire de M. Jars , dont nous devons rendre compte, traite de deux objets également intéreffans , de l’admiftrarion des mines de Norwège, & de la nature & de la difpofition des veines métalliques de ces mines : nous fuivrons auf cette marche pour faire connoître, autant qu'il fera pofñble dans un précis, l'importance des recherches de M. Jars, & Paccueil qu'elles méritent de la part de cette Compagnie. L’adminiftration des mines de la Norwège eft confiée à un Confeil qui a deux Départemens féparés. Le centre du premier eft à Konigsbers, & celui du fecond à Drontheim. Ce Confeil eft chargé de maintenir l'exécution de la Police générale , établie pour encourager l'exploitation des mines, & favorifer les établiflemens en levant les obftacles qui peuvent gêner les travaux en grand que ces entreprifes exigent. Toutes les mines , à l’exception de celles d’or & d'argent que le Roi fe réferve, font exploitées par des Compagnies compofées d’un certain nombre d'Intéreflés, mais toujours divifées en cent vingt aions. Dès qu'une Compagnie demande une conceffion, on lui accorde aufli-tôt fans aucune difficulté, l’arrondifiement qu’elle indique pour y faire des recherches , & pour conftater l’état & la nature des veines métalliques. On lui circonfcrit enfuite une certaine étendue de terrein où elle peut établir fes travaux & faire fes fouilles. On lui afigne outre cela, fuivant l'importance de l'exploitation , un circuit de plufieurs lieues, dans lequel tous les payfanS & les habirans font obligés de fournir le bois & le charbon pour fon exploitation, au prix fixé par le Confeil des mines. C’eft d’après les mêmes vues qu'il eft défendu d'établir plus d’une fonderie dans le circuit; en forte que, s’il furvenoit une Compagnie qui fe préfentât pour exploiter des mines voifines des premières & ‘hors de l’enceinte fixée pour la fouille, mais comprifes dans le circuit défigné pour la fourniture du bois & du charbon, on l’obligeroit de porter fon minéral dans un autre diftri@, pour lequel on lui donneroit également une aflignation de bois & de charbon. Les Compagnies pourvoient elles-mêmes à la fubfftance des Ouvriers occupés dans les travaux d’une exploitation ; & c’eft encore le Confeil des mines qui taxe deux fois par an, la valeur de toutes les denrées fur le prix courant. S'il furvient des conteftations entre les Intéreflés d’une mine, le Confeil SUR L'ÀIST. NATURELLE ET LES ARTS. 201 Confeil du Département nomme, à leur réquifition & à leurs frais, des Députés qui fe tranfportent {ur les lieux pour examiner l'objet de la difficulté; ils en font leur rapport au Confeil qui juge fur le champ: ces Commiffons font quelquetois très-coûreufes , parce que les Dépar- temens font trop étendus. Il n'eft pas permis à une Compagnie de fufpendre l'exploitation d’une mine plus de fix femaines , fans y être autorité ; fans quoi le Confcil des mines fubftitueroit une nouvelle Compagnie , qui fuccéderoit aux travaux de la première : cependant , lorfque les raïfons font fortes & majeures, le Confeil accorde la fufpenfion pour une année, & fix femaines en (us. Ces faveurs font aflez fréquemment accordées pour les mines de fer. On prélève au profit du Roi, un droit de Dixième fur toutes Les mines : mais comme fouvent cetteimpofition feroit fort à charge aux En- trepreneurs qui fent obligés dans les commencemens de faire de grands frais, on fupprime ce droit pour un temps, où bien on le modère au tiers, au quart , &c. afin de favorifer ces difpendieux établiffemens. Le Confeil des mines écoute très-favorablement les repréfentations qu’on lui fair à ce fujet. Nous avons dit que le Roi s’étoit réfervé l'exploitation des mines d'or & d'argent: celles-ci, telle que la mine d'argent de Konigsberg, font adminiftrées par deux Confeils, dont l’un eft fubordonné à l'autre. Le Confeil inférieur examine toutes les affaires de détail: il eft com- pofé de deux Grands-Maîtres-Mineurs, de quatre Mineurs-Jurés , d'un Surveillant, & deux Ingénieurs- Géomètres ; dans le Confeil fupé- rieur, On traite toutes les affaires générales qui concernent lexploi- tation , & l’on y vife le réfultat des délibérations du Confeil inférieur. Ses Officiers font les Capitaines des mines, trois Confeillers & deux Aflefleurs; gens inftruits, même dans la partie de l’exploitation des mines. Telles font les difpoñitions générales qu'on a cru devoir faire pour encourager en Norwègé les travaux des mines. Il eft toujours utile de voir comment, dans les pays abondans en mines, on a eflayé de réfoudre ce problème, fi difficile en économie politique, qui confifte à favorifer l'exploitation des mines , fans nuire aux propriétés des particuliers qui ont des fonds dans les diftriéts où font les principaux filons.. De la nature & de la difpofition des veines métalliques. M. Jars parcourt d’abord d’une manière générale les mines de Nor- wège, & il indique les différentes exploitations qu’on y a tentées fuccef- fivement depuis le premier fiècle: nous ne le fuivrons pas dans cette difcuffion; nous nous attacherons feulement à la defcription qu'il donne Juin 1772, Tome 11. Ce ‘202 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des principaux filons, & des veines minérales de Konigsberg , comme renfermant des détails curieux fur la nature des uns & des autres. On diftingue dans l'exploitation de Konigsberg quatre fyflêmes prin- cipaux de veines minérales, Le premier occupe la montagne haute ; le fecond, la montagne moyenne; le troifième, la montagne bafle, & Je quatrième eft à trois quarts de lieue de ia montagne haute. Chaque fyflême de veines minérales fe trouve diftribué dans des parties de rocher qu’on appelle fal/band, & que nous ferons connoître d’après M. Jars, fous le nom de flons principaux. Ces filons font formés par la réunion de plufieurs couches diftinétes, dont la pofition approche beaucoup de la perpendiculaire, & dont la dire@ion eft du Nord au Sud, Les matières qui compofent ces différens lits, varient beaucoup d’un canton à l’autre; ici, ce font des mêlanges de pierres de cornes blanches ou rouges, de quartz, de fpaths & de mica: cette dernière fubftance eft la plus abondante de toutes : elle eft quelquefois noire ou compaéte; d’autres fois fans mêlange & friable : à, ce font des matières grifes & fchifteufes aflez dures, imprégnées de matières ferrugineufes, & dont la bafe eft de quartz ou du felde-fpath , qui ne diffère du fpath fufbie ordinaire, que par ce qu'il fait feu avec le briquet. Ces mélanges ne compofent que les lits de la montagne bafle, & de l'exploitation ifolée à l’oueft; mais ceux de la montagne haute & dela moyenne font compofés de mica, de fpath calcaire qui paroït en occuper les vuides, & d’une fubftance ferrugineufe, aflez abondante & extrêmement divifée. L’épaifieur des lits varie depuis deux toifes jufqu’à vingt: c’eft,comme nous l'avons déja obfervé, l’afflemblage d’une certaine quantité de ces lits qu'on nemme fallband , & que M. Jars défigne fous le nom de filons principaux. Les veines minérales d'argent font diftribuées dans ces filons. Ce qu'il y a d'étonnant, c’eft que ces veines ne fuivent jamais la direétion des filons ; mais elles les coupent fous un angle quelconque, ou droit, ou aigu. Outre cette difpofition générale, qui eft de left à l'oueft , elles éprouvent encore des inclinaifons très-marquées , ou vers le nord ou vers le midi. La diftance d’une veine minérale à l’autre eft auf très-variable ; quelquefois elle a jufqu'à trois cens toifes; ailleurs, fur une étendue de douze à quinze toifes, on compte cinq à fix de ces veines : leur épaifleur ne pañle guère un pied , & le plus fouvent elles font réduites à un pouce , où mème à moins, La proximité, l’inclinaifon , la direétion de ces veines minérales qui varient à l'infini, font qu’elles fe croifent , tant dans leur longueur que dans leur profondeur, ce qui les rend affez larges & aflez abondantes au point de réunion. Quoique les veines fe continuent fans interruption à travers le même filon, elles ne donnent pas toujours du métal dans toute l’étendue SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 203 du filon; mais elles n'en fourniflent jamais au-delà du filon: en fuivant leur prolongement hors de fes limites, on ne rencontre prefque que du fer ou de la pierre d’aimant. Dans le filon de la montagne baffe à quatre-vingts toifes au-deffous du niveau de la plaine, les veines minérales ne produilent plus rien. On a continué cependant une fouille jufqu’à trois cens toifes , au milieu d'une veine qui fournit des minéraux de toutes efpèces, mais peu abondans. Si on réunit l'exploitation de la montagne bafle, en fe bornant même à la profondeur ordinaire de quatre-vingts toifes , avec celle de la montagne moyenne &e de la montagne haute, on aura une épaifleur immenfe de filons & de veines metalliques , qui ne fe ren- contre dans aucune autre mine connue, Les veines minérales de Konigsberg ne fourniffent prefque que de l'argent vierge fans aucun minéralifateur : on y trouve cependant , mais aflez rarement, quelques morceaux d’argent vitreux & d'argent rouge, Ces veines font remplies de différentes fubftances pierreufes, qui fervent comme de matrice à ce métal. La plus abondante eft un fpath calcaire : elles offrent auffi du fpath fufible de l’efpèce des fluors, telles que de faufles améthiftes, de faufles émeraudes ; enfin un fpath blanc tranfparent, qu'on prendroit pour une félénite, & de cuir foffile & de montagne. L'argent vierge eft difperfé au milieu de toutes ces fubflances : il fe tire auffi d’un fchifte gris & d’un talcite ou pierre micacée. Parmi toutes ces fubftances qui accompagnent les veines métalliques,on ne rencontre point de quartz; il ne paroît abondant que dans les parties des filons principaux, où il n’y a pas de veines minérales, & encore ilne s’y montre que fous la forme de cryflal de roche, & engagé dans le fpath fufble & dans le felde-fpath. L'argent eft aflez fouvent en mafle dans ces veines , & prefque pur. On en a extrait des morceaux qui pefoient jufqu’à quatre-vingts marcs : l'on en voit un dans le Cabinet de Copenhague , qui faifoient partie d’une mafle pefant quatre cens dix-neuf marcs. On a trouvé par les effais qu'on en a faits, que cet argent étoit au titre de quinze loths quatorze grains : feize loths de fin correfpondent à douze deniers de France. La forme la plus ordinaire fous laquelle on trouve l'argent vierge de Konigsberg , eft celle d’un fil qui a pris les contours les plus variés en paflant par une filière. Ces fils de différentes groffeurs font ordinai- rement engagés dans des fpaths calcaires : il y en a qui ont la finefle des cheveux ; & qui font ou feuls ou réunis en paquets: lorfque l'argent eft diftribué au milieu des fchiftes, il prend la forme de feuilles ; en forte qu'en entr'ouvrant les fchiftes , on voit les faces des lames dans lefquelles il fe divife, couvertes de feuilles d'argent très-blanches & très-minces, Juin 1772,Tome IL. Cci \ 204 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Enfin, on trouve plufeurs parties de veines, où l'argent , quoique vierge, ef tellement divifé dans le fpath calcaire ou dans le talcite , qu’on le re- connoît avec peine. Ces différens états où fe trouve l'argent dans les veines minérales , ont introduit différens procédés dans la manière de le traiter & dele fondre. On le diftingue en quatre clafles , relativement à ces manipu- lations : 1°. en argent vierge , féparé de la ganguë, dont la teneur eft 5 de métal par quintal ; 2°. en argent mêlé au rocher de 25 à 26 marcs par quintal; 3°. en minérai trié: c’eft la ganguë où l’on apperçoit l’ar- gent extrêmement divifé. Il donne environ un marc & demi par quintal. 4°. En minérai à bocard ; c’eft un rocher pyriteux , dans lequel l'argent ne fe manifefle point : il donne $ à 6 loths par quintal. On voit par ce précis, que les mines de Konigsberg, foit par la nature & la difpofition des filons principaux & des veines minérales , foit par les diflérens états où fe trouve le métal lui-même , doivent fixer l’attention des Mineurs & des Naturalftes; & que le Mémoire de M. Jars, qui renferme ces détails inftrutifs, mérite l'approbation de l’Académie. OBS E RFA TERO:N:S DE M VAN WINPERSE, SUR la Pierre chatoyante. Lapis mutabilis, fivè occulus mundi. C ETTE pierre eft un caillou naturel très-rare. On la reconnoît à la propriété fingulière qu'elle a d’être opaque quand elle féche , de deve- nr tranfparente , & de changer de couleur fi on la mouille. Benoît Cerutus eft , de tous les anciens Auteurs que je connoiffe, le premier qui en ait fait mention. Il dit, dans fon Ouvrage intitulé : Mufæum Calceolarianum , publié en 1622 , avoir vu avec admiration une femblable pierre à Nuremberg, dans le Cabinet de M. Furleger, qui la nommoit Zapis mutabilis. M. de Laet dit en avoir vu une pareille chez un Lapidaire; & Olaus Wormius, qui en avoit deux, lui en fit préfent d’une, qul tenoit de Dotton Sperlinq, Intendant du Jardin des Plantes de Copenh2gue. M. Boyle a montré l’autre dans la fuite, à la Sociéré Royale de Londres, ainfi qu'il le dit lui-même dans fes Œuvres; Charleton raconte le même fait. Voici ce que M. Boyle dit à ce fujet, dans fon Traité fur la porofité des corps folides : » Cette » pierre a été décrite par très-peu de Naturaliftes ; elle et très-rare, » & il eft très-difficile de s’en procurer, ce qui m’a empêché de la TE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 205 » foumettre à toutes les expériences que j’aurois defiré ». Cnoefel dit aufñ avoir trouvé trois de ces pierres chez un Lapidaire Polonois ; & il les nomme pierres admirables , caméléons, où bien polipes minéraux. L'une des trois étoit adhérente à une portion de quartz; mais toutes les trois avoient très-bien tous les caraëtères des pierres naturelles & non fattices. L'hifloire de cette pierre & les deux nomsqu’on lui a donnés, favoir, dapis mutabilis | & occulus murdi, prouvent qu’elle n’étoit guère connue avant le dernier fiècle : & même elle eft inconnue à plufieurs Natura- liftes plus modernes; au moins, n’en ont-ils fait aucune mention. M. Dar- genville , dans la nouvelle édition de fon Oriétologie , n’en parle que fur la foi d'autrui ; & n’entend par le changement de cette pierre, que l’altération de fa couleur. M. Bruchman qui a poffédé avant moi cette petite pierre, dont on verra ci-après la defcription , n’en fait aucune mention dans la defcrip- tion qu’il a donnée de fon beau Cabinet, Dans un Catalogue manufcrit de ce Cabinet, fait après la mort de ce grand Homme , cette pierre fe trouve fous le nom de pierre inconnue où onyx. On ne paroïfloit pas en faire grand cas, & on l'offroit moyennant un prix très-modique. C’eft fous ce nom qu’elle a paflé dans le Cabinet d’un Savant qui ne l'a pas mieux connue , & qui n’en fait aucune mention. C'eft après Ja mort de ce dernier qu'elle m’eft parvenue, par l’acquifition que je fis du Cabinet. De tous les Ori&tologiftes que j'ai confulté fur cette matière, aucun n’en parle d’une manière aufñ étendue & auffi favante que M. Hill dans fon Ouvrage intitulé : he hiftori of foffils. I y donne un nouveau genre de pierres , fous le nom d'hydrophanes; c’eft dans ce genre qu'il a “rangé l'occulus mundi, dont il eft ici queftion, & l’occulus belli, dont parle Pline, & dont les propriétés font à-peu-près les mêmes. Cet Au- teur décrit aflez exaétement la tranfparence de cette pierre dans l'eau, &t toutes fes autres qualités , à l’aide de quelques échantillons qu'ilavoit fous la main; je penfe cependant qu'il ne fera pas abfolument inutile de décrire en peu de mots la pierre que je poflède , & qui ne reffemble point à toutes celles qu'on a décrites jufqu'à préfent, & de rapporter quelques expériences que j'ai faires à ce fujet. Voici {a figure Elle eft plate à fa partie fupérieure , o&ogone, oblon- gue, ayant un peu plus d'un demi pouce de longueur, fur environ une ligne de largeur; la furface inférieure eft beaucoup moindre , taillée en facettes, & polyèdre. Il paroït qu’on n’en fait pas davantage fur fa figure naturelle , attendu qu'elle varie beaucoup , comme l’ont remarqué tous les Auteurs cités ci-devant. Il y a tout lieu de croire que la mienne n'a pas été beaucoup diminuée ; que fa figure n’a pas beaucoup changé, & qu'on lui a feulement donné une forme un peu régulière; car elle JUIN 1772, Tome II, 206 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ne le cède en grandeur à aucune de celles dont j'ai vu les defcriptions. Elle a un aflez beau poli & on y lit ces mots : lapis mutabilis, gravés en très-petits caraétères. Sa couleur, quand elle eft bien féche , eft verdâtre, mêlée de beau- coup de blanc, & inégale ; de plus , fur une des faces de fa partie inferieure, on trouve une tache triangulaire, d’un blanc d'ivoire , & dont chaque côté a plus d’une ligne d'étendue : c’eft peut-être cette diverfite de couleurs ; & fur-tout fa blancheur, qui la fait mettre au nombre des onyx , malgré qu’elle ne foit pas veinée, ni par couches. Sa dureté tient le milieu entre celle du fpath & celle du caillou; on peut la ratiller avec un couteau , une lime ou une pierre à aiguifer, mais très-difcilement. Elle n’eft pas compofée de lames & de couches, autant qu’on peut en juger, foit par fa furface polie , examinée au moyen d’une loupe, foit par une fente qu’on apperçoit aifément dans le temps de fa plus grande tranfparence , & qui reffemble à celle qu’on voit dans un caillou ou dans un morceau de verre fendu. Elle n’a donné aucun figne d’effervefcence quand j'ai faupoudré fa furface polie avec divers fels; ni même après l'avoir limée, elle na paru s’éleétrifer, ni par le frottement , ni par l’echauffement. Elle peloit onze grains dix 16°. Sa gravité fpécifique mérite cependant quelques obfervations. Après plufeurs expériences faites avec l'attention la plus fcrupuleufe , j'ai pris un terme moyen, & j'ai obfervé qu’elle étoit à l'égard de l’eau comme 21048 à 1000. Sa légèreté eft une preuve de fa porofité : à en juger cependant par les apparences, c’eft une mafle également compaéte ; & fi on la plonge dans l’eau , on n’en retire aucune bulle d’air par la machine pneumatique. Ses pores font donc & plus nombreux & plus petits. Cette porofité paroït favorable à l'opinion de Cérutus, de Wormius & de Laet, qui prétendent que c’eft une opale. Et en effet, l’opale diffère principalement des autres pierres par fon changement de couleur & par la variation de la lumière, & par fa légèreté. Voyez la table des poids fpécifiques , inférée dans fes inflituts de phyfique , & dans fon introduétion à la Philofophie natu- relle. Auffi, Mufchembroek d’après Eybenftock, ne lui donne-t-il que le double de la gravité fpécifique de l’eau, ce que je puis confirmer moi-même , quoique j'aie vu plufieurs autres opales beaucoup plus pe- fantes. Cependant, pour peu d’attention qu’on faffle aux propriétés fuivantes de la pierre que je décris, on la diftinguera très-facilement des opales. Elle eft opale tant qu’elle eft féche ; mais fon opacité n’eft pas au même degré dans toute fa mafle. Les bords de fes facettes paroïflent mn peu tranfparents, de même qu'une partie de la furface inférieure qui a le moins d’épaifleur. La couleur de ces parties eft exaétement verte. En général, plus la couleur blanche a d’étendue, plus la pierre eft opaque. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 207 Si on la plonge dans l’eau, elle devient entièrement diaphane. Il n’eft pas même néceffaire de l’y plonger en entier , la moitié ou même une moindre partie de fon épaifleur fuffit, A mefure que la tranfparence commence, la couleur blanche difparoît ; & toute la pierre eft d’un beau vert d’émeraude, tirant un peu fur le jaune, fi on la place entre l'œil & la lumière. On doit excepter cette petite tache triangulaire, que j'ai dit être de couleur d'ivoire & opaque; elle devient très-dia- phane , & d’un jaune de fuccin. Ma pierre ne diffère pas en ceci des autres pierres décrites, comme dans la couleur verte, dont la diffé- rence eft très-grande. La tache triangulaire fubit les changemens les plus remarquables & les plus prompts. La pierre étant retirée de l'eau & efluyée , revient à fon premier état; de manière qu’on voit d’abord naître un point blanc & opaque à l'endroit où étoit ci-devant la tache triangulaire: ce point s’augmente peu-à-peu; on voit de pareils points naître de même, & s’aggrandir fur toutes les faces de la pierre ; elle devient obfcure & nébuleufe; fon opacité augmente peu-à-peu & pafle de fa furface au milieu & jufqu’au fond de fon épaifeur. Les Auteurs remaerquent que toutes les pierres de cette qua- lité ne deviennent pas tranfparentes auf promptement. La mienne a befoin quelquefois de tremper pendant vingt-quatre heures pour le de- venir , lorfqu’elle n’a pas été mouillée depuis long-temps , ou qu’elle a été féchée au feu. Mais quand l'expérience a été faite il y a peu de jours , elle change fur-le-champ ; ce que j'explique de cette manière, Cette pierre devient tranfparente, parce que les rayons de lumière traverfent avec plus de facilité fes pores pleins d’eau qu'auparavant. Nous avons aujourd’hui nombre de pareilles obfervations, quoique cela arrive rarement dans une pierre naturelle. En conféquence. Cérutus wa pu appuyer l’'hiftoire qu'il rapporte d’un faphir qui le fendoit, chan- geoit de couleur, & perdoit fes vertus médicales à caufe de la lubri- cité de la perfonne qui le portoit, fur l’altération extraordinaire de la pierre dont je parle, qui étoit alors fort peu connue ; le poids que la pierre acquiert, prouve que l’eau a pénétré fes pores, puifqu'’elle pèfe douze grains quand elle eft mouillée, au lieu que loriqu'elle eft féchée par l'air, & qu'elle eft entièrement opaque , elle pèfe un feizième de grain de moins. Ce qui prouve que l’eau qui a pénétré les pores, quoiqu’en petite quantité, s’évapore plus lentement que la tranfparence ne fe perd. C’eft pourquoi, fi l’on replonge de nouveau la pierre dans l'eau peu de temps après, elle a beaucoup plutôt ab{orbé la quantité de liqueur qui lui eft néceflaire pour devenir diaphane, Godard a auf obfervé cette augmentation du poids dans la pierre ondoyante de Boyle ; étant féche, elle pefoit $ gros 22; & étant mouillée & tranfparente, elle peloit 6 gros -£. : Juin 1772, Tome 11 208 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le retour à l’opacité commence plutôt, & s'achève plus lentement que le paflage à la tranfparence. La pierre retirée d l’eau & efluyée, recouvre ordinairement ces points blancs & opaques dans l’efpace d’une heure ; mais quand elle a refté long-temps dans l’eau . ou bien lorfque l'expérience eft répétée fouvent , elle demeure plus long-temps à rede- venir opaque : elle refte ainfi pendant plufieu-s jours quand elle eft devenue tranfparente par l’abforption de leau;un plus long féjour dans Le ce fluide ne caufe aucun changement, ni à fa couleur , mn à fon poids. Si lorfqu’elle étoit abiolument tranfparente, je lexpofois à une forte gelée, elle n’en devenoit pas moins opaque, mais un peu plus tard. On fait que la gelée empêche, ni l’evaporarion des vapeurs, ni le defféchement des corps humides. S1 on emploie l’eau chaude , elle devient plutôt tranfparente; fi on la retire aufhi-rôt que l’eau eft refroidie, elle perd fa tranfparence beau- coup plus tard ; fi quand on la retire diaphane de l’eau chaude, on l’ex- pofe à l'air froid, ou bien fi on la plonge dans l’eau froide, elle fe couvre fur-le-champ de petits points opaques difperfés dans la partie fenfible dont j'ai déjà parlé, & dans toute {a mafle; de forte qu’elle en paroît trouble, à caufe de la communication fubite du fluide intérieur &£ chaud avec l'air extérieur & froid , qui entraîne avec lui les parties aqueufes , abforbées par les pores de la pierre. Ce changement eft f fort , que fi on la replonge tout de fuite dans de l’eau chaude, il lui faut un peu de temps pour difliper cette obfcurité. J'ai voulu n'aflurer fi ces changemens fe feroient plus prompte- ment dans l’eau délivrée du poids de lathmofphère, au moyen de la machine de Boyle, & de nouveau expofée à la pefanteur de ce fluide : mais le pompement de l'air n’a produit aucune bulle , & fon renouvel- lement n'a pas hâté l’entrée de l’eau dans les pores de la pierre. Lorfqu’elle eft pleine d’eau & tranfparente , elle eft fuivant moi un peu plus tendre , & cède plus aifément au couteau. Comme toutes les épreuves avoiezt été faites jufqu’à moi avec de l'eau, foit de puits ou de pluie, j'ai jugé à propos de répéter mes expériences avec d’autres liqueurs, foit pures, foit mêlées avec d’autres fubftances. L'eau teinte en écarlate n’a pas affeQé différemment cette pierre que l'eau pure , & aucune partie de la teinture ne l’a pénétrée. L’efprit-de-vin employé au lieu de l’eau, fembloit d’abord la rendre plus blanche : mais peu-à-peu elle eft devenue tranfparente, d’une cou- leur approchant celle de l’émeraude, & toute la blancheur s’eft évanouie. Auffi-tôt que la pierre fut féche , elle reprit fa première forme ; mais Pun & l’autre changement fe fait plus difficilement & plus lenrement, ue lorfqu'on fait ufage de l’eau toute pure. Quand je n’avois pas foin de rendre lefprit-de-vin plus aqueux par fon évaporation , la première opacité SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 209 opacité de la pierre n’étoit parfaitement rétablie qu’au bout de trois jours. La teinture de cochenille dans l'efprit-de-vin ne lura communi- qué aucune couleur. J'ai verfé fur fa furface une petite goutte d’acid@nitreux ; & dans un autre temps, j'ai laiflé tomber fur une autre partie, üne goutte d’efprit de vitriol: aucun de ces acides n’a produit d’effervefcence, ni caufé d’érofion. L'un & l’autre difparoifloient au bout d’un inftant, & s'infi- nuoient dans les pores de la pierre ondoyante ; huile de vitriol y produifoit un point tranfparent qui s’obfcurcifloit peu à-peu. L'un & l'autre laifoient fur cette pierre une petite tache blanche prefque imper- ceptible , fur-tout après qu’elle avoit été quelquefois plongée dans l’eau pure; car ces parties y devenoient anfli tranfparentes que les autres. L’alkali fixe a produit plus d’effet. J'ai laiffé tomber fur la pierre une petite goutte de tartre par défaillance : je trouvai deux jours après qu’elle n’avoit pas été abforbée, & qu’elle n’avoit produit aucune tache blanche; elle s’étoit feulement un peu étendue vers un bord. J'efluyai cette li- queur qui me fembloit n'avoir aucune vertu, & j'apperçus alors une tache blanchâtre. Je plongeai dans l'inftant la pierre dans l'eau pure ; & aufi-tôt qu’elle fut devenue tranfparente, je la mis tour-à-tour dans l'eau chaude & dans l’eau froide, pour la mieux laver & effacer la tache produite par l’ablorption des particules falines. Elle reprit enfuite infenfiblement fa première opacité, même dans les taches laiffées par les acides; mais la partie fur laquelle l'huile de tartre étoit reftée, con- tinua d’être tranfparente & d’un beau verd fans mêlange : en vain ré- pétai-je lesimmerfions dans l’eau, tantôt chaude, tantôt froide; en vain l'y laifai-je long-temps, cette partie eft toujours demeurée dans le même état. Sa tran{parence n’occupe cependant pas toute l'épaifleur de la pierre. En conféquence je fuis très-perfuadé que fi j'avois plongé toute la pierre dans l'huile de tartre, ou bien fi je n’avois pas efluyé - la goutte que j'avois verfée deflus, & qu'elle eût eu le temps d'être entièrement abforbée, toute la pierre feroit conftamment demeurée tranfparente. Pour venir À bout de mon deflein, je verfai au milieu de la partie tranfparente de ma pierre une très-petite goutte d’acide nitreux : elle ne s'étendit pas fur toute cette partie; mais elie fut abforbée dans l’efpace de deux heures par le point auquel elle touchoit, & le laiffa très-opa- que & blanc. On voyoit en cet endroit une tache blanche & opaque , entourée d’un cercle vert & tranfparent. La pierre étant de nouveau plongée dans l’eau , redevenoit entièrement tranfparente ; &. on diftin- guoit à peine ce cercle. Dès qu’elle étoit féche, le même phénomène reparoïfloit, & ainf fucceflivement. Je verfai enfuite fur une partie de ce cercle tran fpant, une petite goutte de folution d'argent; j'eus quelque peine à m'y réfoudre , car JUIN 1772, Tome 11. 210 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Favois éprouvé fur d’autres pierres la force avec laquelle cette liqueur les pénètre , les colore & s'étend. Cependant, elle ne s’étendit pas fur le cercle tranfparent, mais vers un des bords de la pierre ; elle la pénétra dans l’efpace d’une heure, & laifla fur la place qu’elle occupoit, une tache couleur de chair, & quelques fcories que j’enlevai en les effuyant. Les immerfions de la pierre dans l’eau n’ont jamais pu effacer cette tache. Comme les alkalis que je croyois très-avides de l’humidité , & par conféquent très-faciles à effacer par le fecours de l’eau , avoient anéanti la mutabilité de ma pierre, je n'ai jamais ofé employer les huiles pro- prement dites dans mes expériences; je craignois que fi elles rendoient une fois ma pierre tranfparente, je ne pufle jamais lui rendre fa première opacité, par le moyen de l’eau à laquelle les huiles font inacceffibles. Je n’ai pas voulu non plus altérer davantage la couleur naturelle de ma pierre par des taches plus nombreufes. Il paroît par ce que j'ai dit ci-defflus, que quelques parties falines font demeurées dans fes pores; aufli pèfe-t-elle aétueilement , quand elle eft bien féche, onze gros & onze feizièmes. J'ai voulu faire quelques tentatives avec l’alkool le plus re@tiñé; & quoique l’efprit-de-vin ordinaire n’eut point fatisfait ma curiolité , cette fois c1 ma peine ne fut pas entièrement perdue. Ma pierre plongée dans l'a!koo! devint beaucoup plus blanche , fur-tout à l'endroit touché par lacide nitreux ; mais peu après, cette partie & celle où l'acide vitrio- lique avoit été appliqué, devinrent tranfparentes ; fa tranfparence s’é- tendit peu-à-peu fur tout le corps de la pierre, mais plus lentement fur le triangle de couleur d'ivoire, par lequel, comme je l’ai dit, com- mençoient les changemens produits par l’eau. Enfin, au bout de vingt- quatre heures , toute la pierre devint diaphane & d’un beau vert, fans aucun mêlange de blanc. Je la retirai alors & je efluyai. Tous ces points où les acides avoient touché, & cette partie fenfible, reftèrent très- opaques & très-blancs; la partie intérieure de la pierre ne devint pas: nébuleufe comme dans mes expériences faites avec l’eau; elle reprit cependant fon opacité , parce que ces taches blanches s’étendirent peu- à-peu en tout fens ; & dans l’efpace de trois jours, elles couvrirent toute la pierre. Le cercle formé par l'huile de tartre demeura tranfparent , & il ne redevint opaque que par l'addition de lacide nitreux, ou de quelqu’autre. Ma pierre replongée dans l’eau recouvra plus promptement fa tranf- parence, fur-tout dans les points touchés par l’acide fur lefquels lalkool avoit agi plus efficacement, Après lavoir retirée, elle s’eft obfcurcie comme à l’ordinaire. Ce changement de couleur feroit peut-être moins rare, fi l’on éprou- voit plufieurs pierres naturelles avec des liqueurs convenables, Jai ce= SURPHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 211 pendant fait beaucoup de tentatives inutiles fur cette matière. J’ai une pierre de Freiberg verte & molle , que je croyois d'abord être un marbre; mais l’autorité de M. Bruchmann, & plus encore des fignes non équi- voques, m'ont prouvé que c’eft une fubftance qui n’eft pas encore parfaitement pétrifiée, ou peut-être une pierre fablonneufe , com- ofée de petits grains étroitement unis enfemble; fa dureté reflemble L'éclle de la précédente & diffère de celle de toutes les pierres vitri- fiables. Je lai attaquée inutilement avec des liqueurs aqueufes, falines & fpiritueufes ; j'ai aufli une boule blanche & opaque, aufli dure que le jafpe ou l’agathe, fur laquelle on voit des taches produites par des folutions métalliques, dont l’une eft tranfparente à une profondeur aflez confidérable. Jen ai produit d’autres pareilles au moyen des folutions d'argent ou de cuivre. J'ai même rendu une petite partie de cette boule diaphane , en verfant feulement fur une petite fente quelques gouttes d’efprit de nitre. Mais tous ces changemens font bien différens de ceux que l'eau pure produit fur la pierre chatoyante , & leurs parties ne reviennent jamais à leur premier état. OBSERVATIONS fur Le Cours d'Hyppiatrique , ou Traité complet de la Médecine des Chevaux , par M. Lafoffe. * Ox a fait connoître dans ce Volume, page 137, le plan de cet Ouvrage , & on a rapporté prefque en entier l’article de la dentition, comme un morceau neuf marqué du fceau de l’exaétitude & de l’obfer- vation. Il nous refte à parcourir rapidement les découvertes de l’Au- teur, & terminer cet article par un examen raifonné de l’eftomac du cheval. La clarté & la précifion cara@érifent l’Oftéologie publiée par M. La- foffe. Il n’y a point d’'Hippiatre, point d’Ecuyer , point de Commençant qui ne puiffe entendre & fuivre cette defcription des os. Il y fait voit qu’un Auteur connu en cette partie s’eft trompé, en difant que la fe- conde, la troifième & la quatrième vertébres dorfales, diminuent èr hauteur ; l'infpeétion du fquelette montre au contraire que les apophyfes épineufes augmentent en hauteur ; la deuxième près de moitié plus que Ja première ; la troifième d’un quart en fus de la feconde ; la quatrième, un quart en fus de la troifième; la cinquième & la fixième reftent éga- les à la quatrième : les fuivantes diminuent de hauteur & augmentent en largeur. M, Lafoffe nous permettra de ne pas être de fon fentiment, lor{qu'il * Cet Ouvrage fe vend à Paris chez l’Auteur & chez Edme, Libraire. î JUIN 1772, Tome 11. Ddi] 212 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dit, page 15, note À : » on ne trouve point d’apophyfe falciforme à » la partie fupérieure de cet os «. (Il parle des pariétaux ). Elle eft di- t néte dans le poulain; elle s’offifie dans l'adulte, & élle appartient alors aux deux pariétaux. Il admet encore deux os ethmoides ; nous ofons dire n’en avoir jamais reconnu qu'un feul, féparé par la cloifon du nez, ne formant qu’un feul & même corps. On lit, page 25, note À : » M. Bourgelat, Elém. de l'Art Vét., » page 39, compte quatre cornets du nez. Les difle&ions multipliées » qu'il a faites depuis vingt ans, auroient cependant dû le convaincre » qu'il n’y en a que deux ; car dire que le premier forme la paroi du » finus zigomatique, c’eft confondre los ethmoide avec le cornet. Il ‘» me paroît encore fe tromper à l'égard du fecond, en lui donnant > plus détendue qu'au premier, qui, néanmoins , eft d’un tiers plus » grand dans le fens fous lequel il femble l’envifager ». Nous dirons que les cavités qu'on remarque intérieurement à l'os angulaire, à l'os zigomatique, à la partie fupérieure de l’os maxillaire, forment enfemble ce qu'on appelle finns maxillaire. Ce finus s’ouvre par une très-grande ouverture dans l’intérieur des fofles nafales, & cette ouverture fe trouve en partie bouchée dans l’état naturel, fupérieurement par une portion de los ethmoide, & inférieurement & poftérieurement par la partie fupérieure du cornet poftérieur ; de forte que M. Bourgelat ne peut pas dire que la portion fupérieure de ce cornet fait la paroi du finus Zigomatique, & qu’elle le forme intérieurement: & pourquoi M. La- fofle les appelle-t-il corners inférieurs, puifqu’il n’en admet que deux ? Je crois, autant qu'il m’en fouvient, n'ayant pas la pièce offeufe fous les yeux, qu'on doit admettre les cornets fupérieurs ; & ces cornets doivent être. appellés poftérieurs , plutôt qu'inférieurs, à moins qu’on ne fuppofe que la pofirion naturelle de la tête du cheval foit d’avoir le nez au vent. Les Hippiatres penfoient communément que les cartilages articulaires s’offifioient ; & M. Lafofle démontre , au contraire, qu'ils s’ufent ainf que les dents; que les cartilages non articulaires ne s’'ufent point, cependant que quelques-uns font fujets à s’offifier avec l’âge : tels font la cloifon du nez vers fa partie fupérieure, les cartilages du larynx, ceux des côtes, de l’omoplate; mais les cartilages des oreilles, non plus que ceux du pied, ne s'ofhfient pas; & fi cette offification a lieu dans la vieilleffe de l’animal , elle ne furvient qu’à la fuite de quel- que accident. Aucun Auteur vétérinaire n’avoit encore obfervé le ligament large jaunâtre , qui rêvet les mufcles abdominaux. Il ya, dit l'Auteur , des ligamens de deux fortes de fubftances. Les uns font jaunâtres & com- poiés de fibres parallèles entre elles, qui forment comme des petits paquets féparés ; ils font deftinés à contenir les os, & même les parties - SUR PHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 213 molles; par la fimple ébullition , ils ne deviennent point mucilegineux comme les tendons, les ligamens des extrémités , &c. Ils reffemblent au contraire à l'amiante ; ils ne changent ni de forme ni de couleur , & n'ont prefque point de fouplefle, ce qui prouve qu'ils tiennent de la nèture des os. La defcription & la définition des mufcles dénotent l’Anatomilie éclairé, & préfentent un tableau inftruétif.des mouvemens du cheval, de lPaëtion des principaux mufcles, au moyen defquels l’animal prend diveries allures. Cet article plaira fürement à tout Ecuyer & à tout homme de cheval , il eft fait avec foin. L’Auteur , en parlant des mufcles du bas-ventre , dit, page 80: « le mufcle droir eft coupé dans toute » fon étendue par ‘différentes bandes tendineufes que l’on appelle éner- » vations, lorfqu'elles font au nombre d’onge : elles forment come au- » tant de mulcles»;& on lit note B de la même page, « 8 non pas » neuf,comme le dit M. Bourgelat , page 164. Quant aux mufcles pyra- » midaux que l’Auteur admet au nombre de deux, & qui quelque- > fois eft unique, je n’en ai jamais vu, & perfonne, que je fache , n'en #a trouvé dans le cheval : ils exiftent dans l’homme, chez lequel on » le voit quelquefois manquer ». Cette note m'a engagé à relire avec plus d’attention les Elémens de l'Art vétérinaire de M. Bourgelat, & Je n'ai pas trouvé qu’en parlant des mufcles de l’abdomen ou du bas- ventre, cet Auteur ait parlé de ces mufcles. Il en compte huit, quatre de chaque côté, le mufcle grand oblique, le mufcle petit oblique, le mufcle tranfverfe & le mufcle droit; & dans cette defcription , il n’y eft nullement fait mention des mufcles pyramidaux. Il eft vrai qu'il en avoit parlé dans fes Elémens d’'Hyppiatrique , tome IL, page 327; mais il eft eflentiel de ne pas confondre ces deux Ouvrages , puifque celui-ci fut imprimé en 1751, & que cette partie des Elémens de PArt vétérinaire l’a été en 1767. Il eft certain que ce premier Ouvrage exi- geoit de grandes correétions. L’Angeiologie ou Traité des artères & des veines, éft faite avec au- tant de foin que les Traités précédens ; on y retrouve toujours l’excel- lent Anatomifte & le Phyfiologifte exa@ , foit que l’Auteur parle de la ftruéture de ces vaifleaux , de leur mouvement, de leur engorgement, foit qu'il traite des tuniques dont ils font enveloppés. Il démontre par exemple, que la première tunique eft totalement ligamenteufe & dé- nuée d’aétion, On lit, page 134, un article qui a fourni à l’Auteur le {ujet d’une note qu’on ne fauroit pafler fous filence. « Les veines axil- laires, dit M. Lafoffe, reçoivent le fang de deux groffes veines, qui font la brachiale interne & externe ; celle-ci reçoit le fang des veines fca- pulaires qui accompagnent les artères, & de pluñeurs autres veines venant du bras. Cette même veine brachiale interne reçoit la veine des ars qui ef fituée en devant & au bas du poitrail, à côté de l’arti- Juin 1772, Tome IL. 214 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, culation de l'épaule avec les bras, & s’infinue intérieurement dans les mufcles peétoraux. C’eft cette veine que l’on devroit ouvrir, quoi- que l’ufage foit de faigner en dedans de lavant-bras », On lit à la note À, « M. Bourgelat, Elém. de l'Art vétér., regarde comme veine des ars, la veine interne du bras, qui cependant en eft éloignée d’un demi pied. C’eft ainfi, j'en conviens, que la plaçoient les Anciens qui igno- roient l’Anatomie. Il fe méprend également, lorfqu’il avance que la veine des ars part de la jugulaire , tandis qu’elle eft fournie par l’axillaire. Si M. Bourgelat veut prendre la peine de jetter un coup d’œil fur le ca- davre, ou fimplement fur les préparations anatomiques de l'Ecole d’Alfort, il reconnoitra qu'il s’eft trompé ». Je ne connoïs point les pièces Anatomiques de l'Ecole d’Alfort; mais j’ofe répondre que j'ai vu fur quelques-unes de l'Ecole de celles de Lyon , la veine des ars partir de la jugulaire. Ce font des variétés peu communes à la vérité; mais cepen- dant elles exiftent. Ainfi, chacun a raïfon dans fon fens. La Splancnologie ou Traité des vifcères, renferme des defcriptions favamment préfentées & des vues neuves, En parcourant chaque vif cère, M, Lafoffe fait connoître les vers qui fe rencontrent dans quel- ques-uns ; par exemple, en parlant desinteftins, il donne la defcriprion des vers blancs ; on lit à l’article du foie des obfervations curieufes fur les vers qui ont leur fiége dans ce vifcère , découverts par M. de Cha- lette. Il traite enfuite des petits vers longs & rougeâtres, qu’on ren- contre aflez fouvent dans le canal pancréatique. M. Lafofle eft le premier qui en ait parlé. Enfin, il termine cette première partie du corps de l’Ouvrage par une defcription des petits vers blancs, qu’on trouve épars dans le canal des inteftins, hors des routes de la chilifica- tion. Ses obfervations fur les pierres formées dans les reins ou dans la vefe , fixeront l’attention des Naturaliftes. Ileft eflentiel de faire connoître comment M. Lafofle décrit l’efto- mac du cheval, vifcère fingulier par l’oppofition qu’il préfente au vo- miflement. « L’eftomac, autrement dit ventricule, eft un fac fitué prefque entiè- rement dans l’hypocondre gauche, derrière le diaphragme , prefque ho- rifontalement ; fa forme et quaf-fphérique quand 1l eft foufflé ; il eft un peu allongé quand il eft vuide, ce qui lui donne la figure d’une cornemufe. On y confidère la partie antérieure & la partie poftérieure. Celle-ci eft arrondie & s'appelle la grande courbure de l’eftomac; l’an- térieure eft concave , c’eft la petite courbure ». » Les extrémités ou les parties latérales qui regardent les hypocon- dres , fe nomment fond ou cul-de-fac de l’eftomac. Le plus confidé- rable eft à gauche, & le petit eft à droite. On remarque à l’eflomac deux ouvertures ; favoir, l'entrée & la fortie; elles fe trouvent toutes deux à la petite courbure de l'eftomac. La première de ces ouvertures SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 215 eft fituée immédiatement au-deffous du diaphragme, un peu plusen avant que l’autre , & fe nomme orifice cardiaque ; l’autre, fituée en arrière & un peu plus en bas, eft nommée pylore ». « L’eftomac eft compofé de cinq membranes ; la première qui eft extérieure & la plus étendue de toutes, eft life, & polie extérieure- ment , & cellulaire intérieurement. Ce n’eft autre chofe que la con- tinuation de la duplicature du péritoine ». « La feconde, charnue & mufculaire, eft compofée de fept pians de fibres, dont le premier entoure l'eftomac circulairement ; le fecond eft une bande tran{verfale, qui s'étend depuis le pylore, & va fe ter- miner à la grande courbure, fur laquelle il s’épanouit; le troifième eft un tiflu de fibres difpofées tranfverfalement , qui entourent le petit fond de l’eflomac; le quatrième eft formé de fibres ramaflées par faifceaux ou par bandes, qui partent du bas de l’orifice cardiaque, entre l’orifice & l’hypocondre gauche , pour fe terminer au grand fond de Peftomac; le cinquième plan fitué au-deffous de ceux-ci , part de la partie pofté- rieure de l’orifice cardiaque , pour fe porter de même par bandes vers le petit fond de leftomac, dans le fens contraire à l’autre; le fixième eft fitué fur le grand fond de l’eftomac, & compofé de fibres circulaires; le feptième part de la petite courbure, pour fe répandre par faifceaux en divergence fur la grande courbure : la plupart de ces fibres , tant d'un côté que de l’autre de Peftomac, viennent fe réunir à la grarde courbure, en formant une petite ligne blanche; les autres pallent &r entourent l’eftomac. Ces différens plans fervent en partie aux différens mouvemens des digeftions, & à la rétrogradation des alimens dans lœlophage ». « La troifième membrane eft un plan de fibres fitué au-deffous de la précédente, qui eft de fibres blanchâtres, rangées en tous fens, appellée membrane nerveufe à caufe de fa fenfibilité; mais expérience m'a appris que la charnue étoit auffi fenfible , ce qui prouve qu'il fe diftribue dans celle-ci beaucoup de nerfs ». La quatrième membrane eft placée en dedans de l’eftomac, vers fon grand fond; elle eft blanchâtre , liffe & polie, quoiqu’elle paroïffe ridée dans l’affaiflement de l’eftomac : c’eft la continuation de celle de l’œfo- phage ; elle eft humeëtée de la même liqueur ». . « La cinquième eft très-diftinéte de la précédente , bien qu’elie ta- Piffe de même la partie interne de l’eflomac. Ce vifcère a beau être tendu, cette membrane eft toujours lâche. Elle eft grisâtre, mamel- lonnée & entrecoupée de petites bandes blanchâtres; elle contient plu- fieurs petits points olivâtres, appellés glandes gaftriques, qui fournif- fent un fuc ou liquide du même nom, qui fert de troifième préparation à la digeftion. . . . . SAN . + + + My ad’ailleurs au pylore de petites bandes charnues &e JUIN 1772,Tome 11, ‘ 216 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tendineufes, qui fervent à fa dilatation; le pylore fe trouve encore muni d’un bourlet qui eft un trouffeau de fibres circulaires. Les quaz trième, cinquième & feptième plans de fibres de La même membrane charnue , forment à leur origine l’orifice cardiique. C’eft cette difpo- fition & cet arrangement de fibres qui empêchent le cheval de vomir, Après fa mort même, l’eau ou l'air qu’on introduit dans le ventricule, n’en fauroit fortir ; plus l’eftomac eft plein, plus fes fibres en font en tenfion, & plus elles ferment étroitement l’orifice cardiaque, dont le refferrement augmente en proportion des efforts que l’animal fait pour vomir, & en proportion du fpafme qu’éprouve l’eftomac. M. Bertin qui a écrit le dernier fur l’eftomac du cheval, auroit dû découvrir cette caufe. L’orifice cardiaque n’a point, comme il le dit, deux mufcles particuliers ; mais bien trois, qui font communs au cardiaque & à l'eftomac, La preuve que ces bandes charnues font les principaux agens de la contraétion de lorifice cardiaque, eft que, quand l’eftomac eft ouvert ou fendu, lon porte aifément le doist de cette capacité dans l'œfophage : pourquoi donc le liquide aqueux ou aërien ne paffe-t-il pas de même? Qui peut s’y oppofer, fi ce n’eft la contraétion de ces bandes charnues ? J'ai tenté plufieurs fois de faire fortir & l’eau & l'air. Je nai jamais pu réufir quand j'ai rempli l'eftomac; mais il m’eft fou- vent arrivé d’en faire pañler lorfqu'il y en avoit peu , principalement en preffant vers le petit fond de l’eftomac; & plus je tendois le ven- tricule, moins il en fortoit. Tant que l'animal eft vivant, l’eftomac. creveroit plutôt que de laiffer pañler quelques alimens par l’orifice car- diaque. Cet accident arrive fouvent. En 1760, j'afliftai dans deux voiries à l’ouverture de plufieurs chevaux qui étoient morts de tran- chées, & dont l’eftomac étoit déchiré à leur grande courbure. Ce qui prouve encore plus que c’étoit ces bandescharnues qui empêchoientle! vomiflement, c’eft que les efforts de l’eftomac, qui furvenoient immé- diatement après la rupture de ces bandes , fans que la veloutée le foit, chafloient par l’œfophage les alimens qui retomboient enfuite par les narines : ce fymptôme que j'ai annoncé dans mon Guide du Ma- réchal, eft toujours un figne cara@tériftique de la rupture de l’ef- tomac ». D’après cette defcription bien vue, effayons de préfenter quelques idées fur un fujet qui a fi fouvent fixé l'attention des Anatomiftes. Le cheval ne vomit point, c’eft un fait; & il ne fauroit vomir malgré la violence des efforts qu'il pourroit faire, en quoi il diffère du chien, du chat, du cochon, du bœuf, &c. | Quelques Auteurs ont attribué l’impofñbilité du vomiffement dans: le cheval à la longueur de l’œfophage & à la diftance qu'il y a du ventricule au fond de la bouche: mais cette diftance eft prefque la même dans le bœuf, & cependant le bœuf rumine, Cette RE el SURIL'HIST, : NATURELLE ET LES ARTS. 17 eft une efpèce de vomiflement volontaire & néceffaire dans cet ani- mal, pour mieux broyer les alimens dont il fe nourrit. Il y a encore plufieurs autres motifs dont on ne parlera pas, parce qu'ils font étran- gers au fujet. Cet éloignement n’eft donc pas un obflacle au vo- miflement. Les autres en ont placé la caufe dans la forte compreflion de Pos hyoïde fur le pharinx; il refte à connoître ce qui occafonneroit cette compreflion véritablement gratuite. On lit dans les Mémoires de l’Académie des Sciences pour l’année 1733, une Difertation de M. Lamorier, Chirurgien de Montpellier , dans laquelle il dit que le diaphragme ef très-foible dans le cheval; que fon eftomac eft recouvert par une portion confidérable de l’inteftin colon; qu'il eft éloigné d’un pied environ des mufcles abdominaux ; enfin , qu'il eft très-enfoncé. Il ajoute qu’il a diftingué une valvule en forme de croiïffant , fituée à l’orifice fupérieur de ce vifcère, & cou- vrant près des deux tiers du diamètre de cet orifice. L'infpeétion des parties fraîches, & une diffe@tion exaéte, lui auroient fait voir la fauf- feté de ces fuppoñtions ; cet orifice n’eft pourvu ni de valvules ni de rebords, nide fphinéter particuliers. D’autres enfin ont admis plufieurs plans de fibres difpofées circu- lairement , qui, dans le moment de la contraë@tion , fe refferroient à- peu-près de la même manière que les cordons d’une bourfe tirés des deux côtés oppofés. Cette fuppofition eft démentie par l’infpeétion anatomique de la direétion de ces fibres. L'impofñfbilité de vomir dans laquelle fe trouve le cheval, ne doit être attribuée qu'à la ftruéture de fon eftomac, & voici les véri- tables obftacles au vomiflement. 1°. Les plis & replis accumulés for- més par la membrane interne de l’œfophage lorfqul eft reflerré ; 2°. la force contraétile des fibres de l’œfophage ; 3°. les fibres muf- culeufes qui fe prolongent de ce même œlophage fur l'eftomac, & qui s’entrelacent avec celles de ce vifcère ; 4°. le paquet mufculeux formant une efpèce de cravate autour de cet orifice, dont la force des fibres diminue toujours en approchant de la partie poftérieure de Peftomac; 5°. les trois plans de fibres très-fortes , provenants de cette cravate ; 6°. les fibres mufculeufes qui entrent dans la compo- fition de ce vifcère, diminuent de force & augmentent en foiblefle , à mefure qu’elles approchent de l’orifice poftérieur ; 7°. la foiblefle extrême de cet orifice en comparaifon de lorifice antérieur ; 8°. la direétion de ces deux orifices, prefque horifontale, tandis que dans Phomme elle eft prefque perpendiculaire ; 9°. la portion de la membrane mamelonnée, quieft très-lâche & toujours abreuvée, de- puis lendroit de la ligne de féparation , jufqu'’à Porifice poftérieur ; 10°. l'orifice antérieur eft toujours reflerré long-tems après la mort, JUIN 1772, Tome 11. Ee 218 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tandis que l’orifice poftérieur eft relâché, ce dont on peut fe con< Vaincre par une compreflion quelconque de ce vifcère: cependant , fi l'animal e@& mort depuis long-tems, l’orifice antérieur fera un peit moins rellerré, & il pourra arriver qu'il forte par l’orifice antérieur, une petite portion du fluide contenu dans l’eftomac; mais elle fera pour aiofi dire nulle, fi on la compare avec celle qui s'échappe par l'orifice poftérieur; 11°. fi on confdère la poñition de leftomac à Fabri de la comprefion des mufcles du bas ventre, elle pourra être regardée comme caufe fecondaire, mais très-éloignée. . Il eft aifé de conclure, après ce que nous venons de dire, que fi leflomac éprouve une contra@tion quelconque , elle fera plus forte dans l'endroit où les parties fujettes à fe contracter, fe trouveront réunics en plus grande mafle, & c’eft à l’orifice antérieur; ainfi Forifice poftérieur, beaucoup plus dégarni de fibres , & les fibres qui le tapiflent étant plus foibies , la fortie doit donc s’exécuter de ce côté; ainfi , les matières pouflées avec force vers Le pylore , n’y trouvant au- cune 1ffue à caufe des fibres qui y forment des plis & des replis fans nombre, elles {eront repoufées vers lecul-de-fac, où, ne trouvant pas la même oppofñtion, elles pafferont par l'ouverture de l'orifice poftérieur qui oppolfe le moins de réfiftance. Enfin, fi l’eftomac devoit éclater par une compreffion quelconque , ce feroit toujours de ce côté , parce que les membranes en font plus minces, & les plans de fibres diminués en force & en volume. Il n’eft donc pas étonnant que l’orifice pofté- rieur cède, & que Porifice antérieur lui oppofe conftamment une force qu'ilne fauroit furmonter, Il n'eft pas poñlible de fuivre Auteur dans fon Traité des maladies, foit externes, foit internes ; il exigeroit une analyfe particulière; fa méthode eft fimple, naturelle, & à la portée de tout homme qui cher- che à sinftruire. Le choix des remèdes qu’il indique d’après les expé- riences les mieux faites, & fouvent répétées, annonce le Praticien éclairé; enfin, cet excellent Ouvrage eft terminé par un traité complet de ferrure , duquel on doit dire qu’i£ ef? fait par main de Maître ; le Phy- ficien y a guidé la main du Maréchal. Il feroit à fouhaiter que les Médecins & les Chirurgiens, foit des Villes, foit de la campagne, dédaignaflent un peu moins la Médecine vétéri- naire. Nos troupeaux ne feroient pas fi fréquemment enlevés par les maladies épidémiques, fouvent très-faciles à diffiper dans le principe, mais terribles & formidables par leurs progrès. La Hollande en a fait une funefte expérience pendant les années dernières, & l’Agriculteur François fe rappelle encore avec effroi, la cruelle épidémie des années 1744 & 1745. Prfieurs Médecins s’occupèrent autrefois de l’Art vété- rinaire, ce qui a fait dire à Foubert, dans fa tradu@ion de l'Ouvrage de Markam , imprimé à Paris en 1666, fous le titre de Nouveau & SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 219 Savant Maréchal : « La Vétérinaire eft de la jurifdiétion de la Médecine, Voire même, on peut dire que c’eftle même Art qui a les mêmes rècles & préceptes , tant à l'égard des hommes que des bêtes, & qui eft diftingué feulement felon la différence de l’objet qu'il confidère , l'un étant beaucoup plus noble que l’autre, autant que l’homme eft plus relevé & eftimé que la brute : cependant, il ne faut pas eftimer que la Médecine foit déshonorée , fi on prétend lui attribuer cette connoiffance. Les Anciens l'ont tant eftimée, qu'ils l’ont fait dériverde leurs faufles Divinités. Hérioclès qui eft un des Auteurs Grecs quia écrit des remèdes pour les maladies des chevaux, prie dans la préface du premier Livre de l’Art vétérinaire, que Neptune qui eft un Dieu cavalier, lui foit favorable , comme aufli Efculape qui a foin de con- ferver les hommes , & qui femblablement prend le foin des chevaux ». DESCRIPTION DE PLUSIEURS INSECTES. Le: fentimens ne font plus incertains aujourd'hui fur la nature de cette production qu'on nous envoyoit fouvent d'Amérique, & quel- quefois de Chine, fous le nom de Mouche végérante. Les obfervations faites en Angleterre par M. Muller, répétées & confirmées en France par M. Nehedam, ont appris que le merveilleux qu’on avoit débité fur la prétendue mouche végétante , n'étoit qu'une fable ; qu’elle ne provient point d’une femence de laquelle. naifle une plante qui fe métamorphole en infe&e, ainfi que quelques Auteurs l'avorent avancé, mais qu’au contraire une plante de la nature des füngus, prend naif- fance & croît fur une chryfalide périe en terre par quelqu’accidenr ; avant la méthamorphofe de l'infe&te. M. Muller dans l'Ouvrage cité, fait connoitre de quelle nature eft le fungus, c’eft le clavaria militaris & Le clavaria foboliféra , qui croît fur cette chryfalide; il nous refte à faire connoître. à quelle famille d’infe@e cette chryfalide appartient. La mouche végétante eft une chryfalide de cigale fur laquelle un Jfungus a pris naiflance. Nous avons obfervé un grand nombre de ces mouches, & aucune n’a préfenté la métamorphofe accomplie de la cigale ; ce qui provient peut-être de ce que la végétation du furgus épuife la chryfalide ; ou peut-être de ce que ce fungus ne peut végêter que fur des chryfalides privées de vie. Comme la mouche végétante dont il eft fait mention dans le Cahier du mois d’Août 1771, eft mal gra- re nous avons cru devoir la repréfenter de nouveau plan. I. ge. I. Les infe&es gravés plan. I, fig. I, IL, peuvent & doivent être regar- dés comme deux mouches végétantes; tous deux ont été envoyés de JUIN 1772, Tome 11. Eciï 220 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Cayenne, & tous deux font du genre des cigales. L'individu connu jufqu'à ce jour fous le nom de mouche végétante, eft du même genre; mais avec cette différence qu'il eft une chryfalide de cigale. Voyez plan. IE, fig. V, VIII de l'endroit indiqué, au lieu que les deux infeétes figurés, font deux infettes dans leur état de perfection. Nous les dé- crirons tous deux, parce quils font très-peu connus & très-peu communs. La figure T repréfente une cigale de Cayenne, dans l’état de mouche végétante , vue en deflus ; & la figure IL, la même cigale vue en def- fous, Nous la nommerons cigale de Cayenne aux afles tacherées ; & en Latin, cicada Americana alis fuperioribus maculatis, fans avoir égard dans cette dénomination à l’état de mouche végétante où fe trouve cette cigale; parce qu’il faut le regarder comme un état contre nature, &t auquel n’a pas pañlé linfeéte qui ne nous occupe que depuis fa mort. La largeur des aïles étendues eft de trois pouces & demi; la lon- gueur des aîles fupérieures , d’un peu moins de déux pouces. La tête & le corfelet font en deflus & en deflous colorées en jaune pâle, pointillé de noir ; les couleurs font beaucoup plus lavées en-deffous qu’en- deffus. Le corps elft d’un jaune pâle & livide. Les aîles fupérieures font à demr tranfparentes, leur fond eft blanc tirant fur le roux, & leurs nervures font roufles. L’aîle eft mouchetée de raies tranfver- fales, noires, étroites & courbes; ces raies ne forment aucun deflin régulier, & n'occupent chacune qu’un petit efpace; mais elles font très-multipliées. Outre ces raies, on découvre fur l’aîle , fur-tout vers fon milieu, & fur fon bord extérieur , plufeurs points jaunâtres. La couleur des ailes fupérieures, & leurs mouchetures, font les mêmes en-defous & en-deflus ; mais les points qui, au bord extérieur, paroif- fent jaunes en-deflus, font rouges en-deffous. Les pattes font blanches, mouchetées de noir ; la trompe eft couleur de paille. Telle eft l’efpèce d'infefte que nous avions à décrire, & dont on connoît dans le Cabinet de Madame la Préfidente de Bandeville, un individu qui offre feulement les détails qui viennent d’être préfentés ; mais celui qui nous occupe dans ce moment, eft remarquable par un accident que nous n’avons point reconnu fur d’autres infectes. Son ventre eft couvert & terminé par un appendice de plus d’un pouce de longueur , fourni par une fubftance cotonneufe , & divifée en filets ou flocons grofliers. On diftingue aifément cet appendice au coup d'œil, & on le reconnoît pour un corps étranger. Sa forme , fa difpo- fition, fa confiflance ne permettent pas de douter que ce ne foit une fubftance de la nature des matières végétantes qui croiflent fur les vieux boïs, dans les lieux humides. C’eft évidemment un fungus qui prend naïffance à la moitié du ventre en-deflus; fes racines font moins NS Ju 177% Tome 2.Page. 220, Jun 177 2 L \ 1 ] È a IRÉS L. . è : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 221 profondes en-deflous ; mais ce fungus enveloppe toute l'extrémité du ventre; de façon qu'il eft impoñfhble d’appercevoir à travers les filets rouffus, le corps qu'il recouvre. : La figure LIT ; planche I, repréfente un infeëte de Cayenne , du genre des hémipières , de la feétion de ceux que M. de Réaumur appelle pro- cigales, & auxquels M. Geoftroy a laiffé le nom de cigaks. Ces in- fetes différent cependant en ce que les ailes fupérieures de procigales font à moitié membraneufes, ce qui fans doute met entre ces êtres une diflance très-grande. La reproduétion, l’accroifflement & le déve- loppement des cigales & des procigales, font très-différens. Quelque reflemblance qu'il y ait donc entre ces deux familles d’infeétes, que les Nomenclateurs ont confondues ou placées à côté l'une de lautre, nous pentons qu’elles font très-diftantes; mais comme cet objet de difcuffion nous jetteroït dans de grands détails, & que ce n’eft pas à nous à tracer une route nouvelle , nous nous conformerons aux idées reçues, & nous nommerons l'infeéte dont nous avons à parler, Pro- cigale blanche de Cayenne, mouchetèe de noir, Cicada Americana albida , alis Juperioribus nigro punétatis. Ses ailes étendues n'ont guères que huit lignes; elles font entière- ment opaques, blanches & fort lifles. Les fupérieures font moucherées de points noirs, qui forment fix raies longitudinales , dont deux font beaucoup moins longues que les autres. Le bord fupérieur de l'aile vers l'angle qui l'attache avec le corps , eft d’un jaune affez vif, Cet infefte n’eft pas très-rare; & nous n’en aurions pas parlé, fi, à l’ex- trémité de fon ventre, on ne voyoit pas un appendice qui paroît de mème nature que celui qui recouvre le ventre de la cigale qui vient . d’être décrite. Cet appendice ne diffère qu’en ce qu'il eft applati, & ne paroît pas féparé en plufieurs filamens. On inférera de l'exemple de la cigale & de la procigale dont nous parlons , que le phénomène propre à l'individu nommé mouche végétante, n’eft point aufhi rare qu'on l’avoit penfé, & qu’on doit de plus en plus rejetter le merveilleux prêté mal à propos à cette obfer- vation. Il paroît fingulier que de trois exemples d’infeétes, fur lefquels des végétaux ont pris naïflance, tous trois aient eu lieu par rapport à des cigales. Il faudroit, avant de s’étonner de ce phénomène, avant de chercher à en pénétrer la caufe, être affuré qu'il n’a pas lieu également par rapport à d’autres infeétes. Nous fommes fort éloi- gnés de Paffirmer & même de le conjeéturer. En effet, les infeétes font des corps organiques, qui contiennent peu d’humeurs , & , qui, comme tout le monde fait , fe deflèchent après qu'ils ont été pure de la vie, au lieu de fe décompofer comme la malle qui forme e corps des grands animaux, fans doute parce que les humeurs qu'ils contiennent, font en trop petite quantité pour entrer en fermentation. JUIN 1772, Tome II. 222 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, C'eft ainfi que des herbes tendres & pleines de fucs, pourriffent quand on les a coupées, & lorfqu’on les laiffe accumulées ; au lieu que les arbres , dont le tronc & les branches font compofés d’un tiflu ferme &z folide, fe deffèchent & fe confervent long-temps après qu'ils ont été abattus : mais fi les bois morts font expofés dans un lieu humide & chaud, ils fermentent, commencent à fe décompofer, & on les voit bientôt couverts de moififlure. Il n’eft donc pas étonnant que les in- feétes qui fe rapprochent de la nature des végétaux fous plufieurs afpeëts, qui, comme eux , contiennent des parties fermes & bien liées, qui, comme eux, ne fe décompofent pas facilement après la ceflation de la vie; il n’eft donc pas étonnant que ces infeétes fe deflèchent comme eux, & fervent également comme eux de bafe & d’alimens à des fungus. C’eft-là tout le merveilleux des prétendues mouches végé- tantes, & ce phénomène doit être commun, fur-tout dans l'Amérique méridionale, & dans les pays chauds. La chaleur & la fécherefle, qui, dans une faifon, font promptement évaporer les fluides des infeêtes qui meurent; & la chaleur & l'humidité , qui, dans une autre faifon, con- courent à détruire les cadavres defléchés, les rendent fufceptibles, ainfi que les bois, à faire germer les femences de fungus , difperfées par les vents. C’eft trop s’arrêter à difcuter un fait connu par les Naturaliftes, La planche feconde repréfente deux efpèces d’infeétes connus en Améri- que fous lenom deKakkerlakes, & appellés BLATTES pardes Naturaliftes, Ces infeétes ne font que trop connus par les ravages qu'ils exercent, par les dégats qu'ils occafionnent aux Colons , & par les incommodi- tés qu'ils leur caufent. Ils font très-féconds, croiflent rapidement, font voraces & fi multipliés, que la terre qu'ils couvrent ne peut fuffire à leurs défirs ; ils font continuellement preflés par une faim dévorante, leur appétit n’afligne aucune différence dans les mets, ils ne goûtent rien fans doute, mais ils dévorent tous les végétaux, les viandes frat- ches ou defféchées, le cuir; le bois même leur convient. Les armoires, les malles, les coffres font de foibles reflources contre leur voracité. Ils les attaquent en fi grand nombre, avec tant d’acharnement & des dents fi fortes, qu’ils parviennent bientôt à les percer; ils détruifent dans une nuit les hardes, le linge, les livres qu’on y avoit renfermés, & fi on les étouffe, on trouve ce qu'ils n’ont pas eu le temps de détruire, infedté de l'odeur fétide qu'ils laiflent après eux; ils courent fur le plan- cher , le long des murs, fur les tables, & tombent du haut de l'air au milieu des mets, qu’ils rendent dégoûtans. Ils courent pendant la nuit fur les lits, fur les mains, fur le vifage de ceux qui dorment, & cher- chent jufqu’à la racine des cheveux les reftes de la poudre qui les cour vroit pendant le jour; fouvent ils réveillent la perfonne endormie, par la douleur qu’ils caufent en pinçantla peau , & fuient quand elle fe remue, en répandant une odeur infeîte. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 22} Nous ne décrirons point les deux Kakkerlakes repréfentés plan. rr, les figures donnent leur dienfion. Celui du n°. 1 eff tout brun, & l’autre'eft cendré , pointillé de noir; la première efpèce eft beaucoup plus commune , la feconde left moins. L'une & l’autre ont heureute- ment un grand nombre d’ennemis qui s’oppofent à leur multiplication. Beaucoup d'oifeaux & fur-tout les volailles en font fort avides; mais un ennemi qui fembleroit par fa taille devoir être bien moins redou- table, & qui ne left cependant pas moins par fon acharnement &c fa fécondité , eft la mouche gravée, figure Ill; c’eft un ICHNEUMON, dont la Gravure donne les dimenfions. Sa tête, fon corfelet qui efttrès-gros & fort long , font d’un bleu changeant en vert; fon ventre eft violet & fes pattes font de la même couleur, mais moins brillantes; fes yeux font gros & bruns ; fes antennes font courtes pour un Ichneumon, grafles & noirâtres; enfin, fes aîles tranfparentes & fans taches. Cet infeéte entre dans les maifons , 1l y vole fréquemment. Auffi-tôt qu'il apperçoit un Kakker- lake, il le deftine, quoiqu'infiniment plus gros, à lui fervir de proie, & le faifit avec tant d'avantage, qu'il fait bientôt s’en rendre maître. Le Kakkerlake ftupide s’arrête en appercevant fon ennemi; l’Ichneu- mon vient fe placer en face du Kakkerlake, il s'approche de lui, il le faifit avec fes mâchoires par l'extrémité de la tête ; & marchant à reculons , il oblige , par la douleur qu'il lui caufe, à le fuivre vers quelques trous ou dans quelques coins: alors il fuce à fon aife , fon fang qui coule par la plaie qu'il lui a faite, C’eft ainfi que l'épervier attaque & tue des oifeaux trois fois plus gros que lui: ou fi l’on veut un exemple pris parmi les infeétes de notre pays même, on aura celui d’une efpèce d’ichneumon qui déclare la guerre aux arraignées, les attaque & les tue, malgré les avantages qu’elles ont du côté de la taille, & quelles fembleroient avoir de toutes les manières fur les efpèces volantes, fi cet ichneumon ne vengeoit les injures faites à tous ceux de fa race, DICTIONNAIRE portatif des Herborifans, ou Manuel de Botanique, à Pufage des Etudians en Médecine, en Chirurgie, en Hifloire Naturelle, & des Amateurs, 2 vol, petit in-8°, Ux Di&tionnaire eft un livre qui contient les mots d’une Langve, d’un Art, d’une Science, rangés par ordre alphabétique; & fi chaque article eft difcuté, on le nomme Di&tionnaire raifonné. D’après certe définition exaéte, il convient d'examiner fi l'Ouvrage que nous annon- çons mérite le nom de Diétionnaire, & même sil eft fufceptible de recevoir le titre de Manuel de Botanique, De toutes les Sciences , :l JUIN 1772, Tome IL. 224 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, n’en eft peut-être aucune qui renferme une nomenclature plus éten- due, à caufe du grand nombre d'individus qui font de fon reflort, On compte plus de vingt mille plantes, fi les variétés font comprifes dans ce nombre. La nature les a diftinguées les unes des autres par des cara@tères conftans, & elle a modifié leurs vertus de différentes manières. Il réfulte de-là que la Botanique a deux objets; le premier eft de connoître l'individu, & le fecond d'étudier les avantages qu’on peut en retirer pour le bien de l'humanité. L'étude de la connoiflance des plantes doit donc précéder celle de leur application, fans quoi le Praticien fe livreroit {ouvent à l'erreur, & le malade deviendroit la trifte viétime de fon ignorance. J’appellerai la première, étude de shéorie, & la feconde, étude de pratique. La Botanique de théorie eft établie fur la connoiffance des fyflèmes, des méthodes, fur celle des loix de la végétation, fur la defcription de toutes les parties d’une plante , enfin fur l’analogie qu’elles ont entr’elles pour former un tout exa&t, Je n’examinerai point ici sil exifte encore un fyftème ou méthode vraiment naturels, cette difcuflion m’écarte- roit de mon fujet ; je dirai feulement que tout étudiant doit fe former un plan quelconque , s’il n’adopte pas un fyftème ou une méthode déja établie; parce que, quoiqu'il foit certain que la nature ne fait point de fauts, qu’elle a une fuite réglée dans fes produétions , on ne connoît pas encore les chaînons qui lient les individus les uns aux autres: ainfi, la nature ne préfentant pour ainfi dire que des êtres ifolés , il faut donc que l'étudiant fe trace à lui-même une route, pour trouver un point de ralliement, s’il venoit à s’égarer dans ce laby- rinthe. D'ailleurs, pour avoir une idée jufte d’une fcience, pour en faifir lenfemble & en diftinguer les parties, il eft indifpenfable que chaque être foit préfenté à l’efprit d’une manière claire , précife & capable de le faire diftinguer d’un autre être fon voifin. Tel eft le but de la Botanique de théorie. La Botanique pratique a pour bafe la première , fans laquelle tout eft erreur ou confufon. Plufeurs plantes fe reffemblent au premier coup d'œil; le feul Botanifte de théorie fait les différencier par des caractères particuliers, mais fouvent trop peu frappants aux yeux de celui qui n’en a pas fait une étude réfléchie. La méprife malheureu- lement trop commune du cerfeuil ou du perfil avec la ciguë , eft une preuve frappante de ceite vérité. Le Botanifte de théorie ne s’y méprendra pas, parce qu’accoutumé à comparer , à obferver , il recon- noît une odeur fœtide dans la ciguë; fes tiges font creufes en-dedans, d’un verd pâle en dehors, parfemées de petits points noirs , &c. C’eft fur l'individu même qu'il faut faire ces obfervations, & j'oferai dire que les defcriptions les mieux faites ne font utiles qu’à ceux qui ont déja des principes, parce qu'ils font accoutumés à comparer les objets. C’eft CR a SUR L'HIST.NATURELLE ET LES ARTS, 223$ C’eft donc aux Botaniftes de théorie à déterminer exaétement le nont d’une plante, à le concilier avec celui qui lui a été afligné par les autres-Auteurs, à la décrire d’une manière fi claire, que le Botanifte de pratique ne puifle fe méprendre ; & alors, c’eft à ce dernier à en défigner les vertus & à les conftater par l'expérience. On objeétera peut-être que les Herboriftes & les bonnes-femmes ne connoiflent ni les fyftêmes ni lés méthodes, &c, & que cependant ils ne fe trompent pas fur les plantes qu'ils vendent, On ne nie pas ce fait, quoique j'aie eu fouvent la preuve du contraire, & qu’on vende aflez communément pour la CAMOMILLE ROMAINE , Anthemis nobilis ; Lin. L'@iL DE BŒUF, anvhemis tinétoria, Lin. dont les vertus font très-foibles , quoique plufieurs la difent vulnéraire & apéritive. Ces bonnes-femmes fe font feulement attachées à connoïître une centaine de plantes dont l'habitude leur a rendu les caraëtères familiers ; mais il n'en eft pas ainfi quand on envifage la Botanique en général. Il feroit à fouhaiter que les Médecins, les Chirurgiens & même les Curés , s’appliquaflent davantage à cette étude, parce que les remèdes qu'on peut tirer des plantes font à tous égards préférables aux prépa- rations chymiques. Faifons aéluellement l'application de ces détails à cet Ouvrage nommé Diétionnaire des Herborifations. On demande, 1°.ce Diétionnaire a-t-il été fait pour être de quelque fecours dans les herborifations des environs de Paris, ou pour celles de tout l'intérieur du Royaume? Il auroit fallu dans lun & l’autre cas donner le nom du lieu , de la montagne, du marais, de la plaine, &c, où on trouve la plante indiquée, & ne pas dire feulement , telle plante croît dans les bois, le long des chemins, &c, défignations trop vagues, qui ne fpécifient rien. L’Auteur auroit dû prendre pour modèle ’'Hiftoire des Plantes qui croifient aux environs de Paris , par M. DE TOURNE- FORT, ou le Botanicum Parifienfe de VAILLANT, ou le Flora Parifienfis de DaLiBaART, & les Hortus & les Flora de nos Provinces lui auroient fervi à indiquer le lieu natal des plantes qui y croiffent ; mais il paroît que notre Rédaéteur a étudié la Botanique dans fon cabinet & non dans le grand livre de la nature, fans même fe donner la peine de confulter les bons Auteurs. L’indication fixe des lieux prépare l'étu- diant à la connoiffance de l'individu qu'il y cherche , & lui forme une efpèce d'itinéraire. 2°, Si cet-étudiant rencontre une plante qu'il ne connoiffe pas , à quoi lui fervira ce Diétionnaire , puifqu’il ne donne pas des points de ralliement, de caraëtères généraux & clafiques ? IL faut donc favoir le nom de la plante, pour qu'il foit de quelque utilité; & fi on: le fait, il devient donc inutile. Le titre de Manuel ne lui con- vient pas mieux. Un Ouvrage manuel eft un livre élémentaire, & dans celui-ci on n’en trouve pas le plus léger veftige. Qu’eft-ce donc enfin que ce Diétionnaire ? C’eft un catalogue mal fait,contenant des defcrip= JUIN 1772, Tome 11. 216 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tions de plantes, vagues, applicables à plufeurs autres, & l’énumé- ration de plufieurs vertus établies fur le fimple témoignage de ceux qui ont écrit fur ce fujet; en un mot, c’eft un réchauffé & une plate - compilation en deux volumes : prenons un exemple à l’ouverture du livre. On lit, tom. 1, pag. 37: Les Bayes de l'Alkekingi rafratchiffent at M Jecond degre. L’Auteur rendroit un grand fervice au Public, s'il parve- noit à graduer les vertus d'une plante, d'une manière non équivoque. Laiïflons à Marhiole , à Dalechamps, &c, ces dénominations barbares & vuides de fens. La pratique de la Médecine exige quelque chofe de plus pofitif. Ouvrons également le fecond volume ;la première plante qui fe préfente, pag. 163, eft l'Œnanthe, à laquelle PAuteur donne, mal-à-propos, d’après Bauhir, le nom de Filipendule aquatique, bien différentes l’une de l’autre, puifque la première eft une plante dont les fleurs raflemblées en ombelle ont cinq étamines, & leur fruit eff £compofé de deux femences, tandis que celles de la Fi/ivendule font formées de cinq pétales difpofés en rofes, & de plus de douze étamines portées fur les parois du calice, 8: que leur fruit eft compofé de plufieurs capfules, difpofées en rond. Voyons ce que l’Auteur en dit, & on jugera par cette defcription de la majeure partie des autres. « Œnanthe, où Filipendule aquatique. Plante qui croît dans les prés » &t les ruiffeaux, aux lieux herbeux, &c qui dès fa racine, poufle »des feuilles découpées & menues. Sa tige s'élève à la hauteur » d'environ un pied, ronde, creufe, cannelée, rameufe, accompagnée » de feuilles aîlées, découpées plus menues & plus longuettes que les æ premières. Ses fleurs naïflent en ombelle, compofées chacune de » fix feuilles blanches; fa racine eft bulbeufe & filamenteufe ». Quelle defcription ! & quel eft l'étudiant qui la reconnoïtra à ces caraëtères dont ceux des fleurs, par exemple, s'appliquent à toutes les plantes ombellifères , à la couleur près qui varie fonvent! Dire que les feuilles. radicales font découpées menues , que celles des tiges le font encore plus, ce n’eft pas défigner leur forme, leur contour, leur pofñtion, eur infertion avec la plante, & préfenter une idée nette qui ne puifle M s'appliquer qu'à cette plante. Quant aux vertus, l’'Auteur men parle pas; cependant elles font trop dangereufes pour ne pas les faire con noître.. Nous dirons donc pour lui que tout le genre des Œnanthes eft véné- eux, fur-tout celle-ci dont toutes les feuilles font très-découpées, dont les découpures font obtufes & prefque égales, & que l’on doit la diftin- guer de l’œnanthe à feuilles de cigué par fon fuc cauftique tirant fur le: | jaune. On lit dans Stalpart , que fi on froifle cette plante entre fes doigts dans un jour chaud, & que fi on les porte fous le nez, on eft aufli- | tôt attaqué de vertiges, Bocrhaave dit: Solo guffu mers hominibus. Lobel aflure que de huit jeunes gens âgés d'environ trente ans, qui mangèrent _ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 227 la racine bulbeufe de cette plante, cinq font morts dans les horreurs des mouvemens épileptiques, & les trois autres ont mené pendant peu de temps une vie nuférable & languiflante. Voyez Rochard, Journal de Médecine & de Chirurgie, rom. IX & X, dans lequel il dit que de trente foldats qui en mangèrent , un feul en eft réchappé. Voyez les mêlanges d'obfervations de Blairs, imprimés à Londres en 1718, &c. Ces obfervations n’auroient pas dù échapper au Compilateur, s'il avoit connu les bons Ouvrages en ce genre, Il y a des Diétionnaires vrai- ment utiles, & celui-ci ne fera jamais de ce nombre , puifqu’il ne ren ferme aucuns mots , aucune explication de la Botanique de théorie; & que l'élève qui herborifera, fera contraint de le lire d’un bout à l’autre, pour trouver la defcription de l'individu que la nature préfente. C’eft tout au plus un catalogue de defcriptions informes. Il faut efpérer que la manie de mettre toutes les Sciences en cata- logue, aura un terme; fi elle dure, on ne tardera fürement pas de donner au Public un Diétionnaire, pour faire connoître la volumi- neufe colleétion en ce genre, Il eft très-aifé de faire un Diétionnaires mais rien n’eft plus difficile que de le bien faire. ee ne nm ee ee ee MÉMOIRE DE M. L'ABBÉ PUPIL, SUR la manière de préparer les Soies, pour leur donner la qualité de celles de Nanquin. E N 1760 & 1761, les foies de Chine montèrent à un prix excefüf. On m'en vendit trois livres de la plus belle, au prix de trente écus. La commune alla jufqu’à quatre-vingts livres. La cherté de cette matière première des dentelles de foie, me donna beaucoup d'inquiétudes. Je m'étois chargé alors de l’éducation de foixante enfans abandonnés, la plu- part d’un âge au-deffous de huit ans, & je ne tirois mes reffources que de l’induftrie. La moindre réduétion fur les profits, étoit pour moi d’une extrême conféquence. Je m’occupai férieufement du projet de me pro- curer la foie à un prix plus bas. Dans cette vue, je choiïfis parmi les foies d'Europe, celles qui me parurent les plus approchantes du blanc, & j'imaginai de les faire teindre crûes & à froid, pour qu’elles ne perdifient rien de leur fermeté. Je m’adreflai à un Teinturier de Lyon, que l’on mindiqua comme le plus habile dans fon Art. Au troifième éffai , nous eûmes une foie d’un beau blanc, aflez ferme, & propre à faire de la dentelle. Mais on me fit obferver qu’en la blanchiflant, elle reprendroit fa première couleur. Cette confidération me fit renoncer à cette découverte, dont mon Teinturier voulut profiter, & plufeurs autres à fon exemple. On appella ces foies, des oies nanquinées, Elles JUIN 1772, Tome 11. F fij 228 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, produifirent l'effet le plus fâcheux dans le commerce de la dentelle de foie. Au bout de quelques mois, la couleur changeoit, ou par l’humi- dité, ou par la fermentation. Les dentelles devinrent noires & brülées, & plufieurs maifons de Négocians en ont beaucoup fouffert. Dans le même tems, on fe mit à faire des recherches pour parvenir à faire de la foie blanche par d’autres voies que celle de la teinture. Je m'en occupai beaucoup. Je fis choifir les cocons les plus blancs qu'il fut poflible de trouver. Il fut aifé de remarquer que les premières foies tirées étoient plus blanches que les fecondes , & qu'il falloit changer Veau fouvent. Ma tireufe me dit qu’elle étoit en ufage de fe fervir de quelque peu d’alun, & j'ai fu que cette drogue avoit été employée pour éclaircir la couleur de la foie. Jen ufai donc à plus forte dofe que l’on avoit fait jufqu'ici. Jeus de la foie blanche; mais elle ne l'étoit pas aflez pour être employée à faire de la dentelle. Je la montrai à M. Poivre, qui venoit d’en faire fuivant la méthode de Chine d’un blanc très-beau. IL me dit que mon échantillon étoit ce qu'il avoit vu de plus approchant de la fienne, dont il me remit en même temps quelques onces pour en faire un eflai en dentelle. Les Ouvriers la trouvèrent trop brûlée, & il ne paroït pas qu'il s’en foit fait depuis par cette méthode. On m'a dit que c’étoit l’alun dont il avoit fait ufage à très-grande dofe. Le peu que j'avois employé de cette drogue avoit altéré la force de la foie. Si j'en avois mis davantage, je l’aurois eu plus blanche , mais plus caflante. Il me vint alors en penfée qu'il pouvoit être qu'il y eût dans la nature deux efpèces de vers, comme il y a parmi les hommes des blancs & des noirs; que les efpèces s'étant mêlangées, la blanche s’en trou- voit altérée. Que fi l’on donnoit une grande attention à choifir les cocons les plus blancs d’année en année, on pourroit parvenir à la fin à en faire le triage, & à obtenir un blanc parfait & fans mélange. Er effet, à la feconde année il y eut beaucoup moins de cocons jaunes fur la récolte qu’à la prenuère; & d’une année à l’autre, la quantité des jaunes, des gris, des verds, a diminué par des gradations très-confidérables , & même les blancs ont toujours paru d'un plus beau blanc. Le progrès n’a pas cependant paru égal toutes les années, & il m'a femblé qu'il y avoit fur ce point des faïfons plus favorables les unes que les autres. La foie que l’on a tirée dans les fix ou fept premières années n’a pu être employée en dentelle. Mais à la huitième , c’eft-à-dire en 1769, elle a été fort belle, aufli blanche que celle de Nanquin : on n'y a - oblervé autre chofe que de choifir les cocons les plus blancs, & d’en faire deux & même trois clafles. * La premiere çlafle en 1770 comprit un peu plus de moitié des cocons. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 229 Cette partie fut à tous égards de beaucoup fupérieure à celle de Nan- quin. La feconde claffle qui comprenoit un quart à-peu-près, a fervi à faire de la dentelle plus commune; le furplus a été trouvé très-bon pour des ouvrages de fabrique, où l'on recherche de la foie blanche avant de la faire teindre, ; La foie de la préfente année 1777, eft à-peu-près comme celle de l'année précédente : il y a eu des parties qui ont été fupérieures, & d’autres un peu inférieures. J'en attribue la caufe à quelque négligence pour le choix de la graine, J’efpère que l’année prochaine elle fera de beaucoup fupérieure aux précédentes. Toute la méthode que lon a obfervée jufqu’à préfent fe réduit : 1°. Au choix des cocons, On a prélevé fur la première claffe ce que l'on a trouvé de plus parfait pour la graine. Ce point mérite d’autant plus d’égard, qu'au défaut de la plus fcrupuleufe attention , il peut s’en gliffer de très-inférieurs. Les Faiïfeufes qui font depuis long-tems des cocons blancs pour les fleurs , font fort éloignées d’avoir la qualité qui ef néceffaire pour la foie blanche. Les effais qu’on en a faits dans plufieurs moulinages , même en fe fervant de la méthode de M. Poivre, n’ont rien produit de fatisfaifant qu'à force d'alun, & alors la foie a été brûlée, 2°. Au changement d’eau à toutes les heures. J’efpère qu’à mefure que la graine fe perfe@ionnera , cette attention deviendra toujours moins néceflaire, & 1l y auroit plufieurs moyens de rendre cette opéra- tion facile, 3°. On obferve que plufieurs cocons qui paroïffent très-blancs à la main, paroïflent un peu Jaunes ou gris , lorfqu'ils font mouillés dans la chaudière : la Tireufe les remarque facilement, elle doit les ôter tout de fuite : fur vingt livres, on en a rejetté à-peu-près une livre. Cette obfervation fera utile dans la fuite pour faire la graine plus parfaite. En jettant le cocon dans de l’eau chaude auffi-tôt que le papillon en fera forti, on pourra reconnoître s'il eft de la meilleure qualité. Je n'ai pu cette année faire ufage de cette remarque , parce que je ne me fuis pas trouvé dans le pays lorfqu’on y faifoit la graine. J'efpère qu’en tirant la foie à la façon d’Alais, nous aurons une foie plus blanche & plus luftrée. Une très-petite quantité d’alun contribuera à dépouiller la partie la moins blanche, fans lui nuire fenfiblement. Vai lieu de croire que l’on fe fert de cette drogue en Chine, parce qu'on trouve dans la foie de ce pays, baucoup de veines jaunes, grifes & fales ; tandis que le mème brin a du blanc aflez beau. Les foies de France auront toujours un très-grand avantage fur celles de la Chine. Sur la quantité qu'on en apporte en France, il yen a à peine un quart qui foit aflez belle pour la dentelle de foie, Celle de Juin 1772, Tome IL. 230 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Nanquin eft fouvent brûlée, grisâtre, & elle fouffre un grand déchet au devuidage, Celle de France , lorfqu'elle ef traitée fidèlement , n’en donne prefque point. Celle de Nanquin eft très-inégale & demande beaucoup d’attention pour en faire un choix en la préparant. Celle de France eft toujours bien fuivie, lorfqw'’elle tirée par de bonnes Ou- vrieres. Je trouve à Lyon de la foie grife, choifie & très-belle, à trente- deux livres. Je donne à nos Faifeurs trente-huit livres de la plus belle, & trente-fix environ du furplus ; & après lavoir fait mouliner, elle ne me reviendra pas à plus haut prix que celle de Chine. La récolte des cocons blancs m'a paru jufqu'ici à-peu-près égale à celle des jaunes, & même fupérieure en deux années. Mais il eft aïfé de donner dans l'erreur fur ce point , parce que ce font les plus habiles Faifeufes qui fe font occupées à faire du blanc. Au tirage, le blanc a donné près d’un quart de moins que le jaune. Dix livres de cocons jaunes ont donné cette année une livre de foie; &z treize livres de cocons blancs n’ont fait qu'une livre & quelques onces. La différence étoit un peu moindre les années précédentes. On croit reconnoître que la foie blanche eft fpécifiquement plus légère que la jaune, & que la même quantité de blanche fournit plus dans l'emploi que la jaune. Je n’ai point fait d’épreuve pour conftater cette qualité. J’étudierai cette partie pour être en état de le faire l’année prochaine. On m'’aflure qu’au devuidage la blanche eft plus forte que la jaune. La graine de ces vers n’eft point encore répandue. J'en ferai faire l'année prochaine, la quantité que je pourrai, relativement à celle qui a été réfervée cette année. Je ne doute pas qu’un bénéfice confidérable ne décide bien des perfonnes à la préférer à la jaune. Il feroit important pour le Public que M. Pupil lui fit part de fes nouvelles expériences & de fes fuccès, On lui doit l'établiffement d’une très-belle Manufa@ture de Dentelles. Ce font des enfans trouvés qu’il y emploie. Il les loge, les nourrit, les habille, & leur donne une dot FE conidcranle en les mariant, Quel exemple pour ceux qui aiment e bien! \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 231 eee) SUPPLÉMENT. LETTRE écrite à l'Auteur de ce Recueil, par M. L.. . . de l'Académie Royale des Sciences, fur le jeune Homme du Dauphiné, dont il a été queflion dans les Gazeres de France, des $ , 12 & 15 Juin 1772. Eu Philofophie , Monfieur , ne peut s'empêcher de gémir ; de voir que dans un fiècle éclairé, des perfonnes que leur état , leurs connoiflances & leur réputation, élèvent au-deflus du vulgaire, renouvellent dans le public de vieilles erreurs , dont labfurdité eft reconnue depuis long-tems, & contre lefquelles les vrais Savans n’ont jamais ceflé de réclamer. .Je n’ai point vu le jeune homme prétendu Hydrofcope, dont les papiers publics annoncent tant de merveilles. Je n'ai même rien de nouveau à apprendre au public à cet égard ; mais une forte d’indignation me met la plume à la main, & je crois devoir venger, autant qu'il eft en moi, l'honneur de la Nation qu'on attaque, en lui faifant adopter, en quelque façon, une erreur de lefpèce la plus ridicule. Si les faits rapportés dans les papiers publics ne tomboient pas d'eux-mêmes, fi leur impofibilité phyfique n’étoit pas palpable ,je vous obferverois que la qualité effentielle d’un corps opaque eft de ne pou- voir tranfmettre la lumière , d’en intercepter les rayons : or les objets n'étant vus que par la tranfmiflion des rayons réfléchis de l’objet à l'œil, il s'enfuit que perfonne ne peut voir à travers un corps opaque, & qu'il weft ni lunette, ni machine, ni conformation qui puille opérer ce prodige. En un mot, voir à travers un corps opaque, ce feroit voir fans lumière, ce qui implique en phyfique. Je pourrois ajouter que les faits qu’on raconte de l’'Hydrofcope, ne cadrent pas même avec ce que les Phyficiens connoïffent de la marche des caux fouterraines. Mais, comme je l'ai déja dit, ces faits tombent d'eux-mêmes, & toute difcuflion feroit fuperflue. Il n’eft point de forme que l'impofture n’ait prife pour abufer de la crédulité des hommes, fur-tout dans les fiècles d’ignorance & de barbarie : celle des Hydrofcopes n’eft pas nouvelle, elle a exiflé au contraire très-anciennement en Efpagne : Martin Del-Rio afure qu’on y trouvoit des hommes dont la vue étoit aflez pénétrante pour diftinguer fous la terre les veines d’eau, les métaux, les tréfors & les cadavres. [ls avoient, fuivant cet Auteur, les yeux fort rouges, & il aflure avoir vu à Madrid en 1575 ; un jeune homme de cette efpèce, Del-Rio, après Juin 1772, Tome IL. 232 © OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE,. avoir entaflé beaucoup de raifonnemens phyfiques, ou prétendus tels; pour prouver la poffbilité de quelques-uns des prodiges qu’on leur attribue , eft obligé de recourir pour expliquer les autres à la puiffance du , Démon. Ces prétendus Hydrofcopes étoient connus en Efpagne , fous le nom Zahuris ou Zahories. Ils étoient nés, fuivant l'opinion populaire, le Vendredi-Saint ; c’étoit au jour de leur naïflance que tenoit leur merveilleux privilège. Gutierius, Médecin Efpagnol, qui a écrit depuis Del-Rio, parle de Zahuris , fous le nom de Zahories; il fe moque avec raïfon, & de la crédulité du peuple & de la fottife de Del-Rio. Les tems & les lumières ont infenfiblement diffipé ces fantômes qui ne fubfiftoient qu'à la faveur des ténèbres de l’ignorance ; & l’on peut voir dans Bayle, qu’au commencement du fiècle dernier , on ne croyoit pas plus aux Zahuris, qu'à la baguette devinatoire. Nous rappro- cherions-nous aujourd’hui des fiècles de barbarie? Et la Philofophie auroit - elle reperdu parmi nous une partie du terrain qu'elle avoit gagné ? Je ne faurois le croire, je m’efforce même d’écarter cette idée. Sans doute le public reviendra bientôt de ces premiers momens d'illufon; &z cette circonftance apprendra à ceux qui réfléchiffent, & fur-tout à ceux qui écrivent, à être plus en garde à avenir contre les fables de cette efpèce. J'ai l'honneur d’être , &c. P.S. Depuis cette lettre écrite, J'ai appris que M. Paulard, Curé de la Paroifle où eft né le prétendu Hydrofcope, homme vrai & éclairé, qui a été à portée de le fuivre depuis fon enfance, loin de partager l’enthoufiafme dans lequel on a donné fur fon compte, aflure au contraire n'avoir jamais rien reconnu en lui de particulier. Des vafes pleins d’eau ont été cachés fous terre en préfence de M. Paulard ; le jeune homme n’a pu les reconnoitre, & il a été obligé de convenir qu'il ne pouvoit découvrir que le eaux inconnues; que les eaux connues au contraire étoient invifñbles pour lui. Cette réponfe indique affez l’impof- ture & la fupercherie. Nous ferons connoître dans la fuite quelques faits à-peu-près fem- blables à celui du jeune Paranque, rapportés par différens Auteurs. PS TE SE ERT PRESS DISSERTATION de M. CIGNA fur Le froid produit par 1» / Q L \ l'évaporation, & fur quelques phénomènes analogues, L A fenfation que la leéture de plufieurs Mémoires de cet Auteur a produite fur le Public, nous a engagés à publier cette Differtation ; elle répond à tous égards à la réputation de ce Phyficien, J'ai avancé, dit M. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 233 M.Cigna, dans une autre Differtation, que le vent occafonnoit du réfroi- diffement fur les différentes liqueurs renfermées dans les thermomètres, J'ignorois alors que M. Euller eût écrit fur cette matière, Sa do&trine eft non-feulement appuyée fur des expériences très-brillantes; mais il eft parvenu à trouver la caufe de ce phénomène. J'ai comparé fa théorie avec mes expériences ; il m’a paru que plufieurs manquoient d’exaétitude & que cet objet exigeoit de nouvelles recherches. Je vais le rapporter. M. Euller a remarqué, & M..de Meyrand avant lui, que, fi on arrofe Ja boule d'un thermomètre, non-feulement avec de l’eau, mais encore avec les autres liqueurs qui font au même degré de chaleur que l'air ambiant , la liqueur contenue dans le thermomètre baïfle & continue de defcendre jufqu’à ce qu’elle foit fèche ; & fi on mouille de nouveau cette boule, la liqueur defcend encore plus bas. Plus la liqueur avec laquelle on mouille la boule fera volatile ( toutes chofes d’ailleurs égales ) plus la liqueur contenue dans le thermomètre defcendra. Cet abaïfflement eft beaucoup plus fenfible dans le vuide que dans Pair. M. de Meyrand conclut avec raïfon, d’après ces phénomènes, que Vabaiflement de la liqueur du thermomètre dépend de l’évaporation; que cette évaporation.eft accélérée par le vent ; qu’elle eft plus confi- dérable dans un air rare, puifque la liqueur y defcend plus bas. Cepen- dant M. de Meyrand obferve que fi l’on mouille les thermomètres avec des acides minéraux concentrés, la liqueur contenue dans le tube ne baïfle point ; & qu’au contraire elle monte confidérablement. Ce célèbre Académicien a penié que cette différence venoit de l’échauffement qu’acquéroit cet acide concentré par l'union rapide de l’air ou de fon humidité avec lui; & ces mêmes acides étendus dans deux fois leur volume d’eau, ont produit un effet contraire; fon fentiment eft con- firmé par l’expérience fuivante. L'huile de tartre par défaillance ne peut plus abforber l’humidité de l'air, ni perdre l’eau dont elle seit faturée ; cette huile ne produit aucun effet fenfble, appliquée fur la boule du thermomètre. Il eft vrai que j'ai dit que les huiles obtenues, foit par exprefion, foit par difüllation, font monter la liqueur du thermo- mètre ; mais dès que j’ai eu connoiffance des expériences de M. Euller, dans lefquelles il démontre que l’application de ces huiles fait baiffer la liqueur, je les ai répétées avec le plus grand foin fur des thermo- mètres tres-fenfibles, & j'y ai eHe@ivement vu que iés huiles ellen- tielles font baiïffer la liqueur du thermomètre , moins cependant qu’au- cune autre liqueur, comme le même Auteur lavoit remarqué; & les huiles exprimées n’y ont prefque pas produit la plus légère variation: ainf , il y a lieu de douter que l'élévation produite la première fois füt également due moins à la vétufté de l’huile effentielle employée, qu’à une chaleur qui lui avoit été communiquée par l'agitation ; de mamière JUILLET 1772, Tome IL. Gg co 234 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que les huiles exprimées, qui n’évaporent rien, ne produifent aucun changement fur le thermomètre. On prouve par plufieurs raifons, que la chaleur du thermomètre mouillé avec un acide minéral, vient de la rapidité avec laquelle il a abforbé l'humidité de l'air. Gouldi démontre que les acides concentrés & expolés à l'air dans des vaifleaux ouverts , augmentent de poids, ce qui ne peut être que par celui ajouté par l'humidité de l'air; que le poids augmente peu-à-peu, & qu'il cefle enfin d’angmenter , lorfque les acides font faturés de humidité de l’athmofphère; que cette humi- dité diminue peu-à-peu, & qu’enfin elle cefle entiérement. Les thermo- mètres plongés dans les acides concentrés, montrent qu'il y a dans ces acides une plus grande chaleur que dans les corps environnans ; qu’elle diminue de même peu-à-peu , en forte qu'à la fin elle devient égale à celle de ces corps. Chaque Phyficien peut aïfément répéter cetre expérience ; enfin, les acides minéraux augmentent d’autant plus de poids dans un temps donné , qu'ils préfentent à l’air une plus grande furface : auffi l'huile de vitriol, contenue dans un vaifleau cylindrique ouvert, ne fit élever la liqueur du thermomètre que de quatre degrés; mais dès qu'il fut retiré, & que l’huile adhérente fur la grande furface que préfentoit la boule , fe trouva expolée à l'air, la liqueur monta encore de fept degrés. Il réfulte de-là , que la loi par laquelle les acides minéraux s'échauffent par le contaét de l'air, eft la même que celle qui les fait augmenter de poids ; & que par conféquent l'augmentation de chaleur eft la même que celle du poids, c’eft-à-dire , labforption de l’humidité de Pair. L'inflammation du pyrophore ne dépend que de cette caufe, ainfi que M. de Suvigni l’a prouvé, On peut par cette expérience très-fimple , qui prouve que les acides concentrés s’échauffent par l’humidité de l’air, on peut expliquer un phénomène furprenant, dont M. Geoffroy avoit déja parlé. Si l’on verfe de l'huile de vitriol fur du {el ammoniac, il fe fait une effervefcence. Si dans ce moment on plonge le thermomètre dans cette huile, ou s’il yeft déja plongé, la liqueur defcerd aufi-tôt; fi au contraire on expofe fimplement le thermomètre aux vapeurs de ce mélange, la liqueur monte dans le tube. On fait qu'il fe dégage de ce mêlange un acide marin, d'autant plus concentré, que l’huile de vitriol eft plus forte, &c fes principes plus rapprochés. - La chaleur qu’éprouve le thermomètre dans ce dernier cas, eft due à l’acide marin, fe diffipant en vapeurs, & s’échauffant par la péné- tration rapide de l’humidité de l’air. Moins l'huile de vitriol eft con- centrée, moins cette augmentation de chaleur eft fenfible ; les vapeurs de cette huile faturée avec de l’eau, & verfée fur du fel ammoniac, ne produiloient aucun, changement apparent. Quant au réfroidiffement du thermomètre plongé dans le mélange; SUR'L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 323$ plufieurs raifons me portent à croire qu'il dépend de la folution du fel ammoniac dans l’eau, En effet , l'expérience prouve 1°. que plus huile de vitriol eft aqueufe (les chofes étant d’ailleurs égales), plus le degré de froid qui en réfulte eft confidérable; & qu’au contraire fi elle eft très- concentrée, elle fait avec le fel ammoniac une effervefcence vive & chaude. Cette obfervation n’eft pas nouvelle.2°. Que les autres fels , les alkalis volatils, le nitre , & en un mot tous ceux qui réfroïdiflent l’eau, produifent le même effet fur l'huile de vitriol délayée, au lieu qu'ils échauffent celle qui eft concentrée. Au refte, le froid dont il s’agit dans cette expérience, ne paroît dépendre en aucune manière de l’effervef- cence, puifqu'il eft produit , non-feulement avec les fels qui font effer- vefcence avec les acides, mais encore avec ceux qui n’en font pas. Il eft vrai que l’effervefcence, par fon mouvement inteftin, paroïît accélerer la folution du fel ammoniac dans l’eau, & par-là augmenter un peu le froid. En effet, les expériences du Pere Beccaria ont démontré que les fels neutres ne fe diflolvoient prefque pas dans l’eau, quand ils étoient en repos ; auf l’effervefcence du fel accélerant fa folution, comme pourroit le faire un inftrument avec lequel on Pagiteroit, augmente le degré de froid. Ces expériences anéantiffent l’hypothèfe de certains Phyficiens qui ont penfé que l'effervefcence difhipoit le feu mis en mouvement par le mêlange ; & qu’ainfi ce mélange fe réfroidifloit à mefure que le feu expulfé avec les vapeurs, échauffoit le thermomètre qui y étoit expofé. Il réfulteroit de cette théorie, fi elle étoit vraie, que les vapeurs augmen< teroient de chaleur, lorfque le mêlange devient plus froid : mais c’efl tout le contraire, puifque pendant la vive effervefcence de l'huile de vitriol bien concentrée, le mêlange s’échauffe & renvoie des vapeurs très- chaudes ; tandis que dans Peffervefcence de l'huile de vitriol très- étendue d’eau , le mêlange fe réfroidit confidérablement , & les vapeurs n'ont point une chaleur fenfible. Il y a d’autres effervefcences froides : telle eft celle de l’alkali volatil avec un acide quelconque, & avec l’huile de vitriol lui-même; elles ne donnent aucunes vapeurs chaudes, parce qu'il ne s’en échappe aucun acide concentré ; ce qui prouve que la cha- leur des vapeurs n’eft point due au feu qui fe diflipe, mais à la concen- tration de l’acide qui s'élève. On obferve la même chaleur dans les vapeurs qui s’échappent du mélange du {el marin ; &de l'huile de vitriol. Pour revenir au réfroidiflement par évaporation dont je me fuis un peu écarté, je demande fi des liquides mis dans des vaiffeaux ouverts, deviennent plus froids par l'évaporation de la furface fupe- rieure? Les expériences de M. Euller prouvent invinciblement, que la chofe fe pafle ainfi dans le vuide;1l n’en eft pas conftimment de même à l’air libre. M. Beaumé , dans fa Differtation fur l’éther, affure que fi le liquide ne touche pas immédiatement le thermomètre, fon évapo- JuiLLeTr 1772, Tome IL, Ggi) 236 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ration n’y produit aucun changement; & il ajoute que la liqueur du thermomètre plongé un peu plus profondément dans des cucurbites ou dans des vaifleaux de verre, bouchés ou non bouchés , & qui renfer- ment de l’éther , eft alors à la même température que l’air. Cet Auteur remarque dans un autre endroit, que fi l’on place de l’éther , foit vitrio- lique , foit nitreux, dans des vaifleaux de verre, la liqueur du thermo- mètre baïfle & refte dans cet état : enfin, il dit encore qu’un thermo- mètre fait avec le mercure, & plongé dans l'acide nitreux, baïfle d’un degré; & que celui qui eft fait avec lefprit-de-vin, baiffe d’un :. Jai obfervé que le thermomètre fe réfroidifloit environ de quatre degrés dans des vafes cylindriques d’un pouce de diamètre, & remplis d’efprit yolatil. J’employai deux thermomètres pour faire cette expérience , ils furent plongées différemment ; la boule de l’un ‘immédiatement fufpendue fur la furface du liquide, & la boule de l’autre plongeoit environ trois pouces plus bas. La liqueur de l’un & de Pautre baïffa peu-à-peu juiqu'à ce qu’elle fut parvenue au quatrième degré au-deflus de la température de l'air; & elle y fut fixée jufqu’à ce que les parties les plus volatiles de lefprit furent difipées par l’évaporation. Il faut remarquer que ce réfroidiflement a été beaucoup moindre & inégal dans des vaifleaux dont l'ouverture étoit la même ; mais dont la partie moyenne étoit plus ou moins renflée : plus ce renflement étoit confidérable, moins le réfroidiflement étoit marqué. Il réfulte de-là 1°. que le réfroidiffe- ment eft en railon de la plus ou moins grande furface de la liqueur évaporante, proportionnée avec le refte du vaiffleau ; 2°. que les cou- ches, tant fupérieures qu’inférieures, fe réfroidiflent également & fuccef- fivement. Ainfi, un thermomètre arrofé avec un liquide volaul, fe réfroidit plus que fi on le plongeoït dans ce même liquide; & ce réfroi- difiement ne dépend point de ce que dans le premier cas, le liqrude qui s'évapore, touche immédiatement le thermomètre , mais de ce que la furface qui s’évapore , a plus de proportion avec la mafle qui doit être réfroidie ; aufli nous avons vu que le thermomètre mouillé avec un acide concentré, s’échauffe beaucoup plus que fi on le plonge dans ce liquide contenu dans un vafe ouvert. Il fuit de-là que le thermo- mètre mouillé avec la liqueur volatile, fe réfroidit beaucoup plus par Pévapcration, quand la boule.eft plus petite, parce que la proportion de la boule du thermomètre eft moindre, comparée avec la furface du éluide. Si l’évaporation diminue la chaleur, elle doit le faire relativement à la plus grande intenfité de la chaleur, parce que plus les corps font chauds, plus ils fe réfroidiflent aifément; ainfi on doit eftimer le tems néceflaire aux corps volatils pour fe réfroidir, non-feulement par leur proportion de la furface avec la mafle , fuivant la loi générale, mais ençore par la grandeur de la furface qui s’évapore. J'ai remarqué Jde SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 237 que l’eau chaude recouverte d’huile, fe réfroidifloit plus lentement que fi (les chofes d’ailleurs égales ) on la laïfloit à nud & expofée à l'air ouvert. Dahs ce dernier cas, elle parvenoïit dans environ < de tems au même degré, & l’évaporation favorifoit le réfroidiflement. Il paroïît qu’on peut expliquer ces effets par l'expérience rapportée par Borrichius. Si l’on met des vaifleaux pleins d’eau les uns dans les autres, & fi on les place fur le feu, l’eau contenue dans le vaifleau extérieur bouillira, tandis que la liqueur contenue dans les autres fera encore très-éloignée de l’ébullition; & plus les vaifleaux feront intérieurs, plus la chaleur de l’eau qu’ils contiennent fera éloignée du degré de l'ébullition. En effet, j'ai fait cette expérience, & le thermo- mètre m'a prouvé qu'il y avoit deux ou trois degrés de chaleur de différence entre l’eau d’un vaifleau & celle qui remplifloit celui qui étoit immédiatement contenu dans celui-là, fuivant l’épaifleur du vaif- feau ou la matière dont il étoit fait. De cette manière, on pourroit entre- tenir conftamment un degré de chaleur quelconque inférieur à celui de l'eau bouillante. M. Euller a obfervé, comme je l'ai dit ,que l’évaporation eft la'caufe de l'augmentation du froid; il a cependant remarqué que le froid , ainfi que lévaporation, cefloient lorfqu’il ne s’élevoit plus aucunes bulles. M. Homberg a pareillement obfervé que les liqueurs volatiles placées dans le vuide, perdoient beaucoup plus de leur poids dans le com- mencement, & tandis que les bulles s’élevoient, que lorfqu’elles ceflent d'en produire; ce qui lui a fait croire que l’évaporation qui fe fait dans le vuide , eft caufée par les bulles d’air qui fe dégagent des liqueurs : c’eft auffi la feule raifon de tous les Phyficiens qui attribuent l'évaporation à l'air; mais l'expérience faite dans un récipient plein d'air , démontre que ce n’eft pas par la privation de bulles d’air qué l'évaporation cefle, mais parce que l’efpace dans lequel elle fe fair, étant rempli de vapeurs , en eft faturé. L’évaporation d’un efprit volatil que J'avois placé fous le même récipient, produifit aufli le froid peu- à-peu, ce que j’apperçus à la liqueur d’un thermomètre que j'y avois plongé ; cette liqueur baifla d’abord confidérablement, mais étant parvenue au dernier degré d’abaiflement , elle remonta encore peu-à- peu, & fe mit à-peu-près au degré de la température de Pair. Ce qui prouva que ce n’étoit pas par le défaut de parties volatiles que cette liqueur étoit remontée, c’eft qu'ayant ôté le récipient , lévapo- ration fe rétablit, & la liqueur baifla de nouveau. Le froid produit fous ce récipient plein d'air & bien fermé, étoit d'autant moins grand & de moindre durée (toutes chofes égales d’ailleurs) , que la capacité du récipient étoit plus petite; de forte que les liqueurs les plus volatiles, telles que l’efprit volatil de fek ammoniac fait avec la chaux, placées fous un fort petit récipient, ne JUILLET 1772, Tome IL. 238 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, produifirent aucun degré de froid: d’où il réfulte que c’eft l'évapo- ration qui eft la caufe de ce froid, & que l’évaporation qui fe fait dans un efpace renfermé , foit vuide , foit plein d’airs cefle lorfque la capacité du récipient eft remplie de vapeurs, & qu’elle en eft pour ainf dire faturée. Comme le froid eft beaucoup plus fort dans un air raréfié (toutes chofes égales d’ailleurs), fa durée eft moins confidérable que dans un air plus condenfé, & la liqueur du thermomètre remonte beaucoup plus vite au degré de température de l’athmofphère ; de forte que la durée du froid produit par l’évaporation eft d’autant plus grande, qu'elle fe fait dans un air plus condenfé , & que fuivant le réfultat des expériences , à la vérité peu exa@tes, que j'ai faites fur ce fujet jufqu’au moment préfent , cette durée augmente en plus grande proportion que la denfité de l'air. Je me fervois dans ces expériences de l’efprit volatil de fel ammoniac, dont la volatilité diminue à mefure que les parties les plus fubtiles s’évaporent, de forte que le froid étoit dimi- nué , non-feulement par le retardement de lévaporation caufé par les vapeurs ambiantes, mais encore par le défaut de parties volatiles. Il eùt été néceffaire d’employer dans ces recherches une liqueur uniformément volatile, pour décider quel eft le degré du froid & fa durée relativement aux divers degrés de denfité de Pair. Il réfulte cepen- dant de ce que j'ai dit, que plus l’air eft denfe, plus il réfifte à l’évaporation; & que cette réfiftance augmente en plus grande proportion (touteschofes égales d’ailleurs), que la denfité de l’air. Par la même raifon, le froid doit être moins grand, mais plus durable, parce que les vapeurs s’élevant plus lentement , 1l s'écoule plus de tems avant qu’elles. fe foient ramaflées en aflez grande quantité, pour empêcher les nouvelles vapeurs de s'élever. Comme un efpace donné, foit vuide, foit plein d'air, eft plus ou moins propre à recevoir de nouvelles vapeurs, fuivant qu'il en eft déjà rempli , ce qui retarde l’évaporation ; de même l’on conçoit pour- quoi les corps humides que l’on expofe à l’air pendant un tems humide, font moins réfroidis par l’évaporation de l'humeur qu'ils contenoient, que pendant un tems fec; pourquoi le vent qui renouvelle continuellement l'air qui environne les corps qui s’évaporent, augmente l’évaporation & le froid qui en eft la fuite; pourquoi la chaleur du feu ne fèche prefque pas plus vite les corps humides, que le vent qui renouvelle fans cefle l'air autour d’eux; pourquoi enfin l’eau faturée par du fel qu’elle a diffous, & l'acide nitreux verfé fur une leffive de fel de tartre placé dans le vuide , ne forment point des cryftaux. Ce qui démontre que ce n’eft pas le défaut de Pair néceflaire à la formation du nitre qui s’oppole à cette cryftallifation, mais que l’acide nitreux mêlé avec le fel de tartre, loin d’abforber l'air , en produit une grande quantités Ji . D SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 339 Voici une expérience qui prouve que c’eft le défaut d’évaporation qui empêche la formation des cryflaux. Jai pris du fel de tartre fec au lieu de la leflive dont je viens de parler; je lai mêlé avec l’acide nitreux, & il en eft réfulté un vrai nitre même dans le vuide. Comme ce fel de tartre n’étoit pas diflous par leau, mais qu’il étoit dans un état de ficcité, l’évaporation n’étoit pas néceflaire pour féparer le nitre qui feroit formé de fon médiocre diflolvant : car la même quantité d’eau ne peut tenir en diflolution qu’une très-petite quan- tité de ce nitre formé par l'union de l’alkali avec l’acide nitreux, pour empêcher de fe féparer en grande partie de la liqueur, & de fe précipiter fous la forme de nitre. La réfiflance que l'air oppofe aux vapeurs explique pourquoi ces fels ne peuvent fe mêler enfemble; pourquoi une goutte d’eau ren- fermée dans une bouteille, & réduite en vapeurs par l’aétion du feu, en chafle tout l'air qui y étoit contenu; & par la raifon contraire, pourquoi l'air introduit dans un récipient dont on l’avoit pompé, force toutes les vapeurs qui le remplifloient à s’attacher entre fes parois, Ce qui prouve que ce n’eft pas l’air qui eft la caufe de l’évaporation, mais plutôt la feule chaleur qui raréfie les liqueurs ou quelqu’autre ation. l Cependant malgré ces expériences, faites pour prouver que l'air n’eft pas la caufe de l’évaporation , on peut démontrer par plufieurs autres que les vapeurs, fur-tout les vapeurs aqueufes , ne fauroient fe foutenir élevées fans le fecours de l'air; puifque dans le vuide ces vapeurs aqueufes , vues à travers les parois du récipient, reflemblent à une légère rofée qui s'attache à ces parois, & les obfcurcit. C’eft ce qui a fait penfer à M. Homberg que les vapeurs s'élèvent davantage dans l'air que dans le vuide; quoique ce Phyficien eût obfervé que Feau s’évapore plus promptement dans le vuide qu’en plein air, puif que de la terre humide, placée dans l’un & l’autre milieu, fut beau- coup plus fèche, dans un tems donné, dans le vuide que dans l’air : en effet, les vapeurs aqueufes, produites par un degré de chaleur donné, paroïflent avoir une certaine denfité , qui eft caufe qu’elles fe lèvent plus ou moins, fuivant que le fluide dans lequel elles fe forment, eft plus ou moins denfe ; mais cette raréfaétion, cette expanfon des fluides, & ce changement des vapeurs en eau, ne dépendent, ni de la préfence, ni de l’abfence de Pair. Les vapeurs fe féparent donc de l’air dans le vuide , non pas parce qu’elles manquent d’un foutien, mais parce qu’étant moins forcées à fe dilater que l'air , elles fe dilatent moins & abandonnent; à moins qu’étant unies intimement avec lui, & lui étant adhérentes , elles ne foient forcées de fuivre fon expanfon & de s'étendre en tout fens. Il paroît par les expériences de MM. Hughens & Papin , que les vapeurs aqueuies font très-peu élaftiques , même à JUILLET 1772, Tome IL. 240 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, un degré de chaleur médiocre ; & que par conféquent elles ont très= peu de force expanfive, puifque les vapeurs de l’eau bouillante dans le vuide , n’ont pu élever d’une manière fenfble le mercure contenu dans un fiphon attaché au récipient. Voici une autre expérience de Boyle, qui prouve la préfence des vapeurs dans le vuide de Boyle. J’ai mis de l’huile concentrée de vitriol dans une bouteille, dont le col étroit fort étroit; j'ai ajouté, au côté de cette bouteille, un cylindre de verre, dans la cavité duquel j'ai fufpendu un thermomètre : cet appareil fut placé fous le récipient pneumatique ; & après en avoir pompé l'air, j'ai laiflé le tout en cet état pendant une heure , après laquelle jai verfé l'huile de vitriol de la bouteille dans le vafe cylindrique. La boule du thermomètre étant plongée dans l’huile , je vis monter la liqueur du feize au vingt-unième degré, divifion de M. de Réaumur, où elle fe maintint pendant un efpace de tems très-fenfible, Il eft bon d’obferver que pour faire cette expé- rience , je trempai les peaux qui couvrent la platine pneumatique dans une matière grafle, & non dans l’eau, afin que le récipient füt plus étroitement uni à la platine. D’où il réfulte que les vapeurs fubfiftoient encore dans un récipient vuide d’air depuis une heure, tandis que l'huile de. vitriol avoit été fort échauffée, & pendant long-tems. Nous avons démontré que cette chaleur ne pouvoit être attribuée qu’à l’attrac- tion des vapeurs aqueufes ; il en réfulte encore que les vapeurs aqueufes n’ont pas befoin du foutien de l’air pour perfifter. Pourquoi les vapeurs qui s'élèvent dans l'air, du mêlange de l'huile de vitriol avec le fel ammoniac, {ont-elles chaudes; & pourquoi, felon Mufchembroek, celles qui s’élèvent dans le vuide, n’ont-elles aucun degré de chaleur ? Nous avons prouvé que la chaleur des premières dépend des vapeurs humides avec lefquelles elles fe mêlent; ne réfulteroit-1l pas de-là que dans le vuide il ne refte aucunes vapeurs aqueufes, par le mêlange defquelles lacide du fel ammoniac qui s’évapore puifle être échauffe. Je répéterai l’expérience de Mufchembroek , pour en porter un jugement plus certain. Ce Phyficien laifla pendant une heure trois drachmes d’huile de vitriol dans le vuide du récipient, avant de la verler fur une drachme de fel ammoniac , apparemment pour que cette huile fe miît au degré de la température de l’air ambiant; ayant enfuite répandu Phuile fur le fel, & ayant expofé à fes vapeurs un thermomètre de Farenheit, la chaleur n’augmenta que de trois degrés , & ne fe montra que fort tard, c’eft-à-dire, fur la fin de l’effervefcence : ayant plongé le même thermomètre dans le mêlange, la liqueur baiïfla d’abord de vingt- un degrés; & l’efervefcence finie, il remonta de nouveau de fept degrés, tandis que la même dofe d’huile de vitriol étant vertée fur une double dofe de fel en plein air, le thermomètre plongé dans le mêlange montra feulement douze degrés de réfrigération ; & expofé aux er , a SUR%L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 241 la chaleur augmenta de dix ; ce qui prouve que l’effervefcence a été plus froide dans le vuide qui contenoit moins d’exhalaifons chaudes, qu'en plein air. Si l’on fait attention que plus l'huile de vüriol eft délayée , plus l’effervefcence qu'il fait avec le fel ammoniac ef froide, & par conféquent elle répand moins d’exhalaifons chaudes, on fera porté à conjeäurer que l'huile de vitriol que Mufchembroek a employée dans le vuide , étoit plus délayée que celle dont'il s’eft fervi en plein air. Ileft aifé de deviner comment cette huile auroit pu fe délayer davantage ; comme elle a reflé dans le vuide pendant une heure dans une bouteille débouchée, elle a pu l'être par l’abforption de l'humidité répandue fous le récipient , fur-tout sl étoit grand , le temps humide , & le gouleau de la bouteille large; ou bien, s’il avoit employé des peaux humides pour unir le récipient à la platine, parce que les nou= velles vapeurs qui s’élevoient à chaque inftant de ces peaux, fuccédoient à celles qui étoient abforbées par l’huile. Ces remarques m’obligèrent à faire quelques changemens dans mon procédé, en répétant la même expérience. Voici comme je m'y fuis pris. J'ai verfé trois drachmes d'huile de vitriol , fufhfamment concentrée dans une bouteille, dont le col étoit fort étroit ; j'ai mis une drachme de fel ammoniac dans un vaifleau de verre cylindrique, ajufté à un double thermomètre, dont l’un defcendoit plus bas, afin que je puñfle le plonger dans le mêlange ; & l’autre étoit plus élevé , afin d’être expofé aux vapeufs. Je mis promp- tement le tont fous le récipient, dont le bord étoit étroitement uni avec la platine, au moyen des peaux enduites d’une matière grafle ; je pompai l'air dans lefpace de deux minutes, & le tout fut laiffé dans le même état pendant une heure, l'inclinai enfuite la bouteille, & je verfai l'huile fur le fel ammoniac, & je continuai l'expérience comme je lai annoncée ci-deflus, avec cette feule différence que j'intro- duifois l’air avant que le mélange füt achevé. Dans l’une & l’autre expérience, les vapeurs produifirent le même degré de chaleur ; leur durée, par la même raïfon, fut la même; fon augmentation fe fit aux mêmes intervalles, ainfi que fa diminution : de forte que dans l’une & dans l’autre, le thermomètre ,expofé à ces vapeurs, monta d’abord au fixième & feptième degré de chaleur; & fur la fin du mélange, il s'éleva jufqu’eu dixième, divifion de M. de Réaumur. Le froid fut auf à-peu-près le même dans l'une & dans l’autre expérience; c’eft-à-dire , de trois degrés dans le vuide, & de deux feulement dans un récipient plein d'air. Dans lune & dans l’autre , le thermomètre plongé dans le mélange ( l’effervefcence étant finie), remontoit non-feulement au degré de la température, mais encore, il la furpañloit de trois ou quatre degrés : de forte que dans le même tems que le thermomètre expofé aux vapeurs fe réfroidifloit, celui qui étoit plongé dans le mêlange s’échauffoit. D'où il réfulte évidemment que les vapeurs du fel ammoniac qui JUILLET 1772, Tome IL. 242 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, s'élèvent dans le vuide même, font chaudes, & que par conféquent elles laiflent des vapeurs humides, répandues dans ce vuide, qui font encore une heure après que le fel en a été retiré. Il paroît évident que la différence du réfultat de lexpérience de Mufchem- broek doit être attribuée aux vapeurs aqueufes abforbées par l’huile de vitriol dans le tems ; qu'avant le mélange cette huile avoit refté fous un récipient vuide, & avoit eu le tems d’être délayée par ces vapeurs. Enfin, cette chaleur furvenue au mêlange après que l’effervefcence fut finie, & dans le tems que le thermomètre expofé aux vapeurs s’étoit réfroidi, prouve évidemment que dans l'expérience de Mufchem- brock, la chaleur de ce thermomètre ne lui étoit pas communiquée par le mêlange, comme Hales le fouçonne ; d’ailleurs, fuivant la même expérience de Mufchembroek, le thermomètre de Farenheit expolé aux vapeurs, étoit monté du foixante-fept au foixante-neuvième degré de chaleur, tandis que le mêlange n’étoit encore qu’au cinquante- huitième degré; il n’a donc pas pu communiquer fa chaleur au ther- momètre , puifque non-feulement il n’étoit pas auffi chaud que lui; mais encore 1l étoit de neuf degrés plus froid, que le milieu dans lequel il fe trouvoit. Il eft aifé de connoïitre la raifon de la chaleur qu’acquiert ce mêlange après la fin de l’effervefcence, fi l’on fait atten- tion qu’il faut deux parties de fel ammoniac, pour en faturer une d’huile de vitriol ; par conféquent , dans mon expérience , ainfi que dans celle que Mufchembroek a faite dans le vuide, n’y ayant qu'une feule drachme de fel ammoniac, fur trois d'huile de vitriol, ces dofes étoient fort éloignées de la proportion requife pour la faturation de l'huile. C’eft pourquoi , dans ces expériences, une partie de ce mélange a produit le fel ammoniac fecret de Glauber , qui ne pouvoit plus s’'échauffer par l’abforption de l’humide ambiant; mais la partie qui a reflé libre, a continué d’abforber les vapeurs ambiantes, & après la fin du froid pro- duit par la diflolution du fel ammoniac, elle a engendré une nouvelle chaleur. En conféquence, il n’eft pas furprenant que cette effervefcence froide s’échauffe tout-à-coup, fi l’on verfe un peu d’eau par deflus. Mais Mufchembroek ayant fait fon expérience en plein air, avec des dofes égales de fel ammoniac & d’huile de vitriol, la quantité d'huile de vitriol qui eft reftée après lPeffervefcence, aura pu être moindre, & par conféquent produire moins de chaleur; ce qui a peut-être donné lieu au filence de ce Phyfcien fur cet objet. En fuppofant donc que l’évaporation eft plus prompte & plus grande dans le vuide, on trouvera facilement la folution de certains problèmes, jufqu’à préfenc très-difiiciles. Pourquoi, par exemple, l’acide nitreux, mêlé avec lefprit de vin, diflont le fer avec ébullition dans le vuide , tandis qu'il n'arrive rien de femblable en plein air, parce que cet acide eft aifoibli SURIL'HIST NATURELLE-ET LES ARTS. 243 par l'efprit-de-vin qu'on y ajoute; au lièu que dans le vuide, l’efprit-de- vin étant beaucoup plutôt évaporé, l’eau-forte recouvre plutôt fa pro- riété d'agir fur le fer. La prompte évaporation de l’efprit-de-vin mêlé N l'acide nitreux dans le vuide, dans la produ@ion d'aucune bulle, prouve ce que j’ai avancé ci-deffus, que les bulles ne font pas la caufe de la promptitude de l’évaporation dans le vuide. Elle dépend peut-être de quelque caufe pareille à celle par laquelle les acides font diflous dans le vuide par Pattraétion de l’humide qui les environne. On doit auf attribuer les divers phénomènes des autres diflolutions qui fe font, foit dans le vuide , foit dans l'air , aux parties volatiles qui s'élèvent de diverfes menftrues. U Les Phyficiens ont obfervé que tous les fluides font fufceptibles d’une chaleur plus ou moins forte, avant de parvenir au degré de lébullition , & que cette chaleur ne répond ni à leur denfité, ni à leur cara@tère huileux, ni à la petitefle de leurs parties; mais qu’elle varie, fuivant que ces liquides font plus ou moins volatils : en effet, fi l’on fait attention que l’huile d'olive eft fufceptible d’une chaleur de fix -cents degrés , fuivant le thermomètre de Farenheit, avant de bouillir; & fuivant M. Martine, elle ne bout même jamais; mais fi on la met fur le feu , elle continue à s’'échauffer, jufqu’à ce qu’elle s’allume. Les huiles diftillées font fufcepribles d’une chaleur de $6o degrés; l’eau la plus groffière, après l’évaporation de fes parties les plus légères, de 212; lefprit-de-vin, de 175 ; & enfin, l’efprit volatil de fel am- moniac, préparé avec la chaux, de 159. Si on confidère que le degré de froid produit dans les expériences de M. Euller par ces mêmes liqueurs, a fuivi à-peu-près,le même rapport, on trouvera que les divèrs degrés de chaleur des liqueurs bouillantes, ainfi que les divers degrésde froid produits par ces mêmes liqueurs dans les expériences citées, ne dépendent que des différens degrés de fixité ou de volati- lité de ces liquides; & que par conféquent les liquides ne bouillent que lorfqu'ils ne peuvent plus augmenter en chaleur; c’eft-à-dire, lorfque lévaporation produite par la chaleur eft augmentée à tel point, qu'ils perdent de leur chaleur à proportion qu'ils en acquièrent de nouvelles. Voilà pourquoi dans la Machine à Papin, où les vapeurs font retenues , les liquides peuvent être échauffés à l'infini. L’air eft donc un obftacle à l’évaporation, ainfi que je Pai dit ci- deflus , & il la retarde plus ou moins, fuivant fa denfité, püifqu’elle fe fait plus librement dans le vuide; ce qui explique pourquoi la chaleur des liqueurs bouillantes eft plus grande en raifon de l’élévaz tion comparée du mercure dans le baromètre, & pourquoi elle eft très-foible dans le vuide. Suivant Newton , le poids de l’athmofphère empêche les vapeurs de s'élever, & l’eau de bouillir , jufqu’à ce qu'elle ait acquis un degré de chaleur beaucoup plus fort que celui qui feroit JUILLET 1772, Tome II. Hhi] 244 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, néceflaire pour la faire bouillir dans le vuide; puifque fuivant Boer- rhaave & Mufchembroek, l’eau bout dans le vuide à 96 degrés du thermomètre de Farenheit. Quelques Phyficiens attribuent la prompte ébullition des fluides dans le vuide, de même que lévaporation, à l'éruption de l'air. Cependant, on ne doit pas confondre le mouve- ment inteflin qui fe fait dans l’ébullition, avec celui que produit l'air en s’échappant; car quoique dans l’ébullition il s'élève de femblables bulles d'air, il ne forme cependant pas des ondes, comme celui qui fort des liquides lors du pompement ; d'ailleurs, l'air qui s’échappe n'empêche pas les liquides de contraéter une chaleur plus forte : or., les liquides bouillants, même dans le vuide, ne fauroient s’échauffer davantage: & en général, ils font fufceptibles d’une chaleur d’autant plus grande que le poids de l’athmophère eft plus fort; cette chaleur eft moins confidérable fur le fommet des montagnes: enfin, ébullition des liquides, même dans le vuide, eft plus prompte ou plus tardi- ve, felon qu'ils font plus ou moins volatils; ce qui fait que certains Hiquides n’y bouillent qu'après une chaleur exceflive , quoiqu'ils ren- dent une quantité d’air confidérable; tandis que d’autres qui ne con- tiennent prefque point d'air, & l’eau même qui en a été débarraflée par une ébullition précédente, n’ont eu befoin que d’une. très-légère chaleur pour bouillir. Enfin , J'ai cherché pourquoi certains corps folides fe refroidiffent plus tard dans le vuide, qu’en plein air; & pourquoi certains flui- des, comme l’eau par exemple, éprouvent le contraire. La folution de ce problême fe trouve dans ce que j'ai déja dit: c’eft-à-dire, que le refroidiflement des corps folides & fixes n'étant que la diffipation égale de la chaleur, doit être moindre dans le vuide ; au lieu que le refroidiffement des liquides dépend, non-feulement de cette+difipa- tion, mais encore de l’évaporation : or, l’évaporation eft plus forte dans le vuide; par conféquent , la promptitude du refroidiffement produite par l’évaporation, pourra non-feulement compenfer , mais même furmonter la lenteur de celle qui dépend de la diffipation égale de la chaleur. En effet, j'ai renfermé une boule de thermomètre pleine de mercure dans une fphère de verre, de manière que la boule occupät le centre ; j'ai pompé l'air contenu dans la fphère, à laide d’un tuyau de verre qui étoit adapté à un côté; je lai plongée enfuite dans l'eau bouillante pour la faire chauffer également; le mercure étant monté au 7o°. degré, calcul de M. de Réaumur, j'ai plongé le tout dans une eau d’une chaleur égale à la température de Fathmofphère , c’eft à-dire , de 10 degrés au-deflus de o; le mercure defcendit au 20°. degré, dans l’efpace de 14 minutes & demie : je répctai la même expérience, avec cette feule différence que j'intro- duifis l’air dans la fphère, & la boule fut refroidie en neuf minutes SUR L'HIST. NATURELEE ET LES-ARTS. 24$ & demie, d’où 1l réfulte que le vif-argent qu’on met dans les ther- momètres, au contraire de l’eau, fe refroidit plus tard dans le vuide que dans l'air, foit parce qu'il eft plus fixe, foit parce qu’étant ren- fermé dans le thermomètre il ne fauroit s'évaporer , quand même il feroit beaucoup plus volatil. De-l, il paroît vraifemblable que les autres fluides , foit fixes, comme les huiles qu'on obtient par expref- fion, foit volatiis, fi on les renferme dans des vaifleaux, de forre qu'ils ne puiflent pas s’évaporer, fe refroidiroient plus tard dans le vuide que dans l’air; 1l en eft de même pour Îles corps folides. Comme le refroidiflement caufé par l'évaporation paroît dépendre de ce que la chaleur des liqueurs volatiles eft plutôt diflipée en vapeurs qu’elle n’eft réparée par les corps qui l’environnent, j'ai cher- ché quels font les corps les plus propres à communiquer la chaleur; ce qui me parut, non-feulement propre à éclaircir cette queftion, mais encore à perfeétionner la théorie de la chaleur. En conféquence, Jai verfé parties égales d'huile d'olive, d’alkool & de mercure, féparément dans de petits vaifleaux de terre d’égale grandeur; je les ai mis au degré de la température de l’athmofphère, qui étoit alors à dix degrés au-deflus de o , du thermomètre de M. de Réaumur; J'ai plongé fucceflivement dans chacun de ces vaifleaux un thermomètre plein de mercure échauffé au 70°. degré, & j'ai obfervé que le tems que le mercure mettoit àdefcendre du 70°. au 20°. degré, a été, pour celui placé en plein air, de 10 minutes & 20 fecondes ; dans l'huile d'olive , de og fecondes, ou de 100; dans l’alkoo!, de 443 dans l'eau, de 25, & dans le mercure , de 11. Je répétai la même expérience , & j'obfervai à peine une ou deux fecondes de différence. Le thermo- mètre fut aufli-tôt refroidi dans l’huile d’olive nue , que dans cette même huile recouverte d’une petite quantité d’alkool : par confé- quent , les tems du refroidiflement du mercure dans l'huile, l’akool, l'eau & le vif-argent, furent entr’eux comme les nombres 224, 20, 9» 523 d’où il réfulte 1°. que la perméabilité de ces liquides par la chaleur, n’eft pas à raifon de leur volatilité ou de leur denfité; 2°, que plus les corps font gras, moins ils font propres à tranfmettre la cha- leur , puifque l’eau la communique plutôt que les corps inflammables , & le mercure plutôt que l’eau: ce qui prouve que cette nouvelle &z importante propriété de la chaleur lui eft commune avec le fluide élec- trique, puifque les corps les plus propres à tranfmettre le feu éleäri- que, le font aufli davantage à communiquer la chaleur. Il n’y a qu’une exception, à favoir, que les corps fe refroidiffent plus tard dans le vuide, tandis qu'ils y perdent plutôt l'éleétricité ; cependant, on comprend par-là pourquoi la laine, les poils, & les autres matières qui fonc attachées autour des corps, confervent plus long-tems leur chaleur ; pourquoi le coton conferve plus long-tems le froid produit artificiel- JUILLET 1772, Tome IL. 246 : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . lement ; pourquoi la glace fe fond plutôt dans l’eau, plus tard dans l'huile de térebenthine , plus tard dans l'huile d'olive, & très-tard en plein air. Il eft clair que ces fubftances ne diflolvent la glace plus ou moins tard, felon qu’elles font plus ou moins propres à lui commu- niquer la chaleur , puifqu’elles n’agiffent pas fur elle par une vertu corrofive. M. Euller a obfervé que la liqueur renfermée dans le thermomètre placé fous le récipient pneumatique , defcendoit de deux ou trois de- grés après le pompement de l'air; qu’elle fe remettoit enfuite au degré de la température dans le vide même, & que l’air étant intro- duit, elle remontoit encore de deux ou trois degrés: ce phénomène n'a rien de commun avec les précédens, comme chacun peut le voir 3 il n’y a aucune raifon pour que le courant d'air qui entre rapide- ment dans le récipient échauffe le thermomètre , tandis que la légère agitation que le pompement caufe à ce fluide le refroidit. M. Galleati avoit déja obfervé cette dépreffion de la liqueur du thermomètre lors du pompement , & voici de quelle manière il l'explique; l'air qui entoure de tous côtés le verre du thermomètre , dit ce Phyficien, le reflerre tant foit peu; ce reflerrement venant à cefler, le verre fe dilate , & la liqueur contenue baïfle, J'ai trouvé cette opinion con- forme à l’expérience : j’ai également obfervé que la liqueur d’un ther- momètre vuide d'air, baïfle lorfqu’on donne paflage à l'air, en ouvrant l'extrémité fupérieure du tuyau, & que l'équilibre s’établit entre l’air interne & l'air externe par la compreffion du tuyau. La liqueur du thermomètre étant incompreffible , tout l’abaiflement obfervé dans cette expérience , doit être attribué à la dilatation du tuyau. La liqueur ne baïfle pas dans les thermomètres ainfi ouverts, placés dans le vuide, parce que le vuide étant fait, il n’y a aucune preflion ni en dedans, ni en dehors du tuyau. Enfin, M. Boyle a remarqué que l'eau ren- fermée dans un tube ouvert par le bout, & adapté à une boule ovale, defcend d’un quart de travers de doigt , lorfque le tube & la boule à laquelle il eft adapté, font renfermés fous le récipient, & qu’on pompe l'air parce que fa preffion fur la boule ovale diminue , tandis que l'air, rénfermé dans le tube continue d'agir fur la liqueur & à la comprimer contre fes parois: en conféquence l'air étant de nouveau introduit, toute chofe revenoit au premier état; d’où il réfulte que M. Galleati a trouvé la véritable folution de ce problème. Le retour de la liqueur du thermomètre À fon premier degré , qui, fuivant M. Euiler, arrive dans le vuide même, eft une preuve que la chaleur eft tant foit peu augmentée ; de-là vient que l'air étant introduit, la liqueut s'élève autant au-deflus de ce point, qu’elle s’en étoit éloignée par fon _abaiflemént, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 247 SOMMAIRE des Expériences [ur deux efpèces de Spaths fufibles, faites par M. MARGGRAF, Ce mémoire digne à tous égards de la réputation de cet Acadé- micien, plaira aux Connoiffeurs: il renferme des faits neufs, des expé- riences fagement indiquées & exécutées avec foin. Nous avons tâché de les rapprocher les uns des autres; enfin, de ne rapporter que les objets néceflaires & inftruétifs. Plufieurs efpèces de pierres, dit M. Marggraf, font indiquées par les Naturaliftes & par les Mineurs fous la dénomination générale des Jpaths fufibles : mais il s’en faut bien que toutes ces fubftances foient compofées des mêmes principes. Il eft vrai que toutes font employées avec avantage pour faciliter la fufion des métaux qu’on fe propole de dégager des matières étrangères qui leur fervent de gangue ; &r que cette propriété qui leur eft commune , & qui eft eflentielle pour le travail des mines, les a fait confondre fous le nom de fparhs fufibles : cependant, fi on examine la difpofition & la texture de leurs parties, on peut faïfir du premier coup d'œil, des différences fi marquées, qu’elles autoriferoient une divifion de ces fpaths en plufeurs efpèces: Les uns font compolés de lames grouppées enfemble d'une manière fingulière; ces lames n’ont aucune tranfparence , & leur couleur tire fur le blanc de lait. Nous les appellerons ; par les raifons que nous dirons dans la fuite, fpaths fufibles, phofphoriques & Jéléniteux. D'autres affedtent une figure cubique; ils font plus ou moins tranf- parens & diverfement colorés: on les connoït fous le nom de ffuors, de faufles améthyftes, de faufles émeraudes, de faufles topazes, de faufles hyacinthes, &c. fuivant les couleurs dont ils font teints: mais pour les diflinguer de la première efpèce, nous les nommerons fpaths fufibles vitreux. Ces fpaths fe trouvent ordinairement dans les filons des mines, & fervent de matrice aux minéraux qu’ils renferment. Ils font outre cela un peu plus durs que les fpaths phofphoriques , & ils fe laiflent plus difi- cilement entamer par l’acier trempé. ; Il feroit aifé de parcourir les différences apparentes desautres efpèces de fpaths fufibles ; mais nous n’entrerons pas aujourd’hui dans un détail-que peut-être nous publierons dans le tems: nous nous bornerons aë&tuel- lement à fuivre la comparaifon des deux efpèces dont nous avons ébauché le cara@tère; & cette comparaifon roulera fur la nature des principes qui entrent dans leur compoñition, & fur leurs effets. M. Marggraf, ayant par un examen chymique très-circonflancié, fait con- JUILLET 1772, Tome II. 248 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, noître tous ces objets , nous croyons devoir nous attacher à fes opéra: tions &c à leurs réfultats. Après avoir fuivi cette comparaïfon, nous préfenterons les détails des expériences par lefquelles cet habile Chymifte Aétermine les pro- priétés qui caraéterifent les /paths fufibles virreux ; nous réfervons pour le Cahier fuivant, la fuite des expériences que M. Marggraf a faites fur les /paths fufibles phofphoriques , & defquelles il réfulte un carac- tère fpécifique très-précis & très-marqué. Nous avons cru que d’après lPenfemble de ce travail intéreflant , on fentiroit la néceffité de diftin- guer ce que l’on a confondu jufqu’à préfent, & l’on auroit en même tems un modèle de la marche analytique qu’on doit fuivre dans la recherche des principes qui compofent certaines fubftances pierreufes. Effets des Spaths fufibles virreux , comparés avec ceux des Spaths fufibles phofphoriques ou félénireux, 1°. Les fpaths fufbles vitreux foumis au feu jufqu’à l’incandefcence ; jettent quelques étincelles dans l’obfcurité ; mais leur lueur eft fort foible : après quoi ils fe divifent par petits éclats. Les fpaths fufibles pho‘phoriques, {oumis à la même chaleur, jettent une lumière très- vive & très-foncée; enfuite ils fe brifent en plufieurs morceaux, qu’on a beaucoup plus de peine à réduire en poudre , que les éclats des fpaths fufibles vitreux. 2°. La différence de ces deux efpèces de fpaths fufbles, s'annonce encore par d'autres effets très marqués, & qui indiquent des principes d’une nature différente. M. Marggraf foumit l’un & l’autre fpath à la calcination , enfuite il les réduifit en poudre très-fine par la porphiri- fation ; & avec le mucilage de tragacanthe , ou avec la gomme arabi. que, difloute dans l'eau , il en forma une pâte & des pains qu'il fit fécher entièrement, Il les mit par couches avec les charbons, & 1l les calcina de nouveau. Après la calcination & le refroïdiflement, les fpaths fufibles vitreux ne répandirent aucune lumière dans l’obfcurité ni aucune odeur ; au lieu que les fpaths fufibles phofphoriques, paru- rent pénétrés d’une très-vive lumière, & exhaloient une forte odeur de foufre, | 3°. M. Marggraf mêla le fpath fufible phofphorique en poudre avec parties égales d’alkali fixe de tartre ; & après avoir fait rougir ce mé- lange au feu dans un creufet, & l'avoir laiflé refroidir, il-jetta par- deflus de l’eau diftillée. Cette eau fe chargea d’un fel neutre, qui, par la cryfiallifation &z par les épreuves chymiques ordinaires, annonça toutes les propriétés du tartre vitriolé : outre cela, la liqueur avant la diftillation, en paffant par le filtre , y dépofa une terre calcaire; ainfi, ces fortes de fpaths fufbles font une combinaifon de l'acide vitriolique & d’une terre calcaire: ce font des efpèces de élérires. D un 14 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 249 D'un autre côté, cet habile Chymifte plaça dans un creufet deux parties de fpath fufble vitreux, avec une partie de fel alkali fixe, tiré du tartre; il calcina très-fortement ce mélange: après l'avoir leflivé avec de l’eau filtrée , & avoir difpofé la liqueur à la cryftallifation , en la foumettant à une évaporation douce, 1l n’obtint aucun fel: ce qui lui a fait penfer que ce fpath fufible ne contenoit pas l’acide vitriolique combiné avec la terre calcaire, quoiqu'il ne décide rien fur l’état & la nature de la terre qui entre dans la compofition de ce fpath. | 4°. Deux parties de fpath fufñble vitreux, mêlées avec une partie de falpêtre , diftillées dans une retorte de verre, à laquelle on avoit adapté un récipient de la même matière, & pouflées à un feu affez fort , donnèrent d’abord quelques vapeurs rouges, & une liqueur qui étoit l'acide nitreux pur: car avec l’alkali fixe , il forma un nouveau nitre : on ne trouva aucun atôme de tartre vitriolé ; mais le réfidu donna un fel alkali fort cauftique, qui cryftallifa & attira lhumi- dité de l’air, comme lalkali du tartre: Ainfi, l’on voit par ces réful- tats, que le fpath fufble vitreux fournit dans cette opération, une terre qui décompofa réellement le nitre; ce qui n’eft pas étonnant , puifque le fablon, l'argille pure, & d’autres matières qui ne renfer- ment pas l'acide vitriolique, décompofent de même le nitre aflez facilement. Les fpaths fufibles phofphoriques, foumis à la même dif- tillation, ont donné pour réfidu une liqueur , qui, filtrée, éva- porée & cryftallifée , a fourni des cryftaux de tartre vitriolé; ce qui prouve que l'acide vitriolique eft contenu dans cette dernière efpèce. On voit par les réfultats fi différens de deux fubftances qui por- tent le même nom, & qui produifent des effets femblables dans la fonte des mines, que les principes qui entrent dans leur compofition, ne font pas les mêmes à beaucoup près. Ce qui refte à expofer des effets du mêlange des fpaths fufbles vitreux avec les acides, achevera de donner un nouveau caraétère diftin@if. Effets du mélange des Spaths fufibles vitreux avec les acides. 5°. M. Margoraf employa pour ces nouvelles expériences , la faufle émeraude , dont il eut foin de dégager tous les principes calcaires qui y étoient adhérens. Il en calcina feize onces dans un creufet de Heffe , couvert exaétement , & le tint pendant deux heures fur un feu violent. Après le réfroidiflement , la diminution du poids n’alloit qu’à un demi loth, perte très-peu confidérable, & qu'il n’attribue qu’à l'évapora- tion de l’eau que la pierre avoit confervée. Il pila cette pierre, que la calcination avoit rendue prefque tendre, & la réduifit en pouffière JuiLLer 1772, Tome IL. Ti 250 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fort fine; il la lava enfuite dans l’eau & la fit fécher très-exafte- merit. 6°. Huit onces de cette poudre, mêlées avec poids égal d'huile de yitriol d'Angleterre blanche & non-fumante, diftillée par une chaleur graduée, donnèrent, après que la plus grande partie de l’eau eut pañlé, un beau fublimé blanc, qui s’accrut à mefure que Pon augmenta le feu, qui garnit le col de la retorte, & pafla même jufques dans le récipient. Les premières parties qui s’élevèrent, prirent l'apparence d’un beurre d’antimoine: elles fe fondirent comme ce beurre par la chaleur d’un charbon embrafc que l'on approcha du col de la retorte: enfin, ce qui fe fublima furlafin, au plus grand degré de feu, ne fe fondit plus à Papproche des charbons ardens. La retorte ayant été caflée, 1lsy trouva un réfidu de douze onces. M. Marggraf en conclut, que quatre onces d'huile de vitriol s'étoient unies au fpath : le fond de la retorte étoit criblé de trous, ce qui démontre la propriété fondante de ce fpath. Enfin, la liqueur qui avoit pafé dans le récipient , le fublimé blanc qui s’étoit élevé dans le col de la retorte, & qui avoit même pénétré dans le récipient, avoit une odeur de foufre très-fenfible. 7°. Le fublimé trituré long-tems dans un mortier avee de l’eau chaude diftiiée, fut diflous & pañla à travers le filtre; M. Margoraf ayant enfuite verfé de l’alkali fixe de tartre fur la liqueur, il fe forma un précipité qui fut long-tems à defcendre au fond du vafe. Ce préci- pité édulcoré & féché, fe fondit également , foit au creufet , foit au feu de charbon, foit à lampe d'Emailleur, en une mafñle femblable à de la porcelaine. Il étoit refté une poudre légère fur le filtre, & elle n’étoit pas folu- ble dans l’eau. Cette poudre édulcorée & féchée ne fondit pascommela première. ! : 8°. Ce qu'il y a d'étonnant, c’eft que l'acide vitriolique qui rend fixes au feu certains corps qui font volatils par eux-mêmes , tels que L'arfénic & le mercure, produife un effet tout contraire fur une fub{= tance qui d’ailleurs réfifte au feu , & que cet acide volaulife une partie de cette fubftance. 9°. L’acide vitriolique n’eft pas le feul qui volatilife en partie la faufle émeraude. L’acide nitreux, l'acide du fel marin, l’acide phofpho- tique , le vinaigre difüillé & concentré, produifent avec cette pierre les mêmes effets. 10°. Il femmble que Ze volarilifation des fpaths fufibles vitreux par les acides, foit un caraëtère fpécifique qui les diftingue des /paths fufibles phofphoriques ou féléniteux, qui font une combinaifèn d'une terre calcaire € de Pacide visriolique , comme nous le ferons voir plus en détail par la fuite. SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 251 { ; CRIS TEN PESTE RE SERIES IEP SETRETIC PEETI ENT FOER LME SEIENNEE DEPPTPL ENT PES ENT SENTE SRE PEUT: LIFE RAPPORT fait à l'Academie Royale des Sciences, par MM. Fou- F GEROUX , CADET € LAVOISIER, d’une obfervation communiquée par M. l'Abbé BACHELAY , fur une pierre qu'on prétend être tombée du Ciel pendant un orage. * 1 IL n’y a peut-être pas de pierres dont l’hiftoire foit aufli étendue que celle des pierres de tonnerre, fi l’on vouloit raffembler tout ce qui a été écrit à ce fujet par différens Auteurs. On peut en juger par le grand a nombre de fubftances qui portent ce nom; cependant, malgré l'opinion accréditée parmi les Anciens , les vrais Phyficiens ont toujours regardé comme fort douteufe , l'exiftence de ces pierres. On peut confulter à ce fujet un Mémoire de M. Lemery, imprime parmi ceux de l'Académie, année 1700. à Si l’exiftence des pierres de tonnerre a été regardée comme fufpe&te dans un tems où les Phyfciens n’avoient prefque aucune idée de la nature du tonnerre , à plus forte raifon doit-elle le paroïtre aujour- d’hui, que les Phyficiens modernes ont découvert que les effets de ce météore étoient les mêmes que ceux de l’éleétricité. Quoi qu'il en fair, nous allons rapporter fidellement le fait qui nous a été communiqué par M. Bachelay ; nous examinérons enfuite quelles font les conféquences qu'on peut en tirer. Le 13 Septembre 1768, fur les quatre heures & demie du foir, il parut du côté du Château de la Chevalerie, près de Lucé, petite Ville du Maine, une nuage orageux, dans lequel il fe fit entendre un coup de tonnerre fort fec, & à-peu-près femblable à un coup de canon; on entendit à la fuite, dans un efpace d'environ deux lieues & demie, fans appercevoir aucun feu, un-fifflement confidérable dans Pair, & qui imitoit fi bien le mugiflement d’un bœuf, que plufeurs perfonnes y furent trompées. Enñn, plufñeurs Particuliers qui travailloient à la ré- colte, dans la Paroïfle dé Perigué, à trois lieues environ de Lucé, ayant entendu le même bruit, régardèrent en haut & virent un corps | opaque qui décrivoit une ligne courbe, & qui alla tomber fur une à peloufe dans le grand chemin du Mans, auprès duquel ils travailloient ; tous y accoururent promptement, & trouvèrent une efpèce de pierre, dont environ la moitié étoit enfoncée dans la terre: mais elle étoit fi chaude & fi brûlante, qu'il n’étoit pas poffible d’y toucher. Alors ils furent tons faifis de frayeur & prirent la fuite ; mais étant revenus quelqhe tems après, ils virent qu’elle n’avoit pas change de place, & ils la trouvèrent aflez refroïdie pour pouvoir la manier & l’examiner de plus près. Cette pierre pefoit fept livres & demie : elle étoit de JUILLET 1772, Tome 11. Tii 252 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, forme triangulaire , c’eft-à-dire, qu’elle préfentoit trois efpèces de corn.s arrondies, dont une dans le moment de la chûte étoit entrée dans le gazon. Toute la partie qui étoit entrée dans la terre étoit de couleur gfife ou cendrée, tandis que le refte qui étoit expofé à l’air étoit extrèmement noir. M. l'Abbé Bachelay s'étant procuré un morceau de cette pierre, il Va préfenté à l’Académie, & il a paru defirer en même tems qu’on en déterminät la nature. Nous allons rendre compte des expériences que nous avons faites dans cette vue; elles nous aideront à détermi- ner ce qu’on doit penfer d’un fait aufli fingulier. La fubftance de cette pierre eft d’un gris cendré pâle ; lorfqu’on en regarde le grain à la loupe, on apperçoit que cette pierre eft parfe- mée d’une infinité de petits points brillans métalliques , d’un jaune pâle; fa furface extérieure , celle qui , fuivant M. l'Abbé Bachelay, n'étoit point engagée dans la terre, étoit couverte d’une petite couche très- mince , d’une matière noire, bourfoufflée dans des endroits, & qui paroifloit avoir été fondue. Cette pierre frappée dans l’intérieur avec l'acier, ne donnoit aucune étincelle; fi on frappoit au contraire fur la petite couche extérieure, qui paroïfloit avoir été attaquée par le feu, on parvenoit à en tirer quelques-unes. Nous avons d’abord foumis cette pierre à l'épreuve de la balance hidroftatique , & nous avons obfervé qu’elle perdoit à-peu-près dans l'eau les deux feptièmes de fon poids, ou plus exaétement , que fa pefanteur fpécifique étoit à celle de l’eau, dans le rapport de 353$ à 1000. Cette pefanteur étoit déjà beaucoup fupérieure à celle des pierres filicueufes; elle nous annonçoit par conféquent une quantité de parties métalliques affez confidérable. Cette pierre ayant été réduite en poudre, elle a d’abord été com- binée à crud avec le flux noir, & nous avons obtenu un verre noir, tout-à-fait femblable en apparence à la’croûte qui couvroit toute la furface de la pierre. Une portion de la même pierre a été mife dans une écuelle à calciner ; elle a d’abord fubi une chaleur beaucoup fupé- rieure à celle de l’eau bouillante, fans qu'il fe foit élevé aucune vapeur fulfureufe : mais lorfque la matière a approché du point où elle a commencé à rougir , alors le foufre s’eft dégagé en abondance, & nous fommes parvenus à en féparer la totalité fans être obligés à hauffer beaucoup le degré de feu. La calcination ayant été faite, nous avons procédé à la réduétion afin d'obtenir la partie métallique ; nous avons mêlé à cet effet, dans un creufet, une partie de la pierre réduite en poudre & calcinée avec quatre parties de flux noir, & nous avons pouffé le feu, dans un four- neau à vent, jufqu'à ce que tout fût exaétement fondu. Nous avons alors retiré le creufet du feu ; & l'ayant caflé après toutefois que les 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 253 matières ont été refroidies, nous n'avons trouvé qu'une mafle alkaline noire; d'où nous avons cru pouvoir préfumer que le métal con- tenu dans cette pierre étoit du fer, & qu'il s’étoit combiné avec l'alkali. N'ayant pu parvenir à féparer les parties métalliques par la voie fèche , nous avons eu recours à la voie humide. Nous avons obfervé d’abord en général , ainfi que M. l’Abbé Bachelay l'annonce , que l’a- cide nitreux n’avoit prefque point d’aétion fur cette pierre ; que l’a- cide vitriolique & marin en avoit au contraire une beaucoup plus grande ; qu’elle y excitoit une petite effervefcence , accompagnée d’un dégagement d’odeur de foie de foufre; mais beaucoup plus confidé- rable lorfque l'expérience a été faite par l’acide marin, que par l'acide vitriolique ; enfin, que cette pierre mife de nouveau dans ces deux acides s’y divifoit, & fe rédufoit en parties extrêmement fines, qui, mêlées avec de petites bulles d’air qui s’étoient dégagées, donnoient à la liqueur furnageante, une apparence gelatineufe. Ce phénomène s’obferve dans un grand nombre de diflolutions, & fur-tout dans celles qui fe font par l'acide marin. Nous étant ainfi aflurés que les acides agifloient fur cette pierre, nous avons cru devoir profiter de cette circonftance, pour féparer, par la voie humide les diflérentes fubftances dont elle étoit compofée, & pour compléter ce qui nous avoit manqué par la voie fèche. Nous avons pris en conféquence deux gros de cette pierre en poudre ; nous avons verfé deflus de l'acide vitriolique : il s’eft excité d’abord une efervefcence aflez vive ; mais bientôt elleis’eft ralentie, & a duré ainf pendant plufieurs jours, Lorfqu’elle a été entièrement paflée , nous avons décanté la liqueur furnageante ; & l'ayant mife à évaporer , nous en avons retiré des cryftaux de vitriol martial à lofanges, aflez régu- liers , imprégnés d’une quantité d’eau mère affez confidérable : le réfidu ayant été pefé & lavé , il s’eft trouvé diminué de 52 gr., c’eft-à-dire, qu'il ne pefoit plus qu'un gros 20 grains. Le vitriol que nous avons obtenu de cette opération, ayant été rediflous dans l’eau , & combiné avec de l’alkali fixe , faturé de matière colorante par la méthode de M: Macquer, nous en avons retiré un gros 40 grains. de Bleu .de Prufle: la liqueur furnageante nous a paru contenir quelques veftiges d’alun. Il nous reftoit à examiner enfuite quelle étoit la matière de la terre reftante, après que le fer en avoit été féparé. Nous l'avons calcinée à cet effet à petit feu, 1ls’eft féparé pendant cette opération beaucoup de va- peurs fulfureufes ; après quoi ayant pefé la matière , ilne s’eftplus trouvé qu'un gros 8 grains. Ce réfidu ne nous a paru être autre chofe qu'une terre vitrifiable , très-divifée. Nous concluons de la comparaifon JUILLET 1772, Tome IL. °2$4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de ces différentes expériences, que cent grains de la pierre préfentée à l’Académie par M. Bachelay , contenoit, 1°... . 8 grains : de foufre, Bee RUN ali NUe tel 3° + «+ 55 +. «+ .= de terre vitnifiable, Tor... 100 grains. Il nous refle maintenant à examiner ce qui réfulte des connoiffances À que nous avons acquifes par cette analyfe ; il nous a paru d’abord que cette pierre n'avoit pas été expofée à un degré de chaleur bien con- fidérable, ni bien long-tems continué. Nous avons vu en effet qu’elle fe décompofoit à un degré de chaleur, inférieur à celui qui la faifoit rougir; fi donc elle avoit été fortement échauffée, elle auroit dû nous parvenir dans un état de décompofition, & dépouillée de tout fon foufre. Nous croyons donc pouvoir conclure d’après la feule analyfe, & indépendamment d'un grand nombre d’autres raifons qu’il feroit inutile de détailler, que la pierre préfentée par M. Bachelay , ne doit point : fon origine au tonnerre ; qu’elle n'eft point tombée du Ciel; qu'elle n’a pas été formée par des matières minérales , miles en fufñon par le feu du tonnerre, comme on auroit pu le préfumer; que cette pierre n'eft autre chofe qu’une efpèce de grès pyriteux, qui n’a rien de’parti- culicr , fi ce n’eft l'odeur hépatique qui sen exhale pendant la diffo- ! lution par l'acide marin: ce phénomène en effet n’a pas lieu dans la diflolurion des pyrites ordinaires ; l'opinion qui nous paroît la plus pro- bable, celle qui cadre le mieux avec les principesreçus en Phyfique avec les faits rapportés par M. l'Abbé Bachelay , & avec nos proprés expé- riences, c’eft que cette pierre, qui peut-être étroit couverte d'une Le petite couche de terre ou de gazon, aura été frappée par le foudre, & qu'elle aura été ainfi mife en évidence : la chaleur aura été aflez grande pour fondre la fuperficie de la partie frappée ; mais elle n'aura pas été aflez long tems continuée pour pouvoir pénétrer dans l'intérieur; c'eft ce qui fait que la pierre n’a point été décompolée. La quantité de matières métalliques qu’elle contenoit, en oppofant moins de réfiftance qu’un autre corps au courant de matière électrique, aura peut-être pu | contribuer mêmeà déterminer la dire@tion de la foudre ; on oblerve en effet qu’elle fe porte plus volontiers vers les corps qui font les plus éleëtrifables par communication: Nous ne devons pas later igno- rer ici une circonftance aflez fingulière ; M. Morand le fils, nous ayant remis un fragment de pierre des environs de Coutances, qu'on pré- tendoit également être tombé du Ciel , il s’eft trouvé à très-peu de chofe pres de la même nature que celie de M. l'Abbé Bichelay ; c’eft de même un grès parfemé de point de pyrite martiale ,. &c elle ne.dif- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 25% fère de l’autre, qu'en ce qu’elle ne donne point d’odeur de foie de foufre avec l’efprit de fel. Nous ne croyons pas qu’on puiffe conclure autre chofe de cette reflemblance, finon que le tonnerre tombe de - préférence fur les matières pyriteufes, LETTRE écrite à M. AUDON, Doëteur en Médecine de la Faculté de Montpellier. Ness JE m'étois occupé avec le Public du jeune Hydrofcope ; mais je me gardois bien de vouloir expliquer des phénomènes qui ne paroifloient pas affez rigoureufement conftatés. Un Naturalifte doit être timide ; nous nous fouvenons encore avec quelque confufon de l’hiftoire de la dent d’or. Dans cette incertitude, M. de Faujas , premier Juge de Montelimart, m'écrivit fucceflivement deux Lettres très - détaillées fur l’objet de mes doutes; je me félicitai qu'un homme d’efprit philofophe vint m'inftruire fur des myftères que la faine Phyfique paroïfloit dé- favouer. J'ai vu par ces Leitres que cet Enfant s’étoit trompé bien des fois: après avoir indiqué les routes d’une eau fouterraine , il Jui eft arrivé de s écarter du même chemin quand on a voulu le faire revenir fur fes pas; des fignaux placés à fon infgu, ont été des pièces de con- viéion contre lui. Il affura dernièrement, que dans un tel endroit, près d’un Château où on l’avoit méné, à quelque diftance de Monte- limart, il y avoit une très-eroffe fource ; mais qu’elle étoit fi près de la fuperficie de la terre, qu’il ne pouvoit pas en déterminer la profon- deur : elle eft, dit-1l, tout au plus à deux pieds; on a creufé jufqu'& dix pieds, & on n’a rien trouvé. Vous voyez, Monfieur , avec quelle circonfpeäion on doit difcuter les faits : cependant, il faut être jufte ; on ne peut nier que cet Enfant n'ait fuivi le trajet fouterrain des fontaines connues , quelque prolongé qu'il fût, & quoique les tuyaux fuffent recouverts de terre ou de maçonnerie. [ci, a-t-il dit, la fource eft groffe comme le bras; là, comme la jambe ; fous cette pierre, elle fe divife en deux ; dans cet efpace, eft un magafin d’eau, Ces affertions ont toujours été confor- mes à la vérité; &a1la toujours fuivi la fontaine jufqu’au lieu où elle fe montroit , foit vers fon débouché, foit vers fa fource. Ces faits in- conteftables prouvent invinciblement que cet Enfant eft doué d’une fa- culté particulière pour la connoïffance des eaux cachées; & cette certi- tude eft très-capable de nous faire foupçonner que les miracles, quoi- JUILLET 1772, Tome IL. 256 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que moins conftatés, qu’on lui attribue, ne font pas tout-à-fait fuppofés. Mais cet Enfant voit-il réellement de fes yeux les eaux enfevelies fous plufieurs pieds de terre ou de rocher? Je re le crois point , Monfieur; & je vous dis fans peine mon fentiment à ce fujet, puif- que vous me le demandez. Pour voir un objet, il faut néceffairement que cet objet reçoive la lumière , & qu'il foit à portée de la renvoyer à l’œil ; or, l’eau, à plufieurs pieds fous terre, ne peut ni recevoir la lumière, ni la tranfmette; donc on ne peut pas voir l’eau fous terre. Je conclus de cette démonfiration, que les eaux fouterraines ne vont point fe peindre fur la rétine de ce prétendu Hydrofcope, ce qui eft cependant indifpenfable pour parvenir à ce que nous appellons voir. On pourroit me dire, d'après Vitruve & le Père Kirker , que les vapeurs invifibles pour nous , & vifibles pour cet Enfant, lui procurent la vue des eaux cachées qui les exhalent, Je ne fais fi je dois croire que cet Enfant puifle voir des vapeurs que nous ne voyons pas; mais en le fuppofant, je réponds, que voir les exhalaïifons de l'eau, & voir l’eau elle-même, font deux chofes très-différentes. Par la vue des vapeurs, on peut très-bien juger de l’exiftence de l’eau : mais il ne s’agit là que d’un jugement, & non point d’une fenfation; & je me borne à foutenir que l'Enfant ne vois point les eaux inconnues comme il le prétend. Il s’agit cependant d'expliquer en quoi confifte le fingulier rapport de cet individu avec les fources cachées: voici, Monfieur, les con- Jeures que je hafarde là-deflus. Plufeurs hommes fontaffeétés plus ou moins par fa préfence des eaux fouterraines ; la magie apparente de la baguette dont j'ai vu les opéra- tions, ne laifle aucun doute là-deflus (1) : dans l’état de maladie, l’alté- ration de certains fucs nous rend tous fenfibles à l'impreffion des eaux qui font à découvert , témoins les effroyables effets de la rage. Sur ces principes, je penfe que l’'Hydrofcope prétendu a, dans un degré émi- nent, la faculté d’être fenfible à l’eau; fans inftrument , fans baguette, il fent en lui-même un mouvement dont la baguette feule rend fuf- ceptibles les fourciers communs (2); l’ébranlement général qu’il éprouve doit porter chez lui fur tout le fyftême nerveux, & vraifemblable- ment les nerfs optiques font plus vigoureufement affeétés que les au- tres: delà, il reffent fur les yeux, à la préfence de l’eau, une impref- fion particulière qu’il appelle voir, quoique certainement l’objet ne fe peigne point fur fa rétine ; & cette impreffion fufit pour qu’il défigne (1) Suppoñtion qui n’eft prouvée par aucun fait inconçeftable, (2) Ce qui eft encore à prouver. avec SUR L'HIST. NATURELLE ÉT LES ARTS. 257 avec aflez de certitude, les fources cachées, malgré l'erreur où il tombe lui-même fans le favoir, en difant qu'il les voir. Combien de fois, dans certaines maladies, n’aflure-t-on pas voir tel ou tel objet, qui évidemment ne peut point frapper la vue? D'ailleurs, Monfeur, il nous importe fort peu que cet Enfant voie les fources, ou qu'il en fente feulement les impreffions. Il fuffit que certe faculté, quelle qu’elle foit, puifle nous devenir utile ; l’ufage doit toujours prévaloir fur ces explications. Mais ce qu'il eft tres- important d'obierver , c’eft qu'il faut fe preffer de mettre en exercice la fingulière propriété de ce jeune homme ; puifqu'il eft à craindre que l'âge de puberté, les paflions, un changement de nourriture , une ma- ladie, nafloibliflent ou ne détruifent même cette efpèce unique de fagacité. Voilà , Monfieur, ma réponfe aux queftions que vous me propofez. Je vous laifle le maître d’en faire l'ufage qu'il vous plaira; je me flatte que vous n'oubliez point que le genre d’occupations où mon état m’en- gage, ne me laifle que peu de momens pour fuivre des difcuflions étrangères à mon objet principal. Je fuis, &c. Signé CALVET. Avignon, ce 26 Juin 1772: Le phénomène fingulier de Jacques Parangue nous a engagés à faire quelques recherches ; & les traits finguliers qu’elles nous ont fournis, méritent d’être rapportés. Nous penions que le Public les verra avec plaifir. On lit dans le tome [*, pag. 114 & 120, d’un Ouvrage im- primé à Amfterdam en 1738, chez du Sauzay, intitulé: Mémoire inf- zruëlif pour un Voyageur (1). Si l’on fait attention fur le rayon de lumière qui part de la fontaine de Cintra en Portugal, en s’élevant perpendiculairement vers le foleil, & qu’on apperçoit de loin, on ne doit plus être furpris qu’un Frère Religieux de ce Pays ( de Lisbonne} puiffe découvrir les amas d’eau qu font fous la terre à so & 100 palmes de profondeur, en regar- ant fixement le foleil à midi: car il voit alors la vapeur qui s'élève perpendiculairement vers le foleil , depuis l'endroit où l’eau eft cachée. Il feroit à fouhaiter qu’on püt expliquer aufi aifément , par quel moyen laimable femme du fieur Pédégache , Marchand François, peut voir diffinétement ce qui fe pafle dans l’intérieur du corps humain, & jufques dans les entrailles de la terre. Cette Femme. extraordinaire (1) Chacun aura la liberté de difcuter, nier ou croire les faits qu’on va rapporter. JUILLET 1772, Tome II. Kk 2158 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, n’avoit rien moins que l'air d’une forcière, quoique par fes charmes elle fût très-capable d’enchanter les hommes. J’avoue que je n’oferois entreprendre de rendre raifon du don qu’elle avoit de voir dans les corps des hommes & des bêtes, & dans l’intérieur de la terre, à une grande profondeur ; & je crois que tous les Philofophes enfemble, feroient des efforts inutiles pour expliquer un tel phénomène. Voici quelques faits conftans dont la vérité eft univerfellement reconnue dans Lisbonne. Cette perfonne n'ayant encore que cinq ans , étant à table chez fon père, vit un enfant dans le ventre de la Cuifinière, pendant qu'elle fervoit un plat: cette fille offenfée d’un tel foupçon, foutint qu'elle n’étoit point groffe; mais l'accouchement qui arriva bientôt après, vérifia ce que la jeune fille avoit avancé. Ayant apperçu une chienne pleine, elie dit qu’elle voyoit dans fon ventre fept petits chiens, dont elle marquoit la couleur, affurant qu'il n’y en avoit qu’un feul qui reffemblât à la mère; cette chienne mit bas en effet de fept petits qui furent tels que cet enfant les avoit dépeints. Quelque tems après, cette fille paffant fur un grand chemin, s'arrêta en csiant qu’elle voyoit un Mineur qui travailloit fous terre, à plus de foixante palmes de profondeur. La chofe fe trouva véritable; car on mefura la ventoufe de la mine depuis le fond du puits d’où elle com- mençoit, & tout fe trouva conforme au rapport de la fille. On crut d’abord que le diable s’en mêloit; mais après un examen des plus exaë@ts, on eft revenu de cette prévention : on fe contente d'admirer en filence un talent aufli extraordinaire, fur lequel les lumières de l’efprit hu- main ne fauroient rien fournir de fatisfaifant. Il y a dans Lisbonne , & dans les environs , un grand nombre de puits qu'on a creufés fur l’aflurance que cette femme a donnée, qu’on trouveroit de l’eau en abondance à une certaine profondeur , & que le travail qu'on entreprendroit , feroit bien récompenfé par le fuccès. Ses prédiétions ayant toujours été accomplies avec la précifion la plus exaéte, on ne fauroit douter de la faculté merveilleufe qu'a cette femme, de découvrir les eaux dans le fein de la terre; les Etrangers en croiront ce qu’ils jugeront à propos, aufh bien que du talent fin- gulier du Frère Religieux dont j'ai fait mention, qui, en regardant fixement le foleil, découvre la colonne de vapeurs qui s'élève vers cet aftre, de l’endroit où il y a des eaux cachées dans le fein de la terre. L'on ne doute pas non plus que cette Dame ne voie dans le corps humain les obftruétions qui fe forment dans les parties nobles offen- fes, lorfqu’on fe dépouille en fa préfence. Les Médecins de Lisbonne ont d’abord traité la chofe de bagatelle, mais ils ont été bien con- vaincus de leur erreur: car, lorfqu'ils ont traité divers malades en conféquence des obfervations de cette Dame, ils n’ont pas manqué de De ns 2 En nes ssl en art SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 59 réuffir ; & quand on a ouvert les corps de ceux qui font morts, on a trouvé leur intérieur exaétement conforme à la defcription qu’elle en avoit donnée. L’Etranger dont j'ai parlé, homme fort entendu dans l’Anatomie, eut occafion d'éprouver lui-même la vérité de ce qu’on lui difoit fur le talent admirable de cette aimable Dame. Ayant eu le malheur, pendant qu'il étoit à Cintra, de tomber de douze pieds de haut, il eut trois côtes enfoncées ; il revint de cette chûte, mais il lui en refta une douleur fixe, très-vive , à un endroit de la poitrine. La curiofité le porta à en parler à cette Dame; & ayant découvert en fa préfence la partie affligée , cette femme l’examina & porta fon doist fur le point fixe de la douleur , l’'aflurant qwelle y voyoit du fang extravafé. Le Gentilhomme profita de cette connoïflance; il eut recours à l’infufion des herbes vulnéraires, appliqua des fomenta- tions des mêmes herbes , fur l'endroit où il fentoit la douleur ; & après avoir craché du fang , il fe trouva dégagé , & bientôt après parfaite- ment guéri. Il feroit inutile de rapporter plufieurs autres faits particuliers qui prouvent la vérité de ce qu’on dit de cette femme extraordinaire; le Public n’en feroit pas plus perfuadé, fi ce que j'en ai raconté ne fufñt pas pour le convaincre, Madame la Marquife de Sy, morte il y a environ trois années, a été témoin oculaire d’une grande partie des faits attribués à Madame Pédégache. Elle les racontoit en 1748 à M. de Miliy, connu par fon excellent Traité fur la fabrication de la Porcelaine, publié dans la Colle&tion des Arts & Métiers de l’Académie. Madame Pédégache lui afluroit qu’elle voyoit à travers une planche d’un pouce d’épaiffeur , & même qu’elle lifoit ce que l’on avoit écrit fur une feuille de papier. M. de Milly, qui nous a permis de le citer, ne pouvoit croire de tels prodiges ; & Madame de Sy ne pouvoit, de fon côté, imaginer les raifons qui faifoient nier des faits dont elle avoit été fi fouvent témoin. Madame Pédégache, fuivant le rapport de Madame de Sy, diftinguoit beaucoup plus clairement les objets le matin , étant à jeun; & cette vue fi perçante la fatiguoit alors tellement qu’elle étoit obligée de man- ger au moment qu’elle s'éveilloit. Jacques Aimard, Payfan de Saint-Veran, près de Saint-Marcellin en Dauphiné , fit depuis 1689 jufqu’en 1693 , à-peu-près la même fenfa- tion, que produit aujourd’hui Jacques Parangue. On peut confulter à ce fujet le Mercure Galant de ces années , & fur-tout celui de Janvier & de Février. Le prétendu talent d’Aimard ne fe bornoit pas à décou- vrir des fources cachées , il découvroit les cadavres des gens affaflinés & furtivement enterrés : il fuivoit à la pifte , au moyen de fa baguette devinatoire , les voleurs & les afflafins ; les tréfors enfouis étoient JUILLET 1772, Tome IL. K ki) 260 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l’objet de fes recherches. La réputation du merveilleux Aimard, fi bien établie dans les Provinces, fut entièrement détruite à Paris à l'Hôtel de Condé; enfin, celui qui découvroit les tréfors , eft mort dans la mifere. Les Phyficiens de ce frècle prirent auffi-tôt la plume pour combattre ou attefter ces faits prodigieux ; quelques-uns en rirent, & plufieurs voulurent, comme on le verra bientôt, que le diable entrât pour quel- que chofe dans ces friponneries. Il eft fingulier qu'à la fin du fiècle dernier , l’Auteur du Mercure ait avancé qu'il n’étoit pas aïfé d’expli- quer les caufes qui déterminoient les mouvemens de la baguette d’Ai- mard. Puifqu’on n’a pas donné jufqu’à ce jour « des raifons qui con- >» tentent tout le monde , fur ce que l’aimant attire le fer; fur ce que » l'éléphant en furie, s’appaife en voyant un mouton, & devient auf » doux que lui; fur ce que la couleuvre a peur d’un homme nud, & » pourfuit celui qui eft vêtu; fur ce qu’une perfonne qui a la jauniffe »eft guerie aufh-tôt qu'elle voit l’oifeau nommé loriot ; fur ce que » le loup enroue ceux qu’il regarde le premier; fur ce que le coq fait peur » au lion; fur ce que le bafilic tue des hommes de fon regard (1 ); > fur ce que le crapaud fait venir dans fa gueule la belette, . . . . . ... » On demeure d'accord qu'il peur y avoir des forciers, & qu’on peut » faire des paétes avec le diable; mais l’on doit convenir aufli &z » obferver , qu'il n’eft pas au pouvoir du diable, de faire ce pate » avec les hommes, toutes les fois qu'il veut, & qu'il n’eft pas non # plus au pouvoir des hommes de contraéter ces paétes toutes les fois >» qu'ils le voudroient ». Il faut convenir qu'il n’eft pas pofñlible d’ac- cumuler plus gravement en preuve, de plus grandes ridiculités. Ceux qui aiment à Lire des traits femblables à ceux d’Aimard, pourront con fulter le Didionnaire de Bayle au mot Xahuris:; Delrio, Difquifiiones Magicæ , Tom. I, liv. 1, Chap. 3, Quel. IV; & l'Ouvrage de Gutie- rius qui combat Delrio, Opuiculo de Fafino dubio VI, num. 16, pag. 153. Parmi le grand nombre de differtations, de réfutations qui parn- rent à la fin du fiècle dernier, relativement à Jacques Aïmard, on trouve deux Lettres qui méritent d’être rapportées, parce qu’elles fer- vent à conftater quelles étoient dans ce tems-là les idées fur la Phy-- fique. D'ailleurs, tout ce qui eft forti de la plume du Père Malle- branche , attire la curiofité du Public. (x) Les Charlatans qui courent les rues, montrent au Peuple ces prétendus Bafilics, fabriqués avec une jeune Raie (Raiv en Latin), qu'on a fait deffécher après avoir donné à fes nageoires & à {a peau la forme qu’on delire, & le plus fouvent d’après la efcription publiée par les Auteurs anciens, de cet animal fabuleux, On trouve de ces présendus bafilics dans le Cabinet de quelques curieux. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 261 ee LETTRE écrite de Grenoble, an Père DE MALLEBRANCHE, en 1689. Mox KR. Père; On fe fert dans cette Province d’un certain moyen pour découvrir les chofes cachées, fur lequel j'ai été obligé de dire ma penfée. Je voudrois bien qu’elle füt conforme à la vôtre; je déciderois après cela plus hardiment que je ne fais, perfuadé que votre fentiment fera ici d’un très-grand poids, & qu’on ne peut confulter une perfonne qui puille, avec plus de lumière , décider fur la difficulté dont il s’agit. Voici ce que c’eft. Plufieurs perfonnes trouvent de l’eau , des mé- taux, des minéraux, les bornes des champs, les chemins perdus, dé- couvrent les larcins, & plufeurs autres chofes , en tenant entre les mains une baguette fourchue; qui tourne fur tout ce que je viens de marquer. On fe fert de toutes efpèces de bois. Le fait eft conftant, & toute la difficulté eft de favoir fi cela eft naturel ou non. La pra- tique devient fi commune en tout ce Pays, qu’elle mérite bien d’être examinée. Ayez donc, s’il vous plaît, la bonté de dire votre fenti- ment fur les queftions ou obfervations fuivantes. 1°. La baguette tourne fur l'eau & fur les métaux. Ce tournoiement eft-il naturel ? pourroit-on expliquer phyfiquement ? 2°. Pour diftinguer fi c’eft fur de Por, fur de l’argent , ou fur quel- qu'autre métal que la baguette tourne , on met d’un métal dans la main, de l'argent , par exemple. Alors, s’il y a de l’argent dans aterre, la baguette continue à tourner avec plus de force même qu'auparavant ; & sil n’y a point d'argent dans la terre, quelqu’autre métal qu'il y ait, la baguette ne tourne plus. Ÿ auroit-il raifon pour tout cela ? 3°. La baguette ne tourne qu'entre les maïns de certaines perfonnes. Que peuvent avoir de particulier ces perfonnes ? 4°. Quelques-uns difent qu’il fant être né en certain mois de l’année ; mais J'ai Obfervé que des perfonnes nées en divers mois, ont égale- ment la vertu de la baguette. Ainf, Meffeurs les Aftrologues ne peu- ventavOir recours aux prétendues qualités de certaines planètes. Seroit- ce à caufe du tempérament différent, & de la différente configuration des parties qui s’exhalent du corps, que la baguette tourne aux uns & non aux autres ? 5°: La baguette ne tourne que fur l’eau cachée dans la terre, & JUILLET 1772, Tome 11. 262 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, elle tourne fur les métaux, quoiqu'ils foient à découvert. Sur quoi fon- der cette différence ? Voilà où fe termine la fcience de quelques-uns, à connoître qu'il y a dans la terre du métal ou de l’eau : mais il y en a d’autres qui pouffent le fecret plus loin. Ils connoiflent par cette même baguette, quelle eft la groffeur de la fource; quelle eft la profondeur de l’eau ; combien il faut creufer pour la trouver. Cela eft-il naturel ? 7°. Il prétendent deviner, fi en creufant on trouvera de la glaife, du fable, de la roche, &c. 8°. La baguette tourne fur les bornes des champs; c’eft-à-dire, fur quelque pierre que ce foit, pourvu que deux perfonnes aient convenu de s’en fervir, pour marquer la divifion d’un champ. Qu'en doit-on penfer? 9°. Si ces deux perfonnes conviennent de ne plus fe fervir de ces limites , la baguette ne tourne plus. 10°, Si les bornes ont été malicieufement changées de place, la baguette tourne fur l'endroit où elles devroient être. Une infinité de gens font chercher préfentement des limites ; & fur bien des différends, on s’en rapporte à deux fameux Devins, qui courent le Dauphiné, avec l’approbätion de plufieurs Curés. Ne renvoyez pas, s’il vous plait, M. R. P., la décifion de cette difficulté à M, le Cardinal le Camus; car, outre qu'il fera bien aife que des Phyficiens y penfent, il eft abfent de Grencble depuis fept à huit mois , parce qu’il a prêché l’Avent & le Carême à Chambery ; & que fans avoir pris aucun relâche, il fait depuis Pâques la vifite de fon Diocèfe. È 11°, La baguette tournant dans un champ, pour diftinguer fi c’eft fur des bornes, fur des métaux, ou fur de l’eau qu’elle tourne, voici le fecret de ces Devins. Ils fe font apperçus, difent-ils, que linten- tion régloir le mouvement de la baguette. Si l’on veut donc qu'ils cherchent des bornes , ils fixent leurs defirs à la feule découverte des bornes ; & pourvu que leur intention ne varie pas, 1ls font fürs que la baguette ne tournera que fur des bornes, & nullement fur l’eau &c fur ‘les métaux qui fe trouvent en leur chemin. Un de ces Devins aux- quels j'ai parlé, eft encore mieux averti d’avoir trouvé ce qu'il cher- che, par un mouvement qui n’eft pas moins furprenant que celui de la baguette, Dès qu'il paffe fur la borne , ou qu'il trouve ce qu'il cherche, tous les doigts des pieds fe remuent, comme s'ils vouloient fe croi- fer, ou monter les uns fur les autres. Cela eft caufe que quand le Devin veut favoir fi un homme a volé, il pofe fon pied fur le pied de celui qu'on foupconne, pour en juger par l'agitation qu'il fent au pied , plutôt que par le tournoiement de la baguette, Voilà tout ce SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3263 que j'ai remarqué de fingulier dans cet homme. C'eft un Payfan âgé de vingt-fept à vingt-huit ans. Il me paroït fimple, & m'a préfenté une atteftation de fon Curé, pour marquer qu'il a fait fes Pâques dans fa Paroife : toutes ces hiftoires étoient bien connues du Curé. 12°, Lorfqu’on cherche un voleur, & ce qu'il a volé, la baguette tourne vers le lieu où font le voleur & le larcin, & ne cefle de tourner jufqu'à ce qu’on ait atteint l’un ou l’autre. Depuis peu de jours , quelques Officiers de Juftice ont été témoins d’une femblable épreuve qui s’eft faite dans les prifons de cette Ville, & en un autre endroit. RÉPONSE du Père MALLEBRANCHE au Père LE BRUN. Ms Père, Ce que vous m’écrivez de La baguette, ne m’eft point nouveau à l'égard des eaux &z des métaux : mais je n’avois jamais oui dire que l’on découvrit par ce moyen, les voleurs & les véritables bornes d’un champ; & je ne pourrois croire qu'il y eûùt des hommes aflez peu fenfés pour donner dans ces extravagances, fi vous ne me l’écriviez, & fi je ne me fouvenois qu'il y eut autrefois des perfonnes qui ne man- quoient pas d’efprit, tel qu’étoit Julien l’Apoftat, qui prétendoit dé- couvrir le gain d’une bataille ou quelqu’autre évènement , par les entrailles des bêtes, & par le vol des oïfeaux. C’étoit dans les Anciens la fuperftition qui les avoit infenfiblement accoutumés à ces opinions ridicules ; mais en fuppofant que vos Devins prétendus paflent pour de bonnes gens , il n’y a qu'une ignorance groflière & une excellive ftupidité qui puiffent leur perfuader que les moyens dont ils fe fervent foient naturels ou légitimes. Pour moi, je les crois diaboliques , non feulement par rapport à la découverte des voleurs de chofes dérobées, des bornes d’un champ, mais encore à celle des eaux & des métaux. Je prétends que rien de cela ne fe peut faire de la manière dont vous rapportez que cela fe fait, fans le fecours de l’aétion d’une caufe intel- ligente , & que cette caufe ne peut être autre que le démon, fi ce n’eft qu'il y ait de la fourberie & de l’adrefle du côté du prétendu Devin. Il eft vifible que les caufes matérielles, n’ayant ni intelligence ni liberté, elles agiflent toujours de la même manière dans les mêmes circonflances des corps , où dans les mêmes difpofñitions de la matière qui les environne; & que dans les caufes purement matérielles, il n'y a point d’autres circonftances qui déterminent leurs actions , que JUILLET 1772, Tome I], 264 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; des circonflances matérielles, Cela eft certain par l’expérience, 8 mê= me par la raifon, lorfqu’on connoit que les corps n’ont ni intelligence, mi liberté, & qu'ils ne font mus que lorfqu'ils font pouffés, & qu'ils ne peuvent être pouflés fans êrre choqués &t preflés par ceux qui les -environnént. De-là , il eft évi lent que l'iitention que le Devin a de trouver de l'argent, ne peut déterminer le mouvement de la baguette vers l’argent , & empêcher ion mouvement vers l'eau, fi elle y étoit véritablement déterminée par l’ation d'une fource; car cette inten- tion ne change point les circonitances matérielles de la baguette &c de l’eau. 2°. Une chofe dérobée demeurant toujours la même qu'auparavant, le‘crime du voleur ne changeant point le corps ou le changeant éga- lement par des remords de différens crimes (car quelque fuppoñtion qu'on fafle que ces remords troublant Pefprit, changent le corps, il eft évident que le remords d’avoir dérobé une poule peut agir dans l'efprit d’une toute autre manière que le remords d’avoir dérobé une canne ), 1l eft clair que la baguette ne veut fe tourner vers le larcin ou le voleur de ce qu’on cherche, fans lation d’une caufe intelli- gente. 3°. La convention de ceux qui prennent une pierre pour borne de leurs héritages , ou qui ceffent par un accord mutuel de lui attribuer cette dénomination, n’en changeant point la nature ni les qualités phy- fiques , il eft ridicule d’attribuer l'effet phyfique du tournoiement de la baguette à la qualité de la pierre. Ces trois conclufions me paroïflent de la dernière évidence. Ainf tous ces tournoiemens de la baguette viennent certainement de l’aétion d’une caufe intelligente , apparemment de l’adreffe & de la fourberie de ces prétendues bonnes gens, mais peut-être de la malice du dé- mon ; Car je ne crois point que les bons Anges faffent de ces fortes de paétes avec les hommes. Il ne fe font point de loi; ils fuivent l’ordre immuable, ou la loi éternelle dans laquelle ils découvrent qu'il n’eft pas néceffaire que les hommes trouvent, quand il leur plaît , des mé- taux & de l’eau. Les Anges rapportent toutes chofes à Dieu , & à notre falut ; ils y rapportent même l’ordre de la nature, & ils ne font rien qui le trouble, rien d’extraordinaire que pour faire connoïtre & aimer Dieu : mais les Démons tâchent de nous attirer & de nous lier à eux. Leur orgueil leur infpire de régner fur nous, & que nous tenions d'eux les biens temporels qui réveillent notre concupifcence. Sils font fidèles à exécuter ce qu'on efpère d'eux, ce n’eft point pour nous élever l'efprit à Dieu, mais pour nous lier à eux de quelque manière que ce puifle être: ils s’infinuent par l'apparence de la Juftice dans Pefprit des fimples. C’eft une bonne chofe que de découvrir les voleurs ou les chofes dérobées; ils couvrent leurs opérations de la puiflance inconnue __ SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. 265 n . inconnue de la nature, pour tromper par-là les ignorans, mais de telle manière, que le doute & l'incertitude troublent leur imagination &e leur confcience, & que l’on s’accoutume à un commerce, qui d’abord feroic trop d'horreur; & fi ce que vous me mandez n’eft point une fourberie de gens qui trouvent leur compte à tromper les autres (ce que je croirois volontiers) , affurément , ce ne font point les bons Anges, mais Les Démons qui font tourner la baguette. Ii me paroît évident que les corps ne peuvent agir les uns fur les autres que par leur choc. Vous favez, mon Révérend Père, qu'il n’y a rien qu'on ne puifle expliquer par cette feule fuppofñtion, que les corps vont toujours du côté qu'ils font pouflés, & qu'ils ne peuvent être pouflés que du côté qu'ils font rencontrés par d’autres corps vifi- bles ou invifibles qui font en mouvement. La vertu de l’ambre & de l’aimant qui paroiïflent fi étranges, s'expliquent fort clairement par-là, du moins à l'égard de ceux qui ont étudié fufifamment ces matières. Or, par ce principe qui devroit être reçu de tout le monde, comme fort clair & fort fimple , & qui n’eft rejetté que de ceux qui manquent d'attention, & qui aiment les principes obfcurs & myftérieux , il feroit affez facile de démontrer géométriquement , qu'il y a de la fourberie ou de la diablerie dans le mouvement de la baguette : mais vos Devins font fi téméraires ou fi ftupides , que quelque fuppoftion qu'on fafle, on peut s’aflurer que leur art n’eft point naturel. Car , fuppofez telle vertu qu'il vous plaira dans l’eau & le bâton fourchu , il me paroît clair que l’eau étant à découvert, doit agir plus fortement dans la baguette, que lorfqu’elle eft cachée fous terre, puüifqu’alors l’eau & la baguette font plus proches; car la éonnoiffance que nous avons de leur découverte ne change rien ni dans l’eau, ni dans la baguette. Il me paroît ‘clair auffi, que qui que ce foit qui tienne la baguette, de quelque manière qu'on la tienne, quand même - on la tiendroit avec des tenailles, elle devroit fe pencher également , de même que l’aimant agit également fur le fer, qui que ce foit qui le tienne | & qui l'en approche. Que fi on prétend que le tempé- rament contribue à l’aétion de la baguette (car les défenfeurs de ces folies croient avoir droit de dire tout ce qui leur plaît), qu’ils expli- quent eux-mêmes ce qu'ils veulent dire par le mot de tempérament ;, … qu'ils faffent une objeétion intelligible, & on tâchera de leur répondre. ‘ Si un homme difoit qu'il a vu quelqu'un d’un tel tempérament , que tenant en fa main un flambeau , le flambeau n’éclairoit plus, je pente qu'on auroit raifon de n’en rien croire, - Suppofez enfin telle vertu que vous voudrez, je dis encore qu'il. eft impoññble de favoir la profondeur de la fource, & combien--on_ “trouvera au-defflous de terre grafle, de fable , de roche, &c., & fila fource fera abondante. La preuve en ef facile; car une fource, JUILLET 1772, Tome IL. LI 266 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, plus abondante & moins profonde, devroit agir naturellement fur fa baguette, autant qu'une plus abondante, mais plus profonde & plus éloignée , puifque toutes les vertus naturelles & néceflaires agifient également dans des diftances inégales. Ainf, elles font néceflairement le même effet, lorfque le fujet fur lequel elles agiflent , eft dans des diftances différentes; mais réciproquement proportionnelles à leurs forces. Quoique deux flambeaux par exemple aient une lumière iné- gale , ils peuvent éclairer également un objet, fi on fuppofe cet objet- plus proche du petit flambeau que du grand. Ainfi, on ne peut juger de la profondeur d’une fource qu’en fuppofant qu’on en connoît l’abon- “dance, ni de fon abondance que par la connoiffance de la profondeur; & quoiqu'on fuppofe des vertus attraives , c’eft-à-dire, imaginaires, dans l’eau ou dans les métaux , par rapport à une baguettefourchue, ileft impoffble de juger de leur profondeur , & encoremoins s'il y a de la terre glaile & de la roche , comme le prétendent vos Devins, on vos Fourbes, N’en voilà que trop, mon Révérend Père ; car je fuis perfuadé, par votre Lettre même, que je ne vous ai rien dit de nouveau , & que vous ne m'avez demandé mon fentiment que parce que vous avez cru qu'il ferviroit peut-être à appuyer le vôtre , à l’égard de quelques perfonnes. Il me femble qu'il ne faudroit point négliger ces chofes, & qu’on devroit empêcher que ces prétendus Devins ne trompaffent les fimples, ou ne troublaflent la confcience de ceux, qui, dans le doute, font un fort grand mal de s’adrefler à eux. il eft furprenant que le P. Mallebranche qui croyoit voir tout en Dieu, ait vu de la diablerie dans l'hiftoire de la baguette, & que la grande habitude de réfléchir, ne lui ait pas découvert la canfe des préténdus phénomènes qu’on lui attribue. L’intérèt mafqué par l’aftuce i & la charlatanerie , trouve toujours des reflources aflurées dans l’efprit | des bonnes gens. | M ÉMOIRE QUI à remporté le prix, au jugement de l'Académie Royale des Sciences de Berlin, fur la meilleure conftruétion des Fours pour bien cuire les bri-, ques , la chaux , & les ouvrages de poterie, tant pour éparoner Le bois, que pour avoir une cuite égale dans les différens endrous du Four, par M. BAUSSAN DU B1GON. Ux Art des plus anciens & des plus utiles, fait le fujet de ce Mé- moire. Les briques font les premières matières que les hommes aient employées pour bâtir folidement. SUR L'HIST. NATURELLE ÊT LES ARTS. 267 L'abondance des matières combuftibles, beaucoup plus communes autrefois qu’elles ne le font aujourd’hui, a fait négliger de chercher les moyens de les économifer; & cette économie ch un befoin aétuel , puifque la quantité de bois qui eft confommée dans les fours à briques ë&z à poterie, eft immenfe. Des recherches m'ont enfeigné les défeétuo- fités des fourneaux ; & d’après des expériences réitérées pendant plus de douze ans, je crois être parvenu à former le plan d’un four à chaux, à briques & À poterie, aufli avantageux qu’on puifle le defirer, tant pour l’économie que pour la cuite. Par le moyen du nouveau four à chaux que je préfente, je fuis parveny à une épargne de deux cinquièmes de bois, fur la quantité qu’on avoit coutume de brûler à chaque fournée dans les anciens fours; J'ai enfuite trouvé le moyen d'ajouter à la même quantité de chaux une certaine quantité de briques, fans augmenter la confommation du bois; enfin, je puis réunir & faire cuire dans le même four, la chaux , les briques & toutes autres matières de cette efpèce, & même des ou- vrages de poterie , enfemble on féparément. Les moyens de faire agir l'air & par conféquent le feu à fon gré dans toutes les parties du four, joints aux différentes courbes des ceintres des voûtes, font tout le mécanifme de ce four. De toutes les conftruétions à four, & autres femblables, la forme d'un fphéroïde alongé eft conftamment la plus avantageufe, Qu'on fe repréfente un four qui imite une coque d'œùf de poule, dont les deux bouts feroïent coupés , & qui feroient pofés verticalement fur fon gros bout; que tout autour de cette figure, il y eût une galerie qui com- munique à l'intérieur du four, à différentes hauteurs , par huit ouver- tures à chaque étage alternativement , & qu'il y ait en deffous un ca- veau, d’où partent feize foupiraux deftinés à recevoir l’air extérieur, & à porter par ce moyen le feu jufqu'au haut, & particulièrement dans le contour de la galerie, & on aura à-peu-près une idée géné- rale du four que je propofe. Relativement à notre objet, la réflexion des rayons fe fait toujours plus avantageufement dans ce fphéroïde tronqué, que dans touteautre figure : cependant , il eft d'expérience que la chaleur eft plus grande au centre & fur le feu, qu’elle ne left au contour & dans le haut; & par con- féquent , fi les matières font abfolument égales, ou également difpo- fées, elles n'auront pas le même degré de cuite : mais la différence fera bien plus grande dans tout autre four, tels que les fours en ber- ceau, ou les fours quarrés. L’ufage qu’on-obferve eft donc de mettre dans les endroits du four les plus expofés à l'ardeur du feu, les ma- tières qui ont befoin d'un plus fort degré de chaleur, foit à caufe de ieur volume, foit à caufe de leur qualité; & les autres, au contraire , JUILLET 1772, Tome IL, Li) 268 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans les endroits où le feu a moins d’a@ion ; enfin, de laïffer moins d’efpace entre celles-ci. | On ne demande pas à la vérité une chaleur égale dans les différens endroits du four, ce qui ne paroît pas poffible d’exécuter ; on veut une cuite égale, parce qu’en effet il y a des matières de différentes qualités, auxquelles le même degré de chaleur ne convient pas. A l’é- gard des ouvrages de poterie, les uns demandent à pañler deux fois | au four ; ceux qui y font mis pour la première fois, ne veulent pas un fi fort degré de chaleur. L’ufage & l'expérience guident les Ou- vriers dans cette opération, dont la fcience confifte dans l’arrangement | des matières pour leur donner un égal degré de cuite; il laiffe moins d’efpace entre celles qui font expofées à l’aétion du feu, & il les efpace à proportion de leur éloignement du foyer ; enfin, il a foin de ménager les conduits principaux pour porter le feu. Malgré toutes les attentions qu’on prend ordinairement dans les fours de conftruétion ordinaire , la première ation du feu eft fouvent trop forte pour les parties qui font voifines , tandis qu’elle eft trop foible pour les parties les plus éloignées. Il faut donc divifer la chaleur dès le bas , & la réunir dans le haut , dans une moindre étendue , en ménageant à propos les conduits néceffaires pour porter le feu par-tout : pour cet effet, il s’agit de divifer le four , par le moyen des différentes difpofitions de celui dont je vais parler. Ce four fera compofé de trois parties principales ; favoir , un débraïfoir ou cendrier dans le bas ; d’un milieu ou cœur au-deflus du cendrier , & d’une galerie qui régnera tout autour du cœur du four; & en outre, de plufieurs foupiraux , dont les différentes com- munications au four & à l'air extérieur , tant en bas qu’en haut, fourniront des regiftres pour réoler & conduire le feu à volonté. Soit que l’on conftruife le four dans le roc , dans la terre ou au- deffus des terres , foit en plaine ou à mi-côte , il eft intéreflant de choifir un endroit fec & inacceflible à l’eau ; la fraicheur des fources ou les écoulemens des eaux voifines du four , en ralentiroient la chaleur , & endommageroient bientôt fa conftruétion. Si on pouvoit difpofer de la pente d’un côteau , ce feroit pour le mieux , afin qu’on püt plus aïifément exploiter le four par le haut & par le bas , au moyen des avenues pratiquées à moins de frais , même pour les charrettes. Les parties intérieures du four feront conftruites de briques cuites , faites exprès fur différens échantillons , maçonnées fur couches avec du mortier de terre franche, qui ne foit point trop forte : ces briques feront gironnées , c’eft-à-dire , plus larges par un bout que par l’autre ; de façon que toutes les coupes des briques tendent au centre en forme de rayon : on en aura auf de plus épaiffes par le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 269 bout le plus large , pour former les différens ceintres ; d’autres au contraire feront moins épaifles à leur plus grande largeur pour les endroits où il faudra augmenter la circonférence du four ; leur épaiffeur moyenne fera de deux pouces ; leur moindre largeur fera de fix, On aura aufli des demi-briques , & on en aura encore d’également larges dans toute leur longueur , pour les piliers des arcades. Mais comme il eft intéreffant de fupprimer tous les angles, & que l’intérieur du four foit ondé , il faut en outre des briques faites exprès pour former les ondes , & rendre les piliers ou trumeaux ovales où ronds , felon leur difpoftion. Ces briques doivent être faites d’une terre qui ré- fifle parfaitement au feu. On s’afiurera de fa qualité par des épreuves , en plaçant quelques briques dans l’endroit le plus ardent d’un four à chaux ou à tuiles , dans lequel elles ne doivent ni fondre ni fe di- minuer pendant deux fournées entières. Quoiqu’on ait des moyens pour empêcher la brique de fondre , je fuis d’avis qu’elle ait cette qualité par la nature de la terre. Ce four , compofé de trois parties principales , comme on l’adit, étant confidéré dans toute fon étendue extérieure , aura , non com- pris les fondemens , vingt-fept pieds & demi de hauteur perpendicu- läire , dont pour le cendrier que j'appelle débraifoir , neuf pieds ; pour la voûte , entre le débraifoir & le four , un pied & demi à la clef ; pour toute la hauteur du four proprement dit , dix-fept pieds. Ce four fera circulaire ; fon plus grand diemètre fera de vingt-un pieds de dehors en dehors , & ce, comme je place , du moins fur le devant , deux piliers en arc-boutant , qui ont deux pieds d’épaifleur , la plus grande largeur en cette partie fera de vingt-trois pieds. Les murs extérieurs de tout le four auront deux pieds dans leur moindre épaifleur , ce qui fera plus que fuffifant fi on le conftruit dans le roc ; en ce cas, on fera l’excavation à la profondeur du four entier , de façon que l’ouverture fupérieure foit élevée de deux pieds au-deflus du niveau des terres , & on pratiquera des fonterrains pour l'exploitation du bas du four. Mais fi on ne bâtifloit pas dans le roc ; il faudroit au moins huit piliers en arc-boutant , pour empêcher l’é- cart ; ces piliers ferviront en outre à fupporter des appentis , qui auront le même ufage que des caves pratiquées dans le roc au rez- de-chauflée du débraïfoir. Le diamètre extérieur du four fera donc de vingt-un pieds au moins dès le bas , non compris le talut & les piliers dont on n’a pas befoin dans un roc. Pour donner une idée précife de ce four, il faut le confidérer à différentes haute: fuivant des coupes horizontales. La première coupe eft celle du fol, PI. 1 , Fig. 1, ou plain-pied du débraïfoir | qui eft |: partie la plus baffe de tout le four. L’inté- rieur de ce débraïfoir aura huit pieds de diamètre , & neuf pieds de JUILLET 1772, Tome 11. 270 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; hauteur. Comme le furplus de la mafle feroit au moins inutile , on ne donnera à la mafle , qui forme le débraifoir , que deux pieds &c demi d’épaifleur ; on formera un boyau ou galerie intérieure de deux pieds de largeur moyenne : mais comme le centre de la mafle inté- rieure fera rapproché de fix pouces du côté de la bouche du four , par les raifons qu’on expliquera dans la fuite, le boyau dont il s’agit aura un pied & demi de large fous la bouche du four , & deux pieds & demi dans la partie oppofée , & il ira ainfi proportion- nellement. Je ne parlerai point ici des ufages différens auxquels les curieux pourront employer ce boyau : il eft aifé de voir qu'on y pourra en- tretenir différens degrés de chaleur ; par exemple , pour faire éclore des poulets. Ce boyau pourra fervir par rapport au four à chaux, au dépôt des cendres ; mais fon principal ufage fera de contribuer à donner plus ou moins d’air au débraitoir , & fucceflivement au four. L'intérieur du débraifoir fera environné du boyau auquel il com- muniquera par trois ouvertures qui feront au rez-de-chauflée : ces ou- vertures auront feulement deux pieds & demi de haut , & deux de large à leur entrée, & elles feront réduites à vingt pouces de largeur du côté du débraïfoir. Un pied & demi au-deflus de chacune , 1l y aura autant d’autres ouvertures un peu moins hautes & moins larges : la profondeur de ces ouvertures fera de l’épaiffeur de la mafle ; mais la banquette qui fera entre deux n'aura que vingt pouces de pro- fondeur , à partir de l'entrée , le furplus étant laiffé pour faciliter le creneau qui fe trouvera au-deflus de la porte fupérieure , ainfi qu'on le dira ailleurs. L’appui de la banquette fera de pierres de grès , aflez folides pour réfifter au mouvement des outils : les ouvertures d’en-bas ferviront pour tirer la braïfe ou les cendres; celles de deflus donneront la facilité pour remuer la braïfe ; & toutes ferviront à donner plus ou moins d’air au débraïfoir , & enfuite au four en les ouvrant ou les tenant plus ou moins fermées , fuivant les circonf- tances. Une face de ces portes fera oppofée à la bouche du four ; les deux autres feront dans l’autre fens , en forme de croix. Sous la bouche du four , il y aura une ouverture pareille à cette bouche ; c’eft-à-dire, qu’elle fera éloignée du centre du débraiïfoir en diminuant la largeur : fa profondeur fera de quatre pieds & demi; elle aura trois pieds trois pouces de largeur, & cinq de hauteur du côté du débraïfoir , dont elle fera partie , & fera réduite à deux pieds de large , & quatre de hauteur à l’autre bout , où elle n’aura point d'iffue ; elle communiquera feulement au boyau ou galerie in- férieure par une porte de chaque côté , qui n’aura que trois pieds de haut , quinze pouces de largeur , & autant de profondeur , pratiquée $ î ù ?, L ol ? SUR L'HIST. NATURELLE -ET LES ARTS, : 2171 de chaque côté au milieu de la largeur du boyau , qui , comme on l'a dit , n’aura qu'un pied & demi en cette partie : ces deux portes auront le même ufage que les trois portes dont on a parlé ; on les fermera & on les ouvrira de même avec des ventaux de fer à deux battans. On fupprimera auf les angles intérieurs de toutes ces portes , en les arrondiffant. Il y aura vis-à-vis des autres portes , une embrafure qui fera comme une efpèce de vefltibule ou d’antichambre , dans laquelle on arrivera des caves plus éloignées ou même de dehors, Les portes pour y en- trer , auront fept pieds de haut, & trois de large ; celle qui fera oppofée à la bouche du four , fera la plus haute & la plus large ; elle fervira particuliérement à contrebalancer l’air qui vient par la bouche du four : ces portes s’ouvriront en dehors. Ces embrafures iront en diminuant de largeur , vers le débraifoir , afin de recevoir une plus forte colonne d'air ; leur largeur en arrivant aux portes du débraifoir , fera de deux pieds & demi. Chacune de ces embrafures communiquera à la galerie inférieure par une porte pratiquée au milieu de chaque côté ; ces portes au- ront cinq pieds & demi de haut, quinze pouces de large , & autant de profondeur ; elles s’ouvriront du côté de la galerie , laquelle aura depuis cinq pieds & demi jufqu’à fix pieds & demi de hauteur , fous la clef de fa voûte en plein ceintre. H y aura en outre quatre autres ouvertures à angles droits en dia- gonale entre les quatre premiers ; celles-là communiqueront direc- tement du dehors ou des caves à la galerie ou boyau ; elles auront cinq pieds & demi de haut , vingt pouces de large à l'entrée exté- rieure , &c feize pouces du côté de la galerie ; leur épaifleur fera la même que celle de la mafle extérieure , c’eft-ä-dire , de deux pieds : elles s’ouvriront en dehors. Toutes ces ouvertures auront des feuillures ou entailles de trois pouces tout autour , du côté que les portes s’ouvriront. On ouvrira ou on fermera toutes ces portes , ou chacune feulement , 8 même en partie, felon que l’on aura plus ou moins befoin d’air ; on voit l'effet que ces portes produiront. Au refte , qu’on ne s'étonne point de cette multiplicité de portes ; il n’y aura que celles qui fe- ront fur le feu qui coûteront , parce qu'il faut qu’elles foient de fer : mais ce font les moins grandes, & on peut en faire de terre, telles que celles fabriquées par les Tuiliers. Celles-ci font peu difpendieufes , & elles ferviront autant que les autres en prenant garde de les caffer ; d'ailleurs , on peut fermer ces portes avec des briques maçonnées , pour ne les ouvrir qu’au befoin ; on peut même tenir les baffes portes fermées, en les empliffant de cendres ou de braïfe , à l'exemple des Chaufourniers. Les portes extérieures ne demandent pas nécef- JuiLLET 1772, Tome IL. 272 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fairement à être fermées ; en tout cas , on peut le faire à peu de frais, Deux planches rapprochées l’une de l’autre , fufiront. Ceux qui feront plus curieux , les feront folides , & pourront les fermer à clef. Tout le débraïfoir , les embrafures , la galerie , & mîme les avenues , feront pavés de carreaux de terre cuite , au moins de huit pouces , afin qu'il ne fe mêle aucun corps étranger avec les cen- dres , dont le produit feul vaut annuellement le double de l'intérêt du capital de toute la dépenfe du four , s’il eft chauffé feulement une fois par mois. Le milieu de ce débraifoir fera plus élevé que le tour ; mais il y aura une pente d’un pouce par pied, depuis l’entrée exté- rieure jufqu'au fond , fous la bouche du four. On preffent aifément qu'il y a dans ce débraifoir des foupiraux qui communiquent au four. Il y en a en effet feize principaux : je les nomme creneaux ; ils occuperont exaétement la moitié du contour du débraïfoir , de façon qu'il y ait autant de folide entre chacun, comme ils auront de largeur ; ainfi , leur largeur feroit la trente- deuxième partie de la circonférence , s'ils étoient quarrés : mais comme on na fait obferver que le feu détruiroit les angles , &.comine il s’agit de tirer partie autant qu'il eft poffible de la chaleur du dé- braifoir , les creneaux & les foupiraux feront ondés , ce qui eft plus folide & plus conforme au mouvement d’ondulation qui eft naturel au feu. Par le moyen de ces creneaux , on tirera le plus qu'il fera poffible de chaleur du débraifoir pour la faire agir dans la galerie fupérieure , & on donnera le feu par-tout à la fois derrière les piliers des arcades ‘& au contour de cette galerie , en même tems que le feu du foyer s'échappera par un pareil nombre de foupiraux , difpofés pareillement pour le même effet ; le feu agira cependant au centre , & ainfi on enveloppera , pour aïnfi dire , de toutes parts les matières à cuire dans l'élément qui doit opérer cette cuiflon. De ces feize creneaux , huit feront pris dans le tour intérieur du débraifoir, dès le bas, entre chacune des huit ouvertures , tant inté- rieures qu’extérieures , dont on a parlé , & formeront ainfi huit angles entre les huit premiers , excepté les deux creneaux qui feront fous ia bouche du four : ceux-ci feront placés à chaque côté de l'ouverture qui eft fous cette bouche ; on ne peut en ufer autrement , mais cela revient au même. Les huit autres creneaux feront vis-à-vis de chacune des huit grandes ouvertures. Il ny a aucune difficulté pour les quatre creneaux qui feront vis-à-vis les quatre portes extérieures du boyau, fi ce n’eft par rapport aux deux creneaux à élargir ; mais pour ceux qui feront vis-à-vis des quatre ouvertures intérieures du débraïloir , on en ufera de façon que trois de ces creneaux partiront Ha à € À SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 273 de la naiflance de la voûte au-deflus des portes du débraifoir ; & pour l'ouverture qui eft deffous la bouche du four , on élaraira fuf- fifamment les creneaux de côté , & même les deux autres voilns , pour en former le creneau qui doit avoir fon iffue dans la galerie , di- retement au-deflus de la bouche du four , en prenant trois ou quatre pouces de creneaux élargis , & réuniffant ces parties à l’endroit con- venable : on obfervera cet élargiflement en formant la figure ondée ; ce qui la facilitera même par la fuppreffion de tous les angles, ainfi qu'on le voit fur le plan. Chacun de ces creneaux aura environ dix-huit pouces d'ouverture ; les huit premiers auront fix pouces de profondeur au rez-de-chauflée du débraïloir , d’où ils partiront & iront communiquer dans la ga- lerie fupérieure , & s’y réunir avec huit foupiraux qui feront au- deflus , & partiront du foyer pour arriver enfembie , & par une même iflue, derrière les piliers des premières arcades de cette galerie. Ces creneaux s'avanceront dans la maçonnerie à mefure qu'elle s’é- levera , & cefleront d'être vus du débrailoir à la naïflance de fa voûte ; c’eft-à-dire , à cinq pieds de hauteur , PI, 1 , Fig. Il. La proportion dans laquelle ils s’avanceront dans la maçonnerie , fera à raïfon de deux pouces de profondeur par pied de haut ; en forte qu’à cinq pieds de haut , ils auront en tout environ quinze pouces de pro- fondeur : ils continueront enfuite à s’élever dans une proportion fuf- fifante pour qu'ils foient réunis aux foupiraux du foyer avant leur iflue dans la galerie, Quatre creneaux feront pratiqués à-peu-près dans le même goût ; ce font ceux qui peuvent l'être ; trois autres auront leur ouverture à la naiflance de la voûte , de façon que leur profondeur foit égale à celle des quatre autres pour arriver dans le contour de la galerie , & fournir ainfi la chaleur dans toutes fes parties à la fois. On for- mera auf dans la voûte du débraifoir de petits foupiraux pour exciter davantage l’ardeur du feu vis-à-vis de ces fept creneaux. A l'écard du huitième creneau , on en a fuffifamment parlé ; & pour lui fournir auffi quelque partie de chaleur du débraifoir , on augmentera un peu chacun des petits foupiraux qui fe trouveront à chaque côté. Tous ces petits foupiraux qui prendront leur naïflance au contour de la voûte du débraïfoir , feront difpofés un peu obliquement, afin de mieux porter la chaleur du débraïfoir vers la galerie. Si on trouve quelque difficulté dans l'exécution , rien n'empêche que deux petits foupiraux n’aient un même commencement , pourvu qu'il ait le double des autres : cela n’en facilitera que mieux l’obliquité qu’on demande ; & le partage qu'on en fera à propos dans leur conduit , procurera ceite obliquité defirée. Pour faciliter les trois creneaux qui feront au-deflus des trois portes JUILLET 1772, Tome IL, Mm 374 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, du débraifoir , on reculera de neuf pouces la plate-bande ou l’entre- deux de ces portes , & on ménagera un petit arceau en forme de lunette, à la naïflance de la voûte, pour donner au creneau la pro- fondeur requife, On obfervera de proportionner enfuite tous ces cre- neaux dans tout leur conduit , afin qu'ils arrivent aux iflues qui leur feront deftinées , chacun felon la grandeur de cette iflue ; c’eft-à- dire , que comme ces iflues font différentes , & que leur longueur dépend de la largeur de la galerie , qui n’eft pas la même par-tout , non plus que la diftance des iflues dans le contour , on diminuera la largeur des creneaux dont liflue donne derrière les piliers , & on augmentera leur profondeur infenfiblement au-deflus de la hauteur de cinq pieds ; & au contraire, on augmentera la largeur des creneaux ;, dont lillue donne feulement dans lé contour , & on diminuera leur profondeur infenfiblement au-deflus de la même hauteur de cinq pieds ; de façon qu'il y ait toujours une diftance égale entre chaque iflue , de quelqw’efpèce que foit cette iflue. Au refte , la largeur moyenne de toutes ces iflues fera de fix pouces ; celles qui donnent derrière les piliers , auront en cette partie trois pouces de large , & neuf pouces à l’autre bout , près le contour de la galerie : les autres iflues auront fix pouces de large dans toute leur longueur, qui fera prile moitié dans la maçonnerie : cet échancrement fera prolongé jufqu’à la plus grande largeur de la galerie, à laquelle il fe terminera infenfible- ment , ne paroïflant pas réceffaire de le porter jufqu’au haut ; mais le tout fera formé par ondes. Ces dernières iflues , que j'appelle en face , auront la même longueur que la plus longue iflue voifine ; je nomme ces autres iflues traverfantes ( on diroit mieux tranfver- fales ) : la bouche de ces iffues fera difpofée de façon qu’elle fouf- flera en étendant , afin de porter le feu également dans tout le con- tour de la galerie. On ménagera à toutes ces iflues une petite feuil- lure de fix lignes, pour recevoir des couvercles deftinés à intercepter la chaleur. k La voûte du débraifoir fera en pleinceintre , & aura par confé- quent depuis fa naiflance jufqu’à fa clef , quatre pieds de hauteur perpendiculaire ; elle fera percée de cinquante fept ouvertures , y compris celles qui feront fous la bouche du four. Ces ouvertures qui feront toutes complettées , formeront des foupiraux en entonnoir renverfé , par lefquels la cendre & la menue braife tomberont. Dans le deflus , ces foupiraux feront à un pied les uns des autres ; ïls auront fix à huit pouces en quarré dans la voûte, & iront en dimi- nuant de largeur vers le four , dans le plain-pied duquel ils formeront une efpèce d’échiquier ; on en parlera plus amplement lorfqu'il s'agira du four. Entre le four &c le débraïfoir , la voûte aura à fa clef, dix-huit ee 0 rés SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 275 pouces d’épaiffeur. Cette voûte fera formée de deux rangs de briques , & on y ménagera les ouvertures convenables pour ces foupiraux , par le moyen de briques longues de huit à neuf pouces , dont on laiflera un vuide entre deux , dans l’épaifleur de huit à neuf pouces, &t ainfi fucceflivement. La braife qui tombera par le plus grand nom- bre de ces foupiraux , s’amañlera dans le débraïfoir , &y formera un brafer plus ardent que le foyer. Comme la braife s’ariaflera en forme de cône , les rayons de ce feu feront portés avantageufement dans tous les creneaux par lefquels l’ardeur de cette braife fe commu niquera & contribuera à chauffer la galerie ; la figure ondée y fer- vira plus avantageufement qu'aucune autre ; parce que le feu sinfi- nuera mieux & reflueral plus aifément quand on l’y forcera: car quoi- que le feu cherche naturellement les’ corps fur lefquels il doit avir , cependant comme cela ne s'exécute pas toujours à notre gré , il eft bon que nous foyons les maîtres de le contraindre. La feconde coupe horizontale du four entier ( PI. I, Fig. IT, ) repréfentera le plain-pied du foyer , qui fera direétement fur le dé- braïfoir dans un pareil diamètre , à dix pieds & demi au-deflus de la ligne de niveau , prife dans la partie la plus baffe du débraïfoir : au refle, quelques pouces plus où moins font indifférers. Ce foyer qui aura huit pieds de diamètre , garni , comme il a été dit, de cinquante - fept ouvertures quarrées , dont les feize du milieu mauront que trois pouces de chaque côté , les autres auront quatre pouces pour donner plus de paflage à la braïfe en cette partie ; 1l Y aura de ces. ouvertures juiqua l’entrée extérieure & près la mar- che de la bouche du four : cette bouche fera , comme on l’a an- noncé , partie du foyer , & fera percée de même ; ces petits foupi- raux iront en élargiflant vers le bas , afin que la braife ne puifle s’y arrêter , & que l'air puifle mieux agir fur les matières combuftibles , quand il en fera befoin. Il n’y aura de foupiraux aux contours que ceux qui feront vis-à-vis des creneaux , & on les difpofera à cet effer. Les autres petits foupiraux auront leur milieu à quinze pouces de contour, - + On remuera la braife felon qu’elle s’amaflera dans le foyer, de façon qu'il y en ait toujours moins au contour qu'au milieu; & c’eft pour cela que les feize ouvertures du milieu font plus étroites, afin que le feu agiffe mieux au contour , & que la braife ne s’y amaffe point, ce qui énterreroit la pierre de chaux, & l’empêcheroit de cuire. Ces ouvertures, placées en forme d’échiquier , feront formées en dellus avec des carreaux de terre cuite, de deux à trois pouces d’épaifleur, & d’un pied de large, coupés dans les quatre angles, à trois pouces de chaque côté; & ayant quatre pouces de large, fur chacune de ces quatre faces, & fix fur chacune des quatre autres qui feront parallèles, Ce compartiment eft JUILLET 1772, Tome IL. M mi) 276 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, plus folide que des blocs quarrés, percés au milieu, dont je me fuis d’abord fervi pour cet ufage. Ou aura foin au furplus de proportionner les carreaux aux ouvertures qu’on “voudra former, puifqu'il y en a qui n’ont que trois pouces, & que quelques-unes font plus éloignées. La moindre attention réglera cette différence. La bouche de ce four par laquelle on jette le bois & on manœu- vre, a deux pieds & demi de large, & deux pieds & demi de haut à l'entrée ; elle va en élargifant & en s’élevant vers le four , à l’entrée duquel elle a trois pieds trois pouces de large , & trois pieds & demi de haut : elle a quatre pieds & demi de profondeur; favoir, quatre pieds en foyer, & un demi pied formé par les jambages , & par une pierre de grès qui fait le feuil & l'appui de la bouche du four, & forme une marche de fix pouces de hauteur en dehors. Cette bouche fe ferme aux deux tiers avec une porte de fonte, qui la dépafle des deux côtés; celle dont je me fers eft du poids de trois cens livres. La profondeur de cette bouche ne doit pas avoir plus de quatre pieds & demi, pour la facilité de la manœuvre: mais comme la galerie règne à cinq pieds & demi au-deflus , & que c’eft la moindre hauteur néceffaire pour agir à la bouche du four , on pratiquera à chaque côté, à un pied des jambages de la bouche, un pilier butant de deux pieds d’épaifleur, lequel fera évafé d’un autre pied de chaque côté, ce qui donnera fix pieds de largeur totale qui fuffiront aux Ouvriers, parce que le terrain ira toujours en baiflant à mefure qu’on s’éloignera de la bouche du four, du moins jufqu’à quatre pieds de diftance. On formera, au moyen de ces piliers, une voûte qui fera fermée du côté du four, à une épaifleur fufffante, pour foutenir la partie de la galerie qui fe trouvera au-deflus; cette voûte ira en hauffant & en s’élargiffant à mefure qu’elle s’éloignera du four. La fumée qui fort par la bouche du four incommoderoit dans un endroit un peu renfermé. On pratiquera donc une cheminée au-deflus de la bouche du four ; les jambages de cette cheminée feront formés par les piliers, & le manteau de cette cheminée aura fx pieds de hau- teur. Le tuyau de la cheminée fera néceffairement bombé à la cave, à contre-{ens des cheminées ordinaires, à caufe du contour de la galerie; mais ce tuyau s’étendra entre chaque pilier, & montera droit à plomb au-deflus de la cave, & fera prolongé au moins cinq pieds plus haut que le four. | Pour faciliter davantage l’évaporation de la fumée, on pratiquera une ventoufe dès le bas de chaque pilier dans l’évafement, afin que Pair qui s’introduira par ces ventoufes , puifle mieux challer la fumée. Cette ventoufe ou creneau fera tel qu'un homme puifle y pafler pour ouvrir ou fermer l'iflue du foupirail qui fe trouvera vis-à-vis vers la hauteur de cinq pieds, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 999 Au contour du foyer, il y aura feize foupiraux difpofés au-deflus des creneaux- du débraifoir & de la même figure , c’eft-à-dire ondés, ayant aufñ environ dix-huit pouces d'ouverture. Leur profondeur fera de fix pouces au plain-pied du foyer ; leur hauteur, à leur ouverture, fera au moins de deux pieds ; ils s’avanceront dans la maçonnerie à mefure qu'ils s’élèveront à raïfon de fix pouces par pied, de façon qu’à la hauteur de deux pieds , ils aient dix-huit pouces de profon- deur : à cette hauteur , ils feront fermés du côté du four, & conti- nueront de s’avancer vers la galerie en approchant du plain-pied de laquelle ils feront réunis aux creneaux qui partent du débraifoir; de façon qu'il refte aflez de folide pour foutenir la galerie, & qu'il n’y ait point d’angles. De ces feize foupiraux , huit donneront le feu derrière les piliers, & huit le donneront au contour de la galerie, de la manière & ainfi qu'on l’a dit, en parlant des creneaux, ce qui formera dans le plain- pied de la galerie, huit trapèzes, dont les côtés feront formés par les iflues des foupiraux, & par les arcades de la galerie, Au milieu de ces trapèzes , on pourra placer les matières les plus tendres. La réunion de ces creneaux & de ces foupiraux, ainfi combinée , four- nira un feu capable d’échauffer toute la galerie, & fur-tout les parties les plus éloignées du centre du foyer. Il reftera encore trop de feu (ou de chaleur ) dans l'intérieur du fonr; mais on Ôtera ce trop, ainfi qu'on va le dire. La pierre de chaux fera placée en voûte gothique fur le foyer ; fa naïffance partira dès le pied, qui aura quinze pouces de large ou d’épaif- feur dans le bas. On ménagera des ouvertures dans le pied de cette voûte, vis-à-vis des treize foupiraux du contour, & fur tous les foupi- raux qui fe rencontreront en partie au pied de cette voûte, afin que la braïfe ne s’y amafle point, & que la chaux puifle cuire également. On pourroit ménager un peu de marge pour guider l'Ouvrier, mais cela n’eft pas abfolument nécefaire : il vaudroit mieux baïffer de quel- ques pouces vers les foupiraux , pour leur donner plus de hauteur ; au refte, l’Ouvrier pourra fe régler fur les petits foupiraux, & il faut lui fuppofer affez d’ufage & d'intelligence pour n'avoir pas befoin de guide. On aura attention de ménager dans la vote de pierre à chaux, des Jours vis-à-vis des arcades de la galerie, afin de mieux partager le feu , qui, en effet , brûle ordinairement la voûte de la chaux, fi on ne prend pas cette précaution, au moyen de laquelle le feu eft égale- ment partagé. Le centre de ce foyer fera un peu convexe, ainfi que celui du débraifoir ; mais il y aura une pente douce, par pied , depuis le fond jufqu'à la bouche du four, de façon néanmoins que les premières JUILLET 1772, Tome II, 278 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ouvertures qui portent le feu dans la galerie, foient toujours plus baffes que le centre du foyer : ainfi, la pointe fe trouvera particulièrement dans le contour. Nous avons dit que la hauteur totale du four, proprement dit, feroit de dix pieds ; 1l s’agit à préfent d’en faire la diftin@tion. Voyez PI. I, Fig. IV. Il y aura d’abord trois pieds de haut, depuis la partie la plus haute du plain-pied du foyer, juiqu'à la partie la plus bafle de celui de la galerie : à cette hauteur paroîtra une troifième coupe hori- fontale ; l’intérieur ou le cœur du four, deftiné uniquement pour la chaux, aura à cette hauteur de trois pieds, huit pieds & demi de diamètre, Outre la raifon des courbes qui réfléchiront les rayons vers le haut, il y a une autre raifon fenfible pour élargir le fourneau, en montant jufqu’au-deffus de la voûte de la chaux ; la pierre en fe calcinant diminue de volume; les parties fe rapprochent infenfiblement à mefure que le feu les pénètre; la voûte poftiche de pierre à chaux s’affaifleroit donc , fi elle ne trouvoit pas dans l’étrécifflement inférieur des mañles qui là contiennent , une réfiffance proporrionnée à la diminution de fon volume. C'eit pourquoï l’intérieur du fourneau monte en élargiffant juf- qu'à fept pieds de haut, parce que la première voûte de chaux a au moins cinq pieds de haut fous clef, afin de donner aflez de foyer pour que le feu puifle agir fous cette voûte, & que cette première voûte eft furmontée d’une feconde , afin d’obvier aux fuites de l’affaiffement: d’ailleurs, il eft naturel de donner au fen une plus grande étendue jufqu'à l'endroit où fa violence eft ia plus confidérable, & j'ai obfervé que c’eft à une pareille hauteur de fept pieds. ‘ Pour mieux partager le feu, qui, fans cette divifion , auroit toujours trop d’aétion fur la voûte qui lui eft oppofée, je forme donc à cette hauteur de trois pieds une galerie autour du four, par le moyen d’un mur ou couronne de briques qui, à fept pieds de haut, eft dansfa moindre épaifleur ; cette épaifleur, à cette hauteur, eft de quinze pouces : au-deflus & au-deflous, la couronne élargit, tant du côté du cœur du four, que du côté de la galerie, au plain-pied de laquelle la couronne a,vingt-un pouces d'épaiffeur : cette couronne a différentes ouvertures, dont on parlera bientôt, La largeur moyenne de la galerie, à fon plain-pied, eft de deux pieds trois pouces; mais comme elle a fur le derrière un pied de plus que fur le devant du four , la raifon que nous allons donner tout-à- Fheure, outre ce que nous avons déja dit, la galerie , à fon plain-pied, aura au fond deux pieds neuf pouces de large, & feulement un pied neuf pouces fur le devant. Cette proportion fera fuivie dans tout le circuit de la galerie. La raifon particulière de cette différence eft parce que le feu va SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 979 toujours en avant, & ne revient point fur lui-même, s'il n’y eft ‘forcé par quelque réfiftance, telle que celle de l'air amené par la grande porte du débraifoir. Avant que j'eufle inventé ce débrailoir, la chaux ne cuifoit pas parfaitement fur le devant, à moins qu’on y tint le feu trop long-tems pour le derrière. Par ces raïfons fimples & con« firmées par l'expérience , la galerie fera donc plus large au fond que fur le devant, & la largeur de cette galerie fera différente dans toute fa circonférence, felon cette porportion que j'ai reconnu être fufñ- fante : le débraïfoir fournira au furplus les moyens de rendre la chaleur, ou du moins la cuite égale dans toutes les parties du four ou de la galerie. Le plain-pied de cette galerie fera auffi à des hauteurs différentes ; il fera plus élevé fur le devant, non-feulement à caufe de la hauteur de la bouche du four, mais encore afin que le feu monte en retour- nant fur lui-même & en rampant ; la pente fera toujours à raifon d'un pouce par pied dans toute la circonférence de la galerie. Comme la largeur de la galerie ne fera plus la même par-tout , l’iflue des foupiraux aura moins de longueur en quelques parties; on a dit que cette longueur fera proportionnée aux largeurs de la galerie. Si pour faciliter l’érabliffement des matières, on veut rendre la pente moins fenfble , on pourra donner à chaque iflue du foupirail traver- fant, un peu de marche du côté que la pente monte. La hauteur de cette marche fera de la moitié de la pente, qui fe trouveroit fans cela entre deux foupiraux , dans la proportion qu’on a donnée : ainfi cette marche aura deux à trois pouces. Les ouvrages de poterie, ou tous autres ouvrages les plus délicats, feront mis dans la galerie au centre des trapèzes; on y placera les tuiles, par exemple, fi on ne cuit point de poterie. A l'égard des bri- ques, comme moins délicates que la tuile, elles feront mifes fur les bords des iflues & dans les ouvertures des arcades , à moitié feulement; la moitié de ces ouvertures du côté du cœur du four , fera remplie de pierres à chaux plates, pofées fur le côté, laïffant autant de plein que de vuide pour le paflage du feu. On obfervera qu'il faut donner moins de paflage à proportion que les ouvrages feront plus délicats: on aura attention aufli de ménager l’ifue des foupiraux, de façon que le feu qu'ils fourniront , ait toute fon a@ibn dans toute la hauteur de la galerie. Cette hauteur fera de huit à neuf pieds, depuis le plain-pied de la "galerie, jufqu’aux clefs de fa voûte. Ii faut obferver que les hauteurs ‘font prifes de la ligne de niveau, à partir du point le plus bas de la pente, & que cette pente eft prife moitié en deflus & motié en deflous de la ligne de niveau. Au refte, qu’on prenne les hauteurs à partir du centre, céla eft allez indifférent, pourvu qu’on obferve les pentes expli- quées; elles font eflentielles & pour la manœuvre, & particulièrement pour la&ion du feu. JUILLET 1772, Tome II, 280 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Nous avons donc trois pieds de hauteur, depuis le plain-pied du foyer, jufqu'à celui de la galerie ; neuf pieds pour la plus grande hauteur de la galerie, dont 1l ne refte plus rien au-deflus de cette hauteur ; quatre pieds pour l’arrondiffement du haut du four , qui fera terminé en voûte gothique, à laquelle hauteur qui fera en tout de feize pieds, le fommet de la voûte laiffera une ouverture de trois pieds & demi de diamètre, & d'un pied de haut pour fermer droit d'à-plomb, & d’une manière folide , l'ouverture fupérieure : ainfi le haut du four approchera de la figure d’un cône tronqué, & les courbes du four & de la galerie feront compofées de trois portions de cercle, qui formeront une ligne brifée ou une courbe .corrompue, qui ne peut mieux être repréfentée , qu’en la comparant à une coque d'œuf d’autruche. A la hauteur de trois pieds au-deflus du foyer , à laquelle le cœur du four aura huit pieds fix pouces de diamètre | comme il a été dit, il y aura tout autour du cœur , huit grandes ouvertures difpofées à diftance égale au-deflus des piliers des foupiraux du foyer, dont l'iflue eft en face ; ces ouvertures auront communément depuis trois jufqu’à quatre pieds de haut, à caufe de la rampe dont on a parlé; leur largeur fera de deux pieds à l’entrée du côté du centre, & de trois pieds en dedans de la galerie , où le ceintre de l'ouverture fera auffi plus élevé . qu’à l'entrée ; le feuil de cette entrée fera évafé de fix pouces fur trois pouces de hauteur ; les piliers ou trumeaux entre les arcades , auront dans le bas vingt-un pouces d’épaiffeur,& environ quinze pouces au haut : leurs faces n’auront que quinze pouces jufqu’à la naïffance des arcades, qui feront toutes en plein ceintre; mais au moyen de la fuppreffñon de tous les angles , les piliers ou trumeaux feront ovales ou ronds, felon leur pofñition ; ce qui donnera deux pouces de plus de largeur aux ouvertures, à l’entrée & à la fortie feulement. Au-deflus de ces huit ouvertures ou arcades, la couronne fera pleine dans toute la circonférence du cœur du four, dans la hauteur d’un pied au moins, tant pour donner plus de folidité à cette couronne, qui n'aura communément que quinze pouces d’épaifleur, que pour mieux partager le feu & le concentrer davantage dans la galerie. Cette cou- ronne fait le fujet de la quatrième coupe horifontale : Voyez PI. II, Fig. L. C’eft ici la plus grande largeur de tout le four & de toute la galerie. C’eft à la hauteur de fept pieds du four, & de quatre pieds de la galerie, que le diamètre du cœur du four eft de neuf pieds ou à-peu-près, La couronne a quinze pieds d'épaiffeur , & la largeur totale de la galerie eft de cinq pieds & demi , dont pour la plus grande grandeur 1l y a trois pieds trois pouces , & pour tout le diamètre intérieur du four, dix-fept pieds, égal à toute fa hanteur. A Ed SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 28£ A huit pieds de haut, les largeurs du four & de la galerie dimi- nueront, & à l’épaifleur de la couronne, elles augmenteront ; le tout fera peu fenfible, y ayant au plus un pouce en chaque partie ; c’eft pourquoi on fe difpenfera de l’exprimer plus précifément; on le verra fur le plan qui fait la cinquième coupe horifontale, PI, I, Fig. Il. À cette hauteur, partiront huit autres ouvertures dans la forme des précédentes ; mais elles n'auront que deux à trois pieds de haut fur un pied & demi de large: elles feront placées fur les piliers des précédentes , de façon que les arcades fupérieures feront fur les piliers des arcades inférieures, d’étage en étage alternativement, & au furplus, ces dernières feront dans le goût des précédentes ; leurs piliers auront dix-huit pouces au plus grand diamètre , qui fera celui de la face, étant arrondis comme on l’a remarqué. Il refte encore deux pieds pour la plus grande hauteur de la galerie; ces deux pieds feront employés pour les ceintres de la voûte de la galerie , qui feront furbaiflés , fi on ne peut les faire en arc de cloïtre. La couronne fera encore pleine au moins dans la hauteur d’un pied, c’eft-à-dire, à dix ou onze pieds au-deflus du plain-pied du foyer, À cette hauteur de dix pieds , le cœur du four eft de huit pieds & demi de diamètre ; la couronne a neuf pouces d’épaifleur ; la largeur totale de la galerie eft de quatre pieds fix pouces, dont deux pieds neuf pouces fur le derrière, & un pied neuf pouces fur le devant , ainfi qu’à la hauteur de trois pieds. A douze pieds de haut, la galerie fera fermée; 1l ne reftera plus que le cœur du four qui aura huit pieds de diamètre. A cette hauteur, & vis-à-vis les piliers plus élevés, paroïtront huit foupiraux, qui, de la naïflance des voütes de la galerie, Nendhoehussee l'intérieur du four en arc-rampant. Ces foupiraux auront un pied de hauteur perpen- diculaire du côté du four , & dix pouces de large; mais ils auront vingt pouces de large en partant de la galerie. Ils iront ainfi en diminuant de largeur vers le cœur du four, PL IT, Fig. IT , & rendront à cette hauteur & au-deflus, la chaleur que cette partie prendroit fans cela, par l’éloi- gnement du foyer, On obiervera de ménager deux où même quatre de ces foupiraux pour faciliter l'exploitation du haut de la galerie ; ainf, on donnera à ces quatre foupiraux jufqu’à quinze pouces de haut, & autant de large , afin qu’un homme puiffe y entrer & en fortir, pour enfourner & défourner plus promptement. Ces quatre foupiraux feront ceux qui fe trouvent à angles droits, en partant de celui qui eft fur la bouche du four. On ne donne point la mefure des piliers ou tru- meaux en cette partie, parce qu’elle eft une fuite de la largeur des foupiraux ; mais on obferve qu'ils feront à-peu-près ovales, au moyea de la fuppreflion des angles, ainfi qu’on le verra fur le plan, ce qui élargit les foupiraux de cinq pouces dur côté du four. Le haut de, ces huit foupiraux, qui fera à treize pieds au-deflus du JUILLET 1772, Tome 11. Nn 282 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, plain-pied du foyer, fera divifé & partagé par moitié dans l'inté= rieur du cœur du four: une moitié ira à droite, & l’autre à gauche; &z par le moyen d’une crenelure oblique & ondée, de quatre pouces de large fur trois pouces de profondeur, & deux pieds de hauteur perpendiculaire , qui fera pratiquée dans l’intérieur de la mafle du cœur du four , on réunira la moitié droite d’un foupirail avec la moitié gauche d’un autre, à chacun des huit autres foupiraux qui feront percés entre les précédens à ladite hauteur perpendiculaire de deux pieds au- deflus; c’eft-à-dire, à quinze pieds du foyer. Voyez PI. Il, Fig. IV, À cette hauteur, le diamètre du four fera réduit à environ cinq pieds & demi. Lors de la réunion des crenelures , on formera l’ouverture de ces buit derniers foupiraux : elle fera ronde & elle aura fix pouces de diamètre, pour venir communiquer à l’air extérieur par une iflue de cinq pouces de diamètre; ces iffues feront difpofées tout autour de ouverture du haut, à égale diftance les unes des autres, & à quinze pouces du bord de cette ouverture; voyez PI. If, Fig. V; c’eft-à-dire, que ces huit iflues formeront entr’elles un diamètre de fix pieds. Ainfi, la hauteur perpendiculaire de ces huit derniers foupiraux , fera de deux pieds , dont un pied ira en arrière nn peu obliquement en rampant de fix pouces, & l’autre pied montera droit d’à-plomb. L'ouverture fupérieure qui fera au mulieu de ces foupiraux, montera auffi droit d'ä-plomb dans la hauteur d’un pied fur trois pieds & demi de diamètre, depuis la hauteur de feize pieds, ce qui terminera le four à la hauteur totale de dix-fept pieds. Les bords extérieurs des ouvertures fupérieures , feront faits ou recouverts de huit ou de feize bonnes pierres de grès très-folides, tailées exprès en coupes de deux pieds & demi de long auxquelles on fera des entailles à la demande des petits foupiraux. On donnera à ces pierres une pente en baïfflant, à mefure qu'elle s’éloignera des bords, afin que l’eau s'écoule facilement. Pour plus de folidité ,les parties du haut qui #’auront point de communication avec le feu, feront maçon- nées à chaux & à ciment, dans tout l’extérieur du four, en baïfflant toujours à melure qu'on s’éloignera du centre; de façon qu'il y ait au moins trois pieds d’épaifleur de maçonnerie au-deflus des voûtes, leur épaiffeur comprife. Le furplus pourra être rempli de terre battue avec le pilon, & pavé avec des pierres de grès au-deflus, pour que les charrettes puiflent approcher, feulement à fix pieds du bord de l'ouverture fupérieure. On pourroit encore couvrir toute la maçon- nerie extérieure, foit pardeflous ou pardeflus , ou dans toute fa circon- férence , avec une couche de mâche-fer de trois pouces d’épaifeur, maltiquée avec du mortier de terre forte, afin de rendre le four plus ardent, & d’en éloigner toute humidité, Je l'ai pratiqué avec fuccès > SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 283 dans un four à pain que j'ai fait rétablir depuis peu, & on brûle moitié moins de bois qu'auparavant. Au moyen de ce mâche-fer , on n’aura pas befoin de chaux ni de ciment, fi ce neft qu'on ne voulut en racouvrir la couche de mâche-fer, ce qui feroit encore mieux; car on ne peut rendre un tel four ni trop fec ni trop folide. On tiendra ces petites ouvertures du haut fermées avec des tuiles, ou avec des pots renverfés, ayant leur anfe au-deflus du fond, ou même pour le mieux avec des bouchons de terre cuite, ayant une anfe comme ces pots , afin de fermer hermétiquement ou en partie ces foupiraux, dontle diamètre, comme on l’a dit, fera à leur iffue de cinq pouces, & qu’on difpolera pour mieux recevoir le bouchon; de façon que ce bouchon étant plus étroit par le bas , puille entrer de trois pou- ces dans l’endroit deftiné à le recevoir. La pierre de chaux fortira en comble par la grande ouverture; mais on couvrira ce comble à volonté avec de moyennes pierres à chaux, qu'on maftiquera avec de la terre détrempée , lorfque le feu aura une fois pénétré dans le comble, dans la circonférence duquel on ména- gera , entre les foupiraux , au niveau de la hauteur du four , huit Ouvertures quarrées, qui formeront autant de plein que de vuide, & qu’on pourra fermer avec des tuiles 8e autres couvercles, fi le befoin le requiert. La chaux qui s’abaifle à mefure qu’elle cuit, comme on Fa obfervé, rentrera en entier dans le four. On connoitra fi elleeft bien cuite, 1°, lorfqu’elle aura defcendu jufqu’au bas du col du four; c'eft-à-dire, au-deflous du dix-feptième pied ou à-peu-près, felon la qualité de la pierre; 2°. lorfque le four ne donnera plus qu'une flamme bleue , pareille à celle du foufre bien allumé. Ce font les véritables marques que la chaux eft par-tout cuite à fon point; c’eft d'elle. que dépendent les autres matières. On reconnoît encore la perfeétion de la cuite , lorfqu’on n’apperçoit plus aucune noiceur dans toutes les parties fupérieures par où le feu s'échappe, ce qui provient de la qualité de la flamme ; car tant que la flamme ne fera pas telle qu’on vient de le dire, il reftera toujours quelque noirceur, indice qu'il y a du crud; & ce fera dans les parties où reftera cette noirceur qu'il faudra diriger la flamme, ce qui fe peut très-aifément dans le four que je propofe , & ce qui eft prefque impofñfible dans les autres. Com- me la couverture du comble fe foutiendra d’elle-même par fa difpo- fition , le feu qui agira deffous, fera plus a&tif pour achever de cuire les matières qui ont été les dernières expofées à fon action; & le feu qui monte toujours, réparera fur elles à la fin, ce qu'il n’aura pu faire dès le commencement. Au refle, qu’on ne s’inquiete pas pour un peu de noir qui refteroit ; il vaut beaucoup mieux le laifler que de l’expo- fer, en forçant le feu, à donner trop de chaleur'aux autres matières déja cuites : On feroit quelquefois plutôt fondre & perdre tout le bas, que JUILLET 1772, Tome IL. Nni 284 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de diffiper cette noirceur; cependant , il ne peut y avoir de meilleur moyen, que celui de tourner le feu à volonté, & il faudra y pré- voir de bonne heure , & pour cet effet, réferver le bois le plus fec, & celui qui donrera la flamme la plus vive. CLONNNCNENTRISTTITONN. On aura donc attention de tenir les foupiraux fermés, ou de les ouvrir felon le befoin. Si la chaleur donne trop par un foupirail, on le fermera & l’on ouvrira celui où elle ne donnoit pas aflez, & ainfi fucceflivement, ayant foin en même tems d'ouvrir la porte du débrai- foir qui fe trouvera oppofée au foupirail auquel on voudra rendre la chaleur : & comme les foupiraux fupérieurs correfpondront aux cre- neaux du débraifoir , on pourra faire flotter la flamme & la chaleur circulairement , de façon qu’on rétablira l'équilibre du feu quand on voudra; on fera maïître de difpofer du degré de chaleur , & de donner par-tout une cuite égale, & telle qu’on pourra la defirer, L'économie du bois fera d’autant plus confidérable, qu’on fera fervir à propos ce qu'il y auroit de nuifible par une chaleur trop forte pour les parties inférieures, & qu’en mettant à profit la chaleur du débrai- foir , qui dans tout autre four eft perdue, on fera cuire fans augmenter pour ainfi dire la quantité du bois, une quantité de briques, dont la valeur furpaffera celle de la chaux qu’on n’auroit pu faire cuire feule, avec moins de bois qu’il n’en faudra pour toute la fournée. Les plans que nous ayons donnés, & auxquels nous ajoutons la coupe en élévation avec leur explication détaillée, acheveront de don- ner une idée complette de ce four. Au moyen de cette conftruttion, on pourra cuire à la fois toutes les matières dont il s’agit ; la chaux au milieu ou dans le cœur du four; les briques & la poterie même, dans les différentes parties de la galerie. Les foupiraux ménagés, comme on l’a vu, faciliteront tout le moyen de donner par-tout une cuite égale ou proportionnée au degré dont on aura befoin. On pourra ne cuire que la chaux feulement, ou feulement des ouvrages de tuilerie ou de poterie. Ce four contiendra au moins huit muids de chaux, & vingt milliers de briques, de huit fur quatre pouces & deux pouces d’épaifleur; où douze milliers de tuiles de onze fur fept pouces & de fix lignes d'épaifleur, & de telles autres matières à proportion. Toutes les me- fures ,; dont on a parlé dans ce mémoire, font prifes d’après celle de Paris. On pourra à la troifième fournée continuée, ne brûler que fx toifes cubes de bois plein & bon. Si on ne vouloit cuire dans un tel four, que des briques ou des ouvrages de poterie, il faudroit, pour tenir lieu de la voûte de la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 234 chaux , conftruire au-deflus du foyer une voüte de briques, à laquelle on ménageroit des ouvertures dans la proportion décrite, en partant de la voûte de chaux, pour fournir le feu dans le four & dans la galerie, laquelle ne fera plus néceffaire dans le cas où toutes les matières feroient abfolument égales. Dans l'une ou l’autre de ces différences, le tout devra être de moindre étendue; mais dans les mêmes principes & fur les mêmes proportions, obfervant que le nombre des arcades , des creneaux & des foupiraux dans un moindre four, foit moindre comme de fept & quatorze, fix & douze, afin de ménager la folidité de la conftru&ion , objet effentiel pour lequel je n'ofe diminuer lépaifleur de la couronne , quoique les piliers des arcades, que j'ai fait prati- quer en fous œuvre, dans un ancien four qui me fert de règle de comparaifon & d'expérience, quoique ces piliers, dis-je, aient moins d’un pouce d’épaifleur, & feulement huit pouces de large. Pour les matières, & dans le cas où l'ouverture fupérieure ne fera pas néceflaire comme pour la poterie, le four fera fermé en-deflus; &e pour fuppléer à cette ouverture , on ajoutera en haut neuf autres fou- piraux, dont un fera au centre, & huit feront difpofés autour du neu- vième, en-deçà & entre les huit dont on a donné la mefure, pour les ouvrir & les fermer de la même manière: mais alors il faudra deux ouvertures verticales, l’ure au-deflus de l’autre; celle d’en-bas ia plus grande pour exploiter le four. On ménagera des ouvertures, pour les épreuves, à un endroit con- vencble ou à plufieurs ; j'en place fur-tout vis-à-vis des iflues des cre- neaux & des foupiraux réunis , afin de les ouvrir plus ou moins, en cas de befoin, par le moyen d’une grande tuile ou brique faite exprès : mais On fe mettra aufh en état d’intercepter la chaleur du débraïfoir feulement, en pratiquant de femblables ouvertures deux pieds plus bas. On pourroit même faire cuire dans ce four des ouvrages plus délicats que ceux de poterie. On obfervera en paflant , qu'il eft avantageux que le four foit chauffé fouvent ; & par cette raifon, dans les Villages où l’on fabrique la chaux, les tuiles, les briques, il feroit très à-propos de réunir tous les fours féparés, en un feu! femblable à celui que je propofe. On le chaufferoit deux fois par mois, foit en commun, foit tour-à-tour; on épargneroit beaucoup de bois , le four s’endommageroit moins ; & un feul four , quelque coûteux qu'il foit, n’égalera point en conftruétion ni autrement, la dépenie de plufieurs autres, qui, tous enfemble, ne feroient, pas autant d'ouvrage qu'un feul four conftruit de la manière que je viens de décrire. Je pourrais ajouter, pour faire mieux connoître l'avantage de fa conftruétion de ce four, que les Maîtres & les Ouvriers ont oblervé &c reconnu, comme moi , que la pierre de chaux cuit plus aifément lorf- Juirrer 1772, Tome IL. 286 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; qu'elle eft un peu humide, foit par fon eau de carrière, foit par uné légère pluie, que quand elle eft extrêmement fèche par une trop grande expofition à l’ardeur du foleil. Les ouvrages de terre, au contraire, ne fauroient être trop fecs; le même feu ne feroit donc guères propre à cuire enfemble la chaux & les ouvrages de terre : c’eft pourquoi les fours en berceaux, dans lef- quels la chaux eft en bas près du feu , & où les ouvrages de terre font plus loin en montant en pente , ainfi queles foufs quarrés dans lef- quels les ouvrages de terre font placés perpendiculairement au-deflus de la chaux, ne font pas, par cette raïfon, favorables à la cuiflon , parce que les uns font brülés quand les autres ne font pas fuffifamment cuits. L'humidité du bois contribue encore dans ces fourneaux à ramollir les ouvrages de terre; ce qui eft très-préjudiciable , & ce qui occa- fionne de chauffer long-tems à petit feu, pour éviter cette inconvénient. C’eft pourquoi les Fayanciers ne donnent qu’un feu, qui approche du feu de reverbère. Tous ces avantages fe trouvent réunis dans le four que je propofe, & il eft exempt de ces inconvéniens. $i la pierre de chaux eft humi= de, & fi la fumée du bois qui ne peut être exempt d’humidité, augmente l'humidité de la pierre de chaux, les ouvrages de terre ne fe reflentent point Gu prefque point de cette humidité, Le feu qui fe com- munique dès le bas du foyer , & celui du débraifoir fur-tout, eft un feu fec qui imite celui du reverbère. Ce feu fe communique tout d’un coup dans toutes les parties du four à la fois par la difpofition des iflues réunies des creneaux & des foupiraux ; & il fe communique particulièrement dans les endroits les plus éloignés du centre du foyer. On retirera aifément toute la chaux fans toucher aux ouvrages en terre qui refroidiront tranquillement dans la galerie , ce qui les mürira & les perfedtionnera , & c’eft ce que l’on appelle leur donner le recuit. Auffi-tôt que le feu fera un peu amorti, on interceptera la chaleur du débraïfoir avec des tuiles faites exprès felon chaque iflue de foupirail , ou plutôt felon chaque conduit de creneaux au-deflus de leur réunion; &z par cet effet,on ménagera dans l’extérieur du contour du four, vis-à- vis de lPendroit où les creneaux & les foupiraux fe réuniffent , de petites embrafures à-peu-près pareilles à celles qui ferviront pour retirer les épreuves. On recouvrira de planches , fi on le veut, le plain-pied du foyer auf tôt que la diminution de la chaleur le permettra ; ayant foin aupa- ravant de fermer les petits foupiraux avec des bouchons de tuile faits exprès, ce qui empèchera que la pouflère de la chaux ne tombe dans le débraïfoir. = La braïfe de la première fournée, réfervée 8 confervée dans le débraifoir, agira tout d’un coup à la feçonde fournée , & enfuite à | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 287 celles qui fe fuccéderont continuellement : cette braïfe conferve fon ardeur un mois entier, en ne lui laiflant que ce qui fuffit d’air pour ne pas l’étouffer; on la ranimera fans peine lorfque le four aura été rempli , en ouvrant tous les foupiraux & en retirant les cendres qui feront auñli parfaites que celles des Boulangers , & qui peuvent fervir aux mêmes ufages. Les Maîtres de l’Art & les Ouvriers font convenus que cet expédient feul épargneroit à la troifième fournée confécutive un tiers du bois qu’on brûle ordinairement dans les fours en berceau de la meilleure conftruétion. Si on ajoute les autres avantages de mon four, on aura bientôt la moitié d'épargne; & comme il eft plus grand d’un tiers que les plus grands fours de cette efpèce ( en berceau), économie & le profit feront par conféquent encore plus confi- dérables. EXPLICATION DES PLANS ET DE LEURS RENVOIS, Planche I, Figure I- CE Plan repréfente le rez-de-chauflée ou le bas du débraïfoir & de tout le four. A. Centre du débraifoir, ou cendrier deftiné pour recevoir la braife. B. Portes du débraifoir. Ce font les ouvertures du bas qui fervent à tirer les cendres. C. Partie du débraifoir qui eft fous la bouche du four. D. Embrafures ou grandes portes du débraifoir qui font les anti- chambres. E, Portes de communication du débraifoir au boyau, par les em- brafures. F. Portes qui communiquent du débraïfoir au boyau , dans la partie qui eft fous la bouche du four, pour le mème effet que les bailes portes marquées B. G, Galerie baffle ou boyau fouterrain, pratiqué entre les deux maffes de maçonnerie. H. Portes qui communiquent des caves ou de dehors, dans la galerie baffe. L Creneaux dont l’iflue eft en face, & eft marquée H, Fig. II. Il eff aifé de reconnoître ceux qui font un peu élargis. L. Creneaux dont l'iflue eft tranfverfale & marquée. G, Fig. IL. On diftingue fans peine ceux qui font pratiqués dans les côtés de l’ouver- ture qui eft fous la bouche du four. Les arcades ponétuées marquent Les creneaux qui ne peuvent être fore JUILLET 1772, Tome IL, 288 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, més qu’au-deflus des portes hautes du débraïfoir; on a reculé les jamt- bages des portes baffes en cette partie pour faciliter le paflage de la chaleur par ces creneaux. Les lignes pon@uées marquent les feuillures, X. Ligne de coupe. L Y. Echelle de trois lignes pour pied, commune à tous les plans, Figure II. Ce plan repréfente le débraïfoir à la hauteur de cinq pieds. On a ajouté ce plan au précédent, parce qu’il en difière par l’enfon- cement des creneaux qui a neuf pouces de plus. Les renvois font les mèmes qu'au précédent, & on en a marqué deux feulement à caufe de leur différence. B. Portes fupérieures du débraifoir par lefquelles on remue la braife. F. Le deffus des portes qui communiquent du boyau au débraifoir dans la partie fituée fous la bouche du four. Au-deflus de cette hauteur commence la naïflance des autres voûtes; Figure III. Ce plan repréfente le plain-pied du foyer quieft dix pieds & demi plus haut que le rez-de-chauflée de tout le four. A. Centre du foyer. B. Bouche du four qui fait auff partie du foyer. C. Entrée de la bouche du four par laquelle on manœuvre. D. Embrafures ou ventoufes pour chafler la famée dans la cheminée, qui prend naïffance au-deflus, &c par lefquelles on peut fermer les conduits des creneaux qui font vis-à-vis, ainfi que les iflues des fou- piraux comme il eft marqué, Fig. IV, lettre I. E. Soupiraux dont l'iflue eft traniverfale, & eft marquée G. F. Soupiraux dont l’iflue eft en face, & eft marquée H. G. Ifluestranfverfales. H. Ifues en face. L Embrafures pour fermer les conduits des creneaux dont l'ifue eft tranfverfale. L. Embrafures pour fermer les conduits des creneaux dont lifue eft en face. On ajoute ici cesembrafures pour faciliter davantage le moyen d’inter- cepter la chaleur du débraifoir , au-deffous de la réunion des creneaux &c des foupiraux , afin que cette chaleur ne puiffe aucunement pénétrer dans le four. Ces embrafures auront quatre pouces, qui fuffront pour glifler des couvercles de tuile d’un feul morceau pour fermer ces con- duits, Ces embrafures iront un peu en montant vers le four, afin qu'on puifle r SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 289 puifle glifler les couvercles plus facilement, & que le feu ne puifle pas s'échapper fi aifément. Toutes ces embrafures feront tenues fermées pendant que le four fera en feu, On les maçonnera avec un rang de briques de long & fur les côtés; on fera de ces briques exprès. Les ôter & les remettre, fera l'affaire d’un inftant, Figure IV. Ce Plan repréfente le Four à la hauteur du plain-pied de la galerie. A. Cœur du Four à la hauteur de trois pieds. B. La galerie à l’endroit le plus large à fon plain-pied, C. La galerie dans la partie la plus étroite. Ce plan incline de C à B. D. Ouvertures ou arcades par lefquelles le feu communique du foyer à la galerie. E. Iflues tranfverfales qui fe ferment par les embrafures G. F. Iflues en face qui fe ferment par les embrafures H. I. Embralures pour fermer les iflues tranfverfales des foupiraux en cette partie. Toutes ces iflues font ici repréfentées à l’endroit où elles {e ferment ; c’eft-à-dire, deux pouces plus bas qu’elles ne paroiffent fur ce Plan. Elles fuivent , à la hauteur de ce Plan, le trait circulaire qui repré- fente l’ondulation, comme on voit la fin de fa trace fur le Plan $. L. Le manteau de la cheminée eft vers cette hauteur. La languette de cheminée prend fa naiflance plus haut dans la voûte de la porte, & eft fermée dans le Plan 5. On en ufera pour les embrafures, comme il eft expliqué au Plan 3, excepté que celles qui feront deftinées pour retirer les épreuves, au- ront plus de hauteur. : Planche II, Figure V. Ce Plan repréfente le Four à fa plus grande largeur intérieure, qui eft à la hauteur de fept pieds au-deflus du plain-pied du foyer. * A. Cendre du Four, B. La galerie qui règne tout autour. C. La languette de la cheminée. Figure VI. Ce Plan repréfente le Four à la hauteur de huit pieds. À. Cœur du Four. B. La galerie qui règne tout autour du Cœur du Four. C. Ouvertures ou arcades. D. Piliers ou trumeaux. E. Continuation de la languette de la cheminée. Figure VII. Ce Plan repréfente le Four à la hauteur de douze pieds. JUILLET 1772, Tome 11. Oo 290 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, A. Four. B. Creneaux par lefquels le feu rentre de la galerie dans le Four. C. Continuation de la languette dé la cheminée, Figure VIII, Ce Plan reprélente le Four à la hauteur de quinze pieds. À. Four. B. foupiraux, C. languette, Figure IX, Ce Plan repréfente le Four vu en deflus. A, Ouverture fupérieure du Four. B. Iflues des foupiraux. C, Cou: ronnement de la cheminée. Planche I , Figure X, Cette coupe repréfente le Four vu de bas en haut, coupé par la moitié fur la ligne X, Figure I , à prendre depuis la bouche du Four , juiqu'à la grande porte du débraïifoir qui lui eft oppofée. G. La maçonnerie eft abattue en ces parties pour faire voir la hau- teur de la galerie baffle qui ne tombe pas fous la coupe. B. La maçonnerie eft auffi abattue en ces endroits, pour repréfen- ter les 1ffues des foupiraux fupérieurs. K. On a voulu repréfenter la manière dont la chaux eft difpofée au haut du Four. OBSERVATIONS fur la théorie nouvelle, fur les Maladies cance- reufes, nerveufes € autres affélions du même genre , avec des Objèr- vations pratiques, &c. par M.GAMET (1), avec cette épigraphe: Ufus & impigræ fimul experientia mentis Paulatim docuit. Lucrzr. Liv. V. L E fang eft la fource de tous les fluides du corps humain: ces fluides compofent les folides; & c’eft dans leurs mouvemens réguliers que confifte la fanté. Tel eft le principe général duquel émane toute la doërine de l’Auteur. Les fluides font renfermés dans des vaifleaux qui leur font particuliers, & leur nombre & leur petiteffe furpaflent toutes les mefures & tous les calculs. On peut en juger par la fubtilité des liqueurs qui y circulent. Les expériences phyfiques démontrent que 3240 globules de fang, qui ne peuvent couler que l’un après l’autre dans les plus petits vaifleaux fanguins , égalent à peine le diamètre d’un (x) Un Vol. gros in-8°. À Paris, chez Ruault, Libraire, rue de la Harpe. Zadhet 277 Z. T.2.2 390 LBehelle de 24 Pièds. Tulliet 2772 Æ, ZX. Zulliet 1772 . TZ:2.2 390 Culhiet 1772. PU Il < «d |” SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, * a9t pouce ; que iiphe eft fix fois plus fubtile que le fang; que le fuc nerveux l’eftinfiniment plus que la lymphe: ainf, l’on peut juger par la fubrilité des fluides, quelle doit être celle des couloirs fuivant les différens fluides. + Ceft par le miniftère des nerfs & de leur fluide, connu fous les noms d’efprits animaux ou des fluides nerveux (1), que s’exécutent les fonétions vitales. Ils font l’effence principale de la vie; c’eft d'eux que dépendent, non-feulement la faculté de fentir & de mouvoir, mais encore la formation, l’accroiflement & la nutrition de toutes les parties corporelles, ainfi que la correfpondance immédiate de toutes les fenfations. Le fluide nerveux eft l'extrait le plus pur , le plus {ubtil de tous les fluides. Le cerveau plus parfait que tous les autres fecré- toires , après avoir fabriqué & filtré ce fuc précieux, le tranfmet dans toutes les parties du corps par le moyen des nerfs, comme par autant de conduits dont il eft l’origine & le principe. Les Auteurs ont été peu d’accord fur la véritable origine du fluide nerveux ; ils ont accumulé fuppoñtions fur fuppoñitions : il feroit fu- perflu de rapporter leurs rêveries, & trop long de donner les rai- fons fur lefquelles M. Gamet établit fon opinion. L’accroillement & la formation du corps, font dûs au fluide nerveux ; le cerveau eft la fubftance formatrice de tous les nerfs, & fes membranes, par l'expan- fion de leurs lames , forment les enveloppes qui tapiffent tous les vif- cères, ainfi que les parois internes & externes de tous les vaifleaux. La fubftance blanche & moëlleufe du cerveau enveloppée par la dure & la pie-mère , eft précifément la même chofe que la fubftance fari- neufe & huileufe que nous voyons dans les graines ou noyaux des femences ; c’eft-à-dire , le principe de la germination. Pour fe développer, il n’a befoin que du concours des circonftances, la potion, l’humidité , la chaleur. Le germe farineux ou huileux de ces graines ou noyaux, eft renfermé entre deux lobes, & enveloppé par une cuticule adhé- rente, formée de plufeurs feuillets très-fins, appliqués les uns fur les autres, qu'il eft poñlible de féparer. Les feuillets de cette enveloppe font exactement la dure & la pie-mère de ce germe on cerveau végé- tal; & les deux Iobes qu'ils renferment, ne doivent être regardés que comme des vaifleaux mammaires, qui fourniflent la nourriture à la radicule naiflante du germe, jufqu'à ce qu’elle ait étendu aflez de (1) M. Chretien Schreber a foutenu cette année à Halle, une Thèfe pour le Doc- torat, intitulée : de fluidi nervei exiflenri& improbabili. La contradiétoire paroit exaéte- ment démontrée dans l’Ouvrage de M. Gamet. L’excellente Gazette Litéraire des Deux-Ponts, N°. 27, a donné le Sommaire de cette Differtation académique, que nous publierons un jour. Elle eft très-intéreffante , quoiqu'elle choque les idées géné- ralement reçues. JUILLET 1772, Tome IL, Ooij 292 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, racines chevelues & fibreufes, pour pomper elles-mêmes les fucs nour- riciers de la terre. On fe convaincra avec un peu d’attention, que lé- corce du plus grand chêne, & celle de toutes fes branches, ne font qu'un prolongement de l’écorce des racines ; & que celle des racines n'eft qu'une propagation des premiers feuillets de la cuticule adhérente au germe concentré dans le gland. Il eft eflentiel de remarquer que cette écorce fe divife en deux par: fies, l’une extérieure & l’autre intérieure. Un réfeau de fibres folides & groflières, forme la partie extérieure qui eft exaétement la dure- mère. L’écorce intérieure adhérente au corps ligneux, eft d’un tiflu beaucoup plus fin & plus délié. (C’eft le Liber des Phyfciens ). Elle tient lieu de pie-mère dans tous les végétaux. Si on fait attention à cette économie végétale, on trouve la plus exafte analogie avec léconomie animale. Il réfulte de cette explication , que les racines & leur double membrane coriacée , font le cerveau effe&if de l'arbre; que cette double membrane des racises, par la fuccion de fes ramifications fibreufes, pompe la fubftance nu- tritive de la terre; & qu'après l'avoir filtrée, elle la communique, foit au corps Hgneux qu’elle enveloppe, foit à toutes fes produétions corticales. C’eft ain que la fève préparée , afcendante pendant le jour, & defcendante pendant la nuit, s'étend toujours par le miniftère de l'écorce , tant des racines, que de la tige, jufqu’aux extrémités les plus éloignées, pour y produire les bourgeons, les feuilles &r les fruits, C’eft encore ainf que la partie extérieure de l’écorce forme annuellement, par une gradation infenfble, un anneau de vaifleaux féveux , qui , s’en- durciflant peu-à-peu, fe convertit, à la fin de chaque année, en un anneau de bois parfait, quoique moins dur que les anneaux plus anciens, Ce même méchanifme que nous voyons établi dans le corps végé- tal, par le moyen des racines & de leurs enveloppes , s'exécute conf- tamment dans le corps animal par le moyen du cerveau & de fes mem. branes, la dure & la pie-mère, quelque fines, quelque déliées que {oient les diverfes lames nerveufes , adoflées les unes contre les autres, qui conftituent ces deux membranes primitives , & toutes leurs produc- tions. ILeft cependant certain que chacune, foit originelle , foit pro- duite, eft formée par un treillis de fibres creufes d’un tifu & d’un ca- libre extrêmement {errés ; c’eft dans les cavités de ces lames membra- neufes, & dans celles de tous les nerfs, que coule le plus exquis & le plus fpiritueux de nos fluides. C’eft la véritable fève animale, qui , par Îe miniftère des membranes du cerveau, eft diftribuée à tout le corps. U eft inutile de fuivre plus loin cette ingénieufe comparaïfon, remplie de vues intéreflantes &c digne du meilleur Phyficien. On conçoit aifément après ce qu'on vient de dire, que le fluide : nerveux doit être regardé comme l'organe de la nutrition, de la fe SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 293 Gbilité & du mouvement. Cependant , ce fentiment eft oppofé à celui de M. Haller, de M. Lieutaud; mais il eft confirmé par la doétrine de M. le Cat, & par l’enchainement néceflaire des principes établis & difcutés par M. Gamet. Ce fluide naturellement pur, à moins qu’il ne foit déjà vicié dans ceux de qui nous tenons la vie , eft fufceptible de dépravation ; notre manière de vivre y contribue; les plaifirs immodérés , les chagrins, les pafions violentes de l’ame y influent fingulièrement. Que fera-ce donc encore, fion ajoute l'abus des médicamens ? Hypocrate difoit avec raifon, & fes Difciples ne devroient jamais perdre de vue cette fentence de leur Maître: Duo in morbis præflanda funt , adjuvare aut faltem non nocere. Les affe&ions mélancoliques des deux fexes , la mélancolie angloife ou /plein , ne connoïffent pas d’autres principes. Si on avoit trouvé la véritable origine de ces maladies, on n’auroit pas été jufqu’à ce jour dans l'incertitude des remèdes qui doivent leur être appropriés; & M. *** dont il eft parlé dans cet Ouvrage , Partie deuxième, page 236, pour difüper fes vapeurs, n’auroit pas bu inutilement , par ordon- nance de Médecin, 15000 pintes d’eau de veau ou de poulet, & 1400 de petit lait. Il n’auroit pas pris 1200 lavemens; 265 bains, chacun de cinq heures au plus, de trois heures au moins ; 720 pédi- luves & autant de fomentations fur la tête. Si au lieu de prendre tant de foin de ce vaporeux , on l’avoit abandonné à la nature, il s’en feroit beaucoup mieux trouvé. M. Lieutaud, & avant lui Monranus, recommandent aux malades de cette clafle, de fuir les Médecins & les médicamens: Fuge Medicos & medicamina. La dépravation du fluide nerveux ne produit pas feulement les af fe&tions mélancoliques & nerveufes : mais elle occafionne encore cer- taines tumeurs, foit fimples , foit compliquées , foit chroniques , {oit malignes ; & de ces dernières dérivent les écrouelles, les fquirres, le cancer, dont la malignité réfide uniquement dans la dépravation du fluide nerveux. Tel eft en général le tableau de la nouvelle théorie fur les afec- tions cancereufes. Cette belle théorie a fait fur nous la fenfation la plus forte; l'Obfervateur y réunit les connoiffances du Phyficien & du favant Anatomifte. Ce fujet n’avoit point encore été traité d’une ma nière auf étendue & aufñ précife. Guidé par les Auteurs qui l’a voient précédé, M. Gamet a feu fe frayer une route nouvelle ; & par fa manière d’envifager fon objer, il s’eft, pour ainfi dire, approprié leurs découvertes, & les a fait paroître fous un point de vue plus lumineux & plus frappant; mais à quoi fervent au Public les théories les plus brillantes , les hypothèfes les plus ingénieufes? Il faut guérir, dompter ces maladies mille fois plus cruelles que la mort; voilà le point eflen- tel, Si on s’en rapporte aux certificats publiés par M. Gamer, il aura JUILLET 1772, Tome II. 94 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUES, réuni ces deux avantages, Dans le nombre des atteftations données; quelques-unes portent avec elles le fceau de l'évidence. Des expé- riences’ont été faites juridiquement à Lyon, fous les yeux du Magiftrat 4 de cette Ville , & elles ont été fignées & confirmées par des Médecins & des Chirurgiens de l’endroit ; M. Lafnier, Médecin de Laval, a été guéri par les foins de M. Gamet, &ec. Ces faits devroient néceffaire- ment difiper jufqu'à l'apparence du doute fur l'efficacité de fon re- mède : cependant, malgré Pauthenticité de ces certificats, l'importance de l’objet exigeroit que M. le Lieutenant-général de Police de Paris, qui confacre tous. fes inftans au bonheur du Citoyen dontil eft chéri, fit raflembler dans un même lieu, des perfonnes des deux fexes , affec- tées ou de vapeurs ou de glandes dans le fein, ou de fquirre, ou de cancers nouvellement ouverts , ou parfaitement cara@térifés , afin de les faire traiter féparément par des Médecins, des Chirurgiens, & par M. Gamet. Ces traitemens exigeroient quelques précautions prélimi- naires, pour ne laifler aucune reffource à la malignité ou à l’impof- ture , enfin, pour faire paroître la vérité dans tout fon jour. 1°, Le Collège de Médecine & l’Académie de Chirurgie, députe- ront chacun au moins trois de leurs Membres, dans lefquels ils au gont le plus de confiance. 2°. MM. les Médecins & les Chirurgiens fe tranfporteront dans l’en: droit defliné pour être l'Hôpital des malades vaporeux, fquirreux, fcrophuleux, cancereux , &tc. 3°. Ils drefferont un procès-verbal de l'état de ces différens ma: lades, & le figneront. \ 4°. Ces malades feront infcrits par noms & furnoms, & divifés par clafles, fuivant l’état de la maladie. . 5°. Leurs noms feparés &c écrits fur des billets feront placés dans un fac. 6°. Chaque Médecin & Chirurgien , & M. Gamet, tireront au fort pour avoir le malade qu'ils devront traiter. 7°. Chaque Médecin & Chirurgien, & M. Gamet, emploieront le traitement qu'ils jugeront convenable, 8°. Ils prendront les précautions néceffaires pour n'être point con-= trariés dans leur traitement ; en un mot, pour que la gloire du fuccès ne puiffe pas être obfcurcie par des fuppofitions faëtices on réelles. 9°. Tous les huit jours on fera une vifite juridique des malades, & on conftatera dans le procès-verbal, les changemens furvenus, ou la mort ou la guérifon. Ce traitement juridique devient de la plus grande néceflité; on vet- roit alors, avec un certain temps, à laquelle des méthodes la préférence feroit due. MM. les Médecins & MM. les Chirurgiens ont trop à cœur le progrès des connoiffances , ils font trop amis de l'humanité , pour 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 925ÿ fe réfufer à des tentatives dont il doit réfulter un avantage réel; & M. Gamet qui a peint la beauté de fon ame dans fon Ouvrage, pour: roit-il ne pas accepter la comparaifon de fon traitement? C'eft peut- être le feul moyen de conftater de la manière la plus irrévocable, l'efficacité de fon remède. O vous, Citoyens , dont l’ame eft honnête & compatiffante, uniflez votre voix, plus forte que la mienne, pour porter aux pieds du Magiftrat, des vœux di&és par la fenfbilité , & par l'amour de hu- manité ! Nous fommes fürs d’être écoutés, puifqu'il fufit de lui pré- fenter le bien pour qu'il le fafle, 2 2 mm en" PROCÉDÉ pour faire des Fromages connus à Lyon fous. la dénomination de Fromages de Chèvres du Mont-d’Or, La bonté de ces fromages eft reconnue, & leur délicateffe les fait rechercher dans tout le Royaume. On les fait voyager dans des boëtes de fapin, femblables à celles dont on fe fert pour les dragées ; mais ces fromages contraélent ordinairement le goût du bois qui les ren- ferme ; d’ailleurs , ils fe deflechent trop & perdent en partie le goût agréable qu’on leur trouve en les mangeant fur les lieux. La manière de les faire eft fimple, & on pourra s’en procurer de femblables, en fuivant les détails dans lefquels je vais entrer, Cet article nous a été demandé. Les chèvres doivent être nourries avec les herbes qui croiffent dans les vignes, dans les bois , les pointes de chêne, de châtaignier , d’aube- épine, de genet, de bruyère, &c. Les plantes potagères , & fur-tout les laitues, ne leur procurent point un bon lait. Le fon leur. fournit une bonne nourriture ; de même que le bled que les Braffeurs tirent de leurs cuves après en avoir extrait la bière. Dès que ce fon eft forti, il faut le mettre dans des tonneaux , jetter pardeflus de l’eau fraiche, & le laver dans cette eau. On en donne par jour une fois ou deux à ces animaux, & cette nourriture aug- mente leur lait. Ce bled peut fe conferver quinze jours & plus, en changeant quelquefois l’eau. Tous les grains quelconques, qui fervent de nourriture à lhomme , font également avantageux pour les chèvres; il fuffit de les réduire en farine , ou de les.faire macérer dans l’eau. On ne mène point paître les chèvres pendant l'hiver; on ne les expofe ni à la neige, ni aux frimats, & on les nourrit pendant ce tems, avec des feuilles qui tiennent aux branches , comme celle d’or- meau, de peuplier, de frêne, de mürier , &c. Il faut que ces bran- ches aient} été coupées à la fin du mois d’Août ou au commencement JUILLET 1772, Tome 11, 296 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de Septembre, & féchées au foleil. Au défaut de feuilles, on feux donne du foin. Manière de faire Les Fromages. Commencez à traire les chèvres dès le matin ; laiflez repofer le lait deux ou trois heures ; jettez de la préfure dans ce lait pour le faire prendre à froid; remuez avec une cuiller pour que la préfure agifle fur la mafle totale ; laiflez repofer ce lait pendant neuf à dix heures, &c il fe caillera; vous préparez des écuelles femblables à des boëtes à dragées, que vous mettrez fur de la paille ; vous les garnirez avec un linge bien blanc & bien fin. Placez dans ces vaifleaux le lait caillé que vous levez de votre pot avec une cuiller plate; laiflez repofer & afleoir le lait caillé, juiqu'à ce qu'il n’y ait plus d’eau ou de petit lait; enfuite falez ce fromage fur toute la fuperficie : vingt- quatre heures après, retournez ce fromage fur un autre petit paillaflon , 8e vous falerez évalement ce côté qui ne l'a pas été ; enfin, vous enle- verez la toile fine qui a fervi à égoutter le lait. Laïflez le fel fondu fur ce fromage, & ayez foin de le retourner tous les jours fur des paillaffons bien fecs & bien propres , que vous rangerez fur des claies. Si le fel eft noir & tache le deflus des fro- mages, il fuffira de les laver avec de l’eau fraiche pour enlever ces maculatures, Un point effentiel eft de tenir ces fromages dans un endroit tem- péré , où ils ne fèchent ni trop tôt ni trop lentement. Quand ces fro- mages feront prefque fecs, fi on veut les manger gras, il faudra les mettre dans des affiettes rondes qu’on abouchera lune fur l’autre, & On aura foin chaque jour de renverfer les affiettes ; c’eft-à-dire, que celle qui aura fervi de couvercle pendant un jour, deviendra le len- demain le vaiffeau qui fupporte le fromage, & ainfi tour-à-tour. Si vous voulez raffiner le fromage , trempez le quand :il eft bien fec dans du vin blanc, & mettèz-le de nouveau entre deux affettes. On peut le couvrir alors avec du perfil, mais en petite quantité. On eft le maître, par ce moyen, de l'avoir au point de raffinement qu’on de- fire ; il {uffit pour cela de le tremper de tems en tems dans le vin blanc. La préfure fe fait avec du vin blanc fec, dont on prend une pinte, fur laquelle on ajoute deux verres de bon vinaigre blanc, environ une once de fel de cuifine, & un morceau de veflie de cochon féchée. On peut recroître une feconde fois cette dofe, quand le pot eft à moitié. La chèvre exige la plus grande propreté dans fon étable , & cette propreté influe fur fon lait. Il faut donc nettoyer létable tous les jours, la pourvoir toujours d’une litière fraîche pendant lhiver , & on SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 297 ©n peut fe difpenfer en été d'en faire une; la chèvre n’en vaudra que mieux, Les landes font les véritables pâturages des chèvres ; elles s’y nour- riflent de toutes fortes d’herbes , de feuilles fraîches ou feches, & le- chent avec plaifir les murs, les rochers où il y a du falpêtre. On doit les faire boire foir & matin, les mener deux fois aux champs en été; la première fois, dès la pointe du jour, pour qu’elles paiflent la ro- fée ; la feconde fois, depuis trois heures jufqu’à la nuit. La chèvre ne vit pas communément au-delà de huit ans; quelques-unes cependant vont à vingt ans. Plus cet animal mange, plus la quantité de fon lait augmente; & pour augmenter cette abondance, on lui donne quelque- fois du falpêtre ou de l’eau falée. Ce lait a peu de parties butyreufes; c'eft pourquoi on ne l’écrême jamais. La Coutume du Nivernois, du Berri, celle de Normandie, du Poitou d'Orléans, prefcrivent de tenir les chèvres renfermées dans leurs étables comme des animaux malfaifans, dont la falive eft venimeufe & brû- lante; c’eft moins leur falive qui eft nuifible, que leurs dents, parce qu’elles coupent les jeunes pouffes de l’année, & par-là rendent la vé- gétation défe@tueufe. Il eft certain qu’elles font beaucoup de mal dans les vignes quand le bois n’eft pas parfaitement mûr. A moins qu’on ait des rochers , des terrains tout-à-fait incultes pour les faire paître, il vaut mieux lestenir renfermées ; leur lait n’en eft pas moins bon. Les chèvres du Mont-d'Or ne fortent jamais ; & cependant , du lait qu’elles donnent, on en fait des fromages délicieux, OBSERVATIONS fur lHifloire Naturelle , dans le Comté Venaiffir € le Territoire d'Avignon , par M. BRISSON , Infpeëtleur des Manu failures du Lyonnois ; Forez & Beaujolois, | be Comté Venaiflin & le Territoire d'Avignon , forment une plaine de cinq à fix lieues de longueur fur trois de largeur environ, terminée au nord par le Dauphiné & la Principauté d'Orange ; à l'Orient, par une chaine de montagnes, dont une partie appartient au Comté Venaiflin, & Pautre à la Provence ; au midi, par une partie de ces mêmes montagnes & la Durance ; à l'Occident , par le Rhône. Le climat eft beau , l'air pur ; les chaleurs font affez fortes , fans être violentes ; mais elles durent long-tems. Le vent du nord y eft tès-fréquent , & fi fort , que la plupart des arbres ont leurs tiges inclinées , & leurs branches raflemblées , comme en fuyant du nord au midi. JUILLET 1772, Tome IL. Pp 298 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Le fol eft aflez varié ; un peu caillouteux , & maigre dans Ia plaine vers le Rhône ; vafeux, plutôt que fablonneux, vers la Du- rance ; affez ferré , quoique froid , vers le pied des montagnes ; tenace , fort & aflez ingrat à l'entrée des montagnes , excepté dans quelques baflins qui font aflez fertiles. Il eft excellent au fud-eft de Carpentras. Les montagnes font couvertes de chênes verds en brof- failles jufqu'à une certaine hauteur , & nues par-delà. Le froment eft très-beau & très-bon dans tout le pays ; le feigle vient aflez bien , de même que l’orge &c le fafran. Le lin, le chanvre & l’avoine y font peu cultivés. On y trouve beaucoup de vignes , de mûriers & d’oliviers. Les vins de Château-Neuf du Pape , font excellents. Ceux de Gadagne en approchent beaucoup. On a commencé depuis quelques années à faire des plantations de garance qui ont très-bien réufñ. Soit à caufe de la vivacité des eaux du pays & de la rareté des pluies , foit à caufe de la maigreur du fol , foit à caufe de la fréquence & de la violence des vents du nord , les plantes graminées ne peuvent parvenir à une certaine hauteur ; on ne peut pas avoir de prés de rivière ,; & on a recours aux luzernes , trefles & autres prairies arti- ficielles. Ces végétaux ont befoin de beaucoup d'engrais ; & les fumiers font fi précieux en général dans cette Province , que quelques Diftricts particuliers ont obtenu du Parlement d’Aix , des défenfes d’en exporter. Les müriers font en général de l’efpèce appellée rofe , greffés & très-vilains. Quelques Particuliers commencent à préférer le fauvageon; mais toujours dans la même efpèce. Entre les végétaux fpontanés , on diftingue la grande gentiane au Mont Ventoux , qui eft la montagne la plus élevée du Pays, le ner- prun qui donne la graine d'Avignon , & que l’on trouve dans les montagnes inférieures aux environs de Vaifon , de Carpentras , & même de Vauclufe ; enfin , la garance en plufieurs endroits , fur-tout près de la petite ville de Lille. La plupart des rochers du Pays , & même ceux de Ville-Neuve à l’autre bord du Rhône , & encore ceux fur lefquels le Pont du Gard eft bâti à trois lieues de là , font calcaires. Près de Caumon où les Plantations de garance ont commencé , on trouve une marne bleuâtre , qui eft très-abforbante , à en juger par la vivacité de l’effervefcence que fait l’eau - forte jettée deflus. Dans la Durance , on trouve quelques variolithes ou pierres de petite vérole , arrondies par le frottement des autres pierres avec lefquelles elles ont roulé des montagnes. Sur la rive gauche de la Durance , il y a près de Château - Renard quelques pyrites mar- tiales. di SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 299 Le rocher de Don fur lequel le Palais des Gouverneurs d'Avignon eft bâti , renferme des parties de fpath affez confidérables , en face de Ville-Neuve d'Avignon. L'Hiftoire naturelle de ce Canton n’a rien de plus célèbre que la fontaine de Vauclufe. Elle eft à quatre lieues au fud-eft d'Avignon. Dans la chaîne des rochers qui bordent la plaine du Comté Venaifin en cette partie , on voit une ouverture , qui , regardée de loin, & comme en rafant les fommets , paroît être demi circulaire 3 lin térieur de ce demi cercle eft rempli en partie par une portion de ro- cher , contre laquelle le village de Vauclufe eft adoffé en regardant la plaine. Cette portion tenant encore par fes racines , & juiqu'à une certaine hauteur, à la grande mafle, laifle de part & d’autre un vuide ou vallon. Il n’y auroit pas d’erreur confidérabl: à fe les re- préfenter comme figurant les deux branches d’un fer à cheval. La branche vers le midi, na rien de remarquable, L’autre au contraire eft le commencement du lit de la rivière de Sorgue , qui fort de la fameufe fontaine de Vauclufe , placée par la nature au pied du rocher, d'où partent les deux vallons. Ce rocher eft coupé droit , mais non pas en retraite ; car la cime paroît pencher en avant du pied. Il doit avoir plus de deux cens cin- quante pieds de hauteur. Au bas de ce rocher eft un baflin de forme cônique , dont le dia- mètre extérieur paroît être de près de cinquante pieds. Le plus petit diamètre intérieur n’eft pas vifible ; la fontaine ayant toujours beau- coup d’eau , on n’en a point encore connu la profondeur. Quand l’eau eft à fa plus grande hauteur , elle déborde fon vafe de deux ou trois pieds par la partie antérieure , les rochers la conte- nant par les côtés & par la partie poltérieure. Cette eau , en fe pré Cipitant par une calcade affez inclinée dans foixante pieds de lon= gueur environ , fait une écume dont la blancheur eft remarquable. Ses bouillons , plus forts qu’on ne devroit l’attendre de {a chüte , prouvent que plus l’eau eft pure ; & plus elle écume facilement. Du point le plus haut des eaux de cette fontaine jufg’au point le plus bas , on eftime trente pieds; & alors la nappe d’eau n'a plus guères que vingt à vingt cinq pieds environ de diamètre. La furtace en eft toujours tranquille. Dans cet état de diminution du volume d’eau , on apperçoir au grand rocher une cavité confidérable. Ce n’eft point une caverne par laquelle l’eau arrive , comme on Pa écrit en divers endroits ; c’eft une cavité accidentelle , une baume pour parler le langage du Pays, & celui de la Provence , où la tradition apprend que la Madelaine choifit une retraite de cette efpèce. La rivière de Sorgue commence au pied de la cafcade de la fon- JuiiLer 1772, Tome IL, Ppi 300 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, taine. Elle a environ vingt-quatre pieds de largeur , deux & demi à trois de profondeur , & une grande rapidité. Quand la fontaine demeure au-deffous de fes bords , la rivière eft entretenue par une multitude de fources qui viennent de la même fontaine , & qui percent le long de la rive droite de la Sorgue. Ces fources font fi abondantes, que la rivière ne diminue guères que d’un demi-pied ou un pied au plus , dans le tems que la fontaine eft au plus bas. Une partie de ces fources eft toujours vifible. Une autre partie eft quelquefois cachée dans le volume des eaux tombantes par la cafcade. L'eau de la fontaine eft dans une température à-peu-près égale toute l'année, On rencontre dans le canton quelques pierres chambrées , comme le mâche-fer. Les tranches des lits ou couches des pierres de ce grand rocher perpendiculairement coupé , ne font point diftinétes. Des gens graves aflurent que peu de tems après le tremblement de terre de Lisbonne , l'eau de cette fontaine a été troublée pendant quelques jours. D’apres ces diverfes circonftances , n’y a-t-il pas lieu de foupçonner que cette fontaine doit fon origine à un Volcan ? Le pied du rocher creufé eft comme celui des cheminées , le feu y dévore plus le cœur que le fommet. La baume ou caverne intérieure eft le vuide qu’a laïffé la fubftance ; qui, dans cette partie, s’eft trouvée fufceptible de vitrification , & a coulé. La forme du vafe de la fontaine en entonnoir ou cône renverfé » eft un veltige ordinaire de toutes les explofions. Le foyer de la ma- tière fulminante étant au centre de fon aëtion , il doit refter un vuide circulaire à la place des matières expulfées, comme aux mines que lon fait jouer , & dont les parties ont fait une réfiftance égale. Cette grande & étroite fciffion demi circulaire, que l’on peut remar- quer de loin, eft l'effet d’un effort par lequel le feu a jadis écarté du principal rocher , la mafle antérieure où eft le village de Vauclufe. Les pierres en défordre qui entourent le bord extérieur de la fon- taine font les débris des parois au nord du rocher , calciné, détruit , renverfé par le feu. £s impreffions du feu ont effacé les nuances , les angles , les dif. férens caraëteres de féparation , entre les parties du rocher perpendi- culaire , qui eft fa feule paroi fubfiftante de l’ancien fourneau d’une des cheminées de ce volcan. .Ce vallon dans lequel la Sorgue commence à couler , n’a pas des cûiés parallèles comme à l'ordinaire , point d’angles réciproques çor+ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3ot refpondans. IL ne commence point par une perte douce ; tout y eft fubit , violent. Ce vallon fingulier , bien défigné par fon nom latin , vallis claufa , d’où on a fait Vauclufe , part du pied d’une muraille naturelle , perpendiculaire & prodigieufement élevée. L'égalité de la température de l’eau annonce une fource profonde: Le calme de la furface de la fontaine , même très-bafle , prouve que l’eau dont elle eft remplie , vient de très-loin ; fans quoi , en affluant , elle formerôit des ondulations fenfbles. La prefqu’égalité du volume d’eau dans la rivière , en tout tems; indique une origine peu dépendante de nos pluies & de nos fécherefles, Sans parler n1 de cette efpèce de correfpondance fouterraine qu’an- nonce le trouble arrivé dans les eaux lors d’un tremblement de terre, dont le foyer étoit fans doute bien éloigné , ni de ces fortes de ponces que l’on peut obferver , il paroïît que les autres circonftances fuffifent pour engager à avoir quelques doutes que la fontaine de Vauclufe eft placée là où étoit jadis un volcan. Je n’ai point parlé d’une couche très-mince de ex, qui fe trouve à quatre pieds au-deflus du fol du chemin à gauche , avant d’arriver à Vauclufe. Elle eft dans une fituation très-horifontale ; mais je no- ferois pas croire que c’eft le produit d’une efpèce de lave dece volcan, fi même ce mot de Zave peut jamais s'appliquer au filex. J'en fais feu- lement la remarque comme d’une forte de rareté dans le Pays ; d’ail- leurs , elle eft aflez loin de la fontaine. Le volcan , s’il a exifté , eft fans doute détruit depuis long-tems, Pline a parlé de la Sorgue. Ses Commentateurs du moins penfent que c’eft de la Sorgue dont il faut entendre ce paflage du Livre 18, n°. 51 , de fon Hiftoire Naturelle. Ef? ir Provincia Narbonnenff no- bilis fons | ORGE nomine. In eo herbæ nafcuntur in tantim experire bubus ut merfis capitibus eas quærant. PLIN. Edit. Harduin. Sur la pointe de la portion de rocher contre laquelle on a bâti le village de Vauclufe , on voit de vieux murs , reftes d’un château prétendu jadis habité par Pétrarque. C’eft une mafure inabordable , .& vraifemblablement fort indifférente à connoître davantage , quand même ce Poëte célèbre y auroit habité, Ses vers étoient les fruits de fon génie , & non les infpirations de la difribution de fon logement. L'eau de la Sorgue eft vive , limpide & fans doute très-pure ; cependant , en l’eflayant avec l'huile de tartre , à une lieue de fa fource , elle a paru laifler un peu de dépôt. Elle eft employée avec fuccès par les Teinturiers d'Avignon , & par les Papetiers du Comté Venaiflin. On y pèche des anguilles excellentes & dont la peau eft fi délicate , qu'on ne peut pas les écorcher. Les écrevifles font aufli très-bonnes JUILLET 1772, Tome IL, 302 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans la Sorgue , qui nourrit auffi des hombres & des truites. Cette rivière a été partagée en plufeurs bras qui paflent en diffé= rentes parties de la Province pour le fervice de plufieurs Moulins. Son eau eft bonne à boire ; mais elle eft nuifible aux plantes , à caufe de fa trop grande aétivité. RAPPORT far à l'Académie Royale des Sciences , au fuiet d’une qgueflion relative à ? Arpentuge | par MM. TILLET € l’Abbe BossuT, Membres de cette Compagnie, £ N ous avons [u un Mémoire imprimé qui a pour titre , Abus de l’Arpentage par cultellation | fur lequel M. le Cardinal de la Roche- Aymon prie l’Académie de dire fon avis. Il y a, comme on lait , deux manières d’arpenter un terrain : lune par développement , c’eft-à-dire , en prenant toutes les mefures fuivant la direétion naturelle de la fuperficie du terrain ; l’autre ap- pellée méthode par cultellarion , laquelle confifte à réduire & à rap- porter les angles & les furfaces au plan de l’horifon. L’Auteur du Mé- more dont il s’agit, fe déclare pour la première méthode , & combat fortement la feconde. A-t-il raifon ou tort ? Voilà la queftion que l’A- cadémie doit décider. En 1748 , M. Coulon, grand Maître des Eaux & Forêts au dé- partement de Metz , confulta la Compagnie fur un objet pareil. Il lui envoya deux arpentages d’un même terrain, qui différoient fenfi- blement dans les réfultats ; 1l attribuoit cetre différence à celle des méthodes employées par les deux Arpenteurs , & il demandoit quelle méthode devoit être fuivie dans la pratique. M. Duhamel & M. Camus, nommés alors Commiflaires , après avoir réfolu le problème particulier propofé par M. Coulon , examinèrent en général dans leur rapport les avantages & les inconvéniens des deux methodes ; & ils conclu- rent que celle de cultellation devoit être préférée , parce qu’elle eft la plus courte , la plus exacte , & parce que d’ailleurs elle offre feule Pavantage de pouvoir repréfenter la figure du terrain fur un plan. Ils obfervèrent que sl y a quelqu'exception à faire , ce ne pourroit être que pour les prés fitués dans les montagnes , dont le profil pourroit fe rapprocher davantage d’être proportionnel à la fuperficie , fi le terrain étoit aufli bon que celui des plaines 3 mais que dans la plupart des pentes qui ont réellement lieu dans la nature, la différence de la fu- perficie inclinée à celle de fa projettion horifontale , ne peut jamais être aflez grande pour qu’on ait à craindre de faire un tort fenfble aux propriétaires , en rendant la règle générale. Ils ajoutèrent par SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 303 une fuite néceffaire du même principe, qu’un Arpenteur ne s’écar- tera pas fenfiblement de la vérité , quand en mefurant un terrain en pente douce & aflez régulière , il tiendra fa chaîne parallèle au terrain. L'Auteur du Mémoire envoyé par M. le Cardinal de la Roche. Aymon , n’admet pas entiérement la conclufion des deux Académi- ciens, Attaché à la méthode du développement , il ne confentiroit à recevoir l’autre que pour les cas où le terrain feroit peu incliné , & où par conféquent les deux méthodes donneroient le même réfultat , à peu de chofe près. Il foutient qu'il y a de très-bons terrains dont la pente eft beaucoup plus roïde que celle des terrains qui ont fervi d’élémens aux calculs de MM. Duhamel & Camus. On trouve dans fon Mémoire des recherches , du favoir & de la clarté ; mais nous ne diflimulerons pas qu’on y trouve aufli des erreurs. Par exemple Auteur fe trompe, lorfqu’il attribue dans tous les cas la forme fphé- rique aux racines & aux têtes des arbres , pour en conclure que comme 1l tient fur un plan incliné plus de cercles qu’il n’en peut tenir fur fa projeétion , il doit tenir aufli plus d’arbres fur un côteau que fur fa bafe horifontale ; car en admettant avec lui cette forme fphé- rique , pour un terrain horifontal , il doit obferver que les racines & les têtes prennent toujours une poftion à-peu près parallèle à Ja fuperficie du terrain, & que par conféquent, elles formeront du moins fenfiblement fur Le plan incliné des fphéroïdes alongés, correfpondans aux fphères placées fur le plan horifontal ; d’où il réfulte que , fuivant fes principes mêmes, il y aura à-peu-près le même nombre d’arbres dans les deux cas. Il fe trompe fur-tout en difant ou en infinuant que pour des terrains de même qualité , la produétion eft proportionnelle à la fuperficie , foit que ces terrains foient horifontaux ; ou qu'ils aient des convexités quelconques. Car cette propofition n’eft vraie en rigueur pour aucun genre de produétions , comme on le fera voir expreñément ci-deffous, Nous n’entrerons pas dans un plus grand détail au fujet de ce Mé- moire , l’Académie s'étant impofé la loi de ne faire l’analyfe d’aucun Ouvrage imprimé ; mais nous faififlons l’occafion qui fe préfente d’ex- pofer les raifons qu’on peut alléguer pour ou contre les deux méthodes propofées , & d'approfondir cette matière un peu plus qu’on ne la fait jufqu’à préfent. La méthode du développement eft fort ancienne. Il y a beaucoup de pays où l’on n’en connoît pas d’autre. Elle eft autorifée par des Arrèts de Parlemens , qui femblent toujours énoncer une quantité d’arpens , d’une manière relative à l’étendue de la fuperficie déve- loppée , & non à celle de fa projedion horifontale. Elle eft très- fimple dans fes principes : il fufit de favoir les premiers élémens de JUILLET 1772, Tome IL, 304 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la Planimétrie , pour la comprendre & pour être à portée de vérifier; fi l’on veut , les opérations d’un Arpenteur qui la pratique ; avantage précieux pour les parties contraétantes, qui ont intérêt de voir avec clarté par elles- mêmes les conditions de leurs engagemens récipro- ques , & de n'être pas oblipées de s’en rapporter aveuglément à un Arpenteur quelauefois peu inftruit , & peut-être quelquefois porté à favoriler une des parties aux dépens de l’autre. Maïs cette méthode eft-elle fondée fur les principes d'une bonne phyfique , & doit-on tenir compte de la convexité d’un terrain dans l'évaluation du pro- duit que ce terrain peut donner ? Tâchons de faifir ce point effentiel. I eft vifible d’abord que comme les plantes s'élèvent perpendicu- lairement à l’horifon, fi on pouvoit confidérer les différentes plantes qui croiflent dans un terrain, comme des cylindres verticaux qui fe touchent fans laiffer entr’eux aucun efpace vuide , on ne devroit mefurer que les bafes horifontales ; car il ne peut pas tenir un plus grand nombre de ces cylindres , fur un terrain incliné que fur {a pro- jettion horifontale. Mais toutes les plantes ont befoin de laiffer en- tr'elles un certain intervalle pour pouvoir croître & fe développer 3 leurs racines s'étendent à droite & à gauche dans la terre. Leurs tiges & leurs branches ne pourroient recevoir tout le fruit des impreffons de l'air, des pluies , & en général des différens fucs nourriciers ré- pandus dans l’athmofphère , fi elles fe gênoient réciproquement par un trop grand voifinage. Sous ce point de vue , il paroit qu’en fup- pofant deux terrains, Fun incliné &c l’autre horifontal, de même étendue que la proje@tion du premier , tous deux également bons , tous deux fournis à même profondeur d’une terre également propre à la végétation , le terrain rampant , comme le plus étendu , donnera lieu à un plus grand produit. Cela eft vrai, fur-tout pour les pro- du&tions en bled, en prés, en vignes, en prairies artificielles , &c. Nous ne confidérons ici les chofes que du côté de la multiplicité ou de la vigueur des tiges produ@tives , & non par rapport à l'avantage & à l'inconvénient qui peuvent naître d’un terrain rampant eu égard à l’expofition favorable , où au contraire en faifant attention au défa- vantage qu'il y a dans un terrain incliné pour la confervation du bé- néfice des pluies & d’un certain état d'humidité qui eft néceffaire aux prés, aux bleds, &c. Il convient en effet d’écarter pour le moment, tout ce qui n'eft pas proprement la bafe de la produétion. Il ne faut confidérer que les plantes en elles-mêmes, leur nombre, leur vigueur & la facilité qu’elles ont de prendre leur accroïfflement. Or il eft certain que toutes chofes d’ailleurs égales, elles feront ou plus nom= breufes dans le terrain incliné, ou que fi elles n’y font pas en plus grand sombre, elles y trouveront plus d’aifance pour étendre leurs racines, pour y multiplier leurs fucçoirs, & conféquemment pour y donner une plus SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 305$ plus grande produétion. On convient affez généralement de cet avan- tage des terrains inclinés pour les bleds , les prés & autres plantes qui pénètrent peu avant dans la terre; mais on ne l’admet pas de même pour les terrains deftinés à porter du bois. Cependant , il eft indubirable que dans un terrain incliné, les premières racines des arbres, celles qui approchent le plus de la fuperficie de la terre, qui font les plus fortes, les plus chargées de ramifications; que ces racines, difons-nous, ont plus de facilité pour s'étendre ; qu’elles s’inclinent en fuivant la pente du terrain, & tirent par-là quelque fruit de la plus grande fuperficie. Les racines, à la vérité, qui pénètrent très-avant dans la terre, per- dent ce fruit ; elles le perdent de plus en plus à mefure qu’elles s’éloi- gnent de la fuperficie: & à une certaine profondeur, elles fe trouvent dans les mêmes circonftances où elles fe trouveroient, fi le terrain étoit horifontal; mais elles font les plus foibles & les moins nombreules. IL demeure du moins conftant que les premières racines jouiffent à la fuperficie du terrain incliné , de quelqu’aifance qu'un terrain horifontal ne leur procureroit pas. Et voilà précifémentpourquoi toutes les plantes dont la végétation complette n’exige pour les racines que très-peu de profondeur , tirent plus d'avantage du terrain incliné, que de celui qui eft horifontal. Dans ce cas, toutes les racines des plantes annuelles en profitent; au lieu qu'il n’y a dans les arbres, que les racines les plus proches du tronc, auxquelles la plus grande fuperficie du terrain ram- pant , devient avantageufe. 3e | Ce point d'utilité n’eft pas fe feul qu’un terrain incliné procure aux arbres. Placés fur ce terrain, dans une forte de dégradation, réglée par la pente, ils y font mieux frappés de l’air dont on connoît la néceflité pour l’accroiflement des végétaux. Les arbres les plus foibles n’y font pas étouffés par d’autres plus vigoureux, & ils ont letems quelquefois de s’y fortifier avant que les arbres, plus vigoureux , aient acquis fur eux une fupériorité capable de les faire mourir , ou de les tenir dans un état languiffant. Une forêt plantée dans un terrain horifontal, ne donne une certaine quantité de beaux arbres, qu’au détriment de ceux qu'ils dominent par l’étendue de leurs branches & par leur grande élévation. Combien cela n’eft-il pas plus frappant dans les forêts où il y a des bas- fonds , & où les arbres un peu élevés, tiennent comme enfevelis, ceux, qui, au commencement de la plantation , n’ont pu fe mettre au niveau des arbres voifins! Il femble qu'un terrain incliné-dédommage en quelque manière les arbres de l’intérieur d’une forêt, du tort que leur font ceux qui font placés fur la lifière, & leur fait gagner gra- duellement par la poñtion, ce qu'ils perdroient pour la plupart, par la vigueur & l'élévation des arbres qui bordent la forêt. IP eft bon encore de confidérer que les arbres, venus fur des côteaux, font d'une meilleure qualité que ceux que les forêts des plats-pays JUILLET 1772, Tome IL. Qq 306 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, produifent , & qu'ils y font communément plus fains. Or , la qualité du produit mérite de l'attention; & fi le vendeur néglige toujours cette qualité dans la vente en gros qu'il fait d’une forêt, & ne demande qu'un mefurage exact du terrain, au moins paroît-il jufte qu'il ne perde rien de ce dernier côté. Comme les racines des arbres fes plus prochaines de la fuperficie font les plus vigoureufes, & celles où il fe trouve le plus de ramifications: de même leurs premières branches, c’eft-à-dire, celles qui {ont le plus. près de la fuperficie du terrain, font communément les plus fortes, celles qui s'étendent davantage , & où il y a le plus de rameaux. En fuppofant que dans un terrain horifontal tous les arbres prennent ün. accroiflement égal, leurs premières branches doivent fe mettre à une efpèce de niveau, fe toucher après un certain nombre d'années, & finir par fe gêner mutuellement lorfqu’elles ont rempli tont l’efpace: qui féparoit les arbres. Cet inconvénient n’eft pas abfolument le même: à l'égard des arbres plantés fur un terrain incliné, fur-tout , lorfque le rampant eft confidérable. Si l’on fuppofe en effet que l’accroiflement des arbres a été pareil, les premières branches de l’arbre planté au bas. du terrain incliné, pourront fe trouver placées au-deflous des pre- mières de l'arbre qui eft fitué un peu plus haut; cet avantage feræ le mêine du fecond arbre au troifième, du troifième au quatrième, ainfi de fuite: d’où il réfulte que leurs branches auront plus d’aifance dans un terrain incliné, pour fe développer graduellement, qu'elles. ne l’auroient dans un terrain horifontal. Ce qui eff d’autant plus vrai, que le développement tend pour l'ordinaire à fe faire aflez paralléle- ment au plan incliné, & procure par-là aux branches plus d’étendue: qu'elles n’en avoient dans un terrain horifontal, où le développement des premières branches fe fait de même communément, fuivant une direétion parallèle à la fuperficie du terrain. Nous n'avons pas befoin de faire obferver que la mème pofition graduelle des premières bran- ches des arbres fitués dans un terrain incliné, doit avoir lieu pour les. racines de ces arbres, qui font les plus prochaines de la fuperficie: mais ce dernier objet ne peut être confidéré que fous un point de vue très-général, parce que les racines des deux arbres voifins,. quelle que foit leur pofition, fe croifent fouvent & s’entremélent par: des circonftances locales, qui dérangent la marche qu'elles fuivroient: naturellement , fi aucun obftacle ne l’arrêtoit. L'art vient quelquefois au fecours de la nature pour augmenter l'avantage qui réfulte de la pofñtion graduelle des racines & des bran- ches. Il y a des pays où fur un côteau deftiné à recevoir une planta- tion d'arbres, on pratique de diftance en diftance des réfauts ou des: :efpèces de terrafles, dont la fuperficie eff à-peu-près horifontale , & qui font foutennes par des murs de revêtement, On plante les arbres } } pt ut De ar 2 parte RE VU SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 307 fur ces terrafles, & il y en tient un plus grand nombre qu'il n’en tien- droit fur la projeétion horifontale du coteau, parce qu’en s'élevant ainfi en amphithéâtre, les terrafles procurent aux racines & aux bran- ches } la facilité de fe loger en partie les unes au-deffus des autres. Les murs de revêtement empêchent en même tems les terres de s’ébouler; mais ils occafionnent une dépenfe qui doit être en déduétion du produit de la plantation. D’après toutes ces preuves théoriques & expérimentales, il n’eft pas permis de douter que la pente d’un terrain nepuilfe favorifer la produétion: mais on fe tromperoit en concluant que la produétion d’ua terrain incliné, eft exaétement proportionnelle à la fuperficie de ce terrain. Car imagi- pons que la pente augmente depuis © jufqu’à oo degrés; c’eft-à-dire, depuis lapoñtion horilontale , jufqu’à ce que le terrain devienne vertical. Entre ces deux extrémités , font comprifes toutes les autres efpèces d’in- clinaifons. Repréfentons dans le premier cas, la produétion du terrain par la fuperficie. Il eft clair que lorfque le terrain devient vertical , fa produétion devient abfolument nulle, quoiqu'il conferve toujours la même fuperfcie : ainfi, l'augmentation de pente peut devenir nuifible à la produ&ion, en ayant fimplement égard à la direétion verticale que prennent les plantes. Ajoutons que fi une pente devient trop roide, les terres feront entraïnées dans les vallons par leur propre poids, & par les pluies; & qu’infenfiblement le fol perdra toute fon enveloppe pro- du&ive , pour n’offrir plus qu'un roc pelé, où il pe peut naître que des ronces & de mauvaifes herbes. La pente ne peut donc être véri- tablement favorable à la produétion , que lorfqu'elle eft douce, propre à conferver la terre & les fucs nourriciers, & expofée d’une manière avantageufe à l’aétion du foleil & des courans d’air. Il n’eft pas poff- ble d’afligner en général la pente qui peut procurer à cet égard le plus grand avantage poffible, La détermination de ce maximum phyfique, eft un problème qui ne donne prefque aucune prife à la'géométrie, & qui dépend d’uné infinité de circonftances locales, rigoureufement inappré- ciables. C’eft pourquoi nous ne nous y arrêterons pas davantage. « Lés Partifans de la méthode par cultellation, fe fondent fur fon exac- titude ; & fur l’avantage qu’elle a de donner, d’une manière invariable, la quantité d’arpens contenus dans un terrain, quelques changemens qui puiflent arriver dans la fuite des fiècies à la convexité de ce ter- rain. Elle eft conforme à celle qu’emploient les Géographes pour lever une partie du globe & pour la rapporter fur une Carte, Si vous arpentez anfiun terrain , & que vos opérations aient été bien faites, votre figure fe fermera exaétement; & ce cara@ère fervira de preuve à la juftefle de votre travail. Qu'un autre Arpenteur veuille le vérifier; s’il opère bien lui-même , il trouvera néceflairement le même réfultat. Si deux atpentages d’un même terrain, exécutés de cette manière, ne s’accor- JUILLET 1772, Tome IL, Qai 308 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dent pas, il faut que l’un, ou peut-être tous les deux, foient erronés: On ne peut pas attribuer la différence à une autre caufe; il n’en eft pas de même de la méthode par développement. Elle demande beau- coup d'opérations où il eft bien difficile de ne pas fe tromper. La figure totale & réfultante qu’elle donne d’un terrain montueux , ne peut pas fe fermer ; fi l’on s’eft trompé, comment le reconnoître ? Les varia- tions qui arrivent à la furface du globe par la fucceflion des tems, peuvent jetter de l'incertitude dans l'arpentage par développement, Qu'on ait à prononcer entre deux arpentages différens, d’un même terrain , faits par développement à des intervalles de tems un peu confidéra- bles : à quel caraétère reconnoïtra-t-on sil faut attribuer la différence des réfultats aux erreurs des opérations, ou sil ne faut pas en rejetter une partie fur les changemens arrivés à la furface du terrain ? Il y a d’ailleurs des cas où l’on ne pourroit pratiquer la méthode par dévelop- pement, fans jetter le vendeur dans une dépenfe qui excéderoit fou- vent le bénéfice réfultant du furplus de fuperficie que cette méthode lui attribue. Par exemple, fi l’on avoit à arpenter une forêt terminée par un pourtour horifontal, & au milieu de laquelle il y eût une butte, ‘une montagne ; en procédant par développement, il faudroit beaucoup multiplier les opérations, faire plufieurs laies à travers la forêt, & gâter une grande quantité de bois, fur-tout fi c’eft du bois taillis. Or, pourâuci tout ce travail, toute cette dépenfe? pour afligner au ven- deur un peu D à fuperficie, par des opérations fur l’exaétitude defquelles on ne p£ut jamais parfaitement compter. Il eft f eflentiel de diminuer autañt qu’on peut le nombre des opérations, indépen- damment de tout objet d'économie, que même dans les terrains les plus unis, il arrive rarement que deux arpentages fe rapportent par- faitement; plus les opérations font nombreufes, plus les erreurs s’accu- mulent. Les Partifans dela méthode par développement, infftent fur ce qu'un terrain incliné produit plus que ne feroit fa projeétion hori- fontale; & ils foutiennent qu'on ne peut pas négliger le furplus fans faire un tort notable au vendeur. Leurs adverfaires répondent : on vous accorde que la pente peut augmenter quelquefois la produéton ;: mais cette augmentation ne fuit pas le rapport des fuperficies; elle eft abfolument indéterminable. La pente peut même étre telle, que loin d'augmenter , elle diminue au contraire le produit. Pourquoi multi- plier des opérations certainement coûteufes, dans la vue de fe pro- curer un bénéfice incertain ? Dailleurs , qui vous empêche de compren- dre dans un autre élément, dans la qualité du terrain, l'excès de la produétion que vous attribuez au terrain incliné , fur la produétion du terrain horifontal ? Celui qui vend ou qui achete un arpent en côteau ; mefuré horifontaiement , y mettra un prix plus où moins grand, felon -— . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 F Pefpèce d'inclinaifon , & felon que le côteau fera expofé aux influen- ces de l'air & du foleil, d’une manière plus ou moins avantageule, On diraqu'il y a de l'arbitraire dans cette sanière d'évaluer un ter- rain. Cela eft vrai; mais cet arbitraire eft inhérent à la nature de la chofe même. N'y en a-t-1l pas dans l'évaluation de l'excès du pro- duit , à raifon d'une plus grande fuperficie ? Enfin, on vante la fim- plicité de la méthode par développement ; mais eft-il donc moins facile & moins commode de mettre la chaîne dans une pofition hori- fontale , que dans une poftion parallèle au terrain incliné ? Tiendra- t-on compte dans le dernier cas de toutes les inégalités du terrain, & fera-t-on entrer de la même manière, dans l’arpentage, les lignes prefque à-plomb , & celles qui font en pente douce ? Si l’on fe per- met quelques négligences ou quelques diflinétions fur ce point , comme on ne peut en effet s'en difpenfer, la méthode n’eft donc plus générale & uniforme; & la voilà livrée au caprice de l’Arpenteur. Tciles font à-peu-près les raifons qui peuvent déterminer à fuivre ou à rejetter l’une ou l’autre méthode. Il réfulte de cette difcufñon, que, fi l’on règle le. prix d’un certain nombre d’arpens de terre par rapport à celui d’un arpent fitué en plaine, la qualité de terre étant fuppofée la même dans tous les cas, le vendeur d’un terrain montueux fera favorifé, s’il vend ce terrain dans le rapport de fa fuperficie déve loppée à la fuperficie de l’arpent,fitué en plaine; car la produétion d’un terrain montueux ne fuit pas le rapport de la fuperficie. Quelquefois même la pente nuit à la produétion, loin de l’augmenter. Ainf, la méthode de développement, pour les terrains montueux , favorife toujours le vendeur; mais fi on arpente le terrain montueux par cultel- lation, l'acquéreur fera ordinairement favorifé, parce qu'il peut retirer un plus grand produit d’un terrain en pente que d’un terrain horifontal, à moins que la pente ne foit fort roide , auquel cas elle lui deviendroit nuifible. Voilà une obfervation générale que les deux parties contrac- tantes doivent avoir devant les yeux. A ne confdérer les chofes que du côté de l’exa@itude des opérations, & fous un point de vue purement géodéfique , la méthode par cultel- lation eft préférable à celle par développement. Mais dans l’arpentage, il ne s’agit pas de meftirer un terrain nud & de le rapporter fur une carte, On y a pour but d'évaluer un terrain couvert d’une enveloppe produétrice ; 1l n’eft donc pas permis de dépouiller la queflion de cette confidération phyfique, que la convexité d'un terrain pent en augmenter ou en diminuer le produit. D’un autre côté, il eft impoñfble d’affigner d'une manière précife , la perte ou le gain qui peuvent naître de l’une ou l’autre méthode, foit pour l'acquéreur ou pour le vendeur. Il entre donc néceflairement de l'arbitraire dans le choix de la méthode ; & JUILLET 1772, Tome 11. 310 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nous croyons en conféquence que ce choix doit être abandonné à {4 volonté des parties contraétantes. IL ya d'autant moins d’ifconvéniens à ne les pas gêner fur ce point, que’ fuivant les calculs inconteftables de MM. Duhamel & Camus, la différence de la fuperficie d’un terrain montueux & produ@if, à celle de fa projeétion, eft ordinairement peu confidérable; & que dans la pratique de l’arpentage , on tolère des erreurs qui vont quelquefois plus loin. Cette conclüfion acquerra une nouvelle force, fi l'on confidère que le prix d’un arpent dépend fur-tout de la qualité du terrain, de fon expofition & d’autres circonftances locales, qui varient à l'infini; d’où il réfulte qu’il fuffit pour lordinaire de connoître à-peu-près le nombre d’arpens d’un terrain, pour mettre le vendeur & l'acquéreur à portée d'établir les conditions de leur marché. Or, on peut parvenir à cette connoiflance approchée, également par l’une ou l’autre méthode. Sans prononcer rien entr’elles, nous nous contenterons d'obferver que , fi en vertu des grandes inégalités d’un terrain, elles donnoient des réfultats fenfiblement différens; & que dans un premier marché, l’arpen- tage ait été fait par développement ou par cultellation , il doit être fait de la même manière dans tous les arrangemens qui en feront la fuite. Les procès qui peuvent s'élever à cette occafion , ne doivent donc avoir d'autre objet, que de vérifier par quelle méthode le premier arpen- tase a été fait. En appliquant ces prineipes qui nous paroiffent fondés fur le droit naturel, à la queftion particulière que M. le Cardinal de la Roche-Aymon propofe au fujet du nouvel arpentage du quart de réferve de {on Abbaye de Beaulieu, nous penfons que cet arpentage doit être fait par développement, s'il elt prouvé que l’arhentage primitif qui a fervi à établir le quart de rélerve, a été fait par cette méthode. OBSERVATIONS communiquées à l’Académie Royale des Sciences, par M. LAVOISIER, fur un effet fengulier du Tonnerre, L ES diverfes obfervations qu'on a raflemblées fur le tonnerre; paroïflent prouver d’ane manière inconteftable que ce météore s'élève fréquemment de la terre; les effets obfervés à Paris, rue Vivienne, chez M. le Marquis de Collabeau, en fourniffent une nouvelle preuve; j'ai cru qu'elle méritoit d’être communiquée à l'Académie. Le famedi 27 Juin 1772, entre huit & neuf heures du matin, pen- dant le violent orage qui couvrit la ville de Paris, il partit fubitement, chez M. de Collabçau, un vif éclair, accompagné dans l'inftant même d’une explofon très-confidérable; &c le tonnerre tomba, pour SUR PHIST. NATURELLE ET LES ARTS. : gt . me fervir de lexpreflion des perfonnes de la maïfon, en deux endroits différens. D'un côté de la cour , ik fit partir un éclat de pierre de taille; à l'angle d’une croifée, il endommagea le maillé d’une fenêtre voifine; enfin, il jetta au join & renverfa la loge d’un oxfeau. De l’autre côté de la cour, il fondit des fils de fer de fonnettes; un domeftique qui étoit. dans une falle baffle, reçut une commotion aflez vive , dont 1l s’eft reflenti plus de deux jours ; au même inflant, un petit fragment de corniche de cheminée fut emporté au troifième étage; partie d’une chambre fut décarrelée au quatrième, & un petit morceau de plâtre du haut de la cheminée, fut détaché & jeité dans le jardin des Petits-Pères. Pendant l’explofion, la falle bafle fut remplie d’une odeur approchante du foufre, mais plus défaoréable ; &£ le conduit des fonnettes, qui communiquoit de la cour à la falle, fe trouva rempli & comblé de petits gravats. Ces faits qui font à-peu-près tels qu'ils ont été vus & racontés par les perfonnes de fa-maifon, m'ont paru afez intéreffans pour mériter un examen fuivi. Je me fuis tranfporté en conféquence chez M, de Coïlabeau ; & j'ai obfervé que l'angié de la croifée, dont un éclat de pierre avoit été détaché, étoit fitué précifément entre le fcellement de la barre de la pompe du puits dans le mur, & des barreaux de fer qui fervoient à griller la fenêtre. Dès-lors, il na paru très-pro- bable , que le courant éleëtrique avoit fuivi de bas en haut, la barre de fer de la pompe; qu'il étoit remonté jufqu’au fcellement de cette même barre dans le mur; qu’alors, arrêté par la réfiftance de la pierre qui ne lui laifloit plus un accès aufli libre que la barre métallique, il avoit fait explofion, il avoit fait éclater la pierre, & s’étoit divité - dans les barreaux & le maillé de la fenêtre voifine. Les effets de ce coup m’ont paru tout-à-fait diftinéts de ceux qu’on avoit éprouvés dans le corps-de-logis du fond, & j'ai jugé qu'ils avoient été formés par un autre courant de matière éleétrique ; mais il n’en eft pas moins certain que dans l’un & l’autre cas, l'effort s’eft fait de bas en haut. Il paroït, fuivant le rapport de ceux qui étoient dans la falle baffe, que le tonnerre s’y eft introduit à l’aide du fil de fer des fonnettes, qui a fervi de conduéteur à la matière électrique ; que cette même matière aété attirée par l’homme qui a reçu la commotion; qu’enfuite le courant - a enfilé le tuyau du poële, qui étoit de tôle ; qu'il a fuivi intérieure- ment le tuyau de la cheminée à-peu-près jufqu’au niveau du plancher, qui fépare le troifième & le quatrième : alors le courant de matière éle@rique ayant rencontré une barre , eft forti de la cheminée ; & à l'extrémité de la barre, a fait explofion dans le plancher, & a décar- relé un efpace d'environ quatre pieds quarrés auprès de la cheminée; une remarque aflez fingulière, c’eft qu’une table qui étoit placée fur JUILLET 1772, Tome II. A 312 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'endroit qui a été décarrelé, n’a pas été renverfée, non plus que des livres , & beaucoup d’autres effets qui avoient été potés deffus, Ces différens effets du tonnerre paroïflent prouver que dans les deux cas , le courant de matière éleétrique étoit dirigé de bas en haut ; en effet , s'il en eût été autrement , le tonnerre dans le pre- mier cas , loin de faire explofñon à l'endroit du fcellement de la barre de la pompe , feroit defcendu paifiblement dans le puits le long de la même barre : de même dans le fecond cas , ce n’auroit pas été la chambre du quatrième qui auroit été décarrelée ; mais plutôt le plafond de Pappartement du troifième , qui auroit été endommagé. Le rapport , d’ailleurs , de ceux qui étoient dans la falle baffe , confirme que le tonnerre et monté le long du tuyau. Il ne paroît pas que les conduits de plomb , qui font dans la cour ; aient fervi de conduéteurs à la matière éle@rique ; & cette circonf- tance eft d’autant plus remarquable , qu’elles étoient peu éloignées de l'endroit où il a pafñlé : fans doute que le fluide éle&rique eft plus puiflamment attiré par le fer, que par les autres métaux ; peut-être aufli que la crafle & l’efpèce de chaux, dont le plomb fe recouvre , lui offrent-elles un obftacle difficile à vaincre. OBSERVATION fur les effets de l’'Œnanthe. Ox a lu dans une affemblée de la Société Royale de Londres, les circonftances fingulières d’une guérifon opérée par l'Œnanthe crocata LiNNÆt, d’après lefquelles on peut regarder cette plante comme un fpécifique contre la maladie nommée Zepra Græcorum , ou lèpre des Grecs , ou lèpre ordinaire. Voyez la Nofologie de Sauvages. Leffai de cette plante fut fait par un malade , qui , après avoir éprouvé , fans aucun fuccès , plufieurs remèdes , en prit le Jus ou le fuc : croyant qu’elle étoit la Berle où hache d’eau, qu'on lui avoit confeillée. Les effets de l’œnanthe furent violens : mais le malade s’opiniâtra à prendre le fuc de fa plante ; & cette méprife, effet de fon ignorance , le guérit parfaitement : on feroit fort heureux , fi on n’en faifoit pas d’autres. C’eft le cas du Reëum ab errore. Oëférvation fur effet d'une goutte d'huile jettée fur l'eau. Le Doëteur Francklin eft le premier qui a pris garde à un phéno- mène afiez fingulier. Si l'on jette une goutte d’huile d'olive ( ou peut-être de toute autre huile ), fur une eau tranquille , comme celle d'un bafin , on oblferve qu'il en fort une vapeur très-fubtile , qui cou- vre la furface de l’eau , & qui réfléchit les couleurs du prifme : cette matière fubtile a la force d’écarter de petits morceaux de papier qu’on auroit me ie comme. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 313 auroit jettés aux environs de la petite nappe que forme la goutte d'huile. Si l’efpace où flotte la goutte d’huile eft très-peu étendu , la goutte d'huile ne forme pas de nappe ; mais elle paroït repouffée vers un centre par des courans qui contiennent la goutte d'huile, & font obftacle à fon épanchement. L’efler de ces courans qui contiennent Ja goutte d'huile dans un petit efpace , fe fait remarquer à la furface de l’eau qui devient très-unie. Si l’on coupe un morceau de papier - En forme de larme , qu’on l’imbibe d'huile , & qu'on le jette fur Peau , les courans de la matière fubtile qui fortent de l'huile , le feront tourner fur fon centre. Obfervation fur la digeflion de leflomac des cadavres. * Le Doë&teur John Hunert a lu , à la Société Royale de Londres ;, un Mémoire für la dipeffion de l'effomac des cadavres. L’Auteur prétend que Ze pouvoir digeffif weft ni méchanique , ni chymique; qu'il réfide dans l’eftomac , à un tel degré d’a@ivité , même après la mort des animaux , qu'au défaut de matières propres à la digeftion ; partie de leftomac fe digère foi-même. Il appuie cette opinion fur plufieurs obfervations qu'il a faites à l'ouverture des cadavres , dont l'eftomac s’eft trouvé digéré dans la partie inférieure , plus ou moins , fuivant le tems que l’on avoit laïflé ces cadavres fans les ouvrir. Il ajoute enfin , que les corps animés ou doués de la visalité , ne font pas foumis à ce pouvoir digeflif , & qu'ils en deviennent l'objet dès qu'ils font privés de la viralié : cet Auteur a déja expofé quelques-unes de fes idées fur le principe de la vie dans fon AHifloire des dents humaines , qui a paru l'année dernière ; & fon Mémoire a pour objet de donner un plus grand développement à fon fyflême , en s’étayant des obfer- vations qu'il a faites. Nous ne préfenterons aucune réflexion fur une idée auf fingulière ; c’eft.aux Maîtres de l'Art à vérifier , à conftater , à mier ou à démontrer la poflibilité de ce fait. CPAS TERRE RE EME EEE LORS ART ILES TT IT SUISSE RTE TE 7 IEEE SEEN PE PET TT 72 SOMMAIRE des Obférvations faites par ordre du Roi, fur les côtes de Normandie , au fujet des effets pernicieux qui font attribues dans le pays de Caux, à la fumée du Varech , lorfqu'on bréle cette plante pour la réduire en foude (1). N Ous avons annoncé les opérations que fe propofoient à ce fujet Meñfieurs les Députés nommés par l’Académie ; il nous refte à fare connoître leurs obfervations & leurs réfultats. s AO LCR RSS LS cree 7, (1) Ces Obfervations ont été lues à l’Affemblée publique de l'Académie Royale des AOUT 1772, Tome 11. Rtr 314 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Perfonne n’ignore que les bords de la mer où il fe trouve des rochers font couverts de plufeurs efpèces de plantes qu’on nomme varech, fare, goémon ; on les recueille fans choix, foit pour en former des engrais, foit pour les brûler & les réduire en foude. L’abondance de ces plantes eft prodigieufe, non-feulement fur la partie des bords de la mer qui n'eft jamais à découvert, ou qui ne l’eft que dans certaines circonftan- ces, mais encore fur celle qui, par les alternatives de la haute & baffle marée , eft baignée régulièrement ou laiffée à découvert. Cette abon- dance eft telle que le varech d’échouage, c’eft-à dire, celui que les flots, violemment agités , arrachent & jettent au pied des falaifes, fuffit quelquefois aux Laboureurs riverains pour les engrais de leurs terres, fans qu'ils aient befoin d’en faire eux-mêmes la récolte fur les rochers. Nous avons été témoins à deux lieues au-deffous de Cher- bourg, de la profufion étonnante avec laquelle la mer, après une tem- pête & dans l’efpace de vingt-quatre heures, jetta le varech fur fes bords : les Habitans des Villages voifins de cette côte, ne fuffifoient pas pour le tranfporter au-delà du terme où la marée dans fon retour , de- voient s'arrêter ; & l’un d’entre eux nous dit qu'il comptoit que ce mouvement inopiné de la mer avoit fourni de varech, à deux Villages feulement, la quantité de quatre à cinq mille charges de chevaux. Cette profufon de plantes utiles , femble ne rien prendre dans ces circonftances, fur celles dont les rochers apparens font garnis, Elle eft l'effet de l’agitation violente des flots qui détachent le varech du fonds où 1l refte toujours à couvert, & fur lequel ils ont beau coup de prife, parce qu'il eft plus long & plus chargé de feuillages, que celui qui refte à découvert par intervalles, & dont la récolte eft régulière. L'emploi du varech comme engrais des terres, a eu toujours la pré férence fur tout autre ufage auquel il füt propre. Les Ordonnances, les Régiemens, les ordres particuliers, ont toujours maintenu lAgri- culture dans le privilège de profiter du varech aufli abondamment qu’elle pouvoit lexiger, & la réduétion de cette plante en foude n’a eu lieu à jufte titre, qu’autant qu’on a cru qu’elle étoit en aflez grande quantité pour fuffire à l’un & à l’autre emploi : mais les difiicultés qu'éprouvent les Laboureurs placés au-deflus des hautes falaifes pour recueillir & enlever le varech , les machines deftinées à cet effet qu'ils font obligés d'établir , les frais, les rifques mêmes qui en font les fuites, tout a détourné les Fermiers de plufeurs cantons d'em- ployer le varech comme engrais; ou du moins, ils n’en ont fait que Sciences, le 13 Novembre 1771, par M. Tiller, tant au nom de M. Fougseroux que dé £cnu, Membres l'un. & l'autre de la même Académie, : sLEes SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 319 peu d’ufage : cette plante y feroit devenue inutile , auroit pu même y tomber dans une forte de dépériflement, fi en la convertifflant en foude, on n’eût pas tourné du côté du commerce, un avantage dont l’Agricul- ture Ar pas, ou ne tiroit qu'un foible parti. alaifes qui règnent le long du pays de Caux font affez élevées en général; elles font tres-hautes auprès de Fécamp; celle qui eft au côté droit du Port a trois cents cinquante pieds ou environ d'éléva- tion : il y a peu de vallons entre ces falaifes, dont on puifle profiter pour defcendre fur le galet : cet obftacle a fait négliger aux Fermiers des environs, lutilité du varech comme engrais ; & fur une étendue de cinq à fix lieues, tant à droite qu'à gauche du port de Fécamp, peu de Laboureurs font ufage de cette plante ; ils ne l'emploient même que pour les terres deftinées aux orges ou aux avoines. Les difficultés pour tirer parti du varech , dans le pays de Caux, en réduifant cette plante en foude, ne font pas à beaucoup près les mêmes que pour lemployer au-deffus des falaifes, & pour en former des engrais, parce que tout le travail relatif à la foude fe fait fur le bord même de la mer; auff on a porté fes vues du côté de cette branche de commerce, 8 on a confidéré fur-tout la fubfiftance affurée qu’une multitude de familles indigentes y trouveroit. La permiffion de brûler le varech, fut donc follicitée par les Riverains du pays de Caux. M. le Marquis de Maurepas fit faire des informations, en 1739, fur les fuites que pouvoit avoir un pareil établiffement, Les informations tendirent à le favorifer, & le Roi permit de brûler le varech fur.les côtes du pays de Caux. Quelque utile que dût devenir ce travail , il fallut néanmoins dans les commencemens, exciter une partie des Riverains à l’entreprendre: les peines qu'il exige , les rifques qui y font attachés lorfqw’il fe fait au pied des falaifes fort élevées, le défaut d'habitude & les préjugés, éloignèrent ces Riverains d’une occupation dont ils ignoroient tout le prix ; mais ils ne tardèrent pas à le reconnoître : l’'émulation fuccéda bientôt à l’héfitation qu'ils avoient d’abord témoignée; & les béné- fices qu’ils virent dans les mains de ceux qui avoient été aétifs, leur ouvrirent mieux les yeux, que tous les raifonnemens dont on s’étoit fervi pour les porter au travail. Depuis le moment où le Roi avoit accordé aux Riverains du pays de Caux la permiflion de brüler le varech, cette Manufaëture avoit pris des accroiflemens; les parties des bords dela mer, où cette planre croît, & fur lefquelles les Villages voifins avoient un droit refpe&tif, ne fuffifoient pas pour fournir de l'occupation aux familles attachées à chacun de ces Villages; & la fonde en augmentant en quantité comme de prix, trouvoic toujours un débouché certain: Il s'éleva des plaintes, il y a quelques années , fur l'emploi du AoOUT 1772, Tome 11. R ri] 316 OBSERVATIONS SUR LA, PHYSIQUE, varech , pour le réduire en foude; on lui attribua les fuites les plus dangereufes, telles que d’occafñionner des maladies épidémiques ; par la fumée qui fort des fourneaux où lon brüle la plante, & qui fe répand au loin dans les campagnes ; de nuire à toutes les efpèces de grains qui font encore en fleurs, & de porter un égal dommage aux, arbres fruitiers, Qn prétendit encore que la grande confommation de varech qu’exigeoit la foude, privoit les Laboureurs de la reflource que cette plante fournifloit pour les engrais; & on ajouta qu’à tous ces effets funeftes que produifoit le travail de la foude, il falloit en goindre un autre bien digne d’attention, c'eft que la récolte du varech privoit le poifon d’un abri pour y dépofer fon frai; & le poiffon du premier âge , d’un afyle néceflaire contre la voracité du plus fort. Ces plaintes, devenues plus férieufes à mefure que les fourneaux fe multiplioient, furent expofées dans des Mémoires que fignèrent des Gentilshommes, des Seigneurs riverains, & un grand nombre de perfonnes de tout état. Les intéreflés y opposèrent d’autres Mémoires, L'affaire , dans un état de contradiétion auf marqué, fut d’abord préfentée à la Société d'Agriculture de Rouen; &e fur.fà délibération , elle fut remife enfuite à M. le Procureur Général de cette Ville, qui confidéra la famée du varech comme pefhlenrielle , comme une vapeur qui défoloït , depuis quelques années, les bords maritimes de la Province, D'après fon réquifitoire, ilintervint un Arrêt du Parlement de Rouen, le 10 Mars 1769 , qui ne permit, en vertu d'une Déclaration du Roi, donnée en 1731, de couper le varech pour le réduire en foude, que dans la |feule Amirauté de Cherbourg, & qui ne laiffa par conféquent aux Habitans de toutes les autres côtes de la haute & bafle Norman- die, d’autre avantage à tirer de la quantité immenfe de varech, dont elles font garnies, que celui de l’employer comme engrais. .… Une détenfe auffi pofitive qui fupprimoit tout d’un coup une partie confidérable d’une branche de commerce précieufe à l'Etat, & qui, en arrêtant le travail d’un grand nombre de Verreries, enlevoit à une multitude de familles le fonds de leur fubfiftance , engagea les Pro- priétaires des douze Verreries fituées en Normandie, de repréfenter au Confeil, l'importance de maintenir le travail de la foude. M. le Contrôleur-Général , frappé de leurs repréfentations, mais touché en même tems des plaintes graves qui avoient donné heu à PArrèt du Parlement de Rouen, confulta l’Académie fur un objet auf important : il lui ft remettre un Mémoire où l'affaire étoit préfentée: avec autant de lumière que d'impartialité, & 1l y joignit les pièces , qui, produites de part & d’autre, pouvoient la mettre à portée de donner fon avis. L'Académie, fur le rapport des Commifaires qu’elle: momma.-pour lui en rendre compte, jugea qu’un examen approfondi fur les côtes mêmes de Normandie, étoit le moyen Le plus certain de: SUR VHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 317 démêler la vérité dans les faits contradiétoires que contenoient les Mémoires qu’elle avoit fous les yeux : elle fentit bien des-lors que la fumée du varech n’étoit pas de nature à occafionner les accidens qu’on lui attribuoit, & que la diminution fur les pêches ,pouvoit avoir toute autre caufe que celle de la confommation de cette plante pour la Manu- faéture des foudes; mais il étoit de fa fagefle d'appuyer fon avis par des obfervations qui écartaflent les raifonnemens vagues , qui dérrui- fiflent les préjugés, & fiffent fortir, peut-être, de nouvelles lumières dans l’ordre phyfique , dans une difcuffion à laquelle l'économie politique paroît feule devoir s’intéreffer. L'Académie invita donc M. le Con- trôleur-Général à prendre les ordres du Roi, pour envoyer fur les côtes , dans différentes Provinces du Royaume, quelques Naturaliftes & Phyficiens, chargés d'examiner tout ce qui avoit trait au fond des plaintes qui s’étoient élevées dans le pays de Caux, & fur le rapport defquelles l'Académie donnât un avis qui püt fervir de bafe à un Réglement fixe, pour la branche effentielle de commerce dont il s’agit. M. le Contrôleur-Général adopta les vues de l’Académie , & l’au- torifa de la part du Roi, à nommer quelques-uns de fes Membres, pour faire, fur les côtes de France, les obfervations qu’elle avoit jugé convenables. La Compagnie jetta les yeux fur MM. Guettard , Fouge- roux & fur moi, en nous laiflant la liberté de porter d’abord nos recherches dans les endroits où nous jugerions qu’il feroit plus avanta- geux de les commencer. M. Guettard partit au mois d'Avril dernier pour fe rendre fur les bords de la Méditerranée : nous nous réunîmes , M. de Fougeroux & moi, pour parcourir les côtes de la haute & baffle Normandie. Nous partimes vers le milieu du mois d'Avril pour nous rendre dans le pays de Caux. M. Fougeroux prit fa route par la Picardie, & com- mença fes obfervations fur la côte voifine de la Ville d'Eu; il eut l’avan- tagé , lorfqu'il y arriva, d'examiner le varech fur pied, en même tems qu'il vit les premiers fourneaux qu’on y alluma pour réduire cette plante en foude. Il étoit eflentiel que nous priffions à Rouen des inftruétions fur le travail dont nous étions chargés: je m'y rendis d’abord; les. plaintes , fur les fuites de la fumée du varech, y furent vives; je ny oppofai que le filence; des raifonnemens fimples euffent été fans fruit: il falloit des faits, & j'étois impatient de les recueillir. Jallai donc directement à Fécamp, qui eft le centre du travail de la foude dans le: pays de Eaux ; on ne s’y difpofoit point encore à brüler cette plante: lorfque ÿy arrivai: je portai donc uniquement mon attention fur le: varech attaché aux rochers, & je les obfervois dans tous les inftans: où la marée le laifloit à découvert. Je fuivois les flots À mefure qu'ils fe retiroïent, & je confidérois fcrupuleufement les plantes pour y dé- ÆAOUT 1772, Tome IL, 318 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, couvrir quelque frai de poiflon, fi réellement il y en avoit qui y eût êté dépofé. Après des vifites multipliées & faites dans des circonf- tances différentes, je n’ai pas remarqué la plus légère trace de frai de poifon, fur le grand nombre d’efpèces de varech que j'ai eues fous les yeux. M. Fougeroux , qui de fon côté donnoit auffi une attention particu- lière au même objet, à la diftance de quinze ou vingt lieues de l'endroit où j'obfervois, & qui ignoroit ce que j’avois pu découvrir, m’écrivit, le 3 Mai, qu'il fe difpofoit à me joindre incefflamment à Fécamp , afin que nous puiffions y conférer de vive voix fur nos recherches; qu'il en avoit fait d’inutiles fur le varech, comme afyle du poiflon du pre- mier âge; qu'il n'y avoit remarqué aucune efpèce de frai, quoiqu'il eût examiné la plante dans des endroits différens. Et il m’annonçoit d’ailleurs , que fi l'odeur de la fumée du varech étoit défagréable , elle ne lui paroïfloit pas entraîner , après elle, les dangers qu’on y attachoit. Réunis à Fécamp , nous examinâmes conjoïntement le varech: nous le vimes à différentes reprifes; & jamais nous n’y apperçümes de frai, ou nous n’y trouvâmes pas de poiflons du premier âge, qui, ayant pu s’y mettre à l'abri, y fuffent reftés à fec entre les plantes , par la retraite fubite du fiot qui auroit laiffé le varech à découvert. L'idée aflez générale où l’on eft que cette plante, chargée de feuil- lages, & fort abondante fur certaines côtes , paroït deftinée dans l’or- Ÿ dre naturel à favorifer le dépôt du frai, êg la retraite d’un animal foi- | ble Ëz délicat; cette idée a quelque chefe de fpécieux lorfqw’on la l conçoit fans avoir jetté un coup-d’oeil fur les bords de la mer, pour y juger des fecoufles violentes que le varech y reçoit: mais pour peu } que la mer foit agitée, & que, rencontrant les rochers où eft toujours li attaché le varech , elle y brife fes vagues , on fent qu’une plante flexible | en tout fens, & flottante par fa nature , y éprouve des mouvemens auf variés & auf impétueux que le choc des flots; que le frai du poiflon, dépofé fur le varech, le poifon du premier âge qui s’y feroit refugié , efluieroient l’un & l’autre toute la force de ces fecoufles, | & y périroient néceflairement par le retour périodique d’une auffi violente agitation. Dans la fuppoñition où les plantes marines procu- | rent au poiflon tout l'avantage qu’on y attache, il faut aufli par une | fuite de cette idée, lui fuppofer un inftin@t qui le guide pour fa con- fervation. Le varech que la mer laifle à découvert deux fois par jour, n’eft qu'une foible partie, une lifière (qu’on me permette l’expref- ’fion ) de celui qui eft toujours fous les eaux, & il n’a ni la force, ni la grandeur de ce dernier, Si le poiffon cherche un abri dans le 14 varech , il eft plus für entre des plantes vigoureufes & toujours cou- vertes par la mer, que fur celles qui reftent à fec & par intervalles, LR SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3i9 ou la chaleur, mille accidens peuvent faire périr le frai du poifon, & où celui du premier âge ne pourroit refifter qu’autant qu’on avan- ceroit, contre une loi écrite dans toute la nature, qu’un animal aban- donne conftamment un lieu de füreté, & s’expofe à périr par une habitude régulière, qu’on voudroit faire confidérer cependant comme l'effet d’un ordre naturel. Ce n’eft donc pas fur le varech qu’il faut chercher le frai du poif- fon; mais fur les fonds fablonneux, toujours dépourvus de cette plante, & fi favorables fur-tout au poifon plat , qui s’enfevelit quel- quefois fous les fables, & s’y dérobe à la vue des Pêcheurs, lorfque la mer en baiflant laifle à fec les rivages fablonneux. Les abus des pêches, les ravages occafionnés par les marfouins, font la principale caufe de la deftruétion du poiflon. Après les informations que nous avions prifes, avec les précautions que l'amour de la vérité nous avoient fuggérées , il ne nous reftoit plus qu’à être témoins de la récolte du varech, & de la réduétion de cette plante en foude. Le travail commença à Fécamp dès les premiers À Jours de Juin; les villages voifins s’y livrèrent bientôt, & tout con- courut à la facilité de nos cbfervations, Les villages fitués au bord de la mer ont un droit fur le canton de M ces bords qui répond à leur étendue, pour y recueillir le varech. à L'ufage dans l’Amirauté de Fécamp, & ufage autorifé par le Gouver- ÿ nement, eft de conferver à chaque particulier, pendant fa vie, la \\ jouiflance de la partie de ce canton qui lui a été une fois accordée : | un rocher un peu faillant , ou quelque chofe de diftinétif fur la falaife, fert de limite à chaque partie; un des Habitans dont on connoît l'équité, veille à un partage aufñ fimple. Les bornes déterminées dans le canton, font immuables, & les difcuffions y font rares. La crainte qu'une place de varech ( c’eft ainfi qu'on nomme chacune des parties qui compofent le canton } ne fût regardée infenfiblement comme un effet de fucceffion, détermina M. de Maurepas , fous le miniftère du- quel cet ordre fut établi , à ne le point laifler aux enfans après la mort de leur pere, & à l’accorder à celui des Habitans qui auroit été le premier infcrit pour en jouir: mais cette règle fage fouffre quelquefois des exceptions qui la font heureufement négliger fans l’affoiblir, & honorent l'humanité. Une de ces exceptions bien digne d’être remar- quée, & dont nous fûmes témoins, eut lieu à Senneville, village près de Fécamp. Lorfque M. de Rouffeville , Lieutenant de PAmirauté , fit aflembler les Habitans de ce village , pour régler tout ce qui étoit relatif à la récolte du varech, & aux changemens de la diftribution des places que les circonftances pouvoient occalionner , une veuve chargée de fix enfans le pria de lui accorder la place de varech , qu’occupoit ion mari, & la lui demanda comme la feule reflource qu’elle eùt pour AQOUT 1772, Tome 11, 320 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fubffter: M. de Rouffeville, touché de fon état, lui dit que, quoiqu'il refpe&tät un ufage établi depuis long-tems, il y dérogeroit néanmoins, fi tous les Habitans, & celui-fur-tout que regardoit cette place, vou- lojent bien y confentir: il n’y eut qu'une voix en faveur de la veuve, de la part de tous les Habitans; ils obfervèrent même que la place qu’elle avoit demandée ne lui procureroïit qu’un bénéfice médiocre , & 1ls repréfentèrent qu'il conviendroit de lui en accorder une autre plus avantageufe dès qu’elle viendroit à vaquer. Celui d’entre eux ( Pierre Maler ), qui, par l'abandon de la place dont il s’agifloit dans le mo- ment, devoit mettre le comble à cet aéte d’humanité , avoit déja dif- pofé les Habitans, avant l’Affémblée, au confentement qu’ils donnè- rent; & doublement bienfaiteur envers la veuve, 1l lui facrifia tous fes droits. De tels exemples ne font pas rares parmi les Ouvriers occupés à la fabrique de la foude. Lorfque les Ouvriers ont arraché le varech, ils le tranfportent fur la partie élevée du galetoù la marée ne doit pas monter; ils l’y étendent, l'y font fécher, & l’amafent enfuite en monceaux au pied de la falaife où il doit être brülé. Les fourneaux deftinés à cette opération, font fort fimples : une cavité de cinq à fix pieds d’ouverture pratiquée dans le galet même ou dans un terrain marneux, formée en cul-de-lampe, & dont la plus grande profondeur a dix-huit ou vingt pouces, devient bientôt un fourneau: un peu de paille qu’on y allume au fond, com- munique Je feu au varech defléché, dont on la recouvre légèrement; d’autre varech s'enflamme à l’aide de celui-ci : la combuftion devient générale dans toute l’étendue du fourneau ; la foude s’y forme à me- lure que le varech s’y confume, & précipitée au fond lorfque les plantes ont été totalement brûlées, elle y devient fluide, s’y condenfe en fe réfroïdiflant, y acquiert touté la dureté de la pierre. i Le grand nombre des fourneaux auprès defquels nous nous fommes trouvés pendant qu'on y brüloit le varech , nous a mis à portée de juger de l'effet de la fumée qui s’en exhale, & d’en reffentir toute la force. Nous nous fommes tenus quelquefois pendant quatre ou cinq heures à l'embouchure des fourneaux ; nous y avons répandu fouvent nous mèmes le varech ; nous nous fommes expofés à deflein au courant de la fumée que le vent chafloit fur nous, & laquelle par fon épaifleur, nous déroboit à la vue de ceux qui étoient au bord du fourneau oppofé à celui où nous étions placés ; nous avons répété cent fois ces épreu- . ves fans en avoir jamais reflenti la plus lésère incommodité ni la moin dre naufée , foit que nous refpiraffions à jeun cette fumée, ou après le repas; elle ne produit pas même fur les yeux le picottement que celle du bois y occafionne quelquefois; & fi fon odeur nous a été défagréa- ble , elle ne nous a pas paru difficile à fupporter. Elle l’eft moins fans doute, malgré l'opinion contraire, quand elle s’eft étendue au join He es SUR CHIST. NATURELLE ET LES ARTS. vr32x les campagnes & qu’elle frappe ceux qui la croient funefte. ‘ Les ouvriers de tout âge, de tout fexe, qui brülent du varech, ne font pas plus fujets que d'autres à des infirmités. Leur travail, fi on adopte la gaieté de leurs propos, contribue même à leur fanté. Quelques-uns d’entr'eux ont atteint l’âge de quatre-vingt-dix ans. Le nombre des perfonnes qui depuis 1727 jufqu’en 1740 , font mortes dans les huit Paroïfles fur le bord de la mer, avant qu'on y brülât le varech, efi égal au nombre de celles qui font mortes depuis 1755 juf- qu'à 1768 , années où le travail de la foude a été vif & fans in- terruption. Nous ne nous arrêterons pas à prouver que les grains & les fruits de toute efpèce ne reçoivent aucune altération qu'on puifle attribuer avec quelque fondement à la fumée du varech : le fait eft démontré par l'évidence. Nous n'ignorons pas que les terres qui bornent les falaifes donnent quelquefois peu de produits, quoique bonnes en elles-mêmes & culti- vées avec foin; mais combien ne font-elles pas expofées à l’impéruo- fité du vent, aux pluies chaffées avec violence, & à la rigueur du froid ! En parcourant, au mois de Mai dernier, les côtes voifines de Fécamp, nous portâmes notre attention fur les bleds qui fe trouvent aux bords des falaifes : ils avoient manqué par intervalles dans plufieurs pièces; ils y étoient foibles & beaucoup moins fournis que ceux de l’intérieur des terres. On n’avoit alors ni brûlé, ni même recueilli le varech : combien par conféquent , au moment de la récolte, n’eüt-on pas cté dans l'erreur , fi d’après le préjugé ordinaire, on eût attribué aux fuites du travail de la foude, le mauvais état des bleds de ce canton? À peine eûmes-nous conftaté ce fait, qu’on fema de l'orge dans quelques-uns des endroits où le bled avoit péri : bientôt on alluma au pied des falaifes un grand nombre de fourneaux; & c’eft au milieu des vapeurs prefque continuelles qu'ils ont produites, que l'orge dont il s’agit a végété avec force, fleuri fans accidens, & a dédom- magé en quelque manière , par fon abondance, de la perte du fro- ment qu’elle avoit remplacé. La ferme de Renneville, fituée fur la Bfière d’une des falaifes, & expofée à la fumée de plufieurs de ces fourneaux , fournit depuis leur établiffement, la preuve la plus com- plette que cette fumée ne nuit en aucune manière à la végétation. . Ces obfervations ont été faites fur les côtes de la haute Norman- die , & nous les avons répétées fur celles de la partie baffle de cette Province : difons plutôt que les chofes s’y étant préfentées, à nous, fous toute une autre face à quelques égards que dans le pays de Caux, notre attention s’y eft prefque bornée à la recherche de ceux qui pou- voient réclamer contre le travail de la foude , & nous inftruire des motifs de leur oppoñtion; cette recherche a été inutile. On brûle AOUT 1772, Tome IL. Ss ÿ23 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; beaucoup plus de varech dans les Amirautés de Cherbourg & Barfleur; que fur toute la côte du pays de Caux : les falaifes y ayant moins d’é- lévation que dans la haute Normandie, la fumée s’y répand plus fact lement dans les campagnes; les fourneaux y étant à peu de diftance les uns des autres, cette fumée s’y foutient plus long tems dans une certaine épaifleur , & cependant la ville de Cherbourg, les Gentils- hommes, les Seigneurs riverains, les Curés, & tons les Rivages ma- ritimes , demandent avec inftance la confervation de la foude. S'il ne fe füt pas élevé à ce fujet des plaintes réirérées dans le pays de Caux, on m’auroit pas penfé , felon toute apparence , en bafle Normandie, à la caufe qui les a excitées. Quoique le varech foit abondant en général fur les côtes de la baffle Normandie, il ne left que dans certains cantons ; & l’emploi qu’on y en fait, n’eft pas le même par-tout. Depuis Honfleur jufqu’à Arman- che, village peu éloigné de Bayeux , les bords de la mer font couverts de fable & de galet ; onn'y voit dés roches que par intervalles, & confequemment peu de varech : il eft en grande quanrité au contraire dans l'étendue des fept lieues qu’il y a depuis Armanche jufqu’à Mezy ; l'Agriculture feule en profite; & le varech d’échouage y fut fi abon- dant l’année dernière , que les Laboureurs de dix-neuf villages voifins de cette partie des côtes, n’en coupèrent point fur les rochers. On ne trouve plus cette plante que par intervalles , depuis Mezy jufqu'à la Hougue. Au-delà de Barfleur, les rochers font couverts de varech: quoique d’un accès difficile , les Laboureurs y vont prendre la moitié de leurs engrais; le refte eft abandonné. A Coqueville, village fitué à deux lieues au-deflous de Barfleur, on y fait de la foude , & on emploie le varech comme engrais. L’aétivité de ce travail, fon étendue , eft fur-tout remarquable dans PAmirauté de Cherbourg ; mais les bords de la mer n’y font pas di- vifés comme au pays de Caux ; chacun y brûle ou emporte le varech. Le fond de la Hougue eft une des parties de l’Amirauté de Cher- bourg où l’on fabrique le plus de foude, & où il y a le plus de fa- cilité pour recueillir le varech. Dans ce Pays, on élève des chevaux, on y engraifle des bœufs ; les moutons broutent quelquefois le va- rech defléché à côté des fourneaux , & on ne voit pas que la fumée du varech leur foit nuifible. Ce précis hiftorique fufra pour faire connoïtre que les alarmes qu'on a eues dans le pays de Caux, n’ont aucun fondement réel; qu’elleseuflent été diffipées par un examen fuivi, où la mauvaife odeur de la fumée du varech ne fût entrée que pour ce qu’elle eft, & fur-tout par la comparaifon des deux parties de la Province de Normandie, où la même caufe ayant lieu, un effet égal doit y être remarqué. M. Guettard avoit été chargé de faire , fur les bords de la Médi: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 323 terranée , les mêmes obfervations que MM. Tillet & Fougeroux fur les bords de l'Océan. Cet Académicien en a fait part à l'Académie au commencement du mois de Novembre 1771 ; & la fubftance de la Lettre, qu'il lui a écrite, quadre avec Les Obfervations des deux autres Académiciens. On ne réduit point le varech en foude fur les côtes de la Médi- terranée ; mais on y brûle le /alicor, plante maritime, qu’on culuive dans la partie des marais que la mer abandonne pendant l'été, & qu’elle abreuve, tant en hiver que dans les gros tems, Plufieurs Mé- decins que M. Guettard a confultés fur les effets de la fumée du falicor, l’ont tous afluré qu'il n’en réfultoit rien de dangereux ; les Habitans du lieu ont tenu le même langage. IL réfulte de ces obfervations , 1°. que le poiffon ne äépofe point fon frai fur le varech, & ainfi la coupe du varech ne l’empèche point de multiplier; 2°. que la fumée du varech, que l’on brüle pour en faire de la foude , n’eft dangereufe, ni pour les hommes, ni pour les animaux ; & qu’elle ne nuit point aux produétions de la Campagne ; 3°. que le varech devient une reffource précieufe , comme engrais; 4°. enfin, que c’eft une nouvelle branche de commerce aui doit être encouragée, MANIÈRE d'imprégner l'Eau d'air fixe, & de lui communiquer les propriétés de l'Eau de Pyrmont, & de routes les Eaux minérales, qui font connues fous Le nom d’'Acidules ou Aériennes , par M. J. PRIESTLEY (1). : € l'eau ne feroit que toucher l'air fixe, elle ne tarderoit pas à s’en imbiber; mais l'agitation , en multipliant les contaéts, accé- lère beaucoup la combinaifon. Tout confifte donc, pour parvenir au but de cette opération, premièrement à procurer à l’eau une quan- tité fuffifante d’air fixe ; fecondement, à battre fortement enfemble l'air & l’eau dans un même vafe, en prenant garde de n'y laïfler introduire aucune portion d’air commun: ce double objet eft facile à remplir au moyen d’un vafe plein d’eau, dans lequel on introduit l'air fixe après lavoir préalablement renverfé dans un autre vafe également rempli d'eau, Afin de rendre l'opération auf intelligible qu'il eft pofble, (1) Le Public eft averti que c’eft au zèle de M. de Trudaine pour les Sciences , à {a proteétion dont il veut bien les honorer, & à l’attention vraiment philofophique qu'il donne à tout ce qui peut intéreffer l'humanité , qu'il doit La traduétion & la publicaion ge cer Ouvrage. ÆAOUT 1772, Tome IL. Ssi} ‘ A F _ - { 24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 3 même à ceux qui n’ont aucune connoïiffance préliminaire, je tâcherai ‘en décrire toutes les circonftances avec la plus grande exaétitude 3 Jy jJoindrai quelques remarques &c obfervations. PRÉPARATION. Prenez un vafe ou bouteille de verre A, figure première, dont le col foit un peu étroit, mais dont la bouche cependant forme une bafe aflez large pour que le vafe renverfé puille {e foutenir de lui- même ; remplflez-le d’eau &c collez-y du papier propre ou un carton extrêmement fin; vous pourrez alors renverfer le vafe, fans rifque d’y introduire de l'air commun, au moins en quantité fenfible : placez la bouteille ainfi renverfée dans un autre vale en façon de baflin B; verfez-y affez d’eau pour en décoller le papier ou carton, & introdui- fez dans le col le tuyau ou coûuit C. Ce tuyau doit être flexible & bien clos (1). C’eft pourquoi je penfe qu’il faudroit le faire de cuir, coufu avec du fil ciré, à-peu-près comme celui dont fe fervent les Cordonniers. À chacun des bouts du tuyau, on enfoncera un morceau de plume afin qu'ils demeurent toujours ouverts. On introduira un des bouts dans le goulot du vafe renverfé A , & l’autre dans la veflie D. L'autre extrémité de la même veflie fera liée autour d’un bouchon de liège percé, & dont le trou fe maintiendra ouvert au moyen d’une plume. Ce bouchon doit être bien adapté à la phioleE, & cette dernière doit être remplie aux deux tiers, de craie à peine couverte d’eau. PRO, C:ENDNE) Les chofes ainfi préparées, on détachera premièrement de la vef- fie D la phiole E, contenant la craie & l’eau ; on retirera feconde- ment du col de la bouteille À, l'extrémité du conduit C ; on exprimera Note de M. Magellan. (n) Ileft plus commode de faire ufage d’un fiphon de verte: on attache à un des bouts une veflie; on introduit l’autre dans le goulot de la bouteille E, & on l'y réunit avec un morceau de veflie mouillée, exattement ficelée; dès qu’on eft parvenu à remplir la veffie d’une fuffifante quantité d’air fixe, on en ôte le fiphon, & on introduit cette même extrémité au deffous de l’eay dans la bouche de la bouteille A. Cette méthode eft plus fimple & plus expéditive ; j'en ai fait ufage plufeurs fois avec tout le fuccès defiré *. Note de l'Editeur, * On peut encore varier cet appareil de différentes manières, le fimplifier & affurer davantage le fuccès des expériences. Ces détails feroient trop étendus pour trouver place ici ; ils feront le fujer d'un Mémoire qui fera préfenté inceffamment à l Académie royale des Sciences de Paris, & que Pon publiera dans ce Recueil : on croit dexoir feulemenr avertir que l’eau, par les deux méthodes ci-deffus détaillées , n'eft pas aufli chargée d'air qu'elle le peut être. dm 2 SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 325 troifiémement avec foin la veffie pour en faire fortir tout l’air com- mun qu'elle contenoit ; enfin, on verfera un peu d'huile de vitriol fur la craie & l’eau contenues dans la bouteille. Sitôt que lefervef- cence fera commencée, on bouchera la phiole avec fon bouchon percé; il fera bon de preffer une feconde fois la veffie après qu'il y fera entré un peu d’air nouveau, afin d’en enlever plus exaétement le peu d’air commun qui pourroit y refter : cela fait , on introduira l'extrémité du tuyau ou conduit dans la bouche du vale d’eau À , comme onle voit figure première ; alors, on remuera vivement la craie & l'eau; cette agitation développera tout-à-coup une quantité confidérable d’air fixe qui enflera la veflie , & en la preflant , il s'ouvrira un paflage à travers le tuyau & montera dans le vafe ou bouteille A, tandis qu'une partie de l’eau qui y étoit contenue, defcendra dans le baflin B. Quand environ la moitié de l’eau fera fortie de la bouteille A, on la prendra par la partie la plus élevée, & on la fecouera avec toute la vitefle poflible, en prenant cependant garde de ne pas jetter l’eau hors du baflin ; on s’appercevra au bout de quelques inftants, que l’eau a abforbé prefque tout l'air fixe qui y avoit été introduit , qu’elle l’a remplacé de forte que la bouteille fe trouve prefqu'entiérement rem- plie; alors on remuera de nouveau la phiole qui contient la craie &c l’eau, & on fera rentrer dansla bouteille A une nouvelle quantité d'air, On répétera cette manœuvre jufqu’à ce qu’on s’apperçoive que l’eau eft chargée de toute la quantité d’air qu’elle étoit fufceptible de dif- foudre. La portion qui {era ablorbée fera au moins égale au volume du fluide contenu dans la bouteille : l’eau ainfi préparée doit être mife le plutôt poffible dans des bouteilles bien bouchées & gondronnées ,. & on aura foin de lestenir toujours le bouchon en bas. Ces précautions font d’autant plus néceffaires, qu'on fe propofe de conferver l’eau plus long-tems fans en faire ufage. OBS IENRE PR ANTATIONNES. 1°. Au lieu de placer la bouteille dans le baffin , on, peut placer le baflin renverfé fur le goulot de boutgile, mettre une feuille de papier entre deux & les retourner tous deux.enfemble; mais on peut s'épargner tont cet embarras , en.ayant.un grand vafe d'eau où tous deux puiflent être plongés. 2°. Si le vafe qui contient l'eau qu’on veut imprégner d’air eft fort large, il fera à propos pour-lors de le renverfer , avant de le remplir, dans un bañlin plein d’eau, & d’en tirer l’air commun par le.moyen d’un fiphon. On peut fe fervir à cet effet ou de la bouche ou d’une ferin- güe; mais il eft néceffaire dans les deux cas d’attacher -une-efpèce de main au bas du vafe afin d’avoir plus d’aifance pour le remuer. 3°. Un vafe à goulor étroit n'eft pas néceflaire, mais il eft plus. AOUT 1772, Tome 11. 326 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; propre pour l'opération, attendu qu'on court moins de rifques etf remuant, d'y laifler pénétrer l’air commun. 4”. Le tuyau ou conduit flexible (1) eft à la vérité plus commode, mais il n'eff pas non plus d’une abfolue néceflité; on peut y fuppléer au moyen d’un tube courbé À , fig. 2 ( ceux de verre font les plus convenables) : on en introduit l'extrémité dans le bouchon de la bou- teille E, jufqu’à ce que la veflie air été fuffifamment remplie d’air fixe; on la fépare enfuite pour placer cette même extrémité fous le vafe ou bouteille remplie d’eau; on comprime enfuite la vefñie, & on oblige comme ci-deflus l’air qu'elle contient de s'introduire dans la bouteille. s°- Si on vouloit argumenter contre l’ufage de la vefie, quelque peu fondées que fuffent les objeétions qu’on pourroit faire à cet égard, on les préviendroit en obfervant de ne point remuer du tout la phiole qui contient la craie & l’eau, où du moins en ne les remuant qu'a- vec la plus grande précaution ; on pourroit encore avoir recours à l'appareil expofé dans la figure 3 : il confifte dans une petite phiole À , dans laquelle viennent aboutir les deux tubes recourbés B & C; Pex- trémité de l’un aboutit à la phiole où eft la craie, celle de lautre aboutit à l’orifice du vale plein d’eau. Il eft clair que fi quelque portion d’acide & de craie pouvoit pafler dans le tube B, elle tom- beroit au fond de la phiole A, & il n'y auroit que Pair feul qui s’in- troduiroit dans le conduit & qui pafleroit à travers de l’eau. Si le tube B ‘eft de fer blanc ou de cuivre, on n’aura pas befoin de le luter avec de la veflie à la bouteille A. En effet, le bouchon dans lequel paflent les extrémités des deux tubes peut être fait de façon qu'il ferme la bouteille ou phiole très-hermétiquement. 6°. La phiole E, figure première, doit être placée & toujours te= nue beaucoup au-deflous du vafe, afin que fi quelques parties de la mixtion venoient à entrer dans la veflie , elles puiflent refter au fond ; il feroit aifé de les en tirer enfuite par lexpreffion : au furplus, cette précaution eft affez inutile , puifque ces parties de la mixtion reftent néceffairement dans lefond de la veflie, & qu’il n’entre jamais qu'un air très-pur dans le conduit & enfuite dans l’eau. e 7°. Si le vafe eft à beaucoup plus de moitié plein d'air, il ne fe trouvera pas un volume d’eau fuffifant pour le remuage, & alors l'e- pération prend beaucoup plus de tems. 8°. Si la craie eft trop finement pulvérifée, l'air fixe fe dégagera avec trop de violence. (1) Si le tuyau où conduit eft fait de cuir, il faut le laifler tremper dans l'eau a moins une deini-heure avant de s’en fervir, afin de le rendre fufifamment fouple, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3217 9°. Après chaque opération, il faut changer l’eau où la craie aura été mile. 10°. Il fera à propos de laver chaque jour la vefñe avec de nouvelle eau lorfqu’on en aura fait ufage, afin que l’huile de vitriol qui pour- roit lavoir pénétrée, & qui ne manqueroit pas de la corroder ou de la brûler , puiffe être totalement délayée. 11°. Le vafe dont j'ai communément fait ufage, contient environ trois pintes (1), & la phiole ou bouteille qui enferme la craie & l’eau, eft une phiole de dix onces; j'ai remarqué qu’une cuiller à thé pleine d'huile de vitriol, fufffoit pour produire autant d'air qu'il en falloit pour imprégner cette quantité d’eau. 12°, Sile vafe contenant l’eau fe trouve plus large, la phiole con- tenant’ la craie & l'huile de vitriol doit être auf plus large ; ou bien 1l faut joindre à la craie de l’eau fraîche & de l'huile de vitriol en plus grande proportion , afin de produire la quantité d'air requife. 13°. En général, toute l'opération entière ne dure pas plus d’un quart d'heure, & l’agitation pas cinq minutes ; on pourroit prefque dans le même efpace de tems, imprégner d'air fixe , un vafe d’eau conte- nant deux ou trois gallons (2), ou telle autre quantité que ce füt , pourvu qu'on füt affez fort pour le remuer convenablement , & que d’ailleurs la phiole contenant la craie & l’huile de vitriol, fût aflez grande en proportion, 14°, Pour donner à l’eau autant d’air qu’elle peut en recevoir par ce procédé, on peut répéter l’opération avec l’eau déjà imprégnée. Cette précaution fera fur-tout bonne à prendre, quand on aura deffein de garder l’eau très-longtems; mais une feule-opération fuffit en géné- | ral pour unir à l’eau une quantité d’air fufñfante, Par une feconde | opération, on communique à l’eau prefque autant d'air qu’à la pre- mière, & quelquefois par une troifième plus que par les deux pre- mières ; mais on ne gagneroiït rien à répéter davantage l’opération, attendu que peu après 1l s'échappe autant d’air fixe de la partie de la surface de l’eau qui eft expofée à l'air comaun , qu'il s’en communique dans l’intérieur du vafe. 15° Toutes les fubftances calcaires contiennent un air fixe & tout acide quelconque eft propre à l’en tirer ; mais la craie & le vitriol font ceux qui font les moins chers & les plus efettuels à tous égards. 16°, On pourra peut-être foupçonner qu'une partie de l'huile de vitriol eft volatililée dans cette opération, & pañle dans l’eau; cepen- dant, d'après l'examen chymique le plus fcrupuleux , il ne paroît pas + f : (x) La pinte d'Angleterre ne fait qu’une chopine de Paris. (2) Le gallon eft une mefure d'Angleterre, qui contient environ quatre pintes de Paris. OUT 1772, Tome IL. 328 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qu'il en exifie aucun veflige ; en effet, n’y auroit-il qu'une feule goutte d'huile de vitriol étendue dans une pinte d’eau (& certaine- ment une quantité même beaucoup plus confidérable ne la rendroit pes moins bienfailante }, il feroit aifé de la découvrir. Les expérien- ces par lefquelles on a cherché à s’aflurer qu'il ne paffloit aucune por- tion d'acide. viriolique dans l’eau, ont été faites avec de l’eau diftillée; & on a vu que fon goùt défagréable n'avoit été nullement enlevé par la mixtion de Pair fixe: fans cette circonftance l’eau diftillée n'étant chargée d’aucun principe étranger, s’imprégneroit bien plus fortement d'air fixe, & en retiendroit une plus grande quantité que toute autre eau. Toutes les expériences relatives à cet objet ont été faites en pré- fence de Monfeur Hey; c’eft un Chirurgien de cette Ville, fort ex- pert dans l’examen des propriétés des eaux minérales. 17 Le Doéteur Brownrigg, qui a fait des expériences fur l’eau de Pyrmont à la fource même, n’a jamais trouvé qu’elie contint la moi- tié de fon volume d'air; au lieu qu’en fuivant la méthode qu’on ex- pote, il eft facile de faire la combinaifon à volume égal. Il eft bon d'obferver à cette occafñon qu'une quantité confidérable de la partie la plus foluble de Pair, s'incorpore avec l'eau dans le moment même qu'elle pafle à travers, & avant d’avoir gagné la partie fupérieure du vafe. 18°. La chaleur de l’eau bouillante fufñroit pour chafler tout l'air fixe, fi la bouteille qui contient l’eau imprégnée d’air y étoit expo- fée ; mais il faut plus d’une demi-heure pour produire complettement cet effet. 19°. Si quelqu'un defire rapprocher encore davantage cette eau arti- ficielle de l’eau naturelle de Pyrmont, le fieur Jean Fringle nous ap- prend qu’il faut mêler à chaque pinte , depuis huit jufqu’à dix gouttes de tinétura martis cum fpiritu fulis ; cependant on convient généralement que les vertus particulières dè l’eau de Pyrmont, & de toutes les autres eaux minérales quelconques qui ont le même goût d’acidité, ne dépendent point du fer, mais de l’air fixe qu'elles contiennent. L'eau d ailleurs imprégnée d'air fixe , eft très-difpofée elle-même à diffoudre le fer, ainfi que l’a découvert l’ingénieux M. Lanc. La limailie de fer mife dans cette eau mixte, fait une eau chalibée ou ferrée forte & agréa- ble , femblable à quelques eaux naturelles qui tiennent le fer en dif- foiution, par le moyen. de l’air fixe feulement & fans aucun acide: on m’a même affuré que ces eaux chalibées ou ferrées, étoient en général les meilleures pour Peftomac. 20°. On peut par la même méthode, communiquer de l'air fixe au vin, à la bière & à prefque toutes les liqueurs quelconques ; c’eft même un moyen de donner de la force à la bière , quand elle l’a per- due: mais l'odeur délicate & agréable, ou le goût d'acide que com- munique Re ee Fr mer. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 319 munique l’air fixe, & qui font fenfibles dans l’eau , ne le font qu'à peine dans le vin & dans les autres liqueurs, attendu qu’ils font ab- orbés par le goût & l’odeur dominante de ces mêmes liqueurs. 21°, Je ferois très-fâché de rien dire ici qui püût indifpofer le Col- lège des Médecins, cependant on me permettra de me fatisfaire, en fafiffant cette occafñon pour expofer quelques-uns de mes doutes & ceux de mes amis , relativement à l’ufage médicinal de l’eau impré- gnée d’air fixe, ainfi qu’à quelques autres applications de ce même remède. En général les maladies où l’ufage de l’eau imprégnée d'air fixe paroît être le plus efficace, font celles d’une nature putride, dans l’efpèce defquelles eft Ze fcorbut de mer. On ne peut guère douter que notre eau faétice n’ait les vertus médicinales de Peau de Pyrmont, ou autres de même nature, fur-tout, fi l'on y mêle quelque peu de limaille de fer pour la rendre chalibée ou eau ferrée , comme eft celle de Pyrmont: cepen- dant, il eft pofñble que dans quelques occafions l’on defire avoir l'air fixe de l’eau de Pyrmont fans le fer qu’elle contient. Puifque l’occafion s’en préfente, je confeillerai auffi l’application de Pair fixe en forme de lavement; l’idée men eft venue en fuivant cet objet. Je crois que cette eau feroit bonne pour corriger la putréfaétion du canal inteftinal & des autres parties du corps, où par ce moyen elle pourroït être introduite ; l’épreuve en a déja été faite une fois par M. Hey , & le malade qui en a fait ufage eft revenu d’une fièvre pu- tride, qui faifoit craindre pour fes jours. Ses felles étoient devenues noires, brülantes & très-férides ; les circonftances de fa guérifon por- tent à croire qu'il en a été en grande partie redevable à ces lave- mens; d’ailleurs l'application en eft parfaitement aifée & abfolument fans rifque. Satisfait d'avoir reconnu que l'air fixe n'étoit nullement nuifible par lui-même, je fis entendre à quelques Médecins célèbres de ma connoif- fance, qu'on pourroit en faire un ufage très-falutaire dans Zulcération des poumon£ , fi le malade vouloit en refpirer autant quil le pourroit, & cela en mettant & tenant fa tête fur un vafe contenant un mixte en fermentation, & fur-tout, fi en même tems il buvoit de l’eau ou autres liqueurs imprégnées du même principe. Ces Médecins reçurent ma propofñition avec plaifir , & le Doëteur Percival me dit que la même idée étoit venue à plufieurs perfonnes, & que dans trois cas où l’on avoit eflayé cette méthode, on en avoit retiré de grands avantages ; un des trois malades même en a été totalement rétabli. Ce remède a été appliqué de la manière fuivante : on a mis de la craie dans de lhuile de vitriol délayée dans de l’eau, & on en a fait refpirer au malade la vapeur, à melure qu’elle fortoit de lorifice d’une efpèce AOUT 1772, Tome Il. Tt 33 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 33 d’entonnoir qui couvroit le vafe dans lequel étoit la mixtion. s Je tiens encore du Doéteur Percival, que l’application de l’air fixe eft très falutaire dans les cancers , qu’elle en appaïfe les douleurs, qu’elle procure une meilleure digeftion, & qu'elle conduit à une guérifon prefque parfaite. Les maladies dont je parle ici font préfentement entre les mains d’un très-habile Chirurgien, qui fans doute ne man- guera pas d'en rendre compte dans le tems. La même perfonne a plus d’une fois perfuadé à des malades qui avoient des ulcères à la gorge, de faire ufage de cet air produit par un mêlange de fel d’abfinthe & de jus de limon; & loin que cet eflai ait été nuilble, on s’en eft trouvé viñblement foulagé. Je fuis très-perfuadé qu'il y a plufieurs autres efpèces de maladies putrides, dans lefquelles l’ufage de l'air fixe pourroit être très-utile, quand même toute la machine feroit affectée. Te ne vois pas la difi- culté qu'il y auroit à faire placer le corps des malades, de manière que la plus grande partie de fa furface fût expolée à cette efpèce d'air. Si un morceau de chair morte attaquée de putridité, devient ferme & frais dans cette fituation , comme la éprouvé le Doéteur Macbride, pourquoi n’efpéreroit-on pas à plus forte raifon le même fuccès de cette même application dans un corps animé, dans lequel le vis viæ agit continuellement , & dont tout le fyftême tend à lutter contre la putridité. On aflure que les Indiens enterrent jufqu’au menton, dans un terreau frais , ceux qui font attaqués de ces fortes de maladies ; on fait que le terreau eft très-propre pour rétablir les chairs qui commencent à fe putréfier. Si on retire réellement quelqu’avantage de cette méthode, n’eft- 1l pas dû à l'air fixe qui pénètre les pores de la peau ? De même, fuivre la charrue eft un ancien remède ordonné pour la confomption, ainfi que demeurer près des fours à chaux. Les anciens ufages n’exiftent Jamais fans quelques motifs; ce n’eft qu'avec le tems qu’on parvient à les découvrir , & à en donner une raifon fatisfaifante. Comme je ne fuis pas Médecin, je ne cours aucun rifque d’hafarder ces conjeélures ; je me croirai trop heureux fi quelques-unes de mes idées font réfléchir ceux à qui elles peuvent être direétement utiles, fi elles les engagent à donner une attention plus particulière à leur état, & fi en conféquence elles les portent à approfondir mes con- jeétures, Mon ami M. Percival , Médecin, eft occupé depuis long-tems d’expé- riences fur l'air fixe : il examine particulièrement l'utilité médicinale: dont il peut être ; & comme je fais qu'il joint aux lumières & à la fagacité de fon art, la qualité de bon Phyfcien, j'efpère beaucoup. de fes recherches. CEA ts SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 331 " P,S. On pourra toujours trouver tout prêt de l’air fixe & en quantité dans les Brafferies publiques, où l’on a toujours dans de grands vafes des liqueurs dans un état de fermentation. Si l’on verfe de l’eau d’un vafe dans un autre, en l’approchant auffi près qu’il eft poffible de la furface de la liqueur en fermentation au moyen de longues anfes, on parviendra en quatre à cinq minutes à lui procurer le goût acide de l’eau de Pyrmont ; mais comme dans ce cas la furface de l'air fixe eft expofée À l’air commun, & s’en trouve confidérablement mêlée, l'eau ne s’en imprégnera pas tant de cette manière, qu’elle le feroit par l'opération ci-deflus décrite. L’éteignement de la chandelle fera un moyen facile de s’aflurer fi la fermentation eft fufifamment avancee Pour cette épreuve. GES EXTRAIT de deux Mémoires de M. VEN EL, Profeffeur er l'Univerfité de Médecine de Montpellier, fur les eaux de Selrers ou de Seltz, lus à l'Académie Royale des Sciences de Paris, les 2 & ÿ Août 1750, € publiés dans Le fècond volume des Mémoires préfentés à cette Académie par des Savans Etrangers. L:: eaux minérales connues autrefois fous le nom de gazeufes ou d’acidules | & depuis fous celui d’aërées, fe diftinguent de toutes les autres par un goût piquant, par une faveur vive & pénétrante, dont on ne peut mieux donner une idée qu’en les comparant à l'impreflion que font fur nos organes les vins mouffeux, la bière, le cidre, &c. Cette impreflion eft diftinéte du goût proprement vineux, & c’eft préci- fément ce qu'on exprime dans ces liqueurs lorfque l’on dit qu’elles piquent. Ces eaux ne font pas extrêmement rares ; on célèbre principa- lement cellessde Pyrmont, celles de Seltz, celles de Pougues , celles de Buffeng, celles de Spa, celles de Camare, celles de Saint-Martin de Fenouilla, &c. Il eft peu d'objets fur lefquels l’opinion des Chymiftes ait autant varié que fur la nature de ces eaux: les Anciens , trompés fans doute par le goût, fe font perfuadés qu’elles étoient acides; & c’eft de cette Opinion que leur eft venu le nom d’acidules. M. Fréderic Hoffman & M. Slare, ont donné dans un extrême oppofé; ils ont cru avoir reconnu en elles un principe alkalin, &c fe font difputé l'honneur de la découverte : dans le fait, leur opinion n’étoit pas mieux fondée que celle des Anciens ; ils n’ont fait que fubftituer une erreur à une autre , & la nature des eaux gageufes ou acidules n’en a pas été mieux connue. C'étoit à M. Venel (dont les talens fupérieurs pour la Phyfique & AOUT 1772; Tome 11. ‘Et 332 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pour la Chymie, font regretter tous les jours l’efpèce d’inaétion dans laquelle il femble être tombé), qu'il étoit réfervé de porter la lumière dans cette importante matière. Pour éviter toute équivoque, il a cru devoir opérer fur eau de Seltz, celle même que M. Hoffman avoit analyfée ; il s’eft tranfporté à cet effet fur les lieux, & a fait fur ces. eaux un très-grand nombre d’expériences: les bornes que nous nous fommes prefcrites dans cet extrait, ne nous permettent de rapporter que les principales. Il a premièrement reconnu que l’eau de Seltz étoit parfaitement inodore, d’où il a conclu qu’elle ne contenoit pas d’acide fulfureux volatil : en effet, quelque légère portion de cet acide qu’on introduife dans une liqueur moufleufe , telle que le vin de Champagne, le cidre, ou l’eau de Seltz même, elle fe fait aifément fentir par fon odeur vive & pénétrante. Il a étendu fecondement fur le baflin de la fontaine un grand linge trempé dans une forte lefive de foude ; il l’a tenu confflamment pendant: quinze heures aflez près de la furface de l’eau, pour qu'il fût même expofé à recevoir les petits jets que l’eau lance en bouillonnant. Il a étendu troïfièmement un autre linge trempé dans la même leffive fur une grande chaudière, dans laquelle 1l a fait chauffer doucement dix feaux d’eau de Seltz ; il renouvelloit cette eau toutes les fois qu'il jugeoit qu’elle avoit laiflé échapper fes vapeurs les plus fubtiles. Les linges qui avoiïent fervi dans ces deux expériences, ont été leffivés chacun à part; la leflive a été évaporée à une chaleur douce, après quoidM. Venel a verfé deflus autant d’acide vitriolique qu'il en falloit pour dégager l’acide fulfureux , en fuppofant qu'il s’en trouvât : mais loin d’avoir aucune odeur qui en annonçât la préfence , il n’a eu qu'une cffervefcence ordinaire, telle qu’elle réfulte de tout le mélange de l'acide vitriolique avec un alkali. Ces expériences, & plufeurs autres également décifives, prouvent” complettement que l’eau de Seltz ne contient point d’acide fulfureux volatil. M. Venel fait voir enfuite avec autant d'évidence, que dépouillées: du principe élaftique , elles ne font pas alkalines, comme le penfoient M. Hoffman & M. Slare, Quelques gouttes d'acide vitriolique verfées dans cette eau, n'ont pas été plus neutralifées que pareille quantité verfée dans une eau pure; elles ne lui ont donné d’ailleurs aucun figne d’alkalinité , ni par les combinaifons , ni par l’évaporation, ni enfin par aucun moyen chymique. Après avoir détruit & lepréjugé ancien fur la nature des eaux de Seltz, & l'opinion de MM. Hoffman & Slare, M. Venel fait voir que le goût * piquant qu'on obferve dans les eaux, improprement appellées aciduies,. cette. faveur vive & pénétrante, ces bulles qui s'élèvent à leur furface- ! SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 333 & qui imitent l'effet du vin de Champagne, de la bière &: du cidre, ne font dues qu'à une quantité confidérable d'air combiné dans ces eaux & dans nn état de diflolution. Il eft parvenu à dégager cet air par la fimple agitaion, à le faire pañer dans une veflie mouillée, & à en mefurer la quantité: quelque moyen qu'il ait employé pour parvenir au même but, foit qu'il fe foit fervi de la machine pneumatique, de la chaleur, où de l'appareil de M. Hales, le réfultat a toujours été le même , & il a obfervé conftamment que Peau de Seltz contenoit ur cinquième de fon volume de véritable air. Lorfque l’eau de Seltz a été dépouillée, foit par l’agitation, foit par la chaleur , foit par quelqu’autre moyen que ce foit de l'air qu'elle tenoit en diflolution, elle n’a plus aucune des propriétés qui la confti- tuoient acidule : au lieu du goût piquant qu’elle faifoit fentir, elle n’a plus qu’une faveur plate & fapide ; elle ne moufle plus; en un mot ce n’eft plus qu'une eau ordinaire, que M. Venel a reconnu néanmoins contenir un peu de fel marin. Ce n'étoit pas aflez pour M. Venel d’avoir prouvé que c’étoit à Pair que l’eau de Seltz devoit fes propriétés ; il falloit encore , après en avoir féparé cet air, parvenir à le combiner de nouveau, en un mot, refaire une nouvelle eau femblable à la première : nous allons rendre compte en peu de mots des reflexions qui l’y ont conduir. L'air eft foluble dans l’eau; Pexemple des vins moufleux, celui de l’eau de Seltz eft démonftratif : mais il faut en même tems confi- dérer ce fluide comme ayant plus de rapport avec lui-même qu'avec fon menftrue ; d’où il fuit que ce menftrue n’aura jamais aflez de force pour rompre fon aggrégation, & qu’une des conditions préalables à la diflolution eft la rupture même de cette aggrégation. Aucun moyen n’a paru à M. Venel plus propre à remplir cet objet ; que de compofer les fels dans l’eau même qui devoit les difloudre. I étoit für d’exciter par ce moyen une effervefcence, & par conféquent de dégager ure grande quantité d’air : or cet air étant dans un état de divifion abfolue, il étoit néceflairement dans les circonftances les plus favorables à la diflolution. M. Venel s’eft confirmé de plus en plus dans cette opinion, par le raifonnement qui fuit : une effervefcence, felon lui , nef autre chofe qu'une vraie précipitation d’air; deux corps en s’uniflant n’excitent cette eflervefcence, que parce qu'ils ont plus de rapport entr'eux que: lun des deux ou les deux enfemble n’en ont avec l'air auquel ils étoient: unis : mais on fait que dans un grand nombre de précipitations chy- miques, fi l’opération fe fait à grande eau, le précipité fe rediffout à mefure qu'il eft dégagé ; la même chofe devoit arriver à une préci- pitation d’air dans des circonftances femblables. D'après toutes ces réflexions, M. Venel a introduit dans une pinte ÆOUT 1772, Tome 11. 334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’eau deux gros de fel de foude & autant d’acide marin (il s’étoit afluré que cette porportion étoit celle néceffaire pour la parfaite fatu- ration, & celle en même tems qu’on obferve dans Les eaux de Seltz ); il a eu foin de faire la combinaifon dans un vafe à col étroit, mème d'employer la fuffocation, en difpofant les matières de façon qu'elles ne puffent communiquer enfemble qu'après que la bouteille étoit exatte- ment bouchée : il eft parvenu par ce moyen à compofer une eau non- feulement analogue à celle deSeltz, mais même beaucoup plus chargée d’air ; on a vu en effet que l’eau naturelle ne contenoit que le quart de fon volume d’air tout au plus, tandis qu'il eft poffible d’en introduire près de moitié dans l’eau faétice. CHOMNAON ECS INMOMN: L'Ouvrage de M. Venel , dont nous venons de donner une courte analyfe, prouve inconteftablement : 1°.que la découverte de l'air dans les eaux appartient à la Chymie Françoife : 2°. c’eft également à elle qu’appartient limitation des eaux aërées. Ces circonftances au furplus ne diminuent en rien le mérite de la découverte de M. Prieftley. Il ne paroît pas qu’on fût avant lui, qu’il étoit poñlible de faire pañler l'air provenant d’une effervefcence dans l’eau ou dans un autre fluide, & de l’y combiner par la fimple agitation; il eft probable même que ce procédé dans bien des cas eft celui que la nature emploie pour la formation des eaux aërées: en effet M. Hoffman a obfervé que les eaux de Troplitz & Piperine en Allemagne, ainfi que beaucoup d'au- tres, font fpirirueufès ou acidules, fans contenir rien de falin ; il eft évident que ces eaux ne font point devenues aërées à la façon de M. Venel. Quoi qu'il en foit, c’eft aux Anglois feuls, & notamment à M. Mac- bride, qu’appartient l’idée d'employer l'air fixe comme remède dans les maladies putrides, & l'humanité ne peut recevoir avec trop de recon- noïflance les moyens que M. Prieftley propofe pour en faciliter l’ufage & l'application. Le fuccès de ce remède paroit afluré jufqu’ici fur les témoignages les plus authentiques; mais comme on ne fauroit être trop en garde , fur-tout en médecine, contre lenthoufiafme de la nouveauté, & qu'on a fouvent attribué à de nouveaux remèdes des effets que la nature avait opérés par fes propres forces, on ne peut trop recommander aux Médecins de toutes les Nations, de muluplier les expériences fur cet objet, de les faire fans partialité, fans prévention, & d’en rendre compte au Public. C’eft principalement le but qu’on s’eft propolé en publiant cet Ouvrage. Si ce remède ne produit pas tous les effets que la théorie femble promettre , il ne peut au moins nuire aux malades; ainf les tentatives en ce genre ne peuvent avoir de dange- reufes conféquences. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 335 RECHERCHES fur les Habillemens des Femmes & des Enfans, ou Examen de la manière dont il faut vérir lun & l'autre Sexe, par M. ALPHONSE LEROI, Médecin de la Faculté de Paris, L E goût pour la faine Philofophie fait tous les jours de nouveaux progrès. La Phyfique & la Chymie nous enrichiffent par de nouvelles découvertes , & l'Agriculture & les Arts en profitent. L'Hiftoire Naturelle foumet à fes recherches jufqu’aux moindres parties qui com- pofent cet Univers ; elle pénètre dans les entrailles de la terre, pour s’inftruire de la formation des métaux; elle rafflemble fous fes yeux les végétaux qui croiflent de lun à l’autre pôle; & tous les animaux des différens climats, viennent, pour aïnf dire, fe placer fousla main du Philofophe : mais ces foins ne fe bornent pas à inftruire; ils contribuent encore à rendre notre exiflence plus chère , en foulageant nos infirmités, & en nous indiquant les moyens de nous en garantir. Il eft certain que la plus grande partie des maux qui affligent l'humanité, font une fuite du peu de foin qu’on a de nous au moment de notre naïflance, ou PRET] N » , = . x plutôt à l'excès de ces foins mal entendus. C’eft donc éffeétivement faire tarir la fource d’une foule de maux, que d’afigner la véritable con- duite qu’on doit tenir à l'égard des enfans nouveaux nés, Plufeurs Médecins ont donné des préceptes importans fur cette matière ; un Philofophe en a tracé un précis dans fon Ouvrage fur l'Education: il s’eft éloquemment récrié fur l’ufage barbare de garroter ces tendres viétimes, & rontre ces mères dénaturées , qui refufent de remplir à l'égard de leurs enfans les devoirs que la nature leur a prefcrits. Son zèle na pas été infruueux ; on commence à reconnoître parmi nous la nécefñté de s'occuper de l'enfance, & plufieurs mères refpeétabies , qui auparavant confioient à des nourrices mercenaires le foin de leur progéniture , ne dédaignent plus aujourd’hui d’allaiter elles-mêmes leurs enfans, Mais ces progrès font lents3 la vérité eft long-tems com- battue , avant d’être généralement écoutée. Parmi les ufages confacrés par un ancien préjugé & foutenus par la force de l'habitude, celui des langes & des corps n’eft pas le moins pernicieux; c’eft aufli contre lui principalement que M. Leroi s'élève dans cet Ouvrage. Son but eft d’en démontrer les inconvéniens , de les comparer avec les avantages qui réfultent des coutumes oppofées; enfin, de prefcrire la forme des vêtemens de l’un & l’autre fexe, qui feroit la moins génante, la plus propre au développement des parties, & par conféquent, la plus con- venäable aux enfans. Cet Auteur promet beaucoup, mais a-t-il rempli fon ‘objet? C’eft ce que nous allons examiner, AOUT 1772, Tome II. 336 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Cet Ouvrage eft divifé en trois parties. Dans la première, on examine d'abord l’état & les befoins d’un enfant qui vient de naître. Le nouveau-né pañle fubitement d’un lieu chaud & humide dans un athmofphère fec & froid ; fes humeurs raréfiées par la chaleur interne, font efforts pour fortir, & fortiroient en eflet, fi fes vaifleaux exté- rieurs, crifpés par l'air ,n’oppofoient un obftacle à leur impétuofité. La rougeur de la peau & la fièvre font une fuite de cet état. La circu- lation commence alors à fe faire dans le poumon, toutes les fecrétions s'établifent, 8c le meconium s’évacue. L'enfant eft fouvent la viime de cette crife violente. Mais la nature indique des moyens pour Ten garantir. Quels font ces moyens? M. Leroi invite à jetter, avec lui, les yeux fur les foins que les animaux donnent à leurs petits dans ces premiers inftans : » Dès qu’une femelle a mis bas fes petits, dit ce Médecin, elle les lèche & les nettoie . . .. . . . . L'animal qui vient de naître fort d’un milieu fluide; les friétions humides font le moyen intermédiaire par lequel. il doit parvenir à fupporter Paridité de Pair. ..,.,,..,.,... Ne faudroit-il pas laiffer le nouveau-né s’agiter en liberté , lui faire des friétions avec des linges trempés dans une eau muqueufe déterfive analogue à la falive; ou avec la falive même, fi les humeurs de la nourrice font douces & balfamiques ? . . ......... Les enfans font fujets à des convul- fions qui en font périt un grand nombre; n’eft-ce pas parce qu’on a négligé de lenr daenner les fecours dont je viens de parler ? Je puis citer un fait qui confirme ce que j'avance : on m'engagea à voir un enfant , qui, au fecond, jour de fa naïflance, étoit attaqué de convul- fions fi terribles, qu'il en devenoit violet; je le débarraflai de fes maillots ; je le laiai s’agiter en liberté; je lui fis de douces friétions avec une eau légèrement falée; & par ces moyens fimples & faciles, les fecrérions fe rétablirent, & les convulfions difparurent ». % M. Leroi défend enfuite de chauffer les enfans par les fecours du feu; ce moyen deflèche trop. La chaleur des vêtemens n’eft pas plus falu- taire ; elle abforbe l'humidité du corps , & empèche la tranfpiration. Il vent qu’on ne donne aux enfans nouveaux-nés , que de fimples vêtemens de toile, Mais comment les garantir du froid ? Notre Auteur nous renvoie encore à l'exemple des animaux : les femelles ne quittent pref- que plus leurs petits; dès qu'ils font nés, elles les échauffent continuel- lement par leur douce tranfpiration. Nous devons à leur exemple, füivant le même Ecrivain, approcher le nouveau-né de fa mère, le mettre dans le même lit. La crainte des exhalaifons qui fortent du corps de l’Accouchée, ne l’épouvante pas; rien n’eft plus analogue aux humeurs de l'enfant , que celles de fa mère. Il ne craint pas même que cet enfant foit étouffé par la mère; 1l prévient cet inconvénient par le moyen d'une petite boëte de bois fort mince, dans laquelle il fait arranger l'enfant, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 337 l'enfant, & qu'il fait placer au côté de fa mère. Mais qui lui répondra que cette femme épuifée de fatigue & des travaux de l'enfantement , plongée dans un profond fommeil, n’écrafera pas en, s’agitant dans fon lit, & la boëte & l’enfant, ou bien ne pouffera pas l'un-& l’autre hors du lit? L’Auteur pafle enfuite aux différentes manières de vêtir les.enfans au fortir du fein de leur mère, & il examine les ufages des différentes Nations, tant anciennes que modernes ; de-là, 1l décrit la méthode ufitée parmi nous, après s'être attaché fur-tout à chercher l’origine des mail- lots, qu'il fait remonter à la plus haute: antiquité : ils étoient en ufage, fuivant lui, chez les premiers Gaulois; ce Peuple guérrier qui navoit aucune habitation fixe, avoit fans cefle fes femmes & fes enfans à fa fuite ; il avoit donc fallu trouver un moyen de tranfporter les nou- veaux nés aifément & fans danger: voilà probablement la caufe de l'origine des maillots; mais cette méthode n’étoit pas particulière aux Peuples du Nord, Hyppocrate la blâme chez les Egyptiens ; & le Livre de Job en fait auffi mention. L’Auteur poufle beaucoup plus loin-fes recherches à ce fujet ; nous ne le fuivrons pas plus long-tems fur cette partie. Nous invitons nos Leéteurs à voir cette difcuflion dans FOu- vrage même. Nous allons examiner quels font les inconvéniens qui réfultent de cette méthode, Le plus facile à appercevoir eft fans con- tredit la mal-propreté qui en eft la fuite. La propreté fut prelcrite par les plus grands Légiflateurs , comme une des plus intéreflantes maximes de la Religion : elle eft, dans les climats chauds , Le principal foutien de la vie; & dans les nôtres , elle contribue infiniment à la confervation de la fanté. Tous les animaux, dit notre Auteur , ont grand foin que leurs petits ne foient pas fouillés par le taét immonde de leurs excré- mens ; l'enfant eft donc le feul qu’on laifle croupir dans le fien ? Com- ment peut-il échapper aux fuites funeftes de cette erreur? Repompant, par les pores abforbans, les vapeurs d’un athmofphère corrompu qui l’environne, fa peau s’excorie ; les boutons, les érifypèles, les dar- tres douloureufes , font les effets de cette mal-propreté ; en vain fe repofe-t-on fur la fidélité des nourrices, ces mères mercenaires mefu- rent leurs foins fur la modicité du profit qui leur en revient. Que l’en- fant renfermé dans des langes falis, l'invite par fes cris à l'en délivrer, elle eft bien loin de lui; elle ne fauroit l'entendre ; ou fi elle en eft importunée, elle le berce ou lui offre fon fein: ces fecours appaifent l'enfant pour un inftant : la douleur le prefle bientôt avec plus de force ; ilfe défole, il languit & périt fouvent vitime de la pareffe d’une mère à dix livres par mois. Ce danger n'eft pas le feul qui accompagne cette funefte méthode. Les langes ferrés par de fortes bandes, gênent la refpiration & la circulation du fang. M. Leroi s'étend beaucoup: fur l'importance d’une AOUT 1772, Tome T1. VA 338 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, refpiration libre dans le nouveau né; il réfulte de fes obfervations, que la moindre compreflion faite à la poitrine dans cet âge, ne fau- roit être indifférente, Il fait enfuite une digrefion fur l’origine de Pufage de lier le cordon umbilical, quoïqu’elle paroïfle un peu étran- gère à fon fujet; cependant, nous penfons qu’on verra avec plaifir, la remarque cuneule qu'il a faite, qui efl, que cette ligature n’eft point néceflaire lorfqu’on laifle l'enfant en liberté, & que ceft Ta feule compreffion ‘de la poitrine qui occafionne l’hémorragie qu’on craint en pareil cas. Il rapporte deux expériences pour confirmer certe opinion M. Hunter, célèbre Accoucheur de Londres, ne lie jamais le cordon umbilical; mais auf a=t-1l grand foin d'empêcher qu’on emmail- lotte les'enfans.” 5 Les maillots nuifent non-feulement à la fanté, mais ils empêchent encore le corps de prendre une jufte conformation, & font un ‘grand obftacle à la beauté, M. Leroi développe amplement ce principe. Il lappuie par les exemples des Nations chez lefquelles ces vêtemens font inéonnus : & 1l s’en fert comme du mouf le plus puifiant & le plus propre à engager les mères , peut-être plus foïgneules de ia beauté de leurs enfans que de leur fanté, à profcrire un ufage qui ne nuit pas moins à l’une qu’à l’autre. Les facultés de Fame ne font pas à l'abri des impreffions funeftes de cette méthode; la poitrine & les parties qui font au-deflous étant com-. primées, le fang fe portera néceffairement vers celles où il trouvera moins de réfiftance; 1l abordera donc en très-grande quantité vers le cerveau qui eft mol & flexible; fes vaifleaux fe dilateront, admettront une grande quantité de fluide mal élaboré; & de-là naîtra limbécillité ou la faufleté du jugement. Cette théorie ne nous paroît pas abfolu- ment démontrée: or, fuivant la defcription que M. Leroi lni-même donne des vètemens des enfans, on voit que cette partie n’eft pas moins comprimée que les autres D'ailleurs , quoiqu'il avance que les Peuples qui n'ont pas l’'ufage des maillots, ont la tête moins volnmi- neufe que nous, ce fait eft il bien sûr; &'en le fuppofant tel, ne fau- roit-on l’atiribuer à quelque autre caufe ? Les langes dérangent aufli les fonétions de l’éffomac. La nutrition, la fonétion principale à laquelle la nature donne fes foins dans cet âge tendre , eft interrompue. Le développement fe fait inégalement; de-là, les vices de conformation, & les vomiffèmens habituels. Cette der- nière indifpofition n’eft pas, comme le dit notre Auteur d’après plu- feurs favans Accoucheurs ,:& entr'autres Mauriceau , un état ordinaire aux enfans; il ne vient que des ligatures qui compriment l’eftomac. « J'ai donné, à des enfans, ajoute M. Leroï, des vomitifs, même à aflez forte dofe; comme je prefcrivois de les laifler en liberté & fans vêremens génans , j'ai remarqué qu'ils agifoient auffi fouvent par le SUR L'HIST. NATURÈZLE ET LES ARTS. 339 bas que par le haut; ainfi je me fuis trouvé d’accord avec plufeurs Médecins qui ment que le vomiffement foit naturel aux enfans ». C’eft la compreffion , caufée par les mêmes ligatures, qui produit les jaunifles auxquelles les enfans font fujets trois ou quatre jours après leur naiflance , fimptôme inconnu dans les endroits où l’on ne donne aucun vêtement génant; la même caufe agiflant fur les reins &r fur la vefle , occafñonne le féjour de l’urine dans ces parties; cette humeur déja épaifle à cet âge , le devient encore plus par l'évaporation de fa portion aqueufe, d’où naît ordinairement la pierre. Après avoir démontré les inconvéniens des maillots, M. Leroi pañle à ceux des coëffures dont on charge la tête d’un nouveau né, à la manière dont on les arrange & dont on les aflujettit. Ces coëffures qu'on nomme têtières & béguins, produifent plufeurs effets nuifibles. En premier lieu, ils applaiflent les oreilles. L’habitude où nous fom- mes de leur donner cette figure, nous y fait attacher une idée debeauté, & nous ne faifons aucune attention aux avantages réels que cette beauté imaginaire nous fait perdre. L’oreille, dans l’état naturel, fe porte en avant, préfente un cône profond, dans lequel les rayons fonores, raf- femblés , fe tranfmettent direétement à -lPorgane de l'onie. Elle a même des mufcles particuliers qui lui donnent de la mobilité, & la rendent capable de fe raffermir , de fe redreffer, & de préfenter un cône plus parfait, On voit ailément par-là, que fi par la compreffion nous changeons la figure de l’oreille , fi nous privons les mufcles de leur aétion, nous nuifons, fans contredit, à la finefle de cet organe. Ce n’eft pas-là le feul mauvais effet que produifent les béguins; ils font aflujettis par un ruban qui, paflant fous le col de l'enfant, com- prime les jugulaires & les glandes du col; le fang arrêté dans les vei- nes, refoule vers le cerveau, ce qui produit où augunente une foule de maladies. Les tétières dont l'office eft de tenir la tête de l'enfant dans une direétion droite, produifent fouvent un effet tout contraire ; par cela même qu’elles gênent la liberté des mouvemens de cette partie, elles peuvent donner lieu à une multitude d'inconvéniens. L’Auteur jetre enfin un coup-d'œil fur la conformation de la tête de l'homme ; de-là , il pafle aux moyens que la nature a employés pour la garantir de l'intémpérie des faifons., Les cheveux remphflent cette fon@ion. Il cire plufieurs traits hifloriques, relatifs aux différentes opinions que divers Peuples anciens ont eues fur les cheveux, & à plufieurs ulages qui ont fubfifté autrefois à ce fujet. Tous les Peuples qui vivoient fous un climat doux, ne couvroient pas leur tête; les Romains alloient toujours tête nue; & s'ils étoient furpris par la pluie, ils ne fe couvroient qu'avec un pan de leur robe. Il pañle en- fuite à l'origine des chapeaux, & prouve que leur contexture ferrée , en empêchant la tranfpiration , eft nuifible à la fanté, Il examine quelle ÆAOUT 1772, Tome II. V vi) 4 Y 340 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, eft la façon la plus convenable de couvrir la tête des enfans. L'illuftre Citoyen de Genève, & quelques Philofophes après lui, ont confeillé: de ne jamais couvrir la tête des enfans; ils ont même prétendu qu’on devoit les rafer. M. Leroiï. ne penfe pas comme eux à ce fujet; il fe récrie fur-tout beaucoup contre; ce dernier ufage: il veut qu’on couvre d'abord légérement la tète du nouveau né; qu’on diminue enfüitepeu- à-peu le nombre ou l'épaifeur de leurs bonnets, & qu’on ne les accou- tume que vers la quatrième année à aller tête nue pendant le jour; mais il prétend qu'à tout âge, l’homme doit avoir la, tête couverte quand il-dort. Enfin, il termine la première partie de fon Ouvrage, par blâmer les parens qui cultivent trop tôt lefprit de leurs enfans. Toute application férieufe eft nuifible à cet âge, elle s’oppofe.au dé- veloppement des organes; & ces efprits prématurés, ne font fouvent dans la fuite que des génies bornés & très-ordinaires. Certainement des enfans. élevés felon cette méthode, ne feront que des hommes foi- bles & accablés d’infirmités. Il prouve. ces maximes par nombre d’exem- ples, pris chez divers Peuples, & dans,.différens fiècles ; il cite. entre autres le Roi Henri le Grand , dont l'éducation champêtre. & la vie.dure qu'il avoit menée dans fon enfance, l’avoit renduagile, robufte & infa= ugable. . La feconde Partie de ces Recherches, roule fur les abus des vêtemens d'un âge. plus avancé. On.y examine d’abord quelques différences rela= tives à la conformation des femmes & des enfans. De-là, on parcourt les vêtemens communs à l’un & à l’autre fexe, tels que les jarretières les fouliers, &c. on en démontre les inconvéniens. Les chauflures étroi- tes, comprimant les veines, doivent empêcher le retour du fang des parties inférieures, ce qui pent caufer de très-grands ravages; il en eft de même des cols, des colliers, & des rubans de tête. que l’on ferre trop. Mais c’eft fur-tout contre les corps que l’Auteur fe récrie avec le plus de force & de raifon. Tout ce qu'il dit fur cette matière eft fondé {ur l'expérience & fur la raifon, Les corps, en comprimant la poitrine , gênent la refpiration , font la fource d’une foule de mala- dies. Les bofles & les autres vices de conformation , fi fréquens en France & en Angleterre, font prefque inconnus dans Jes pays où l’on n’a pasintroduit l’ufage barbare des, corps..Nous ne fuivrons pas l’'Au- teur dans tout ce qu'il, dit fursl’origine de cet étrange vêtement, fur la manière dont il s’introduifit chez divers Peuples, & fur la façon dont ils étoient conftruits anciennement ; nous renvoyons à l’'Ouvrage même. On ajoutera feulement que l’Auteur, connoiffant parfaitement, tous les foins que les femmes prennent pour conferver leur beauté , combien elles {ont attentives à éviter ce qui peut en ternir l'éclat, s’efforce de leur prouver que les corps, loin d'augmenter leurs charmes, les afoibliffent ; loin de leur prêter des graces étrangères, les privent SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 341 même de celles que la nature leur avoit prodiguées. Les corps empêchent le développement du fein. La gorge, le plus bel ornement des femmes, ne fauroit acquérir cet agréable contour qu’elles tâchent vainement de lui procurer par les fecours de l’art; elle perd fon volume & cette élafticité vitale qui en fait le charme le plus féduifant. Une main blan- che & potelée, un bras ferme & bien arrondi, font l’objet des defirs de toutes les femmes : la compreflion que les corps font fous l’aiffelle , les prive encore de ces avantages; le fang retenu dans ces parties , les colore d’un violet hideux, Que feront les pâtes, les parfums, & les autres reflources de la toilette contre cette difformité? L’Auteur prodigue les autres avis fur ce fujet. Dans la troifième Partie, M. Leroi examine quelques conformations vicieules caufées par les vêtemens : il donne une defcription détaillée de l’épine du dos, & il propofe enfuite des moyens pour remédier à ces difformités. Ce n’eft point aux Médecins ni aux Chirurgiens qu'on s’adrefle en pareil cas: c’eft aux Tailleurs, qui, fans autre raifon que celle deleur intérêt, lient , garrottent l'enfant , de manière qu'il eft fur le point d’étouffer. L'ouvrage cache le défaut, on le trouve admirable , l'Ouvrier eft applaudi & bien payé. En vain le malheureux fe plaint, on ferme l'oreille à fes gémiflemens. Pour remédier à ces défauts, il ne s’agit que de luilaïffer la liberté d'exercer & de fortifier fes mufcles : Bien- tôt, on verra cette jeune plante fe redreffer d’elle-même. Les commence- mens font un peu pénibles : les jeunesperfonnes accoutumées à porter des corps , font voûütées lorfqu’elles les quittent; leur refpiration eft quelque- fois gênée : mais qu’on ne fe rebute pas , qu'on travaille fur-tout à réparer la digeftion & à procurer de l'exercice à ces jeunes perfonnes, & toutes leurs infirmités difparoitront. On ne doit pas négliger les friions fur l'épine du dos ; ce fecours en accélérant la circulation dans cette partie, contribue à la réfolution des concrétions , & à redrefler fes courbures. M. Leroi combat avec raifon une méthode propofée pour procurer l'extenfion de l’épine; elle confifte à mettre au col de l’enfant un col- lier garni de laine, aux côtés duquel on attache deux cordes qu’on pañle, d’un côté dans une poulie, & de l’autre dans une autre: on tire les cordes, & on élève l'enfant en l'air ; 5l eft vifible que ce moyen peut avoir des fuites très-funeftes ; & nous fommes furpris avec M. Le- roi, qu'il ait été adopté par des Chirurgiens éclairés. * Après avoir prouvé les inconvéniens des corps , on täche de démon- trer les avantages des ceintures, ornement inventé par le caprice de la mode: Quoique ce foit le vêtement le plus naturel à l'homme, le befoin en érablit univerfellement l’ufage. Le Sauvage ne pouvant fui- vre fes camarades à la courfe, fans hâleter, fentit qu’en appuyant fa main fur fes vifcères, en foutenant fes reins, il refpiroit plus facile- ment & devenoit plus agile; dès-lors, il fe fit une ceinture. Le defir AOUT 1772, Tome II. 342 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de plaire fit orner dans la fuite cet ajuftement. C'étoit fur leurs cein- tures que les premiers Héros portoient les trophées de leur valeur, Celle de Philofete étroit ornée de fangliers, de panthères & de lions. Elles étoient le fymbole de la pudeur, & les femmes ne pouvoient Jamais la quitter ; il leur étoit feulement permis de la relâcher pendant leur groffefle, Cet Ouvrage préfente des recherches aflez curieufes à ce fujer. Il faut en examiner les avantages, » Le ventre des enfans, dit l’Auteur, étant long & volumineux, les mufcles naturellement foibles , n’oppofant point aflez de réfiftance, le foie entraîne le diaphragme, le ventre s’amplifie, la refpiration eft gênée ; les corps remédient à ces inconvéniens , mais ce mal neft réparé que par un autre plus grand. Il faudroit, fans nuire à la refpi- ration & au développement de la poitrine, foutenir le foie, fixer les inteftins, & ne pas empêcher les mufcles du bas-ventre de fe for- tifier. Qui peut mieux remplir cette indication , que le vêtement dont je parle ? » La ceinture, loin de gêner la refpiration & le développement de la poitrine , eft favorable à l’une & à l’autre. Les avantages que les Voyageurs en retirent, & l'agilité des Coureurs en font une preuve. Elle donne même de la force; les Crocheteurs fe ceignent les reins lorfqu'ils ont un pefant fardeau à foulever. La ceinture eft encore utile aux femmes, en ce qu’elle conferve leur taille, prévient les hernies umbilicales , fi ordinaires après les couches ; elle peut même empêcher les avortemens ; fi fréquens chez certaines femmes, fuivant M. Petit. La manière de placer la ceinture n’eft pas indifiérente : fi on la place trop haut, elle gênera la refpi- ration ; trop bas, elle comprimera les os du baflin, &,la partie infé- rieure du ventre. Sa véritable place eft pofitivement fur les reins, de manière qu’elle pafle fur l’ombilic. Il ne faut pas la ferrer trop, mais feulement de manière à foutenir & affermir les vifcères. Les chevaux ne font fi fujets à l’aflhme que parce qu’on les ferre trop forte- ment, & qu'on place le plus fouvent la fangle fur leur poi- trine, Notre Auteur examine enfuite quelle doit être la manière de fe vêtir dans les différentes circonftances & dans les différens âges de la vie. Le Sauvage n'a point d’habillemens , il n’en a pas beloin ; la vie agirée &t laborieufe qu’il mène , le rend moins fenfible aux intempéries des faifons ; d'ailleurs, fa peau beaucoup pius épaifle & crifpée pat le contaét immédiat de l'air, fur-tout dans les climats froids, lui tient leu de vêtemens. Il n’en eft pas de mêmie de l’homme vivant en fo- ciété. Son genre de vie eft plus induftrieux que fatiguant; il eft donc plus fufceptible des impreflions du chaud & du froid; les vêtemens lui font donc nécefaires; d’ailleurs l’habitude a augmenté cette néceffité, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 343 Mais ces vêtemens doivent être relatifs & proportionnés aux divers âges & aux différentes circonftances de la vie. En général, on peut dire qu'on pèche plus par excès que par défaut: l'excès des vêtemens eft très-nuifible aux enfans & aux adultes, en ce qu’il augmente la cha- leur & la tranfpiration, & qu’on eft expolé en fe déshabillant à être furpris par le froid extérieur d’où naiflent les catharres, les rhuma- tifmes, les coliques, &c. Les excès de la tran{piration font très- pernicieux, ils affoibliffent & épuifent le corps; c’eft pourquoi les An- ciens, pour les réprimer, confeilloient l'ufage des fritions huileufes; elles étoient fort en ufage en Grèce & en Italie. Lorfque les Afa- tiques traverfent des déferts arides & brülans, ils enduifent le corps de leurs chameaux d’une matière gommeufe , qui réprime leur tran{- piration & qui les rend propres à fupporter les plus grandes chaleurs, fans être épuifés ni tourmentés par la foif. M. de Reasumur a fait des expériences très-curieufes à ce fujet. Cet illuftre Naturalifle eft par- venu à prolonger la vie à quelques infe&es , en induifant d’huile cer- taines parties de leurs corps, & a fait parcourir à d’autres leurs pé- riodes dans un tems plus court que l'ordinaire en les échanfant : le grand froid eft moins dangereux qu’une chaleur exceffive ; on eft plus fain & plus léger pendant l'hiver que pendant l'été. Les Pays froids paffent même pour être plus propres à la population, c’eft ce qui a fait appeller le Nord la pépinière de l'Univers. On conclut de-là qu’en général on doit peu vêtir les enfans; cependant l'exercice, l'habitude, la nature du climat & le tempérament , doivent diéter les règles qu'on | doit fuivre. L’Auteur laifle la liberté du choix quant à la qualité & à la forme des habits ; il obferve feulement quelques inconvéniens relatifs à lu- fage de la laine, mais qui font plus fenfibles dans iss Pays chauds que dans les climats tempérés. Il infifte fur-tout à prefcrire qu'ils ne foient point gênans , & fe rapporte du refte au goût des femmes pour la forme des habits. Il dit enfuite un mot fur l’ufage de laver les enfans dans l’eau froide : il blâme beaucoup cet ufage; 1l veut qu’on fafle un peu tiédir Peau en hiver. D’après l’expoñtion des inconvéniens de la méthode d'élever les enfans, il étoit naturel de conclure que l’efpèce humaine devoit avoir dégénéré en conféquence de ces abus; c’eft auffi ce que fait M. Leroï: il fe récrie fur ce malheur , il prouve les atteintes que nos ufages ri- dicules ont porté à la population; enfin il termine fon Ouvrage par propofer quelques moyens pour réparer ces maux. Il eft bien difficile, fuivant lui, que des Nourrices mercenaires fe ploient à tous les foins qu’exige l'enfance; 1l n’y a qu'une mère, & une mère tendre, qui puiffe trouver du plaifir à les remplir: aufi exhorte-t-il beaucoup les AouT 1772, Tome II. De 344 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, femmes à ne pas fe contenter d’être mères à demi. Mais en attendant que les femmes dociles à la voix de la nature veuillent bien veiller elles-mêmes fur leurs enfans , il ne feroit pas indigne du Gouverne- ment de donner quelques loix aux Nourrices, & de veiller à leur exé- cution. Les Loix font quelquefois infufffantes pour le Peuple , il s'y fouftrait lorfqu'il le peut fans danger ; il faut donc des châtimens, il feroit même avantageux de foutenir les Loix politiques par celles de Ja Religion. Ces Loix défendroient aux Nourrices de s'éloigner de leurs nourriflons , de les tranfporter dans les champs avant qu'ils euf- fent atteint l’âge de fix femaines; alors, elles pourroient les y porter dans un petit berceau, comme font les femmes de Savoie. Etant à portée d'entendre leurs cris, elles feroient forcées de les fecourir, ne füt-ce que par impatience. Il leur feroit expreflément défendu de lier & de garrotter les enfans, & de leur donner aucun médicament fans avoir confulté un Médecin ou le Curé. Il y auroit de grands avantages à commettre plufieurs Médecins chargés d’aller vifiter quelquefois dans l’année les Nourrices des cantons qui leur auroient été confiés. On donneroit à ces Médecins une portion d'autorité, au moyen de laquelle ils pourroient , de concert avec le Curé, retirer l’enfant des mains d'une Nourrice qu’on trouveroit en faute. Les Curés feroient chargés de veiller de plus près fur la conduite de ces femmes, d'en tenir une note dont ils rendroient compte au Médecin quand il viendroit faire fa vifite. On pourroit obliger chaque Nourrice à fe rendre avec fon nourriflon tous les Dimanches chez le Curé à une heure indi- quée, pour qu'il vifitât & examinât tous les enfans. Il faudroit mettre entre elles une noble émulation, en donnant à des tems marqués, avec le plus de folemnité pofñble , une récompenfe à celle des Nour- rices qui auroit eu le plus de foin de fon nourriflon , & une efpèce de déshonneur à celle à qui on auroit enlevélefien. Les Curés pour- roient, s'ils le jugeoient à propos, intéreffer la confcience à l’obfer- vation fcrupuleufe de ces loix: 1l eft inconteftable qu'ils en auroient le droit. Par ce moyen, ils rendroient la Religion dont ils font les Miniftres , refpeétable aux impies mêmes, & s’acquitteroient envers la Société du tribut que chaque membre lui doit, en lui confervant un grand nombre d'individus. : Telle eft lefquifle de Ouvrage de M. Leroi ; fon objet & la peine qu'il a prife font honneur à fes fentimens patriotiques. On pourroit cependant lui reprocher de n'avoir pas mis aflez d’ordre dans fa marche, de s'être fouvent appéfanti fur -des détails hiftoriques ou critiques, d’avoir effleuré les points importans, & de s'être pour äinfi dire traîné fur les pas du Citoyen de Genève, qui a réuni fur ce fujet ce que l’éloquence a de plus fort & de plus perfuañf, à ce que lui diétoient fa fenfbilité extrême & l'amour de Phuma- Hits. SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘fs nité. Il feroit à defirer pour ce mêémélbien de l'humanité , que les recherches de M. Leroi produisiffent"attant d'impreffion que l’'Ou- vrage de M. Roufleau ; on verroit augménter lé nombre des véri- tables mères, & les enfans ne feroïent plus ni liés ni l'éarrotés, ni leur enfance RENE à des mercenaires. lé RAPPORT fait par MM.'DE MORET, LA PLANCHE, BEAUMÉ & CADET, Apôthicaires; normes par Ordonnance de M. w Lieutenant- Générat' de Poltés PA be faire Uk déguflarion & l'analyfe de quelques Vins fais a Paris, Aie Par M. BEAUMÉ, Cr rapport & la marche des ‘expériences qu Ml renferme, peuvent fervir de guide à ceux qui voudront faire uné étude particulière pour connoître les vins frelatés, ou ceux qui font faits fans raïfins, Il eft rempli de recherches curicufés & intéréflantes ; ; plafieurs vérités y font préfentées d’une manière neuve; enfin, cés Cofnmiffaires , con- .duits par les principes de la plus fire Chyéie ont réuni, fous un même point de vue, tout ce que l'analyfe a d= Plüs'éurieux , de plus utile , & de plus déciif. Quoique nous ayons publié laine dermére, un très- Bah Me- “moire für la manière de connoître les vins frelatés ; nous penfons rar Île Publié ne verra pas celui-ci avec! moins de plaifir! On ne auroït trop “multipliér des procédés qui tendent ; d’une manière fi dirette, à conferver la fanté du Citoyen. Nous rendrons compte dans quatre articles, Uifent les Commif- faires , des expériences & opérations que nous avons faites fur les différentes liqueurs foumifes à lanalÿfe. Dans le premier , nous examinerons les vins blancs & païllets. Dans le fecond , nous rendrons compre des opérations faites fur les vins rouges. LL Dans le troifième, nous parlérons" des lies féparées de ces vins, & de fept bouteilles de baifières. st: UE Dans le quatrième, il fera queftion du tattre détaché des tonneaux qui contenoient ces vins. Mais avant d’entrér ddns le détaïl-de’ ces ’avalyles , il eft effentiel de dire un mot fur la dézuftation que nous avons faite de ces. vins. ed Nous avons d’abord examiné ces Vins par “à dépuffaätion. Ils “Gi us ont paru, à tous les quatre , des vins ordinaires , &e- lemblables à c vins de raifins: mais nous obferverons que la! dé guftarion toute feule , eftle moyen le plus infidèle & le plus arbitraire qu'on pliffe imaginèr pour juger des TE à lOn auroïit faits aux vins, puilqtuetle AOÛT 1772, Torie I Xx 346 … OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, eft fondée fur l'état a@tuel,de l'organe deftiné à la déguftation, 8e que cet'organe change à chaqueanftant. L'état de fanté la plus parfaite, eft comparable à un bon baromètre, qui fuit les variations de la hau- teur de l’atimofphère avec la plus grande régularité. L’organe de la déguflation eft expofé à des vicifitudes femblables de la part de lefto- mac, même dans l'homme le mieux conflitué , & qui jouit de la fanté la plus parfaite ; il.eft continuellement expofé à {e déranger, à fe vicier par la nature des alimens, par la quantité & par la manière dont l’eftomac fait fes fon@ions. L'état des-humeurs contenues dans l’eftomac, qui fervent à la digeftion,.fe dérange d’une manière infen- fible , occafionne un relâchement ou:un.érétifme aux bouches des vaif- feaux qui portent les fubftances nutritives dans l'habitude du corps , & influent aufli-tôt fur la langue & le palais, & les mettent hors d'état de pouvoir juger fainement de la véritable nature d’une liqueur po- table. C’eft ici le lieu de faire obferver la liaifon qu'il y a entre les connoiffances phyfologiques & la Jurifprudence. Il n’y a perfonne qui ne fache que du vin d’une médiocre qualité eft trouvé bon ou paflable après avoir mangé des alimens acerbes , falés , ou légèrement aftrin- gens; tandis que de bon vin eft trouvé médiocre , & même quelque- fois mauvais, après avoir favouré des chofes fucrées & des laitages ; & s'il fe trouvoit dés perfonnes qui fufflent conftituées de manière à éprouver des fenfations différentes dans ces mêmes circonftances , ce feroit, un vice dans la conformation de l’organe, & qui prouve- roit le peu de foi qu’on peut ajouter à la feule déguftation, combien elle eft arbitraire & infufifante, pour que, d’après elle, on pue ou condamner ou abfoudre un Citoyen accufé d’avoir falfifié des liqueurs potables. Un bon Déguftateur diftinguera fans difficulté le meilleur de plufieurs vins qu'on lui préfentera ; l’habitude de les goûter, & l’ob= fervation, lui feront connoiître s'ils peuvent fe garder fans fe gârer ; il pourra même reconnoître le pays de quelques-uns par certains goûts de terroirs qui leur font particuliers, & fpécialement les vins de liqueurs fucrés ; mais peut-il fe flatter de reconnoître même les vins des différens Pays de nos climats? Voilà à quoi fe réduifent les con- noiïflances des Déguftateurs , & non point à diflinguer les fubftances étrangères qu’on auroit mêlées aux vins. En effet, comment des Dé- guftateurs pourroient-ils reconnoître des poifons qui n’ont abfolument ni goût ni odeur, & qu’on auroit introduits dans des liqueurs potables, comme cela eft fouvent arrivé, fous prétexte de [es améliorer ? Des Déguftateurs ont dit plus d’une fois qu'il leur étoit impofñlible de dif- tinguer le miel, le fucre, le cidre ou le poiré mêlés depuis long- tems à des vins ; que la fermentation & le laps de tems combinent fi bien ces fubftances , qu’elles ne peuvent plus fe manifefter par la dé- guftation. Ils en ont conclu qu'il en étoit de même de l’analyfe chy- - SÛR L'HIST. NATURELLE ÊTEES ARTS. 347 mique, Il auroit été À defirer qu'ils euflent donné des preuves de leur aflertion , la Chymie en auroit profité. Mais en attendant qu'ils le faflent, nous allons leur donner des preuves du contraire par des expériences bien faites, & prouver qu’on peut , par des moyens chy- Miques, reconnoître les fubflances qu’on auroit mêléés avec du vin. Ces connoiflances font fondées fur les propriétés de ces corps, par lefquelles ils diffèrent les uns des autres. Ce ne peut être que d’après ces réflexions, que M. le Lieutenant- Général de Police a ordonné non-feulement la déguftation de ces vins ,'mäais encore eur analyfe, à RE nous allons procéder dans l’ordre que nous avons annoncé ci-deflus, ARTICLE PREMIER. Examen des Vins blancs & paillets.' Les numéros marqués fur les pièces à l’inflant des faifes, étant fa plupart effacés par le laps de rèms, nous ny aurons aucun égard. Nous examinerons dans cet article tous les vins blancs &z païllets, qui font au nombre de vingt fix pièces. h Tous ces vins font fort peu différens les uns des autres, par le goût & par la couleur ; ils ne font pas parfaitement blancs, quelques- uns font paillets, & d’autres tiennent lé milieu entre le paillet & le rouge. Aucuns ne font parfaitement clairs, n’ont point été foutirés , & font encore fur leurs lies. Tous ces vins ont une faveur franche de vin de raïfin, un peu amère, & contiennent beaucoup d'air; ils ont le gratté du vin mouffeux ; aucuns ne font clairs) mais ils ne font pas également troubles. Nous attribuons ces effers aux genres de foins qu’on a pris pour les garder. Depuis l’inftant de leur faifie jufqu’au 14 Février dernier, ils ont refté. dans une cour , & ils ont gelé dans les pièces: il fut même impof- fible de les goûter ce jour-là, comme il eft conftaté par un procès- verbal dreffé par M. le Commifaire de Rochebrune. La gelée opère fur les vins une efpèce de décompofition ; elle fé- pare l'eau principe du vin, qui fe réduit en glaçons; Pair principe, s’en fépare auf, comme on le voit dans les glaçons qui contien- nent beaucoup de bulles d’air. Les fubftances une fois féparées du vin per la gelée, ne fe recombinent plus de même qu'elles l’étoient d’a- ord. Lorfqu'il vient à fe dégeler, l’air qui refte interpolé entre les parties de la liqueur , eft toujours difpofé à s'échapper toutes les fois qu'on débouche le vaifeau qui contient la liqueur : c'eft ce que tout le monde eft à portée d’obferver: Auffi, des vins qui ont été gelés , toutes chofes égales d’ailleurs , font moins bons que çeux qui ne l'ont pas été. p La faveur amère de ces vins vient de la lie qui n’a point été féparée AOUT 1772, Tome II, X xi] D: 348 OBSERVATIONS SUR LA, PHYSIQUE» à. tems, laquelle, après s'être précipitée au-fond des tonneaux, a été mêlée vraiemblablement en-les tranfportant de la cour où ils étoient d'abord, dans les caves où nous les ayons trouvés, lorfqu’on nous a délvré les. effais pour être analyfés.…. Le trouble qu'on remarque dans tous cés vins, eft un commence- ment d’altération qu'ils éprouvent de la part de la lie & du tartre, qui tendent À, fe décompoter,, &, à s'unir, par le mouvement d'une nouvelle fermentation avec: le vin, & à,le convertir en vinaigre. .Nousavons-enfuite examiné.ces vins par. des moyens chymiques. Nous en ayons mis un peu de chaque ‘dans des verres , chacun fé- parément, & nous y avons verfé du foie de foufre en liqueur : il s’eft formé auffi-tôt dans, tous un, précipité blanc, comme cela arrive à tous les vins non falffiés. Si quelques-uns dé ces vins euflent con- tenu quelques matières méralliques ,le précipité, au lieu d’être blanc, auroit été coloré; fuivant l’efpèce de métal qui auroit été mêlézau vin; ilauroit été noir, .fic’eñt été de lalitharge outoute autre préparation de plomb. | j L’alkali fixe en liqueur, verfé dans d’autres portions de,.ces vins ; n’a rien fait précipiter; il a changé:.la couleur blanche ,ou paillette , en une couleur rouge fale,.comme cela arrive aux vins blancs & pail« lets non falffiés. Sices vins euffent contenu de la terre abforbante, comme quelques perfonnes en mettent pour détruire la trop grande acidité de certains vins, Palkali lauroit fait précipiter, & l’auroit fait reconnoître. . Après ces opérations préliminaires, qui nous ont afluré que ces vins ne contenoient, ni plomb, ni:terre calcaire qu’on y ait introduit pour détruire une partie de leur açidité, nous avons procédé à la décom- pofition de ces vins, par la diflillation, pour recueillir à part la fubf tance qui les conftitue., 4,4", + - Nous avons mis dans vingt-fix petits alambics de verre, ayant chacun, leur numéro, ainfi que leurs récipiens correfpondans aux nu- méros marqués fur le journal de nos opérations , huit onces de cha- cun des vins féparément ; on a luté les vaifleaux , & nous avons pro- cédé à la diftillation au bain de fable , à une douce chaleur ; pour faire pañler toute la liqueur. fpiritueufe. Ils ont tous fourni la quantité d’eau-de-vie qu’en rendent des vins ordinaires d’une ou de deux feuilles : comme il eft peu important de connoître la quantité que ces vins en ont fournie chacun, nous les pañlerons fous filence ; nous dirons feulement que la plus petite quantité a été d’une once deux gros , & que la plus grande a été de deux onces. Au refte, onne peut point juger de la bonté du vin par la quantité de liqueur fpiritueufe qu'il fournit par la diftillation: plus ils font vieux, moins ils en fournif- fent, & vice vers. C’eff dans la liqueur reftante après cette difilla tion, qu'on retrouve les mélanges qu'on peut avoir faits aux vins: 2 b : PPT 2 LP PP a AE R | | 2 SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 349 & c’eft elleque nous allons aufh examiner avec la plus grande attention. La liqueur qui eft reflée dans les alambics, après la diffillation de la partie fpiritueufe , avoit parfaitement le goût & l’odeur du phlegme de bon: vin naturel: aucune n’avoit le goût ni l’odeur du fucre, ni du miel, ni du cidre, ni du poiré; elles avoient , au contraire, l’a- cidité & la flipticité des phlegmes de bon vin de raïfin. Aucun de ces réfidus ne poilloit les mains, comme le font de femblables réfidus, tirés des vins mêlés d’hydromel, de miel, de fucre , de poiré ou de cidre: ces derniers réfidus ont d’ailleurs l'odeur des ingrédiens qui les compofent , ce que n’avoient point ceux que nous examinons; ce qui prouve qu'ils font produits par des vins na- turels ; qui ne contiennent aucunes de ces matières. Nous avons fait évaporer ces liqueurs dans des capfules de verre àune douce chaleur, au bain de fable, jufqu'a ce qu’elles fuflent ré- duites en confiftance .d’extrait liquide, Tous les vins blancs ont fourm trois gros Ju{qu’à demi once d'extrait; les vins paillets en ont rendu de- puis cinq jufqu'à fix gros ; & les vins paillets un peu plus chargés de couleur, ont rendu jufqu’à une once de femblable extrait. On ne peut rien inférer de cette différence de poids, contre la qualité de ces vins : elle provient feulement de ce qu’ils n’avoient pas dépofé leur lie également , & qu'ils n’étoient pas parfaitement clairs, ni égale- ment chargés de couleur ; les plus colorés font ceux qui ont rendu davantage d'extrait. Mais ce qu’il eft bien effentiel de faire remarquer, & qui prouve que ces vins font naturels, & qu'ils font vins de raifin pur, c’eft la quantité de cryflaux de tartre qui fe font formés dans ces extraits pen- dant ieur évaporation & leur refroidiffement. Ces extraits avoient le goût acide, acerbe & ftiptique du roob de vin de raifin, & les cryftaux de tartre étoient véritablement du tartre qui en avoit toute l'acidité : en un mot , ces extraits ne différent en rien de celui pro- duit par de bon vin de raïfin, que nous avons fait en même tes, pour nous fervir de comparaifon. Nous avons fait calciner enfuite ces extraits dans des cuillers de fer chacun féparément , afin d’obferver les phénomènes qu’ils préfenteroient pendant leur incinération, Nous avons remarqué qu’ils répandent tous l'odeur de tartre & d'extrait de vin qu’on fait brüler , fans que cette odeur fût femblable à celle du fucre ou du miel , comme cela arrive à l’extrait de vin qui a été altéré par l’une ou par l’antre de ces fub{- tances. Lorfque la matière a été réduite en cendres charbonneufes , elle étoit alkaline ; on l’a pouffée jufqu’à la fufion, elle n’a fourni au- cune matière métallique; on a délayé dans de l’eau, chacune féparé- ment, ces matières ainfi calcinées & fondues: elles ont communiqué AOUT 1772, Tome Il. “ 359 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, à l’eau une faveur alkaline. On les a filtrées, elles ont pañlé claires fans couleur. Toutes ces liqueurs verdiffent la couleur du {yrop violat, & font effervefcence avec les acides. st 4 Ces expériences prouvent complétement que ces extraits font pro- duits par des vins naturels faits avec des raïfins, & qui n’ont point été altérés ni par du miel, ni par du fucre, ni par du poiré, ni par du cidre , ni par rien de femblable. Pour nous en aflurer davantage, nous, avons fait les expériences fuivantes en même tems, afin d’avoir fous les yeux les objets de comparaifon. Elles prouveront aux Déguftateurs combien ils font dans l’erreur , quand ils croient que le mouvement de la fermentation & le laps de tems combinent ces fubftances avec le vin, au point de ne pouvoir plus les reconnoitre par l’analyfe. Nous avons. mis dans un petit alambic de verre huit onces de cidre. Dans un autre petit alambic de verre, nous avons mis huit onces de poiré. Enfin, dans un troifième alambic femblable , nous avons mis huit onces d’hydromel, fait avec beaucoup de raifin & un peu de miel, que l'un de nous avoit depuis quelques années. Nous avons mis ces trois alambics fur un même bain de fable, & nous avons procédé à la diflillation par une douce chaleur. Nous avons obtenu de chacune de ces liqueurs une eau-de-vie foible, comme pat la diflillation des vins que nous venons d’examiner, feulement dans des proportions un peu moindres. Ces dernières eaux-de-vie n’en dif- féroient point eflentiellement ; mais les liqueurs reftées dans les alam- bics après ces diflillations, différoïent à tous égards de celles reftées après la diftillation de ces vins. La liqueur produite par le cidre, avoit l'odeur & le goût d’une com- pote de pommes un peu fucrée. - Celle qui eft reflée dans l’alambic qui contenoit le poiré, avoit les mêmes qualités que celle du cidre, fi ce n’eft que l’odeur de compote étoit un peu moins agréable, Enfin, la liqueur reftée dans l’alambic, après la difillation de lhy- dromel , fait de raïfin & de miel fermentés enfemble , avoit une odeur & une faveur Ge miel bien décidées, & fur les qualités duquel il n'étoit pas poffible de fe méprendre. Nous avons fait évaporer , chacune féparément , dans trois capfules de verre, les liqueurs reftées dans les alambics, jufqu'à ce qu’elles fuffent réduites en confiftance de roob, comme nous lavons fait à l'égard des vins. Le cidre a exhalé l'odeur de compote de pommes jufqu’au dernier inftant de fon évaporation : il a laiflé une once & demie de roob de pommes : il avoit une faveur fucrée légèrement acide, agréable , ne SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 351 contenoit point de tartre, & n’avoit nullement la faveur fliptique , acerbe & aftringente des roobs obtenus des vins auxquels nous com- parons cet extrait : nous avons fait brûler cet extrait dans une cuiller de fer, jufqu’à ce qu'il fût réduit en céndres ; il a exhalé, pendant fa combuftion, une odeur acide , femblable à celle de tout autre ex- trait végétal qu’on fait brûler, & cette odeur eft bien différente de celle que produit le tartre pendant fa combuftion , ou les extraits de ces vins traités de la même manière, & Nous avons délayé la cendre dans l’eau; elle l’a chargée d’une fi pe- tite quantité d’alkali, qu'il étoit infenfible au goût. Si nous n’eufñons eu que ce feul moyen pour le reconnoitre, nous aurions été obligés de conclure que cette matière n’en avoit point fourni dans l'eau; mais en employant différens agens propres à le manifelter , nous lavons rendu fenfble. Cette liqueur n'a fait qu’une très-légère effervefcence avec les acides ; mais elle verdifloit la couleur du fyrop violat, ce qui prouve qu’elle étoit chargée d’une petite quantité d’alkali ; les ex- traits de ces vins au contraire en ont rendu beaucoup plus. Nous avons traité de la même manière la liqueur reftée dans Pa- lambic, où étoit le poiré. Elle a préfenté les mêmes phénomènes que le cidre : elle n’a dans tous les cas rien donné de femblable aux pro- duits des vins de raifñn: fon roob ou extrait étoit doux, fucré , d’une acidité agréable : il a de même exhalé pendant fa combuftion l'odeur d'extrait brûlé, & nullement celle du tartre ni celle du roob de raïfin : fa cendre étoit peu riche en alkali, comme celle du cidre. La liqueur. provenant de la diftillation de l’hydromel, traitée de même, a exhalé l’odeur de miel jufqu’au dernier inftant de font éva- poration : le roob ou l'extrait qu’elle a formé étoit fucré , & d’une aci- dité agréable’; il n’avoit nullement la faveur acerbe, fliptique & aftrin- gente de l’extrait pur de vin de raifin. Oa a fait brûler cet extrait comme les précédens. Au commencement de fa combuftion, il a ex- halé une odeur mixte de miel & de tartre, & fur la fin, celle quil rendoit étoit purement celle de tartre : fa cendre étoit plus alkaline que celle du cidre & du poiré; mais elle l’étoit moins que celle du vin de raïfin, & que celle de tous les vins que nous examinons. Cette cendre délayée dans de l'eau , l’a chargée d’aflez d’alkali pour être fenfibl:-à la faveur. Elle a verdi, comme font les liqueurs alkalines , la couleur du fyrop violat : elle a fait effervefcence avec les acides, mais lépère. L’alkalicité de ces cendres, plus grande que celle des cidres & des poirés, vient de ce que l’on a fait entrer des raifins dans la compofition de cet hydromel, & ils fourniffent plus d’alkali que le miel & le fucre. Comme il étoit queftion de reconnoître & de bien diftinguer l'odeur mixte de miel & de tartre que rend cet hydromel pendant fa com AOUT 1772, Tome 11. 3$2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, buftion, & de la comparer à celle que rendirent pareïllement les ex: traits de vin brülés de la même manière, nous avons fait les expé- riences fuivantes dans de petites cuillers de fer, chacune fépa- rément. Dans une cuiller de fer nous avons mis un mélange de deux gros de tartre en poudre , & de deux gros de fucre aufli en poudre ; on a hume@é ce mêlange avec un peu d’eau, pour lui donner de la con- fiftance qu'avoient eux-mêmes ces extraits. On a fait brûler ce mê- Jange : il a d’abord exhalé l’odeur de fucre ou de caramel; mais un inftant après il s’eft élevé une odeur mixte de fucre & de tartre, fem- blable à celle qu'a exha!é 1 hydromel dont nous veñons de parler; & fur la fin on ne fentoit que l'odeur du tartre, comme cela-eft arrivé à l’hydromel ; parce que le fucre ou le miel} comme plus, combufti= bles , ont brûlé les premiers. : ; Dans une autre cuiller de fer, on a fait brûler un peu de miel. Enfin, dans une troifième cuiller de fer , on a fait brûler un peu de fucre : ces fubflances ont exhalé leur odeur particulière, qui eft fi différente de celle du tartre, qu'il.n’eft pas poflible de s’y méprendre, &z elle nous met dans le cas de conclure que les vins que nous exa- minons ne contiennent point de ces fubftances. Les expériences anté= rieures: nous prouvent aufñ qu'ils ne contiennent ni cidre , ni poiré , ni hydromel. | On! auroit tort de croire que le mouvement de la fermentation & le laps de tems' changent & détruifent tellement les propriétés du fucre-8& du miel qu'on, auroit mêlés à des vins, qu'ils combinent fi bien &es fubftances avec la matière propre des raïfins , qu'il n'eft pas poffible de les reconnoïître : c’eft une erreur qui peut avoir l'arbitraire pour fondement, à juger de la qualité des vins par la feule dégnfta- tion! Il n’y a perfonne qui ne fache que le vin de fncre & l’hydromel font toujours fucrés, quelqu’atrention qu’on ‘âppoite à-les préparer, &t quelque vieux qi'ils foient. Le miel & le fücré font f'peu de na- ture à fe détruire par ces moyens; que l’un de-nous a vu, goûté & bu , des vins faits avec de ces fubftances depuis-plas dé trente ans, qui étoïent tout aufli fucrés que de femblables liqueurs faites depuis fix mois. On objeétera, peut-être, que les raifins qu’on mêle avec ces fubftances pour les fiire fomenter enfemble, font un intermède propre | à détruire les propriétés du miel & du fucre, & à les rendre mécon- noiflables à l’analyfe : c'eft encore une erreur ; on en a la preuve dans les vins de liqueurs fucrés, tels que les-vins d’Efpagne, de Malaga, d’Alicante, &c. Ces vins font faits avec des raïfins qui croiflent dans des climats très-chauds. [ls müriflent mieux que les raïfins des pays tempérés de la SUR L'HIST. NATURELLE -ET LES ARTS. 393 la France: ils contiennent une fi grande quantité de vrai fucre, qu'il fe candit à la furface pendant la deflication, . Lorfqu’on fait du vin avec ces raifins frais, comme cela fe pratique dans tous les endroits de l’Efpagne, ou lorfqu'on le fait avec des raïfins également fucrés, mais féchés auparavant, comme ôn le fait dans certains cantons de la Hongrie : dans lun & dans l'autre cas, il fe produit un vin très-fucré, & qui ne perd jamais fa faveur fucrée. C’eft à ces propriétés, à la confiflance , qu’on reconnoit ces fortes de vins, quelque vieux qu'ils foient, d’avec les vins des climats tempérés de la France, qui n'ont ni la confiftance, ni la faveur fucrée des vins étrangers dont nous parlons ; parce que ces raifins ne contiennent pas, à beaucoup près, une auf grande quantité de fucre. Or , il eft vifñble , dans le cas dont nous parlons , que le fucre & le raifin font bien mêlés &.qu'ils fermentent enfemble : cependant , ni la fermentation , ni le laps de tems, ne détruifent le fucre ; & ces vins , quelque vieux qu'ils foient , confervent opiniâtrément leur fa- veur fucrée ,, & leur confiltance épaifle qu'ils doivent à ce même fucre. Le fucre,& le miel font même fi difficiles à fe détruire & à changer de nature parle laps de tems & parle mouvement de lx fermentation, qu'ils ne peuvent fe convertir en vinaigre : auf ne peut-on pas faire de vinaigre avec les vins de liqueurs fucrés ; & celui qu’on fait avec des vins de nos climats, qui ont été mêlés de miel & de fucre , font de mauvaife qualité , & n’acquièrent jamais le même degré d’acidité. Tous les vins de liqueurs fucrés , poiflent les mains comme du fucre ou du miel diflous dans de l’eau, Les vins de nos climats tempérés de la France ne les poiflent pas , ni les vins qui font l’objet de ce rapport ; mais lorfqu’on leur a mêlé du miel, du fucre , ou des vins de liqueurs fucrés, ou du cidré, ou du poiré , ils les poiffent d’une manière qui eft d’autant plus fenfible , qu'on les a mêlés davantage avec quel- ques-unes des fubftances dont nous parlons, Depuis quelques années que les vins font devenus rares $ chers en France , & de médiocre qualité , on a fait venir d’Efpagne des quantités étonnantes de vin. On peut préfumer qu'ils fervent à donner du goût & du corps aux vins médiocres , dont la difette oblige de faire ufage. Ceux que nous exa- minons n’en font pas même mêlés ; s'ils en euffent contenu , il fe feroit manifefté dans nos analyfes , & fpécialement dans l'extrait que nous avons tiré de tous ces vins ; ils auroïent eu une faveur fucrée qu’on auroit diftinguée facilement : en les brûlant , ils auroient exhalé une odeur de fucre & de tartre, ce qui n’eft pas arrivé. ART... II. Examen des Vins rouges. Le vin rouge eft au nombre de dix pièces , & une pièce de lie. II AOUT 1772, Tome II. y 354 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nous a été fourni deux bouteilles de pinte de chacune de ces dix pièces : de vin , & pareillement deux bouteilles de pinte de vin tiré à la partie fupérieure de la pièce de lie. Ce dernier vin étoit rouge , prefque clair-fin ; & comme il avoit bien les qualités générales du vin , il fera compris dans cet article. Les dix pièces de vin ayant été foutirées avant Jeur faifie , ont été débarrañfées de la plus grande partie de leur lie , fe font mieux confervées que les vins blancs qui n’avoient point été foutirés ; ils ont moins fouffert de la gelée & des remuages aux- quels ils ont été expofés comme eux. Tous ces vins ont une bonne odeur , une bonne faveur , une belle couleur rouge ; les uns font clairs-fins , & les autres le font prefque. Nous les avons foumis aux mêmes expériences qué les vins blancs dont nous avons parlé dans le premier article. Nous ne rendrons compte ici que des réfultats des opérations , afin d'éviter de répéter ce qui a été dit précédemment. Il fuffit d’avertirs qu’elles ont été faites de la même manière. Nous avons mis féparément dans onze verres, un peu de ces vins ? nous avons verfé dans chaque , un peu de foie de foufré diflous dans de l’eau ; 1l s’eft fait aufi-tôt un précipité blanc, comme cela arrive aux bons vins ordinaires qui ne contiennent point de litharge , ni au= cune préparation de plomb. | D'une autre part , nous avons mis dans onze verres femblables une noüvelle quantité de ces vins féparément , & nous avons verfé dans chaque”, un péu d’alkali fxe en liqueur ; il a changé fur le champ la couleur rouge en une couleur verd-noir ; mais fans produire de préci- pité ,; comme cela arrive aux vins rouges de bonne qualité. Si ces vins cuffent contenu de la terre calcaire ,; comme quelques perfonnes en mettent dans tes vins pour abforber une partie de leur acide , l’alkali l’auroit fait précipiter. Nous avons procédé enfuite à la décompofition de ces vins par la diftillation , & pour cela, nous avons mis dans onze alambics de verre ( numérotés des mêmes numéros que ceux portés fur notre Journal d'expériences , aïnfi que leurs récipiens } huit onces de chacun de ces yins féparément : on a luté ces vaïfleaux , & on a procédé à la diftillarion au bain de fable , à une douce chaleur. Chacun de ces vins a fourni , depuis une once & demie , jufqu’à deux onces d’eau-de-vie fible, mais de bonne qualité, n'ayant aucune faveur étrangère. IL eft refté dans les atambics la liqueur phlegmatique de ces vins ; dépouillée de la partie fpiritueufe. d Toutes ces liqueurs étoient légèrement troubles : elles avoient par- faitement l'odeur du phlegme de bon vin , & elles en avoient le goût acide , & ne reflembloient nullement à des phlegmes de vin altére par des mélanges de miel ; de fucre , de cidre & de poiré , comme nous SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 35ÿ nous en fommes aflurés par les okjets de comparaifon que nous avions en même tems fous les yeux. On a fait évaporer ces liqueurs au bain de fable , à une douce chaleur, jufqu'à ce qu’elles fuflent réduites en confiftance d'extrait. Chacun de ces vins a fourni depuis demi-once jufqu’à une once & demie d’extrait. On ne peut rien inférer contre la bonté de ces vins, de ces différentes proportions : elle dépend de leur plus ou de leur moins de Jimpidité , & de leur couleur , qui n’eft pas également chargée. Les moins clairs & les plus hauts en couleur , font ceux qui ont fourni la plus grande quantité d'extrait. C’eft , comme nous l'avons dit, à l'égard des vins blancs, fur l'examen de ces extraits qu’on peut inférer de la bonne où mauvaife qualité de ces vins d’une manière qui n’eft pas équivoque , & qui n’a point l'arbitraire de la fimple déguftation. Tous ces extraits étoient d’une belle couleur rouge : ils avoient une faveur acerbe , ftiptique & aftringente, qu'ont ordinairement les ex- traits de bons vins non falfifiés. Mais ce qu'il eft important de remar- quer , & qui ne dépend point de la déguftation , eft la quantité de cryftaux de tartre , dont ces extraits étoient remplis. Les vins falffiés de miel, de fucre , de poiré ou de cidre, ne fourniffent point de fem- blables cryflaux de tartre ; & lorfqu'il arrive d’en fournir , c’eft en beaucoup moindre quantité , & toujours proportionnellement à la dofe des raifins qu’on a fait entrer dans ces mélanges : d’ailleurs , ils ne fe cryftallifent pas avec la même facilité. On à fait enfuite calciner ces extraits dans des cuillers de fer , chacun féparément ; ils ont exhalé l'odeur qui eft particulière aux extraits de vins de raifins , & nullement d'odeur mixte , parce que ces extraits ne font mêlés d'aucune fubftance étrangère aux vins de raifins. Lorf- qu'ils ont été entiérement brûlés , ils ont fourni une cendre alkaline qui attire l’humidité de l'air. On a délayé ces cendres chacune féparé- ment dans l’eau ; on a fitré les liqueurs ; elles ont paflé claires , fans couleurs , verdiffant le fyrop violat , & faifant effervefcence avec les acides. Toutes ces expériences prouvent que ces vins font bien véritablement des vins de raifins , & qu'ils ne contiennent aucune matière étrangère. ART. Eli. Examen des Lies € d’une Pièce de baïffières. On a foutiré , comme nous l'avons dit précédemment , trois ton- neaux de vin pris au hazard , pour avoir la lie & le tartre; ce qui s’eft fait en préfence de M. le Commiflaire de Rochebrune , de MM. La- planche & Cadet , deux Experts d’entre nous , des Parties faififantes , de la Partie faifie , & enfin du gardien chargé du dépôt de ces vins. AourT 1772, Tome IL. Yyi 356 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les tonneaux dont il eft queflion , font les numéros 3, 19, & celui que nous avons numéroté 40 , parce qu'il a été impofñble de recon- noître fon numéro , étant abfolument effacé. Le numéro 3 contenoit du vin blanc, le numéro 19 contenoit du vin rouge , & lé numéro 40 contenoit du vin paillet. Le 13 de Juin 1771 , en préfence de nous quatre , nous avons fait Ôter un des fonds à chacun de ces tonneaux. Comme ils n’étoient vuides que de la veille , le peu de liqueur qu’ils contenoient n’avoit pas eu le tems de prendre le goût d’évent. Le tonneau numéro 3 a exhalé , aufli-tôt qu'il a été ouvert , une odeur agréable de bon vin. Il contenoit trois pintes de lie liquide , de couleur cendrée , que nous avons mife à part. Les parois du ton- neau étoient garnies d’une petite quantité de tartre blanc , bien régulié- rement cryftalhfé , & attaché bien uniformément dans tout l’intérieur du tonneau , par les angles des cryftaux. Il étoit vifible que ce tartre n'y étoit pas d’ancienne date , & qu'il étoit véritablement produit par ce vin. Nous en avons détaché une partie pour l'examiner , comme nous le dirons dans l'article fuivant. Le tonneau numéro 19 , qui avoit contenu du vin rouge, a laiflé exhaler à fon ouverture ; une bonne odeur de vin. Il y avoit au fond du tonneau trois pintes de lie liquide , de couleur rouge , que nous avons mife à part. Les parois du tonneau étoient déja garnies d’une petite quantité de tartre rouge , qui avoit été dépofé par ce vin. Il étoit facile d’en juger par le peu qui s’y trouva , & par les angles &z les pointes des cryftaux , qui n’étoient nullement détruits. On en a détaché une partie que nous examinerons dans l’article fuivant. Le tonneau que nous avons numéroté 40 , avoit contenu du vin paillet. A fon ouverture , il a exhalé comme les autres , une odeur agréable de bon vin. Il s’eft trouvé au fond du tonneau fept pintes de lie liquide & de couleur rouge , que nous avons enlevée & mile à part. Il ne s’eft trouvé aucune portion de tartre attachée aux parois du tonneau ; ce qui vient des mouvemens qu'il a reçus à l’inftant que le vin alloit dépofer fon tartre , puifque d’ailleurs il contenoïit davan- tage de lie , & cette lie étoit plus riche en tartre que les précédens. De la Lie féparée du tonneau , n°. 3. Nous avons filtré cette lie , afin de nous débarrafler de la partie liquide , & de n'avoir que la partie épaifle qui forme proprement la lie. Le vin a pañlé clair , d’une légère couleur ambrée , & étoit du vin abfolument femblable à celui qui a été examiné fous le même nu- méro. Il eft refté fur le filtre une lie en confiftance de pâte , dans laquelle il y avoit beaucoup de pepins de raifins. On l'a fait deflécher an bain-marie , jufqu'à ce qu’elle fit réduite en poudre, - SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 357 Cette lie , mêlée avec l’efprit-de-vin & avec l’eau , chacun féparé- ment , a préfenté les mêmes phénomènes que la lie de bon vin, & n’a donné aucun indice qu’elle contint de la lie de vin de fucre , ni de miel , ni de cidre , ni de poire, On a fait calciner dans une cuiller de fer deux onces de lie defféchée. Au premier degré de chaleur elle a répandu une fumée qui avoit l’o- deur des matières végétales qu’on fait brüler , mais mêlée de celle de tartre, La matière s’eft enflammée , fans exhaler aucunement lodeur de fucre ou de miel. Il eft refté fix gros de cendre charbonneufe alka- line : on l’a délayée dans l’eau ; elle l’a chargée d’une quantité d’alkali fixe de tartre , qui verdit le fyrop violat , & fait effervefcence avec les acides. Pour peu qu’on ait mêlé de la litharge ou d’autres préparations de plomb aux vins, c’eft dans la lie qu’on les retrouve en plus grande quantité. Quoique nos expériences ne nous en aient jamais fait recon- noiître dans ces vins , nous n'avons cependant pas voulu négliger d’exa- miner la lie fous ee point de vue. Nous avons pouffé à La fonte , dans un creufet , une certaine quantité de cette lie defféchée : nous avons obtenu un fel alkali bien fondu , fous lequel il n’y avoit abfolument rien de métallique. De la lie feparée du tonneau , n°. 19. Cette lie provient de vin rouge : nous l’avons filtrée. Le vin qui a coulé , s’eft trouvé femblable à celui qui a été examiné fous le nu- méro 19. Nous avons fait deffécher au bain-marie , la lie qui et reftée fur le filtre : nous l’avons traitée comme la précédente. Elle a préfenté , dans toutes nos expériences , les phénomènes d'une lie pro- duite par de bon vin rouge. Pouflée à la fufion dans un creufet , elle a donné un alkali fixe , & n’a rien fourni de métallique , parce que le vin & la lie ne contenoient aucune efpèce de métal. De la Lie fèparée du tonneau que nous avons numéroté 40. Cette lie contenoit beaucoup de pepins de raifins, & plufeurs grains de raifa entiers. Il paroît que le vin dont elle provient , n’avoit pas été foutiré avec le même foin que les autres. Cette lie étoit rouge , quoique provenant de vin paillet : nous l'avons filtrée, Le vin qui a coulé étoit paillet , & avoit abfolument les mêmes propriétés que le vin que nous avons examiné précédemment fous le même nu- méro 40. Nous avons examiné cette lie de la même manière que les précé- dentes , & nous avons répété fur elle , les mêmes opérations. Elle a préfenté abfolument tous les phénomènes d’une lie provenant de bon vin de raifin non falffié. AOUT 1772, Tome II, 358 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Nous l'avons pareillement pouflée à la fufion dans un creufet : elle a formé un alkali qui a bien fondu , & qui ne contenoit abfolument rien de métallique. Sur la pièce de Baiffières ; marquée n°. 11. Parmi les pièces de vin faifies , il s’en eft trouvé une de demi- muid , marquée n°. 11. On l’a vuidée en préfence de deux de nous: il ne s’eft trouvé que quatorze pintes de lie liquide , laquelle fentoit l’évent. Cette pièce eft de la première faifie : elle eft reftée en vui- dange jufqu’au mois de Juin 1771. Il nous a été délivré fept bouteilles de pinte de cette liqueur ; les fept autres font reftées au Bureau des Marchands de vin , entre les mains du Garde chargé du dépôt de ces vins. Nous avons filtré d’abord cette liqueur ; elle a pañfé claire , de cou- leur de feuille morte. Il eft refté fur le filtre très-peu de lie. Nous l’exa- minerons dans un inftant. Le vin qui a été filtré , avoit un goût d’évent ou de baiflières, Il avoit en outre une légère faveur de vin de Malaga , mais plate. Il y a lieu de préfumer que toutes ces défeétuofités lui viennent d’avoir refté en vuidange depuis très-long-tems. Nous avons répété fur ce vin les mêmes expériences que nous avons faites fur les autres. Il a préfenté les phénomènes d’un vin de raïfin , mais éventé , & qui ne contient ni miel, ni fucre , nicidre , ni poiré. Son extrait a fourni beaucoup de cryftaux de tartre, & ils en avoient toutes les propriétés. La lie reftée fur le filtre , contenoit deux pepins de raïfin. On l’a examinée de la même manière que les précédentes : elle na rien in- diqué qui füt différent des lies de vin de raifin pur. On en a fait fondre de même une partie dans un creufet , qui n’a fourni que de l’alkali fixe , & rien de métallique. ART. IV, Examen des Tartres féparès des tonneaux. Le tartre féparé du tonneau n°, 3 , étoit femblable au tartre blanc ordinaire ; 1l en avoit la faveur ; la configuration , &t les au- tres propriétés générales. On a fait laver une partie de ce tartre dans l’eau froide , pour la débarraffer de la portion de lie qui la falifloit, & on l’a fait difloudre dans de l’eau bouillante. On a filtré la liqueur ; on l’a fait évaporer : on a obtenu des cryftaux de tartre , fur lefquels il n’étoit pas poflible de fe méprendre, D'une autre part , on a fait calciner une partie de ce tartre dans un creufet. Depuis le commencement de la combuftion jufqu’à la fin , il SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 359 a exhalé l’odeur qui eft particulière à cette efpèce de fel , laquelle n'étoit nullement altérée par celle du fucre ni du miel , ni des autres fels végétaux que le cidre & le poiré fourniflent. On a pouffé le feu jufqu’à faire entrer la matière en fufion ; elle s’eft convertie en fel alkali très-pur , & n’a fourni aucune efpèce de matière métallique. Cet alkali, diflous enfuite dans l’eau , avoit toutes les propriétés de l’alkali du tartre très-pur , verdiffant le fyrop violat , faifant effervefcence & fel neutre avec les acides , comme le fait l’alkali fixe ordinaire, Le tartre féparé du tonneau n°. 19 , étoit rouge comme le tartre rouge ordinaire , parce qu'il étoit produit par du vin rouge : il ayoit toutes les propriétés générales du tartre rouge ordinaire, Nous l'avons examiné de la même manière que le tartre précédent , & nous nous fommes bien convaintus qu'il eft du tartre rouge très -pur , qui n’eft altéré par aucune matière étrangère à cette efpèce de fartre. # Si on fuit exaétement les procédés détaillés par MM. les Commif- faires , on eft afluré de connoiître les vins frelatés. Nous le répétons , ces procédés peuvent fervir de modèle. MÉMOIRE fur ur Œuf fimple , contenant deux embryons, préfenté a l'Acadtmie Royale - Impériale des Sciences de Pétersbourg , par M. WoLzrFr. J E montrai l’année dernière à l’Académie un œuf fimple , contenant dans un feul jaune deux embryons développés par fix jours d’incu- bation, En voici la defcription, Ce phénomène mérite une place parmi les faits les plus rares car je ne crois pas que perfonne avant moi, en eùt obfervé de pareil. Harvée, Fabrice d’Aquapendente , & Ariftote même , font mention des œufs jumeaux ; ils n’entendent pas par-là des œufs fimples , c’eft-à-dire , renfermant deux embryons dans un feul jaune , mais des œufs à deux jaunes , dont chacun a fon em- bryon. Les œufs gémellifiques , dit Harvée , après Ariftote, ont ceux qui produifent deux poulets ; ils ont deux jaunes , quelquefois féparés par une membrane albumineufe , d’autres fois unis & contigus. J'ai fouvent vu de pareils œufs ; & ils ne font pas rares. Ils font plus gros que les œufs ordinaires , & leur groffeur égalant prefque celle des œufs de canards , peut faire foupçonner qu'ils renferment deux jaunes. Jen ai cependant vu de cette efpèce qui n’étoient pas plus gros que les œufs fimples. On doit regarder fuivant moi ces œufs comme doubles | & les appeller œufs jumeaux , & non pas gémellifiques , ou gémelli- fères ; en effet, le jaune feul conftitue l'œuf ; il exifte feul dans l’o: AOUT 1772, Tome IL. 360 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vaire, le blanc & la coquille fe forment dans l'utérus. Par conféquent , les œufs qui contiennent deux jaunes font doubles ou jumeaux , puifque chacun de ces jaunes produit un embryon, Pour mieux fentir cette différence , 1l faut faire attention à l’origine de ces œufs. Je vais l'expliquer clairement, & la rendre pour ainf dire évidente. L'expérience prouve que ces œufs doubles font le fruit des poules jeunes , vigoureufes & lafcives. Les jaunes font toujours nuds dans l'ovaire & dans les trompes , le blanc & la coque ne fe forment jamais que dans la matrice. Toutes les fois que de pareils œufs feront formés , ils feront donc diftin@ts & féparés dans l'ovaire , & dans le conduit des œufs , & ils n’y auront aucune différence avec deux œufs ordinaires ; puifque dans ces lieux il n’exifte encore aucune enveloppe commune qui les réunifle en un feul. Parvenus à l’utérus , ils com- menceront par s’unir , & feront enfuite enveloppés par le blanc & par la même coque. Il eft même néceflaire que ces deux jaunes fe tou- chent dans l’utérus, autrement, il ne feroit pas poflible que la même coque les renfermât. Les œufs ne parviennent ordinairement à la ma- trice que l’un après l’autre : ce vifcère eft fait de façon à n’en pou- voir contenir qu'un feul commodément ; & il n’en reçoit un nouveau qu'après la ponte du premier. Il réfulte de-là , que les œufs font ju- meaux toutes les fois que deux jaunes tombent en même tems dans l'utérus ; ce qui arrive rarement & feulement dans les poules fort laf- cives. Lorfque cela arrive, les jaunes fe compriment lun autre; les blancs fe confondent , ou s'ils reftent féparés, ils forment cependant une mafle globuleufe , qui eft recouverte par la matière teftacée qui forme la coque. Harvée rapporte avoir vu deux jaunes entourés par un blanc commun’; mais 1l ajoute qu’il y a d’autres œufs où chaque jaune eft recouvert de fon blanc , quoique le tout foit renfermé dans la même coque. Dans ce cas , qui doutera que ces œufs ne foient deux œufs réunis & comprimés ? Bien plus, dans les cas mêmes ou les deux jaunes paroïffent enveloppés dans le même blanc , je penfe qu’il y a réellement deux blancs , mais tellement confondus, qu’on ne fauroit les diftinguer qu'avec l'attention la plus fcrupuleufe. Quoi qu'il en foit , il eft évident que les œufs jumeaux ne font autre chofe que deux œufs renfermés dans la même coque. Il n’en eft pas de même de celui qui fait le fujet de ce mémoire : c’eft un œuf gémellifère , fimple ; compolé d’un feul jaune , & d’un feul blanc , fimple dans tous les fens ; il a été fimple dans le premier inf- tant de fa conformation , & en tout temps, & cependant il a pro- duit deux embryons. Bien plus , sil y avoit eu deux pareils jaunes renfermés dans la même coque , comme dans les œufs jumeaux , il en feroit venu quatre poulets au lieu de deux. x Qu'il me foit permis de dire encore un mot fur les œufs jumeaux, avant SUR L'HIST NATURELLE (ETYLES ARTS. 5361 avant d'en venir, à celui foumis à mes Obfervations. Quoiqu'il ne foit pas rare de trouver de pareils œufs , ni Harvée , ni Fabrice d’Aqua- pendente , ni aucun autre que je fache , n’en a vu couvés, & n’a obifervé leurs embryons. Cela n’eft pas étonpant. Tous les œufs ne font pas fécondés ; tous ceux qui le, font , ne font pas couvés 3 tous ceux qui font couvés , n’éclofent pas ; &-on n’oblerve pas tous ceux qui éclofent. Lorfqu’une fois les poulets font éclos naturellement , il n’eft pas poflible de favoir comment. étoit l’oœcuf dont als font {orns. Voilà la raifon de la dificrence des opinions d’'Harvée & de: Fabrice , fur les embryons des œufs jumeaux. Celui-ci-met au rang des monf- tres , les poulets qui naiffent unis par la tête , la poitrine ou fous l’ab- domen ; Harvée prétend, que ce font des jumeaux qui feroient-nés libres 8. bien féparés ; s'ils avoient été renfermés: dans deux jaunes dlinés , :&enveloppéside deux blancs particuliers: Mais il convient avec Fabricésqué ft les-jaunesrenfermés dans le même blanc , font fitués de façon que leurs icicetricules ( Zeurs taches ) foient confondues êt ne forment qu'un œil , nemmée par cet Auteur, aréole tranfpa- aemegualors, il pourra naître un monftre. dont le corps fera double. Anflote: prétend que; même dans ce dernier cas ', ce feront deux jumeanx.:Fabrice d’Aquapendente, s’eft totalement, trompé : :Hervée s’eft un peu plus approché de la vérité ; mais Ariftote-l’a parfaitement bien rericontrée. C'eflice que l’état de mon œuf , & les phénomènes que j'y ai obfervés, m'ont démontré. En effet, files embryons; pro- duits dans, un feul jäune , ont pu demeurer féparés>, àbien -plus forte, raïon jreeux qui naifient de-deux jaunes féparés , ne feront pas que & blanche , au moyen de la tunique extérieure , & s'y divife en plufieurs rarmfications , ce qui fait que l’intérieur de lanneau vaf- culaire paroït féparé de l'extérieur & tranfparent ; tandis que l’exté- rieur, qui conflitue proprement l’anneau vafculaire , paroît blanc & compoñé de plufieurs ramifications de vaifleaux. On appelle cer efpace intérieur ; Paréole tranfparénte 3 mais fi le cinquième ou le fixième jour la membrane inférieure du jaune eft entiérement féparée de la fupérieure , la membrane tranfparente ceffe d’être féparée de la vaf- culeufe:, & par conféquent difparoît. .Ceft par la même raifon qu’on ne trouve pas le faux amnios vers le même tems. Ceite membrane eft aufi produite par la tunique in- terne du jaune , qui , partant des inteftins de l’embryon, fe réfléchit immédiatement autour.de l'embryon , avant de s'étendre plus loin pour former laréole tranfparente..,0 & elle: produit cette petite vefie qui renferme l'embryon enveloppé dans l’amnios vrai. C’eft cette véficule - SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 363 qu'on nomme faux amniôs. Quand elle eft une fois formée , la mem- brane s'étend plus loin & va produire l’aréole tranfparente. Lorfque la membrane interne fe fépare de l’externe qui la foutenoit , elle s’affaifle, & la véficule difparoit. On voit feulement alors quelques vuides dans cettemembrane relâchée., feuls reftes de ce faux amnios.. On ne voit donc alors qu’une feule enveloppe de l’embryon , qui eft le wrai amnios. C’eft une continuation de la tunique fupérieure du conduit umbilical , qui , fe réfléchiffant fur l’embryon vers l’orifice de l’umbilic , forme dans ce tems une véficule , de la grofleur d’une féve , tranfparente & remplie d’un fluide, Cet amnios , & l’embryon qu'il contient , .eft fixé entre les deux tuniques du jaune. Il eft ap- puyé fur la tunique interne , fur laquelle il produit une foffette aflez profonde ; répondant à fon volume. La tunique fupérieure eft tendue fur l’amnios , & touche fa furface fupérieure. L’amnios & l'embryon font donc contenus dans leur fituation , foit par la tunique fupérieure, qui , quoiqu’elle ne lui foit pas adhérente , ne laifle pas par fa ten- fion , de le prefler dans fa foffette , par la tunique inférieure , qui eft une continuation des inteftins de l’embryon. Comme la tunique fupérieure du jaune eft abfolument tranfparente , l’amnios paroît nud & fixe dans fa pofition ; mais fi l’on détache cette membrane , on voit alors que l’amnios eft mobile , & qu’on peut le rouler çà & là, mal- gré qu'il foit adhérent à la membrane inférieure. La véficule umbilicale eft aufli renfermée entre les deux mem- branes du jaune , &télogée dans la même foffette que l’amaios. La tunique extérieure eft adhérente à fa furface fupérieure ; mais elle n'a aucune adhérence avec la membrane interne , ni avec l’amnios. Elle n'en a qu'avec l'embryon , dont elle eft une efpèce de continuation implantée dans l'orifice abdominal. Cet orifice eft aufli l’origine de l'amnios , dont le volume eft un peu moindre que celui de la véfcule. Tel eft l'état naturel d’un œuf quelconque, après fix jours d’incuba- tion, Voyons maintenant les particularités de l’œuf gémellifère, relatives à ces:mêmes phénomènes (1). Mon œuf étroit de la grofleur ordinaire; le blanc (Figure [L. à. a. ) étoit unique , fimple & placé dans la fituation acçoutumée; fa grofleur & fa confiftance étoient comme à l'ordinaire. Le jaune (ibid. b, b, b.) eft fimple & n’a rien de particulier. Sa grofleur , fa figure , fa confiftance & fa ftruëture:, ne diffèrent en rien de l’état naturel. Sa tunique externe eft mince & traufparente ; l’interne et plas épaifle & plus molle, comme dans les autres œufs. La première partie qu’on trouve en allant de l'extérieur dans l'inté- {r) Voyez Planche IL = | À AOUT 1772, Tome IL. Zzi] 364 (OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rieur du côté de Pembryon, eft l'aire vafculaire, ( Figure L e.) dans laquelle on remarque certaines fingularités qui foëc les premiers in- dices de la duplicité de l'embryon, ou qui en font les effets. Elle eft unique & fimple , comme le jaune; &t elle n'eft compofée que d’une feule veine terminale, ( Figureli7er ct): qui forme fa circonférence fans interruption. C’eft fans fondement qu'on a cru obferver qu'elle étoit comme partagée en deux. Mais les vaifleaux qui rampent fur cetre aire , fe ramiñient en deux fyftèmes vafculaires , dont aucun n’eft parfait, C’eft-là le premier veftige de la duplicité de l'embryon; car chaque embryon poufle, comme à l'ordinaire, fes deux troncs. laté- raux : d'où il réfulte quatre principaux troñcs dans faire , au lieu de deux. L’embryon fupérieur (Figure I. f. ) fournit le tronc latéral gau: che (Figure [. p. & Figure Il.i}), & le troné latéral droit (Figure IL. h.). L’embryon inférieur produit le tronc droit (Figure L. u. & Figure IE. q.), & le tronc gauche (Figure I. t. & Figure [.:r. ). Les troncs de l'embryon fupérieur fe divifent en branches fupérieures (Fi igute L:q & f/) &: en inférieures, ( Figure EL. { & Figure IE. &.:} ainfi que dans les-œnfs ordinaires. Mais les troncs dé l'embryon infé- rieur ne produifent pas de femblables ramifications ; & ils s'étendent plutôt entièrement en dehors. Leurs extrémités font divifées en plu- fieurs rameaux qui manquent à leur bafe. La veine terminale, dont on ne voit qu'une portion, dans la poftion où le jaune fe trouve ici placé, (Figure 151€ c.) eft unique & fimple, & entoure Paire dans laquelle fe diftribuent les ramifications des vaïffeaux décrits, D” après cette defcription, on voit que dans une feule aire vafculairé, on trouve deux fyftèmes’vafeuleux qui ne font pas également parfaits, püifque le fyftème inféfiéur na point de ramifications’ fupérieures ; mais ces deux fyflèmes font fitués de façon, qu'étant pris enfemble, on peut facilement les confidérer comme un feul fyftème, & plus grand. En effet, les troncs de l'embryon fupérieur, produifent des rafiéaux fuérieurs communs à ce fyflême, &'les rameaux inférieurs frmblent ême des ramifications fecondaires’, ou dés fubdivifions des pre- miers. Les troncs de l'embryon inférieur tréffémblent d'autant plus à d:fimples ramiäcations du grand fyftême, qu'ils ne fouraiffent aucunes Es fupérieures, comme c’eft l'ordinaire des troncs latéraux. Enfin, la feule veine defcendante exiftante, répond parfaitement au grand “fyftême par fa fituation & fa groffeur, ce qui augmente la pro- Éublité :Non-feutémént ce {yfème commun ne manqueroit d'aucune partie; mais encore il n’y auroït aucun vaiffeau dans toute l'aire vafcua leufe, qui ne fùt une portion eilentielle de ce fyfième, où qu'on ne pût lui rapporter. Tout ce qu'il y a d’extraordinaire dans ce {yflême , c'eft que les ramificatons fupérieures 87 inférieures qui fortent natu- rellement des troncs latéraux, partent dans ce cas immédiatement des } - dci 1 rl ei! < i SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 36$ embryons, les fupérieures de l'embryon fupérieur, & les inférieures de l'inférieur. Si l'on confidère la difiribution des vaifleaux fous ce point de vue, on ne trouvera plus deux fyflêmes vafculaires; mais un feul commun aux deux embryons, & divifé de manière que l’embryon fupérieur fourniffe les ramifications fupérieures , qu'on trouve ici à la place des troncs, & la veine afcendante quand elle exifte encore, & que les ramifications inférieures, ainfi que la veine defcendante, foient pour l'embryon inférieur. Tout bien confidéré, il n’eft pas aifé de décider s’il y a deux fyftêmes vafculaires, ou bien un feul, commun aux deux embryons. Jai trouvé la même conftruétion de l'aire vafcu- leufe dans un œuf après trois jours d'incubation, & dont l'embryon étoit un monftre au corps double. En y faifant beaucoup d'attention, on y trouvoit deux fyflêmes vafculaires, qui, pris enfemble, n’en for- mojent plus qu'un commun. Mais ce qu'il y a de plus extraordinaire dans le cas préfent, & ce qui ne paroît abfolument point dépendre de la duplicité des fœtus, c'eft leur fituation & leurs enveloppes. Dans état naturel, embryon enveloppé de fon amnios, eft renfermé entre les deux tuniques du- jaune , de manière que la tunique fupérieure pañle droite fur Pamnios , & l’enferme avec le fœtus dans le jaune. Les embryons de mon œuf font non-feulement dépourvus d’amnios ; mais ils font encore placés hors la tunique externe du jaune , à la furface duquel ils flottent atta- chés uniquement & lâchement par les umbilics ( Voyez la Fig. L ); ce qui me parut auf furprenant, que fi javois vu les femences d’une plante placées hors de leur péricarpe, y être fimplement attachées par un pédiculé. A l'ouverture de mon œuf, je trouvai les embryons vivans, les battemens di cœur étoient fenfibles, ils exercoïient même des mouvemens volontaires, qui, à la vérité, ceflèrent peu’ de tems après. Je ne m’attendois pas à trouver deux embryons vivans, libres, mobiles, nuds & placés au deflus du jaune; ce fpeétacle fut nouveau pour moi. L’amnios part ordinairement de l'umbilic, & il eft une continuation des tégumens abdominaux qui fe réfléchiflent & enveloppent l'em- bryon. On ne trouve point de cordon ‘umbilical dans les oifeaux. On D’a jamais vu dans les animaux dés membranes ou des tuniques qui fe terminent à un point comme fi elles avoient été coupées. Ouelles fe produifent d’autres membranes, on elles fe replient fur elles-mêmes. C’eft ainfi que Ja peau fe métamorphoie dans la botiche en tunique villeufe | qui tapifie la bouche , l'œfophige , l'eflomac , le canal intet- tinal,,-8& fe continue à la fortie de l'anus fous fa première: forme. De même, la peau (de la paupière fupérieure fe prolonge fur li cornée, & fe termine à la paupière inférieure. Ainfi, dans nos embrÿons, au dé- faut del'amnios; la peau du nombril fe prolonge fur la membrane fupé- AOUT 1772, Tome II. 366 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rieure du jaune, qui, par fa fnielle, fa tranfparence, & toute fa natuteÿ refflemble parfaitement à la membrane de lamnios. C’eft la tunique externe du jaune qui eft la-fource des tégumens de mes embryons, au heu que c’eft lamnios qui les fournit dans l’état naturel. Les embryons dans l’état naturel ne font retenus que par un feul pédicule , qui eft un petit canal de communication, produit par les in- teftins , & qui fe prolonge dans la membrane interne du jaune : la membrane externe pañle droit fur l’amnios ; elle.n’eft adhérente à au- cune partie de embryon, ni même à l’amnios, ainfi que je l’ai examiné plufieurs fois. Nos embryons ont des pédicules compofés de deux membranes, ou pour mieux dire, ils ont chacun deux pédicules, dont Jun eft, comme à l'ordinaire, la continuation des inteftins dans la membrane intérieure du jaune, l’autre et une gaîne lâche qui part de la peau du nombril de l'embryon, ou forme la tunique fupérieure du jeune, & produit une efpèce de cordon umbilical fort court, tel qu’on n’en trouve pas naturellement dans les oifeaux. Les embryons font placés fi près l’un de l’autre, qu'un troifième ne fauroit fe loger entr’eux, principalement à caufe de la proximité de leurs têtes qui fe touchent exaétement. L'un eft fupérieur & l’autre inférieur , fuivant la détermination des régions, fixée par laire vafcu- leufe, & la diftribution des vaifleaux. À l’onverture de l'œuf, je trouvai les embryons placés un peu différemment de leur fituation préfente. ils font aûtuellement fitués à travers du jaune , dans une dire&ion plus obli- que, perpendiculairement fur aire, & fort proches l’un de l’autre, de manière que la tête de l'embryon inférieur , répond à la région du pubis fupérieur, & couvriroit fon pied droit. Ils ont la partie antérieure du corpstournée l’une vers l’autre. En confequence, l'embryon fupérieur fe trouve au côté gauche, qui eft la place naturelle; & l'inférieur occupe le côté droit. Dans cette poftion des embryons, la peau du nombril fe refferre d’abord;enfuiteellefe relâche , s'étend fur la furface du jaune ; produis fa tu niqueexterne, {ur laquelle on apperçoit plufieurs petites rides, parmi lef- quelles on en voit une plus confidérabl'e qui part del’umbilic d'unembryon, &t aboutit au nombril de l’autre, & forme une efpèce de ligament , au moyen duquel les embryons font unis entr’eux. ( Voyez Figure I, n. ) On voit une pareille ride, parallele à celle-ci, vers la région de la poitrine des embryons. ( Figure I. 0.) L'efpace intermédiaire eft rempli de petites bulles produites par la membrane externe du jaune. La véficuie umbilicale , propre à chaque embryon, eft placée comme à l’ordinaire entre les deux tuniques du jaune; on la voit dans le jaune entier, à travers la tunique externe & tranfparente. Quand. cette tumi- que fe prolonge en la peau de l’abdomien , le col de la vefie s’intro= duic aufh par le nombril dans la cavité de l'abdomen. Elle eft-plus forte+ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 367 ment attachée à la tunique externe du jaune, fous laquelle elle fe trouve, que dans l’état naturel. Le jaune étant ouvert, on voit à fa furface interne, c’eft-à-dire , à la furface interne de fa membrane intérieure , & à l'endroit où les em- bryons font attachés au jaune, au moyen de leurs umbilics; on voir, dis-je, une ouverture qui conduit aux inteflins: ceft l’orifice du canal , au moyen duquel la membrane interne du jaune, fe continue dans la membrane intérieure des inteftins de l'embryon. Avec cette membrane, il part auffi des vaifleaux de l'abdomen qui fe difperfent fur l’aire, ainfi que je lai décrit ci-deflus. On voit très-diftinétement leur origine , (Voyez Figure IL. } On trouve aufli fur cette membrane interne les rides que nous avons obfervées fur la tunique extérieure; de forte que ce n’eft pas cette feule tunique qui les forme, mais les deux membranes prifes enfemble. J'ai féparé la tunique interne de l’externe, afin de voir l’orifice de l'abdomen fur la furface interne de cette tunique extérieure. La tuni- que externe du jaune eft une continuation de la membrane de l’abdo- men; au lieu que dans l'état naturel, cette membrane fe continue dans l’amnios. À cette différence près, ce prolongement fe fait en la manière ordinaire. On voit ( Fig. IL} cette face interne de la tuni- -que extérieure , avec l’oriñice de l'abdomen, Les embryons ne m'ont rien prefenié d’extraordinaire; l'habitude externe de leurs corps, & la flruëture de leurs vifcères , étoient exate- ment conformes. aux loix de la nature, CHOSR OEIL “ATILR ES. CLO RO LPE AN TENTE Il n’eft pas impoñfble que nos embryons n’euflent été enveloppés, dans le tems , dans un faux amnios , quoiqu'il n’en exifte pas de vrai pré- fentement. La duplicité des embryons n’eft pas un obftacle à l’exiftence d’un faux amnios , non plus que l’abfence du véritable. Les rides que j'ai obfervées dans l’une & l’autre tunique du jaune & leur lâcheté , indiquent affez que ce font des veftiges de ce faux amnios qui a été détruit; mais qui exiftoit le troifième, le quatrième, & même encore vers le milieu du cinquième jour. D'ailleurs, la poñition de l'embryon entre les deux tuniques du jaune, prouve aflez que l'amnios faux ne pouvoit être formé par la tunique interne, &, cnyelopper l'embryon, fans qu’elle le füt en même tems par la tunique externe. En effet, lorfque la tunique interne, qui eft une continuation des inteftins, fe réfléchit fur l’em- bryon pour produire la vefñe, la,tunique externe, qui eft un prolon- gement de la peau de l'abdomen, & par conféquent qui eft toujours pardeffus l’autre, où l’empêchera de fe réfléchir, ou bien fera forcée AOUT 1772, Tome 11. 368 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de céder & de fuivre fa direétion; & dans ce cas elle formera une veffie intérieure. De-là, cette tunique, étant toujours parallèle à la membrane interne , & la fuivant par-tout , patfera avec elle p:rdeflus l'aire tranf- parente & la vafculaire, : & le” prolongera fur le jaune. D'ailleurs, les plis & les rides, obfervés fur cette tunique, tout comme fur l'autre, dé- otre aflez qu’elle avoït fervi, aïnfi que Pautre, à la formation de la veñie, dont la deltruétion a produit fa laxité, Nous voilà donc inftruits de l’état où mon œuf étoit le troifième & le quatrième jour de l’incubation, état aufli fingulier que le préfent. Chaque embrÿon étoit couvert d’un faux amnios particulier, & outre cela , d’un autre intérièur , auquel on ne peut donner le) nom ni dewrai ni de faux amnios ; mais il tient comme le milieu'entre l’un & l’autre, & il tenoit lieu de vrai amnios, A l’écard de fa figure, il eft fort fem- blable au faux amnios ; car ce n’eft pas une.vefñlie entière ; maïs ouverte vers {a ps fupérieure. Il reflemble d’ailleurs à l’amnios vrai, foit rela- tivement à | la nature de la membrane, dont il eft compofé, foit par rap- port à fon origine , qui eft a peau de l'abdomen, C0 r/0 L. IE Il n’eft pas douteux que l’aréole tranfparente n'ait été unique, fimple & commune aux deux embryons, tout comme la vafculaire ; car quoi- que les jours précédens , tems auquel on obferve ordinairement cette aréole, la partie ridée des tuniques du jaune, placée entre les em- bryons, m’eût pas été employée à former les amnios ; cependant, cet efpace intermédiaire étoit trop étroit pour pouvoir contenir la moitié des parties des deux aréoles féparées. En fuppofant que les amnios ont été formés par les membranes du jaune, ainfi que je l'ai expliqué dans le corollaire précédent, toute cette parue intermédiaire des tuniques aura été employée à cet ufage , auquel même elle n'aura pas fufñ; les amnios des deux embryons fe feront touchés de toutes, parts, il n'y aura pas eu d’efpace intermédiaire, & par conféquent, il eft impoñhble qu'il y ait eu une aréole tranfparente dans cét endroit. D’ailleurs, je conçois que cette aréole commune aura pu être faite de façon à reflem- bler à deux aréoles réunies en une feule, & commune aux deux em- bryons. L’aréole tranfparente eft naturellement conforme à la circon- férence de l'embryon, & par conféquent ovale avec l’extrémité fupé- rieure obtufe , & l'extrémité inférieure aigue. Celle-ci n’a pu être que quarrée; jen fuis d'autant plus perfuadé, que J'ai déja ob'ervé la même chofe dans l'embryon au corps double, dont j'ai parlé @- deflus. « Nous avons donc dans mon œuf un feul blanc, un feul jaune, une feule aire vafculeufe dans laquelle cependant on obferve quelques fignes de duplicité dans la diftribution des vaiffeaux; enfin, une feule aréole tranfparente , Le = es iz SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 369 tranfparente , plus grande & comme formée de deux. Toutes ces par- ties font communes aux deux embryons. Nous avons encore deux faux amnios qui tiennent lieu du vrai, mais que je crois adhérens à caufe de la petiteffe de l’efpace ; en un mot, nous avons deux embryons parfaits, & bien féparés. Les vaifleaux de l'aire vafculeufe ne paroïfloient pas encore le pre- mier jour de l’incubation, & prefque pas le fecond. Le commencement de cette aire n’étoit alors qu’une tache blanche de la grandeur d'un pois, placée fur la furface du jaune. Les Auteurs l’appellent la tache, ou la cicatricule, On voit aufli dans cette tache, l’aréole tranfparente qui eft oblongue, comme à l’ordinaire ; c’eft ce que Harvée nomme l’œil. Au premier tems de l’incubation de mon nés J'y vis une feule cicatricule & un feul œil; mais plus grand & quarré. J’y découvris deux embryons féparés, placés tout près l’un de l’autre. Comme avant l’incubation on n’apperçoit que la cicatricule fans aréole tranfparente , & fans embryon, mon œuf n’auroit rien offert de particulier , fi on l’avoit ouvert dans ce tems. | CorRoL III. La véficule umbilicale qui fe trouve naturellement entre la tunique interne & externe du jaune, ainfi que l’amnios, après le dixième jour de l’incubation, s’accroit & enveloppe tout l’amnios dans lequel lem- bryon eft contenu, & de-là couvre tout le jaune. Enfuite cette véfi- cule fe continue jufques vers le point d’adhéfon du blanc avec:le jaune, c’eft-à-dire, au point diamétralement oppofé à la place de l'embryon; elle s’étend même fur le blanc, fans quitter la tunique externe du jaune dans laquelle elle eft toujours renfermée; ce qui forme de nou- velles enveloppes à l’œuf, car la double membrane de cette véficule , forme aufñi une double enveloppe : mais la tunique externe du jaune qui fert en tout tems, & à renfermer celui-ci & à envelopper l’am- nios , fe trouve aufli dans ce tems répandue fur le blanc. Elle eft telle- ment unie à la paroi extérieure de la véficule, qu'on ne fauroit l'en détacher, & paroît former une feule membrane que Malpighi appelle chorion , & M. de Haller , membrane umbilicale. La paroi intérieure neft unie qu’à l’amnios, & non au jaune. Il y a donc par conféquent une double enveloppe commune dans laquelle le jaune & le blanc font renfermés; & le jaune qui jufqu’alors avoit eu deux tuniques particu- lières, n’en a plus qu'une ; c’eft l’interne, puifque l’externe s’eft pro- longée fur le blanc, conjointement avec le nouveau chorion, & con- tibue à la produétion de cette nouvelle enveloppe commune. Il fera maintenant aifé de concevoir pourquoi les embryons de mon œuf, qui étaient abfolument dépourvus d’amnios , fe trouvoient placés en dehors de la tunique externe du jaune, & les véficules umbilicales AOUT 1772, Tome 11. Aaa 370 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, étoient en-dedans à leur place naturelle. Lorfque ces véficules fe pro: longent fur tout le jaune, & même fur le blanc, entraînant avec elles la tunique externe du jaune, il doit néceffairement en réfulter une en- veloppe qui renferme le jaune & le blanc, & conftitue le chorion de Malpighi : les embryons ne feront point du tout renfermés dans ce chorion; bien plus, ils feront placés à nud par-deflus lui, comme nous avons vu qu'ils le font fur le jaune , & on les trouvera immé- diatement fous la coque. Telle fera leur pofition jufqu’à ce qu'ils voient le jour. E CONTROL APENIVS Ces embryons ne paroïflent guères pouvoir furvivre à leur naïflance; en voici les raïifons: le jaune eft une continuation des inteftins ; il diminue à mefure que l’embryon augmente : on doit le regarder comme un appendice des inteftins , 1l rentre enfin tout-à-fait dans l’abdomen qui fe ferme; le jaune fe: rétrécit alors de plus en plus, de manière qu'il forme une véritable portion des inteftins, & il n’eft plus poffible de le diflinguer du refte du canal. En conféquence, fi les deux inteftins de ces deux embryons fe terminent à un même jaune, chaque fœtus s’effor- cera de renfermer ce jaune dans fon abdomen ; il n’eft pas douteux que fi l’un des deux embryons étoit fort bien conftitué, & l’autre au contraire foible & petit, le premier n’abforbât entièrement le dernier, en attirant le jaune: mais s'ils font égaux en âge & en vigueur, cela ne fauroit arriver. Chaque fœtus attirera à lui une portion du jaune, jufqu’à ce qu'ils parviennent à fe toucher par les umbilics. Alors, ou ils naïtront ainfi adhérens par les umbilics, je ne voudrois pourtant pas pour cela leur donner le nom de montre, je les appellerois plus volon- tiers jumeaux connés, puifque toutes les parties de leur corps feroient exaétement féparées & qu'ils ne feroient joints enfemble que par un petit cordon; ou bien, ce qui tft beaucoup plus probable, le jaune tiraillé des deux côtés fe caffera, fa matière fe répandra, partie dans Pabdomen, partie en-dehors ; accident mortel pour les embryons. Il n’eft pas probable queles monftres viennent de la compreflion & de la concrefcence des jumeaux : Fabrice d’Aquapendente prétendoit que la naïf- fance de deux embryons dans un feul œuf produifoit un monftre, quoi- qu'ils vinffent de deux jaunes. Les fœtus de ces œufs avoient beau être éloi- gnés d’abord, il n'enfoutenoit pas moins qu’ils fe rapprocherotent dans la fuite jufqu’à fe confondre. On acependant vu dans mon œuf deux embryons, formésnon feulement dans un feul œuf, mais dansunfeul jaune, mais dans une feule aire vafculeufe, bien diffinéts & bien féparés, quoiqu'ils fuflent on ne peut pasplusproches. Harvéefaifoit dépendre la formation monftrueufe des poulets, de la réunion desaréoles tranfparentes, de manière qu’elles ne femblent former qu’un feul œil, Nous avons pourtant obfervé que SL es td SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 371 les embryons étoient fi proches l’un de l'autre dans mon œuf, que les aréoles tranfparentes auroïent dû néceffairement fe confondre, fi jamais elles avoient exifté féparées; mais bien plus, il eft impoñible qu'elles aient été jamais diftinétes , & les embryons ont été renfermés dans le même œil depuis le premier inftant de leur formation; ils ont cepen- dant refté féparés jufqu'au fixième jour ; comment fe feroient-ils donc confondus? Dira-t-on que les parties augmentant dans la fuite, fe trou- vent plus reflerrées dans l’œuf? A la bonne-heure; maïs on doit faire attention que le fixième jour , toutes les parties font formées , & fi elles étoient alors détruites, ainfi que l'exigeroit La formation de ces monf- tres, elles ne fauroient être réparées, ni la vie des embryons ne fauroit durer tant que cette métamorphofe fubffteroit. De plus, il eft faux que plus les embryons croiffent, plus ils fontrefler- rés dans l'œuf; car à melure que les embryons croiflent , Le jaune & le blanc diminuent en proportion, de manière qu'il n’y ait jamais dans lPœuf que la même quantité de matière. Mais la plus forte preuve que je puifle apporter, c’eft l'œuf dont j'ai parlé au commencement de cette differtation, dans lequel je trouvai un monftre au corps double après trois jours d’incubation; ce qui démontre, au moins, que la prétendue compreflion que les embryonsauroient fubie dans l'œuf, après le fixième jour , à caufe de leur accroiflement, eft abfolument inutile pour la pro- duétion des monftres, EXPLICATION DE LA ,PLANCHE.:LE Figure première, | MÈRE hors de la coque. A. A. Le blanc. B. B. B. Le jaune. C. C. Partie de la veine terminale. D. D. Partie du jaune, placée hors de Paire, & dépourvue de vaifleaux. E. Aire vafculaire. F. Embryon fupérieur. G. L’inférieur. H. Partie de la véficule umbilicale de l’em- bryon fupérieur. I. Foffette formée fur le jaune par la véficule. K. Veflie umbilicale de l'embryon inférieur. L. Umbilic de embryon inférieur. M. Umbilic de l'embryon fupérieur. N. Pli inférieur, produit par le relàchement de la membrane du jaune. O. Autre pli inférieur de la même nature. P. Tronc latéral gauche de Fembryon fupérieur, Q. Rameau fupérieur de ce tronc. R. Rameau fupérieur du tronc latéral droit. S.Rameauinférieur du côté gauche. T. Tronc latéral gauche de l’em- bryon inférieur. U, Tronc latéral droit. V. Veine defcendante. Figure TI. Partie déchirée & retournée des membranes du jaune fur laquelle les embryons font attachés. , AOUT 1772, Tome II, Aaai) 372 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, A. Portion déchirée des membranes. B., Embryon fupérieur. C. Infè= rieur. D. Pli de cette membrane interne, répondant à celui (Fig. L. o.} de la membrane extérieure. E. Autre pli inférieur, répondant à celui de la membrane externe (Fig. L. n.) F. Orifice du canal inteftinal par lequel fortent des troncs de vaifleaux en même tems que la membrane. G. Bord de l’orifice umbilical de l'abdomen, vu à travers la membrane interne du jaune qui le couvre. Voyez Fig. IL H. Tronc latéral droit de l'embryon fnpérieur. [. Tronc latéral gauche du même. (Fig. IL. p.) K. Rameau droit fupérieur. L. Rameau droit inférieur. M. Rameau gauche fupérieur. N. Rameau gauche inférieur. O, Orifice du canal inteftinal de l’autre embryon avec les vaifleaux qui en fortent. P. Bord du canel inteflinal vu au travers. Q. Tronc latéral droit de cet em- bryon ( Fig. L. u.) KR. Tronc latéral gauche. S. Veine defcendante. Fipure III, Tunique interne du jaune, féparée de l’externe, & retournée, afin de voir la furface interne de la tunique extérieure, & les parties ren- fermées entre les deux. A. À. Surface interne de la tunique extérieure du jaune. B. Embryon fupérieur. C. Inférieur. D. Portion de la tunique externe, réfléchie en dehors, au point où elle fe prolongeoït dans les inteflins de lem- bryon fupérieur. E. Portion de la mêmetunique, prolongée fur les in- teftins de l'embryon inférieur. F. Véficule umbilicale de Pembryon fupérieur. G. Vélicule umbilicale de l'embryon inférieur. Ces véfi- cules étoient renfermées entre les deux tuniques, & paroïfloient à la furface externe du jaune, à travers fa tunique externe; a@tuellement elle fe voient encore plus diftinétement, les tuniques étant féparées. H. Orifice umbilical de labdomen, par lequel fort la tunique interne du jaune, qui eftune continuation des inteftins. I. Le même dans l’em- bryon inférieur. K. Troncs des vaifleaux de l'aire fortant de la cavité de l'abdomen, & contenant cette portion des inteftins qui forme l'arc, & qui fe prolonge dans la tunique interne du jaune. L. Pli. (Fig, [. o. ) M. Autre pli (Fig. In.) c LETTRE à l’Auteur de ce Recueil fur l'Atlas minéralogique de la France, par M. LAVOISIER de l'Académie Royale des Sciences. V oUS avez eu la bonté, Monfieur, d'annoncer au Public dans votre Journal du mois de Juillet de l’année dernière, les foins que M. Guettard, de l’Académie Royale des Sciences, ne cefloit de fe donner pour compléter, autant qu'il étoit poñlble, l’Atlas minéra- logique de la France , & vous m'avez même attribué plus de part ” Time 2P 72. aoudl 1772, SUR L'HIST., NATURELLE ET LES ARTS. 373 que je n’en mérite à cet Ouvrage. Quelque nombreufes que foient les Obfervations que nous avons raflemblées, & dont la maffe s’ang- mente tous les jours par les voyages de M. Guettard, & par les Mé- moires qui nous parviennent, nous fentons cependant, que nous ne pouvons efpérer de mettre fin à cet Ouvrage, qu’autant que nous ferons aidés par des fecours plus multipliés encore. Nous ne pouvons en conféquence trop exhorter ceux qui ont quelques teintures d’Hiftoire Naturelle, à nous communiquer leurs Obfervations fur les environs des Pays qu’ils habitent. IL ne faut pas croire que ce genre d’Obfer- vations exige des connoïffances très-étendues. Le Mémoire ci-joint a pour objet de faire voir qu'avec de la bonne volonté, il n’eft pas difficile d'y fuppléer. Comme votre Journal, Monfieur, fe répand de plus en plus dans les.Provinces, & que par fon titre, & la manière dont il eft rempli, il eft defltiné à pañler entre les mains des Amateurs les plus diftingués en Hiftoire Naturelle, aucun ne m'a paru plus propre à devenir le dépôt des connoiffances minéralogiques. Felpère en con- féquence que vous voudrez bien publier ce Mémoire dans un de vos prochains volumes. Ceux qui defireront entrer en correfpondance fur cet objet, font priés d’en écrire, foit à M. Guettard au Palais Royal, foit à moi, rue Neuve des Bons-Enfans à Paris; s'ils ont des Mémoires ou des Paquets confidérables à nous adreffer, nous les prions de nous en prévenir, & nous leur indiquerons la voie par laquelle ils pourront nous les faire pafler. Jai l'honneur d’être, &c, RÉFLEXIONS abrégées [ur les Moyens de multiplier Les Obfervarions minéralogiques. Ur objet important auquel le Gouvernement s’intérefle , exige qu’on raflemble le plus de renfeignemens qu’il fera poffble fur la com- poñition intérieure de la terre. C’eft à faciliter les recherches de ceux qui voudront s'occuper de cet objet , que tendent les réflexions fuivantes. Prefque par-tout, le globe que nous habitons, n'offre à fa furface qu'une couche affez mince de matières, plus ou moins propres à l’accroiflement des plantes, & qu’on a coutume de défigner fous le nom de terre végétale, C'eft à effleurer la fuperficie de cette couche, à en retourner quelques pouces pour en tirer leur fubfftance, que fe borne communément l’induftrie des hommes: rarement ils s’embaraf- fent de connoître la nature des matières qu’elle recouvre, & nous ferions fans doute dans une très-profonde ignorance fur la nature des fubftances que la terre renferme dans fon fein , fi la néceffité de cont- AOUT 1772, Tome Il. 374 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, truire des habitations n’avoit forcé les hommes d’y fouiller pour en tirer la pierre & le fable ; fi le manque d’eau ne les avoit obligés de creufer des puits; enfin, fi la découverte du charbon de terre, des métaux, &c. ne les avoit engagés d’en pourfuivre les veines à de très- grandes profondeurs. C’eft donc principalement dans les fouilles,ouvrage du befoin & de l'induftrie, qu'on doit interroger la nature, & qu’on doit chercher les connoiflances relatives à la géographie fouterraine du globe; il feroit injufte d’exiger de ceux qui voudroient confacrer une partie de leurs loifirs à ces fortes de recherches, de parcourir, par eux-mêmes, les carrières , les mines, les coupes de terrain des environs des lieux qu'ils habitent. Une pareille entreprife exigeroit. trop de foins , trop de fatigues ; elle demanderoit d’ailleurs plus de tems que des perfonnes occupées ne peuvent en donner à un objet qui leur eft étranger. On n’a au contraire ici d'autre objet que de leur applanir les difhcultes, & de leur tracer une route facile; voici en conféquence, à-peu-près , à quoi fe borne ce qu’on leur demande. On les prie premièrement de fe faire remettre par les Maçons les plus intelligens, ou autres Entrepreneurs de bâtimens des lieux qu'ils habi- tent, ou de ceux qu'ils auront occafion de parcourir, un petit échan- tillon des différentes efpèces de pierres qui s’emploient dans les chemins, dans les bâtimens, & dans les ouvrages de toute efpèce. 2°. De leur demander le nom de ces pierres , dans le langage du pays. 3°. De déterminer, autant qu’il fera en eux, à quelle efpèce de pierre on peut les rapporter, fi ce font des pierres propres à faire de la chaux, fi ce font des grès, du caillou, du marbre, du granit, &c ; fi elles font feu avec le briquet ; fi elles fe diffolvent dans l'eau-forte, ou dans le vinaigre, &c. 4. De s'informer du nom, de la fituation & de l'étendue des carrières ; d’où elles le tirent, de tous les endroits dans lefquels on préfume qu’on en pourroit trouver de femblables ; de la profondeur des fouilles , de la nature des fubfiances qui fe trouvent au-deflus ou au-deffous de la pierre ; de la fituation des bancs, s'ils font hori- fontaux , ou inclinés à l’horifon ; enfin, de leur dureté plus ou moins grande, 5°. De prendre des renfeignemens femblables fur les pierres qu’on emploie pour faire la chaux, fur le fable, fur les pierres à plâtre, fur les terres à tuile, &c; en un mot, fur toutes les matières qu’on emploié dans les bâtimens, ou dans les arts. On prie fur-tout de mettre fur le champ, par écrit, les renfeigne- mens qui feront donnés, afin d'éviter toute confufion. Si reftoit quelque doute fur la nature des pierres , ou autres fubftances, & qu’on ne fe SUR Ll'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 375 crût pas en état d'en afligner la nature, il feroit nécefaire de faire mettre à part un échantillon de chaque efpèce au moins de la grof- feur d’une noix, & de l’adreffer à Paris. Il eft inutile d’ajouter que ces morceaux doivent être très-fcrupuleufement ériquetés, Cette manière d'opérer eft fimple & facile ; & c'eft celle en même tems qu’on doit regarder comme la plus propre à multiplier les obfervations miné- ralogiques , & à éclairer les Savans fur la compoñition intérieure du globe. Voilà à quoi doivent fe borner les recherches de ceux, qui par leurs occupations ne font point à portée de fe livrer d’une manière particulière à l’étude de la nature. Par rapport à ceux qui, par une longue expérience, ont acquis le droit d'interroger la nature, on les prie de vouloir y joindre des obfervations plus direétes, fans négliger néanmoins celles qu'ils pourront obtenir des Maçons & autres perfonnes de l’art: mais pour leur faire fentir fur quoi doivent princi- palement rouler leurs propres obfervations, on va Joindre ici quelques réflexions. Les Minéralogiftes diftinguent en général trois efpèces de monta- gnes ; les unes, compofées de couches horifontales , n’offrent dé toutes parts que des matières ufées & roulées, des débris de coquilles, de madrepores , de corps marins de toute efpèce, & l’on ne fauroit fe refufer de croire qu’elles ont été formées fous les eaux de la mer : les autres compofées de couches inclinées, portent le témoignage d’une antiquité beaucoup plus reculée ; on feroit tenté, à certains égards, de [es croire auffñ anciennes que le monde : enfin, un troifième ordre de montagnes porte par-tout l'empreinte du feu; on y trouve des courans de lave qui paroïffent avoir coulé depuis leur fommet jufques dans les plaines; on reconnoît à leur cime la bouche qui vomifloit les flammes & qui lançoit au loin la cendre & les pierres-ponces ; enfin, tout dans le voifinage porte l'empreinte du feu & annonce la préfence d’un ancien Volcan. Il eft aïfé de fentir combien il eft important de déter- miner à laquelle de ces trois efpèces de montagnes on doit rapporter celles de chaque pays: s’il s’en trouve des deux, même des trois efpèces confondues enfemble , les obfervations deviendront encore plus impor- tantes : il fera alors néceffaire de décrire le terrain avec une attention plus fcrupuleufe; même s'il ef poffible de déterminer à-peu-près la hauteur de chaque efpèce de montagne par rapport au niveau d’un fleuve connu. Souvent la furface de tout nn pays fe trouve recouverte d’une couche épaifle de terre, & de matières bouleverfées qui ne permettent pas de voir la difpofition des bancs qui compofent l’intérieur des montagnes; c'eft alors par le moyen des ravines, des fouilles & des coupes qu’on peut reconnoître la nature du véritable fol , & qu’on peut débrouiller le cahos apparent qui fe préfente à la furface. Il eft rare d’ailleurs, AOUT 1772, Tome 11. 376 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mème dans ces cas, qu'ilne fe trouve quelque pointe de rocher, quelque portion de montagne qui ne perce à travers les débris; il n’en faut pas davantage pour inftruire un Obfervateur, & pour lui faire tirer des. conféquences aflurées fur la difpofition des couches terreftres en cet endroit. Quelquefois encore les montagnes d’ancienne formation , fe trou- vent recouvertes par une couche aflez mince de matières rangées par bancs horifontaux , & dépofées par les eaux; ces circonftances font précieufes pour le Naturalifte, & il ne doit pas manquer d’y donner une attention particulière, On n'entre pas ici dans de plus grands détails, parce qu'on a moins pour objet d’inftruire les Obfervateurs de bonne volonté , que d'être inftruit par eux; mais pour leur mettre fous les yeux, en un feul tableau , les différens objets qu'ils ont à remplir, on a cru devoir dref- {er des états, dont on trouvera ci-joint des exemplaires. L’intitulé des colonnes peut être confidéré comme autant de queftions, au bas def- quelles ils écriront la réponfe. ; Nous uniflons nos vœux & nos inftances à ceux de MM. Guettard & Lavoifer, & nous invitons les Académies, les Savans, les Amateurs à faire part de leurs recherches, & à concourir pour l’exécution d’un Ouvrage de cette importance. Il tend à l'avancement de la Science, fon but eft l'utilité publique ; quel motif plus noble peut-on offrir aux Naturaliftes & aux vrais Patriotes ! Au mois de Juillet de l'année dernière, ces Meflieurs avoient déja les matériaux pour quinze cartes, & ils en ont actuellement. SOMMAIRE des expériences, par lefquelles M. MAÆRGRAFF prouve que Les Spaths fufbles phofphoriques ou féléniteux, fozs compolés de Pacide vitriolique , combiné avec une terre calcaire. N oUS avons fait connoître page 247, les fpaths fufibles & phof- phoriques, en les comparant avec les fpaths fufébles vitrèux ou fluors Nous allons a@tuellement fuivre M.Margraff dans le développement de toutes les expériences par lefquelles 1l analyfe les /parhks fufibles phofphoriques & Jéléniteux ; on verra dans ce travail la marche de l’efprit de recherches, lorfqu'il eft guidé par une lumière sûre, & qu'il fait employer les reflources que la Science chymique lui préfente. M. Margraff commence par faire connoître les fubftances fur lef- quelles il a opéré, & qu'il a toujours foumifes dans le cours de fon travail aux mêmes efais correfpondans , pour pouvoir en FORPEER Es ertes dans les environs d toutes les Matières qui peuvent être utiles dans les Arts. Tome 11. page 376. avec près, la pofition de chaque Carrière, Fouille, Mine, &c.; d'indiquer agne; fa diflance de la Paroiffe ; fi c'eft au Nord , au Midi, &c.; oo né ture , OBJETS ?rSe ! fera def es Mines nb, Âr- , & au- » nrferen- erritoire ; arbon de tières de à Potiers :;, & en ibjets qui re utiles ju même CAILLOUX, ou PIERRES A FUSIL. On déterminera s’il fe trouve dans l’éten- due du Territoire, des Pierres qui faflent feu étant frappées avec un briquet; fi elles fe trou- vent en rocher, ou bien feulementen morceaux à la furface de la terre. PEUMETSS: On donnera la def- cription des différens Bancs qui fe rencon- trent en fouillant des Puits ; en déterminant, autant qu'il fera poffi- ble, l’épaiffeur de cha: cun d’eux, OBSERVATIONS L , GÉNÉRALES. On fera entrer dans cette Colonne les remarques de toute efpèce qui n’auroient pu entrer dans les Colonnes précéden- tes ; elles devront rouler principalement fur la compofition des côteaux & mon- tagnes des voifinages , fur les objets d’u- tilité ou de curiofité qu’elies préfentent, fur la nature des rochers qu'on y ren- contre; en un mot, fur les réflexions de toute efpèce auxquelles elles peuvent donner lieu. lupart des Queftions propofées. On prie MM, de donner Bâtimens, & les Maçons les plus intelligens du Pays, t4 378 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & qu'il attiroit la lumière lorfqu’on l’expofoit à l’aétion des corps Îu« mineux. III. M. Margraff ne fe contenta pas de ces réfultats, quoique dé- cififs. Il varia les agens afin d’obtenir de nouveaux produits, qui, fe raccordant avec les premiers , prouvaffent l’exiftence des mêmes prin- cipes dans ces trois fubftances qu’il analyfoit. Ce fut dans ces vues, qu'il mit dans un creufet de Hefle, recouvert d’un autre creufet & luté, deux onces de pierre de Bologne, mêlées avec une once de fel de tartre bien pur. Après avoir calciné doucement ce mélange, il le pouffa au feu. Lorfque tout fut refroidi, il trouva an fond du creufet une mafle un peu fondue, & l’ayant broyée, il verfa de l'eau bouil- Jante ; 31 filtra laWiqueur & mit évaporer. Il obtint des cryftaux d’un Jel neutre, qu'il réconnut par les principaux moyens que la Chymie lui offrit, être du sartre virriolé, La matière infoluble terreftre qui étoit reftée fur le filtre, fut mife à part pour être examinée par la fuite , comme nous le verrons. Les deux autres matières , favoir le fpath de Saxe fufible, blanc & pefant, & le gypfe, traitées en même dofe, avec le même alkali, donnèrent le même fel neutre & les mêmes terres infolubles. | I V. Deux onces de chacune de ces trois fubftances furent encore mêlées à une once de nitre, & mifes fucceflivement dans un creufet avec une addition d’un fel alkali, comme dans l'expérience précédente ; chaque mêlange, après avoir été pouffé au feu, a donné une mañle liquéfiée , qui, refroidie, pilée & lefivée avec l’eau chaude , filtrée enfuite & mife à cryltallifer , fournit des cryffaux de sartre vitriolé, Le réfidu terreux fut le même que dans l’expériencé* précédente. V. M. Margraff avoit reconnu, qu’en faifant bouillir dans l’eau pure diftillée, ces trois fubftances pierreufes réduites en poudre, & qu’en verfant fur la décoétion , quelques gouttes de leffive alkaline , il fe for- moit un précipité ; il en avoit conclu qu’elles étoient diffolubies en cer- taine proportion dans l'eau pure, & particulièrement le gypfe, qui lui avoit préfenté ces effets d’une manière plus marquée que les deux autres. fpaths. En fuivant les conféquences de ce fait intéreffant, notre habile Analyfle penfa qu’il parviendroit à tirer l’acide vitriolique de ces mix- tes, en faifant bouillir dans l’eau avec un alkali fixe, une certaine quan- tité de ces pierres : il fe perfuada, qu’à l’aide d’une extrême divifiom que leur diflolution opéroit , l’alkali pourroit faifir l'acide vitriolique, & le dégager deMfa bafe. Ce fut dans ces vues qu’il mêla exaftement deux onces de pierre de Bologne pilée, avec une once de tartre purifié; il verfa deflus quatre mefures d’eau difüllée ; il fit bouillir le tout pendant deux heures, en remuant avec une fpatule de bois; & en rempliffant avec de nou- velle eau, ce que lébullition avoit fait perdre à la liqueur ; enfin, Î L + — Lens - co SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 379 cette décoétion , ayant été filtrée & évaporée, donna des cryftaux de tartre vitriolé. : La fubftance terreufe qui refta fur le filtre fut mifé à part. Le {path de Saxe, fufible & blanc, & le gypfe furent traités de même ; ils donnèrent exaétement les mêmes réfultats. M. Margraff répéta ces expériences avec foin, & il reconnut qu'il falloit augmenter les dofes de l’alkali fixe pour dicompofer entièrement ces efpèces de félénites, & pour déterminer la dofe de la partie ter- réftre, combinée avec l’acide vitriolique. Il mêla exaétement quatre onces de fpath fufble pefant, avec fix onces d’alkali fixe ; il les fit fondre dans un éreufet, les réduifit en pou- dre, les fit bouillir dans fufifante quantité d’eau, filtra la liqueur enfuite, & la mit cryftallifer ; il obtint, par ce procédé, deux onces & demie & trois gros de réfidu terreux. VI. Il ne devoit plus refter de doute fur l’exiftence de l'acide vi- triolique dans les trois fortes de pierres que M. Margraff avoit fou- miles à ces différentes épreuves chymiques. Il étoit queftion enfuite, Pour compléter l’analyfe de ces fubftances, de foumettre à un examen auffi fcrupuleux, les matières terreufes qui étoient reftées fur le filtre après cette opération, & qu’on avoit confervées très-exaftement. Il reconnut d’abord que ces réfidus failoient effervefcence avec les acides; enfuite qu'elles difloivoient abondamment le foufre comme la chaux ordinaire ; & enfin, qu’elles pouvoient former avec l'acide vitriolique, une union femblable à celle qu’elles avoient contraftée dans leur mê- lange naturel, & offrir après cette union, les mêmes phénomènes. Pour connoître encore plus en détail feur état, le Chymifte de Berlin en fit difloudre une certaine portion avec l'acide nitreux ; il filtra la liqueur , & verfa deflus de l'acide vitriolique : il obtint fur le champ un précipité blanc , fous la forme de petits cryftaux brillans & foyeux, qui fe diflolvoient très-dificilement dans l’eau, comme tous les fels vitrioliques à bafe terreufe. ; Il mit enfuite fur le feu ces nouveaux produits pour les réduire en poudre, & en faire une pâte avec de !a gomme adragant , dont il com- pofa des pains qu'il fit fécher & qu'il fratifa avec les charbons, pour les calciner à feu ouvert. Lorfque ces matières furent fufffamment calcinées , à mefure qu’elles fe refroidirent, elles devinrent propres à recevoir la lumière des corps lumineux, & à luire dans les ténèbres, comme chacune des fubftances pierreufes , Iorfqu’on les avoit ca!cinées avant leur décompofñition. M. Margraff remarqua même que la lumiere des nouveaux produits, avoit du rapport avec la pierre , dont le ré- fidu terreux avoit été tiré. Celui du fpath fufñble pefant , donnoit une lumière fort vive ; celui de la pierre de Bologne venoit enfuite , & enfin Ja terre du gypfe donna la plus foible lumière, ÆAOUT 1772, Tome II. Bbbij 3o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, On voit par ce détail, que ce Chymifte eft parvenu, non-feule- ment à décompofer ces pierres, mais encore à les recompofer en re- combinant enfemble les principes qu'il en avoit tirés par lanalyfe 5 ce qui fair la preuve la plus complette que l’on puifle avoir en Chymie. A VII. Après avoir verfé fufifante quantité d'acide nitreux pour dif- foudre toute la terre qu’il avoit obtenue de la décompolition des fpaths, M. Maroraff reconnut qu'il reftoit fur le filtre une petite portion de terre qui n’étoit pas difloute, & qui, après avoir été bien lavée & bien defféchée, reffembloit parfaitement à l’argille. Elle formoit une mafle duétile avec Peau, elle fe durcifloit & fe cuifoit au feu; enfin, mêlée avec des flex pilés , elle compofoit une efpèce de porcelaine qui fai- foit feu avec le briquet. ÿ Enfin, le réfidu de la pierre de Bologne contenoit auffi une petite portion d’argille ; mais celui du gypfe ne donna que de la terre calcaire entièrement foluble dans l'acide nitreux. Ainfi, quatre onces de fpath fufible de Saxe & femblable quantité de pierre de Bologne, qui don- gèrent chacun deux onces & demie & trois gros de terre calcaire, dans laquelle quantité il fe trouva cinq drachmes d’argille, & quatre onces de gyple , ne laifièrent fur le filtre qu'une once & une drachme &t demie de terre purement calcaire. L'on voit que la terre calcaire entre dans les fpaths fufibles pefans, en plus grande proportion que dans les gypfes, & qu’outre cela, ïl ny a point dans le gypfe de terre argilleufe. : M. Margraff eft porté à croire que cette portion de terre argil- leufe , qui fe trouve dans le fpath fufible de Saxe, & dans la pierre de Bologne , nuit à leur folubilité dans l’eau ; car ces fubftances fe diflolveñt en moins grande quantité, & moins facilement que le gypfe qui ne renferme point d’argille. Telle eït la marche que M. Margraff a fuivie pour démontrer quelles font les parties effentielles qui entrent dans la compoñition des trois fortes de pierres qu'il s’étoit propofé d’analyfer. Nous les indi- quions dans le tems aux Chymiftes, en comparant fa manière de pro- céder & fes réfultats, avec les affertions de M. Sage. (Voyez le pre- mier Volume de ces Obfervations, intitulé Introd. à la page 479, & celui-ci à la page 43). Nous croyons a@tuellement avoir mis par ces deux Sommaires, nos Leéteurs en état d’être étonnés , comme nous, de la contradiétion qui fubfifle entre M. Margraff ; c'efl-à-dire, La vérité, & le Livre de notre Académicien. Lorfqw’on prend date pour annoncer au Public des découvertes démenties par des démonftrations auffi fuivies & aufli complettes, doit-on compter fur la gloire qui fuit le mérite folideà AL, A SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 381 "F2 CRT CR EL) BR: OC LA E.S POUR FAIRE DIFFÉRENTES ESPÈCES DE VERNIS. Pour Les Découpures , les Etuis , les Bois d’Eventail, Ds: une pinte d’efprit-de-vin, mettez une demi-livre de fandara- ue, deux onces de maftic en larmes; quand les matières feront bien ondues enfemble, incorporez-y quatre onces de térébenthine de Venife. Pour des Boiferies , Bois de Chêne, Chaïfes de Cannes, Fers, Grilles & Rampes. .Mettez une demi-livre de fandaraque dans une pinte d’efprit-de- vin, deux onces de gomme laque plate, quatre onces d’arcanfon ou co- lophane ; lorfque les gommes font biea fondues , on incorpore fix onces de térébenthine de Venife : lorfqu’on veut vernir les meubles en rouge, on y met plus de gomme laque, moins de fandaraque, & on y ajout fang-dragon. Vernis a l’Huile, Sur une livre choifie de copal fondu, jettez quatre , fix ou huit quar- terons d'huile de lin, cuite & dégraiflée. Quand lincorporation eft faite, retirez du feu en remuant toujours ; & après que la grande cha- leur eft appaifée, incorporez-y une livre ou environ d’eflence de térébenthine ; fi on veut qu'il fe perfe@ionne , il faut le pafler par un linge & le garder: plus il eft confervé , plus il prend de qualité en fe féchant. Vernis au Karabe. Le procédé eft le même que pour le copal; mais comme ce vernis eft ambré, il n’eft jamais bien blanc. Vernis noir pour les Voitures & Les Ferrures. Le plus folide vernis en noir , eft celui qui eft compofé de karabé, de bitume, de judée & d’arcanfon, qu’on fait fondre féparément , & qu'on mêle enfemble quand ils font fondus ; enfuite on y incorpore de l'huile grafle, & quand les matières font encore chaudes. Vernis gras à Or coloré. . Prenez huit onces d'ambre, deux onces de gomme laque, que vous ferez fondre féparément ; lorfqu’elles feront mêlées, incorporez-y une demi-livre d'huile de lin, cuite & préparée; enfuite de l’effence que AOUT 1772, Tome II. “ * ee “ 382 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vous aurez eu foin de colorer auparavant avec de la gomme grafle, du fafran, du fang-dragon , & un peu de raucou , qu’on fait fondre | enfemble : c’eft par la mixtion de ces quatre matières & la com- | binaifon qu'on en fait ; qu'on attrape le ton de l'or que l’on defire. Ces Recettes font fimples, leur compoñition facile, & leurs fuccès aflurés. On en eft redevable à M. Watin, Peintre-Doreur & Vernif- feur, qui vient de publier un excellent Traité fur l'Art de faire & d'employer le Vernis , auquel il a joint ceux du Peintre & du Doreur (1). Cet Ouvrage eft plein de recherches curieufes & inftruives. RAPPORT fait à l’Académie Royale des Sciences de Paris, par MM. de Montigny , Macquer & Tillet, d’un Mémoire ‘intitulé : Découverte d'une méthode nouvelle & infaillible d'effayer les Monnoiïes d'argent & d’or, par rapport au Monnoyage, pour la füreté commune de cous Les états. * de Gi l'Auteur de cette méthode, difent MM. les Académiciens , fe fût contenté d’annoncer fon travail, comme tendant fimplement à per- feétionner l'opération des eflais, d’après tout ce qui a été écrit juf- qu'ici fur cette matière, nous nous ferions bornés nous-mêmes à met- tre fous les yeux de l’Académie, ce qu'il y a de nouveau & d’ingé- nieux dans fa méthode, & nous n’aurions pas eu befoin d’entrer dans certains détails qu’exige néceffairement un examen approfondi: mais M. Meidinger ne balançant pas de la préfenter comme une opéra- tion , qui, avec le mérite de la nouveauté, a le grand avantage d’é- tre infaillible, & qui devient par fa certitude phyfique, Le point mathé- matique des effais; 1 a fallu prouver, 1°. que les faits effentiels , fur lefquels s'appuie l’Auteur, & qu'il regarde comme nouveaux, font connus en France & confignés dans des Mémoires imprimés; 2°. qu'un des points principaux de fa méihode, n’eft ignoré ni en France, ni dans les Pays étrangers ; & qu’enfin, le raifonnement joint à l'expé- rience, ne conduifent point à la certitude phyfique, qu'il prérend qu’on obtient en fuivañit fon procédé. Nous allons lexpofer fans y mêler aucune réflexion , afin que l'A- cadémie en faififle mieux l’enfemble , & foit préparée aux obferva- tions que nous aurons lieu de faire enfuite, en reprenant les arti- (1) On trouve cet Ouvrage chez Quillau, Libraire à Paris, rue du Fouarre. (2) Ce Mémoire a été adreffé à Académie par M. P'Abbé Marci, Prévôr de Soigries, & dont l’Auteur eft M. Meïdinger, Eflayeur Allemands SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 383 cles de cette méthode auxquels ces obfervations feront appli- quées. M. Meidinger reconnoiffant avec tous les Effayeurs de l’Europe, qu'il y a toujours quelques légères variations dans l'opération des effais, malgré l'attention fcrupuienfe & l'intelligence que les Artifles peuvent y mettre, a cherché un moyen d’écarter ces variations, tant par la forme des coupelles, la manière de les expofer à un feu égal, que par une échelle ce comparaifon, relative au titre des matières, qui pût indiquer précifément le titre de celles qu'on veut découvrir. En conféquence de la première de ces idées, il a fait , à l’aide de Id prefle, des coupelles de deux formes différentes : les unes ont deux pouces cinq lignes de longueur, & dix lignes & demie de largeur, fur quatre lignes ou environ d’épaiffeur : chacune des coupelles de cette forme a trois baflins rangés fur la même ligne, proportionnés à l'étendue de la coupelle & à fon épaifleur : les autres coupelles ont la forme circulaire ; elles ont tin pouce dix lignes de diamètre , la mê- me épaifleur que les premières, & portent auff trois baffins , mais placés triangulairement, & ayant par cette pofition une deftination particulière dont nous allons parler. ; M. Meidinger regarde les coupelles de la première forme comme convenables aux Effayeurs qui ont un grand ufage de leur Art, & celles de la feconde, comme plus avantageufes à ceux qui n’y font pas confommés. 11 dit qu’on peut également les compofer, ou d’une partie d'os calcinés, & de deux parties de cendres bien leflivées, ou fimplement d'os calcinés. L’échelle de comparaifon indiquée par l’Auteur, conffte à établir des matières d’argent fur le pied des différens titres où elles peuvent fe trouver; de prendre pour cet effet de l'argent de coupelle, re- connu pour être très-fin, de l’allier & de le fondre avec du cuivre, dans toutes les proportions qu’on jugera nécellaires, & de réferver cet argent allié pour l’eflai des matières à différens titres auxquels il s’agira de le comparer. S'il eft queftion , par exemple, de connoître le titre d’une matière dont on préfume que l’aliiage eft d’un fixième, on emploie pour échelle de comparaifon. l'argent fin de coupelle allié fur le même pied; cet effai de comparaifon, pefé avec foin, eft placé dans le baffin du mi- lieu des coupelles longues, dont nous avons parlé, ou dans un des baffins des coupeiles circulaires, avec une marque diftinétive, qui in- dique , après l'opération, celui des baflins où l’on a mis l’eflai de comparaïfon : les deux autres baffins, tant des coupeiles longues, que dés coupelles circulaires, font deftinés à recevoir un double effai de la matière dont on veut découvrir le titre ; & par-là, l'échelle de comparaïfon fe trouve, ou entre la double épreuve de la même ma- SEPTEMBRE 1772, Tome 11. Ld 384 “OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tière dans les coupelles de la première efpèce, ou à une égale dif tance de cette double épreuve dans les coupelles de la feconde efpèce, par la pofirion triangulaire que les bafns y ont. Lorfqu’on fait ufage des coupelles longues , les fourneaux d’effais . ordinaires peuvent Être employés; mais il faut qu'ils aient quelque chofe de différent dans la forme, lorfqw’on fe fert des coupellés ron- des, & qu'on veut en tirer tout l'avantage que l’Auteur y attache : fon objet, dans l'emploi de celles ci, eft de faire éprouver fuccef- vement aux effais qu’elles contiennent, le même desré de chaleur s il a imaginé en conféquence un moyen, par lequel il imprime un mouvement circulaire à la coupelle, pendant l’opération de Peffai; un barreau de fer, placé perpendiculairement dans l'intérieur du four- neau , pafle par fon extrémité fupérieure, à travers le plancher de la moufle, & porte à cette même extrémité, une platine de la grandeur de la coupelle; ce barreau, après avoir traverfé le cendrier du fourneau, l'établi même en maçonnerie, fur lequel il eft placé, vient fe rendre dans une petite niche voûtée, telle AM les pratique dans la conf- truétion ordinaire des forges des Orfévres, & entre dans une caiffe placée au milieu de cette niche. Une roue dentée & fituée horifon- talement, eft adaptée au bout inférieur du barreau : une vis fans fin qui s’engrène dans la roue, répond à un autre rouage placé en de- hors de la caïffe ; on donne, à l’aide d’ue manivelle, le mouve- ment à ce rouage extérieur; la vis fans fin agit ; le barreau tourne , &t conféquemment la petite platine fur laquelle la coupelle repofe. S'agit-il de procéder à l’opération des effais, l’intérieur de la moufle a-t-1l le degré de chaleur convenable , & Ja pefée des matières a-r'elle été faite avec foin, on charge les baflins des coupelles de la quan- : tité de plomb que le titre de la matière exige; on y met les eflais lorfque le plomb s’eft éclairci , en obfervant de placer l'échelle de corm- paraifon dans la cafe du milieu des coupelles longues, & dans une de celles de Ja coupelle circulaire, qu'on a défignée pour recevoir cet eflai de comparaifon : on fait en forte, par la conduite du feu, que les eflais circulent avec avidité, 6z finiflent en même tems. Afa d'obtenir cette chaleur égale pour la matière en bain que contient la coupelle circulaire , on fait agir la machine que nous venons de dé- crire ; les trois baflins de cette conpelle paflent fuccelfivement, quand on le veut, par le même deoré de chaleur, & les trois eflais font cenfés, par-là, s'être trouvés dans un point de fufion égal jufqu'à la fin de l'opération. M. Meïidinger obferve cependant qu'on ne peut la regarder comme exafte, qu'autant que les deux effais de la matière dont on cherche le titre, donneront des boutons d’un poids égal ; fans cette égalité, Popération eft défe@ueufe, & il faut la recommencer: fi, an contraire, cette évalité fe rencontre dans les deux boutons, M, en SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 335 M. Meidinger aflure que l'opération eft phyfiquement certaine : il examine combien l'échelle de comparaïfon , dont le titre lui eft connu, a perdu d'argent fin, en fe dépouillant de fon alliage ; il fuppofe une perte parfaitement égale dans les deux effais ; & regardant les trois boutons comme affinés au même point, il en conclut nettement que tout l'effet phyfique qui a eu lieu dans leffai de comparaifon , a été infailliblement le même dans les deux autres effais , dont les boutons font égaux ; 1l prétend encore que fi le bouton de l’effai de comparaifon con- {erve quelque portion légère d’alliage, il doit être confervé aufñli dansles deux autres boutons , & il n’héfite point à répondre de la jufleffe rigou- reufe de cette opération, en yappliquantle grand axiôme des Géomètres, quæ funt eadem uni tertio , funt eadem inter fe. On voit, par ce qui vient d’être expolé , que M. Meidinger attache la certitude de fa méthode, 1°. à la manière avantageufe dont les coupelles font formées à l’aide de la prefle, par préférence à l’ufage de les faire avec le fecours d’un maïller , & à la réunion de trois baf- fins fur la mème ligne dans les coupelles longues, ou à la pofition triangulaire du même nombre de baflins dans les coupelles rondes , lefquels peuvent être expofés an même degré de chaleur, par le moyen de la machine dont nous avons parlé : on voit en fecond lieu que M. Meidinger établit fon échelle de comparaifon comme une règle fixe pour les effais correfpondans & égaux en poids, qu’on pañle à la coupelle en même tems que cet effai de comparaifon , quoique le poids de celui-ci foit, ou plus fort, ou plus foible que celui des deux autres: on remarque enfin , d’après les affertions de l’Auteur, que les cou- pelles d’eflai ( qui retiennent toujours une petite portion du fin des ma- tières ), doivent en abforber une portion parfaitement égale dans les trois baffins qui s’y trouvent pratiqués , lorfque l'opération eft donnée pour certaine par M. Meidinger ; on remarque encore d’après lui, que les matières doivent , ou s’affiner complétement dans les coupelles , ou , quand laffinage n’y eft pas entier, que ces matières doivent con- ferver encore , dans les trois boutons d’eflais, une quantité abfolument égale d’alliage, Avant de rendre compte à l’Académie, des obfervations & des ex- périences que la méthode de M, Meidinger nous a donné lieu de faire, nous croyons devoir lui expofer ce qu'il y a de nouveau dans cette méthode , & ce qui s’y trouve de connu, foit en France, foit dans les Pays étrangers. Jufqwici , lorfqu'il étoit queftion dans l’opération des effais, de com- parer une matière dont on ignoroit le titre, à une autre dont le de- gré de pureté avoit été conftaté à plufeurs reprifes; on fe contentoit d’effayer l’une & l’autre matière dans deux coupelles diftinétes, mais placées l’une à côté de l’autre; ou dans trois coupelles, en obfervant SEPTEMBRE 1772, Tome IL, Cie 386 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de mettre dans celle du milieu , leffai de comparaïfon. Nous croyons que M. Meiïdinger eft le premier qui ait imaginé le moyen de rap- procher encore davantage la matière des trois eflais, en donnant à une feule coupelle trois baflins diftin@s. Il eft le premier aufi, à ce qu'il nous paroiît, qui ait eu l’idée ingénieufe de la machine que nous avons décrite, & dont on a vu plus haut la deftination. Ce qu'il y a véritablement de nouveau dans la méthode de M. Meï- dinger , fe Le à ces deux articles, qui, comme on verra bientôt, ne font pas les plus eflentiels, & n’ont pas tout l'avantage qu'il en fait dépendre. La grande précifion que cet Eflayeur attache à l’ufage de la prefle pour former les coupelles par préférence à l'emploi du maillet , a été d’abord reconnue en France , & y a été réduite en pra- tique , avant que les Eflayeurs étrangers l’euflent remarquée. Ce fut même fur l'utilité qui en réfulta, que par larricle fecond de l’Arrêt du Confeil du $ Décembre 1763, revêtu de Lettres-Patentes, lef- quelles prefcrivirent à tous les Effayeurs des Monnoïes du Royaume, une méthode uniforme de faire les effais d’or & d’argent , :l fut or- donné que les coupelles feroient compofées de pure chaux d'os, & formées fous une preffe deflinée à cet effer. A1 n’eft pas queftion, dans ces Lettres-Patentes, de quelques précautions néceffaires à prendre pour la perfe&ion des coupelles, avant qu’elles foient mifes fous la preffe: M. Meïdinger paroït les ignorer; du moins, dans les uften- files propres à faire des coupelles, fuivant fa méthode qu'il a envoyée à l’Académie, il n'a rien mis qui indique ces précautions : mais nous y avons fuppléé autant qu'il étoit en nous; & par-là, nous avons donné à fes coupelles tout l'avantage qu’elles peuvent recevoir. Un des points fur lefquels M. Meidinger infifte le plus dans fa mé- thode , eft l’effai de comparaifon fait avec une matière alliée dont on fait rigoureufement le titre, parce qu'on s’eft afluré primitivement de la pureté exaéte de cette matière, & de la quantité fixe de cuivre qu'on y a mêlée, Premièrement , il n’y a rien de nouveau dans l’em- ploi d’un eflai de comparaifon. Il y a long-tems qu’en France & dans les Pays étrangers, les Eflayeurs qui ont voulu fe guider dans leurs opérations , ont pris pour règle, l’eflai d’une matière connue, lequel fe faifoit en même tems que celui dont on cherchoit le titre, & on a donné le nom de Guide ou de Témoin à cet effai de comparaïfon. IL eft vrai qu'on n’étoit pas aufli sûr autrefois qu’on left aujourd’hui du titre précis de ce témoin, parce qu'on n’étoit pas parvenu encore à prouver qu'il y avoit de l’argent de coupelle à douze deniers de fin; &.par conféquent, on n’étoit pas abfolument certain du degré jufte d’alliage qu’une matière contenoit : mais le fond de la méthode rétoit connu. Elle eft communément employée en Hollande ; où l’on fait que les Effayeurs mettent beaucoup d’exactitude dans leurs opérations. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 357 2°, Quoique M. Meidinger aflure qu’on ignore encore aujourd'hui dans des Hôtels des Monnoies, comment on connoît l'argent pur de coupelle & douze deniers de fin ; qu'il dife que les Chymifles & les Mérallurgifles trou- vent une très-grande difficulté à répondre à cette queflion, & qu'il fonde en partie la nouveauté de fa méthode, fur une échelle de comparai- fon formée tant avec de l'argent bien reconnu pour être à douze de- niers de fin, qu'avec une quantité de cuivre mêlée graduellement avec cet argent; cependant, il eft certain qu'on connoit en France depuis plus de dix ans la manière de conftater que l’argent de coupelle a été porté au degré de pureté dont nous parlons : les preuves de ce que nous avançons font devenues publiques & multipliées, avant qu’on s’en occupät dans les Pays étrangers; on les trouve confignées dans les Mémoires qui font partie du Recueil de l’Académie pour les années 1762, 1763 & 1769. Ce fut même à la lumière de ce point effen- tiel auquel avoit conduit la connoiffance précife de la petite quantité de fin que les coupelles recèlent toujours, que les Commillaires de l'A- cadémie nommés par le Confeil en 1762, purent déterminer quelle étoit la matière des coupelles qui abforbent le moins d'argent, & qui conféquemment devoit être préférée à toute autre pour l'opération de l'effai ; ainfi, il n’y a rien de nouveau à cet égard dans la méthode de M. Meiïdinger , & il eût fans doute donné un moyen de faire une échelle de comparaifon plus précife que celle qu'il indique , s'il eût été inftruit du procédé fimple qu’on fuit en France, lorfqu’on y veut rapprocher l’eflai d’une matière dont l’alliage eft bien connu, d’un autre effai de matière dont on ignore le titre. M. Meiïdinger ayant envoyé à l’Académie des moules propres à faire des coupelles fuivant fa méthode , nous en avons nous-mêmes formé fous la preffe , en les compofant de pure chaux d'os, & en ajoutant , comme nous l'avons dit, une manipulation qui n’eft parfaitement ap- plicable qu'aux moules ronds, & qui eft établie en France pour don- ner aux coupelles toute l'égalité dont elles font fufceptibles. Lorfque ces coupelles ont été bien fèches, & en état de fervir, nous les avons employées pour les expériences dont nous allons parler. La voie la plus direûle pour prouver l'infaillibilité de fa méthode , fi elle étoit telle qu'il l’annonce , ou les variations plus ou moins fen- fibles qui pouvoient s’y trouver attachées, étoit de faire ufage pour ces expériences, de matières d'argent, dont le titre intrinfèque nous fût parfaitement connu, tant pour l’effai de comparaifon, que pour les deux autres eflais qui devoient y correfpondre. Nous rirâmes ceux-ci en conféquence, d’un morceau d'argent allié qui contenoit fon- cièrement 10%. 22 & + d'argent fin, & qu'un grand nombre d'épreuves antérieures avoit toujours déterminé à ce titre intrinfèque. Nous éta- blimes auffi l'effai de comparaifon , en prenant dans un petit lingot SEPTEMBRE 1772, Tome IL. Ceci) 388 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'argent d’affinege , reconnu auf plufieurs fois pour être à 12°. defin, la partie qui repréfente ce même titre de 10 %, 22% :,& en y ajou- tant la portion de cuivre qui devoit l’affimiler aux deux autres effais d'argent allié dont il vient d’être queftion. Ces trois effais abfolument pareils pour le degré d’alliage, furent paflés dans une coupelle longue & formée d’après le moule de M. Meïdinger: nous employâmes fix parties de plomb pour cette expérience, ainfi que le prefcrit le Rè- glement; & nous obfervämes pour le degré de chaleur toutes les pré- cautions qu'il exigeoit : le premier de ces eflais vint au titre de 10 19 % :; le fecond qui étoit l’effai de comparaifon fe trouva fimple- ment au titre de 10 % 19 &; & le troifième à 10 19 & + On voit par-là que le premier fut cenfé avoir perdu 3 % en argent fin, le fecond 3 S+, & le troifième 2 & +. Cette expérience ne nous ayant pas conduits à la certitude requife, fuivant M. Meidinger, parce que les premier & troifième eflais n’étoient pas parfaitement égaux, nous la réitérâmes : le premier eflai dé la feconde expérience vint à 10 #, 18 & }; le fecond ou l'eflai de comparaïfon à 10. 19 & +, & le troifième à 10 *. 19 &. On voit encore de la variation dans cette fe- conde épreuve comme dans la première. Nous fimes une troifième expérience dans une des coupelles rondes de M. Meiïdinger, où les baffins font placés triangulairement, & une quatrième dans une de fes coupelles longues : les deux boutons d’effais ne s’y étant pas en- core trouvés dans l'égalité de pefanteur que nous cherchions, nous nous déterminâmes à faire la réduétion de la coupelle de la feconde expérience , parce que le premier & le troifième bouton qui en dé- pendoient, ne préfentant qu’une légère différence en pefanteur, c’eft- àdire, la 128°. partie d'un grain, poids de marc , ils pouvoient nous fervir à-peu-près de règle pour connoître fi l’affinage dans cette feconde expérience avoit été complet, quelle différence 1l pouvoit fe trouver dans l’affinage des trois boutons , & quelle quantité de fin cha que baffin de la coupelle avoit abforbée. Quelque difficile qu'il foit de faire la réduétion des coupelles for- mées fuivant la méthode de M. Meidinger , lorfqu'il eft nécefaire de diflinguer la partie de cette coupelle dépendante de chaque bafin, & de conferver à chacun la portion de chaux d’os, chargée de li- tharge, dont on doit retirer le plomb & la particule d'argent fin relatifs à chacun des trois eflais, quelqu'inconvénient qu'il y ait à cet égard, parce que la litharge des trois eflais, qui exigent une aflez grande quantité de plomb, fe confond en partie à la fin de l’opéra- tion , cependant nous avons fait en forte pour la coupelle de la feconde expérience, de conferver à chacun des baflins la litharge qui lui ap- partenoit ; & après la réduétion de cette coupelle fubdivifée ; nous avons trouvé que le baflin du milieu, ou de l’eflai de comparaïfon, avoir SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 339 abforbé 3 & 4 d'argent fin & chacun des autres baflins 4 %. Si on réunit aéluellement ces particules d’argent aux boutons dont elles dé- pendent, on trouvera que le premier eflai eft à 10 4, 22 % !, le fecond ou l’effai de comparaifon , à 104, 23 & =, & le troifième à 10% 23 &; & que conféquemment le bouton du premier de ces eflais contenoit encore un = grain d’alhage, le fecond 1 grain +, & le troi- fième + de grain, puiiqu'il n'avoit été employé pour ces trois eflais que 10 4 228 > d'argent fin. Ainfi, l’eflai de comparaïfon dans cette expérience ayant perdu un peu moins d’argent fin que les deux au- tres effais, & ayant retenu d’un autre côté plus d’alliage qu'eux, on fe feroit trompé au premier réfultat de cette expérience, en con- cluant que le titre de leffai de comparaïfon devoit déterminer celui des deux autres, & le fixer à 10 19 & +, puifqu'on auroit porté par cette conféquence la totalité du fin contenu dans chacun de ces deux eflais à 10 . 23 & +, tandis qu’elle n’étoit intrinféquement & par la reftitution des particules de fin qui leur appartenoient refpeñive- ment , que repréfentative du titre de 10 {. 22 9 =. On objeétera peut-être que ces deux effais n’étoient pas rigoureufement égaux en pefanteur, & que par conféquent les principes de l’Auteur ne pouvoient pas y être appliqués dans toute la précifion qu’il y attache : mais nous répondrons, 1°. que la différence de pefanteur entre ces deux effais étoit légère ; qu’elle n’alloit qu’à £ de grain repréfenté , comme nous l'avons dit, par = de grain , poids de marc, pendant qu'il feroit réfulté contre la vérité du fait une augmentation de À de grain fur ces deux eflais, fi on eût pris pour règle l’eflai de com- paraifon, fans tirer de la rédudion par partie de la coupelle, les lu- mières qu’elle a fournies. Nous répondrons en fecond lieu que deux effais peuvent être égaux en poids & avoir cependant éprouvé une perte inégale de fin ; parce que la partie qu’un des deux boutons a perdue de plus, peut être rem- placée par une partie égale d’alliage , & qu’ainfi l'égalité de deux boutons d’eflais peut bien donner lieu de préfumer qu'il n’y a aucune différence entr'eux , mais ne produit. pas par elle-même la certitude phyfique que ces deux boutons ont été portés au même point d’afi- nage : elle la produit encore moins fans doute quand l’eflai de com- paraïfon ne quadre pas avec les deux autres , quoiqu'égal à eux par la quantité du fin , & de l’alliage qui y eft joint. L’Auteur a bien remarqué que , dans une de fes propres expé- riences qu'il cite, l’effai de comparaifon a retenu =: grain d’alliage; mais il n’héfite pas d’aflurer, fans en avoir la preuve dircéte , que les deux autres effais correfpondants ont d£ retenir cette même quantité d'alliage ; & cette aflertion de fa part vient toujours de l’opinion où il eft que l’eflai de comparaïfon eft toujours une règle fixe , quand SEPTEMBRE 1772, Tome IL. 399 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, les deux eflais correfpondants font égaux en poids , quoiqu'il diffère lui-même de ces deux effais pareils entr’eux. On fent cependant, d’a- près ce qui vient d’être expofé, que le fentiment de l’Auteur n’eft point fondé comme il le prétend , fur une certitude phyfique , & que cette certitude fi defirable pour l’opération des effais ne pourra être acquife , comme il a été dit dans un Mémoire qui fait partie du Recueil de l’Académie pour l’année 1769 , que par un affinagè complet des boutons d’effais , & la reftitution du fin que ces boutons perdent toujours. M. Meïdinger , en s’occupant du moyen de perfeétionner l’opération des eflais , a tourné principalement fon application vers une des caufes des variations qu’on éprouve dans ce travail, & il l’a remarquée dans la quantité plus ou moins grande de fin que les coupelles abforbent : il n’a pas fait attention qu'il y en a une feconde caufe , encore plus commune que la première, qui eft l'inégalité d’affinage ; & qu’en ce cas, il feroit dangereux quelquefois de conclure que de deux matières d'argent qu’on eflaie en même tems , l’une eft un peu plus haute en titre que l’autre , parce que l’un des deux boutons a quelque chofe de plus que l’autre en pefanteur , & par la raifon encore que les cou- pelles , dans lefquelles ils ont été pañlés , ont rendu la même quan- tité de fin: ce bouton d’effai , plus pefant en effet, peut avoir re- tenu quelque portion d’alliage ; & ce ne fera qu’en le paffant à la cou- pelle une feconde fois , en faifant la réduétion de cette même cou- pelle , qu'on fe rendra certain phyfiquement du degré précis d’affinage où il éroit d’abord parvenu. En faifant des expériences avec les coupelles formées fuivant la méthode de M. Meïdinger , nous en avons fait en même tems avec celles du Bureau des Orfévres de Paris , & telles que le réglement les a prefcrites. Deux effais de la matière des écus de France paflés dans ces dernières coupelles , qui étoient placées dans la moufle l’une à côté de l’autre , ont donné le titre égal de 10 *. 22 gr. & dei. Deux autres eflais paflés dans une autre circonftance & dans des cou- pelles pareilles , n’ont varié entreux que d’un quart de grain. Une troifième & une quatrième expérience dans ces mêmes coupelles , ont donné tantôt une égalité complette , & tantôt une petite différence dans le titre. Non contens d'avoir effayé des matières au titre des écus de France dans les coupelles faites fuivant la méthode de M. Meiïdinger , nous y avons cherché le titre des efpèces connues en Allemagne fous le nom d'Ecus de convention | en employant un effai de comparaifon relatif au titre de ces efpèces : elles ont fait la matière des expériences de M. Meiïdinger; & par-là, elles ne font devenues que plus propres à la vé- rification des expériences qui fe trouvent citées dans fon Mémoire. Ces SUR L'HIST. NATURELLE ET-LES-ARTS. 391 efpèces font regardées en Allemagne , comme roulant conftamment fur le titre de 13 loths 6 grains , lequel répond à 10 “. jufte du poids de femelle de France. Nous avons employé pour leffai d’une de ces efpèces une coupelle longue , qui avoit été frappée avec les plus grandes précautions dans le moule de M. Meïdinger ; nous avons mis dans le baflin du milieu une échelle de comparaifon , contenant intrin- féquement 10 %. d'argent fin , & 2 *. d’alliage : les deux autres baffins ont reçu chacun un eflai de cet écu de convention , & il a été employé pour cette expérience huit parties de plomb , conformément à ce qui eft prefcrit par le réglement pour les matières au titre de 10 “. Le premier de ces eflais eft réellement venu au titre de 10 ;,; l’eflai de comparaïfon à celui de 9 * 22 % =, le troifième à 10 *, 1 & <. D’a- près les principes de l’Auteur on ne doit pas compter fur la juftefle de cette expérience , quoique le premier de ces effais ait donné ri- goureufement le titre déterminé ; parce que le troifième eflai qui au- roit dû lui être égal , s’eft trouvé plus fort que.lui d’un grain & demi. Mais nous en tirerons cette induétion certaine ; c’eft que les coupelles formées fuivant la méthode de M. Meïdinger , ne préfentent pas plus d'égalité dans les produits que d’autres coupelles frappées auffi à la prefle , où il n’y a qu'un feul baflin , & qu'on place les unes à côté des autres pour y faire pañler des effais correfpondants: les expériences mêmes que nous avons rapportées tendroient à prouver que celles du Bureau des Orfévres de Paris donnent lieu à un peu moins d’inégalité dans les rapports, parce qu'il y a dans la manière de les faire une égalité de compreflion déterminée par le moule même , & réglée par la quantité de matière toujours égale , dont chaque coupelle eft com- pofée. Les moules que M. Meidinger a envoyés , ont à la vérité toute la précifion qu’on peut attendre ; mais il ignore , felon toute appa- rence , le moyen de ne laïfler dans ces moules pour chaque coupelle, que la quantité de matière fixe qu’elle exige après la première com- preflion qu’on a fait éprouver à cette matière , à l’aide des deux pouces fimplement , & avant de placer les moules fous la preffle où la matière éprouve toute la compreflion que les moules lui permettent de recevoir, & où cette forte compreffion eft toujours la même pour chacune des coupelles qu’on y frappe. Ce moyen fimple eft établi en France, & contribue à donner promptement aux coupelles toute l'égalité que l’art a-pu leur procurer jufqu’ici. | Lorfque nous avons dit quela variation dans les effais n’avoit pas feulement pour caufe la quantité plus ou moins confidérable de fin que les coupelles abforbent toujours , mais encore l’affinage plus ou moins complet où font portés les boutons d’eflais , quand il eft quef- tion de matières alliées ; nous en avions la preuve direéte dans l’examen SEPTEMBRE 1772, Tome 11, 392 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de’ l’effai de ces matières alliées , & la preuve indirete dans l'égalité plus conftante du titre qui réfulte des épreuves fur l'argent fin. On remarque en effet que deux ou trois effais d’une matière dépouillée de tout alliage , paflée en même tems à la coupelle & avec telle dofe de plomb qu'on voudra , mais égale pour chacun d’eux , donneront affez ordinairement le même titre , parce qu'il n'y a dans cette cir- conftance qu'une feule caufe dé variation , qui eft la partie du fin abforbée par la coupelle , & que cette caufe produit moins par elle- même d’inégalité dans le poids des boutons d’eflais que celle qui eft in- hérente à Yôpération fur des matières alliées. À l'appui de ce raifonnement nous citerons les expériences que nous avons faites fur de l'argent fin , tant en y employant une ‘cou- pelle à trois baffins , frappée fuivant la méthode de M. Meidinger ; qu’en faifant ufage de celles du Bureau des Orfévres de Paris, Les effais paflés dans la coupelle à trois baflins , avec quatre parties de plomb, fe font trouvés au titre de 11 , 22 & +, à une légère différence près dans un de ces eflais : 8 ceux qui ‘ont été paflés dans trois cou- pelles féparées du Bureau des Orfévres, avec dix parties de plomb, quantité exceflive & très-préjudiciable pour l'épreuve de l'argent fin ; LI ont donné le titre égal de 11° .:20 & =. On voit par ces expériences qu'avec des dofes de plomb très-diffé- rentes , & en employant des coupelles qui le font auf à quelques égards , il réfulte cependant une égalité de titre , relative à chacune de ces expériences , 8 que cette égalité , non conftante à la vérité, mais aflez ordinaire , tient à ce qu'il n’y a dans cette circonftance-ci qu'une feule caufe de variation , qui eft limbibition plus ou moins confidérable du fin qui fe fait dans les coupelles. L’articie fur lequel nous infiftons ici entraineroit après lui beaucoup de réflexions , dont quelques-unes font relatives à l’adminiftration des Monnoies confidérée fous un-point de vue politique , & à l'intérêt qu'ont toutes les Narions de marcher fur la même ligne , pour la manière de conftater le titre des efpèces courantes ; mais une partie de ces réflexions ayant été développées dans un Mémoire fur cette matière , qui eftinféré dans Le Recueil de l'Académie pour l’année 1769 , il feroit fuperflu de les rappeller ici. Nous fentons même que limportance du fujet que nous venons de traiter nous a conduits au-delà des bornes d’un fimple extrait, &c nous finiflons par quelques remarques qui formeront la conclufion de ce rapport. M. Meidinger prétend que fa méthode eft nouvelle & infaillible , &c il la fontient comiñe telle , quoiqu'il ait éprouvé à cet égard des contradi@ions en Allemagne , & qu'on y ait douté , fur le myftère u’il en faifoit , de la certitude phyfique qu'il y attache. Nous avons déja obfervé 1°. que dans cette méthode le moyen de ménager SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39 3 ménager dans une feule & même coupelle trois baflins deflinés à y recevoir trois eflais correfpondants , foit qu’on range ces bafins fur la même ligne , foit qu'on les place triangulairement , nous a paru nouveau : nous avons remarqué encore que la manière ingénieufe dont M. Meidinger expofe à une chaleur égale autant qu'il eft pofible, les coupelles de cette dernière efpèce , en les faifant tourner à volonté dans l'intérieur de la moufle , eft encore un moyen qui navoit point été employé jufqu'ici : mais ni les coupelles longues que nous avons frappées avec le moule de cet Effayeur , ni les coupelles rondes n'ont donné légalité dans lé titre des eflais : il eft vrai que pour ces der- nières nous n'avons pas employé le moyen par lequel il les fait tourner dans la moufle ; mais de fon aveu même , elles donnent lieu comme les autres , à des variations dans le titre , & iLa$ertit que quand les deux effais qu'on y pañle , ainfñi que dans les coupelles longues , avec l'échelle de comparaifon , ne font pas d’un poids égal , 1l faut recom- mencer l'opération. Il eft facile de juger par-là qu’on ne fauroit compter phyfiquement fur la juftefle d’une expérience , par la raifon feule que , de trois effais , deux font égaux en poids , & doivent être déter- minés à un titre un peu plus haut ou un peu plus bas que celui qu'ils annoncent eux-mêmes , en les comparant à un troifième ( qui eft l’é- chelle de comparaifon ) , & en regardant cette échelle comme une règle immuable , pendant qu'il eft certain qu’elle peut varier elle-même par l’affinage plus ou moins complet où elle peut être portée : ce feroit , en un mot, fuppofer contre l'expérience , que dans l’opération ordi- naire des effais , l’imbibition du fin dans les coupelles eft toujours la même à l'égard des trois eflais correfpondans , parce qu’elle eft égale” dans deux d’entr'eux ; ce feroit encore fuppofer contre des faits conftans que l’affinage des boutons , ou eft toujours parfait, ou s'il ne l’eft pas toujours , & dans le cas de légalité du poids des boutons , qu’une portion d’alliage ne remplace jamais dans lun de ces boutons la portion de fn qu'il peut avoir perdue de plus que l’autre. Nous avons obfervé en fecond lieu , d’après les expériences fur l’ar- gent fin dont nous avons donné le détail ; que trois coupelles du Bureau des Orfévres de Paris , mifes à côté l’une de l’autre, & fur la même ligne , ont produit un effet aufñi avantageux , pour l'égalité du titre , qu'une feule coupelle longue de M. Meidinger où il y a trois baflins , fans qu'il ait été néceflaire de changer l’ordre que ces coupelles avoient dans la moufle , & de les mettre alternativement dans la même poñition. Nous tirerons de ce fait une conféquence naturelle ; c’eft qu’on n’au- toit pas befoin d'employer des coupelles à trois baflins pour la per- fe&tion des effais , fi elle ne tenoit qu’à ce feul point ; puifque celles qui n’en portent qu'un , & qui font formées à Paris avec les pré- SEPTEMBRE 1772, Tome IL. 304 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cautions qu’exige le réglement , ont la même utilité , étant rappro: chées l’une de l’autre , que les coupelles à trois baflins , & ont au- deflus de celles-ci un avantage qui eft de contenir féparément la lie tharge dépendante de chaque efflai , & de donner lieu par-là à des réduétions de coupelles bien diftinétes , lorfqu’on veut examiner la quantité précife de fin , que chacune d'elles a abforbée, M. Meidinger , en annonçant fa méthode comme invariable & comme propre à établir dans le commerce des matières d’or & d’ar- gent une sûreté phyfique , d’où naïîtroit une confiance entière de la part de toutes les Nations , n’héfite point à dire » qu’il règne des » plaintes & des différends entre ces mêmes Nations au fujet du titre des » matières, & que les difcuffions qui en naïffent , tournent toujours au » détriment du Public «. Il feroit à defirer fans doute que l'opération ordinaire des efais füt abfolument certaine : mais comme elle eft à-peu-près la même par- tout , il s’y fait une forte de compenfation, de manière qu’un Par- ticulier qui eft léfé dans üne circonftance , peut être favorifé dans une autre ; & , en général , le Change fondé fur la valeur intrinfèque , déterminée par la méthode ordinaire de faire les effais, eft la bafe de toutes les opérations de commerce , que les Négocians de tous les Etats font entr’eux. On fe tromperoit d’ailleurs , fi l’on regardoit les incertitudes attachées à l'Art a@tuel d’effayer , comme affez confidérables pour troubler la circulation des matières d’or & d’argent. Nous nous contenterons de rapporter ici à ce fujet deux exemples très-en grand , & capables feuls de prouver que l'Art aëtuel d’effayer , s’il n’eft pas en Efpagne , en Portugal & en France , au dernier degré de per- fe&ion , il eft tel au moins dans ces trois Royaumes , que les Ef- fayeurs y marchent à-peu-près fur une même ligne , fans aucun con- cert entr’eux , & fixent un titre dans les efpèces que toutes les Nations reconnoiflent. Les monnoies d’or de Portugal font fabriquées au titre de 22 k, avec un remède de loi , qui eft toujours en dehors ; c’eft-à-dire , qu’elles font au moins au titre dont nous parlons. En France , depuis quelques années , on a converti en louis d’or, une quantité immenfe de ces efpèces : le titre de ces louis eft auñli fixé par la loi à 22k; mais avec un remède de loi en dedans de + ; de manière qu'ils ne 2 font réellement qu’au titre de 21 k =. Pour faire defcendre les efpèces de Portugal à ce dernier titre, on les allie fur le pied qu’il exige ; & les fontes qui en réfultent , quelque multipliées qu’elles foient , vien- nent conffamment au titre de 21 k 5. Un rapport auffi marqué & qui varie rarement , entre des opérations où les limites font précifes, fufiit au moins pour la facilité du commerce , quand même il y auroit dans l'Art d’eflayer , quelques variations dont le plus habile Eflayeur SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 395$ ne fauroit fe mettre totalement à l’ebri. Le raifonnement qui vient d’être fait au fujet des efpèces d’or de Portugal , a lieu , à l'égard des piaftres que l’Efpagne fournit. Ces efpèces font au titre de 11 *. de fin, au remède de loi en dedans de 3 gr. ; & ce remède fe trouve pris pref- que toujours fur les piaftres. La quantité de ces efpèces qu’on a con verties en écus de France , depuis dix ou douze ans , dans quelques Monnoies du Royaume , & qu’on y fond encore tous les jours , eft Ppigieu , & va à des millions de marcs : cependant , le titre fixé dans les endroits où l’on fabrique ces piaftres , fe retrouve à Paris , à Lyon , à Bayonne ; il roule fur 10 “. 21 & de fin, qui eft le titre de nos écus , tout remède pris ; ainfi l'opération de l’Effayeur de la Monnoie de Cadix , ou de celui qui en fait les fonétions au Mexique, vérifiée par les différens Eflayeurs de l’Europe , produit une aflez grande tranquillité dans le commerce , pour que la quantité immenfe d’argent que l'Efpagne répand dans toutes les parties du monde y ait , quant à fa valeur intrinfèque , une circulation qui m'eft jamais arrêtée. Une partie des principes fur lefquels M. Meiïdinger s'appuie pour effayer l'argent , lui fert pour conftater le titre de l’or : il y emploie une échelle de comparaïfon , relative au titre de l’or qu'il veut con- noître : dans le même matras où il fait le départ de cet or mêlé avec la portion d’argent convenable , il met l’eflai de comparaïfon avec une marque diftinéhive : lorfque l'opération ef finie , comme il con- noît le titre précis de fon échelle de comparaifon , il juge , s'ille re- trouve , que le titre de l’or qu’il cherchoit à découvrir eft vérita- blement celui que cet effai particulier lui donne , puifque la même eau-forte , le même degré de chaleur de cette liqueur , & toutes les circonftances de l'opération , qui ont eu lieu à l'égard de l'effai de comparaifon , & en ont annoncé le titre précis , ont dù produire un effet pareil fur l'eflai de l’or dont le titre étoit ignoré. L'eflai de l'or, par comparaifon & à un titre bien déterminé , eft connu en France , & on y a recours , fur-tout quand on veut juger de la qualité d’un efprit de nitre dont on ne s’eft pas encore fervi ; mais on n’y fait point ufage dans les travaux courans , de la méthode de M. Meidinger , qui mériteroit d’être adoptée , fur-tout dans cer- taines circonftances importantes , fi elle n’exigeoit pas beaucoup d’at- tention , & fi elle n’entraînoit pas avec elle quelques inconvéniens, On fait en effet que les cornets d’or , immédiatement après le départ , & lorfqu’on a décanté l’eau-forte , reftent collés au fond du matras ; qu'ils y font friables , mollafles ; qu'ils s’y développent quelquefois , & peuvent y être facilement brifés par le choc même de l’eau qu'on y verferoit trop brufquement pour les laver : or , deux cornets en ect état , au fond du même matras , peuvent fe coller l’un à l’autre ; SEPTEMBRE 1772, Tome II, Dddij 396 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, il peut s’en détacher quelques partiesléoères , qu'il fera difhcils de dif= tinguer comme appartenant à l’un ou à l’autre ; & fi ces cornets font adhérens , on aura beaucoup de peine , après le recuit , de les fé parer nettement. L’ufage en France , dans les épreuves où l’on emploie: l’effai de comparaifon , eft de mettre chaque effai d’or dans un mairas féparé en fe fervant de la même eau-forte , & en leur faifant fabir le, départ , l’un à côté de l’autre , fur un feu modéré , ou fur un bain de: fable , où il y a encore plus d'égalité pour la chaleur: Quoiqu’on ait vu par les détails dans lefquels nous venons d'entrer , que les points principaux fur lefquels porte la méthode de M. Mei- . dinger étoient déja connus , & qu’on ait dù juger ; d’après nos obfer- vations fondées fur l’expérience , que cette méthode ne conduit pas à une certitude phyfique dans le travail des elfais ; cependant , nous croyons qu’on peut la regarder comme propre à guider des Eflayeurs qui ne feroient pas confommés dans leur Art , & à leur indiquer des précautions qui les empêcheront de tomber dans des écarts importars pour leurs opérations. Le zèle de l’Auteur nous paroît d’ailleurs mé— | riter les éloges de l'Académie : il y a même lieu de préfunrer, par Papplication qu'il donne à la partie délicate des effais, & par la faga- | cité peu ordinaire avec laquelle il la fit ;. que des encouragemens de: la part de la Compagnie , produiront le double avantage d’animer les: talens d’un Etranger qui foumet cet Ouvrage à fon jugement , & de: contribuer à la perfeétion d’un travail qui eft la bafe du Commerce: OBSERVATIONS faites à la grande Chartreufe , près. de Grenoble: en Dauphiné , par M. M, de l'Academie Royale des Sciences | er 1768. ù Fe été à la grande Chartreufe en $ heures de marche à cheval, partant de Voiron ; il faut à-peu-près le même tems pour y aller de. f Grenoble par le chemin qu'on nomme le Sapé. Le chemin depuis. l'entrée des montagnes , un peu au-deflus de Saint-Laurent du Pont , Jufqu’à la grande Chartreufe , dans la longueur de près de trois lieues. de Dauphiné , eft beau , bien entretenu par les Religieux ; il eft pref- qe par-tout coupé dans les rochers , qui forment en beaucoup d’en-- roits une demi-voûte au-deflus du chemin, trop baffle pour que les: voitures puiflent y pañler. Les ponts de pierres de taille, Les murs: de foutenement , les aqueducs , & autres ouvrages faits pour con ferver ces chemins ,. m'ont autant furpris que la fingularité du Pays. Cette belle route eft le réfultat de cinq ou fix cens ans de travail & | d’indufirie. Je n'ai pu favoir combien elle çoûtoit d'entretien annuel 1", . SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 397 parce que les réparations font faites par les Domeftiques des Char+ treux. Îl paroît que ce qui concérne l’adminiftration de cette maifon- eft conduit avec la plus grande économie. Ee chemin fuit les bords & les détours d’un torrent , qu’on nomme le Guier , qui prend fa fource près de la grande, Chartreufe , & va pañlér au pont de Bon-Voifin, Cette rivière très-difhcile à contemr., eft ruineufe en ‘réparations ; elle a emporté cette année toutes les éclufes Les montages qui la bôrdent des deux côtés , font très-hautes , très-efcarpées, &/forment une gorge fort étroite ; en plifieurs endroits , le paflage fe trouve tel- lement férré entre des murs à pic , & des précipices cffrayans par leur profondeur , ne feule Compagnie pourroit y ‘arrêter une Armée; cependant, le Pays paroît beaucoup moins fauvage que plu- fieurs autres parties du Dauphiné, tels que les bords'de la Romanche, & le refte de la petite route de Grenocbleà Briançon! ® là ; toutes les montagnes font en ruine , & tout eft hériffé de leurs horriblés débris. * Celles de la grande Chartreufe font couvertes derbois de toute part ; les chênes , les fayards , les fapins , font les feules efpèces qw'on y rencontre , entremêlées d’une grande quantité de bois blancs. Ces bois , que les Religieux entretiennent. & ménagent avec beaucoup de {oins, fervent à Confervér leurs montagnes, en empêchant la chite des terres: &z des rochers. On pourroit conferver de même une. grande :partie du haut Dau- phiné , où on ne voit que des ruines & des débris immenfes , par- tout où les bois ont manqué. Les nombreux troupeaux de chèvres que l’on nourrit en Dauphiné ; contribuent beaucoup à fa rnine des bois , qui eft bientôt fuivie de celle des montagnes: Onne rencontre point de chèvres dans les vafles Domaines dé la Chartreufe, & les bois y font dans le meilleur état. Un autre moyen que les Chartreux emploient pour conferver la terre produétive fur les penchans rapides de leurs montagnes , confifte à partager les eaux fur les hauteurs , à! leur ménager différens écoulemens par des rigoles creufées dans des bancs dé pierres dures , avant qu’elles aïent acquis affez de volume pour ne pouvoir plus être gouvernées. [ls empêchent par cet artifice la formation des ravines profondes ; & lefléchauffement des rochers. Là terre féconde , & les jeunes arbres qui n’ont point encore aflez: d’attaches , ne font point entraînés au fond des précipices par les pluies d'orages , ni par les fontes des neiges. Les eaux qui fe précipitent en cafcades fur des bancs de rochers , n’y font que des dégradations peu fenfbles , & routes les terres font en sûreté. Ces obfervations , que je crois importantes , ponrroient être utiles dans! beaucoup d’endroits du Dauphiné , qui deviendront dans la fuite tout-à-fair déferts, fi l’on n’y met ordre. Après avoir pañlé cinq à fix .mois enfevelis fous la neige dans leurs cabanes , les habitans de ces SEPTEMBRE 1772, Tome IL. 398 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pays fauvages font fouvent expofés à voir leurs cultures couvertes d'un déluge de pierres, que les eaux entraînent du haut des monta- gness, & ces pierres en éclats , font quelquefois accompagnées où juivies par des maffes énormes de rochers : non-feulement quelques habitations , mais des villages entiers font abandonnés , lorfque ces ac- cidens arrivent. Il n’auroit pas été difficile de les prévenir, mais alors, il eft impoñlble d’y remédier. | Tout le pays qu’on nomme montagnes de Chartreufe , depuis Saint- Laurent du Pont, jufqu’à leur fommet , qui en font éloignés de quatre ligues , ne préfente de tous côtés que des mafles énormes de pierres calcaires , coupées en quelques endroits par dessbancs de fchiftes. Il en eft de même du revers de ces montagnes , qi borde le vallon de Lifère ; on n’y trouve que des pierres calcaires , & les fchiftes qu'on y rencontre , font effervefcence avec les acides. Les montagnes que l’on traverfe entre Saint-Etienne & Saint-Laurent du Pont , en allant de Voiron à la grande Chartreufe , ne préfentent de même que des rochers calcaires , d’une grande hauteur : ces rochers font par-tout divifés en différentes couches fouvent horifontales | maïs auf fouvent inclinées fur toute forte de direétions , comme des dépôts qui fe fe- roient formés fur des montagnes ; en fuivant de tous côtés leur in clinaifon. Mines de fer de la grande Chartreufe, Dans l'étendue des poñeffions de la Chartreufe qui font très-vaftes ; les Religieux font exploiter trois mines de fer , deux à la montagne de Janieux , dont une eft une forte de maillat; l'autre eft une terre jaunätre affez pefante, de couleur d’ochre ; la troifième eft à la montagne de Bouvines. Ces trois filons , dont la ganguë ne fait point d’effervefcence avec l’efprit de nitre , font épontés par des banes de pierres calcaires 3 la gueufe qu'on en tire, donne un fer très-doux, mais il n’eft point propre à faire de l’acier; on n’y emploie pour fondant que ke tuf , fans aucun mêlange d'argile ; on fond la mine avec le charbon de bois dur, c'eft-à-dire, de chêne ou de fayard : mais pour forger le fer , on-n’em- ploie que le charbon de boïs tendre. On appelle ainfi le charbon de fapin qui convient mieux à la forge , en ce qu'il eft gras & réfineux.: On obferve que les charbons des bois qui croiffent fur des rochers calcaires, font beaucoup plus propres ätraiter le fer , que ceux des bois qui pouffent entre les granits & autres pierres vitrifiables. Quoi qu’il en foit, les fers de la grande Chartreufe font d’une excel- lente qualité, & il n’en fort pas de meilleurs des autres Forges du Royaume. Le Frère Chartreux qui gouverne les fourneaux , m’a dit. avoir obfervé que la qualité du charbon influoit beaucoup fur celle du fer; que le charbon des jeunes arbres n’eft point propre à donne ANR ’ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 399 uñe bonne fonte, & que le charbon n’a les qualités requifes, que lorf- que des arbres ont plus de vingt-cinq ans. Cette obfervation peut être importante, & mériteroit qu’on fit une fuite d’expériences pour conf- tater les différens effets des charbons fur les mines. Cette recherche tendroït à améliorer les Forges du Royaume, qui prefque par-tout font conduites au hazard, & fort négligées, faute de connoïfances, tant fur la nature des mines & de leur ganguë , que fur la nature des fondans qui leur conviennent, & fur le choix des charbons qu'il faut employer pour les fondre & pour les foracr. Il me refte peu de chofe à dire fur le Couvent de la grande Char- treufe ; il n’a rien de plus remarquable que fa poñition dans un défert autrefois prefque inacceffible, & encore aujourd’hui fort éloigné de toute habitation. La Maifon eft fituée dans un vallon fauvage, dominé par des montagnes & des rochers efcarpés du côté du midi; l’aflemblage des | bâtimens fimples, mais fymmétrifés , bien entretenus & couverts d’ar- doiïfe, forment enfemble une petite ville; elle ofre un coup-d’œil, & même une furprife agréable aux débouchés des gorges qui y condui- fent, Cette maifon a été fept fois brûlée par des accidens différens , & fept fois rebâtie aux dépens des autres Maifons du même Ordre; elle a été rebâtie pour la dernière fois fous le Généralat de Dom Maflon, Religieux d’un génie vafte. L’Habitation des Chartreux étoit autrefois établie dans un lieu plus élevé, à plus d’une demi-heure de marche de fon emplacement a@uel; mais elle étoit alors enfevelie fous les neiges pendant plus de huit mois, dans un lieu qu’on nomme Saint-Bruno , peu éloigné des cîmes des montagnes; elle eft à préfent dans un climat un peu plus doux, fur un terrain moins efcarpé, & plus agréable à tous égards. Une des raifons principales qui détermina ces Solitaires à Changer le lieu de leur Habitation , fut la chûte continuelle des rochers. Ces mafles énormes ont plufieurs fois renverlé leurs Cellules, & plufieurs Religieux en ont été écrafés. J'ai été reçu à la grande Chartreufe par D. Biclet, Général de l'Or- dre , né dans une famille commerçante de Lyon ; par D. Falconnet , Procureur de la Maifon, & par D. Saverot, fon Coadjuteur. Le Baron de Toll eft Profès dans cette Maïfon. La fimplicité, la propreté, l'air d’aifance, la tranquillité, le bon ordre , l'économie, y font remarqua- bles plus qu’en aucun lieu du monde. Cette Maifon n’entretient que quarante Profès, & deux cents Frères , mais de plus, un très-grand nom- bre de Domeftiques, d’Artifäns, d'Ouvriers, répandus au-dehors du Couvent, dans des cabanes, & même des Hameaux qui en dépendent; lé tout compofe près de mille cinq cents hommes qu’elle entretient , & qui vivent à fon fervice. On cuit à la grande Chartreufe , deux mille neuf cents livres de pain par jour. Il faut tirer du dehors, & prendre au loin tous les approvifionnemens néceflaires; ils y font tranfportés à SEPTEMBRE 1772, Tome IL, 4C0 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dos de mulet, ou dans des paniers, par des Domeftiques. Les magafns où l’on conferve les principales denrées comeftibles, ls celliers, les fours, les mapafñns à bled & à farine, font des objets dignes de curiofité. Tout y eft difpofé avec la plus grande intelligence & la plus grande commodité pour le fervice , ainfñi que tout ce qui concerne le détail économique de cette Maifon. La fingularité du lieu & fa célébrité attirent tous les ans, pendant fept à huit mois, un concours d’Etrangers de tontes Nations &c de tous Etats. On compte qu'il y pañle chaque année plus de dix mille perfonnes; c’eft une grande charge pour cette Maifon, mais toutes les autres Chartreufes, au nombre de cent foixante-dix , fourniffent aux befoins de celle-ci lorfqu’elle manque de fonds. On y tient tous les ans, au mois de Mai, le Chapitre général, compofé des Prieurs des différentes Maifons ; c'eft le Chapitre qui gouverne lOr- dre. Il confie, en fe féparant, toute fon autorité au Général , qu'il peut dépofer l’année fuivante, en lui accordant ce qu’on appelie la Mr/féri- corde des Chartreux ; mais il eft rare que cet Ordre change de Général. C’eft prefque le feul des Ordres Religieux qui ne fe foit point écarté de fa première Inftitution, & qui obferve exatement la Règle établie par fon Fondateur, Hauteur de la grande Chartreufe. Suivant les obfervations qui m'ont été communiquées par D. Fal- connet, faites fur un baromètre , dont l'échelle a été divifée par M. Le: monnier , la plus petite hauteur du mercure eft de vingt-quatre pouces trois lignes ; la plus grande de vingt-cinq pouces fept lignes. Aïnfi la hauteur moyenne eft de vingt-quatre pouces onze lignes, qui répon- dent à cinq cents deux toifes deux tiers d'élévation au-deflus du niveau de la mer. Le 7 O&tobre, à fix heures & demie du-foir, le même baro- mètre étoit à vingt-cinq pouces, & depuis cinq heures du matin, il étoit remonté à deux lignes, Jai vu avec plaifir à la grande Chartreufe, un moulin à bled, dont le principal mobile eft une roue horifontale , garnie de palettes en écuelles ; frappées par un courant d’eau, dont le:volume d’eau eft très-bien mé- ‘ nagé, & qui fert enfuite à mouvoir un fecond moulin pareil, & établs au-deffous de celui-ci. D. Saverot qui lavoit fait conftruire, m'en a donné les dimenfions comme il fuit. La roue horifontale, garnie de vingtideux palettes inclinées, a cinq pieds & demi de diamètre, y compris la longueur des palettes , qui ont un pied de faillie & autant de largeur. Cette roue eft; frappée par un courant d’eau qui tombe d’un réfervoir fupérieur, mais qui eft con- tenu dans fa chûte par un canal de bois, d’où l’eau ne peut fortir que par un ajutage cônique, ce qui accélère le mouvement du fluide, qui frappe avec violençe, & par un jet rapide, les palettes de la roue. L'orifice SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 401 -L'orifice fupérieur du tuyau de conduit a fix pieds de diamètre ; l’ori- fice inférieur, par où l’eau débouche , n’a de diamètre que trois pouces & demi; la chûte eft de vingt-deux pieds; le tuyau de conduit a qua- rante pieds de longueur ; la meule, dont le diamètre eft de fix pieds, fait quatre-vingts tours par minute, EXPÉRIENCES € Obférvations Chymiques fur Le Diamant, par M. CADET, ancien Apothicaire Major des Armees du Roi, & de l'Académie Royale des Sciences, E&c. N Ous publions avec empreflement les expériences de M. Cadet. Elles font corps avec celles qui ont été faites jufqu'à ce jour, & ce Recueil renferme tout ce qui a été écrit fur cette fubftance fingulière. Voyez dans le Volume I”. de ces Introduétions page 480, les expé- riences de MM. Darcet & Rouelle; dans ce IL‘. Volume page 108, les expériences de MM. Macquer, Cadet, & Lavoifer; celles de M. Mi- touard idem page 1123 les dernières de M. Mitouard idem page 197. On a répété ces expériences, & on en fait de nouvelles à Londres; nous les ferons connoître dès que nous en aurons reçu les détails. Les expériences que nous avons foumifes au jugement de l’Académie, avoient pour objet de nous aflurer fi le diamant eft une fubftance vrai- ment volatile, telle que le phofphore , l’arfenic, & autres matières de cette nature, ou fi au contraire, elle eft fixe & capable de réfifter au feu le plus violent fans s’altérer. Les expériences qui ont été faites par les ordres de l'Empereur François Premier, fur une quantité de diamans du prix de fix mille florins, & qu'il fit répéter enfuite fur plus de vingt pierres précieufes, ne fembloient laiffer aucun doute fur la deftruétion entière du diamant. > Unfait auffi extraordinaire, dit M. Darcet, m'a infpiréle defir de répéter cette expérience, fans fufpeéter la bonne-foi ou l'intelligence des Artif- tes que ce Prince avoit employés. J'ai cru cependant, ajoute M. Darcet, qu'il feroit à propos de foumettre le diamant au feu de porcelaine, afin de favoir une bonne fois à quoi s’en tenir & de fixer les lumières de la Phyfique fur cet objet. Je compte , dit M. Darcet, l'avoir fait de manière à ne plus laïffer de doute ». , Ce Chymifte mit en.expérience deux fragmens de diamans, pefant enfemble trois feizièmes de karat. L'un fut placé dans un creufet de porcelaine -exaétement fermé, & l’autre dans un femblable creufet qui avoit plulieurs ouvertures pour donner un libre paflage à l'air. Ces deux fragmens de diamans ont entièrement difparu dans cette expérience, fans laifler après eux aucun veftige, SEPTEMBRE 1772, Tome II, Ece 402 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, M. Darcet finit par conclure que d’après les foins qu'il a portés dans cette opération, 1lne peut plus douter du fuccès de la volatilifation , & qu'il ne lui refte que de l'étonnement. Il demande quelle eft la nature du diamant ? quel eft le principe de fa tranfparence ? & s'il eft le même que celui de fa volaulité ? Il ajoute que cette pierre précieufe a réfifté jufqu’ici à toutes les menftrues , & qu’elle a échappé au feu par fa volatilité, tandis que l'or brave les moyens humains par fon inaltérable fixité, D’après cet expofé, ce favant Chy- mifte, quoiqu’étonné de ce phénomène , croyoit dans ce moment ne plus devoir douter de la volatilifation entière du diamant. L’Académie nomma MM. d’Aubenton & Tillet pour examiner le Mé- moire de M. Darcet. Ces deux Académiciens prononcèrent un juge- ment bien fage & digne d’être rappellé dans la circonftance préfente. Je prie l’Académie d’y apporter de nouveau fon attention. Voici leurs termes. « Quoique l'épreuve de M. Darcet vienne à l'appui de l’expérience citée dans les Tranfattions philofophiques , de celles de Florence & de Vienne, il paroîtra toujours furprenant qu’ane fubftance telle que le diamant fe volatilife en entier, à quelque a@ion du feu qu’elle foit fou- mile , & il n’en devient que plus'intéreflant de répéter cette expérience fur des diamans d’un poids plus fort que ceux que M. Darcetrémployés, Cette matière précieufe tire une grande pattie de {a valeur de la beauté de fon eau & de fa parfaite netteté, Un diamant fale, & que des glaces rendroient très-imparfait, ne feroit que d’un prix médiocre; mais il fufiroit pour l'épreuve dont il s’agit. Nous avons vu que les deux diamans employés par M. Darcet , ne pefoient enfémble que trois fei- zièmes de karat. Le karat de diamant répond à quatre grains poids de marc foible. Chacun des diamans de M. Darcet ne pefoit par conféquent que trois huitièmes de grain. Ne feroit:l pas poffible qu’en s’éclatant par la violence du feu , ils fe fuffent réduits enune poudre blanche, im- palpable, peut-être adhérente au creufet , & au moinstrès-dificile à y diftinguer. Les fels fujets à décrépiter doivent nous rendreattentifs à tout ce qui peut arriver à des matières d’un certain genre qu’en expofe à un feu violent ; d’ailleurs, on a obfervé dans les expériences faites à Vienne , que les diamans qu’on avoitexpofés au feu, examinés de deux heures en deux heures, commencoient par fe feuilleter, & qu'il s’y formoit des bulles De quelle explofion n'étoit pas capable lair exceflivement raréfié que ces bulles contenoient, & en combien de parties imperceptibles n’a-t-1l pas pu réduire ces diamans ? L’obfervätion que nous faifons ici ne tend uniquement qu’à rendre très-circonfpeéts les Chymiftes qui auront la facilité de répéter l'expérience dont il s'agit; & l'épreuve de M. Darcet , rapprochée de celles que nous eonnoïflons en çe genre, n’en devient que plus propre à piquer leur curiofité », SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 403 Les vues fages & délicates de ces deux Académiciens nous rappro- Chent aujourd’hui des conféquences que nous tirons de nos expériences fur la caufe de la deftruétion du diamant à un feu modéré , tandis qu’il peut réfifter au feu le plus violent fans s’altérer. Si le diamant eft volatil, comme il n’y a point de matière, quelque fubtile & atténuée qu’elle foït, qui ne doive donner des produits ou laiffer après elle des tracés de fa volatilifation, il faut, me fuis-je dit, que le diamant donne auf des marques de fa volatilifation, en y opérant d’une manière convenable. M. Lavoifier penfant à cet égard comme moi, nous proposâmes à M. Macquer de traiter des diamans dans des vaifleaux diftillatoires. Nous fimes en commun les expériences fur dix- neuf grains cinq huitièmes de diamans dont M, Lavoifier a bien voulu faire la dépéhfe. Nous n’obtinmes par la diftillation aucun fublimé:ni aucune vapeur de diamant qui annonçäât que le diamant füt en rien volatil. L'opération achevée, on retira le même nombre de diamans. On obferva qu'ils s’étoient dépolis; on les repéla, & on retrouva pour ainfi dire le même poids, car la diminution qu’on crut appercevoir fut dans cette opération fi peu confidérable, qu’on ia compta prefque pour rien. Cette diminution vient, je penfe, de l'air libre qui étoit contenu dans la cornue , & dont il n’auroit pas été facile de la priver. Ce qui femble prouver ce que j'avance, c’eft que les diamans qui ont été enfermés très-exaétement dans une pipe avec du charbon, en font fortis conftamment fans la plus légère altération, quoiqu’ils euflent éprouvé un feu extrème. L'expérience du diamant enfermé dans la boule de pâte de porce- laine , étoit fans contredit décifive pour la volatilifation du diamant, fi elle n’eüt pas donné lieu à réfléchir fur la nature même de l’opéra- tion. Ce font ces réflexions dont je fis part à M. Darcet chez M. Mi- touard , qui me firent propofer à ce dernier d’enfermer du charbon en poudre dans une boule de pâte de porcelaine, perfuadé que le char- bon s’y détruiroit entièrement. On a lieu de croire que toute pâte de porcelaine, avant d'acquérir le dernier degré de cuiflon, fouffre une défunion des molécules de fa compoñition par l’expanfion des vapeurs des fluides qu’elle contient; ce qui donne par conféquent, un pañlage aux parties volatiles des corps renfermés dans les vaifleaux faits de cette âte. C’eft auffi ce qui eft arrivé à M. Darcet dans une pareille opération. Ce Chymifte mit du mercure dans une boule de pâte de porcelaine, qu'il expofa au feu, & il ne lui en refta pas le moindre veftige. Il eft aifé de fentir que l’aétion du feu a forcé le mercure de s’échapper par les pores de la pâte de porcelaine, & c’eft dans cet inftant que toutes matières volatiles calcinables & combuftibles doivent néceflairement s'y volatilifer, s’y brûler , s’y calciner, & même s’y vitrifier; ce que SEPTEMBRE 1772, Tome IL. Ecei] 404: OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; M. Darcet a éprouvé dans fes boules de pâte de porcelaine, tant fur le diamant que fur les métaux. On defira faire chez M. Mitouard l'expérience de la poudre de char- bon dans une boule de pâte de porcelaine; on ayoit même commencé, mais quelques circonftances nous empèchèrent de la terminer, M. Mac- quer, plus à portée que nous de faire cette expérience, s’offrit très- obligeamment de l’exécuter. Il vous a convaincus, Meflieurs, des con- je@ures que nous avions ofé en tirer, même avant l'expérience. Quel- ques perfonnes ont douté de la force du feu que nous avions donné à notre cornue dans le fourneau de M. Pott, quoique dans une fem- bleble expérience, faite chez M, Mitouard , nous ayions fondu le lut qui garantifloit la cornue. À de spé Confidérant que plufeurs perfonnes regardoient le diamant comme une matière phofphorique ou combuftible , & croyoient que linter- mède du charbon pouvoit contribuer à fa confervation, je crus qu'il toit eflentiel de fixer les doutes fur ces différentes opinions. En con- féquence, J'ai employé douze karats de diamans bruts que M. te Mar- quis de Saint-Vincent a eu la bonté de me donner pour les foumettre au feu le plus violent & fans aucun intermède. J'ai pris deux de ces pierres précieufes , pefant jufte dix grains. Je les ai mifes dans un creu- fet de grès de Heffe-Caffel, autrement appellé Turte. Jai recouvert cette tutie d’un autre petit creufet renverfé, dont j'ai luté fimplement les bords avec un peu d'argile. Jai placé cette tutte au milieu d’une forge qui recevoit continuellement le vent d’un très-fort foufflet. J'ai donné plus de deux heures d’un feu fi violent , que la plaque de fer de fonte de la forge s’eft fondue au point que toute la pâte du creufet & des fupports étoit entièrement recouverte de fer. Ce fer provenant de la fonte m'a paru doux ; il étoit attirable à l’aimant. Les deux diamans , avant d’être employés, étoient bruns: ils fe font confervés en entier. Le feu les avoit feulement blanchis & dépolis. Ils reflembloient à deux grains de fel d’un blanc matte. Ils avoient perdu près d’un feizième de grain de leur poids. Examinés avec une forte loupe, on appercevoit à leur fuperficie des bulles dont quelques-unes étoient crevées. J'ai opéré de même fur deux autres diamans , pefans quatre grains un huitième, avec demi-gros de borax vitrifié. Fai employé un feu auffi violent. Le borax avoit difparu & pénétré les pores du creufet; jai retrouvé les diamans entiers, mais un peu plus bruns qu'ils n’étoient auparavant. Ils n’avoient rien perdu de leur poids. Pour dernière expérience, j'ai pris trente-fix diamans bruts, pefans douze karats juftes; je les ai foumis pendant plus de deux heures au même feu de forge, à l’exception qu’on en a augmi nté l’aétion pendant près d’une heure par le vent de deux autres forts fouflets. Le feu fut alors fi violent & fi confidérable, que la plaque de fonte fe fondit en très- * SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 40$ peu de tems, ainfi qu'une partie de la tuyère ; le creufet & les fup- ports furent recouverts d’une beaucoup plus grande quantité de fer que dans les deux dernières opérations dont nous venons de parler. Le cou- vercle de la tutte fut en partie fcorifié par la fonte du fer. Nous y apper- cûmes un trou percé d'outre-en-outre , qui s’y étoit fait & qui nous fit craindre de ne point retrouver les diamans. [l y a lieu de croire que l'accident n’eft arrivé que peu de tems avant qu’on fongeât à cefler le feu. Nous avons retrouvé les trente-fix diamans , lefquels repélés n’avoient perdu en tout qu'un vingt-quatrième. Ces diamans, loin d'être devenus blancs comme ceux de la première expérience , dans laquelle on n’avoit point éprouvé de pareil accident, fe font trouvés au con- traire très-noirs, ainfi que les deux diamans blancs qui avoient fouffert la première opération & qu’on y avoit ajoutés. J'attribue cette cou- leur à la vapeur du fer du foyer qui s'eft décompofé par la violence du feu. Je fuis d’autant plus fondé à le croire , que M. Brifflon & moi avons expofé un de ces diamans noirs, placé dans un gros charbon, au foyer d’un miroir ardent d’un pied de diamètre & de douze pou- ces de foyer. Le diamant pefoit trois grains cinq huitièmes. [l a perdu un feizième de grain de fon poids, c’eft-à-dire , un cinquante-huitième de fon poids toral. Il a blanchi dans l'inftant, & a confervé feulement une petite tache noire à l’endroit qui touchoit immédiatement le char- bon. Le deflis de ce diamant a pris une petite couleur rouge, qui eft due certainement au fer auquel j'attribue la caufe de la couleurnoire quiateint ces diamans. Pour donner une idée de la chaleur de ce miroir, nous avons fondu À fon foyer, un fil de fer d'environ un tiers de ligne de diamètre, en l'y tenant expofe fur un morceau de bois. J'ai préféré les diamans bruts à des diamans polis; car quelqu'un, par- tifan de la volatilité du diamant , doutoit fi nous avions employé de vrais diamans. Il réfulte de toutesMlles expériences faites jufqu’à préfent, que le diamant peut être détruit par un feu médiocre au moyen du contaét de Pair, fans lequel il réfifte à l’aétion du feu le plus violent. Voici fur quoi jai fondé mon opinion. De ce que le diamant fe détruit à un feu mo- déré, ce n’eft pas une raifon pour le ranger dans la clafle des fubftances volatiles. S'il étoit volatil, il donneroit, comme je l’ai déja obfervé, des preuves & des veftiges de fa volatilifarion dans des vaifleaux diftil- latoires & fublimatoires: c’eft ce que nous n'avons pu obtenir par le feu le plus violent. Meæropofant de divifer les parties du diamant par la violence du feu, dans des vaifleaux exaétement fermés, où il me fût poli. ble de faire entrer de l’air de tems entems, j'eus recours à l’expédient qui fuit. J'ajuftai un petit tuyau de cuivre rouge brazé & luté d'argile à la SEPTEMBRE 1772, Tome 11. 406 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tubulure d’une petite cornue de grès qui renfermoit deux diamans de onze grains. Avec le fecours d’un fouffler, jy introduifis fouvent de Pair. Je répétai la même expérience dans un creufet de grès de Heffe-Caffel fur deux autres diamans à-peu-près de même poids; je tins le creufet ainfi que la cornue plus de deux heures à un feu de forge; la cornue fut mile dans un fourneau de reverbère. Les vaifleaux refroidis, je retrouvai les diamans dépolis; ils n’avoient pour ainfi dire rien perdu de leur poids. On voyoit à leur fuperficie, avec le fecours de laloupe, plufieurs bulles dont quelques-unes paroiffoient crevées. Je n’ai pas eu tout le fuccès que je defirois dans cette opération ; ce qui vient, je crois, de ce que l'air ambiant en s’échauffant perdoit à chaque fois tout le reflort, la force & l’aétion que j’ofois en attendre, _ Pour peu qu'on veuille réfléchir aux expériences qui ont déja été faites à Florence par les ordres de l’Empereur , à l’aide du miroir ardent de Tchirnaufen , il fera aifé de juger de quelle manière s'opère la deftruétion du diamant. Le fentiment le plus reçu eft que le diamant eft compotfé de petités lames très- minces , appliquées intimement les unes fur les autres. Le feu, en dilatant l’air contenu entre les molé- cules de fes lames, occafionne en même temps une efpèce de décrépi- tation, ainfi que cela peut fe remarquer fur Île gypfe qu’on entend décrépiter & qu'on voit fe feuilleter au moment qu'il blanchit & qu'il fe calcine; & alors, les lames du diamant fe réduifent en une pouflière qui eft fi fine, qu’elle peut fort bien avoir échappé aux yeux de la plupart de ceux qui l’ont foumis à l'expérience (1 ). Un diamant de vingt grains expofé au plus fort foyer du miroir ardent de Tchirnaufen, forma des bulles à fa furface, & fe brifa en petits (x) M. Hill, dans fes Notes fur Théophrafte, Traité des Pierres, dit que le diamant eft la fubltance qui mérite le plus le caractère d’incombuftible, & qu'il réfifte à des degrés de feu extraordinaires fans en être altéré; mais l éprouve quelque dommage fi on l’expofe fubitement au froid après ces différens affa. 11 y eft dit auffi que fi l’on préfente la fürface unie d’une des lames du diamant au foyer du miroir ardent le plus fort, elle n’en recevra aucune altération ; mais fi on lui préfente les bords & les join- tures des lames , alors elles fe féparent & fe divifent en écailles ou en lames très-minces, qui fe fondent enfuite & fe changent en un verre qui n’a rien de Péclat primitif du diamant. Les bulles que j'ai apperçues à la furface des diamans que j’ai mis en expérience, ne feroient-elles pas dues à de très-petites portions de lames qui s’en feroient détachées & qui auroient fubi déjà un commencement de fufion , aiufi que l’obferve dans fes Notes le célèbre M. Hill. Son obfervarion eit des plus intéreffantes, & mériteroit bien qu’on foumit au feu le plus violent des fragmens ou des lames très-minces de diamant, ou ja poudre de cette pierre précieufe , pour examiner fi le réfaltat auroit quelque rapport avec celui de M. Hill. Nous avons un exemple bien fenfible de l’action du feu {ur les fubftances les plus difficiles à fondre (telle que le fer ), lorfque les parties en font extrè- mement divifées. Une lame de galon d’acier fe fond à l'inftant à la Aamme d’une bougie, & s’y réduit en grenailles. è … SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 405 Morceaux qui fe répandirent çà & là, au point qu’on ne retrouva qu’un petit fragment triangulaire qui fe réduifit fous la lame du couteau en une poudre fi fine , qu'on ne put l’appercevoir fans le fecours du microfcope, En un mot, tous les diamans qui ont été mis en expé- rience ont toujours commencé par fe gerfer & s'éclater, & ont fini par difparoïître entièrement: mais les effets dont on vient de parler ont toujours été en proportion de la grofleur des dismans, & en raïfon des furfaces ; ils diminuoient de volume par les petits éclats qui s’en détachoient. Ces expériences , faites par ordre de l'Empereur, ne font point équivoques. On voit clairement que ce Prince n’a jamais con- fidéré le diamant comme une fubftance volatile ; qu'il a cru que fa deftruétion n’eft dûe qu'aux petits éclats qui fe détachent continuelle- ment de la furface des diamans; & il ajoute qu’on n’a jamais pu remar- quer dans ces diamans entiers aucun commencement de fufñon. - Cette dernière obfervation de l'Empereur François I rendoit affez inutiles toutes les opérations qu’on a tentées jufqu’à préfent pour prou- ver que le diamant réfifle au feu le plus violent, puifque le feu aile employé eft incomparablement plus fort que celui dont nous n fommes fervis dans toutes nos opérations. Ce dernier expofé fuffit pour faire connoître toute la force des con- féquences que MM. d’Aubenton & Tillet ont tirées des expériences de M. Darcet. Il eft démontré d’une manière inconteftable que le diamant n’eft pas volatil, qu'il réfifle au feu le plus violent fans s’altérer, tant qu'il eft à l'abri du contaët de l’air, & que lorfqu'il éprouve d’une manière fenfible , il fe détruit en pouflière & en petits éclats, ainfi qu'il eft prouvé authentiquement par les expériences de l'Empereur, Nous ne pouvons donc nous difpenfer de prendre un parti d’après nos propres expériences. Quoique l’opinion qu’on eft obligé d’adop- ter aujourd’hui foit oppofée à celle de MM. Darcet, Rouelle & Roux, il ne me paroît pas poffible de fe décider pour une autre, parce que toute opinion doit être toujours foumife à l’expérience. Quant au petit déchet que le diamant a fubi dans la cornue de grès. ou les creufets vitrifiés, cette perte vient à l’appui des conféquences que jai tirées de nos expériences. Je n’attribue cette perte qu’à la petite quantité d’air qui étoit contenue dans ces différens vaifleaux , & dont il n’étoit pas poflible de les priver; & fi, par l’intermède du charbon, le diamant ne fouffre aucune altération, quoique expofé au feu le plus violent, je ne crois point du tout que ce foit à raifon du contaét du phlogiftique du charbon , comme femble le penfer M. Mi- touard, puifque le diamant ne perd pas un atôme de fon poids dans l'expérience que j'ai faite par le borax, mais uniquement parce qu'il n’a point de communication avec l'air libre; & c’eft par la même raifon SEPTEMBRE 1772, Tome 11. _ 408 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que le charbon refte intat dans ces opérations, & conféquemment le diamant ne peut fubir dans des vaifleaux fcellés hermétiquement aucune altération qui tende à fa deftruétion. LETTRE écrite a M. CADET, de l'Académie Royale des Sciences, Mo sou, V os obfervations fur le diamant font des plus juftes 8: des mieux faites, elles détruifent l’idée que l’on avoit eue jufqu’alors de fon éva- poration; après l’avoir hermétiquement enveloppé & foumis au grand feu, J'ai obtenu le même réfultat il y a vingt-fix ans; je demeurois pour lors rue de Gêvres chez M. Vaflal, ancien Apothicaire, dont La mémoire me fera toujours chere. ®We foumis par curiofité à un feu affez confidérable , pendant deux heures, à deux reprifes , un diamant taché à-peu-près en fon centre ; cette tache paroïfloit profonde & un peu étendue ; mon intention étoit de voir fi à l’aide du feu, je parviendrois à débarrafler le diamant de fa tache; ce diamant étoit une rofe de la groffeur d’une petite lentille. Je crus devoir envelopper le diamant , avant de le foumettre au feu; d’une matière capable de le priver totalement de l’air libre, & encore de le contenir en cas de fufon. D’après mes réflexions fur fa nature, .je réuflis dans mon opération; le diamant ayant été par mon moyen entièrement détaché, je le trouvai fain & entier après avoir café fon enveloppe. C’eft cette expérience qui n’a fourni l’occafon , aprèsavoir lu une Gazette d’Hollande du 6 Septembre 1771 , dans laquelle étoient inférées les remarques faites par M. Darcec fur l’évaporation du dia- mant , de prendre la liberté de lui écrire pour lui faire part de ce qui m'étoit arrivé dans mon opération. J’ai eu l’honneur de lui demander .f ce diamant , après avoir fouffert l’a@tion du feu, eût pu fouffrir le poli. M. Darcet n’a fans doute pas encore pu m’honorer d’une réponfe. Voici comme j'ai procédé. J'ai pris du borax calciné & mis en poudre très-fine ; je l'ai humeété avec un peu de lilium de Paracelfe, j'ai enfermé le diamant dans ma compoñition ; & au feu de lampe , à l'aide d’un chalumeau de cuivre courbé , peu-à-peu j'ai vitrifié l’enve- loppe de mon diamant; il fut mis dans un petit creufet couvert le plus bermétiquement qu'il fut poffble, & fut placé enfuite dans un fourneau aflez fpacieux que je remplis de charbon. J'ai pouffé violem- ment Le feu pendant une heure ; enfuite j'ai retiré mon creufet; je l'ai laïfé refroidir, & l'ai déluté ; j'ai café légèrement la matière vitrifiée , & SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 409 & j'ai retiré le diamant dans fon entier; j'ai vu que la tache étoit moindre , & qu’elle gagnoit l'extrémité du diamant ; ce qui m’engagea à. continuer mon opération de la même manière, d’après laquelle j'ai retiré mon diamant fans tache. Il me parut beau; mais ne me fiant pas à mes yeux, je le fis foumettre à l'examen d'in Lapidaire qui le trouva fans tache ; il s’apperçut cependant qu'il avoit été mis au feu. Le tort que j'eus, fut de ne le pas faire foumettre au poli. Je comptois faire part à M. Darcet de mon opération, non dans l'idée de croire qu’elle eût pu lui être utile. Je ne le fais ici, Monfeur, que pour vous faire part de mon procédé, puifque par vos recherches vous avez eu le même produit ; perfuadé que les Savans font toujours charmés que l’on concoure à conftater des découvertes qui, très- curieufes par elles-mêmes , peuvent être avantageufes pour les progrès de l’Hiftoire Naturelle. Je ne doute nullement que vous ne parveniez, ainfi que les Meffieurs avec lefquels vous travaillez, à trouver un jour le vrai cara@tère du diamant , & d’où il procède. Permettez-moi, Monfieur , d'unir ma réflexion à celles que vous faites au réfultat de vos expériences avec MM. Macquer & Lavoi- fier ; vous dites que fi le diamant s’évapore à l’air libre, comme on l'a prétendu, ce phénomène doit s’attribuer à une efpèce de com- buftion du diamant, dont les parties s’'évaporent par le contaét de l'air. Je penfe que cela eft jufte, fuivant le réfultat des anciennes expériences , & que vous ne pouvez vous aflurer d’un réfultat certain, qu'en renfermant le diamant le plus hermétiquement poflible dans une matière vitrifiable, ou capable de réfifter à la plus grande violence du feu. J'ai l'honneur d’être, &c. Signé, HARAN« OBSERVATIONS fur le Bambou, par M. DUBUISSON , ancien Confeiller au Parlement de Paris, aëfuellement Habitant de Saint- Domingue, communiquées à l’Académie Royale des Sciences , par M. DEBORY. LE ORSQUE le bambou fort de terre, il paroît fous la forme d’une groffe afperge naiflante. La reflemblance eft exaîte, & le jet du bambou la conferve à fon fommet jufqu’à une certaine hauteur. Chaque entre-deux de nœuds dans le bambou qui poule , eft recou- vert d’une enveloppe circulaire, qui part du nœud inférieur ; cette enveloppe s'ouvre à mefure que le jet fe développe, & tombe quelque tems après avoir fait place aux feuilles & aux branches qui doivent garnir le bambou lorfqu'il a atteint fa hauteur, Cette enveloppe a SEPTEMBRE 1772, Tome II, LE 410 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la confiftance d’un fort parchemin ; elle eft d’un tiu ligneux, très- ferré par des filamens perpendiculaires ; elle eft très-liffe & unie en dedans, au point de réfléchir la lumière affez vivement ; elle eft garnie d’un très-grand nombre de piquans noirs très-aiguifés : ces piquans font fans doute deftinés à défendre le jeune bambou de l'attaque des infeétes. Quelques-unes de ces enveloppes ont près d’un demi-pied en quarré, mais il ne fort des nœuds aucun rejetton armé d’épine ; 1 n'y en a ni à la tige ni aux branches du bambou. Les feuls piquans font fur les enveloppes circulaires placées entre les nœuds, & ces piquans tombent avec les enveloppes. Lorfque le bambou a atteint fa hauteur, il pouffe à fon fommet, & fucceffivement à chaque nœud en defcendant, des feuilles latérales qui {ont fuivies de branches principales, qui fe garniflent à leur tour de plufieurs autres petites branches; les feuilles font attachées aux bran- ches, & jamais au tronc. Le bambou a , comme les arbres , le bas de fa tige fans branches, & en jette plus ou moins à fon fommet, felon qu'il a plus ou moins d'air, & qu'il eft plus ou moins gêné par d’autres Bambous. Les plus groffes branches de bambou que M. Dubuiflon ait vues , étoient de la groffeur d’un doigt, & les plus longues de quinze pieds environ. Comme le bambou diminue toujours de groffeur jufqu’à fon fommet, fa tête fe courbe fous le poids des feuilles & des branches ; par-là, il eft rare d’en avoir de droits dans toute leur longueur, quoique la tige s'élève perpendiculairement, . La multiplicité des branches & des feuilles de bambou, ainfi que fon élévation , le rendent le jouet des vents: il arrive fouvent que dans les fortes_brifes, les jeunes jets s’entre-choquent, & fe brifent à leur fommet; ils n’en meurent pas pour cela, mais ils pouffent une grande quantité de petits jets ou branches. | M. Dubuiffon, malgré toute fon attention, n’eft pas encore parvenu à découvrir les fleurs du bambou. Cet arbre, orné de fes branches, de fes feuilles, donne beaucoup d’ombrage , & un petit bois de bambou forme de loin un rideau agréable de verdure, & cette verdure eft conftante. On en pourroit former des falles & des bofquets très-frais, & qui donneroïent beaucoup d'ombre. Les branches de bambou, étant plus groffes que la tige, fe rempliflent plutôt. Au bout de deux ans ces branches font prefque pleines. M. Dubuiflon conjeéture que c’eft avec ces branches refendues que les Indiens font en Afie leurs paniers de nattes, & leurs autres petits Ouvrages. La première couche ligneufe de ces branches , c’eft-à-dire la couche eue remplace l'ofier, & comme lui, elle eft propre à relier les arbres, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 4x On peut tenir pour conftant que le bambou peut atteindre, en quatre ans, à la hauteur de cinquante pieds, & à une circonférence de quinze pouces. De petites cannes de bambou de Chine verniflées en or, & de jeunes jets de bambou de Saint-Domingue, comparés enfemble, fe font trouvés parfaitement femblables. Les feuilles peintes en or fur ces cannes de Chine , reflembloient très-parfaitement aux jeunes feuilles du bambou de Saint-Domingue ; d'où M. Dubuiflon conclut que ces deux efpèces de bambou font les mèmes. Il eft vrai que Koœmpfer donne au bambou du Japon une groffeur bien plus confidérable ; mais c’eft peut-être l'effet du fol ou du climat plus favorable à cette produétion. Les cara@ères principaux qui fervent à diftinguer le bambou paroïf- fent au nombre de cinq. 19. Sa groffeur & fa hauteur, dont aucun autre rofeau n’approche, 2°, Sa manière de croître. Il atteint toute fa hauteur, il poufle tout fon bois de tige, avant de donner des feuilles; les autres rofeaux au contraire , s’annoncent au fortir de terre par des feuilles, & chaque nœud eft garni en fe développant. 3°. La diminution graduelle du bambou, qui eft telle qu’une tige de bambou de fix pouces de diamètre dans le bas, a tout au plus un quart de pouce de diamètre à fon fommet : les autres rofeaux au con- traire, font prefque d’une égale groffeur dans leur longueur. 4°. Les branches de bambou. Les autres rofeaux, tels que le palmifte cham, le palmifte épineux , le palmier, le dattier, le cocoyer , ne donnent point de branches. 5°. La petitefle des feuilles du bambou, relativement à fa tige, le lieu de leur attache qui eft aux branches. Les autres rofeäux & les arbres rofeaux cités ci-deflus, ont des feuilles très-longues & très- grandes relativement à leur tige, & les feuilles naïfflent de chaque nœud du tronc. Ces deux derniers cara@tères & fon élevation, le rapprochent beaucoup de la nature des arbres. Lorfque le bambou eft employé avant fa maturité, il eft fujet à être piqué de mouches à tarrières ; elles y font de petits trous comme une piquure d’épingle, & y dépofent des œufs qui deviennent verds, Ces infeétes fe nourriflent de la fubftance intérieure du bambou , ce qui le fait tomber en pouffère, On fait des cerceaux avec le bambou ; les moutons, les chevaux , les bœufs en mangent les feuilles avec plaifir. Autres Obfervations fur le Bambou. Les jets étonnans du bambou , qui dans lefpace de quelques mois s'élèvent à trente, quarante, & mème cinquante pieds de hauteur , ne S'EPTEM2RE 1772, Tome 11, F£fi) #12 OBSERVATIONS SUR.LA PHYSIQUE,. viennent que fur des fouches bien formées, de deux à trois ans. Cette végétation rapide n’a lieu que depuis A vriljufqu'en Oétobre, Le bambou végète lentement pendant l'hiver, ce qui annonce le befoin des plus fortes chaleurs. | Chaque année les jets font plus gros & plus élevés, jufqu’à ce qu’ils: aient atteint la hauteur de quarante à cinquante pieds, & la groffeur du bras ou de la jambe, fuivant la qualité du terrain. Ce n’eft qu'après avoir acquis toute fa hauteur, que chaque jet poufle des feuilles; & c’eft par fa cime que le développement des feuilles fe fait, & fuccel- ‘fivement en defcendant à chaque nœud de ce rofeau, dont il fort des branches. Lorfque Tes fouches font fuflifamment efpacées, elles produifent jufqu’à cent jets & plus; j'ai compté quatre-vingt-dix-huit jets dans une touffe de cinq ans. La fouche ne repoufle jamais dans les endroits coupés, mais dans les côtés. Le bambou fe plante de bouture ; c’eft des nœuds que partent la racine & les jets. Le terrain le plus propre au bambou & à tous les rofeaux en général, eft un fol léger & frais, tel que les bords de rivière & de ruifleaux. Il vient mal dans les terres arides & argilleufes. Voici les ufages auxquels on emploie le bambou dans cette Colonie :: en pieux & gaules pour les éntourages; on imagine aïfément que. les pieux repouffent fouvent. En chevrons, fablières & faitages pour les: cafes à Nègres ; refendu, il donne des lattes, des cerceaux & du cliffage pour les cafes à Nègres. Je l'ai employé à tous ces ufages avec fuccès. Éorfque le bambou eft mür (c’eft-à-dire, depuis trois jufqu’à fix ans fuivant fa_groffeur ) , il eft très-dur ; fon écorce circulaire, ferrée & très-polie, le défend des impreflions de l’eau & du foleit. On recon- noït fa maturité à la couleur jaune orangée que prennent les feuilles & le corps du rofeau, & à l’intérieur du rofeau qui, lorfqu'il eft mûr , eft prefque plein, & vice verfä. Le bambou fortant de terre avec la groffeur dont il eft fufceptible , & s’élevant rapidement à fa hauteur, tout le refle de la végétation eft uniquement employé à la poufle des feuilles des branches , & à rem- plir l’intérieur du tube. Les animaux font très-friands de fa feuille. Le bambou eft venu de la Martinique à Saint-Domingue, fur l'Ef- cadre de M. de Bompart en 1759; on croit qu'ila été porté d'Afrique aux Ifles du Vent. ie ! SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 413 M'É MOIRE DE M RONDEAU, MÉDECIN, Qui a concouru pour le Prix propofé par la Société Littéraire de Bruxelles fur cette Queftion : Quelles font les Planres les plus utiles des Pays-Bas, & quel eff leur ufage dans la Médecine & dans les Arts ? Jar partagé mon Mémoire en trois parties. Je démontre dans la première la pofhbilité, & même la facilité de cultiver la rhubarbe aux Pays-Bas. Je propofe dans la feconde un moyen facile &c avantageux pour garancer ou temdre en Garance, en tout tems & en tout lieu; enfin, la troifième eft deftinée à faire connoitre un ingrédient propre à tanner les cuirs, dans un tems beaucoup plus court que celui qu'on emploie ordinairement, Poffibilité de cultiver facicilemenc la Rhubarbe aux Pays-Bas , avec autant de Juccès qu'en Ale. Pour éviter la dépenfe qu’occafionne l'importation des drogues étran- gères , il y a eu de tout tems des Médecins qui ont voulu profcrire l'ufage journalier des remèdes étrangers, en y fubftituant des remèdes du pays: par exemple, le rhapontic, l’aulne noir, & la rhubarbe dont la réputation fe foutient par une fuite continuelle de fuccès : grace aux foins de nos ancêtres , qui, au lieu de s’amufer à eflayer des fubflitutions, ont pris une route plus courte, en cultivant eux-mêmes les végétaux étrangers qui pouvoient s’accommoder à notre climat, tels que les pêches (1), les abricots (2), les prunes de Damas (3), les cerifes (4), les pommes de terre (5), le tabac (6), & une infinité d’autres produétions végétales auf uriles qu'agréables. Puifque les végétaux étrangers fe font naturalifés chez nous, pourquoi défefpérer d'y voir réuflir la rhubarbe, dont le climat naturel & où cette plante vient fans culture, a plus de rapport avec le nôtre, que (x) Les Pêches viennent originairement de Perfe. (2) Les Abricots, d'Arménie, (3) De Syrie. 4) De Cérafonte dans le Pont. 5) De l'Amérique feprentrionale. (6) Du Mexique, du Bréfil , de l'Ile de Tabaco. SEPTEMBRE 1772, lome IL, 414 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; celui de la Perfe, de l'Arménie, de la Natolie, de l’Afriqu: & de l'Amérique ? Pour foutenir ma propofñtion, il s’agit de démontrer que nous poflédons la véritable rhubarbe de Chine ou de Tartarie; que cette plante cultivée chez nous, donne une racine aufli forte que celle d’Afie, & qu’elle eft équivalente en vertus; qu’elle peut croître & fruétifier dans ce pays, comme nos plantes ufuelles; enfin, que cette culture demande peu de foins, de dépenfe, & qu’elle mérite à tous égards d’être cultivée. F On a envoyé de Mofcovie en France, une plante nommée par M. de Juffieu , Rhabarbarum folio oblongo , crifpo , undulato, agellis fparfis. Cette plante avoit déja été envoyée du même pays en Angleterre pour être la vraie rhubarbe de Chine, & M. Raud la nomme , lepathure Bardance folio undulato, glabro. | La manière dont cette plante fru@ifie fait juger que c’eft une véritable efpèce de rhubarbe de Chine ; non-feulement elle a été envoyée pour telle, mais encore les femences de cette plante font femblables à celles de la vraierhubarbe que M. Vandermonde, Doéteur en Médecine, avoit envoyée de Chine. On peut ajouter que la figure des racines de ces deux plantes, la couleur, l'odeur & le goût augmentent cette affertion. On a élevé la plante dans le Jardin du Roi à Paris; elle y réufit, fleurit & fupporte les hivers les plus froids. Feu M. Gaumont, Gentilhomme de Bruxelles, & grand Amateur des plantes étrangères, ayant reçu d'un ami réfidant en Chine, quel- ques femences de vraie Rhubarbe, les mit en terre au printems, & quelques jours après il eut le plaifir de les voir lever & profiter à fouhaits : mais dans la crainte que ces jeunes plants ne s’accommodaf- fent pas de notre climat , il leur donna les mêmes foins qu’on prend ordinairement pour les plantes étrangères. Après que les racines eurent acquis aflez de force, il en laifla une expofée en pleine terre aux rigueurs de l’hiver, & contre fon attente , elle poufla le printems fuivant ,avec autant de vigueur que celles qui avoient pañlé l’hiver dans la ferre. Après cet effai , 1l les planta toutes en pleine terre. Quelques années après, plufeurs racines avoient deux pieds de longueur & un pied de circonférence. Cette plante eft pareille à celle qu'on voit au Jardin du Roi à Paris. Sa racine , parfaitement femblable à celle de la rhubarbe de Chine ou de Tartarie, eft un peu brune en dehors, de couleur de fafran en dedans, jafpée comme la noix mufcade, & fon- oueufe, d'un goût tirant fur l’âcre-amer &c un peu aftringent ; d’une odeur aromatique, & foiblement défagréable ; enfin, fi femblable à celle de Chine, qu’en ayant fait voir & goûter à ceux qui font commis pour vifiter les Pharmacies, ils l'ont décidément prife pour de la rhu- barbe afiatique. Il eft vrai qu'on avoit percé les morceaux pour les faire SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 415 Técher, & qu’on les avoit rapés & limés, afin qu'ils reffemblaflent davantage à l’étrangère. La rhubarbe de M. Gaumont purge à dofe égale, tout auffi bien que la rhubarbe afiatique ; la teinture qu’on en tire par la méthode de Rolfingh, eft auffi faturée & auf efhcace que celle qu’on fait venir de Chine; enfin, les effets font fi femblables, qu'il ne refte aucun doute que cette plante ne foit abfolument la même, * D'après cet expofé, pourquoi ne pas nous flatter de faire croître & fruétifier la rhubarbe dans les Pays-Bas, au moins comme plante ufuelle ; puifque felon les témoignages de MM. Bell, Gmelin & Ben- tick , elle croit fans culture fous une latitude pareiïlle à la nôtre? La culture eft facile: 1l fuffit au printems de remuer & retourner la terre auprès des racines ; c’eft en cette faifon qu’on fépare les rejetons enracinés pour gagner de nouveaux plants; les foins, pendant l'été , fe bornent à arracher les mauvaifes herbes : 1l ne faut point arrofer crainte que l’eau n’endommage les racines : d’ailleurs, comme les feuilles de Ja rhubarbe font fort grandes & étendues fur terre, elles maintiennent la fraicheur des racines. En automne, après la deffication des feuilles, on coupe les racines qu’on fuppole être aflez grofles pour être d’ufage, & l'hiver, on ne prend aucun foin de cette plante, Quand la raciné eft aflez grofle pour être employée, on la coupe par morceaux de deux pouces d’épaifleur , on les perce avec une tarrière, on les enfile à une corde pour les faire fécher à l'air & non au feu. Dès que ces morceaux font fecs, il faut emporter avec la Îime ou avec une rape , tout ce qui eft noir ou gâté; & par ce moyen on les rend femblables à ceux de la rhubarbe afiatique. Triller préfère la rhubarbe en tranches non perforées, il y a moins de perte; elles fèchent plus promptement , mais il faut que ces tranches foient alors beaucoup plus minces. Cette racine eroffit beaucoup & perd moins par la deffication, fi elle a occupé un terrain fec & fablonneux ; tout fol gras & humide lui eft nuifble. Les plants doivent être éloignés de deux pieds au moins les uns des autres (1). Pour que la racine foit d’ufage , elle doit avoir entre trois & quatre pouces de diamètre , & environ deux pieds de longueur ; alors étant bien féchée & nettoyée, elle pefera environ une livre & demie. Elle acquerra ce volume en quatre ans, fi la plante eft provenue d’une bouture enracinée. M. Rondeau a raifon de propofer la culture de la rhubarbe, elle réuflit par-tout. On eft furpris qu'on ne s’en foit pas encore occupé; ce F (1) Ce n’eft point affez; les feuilles feroient en recouvrement les unes fur les autres, il faut au moins trois pieds de diftance. SEPTEMBRE 1772, Tome IL. 416 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, feroit une nouvelle branche de commerce, Mais le préjugé s’y oppofe; on ne veut faire ufage que des drogues apportées à grands frais ; nous aurions pour ainfi dire en France toutes les fubftances nécef- faires à la Médecine. Si:le bouis croifloit en Amérique, & le gayac, le faffafras , la falfe-pareille en France, perfonne ne parleroït de ceux- ci, & le bouis dont les vertus font abfolument femblables, auroit la préférence. Il faut efpérer que quelque Apothicaire ou Droguifte entreprendra la culture de la rhubarbe, & la vendant en gros & à meilleur marché que fes Confrères, il eft affuré d’un débit & d’un profit confidérable (1). Les expériences les mieux”/faites & fouvent répétées, ont prouve que les effets de la vraie rhubarbe, cultivée en France, font les mêmes que ceux de la rhubarbe de Chine ou de Tartarie. Il feroit inutile de rapporter ce que l’Auteur propofe au fujet de la garance, cet article forme la feconde partie de fon Mémoire; il vaut mieux confulter ce qu’en a dit M. d’Ambournay dans fes excellentes Differtations fur ce fujet , ou le Mémoire du fieur Althen, que nous avons publié au mois de Mai dernier, page 152 de ce volume: cependant, l'Auteur propofe quelques moyens pour avoir une bonne couleur, lorfqu’on n’eft pas à même de fe procurer en tout tems de la garance fraiche & à volonté. Il confeille de piler la garance dans le tems de la récolte, de la délayer dans fuffifante quantité d’eau de pluie, de filtrer cette liqueur par un papier gris, de délayer & filtrer de nouveau le réfidu, jufqu’à épuifement des parties extraétives & colo- rantes qu'il contient ; enfin, de faire évaporer , au bain-marie , prefque tout le phlegme, & réduire le tout en extrait. Soit qu’on fafle cette opération par digeftion ou par décoëtion, le produit eft le même; mais fi on fait fécher la garance, & fi on procède comme il vient d’être rapporté , l&produit eft précifément de moitié moins. La troifième partie de ce Mémoire renferme & indique un moyen de tanner ou préparer les cuirs d’une manière plus füre & plus expé- ditive que celle qu’on emploie communément. Ce moyen déja connu, & dont tous les Journaux d'Agriculture ont parlé il y a environ fix ans, confifte à fuppléer l’écorce de chêne, dont on fe fert ordinaire- ment pour cette préparation, par la fciure de ce même bois de chêne. Nous fommes redevables de cette découverte à la Société de Lon- dres , pour l’encouragement des Arts. L’écorce de bois de chêne deve- noit fi chère, qu'il falloit en tirer de l'étranger pour fournir les Tan- 2 —————— —— (x) Un gros de Rhubarbe coûte 6 f. chez quelques Apothicaires de Paris, & ro f. chez plufieurs autres. Une livre contient 128 gros; une racine après quatre années & defléchée, pèfe une livre & demie. Il ne s’agit plus que de calculer combien quatre pieds de terrain en quarré pris en tout fens, & plantés en Rhubarbe, produiroient, neries SUR LD'HIST: N'ATUREINLLECET LESTARTS. 417 neries des Iles Britanniques. Cette Société voulant prévenir le mal en aflurant un remède , promit en 1764, de récompenfer celui qui découvriroit ou indiqueroit un ingrédient moins difpendieux que le Tan, connu & employé juiqu’alors. Cette découverte a engagé les Tanneurs à inventer une machine pour pulvérifer les rebuts des chantiers. Il eft important d’obferver que les branches de chêne doivent être coupées à la fin de l'automne ; que les jeunes branches font infiniment préférables aux anciennes , parce qu'elles contiennent le double de parties extreétives. On réduit ces jeunes branches en poudre, & par ce moyen, on évite la dépenfe trop forte pour l'achat des écorces. L'expérience la plus complette a juftifié ces procédés, SOMMAIRE du Mémoire fur la maladie contagieufe des Bétes a cornes , dans lequel on cherche ur Remède préfervarif, Le plus fimple, le plus efficace , le plus général & le moins coûteux ; par M. NEEDHAM, de la Société Royale de Londres , Correfpondant de l'Académie des Sciences de Paris | Direéteur de là Socièté Liviéraire de Bruxelles, lu à l'Affemblée de la Société Litréraire de cette Ville (1). L ES maladies des corps organifés peuvent en général être divifées en deux claffes ; favoir, les inflammatoires provenant d’un excès de forces vitales, & celles, qui, par défaut de vigueur dans les parties or- ganiques, font putrides & gangreneufes, Ce n’eft que depuis une ving- täine d’années que nos Médecins de Londres ont appris, par une expé- rience trop fatale, à étendre l'application de la vérité de cette diftin@tion dans une maladie épidémique, qui fe manifeftoit à la gorge, & dont un grand nombre de malades a péri. Les fymptomes généraux qui fe font d’abord manifeftés, l’ont fait regarder au commencement comme maladie inflammatoire ; & on la traitée en conféquence comme on traite ordinairement cet engorge- ment local des humeurs , qui eft communément inflammatoire. C’eft l'effet le plus immédiat dns cette partie, qui devient comme le foyer d’un tempérament trop enflammé. La faignée & les évacua- tions ont été malheureufement employées ; & ce n’étoit qu'aux dépens d'un grand nombre de malades , qui ont tous péri , que les Médecins acquirent des connoiffances fur la nature putride & gangreneufe de cette nouvelle maladie. Il eft inutile ici de plaindre le fort de l’hu- (x) Les ravages affreux que la maladie contagieufe a faits fur les Beftiaux des fept Provinces-Unies, font trop connus pour les rappeller ici; il fufit de dire qu'il y eft mort plus, de.60000 bêtes à cornes os l’efpace de cinq années, & c'elt de cete mas Jadie dont parle M. Néedham, SEPTEMBRE 1772, Tome IL. Ggg 418 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, manité, qui ne trouve très-fouvent la vérité, qu’en tâtonnant au fein de l'erreur; il fuffit de dire que le vrai remède , direétement contraire à celui qu’on avoit mal-à-propos employé , faute de connoître l’efpèce de maladie, s’eft offert au milieu des morts & des mourans. Une nour- riure fucculente, même un peu forcée ; des vins généreux, le quin- quina & d’autres remèdes anti-feptiques, ont fuccédé aux évacuauions & aux émolliens qui augmentoient le mal, & tous les malades ont été guéris fans exception, en fuivant cette nouvelle méthode. On doit conclure d’après cette expérience, que les fels, de même que les fubftances fpiritueufes , font des fpécifiques dans les maladies putrides , ganoreneufes & contagieufes ( 1). Je m’attache a@tuellement à la thèfe générale qui comprend toute la claffe des maladies putrides avec la nature des fpécifiques qui y font propres, pour defcendre enfuite à la maladie épizootique qui dévaite nos campagnes , & au remède pré- fervatif que je propoferai comme efficace contre un genre de maladie qui enlève la première richefle de nos campagnes, je veux dire, les beftiaux. La petite vérole eft encore une maladie qui eft pour l'ordinaire de la même claffe putride. Il y a près de cent ans, que Sydenham, l'Hypocrate Anglois, qui l’avoit fi bien étudiée, s’eft déclaré contre l'ancienne méthode , comme direétement contraire à fa nature putride. Cette qualité demandoit des réprimans, de l'air frais, un régime froid qui refferre, de la nourriture & des boiflons qui fortifient fuf- ffamment les malades, en donnant un certain ton aux parties orga- niques, & non pas des évacuations forcées , des tifanes chaudes & laxatives , ni trop de chaleur, ni. des chambres fermées ; efpèce de régime heureufement furanné, &, qu’on condamne aujourd’hui , avec raïon, comme entièrement oppofé à la nature de cette maladie. Toute l'Europe fait, depuis quelques années, le fuccès étonnant de ce nouveau régime ; recommandé même par Boerhaave , après avoir été établi par Sydenham; & la conféquence eft facile à tirer pour la manière felon laquelle on doit toujours envifager les maladies pu- trides & contagieufes. j On a remarqué en tout temsque ces maladies étoient toujours pro- duites & propagées , pendant des tems & des faifons humides &c chaudes, & qu'elles cefloient par les froids & par les féchereffles , qui rendoient à l'air que nous refpirons, fon élafticité, & aux matières (x) Les remèdes internes dont les Médecins fe fervoient principalement dans cette maladie , étoient des alexipharmaques chauds & le quinquina. Les topiques appliqués extérieurement aux ulcères que cette maladie a produits dans la bouche & autour de la gorge, croient de l'huile, de efprit de térébenthine, & l’efprit de el. \ SUR L'HIST'NATURELLE ET LES, ARTS. 419 dont les corps organifés fe nourriffent, leur ton & leur confiftance. En tout tems, on a connu la néceffité, dans des cas pareils , de ref- ferrer tant intérieurement qu’extérieurement, les parties organiques par la puiflance des anti-feptiques, dont les fels font la bafe. Cepen- dant, faute de combiner une multitude de faits très-connus pendant le ravage des peftes accidentelles parmi nous, & annuelles à Conftan- tinople, au milieu de la petite vérole , & des autres maladies conta- gieufes qui font perpétuelles , on a négligé de profiter de la con- noiflance de ces fairs. Qui ne (ait, par exemple, que la pefte [e ma- nifefte régulièrement à Conftantinople vers le commencement de l'été, tems auquel arrivent les Vaifleaux Marchands d Alexandrie , & qu’elle difparoïît prefque entièrement au fouflle des vents de Thrace ; dans l'arrière faifon ? Cette même remarque , touchant les effets contraires du froid & du chaud, de la féchereffe ou de l'humidité, s'applique également à la maladie épizootique qui fait le fujet de ce Mémoire. Revenons aux remèdes qui dépendent de nous, & qu’une Providence fpéciale a placés à notre portée pour le bien particulier de ceux qui favent en trer parti. La gangrène , maladie qui procède direétement d’une difpoftion pu- tride, eft guérie par le régime dont nous avons parlé ; & le quin- quina fe trouve depuis plufieurs années, par une découverte faite en Angleterre, en être un vrai fpécifique, Ce qu'il y a de plus proba- ble , eft que la nature même de toute fièvre lente ou périodique , dans laquelle le corps organique paroïit foible dans fes fonétions, lan- guiffant & relâché, & dont le quinquina , en reflerrant les parties organiques , eft le remède le plus puiffant , a conduit à certe im- portante découverte: cependant , le quinquina , de même qu’un régime un peu forcé , pour enrichir un fang trop appauvri , n’agiffent que par les fels & les efprits qu'ils fourniffent en très-grande abondance ; & ce Spécifique Américain doit par conféquent agir puiffamment & produire des effets falutaires pour la guérifon des maladies putrides parmi les bêtes à cornes, fur-tout, pour celle qui régnoit en 1770 en Hollande, & dans une partie de la Flandre Autrichienne. La même raifon parle en faveur du nitre , dont l'efficacité eft re- connue dans tous les cas pareïls. L’ufage du vinaigre eft falutaire pour les plaies gangreneufes , non-feulement par fa nature faline, mais en- core comme préfervatif dans toutes les maladies peftilentielles : le vi- paigre des quatre-voleurs fut inventé pendant la pete de Mar- fcille , afin de pouvoir emporter impunément les effets des Pefti- férés. L'affa-fœtida & le camphre, les huiles effentielles, les fels, les ef- prits volatils s’'infinuent facilement & promptement parmi les parties SEPTEMBRE 1772, Tome II. Gegi 410 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, organiques ; ; & s’y rangeant comme principe de réunion & de cohé< fion , ils fixent & reflerrent ces parties, chacune felon fon tempéra- ment. La divifibilité ou la volaulité de ces principes , toujours exal- tables de plus en plus, fe conforme à l’organifation qui fe rafine dans chaque siiee à mefure que les parties mêmes fe fubtilifent dans les corps organilés. Cette vérité ef fi fenfble que per fonne n'ignore que ces fubftances font de nature , non-feulement à conferver dans leur entier les fub{- tances Donies & végétales, mais encote à les endurcir & à en ref- ferrer fortement les parties les plus infenfbles , felon la quantité qu’on juge à propos d'y employer. On a donc parfaitement bien fait d’u- nir dans'une feule recette, pour la maladie putride qui règne aujour- d'hui parmi les beftiaux , le nitre, le quinquina, l'affa-fatide & le cam- Pre, l'eau-de-vie & le vinaigre, "dont on avoit ailleurs éprouvé l'efñ- cacité; & le Gouvernement, toujours attentif aux befoins publics, a montré le’ plus fage difcernement en adoptant ce remède qu'il a fait ‘inférer dans la Gazette de Bruxelles: Mais ilne s’agit pas ici d’un remède compliqué, trop coûteux & trop difficile pour un grand nombre de pauvres Payfans : la feule chofe que je me propoe dans ce Mémioire , eft de réduire les principes gÉ« néraux que je viens d'établir fur des faits inconteftables, à un pré- fervatif certain & fimple , très-néceflaire dans un Pays gras & humide, comme la! Flandre ; enfin, de remettre en vigueur un préfervatif connu par les anciens Cultivateurs ; qui fert, non-feulemént à l'amélioration de la chair des beitiaux dont nous notisniour fiflons, mais encore qui forti- fiera, par fon ufage continuel, le tempérament ‘des: animaux, les fera réfifter aux intempéries d’un ait & d’un fol: Qu & qui enfin pré- viendra les plus fortes contagions. C’eft en préparant de loin le corps de l'animal, qu'on lui fait trou- ver en lui-même la force néceflaire pour réfifter aux maladies con- tagieufes , pour en rejetter le venin’, qui fe propage autant par la nourriture infectée , que par la tranfpirannon, la refpiration, &c. Ce préparatif falutaire, eft un ufage conftant du fel gemme; ou à fon défaut, du fel marin Sans chércher à à prouver fon ufage, habituellement fuivi par les An- ciens, & par quelques Modernes , il fufit d’en démontrer Putilité, & même la néceflité , par des faits applicables aux circonftances pré- fentes, Prefque toute la claffe des oifeaux , & toute celle des quadru- pèdes , ont un goût invincible & naturel pour le fel; les moutons & les bêtes à cornes fe portent avec avidité dans tous les lieux où ils peu- vent en rencontrer ; & le nitre , dont nos murs font imprégnés, de- vient bientôt un appàt fufffant pour les engager à les lécher avec a: ag Core habitude , qui nd reftreinte ni aux tems ni aux SUR L'HIST/NATURELLE ET LES ARTS, 421 Mieux, démontre vifiblement le befoin que les corps organifés ont de cette fubftance que la nature paroit leur prodiguer, non pour leur nourriture abfolue, mais pour leur bien-être, & pour maintenir leur fante, En l'année 1748, je me fuis engagé avec M. de Buffon dans une fuite très-longue & très-variée d'expériences &t d’obfervations fur la compoftion & la décompoftion des fubftances animales & végétales. Les conféquences que nous avons tirées conjointement , font appuyées {ur plus de quatre-vinjits infulions , dont les phénomènes généraux ont été conftamment uniformes, autant que l’étendue de nos vues le de- mandoit , pour en pouvoir urer les conféquences les plus claires, les plus importantes & les plus généralifées. Pendant le cours de ces expériences , nous avons remarqué comme un phénomène commun à toutes ces fubftances, que certaines parmi elles, réfiftoient à la décompofition plus long -tems que les autres; mais qu'en général, il ne fe faifoit aucune dificlution des parties vita. les , fans que préalablement les huiles , les efprits & les fels ne fuffent diflons , & tellement exhalés , que les ouvertures des vaifleaux qui Jes renfermoient, en étoient pour ainfi dire incruftées. Avant cette époque , la fubftance , foit animale , foit végétale, refloit en fon entier, & ne donnoit aucun figne du mouvement inteftin, qui la divite enfuite. La feule différence qui s’obferve entre les animaux & les végétaux, quant aux principes conflituans, eft, que leur fubftance, que es {els , de même que les autres principes indiqués, font beaucoup plus exaltés & plus volauls dans les fubftances animales , que dans les vé- gétaux. Cette échelle d’exaltation , ou de plus ou de moins de vola- tilité ou de fixité, a donné occafion aux Chymiftes, en prenant les deux genres felon les efpèces les plus éloignées , de diftinguer les fels qu’on en tire , enfels fixes & en fels volatils ; & la même diftin@ion L peut s'étendre à tous les autres principes d'union phyfique entre les -parties vitales : mais fi l’on fait attention au fyflème général, on verra ‘facilement que le paflage du fel fixe au fel volauil, eft très-aife & très- paturel; où plutôt, que d’après la manière d’exifter de la fubftance -même & felon la place qu’elle occupe dans l'échelle générale, les principes d'union, & plus fenfiblement encore les fels fuivent une certaine gradation conftante ; de facon qu'ils fe volatilifent par degrés, depuis le corps organifé le plus folide & le plus dur , jufqu’aux corps les plus tendres, les plus délicats & les plus remplis d’efprits ani- maux, Les fels fixes des végétaux , en s’uniflant avec le phlogiftique , fe convertiflent facilement par la fermentation putride en fels volatils : toute la claffe des champignons donne par l’analyfe, des fels volatils, S'EPTEMBRE 1772, Tome 11, 422 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & la pâte de froment lavée fucceffivement & pétrie dans différentes eaux, rend également, au lieu de fels fixes, des fels volatils. Ces opérations fi fimples montrent aflez que la même fubftance du fel , en fe changeant, devient ou fixe ou volatile, felon les circonftances particulières de chaque corps organifé; & cela s'entend fufifamment par la nature même de la nourriture végétale, qui devient par la di- geftion, une fubftance animale, imprégnée de fels volatils, au lieu de fixes qu’elle avoit jadis fous fa forme végétale. Cette vérité d’un fel fixe dans fon origine , mais toujours exaltable , s’applique non-feu- lement aux diférentes fubftances végétales & animales ; de façon que dans nos infufons , la diflolution en étoit plus ou moins prompte, felon la manière d’être refpeétive ; mais même les différentes parties de la même fubftance, foit végétale, foit animale, fe décompofoient plus ou moins vite , fuivant fa texture plus ou moins délicate. En gé- néral, les végétaux dont les fels font réputés fixes , fe décompofent moins vire que les fubftances animales; & les parties les plus délicatement or- ganifées du même animal, fe trouvent difloutes bien plus prompte- ment que les parties les plus groffières & les plus folides. On doit fe rappeller ici, ce qui ef conftaté par nos expériences , que toute fubftance organifée, foit végétale, foit animale , s’exalte en fe décompofant ; ainfi nulle décompoñition , vulgairement appellée corruption, ne s’exécute dans une fubftance animale ou végétale , in- fufée pendant un certain tems, fans qu'il fe fafle préalablement une féparation des fels & des autres principes de Punion phyfique. Ce phénomène conftant & général eft fi intéreflant pour le cas préfent, où il s’agit d’un préfervatif contre les maladies putrides, ou d’un amélioratif en tout tems des fubftances organifées, qu'en ren- dant aux mafles infufées, les fels dont elles avoient été privées par l'eau qui les avoit difloutes , nous nous fommes toujours trouvés en état d’en arrêter fubitement la décompofition à volonté, & de faire ceffer les mouvemensinteftins, en y mêlant une nouvelle portion de fel, ou de faire recommencer de nouveau cette décompoñtion, en y ajoutant de l’eau pour difloudre les parties falines qui fixoient la fubitance infufée , & rendoient les parties vitales immobiles (1). (r) Cere puiffance du fet à fixer les parties vitales fe manifefte encore par une expé- rience que je fis à Naples en 1762, fur un certain nombre de Pétoncles, tous en vie & fortant de la mer. L'application immédiate du fl marin, en certaine quantité, faite fur le corps du poiflon , par l'ouverture de fa coquille, le fit s’étendre, fe roidir & mourir à Pinftant. On ne peut être étonné de cet effet Aibie fur des êtres organifés, qui vivent au milieu des eaux falées de la mer, fi lon confidère que cout eft relatif dans la nature, & que l'excès d’une chofe néceffaire à la vie, eft aufli pernicieux que fon entière priva- tion. On fait communément qu’une trop grande abondance de fel, fourni par les pro- vifions falées qu’on donne jouinellement aux Matelots , produit le fcorbut le plus opi- piètre, & les autres maladies mortelles en ce genre. SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 423 Je dois ajouter à ces cbfervations fur la propriété du fel en gé- néral , celles du Chevalier Pringle. On connoït par les expériences de M. Bonnet de Genève, fur les feuilles, que toutes les parties des corps organifés quelconques fe nourriffent plus ou moins en s’im- bibant de l'humidité par leurs pores; il y a même à cet égard dans les parties tranfparentes , une elpèce d’infpiration & d’expiration conf- tante. Cela polé , voici comment j'imagine que le Chevalier Pringle auroit raifonné par rapport au Militaire campé en plein air, dont il étoit alors chargé par devoir. C’eft une remarque qui ne foufre aucun doute, que les Matelots fans cefle mouillés par les eaux de la mer, ne s'enrhumert jamais, quoiqu'ils reftent mouillés des heures entières {ans changer leurs habits qui fèchent fur leur corps : donc le fel, dont cette eau eit imprégnée, doit avoir une propriété fingu- lière qui empêche l’eau, par fa nature réfolutive des parties organi- fées, de les difloudre ou de produire cette maladie putride, que nous nommons rhume. Que reftoit-il donc à faire en conféquence de ce rafonnement, pour empêcher le Soldat de s'enrhumer , quand il campoit par néceflité dans des endroits humides ou marécageux ? Après avoir reconnu , en fouillant la terre dans les lieux bas, la diftance à laquelle on trouvoit les eaux, fi cette diftance n’excédoit pas ua certain nombre de pieds, cet habile Médecin ordonnoit une certaine quantité d'eau fortement imprégnée de fel marin, dont chaque Soldat étoit obligé d’humeéter légèrement fa couverture & fa chemife avant de fe coucher ; par ce moyen, l’armée étoit préfervée de rhumes, qui font les préludes des dyflenteries mortelles , par lefquelles tant de mil- lièrs de Soldats périflent en tems de guerre, & le préfervatif prefcrit a été trouvé infaillible. On ne peut certainement trouver rien de plus précis en faveur de mes idées; & la conféquence de ces phénomènes eft aflez évidente pour prouver que le fel eft un vrai anti-feptique de la première force , & le préfervatif le plus puifflant dans le cas d’une maladie épizootique putride & contagieufe. Cette théorie, quoique démontrée , exige des faits qui la fixent & prouvent fon infaillibilité dans la pratique. Les prés falés fervent non-feulement à rendre la chair des moutons plus ferme & plus fucculente; mais aufli, fi la maladie putride , à la- quelle cet animal eft très-fujet , n’eft pas trop avancée, ce pâturage les guérit & leur rend la fanté & leur vigueur primitive. Cet animal eft d’un tempérament fi relâché & fi prompt à fe décompofer par l'humidité , que fes parties les plus délicates font prefque toujours dans un état d’une plus ou moins forte corruption, & il eft très-rare qu'on examine leur foie fans le trouver putride & rempli d’animalcules. Telle eft cependant la nature du fel qu'ils avalent avec l'air dans les prés falés, que non-feulement les parties les plus confiflantes, mais SEPTEMBRE 1772, Tome 11. 424 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, auffi le foie acquièrent un état de fanté prefque inconnue dans tout autre pâturage, & les animalcules dont il étoit rempli, difparoiflent, Règle générale , le foie de ces animaux nourris ailleurs , eft prefque toujours dans un état de maladie, tandis que ceux qui fortent immé- diatement des prés falés, pour fournir nos Boucheries, font toujours dans un état de fanté & de confftance parfaite. On doit attucllement faire l'application de ce préfervatif aux bêtes à cornes, fur-tout dans le cas de la maladie putride régnante. Or, pour attaquer cette maladie dans fa fource, ou il faut faire un ufage conftant du fel, non-feulement comme un remède anti - feptique très- efficace, mais encore parce qu'il eft démontré par les expériences réi- térées du Chevalier Pringle qu’un peu de fel mêlé avec toute nour- riture quelconque, en aide & perfeétionne la digeftion: mais pour revenir à des preuves plus direétes au cas préfent, voici des faits relatifs à la maladie putride & aétueile des bêtes à cornes ; plufieurs animaux de cette efpèce ont été préfervés de la contagion en Angle- terre par la vertu des prés falés , ou par lufage du fel commun qu’on a mêlé parmi leur nourriture. Ce qui conftate encore plus poftive- ment leffet de ce remède préfervatif, eft ce que j'ai appris du Doc- teur Brady, Médecin des Armées de l'Empire, qui m'a afluré qu’une perfonne très-inteiligente revenant de Hollande dans l2 tems où la maladie épizootique régnoit avec plus de fureur, lui avoit dit qu’on avoit amené de Hongrie , où l'ufage du fel eft conftant , vingt bêtes à cornes , dans l’endroit où il demeuroit alors; que ces animaux avoient été placés au milieu des malades & dans des étables infe&tées , &t qu'aucun n’avoit été attaqué de cette maladie. Il eft donc de la dernière importance de placer du fel marin en maffe dans les étables, ou de le mêler avec la nourriture qu’on donne aux beftiaux. L’effet immédiat & naturel du fel eft de s’incorporer avec les particules aqueufes & de les attirer puiflamment; c’eft une vérité connue de tout le monde ; en les attirant & en les atténuant , à mefure qu’il s’atténue lui-même & fe diftribue dans les parties ‘du corps, il les divife continuellement & en facilite la tranfpiration. Il eft donc un fpécifique fonverain pour prévenir les maladies contagieufes, où le fans eft trop diffous par un mélange excefif de parties aqueufes qui changent & relâchent toute la mafle organifée, Car, tel qu’eft l’air que la bête refpire, & la nourriture qu’elle prend dans un pays , ou dans une faifon trop humide, tel eft le chyle: tel qu’eft le chyle, tel eft le fang ;, & tel qu’eft le fang, telle eft aufli la chair, &c. On voit clairement par ce procédé que ce remède, quoique très-puiflant & le plus naturel qu'en puifle appliquer, eft de telle nature qu'il demandera un certain tems & un ufage conftant de quelques mois, avant qu'il puiffe changer & améliorer le tempérament des bêtes à COÏINES ; SUR L'HIST.. NATURELLE ET LES ARTS. 424 cornes ; mais il n’eft pas moins certain ‘dans fes effets , comme cela paroît démontré par ce que nous venons de dire. La théorie de ce Mémoire eft ingénieufe & bien préfentée ; le remède propolé n’eft pas nouveau; tous nos Cultivateurs en con- noïflent les effets falutaires : heureux ceux dont les facultés leur per- mettent d’y avoir recours ! On ne fauroit trop les inviter à en faire ufage , fur-tout dans les pays humides & marécageux ; cette vérité eft du nombre de celles qu’on ne fauroit trop répéter. Nous donne- rons dans la fuite un abrégé des différentes maladies qui ont régné en France depuis un certain nombre d'années, & les traitemens qui nous ont paru les plus efficaces. RUCHES de nouvelle invention , préfentées à l’Académie Royale des Sciences , par M. DE LA PORTE | Maitre en Chirurgie à Saint- André de Chaufour en Normandie, Cire Ruches confiftent en trois corps de boëtes de fapin quarrées , longues d’un pied & demi , larges & hautes de huit pouces en dehors, partagées intérieurement en deux parties égales , par une cloifon ver- ticale placée en travers ou de devant en arrière , & qui a une ou- verture en fillon horifontal , de trois à quatre lignes de largeur fur toute fa longueur dans fa partie fupérieure , qui fe ferme par une plaque de fer-blanc, gliffant dans une couliffe : on pratique deux pe- ütes ouvertures pareïlles, à coulifle, fur l’une des moitiés de chaque boëte. Les trois boëtes font conftruites de même , avec cette diffé- rence , que l’une des trois doit avoir fes ouvertures à gauche , afin de pouvoir s’accorder en s’uniffant à l'une des deux autres qui les au- ront à droite. Chaque boëte a , outre cela , deux portes quarrées , une à chaque divifon , de trois pouces de longueur fur un pouce de hauteur , qui fe ferment avec deux petites couliles de bois en forme de trappes garnies de fils d’archal, diftantes de trois lignes à un bout , pour laiffer pafler les abeilles , & d’une ligne au plus par l’autre bout , pour les empêcher de fortir , & pour empêcher les autres animaux . d’entrer dans la Ruche. Ces trois boëtes s’aflujettiflent avec des crochets 8 fe pofent fur une table de trois pieds de longueur 4 ayant à fon milieu deux ouver- rures longues de quatre pouces , qui fe ferment avec une feule cou- life de fer-blanc. Les quatre pieds de la table ont , à huit pouces une ligne au-deflous de la table , deux traverfes longitudinales , liées en- femble par deux bandes tranfverfales en coulifles , qui doivent fervir de linteau pour laïfler glifier une des boëtes fur la table , loriqu'on en veut faire fortir les abeilles. SEPTEMBRE 1772, Tome IL. Hhh 426 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Voici quel eft l’ufage de ces boëtes. D'abord, on fait entrer une fois” feulement , & pour toujours , un effaim dans l’une de ces boëtes ; on la pofe fur une planche de même grandeur , que M. de la Porte appelle planche à récolter à caufe de fon ufage , & on la porte ainfi pour lajufter fur le milieu de la réunion des deux autres boëtes vuides , placées bout à bout ; de manière que chacune de fes deux chambres intérieures , correfponde aux deux ouvertures fupérieures de chacune des deux boëtes inférieures. De ces quatre ouvertures , les deux coins qui répondent au milieu de la boëte fupérieure , font deftinés à laiffer pañler les abeilles, pour former deux eflaims dès le mois de Mai de la deuxième année , fans être obligé d’effaimer ; & fi elles produifent une feconde fois en Juillet ou Août , on ouvre les coulifles de com- munication pour les laifler entrer dans la feconde divifion de chacune des boëtes inférieures. . On laifle , pour la première fois feulement , les abeilles travailler deux années de fuite dans ces trois boëtes avant de faire la récolte ; c'eft-à-dire , depuis Mai ou Juin de la première année jufqu’en Sep- tembre de la feconde année , afin qu’elles aient du couvain de l’année précédente , qui leur donne des abeilles au printems fuivant. Les autres années qui fuivront , on récoltera en Septembre. Cette récolte eft toute dans la boëte fupérieure dont les gâteaux font pleins de miel en Septembre ; pendant que les deux autres con- tiennent du couvain & de la cire pour l’année fuivante. Pour faire cette récolte , on tourne d’abord en bas les petites grilles des portes pour empêcher les abeilles de fortir le foir après qu’elles font rentrées 3 enfuite, on foulève doucement la boëte pour empêcher les abeilles d'en {ortir; on fait pafler par-deflous, la planche à récolter, puis on ren- verfe doucement la boëte ; on la pofe légèrement fur les barres des pieds du deflus de la table , en la laifant gliffer entre les deux tra- verfes à couliffe , en retirant à mefure la planche à récolter , en en ouvrant en même tems la trappe à couliffe pour laïfler remonter les abeilles qui pourroient y être reftées : ce n’eft que le lendemain matin qu'on porte cette boëte avec les autres au fondoir pour en tirer les gateaux. Le feul foin qu’exigent ces Ruches , eft de retourner les petites grilles en bas pendant l'hiver & les mauvais tems , où il ne faut pas laïffer fortir les abeilles , & an çontraire retourner les grandes grilles loriqu'ii eft à propos qu’elles fortent. Au mois de Mars , on fépare Pune de lautre les deux boëtes qui étoient reftées pendant lhiver après la récolte ; on les place fur deux autres boëtes vuides , ce qui fait deux eflaims féparés naturellement fans la moindre perte. Les avantages de cette méthode font évidens. 1°. Les Ruches s’y partagent naturellement fans contrainte , & n’eflaiment jamais ; on ne L SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. “427 * perd pas une feule abeille , on fait la récolte ; on fépare les efaims fans que , pour ainf dire , les abeilles s’en apperçoivent , ce qui n’in- terrompt pas leurs travaux. 2°. Comme on fait la récolte d’un tiers de chaque Ruche tous les ans , il refte deux tiers aux autres abeilles pour continuer leurs ouvrages, &, par ce moyen, elles n’ont pas de cire de deux ans, ce qui leur eft contraire & engendre de la vermine. Ce tiers produit au moins deux livres de cire & douze à quinze livres de miel. 3°. Enfin, le miel & la cire qu'on retire , font nouveaux & fans mélange de couvain , inconvénient qu’on ne peut pas éviter dans toutes les autres méthodes. Les vues de M. de la Porte s'étendent non-feulement fur le perfec- tionnement des Ruches , mais encore fur les moyens de tirer une plus grande quantité de miel & de cire de la première qualité : il a ima- giné pour cet effet une efpèce de fondoir , avec lequel on retire tout le miel , fans preflurer les gâteaux ; au lieu qu’en fuivant les méthodes anciennes , on n'a pas un tiers de miel fin & non prefluré. Il réfulte de cet expofé , que les nouvelles Ruches de M. de la Porte, & fa manière de tirer le miel , font préférables aux pratiques an- ciennes. Par les avantages qui en réfultent , foit pour la multiplication fa- cile des abeilles , foit pour la quantité & la qualité du miel & de la cire , qu'on a toujours nouveaux ; & fans mélanges : mais toutes fim- ples que paroïffent & que foient en effet ces Ruches , il eft probable que les Payfans auront de la peine à les adopter , fi l’on en juge par les difficultés qu'ils trouvent à faire ufage des Ruches à hauffes de M. Palteau , qui rt également’ fimples ; auffi M. de la Porte a-t-il en vue de lever cette difficulté , en demandant à l’Académie -une appro- bation , qui , en accordant à la bonté de fa méthode , les éloges que nous croyons qu’elle mérite ; le mette à portée d'obtenir du Gouvernement un établifflement , une efpèce d'école pour former fous fes yeux des fujets en état de conduire ces nouvelles Ruches , & de les propager peu-à-peu dans toutes les Paroïfles du Royaume. Nous faififions avec empreflement cette occafion ; pour annoncer un Ouvrage parfait en ce genre , intitulé : Traité de l'Education éco- norique des Abeilles , par M. Ducarne de Blangy , un gros vol. in-12 , prix 3 Liv. 12 fols relié ; à Paris , chez Guéffier , au bas de la rue de la Harpe. Ceux qui élèvent des abeilles , où par amufement , ou dans ‘la vue d’en tirer un profit , liront ce Traité avec plaïfir ; ils y trou- veront l’utile & l'agréable. AGP SEPTEMBRE 1772, Tome IL. Hhhi} 428 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EXPÉRIENCES du Doëüleur Black, fur la marche de la Chaleur dans certaines circonffances. \ E S expériences que nous publions dansce Recueil, ont été adreflées d'Edimbourg, par un des Dilciples du Doëteur Black. L'école d’Edim- bourg fera époque dans l'Hiftoire de la Phylique , pour s’être principa= lement occupée du feu & de l'air fixe. Le Docteur Black eft celui qui a le plus multiplié les expériences fur ces deux points importans. Nous nous propofons de les rapprocher & d’en former un enfemble inftru&if, qui puifle donner à nos Compatriotes, une idée de tout le travail de cet Académicien. Comme les expériences fuivantes ne roulent que fur un point ifolé, nous avons cru devoir les détacher des autres, que nous préfenterons le plutôt qu'il fera poffible à nos Leéteurs curieux d’expé- riences , dont les réfultats font auffi piquans que les procédés en {ont ingénieux, PORENMIPÉ RENE X/PNÉ ROLIENNICIES Prenez de la neige ou de la glace d’une température au-deffous du 32° degré du thermomètre de Farenheit, ou de o du thermomètre de M. de Réaumur ; expofez-la à un degré de chaleur plus que fufiint pour la faire fondre. Le thermomètre vous donnera des fignes fenfibles de la chaleur acquife, jufqu'à ce qu’elle foit à 32 degrés: alors, la neige ou la glace commenceront à fe fondre ; mais l’eau qui en réfultera ne fera pas monter le thermomètre au-deflus des 32 degrés de Farenheit, ou de o de Réaumur , jufqw’à ce que la quantité expofée foit totalement fondue. Il eft cependant certain que pendant la fonte , l’a@tion des corps environnans n'aura pas été interrompue, & que la neige on la glace en auront continuellement reçu de la chaleur: mais lorique la fonte fera complette , le thermomètre marquera chaque point d'augmentation de chaleur, & on le verra en peu de tems fe mettre de niveau avec la tem- pérature des corps ciconvoifins. IL paroît par cette expérience que la glace n’a pas ceflé d'acquérir de la chaleur , tandis que le thermomètre eft refté fixe: mais cette chaleur, dans fa gradation , n’a pu être fenfible, parce que laglacefolideen ablor- boit une portion qui fervoit à la convertir en eau fluide; & la portion abforbée étant égale à celle communiquée par les corps environnans, il eft réfulté de cette marche de la chaleur, que pendant la fonte, le thermomètre a dû refter fixe. KISS PE NXMEMEMREINENNNICRE- Prenez de l’eau fluide dont le degré de chaleur foit au-deflus de 32 momètre doit refter fixe, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 419 du thermomètre de Farenheit ou de o de celui de Réaumur; expofez-la à un froid plus que fuffifant pour la congeler. Le thermomètre vous donnera les différens degrés de refroidifflement que l’eau acquerra, juf- qu’à ce qu’elle foit parvenue à 32 degrés de Farenheit; mais il reftera fixe à cette température, jufqu’à ce que la congelation foit parfaite; il n’eft pas moins certain que pendant le tems dela congelation., les corps environnans auront graduellement perdu quelques degrés de chaleur; cependant, ce ne fera que lorfque l’eau fera totalement gelée , que la liqueur du thermomètre marquera le même degré de température des corps voifins. Cette expérience. eft l’inverfe de la première. Toute la chaleur qui avoit été abforbée par la glace, pour la réduire en eau fluide, en (ort dans ce dernier cas pour opérer fa converfion en glace. Le développe- ment & la difipation de la chaleur s’opèrent en même raifon que fon in- troduétion dans les corps qu’elle pénètre ; & dans les deux cas, le ther- RL M PR RP EE RU EN NICE, Au lieu d’eau, prenez du fel & de l'eau, ou joignez à l’eau quelque corps étranger qui retarde, fa congelation; placez ce mêlange comme dans la feconde expérience : l’eau chargée de fel, après avoir atteint les 32 degrés, continuera à {e refroidir encore graduellement jufqu’à ce qu’elle par vienne au point propre de fa congelation. Le thermomètre reftera également fixe pendant tout le tems néceflaire pour opérer la congelation, LV, ExPÉRÉENCE De l’eau renfermée dans un vafe exaftement fermé , tel qu’un globe de verre, &c. conferve fouvent fa fluidité au-defflous même du 32°. degré de Farenheit, ou de o de Réaumur; fi l’on ouvre le vafe, ou fi on agite l’eau , immédiatement elle fe congele & remonte au même inf- tant à la température de 32 degrés. Les deux expériences précédentes fervent à démontrer que ce qui retarde la congelation de l’eau, retarde auff la diflipation de fa chaleur interne; elles prouvent que pour que la congelation puifle avoir lieu, il faut nécefairement que toute cette chaleur foit diffipée. VEPME"X/PPE:RUIPE NO E, Mêlez des eaux de températures différentes en égales quantités ; le degré de chaleur défigné par le thermomètre fera celui qui tient le milieu entre les deux extrémités : 1l n’en fera pas de même fi vous mê- lez de la neige avec de l’eau; la température fe trouvera au-deflous du milieu. Comparons cette dernière expérience avec les précédentes , & nous SEPTEMBRE 1772, Tome Il. | 430 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, verrons que , D: la fluidité s’opère par la fonte , foit qu’ellefe faffe par diflolution , i! faut néceflairement que dans l’un & l’autre cas, il fe trouve également une certaine quanfité de chaleur cachée & abforbée , de façon à ne pas affeéter le thermomètre : mais les expériences que lon vient de détailler fe bornent à l’eau & à la glace, c’eft-à-dire, à l’eau dans fon état de folidité & de fluidité. Il y a lieu de croire que .ce réfultat n'eft pas limité à ce corps; car le fel de Glauber & d’autres fels fe diflolvent dans l’eau, & tandis qu'ils deviennent fluides, ils abforbent une quantité de chaleur fenfble , alors, on dit qu’ils engen- drent le froid; fi l’on agite une folution de fel de Glauber , elle fe fige, & pendant fa concrétion, elle fe dépouille de la chaleur interne & cachée qu'elle contient, & on dit qu'elle engendre le chaud. Le même phénomène pourroit s’obferver dans plufeurs autres corps , au moment qu'ils deviennent folides ou fluides. On pourroit tirer de ces faits ces induétions générales. Tous les corps abforbent une certaine quantité de chaleur, lorfquw'’ils paffent d’un état de folidité à celui de fluidité ; & c’eft à cette abforption que l'on doit attribuer leur fluidité. Lorfque de fluidesils font convertis en folides, ils fe dépouillent d’une manière fenfible de cette chaleur cachée qui caufoit leur fluidité, & cette difipation les rend folides. Il y a donc dans tous les fluides une double chaleur , l'une fenfible & Pautre cachée ; la prémière agit fur la liqueur du thermomètre qu’elle met en expanfion , l’autre ne fe manifefte que parce qu’elle produit la fluidité de la glace ou de la neige. Ainf , fuivant le Doéteur Black, ce n’eft pas feulement dans la con- verfion d’un corps folide en fluide que cette abforption de chaleur a lieu; car l’eaz, lorfqw’elle s’échauffe au 211° degré de Farenheit, qui eft le 105° de Réaumur, abforbe une quantité prodigieufe de chaleur qu'elle tiré des corps qui l’environnent, & c’eft cé qui la convertit en vapeur élaftique. La vapeur élaftique ne paroît pas au thermomètre plus chaude que l'eau bouillante; cependant, une livre de vapeurs, paflant à travers'un alambic, communiquera plus de chaleur à l’eau conténue dans le réfri- gérant , que la même quantité d’eau bouillante. Si l’on détermine la quantité de chaleur fenfible abforbée pour rendre l’eau fluide, on peut faire l'expérience fuivante. VUE: PTE RIRE NICE: Mettez dans un lieu chaud, une quantité d’eau nouvellement dégelée!, êt une quantité de neige prête à fe dégeler, l’eau acquérra fenfble- ment tant de degrés de chaleur par heure, ou par minute, tandis que Hnergerne paroïîtra en recevoir aucun jufqu'à ce qu'elle foit fondue, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 431 Cette expérience eft infaillible; &c en fixant la quantité de chaleur reçue par l’eau dans un tems donné , on peut calculer la quantité abforbée pour produire la fluidité. LETTRE adreffée à l'Auteur de ce Recueil, Monsieur, J'ai lu votre Recueil d'Obfervations fur la Phyfique, &c. de Juillet dernier, où vous me citez, page 259, pour avoir oui dire à Madame de Sy , une partie des faits finguliërs attribués à Madame Pédésache, & vous ajoutez « que je ne pouvois croire de tels prodiges, ce qui eft exaétement vrai: mais comme cette phrafe pourroit donner lieu de penfer, que n’y croyant point alors, je ferois peut-être porté a@uelle. ment à y croire davantage; je fuis bien-aife de vous dire, Monfieur , que , loin d’ajouter foi à de pareils contes dénués de toute vraifem- blance , je ne crois , en fait de Phyfique, qu’à ce qui eft démontré par des expériences répétées , & par une évidence mathématique: ce que j'ai oui dire au fujet de la dame Pédégache & de l'Hydrofcope du Dau- phiné, m’a paru aller de pair avec l’Hiftoire des Vampires de Hon- rie, la Baguette devinatoire , les Revenans , les Succubes & les Incu- fe ; & tant d’autres contes ridicules & inventés par la fourberie ou Fignorance , & qui font indignes en tous points de l'attention d’un Phy- ficien. Voilà, Monfieur , ma profeffion de foi fur les matières dont il s’agit, que je vous prie d’inférer dans le premier Cahier que vous publierez, J'ai honneur d’être, &c. LE COMTE DE MuiLLy. OBSERVATION Jur Les effets de la goutte. M. Masor Rooc, Chirurgien - Apothicaire, haute Shawell, âgé d'environ quarante-cinq ans, eut en Mars 1753, un accès de goutte fort violent: fa goutte étoit vagabonde ; elle pafla auffi vite qu’un éclair, de fes pieds, de fes malléoles, de festalons à fes mollets; elle pafla avec la même promptitude aux deux cuifles ; une minute après elle fe jetta dans l'abdomen. Le malade reflentit de très-violens picottemens dans les inteftins. Survint alors un vomiflement ; le malade rendit une pinte & demie environ d’une liqueur aqueule verte, mais fi corrofive qu’elle paroifloit de la nature du plus fort acide minéral. Cerre crife termina les douleurs, & elles ne fe firent fentir qu’en Février 1754, SEPTEMBRE 1772, lome 11. 432 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qu'il en fut délivré par un vomiflement naturel, femblable à celui de 1753. Il faut remarquer que le malade, pendant tout le tems de ces deux accès, fe trouvoit le matin baigné d’une fueur abondante : fon linge étoit comme fi on l’eût trempé dafis du fafran, & fon urine d’un rouge foncé, femblable à celui d’un gros vin; fon haleine avoit une odeur infupportable. Les mêmes douleurs & les mêmes fymptomes reparurent en 1755; & finirent de même par un vomiflement; mais la liqueur qu’il rendit, étoit moins abondante, fans doute à caufe de la matière vifcide, fembla- ble à celle du blanc d'œuf, avec quelques fables crétacés qui lui for- tirent par l'extrémité du doigt du milieu du pied gauche : après cet accès, 1l y eut deux doigts d’une main & trois de l’autre qui fe charge- rent de petites pierres crétacées. Quelque tems après ce dernier accès, il lui fortit de l’extrémité du pied gauche, prefque deflous le gros orteil , une grande quantité de matière crétacée, ce qui continua d’ar- river de tems en tems pendant l’efpace d’environ trois eu quatre mois; en 1756, il fortit de la plaie que la matière crétacée avoit faite en for- tant & qui étoit reftée ouverte, plein une tañle de matière qui rellem- bloit à de la craie délayée. Le malade ayant fait au même endroit une large incifion , il en fortit une pinte de matière féreufe, fanguinolente, pleine de petites pierres crétacées qui fembloient auf corrofives que celles qu'il avoit rendues auparavant par les vomiffemens. La plaie s’étant cicatrifée, ce Chirurgien a joui de la plus parfaite fanté. Obfervation fur un Raifin prodigieux. Au crû Païllet, près de Bordeaux , on voyoit au commencement de Juillet 1772, une grappe de raifin de, 38 poucesde longueur, fur 44 de circonférence, OBSERVATIONS [ur quelques Poiffons électriques. Les expériences faites à la Rochelle par M. Walhs furla Torpille; publiées dans une des dernières Gazettes de France du mois pañlé, nous ont engagés à faire des recherches & à examiner ce que les Au- teurs ont dit fur ce poiffon fingulier. Les différentes découvertes qui fe font chaque jour dans les Sciences qui nous occupent principalement dans ce Recueil, ne peuvent nous être indifférentes. En même tems que , nous aurons l'attention d’en recueillir les détails les plus circonftanciés, nous nous croirons obligés de remonter jufqu’aux premières vues qu'on a eues fur ces matières; de fuivre les progrès & les développemens qu’elles ont eus; en un mot, de tracer la marche que l'efprit humain a faite pour parvenir aux vérités qu'il a femées fur fa route. C’eft pour remplir, æ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 433 remplir , autant qu'il eft en nous, ce plan d’inftruétion, que nous allons donner ici un plan chronologique de ce qui a été écrit fur les poiflons éleétriques, qui communiquent, lorfqu’on les touche , des commotions violentes, femblables à celles de l'expérience de Leyde. Nous croyons devoir préfenter ces détails à nos Leéteurs , en attendant que nous puif- fions leur rendre un compte exa& des belles & ingénieufes expériences que M. Walhs vient de faire à la Rochelle fur la Torpille des Côtes de France, Ce poiffon eft connu fous des noms différens. On le nomme en Latin Torpedo ; Belon l'appelle Tremble , du nom adopte fur les Côtes du Poi- tou , d’Aunis & de Gafcogne; à Gênes, il eft connu fous celui de Trémo- rife ; de Dormiloufe à Marfeille ; & en général fous celui de Torpille, adopté par Rondelet. M. le Chevalier Von Linné le comprend dans la troifième divifion des Amphibies; c’eft-à dire, dans celle des indivi- dus, dont la queue eft terminée par des nageoires , & quirefpirent par des ouies de côté, & il place la Torpille dans le genre des Raies, fous la dénomination triviale de Raja Torpedo. Roridelet compte quatre efpèces de Torpille, ou variétés, qu’il claffe après les Paftenagues ou Tares, Raya Paffinaca , Lin. & les Raies. Jonfthon fuit à-peu-près le même ordre. La première efpèce, dit Ron- delet , a cinq grandes marques au-deflus du corps. Voyez Planche I, Figure I. Elles font circulaires, blanches & noires; on les prendroit pour des yeux, c’eft pourquoi les Romains l’ont appellée ocu/larella ; le refte du corps eft rougeâtre. La Torpille eft un poiflon plat, cartilagineux , large fur le devant, . rond fur les côtés, finiffant en une queue charnue; on obferve à fon commencement deux nageoires, dont la première eft plus confidérable que la fuivante. Ce poifion a les yeux petits, fuivant la proportion de fon corps; añ-deflous , & après les yeux, on apperçoit de grands trous qui pénètrent jufque dans l’intérieur de la bouche ; la bouche eft petite & placée en-deffous , garnie de petites dents aiguës; des trous tiennent lieu de riarrines fur le devant de la bouche; les ouies font prefque placées au milieu du corps. La feconde efpèce diffère de la première, en ce que les marques noi- res ne font point diftinguées par des cercles, voyez Figure Il, ni égale- ment difpofées. Le refte du corps eft le même, foit par la forme, foit pour la couleur. | La troifième a des taches de différentes formes, mäis inégales & pla- céesirrégulièrement , voyez Figure III. à La quatrième n’a aucune marque fur tout le corps ; elle eft de la même couleur que la première , voyez Figure IV. Il nous paroît que ces mar= ques ou ces taches ne font pas des caraëères fufñlans pour en conftituer quatre efpèces différentes , parce que nous favons que l’âge, le fexe, le SEPTEMBRE 1772, Tome IL. Ji 434 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, froid , la chaleur, le tems de l’accouplement , font difparoître les cou« leurs naturelles des poiflons , & leur en prêtent d’étrangères. Il faudroit donc des obfervations mieux fuivies & plus multipliées, pour fe déter- miner à en faire quatre efpèces. De la connoiffance de l'animal, paffons aux effets qu’il produit. Obfervons cependant, qu'il eft furprenant que : M. Gouan, dans fon excellente Hiftoire des Poiflons , ait oublié de parler des Raies, des Torpilles, efpèces aflez communes dans la Médi- terranée. : On lit un Mémoire de M. de Réaumur fur la Torpille, publié dans le Volume de PAcadémie Royale des Sciences pour l’année 1714, dans lequel cet Auteur dit: Je chargeai des Pêcheurs de me conferver en vie, les Torpilles qu’ils prendroient, J’étois dans une maïfon éloignée de la mer d’une lieue, lorfqu’ils m'en apportèrent deux en vie, & en appa- rence affez vigoureufes : cependant, j’eus beau les toucher en difié- rens endroits & en différentes circonftances , je ne reffentis pas même le moindre engourdiflement. Pour ranimer leur vigueur, je les mis dans des vafes pleins d’eau de mer; elles y nagèrent, elles s’y donnerent tous les mouvemens que les poiffons fe donnent dans l’eau, mais elles ne me firent reflentir rien d’extraordinaire. La puiflance qu'a ce poiflon d’engourdir, me paroïfloit néanmoins avérée par des témoignages trop authentiques, pour que j'ofaffe la révoquer en doute, Tout ce que je crus devoir conclure de cette pre- mière expérience, c’eft que mes Torpilles étoient affoiblies, & qu’en S’afloiblifant elles perdotent leur vertu. Le parti le plus für me parut de les examiner dans la mer même. Jengageai les Pêcheurs à m'y confer- ver celles qu'ils prendroient. Il me fembloit que les Torpilles vouloient me faire douter de leur vertu. La première que je touchai dans la mer, quoique grande , quoi- que vigoureufe , quoiqu’elle eût toujours reftée dans l’eau; fe laiffa manier à diverfes repriles, fans me faire rien fentir d’extraordinaire. Il ne manqua qu’un peu de vivacité à juger pour traiter de fable, tout ce qu'on nous en a rapporté. La Torpille enfin fatiguée de mes attou- chemens réitérés, me fit voir ce dont elle étoit capable ; je fentis une efpèce d’engourdiflement, qui fubitement s’empara de tout mon bras, depuis la main jufqu’à l'épaule, & qui étonna même la tête: il étoit fort différent des engourdiffemens ordinaires & accompagné d’une dou- leur confidérable, quoique fourde. J’étois hors d'état de remuer la main & le bras ; je fentois danstoute l'étendue de mon bras, une efpèce d’éton- nement qu'il n’eft pas poflible de peindre; les fentimens ne peuvent guères fe faire connoître, même par comparaifon: celui-ci pourtant avoit quelque rapport avec le fentiment douloureux que l’on fent dans le bras, lorfqu’on s’eft frappé le coude rudement contre quelque corps dur, Dans le même inftant , l’engourdiflement s’'étendit de la main à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 435 l'épaule. Enfin, j'avouerai ingénument, que l’efpèce de douleur qui laccompagna fut telle, qu’elle ralentit un peu mon ardeur à faire par moi-même des expériences fur la Torpille. Il ne faut point être Phyficien pour aimer à s'aflurer des faits extraor- dinaires. J'avois avec moi cinq ou fix perfonnes qui eurent toutes, pour toucher la Torpille, le mème empreflement que j'avois eu. Elles vou- lurent faire effai de fa vertu, au péril de la douleur dont elles étoient menacées. La curiofité de prefque tous ceux qui touchèrent le poillon, fut récompenfée comme la mienne ; il étoit en humeur de faire ufage de fes forces, il en faifoit ufage fréquemment: aufli la plupart s’en tinrent à un premier effai, fur-tout, ceux qui, comme moi, reflenti- rent l’engourdiflement ju{qu'à l'épaule ; car il y en eut deux ou trois mieux traités , la douleur n’alla que jufqu’au coude. Au refte, la douleur de cet engourdiffement n’eft pas de longue durée ; elle diminue infenfiblement, & au bout de quelques inftans, elle eft entièrement diflipée. Quand mon bras fut revenu dans fon pre- mier état, l'envie de faire de nouvelles expériences, ne manqua pas de renaître. Le naufrage évité, on fe remet en mer pour courir de nou- veau après la fortune. Les richefles d’un Phyficien font l’expérience, & le nouveau rifque qu’il avoit à courir, n’alloit qu’à une douleur de bras; je retouchai donc la Torpille, & je m’enhardis à la toucher fréquemment. L’engourdiffement qu’elle me caufa , n’alla-plus aufñ loin que la première fois, aufli reflentis-je beaucoup moins de dou- leur. Apparemment que la Torpille étoit affoiblie, & peut-être que celle que M. Lorenziny (1) toucha l’étoit auffi, puifqw’elle ne lui caufa jamais de douleur par-delà le coude. Rhedi aflure au contraire que l’en- gourdiflement que lui caufa celle dont il éprouva la vertu, alla jufqu’à l'épaule; celle de Rhedi étoit aufi vigoureufe que la mienne l'étoit dans le commencement de mes expériences. Quoi qu'il en foit, du degré de force qu’a la Torpille pour en- gourdir , 1l eft certain au moins que l’engourdifflement qu'elle caufe, s'empare quelquefois de tout le bras juiqu’à l'épaule. Mais com- ment ce poiflon opère-t-il cet engourdiflement ? c’eft ce qu'il étoit naturel d'approfondir, après s’être afluré de fa réalité. Nous ne fuivrons pas l’Auteur dans l'explication qu’il donne de cet engourdiffement , & comment l’animal peut l’occafionner ; les expé- riences que nous allons rapporter en démontreront le peu de fonde- ment: nous ne dirons pas avec les Anciens, que cet animal a une vertu torporifique; ce feroit expliquer la caufe par les effets , & les effets par (1) Cet Auteur a donné en 1678 un petit Traité imprimé à Florence, qui laifle peu à defirer fur la defcription de la Torpille, & fur les effets dont le principe ne lui étoit pas mieux connu qu'aux Auteurs, qui, jufqu'à ce jour, en ont parlé. SEPTEMBRE 1772, Tome IL. liiij 436 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la caufe: nous ne dirons pas avec Rhedi, Pérault, Lorenziny , que cette vertu dépend d’une infinité de corpufcules qui fortent continuellement de ce poiflon , & qui en fortent plus abondamment dans un tems que dans un autre; ilreftera toujours à expliquer de quelle nature font les corpufcules : nous ne dirons pas avec Borelly, que lorfqu’on touche ce oiffon , il eft agité lui-même d’un fi violent tremblement, qu'il caufe nie la main de ceux qui le touchent, un engourdiflement douloureux; mais qui eft-ce qui produit ce tremblement s’il exifte ? Il eft aifé de faire des fuppofñitions, de produire des données ; il n’eft pas fi facile de dé- montrer ces fuppofñtions, & de les convertir en réalités. L’explication que donne M. de Réaumur étoit recevable dans un tems-où on ne pou- voit pas en donner de meilleure, & 1l étoit naturel de chercher dansla firudture de l’animal , dans la force de fes mufclés, desraifons:au moins plaufbles. On peut confulter ce qu'il a dit du méchanifme de ce poiflon, dans le Mémoire que nous avons cité. Nous nous contentons de rapporter une obfervation qui mérite d’être vérifiée de nouveau, à préfent que les effets de la Torpille font bien. connus. Après avoir bien obfervé la Torpille, continue M. de Réau- mur, je parvins à connoître affez précifément l’inflant où elle étoit prête à produire l’engourdiffement ; je le prédifois d’une manière sûre à ceux qui la touchoient. La Torpille, comme tous les poifons plats, n’eft pas néanmoins abfolument plate; fon dos, ou plurôt tout le deflus de fon corps, eft un peu convexe; je remarquai que pendant qu’elle ne produifoit, ou ‘ne vouloit produire aucun engourdifflement dans ceux qui la touchoient, fon dos gardoit la convexité qui lui eft naturelle; mais vouloit-elle fe difpofer à agir, elle diminuoit infenfblement la convexité des parties de fon corps, qui font du côté du dos, vis-à-vis. fa poitrine, Figure V, A A: elle applatifloit ces parties ; quelquefois même de convexes qu’elles font, elles les rendoit concaves. Alors, linftant étoit venu où l’engourdiflement alloit s'emparer du bras, le coup étoit prêt à partir; le bras fe trouvoit engourdi, les doigts qui prefloient le. poiflon, étoient obligés de lâcher prife; toute la partie du corps de l'animal, qui s’étoit applatie, redevenoit convexe: mais au lieu qu’elle s’étoit applatie infenfiblement, elle devenoit convexe fi fubitement ,, qu'on n’appercevoit point le paflage de l’un à l’autre état ; peut-être que le mouvement d’une balle de moufquet n’eft guère plus prompt que celui -des chaïrs qui reprenoiïent leur première fituation. L’un du moins. n’eft pas plus aifé à appercevoir que l’autre. C’eft de ce changement fubit que naît le coup, & de-là l’engourdiflement. On lit à la fin d’une Differtation du Doëteur Godefroi Wilh Schil- ling , fur une maladie prefque inconnue en Europe, & que les Peuples d'Amérique appellent Jaws, des obfervations trop intéreflantes fur la. Torpille , pour les pañler fous filence. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 437 La commotion que la Torpille donne à l'homme qui la touche, eft fans contredit furprenante. La reflemblance de cette commotion avec les effers de l’éleétricité, a fait comparer ce poiflon par plufieurs Phy- ficiens avec la bouteille de Leyde , & les a portés à croire que tous fes effets dépendent de fa vertu éle&trique Je n’admettrai ni ne rejetterai cette opinion; peut-être trouvera-t-on dans les obfervations fuivantes ; un motif de plus pour l’admettre. Cette raïfon paroîtra fur-tout démonf- trative à ceux qui penfent que la vertu éleétrique & la force magnéti- que reconnoiflent le même principe. J'ai eu au mois de Juillet de l’année 1764, une Torpille de fix pouces de longueur & d’un pouce d’épaiffeur, fur laquelle j'ai répété des expériences avec l'attention la plus fcru- puleufe. Ce poiffon fut placé dans un baquet affez grand pour pouvoir y nager commodément. Il excitoit de fi fortes commotions , que tous ceux qui le touchèrent perdirent pour un moment la faculté de mouvoir leur bras & le fentiment dans cette partie. J'avois alors deux pierres d’aimant, l’une naturelle & l’autre artifi- cielle; à l’une des deux étoit fufpendu un poids de quatre onces. Après avoir enlevé ce poids, j'approchois l’aimant du poiflon placé dans l’eau fur une table, & je vis le poiflon fe mouvoir auffi-tôt dans toutes fes parties, quoiqu'il re füt touché par aucun corps; ayant approché l'aimant de plus près, je vis avec étonnement ce poiffon faire des efforts pour s'enfuir ; mais pour pouller plus loin mon expérience, j'appuyai mon aimant fur l’eau dans laquelle le poiflon’ nageoit. La Torpille s'étant agitée pendant près d’une heure de plufieurs manières difé- rentes, s’approcha enfin de plus en plus de laimant , & s’attacha à lui de la même manière que le fer s’y attache, Ce fpettacle me frappa telle- ment, que j'appellai à l’imftant tous mes amis, afin de les rendre témoins de ce phénomène; M. Stok, Doëteur en Médecine & excellent Phyf- cien , fut du nombre. Nous féparâmes le poiffon d'avec l’aimant par le moyen d’un inf: trument de bois & avec beaucoup de précautions , parce que per- fonnc n’ofoit le toucher. Il paroïfloit d’abord fe féparer de lui-même pou ainfi-dire , mais à contre-cœur ; il étoit languiffant , & lorfqu'il ut à une certaine diflance , il reprit fa première vigueur : alors, un des afliftans le toucha fans fentir aucune commotion. Peu de jours après, il s’approcha de nouveau de laimant , comme s’il en étoit attiré ; il demeura attaché pendant près de demi- heure , après quoi il quitta Päimant de lui-même; alors, on pouvoit le toucher impunément. L’ai- magt n'empêcha pas le poiflon de prendre fa nourriture, quoique fuf- pendu dns l’eau, Apres avoir retiré cette pierre de l’eau , nous la trouvâmes cou- verte de petites particules ferrugineufés | comme lorfqu’on approche SEPTEMBRE 1772, Tome 11, 433 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE. l’aimant de la limaille de fer. Ce nouveau phénomène augmenta notre furprife, & fit naître de nouvelles conjetures. Je jettai la Torpille dans un autre baquet où j'avois fait mettre de petits poiflons , des vers & des morceaux de pain. Le poiflon en eft devenu plus vigoureux , & on pouvoit alors le toucher impunément. Je voulus recommencer mes’ expériences au bout de quelques jours , mais je m’apperçus que la Torpille n’avoit plus aucune vertu. Huit jours après, ayant obfervé la même chofe , je m’avifai de jetter de la limaille de fer dans l’eau où étoit la Torpille , & elle ne tarda pas à recouvrer fa vertu. Quelques jours après elle produifit fur mes doigts une commotion aflez forte , mais elle ne parvint pas jufqu’au coude. ; L’aimant étant approché de nouveau , le poiffon s’y attacha comme la première fois ; il n’y demeura pas aufli long-tems , &c il ne caufa plus dans la fuite de commotions fenfibles aux bras de ceux qui le tou- chèrent. Depuis ce tems , je n’ai laiflé échapper aucune occafion d’exa- miner ce magnétifme. Jai obfervé que la groffeur du poiffon contri- buoit beaucoup à l'augmentation de fa vertu , & que celle-ci étoit proportionnée à l’autre. J’ai approché laimant d’une Torpille de fix pieds de longueur , mais fort mince ; elle a demeuré très-long-tems avant de s’y attacher , enfin elle s’y eft unie au bout de 24 heures. Les plus petites m'ont toujours paru moins rebelles contre l’aimant. A la première approche de cette pierre , elles éprouvent une plus forte attraétion ; j'ai même yu une Torpille de quatre pieds de long & d’en- viron un pied d’épaifleur ; n’être point du tout affeétée par mes ai- mans. On parviendroit peut-être à les attirer avec des aimans plus forts. Telles font les expériences de M, Wilh Schilling , elles préfentent des faits peu connus & très-finguliers ; nous ne doutons pas qu’elles ne fixent l'attention de nos meilleurs Phyficiens. Heureux ceux qui ha- bitent les côtes maritimes & qui pourront les répéter! peut-être ces expériences les conduiront à la découverte de plufeurs faits inté- reffans. , La Torpille n’eft pas le feul poiflon qui ait , dans un degré émi- nent , la propriété de caufer des commotions éleétriques. M. Richer , * parmi les obfervations détachées de Phyfique , faites à Cayenne, &e inférées dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de l’année 1677, rapporte ; Art. VI, qu'il a vu un poiflon long de trois ou quatre pieds , femblable à une Anguille groffe comme la jambe , & fem- blable à celle de mer , que les Pêcheurs appellent CONGRE , qui étant touché , non-feulement avec le doigt , mais encore avec l’ex- trêémité d’un bâton , engourdit tellement le bras & la partie du corps qui lui eft la plus proche , que l’on demeure environ un demi-quart d'heure fans pouvoir le remuer , & caufe même un éblouifflement SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 439 qui feroit tomber , fi l’on ne prévenoit la chûte en fe couchant par terre; après quoi, on revient au même état qu'auparavant. J’ai été témoin , ajoute M. Richer, de cet effet, & je l’ai fenti, ayant touché ce poiflon avec le doigt , un jour que je rencontrai des Sauvages qui en avoient un encore vivant ; ils l’avoient bleffé d’un coup de flèche -& tiré de l’eau avec la flèche même. Jé n’ai pu favoir d'eux le nom de ce poiflon ; ils difent qu’en frappant les autres poiflons avec la queue , 1l les endort & les mange enfuite , ce qui eft aifé à croire par l'effet qu'il produit fur les hommes , lorfqu'il les touche. Ce dernier trait a beaucoup de rapport avec ce qui eft rapporté de la Torpille, quoiqu'un poifflon très-différent, comme nous le démon- trerons bientôt. » La Torpille , dit M. de Réaumur après Khedi , Jonfthon , Rondelet, ne feroit pas un grand ufage de la faculté qu’elle a d’engourdir , fi elle ne lui fervoit qu’à fe défendre des Pêcheurs ; il eft rare qu’elle fe fauve de leurs mains. Auf, Ariftote, Pline & la plupart des Naturaliftes affurent qu’elle lui eft utile pour attraper les poiflons. Ce qui eft sûr au rapport des Pêcheurs , c’eft qu’elle fe nourrit de poiflons , & qu’on en trouve fouvent dans fon eftomac, Cependant, la Torpille, comme la plupart des poiffons plats, fe tient ordinairement fur le fable , ou fur la vafe. N'y eft-elle point en quel- que manière à l’affut ? Sa force feroit très à redouter aux poiflons qui la toucheroient. Lorfque j'ai eu des Torpilles en vie , continue cet Académicien , je n’avois point d’autres poiflons en vie , mais à leur défaut, j'ai pris un des animaux terreftres qui tient le plus de leur conf- titution : Je mis la Torpille & un Canard dans un même vafe plein d’eau de mer , ayant feulement recouvert le vafe d’un linge , afin que le Canard ne pût s'envoler. Au bout de quelques heures , je trouvai le Canard mort; il avoit fans doute touché trop fréquemment la Torpille ;, il lui en coûta la vie ». Pour conflater le degré de force de la commotion , il faudroit fixer la grandeur de la Torpille, & lui préfenter fucceffivement & à des jours différens, des poiflons plus ou moins gros, plus ou moins vi- goureux. Toutes les expériences qu’on a faites en général fur ce poiflon ont été difproportionnées ; l’homme a prefque toujours fervi de point de comparaifon pour eftimer fa force , & celle de l’homme eft trop confidérable; enfin il faudroit graduer ces expériences , fur-tout fur des individus à peu-près analogues à celui de la Torpille. M. Adanfon , dans un ouvrage qui a pour titre Voyage au Sénégal , pie 135, fait mention d’un poiflon aflez femblable à celui dont parle icher. » Le lendemain , dit cet Académicien , on pêcha dans les eaux douces du fleuve Niger , un poiflon qui a du rapport avec ceux qu'on connoît ju‘qu'a préient. Son corps eft rond , fans écailles & glifant comme celui de. l’Anguille ; mais beaucoup plus épais par rap- SEPTEMBRE 1772, Tome IL, so OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, - “port à fa longueur : il a encore quelques:barbillons à la bouche. Les Nègres le nomment OuanNiEAR & les François le TREMBLEUR, à caufe de la propriété qu'il a de caufer, non un engourdiffement comme a Torpille , mais un tremblement très-douloureux dans les membres de ceux qui le touchent. Son effet qui ne m'a pas paru différer fenfi- tblement de la commorion éle&rique de l’expérience de Leyde que j’a- rvois déja éprouvée plufeurs fois, fe communique de même par le fimple attouchement avec un bâton ou une verge de fer de cinq ou fix pieds de long ; de manière qu’on laïfle tomber dans le moment ce qu'on tient à la main. J'ai fait plufieurs fois cette expérience , & celle de manger de la chair de ce poifion , qui , quoique d’un aflez bon goût ,:n’étoit pas d’un ufage également fain pour tout le monde ». M. Bancroft , dans fon Hiftoire Naturelle de la Guyanne , s’ex- plique ainf fur l’Anguille Torpille ». Ce poiflon eft d'eau-douce ; on le trouve plus communément dans la rivière Eflequebo. Il a ordinai- rement trois pieds ( voyez Fig. 6. ) de longueur , & douze pouces de circonférence vers fon milieu. Sa peau eft unie , fa couleur d'un bleu plombé , femblable à celle du plomb en feuille , qui aura été expoié à l'air; il n'a nulle part des écailles. Sa tête égale en groffeur, la partie la plus grofle de fon corps , celle-ci eft un peu applatie deflus & deflous ; la furface fupérieure eft percée de plufeurs trous ;, comme ceux des Lamproies ; fes mâchoires fupérieures & inférieures s'étendent à une égale diftance , & fe terminent en forme de demi- cercle ; la bouche eft très-grande & fans dents, Sur le derrière de la tête , il y a deux petites nagcoires , une de chaque côté ; lefquelles , comme les orvilles du cheval , fe lèvent ou fe couchent , fuivant que le poiflon eft irrité ou tranquille. À environ huit pouces au-deffous de la tête, le corps diminue graduellement jufqu’à la queue ; qui finit en pointe {ans nageoires. Deffous le ventre , il y a une nageoire charnue d'environ un demi pouce d’épaifleur , & d’environ trois pouces de large , qui s'étend depuis la tête jufqu’à la queue , diminuant graduel- lement comme le corps diminue. Cette efpèce de nageoire , avec les deux de la tête , font les feules protubérances que lon, trouve fur fon corps, lequel , fans la nageoïre du ventre, feroit à-peu-près rond. Ce poifon refpire fréquemment , & lève fa tête toutes les quatre ou cinq minutes au-deflus de l’eau : mais fa propriété la plus curieufe, eft que , lorfqu’on le touche avec la main nue , où avec une verge de fer, d’or, d'argent , de cuivre, ou avec un bâton de quelques bois particuliers & pefants de l'Amérique , il donne un choc parfai- tement femblable à celui des corps éleétriques ; & ce choc eft commu- nément fi violent , que peu de gens veulent recommencer. C’eft pro- bablement la même efpèce de poiffon dont M. de la Condamine parle dans fa Relation abrégée d’un voyage fait dans l'intérieur de l'Amé- riquey HA pi il CHE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 441 rique , & qu'il appelle une efpèce de Lamproie , que l’on trouve dans les environs de la ville -de Paras , fur la rive méridionale du fleuve des :Amazones ( c’eft M. de la Condamine qui parle }), eft percé d'un grand nombre d'ouvertures , mais qui a de plus la même pro- priété que la Torpille, Celui qui la touche avec la main ou même avec un bâton , reffent un engourdiffement douloureux dans le bras, & quelquefois en eft , dit-on , renverfé. Voilà tout ce que dit ce Savant concernant ce poiflon ; ce qui s'accorde allez bien avec plu- fieurs particularités obfervées dans celui dont je parle : mais fi le choc eft communiqué par un bâton , comme il le dit , il faut que ce foit avec quelques bois particuliers , car je n’ai jamais éprouvé aucune commotion ,.en le touchant avec du chêne, du hètre , ni avec aucun des bois qui furnagent Peau , du moins avec ceux dont je me fuis fervi pour ces eflais, Je ne fais quelle affinité il y a entre le choc de cette efpèce d’Anguille & celui de la Torpille , parce que je n’ai ja- mais fait aucune expérience fur ce dernier poiflon ; mais par tout ce que j'ai pu en apprendre , le choc de ces deux poiflons eft commu niqué de la même manière, & par les mêmes moyens. Voici les par- ticularités que j'ai remarquées dans le choc de l'Anguille Torpille de la Guyanne. 1°. Cette Anguille prife par un hameçon , fait éprouver un choc violent à la perfonne qui tient la ligne. 2°. La même Anguille touchée avec une verge de fer , tenue d’une main par une perfonne qui tient de lautre main une autre per- fonne , &c. communique à dix ou douze perfonnes qui forment une chaîne non interrompue , une commotion exaétement femblable à celle que produit une Machine éle&trique. re 3°. Une perfonne tenant fon doigt dans l’eau , à a diftance de huit ou dix pieds du poiflon , reçoit un choc vioient , dans l'inftant même qu’une autre perfonne touche le poiflon, 4°. Cette Anguille lorfquw'’elle eft en fureur , & lorfqu'’elle lève fa tête au-deflus de l'eau , fi la main d’une perlonne fe trouve à cinq ou fix pouces de diftance , elle lui fait éprouver affez fouvent , un choc inattendu , fans être touchée immédiatement. 5°. On ne fent aucun choc en tenant la main près du poiffon dans l'eau lorfqu’il n’elt ni en colère ni touché ; mais le choc eft d'autant plus violent , que le poiflon eft plus en fureur. De ces faits , il réfulte évidemment 1°, que la commotion eft pro- duite par l’émiflion du fluide éleétrique hors du poifon. 2°. Que cette émiffion eft volontaire , dépendante de l'animal qui l'élance pour fa défenfe , foit lorfqu’on le touche , ou quand il eft en colère. SEPTEMBRE 1772, Tome IL. KKkk 442 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 3°. Que l'exiftence des particules de ce fluide dépend de la vie de lAnguille , & qu’elle fe termine par fa mort. ; 4%. Que ces particules font également élancées (1) de chaque partie du corps. On prend ces poiffons lorfqu'’ils font petits ; on les conferve dans de grands baquets qu’on remplit d’eau. On les nourrit ordinairement avec de petits poiflons ; lorfqu’on n’en trouve point , on leur donne des vers de terre. Les Indiens mangent ce poiffon lorfqu'il eft mort. De fa peau fort une fubftance collante qui oblige de changer l’eau du baquet tous Les jours, ou au moins tous les deux jours : après quois on nettoie le baquet. Dans ces occafions , le poiffon refte fans mou- vement & fans eau pendant plufieurs heures ; mais fi on le touche dans cet état , le choc n’eft pas moins violent qu’à l'ordinaire. On a tenté plufieurs fois , mais infru@tueufement , d'en porter en Europe. Il a paru en Hollande un Ouvrage de M. Vander Lott, Chirurgien, fur l'effet médicinal de cette Anguille , ou Lamproie ; mais cet Au- teur eft peu eftimé , & fes aflertions font regardées comme fauffes. La reflemblance que l’on a cru voir , entre les chocs communiqués par ce poiflon & les commotions éleëtriques , a déterminé plufeurs Paralytiques à recevoir ces chocs ; ces tentatives ont toujours été fans fuccès. M. Linnée claffe cetteefpèce de poiflonavec ceux qu'il appelle Pifces ÆApodes , c’eft-à-dire , poiflons dont les nageoires du ventre font placées à la partie inférieure du corps , fous le ventre & avant l'anus. Ces nageoires font l'office de pieds. M. le Chev. Von Linnée cara@érife celui-ci par ces mots triviaux GYMNOTUS ELECTRICUS , ou Gymnote éle@trique. Ce genre fuit immédiatement celui des Anguilles , Congres, Serpents de mer , &c. & voici ce que le Chevalier Suédois dit de fes vertus. » Qualitas Torpedirs trementis unde tangentt crepitant membra dolore ; qualis à cubiri contufione , ut fæpe proflernatur , pouffimim a pifce majore , & cujus vis non ab iverato taëlu € percuffione nuper fuit debilitata. Percuffio fentitur dolorifera taëlu baculi , licer manubrio metallico , MAXIMÈ AUREO ; etiam in féapho conflituto , digito aquæ immiflo , per 15 pedes fen- ltur tremor ; non vero TACTU CERÆ SIGILLATORIÆ. Vis appropriata morbis foporofis ; metuenda nutantibus , 1nde fubmergendis. (1) Nous verrons par la fuite que la Torpille des Côtes de France n’eft pas, s’il eft poflible de s'exprimer ainfi, éor/menc charge de fluide éleétrique dans routes les parties de fon corps. M. Walhs a reconnu, par expérience , que le dos de cet animal eft, rela- tivement à fon ventre , comme les deux furfaces du Tableau magique, ou de la Bouteille de Leyde, dont l’une eft chargée en plus, pendant que l’autre eft chargée en moins ; & ue c’eft à ces circonftances que l’on doit attribuer la violente commotion qu’elle fait éprouver à ceux qui la touchent par le dos & par le ventre en même tems, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 44. Il fe préfente ; en terminant cette Differtation , une réflexion bien fimple. Si on avoit dit aux anciens Philofophes , à ceux qui étudioient la Nature , à Pline qui sûrement eft notre maitre , & qui a pour ainfi dire deviné bien des faits que nos Modernes fe font appropriés ; fi on leur avoit dit : » Ce morceau d’ambre , de fuccin, que vous con- fidérez & dans qui vous reconnoiflez la vertu d’attirer la paille , con- duira un jour vos Succefleurs & vos Imitateurs à la guérifon de quel- ques Paralytiques , à connoître l’analogie du feu & de l’éledricité , à la théorie du tonnerre , &c. qu'auroient penfé ces Anciens ? Peut- être plus fages que nous , moins tranchans , moins décififs , ils au roient répondu : Nous ne connoiflons pas encore les reflorts que la nature fait mouvoir pour opérer ces prodiges, ni l’enchainement qu’elle a établi entre tous les individus qui la compofent ; nous fufpen- dons notre jugement, & nous n'avons pas la morgue de nier des faits, parce que nous ne les comprenons pas ». LE 2 DESCRIPTION de la manière de faire , dans les Appartemens , des murs de féparation , ou autrement des Cloïfons en briques , vulgairement nommées Galandage. U N Etranger eft tout étonné de voir élever dans Paris des maifons en bois, fimplement recouvertes avec du plâtre ; il left bien davantage, s'il confidère l’épaifleur des murs de féparation dans l’intérieur des appartemens ; ils font aufñ épais , aufñi pefans que les murs de face 3 cependant , il feroit important de diminuer leur diamètre , tant pour ménager l’efpace qui eft précieux , que pour diminuer la pefanteur de ces murs , toujours agiflante fur ceux des faces. L’ufage des cloi- fons en briques , pofées fur champ , connu dans plufieurs Provinces de France , pourroit être avantageufement introduit à Paris , & dans celles où on lignore. Ces motifs nous déterminèrent à écrire à M. Perrache , pour avoir les renfeignemens néceflaires fur cet objet ; mais le travail immenfe (1) qu'il a entrepris , ne lui permettant pas de fe (1) M. Perrache, homme inftruit & vrai Patriote, a entrepris d'agrandir la ville de Eyon, & de reculer de plus de 1300 toifes le confluent du Khône & de la Saône; de forte que la Place de Louis le Grand, placée autrefois prefqu’à l'extrémité méridionale de la Ville. va pour ainfi dire en devenir le centre. Cette entreprife elt une des plus fortes qu'on ait fair en France depuis le commencement de ce fiècle. Les avantages qui en réfulteront pour la ville de Lyon font très-confidérables. Quinze cens Ouvriers font jour- nellement employés à cette grande opération; les Pauvres ut âge font adis à travailler. On trouve chez Aimé de la Roche, Libraire à Lyon Jan & la defcriprion dé certe Entreprife. = SEPTEMBRE 1772, Tome II. Kkki) 444 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, livrer à de tels détails , M. Loyer , célèbre Architeéte à Lyon , a eu la complaifance de nous envoyer les renfeignemens qui vont être publiés , & il y a ajouté la manière de faire les voûtes en briques. Nous remercions M. Loyer de fon zèle à feconder nos vues pour lu- tilité publique ; & il feroit à fouhaiter que plufieurs Artiftes , à qui nous nous fommes-adreflés pour d’autres objets aufñ eflentiels , fuflent animés des mêmes fentimens. Les cloifons en briques que nous nommons Galendages , voyez PL. 11, fe font ici avec des briques qu’on tire de Verdun en Bour- gogne , qui ont dix pouces de longueur , cinq pouces de largeur & un fort pouce d’épaiffeur ; elles fe pofent de champ les unes fur les autres. L’Ouvrier avant de commencer fa cloifon , commence à placer aux deux bouts , un cordeau ou ficelle qu'il attache bien perpendi- culairement ; ces deux ficelles lui fervent de règles ; à'ces deux pre- mières, 1l en attache une autre qui lui fert de règle horifontale, aux deux bouts de laquelle eft un nœud coulant qui fert à faire monter cette ficelle fans la dénouer , à mefure que fon ouvrage s'élève 3 il fait dans les murs une rainure de la largeur de la cloifon & auf pro- fonde qu'il eft poflible , fans cependant attaquer les pierres du mur ; il arrofe bien cette rainure , pour quil ne refte point de pouflère. Cette opération faite , il gâche peu de plâtre à la fois, qui n’eft ni trop clair ni trop épais ; il prend les briques les unes après les au- tres, qu'il imprime de ce plâtre avec fa truelle fur un des lits & fur un des joints debout ; il pofe chaque brique fur fon champ , fuivant la direétion des cordeaux , fans les frapper , mais il les appuie avec la main feulement , afin qu'il refte dans les jointures une certaine épaifleur de plâtre qui puifle lier & accrocher l’enduit qui fe met après coup 3 il a l'attention en les pofant , que les joints fe coupent bien les uns aux autres dans le milieu à-peu-près de chaque brique ; quand toutes les briques font ainfi pofées , il enduit fa cloifon des deux côtés avec une bonne couche de plâtre fort mi-fin ; deffus ce premier enduit il en applique un fecond de plâtre fin gâché clair, qu’il polit avec fa truelle fans le gratter comme font les Ouvriers de Paris, & qui cependant eft irès-uni & très-poli. Quand il fe trouve des portes dans les cloifons , on y pofe les huif- feries qu'on arrête folidement au plancher fupérieur, & qu’on fcelle dans les carreaux du plancher inférieur. Les montants & traverfes de ces huifleries font en bois de fapin , auxquels font des feuillures ow rainures dans lefquelles les briques entrent d’un pouce environ. Noa , ces montans d’huillerie ont trois pouces d'épaifleur fur quatre de largeur. Si les cloifons F2 longueur bien étendue, on y pofe de dif- tance en diflance, comme de dix pieds en dix pieds, des montants al SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 445 en bois qui ont une double rainure, dans lefquelles entrent les briques. Telle eft la manière dont on conftruit les cloifons en briques , qu’on appelle ici Galandages. Ces féparations font aufli fourdes & même plus , que celles en plâtre & en bois qu'on emploie à Paris. | La manière de procéder aux voûtes eft la même, avec la différence que les briques qu'on y emploie, quoique tirées aufli de Verdun en Bourgogne , font de 16 à 18 lignes d’épaifleur pour le moins. Pour vous faire comprendre le procédé de la conftruétion, de nos yoütes en briques , je joins, Monfieur , un plan & une coupe qui vous en don- neront l'idée , & qui fuppléeront à ce qui pourroit m’échapper. F. II. La proportion que nous donnons ici au ceintre de nos voûtes , c’eft-à-dire de l'élévation , eft la huitième de fa largeur ; nous les conf- truifons ordinairement d’une forme, impériale ceintrée elliptiquement, Les naiïflances doivent fe faire dans les murs neufs à mefure aw’on les élève ; fi c'eft dans de vieux murs; elles doivent‘ fe faire de trois pouces au moins de profondeur, & bien de niveau dans tout le pourtour de la pièce où l’on ‘veut faire la voûte; les naïflances, ou pour mieux dire les retombées étant faites, on pofe le ceintre A dont les courbes font faites avec de fortes planches attachées enfemble ; le deflus eft recouvert avec des planches minces , foiblement attachées fur les courbes; l’on fortifie ce ceintre de quelques pieds droits, parce qu'il tient lieu d’échafaud aux Ouvriers. Le ceintre étant placé, on pole les briques des premier , fecond & troifième rangs de la première voûte dans tout le pourtour , ( je dis de la première voüre, parce que les deux briques l’une fur l’autre, femblent faire deux voûtes réunies enune; je me fers de cette expreflion, afin d'éviter l’équivoque ). Ces trois premiers rangs en place , par le même procédé dont on fe fert aux cloïfons, on pofe les deux premiers dans tout le tour de la feconde voûte, & on a très-grand foin que les joints fe coupent bien les: uns fur les autres, comme :il eft aifé de le voir fur le plan à la lettre B qui défigne les premiers rangs ou la première voûte. C démontre les feconds rangs ou la deuxième voûte qui fe conftruit à mefure que la première. fe forme. Si:tôr que les rangs de la première voûte font faits , il faut verfer le plâtre gâché un peu liquide, & pofer à la main les doubles briques: fans trop les prefler , afin qu'il refte entre les deux briques une épaifleur raifonnable de plâtre, & en même tems recouvrir l’extrados de la voûte avec une bonne couthe de plâtre qu'on frotte avec la main pour qu'il s’imprime mieux dans les briques; l’oncontinue,de cette manière , jufqu'à ce que la voûte foit entière- ment fermée, La voüte étant faite, on remplit les.reins D, ou pour mieux dire, on les renforce avec du plâtre gâché un peu clair, dans lequel. on jette des morceaux de briques; il faut cependant obierver que çe SEPTEMBRE 1772, Tome 11, 446 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, renfort ne s'élève pas trop haut, de crainte qu'il ne pouffe lui-même la voûte; il doit être tout au plus élevé jufqu’à ce qu'il faffe un re- plat de trois à quatre pouces entre le mur & l'extrados de la voûte. e Ce renfort fait, on conftruit les contreforts avec des briques pofées à plat & à bain de plâtre, voyez la lettre E ; enfuite on les enduit, ainfi que le démontre la lettre F. Il faut que ces contreforts foient au plus efpacés de deux pieds & demi les uns des autres, & qu'ils foient élevés jufqu’aux deux tiers de la hauteur de lextrados. Les contreforts finis, on charge la voûte de gravois bien fecs. I faut avoir attention de ne la pas charger de terres humides, cela fe- roit très-préjudiciable: La voûte chargée, on Ôte le ceintre ; on la laifle fécher pendant quelque tems; enfuite, on l’enduit avec deux couches de plâtre, comme les cloifons dont j'ai ci-devant parlé. Il faut que les Ouvriers aient grande attention dans la conftruétion des voûtes particulièrement, de n’y point employer de plâtre qui foit éventé, & encore moins noyé, c’eft de conféquence; les lettres B & C démontrent la manière de pofer les briques dans les angles des votes. Je viens de faire conftruire une autre efpèce de voûte à laquelle j’ai donné le nom de plancher voûté, parce qu’elle reflemble beaucoup aux planchers qu’on plafonne entre les poutres. F. II. J'avois plufieurs pièces dont la longueur étoit très-confidérable; & j'étois d’autant plus embarraffé d'y faire des voûtes à la manière ordinaire , que c’étoit lé$ deux derniers étages fupérieurs d’une maifon aflez élevée. Je pris donc le parti de conftruire des voûtes qui imitent les planchers. Pour cet effet’, je fis pofer, à neuf pieds de diftance les unes des autres, des poutres d’un pied en quarré , auxquelles & à un pouce au-deflus de l’arête inférieure, je fis faire des deux côtés une rainure de deux pouces de profondeur : c’eft dans ces rainures que font établies, & que partent les naïflances de ces petites voûtes ; elles font d’un ceintre elliptique, ayant dix pouces d’élévation au rayon , & font conftruites comme les grandes voûtes avec un double rang de briques & de plâtre ; elles ont de même, au-deflus de l’extrados, de petits contre- forts & de la même diftance qu'aux grandes voûtes: les poutres font revêtues , par le deflous, avec un latis & une forte couche de plâtre, ce qui donne à ces voûtes une parfaite reflemblance avec les planchers plafonnés entre les poutres; elles font fufceptibles des mêmes déco- rations. Je vous envoie la coupe, pour que vous en voyiez la conf- truétion; À. poutres , B. petits contreforts, C. gros murs. Cette manière de faire les voütes a beaucoup plù ici, & je ne doute pas qu'on ne la mette en pratique lorfqu'on aura des obftacles qui empêcheront de faire des voûtes ordinaires. SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 447 LETTRE écrite à lAuteur de ce Recueil, fur les opérations nouvellement faives fur le Diamant, & [ur un nouveau moyen de mefurer les degrés d'un feu violent, & d'en comparer la chaleur. . ‘ Vi me demandez, Monfeur , mon fentiment fur les différentes expériences qu'on a faites depuis peu fur ies pierres précieufes , & fur- tout fur le diamant; pour peu qu’on voulüt jouer fur la chofe , jé dirois avec aflez de vérité, que cette matière s’eft réchauffée aux étincelles des fourneaux du grand Duc de Tofcane & de l'Empereur Fran- çois L°, & Les nouvelles expériences commencées , ou pour mieux dire répé- tées par un homme de mérite à qui la Chymie doit une fuite d’expé- riences très-bien faites fur différentes pierres & fubftances terreufes, qu'il a expofces à un feu violent; ces expériences , dis-je, continuées & répétées, par nos plus habiles Chymiftes , ne nous ont encore rien appris de neuf fur la nature des diamans: mais la carrière, eft ouverte, & nous ayons droit d’en attendre du nouveau & peut-être de, lutiles car l'émulation qui règne entreux ne peut que tourner. au profit des fciences, & des arts. Les uns aflurent que les diamans regardés ( avant les expériences du Duc de Tofcane & de l'Empereur) comme les matières les plus réfraétaires de la nature, font au contraire volatils & fufceptibles d’évaporation; ainfi, rien de nouveau fur cela : les expé- riences faites fous les yeux de l'Empereur nous l’avoient appris. Mais les nouvelles expériences qui fembloient devoir ne rien laifler à defirer fur la nature du diamant, n’ont pas encore atteint le but & ont fait naître, au contraire , par la variété des réfultats , une efpèce de fchifme entre les habiles Chymiftes qui fe font occupés depuis quelque tems de cette matière : foir que les expériences n'aient pas été répétées avec foin, foit que le feu n’ait pas été le même, les réfultats ont été très-différens ; les uns foutiennent que les diamans expofés à un feu affez médiocre font volatils & fe difipent entièrement ;, même dans des boules de porcelaine, ou dans des vaiffleaux exactement fermés : les autres aflurent que le concours de l’air eft effentiel au phénomène de lévaporation ; & que ces pierres expofées À un feu ouvert, devien- nent phofphoriques , s’enflamment & fe difipent; mais que renfer- mées exaétement dans des vailleaux clos, elles ne s’y altèrent en aucune façon. L'on doit fans doute s’en rapporter aux lumières des habiles Artiftes, dont les travaux vont éclairer le monde chymique ; mais comme leur fentiment eft partagé, & qu'il eft permis à chacun de réfléchir & SEPTEMBRE 1772, Tome 11, 448. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’avoir une idée à foi, je vous ferai part de la mienne fur la matière dont il eft queftion. Je vous propoferai donc quelques obfervations fur ce fujet. 1°, Dans toutes les opérations dont on vient de parler , il me femble qu'on a négligé de déterminer la force ou le degré de feu qu’on a employé, & qui eft néceflaire à l’évaporation du diamant; d’où il réfulté une incertitude & une fource de difputes entre les Savans qui voudroient répéter la même expérience. 2°, On a omis de décrire les fourneaux dont on s’eft fervi pour produire le feu le plus fort : on fait cependant que la différence dans les dimenfions des fourneaux, en occafionne dans l’intenfité de la chaleur; & que des expériences qui dépendent d’un degré de chaleur donné, faites dan$ un autre fourneau, conftruit fur d’autres principes, doivent varier; car fi la chaleur néceflaire n’eft pas la même, la différence du degré de feu en produira dans les réfultats. On ne fauroit dans les fciences, trop s'attacher à pofer des prin- cipes invariables, fur-tout en Chymie , pour fervir de point de rallie- ment, quand on $’eft égaré dans les routes obfcures de l’analyfe; mais comment pouvoir mefurer les différens degrés d'un feu de fufion , où de thermomètrene peut plus être d’aucun ufage? La Chymie en donne des moyens aifés ; c'elt ce que jé vais examiner en général, laïflant le foin aux vrais Artiftes , &*aux Amateurs éclairés, de re@tifier les idées indigeftes que je vais mettre fous vos yeux. Quand on veut déter- miner les degrés d’un feu violent, il faut, ce me femble', chercher des objets de :comparaifon ; c’éft-à-dire, expofer à laétion du feu , diffé- rentes fubftances dont la fufbilité foit variée. Je crois qu’on pourroit, “aveciuh pel‘d’intelligence , défigner par cette méthode ,'tous les degrés du feu le plus violent que l'art puiffe produire : par exemple , en partant du‘férme de l’eau difüillée bouillante, le premier degré feroit l’eau bouillante faturée de fel-(r). 2°. La fufñon d’un alliage en parties égales de bifmur & de plomb. 3°. Le bifmut feul. 4°. L'étaim ou le plomb. $°. Un mêlange de cuivre & d’étaim en partie égale. 6°. L’ar- sentir. Le cuivre jaune où latrain. 8°. L'or ou le cuivre de rofette, «o°.Le fer de fonte, nommé fer de gueufe. 10°. La vitrification des fchites ou ardoifes. 11°. Le fer battu. 12°. La vitrification d’un mêlange d'argile blanche , de terre calcaire, & un peu de fable. 13°. La vitri- (1) y a apparence que l’Auteur ne donne pas encore ces indications comme des objets déterminés ;& ils ne le font point-en effet. Cerie table de comparailon manque en Chymie, & pour tous les Arts où le feu eft employé. Ce feroit une découverte heu- reufe &himpürtante à | faire. La Chymie n’et-plustaujourd’huiren, France, une fcience .de recerres, mais fondée fur des principes ;,en un mot, une vraie. fcience : nous ofons “donc efpérer que des Chymiftes zélés s’occuperont de ce travail. Puifle notre attente “être remplie: & furpaflée ! fication # SUR L'AIST. NATURELLE ET LES ARTS. 449 fication d’un autre mêlange d’argille pure, de gyps & de fable. 14°, La cuite de la porcelaine. 1 5°. La fufion de l’argille colorée fans addition. 16°. Les bols ou terre figillée. 17°. Le gyps feul. 18°. La pierre à chaux, marbres, &c. 19°. L’asbefte, pierre olaïre, &c. 20°. Le talc de lefpèce appellée en Allemand , bergtalck, qui eft abfolument apire ou infufble : ainfi, un feu qui fondroit ou aglutineroit ces dernières à fubftances, pourroit être regardé comme le plus violent que l’art puifle produire, & le dernier terme de la chaleur. On fent qu'en examinant les effets du feu fur les différentes fubftances qu’on vient de nommer , ce feroit une efpèce de pyromêtre par lequel on pourroit déterminer le degré de feu qu’auroit fubi le corps mis en expérience ; on diroit, | par exemple , le diamant n’a fouffert aucun changement au degré de chaleur capable de fondre le plomb; il en a éprouvé à celui de la fonte du cuivre, & il s’eft évaporé au degré de feu néceflaire pour cuire la porcelaine, &c: alors, on s’entendroit plus aifément, & les contradiétions entre les Chymiftes, d’où réfulte quelquefois de l’ani- mofité , feroient moins communes; & il y auroit peut-être une fource de moins de méfintelligence entre les Savans , toujours préjudiciable aux progrès des fciences & des arts: il eft facheux que le favoir qui devroit unir les Artiftes & les Gens inftruits, ne ferve fouvent qu'à faire naître la haine entr’eux. Voilà, Monfieur, ce que je penfe fur les objets. dont vous m'avez demandé mon fentiment. Vous avez plus de connoiffances que per- fonne, & vous pouvez reétifier mes idées fur le nouveau pyromêtre que je vous propofe; il faudra des expériences répétées, & des obfer- vations multipliées, pour déterminer au jufte le degré de fufbilité des mélanges que j'ai écrits au hazard, comme ils fe font préfentés à mon imagination : la chofe, cependant , ne feroit pas abfolument impoñlible , & il ne faut pour cela, qu’expofer au même feu plufeurs fubftances à la fois, & examiner celles qui fe fondront les premières. Vous n'avez pas befoin qu’on vous prefcrive des procédés; il ne faut, pour un homme inftruit, qu'ouvrir la carrière, & il la parcourt bientôt avec rapidité, Jai l'honneur d’être, &c. RECHERÇHES fur les Bains de mer & la Boiflon d'eau falée, par JOHN AWISTER, Doëleur er Médecine, 1 volume in-4°. A Londres , chez Wilkic. C ET Ouvrage n’eft qu'une très-petite addition à ce que M. Ruffel a déja publié fur cette matière; cependant , il contient quelques obferva- SEPTEMBRE 1772, Tome IL \ 450 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tions intéreffantes; nous defirons fincérement qu’elles foient fondées fur l'expérience. Le bain de mer a la vertu de rouvrir les ulcères qui n'ont pas été bien fermés; dans ce cas, M. Ruffel obferve que la partie malade fréquemment humeëtée d’eau de mer & frottée avec une plante vifqueufe,nommée Quercus Marina (1), fe guérit radicalement. La railon , dit-il, eft que la partie imbibée d’eau & des fucs vifqueux de la plante conferve long-tems fa moiteur & facilite l'intrufion du principe a@if de Peau, c’eft-à-dire du fel;car le fel marin a non-feule- ment la propriété de corriger les humeurs malignes & corrofives des ulcères opiniâtres & invétérés, mais encore il poflède une vertu defli- cative qui contribue beaucoup à les fermer. Le fel marin, immédiatement appliqué fur la morfure d’un chien enragé , en procure fur le champ la guérifon. Prenez du fel marin, faites-le difloudre dans de Purine chaude que vous chargerez d'autant de fel qu’elle en pourra contenir. Lavez-en la plaie & les environs; trempez une double comprefle dans la liqueur, bandez-en la plaie & ayez foin d'entretenir humidité. Au bout de fix heures, levez lappa- reil, mettez-en un fecond, & fix heures après le virus fera radi- calement détruit. Pour achever de rétablir la partie affe@tée , il fuffira de la layer foir & matin avec la liqueur ci-deflus décrite; le malade boira, trois matinées de fuite, un verre d’eau de mer pour le purger; & le foir, il prendra un opiat de Mithridate diffous dans de l’eau de poulet. L'eau de mer purge, & l'opiat calme les efprits qui font ordi- naïrement fort agités après la purgation. La raifon de la cure confifte en l’aétion du fel fur le virus, avant qu'il ait eu le tems d’infeéter la mafle. Le fel diflous dans Purine acquiert un nouveau degré d’a&ivité, & conféquemment pénètre davan- tage la partie fur laquelle on l’applique ; mais le fuccès dépend de la diligence avec laquelle on ladminiftre; un délai de vingt-quatre heures le rendroit long & peut-être incertain. Comme dans les premiers momens le virus n’eft que local, l'application fubite du remède pré- vient & détruit tout danger. Les purgations d’eau falée & Pufage de l'opiat ne font que de précaution, & d’efpèces d’auxiliaires au topique. OB SE RP AT LONNS: 1°. Si le fel diffous dans l'urine détruit le virus provenant de la mor- fure d’un chien enragé, ne peut-il pas aufñi emporter celui des autres animaux ? ; 2°. Ne peut-il pas affoiblir ou détruire même les poifons végétaux lorfqu'ils ne font que locaux ? Oo (1) C'eitle fucus veficulofus. Lin. Sr. PL. page 1626; ou le fucus marinus , feu quer= Sus marina, foliorum exuremis tumidis, TourN. page 566. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 451 3°. Si l'on prouve qu'il détruit lun & l'autre, ne détruiroit-il pas les poifons compliqués ? Enfin,ne peut-il pas guérir une bleflure faite par une arme empoi- fonnée; puifque la compoftion du poifon de ces inftrumens ne peut être qu'un mêlange de virus végétal & animal ? Le Mufc & le Cinnabre appellés Médecine Chinoife, & l'Opium tel que le recommande le Doéteur Nugent, ont toujours été adminiftrés avec fuccès; mais l’onguent de Mercure , appliqué avant où même après l’apparition des premiers fymptomes de la rage, a toujours été plus efficace. Cette méthode a été introduite par M. Deffaux, 1l y a environ trente- deux ans. Dans une matière de cette importance , ce n'eft pas à des hypothèfes, mais à des expériences qu'il faut s’en rapporter. Nous invitons les Maîtres de l’Art à les multiplier, & à nous commu- niquer leurs fuccès pour leur donner la publicité. THÈSE foutenue dans les Écoles de Médecine de Cam- bridge, par M. OKes: L'imagination des Femmes groffes nef? pas la caufe des difformités des Fœtus. Ox a déja lu dans ce Volume, page 187, une Differtation fingulière de ce Doëteur en Médecine, dans laquelle il prouve que l’Anatomie eft inutile pour la pratique de la Médecine; fi cette afler- tion n’eft pas géomètriquement prouvée, il l’a rendue au moins très- probable, Le Médecin Anglois s'élève avec raifon dans cette nouvelle Differta- tion contre un préjugé auffi dangereux que ridicule, & cet Ouvrage fait également l'éloge de fon efprit & de fon cœur. Il donne une légère notion | de la plupart des fyftèmes publiés jufqu’à ce jour fur la génération. a Nous aurions été bien aifes qu'il eût dit un mot de l’ingénieufe hypo- 1 thèfe de M. le Comte de Buffon, fur cette importante matière. M, Okes 4 auroit-il compris cette opinion parmi les abfurdes rêveries qui échauf- fent fa bile, & dont il parle avec tant de mépris? On a peine à le croire; & fans prétendre juger cette grande queftion , nous ofons dire que le fyflême du favant Naturalifte François, eft pour le moins aufli ingé- nieux & aufli probable que tous ceux qu’on a inventés jufqu’à ce jour. la même l'avantage de donner une explication beaucoup plus fatisfai- fante de la formation des monftres par excès ou par défaut; & nous avons trop bonne opinion des lumières de M. Okes,, pour penfer qu'il ait mis cette hypothèfe au nombre de celles qu'il rougit de réfuter. OcTorrE 1772, Tome II. Lili 492 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUÉ, I vaut mieux croire qu'il n’en a pas eu connoiffance lorfqu’il a com- polé cette Differtation. Le penchant que cet Auteur a pour les ani- malcules de la femence, dont les judicieufes obfervations de M.de Buffon ont démontré l’abfurdité, vient à l'appui de notre façon de penfer. De quelles épithètes me fervirois.je, dit M. Okes, pour donner une idée de la force qu’on attribue à l'imagination des femnres grofles? Je ferois tenté de l’appeller force créative , puiffance fuprême : je fais que Pexpérience femble appuyer ce préjugé ; je fais que l’autorité d’une foule de grands Hommes, foit Philofophes, foit Médecins, milite en fa faveur; je fais enfin, que le divin Hyppocrate , le Père de la Méde- cine, dans fon Traité de la Superfétation, fe déclare hautement pour cette opinion: cependant, malgré le poids de ces autorités relpeétables , malgré les exemples frappans que mille Ecrivains partifans de ce fen- timent rapportent pour le foutenir, l'amour de la vérité l'emporte chez moi fur le refpeët que je dois à ces grands Hommes ; je combattrai & je tâcherai de détruire une erreur très-funefte aux femmes groffes, naturellement fort timides ; je ferai mes efforts pour terrafler cette hydre ennemie du repos & de la tranquillité de cette partie d’un fexe aimable, qui, en lui faifant craindre des maux chimériques, qui n’arriveront peut-être jamais, eft capable de lui procurer des malheurs très-réels & beaucoup plus terribles. Je ne nierai cependant pas que les grandes paflions de l’ame produifent de grands changemens dans l'économie animale , ne çaufent de grands dérangemens aux mouvemens de toutes les humeurs, ne bouleverfent toutes les fondions vitales & animales, &ne foient la fource d’uneinfinité de maladies. Perfonne n’ignore les funeftes effets que la colère ( qu'on nomme emphatiquement une courte fureur } produit fur le corps humain. Ils fe peignent tous fur le vifage de la perfonne qui les éprouve; fes yeux étincellent, fon vifage s’enflamme , fes lèvres tremblent , fes mâchoires fe reflerrent , fes cheveux fe hériffent, fes veines s’enflent, fa refpiration s'accélère, fa voix s'éteint , &t toute l'habitude du corps éprouve les mêmes métamorphofes. Avec quelle facilité & avec quelle certitude ne peut-on pas établir un pronoftic fur de pareils fignes ! ne peut-on pas annoncer la cardialgie, les vomiflemens, ou tout au moins les naufées, & même le cholera-morbus, en n'ignorant pas la fympathie des parties de la tête avec leflomac? Qui eft-ce qui, connoiflant la contra@tion de la poitrine , re prévoiroit pas que la circulation doit être interceptée vers labafe du cœur, &enconféquence craindroit d’an- moncer des vertiges , ou l’apoplexie , ou quelque hémorragie effroyable à Cette maladie fi commune aux Allemands, aux Suifles, qu'on nomme. dans les Ecoles Néftælgie ( c’eft la maladie du pays }, eft une preuve: des maux qu'un defr vif & ardent eft capable de procurer. Ceit ce \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 453 qu'éprouvent les hommes de ces Nations, lorfqu'ils font éloignés de leurs pays; s'ils ne fe hâtent de rejoindre leurs foyers, ils perdent l’ap- pétit, les digeftions fe dérangent, l’eftomac & les inteftins fe remplif- fent de flatuofités , & ces malheureux tombent dans un marafme affreux. Cette maladie fit plus de ravage dans l’armée qui affiégeoit Négrepont, que les fièvres épidémiques qui y régnoient, ee terreur fubite produit aufli beaucoup de maux. Ceux qui en font frappés palflent, frionnent , tremblent ; tous leurs membres font en contraétion ; les poumons font oppreffés, ils pouflent des foupirs , le fang abandonne les extrémités; enfin, les vomifiemens bihieux , les lypothimies , & quelquefois la mort, font les fuites funeftes d’une peur violente. Cicéron a très-élégamment appellé la peur , la fuite & la retraite précipitée de l’ame, La triftefle ne produit pas des effets moins dangereux , quoique fes progrès foient beaucoup plus lents. Jetrons un coup-d’œil fur les maux qui accompagnent ordinairement la groffefle ; nous verrons une foule de jennes femmes tourmentées par les naufées & les vomiffemens, privées de l'appétit, ou bien l'ayant abfolument dépravé , fouffrant des douleurs très-aiguës à l'eftomac, aux lombes, aux aïînes, aux reins & aux mamelles ; accablées fous Le poids de leur fardeau, engourdies dans tous leurs membres , prefque fuffoquées par la difficulté de refpirer ; enfin, privées de la douceur du fommeil. Ce trifte tableau ne fufit-il pas pour exciter notre compaf- fion ? Ne devons-nous pas faire tous nos efforts pour foulager autant qu'il eft en nous, au moins par les fecours de la Médecine prophilec- tique , les maux fous lefquels ces femmes fort prêtes à fuccomber ? Loin d’aggraver leurs peines par de fâcheufes affections de l'ame , toujours plus dangereufes que ies maladies du corps , ne devons-nous pas nous attacher au contraire , à diffiper celles que l'ignorance & l’imbécillité des hommes ont enfantées, & à chaffer de toutes nos forces , ces furies qui empoifonnent la vie de ce fexe trop crédule > Avant d'entreprendre la réfutation d’une hypothèfe depuis fi long- tems accréditée , d’une erreur qui femble avoir été fucée avec le lait, il eft néceffaire de donner une courte defcription des parties qui fer- vent à la. génération & à Faccroifflement du fœtus. J’ajouterai deux mots fur la formation des monftres ; je démontrerai enfuite la faufleté & le ridicule de cette opinion, fi fortement enracinée dans l’efprit des femmes, & foutenue avec tant de chaleur par les Nourrices & les Sages- Femmes. 3 L’utérus eft un vifcère fitué dans la capacité du bas-ventre, dans l’ef- pace formé par les os des ifles, & qu’on appelle lebaffin; il eft fufceptible d’une très-grande dilatation; fa forme approche de celle d’une poire; fa fubftance eft compofée de vaifleaux fanguins & lymphatiques, réunis par le tiflu cellulaire. À chacun des côtés de ce vifcère , on voit deux OcTosre 1772, Tome IL, 454 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, corps qu’on nomme ovaires ; ils font formés de petites loges ou cellules, contenant des petites veflies , & attachées par une forte membrane : des extrémités de la cavité triangulaireinterne, partent deux tuyaux coniques très-ridés & flottans dans la cavité de Pabdomen; leur extrémité eft en- tourée de beaucoup de franges, & peut s’érendre jufqu’aux ovaires. L’uté- rus communique au vagin par le moyen d’une petite ouverture tranfver- fale , fermée par une humeur glutineufe ; on voit auffi au col de la matrice de petits finus pleins d’une humeur muqueufe. La cavité de l’utérus eft fort petite dans les femmes qui ne font pas grofles ; ce vifcère eft def- tiné à recevoir l’humeur féminale & à nourrir le fœtus. < Quelques Auteurs ont cru voir un troifième ovaire placé dans la cavité même de la matrice auprès de fon col; mais ce n’eft pas ici le lieu de réfuter de pareilles inepties ; quoique Hoffman paroïfle de cette opinion, l’expérience journalière les détruit affez. : On trouve dans l'homme deux véficules féminales , fituées entre l’in- teflin reêtum & la veffie. Les inje@tions & les difleétions nous ont appris qu'ils approchent de la figure d’un bois de cerf. Chacune a un orifice particulier aboutiffant ; chacune a un petit tuyau élaftique qui s'ouvre dans lurèthre, à côté de l’éminence de la proftate, qu’on nomme tête de coq. C’eft par ces deux tuyaux que l’humeur féminale, qui eft une liqueur épaifle, tenace, vifqueufe & pleine d’animalcules et apportée dans l’urèthre , d’où elle s'élève jufqu’aux ovaires, en paf- fant par les trompes de Fallope, qui dans cet inftant les embraffent , & elle féconde l'œuf qui par la même route defcend dans l’utérus. C'eft- là que l'embryon reçoit la nourriture & fon accroiflement , jufqu'au tems que la nature lui a prefcrit pour voir le jour. Si l’on examine avec un microfcope la liqueur qu'on trouve dans les teficules , les épididymes, les vaifleaux éjaculatoires , ou les véficu- les féminales, après y avoir ajouté quelques gouttes d’eau tiède, on y apperçoit une quantité prodigieufe de petits animaux oblongs, ayant des queues, &c femblables à de petites anguilles vivantes. Suivant Boer- haave, ces animalcnles de la femence de l’homme, font les premiers rudimens de l'embryon. Selon M. le Baron de Haller, la femence de l'homme fe forme dans les tefticules, fe dépofe dans les véficules féminales , s’éjacule dans la matrice, & va féconder l'œuf. Ces animal- cules ne fervent ni à exciter le prurit, n' à faire naître les defirs véné- riens. Les eunuques & les femmes font très-ardens pour les plaïfirs de l'amour; cependant, il eft certain que l’humeur muqueufe des femmes n’a point d’arimalcules, les eunuques n’ont point de liqueur féminale, & on n’en trouve dans aucune autre humeur d’un animal fain. De fortes raifons portent à croire que le germe n’eft pas defliné dans l'œuf, mais que celui-ci n’eft que le logement de l’animalcule. Je pafle fous filence tous les autres fyflèmes de la génération , dans lefquels on attribue la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 45$ produétion des animaux à la putréfaétion , ou à d’autres caufes auf abfurdes. Les expériences de Leuvenhoek & d'Harvée , les ont fufifam- ment combattus. Je rougirois avec Saint-Auguftin de réfuter de pareil- les focifes, que leurs Auteurs n’ont pas rougi de mettre au jour, & de foutenir; j'en fuis honteux, non pour eux, mais pour le genre bumain, qui a pu écouter de pareilles inepties. : Le foetus eft attaché à l’utérus par le moyen de fon placenta , qui eft profondément implanté dans la fubftance de ce vifcère, à la manière des plantes. Les Phyfologiftes ne conviennent pas entr'eux fur la ma- nière dont le fœtus reçoit fa nourriture; les uns prétendent que le fuc nourricier, féparé par la mère , eft abforbé par l’extrémité de la veine umbilicale, & apporté au foie de l'embryon par ce cordon; d'autres foutiennent que le fœtus ne prend fa nourriture que par la bouche. Ceux-ci pentent qu'il la reçoit par l'abforption des pores cutanés; ceux- là enfin veulent que le fang qui pafle de la mère à l'enfant, ferve à la nourriture & à l’accroiflement de ce dernier. Toutes ces opinions ont leurs difficultés , & ce point de Phyfologie n’eft guères bien éclairci ; cependant, il eft probable que le fœtus tire fa nourriture de la liqueur lymphatique de l'amnios , dans les premiers tems de fa formation. On ñe fauroit regarder la matrice comme la formatrice de embryon : elle femble principalement deftinée à recevoir la femeñce du mâle & l'œuf de la femelle, à l’échaufer, à aider fon développement, par une force & un méchanifme qui nous font mconnus. D'où vient le placenta ? En quel tems fe forme-t1l? C’eft fur quoi tous les Auteurs gardent un profond filence. Les radicules par lefquelles œuf eft attaché à l'ovaire, ne feroient-elles pas les premiers rudimens de cette fubflance charnue & vafculeufe qui forme le placenta? Ce qu'il y a de certain, c’eft qu’on a vu fouvent des embryons flottans dans la matrice, fans être attachés au vifcère par aucun point. Dans ces cas , le fœtus étoit nourri par les-feules fubftances renfermées dans fes enveloppes. Et cela arrive conftamment les premiers jours de la groffeffe, le cordon umbilical n’étant pas encore formé. L’adhéfion du placenta fe fait, & cette mafle charnue qui unit l'embryon avec la matrice, fe forme lorique le fœtus, étant devenu plus grand & ayant befoin d’une plus grande quantité de nourriture, implante les extrémités des vaiffeaux umbilicaux dans la matrice , & en abforbe le fuc nourricier. Hyppacrate prétend que le fœtus tire fa nourriture de la mère, de la même manière qu'une plante parafite la tire de celle fur laquelle elle croît ; ou, comme dit cet Auteur, elle eft plantée par inoculation. Quoi qu'il en foit , il eft conftant que le fœtus & fa mère, font deux corps animés, vivans , diftinéts & féparés; qu'ils ont chacun leurs par- ties &c leurs vaifleaux particuliers, & que la mère n’a aucun empire fur la conformation de fon fœtus, ni fur les aétions de l'embryon OCTO8RE 1772, Tome II. 456 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, formé : er effet celui-ci s’agite & fe tourne de tous côtés à l'infu, & maloré la mère; il trépigne quelquefois avec tant de force, que la mère en eft effrayée. Les fœtus meurent fouvent & fe putréfient dans la matrice fans que la mère s’en apperçoive ou en foit incommodée. On a tiré des enfans vivans du fein de leurs mères mortes. Quel eft donc le pouvoir de notre imagination fur notre corps ? Qu’une femme vieille & hideufe s’imagine fortement & fe perfuade être une Vénus, fes rides s’effaceront-elles ? les rofes & les lis viendront-ils fe placer fur fon teint ? Semblable au ferpent , quittera-t-elle fa vieille peau 4 & fe parerat-elle des graces &e des traits de la jeunefe ? R La puiffance maternelle eft fi peu de chofe, qu'il ne tient pas à elle de dépofer fon œuf dans fon véritable nid. Eile n’a réellement aucune action fur les parties de fon propre corps; elle n’a pas le pouvoir de ramener à leur devoir les franges des trompes de Fallope, qui s’en écartent quelquefois. Ces trompes embraflent les ovaires dans l’aête de la génération, reçoivent l'œuf fecondé , le retiennent pendant un peu de tems; venant enfuite à fe relâcher, elles laïflent fouvent tomber eur fardeau dans la cavité de l'abdomen au milieu des vifcères. L'Hif- toire de la Médecine fourmille de pareils exemples. On lit dans le Sepulchretum Anatomicum de Bonnet, une obfervation d’un œuf fécondé dans l'ovaire même, qui s'étant rompu quand l'embryon eut acquis un certain degré d’accroiflement, caufa une hémorrhagie confidérable , & fut trouvé dans la cavité du bas-ventre, nageant dans le fang épanché. L'utérus & les trompes mavoient fouvent aucune altération dans ce cas. On voit dans le même Auteur & dans une foule’d’autres Ecrivains , des exemples de fœtus qui ont acquis leur volume ordinaire dans la trompe même. Les Mémoires de la Société Royale des Sciences de Londres , font mention d’un embryon , qui fut trouvé dans la cavité du bas-ventre, entre les inteftins; il étoit de la groffeur ordinaire, renfermé dans fes enveloppes, & le placenta étoit implanté dans le péritoine. De Moucon rapporte dans la relation de fon voyage, qu’une femme étant morte à la fuite des douleurs de l'accouchement fut ouverte, & qu'on trouva un fœtus bien conftitué , fitué hors de la matrice entre ce vif- cère & l’inteftin reétum , l’utérus étant parfaitement entier. Or fi la mère avoit la plus légère puiffance fur fes propres parties , fouffriroit-elle que fon fruit s’égarât de cette manière ? Non, défabufons-nous; elle ne fauroit changer à fon gré les formes des corps, ni augmenter ou dimt- nuer le nombre de leurs parties. Si elle avoit ce pouvoir, quelle feroit la femme qui mettroit au jour une progéniture difforme? quelle mère ne donneroit pas à fon fruit tous les avantages de l’efprit & du corps , fi cela étoit en fa puiflance ? Cependant les femmes les plus robuftes & les mieux conftituées , ne donnent pas toujours la naïflance à ae ans SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 457 fañs qui leur reflemblent. Combien de fois n’a-t-on pas vu des enfans maigres & délicats , naître d’un vigoureux Athlète & d’une Amazone ? Si les parens n’ont pas le droit de tranfmettre à leurs enfans, leur vigueur & les autres avantages dont la nature les a doués , pourquoi veut-on injuftement que la mère puifle à fa fantaifie bigarrer le corps de fon enfant de fes envies ? Les relations des Voyageurs les plus dignes de foi, les Ouvrages des Médecins & des Anatomiftes font pleins d'exemples de femmes qui ont donné le jour, je ne dis pas feulement à des enfans couverts de taches, mais à des monfires plus défeétueux & plus extraordinaires que fi, comime dir Lucrèce : Une femme eût accouché d’un veau, Ou une vache eût mis bas un agneau. On voit tous les jours, des animaux à deux têtes, on en voit d’autres fans pieds & fans mains; d’autres enfin, ont toutes leurs parties placées contre l’ordre prefcrit par la nature. Ce qui fait dire au même Poëte. « Vowez cette troupe d’Androgines , dont le vifage & tous les mem- bres font fi finguliers ; les uns font entièrement joints enfemble, & ne femblent former qu'un corps dont tous les membres font doubles; les autres n’ont ni piedS"hi mains; ceux-ci n’ont point de bouche , ceux-là point de vifage & font privés de la vue; aucun enfin ne peut rien faire ni aller nulle part , ni pourvoir à fes befoins, ni éviter ce qui peut lui nuire ». z Kerckringius nous a laiffé la defcription d’un monftre qu'il nomme Cacodæmon, dont la tête n’avoit aucune reflemblance avec celle de l’homme. Son vifage reffembloit parfaitement à la face d’un finge; on ne trouva pas le cerveau dans le crâne, il n’y avoit même aucune cavité dans laquelle ce vifcère eût pu fe loger. La boëte offeufe du crâne n’étoit pas fphérique , mais elle étoit applatie en-deflus avec quelques protubérances; cet os tenoit la: place du cerveau. On trouve dans le même Auteur la defcription d’un monftre Polyda@te, dont chaque main avoit fept doigts, outre lefquels on voyoit un petit appendice rond à côté du doigt auriculaire, qui refflembloit au commencement d’un hui- tième doigt quin’étoit pasencore perfeétionné ; les pieds en étoient encore bien mieux pourvus, car on comptoit huit doigts au pied droit & neuf au pied gauche : mais il faudroit avoir le génie d'Ovide , pour donner ici l'Hiftoire de toutes les efpèces de monfires. Je ne parlerai donc point de cette femme d'Augsbourg, qui mit au monde un monftre ayant une tête humaine & des ailes de Chauve-fouris; ni d’une autre qui donna le jour à un monftre, ayant la tête d’un poifflon de mer nommé aiguille, a queue d’un ferpent, le corps d’un lézard , & des pieds de grenouille ; OcTosre 1772, Tome IL. Mmm 458 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ni de mille autres que je pourrois encore citer: mais je paflerai tout de fuite à la formation des monftres. L'imagination échauffée des femmelettes & des nourrices, n’a pas peu contribué à augmenter la quantité des monftres, en prenant pour tels les moles, ou fuivant leurs propres exprefñons, les faufles conceptions. Qu'eft-ce qu'une mole ? Hyppocrate en donne la définition. Voyez fes Ouvrages. Dans le fens de cet Auteur, nous convenons que la mole ne peut avoir lieu, fans Popération préalable du mâle. Un embryon mort renfermé dans fon œuf, dans les trois ou quatre premiers mois dela conception , conititue ces moles fpongieufes, que les bonnes femmes nomment charnues , & dans lefquelles leur imagination troublée, trouve des ref- femblances avec des taupes , des rats , des poiffons, ou d’autres formes aufñ bizarres. On concevra que fa forme a pu être plus ou moins changée , fuivant qu’elle a été plus ou moins comprimée par les parois de l'utérus, & qu’elle a acquis plus ou moins de confiftance , & fui- vant qu’elle a plus où moins réfifté à fa fortie. Jai vu des caillots de fang rendus quelques jours après l'accouchement, fi RUES an jau- rois facilement perfuadé à des femmes , que c’étoient des fuperféta- tions , ou tout au moins des moles. Mais les ayant ouverts, je ne trouvai aucune cavité dans leur intérieur, & leur fubftance étoit uni- forme. Cependant, une imagination vive auroit facilement pu leur faire trouver du rapport avec la figure de quelqu’animal. On dit communément qu'un defir ardent peut donner à l’imagi- nation le pouvoir de graver fur le fœtus l’empreinte de fon envie. Si cela étoit vrai , on ne verroit pas tant de femmes defirer inutilement & avec tant d’ardeur accoucher d’un garçon. Les riches auroient-ils befoin de fatiguer le Ciel de leurs vœux , de charger les Autels de leurs offrandes, fi l'imagination de la mère avoit cette puiflance ? Mais fi l'imagination n’a pas le droit de changer les fexes , comment auroit- elle celui de retrancher des membres , de cicatrifer les plaies ; en un mot, de faire toutes les opérations d’un Chirurgien ? comment pour- roit-elle trancher la tête , éventrer & brifer les os de l'embryon dans moins de tems & avec plus de facilité que nous ne le difons ? Qui eft-ce qui ignore l’étonnante variété des effets des maladies ? L'embryon en fa qualité d’animal eft fujet à tous les maux qui peuvent naître des caufes internes , ainf qu'on l’apprend par lhiftoire de leurs maladies. Telle eft la trifte condition de l'humanité ; ce n’eft pas allez que ihomme foit fujet à mille maux pendant le cours de fa déplorable vie , il n’en eft pas même exempt dans le tems qu'il pafle renfermé dans le fein de fa mère , & qu'il ne jouit pas encore de la lumière du jour. [left conftant que les inteflins remplis & gonflés par le méconium comprimant le foie & la véficule du fiel du fœtus , font regorger la » SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 459 bile & lui caufent l’iêtère.-On a même des exemples de pierres formées dans les reins , & trouvées dans la vefie des embryons. Un enfant dès fa naïflance fouffroit des douleurs très-vives toutes les fois qu'il étoit obligé de rendre fes urines. Il mourut après trois femaines de fouffrances. Son cadavre fut ouvert , & l’on trouva dans la vefie, une pierre de la groffeur d’un noyau de pêche. Il neft pas douteux que cette pierre n’eñt commencé à fe former avant la naïffance de l'enfant ; car il n’eft pas probable qu’elle eût pu , dans fi peu de tems, acquérir un pareil volume. L’hydrocéphale eft une maladie très-com- mune aux fœtus , quoique leurs mères ne foient pas hydropiques. On a trouvé une quantité d’eau étonnante contenue entre la pie-mère & la dure-mère d’un avorton de fept mois. Dans un autre , attaqué de la même maladie , le cerveau avoit à peine l’épaiffleur d’un tuyau de plume à écrire. Voilà la véritable folution de l’énigme , voilà la vraie caufe de la difformité de la tête du Cacodœmon de Kerckringius. L'eau de l'hydropifie avoit détruit la fubftance tendre du cerveau ; & après fon écoulement , les os du crâne encore mous & cartilagineux , S'affaiflèrent par la compreflion externe de l'utérus. # Si l’on fait attention aux effets des obftruétions , & à la petiteffe des vaifleaux lymphatiques ou fanguins de l’embryon ; fi l’on réfléchit à la compreflion que la tête du fœtus éprouve dans fa fortie de l'utérus , de la part des os du baflin , fouvent très-reflerrés , loin de trouver la formation des monftres incompréhenfble & inexplicable , on admi- rera, au contraire, la toute -puiflance du Créateur, & on rendra des aétions de graces à fa bienveillance , de ce que fur tant d’enfans qui fortent bien conformés après tant de périls, il y en ait fi peu de mutilés. | Les obftruétions font fouvent fuivies de l’inflammation , de la gan- grène , du fphacèle & de la féparation des parties mortifiées. Si cela arrive aux adultes , dont les os font durcis par le tems, pourquoi les mêmes accidens n’arriveroient-ils pas aux embryons , dont la fubftance eft fi tendre ? Un homme âgé de quarante ans perdit un bras , dont la nature feule procura la féparation de la partie fphacelée vers le mi- lieu de l’humerus, On a vu des fœtus venir au monde avec le cordon umbilical coupé , & la plaie parfaitement cicarrifée. De combien de maladies un feul vice des humeurs n’eftil pas la fource ? Une femme de trente ans fut tout-à-coup attaquée d’une telle fragilité des os , que ceux de fes jambes fe caflèrent fins qu’elle fit aucune chüûte , ni aucun effort. L’adrefle des Chirurgiens ne put ja- mais venir à bout de réunir ces os caflés. La nature empêchée par quelque vice des humeurs, ne put jamais procurer le calus. Les os qui naturellement font fort durs , devinrent enfuite fi mous & fi flexibles, qu’on auroit pu les plier & les courber façilement en tous fens , & les OCToBRrE 1772, Tome IL. Mmmi] 460 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, couper avec un couteau. On doit attribuer la fingulière difformité (1) dé- crite dans la Recherche de la Vérité du Père Mallebranche , à une caufe pareille ; il eft bien plus vraifemblable qu’elle fut l’effet d’une pareille maladie , que du pouvoir de l'imagination de la mère effrayée. L'expérience journalière nous inftruit des funeftes effets des maladies qui attaquent les parties du cerveau. Les convulfions , les tremblemens des membres , le dérangement de la circulation, les paralyfies & les atrophies en font les fuites ordinaires. C’eft à ces caufes qu'on doit attribuer tant de difformités de naïflances ; de-là viennent les boiteux , les boflus , les louches , les cagneux , les enfans qui ont la tête de côté & les mains crochues. Les maladies qui affe@tent la peau, laïiffent des taches qui ne s’effa- cent qu'après beaucoup detems , & même jamais ; telles font les éré- fipèles pufluleufes , les gales , & les dartres ulcérées ; les cauftiques les plus légers , tels que les cantarides & les orties , ne laiflent-ils pas fur la peau des traces prefqu’ineffaçables ? N’eft-il donc pas raifon- pable d’attribuer les taches qu’on voit fur quelques enfans , à quelque maladie fouflerte dans l’utérus , & dépendante d’une humeur très-cor- rofive ? Hyppocrate , quelque partifan qu’il foit de opinion que je combats ici, n’a pu s'empêcher d’avouer que les compreflions de l’u- térus peuvent être fort nuifbles au fœtus. Le témoignage de Malpighi confirme cette idée. Ce favant Anatomifte aflure avoir vu un fœtus fans tête , renfermé dans un œuf de la grof- feur de celui d’une oie. | On doit attribuer lautre caufe des difformités à fa conformation primitive de l’animalcuie de la femence du mâle. C’eft à ce défaut qu’on doit rapporter les monftres à deux têtes , les polydaëtes , & tous les monftres par excès. Le Père Mallebranche lui-même , vient malgré lui à l'appui de cette opinion. Ceux qui croient que l'embryon eft tout formé avant la conception, & qu'il ne reçoit , de la part de fa mère pendant la groffefle , que l’accroiflement & la nourriture , raifonnent très-jufte fur la formation des monftres , & leur opinion eft appuyée par l'expérience. (r) Le Père Mallebranche dit dans Ouvrage cité, qu’on voyoit de fon tems à PHôtel- Dieu dé Paris, un enfant dont les os des extrémités étoient brifés précifément aux mêmes endroits où le font ceux des malheureux qui ont fubi le fupplice de la roue. Il attribue cer effet fingulier à l'imagination de la mère qui avoit afhifté, pendant fa groffeffe, à une pareille exécution, & qui en avoit été tellement effrayée , que cette impreflion s’étoit communiquée à l'embryon & avoit brifé fes os. Le même Auteur ajoute que cette femme auroit garanti fon enfant de ce funefte effet, fi au moment de Phabretion elle avoit eu foi de détourner le cours des efprits fur une partie éloignée du fœtus, en y excitant une forte fenfation, comme en fe grattant fortement le derrière. M. le Marquis d’Argens, dans fes Lettres Juives, relève plaifamment ceue idée du Père Mallebranche, SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 461 J'ai ouvert dernièrement un œuf contenant un fœtus à double tête , dans lequel les artères carotides partoient , comme à l'ordinaire , de la courbure de l'aorte ; un nouveau rameau partoit enfuite de la ca- rotide interne , un peu au-deflus de la poitrine , & alloit fe diftribuer dans la feconde tête ; l’une & l’autre avoient leur trachée-artère, on difinguoit deux moëiles épinières. On me montra il y a quelque tems les cadavres difléqués de deux jeunes filles , dont les parties inférieures étoient jointes enfemble , & qui n’avoient qu'un umbilic externe. L’une de ces deux filles avoit deux artères umbilicales | l’autre n’en avoit qu’une ; celle-ci avoit deux reins , & celle-là n’en avoit qu’un ; la première avoit une vé- ficule de fiel , & la feconde n’en avoit point. Elles n’avoient à toutes deux qu’un feul vagin , & qu'une veflie commune ; toutes les autres parties étoient difpolées fuivant l’ordre naturel. Ces monftres ne font point le réfultat de deux fœtus unis enfemble en la manière de Talincor , comme plufieurs Ecrivains le prétendent , puifque ces jumeaux ne font point renfermés dans le même œuf , mais dans deux œufs féparés , comme tous les Accoucheurs & les Sages Femmes le favent fort bien ; chaque embryon tient à la matriee par fon placenta particulier : d’ailleurs , ces deux filles avoient plu- fieurs parties communes entr'elles. La formation de cette progéniture ne fauroit être attribuée à l'imagination de la mère, puifque, fuivant l’Auteur de cette defcription , la mère n’avoit eu aucun defir remar- quable , ni aucune affeétion vive de lame. Au refte , pour que l'imagination de la mère puifle imprimer une nouvelle force à fon fœtus , il eft néceffaire qu’elle conçoive aupa- ravant l’idée de la forme qui doit être imprimée , non-feulement quant à l’arrangement des parties externes , mais encore quant aux parties internes , d’où cette forme doit réfulter. Or , eflil concevable que la mère des deux filles dont je viens de parler , ait connu la compo- fition du cerveau , dont tous les Anatomiftes ignorent la véritable fruêure ; & que fon imagination ait eu le pouvoir de former une feconde tête, contenant un fecond cerveau , ‘pourvue d’artères, de veines & des autres vaifleaux néceflaires à la vie ? Eft-il probable que cette femme ait fabriqué une nouvelle moëlle épinière , dont le tiflu eft fi compliqué & fi difficile à concevoir ; qu’elle ait pu produire une nouvelle ramification de l'aorte , pour l’envoyer à la feconde tête , & inférer au poumon une nouvelle trachée-artère 2 La mère ne fauroit communiquer à fon embryon les idées qu’elle reçoit des figures , des couleurs , de la dureté , de la molleffe , de lafpérité , de la foupleffe des chofes qu’elle voit ou qu’elle touche, des fons qu’elle entend , des odeurs & des faveurs qui l’affe@ent. On fait que les fenfations ne font autre chofe qu’un mouvement excité à OcTosre 1772, Iome 11. 462 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la furface d’un nerf quelconque par l'imprefion des objets fenfibles , laquelle impreflion fe communique à une certaine partie du cerveau ; chaque nerf aboutit à quelque point de ce vifcère : ainfi , fi on coupe ou fi on lie un nerf d’une femme , elle fera privée du fens auquel ce nerf étoit deftiné. Les nerfs font donc les inftrumens des fenfations tant internes qu'externes ,; comme l’expérience journalière le prouve : or , il n’y a aucune communication entre les nerfs de la mère & ceux de l'enfant ; il eft donc conftant que l'imagination des femmes groffes ne fauroit contribuer aux difformités de leurs embryons , foit qu'elles foient faifies par la peur , tranfportées de joie , plongées dans la trif- teffe ,| tourmentées par quelque defir ardent , ou affeétées par quel- qu'autre forte impreflion de l’ame. En effet , combien d’enfans ne retire-t-on pas vivans , fains & faufs , du fein de leurs mères, par l'opération eéfarienne ? Ces malheureufes auxquelles linftrument du Chirurgien déchire les flancs & la matrice même , expirent dans les douleurs les plus atroces , & leurs enfans ne pouflent pas le moindre cri , ne donnent pas la moindre marque de douleur. Quelle frayeur , quelle triftefle , enfin quel défefpoir ne doivent pas s'emparer de l’efprit de ces pauvres femmes , quelques inftans avant qu’elles fu- biffent cette cruelle opération, dont elles voient les préparatifs ef- frayans ! Peut-on concevoir qu’une femme puifle être plus vivement affe@tée que dans ces circonftances ? Mais les douleurs qui fuivent ces triftes avant-coureurs, font au-deflus de toute expreffion , elles fur- paffent les bornes de l’efprit humain; cependant, les enfans qu'on retire ne donnent pas le moindre figne qui puiffe faire foupçonner qu'ils aient eu la plus légère part aux douleurs de la mère. Ils vivent , & plu- fieurs même parviennent jufqu’à la vieilleffe, La manière dont M. Ockes préfente ce fujet fi fouvent difcuté , paroït neuve & capable de dif- fuader les femmes qui croient aux envies & à leurs fuites. DISSERTATION. fur Les diverfes élévations du Mercure dans les Baromètres de différens diamètres , par M. CIGNA, de L Académie de Turin. : 534 matière traitée dans cette Differtation n’eft pas nouvelle pour les Phyficiens , elle eft depuis long-tems Le fujet de leurs méditations ; & depuis long-tems ils font perfuadés que la fufpenfion du mercure dans le baromètre , dépend en grande partie de la manière dont on le conftruit , du plus ou moins d’exaétitude qu’on apporte à purger d’air , non-feulement la partie fupérieure du tube , mais encore la maffe mème du mercure. M. Sigaud de la Fond très-connu par les cours de Phyfque qu'il fait chaque année , a parfaitement établi cette théorie ; / un. dite si nr SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 463 & il ajoute à ce fujet une obfervation qui paroït avoir échappé à PAuteur de cette Difertation ; elle eft cependant intéreflante. M. de la Fond attribue les différentes élévations de la colonne à l’efpèce de mercure dont on fait ufage. Celui qu'on trouve ordinairement dans le commerce n’eft pas aflez pur ; toujours allié à des fubftances étran- gères , elles font varier fa pefanteur fpécifique. Il en réfuke que deux inftrumens conftruits avec les mêmes foins & avec des tubes parfai- tement femblables , ne s'accordent cependant point en hauteur , fi on emploie pour les faire, du mercure tiré de différens endroits, On ne peut donc compter fur l’exaétitude du baromètre, qu’autant qu'on fait ufage d’un mercure bien purifié ou reviviñié du cinna- bre (1) ; alors, fa pefanteur fpécifique eft plus exaéte & plus con- forme au rapport qu’on lui attribue , lorfqu'on compare la pefanteur de ce fluide à celle de l’eau diftillée. Il eft probable que M. Cigna a paffé fous filence ce dernier fait , parce qu'il fuppofe qu’on n’emploie dans la conftruétion des baromètres que du mercure purifié ; mais ceux qui fabriquent & font commerce de ces inftrumens , n’y apportent prefque jamais cette attention indifpenfable. Le prix modique auquel ils font en ufage de les donner , les oblige néceffairement à employer du mercure du ‘commerce, dont le prix eft de deux tiers meilleur marché que celui du mercure revivifié du cinnabre. Nos Leéteurs nous paf- feront cette petite digrefñion importante pour ceux qui aiment l’exac- titude dans les obfervations ; & nous croyons même les obliger , en leur annonçant que M. Sigaud de la Fond fait conftruire fous fes yeux d’excellens baromètres , avec la plus grande précifion dont ils font fuf- ceptibles. Nous ne pouvons, avant de terminer cet articke , nous empêcher de donner les juftes éloges que mérite l'excellente Differtation de M. Cigna. La méthode employée pour conftater fon opinion , eft on ne peut pas plus exacte ; rien de plus ingénieux & de plus fimple que fa (1) Nous donnons ici le procédé de la revivification du mercure par le cinnabre, en faveur de ceux qui l'ignorent & qui defrent s’occuper à faire des baromètres ou tel autre inftrument de Phyfique, pour lequel il fautemployer le mercure le plus pur. Prenez une livre de cinnabre, mettez-le en poudre; mêlez-y bien exa£tement cinq ou fix onces de limaille de fer bien pure; mettez ce mêlange dans une-cornue de grès que vous placerez dans un fourneau de reverbère , lui donnant pour récipient un pot de terre à moitié plein d’eau ; échauffez d’abord très-lentement, de peur de caffer les vaiffeaux ; puis pouffez le feu jufqu’à rougir le fond de la cornue : obfervez que le fer & le foufre fe gonfenc extraordinairement, lorfqu’ils fe combinent enfemble. Vous trouverez dans l’eau envi- ron pupre onces de mercure coulant, Il y à aufli une portion de mercure qui refte trés-divifée , & qui s’arrête à la furface de l’eau à caufe de la finefe de Les parties , fous la forme Apoue noïrâtre, qu'il faut ramaffer exaétement pour la mêler avec le mercure en mafle , avec lequel elle s’incorpore aifément. Paflez le tout à travers un linge #ort ferré , & encore mieux par une peau de Chamois , & vous aurez du mercure très-pur, OCToBRE 1772, Tome 11, 464 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, marche pour corriger les erreurs des baromètrès produites par les va- riations fuccefhives dans la température de l'air ; il feroit cependant à defirer qu’elle ne prit point fur la fenfibilité de l’inftrament. Nous fuf- pendons notre jugement fur l’erreur qu'il reproche à l'expérience de M. le Docteur TayLor. Cette expérience mérite d’être répétée & d’être examinée un peu plus ferupuleufement. Nous abandonnons ce foin à ceux qui fe livrent à ce genre de travail. Nos occupations trop multipliées ne nous permettent pas de les fuivre. Les expériences de M. Cigna concernant les mouvemens dans la liqueur des thermomètres plongés dans différentes liqueurs , tandis que le vent fouffle , font piquantes & très-ingénieufes ; elles méritent éga- lement d’être répétées avec un foin particulier. Nous publierons dans le tems & avec plaïfir les nouvelles découvertes que l’Auteur annonce fur cet objet. Sa manière de voir , fa précifion , fon exactitude , ren- dent toujours fes obfervations agréables aux Phyficiens. » On lit, dit M. Cigna , dans les Mémoires de lPAcadémie de Bologne , les expériences de M. Balbi fur les diverfes élévations des baromètres de different diamètre. Suivant M. Balbi, la grande élévation des petits baromètres dépend , ainfi que celle des tuyaux capillaires, de la force répulfive de leurs tuyaux. Cette force a fon fiège prin- cipal dans la partie fupérieure & vuide du baromètre. On peut la di- minuer à volonté , d'après l’expérience du même Auteur , en appro- chant un corps froid de cette partie , & l’augmenter en rétabliffant la chaleur. Après avoir lu ce Mémoire avec attention , j’admirai l’in- duftrie & la fagacité de fon Auteur ; cependant je n’étois pas tout-à- fait de fon avis fur la caufe de ce phénomène. 1°. La force répulfive des tuyaux capillaires , fi elle exifte , ne dé- pend point du tout de la partie vuide , puifqu’elle répond feulement au diamètre du tuyau , & elle n'épronve aucun changèment par l'augmentation ou la diminution du vuide : il en eft donc de même des baromeètres. 2°. Si la force répulfive des baromètres réfidoit dans leur partie vuide , le froid devroit bien plutôt l’angmenter que la diminuer ; car le froid refferre les tubes , ainfi que M. Balbi l’a obfervé lui-même : cependant, ni M. Balbi, ni aucun autre Phyficien n’a remarqué cette propriété dans les tubes capillaires. 3”. Voici donc ma conje@ure : l'abaiflement du mercure dans les baromètres étroits , dépend bien plutôt de la preflion d’une quantité d’air reftée dans la partie vuide du baromètre , & cette quantité eft plus confidérable dans les tubes étroits ; cet air fe trouvant reflerré dans un petit efpace, & par conféquent plus condenfé , comprime for- tement le mercure. Si on approche un corps froid du fommet du ba- romètre , l’air qui s’y trouve renfermé fe condenfe fortement & M (s Te 7 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 46 de comprimer le mercure. Il eft extrêmement difficile de chaffer tout l'air des baromètres, fur-tout, quand leurs tubes font fort étroits; & M. Balbi lui-même penfe que Mufchembroeck , malgré toute fon atten- tion , n’a pu y parvenir, Cette réflexion a beaucoup contribué à fortifier mes foupçons. Je les communiquai à mes confrères , & principalement à M. de la Grange, qui , loinde les défapprouver , m’indiquaune expérience propre à les éclaigcir. Il me confeilla de faire des baromètres très-exaëts & de différent diamètre dont la partie inférieure & recourbée fe prolongeât en un autre tuyau égal & parallèle au premier , afin de pouvoir y verfer du mercure, & par ce moyen, reflerrer l’air contenu dans la partie vuide du baromètre, s'il s’y en trouvoit. Car , difoit ce Phy- ficien , fi en verfant par intervalles du mercure dans ce tuyau , fa hauteur au-deflus du niveau diminue , & fi les décroiflemens de fon élévation font à raïon inverfe de l’efpace vuide laiflé à la partie fu- périeure du baromètre après chaque addition de mercure , c’eft une preuve que l’abaiffement du baromètre dépend d’un fluide élaftique contenu dans la partie fupérieure du baromètre , dont l’élafticité aug- mente à raifon inverfe de fon volume ; propriété qui convient à Pair Jufqu'à un certain point. Nous avons donc commencé notre expérience, & nous l'avons répétée plufieurs fois avec l'attention la plus ferupuleufe. L'un de nos. baromètres avoit une demi ligne de diamètre, & l’autre un peu moins de deux lignes. Le mercure s’arrêta environ quatre lignes plus bas dans le baromètre le plus étroit, que dans le plus grand. Nous versâmes en- fuite du mercure dans l’autre branche du tuyau ; la hauteur du mercure du baromètre au-deflus du niveau diminua, & fon abaiflement étoit exattement en raifon inverfe du vuide de la partie fupérieure, quoi- qu'on n'apperçût dans le baromètre placé horifontalement qu’une feule bulle d’air de la groffeur de la tête d’une épingle. Or, fi la partie vuide repouffoit le mercure, l’efpace de cette partie étant diminué , la répul- fion devroit l'être également, comme les Académiciens de Bologne l'avouent quelque part ; cependant , le contraire arrive ainfi que je l’ai déja dit. Quoique cette expérience répondit parfaitement à notre attente, cependant, elle ne l’a pas entièrement fatisfait. Je craignois toujours que nos baromètres ne fuflent pas exaëts, & par conféquent , que la preflion de Pair refté dans la partie fupérieure ne fe joignit À la force répulfive du tuyau, puifque felon M. Balbi la feule force répulfive du tuyau des ba o- mètres exa@s, avoit produit cet effet, Je fis donc une autre expérience pour n'aflurer du degré de prefion de cette force répulfive fur le mercure , en fuppofant qu’elle exifte. J'apperçus que la force répulfive ne venoit pas de l'air , car l’adlion OcTosre1772, Tome Il. Ni M 466 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de ce fluide ne lui caufoit aucun changement, de manière que sil y avoit quelque différence dans la force répulfive des deux tubes du barometre , elle devroit être la même dans les tuyaux ouverts. Je pris à cet effet deux tubes, dont l’un avoit deux lignes de diamètre & l’autre un peu moins d’une ligne; je les ai unis enfemble par le milieu de leur partie inférieure, de façon qu'ils s’élevoient parallèlement. L’épaiffeur des parois des tuyaux étoit à-peu-près la même, ils avoient été faits du même verre ; leur hauteur étoit la même que la hauteur ordinaire des baromètres , & ils étoient l’un & l’autre ouverts par le out. Je les remplis de mercure jufqu’au degré de hauteur ordinaire des baromè- tres, afin que la différence d’élévation du mercure dans les deux tuyaux, me montrât la différence de la force répulfive dans les baro- mètres du même diamètre, Cependant, le mercure s’eft mis à-peu-près au niveau; & dans le tuyau le plus étroit, il étoit à peine plus bas d'un tiers ou d’un quart de ligne. En comparant cette expérience avec celles de M. Galeati, dans lefquelles la différence de l'élévation du mercure dans les baromètres du même diamètre, étoit de trois lignes , il me paroifloit plus vraifemblable d'attribuer cette dépreffion du mercure dans les -baromètres en tout ou du moins en grande partie, à quelqu’autre caufe différente de la force répulfive des tuyaux. Tandis que je faifois ces eflais , M. le Chevalier de Saluces m'indi- - qua une autre expérience très-propre à éclaircir & même à réfoudre cette queftion Ce Phyfcien me propofa de remplir de mercure les deux tuyaux du baromètre joints enfemble, dont je m’étois fervi dans l'expérience précédente , & de les renverfer dans un vafe plein de vif- argent. Par ce moyen, difoit-il, les tuyaux. des baromètres étant d’un diamètre inégal, & le vuide de la partie fupérieure devenant commun à tous les deux , le mercure renfermé dans l’un & dans l’autre tuyau doit être également comprimé par l'air refté dans ce vuide , s’il y en a; par conféquent, ce différent degré d’élévation du mercure ne défignera certainement alors que la force répulfive. Nous avons donc rempli de nouveau ces deux tuyaux; nous les avons mis enfuite fur des charbons ardens pour faire bouillir le mercure , & pour que les bulles d’air qui s’en détacheroïient puflent s'échapper le long d’un fil de fer introduit dans les tuyaux. Cela fait, nous avons trouvé à-peu-près la même différence dans l'élévation du mercure de l’un &c l’autre tube que dans l'expérience précédente, c'eft-à-dire , d’un tiers ou d’un quart de ligne. Quelques conféquences qu’on tire de ma première expérience , cette dernière me paroît ôter toute difficulté & confirmer merveilleufement mon opinion, puifque les deux baromètres reffembloient parfaitement dans tout le refte à ceux dont les Académiciens de Bologne avoient fait ufage ; ils auroient par conféquent dû nous montrer également les effets de $ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 467 la forcerépulfive. Or , puifque les Académiciens deBologne ont obfervé une plus grande différence dans la hauteur du mercure, il faut conclure que cette différence dépéndoit de l'air qui étoit refté dans leurs baromè- tres, puifque l’efpace vuide commun à nos deux baromètres, ne nous a fait voir aucune différence pareille. Nous effayâmes enfuite fi la glace approchée de la partie fupérieure augmenteroit l'élévation du mercure, fur-tout dans untuyau plus étroit , ou fi la chaleur produiroit un effet contraire, & plus encore dans les petits baromètres, coniéquences de la théorie de M. Balbi, oppofées à celles de notre théorie. Si la raréfation ou la condenfation de l'air refté dans la partie vuide du baromètre , étoit la caufe de l'élévation ou de l’abaiffement-du mercure, ces effets devroient être les mêmes dans l’un & l’autre tuyau: fi au contraire cette élévation dépendoit de l'augmentation ou de la diminu- tion de la force répulfive des tuyaux, elle devroit varier fuivant leur différeñte capacité; mais les peines que nous primes, furent inutiles, puifque l'élévation du mercure ne fubit aucun changement ni par l'ap- plication des linges chauds , ni par celle de la glace. Ayant enfuite intro- duit volontairement quelques bulles d’air dans ces tuyaux, nous vimes le mercure s'élever par l’application de la glace, & baïffer par celle des linges chauds; mais cette élévation & cet abaïffement étoient alors égaux dans les deux tuyaux. Ii eft donc clair que la chaleur nile froid ne caufent aucun changement dans l'élévation du mercure des baro- mètres, quand leur partie fupérieure eft exaétement vuide d'air, & que ces variations produites par le froid ou le chaud, dépendent unique- ment de l’air contenu dans cette partie (1); ces variations font les mêmes dans l’un & dans l’autre tuyau, fi le vuide eft commun à tous les deux, & l'air également condenfé, comme il eft arrivé dans notre expérience : elles feront au contraire différentes, fi l’air refté dans les baromètres, n’eft ni en pareille quantité, ni d’égale denfté dans chacun d'eux, comme cela eft arrivé dans les expériences des Académiciens de Bologne, ce qui eft prouvé par ce que je viens de dire. Nous avons de nouveau rempliles mêmestuyaux de mercure très-pur ; nous enavons chaffé l’air parle même méchanifme , & nous avons obfer- vé la même différence dans fon élévation : nous avons enfuite réfroïdi la partie fupérieure avec de la glace mêlée avec l’efprit de nitre, & nous l'avons échauffée avec des lames de fer rougies au feu; mais cette (x) Cette conclufion ne nous paroît pas rigoureufement jufte , ou au moins généra- lement vraie. Si la chaleur & le froid n’opèrent aucun changement dans cette circon(- tance, c’eft-à-dire, lorfqu’ils n’affeétent que la partie fupérieure & vuide du tuyau, ils en produifent un manifefte, lorfqu’ils viennent à affeéter la colonne de mercure. Le froid augmente & le chaud diminue ; la pefanteur fpécifique & la hauteur de la colonne va= rient en proportion. d OcTosre 1772, Tome IL Nnni) 468 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, manipulation plufieurs fois répétée, n'a pas eu plus de fuccès, & le mer- cure a été auf immobile que dans l’expérience précédente. Nous avons plongé ces deux tuyaux ouverts parles deux bouts dans un vafe plein de mercure, pour obferver fes divers degrés d’abaiffe- ment dans l’un & dans l’autre, & nous avons remarqué que la diffé- rence n’alloit pas au-delà d’un quart ou d’un tiers de ligne. La conf- tance de ces réfultats eft une preuve aflez forte de la vérité de mon opinion. Il refle cependant encore une difficulté qui naît des expériences faites par plufieurs Phyficiens dans le vuide de Boyle : après le pompement de Pair, la capacité de la partie vuide augmente par l’abaiffement du mercure des deux baromètres; la différence d’élévation eft pourtant toujours la même, ce qui contredit fur-tout l'expérience de M. de la Grange; car fi, fuivant cette expérience, la différence de l’élévation augmente quand on diminue la capacité de læ partie vuide, elle doit pareillement diminuer fi on augmente cette capacité : cependant, cette différence difparoît abfolument fur le fommet des montagnes élevées de plus de cent toiles, fuivant la remarque de Plantadius qui contredit les expériences des Académiciens- de Bologne, & confirme les nôtres & notre théorie. En vain, ces Académiciens prétendent-ils que cette diffé- rence a été fupprimée par la violence du froid de ces montagnes, puif- que le froid ne diminue cette différence qu’en diminuant le reflort de l'air laié dans les tuyaux , comme je l’ai démontré ; on peut donc attri- buer cet'effet en grande partie à l’abaiffement du mercure, & à la raré- faion de l'air, puifqu’elle ne diminue pas moins fon reflort que le froid. Nous avons recommencé ces mêmes expériences pour trouver , s’il étoit poffible; la vraie caufe de cette diverfité, & nous y avons effec- tivement trouvé beaucoup de variété. Quand nous employions des baro- mètres , dont on n’avoit pas eu foin de chaffer l'air en les expofant fur des charbons ardens, le baromètre le plus élevé s’abaifloit pendant le pompement au niveau de l’autre; le mouvement du pifton venant à cefler, la première différence fe rétablifloit , fuivant l’obfervation des ÂAcadémiciens de Bologne: mais dans les baromètres dont le mercure avoit été exaétement purgé d’air fur des charbons ardens, labaiflement étoit plus grand pendant le pompement, & fubfiftoit même après la cef- fation du mouvement du pifton, ce qui eft exaétement conforme à l’ex- périence de Plantadius. Nous pensâmes donc que dans le premier cas, après la ceffarion du mouvement du pifton, il s’introduit an aïr nou- veau dans la capacité du baromètre le plus étroit , laiflée à découvert par l’abaiflement du mercure; ou bien que cet air s’eft dégagé du mer- cure même, & a rétabli la même différence, ce qui ne pouvoit avoir lieu dans les baromètres Purgés d'air. SUR L'HIST. NATURELLE: ET LES ARTS. 469 En effet, l'expérience faite dans le vuide de la machine pneymatique avec les deux baromètres communiquans , prouve aflez bien que les anomalies de l’abaiffement du mercure , dépendent de Pair contenu dans Ja partie fupérieure de leurs tuyaux, ou produit par le mercure même, Car ces baromètres , ayant , comme on l’a vu ci-deflus, à-peu-près la même élévation, s’abaïfloient avec la même promptitude pendant le pompement de l'air, & confervoient, même après le pompement , la même égalité d'élévation. Pareillement, l'air étant introduit peu-à-peu dans le récipient , ils remontoient également, de manière qu'ils étoient toujours au même niveau, De plus, MM. Mufchembroek, Defagulier, Sigorne, & quelques autres Phyficiens du premier ordre, ont penfé que les tuyaux des baro- mètres, loin de repoufler le mercure, l’attirent au contraire. Suivant ces mêmes Auteurs, l’abaiflement du mercure dans les tuyaux capil- laires, dépend de l’excès de la force attraétive des parties du mercure entr’elles, outre la même faculté du verre ; or, comme cette différence d’attraétion ne fauroit avoir lieu fi le baromètre n’eft compofé que d'un feul tuyau recourbe, à moins de le plonger dans un vafe plein de mer- cure, on peut aifément trouver le moyen d'empêcher cette dépref- fion du mercure dans les tuyaux capillaires, produite par cette caufe, Ce moyen s’oppofera même aux effets de la force répulfive, en fup- pofant fon exiftence ; gamgcomme cette faculté , ainfi que l’attra@ion, fi elle a lieu dans les tuyaux, eft toujours la même , quelle que foit leur longueur, & la partie plongée dans le fluide attiré ou repouffé, la répul- fion du mercure contenu dans le baromètre, fera donc compenfée & cor- rigée par la répulfion du même fluide renfermé dans l’autre branche du baromètre. Méthode pour corriger Les erreurs des Baroniètres, produites par . le chaud ou Le froid. Les Phyficiens favent depuis long-tems que les changemens du baro- ‘mètre viennent, non-feulement de la preflion de l’athmofphère, mais encore des divers degrés de chaleur qui raréfient le mercure; en confe- quence, ils fe font appliqués depuis ce tems à diftinguer les effets de la chaleur , de ceux de la gravité de l’air, Les correë&tions propofées jufqu’à préfent , exigent des expériences particulières pour chaque obfervation du baromètre ou des calculs très- . pénibles. La première méthode eft difficile, & la feconde incommode, N. Ludolff a propofé un moyen inféré dans les Mémoires de l’Aca- -démie des Sciences de Berlin, fuivant lequel on connoït en tout tems la véritable preffion de l'athmofphère , fans expériences, fans calculs, par la fimple infpeétion de l'échelle. Mais cette correétion a encore un inconvénient. L’échelle propofée par ce Savant ne paroït pas trop ailée OcTosre 1772, Tome IL, 470 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & demande à chaque inftant la comparaifon du thermomètre. Comme je fongeois à corriger ce défaut, je fis part de mes idées à M. de la Grange. Ce Phyficien rélolut ce problême par une feule obfervation, : & d’une manière fi fatisfaifante qu'il n’y a plus rien à defirer. L’augmen- tation de l'élévation du mercure, me difoit-il, produite par un degré de chaleur donné, eft pareille à l'élévation d’une colonne de mercure expofée au même degré de chaleur; par conféquent , fi nous faifons deux baromètres d’un feul tuyau recourbé, de manière que dans l’une de fes-branches le mercure ne füt pas à plus d’un ou de deux pouces de hauteur, la raréfaétion ou la condenfation du mercure produiront une différence fi imperceptible dans fon élévation, qu’on pourra fans craindre , la compter pour rien. Il n’eft donc plus queftion, ajoutoit-il, que d'appliquer une échelle d’élévation à la branche la plus courte, & lon pourra attribuer l'élévation ou l’abaiflement du mercure à la gravité de l'air, puifque les changemens procurés par la chaleur ne fauroient caufer une erreur fenfble. Or, comme le mercure s'élève autant dans une branche qu'il s’abaiffe dans l’autre, & vice verfé, la variation de la hauteur du mercure au- deflus du niveau, eft double de l'efpace parcouru par le mercure en montant ou en defcendant. Par conféquent , pour avoir une échelle qui indique exaétement la hauteur du mercure au-deffus du niveau, 1l faut marquer des demi-pouces au lieu de p@uces, & des demi-lignes au lieu de lignes, & les prendre cependant pour des pouces & des lignes, puifque dans cette efpèce de baromètre les erreurs venant de la raréfa@tion , feront doubles de cette raréfa&ion. Si l’on veut cependant déterminer plus fcrupuleufement l'erreur qui naît de la raréfaétion de la petite branche, on trouvera dans cette mé- thode même un moyen sûr pour lapprécier. Ii faut pour cela tracer deux échelles, l’une placée à côté du baromètre même, & d'autre répondante à la petite branche, de manière que le mercure en fe levant fuivant lune , s’abaiffera d’autant fuivant l’autre; tant que la denfité du mercure fera la même, les degrés d’élévation répondront à ceux de la dépreffion: mais cette denfité changée, les degrés varieront auff, & la différence de la moitié indiquera l’augmentation ou la diminution du tout. Pour tracer ces échelles, on pourra prendre un degré fixe & déterminé du mercure, comme nous l'avons pratiqué en faifant nos baromètres, Nous avons environné tout le baromètre, d’un tuyau de papier ; nous avons enfuite rempli les intervalles avec de la glace brifée , afin de condenfer le mercure jufqu’au degté de la congelation; nous avons marqué avec un fil le point où le mercure fe trouvoit dans l’un & l’autre tuyau: ayant ainfi trouvé ce point de différence dans leur hauteur ; nous avons appliqué à chacun une échelle con- venable, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘471 Cela fait, il faut mefurer l’efpace occupé par le mercure dans le tems de la congelation, & qui eft égal à la longueur d’un cylindre placé entre lesmêmes degrés quelconques de l’une & l’autre échelle. Si on y ajoute toute la raréfaétion du mercure, on aura le volume du mercure räréfié en tout tems. L’élévation du mercure dans la petite branche du baromètre eft moin- dre que le double de la raréfa@tion dans la même branche; cette raré- fa&tion doublée, ainfi que celle du mercure élevé au-deflus du niveau, égale la raréfadtion de la totalité du mercure. Or, fi on ajoute à l'élé- vation du mercure de la petite branche, la totalité de la raréfaétion, on aura la véritable hauteur du mercure au-deffus du niveau augmentée par fa raréfaëtion. C’eft pourquoi , fi le volume de tout le mercure raréfié eft relatif au volume de ce même mercure condenfé , de même fi l'élévation du mer- cure raréfié au-deflus du niveau , fuit une quatrième proportionnelle, elle donnera la véritable élévation du mercure. Cette correttion peut fatisfaire les plus difficiles, ainfi que je l'ai dit ; & peut fervir même lorfque l’abaiflement du mercure eft confidérable, & quand par conféquent la raréfaétion du mercure contenu dans la petiie branche eft fort augmentée; ce qui arrive fur le fommet des plus hautes montagnes, où l’on a principalement befoin de corriger lebaro- mètre fi l’on veut s’en fervir, à caufe du froid violent qui augmente à mefure qu'on approche du fommet. D'ailleurs, comme l'élévation du mercure dans la petite branche, dans le plus grand changement de l’athmofphère, eft d’un pouce & demi; fi on fuppofe que fon plus grand abaïfflement foit d’un demi-pouce, fa plus grande élévation fera de deux pouces , & fa raréfaétion fera environ un quinzième de la raréfadion de la grande branche; & l'élévation marquée par cette branche pourra être prife pour la véritable, fans craindre une erreur fenfible. Quoique ce baromètre foit deux fois moins fenfible que les autres, il réunit cependant plufeurs avantages; car il n’exige pas une échelle mobile, il n’eft pas fujet à la déprefñion du mercure produite par l’étré- ciflement des tuyaux; enfin, il eft exempt des erreurs produites par les vicifitudes du chaud ou du froid, De la fauffeté de la Méthode" de mefurer l'attraétion. J'ai employé la méthode inventée par M. Taylor, & fuivie par les autres Phyficiens , pour m’aflurer sil y avoit une adhéfion entre le verre & le mercure , & pour mefurer le degré de cette adhéfon. J'ai mis en conféquence , dans un côté d’une balance , un plan de verre fitué hori- fontalement, & un contre-poids dans l’autre côté; j'ai mis enfuite du - mercure dans le premier côté, & J'ai pofé la furface inférieure du verre OcTosre 1772, Tome II. 472 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fur la furface fupérieure du mercure; & en augmentant le contre-poids de l’autre côté de la balance, je mefurois la force d’adhéfion. Comme le poids requis pour cela étoit fort, je m’imaginois avoir découvert 8 démontré par cette méthode , le degré d’adhéfion du mercure avec le verre. M. de la Grange m'avertit amicalement de la faufleté de cette méthode , & me foutint que cette adhéfion étoit principalement due à la preffion de l’air. Comme toute ma réponfe confiftoit à lui oppofer l'autorité des Savans qui ont employé la même méthode pour le même effet , il m’engagea à faire une expérience fur des corps, qui, de l’aveu de tous les Phyficiens, n’ont aucune adhéfion entr’eux. Nous fimes donc enfemble l'expérience fuivante. Nous posâmes fur de leau, un verre enduit d'huile, & nous trouvâmes qu'il falloit un poids confidérable pour féparer ce verre de l’eau. Enfin , il falloit pour cela un poids plus ou moins fort, felon la plus ou moins grande exaétitude du contaér; c’eft- à-dire , felon la quantité de bulles d’air interceptées entre le verre & Peau, Comme une couche d'huile trop légère pouvoit ne pas fufre pour empêcher l’adhéfion du verre avec l’eau, nous fimes une autre expérience. Nous couvrimes le verre d’une couche de fuif épaifle de plus de demi-ligne , & le réfultat de l'expérience fut le même ; c’eft- à-dire, qu’un poids de neuf onces fuffit à peine pour féparer des fur- faces de dix pouces quarrés. Le fuif empêche toute adhéfon de l’eau avec le verre : ce fait n’eft ignoré d’aucun Phyficien, & l'expérience le démontre. Les tubes capillaires, enduits de fuif intérieurement , ne retiennent pas l’eau fufpendue au-deflus du niveau, fuivant la remarque de M. Sigorne. La Méthode fuivie par les Fhyfciens n'indique donc pas le véritable degré d’adhéfion. De élévation & de l'abaiflement de la liqueur des Thermomètres , plongés dans différentes liqueurs, tandis que le vent fouffe. Mufchembroek, dans fes Effais de Phyfique, dit que les thermo- mètres mouillés pendant que le vent fouflle, s’abaiflent confidérable- ment. La même chofe arrive, file vent eft humide. Ce phénomène me parut fingulier; je voulus l’examiner, en plongeant un thermomètre dans diverfes liqueurs ; voici le réfultat de mes expériences. L'eau, l’efprit-de-vin , le vinaigre, le lait & fa crème, faifoient baifler fenfiblement la liqueur dufthermomètre ; l'huile de pétrole, l’ef- fence de gérofle , l'huile d'olives, & celle de lin, la faifoient monter ; l'huile de tartre par défaillance (1), ne lui caufa aucun changement ; de ea (x) Cette fubftance eft impropiement appellée Az/e. Elle n’a aucune propriété des . huiles végétales; c’eit un fel alkali fixe, réfous en liqueur par l'humidité de l'air, ou mème diffous dans l’eau. En yn mot, ce n’eft pas de l'huile, forte - ” SUR L'HIST. NATURELLE ET LÉS ARTS. 473 forte que la liqueur du thermomètre plongé dans cette huïle, tandis que le vent foufiloit, demeura immobile. Pour m’aflurer fi le vent pro- duifoit cet effet quand j’employois les liqueurs qui occefionnent l'élé- vation , je les rendois plus froides que la température de l'air; ainfi, | le vent commençant à fouffler, la liqueur du thermomètre montoit | d’abord au degré de la température; le vent continuant, elle s'élevoit davantage: fi je laiflois le thermomètre à l’air, elle revenoit au degré de la température ; fi je plongcois enfuite le thermomètre dans la liqueur ; le mercure redefcendoit encore. Au contraire , quand je vou- lois faire ufage des liqueurs propres à produire labaifleinent , je les échauffois au-deflus du degré de la température, pour obferver exaéte- ment l'effet du vent. Les réfultats de ces expériences ne peuvent s'expliquer par aucune propriété connue du feu ou de la chaleur. Dira-t-on que les liqueurs dont on mouille les thermomètres, font échauffées ou refroidies par le mélange des {els contenus dans l'air ? Pourquoi donc l’huile de tartre, qui devroit faire'une grande effervefcence avec les acides répandus dans l’athmofphère, & produire une grande chaleur, ne caufe-t-elle ni froid ni chaud ? De plus, il eft conftant que la chaleur des liquides répond non-feulement au froiffement de leurs parties, mais encore à leur caraëère plus ou moins gras ou inflammable ; or, nos expé- | riences font bien oppofées à cette loi: quelle liqueur eft moins graffe que l'huile de tartre, ou plus inflammable que l’efprit-de-vin ? la crème de lait n’eft-elle pas bien graffle? Cependant, l’huile de tartre n’a pro- duit aucun froid, tandis que l’efprit-de-vin & la crème de lait en ont caufé un très-fenfible. Je me contente pour le préfent d’avoir propofé la difficulté ; je laiffe à des Phyficiens plus attentifs, le foin de la réfoudre ; peut-être aufli y reviendrai-je quelque jour. J'ai commencé une fuite d’expériences , dont les fuccès, s'ils font conftans , pourront jetter un grand jour fur cette mâtière , & fur plufñeurs autres propriétés du froid & de la chaleur. » SUITE Expériences par lefquelles M. SCHEELE a découvert les principes des Spaths fluors, € leurs propriétés, tirées des Mémoires de P Académie Royale des Sciences de Suède, pour l'année 1771 , Ouvrage traduit de l’Anglois. L'ù ES expériences font neuves, curieufes, intéreffantes ; le réfultat en paroît même un peu extraordinaire. Leur fingularité engagera fans doute quelque Naturalifte à les répéter; c'eft le feul moyen de fe con- OCTO8RE 1772, Tome IL. Oo00 474 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vaincre de la vérité du fait. En Chymie comme dans toutes les Sciences, on ne doit pas s’en rapporter à de fimples aflertions ; l'expérience répétée par des mains habiles, eft la véritable pierre de touche. Nous - . . . . 1% prions & invitons ceux qui s’en occuperont, à nous communiquer f le fruit de leurs travaux. PREMIÈRE SECTION. 1°. Le Fluor fpathique ou Æ/uor fpathofus de la Minéralogie de Cronited, elt appellé par Valerius, Spath vitreux , ou Spathum folidume plus minus pellucrdum, particulis non difhinguibilibus. Woteradorf dans fon Syftême minéral, lui donne le nom de Spathum vitrefcens, & le décrit en ces termes: Lapis figuré & colore varius , fragmentis rhomboïdalibus , diaphanis , reliqua [pathi genera duritie antecedens. Forfter dans fa Miné- ralogie l'appelle Spath vitreux, Spathum vitrefcens, & le Chevalier Von Linné dans fon Syftême de la Nature, douzième édition, le difingue {ous le nom de Muria Chryfolampis , & le décrit ainfi: Muria | lapidofa fub quartzofa aggregata fparfa fixa. Les expériences de M. Schéele ont été faites {ur une efpèce de Fluor fpathique verte, trouvée à ; Garpenberg, Province de Dalerne, & fur une autre efpèce blanche { de Güflot , Province de Scanie. Cette efpèce de Fluor fpathique perd en rougiffant au feu fa qua- lité phofphorique qui te fait briller dans Pobfcurité , lorfqu'il a été légèrement échauffé. Cette vertu phofphorique eft , felon le Chevalier 4 Von Linné , commune à tous les Fluors fpathiques, de quelque couleur qu'ils {oient. 2°. Ce fpath expofé au feu dans un creufet, décrépite avec bruit comme le fel commun; enfuite il devient mol , blanc & opaque, & le verd devient rouge. 39. Ce fpath légèrement échauffé, brille également dans l’eau, comme expofé à l'air, & il produit le même effet dans les acides; mais une folution de fpaih n’a plus la qualité phofphorique, lorfqu'on la fait chauffer. 4°. Le fpath qui a une fois perdu fa qualité phofphorique par le feu, ne peut plus la recouvrer quand on le calcineroit même fur les char- bons, & qu’on l’expoferoit enfuite à la chaleur du foleil , ce qui prouve que cette qualité ne lui vient pas d’un principe inflammable. Il eft également certain que le fpath diffère de la pierre de Bologne, de l'albâtre , des félénites qui font phofphoriques lorfqu'ils ont été calcinés fur les charbons. ( Voyez ces Expériences dans ce volume , pages 247 SRE 2 0e 5°. Deux onces de ce fpath mêlées à pareille quantité d'huile de vitriol & diftillées , ont d’abord produit des vapeurs très-élaftiques ; gnfuite la fumée a paru blanche & a couvert toute la furface du réçi= Le LE ne te Sd SUR L'HIST., NATURELLE ET LES ARTS. 475 pient ; la mafle reftée dans la retorte après l'opération, étoit pref- que auf dure qu'une pierre. 6°. On wit les mêmes phénomènes en mettant de l’eau dans le récipient ; les vapeurs en s'élevant formèrent quelques taches blanches fur la furface de l'eau ; ces taches augmentèrent par degrés, & devin- rent fi épaifles , qu’elles interceptèrent l’acces des vapeurs. En remuant le vafe, la croûte qui furnageoit l’eau fe rompit & fe précipita dans le fond du vafe: il fe forma fur le champ une nouvelle croûte par le contaët des nouvelles vapeurs avec la furface de Peau ; à la fin de l’opération, la furface intérieure de Ia retorte & du récipient parut blanche & fingulièrement corrodée. L'eau du récipient contenoit une quantité confidérable d’un nouvel acide, dégagé du fpath par le moyen de l'huile de vitriol. 7°. Le réfidu qu’on trouva dans la retorte ayant été broyé & édulcoré dans l’eau, la leffive s’épaiflit au point qu'il fe forma une pellicule fur la furface ; au moyen de deux fcrupules d’alun, elle dépofa une quantité de félénite; l'acide furabondant fut enfute fagffe avec du fel de tartre, mais il ne s’enfuivit plus de cryftalifation. 8°. La dernière leffive épaifhe prit une couleur bleue par l'addition . d’une leflive de fang de bœuf; on avoit employé le fpath verd dans l'opération qui donna ce réfultat, ce qui fait croire que la couleur verte da flux fpathique vient de quelques particules’ de fer. 9°. Ce qui refta du réfidu après l'édulcoration précédente, ayant été mis à bouillir dans fept gallons (1) d’eau de pluie , fut diflous en très-grande quantité ; la partie non difloute étoit environ le quart de la première quantité. Ce réfidu non diffous fut pilé & calciné avec de l'huile de vitriol jufqu’à confiftance , & pendant l'opération, il fe fépara beaucoup de fumées élaftiques. La mafle fut aifément difloute dans l’eau apres avoir été pilée & réfroidie. En y ajoutant de l'efprit de felammoniac avec la chaux , il ne fe fit point de précipitation; mais avec une addition de fel de tartre, il fe précipita une efpèce de terre calcaire. Le fluice reftant contenoit un tartre vitriolé, parce que le fel de tartre avoit décompofé la félénite difloute , & s’étoit combiné avec l'acide vitrio- lique. ; 10°. Cette dernière expérience nous prouve que le F/uor fpathique eft une terre calcaire combinée avec un acide qui lui eft propre. L’alun & le fer femblent n'être qu'accidentels dans la compofñition de ce miné- ral. L’acide fpathique délayé, & enfuite mêlé avec de l’eau de chaux, précipite une poudre blanche qui, fans avoir la forme de cryftaux , a cependant toutes les qualités du fpath dont il eft extrait : car fi on l'étend fur une pierre chaude, il devient lumineux dans l'inf- (1) Un gallon contient deux pintes, mefure de Paris, OCTOBRE 1772, Tomell. Oooi) 476 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tant ; il fe fond à ia lampe de l’Emillenr, & fa fonte eft fur-tont très- prompte fi on y ajoute un peu de gyps. Enfin, l’on pourroit décom- poler ce nouveau fpath avec de l'huile de vitriol, comme le fpath naturel. 11°. La croûte blanche formée (6) fur la furface de l’eau dans le récipient, a les propriétés fuivantes : : À. Elle ne peut fe difloudre dans aucun acide. B. Pilée & mêlée dans l’eau, elle ne forme point de pâte avec l’eau. C. Bouillie avec de l'huile de tartre par défaillance , elle fe diffout ; mais aufh-1ôt qu’elle eft réfroidie, elle fe change en une forte de fubftance gélatineule. D. Le feu n’a point d’aétion fur elle, lorfqu’on l’y expofe feule. E. Si on y ajoute un alkali, elle fond en verre. F. Ce verre avec trois par- ties d’alkali fixe commun, {e change en mafle bleue. G. Le même verre pilé & renfermé dans un endroit un peu humide, tombe en deliquium & fe change en une fubftance gélatineufe. H. L’addition d’un acide en précipite une poudre. I. Cette poudre fe diflout dans le borax fans la moindre efervefcence. Tous ces phénomènes prou- vent que ceite croûte eft une fubftance pierreufe de la nature du filex. 12°. Je mis une quantité de fpath pilé, dans un cylindre métallique (ne feroit-ce pas dans une moufle, le mot anglois ne le défigne pas clairement ); je le fis enfuite infufer dans l’huile de vitriol; je fufpendis un morceau de fer au milieu du cylindre, & après avoir exa@tement couvert le tout, je l’approchai du feu. En quatre heures de tems, il fe forma une croûte blanche autour du fer; cette croûte étoit entièrement femblable à celle dont j'ai parlé ci-deflus (6); cette expérience prouve que l'incruftation n’eft point l’effet de la corrofion du verre (6), mais bien des parties aqueules qui s’uniffent à l’acide fpathique. Ce qui me confirme dans cette opinion, c’eft que le fpath arrificiel ou régé- néré (10), ayant été décompofé de la même manière avec l'huile de vitriol, forma la même croûte fur la furface de l’eau dans le réci- pient ; mais en répétant plufieurs fois la même opération avec le même fpath, la croûte cefla de fe former, parce que tout lacide du fpath s'écoit épuifé dans le cours des expériences. On ne peut pas fuppofer que dans la première compofition du fpath, il entre quelques fubftances pierreufes de la nature du filex; car l'effet eft le même fur le fpath naturel que fur le fpath artificiel lorfqu'ils font décompoñés. Si donc il y avoit dans le fpath quelques principes de la nature du filex, il feroit précipité à la première diflllation. Si, avant l'opération, on met dans le récipient , de l'huile d'olive par exemple, ou bien de f’huile de vitriol, il ne fe forme point de croûte pierreufe ; cette croûte ne paroît que lorfque l’eau eft dans le récipient. L’acide du fpath en s'uniffant à l'huile, ne fait que lui donner un goût acide, tx À L SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 477 13°. — 15% L'éfprit de fel & l’efprit de nitre, employés au lieu d'huile de vitriol pour diffiller le fpath , en chaffent le même acide, qui forme la même croûte que celle qui fe forme dans le récipient par l’intermède de Pacide vitrolique (6). Cette expérience démontre que fi, fuivant le fyftème de Becker & de Srahl, l'huile de vitriol contient un principe terreux de la nature du filex, cette croûte pier- reufe ne peut pas provenir de ce principe contenu dans l'huile de vitriol. 16°. Si on diflout le fpath à l’aide de la chaleur dans l’acide nitreux, ou dans l'acide du fel marin, & que l’on y ajoute de l'efprit de fel ammo- niac , On verra une terre vraiment calcaire fe précipiter , & elle fera effervefcence avec tous les acides ; mais fi on ajoute de lefprit de fel ammoniac avec la chaux, il ne fe précipite que du fpath. Le même effet réfultera du fel de tartre, ou de tout autre alkali fixe, (oit doux, foit cauftique. Si on verfe de l’acide vitriolique fur la folution , il fe précipite un gyps ; le même effet eft produit par l'addition du fel cathartique amer, du tartre vitriolé ou fel de Glauber. 17°. L’addition du phofphore fépare auf l’acide du fpath, & le dégage par la diftillation : le réfidu a toutes les propriétés des cendres d'os, que l’on fait depuis peu être compofées de terre calcaire & du phof- phore (a). SAC ÉRCTIOUN NÉE Cornbinaifon du Spath avec l'alkali. 18°. Une partie de fpath fluor fut mêlée avec quatre parties d’alkali fixe cauftique , & le mélange fe fondit aifément au feu; mais aucune partie du fpath ne devint foluble dans l’eau. 19°. Une partie de ce fpath mêlée avec quatre parties d’alkali fixe commun & fondu, lorfqu'on y mêle deflus une certaine quantité d’eau , fe diflout entièrement dans fes parties folubles: mais on trouve au fond du vale une terre calcaire faifant efervefcence avec les acides. La liqueur furnageante n’éft autre chofe, après fon évaporarion, qu’un alkali faturé d'acide fpathique. S RTC QE ot LT Combinaifon du Spath avec les fels neutres, 20°. Une partie de fpath mêlée avec deux parties de fel ammoniac, & enfuite diftillées, il s'élève d’abord un peu d'alkali volatil, enfuite le fel ammoniac fe fublime, & enfin il paroit une fubftance jaune. Le (x) Nous ne connoiflons point cette affertion, ni les expériences fur lefquelles on l'écabli $ . érablir. OcTosrE 1772, Tome II. 478 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; fpatb fe trouve au fond de la retorte dans fon état naturel. La petite quantité de fer contenue dans la retorte, occafonne la (ortie de l'alkali volatil, en $’uniflant à l'acide de fel marin, & met aïnf l’alkali volatil en liberté. 21°. Je diftillai deux parties de fpath & deux parties de fel ammo- niac de Glauber. Il s’échappa d’abord un alkali volatil cauftique, enfuite le fel ammoniac fe fublima. Le réfidu fut une félénite. Dans cette expé- rience, l’acide du fpath s’unit à Palkal volatil, & forma un {el ammo- niac fpathique qui fut la première fubftance produite. L’acide vitriolique dégagé du fel ammomiac vitriolique, s’unit à la bafe calcaire du {path & forma une efpèce de félénite. Lorfque ce nou- veau /é/ fpathique fut difous dans l’eau, & que dans la folution j’eus jetté de l’eau de chaux , il fe précipita un fpath régénéré. J’eus le même phénomène avec le fel cathartique amer. 22°, Le fpath diftillé avec le fublimé corrofif ne changea point. IL s’échappa feulement une très=petite quantité d’acide de fel marin, propor- tionnée à la petite quantité de fer contenue dans le fpath. 239, Le fpath diftillé avec le fel formé d’une folution de mercure dans l’acide vitriolique ,occafionna la féparation de l’acide fpathique qui fe fublima avec les globules du mercure. Le fer du fpath s’étant combiné avec une petite quantité d’acide de vitriol, fit fublimer une partie proportionnelle de vif-argent, La chaleur augmentant, fit auf monter l'acide du fpath, que l’acide vitriolique avoit féparé du fer, &c conféquemment le réfidu fut de couleur rouge. 24°. Le foufre & l’arfenic n’ont produit aucune décompoñtion dans le fpath, S'E AGIT TOYNELEDINe Examen de l'acide fpathique Jéparé de fa bafe. 25°. On ne peut par l’odeur diftinguer l'acide fpathique de l'acide du fel marin: cependant, matériellement il en diffère beaucoup ; lorfqu’on l’unit à fa bafe ordinaire , c’eft-à-dire à une terre calcaire, il fe forme une fubftance folide ; l'acide du fel marin, au contraire, com biné avec une terre calcaire, refte toujours fluide. 26°. Avec une chaleur modérée, on peut reétifier cet acide par la diftillation. La partie qui fort à la fin eft beaucoup plus forte, & la croûte qui en réfulte a beaucoup plus de confiftance que celle qu'on obtient à la première opération où l’on dégage l’acide fpathique. Les vaifleaux dont je me fuis fervi pour la re&tification, étoient extrême ment corrodés. En répétant la même expérience plufieurs fois de fuite, jeus les mêmes réfultats ; d’où je conclus qu'avec de l’eau, lon peut convertir tout l’acide en une fubftance pierreufe, de la nature du filex ou du quartz. \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 479 SEC T'ON, Ve L'acide fpathique traité avec l'alkali, 27°. Cet acide mêlé avec l'huile detartre, forma une fubftance géla- tineufe, qui ne put fe cryftallifer. Je la fis épaifüir jufqu’à ce qu'elle fût fèche ; il refta une mafle faline qui étoit à-peu-près la cinquième partie de l’alkali que j'avois employé, Le fyrop de violette ne changea point de couleur dans ce mélange. J'y ajoutai de l’eau de chaux ; j’eus une précipitation de fpath régénéré, & la liqueur furnageante étoit un alkali diflous dans l'eau. Les mêmes précipitations s’enfuivirent en ajoutant une folution de fel ammoniac fixe ou de fel amer : la fubftance gélatineufe après avoir été édulcorée dans l’eau, enfuite féchée, fondue dans un creufet & réduite en poudre dans un mortier, avoit le goût cauftique; elle tomba en deliquium dans un endroit humide, & me parut être vraiment dans l’état de Zquor filicum. 28°. J'eus le mème effet en me fervant de l’alkali fixe minéral ou du fel marin. | 29° L’alkali volatil combiné avec cet acide , forma une fubffance gélatineufe, qui , après avoir été décantée & évaporée , me parut être un /£lex, La leffive avoit un goût affez femblable à celui du fel ammo- niac de Glauber. Après l’évaporation, il fe forma quelques cryftaux qui avoient les propriétés fuivantes : A. Ayant été foumis à la fublimation, il parut d’abord un alkali volatil, enfuite un fel ammoniac dont le goût étoit très-âcre. B. En les diftillant avec de la chaux & de l’eau, tout l’alkali volatil fe perdit. C. Ayant mis ces cryftaux dans de l’eau de chaux, il fe précipita un fpath régénéré. D. Le même effet fuivit le mélange de l'acide avec une folution de fel ammoniac fixe, & la leflive contint un fel ammoniac ordinaire. E. En ajoutant ces cryftaux à une folution de chaux dans l’acide nitreux, ilfe précipita un fpath fluor régénéré. F. En ajoutant également ces cryftaux à une folution d’argent dans l'acide nitreux , il y eut ua préci- pité. Ce précipité fe fondit à la lampe de l'Emailleur en une fubflance folide, & il fe forma une croûte blanche {ur le charbon, autour de l’argent régénéré. Cette croûte étoit un f£x formé par l'union de l’acide du fpath avec les parties qui s’échappèrent de l'haleine, en foufflant dans le tuyau pour animer le feu de la lampe. G. En ajoutant ces cryftaux à une folution de mercure , il y eut un précipité qui fe volanihfa par la chaleur. Ces cryflaux ne produifirent aucune altération dans une folution de fublimé corrofif. H. Ces cryftaux ajoutés à une folurion de plomb, le plomb fut précipité. L. Ils troublèrent une folution de fel ammoniac. K. En les difhllant avec de l’efprit de vitriol , ilne s’échappa qu'un pur acide fpathique. OCcToBrE 1772, Tome 11. -48o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le fpath régénéré ( des articles c. d.e. ) fût décompofé par Paddition d’un aikali doux. Dans cette expérience , l'acide fpathique fut attiré par l'alkahi, & l'air fixe de l’alkali fut attiré par la terre calcaire du fpath & forma une pierre à chaux. Avec l’alkali cauftique , il n’y eut point de changement. " SFEI CUT MON EVA: L'acide du fpath combiné avec La terre abforbante. 30°. L’acide du fpath ajouté à l’eau de chaux , il n'y eut point de précipité jufqu'à ce que la liqueur füt entiérement faturée ; pour lors, il fe précipita un fpath régénéré. La magnéfie blanche ayant été dif- foute par acide fpathique , elle fe précipita au bout de quelque tems ; & ce qui refta diflous, forma une fubftance gélatineufe. Avec la terre d’alun , il fe forma une folution qui fe changea en fubftance gélati- neufe. SE "CT O0 NAVANT L'acide fpathique traité avec Les fubflances métalliques. 1°. Les métaux fuivans ont été digérés pendant fix heures dans l'acide du {paih, & expolés à une chaleur graduée qui , à la fin de l'opération, étoit tellement augmentée que la liqueur bouilloit, A. L'or ne fut aucunement affeété par cet acide , pas même en y ajoutant de l'efprit de nitre. B. L'argent ne fut point affe@té , mais fa chaux préci- piée d’un autre acide par un alkals , fut en partie difloute. C. Le vif argent ne fut pas plus affe@té , mais fa chaux précipitée de lefprit de nitre fut difloute , & la folution après avoir été defféchée donna une mafle qui fe vitrifia au feu, mais qui ne fe volatilifa point à la même chaleur. D. Le plomb ne fut pas diffous dans cet acide, mais fa chaux fut diffoute en petite quantité : & la chaux du plomb fut précipitée en fuite de cette diflolution par l’acidé vitriolique, l’acide nitreux, & par le fel ammoniac. Une partie de la folution ayant été évaporée jufqu’à ficcité , donna à la lampe de l'Emailleur un verre comme celui des expériences précédentes. E. Le cuivre fut en partie diffous dans l'acide du fpath , & cette folution attaqua l’efprit de fel ammoniac. La chaux de cuivre fut aïfément difloute, & la folutiog donna d’abord des cryftaux bleus, & la liqueur reftante devint gélatineufe. F. L’acide du fpath agit avec violence fur le fer ; les fumées occafionnées par léveporation étoient inflammables ; le goût de la folution reflembloit à celui du vitriol martial : elle ne fe cryftallifa pas , mais elle devint gélatineufe. Le même effet eut lieu en ajoutant au lieu de fer , de l'ochre qui eft une chaux de fer. G. L’étaim fous fa forme métallique ne fut point attaqué, mais fa chaux fut abfolument difoute, & la fo- lution SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 481 lution devint gélatineufe. H. Le bifmuth ne fut point diffous , mais fa chaux éprouva le même effet que celle du plomb. I. Le zinc fut dif- fous de la même manière que le fer ; la folution fe cryftallifa en partie. K. Le cobolt ne fut point diflous , mais fa chaux fut difloute &c devint gélatineufe. L. Le régule d’antimoine ne fut pas diflous ; ni la poudre de verre d’antimoine. . CHAMP OREPARLE" Val. L'acide fpathique traité avec les folutions falines. 32°. À, Ayant ajouté de l'acide du fpath à une folution d’argent , j'obfervai une petite précipitation. B. Le vif argent diflous dans l’acide nitreux , fut en partie précipité par l’acide du fpath. Après avoir fondu au feu le précipité , il fe volatilifa. C. Il n’opéra rien fur la folution du fublimé corrofif, D. Ayant mêlé cet acide à une folution de plomb dans de lefprit de nitre , il n’y eut point de précipité, E. D’une fo- lution de plomb dans le vinaigre , il fe précipita une chaux qui fut diffoute de nouveau en y ajoutant une grande quantité d’acide du fpath. F. Les folutions de vitriol martial , de vitriol de cuivre & de zinc , ainfi que celles d’alur) & de fel amer , n’éprouvèrent aucun changement. 33° Il réfulte des opérations qui viennent d’être détaillées. A. Les fubftances pierreufes de la nature du filex , font folubles dans l’acide du fpath. B. Que cette terre fe précipite en y ajoutant d’autres fub{- tances, C. Que le fpath régénéré ( 10 ) n’eft pas entiérement pur , & qu'il contient encore une petite quantité de filex. Au refte, ceci mimplique point contradiétion avec ce que l’on a dit ci-devant ; parce que le filex étant décompolé , doit néceffairement refter avec le gyps régénéré. D. Il eft prefqu'impoñible de tirer du fpath un acide pur ; il contient toujours une petite portion de filex. E. Cependant on peut toujours le précipiter par l'addition d’un alkali , de forte que nous pouvons être certains de la bafe à laquelle il s'upit. F. L’acide du fpath combiné avec un alkali , peut difloudre le filex ( 27 ) réduit en poudre fine. DISSERTATION fur Odeur des Médicamens , par M. ANDRÉ WAHLIN. LNLT' IR ONDUULCT 110) Ne Pi les facultés admirables dont le Créateur a daigné favo- rifer l'homme , & la plupart des animaux , l'odorat ne doit pas être placé au dernier rang. C’eft par fon moyen que nous parvenons à OCcTO8RE 1772, Tome II. Ppp 482 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, connoître cette qualité des corps , cette puiffance de la nature qui échappe à nos autres fens. C’eft ce même organe qui nous avertit fouvent des dangers qui menacent notre fanté & même nos jours , dangers que nous ne faurions éviter fans fon fecours. L’attion des fubftances odoriférantes fur le corps humain , a de tout tems occupé les Phyficiens & les Médecins, & c’eft encore de nos jours un phé- nomène difficile à expliquer. C’eft principalement & immédiatement fur les nerfs que cette aëtion fe fait fentir. Les trois règnes de la nature produifent des corps odorans , mais ils font en bien plus grand nombre dans le règne végétal. Combien de plantes dont les racines , l’écorce , les feuilles & fur-tout les fleurs poflèdent cette qualité ? Mais ce qui eft encore plus merveilleux parmi cette quantité innombrable de plantes odoriférantes , on në fauroit en trouver deux dont l'odeur foit parfaitement la même. Au- tant les odeurs font varices , autant les effets qu’elles produifent fur ros nerfs font différens. L'obfcurité qui règne dans cette partie de la Phyfologie qui traite de l’aétion des nerfs, eft encore un obftacle à l’éclairciflement de la queftion dont 1l s’agit ici. J’ofe donc efpérer que le Public indulgent voudra bien me pardonner , s’il m'arrive de m’écarter de la bonne route ; les lumières que nous avons acquifes jufqu’à préfent fur certe matière, font encore infufffantes pour nous guider dans ce labyrinthe obicur. Mais comme plufieurs Phyficiens confacrent leurs velles au développement de ce phénomène , peut-être quelqu'un fera-t-1l affez heureux pour découvrir la vérité. En attendant , voici mes conje@ures fur ce fujet ; peut-être n’ai-je pas atteint au but , mais dans les SIDA difficiles , c’eft toujours quelque chofe d’avoir eflayé fes orces, CHAPITRE ! $. Les corps volatils qui agiffent fur le corps humain d’une manière infenfible , font fi fubuls & fi déliés , que je ne connois rien à quoi on puifle les comparer. L’ambre & le mufc répandent fouvent de odeur pendant des années entières ; elle fe répand dans toute une maïfon , fans pourtant que leur poids en foit fenfiblement diminué : l'aétion de ces corpufcules volatils fur le corps humain nous feroit inconnue , fi Dieu ne nous avoit accordé l’odorat , qui tient un des premiers rangs parmi les organes des fens. Dans les chiens & les au- tres animaux qui Ont l’odorat très-fin, la membrane pituitaire, dite de Schneider ; qui tapifle tous les finus frontaux & tous les os du nez, SUR L'HIST'NATURELLE ET LES ARTS. ,433 eft fi étendue ; qu’elle pourroit aifément couvrir tout le corps de ces mêmes animaux, fi elle étoit développée, Les nerfs olfaétifs aboutiffenc à cette membrane , prefqu’en fortant du cerveau. Il y en a de très-gros ‘rameaux répandus prefqu'à nud fur cette membrane , comme fi une portion de la fubftance médullaire du cerveau étoit étendue toute nue fur cette tunique , pour recevoir les impreffons des corpufcules les plus déliés , agiffant fur le corps humain. Ces corpufcules femblables à une efpèce de fumée s’exhalent continuellement des corps odorifé- rans ; aufli le fage Créateur a placé l’organe de l’odorat tout auprès de la bouche , & un peu au-deflus , afin que fi quelqu'un de ces corps fe trouvoit mêlé avec nos alimens , nous en fufions avertis avant de l'avaler. Nous devons donc regarder les corps odorans comme les alimens chauds que nous avalons pendant l'hiver ; ceux-ci exhalent une fumée , qui s'élève fur-tout dans le moment où nous les appro- chons de la bouche ; & la refpiration qui fe fait par le nez dans le moment où nous mangeons , attire cette vapeur vers cet organe , afin qu'il n'entre rien de volatil dans la bouche , dont il ne foit in- formé. S1 l'homme étoit privé de ce fens , fes jours féroient fouvent en danger. Plufeurs fubflances font nuifibles, même fans entrer dans ‘les voies de la chilification ; telles. font les matières nidoreufes , & les terres putréfiées , du moins en grande partie, Mais ces exhalai- -fons mêlées avec l'air paflent avec lui par le nez , dans l’inflant de la refpiration , & font apperçues dans les finus frontaux par lefquels l'air pafle avant d’arriver au poumon. .. La diverfité des odeurs que nous trouvons aux alimens & aux mé- dicamens , eft très-difficile à expliquer. Les Médecins Méchaniciens y ont long-tems travaillé inutilement , ils ont même fouvent avoué linfufifance de leurs lumières à ce fujet. Les Médecins modernes de cette feéte ont mieux réufli à expliquer les faveurs des alimens & des médicamens ;, il n’eft pas aufli aifé qu’autrefois de leur faire adopter de vaines hypothèfes fur l’aétion des médicamens, qui n’ont ni faveur ni odeur. Les Anciens avoient fi peu de connoiffance de la matière médicale & des vertus des fimplés , que fans faire attention aux qua- lités fenfibles de ces fubftances , ils accordoïent fouvent des propriètés admirables à des corps entiérement dépourvus d’odeur & de goût. Nous connoiffons parfaitement aujourd’hui lerreur de ces opinions , fur-tout à l'égard des corps tirés du règne animal ou végétal. Quelles admirables vertus cette crédule antiquité n’avoit-elle pas gratuitement attribuées aux pierres précieufes ! Elles exerçoïent ; fui- vant les Médecins de ce tems , un pouvoir divin fur le cœur , la tête & les autres parties du corps hümaïn. Le tems a defillé nos yeux, & ces chimères ont difparu. Les vertus cordiales de certaines plantes OCTOBRE 1772, Tome LL, Pppi 484 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fi vantées par les anciens , ne font pas plus réelles ; ces fubftances pourriflent dans les boëtes des Apothicaires , ou elles font la proie des vers, . Les Médecins Méchaniltes ayant éclairci lation des médicamens au moyen de leur faveur ; s’apperçurent pourtant que plufieurs fubftances dont la faveur étoit la même , avoient pourtant différentes vertus. Ce qui vient fans doute de ce que les corps dont l'odeur eft la même, ont bien toujours le même goût ; mais ceux qui ont une même faveur , n’ont pas toujours la même odeur. Or , c’eft cette dernière propriété qui met tant de différence dans les médicamens du même genre , & dont la connoïffance répand plus de jour fur la matière médicale. Si nous avions une théorie certaine & indubitable des fonétions des nerfs dans le corps humain , la fcience des odeurs feroit beau- coup moins difficile. Mais nous ignorons encore fi leur ation dépend d'un fluide fubuil qui pale dans un inftant de leur origine à leurs extrémités, ou bien d'un mouvement d'ofcillation , comme quelques Phyfiologiftes le prétendent , ou enfin de lirritabilité. Je pañle fous filence lhypothèfe de quelques modernes, qui prétendent trouver une analogie entre cette aëétion & les phénomènes éle@riques (1). Nous n'avons donc aucun principe certain qui puifle nous démontrer 4 pof- teriori ;| l’attion des odeurs fur les nerfs. Il eft prouvé par des obfervations inconteftables que les corps fa- pides n’agiflent nullement fur les nerfs par leur faveur ; car que nous mangions des fubftances acides ou amères , grafles ou vifqueufes , aqueufes ou falées , nous n’obfervons aucun changement dans les fontions qui dépendent de l'aftion des nerfs (2). Les nerfs agiflent-ils en fe contraëtant ? Cette queftion eft aflez épineufe ; les Phyfologiftes ne s'accordent pas encore à ce fujet : il femble pourtant que l’obfervation des phénomènes eft en faveur de Vafirmative ; car par une raifon oppolée , un nerf languiflant s’a- (r) Cette analogie n’eft pourtant pas abfolument indigne de l’attention d’un Médecin Phyficien ; fi elle n’eft pas entièrement démontrée, cette opinion eft du moins aufli pro= bable que toutes celles qu’on a foutenues jufqu'aujourd’hüi: elle a de très-grands parti- fans, entr’autres M. Lecat, qui Fa fort bien développée dans un Mémoire (ur le mou- vement müfculaire, qui a remporté le prix de l'Académie des Sciences de Berlin. L'il- luftre M. de Sauvages , dont la profonde érudition & le génie font honneur à notre fiècle, a donné une differtation latine E cette matière, frappée au coin de fes autres ouvrages. Les efets furprenans de l’éle@ricité dans les paralyles, publiés par M de Häen , tout récemment par M. l'Abbé Sans, & par M. Sigaud de Latond, ne favorifent-ils pas ce fentiment ? {2) Cette propoftion nous paroît un peu hazardée, pour ne pas dire paradoxale. Si ce n’eft pas fur les nerfs qu’agiflent les faveurs , far quelle autre partie du corps agiflent- elles > La plupart des Phyfologiftes conviennent que les nerfs font les feules parties du corps humain qui foient douées du fentiment, & cela paroît fort probable. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 485 longe , & les Anatomiftes ont obfervé qu’un nerf coupé fait la même chofe. Le fcrotum d'un enfant vigoureux & jouiflant d’une fanté parfaite eft contraété , tandis que celui d'un homme fatigué , ou d’un enfant malade , fe relâche (1°). Les fubftances fpiriueufes & volatiles contraétent les nerfs ; la verge s’enfle & fe roïdit, quand on fait ufage des aphrodifiaques , ou des fubftances dont l’odeur eft très-torte ; les idées lafcives produifent le même effet. Cet argument eft encore appuyé par l’obfervation de ce qui arrive dans les maladies fpafmo- diques , fur-tout de ces efpèces d’anfes que les nerfs pathériques for- ment fur les extrémités des vaifleaux qu'ils entourent , qui compri- mant ces extrémités dans les violens mouvemens de l’ame , chaflent le fang vers les parties fupérieures , & fur-tout vers le vifage (2); la force & la vigueur des nerfs gonflent toutes les parties , & leur foi- blefe eft toujours fuivie de relâchement, C'eft ainfi qu’on diftingue la Jeunefle , de l’âge décrépit , par la diverfiré de force dans les nerfs. Les corps odoriférans n’ont pas plus d’aétion fur les fibres , que les favoureux n’en ont fur les nerfs. Il eft pourtant vrai que les nerfs ne font pas entiérement dépourvus d’aétion fur les fibres. Mais les effets des médicamens fur les nerfs , relativement aux fibres charnues , font de bien peu de durée ; ils ceflent en même tems que laétion des nerfs , & les parties retombent dans leur premier état , pour ne pas dire dans un pire. Par exemple , les amers fortifient les fibres charnues , comme on l’éprouve dans la cachexie ; les fpicitueux produifent au- tant d'effet dans un inftant, que les amers continués long-tems ; mais leur ouvrage eft aufli-1ôt détruit qu’achevé. Il n’en efl pas de même de laëétion des fortifians & des amers. L’altération des nerfs confifte dans leur gonflement , & celle des mufcles dans leur contraétation ou (1) On obferve le même phénomène fur le fcrotum des vieillards. (2) 11 y a des nerf qui embraffent les artères comme des cordes paflées tout autour; ces nerfs, dans les mouvemens d'une violente colère & d’une grarde joie, accélèrent le mouvement du fang arériel par leurs irrititions alternatives ; dans la crainte, ces mêmes nerfs continuellement contractés , empêchent le cours du fang vers les parties ; la erif- tie produit aufli le mêmeffer, mais d’une manière plus lente. J'ai wrouvé ces liéns dans la carotide interne, dans les artères temporales vertébrales , fous-clavières , fur le tronc de Paorte, &c. Flles font fans doute deltinées au même effet dans la trifteffe, qui n’eft autre chofe qu’une crainte moins vive ; la veine temporale eft reflerrée par un rameau de nerfs qui l'entoure, & qui empêche le rerour du fang. Tour cela s'accorde parfaitement avec ce que je dirai ci-après de l’aétion des nerfs dans l’éreétion de la verge , dans laquelle le cours du fang véneux eft intercepté. Haller. (*) Comment. Boer- rhaav. Tom.1V, page 448. {) L’exiftence de ces nerfs qui embraffenc les extrémités des vaifleaux, n’eft pas exa montrée en Anatomie; pluleurs Phyfologiftes la nient, & M. de Halier lui-même a cl nion à ce fujer; 1] la combar avec autant de force qu’il l'avoir foutenue d'abord, Voyez fa grande Phyfologie. OcTosrE 1772, Tome IL. tement dé- angé d'opi- \ Ÿ -— 326 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, - leur relâchement (1). Je ne vois aucun corps dans la nature, dont les phénomènes aïent autant de rapport à cette aétion des nerfs que les filamens de la médufe. Faun. Suec. 1286. Cet infe&te eft orbicülaire , convexe , ayant à fa furface inférieure un grand nombre de filamens flottans dans l’eau ; il ne tombe pas le moindre petit infeéte auprès de lui, qui ne foit aufh-tôt fenti par ces filamens. Dès qu'ils accro- cheot quelque chofe , ils fe contraétent en s’épaïfliflant , & approchent ce corps de la bouche. Si ce petit animal eft fatigué , fes fils font languiflans , & pendent comme s'ils étoient paralytiques. Il me femble qu'il en eft de même des nerfs du corps humain, qui partent du cer- veau , fe diftribuent fur toutes les parties du corps , s'étendent à- peu-près comme les fils d’une toile d’araignée. Je puis appuyer ce fentiment de plufeurs obfervations. Un homme à qui 1l manquoit une grande partie du crâne , sendormoit toutes les fois qu'on preffoit un peu le cerveau avec le doigt , comme fi l’affaif- fement du cerveau étoit la caufe du fommeïl & de la foibleffe : on voyoit le cerveau déborder hors la cavité du crâne , toutes les fois que le mème homme toufloit avec effort 3 ce qui prouve que le mouvement des nerfs, caufe le gonflement du cerveau; d’autant mieux qu'ileft démontré en Anatomie, que les nerfs ne font autre chofe qu’un prolongement de la fubftance du cerveau enveloppée de fes meninges, Mais d'où vient que les corpufcules odoriférans pénètrent , tandis qu'aucun autre corps ne peut s’introduire ? Ce problème furpafle mes forces ; je laifle à des Théoriciens plus profonds, le foin de le ré- foudre (2). Mon but eft d'expliquer les effets que certaines odeurs produifent fur le corps humain. — (x) Mais ne font-ce pas les nerfs qui font la caufe immédiate de la contraétation ou du relâchement des fibres mufculaires ? ces parties ont-elles la faculté de fe mouvoir inde- . pendamment des nerfs? c’eft ce qui n°’eft rien moins que démontré. La plupart des habiles Phyfologiftes penfent que les nerfs font les principaux agens de tous les mouvemens, ainfi que des fenfations. Boerrhaave prétend même que les fibres mufculaires ne fonc autre chofe que des filets nerveux , divifés dans une infinité de rameaux ; c’eft auñli le fentiment de M. Senac & de plufieuts autres Ecrivains célèbres. On peut donc con- clure de-jà que la caufe du mouvement mufculaire n’eft pas mieux connue que celle de Padtion des nerfs. " (2) Nous fommes bien éloignés de nous mettre au rang des Savans auxquels Auteur renvoie Ja folution de fon problème; nous ofons pourtant placer ici nos conjedures. Les nerfs font des tuyaux creux, remplis d’un fluide approprié ou de fibres folides &c compaétes : nous ne prétendons pas décider cette queltion, mais dans lun & l’autre de ces cas, l’aétion des corps odoriférans fur eux ne nous paroît pagincompréhenfible: Dans le premier, les parties volatiles qui s’exhalent de ces corps, frappent les nerfs olfaétifs qui tapifflenc la. membrane pituitaire, les ébranlent, & déterminent une plus grande quantité de fluide nerveux à couler vers cette partie, fans qu'il foit néceffaire que ces corpufcules pénètrent dans leurs cavités. Les nerfs fe gonflent par l'abondance de ce fluide, compriment les vaifleaux fanguins & augmentent la circulation. Dans le 15 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47 s. IL Les fpiritueux qui agiflent fur les nerfs , font de différens genres & de différens cara@ères ; leur effet varie fuivant la diverfité de leurs dofes. Quand je confidère la différence de leur aétion fur des fujets d’un âge différent , par exemple , fur un jeune homme & fur un vieil- lard , je me forme une idée bien plus relevée de leur vertu. Je vais donc comparer d’abord ces deux âges de la vie entr’eux; enfuite, je paflerai à l’examen des fubftances fpiritueufes , relativement à leur action fur des fujets de différens âges. J'ai puifé ces différences entre la jeunefle & la vieilleffe , dans François Bacon de Verulam, Le Jeune homme, Le Vieillard, a la peau fèche, ridée, le corps fec, le corps courbé, les articulations tremblantes, a {a peau unie & fouple, le corps plein de fucs, le corps droit, les articulations fermes, les membres vigoureux & agiles, beaucoup de chaleur, le teint vif & brillant, le pouls vif, les fenfations vives, Pappétit fort bon; il eit porté à la débauche; il eit joyeux; il et humain; il a le cœur compatiffant; il eft babillard , ambitieux , léger & inconftant, libéral , plein de confiance & d’efpoir, facile, fincère & franc; il defire les richeffes; les membres foibles & roides, le corps glacé, le teint pâle & ufé, le pouls lent, les fenfations foibles, * le degoût des alimens; il eft privé des plaifirs de l'amour; il cft mélancolique; il eft jaloux; il a le cœur endurci; il eft taciturne, modéré , grave & conftant, avare, méfiant & foupçonneux, capricieux , caché & difcret; il fe contente du néceffaire ; il donne toute fon attention aux chofes il rappelle fans cefle le tems pañlé. prélentes. Quelle prodigieufe métamorphofe dans l’efpèce humaine! on peut bien s’écrier avec le Poëte Latin : o . + + . + Quanrim muratus ab illo! PMais (uivons ce vieillard au banquet: de joyeux convives l’invitent es fecond cas, les extrémités des nerfs ébranlées par les corps odoriférans , fubiront un mouvement d’ofcillation femblable à celui d’un inftrument à corde; ce mouvement paflant dans un inftant de l'extrémité du nerf à: fon origine, communiquera au cerveau, fiège de toutes les fenfations , l’impreilion qu’il vient de recevoir. OcTosreE 1772, Tome 11 2 488 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, à prendre part à leur feftin; les vins les plus exquis bouillonnent dans leurs verres; dans un inftant ce vieillard ridé, courbé fous le poids des ans & des infirmités, dépofe tous ces fignes de la vieillefle; fon vifagé fe déride; fon teint fe colore; fes membres tremblans fe raffer- miflent; fon pouls fe développe: ce n’eft plus cet avare, ce mélanco- lique, ce taciturne mortel; il devient libéral, gai, babillard ; l'amour femble fe reconcilier avec lui; enfin ï recouvre toutes les qualités qu'il poflédoit jadis; & que nous avons décrites ci-deflusen parlant du jeune homme. C’eft cette liqueur divine qui a produit ce miracle. Les fpiri- tueux ont donc la merveilleufe propriété de réparer les forces, de calmer les douleurs ; aufi puiffans que Médée , ils favent rajeunir un Efon. Siles Médecins pouvoient parvenir à rendre les effets des fpiri- tueux auffi durables que ceux des corps favoureux, ils étendroient da double les limites étroites de la vie. Malheureufement cette courte métamorphofe nous replonge bientôt dans un état pire que le premier; car plus les nerfs font irrités , plus ils redeviennent languiffans. En con- féquence, cette irritation eft fuivie d’une augmentation de foiblefle. Notre vieillard en eft une preuve; le jour qui fuit fa débauche, le voit plus décrépit. Cet exemple paroit confirmer le fyftême de l'irritabilité des nerfs. Avant d'abandonner cet exemple, j’ajouterai une courte échelle de la vie de l’homme , afin de pouvoir mieux faifir les différences qui fe trou- vent entre chaque âge. 1°. L’embryon eft muet & plongé dans un fommeil prefque con- tinuel, 2°. L'enfant eft foible , fujet à tomber; il balbutie; il eft dans une efpèce d’imbécillité ; après avoir mangé, il eft fujet au hoquet. 3°. Dans un âge un peu plus avancé, il court, il joue , il folâtre, ileft inconftant & babillard. 4°. Dans l’adolefcence, il eft gai , libéral & aimant les plaifirs. 5°. Dans la jeunefe, il eft plus modéré, humain, faftueux & en- joué. 6°. Dans l’âge viril, il eft fort, robufte, raifonnable & paifible. 7°. Dans la vieilleffe enfin, l'homme ef foible, tremblant , roide, mé- lancolique & févère. Si un vieillard prend une dofe de liqueurs fpiritueufes , il reprend des forces, & devient raifonnable, judicieux & tranquille, comme eft Fhomme dans l'age viril 6. Une feconde dofe le rend fociable, enjouë, humain, & augmente fa chaleur tel qu’eft le jeune homme 5. En prend- il une troifième, fa chaleur, & fa gaieté augmentent, ainfi que fon pen- chant pour les plaifirs & pour la débauche. Il devient femblable à un adolefcent 4. En a-t-il avalé une quatrième, voilà qu’il babille, qu'il joue comme un enfant 3. À la cinquième, la chaleur eft ardente; il eft engourdi, SUR L'HIST. NATURELLE,ET LES ARTS. 489 engourdi , imbécile; il balbutie & tombe chaque pas comme dans la plus tendre enfance 2. Enfin, une fixième le rend muet, afloupi comme l'embryon 1; & il demeure dans cet état s’il n'en meurt pas. De cette façon il parcourt en très-peu de tems tous les divers périodes de la vie, Cette obfervation, quoique très-triviale , explique affez bien l’action des fpiritueux fur les nerfs. L'augmentation de chaleur vient réellement des nerfs & non d’un fimple frottement , à moins qu'on ne prétende que les nerfs, en fortifiant les fibres , augmentent le frottement, Mais fi cela étoit, les amers échaufferoient prodigieufement , ce qui n’arrive pourtant pas, quand les amers ne font pas fpiritueux. On conçoit par-là 1°. pourquoi la boiflon d’eau pure n’échauffe pas; 2°. pourquoi tous les fpiritueux produilent cet effet; 3°. pourquoi un homme épiufé par les plaifirs de l'amour ou par une longue gonorrhée, eft dépourvu de chaleur ; 4°. d’où vient que le mouvement augmente la chaleur, quand il eft produit par l’a@tion des nerfs, mais non quand il exifte dans les nerfs mêmes; $°. d'où vient que les parties paralyfées font plus froides. 6°. Les corrofifs échauffent, mais en ulcérant les fibres. 7°. L’efprit- de-vin & la bière augmentent la chaleur. 8°. Tous les cordiaux font fpiritueux & le mouvement du cœur qui cefle , ou du moins qui s’afoiblit au point de devenir infenfible, eft ranimé par leur ufage. Je vais examiner un peu plus en détail l’aétion des fubftances fpiri- tueufes , relativement à leurs différentes dofes. Suppofons un homme épuifé de fatigue, ou affoibli par une hémorrhagie, exténué par la faim, ou ufé par les débauches, ou enfin courbé fous le poids des années; qu'il foit par conféquent foible , fouffrant & privé de chaleur, la première dofe augmente fes forces & fa chaleur ; la feconde augmente le mouvement du cœur , & le rend plus vigoureux; la troifième le tran- quillife; il ne reflent plus fa fatigue, il devient libéral & porté aux plaifirs de l’amour. A la quatrième, fon pouls devient plus fréquent , fon vifage plus vermeil ; il badine, il caufe. A la cinquième fon pouls eft fébrite, fes fens fe troublent, il balbutie. À la fixième, il devient furieux. À Ja feptième , les convulfons, le hoquet’ & le vomiffement s'emparent de lui. À la huitième, il devient léthargique. A la neuvième enfin, il tombe en apoplexie. La circulation, la chaleur &les fecrétions augmentent , les fens s’obfcurciffent & les douleurs s’évanouiflent , la mémoire s’efface, le jugement fe trouble & le fommeil s'empare de tous fes fens (1). C’eft ainf que le même médicament produit des effets bien différens , fuivant la diverfité des dofes auxquelles on le prend. Par exemple, (x) Et fouvent la mort; tels font ordinairement les effets de l’opium qu’on avoit mal- ä-propos rangé dans ‘la claffe des poifons coagulans. Il produit tous les phénomenes des fubftances fpiritueufes ; pourquoi l’exclure de ce genre ? OcTO8RE 1772, Tome IL. Qqq " 490 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Un remède augmente-t-il la refpiration, on le nomme..... alexitère: Augmente-t-1l les fecrétions, ce fera un . ........ ffimulant. PAlChaleD ere use al eee nl. NC CHAURANE Pinutritione Meme ects eee ieNe eee elle te NOMEEILIEAILS Répare-t:il les forces . . .. . .............. analeptique. Difipeti la triftete er ER ES ET exhilarant. Appaife-t-il les douleurs & les angoifles , . ....,.... anodin. Calme-t-il les affeétions & les douleurs . . . . . . . . . parégorique. Caufe-t il de la confufion dans les fens, & le vertige. ... narcotique. La flupidité & le fommeil . . . . . . . . . . . . . . . « hypnotique. Donne-t-il des mouvemens convulfifs à l’eftomac ....... émétique. AT ANTENTS elle ee ee ICH TAC Tous ces effets dépendent de l'irritation des nerfs, dont les fpiritueux font la caufe. Ni l’eau ni les autres fubftances ne fauroient les pro- duire (1), de forte quela chaleur, le mouvement des liqueurs, laugmen- tation des forces, la nutrition , le fommeil, la veille, le délire , les con- vuifions, de même que la légéreté, la gaieté , le plaifir de lame & ceux du corps & mille autres phénomènes dépendent de laffe@ion des nerfs. SOUL". Les effets des fpiritueux font encore plus fenfibles , lorfqu'ils font con- centrés. Si un homme tombe en fincope, qu'il ait pour ainfi dire un pied dans la barque de Caron, qu’on approche de fon nez un efprit volatil, le voilà reflufcitée. Qu'un autre épuifé de fatigue au point de ne pouvoir fe remuer, boive quelques gouttes de vin du Rhin, & fes forces fe rétabliffent prefque fur le champ, comme je l’ai obfervé plu- fieurs fois. Un malheureux perfécuté par un fort funefte, gémiffant fous l'accablant fardeau de fa mifère , plongé dans la mélancolie la plus affreufe, livré à fon défefpoir , ne goûtant pas un feul inftant de repos, appelle la mort comme l’unique remède à tous fes maux : on lui pré- fente un doigt de Vin du Rhin; fes chagrins difparoiffent, la joie chafle fa mélancolie, il oublie toutes fes peines, 1l rit, & tant que dure cet état , il fe croit le plus heureux de tous les mortels. Cette liqueur divine & puiflante, a produit un effet qu'aucun remède , ni le raonnement le plus éloquent & le plus »erfuaff n’auroient fu procurer. La diverfité des dofes des fpiritueux produit auf de la différence (1) Cela eft-il bien für? Nous accordons volontiers que lirritation des nerfs eft la caufe de tous ces divers phénomènes ; mais lorfqu’on procure le vomiflement par le feul fecours de l’eau tiède, quelle eft alors la partie fpiritueufe qui agit fur les nerfs à Fr un homme qui après avoir dîné s’endort, quoiqu'il n’ait mangé que du pain ou des alimens aulli infipides, & qu'il n'ait bu que de l’eau , fon fomineil eft-il encore l'effce des corpufcules fpiritueux à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 491 dans leurs effets. Une petite dofe paroît contraëter les nerfs, au lieu qu'une plus forte les relâche, fi elle ne les détruit pas entièrement, Une liqueur fpiritueufe approchée du nez d’une perfonne évanouie, rétablit le mouvement du cœur prefque anéanti, tandis que la vapeur qui s'exhale d’un tonneau ou d’une cuve pleine de vin qui fermente jétouffe fur le champ l’homme le plus robufte. C’eft lacorde d’un arc qui cafe, quand elle eft trop tendue. On peut, en quelque façon, comparer le corps humain à un navire bien équipé, pourvu de tous fes cordages & de toutes fes voiles. Si ce vaiffeau eft long-tems expofé à la fureur des vents & des flots, fes cordages fe relächent, fes mâts chancèlent : il en eft de même de l’homme fatigué pendant le cours d’une vie longue &e laborieufe. Ainfi que les cordages d'un navire fouvent imbibés par des pluies abondantes, perdent leur élaflicité & s’alongent jufqw’à ce qu'une nouvelle pluie vienne lesarrofer; de même le corpshumain, accoutumé à la rage immoderée des boiffons fpiritueufes , s’afoiblit & s’affaifle juf- qu'à ce qu'une nouvelle dofe de liqueur lui rende une vigueur mo- mentanée ; le feule différence qu'il y a, c’eft que les cordages qui font des matières végétales, fe gonflent & fe contraétent étant imbibés : mais les nerfs {ont relâchés par les aqueux & un peu contraétés par les fpiritueux. Que l’homme le plus robufte fe gorge d’eau tiède , il s’affoi- blira au point de chanceler & de ne pouvoir fe foutenir fur fes pieds. La même chofe arrive s’il s'épuife par le travail, par lufage des fem- mes & par Pabus des liqueurs fortes. Une nouvelle dofe de liqueur dif- fipe cette foiblefle pour un inftant; il pafle le refte de fes jours dans ces alternatives de langueur, d’abattement & de vigueur momentanée, jufqu’à ce qu'il rende lame. D'où je conclus qu’une grande partie des maladies des vieillards, dépendent moins de la rigidité de leurs fibres que du relâchement de leurs nerfs, GH.:A P.LT RE IL LV: Les odeurs varient à l'infini. Rien n'eft plus difficile que de les dif- tribuer en claffes. On les diflingue communément par les épithètes de bonnes où mauvaifes. Nous ne favons pas trop comment agiflent les bonnes odeurs : tout ce que nous favons à ce fujet, c'eft qu’elles font amies des nerfs & même de la vie. Les mauvaifes ont des qualités contraires. Il y a certaines efpèces mitoyennes qui plaifent aux uns & déplaifent aux autres. On peut ranger les odeurs dans les fept claffes fuivantes. 1°. Les aromatiques, 2°. les odeurs fortes, 3°. les ambrées, 4°. les alliacées, $°. les hircines, 6°. les infe@es , 7°. les nauféabondes. De ces odeurs, les fortes 2 & les aromatiques 1 font agréables ; les, OcrosrEe 1772, Tome 11. Qqqïÿ 492 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, infeêtes 6 & les nauféabondes 7 font défagréables ; enfin les ambrées 3 & les hircines $ plaifent aux uns &c déplaifent aux autres, EXEMPLES. Parmides odeurs ambrées, on comprend l’ambre , le mufc, la civette ; le bec de grue mufqué, la mauve mufquée, l'ail mufqué, les fleurs du violier , &cc. Les odeurs fortes font les fleurs de tilleul, de lys, de jafmin, de mille-fleurs , des œillets, du fafran, &c. Les aromatiques renferment les fleurs de toutes les efpèces de lau- riers , les graines du cumin, &c. Les alliacées , toutes lesefpèces d’aulx, le fcordium, le thlafpi alliacé, la périvère, & l’afla-fœtida. Les hircines, l’orchis, la vulvaire, le bec-de-grue, dit de robert, & le mille-pertuis hircin. Les infeétes, la fauge de montagne, la cotule, l’opium, le chanvre, l'hièble, le folanum, la mélianthe , l’anet, la jufquiame, la cafe & la coriandre. Les nauféabondes, l’ellbéore, la ferpentine, le cabaret, le tabac, la coloquinte & les fleurs de la flaphifaigre. ‘Les effets que toutes ces fubftances produifent fur le corps humain, varient autant que les fenfations qu’elles excitent fur l'organe de l’odo- rat. Les odeurs fortes animent & irritent les nerfs. Les agomatiques tendent tous les vaiffleaux par le fecours des nerfs, & augmentent la circulation. Les odeurs infe&es affoupiffent pour ainfi dire le genre ner- veux. Les nauféabondes le bouleverfent , comme fi la nature s'efforçoit de fe débarrafler d'eux. Les hircines excitent les mouvemens de la con- cupifcence. Les ambrées paroïflent n’agir que fur le cœur ; c’eft pour- quoi, les Turcs qui font un grand ufage de ces odeurs, vivent très-long-tems: mais comme cette force augmente, & trouve pour- tant quelquefois d’autres obflacles qu’elle ne peut vaincre, comme dans les femmes hyftériques & les hypoondriaques, ces odeurs devien- nent alors étouffantes. Les alliacées font très-utiles à la tranfpiration, elles font très-falutaires aux perfonnes dont la tranfpiration eft très- abondante (1); mais elles nuifent à celles qui ont une compoñition (1) Nous n’entendons pas trop bien ce que l’Auteur veut dire par-là, nous croyons même trouver dans {es expreflions une contradiction manifefte. Les alliacées, dit il, font très-utiles à la tranfpiration ; fans doute , c’eft en l’entretenant, ou en la rétabliffant, lorfqu’elle eft fupprimée, où bien en Paugmentant, fi elle eft infüuffifante ; car ces fub- fances, qui, fi l'on en juge par leur faveur piquante, font très-ftimulantes , ne fauroient avoir une propriété oppofée; cela étant, pourquoi les alliacées feroient-elles nuilbles aux perfonnes, qui tranfpirent très-peu, guibus illa rarda eff? w'eft-il pas plus probable qu'elles produiroient un effet contraire? La traofpiration infufifante ou lente, mrda, eft SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 493 oppofée. Sanétorius dit avoir éprouvé, que rien n’eft plus propre à augmenter la tranfpiration , que le fuc cyrénaïque , dont l'ufage eft tel- lement aboli, qu’on ne s’en fert ablolument plus dans nos cuifines ; on lui a fubftitué d’autres efpèces d’aulx : mais les Indiens font encore un très-grand ufage de ce fuc, & ils ne mangeroient pas un morceau de viande, s'ils n’avoient froité leur affiette avec l’afla-fœtida (1). Les odeurs infeétes afloupiflent; c’eft pourquoi on a coutume d'appliquer de l’anet fur les tempes des Fébricitans , tourmentés par l’infomnie. Si quelqu'un fe couche à l'ombre d’un noyer ou d’un fureau, il eft bien- tôt plongé dans un doux fommeil. Quelques fubftances ambrées paroif- fent participer aux qualités des odeurs fortes & des infeétes; tel ef le fafran , &c. & elles endorment également. Le mufc & la civette, dont odeur seft évaporee, la recouvrent fi on les fufpend dans un cloaque. Les odeurs nauféabondes font défagréables & ennemies de la nature; nous faifons nos efforts pour nous en garantir. Si on avale quelques particules d’un œuf corrompu , leflomac entre en convulfion ; cet état ne cefle que loffque ce poifon eft expulfé, foit par le haut, foit par le bas. Si on approche du nez quelque corps qui ait une pareille odeur , comme la racine d’ellébore, les nerfs de la membrane pituitaire ‘font aufli-tôt irrités ; les éternuemens en font la preuve. La plupart des purgatifs, tels que la rhubarbe, le fené, la coloquinte, l’extrait de concombre fauvage , la racine de cabaret, l'hièble , &c. font du même caraétère; c’eft pourquoi la nature s'efforce de s’en débarraffer. Si on les prend en décoëtion ou en infufñon, de manière qu'ils puiffent s'in. finuer daps les voies de la circulation, ils devienneat fudorifiques , diurétiques ou emménagogues; parce que la nature tâche de les expulfer par quelque voie que ce foit, Cette connoiïflance nous facilitera celle de leurs ufages en Médecine, $. V. Les alexitères font pris dans la claffe des alliacées ;: ou dans celles affurément un état morbifique ; & tout ce qui peut difliper cet état, eft certainement avantageux. Si la tranfpiration eft très-abondante , herrëma, en quoi les alliacées :qui l’augmentent feront-ils falutaires? ne cauferont-ils pas plutôt l’'épuilement ? (1) À t'on eu tort de chaffer l'affa-fœrida de nos cuifines? Il eft furprenant qu’il y foit jamais entré ; l'odeur déteftable de cette gomme réfine, furoit feule pour empoifonner Ja joie d’un feftin. Quelles que foient fes vertus , nous n’envions pas aux Indiens leurs ragoûts ainfi parfumée ; ils font très-bons pour les Sauvages de l'Amérique, mais l’odo- rat délicat des Dames Européennes ne s'en accommoderoit pas trop: Nous avons reléoué cette fubftance dans les ateliers des Vernifleurs ; encore ces Artiltes dédaignent- ils k l’employer. Les Médecins ne l’ordonnent prefque jamais intérieurement; l’ufage le plas ordinaire qu’on en fait en Médecine, c’elt de la brûler, &-d’en faire refpirer la vapeur aux femmes qui font dans un violent paroxifme d’aflecétion hyftérique, ou de J'employer pour les chevaux & les bêtes à cornes, OcTosrE 1772, Tome II. \ s er 494 : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : qui en approchent le plus. Leur vertu principale eft de nous fouftraire aux effets des contagions & des miafmes pernicieux répandus dans lathmofphère. Ils augmentent la tranfpiration , & en conféquence ils empêchent l’atrra&tion. Comme les poumons feuls tranfpirent autant que tout le refte du corps, & que l’odeur de l'ail s’exhale fortement de la bouche de ceux qui en ont mangé, la refpiration forme une élpèce d’athmofphère puant autour de la bouche de ces perfonnes; Fodeur forte de cette athmofphère réfifte à toute autre inféétion; c’eft pourquoi, les Médecins confeillent en pareil cas, lail, loignon, l'affa-fœtida, le fcordium, la rhue, l’angélique, &c. Les habitans de la campagne plantent des bafilics aux environs de leurs maiïfons, afin que leur odeur purifie l'air. Toutes ces fubftances font en même tems carminatives, foit parce qu’elles augmentent la tranfpiration , foic parce que leurs parties odoriférantes irritent les nerfs, d’où dépend le ton des fibres mufculaires des inteftins. La paralyfie des nerfs des intef- tins produit la tympanite, d'où je conclus que l'ail, le fcordium, la rhue, l’affa-fœuida, & la plupart des autres plantes à ombelles font car- minatives. | Les ftimulans augmentent les fecrétions , tels font le poivre, & la plupart des ‘aromates. Nous les ajoutons ordinairement aux évacuans : par leur fecours, l'effet de ceux-ci eft plus prompt. Ainfi, par exemple, démi-dragme de rhubarbe , à laquelle on ajoute quelques grains de canelle ou de poivre, produit plus d'effet qu’une double dofe de rhu- harbe feule. Les meilleurs diurétiques, outre leurs parties âcres, ont encore quelque chofe d'irritant qui fe manifefte très bien à lodorat; on peut en juger par la moutarde, le creflon alenois, & plufieurs autres. Les Médecins ont grand foin d’ajouter quelques fubftances irritantes aux potions diurétiques qu'ils prefcrivent. Les échauffans font toujours âcres ; & s’ils font fans odeurs , ils font corrofifs, comme le poivron qui caufe des inflammations : mais ceux qui agiflent fur les nerfs , échauffent fans caufer aucune corrofion fenfi- ble ; tels font les aromatiques, comme le poivre, le gingembre, la zédoaire , &c. È Les analeptiques fortifient les nerfs, augmentent le mouvement du fang & les forces du corps; ils agiflent à-peu-près de la même mamière que les aphrodifiaques & les cordiaux qui leur doivent leur principale vertu. < Les répulfifs, autrement dits difcuffifs & relâchans, font pour l’or- dinaire infeds , & émouflent l’a@ion des nerfs; tel eft lopium. Sion applique une feuille de belladone fur l'œil, Piris perd fon reflort , les prunelles fe dilatent & deviennent pour ainfi dire paralytiques ; il eft certain que ces fubftances appaient les douleurs, relâchent les fibres , Re SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 495$ ec tubhécnt en quelque forte toutes les forces vitales. C’eft pourquoi on les ordonne dans les douleurs attritiques, dans Vophtalmie, les fquirres, les tumeurs des mamelles, les écrouelles, & les hémorroiïdes non fluentes ; mais leur ufage exige de très-gran- des précautions, fans lefquelles il eft plus funefte que falutaire , fur- tout , en répercutant une matière immobile, ce se donne fouvent lieu à la gangrène: on range dans cette clafle la jufquiame , la ciguë , la mandragone , l'aconit, le folanunm & les pavots. On emploie, en con- féquence, l’'emplâtre de ciguë poûr les tumeurs du fein , & la racine de mandragone pour la goutte. Les médicamens tirés de cette claffe, pris intérieurement , deviennent repouffans: ils font en effet entrainés par les fueurs. Les exhilarans font de deux fortes. Tout le monde connoît les effets de l’opium, de la fleur de chanvre, du fafran, & de l’orvale: on fait qu’à petites dofes, ces fubftances égaient ; à dofe plus forte , elles hébê- tent; à une plus forte encore, elles rendent furieux; elles endorment & tuent même, fi on en prend une certaine quantité. C’eft aflez parler des effets des liqueurs fpiritueufes; il feroit inutile de répéter ce qui, fur ce fujet, a été dit avant moi. OBSERVATIONS fur le Thermomètre univerfel de comparaifon, L: thermomètre eft un inftrument qui fert à faire connoître & à mefurer les degrés de chaleur & de froid. On ignore quel a été préci- fément fon premier inventeur. Les uns attribuent à Galilée cette importante découverte; d’autres à Sanétorius, Profefleur de Médecine dans l'Univerfité de Padoue: ceux-ci au Père Pierre-Paul Sarpi, célèbre Vénitien, plus connu encore fous le nom de FÆra-Paolo ; ceux-là enfin à Corneille Drebel, Philofophe Alchymifle , né en 1572 à Alcmaer en Hollande. Les Phyficiens reconnurent bientôt de quelle utilité devoit être un pareil inftrumenr. Ces machines groffières & imparfaites dans le commencement , augmentèrent leurs defirs, encouragèrent leurs travaux , & peu-à-peu elles ont été portées au point où elles font aujourd’hui. Ces inftrumens aëtuels font-ils parfaits ? on ne peut ni on ne doit l'aflurer , parce qu’on n'a pas encore trouvé deux points vraiment déterminés pour fxer les degrés ; &mquand même on parviendroit à fixer ces deorés, il refte- roit toujours beaucoup d’obftacles à vaincre : 1°. la plus ou moins grande reébification de l’efprit de-vin ; 2°. fa dilatation différente fui- vant la chaleur & le froid , relatifs à Ja témpérature du pays où l’on fait l'expérience. Si on fe fert d’un aréomètre pour fixer cette reéti- OcTrosre 1772, Tome IL. m7, QE 496 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, LÉ ficarion, les difcultés ne font pas levées, 1°. Comment trouvef deux aréomètres parfaitement égaux pour le poids & pour le volume à 2°. Comment avoir, dans différens pays, une eau exaétement fem- blable à une aucre eau, pour y plonger l’aréomètre. Le mercure pré- fente également des inconvéniens. 1°, IL eft plus ou moins pur. 2°. Mème révivifié par le cinnabre, fa pureté dépend encore de la manière dont l'opération aura été faite. Suppofons que ces défctuofités aient été diipées, que le Phyficien reconnoïffe un point fixe pour régler une échelle quelconque, il refteractoujours à découvrir un moyen pour empêcher la contrafion ou le résréciffèment du verre pendant le froid (fi on peut s'exprimer ainfi ), & fon expanfion pendant la cha- leur: d’ailleurs, les tubes foufflés avec le plus de précifion, ne font pas de calbres égaux ; ils font plus où moins creux dans certaines parties ,: & leur épailleur n’eft pas par-tout la même. Que d’obfta- cles à furmonter pour opérer avec certitude ! Il faut donc aujour- d'hui fe contenter d’un a-peu-près ; & comme il n’y a rien d’abfo- lument déterminé, on prend pour guide dans chaque pays, le ther- momètre le plus connu. L'Italie adopte celui de Florence; Londres fe règle fur celui de la Société Royale, ou fur celui de Farenheit, & Paris reconnoit celui de Réanmur. Les graduations ou éghelles de ces thermomètres font différentes ; les Ecrivains de chaque pays citent les nombres des divifions de leur thermomètre , de forte qu’en lifant leurs Ouvrages, on eft fort embarraffé pour les entendre, parce qu’on n’a pas fous les yeux les objets de comparaifon. Cet embarras a fou- vent dégoûté le Phyficien, & l'indécifion a beaucoup nui aux progrès de la fcience. Cette perplexité a engagé M. Martine, de la Société Royale de Londres, à publier des Differtations fur la chaleur , avec des Oblerva- tions fur la conftruétion & la comparaïfon des thermomètres. Cet excellent Ouvrage, trop peu connu en France, malgré la bonne tra- duétion qu’en a donnée M. de la Virotte, Doëteur en Médecine , nous a fervi de guide. On trouve au commencement de ce livre, un tableau de comparaifon de quinze thermomètres. M. Baumé, bon Phyficien, & un des plus habiles Chymiftes de Paris, a fait tracer fous fes yeux un femblable tableau de comparaïfon, mais plus exaét, plus détaillé, auquel il a ajouté l'échelle des thermomètres de : M. Chriftin, de l'Académie de Lyon , & de M. Michaelly. Ce tableau a fervi de modèle pour la planche gravée & inférée dans ce volume. Le tableau renferme la graduation de tous les thermomètres connus, comparés les uns avec les autres, foit conftruits avec de l’efprit-de-vin ou avec du mercure. Celui de M. de Réaumur fert de point de com- paraïfon ; de forte qu’en cherchant, par exemple, le terme de la glace, on voit au premier çoup d'œil, qu'il répond au degré 46 un ga U AISON | Fr“ Fe Le 1 DE COMPAI = y ERSEL THERMOMETRE UN 73 L- . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 497 du thermomètre du Marquis de Poleni, au ÿo°. d’Amontons ; au 21°, de la Hire, au 15°. de l’ancien thermomètre de Florence, au 9°. un quart du nouveau de Florence, au 25°. de l’ancien thermomètre de Paris, au. 32°, de Farenheit, au so°. de Delifle, au 10°. de Michaelly, à © de Chriftin, à ro70 de Crucquius, à jo de celui de la Socicié Royale de Londres, à © de celui de Hales, à 30 de Flower, à o de Newton, à 7 un tiers d'Edimbourg, & ainfi de fuite, pour tous les points déterminés, comme le froid de Pétersbourg, de Paris en 1709, le tempéré ou la chaleur des caves de l'Obfervatoire de Paris, la chaleur de Pondichery, du Sénégal, de la Syrie, de l'eau bouillante. Il auroit été à defirer qu’on eût ajouté les degrés des autres liqueurs bouillantes, ou fimples ou mêlangées, dont la chaleur eft bien fupé- rieure à celle de l’eau bouillante. Nous aurions exécuté ce projet , s’il avoit été poflible de difpofer de notre tems ; mais nos Leéteurs doivent fentir que notre tâche eft déjà affez forte; c’eft afl:z de les mettre fur la voie, & de leur indiquer des travaux utiles. Nous invitons les Phyficiens à nous communiquer leurs obfervations, & à perfeétionner le tableau que nous leur préfentons. Nous allons réfumer ce que dit M. Martine, & en faire l’application au thermomètre de M. de Réau- mur qui nous fert de point central. Il eft nécefaire de tâcher de découvrir les principes fur lefquels ces diférens thermomètres ont été conftruits, afin de comparer les anciens avec les modernes, conftruits plus exaétement : par ce moyen, on recouvrera , pour ainf dire, les oblervations de nos Prédécefleurs, perdues par le peu de connoiflances que nous avons de la fignification de leurs nombres & de leurs graduations; alors, les obfervations faites en tems & lieux différens, ne feront plus citées inutilement pour le Leëteur. Les Académiciens de Florence, fous la proteétion de Ferdinand If, Grand Duc de Tofcane, furent les premiers à s'appliquer réellement à la perfeétion des thermomètres; ils fe fervirent de l’efprit-de-vin , 8e le renfermèrent dans des tubes de verre fcellés hermétiquement; de forte.qu'il ne pouvoit recevoir aucune altération, foit par lévapo- ration de la liqueur , foit par la différente gravité de l’athmofphère. M. Boyle introduifit l’ufage de ces thermomètres, & ils furent alors univerfellement reçus. Ces Académiciens fixèrent le plus haut degré de leurs thermomètres à la plus forte chaleur du foleil en leur con- trée ; ils marquèrent fur des échelles de gradation, des nombres, par lefquels on juseoit des différentes raréfactions des liqueurs , en confé- quence des divers degrés de chaleur, Quelques-uns de leurs rhermo- mètres furent faits avec plus d’exaétitude que les autres. Jls détermi- nérent expreflément dans les uns, quoique Boerrhawe dife le con- traire , à quel degré Pefprit-de-vin s’arrêtoit dans les froids ordinaires OcTogre 1772, Tome 11, Rrt 408 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de la glace ou de la neige: mais comme leurs expériences fe faifoient dans l’intérieur de leurs maifons en lralie, la glace fe trouvoit ordinai- rement dans l’état où elle commence à fondre, & par conféquent, propre à donner le degré de congelation de l’eau , point de chaleur & de froid très-fixe, qui répond à o du thermomètre de M. de Réaumur, &t au degré 32 de Farenheit. ( Suivez toute la ligne pon&uée de la planche placée dans ce volume, & vous aurez le point de compa- räifon des dix-fept thermomètres connus). Ainfi, dans la première efpèce des thermomètres de Florence, ce même point de chaleur tombe au degré 15, & dans la feconde au degré 16. Quoiqu’on ait un degré de chaleur fixe dans leurs thermomètres, on ne peut pas juger par ce feul point de toute leur graduation, ë&c leur plus haut degré de chaleur n’eft pas déterminé, comme on l’auroit defiré, parce que cette détermination eft vague, & laifle Parbitraire à ceux qui voudroient la fuivre dans différens pays. Ces Académi- ciens difent que dans leurs thermomètres, l’efprit-de-vin s'élève au degré 80: & dans le petit, il s'arrête dans cette même chaleur au degré 40: graduation très-fautive, puifque la grande chaleur de l'été eft indéter- mince ; fuivant les faifons & les lieux. Par exemple, fi on’ prenoit cette année 1772 pour degré de la chaleur de Paris, le degré 30 du thermomètre de M. de Réaumur, & 83 de Farenheit , parce que la liqueur y eft montée à ce point, on feroit certainement dans l'erreur fur le terme de la chaleur ordinaire , quoique femblable phéno- mène ait eu lieu en 1753 ; ce font des cas qui méritent la,plus grande exception, & ne concluent pas pour le terme de la chaleur ordinaire des étés à Paris. Il eft cependant un moyen,dit M. Martine, pour juger de la chaleur particulière de l'été qu'éprouvoit pour lors ces Académiciens, & de trouver où ce degré feroit tombé dans un thermomètre conftruit à la manière de M. de Réaumur, que nous avons pris pour comparaifon. MM. Borelli & Malpighi ont heureufement eu occafion de nous apprendre que les vifcères de quelques animaux chauds, tels que ceux des vaches, des cerfs, &c. élevoient l'efprit-de-vin dans le petit thermomètre de Florence, environ au degré 403 ainfi cette chaleur animale fe rapporte à-peu-près au degré 120 de Farenheit, au 54 ou 55°. de Réaumur, &cc. Il réfulte de-là que ces Académiciens ont pris un jour exceflivement chaud, même relativement à l'Italie, puif- que la chaleur de Syrie eft feulement fixée au degré $o de Réaumur , ou 114 de Farenheit. Ce qui revient au même, que fi cette année 1772, On eût pris le degré 30 à Paris, pour terme de la chaleur. M. Boyle, célèbre Irlandois , à qui la Société Royale de Londres doit principalement fon établiflement , voyant qu'on n’avoit encore penié à aucune méthode, pour comparer enfemble deux thermo- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 499 mètres différens , propofa le point de congelation de l'huile effen- tielle d’anis, comme un terme de chaleur & de froid, capable de fervir à conftruire & à éprouver les thermomètres; en {orte qu’on les gradueroit depuis ce point, fuivant les dilatations ou condenfations proportionnelles de la liqueur renfermée dans le tube. Il propola encore pour terme fixe, le degré de congelation de l’eau diftillée; mais il abandonna bientôt cette idée, attendu que la congelation des différentes eaux ne s’exécute pas dans toutes , au même degré. L'huile eflentielle d’anis ne peut pas fervir de point parfaitement fixe, parce que cette huile n’eft pas par-tout la même ; la culture de la plante, le climat où elle eft expofée, le terrain dans lequel elle croit, doivent la faire varier. Son thermomètre eft aujourd’hui connu fous le nom de thermomètre d'Edimbourg. Voyez n°. 17. On tient à Edimbourg, depuis plufieurs années, un regiftre très- exaét des obfervations météorologiques ; il eft par conféquent utile de trouver le rapport du thermomètre dont on s’eft fervi, Lorfque la boule eft plongée dans la neige, qui fe dégèle à 8 pouces 2 lignes, Ha chaleur la fait monter à 22 pouces 2 lignes; en forte que les inter- médiaires font divifés en pouces & en dixièmes de pouces, M. Martine a trouvé que la chaleur de la perfonne qui gradue cet inftrument, corref- pondoit au degré 40 de Réaumur , & 97 de Farenheit. Cette manière de graduer eft aufli incomplette que celle de Florence , puifque le degré de chaleur de l’homme qui opère, n’eft pas la même d’un indi- vidu à un autre individu. Le Doëteur Halles, convaincu que le point fixé par M. Boyle, n'étoit pas fufffant, rejetta les congelations des liqueurs, & crut trouver ce point de précifion dans le degré de température, tel qu’on l’obferve dans les ieux fouterreins , où la chaleur en été & le froid en hiver, ne peuvent avoir aucune influence. Un autre terme de la chaleur, dont M. Halles penfoit qu'on pouvoit fe fervir, eft celui de l’ébulli- tion de lefprit-de-vin. Ce célèbre Doëteur, à qui la Phyfique doit des expériences fi curieufes, fi intéreffantes , commença fa graduation par le point de congelation o de M. de Réaumur; & il marqua Oo où - la liqueur s'arrêta lorfque la boule fut plongée dans l’eau chaude , & fur laquelle la cire fondue commençoit à fe coaguler. Cette même eau fait monter le thermomètre de Farenheit au degré 142, voyez n°. 14, ce qui revient au degré 67 de Réaumur. Pour que la graduation de cet inftrument fût exaéte, 1l faudroit auparavant déterminer un moyen infaillible , pour avoir dans des pays différens deux efprits-de-vin par- faitement égaux, ce qui eft encore à trouver. En outre, l’eau chaude fur laquelle la cire fondue commence.à' fe coaguler ,.ne donne pas un point bien jufle, tant par rapport à la qualité de l’eau, qu’à celle de la cire; 1left difficile, pour ne pas dire impoflble, que l’une &c OcrTo8re 1772, Tome II. Riri] ! jo0 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l’autre aïent abfolument la même pureté. On a objeé au Doéteur Halles que l’efprit-de-vin pouvoit s’évaporer, & par conféquent, que fa force d’expanfion pouvoit diminuer. On a prefque acquis la preuve du contraire par le thermomètre à efprit-de-vin de M. de la Hire ( dont nous parlerons bientôt), qui a fervi pendant plus de foïxante ans à l’Obfervatoire de Paris, pour les obfervations météo- rologiques. Le grand Newton & M. Amontons prirent le degré de l’eau bouil- lante pour le degré de chaleur fixe & déterminé, & graduèrent en conféquence leurs thermomètres. Leur exemple a fervi de guide à cenx qui font venus après eux. Newton trouva que la détermination des degrés de chaleur & de froid étoit digne de fon attention. Il donna, en conféquence , une méthode pour conftruire les thermomètres d’une manière plus exaéte que celle fuivie avant lwi. La liqueur dont il fe fervit, fut de l’huile tirée de la femence de lin, capable d’une raré: faétion confidérable & de fupporter une grande chaleur fans bouillir, de même que les froids les plus violens fans fe geler : il regarda le point de la congelation comme un terme commun entre la chaleur & le froid , & il commença fon échelle en marquant o à ce point; par contéquent , celle de Peau bouillante étoit exprimée au degré 34, qui répond à-peu-près au degré 196 de Farenheit & au degré 100 de M. de Réaumur : comme ce thermomètre eft grand , l’efpace peut être fubdivifé à volonté ; ainfi, il eft aifé de trouver la correfpondance de chaque degré. Voyez le n°. 16. Quelques objeétions fe préfentent naturellement contre ce thermo- mètre. On demande 1°. s’il eft bien déterminé que toute eau bouillante ait le même degré de chaleur ? 2°. Si le vaiffleau dans lequel on la fait bouillir ,ne peut pas contribuer à augmenter fon degré de chaleur ? D'ailleurs, dans les thermomètres à huile ou faits avec des liqueurs vif- queufes, l’adhéfion du fluide eft trop forte contre les parois du tube. S'il furvient une defcente rapide de la liqueur occafionnée par un froid fubit , une bonne partie de certe liqueur s’arrête contre les parois , & fa furface paroît dans le tube , réellement plus baffe que fa température ne l'exige. En outre , fon degré d’adhéfion eft alternatif & relatif à la faïfon; ainfi, il dérange néceffairement la régularité du thermomètre. Cette adhéfion eft toujours uniforme dans ceux qui font faits avec lefprit-de-vin, ou du moins fa différence eft très peu fenfble. Cette liqueur mobile eft facilement affeétée par la chaleur & par le froid, & elle ne raflemble point de bulles d’air comme les autres fluides aqueux. Les anciens thermomètres les plus communs en Angletetre, font ceux qui font faits d’après le modèle qu'on conferve à la Société Royale de Londres, ( Voyez n°, 13). Il eft difficile de comparer ce SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $or thermomètre avec ceux des autres Auteurs. Sa graduation commence à o à fon extrémité fupérieure , fans favoir fur quel fondement; de-là, les nombres croillent à mefure que la chaleur diminue : pour com- parer ce thermomètre avec les autres , il eft néceflaire de trouver comment ils fe correfpondent. Nous avons cru devoir faire corref- pondre, d’après l'expérience de M. Martine, le degré 34 du thermo- mètre de la Société, avec le degré 64 de Farenheit & le degré 20 de M. de Réaumur. Pendant qu’on s’occupoit à Londres de la perfe&tion des thermo- mètres à l’efprit-de-vin, les Phyfciens François s’intérefloient de leur côté à reétifier les anciennes méthodes ou à en propofer de nouvelles. Les thermomètres dont nous venons de parler, & qui furent en ufage dans les différens pays , furent tous imités par ceux de l'Académie del Cimento ; mais tous ne furent pas conftruits fi régulièrement & fur des principes auffi déterminés. .M. Hubin fut employé en France, par l'Académie Royale des Sciences, à la conftruétion de ces inftrumens; & il paroît qu'il ne les faifoit pas tous parfaitement femblables. Les Mifionnaires Indiens nous apprennent ( Lettres édifiantes) qu'ils fe fervirent de ceux qui étoient gradués le plus bas. Cependant, on peut regarder comme moyen, celui dont M. Amontons donne la defcription dans les Mémoires de l’Académie fous le nom d’Anzcien. Le point de la congélation étoit dans ce dernier (6), au degré 25 qui correfpond à O de celui de M. de Réaumur, & à 32 de Farenheit. Il y a peu d’obfervations faites avec ce thermomètre. M. Amontons a beaucoup travaillé à établir un thermomètre univer- fel, mais le fien n’eft pas à beaucoup près fans inconvéniens. Le point de la congelation y eft marqué au $1°. degré & 6 lignes, où fe trouvent O.de M. de Réaumur & 32 de Farenheit; & la chaleur de Veau bouillante correfpond au degré 212 de Farenheit, & à 110 de Réaumur. Voyez n°. 2. Il eft beaucoup plus important de connoître la confiruétion du ther- momètre de M. de la Hire, placé depuis fi long-tems à l'Obfervatoire de Paris, & qui a fervi à grand nombre d’obfervations météorologi- ques. M, de la Hire dit expreflément que la liqueur du thermomètre s'arrête toujours dans les caves de l'Obfervatoire de Paris, au 48°. degré ou au degré 44, fuivant la planche que nous avons fait graver , der- nier terme qui répond au degré 13 de Réaumur, & au 53 de Faren- beit. Voyez n°. 3. Cet Académicien nous apprend encore que lorfqu'il gèle à la campagne , ce thermomètre placé dans la tour & à décou- vert ,s’arrète depuis le degré 30 jufqu’au degré 32, un peu au-deffous du point réel de la congelation : ainf, en réuniffant plufieurs circonf- tances, ce point de chaleur tomberoit à-peu-près à o du thermomètre Ocrosre 1772, Tome IL, 502 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de M. de Réaumur. Nous avons une obfervation de M. de la Hire, par laquelle on voit que fon degré 28 correfpond avec le degré $1 & 6 lignes dans le thermomètre de M. Amontons. M. le Marquis Giovani Polini , célèbre Phyficien de Padoue , donna le réfultat d’un grand nombre d’obfervations météorologiques, dans lefquelles la chaleur & le froid étoient mefurés avec un thermomètre conftruit à la manière de M. Amontons. Il n'en diffère que par fes nombres, dont on aura une idée exaéte en examinant l'échelle du noire £ M. de Réaumur entreprit enfin d'établir une conftrudion générale pour les thermomètres à lefprit-de-vin , afin qu’elle pût être facilement aitée en tout tems & en tous lieux; & par-là, établir une correfpon- dance générale fur les obfervations faites avec de pareils inftrumens. Il ajufta fon thermomètre au point de congelation , par un mêlange arnficiel de place & d’eau, dans lequel un quart-d’heure après, il plonge fon thermomètre; enfuite le plongeant.dans l’eau bouillante, il remar- que la dilatation que la chaleur a fait éprouver à la liqueur renfermée dans le thermomètre. Cet Académicien fuppole que la quantité d’efprit- de-vin contenue dans le tube eft de 1000 parties; & il connoît par le volume de la liqueur, de combien de ces parties elle s’étoit dilatée par la chaleur de l’eau bouillante. ‘ La dilatation de Pefprit de-vin , varie relativement à fa re@ification; ainfi, de l’efprit-de-vin très-fort fe dilata au terme de l’eau bouillante, de 87 degrés & demi, & un mêlange de cet efprit-de-vin, foit avec de l’eau à portions égales ( ce qui eft à-peu-près comme de l’eau-de-vie- commune ), fe raréfa feulement de 62 degrés & demie; mais l’efprit- de-vin qu’il jugea le plus convenable pour fes thermometres ordinaires, fut un efprit de-vin d’un tel degré de force, qu'il püt fe dilater à 80, précifément au point de la chaleur de l’eau bouillante. Les points car- dinaux de ce thermomètre commencent à la congelation de Peau, où l’Auteur marque o. Voyez n°. 9. Ils devroient finir au degré 8o, ter- me de l’eau bouillante fuivant M. de Réaumur, & graduant cet efpace, on aura fon échelle. Nous avons cru néceffaire de donner à ce thermomètre la divifion 110, terme de la grande chaleur de lefprit-de-vin très-re@ifié, qui ne chance en rien les autres points donnés de ce thermomètre, & qui nous facilite les moyens de pouvoir le comparer avec tous les autres, fur-tout pour ce dernier point, fans quoi il auroit été impoñlible d’exé- cuter ce tableau général. D'ailleurs, le degré 10 un quart de la rem= pérature des caves de l'Obfervatoire, celui de 38 & demi pour la cha leur du Sénégal, celui de fo pour celle de Syrie, ferviront toujours à trouvér la concordance générale. M. Martine propofe une obje&tion contre la graduation du thermo> SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. $03 mètre de M. de Réaumur. La chaleur de l’eau bouillante , dit-il, n’eft réellement que la chaleur de lébullition de l’efprit-de-vin affoibli. Elle fe rapporte au degré 180 de Farenheit. Et comme , fuivant M. de Réaumur, fon degré 10 un quart eft la chaleur conftante de la cave de l'Obfervatoire de Paris ou le degré 49 de Farenheit, je conclus de-là , que le point de la congelation fixé par M. de Réaumur, au lieu de répondre au degré 32 de Farenheit eft un peu au-deflus de fon 34° degré. Nous laifons aux Phyficiens à difcuter cette aflertion ; mais nous avons cru, dans la planche gravée, devoir mettre au même niveau le © de M. de Réaumur & le degré 32 de Farenheit, fans quoi, on ne pourroit plus s'entendre ni avoir un rapport général. D'ailleurs , comme on n’a pas encore de point géométriquement dé- terminé , il faut fe contenter d’un à-peu-près, mais le moins éloigné qu'ileft poffible. Nous defirons fincèrement, pour les progrès de la Science , que l’on préfente un tableau plus exaët. Le thermomètre de M. Chriftin, de l’Académie de Lyon, voyez n°. 11, diffère de celui de M. de Réaumur, feulement par fes divifions qui font plus grandes: fes principes font les mêmes. M. Michaelly prend le degré de température des caves de l'Obfervatoire pour premier point de divifion, & celui de la congelation eft marqué par le degré 10, & ainfi en defcendant. Sa divifion totale depuis le degré de température à celui de l'eau bouillante, eft de 100. Le Dc@eur Hales. pefant & examinant les inconvéniens que pré- fentent Pair, l'huile, l’eau , l’efprit-de-vin, employa le mercure, En effet, ce metal mobile & fingulier s’échauffe & fe refroidit plutôt qu’au- cune liqueur. Il faut un degré de froid excefif pour lui faire perdre fa fluidité, & il eft fufceptible d’une très-grande chaleur avant de bouillir. Enfin , s’il eft bien purifié ( 1), fes molécules ne s’attachent point à l'intérieur du tube. Ce tur d’après l'exemple du Doéteur Hales, que M. de Lifle à Paris, Farenheit & Flower à Londres, que Crucquus en Hollande, conftruifirent leurs thermomètres de mercure, & leur méthode a été aflez généralement adoptée. Ce font les thermomètres les plus sûrs & les meilleurs, fi le mercure eft bien puriñé. M. de Lifle confiruifit fon thermomètre au mercure, voyez n°. 8, fur des principes tout à-fait femblables à ceux de M. de Réaumur : mais au dieu du froid de congelation, il commença fa -graduation à la chaleur de l'eau bouillante; & renverfant l’ordre commun, il marqua en defcendant les différens degiés, fuivant les condenfätions du vif argent. Ses nombres croïflent par conféquent à mefüre que la chaleur diminue. Comme dans les étalons mêmes des thermomètres de M. de Lifle ; le point de la congelarion eft pris au degrè 150, ce point cor- — (1) Voyez le-moyen d’ÿ parvenir, page 463 de ce Volume. OCTO8RE 1772, Tome 11, 504 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, refpond d’un côté à o de M. de Réaumur , & à 32 de Farenheit. Voyez nom. 7, 8; 9. É Il y a un thermomètre fort en ufage à Londres, c’eft celui de Flo- wer, où l’on regarde la température moyenne de l’air, comme n’étant ni chaude ni froide ; en conféquence, on marque o à ce point , même principe que celui de M. Michaelly. De-là, on compte enfuite, foit en montant, foit en defcendant , dans la vue d’indiquer les degrés de cha- leur ou de froid. On marque ordinairement, à la vérité, le point de congelation au degré 30 au-deflous de o. Ce thermomètre eft très em- ployé en Angleterre dans les ferres chaudes. Le thermomètre de Farenheit eft, de tous les thermomètres, celui dont on fait le plus de cas & le plus d’ufage à Londres; il eft pour l'Angleterre , ce que celui de M. de Réaumur eft pour Paris. L’Auteur fixe la congelation au 32° degré qui correfpond à o de M. de Réaumur, & o au degré 19 de Réaumur; c’eft-à-peu-près, le froid de Saint-Péterf- bourg. Il eft aifé, par le tableau général que nous venons de donner, de comparer ce thermomètre avec tous les thermomètres connus. Crucquius a fait plufieurs obfervations météorologiques très-curieu- fes, avec un thermomètre à air. Le volume total étoit de 1070 au ter- me de congelation o de Réaumur, & de 1510 dans l’eau bouillante. La comparaïfon ef facile à faire avec tous les autres. Telle a été à-peu-près la marche de l’efprit humain pour la conftruc- tion de ces différens thermomètres ; tel eff le point où on ef refté. Puiffle quelque homme zélé pour le progrès des Sciences, donner à ces inftru- mens la dernière perfe@ion! L’entreprife eft difficile, il eft vrai ; mais la gloire fera proportionnée aux efforts & à la réuffite. Si Pexpofition de ce tableau général n’eft pas exaéte, nous prions d’en indiquer les erreurs, & nous publierons avec plaifr les obfervations qu’on daignera nous communiquer, On trouvera chez Ruault, Libraire, rue de la Harpe, le Tableau des Thermomètres de comparaifon, OBSERVATIONS fur la double réfraëtion du Cryflal de Roche, par le Père BECCARIA. 1, Lr célèbre Hugens, dans fon Traité de la Lumière, chapitre V, parle fort au long de la réfraétion admirable du cryftal d’Iflande; il parle auffi par occafon, de la réfraétion du cryftal de Roche, qui ne me paroît pas moins étonnante que ceile du cryftal d'Ifiande. . La réfraition, dit cet Auteur, ef} double dans le cryffat de roche comme dans le cryflal d'Iflande ; mais elle y eff moins fenfible. En effet, ajoute- til, J'ai fait tailler plufieurs morceaux de cryflal de roche, en Fe € SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 5os de prifines, fous des angles différens , en leur faifane donner tout le poli dont ils étoient fufcepables, J'ai regardé à travers ces prifmes la lumière d'une bougie, ou Le plomb d'un vitrage ; & je me fuis apperçu que ces objets paroiffoient doubles , quoique leurs images ne fuffent feparées que par un intervalle affez petir. 2. Le Chevalier Newton, dans la trente-cinquième queftion de fon optique, fait auffi mention de ce phénomène. Le cryflal de roche , dit- il, à auffi une réfraëlion double. Il eff vrai que la différence de ces deux réfraétions eff moins fenfible dans celui-ci que dans le cryflal d'Iflande. 3. Je voyois que la réfra@tion que M. Hugens appelle irrégulière, a dans le cryftal d’Iflande, un rapport confiant avec fa ftru@ure inté- rieure ; car l'effet de cette réfraétion, eft de plier les rayons dans le fens des angles faillans: or, ces angles font les mêmes dans le morceau entier de cryftal & dans chacune de fes parties, dont la forme eft exaéte- ment femblable à celle du cryftal entier. ! 4. Sur l'infpeétion de la figure du cryftal de roche, je conjeéturois quelle devoit être fa ftruéture intérieure. En effet, je regardois ce corps comme une efpèce de cryftallifation naturelle , différente des cryftallifations artificielles par la propriété de réfifter à l'humidité ; mais qui d’ailleurs, devoit leur reflembler entièrement par la ftruéture interne. Or, en examinant plufieurs cryflallifations artificielles, j'avois obfervé qu’elles nétoient que le réfultat d’un amas de petites lames parallèles aux faces de la cryftallifation, ce qui me faifoit foupçonner que la conformation du cryftal de roche, pouvoit bien n’être que la mème chofe ; en forte que je confidérois, par exemple, un prifme-hexa- gone ( qui fe termine ordinairement par une pyramide hexagone ) comme un amas de petites lames rangées autour de l'axe, dans un ordre hexagonal, difpofées régulièrement autour de cet axe, placées les unes fur les autres, & croïffant fucceflivement en largeur dans la pro- portion néceffaire pour compofer la forme géométrique de ce folide. s- J'étois encore confirmé dans ma conje&ture par un phénomène que m'ont conflamment préfenté tous les cryftaux dans lefquels j'ai cherché à l’obferver. Voici en quoi il confifte. On voit quelquefois dans certains endroits de l’intérieur de quelques cryftaux , les couleurs de l'iris , telles qu’on les apperçoit à travers des lames fort minces , féparées par un milieu très-fubtil, & dont la force réfringérente eft différente. En obfervant très-attentivement ces couleurs dans quelques endroits d’un cryftal de roche, je voyois qu’elles paroïfloient dans un plan parallèle à quelqu’une des faces du cryftal; d’où je concluois que les petites lames qui tranfmettoient ces couleurs, étoient auffi paral- lèles à cette même face, Après cette obfervation, je crus que je ne devois pas être arrêté par le filence de Newton, qui, en parlant de la double réfraétion du cryftal de roche, ne dit point fi elle eft fujette OcTosre 1772, Tome IL. 506 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ou non à quelque variation; & je foupçonnai d’inexa@itude l’affertio® d’'Hughens, lorfqu’il affirme qu’il avoit toujours trouvé une double réfraélion dans les prifmes de cryftal de roche, quelles que fuffent leurs feétions. Je pris donc le parti d'examiner la chofe d’après mes vues par- ticulières, 6. D'abord je me procuraï du cryftal d’une figure très-régulière , 87 jeus la plus grande attention à ne choifir que des morceaux qui ne fuffent point combinés dans l’intérieur, avec d’autres cryftaux du même genre, ce qui {e rencontre affez fouvent; mais parfaitement homogènes, & de la plus grande netteté dans tout leur entier. 7- Je fis couper un de ces morceaux dans la longueur de l'axe, de maniere que la feétion partageât, en deux parties égales, deux dés faces oppolées. 8. Jen fis couper un autre également dans la longueur de l'axe, mais en faifant pafler la fetion par le fommet des deux angles oppolés. 9. Un troifième me fournit des prifmes triangulaires, dont une des faces étoit une des faces mêmes du morceau; chacune des deux autres réfultoir d’une fe@tion terminée à l’axe d’un côté, de l’autre à un des angles adjacens . & conduite dans la longueur du cryftal. 10. Un quatrième fut partagé en prifmes triangulaires équilatères , dans Jefquels deux des faces étoient également inelinées à l'axe , & la troifième étoit parallèle à un plan qui auroit paflé dans la longueur de cet axe. : 11.: fai fait tailler d’autres morceaux en prifmes , de beaucoup d’au- tres manières: dont ileft inutile de faire ici le détail. Je ne patleraï que d'un feul autréi, parce que c’eft celui qui , avec ceux dont j'ai fait men- tion: à l’artiele. 10, m'a rendu plus fenfible le rapport qu'a, dans le cryftal de toche.; la double réfra@tion avec fa ftruêture intérieure. La coupe de cette dernière efpèce de prifme étoit telle, qu'une de fes faces étoit donnée par une feétion perpendiculaire à l’axe ; & les deux autres par deux fe&ions, qui, partant de deux faces oppofées du cryftal, alloient fe rencontrer dans ‘une ligne: perpendiculaire à Vaxe, 12. Les obfervations que je fis avec ces différens morceaux, me fourrirent enfin cette loi très-fimple, dont Newton ne parle pas, & dont Hughens aflure précifément le contraire; favoir ; 1°: Que a réfrac- tion dans le cryffal de roche n'eft pas toujours double dans les diffèrens Prifines qu'on peur en retirer, fuivant les: différéntes manières de le couper. 2°. Que le rayon de lumière qui traverfe le cryffal de roche dans ur plan perpendiculaire à l'axe, fouffre deux \réfraëtions |\fe partage en deux, & offre deux images, finon entièrement, du moins très-fenfiblement dif- sinétes, 3°, Que cette diflinétion des deux images diminue, à mefure que la s SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. s07 route du rayon converge plus vers l'axe du cryflal. 4°, Que la double réfrac- tion & La diflinétion des deux images, ceffent entièrement d’avoir lieu , lorf- que la route du rayon devient parallèle, ou a-peu-près parallèle à l'axe. Alors, l'œil n'apperçoit plus qu'une feule réfraélion, une feule image. 13. Ainfi, par exemple, dans le prifme décrit n°. 11, en regardant par un des angles adjacens à la face parallèle à un plan perpendiculaire à l'axe, l’image de la flamme d’une bougie paroit double; mais en regardant par le troifième angle, elle eft unique. 14. Au contraire, dans le prifme décrit n°. 10, fi l’on regarde la flamme de la bougie par les angles adjacens à la face parallèle à un plan mené dans la longueur de l'axe, fon image eft unique; mais elle -paroît double, en regardant à travers le troifième angle compris entre les: faces également inclinées à l’axe. 15, Voilà donc, fi je ne me trompe, quelque rapport découvert entre la réfraétion de la lumière dans le cryftal de roche, & fa con- formation intérieure. Si la route du rayon eft à très-peu-près paral- lèle à l'axe , elle fe dirige à très-peu-près dans le fens de la longueur des petites lames qui compofent le prifme. Au contraire, fi les rayons font dirigés dans ‘un. plan prefque perpendiculaire à l'axe , ils traverfent les plans des pétites lames fous la même obliquité. L’uniré & la dupli- cité de la réfra@tion, ont donc un rapport manifefle avec la route que tient le rayon, foit que cette route foit parallèle aux plans des petites lames, ou qu’elle forme avec eux un angle fort’ aigu, SL RICATT 16. Je ne dois pas oublier d’avertir ii qüe, pour empêcher que la lumière ne fouffre deux réfra@tions dans le eryflal de roche , ne fuffit pas que le rayon ait une direétion quelconque dans le ‘fens des: plans des petites lamés , il eft nécéffaire , de plus, qüe la diretion foit’dans le fens de la longueur du cryftal. En effet, fi l’on fe fert de l’efpèce de prifmes décrite au n°. 9, & que l’on regarde à travers Pangle, dont le fommet coincide avec l’axe du cryftal, la diréétion des rayons pourra devenir à très-peu-près parallèle aux petites lämée ( ainfi que dans l'expérience du prifme n°. 11, lorfqu’on regarde par les deux angles adjacens à la première face); & cependant, par cet-angle même, l'image paroîtra encore double. Je conje@ure de-là, qu'indépendam- ment de fon rapport avec la direétion des lames de cryftal, la réfrac- tion en a un autre, & peut-être plus immédiat avec la direéliôn des fibres qui compofent les lames elles-mêmes. Car il eft vrailemblable que , dans cette cryflallifation faite par la nature, ces lames ont une poñition & une forme régulières, de même que celles descryftallifations aruficielles: mais quelle eft éetté forme, quelle eft cette pofition; c’eft ce que je ne-puis aflurer, à moins que la direétion , le gifement des fibres, ne foient indiqués par des fillons reétilignes , très-petits & très- fréquens, que lon renéontre dans prefque tous les cryftaux fur les Ocrosre 1772, Tome II. S fi) 508 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, faces, & qui font parallèles aux côtés. de la bafe. Dans ce cas, il faudroit dire que le rayon ne fouffre pas une double réfra@tion dans le cryftal de roche, lorfque fa direction eft parallèle aux lames, & per- pendiculaire aux fibres, 17. J'ajouterai encore que lorfque les rayons qui traverfent le cryftal de roche , avec les conditions prefcrites, offrent l’image unique, cette image eft toujouts moins nette & moins diftin@e dans fes couleurs , qu’elle ne le feroit, fi on regardoit l’objet à travers un bon verre bien homogène. En général, cela doit arriver , parce que l’homogénéité du cryftal de roche eft toujours moindre que celle du verre, & que fes parties font liées entr’elles moins parfaitement , avec moins d’unifor- mité. Une raifon plus particulière encore, eft que les rayons commen- cent à préfenter l’image unique, avant que d’avoir atteint le parallé- lifme à l'axe; & lors même qu’ils font arrivés à cette direétion , ils ne peuvent point la conferver exaétement dans l’intérieur de la fubfrance du cryftal, précifément à raïfon de la divifion du rayon compotfé en fes rayons compofans; en forte qu’ils feront affez peu inclinés à Paxe, pour ne pas éprouver une réfraction double qui foit fenfible : mais ils le feront aflez pour en éprouver une infenfble , fufffante cependant pour empêcher que les couleurs ne fe diftinguent avec toute la préci= fion poñlble, 18. Il réfulte de ces obfervations, deux vérités qui peuvent au moins fervir à épargner des tentatives inutiles. La première, que f Fon, vouloit tailler des lentilles avec le cryftal de roche pour les divers ufages de l'optique, il faudroit employer des morceaux, dont les faces fuflent parallèles à-la bafe du cryftal: en forte que laxe des lentilles coincidât , où du moins fût parallèle à l’axe du cryftal, & cela pour éviter, autant qu'il feroit pofñble , le doublement des points dans A l’image des, objets. L'autre, qu'il y a peut-être moins d'avantages à efpérer de la-plus grande tranfparence. qu'auroient des lentilles faites avec cétte matière , que d'inconvéniens à craindre de la petite confufon des rayons, qu'il feroit impoñlble d'éviter dans ces fortes de lentil- les, même en les travaillant avec la précaution que je viens d’in- diquer. 19. Il y avoit déja quelque tems que j'avois écrit & envoyé ces obfervations à la Société Royale de Londres, qui a bien voulu les in- férer dans le dernier volume de fes Tranfaétions, lorfque j'ai eu le plaifir de voir entièrement confirmée la conje@ture que j'avois faite fur la formation &c la ftruéture intérieure du cryftal de roche. Il m'eft tombé entre les mains quelques morceaux de ce cryftal, dont quel- ques endroits dans l’intérieur étoient entamés &c excavés , de manière qu’on appercevoit très-diftinétement les petites lames parallèles qui le compofent, féparées les unes des autres, & arrangées entr’elles dans l'or- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 509 dre même que j'avois foupçonné; mais que je déduifois de principes moins certains & d’obfervations infuflifantes. 20. Lorfque j'aurai plus de loifir, je me propofe d'examiner avec plus d’exaétitude la réfraétion du cryftal de roche, & d’en perfeétionner, fi j'en fuis capable, la théorie, en lui appliquant les mefures de la Géométrie. — 21. Mais outre le cryftal de roche &c le cryftal d’Iflande, n’y auroit-il point dans la nature d’autres corps, dans lefquels la lumière fouffrit deux réfraétions, ou même davantage, dans un ordre conftant? s'Gravefande , en obfervant un prifme équi-angle de caillou du Bréfil , ( érefil pebble , ) a trouvé à chacun des angles une réfraëtion inégale à la vérité, mais conftamment double. Tous les corps diaphanes, qui ont reçu de la nature certaines configurations déterminées , ne feroient- ils point foumis à une loi générale, en vertu de laquelle la [umière, en les traverfant , éprouveroit des réfra@ions dont l’efpèce & le nombre feroient analogues aux modifications de leurs figures, & de leur compofition interne ? Cette règle feroit aflez conforme à ce que l’on oblerve dans la pierre connue fous le nom d’æi/ de char. De quel- que manière qu’on préfente la face convexe de cette pierre à la lumière, elle réfléchit, à caufe de fon poli exceflif, comme une fuite d’arcs lumineux qui convergent vers les mêmes points, à-peu-près comme des méridiens, & qui gardent toujours la même fituation , par rapport à un diamètre ou une corde que l’on fuppoferoit donnée de pofñtion dans l'intérieur de la pierre. Or, on fait qu'il y a du rapport entre la force réfléchiflante & la force réfringente. J'ai fait des obferva- tions avec une lentille microfcopique , formée d’un rubis très-poli, & je croyoiïs qu’elle me préfenteroit les petits objets plus diftin&tement, puifqu'elle ne devoit tranfmettre que les rayons rouges, & rejetter les autres : elle m'a préfenté, au contraire , les objets avec plus de confufion que les lentilles ordinaires, ce qui tient, comme je le peux croire , du moins en partie, à la contexture particulière de cette pierre. Certainement, il paroît que les Jouailliers regardent le diamant com- me une fubftance formée par lits, lorfqu'ils afirment qu'il fe polit aifément, s’il eft pris dans fon fens; mais que s’il eft pris de tout autre côté , il réfifte infiniment plus; & que sil eft forcé, il faute en petits éclats irréguliers, qui ne font prefque d’aucun ufage. 22. Cette varièté dans les réfraétions , tant par rapport aunombre, que par rapport aux autres accidens,. ne feroit-elle point la route par laquelle la nature pafle de la tranfparence à l’opacité ? Cette con- je@ure paroit aflez conforme aux obfervations faites fur les corps tranfparens qui deviennent opaques , foit que ce changement s'opère na- turellement ; ou qu'il ne foit dû qu'aux procédés des Arts. 23. Des recherches ultérieures , faites avec beaucoup d’exa@itude OcTosrE 1772, Tome 11, $10 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fur les différentes loix de la réfraétion dans les corps foffiles tranf- parens , foit que cette réfrattion foit une , foit qu'il y en ait deux ou même davantage , ne pourroient-elles pas nous donner quelques lu- mières fur la génération même, & la fru@ture de ces corps ? & lorf- qu’on feroit aflez inftruit fur le rapport des loix de la réfra@tion dans ces corps avec leur ftruêture , ne pourroit-on pas réciproquement re- monter de la connoïffance de la ftruéture interne d’un corps, à la con- noiflance des loix de la réfraétion que doit fubir la lumière en le tra- verfant ? ne pourrions-nous pas même , par ce moyen, approcher de plus en plus de la connoiffance de la caufe fi peu connue jufqu’à prélent , de la réflexion & de la réfraétion de la lumière ? 24. Le génie pénétrant de Newton a foupçonné , & même en quel- que forte démontré , que la réflexion & la réfra@tion de la lumière, ne s’opéroient point par le choc dans les parties folides des corps , mais par l’aétion d’un fluide élaftique répandu fur leurs faces. Certai- nement le feu éleétrique fe trouve diverfement répandu & à dofes dif- férentes fur les faces & dans l’intérieur des corps, dont les forces ré- fléchiffante & réfringente , font dans des proportions différentes. L’exa- men de ces différences , qu'il ne feroit pas impoffible de fixer par l'expérience , ne nous conduiroit-l pas à la découverte de cette caufe ? D EXPÉRIENCE fur Le paflage de l'eau en glace , communiquée à l'A« cadémie des Sciences , par M. LAVOISIER. ! M onsi EUR Defmarets fit part à l’Académie de quelques expé- riences de M. Black , fur le pañlage de l’eau en glace , & de la glace en eau, & fur quelques phénomènes qui accompagnent ce chan- gement. Je rapporterai à cette occafion un fait de même nature , que j'ai obfervé dans le courant de Septembre de l’année dernière , & dont je n'ai différé de faire part à l’Académie , que parce que Je pro- jettois d’y joindre d’autres expériences propres à l’éclaircir. J'avois préparé douze thermomètres , dont je voulois comparer - exaétement la marche ; je pilai dans cette vue , de la glace , & j'y plaçai mes thermomètres ; ils defcendirent tous au degré de la con- gelation plus ou moins , fuivant le degré d’exaëtitude de leur conf- truétion : mon projet étoit enfuite de faire fondre la glace & d'é- chauffer infenfiblement l’eau , afin de fuivre la marche {ucceflive de mes thermomètres , & de les comparer à tous les degrés fupérieurs à la congelation. Comme la glace ne fe feroit fondue que difhcile- ment , fi je l'eufle abandonnée à elle-même , & que l’expérience au- roit exigé trop de tems , je pris de l’eau nouvellement tirée d'un puxts voifin , & j'en verfai fans précaution , &c fans obferver aucune dofe SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. S$rr fur la glace pilée , qui étoit dans un fceau. Je m’attendois que ce mélange d’eau & de glace prendroit une température moyenne , en- tre la chaleur de l’eau de puits , & le degré de la glace , & pro- portionnelle à la quantité de chacune d'elles ; mais je fus fort étonné de remarquer , au bout d’un quart-d’heure , que le mêlange étoit tou- jours au degré de la congelation aflez exaë@tement , & ce ne fut que quand les derniers fragmens de glace furent entiérement fondus , que mes thermomètres commencèrent à remonter. Je crois être en état de rendre une raïfon fatisfaifante de ce phé- nomène : mais comme l'explication que jen donnerois tient à un fyf- tême fur les élémens, que je ferai bientôt en état de faire paroitre , & qui eft déja paraphé par M. deFouchy , je remets à en entretenir YAcadémie dans un autre tems. Nous nous hâterons de faire connoître ce Mémoire intéreffant , dès qu'il nous fera communiqué. OBSERVATIONS nouvelles fur les Anémones de Mer. Monsieor l'Abbé Dicquemare , de plufieurs Académies , & célèbre Profefleur de Phyfique expérimentale au Hâvre , y a fait des découvertes fingulières fur les anémones de mer. Les phénomènes que lui ont préfenté ces animaux , femblent l’inviter à de nouvelles ten- tatives , & lui promettre des réfultats encore plus furprenans. Au mois de Mai dernier , il coupa tous les membres à une anémone pourpre , de l’efpèce qui s'attache à la furface latérale des rochers; en peu de tems, ces membres repoufsèrent, Le 30 Juillet ils furent coupés de nouveau , & fe reproduifirent en moins d’un mois. Une anémone verte , de même efpèce , a donné une fois le même ré- fultat. Ces premières tentatives ayant réuffi , M. l'Abbé Dicquemare en fit de nouvelles fur une petite efpèce qu’on trouve dans le fable , & dont le corps affez femblable pour la forme & pour la couleur , au pédicule d’un champignon , eft terminé à la partie inférieure par une bafe qu’elle attache aux cailloux dans le fable , tandis que le corps’, en s’allongeant , permet à la partie fupérieure , où font les membres & la bouche , de s'ouvrir à la fuperficie. Ayant donc faifi l'inftant où une de ces anémones étoit alongée , il en retrancha fu- bitement , avec de bons cifeaux , toute la partie fupérieure , où font les membres & la bouche. Avec quelle fatisfaétion ne vit-l pas au ‘bout de huit jours fes conje&tures fe réalifer , en obfervant des mem- bres renaiflans ? Le 3 Juillet , lanémone commença à manger des morceaux de moule ; & vers la moitié du même mois , la partie 4 1 . . . , . 0,71 = fupérieure étoit fi bien reproduite , qu'on auroit aifément confondu OCTOBRE 1772, Tome 11, s12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'anémone avec fes voifines , fi elles euffent été en grande quantité dans ie même vafe. La partie qui avoit été retranchée a donné , jufqu'au 17 Juillet , des marques de fenfibilité , fe contraétant & fe dilatant de la même manière que le fait l’anémone ; mais elle étoit beaucoup plus petite qu'avant d’être retranchée. Cette expérience fingulière a été répétée en coupant , le 11 Juillet , toute la partie fupérieure , & un tiers de la longueur du corps d’une anémone de même efpèce. Il reparut de nouveaux mem- bres le 21. Le 3 Août, elle en avoit quatre rangs bien formés , & qui retenoient les corps qu’on leur préfentoit , lorfqu'ils étoient pro- pres à fa nourriture ; la bouche même commençoit à être aflez bien formée , pour que l'animal ait mangé plufeurs fois des morceaux de moule , & peu après , il étoit difficile de s’appercevoir qu’elle eût fouffert quelque altération. Tenté de pouffer la chofe plus loin , M. l'Abbé Dicquemare , le 7 Août , coupa par la moitié du corps une anémone de même ef- pèce. Elle fe comporta d’abord à-peu-près comme les autres quant à fes mouvemens ; mais ce ne fut que vers la fin du mois qu’on ob- ferva de nouveaux membres. Pendant cet intervalle , elle fut dans un état qui laïfloit peu d’efpoir ; enfin , deux rangs de membres paru- rent , & l'animal reprit vigueur. Le 9 Septembre , il y avoit un troifième rang de membres , & la bouche paroïfloit formée ; cepen- dant , elle ne mangeoït ni ne retenoit les morceaux de moules qui lui étoient préfentés. Le 19 , on apperçut un quatrième rang de membres , qui, comme les précédens , fe fortifie de jour en jour ; de manière que dans peu l'animal paroitra ce qu'il étoit auparavant. Le 3 O&obre il a enfin mangé , & la partie retranchée n’avoit péri que le 22 Septembre. Cette efpèce d’anémone de mer a fes variétés de forme, & encore plus, de couleur ; les unes ont les membres d’un beau blanc, d'autres couleur d'ivoire ; il s’en trouve qui les ont cou- leur de chair de melon ; plufeurs font verdâtres , ou d’un beau brun, avec un milieu blanc ; ce qui leur donne un air de fleur d’oreilles- d'ours : d’autres ont les membres gris d’argent café , ou mêlés al- ternativement de blanc & de noir , à-peu-près comme les piquans d’un porc-épic. C’eft principalement fur ces dernières qu'ont été faites les expériences ci-deflus , & à la couleur defquelles la reproduétion n’a rien changé. M. l’Abbé Dicquemare a encore coupé une anémone de cette efpèce , de manière que les deux parties ne tenoient plus l’une à l’autre que par un quart du diamètre du corps de l'animal ; il avoit envie de voir fi la nature ne feroit pas naître des membres au côté coupé de la partie inférieure , comme lorfque la fupérieure en eft totalement féparée ; ou fi la plaie , quoique fort grande , fe con- folideroit. La nature ne s’eft point trompée , malgré la grandeur de lincifion, LR, : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $13 Pincifion , les deux parties fe font rapprochées; & au bout de quel- ques jours , la plaie étoit confolidée ; l'animal n’en a pas même paru fouffrir autant qu’on l’auroit imaginé, Peut-on penfer qu'un animal qui vit en bon état cinq mois ; & peut-être plus , fans prendre d'autre nourriture que celle qu'il trouve difléminée dans l'eau de la mer , foit affez glouton pour avaler en deux heures la valeur de deux.groffes moules qu'on lui préfente par morceaux , & crever d’indigeftion le lendemain , tandis qu'il peut rendre aifément ce qu'il avale ? c’eft ce qui eft arrivé à une anémone de la petite efpèce du fable que nous avons décrite. M. l'Abbé Dicquemare a eflayé de mettre des ané- mones de mer dans de l’eau douce ; toutes celles qui y ont été mi- fes, ont péri prefqu’aufli-tôt , ou n’ont paru avoir qu’un refte de vie languiffante & de courte durée. Ce Phyficien a eu fouvent aufi oc- cafion de remarquer que la grande lumière caufe quelqu’incommodité à ces animaux , ou du moins qu'ils en paroiflent affe@és. Il define d’après nature leurs différentes efpèces , avec leurs variétés ; ces def- fins feront propres , étant gravés avec foin , à orner les Cabinets d'Hift. Natur. &c. où il ne paroït pas poflible de conferver l’animal même après fa mort. Il continue fes obfervations & fes expériences très-capables de piquer la curiofité , & qui ont pour but, 1°. d’aug- menter la fomme de nos connoiflances dans l’économie animale , objet le plus curieux & le plus utile que la Phyfique nous préfente , & auquel l’Auteur s’eft le plus attaché ; 2°. de s'aflurer sl eft vrai que cesanimaux détruifent les cancres & autres cruftacées , les moules, &c. qui fervent à la nourriture de l’homme ; 3°. de favoir s’ils ne pourroient pas devenir eux-mêmes un mets recherché & délicat : dans cette vue, l’Auteur de ces’ découvertes en a fait" donner de bouillis , fans aucun affaïfonnement , à un chat qui en a mangé une vingtaine de petites , avec avidité , fans en paroïître incommodé ; 4°. à nous convaincre que l2 ftruûture des animaux qu’on juge peu dignes d’attention , offre dans les uns , par fa complication , dans les autres , par fa fimplicité , quelque chofe de plus incompréhenfible , que celle des animaux plus grands & plus connus ; 5°. à foutenir notre admiration , en nous fai- fant obferver combien la grandeur de Dieu éclate jufques dans les créa- tures qui femblent , comme celle-ci , deftinées à être foulées aux pieds, ou à n'être apperçues que par hafard, L’Auteur promet de nouvelles recherches , le Public les rece- vra avec efhpreflement ; tout ce qui fort de la plume de ce célè- bre Profefieur , eft sûr de lui plaire. Nous l’invitons à nous les communiquer , de même que les deflins , pour mettre nos Leéteurs à même de mieux connoitre ces animaux finguliers, OCTOoBRE 1772, Tome IT, ALLER 514 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, OBSERVATIONS fur la vraie Rhubarbe de Mofcovie. No S Leëteurs ont été induits en erreur dans ce Volume ; page 413, lorfque nous avons indiqué pour véritable Rhubarbe de Mofcovie , la plante que le Chevalier Von Linné appelle Rheum undulatum , & que M. de Juffieu avoit caraëtérifée par cette phrafe : Rhubarbarum folio oblongo , crifpo , undulato ; flagellis fparfis. Notre erreur étoit commune à prefque tous les Botaniftes ; & nous avouons avec plaifir devoir à M. Buquet , les renfeignemens que nous indiquons. Ils font tirés d’un Manufcrit, qui dans peu fera livré à l’impreffion pour fervir de fuite à fes Elémens fur l’Hifltoire Naturelle. Le Public a vu , avec le plus grand plaifir , fon introdu@ion à l'étude du Règne minéral ; il ne fera pas moins fatisfait de celle du Règne végétal. On ofe dire même , que cette partie fera fupérieure à la première ; qu’elle préfentera une plus grande quantité de vues nouvelles ; en un mot , qu’elle fera digne à tous égards de la répu- tation de l’Auteur. La vraie Rhubarbe de Mofcovie , qu’on cultive & qu’on démontre a@uellement au Jardin du Roi , y eft connue fous la dénomination de Rheurm foliis palmatis | acuminatis. Rheum palmatum. Lin. Son cara@ère fpécifique eft très-facile à faifir ; il fe tire principalement de la forme de fes feuilles ; elles font un peu raboteufes , fort longues , dé- coupées par des dentelures oblongues & aiguës , qui ne fe trouvent pas dans les autres efpèces de Rhubarbe. Avant le parfait dévelop. pement de ces feuilles, on les trouve roulées en deflous ; de manière que chacun des côtés fe rapproche vers la nervure qui les fépare , ainfi que cela s’obferve dans la patience , l’ofeille , & quelques au- tres plantes , dont les fleurs font à étamines. M. Linné obferve encore un caraétère aflez fesfible pour celui qui examine cette plante , quand elle commence à poufler. Les bourgeons ont an printems une cou- leur jaune , & non pas rouge , comme ceux des autres Rhubarbes. Les expériences multipliées ont confirmé les vertus de la Rhubarbe, dont il a été fait mention ci-devant , page 416 ; elle n'en jouira pas moins à l’avemr , quoiqu’elle foit différente du Rheum palmaturm. Nous avouons nos erreurs, & nous les avouerons toutes les fois qu’on aura la bonté de nous 125 indiquer. Nous le demandons même avec inf- tance à nos Lelteurs. Chaque jour on nous adrefle des critiques amères pour inférer dans ce Recueil , & leurs Auteurs gardent l’anonyme. Ils ont. raifon, fans doute , de ne pas fe faire connoître 3 mais peuvent-ils penfer que nous SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. gts nous chargerons de leur iniquité , uniquement pour avoir le plaifir de déchirer. .Cette manière eft trop éloignée de notre façon de penfer , pour qu’elle foit adoptée ; & nous invitons MM. les Anonymes , de ne plus envoyer de pareils écrits. Nous n’imprimerons jamais que ce qui fera figné , & dont nous pourrons citer les Auteurs. OBSERVATION fur l'aiguille aimantée d’un Graphomètre. M. Dulac , Profeffeur d'Hydrographie à Rouen , & M.leChevalier d’Angos , ont eu occafion d’obferver un Graphomètre , fait à Paris par le fieur Canivet , dont l'aiguille aimantée tournoit avec linftrument , & fe fixoit indifféremment fur un point ou fur un autre. Ils firent aimanter cette aiguille plufieurs fois , elle produifit toujours le même phénomène , en lui préfentant un barreau aimanté ; en le retirant , l'aiguille reftoit au point où on l’amenoit , & on la fixoit même à douze degrés de fa véritable fituation. M. le Chevalier d'Angos avoit lu que laimant attire la limaille de zinc , qui entre dans la compofition du cuivre jaune : il prit fon compas de proportion; & le préfentant de très-près à l’aiguille de la bouflole , il vit que cette aiguille fuivoit les mouvemens du compas : il prit enfuite du cuivre Jaune plus matériel , 1l amena l’aiguille jufqu’à faire un tour entier. [l paroît donc qu’il y a des cas où le zinc contient beaucoup de fer , & forme un cuivre jaune , peu propre à fervir à des boëtes de boufloles. On devroit donc , ou abandonner l’ufage du cuivre , ou eflayer chaque fois celui dont on voudra fe fervir. L'Académie a reçu , depuis quelques tems , plufieurs obfervations femblables ; & il paroït qu'on s'eft apperçu en Angleterre du même fait , car on n’y conftruit prefque plus de bouflole en cuivre. OBSERVATION fur Les effets des Pérales coupés aux fleurs d'un Poirier. M. Muftel , Chevalier de l'Ordre Militaire de Saint-Louis , ayant deux années de fuite coupé les pétales des fleurs de poirier , a obfervé que les fruits réuffifloient mieux ;, que lorfqu'on les confervoit ; mais qu'il falloit prendre garde de couper les éta- mines : desforte , qu'en 1772 , année où les poiriers ont eu peu de fruits , une partie de ceux aux fleurs de qui on avoit coupé les pétales , s’eft trouvée chargée de beaux fruits. Cette expérience de- mande à être fuivie. OBSERV ATION fur une Canne fauvage. a M. Fougeroux de Bandaroy rapporte qu’on a nourri à Denainvil- liers une jeune Canne fauvage , en prenant les précautions de lui couper les plumes d’une aîle , pour l'empêcher de quitter la bafle- OcTO8RE 1772, Tome IL, Teti) 516 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; - cour où lon en prenoit foin, Cette Canne , après plufieurs années ; ayant été fervie par des Canards mâles & domeftiques ; a donné de beaux Canards ; elle en a élevé encore plufeurs cette année. Si on s’étoit afluré que ces oifeaux fuflent en état de reproduire leurs femblables , on décideroit que le Canard domeftique & l’efpèce fau- vage , ne font qu'une même efpèce qui fe reproduit. Voici une obfervation , dit M. Fougeroux ; que le hafard m'a pro- curée , & qui feroit peut-être long-tems fans fe répéter , ou au moins ignorée. Je crois devoir en faire part à l'Académie. J'envoyai , il y a trois ans , chez moi un Canard mâle & une fe- melle de l’efpèce que l’on nomme Canne de Barbarie. 4as ver/celor , capite papillofo… Anas Mofchata. ORNI. Tom. VE GEN- 107. SP. 3- La Fermière dont je fuis voifin , croyant que ce mâle qui paroïfloit vigoureux , pouvoit fufire à cette Canne , & à tontes celles d’ef- pèce domeftique , qui compofoient fa bafle-cour , tua tous les Canards mâles domeftiques. Le Canard de Barbarie fervit fa femelle dont il eut plufieurs petits, & auffi plufieurs Cannes domeftiques. Un feul œuf des Cannes domeftiques de la Fermière , eft venu à bien; & 1l en eft éclos un Canard du plus beau/plumage , à-peu-près de la groffeur des Canards de Barbarie , & leur reffemblant beaucoup. Depuis près de trois ans qu'il exifte , il n’a donné aucun figne de fon fexe : ce- pendant , comme il accompagnoit affez affiduement la femelle de Bar- barie , je n’ai point donné de mâle à celle-ci qui avoit perdu le fien , dans la vue d’exciter le métif à procréer fon efpèce,, s'il n’étoit pas mulet ; mais cette femelle n'ayant point été couverte , & l'animal nouveau n'ayant point eu de progéniture avec aucune autre femelle , il paroît donc que l’oifeau venu d’un Canard de Barbarie , & d’une Canne domeftique , eft un-véritable mulet , qui ne peut procréer fon femblable, En parlant de ce fait à un de mes frères, qui a pañfé quelque tems dans la baffle Navarre , continue cet Académicien , il m'a dit que ce moyen y étoit employé pour obtenir de bonnes efpèces de Canards , deflinés pour les tables , mais qu’on favoit ne pouvoir fe régénérers de mt as de he ti SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. -$17 " TRAITÉ des Pétrificarions , par M. J. GESNER , Doëleur en Médecine , & Proféffeur de Phyfique & de Mathématiques, RRRAEMOIPEURTE DEMANREPMRES Des différences des Pétrifications | & de leurs diverfes orisines. CHAPITRE PREMIER Fu RM1 les produétions de la nature qui attirent & excitent l’at- -tention des Naturaliftes , les diverfes pétrifications qu’on rencontre à chaque pas fur la furface de la terre &c dans fon fein , méritent fans contredit, le premier rang. La connoiffance exacte de ces corps nous ft d’un très-grand fecours pour lintelligence de la Géographie- Phyfique de la terre , & des divers changemens qui lui font arrivés, Elle jette un grand jour fur l’'hiftoire des végétaux & des animaux ; elle nous enfeigne les véritables ufages méchaniques , & les vertus médicinales de ces corps. Ces pétrifications font l’ornement des Ca- binets , & nous portent à admirer , avec fatisfaétion , la toute-puif- fance du Créateur de l'Univers. Ce fut toujours-là le but des Auteurs -qui ont traité cette matière : mais il n’eft aucune partie de l’hiftoire naturelle fur laquelle les Ecrivains foient fi peu d’accord, que fur l’o- rigine & la formation des pétrifications ; c’eft ce qui m'a déterminé à faire des recherches plus exates fur cette matière. Je me flatte de démontrer , par des raifons affez folides , que la caufe de ces pierres varie beaucoup ; & que loin de devoir leur origine à un feul chan- gement , fuivant l’hypothèfe de certains Auteurs , elles ont été pro- duites en divers tems & en divers lieux. CHA PONT RE IE On appelle pétrifications les corps des différens végétaux .ou des animaux métamorphofés en fubftances foffiles. Ce nom leur vient de ce que la plus grande partie eft changée en pierres ou en fubftance pierreufe. C’eft pourquoi on les nomme aufli pierres figurées | pierres idiomorphes , ou pierres du déluge , à caufe de l'opinion qui fait remonter leur origine au Déluge univerfel. Le célèbre Hill les appelle foffles étrangers ou fortuirs, parce que ces corps étrangers, cachés dans de la boue ou de la terre , fe font métamorphofés en diverfes fubftances fofliles. CHAPITRE III. Ces corps ne font pas pierreux par-tout , on en trouve de différens ;, fuivant leur matière & les divers changemens qu'ils ont éprouvés dans la terre. NOvEMBRE 1772, Tome II. 518 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; On én voit dont la fubftance eft entièrement pierreufe , ce font les pétrifications proprement dites. Elles font ou calcaires sroflières , ou calcaires fufceptibles de poll comme les marbres ; ou bien ce font des rochers , formés des débris de diverfes pierres , comme les marnes & les craies durcies; les filex groffiers ou tranfparens , comme les agathes ; la pierre tophacée , & la pierre calcaire ou vitreufe. On en trouve qui font minéralifées ; Wallerius les appelle corps minéralifés. On trouve très-fouvent des pétrifications dans les mines de fer ; de même que dans les pyrites de fer ou de cuivre. Il eft très-rare d'en voir qui foient combinées avec des métaux plus pré- cieux. Elles font aflez communes dans la mine de cuivre de Fran- kerberg , qui contient quelque peu d’argent. On trouve aufli des poiffons ancruftés dans les fchiftes noirs qui accompagnent les mines de cuivre & d'argent. Ils paroïffent couverts d’écailles de ces mêmes métaux. On en voit les figures gravées avec leurs couleurs natu- relles | dans l’'Ouvrage intitulé , Thefaurus Perrificatorum , publié à Nuremberg en 1749. M. l’Abbé Revillas , de l’Académie des Arcades de Rome , dans un Cours fur les pétrificarions , parle de teftacées pétrifiées , ornées de petites raies dorées , qui paroïflent avoir été appliquées par un doreur. On trouve aflez fouvent des feuilles pé- trifiées dans les fchiftes alumineux de Bohème. On rencontre des plantes & des troncs d’arbres dans les Salines de Wielicza , & de Bochn en Pologne. On voit dans les mines de charbons fofliles , des jones, des fougères , des racines , & des fruits transformés en fubf- tances bitumineufes. Les fuccins renferment des infeétes de toute efpèce, des mouches , des feuilles , des fruits , &c. Le riche Ca- binet du Roi à Drefde , en offre des échantillons précieux. Parmi ces foffiles , les uns confervent leur première fubftance très- peu changée, & portent même des reftes de leur couleur naturelle ; telles font les pétoncles & les volutes qu'on m'a envoyés de Tof- cane, J'ai trouvé des coquilles femblables dans les rochers de Ber- lingue & de Turgaw. On rencontre pour l'ordinaire les teftacées calcinées , à moins qu’elles ne foient pétrifiées ou incruftées de mine de fer. Ces fubftances calcaires font quelquefois enveloppées d’une fi grande quantité de terre créracée , qu’elles peuvent fervir d'engrais aux campagnes. On rencontre rarement des incruftations quartzeufes'; j'en ai une dans mon Cabinet, qui m’a été apportée de l’Ifle de Chypre. Elle reffemble à un ouvrage de fucre très blanc, On voit plus commu- nément des troncs d’arbres qui n’ont éprouvé d’autre changement que de s'être un peu plus durcis. T'el eft le pin foffile qui fe trouve en Angle- terre, au rapport du Doëteur Sloane. On en rencontre fouvent en Suifle dans les tourbières, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. s$sr9 Léibnitz fait mention d’un chêne trouvé avéc fes branches & fes racines dans un fouterrain de 150 brafles de profondeur , dans la vallée de Joacim. C. Gefner parle aufli d’un hêtre tiré d’une mine de 70 brafles de profondeur , dans le même canton. Il ne refte fouvent que quelques veftiges de la première fubftance , & cela , lorfque l'animal ou le végétal ont imprimé leur forme fur la fubftance foffile. On nomme ces pétrifications typolithes , ou matrices de pierres figurées. Ces empreintes ont des reliefs correfpondans ; ce font , pour l'ordinaire, des parties convexes qui repréfentent le corps pétrifié ou minéralifé ; ou fouvent, c’eft la cavité de la fubftance tef- tacée même , remplie de fubftance quartzeufe ou cryftallifée. D’autres fois, le corps teflacé manque abfolument; alors , la pierre qui eft incorporée dans la matrice pierreufe , ne répond pas exaéte- ment à la furface de cette matrice , mais laiffe un interflice vuide, Cet interftice rempli de plomb fondu , imprime exaétement au métal Ja figure du corps teflacé ; ce qui prouve que le vrai teflacé a été diflous par quelque fel âcre , ou bien réduit en pouflère ; de ma- nière qu'il n’en elt refté que les veftiges & le noyau qui remplifloit fa cavité. C’eft pourquoi , on a donné à ces fortes de pierres le nom de noyaux. Luid les appelle pétrifications dépouillées. On en trouve une très-grande quantité à [fly près Paris , à Portland en Angleterre, & dans diverfes mines du Portugal & de la Catalogne. Brein , dans le favant Traité qu'il a donné fur les ourfins à la fuite de fa Differtation fur les polythalames , diftingue les ourfins foffiles de leurs noyaux. Il appelle ceux-ci echinites, fchediafima de echinis | & le teflacé, echines- marino terreftres, G°H AUP IT TRACE! EC Ve Les gruptolites diffèrent des pétrifications. Ce font des foffiles qui ont fimplement une apparence de pierres figurées , naturelles ou arti- ficielles , fur lefquelles on croit appercevoir toutes fortes de figures chimériques , effets de notre imagination. La variété des couleurs , des veines ou des raies dans les marbres , les jafpes ou les agathes, font la fource de ces refflemblances apparentes , foit avec des ruines de bâtimens , comme le marbre de Florence , marmor ruderatum ; tantôt avec des lieux plantés d’arbrifleaux , ou des forêts, comme les dendrires , que l’art eft parvenu à imiter parfaitement , par le moyen des fucs vitrioliques qui précipitert les parties métalliques diffoutes. Je contrefais moi-même des dendrites fur le marbre ou fur le papier , par le fecours d'une folution d’argent dans l’eau-forte , en appliquant enfuite un morceau defer , de cuivre , de zinc , & de bifmuth , felon la méthode inventée par M. de la Condamine. Les brontias , les ceraunites , vulgairement appellées pierres de WNoremMBrE 1772, Tome 11. \ s20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tonnerre , ne doivent pas être placées au rang des pétrifications 3 2 car , ou ce font des pierres radiées , comine les belemnites , les cryftaux & les pyrites radiés dans leur centre , ou des pierres qu’on a cru être tombées du ciel, à caufe de l’obfcurité de leur origine ; tels font les échinites , les cafques, & les difcoïdes ; ou bien enfin des inftrumens ou des uftenfiles faits par les hgmmes de l'antiquité , comme des marteaux , des pointes de flèches , 8 des couteaux de pierres , laïffés dans les bois. Tout ce qu’on lit dans les Auteurs fur ces prétendues pierres de tonnerre , eft très-fufpeët , & ne mérite aucune croyance. CHAPITRE CV. Les pétrifications n’ont pas feulement de la reflemblance avec des corps animaux Ou végétaux ; on trouve encore des animaux & des végétaux entiers, ou quelques-unes de leurs parties, métamorphofées en la fubftance des pierres ou des mines. On en a plufeurs preuves inconteftables , & entr'autres ,- la ftruéture interne de ces corps. Dans les morceaux de bois pétrifiés ou minéralifés , il eft très-aifé de reconnoître la nature du bois ; on peut très-facilement diftinguer écorce , le bois , la moëlle , les fibres & les utricules. - Le Doëteur Spada, favant Naturalifte de Véronne, fait mention d’un tronc d’arbre rempli de teftacées de toute efpèce , & de-poiflons fof files ; une partie de ce tronc étoit encore tellement ligneufe qu’on la coupoit avec un couteau , tandis que l’autre étoit tout-à-fait pier- reufe. Les feuilles pétrifiées confervent ordinairement leur figure. On diftingue très-aifément leurs bords , leurs finus , leurs angles , toutes leurs nervures ; & j'en ai même dans mon Cabinet fur lefquelles on voit jufqu’au tiflu des fibres. On apperçoit quelquefois fur les fougères, les principes de fru@ification qui fe montrent au-deflous des feuiiles. Dans les poiffons , on diftingue leur forme , les arêtes , les vertèbres, les écailles & leurs fibres , les chairs , le cryftallin des yeux , les offelets des nageoires & de la queue, ainfi que des membranes qui couvrent les ouies ; on pourroit même les compter. Enfin , on peut obferver dans les teftacées & les cruftacées fofliles | tout ce qu'on remarque fur ces corps lorfquls font encore vivans. Ils confervent fouvent jufqu’à des nuances de leurs couleurs primitives 3 on y dif- tingue toutes les parties , les cloïfons, les vulves , les articulations , les ftries , les éminences , les finus , les conduits , & les attaches des principaux mufcles de animal qui les habitoit. Dans les ourfins, on diftingue la figure du teftacée , la bouche , Panus , les verrues , les colures , les bandes , les points , les rayons ou piquans:, les dents , & divers offelets. On découvre les mêmes chofes dans divers infettes. Jai dans mon Cabinet, un crabe & une fquille incruftés dans un fchifte calcaire »7 % à se 4 Pol CRCEr, 7 SUR L'HIST. NATURELLE ET LÉS ARTS. ÿ21 calcaire blanc , fur lefquels je vois très-diftintement , non-feulement . toutes leurs. parties , mais même leur ftruure granuleufe. J'ai vu fou vent dans des fchiftes d'Œninge , de petits infeêtes, comme des mou- ches , des libellules & des fcarabées , dont on diftinguoit parfaitement la forme & toutes les parties , comme les aîles , les antennes ; les yeux, & même tous les anneaux de leurs corps. On trouve dans des pièces de fuccin de femblables infeétes , dont toutes les parties font fi bien confervées , qu'ils femblent nager dans une liqueur tranfparente. On rencontre quelquefois dans les entrailles de la terre , des lithophites marins, fi bien confervés , qu’on ne les diftingue de ceux delamer, que par les lieux d’où on les retire. On trouve dans les bancs de Gothland des coraux rouges , qui n’ont rien perdu de leur couleur ; en Italie & en France , ils font ordinairement calcinés; en Suifle , ils font pétrifiés & couverts d’une fubftance pierreufe très-groffière. Enfin, ce qui confirme l’extraétion animale des teflacées fofliles , c’eft qu’on les voit attaqués des mêmes maladies qui affe@tent leurs congenères vivans. On les trouve effe@tivement vermoulus , corrodés & exténués , induits de couches de débris terreux , ou d’autres corps. Ils font fouvent adhérens à des tuyaux de ver , de balanites , d’af- tréites , &c.; bien plus , on a trouvé des morceaux de bois pétrifiés , percés par la teigne navale. Carr APS TR, Es VIe L’analyfe chymique & la combinaïfon des parties de pétrifications , font encore de nouvelles preuves qui confirment leur extraétion. On en trouve beaucoup dans la terre , ou dans la marne calcaire , ou dans les pierres calcaires , plus encore dans le marbre. On découvre dans toutes ces pierres des principes alkalins très-fenfibles ; ce qui prouve que le fel alkali des animaux ou des plantes , fe dégageant de leurs corps pétrifiés , a pénétré la terre ambiante , tandis que ces corps fe pétrifioient. Cela paroît encore plus clairement par l'odeur urineufe , femblable à celle de la corne brûlée , qui s’exhale de certaines pierres qui revêtent ces foffiles , comme les fchiftes de poiflons & autres , lorfqu’on brife ces corps. Les pointes d'ourfins pétrifiées , autrement dites pierres de Judée ou Syrénaiques , fournif- fent par la diftillation , au rapport de P. Chr. Wagner , une grande quantité de fel alkali fixe , fort peu de volatil , un peu d'eau , & beaucoup de terre calcaire. Trois onces de ces pierres réduites en poudre , & diflillées dans une retorte à feu ouvert , donnèrent une demi-dragme d’efprit jaunâtre , faifant une légère efervefcence avec l’eau-forte. Cet efprit étoit un peu falé , & d’une odeur empyreumatique , tel que l’efprit volatil de corne de cerf , ou ce quelqw'autre animal, diftillé à feu ouvert, Il s’attacha à la partie fupés NovEMBRE 1772, Tome II. Vvyv ç22 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, :eure du col de la retorte , un peu de matière blanche très-fine , d'une odeur & d’un goût femblable à celle du fel volatil. Le capur mortuum étoit gris. Mêlé avec l’eau-forte, il fit une très forte effer- vefcence , jufqu'à échauffer le verre ; il s'en exhala pendant l’effer- vefcence une grande fumée acide. D'après cette analyfe , le même Auteur détermine exaftement les vertus abforbantes & diurétiques de ces corps. Le célèbre J. Sam. Carl. a foumis les os foffiles , les belemnites , & pluñeurs autres fubftances de la même nature , à diverfes expériences , qui confirment l’origine animale de ces corps. 1°. Si on les expofe à l’a&ion d’un feu fermé , ils noirciflent & fe réduifent en charbons. A un feu ouvert , ils blanchiflent , perdent de leur poids , & deviennent friables. 2°. Expofés à un feu ouvert fur des chatbons , ou bien dans une retorte à feu couvert , ils exhalent des vapeurs épaifles , blanches , fétides , en un mot , femblables à celles des cornes de cerf ; donnent une huile empyreumatique , urineufe , volatile & fétide ; enfin , elles fourniflent un peu de fel volatil , fec , cryflallifé, qui s'attache aux parois du récipient. Une livre de ces os a donné deux onces d’efprit urineux , une dragme d'huile empyreumatique , & quelques grains de fel volatil fec. 3°. Ces fubftances fofliles , mêlées avec du nitre , & jettées dans un creufet rouoi , s’enflamment , fe calcinent , blanchiffent , & changent le nitre en fel alkali lixiviel. 4°. Mêlés avec un fel moyen , dans lequel Vacide vitriolique domine un peu , ils produifent un foie de foufre. I$°. Hs rédufent les chaux de métaux. Si on mêle fix parties de litharge avec une partie de ces os , on fera du plomb. 6°. Si on les calcine , & qu'on les expofe enfuite à l'air , on en retire un fel lixiviel par la lotion. 7°. Mêlés avec de la fritte , ils donnent un verre laiteux. Tout cela prouve démonftrativement que ces os foffiles font du règne animal, La marne qui les entoure , abforbe toute la fubftance huileufe, dont iis font imbibés dans l'état naturel ; d’où réfulte leur calcination. Cette couche les garantit de la corruption , en les mettant à couvert de l'humidité. Il faut pourtant avouer qu’on ne trouve pas la même quantité de fel alkali, ni d’huile volatile , dans toutes les pétrifications. Les produits ont fouvent varié , fur-tout , lorfqu’on analyfe celles qui étoient incruftées dans les rochers fablonneux , ou couvertes d’une couche de fable , que l’eau verfée en abondance enlève affez facilement. Le célèbre Camerarius n’a en effet obtenu qu’une très-petite quantité de matière alkaline par lanalyfe des gloflopètres. CHAPITRE VÈTIE Il fera maintenant plus facile de divifer les pétrifications en clafles ; genres , efpèces & variétés. Les différences effentielles du corps dont on citera l'exemple , feront la bafe de cette divifion primitive ; les Væ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $23 autres différences innombrables qu’on trouve dans les Defcriptions des Auteurs, comme les divers changemens , la variété des couleurs , caufés par la différence des lieux où on les trouve , ou bien par des caufes étrangères , conftitueront les variétés ; je ne puis me difpenfer de rapporter les principales , parce qu’elles contribuent beaucoup à éclaircir l'origine de ces corps. Les pétrifications repréfentent des végétaux ou des animaux en entier, ou bien fimplement quelques-unes de leurs parties ; cette diffé- rence donne lieu à deux claffes principales: l’une comprend les pétri- fications végétales, l’autre les animales. La première renferme les phy- tolithes, & la feconde les zoolithes, Chaque claffe fe fubdivife en plu- fieurs ordres , claffes, genres & efpèces; j'en donnerai ici une légère idée, pour faciliter aux perfonnes qui entrent dans la carrière de la Lithologie , la connoïflance de ces pierres. CRHASP LTÉERSES VV TIC. Les phytolithes que Luid appelle lithophites, font les végétaux pétrifiés. Le célèbre Scheuchzer en a fait une riche colle&ion, dont il a donné la defcription dans fon Ouvrage intitulé, Merbarium Dilu- vianum ; il a enfuite rangé ces corps, fuivant la méthode de Tourne- fort, dans l'Orittographie de la Suifle, & dans une nouvelle édition de l’Herbier du Déluge. 1°. Les phytolithes contiennent toute la plante en entier, & ce font les phytolithes proprement dits. On en trouve le plus grand nombre dans des fchiftes charbonnetx, ou dans la marne; ce font principalement des fougères, des queues de cheval, des rofeaux & des joncs. C'eft à ce genre qu'on doit rapporter les épiphilofpermes, les fougères, les lithoptérides , les lithofmundes , les phillitides & les trichomanes de Luid. 2°. On nomme rhizolithes les racines des plantes ou des arbres pétri- fiées. De ce genre font les pétrifications rameufes, calcaires, fablonneufes & argilleufes, des racines pourries dans le fein de la terre, On les appelle oftéoétolles & ftéléchites. Helving & le célèbre Gledifch en ont parfaite. ment démontré l’origine. 3°. Les troncs d’arbres ou de plantes pétrifiés , conftituent le genre des lithoxiles ou lithoculames. Ce genre comprend tous les bois con- vertis en marbre, agathes, ou rochers ; l’arrangement de leurs fibres défigne bien clairement l’aune, le hêtre & le chêne , dans le clétrite, le phégite & le dryite. Il renferme encore tous les bois fouterrains convertis en charbons , ou imprégnés de bitume, de fuc falin alumi- peux, muriatique ou vitriolique ; les bois changés en pyrites ou en mines de fer ; enfin, tous les troncs d’arbres trouvés dans les tourbières, dans les fchiftes charbonneux, & dans les charbans fofiles. On doit NovemBgrE 1772, Tome IL, Vvvil 524 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rapporter à ce genre le neurephille charbonneux, la ftriatule , & le Ivthophille d’un noir brillant, ou corrafcutulle de Luid. 4°. Le quatrième genre comprend les feuilles pétrifiées. On les nom= me phitobibles , ou lithophites, On en trouve une grande quantité de toute efpèce, dans des chiftes calcaires, alumineux, charbonneux, mar- neux ; dans le chifte vitrefcent ,ou l’ardoife ; dans les rochers fablon- neux , & les pierres tophacées, 5°. Le cinquième renferme les parties de la fru&ification, c’eft-à- dire ; les fleurs & les fruits. On les nomme carpolites. On en trouve rarement dans les pierres , mais plus fouvent dans les mines de char- bons & dans les tourbières, Ce font, fur-tout , des pommes de pin ou de fapin, des glands de chêne, des noifettes tenant encore aux branches. M. de Juffieu a rencontré dans des mines de charbon à Saint-Chaumont près Lyon , le fruit du z'&anthes arbor triflis, Indie oriens. On a trouvé dans des puits falans, de Lons-le-Saunier en Bourgogne, de cent quatre-vingts pieds de profondeur, abandonnés depuis cent cinquante ans , des noix pétrifiées, changées en noyaux pierreux, couverts d’une croûte teftacée, On rencontre très-fouvent des épis & des fruits à écailles, dans la mine d’argent qu’on exploite auprès de Frankemberg dans la Hefle. Scheuchzer fait mention dans fes Ouvrages, d’un épi d'orge incrufté dans une ardoife de Glaris. On doit ranger dans la clafle des carpolithes, la malléatule, les lépidotes, le lythoglofe, & la prunel- lière de Luid; les pifolithes, les phafcolithes, les amigdalithes, & plufieurs autres efpèces de prétendus carpolithes, dont les Naturaliftes font mention , ne doivent pas être admis dans ce genre. Ce ne font autre chofe que des globules de marne, ou des fragmens auxquels le frottement ou les eaux ont donné une forme régulière, & qui font renfermés dans une couche de pierre ou de marne, d’une couleur différente; c’eft ainfi que la terre rouge ou verte de zinc, contient des globules de marne blanche, qui reflemblent à des grains d’ers ou de pois. GRUA RP AUTRE NME Avant de pafer des phytolithes aux zoolithes où animaux pétrifiés, qu'il me foit permis de m’arrêter un moment aux pétrifications des coraux, qui tiennent, pour ainf dire, le milieu entre les animaux, les plantes & les pierres, puifque les Naturaliftes ont rapporté ces produétions de la mer, fuccefhvement à tous les genres. À l’afpe@& de leurs ramifications pierreufes, on les a prifes d’abord pour des pierres végétantes, ou végétaux pierreux, dont la formation & l’accroifle- ment étoient inconnus; le Comte de Marfigii ayant découvert, par fes obfervations, des corpufcules en forme de fleurs oétopétales, fortant des globules dont l'écorce des coraux eft couverte, n’a pas héfité de SUR L'HIST. NATURELLE,ET LES ARTS. 525 les ranger dans la ciafle des végétaux ; munis de fleurs oëtopétales, doù il naifloit un fruit globuleux , fecondé par un fuc âcre & laiteux. Cette opinion fut, pendant quelque tems, généralement adoptée; mais des oblervations plus exaétes démontrèrent dans la fuite que ces corpuf- cules, que le Comte de Marfgli avoit pris pour des fleurs , étoient réellement des animaux du genre des vers cylindriques, ou orbicu- laires, fortement attachés à l'écorce du corail, ou aux orifices des lythophites. Ils font pourvus d'organes mobiles & propres à chercher ou à faifir leur proie, & bâtiflent eux-mêmes leur logement. On doit donc les rapporter à ce genre d’animaux, nommés polypes , décou- verts par Trembley , & fi renommés à caufe de la fingulière pro- priété qu'ils ont de fe reproduire d’eux-mêmes, ou de renaitre de leurs propres parties coupéés par petits morceaux. C’eft à MM. Bernard, de Juffieu & Peiflonel que nous fommes redevables des découvertes par lefquelles ils prouvent que les coraux font de vrais animaux. Vitaliano Donati, Profeffeur de Botanique à Turin , a depuis peu confirmé ces obfervations, & les a miles dans le plus grand jour, dans fon excellent Eñai fur l’'Hiftoire naturelle de la Mer Adriatique.Il y a prouvé démonf- trativement que la nature pañle par des degrés infenfibles des plantes marines aux zoophites, ou plant-animaux charnus, ou carnofo-offeux & immobiles , comme les éponges, ou doués d’un mouvement animé’, aux tethis, aux coraux qu'il appelle polypores ou lythophites; & enfin, aux animaux de toute efpèce. M. Hugues, dans fon Hiftoire naturelle des Barbades , appuie la même opinion par l'exemple du fameux polype à quinze jambes, qu'il décrit fous le nom d’animal fleurifant (p/anr- flower); Ferrant Imperati avoit déja foupçonné cette génération des lychophites, dès la fin du feizième fiècle, Il a décrit, de la manière fuivante , cette efpèce de pore, qu'il nomme famille de madrepote rameux étoilé. Ces fortes de plantes croiffent continuellement ; la partie ancienne fe durcit & fe change en fubflance coralline ; il en naït une nou- velle, qui fe mêle avec les excrémens du pore & [a propre fubflance € fe durcit comme la précédente. D'ailleurs, le tubulite n’efl autre chofe que le logement d'une concrétion animale. Le Docteur Saw a obfervé, dans fon Voyage d'Orient , ces polypes dans les madrepores de la mer rouge; il les a décrit & definé rameux & ferrés , il les a regardé comme les racines de madrepores qu'il défigne par ces phrafes: Madrepora maxima arborea. TOURNEFORT , ou porus magnus. J. B. Voici fes propres termes: « Lorfque l’on examine ces racines avec attention, pendant que la madrepore eft fous l’eau, on peut remarquer qu’elles remüernt en flot- L P ; q tant, comme les filets de la menthe , que l'on garde dans des bou- teilles , ou comme les bouches de l'étoile de mer , & du petit polype : mais au même inftant qu'on les expofe à l’air, elles deviennent invi- NovemMerE 1772, Tome 11. 526 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fibles , par la propriété qu’elles ont de fe contracter & de fe retirer dans les rayons de leurs aftériques ». Ces fubftances marines, ces polypores ou lythophites, fuivant M. Donati, font des fubftances folides, blanches & marbreufes, qui fe calcinent au feu ; elles font couvertes d’une écorce molle, comme le corail rouge, ou bien de fubftances membraneufes, élevées en tiges cy- lindriques & poreufes ; leurs pores font ou grands & étoilés , comme ceux de la madrepore, ou petits & tubulés, comme ceux de la millepore & de la tubulite. Ce font quelquefois des fubftances calcaires élevées en tiges membraneufes, comme la retepofite; ou bien des mêmes fubftances calcaires membraneufes , fans tiges comme fes pores; ou des fubftances en partie calcaires, & en partie cornées & noueufes, comme les corallines; enfin ,il y en a de charnues comme le far- codendre & la main de mer. GET ANPET ITÈR EUX On trouve encore ces corps en abondance dans les entrailles de la terre. Ils conftituent la clafle des corallites, des coraux, des lytho- phites pétrifiés, l’helmintholite des lythophites. On en voit des couches très-épaifles de plufeurs lieues d’étendue , dans les Ifles d'Oeland, de Gothland, & fur toute cette côte. On en rencontre même dans les lieux très-éloignés de la mer. En France & aux environs de Paris , ces fuftances font pour ainfi dire la bafe des pierres & des marbres qu’on retire des carrières pour les édifices ; elles font très-abondantes dans la Suède feptentrionale près de Giengen, & dans la Pruffe au voifi- nage d’Angerbourg ; elles ne font pas plus rares dans la Suiffe, fur- tout dans le Comté de Neufchatel, le Canton de Bafle, & les Monts #eger & Rund. Voici les genres primitifs des foffiles. I. Le corallite folide, cylindrique & rameux , ou le corail rouge foffile, plus ou moins altéré. I. Corallites lythophites tubulés , à cavités radiées, où madrepores. III. Corallites lythophites tubulés, à cavités fimples. . 1 V. Corallites kérathophites, branchus & rétiformés. Waller. Spe&. re corallites renferment plufieurs efpèces de madrepores & de millepores, que les Auteurs ont décrites fous différens noms; je rap- porterai ici les principales avec les noms fpécifiques, que M. le Che- valier de Von Linné leur a donnés. 1. La madrepore fimple, d’un feul corps étoilé en forme de poire ; que les Auteurs nomment corailo-fungites lumelle , fungite & alcyons pointus. Elle eft quelquefois cylindrique, d’autres fois applatie, & fouvent recourbée ; on la nomme auf cératoide, où céralite, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 527 2. La madrepore fimple circulaire , à bafe applatie. Elle eft tantôt concave & tantôt convexe à fa partie fupérieure. C’eft à cette efpèce qu’appar- tiennent le champignon nilorique pétrifié, & la porpite munifcule; mais non la pierre munifmale ou lenticulaire, ainfi que quelques Auteurs le prétendent. 3+ La madrepore fimple cylindrique. Les columelles pierreux , les hypu- rites, les racines d’acorus & de brioine pétrifiées. 4. La mädrepore fimple branchue, & rameaux cylindriques & cannelés, Le jonc pétrifié foffile, le corail fileneux. 5. La madrepore fimple branchue, à rameaux cylindriques minces, ou corail blanc oœillé foffile. 6. La madrepore compofte de tuyaux diflinéts, fimples & prolifères, Les hypurites, les calices corallins, les champignons à forme de coupe, & le lapis érucéforain de Sckeuchzer. 7. La madrepore compofée de tuyaux cylindriques, parallèles & diflinés. Cette efpèce fournit le plus fouvent les aftroites, quand les interftices des tuyaux font remplis d’une fubftance pierreufe, Voyez le Traité des Pétrifications , tom. 10, p. 47. 8. La mädrepore compote de tuyaux convexes ou circulaires. Voyez Curiof, Nat. de Bafle. P. V. o. 9. La madrepore compofée de cylindres réunis par des cloifons. Linn. Amon, n. 1, fig. VI, & n.1. 10. La madrepore compofée de côtés réunis, ou jointe par des étoiles circulaires. Ces divers aftroites , le champignon corallin aftroitique , larachnéolite & le lythoftroce étoilé, font renfermés dans cette efpèce. Les feétions longitudinales & obliques de cette madrepore, fourniflent les cométites & les draconites. 11. La madrepore compofée d'étoiles, pour l'ordinaire exagones. Le lithof- troce ou balfate cannelé & étoilé de Luid. Pl.23 , Ep. s. 12. La madrepore compofëe labyrintiforme ou ondée, & pour lordinaire hémifphérique. Le champignon énuphaloide pierreux, l’'aftroite ondé , le cymatite & l’érotyce, appartiennent à cette efpèce. 1. La millepore fimple en pointe. Les divers alcyons, les ficoïdes, le corallo-fungite en forme de poire , & la gromelaire fpongieufe. 2. La millepore fimple difcoide. L’alcyon bas, l’odoupètre bicéti- forme. 3. La millepore branchue , à rameaux vagues. Faux corail foffile. 4. La millepore branchue , à rameaux divifès en deux, Le plus petit pore branchu. + La millepore à rameaux vagues & courts, avec des points en forme de gouttières. 6. La millepore à rameaux vagues, avee des points faillans | des tuber- NovEMsRE 1772, Tome IL, 528 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cules, Le champignon pierreux, abrotanoïde, la millepore tuberculeufe, & peut-être la radiatule de Luid, 7- La millepore plate, compofee de lames pofées les unes fur Les autres. Corallo-fungite en forme d’agaric branchu. Luid. 8. La millepore plate, à pores crénelés & éloignés. Pore fungiforme. 9. La millepore clouée, a pores crénelés. Echinomètre. Doigt foflile étoilé. Scheuchzer. Pore tubériforme. 10. La millepore a pores contigus & anguleux. Efpèce de tubulaire, 11. La millepore à pores contigus & ronds. La tubulaire foffible. 12. La millepore à pores contigus , au moyen de cloifons divifées. 13. La millepore à pores ovales contigus , entremélés de réçeaux. La caté- nulaire , le corail chambré. 14. La millepore divifée en deux branches rampantes & cylindriques, & pores étroits & folitaires. Linn. p. 105, $. 18, fig. 26. 15. La millepore membraneufe &. plate, femblable à une toile de lin. Efchare marine pétrifiée, COR AMP ET TRE MEET: Après les corallites viennent les zoophites pétrifiés. Jufqu’à préfent on n’a rangé dans cette clafle que les étoiles marines pétrifiées, ou quelques - unes de leurs parties. La première efpèce eft celle du zoophitolite de Pétoile chevelue de caëtynoïde. On en trouve fouvent d’en- tières dans le fchifte calcaire de Solenhof, comme onle voit par les planches de Knorius, & par les fupplémens origtograph. noric. de Bayer, qui a découvert le premier cette efpèce, à laquelle répondent l'étoile encrinite barbue de Link Stell. Mar. p. $$ ; tom. 37, n. 64, &t la Rofacée, p. $$, tom. 37, n. 66, qui eft la feconde étoile marine de Fab. Columna Phytob. App. p. 109 , tom. 29, de l'édition de Venife, de-J, Planeus. 2. Zoophitolite d'étoile chevelue de plufieurs rayons. Tête de Médufe de Link, pl, 21, 22,n. 33, 34. Si on ne trouve que quelques-unes de fes parties pétrifiées, on les appelle affrepodia multigaga clavellata, fuivant Luid. n. 1106, 1112. : 3+ Zoophitolite affrophite de Link. pl. 29, 30. Tète de Médufe de Rumphius, pl. 16. On met fes articulations au nombre des afteries , £t entroques rameux; c’eft l’aftropode rameux de Luid. n. 1132, 6. 4. Zoophitolite de l'étoile compofée d'un feul corps où bafè, avec dix rayons fécondaires contraëles, L’encrinite ou lys pétrifié des äuteurs, appartient à cette efpèce. On ne connoît pas encore , que je fache, fon analogue marin. 5. Zoophitolite étoilée., compofée de nombre de rayons fecondaires, par- tant du même vronc, Tête de Médufe pétrifiée d'Hiremerus, qui fut découverte dans une pierre du Duché de Wirtemberg. C’eft la plus grande dé | 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 529 grande de toutes celles que nous connoiffons; & quoiqu’elle ne repréfente que quelques rayons de cet animal, elle a pourtant trois pieds dix pouces de long , & 3 min. 33 fec. de large. Le célèbre Kiefleir l’acheta cinquante thalers, & en enrichit le cabinet du Doéteur Hug, Premier Médecin du Roi d'Angleterre. 6. Zoophitolite à bafe d'étoile marine. Bafe de pentacrine. Hxrenberg, L. C. tom. 1, fig. 2. Pierre pentagone, du nombre des trochites, Wolfart. Haf. Inter. tom. 22, 7. La même ronde, pierre Scyphoide, Scheuchzer, Ori&. fig. 176. 7. Zoophitolite pédiculé ou rameaux d'étoile marine. Ts font minces, cylindriques ou applatis, pentagones ou polygones. On les appelle entroques, collumnaires , volvoles, étoilées , afteries & cylindriques. 8. Zoophitolite, toutes les articulations des étoiles de mer. Celles qui font rondes & creufes en dedans, s'appellent trochites ; les rondes ou anguleufes, folides & rayonnées, pierres folaires, étoilées & entroques. A cette efpèce appartiennent des pierres de diverfes figures, felon la différence des articulations. Telles font les pierres que Luid & Scheuchzer nomment dollioliformes careïformes, modiodi & flellari. CH AP PTRE -XIE TI. Les animaux qui approchentle plus des zoophites font les teflacées, efpèce de vers dont le corps eft renfermé dans une coquille. Les tefta- cées fe trouvent en grande abondance parmi les pétrifications , à caule de la fubftance pierreufe de leur coquille, qui les préferve long-tems de la pourriture & de la prodigieufe multiplitacion de leurs efpèces , foit fur la terre , foit dans les eaux. Les teflacées pétriliées font appellées zoolites ou helmintolites teftacées. Elles ne varient pas moins entr’elles que les teftacées naturelles. Ces vers font eux-mêmes les architeétes de leur logement. Ces coquilles font compofées ou de plufeurs pièces, ou de deux, ou d’une feulement. Elles font divifées ea plufeurs loges, ou bien n’en ont qu'une C’eft de-là qu’eft tirée la divifion des genres en inférieurs & fupérieurs, qu’on trouve dans Brein, Klein, : Lange, Lifther, Rumph, d’Argenville, Gualtieri, & les autrés Zoolo- gites. Comme mon deflein weft pas d'écrire ici lhiftoire de ces animaux, je me contenterai d'indiquer les principales différences des teflacces fofliles que je connois. L'échinite eft la pétrification d’un ourfin teftacé vafculeux , compofé de plufeurs pièces de coquilles réunies par des futures, percé de deux orifices, dont l’un répond à la bouche, & l’autre à l'anus; ces efpèces font : 1. Echinites dont la boucheteft au milieu de la bafe , & l'anus au côté | oppofé; fa figure eft celle d’un turban entouré de diamaas. À caufe de fes éminences mammillaires., c’eft le céaris maminillaris de Klein, l’echi- NovEemMBrE 1772, Tome IL. Xxx 530 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nometra circinnata papilis maximis de Brein. Son nom vulgaire eft ourfin mammillaire pétrifié. Wolfterdorf appelle fon noyau echinites coro- nalis, & Luid , échinites rotularis fpoliarus. 2. Le même à énitnences milliaires hémifphériques où ovales, avec La partie fupérieure applatie ou relevée. C’eft le cidaris milliaire, l’ourfin de table ou de rocher, l’échinomètre ovale foffile , l’ourfin foffile. 3. Le même à éminences, difpofees dans cinq rangs triangulaires partant du fommer, Cidaris coronaris foffiles. Klein. Tom. 8. A. B. 4. Echinites, dont l’orifice de la bouche eft au milieu de la bafe, & celle de l'anus à la partie verticalement oppofée , & dont la figure reflemble à un bouclier rond. Echinites difeum referens. plor. Hifl. Oxon. Tome 2. fig. o & 10, 5. Echinites, dont l'ouverture de la bouche eft au milieu de la bafe, & celle de l'anus auprès de la circonférence de la bafe. Il eft cônique. C’eft l’echinolonires ou l’échinites pileatus de Wolterftdorf. Le conulus de Klein. La brontia prima de Lachmand ; les folopendrites , les buffonites & les chénolites, font les noyaux de cette efpèce. 6. Le même difcoide applati. C’eft la fbula difcoïdes , & le fubuculus de Klein. Quelques Auteurs le nomment noix mufcate pierreufe, échi- nite globuleux. 7. Echinites, dont l’orifice de la bouche eft au milien de la bafe, & celle de l’anus auprès de fa pointe. Sa figure eft à-peu-près celle d’un cafque. C’eft l’echinocorita de Breyn. On l'appelle encore échinite en forme de cafque , bonnet ou cafque foffle. 8. Echinites, dont l’orifice de la bouche eft auprès de la bafe ou de fa circonférence ; il a la forme d’un bouclier oblong. Son fommet ref- femble à une fleur à cinq pétales. C’eft l’echinantites , l’echinites penta- plulloïdes de Wolfterdorf. Le /Cutum angulare, humile & aleum de Klein. Le criptoporra de Mercatus. Le fcutum ovatum de Klein. Il eft tantôt plat & tantôt pointu. : 9. Echinite, dont l’ouverture de la bouche eft au milieu de la bafe, & celle de Panus vers fa troifième région; fa coquille eft applatie, fon bord eft tortueux , & fon fommet orné d’une fleur. C'eft le placenta AS se rotula de Klein. Echinodifci fpecies de Breyn. Scillat. Tab. VII , APT : : ne Echinites, dont l’orifice de la bouche eft dans la bafe, & celle de l’anus dans un côté de la pointe; il eft ovale, & fon dos eft voüté. C'eft l’echino-fpagtagites , echinites cordatus de Woltersdorf. Cor marinum Jpatangus, fpatangoïdes de Klein. D’autres Auteurs l’appellent cor an-, . guinum, echinus oblongo rotundus finuatus. 11. Echinites , dont l’orifice de la bouche eft dans la bafe , & celle de lPanus eft dans le côté ou dans le centre de la pointe. Il eft ovale, mais fon dos n'eft pas voûté. C’eft l’echino-briffytes de Breyn & de SURVLHIST. NATURELLE ET LES ARTS. $3x Woltersdorf. L'oyum marinum, brifflus, € briffoides de Klein. Cranium , amigdala , gelfèmino de Scilla, Tab. X, fig. 1 (1). 12. Diverfes parties , tant internes qu'externes , des échinites. A. Les mammellons , ou écuffons d’ourfin mammillaire ou milliaire, + & couvert de boutons. B. Le fragment, affula ; c'efl un écuffon hexagone. C. Les verrues; c’eft le féutellum rerebratum de Luiïd. D. Les pointes ou petits rayons minces très-pointus. Klein les nom- me acrculr, E. Les pointes obtufes prifmatiques minces, cannelées ; grenées , charnues & femblables à des fpatules. Ce font les fudes de Klein. C’eft aufi à cette efpèce qu’appartiennent les petites pierres cônifor- mes & cannelées de Scheuchzer , Oriét. fig. 174, page 331. Le litho- phite ou pierre épineufe, & le fragment de la queue de raie, du même Auteur ; le petit rayon couronné du même, fig. 143, & les bâtons de Saint-Paul de Scilla. F. Les pointes d’ourfins clavelées ou glanduleufes, ou bien en forme d'olives lifles, à cannelures fimples & grenées, communément appellées olives pérrifiées, pierres judaiques , técolithes, phéniciennes, ou rayons glanduleux. G. Pointes d’ourfins en cloux, ou en forme de concombres, ou cylindriques ; elles font polies, à cannelures fimples grenées, noueufes & dentelées de Klein. Ce font les pierres judaiques communes. H. Offelets d’ourfins & dents pétrifiées. Ce font les dents mollaires fimples ou doubles & comme frangées, de Klein. PI. 33, H. I. & les fpondilles unis à l’orifice de la coquille, du même. Fig. 1. L’echirodos major de Luid, appartient à cette efpèce. Voyez n. 1078, ainf que la faphula. S. Echinodontis vaginula, du même, n. 109$ Sceleron echini, de Scheuchzer, Orni@. 147, & les officula lapidea ex fcelero echint, du même, p. 144 & 145. GHApPrTRE XIII Le balanite eft la pétrification du gland de mer, ou d’un teflacée vafculeux ouvert à fon fommet, & compofé de plufieurs lames. C’eft le balanus lapideus des Auteurs. Nous ne connoiflons pas encore parfaitement les coquilles de tortues, les conques anatifères & policipides pétrifiées. M. d’Argenville con- firme mon opinion, (1) Voyez la Planche dans l'Auteur même. Nous ne l'avons pas dans l'inftant poux la faire graver, NovEemMere 1772, Tome 11. Xxxi] 532 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La patellite ou la patellaire de Luid, eft la pétrification de la patelle ou coquille univalve à bafe large & ouverte. Il y en a de plufieurs efpè- ces ; elles ont la bafe ou circulaire, elliptique, égale on découpée; leur furface eft ou polie ou cannelée, ou rayée ou à côte. Son fommet eft ou entier, ou percé direétement vers la bafe, ou oblique, ou fimples, ou recourbé. j Les conchites font les coquilles bivalves pétrifiées. Je diviferai ce genre primitif, à caufe de fa grande étendue, en quelques genres fecondaires , dans lefquels on peut fur-tout obferver les pétrifications fuivantes. 1. Les chamites polies, ou coquilles rondes polies pétrifiées. Elles font ou plus unies, ou plus raboteufes que les boccardites. 2. Les chamites cannelées , ou coquilles rondes cannelées, en long & en large, ou en large & en long, pétrifiées; on les nomme en Latin camellata. 3. Les chamites fillonnées & écailleufes. C’eft la pétrification d’une coquille convexe , couverte d’écailles ou de fillons inégaux; fa forme eft interrompue ou divifée en deux côtés. C’eft la chama afpera lapi- dea, cor veneris, cicotroftra hippocephaloïdes de Luid. Plufeurs efpèces de boccardites appartiennent à ce genre. : 4 La peëinite ou pétrification d’une coquille fillonnée , garnie de deux oreilles ; elle eft plate d’un côté, & convexe de l’autre. C’eft la coquille de Saint Jacques pétrifiée. 5. Gétunculites, ou pétrifications d’une coquille fillonnée fans oreilles. A. Coquille globuleufe fans oreilles, à bord uni. Peéunculi lapider. B. Coquille globuleufe fans oreilles, à bord découpé. Terebratulæ TIQUE, C. Coquille à oreilles & convexe. Offreo-petlen lapideus. D. Son noyau zyflerolithus des Auteurs. ts E. Coquille à oreilles, applatie, fillonnée en dehors. Pedinires 77217107. F. Coquille à oreilles applatie, fillonnée en dedans. Amufium lLapi- deum, & peut-être le difcire de Woiltersdorf, 6. Tellinite; c’eft la pétrification d’une coquille courte, plate , large & connivente, Te/lina lapidea. 7. Müfculite ; c’eft la pétrification d’une coquille courte, convexe &c large. Mufculus lapideus. $ 5. Mytulite où mityloide ; pétrification d’une coquille obliquement alongée , connivente, à pointe aiguë. Myrulus où mufiulus parvus lapideus. 9 Pinnite; pétrification d’une coquille obliquement alongée &r en- trouverte, Pirna lapidea, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 5$33 10. Solénite; pétrification d’une coquille lamellée , articulation appla- tie. Offreum lapideum ; il y en a de plufieurs efpèces. Les /frigofula , hamellus hæretula de Luid, appartiennent à ce genre , de même que le gryphires & l’offreum , dont l’une eft une coquille ronde, courbe, à bec fort crochu , & l’autre eft plate. On doit rapporter aufñfi à ce genre un foffile que Scheuchzer défigne par ces mots: Caude cujuf- dam animalis fragmentum. Voyez le Specim. Lithogr. p. 66, fig. 88. C'eft une huître pliflée, comme je lai obfervé dans un individu entier que j'ai dans mon Cabinet. 11. Margaritite ; pétrification des perles ou des cailloux des coquilles. M. Ambr. Bruner, mon ami, favant Apothicaire de Nuremberg, & Membre de l’Académie Impériale des Curieux de la nature, a, dans fon Cabinet , quelques-uns de ces foffiles trouvés dans les champs au voifi- nage de Nuremberg. GUETTA PAT TIRE EX TV: La tubulite eft la pétrification d'un coquillage creux en manière de tuyau, diverfement contourné, d’une feule cavité, ou divifé en plu- fieurs loges. On divife les fofliles de cette efpèce en plufeurs genres fubalternes. 1. Tubulite cylindrique , inégalement alongée, & d’une feule cavité. Ce font les tuyaux pétrifiés de la teigne navale. 2. Tubulite diverfement contournée, d’une feule cavité. Ce font les vers pétrifiés, & les tubes recourbésen manière de cornes d’Ammon. 3. Tubulite d’une feule cavité, un peu courbée, & fe terminant en pointe. C’eft le dentalite foflile, & les tubes de St. Jofeph. 4. Belemnites ; c'eft la pétrification d’un tube cônique, dont la cavité part de la bafe du cône, & fe termine à fa pointe en forme de fiphon fort étroit; fon noyau eft fimple. La belemnite de Prufle eft ordinaire- ment brillante & de couleur de fuccin; fa pointe fe termine par un mammellon , & fa bafe eft traverfée par une petite fente. Breyn a très-bien décrit ce foffile ; il le divife en deux efpèces. La première comprend les belemnites, dont la cavité part de la bafe, & s'étend jufques vers le milieu du cône ; la feconde renferme les belemnites côniques juiques vers leur milieu , & fe retréciflant vers la bafe, leur cavité n’occupe qu'environ le tiers de leur étendue. 5. Belemnite à noyau cônique, teftacée & chambré , muni d'un fiphon qui s'étend jufqu’à fa pointe. C’eft le elemnites fueviens d'Erchard & Klein. La matière de l’une & de l’autre eft compofée de fibres roides , bril- lantes comme du gypsz formant des rayons qui partent horifontale- ment de la périphérie, & aboutiflent à un axe commun, comme dans certaines ftalaéttes. Elle fe calcine au feu. Cette pierre eft quelquefois NOvEMmMBRE 1772, Îome II. { 534 - OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fêlée dans toute fa longueur, & fouvent elle eft fendue jufqu'à l'axe. Les qualités qui lui font communes avec les teftacées, ne permettent pas de douter qu’elle n'ait la même origine. On la trouve avec les tuyaux vermiculaires , les huîtres & les balanes. On trouve à fa fur- face & fur le noyau menu des refles de coquilles. Enfin, elle a la même flruêture que tous les autres coquillages à fiphon, polis par le frottement des eaux ou des débris des corps pierreux parmi lefquels on la trouve; elle prend diverfes figures , qui forment autant de variétés. On en diftingue deux efpèces principales , dont l'une eft connue fous le nom de noyau cônique fimple, ou chambré. C’eft celle que Luid nom- me alyeolus. La belemnite a plufieurs figures différentes ; elle eft ou conique, ou cylindrique, ou fufñforme. Klein a parfaitement bien décrit ce foflile & toutes fes efpèces, dans un Ouvrage pofthume de Scheu- chzer, intitulé : Sciagraphia Lithologica curiofz. Les anciens l’appelloient pierre de lynx , peut-être à caufe de la couleur de fuccin brillant qu’on remarque fur quelques-unes. Ils l’appelloient auf pierre aiguë en forme de flêche ; coracius , ou pierre de corbeau, à caufe de la couleur noire de la plupart. Cérannires ou pierres du tonnerre, parce qu’on avoit imaginé qu’elles étoient lancées par la foudre. L'origine de ces pierres a été pendant long-tems fort obfcure ; mais Klein & Breyn ont enfin folidement démontré que c’étoient des tubulites , malgré qu’on nait pu découvrir encore leur analogue marin parmi les teftacées. Woodvard’, qui a le premier foutenu parmi les modernes, l'hypotheie qui attribue au Déluge, la formation des pétrifications , ainfi que Scheuchzer, “excluent cette pierre du nombre des fofliles, & la rangent dans la claffe des minéraux après les ftalattites, quoiqu’ils aient douté depuis , fi elle appartenoit au règne animal, ou végétal, ou minéral. Helwing la met dans la claffe des coraux. Bourgue, dans celle des dents de phifetère. Cappeller la range parmi les holotalites ; le Chevalier de Linné, parmi les teftacées polithalames. 6. Orthocératite; c’eft la pétrification d’un tubulite à plufieurs loges , ( polythalame ) formant une ligne droite, ou prefque droite. Breyn qui a décoûvert le premier ce teftacée foffile, lui a donné ce nom compolé de deux mots Grecs, qui fignifient corne droite. Gefner la décrit autre- fois fous le nom de pierre femblable à une queue d’écrevifle; M. Gme- lin a donné dans les Mémoires de l’Académie de Pétersbourg , la def- cription d'une de ces pierres qu'il avoit trouvé dans lIngrie. Il lui donne le nom de rayon pierreux articulé. Radiü articulari lapidei. Klein comprend plufieurs de ces efpèces , fous la dénomination des tubulites chambrés. Un petit fiphon pale à travers les cloifons qui féparent fes loges , tantôt dans le centre , "tantôt vers les côtés, & tantôt entre l’un & l’autre. Ses articulations qui étoient autrefois des loges, font tantôt larges, tantôt étroites, épaifles ou minces, unies ou proéminentes ; elles SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 534 diminuent quelquefois infenfiblement , & quelquefois elles fe rétrécif- fent PAR à on les trouve fouvent découvertes & brifées. Breyn n’avoit encore trouvé que des fragmens de lorthocératite , quand ilen a donné cette defcription; c’eft fur ces fragmens raflemblés, qu'ila dé- couvert la véritable figure de ce coquillage. On ne peut qu’admirer fa fagacité , quand on voit la defcription qu'il en a donnée, fi conforme aux obfervations qu’on a faites depuis. Le même Auteur peu de tems après avoir publié fa diflertation fur les polithalames, rencontra la véritable orthocérite, très-bien confervée, en rompant des pierres qu'on lui avoit apportées du Mont Gedan; elles étoient remplies de belemnites & d’autres efpèces de coquillages. C’eft une fort petite coquille qui a à peine cinq lignes de longueur ; fa bafe n’a pas plus de demi ligne d’épaifleur ; elle eft divifée en petites fphères concaves & contiguës , qui ont un petit orifice proéminent , par lequel elles com- muniquent ; elles font pofées les unes fur les autres en lignes droite, & vont en s’élargiflant vers leur bafe. C’eft ce qu'il appelle orthoceras quafi ex gobulis compofitum , fiphonculo axem tranfeunte perminutum foffile. Outre cette efpèce , 1l en a découvert une autre qu'il nomme or/hoceras flriatum exiguum. Le Doëteur Planchs (Bianchi), de Rimini, auquel lPHiftoire naturelle n’a pas moins d’obligation que l’Anatomie , avoit déja découvert l’orthocératite dans les fables de la Côte de Rimini, avant même que Breyn la connût ; il l’a très-bien décrite, de même que nombre d’autres coquillages marins, connus auparavant. Il la def- finée avec foin, & la défigne en ces termes: Cornu Ammonis ereëlum , laviffimum, filiquam radicule referens ; il défigne la feconde efpèce par le nom de cornu Ammonis ereëlum, ffriatum, filiguam raphani referens. Gualtieri l'appelle orthoceras , dont l’axe eft traverfé par un petit fiphon, s’étréciffant tout-à-coup, ridé, blanc, & à loges larges. Voyez Ind. Teftar. Tab. 10. L. M. N. Il en a donné la figure très-bien gravée, groffie par le microfcope. On trouve le même foffile dans les fables du Mont Covignan. On le trouve aufñ dans les fables du puits de Thurnaw en Franconie ; cependant, je n’en ai rencontré que de très-imparfaits dans les fables que je me fuis procurés. CHA MPORTIRÉE LP XV. Les cochlites font la pétrification d’une coquille ou teflacée tubuleux tourné en fpirale. Ils font à une ou plufieurs loges; c’eft-à-dire, polytha- lames , felon que la cavité eft fimple, ou bien féparée en plufeurs par des cloilons. L’affinité des cochlites polythalames avec l'efpèce d’ortho- cératite, dont je viens de parler, m'engage à les décrire les premiers. Leur petit tuyau eft également divifé en diverfes loges, an moyen des cloifons qui les féparent: ces petites loges communiquent également entrelles par le moyen d’un fiphon , ou d'un petit canal , qui part de l’ex- NovEmere 1772, Tome 11. 536 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, trémité de la fpirale , & fe termine dans la dernière loge où il s'ouvre, Ce coquillage diffère du tube dont la pointe eft fort aiguë , & qui eft tournée en fpirale felon le même plan. Breyn a le premier découvert cette ftruéture. Klein la décrite encore plus diftinétement; & MM. Plan- cus (Bianchi ) & Gualtieri, ont perfeétionné leur defcription. Je fuis d'avis de divifer ces coquillages en quatre genres, felon que leurs con- teurs {ont contigus ou féparés ; cachés dans la coquille ou vifbles ; enfin, felon que leurs centre eft applati ou éminent. 1°. Les lituides font des HEC de coquilles à plufieurs loges, dont le centre eft applati, & les contours fort féparés. Les cornes d’Ammon font leurs analogues marins. Po/t-hoorentje. Rumph. Ses contours ne fe touchent jamais , ils s’écartent toujours davantage; de manière qu’il eft vraifem- blable que dans les plus grands individus, le tube doit former une ligne droite fur la tangente de l'extrémité de la fpirale. Suivant Rumph, ce coquillage eft attaché aux rochers par fa bafe. Quand les vagues l’en dé- tachent, fon bord externe y demeurent attaché, de manière qu'il y a que fes commencemens qui font rejettés fur le rivage. Je ne crois pas devoir diftinguer le lituite, découvert en 1722, par. Breyn, de la corne d'’Ammon , quoique fa fpirale fe change prefqu’en ligne droite vers fa bafe. On trouve fouvent des fragmens de lituites dans le marbre, fur= tout dans celui de lIfle d'Oeland. Les individus entiers en font très rares: on en voit quelques-uns dans les Cabinets de MM. Breyn & Ba- ruht; ce dernier avoit appartenu auparavant au célèbre Klein. Cet Au- teur a défini ce coquillage un tubulite divifé en loges, dont la pointe eft tournée en fpirale. Ses cloifons font concaves du côté de la bafe, & forment une efpèce de fegment concave d'une fphère. Je rapporte à ce genre un lituite à cloifons pliffées. On n’a trouvé encore que des frag- mens de cette efpèce parmi les fofliles. Les uns font arrondis; les autres applatis & étroits à leur principe. Scheuchzer a décrit le rond dans fon Specim. Lithogr. p. 59, fig. 82 & 83. il le nomme ceratoïdes articu= latus, orné de cannelures tranfverfales ondoyées, & d’eipèces de feuilles. On m'a envoyé d’Angleterre un individu de l’efpèce plate ; auquel on avoit donné le nom d'affacorum antenra foffilis, ex fluvio Med- wai ; il étoit dans un fchifte cuivreux. J'en ai reçu un autre pétrifié , de la Province de Schenkenberse. 2. L’ammonite eft la pétrification d’un coquillage polythalame, dont le centre eft applati des deux côtés. Ses contours font unis & très- apparents. On le nomme vulogairement corne d’Ammon, foit à caufe de fa reflemblance avec la corne d’un Belier, foit à caufe des cornes de Jupiter-Ammon. On en trouve une quantité prodigieufe parmi les fo[- files; elle furpañle celle de toutes les autres efpèces de coquillages. On y remarque plufieurs différences. Sa furface eft ou unie, ou cannelée, eu couverte de divers tubercules, $es contours font tantôt nombreux, tantot LS SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $37 tantôt en petit nombre , arrondis où applatis. Le bord des derniers con- tours courbe quelquefois fon dos en arc égal; quelquefois il lui donne une forme pointue ou fillonnée , ou bien celle d’un fillon éminent fur- monté d’une épine. Les Auteurs ont formé une infinité d’efpèces ou plutôt de variétés de ce coquillage, relativement à la différence de la fubftance pierreufe, ferrugineufe , pyriteufe , dont ils font incruftés ; à leur grofleur, & à la diverfité des lieux où on les trouve. Scheuchzer a divifé ces fofiiles en foixante-neuf genres ou efpèces primitives, dans fon Specimen Lexici diluviani. Il eft furprenant que, malgré la quantité prodigieufe de ces coquilles fofliles, & leur extrême groffeur qui eft gasiquetois de plufieurs pieds de diamètre, on n’ait jamais pu découvrir on analogue marin. En effet, les nautittes épais & papyracés que j'avois appellés autrefois lituites, cornes d’Ammon, diffèrentde ce genre de corne d’Ammon. La gloire de cette découverte étoit deftinée à M. Plancus Bianchi de Bimini, qui a trouvé il y a environ quinze ans, un grand nombre de ces coquillages fur les Côtes de fa Patrie. Les fables de cette Côte en font tellement fournis, qu'il en a compté plus de 1100 fur une feule once de gravier. On peut aufi juger par-là de leur petitefle; elle eft fi exceflive, qu'il ne faut pas moins de 120 de ces cornes pour égaler le poids d’un grain de froment; cependant, tout le monde les reconnoît à l’œil nud pour de véritables cornes d’Am- mon, à caufe des interfeétions & de leurs diveries loges. Si on. les ufe fur une pierre à aiguifer, & qu'on les examine enfuite à l'aide d’un microfcope , on découvre toute la ftruéture interne, les loges dans lef- quelles les fpirales fe divifent, & le petit canal qui paffle auprès du bord intérieur. Son Inventeur l’a défini : Première corne d’Ammon très- commune fur les Côtes de Rimini. A. Gualtieri, dans fon /zdex Tefla- rum. Tab. 19, fig, 1. H, a fait graver ce même coquillage vu au microfcope, & l'appelle ammonia unita & proportionata , minima alrer& parte, umbilico prominente , cofla latä. fulcaté , nodofä , argenteo colore fplen- dens. Certe efpèce a cinq contours, & l’orifice de fon fiphon paroît à fon extrémité. Elle a environ quarante loges, dont les traces font marquées par des petits nœuds. Le célèbre Auteur de cette décou- verte, & M. Séguier, Do&@teur en Médecine, mon ami, ont eu Ia bonté de m'envoyer de ce fable de Rimini, dans lequel j’ai vu effec- üvement ce coquillage, ainfi que plufieurs autres, découverts par le même Auteur. On trouve aufh des cornes d’Ammon dans les fables de plufñeurs autres Côtes, de même que dans ceux de la pleine mer. L'il- luftre M. de Beccaria en a trouvé depuis long-tems dans les fables fofiles de Bologne fa Patrie, ainfi que dans ceux du Mont Covignan, qui n’eft qu'à deux ou trois milles des Côtes de Rimini. Après la dé- couverte de ce coquillage, il ne faut plus défefpérer que les foins &e les recherches des Naturaliftes , ne parviennent un jour à découvrir NovEMBRe 1772, Tome Il. LR: 538 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans les fables des rivages, ou de la pleine mer, des coquillages ma- rins, analogues à plufieurs autres foffiles,. On peut rapporter toutes les autres efpèces de cornes d'Ammon, décrites fous ce nom par M. Plan- cus, aux cornes d’Ammon droites, ou orthocérites, ou bien aux nau- tiles. La corne d’Ammon de Rimini a fes cloïfons échancrées en forme de fegmens de cercles. Celles des fofiles, au contraire, font pliffées ou ondées ; quelques-unes font dentelées, comme les futures du crâne. Ce font ces futures apparentes dans les ammonites ; qu'on appelle orne- mens folliacés. 3- Les nautilites font des pétrifications de coquillages polythalames, dont le centre eft applati, les contours unis & cachés dans la coquille. On les trouve parmi les cornes d’Ammon, mais moïhs fréquemment, Quelquefois ils font tous entiers ; leurs loges font très-diftinétes & apparentes, ou couvertes de cryftal : d’autres fois, on ne trouve que les noyaux de leurs loges; ils font fémilunaires, ainfi qu’on les voit dans le nautille épais. J'ai trouvé auprès du Fort de Moncheftein dans le Canton de Bafle, un nautilite, dont lenoyau avoit plus d’un pied de diamètre. 4. L’hélicite ou la pierre nummulaire ou phacite, eft Ta pétrifica- tion d’un coquillage polythalame, dont le centre eft faillant de tous côtés , & les contours unis & cachés dans la coquille. Cette pierre nommée vulgairement pierre lenticulaire, étoit diverfement claflée par les Auteurs, & différemment nommée, fuivant qu’elle paroïfloit de différentes efpèces. La pierre entière repréfente la figure d’une lentille opaque , convexe des deux côtés, polie pour l'ordinaire, ce qui convient aux lentilles; mais on en trouve auffi de rudes & de raboteufes. Il y en a qui font compoñées de cercles concentriques & d’un double plan de fibres tranfverfales; ce font les fubarienfes : les autres font cannelées & ondées; leurs cannelures font fimples, ou divifées par de petits nœuds éminents, qui s'étendent vers la circonférence. Jen ai de griles cendrées qui me viennent du Mont Pilat , & de blanches qu'on m'ap- porta de Véronne. Il y a beaucoup de variété dans leur grofleur, & dans le rapport de leur largeur avec leur épaifleur : cependant, Pépaif- feur eft beaucoup plus proportionnée à la largeur, dans les petites que dans les grandes. Les plus groffes que j'ai tirées des montagnes de Glaris & de Saxe, ont plus de deux pouces & demi de diamètre, tan- dis qu’elles ont à peine une ligne & demie d’épaifleur. J'ai obfervé la même chofe dans celles qu’on trouve auprès de Véronne. Les petites qu'on tire du Mont Pilat, n’ont guères que le dixième d’un pouce de diamètre, & le vingtième d’épaiffeur. Il y ena d’autres plus minces encore. On en trouve dans les fables de la pierre de Chaumont en Champagne, d’extrêèmement petites, mais très-entières. Elles ont à peine une demi- ligne de diamètre. Il y en a aufl de plus grandes; on en voit qui ont juf« SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 439 “qu'äun demi pouce de diamètre, & de plus petites quin’ont pas plus de deux lignes ; celles-ci font de deüx fortes. Les unes ont la furface life & polie. J'ai fort bien diftingué dans les unes & dans les autres, l’ori- fice du derniér contour; il eft oblique & prefque éleptique , entouré d’un bord replié. Les autres font brunes ou rougeâtres, parfemées de lignes obliques & cannelées, qui s'étendent depuis leur fommet éminent juf- qu’à leur péripherie. Elles reflemblent aflez à la feconde efpèce de corne d’Ammon de Plancus. Elles n’en différent que par leur volume & leur couleur. C’eft pourquoi j'ai rangé ces pierres lenticulaires au nombre des coquillages polythalames. Dans la lettre'que j'ai adreflée à M. J. Fréderic Gronovius, Doéteur en Médecine, Sénateur de Leyde, & premier Botanifte de Hollande, j'ai nommé cette pierre helis. J'ai cru devoir la diftinguer des nautilles , à caufe de fa figure lenticulaire, de fon centre un peu enfoncé ; mais quelquefois il s'élève en forme de mamelon. Le nombre de fes cercles eft plus grand que dans le nautille. Leur volume augmente à mefure qu’ils approchent de leur terme ; de manière que l’orifice eft très-dificile à appercevoir, foit dans la pierre fofile, foit dans fon analogue marin. Plancus décrit ce coquillage marin, fous le nom de corne d'Ammon des Côtes de Rimini moins com- mune , orbiculaire , cannelée , à ombilic proéminent , duquel partent tous les cercles & les loges. Gualtieri l'appelle petit nautille à bord très-faillant & très-aigu , à nombril faillant des deux côtés, cannelé du centre à la circon= férence, formé par des cercles pliffès, parfemé de petits grains, & d'un rouge brun un peu brillant, p.10, PL. 19. A. Breyn le nomme petit nau- aille rond cannelé , & nombril faillant. L. C. p. 191. Son volume eft très-petit; on en trouve cependant de deux ou trois fois plus grands que la première efpèce de corne d’Ammon de Rimini M. le Chevalier de Baillou , noble Florentin, Intendant du Cabinet du Grand Duc de Tof- cane , a eu la bonté de m’envoyer des fables de Sicile, dans lefquels on trouve de ces pierres blanches & brillantes comme des perles pré- cieufes, C’eft à ce même Gentihomme que je fuis redevable des fables de Pife , appellés en Iralien Giovani del vera , qui contiennent une quantité prodigieufe de ces coquillages fofliles. On en trouve également dans le fable foflile du Mont Covignani. : L'hélicite entier a la forme d’une lentille; mais cette forme varie beaucoup dans les fragmens , relativement à leur groffeur. Chaque efpèce de fragmens a été nommée différemment. Il eft quelquefois fendu par le milieu , de mème que les lentilles & les pois dépouillés de leur écorce, fe féparent en deux lobes: il forme alors deux valves ou deux cofles , fur lefquelles on diftingue très-bien les cercles & les loges féparées par leurs cloïfons. Ces cercles font au moins au nombre de trois ;jxon en compte fouvent jufqw’à trente , qui repré- fentent.un écu gravé de certains caraétères, C’eft de-là que leur vient ” Novemere 1772, Tome 11, Yyyÿ s4o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le nom de pierres nummulaires. Je ne fuis pas de l'avis des Naturaliftes , qui rangent ce foflile dans la claffe des coquilles bivalves , à caufe qu'il fe partage quelquefois en deux ; car cette féparation n'arrive pas fouvent , & ce neft qu’à ceux qui font très-calcaires, & c’eft de la même manière que les belemnites fe fendent quelquefois le long du fiphôn qui traverfe leur axe. La même chofe arrive aux pierres nummulaires, probable- ment le long du tuyau du fiphon, qui eft placé auprès du bord ex- terne des cercles , parce que la coquille fe trouve plus foible dans cette partie ; de manière que lunion eft plus aifée à rompre que dans toute autre. Or , il eft vifible que le canal du fiphon eft placé auprès du bord externe des cercles dans les hélicites marins, comme on le voit dans la figure groffie au microfcope ; que Gualrieri en a. fait graver. Ces même pierres coupées tranfverfalement ont une figure oblongue, pointue des deux bouts, & divifée en deux fegmens égaux convexo- plats. On y découvre fouvent des lignes tranfverfales répondantes aux cloifons, qui reffemblent aux anneaux des vers ou aux articulations des infeétes ; ce qui lui a fait donner le nom de pierre vermiculaire, ou de -falicite, à caufe de fa refflemblance avec la feuille oblongue du faule. Si ces fragmens font plus petits, & que les cercles con- centriques foient fort féparés , on les nomme pierre fromentaire , ou pierre de Cumen ; en Suifle Kuminxhflein. De-là vient que certains Auteurs ont pris ce foflile pour des graines, d’autres pour des feuilles pétrifiées , d’autres enfin pour des vers. M. Bourguet croit que ce font des opercules des cornes d’Ammon. Spada penfe que c’eft un coquillage marin, habité par un animal cartilagineux comme l'huître , fphérique extérieurement , compofé de deux coquilles ; & que fa forme interne repréfente un petit canal contourné en plufeurs cercles, femblable à la coquille d’un petit animal. CHAR:T RE (X V.L Coclhite à une feule loge , ou coclhite fimple ; c’eft la pétrifica- tion d’un teftacée tubuleux, monothalame , conftamment tourné en fpirale régulière. Ce tuyau eft pour l’ordinaire entier, de figure cô- nique : on en trouve cependant quelquefois coupés par moitié , on dans tout autre fens. D’autres fois, les côtés des contours font plats ou anguleux , & repréfentent un tuyau pyramidal , dont un angle eft brifé. Les différences de ces fragmens & de ces contours donnent lieu à divers genres de coquilles. Je ne ferai mention içi que des genres primitifs , dont les pétrifications font connues. 1. Coclhite à coquille plate. Coclhite à ombilic,de Wolterfdorf, Planorbe pétrifié | Periy, C’eft un coquillage petrifié , conçcave des SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $4t deux côtés; on le trouve au voifinage de Lumbilde. On doit rap- porter à ce genre la petite corne d’Ammon blanche, plate , life, à bord épineux , & à double contour de Spada , pag. 17, n. 21 , ainf que je l'ai vu par les échantillons que M. Séguier a bien voulu m’en- voyer. Ces cornes d’Ammon n'ont qu’une feule cavité fans cloifons. 2. Coclhite globuleux, convexe des deux côtés, n'ayant que trois «ou quatre contours obliques. C’eft la coclhea verreffris, vulgaris , lapidea. 3. Trochite. C’eft la pétrification d’une coquille fimple , tournée en plufieurs fpirales, ayant la forme d'un cône droit. C’eft le srocheus Lau pideus à cercles plats ou cylindriques , cannelés & grenulés. C’eft le troche à ombilic concave grenulé , ou le verticillus de Luïd. 4. Néritite. C’eft la pétrification d’une coquille fimple , qui a peu de contours obliques , dont la partie externe eft plus grande que les inter- nes ; c'eft la vulvata lapidea polie ou grenulée , cannelée & chambrée, s: Buccinite. C’eft la pétrification d’un coquillage fimple , d’une figure ovale oblongue , ayant plufeurs contours; c’eft le Euccinum la. pideum : il y en a de plufeurs efpèces: 6. Strombite. C’eft la pétrification d’un coquillage marin fimple , ayant la forme d’un cône long, & plufieurs contours ; fa longueur furpafle fouvent le diamètre de fa bafe. On l’appelle auffi ffrombus on turbo lapideus à contours convexes, polis, fillonnés , cannelés ou grenulés , à orifice rond ou oblong. 7. Volutite. C’eft la pétrification d’un coquillage fimple , dont le bord faillant du dernier contour forme un cône ; c’eft la volura lapidea. 8. Alatite. C'eft la pétrification d’un coquillage fimple , fur laquelle le bord faillant du dernier contour forme un cône , & dont le bord de la lèvre eft prolongé. Si l'aile eft entière , on le nomme a/ara lapidea ; fi elle eft partagée , on l'appelle porphirites , surbo-pentra- daëlilus lapideus. 9. Purpurite, C’eft la pétrification d’un coquillage fimple , dont le dernier contour eft fort convexe , & fe termine en bec ; purpureæ , caffides globofæ , aculeatæ lapideæ. 10. Muricite. C’eft la pétrification d’un coquillage fimple , dont le dernier contour eft fort convexe , en forme de cafque , mais dé- pourvu de bec. On lappelle encore murices lapidei caffides ; les uns font lifles & polis, & les autres rudes. 11. Cylindrite. On appelle ainfi un coquillage fimple pétrifié, dont le côté du dernier contour eft droit & forme un cylindre. On les nomme auffi rhombites , cylinder lapideus. 12. Globofite. On donne ce nom à la pétrification d’un coquillage fimple prefque cylindrique , dont les contours font cachés intérieu- rement. C'eft la nux marina où bulla lapidea, NovemMsRre 1772, Tome IL, Ù 542 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 13. Porcellanite. On entend par ce mot une pétrification ovale ; ayant un orifice longitudinal. C’eft la concha venerea , porcellana lapidea. 14 Operculite. C'eft la pétrification d’un couvercle de coquilles. On la nomme encore wmbilicus marinus, blatta où unguis lapideus. On la trouve rarement parmi les foffiles. On vend encore fous ce nom des écailles d’huîtres plates, que quelques Auteurs ont décrites fous les noms de awricularia où auris marina lapidea. GA TA PRIT RE CV IUT L’entomolite ou zoolithe d’infe@e, eft la pétrification d’un infe&e ou d’un animal à antennes. Ces fofliles font extrêmement rares; on en trouve cependant incruftés dans des pierres , ou renfermés dans du fuccin, On les rencontre affez fouvent dans les pierres de grès feuilletées, mais rarement dans les grandes maffes pierreufes. Certains Auteurs les divifent en pétrifications d’infeétes ailés , fans aîles, 8e cruftacées ; les premiers conflituent les entomolites proprement dits, les autres donnent les aftacolites. 1. L’entomolite de fcarabée, du ditique aquatique , de la demoi- {elle , de l’hemerobe & de leurs vers, fe trouve fouvent dans le fchifte d’Oeningen. Bromel fait mention de diverfes efpèces d'infeétes aîlés qu'on rencontre dans le fchifte calcaire de la Gothland orien- tale & occidentale , de même que. dans le fchifte alumineux de la Scanie ; mais ces pierres ne font pas décrites aflez exaétement pour favoir au jufte quelles efpèces d'infeétes elles renferment. On ne doit pas mettre dans cette clafle plufieurs pierres que les Auteurs décrivent fous le nom d’infeétifères ; telles que les arachnéolites, qui font plutôt des étoiles marines ou des madrepores pétrifiés. C’eft avec raifon que Wolterfdorf, Syflême Minéralogique , page 48, a rangé armi les coquillages trivalves, la pierre que Bromel a nommée i7- Seéifèr fubalbidus, vagipennièm imagines referens. Je pafle fous filence les prétendues pierres figurées de Wirzbourg, repréfentant divers infeétes monftrueux , avec lefquelles un certain impofteur trompa M. Be- renger. On peut voir dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, année 170$, page 36 , la defcription des ruches à miel pétrifiées , trouvées dans l’Éthiopie, par M. Lippé. 2. On voit fréquemment des infeétes renfermés dans le fuccin qu'on trouve flottant fur les bords de la mer Baltique. Ces infeétes enveloppés de ce bitume minéral, dans le tems qu'il eft encore fluide, y confervent leur forme parfaite, & on peut obferver juf- qu'à la plus petite de leurs parties, Le célèbre Scudelius en a formé une belle colleétion de tout ce qui étoit dans le cabinet de Drefde. On y voit des abeilles, des guêpes, des ichneumons, des mouches, des papillons , des phalènes, des grillons, des fauterelles, des fourmis, SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 543 des araignées & des larves de plufeurs autres infe&es, 3. Aftacolite ou pétrification de cancres. On trouve des cancres pérrifiés de toute groffeur , dans une argile fragile, de couleur cendrée, auprès de Véronne & de Chäteau -Saint - Felix , dans la vallée dite val Donega , au pied de la montagne Saint- Léonard , de même que dans le canton appellé /a Cafa del Chiafarin di cerna. M. Bourguet a publié une lettre fur les cancres pétrifiés de la Côte de Coromandel. Zannichelli poffède dans fon cabinet des cancres pétrifiés, qui lui ont été apportés d'Egypte. Scheuchzer a fait graver la figure d’un de ces foffiles. Jai dans mon cabinet des puces incruftées dans des ardoifes noires de Glaris, telles que Klein les détruit. J'ai parlé dans mon cinquième Chapitre de divers infeétes qu’on trouve dans les pierres faëtices de Solhenof, 2 Cox APT R OR EX 2 VIT. Le zoolithe de poiflon, autrement dit iétolithe ou 1étiomorphite , eft la pétrification des poiflons. De tous les corps pétrifiés celui-ci eft le plus commun après les teftacées. 11 repréfente les poillons en entier , où feulement quelques-unes de leurs parties. 1. Iéiolithe de poiflon entier. On le trouve dans la pierre feuil- letée, calcaire ou marbreufe , blanche d’Oeningen , de Véronne, de Bavière , de Pamperheim , &c., ou dans le fchifie noir de Botten- dorf, ou bien dans l’ardoife noire de Glaris. On trouve le poiffon enfeveli dans toutes ces pierres, comme dans des cercueils qui ont abforbé fes humeurs, & l’ont confervé comme une Momie ; il y eft cependant fort comprimé. Dans certaines, on découvre jufqu'aux écailles, tels font ceux des pierres d'Oeningen; dans d’autres, les chairs femblent cuites, & le poiflon paroïît partagé par moitié ; on le voit dans les pierres de Manfieid : dans d'autres, on n’apperçoit que les os, mais jufqu’aux plus petits offelets des nageoires & de la queue; tels font ceux de Pampenheim : dans d’autres enfin, on ne trouve que leurs fquelettes , c’eft-à-dire, les os de la tête, les vertèbres, & les plus apparens des nageoires & de la queue, comme on le voit dans ceux de Glaris. On les divife en malacopteringiens & acanthopte- ringiens ; & ces deux claffes en fourniflent un grand nombre en chon- dropteringiens & branchioftices , qui en fourniflent beaucoup moins: les plagiures ne produifent que des dents ou des os. Les carrières d'Oeningen contiennent des aiguilles , des anguilles , des dorades, des perches, des merlans, &c. Celles de Véronne fourniflent des raf- caffes , des foles , des turbots, des maquereaux , des hirondelles de mer , des anguilles , des dorades , & plufñeurs autres efpèces dont M. Séguier doit publier l'hiftoire. Les ardoifes de Glaris portent diverfes efpèces de poiffons, tels que des aiguilles, des raies, des Novemsre 1772, Tome II, 544 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, empereurs, des baliftes & des turbots. Celles de Heffe repréfentent des merlans , des plies, des harengs, des barbeaux , des goujons & des anguilles. -2. On ne trouve pas moins fouvent lityolite partial , ou repré- fentant quelques parties de poiflon. Le plus commun eft liétyolite des dents, ou iiodon, qui renferme plufeurs efnèces. A. Les pointus en manière de flèche, vulgairement dits orzitho- gloffes , à caufe de leur reflemblance avec les langues des pies. Les gloffo- pères, dont les uns font plats d’un côté & concaves de l’autre; & les autres pointus , recourbés & arrondis comme ceux des aiguilles. B. Les pointus, triangulaires, plus unis ,, ou lamiodontes de Hill, font tantôt dentelés, tantôt unis, tantôt droits, tantôt crochus ; leur bafe eft plate ou courbée; ce font les dents des lamies ou des re- quins. On en trouve d’une groffeur prodigieufe dans l’Ifle de Mélite, dans la Caroline & même dans la Suifle. C. Les côniques ou ronds, conichryodontes , refflemblent à un corps cônique ou arrondi & un peu obtus ; ils font droits ou recourbés, & de diverfes couleurs. Ils font quelquefois mêlés avec du cuivre, qui leur donne une couleur verte & l’apparence des turquoifes. D. Les fphériques applatis , ronds ou en forme de bateau, l’ycodontes de Hill , appellés par d’autres Auteurs baffonites , chéronites, batrachi- tes , carapatina par Mercatus , & œil de ferpent pétrifié par les Habitans de Mélite, font les dents molaires du loup , du fparaïllon & du pagre. E, Les rhomboïdaux , quadrilatéraux irréguliers & applatis , :hy- peria de Hill, & ffliquaftra de Luid, font les dents molaires de divers poiflons. F. Les i@tyolites des dents adhérentes aux mâchoires, renferment des mâchoires de divers poiflons , tels que les anguilles, les aiguilles, ëtc., incruftés dans diverfes efpèces de pierres faétices. Les os du palais des raies, &c., ce font les p/eéfronita , fcopula littoralis, anthra- cina de Luid, n. 1594. 3. L'ityolite des os de poiflon eft la pétrification des os de la tête, de la poitrine & du ventre , fur-tout des cétacées , des clavicules, du fternum , des vertèbres, des côtes, des os de naïflance , des na- geoires & des offelets de ces parties. Les pétrifications des grands os s'appellent xyloflea pifcium. C'eft à ce genre qu'on doit rapporter , fuivant moi, un fofile dont on voit la figure dans un Journal de Venife; il me paroït appartenir aux os du palais de poiffon. Les ver- tèbres de poiflons pétrifiées fe nomment communément i&yofpon- dilles ; M. Sloane donne la defcription d’une côte de baleine pé- trifée , trouvée en Angleterre, Voyez les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, 1727, pag. 318,t. 13 , fig. 7. 4. L'ityolite des écailles , autrement dit lépidoses , ne repréfente ue Es SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. $4s les grandes écailles. Les pierres d'Oeningen offrent fouvent des écailles féparées de barbeaux & d’autres poiflons. c s- L'ityolite des œufs de poiflons eft encore appellé hammite, cenchrite , oolithe & méconite ; felon qu’il reflemble à des grains de able ou de mille, ou à des œufs un peu plus gros & à des graines de pavot ; mais ces petits grains raflembiés & réunis en mafle, ont la même origine que les priolithes dont j'ai parlé dans mon huitième Chapitre. Au moins , il eft prouvé que les eaux imprégnées de terre calcaire peuvent produire de pareils globules, comme on le voit par les flalaétites qui fe forment par les eaux de Tivoli, & qu'on nomme dans le Pays confedi di Tivoli , & de l’antre du dragon en Hongrie. Les eaux thermales de Karles fourniffent ung bien plus grande quan- tité de ces pierres réunies en mafle : de plus, eft-il probable que des montagnes entières formées d’ammonites , aient été autrefois des œufs de poiflons ? Le célèbre Chevalier Linné définit cette pierre un marbre foluble ,compofé de grains globuleux très - ferrés ; 1l la range parmi les tophes calcaires des eaux thermales. Wallerins l'appelle porus aqueus globularis | formé par l'amas de petits globules qui s'arrêtent après l'écoulement des eaux. Bruchman & Rappoldt attribuent fon @rigine aux œufs de poiffon. Fifcher croit qu'ils font les embryons. des teftacées. Lachmund veut que ce foit un mélange d'œufs de poiflon & de fable, C'H'A P'ITIRE XI X. Le zoolite des amphibies, ou amphibiolithes comprend les pétrifi- cations des ferpents ou reptiles. On en trouve très-rarement. 1. J'ai dans mon Cabinet , l'amphibiolithe d’un ferpent incrufté dans une ardoife de Glaris. C’eft peut-être à ce genre qu’on doit rapporter ce monument du déluge , que Scheuchzer , dans fa Phy- fique facrée, propole aux Naturalifles comme un probiême à réfoudre, J'en ai la figure gravée dans mon Cabinet. 2. On voit dans les Mémoires de Berlin , la figure d’un orand lézard où crocodille pétrifié , qui fe trouve dans le Cabinet de Spener ; 1l avoit été retiré des mines Ge Kupferfalh en Thuringe , de cinquante braffes de profondeur ; il eft dans un fchifte noir. Les Mémoires de Leipfic font mention d’un autre fquelette de crocodille incrufté dans une pareille pierre , fur laquelle on voit même les pieds , & qui fe trouve dans le Cabinet de Link. Sur celui de Sperer, on diftingue très-bien la gueule , les pieds de devant , les cuifles , les vertèbres , & plufieurs de celles de la queue. Le Doéteur Swkely en a trouvé un femblable dans une argille bleue durcie , à Elfion en Angleterre, Scheuchzer a fait graver des figures de lézards , incruftés dans les pierres de grès de la forêt d'Ercyne ,. confervés dans le Cabinet NOvEMBRE 1772, Toine Il, Lrz 546 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de Valkener ; mais je penfe que ce ne font que des incruftations tophacées. 3. Amphibiolithe de grenouilles. Spener ; en écrivant fur Le ero- codille , fait mention de cette efpèce. Ce fquelette a été trouvé attaché à une pierre feuilletée , adhérente à plufieurs autres de la même efpèce , repréfentant divers poiflons , &e à une grofle pierre repré- fentant un crapaud. M. Michel , Infpe&teur de ces mines , conferve cette dernière dans fon Cabinet. Jai dans le mien la tête d’une gre- nouille incruflée dans une ardoife de Glaris. On doit rapporter les autres buffouites aux échinites, ou aux iétyodontes écuflonés , fcaphoïdes & umbeliformes. 4. Amphibiolithe de tortue: M. Salomon Thomann , Doéteur en Médecine , & habile Naturalife , a bien voulu me faire préfent de quelques morceaux d’une écaille de tortue aquatique , fur lefquels on difingue très-bien les écuffons ; ils avoient été trouvés dans les rochers fablonneux de Berlingue. Woodward parle des écailles de tortues qu'on trouve en Angleterre. CIHTAUPILOTUREE AUX Le zoolite d’oifeau , ou ornitholithe , ef la pétrification des oïfeaux. Ces pétrifications font fort rares. 1. MM. de Linné & Wallerius, font mention de l’ornitholithe d’oi- feau entier ; mais exilte-t-1l dans quelque €abinet ? c’eft ce que j'ignore. Il n’eft guère poflible que ces pétrifications foient plus com- munes , attendu que jes oïfeaux peuvent aifément , par le fecours de leurs aîles , ie garantir des dangers des inondations. 2. Scheuchzer décrit un ornitholithe de plume. C’eft une ardoife d'Eninge , qui porte l'empreinte d’une plume d’oïfeau. Voyez-en la figure dans fon Piftium Vindiciæ , PI, 11. 3. On trouve quelquefois des ornitholithes de nids dans les mines, ou dans les antres incruftés de ftalaétites , ou bien parmi les pierres tophacées ; mais on doit plutôt les rapporter aux incruftations qu'aux pétrifications. J'ai un de ces nids découvert dans l’antre de Bauman. Brukmann fait mention de cinq autres nids de cetre efpèce. Ils font formés par la flalaétite , ou la terre que Peau falée dépofe en paffant par les galeries des mines de fel. Le même Auteur dit avoir dans fon Cabinet un nid entier de linotte , avec fes œufs incruftés de fel de tartre , & qu'il y en a un pareil dans le Cabinet de Ritter. Voyez Tab. 44 , Fig. 5. Mais il n'eft pas rare de rencontrer de pareilles incruftations dans les mines de fel. On lit dans le Traité des eaux thermales de Baccius , Liv. $ ; Ch. 4, p. 157 , qu'on trouva dans des falines de la Tranfilvanie , une poule couvant fes œufs, qui à été confervée , & qu’on la montre encore incruftée de fel. ne SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 547 CH ASP TIRE LEANX.. Le zoolithe de quadrupède , que M. Von Linné appelle zoolithe proprement dit , eft la pétrification des quadrupèdes. On en trouve d'entiers , ou feulement quelques-unes de leurs pârties , tels que les os , les dents , les cornes & la tête. 1. Zoolithe de quadrupède entier. Le plus fameux de cette efpèce eft fans contredit un fquelette d’éléphant , trouvé à Tonna dans la Dynaftie de Thuringe, en 1695. Eftenzel , dans fa lettre à Magliabech , en fait la defcription fuivante. « Tout auprès du Village , on voit > une montagne ou une colline fablonneufe , renfermant dans fon fein e un fable très-blanc & très-pur. En fouillant dans cette montagne, # on déterra de très-grands os ; le premier fut un os du poids de » dix-neuf livres : on découvrit enfuite une tête ronde beaucoup plus » grofle que celle d’un homme , enchaflée dans une efpèce de boëte ; » elle pefoit neuf livres : on trouva peu après un os femblable au » fémur , & pefant trente-deux livres ; en fouillant plus profondément , # on rencontra l’épine du dos avec les côtes ; peu après , deux globes > fort grands , attachés au bout de deux os longs , & on reconnut » les pieds de devant, On vit enfuite lhumerus , long de quatre pieds , & large de deux pans & demi; les vertèbres du col avec » leurs apophyles ; enfin , une tête prodigienfe avec quatre dents » molaires , dont chacune pefoit douze livres , & deux groffes dents » ou cornes de deux pans & demi d’épaifleur , & de huit pieds de » long ; elles fortoient de la gueule. Je fus très-fâché qu'on ne püût » conferver la tête & les dents en entier ; mais tous les os , à » l'exception des dents molaires que j'eus prefqw’entières , étoient fi » fragiles , fi cariés & corrompus, qu’on ne put en retirer aucuns fans » les brifer ». Suivant M. Molineux , on trouve fouvent dans l'Iflande desltêtes , des cornes & des os d'alcée pétrifiés. Cet Auteur met cet animal däns la claffe des cerfs à palme d'Amérique ; mais fuivant M. Klein, il devoit plutôt le ranger parmi ceux du Nord , ou les alcées pro- prement dits. at On voit dans un Ouvrage pofthume du fimeux Leibniz , intitulé Protogea | une defcription de la licorne , qui mérite d'être placée ici. «, Bartholin , dit ce Auteur , ayant démontré que les cornes de » la licorne pétrifiées , appartenoïent à la clafle des poiflons , il eft » permis de croire que ces cornes fofliles | qu'on trouve dans ces » pays , font de même genre ; cependant , il ne faut pas diflimuler » qu'on a trouvé dans l’Abyffinie , une licorne quadrupède de la » groffeur d’un cheval. Si l’on doit s’en rapporter au témoignage de n Jérôme Lupus ,; & de Balthazar Teleñus , Auteurs Portugais : NovEemsrEe 1772, Tome IL. Zzzi 548 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, # on déterra , en 1663 , dans la montaone de Zeuchinberg , au » voifinage de Quedlinbourg , un fqueletre d’un animal terrettre , æ trouvé parmi des terres calcaires. Otton Gerich , Conful de Mag- »# debourg , parle , par occafion , dans un Ouvrage qu'il a donné » fur le vuide , d’un fquelette de licorne , dont la partie poftérienre » du corps étoit courbée à la manière des quadrupèdes : fa têté étoit » élevée ; elle portoit au milieu du front une corne d’environ cinq » brafes de long , de l’épaifleur de la jambe d’un homme , mais >» allant en diminuant vers fon extrémité. Ce fquelette fut brilé par » l'ignorance des Mineurs , & retiré par fragmens ; mais on conferva » la tête , la corne , l’épine du dos , quelques côtes , & quelques » antres Qs qu'on envoya parfaitement entiers à l'Abbeñle Princelle » du lieu. On m'écrivit le fait, & on m'envoya les figures gravées z » Jy trouvai les mächoires d'un cheval >. Spada décrit un zoolithe de cerf trouvé dans les montagnes di val Menara di Greçzana. Ses os étoient entaflés en peloton. On ne put les retirer que par morceaux , ‘à caufe de la dureté de la pierre qui. les renfermoit ; 3 eft cependant aifé de diftinguer tout le fquelette & chacun de fes os. Le fquelette qui ft trouvé en 1733 à Gluskbrun auprès de Îa. mine d’Alfthein , renfermé dans des piexres noires de la mine de cuivre , inérite d’être mis au rang des zoolithes les plus parfaits. On y diftingue très- facilement le dos , la poitrine , la queue , les extré- mités , & juiqu'aux offelets des doigts & aux ongles. Il n’y a que des reftes imparfaits de la tête. Sa longueur eft d'environ deux pieds , &t {on épaïfleur d’un pied. Svedenborg Le met dans la clafle de certains chats de mer. 2. Zoolithes de parties de quadrupède. On trouve fouvent des. têtes , des cornes, des dents , &c. pétrifiées, minéralifées , ow cacinées. De tous les os pétrifiés , les plus gros & les plus communs font ceux des éléphans. On en voit fur les bords du Rhin & du Danube. Les dents & les os d’éléphant ne font pas rares en Angleterre , en Sibérie, & en d’autres endroits 3 c’eft ce qu’on appelle livoire fofile des boutiques. Ce font ces os qui ont donné lieu aux fables qu'on débiroit autrefois fur la race des Géants ,, qu'on difoit avoir habité PEurope , parce qu'on ne favoit à quel genre d’animaux rapporter ces os. Erreur très-bien réfutée par le Doéteur Sloane , dans fon Traité fur les os des éléphans qu'onérrouve dens la terre. Jofeph Monti , Profeffeur d’Hiftoire Naturelle de l’Inftitut de Bologne , a fait un Traité fur une tête entière de veau marin , pétrifiée avec fes dents molaires & canines , trouvée aux environs de Bologne. On rencontre de côté & d'autre des cornes pétrifiées. Leibnitz parle d'une corne de taureau fauvage , trouvée dans les cavernes profondes te. ds. tan del SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 549 de la Thuringe, avec un pieu préparé pour une haie. Fabius Columna , célèbre Naturalifte , a vu des cornes de beliers & de bœufs , dans les rochers de Champelair. Jai dans mon Cabinet une corne de chèvre déterrée dans les rochers de Berlingen. Il y a une efpèce de turquoife , compofée de petites lames qu’on polit très-bien , qui appartient au zoolithe de dents de quadrupèdes. ‘Ælle-eft dur bleu céleite , ou d’un verd tirant fur le jaune ; ou du moins , elle prend cette couleur au feu. C’eft cetre efpèce qui conftitue la turquoife de France qu’on trouve dans le bas Languedoc. Gui de la Brofle en a parlé le premier en ces termes : Ceste licorne eff une pierre en figure comme la corne, de confiflance de pierre , qui , mife au feu par deorés , donne la vraie turquoife. M. de Réaumur a publié une hiftoire complette de ce foflile dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences de Paris , année 1715. CAT ATP RP RÉ EAN UNIT L’anthropolite eft la pétrification du corps humain : Zoolitus hominis de Von Linné. Elle eft on ne peut pas plus rare ; à moins qu’on ne veuille ranger , dans cette claffe , les Villes englouties avec leurs Habitans , les Armées entières , 6 les races de Géans # qu'une tra- dition fabuleufe dit avoir été enfevelis dans les entrailles de la terre : nous avons réfuté ces chimères dans le Chapitre précédent. L'homme changé en caillou ; & le pied pétrifié’, dont Wormius donne la def cripuon , n'exiftent , fuivant moi , que dans fon imagination, Grew, dans la defcription du Cabinet de l’Académie Royale des Sciences de Londres , parle des os de la jambe d’un homme trouvé dans une veine de mine de fer. Zanichelli , dans le Catalogue de ces fofliles, fait mention de quelques os humains , d’une tête d'homme avec fes dents , & d’un humerus , fofliles & pétrifiés. Henckel cite , d’après Happellias , un exemple fingulier d’un homme pétrifié. Ce fqueletre fut trouvé en 1583 à Aix en Provence , dans une pierre qu’on brifa dans le jardin d’un Particulier de cette ville. Ce rocher reflembloit à un moule qui renfermoit le fquelette, Les os étoient affez durs ; mais on pouvoit cependant les réduire en poudre , fans beaucoup de peine. Le cerveau étoit auf dur qu’un caillou ; & frappé avec l'acier , il donnoit des étincelles. Le cadavre humain, confervé pendant cinquante ans dans une mine de viriol , dont parle Leyel dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences de Suède , ne doit pas être rangé dans cette claffe. Voici ce qu’en dit cet Auteur. « En 1719 , on trouva le cadavre d’un homme , en crenfant un conduit fouterrain , dans le puits de Mardskins , profond de quatre-vingt- deux brafles , & à cinq brafles au-deffous de l’eau & du fond du puits. Les deux jambes , le bras droit & la tête , étoient féparés du NovEmMsRE 1772, Îome 11. $so OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tronc , & froiflés par une mafñle de pierre ; mais le vifage & le refle du corps , ainfi que les habits , étoient très-entiers, Il avoit une bourfe & une tabatière de laiton avec un peu de tabac ; le tout étoit en bon état. La charnière de la tabatière qui étoit de fer | avoit été détruite par l’eau chargée de parties vitrioliques. La chair de cet homme & fa peau, étoient rudes & dures , mais non pas pétrifiées : elles reflembloient plutôt à de la corne , ou à des ongles ; car on pouvoit les couper ». On voit encore un anthropolite très-curieux , confervé dans un fchifte d'Œningen , en manière de momie , à-peu-près comme on voit des empreintes de poiflons fur les pierres fofliles. M. Scheuchzer , mon illuftre Profefleur , a décrit ce précieux monument dans les Mémoires de la Société Royale de Londres , & de Breflaw ; il a même donné fur ce fujet une differtation exprefie , ornée de planches, intitulée homo diluvit teffis | dans laquelle il dit : « Ce ne font pas ici des traits prefqu'effacés & vagues , dans lefquels une imagination féconde trouve toutes les reffemblances qu’elle y cherche ; mais on y voit des parties qui diffèrent aufli peu des parties d’une tête, qu’un œuf diffère d’un autre œuf de la même efpèce ; bien plus , les parties qu'on obferVe fur cette pierre , n’ont ni la couleur ni la fubftance de la pierre , & cette couleur eft même différente , ainfi que la folidité, dans les os du crâne & dans les vertèbres. Maïs ce qui paroït incroyable, cet qu'on y découvre des parties molles très-bien confervées & endurcies ; par exemple , le cerveau & des reftes de mufcles. J’ofe aflurer qu'il n’y a perfonne qui , en voyant cette fingulière pierre , ne reconnoiffe à l’inftant avec la plus légère attention , que c’eft un refte du déluge. Un Anatomifte fera encore plus fatisfait, en examinant cette rare produétion ; il y découvrira des fignes & des caraétères particuliers , qui diftinguent la tête humaine de celle de toute autre efpèce d'animaux ». CYR AUPIE TIR EMEX XT LIT Après avoir expofé les principales différences qui naïffent de a diverfité de matière & de figure des pétrifications ; après avoir diflingué ces corps en clafles , genres & efpèces , relativement aux divers animaux ou végétaux dont ils portent l’empreinte , il con- viendroit de placer ici quelques obfervations fur les différens lieux où on les trouve , en parcourant toutes les parties de ce globe , les bords de la mer , des lacs, des rivières, des marais , les montagnes , les vallées & les fouterrains. Il feroit à propos d'examiner la diverfité des matières qui les renferment , telles que la marne , le fable , la craie , les rochers fimples calcaires , les terres vitrifiables , & les mines, [l faudroit diftinguer ceux qui fe trouvent dans des amas confus SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. sst de fragmens , de ceux qui font dans des couches régulières , & ceux qui n’ont point de matrice. Quelle eft leur poftion par rapport à lhorifon ; eft-elle parallèle , ou verticale, ou bien oblique ? Quelle eft leur fituation , relativement à leur gravité fpécifique |, & au centre de gravité ? en quelle quantité les trouve-t-on ? quel changement ont-ils fub1 ? font-ils dans leur premier état , ou bien comprimés , brifés , renfermés dans des coquilles , dans des pierres de quartzs , de cailloux , dans des pierres calcaires , ou dans des minéraux ? quelle eft leur reflemblance avec les animaux ou les végétaux des heux où on les trouve , où à quels corps organiques des autres régions doit-on les rapporter ? Enfin., après avoir réfolu toutes ces queflions , 1l feroit à propos de terminer ce petit Traité en démon- trant la véritable origine des pétrifications ; mais il eft aifé de voir que ce plan eft trop étendu pour pouvoir être executé dans un Abrégé. Les bornes que je me fuis prefcrites dans ce Traité ne me permettent pas de l’entreprendre ; je réferve donc , pour une autre occafon , ce qui me refle à dire fur cette matière ; J’ajouterai feu- lement ici quelques propofñtions générales , qui ferviront à développer la véritable origine des corps pétrifiés. 1. La terre , au commencement de la création, étoit couverte par les eaux ; elle étoit fphérique , & probablement dépourvue de mouvement autour de fon axe. 2. La rotation de la terre autour de fon axe , a donné lieu à diverfes inégalités fur fa furface , relativement à la mañle , à la denfité & à la dureté de diverfes parties ; l'équateur s’eft alongé. 3- Les fontaines , les rivières , les lacs, les mers , les végétaux , les animaux & les minéraux de toute efpète , exiftoient avant le déluge ; de mème que les montagnes , le cours des faifons , & les météores. 4. Les pétrifications font de vrais reftes de corps naturels organi- ques du règne animal ou végétal ; & elles ont pu fe former en tout tems depuis la création du monde, tant avant le déluge , que pendant fa durée & après ; & il s’en forme de diverfes façons. s-+ Les unes fe forment de tous les animaux aquatiques qui habitent au fond des eaux , ou bien par ceux qui y tombent lorf- qu'ils font privés de vie. Quand les mers , les lacs & les fleuves changent de lit , ces corps demeurent unisspar un ciment terreftre. 6. Les autres viennent de ces mêmes corps marins pouflés fur les rivages par les vents , les tempêtes, & les flots ; ils font enfevelis dans les fables de rivages , ou unis par une terre vifqueufe. 7. Les inondations , les délugés emportant les animaux aquatiques dans les terres , & les corps terreftres dans les eaux , les enterrent dans les fables ; il fe forme enfuite diverfes couches fur ces corps. NovremsrE 1772, Tome IL, , $ÿ2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Sans doute que le déluge univerfel a caufé beaucoup de changemens de cette efpèce fur la furface de la terre. 8. D’autres pétrifications doivent leur origine aux affaiffemens de la À { « 24 . terre, aux chütes de montagnes, foit que ces événemens foient pro= duits par des tremblemens de terre, foit que la terre ne puifle fupporter fon poids à caufe de fa poñtion, foit par des canaux fouterrains où des mines mal dirigées, ou enfin par l’inflammation des matières pyriteufes & bitumineules, renfermées dans l’intérieur des montagnes. 9. ll y en a qui doivent leur exiftence aux volcans qui couvrent de vaftes régions , de fable , de pierres & de fuie ; ils vomiflent une matière ignée ; qui , en fe durciflant , forme les pierres-ponces , & qui lance fouvent les fables , les cailloux & les coquillages du fond de la mer , de manière qu'il s’en forme des collines & des montagnes très-élevées. D’autres fois, la chaleur exceflive que ces volcans produifent , fait fondre les neiges & les glaces prodigieufes dont les montagnes voifines font couvertes , & donne lieu par-là à des torrens & à des inondations extraordinaires. 10. Enfin , il y a d’autres pétnifications qui font produites par certaines eaux , chargées de terre qu’elles dépofent au fond , ou fur les corps qu’elles trouvent à leur paflage. La moufle aquatique & la prefle , font les plantes qui fe pétrifient le plus promptement , & forment les ftalattites expofées à l’air extérieur & les pierres tophacées dans l’eau. Ces pierres croiflent continuellement, & acquièrent en peu de tems une très-grande capacité. Nous ferons connoître dans le cahier fuivant la feconde partie de ce Traité. OBSERVATION de M. KILLMAR , fur un épi de feigle , tiré d'un abeès des mufiles feffrers. Lis Mémoires de l'Académie de Chirurgie préfentent plufeurs obfervations en ce genre ; nous les avons fufifamment fait connoître dans le premier volume de ces Introduétions, page 165, en rendant compte d’une lettre de M. Lyfons à M. Nicols , relativement à trois épingles avalées par une fille ; & qu’elle a enfuite rendues par l'épaule. Celle-ci mérite , par fa fingularité , qu’on la rapporte ; elle fervira à completter les obfervations que nous avons recueillies. Voyez Fendroit indiqué. Je fus appellé chez un Receveur des Tailles : jy trouvai un homme fexagenaire , d’un tempérament fañfeuin ,; mélancolique , fobre , & menant une vie fort rangée. Il étoit alors dans fon lit | fouffrant des douleurs cruelles & aigués aux envérons du Sphinéter de l'anus. IL ne re .… SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 5$s3 ne pouvoit ni marcher, ni s’affeoir. Par l'expoñition des fymptômes, Je jugeai d’abord que c’étoit des hémorroïdes ; car la pudeur déplacée de ce malade, ne me permit pas d'examiner la partie. Jordonnai en conféquence des remèdes anti-fpafmodiques & réfolutifs | & des topiques de la même vertu. Le malade , loin d’être foulagé , reffentit des douleurs fi violentes , qu'il fe détermina enfin à me permettre l'examen des parties. Je vis alors une tumeur grofle comme la moitié d'un œuf de poule , & fort enflammée , fituée vers la région des mufcles feffiers , au côté du fphinéter de l’anus. La réfolution m'en parut impofñlible, & je confeillai de confier le foin de ce traitement à un Chirurgien qüi conduiroit l’abcès commençant , à une parfaite maturité. Je fis alors ouvrir l’abcès ; il en fortit une quantité confi- dérable de pus mêlé avec du fang. La plaie fut biemæ nettoyée & panfée fuivant l'Art ; j'efpérois une prompte cicatrifation ; contre mon attente , a plais refta ouverte plus de deux mois , au bout defquels cependant elle commençoit à fe fermer , & nos efpérances à fe réaliler : mais tout-à-coup nous vimes paroître une nouvelle rougeur à quelques pouces de diftance de la première. Il s’y forma bientôt ure nouvelle tumeur qui groflit & s’abcéda en fort peu de tems. L’abcès formé , l'ouverture en fut faite , & il en fortit comme à l'ordinaire du pus mêlé avec du fang. La première plaie étoit alors cicatrifée ; mais celle-ci .étoit auffi difhcile à fe fermer : la fonde m’y fit découvrir plufieurs finus. Je fis aggrandir la plaie , & faire des incifions affez profondes pour arriver au fond. Le Chirurgien me dit quelques jours après qu’il fentoit au fond de la plaie un corps aigu ; mais qu’il ne pouvoit le voir. ( C’étoit un homme d’un âge avancé , ayant la vue bafle ). Je fus avec lui chez le malade , je vifitai la plaie, & je fentis le même corps pointu ; je découvris que c’étoit un corps étranger , femblable à la pointe d’une aiguille. Je crus pouvoir le retirer , au moyen des pincettes 3 mais mes efforts furent inutiles ,; & ce corps demeuroit immobile : cependant , je‘fis une nouvelle tentative ; & fentant que ce corps commençoit à céder , je fus fourd aux cris du malade , & je ne voulus pas lâcher prife. Je retirai mes pincettes ; le fang fut efluyé , & j'achevai de tirer avec mes doigts ce corps que je tenois. Je ne fus pas peu furpris de voir un épi, dont la queue avoit été rompue par les pincettes. Je le lavai & je le confervai. Il fut dépofé dans le Cabinet de Curiofités de l'Académie,, comme un garant de la vérité du fait que J'avance. Le malade recouvra une fanté parfaite , dont il a continué de jouir pendant cinq ans. Il eft mort l'année 1762. SG ALO“DSY EF On ne manque pas de femblables obfervations. Dans les Nouvelles WNovEemMBrE 1772, Tome 11. Aaaa 554 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Littéraires de la mer Baltique & Septentrionale , du mois de Mars de l’année 1707 , p. 69 & fuivantes , on trouve qu'un épi avalé fut tiré d’un abcès aux environs des côtes. Dans les Mêlanges de Phyfique médicale & de Mathématiques que j'ai publiés autrefois , on voit ( p. 459 & fuivantes ), qu’on a retiré un épi fleuri d’un abcès formé au côté d’un enfant de dix-huit femaines. M. Vandermonde , dans fon Journal de Médecine , &c. tome 11, du mois de Décembre de l'année 1759 , rapporte qu'un jeune homme qui fouffroit depuis très-long- tems des douleurs de reins très-violentes , accompagnées d’une difficulté d’uriner , rendit avec des urines purulentes un épi d'orge qu'il penfoit avoir avalé dans le tems de la moiflon , en buvant de l’eau trouble. M. Haller , dans fes Elémens de Phyfologie , tom. 1 , p. 15 , rapporte plufieurs exemples de femblables épis avalés & retirés enfuite de quelques abcès. Dans tous ces exemples , à l'exception du fecond , qui , nétant pas appuyé du témoignage de gens dignes de foi, ne mérite pas beaucoup de croyance , l’épi avoit été auparavant avalé. Il n’en eft pas de même du cas préfent. Cet épi n’auroit fans doute pas été avalé fans caufer quelque douleur ; & le malade , après l’ex- traétion de ce corps étranger , n’auroit pas manqué de s’en reflouvenir, à moins qu'on ne fuppole qu'il l'ait avalé dans un âge fi tendre, qu'il ne püt abfolument point s’en reflouvenir ; ce qui ne paroit guère probable. En effet , comment fe perfuader que cet épi eùt refté dans le corps jufqu'à ce tems , fans caufer aucune incommodité à cet homme ; & qui pluseft, fans fe ramollir ? On ne fauroit non plus attribuer la produétion de cet épi à quelque grain avalé , ou introduit dans le corps de quelqu’autre manière ; car les femences introduites dans le corps humain s’y ramolliflent , à caufe des fluides dans lefquels elles nagent , & ne peuvent y prendre aucun accroiflement : d’ail- leurs, cét épi ne contenoit point de grains ; pourquoi n’en auroit-il pas eu , s’il avoit été formé de cette manière ? Il n’eft pas poffible non plus qu’il ait été produit par les feules forces du corps de l’homme en queftion ; qui eft-ce qui ignore que la formarion de chaque corps eft foumife à des loix éternelles , qui lui font prefcrites par la nature ? Tout ce qu’on peut dire à ce fujet , fe réduit donc à fuppofer que cet épi aura pénétré dans le corps par quelque folution de continuité , & en aura été expulfé par un abcès , ainfi que tous les corps étrangers. Il eft très-vraifemblable qu’un épi attaché au drap du lit, ait pu fe glifler dans le premier abcès de cet homme , à travers du bandage qui fe fera trouvé un peu relâché ; qu'il aura pénétré plus avant avec le tems , aidé mème par la compreffon des bandes , & fe fera frayé un chemin à travers le tiflu cellulaire des mufcles , jufquw’à l’endroit où s’eft formé le fecond abcès; qu’il y aura produit une inflammation qui fe fera terminée par une feconde fuppuration, On a vu que le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $$$ premier abcès a tardé très-long-tems à fe cicatrifer , ainfi que le fecond , au fond duquel on a trouvé l’épi. On doit fe rappeller qu'il #'y avoit aucune caufe vifible de cette lenteur. Ne peut-on donc pas préfumer par-là, que l’épi fe trouvoit alors véritablement dans la première plaie , d’où il aura pañlé dans un autre lieu ? L’inquiétude du malade ne peut-elle pas avoir relâché fes bandes ? le Chirurgien qui avoit la vue baffle , peut bien ne s’en être pas apperçu , & n’avoir pas vu ce corps au fond de la première plaie. Cetre explication me paroît affez bien s'accorder avec l’hiftoire de la maladie , & j’ofe même dire qu’elle eft plus que probable, = DISSERTATION SUR LA PIERRE DE TONNERRE, PAR M. Nic. ANDRÉ GRONBERG. D: tous les météores ignés , les éclairs , la flamme & le bruit qui les accompagnent ordinairement , ont de tout tems frappé les hommes , & excité en eux un fentiment de crainte , mêlé d’admiration. Quelques uns ont pouflé cette crainte jufqu’à la pufñillanimité la plus outrée , pour ne pas dire au ridicule ; & d'autres , par une affeétation auffi déplacée , ont therché à braver ce terrible météore. Tout le monde connoît les effets multipliés , finguliers & indéfiniflables qu'il produit en tombant fur les corps ; mais il n’eft pas aïfé , dit M. Gronberg , de porter un jugement décifif fur la matière qui le forme, & fur les caufes de fes direétions variées à l'infini an moment de {on départ de la nue , ni de fes effets fur la furface de notre globe. M. Gronberg commence fa Differtation par examiner les opinions reçues par les Anciens. Ils attribuoient la foudre à Jupiter , & ne la regardoient pas comme une caufe naturelle, Ce qui a fait dire à OvipE, ir que Jovis dexträ fiétile fulmen era. à Les Goths rendoient les honneurs divins à THoRron ; ils le regardoient comme la Divinité qui préfidoit à l'air , aux vents , aux éclairs , & à la foudre. Quelques-uns , les Prifcillianiftes fur- tout , l’attribuoient à des Génies malfaifans. PARACELSE femble être du même fentiment , puifqu'il regarde les éclairs comme l'apparition des efprits , & le tonnerre comme leur langage & leur exprefon. Bopin, dans fon Théâtre de l’'Hiftoire Naturelle , a porté la fimplicité jufqu’à railler ceux qui avoient aflez de bon fens pour n’y reçonnoitre qu’une caufe naturelle. Il faut laiffer à ces cerveaux échauffés , qui voient du merveilleux dans les chofes les plus fimples , leur profonde vénération & leur enthoufiafme. Tout l’ellébore d’Aneycire , fi vanté par HORACE , ne NovEMBRE 1772, Tome 11. Aaaai) 556 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fufiroit pas pour des têtes fi mal organifées. Examinons l'opinion des anciens fur la nature de ce météore. EPICURE , DEMOCRITE , & les Stoiciens , ont attribué la foudre au mouvement de frottement & de collifion qu'éprouvoient les nuages. PLINE prétendoit que la foudre venoit des planètes de Mars , de Jupiter & de Saturne. ARISTOTE lui donnoit pour principe des exhalaifons fpiritueules , qui s'élèvent dans les airs & qui s’y énflamment. Elles étoient , felon lui , de la même nature que celles auxquelles il attribuoit les trem- blemens de terre. GASSEND1 regardoit les nuages comme remplis d'une grande quantité de véficules d’air , & l'éclair comme produit par leur dilfation précipitée. DESCARTES ne voyoit que des nuages pleins de neige , dont la chûte rapide des uns fur les autres comprimoit vivement l'air élaftique , qui reprenant à l’inftant fa première forme fe dilatoit , & par cette dilatation allumoit les parties inflammables répandues dans l'air. Le fentiment de DESCARTES approche beaucoup de celui de GASsEND1 pour l'explication des effets. Quelques Phyfciens ont penfé que la foudre pouvoit être produite par la feule chaleur , de la même manière que le tartre fulminant ou l'or fulminant s’allument , & font une explofon très - confidérable. Les uns l’ont fait dépendre du frottement des parties entr'elles ; d’autres, de la concentration des rayons folaires ; ce qui arrivoit felon cux, de la même manière que quand on unit l'acide vitriolique au fer ou au zing , qu'on tient bouché le bocal qui le renferme , & qu’on l'approche enfuite d’une bougie enflammée ; le feu fe communique aufi-tôt aux matières en effervefcence , & fait une détonnation, D'autres enfin, ont eu recours, pour expliquer ce phénomène, à une effervefcence femblable à celle qui enflamme les huiles, lorfqu’on les unit avec les acides très-concentrés. Les Phyficiens de nos jours ont attribué la foudre à la matière éle&trique ,; & ont afluré que la foudre étoit de même nature qu’elle. Peut-on regarder cette théorie ingénieufe comme parfaitement démontrée, & explique-t-elle clairement la détonnation ? Elle peut cependant en être la canfe. Ce n'eft pas ici le cas de détailler les différentes opinions fur cet objet ; il fufifoit de connoître ce que l’on avoit penfé jufqu’à ce jour fur la nature de ce météore. Mon but eft d'examiner s1/ exiffe des pierres de tonnerre Ou pierres de foudre. Les fentimens de ceux qui foutiennent l’afirmative font partagés par rapport au lieu & à la manière dont ces pierres font formées, Les uns veulent que ce foient des pierres minérales enlevées jufqu'aux nues , par les vents , les orages , les tempêtes , &c. & qu’elles retombent enfuite avec la foudre. Telle étoit l'opinion de BARTHOL. D'autres prétendent que ces pierres fe forment dans l'air & dans les SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 57 nuages, par le mêlange des matières onétueufes , fulfureufes & ter- reftres. Ils font très-peu d'accord fur la manière dont la formation fe fait , & encore moins fur le fourneau qui fert à leur fufion. DESCARTES penfoit qu'il pouvoit fe faire une fonte foudaine & momentanée , de la même manière que la terre qui refle au fond des vaifleaux après l'évaporation de leau mêlée avec le nitre & le foufre , auxquels on a mis le feu , donne une pierre d’une fubftance très dure, Quelques-uns_ ont penfé que la chaleur de l'air fuffoit pour la génération de ces pierres , & qu’elle devoit fe produire à-peu-près comme les graviers ou les pierres dans la vefie ou dans les reins; c'eft-à-dire , par l’aglutination d'une couche fur une autre. LESsER Pattribue aux rayons du foleil , qui répercutés & raflemblés en un foyer dans le nuage , y forment un hémifphère. concave capable de fondre dans un moment les parties terreftres de l’air , ou renfermées dans lefpace de ce foyer. D'autres foutiennent affirmativement , que l’on cherche vainement l’origine de la pierre de foudre dans l'air ou dans les nuages ; mais qu’on doit la trouver dans la terre , où le feu du ciel met fubitement en fufion le fable & la terre dans l’en- droit où il a frappé ; d’oùil réfulre une efpèce de pierre on plutôt une vraie fcorie. C’étoit l'opinion d’AGRICOLA. Nous ne finirions pas s'il falloit rapporter toutes les rêveries débitées à ce fujet, On ne peut pas penfer que des corps fpécifiquement plus pefans que l'air, puiflent s’y élever , & encore moins s’y maintenir ; les corpulcules terreftres font de ce nombre, quelque fubrils qu’on les fuppofe. Ils font élevés , il eft vrai, à une certaine hauteur , maisils retombent peu à peu fous la forme de pouñlère. Leur éüte eft (enf- blement apperçue fur les corps polis. Il eft bien plussür & plus probable de dire , que pour que les particules s'élèvent dans l'air , il faut qu’elles foient réduites en vapeurs tenues & volatiles , d’une nature huileufe, faline ou alkaline ; effet fimple & démontré par M, VaLLERtUS. Il neft pas croyable que ces vapeurs s’épaifliflent & acquièrent la dureté des pierres par le feu du tonnerre , par la chaleur de l'air , ou par les rayons du foleil , puifque la chaleur dilate les vapeurs ,& que le froid au contraire les condenfe, Il eft encore auffi facile de prouver qu'il ne tombe point de pierres avec la foudre ; les raifons fuivantes paroïflent concluantes. 1°. La matière ignée qui tombe , n’a point l'apparence de la pierre ; elle reflemble plutôt à un rayon éclatant de lumière , ou à un globe de feu. 2°. Cette matière ou globe de feu fuit en tombant une direétion oblique , &.non une ligne droite. 3°. Ona obfervé que ces globes fe rompent avec bruit & fracas , & que leur explofon reflemble à celle d’une bombe remplie de petites étoiles embrafées. 4°, Après que le bruit de l'explofion s’eft fait entendre , on voit cette matière exercer NOVEMBRE 1772, lome Il. 558 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fa puiffance avec la même vélocité , la même véhémence , quoique fes mouvemens foient irréguliers , & qu'ils s’exercent en tous fens. 5°: Il eft certain que la foudre fuit Le courant d'air , ce qui fait qu’elle tombe fouvent fur les édifices très-élevés , & quelle fort commu- nément par l’ouverture des cheminées. 6°. La foudre a une fympathie marquée avec les métaux , & principalement avec le fer. On l'a vu fondre des monnoies , une lame d’épée dans un fourreau , fans que le fourreau ou la bourfe aient été endommagés. LUCRÈCE a dit, avec raifon: Et liquidum puniülo facit &s in rempore & aurum. 7°. Cette matière pénètre les corps mous , y pañle fans les percer ni les ébranler , tandis qu’elle donne des commotions violentes aux corps folides, &c qu’elle les brife avec impétuofité , & laifle après elle des trous femblables à ceux qui font formés avec le fecours d’une vrille. Elle fraéture les os des animaux , fans endommager ni la chair ni la peau. 8°. Lorique la foudre eft tombée dans une maiïfon , on fent une odeur fulfureufe très-vive , trèspénétrante ; mais on n’apperçoit jamais aucune pierre , ni rien de femblable. L'odeur de foufre qui fe fait fentir dans une maifon frappée de la foudre , la propriété qu’elle a de fondre”les métaux , & fur-tout le fer , la couleur noire qu’elle donne à l’or & à l'argent , effets femblables à ceux du foufre , ont porté plufeurs Auteurs à penfer que cette matière ignée dépendoit de quelque foufre minéral enlevé dans l’athmof- phère ; mais ce foufre ne peut s'élever fous forme concrète. Le foufre aërien eft d’une nature très-fubtile &c très-pénétrante ; & fes propriétés diffèrent confdérablement du foufre minéral. Le foufre aërieneft très-pur 3 il fe forme dans l'air d'une matière inflam- mable très-pure & très-abondante dans les tems de tonnerre. Cette matière eft encore combinée avec un acide aërien très-pur ; la matière éledrique eft de même nature. On doit le penfer , puifqu'elle laiffe à la bouche & au palais une faveur acide , &z à l’odorat une odeur d’efprit de vitriol & de foufre. 11 n’y a pas lieu de douter que la terre & les corps terreftres n’exhalent une matière très-inflammable & très-pure ; ce qui a fait penfer à plufieurs que la matière éleétrique s’élevoit de la terre. De- là , les lieux très-abondans en matières inflammables , comme ceux qui avoifinent les volcans , font plus fujets à être frappés de la foudre que les autres. MAFFE1 , dans le Journal des Savans d'Italie , tom. 1°”, pag. 188 , & plufeurs autres après lui, difent avoir vu la foudre s'élever de la terre en l'air. Libavius | Boëce , Leffer affirment qu’on a trouvé des pierres de foudre dans des arbres qui en avoient été frappés , & que la métallicité de cette ierre la faifoit diftinguer des autres, Que penfer de ces opinions différentes , de ce qui eft rapporté par SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $$9 des auteurs , d’ailleurs dignes de foi , & qui fe difent témoins oculaires ? Il réfulie , ou qu'ils ont été trompés , ou que mauvais obfervateurs , ils ont été féduits par les apparences. On a donné à ces prétendues pierres de foudre des formes variées , comme d’une hache , d’un coin , d’un marteau , &c. & plufeëfié anciens ont cru les reconnoître dans quelques pétrifications ; comme dans les belemnites , les ortocéralires | &c. Toutes ces pierres ne prouvent point la réalité de celles du tonnerre. Elles font ou des jeux de la nature , ou dues à des fubftances animales pétrifiées ; ou leur forme vient‘de la main des hommes. A quoi donc attribuer cette prétendue pierre ? Seroit-ce à la fufion de quelques particules métalliques ou terreftres , que la foudre rencontre aux endroits où elle tombe ? C’étoit le fentiment de Sthal , & de plufeurs Phy- ficiens ; ils n’ont pas fait afez attention aux circonftances qui accom- pagnent la chûte de la foudre. Les corps mous en font pénétrés & traverfés , fouvent fans être endommagés , & les corps folides & durs, font brifés , divifés , &c. Les parties des végétaux & des animaux font enflammées , brülées & réduites en charbon. Il eft vrai que dans le Mufœum Cephali, pag. 4, il eft dit qu’on trouva une pierre de tonnerre dans l'os d’un homme qui en avoit été frappé , & qu’elle en fur tirée par Manfred feptala : mais reconnoifloit-elle la foudre pour fon origine ? On ne peut foutenir cette aflertion ; & il eft démontré qu’elle réduit les os en cendre , mais qu’elle ne leur donne jamais l’état de fuñon. On ne connoît aucun exemple de terre , de pierres réduites en fufon. Il eft vrai que la foudre foulève quelquefois la terre dans laquelle elle s'enfonce en tombant, qu’elle répand au loin une odeur fulfureufe, Ces phénomènes ne prouvent pas la fufion. On ne peut pas tenir le même langage relativement aux veines métalliques. Les fcories , foit martiales , foit cuivreufes; trouvées après que le métal a été frappé de la foudre, prouvent que le métal a été mis en fufon. Il réfulte de ces différentes obfervations , que la pierre de tonnerre exifte , qu’elle ne s’engendre ni dans Pair , ni dans les nuages ; mais qu'elle eft le réfultat de la fufion du minérais , dans l'endroit où le feu du ciel eft tombé. Le caraétère de cette pierre eft de reflembler à des fcories métalliques , auxquelles font joints quelquefois des morceaux de pierre ou de terre , mais nullement vitrifiés. Quant au globe de feu que plufeurs perfonnes ont remarqué lors de l’explofion & de la chüte de la foudre, ne feroit-il pas lui-même le feu, la matière éleétrique qui eft attirée par la terre ? Cette idée n’eft pas hors de vraifemblance. M. Gronberg auroit dû ajouter que ces pierres, ou plutôt ces fcories métalliques, font très-rares ; & cependant, il n’eft aucun Ouvrier tra- vaillant fur les métaux, principalement fur l'or & fur l’argent, qui ne WNoveusrE 1772, Tome IL. 560 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dife avoir une pierre de tonnerre. Il eft bien démontré aujourd’hui , que prefque toutes font des pierres dures & polies, & communément brunes ou noires. Leur conformation eft le réfultat de l'art & de la patience. Les Sauvages de l'Amérique , avant que les Européens leur euflent porté les infirumens d’acier, s’en ferv@ient pour armer leurs flèches, fendre du bois. Notre Continent, dit M. de Juffieu, dans un Mémoire publié dans la Colle&tion de l’Académie (année 1723), a été anciennement habité par des Sauvages. Et les mêmes befoins, la même difette de fer, leur ont infpiré [a même induftrie, Dans la fuite, leurs outils devenus inutiles ont été enfevelis en grande quantité dans la terre : ils s’y font mieux confervés que s'ils euffent été de métal; car la rouiile ou le verd-de - gris les auroit peut -être ou confpmgés ou défigurés. Eh! voilà ces pierres tombées avec la foudre! Leurs différentes figures de coin, de dard, &c., ont fait penfer aux anciens Grecs qu’elles étoient les armes de Jupiter tonnant , qu'il les lançoit de fes mains avec la foudre. C’eft encore lopinion de quelques Peuples du Nord, au moins quant aux effsts; on en trouve en affez grande quantité dans ces contrées, & les habitans penfent qu’elles ont la propriété de les garantir de la foudre. Les fuperftitions, les préjugés font de toutes les Nations. Si on veut avoir une idée exatle de quelques-unes des pierres de tonnerre , voyez , p. 251 de ce Vol. , le rapport fait à l'Académie des Sciences , relativement à l'Obfervation communiquée par M. Bachelay. ER mx | = 2 D DEEE SEE ——— ——————————— EXPÉRIENCES de M. CYGNA, fur les mouvemens éleëtriques. DEN eft-il nécefaire à l’exécution des mouvemens éle@riques ; & juiqu'à quel point cet élément contribue-t-il à ces phénomènes ? Les Phyficiens font depuis long-tems divifés fur cette queftion. Les Académiciens de Florence , MM. Boyle, Hauksbée, Nollet & plufieurs autres Savans, fe font exercés fur cette matière. Tantôt ils ont frotté des corps éleétriques dans le vuide, tantôt ils ont placé ces même corps, déja éle@rifés, dans un efpace privé d’air ; tantôt enfin, ils ont renfermé fous le récipient pneumatique, dont ils ont pompé l'air, des fils dont les mouvemens pouvoient être excités & dirigés par la communication de la vertu excitée dans un globe éle@trique. Les réfultats de ces expériences ont cependant varié 3 foit à raifon du différent degré de force dans l’éle@ricité, ou d’exa@titude dans le wide; foit à raifon de la diverfité dans le volume des corps à mou- voir, ou des variétés du tems : la queftion eft demeurée indécife, & les Savans ont été partagés dans leurs opinions. Les uns prétendent que l'air eft néceffaire aux mouvemens dont il s’agit ; les autres fou- tiennent SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘56! tiennent le contraire. Il en eft d’autres qui, voulant concilier ces deux fentimens, attribuent la diverfité des réfultats de ces expériences à la différence des moyens dont on s’eft fervi pour éle&rifer; de forte que, fuivant ces derniers, on éleétrife, ou par le moyen d’un corps réfineux, ou bien avec un globe ou tout autre corps de verre: dans le premier cas, les mouvemens éleétriques pourront s’exécuter dans le vuide; au lieu que dans le fecond , l'air eft abfolument néceffaire à leur exécution. Cette queftion a éré enfin entièrement décidée par le célèbre M. Beccaria ; ce Phyficien étant parvenu à produire un vuide beaucoup plus exaét, a imaginé une nouvelle méthode, qui confifte à imtro- duire une chaîne par le fommet du récipient de la machine pneuma- tique , au moyen de laquelle il lui eft très-atfé d’éle@rifer un corps placé däns le vuide. Il a obfervé les monvemens'éle&triques jufques dans le vuide du baromètre, & cela, en approchant extérieurement un corps éleétrifé , de la partie fupérieure du baromètre dans lequel il avoit renfermé des fils d'amiante. C’eft par ces expériences & par plufieurs autres femblables, que ce favant Phyficien a démontré que les mouvemens éleêtriques ceflent entièrement dans un vuide abfo- lument parfait ; qu'ils languiflent dans un air très-raréfié, & qu'enfin leur vivacité diminue à raifon de l’angmentation du vuide. Ma nécéité de l'air étant ainfi démontrée , il refte à examiner fi c’eft par fa preffion, par fon élafticité ou par quelqu’autre qualité , que ce fluide agit en cette occafion. Pour parvenir à éclaircir ce doute , j'ai cru qu'il n’y avoit pas de route plus füre que d’obferver ces mêmes mouvemens dans divers milieux, autres que le vuide dans lequel les Phyficiens avoient fait jufqu’alors leurs expériences. En conféquence, j’attachai une boule de fer au bout d’une chaîne ; j'ajoutai à la même boule, un fil de fer, de manière que la boule fe trouva précifément entre deux. Je plongeai ce fil de fer dans l'huile, en forte que la boule même en étoit fubmérgée. J’excitai enfuite l’élec- tricité, & j'apperçus dans la boule fafpendue entre la chaîne & le fil de fer, & qui n’avoit aucune communication avec l'air exterieur; J'appercçus, dis - je, des ofcillations auf fortes que fi elle avoit été fufpendue dans un air libre: mais ayant voulu faire la même expé- rience dans l’eau & dans d’autres liquides, qui ne donnent pas au fluide éleétrique un pañlage au facile que le fer, il ne m’a jamais été pofñble d’exciter le moindre mouvement, au moyen d’une élec- tricité médiogre , telle qu'on la pratique ordinairement. Il s'enfuit de ce qu'on vient de dire, 1°. que l’éleétricité ne fauroit _ produire aucun mouvement dans un vuide parfair; puifque le vuide étant auf perméable pour le fluide éleétrique que tout autre milieu déférent , il ne fauroit être propre à produire aucun mouvement, WoyemeRe 1772, Tome IL, Bbbb 562 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 2°. Il réfulte des mêmes expériences, que ce n’eft pas par fa force élaftique que Fair contribue à la formation des mouvemens éle@ri- ques, puifque l’huile qui eft abfolument privée d’élafticité , ne les produit pas moins. On doit donc attribuer cet effet à la feule pref- fion de Pair , qui comprime le fluide & les corps éleétriques, expofés à fon aétion. Il réfulte enfin que tous les milieux quelconques font d'autant plus propres à la produ@tion des’ mouvemens éle&riques qu'ils donnent au fluide éleétrique , (qui par fon élafticité s’é- tend en tout fens, & qui, lorfqu'il eft inégalement diftribué dans ces corps , pafle fuccefivement de l’un dans lautre), un pañlage plus difficile que les corps mobiles qu'ils environnent. Ilparoïît de-là, que toute la théorie des mouvemens éle&riques confifie, 1°. à fuppofer un fluide élaftique, & des corps dans lef- quels il fe trouve.également ou inégalement diftribué ; 2°. à fup- pofer de plus un fluide qui comprime , & ce fluide , & les corps dans lefquels 1l fe trouve : alors, on découvrira & on définira toutes les loix des mouvemens de ces mêmes corps, puifque ces loix ne dépendent que de la preflion inégale du milieu comprimant le fluide élaftique ; tandis que par fon élaflicité, il s'étend en tout fens, ou bien pendant quil pafle d’un corps éleétrique dans un autre, pour fe diftribuer également dans chacun d’eux. M. Beccaria a déja fait part au Public de quelques belles obfervations à ce fujet, &gil promet d'en communiquer bientôt plufieurs autres, qui répandront un nouveau jour fur ce méchanifme, & ferviront à perfeétionner cette théorie. INSTITUTIONS MATHÉMATIQUES, fervant d’introdutfion à un Cours de Philofophie , a l’ufage des Univerfités de France | Ouvrage dans lequel on a renfermé l’arithmétique , l'alodbre | Les fratfions ordinaires & décimales ; lextratfion des racines quarrées & cubiques ; le calcul des radicaux & des expofans ; les raifons , proportions & progreffions arithmetiques & géomérriques ; les logarithmes , les équations , les pro= blémes indérerminés , la théorie de l'infini , Les combinaifons , La géométrie © trigonométrie ; la méthode de lever les plans, la mefure des terreins , La divifion des champs & Le nivellement ; les feélions co- niques , les ufages des fetions coniques pour le’ jet des bombes , le calcul des votes, les échos , les miroirs & Les vers brélans ; la diop- trique , la théorie des forces centrales ; les principes du calcul différentiel & du calcul intégral, & toutes Les connoillances mathématiques dont les Miütaires peuvent avoir befoin. Les matières font traitées clairement & mifes à La portée des Commençans. Dédiées à Madame La Dauphine, par M. l'Abbé SAURI , ancien Proféffeur de Philofophie en l'Univerfué SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 563 de Montpellier, Seconde Edition , revue , corrigée € augmentée par l'Auteur, À Paris, chez Valade, Libraire, rue Saine- Jacques , vis-à- vis celle des Mathurins, 1772. Avec approbation , & privilège du Roi. On ne voit point la néceflité de charger le Frontifpice d’un Livre d’un titre aufli volumineux, à moins qu'on ne defire le faire fuppléer à une table ou à une récapitulation. Autrefois on clonoit ‘des Préfaces fouvent aufli longues que l’Ouvrage, & fouvent inutiles. Comme tout eft de mode , les titres vont prendre leur place. M. PAbbé Sauri nous permettra cette petite obfervation qui ne porte aucune atteinte au mérite de fon Ouvrage , digne à tous égards de la reconnoiflance des Etudians & de l'approbation des Profefeurs. Ces Infliturions étoient deftinées à compléter un Cours de Philo- fophie que l’Auteur fe propofe de donner inceflamment. On fait que la Phyfique , cette fcience fi utile, fuppofe quelques connoiflances mathématiques. Les plus grands Phyficiens modernes, s’'Gravefende , Defaguiliers, Mufchembroek , quelques efforts qu'ils aient faits; n’ont pu fe pañer abfolument de la Géométrie & de l’Algèbre ; & un Traité de Phyfique fans Mathématiques eft un corps fans ame. En effet, comment pourroit - on bien traiter la Mécanique fans employer la Géométrie? La Phyfique célefte ou l'explication phyfique du mou- vement des aftres, fur-tout dans le fyftême de M. Newton; le flux & le reflux de la mer & la figure de la terre ne fuppofent-ils pas la connoiflance des élémens d’Algèbre & de Géométrie, du moins fi on vent les traiter ainfi qu’ils exigent ? Telles font les confidérations qui ont engagé M. l'Abbé Sauri à donner un Traité de Mathématiques clair, fimple, méthodique , afin de faciliter l'étude de la Phyfique aux jeunes Philofophes, La première édition de cet Ouvrage ayant été épuilée en très-peu de tems, lAu- teur en donne une nouvelle plus parfaite & confidérablement aug- mentée. On fe tromperoit, fi on penfoit que ce Livre n’eft propre qu'à faciliter l'intelligence de la Philofophie. C’eft un Quvrage élé- mentaire très-clair, & un des plus utiles qu'on puifle mettre entre les mains de ceux qui veulent apprendre les Mathématiques. On en Jugera facilement par l’analyfe que nous allons en faire. M. l'Abbé Sauri après avoir préfenté l’obet des Mathématiques, & donné lexplication de quelques termes dont il fait ufage dans la fuite , traite avec la plus grande précifion des opérations de Parithmé- tique , des fraétions ordinaires & décimales, de la mulriplication & divifion des nombres complexes. Les opérations de l'algèbre , l’extrac- tion des racines quarrées & cubiques, foit numériques , foit algébri- ques ; le calcul des radicaux ; le binome même de Newion paroiffenc facilés à faifir dans cet Ouvrage, Les raïfons, proportions , progref- fions arithmétiques & géométriques, les logarithmes & leurs ufases , NovemBrEe 1772, Tome 11. Bbbbi 564 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, font préfentés d’une maniere très-intelligible. L’Auteur pafle enfuite aux équations, & 1l donne vingt-quatre problèmes déterminés & dix femi-déterminés curieux & intéreflans. Enfin, ii fait fentir dans quel cas on doit regarder un problème comme impoñlible. M. Sauri parle après cela des équations qu'on peut réfoudre par les divifeurs du premier degré, de celles qui n’ont que deux termes , & de celles enfin qui, quoique d’un degré quelconque , peuvent néanmoins ES réfoudre par la méthode du fecond degré. Les exemples fuivent tou- jours les préceptes. Paffant enfuite à la théorie de l'infini, notre Au- teur réfute l'opinion de MM. la Caille & Mazeas , & même celle du fameux M. Euler ; &c il préfente une matière fi abftraite, de ma- nière que les commençans y trouveront peu d’obfcurités & d’em- barras. Les combinaifons offrent plufieurs problèmes intéreffans. M. PAbbé Sauri recherche. le nombre des mots qu’on peut faire avec les vingt- quatre lettres de l’alphabet , le nombre de manières diffé- rentes dont un certain nombre de perfonnes peuvent s’afleoir autour d’une table, les combinaifons des planètes, &c. Il réfulte des calculs de lAuteur, que dix perfonnes peuvent fe ranger autour d’une table de 3628800 manières différentes , ce qui paroit un paradoxe, La géométrie commence à la cent cinquante -fixième page. Notre Auteur débute par quelques notions préliminaires fur les lignes , les il angles & les figures ; il traite enfuite des lignes, des plans, des: . furfaces , des folides , de la trigonométrie, de la méthode de tracer &z de lever les plans, de la mefure & divifion des champs, enfin, du nivellement. On chercheroit vainement des démonfirations auf fimples, aufh précifes, aufli faciles à retenir, & dans une étendue aufh rapprochée. M. Sauri donne les propriétés de la parabole, en- fuite celles. de l’ellipfe & de l’hyperbole. La comparaifon de fon Traité fur les fe&ions coniques , n’eft pas inférieure à ce qui a déja été publié fur ce fujet. Après les fe&tions coniques viennent les ufages de fes courbes. L’Auteur les applique au jet des bombes , au calcul de l’excavation des mines, à la conftruétion des porte-voix, des cornets acouftiques, des verres & des miroirs brülans , des lunettes propres à ceux qui ont la vue trop courte ou trop longue; à la théorie des forces centrales ; & il fait voir que les planètes & les comètes décrivent des ellipfes autour du foleil. {1 donne une table nouvelle & très-exaéte, calculée par le célèbre M. de la Lande , dans laquelle la parallaxe du foleil étant fuppofée de 8” =, ainfi que la donnent les dernières ob- fervations , on trouve les diamètres, les mafles, leswgrofleurs, les denfités des planètes , leur moyenne difance à la terre, & la viteffe des graves auprès de leurs furfaces. Il détermine de combien dimi- nue le poids des corps à proportion qu'ils s’éloignent de la terre; & il fait voir qu'un corps qui pèfe ici-bas trois mille fix cens livres, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 56% ne peferoit qu’une livre s'il étoit tranfporté à la diflance moyenne de la lune, c’eft-à-dire, à foixante demi - diamètres terrefires, L'Auteur donne enfuite un Traité précis, clair, fimple des courbes, foit algébriques , foit tranfcendantes , & pafle aux principes du calcul différentiel & intégral, aux applications du calcul différentiel aux fou- tangentes & founormales des courbes , à la recherche du maximum & du minimum. Les applications du calcul intégral à la quadrature & à la re@ification des courbes, à la recherche de la folidirté & de la fur- face des folides de révolutions. L’Auteur fait encore des applications de ces calculs à différens problèmes de méchanique. Il cherche quel rapport il doit y avoir entre trois corps élaftiques, pour que le premier allant choquer le fecond , & celui-ci le troifième, le pre- mier communique au troifième la plus grande quantité de mouve- ment pofhble. Cela arrive , lorfque le fecond eft moyen- proportionnel entre le premier & le troifième ; de manière que fi le premier pèfe huit livres & le troifième deux, le fecond doit en pefer quatre. M. PAbbé Sauri fait voir enfuite que tous les arcs d’une cycloïde ren- verfée {ont parcourus en tems égaux , aufli bien que les petits arcs d’un cercle, & que les tems des vibrations dans un petit arc de cercle ou dans des arcs cycloïdaux, font dans le rapport des racines des lon- ueurs des pendules. Il fait voir encore qu'en admettant l’hypothèfe bichne , les fphères s’attirent en raifon direéte de leurs mañles, êt en raifon inverle des quarrés des diflances qu'il y a entre leurs centres. Enfin, notre Auteur termine fon Ouvrage en expliquant ce que. les Anglois entendent par calcul des fluxions & calcul des fluentes. Il eft furprenant que M. l'Abbé Sauri ait pu traiter dans un Volume de quatre cents quatre pages, tant de matières différentes, & avec autant de clarté. Comme les Profeffeurs de Philofophie & les Maitres de Mathématiques peuvent avoir de bonnes raifons pour n’enfeigner à leurs Elèves que les premiers élémens d’algèbre & de géométrie, FAuteur leur indique dans la Préface, une méthode par laquelle ils n'auront pas deux cent douze pages à démontrer ; ce qu'on peut faire aifément dans l'efpace de quelques mois. DISSERTATION de M. BENEVENUTTI, fur l'excellence du Vinaigre commun. L: vinaigre eft felon moi, dit l’Auteur, le remède le plus falu- taire & le moins difpendieux pour les Pauvres. Ses vertus admirables ont engagé les Praticiens les plus expérimentés, à le placer au rang des meilleurs remèdes. M. Lemery & Cartheufer ont parfaitement développé la nature NovEmgre 1772, Tome 11, 566 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, du vinaigre par le fecours de l’analyfe. Cartheufer l'a diftillé au moyen d’un feu doux. Le premier produit fut une liqueur fpiritueufe ; le phlegme s’éleva enfuite, & un marc épais fut le réfidu reftant dans la cucurbite. L’Artifte poufla le feu , & obtint une liqueur féuide & très-acide ; enfin une huile. Le réfidu calciné dans un creufet , fournit un fel alkali, dont fans doute on étoit redevable à l’aëétion du feu, puifque le réfidu du vinaigre, fimplement diftillé & mêlé à lhuile de tartre , n’a jamais produit aucune effervefcence. On doit l’exiftence du vinaigre à la feconde fermentation du vin, excitée par la chaleur, qui a pañlé de la fermentation fpiritueufe à l'acide (1). On fait que cette fermentation caufe la putréfaétion alka- line des humeurs animales, & engendre lacidité dans les matières végétales , fi on excepte néanmoins la pâte gélatineufe de la farine de froment, qui, felon Bevarius, tend à lalkali (2). Cette fermen- tation une fois excitée, forme de nouvelles combinaifons, broie, di- vife, recombine le tartre qui s’y trouvoit auparavant ; l'air dégagé du tartre, remplit le vuide des vaifleaux d’une acidité nouvelle. On croiroit d’abord que c’eft un paradoxe, fi on difoit que l’air expulfé du vin eft remplacé par les parties acides du tartre qui fe recom- binent, fur-tout fi on fait attention au poids du vin , & fi on le compare avec celui du vinaigre (3). Le vinaigre eft au vin comme 11 À à 10 2. M. Nollet prétend que cette diflolution dépend du mous vement & du frottement des particules du fluide entr’elles. M. Gui- (1) On convient avec M. Benevenutti, que la chaleur eft un des principes qui contri- bue beaucoup à la fermentation acide; mais l'air n’en eft pas la feule caufe. On ofe dire que l’acidité eft due, en grande partie, à l’air furabondant que le vin abforbe pour paffer à l’état devinaigre. On en a vu la preuve dans le premier Volume de ces Introduétions, Les expériences qui y font rapportées, ne laïflent aucun doute à ce fujet, & il paroït qu'on peut donner comme une chofe démontrée, que toute acidité quelconque, dans les fubitances en fermentation, provient d’une abforption d’air furabondant, & que la décompofition de ces mêmes fubitances et due à la perte de l'air qu'elles contenoient. On ne parle pas de l'air principe ou de compoñtion, mais de l’air furabondant. (2) Seroit-ce un paradoxe, {1 on difoit que les fubftances végétales ne font nourrifs fantes que par les parties animales qu’elles contiennent, & qui s’aflimilent à nos hu- meurs? Cet objet demanderoit une diflertation particulière, dont peut-être nous nous occuperons quelque jour. (3) M. Benevenutti paroît ne pas connoître exaétement les principes du vin. Son raifonnement porte fur deux’ points, dont la faufleté et démontrée par lexpérience. 1°. Dans le cas de l'acidité, l’air furabondant du vin ne fe dégage point; mais au contraire, l’air alors eft abforbé, & il n’eft vinaigre que lorfqu'il en a abforbé une quantité fufifante. 2°, Le tartre étoit dans le vin avant fon changement en vinaigre ; uoique Pair fût concentré dans le rartre, il devoit pefer autant avant & après fon Axel oppétieie Ainfi, le vin devenu vinaigre eft plus pefant, parce qu'il a abforbé & qu'il s’eft chargé d’un nouvel air qui a augmenté fon poids. On fait que l'air eft la caufe du tiers ou de la moitié du re dans certaines fubftances; par exemple, dans le calcul humain ou pierre de la vellie, ue SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 5$67 lelmin l’a démontré ; les expériences fuivantes prouvent que le vi- naigre eft rempli de parties fpiritueufes & tartareufes. J'ai rempli deux tubes de verre de la même capacité, l’un de vin & l’autre de vinaigre; l’un & l’autre ont été plongés dans la neige , mê- lée avec du fel marin , pour obferver ce qui arriveroit dans la conge- lation ; le vin gela le premier ( c’étoit donc du vin bien peu riche ert efprit ardent }, fans doute à caufe de la difficulté de diffiper les parti- cules ignées, & de réunir les parties tartareufes dans le vinaigre. En effet, qu'eft-ce que la congelation, finon la difhipation des particules ignées ? Je fuis en cela de l'avis de s’Gravefende, quelle que foit l’opi- nion des autres Phyficiens à ce fujet. ( Tout le monde n’expliquera pas ainfi ce phénomène ). Les particules ignées font plus ou moins développées; fuivant la remarque de Boerhaave & de Mufchembroek, l'expérience me porte à croire que leur augmentation rend le vinaigre plus volumineux , & moins pefant que le vin. J'ai pris un tube de verre, dont la bafe reffembloit à une efpèce d’écuelle, à-peu-près comme les thermomètres de Bulfenger. Ce tube fut placé fur une pierre polie , appellée en Italien pietra di lavagna, {ur la longueur de laquelle j’avois tracé 40 degrés à des diftances exaéte- ment égales. Le tube fut rempli de vin rouge jufqu’au 4°. degré, & placé enfuite dans un four, dont la chaleur étoit de $3 degrés, divi- fion du thermomètre de M. de Réaumur. Dans l’efpace de fix minutes, la liqueur monta au 19°. degré. Le vinaigre introduit dans le même tube, & placé dans le même four, monta jufqu’au 27°. degré. ( Cette expérience exigeroit plufieurs réflexions , auxquelles les bornes trop étroites de ce Recueil ne permettent de nous livrer ). D'après ce que l'on vient de dire, il eft aifé de réfoudre la queflion depuis fi long-tems agitée; favoir , fi le vinaigre diffout ou coagule le fang & les autres humeurs du corps humain. La propriété qu’il a de fe raréfier démontre plutôt qu'il peut réfoudre les humeurs coagulées. Telle eft l'opinion de Boerhaave, dont voici les exprefions. Je penfe que le vinaigre a une vertu atténuante ; en effet, fi on verfe du vinaigre chaud fur du fang ou fur la ferofité , loin de Les coaguler:, il Les diffout. Une preuve de fes vertus incilives , eft {on efficacité pour réveiller les per- fonnes endormies dans un fommeil léthargique (1). : L'oxicrat dont je fais très-fouvent ufage dans la pratique de la Méde- cine , relève le pouls dans les fièvres malignes, preuve évidente de la raréfaétion des humeurs, & de la dilatation des vaifleaux. Perfonne n'ignore au contraire, que les aftringens diminuent le mouvement des » (1) IL y a une grande différence, entre agir {ur les humeurs, ou agir fur les nerfs; & cependant l’Auteur confond ces deux aétions. NovemgrE 1772, Tome 11 568 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fluides dans le corps animal, & en refferrent les vaifleaux : la dimi- nution du pouls qui fuit l’ufage de ces médicamens , indique le ralen- tiffement de la vitefle du fang , & fon épaifliffement. Il ne m'a jamais été pofible de découvrir des vers dans le vinaigre, même avec le fecours des meilleurs microfcopes. Ainfi, quoique ce fait foit avancé par plufieurs Phyfciens , fi j'en avois découvert, j’au- rois préféré de prendre ces corps mobiles pour des molécules organifées & élaftiques , telles que le poivre , &c. en produit dans l’eau, & qui difparoiflent lorfqu’on y verfe quelques gouttes d’efprit de fel. Le vinaigre eft un excellent cordiaque & alexipharmaque ; c’eft un réfolutif & un anti-phlogiftique puiffant. Il réfifte efficacement à la putréa faëtion, & fi on s’en rapporte au fentiment de Bellini, c’eft un fpécifi= que contre la goutte. HO "Eu Boerhaave décrit ainfi toutes les propriétés du vinaigre. Cette liqueur eft très-propre à fe mêler aux humeurs par la ténuité de fes parties ; elle s’introduit dans les plus petits vaiffeaux; elle augmente le mouvement vital, rafraîchit , éteint la foif & réveille les perfonnes plongées dans le fommeil de livreffe. Le vinaigre eft d’un très-grand fecours dans la léthargie , l’affoupiffement , la fyncope, la langueur & le vomifiement, foît qu’on le prenne en boïflon, foit qu'on refpire la vapeur qui s’en élève. Il n’eft pas moins efficace dans les pafions hyflériques & hypocondriaques, dans les fièvres ardentes, la petite vérole & la rougeole, &c. Il produit encore de très-bons effets dans les maladies peflilentielles & malignes. Boerhaave recommande aux Chirurgiens l’ufage du vinaigre pour les maladies externes , telles que léréfipelle , le phlegmon , les ulcères & la gangrène; il le croit même utile contre la morfure des chiens enra- gés. Les Anciens étoient en cela du même avis que les Modernes; de tous les remèdes recommandés avec le plus d’inftance par Hyppocrate, Voxicrat tient le premier rang. Ettmuller aflure que le vinaigre eft un fpécifique afluré contre le fommeil occafionné par l'opium ou par la fumée du charbon, de même que pour tous les poifons foporifiques. I feroit à fouhaiter que les Médecins préféraflent , quand ils foupçon- nent des concrétions polypeufes , l’ufage du vinaigre à cette multipli- cité de drogues aufh inutiles que difpendieufes. Peut-être que cette liqueur augmentant l’élafticité des vaifleaux & le frottement des glo- bules, cette concrétion commençante, ou fe diffoudroit entièrement , Ou tout au moins, elle n’augmenteroit pas, & ne parviendroit point à acquérir la dureté du fquirrhe, comme on l’a tant de fois éprouvé. Chacun connoît les vertus. anti-peftilentielles du vinaigre. Le meil- leur préfervatif en tems de pefte, dit M. Haller, confifte à fe frotter: nud devant le feu avec une éponge trempée dans du vinaigre, & à refpirer continuellement cette liqueur avant d'approcher des malades. ». M, : SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. «69 M. Geoffroy recommande de flairer des linges trempés dans le vinai- gre, & de prendre tous les matins une ou deux cuillerées de cette liqueur, pour fe garantir de la contagion peftilentielle. Le célèbre M. Cochi, dans fa favante obfervation fur le Régime Pythagoricien , tient le même langage; fur quoi tous les Auteurs font d’accord. La raifon vient à l'appui des autorités; puifque, foit que les miafmes répandus dans l'air pendant le tems d’une contagion, foient organiques ou non, la vapeur du vinaigre les diffipe en tuant les infeétes (1), ou en changeant les alkalis auxquels elle fe mêle. J'ai obfervé l’un & l’au- tre , & expofé des infeétes à {a vapeur du vinaigre chaud; ils y ont péri (2); les alkalis ont fait effervefcence avec la même vapeur; leur âcreté a été adoucie , & leurs cryftaux ont pris une norvelle forme. Cependant, on ne peut pas dire que le vinaigre donné à contre-tems, ne produife des eftets funeftes. Valifnieri aflure , que, bu en trop grande quantité , il enivre comme le vin; alors, il coagule les humeurs, mais c’eft, comme on le dit, par accident, en augmentant prodigieufe- ment la dilatétiôn des artères, &c. d’où fuit la compreflion du cerveau, du genre nerveux & des veines; ce qui intercepte le cours du fang, & dérange les fon&ions animales. On peut le donner , avec plus de confiance , aux perfonne replettes, qu'aux perfonnes maigres, & dans le cas où l’on foupçonne la diflolution des humeurs. C'eft la remarque de M. Manet. La dofe à laquelle je le prefcris, pour l'ordinaire, eft d’une demi-once fur une livre d'eau. Je fais prendre aux malades ce mêlange chaud, mais en petite quantité, & à plufieurs reprifes; & en fuivant cette méthode, j'ai fouvent arraché des bras de la mort des per- fonnes qu’on regardoit comme abfolument perdues. Nous demandons fi ce ne feroit pas ici le cas de dire: AINSt SO1T-1L! (1) L’Auteur n’a jamais bien confidéré une barrique de vinaigre , dot le bouchon ordinairement eft enlevé. IL y auroit vu près du bondon, & mème auprès du fuintement ui fe fait autour des quilles, dont on a bouché les trous faits à la barrique, il y auroir vu, dis-je, des efaims de petirs moucherons très-aétifs & bien rs (2) 1°. On peut attribuer la mort de ces infeétes à la chaleur de cette vapeur. 2°. Tel infeéte qui vit dans telle ou telle fubftance, meurt fi on l'expofe à une autre, La confé- guence de l’Auteur n’eft donc pas juite. en NorEmBRE 1772, Tome IL. Cccc s7o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, LA PIE-GRIËÊCHE NOIRE DE LA CAROLINE, Lanius Carolinienfis, capite, colo, peétore, dorfo, alis , cauda > HIgNiS » ventre in medio albo, ad latera rufo, à ht deux oifeaux, dont nous donnons la defcription , & dont nous n'avons fait graver qu’une figure, parce qu'ils diférent feulement par l’intenfité des couleurs, ont été apportés d'Angleterre où ils avoient été envoyés de la Caroline. Nous ne les avons trouvés décrits ni dans Edeward, ni dans Catesby , ni dans l’Ouvrage de M. Briflon, & nous pe croyons pas que perfonne en ait encore parlé. Nous les rangeons parmi les Pies-oriêches , parce que nous leur reconnoiflons tous les cara@tères que M. Briflon afigne aux oifeaux de ce genre. Ces carac= tères font d’avoir quatre doigts dénués de membranes , trois devant , un derriere ; tous féparés énviron jufqu’à leur origine. Les jambes couvertes de plumes jufqu’au talon. Le bec droit, convexe en deffus, aufli épais que large à fa bafe. Les bords de la mandibule fupérieure échancrés vers le bout. Le bout de la mandibute fupérieure crochu. On peut ajouter à ces caraétères le port de l'animal entier, car cha que genre a le fien; & celui des Pies-griêches en général eft d’avoir le corps alongé, bien étoffé cependant, la tête grafle, le col court , la queue longue, les jambes un peu maigres. La Pie-griêche qui nous occupe, eft un peu moins groffle que la Pie- grièche commune ou Pie-griêche grife; elle tient le milieu entre celle- ci & l’Ecorcheur. Sa tête, fon col , fa poitrine, le dos, les couvertures du deflus de la queue, & la queue même en deflus, enfin, les aîles font noires. Cependant, cette couleur eft moins foncée vers l’extrémité des grandes plumes des aïles, qui, dans cet endroit, tirent fur le rouf- fâtre. Les cinq premières plumes de laile, ont à leur bord extérieur, dans leur milieu, une tache blanche. Les trois dernières plumes de Paile, du côté du corps, font bordées à l’extérieur d’une ligne d’un blanc roux; & toutes les autres ont fur leur bord extérieur un filet peu fen- fible, d'un roux obfcur. La queue eft compofée de douze plumes. Les trois extérieures, de chaque côté , font marquées par de larges taches blanches, qui paroiflent en deffus & en deffous, quand la queue eft étalée ; mais qui ne font point fenfbles en deflus, & feulement en def- fous, quand elle eft refferrée. La plume la plus extérieure eft blanche dans la dernière moitié de fa longueur, & fes barbes externes font blanches dans toute fa lon- gueur. La feconde plume a moins de blanc que la première, & la troi- WI #1) UT SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 571 fième en a moins que la feconde ; leurs barbes extérieures font noires dans toute la longueur des plumes. Le ventre eft blanc. Les côtés &e les plumes qui recouvrentla queue en deflous, font d’un roux brun. Le bec eft noir , accompagné de chaque côté, de quelques poils noirs, roides, qui partent de l’angle de la mandibule fupérieure, & s’avancent en devant. Les jambes font de couleur de corne foncée , ou tirant fur le noirâtre. La femelle ne diffère du mâle , qui eft celui que nous avons fait repré- fenter , qu’en ce qu’elle eft un peu plus petite; & que les parties, qui dans le mâle font d’un noir foncé, font en elle d’un gris obfcur, tirant fur le noir. OBSERVATIONS fais à Cayenne , pendant l'année 1769, par M.DE MACAYE, Procureur général au Confiil fupérieur de cette Ifle, communiquées à l'Académie Royale des Sciences, le 25 Janvier 1772. TE obfervations ont été faites fur un thermomètre de M. de Réaumur , à quatre heures différentes du jour; favoir à fix heures du matin, à midi, à deux heures du foir, & à fix heures du foir, en notant les vents & les variations qui arrivent dans l’athmofphère aux mêmes heures. À la fin de chaque mois, M. de Macaye donne quelques remarques fur la culture , fur les maladies particulières à ce climat, & fur les météores. De ces obfervations , il réfulte ; r°. que les vents foufflent avec affez de force du nord-eft pendant le jour, depuis le mois de Décembre, jufqu'à celui d'Avril inclufivement, & du fud-eft pendant la nuit, mais très-foiblement; & que depuis le mois de Mai jufqu’au mois de Novembre inclufivement, ils foufflent du fud pendant la nuit avec plus de force, & en amenant du brouillard jufqu’à huit heures du matin, où ilsfontfuivis par un vent d’eft, qu’on appelle bife, parce qu'il ef fort. 2°. Qu'il y pleut pendant tous les mois de l'année, mais plus abondamment depuis le mois de Décembre, jufqu’en Juillet inclufivement, par les vents de nord-eft & de fud ; que cette faifon humide eft celle des rhumes &r des coqueluches, 3°. Qu’en Novembre, où les premières pluies commencent à tomber abondamment, la terre s'ouvre & devient produétive ; qu’on sème alors le riz, le mays ; qu'on forme les plantations de café, de cacao & de coton. 4°. Qu'en Mars on fait la première récolte de mays, de riz & de coton; & qu’en Mai fe fait la dernière cueillette de la remière récolte de coton, & celle du café & du cacao. M. de Macaye remarque que quand les pluies font trop fréquentes, en Mars & Avril, le coton en foutfre beaucoup, & que fa récolte eft en partie perdue. 5°. Que depuis le mois d’Août juiqu'à celui de Novembre WovEmerEe 1772, Tome 11. Cccci] 572 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, inclufivement ,ilrègne une grande féchereffe, pendant laquelle la terre fe repofe. 6°. Que le pius grand froid de cette année eft ärrivé en Février à fix heures du matin, tems auquel le thermomètre de M. de Réaumur ne marquoit que dix-neuf degrés & demi, pendant qu'à deux heures & demie , il marquoit vingt-un deprés & demi; & que la plus grande chaleur eft arrivée en O&obre & Novembre, où le même thermomètre marquoit vingt-fept degrés & demi à deux heures du foir , pendant que le matin à fix heures, il n’étoit qu'à vingt-un degrés, ce qui donne une différence de huit deorés feulement , du plus grand chaud de l’été au plus grand froid de l'hiver , pour le climat de Cayenne : enfin , M. de Macaye a obfervé, en Août, entre les fignes du Taureau & d'Orion, une comète, dont il n’a pu fuivre le cours. Ces obfervations font comme l’on voit aflez variées; elles paroïffent faites avec beaucoup de foin, & lon ne fauroit trop engager M. de Macaye à les continuer. Il feroit même à propos de l'inviter à y join- dre les obfervations au baromètre, &c fur la quantité de eau de pluie qui tombe annuellement dans un climat où elies font prefque conti- nuelles, LETTRE adreffée à l'Auteur deæe Recueil par M, LAT*'**, Nr us me demandez, Monfeur, la defcription du monftre dont j'ai eu l’honneur de vous parler, en dernier lieu; cette defcriprion ne peut être que fuperficielle: je n’ai eu en mon pouvoir, lanimal dont il s’agit, que pendant une demu-heure ; mais voici ce que ma mémoire peut me fournir à ce fujet, vous en ferez l’ufage qu'il vous con- viendra. Ce monftre eft un chien, de la race des mâtins, de poil noir, vivant, bien portant, âgé de quatre à cinq mois. Il eft né à Saint Symphorien- de-Lay, d’une chienne, qui n’a rien d’extraordinaire dans fa con- formation. A la première infpé&tion, on le prendroït pour un véritable herma- phrodite. Il porte, eneffet, les parties des deux fexes, très-marquées; cependant , Je le regarde fimplement comme un monftre par excès. On y difingue un animal complet, femelle ; & la partie poftérieure , mais imparfaite, d’un mâle. Elle adhère, par une portion offeufe, aux dernières vertèbres de la femelle, quoiqu'une feule & même peau les recouvre l’un & l’autre. Les parties de la génération femelle n’ont rien de particulier, ni dans leur conformation , ni dans leur fituation. La partie mâle eft placée à côté; elle eft très-faillante; on apperçoit un tefticule prefqu'intérieur, L’urètre paroît perforé: mais on n’a vu uriner Fanimal que par les parties femelles. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 573 Quoiqu'il ait cinq jambes , il ne marche qu'avec trois, les deux de devant*& une pofterieure, qui font d'une forme régulière. Une qua- trième jämbe eft pendante au-deflous des fauffes côtes, du côté gauche, le même où eft fituée la partie mâle. La jambe ‘poftérieure, du même côté, eft informe , & l’animal ne peut l’appuyer à terre. En la touchant, on reconnoît que la même peau recouvre les os de deux jambes, deux tibia rapprochés. En effet, cette jambe,#divifée à fon extrémité, y montre deux pattes imparfaites, à chacune defquelles il manque un doigt. La diffe&ion de ce fingulier animal offriroit fans doute, à l’Anato- mifte , dans l'organifation intérieure , des obfervations plus importantes; mais il eft intéreffant & rare , de voir de femblables jeux de la nature, jouir de la vie : on peut attribuer ce phénomene à ce qué l'économie animale eft libre dans toute l'habitude du corps principal, qui eft femelle ; c’eft, comme je l’ai dit, une portion incomplerte de chien, adhérant à la partie poflérieure d’une chienne ; l'arrangement intérieur des vaifleaux, & la manière dont l’un des corps eft nourri par l’autre, de- viendra un objet d’obfervation, lorfque le fujet fera ouvert après fa mort; & vous en ferez exaétement inftruit, J'ai honneur d’être, &c. P. S. Vous pouvez, Monfieur, publier à la fuite. de cette lettre, deux faits intéreflans, qui ont été recueillis par un homme aufli digne de foi, que rempli de connoïflances; les voici à-peu-près tels qu'ils ont été rédigés par lui-même. PAR IEMIT ER RPAAT: Le 16 Septembre 1751, étant au Château de Villeneuve en Forez, j'ai vu un enfant âgé de cinq ans, fils de Claude Maffardier, habi- tant de Firmini, lequel étoit privé de la faculté génitale, & n’avoit aucun veftige d’umbilic. Au deflus du lieu où la verge doit être placée , on voyoit un corps charnu , glandüleux , parfemé de petits grains, de la couleur de fram- boife, au-milieu duquel étoit un petit mamelon d’une ligne & demie environ de faillie. Ce corps charnu pâlifloit lorfque l'enfant étoit malade, & reprenoit fa couleur lorfqu'il fe portoit bien. La mère m'aflura que c’étoit à ce même corps charnu qu’étoit implanté le cordon du placenta ; que ce cordon étoit beaucoup plus gros qu’à l'ordinaire, & ne tomba qu'au bout de quinze jours. Ce corps charnu, quand je l'obfervai, étoit fenfible, & paroiïfloit même douloureux. Il avoit un pouce & demi de longueur fur dix lignes de hauteur. Au-deflous de ce corps, fe manifeftoit un commencement de verge, applatie & faillante, au plus de quatre à cing lignes; elle avoit neut NovEemMBRrEe 1772, Tome II. 574 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lignes de largeur, étoit difpofée en forme de gouttière & relevée par les deux bords, C’eft du milieu de cette gouttière que l'urine” fortoit continuellement & goutte à goutte, fur-tout, lorfqu’on prefloit les parties inférieures latérales dé l'os pubis, ce qui peut faire préfumer-que la veflie étoit dépourvue de fphinéter. Cette verge informe étoit revêtue , dans fa partie inférieure, d’une efpèce de prépuce qui ne fe prolongeoit point dans la partie fupérieure. Le corps charnu recouvroit prefqu’entièrement fon orifice; elle paroïfloit fufcepnble de quelqu’extenfon, fans néanmoins pouvoir s'étendre plus de quatre lignes. Le Jcrotum étoit beaucoup plus ample latéralement, qu'il ne left pour l’ordinaire dans les entfans. Il s’éteudoit d’une cuifle à l’autre. & avoit quatre pouces de largeur fur un pouce & demi de hauteur, à prendre de l’orifice de la verge. Il paroifloit gonflé, ce qui pouvoit faire foupçonner l'enfant d’avoir une double hernie : en l’examinant, on reconnoifloit que les parties latérales du férotum étoient occupées par des efpèces de seflicules ; le gauche de forme oblongue, plus gros de moitié que l’autre; le droit de forme ronde, & très-petit. La partie inférieure du /crotum avoit fes enveloppes générales & particulières. Le ventre de l’enfant étoit gros ; fon urine, qui couloit continuel- ment ,n’avoit pas autant de chaleur que l’urine ordinaire de l’homme; il mangeoit avec appétit , buvoit de même, dormoit bien, &ec. Il étoit fujet à de violentes coliques, qui fe terminoient par des diarrhées; ce qui ne fembloit pas avoir de rapport avec fon indifpofition naturelle, Sa phyfionomie étoit agréable, & n’annonçoit point un état de fouf- france, SECOND PRAGENT: Paul Chatelard, du hameau des Ateux, Paroifle de S. Romain dans l’Ele&tion de Saint-Etienne en Forez, fe fentit (en 1743 ou 1744) une douleur d’eftemac, & des maux de cœur, qui augmentèrent bientôt , au point de le jetter dans une langueur & un abattement général. Il ne fut cependant pas alité. Il continua de travailler & de prendre des alimens, mais en petite quantité. Dès qu'il avoit mangé, fes douleurs d’eftomac augmentoient, & les maux de cœur redoubloient. El rejettoit Le plus fous vent ce qu'il avoit pris ; il étoit fortement tourmenté lorfqu’il avoit bu du vin. Toujours affoupi, altéré & fatigué ‘de maux de tête & de fueurs abondantes , fon fommeil étoit inquiet ; il fe réveilloit avec un grand mal de cœur & d’eflomac. Ce malaugmentoit confidérablement lorfqu’il pref- foit, avec la main, ce vifcère. Il prit en horreur les alimens ordinaires; le régime du lait calma un peu fes accidens, fans produire de guérifon, Ses forces diminuoient chaque jour, mais il n’avoit aucun fymptôme de fièvre. Après trois années de fouffrance, il fe décida, par le çonfeil SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 575 d'un Chirurgien du voifinage, d’aller prendre les eaux minérales de Chaïgnac en Vivarais, à dix lieues de fon domicile. Il y fut à pied , fe nourriflant d'eau & de lait. Arrivé aux eaux, il en prit pendant quatre jours , fans aucune préparation. Le cinquième jour, il éprouva les plus violens accidens & des douleurs inouies ; cette crife fe termina par rendre, par le fondement, un ferpent vivant, d’onze pieds & demi de longueur , de la groffeur au plus du petit doigt. Ce ierpent étoit parfaitement caraérifé, par {a rune fa tête, fa peau; il fut reconnu pour tel par tous les gens qui l’examinèrent. De ce mo- ment , le malade fut foulagé ; 1l continua de prendre les eaux pendans quelques jours. Il revint chez lui, fans avoir l’eflomac parfaitement rétabli ; mais peu-à-peu , il reprit l’ufage des alimens, & les digéra fans douleur. Il eft aujourd’hui (1751) ablofument guéri, & jouit d’une fanté robufte. Il penfe fur l’origine de cette étrange maladie, qu’étant depuis long-tems en ufage de boire, quelquefois avec beau- coup de précipitation , de l’eau dans des fontaines, où il a vu fouvent de petits ferpens qui n’étoient pas plus gros que des aiguilles, il fe pouvoit qu'il en eùt avalé un, fans s’en appercevoir, & que cet animal eût enfuite pris dans fon corps fon accroïffement. On trouve dans les Ephémérides des Curieux de la Nature, beau- coup de faits qui ont du rapport avec ce dernier; leur fingularité feule rend incrédule dans le fiècle préfent. Il feroit à fouhaiter qu'on les eût examinés attentivement. Il eft bien difficile de penfer qu’un animal de nature fi oppolée à celle de l’homme , ait pu trouver, dans {on eftomac ou dans fes inteflins, des fubftances propres à fa nourriture. Ce qui paroît encore très-furprenant, c’eft que cet animal ait acquis onze pieds & demi de longueur, & que fa grofleur n’ait pas excédé celle du petit doigr. Cependant , on ne peut pas nier un fait, précife- ment, parce qu'il eft extraordinaire, fur-tout quand il eft rapporté par un homme digne de foi. Le parti le plus prudent dans pareille circonf- tance ,eft de fufpendre fon jugement. Nous remercions très-fincèrement la perfonne qui a daigné nous communiquer ces faits. Les deux premiers fur-tout, font très-inté- reflans. DESCRIPTION d'un Bélier hermaphrodite. M ONSIEUR le Comte de Prunelé a préfenté à l’Académie Royale des Sciences , ur Mémoire fur un belier hermaphrodite. Il navoit encore que quinze jours quand on le lui porta, & il étoit pour lors tres-vigou- reux ; la vulve étroit bien marquée , autant qu’on en peut juger par la defcription donnée par l’Auteur : cependant, elle étoir prelque bouchée par NovEemere1772, Iome 11. 576 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, un repli membraneux, analogue à l'hymen. M. le Comte de Prunelé a très-bien diftingué la verge & un des tefticules; de forte que cet animal fe trouve extérieurement pourvu des parties qui caraétérifent les deux fexes. Ce belier fut {mis à part & nourri avec beaucoup de foin : ïl prit un degré d’accroiflement affez prompt; cependant il rendoit {es urines avec quelque difficulté ; elles fe frayèrent même de nouvelles routes, & bientôt, il fe forma au périné des fiftules & des clapiers : du refte, ce belier rempliffoit très-bien fes fonétions; ce qui engagea à le fou- mettre à des épreuves relatives à la conception: cet animal n’eut jamais de penchant à s’accoupler comme mâle, mais il fouffroit les approches du belier, cependant fans fruit. On le jugeoit déja ftérile, lorqu'il fut atteint d’une maladie dont il mourut en peu de jours. M. le Comte de Prunelé fe trouva alors abfent, & l’animal étoit prefque en putréfa@ion lorfqu'il fut de retour. On diffé- qua cer animal avec beaucoup d’attention & d'intelligence. Le clitoris étoit très-petit, mais très-diftinét; la verge étoit pourvue de fes mul- cles ordinaires ; mais déjettée à droite, & elle étoit perforée. À l'ouverture du corps parut la matrice très-bien conformée, mais qui ne s'ouvroit point dans le vagin par un orifice, fon col étant obli- téré ; elle avoit fes ovaires bien développés, mais elle parut dépourvue de trompes. Le canal déférent, qui aboutifloit au tefticule, étoit obli- téré ; & des glandes qui furent trouvées, parurent avoir du rapport aux véficules féminales. Les tubérofités de l'os ifchium étoient rapprochées l'une vers l’autre, & l'os facrum étoit fort incliné en avant par fon extrémité inférieure; de forte que le bord inférieur du bafin étoit extrêmement rétréci. La pourriture qui avoit gagné ces parties, empêcha M. le Comte de Prunelé de porter plus loin fes recherches; elles lui fufifoient cepen- dant pour conclure que l'animal auroit été ftérile; il étoit même dans le cas de penfer ain, puifqu'il avoit inutilement fouffert les approches du belier, & que jamais il ne voulut remplir la fonétion du mâle. Les exemples de pareilles monftruofités, trouvées dans les parties de la génération, ne font pas rares; & cette obfervation en offre une preuve nouvelle. D’un côté, l’imperforation de la verge rendoit l'animal incapable de remplir les fonctions du mâle; la matrice qui n’étoit point ouverte vers le vagin, ne pouvoit recevoir la liqueur prolifique du mâle, & l’abfence des trompes concouroit à mettre l’animal dans ua état différent des femelles bien conftituées, AG OP OBSERVATIONS $ , ” E SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 517 OBSERVATIONS de M, DE FOURCROY, relatives au Nivellement de Paris, Ox trouve dans les Mémoires de l’Académie plufieurs nivellemens de Paris, dont le repaire principal a été le pavé de l’Eglife de Notre- Dame. M. de Parcieux, entr'autres, a attaché fon nivellement, relatif à la rivière de l'Ivette, au fol de cette Eglife, pris, dit-il, au bas de leféalier des tours, qui eff de niveau à très-peuprès avec tout le refle de la nef. Acad. 1762, p. 364. Voyez aufli, Tom. 6,p. 693, & 1742, P: 371. J'ai remarqué l’été dernier, en paffant dans cette Eglife, que l’on finifloit de réparer la nef à neuf, & qu’heureufement l’ancien pavé, au bas de l’efcalier des tours, n’étoit point encore démoli, mais alloit l'être. Je crus qu'il pouvoit être utile au Public & agréable à l'Aca- démie, de faifir cet inftant pour comparer le niveau de l'ancien pavé avec celui du nouveau. M. l'Abbé de Montjoie, Chanoine & Chevecier de Notre-Dame, à qui j'en parlai, me procura fur le champ les Ou- vriers de l’Eglife pour cette petite opération. Je trouvai que le nouveau pavé de carreaux noirs & blancs, et établi à fix pouces exaftement plus bas que l’ancien pavé , dont le Mé- moire de M. de Parcieux fait mention, pris au bas de l'elcalier des tours ; en forte que fans doute depuis mon départ on aura fait une mar- che pour entrer dans la tour feptentrionale , où l'on entroit encore de plain-pied à l’ancien pavé de la nef le 17 Juin dernier. Quoique les Chanoines de cette Eglife aient fait conftruire récem- ment des caves fépulcrales, qui aflurent à leur pavé neuf une flabilité que l’ancien n’avoit pas, j'ai cru qu'il falloit attacher ce nouveau repaire à quelque point vraifemblablement encore plus invariable. J'oblervai donc que la porte par laquelle on entre de la nef dans la tour feptentrionale, ou plutôt, la baie de cette porte, au lieu d'être ceintrée , eft couronnée d’une plate-bande, formée d’une feule grande pierre qui porte fur les deux pieds droits de cette baie. Je trouvai que le deffous, ou la doelle platte de cette grande pierre, eft de fix pieds trois pouces dix lignes plus élevé; que le nouveau pavé des nefs eft de cinq pieds neuf pouces dix lignes plus élevé que ce qui reftoit à démolir de l’ancien pavé , pris au bas de l’efcalier de la mème tour, On fe propofe de placer une infcription qui indiquera la hauteur des tours de cette Eglife au-deflus du nouveau pavé, & de lappliquer au pied droit de la porte ou baie dont on vient de parler. On aura, par ce moyen, un repaire afluré pour Îe nivellement général de Paris. NorEemsRe 1772, Tome IL, ddd 578 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, RE = in amas à L'ART de la Porcelaine, dédié au Roi, par M. le Comte DE MILLY , & infèré dans les Arts & Métiers de l'Academie Royale des Sciences. C ET Ouvrage eft le réfultat de dix années d’obfervations & d’expé- riences ; l'exemple de M. le Comte de Milly, prouve qu'un Militaire, qu'un Citoyen zelé peut, quand il le vent, réunir à la valeur & aux lauriers de Mars, les fciences & l’olive de Minerve. Le Public lit, avec fatisfation, dans cet Art nouveau pour l'Europe, des détails, des procédés qu’on avoit tenu jufqu’à ce jour enfevelis dans le fecret. Les connoïffances humaines cependant devroient, comme la lumière du foleil quand il fort du fein de l'onde, diffñper les ténèbres & éclairer la furface de la terre. Ceux qui publient ces fecrets , acquièrent des droits à la reconnoiffance publi- que; leurs noms deviennent chers à leur Patrie, à raifon de l’impor- tance de la découverte qu'ils annoncent. Les Chinois , les Japonois ont rendu pendant long-tems l'Univers entier tributaire de leur induftrie , & lui ont fait payer chèrement quel- que peu de terre préparée. C’eft d’après les modèles qu'ils ont fournis à Europe, qu’on a cherché à les imiter. Un Gentilhomme Allemand, nommé le Baron Boeticher, Chymifte à la Cour d’Augufte, Electeur de Saxe, en combinant enfemble des terres de différentes natures pour faire des creufets, trouva ce fecret précieux, qui s’eft confervé avec foin dans la Manufa@ture de Meiffen, près de Drefde. Cette découverte fit du bruit en Europe ; les Nations voifines travaillèrent à l’envi à découvrir ce nouveau fecret, & à faire de la porcelaine. : Les Anglois firent venir, à grands frais, de la terre de porcelaine de Chine ,nommée en langue du pays, Kao/in, & ils crurent, avec cette feule terre , pouvoir faire de la porcelaine, fans obferver que pour Y parvenir , les Chinois mêlent avec cette première terre plufieurs autres fubftances , dont une fe nomme pe-tun-1fé ; auf , au lieu de porcelaine, ils ne firent que des briques. On prétend que les Chinois qui leur avoient vendu le kaolin, ayant appris l'ufage qu'ils en avoient fait, leur dirent l’année fuivante , que leur tentative reflembloit à celle d’un homme qui prétendroit former le corps d’un animal fans offement , & avec de la chair feule. La comparaïfon étoit d'autant plus jufe, que le pé-tun-tfé peut être regardé comme les os de la porcelaine, dont Le kaolin eft la chair. Le Gouvernement François chargea les Jéfuites, Miffionnaires er Chine, de s’inftruire fur la fabrication des porcelaines. Le Père d’En- trecolles fut un de ceux qui remplit le mieux l'objet de fa commiflion: mais n'ayant point de connoiflances en Hiftoire Naturelle, ni en Chymie , fes Mémoires font très-fujets à erreur; cependant, fur les NAT” Qt _— mn + / SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 579 faux expofés de ce Mifionnaire, les Chymiftes François firent inutile- ment de nouvelles tentatives, & fe hâtèrent de conclure qu'il étoit impofñlible d'imiter la porcelaine de Chine. Tfchirnaufen trouva une compoñition que l'on-croit être femblable à celle de Saxe. Il en confia le fecret à omberg fon ami, & celui- ci ne l’a point communiqué. M. de Réaumur fut, fans contredit, le Premier de nos Savans, qui , réellement, ait connu la compoñtion de da porcelaine de Chine; cependant, il s’eft égaré dans quelques poinie. Cet Académicien reconnut que le pé-tun-tfé des Chinois, eft une efpèce de pierre dure, de la nature de celles que nous nommens vürifiables , & le kaolin une fubftance salqueufe. S'il avoit dit argilleufe, il auroit approché de plus près de la vérité. La route frayée par M. de Réaumur ,a été fuivie avec le plus grand fuccès, par MM. de Lauraguais, Guetrard, Montamy , Laflone, Beau- mé, Macquer, Montigny & Sage. MM. Macquer & Montigny ont enrichi la Manufaéture de Sèves d’une compoñrion , & ils font par- venus à employer le kaolin & le pé-tun-tfé François, avec autant de fuccès que les Chinois & les Saxons emploient le leur. Les Ouvrages qui fortent de cette nouvelle Manufaëture, l’emportent fur toutes les porcelaines connues. La nouvelle compofition qu'il ne faut pas confondre avec l’ancienne, eft aufh fupérieure à celle-ci, que les peintures admirables, les formes gracieufes & élégantes , dont elle eft ornée, le font aux deffins incorre&ts de la porcelaine du Japon. En 1766, M. le Comte de Lauraguais préfenta à l’Académie, de la porcelaine de fon invention : elle fut reconnue pour être aufli parfaite que celle de Chine ; mais il n’en a point publié la compofition. Les porcelaines fabriquées en Angleterre ne valent abfolument rien, & ne font que des vitrifications imparfaites, auxquelles il ne manque qu'un degré un peu plus fort pour en faire du verre ; telle étoit à-peu- près l’ancienne porcelaine de Sèves. Cependant, malgré ce défaut, les Anglois fubftituent, autant qu'ils le peuvent, leur porcelaine à la vaiffelle d'argent. La Manufaélure de Franckendhal dans le Palatinet , ne le cède pas à celle de Saxe, & elle excelle dans l’application de For en feuilles ; de forte qu'on prendroit les vafes qui en font enri- chis pour être faits avec de l’or mañif. Celle du Duc de Wurtemberg à Louisbourg, égale prefque celle:de Franckendhal ; elle eft diflinguée par les pièces de grandeur énorme qu’on y exécute. Tel eft à-peu-près le tableau de là marche & de l’établiflement des différentes Manufaétures de Porcelaines , tracé par M. le Comte de Milly. L’analyfe diminue toujours la beauté de l'original. Tout le monde parle, juge & décide de la beauté-& du mérite d’une porcelaine; mais ces cenfeurs feroient très-embarraflés, s’il falloit éta- blir en quoi confifte fon mérite réel: M. de Milly va les inftruire, Une Norsmere 1772, Tome IL. Ddddi} $% OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, porcelaine parfaite ferait celle où la beauté & la folidité fe trouve roient réumies à l'élégance des formes, à la correction du deffin, & à la vivacité des couleurs. Il en exifte peu de pareilles ; cependant on peut diflinguer deux efpèces de beautés dans ce produit de Part. La première eft l'affnblage des qualités qui frappent géné- ralement tout le monde, comme une blancheur éclatante, une cou: verte nette, uniforme & brillante; des couleurs vives , fraîches & bien fondues, des peintures élégantes & corre@tes, des formes nobles, bien porportionnées & agréablement variées ; enfin, de belles dorures, {culptures, gravures & autres ornemens de ce genre. La feconde beauté dans la porcelaine confifte dans plufieurs qualités intrinfèques, & dont la plupart tiennent à la bonté & à la folidité. Cette forte de beauté eft réfervée pour les vrais connoiffeurs : fi lon veut l’appercevoir, il faut dépouiller, pour ainf dire , la porcelaine de fes ornemens extérieurs, & l’examiner, à la manière de M. de Réau- mur, dans fes fragmens. La plus eftimée, à cet égard , fera celle qui fera aflez réfraétaire pour réfifter au feu le plus violent, & qui pourra pañler du froïd au chaud & du chaud au froid, fans fe cafler; celle dont la caflure préfentera un grain très-fin, très-ferré, très-compaét , & qui s'éloignera autant du coup d'œil terreux ou plâtreux , que de l'apparence du verre fondu. Il en eft de la bonté de la porcelaine comme de fa beauté. Une porce- laine eft réputée bonne par le Public, quand elle foutient, fans fe cafler ni fe fêler , le degré de chaleur de l’eau bouillante, &c. qu’on verfe bruf- quement. La porcelaine, parfaitement bonne , par exemple , rend, quand on en frappe des pièces entières, un fon net & timbré, qui approche de celui du métal. Les fragmens jettent fous les coups de briquets des étincelles vives & nombreufes, comme le font tous les cailloux durs. enfin, elle foutient le plus grand degré de feu fans fe fondre, fans fe bourfoufler ; en un mot, fans être altérée d’une manière fenfble. C’eft dans l’Ouvrage même de M. le Comte de Milly qu'ii faut lire ce qui concerne les différences qui fe rencontrent dans les porcelaines des Manufaêtures , foit de France , foit de l'Etranger ; l’Auteur a très-judi- cieufement faifi leur caraétère particulier. Pour rendre un compte exaé du corps de l’Ouvrage, nous allons préfenter à nos Leéteurs, le rap- port qui en a été fait à l’Académie des Sciences, par MM. de Laffone, Macquer & Sage. Il eft plus naturel d’offrir un modèle, que lanalyfe que nous aurions pu en donner. L'objet de l’Auteur, difent MM. les Commiflaires, eft de décrire en entier, & fans nulle réferve, tout Part de préparer cette belle porcelaine d'Allemagne; & fon but eft Putilité publique. Ses defcriptions font exa@tes & bien détaillées ; les procédés qu'il donne ont toute la clarté & la précifion requifes. Pour la compoñirion de la porcelaine d’Allemagne , on n’emploie SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 581 que quatre fubftances : favoir, l’argille blanche, le quartz blanc, des teffons de porcelaine blanche , & du gyps calciné. On fait en différentes proportions trois mêlanges, fuivant la place que la porcelaine doit occuper dans le laboratoire du fourneau, où l'intenfité du feu varie. La quantité d’argille qu’on emploie eft toujours la même ; celles des teflons, du quartz & du gyps font différentes, & M. le Comte de Milly détermine toutes les différences avec la plus grande précifion pour tous les cas. On fait calciner le gyps; enfuite on le mêle avec l’argilie purifiée, les teflons & le quariz, réduits en poudre très-fine. On ferme du tout, avec de l’eau de pluie, une pâte qu’on laïfle en macération peu- dant fix mois; elle devient bleue, & prend une odeur féuide : on doit lattribuer au foie de foufre qui fe forme dans le tems de la décom- pofition du gyps. M. le Comte de Milly remarque que l’on conferve toujours de l’ancienne pâte, pour fervir de ferment à la nouvelle. Pour préparer la couverte, on emploie les mêmes matières ; c’eft- à-dire, le quartz, les teflons de porcelaine blanche, & les cryftaux de gyps calcinés : on fait trois compolitions de couvertes en différentes proportions, pour être appliquées fur trois bifcuits, relativement aux différences de l’intenfité du feu qu’on leur fait éprouver, Les matières de la couverte font auffi foumifes à une macération pareille à celle qu'on pratique pour la compoñition du bifcuit. On applique la couverte, en plongeant le bifcuit dans un vafe rempli d’eau , qui tient fufpendues les matières néceflaires; ces matières, par cette raifon, doivent être alkoolhfées; c’eft-à-dire, réduites en poudre impalpable. Les pièces {échées , on les fait cuire dans le fourneau de porcelaine : on a foin de fuivre l’ordre de la compoñition, pour placer les galettes dans le laboratoire du fourneau. ” Pour ne rien laiffer à defirer, M. le Comte de Milly a donné le plan du fourneau déraillé dans toutes fes parties, avec les proportions exac- tes. Ce fourneau, comme nous l'avons déja dit, a l'inconvénient de produire trois différens degrés de chaleur dans le laboratoire , ce qui exige trois différentes compoñtions. MM. de Montigny & Mecquer , à qui le Gouvernement a confié les travaux de la Manufaéture de Sèves, ont fait conftruire un fourneau où le degré de feu eft par-tout égal, ce qui épargne la peine de faire trois compoñitions différentes; ils ont fait de plus, en employant le kaolin que leur a procuré M. Bertin, Miniftre éclairé , & Direéteur de cette Manufaéture , une nouvelle com- poñition , d’où a réfulté une porcelaine qui a été mife fous les yeux de l'Académie, & qui réunit tous les caraétères des plus belles & des meil- leures porcelaines connues. WovEemMsRe 1772, Tome II. 582 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EEE FANTOME chirurgical, ou Mannequin pour enfeigner l'Art des Accouchermens. Ë E luxe a plus multiphé les Machines que nos befoins réels; c’étoit cependant celles qui ont rapport à ces derniers, qu’il étoit important de multiplier & de perfeétionner, C’eft dans cette vue que M. Coufin, Chirurgien à Paris, & qui s’eft fait un nom en cette Ville, dans l'Art délicat des Accouchemens , a imaginé fon Fantôme Chirurpical. Ce Fantôme, de grandeur naturelle, & figuré d’après les proportions les plus exaétes , repréfente une femme enceinte, au terme de l’accouche- ment & en pofture d’accoucher. La méchanique en eft bien conçue, fimple, ingénieufe, & répond parfaitement au but que ce célèbre Accoucheur s’eft propolé : mais ce qui mérite la plus grande attention, ê les applaudiffemens des Maîtres de l'Art & des Curieux, eft un utérus artificiel, compofé d’une peau mince & fouple , & de plufieurs refforts élaftiques, par le moyen defquels Porifice de ce vifcère fe dilate & fe reflerre , d’une manière fenfible & graduée, avant, dans le tems, & après l'accouchement. M. Coufin, pour démontrer les différentes efpèces d’accouchemens, place dans la cavité de cet utérus, un fœtus artificiel, fouple, élaftique , de groffeur naturelle, & muni du cordon umbilical adhérent au placenta. Ille met dans toutes les fituations où les fœtus humains peuvent être dans les accouchemens naturels dans les accouchemens difficiles, laborieux, & même dans ceux qui font contre nature ; en un mot, il change toutesles pofitions fuivant l’exigence des cas; il en fait & démontre l’extraétion, fuivant les principes de l’Art. C’eft atteindre à la perfeétion , quand une même machine peut, mal- gré fa fimplicité, fervir à plufieurs objets. M, Coufin a encore imaginé des Polypes artificiels, fouples , élaftiques & différens , tant par leur confiftance , que par leur volume & leur figure; les uns font avec des racines, & les autres fans racines : 1l les attache à des points différens de la furface interne de l'utérus, foit qu’il y place en mêmetems, ou qu'il ny place pas un fœtus. Il indique les moyens sûrs de diftinguer le fœtus d’avec le polype, ou autres corps ‘étrangers, & fait d’abord adroitement l’extirpation de l’un, & enfuite l’extra@tion de l’autre. Ce Fantôme Chirurgical eft de la plus grande utilité pour l'inftruc- tion des Elèves en Chirurgie , & principalement pour celle des Sages- Femmes des Provinces fur-tout, dont l’ignorance eft généralement reconnue. On peut, au moyen de ce Fantôme, leur procurer la fuite la plus complette de démonftrations, les élémens de l'Art des Accouche- mens, & la façon de manœuvrer dans tous les cas pollibles, On peut SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $83 encore ajouter que, par le moyen de ce Fantôme Chirurgical, on aëra à l'avenir un diagnoftic plus sûr des polypes utérins. Cette Ma- chine, aufli ingénieufe qu'utile , devroit être multipliée dans les Provin- ces & dans les grandes Villes: elle donneroit la connoiffance de ces .momens laborieux de la nature, & indiqueroit le moyen fi précieux de parer aux dangers dont ils ne font que trop fouvent la fource. C’eft faire l’éloge de cette Machine & de fon Auteur, en difant qu'elle a fixé l’admigation de M. Petit, celèbre Démonftrateur d’Ana- tomie à Paris, que MM. Miffas & Raulin l’ont attentivement examinée d’après les ordres de M. le Lieutenant général de Police; & le rapport qu'ils èn ont fait, n’eft pas inferieur aux éloges: que nous donnons à uieur on Fartôme Chirurgical, TA 8e à fon Fart Ch cal & PO 12 CTP PERTE T LUE RTL REIN ENS ONE MES Fumoir ou SOUFFLET MÉCANIQUE, à l'ufage des Cultivateurs, & pro- Pre a étouffer, dans Les trous, les familles entières de rats, mulots, taupes , fouris & Loirs, abs Inftrument métallique & portatif , eft confiruit de façon à contenir du feu & à fournir un courant de fumée, qui, à l’aide de tuyaux qui s’y adaptent à la longueur néceffaire aux circonflances, étouffe dans le fond de leurs trous , les familles entières de toute cette vermine terreftre, ennemie de la culture: il peut mêmes’employer avec avantage contre les chenilles qui viennent d’éclorre. On garnit le foyer de chiffons de toute efpèce , imprégnés de mau : -vaifes huiles & vieille graifle , mêlées de foufre , de poix-réfine , & autres odeurs grafles & fuffoquantes; un fimple briquet fert à allumer fur les lieux ces matières, & le jeu de pifton achève l'opération. On Le vend chez M. DioDET , rue Saint Honoré, à la Rofe, vis-a-vis POratoire. Le prix en efl fixé à 72 liv. Ce foufflet peut être de quelqu'utilité, mais elle ne nous paroît pas auf étendue & ‘anfli. démontrée que l’Auteur l'indique. Si par fon «moyen on parvenoit à détruire les rats qui défolent nos compagnes par Jimmenfité de trous & de galeries qu'ils pratiquent près de la furface de la terre, & par conféquent entre les racines de bled ; ce feroit ren- dreun des fervices les plus effentiels aux Cultivateurs. Son ufage feroit avantageux aux Colons de l'Amérique , qni voient leurs plantations de cannes à fucre ravagées par les rats & les fourmis, fans avoir encore trouvé un expédient pour les détruire. On convient que toute fumée épaifle, pouffée jufques dans lesderniers & les plus profonds retranclie- mens de ces animaux , feroit capable, ou de les forcer de fortir, ou de les étouffer dans leursretraites; 8 comme dit le proverbe, Jouris qui n’æ qu'un trou ef? bientot prife : mais malheureufement il n’en efl pas ainf, NovEmBre 1772, Tome 11. 584 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les trous formés par ces animaux, font multipliés à l'infini; & l’expé< rience démontre que la fumée pouffée dans ces trous, en reflort de tous côtés, parce qu'il eft plus naturel qu’elle fuive le courant d'air de ces galeries, que de pénétrer dans les profondeurs fans reflortir par les ouvertures de la furface : cependant, on pourroit par le moyen des planches , des pierres, &c. boucher ces trous; alors la fumée, chaflée vigoureufement par le foufflet, feroit obligée de parcourir toutes les cavités , & produiroit le bien qu’on fe propole. « MANIÈRE de faire le Chanvre fin € auffi beau que celui de Perfe, felon la méthode du Prince de Saint Sévère. IL faut pour chaque livre de chanvre fix livres d’eau, demi-livre de foude pulvérifée ou en cendre , & un quart de livre de chaux fleurie, ou en poudre. Il faut prendre du chanvre le plus court, le pafler par un peigne à dégroflir pour rompre les têtes, & en ôter l’ordure: on le lie en paquets d'environ trois onces avec une ficelle, & lon joint enfemble une dizaine de ces paquets avec une petite corde, pour pouvoir les laver commodément ; enfuite on les met dans une petite cuve de bois ou de terre cuite ; ayant foin de mettre toujours au fond le chanvre le plus gros, & on le couvre d’une toile pour recevoir les cendres de la lefive. L’on fait infufer la foude & la chaux dans la quantité d’eau fufdite pendant vingt heures , les remuant de tems en temps; enfuite, on met la leffive fur le feu pendant quatre heures, la faifant bouillir pendant la dernière demi-heure , & on la jette toute bouillante fur le chanvre qui eft dans la cuve; puis on couvre la cuve , afin qu’elle maintienne fa chaleur. Au bout de fix heures on examine fi le chanvre fe divife en petits filamens comme de la toile d’araignée, & alors on le retire, S'il n’eft pas affez fait, on tire par un trou fait au bas de la cuve, ce qui peut fortir de lefive ; on la fait bien chauffer , on la rejette deflus, &'on peut encore le laïifler pendant une heure. Enfuite on lave bien le chanvre dans de l’eau claire; après cette opération, on prend une once & demie de favon par livre de chanvre, dont on enduit tous les paquets; on les remet dans la cuve, & l’on jette deflus de l'eau bouillante, autant qu'il en faut pour qu'il foit bien im- bibé , & pas davantage, &-on le laifle ainfi pendant vingt-quatre heu- res : enfuite on le lave bien jufqu’à ce que l’eau forte claire, & on le fait fécher à l'ombre. Avant de le peigner, il le faut battre avec une fpatule de bois, afin qu’il rompe moins en le peignant. On SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 585 On le peigne de la même façon que le lin le plus fin en petits pa- quets; pour cet effet," il faut le pañler par trois peignes plus fins les uns que les autres. Î faut mettre À part celui qui eft du premier tirage, & celui qui eft du fecond , parce que le premier étant plus fort & plus long , eft meilleur pour l’ourdifflure, & l’autre pour remplir. Enfuite on fait paffer les étoupes ou filafles par les cardes de foie, & l'on en tire le plus fin. Lorfque le fil eft fait, il ne faut point le paffer à lalefive pour le blanchir, mais feulement le laver avec de l'eau chaude & du favon , & ainfi on le met en œuvre : fur quoi, il eft à remarquer que le fil, fait de ce chanvre , ne diminue tout au plus que d’une once par livre en le blanchiflant; au lieu que le lin diminue de quatre onces par livre de feize onces, ce qui donne un profit de vingt pour cent fur l’ou- vrage qui s’en fait. | DÉPENSE. ù Es Prenez dix livres de chanvre , de feize onces, à qua- AO ee UE SRE ir. 0e 2 nf. de Cinq livres de foude à deux fols fix deniers la EE NA mt ec a UE RUE ER ETES L'ANPE 12 6 Deux livres & demie de chaux fleurie, . . . . 6 BOIS POV ONE MN, HAN: De RES 6 Pour lavage . . . * 2 Pour le premier peignage de huit livres, parce qu'il a diminués«de deux dans la leffive, à deux fols fix deniers REC NE OR IN RON TOR REENE Q ie ES LC TT Peignage de quatre livres d’étoupe aux cardes de foie, à quatre fols la livre .. . . . , . . . . 16 Oo Lier NN beat, Cities À Dar Le PRRLODAUVILT, Quatre livres de premier & fecond tirage, à vingt TR D Le le can ee Ath Dh est: AMOR Deux livres du plus fin , à une livre cingfols. . . .2 10 Deux livres d’étoupe , à fix fols. . . . . . . 12 IPTOGILET UNS RIRE ee | eral;e Pete cel de 7 NZ Dénenfes Details ealiunis tete fn Li 7 DROIT. RH Are A2 Lits SU Quand la dépenfe monteroit à quelque chofe de plus, il paroït qu'il NovEmerE 1772, Tome II, Ecee 586 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, doit y avoir so pour 100 de profit; d'autant plus que fi dans le lieu où on le fait, il y a abondance d’eau de rivière, on peut lier beaucoup de paquets enfemble, & avec grande facilité on pourra faire tout le lavage. GER NE ET EU ENTER RNA UE PTE EDNNENENRNNE LESC RSR PEER TENUE PILIERS TRES TRAITÉ DES PÉTRIFICATIONS, Par M. J. GESNER. SE :C'O'N DiEUIP AR THE: Des diverfes origines des Pétrifications ; preuves des principales révolutions arrivées & notre Globe. CHAPITRE PREMIER. Pau promis, en publiant la première partie de ce Traité, d'éclaircir un jour la queftion des diverfes origines des pétrifications ; Je remplis aujourd’hui mes engagemens. Je m'occupe de ce travail avec d'autant plus de plaifir , que l'examen des fréquens changemens, & des étonnantes révolutions qu'a fubi notre globe, par la volonté exprefle du Maître tout-puiflant de l’univers, nous conduit néceflaire- ment à reconnoître la main d’un Dieu, à ädmirer fa puiflance & à l'adorer. CHAPITRE I I. La queftion de l’origine des pétrifications, roule principalement fur trois points. Le premier eft de favoir fi les corps qu’on renconire à chaque inftant parmi les fofliles, & fur lefquels on remarque de la ref- femblance avec certains animaux ou végétaux , ont été réellement au- trefois des animaux, ou des plantes, ou des parties de ces corps. Le fecond confifle à connoître quelles font les caufes des changemens que les fubftances de ces corps ont fubis. Il s’agit enfin, de favoir quelle eft leur origine primitive; c’eft-à dire d’où, & comment ils ont été tranf- portés dans ces lieux. Je vais tâcher de réfoudre ces trois queftions au- tant que les bornes de mon efprit pourront le permettre. Je me dif- penferai de raflembler ici les différentes opinions des Auteurs à ce fujet; ceux qui feront curieux de les connoître , peuvent les voir dans un Traité fur la ftru@ure de la terre, par M. Bertrand. Je tirerai mes réponfes aux trois queftions précédentes, des phénomènes exiftans , examinés avec foin, & je tâcherai d’établir mon opinion par des rai- fonnemens folides , ou tout au moins par des raifons très-probables, J'ai SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 537 été à portée de voir par moi-même, un aflez grand nombre de ces phénomènes dans mes Voyages , foit dans les Pays étrangers, foit dans la Suiffe ma patrie. Mon Cabinet eft enrichi d’une grande quantité de pétrifications de toute efpèce , & venues de prefque toutes les parties habitables de la terre, & j'ai puifé les autres connoïiffances dans Les écrits des Naturaliftes les plus célèbres ; tels que Fabius Columna, Léibnitz, Woodward, Scheuchzer , les frères Cramer, MM. de Buffon & Holmann. CGRAR»ETR ER, LLE Si l’on examine avec attention les pétrifications , on verra que leur figure , leur ftruéture , la fituation de leurs parties , leurs proportions, leurs mêlanges & leurs couleurs, repréfentent parfaitement des animaux & des végetaux , comme je lai prouvé par plufieurs exemples dans le cinquième Chapitre de la première partie de ce Traité. On diftingue très-bien dans les phitholites les fibres du bois , la moëlle & l'écorce ; dans les phitobibles, la queue des feuilles , leur réfeau vafculeux , leur figure , leur bord & leurs angles: an voit quelquefois jufqu’aux femen- ces dans les fougères pétrifiées. Dans les iétyolites , on voit non-feule- ment des fquelettes de poiffons ; mais même à l’aide d’un microfcope, on découvre leurs écailles, leurs fibres , & leur ftruéture radiée ou en gouttière. On en trouve à Mansfield; fur lefquels on apperçoit des faifceaux de mufcles & des chairs. Il y en a à Eningen & à Vérone, fur lefquels les os des nageoires, & de la membrane qui couvre les ouies , font fi vifibles, qu’on peut même diftinguer leur efpèce. Les zoolithes ont tellement la forme d’os & de dents, tant quant à la groffeur , qu’à leur ftru@ure, & à l’arrangement de leurs lames, qu'il ne manque aucun caraétère pour reconnoitre l'os. Les aftacolithes ont toute la fymmétrie & la ftruéture des échinites. J’ai dans mon Cabi- pet une tortue imprimée fur une ardoife de Glaris, dont M, Zollet, ci-devant Gouverneur d'Eglifow, a bien voulu me faire préfent, fur laquelle on diftingue fans peine la tête, le tronc, l’épine du dos, les clavicules , les côtes, la queue, les extrémités, & juiqu’aux articula- tions des doigts. Les conques & les cochlites refflemblent fi exattement aux coquillages marins connus fous ces noms, tant par le volume, la figure, les articulations, que par leurs cannelures , leurs tubercules , leurs éminences, & par des reftes de leurs couleurs primitives, qu'il eft impofñfble de s’y méprendre : "M: Dargenville a eu la bonté de m'envoyer plufeurs coquillages de cette efpèce , trouvés dans les col- lines fablonneufes de Rheims. M. Allione, Profeffeur de Botanique à Turin, m'a fait préfent de quelques morceaux fort curieux, dont les coquillesfont blanches , marquetées de taches roufles. M. le Monnier parle de femblables coquillages foffiles , trouvés dans DécemsRe 1772, Tome II. Eeecei) 588 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, les carrières du Berry, qui ont confervé leurs couleurs naturelles, Outre les traces de la couleur primitive des coquillages qu’on découvre fur les foffiles, ces derniers font aufli quelquefois affeétés des mêmes défauts & des mêmes maladies que les premiers. On les trouve fou- vent cariés, rongés*par les vers, brifés, ou couverts de tubules, de balances & d’huîtres. Enfin, l’analyfe chymique a démontré les mêmes principes, tant dans les pétrifications que dans les os des animaux, & dans les coquillages. La plus grande partie de ces fubflances fe con- vertit en chaux , ce qui arrive à la longue également aux os & aux coquilles. Ces rapports prouvent évidemment que toutes les fubftances pétri- fiées ont été autrefois des animaux ou des plantes, dont les reftes fe font confervés dans la terre, & y ont fubi divers changemens. CH A‘P;:r FRE! IV. Les opinions chimériques imaginées autrefois pour expliquer l'ori- gine des pétrifications, tombent aujourd’hui d'elles-mêmes : en effet, auroit-on bonne grace, dans un fiècle aufli éclairé que le nôtre, de dire, que ces corps font des jeux de la nature, ou des produ&tions du hazard ? Seroit-on bien reçu à faire revivre les caufes occultes , ou les natures plaftiques, pour leur attribuer la formation ds pétrifications ? }l feroit beau voir un Ecrivain venir aujourd’hui débiter gravement que ces êtres font redevables de leur exiftence , à un génie fouterrain, ou aux germes répandus dans les airs, entrainés dans le fein de la terre par les vapeurs ou par les pluies, & mille autres extravagances de cette efpèce. Ceux qui prétendent que ces corps prennent ces diffé- rentes formes par les feules loix de la pefanteur, de même que les ftalaétites qui prennent toutes fortes de figures, les dendrites qui repré fentent des arbriffeaux & des forêts, & les cryftaux & les fels qui fe configurent de mille façons: ceux-là, dis-je, n’ont pas mieux découvert la vérité. Un Ecrivain moderne vient de renouveller l’opinion de Came- rardus, prétendant que les coquillages foffiles & toutes les pétrifica- tions , avoient été formés par l’Auteur de la nature, dès-l’inflant de la création , ainfi que les autres pierres & les cryftaux, & avoient été rangés par couches: mais ce fentiment ne paroiït pas plus proba- ble. C’eft gratuitement qu’on veut faire remonter à la création univer- felle, un Ouvrage que nous voyons s’accomplir fous nos yeux. Ne voit- on pas tous les jours des corps organiques fe métamorphofer en fubf- tance minérale ? Je‘ne vois pas quelle vraifemblance il y a que le Créateur ait enfermé, dans les entrailles de laterre , une quantité fi pro- digieufe de coquillages de toute efpèce, fouvent brifés, folitaires, quel quefois féparés, d’autres fois renfermés les uns dans les autres ; fréquem- ment Calcinés, ou diverfement altérés. A quoi bon attribuer la forma SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 539 tion de ces corps à la main du Tout-Puifant, tandis que tout nous prouve que ce ne font que des corps organiques dépofés dans le limon ? GA PÉIIT RE (V: Si on compare les pétrifications avec les analogues terreftres ou marins, On s’apperçoit de toute forte de changemens. Les merveilles que la Chymie opère tous les jours fur les mixtes, ne contribuent pas péu à éclaircir les caufes de ces altérations. On remarque en effet quelquefois que ces changemens ne font pref- que pas fenfbles, & que ces corps ont confervé jufqu’à des nuances de leur couleur primitive; cela vient probablement de ce qu’ils ont été confervés par un air chaud & humide , & enveloppés par le fable & l’argille, La terre gelée des régions les plus froides, préferve auffi ces corps de la corruption. Témoin Gmehn, qui aflure qu’on trouve dans la Sibérie des dents fofliles d’Eléphants & d'hyppopotames , fi peu altérées, qu’elles tiennent parfaitement lieu d'ivoire. Les pétrifications les plus altérées font ou changées en chaux , ou lavées, ou rongées , & ne font plus reconnoifflables que par l’em- preinre qu’elles ont laiflée fur la mafle à laquelle elles étoient atta- chées, tandis qu’elle étoit encore molle. On ne trouve fouvent qu'un noyau formé par le limon endurci , correfpondant à la cavité qu'il remphfoit. On en rencontre quelquefois d’autres ; tels que les bois, les os pétrifiés & des coquilles abfolument métamorphofés en cail- loux & même en-pyrites. Tantôt leur furface interne eft nue, & laïffe voir tres-diftinétement le logement de l’animal , des reftes de fes attaches & fes différentes loges; & tantôt elle eft remplie de fé- lénite ou de cryftal. Il eft encore plus ordinaire de trouver ces corps écrafés, brilés, & fans aucune forme régulière. La raïfon de ces divérs changemens eft affez claire. L'expérience journalière nous apprend que les os & les coquillages expofés à un air humide & chaud , fe réduifent en chaux & en pouflière. Cela ne fauroit être autrement, puilqu'ils font un compolé de la terre alka- line, difloute dans les humeurs animales, qui vient à s’épaiflir & à° fe durcir. Par la même raifon, les végétaux doivent aufli être con- fumés, foit par une vapeur qui détruit leur humeur glutineufe, foit ar la chaleur qui atténue & volatilife leurs humeurs , leurs parties Éiileutes & filines, détruit leur tubftance, & les réduit en charbons, fi le défaut d'air les empêche de s’enflammer. Le fuc lapidifique ou minéral s’infinue dans les pores des coquillages , des os ou des vé- gétaux ainfi altérés, à demi corrompus par l'humidité, ou changés en charbons par la chaleur; & il n’eft donc pas étonnant que ces corps fe revêrent des apparences des pierres ou des minéraux, DÉCEMBRE 1772, Tome 11. 590: OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Il eft aifé de démontrer l’exiftence des fucs qui produifent ces mé- tamorphofes, Les pierres tophacées , les ftalaétites & tant d’autres concrétions formées tous les jours fous nos yeux , par les parties terreftres , dépofées par les eaux, ne laiflent aucun doute fur celles des fucs lapidifiques. Les conduits creux, les corps hétérogènes, & les gouttes d'eau qu’on trouve fouvent dans la fubftance des cryftaux , prouvent aufli évidemment que ces corps doivent leur origine à un fluide. Quoïiqu'on trouve fouvent dans les eaux des concrétions épaifles , dont la fubftance interne n’a pas été pénctrée par le fuc lapidifique , il n’eft pas moins vrai qu’on en rencoatre plufieurs imprégnées des parties terreftres des eaux qui ont donné au bois la dureté & la fubftance de la pierre. On voit fouvent de ces bois pétrifiés dans les édifices qu’on conftruit dans les eaux , comme les ponts : M. Vofmaer a découvert depuis peu de ces bois pétrifiés auprès de Schevelingère. IL réfulte des obfervations de M. Stedel, Apothicaire à Ulm , que le bois, fur-tout le charme , laïflé dans l'eau de fontaine, fe pétrifie dans lefpace de fept ans. C’eft par la même raifon que les végétaux fe changent en pierres. La même chofe arrive aux coquillages calcinés ; quelquefois le mêlange des fels con- vertit ces fubftances en félénites, ainfi qu’on l’obferve fouvent dans les pointes d’ourfins, dans les afteries & dans les étoiles de mer pétrifiées. C’eft par le même mécanifme que les concrétions crétacées fe changent en jafpes, en cailloux & en agathes de toute efpèce ; les différentes argilles fe convertifient en jafpides & en marbres; & les coquillages qu'elles renferment, fubiffent les mêmes métamorphofes. Quand le fuc minéral pénètre les pores d’un corps, il en réfulte une pétrification différemment minéralifée; relativement à la nature de chaque fuc. Les minéralifations de fer ou de cuivre font les plus communes. Ces métaux font les plus abondans & les plus diflolubles par l'acide univerfel, répandu dans les airs & dans les lieux fouter- rains; de-là vient qu’on trouve en plufieurs endroits des eaux cui- vreufes & ferrugineufes. Si ces eaux viennent à s'infinuer dans les pores d’un corps, elles y dépoferont les parties métalliques qu’elles charient; de-là les minéralifations de cuivre ou de fer. De-là vient qu'on trouve fouvent des pétrifications femblables à des pyrites com- pofées de fer & de cuivre ;on voit dans la Heffe des troncs d’arbres entiers foffiles, changés en veines de fer. Les monts Leger , Rand & Schavenbourg dans le Canton de Bafle, font remplis de lithophites de toute efpèce, changés en mine de fer. Les pétrifications en forme de pyrites ou de marcaffites y font très-abondantes ; on en rencontre en divers endroits de la Comté de Neufchâtel , dans les ardoiïfes noires de Valhazel & dans les charbons de terre d'Horgen ; dans les cam- pagnes d’Alftorf près de Nuremberg , & dans plufieurs endroits du Duché de Wirtemberg, # PE PR TS Sy pe nr ds SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, sort IL n’eft pas difficile de découvrir la caufe des foffiles brifés & ap- platis qu’on trouve dans les pierres foffiles. Ces corps dépofés par couches , & comprimés par le poids des couches fupérieures , ont dû céder; les parties molles & fluides des poiflons & des autres ani- maux ont di être abforbées, & il n’a dû ES que leur parties fo- lides; mais les coquilles qui étôient trop durés pour céder , fe ren- contrent plus fouvent brifées. N CHAPITRE VI Paflons à la troifième queflion fur l’origine primitive des pétrifi- cations. D'où viennent ces animaux & ces végétaux , fi différemment aliérés , qu'on rencontre daas les entrailles de la terre , & dans quel tems y ont-ils été dépofés? Pour réfoudre cette queflion, il faut com- parer les phénomènes dont il s’agit, avec les divers changemens que notre globe a éprouvés depuis fa création jufqu’à nos jours. IEn’y a prefque aucune partie de la terre habitée, où l’on ne trouve des p-trifications, Je n'ignore pas que M. Bourguet & M, de la Con- damine n’ont pu en découvrir dans les montagnes du Pérou, malgré les recherches les plus exaëtes. Ces Savans n’ont apperçu dans ces montagnes que des couches d’un fable noir martial, de mâchefer & de pierres ponces , calcinés par les feux des volcans. Je ne voudrois pourtant pas conclure de-là qu'il ny a abfolument point de pétri- fications. Cette conféquence contrediroit formellement l’affertion de J. Woodward , dont le fentiment fur cette matière eft d’un très-grand poids. Voici ce que cet Auteur dit des lieux où l’on trouve les fubf- tances pétrifiées. On rencontre une grande quantité de coquillages & d'autre corps marins, renfermés dans des pierres & dans d’autres corps terreftres très - épais, tant dans les Pays étrangers que dans cette Ifle. En un mot , des Voyageurs inftruits m'ont affluré qu'on en voit en Barbarie, en Egypte, dans la Guinée & dans les autres parties de l’Afie. On en trouve dans la Jamaïque , les Barbades , la Virginie , la Nouvelle Angleterre:, le Bréfil , le Pérou & les autres Contrées de l’Amérique. Ceux qui font des colle&tions de corps pétrifiés, ignorent pas qu'il y a plufieurs mafles de pierres qui n’ont extérieurement aucune apparence de pétrification , quoiqu’elles en contiennent intérieurement. Peut-être aufli que les inondations &t les éruptions des volcans qui font fort fréquentes dans le Pérou, ont englouti des endroits couverts de pétrifications. Les cabinets des Naturaliftes & l’Orretographie de divers Pays, font encore des preuves de l'abondance des pétrifications qu’on trouve dans prelque toutes les parties de la terre. Le catalogue topogra- phique que M. Bourguet a joint à fon Hiftoire des pétrifications, & la defcription des fofliles de la France par M. Dargenville, méritent DÉCEMBRE 1772, Tome 11. 592 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; de tenir le premier rang parmi les ouvrages de cette nature. J'ai dans ma coile“tion, des pièées ramaflées en Portugal auprès de Lisbonne, J'en ai qui viennent des Pyrénées, de toutes les Provinces de France. J'ai des coquilles & des noyaux dans des pierres calcaires , tirées des carrières des environs de Paris. J'ai prefque de toutes les efpèces de coquillages de Cerrès des collines de Chaumont. J'en ai d’autres qui viennent de Touraine , Province qui renferme un Pays de neuf lieues en quarré & de vingt pieds de profondeur , entièrement formé de débris de coquillages confufément mêlés. On nomme fa- lun ce fingulier afflemblage. Les Habitans de ce canton s’en fervent pour engraifler leurs terres; ce Pays eft à trente-fix lieues de la mer. Mon cabinet eft encore enrichi d’une fuite de femblables co- quillages trouvés dans le territoire de Rheims, dans la Comté & le Duché de Bourgogne, dans celle d'Artois ; elle renferme de très- beaux échinites dans une fubftance crétacée. L'Italie , les montagnes de l’Apennin , de Bologne , de Vérone, de Turin , de la Sicile, celles de Suifle, de toute l'Allemagne, de la Ruffie, de la Sibérie, & prefque de toutes les parties du monde, ont également concouru à completter ma colleétion. Le CÉHVAMPUICT AR EU AVR Les defcriptions des cabinets d'Hiftoire naturelle pourroïent nous fournir des catalogues complets de pétrifications , de coquillages , de végétaux ou d'animaux de toutes les efpèces connues ; mais on trouve un grand nombre de coquillages fofliles , dont on n’a pu découvrir encore les analogues ni dans la mer, ni dans les rivières, ni dans les lacs, ni dans les marais, ni même parmi les animaux terreftres. La quantité prodigieufe de cornes d’Ammon w'offre pas encore fon ana- logue marin, finon pour une feule efpèce de lituite ou orthocératite foffile des plus petites en ce genre, & qui reflemble à des grains de fable. Les anomites ou térébratules lifles ou cannelées, les huîtres à bec recourbé ou gryphites , & les bélemnites font on ne peut pas plus communes ; cependant, on ne fait à quel coquillage marin les rap- porter. On voit en Suifle & auprès de Vérone, des montagnes en- tières remplies de pierres nummulaires, tandis qu'on ne trouve rien dans la mer qui leur reflemble , à l'exception de quelques cailloux auf petits que des grains de fable, qu'on rencontre fur les rivages. CHA TP TIR DE SN II On trouve les pétrifications dans des lieux entièrement oppofés 3 on en retire des côtes maritimes, des ifles & du fond de la mer. On. en trouve dans les contrées très - éloignées de la mer, fur les mon- tagnes les plus élevées des Alpes, dans des grottes ou à 8 ans SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 593 dans les entrailles les plus profondes de la terre. Les collines cré- tacées de l'Angleterre , & les côtes de France qui leur répon- pent , font couvertes de très- belles pétrifications de toutes les efpèces. Elles fe reffemblent parfaitement , foit par leur ‘figure, foit par leur fubftance. L’ifle de Gothland préfénte des couches . de coraux de plufieurs milles d’étendue. On n’en trouve pas moins dans divers endroits de la Sicile, dans les Ifles de Malte & de Mi- norque. Le côtes d’Iftrie , de la Croatie, de la Dalmatie & de l’Albanie, font bordées de marbres compofés de coquillages. Ces mêmes marbres forment la plus grande partie du fond de la mer, & font également remplis de coquilles, felon la remarque du célèbre Doëfteur Vitaltan Donati, dâns fon Eflai fur l’Hiftoire naturelle de Ja Mer Adriatique. J'ai trouvé divers coquillages pétrifiés fur le fommet des plus hautes montagnes de Suifle ; tels que les monts Pilat, Gixrnich , Kratzeren & Hoben Mefner, {ur lefquels j'ai vu en 1726, defcendre le mercure d’un baromètre à 19 degrés. Les parties ories- tale & feptentrionale de la Suifé én font également couvertes. Les monts Jurat, Rand & Leger, les territoires de Clergow , d’Argow, le canton de Bâle & Neufchâtel fournifflent une quantité prodigieufe de coquilles attachées à un marbre calcaire, ou bien renfermées dans fa fubftance ; il eft plus ordinaire de ne trouver que des noyaux ou des empreintes fur des typobites. Les collines de Lithopol , Œningen, Berlingue , Saint Gall , les montagnes de Glaris , les monts Katzeren, Klein- Aubrig, Hacken , Kraïferftuln , tous les cantons de Bâle & de Berne, plufieurs autres campagnes , nombre de rivières & de car- rieres fourmillent deæétrifications. Plufieurs autres contrées de l'Eu- rope font aufli abondantes. On en tire des mines les plus profondes, on trouve des 1&olites dans des fchiftes métalliques, & les phito- “lithes dans des bitumineux. On retire des coquillages & des fougères pétrifiées des mines de charbon de terre d'Angleterre , qui ont plus de cent pieds de profondeur. Couz. Gefner fait mention d’un litholite trouvé de fon tems dans la vallée de Joacim, à 120 pieds de profondeur. Léibnitz & Keiïfler aflurent qu’on voit des foffiles & d’autres pétrifications dans lantre de Baumann, dans celui de Schartfeld & dans plufieurs autres. CGRA EP LTUAIx. TX . Les pétrifications reffemblent quelquefois parfaitement aux coquil- lages, aux poiflons ou aux plantes des Pays où on les trouve. Les pierres tophacées de divers Pays ne renferment pour l'ordinaire que des plantes indigènes , où leurs tiges, leurs feuilles, ou leurs fruits , ou bien des coquillages térreftres ou marins. Les carrières d'Œnin- ‘gen fourniffent un fchifte calcaire blanc ou gris, fur lequel on dif- DÉCEMBRE 1772, Tome 11. FFF 594 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tingue des plantes , des feuilles, des poiflons de rivière ou de Îac:, des moules de rivière & des coquilles applaties & concaves autour du nombril. On ‘y trouve aufñli divers infeétes , maïs jamais diffé- rens dé ceux qui vivent dans le voifinage ou dans le lac Acron. Les collines fablonneufes de Berlingue , voifines du lac de Bodam, font couvertes de mufculites de rivière, de coquilles terreftres & aqua- tiques & de buccinites de rivière; on y trouve des fruits, des troncs &z des branches d'arbres, des plantes & des feuilles foffiles, femblables aux produétions du Pays. Dans d’autres endroits, les pétrifications diffèrent entièrement des produétions indigènes. On voit dans certains des fquelettes d’animaux, & des plantes de Pays très-éloignés. Les coquillages qu’on trouve fur les monts Leger & Rand, n'ont point encore parmi nous des analogues marins, foit à caufe que ceux-ci fe tiennent au fond de l'océan, ou qu'ils habitent des contrées inconnues. Dans cette famille font ces innombrables cornes d’Ammon & les gryphites , les bélem- nites, les hélicites, &c. On trouve ces mêmes coquillages fur les côtes des Indes orientales, & principalement auprès d’Amboine. On rencontre aufli dans des lieux moins éloignés , tels que le Village de Popelezen, Wuzenlos , Fidlifpach , Megenweil, des coquilles, des vo- lutites, des peétuncalites, des chamites, des dents d’auriols & des reftes de poiflons de la mer méditerranée. Les mines de charbon de terre de la Grande Bretagne & les ar- doifes bitumineufes de Lyon, préfentent des fougères originaires de la Jamaique & des Indes occidentales. On rencontre dans les charbons de terre d’Horfens & dans les couches de marne qui les féparent, des bois & des chaumes changés en charbon ou en bitume , des coquilles applaties , des mafculithes & des frombites ; ou d’autres coquillages de rivière ou de la mer, CÉHPANENTETAIRNENMNS On voit fouvent une quantité immenfe de coquillages de la même efpèce entaflés dans le même lieu. On rencontre des terrains confidé- rables , formés de couches de lithophites pétrifiés , auprès de Giengen, fur les bords de la rivière de Birfa , dans le canton de Bâle, & dans divers endroits des cantons de Soleure & de Neufchâtel. On trouve des lits d’huîtres communes auprès de Binnengen , dans le canton de Bâle. Il y a aux environs de Vaux-Sey , ou dans la Comté de Neuf- châtel, des milliers d’échinites, principalement de l’efpèce des fpatagites, changés en marne crétacée , qui femblent y avoir été entaflés, On _ excave auprès de Francfort , d'Oppenheim , & dans divers autres endroits des rives du Rhin , des rochers entièrement formés de Buccinites , & d’autres-coquilles réunies ; mais ce qu'il y a de plus | À 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 595 furprenant , c'eft la prodigieufe quantité de nummulaires ou pierres lenticulaires qui y font raflemblées ; plufeurs rochers , & même de grandes montagnes de la Suiffe , ne font autre chofe que ces pierres réunies. Le mont Aubrig en eft prefqu’entièrement compofé. On voit la même chofe en divers autres lieux de la Suifle , & dans les environs de Vérone. On trouve pareillement aux environs de Paris , de Chaumont , de Soiflons, & dans plufeurs autres parties de la France , des mafles énormes de rochers , compolées de ce feul teftacée. On voit également dans la Tranfilvanie de ces pierres numifmales. C’eft peut être dans cette claffe que l’on doit ranger les pierres lenticulaires que Saw dit être fort communes en Egypte , fur les montagnes de la Lybie , & dont Strabon avoit fait mention dans fa defcription des pyramides d'Egypte. CHA Pr Tee XI On ne trouve guères parmi les foffiles que des corps naturels pétrifiés ; il eft même très-rare d’y rencontrer des ouvrages faits par la main des hommes , par exemple , des outils , &c. : cependant , ces pétri- fications , quoique très-rares , ne font pas abfolument fans exemples. Suendenborg aflure qu’on a trouvé fur des collines , éloignées de la mer d'environ quarante brafles , des grappins , des ancres & des débris de Navires , de même que des reftes d’animaux maritimes. M. l'Abbé Diegue de Revillas aflure , dans un difcours publié fur cette matière , qu'on a rencontré des barres de fer & des léviers dans des blocs de marbre , & des morceaux de linge dans d’autres pierres. On prétend avoir découvert dans les tourbières de Waedench Weilen, auprès de Zollingen , à fept'pieds de profondeur , un tuyau cylindrique de bois pétrifié, On découvre de tems en tems des ruines d’une ancienne Ville , dans les couches de fofliles des environs de Modène. Mais ces exemples font en petit nombre, & dépendent de caufes particulières & accidentelles. J'en parlerai bientôt. CA ATP 1 TRE XII, Les pétrificätions forment quelquefois des couches irrégulières mêlées de fable , de limon, de coquillages entiers ou brifes , & de cailloux ; ou bien elles font adhérentes à des couches de fable , d’argille & de cailloux , qui leur font parallèles. Les unes font horifontales , les autres obliques , & forment différens angles avec l’horifon, Leur épaiffeur varie beaucoup , de même que leur pefanteur fpécifique. Il n’y a ici aucune loi conftante ; la denfité des couches ne répond pas toujours à la profondeur où elles fe trouvent. On y voit fouvent des fentes ou des cavités, ou vuides, ou pleines de marne, d’argille , ou d’autres matières hétérogènes. DÉCEMBRE 1772, Tome II. Ffffi) 596 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Perfonne n’a mieux parlé de la diverfité de ces couches, que Varenius. On créufa , dit cet Auteur, un puits à Amfterdam de 232 pieds de profondeur. La première couche de fept pieds d’épaiffeur , n’étoit qu’une terre végétale commune. La feconde de dix-neuf pieds , étoit une terre noire ou tourbeufe. La troifième étoit une argille molle de fix pieds ; la 4°. épaifle de huit pieds , étoit du fable ; dans la $°. on trouva enfuite quatre pieds de terre ; 6°. dix pieds d’argille ; 7°. quatre de terre; 8°. dix d’arène , fur laquelle on a coutume d'appuyer les pilotis qui foutiennent les maifons d’Amfterdam ; 4°. deux pieds d’argille; 10°. quatre de fablon blanc ; 11°. cinq de terre fèche; 12°. une de terre molle ; 13°. quatorze pieds d’arène ; 14°. huit d'argille mêlée d'arène; 15°. quatre d'arène mêlée de coquilles; 16°, enfuite, une épailfeur de 102 pieds de glaife ; 17°. enfin, trente-un pieds de fable où l’onceffa de creufer. A Modène, on eft toujours sûr de trouver de l’eau en creufant , foit dans toute la ville , foit dans un efpace de plufieurs milles à l’entour. Quand on fait des fouilles , la première couche, qui eft d'environ qua- torze pieds d’épaifleur , ne paroit être que des décombres & des ruines d'une Ville ; IF. on rencontre enfuite deux pieds de terre-ferme ; IE fix pieds de terre noire marécageule , remplie de rofeaux ; IV: un mêlange de couches d'environ fix pieds d’épaifleur , tantôt blanches & tantôt noires , difpofées alternativement ; V. on voit un plan de craie de onze pieds , mêlé de coquilles ; VI. deux pieds de terre maré- cageufe , noire & épaifle , remplie de rofeaux , de tiges & de plantes pourries ; Vil. onze pieds de craie ; VIIL. fix pieds de la même terre de marais ; IX, deux pieds de craie; X. trois pieds de terre de marais , dans laquelle on trouve fouvent des arbres pétrifiés ; XI. enfin , cinq pieds d’arène molle , remplie de fragmens de coquillages. Quand on eft parvenu à cette couche , on entend le bruit des eaux ; l'Ouvrier s'arrange de manière qu’on puifle le retirer promptement. À peine a-t-il creufé encore cinq pieds , que l’eau paroît d’abord en petite quantité ; mais peu de tems après , elle vient avectant d’abondance , que l'Ouvrier à peine retiré , elle déborde le puits & coule continuellement. Si on introduit un cylindre de plomb, fufpendu à une corde , dans un trou fait avec une tarrière , on voit très-bien le fond à travers. Léibnitz aflure en avoir été témoin ; on peut confulter aufli Ramazini fur cette matière. On voit dans l'Hiftoire Naturelle de M. de Buffon , tome I in-4°, page 235 ;in-12, 343, une table des différentes couches de la terre de Marli-la-ville , faites d’après les échantillons de toutes les efpeces de terres , que M. d’Alibart , célèbre Botamite , avoit fait prendre fous fes yeux. Les couches des tourbières de Rufchlikou font rangées de la manière fuivante. Elles ont environ douze ou quatorze pieds d’épaifleur ; les SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 597 fupérieures font noires, abondantes en bitume & fort pefantes ; les inférieures font d'un rouge brun & plus légères. On trouve afiez fouvent des troncs d'arbres, fur-tout de fapins , pofés horifontalement fur ces dernières. Au-deflous des couches de tourbe, on voit un hit de terre calcaire d’un gris cendré , remplie de débris de coquillages , & ayant environ un demi-pied d’épaifleur. On trouve pardeffous une couche de fable , à travers duquel l’eau fuinte. Aux environs d’Eglifow , la couche de terre végétale s'étend pour Pordinaire à la profondeur de trois ou de cinq pieds. On rencontre par-deffous une couche.tophacée, tantôt molle , tantôt dure, remplie de coquillages ou de feuilles des arbres & des plantes indigènes ; quelquefois de la moufle , pétrifiés. Celle-ci a environ dix à douze pieds d’épaiffeur, Elle eft fuivie d’un lit de terre ou de gravier perméablé par les eaux , ou rempli de cavités & de crevañles, ou bien d’une marne dure & de diverfes couleurs. Dans la carrière d'Œningen , les lits font horifontaux ; l’épaiffeur des lames ou des couches de pierre , ne s'étend guères que depuis ‘deux lignes jufqu’à deux pouces. Les fupérieures font créracées , molles | légères & remplies de phitobibles ; les inférieures font plus épaifles , plus pefantes , & contiennent des débris de coquillages de rivière ou de lac , des poiflons indigènes , des infeétes aquatiques , pétrifiés & comprimés. On y voit des fentes perpendiculaires , remplies de {path féléniteux , jaunâtre , qui fe change bientôt en cryftaux trian- gulaires. Les plans de la carrière d'Bningen, font dirigés du midi au nord ; les plus épais ont tout au plus un pouce. Le fupérieur eft mol & compofé de parties fi tendres ; qu’on les polit avec la doloire ; les autres font plus durs. Les fentes verticales les plus larges , font remplies d’une marne calcaire très tendre ; les plus petites contiennent un quartz blanc , & paroiffent collées. La profondeur de ces couches varie beaucoup dans les carrières ; elle s’étend quelquefois depuis deux , trois , jufqu’à fix pieds. On trouve fouvent entre les cotches des lits d’une arène molle , qui facihite beaucoup l’introduétion des coignées & des léviers , & la féparation des pierres. Elles ne varient pas moins quant à leur pofition ; car les unes font horifontales , les autres inclinées , & les autres” forment différens angles avec leurs voifines, à-peu-près de la même manière, que des débris de bâtimens fe rangent en tombant. Cette variété dans la pofition des couches , n’eft nulle part mieux marquée , que dans les parois des montagnes qui environnent divers lacs de la Suiffe. CHAR T Te R RME - La conféquence qui fuit naturellement de la variété qu’on obferye dans D ÉCEMBRE 1772, Tome 11. 598 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la forme , la fubftance , la pofition des corps pétrifiés, & des lieux où on les trouve, eft qu'il n’eft pas poffible qu'ils n'aient tous qu’une même origine. Pour découvrir leurs différentes caufes, je commencerai par examiner les plus fimples , les plus manifeftes , celles qui produifent journellement des pétrifications ; de-là, je pafferai aux plus éloignées & aux plus cachées. Parmi les caufes les plus évidentes , on doit d’abord compter les eaux chargées de matière terreftre & tophacée , qui font tantôt ftagnantes , tantôt coulantes vers la furface de la terre , & dépofent cette mauère “calcaire , fous la forme d’un fédiment , fur les corps qu’elles rencontrent dans leur paflage. De ce nombre font toutes les concrétions tophacées des fources minérales des fontaines & des rivières , dans l’intérieur defquelles font placés des plantes indigènes , des coquilles ou des os d'animaux. Nous en avons cité plufieurs exemples dans le VIII*. Chap. Les incruftations des parois des mines ou des voûtes fouterraines , fe forment de la même manière ; de-là viennent les pétrifications qu'on découvre dans les ftaladites. De ce nombre font les pierres ou dragées de Tivoli, dont l'intérieur contient fouvent des débris de linge, Si ces eaux coulent fur un lit de gravier , ou {ur un fol couvert de plantes , fur de la moufle , ou d’autres plantes aquatiques , on verra bientôt fe former de grandes couches de concrétions tophacées, contenant des herbes & des coquilles de divers animaux qui vivoient fur ces lieux, GC'ÉHAMA SP TAR EUX: Les corps marins comme les corps terreftres & fluviatiles , font également foumis à ce genre de pétrification : en effet , il fe forme dans la mer , foit au fond , foit fur fes bords , & vers les chauflées , des concrétions tophacées , compofées en partie par les eaux des fleuves fouterrains , qui fe jettent dans la mer , & en partie par la terre ochreufe , qui , mêlée avec le limon , le gravier , & Les coquil- lages marins , produit diverfes mafles de pierres. Voici ce que dit à ce fujet M. Donati que j'ai déja cité. » Le fond de la mer Adriatique >» eft incrufté en partie par des cruftacées , des teitacées , & des polypes » pétrifiés , compofés de gravier & de matière terreufe. Il y a des # couches qui ont à peine un pied d’épaiffeur. Il y ena d’autres changées »en marbre ; les couches fupérieures font couvertes de teftacées » récens , vivans , & de morts», Les lithophites qui font des logemens calcaires , compofés par les vers marins qui les habitent , augmentent les couches des concrétions marines, Les coraux , les madrepores , les millepores & les tubulites , compofent cette claffe. Ces teftacées naïffent fur des corps folides , pouffent des branches de plufeurs pieds de long , & très-nombreufes, Dans la mer rouge , ils refflemblent à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 509 une forêt. Saw a confirmé , par fes propres obfervations , ce que Pline & Strabon , avant lui , avoient avancé à ce fujet. D’après cela, il eft conftant que le fond de la mer s'élève tous les jours ; que les concrétions tophacées augmentent continuellement , ainfi que le nombre des pétrifications , à caufe des fables que les fleuves entraînent fan cefle , des coquillages qui naïffent au fond des eaux , ou qui y tombent, & de la grande quantité de plantes marines , & fur-tout des lithophites qui y naïflent perpétuellement. M. Donati a trouvé des coquillages à fept ou huit pieds au-delà du fond de la mer. Qui eft-ce qui pourra Jamais déterminer jufqu’à quelle profondeur ces corps s'étendent ? L’algue marine , nommée par Von Linné , fucus natans , caule tereti, ra- mofiffimo , foliis lanceolato-ferratis , fruétificationibus globofis , pedunculatis , par Pifon SARGOZZO , ne contribue pas peu à cette augmentation, C’eft un ouvrage admirable de la nature , qui couvre une étendue de plufieurs centaines de milles de l'Océan Atlantique, & qui reffemble à une prairie verdoyante. Chriftophe Colomb , dans fa découverte du Nouveau Monde , obferva cette plante vers la hauteur du Cap- Verd. On en rencontre aujourd’hui environ vers le vingt-fept ou trentième degré de longitude feprentrionale , vers la côte occidentale des Ifles Canaries ; mais elle furnage la mer , & l’on n’en voit que par intervalles. On en trouve dans ces endroits jufqu'à cinq cens brafles de profondeur. Voici ce que dit à ce fujet le célèbre Naturalifie Suédois dans fon Syflême de la Nature , Edit. de Stock. 1748 , p.219. « On trouve fur ce pré marin , des zoophites , des teftacées , » des lithophites , des poiflons & des oifeaux particuliers , inconnus >» dans toute autre Contrée. Le fond de la mer fe remplit fucceffivement » des dépouilles de tous les animaux lorfqu'ils meurent : ajoutez à » cela fon fédiment argilleux , qui en élève le fond prefque jufqu’à la » furface des eaux. Alors les vagues chaffent cetre algue ; le fable » effftaîné vers ces côtes, forme peu-à-peu des rochers ; les coquilles » & les lithophites mêlés avec ces argilles , les changent en marbre ; » dans lequel on rencontre des pétrifications de toute efpèce. En » conféquence , les rochers n’ont pas toujours exifté ; ils font les enfans » du tems. On le voit par les montagnes de l’'Oeland , de Gothland , &c. >» Il en eft ainf des Alpes, qui font appuyées fur des bafes de marbre, » remplies de fchiftes & de pétrifications ». CATANPHEPERTEN D V3 Le fable & les graviers que les fleuves & les rivières roulent continuellement , s'accumulent en certains endroits , & y acquièrent la confiftance des pierres. Il eft démontré par mille exemples que les fleuves entraînent toutes les années une quantité prodigieufe de fable , vers leurs embouchures. DÉCEMBRE 1772, Tome II. 600 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le Gange , l’Indus , le Fleuve d'Argent dans le Bréfil , le Fleuve jaune à la Chme , produifent le même effet que le Nil en Egypte. Delà , toutes les concrétions aréneufes , polies par le frottement , & ad’une figure globuleufe , que les Italiens appellent brocatello , comme qui diroit du marbre formé de fragmens. On trouve des pétrifications dans cette efpèce de marbre. Les rochers fablonneux , compofés de petits cailloux , du mica , de l'arène , & de diverfes parties hétérogènes, appartiennent à cette clafle. Tels font encore ceux de Berlin , remplis des végétaux & des animaux du voifinage, des moules de rivière, des coquilles terreftres , des fragmens de teftacées & de tortues , des os & des cornes, &c. : Le fond de la mer , des lacs , des rivières & des marais , s'élève encore de plufieurs manières , quand les mouvemens de la terre, caufés ou par obliquité , on par des commotions internes , ou par limpétuofité des vents , agitent les flots , abattent les forêts , & précipitent des étendues confidérables de terrain dans les eaux. Le dernier tremblement de terre qu’on a reflenti en Portugal, & dans Afrique , eft un exemple frappant de ces funeftes révolutions. La ville de Lima & le port de Callao , fubirent le même fort en 1746. En 1674 , un gros village de l’Ifle d'Amboine , appellé Lebelefia, & un autre nommé Paffau , furent engloutis à cent quatre-vingts brafles de profondeur , avec les montagnes voifnes. Il eft probable que la même chofe eft arrivée à plufeurs lieux voifns de la mer. La reflem- blance qu'il y a des côtes de Douvres avec celles de Calais & de Boulogne , la même fubftance qui eft crétacée fur l’une & Pautre rive, les mêmes efpèces de pétrifications qu'on y trouve , tout cela donne lieu de préfumer que les côtes de France & d’Angleterre ont été autrefois contiguës , & qu’elles n’ont été féparées que par quelque grande révolution qui aura englouti lefpace qui eft aujourd’hui entr’elles. Je pafle fous filence plufeurs autres exemples rapportés par Varenius. Les fleuves fouterrains , & les eaux flagnantes dans les cavernes des entrailles de la terre , produifent auffi de grandes révo- lutions par leur poids , leur preffion , leur rapidité ; & leur action diflolvante. L'examen des marais nous fait connoître la raïfon par laquelle ils fe deffèchent fi promptement , & pourquoi des forêts entières & de vaftes étendues de terrains , font quelquefois fubmergées tout-à-coup. Il croît dans les marais diverfes efpèces de plantes, qui y pourrifflent & augmentent continuellement le fond ; plufeurs efpèces d'animaux habitent dans ces liéux 8 y vivent ; leurs coquilles , leurs excrémens & leurs fquelettes , accroiflent aufli le terrain ; les femences des plantes aquatiques s’arrêtent fur les moufles, y trouvent les prin- cipes néceffaires à leur développement & à leur végétation. Elles fe corrompent , & leur fubftance fe change en une terre ; dans laquelle k : ces SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. GCox ces plantes pouffent des racines qui y trouvent aflez de fubfftance pour y vivre & croître. Ces racines s’entrelacent à d’autres plus groffes , plus anciennes & corrompues ; delà vient la tourbe , qui , etant fèche , eft bonne à brüler. Cette terre eft pofée au-deflus du niveau de la mer; elle y furnage de manière que, fi on la féparoit du continent avec lequel elle eft unie , elle formeroit des ifles flottantes. Quand elle eft furchargée par le poids des arbres qui croiffent à fà furface , ou que fa partie inférieure eft imbibée , elle coule à fond ; c'eft pourquoi, on trouve fouvent dans les tourbières, des forêts fou- terraines , dont les arbres font fur pied , ainfi qu'on l’a vu, fuivant Ramazini , dans les couches de Modène. On trouve au-deflous , des lits de tourbes , & d’autres de coquillages , parce que ces animaux , ui vivoient fur la moufle , ont été précipités après leur mort au dond des eaux ; ce qui confirme mon opinion , eft qu’on rencontre en divers endroïts du canton de Zurich , des gazons bitumineux. Au voifinage des lacs Torlen ( Durler See ) , & Felin, & des prairies marécageufes de Wangen , la croûte fupérieure de la terre eft fi légère & fi mince , qu'on cloche à chaque pas , à caufe que le terrain s'enfonce fous le poids du corps. On voit fouvent dans ces lieux , des creux très-profonds , remplis d’eau; il y en a qui ont depuis cinquante jufqu'à cent pieds de profondeur. On y apperçoit encore des couches d’argille , de fable , de terres tophacées , des fources d’eau vive ; ce qui rend ce pays d’une grande variété. CHUB'ASPUIT IR EX Vi, Les foffliles que nous trouvons dans les différentes couches , prin- cipalement dans les pierreufes , font une preuve qu'ils ont été autrefois .mêlés avec les eaux , & qu’ils ont été précipités fucceffivement dans le fond avec le limon & le fable , fuivant les loix de leur gravité refpeëtive, Les eaux s'étant retirées , ces fubftances fe font féchées & endurcies : mais cela ne vient pas toujours d’une feule & même caufe ; car les marais , les lacs & les étangs , fe deffèchent , lorfque l’eau s'écoule dans des lieux plus bas; ou bien, lorfque les fleuves qui aboutifloient à ces lacs , ou à ces étangs , foit par des canaux vifibles , foit par des conduits fouterrains , fe trouvent arrêtés , cette eau ftagnante s'évapore continuellement , à caufe des vents & de la chaleur ; enfin , les lacs fe defflèchent , & l’on voit paroitre diverfes couches formées par le fédiment dépofé par les eaux. Ces couches feront différentes , felon que les eaux auront été plus ou moins troublées par les vents ou par les pluies. Ces defféchemens arrivent encore lorfque les lacs , les étangs , les rivières & la mer même, quittent leurs anciens lits , & fe répandent dans les campagnes. Ces eaux ftagnantes dépofent enfuite les coquillages , & les cadavres DÉCEMBRE 1772, Tome Il. Ggegg pu 6o2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, danimanx qu’elles avoient entraînés , fuivant leur gravité fpécifique: En conféquence , ces inondations particulières donnent lieu à la formation des pétrifications de coquilles , d'animaux & de végétaux indigènes ; c’eft ce qu'on voit à Œningen & à Berlingen. Quand les eaux ne quittent leurs lits que par intervalles , on voit alors une plus grande variété dans les couches, & une plus grande quantité de coquillages dans les lieux inondés. Cela eft plus.ordinaire fur les côtes dela mer, fur-tout dans les lieux voifins des embouchures de quelques grands fleuves ; c’eft pour cela qu’on rencontre une fi grande quantité de coquillages pétrifiés dans tant d’endroits de la France , de l'Italie & de l'Angleterre. Les couches de terre d'Amfterdam nous montrent combien la terre a été bouleverfée en ce pays par les inondations. La couche de fable mêlé de coquilles , qu'on trouve à quatre-vingt-dix-neuf pieds de profondeur , eft une preuve que la mer occupoit cet endroit qui , dans la fuite , s’eft élevé à la hauteur de cent pieds , & a formé une digue naturelle. M CHA PT RUE XVII. On trouve quelquefois une quantité de lithophites pétrifiés , & ils forment des rochers entiers. Les mêmes efpèces de coquilles fe tencontrent fouvent dans les mêmes endroits , comme fi on les y avoit entaflées à deflein ; il ne paroît guères probable que les feules inondations aient produit ces effets. Qui eft-ce qui pourra fe perfuader que cette immenfe quantité de pierres lenticulaires , qui forment des chaînes de montagnes d’une étendue confidérable , ait pu être entrainée par les eaux des Contrées bien éloignées ? On peut dire la même chofe au fujet des cornes d'Ammon d’une groffeur étonnante , des huîtres & des ourfins fpatagites , fur-tout des huîtres dont les coquilles font très-lourdes , & font toujours au fond des eaux. Les coquilles des ourfins fpatagites font fi tendres , que le moindre choc fuffit pour les brifer, On fait que le fond de la mer eft couvert de lithophites & de teftacées de toute efpèce ; les uns y vivent raflemblés & y multi-® D plient prodigieufement , tels font les huîtres. Les matières trouvées au fond de la mer par M. Donati , & les obfervations que M. le Comte de Marfgli a faites fur divers endroits de la Provence & du Languedoc , prouvent clairement que les lieux dont il s’agit, ont été jadis couverts par les eaux de la mer , qui, en fe retirant , les a laffés à fec. Varenius démontre par plufieurs exemples , que l'Océan perd du : terrain d’un côté , & en regagne d’un autre. Je ne rapporterai que les témoignages les plus récens. Suedemborg , célèbre Naturalifte , cite plufeurs obfervations qu’il a faites en Suède «, L'expérience SUR L'HIST. NATURELLE ET LÉS ARTS. 6Go3 nous montre , dit cet Auteur , que la mer fe retire infenfiblement du côté du Nord ; de manière que dans l’efpace d’un fiècle , les rivages que les eaux couvroient dans une étendue aflez confidérable , demeurent à fec. 1°. IL y a plufieurs villes de la Laponie qui avoient jadis de très-bons Ports, qui fe trouvent aujourd'hui à trois ou quatre milles pas de la mer. Il y en a quelques autres en Suède , même diftantes de la mer de quelques milles ; telles font Upfal & Catt (1). 2°. Jai vu dans Helfingen des lieux qui étoient couverts par les eaux , il y a à peine 70 ou 80 ans , & qui font maintenant à fec ; de manière qu'on voit la charrue & des fourneaux à fondre le fer , dans le même endroit où les flots étoient battus des vents , il n’y a pas un fiècle. 3% On trouve fur diverfes montagnes , fur-tout dans l’Uplande , des ancres de navires , & des grapins , quoique fur des lieux élevés à plus de quarante brafles au-deflus du niveau de la mer ; je ne dirai rien des os & des reftes de gros poiffons , comme des baleines , qui démontrent invinciblement que la mer étoit autrefois beaucoup plus avancée vers le Midi, & qu'avec le tems, elle s’eft retirée de notre horifon ». MM. J. André Celfe & Von Linné confirment encore cette opinion par plufieurs exemples. Ils rapportent un grand nombre de faits, defquels il réfulte que le golfe de Bothnie , & la mer Baltique , abandonnent infenfiblement leur ancien lit. Nous avons , difent-ils, plufieurs villes maritimes , telle qu'Hadik{vall , Pithea , Loulhea , qui avoient autrefois des Ports très-commodes , où les plus grands vaifleaux pouvoient entrer , & qui peuvent à peine aujourd’hui recevoir de petits bateaux. On découvre des écueils & des ifles inconnus à nos aïeux. Les pierres du bord de la mer étoient jadis prefque de niveau avec elle, & fervoient à la pêche; a@tuellement, elles font très-élevées au-deflus des eaux , & ne fervent plus au même ufage. Je conclus de ces obfervations , que les eaux de la mer ont baiflé , dans l'efpace de cent ans , d’environ quatre pieds & demi. J'ai également remarqué des fignes de cette diminution fur les côtes d'Angleterre & de France. C’eft M. Celfe qui parle. Voici ce qu'ajoute le célèbre Botanifte Suédois. « On voit très-bien dans la partie orientale du Gothland , de combien le continent a augmenté dans l’efpace de 90 ans ; on oblerve qu'il s'étend de deux ou trois brafles chaque année. On voit à Slite & à Kille , dans la même ifle de Gothland, des pierres énormes qui reflemblent à des Temples , à des Colofles, ou à des flatues de Géans ; quoiqu’elles foient d’une fubftance extrê- (1) Lifez à ce fujet la favante Differtation de M. Ferner, fur la diminution de l’eau de la mer, publiée dans le premier Volume de nos Obfervations, page 1. DÉCEMBRE 1772, Tome IL. Geggi 604 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mement dure , elles paroiffent avoir été rongées par les eaux. Les plus hautes montagnes du même pays auprès de Frosbourg & d'Hoboug , ont leurs côtés perpendiculaires & formés de pierres calcaires , creufées par le frottement des eaux , dans le tems où toute l’ifle de Gothland étoit enfevelie dans la mer , à l'exception du fommet de ces montagnes qui paroïfflent , comme on voit encore aujourd’hui les ifles Carolines. On trouve une infinité de coquillages fur des montagnes très-élevées ; les montagnes calcaires de Roetvich & de Dale, font remplies de pétrifications marines , fur-tout d’Or- thoceratites ; d’où je conclus que la Dalécarlie , qui eft aujourd’hui à plus de vingt milles de la mer , a été jadis une côte , & même que la mer seft étendue fur tous les endroits où l’on voit des coquillages ». MM. Donati & Bianchi de Rimini ont fait les mêmes obfervations en pleine mer. Ces changemens de lits ont lieu principalement lorfque la terre & le limon s'accumulent vers les rivages & vers les golfes , & que l’eau fe retire , à caufe de l'élévation des lits. La mer baïgnoit autrefois les murs de Rimini , & elle en eft aujourd’hui éloignée d'environ 1750 pieds. Il n'eft donc pas douteux que la mer ne fe foit fort éloignée de nous , & ne nousBait abandonné une étendue confidérable de terrain , qui eft aujourd’hui couvert de riches moiflons. La tour & le mole qu’on voit maintenant à fec , font des témoi- gnages authentiques de ce fait. La mer s’eft encore plus éloignée de Ravenne, On fait que du tems des Romains & des Goths , cette ville étoit fituée au milieu de plufeurs étangs , formés par les eaux , telle qu'on voit aujourdhui Venife ; elle eft aétuellement dans un pays fort fec , éloigné de la mer d’environ trois mille pas. La mer ne paroît plus fuivre la même marche ; il femble qwelle ait pris une direction contraire depuis cinq ans. J'ai fait des marques fur les bois extérieurs de notre Port , d’après lefquelles je crois pouvoir conclure que la mer s’eft plutôt avancée depuis ce tems , qu’elle ne s’eft retirée ». Tel eft l’avis de M. Plancus ; il réfulte de-là que la mer en changeant de lits pendant l’efpace de tant de fiècles, a laiflé fur les rivages qu’elle abandonnoït , tous ces coquillages pétrifiés qui étoient auparavant couverts par fes eaux , & formoient auparavant fon lit. Ci aeiTmEe XVIIE Il eft donc conftant que plufeurs pétrifications font redevables de leur origine aux changemens de lits de la mer; mais cela n'explique pas encore pourquoi on en trouve fur des montagnes hautes de plus de dix mille pieds au-deflus du niveau de la mer, Les eaux diminuent 2 É } | / SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 605 à peine de cinq pieds & demi dans l’efpace d’un fiècle dans les golfes de la mer Baltique ; dans deux mille ans la mer s’eft retirée d'environ trois mille pas de la ville de Rimini ; cependant , les fommets de l'Apennin qui font à trente-cinq ou quarante mille pas loin de la mer, font couverts de coquillages ; or, la mer n’auroit pas pu fe retirer d'une étendue fi confidérable ; même dans l’efpace de quatre-vingt mille ans, ce qui feroit le monde dix fois plus vieux qu'on le fuppote. Les Alpes font encore plus hautes en Suiffe & en Laponie ; on peut donc aflurer que la face de la terre a été jadis toute différente de ce que nous la voyons aujourd’hui , & que les plus hautes montagnes ont été alors couvertes par les eaux de la mer. Cette propoñtion ne répugne ni à la raifon , ni à la révélation , ni aux phénomènes connus ; car Moïfe nous dit dans la Genèfe , en parlant de la création, que Dieu dit : Que les eaux fe ramaffent dans un feul lin , & que la terre fèche paroiffe : Dieu créa Les grandes baleines & tous les animaux vivans G rampans , que les eaux produifirent. Dieu créa l'homme à fon image , il le créa à l'image de Dieu ; il les créa mâle € femelle : il avoit planté un jardin dans la terre d'Eden , du côté de l'Orient ; c’'eft la qu'il plaça Phomme qu'il avoir formé. GEN. Ch. 1, Y. 9 , 21, 2 Tor Les eaux furent donc ramaflées dans un feul lieu; Adam & Eve furent les feuls placés dans le Paradis terreftre. Une très-petite partie de la terre étoit bien fufffante pour un feul homme & une feule femme ; la poftérité de l'homme augmentant , cette portion de terre augmentoit de même , les eaux fe retirant toujours dans les antres intérieurs. La matiere terreftre croifloit de jour en jour , foit par le fédiment que les ‘aux dépofoient , foit par les débris des teftacées & des lithophites. Ceite croûte qui revêt ordinairement le fond de la mer , formée par les plantes maritimes , les cadavres des animaux ; les coquillages , le limon , le bitume , la terre crétacée & tophacée , étoit très-propre à la végétation. H y a donc tout lieu de croire que la majeure partie de notre globe a été jadis couverte par les eaux de la mer, qui, en fe retirant , ont laiffé à fec ces pétrifications d'animaux , qui compofoient leur lit. Par conféquent , 1l me paroît très-probable que la plus grande partie des pétrifications date avant le déluge. C’eft à cette caufe que j'attribue la quantité étonnante de pierres ienticulaires , de lithophites & de reftacées d’une même efpèce, qu’on trouve entaflés dans un même lieu. Cependant , je ne fuis pas en cela tout-à-fait de l’avis de MM. de Buffon , Linné & le Cat. Je penfe qu’on ne doit pas trop étendre cette propoñtion , & que toutes les efpèces de pétrifications ne viennent pas de cette feule caufe. On voit trop de différences dans des coquillages qui fe trouvent dans des lieux voifins , pour attribuer leur origine à la même caufe. Les DÉCEMBRE 1772, Tome 11. 606 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, montagnes de Glaris offrent des pierres lenticulaires , des cornes d’'Ammon , des huîtres à becs recourbés , & d’autres coquillages marins des pays éloignés ou même inconnus , incruftés dans des rochers calcaires & grofliers ; tandis que le mont Bluttenberg , qui en eft très-voifin , renferme feulement des ardoiïfes noires , fur lefquelles on ne voit que des fquelettes de poiffons de la mer Médi- terranée ; tels que les aiguilles ; les turbots , les congres , les tortues , &c (1). J'en ai cité plufieurs exemples dans le Chapitre IX*. de ce Traité. CHAPITRE XIX. Il fe préfente naturellement une queftion au fujet de cette retraite des eaux de la mer, quieft de favoir ce qu’eft devenue cette immenfe quantité d’eau qui couvroit auparavant tant d'ifles , de continens & de montagnes. Je ne me flatte pas de réfoudre entièrement cette queftion ; cependant , il ne manque pas de raïfons plaufibles qu’on peut alléguer. Une des principales , c’eft que probablement il y avoit dans l’intérieur du globe de la terre , des fentes & des finus qui fe feront ouverts , ou à la fuite de quelques tremblemens de terre , ou de quelqu’autre caufe , & les eaux fe font abforbées. On peut expli- quer la formation de ces fentes , par les loix de la Phyfique. La terre étoit encore informe , compofée de matières hétérogènes , & environnée d’eau ; le Créateur lui communiqua un mouvement de rotation pour régler les jours & les nuits : dans ce mouvement , toutes les matières qui compofoient la terre , fe feront rangées fuivant leur pefanteur fpécifique & leur force centrifuge ; de-là , la formation des montagnes , des vallées , des plaines & des grandes, cavités, Les feux fouterrains auront pu y contribuer aufli , en formant de grandes ondes. Mais je ne veux ni inventer ni étayer aucun fyflème ; il me fuffit de favoir que le Créateur tout-puiffant a produit le monde felon fa volonté , par la force d’une feule parole : far ; & que la forme que Dieu lui a donnée , eft la plus convenable aux fins que fa divine Providence s’eft propofées. Les changemens qui font arrivés dans la fuite , font l’effet des loix phyfiques & mécaniques, diétées par la fouveraine Sageffe. Les phénomènes que nous découvrons chaque jour , nous conduifent à la connoïffance de ces changemens. Nous rencontrons très-fouvent des cavernes profondes dans les entrailles de la terre ; nous fommés fondés à en conclure par analogie , qu'il en a exifté de pareilles dès le commencement du monde , & que les eaux de la mer ont pu par intervalles s’y introduire. On trouve dans les montagnes de Suifle , des grottes d’une profondeur étonnante , ES + (1) Ces poiffons font également dans l'Océan. D er SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 607 autant qu'on peut en juger par les pierres qu'on y jette , dont on entend le bruit pendant plufieurs minutes. Pantopidanus aflure qu'il y en a de pareilles en Norvège. Il y a en Angleterre , dans la Province de Stafford , une grotte , qui , felon le Doëteur Plot , a 2509 pieds de profondeur. M. Valvaflor aflure avoir fait environ deux milles dans la grotte d’Aldefpergen en Carinthie , & il ajoute que perfonne n’avoit jamais pénétré aufli avant, Les tourbillons qu’on apperçoit dans plufieurs endroits de la mer , & dans plufieurs lacs , prouvent aflez qu'il y a de pareils gouffres , dans lefquels l’eau s’engloutit. Les Pêcheurs de coraux en ont vu au fond de la mer. M. Von Linné donne la defcription d’un antre de la montagne de Balsberg , qui a trois quarts de mille d’étendue , dans lequel il a vu des rochers , compofés de coquillages , qu’on ne trouve dans aucun endroit de la mer de Suède. MM. de Buffon & Hollmar , donnent la defcription de plufeurs gouffres femblables. Ce dernier Auteur vient de publier un Mémoire rempli d'érudition , dans lequel il démontre par des raifons très-folides , & par un très-grand nombre d’obfervations que la mer a occupé autrefois des terrains qui forment aujourd'hui des continens habités ; que ces eaux abforbées par des gouffres , ont abandonné leurs lits, qui font aujourd’hui la plus grande partie de notre globe, CORP A P'RTR E XX Nous avons vu dans le XVIII Chapitre, quelle eft la canfe des pé- trifications qu’on rencontre fur les montagnes les plus élevées. Nous avons dit que la mer avoit dû couvrir autrefois ces terrains; que fes eaux s'étant écoulées dans des abymes fouterrains, ces lieux avoient dû refter à fec, ce qui avoit rendu la furface de la terre couverte de mon- tagnes, de vallées & d’inégalités , telles qu’on les voit a&uellement au fond des mers: mais la variété & la difpofition inclinée des couches, la différence qu'on remarque dans tant de fortes de pierres & de pétrifi- cations de toutes les mers réunies dans un même lieu, ne fauroient s’ac- corder avec les concrétions qu’on rencontre ordinairement au fond de la mer. Il y a donc une autre caufe qui a entraïné les coquillages & les végétaux étrangers , dans des Contrées éloignées. La nature des cou- ches démontre qu'ils ont été portés par les eaux, & qu'ils ont été dé- pofés comme un fédiment. Nous avons vu dans les Chapitres XIV & XV, que les inondations particulières , produifent ces effets; mais on trouve fur toute la furface du globe, des pétrificarions qui n’ont aucune reflemblance avec les corps naturels des pays où on les décou- vre: or, il n’eft pas naturel d'attribuer ces effets à des inondations particulières ; 1l eft donc néceflaire d’admettre une inondation univer- felle. En cela , nous fommes d’accord avec les Livres faints, & même DÉCEMBRE 1772, Tome IL. 608 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, avec les Traditions les plus anciennes de toutes les Nations. Suivant la Genèfe , Le déluge arriva l'an 600 de l’âge de Noé , qui revient à l’anrée 1657 de la Création: Et Le feptième jour du douzième mois, dit l'Ecriture , les grandes fources de l’abyme ont été brifées, & Les cataraükes du ciel ont été ouvertes ; & la pluie tomba fur La terre pendant quarante jours & quarante nuits, & voutes les montagnes élevées, qui éroient fous le ciel, furent [ubmergées. Les eaux les furpafsèrent de quinze coudées, € Les montagnes furent couvertes ; Les eaux fe retirèrent peu-a-peu de deffus la terre, baiffèrent infenftblement & diminuèrent pendant cent cinquante Jours. Dieu ft fouffler Les verts fur la terre, & les fources de l'abyme & les cata- ralies du crel furent fermées. Les eaux baifsèrent peu-a-peu jufqu'au dixiè- me mois ; @ le premier jour du premier mois de l’année fuivante , la terre Jut abfolument féchée. Si nous remarquons que, dans cette inondation univerfelle , les fources de l’abyme ont été ouvertes, & que les eaux fe font élevées pendant 150 jours à la hauteur de quinze coudées au- deffus du niveau des plus hautes montagnes; fi nous faifons attention à la lenteur de l'écoulement, aux flots & aux agitations de l’eau qui fub- mergeoit la terre; pourrons-nous être étonnés que les animaux & les plantes des pays très-éloignés aient pu être entraînés & difperfés dans différentes parties du globe? Doit-il nous paroître furprenant que les couches formées par les matières dépofées, fe trouvent mêlées d’an- ciennes pétrifications , de pierres fofliles, 8 de rochers compofés de mica & d’autres parties hétérogènes. Cette hypothèfe a été autrefois foutenue par Jérôme Fracafter , Fabius Columna, Alexandre, Luther, Mofcardus, Conringius, Stenon, &c; & dans ce fiècle, par Wood- ward , Auteur Anglois, qui a eu beaucoup de partifans. Cet Auteur a appuyé fon fyflême fur nombre d’obfervations très-bien faites: mais il a tâché vainement d’expliquer par cette feule caufe , l’origine de toutes les pétrifications ; puifque par cette hypothèfe, on ne fauroit expliquer pourquoi on trouve une fi prodigieufe quantité de pétrifications d’une même efpèce, réunies dans un même lieu; pourquoi on en trouve de trop grandes pour avoir pu flotter dans les eaux; pourquoi on y ren- contre les coraux, qui font ordinairement attachés aux rochers ou à d’autres bafes folides ; pourquoi on voit fouvent tous ces corps & les coquilles qui habitent pour l'ordinaire le fond des mers, réunis fur le fommet des plus hautes montagnes ; pourquoi ces mêmes corps, font plus rares dans les lieux bas, tandis que d'ailleurs les corps pefans, tombent toujours au fond des eaux ;- pourquoi on y trouve encore plus rarement des corps artificiels ? Il n'eft pas aifé de réfoudre toutes ces queftions, d’après l’hypothèfe de Woodward. En conféquence, 1l eft néceffaire d'admettre une autre caufe des pétrifications; mais on de- mande d’où ont pu venir tant d'eaux qui ont furpañlé les plus hautes montagnes, & où fe font-elles écoulées ? Je répondrai avec Léibnitz, qu'il ? CT SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Gog qu'il eft croyable que la voûte de la terre s’eft brifée dans les endroits où fes piliefs ont été plus foibles, & que les eaux fouterraines fe font répandues par fes ouvertures dans la mer , & qu’elles ont même fub- mergé les montagnes, jufqu’à ce qu'ayant trouvé une nouvelle iflue, elles fe font de nouveau retirées dans l'abyme, & ont laiflé à fec route la partie de la terre que nous voyons aujourd’hui. On concevra fans peine les bouleverfemens que ces eaux ont dû caufer au globe après le déluge, fi l'on fait attention à la rapidité des torrens qui devoient fe précipiter des hauteurs dans les lieux bes, à la fubftance molle des couches de la tetre nouvellement formées , aux fentes de ces couches defféchées, & aux explofons de l’air renfermé dans les cavernes fou- terraines. La connoiflance de la furface attuelle du globe , nous devient “encore d’un plus grand fecours; on y voit des couches différemment'dif- pofées ; les unes font horifontales , les autres inclinées, & d’autres for- ment toutes fortes d’angles avec les couches voifines, à-peu-près comme des décombres jettés au hafard, Ces dernières font en grande partie compofées de matières hétérogènes, de coquillages, de fque- lettes de poiflons, de plantes pétrifiées , dontles analogues vivans font ou inconnus, ou naiflent dans des contrées très-éloignées. On trouve de tous côtés des crevafles remplies de matières hétérogènes , comme de fubftance métallique, d’argille, de fable, de gravier, &c. unies par une efpèce de ciment. Les parois de ces fentes fe correfpondent, de manière que.les angles faillans des unes fe trouvent oppolées aux an- gles rentrans des autres; ce qu'on peut obferver dans pluñeurs vallons de la Suifle, fur-tout dans le petit vallon de Glaris, auprès du pont de Pentenbruk. Les torrens qui fe précipitent ordinairement par ces fentes , les agrandiflent tous les jours; ils aboutiffent à des bafins d’eaux fonterraines, qui vont quelquefois fe jetter dans l'Océan ; ou bien ils fe montrent à la furface de la terre, & forment des fontaines, des ‘lacs & des fleuves, dont les eaux fe diftribuent de tous côtés par un effet de la Providence divine. Ch APPNT UT RE TXUXNT Ceux qui connoïflent la ftru@ure de la terre, du moins fa furfa- ce, puifqu'il ne nous eft pas permis de pénétrer dans fes entrailles, favent que c’eft une grande mafle de terre & d’eau, dans un parfait équilibre ; ils. y découvrent de toutes pprts des reftes de: couches rom- pues, des crevafles, des antres & des fentes, dont les unes font rem plies d’eau, les autres d’air, Ici, c’eft la terre qui a acquis la folidité des pierres; là, ce font des pierres brifées & converties en terre; tantôt, ce font des fels, des foufres, ou des métaux diflous, & fous une for- me liquide; tantôt , ces mêmes fubftances font folides , où bien s'étant mêlées pendant leur fluidité avec des terres ou des pierres, elles ont DÉCEMBRE 1772, Tome II. Hhhh 610 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, , formé des mafles minérales folides. Le terrain qui couvre ces corps, n'eft autre chofe que les parties des animaux & des végétaux défunies, qui forment la terre végétale. L'eau remplit toutes ces cavités. L'eau agit, ou par fa feule preflion, autrement fa force morte, qui eft en rai- fon de la hauteur de fes colonnes; on bien par une force vivante, qui lui vient de l'agitation qui lui eft communiquée pzr les caufes étrangèe- res , & cette force eft en raifon quarrée de fa viteffe & de fa mafle. L'air agit & par fon poids & par fon élafticité. Cette preffion de l'air eft égale à celle d’une colonne de mercure de vingt huit pouces, & à celle d’une colonne d’eau de trente-quatre pieds. Elle augmente en raifon des poids qu’on lui oppofe, ou bien par l’a&tion du feu qui raréfie l'air. L'air comprimé par une colonne d’eau de trente-quatre pieds, acquiert le double de fa denfité; & celui qui eft preflé par une colonne de foixante-huit pieds , acquerra une denfité trois fois plus grande. Par-là, on peut eftimer jufqu'à quel point l'air peut être condenfé dans les antres les plus profonds par le feul poids des eaux. La denfité de Pair augmente en raïfon de la hauteur des colonnes de l’athmofphère. La chaleur qui le raréfie le rend plus condenfable. La chaleur de Peau bouillante augmente fon volume d’un tiers; mais la chaleur la plus forte qu’on puifle communiquer aux corps, & qui dégage l'air renfermé dans leur fubftance, rend fa force élaflique mille fois plus grande; onen a la preuve dans les effets de la poudre à canon (1).Il y a dans la terre plufieurs cavernes qui fe remplifient d’eau ; l'iflue de l'air peut être empêchée par plufieurs obftacles. Quoiqu’on ne puifle pas démontrer par-tout l’exiftence des feux fouterrains, il y a divers fofiles, qui, par leur feul mêlange, produifent une chaleur très-forte. Comme on le voit dans la chaux détrempée dans l’eau, la limaille de fer mêlée avec égale quantité de foufre ou de pyrite, & arrofée d’un peu d’eau, s’en- flamme avec explofñion & détonation, fuivant l'expérience de M. Le- mery (2). Or, il n’y aucun minéral plus commun que les pyrites fer- rugineufes. L’humidité diffout leurs parties; celles-ci s’entrechoquent mutuellement; leur frottement produit une grande chaleur; le phlo- aiftique du fer s’enflamme, fi l’air agité peut fe procurer une iflue. Toutes les caufes propres à agiter violemment l'air renfermé dans les (x) La force élaftique de la poudre À canon mife en explofion par le feu, vient bien lutôt de la dilatation de l'eau que de la dilatation de l’air. L’eau occupe dans cette cir- conftance un efpace 14000 fois plus grand que celui qu’elle occupoit auparavant. (2) On ne doit pas rapporter de pareils faits pour preuves. La détonation des pyrites, de la chaux, &c. vient par exemple de Ja rapidité & du frottement avec lefquels l'eau pénètre la pierre à chaux, qui, par fa calcination , a perdu fon eau fürabondante, & mème un peu de fon eau principe; de forte que fes molécules fonc dans le plus grand. dix de ficcués SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Gui grottes fouterraines , & à produire fes explofons, fe trouvent naturell - ment réunies dans les entrailles de la terre. Les eaux qui baïgnent une terre argilleufe où qui filtrent À travers un terrain fablonneux, ou bien qui agiffent par leur violence, produi- fent auf de grands changemens dans l’intérieur de la terre ; c’eft {ou- vent de-[à, que viennent ces fecouffes violentes , ces écroulemens épou- vantables, qui arrivent, fur-tout dans le voifinage des grands fleuves. La fermentation que le mêlange du fer & des pyrites produit, caufe & entretient les feux fouterrains. Ces feux ne manquent guères d’alimens. Les pyrites, le foufre & les bitumes, ne font pas rares dans le fein de la terre, La chaleur des eaux thermales qui coulent dans diverfes con- trées du globe en eft une preuve; fans parler des volcans qu’on ren- contre dans les quatre parties de l'Univers. L’air fouterrain condenfé dans des antres profonds , foit par fon feul poids, foit par celui des eaux, eft raréfié par ces feux; produit des effets femblables à ceux des trem- blemens de terre, & qui femblent au-deflus de toutes les forces natu- relles. C’eft pourquoi on entend, dans les fouterrains, des bruits épou- vantables, femblables à des coups de tonnerre ou au bouillonnement des eaux ; c’eft de-là que viennent les trombes & les cylindres d'eaux, les vents & les tempêtes qui bouleverfent les airs. Ces fecoufles violentes, qui fe font fentir au loin, détruifent des villes entières, abattent des montagnes, & ravagent de vafles pays. Perfonne n’ignore le terrible tremblement de terre qui a détruit prefque de fond en comble la ville de Lisbonne. Ces volcans vomiffent quelquefois desfleuves de feu, qui ne font autre chofe que des matières fulfureufes & métalliques fondues, mêlées avec les terres &les pierres ; les Contrées voifines en font fouvent inon- dées ou enterrées fous les cendres & les pierres ponces, rejettées par les vol- cans. Pareilles fecouffes fe font quelquefois reflentir au fond des mers & produifent de nouvelles Ifles. On a vuen 1707 une nouvelle Ifle fe former de cette manière , auprès de Santorin. Elle paroïfloit d’abord flot- tante: les premiers Voyageurs qui y aborderent la fentoient s'élever fous leurs pieds; ils en rapportèrent des pierres ponces très-tendres, & des huîtres monftrueufes, encore adhérentes à la vafe. Cette Ifle augmenta depuis le 23 Mai jufqu'’au 14 Juin fuivant. Sa circonférence efl environ de demi-lieue, & fa hauteur de vingt à trente pieds. Le 16 Juillet, on vit l’explofion d’une flamme, accompagnée d’une fumée épaifle &c fétide, & d’un bruit épouvantable, venant du fond de la mer: il s’éleva tout-à-coup dix-fept ou dix-huit écueils noirs, qui furent ajoutés à cette Ifle. Le tremblement de terre dura encore environ deux mais. La nouvelle Ifle vomifloit des flammes, des cendres & des pierres- ponces, jufqu’à fept milles de diftance. La même chofe arriva en 1720, dans les Ifles Açores, entre l’Ifle Tercère & celle de Saint-Michel. Kir- ker a recueilli, dans les Ouvrages anciens, plufieurs exemples en ce DÉCEMBRE 1772, Tome 11. Hhhh:i} _ 612 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, genre. Je me contenterai de citer ici en peu de mots ce qu'il dit. « Au mois de Juillet de l’année 1638, à la hauteur de l’Ifle Saint Michel, Îa mer vomir en cet endroit, une quantité prodigieufe de flammes, qui, malgré la profondeur de l'Océan au moins de cent vingt brafles en ce lieu-là, s’élevoient jufqu'aux nues, &c entrainoient avec elles des gra- viers, des pierres, des rochers & &c l’eau. La matière fondue, retom- bant dans la mer, reffembloit à de la bouillie. L’amas des rochers & des autres matières rejettées, forma une nouvelle ifle au milieu de l'Océan. Elle n’aveit d'abord que cinq ou ffx arpens d’étendue ; mais dans quatorze jours, elle avoit au moins cinq mulles de circonférence. La montagne de Pouzzol augmenta dans une nuit , de plus de milie pas en hauteur, par les cendres & Les pierres ponces qui s’entafèrent le 19 Septembre 1538 ». Il réfulte de-là que les pétrifications doivent auf quelquefois leur origine aux tremblemens de terre, & cela quand les coquillages & les concrétions qui en font formés , font rejettés du fond de la mer par l’a&tion des feux fouterrains, & forment de nouvelles ifles; ou bien lorique les cendres lancées au loin par les volcans, enterreut les corps naturels. La ville d'Hérackée, découverte depuis peu à 80 brafles de profondeur, étoit enfevelie fous des cendres endurcies & converties en pierres fuivant l’obfervation de M. l’Abbé Nollet. Les mêmes tremble: ment de terre font aufli les caufes éloignées des inondations qui fub- mergent les campagnes, abattent les montagnes, & découvrent les pétrifications. Quelques Ecrivains, tels que Mory, attribuent aux feuls tremblemens de terre, la produétion des corps pétrifiés. Ils ne font pas fondés à attribuer à cette feule caufe, des effets, qui, d'après l'examen des phénomènes, dépendent vifiblement de plufieurs autres. MÉMOIRE lu par M. MACQUER, à la Séance publique de l'Académie Royale des Sciences, le 14 Septembre 1772 , [ur des expériences faites en commun, au foyer des grands verres ardens de Tchirnaufen, par MM. Cadet, Briffor & Lavoifrer. La Phyfique n'offre guère de phénomènes plus curieux, & en: même tems plus inftruétifs , que ceux qui fe manifeftent lorfqu’on expofe différens corps au foyer des grands verres ou miroirs brûlans, L’ation: cependant d’une quantité peu confidérable en elle-même de rayons du foleil, réunis dans un plus petit efpace, eft fi violente qu’elle occa- fionne, en quelques fecondes, des effets plus forts que ceux de tout: autre feu, foutenu pendant très-long-tems. C’eft une vérité reconnue à-peu-près depuis le renouvellement des Sciences, c’eft-à-dire, dès la: naifance de la Phyfique expérimentale, On fit alors des efforts, qui: _ ti es SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 6x3 n’ont point été fans fuccès, pour conftruire des miroirs & des verres brülans , d'un grand diamètre & d’un grand effet. Les miroirs concaves de Villere & les lentilles de Tchirnaufèn, font devenus célèbres par les belles expériences que leurs Auteurs & plufieurs autres Phyficiens ont faites à Leur foyer ; mais ces premiers travaux, quoique très-inté- reflans, font reftés incomplets, faute d’avoir été fuivis avec tonte la perlévérance, & dans tous les détails que la matière exigeoit. Ils ne peuvent être regardés en quelque forte que comme des effais, propres à faire fentir tout le es qu’on doit tirer de ce genre d’ex- périences, La vitrification de l'or au foyer d’une des deux grandes lentil- les de Tchirnaufen, quoique donnée comme certaine par M. Hom- berg, a été conteftée, & eft demeurée aunombre de ces faits douteux qui demandent à être vérifiés. M. Geoffroy, depuis M. Homberg, a fait au foyer de cette même lentille , une fuite d’expériences beaucoup plus exaétes & plus circonf- tancices fur les métaux , & en a rendu compte à l’Académie; mais fentant apparemment la dificulté de conftater d’une manière certaine, les altérations que peuvent y épronver l'or & l'argent , 1l n’a rien dit de ces deux fubftances, & s'eft contenté d’expoler les phénomènes que lui ont préfenté les autres métaux deftructbles par le feu ordi- naire, fi l’on excepte les expériences fur les diamans & pierres précieufes du feu Empereur François Premier. ; Nous n’avons pas connoiffance qu’on ait fait en aucun autre Pays des fuites d'expériences de ce’senre, bien complettes & propres à donner des réfultatsgénérauxWentièrementconftatés ; qui feuls, cependant , peuvent fatisfaire l’efprit, & avancer véritablement la Phyfique; il paroît donc qu’on ne peut guère tirer d’autres conféquences de tout ce quiaété fait à préfent fur ces objets, finon, comme nous l’avons dit, que la cha- leur des foyers des grands verres & miroirs brülans, eft beaucoup plus aétive & plus prompte que celle de tout autre feu. Connoiffance eflen- tielle fans doute, maisftérile & fimplement curieufe , fi elle reftoit vague & fans application. Auf, à l’occafion des expériences fur les diamans (1), MM. Cadet, Briflon , ayant demandé à l’Académie la permiflion de tirer de fon Cabinet la grande lentille de Tchirnaufen, faifant partie des curiofités nombreufes & des belles machines de Phyfique qui lui ont été léguées par M. Pajot d'Onfenbray, la même qui avoit appartenu à M. le Duc d'Orléans, Régent, & qui avoit fervi aux expériences de M. Hom- berg & de M. Geoffroy; l’Académie, perfuadée que la Phyfique ne (1) Voyez dans ce Volume , page 108. DÉCEMBRE 1772, Tome II. 614 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pouvoit que beaucoup gagner aux nouvelles expériences projettées , non-feulemeut accorda avec plaifir la demande de ces Meffieurs, mais même invita tous ceux de fes Membres, qui en auroient la commo- dité, d’aflifter à ces expériences, & nous chargea fpécialement M. La- voifer & moi, de nous joindre avec MM. Cadet & Briflon, pour faire enfemble le travail le plus fuivi & le plus complet. Nous nous faifons un devoir d’annoncer ici que cette bonne volonté de l’Académie, & le zèle que nous avions pour y répondre, auroïent été prefqu'inutiles , fi lefpèce d'établiflement dont nous avions befoin pour travailler commodément & avec fuccès, n’eût été fingulièrement favorilé par les perfonnes en place dont il dépendoit; il nous falloit un lieu bien découvert, bien expofé au foleil du midi , dans lequel on pût pratiquer un hangard ou efpèce de ferre, pour y mettre à l'abri la lentille avec fa monture , qui ne laifle pas que d’être grande & em- barraffante ; & une falle pour y dépofer les produits de nos opérations, &c quelques inftrumens de Phyfique qui nous étoient néceflaires. Nous publions donc avec la plus fenfible reconnoiflance, que nous devons au zèle qu'ont eu pour le progrès des Sciences, M. le Duc de la Vril- liere, M, le Duc d'Aumont, M. le Marquis de Marigny , M. de la Ferté & M. de Marchais, l’établiffement le plus avantageux que nous puifüons defirèr, dans le jardin de lInfante & dans une des falles du Louvre. Nous ajoutons auffi avec fatisfaétion , que M. Mitouard, habile Chymifte, connu de l’Académie & du Public, par les Cours qu'il fait avec fuccès, a partagé avec nous tous les foins que demandoit cet établiffement , & les travaux qui l'ont fuivi. Enfin, pour comble de bonheur, M. le Comte de la Tour-d’Auvergne noussa confié, avec la bienveillance la plus flatteufe, la feconde lentille de Tchirnaufen dont il eft propriétaire ; elle eft du même diamètre que celle de l'Académie, c'eft-à-dire , de trente-trois pouces, & d'un foyer beaucoup plus court. Au moyen de cette générofité , nous nous fommes trouvé avoir la difpofition des deux plus grands & plus forts verres ardents qu’on ait faits jufqu’à préfent, & en état de commencer notre fuite d'expériences. Ce fut vers le milieu du mois d’Août dernier. Depuis ce tems, nous n'avons laïflé pafler aueun jour de foleil, même de ceux qui ne paroïfloient pas des plus favorables à caufe des vapeurs répandues dans l'air, fans en profiter pour avancer notre travail; &c quoique peut-être nous n’ayions pas eu encore un feul de ces jours d’un foleïl parfaitement avantageux, fort rares dans ce climat & dans la faifon où nous fommes, nous pouvons préfumer que nous avons dès- à-préfent une fuite d'expériences plus complettes, qu'aucune de celles qui aient ençore été faites, Le tems ne nous permet pas d'entrer a@tuellement dans aucun détail fur ces expériences ; & d'ailleurs, il y en a ua grand nombre que mous SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 615 nous propofons de réitérer & de varier, pour avoir des réfulrats exempts de toute incertitude. Par exemple, quoique nous ayions déja expofé au foyer un grand nombre de fois de l’or très-fin & très-pur, & qu'en le mettant fucceffivement fur des fupports de différente nature , tels que des creufets d'argile réfraétaire, des teffons de poterie de grès, de porcelaine dure, crue ou cuite, de pierre de grès très-réfraétaire & de charbons; & que dans prelque toutes ces épreuves, nous ayions obtenu des vitrifications de couleur brune pourprée à la furface de ce métal, plufieurs raïfons qu'il feroit trop long de détailler, nous empê- chent encore d’aflurer poftivement que ces vitrifications {oient dûes à .une portion de la fubftance même de l’or ; mais d’un autre côté , en va- riant ainfi ces expériences, nous avons eu la fatisfaétion d’appercevoir & de bien conftater plufieurs phénomènes importans , dont les Phyficiens qui nous ont précédés, n’ont point fait mention; de ce nombre font, un cercle de couleur rouge pourprée, fur le fupport de l'or, que nous navons jamais manqué d'obtenir de quelque nature qu’ait été ce fup- port ; une fumée très-fenfible, fortant certainement de ce métal, de même que de l'argent, & s’élevant quelquefois jufqu’à cinq ou fix pouces, & que nous nous fommes affuré n'être, au moins en partie, qu’une portion de ces métaux mêmes, réduits dans l’état vaporeux, puifqu'une lame d’argent a été très bien dorée à cette feule fumée de lor , de même qu’une lame d’or a été argentée à celle de largent ; une rotation rapide de petits globes d’or & d’argent fondus au foyer, qui nous a paru aflez conftamment dans le fens où elle devoit être, en fuppofant qu’elle eût pour caufe une impulfion des rayons folaires, qu’on a déja foupçonnée , mais que nous nous propofons de conftater par une fuite d’obfervations, aufli multipliées & auf exaétes que l'exige l'importance de la matière. | Nous pouvons mettre encore dans la claffe des faits importans & aflez bien décidés, les obfervations nombreufes que nous avons faites fur les chaux & terres ferrugineufes. Aucune de celle de ces fubf- tances que nous ayions expolées au foyer , ne s’eft convertie en verre tranfparent , mais fondue en matière opaque de couleur de fer; & ce qu'il y a fur-tout de remarquable, c’eft que toutes ces terres ferru- gineufes , foit qu’elles fuffent naturellement inaltérables par l’aimant, foit qu’elles euffent été rendues telles par les opérations chymiques les plus efficaces pour les dépouiller de principe inflammable, & enfin quoique placées fur des fupports de pierre de grès bien pur , bien calciné & incapable de leur fournir aucune matière inflammable, ont éprouvé une efpèce de rédu@ion de leur partie métallique , & font devenues conftamment très-attirables à l’aimant par la feule aétion du foyer. Nous ferions beaucoup trop longs, fi nous voulions indiquer ain. DÉCEMBRE 1772, Tome IL. 616 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, feulement en abrégé une multitude d’autres effets finguliers & inat- tendus de végétations, de cryftallifations , de vitrifications que nous ont préfenté le grand nombre de pierres, de foffiles & de minéraux que nous avons déja mis à l'épreuve ; nous efpérons qu'en donnant à ce travail tout le tems & tout le foin qu'il exige , ces détails four- niront à chacun de nous la matière de plufieurs Mémoires intéreffans, & qu'il réfultera du tout un corps d'Ouvrage propre à répandre de nouvelles lumières fur la nature de beaucoup de fubftances , & fur- tout fur celle des minéraux. Nos efpérances font même d'autant plus grandes & d’autant mieux fondées, que probablement , dès le prin- tems prochain, nous aurons l'obligation au zèle & aux lumières de M. Trudaine , Confeiller d'Etat, & l’un des Honoraires de cette Aca- démie, qui veut bien s'intéreffer & même prendre part à nos.ex- périences , de pouvoir nous fervir d’un inftrument bien fupérieur en- core à ceux dont nous examinons a@uellement les effets, & par con- féquent au plus fort qui exifte dans le monde. Ce fera une lentille à l'eau, de quatre pieds de diamètre , de l’exécution de laquelle M. de Bernières eft chargé. Cet inftrument devant furpafler de beaucoup en grandeur ,en netteté , & par conféquent en forces, tous ceux qui ont été faits jufqu’à préfent, femble promettre une Chymie nouvelle, & paroît deftiné à faire une de ces époques qui deviennent mémo- rables dans l’Hiftoire des Sciences. METHODE abrégée € facile de préparer l'Huile animale devDrP PEUX, M. Mopez, Membre de plufeurs Sociétés Académiques , & premier Apothicaire de Sa Majelté l’Impératrice de Ruffie , a publié en différens tems plufeurs Diflertations dont il a fait un Recueil intitulé : Récréarions Chymiques. En effet , elles étoient le fruit de fes loïfirs, & fes délaflemens furent un travail réel. Heureux l'Artifte .qui fait aufli bien apprécier la valeur des inftans ! Arrivé au terme de fa carrière , il a la fatisfa@tion de pouvoir dire : « Mes jours ont x été pleins, mes travaux ont été utiles ; j'ai des droits à l’eflime , & » mème à la reconnoiflance des gens de bien ». Les Ouvrages de M. Model ont eu un fuccès trop brillant en Alle- magne, pour ne pas exciter l'admiration des Aruiftes François. C’eit à M. Parmentier, Apothicaire Major de l'Hôtel Royal des Invalides, que nous devons la traduétion de ce Mémoire. Il a même écrit à l’Auteur, pour avoir la communication des Mémoires qui n’ont pas encore été publiés en Allemagne. On lui doit les notes qui accom- pagnent le texte ; elles font le fruit des expériences qu'il a es ous SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 617 Nous ferons fucceflivement connoître les principaux Mémoires de M. Model. .… Pendant la première année de mon féjour à S. Pétersbourg (en 1739), je décrivis, dit l’Auteur ,une méthode pour préparer l'huile animale de Dippel ; & M. Fifcher, premier Médecin de l'Impératrice , m’engagea à ce genre de travail. Le procédé ordinaire pour obtenir cette huile fi vantée, étoit long, pénible, coûteux , & n'offroit rien de parti- culier. IL me vint en idée de chercher une voie plus courte & moins difpendieufe , parce que les diftillations multiplhiées me paroïf- foient fuperflues & même nuifibles; ce que je démontrerai bientôt. Le Mémoire publié en 1741 dans la douzième feuille du Commerce de Nuremberg, eft un fimple eflai, dans lequel je n'ai fuivi aucun ordre , 8 où les idées font rangées comme elles fe préfentèrent alors à mon imagination. Je ne rougis point de cet ouvrage, quoique avoue aujourd’hui que je n’en fais aucun cas. Nous penfons & voyons différemment à trente ans qu’à cinquante, I. On entend en général, fous le nom d’huile animale de Dippel, toute huile qui , préparée avec l’huile noire fétide, empyreumatique, des parties folides des animaux (1), & qui eft portée à un certain degré de ténuité par des diftillations & des reëifications répétées dans des vaifleaux neufs & propres , parvient à acquérir les pro- priétés fuivantes ; 1°. la clarté & la limpidité ; 2°. une odeur agréa- ble ou beaucoup moins fétide ; 3°. un goût aromatique. . IT. Nous n’examinerons point fi l’on s’eft fervi long-tems avant Dippel de ces huiles empyreumatiques pour lufage interne, & fi on étoit dans l'habitude de les reétiñer pour les rendre plus fubtiles (2). Nous convenons à prélent de l’appeller huile animale de Dippel; mais cet Auteur en prefcrit la préparation avec le fang de cerf. On fait que Vanhelmont retiroit avant Dippel une huile fétide du fang humain, qu'il porta , dit-il, à la faveur de beaucoup de cohobations, à un tel degré de ténuité, qu’elle ne laifioit plus de réfidu terreux après la diftillarion. D’autres Chymiftes ont prétendu que toutes les huiles empyreu- matiques du règne animal étoient identiques ; & c’eft l'opinion que (x) L’Auteur auroit dû ajouter, & même des parties fluides, puilque Dippel pré- paroit cette huile avec le fang de cerf. (2) Prefque tous les Alchymiftes ont prétendu que les huiles animales , parfaitement rc@tifiées , devenoient des menftrues, capables de diffoudre l'or & Pétain. Dippel lui- même étoit de ce fentiment , quoiqu'il n'en ait pas fait entrer dans fon or blanc potable, DéÉcemsre 1772, Tome II. Tiii 618 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; j'ai adoptée depuis long-tems (1), parce que cette huile ne fe forme que quand le gluten , qui unit les folides, eft détruit , & quand , par conféquent , le véritable efprit reéteur, propre à chaque efpèce d'a- nimal, s’eft échappé. III. Boerhaave, Hoffman, Juncker &z plufieurs autres Chymiftes À nous ont appris d’une manière claire & déraillée la méthode de pré= parer l'huile animale de Dippel: mais tous ne conviennent pas qu'il faille la redifier dans des vaifleaux heufs &c propres, jufqu’a ce qu'elle ait acquis les propriétés décrites N°. 1 ; où bien , comme exigent quelques Chymifles, jufqu'à ce qu’elle ne laiffe plus aucune terre. Quelques Auteurs aflufent qu'il refle de Ja terre tant qu'il y à des pértions d'huile; mais ce fentiment eft réfuté dans une thèfe foutenue fous la préfidence de Juncker, & dont l'extrait fe trouve inféré dans les Colle&tions de Breflaw pour l’annéé 1718. La queftion eft donc de favoir, fi jamais quelqu'un a pouffé le travail auf loin; & quand cela feroit , n'auroit-on pas entendu parler d’un efprit volatil pur, qui fe fépare toujours dans l'opération? Cette conje@ture paroït très-vrai- femblable , puifque Boerhaave dit dans le fecond volume de fes Elé- mens de Chymie , qu'il n’eft jamais parvenu au point de n'avoir plus de féces. M. Linck, dans les Colle&tions de Breflaw, année 1719, dit que pour faire l'huile anirnale de Dippel avec l'huile empyreumatique de corne de cerf; il faudroit au moins fix mois d’un travail faftidieux avant de l'obtenir. Je ne parlerai pas d’une quantité de matières qu'on y ajoute, comme de la chaux, de la craie, de l’eau, qui toutes ap- portent beaucoup d’obftacles à fa produétion , & concourent même à la détruire (2), x : IV, Jai mis dans une cornue neuve, par le moyen d’un entonnoir à long tuyau, deux livres d'huile fétide & empyreumatique de corne —. (x) Il auroit été important d'examiner les produits des différentes fubftances gélati- neufes, parce qu’elles varient non-feulement d’un individu à un autre, mais, encore dans chacun, fuivant l’âge, la manière d’être nourri, & même fuivant la plus ou moins grande ténuité des parties, différences dans le méme animal ; aïnfi, il n’eft guère poffi- ble que les produits chymiques aient une identité parfaite. Il en eft de même de la fub- ftance terreufe & calcaire, qui, fuivant les expériences de Vallerius, eft pius ou moins réfractaire au feu, en raifon de la folidité des natties animales qui la fourniffent. (2) Quelques Auteurs modernes ont avancé que des cendres de bois, exaétement leffivées, & incorporées avec cette huile en forme de boulettes, étoient un moyen de redification ; mais ils n’ont pas fait atention fans doute à l'excès de chaleur que ce nouvel intermède exige, quand il eft employé en fi grande quantité. On ne peut ce- pendant difconvenir que plufieurs habiles Apothicaires de Paris ne fe foient déja apper- çus qu'on pouvoit parvenir à avoir l'huile de Dippel très-blanche, fans employer d'in- termèdes ni autant de re@ification. M. Baumé, dans fon Manuel de Chymie , les borne à quatre; & M. Chellé à obtenu cette huile très-blanche au bout de deux diftillations’, quoiqu'is ne connuffent ni la langue ni le procédé de l'Auteur. . SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6:9 de cerf. Après avoir adapté un récipient à la corne, en avoir bien luté les jointures , cet appareil fut placé fur un bain de fable. Je eommençai le lendemain par donner le feu le plus doux, & il fut ainii continné pendant quelques heures, La partie fupérieure de la Coraue fe couvrit d’abord d'une vapeur blanche : il pafla enfuite un {el volatit fous forme concrète , puis un phlegme imprégné de fel ou de l’élprit volatii mêlé de quelques gouttes d'huile jaunâtre. Dès qu'il y eut environ deux onces de cette liqueur diftillée, le récipient fut changé avec les précautions requiles , & le feu continué au même degré. J'obtins à-peu près huit onces d’une huile plus tranfparente , il eft vrai, mais encore un peu colorée & mêlée d’un peu d’eau ou d’efprit. Le récipient fut changé pour la feconde fois; & m’apperce- vant qu'il ne pañloit plus rien à ce degré de feu, je l’augmenitai in- fenfiblement , & j'obtins une huile plus brune, plus fétide & prefque noire : elle pefoit fix onces. Comme je m’apperçus que celle qui ve- noit enfuite étoit extraordinairement noire & fétide , je ceffai le feu, & je trouvai dans ma cornue fix onces d’une matière noire, épaifle, luifante, enfin femblable à l’afphalte. V. A l’aide d’un entonnoir à long bec, la première huile fut verfée dans une cornue placée fur le bain de fable , & je diftillai à la cha- leur la pius modérée. Les premières gouttes qui parurent étoient jau- nâtres , mêlées d’un peu d’efprit ; mais bientôt après, l'huile paffa claire & tranfparente comme de l’eau. Le récipient fut promptement changé, & la difillation enfuite continuée jufqu'au moment où je crus qu'il étoit à propos de changer encore de récipient. L'huile diftillée pefoit cinq onces; elle avoit la tranfparence & la limpidiré de l’eau, un goût aromatique & une odeur peu défagréable. A peine eut-il pañlé un demi gros d'huile claire dans la diftillation fuivante, qu'elle commenca à devenir rouge, enfuite plus foncée , de manière qu'au bout de quelque temps elle parut noirâtre. Elle fut mêlée avec la feconde huile du précédent, dont je parlerai bientôt. IL eft abfolument néceffaire de tenir le col de la cornue extrême- ment propre, lorfqu’on veut ostenir certe huile claire & tranfparente. Jai même obfervé depuis long-tems, que la moindre fubftance co- - Jorante qui adhère au col de la cornue , eft en état de gâter l’opé- ration & de teindre les liqueurs qui diftillent; perfonne n’en doutera, quant aux huiles empyreumariques épaifles : il en eft de même pour Jes huiles les plus fubriles. Toute diffolntion faite par une vapeur qui monte dans ces fories de diftillations , augmente beaucoup l'intenfté ‘des couleurs. VI Ne pouvant me perfuader que cette première huile obtenue (N°. V).füt une véritable huile, j'en verfai quelques gouttes fur de l'eau pour m'aflurer fi ce n'étoit pas plutôt un pur efprit volatil ; mais Décemere 1772, Tome LL, Jiiii] 620 : OBSÉRVATIONS SUR LA PHYSIQUE, après l'avoir examinée de différentes manières , je remarquai qu’elle étoit douée de toutes les propriétés d’une huile, & même d’une huile effentielle. Elle fut encore une fois rettifiée pour plus grande exac- titude, en employant la chaleur la plus douce ; & j'obtins comme auparavant une huile très-pure & très-blanche , mêlée cependant d’un peu d’eau ou d’efprit: elle étoit fi tranfparente & fi tenue (1) ; que M. Dieterie, mon ami, la prit aufi-tôt pour de lefprit volatil; & ce ne fut qu'après en avoir jetté quelques gouttes fur l'eau, qu'il fe perfuada que c’étoit une huile. VII J'ai re@tifé enfuite jufqu’à huit fois la feconde huile (N°. V), avec autant de précaution que pour la première ; mais quoiqu'elle parût être aflez tranfparente pendant la difüilation , elle fe colora bientôt dans le récipient , & de rouge qu’elle étoir , elle devint très- noire (2). VIII. Les jugemens que différens Médecins portèrent alors fur cette huile, m’engagèrent à envoyer le réfultat de mon travail à M. Perthes, célèbre Apothicaire de Nurembers , pour le faire inférer dans le Commerce littéraire. Je le priai de me communiquer fon fen- timent, & celui des autres Chymiñes les plus inftruits. Quelques-uns prétendirent que ce netoit pas une véritable huile ; cbjeëtion trop futile pour y répondre : cependant , il étoit important d'examiner s’il (1) Elle ef comparable dans cet état pour fa ténuité à Péther. Un flacon conte- nant une once Üx grains d’éther vitriolique bien reétifié, tient demi-once vingt grains de cette huile. C’eft fon extrême ténuité qui a fait naître l’idée à M. Macquer de s’en fervir, pour donner à la réfine élaftique un certain degré de foupleffe, qui la rend fufceprible d’être pêtrie entre les doigts. (2) On peut diftinguer dans le produit huïleux que fournit la corne de cerf par la diftillation, trois efpèces d’huiles, dont l’odeur, la couleur & la tenacité préfentent des différences fenfibles. La première de ces huiles eft fort tenue, d’une odeur aflez aroma= tique & d’une couleur jaune foncée; la feconde eft plus tenue, plus colorée, d’une odeur plus défagréable que la première ; la troifième enfin eft très-noire, très-épaifle, & d’une odeur déteftable. Plufeurs diftillations de corne de cerf que j'ai eu occafon de faire, m'ont appris que la livre de cette fubftance animale donne près d’un gros & demi d’huile de Dippel; qu'il n’y a que la première huile qui foit fufceptible d’en donner , puifque les deux autres ont été diftillées à plufieurs reprifes, & elles n’ont fourni que des huiles moins épaifles, mais colorées & fétides. Deux diftillaiions au plus, & non pas 60 ou 100, comme quelques Auteurs le prétendent, fuRifent pour lui donner toute fa per- feion. Si on fuppofe les trois huiles mélées enfemble, celle de Dippel fe trouve dans Ja RHRRRIHON environ d’un huitième. Tous les Chymiftes favent que lhuile de Dippel eft fufceptible de la plus prompte altération à l'air ; il fuit même que le facon qui la contient , quoïqu'exattement bouché, ne foit pas entièrement plein, pour opérer cette coloration : mais l’air eft-il la feule caufe de cette coloration? Je crois avoir obfervé- qu’elle eft due, en général, au développement de l'acide contenu dans ces huiles ani- males, quelqu’alkalines qu'elles foient. Écr acide réagit fur leurs parties conftitutives ,. & les convertit en une véritable réfine; & comme ces parties font, ainfi que l'huile, d’une extrême ténuité, la coloration fe fait avec une promptitude qui tient A prodige. *% SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6a1x étoit néceflaire de reëtifier cette huile jufqu'à vingt fois, comme le penfoient Hoffman, Boerhaave, & après eux, plufieurs autres Chymif- tes; & fi cette grande ténuité étoit due au grand nombre de reéti- fications réitérées (1). IX. Je tiens encore aux premières idées que j'ai eues en commen- çant ce travail , parce que rien encore n’a été capable de détruire les idées que je me formaien 1739. Toute l'opération confilte, felon moi, dans la féparation de la partie la plus tenue de l’huile animale , que je compare à l’efprit reéteur (2), parce qu'après cette féparation, l'huile reftante a perdu fa vertu fpécifique. La même chofe arrive aux huiles efentielles anciennes, privées de leur efprit reéteur. Les Chymifles ioftruits, conviendront fans doute que ces huiles, rendues fi fubtiles, perdent toujours, par la difillation , une portion de leurs parties les plus tenues, Perfonne ne refpeéte plus que moi, Bocrhaave & Hoffman ; mais ces grands hommes n’ont jamais prétendu forcer les Artiftes à les croire fur leur parole. Boerhaave dit que cette huile fe détruiroit plutôt que de ne plus laïfler de réfidu; ce qui confirme mon fentiment, & prouve qu'à chaque difillation, on perd une partie de cette huile fubtile (3). On voit, en lifant avec atrention ies Ouvrages d'Hoffinan , qu'il n’a cherché qu'une huile fubtile, & qu’il ne lui et jamais venu dans l’ef- prit de regarder ce travail comme une fimple féparation. —_——— (x) Les re&tifcations ont tellement été mulüpliées , qu’on les a portées jufqu’à cent, travail pénible & inutile. IL eft certain que par cette méthode, on détruit ou on volari- life une bonne partie de la première huile. & on aténue la feconde, en lui faifant fübir des changemens confidérables , comme cela arrive aux huiles graffes, qui, diftillées ua certain nombre de fois , s’aténuent au point de devenir folubles dans les menftrues fpiritueux. M. Model a donc rendu fervice, non-feulement en abrégeant de beaucoup le travail, en épargnant les frais de cette opération ; mais encore l'huile qu’on obtient ar fa méthode eft dans la plus grande pureté. Un corps, quel ‘He foi , expofé à action de la chaleur, foit pendant fa diftillation , foit pendant fa digeftion , fubit tou- jours quelques changemens & une certaine déperdition de fes propriétés. (2) Ne feroit-il pas plus conforme à la fame Chymie, de comparer cette huile à celle que l'on retire par la diftillation des baumes & des réfines ? (3) Pour en donner un exemple, j'ai pris quatre gros d'huile animale de Dippel extrêmement blanche ; elle fut mife dans une cornue garnie de fon récipient, placée far un bain-marie , dont la chaleur n’alloit pas au-delà du thermomètre de M. de Réau- mur : cette huile a paflé très-limpide avec tant foit peu d’eau, & j'ai trouvé au fond de la cornue une tache noire. Cette expérience répétée jufqu’à cinq fois fur cette même huile & avec les mêmes précautions, donna chaque fois une tache noire au fond de la cornue, & en fix diftillations , certe huile avoit perdu la moitié de fon poids; ce qui rouve que quelque modéré que foit le feu, les corps fur lefquels il exerce fon aétion Drsent des frotemens continuels , se en défüniffent les principes; de forte qu’à chaque diftillation, une portion d’huile eft décompofée. L'eau qui pafle avec l’huile & la rache noire du fond dela cornue, en font une preuve fenfible. Je ne penfe cepen- dant pas que cette deftruétion foit tout-à-fait particulière à l'huile de Dippel; elle ef commune à tous les autres fluides , en raifon de leur denfité & de leur volatilité, DÉCEMBRE 1772, Tome IL. ‘622 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, X: Eafin, je n’aürai aucune altercation avec ceux qui veulent abfolu- ment qu'on prépare cette huile avec le fang de cerf; je leur laïfflerai croire qu’on cn fait une avec le même fang & une autre avec les cornes (1). Je les prierois feulement de me permettre de penfer qu'ils fe laiflent féduire’ par le'préjugé, quoiqu'il y ait cépendant quelques différences à faire : pat exemple , les végétaux peuvent avoir des propriétés parti- culières qu'il eft impoñlible d’imiter; mais je laifle à décider fi l'huile animale, retirée du fang, doit l'emporter fur celle que donnent les cornes de cet animal (2). M. Model a écrit pour les Artifles, & il a des droits à leur teconnoiffance. Il eft naturel d'ajouter, pour ceux qui lifent cet Ouvrage, & qui ne font pas Artiftes, des obfervations qui leur ferviront dans le befoin. L'huile animale de Dippel eft le feul fpécifique connu jufqu’à ce jour pour les épilepfies ; cependant, il ne réuflit pas toujours, 6£ quelquefois il en éloigne les accès, ce qui eft toujours beaucoup. Il eft de fait, qu'un grand nombre d’épileptiques en ont été foulagés , & quelques-uns, totalement délivrés de cette cruelle maladie. Les épilep- fies reconnoiffent plufieurs caufes ; il n’eft donc point furprenant que les effets ne foient pas toujours les mêmes : mais fes vertus ne fe bor- nent pas à triompher de l’épilepfie. Un foldat de l'Hôtel des Inva- lides, fujet à des coliques de Peintre, perdit la vue dans un accès, & la recouvra au bouit de huit jours, par Pufage de l'huile sñimale de Dip- pel, prife à la dofe de demi-pros chaque jour. Nous fommes redevables de cette obfervation à M. Meunier, Médecin de l'Hôtel. Il l'a effayée avec fuccès fur un grand nombre de malades. Feu M. Rouelle, qui le premier a commencé en France à infpirer le goût de la faire Chymie, (4 qui Jui doit beaucoup, donnoit aux approches de l'accès. depuis quinze jufqu’à quarante gouttes de cette huile, fuivant l'age & les forces du malade. Il l'empâtoit avec un peu de fucre, éfin de matquer le goût défagréable qu’elle a, & faifoit (x) Les cornes des animaux contiennent la fubftance gélatineufe la plus pure & la pius Fatténuée; aufli, elles ne paroïffent mériter la préférence fur toute autre m2tière animale, pour la préparation de-lhuile de Dippel. D'aïlleurs, il peut fe trouver dans le fans quelque portion d’huile de la nature de la graifle, qui donneroit à cette huile un caractere acide, tandis qu’elle paroît avoir.un caraétère alkalin. Ce caraétère y eftimême fi marqué, que Phuile la plus blanche verditle fyrop violar. Cet effet eft beaucoup plus fenfible avec l’eau diftiliée, qui a reité un moment fur cette huile. J'ai mêlé jufqu’a fix fois de nouvelle eau fur cette même huile, & cette eau a toujours coloré en vert le fyrop violet; donc l'eau diffolvoir chaque fois une portion de lhuile, en avoit l'odeur, & elle prenof, expofée à Pair, une belle couleur jaune doré. (2) Tour ce qu'on peut dire de plus certain fur cette huile obtenue de quelque fub- ftance animale que ce foit, eft que, lorfqu'elle eft diftillée fuivant la méthode de M. Model , elle doit avoit des effets que n’a pas celle qui a été altérée & atténuée par Jes reétifications réitérées, . | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES. ARTS. 623 prendre pardeflus un grand verre d’une infufion appropriée. On a vu de très-bons effets de ce remède dans les obftruétions, dans les embarras des vifcères , & contre les fièvres intermittentes, en le donnant une demi-heure avant l’accès, Quelques perfonnes vomif- fent on font purgées après avoir, pris çe remède, & on a obfervé que dans ce cas, on étoit für de la guérifon. M, Rouelle difoit en ayoir obtenu un fecours puiffant dans la pafion hyftérique. L'amour défordonné, du gain, &, même du gain, illiêite, a ‘plus d’une fois engagé-certains Artiftes à funpléer certe file par d’autres , ou à la falfifier. C’eft cruellement compromettre le Médecin qui Ja prefcrit, & le malade qui en attend fa guérifon. On découvrira fi cette huile eft falfifiée avec la chaux vive, en ajoutant de Pefprit-de-vin bien rcétifié ; fi on ne. voit pas furnager la liqueur , &.enfuite fe dépofer au, fond une, quantité de -petits corps. luifans, onypeut être afluré que l'huile de Dippel. a été falffiée, Voici encore un, moyen plus certain pour le découvrir : prenez les mêmes parneules hufantes dont nous venons de parler; laiflez-les précipiter au fond. du vafe ; verfez douce- ment la liqueur qui furnage; placez ces cryftaux dans une cuiller, approchezla du feu; files cry{taux, difparoffent, L'efprit n’éft point falñfié : s'ils perfiltent au contraire, quand' mème le degré de chäleur auquel on.les a-expofés, nauroit été,que frès-médiocre, vous pouvez être certain que non-feulement.on a employé la chaux vive pour faire l'huile de Dippel » maigéncore quelqu'autre flratagème. pie rm DISSERTATION fur. L'Are de confèrver les Fleurs. par “0 hd ensloMe MonwTre O N defféche les plantes dans fa yue de les pouvoir reconnoîtré après un grand nombre d’années ; & on ne s’y eft iérieufement occupé, que depuis qu’on cultive la Botanique avec foin. Ces herbiers qu’on appelle Jardins d'hiver, aident beaucoup à la mémoire des Botaniftes , & font qu'ils font moins expofés à l'erreur dans la nomenclature des plantes, puifqu'on a foin de conferver & d’y montrer aux yeux, autant qu'il eft pofible, chacune de leurs parties ; favoir, les feuilles, leurs fleurs, leurs fruits & leurs racines. M. Quer , Efpagnol de nation, montra il y à deux ans, à l’Académie de. Bologne, une colleétion de plantes defféchées avec tant d'art, qu’elle ne crut pas qu'il fût pofhble de voir en ce genre rien de plus élégant ni de plus, achevé. Comme il eft excellent Chirurgien & très-habile Anatomifte, il avoit tranfporté dans la Botanique, l’art des préparations des parties d’änimaux, dans lequel il étoit très-verfé. IL faifoit de très-jolies momies de plantes, fi je puis m’exprimer ainf. En eflet , s’il avoit à deflécher quelques bran- DÉCEMBRE 1772, Tome 11. 624 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ches dont les tiges fuffent trop épaiffes, comme il lui arrivoit fouvent, alors ; pour éviter que les feuilles qui y étoient attachées ne fe repliaf- fent pendant l’exficcation, & ne fe dérobaflent en partie aux yeux, il avoit imaginé non-feulement de détacher ces branches, mais encore d’arracher de leurs pédicules les petits rameaux & les Aléurs. Il faifoir fécher avec foïn toutes ces parties féparément, & il les rejoignoit enfuite à la tige, au moyen d’une gomme, avec tant de propreté, qu'on eût dit qu’elles n’en avoient jamais été féparées. Il s’attachoit auffi particulièrement à ce que les fleurs ne perdiffent abfolument rien de leurs couleurs naturelles, & à les conferver dans tout leur éclat. Il y étoit fi bien parvenu, que fouvent des plantes qu'il avoit collées, auroient trompé les yeux au-point de paroître fraîches, fi, en approchant la main, on ne fe fût afluré qu'élles étoient véri- tablement defléchées. Dans plufieurs converfations que jai eues avec cet honnête ami fur l’art de deflécher ainfi les plantes , & fur les moyens de lui donner un nouveau degré de perfeétion, nous reconnûmes que l'effentiel étoit, pour que lexficcation n’enlevât pas aux plantes leurs couleurs , de les faire fécher promptement , fans interruption, & douce- ment, dans un lieu tempéré; ce qui fe fait commodément à la cha- leur d’un four , au printems & en automne , & à celle du foleil en été, Dans l’un & l’autre cas, il ne faut pas que les plantes foient pref- fées trop fortèment , & il convient de changer fouvent les papiers, de’ peur qu'elles ne fe moïfiffent & ne foient noircies. Il faut éviter auff que les paquets de papiers foient trop épais, & de les tenir dans un lieu très- chaud. J'ai reconnu plufeurs fois que la chaleur la plus propre pour deffécher:les plantes , étoit celle du corps humain. Ayant voulu deflé- cher quelques unes de ces belles fleurs de plantes bulbeufes ou tubé- reufes , telles que les tulipes, les anémones, les renoncules, &c. je né pus trouver de moyens plus propres à cet effet, que de mettre ces fieurs entre les feuilles d'un livret, & de les porter fur moi pendant quelques jours, légèrement comprimées. Ces fleurs, quoique deffé- chées, avoient confervé leurs vives couleurs aufi parfaitement que lorfqu'elles étoient fraiches, eh és Cette métltode que je communiquai à l'homme favant, dont je viens de parler, & ‘qu'il mit auffi-tôt en pratique, a rendu fa collection fi belle, que je necrois pas que perfonne en poffède une pareille. Dans le tems que je m'occupois de ces objets, il me vint dans l’idée de faire quelques autres expériences fur l’exficcation des plantes, non-feule- ment pour les garder preffées entre des feuilles de papier, mais pour me procurer des rameaux garnis de fleurs qui confervaffent leurs couleurs naturelles, & dans le déffeïn de pouvoir les garder pour ornement dans des bouteilles, à limitation de ces fleurs que lon fait avec la foie ; les plumes & le papier coïoré, Je n'isnorois pas que le célèbre one ; mMUITE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 632$ mifte Ruïfch avoit fait de grandes découvertes fur l’exficcation des plantes , comme l’atteftent ceux qui ont vifité fon Cabinet, & commeon peut mieux s'en convaincre en parcourant fon premier Tréfor qui a été imprimé; on y trouve plufeurs phioles contenant divers animaux, ou quelques-unes de leurs parties, dont les couvercles font ornés de bouquets des plantes les plus'rares, tant marines que terreftres. Je me fouviens aufli d’avoir vu chez un homme très-habile & très-induftrieux, plufieurs rameaux de plantes dont les feuilles & les fleurs , quoique fèches, n’avoient rien perdu de l'éclat de leurs couleurs. J’avois donc defiré plufieurs fois d’eflayer fi je pourrois découvrir pour mon ufape, ce que d'autres s’étoient réfervé comme un fecret; mais toujours dif- trait par différentes occupations, j'avois été forcé de renvoyer l'exé- curion de mon deflein à l'été dernier, & je vais faire part de mes expériences. Comme je penfois aux moyens dont je pourrois me fervir pour deflécher des rameaux fleuris, fans les prefler entre des feuilles de papier, mais en leur-confervant la parfaite fymmétrie de toutes leurs parties, de manière qu'ils paruflent frais, je compris que je ne pouvois y parvenir qu'à l’aide d’une certaine compreffion, moyen très efficace pour empêcher le froncement qui arrive toujours aux plantes qui ièchenten plein air. Dans le tems que je méditois, je me rappellois avoir Oui-dire à un de mes amis, que quelqu'un s’étoit fervi avec fuccès de grains de millet, pour deffécher des plantes. Je m'empreffai d’effayer fi ce moyen répondroit à mes foins. Après avoir préparé pour cet effet des vaifleaux de verre, de terre, de bois de diférentes grandeurs, J'yarrangeai avec toute l'attention dont je fuis capable, diférens rameaux d'herbes & de fleurs fraîches , entre des grains"de millet; de façon que $ grains entouraflent exaétement & en foutinffent toutes les parties , ê déranger le moins du monde leur ftruéture naturelle, Je couvris ces vaiffeaux d’une feuille de papier percée avec une épingle ; je les plaçai , les uns au foleil, dans un lieu élevé, les autres dans un four de Boulanger aflez chaud, & jeles y laiffai pendant trois jours; c’étoit vers Ja fin de Juin. Après cela, je retirai mes plantes & les trouvai parfaitement defléchées, Je ne fus pas affez content dé cette expé- rience pour en demeurer-là ; je m’apperçus en effet que les feuilles & les fleurs étoient un peu ridées, outre que plufieurs feuilles avoient confervé fur leur furface, l’impreffion des grains de millet. Come je penfai que cela pouvoit venir de la légéreté & de la rondeur de ces grains, je crus qu'il feroit mieux de fubftituer les grains de millet écoflés ,à ceux dont je m’étois fervi d’abord, & qui étoient tels qu’orr les retire de leurs panicules. Je fis donc deffécher, de la même facon, d’autrés râmeaux avec des grains de millet écoffés; mais je ne réuflis pas mieux &c même plus mai, fi j'ofe le dire, Les rides & limpreflion Décemsre 1772, Tome 11, KKkkk _ 626 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des grains, eurent lien comme dans la première expérience; mais de plus, les grains de millet écoflés s’étoient eux-mèmes attachés aux feuilles, aux fleurs, & y caufoient une efpèce de difformité. Je ne crus cependant pas devoir abandonner ces eflais, avant d’avoir employé des grains plus pefans que le millet. Je penfai que le bled & le riz feroient très-propres à cet ufage. Je mis donc avec des grains de froment & de riz féparément , d’autres rameaux fleuris, dans un femblable appareil de vaifleaux; & l'ayant expofé dans les mêmes lieux, je les trouvai très-bien defléchés. Ces fleurs n’étoient point exemptes de froncement ; mais elles étoient plus élévantes , mieux con- fervées & moins ridées que celles que j’avois defféchées avec le millet. Il n’eft donc pas douteux que le poids des grains de riz & de froment, n'ait beaucoup contribué à empêcher le froncement des feuilles & des fleurs pendant l’exficcation. Pour ce qui eft de l’impreflion des grains ë&c de leur adhéfion, l’un & l’autre inconvénient eurent encore lieu dans cette troïfième expérience. Les graines ou femences des plantes, quelles qu’elles foient , attirent puiffamment l'humidité qui abonde dans les végétaux ; il n’eft donc pas furprenant qu’elles y demeurent atta- chées, même après l’exficcation. Ces épreuves ne me fatisfaifant point encore , je ne crus pas devoir me borner-là; mais chercher pour l’exficcation d’autres corps intermé- diaires, au moyen defquels je pufle parvenir à la perfe@ion que j’avois en vue. Jen imaginai un grand nombre; & comune j'étois prévenu que je ne pourrois y parvenir que par des corps pefans & menus tout à la fois , c’eft-à-dire, compoñés de grains femblables, &, par là, capables d'exercer une preflion uniforme & fufifante fur les plantes à deffécher, & en empêcher le froncement, je penfai qu'il n’y avoit que le fable qui pût répondre à mes efpérances, & je ne fus pas trompé dans ma conjeéture. Je mis fécher de la même manière des rameaÿ de plantes, dans des vaifleaux remplis de fable jaune, venant de nos rivières & de nos montagnes, & j’eus le plaifir de voir que la plupart de ces fleurs étoient d’une beauté fupérieure à celles de toutes mes autres épreuves; cependant, comme j'avois manœuvré avec peu de précifñon, le fuccès ne fut point parfait. L'expérience fut confidérablement gâtée par les gros grains que le fable contient, & par la pouflière fine qui y cft mêlée. Les premiers avoient laiflé fur les feuilles une impreffon femblable à celle des grains dont jai parlé , & l’autre les avoit un peu falies; mais comme il n’y avoit que peu ou point de rides, je m'en tins à cette méthode, dans l’efpérance qu'avec un peu d'attention, je parviendrois au terme de mes fouhaits. À cet effet, je me procurai du fable ordinaire, rejettant le jaune qui falifloit trop opiniâtrément les feuilles & les fleurs. Celui que je choifis étoit compolé de grains médiocrement gros ; il fut pañlé à un crible aflez SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 627 large pour n’en féparer que les parties grofhières, & enfuite à travers un tamis plus ferré & de foie, pour l’avoir bien égal & bien fin. Je le jettai après cela dans l’eau; je l'y froiflai avec les doigts, afin d’en féparer les molécules trop fines , & de les détremper dans l’eau. Celle-ci en devint trouble , & le fable ayant aufi-tôr gagné le fond, je verfai la liqueur par inclination, ce que je réitérai en verfant toujours de nouvelle eau, jufqu’à ce qu’elle ne fe troublât plus. Après cette opération, je fis fécher mon fable au foleil, & je Le gardai pour d’autres expériences. Je choifis alors quelques rameaux des plus belles fleurs , & les plaçai dans mes boites ordinaires , avec ce fable exempt de toute humidité. J’arrangeai telle- ment, avec la main, les feuilles & les fleurs, que la furface concave fut remplie de fable, & que la convexe en fut couverte , & cela fans laifler aucun vuide. Lorfque j’avois à deflécher des fleurs doubles ou pleines, j'avois foin d'introduire le fable entre leurs pétales, afin qu'après l’exficcation , elles ne fuflent point affaiflées ; & que toutes leurs parties confervaflent la même difpofñition que dans le tems de leur fraicheur, Je couvris enfuite mes fleurs d'un papier troué comme à l'ordinaire , & les expofai au foleil qui étoit fort chaud. ( C’étoit au milieu de Juillet ). Avant la fin du troifième jour , je retirai les fleurs, & les trouvai bien defféchées. Elles n’avoient point contraété de rides; le fable fin ne s’y étoit point attaché; & ce qui me fit le plus de plaifir, elles avoient confervé tout l'éclat de leurs couleurs naturelles. Pouvoit-on en effet fe promettre moins de l’interpoñition d'un corps auffi homogène, auff fec, aufü fin, aufh pefant & aufli propre à abfor- ber l’humidité, & par conféquent, à procurer l’exficcation, qu’eft le fable ? Perfonne n'ignore que le fable ordinaire eft compofé de parti- cules fines des pierres calcaires de nos montagnes; & par conféquent, qu'il eft très-propre à fe charger d’une humeur fubtile , à s’échaufer au foleil & à conferver cette chaleur ; ce qui fait qu'il defièche promptement les corps qu’on y plonge: car cette chaleur ne con- tribue pas moins à une prompte exficcation, que la pefanteur pour empêcher le froncement. En un mot, comme dans la méthode ordi- naire de deflécher les fleurs & les feuilles, on empèche qu’elles fe rident en les comprimant entre des feuilles de papier, par des poids qu’on y applique; j'obtins le même effet, dans cette nouvelle méthode, par l'interpofñition du fable, qui preffe uniformément toute la furface des fleurs. Je n’étois cependant point encore fatisfait de ces effais , au point de terminer ici mes expériences. L'homogénéité, la blancheur & la finefle du fable qu’on trouve dans les boutiques, fous le nom de fable de mer, me firent efpérer de pouvoir lemployer au même ufage avec beaucoup de fuccès; mais l’expérience n'apprit bientôt que le fable ordinaire lui eft préférable. Ce fable de mer en effet eft compofé de fragmens d’albâtre, qui font fpécifiquement plus DÉCEMBRE 1772, Tome 1, Kkkki) LE 628 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, légers que ceux de nos pierres, &c par conféquent moins propres à comprimer les corps (1); de forte que les rameaux de fleurs deflé- chées avec ce fable, fe trouvèrent un peu froncés, & non exempts de rides. . Je ne dois pas négliger d’avertir que les exficcations mutipliées de feuilles & de fleurs m'ont toujours mieux réufñi, lorfque les rameaux m’étoient point chargés de rofée ou des vapeurs d’un jour humide. Les fleurs des plantes vivaces & des arbrifleaux , comme compofées d'un tiffu moins lâche & plus folide, fe deffèchent plus promptement; aucontraire, celle des plantes bulbeufes, ayant une confiftance plus molle & plus lâche que les autres fleurs de cette nature, fe refufent très-fouvent à l’exficcation. Il ne faut pourtant pas défefpérer d'y réufir. Peut-être parviendra-t’on par des efforts répétés, & plus attentifs, à furmonter la difficulté de l'opération. Mes occupations trop multipliées m'empê- chent de me livrer à ce genre de travail; c’eft pourquoi j'invite ceux qui cultivent des fleurs, & qui en ont le loifir, de faire l'effai de ma méthode fur les tuiipes, les hyacinthes, les narcifles & autres fleurs des plantes bulbeufes : mais il eft bon de les avertir qu'ils ne doivent pas ie flatter d'y réufñir en employant fimplement la chaleur du foleit, cette chaleur étant trop foible au printems pour opérer une exficcarion prompte, que ces fleurs exigent plus que les autres. Il eft néceffaire d'employer celle d'une étuve ou d’un four, en ayant toutefois l’atren- tion de ne pas donner aux vaifleaux, dans lefquels ils enfermeront les fleurs avec le fable , un degré de chaleur plus fort que celui qu'ils rece- vroient, fi on les expofoit au foleil en été. Il.eft effentiel dans cztte opération, d'empêcher que les fleurs ne foient brûlées par l’a&tion trop forte du foleil ou du feu, au lieu d’être fimplement defféchées. Cette chaleur exceflive leur feroit perdre entièrement leurs couleurs naturelles, Pour réfumer en peu de mots ce qui vient d’être dit , il faut prin- cipalement avoir égard à trois chofes dans cette opération; favoir , au choix & à la préparation du fable, au régime de la chaleur & à Parrangement des fleurs dans des boîtes. Pour pouvoir bien les ranger, 1l faut employer des vaifleaux dont l'ouverture foit un peu ‘évaiée, aôn d'y porter les mains plus commodémeut, Quoique l'opération de M:Monty ne foit pas une nouveauté pour les Botaniftes François , cependant les détails dans lefquels il eft entré feront vus avec plaifir, & encore plus par ceux qui les ignoroient entièrement. Il eft certain qu’on peut aïfément , par des moyens aufli fimples , étonner les yeux, &aflurer aux fleurs une durée que fembloit leur refufer la nature. De (1) Le fablon d'Etampes qu'on vend à Paris eft excellent pour cette exficcation; & les fleurs qu'on prépare ainfi, forment un très-joli jardin d'hiver pour décorer nos che- iminees, ne 2.0 SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 619 'OBSERV ATIONS fur les Anémones de mer. M. L’Aggk Dicquemare dont nous avons annoncé les découvertes fingulières, page 511 de ce Volume, fur la reproduétion de la par- tie fupérieure de quelques anémones de mer, des rivages du Havre, a continué fes obfervations , & a pouñié fort loin fes expériences, Il a fait voir dernièrement aux perfonnes qui fréquentent fon Cabinet, des effets qui femblent indiquer combien nous fommes peu avancés dans l'Hiftoire des reproduétions; quelles peuvent être les reflources & les forces de la nature; l'incertitude de nos conjeétures fur ce qui conftitue l'animal, & quel vafte champ nous offre encore à cultiver la Phyfique de l’économie animale, qu’on regarde, avec raifon, comme la bafe de l'art de ouérir. Les mêmes anémones de mer, dont il avoit retranché la moitié du corps où fe trouvent les membres & la bouche, aux- quelles toutes ces parties s’étoient reproduites, jufqu’à leur permettre de manger , ont été coupées de nouveau, & repouflent pour la feconde fois , fi bien qu’une d’entr’elles a déja mangé. Il a fait de même obferver à ceux qui ont defiré en être témoins oculaires, que la bouche féparée du corps reçoit encore quelquefois des membres auxquels elle eft unie, la nourriture qu'ils peuvent attraper , & qu’elle avale fans qu'il y ait de corps pour la recevoir, comme fi une tête tranchée avaloit pour rendre par le col. Ce Phyfcien s’eft afluré, par des expériences réité- rées, que lors même qu'il ne refte à ces animaux que la bafe & un tronc aflez court, ils paroïflent autant & plus affe@tés par la lumière, qu'avant d’être mutilés. C’eft dans l'Ouvrage même que médite l'Au* teur de ces découvertes , qu'il faudra chercher les détails circonflanciés des phénomènes que lui ont dévoilé fes premières obfervations, & que lui offrent celles qu'il continue de faire. Les planches fur-tout, dont la plus grande partie des originaux font achevés, préfenteront aux Naturaliftes & à ceux qui s'occupent de Phyfique de économie animale, non-feulement les différentes efpèces d'anémones de mer, des rivages de Havre ( où on en trouve d’un pied de circonférence ), & leurs variétés, mais mème une partie de leurs manœuvres, de leur confiruc- tion intérieure , les principaux effets des mutilations, &c. Comme ces obfervationis exigent des foins pénibles & un tems confdérable, & qu'elles font fouvent interrompues, foit par des travaux d’une utilité plus apparente, foit par la rigueur de la faifon & autres circonftances, ileft entré dans nos vues, & nous a envoyé undeflin des deux petites elpèces fur lefquelles ont été faites les expériences que nous avons annoncées, Ce qui mettra nos Leéteurs à portée de connoïtre ces ani- maux. DÉCEMBRE 1772, Tome IL, 630 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, CRE IPF TENTE EXPLICATION de la Planche première. C ETTE planche repréfente dans leur grandeut naturelle & moyenne les deux petites efpèces d’anémones de mer, dont on a parlé dans ce volume, page Sir. A & B,eft celle qui s'attache à la furface latérale des rochers. En À, elle eft ouverte & à fleur d’eau. Elle a les membres médiocrement étendus pour faifir les petits moules & autres corps propres à fa nour- riture. On voit la bouche dans le milieu; c’eft cette anémone pourpre dont-on a coupé les membres, qui ont repouflé jufqu’à trois fois. En B, on voit la même anémone fermée comme quand elle a aflez mangé, ou qu’elle fe repofe. L'autre anémone, marquée C, eft la petite efpèce du fable que nous avons décrite. On la voit attachée, par fa bafe, contre un cail- lou, tandis que le corps en s’alongeant, permet à la partie fupérieure, où font les membres & la bouche, de s'élever à la fuperficie du fable, pour y fair la nourriture. C’eft fur cette efpèce qu'ont été faites les découvertes fingulières que nous avons expolées ; c’eft-à-dire , qu'étant coupée en C, la partie fupérieure fe reproduit; & que coupée de nouveau, elle fe reproduit une feconde fois. On ignore encore jufqu’où peuvent aller ces reproduétions. La figure D offre la même anémone fermée & retirée fur elle - même. Ces animaux changent de place, lorfque quelque chofe les affe&e, ou que leurs befoins l’exigent. e ” EESTI APE IE ET PEN ER NCTE NES RAR AIRE" = OBSERVATIONS de M. BRUNELLI, fur La culeure du Manioque. M ° BRUNELLI auroit dû, étant fur les lieux, donner une defeription ce cette plante fingulière, que l’art fait métamorphofer du poifon le plus décidé , en nourriture affez bonne au goût des Européens, & excellente pour celui des Nègres de l'Amérique. Nous fuppléerons"à l’omiffion de lAuteur. Peu de perfonnes connoiffent cette plante , excepté ceux qui ont la facilité de vifiter les ferres chaudes où on la çultive. Les Bréfiliens la nomment maniüba où meniiva ; les François, caffave ma- nihot où manioque. M. Piton de Tournefort , après J. Bauhin, & C. B. Bauhin, Plumier , &ec. la défionent fous le nom de me@rthot, & le Che- valier Von-Linné la cara@térife ainfi, Jarropha manihot foliis palmaris , lobis lanceolatis ,integerrimis, levibus. Sp. PL. EDiT. 1764, pag. 1420. La fleur eft en forme de cloche évafée, fans calice; fa corolle d’une feule pièce, mais divifée en cinq fegmens pointus & oblongs, Les fleurs mâles SUR L'HIST. NATURELLE ET LES. ARTS. 63x font féparées des fleurs femelles; mais celles-ci font portées dans la même grappe ou touffe de fleurs. La fleur mâle eft blanche, compofée de dix étamines , & la culture fait quelquefois varier ce nombre; le filet qui fupporte les étamines ou parties males, eft plus court que la corolle. Les fleurs femelles font de couleur rofe; elles contiennent un piftil ou partie femelle, divifé en trois à fon fommet, formant trois efpèces de feuilles très-petites. Ce piftil fe change en une capfule prefque ronde, dont les côtes font marquées par des nervures faillantes : cette capfule eft à trois loges, & chaque loge renferme une feule femence prefque ronde. Les feuilles font palmées à-peu-près comme celles du riccin; la tige eft parfemée de rugofités, & la racine eft tubéreufe. Telle eft la defcription que nous fournit l'échantillon defléché que nous avons fous les yeux ; telle eft à-peu-près celle qui a été donnée par les Botaniftes, ce qui nous fait defirer de plus grands détails fur la confi- guration de cette plante , fur fes variètes, quoique Plukenet & Sioanne l'aient fait graver. La culture de cetteplante, dit M. Brunelli, exige beaucoup de foins & de travail. Les Américains, pour éviter les délais , ne confient point à la terre fa femence; mais par une opération plus expéditive , ils en affurent & en hâtent la récolte. Ils coupent fur un pied fort & vigoureux, des branches bien formées; ces boutures forment leurs plantations. Ils les dépouil- lent de leurs feuilles, les coupent à la longueur de deux pieds envi- ron, & les fichent en terre; de manière que la partie inférieure de chaque rameau, conferve dans la terre la même dire@ion qu’elle avoit fur l'arbre. Chaque fofle contient deux ou trois boutures feulement, placées à des diftances égales; cette foffe eft enfuite remplie de terre:on a foin de la faire bomber,de manière que l’extrémité fupérieure des bou- tures paroît à peine. L’éloignement d’une folle à une autre, eft à-peu- près de trois pieds. Il eft important que la terre en foit très-ameublie, parce que les racines pouffent difcilement & en petite quantité, quand le nombre des mafles de terre eft trop multiplié, ou lorfqu’elles font confidérables. Obfervation effentielle , qui engage le Cultivateur à ne pas travailler à la préparation, à l'approche de la faifon des pluies qui refferrent la terre ; l'humidité fait alors périr une grande partie de la plantation. Le dernier foin, & un des plus utiles, eft le farclage des plantes parafites, dont l'abondance & la vigoureufe végétation abfor- bent les fucs nourriciers, dont la caflave a le plus grand beloin dans ces commencemens. Au bout de quelques jours , chaque rameau devient une branche, & pouffe depuis trois jufqu’à fix racines , fi la terre eft grafle & de bonne qualité; au contraire , dans les terrains flériles & fablonneux , à peine en compte-t-on deux ou trois , & même très-grèles, Les racines n’ont ni la même figure ni la même grofleur ; les unes font rondes, DÉCEMBRE 1772, Tome IL, 632 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, les autres alongées. Uue racine de deux pieds de longueur a environ un demi pied d’épaifleur; l'écorce varie également, fuivant la différence des racines ; quelquefois elle eft noire, quelquefois elle eft blanche, vio- lette, ou prefque jaune ; la pulpe éprouve aufli de femblables variétés. Elle eft fouvent d’une blancheur ébouiffante, & quelquefois de la couleur d’un jaune d'œuf; de cette pulpe, on fait une excellente farine. Il fant énviron le terme d’une année, pour que ces racines aient acquis leur , groffeur requife; alors on dit qu’elles font dans leur parfaite maturité: cependant, les Indiens preffés par la faim, & dans un tems de difette, les arrachent au bout de cinq mois; dans cet état, elles font groflières, indigeftes, & ne peuvent fournir un bon aliment. Les terres noires, les terres fortes & grafles, fur-tout celles où lon a coupé quelque forêt, & fur lefquelles on a brûlé les racines &t les débris des arbres, font excellentes pour la végétation du manioque; alors cette plante y végète vigoureufement, & fes tiges s’élèvent à la hauteur de cinq ou fix pieds: cependant , elle croît dans toutes fortes de terrains ; fa végétation & fa bonté font toujours relatives à la nour- riture qu’elle en reçoit ; telle eft en général ce qui concerne la culture du manioque. Voyoñs a@tuellement les préparations & les ufages qu’en font les Américains & les Indiens. Il doit paroître étonnant qu'une plante , qui , tandis qu’elle eft verte & pleine de fuc , contient un poifon des plus fubrils & des plus violens , fournifle , par fa préparation , une nourriture faine ë& excellente à un Peuple innombrable. Les Américains , & plufieurs Peuples de l'Amérique , font avec ces racines , à-peu-près autant de farines & de pâtes , que l'induftrie des Européens leur en fournit de leurs diverfes efpècés de bled. La néceflité a été chez ces Peuples , comme chez les autres, la mère de l’induitrie ; & les mftrumens qu'ils émploient pour préparer cetté racine , quoique groflers , font fingu- lièrement bien imaginés. Les Américains & fur-tout les Sauvages , n’ont point de fer ; & voici la manière dont ils ont conftruit leurs racloires ou rapes, Ils raffemblent de petits cailloux qu'ils brifent , à l’aide d’une pierre fort dure ; ces cailloux divifés ; autant qu'il eft poñlible en fragmens égaux & anguleux ; font implantés fur une planche de bois , de manière que les angles aigus fe trouvent en haut, &e leurs bafes fe touchent en formant une ligne droite , & laiffent un petit efpace entrelles. Les parties anguleufes font aflujetties contre la planche , ah moyen de la poix & de la réfine fondues ; de forte , que ces fubftances étant réfroidies , leur affurent une folidité à toute épreuve, Telle eft la rape dont les Indiens fe fervent , parce qu'ils ne broient ces racines qu'autant qu'ils en ont befoin chaque jour. Les Européens ont cherché à diminuer ce travail, & à préparer des racines pour plufieurs SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 633 plufieurs jours ; ils ont imaginé un inftrument pour les brifer plus promptement , & cet inftrument eft une roue de bois d'un large diamètre , dont le bord extérieur eft large , & garni de toute part de fer battu , réduit en feuilles & percé d’une infinité de petits trous, On préfente les racines à cette roue , pendant qu’elle tourne avec rapidité , & elles font bientôt réduites en pâte. Les Américains ont imaginé, pour extraire l'humidité ou fuc vénéneux de ces racines brifées , un inftrument bien fimple. Ils fe fervent de l'écorce d’une efpèce de rofeau nommé varama , dont ils font des nattes & autres ouvrages en ce genre. Ils coupent cette écorce en longs morceaux , & forment avec ces brins un cylindre aflez long , & d’une groffeur médiocre , qu'ils appellent zipii. Ce cylindre eft exactement fermé à fon extrêmité inférieure , & ouvert dans la partie fupérieure ; de manière qu’en le tirant par les deux bouts , il peut facilement s’alonger & fa capacité être rétrécie. Le cylindre étant rempli de la racine réduite en pâte , il eft ainfi fufpendu ; alors les Américains ajoutent un poids confidérable à fa partie inférieure , & cette pâte , étant par ce moyen preflée de toute part , rend les fucs qu’elle contient. Les Européens plus expéditifs ,| emploient des prefloirs & autres machines en ce genre. Les Indiens font encore , avec la même écorce coupée très-mince , une efpèce de petit tamis , de forme quarrée, qu’ils nomment wrupema. Hs atténuent , par le moyen de ces cribles , & achèvent d’enlever toute l'humidité contenue dans la pâte formée avec le mucilage de ces petites racines. Un tronc d'arbre creufé , & nommé irzva , leur fert de mortier pour pêtrir la farine que ces racines fourniffent, Enfin , ils conftruifent des tefts de diverfes grandeurs , à-peu-près femblables à nos afiettes , dans lefquels ils font cuire leurs farines , & toutes les préparations du manioque. Ils appellent ces efpèces d’affiettes , /xpuna, Voyons aétuellement quels font les principaux ufages auxquels les Américains , & fur-tout les habitans du Bréfil , emploient les racines de manioque ; je commencerai par la farine qu’ils appellent fèche , & qu'ils préparent de la manière fuivante. Ils dépouillent , armés d'un couteau , les racines de leur écorce ; ils les lavent & les pañlent enfuite à la rape ou à la roue dont j'ai parlé : ils en expriment le fuc , par le moyen d’un cylindre ou d’un prefloir ; la pâte qui refte eft mife dans un mortier où elle eft pêtrie de nouveau , & enfuite reportée au cylindre ou au prefloir. Les habitans les plus foigneux réitèrent cette opération jufqu’à ce que le fuc foit entièrement exprimé, 8 que les brins de la racine foient tout-à fait détruits. Cette précaution eft abfolument néceflaire pour rendre le manioque un aliment falutaire. Tout fon venin confifte dans fes fucs. Cette farine eft mife fur un feu modéré ; & pendant tout le tems de la cuite , on la remue fans Décembre 1772, Tome IL L1il 634 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUÉ, cefie jufqu’à ce qu’elle foit entièrement defléchée. Telle eft la manière dont on fait la farine fèche, Les brins des racines fe grumèlent en fe re- pliant fur eux mêmes; alors leur couleur eft jaunâtre. Certe farineeft très- nourriflante & fe conferve pendant plufieurs mois , & même pendant une année entière , fi on la préferve de l'humidité. Les Indiens la gardent dans des corbeilles ou des paniers d’ofier , dont l’intérieur eft tapiflé de feuilles de palmier. Il y a une autre efpèce de farine que les Européens appellent farine à l’eau ; fon goût eit très-agréable , lorfawelle eft récente & bien préparée. Voici la manière dont on la fait. On laiffe pendant fept ou buit jours tremper dans l’eau les racines du manioque , ou affez long- tems pour qu'on puifle enlever fans peine & avec les doigts , l'écorce de la racine ; cependant , fi on la laifloit tremper trop long-tems, elles fe corromproient & pourriroient aifément. Les racines , ainfi dépouillées de leur écorce , font tendres ; on les brife auffi-tôt & de la manière indiquée, pour en extraire le fuc: après les avoir dépouillées de leurs parties ligneufes , on les fait fécher fur le feu comme dans l'opération précédente ; les racines ainf préparées ; donnent des grains un peu plus gros. Cette nourriture eft fouvent préférée par les Européens , habitans de l'Amérique, à celle que préfente la farine de froment, fur-tout, quand elle eft nouvellement faite , & qu'elle n’a contraé aucune humidité. Il faut néanmoins convenir qu'elle ne fe garde pas auffi long-tems ,; que la farine nommée fèche, Quelques-uns pilent dans un mortier la farine fèche, après lavoir extrèmement torréfiée ; ils y mêlent une certaine quantité de farine à l’eau, & rédufent le tout en une poudre de couleur jaunâtre. Cette efpèce de farine , arrofée avec du bouillon chaud , fournit un aliment d’un goût très-agréable & très-nourriflant. Les Indiens, les Américains , ne connoïfient pas encore l’ufage des cuillers ; ils mettent cette farine dans le creux de leur main , & la jettent dans leur bouche avec tant de dextérité , qu'il n’en tombe pas un feul grain par terre. J'ai voulu plufieurs fois les imiter & paroître Américain ; mais en vérité , il m'arrivoit plus fouvent de me pocher les yeux avec ma bouillie, que de la jetter dans ma bouche. On peut juger combien ma mal-adrefle faifoit rire ces bons Indiens. Les Américains font encore avec la racine du manioque , une autre efpèce de farine qui mérite beaucoup mieux ce nom. is préparent leurs racines , comme s'ils vouloient faire de la farine à l’eau , mais ils en torréfient les fragmens d’üne manière toute différente ; ils font en forte que la chaleur du feu foit beaucoup plus douce & toujours égale ; ils broient continuellement ces fragmens fur leurs tefts , de peur qu'ils ne fe grumelent en fe féchant. Par ce moyen , ces petits | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 635$ morceaux de racines font réduits en farine très-blanche , très-fine, & en tout femblable à notre farine de froment. C’eft avec cette farine, qu'ils nomment carima , qu'ils font du pain & autres apprêts en ce genre ; mais gardé plufieurs jours , l’homme le plus affamé ne fauroit en manger. Paflons aëtuellement à cette crême légère & très-déliée , qui fe trouve dans les racines du manioque; elle eft appellée dans le pays tapioca, Cette crème fait fans contredit la principalétéz la meilleure partie du manioque; fans elle, tout ce qu’on retire deces racines, n’au- roit aucun goût & ne pourroit fervir d’aliment. Les Indiens féparent le tapioca def racines; pour cela , ils rempliflent leurs deux mains des fragmens des racines, les froiflent & les compriment pendant quelque tems, & ramaflent dans un vafe quelconque, le fuc qu'ils en expri- ment. Cette crême, qu’il ne faut pas confondre avec le fuc, fort avec lui; & après deux ou trois heures, la crême ou tapioca fe précipite au fond du vafe, fous la forme de lait. On peut conferver fous l’eau, pen- dant plufeurs jours, le tapioca débarraflé du fuc malfailant, pourvu qu'on ait l'attention de renouveller l’eau tous les jours. Le tapioca bien féché & frofflé entre les doigts, fe réduit en une farine très-fine, d’une bläncheur éblouiflante; c’eft de-là qu’on tire l’ami- don & la poudre dont les femmes fe fervent pour leurs cheveux. On prépare encore avec le tapioca, d'excellens bouillons très-felutaires dans les maladies de poitrine. C’eft ainfi que l’art fait faire fervir les fubftances qui paroiflent les plus vénéneufes, à la confervation ou au rétablifiement de notre fanté. Pour conferver la farine du tapioca , il faut, quand elie eft encore récente & molle, la faire fécher au feu juiqu'à ce que les fragmens en foient très-blancs : ces grains encore chauds & froiflés dans les doigts , font mols comme de la cire; mais ils fe durciffent en fe refroidiflant. à Le tapioca, jetté dans leau bouillante, fournit une boiffon d’un grand ufage, nommée sacaca, On ne fauroit concevoir combien les habitans de l'Amérique, & fur-tout ceux du Bréfil, foit Européens , foit naturels du pays, aiment cette boiflon. Le rapioca ne doit pas bouillir long-tems ; il formeroit, fans cette précaution, une efpèce de glue : on verfe enfuite des jus & des bouillons fur le fuc du manioque déja cuit, & aflaifonné avec du poivre concaflé ; ce qui rend cette boiïffon très-agréable. Cependant, ceux qui én boivent pour la pre- mière fois, la rejettent prefque toujours, à caufe d’une certaine tenacité qui leur caufe des naufées ; on prend cette boiffon lorfqu'elle eft encore tiède: elle nourrit très-bien, & appaife promptement la faim. Le befoin & la fatiété ont multiplié les apprêts; on fait encore des gâteaux nommés beju fec : pour cela, on met le tapioca fur des afliettes de terre, & on les arrofe avec du beurre. Ces gâteaux ont un goût très- Décemsre 1772, Tome IL. Lilli) 636 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, agréable. Les câteaux plus groffiers, que les Indiens nomment fimple= ment ex , font faits avec les morceaux de manioque., dont on a expri- mé le fuc , & avec lefquels on prépare la farine fèche; mais ces der- niers deviennent infipides auffi-tôt qu'ils font refroidis , s’attachent au palais , & on a beaucoup de peine à les avaler. ! - Les Indiens font avec ces mêmes gâteaux plus épais & plus larges, une autre boiflon forte & fpiritueufe , nommée beju aygu cavia où beju axu. Son goûtiéft auftère & défagréable. Voici leur procédé, Ils met- tent ces larges gâteaux par lits, les uns fur les autres, de manière qu'ils forment comme un cylindre droit. Peu de jours après, la furface infé- rieure de ce cylindre fe moifit, & devient couleur de rofe, couverte de taches noires & jaunes. Ces gâteaux font alors placés auprès du feu, puiqu’à ce qu'ils foient pénétrés par la chaleur & agréables au goût; ils les féparent enfuite, & font en forte qu'ils fe moififlent tous de la même manière. Lorfqu'ils font parvenus à ce point , les Indiens les brifent avec la main, & les jettent auffi-tôt dans l’eau chaude, les broient, les pêtriflent jufqu'à ce qu’ils foient réduits en pâte; alors ils paflent la liqueur par un tamis très-fin; elle tombe dans des vaifleaux de terre, placés pour la recevoir. Cette liqueur fermente & bouillonne ( comme le vin ) dans ces vaiffeaux pendant fept ou huît jours ; alors elle eft fi violente, qu’elle les brife fi on les bouche. Cette liqueur peut être con- fervée pendant quinze jours, fi on laiffe en repos les vaifleaux qui la contiennent. Lorfqu’on commence à vuider un vaiffeau, il faut le boire tout de fuite ; fans quoi la liqueur aigriroit. il eft imutile de prefler beaucoup les Indiens pour prévenir cet inconvénient, parce que ces Peuples, & les Sauvages fur-tout, en boivent jufqu'à l'ivrefle la plus confommée. Les Américains font quelquefois avec les gâteaux ( heju fèc ), une boiflon plus violente, & qui enivre plus fubitement; mais ils en ufent plus rarement. Les Européens rendent ces liqueurs plus fortes encore , &t plus agréables, par des procédés avoués de la faine Chymie. Les Indiens mangent les feuilles du manioque, elles leur fervent de légumes. Ils pilent ces feuilles dans un mortier, les font bouillir dans de l’eau avec de la viande oiravec des morceaux de poïffons. Ils affaifon- nent cette préparauon avec la crême du manioque, du poivre & des épiceries, Il me refte à parler du fac, proprement dit, du manioque, appellé par les Indiens, scupi où manicuera, Ce fuc a la couleur du foufre; expri- mé des racines, fon goût eft agréable & doux. Il contient cependant un poifon très-fubtil. Tous les animaux, de quelque efpèce qu'ils foient, en*meurent infailliblement, s'ils en boivent un peu trop. Leur corps enfle prodigieufement ; un tremblement univerfei s’en empare, les ver- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 637 tiges fuivent de près, les extrémités fe refroidiffent, & la mort termine enfin leurs fouffrances. Les cochons, les cerfs cependant, & quelques autres animaux mangent avec avidité la-racine, du manioque, recou- verte de fon écorce , fans en être aucunement incommodés. Un grand nombre d’infeétes, & fur-tout des fourmillières prodigieufes , ravagent impunément les plantations du manioque; mais l'homme ne fauroit goûter du fuc crud des racines, ni des feuilles encore vertes, fans s’ex- poler à une mort certaine (x). Les Indiens , pour guérir les animaux empoifonnés ; leur font avaler une grande quantité d'huile, & aufñ-ôt les environnent d'un feu violent, jufqu’à ce qu'une fueur abondante couvre leur corps, Ce traite- ment réuffit, quand il eft admimifiré promptement. Il auroit été à defirer que M. Brunelli nous eût appris par quels moyens les Indiens & les Peuples de l'Amérique, font parvenus à métamorphofer en nourriture, un poifon auffi violent. Combien de tentatives, d'expériences multipliées, cette opération doit fuppofer ! Les Sauvages le font moins que nous le penfons; & les befoins ont été, chez toutes les Nations, le berceau des connoiflances. La néceffité a fait dans ces pays , ce que la Phyfique , aidée de la Chymie, n’a pas encore pu opérer en Europe fur plufieurs plantes qui pourroient être d'un grand fecours, dans un cas de difette, foit par la grofleur de leur racine , foit par leur multiplicité. M. Morand, de l’Académie des Sciences, préfenta, dans le mois de Mai dernier , à cette célèbre Société, du pain fait avec de la racine de bryone, connue encore fous, le nom de coulouvrée, de vigne blanche ; il étroit femblable au pain ou à la galette de manioque. Perfonne n'ignore que le fuc de bryone eft nauféabond, | H mit, fous les yeux de l’Académie, 1°. le fquelette de cette racine, ifolé ( par des macérations), de tout le parenchyme , qui étoit renfermé dans le lacis réticulaire , formant le corps de la racine. 2°. Un échantillon de l’amidon , réfultant de ces macérations, par lefquelles on Ôte à d: amidon , ramaflé en grumeaux volumineux, fon adhéfion aux fibres ligneufes , qui le contiennent comme dans des chatons, & en grande quantité. 3°. Enfin, des craquelins faits avec la racine de bryone , en fuivant littéralement le procédé qu’on obferve pour faire la caffave avec la racine de manioque. M. Morand entreprit ce travail pour examiner avec plus d'attention les racines de bryone, dont une petite quantité avoit empoifonné un Dune (x) Cet exemple démontre évidemment que tout ce que lon enfeigne en Médecine fur lation des médicamens, eft fondé fur des hypohèfes. Il vaudroit mieux avouer fon ignorance. On auroit moins de Raifonneurs , de Difcoureurs , il eft vrai; peut-êrre ferow on plus près de connoître la vérité. D ÉCEMBRE 1772, Tome IL. 633 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mari & fa femme. Il lui reconnut beaucoup de reflemblance avec la racine de Manioque. On fait encore que la racine d’arum ou pied de veau , perd en partie par les lotions & par la deffication , la faveur âcre & brûlante qui lui eft propre. M. Morand conclut qu’il n’eft pas impoñfble d’enlever toute l’amer- tume & le mauvais goût qui caraétérifent ces plantes ; qu’elles contien- nent une grande quantité de parties amilacées, qui pourroient deve- rür une nourriture douce & fucculente. Il en réfulteroit un avantage confidérable, par la facilité avec laquelle ces plantes croïffent fpontané- ment. La culture les rendroit sûrement plus propres à être dépouillées de leur amertume & de leur qualité vénéneufe. RAPPORT fait à l'Académie des Sciences, le 22 Juillet 1772, par ® MM. LEeROI & BAIZLI , fur un Cours public des Arts & Métiers, qui lui a été préfenté par M. BACHELIER, Peintre du Roi, & Direc- ceur des Ecoles gratuites de Deffin. LL n’eft rien fans doute de plus intéreflant que les Arts méchani- ques, foit par l'utilité qui réfulte de leurs différentes pratiques, foit par l’efprit d'invention répandu dans la plupart de ces Arts. Dans l’état de perfeétion eù ils font aujourd’hui , ils démontrent quelles font les reflources de l’efprit humain, & de quels efforts il eft capable, lorf- que forcé par la néceflité ou par l'intérêt, 1l s'applique fans relâche au même objet. Ces Arts, pratiqués au milieu de nous, étoient pref- qu'inconnus, étoient même dédaignés de ceux qui jouifloient le plus de leurs avantages, Il n’y a pas long-tems qu’on y a porté un œil phi- lofophique, & qu’on a appris à les admirer. On a fenti qu’il étoit utile de les étudier & de les connoitre. - Premièrement, parce qu'il eft prefque honteux de vivre au milieu de linduftrie , & d'ignorer les moyens qu’elle y emploie. Secondement, parce que toutes les connoiflances humaines étant liées ; il y a tout à gagner à en pofléder un grand nombre. En multipliant les idées, on faifit de nouveaux rapports, qui font autant de connoïflances nou- velles , également avantageufes aux progrès de lefprit & à lurilité générale. En conféquence , on s’eft empreflé à décrire ces Arts, autant pour en répandre la connoiffance , que pour en former des dépôts qui les confervent à la poftérité; mais ces defcriptions, quelque parfaites qu'elles foient , ont un inconvénient qui leur eft attaché: c’eft celui de ne parler qu’à l’efprit, & d’exiger le fecours de l'imagination. Les figures mêmes ne remédient qu'imparfaitement à ce défaut. Le plan SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 639 perfpe&if demande toujours qu’on fupplée par la penfée aux parties qui font derrière le deflin ; & quand ces parties font développées, féparées en différentes vues , il faut encore que l'imagination agifle pour les réunir & en conftruire un feul objet. Voilà ce dont tous les €fprits ne font pas également capables: il en réfulte que les defcrip- tions ne laiflent fouvent qu’une idée vague & inexaéte. Ajoutons, que même pour les meilleurs efprits, pour ceux qui ont le plus la aculié de fe repréfenter les chofes qni leur font décrites , le témoi+ gnagé des yeux a toujours plus de force que limagination; &t nous pouvons dire que pour bien connoître les Arts méchaniques, pour avoir une idée nette & précife de leurs pratiques mulipüces , il faut les étudier dans les atteliers mêmes. Pour faciliter cetre étude qui feroit longue & dificile, M. Bachelier propofe le projet d’un Cours public, où feront raflemblées , expo- fées les machines & les pratiques propres à chacun de ces Arts, du moins aux plus curieux & aux plus intéreffans. Un Artifte intel- ligent en démontrera les opérations , en faifant pañfer fucceflivement, fous les yeux des Speétateurs , tous les différens travaux qui s’exé- cutent dans les attéliers. Nous avions retardé le compte que nous rendons aujourd’hui à l'Académie, parce que M. Bachelier fe propofoit de joindre à ce projet le plan qu'il devoit fuivre dans l'exécution ; c’eft-ä-dire , l'enchaine- ment qu'il convient de donner à la defcription de ces Arts, en re- montant à ceux qui font, pour ainfi dire , les Arts primitifs , dont les pratiques fondamentales fe rencontrent dans plufieurs autres Arts, pratiques qui font feulement ou modifiées ou perfeétionnées relative- ment à leur objet : mais différentes circonftances n'ayant pas encore permis à M, Bachelier de nous remettre ce plan, en attendant qu'il puifle le foumettre au jugement de l’Académie , nous dirons que le projet d’un Cours public des Arts & Métiers pent être infiniment utile , foit aux gens du monde, à qui il donnera des idées de la fabri- que de. toutes les chofes dont ils font un ufage habituel , foit aux Sa- vans & aux Philofophes, en leur fourniffant des lumières & des vues nouvelles. Le projet de M. Bachelier doit être d’autant plus agréable à l’Académie , qu'il concourt au but qu'elle s’eft propofé en publiant la defcription des Arts. Nous croyons donc que ce projet eft celui d’un homme éclairé, qui, ayant bien fenti toute ladariration qui eft due aux Arts méchaniques, utile qu'il y auroït à les connoître da- vantage , a faifi le moyen ie plus propre à répandre cette connoif- fance, & qu’en conféquence il mérite les éloges & l'approbation de l'Académie, DÉCEMBRE 1772, Tome II, 640 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : OBSERVATIONS [ur lufage du Stramonium , ou Pomme épineufe. Quaro RZE Epileptiques ont été traités dans l'Hôpital Royal de Stockholm, avec les pilules de Stramonium. Ce remède en a guéri huit, appailé le mal de cinq autres ; un feul n’en a pas reçu du fou- lagement. La plupart de ces malades ont eu, en commençant le traï- tement, des maux de tête qui les faifoient un peu délirer ; les yeux s’oblcurcifloient , ils avoient foif, mais ces accidens fe diflipoient peu-à-peu, Une femme perdit totalement la raifon après une couche , fans que l’on püt connoître la vraie caufe de fon mal. Les règles n’éroient point dérangées ; mais elle avoit les nerfs très- fenfibles, & avoit eu une fois des accidens avant d’être mariée. Deux Médecins la traitèrent fuivant les règles de Part ; leurs lumières &c ieurs remèdes ne lui pro- curèrent aucun foulagement. Enfin, ils lui donnèrent les pilules de Siramonium , en commençant par un demi grain, trois fois par jour, & augmentant peu-à-peu la dofe jufqu'à fix ou huit grains dans ‘un jour. On ne tarda pas à s’appercevoir des bons effets du remède; elle recouvra bientôt fa raïfon , & plufieurs années après on n’ap- percut en elle aucune aliénation d’efprit. L'ufage de ces pilules a guéri un Ouvrier attaqué de convulfions intermittentes. On eft redevable de ces obfervations à M. Odhelius. REMEDE contre le mal de dents. i On éprouve fouvent dans le mal de dents, qu'un remède qui ne foulage pas une perfonne , réuflit fur une autre. De-là il eft aifé de conclure que ce mal a différentes caufes, & que, fi on s’appliquoit à les diftinguer, on ies guériroit auffi facilement que les autres maux familiers qui aflligent l'humanité. Le remède fuivant a réuffi dans la douleur des dents, occafionnée par une fluxion. Il en efl du mal de dents comme de la brûlure ; il n’eft pas de bonne femme qui ne propofe le fien. Nous donnons celui-ci comme ayant eu le plus grand fuccès. ï On verfe environ deux pots d’eau bouillante dans un vafe pro- fond, que l’on place fur une chaife; le malade, la tête couverte d’un linge qui enveloppe la tête, le col & le vafe , place fa tète fur l'orifice du vafe. Bientôt le vifage eft couvert de fueur ; il coule de la bouche beaucoup d’eau, que le malade ne doit pas avaler. Il faut que la bouche refte toujours ouverte. La dent douloureufe devient froide. Environ après un quart-d’heure de cette fumigation, on effuie la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Gat la fueur; on met un linge fur la bouche, & on couvre la bouche, afin qu'il nentre point d'air froid trop fubitement. Si la douleur re- vient (ce qui eft rare), on recommence le remède. OBSERVATION fur la facilité avec laquelle le lait revient aux ma- melles, quoique les femmes aient, depuis long-tems, ceffé de nourrir. Ur femme, âgée de quarante-huit ans, avoit mis au monde fix enfans; elle les avoit tous allaités ; & dix ans s’étoient écoulés depuis qu’elle avoit nourri le dernier , lorfque fa voifine mourut & laïfla un enfant de deux jours. Pour que l’enfant ne perdît point l’habiude de prendre le fein, elle lui préfentoit le fien tous les jours, & le nourrifloit avec du lait tiède. Après le fixième jour elle fentit avec furprile fon mamelon un peu humide ; le lendemain les aiflelles fu- rent gonflées & douloureufes ; elle eut au fein une démangeaifon , & une chaleur extraordinaire dans tout le corps; enfin la fièvre furvint. Le lait parut auffi abondamment que fi elle eût accouché peu de jours auparavant. Elle nourrit l'enfant deux ans & demi, & ne man- qua pas de lait; elle avoit même des douleurs au fein, dès qu’elle étoit une demi journée éloignée de fon nourriflon. Lorfqu’elle devint nourrice, fes règles cefsèrent, & n’ont jamais reparu. Sa fanté s’eft fort affoiblie depuis qu’elle a fevré l’enfant, & elle a été fort fujette à la goutte Une femme étoit âgée de foixante ans , & le plus jeune de fes enfans en avoit trente lorfque fa bru mourut, & laifla un fils âgé de fix mois. La grand’mère lui préfenta le fein, & devint nourrice de fon petit-fils. Ces faits font confignés dans les Mémpires de l’Académie de Sto- ckholm , & on les doit à M. Arwid Faxe. Ils prouvent que nous con- noiflons encore bien peu les refflources de la nature pour la confer- vation des individus, DÉCEMBRE 1772, Tome II. Mmmm 642 TABLE GÉNÉRALE ae pes ce EE ee, A —— ———_— 1 7 TABLE GENERALE DE SET AR NPC ETES CONTENUS DANS CE SECOND VOLUME. ‘ PHYSIQUE. D'Es:sxrarior Jur La viveffle du fon ; par M. LAMBERT; age Obférvation fur la double réfraëlion du cryflal de roche ; par Ep BECCARIA , 04 Expériences du Doëfeur BLACK, fur la marche de la chaleur dans quel- ques circon/tances , 428 Differtation de M. CYGNA, fur le froid produit par l’évaporation, & fur quelques phénomènes Eraloeues < 232 Expériences fur le paffage de l'eau ‘en glace , Connu a l’Acadenie des Sciences , par M. EAVOISIER, sio Rappoit fait par MM. DunaMEL Du Monceau & TiLLET, a / Aca- démie Royale des Sciences, du Traité météorologique préfenté a l'Aca- dérnie par le Père Core, Prêtre de l’'Oratoire | & Correfpondant de cette Académie , 10 Obférvations du thermomètre, faites à Cayenne, pendant l'année 1769 ; par M, DE MACAYE, Procureur- Général au Confeil Supérieur de cette cé , communiquées à l'Académie Royale des Sciences , le 25 Janvier 772 3 $7x Oëfn. ation fur Les diverfes élévations du mercure dans les baromètres de différens diamèrres ; par M. CYGNA , de l'Académie de Turin, 462 Obfervation Jur le thermomètre univerfel de comparaifor , 495 Rapport j fait à l'Acadèmie des Sciences , par MM. FOUGEROUX , CADET & LAVOISIER, d'une obfervasion communiquée par M. l'Abbé BACHELAY, fur une pierre qu’on prétend être tombée du ciel pendant un orage , 25H Differtation fur la pierre. de Tonnerre ; par M. NICOLAS GROMBERG , 355 ’ | | DESTERTICLES 643 Obférvations communiquées à l'Académie Royale des Sciences, par M. , LAVOISIER , fur un effet fingulier du tonnerre, 310 Nouvelles expériences fur l'éleélricité, par M. CYGNA°, 162 Expériences de M. CYGNA, fur les mouvemens éleélriques, 560 Obfervations fur quelques poiffons élettriques , 432 Differtation de M. CYGNA, fur les caufes de l'extinihion de la lumière d'une bougie, & de la mort des animaux renfermés dans un efpace plein Dada 84 Manière d'impréoner Peau d'air fixe, & de lui communiquer les propriétés de l’eau de Pyrmont, & de toutes les eaux minérales , qui font connues Jous le nom dacidules ou aëriennes, par M. J. PniesTLeyx , 323 Extrait de deux Mémoires de M. VENEL, Profeffeur en l'Univerfité de Médecine de Montpellier, fur les eaux de Selters où de Seltz, 331 Lertre écrite à L Auteur de ce Recueil , par M. L .... de l Académie Royale des Sciences , fur l'Hydroftope du Dauphiné , dont il a été queflion dans les Gazettes de France des $, 12 € 15 Juin 1772, 231 Lettre écrite a M. AUDON, Doëleur en Médecine de la Faculté de Mont- pellier, fnr lHydrofcope, 2 5) Letre écrite de Grenoble au Père MALLEBRANCHE, 2 10689 , relative ; la baguttte devinatoire , 261 Réponfe du Père MALLEBRANCHE au Père LE BRUN; 263 Lettre adrellée à l'Auteur de ce Journal, par M. le Comte DE Mizy, relative a l'Hydrofcope, 431 Hifloire littéraire de l'Académie des Sciences, Arts & Belles - Lettres de Dijon , pour l'année 1771, lue à la féance publique du 1$ Décembre ; par M. MaARET, Doëleur en Médecine, & Secrétaire perpétuel, 33 Recherches fur les habillemens des femmes & des enfans ; ou examen de la manière dont il faut vétir [un & l'autre fexe, par M. ALPHONSE LEeRo1, Médecin de la Faculté de Paris, 335 Inflitutions de Mathématiques , par M. l'Abbé SAURI , 562 memes M'ÉUD ESCIPLN -E. L: NATOMIE nef pas d’une grande néceffité à la pratique de la Médecine ; thèfe foutenue dans les Ecoles publiques de la Faculté de Médecine de Cambridge, par M. THOMAS OKes, D. M. 187 Thèfe foutenue dans les Ecoles de Médecine de Cambridge, par M. OKES ; limagination des femmes groffes r'eft pas la caufe des difformités des fœtus, 451 Nouvelles expériences fur la putréfaëlion des humeurs animales , dans lef- quelles il S'agit principalement du fédiment purulent , de la férofité du 102772, TOMerlT. Mmmnmi] 644 TABLE GÉNÉRALE Jang € de la coëne pleurétique | par J. B. GaABer, 23 Mémoire fur un œuf fimple, contenant deux embryons, préfenté à l'Aca- démie Royale - Impériale des Sciences de Petersboure , par M. Wozrr, 359 Offervation de M. SCHGFFER, fur une fille exaëlement muette, € chan- tant cependant & voix très- AA des chanfons très- bien articulées , 10ÿ Obfervation de M. HAUHN , fur une femme » qui ayant perdu fes pieds & fes mains, fuppleoit pendant à ces parties avec une adreffle éton- nantes 1 96 Objérvarion fur la théorie nouvelle , fur les maladies cancéreufes , ner- veufes & autres affétlions du meme genre, avec des ‘obférvations pra- iques, Cc. ; par M. GAMET, 290 Sommaire des obfervations faites par ordre du Roi, fur Les Cotes de Nor- mandie, au fuyet des effets pernicieux qui font attribués dans le Pays de Caux, à la fumée du Varech, lorfqgu'on brûle cette plante pour la réduire en foude, 313 Fantôme Chirurgical , ou manequin pour enftioner l'art des accouchemens ; par M. COUSIN , s82 Mémoire de M. RONDEAU , Médecin , qui a concouru pour le prix pro- pofe par la Société Littéraire de Bruxelles fur cette queflion : Quelles Jont les plantes les plus uviles des Pays-Bas, & quel efl leur wfage dans la Medecine & dans les Arts ? 413 Obfervation fur les effets de l'Œnanthe , 312 Obfèrvation fur Les effets de la goutre, 431 Recherches fur les bains de mer, @ la boïffon ‘d'eau falée, par M. Jon AWISTER, Dofleur en Médecine, 449 Differtation fr lodeur des médicamens ; par ANDRÉ WAHLIN. {n- troduéfion , 481 Differtation de M. BENEVENUTTI , fur l'excellence ga vinaigre comm confidéré comme remède, sô$ Obfervation de M, KILLMAR, fur un épi de feigle tiré d’un abcès dis mufcles feffiers , s52 Remède contre le mal de dents ; 640 Obfervation fur lufage du framonium ; OU pornime épineufe, par Â1, ODHELINS, 640 Lettre adrejfés à Fur de ce Recuil fur un chien monffre de la race des ménins, par M. LAT ***, 572 Defcriprion d’un belier hermaphrodire , 575 Obfervation fur Le cours d’Hyppiatrique , par M. LAFOSSE, 137 Obférvation fur le cours d’Hyppiatrique , ou Traité complet de la Médecine des chevaux , par M. LAFOSSE, 211 Sommaire du Mémoire fur la maladie contagieufe des bêtes & cornes, dans DES ARTICLES. . 645 lequel on recherche un remède préfervatif , le plus fimple , de plus-efficace , Le plus général £ Le moins coùteux ; par M. NEEDHAM , de la Sociéré Royale de Londres , Correfpondant de l'Académie des Sciences de Paris , Directeur de la Société Litéraire de Bruxelles, lu a l'affemblee de cette Société » 417 Obférvation fur la facilité avec laquelle le lait revient aux Mamelles , quoi- que les Les aient, depuis long-terrs , cefJé de nourrir, 641 mm DHTML: Os ERVATIONS fur les Elémens de minéralogie - docimaflique de M. SAGE, de l’Académie Royale des Sciences , Lettre écrite à L'Auteur de ce Recucil au fujet des Elémens de rmineralogie- docimaftique , par M. SAGE», « 116 Sommaire des expériences fur deux efpèces de fpaths fufibles | faites par M. MARGRAFF, 247 Sommaire des expériences , par lefquelles M. MARGRAFF prouve que Les fpaths fufibies , phofphoriques ou féléniteux, ons compofes de l'acide virrioligrre, combiné avec une terre calcaire ; 376 Suite d'expériences , par lefquelles M. SCHÉELE «a decouvert les principes des fpaths fluors, € leurs propriétés , tirées du Mémoire de l'Académie Royale des Sciences de Suède , pour l'année 1771, Ouvrage traduit de P'Anglois. 473 Réflexions abrègées fur les moyens de multiplier les obférvations mine- ralogiques , 373 Réfultat de quelques expériences faites fur le diamant, par MM. Mac- QuER, CADET € LAVOISIER ; lu à la Jéance publique de LP Académie Royale des Sciences, le 29 Aoùt 1772, 108 Réfultat des expériences faites le 30 Avril 1772 fur le diamant & fur plufieurs autres pierres précieufès, lu à l'Académie Royale des Sciences le 2 Mai 1772; par M. MITOUARD , Démonfirateur en Chymie, & Maître en Pharmacie à Paris, 112 Réfulrat des nouvelles expériences fur le diamant € Le rubis, faites le $ Mai 1772, & lu à L'Académie Royale des Sciences le 9 Mai 1772 ; par M. Mi1TOUARD, Apothicaire | & Démonfrateur de Chÿymie, 197 Expériences & obfervations chymiques fur le diamant ; par M. Exnis : ancien Apothicaire-Major des Armées du Roi, & de l'Académie Royale des Sciences, &c. 401 _ Lettre éerite à M. CADET , de l'Académie Royale des Sciences relative à fes expériences fur le diamant , 408 1772, Tome 1L. à Rapport fait à l'Académie Royale des Sciences , par M Æ MonTIGNY . *46 .TABLE GÉNÉRALE Lertre écrire à Auteur de ce Recueil , fur les cpérations nouvellement faites ‘ Jur le diamant, € Juf un nouveau moyen de mefurer les degrés d’un feu violent & d'en comparer la chaleur, AA7 Analyfe de la terre végétative d’Etaples ; par M. RiGAUT , Phyficien- Chymifle & Naturalifle de la Marine, € de la Société d’ Agriculture de Laon, ; 56 & MACQUER, du Mémoire de M. TRONSON , Capitaine au Régiment Royale d Artillerie, fur la manière de raffiner le falpétre, 147 Rapport fait par MM. DE MoRET, LAPLANCHE, BAUMÉ 6 CADET, Apohicaires, pour faire la dégulation 6 l'analyfe de quel- ques vins Jaifis a Paris, rédigé par M. BAUME, 345 Mémoire Iw par M. MACQUER à l'Académie des Sciences , fur des ex- périences faites en commun au foyer des grands verres de TCHIR- NAUSEN ; par MM. CADET, BRISSON & LAVoISIER, 6:2 Méthodenabréoce de faire € de préparer l'huile animale de Dippel , 616 Suite du précis fur les eaux minérales. (Voyez le commencement de ce Mémoire , Tome I", page 630), | Din AGRICULTURE. None Jür la culture de la garance, par M. ALTHEN, 192 Procédé pour faire des fromages connus à Lyon fous la dénomination de fromages de chèvres du Mont - d'Or, 295 Ruches de nouvelle invention , préfentées à VAcadémie Royale des Sciences, par M. DE LA PORTE , Maître en Chirurgie à Saint-André —— de Chaufour en Normandie, 425 Obférvation de M, BRUNELLI , fur la culture du manioque , 630 LS ESA es NET: HISTOIRE NATURELLE. O BSERVATIONS fur l'hifloire naturelle dans Le Comté Venaiffin & le territoire à Avignon ; par M. BRISSON , Infpeleur des Manufac- tures du Lyonnois, Forez & Beaujolois , 297 Obfervations faites fur Ll’hifloire naturelle de la grande Chartreufe , près de Grenoble en Dauphiné’, par M M. de l'Académie Royale des Sciences, en 1768 , 396 Lercre de M. JeAN Ezuis à M. WiLLiAM AITON , fur une nouvelle efpèce d’anis étoilé , récemment découverte dans la Floride occidentale , 62 ” ; c 2 + DIT 2 Objervations Jur les anémones de mer, par M. l'Abbé DicQuEMaRr , F d "2. » ” e "Y ! : s SCALE B'RAERATIIŒ LTEISY À T - 647 Lettre de M. ELLaS au Chevalier VON -LINNÉ , contenant li defirip. tion d'une plante d'Amérique connue par Les Jardinisrs fous la déno- mination de LoblloykBay , & nommée par M. ELLis Gordonia . + B. 34 Obfervations fur le Bambou par M. D'UBUISSON , antien Cosfeillé au Parlement de Paris, aéluellement Habirant de Saint - Domingue ; communiquéesna l'Acadénie Royale des Sciences, por M. be Bory, 409 Obférvation Jur la vraie rhubarbe de Mofcovie, 514 Obfervarion fur le Diéfionnaire portatif des Herborifans , où Manuel de Botanique à l'ufage des Etudians en Médecine, en Chirurgie, en Hif= toire Naturelle, & des Amateurs , 223 Hifloire Naturelle des oifeaux , par M. DE BUFFON, : 68 Défcription de PEpervier cendré de Cayenne , 14$ Déjiripuon de la Pie-Grièche noire de la Caroline. 579 Déféription de plufieurs infeëles inconnus jufqw'a ce jour , 66 Déféription de plufieurs infeëles inconnus jufqu'a ce jour, 21 DER ; 9 Objervations nouvelles fur les anémones de mer ; par M. l'Abbé Di c- QUEMARE, . s11 629 Mémoire de M. HOLLMAN , fur lofigine des corps marins & des autres corps étrangers qui fe trouvent dans le [ein de la terre, 118 Traité des pérrifications , par M. J. GESNER , Doëkur en, Médecine, & Profeffeur de Phyfique € de Mathématiques ; prémiere Partie. Des differences des pétrifications & de leurs diverfes origines , sir Seconde Partie, 526 Rapport fait a l'Académie Royale des Sciences , le 27 Mai 1772, par M. DESMAREST, du Mémoire de M. JARS, fur les mines de Norwèce, 200 Obférvation de M. Van WiNPERSE, fur la pierre chatoyante : Lapis commutabilis , five oculus mundi, 204 Lestre à l'Auteur de ce Recueil fur l'Atlas Minéralogique de la France 5 par M. Lavoisier, de l Académie Royale des Sciences, 372 EDEN ER A SAT PER PIE RAIDE SITE TI —— ———— A RTSAEN# MÉTIERS. Frs Catalanes ; rapport fait a l'Académie Royale des Sciences par MM. MonTIGNY & MACQUER:- du Memoire prefenté par M. * TRONSON , Capitaine d'Artillerie »Jur La méthode fuivie pour travailler la mine de fer de PIfle d'Elbe, 76 1772, Tome IL t Th d u 648 TABLE GCÉ BE à De Defiription dune machine propre & vanner, nettoÿer & rafraïchir les grains ; par M. MUNIER, Sous - Ingénieur des Ponts & Chauffées de . la Généralité de Limoges, 6 Membre du Bureau d'Agriculture de. la Ville «Angoulême, 79 Mémoire de M. l'Abbé PuriL, fur la manière de préparer les: Joies, pour Leur donner la qualité de chi de Nanquir , 227 Mémoire qui a remporté le prix au Jugement jde L'Académie Royale des Sciences de Berlin, fur la meilleure conflruétion des fours , pour bien ‘cuire. les briques, la chaux € les ouvrages de poterie, tant pour épar- guer le bois’ que pour avoir une cuite égale dans les différens endroits du four ; par M. BAUSSAN DU BIGON , : 266 Rapport fait à l'Académie des Sciences , au fujet d'une queflion relative a larpentage ; par MM. TiLLET @& l'Abbé BOSSUT , Membres de cette Compagnie ; 302 Procédés pour faire différentes efpèces de vernis pour les découpures , les étuis , les bois d'éventail , 381 Rapport fait à l'Académie Royats des Shi de Paris, par MM. DE MoNTIGNY, MACQUER 6 Tr ET, d'un Ménoiré intitulé : Découverte d’une méthode nouvelle & fallible 2 ce Les monnotes d'argent & d'or, par rapport au mMORROYAgE ; pOur la fürete commune de sous Les Etats, | 382 Défeription de la manière de faire dans les appartements des murs de Je. paration , ou autrement.des cloïlons en brique, vuigairement nommées galandage , 448 Objirvations de M, DE FouRCRoY, relatives au nivellement de Paris , 57 L'art de la porcelaine, par M. Le Comte DE MILLY, 57 Fumoir ou foufflet méchanique, propre à étouffèr dans les trous, les familles entières de rats, mulots, taupes, loirss, &c, , 533 Différration Jur Part de conferver les fleurs, pzr M. MONTY, 623 Rapport fait a l'Académie Royale des Sciences, par MM. LEROY & BAILLY, fur ur cours public dés Arts & Méciers , qui lui a été préfenté par M. BACHELIER, 638 FIN du Tome IL « a : 2 PAS AURA PERRLÉ LPS RPC RRELT SRE LME ir: cnx RES ete RS Pr e RE Æ SR +