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JOURNAL ASIATIQUE

SIXIEME SERIE

TOME V

JOURNAL ASIATIQUE

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RECUEIL DE MEMOIRES

D'EXTRAITS ET DE NOTICES

RELATIFS A L'HISTOIRE, A LA PHILOSOPHIE, AUX LANGUES ET A LA LITTÉRATURE DES PEUPLES ORIENTAUX

uésigé

PAU MM. BARBIER DE MEYNARD , BELIN , BOTTA, CAUSSIN DE PERCEVAL

CHERBONNEAU, DEFRÉMERY, DDGAT, DOLAURIER, FOUCAUX

GARCIN DE TASSy, STAN. JULIEN

KASEM-BEG, MOHI. , MDNK , OPPERT, REGNIER, REINAUD

r.ENAN, DE ROSNY, DE ROUGE, SÉDILLOT

DE SLANE, ETC.

ET PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

SIXIEME SERIE TOME V

PARIS

IMPRJMF, PAR AUTORISATION DE M. LE GARDE DES SCEAUX

A LTMPRIMERTE IMPÉRIALE

M DCCG LXV

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35 seV. 6

JOURNAL ASIATIQUE.

JANVIER-FÉVRIER 1865.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES,

PAR IBN-KHORDADBEH,

PUBLIÉ, TRADUIT KT ANNOTi;

PAR C. BARBJER DE MEYNARl).

INTRODUCTION.

Publier et traduire un des plus anciens documents des archives musulmanes, d'après deux copies mutilées et à peu près illisibles, est une tentative dont je ne me dissimule pas la témérité. Il y a là, en effet, un double écueil. Si l'on se borne à reproduire l'original, par un calque fidèle, qui en conserve toutes les imperfections , on ne livre au public qu'un texte hérissé de difficultés, plein d incertitudes et d'un usage très-limité. L'édition autograpbiée du Livre des Climats , d'is takhri,que bien peu de savants ont le courage de consulter, et la traduction allemande de cet ouvrage, presque aussi dé- laissée, ne sont-elles pas la preuve des inconvénients que présente ce mode de publication ? 8i , d'autre part , pour épar- gner an lecteur de pénibles recherches, on entreprend de restituer un texte contre lequel les efforts de la critique vien- nent trop souvent se briser, on risque, ce qui n'est pas un moindre péril, d'effacer le caractère original de l'œuvre, d'en dénaturer le sens et d'y substituer de vaines, conjectures.

6 .lANMEK-FEVlilEK 18G5.

Je ne dois donc ni m'étonner, ni me plaindre du senlimenl de méliance qui accueillit l'annonce de ce travail. Prétendre qu'il est le résultat d'un défi, ce ne serait ni rendre exac- tement ma pensée, ni dissiper de légitimes appréhensions; mais, il faut bien en convenir, l'attrait d'une sérieuse diffi- culté à vaincre n'a pu que stimuler mes forces et tenir ma vigilance en haleine. Ai-je toujours su éviter le double péril que je viens de signaler? Ma traduction n'est-elle pas deve- nue çà et trahison? Il y aurait, de ma part, plus que de la présomption à l'affirmer. J'ai cru néanmoins que des dil- licultés de détail ne sauraient entraver la publication d'un document estimable, dont la science peut faire son profit. Puisse le suffrage du lecteur me prouver que celte convic- tion est fondée!

Je dois, avant tout, faire connaître les matériaux qui ont été mis à ma disposition.

Il y a quelques années, me trouvant à Oxford, ou j'étudiai le texte du grand dictionnaire géographique de Yakout, je cherchai, dans la riche collection de la bibliothèque bod- léienne, tout ce qui pouvait m'offrir d'utiles renseignements sur la Perse musulmane. Le traité d'Ibn-Khordadbeh, dont un fragment d'un grand intérêt avait été déjà traduit par M. Reinaud [Introd. à la géographie des Orientaux, p. Lvm), fut un des livres que je mis à contribution. Les premières difficultés de lecture surmontées, je fus élonné de l'abon- dance de détails précieux qui se cachaient sous une rédac- tion sèche et monotone. Je me proposai d'en prendre une copie, sans toutefois songer encore à en îaive l'objet d'une élude particulière; mais, pressé par le temps, je dus partir avant d'avoir mis mon dessein à exécution.

En 1862, un savant hébraisant, M. A. Neubauer, voulut bien se charger de ce soin, pendant son séjour à Oxford, et il s'acquitta de sa tache avec tant d'exactitude, que je pus me considérer comme possesseur d'une photographie de l'o- riginal. La copie d'Oxford, la seule qui ait été signalée, jus- (]ii ;. .w. W..M rj .M. Mr.w rf ,1 |p(» j, ,t)^ d'Kuropc, csl décrilc avec

INTRODUCTION. 7

soin dans le Catalogue de la Bodléienne (Catalogue fonds Uri, n" U33). C'est un volume in-S" de 64 folios, sur papier de soie, d'une écriture grosse et espacée. Une lacune considé- rable se remarque vers la fin. On lit sur le dernier feuillet que la copie a ététermiijée le jeudi 12 redjeb63o (mai i232). Ce feuillet et les deux qui précèdenl sont d'une écriture dif- férente. La plupart des noms propres sont, ou privés de points diacritiques, ou ponctués au hasard. Quelques leçons, mais en petit nombre, ont été corrigées à la marge; en outre, une main européenne a indiqué certaines corrections sur le texte arabe.

Je me mis aussitôt à l'œuvre, et, comme la Perse m'était mieux connue, c'est par que je commençai mes essais de déchiffrement. Après quelques jours de travail, je constatai avec une vive satisfaction que la comparaison de plusieurs passages entre eux, et mieux encore la lecture des anciens géographes arabes, me révélaient des leçons certaines, je n'avais vu d'abord que des formes énigmatiques et des grou- pes illisibles. Un secours inespéré redoubla mon ardeur. Un des hommes les plus éclairés de l'empire ottoman , S. Exe. Ahmed Véfyk-Efendi, alors ambassadeur de la Porte à Paris, était sur le point de retourner à Gonstantinople , quand je lui mon- trai le premier résultat de mes recherches. Ce savant , qui a pris lui-même une part considérable au développement scien- tifique de la Turquie, m'apprit qu'une copie d'Ibn-Rhordad- beh existait encore au fond d'une des mosquées de la capi- tale, et voulut bien m'en promettre la communication. Toutes les bibliothèques étant soumises aux règlements qui régissent les vaqoufs , aucun livre ne pouvant, par conséquent, être prêté au dehors, l'ambassadeur m'invita à lui adresser le texte que j'avais entre les mains. Dès qu'ill'eut reçu, il char- gea trois personnes versées dans la littérature arabe et per- sane de comparer les deux manuscrits, et, leur examen ter- miné, de préparer une copie bonne pour 1 impression. L'in- tention d' Ahmed-Véfyk était de publier le texte à l'imprimerie du Moniteur ottoman, en me laissant le soin de le traduire et

8 JANVIEK-FÉ\ HIER 1865.

de le commenter. Mais une ol»jeclion , facile à prévoir, le iorça d'y renoncer. La reslitulion complète du manuscrit fut déclarée impossible, à cause des lacunes et des noms illi- sibles qui le déparaient. Son Excellence, appelée à Brousse par une mission urgente, m'envoya alors tous les matériaux réunis par ses soins , sans trop espérer, je crois , qu'un meilleui- parti put en être tiré.

Je ne puis, à mon grand regret, donner ici la description du manuscrit dont je dois une reproduction tidéle à la libé- ralité de ce haut personnage. Depuis son départ, toutes mes démarches, secondées cependant par le zèle de notre colla- borateur, M. Belin, n'ont pu me faire obtenir les renseigne- ments dont j'avais tant besoin. Mais une 'étude minutieuse des d€ux documents me permet d'affirmer qu'ils proviennent Tun et l'autre d'une source commune, c'est-à-dire d'une ré- darlioM abrégée, la seule, comme je l'établirai bientôt, qui î-oit parvenue jusqu'à nous. La copie de Constantinople ^ pré- sente malheureusement les mêmes lacunes, le même désordre que celle d'Oxford; elle m'a cependant fotnni un assez grand nombre de leçons qui étaient illisibles dans celte dernière. J'ai indiqué les variantes principales dans les renvois placés au-dessous du texte; les autres dans les notes de la traduc- tion. A la copie turque était joint le corrigé, résultat de la ré- vision faite à Constantinople, et destiné d'abord aux presses de l'imprimerie officielle. Ce travail, en grande partie aux soins d'un Arabe instruit, Abdur-Rahman-Efendi , n'a qu'une importance grammaticale. Les fautes de langage, imputables à la négligence des copistes, y sont corrigées, et quelques termes inusités, expliqués avec justesse; mais à cela se borne la part de collaboration du savant kialib , et lui-même a re- connu avec franchise qu'il ne saurait aller plus loin dans celle tentative de restauration.

Et, en elTet, les inappréciables secours que la critlcjue «'iiropéenne lire de l'examen comparé des textes, de l'élude

' Elle Csl désigiici- duns les notes par la loltrc l> , ri la co|)ic d'Oxforil [>.ir la IfUi'f A.

INTROD-UCTION. 0

(les productions contemporaines, des circonslances particu- lières et des influences au niiiieu desquelles l'auteur se trou- vait placé; en un mol, tous ces procédés délicats qui rendent la vie à une œuvre morte n'existent pas pour l'érudition musulmane. Elle a fourni ses preuves, cependant, et la sa- gesse avec laquelle elle a su jadis coordonner ses traditions montre jusqu'où elle aurait pu aller dans celle voie, si les subtilités de la dialectique, le culte exclusif de la forme n'avaient épuisé ses forces et rétréci son horizon. Bornons- nous désormais à lui demander l'accès plus facile de ses tré- sors littéraires, et la connaissance plus parfaite du langage, sans laquelle la science ne saurait échapper aux conjectures.

Cet historique un peu minutieux des préliminaires de mon travail devait trouver place ici, ne fût-ce que pour en expli- quer les imperfections. Je vais essayer maintenant de saisir la physionomie bien effacée d'Ibn-Rhordadbeh, d'apprécier le caractère général de son ouvrage et de signaler les em- prunts qui lui ont été faits.

Si l'auteur du Livre des roules avait consacré ses veilles à compulser les traditions, ou à discuter quelque problème de droit ; s'il avait enrichi la grammaire et la poésie de commen- taires volumineux, les détails de sa vie nous auraient sans doute été révélés. Le silence des biographes, tels que Thâ- lebi , Ibn-Khallikan , etc. est d'autant plus regrettable que le seul de ses écrits respecté par le temps ne peut, en aucune façon, y suppléer. Quelques lign<'s du consciencieux biblio- thécaire qui rédigea le Filirisi^ei deux ou trois phrases éparses dans les Prairies d'or, voilà tout ce que j'ai pu recueillir sur un homme qui, par son caractère politique, son esprit cul- tivé et sa plume facile , joua un rôle brillant à la cour du khalife Moutamid. Abou'l-Kaçem-Obeïd- Allah, fils d'Abd- Allah, fils de Khordadbeh, descendait d'une famille persane. Son grand-père, dont le nom ^ atteste suflisamment l'origine guèbre, abjura la religion deZoroastre, pour plaire aux Bar-

' Khordadbeh signifie en parsi «l'excellent don du soleil;» c'est l'équi- valent du grec Héliodore.

10 JANVIER-FEVRIER 1865.

mécides, ses protecteurs. L'histoire ne nous dit rien du néo- converti, ni de son (Ils Abdallah*; mais il est à présumerque des places et des honneurs furent le prix du sacrifice de leur nationalité. On sait quelle influence les idées persanes exer- cèrent ^UT le système gouvernemental des khalifes. Ibn Rhal- doun et Mawerdi affirment que la création des Quatre divans et leurs attributions diverses furent empruntées à l'ancien mode d'administration , établi par les Sassanides. Les Arabes , méprisant l'idiome des vaincus et fuyant les complications de la carrière administrative, en laissèrent volontiers le soin à des mains étrangères. Si, eu Egypte, les Coptes purent rarement prétendre à d'autres emplois que ceux de receveurs et d'agents comptables , au contraire , dans les provinces orien- tales, les Persans et, après eux, les Turcs, surent atteindre aux premières fonctions de l'Etat. L'omnipotence de la fa- mille de Barmek, sous Rachid , celle de Fadhl et de Haçan ben Sehl , sous el-Mamoun , agrandirent la sphère d'action de leurs compalrioles. Ibn-Khordadbeh , dans les premières années du m' siècle de l'hégire, dut sans doute à son origine persane, plus encore qu'à la faveur du khalife Moutamid (256- 272) , le grade important de chef des postes dans le Djébal, ou anciennf Médie.

L'organisation des postes était vraisemblablement d'origine romaine. Je pense, avec M. Reinaud, que le mot berid, qui désigne, iiinsi que sikkeh, l'ensemble de ce service, est dé- rivé de veredas ou veredarius. Dans Festus (sub verbo), vere- dus signifie « un cheval d'allure rapide servant au transport des dépèches-. D La poste romaine fonctionnait encore, en

' Le père de notre auteur est quelquefois nommé Ahmed, notamment dans le Fihrisl; mais celte variante ne se Ht pas dans les deux copies.

' (Cependant une autre étymologic est proposée par quelques auteurs arabes, ils prétendent que fcenV/ vient du persan bnriden «couper, » parce que les cbevaux de poste avaient ordinaircmeut la queue coupée. 11 est surpre- nant que le savant auteur de Post- uiul Reiscroutcn ail accepté sans hésiter cette plaisanterie. Autant vaudrait admettre, avec les mêmes auteurs, que divan (bureau, cour des comptes) est tiré de divanè ou de div , parce que, rians le feu fin travail, rrniplovt' se rh'm» ne ((.iimii' un Inn l't .■!•.> m:,,- .;, .^

INTRODUCTION. 11

Svrie, lorsque Yézid , fils de Moâvyah, en lil l'application dans ses Etats. Selon nos idées modernes, ia poste est véri- tablement un service public, puisque les intérêts des particu- liers y marchent de pair avec ceux du gouvernement. Il n'en était pas ainsi, à l'époque des khalifes. Deux fragments du livre du Kharadj par Codama , dont le docleur A. Sprenger a déjà signalé l'importance \ prouvent que la transmission des dépêches n'était pas le seul but de cette institution. « Le chef du herid, nous dit l'ancien écrivain arabe , doit avoir un divan particulier viennent aboutir toutes les lettres dont la transmission est confiée à ses soins. Il veille à ce qu'elles arrivent, en temps voulu, à leur destination. 11 dé- pouille la correspondance de ses agents, groupe leurs infor- mations, et les porte, intégralement ou en extraits, à la con- naissance du prince des croyants. Sous ses ordres sont pla- cés ]es fervanegul , les mouakki' et les subalternes attachés aux relais; il se charge de les payer, et prend les mesures né- cessaires pour que le? lettres et valises circulent régulière- ment entre tous les grands centres de l'empire. » Ailleurs Codama cite un décret d'investiture, adressé par le khalife au chef des postes, se lit ce qui suit : «Ordre est donné au fonctionnaire susdit d'inspecter les courriers placés sous ses ordres , de dresser un état contenant leurs noms , le chiHVe de leurs appointements , les frais de leur entretien ,1e nombre des relais et l'évaluation précise des distances , dans toute l'é- tendue de son ressort. Il est responsable de la prompte expé- dition des valises dont les courriers sont porteurs. Il veillera à ce que les mouakki' observent avec ponctualité les heures de départ et d'arrivée, de sorte qu'il n'y ait jamais de retard dans le service dont ils sont chargés. »

Ce curieux fragment nous révèle l'existence d'une hiérar-

con torsion s , il ressemble aux démons de l'enfer. Privés du sentiment philo- logique , les Orientaux ne demandent à l'étymologie qu'un prétexte à jeux de mots. Accueillons ces prétendues explications comme une preuve de la sub- tilité de leur esprit , mais gardons-nous de les prendre au sérieux. ' Voyez Posi- und Reiscrouten , Vorrede, p. 5.

12 JANVIER-FEVHIER 1805.

chie régulièrement élablie dans celle partie de l'administra- licn musulmane. 11 esl facile, en le rapprochant d'autres té- nioiiïnages, d'en connaître les rouages intérieurs. De dix en dix kilomètres, en Perse, et à une dislance double, en Syrie et en Egypte, sont établis des relais [mbat , sikkch , merkez eh berid, etc.); deux ou Irois' chambres meublées d'un tapis et une écurie assez vasle, voilà l'aspect ordinaire de ces lieux de halle. Un certain nombre de mourabbit o employés subal- ternes u y veillent nuit et jour, prêts à monter à cheval et à porter au relais voisin, dans le temps rigoureusement fixé, les lettres , groups d'argent et autres objets qui circulent pour le compte du gouvernement. Ces relais, divisés par arron- dissements, sont placés sous la surveillance d'un employé (moiiakki'), chargé d'apposer le sceau (/er/rr) de réception sur les dépèches, et de maintenir la régularité et la rapidité des communications postales. Les rapports que cet agent est tenu de rédiger, non point seulement sur son service particulier, mais aussi sur tout événement local de nature à intéresser le gouvernement, sont transmis au fei^vanegiii, sorte d'inspec- teur divisionnaire, qui les revise, les complète, à l'aide de ses informations personnelles, et les adresse au directeur gé- néral de la province. Ce dernier, véritable agent politique, correspond avec le vizir et, au besoin, avec le khalife, sans intermédiaire. Menées politiques et religieuses, état des es- prits, relevés commerciaux, poids et mesures, en un mot tout ce qui touche à la sécurité du pouvoir et à l'ordre public doit être mentionné dans ses rapports. Du zèle et de l'intel- ligence que ce fonctionnaire déployait dans son difficile mi- nistère dépendait, en quelque sorte, le repos de l'État, sur- tout à une époque la difficulté des communications, la variété des races soumises à l'islam, et tant d'autres causes encore, eussent paralysé l'influence de cette centralisation savante, qui est l'œuvre et peut-être le péril de nos sociétés modernes. Un fait, rapporte par Ibn-Khallikan , vient à l'ap- pui de ce que nous apprend Codama du rôle politique du i\xf'i' .|,s. j.ov;t«.v Pulhl l>pn Yahya , ayant clr nomme goiiver-

INTRODUCTION. 13

iieur général dans le. Khoraçàn, négligea d'abord les aiïaires, pour s'adonnera lâchasse et aux plaisirs. Pendant longtemps Haroun ar-Rachid n'en fut pas instruit; mais un jour qu'il s'entretenait familièrement avec Yahya, père du jeune gou- verneur, il reçut un rapport du chef du bcrid, la conduite frivole de Fadhl et le mécontentement du peuple étaient signa- lés sans le moindre ménagement. Sur l'ordre de Rachid, Yahya prit connaissance de ce message; puis il écrivit, au verso de la page , quelques lignes de reproches, et renvoya le tout à son fds, par la même voie. Cet avertissement sufht pour rappeler Fadhl au sentiment de ses devoirs.

Telle fut la part que prit sans doute Ibn-Khordadbeh au gouvernement du khalife Moutamid, et c'est en ce sens que le voyageur Mokaddessi , lequel écrivait un siècle plus tard, a pu dire, sans trop d'exagération, que l'auteur du Livre des roules fut non-seulement l'ami, mais l'un des vizirs du kha- life. Ce titre pouvait, à la rigueur, être donné à un agent qui avait le droit de correspondie directement avec l'émir des croyants, et dont le contrôle s'étendait sur les délégués du pouvoir, tous les degrés de la hiérarchie administrative.

Mais figura-t-il lui-même au nombre des vizirs en litre , qui se disputèrent le pouvoir, pendant les vingt-trois années de ce règne? Aucun témoignage historique ne le laisse supposer. Maçoudi et Ibn-el-Afhir gardent le silence le plus absolu. El- Fakhri,qui consacre pourtant un paragraphe particulier à chaque ministre, ne dit pas un mot d'ibn Khordadbeh. On sait, d'ailleurs , que le faible Moutamid, plus soucieux de ses plaisirs que des intérêts de son empire, avait laissé toute la responsabilité des all'aires à son frère Mouaflak. Esprit cul- tivé et élégant, passionné pour la poésie et la musique, ce khalife aimait à s'entourer d'hommes de lettres et d'artistes . au milieu desquels il s'abandonnait à ses goûts délicats. Je sup- pose que, dès les premières années de son règne, il rappela l'ancien chef du berid et l'admit dans ce cercle de privilégiés. Maçoudi (Prairies d'or, ch. cxxii) nous apprend qu'il exis- tait, de son temps , un recueil de séances ou de conférences

1/1 JANVIER-FÉVRIER I865.

(mekamat , miizakerat) composées par le khalife lui-même. L'éloge du vin, un clioix de poésies bachiques, des considé- rations historiques sur l'art du chant, enfin un code de belles manières à l'usage des convives de cour, tels étaient les su- jets développés par le royal écrivain. On trouve , dans le même chapitre des Prairies d'or, le tableau d'une de ces réunions littéraires , Ibn-Rhordadbeh tint le de la conversation, et fit preuve de connaissances sérieuses dans la théorie et l'histoire de l'art musical. Je résume en quelques lignes cette longue dissertation étrangère à l'objet de ce travail, et dont on trouvera d'ailleurs la traduction dans le tome VI de notre édition des Prairies d'or.

C'est à la suite d'un gai festin que Moulamid, entouré de ses convives ordinaires, interroge Ibn-Rhordadbeh sur l'ori- gine de la musique. Le courtisan érudil , auquel les légendes rabbiniques ne sont pas inconnues, place la naissance de cet art aux premiers âges du monde, sous la lente de l'hébreu Lamed et de ses fils. 11 en suif le développement dans les civi- lisations primitives , définit la part que les Egyptiens , les Grecs et les Indiens prirent à ses progrès , et décrit les instruments in- ventés ou perfectionnés par ces peuples. Il explique pourquoi l'Arabe pasteur est si heureusement doué pour la poésie et la musique. Il cite, à ce propos, une tradition, rapportée aussi par ïeKitab el-Aghani, d'après laquelle une circonstance for- tuile serait la cause de l'invention de ce chant monotone et doux (houda) murmuré par le Bédouin, quand il veut presser le pas de sa monture. Puis, sur les instances dti khalife, le brillant causeur passe à la pratique môme de l'art. Après avoir défini les qualités nécessaires au chanteur, et montré combien l'étude et le goût développent les dons de la nature, il dé- peint les effets merveilleux produits parla musique, lors- qu'elle demande ses inspirations aux trois grands mouve- ments de l'âme : l'amour, la douleur et l'enthousiasme. Il arrive, après cela, aux règles de l'exécution [ika), «qui est au chant ce que la prosodie est à la poésie, » et termine par un parallèle entre Ir rhyllime et la métrique. La dernière par-

liNTRODUCTION. 15

lie de ce morceau est pleine de termes techniques dont il est malaisé de préciser la signification. Maçoudi ajoute que le khalife, enchanté du talent de son inlerloculeur, le combla d'éloges, et lui dit, en le revêtant de la robe d'honneur [khila) , distinction si enviée des Orientaux : « Abou'l-Kaçem , lu as été l'ornement et l'àme de notre réunion. Ton éloculion brillante et souple ressemble à cette étoffe soyeuse dont les reflets changeants sont le charme des veux J »

L'hommage rendu ici aux connaissances variées de notre auteur est confirmé par la liste de ses ouvrages, telle qu'elle nous a été conservée par ibn-en-Nedim , dans le Fihrist. On y trouve la trace des recherches sérieuses de l'érudit, à côté des amusements frivoles du courtisan.

A celui-ci sont dus les ouvrages intitulés :

I ° Les Beautés des concerts ;

L'Art du cuisinier;

Le Livre des jeux et divertissements ;

Le Livre du vin;

Le Manuel des convives et des familiers.

Au savant et au fonctionnaire appartiennent les trois ou- vrages dont le Fihrist nous donne ainsi les litres :

Collection complète des généalogies de la Perse et des tri- bus nomades;

Le Livre des routes et des provinces ;

Le Livre des Anwa ^

* Je joins ici le titre arabe de ces livres , qui ne sont pas tous exacte- ment cités par Hadji Khalfa :

Le titre du sixième ouvrage est écrit fautivement AilyJl dans l'exem- plaire du Fihrist de la Bibliothèque impériale, fol. 202. Sur les Anwa , on peut consulter V Introduction à la Géographie des Orientaux , p. ci.xxxv.

10 JANVlER-FEVKlflR 1805.

.le crois, cependant, que cette liste n'est pas complète et que le titre principal cribn-Rliorcladbeh à ]'estime do la pos- térité ne s'y trouve point ujenliohné.

Maçoudi, en faisant, dans sa préface, i'énuméraliou des travaux historiques qu'il avait à sa disposition , parie d'une grande chronique par Obeïd Allah, fils de Khordadbeii : «C'est, dit-il, un écrivain distingué et remarquable par la l)eaulé de son style; aussi a-t-il eu un grand nombre d'imi- tateurs qui lui ont fait des emprunts, ou suivi la voie qu'il a tracée. On peut s'en convaincre, en examinant son grand ou- vrage historique. Ce livre se distingue , entre tous, par le soin et Tordre de sa méthode, l'abondance de ses renseignements sur l'histoire des peuples et la biographie des rois de la Perse ou d'autre race» (I. I, p. i3). Le succès qui accueillit cet'o production paraît avoir txcité la jalousie d'un écrivain con- temporain, élève du célèbre astronome Kendi. Ahmed , lils de Thayib, originaire de Sarakhs, ville du Khoraçân, avait commencé par rédiger un traité des routes et des provinces, qui re^la inachevé. Plus tard, il composa pour le khalife Mo'thaded-billah, dont il était le protégé, un recueil d his- toire universelle, moins pour enrichir la science d'aperçus nouveaux, que pour enlever à celui d'Ibn-Khordadbeh la popularité dont il jouissait. Mais il n'eut qu'un médiocre succès, et Maçoudi, à qui j'emprunte ce fait, ajoute : « Sa- rakhsi est presque toujours en contradiction avec Ibn-Khor- dadbeh; aussi suis-je porté à croire que ce livre lui a été faussement attribué, car sa science était bien supérieure à une pareille œuvre. » [Prairies d'or, i. II , p. 72. )

Le temps, qui nous a ravi les œuvres les plus considéra- bles d'Ibn-Khordadbeh , n'a pas même laissé intacte celle à laquelle l'auteur attachait sans doute le moindre prix. El ici , je ne parle pas seulement des mutilations auxquelles tous les vieux documents littéraires sont condamnés en passant par les mains des copistes ; mais il me paraît incontestable aussi qu'une édition écourtée a été mise^ de bonne heure, en circulation, par je ne sais cpicl ahrévialeur maladroit, et s'est

INTRODUCTION. 17

])ropagée au détriment de la rédaction originak. L'existence de cette dernière peut se déduire des raisons suivantes :

i" Au début de son livre, l'auteur emprunte à la Géogra- phie de Ptolémée une remarque qui, dans mes deux copies, se borne à quelques mots; tandis que, dans Hadji Khalfa, elle est beaucoup plus développée et précédée d'une phrase également omise dans les copies V

Le début de l'itinéraire d'Afrique est cité par Makrizi, dans sa Description de l'Egypte et du Caire, avec des variantes si considérables, que la source de cet emprunt serait mécon- naissable, si Makrizi n'affirmait qu'il en est redevable à notre auteur.

3" Le passage relatif à l'Egypte est reproduit par Ibn- Khaldoun avec des détails qu'on chercherait vainement dans le texie, tel qu'il nous est parvenu. Un autre témoignage prouve aussi que le même fragment était plus circonstancié dans la rédaction primitive. Le voyageur musulman Ibn-Djo- beïr (p. 55, édition de M. W. Wright), parlant des ruines qui bordent la rive orientale du Nil, depuis Ikhmîm jusqu'à Syène, ajoute que ce sont les débris de la muraille dite de fa Vieille, dans le Livre des routes et des provinces. Mon texte ne dit pas un mot de cette légende. A la vérité, on pourrait supposer que Ibn-Djobeïr l'avait lue dans un autre ouvrage portant un titre semblable; mais, comme Hamd Allah Mus- taufi rapporte précisément le même fail, sur la foi d'ibn- Khordadbeh , on est en droit de conclure que le voyageurarabe et le géographe persan travaillaient sur un texte identique, et ayant subi moins de mutilations.

' 11 est inutile d'ajouter que Hadji Klialfa avait sous les veux un ou- vrage différeut, Je passage en question est cité. A ce propos, je dois re- lever deux inexactitudes dans le texte publié par M. Fluegel. Le nom de l'auteur y est écrit deux fois Kliordad , au lieu de Khordadbeh; en second lieu , l'expression proverbiale qui termine l'extrait de la préface doit être lue

^û^>Jt/0 v^Ul , au lieu de vftj^,iLo ^^il. On sait que cette sentence «œuvre commandée est (d'avance) excusée» termine ordinairement les pré- faces pompeuses des écrivains musulmans.

18 JANVIER-FÉVKIER 1805.

En dépit de ses lacunes et malgré le désordre que des copistes négligents y ont introduit, on peut retrouver encore le caractère essentiel de ce livre et les traces d'un plan sage- ment ordonné. Dans les deux premiers siècles après la mort du Prophète, c'est-à-dire jusqu'à la fin du règne d'el-Ma- moun, l'étude des sciences mathématiques et de l'astronomie fit un peu négliger la géographie descriptive. Ni le tableau rétrospectif des mœurs du désert, offert aux Arabes émigrés dans le Khoraçân, par Nadhr, fils de Schomayl (vers 7/jo de J. C.) ; ni l'essai de géographie et d'histoire naturelle à la plume naïve de Djahedh (vers 820), ne pouvaient ajouter grand'chose aux traductions déjà surannées de Plolémée. Sous les successeurs d'el-Mamoun, et notamment pendant le règne de Moutamid , le besoin de notions plus positives se fit impérieusement sentir. Les Grecs, profitant de l'éner- vement moral du khalifat, s'avançaient au cœur de l'Asie Mi- neure. Le malaise général se révélait par des révoltes péni- blement étouffées. L'Arménie essayait de secouer le joug de l'islam, tandis que le parti des Alides reprenait ses projets ambitieux. Quelques années plus tard, le fils d'un chaudron- nier, Yakoub ben Leïth , enlevait à la dynastie d'Abbas ses provinces orientales, et fÉgyptc passait sous les lois d'Ah- med, fils de Touioun. Pour conjurer tant de périls et en pré- venir de plus grands, une surveillance incessante n'était pas de trop. Le croisement continuel des courriers de cabinet, les mouvements de troupes dans tous les sens exigeaient une connaissance plus exacte des voies de communication. Aussi voyons-nous deux traités spéciaux, portant le même titre, paraître presque simultanément. L'auteur du Fihrist assure que le premier Livre des routes fut écrit par Djafar, fils d'Ahmed, originaire de Mervc, mais qu'il demeura ina- chevé. Je crois qu'Ibn-Khordadbeh publia le sien entre les années 2 Ao et 260 de l'hégire , lorsqu'il était encore directeur des postes et de la sûreté générale. En effet, il ne peut l'avoir rédigé avant l'an 2 3 1 , puisque , dans le tableau des redevances du Khoraçân, il fait usage d'un document portant celle date

INTRODUCTION. 19

et destiné au chef des Thahérides. Il ne peut non plus s'être mis à l'œuvre plus lard que l'année 260, puisque, en 261, Nasr, fils d'Ahmed le Samanidé, reçut l'investiture de la Transoxiane ; or Ibn-Khordadheh nous apprend que cette province obéissait encore à Nouh, fds d'Açed. Un autre pas- sage moins explicite, il est vrai, vi§nt à l'appui de notre hy- pothèse. Dans le paragraphe relatif à l'Andalousie, il nous dit que ce royaume a pour souverain un Omeyade, lils d'Abd er-Rahman; or, quoiqu'il ne le nomme pas, il est hors de doute qu'il désigne ainsi Mohammed I", lequel régna de 288 à 273 (850-856 de J.C).

Les trois ou quatre lignes par lesquelles débute h Livre des routes sont tout ce qui reste d'une préface où, suivant l'usage des écrivains arabes, l'auteur faisait connaître le but et le plan de son travail. Cette lacune regrettable n'empêche pas de distinguer dans l'ouvrage, tel qu'il nous est parvenu, quatre divisions principales, ou, tout au moins, quatre classes de renseignements distincts. Voici comment on pour- rait les grouper.

S I. Tableau de l'impôt foncier et des redevances en na- ture, dans les provinces soumises à l'autorité immédiate ou à la suzeraineté du khalife.

S II. Evaluation en parasanges ou en milles de toutes les routes qui rayonnent du cœur aux extrémités de l'empire , suivie de renseignements, ordinairement trop concis, sur l'histoire de chaque contrée, ses productions, etc.

S m. Abrégé de relations de voyagé , telles que la descrip- tion des lies de l'archipel indien , d'après le récit des marins qui, de Siraf et d'Oman, se rendent en Chine; l'intéressant itinéraire des marchands juifs, et d'autres voyages lointains. En outre, un choix de contes et de légendes merveilleuses, provenant soit d'une tradition apocryphe, soit de livres po- pulaires, dans le genre de celui d'el-Djahedh.

S IV. Description des montagnes , des fleuves , des lacs , etc. analogue sans doute à celle qui forme un des chapitres du livre de Codama (section VI, chapitre' iv). Il ne nous

2.

20 JANVIER-FEVRIER 1865.

reste que le début de cette description , et j'ajouterai que lu perte en est peu regreltable.

Dans cette classilication , j'ai négligé quelques morceaux, presque indéchiffrables , que le caprice des copistes a semés au hasard. Par exemple, un tableau inachevé de l'orienta- tion vers la Kaabah ; la liste des titres donnés aux rois du monde; entin un paragraphe emprunté aux vieilles théories grecques sur la constitution physique du globe, paragraphe dont un tronçon est rejeté, on ne sait pourquoi, à la lin du volume.

Heureusement, les portions pour nous les plus impor- tantes, celles qui comprennent les relevés statistiques de l'impôt et les itinéraires, nous ont été transmises avec une exactitude suffisante, et présentent un caractère d'authenti- cité qui en double le prix. L'auteur s'occupe d'abord de la division territoriale du Smvad ou territoire cultivé de la Mé- sopotamie, sur les bases établies par la monarchie persane et maintenues par les divans arabes. H donne la liste des districts du Tigre et de VEuphrate, suivant leur position riveraine; leurs subdivisions en cantons et bourgades; le chiffre des récoltes et celui de la taxe prélevée au profit du Trésor. Il n'indique, il est vrai, ni la provenance, ni la date de ses matériaux ; mais aurait-il pu réunir des détails aussi précis, sans avoir accès aux archives de l'Etal ? Si, dans un ou deux passages, il cite un chiffre différent, d'après un certain Ispahani, qu'il ne faut pas confondre avec l'historien Hamza (ce dernier écrivait l'an 35o de l'hégire) , il ne signale ces différences qu'à titre de renseignement, et comme terme de comparaison. C'est aussi dans ce but qu'il résume l'his- torique de l'impôt , sous les Sassanides , et durant le siècle qui suivit la conquête musulmane.

Pour le Khoraçân et les provinces orientales, Ibn Khor- dadbeh ne pouvait consulter (|u'un état d'une date déjà an- cienne, puisque, au moment de la rédaction du Livre des roules, la lutte qui éclata entre les descendants de Thaher et la dynastie desSalVarides avait tari cette source importante

INTRODUCTION. 21

du revenu. L'étal en question porte la date des aimées 221 et 222 ; on sait qu'alors Abd Allah, fils deThaher, déjà indé- pendant de fait, reconnaissait encore, par une redevance an- nuelle, la suprématie religieuse des khalifes. Plus loin, dans la description des roules de l'Arabie, l'impôt du Yémen est donné d'après les registres de compte communiqués à Tau- leur par le gouverneur de cette province. Un écrivain qui occupait, quelques années plus tard, un rang élevé dans l'administralion , Abou Dja'farCodama, rédigea , sous le titre de Livre de l'impôt et Art du commis-rédacteur, un ouvrage considérable , dont la dernière moitié seulement nous esl connue. M. de Slane a publié, dans ce recueil (cahier d'août 1862) , le chapitre qui traite précisément de la division ad- ministrative et des revenus de l'empire musulman. Au pre- mier abord, on pourrait croire que ce document a la même origine que le nôtre. Les noms de lieu^s'y déroulent à peu près dans le même ordre, et plusieurs relevés partiels y sont identiques. On verra pourtant combien le chiffre total du revenu, d'après Ibn-Khordadbeh, est loin d'atteindre celui qui résulte des tableaux de Codama. En ce qui concerne l'empire musulman proprement dit, cette différence s'ex- plique par la date des comptes que Codama avait sous les yeux, et aussi par la prospérité relative des finances à cette date. En 2o3 (818-819 de notre ère), un terrible incendie avait détruit les archives de Bagdad. Codama, qui cherchait avant tout des modèles de comptabilité, sans se préoccuper de leur actualité, a cru indifférent de prendre le plus ancien , c'est-à-dire celui de l'année 20^. Mais depuis, la décadence du khahfat avait fait des progrès effrayants. Le luxe avait relâché les mœurs, l'abus de la dialectique avait engendré les hérésies, et celies-ci la révolte. Le règne de Molassem et celui de Walhik-Billah furent une ère de persécution reli- gieuse et de désorganisation sociale. Les chiffres d'Ibn-Khor- dadbeh le disent aussi éloquemment que le récit des histo- riens, et ils nous prouvent que l'agriculture et le commerce étaient déjà frappés au cœur. On remarquera cependant

22 JANVIER-FEVRIER 1865.

combien le numéraire élait encore abondant jusque dans les moindres bourgades, et celle considération justifiera sans doute la valeur très-modérée que j'ai attribuée au dinar et au dirhem , ou , en d'autres termes , à la monnaie d'or et d'argent. Un calcul plus rigoureux du mishal m'a permis de réiablir, au profil de la monarchie des Perses, un revenu supérieur à celui qui est présenté dans la traduction de Co- dama. De graves inexactitudes déparent les deux ouvrages ; mais, grâce à leur origine différente, les erreurs ou les lacunes ne portent pas sur les mêmes points, et j'espère avoir tiré de leur examen attentif des données moins incertaines. Enfin, pour accroître, autant qu'il était en mon pouvoir, ces maté- riaux de l'histoire économique du khalifat , j'ai puisé dans la curieuse relation de Mokaddessi , dont M. le D' A. Sprenger a bien voulu me communiquer une copie, tous les rensei- gnements que ce voyageur put se procurer sur l'impôt et les tailles, un siècle après la mort d'Ibn-Khordadbeh.

Les itinéraires rédigés par mon auteur, soit d'après les archives de Bagdad , soit sur des notes prises dans l'exercice de ses fonctions, sont également coordonnés avec une cer- taine méthode. Dans le premier paragraphe, il décrit la route qui, de Bagdad, mène dans la direction du nord-est, jus- qu'aux extrémités de la Transoxiane; il traverse ensuite le Kharezm , et revient par la Perse à son point de départ. Dans le paragraphe suivant , il trace la route que suivent les bâti- ments, depuis l'embouchure du Tigre jusqu'à l'Inde et à la Chine. Les faits que les marins lui ont racontés nous re- présentent, dans leur forme primitive, ces récils, mélange de vérités et de fables puériles, qui, vers la même époque, furent recueillis et publiés, sous le nom du marchand Su- leïman et d'Abou-Zeïd. La traduction et les notes dont iM. Reinaud a enrichi le texte de cette relation m'ont été du plus grand secours. Un troisième paragraphe conduit le lec- teur de Bagdad en Syrie, en Egypte et dans le Maghreb; il se termine par une notice de l'empire byzantin, l'on s'é- toime de trouver des renseignements plus exacts qu'on ne

INTRODUCTION. 23

pouvait en attendre d'un musulman, sur la hiérarchie mili- taire et civile du Bas-Empire. L'itinéraire des régions sep- lentrionales est nécessairement moins complet que les pré- cédents ; il y est fait mention seulement des voies qui mettent en communication l'Azerbaïdjân, l'Arménie et le Caucase. C'est que se place la trop fameuse relation de Sallam l'm- terprète, envoyé de Samorra aux rives du Volga. Dictée à l'auteur par Sallam lui-même , d'après le rapport qu'il adressa au khalife Wathik-Billah, cette relation, conservée ici sous sa forme native, a été reproduite par je ne sais combien de compilateurs arabes et persans. Comme la mission de Mo- hammed, fils de Mouça l'astronome, dont on trouvera aussi le récit original , quoique abrégé , le voyage de Sallam fut pro- voqué par les scrupules rehgieux du khalife théologien. Qu'il s'agît des Sept Dormants ou de Gog et Magog, le Coran laissait le champ libre aux interprétations, et ce fut pour cou- per court aux contes ridicules dont le livre saint était le pré- texte, que Wathik-Billah voulut recueillir des informations sur les lieux cités par la tradition. Le voyage de Sallam, selon moi, eut au moins un commencement d'exécution, et les fantaisies qui terminent si étrangement sa relation me paraissent une concession à ce goût du merveilleux que les conquêtes scientifiques d'el-Mamoun n'avaient pas affaibli. Mais, en aucun cas, je ne me déciderai à n'y voir, avec le D'Sprenger, « qu'une impudente mystification. »

La dernière section de l'itinéraire traite de l'Oman et de la péninsule arabique. Pour ce fragment, j'ai consulté avec fruit le texte arabe de Yacoubi, publié à Leyde en 1860. Cet ouvrage, malheureusement incomplet, n'est pas sans analogie avec le Livre des routes, et appartient à la même époque. Moins crédule et plus observateur qu'lbn-Khordadbeh , Tau- leur du Kitah el-bouldan offre à l'ethnographie, à l'histoire et à l'archéologie elle-même, des observations pleines d'inté- rêt , qui tempèrent la sécheresse de ses notes de voyage. En re- vanche, les itinéraires y sont moins détaillés , et leur évalua- tion en heures ou en journées de marche serait d'un médiocre f

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secours pour la construction d'une bonne carte de l'empire musulman au moyen âge. Au reste, comme les deux écri- vains ont leur valeur propre et se complètent l'un par l'autre, je n'ai pas négligé de les rapprocher, toutes les fois que j'ai pu le faire sans dépasser les limites de ce travail. Il ne me serait pas difficile de m'élendre sur les emprunts plus ou moins déguisés qui ont été faits , presque jusqu'à nos jours, au Livre des routes; mais la plupart étant de seconde main, il serait oiseux d'insister sur ce point. Au rapport de Mokad- dessi , qui se prépara à ses voyages par de vastes lectures, le vizir el-Djeïliani, écrivain de la première moitié du x" siècle, s'était approprié les itinéraires d'Ibn-Kliordadbeh et les avait fait insérer dans l'ouvrage qui fut rédigé sous sa direction (voyez Vlnlrodiiction à la Géographie des Orientaux, par lVI. Reinaud, p. lxiii). Edrissi les transporta dans sa Géo- graphie, sans y rien changer, et c'est qu'lbn-Khaldoun a trouvé quelques-uns des détails topographiques qui se lisent dans le livre premier de ses Prolégomènes. Un courant ana- logue se remarque chez les Persans. Hamd-Allah-Mustaufi consulte la rédaction originale, et en fait usage dans son Nouzhet el-Koulouh. Mirkhônd s'en empare et les résume dans le complément de son Histoire universelle. Khôndémir les trouve au milieu de l'héritage paternel, et leur donne place dans le Habih-us siej\ non sans les abréger encore. Enlin, Ahmed-Razi, s'aulorisant de leur exemple, enrichit de ce butin, de plus en plus léger, ses notices lilléraires et descriptives. Cette singulière transmission ne prouve pas seu-^ lement le sans-gêne des com[)ilateurs orientaux ; elle démontre aussi que Maçoudi n'était pas loin de la vérité, lorsqu'il disait du Livre des routes : « C'est une mine de faits que Ton explenre «toujours avec fruit» [Prairies, t. P', p. ]'6). On verra que j'ai partout recherché la trace de ces enqDrunts , et que la ver- sion en apparence la plus détournée m'a (juel()uefois remis dans le bon chemin.

Je demande grâce pour les iiolt!^» .si notiibieu>t'i. (jui ai - compagneni cette traduction. Je sais quelle fatigue en résulte

INTRODUCïION. 25

pour le lecteur, sans cesse exposé- à laisser échapper le fil conducteur, clans ce labyrinthe de gloses et de citations. Mais , à vrai 'dire, un texte aussi mutilé, ou aussi concis quand il est complet, exigeait un commentaire perpétuel, et je n'au- rais pu me soustraire à cette obligation, si la publication ré- cente des Post- und Reise7X>uten des Orients , par M. A. Spren- ger, n'était venue rendre ma tâche moins pénible. On trouve dans le premier fascicule, le seul publié jusqu'à présent, les itinéraires d'Ibn-Khordadbeh, mis en regard de ceux de Co- dama, d'Isthakhri , de Mokaddessi, etc. Si mes leçons ne s'ac- cordent pas toujours avec celles du docteur Sprenger, il est juste de rappeler que ce savant n'avait à sa disposition que le texte d'Oxford , et que , de son propre aveu , il l'a copié à la hâte. Quoi qu'il en soit, les judicieuses remarques et les seize cartes, d'après Birouni et ÏAtval, dont son travail est accompagné, m'ont rendu des services que je ne saurais trop reconnaître. Quelque jugement que l'on porte d'ailleurs sur le plan adopté par M. Sprenger, on doit le remercier d'avoir ouvert à la science des trésors jusqu'à présent inexplorés. Ai-je eu moi aussi le bonheur de recueillir une parcelle d'or sous les ruines amoncelées par le temps? Je n'ose l'espérer; mais si, du moins, ce travail, tout incomplet qu'il est, pro- voque la découverte et la restauration d'autres monuments du même âge, je me féliciterai de l'avoir enirepris et m'es- timerai sulTisamment récompensé.

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LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 27

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28 JANVIER-FÉVRIER 1805.

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LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 29

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30 JANVIER-FÉVRIER 1865.

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LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 31

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32 JANVIER-FÉVRIER 186

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' On lit dans les deux copies, à la suite de ces chiffres : IJlT <t_i:ivJ| çj ^D «conforme à l'original. »

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLNCES. 3:5

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jS uÀ-îî i^aÂil |;*^HV^ uy*^^^-? **i;^ *;^W '^ ^«^ UJ"^^ ^jJi C:jy^'^ ^-*^^ ^^ lij^^ ^;^*^Uv»A^^ Uk}\ jMtAit,l\

I^iXaj ^jyJ<Mà^ »jÙ3^ ibU Sj^Uj iÛUMw ^UUj'Uw;^ -C^jJûmJ

' Ce mot est omis dans B. ' j34?j dans la copie B. V.

34 JANVIER-FÉVRIER 1865.

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LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 35

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36 JANVIER-FEVRIER 1865.

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LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 37

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38 JANVIER-FEVRIER 1865.

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JmoI oL^MMot Jw*! dix* (jt 0-)t Imô dLL« (jj<w i^5-â**xji

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^Ljs-^L.AJi wiLLo &Lm «>o,«w> ù\^jji^\ jiX« ftUw Job JoW

(j js,Ai^ i iuUi^ t^LLo dL^^fe.! jsjùâJi siXX« ^U^L JwLw

' Ou i\KM^, d'après une autre leçon à la marge^de A.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 41 j»wô^ O^^ U*!^*^^ (jvjl:^ A^Lwj ^lî^ iXxAX*^- 0^^

jiU^^ <^Aif| jàU* «ji^ ^^^ «j,^ ^j^j ^ »jfj5^ t)U-^i? ^U^^ J^'S^^ ^3^^i y^^ ^3^^ 0^^^ (^j**^î

C^a^ma^aJ «-iX-jî^ 3^L«* <^*^»»À£>' (J-* ^»^>i^ jJJt*^ (j) JW^

(^jvJUs* crjl? '^j^^ 1^^ ^^ ^^ (^XXS-jjiyftiil ^y^ {j^***^ jtyft^i <^ k^Jb \j^j3à\ owl^^ ^ («-^^ ^^ ^^

v-xJJ OLJi /J>JO;i U^ijj3^<ic \am*XS^ (^J^ ^^ ^^

^^u&- ^j\^ ^ fi^j^ ^-"-J^ v^*-^^ iuljU J^ *>^ W^ J*-*-^

42 JANVIER-FÉVRIER 1865.

x-MtJ^y v-xJî v-X)î ii^U ^-î^-w ^oJ&;«xJî yjj^ jJJi ^jj^

^ ji^i v^î ^^î ioL.iUj ^î^jA^s-j ^ JoijU»-^M^3 U^'*^*^

^^- 1 I*»

»;L,«^I 5^-aJO ^jb^^l iCx*MÎ^ ^g^ iuJÂ^Î (^y^ »^j^

^J *^-g <4^^ ^lî— ^-? (•^J^ ^^*-^^ ^'^^ iÙ»AAW Lr^s-!^^^

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 43

^^ ^yJa siLL«^ »*xJ^ (^ 4>ocwaJl^ -jj^i JjXi i^y^\

^ »*>J^ (j^ (S:^^3 ^y*^^ *^^ ay^'^ è^ y^

Juw (3r?) "*' /J*»"*^' 0>»^ ts)" cJf (*3>~'^'3 f»^-^' ^^>'^*^

^ ^1 ^.j^. ^^yii\ 3Xj t3> «J S^\ Jjt^ è-^^i

iL«UJl Xj^-cvuco <^«xJÎ ob-*-^^ '^^ ^ U^^^^î *i|^ V^^

' Lacune dans les deux copies.

* B présente la forme plus usitée )^ft>»i-

44 JANVIER-FÉVRIER 1865.

&l-AMk_jlv^_««l ftL^ ^l..>w^ a\mw (J*^o oL-^ uW^ (:J*fr

^UwL.i^ oUw ^^i:>vX^M^^ oLwjIx>Uw

<2> ^ ôU c^1«x5'»Uj ^ji:>jio

' Tout ce passage est particulièrement altéré dan» les deux

copies.

' Abréviation pour juU^ a/or*; ce mot est omis dans B.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 45

y LamI^jÂ. (3^?^ <N?^ c:^!^ 5^U^ ^L)^ ^^^

w

^^I^«XJI cj^^ gb-^ iLjsA^ jî*Xi^ ^- J^j^S'iX^I g^ gî^ iLJC-u. :>Î4X-s^ Jl ^ g!^ AXfAw ^^yAWi^juai gî^ iU*uÇ- ^ji*X$ Jl ^' gi^ iCi^- ,>.M«oJl ii^ Jl ^• iL^.^ ^;-^J>^ <i^ f^' gL)-» ^^*^ Vj^ <i^ U^*^ ^3

^ '£l^ **0^ *)j-^ ^^ f^' gb^ ^J^ *>j^ <i^ (^' gb*

gi^ iCjLij «:^jj;^ ^u«^ aJ> gîy »juj\ »j^\a»^\ Ji gîj^ iLxIS* (jvÂAM^^ Jl A^' giy iuo^î iLî :>jîi J| ^• #0^' gîj-i iU**o x?^X*Mw« Jl a:> gîy iu^ «^Lw Jl ^S* (j^^ gb-* ^^-«-S'»»' <^^î /o^* gb* ^^* ^Uaww-J» Ji

40 JANVIER-FÉVRIER 1865..

^' gty XAJU^ ^jU-JW Ai* gl^ AAÇM c^^M^Éi ^^ij

Lr-*y» ci^ tk>^' (iT* ^ gl^* *^^ Lr-*>» J' f^" (:r?>=r <iî

Jj A^ ^Lh ^^*'!-**' »^l*>^ Jl (j*^>» (j-^5 ^2s^^ t:;^*')^ Jl A-S l^^î^^^jil^ UjI J%fy» Jl /frJ^ gl^ ikxK^ ^j*.*Xj»« Jl aJ; g|^ iouuw iLl J^Awl Jl Aj gl^ Axf*M «Xaj J^ AjT gl;— > ii-A-u" :>j^jj^j-«*i*. Jl /ojf gljj iU*w îLi ^jj^j / glj3 am^^j^U^x» Jl Aj glj.â <xm*j^ »;:> jXm-J ^i-* W-î^ '^^ ^^-***^^ iljL«L^*jl^U«.A3 Jl iljsjb ^

Xjv;I j**-^a*]I Jl ^' ( (^-^^ '{iS^y^^ jy^-^ pb u*^'

gl^ iu*^ (j-^ Jl x)J? gly ioojl ^j^ ^* gîjj Ai" gî^ iC^Aw (jîi^^^ ^ gîjj iû*^ U^-5-^ <^' (*^* Jl AjT gî^ '^^*>-^ (y*^^^j-*** J^ (•^' gL^* ^-^^ *-^^l Jl ^^- gî^ iu-^ JI^^jJUmI Jl A.5 gî^ iUXi-^UJvJl^^jkaj» ^0^' gl^ ^^^>^ ^UblJsJâ Jl ^S giji ^^AM iulx^io Jl

' (>e mol est rf'pélé deux fois dans A, et la seconde l'ois on lit

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 47 Jl Aj gi^ iuou»* v^^ ^^ ^ g!;^ iU^ ^jûUio

J^-*î Jl ^^^ (jji <^ gî^ iCw*« J-*l Jl AJ.' gljj »^ ji

^ g'îj— » i^->i-w àjjU^jÂ^is- 0iA.^"w J5 a:» ^ j C:j^ tJ'

/Ijli^ (jw# ^jj^^ jl^CJl iUj«>w» ô^jSj^^ »j\itj^^ (J^-3^^^ gl^ iKXjj] kxÀMjS^ ii\^ ( (j?r>»AÎÎ JU=?- ^y^ ^*^ cj^ iL^^ iL^XftyAi Jl ^ -^jÀ k^J^ yUjy Jl ^i ■£\j^

^ C5«^"

48 JANVIER-FÉVRIER 1865.

o^ Cf**"^*^^ (J^^^-J iUiUMS^ iLA.^^*xil (j*xXl (j-«

^*X>-x-^ Ji ^Ji\.-ÀS^Jî (JW4 ^ gl^ iU^jî «JjU^ <^ ^^**^ Ù<x5j^^ (j)-i ^ gi^* iufcfc^ *)^^ <i^ (•^* ^Lr* iùw^ ^kàÀJî (J>^i)^^ ôjj;.*^ (:5Vo!;-? ^^^^j^ U>*t>'-? U^^ qùUJI <jl <i^ CJîï-*b-? ij!^^*^^ t5*:i^^ iOl^^ Ji^ *-!^'-^ (jiiUiJi Jl iLjc-t*ô yiil-ÀiJi iùj3 j^ (jî Aj' ^5^ iowuw ir^bU j»^^^

4_;l^i^| Jl qùIâïJI ^ / gl^ iixvjî «JjIjU cjI^vjum! <jl

;^i^^ iLjK^^l «^S^Uw (J( CjL^ÇVJUw! (j^^ ^Ù^ji jJitS' AaIj Jl t^^-:*-' (^5^* v^i *i^j». ^i JlJUi ^A> ^W-jk? gl^*

' A porte jljlmo ; mais la leçon adoptée ici d'après B est confirmée par tons les itinéraires.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVIiNCES. 49

J5 M^ g!^ ^^-^^^' uL)-^' ^^ (*•'•' g!/^ ^^-«^ e^5j^

j

J^J tii /O^' g!^ ^J^ ^La^ iOjJ» <-»i(P <jî AJ.- 0»^AW

Ji A^- g[;-3 »^-3UiJ^ ^y^ (0^' g[;-» '^J^ -*'^^ ^^

gi^ iùuLAw ^jU« iiî *J; gî^ iUjjî J^> Ji *j>;gi^ «i<5T^ A^* gîj— > A-j^jî vi)^l ^b^ iUj*x^ Ji io^i*

^j\ :F>? ci^ (6-^' glr-* iUjLjfjljiS" Ji ^jf g[;J iotvj' (JW4 ^^..jjJaiî -(^ ^Cs^ji jjits. iL^J^ (jv^î «X.>- y^^ ^^^î

Ji A.j> gî^ i^-A^ d|^^ (jî loLU» tj^^ l^iiitfîy UJ^^''^-?

Jl A^' gl^ iL-x«AA*» ^jlJU^ (jl ^" gî^ iCxjjî ««XÀ^

^j^ i g!;—* ^^j^ ioU^ Ji Ao gl^ i^A^- c^L ÀJo*x^

' B lit cj^C

50 JANVIER-FÉVRIER J865.

(j^j ^^ ^it ia-wj ovaxIî^ iul^^^ ouûcil (jvj iUxft ^^

jUJl J^' (j*.^ ^Â^ Jljjî L^i^ u.y^'^^ jW^c^ i LL j»M^ Lâ^'I UJ iUsIâf »J^>Sj^ ^ dAll^ i^:>b) /o^-^rii-^^ A— ^Uîj ii)L.^^l^Uwo (j^^ iC3:>b; ^r^5^ Jsj«x.s^ ^^^

^yJi U^ ijyàééX:^. J^>-j ii^U fc-^.j »j.Aai jcî ^^ t-*-Ai A-x_4^ >*-^'^ «iiU^yiij é>^^-^ t-^I^ (:Jv>aJl U5^j»-

^^^^**^ j-V^^ <^*^3^**3 u=^^*^j> 0^^^ cr^^3^^^ ^^-^^^^

^ Celle station n'est indiquée que dans la copie B seulement.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 51 *_A-jj:^ iL-iÇ.:^>=^ ^Sy'^ iiJs*«w<j (^jv-t^^wJj icJsJl^ L^^

^^ dL^-j J! ^ gîj-i iU^ Sjy (Jl) jy^ ^i\ ^ '£\ji

<j5 /o^" gî^ iù^ ylrjlï <JI ^- gl^ ï^mJ^ " ]oys>^ ya:i f^* glr* ^j' >*^^ ti^ f>^* gî;-» '^^-'^ à^^\ <JÎ ^•

(^' giy iu*^j^^u ^ (^ ^- / ^a^jji uv^^^

En B on trouve vis.

2 B.

(>>^^ wo.5.

B. ^\3yAM.

52 JANVIER-FÉVRIER 1865.

^^ ^J— K> ^ ^ 45-^^^.? u^^^^ *x^l^ ^Aijà^S^

l^j (j^ <JÎ /o-J' g[;J ^^^^ y^ (•■u^ ^^ *>^yJi (J-.

Jl xkS gi^i *AJU' tJ^jXw jL <ji yij^*X^ (J-*^ /j-A^sl ^i ■^]jj »<mJ^ i£,J^3 (i^ ^ ij^ W^-J' (jU*«;Ule Jl Aj (j^

<3)' ^3j"*^^ cHP^ ^iiXw

' A omet ici qiielqius mots; ces deux (lorni<^res dtapes ne s y lisent pas.

LE LIVKE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 53 iLX«w ^^^.AM^ c>«M ^l.^,A.ioi (il aJ» (j^^ «^JX^m cIx^» ^i (il

/ diwXwW ^jMki^ t.iJB.wi0l (il A^ iCXw 5^wMb£ bUS'l jtwyw (it ^l^-i-j ii^^ v^l iCjUvw^j Otit ci^l ^^aÀS ^ij*kAjl>j»^^ iL*-A-^3 iucli^ (ii Aj ^[;-J iLJû-u< lo)Jl ci^ (•-J'* ^î^*

54 JANVIER-FÉVRIER 1865.

LJt^L i^jj^j.-wiO «jlaÂS Unsij gl^ ii*^ (jU^-lpl aj

Aj gî^ iU-*w (jLâ^jLs- Ji a3 JouiJI iùJU 1^3 gîj.â j^ *HV-» u^^ <-.oc-w Lr^ gb^ iû**:^ jjlifci^l Ji Aji

UJujUmj^ y^ j^i^l j^P (j-« ji^^iX<i^ gi^* iouuw ^j^j^ j

^j^^^UJî^ ^ilj^^ u^^'-? u^i^^^ u^^^ u^*^^^ tj\^li-^ ja^i ^jl^l^^ ubyb ^ jm:^ aKmJî^ uW^j^-? Ly-^-J>^*>^^ 4^ Agi ij^ -(^ C4^.»^ ' Q^ t ^y^i^y ^*)^^

' liCçon Houteuse : B porte v»-« «cwl-

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 55

^^1^ ^jLwî^ uLh-^^ '^Uà-A-Ji iUjiXJLî ^0-fvw! l^Jujl^^

^ l^a^i j.Àw^ <^^^ ^^^.;^lj:> J{ l .rw,.*» iCJl^«X^ ^j^^ l^a^>^ (j-«^ ^i)-* iucA-w >UjiaaJÎ <jl l-^-Â*«j l^atfîy» (j 5j««*.e ji^^

jl^^iXM (iJ^J^ 'Ù^y^ UJl?^*-? iOkAji'JjLA^ (Jt ^Im^-^XÂj^jJvÎI

56 JANVIER-FÉVRIER 1865.

(j-jl? J^-^^-iwî ^3 yUoj-ll (Jî) ^- gijj iO^- ^Iji^î

Jl ^- (jlsS^^jJ ij\^i <jt /frJ'" gi;J iovij- 2>jj^Ji Ji ^l*«?;-lî jjj^s- <Xi»-î yLJa-XwJl ^-(rJV-s? uW^^ iUj*X^ yUa-vS^Î

^i^lî^ y)U5j (joÀAJÎ y *^^^ t:^ U^J^ ^ l^a^^y

(j^ ^ ^Ljl-.»wuv..aw (JI ^^— ,?^— laJt ^l3»^^-^A*JL JsJo jjUaXu*.JÎ (jytju^ «jjUii^ gî^ -xxjjl ijjbdî (j*.îj J^^î <iî /o^' gî^

t^*-? <" ^jV-JiLm<>..Cam ^^ «XjaXàsJî f*^-*»^) dlA^ J^'^î u^y^ '^

' (îc mol esl omis dans les deux copies.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVllNCES. 57

^î^ iocw*rj' jUw^ Jl /friS g[/» iJ^-ù^ (j*^^^ ci^ (*^* Sb"*

^Ul J^ ciî f-".^' ^-=s£y yjjj-ûx L^^^ iCxLUU ( Jî) ^• iLJC-w jL-l^ <JÎ /OiJj gî^ iùcM-J Jc^î (ji Ajf g-r^ iCÂLw aJlLj? jjj^ Ji Aj; ■^\j^ iûojl v^iXi- c^l^'W' J^ ^ ç^j^

^yJ>\M «jjyAjLlî Jl C:;U^ Jjf J^t (jJÎ ^ *XÂ^i^ *X^mJI

«Li^ Jw«L^ xwJUî 0-j *x-# ij^ w^ jJI ocAj ^^

' Les deux copies portent /jUyiO

58 JANVIER-FÉVRIER 1865.

cj-*-^-*^ J-^-?^;î^ ^j^yK»^ JyoÎJUJ»^ (j\9yi\^ ^J\y^^

^j)*K-3j^ j^*XJ)^ \*X.^Mt\j^ J^-A-J*XJI^ yLwj4X.w^ (jU^-u)^

C^^ / (^jv_jjj.g-^| :>'^ <$> ^JJ;J^ ^^^ J^ ^'^X)^

^j^y3 JI Ao g'î^ iUkfc^ (j-^ Jt aJj gl^ *AA« Ob^i (jî«k_jLâ* <ji Aj gî^ iuu{u*M IsLjJl (Jî .(sS gl^J iCûMi

^^^**^ ji>/^ p^c]^ L^V^J (ij-* ^ e^W^*^^ ti^ U*L?^ ^^ {^J^^ ^' ■£\ji iCx?;î Lj^ Jt ^- gî^ iu-bÇ- «j^ Ji /oJ» gt^ JI ^* gî^ iL*»-^ »lx*i Jl A^j* gî^ iu**^ j-^Uvw <JI

' Les deux copies portent JiUll.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 59

ii\ ^ glr* ^^^^'^-^ (^ ci^ f-^' g!^ ^^i' >jt>r> ci^ /o^' :>î*>oo (j-4 ^^-ï^^aJl <2)f gl^ iUxiw j^il ajî gî^ iUx**»

60 JANVIEH-FÉVKIER 1865.

w

lld^^y» y^x^«.w A.*^^^ (J-w^jjLM wA^o^l Aia.û^ 'ri/*^ C:^^'^^

^^ --^^î^i tic ij^-x^axj» ijoya} UAiûl^ Itstf^^ (j^**-**'

j ^^***^^ x5U j^:>;«xiî <JI 1^-0^ Jolj Jj^ ^^ ^ ^Jlj

^y-l\^ ^^jç_Aa-]i^ «XJL^i_j *X.â.mJî ç-U-<^ vii.-MJLi^ ^>*^^^

^^i i«Xiû ^j^ ^j^^ ^ ft)-^^-? »«Xi5-^ y^AûAJi^ iuisxilj

A-jU iCJl<UA.]i J^ dL<v- AAi^ «XA4^j.yjJî ^aaMÎ vS^àmJÎ

c^. *n.'J^ jJLX.ji^ 0-ji^i (^ l^jL/o O^^ ç-iji> '(^aj^»^ ^b*^

' A ajoute ici un mot illisible Ij3.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. (31

i ^^Idssy ^^^ tJ^jÀ ^yU" civiJiJ *M>^ <i^ ^^i ^y^i L,^^^ LgAx« ji gî^i iUjji ^^ •^\ji iUxw ^j^^HvS' »^^

àj^j^ss- <Ji xNJf *>s^4 pj^îî ^^ l^j^ ^i-v«iU^ J^j ^jj

l^Aiûî^ I^Xa^ i gî^ iCUi- ^^ l^a^ jwû^ iUiU' ^î^l^' ^1 ^- gl^ iUA^ j^l <jl jl^l^ ^j^j^ Cl^♦^ ^ '^^^yôLl »1^

' Ce nom «'sf illisible clans les deux copies.

62 JANVIER-FÉVRIER J805.

1-^Ia> ^ Uxll ooJo ^Jà'J^\ »*Xif> i^ j.Li iôvjl ij;ju**-*

(^^jvjtfiî^ ^ W^^ 0^,y^ *Nî^^ ^-^î^ ^-^^^^ ti ^Jj"^^^

Jw* (jî ^ItXJL»»* (j^^ Uiil^ ST-UJI IgJj l^s^î^ juii^ ^ajUt ^J^^ i^^ i x»j^\ «oilft :>lfc îi>î^ AÀ* ioj^î osjtij^i jlai!

^JlLj t>s?>^ «.-.vkâ.^ ij(^ W*^J ^^ ^^ dJ^"*^ *)HV*«*^ (^jv_-*^ a^«A.w*w« A.,^^J$^ jî^l^ d^^^^^^JÎ W^^ ^L^*

<-*w «XJ^,.,^*» (Jl (jv-Lj^-a»- (\^^ l''^^*^î ''^^^ W^^ r^lî^ ''^J^ ' Il y a ici mie lactinr do, quelques idoIs.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 63 i^îi Ju:?- ybj -.iUJl *jçU j«:>t ^uXfi iojuti ^*>Jî J^

AjLJ^ (j*.Uî *«>:>îj i^ l^ «Uci^î^ U^ xiî^L «oyiUJî AmaA-^ j.iî j.Jvj> wjÎ ^j! «XJL^Î Jj^Î Jy^^ dUm iL)ti

64 JANVIER-KEVKIER 1865.

ijy^^. y>^^*^ ^y^ 0**^ ^^^ *^?>^^ ^ /fi-fr^!>»v AjjXtjçr

jM^ W-^*j J"^^ t^*^ ^ W^^ u^y^^^^ cMv^^ t^"*^

L^ij «Xs*4ii iôls* aJKÛ? ^^^ -l»i ioU« »;ju--^ xX «;->*>^ l^Ai^ (J**W^ U-?-^^ ^-fr^5^ C:5V»>> »;-^-«^ cic 0*-^!^ *J'-ir?'

^_jw.-*L-L) L^JL*^ iC^lâ^ ^^^ ^làtf?^ ^^^^ \s%^^ ^^W"

J^^jIàJI l^^ é «ijyJi *>y^J^ c-^i a^M^jdi^ fc^i aX^-

^ B donne une leçon Ircs-cIilTc^rcnte ^A.^ [a (jLv^Ji *_jLo JJà_) ; '•Ho a été adopU'C par Ka/.wini.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 05

«

l^l:^^ ^JJùjJÔ\^ J«îjUJI^ J«XÂ^ijjX*Mii t--wuaj»^ j^îj

«^.-A-^w-w» ^^ A^' / jb cK^bj (J^^ jW^I^ (fo ^J «>^ is^K Q Mi^ A-jLrs- (iJ?r-^3 (j^-ia-J^Î «^^J ^yi j'>*>^ iuwJ^ b^^Jî (jj^-W ^-^i^ «XJi^î »i)^X«^ <-*^

C^î^y-dùJl^ b^l ^j^ AjbjU dUx>j.A^ C^î^ii fjyO^^

\ ^Ljf't ^ *>^->j ^^X-AÀJt ^K-w tj ^r^j-J *XÂ^i vi)jX«5

^j— /oil cî):>^ (j^ *-jtUw (jSwb^ ii)^^ ^-^^ ^/-iV»*^-»^ l;-^ ioU?- (dLU) ôjsjcj^ ^Ikiî JlU atXxj^ xSUiîJijI *J« J^

(^*»^ ^ yl b^^^ ^"^ *^-«*^ ^^^ ClJVJ^ ^■^J'J ^5%

t-^i6«X«3î «♦X-X_j jj^ (j\..A^b Ajdttf J.AAi:j* (^j^-«ijj viiXo

^;— JLJî Jjî (jM, àj^j-^ ^Uûixo ÀlâXi^ ciîji iiijl»

' Le reste de la phrase manque dans l'une et l'autre copie. Au lieu de jjia>" , B porte ^luJf.

V. 5

66 JANVIER-FÉVRIER 1865.

jUjà ioUvXj (^jvj U iC.tk,m ^^U^ CJ^^Î J^î 5*K-^v^ dl^JJLî i'ii^^ O^^ <^^^ ^j' J^ jW^ C3^1 ^^* Jl xJCo i^ ^1)4^^ 45^ g!>^^ ^^^ U^^^^ U^3^ f-*^

^^«î^JaJî •(3)^jj^,«»il JJiL* 2>^^ l^jki «^.jî^is-^ ^ JU o»jo i^jcJt L4-AJ iC^^^ 5^»?^^ jU**jJt cyîi IojU j^;-» <^ (jjv^î

^ uXwaJl Jl jU (:^4j jj^î ^4^^ (^jUUi c^tXÂ^i iyJl

(_^4X^^ tK?^ ^JI^Q'**"*^' *XÀ^) ^j*5^^ ij-*^ ^jh*A-«)^>^

(jj-5jj! <jl v.ÀjUaJi ^ .jA^viASj jUûiXÂjiîi^ rA^*^^

(j-«^ /jy^l L^-xij ^^wuaJl jUijJl^ *^Jv4^ C^VS^^ *Xj*XiL

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 67

S^lf iLJL)«X.4 iLjv^Uo (jN^AâJb^ ($^ 0^^^^.^^ 2Kaamw4 lib^j^l ^ Cljjà\^ OUuJi ^^.^îS<îî (iH (iJh-^JÎ <Xj»-^ gj|^fi.MV '0 l^X

l^î^^l^ A^^ J»^^^ (j^ «Xjsio LgAiûI ^1 ^^w^- tj-wÉ^tXJl

^,.-«^1^ (^A^l^^l ^^U^ ^ ^tli Uo ^i yir liU ^j^^ ^,^1 (^j\m i ^Ui UIs dUi ^jW \b>\sj^\ nx^

' On iit dans A (jy^\j\ ^\.m^\ J-^a-«j. Ce même passage est entièrement illisible en B.

68 JANVIER-FKVRIEH 1865.

i^X^ j^^ iJ^«-AjO JUrs- \jiAj[é ^^j^^ (Jj^jÂ,) (juuaAS

jUajèJî^ ^jj^-mJî^ jyuJI^ ^^^3 viLJLI^ (jK^îj <^j^\

JjJo^ / yl^^^jvilj Uiil^ iawwJLÎÎ Js.^mJ! tj^^ t^^i'XJî ^oJuii iLjjiXj Lw*Ji j^UL-^-I iCxx*»» iXÂ^Ji^ -(^j..^^ UVy^^^

' B. «-^ajUoJI. (U'tli- W'c^oii rst (lue, siins ;mrmi doute, à (iii copiste.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 69

^jjk ^.q^ i^ u>*i;^-? ^jUâjI J^Â^Ji JJw«5 rf- o;U«5 ^ »^UJî /fr^jU^ -^L^Jt /ft-QA^ft J^Av^I^ y^r^y^ (3^^^ <^>-y^

j-OJî^ ^y^\ /o-^ij j^VJuJl X> ^jyUio^ s;:it>\^\ U j^^L»

iSyA OOl(5

c:a^ Ji Ao g"!^ iùuMA. <->; jJî Ajf gl^ iùûU"" jlxjiiî

Ml y a ici une grande lacune , et ce n'est que par conjecture que nous avons rétabli ce dernier lambeau de texte jusqu'au paragraphe du Maghreb.

70 JANVIER. FÉVRIER 1865.

JLfL^ Jt A^ glr-* ^^**^-'?' (^^-*,^^ c^) ^^^ <jî /^'

^j^^^— U^-fii^ *X^-i J^«»-Lt (Jl /o^' l^a^îyi j--ii^ iô«j;i (;y^j^ {fjMyiKj^\s éU^jij}[> i^îj ) gl^ iijùU-' iiSjJl Ji >frj l^s^^^j La_xJj 0jk<a>-^ ^ms-Mi^ IoWa^wj ^Uû^Î^ (jL^*"^ ^^^^^

Jlï ^jLjL-):) otiî cjji^l iux_j;i ^j^j^ ^!/^J ^^3^^^3 jlxiiil^ (^J<j^^ AAjtXiL^ cybUj iUJl*xJi^ ^uc»-jJi^ j^UsI^

A-tf>lyJl^ / t^-^As* »j^^ U^>J *)3^ <i|p:> ^^^^ oouaxJl 5ji^^iLjÇjUaj| *;^^ jf?^*^ ^JJ^3 ^y=^ ^JJ^ UV^ ^J^ t1/^^ / jUil *Xxfc ^ ^Uwa^ iCiLdj^ tj**-^y^ W^^ (^ji?/^-*

' A et R partout wâ./« >U^-

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 71

jA~^ rfv-îbî d*x-.^^ ^ (jo^ Jl a:> «W" &^jj^ ti^

^t;j^--i© rfv^î (jUjcJî «j-fc^ /rcAâi iU^bl jrf>AsI ^j^ixîi /<vkiî

m ^^-iUwJi |^>Aj»{ (jljuJ |<(>X3l ^^.AMJUO Jo pÇvAjt (^JV««J9^{ |i<V^i

/jvAM^I rf>Adî «^IâJÎ /rfvAj»! jA.lkjiJl ç(^\ j^\ /^bî iuycç-^ l<(V^i b^i fO>ki\ iU4S^ <^\^l JJxMJtil rÇ)Xi\ (jv*^ r(\Ui

(^j!ia}\ ^ Uî^l_5 (jjJ;i?^ U.^^-? '^y^3 ^^^-f^^ J-mJÎj ij^^ ^>KmJ\ ^aX^ -y J^ oôi^ îjjlï^ iUoJî c:>îi> -;! ^^

oiJl (^,5-*-^îj Otil iol^Aj (jA^ sL>*^-? ^y^J c->l^PÎ

' Cette ligne manque dans A, et tout ce qui suit, jusqu'à la lin du paragi'aphe, est défiguré et à peu près illisible dans les deux co- pies.

72 JANVIER-FÉVRIEK 1865.

^jlxJ /ivUî ç.Uui! viLfXxj iCio*X^ j-AJLw /rf>Jiî iCJsyiiî J»-<-*m ^U^ c4^Aû-^^ iH^I «ji^ JW «j^ v^ y,^ jyJi

»;^^_$" J^ «j^^UoO «j^y^LJ! »;^iÛ^ 5;^

^ JwJ ^jLiLji uaJI y^^-w*^^ v-àJÎ iLJU^^* (J^J^\ ^l>^^ ^î^-i*. vdJ«X_5^ i«X-i5 v.jUa-j laJ» ^^j^i ^i.)"^ (*-^-^

" B. ï^^9 J\.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVIiNCES. 73

ïjj^jS^^ Ul? *;jj-^^ -î^Xw*^ *J!>*^^ ^^"^ ^JJf^^ (J*'!^^ ^J!ri

ii^X—*^ ^^j-jib* *^i=«-^.^ Aj 4^*«j <i ^^ (jJtH^^ *jvj^

^ Le nom et la dislance de cette station ne sont indiqués que dans B.

74 JANVIER-FÉVRIER 1865.

«j^5^^L-*»fc_Â.^-xîl »j^ \x^ iij^ ]oyi^\ Sj^ (j^^^^\

La-?^ àj^S^O^I »;_^»4Xxi «j^lfltf^ »;^\^U^ ïj^

Uâ.AW^ ^^ (jMk^ ClJ^^ ^^ ^f*"^^ ^^ ^^S^^( Ô^^-À^ ^J^

,Ï^-aJî o>^^ ^.y'-*-^^ M>-^^ *-Â-ii:> ^ ^tx^-î »;^

*X«A.x^a]|^ iCj^ç^j-àJî^ v-JU^Î (:>^^ (J^^^ JoUwi «^JS^vJî^ ia-A_-M*j^ «y-AJij^ éjj^AJ^ A^i^ Uyiiî^ Islx^^^ ^j^wOo^ cllt^^A. It^ y^Jy^Jt iLjjîtXjJî^ j-^s^i^ ^,^i^^? ^SVyJaJLî^ ûf (j- <fi "'?^^ C'A ]a.»wy Lx^tâil^ JnaJ»^^ Xij^ç^^ ^ysj^^ ■j^ i^jS'^ ^J^yMi\ Jl ^j;i;?^î^ (J^3J.^^\ ij^jMi^ ^y^3

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 75

jl Aj '^la;^^ jjS^s- iUiljf -U^ «^îi <ji A^" :iXjyo ^jj^A^

^^-i'-Lî io^;».liaJl /o^* "^huo ijtfjji^^ ^j^ r»j^i ^^À.=r

(->l«.-é:^ <J{ Aji* ^.Ji^ jjtf^ \mJ^ r*,y^^ ^^-^ (i^ (^' ^^^H^

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aMI Jv.a-^ V*-"^ <i^ (*^' ^^'HS-* (j^*^> iui*^ *4rsA>. jl

76 JANVIER-FÉVRIER 1865.

J! *^- :5Xjço ^yî)6- JlUI *xxfc ^^ *xa)^î 4-.^>-U> jL-jJt

^LaJL^Î iUj*X^ ^îjj^^l Jl ^- ^\oç« (jjîj-û^^

la— u.^ yljj^j— *.jiJî^ ^ ^^-A-« \^^}*'*^3 ^J^ Vy^' ^'*-**'^ (^^

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 77

(J~: C5^>-^ L- j^-.Âw« J^^^ IjVÀJ^ (J!^-"^J iCxXiWj iLjvjtLè"^

wàJI fjtfjJi*s>% ^«X.>-l li^j^ji^j lûxat'j.iS^vJj J.£»-Um ^^ ^^^ .^-*3 O**-^"^^ J"^^^ (_j^«Xi»yi^^ (j\o^ 0^>> (:3H^ ^y^ iK-'JLjM ^JH^<yJ3\ iLJL>«>wo iLUs^J» Jl .fiJ? ^|>-> ^^X^w cl)Ui&

^^ LT^J^ CJ^^^J ^^Ij^Î |<Um; ^ (:^5V^^ *^^^ (:)J^ (C Lj6^Î^ U^ ci^yûb^ iCÀxX^j v.jlaA^^ *J>^ Ai^^L* Aa^^

•(^ yt^Jî ioÙLMi jiX^^ ^l^^jkiiiL <^U»- JI iCxXiw

78 JANVIER-FÉVRIER 1865.

j^ÀjijJol Jl Aa^Î ^ :>y^)i\ jj^^ U^'ù^^ (S^^^^ cK^'

j^-AJo-A--^ :>;^j V>^^ J^ ^ ^^* y«Xx-« UpAi^ Joû^l ^*><_j iUj«X^ c!>î^^ t^,;'t^^^ *X4^ ^jjj /<>J6Î^Î ^«Xj jj^

iL.^Uo uJL\^_j iC^Us l^-iXi.^ 1^^ (^^y^^^ **?;^ ^V*-»*^-«

^^jJ^nâJ*^^ (^JIAJ 2(j.Aamw« l^yÂAJj ^^AAi^\ (j*«^JwJI ^^^^1 (j*»^JkftJl

^ji:>^^l^ iuio.iI ,jb;l i^^=^^ j .^>-^î ^iy ij^

' Tout ce passage entre crochets paraît une digression, ou, ce qui est plus vraisemblable, une note marginale ajoutëe après coup dans le texte par un ancien copiste.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 79 (^-x-*w (j^ «X^î^ fy.£>' jjo^ OV^ ^ (:5??àa»» ^a^ 8j,am^^

J_^_i6U ^jyS^*^ ij\j^ U^ ciJjLÎI ^^U Jylîî l4Xi5 AÀ.M

^^* j^*>v_j^î JUrs. (j^ ^^y^ fJJp^^ JUviJl Jcj U^

i^\ L dL-A^^ j«l\-A«Jl (^^^î Î*>^j6 je jfc^-**^?^ ^ u^"^^

80 JANVIER-FEVRIER 1865.

^^ A.**:^^^ aK-WW^ lf<M*^_yb^ X>b)^ 5jt^ ^^^»j^i (jbl^î

^^.^^i o^Ai^- ^ :>^\i> aKjG Lt^ cj'^Us- iO-^J()c«j (j^]a,>*»U ii)LjLjft c>.5ytAi iUSi^^ *^^ <J^ ^,^4^^^ ^^*" S-^H^^ <i^

*jl^ <^jj^ (jà^-^ 0*^ ^-«jj^s» ($^ j*^Uajî ^^ g^yi

^j-« ii-iS»^ AJb*X.« 0^ ^^ <\:^Us ^.JtXi. j^i^l (j**^-»*fcJl

^-^-^^j 05i*x-« ow^lx» jUjJî^ JW^ ^,^l>^ (j*^^ ^^y"^

' fci commence une nouvelle lacune qui se termine par les mots compris entre crochets; il ne m'a pns rté possible He les rôt;«Mir, ignorant ce qui les prj^cëdait.

LE LIVRE DES HOU J ES ET DES PROVINCES. 81

^^yi ^\J^\^ ^j\:>y^^ ^^^^ ^yM*^\ pO^ ayJt

^ yLrs-^î ii^Uiî <XA.;wJ <^*xJl ^j JshJuwJî ^^j-9 <r>*^ a_aJ^ iLi^j«X^ ^-^^ iuJUùaJl o»..^ ^^^xJî ^^-^yJi Uî^

viUiXS^ ^(^ AjwO ^JS? ^^ LJj\s ^^ iuUXAM ^3 C^;-^ (J^'ft^^

<3)r ^^ Xi.^ ^^ ^^

\^j\> Jl <J>' ip^y^ iLàJ:^ iU^w^b (3.>^ ^^ (^' ^L^ iôuAÔ' tiî ^S' gîy Xm-cç- cj]j}\ j,^^ ^^jwmJî aj gî^i iu-Jj- gî^ iucAAw yWL 4^ ^' L^i^ï^j.Âi^ USÎ iijoJsJI

■Ç^ g5/-» ^^J^^^ J-*»^"* J5 ^ A-A-k^^AàiiL aju*X^ ioyJl l^jVjUi cx-;?^j J^o^t 5;^5^

' Dans B, t)n ]it plusieurs fois LiU, au lien de Jujf que donne l'autre copie.

- A et B portent ij\U_«Jt.

V. G

82 JANVIER-FÉVRIER 1805.

iCÂA^^ ^J-*^ ^^^ îj^^^ (J^J-ff^^^ Jj^^ M>^ r»'^k^\

(^*X-fûjU^ (J-==^^_^ ^'!^<—»mj\ A-aA-^ CT^-J^ iUj*X^ (^^xj^ ^jv-,«ij^ *Xw^l^ (j.mU31»^ *>*"3 (J-*î?^3 O^^^-î^"^*"^ [;*^y^

Jt J^-tf»^i (j^j / i^i v-jUl ô^t iùojl J^^\ '^^j^^

MU

p

(j%.^ (j*»tj ^jjjî (^3\-xA.Aaj rf- iùcujjl>:> iJ^^^-(3> iCxjujjLi J^i 0«-îî ôi^î <\_X-Mw iUAJ^jbi ^îwâ^^ ,r (j^«Jy^j_jJs3

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLXCES. 83

îLxijS ^;îj-^ (tt-J' gî^ **J»j^ ^P^ J5 (*^' g 5^ iCxA^

iLjt_A-w ^jij^^— >-L ^ gLn ^j' 1,;-=*-^ cjî ^ Sl^

■(^^ gîjj iCiXj iu>yî <JÎ Aj.- gl^

^Uxîî j.aX^ aj gj^ iu**:ç- JlAil (^^v^ a:5 gljj (:jV-^-»»»U ^ gl^ iCwA^joJsjiJî Aj gî^ iucwwJ j^Lil ^^ l^ ««Xiû^ U^M-oi^ Jt AO gl^ iÎA-M»

»^Ja Jj iL^Ja-X.^ ji^^iAaJLA 0,*<a>-*. ^jm*^ (j^y^Uw / iU^UiÂil

Ut

ïLxjljm ^^j-mi (jî Aj gî^ iou-*M I«Xa^ Jo <JI /oo g[jj iLjujL-u* lsL*iuA-«w (jl Aj gîjj iCûw AJbiXJLî (jl Aj gl^

iUjjî ci^«xit Jt ^- gî^ iuwJÇ- »j^j S fi^ gî;-* »;-û^ AJijji g^ d^ iuia^ (j^^ gî^ iu*k^ (jii«^^ tiî (0^* gJ^

^ Les mots *r**'^7^ A.stA^ ont sans doute été déplacés par le co- piste, car ils semblent indiquer la distance entre Maskîn et Kar- kyçyah.

6.

84 JANVIER-FÉVRIER 1865.

•C2)r »j^ Ji ^- ^j^XJL-M*^ JI ^' 1*1» <JI ^- ô^^-*«;t JJ yJit,^ ifoj\Jî (iJîrX^w JI iO-S' ^ViX* ^jj>^-ù^^ «'^^^^ o^a^ <i^

^? (3— *iw«i JI Ajf ^^X-A^ ^jj^-*ik.^ iutxiaiJI Jj Ajf !5X^y»j-i*^ ^

^ JIXmi ^amo (^.awwA^ JI ^' jXxmi C:a.^ dLfXxj JI ^ «JXmi

' Dans A, l'ordre de ces deux villes est interverti. '^ 11 Tant ajouter ici jj-«i-«3 (Jf, bien que ces mots manquent dans les deux copies.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLNCES. 85

yls^U*» ^^ ^^^ *il5lw «.ixXS* iCj:>î ii>kûAAaJLl ^j^^ L^joImaj

86 JANVIER-FÉVRIER 1865.

^\jÇ« J.WMI^ ^^Ijf ^JVV-**' (î^-**!*^*" Ci^ fi"^ J^i 5j.AM^ tSuMtJi «s»

Ajf :^La-* j-âSn^ iLéJ^ ciJjUI ^ (^^ <JÎ iO.J !iU^ uV*^' Là-jÎ i_j.-j>AJ^ (^y^^*-^*" <i^ (»^* ^^^^jiÀî** ^MéS^ iuUii (^^

iû^ jpuji ^- JM iijas- dUJiî ^U5^ji ^'

JLç*i iU-^ JJXl cWxoî /OJ-" !>U^ j-ii*^ iU^ 'ikxs^-Sf^ ojl ^S-^-=^ (0-5 ^^^-*-* ^yi^' ^5/^i (j^^^i^- (J^ ^

J-t*^" iuuuj tj-*5 -«^îj-fJilt A^sJ^. *JSJ^y^ '^ ^^^ u^^H*^^

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 87

tJÎ A.Â^ /frJ (^^yXj Q*.^.-w ^jî ji^UjOO jj^î i3*J;^ Ax*5

Jljyol iU^ viJUiû Ajliû^ <j^J^^ jj^ J^' (J-* -*^45^ o**"^^ ^j-« ^-A^ (jv_AAw (^ iU.U]bjUa M^.iJ L j^ <^i-s*- ^^ (4?-^

(j*t^*Xot (:5??^_^ (*'V^ if^-^ Aaît^jU» ^^C^ 13 ^J dJ^-^-S^?" (^ J^£»-^{ /OiwJs^j A.(^,M) ii^A.^ Ifju^a^ «XÂS l'itiijl <Xa^^^

88 JANVIER-FEVRIER 1865.

^ii ii-A-xhy oujl(j ^y^j=?' ê^ *^4xo_j iCv«;rj <Ti;J^^ (j-«

^jj^ y-^ilS çJ^J Ltf j^AâJt liû^^^ viUw^ 12tt;i> (JJJJ-ÂM^^

«.,^i^*xJI t^L L.r,j^ éjXXS' Lj]^\ y<l\ jyJ^ t-ôlii^

ijJ^iS c-jt^l l^Jj <»^ jJL 5^ «XytX^L <.^.oaiî^ c-jL ^^

Mki j^\ U».^ I4JU %^ ^,ij^ iixij\ *iL$ wilUt I^aJ^ ij^ «is^w^ A_AjUkiiix^3l *xJb yû^ Iï:^ J^ l^ijil JUt

LE LIVRE DES ROCTES ET DES PROVINCES. 89

y li>^j JUviwJî (j^^ iûJUÙAÎÎ i^j S^>*^^ (J^^

^ya^ ijJitA^ (JLaJLxJ iCiu«X«« <9^^ c^^V^*^^ cK^^ ^^/>^^

kJl^S Cjlcâ<=>i iUjtX^ jmwAwmÔI iUjJ>wO <XjU>^ ^mwA^mÔ^I (^^

^^ <i' *^ jLw (j-« iot< (Xi?'^ i*JlH v*"-^*"^ (J tS***-* (j^^

^ Les copies présentent ici une lacune de quelques mois, a,vçc la mention Juo^i ^^ f<3.i^« conforme à Toriginal. »

90 JANVIER-FÉVRIER 1865.

ft^-jc^ iu^,<;w. «o«X^^ a.^jL<o iX,>>l^ jtXrftf ^ c^«^ l-M »*xJi-^ ^UxjJI Lâ3U«^ SoUIs ^ cK>it bjjkàc»-!^ IjlUaj ^{ :>\j\ Wl^ AÂfi Ua^ajU luMjbl b^i x«U]s Uii> ^^^-f^i (j^ f*Jtr ^ «iiXa «XÂ^ *N?>^ ^ ^ ff^ ^^•^^^^. ^^ (j^ ({ fiM».» j^ U^* vilôl UâÎô Ijfî ^ cxXjii /i\3j.Jl <->l^Pt

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 91

A-A-i^ v±>:iVjUî Jjî;^ -(^ (jy^^^ ^^j^^ iCi-wj-i^ uy^^

iL-A-0_5 J—S"^ -(^ It^Anrw ^Âix iÎAAwj iUi^ U^^ CJ-* (j^^ iuv-jj^ÀAw J-J^ -(3)^ ^^j^kA^- iUAw AAi^ 2^ «X:>-3

jùco^î^ -«^^XjTi ^i^ Ljys^!ii\^ îyilaiî^ juiiï*.^ «jji ^j^>>n4 J^ ^j^^ajU:* (ô^5) i^-i-^' c^«>^ C5^^U ^^^^.>-U*Mw« f^jj^i / J^à iCJLwJl ti jb 4îui 4X5^ «^^-^ «X (j-^ 4XS-._^^ iUUfcJi

ï A et B cj3 JLj.

2 Cette leçon, qui est la vraie, se trouve en B seulement; A lit

3 B c.s^Ul j3j; tout ce qui suit entre crochets est illisible dans les deux copies.

92 JANVIER-FÉVRIER 1865.

J^ iU-.-«Lî iC-M^ jLs2^ Jf^ ^^^ J.£>.j util ^^ jlsi^

if^^j \\Ki iUA*-Ç- (J<*^y» tK ^_J cK^J <^V-jU ^^ (J**-*>»

^ytj^î ctJiSS sJCUis? Ikxîi^ ^ J.S-J iJ^Ai^fc ^^ ^r^^"^ ^

*-jjî i ^ Lf ) Js-^î^ ^Ua.^ (:5^-À-A« «iUj J^ tj U.^"*^ <-^j».U> k*ww*>îl^ ^IH^ u^-^^^ v^is-lo kjÇotîi Ajf »^Jj^^

/fr-'j' ^^AiyULJÎ A^' às^yJuS <.^A.^.U5j t-'v^-U&Ij (.^.^amI L^!^

^^-Ac^ji^i <y*y-^ ^j^Y^ fJ?y^^!>^ "^ Lr>^ c-/*j»-U£>

yJi*.^ iu«J^ Lg-Jj^i^ ^jSJaJ^ïl Sj^y^^ 6 ^yiyiiéS^ \Xm>»

^j^y^^ ^ -*xil ^-wai^ cxjl^ l^j^ t.^I^i »^jj^^ rf^ l^^ ^^Àa9 -(^ i^^^^dA>.s xmJ^ L^^:>^ iUXw iyij^^ 6 iOÂilt

4^1 c^Lil ^ l^i^^ Jjt Jl JUJi c-ol4^ ^^^il

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 93

Jk.i.i»xJî j^^-mJÎ (j=>j.^^ Stiji (^jv.^^ ^^-'^ UyJV^J ^J^

jJLoi (jA<l^ iX^xj lg.«« Jcuw^l «oUJLs^^ c:jb!jla»»wi <ùa}3^ -JsJL^ (jvj^ l^î^i y^t^* »4X5^Î dUw^jL^I Ljuj\^s^

cj>^=»- je o»Ji3 ^5ws*> l^* ^ xivAJUw.ii ^^^j^Cj \^^y,^^. ijtéjh^ j^vwl ^^ 4-i*-A^ iù^ÀJ iCjL>Js-Li J^iwîi t^^ <r <^A^ii

lQ»lajV-*"j <\M*-AÀSi 5<XiÛ \.JiXyiM^ ÏL^j.*^ {J**^^ ij^ U^-? J"***^^

^ Qû,«A-w^, leçon fautive.

- Les mots Jh-^\ / ♦vL^ ^/o ne sont pas à leur place, et il est «•vident qu'il y a encore ici une erreiu- du copiste.

94 JANVIER-FÉVRIER 1865.

^Jl ^y-X^j\ L^-AJ^ ^jAK>\ pli-^ iiiaX^ l^ \^]yji^

^^^^ j. *^ r>. i >^j (j^ (3-^^) u'iH^^ ''"^^ *r>*^ f:^^

(j^ lob [j^j-*i*^^ -^^ iUdfcAÀiSI StX^)^ iuM-AjJdl 1^jL« ^Aàj' ^^-w« t^-x^j-ioî (j*-!^* (j-« c-»U v^î^ poiâ* w^i <»,vfl^i>

(jl^^j iLjjJOvCw^î ^j^. ^udjw osJI^ a)^ ^ %^j\ Uj4>J!

(^ Vr^b W^^ 0**^^ CJ^ *;^^^^ ^ S*^^^ AKJCi *X^-Î ^Ui L^^ J^kiû p^^-^^i i ^'^ iiU :>U ^jL (j*.l^

w^^l CXAOÀji iiïU ^U:<I (^ \yXjiO^ SyXjééÀ (JmIjJI (-^jJ**^

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 95 Ji A-yJLÀ^ ^Oi-^rr-^^ ^ft«^î:>:}i /O^-^r^Àio U iU^^j J^l

fc, A yku I-jlL.v.**- ciî <^ij (j-*j-^ CJ-* «^ Si;^^ (3^.^ til-x-u* dl-Xl^ iCjcMKo iL«;i>î <jt a:» dlXui *jji «xXj Ai* viliT^

^^^ tiXXiAW f^>Xi /0«,AM^ (Jt /6>S' Vi^iX-iW %JM^ C^^^A^k. (J) AJ> ^^' viL^AW fcjj! ^^.ï^î tJ) AJ ji^AW J-***J* (^iÀÎik^i (Jî aJ>

lai ,h ^ iJ( i^yjk^ 6 »Sjm 'Àjj**a *-»*o iuSjyUJt <jl Ajf xC*»»

U^^^J^^ »*Xa4x«Î ^_5^wo^ icXX^i ^^ JU>iJî i^Xj jt -iL

96 JANVJEU-FEVRIER 1865.

^jH*? t;)^--»**-^-*-i^5^ U^"*^-? (J^^^^ ^jU^fM^Ûi^ (J**PLw^

ii^x-u. iJwi^w^ .^»Xr»-î (jUtVo^ii Js^ j^\ ^^ ybj^ Jl

tii^-^J» <X-3^wo^ y^j,.^^ (j^»>..Mt\y^j\,.Mii^ &j>-^ AâaA,w (jv*;^ i4-x-«^)^ j^jj^î iLÂ-)*X-« 8^«\-ss-.^ ^'jj^^ IJ^.^^ ^y^^3 ^^ ^y»w=fcj2>t jb ^j^j^-A^iJl^ (j*\-ts^_5 o»-wi>^ (iub«X«) li^,r, xs^jU dUJLi jJXo iSl ^i< (j^^^jseJl «XJLftjJsJiJI i^Jô^

' A ajoute ici trois mots que je ne puis lire kkj^a sL^ ^«. - Ce mot manque dans les deux copies.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 97

^r^ »j.-i^ ii\jJM Jl /frJ gî^J «j-i** ^SJyO <JI Aj gîjj

^^* gl^ y^-i*^ »^1^<JÎ Aj? gî^ iU^j^i <jî /o^*

gj^ iUjU"* ^yiJ>' Ji J^-^J^ji (j^^ ^ gi;j 5j-i^ uk^* <^^

<ji '^^jj^ cxji^ ^!^ ^^"^^ *'Miw <i^ (*^

iCJoiX** *X-fJl Aj' {j^^=^j-i ciJlxîi (jj*>swi^ A-AijJsXf^j yU^:5>o Aj.:^ <JI *X3j^ (j^ t>^iaJl gy viLl>

^r^ iu^:^ sLt t5^^ /o^* gl^ aaaw »^^ <i5 i^iyii

-s.*;* gl^ AajU" ^ÎjjjJ^ Ji /o-S' gi^ A*^ji »jj^ Ji /0.J

iutjjl osAiirjj »Sj4>^ ^-^j^ ci^ (fr^' ^^>* ^^j^ (ù^r^ ^^ 6 gîj-i *JLw ii-A^i *;-^^ <i 0*.U^^ <jl /OJ-' l^s^^^J^Âi^

<$)r J^à v^î v^î j^jJî ^ij-i^J <r gi^ iUjjî

98 JANVIER-FÉVRIER 1865.

^ gî;^ »)-à^ (^j\:> <JI <Xj^ (j^^ dlX.*M &A^ Jh^^

gî^ iixxw (jîj^^^l Jl A^' gî^ ii^XS (jL^ <Jt ^jt»;^ di-»^

iuV.ÂJL^i (j^^ <^ çjt*^xXsa^[f^ 0**^^^ ^^Juite is^V.^ IoUm^^^

^jU^ ojdi^ j[Â^ j\m^^ ôUJî^ xrjUjkâilj c^*>>-^ ^^*^î

v'^^ uIh^""**^^ '^ •-? u~^^ v^3 Jj-*» v^ W*^ u,y*^^*"

' Tout ce passage sur l'Arménie est presque entièrement dénut^ de points diacritiques.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 99

j*K.jL«w «Xxj^ ^ [^ dr^J"^ 45»iîJi3t ] ^ ^j^ UÔ\ ô^t

u>

<S-^^^ ^^jJLi^ ^^j^Uj ^>i?-l» (:5>J^ ULu (ijvjyiii ^i

r*^^ Ai> cjiiî V^^^ ^"^5 j^^bjU?^ ô^î iUwwfisr

jLk-fti^ J^j Jfi'iuLw ^3^^ ^j:> otiî J^j .K ^tlaftl? yi^^ iUJU^Î <-.^^.Lo J«AX«wt 0j ^5-^1 ii^ (3^*5^^ ^r^"^^

dix» UJ 4-,a5^ ^Jyi\ éX^ Jl ^^1 4^^.i»-U? Ui c^a5^

Là-x_-< A-s»-_j <s^^ ^^^ ^>?J>^ ^^^ *^^^ \JJi\9 jjÉ.

JwAj b:>j^j* 00» U5^ i(^I^Î iiJUÀ^ ^î:>^Hw (jb;î Jl bj-*y bj^^»*<w-i iu^j-CJll x^\j^\ tj^ D>3.i»^ *^ ^.> U Ui^:>

Wr-A_i [jj-JM^ L^\jÂ. (J«X^ <JÎ b^ AO -bl HjjitS- ^-^-AÀ

L^_j| \jj^.s^ {j*^^ '^^ {^ UJU**i ^^ ^-A»^^ iutçM

' Ces trois mots sont certainement intervertis.

7

100 JANVIER-FÉVRIER 1865.

UXi Qjio (^\ î^ljj^ lt*iaji Î^A^sXi cjUw UUi c-»Ui -1 (jb^ ^:>i^t ^^Li^ (^ J^4^ J^ U ^jUaâv» yb:>Uî*

.Xo^il (jy-AXi dlJ*>v ^^ iXJjjjOJi ^^^ ^ji>l ii-^ 5«X^I^ tX ^'J oL»>» ^-i <X O^ »j )'*Xj J^*^ i^\ij^

LE LIVRE DES KOUTES ET DES PROVINCES. 101

JâX^ «i c.jiî «^ 2*3^ JàJ» olxîi ^^j JsJ^j jJl j «Xi ^^

tMj-A-^ïi *i^ ,>)^ ^jii (j^ j*Xjb J^Jl ^y^ dtji

^^^...«M^^ IJCJwi >1^ oi Ai^ i^ 5^1^^ ^"^"^ ^^is ^3*^^^^ ^Ujc« A_j^ «X^tX-rfel (j^ ^jj^_5^.o U «X^\^ ï«X-&.î^ J& iCjbl Jsi^

i*N iû^ c^ii ^j(w^ j-iûUôJî^ (jvJ:>Uiîxîl o»-^ U <^^5-w

M -^Z Ml

L>^:> J^i^ii) ^j^ ^^jjtfvwHS^ /0-4-JÎiî ^yx^^ JjUii UoLri?!

^^U l.<yX« *X^.i^ J^ U^" ^Uaû*. cjUJÎ *XÂfi.^ <r I^Aa^ ' Ce mot est omis; nous l'avons rétabli d'après Kazwini.

102 JANVIER-FÉVRIER 1865.

(j^ ^^jX Uj-«5i jjJvi ^ji 0.53 tK tic Js>*>^ ô^Uiî^

jL-^pi (jw« «x->-lj J^ J^-«>^ ^ ^^ c>Jî xjLc. ^^Xo^

j-k« Jt OOU>-j^ ^^1 UxL 4^fi»- f^b^ ^^^ cK^b^^ (^^

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LE LiVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 103

^0^* gî^ iL-kw^ if^^ (^î^)-*^ <j5 fi''^ gl^ io«A^ J{ /o-j' ^1^ iLjL^w ^Uw Ji /o»S' ^[/À iixçw <X^^{ ^^^ Aj ^Kx* j-û^ iÏM*.^ iUAw:>Uii Aj? giji iû*^ iii^î

fJ9)jjS!t^^^ iÛKAM^J jtut ^^^ iUoi»!^ Ji ^' ^^LyO wAM^ "^^^

* B ajoute js^^v^ iù*^ ^^C^-'^t J^ f^ '^ ^^ ^^t probable que le mot iU^lrn'est qu'une répétition fautive du nom de Koulah ksS.

104 JANVIER-FÉVRIER 1865.

Jl ^Jsjdî (ji iUj*xil ^^ Js-=wi ^ i J^i> ô^i '»^>^ S

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVJNCES. 105

/^y-^Uû (jv-s*- f.^X^.-«-Ji XaXc 4^JI ^JCw (^<XÎ| (3-î^iaJî J^-s».Lam.JÎ (JÎ -ctsi- ^^jis»^ iCX^ JjLwÎ i cWoJi Aj *K:^I

iuÂ-j,_^ ^^^ Jjsjj j-fLAi^^ (^yJ*^^^ t4>^^ iS^^^3 ^3J^^

<:> iU^^ jXiil^ JoUj^ ibU»3

L^— A_i JlU JI l^jL« Jljyol ÏJJ^ iiJUiXJLI ,^1 c:>Litç« ^g^ j--i*_* iC-*.JMwJ jLl l^^ i^\jçN*Jl JI Aj> ^KA««^^-ii^ Ijul jLl

B. 3^L.

Les mois compris entre crochets mariffiieut dans la copie A.

106 JANVIER-FÉVRIER 1865.

Jlyoi iùoLC ^^ l^A^^y^^Oî^ -UJl Joui c:>Ujy8 ^^^ iobs-

iC>;.kw ^^ la<w.il* Uïfcxjdt^ ^^HS-< (jy^l^ ^^*^* ^M^ *^^ W^-» >\-A-^ ^j*w^,g^ ^W<J;i -«=^L« l^i *^*»^ >^ oou»- iiî a(vXaw

^jLoi ^Lî^ tî)^ W^3 *^*^À*]5 <JÎ (O'J' !^>uy»^j-û^ iUXj je ' A ajoute )y*««5-

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 107

'i\j^\^ ^SyÂ.^ iL*tjS^ tf^x:^!^ ajUj^ »*m*^^ '»^ys^ ^^^|;

•(^ (jîï'i'^J^ f^'*^^ (j^^^^^ iLfll^S l^Â.*^

JI ^- OuLkJij ^^î J^i^l c:jUjm. J^Uiî y^ Jt ^• (^ijJ^ ^ Uu\ iaJt Jl iLL« ( cj^) :>î;î ^^ / ou'dail

iLj^J> ^hSUî Jl /o^' JU^I iUjU tic I4JU oSi;4^ 1^ ' A. Qj«.«oiy

108 JANVIER-FÉVRIER 1865.

(j^^ J-S'^ ^^^ QJ^ri ^ *^^-*- ^^ S^H*^^ XKii*.'J iL^lôfc *;^

a^-iuij i^y> ^î^jà- Aj> *j-^*i*« djv.^ W^J Wi^* «.^^ ^ AÂjJs.^ cz^yUf J{ ^' q:;:^^^! L^^i&!^ ^U5w l^Ai («^^^^

J^—w^^^ iLjLs*-j^ ^-Ji^Â^ -ï^Uà^ ô^^^ (:y-«>^' O^^^

/ji^-X-âi. (jl ^lxÂ*«? (jw«j ^ iJ«Xx^ Ô^^»^^ -P-LxJufi» OtAAW^

*XJ^ ^<3jJli iOJiâi oi^ ^^^ »;-=SUi «Jsjuo (j^^ l^^js:^;;^ (^_x-i l^stf?y-i c:;j>/--û^ ^ J^ Jj^i 1$ ^iUIÎ iC:^

ô^^^^ (j^y^^ i <^*>Jî tXjvwiiwli j.Aaxîl_5 iiXiaxLi ^^j^î *-Ai^

jLâJI O"^'^ ^ljt\^ ^j^ (JM>^^ i^^ (:H>^^ ^^' liûvXAXj o^^^J^^ (jl*X-$5 «^»-A-A-4I ci^iVJ^^ V*"^^'^ r^^ ^^J^^^ ^j-^ Ô^^-i^^ t^*^J ^^«Xa»^ 5<Xâ^ Ô^^«^^ iî^ ôï-s*' 4jv_A..*-»Aiî^ ^o^xjl ^!^t ô^iVi^3 (J^**^^ ijj/*-*^^ O"^^^^

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. lOU

(J?î-?^ l<yÂAJ^ C:>jj-flj.AJlS*. ô^XJ^^ «*XÂAM^ C^-*^^ ^»Js.-i«>

je ^U;^ JoLiL ô^:^^j,^^jwl ô:^^^^ (j-<?Ji t^:»^^ AAi^

(^j%-*j ô^^XJ^^ wi** ij'^K^^ ô;-ùJî o!5>^^ iU^j cj^^^j *-ib ô^^^^^ U^""^-5 ^\^-^-AS> ô^Vi^j ^j!5\n^^ ^U-w*J^

^j-û^ iL^-w jUis <Ji *UJUs (j^^ ^ JjXoôit^ f^^"^' ô^^>

_^:>^î^ v.ju-LwwJl o^X^J^^ <^ ts^j^i U^^-? **jUr (;j«X*

iCJL.j*X^ (.^^'j^a^^ ^b~* ^^^ fc^^uajC ^yl^ JI jUi (j-«^ ^X-ft jjw«^ Jj'-ÂJ* (jj-tf^îi ti|^*« owl^ U6ji<>o^ Uû^-AoS^ jlÂJà

' Ce mot est omis dans A.

110 JANVIER-FÉVRIER 1865.

^^ <J^^KJ^J^LxJLt o"^^^ is^^j^^ ô^v:^ cr*^ ô^^^ Axi^ j^u=*UAil ô^>c^ t-Jtîi ô^VJ^ v*^' ô^>^ *>ys^J

c^jodî J«=»-Lw_j aJU"^ J^=».U« ^VjL^ *^vst»j ô^^^^ j^3

y^X-{L> -J^-x-i^ (jW^ o^^<^^ ^-*XJt« o^5>J^^ ^^ ô^^^^^ ^ Oj>^^i*-^îj c^^î o^^^^_5 (j:?^^ o>>^^ ^^ t^i> J ^ (j^ (jW^ ci' ôjJ^i cj^3 giy ^^^" ^j^' ^t-x-Uo (j^^

^jj^iii (S^s^^ ujy^-? jV^ ô^^^^j ^^-a^ o^^^^ ^ii^

iLÂj4>^ -J*^-^^ (J^^^J y;^ (Jj^Xi^^ j^jkiij>- O^^^^ -<^^^ (*-jLAA_iîjj A_x-jl ovxj^ f'W-*»'^ (:^"^'^ Ô^^^^ «^4*^

' A. JI^.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROV[NCES. 111

jX-=»- Ci^^^^^ (J^-^^^ U^U^*" Ô5^^^ StXxAoJî O'^K^^

dL-X_w >c-aaw <^J^^ ^lxÂ.o (:5^>^^ wiiXw xj^t «XJu^^ jl«6

qI^X-^ dLL« j_A-j <^«>J (^jJaluûJl oOj ^^y^I J.iû| Jls iuA_À_j)^ l^^j''^ (j^i^^^ j*^mJI AjçX^ /jLçvaaw ?r3>-' CJ^'^ rJfj^^ T^^j"^^ i^y^r^^ ^-^^^^^ W**» ^•^:> (c)^ J^ ^ <r'*'^3

iuCULj a,yM*xi^ iù^jùd^^ ïtXÂiftj (J'I)^^ A.ol:>>vJ3 ijy^j^^

Jb 6 yaX, ^^^ cxil^ iUAw^Aâiiil IJsJb ^^ ^ IdW (Sj^i

112 .lANVlf<:R-FÉVlUER 1865.

iCJs>«>i«« C.>L ^ «X.>^^ ^ ^jN^-O^I ^«Xa^M LJyJ<Xi jMi*S- /ol ■(2)^ iCUw ^j\.*Aa«^ (JV^'J»' ^y^ ^^J^ fi-^*^

Ji Aj iC^k» /fro ÂXovXrs- ^* iL?^ a:? iùUJe

J,*.Ud^Î Ajf ij^3 /O.^' ^^î^-* /OO Uj> aJJ' AAAi^î

^ j-jtXs^ (^ {j^^*-*f*^ /o^' i^\^ (^jS- c:>îi> Aj^ iL^L.tfvJî ij^ 6 HkJL^ iooUJî ij^ (^j^S <5> a5C«

' Dans A, ce mot se termine par un q, et présente le groupe

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 113

114 JANVIER-FÉVRIER 1865.

^ ^jjj Jv^ Jl ^ lis.- |fri' *^>t Jl ^' Jyu Jt

c^jcÛ Jl ^ io^î Jl A^' J>*^ (jî /oo *|^^l Jl

iCJL-)jm (j^ Uj5ï> -Job ^! JjUXt A.'i' iCÂj*xXî

(jbî^i -G) iUl^?Jî JI -j Jl*Ji JI ^ iLfJ^ Jl w J)ljL« f^jJi A-A-*^ LgJjUwl Jl l^^Vftl (j^ iUUJI ^5-io :>î^ J^

(j^ é iL^\

iÛM^

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 11:

rfjLiJL ^^..t^5jû> (jjjjJl <Jooî^J^i -^^j^^î j*»^?^î dLLw^ iÙAjAJUâJl^ iuç^itXj^i^ iLA-:^y»^l^ iUj^lj iCjyo^l^

' B. ^Ul^.

^ A: ciUuJf. Celle copie intervertit souvent l'ordre des lettres. C'est ainsi que, quelques lignes plus bas, elle donne ^ysuit^ pour l^yMKSLjJ , qu'il faut lire ^yAx^.

'^#^

116 JANVIER-FÉVRIER 1865.

Jc»..r^ ciA^j (jb;^î t^ yjj^-x«*j^ iU^sUajL (j3^^^^^

(jj>^l^ «XJ^.^i^ JsjuJîj ^jU (Ji ^^i (j^^ ^ *^?!i^î <jl J^3 OJ'^^-^Jl?^^ jW^^ ^^ '*' (J^*^ ^uax> J.Aa;o» viUi J^

iUJlJuaiî j^ ^j^Àam ti îj);^ 'J^ u^-? fJt^^ *^^ |^^)-^^^»*^*

j.-xjtA-* ^^-^y cj^^ j^^xj:^! (j^ ^/^ (^'V^ ^J^

JI ^- iUJi-^î ^ iùssUs j-A***^ ^^Aoi^î ^yJ:\

^ Les deux copies portent itLs^l, leçon dont la fansselé est évi- dente.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 117

1 ^ . ^ ^ ^^^^^

»»4XÀ (j^ AÀfi tjA»^: ^y^^ ik^MtJi^ (j-« t^***^?^ (Sy^*^ u .?

j,-Jj.jU\^ ÏLmJJ^^ ^jXij\m jJiO^ ^^^ ^^y^3 / vAâ^ «X»-

(jft^JiXj^i^ ff^fXxjio y6 é f^j^^ <-fi>^^

* A : partout ^J^ , nous avons suivi de préférence les leçons de B dans ce paragraphe fort mutilé.

118 JANVIER-FÉVRIER 1865.

iyx^.^ 0"=*^> (0^" c^*^.'î'^b ^j^j"^ A^lss-l^. j«XJLj l^jc^

v.À^I uJir^ (:r^^^ j^ cK^'^ ^ ^;-^i^ »î>? f^^^ i^

jiail (jw4 *Xj ^ Xîil evoJl Joi J^ JyM^ -î^iXsi J^>;.)î

A-ô *Xj>-y dl^JJLî oyo yû_j t.ivsj ^,^1 iUj*x^ «j ^^-^?o ^j^ iilX» /oO^ -M-^ i^^^ <îuj»-Li> /rfwî «.b Jo c^^ W^

ii_xjji jô..iil o^uJl ^^^ j»^X-»*Jl Ijy-A^ i'^li (jj cjW^ (jjj^ «Xj ,y ^^ xaX^ ilj ^j^^Jc* JX« viiX» l,#J^ ^Vjii (;)j>^)>-i**^

' Jl est probable qu'il y a ici une iiouveUe lacune.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 119

^«..^aamJ»^ a^Ujj A^^l^xj ^o.^iAifc. ^^ ç^^l jojUaj cxaaJÎ

^^àL«Jyî çj^ ^<yÀ-A^ ^ ^ ^UJî î*Xi^ ^'^«*-* (3-^ (S"^'

120

JANVIER-FEVRIER I865<

c>''^* «Vr^jj

f^41 cnJI

^Lsoiyi A.jLiLj lx><Jf ^^^ (3y^f

^ oJ?^ ^L^- ^y f Ijofc J L> ^^^'

ju^yi *jij iiUccifi 4iiL

iLA^Uiîj JL^oUJfj iLaul^l AjLcLwj

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 121

Iç^J^ *Xj»-Ij J^dUw j-Cljf yUr^î 0UâaJÎ t-J'U^ çj^^

»^^^j U-j^ l^Js-^ -yù ^ Uj 4>Jî

uxîî iCjUUw IgAiûl (^^-w l^AJ (jl^ <xjt^ ^ >.^îSÎÎ ti ^^"'J? cj^ xJL^eî jJt«^ U-J-^î^* iCÂj4>wo otÀ-«^ <^ IgAiû^ Jj-s*- c^^,^4î?

çj^jJA^ {J^jif (Jt*>-9<^ (iJ^-*J (jUJt^„la.wî^ ^ iJ^J^^ 54XÀ£>.^

> A. U^o.

122 JANVIER-FÉVRIER 1865.

)j-^ |of^-^_Aj l^Jî^'lj o i ^ '^ J^l^l ^J^ cy^j

^ (JâJO^I 3^.fV^l 4;.wJl ! JsJà

' A et BLjjyl.

' Les copies donnent seulement ^f cvA^».» cV^wl. Après ce mot commence une lacune assez longue.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 123

^j\ iô-r^U JE icib l^. ^j

iL^w^sbj i^^ÀJa-J j l^

J-*^

iui^ j-A.^ Sl/-*^^ 4)yJLit îiî ^^j?UJî >i JUùj-wiu a*^^

c^^jûo ^^vi»-« 4J-4J <r Uftjjuoj ^i>- cjU«Jî

U^ O^ ^^ j|>-'^*^'* '-S^ tlivifc *X^^

l^Jj ^^Ji\ iw^Aî^ O^-^î (^**^î ^ (j^^^ i >X!^ 2i]Uu JLiifcwA^..^ l^JLxxkjwi^ iCs^ÂAâ,^ l^JwM»>>!^ ^Ij^i^i (^y^^

^jb^,ill 0..A»J>-l^ JI^WAJ iis^y^Mé^ L^-Â^MWy^î^ ^bUwj^Uô

* A : *.33^.

124 JANVIER-FÉVRIER 1865.

(^3v^-A-*âj^ (ji»2>iyî L^^ ids^î^ (ji>m^ (jy^>^' W3

l1,Â-*>fc.jN.j 1^c_aJ:> l^xi?:!^ ^-fr^JÎ ^ ^_j (J^'è''^*^^^ -^^W'i

j^-jLw^ (^Jî«xiî A^^^lj <^J[U i_^i dUJLI iUï Jlï ^^-ft^'aU tj^ (:Jv.A^ ^^ ^/^-? g^^' -^(^^ f^r^^ 0=^^

L\L LlVHt: DES ROUTES ET DES PROVINCES. 125

^j à*. >^ ^^^J^]\ j.-^^\ ^ JoU^*Xj Xf,àJLi i..f\j>a^h jjo^ <jî

' Tout ceparagraphp est mutilé ot incomplet. ' B :j^ j. '

126 JANVIER-FÉVRIER 1865.

J-**^^ L^Â-^ ^L-|^l ^:>î^ ^i>;*>4) ^^3 ^ 4r^' ^ U^J^dV^ c^**^ ^^=^ C:>^ ^ O^J^ S^ f^'

*HV^ i <-^^^^ idai^î (^^•***^.^ ^^yX^ kiUi> (j^ (^-iî--*^

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Aj -USJî cilLÀiû c^^-***-?.^ iUajuaJLi^ iuSliaii cXx:?? cWisi XAJj jj^-il j«^ Jl ^Vjuibj loUfcXgw^ iUioLo Jlx:s? c^JS»

' Ici finit la copie B. Ce qui suit appartient à la copie A seule- mont.

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 127

^ / (^UJî c^ C:5?y»^ «jÂxJLI^ iûjxîlj AajKJ Ui^

ESSAIS SUR L'HISTOIRE ÉCONOMIQUE

DE LA TURQUIE,

D'APRÈS LES ÉCRIVAINS ORIGINAUX.

PAR M. BELIN,

SKr.BÉTAIBG-INTEnPRÈTE DE L'EMPEREUR À COMSTâNTlNOPLE .

(suite et fin.)

SULTAN SELTM IIL

Ce monarque monta sur le trône le 1 1 redjeb i 2 o3 (7 avril 1 789). L'état du trésor ne permettait pas de songer aux hakhchîchi-djulous; les mévâdjib même n'étaient pas payés; tout ce qu'on put faire pour mé- nager l'esprit des milices, ce fut de leur distribuer un qyst, le 1 5 ramazan^ Résolu, malgré les obstacles, à déraciner les abus contre lesquels tant d'efforts, et en particulier ceux de son père, avaient échoué, sultan Sélim écrivait au qaïmmaqâm, en réponse aux plaintes que provoquaient ses réformes : « Vous connaissez tous les charges de l'Etat; quant à moi, je suis prêt à me contenter seulement de pain pour ma table. A tout ce que je fais, on s'écrie : « 11 agit

^ Djevdet, 246 , 2^7.

128 JANVIER-FÉVRIER 1865.

« comme son père! n Mais, pour Dieu ! le pays s'en va; encore un peu, et on ne pourra plus le sauver; je vous parle sincèrement , agissez de même ^ » Quoi qu'il en soit, le sultan ayant donné Tordre d'augmen- ter de dix honunesle chiffre de chaque orta delopdjis ^ et de prélever leur solde sur les mahloiil, on plaça sous ses yeux des rôles complets, ajoutant qu'il n'y avait pas de vacances, qu'il faudrait attendre vingt à trente ans pour arriver, par les vacances, à l'ins- cription du nombre d'hommes indiqué. « Que signifie cela? répliquait le sultan; en tout et partout, on me cache la vérité; deux de mes barbiers me confessent qu'ils sont porteurs d'èçâmè de topdjis , et pourtant, si je demande des hommes pour farraée, on me dit qu'il n'y a pas de soldats; si j'ordonne des levées, on me répond que le trésor est sans argent; si je veux remédier aux abus, on m'objecte que le temps n'est pas favorable. Je ne veux dépouiller personne; mais j'entends que les mahloal soient donnés l\ qui de droit; si cela est injuste, qu'on s'y refuse; mais Dieu puinra tout ami de la vérité qui ne lui prêtera pas son concours. Voilà, voilà comment périssent les empires! » Au reste, voyant que la réforme ne pour- rait être que l'œuvre du temps seul, et que, dans cet état de complet dénûment, l'armée ne pouvait marcher en avant, le sultan se borna à la défense des places^. D'ailleurs, le pays n'était pas épuisé simple- ment par la continuation des hostilités, mais ill'était

' Djevdet, 265. Cf. plus liant, année io63. ^ /("/. IV. 266.

HISTOIRE ÉCONOMIQUK DE LA TURQUIE. 129

par les taxes de guerre levées en double et en triple , à leur profit, parles aïàns, qâdis, nâïbset autres agents de l'autorité. De plus, quand un vizir était nommé au gouvernement d'une province, il avait, en sus du djâïzè officiel, à faire des cadeaux an grand vizir et à d'autres personnages; et si Yéïâlet était important, il devait payer une certaine somme au zarb-khânè. En outre, les vâlis étant changés deux ou trois fois par an, et passant de Roumélie en Anatolie et vice versa, ils avaient à supporter des frais de voyage considérables, de sorte que toutes leurs préoccupa- tions n'avaient d'autre objet que de rentrer dans leurs débours. Les sièges des qâdis et des nâïbs ètaie\U souillés par la corruption ou l'ignorance. D'autre part, les titulaires de ziâmet, timâr et moiiqâtéa, et les miitéveilis de vaqouf étant criblés de dettes, ven- daient leurs revenus aux sarrâfs , moyennant bonne somme, et par avance^; ceux-ci, à leur tour, les réaffermaientà des tiers, en ajoutant au prix de vente celui qu'ils avaient déjà payé aux premiers vendeurs. Sûrs d'un puissant appui, cessarrâfs assuraient fim- punité aux sous-fermiers, et, en récompense de leur zèle à satisfaire leur cupidité, ils leur promettaient, pour l'année suivante, des iltizâm plus productifs encore; de la sorte , tel mouqâtéa qui avait été affermé vingt ans auparavant au prix de 5,ooo ghourouch, était monté successivement jusqu'à 2 5,ooo ^. Le

' OjcS^I fi^y\ «»ij[ s.iJ(ja (jjjjh «^L^, » Djevdet, IV, 269.

130 JANVIER-FÉVRIER 1865.

djizïè était perçu même des enfants au herceau ^ et les moubâiéadjis rançonnaient le paysan par toutes sortes d'avanies; aussi, dans le khatt adressé au qaïmmaqâm, le sultan s'écrie: ('Aucune vexation, aucune avanie n'a été omise par les agents de l'au- torité; Dieu nous en demandera compte un jour à tous; qu'aurons-nous àrépondre? Vous vous concer- terez avec le cheïkh-ul-islam et les grands de l'empire pour mettre fm aux abus; je veux qu'on dise la vé- rité tout entière. « En exécution de ce firman, dont je ne rapporte pas ici toutes les sévères dispositions, de nombreux medjlis furent lenus pour recbercber les améliorations réclamées par le prince; et, fina- lement, un conseil général eut lieu, au kiosque d'Erivan, sous la présidence du sultan, le 20 cha- ban 1 2o3 (avril 1 789), et devant servir, en quelque sorte, de préliminaire aux réformes qu'il mûrissait'^. Celte assemblée générale fut suivie d'autres réunions tenues chez le cheïkh-ul-islam, l'on discuta les réformes à introduire dans les différentes branches de fadministration. On reparla, sans résultat, de Yemprunt de i5,ooo bourses à contracter en Hol- lande , et l'on songea à solliciter un prêt du gouver- nement espagnol; mais l'un et l'autre projet furent abandonnés, aussi bien que celui d'un emprunt au Maroc ou dans les régences d'Alger et de Tunis. « De quelque côté qu'on se tournât, dit l'historiographe, on recevait de belles réponses, mais point d'argent^.

Voy. mon Éttide sur la propriété , n" 93. ' Djevdct, IV, 271. ^ W. p. 278.

HISTOIRE ÉCOiNOMIQUE DE LA TURQUIE. 131

Aussi, en désespoir de cause, et pressé par la Suède, qui réclamait le payement de son subside \ le gou- vernement dut recourir aux moyens employés sous le dernier règne : la fonte des vases d'or et d'argent et l'altération de la monnaie. Gardant pour son usage uniquement le strict nécessaire, le sultan en- voya au zarb-kbânè tous les ustensiles d'or et d'ar- gent de sa maison ; les sultanes et les grands de l'Etat suivirent cet exemple, ainsi que les gouverneurs des provinces; et le cheïkb-ul-islam interdit l'usage légal de tous les objets précieux, tels que selles, bousses brodées, etc. à l'exception du cacbet et des armes. Les matières d'or et d'argent, arrivant ainsi de tous côtés, furent converties en numéraire, et donnèrent au trésor, au commencement de iioli (septem- bre lySg), une aisance artificielle.

Les bostilités avaient recommencé avec la Russie vers la fin de i ^oS , et Tannée suivante, malgré ses efforts énergiques, le sultan éprouva des écbecs et fit des pertes graves durant l'bivernage de l'armée à Choumla^.

i2o/i (1-789-90). [^a flotte devait reprendre la mer au printemps; mais elle était aussi dépourvue d'bommes que de fonds; et, comme les recrues étaient insuffisantes, un décret impérial, des pre-

' Le mode de payement de ce subside, fixé à la somme totale de 20,000 bourses, avait été arrêté dans un sened, signé à Beïcos, le 18 chaoual i2o3 = 11 temmouz 1789. (Djevdet, IV, 288.)

- C'est dans le récit de celte malheureuse campagne que notre auteur emploie, pour la première fois, l'expression bâchi-bozoïiq «troupes irrégulières. « (Djevdet, loc. laud, Z20.)

132 JAiWIER-FEVKlEK 1865.

iniers jours de ramazan, enjoignit aux fonctionnaires du bîroun et de Yendéroun^ de fournir, chacun selon sa position, cinq à dix hommes équipés, et de les envoyer au capitan-pacha -, les ulémas seuls, prétex- tant leur pauvreté, ne donnèrent pas leur contin- gent^. Déjà , du temps de sultan Abdulhamid , quand ce prince donna l'ordre à ses sujets de porter et de vendre à l'hôtel des monnaies, à raison de lo paras la drame, tous leurs objets superflus d'or et d'ar- gent, les ulémas s'étaient abstenus de fournir une seule drame; et ils avaient agi de même, sous le règne de Sélim, lorsque, l'année précédente, ce prince avait recourir à la même mesure. Non contents de cette abstention, les ulémas, par leurs propos, excitaient encore à la haine et au mépris du gouvernement. Aussi, cédant à son indignation, le sultan, dans un khatt au qaïmmaqâm, s'exprime ainsi : u Chacun sait qu'à mon avènement le zarb- khânè n'avait en capital que 2,000 bourses; les khaznè de Yendéroun et du harèmi-humâioun ne conte- naient pas plus de 1 5o bourses, et le khaznè du miri n'en avait pas une seule; nous avions la guerre avec la Russie et l'Allemagne; le pays était dépourvu d'argent, quand il lui aurait fallu d'immenses res- sources pour lutter contre de si puissants ennemis. Après de longues délibérations, sanctionnées par fetva du cheïkh-ul- islam, j'ai décrété l'envoi au

^ Endéroun-ou-biroun-ridjâli «tous les fonctionnaires.» {Vsci- Zafer, 76.)

5 Djevdet, IV, 369.

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 133 zarb-khânè de tous les objets d'or et d'argent, dé- fendus, d'ailleurs, par la religion, et voici que cer- tains ulémas et ridjâl, égoïstes et impies, blâment ma conduite et tiennent des discours malveillants et séditieux; ce n'est pourtant pas moi qui ai com- mencé la guerre ; je n'ai fait que la continuer, de leur propre consentement. Au reste, il n'y avait guère en caisse, je l'ai dit, que 2,000 bourses; et, depuis mon avènement jusqu'à zilhidjè, le zarb- khânè seul , d'après les relevés que j'en ai fait dres- ser, a fourni plus de 26,000 bourses pour les frais de la guerre. Certes, ce ne sont pas mes détracteurs qui ont donné cette somme; elle m'est venue de Dieu; la religion et fEtat n'ont nul besoin de leur concours; je ne leur demande que du silence, et je saurai punir les perturbateurs du repos public ^. »

Le sultan faisait des efforts inimaginables pour pourvoir aux besoins pécuniaires de farmée^; mais la victoire lui était infidèle, et chaque jour lui ap- portait, pour ainsi dire, la nouvelle d'un nouveau revers jusqu'à la chute de Matchin ^; après quoi, la paix fut signée avec l'Allemagne, à Sistov, le 1 2 zil- hidjè i2o5 (juillet lygi^). L'échange d'un sened, contenant les bases de la paix entre la Porte et la Russie , avait eu lieu à Galatz , le 1 o du même mois^.

1206 (1^91-92). Les récentes mutineries des

Djevdet, IV, 872. ' Id. p. 392.

' Id. p. 47 1 .

* On en trouve le texte dans Djevdet, V, 887. ' Djevdet, IV, f)! i.

134 JANVIER-FÉVRIEK 18G5.

suvâri-odjaqlary , c'est-à-dire des sipâh, des silihtar et des quatre beuluks, pendant ia dernière guerre; Ja désorganisation complète de cette milice figurant sur les rôles pour 12,000 hommes, tandis qu'elle n'en avait que 2,000 d'effectif, la plupart des èçâmè ayant passé dans les mains des kiâtibs et des tclià- ouchs, et étant dits, pour ce motif, qapoulou-èçâmè; l'inobservance du règlement, devenu lettre morte; le rjchvet faisant loi; les quatre cinquièmes de la solde des garnisons frontières gaspillés dans la ca- pitale, le cinquième seul parvenant à destination, ou mieux à des individus ayant le nom de mili- taires, mais dont la seule et unique pensée était de s'enrichir, et nullement de courir sus à fennemi- toutes ces circonstances démontraient furgence d'une réforme radicale de f armée; il en était de même pour la magistrature; le même mal appelait le même remède ^

Du reste, si l'interruption momentanée des hos- tilités avait allégé les charges publiques, les besoins présents et surtout éventuels du trésor nécessi- taient la création de nouvelles ressources; et, entre autres mesures, on rétablit le droit de zidjrïè, déjà imposé du temps de Mourad III, sur le vin et les spiritueux^. En outre, comme le prix des denrées, devenu excessif pendant la guerre, n'avait pu re- prendre de suite son niveau; et, d'autre part, comme la monnaie, frappée à cette époque à un (M!i([uiè)iH'

' Djevdel , V, 74 et sniv. '^ Id. p. 92.

IIISTOJRE ÉCONOMfQUE DE LA TURQUIE. 135 de surélévation , était un obstacle à ce que l'équilibre s'établît, on ne vit pas d'autre moyen de faire di- minuer la cherté qu'en créant une abondance rela- tive par le recensement de la ville et par le renvoi, dans leurs foyers, comme jadis, de tous les étrangers ^

Débarrassé des préoccupations de la guerre, sul- tan Sélim porta toute son activité sur la réorganisa- tion intérieure du pays, le but constant de ses pen- sées; et, tour à tour, le costume, l'armée de terre et de mer et la magistrature furent l'objet de règle- ments organiques importants.

Les forces militaires de la Turquie se divisaient en deux catégories principales :

i*' Armée de terre, qapou-qolou ou cjcipou-khalqy'^, milice soldée et casernée, d'un effectif commun de lio à 5o,ooo hommes; sipâhi ou timariotes «cava- lerie feudataire des éïâlets,)) s'élevant à 200,000 hommes environ;

2*' Armée de mer, ierçânè-khalciy ou azeb, milice soldée de l'amirauté, d'un effectif de 2, 5 00 hommes environ; marine feudataire ou timariote : 10,000 hommes environ.

Les (japou-qolou se composaient d'infanterie (janis- saires el autres corps à pied) et de cavalerie (les six beuluks).

Tous célibataires, les janissaires recevaient, en cas d'infirmité, un uloafè de retraite, et pouvaient alors se marier. En temps de paix , il y avait qapou

" Djevdet, p. 108.

- Voyez ci-dessus, chap. iv.

J30 JANVIER-FÉVRIER 1865.

tous ies sept ans, c'est-à-dire qu'on faisait, sur le defter, le recensement du personnel, et qu'on com- blait les vides par un nombre égal d'hommes; pris parmi les adjémi-oghlan. Le même système élait pra- tiqué pour les djèbèdjis et topdjis. Les adjémi-oghlan étaient des enfants recueillis par le devchirniè dans leur jeune âge; on leur enseignait la langue turque et fislamisme; après un certain temps passé dans leurs casernes, ceux qui en étaient jugés dignes étaient placés dans ïendéroani-humâïoun , les autres incorporés dans les odjaq^ Le devchirmè se prati- quait seulement sur les Bosniaques, les Bulgares et les Arméniens'-^; les fjls de janissaires pouvaient être admis et élevés dans les casernes des adjémi- oghlan et suivre la même carrière ^.

Les six beuluks avaient aussi un (fapoa septennal ; ils se recrutaient seulement parmi les plus anciens agas de ïendérouni-humâïoan , et parmi les plus braves des odjaq d'infanterie *.

La partie feudataire de farmée, dite aussi éïâlâi- açâkiri ^ et éïâletlu-açâkir ^, se composait d'hommes qui , jouissant, de père en fils, du dirlik «pension» du souverain , sur telle partie plus ou moins étendue du territoire, dite ziâniet et tiîuâr, constituaient une

- Voyez ci-dessus, année 1 1 15. Voyez ci-dessus, année io65. ^ Djevdel, \ , 189 ei suiv. ' Id. p. 276. ' Id. p. 277.

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 137 sorte de noblesse féodale dans la nation, se grou- pant sous le drapeau de leurs bannerets respectifs (sandjaq-beï) , et ceux-ci sous le drapeau du beïler- beï ou bâch-bogh a commandant en clief. » Aux plus braves, on accordait un téracfqy d'un aqtchè sur dix de revenu, quand ils s'étaient distingués au combat; les promotions étaient faites sur la présentation de l'alaï-beï, chargé du maintien des règlements orga- niques, et les vacances [mahloal) étaient données aux plus dignes, par bérat de la Porte, sur tezkcrè du beïler-beï ^. Les ziâmet et timâr ne pouvaient être donnés en arpalyq et en pachmaqlyq ^.

Dans la même catégorie, les ïurakân et les ma- cellem de Roumélie devaient fournir un contingent, si les hostilités avaient lieu en Anatolie et vice versa; les piâdégân d' Anatolie étaient destinés aux travaux de corvée de l'armée. Enfin, on comptait encore les âqyndji et les gueunalla, chargés de faire des incur- sions sur le territoire ennemi, service qui incomba plus tard aux Tatars ^. Les garnisons des places fortes se composaient de troupes régulières et indi- gènes^. Ces institutions, si puissantes dans l'origine, mais depuis viciées et désorganisées, n'existant plus que de nom, et ne pouvant opposer aux armées

' Djevdet, p. 21 5. (Voir mon Étude sur la propriété, n'^ 296 et suiv.) ^ Nous avons donné plus haut (année 1 1 69) la définition de Var- paly<j; le pachmaqlyq était une concession, au-dessous de 20,000 aq- tchè, donnée en dotation [méâch] aux hhasséki-qâdin , sur les hhâs impériaux. (Djevdet, V, 292.) ^ Djevdet, V, 2o5.

^X^C JlÀSLJ^^Mtji ^1?^ JyJt là. p. 199.

138 JANVIER-FEVRIER 1865.

modeines qu'un ramassis d'hommes incapables de leur résister ^, démontraient la nécessité de mettre à exécution les plans réformateurs [nizânii-djédid) conçus et essayés par sultan Moustafa, père de Sélim.

La marine feudataire se composait aussi des san- djaq compris dans Yeiâlei du capitan-pacha^. Plus tard, de nouveaux «livas furent ajoutés à cette cir- conscription, et l'on inscrivit au dérïa-cjalémi ((bu- reau des fiefs maritimes» les odjaq des ïaïa et des macellem d'Anatolie. Il se forma ainsi diverses es- cadres [qol, qol), de sorte qu'en sus des navires de l'Etat (min) , la marine ottomane comptait encore quarante à cinquante voiles feudataires. Ultérieure- ment, on voulut réunir en odjaq les soldats de ma- rine (lévend) tirés de ces sandjaq; mais l'indiscipline de ce corps força sultan Abdulhamid à le dissoudre et à en supprimer même le nom. Sultan Sélim ré- forma entièrement ce système, et promulgua une loi réglant le classement des navires de la flotte, l'a- vancement du personnel, l'élévation de la solde annuelle^, vu la dépréciation du ghourouch, Tad-

' ô tV-X^-*wft-û^ ^M-éJiXÂ.* y^LuX- «^-uUl JKm*£. 'sJ^)^ *^J^ ^

^t\J^ji2w«*-y>lwJ «\.^l y (Djevtlet, V, 198, 210.)

* Cet éïalet était composé des sandjaq ou liva suivants: GallipoH, chef-iieu; Négrepont, Lépante, Metelin, Sighadjyq, Qodja-lli, Qarly-Ili, Rhodes, Bigha; et, en Morée, Misistra, Chio, Naxie et Mehdiè. Chaque muf^farrt/" « titulaire» de liva portait le titre de déria-heli, et allait rallier le pavillon du contre-amiral avec le nombre de navires lui afférant. (Djevdet, V, p. 1 1 1 , et Âïni-Ali, édition de S, Exe. Ahmed-Véfyq-Efendi.)

^ SàliâiH'. (Djevdet, V, 169, 2 25.)

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 130 ministration du matériel , et enfin les conditions d'admission ^

Le corps des ulémas , chargé à la fois de l'ensei- gnement et de la justice, appela aussi l'attention de fauguste réformateur. Il fit procéder, le 3 zilqydè, à un examen général des titulaires actuels de roouci- tedrîs «diplômes de professorat,» lequel eut pour résultat de laisser ces diplômes entre les mains seulement de qui en était digne. Le muderrislik con- duit au mevlévïet et au qâzi-askerlik , et Ton parvient à ce premier grade par le malâzémet « suppléance, » lequel s'obtient après un certain stage dans les me- drècè , en qualité de dânichmend; le tâlib « élève, n postulante ce dernier titre, reçoit les leçons^ d'un professeur du degré khâridj ; il est adressé ensuite à un second professeur, puis à un troisième, et, après avoir passé en qualité de dânichmend par les degrés khâridj , dâkhil et sahn, il devient mulâzini, son tour venu , et son nom est inscrit sur le rouznamtchèï-hu- mâïoun. Le mulâzim qui établit ses droits au titre de mumtâzul-aqrân vè-qydvetal-uléniâil-mahaqqycjyn^ re- çoit d'abord d'un professeur khâridj le diplôme de professeur; puis, avançant hiérarchiquement, il devient muderris des rangs dâkhil et sahn; ceux qui ne peuvent atteindre ce degré passent dans la magistra-

' Djevdet, p. 169. ( Voyez, sur la technologie maritime ottomane, Djevdet, p. i34 et suiv.)

'o^jM^^:

^ Voyez mon Idjâzè «diplôme de licence pour le professorat,» Jonrn. as. mai-juin i855, p. 548.

140 JANVIER-FÉVRIER 1865.

lure [cfâzilyq). Autrefois les simples dânichmend du salini-cémân «des- huit medrècè de la mosquée de Fâtih » étaient tous des ulémas distingués, dont les plus anciens, dits moa'id « répétiteurs, » étaient char- gés d'une téiimmè-medrècèci a chaire complémen- taire \ )) ils professaient avec distinction; mais la désorganisation et la démoralisation de ce corps éminent, et jusqu'alors respecté, datent, dit notre auteur, de l'an looo (loga)*^; et elles n'ont cessé d'aller, depuis, en croissant. Aussi, sans compter sur une réforme radicale et complète, le gouvernement prit une série de dispositions relatives à l'admission, à l'avancement et à la rémunération des emplois, dans l'espoir d'obtenir, avec le temps, des améliora- tions réelles ^.

120-7 ('79^'9^)- ^ l'effet de pourvoir aux dé- penses du nouveau régime, il avait été décrété* que les mahloulât de certains moucjâtéa ne seraient plus vendus, mais administrés directement en ilti- zâm par la direction de l'hôtel des monnaies. On voulait étendre l'application de ce système; mais comme la plupart des hauts fonctionnaires [ridjâl) n'avaient d'autre revenu que celui des mouqâtéa, on ne put adopter d'une manière générale cette mo- dalité qui les aurait privés de leurs moyens d'exis-

' Djevdet, V, 172 et suiv. (Conf. Hammer, VI, 244.) - Conf. Qoutchi-Beï, chap. v.

* Djevdet, V, 1-79, d'après le laïlia de Tatardjiq-AbduHali-EfGiidi , sadr de Rouuiélie.

JujjJjl iU:"! *ULi Djevdei, V, 269.

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUJE. I4l

teiice, et l'on se borna à décréter que ies maliloalât des mouqâtéa d'un revenu excédant i o bourses se- raient seuls retenus el. administrés en iltizâm par le zarbkhânè. Du reste, cette année i 207 vit succes- sivement paraître la réorganisation des ziâmet et timâr, l'augmentation du corps des officiers de ma- rine, l'élévation de leur solde, la construction de plusieurs navires de guerre, parmi lesquels le vais- seau impérial itakht-^éfînèci) dit Açâri-Noiisret «le Viclorieux ^ » la réforme du corps des bombardiers et mineurs, la formation de l'infanterie régulière^; puis enfin, pour subvenir à toutes ces dépenses, évaluées à 20,000 bourses par an, et que le budget ordinaire ne pouvait couvrir, la création d'un nou- veau fonds dit irâdl-djédid , et, le i3 redjeb, celle d'une administration centrale , placée sous la direc- tion d'un haut fonctionnaire, réunissant entre ses mains les charges de defterdâri-chùiqy-çdni , de nâzir de l'infanterie régulière^ et de defterdâr de Yirâdi- djédid. Le capital destiné à cette administration se composait :

1" Des moaqâtéa des dériâ-ziâmet et timâr, alfec- tés, avant le nizâm, à l'amirauté;

Des droits sur le coton, des moaqâtéa perçus directement par le mîri, à partir de 1208, et des eshâmi-mahloiilè , à compter de la date du nizâm;

' Djevdet, V, 279.

^ Voyez le qânoun de ce nouveau corps, édicté seulement le 1" zilhidjë 1210. (Djevdet, V, d/ig et suiv.) ^ O;^^"* v^^ J^S^^Aj. Id. p. 275.

J42 JANVIER-FÉVRIER 1865.

Des khoumbaradji-timâri , ainsi que des mon- (jâtéa et eshâm du mîi'i et du liaréméïn d'un revenu au delà de lo bourses, et qui, selon le nizâm, de- vaient être retenus par le mîri^;

li° Du î3roduit du zidjrïè, depuis son établisse- ment;

Enfin, prenant les attributions du mevqoufât, cette administration devait encaisser, jusqu'en mars suivant, le revenu des ziâmet'et timâr devenus mah- Joui par le décès du titulaire avant la moisson^.

La comptabilité de ces fonds, déposés dans le khaznèï-irâdi-djédîd , établi au (japou-aracy, devait être présentée au sultan; l'excédant des recettes sur les dépenses, déposé dans un bâtiment spécial, au zarb- khânè, devait venir en aide aux dépenses du miri- khaznècy, ordonnancées par khatti-humâïoun , avec indication de la nature , de la quantité et du lieu de la dépense^. Le i5 du même mois, l'odjaq des topdjis, et, le i*" ramazan , celui des arabadjis furent réunis à ce ministère*.

D'autre part, convaincu que l'altération de la monnaie portait une atteinte grave au crédit de l'E- tat, sultan Sélim voulut encore diriger ses réformes sur ce point important; de nombreux medjlis eurent lieu, dans ce but, cbez le cheïkb-ul-islam; mais cer- tain personnage, trop intéressé au maintien du statu

' Voyez ci-dessus, année i 207.

- Djevdet, V, 277. (Conf. ci-dessus, chapitre iv. Budget d'Eïonhi- Efcndi.)

^ Djevdet, 268, 2 7(>. * /(/. 277, kk:>..

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 143

r/ao, parvint àinfîuencer l'entourage du prince, et il Tut décidé, non-seulement de continuer à frapper des ikilik, mais encore d'introduire une nouvelle monnaie du même genre , le ïazlak^.

1208 (1 7 g 3). Au mois de rebi-ewel fut aboli le monopole de l'approvisionnement de l'armée pour les céréales, concentré jusqu'alors dans les mains des mouhâïéadji; et l'on créa, sous le nom de zakliirè- nazârèii «ministère des subsistances,» un départe- ment spécial, à la tête duquel fut placé le defterclâri- chiq qy-sâli s , chargé des approvisionnements et aussi de la protection des intérêts du commerce^. De cette époque date encore l'établissement de l'impôt dit resmi-ïapaq « droit sur les laines, » s'élevant à un para par mouton; la perception en fut attribuée aux agents^ de la defterdarie de Virâdi-djédid. C'est éga- lement au même temps que, dans un esprit d'éco- nomie, on supprima lestaïin affectés précédemment à l'entretien des ambassadeurs étrangers, durant leur séjour sur le territoire ottoman*.

^f^' 0^5t.Ji.5 LÀi'^^j f3cV^_5 «OwIajI cJy)iCLSÇ\ 00 1^ n0^^j»}j Djevdet, p. 291.

2 Djevdet, V, 3i5.

^ Oummâl. Mirkliond [Vie de Djenguiz^p. 167 et 160) emploie ce mot dans le sens d'agents du souverain et comme synonyme de huk- kiâm; l'acception est ici tout autre.

* Djevdet, Sdg. (Cf. mon Ftade sarla propriété, 25g -, Rycaut, J, 190). Des charges du même genre pesaient également, en France, sur les alleux. (Guizot, Essais sur l'hisl. de France, p. 84.) ^Ls-^>^ f tJiv»i (^^^ désigne aussi bien les envoyés des souverains étran- gers que ceux des princes tributaires. (Naïma, II, 386; Izzi, 66 v";

144 JANVIER-FÉVRIER 1865.

Ici se termine la série des historiographes ; privé désormais de ce précieux secours, ce sera à l'aide de notes tirées de documents publics ou officiels que je conduirai rapidement cette esquisse jusqu'à nos jours.

S 9. 1220-1279. SUPPRESSION COMPLÈTE DES ANCIENNES MILICES;

MONNAIES OBSIDIONALES ET FIDUCIAIRES ; TAtiZmAT, PAPIER-MON- NAIE; NODVKAD SYSTÈME DE MONNAYAGE DE BONNES MONNAIES D'OR ET D'ARGENT; EMPRUNTS À L'EXTERIEUR; KHATTI-HUMAÏOUN DE l856; RETRAIT DU QAÏMÈ ; PUBLICATION DU BUDGET DE L'ETAT; EQUILIBRE; EXCÉDANT.

SULTAN MAHMOUD.

Ce prince succéda, le 28 juillet 1808 (i2 23), à son frère, Moustafci IV, dont le passage sur le Irône fut d'une année seulement. A peine en possession du pouvoir, sultan Mahmoud voulut continuer l'œuvre des réformes; mais le soulèvement des mi- lices l'arrêta bientôt; les janissaires incendièrent les casernes du nizâmi-djédid «nouvelles troupes,» et vinrent ensuite protester de leur fidélité aux pieds du souverain. Celui-ci, qui, aux qualités de sultan Sélim, joignait aussi celle de savoir se maîtriser, dissimula sa colère, et, cédant en apparence au vœu des milices, il renvoya à dos temps plus propices

conf. ci-dessus, chap. iv, budget; et chap. v, année 1 i3i et 1208.) H semble résulter de certains passages des Néyociations que ces rations étaient considérées, dans l'origine, comme une compensation des présents diplomatiques apportés aux sultans par les ambassadeurs étraLtig^TS, et vice versa. [Nétjociations, II, 684; Ht, 568, IV, 98, 755.)

4

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 145

l'exécution irrévocable de ses desseins. En efYet, la suppression de fait et de nom de l'odjaq des janis- saires eut lieu, par firmandu i i zilqydè i 2/11 (i 5 juin 1 826)^; et l'armée ottomane, en mémoire peut-être de la victoire remportée sur les milices par les troupes régulières ^, reçut le nom de moaallam-açâkirl-man- sourièï-moiihammédïè^. La suppression des sixbeuluks, qui, d'ailleurs, n'existaient plus que de nom depuis longtemps, suivit de près celle des janissaires'^. A la suite de cette violente secousse, sultan Mahmoud s'occupa de régler ses rapports avec l'Europe ; des négociations furent ouvertes avec l'Angleterre et la Russie; les premières aboutirent au traité de paix du 5 janvier 1809; les secondes ne furent pas aussi heureuses, et les hostilités continuèrent. C'est pour suppléer à la pénurie du Trésor, et pour subvenir aux exigences de cette campagne, que fut frappé, l'an ni du règne (1 29.5 1 810), le bechlik^ ou pièce de 200 paras, égale de poids à l'ancien ikilik, mais dont la valeur intrinsèque, en piastres médjidïè, était de 18 piastres 8 paras, tandis qu'elle aurait être de 26 piastres y. Pour ce motif, ce bechlik fut dénommé djihâdïè , «monnaie de guerre, obsidio-

^ Voyez le texte dans VUsci-zafer, p. 1 1 1; traduit en français par M. Caussin de Perceval.

- Id, p. 108.

■^ Id.ip. 1 1 5 ; « armée régulière impériale. »

" Id. p. 249.

^ Fraehn a donné la description de cette pièce (iîecenito, p. 523), dont Marsden a, reproduit le dessin (Tome I, pi. XXVII, n" 5 10). Voir aussi le Tarif ojjiciel de l'hôtel des monnaies. Cette monnaie est connue, dans le commerce, sous le nom de «vieux bechlik. »

146 JANVIER-FEVRIER 1865.

nale. » Les événements qui se déroulèrent de i 8 1 b à 1828, loin d'améliorer l'état des finances, ne firent que l'aggraver, et sultan Mahmoud, n'ayant pas d'autre ressource, dut encore se résoudre à lever un nouvel impôt sur ie pays même , par une altération plus considérable de la monnaie de billon, qui' ne laissait à celle-ci qu'une valeur purement nomi- nale. Un nouveau bechlik fut émis avec ses division- naires \ dits ïuzluk, iïrmilik et onloacjy pièces de 1 00 , 20 et 10 paras. Le vieux bechlik, d'un module un peu plus grand que le nouveau, portait pour différend un cordon autour de l'inscription et du toughra; sur le nouveau, ce cordon ou chaîne [zindjîr) est remplacé par deux croissants concentriques, réunis, à la partie inférieure, par un nœud de ruban. Les plus anciens hechlik que j'ai vus sont de la 22^ année du règne, répondant à 1 2/i5 (1829-1 83o); j'en ai vu également des années 1 2/16, 1 2A7 et 1 2/18 (i83o à i833).

L'émission de ce bechlik, y compris ses division- naires, a été, au titre de 0,220 à 226 millièmes, de 1 1 5,000,000 de piastres; sa valeur intrinsèque et, proportionnellement, celle de ses divisionnaires^, se décompose comme suit :

i3o paras argent Totalité émise : 74,760,000 piastres. 1 // cuivre /' 576,000

j3i valeur intrinsèque. 69 surélévation » 89,675,000

200 paras. Somme égale. . . 1 1 5, 000, 000

> Aqçânii (Tarif des douanes). ^ C'est-à-dire: 2 pièces de

HISTOIRE ÉCOiNOMIQUE DE LA TURQUIE. 147

En 12/18 (i832-i833), épocjue du conflit lurco- égyptien, parut un troisième hechlik, avec abaisse- ment du titre , et, par suite, accroissement de la suré- lévation; ce bechlik est indiqué par un point placé au-dessous et au centre du nœud de ruban qui relie le double croissant. L'émission de ce bechlik, dit pointé, à raison du ditférend, a été, y compris ses divisionnaires, et au titre de o, 1 70 à o, 1 76 millièmes, de 2/i5, 000, 000 de piastres; sa valeur intrinsèque, et, proportionnellement, celle de ses divisionnaires, se décompose comme suit :

101 paras argent. Totalité émise : 128,725,000 piastres. 2 // cuivre // 2,A5o,ooo

io3 valeur intrinsèque. 97 surélévation // 118,825,000

I 00 paras Somme égale . . . 245, 000, 000

J'ai eu sous les yeux des bechliks pointés des 26*, 28^ et 3o'' années du règne, c'est-à-dire de 12/49 ^ 1253 (1833-1837).

L'émission du hechlik, en ne considérant pas le fait de l'altération de la monnaie, eut son impor- tance à un autre point de vue; c'était un pas de plus dans l'application aux monnaies ottomanes du sys- tème décimal, défmitivement établi ensuite par le monnayage de la livre d'or médjidïè à 100 piastres, avec ses divisionnaires relatifs.

Le règne de sultan Mahmoud vil aussi la mise en

2 piastres et demie, ou 5 pièces d'une piastre, ou 10 pièces de 20 paras, on 20 pièces de 10 paras.

148 JANVIER-FEVRIER 1865.

circulation d'une autre monnaie de billon : Valtylyq , pièce de 2Z10 paras ou 6 piastres , moins altérée que le bechlik, et se rattachant peut-être au système du zolota, dont il serait le huitième multiple. L'altylyq , encore en circulation, comme le bechlik, a pour di- visionnaires Yutchluk («pièce de 3 piastres,» et Vali- micMik «pièce d'une piastre et demie,» dite par Marsden double zotota^. Les altylyq que j'ai eus sous les yeux sont de la 26*' à la 3 2^ année du règne : 1 2/19 à 1255 (1833-1839).

L'émission de Y altylyq , y compris ses division- naires, a été, au titre de o,/i35 à o,/i/io millièmes, de 13-7, 7-76, 369 piastres; sa valeur intrinsèque et, proportionnellement, celle de ses divisionnaires, se décompose comme suit :

285 paras 1/2 argent. Totalité émise. 1 17,970,160 piastres. 1 cuivre // 574,06/^

206 1/2 valeur intrinsèque. 33 1/2 surélévation 19,231,1/45

2/10 paras ou 6 piastres. Somme égale. 1 37,776,369

SULTAN ABDUL-MEDJID.

1 2 55 (1838-1839). Ce prince succéda à son père en rebi-akher (1" juillet 1839); peu après son avè- nement, il proclama et institua le système de ré- formes organiques connu sous le nom de tanzîmâti- khaïrïè ((heureuses réformes, » lequel, en créant un nouvel état politique des personnes, ne modifia pas

' Loc. laud. p. 373.

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 149 moins la constitution économique du pays, par une série de dispositions législatives qui en opèrent la transformation ^

1256 (1839-18/10). Toutefois, les embarras finan- ciers légués par le dernier règne, et accrus des non- valeurs résultant en partie des modifications ra- dicales apportées dans le système administratif de l'empire , conduisirent les conseillers de la couronne, en vue de remédier aux difficultés d'une époque de transition, à recourir à l'usage du papier-monnaie, dont l'histoire orientale, d'ailleurs , et même celle de l'Europe contemporaine , offraient divers exemples^.

La première émission de ce nouveau signe moné- taire, qui reçut le nom de qâïmè'P-miitèbèrèï-naqdïè^, expression répondant à celle de papier-monnaie, fut dansle principe, selon le rapport de Munif-Efendi^, de trente- deux mille bourses seulement , remboursables au bout de huit années, et portant intérêt annuel

' Elaborées dans le sein du Conseil de V ahkiâmi-adlïè , puis dans celui du tanzimât, les lois de la seconde série sont réunies dans le Destour, « code, » publié à Constantinople, en 1279.

2 Voyez D'Ohsson , Histoire des Mongols, II, 428, 629, 6(4i; IV, 101; le texte de Vassaf sur le tchao, texte et traduction par M. Defré- mery, Joiirn. asiat. novembre i843, p. 286; M. Reinaud, L'Empire romain et l'Asie centrale, même recueil, mai-juin i863, p. 3/i/i et 345.

^ Synonyme proprement dit de tahrirât «note écrite; » c'est dans ce sens que le même mot est employé par Soubhi , 2/i v°, 48 , 56 , et par Izzi, 73 v°.

* Au pluriel : qavâïmi-naqdïè et evrâcjy-naqdïè.

^ Premier traducteur de la Sublime Porte, et l'un des princi- paux rédacteurs du Medjniouaî-funoun. (Voy. Journal Je Constanti- nople du 22 octobre 1S62.)

150 JANVIER-FÉVRIER 1865.

de 8 p.o/o ; chaque pièce, au maximum de 5oo pias- tres, était écrite à la main, en forme de sergui^, et devait circuler à Constantinople et dans les provinces ; mais la contrefaçon s'étant bientôt exercée sur ces (jâïmè, le gouvernement décida, en zilhidjè 1266 (janvier i84o), de les retirer et de les remplacer par des qâïmè imprimés: ce retrait ne fut opéré que le 3o chaoual i2 58 (novembre 18/12). Cette seconde forme du qâïmè fut elle-même modifiée, afin d'empêcher la contrefaçon; puis le chiffre des différentes émissions fut réduit, l'intérêt abaissé de 8 à 6 p. 0/0; et enfin, l'usage du qâïmè à intérêt et celui des coupm^es , sans intérêt , de 20 et 1 o piastres, restreint à la capitale seulement.

1260 (1844). Cette sorte de réforme du papier- monnaie fut suivie de celle des espèces métalliques, et, à partir du i*''^ février iSlik , fhôtel des monnaies de Constantinople frappa, aux titre et poids suivants, des monnaies d'or, d'argent et de cuivre, ayant pour étalon Yaltoun, dit ïazluk ou ïazlak médjidïè^n écu ou Hvre d'or, » à 100 piastres médjidïè.

Titre, poids, valedr intrinsèqce et quantité des nouvelles monnaies frappées à Constantinople, du i*''^ février iSlili au 3i juillet i856.

Monnaies d'or [altoan meskioakât) : pièces de 5oo, 260, 100, 5o et 26 piastres.

Valeur émise : 1,202,397,600 piastres.

' Voy. ci-dessus, chapitre m, S 3.

^ Voyez Tarif des douanes précité, p. 96; 110 piastres médjidïè égalent une livre sterling.

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 151 Titre : 0,916 1/2 millièmes^; tolérance : 2 mil- lièmes en dessus ou en dessous.

Poids; pièces de 1 00 piastres : 2 drames, li qyrats, égalant 7 grammes 2 1 6 milligrammes de France. Valeur intrinsèque de la pièce de 100 piastres :

2 dr. 1 qyrat = 6 gr. 6i4 milligr. or fin.

// 3 «/ = // 602 If cuivre.

2 dr 4 qyrat rr: 7 gr. 216 milligr.

Monnaies d'argent (gumuch-meskioukât) : pièces de 20, 10, 6, 2, 1 piastre, et demi-piastre.

Valeur émise : 41/1,571,775 piastres.

Titre : o,83o millièmes; tolérance : 3 millièmes en dessus ou en dessous.

Poids; pièce de 20 piastres : 7 drames, 8 qyrats, égalant 2 4 grammes 55 milligrammes.

Valeur intrinsèque de la pièce de 20 piastres :

6 dr. 3 qyr. i6/32 = 19 gr. 945 milligr. argent fin. i /y 4 '/ 16/32 = li u 110 // cuivre.

'j « S II = 24 ^ o55 '/

Le gbourouch « piastre » médjidïè pèse 6 qyrats ottomans, soit 1 gramme 202 milligrammes 2.

Monnaies de cuivre (nahâs-meskioakât) : pièces de 4o, 20, 10, 5 paras ^ et 1 para.

Valeur émise : 1 7,253,000 piastres.

Titre : Les anciennes pièces de 4o et 20 paras

^ ^J^3 lJ^^^ ^3 *^^^' pur.» [Sal-nâme de 1280.)

^ Sal-ndme, id. p. i52.

^ Le huitième [çumun) de la piastre.

152 JANMEH-FÉVKIEK 1865.

contenaient 96/1 00'" de cuivre, 3 d'étain , 2 de zinc et de plomb ; le poids de la pièce de 20 paras était de 5 drames = 16 grammes 36 milligrammes; il est actuellement de 3 drames 5 qyrats 10 otoiiz-iln = 10 grammes 693 milligrammes^

Le gouvernement, nous l'avons vu, ne se dissi- mulait pas les inconvénients et les dangers de l'exis- tence du papier-monnaie; aussi essaya-t-il maintes fois de l'enlever de la circulation, d'abord par le retrait du qâïmè à intérêt, au moyen d'une contri- bution ijânè) prélevée sur les fonctionnaires et les sujets ottomans; commencée en 1 268 (1 85 1), l'opé- ration fut suspendue par la guerre d'Orient; et, au contraire, le gouvernement se vit obligé d'émettre des coupures de 20 et de 10 piastres, dites ordou- cjdimècy, devant avoir cours dans les localités occupées par l'armée; cette espèce spéciale de qaimè s'élevait au chiffre de 171,260 bourses.

Enfin , surmontant les difficultés d'une autre époque, à l'endroit des dettes extérieures^, la Tur- quie réussit à contracter, à Londres, le 2/1 août i85/i, un emprunt de 3, 000, 000 de livres sterling; et les gouvernements de France et d'Angleterre ayant ga- ranti le payement des arrérages, une commission mixte, siégeaient un inspecteur général français (les finances et un délégué anglais^, fut chargée de

^ Sal-nâmè, loc. laud. - Voy. années 1 198 et suiv.

' M. de Codrozy, inspecteur général de la trésorerie de l'armée d'Orient, et fou M. Falconnet, directeur de la Ban([ue ottomane.

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 153

surveiller l'emploi des fonds de cet emprunt. Ces deux faits importants en déterminèrent un troisième qui ne le fut pas moins : la réforme administrative. En effet, une loi organique des finances, édictée le 1 8 zilqydè 1271 (septembre i855), prescrivait, en treize articles, la confection préalable, et par exer- cice, des budgets ministériels, la division, par cha- pitres, des recettes et des dépenses, la création de la liste civile ^ etc. Dans la même année i855 , un se- cond emprunt de 5, 000, 000 de livres sterling fut conclu en Angleterre.

1 856 ( 1 2 7 2 ). Ici vient se placer le khatti-hamâïoan du 1 8 février, dont les dispositions assignent à ce document un rang important dans Thistoire écono- mique de la Turquie^.

En septembre 1887 (sefer 1 2 7 Zi), le gouvernement créa, pour 1 5 0,000 bourses, des titres de rente, dits eshâml miimtâzè^, à 8 0/0 d'intérêt , et remboursables dans trois ans; délai prorogé, faute de rembourse- ment. Peu après, et dans le cours de la même année, parurent d'autres titres de rente, dits khaznè-tahvîli «bons du trésor,» à 6 0/0 d'intérêt, et remboursa- bles le 1/1 3 mars 1861 ^. La dette publique était définitivement créée.

Enchaban 1276 (septembre 1 858), un troisième

' Voyez, pour le texte original, Destour, p. 260 et suiv. et pour la version française, \c Journal de Conslandnople du 27 septembre 1 855.

^ Voyez mon Etude sur la propriété, chap. x. Consolidation de selùnis; même expression employée pour les hhazne-tahtîli, dits, après cette opération, tahvîlâti-mumtâze .

' Par notification du i5 février 1861, ces titres de rentes, con-

154 JANVIER-FÉVRIER 1865.

emprunt de 5, 000,000 de livres sterling est conclu à Londres, à l'effet de retirer le qaïmè; ce résultat n'est obtenu que partiellement : sur 1, 238, 000 bourses de qaïmè, alors en circulation, 1,088,000 sont re- tirées, 1 5o,ooo restent encore ; et, pour les couvrir, on lève une imposition dite iânè, sur la propriété; cette contribution produisit 90,000 bourses; res- taient donc encore 60,000 bourses à retirer; pour cette somme minime, l'opération entière avorta.

En septembre 1869, le règlement des dettes du palais donne lieu à l'émission de nouveaux titres de rentes dits eshâmi-djédidè «nouveaux séhims, d dits, selon l'acception vulgairement adoptée «consolidés, » à l'intérêt de 6 0/0 , remboursables en vingt-quatre ans; la totalité de l'émission était de 1,000,000 de bourses, à répartir par tiers, dans le terme de trois années. La même année vit émettre encore les bons dits sercjais de dix ans, ou consolidation des sergiiis de la liste civile, à l'intérêt de 6 0/0, et remboursa- bles en cinq annuités, à partir de la cinquième an- née (i865).

Les charges de l'État allaient en croissant, et, à l'efTet d'aviser, le gouvernement créa, en octobre, une commission spéciale furent appelés des fonc- tionnaires supérieurs des finances de France, d'An- gleterre et d'Autriche ^ La commission avait, en

solides sous la dénomination de tahvîlâti-mumtâzè , sont amortissables en vingt-quatre ans.

^ MM. le marquis de Ploeuc, inspecteur général dos Gnances. actuellement directeur général de la Banque impériale ottomane , de

histoirp: économique de la Turquie. 155 quelque sorte, pour mandat d'appliquer les prin- cipes de la loi du 1 8 zilqydè 1 27 1 ; mais recevant des attributions plus étendues par décret du 5 zil- hidjè isyy (2/1 juin 1860), elle prit le titre de « Conseil supérieur des Trésors , » et un ex-grand vizir fut placé à sa tête. Au nombre des résultats dus aux soins de la Commission financière et du Conseil des Trésors, figure, en première ligne, la confection ré- gulière des budgets, dont l'extrait général accom- pagne le rapport sur la situation financière de l'em- pire présenté au sultan , par Fuad-Pacha, grand vizir, en février 1862.

1860. Un quatrième emprunt, contracté en vue du retrait du cjâïmè, et qui ne put sortir son plein et entier effet, est conclu à Paris, le 29 octobre, au chiffre primitif de /ioo,ooo,ooo de francs, réduit ensuite à 2,087,000 sterling. En désespoir de cause, le gouvernement mit à l'étude un projet ne consis- tant plus dans le retrait actuel du qâïmè, mais, au contraire, dans son extension momentanée à tout l'empire , sauf les provinces de Djedda et du Yémen, moyennant telles combinaisons qui permettraient d'en effectuer le retrait dans le délai de dix -huit années '.

Lackenbacher, conseiller aulique de S. M. l'empereur d'Autriche, et feu M. Falconnet, alors directeur de la Banque ottomane.

' On peut voir, dans ia communication officielle du 1 4 avril 1861, l'ensemble, en onze arlicles, de ce plan financier, qui, d'ailleurs, reçut bientôt un commencement d'exécution; en efifet, une com- mission inamovible, dite de «remboursement du qaïmè,» fut insti- tuée, avec mandat de contrôler et de diriger les diverses mesures

156 JANVIER-FEVRIER 1865.

SULTAN ABDIJL-AZIZ.

Toutefois, et en attendant la mise à exécution de ce projet qui devait entrer en pratique le i/i 3 mars 1862, les ateliers de l'hôtel des monnaies fabriquaient du qâimè pour subvenir aux dépenses; et chaque mois 60,000 bourses, en ^aim^ de 10, 20,00 et 100 pias- tres, étaient jetées sur la place de Constantipople ; il en résulta une dépréciation considérable du pa- pier-monnaie; la livre d'or rnédjidïè atteignit, gra- duellement, le chilfre de 260 piastres en qâïinè ; et le jeudi 1 o djemâzi-akher 1 2'78 (i 2 décembre 1861), celui de 3So piastres ! En présence des dangers de cette situation, le gouvernement renonça au projet de l'extension du qâïmè , et résolut, quels qu'en fussent les sacrifices , d'en opérer le retrait complet.

1862 (1 278). C'est sous cette impression qu'a été rédigé le khatt du 1 8 redjeb (i 9 janvier 1 862 ), pres- crivant au grand vizir la publicité du budget, k afin de mettre sous les yeux du contribuable l'emploi des deniers publics. » Le grand vizir exécuta cet ordre par la publication du rapport et du budget précités' ; et,

de l'opération; et 1 5o millions de piastres cjaïmè furent distribués aux populations des provinces, contre monnaies d'or ou d'argent de bon aloi, à dire de prêt, pour une année, jusqu'à fin mars 1862, époque à laquelle les porteurs de ces qaïmè auraient la faculté de les livrer à la circulation , el d'en disposer à leur gré. Le montant (les sommes provenant de cet emprunt, versé dans les caisses de ia commission, et remis au grand vizir, le 20 mai 1862 . a été de 1 26,18/4,789 piastres, soit environ 26,555,129 francs.

' Le budget pui)lié est celui de 1 277; il était accompagné de ta-

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 157

peuaprès, un cinquième emprunt, de 8,000,000 de livres sterling, fut contracté à Londres, pour le re- trait exclusif du qâïmè et la consolidation delà dette flottante. Concurremment à son appel aux capitaux étrangers et indigènes, le gouvernement faisait une quatrième émission ^ de titres de rentes consolidées [eshâmi-djédîdè) , dites azîzïè, et créait une nouvelle série de séhims ou eshâmi-aâdïè « séhims ordinaires ou rentes viagères 2.» Grâce à ces mesures non moins habilement conçues qu'exécutées, l'opération du re- trait du qâïmè , commencée le 1/1 3 juillet 1862, était achevée le 12 septembre suivant; et la livre

bleaux iiuliquanl les prévisions budgétaires de 1278 : ces chiffres étaient, en recettes, de 3, 807, 368 bourses; et, en dépenses, de 3,iio,8»3. Le rapport du ministre des finances sur le budget de 1279 dit (p. 5) que «selon le résumé du budget de 1278, la tota- lité des recettes s'est élevée à 3,32 2,o/i2 bourses. »

' Tertîbi-râbi.

^ Telle est l'interprétation dece mot donnée par le ministre des finances, dans son rapport précité, p. 2. Toutefois, ces rentes ne sont pas viagères, dans l'acception propre du mot; le détenteur en peut faire la vente, la cession, même à son lit de mort; la rente viagère ne s'éteint et ne fait retour à l'Etat que lorsqu'elle se trouve en la possession d'un individu décédé. Il en est évidemment de même des séhims, mouqâtéa, ziâmet et timâr dont les arrérages sont inscrits aux cliapitre m, titre 11 des budgets de 1862 et 63; et les séhims men- tionnés plus haut sont sans doute du même genre. (Cf. ci-dessus, ch. IV, budget d'Eïoubi-Efendi, année 1 106, et mon EtvJe sur la propriété, n°' 353 et suivants.) Une décision de l'autorité supérieure, en date du 27 redjeb 1280, vient de prescrire la révision an Mâlïè'. des titres de séhims, moucjâtéa, ziâmet, timâr et vazâi/, actuellement existants; faute parles porteurs de remplir les formalités prescrites, en temps voulu, leurs titres de rente seront considérés mahloul « va- cants» et feront retour à l'État. (Voy. Terdjumdni-ahvâl du 27 re- djeb 1 280.)

158 JAiNVlER-FÉVRIEK 1865.

médjidïè, abaissée graduellement jusqu'à 160 pias- tres, le 12 septembre, était au pair, à 100 piastres, le lendemain i3. Le chiffre total du qâïmè retiré, montant à 998,800,7*20 piastres, soit 1,997,601 bourses, 220 piastres \ a été remboursé aux porteurs, sur sa valeur nominale, à raison de 60 p. 0/0 en métallique, et 60 p. 0/0 en consolidés (esMmi-djé- dîdè), au pair ^.

1279 (1862-1863). Poursuivant le même but, le rétablissement des finances, sultan Abdul-Aziz, dans un khatt du 22 février 1 863 , enjoint à ses mi- nistres de veiller à la sage économie des deniers publics, afin de parvenir à l'équilibre du budget; et, prêchant d'exemple, « il abandonne au trésor la partie supplémentaire de sa liste civile, réduit les dotations des princesses , et ordonne la suppression de toute sinécure ou emploi inutile ^. » Enfin un sixième em-

' En chiffres ronds : 2,000,000 de bourses. Voy. le rapport précité du ministre des finances et le Journal de Constanlinople des 2 2 octobre et 29 novembre 1862.

^ A une autre époque, et dans des circonstances à peu près sem- blables , le gouvernement avait fait une émission ayant , sur le chiffre de sa valeur nominale, d'abord 70, puis 60 p. 0/0 de valeur intrin- sèque et ^o p. 0/0 de surélévation. (Voy. années 1116 et 1 1 3 1 .)

■* Jusque-là , la liste civile était, par mois, de 1 5, 000 bourses éga- lant 7,600,000 piastres, et de 5,000 autres bourses attribuées, égale- ment par mois, aux dépenses imprévues ; cette dernière somme a été abandonnée par le sultan. Dans le rapport de lord Hobart et de M. Forster (Voy. Débats du 5 juin 186.^), envoyés à Conslanti- nôple, en mai 1861, pour y étudier Tétat des finances turques, le revenu de l'empire, montant à 12 millions de livres sterling à l'avènement du sultan actuel, était évalué, pour l'année 1861-1862- i863, à i5 millions de livres sterling.

HISTOIRE ÉCONOMIQUK DE LA TURQUIE. 159

prunt, de8,ooo,ooo de livres sterling, est contracté, en avril 1 863 , sur la place de Paris, pour solder le re- liquat de la dette flottante-, 6,000,000 sont affectés à cet objet, le reste doit être employé au retrait graduel de la monnaie de titre inférieur^.

1280 (i863 6/i). Le 6 novembre i863, S. A. Fuad-Pacha, grand-vizir, présente au sultan le budget général de l'empire pour le dernier exercice 12-79; ce budget, précédé d'un rapport du ministre des finances au grand vizir, offre les résultats suivants^ :

Receltes : 3, 01 0,629 bourses 335 piastres. Dépenses : 2,969,00/i 492

Excédant : 4i,524 3^3

Je terminerai cet exposé historique en mention- nant ici le récent traité de commerce signé le 2 9 avril 1861, entre la France et la Turquie, abrogeant et remplaçant le traité de i838 (zil-hidjè i25/i). Ce- lui-ci, tout en consacrant un grand principe, l'abo- lition des monopoles, s'était cependant montré plus favorable aux intérêts étrangers qu'indigènes, en frappant les produits d'exportation d'un droit de 1 2 p. 0/0 , tandis que ceux d'importation n'étaient imposés que d'une taxe de 5 p. 0/0 seulement. Plus libéral dans son esprit, le nouveau traité s'est pro- posé l'entier dégrèvement des produits indigènes

' Budget précité , rapport du ministre des finances, p. 3. ^ Version française, traduction officielle; imprimerie du Journal de ConstaïUinople.

160 JANMKU-KKVlUtiK 180;>.

destinas t\ Texportalion; et eu vue d'éviter toute per- inrbatiou, il taxe les uns comme les autix?s, dans le principe « à un droit uniforme de 8 p. o/o. Mais si ce droit est fixe et invariable pour les importations en Turtpiie, il est provisoire pour kvs exportations, et réductible, chaque' année, d'un huitième, jusqu à ce qu'il soit abaissé à la taxe fixe et définitive de i p. o/o , maintenue seulement pour couvrir les frais de bureau. Paml traité a été conclu avec les autres puissances; le traité anglais porte la même date que le tiiiité français; les autres sont postérieurs.

RESUME.

J*ai dit en commençant que ia Turquie s'était appix)priée, en les adaptant à ses instincts particu- liers, la plupart des instilutions déjà existantes dans Tordre politique» économique et administratif; et que rhisloire de ce pap, étudiée à ce point de vue, en montrant le jeu et îa transformation suc- cessive de sa constitution organique, otVrait encore des données précieuses sur leconomie politique de TAsie elle-même. Ce double objet ressort ample- ment de tout ce .qui précède; mais je me bornerai à gix>uper les principaux trails de ce tableau, afin de permettre d'en nneux saisir l'ensemble.

Les choses, on le sait, changent peu en Orient; la tradition, les habitudes y exercent un empire ab- solu, incontestable; les mêmes faits se reproduisent toujoui^ ou à peu près, malgré la dilïérence des temps; et si quelque modification s'opère, elle ne se

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUI,. iOI

fait ((lie peu à peu , et on conservant, le plus possible , la forme ou même seulement l'apparence de ce qu'on a voulu clinuger. Ainsi , (juaiul l'empire des Soldjou- (jydes céda la place à celui d'Osman, les nouveaux princes gardèrent à peu près intactes les institu- tions de leurs prédécesseurs, comme ceux-ci, sans doute, avaienf maintenu les routunies de leurs de- vanciers. Le type el la forme des monnaies seldjou- ((ydes sont conservés; mais , soit nécessité , soit peul- èlre encore tradition d'un autre genre, un doidde système monétaire, imposé |)ar les exigences com- merciales, s'établit bientôt simullanément , l'un na- tional, l'autre étranger; l'écu d'argent des Francs reçoit un cours légal dans le nouvel Etal; puis sur- frappe plus tard, comme autrefois celui des Byzan- tins chez les premiers khalifes, il devient le type même de l'écu d'argent ottoman. Ultérieurement, et dès la conquête de l'Egypte, fécu d'or ottoman, se modelant sur celui des Mamlouks, aucpiel le ducal vénitien n était pas étranger, linit par prendre aussi ce dernier type qu'il a conservé jusqu'à une époque» relativement récente, f/écu d'or turc actuel , corres- j)Oudanl à peu près à deux ducats vénitiens, se trouve avoir une valeur iiiteruu'diaire entre le napoléon et la livre sterling.

La terre est concédée par lots ou circonscriptions de plus ou moins grande étendue, comme sous les khalilesel les sultans mamlouks; nommées alors iqia, ces concessions sont dites ziâmet et timar. En récom- pense des services éclatants que liii rendit Osman,

102 JANVIER. FÉVRIER 1865.

le dernier prince seldjouqyde donne la province de Qaradja-Hiçar, en fief, au futur fondateur de la dy- nastie ottomane; et, à son tour, celui-ci partage ses Etats entre ses fils et ses principaux émirs, et ré- partit entre \es feadaiaires les villages circonvoisins de la capitale de la Bitbynie dont il faisait le siège.

Les peuples soumis sont tributaires, comme sous la domination arabe; la race conquérante se partage en caste militaire et caste agricole.

L'administration des revenus de fEtat, entrée et sortie, relève du mâlïè «ministère des finances,» terme généralement employé en Orient, depuis l'isla- misme. Sauf certaines modifications particubères aux temps et aux Heux, le budget des recettes d'Eïoubi- Efendi présente à peu près celui des monarcbies asiatiques antérieures. Le produit du revenu public reçoit trois directions: celle du trésor public, d'où l'excédant des recettes sur les dépenses passe ensuite au trésor de réserve; puis le trésor particulier du prince ou administration de sa cassette.

Les dépenses sont acquittées, comme sous les Seldjouqydes, partie en numéraire, partie en assi- gnations.

L'usage de grouper les cbitTres dans une quotité plus ou moins considérable se retrouve cbez les Ottomans, comme autrefois cbez les Arabes , et avec des dénominations identiques.

La solde se payait, ou, du moins, devait être ac- quittée par trimestre, et, dans cette quotité, se di- sait mévâdjèb , terme qui désigne encore aujourd'hui ,

HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 163

en Perse, le traitement d'un fonctionnaire. Sauf de rares exceptions, cette règle ne fut pas observée scrupuleusement.

Comme les suUans mamlouks et les Seldjouqydes, les princes ottomans avaient coutume de faire lar- gesse aux milices, à leur avènement au trône; et même de nos jours pourrait-on retrouver une ré- miniscence de cet usage dans le payement d'arriéré de solde qui fut fait aux troupes, à l'avènement de Sultan Abdul-Aziz, actuellement régnant. A l'exemple des Seldjouqydes, les monarques otto- mans donnaient, sur le champ de bataille, d'abon- dantes gratifications à leurs soldats, outre la haute paye à laquelle les services exceptionnels pouvaient donner droit; mais ce système de largesses si souvent répétées et plus d'une fois provoquées par la sédi- tion des milices, dont le nombre toujours croissant n'avait d'autres résultats, vu f organisation viciée, que d'accroître les charges du trésor, ce système, dis-je, ou plutôt ses effets, venant s'ajouter au dis- crédit de l'administration et à la dépréciation de la monnaie, non moins altérée par les mesures fiscales que par la cupidité publique, fut une des principales causes des embarras financiers qui assaillirent cons- tamment le trésor. Appauvri par ces diverses causes, aussi bien que par les prodigalités intérieures et par les frais de guerres continuelles dont l'issue ne fut pas toujours heureuse, le trésor ordinaire était sou- vent vide. Tant que cela fut possible, on puisa dans le trésor réservé; mais cette source tarie, on eut re-

164 JANVIER-FÉVRIER 1865.

cours aux expédients, tels que la saisie ou l'emprunt des revenus des vaqoiifs et l'aliénation de certaines propriétés de l'Etat ; le système des confiscations de- vint à l'ordre du jour; finalement, et sentant la né- cessité d'en appeler au contrôle de l'opinion publique, on publia le budget parliel d'Aïni-Ali (1018= 1609), et cinquante ans après, celui d'Eïoubi-Efendi (107 1 = 1660-1661). Il s'ensuidt une série de mesures qui rendirent au pays des jours plus prospères, sous les vizirats remarquables de Baïram-Pacha , de Qara- Moustafa-Pacba , de Tarkhoundji-Pacha , des illustres Kuprulu, de Damad-Ali-Pacha et de Damad-Ibra- him-Pacha , qui tous s.uccessivement vinrent clore (de 10/16 il i i lx?i ::=: \ 636 à 1 ySo) la période cri- tique précédant l'entrée de chacun d'eux aux affaires. Cependant, malgré ces efforts énergiques et réi- térés, le pays ne pouvait se relever; les armées n'éprouvaient que des revers; le trésor ordinaire ne comblait plus ses vides, et celui de réserve était hors d'état de l'assister; on émit l'avis d'un emprunt à [élranger(i 1 98=1 ySS);^ proposition n'aboulit pas, et l'on créa la dette pablicjue par la vente ou aliéna- tion de certains revenus de l'Etat, en faveur de particuliers indigènes, contre des sehims «titres de rente,)) en échange du capital compté par eux à l'État (i 199=1785). On leva ensuite des contribu- tions forcées; puis on émit des monnaies fiduciaires, ayant un cours supérieur à leur valeur intrinsèque (i'2o3 = i788); enfin, à bout de ressources, legou- V ernement reconnut la nécessité d'apporter une rë-

HISTOIRE ECONOMIQUE DE LA TURQUIE. 165 forme radicale dans les institutions existantes (1206 = J 79 0* C^-^tc résolution amène des luttes vigou- reuses entre les partisans du nouveau et de l'ancien régime; mais la réforme l'emporte, et les milices sont supprimées et remplacées par une armée régu- lière, formée sous la direction d'instructeurs euro- péens. Comme couronnement de l'œuvre, lekhatti- chérîf dti Gulkhânè, ou autrement le tanzîmât, est proclamé; désormais la fortune privée est assurée; le système des confiscations est aboli; mais la crise financière, loin d'être conjurée, s'aggrave par les événements intérieurs et extérieurs; et comme autre- fois chez les Mongols ilkhaniens, le papier-monnaie est créé; il s'accroît bientôt dans des proportions con- sidérables; c'est alors que, pendant la guerre d'Orient, le premier emprunt étranger est contracté; il est suivi de plusieurs autres, pour parvenir au payement de la dette flottante et au retrait du caïmè; ce résultat est finalement obtenu; la publication du budget est décrétée et pratiquée; le métallique reparaît et re- devient le seul signe représentatif d'échange ayant cours; toutefois, les ressources disponibles n'ont pas encore permis le retrait des monnaies fiduciaires.

De nouveaux traités de commerce sont conclus avec les puissances étrangères , sur des bases libérales ayant pour objet le développement de l'agriculturo et de l'industrie indigènes. De grandes compagnies de crédit et autres se forment et prospèrejit; une nouvelle ère semble commencer pour l'agriculture , l'industrie et le commerce du Levant.

166 JANVIl^K-FEVHIKPi J8C5.

NOTES ADDITIONNFXLES.

1. Mouqâtca. Ce mot, comme on l'a vu dans le cours de cet exposé historique, prend, dans la technologie du ma/iè , diverses acceptions qu'on peut rapporter à une seule et unique «le montant du chiffre auquel tel revenu public a été fixé, » que la perception de ce revenu soit opérée par voie de régie ou d'affermage; ces diverses acceptions sont, d'ail- leurs, employées égalernent par les historiographes; ainsi, moucjâiéa désigne parfois une concession du genre des zidmet et timar (voy. années i i 68, i 207); d'autres fois, une concession mâlihiânè ( 1 1 06, 1 1 Zi 3 , 1 i/iy); ailleurs, ce mot désigne une forme de va- qouf devenue la propriété absolue du détenteur (Etade sur la propiiété, 355), et aussi les revenus publics en général (années 926, 10/12, iii3, 1 1 26 et 1 2 o3 ) ; de , moaciâtéadji u concessionnaire , pour un terme plus ou moins long, d'une branche du revenu public «(années io35, 1 o58). Le sens de ce mot est, d'ailleurs, parfaitement établi parLoutfi- Pacha, dans son Açaf-Nâmè «Guide des grands vizirs,» il est dit (manuscrit de M. Cayol) : «Il vaut mieux donner les mouqâtéa «la perception des diverses branches du revenu public » en régie qu'en fermage. »

2. Dans le même livre, Loutfi-Pacha, qui fut grand vizir de Sultan Suleïman, de g!\lx à 967. re- commande la confection annuelle des états de re-

HISTOIRE ÉCOiNOMlQUE DE LA TURQUIE. 167 cette et de dépense, afin de régler la comptabilité en conséquence. «A Tavénenient de Sultan Suleï- man, dit-il, le budget était en équilibre ; mais, lors de mon élévation au grand vizirat, le trésor était en déficit. »

3. Avâriz. Selon Loutfi-Pacha , Vavâriz était une taxe récente qui se percevait sur les raïas, une fois tous les quatre ou cinq ans. De là, sans doute, le terme avâriz u accident, ce qui n'est pas ordinaire;» elle était fixée à 20 aqlchè par homme, et, devant être affectée à Tachât de biscuits pour l'armée, elle était nommée, pour ce motif, pekcimâi-pâliâ «indemnité de biscuit. » Loutfi blâme rétablissement de cette taxe, qu'on ne doit pas, dit-il, percevoir annuelle- ment, afin de ne pas surcharger les raïas. Du reste, elle ne fut prélevée qu'une seule fois sous Sultan Sélim. « L'avâriz, continue le même écrivain est en outre un impôt personnel pour le service des ga- lères. Par chaque quatre maisons (kliânè) , on lève un homme jeune et valide, pour faire le service de rameur sur les galères; il reçoit du khaznè dix aqtchè par jour pendant tout le temps qu'il passe à la mer. » (Conf. sur Vavâriz, années 1 0^2 et 1 o53 ci-dessus, et mon Etude sur la propriété, 334, note.)

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168 JANVIER-FEVRIER 1865.

NOUVELLES ET MÉLANGES

SOCIÉTÉ ASIATIQUE.

PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE Dli 9 DÉCEMBRE 186^.

La séance est ouverte à huit heures par M. Reinaud , pré- sidenJ.

M. Ramirez écrit de Mexico pour annoncer l'envoi d'une brochure sur le baptême de Moleuhzoma II (Monlézuma), neuvième roi de Mexico.

MM. de Rhanikof et Pauthier annoncent qu'ils se sont occupés de la question soulevée dans une des dernières séances, au sujet de l'entrée du Journal asialique en Russie. D'après les renseignements de M. de Klianikof , les obstacles proviennent de la Prusse qui, suivant une convention pos- tale, arrête le passage des numéros à Eydkuhnen; toutefois, à la suite des observations de plusieurs membres, M. de Klia- nikof promet de s'occuper de nouveau de cette affaire.

A la suite de cette discussion, M. Pauthier demande à signaler au Conseil de regrettables inexactitudes dans le ser- vice du Journal, que des membres présentés par lui et qui demeurent à l'étranger ne reçoivent que très-inexactement. M. l'agent de la Société sera invité à tenir à la disposition du Conseil un livre de poste qui pourra servir au besoin à sa justification.

Le bibliothécaire adjoint communique un tableau qu'il a rédige des numéros de la Bihliotheca indien qui se trouvent dans la bibliothèque de la Société. Le Conseil prendra ullé-

NOUVELLES ET MELANGES. 169

lieurement une décision pour compléter celle importante collection.

M. Pauthier lit un Bulletin de la campagne de Houlagou , pour la conquête de la Perse , au milieu du xiii' siècle , tiré de l'Histoire officielle des Yuen ou Mongols de la Chine.

M. de Labaithe lit un rapport que le Conseil l'a chargé de rédiger sur l'ouvrage de M. d'Hervey Saint-Denys, inti- tulé : Poésies des Thang. ''

M. de Rosny annonce qu'il s'occupe d'une Grammaire et d'un Lexique du Chih-king , qu'il considère comme un com- plément indispensable de l'édition qu'il se propose de pu- blier.

OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIÉTÉ.

Par l'auteur. Ibn-el-Athiri Clironicon quod perfectissimuni inscribitur. Volumen X, ad tidem codicum parisinorum , edi- dit Carolus Joliannes Tornbekg Lugduni Batavorum , 1 864 , in-8°.

Par l'auteur. Doctrine des bouddhistes sur le Nii^vâna, par Ph. Éd. FoDCAUx. Paris, i864, in-8°.

Par l'auteur. Bautismo de Moteuhzonia II , noveno rey de Mexico. Disquisicion historico-critica de esta tradicion, por D. José Fernando RamIrez. Mexico, 186A, in-4°.

Par la Société asiatique du Bengale. Bibliotheca indica, k'] [The Tabaqàiî-nàsiri , publié par le capitaine Nassau Lees elles mauiawis Khadim Hosaïn et Abd-al-Haï, fasc. 4), in-8°.

Par l'auteur. Annuaire philosophique, livraisons 8 à 12. Paris, 186A, in-8°.

Par Ici Société. Journal of the Royal Asiatic Society ofGreat Britain and Ireland. (Nouvelle série, 1.) London, i864, in-8».

Par l'Institut royal. Bijdragen tôt de Taal-Land-en Volken- kande von Nederlandsch Indie. (Tome VU, livraison 5, et t. VIII, livraison 1.) Amsterdam, i864, in 8°.

170 JANVIER-FEVRIER 1805.

Par la Société. Bulletin de la Société de Géographie (oc- tobre i864). Paris, i864, in-S".

Par les éditeurs. Journal des Savants (aoûl et novembre i86Zi). Paris, i86/i,in-^''. (Manquent les mois de septembre et octobre.)

Par les éditeurs. Gazette de Beyrout (deux numéros).

Tableau de la presse périodique et quotidienne à Constan- TiNOPLE EN 186^, par M. Belin , secrétaire-interprète de l'Em- pereur à Constantinople.

L'annuaire ottoman [Sâl-nâmè) de i28ir=i864 donne celle année, la dix-neuvième de sa fondation, la liste des journaux et revues publiés actuellement à Constantinople. Augmentée des rensei^^nements qu'on trouvera ci-après, cette liste offre un intérêt particulier, en ce qu'elle montre le développement successif du goût des diverses populations de la capitale pour ce genre de publications, et signale en même temps les tendances de l'esprit public.

Journaux turcs. i. Taqvîmi-véqâu -devlèti-aliïè t Mo- niteur ottoman» ou «Gazette d'Etat,» fondé en 12^7 = i83i , date fixée dans le chronogramme ah.vâli-gharrâ «cir- constances brillantes,» dont les lettres, additionnées dans leur valeur numérique, donnent le chiffre ci-dessus. Une version française de la Gazette d'État parut, dans le principe, mais elle ne fut pas continuée ; comme le Moniteur français , le Taqvîm se divise en deux parties : officielle et non offi- cielle. Il paraît seulement une fois la semaine, le lundi.

2. Djéridèï-havâdis « la Gazelle , » fondée en 1 259 rr: i843. Ce journal politique et littéraire donne les actes officiels et les nouvelles diverses de l'intérieur et de l'élranger ; il paraît en grand format le dimanche et donne un bulletin les autres jours de la semaine, excepté le vendredi.

3. Tcrdjumâni - ahvâl «l'Interprète des circonstances,» fondé en 1277 =::: 1860; journal politique et littéraire dont

NOUVELLES ET MELANGES. 171

le rédacteur primitif tenta d'inaugurer en Turquie une cer- taine liberté de la presse; ce journal, d'un petit format, pa- raît trois fois la semaine, les dimanches, mardis et jeudis.

Ix. Tasvîri-efkiâr «la Peinture de l'opinion publique,» fondée en 1278= 1861 ; rédacteur en chef: Chinaci-Efendi. Journal politique et littéraire, qui s'est fait remarquer à di- vers titres; d'abord par l'esprit de sa rédaction, puis par l'introduction d'une sorte de ponctuation dans la phraséolo- gie turque , et surtout par la publication , en feuilleton ou dans le corps du journal , d'ouvrages importanls , tels que l'Histoire des Séleucides et des Achkaniens, parSoubhi-Beï, membre du grand conseil, accompagnée de la reproduction de mé- dailles à images; la bibliographie d'Avicenne; un extrait du Droit des gens de Vattel; une grande partie de V Histoire généalogique des Tatars d'Aboulghazi, le Destour- ulamel de Hadji-Khalfa et le Mizan-elhaqg du même auteu^^

5. Djéridèï-askèrïè «Gazette militaire,» dont le premier numéro a paru le 7 chaban 1280 =: 16 janvier i864; pu- bliée sous la direction des officiers du corps d'élat-major. Ce journal se divise en deux parties : officielle et non officielle; la première contient les faits relatifs à l'armée de terre [mé- vâddi-berriïè) , à la marine [mévâddi-bahriïè] \ elle traite aussi des innovations, modifications et changements introduits dans l'armée nationale, fait connaître les actes officiels la concernant, les nominations, promotions [tevdjihâl) et mu- tations; la mise à la retraite (téqâud), les pensions [mukiâfât] données aux officiers qui ont atteint la limite d'âge ou à ceux qui ont contracté des infirmités au service; les pensions (takhcici-méâch) accordées aux enfants d'officiers morts sous les drapeaux, les peines disciplinaires (médjâzât) inffigées pour crimes et délits, avec l'indication du crime et de la pénalité encourue, ainsi que celle du nom du condamné.

' Sans doute comme réponse orthodoxe à un livre remarquable publié dans l'Inde, en 1861 , sous le même titre, par M. Pfander, contre les doc- trines mahométanes, auquel une réponse musulmane a été faite sous le titre de ChemsiiL

172 JAiNVIER-FEVRIER 1865.

La partie lion officielle est consacrée aux faits divers militaires de l'intérieur et de l'étranger \

Journal a'rabe. El-djévâïb «le Nouvelliste;» il paraît une lois la semaine, le mercredi; rédacteur en chef: Fâres- Ghidiaq.

Journal turgo-grec. A nadoloa a VOr\er\l,r> écrit en langue turque avec caractères grecs; paraît une fois la se- maine.

Journaux grecs. i. Byzantis «le Byzantin,» paraît deux fois la semaine en grand formai; donne un bulletin les lundis , jeudis et vendredis.

2. Armonia «l'Harmonie,» paraît deux fois la semaine, i" -année; rédigé dans un esprit conservateur.

3. A natolicos aster viVYiioWe orientale,» paraît trois fois la semaine.

Journaux bulgares. i. Cevietniknle Conseiller, » fondé en i863, paraît une fois la semaine. Rédacteur : M Bour- noff, exétudiant en théologie au séminaire de Kiefl'. Ce jour- nal est l'organe des Bulgares dits indépendants , qui luttent actuellement contre le patriarcat grec.

2. Gaïda «la Musette, » i'* année; sorte de Charivari, pa- raissant tous les quinze jours; rédacteur : M. Sloveikoz^

Journaux TURCOARMÉNiENS, rédigés en langue turque avec lettres arméniennes. i. Medjmouaï-havâdis «Recueil de nouvelles,» journal catholique, rédigé par Vartan - Pacha , paraît une fois la semaine , en grand format , et donne en outre deux bulletins.

Haqyqa «le Soleil de la vérité,» suivi lui-même d'une réplique non moins remarquable de M. Pfander, intitulée Râfi-elchébéliut « le Dissipateur des doutes. »

2. Varaqaï-havâdis «Feuille des nouvelles,» paraît une fois la semaine; organe des Arméniens protestants.

' Le Journal de Conslantinople annonce ia publication prochaine d'un jour- nal persan intitulé Turkistân «la Turquie.»

^ Le même Joarnal de Conslantinople annonce encore la publication pro- chaine d'un autre journal bulgare , sous ce titre : La Turquie.

NOUVELLES ET MÉLANGES. 173

Journaux arméniens. i . Macis « TArarat , » fondé en i852, organe semi officiel du patriarcat grec-uni, donne- par semaine , une feuille grand format et trois bulletins.

2. Avedaper uQui porte la bonne nouvelle,» fondé en i855, organe des Arméniens protestants, paraît une fois tous les quinze jours.

3. Yérévang «le Saturne,» fondé en 1867, journal con- servateur, partisan de l'union avec Rome, paraît une fois la semaine.

II. Ser «l'Amour,» fondé en 1867 , journal libéral mo- déré, imbu de protestantisme, paraît tous les dix jours.

5. Méghoii «l'Abeille,» fondé en ï858, paraît une fois la semaine.

6. Jamanag «le Temps,» fondé en janvier i863, paraît tous les quinze jours.

7. Tzaïn yngherassian « la Voix de l'amour fraternel, » fondé en novembre 1 863 , paraît tous les quinze jours. Ces trois derniers journaux représentent des idées d'un ordre très- avancé.

Journal Israélite. Le Journal Israélite, écrit en ca- ractères rabbiniques dans la langue espagnole altérée qui est parlée par les diverses colonies israéliles du Levant, compte trois années d'existence, paraît deux fois la semaine, et se borne au récit des faits sans leur donner nulle couleur spéciale.

Journaux français. 1. Le Journal de Constautinople , fondé en i8/i5, paraît tous les jours, excepté le dimanche , sur grand format.

2. Le Courrier d'Orient, continuateur de la Presse d' Orient , compte aussi seize aïis d'existence; il paraît deux fois la se- maine sur grand format, et donne un bulletin pour les autres jours.

Journal anglais. Levant Herald, paraît une fois la se- maine, sur grand format, et donne un bulletin quotidien.

PiEVUES. 1. Medjrnoiiaï-fuTioun «Revue scientifique,» en turc; 2' année, publiée par la Société scientifique ollo-

174 JANVIER-FEVRIER 1865.

mane (Djémi-éti-ilmaèi-osmâniiè) , paraît une fois par mois. Uédacleur en chef: Munif-Ëfendi \

2. Medjmouaï-iber-intibâh ï Recueil d'exemples éveillanl l'attention,» en turc; publiée par la Société littéraire ( D/"e- mièti-kitâbet); le premier numéro a paru en redjeb 1279 (février i863); rédacteur en chef : Chinaci-Efendi. Cette revue, comme la précédente, paraît une fois par mois, et contient des articles sur les lettres, les sciences, etc. elle joint de plus un texte des planches explicatives, dans le genre de YIUiistratioTi.

3. Medjmouaï-askérïe a Revue mililaire;» en turc; recueil d'articles relatifs aux sciences militaires et à l'instruction de l'armée.

4. Zornitza 0 l'Etoile du matin,» en bulgare, fondée en i863, et rédigée par les ministres protestants, paraît une fois par mois.

5. Gazette médicale d'Orient, en français, 8^ année, pu- bliée par la Société impériale ottomane de médecine à Cons- lantinople , fondée elle-même à la lin de la guerre de Crimée.

BÉCAPITDLATION :

Journaux turcs 5

Journal arabe 1

turco-grec 1

Journaux grecs 3

bulgares 2

turco-arméniens 2

arméniens 7

Journal israélile 1

Journaux français '. 2

Journal anglais 1

' Cette société possède une bibliothèque qui est ouverte aux lecteurs trois lois la semaine, et elle fait des cours publics elle enseigne l'économie politique, la langue, l'écriture et la composition françaises, l'aritlimétique, les langues turrpie, anglaise, ilalientte el grecque.

NOUVELLES ET MELANGES. 175

Report 2 5

Revues turques 3

Revue bulgare i

Revue médicale i

3o

NOTICE SUR I A VIE ET LES TRAVAUX DE M. X. BTANCHI.

Dans le rapport lu à la séance générale de cette année, M. Mobl, se faisant l'interprète des regrets inspirés par la mort de M. Bianchi , a apprécié en termes sympathiques le ca- ractère spécial de ses travaux et les soins qu'il a donnés, pen- dant tant d'années, aux détails administratifs de notre société. Qu'il me soit permis de rendre, à mon tour, un dernier hommage à la mémoire d'un maître vénéré, et de retracer dans cette courte notice sa vie entièrement vouée à l'élude, et l'influence que, par une voie détournée mais sûre, ce la- borieux orientaliste a exercée sur l'échange de nos conniiu- nications avec le monde musulman et le développement de nos connaissances philologiques.

Thomas-Xavier Bianchi, à Paris le 25 juin 1783, ap- partenait à une famille dont le nom a marqué à la fois dans les sciences et la carrière des armes. Son père , physicien dis- tingué, fut l'auteur de plusieurs découvertes remarquables qui lui valurent la faveur de l'impératrice d'Autriche Marie- Thérèse. Le fils aine de ce savant devint feld-maréchal et déploya, au service d'une cause peu favorisée de la fortune, des talents et une fermeté qui ont assuré à son nom une place honorable dans les fastes militaires du commencement de ce siècle.

Xavier Bianchi, son frère d'un autre lit, fut appelé à des destinées moins brillantes, mais dont la trace sera peut-être plus durable. d'une mère française, il obtint des lettres

176 JANVIER-FEVRIER 1865.

de grande naturalisation , et fit ses classes à l'école centrale de Fontainebleau, Ses éludes terminées, il devint un des audi- teurs les plus assidus de S. de Sacy et de Jaubert, et ne larda pas à être admis à l'école des Jeunes de langues de Constan- linople , en qualité d'élève interprète.

Une réforme importante s'était introduite dans le drogma- nal français. Les barrières que le fanatisme et l'ignorance avaient élevées , depuis plus de trois siècles , entre l'Europe et l'empire ottoman, résistaient faiblement aux eflbrts de notre politique, secondée par tant de succès mih'taires. Les hu- miliations subies autrefois par le représentant du grand roi n étaient plus à craindre, et la France, un instant soupçonnée, pendant l'expédition d'Egypte, avait repris, auprès des sul- tans, le rang et la prépondérance dont François I" avait jeté les bases. Ce progrès était dû, en partie, à la réorganisation du personnel de l'ambassade. On avait appris , par de doulou- reuses expériences, à connaître et à redouter les Grecs of- frant leurs services, les Arméniens tremblant devant le sour- cil irrité d'un grand vizir, les interprètes rnjas trafiquant du bérat. Aussi, depuis quelques années déjà, les fonctions im- portantes du drogmanat étaient-elles confiées à des Français, L'école ils se préparaient à cette carrière était placée à Conslaiitinople même, sous l'habile direction de M. Ducaur- loy , dont les recherches sur la législation hanéfite n'ont pas été oubliées des lecteurs de ce journal. Tout en étant soumis à une règle commune, les jeunes interprètes avaient la fa- culté de circuler librement dans la ville turque, et pouvaient ainsi compléter, par leurs rapports journaliers avec la popu- lation , les leçons que leur donnaient, dans les jardins du Palais de France, quelques efendis instruits. Plusieurshommes d'un mérite réel, formés par cet enseignement, contribuèrent par leurs talents aux succès de la diplomatie française au Le- vant, et ils auraient sans doute pris une part brillante aux progrès de l'érudition , si la vie des affaires n'avait absorbé leur dévouement et leur activité. M. Bianchi, sorti de leurs rangs, pressentit les services qu'il pourrait rendre un jour,

NOUVELLES ET MELANGES. 177

et s'y prépara par une étude persévérante de la langue, des mœurs et des institutions de l'empire ottoman.

Rnvoyé à Smyrne en 181 », il y remplit les fonctions de deuxième, puis de premier drogman du consulat général, et se signala par sa généreuse conduite durant riiorrible peste qui ravagea celte ville en 1812. Quatre ans plus lard, il fut appelé à Paris, nommé adjoint aux secrétaires-interprètes du roi pour les langues orientales, et chargé de la conduite de deux ambassadeurs envoyés parla cour de Téhéran à Louis XVITL En 1829, lorsque éclatèrent les signes avant-coureurs de l'orage qui allait jeter une armée française sur le rivage d'Alger, M. Bianchi, devenu secrétaire-interprète en litre, eul à remplir auprès du Dey une mission pleine de difficultés , sinon de périls, et dont il nous a retracé les principaux inci- dents dans une intéressante relation.

Ces interruptions nécessitées par les devoirs de sa charge furent les seules qui vinrent détourner un moment M. Bian- chi de ses études favorites. Pendant vingt-six ans, c'est-à- dire jusqu'en 18/42 , époque il fut mis à la retraite, il par- tagea toujours son temps entre la composition de ses ouvrages lexicographiques et l'enseignement du turc, à l'école dile des Jeunes de langues de Paris, au collège Louis-le-Grand. On sait que cet établissement fondé par Colbert et connu long- temps sous le nom de Co//e^e des Arméniens, en souvenir des premiers élèves qui y furent envoyés, est destiné à fournir aux services diplomatiques et consulaires tout un personnel de drogmans et de chanceliers. Ce n'est pas ici que nous pou- vons examiner si son ancienne organisation répond aux exi- gences du présent, ni rechercher ce qu'il aurait à gagner au contact de l'enseignement libre. Un sentiment personnel de déférence et les bornes de cette notice nous interdisent toute discussion. Mais en faisant des vœux pour qu'elle soit étudiée en temps opportun, nous sommes heureux de re- connaître que, grâce à la coopération de MM. les secrétaires- interprètes et à la mesure libérale qui en a ouvert les portes à quelques externes privilégiés, cetle école a souvent donné

178 JANVIEK-FÉVRIER 1865.

des résultats sa lis faisants. M. Bianclii y fut chargé du cours de turc, jusqu'à l'époque une combinaison, à laquelle on aurait souhaité qu'un de ses condisciples restai étranger, lui créa des loisirs qu'il n'avait pas sollicités. Mûri par ce long professorat, et en connaissant mieux que personne les besoins, il publia, à partir de i83i , la série de travaux lexi- cograpbiques qui ont fondé sa réputation, et ne cessa de les perfectionner jusqu'au terme de sa vie.

Il est à peine nécessaire de rappeler les notices si exactes dont il a enrichi notre journal. On sait que l'imprimerie lut introduite en Egypte par Mohatnmed-Aly , vers 1822. Deux listes des premiers livres sortis des presses égyptiennes avaient été données par Hammer et, plus tard, par M. Reinaud. En 1 8/43, M. Bianchi , mettant à profit ces matériaux , livra au pu- blic le catalogue de 2 5o volumes se composant, soit de tra- ductions d'ouvrages français relatifs aux sciences , soit des œuvres lilléraires auxquelles les musulmans attachent le plus de prix. En 1869 , il lit paraître une suite à ce premier article, sous le titre de Bibliographie ottomane, en s'aidant, pour les publications les plus récentes, des renseignements iournispar le Djeridè-ï-havadis ,iourn[{[ turc dont l'apparition datn de i843. Ce second catalogue, qui contient le titre com- plet de chaque ouvrage, le prix de vente, et souvent une mention développée des sujets qui y sont traités, s'étend jus- qu'à l'année 1860. Attentif aux moindres innovations adop- tées par le gouvernement ottoman, M. Bianchi nous fit le premier connaître, dans une notice détaillée, l'essai d'an- nuaire publié à Constantinople en 18^7, sur le modèle des recueils de ce genre répandus en Europe. Ce travail, malgré Tinévitable sécheresse de la forme, avait le mérite de nous initier aux réformes introduites dans la hiérarchie des pou- voirs, d'en préciser les titres et les fonctions, enfin de conti- nuer jusqu'à nos jours les précieuses indications dues à C. D'Ohsson et à Hammer, sur les branches les plus impor- tantes des services publics. Une deuxième notice, conçue dans le même esprit, parut également dans le Sommai asiatique^

NOUVELLES ET MELANGES. 179

en i85i. M. Blanchi publia encore, soit dans ce journal, soil dans d'antres recueils \ la traduction de plusieurs documents émanant de la Porte, et dans le tome II du journal de la Société de géographie, la traduction d'un petit traité en lan- gue turque sur l'itinéraire de Constanlinople à la Mecque et les rites du pèlerinage (Paris, 1826, in-A"). Mais c'est sur- tout par la publication de ses trois ouvrages lexicogra- phiques, œuvre de sa vie entière, qu'il a bien mérité des lettres orientales. Le grand dictionnaire trilingue deMéninski et son Onomasticon resteront longtemps encore l'auxiliaire indispensable des travaux littéraires ; mais leur richesse même est un embarras pour les commençants, un hors-d'œuvre pour ceux qui ne demandent à l'étiide du turc qu'un but pratique et immédiat. Excellents pour la lecture simultanée des trois principales langues musulmanes, ces quatre vo- lumes in-folio ne peuvent qu'effrayer, par leur formidable appareil , les voyageurs , les négociants , tous ceux , en un mot , qui recherchent la connaissance rapide de la langue vivante et populaire. C'est pour combler celte lacune que M. Bian- chi fit paraître, en i83i, un vocabulaire français-turc, quel- ques années plus lard, le Dictionnaire turc-français (j835, deux volumes in-8''), avec le secours des matériaux réunis par M. Kiefferet revus par M. BuHin, et, en dernier lieu, le Dictionnaire français-turc ( i838, 2 vol. in-8°) , qui n'est que le complément du vocabulaire de i83i.

Dans une langue qui s'est emparée des trésors de l'arabe et du persan, et chaque écrivain peut puiser à sa guise dans l'un et l'autre idiome, la principale difficulté consistait à faire un choix judicieux, de façon à présenter le répertoire complet de la langue usuelle, et en même lemps de faciliter l'intelligence des pièces officielles et des monuments litté- raires. Notre confrère s'acquitta avec boniieur de cette lâche

' Outre les travaux cnumérés ici , M. Blanchi a laissé en manuscrit une grammaire turque, à laquelle il travaillait depuis longtemps (voyez Jour- nal asiatique , 2* série, t. XI , p. 100) et de nombreuses notes en vue de la réimpression de ses dictionnaires.

180 JANVIER-FEVRIEH 1865.

délicate. Pour les lermes employés surtout dans le style re- levé, il consulta avec fruit l'œuvre de son devancier et le Lehdjet-ul-loughat , dictionnaire fort estimé en Turquie. Grâce à une lecture assidue des journaux turcs et à une active cor- respondance, il put ajouter à ce fonds commun une foule d'idiotismes , de mots techniques et de locutions nouvelles que les réformes de sultan Mahmoud avaient contribué à répandre dans toutes les classes.

Le Dictionnaire français-turc elle Guide de la conversation, qui en est le corollaire et l'application , quoique conçus Fun et l'autre sur le même plan et rédigés avec le même soin , offraient cependant des difficultés d'exécution dont l'auteur a fait Taveu sincère. « Ce ne sera , dil-\\ [Dictionnaire français- turc, 2" édit. Préface, p. à), que lorsque les progrès des ré- formes en Turquie auront mis la nation et la langue des Ot- tomans dans des rapports plus intimes avec la civilisation du reste de l'Europe, que la science pourra s'enrichir d'un dic- tionnaire des deux langues véritablement perfectionné. Jus- qu'à présent, il est encore un grand nombre de termes de notre langue que les lexicographes, malgré tous leurs efforts, n'ont pu rendre en turc, et même en arabe, que par des équivalents hasardés , ou des mots d'une traduction plus ou moins exacte. »

Quelques imperfections de détail, d'ailleurs inévitables, ne pouvaient nuire au mérite de ces deux ouvrages \ surtout parmi les Ottomans, auxquels ils étaient également destinés; aussi ont-ils fait fortune dans les écoles de Constantinople, et il est juste de reconnaître qu'ils ont notablement contri- bué à y répandre la pratique de notre langue et le goût de nos chefs d'oeuvre littéraires. Plein de foi dans l'avenir de la Turquie et persuadé que les idées modernes pouvaient seules en arrêter la décadence, M. Bianchi fut constamment sou-

' La a*" édition revue et augmentée du Dictionnaire turc-français a paru en i85o, celle du dictionnaire français-turc, en 18/16, Le Guide de la con- versation a été réimprimé, avoc quelques morceaux nouveaux, en i85a.

NOUVELLES ET MÉLANGES. 181

tenu, dans ses pénibles travaux, par ces considérations d'un ordre élevé, que nous lui avons souvent entendu exprimer avec une touchante conviction. Si jamais ces généreuses es- pérances se réalisent, et tel doit être le vœu de tous ceux qui ont fait de l'Orient l'objet de leurs études, ce sera l'hon- neur de sa mémoire de les avoir proclamées un des pre- miers, et d'avoir travaillé avec une application constante à leur prompt accomplissement.

Durant le cours de sa longue existence et jusqu'à l'ex- trême vieillesse dont il ne connut jamais les infirmités, M. Blanchi trouva, dans la tendresse dévouée d'une épouse et d'une fille chéries et dans le recueillement de ses travaux de prédilection , l'oubli ou du moins une douce compensa- tion aux mécomptes qu'il n'est au pouvoir de personne d'évi- ter. Il avait suppléé , pendant deux ans , M. Jaubert à la chaire de turc de l'École spéciale des langues orientales vivantes. A la fin de l'année dernière, cette chaire étant devenue va- cante par la mort de M. Dubeux, le vénérable doyen de la littérature ottomane en France fut présenté en première ligne par les professeurs de l'Ecole et par l'Académie des inscrip- tions. Si son âge avancé ne lui permit pas de se charger d'un enseignement qu'il avait plus que personne contribué à fortifier, l'unanimité de suffrages spontanément offerts et la récompense littéraire que lui décerna M. le ministre de l'instruction publique lui prouvèrent que ses longs services étaient reconnus, et la supériorité de ses litres dignement appréciée.

M. Blanchi s'est éteint, le 1 4 avril dernier, après une courte maladie , laissant derrière lui le souvenir d'une vie noblement remplie et des titres à la gratitude du monde savant. C'était un homme d'une nature sincère et loyale, d'un commerce sûr, inflexible dans le devoir, étranger à l'intrigue, et ca- chant sous des dehors un peu froids une bonté et un dévoue- ment à toute épreuve.

Puissent ses nombreux élèves , nos chers condisciples , au- jourd'hui investis de fonctions importantes en Orient, s'ins-

182 JANVIER FEVRIER 1865.

pirer de son exemple, comme jadis de ses leçons, el ne ja- mais perdre de vue qu'au-dessus des intérêts passagers de ]a diplomatie et de la représentation, planent ceux de la science, mise au service de la civilisation et du progrès intel- lectuel !

C. Barbier de Meynard.

La Femme dans l'Inde antique, éludes morales et littéraires, par M"° Clarisse Bader. Paris, i864, in-S" (578 pages).

L'auteur de ce volume est une personne très-lettrée , qui , toute jeune, a conçu l'idée d'un ouvrage très-étendu sur le rôle de la femme dans la société primitive-, elle se propose de l'étudier chez tous les peuples orientaux qui ont produit des littératures suffisantes pour son but, dans la Chine, en Palestine, en Egypte, en Arménie et dans l'Inde. Elle nous donne aujourd'hui sa première élude , qui traite de la posi- tion des femmes dans l'Inde, depuis l'époque des Védas jus- qu'au siècle de Kalidasa. Le volume est divisé en deux parties , dont la première traite de la position de la femme dans l'Inde , dans les différentes phases de sa vie, d'abord de sa position légale et religieuse , de son rôle comme jeune fdle et fiancée, enfm, de sa position comme épouse, mère et veuve. Dans la seconde partie, l'auteur fait abstraction de ces différents états de la vie de la femme, et elle considère son rôle dans les époques successives de l'histoire indienne, d'abord dans les temps légendaires, puis dans les temps héroïques, enfin dans le temps de Vikramaditya. Elle choisit pour cela dans les Pou- ranas, dans les poëmes épiques et dans les drames, tantôt les morceaux de doctrine, tantôt les récils les plus propres à montrer la position des femmes à ces époques successives, cl le mouvement des idées el des mœur.s qui y introduit des

NOUVELLES ET MELANGES. 183

changements graduels. Elle termine son élude par le tableau de la cour de Vikramaditya , son plan la dispensant de suivre le sujet dans les temps plus modernes et de peindre la di- minution fatale du rôle de la femme dans l'Inde, surtout par l'influence des idées des musulmans. Elle n'espère un retour vers le mieux que par l'influence du christianisme, et il y a eff'ectivement aujourd'hui un certain mouvement dans l'in- térieur de la société indigène qui se manifeste par des efforts pour donner aux femmes une meilleure éducation. Ce sont surtout les Zoroastriens qui favorisent cette tendance. C'est un commencement encore faible; mais il faut espérer qu'il s'accélérera et qu'il finira par pénétrer cette immense masse inerte de la population indienne, surtout les classes riches, qui auraient tout à y gagner. On voit poindre quelques in- dices très-favorables à cet espoir. C'est ainsi qu'il s'est tenu , au commencement de l'année courante, à Calcutta, une séance publique d'une Société pour l'éducation des filles, dans laquelle plusieurs grands personnages hindous, des familles les plus anciennes et les plus respectées du Bengale etd'Oude, ont déclaré qu'ils étaient convaincus de la néces- sité de donner une meilleure éducation aux filles et qu'ils al- laient établir immédiatement chez eux des écoles dans ce but. Si ce mouvement se soutient, il inaugurera la plus grande conquête que la civilisation européenne aura encore faite en Orient, et qui sera entièrement due aux efl'orts des femmes des missionnaires protestants. Ces dames ont tra- vaillé à cela depuis cinquante ans, avec un courage et un désintéressement admirables , que ni les fatigues ni l'im- possibilité apparente de la réussite n'ont jamais pu lasser.

Mademoiselle Bader a choisi pour objet de ses études une matière vaste et importante, dont une femme seule peut "'%_

s'occuper avec l'intelligence intime du sujet et avec l'intérêt qu'il mérite. Elle a traité son sujet avec soin et avec un es- prit délicat, en se servant de tous les documents littéraires qui sont aujourd'hui accessibles sur les époques dont elle parle. H est probable que la publication plus complète des

184 JANVIER-FEVRIER 1865.

anciens ouvrages de droit hindou lui fournira un jour des matériaux plus amples se rapportant au côté légal de la question, et pourra donner lieu à un supplément à ce tra- vail. — J. M.

Tue Sirerian Ovehiand Route fiiom Peking to Petersbvrg, by A. MiCHiE. Londres, i864, in-8° (A02 pages, avec une carte et bemicoup de gravures sur bois).

M. Michie paraît être un négociant de Shanghaï, qui, pour éviter l'ennui du retour par mer, a préféré aller par terre à Péking, ensuite, avec des chameliers mongols, à Kiachta, et (le là, par la poste russe, à Saint-Pétersbourg. Cette route avait déjà été faite par d'autres Européens, même par des dames, et M. Michie a exécuté son plan sans beaucoup de difficultés, mais avec des fatigues considérables. Son récit ajoute quelque chose à nos connaissances de la Mongolie et de ses habitants; mais M. Michie n'était pas assez préparé pour pouvoir faire, dans le temps fort court qu'il a passé en route, beaucoup d'observations neuves ou importantes. Son livre raconte très-simplement ses aventures journalières, et se lit agréablement. Il a ajouté au récit de son voyage quelques chapitres sur l'histoire des Mongols; mais ils ne contiennent rien de nouveau, et sont pris dans des livres fort connus. J. M.

JOURNAL ASIATIQUE

MARS-AVRIL 1865.

SUR LES NOMS DES CÉRÉALES

CHEZ LES ANCIENS,

ET EN PARTICULIER CHEZ LES ARABES, PAR J. J. CLÉMENT-MULLET.

OBSERVATIONS PRELIMINAIRES.

Nous présentons ici un simple essai de synonymie, car notre intention n'est point de discuter longuement l'origine et l'étymologie des noms des céréales, ni de suivre leurs variations dans les langues sémitiques ou indo -germaniques. Notre travail a un but plus spécial, c'est de chercher les es- pèces aujourd'hui cultivées auxquelles on peut rapporter chaque nom arabe en le rapprochant des noms grecs et la- tins auxquels il peut se rattacher. Il y a dans ce travail deux genres de difficultés. La première lient à l'insuffisance des descriptions que nous ont laissées les auteurs; la seconde, à la confusion qui règne dans ces mêmes descriptions et dans l'application des noms à des genres différents. Ainsi prenons l'épeautre, spelta DDDD. Ce mot est, comme nous le verrons, rendu dans les versions arabes de trois manières différentes. En arabe, nous trouvons plusieurs mots qui peuvent être appliqués aussi bien à un triliciim qu'à un hordeum.

Nous n'avons point la prétention de résoudre ces divers problèmes de linguistique et de botanique ancienne, mais v. i3

186 MARS-AVRIL 1805.

nous voulons présenler, dans le meilleur ordre possible, Ifs passages des auteurs arabes, grecs et latins, qui ont rapport aux différents points douleux. Nous faisons ressortir les diver- gences et les analogies, en ajoutant les raisons qui nous semblent pouvoir justifier l'opinion que nous avons émise.

Les deux bases de notre travail pour l'arabe sont Ibn Bei thar, manuscrit de la Biblioth. imp. i023, ancien fonds, et Ibn al-Awam, texte arabe de Banqueri, 2 vol. in-fol. Madrid, i8o2, et noire traduction , Paris, i865.

Nous appelons souvent en aide Tbéopbrasle et Dioscorides et sa traduction arabe, B. ï. Man. suppl. 1067 ; car ce sont les deux autorités sur lesquelles on peut surlout s'appuyer pour le grec. Quant au latin , nous avons les Rei rasticœ scrip- tores et Pline le naturaliste. Voilà pour les textes. Parmi les commentateurs principaux, nous avons donné la préférence à Bodœas a Stopel, médecin à Amsterdam, qui a cnricbi Théophrasle de noies savantes. Pour Pline, nous avons le P. Hardouin et les noies savantes de M. Fée dans la traduc- tion publiée par Panckoucke. M. Ernest Mayer et Sprongel ont encore été utilement consultés *.

Nous avons aussi rapporté les noms sanscrits quand ils nous ont semblé pouvoir jeler quelque lumière sur la ques- tion. Nous nous sommes aidé, pour cetle partie, du savant

' Tlieophrasti Eresii de hist. plantarum hhri A, (jrœce et latine, etc. cuni nous et commentarus ; item rariorum plantarum iconihns ilhislrarit JoaUj Bodœus a Stopel, medic. Amstel. accès. J. C. Scalitjeri aniniad- versiones et Roh. Cotistantini annot. cum indice locupL Amstel. ap. Henric. Laurentium. In-fol. i6/i/i.

C. P'inii scciindi Hist. nai. lihri XXXVll , quos inteipret. et nous illustr. Joun. Hardiiinus , jussu régis. 3 vol. in-fol. Parisiis, 1741.

Geschichte der Botanikstudien , von Ernst H. F. Meyer. 4 vol. in-8°. Kônigsberg, i854.

Plusieurs fois aussi nous avons consulté les Observations sur les cultures de lEgYpf^t par Bové, ex directeur des jardins d'Ibraliim Pacha-, opuscule fort utile pour la culture et la noiTK'nrlatine. (Paris, M""H.r/.ara, i835.)

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS, 187

ouvrage de M. Pictet sur Les Origines indo-européennes \ et des conseils de M. Rodel, jeune savant Irès-versé dans les idiomes de l'Inde.

GÉNÉRALITÉS.

Les anciens divisaient les plantes alimentaires, o-ÏTOt, en deux classes principales. La première com- prenait les plantes dont les graines pouvaient fournir du pain, et la seconde, celles dont les graines n'en fournissaient point. La première classe renfermait donc les céréales, ^riyLriTpict, xapiro) yfruges , framenta. La seconde renfermait les légumes, x^Spo-rrà, lega- mina. Nous allons retrouver ces divisions, avec plus ou moins de détails, dans Théophraste, dans Colu- melle et dans Pline.

Le mot grec aÏToi paraît être l'équivalent de l'arabe iCjUJdî vy^^ (Ibn Aw. II, /ly), graines alimentaires. Galien étend le nom de Srjfxrfrpioi même aux légumes [De aliment. 1), comme nous le verrons plus loin. Telle était la classification générale des Grecs et des Latins; passons aux détails.

Théophraste admet, pour les graines alimentaires, TSsp) aiTov , deux divisions principales : Frumen- tacea , ut triticum, hordeum, tipha et zea et relicjaa (jaœ fritici, hordeive spécimen quodammodo (jerant : Ta (xèv yoLp o-itcoSïj oïov 'usvpoi, npiBcà, Ti(patf ^sioù , Koi aXXa, ofXQiÔTTvpa, rj ofxoioKpiOa. Legumina, utfaba, cicer, pisiim : toL Se ;^£^po7rà, olov xvaaosy épé^ivôos ,

^ Les Origines indo-européennes , ou les Arjas primitifs; essai de pa- léontologie linguistique, pav Ad. Pictet, 2 vol, in-8°. Genève, J. Cher- buliez, 1859.

i3.

188 MARS-AVRIL 1865.

Tsiaôs. Adde tertium genus , milium, sesamum , et ad summum cjuœ in œstivis sementihus, communi careant appellatione : Tphov Se -crapà avrà xéyy^pos, fkvfioSf (Tvja-ayiov , K. t. X. [Hist plant. VIll, i .)

Nous trouvons cette division en frumenta et legu- mina dans Pline (XVIII, ix). On la rencontre aussi dune manière générale dans Varron et dans Colu- melle. Nous nous occuperons ici des frumenta , lais- sant de côté les legumina.

Frumentum, atioç ou o-itojSïi de Théophraste, est donc un nom générique qui ne doit point se tra- duire en français ^ar froment, mais par blé, comme Ta déjà fait observer le traducteur de Pline (not. 7 1 , ad loc. cit.). Le mot crhos correspond au mot sans- crit Ht^, Sfter sîtja, cîtya «grains, blé, » pris dans un sens général. On en peut dire autant du mot grain qui, chez nous, est, dans le langage usuel, pris pour le froment, quand il n'est point accompagné d'un autre mot déterminatif, ainsi on dira : du beau grain, pour : du beau blé. L'expression menas grains s'applique à l'orge, à l'avoine, etc.

Pline comprenait dans les frumenia le triticum, le far, ïhordeum, auxquels il rattache le milium, pani- cum, sesama, horminum , irio (XVIII, x); mais il dit plus loin (ibid. xix) que les genres de blé ne sont point partout les mêmes, et que lorsqu'il y a identité dans les mêmes espèces, les noms diffèrent: Fra- menti gênera non eadem abicjue : nec ubi eadem sunt, iisdem nominibus. Golumelle admettait aussi la même classification, car il veut qu'on place le panicum et

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 189 le miliam parmi les framenta (II, ix, xvii). Pour Varron,Je blé est la plante dont le chaume produit un épi : In segetibas frumentoram , qiiod calmas extalit, spica. (Var. I, xlviii, i ^)

Nous retrouvons à peu près la même classifica- tion dans l'hébreu. Ainsi |3i, qui se prend pour framentum ou blé, est encore le nom générique des espèces végétales qui peuvent fournir du pain. On comprend dans cette classe les cinq espèces sui- vantes : nr2n,nDDD, mi:?::^, bvwrh^:!^, ps^, TrL ticum, spelta, hordeam, avena, secale^. Ainsi pi se- rait, comme on le voit dans Gesenius, l'équivalent de ahos et deframentam, et il s'appliquerait aux graines qui naissent des épis , fragibas terrœ qaœ ex aristis nascantar, ou, en d'autres termes , aux plantes qui poussent en épis. Ceci rappelle la définition de Varron; car, dans le lexique cité, arista est pris comme synonyme de spica.

Ce que nous nous proposons d'étudier ici plus spécialement, ce sont les noms divers du froment, de lépeautre, de l'orge, du seigle, de l'avoine, des miliacées et du riz.

^ Nous admettons la variante indiquée dans l'édition in-4° de Casp. Fritscb , Lips. 17.35, qui est celle que nous citons toujours. Vient à la suite du même passage la composition d'un épi complet *yoUJ' fX^XAu spica non mutila, comme le produisent le froment et l'orge. Les parties sont (jranum, jU:^; gluma, jtSvXc; arista, «la barbe», ycû. Ainsi l'épi produit par le miliam et le panicum au- raient été incomplets. (Var. I , xlviii, 1 .)

^ Les trois premiers noms seuls sont mentionnés dans la Bible, les deux autres sont lalmudiques.

190 MARS-AVRIL 1865.

LE FROMENT.

Le froment, triiicam sativum Linn. *iaAi»- , hinta, qui a pour synonyme ^ borr, et ^5 cjamah. On trouve ces trois noms employés indistinctement dans les di- verses citations faites par Ibn al-Awam, quelle qu'en soit l'origine, et lui-même en fait également usage dans son propre texte. Ces trois mots se rencontrent également pour le mot Tsvpos dans la version arabe de Dioscorides. (II, cvii ^. Suppl. ar. B. I. 1067.)

Suivant Gesenius, »hXs>^ viendrait de l'arabe laÀs^, rubuit, h cause de la couleur rousse, ou peut-être, suivant d'autres, il dériverait de la même racine prise dans le sens de condire, quod sît framentam quasi conditam; mais nous, qui voyons dans le mot arabe l'hébreu npi;», nous préférons l'opinion qui le fait dériver de îD:n, edidit , protiiUt, à cause de la grande production du froment, en quelque sorte ((la plante qui pullule.» Par l'usage, le noan s'est perdu dans l'hébreu, tandis qu'il s'est conservé en arabe. Le nom , au pluriel a^îon , se prend plus spé- cialement pour les grains de froment.

M. Pictet (I, p. 2 63) critique cette étymologie. Il veut que le nom sémitique du froment soit d'ori- gine iranienne. En persan, dit- il, cKid, ch'ayd, ch'mvid, chid (<XAi». khid'^), désigne le blé en herbe;

' Le nom sanscrit du iVomeat est îrtyiT godkùma; rAmarakocha donne également ÇTipq- samana, qui paraît désigner une variété par- ticulière.

^ Nous conservons la transcription de M. Pictet.

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 191 mais M. Pictet croit y voir un ancien nom du fro- nnent identique à çvada hypothétique. Or, de chid [khid) , on arriverait facilement au n^n,chitah hébreu. Cette opinion, sans doute, peut être soutenue, mais nous ne la partageons pas.

Le mot arabe, comme chez nous le mol froment, se prend, dans l'usage, aussi bien pour le grain que pour la plante elle-mêrne.

Le mol j^, borr (plur. ji^jî) , a aussi son équiva- lent dans l'hébreu nn, bar; mais, suivant les lexico- graphes Castel et Gesenius, il faudrait par ce mot entendre le blé nettoyé, vanné et disposé pour être conservé dans le grenier. En effet, le mot radical "ns signifie panifier, monder^; c'est donc comme si on disent a froment purifié , nettoyé » , 1D ntûn , cKitah bar. Le substantif a disparu et le qualificatif a pris sa place et l'a fait oublier, comme on en a de fré- quents exemples^.

Qamah, ffi , parait aussi venir de nDp, employé chez les Hébreux dans le sens de farine. Nous avons vu qu'on trouvait ces trois noms dans la version de Dioscorides, au mot ^vpôs; on les trouve aussi dans le Dictionnaire français-arabe de M. Caussin de Per- ceval. Marcel , dans son Dictionnaire arabe algérien, et Bové, dans sa Notice sur les cultures d' Egypte , se

' Voy. Gesenius, Thésaurus phdologicus et criticasUiiguœ hehrœee et chaldaicœ Vcteris Testamenti. Castel. Lexic. Iiept. verb. ÎOTI et 12'

* Nous retrouverons plus loin le mot o, à l'occasion du latin far.

192 MARS-AVRIL 1865.

servent seulement du mot ^O»; on le trouve encore

généralement employé dans les calendriers arabes.

Ces variations, dans la signification des noms et leur application , se trouvent aussi dans le grec. Ainsi, Link fait observer [Monde prim. II, 32 5) que les grammairiens et les savants se servaient du mot'cri/- p6s pour indiquer le triticam, tandis que les géopo- niques emploient toujours le mot aÏTOs. Les Sep- tante ont employé le mot Tsupos une fois, et œïtos cinq fois, suivant la remarque de Gesenius(voy. nîon Thés.). Comment traduire fjLsXi(ppova ^nvpov dans Homère, dans ce vers de ïlliade (Vllï, v. i88) il est dit qu'Hector nourrissait ses chevaux de la graine de ce nom? Doit-il être entendu du froment, qu'on sait être nuisible aux chevaux? Le scholiaste grec dit qu'il faut ici entendre xpiOfj , orge. Galien élève du doute, et il interprète par Ti(pri, secale. Sprengel semble se ranger à fopinion de Galien (Hist. rei lierbA, 1 1 ). (Voy. Bodœus a Stopel , Not. ad Tlieoph. Hist. plant. VIII, ix, 956.)

Nous ne voyons point qu Ibn al-Awam ait cité les variétés du froment autrement que par leur cou- leur; il ne parle guère que du blé rouge, de celui qui est d'un rouge pâle; enfin, la troisième espèce serait brune (II, 22, texte et trad.). Avicenne est très explicite ; il distingue trois nuances principales : le blanc, le rouge et le noir. (A vie. I, 176.)

Bové dit que, sous les noms de (^*Xa^«-o ^i et de fsj^ ^, (( blé du Sayd ou du sud, et blé marin ou du nord, > on cultive on Egypte plusieurs sous-

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 193 variétés, qu'on distingue d'après leur forme et leur couleur. [Cuit. Écjypt. lib.)

La grande Description de l'Egypte indique les es- pèces ou variétés suivantes :

Triticum sativum, aristatum, vnlgare, ^— *,

Blé barbu à épis lisses, i^j^^ ^;

3" Blé à épis plus longs, J^?^ c^r^*-*^ ^ »

li' Blé rouge, ^Jr^i^I ^;

Blé à épis velus , j-**^ ^ ;

Blé à épis velus allongés, iubLw ^;

•7° Blé à épis très-gros;

Blé arabe, j^ ^.

Ces deux variétés se rapportent au triticum far- gidum.

Blé pyramidal, ^^*i ^ (cf. Forskhal, Flor. Mgypt. 26);

10° Blé à épis courts, (^yf^t^ ^J», blé hordéi- forme qui, suivant Forskhal, serait une variété de spelta (Flor. Mgypt. 26).

{Descript. Égypt. Recueil d'observations, t. II, in- fol. Mémoire sur les plantes qui croissent en Egypte , par A. Ratfenaud et Delille.)

Par blé noir doit -on entendre un blé d'une qua- lité inférieure, de couleur brune et foncée, ou le sarrasin, qui porte aussi le nom de hlé noir, polygo- nam fagopyram Linn.? Si nous prenons le Diction- naire français -arabe de M. Caussin de Perceval, nous nous prononcerons pour l'affirmative; car il traduit sarrasin ou blé noir par ii^A« iLk»-. Le sar-

194 MARS-AVRIL 1805.

rasin passe pour être originaire d'Asie, d'où il a été transporté en Afrique, puis introduit en Euiope par les Maures ou Sarrasins; de lui vient son nom de blé sarrasin. [Die. H.nat Deterv.) Cependant, une rai- son de douter, c'est que rien ne vient faire soupçonner chez les auteurs arabes qu'il ait été cultivé chez eux. Suivant Beckman, cité par Link, le sarrasin aurait même été inconnu dans l'antiquité ( Monde primitif, TI , 343). Faut-i! phjtôt appliquer cette dénomination de blé noir au blé de Barbarie, dit triticum cineream maximum J. B.? Le secale , qualifié par Pline de noir et triste, nigriiia triste, donnant du pain de qualité inférieure, pourrait attirer sur lui cette dénomina- tion. Le mot grec (xsXdfnrvpos , qui est la traduction grecque de triticum nigrum, est pris généralement pour le melampyrum, arvense Linn. qui n'a aucun rap- port avec le blé sarrasin , polygonum fagopyrum Linn ^ Ce dernier mot, (payonvpov, est mentionné par Bo- daeus, dans ses commentaires sur Théophraste, page /i2 I , pour exprimer une forme de graine; mais il ne se rattache à aucune de nos céréales.

Link (t. II, 32 1, trad.) dit que rien ne prouve

^ Le fxeAafXTrupo? est nommé clans Théophraste [Hist. plant. VIII, c.iv Schneid.ctv Bod.) au nombre des plantes nuisibles qui croissent parmi le froment. Galion dit qu'il est du froment dégénéré : To fjLsXâfi- TTvpov Kalovfievov èx (jLSiaSoXrjs (lèv xai aCro yivetai tôSv 'ZJvpwv. ( De iiUm.Jaciilt. I, c.ip. ult.) Bodaîus dit qu'on le prend pour le tridcam vaccinum, «blé de vache,» un des noms vulgaires du melampyrum (un'ense h\nn. Sprengel partage cette opinion. Hist. rei herh.l, 96, Mais Link croit que c'est plutôt ïa(jrostcma (jithacjo Linn. la nielle des blés, jlLà:^ yS^X:. d'Ihn-al-Awain, II, 266. (Voy. Schneider, Annot. ad Hist. plant. Theoph. Vlil, l. III, p. 667.;

NOM^ DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 195 que le nîon de la Bible, le iCkÂs«- des Arabes, soit plutôt notre froment que notre épeautre. Nous n'ad- mettons point ce doute. Nous voyons, sans hésita- tion, dans ces deux mots, le trilicum sativwn in gé- nère, le ^.^XaS^ des Persans [Lex. Samachshari) , et Gastel [Lexic. heptagl. persic), qui cite encore les deux variétés suivantes, J^-i-îjij:> -*XaS"(( froment à longue barbe » , (j^ p*KÂ5\ froment de couleur foncée, qui serait sans doute le froment noir arabe. Il ne faut pas confondre cette locution avec j^5' P*XaS", que nous verrons plus loin. Forskhal semble venir en aide à l'opinion de Link, car il emploie, pour le triticiim spella, les deux mots ^Oj et iCkÂj>-. Ceci nous prouverait simplement que Forskhal a tiré ses renseignements de personnes qui, sans doute, confondaient les tritica et les speltœ sous un même mot générique. Nous trouvons de même dans le Dictionnaire français-arabe de M. Caussin de Perce- val, Epeautre, ^J» ç.y, sans désignation spéciale; mais de ces faits actuels on ne peut rien conclure pour ou contre les agronomes arabes du moyen âge.

L'ÉPEAUTRE, SPELTA ^

C'est particulièrement pour la fixation de la sy- nonymie de l'épeautre et de ses congénères que se présentent les plus grandes difficultés parlaconlra-

^ Suivant Saumaise , spella vient d'un mot grec moderne aTcéXrn pris pour Çéa. Grœci recentiores ^éav in suis Lexicis intcrpretanlur oTiéXiinv. (Salmas. De Homonymis hyles iatricœ, 68, c.)

196 MARS-AVRIL 1865.

diction des descriptions et la multiplicité des noms

par lesquels on a cru cette céréale indiquée , laquelle

souvent est confondue avec l'orge, comme nous le

verrons.

Nous comprenons particulièrement, sous le nom à'épeautre, trois espèces : triticum spelta, triticum di- coccum, triticum monococcum, l'épeautre ou le grand épeautre, l'épeautre à deux rangées et celui à une rangée, ou petit épeautre. Cette division est con- forme à celle établie à l'école pratique du Jardin des plantes dans les carrés affectés à la botanique.

M. Fée , dans ses notes sur Pline (XVIII , x), admet implicitement cette division. En effet, il indique, note io5, Yolyra, oXvpa, des Grecs, comme étant le triticum spelta de Linné, et le zea, Çe/aou ^ea, com- prendrait le triticum dicoccum et le triticum mono- coccum comme l'indique du reste Dioscorides (II, cxi). L'épeautre aurait été le far des Latins \ au- jourd'hui encore il porte, dans le Frioul , le nom de farra.

Un des caractères essentiels de fépeautre, c'est que la glume reste adhérente au grain, à ce point qu'il faut employer un moyen artificiel pour les sé- parer, comme dans le riz. L'épeautre ne donnerait qu'un pain de qualité médiocre, si dans la panifi- cation on ne prenait des précautions particulières.

L'analogie qui se trouve d'une part entre la dis- position de l'épi de l'épeautre et celle de certains

* Pline donne comme synonyme de far le uiol seincn. ( Voy. Pline , XVIII , LV : Farris nul semiiiis, quod frumenli çicinis ilu appcllumus.)

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 197 froments, et surtout de l'orge, a été anciennement la cause de confusions et d'erreurs qu'il est aujour- d'hui difficile de reconnaître et d'ëciaircir.

Dans l'arabe , le premier nom applicable à i'é- peautre qui se présente, c'est ocUw, soult, qui, sui- vant ce que dit Ibn ai-Awam dans sa préface I, 28, tex. 1 -7, trad. est ce que les Nabathéens appellent \x^\ mais t. TI, p. 46, tex. et trad. il parle d'une espèce d'orge cultivée dans le climat de la Babylonie , qu'on nomme kolba, \jJé , qu'on dit être une orge sans en- veloppe : i^ »>hXÂ ijyMS i AJÎ ^Ij-&JU^^-AJCCi AJÎ JUjj

^UJl (jâjo l.^x;w»>^ Hiaj^ii a^MJiJ] xk ^ UA£| ^J\

i^^j.J\ ^^-Ajui.Jî « Il a été dit que c'était l'orge sans en- veloppe (nue), ayant la forme du froment pour le grain avec un manque de consistance dans le corps, de même que dans l'orge. Son épi est pareil à celui de l'orge, sinon que celui-ci tire sur le foncé (litt. le noir) plus que ce grain. Suivant d'autres, le kolba ressemble au froment, et certaines personnes l'ap- pellent orcje greccjue. » Avicenne , qui lit c:aJ-w , le réunit dans un même article avec l'orge , et l'indique aussi comme une orge nue, j^i*^ "^jjjt^ ^ ^y, donnant un aliment moins nourrissant que le fro- ment. (Av. I, 260.) On lit dans Ibn Beithar :

Xs>-\yA j^Aji!^ HSaXÂ (j)««jJi*ol^ ^.jUJ^ j ^X.*^ wyl5o g^.i»-s'

198 MARS-AVRIL 1865.

^-ia-Lil ^i>-jC A^x-ûl ((Le soalt est appelé par Galien thahaqâ; c'est une espèce de froment qui lire sur le roux; il est dur, compacte, plus petit que le fro- ment, auquel il ressemble par sa nature. » (Ibn Beithar, mss. 55, foi. 225 r°.)

Dans un autre passage, extrait d'ïbn Beithar, cité par Banqueri I, page 23, note, on lit : y~^ c:^^.^

^LjJî j^xàJi lijj^MéXS^ k^S (( Le îowlt est une espèce d'orge qu'on dépouille de toute sa glume (litté- ral, son écorce), et le grain resté à nu est pareil au froment. Cette céréale pousse en Perse. Elle est de deux espèces; on la nomme al-fahah, qui signifie orge nue. » D'après les diverses citations qui précè- dent, le 50H/f serait l'orge nue, ^jmnocn'^/ioM, ou forge- riz, zeocrithon, plutôt que fépeautre , le spelta. La définition d'Ibn al-Awam conduirait à la première opinion , puisque le grain en serait plus blanc que ce- lui de l'orge , ce qui est un des caractères de l'orge-riz. Parmi les noms qui peuvent se rapporter à un spelta ou bien à un hordeuin, nous trouvons dans Ibn al-Awam ahlas, qui est aussi Yiskâliah (jf*-^ iL^^M,)}] y^^ (IT, 26 , fm). Dans la préface du même auteur, on lit : l-^Ji cj-^^-? ^^j'^^-^-^^ ^^ xJ^<A«^ii S^-^yj:*- ^aIiaJJIj i^^ç^'S. aViskâliah est le hhondros; je pense qu'il est appelé hoaschaki par les Naba- théens.j) Dans le chapitre xix, art. iv, qui traite de

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 190 la culture du honschaki, nous trouvons que a parmi les graines cultivées en Babylonie, il y en a une qui est nommée par les Grecs khonàros , qui ressemble au kolba, dont elle diffère en ce qu'elle est plus grande, que sa couleur est celle du kolba; seulement elle porte deux grains accouplés l'un à l'autre. » ^jyj

(^r:Ais-^^^ (^5VA.x&-. Ibn Beitbar dit que iskiliah est le nom vulgiiire cVaJilas en Espagne ; c'est le zea de Dios- corides. La version arabe traduit aussi zea par ahlas. Ajoutons à ces définitions celles du rpayo? par Dios- corides (II, cxv) , traduite littéralement par Ibn Bei- tbar : VL?"!^ (j^ (:5?rÀÂAaJi J^l^ -î^a-w AkX^i fjt^AS-]^^ ij~* A_Ai Le; l^JL* \*SS' J^î y^^ (jft. fcj 4>sJvui- IaJ JUù <^i

JI -Lka-4-j^i j-A*.^ dlJ*xJ^ aIU^JJ «;^(( Le ^m^/ii5 , pour la forme, ressemble à ces deux espèces de graines nommées chondros; mais il est moins nour- rissant, à cause de la quantité de son qu'il contient, ce qui fait qu'il est difficile à digérer, etc.» (V. Ibn Aw.I, 2 3, not. Banq.) Nous avons traduit hoaschaki par triticam àicocciim, en nous rapprocbant du texte grec, qui présente quelques variantes. Le chondros est, suivant Avicenne, i^^; i<kJL> (I, 278).

Un nom qui vient encore parmi ceux qu'on peut rattacher au spelta, c'est le mot o^aâS", écrit en marge de oXvpa. dans la version arabe de Diosco- rides. Ibn Beitbar en parle comme d'une espèce de

200 MARS-AVRIL 1865.

(j^iwXp, connue sous ce nom dans rYémen-, à la suite vient la traduction de l'article de Dioscoridcs sur Volyra : i »«X-&.|^ iLA-s^ Jw**^? /j*J*)î ^-« c^j t-^JsÂ:^

^ (jAiJVjiy^^ (J^)^ rrfvwi^î ^*^^ (:>'<irl? ^-'Ji^*^ >^^ iUA^

<îuj|^^-A^ llj (j--wJ^ 0^ «.j-o^yt» (j^^i) îiXjJ^t iUjlxîî

^ A^ 1^ J^i (fol. 339, i«). D'après Al-Ghafaki, ce serait une plante aquatique qui s'élève en tige noueuse; à chaque nœud est une feuille qui l'en- vironne tout alentour. Ce serait une arondinacée, étrangère à l'cpeautre, tandis qu'ici nous trouvons dans la description du kanih un végétal qui serait le triticurn monococcam pareil au kolba ^

Le nom hébreu générique de l'épeautre est dddd, en chaldéen ]''DDD. Les comnientateurs de laMischna donnent pour équivalent l'arabe (jf^ et le grec oXvpa et ^ea ou ^sia. Il a été traduit dans les versions arabes de la Bible de diverses manières; par Sâdia, dans l'Exode (ix,32),partjLji£a-;dansEzéchiel(iv, 9), par ^AJ»^, à cause du pluriel q^DDD; dans Isaïe (xxvni, 2 5), on trouve (jU^ au singulier. La version de la Société biblique anglaise porte 0^^^=?- dans les deux premiers passages, et dans Isaïe iLXj^jS^, Gesenius voit dans ce mot de l'analogie avec le nDDD hébreu, ce qu'il explique par des permutations de lettres. Il

^ Le manuscrit de la Bibliothèque impériale porte o-UT^ dont il détaille l'orthographe lettre par lettre; les dictionnaires lisent de même; mais Gesenius, au mot nDDD, lit t:;>^y.«i ( Thés, phii criticus limjuœ hrhrœœ et chaldeœ.)

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 201 cite un passage explicatif d'Abou'l-Waiid que nous rapportons ici , et qui nous explique ce nouveau nom kirsanah : J^\^ 4^_A^Â_fii -UJI J<^\ ^a^ua»»^ iiÂAw^l ^g A yU^i^ l^J^-cvwo (j^\jj^\. Voilà donc deux nouveaux noms donnés à Tépeautre. Ce sont des noms de lo- calité, comme le dit Aboul-Walid; car nous voyons dans Ibn al-A\vam, comme dans Ibn Beithar, que iU-w^S" s'applique à Xervum ervilia, et ^^UX^ au pi- sum. Le nom jii;t_5-=>- , employé par la version de la Société biblique, est synonyme de (j^^. La version grecque porte constamment oXwpa, et la Vulgate5/)Wto.

Ce mot (jW^^ , qui devient dans le Talmud N^bi: (Pesach. fol. 35, i), nous rappelle le nom nabatbéen ou babylonien lx)^que nous avons vu précédemment comparé àuhoaschaki, duquel lekolba ne diffère que parce qu'il n'a qu'une seule rangée de grains. Rabbi Tanchum explique pDDD par (j^^^, qui est le <Csa de Dioscorides.

A la suite de ces noms, vient, dans Ibn al-Awam (XIX, 5), celui de <JU^. «La céréale de ce nom, suivant l'agriculture nabatbéenne, ressemble au hoaschaki; on la récolte au mois de haziran (juin). Elle donne un pain qui sert pour l'alimentation. Sa farine contient beaucoup de son ; le pain qui en vient est d'une digestion difficile; il reste longtemps dans l'estomac, et, quand il en est sorti, il traverse rapidement le tube intestinal , et il relâche le corps. » J^L-w^s*. *-Mio _j-^^ iCAkAjJi iij»-^Xi ^ Jljj ^yAA-5 ^uLÇii)^ J^^ yK^ \k^ yx^, «Xi^ J<xi jj^ ù^^ V. i4

ii02 MARS -AVRIL 186 5.

(j^-j^^ (ijrr-^j^ ^*î?^ *>*-^ »Js^i ^ jjv.^5 lil^ Rappro- chons maintenant ce texte de celui de Dioscorides, qui dit du tragiis (II, cxv) : Tpdyos 10 (ryrjyLa (xèv Tsa- poLirXrja-iCûs tôj yàvSpœ soiksv cêTpo(p^Tepo5 Se trrapà ^nroXit ^eiots, Stà to e^eiv to èxyypwSss' Sio Ttai Svar- KOLTspyaa-los écrit, Kcù aoi'kioLs (xolXolktikos. h Le tragas ressemble beaucoup au chondros pour la forme. Il est moins nourrissant quel02^«, parce qu'il est plus chargé de son. Il est donc d%ne digestion plus dif- ficile, il relâche le corps. 0 II ressort de cette com- paraison une grande analogie entre le thourmahi et le tragiis.

Mais, dans sa préface, Ibn a]-Awam pense que le t.hcmnir est le thourniaki : ^5^w^ »^\ ^Ibi^ j-A^B^JaJî^ i^^^ç^ aaIaaâjL. Après cette opinion formulée d'une manière à peu près positive, l'esprit se trouve rejeté dans l'incertitude au sujet de ce iharmir, qui devient un nom spécificalif pour le froment et l'orge, ^-«^is j^x)t^\ jj>^jls , ^-^5. (Il, p. 29, texte et trad.) Qu'est- ce donc que le i/iarmiV, dont aucun dictionnaire ne fait mention? A la leclure de la préface, nous avions cru voir dans ce mot une altération de ^Jt^^\Jlo\ mais son application au froment et à l'orge nous a jeté dans le doute. Peut-être faut-il voir en tharmir l'in- dication d'une forme dans l'épi, rappelant dans le blé celle de l'épeautre à deux ou à une rangée; et pour l'orge, Yhorcleiim zeocrithnn ; opinion à laquelle nous nous rattachons.

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 203 Ainsi, pour nous résumer, nous trouvons en arabe huit mots répondant au spelta et à ses variétés aux- quelles nous rattacherons le zeocrithon et Je cjymno- criihon , qui souvent s'y trouvent confondus. Ces mots sont pour l'arabe c^Avw ou o>-U;, o'.wU, U^, <^;^,aJS^, S^y^ , S^j^^ {jW'=r , ii-Â^j^; pour l'hé- breu et le talmudique, nous avons dddd, |''DD'id et Nd'^IJ. Ces noms paraissent correspondre aux noms grecs oXvpot, ^éci ou Çs/a, )(^6vSpos et rpayos.

Si maintenant nous voulons entrer dans les dé- tails de spécification , c'est-à-dire chercher à recon- naître à quelle espèce doit se rattacher tel ou tel nom , nous nous heurtons contre de grandes diffi- cultés. Le seul moyen qui nous semble le plus con- venable pour nous guider à travers ce dédale, c'est de nous rattacher aux noms grecs si souvent cités dans les définitions arabes, parce que généralement on est assez d'accord sur leur interprétation.

OXvpa est habituellement pris pour le triticum spelta, le grand épeautre; en arabe ce nom devient \j^\ , et altéré par Ibn Beithar dans la transcrip- tion arabe en i<>s-^î, il est rendu dans la version arabe de Dioscorides par u^jvaS', qui est une espèce d'^jwwU ou de ^ea, iîj, à une seule graine, rnono- coccam. (jt*-^ est Viskâliah A-isil<*vî , qui est le •/pvSpoç des Grecs, ^j^^j>y.Â^-^ mais celui-ci a deux grains juxtaposés. iLLwp , kirsanah serait encore synonyme du nom syrien kanib, comme (jWX=?- fest pour les habitants de flraq. Nous avons vu plus haut qu'Ibn Beithar Taisait du kanib ou oiyra des Grecs une espèce

204 MARS-AVRIL 1865.

de ahtas ou zea à une graine; or Dioscorides ne dit pas cela; pour lui, olyra est du même genre que zea. H oXvpa, Se Kaï tov avTOv ysvovs èdl) Trjs ^eias, àrpo- (panspa Se koltol 'tsocrov éxeivrjs (II, cxiii).

Ainsi ïolyra des Grecs n'est point le zea, avec le- quel pourtant il forme une même famille. Il ap- pelle comme équivalent <-^AJi5", iuU»j^5', yUI>, qu'on devrait appliquer au tritlcum spelta.

Le zea présente dans Dioscorides une définition bien tranchée , c'est un nom générique qui com- prend les deux espèces dicoccam et monococcum. Il aurait pour équivalent en arabe (j*w^, ^oJ\<Awi, qu'Ibn- al-Awam confond avec le chonclros. Nous traduisons j^* aidas par spelta pris aussi dans un sens géné- rique.

Le triticum dicoccam est évidemment le S^y^ des Nabathéens, qui porte deux rangées de graines; ce serait aussi le x^vSpos des Grecs, triticum (jrœcum, ïLx^tfj iCkAj*- d'Avicenne^

^ Saumaise se livre à de longues fit minulieuses recherches sur l'origine et la signification primitive de -/ôvèpos^ recherches dans lesquelles nous n'entreprendrons point de le suivre. Ce mot aurait été appliqué à une molécule d'un objet ou substance quelconque concassés , comme le blé, le sel. 'KovSpoi dXùiv siint 'zsa^eîs âXes He- sychio; yôvèpoi ahœv, grana tritici crussaisculis fracjmenlis coiicisa. Il en aurait été à peu près de même de Tpctyos. Le premier de ces deux mots aurait été ensuite appliqué à une préparation appelée par les Romains alica. Pour les modernes, clioiidros est devenu une espèce de triticum, et les Arabes les ont imités. Ainsi Avicenne dit que le chondros est \e froment yrec , JL^^-J] ^' *<> \J^ (Sa! m. Hom.kjles iatr. 71,72.) Nous ferons observer que ces mots arabes ^mJLw et ^ sont dérivés des mots hébreux D'^C , farimi piirissinia (Gen. xvni, fi), de

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 205 Le ovX»«, que Galien nomme thabaqâ, comme nous l'avons vu, est présenté par Ibn Beithar et par Avicenne comme l'orge nue. Cette opinion est ad- mise par Castel, qui traduit ce mot par hordeum nudamy qui est aussi l'interprétation du UX, suivant la citation nabatbéenne que nous avons lue plus haut : c'est peiU-êlre ce qui a déterminé Ibn al-Awam à les assimiler dans sa préface. Ern. Meyer voit dans le kolba Vhordeam disiicham, variét. nudam (III, 84). Cette interprétation nous paraît très-admissible, car elle comprendrait en même temps le gymnocrithon. Ainsi oJ^ aurait pour synonyme UX, xnbiJ, qui rappelle ^ W^^ , comme nous l'avons vu plus haut. Ils auraient de l'affinité avec le Tpayos de Dioscorides, fjM^\jls d'Ibn Beithar,j-ùJu>j.Ax,w et ^^j>j j-Ajt-i , un hordeam nudam ou gymnocrithon. Ce qui tend à établir que c'est une orge et qu'il y a identité des deux noms, c'est qu'à la suite de l'article kolba, l'auteur, Ibn Awam , rappelle qu'au XVIIP livre il a donné ce que Junius dit de la culture de la terre pour l'orge; or c'est dans ce livre qu'on Irouve le mot soalt, qui serait un nom arabe, et holba un nom nabatbéen.

Quant h nous, dans notre traduction d'Ibn al- Awam , nous nous .sommes arrêté à voir dans le mot c:A^ (d'orge nue» hordeam nudam, et dans {j^^^ « Tépeautre » spelta. (II, p. 25 et 16.)

npp, qui a aussi le sens de farina ( loc. cil.) , et qui, chez les Arabes, furent appliqués, le premier h une espèce (.Vhordcuw , et l'autre au irilicum.

206 MAHS-AVRIL 1865.

Le S^j^ , sur lequel Ern. Meyer ne se prononce pas, nous a précédemment paru se rattacher au tragos. M. Fée hésite à se prononcer sur la valeur du mot tragos;i\ pense qu'il peu! être un épeautre (Pline, XVIII, xx, note loli). Pour nous, nous pen- sons voir dans le thormaki Vhordeum zeocrithon.

Forskhal compte cinq espèces d'épeautres ou va- riétés de triticam spelta pour lesquelles il emploie les noms de ^J» et de (^-^-«Ai, mais plus particulière- ment le premier. Ces cinq espèces ou variétés sont : T. spelta, villosarn; variété g.lumis vilJosis f^ A;*^^; y (jliimis sabvillosis j^^ f<'i\ Zi" T. spelta, gla- hram; (jlumis (jlahcrrimis \ 5" ^^yf^^ ^, espèce mal déterminée par le bolaniste suédois [Flor. Mgypt. arah. 26). Toutes ces espèces ou variétés se trou- vent dans la Description de rÉcjypte (Mémoires de Raffenaud et Delille, t. II, p. i3); mais elles sont indiquées comme froj^ncnt ou blé, et l'espèce incon- nue de Forskhal est indiquée comme blé à épis courts.

L'épeautre porte dans Columelle (II, vi , 5) le nom d'ador comme générique. Il admet quatre va- riétés : i"" far clusinum ; 9.° verrucosum ratilam; ^ alte- ram candidam y et l\° trimestre. Ainsi adoreifar seraient à peu près synonymes. Pline se sert du nom semen simplement (XVIII. xix). Dans le même chapitre, il semble à tort établir une distinclion entre le zea eifar, quoiqu'on admette toujours identité j)arrait(^ entre les deux mots ^

' Voy. liink, Monde prim. II,;^2g.

r

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 207 Le mot latin far rappelle rhébreu 12, l'aiabe^o et le grec 'iffvpos. Il est difficile que ces mots n'aient pas une origine commune. M. Pictet professe la même opinion. Suivant lui, le mot hébreu ne peut se séparer de l'arabe; leur origine est la même. Il les veut voir dérivés de N13 ou nii, comedit. Gese- nius y rapporte le grec ^opoi, pabulum, qui serait le radical primitif de vorare. Cette étymologie nous ra- mène à ^poûcTxoû, manger, et (Spcjfxos, le brome, vé- gétal, de même que, par la prononciation dure de la consonne, nous avons eu 7svp6s. Le sanscrit a aussi hhr, bhar, nutrire. (Gesenius, Lexic. hebr. v°, ID , et Pictet, Ori(j. Ind. Europ. 1, 26g.)

L'ORGE.

L'orge, hordeam satixniin Linn. s'appelle en arabe ^A.*-iJî , comme si l'on disait j-ocaJI 4-^, granum pilosiim , à cause des barbes dont l'épi de l'orge est hérissé. En hébreu, elle est appelée îTi*i:?t;, qui a la même signification ; a spicis hirsutis dictum , dit Ge- senius; au contraire de npDS, spelta a spicis detonsis. En grec, on l'appelle xptdv , et par abréviation Kp7; en persan^i^ djaw, qui rappelle le zend m»m/C yava et le sanscrit ^^ yava. Cette synonymie est incon- testée et incontestable ^

' U Amarakocha donne encore : y)r{UI=h sitaçuka. Pictet rap- proche du latin horJeum le sanscrit ^q" hrdja. neutre hrdjam, ad- jectif qui signifie «aimé, désiré, agréable.» (I. 271.)

208 MARS-AVRIL 1805.

Ibn al-Awam n'indique aucune espèce particulière d'orge nommément; il place à la fin de l'article qui traite de sa culture celle du kolba, qu'il a, comme nous l'avons vu , présenté comme synonyme de sonlt, que nous avons reconnu être l'orge nue. Le hoaschaki et le thourmahi dont il traite dans les art. IV et V à la suite de l'orge, doivent-ils lui être nécessairement réu- nis comme variétés? Nous avons vu que le houschaki était le chondros des Grecs et l'épeautre à deux ran- gées, T. dlcoccam; le thourmahi nous a paru être Vhordeiim zeocrithon, congéquemment il se rattache- rait «j l'orge comme variété. Nous ferons observer que tout ce qu'on lit dans ces articles sur la culture (le l'orge proprement dite, et sur celle des autres cé- réales qui viennent à la suite, est extrait de l'agri- culture nabalhéenne, et qu'ainsi les trois noms kolba , hoaschaki et thoarniaki, sont des noms étrangers à l'Arabie et à l'Andalousie surtout.

Forskhal ne mentionne l'orge nulle part; mais Bcvé parle de ïorcje ordinaire et de l'or^c hexas- iique, sous le nom seul de j,xx^, comme étant cul- tivées en Egypte, on les donne aux chevaux pour nourriture. Nous ne voyons rien dans Ibn al-Awam qui j)uisse rappeler l'orge hexastiqae ou escourgeon.

L'orge se semait chez les Arabes comme le fro- ment, et à peu piès dans les mêmes conditions. Quand on voulait la faire manger en veit , on semait en mai. Le fourrage qu'elle fournissait s'a ppelaitJ^AAaï en arabe, dj^s^s^- en peisan; ce mol s'applique aussi aux lonrr.iges verts en général, comme dans le Ta!-

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 209 mud nn^, herba (juœ metitur et clatur bestiis adhuc vi- rens. (Peab. VI,x) ^. Voy.Aw.II, 46, texte, et 45, trad. Théophraste indique cinq espèces d'orge : orge à deux rangs; 'i"" orge à trois rangs; orge à quatre rangs; à° orge à cinq rangs; orge à six rangs ou hexastique, escourgeon, (Théophraste, ^5^ plant. VIII, IV.) Link (II, 329, trad.) pense que les co- pistes ont bien pu intercaler les espèces à rangs im- pairs, que repousse l'esprit philosophique. Columelle indique seulement deux espèces d'orge : hordeam disiicham et hordcum hexastichum ou cantherinam.

(Col. VIII, IX, XIV, XVI.)

LE SEIGLE.

liC seigle, secale céréale Linn. fut-il connu des Arabes? Rien ne l'indique précisément, cl comme il n'est point originaire de l'Asie, on peut en douter. Pline, parmi les Latins, est le seul qui parle du se- caUy nommé asm par les Taurini (XVIII, XLi). Spren- gel voit le secale céréale dans le siligo de Columelle (II, VF, IX. Spreng. Hist. rei herb. i5i ). Le Ti(prj de Théophraste [Hist. plant. VIII, i, 11, iv) serait, sui- vant le même Sprengcl, le secale (I, p. 80). M. Fée professe la même opinion (note 21-7); mais Anguil- lara , cité par le P. llardouin ( note 3 , sur le ch. xix , liv. XVIÏI de Pline), en fait un spelia. u Rucllius, dit Bodée de Stopel, voit dans le T/(pr; le secale; mais il faut bien se garder, dit-il, de le confondre avec le

' Eu sanscrit le mot fTT^^ tohina dësigni^ toules les céréales en vert, mnis prineipalemenl l'nrfje.

2J0 MARS-AVRIL 1865.

7v(pyi par un upsilon, qui pousse au milieu des roseaux clans les lieux humides. » Cette dernière plante serait alors le typJia latifolia ou angustifolia Linn.

Au milieu de ces mêmes commentaires de Bodée de Stopel sur le liv. VllI, ch. ix , Hisl. plant, p. 966, est la figure d'une espèce de blé qui porte le nom de triticani tiphinum , qui, sans être le tiphê , en ap- proche beaucoup. Triticani tiphinum proxinw ad ti- pham accedere niacjni viri scribimt. Il vient des îles Fortunées ou Canaries; mais il n'est point le tipha qui esl contenu dans plusieurs enveloppes et qui se détache diffîcileinent de sa glume, tandis que c'est le contraire pour le triticam fiphinam. Suivant Link [loc. cit. 332), le tiphê pourrait bien être le triticam monococcani, qui donne un pain brun et foncé comme le tiphê. Peut-être aussi pourrait-il être le zeopyruni que Galien dit être cultivé en Bithynie, et qui tient le milieu entre le froment et le hryza. Galien cite cette dernière plante pour l'avoir trouvée cultivée en Macédoine et en Thrace; elle était très-semblable au tipkê. Mais Link ajoute qu'on ne peut pas attacher une trop (jrande valeur à ce passage. (Gai. De alini. facult. I, xui; Bod. de Stopel, loc. cit. Link, loc. cit.) Galien, continuant, dit que le grain du tiphê esl plus jaune que celui du froment; il esl court et ra- massé. Tipheœ triticis Jlaviores ; quin et habet corpus den- suni et coactum. Définition qui concorde fort j)eu avec ce que dit Pline du secale , qui est un fort mauvais blé, souibre et noirâtre, nicjritia triste, chaigeant beaucoup l'estomac, même quand il est mêlé avec

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 211 le far; fait contraire à ce qu'on observe journelle- ment. Link ajoute peu de confiance à la description de Pline, auquel il reproche , et avec raison , de man- quer de méthode. Gahen dit, en terminant, qu'on peut très-bien considérer le dphê comme un blé de petite espèce, puisqu'il en a la couleur, la densité et la chaleur. Ovk oltziOcIvwç S*av Tts ovoiid^oi isvpov fiixpbv Trjv Tt<pnv net) lYJ X?^^?- ^^^ "^V ■tzrypivoTrjTf xaî ^-spfÀOTriTi TYJs ^vvdyieœç éoiKeiov avtoîs. Cette conclu- sion nous mène à penser que le tiphê serait proba- blement le triticum monococcum, le petit épeautre, ce qui semble être l'opinion de Link. (Galien, Bod. de Stopel et Link, loc.cit.) Sprengel, comme nous l'avons vu, le prend pour le secale.

Il en est qui veulent que le tiphê ait été le grain très-doux qu'Hector donnait à ses chevaux; nous en avons parlé déjà plus haut.

Saumaise, parlant du secale (Hom.. hyl. iatrica, p. 68 et 69), ne veut pas qu'on voie le secale dans le zea de Dioscorides, ni dans celui de Théophraste ^ Le zca de Dioscorides, dit-il, est bien le spelta (comme nous l'avons reconnu précédemment). Les gloses les meilleures, comme celles de Servius, voient dans zea et ofyra, le spelta, far et ador. Ainsi le pain de zea de Ménesthée, cité par Athénée [Deipnos. lib. III, p. 1 1 5), qui charge l'estomac et qui est d'une digestion difficile , ne peut provenir du zea de Dioscorides, ni de celui de Théophraste. 11 ré-

' ^éa est lettre pour lettre ie sanscrit ?Tôr yava, d'apiès les lois de permutation établies pour ces deux lant^ues.

212 MARS-AVRIL 1805.

pondiait très-bien au secale , dont la farine fournit, comme on le sait, un pain d'une qualité inférieure, qui charge davantage l'estomac.

Si nous voyons dans Athénée le zea devenir le secale, qui nous empêcherait de le voir dans le iL^JK^i , ishâliah des Arabes d'Espagne , mot donné comme synonyme de (j<-w)^, ahlas, qui, suivant la version arabe de Dioscorides , serait l'équivalent de ^e/a? Conjecture que pourraient sulTisamment justi- fier ces confusions de noms et de descriptions si fré- quentes chez les Arabes et les anciens en général, pour les plantes et les animaux. Ce nom ishâliahva\)- pelle celui de asxdXt que porte le seigle chez les Grecs modernes.

Le seigle, suivant les traducteurs et les commen- tateurs, porte dans la Mischna le nom de pD'»i:/* [Keldim, I, i). On trouve aussi N")î:;"I avec la même signification (Pcsach. 35, i). Il y a en arabe le mot ^j-^^^ ^ Sous ce titre, Avicenne (I, i 69) donne la traduction de l'or I ici e A/yAwxf^ de Dioscorides (îV, cxxxix), qu'on croit être l'équivalent à'avena cjrœca de Pline (XVIII, xlii), et qui, suivant Sprengel [Hist. reiherh. t. 1, p. 1 Sq), senût Yavena slerilis ou fataa Linn. Ainsi schiphon restera le secale céréale, surtout quand on voit que sa farine peut êtie em- ployée à la confection des azymes [Kelaïni, I, r; Gesenius, note 5). Le mot arabe (jls^, évidem- ment une transcription de fhébrcu, est rendu dans Castel par spelta, et la version de Sàdia femploi'V

' Caslcl lit ^5^ A la racine N")u*", o! jjv^^-i '^ !•' '"cinr ")r".

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 213 comme nous l'avons vu, pour dddd (Ezéch. iv, 9, et Isaïe, XXVIII, 26). Pour le nom talmudique pD^îT , le dictionnaire ne donne que le mot secale, aiCpwv , Castel. D'un autre côté, le dictionnaire grec de Bu- dëe porte ai(pœvLov, herba quœ et ^pMfjLOs dicitar avena. Nous préférons nous en tenir à l'interpréta lion secale de Castel. Le seigle, dans le Dictionnaire de M. Caussin de Perceval, est appelé jb^U», mot que nous ne voyons dans aucun autre lexique; le mot (jlî^ reste, dans ce dictionnaire, appliqué à l'avoine.

L'AVOINE.

Nous compléterons cette notice sur les céréales proprement dites par des recherches sur l'avoine. Il n'en est pas fait mention dans Ihn al-Avvam , sans doute parce que les Arabes et les Orientaux ne fai- saient point usage d'avoine pour leurs chevaux; elle était remplacée par l'orge. L'avoine n'était employée à cet usage, suivant Galien , que par les habitants de l'Asie au delà de Pergame et surtout dans la Mésie.

Si les Arabes ne cultivaient point l'avoine, ce- pendant elle ne leur était point inconnue; car dans les dictionnaires on la trouve indiquée sous plusieurs noms. Ainsi dans le dictionnaire arabe de M. Caus- sin dePerceval et dans le vocabulaire des idiomes afri- cains de Marcel, on trouve ^l?^^, JU^^i^-et^jUJoy-iû, mots qui ne sont point d'origine arabe. Ibn Beithar cite le nom JUo^, qu'il écrit encore ^Us^-â-, qui se voit dans Castel. Il a aussi le mot ^jUJo^, et il traduit presque littéralement l'article de Dios-

214 MAHS-^AVRIL 1865.

corides sur le bromos. (Ibn Bcithar, loi. i/i5 et

890 r°, ms. 1 02 3 A. F.) On trouve en persan (jUis^.

li y a dans Avicenne un article intitulé ^L-Jo^îj^ift . mot qui , suivant Castel , est l'équivalent de ^j\^j^, qu'il traduit par Bryonia. Or ce que dit l'arabe , que cette plante possède une force pareille à celle de l'orge; qu'elle tient le milieu entre l'orge et le fro- ment; qu'elle est à la fois laxative et styptique: ne peut s'entendre que d'une céréale et non de la bryone.

Dans la version arabe de Dioscorides, ^^Us^ est donné comme la traduction du mot ^pwfxos.

Les Latins connaissaient deux espèces d'avoine, Tune cultivée, avenu sativaLinn. èromo5 (Pline, XXII, Lxxix, not. Hard.), et l'autre qui ne l'était point, avenu steriiis Linn. avenu grœcu (Pline, XVIII, xlii). Virgile cite ces deux espèces d'avoine.

Urit enim lini campuQi seges , urit avenae.

(Georg. I, V.77.)

Urit id est exsiccat sej^es avena (cnlla).

( Interpr. Ruai. )

Infelix lolium et stériles dorainantur avenae.

{Eclog.\,v.^-j.)

Dans ce dernier vers l'avoine stérile est con- fondue connue mauvaise herbe avec l'ivraie. Colu- melle parle de l'avoine qu'on semait en automne pour la faire manger en partie en vert , l'autre partie restant pour graine. [De re rast. II, 11,9.)

Comme les Latins, les Grecs connaissaient aussi deux espèces d'avoine, savoir : celle qui était culti- vée et l'avoine stérile. La première était le ^pôJyLOç ,

INOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 215 et l'autre YaiyiXco^, dont nous avons déj/i parlé à l'occasion du seigle. Galien ne laisse pas de doute sur la nature du bromos , puisqu'il dit qu'il est em- ployé pour la nourriture du bétail, et que dans les cas de disette on en fait du pain, alors qu'on y est contraint : ipo^^n S'ècrTiv ovk OLvSpcoTreov elyn/j tsûts âpot XtfXGûTovTss. C'est bien ainsi qu'on emploie l'avoine de nos jours.

Dioscorides a deux articles consacrés au ^pœfjLos; le premier, lib. II, cxvi, et le second, lib. IV, cxl. Quelques auteurs croient qu'ils se rapportent à la même plante-, d'autres voient dans le premier article la description de la plante, et dans le second ses propriétés. Ce serait peut-être ainsi que penserait Sprengel, qui réunit les deux articles en un seul pour l'explication. Telle n'est pas l'opinion de M. Fée, qui veut que dans le livre II l'auteur grec ait eu en vue l'avoine cultivée, et dans le livre IV, l'avoine stérile. (Pline, XXII, Lxxfx, not. i 64.) L'article du livre II ne laisse pas le moindre doute sur l'interprétation; ces prétendues petites sauterelles bipèdes, dxpiSa Si- xùûXoL, qui pendent du sommet, et dans lesquelles sont contenues les graines, indiquent bien la disposition des graines composant l'épi ou grappe.

Nous avons vu aussi que tous les commentateurs étaient d'accord pour reconnaître Yavena sterilis dans ïœgylops. Il y a dans le IV*^ livre de Dioscorides l'arti- cle ex XXIX consacré à Yœcjylops qui sert de type pour la forme du brome. Quoi donc peut nous empêcher dewoivYavena sterilis déente danscetarticleCXXXIX,

210 MARS-AVRIL 1865.

et dans l'article GXL qui suit, une plante analogue au genre bromus des botanistes modernes? Dans la version arabe de Dioscorides, nous trouvons le mot œgylops rendu par ^j--*»»^ ^ .

Dans le Talmud, l'avoine est appelée bvw nb^V; suivant l'auteur de la note talmudique, par ces mots on entendait l'orge sauvage , hordeam silvestre; mais dans le langage vulgaire, on l'appliquait à l'avoine. ( Kelaïm , I , i .)

Nous avons vu aussi, en parlant du seigle, le mot talmudique N^v^m, rappelant le mot arabe ^rj-^^i qui, dans Avicenne, est l'intitulé d'un article qui est une traduction de l'article AiyiXoy^ de Diosco- rides, comme nous l'avons dit. Ce nom est présenté comme l'équivalent de pD'iï^', autre nom du seigle, et qui rappelle ^U^ appliqué à l'avoine cultivée, ou iSpdofjios. Nous aurions donc un nouvel exemple de la modification que les mots éprouvent dans leur signification en passant d'une langue dans une autre.

Bodée de Stopel signale les différences qui exis- tent dans la manière ^'écrire le mot grec hromos. Théopbraste écrit f3p6(xos par un omicron, tandis que Dioscorides écrit (Spùjfxos par un oméga. Il en est qui veulent que la première manière soit pour indiquer Y avenu sativa, et la seconde ïavena sterills. [Comm.ad. Hist. plant. VIII, p. 9 5 7.)

Forskhal cite seulement Yavena pennsylvanica avec le nom arabe S-^ ^y^. [Flor. Mcjypt. arab. p. 2 3.)

Les Géoponiques ne disent pas un mot de l'avoine, ni du bromos.

NOMS DES CëRKALES CHEZ LES ANCIENS. 217 LES MILIACÉES.

Les niiliacées /jj^:> et «ji ne peuvent être sépa- rées; il faut nécessairement les étudier ensemble, à cause de leur grande affinité, qui les a fait parfois prendre l'une pour l'autre.

{^^, dokhn, est visiblement le mot hébreu ]ni, do'han. (Ézéch. iv, 9.) Il est très-probablement le nom générique primitif, bien qu'Ibn al-Awam cite des opinions qui l'indiquent comme étant le nom d'une espèce appartenant au genre dourrah , ce qui alors donnerait à ce dernier l'antériorité. (jJJ^:> a été traduit par miliiim aussi bien que par panicum. C'est sans doute pour cette raison que dans la version arabe de Dioscorides, aux mots Ksy^pos et sXvfÀOs, on lit (ji»-:> , et cependant nous verrons que ce sont deux espèces bien distinctes. Toutefois nous ferons remar- quer que ce mot a été ajouté après coup à la suite de Ksy)(^pos, et que le mot employé par le traducteur primitif est o^^^^ , mot qui est aussi employé dans la version arabe de Sadias pour |ni , et que la Vulgate traduit par miliam ^

Ce mot (jj-i*-:* , en persan ijjj\ , nous paraît , surtout dans Ibn al-Awam, être le sXvfjLos ou (xsXivrj de Dios- corides (II, cxx), de Théoph raste (Hf5^ p/an^ VIII,

^ Pictet cite comme noms sanscrils du panicum miliaceum, ^ÏÏT anu. ; panicum italiciim, (y^^- prijangii, auqviel VAmarahocha ajoul-e

^•^' kangu. Ce dernier donne pour le panicum pilosum ôTiX^yi^ vri- hibheda, anu. (Pictet, I, 280, et Amarakocha, édit. Loiseleur-Des- longcbamps, I, p. 2o5 el suiv.)

V. i5

218 MARS-AVRIL 1865.

1, in, Vil), le panicum de Pline (XVIII, x), panicum italicum Linn.^ M. Ernest Meyer admet la syno- nymie de Forsklial, qui emploie holcus dochna [Flor. Mcjypt. 17/1); mais il place en première ligne an- dropojon saccharatas.{Gesc]i. d. Bolan. III, y 1 .) M. Fée (note 76, liv. XVIII, Pline) traduit par panicum mi- lîaceum Linn. millet à panicules étalées. Nous n'ad- mettons point cette interprétation , guidé par la figure que donne Malhiole pour accompagner son explication, p. 127, et par la description qu'on lit dans Pline [loc. cit.) : Panicum a paniculis dictum caca- mine languide nalante; paulatim extenuato culmo pœnc in surcuhim prœdensis acervatur granis , cam longissimo pédale plioba^ . « Le panic est ainsi nommé à cause de

* MeXîvn est cité comme synonyme de éXv^os, non-seulement par Dioscorides et Théopliraste , mais Galien l'admet aussi; il dit que c'est une dénomination ancienne, è'Aufxos crot (pevxTéos det, KctXoxJai SèavTov évioi (leXivrjv tc5v 'zsaXctiœv . A panico cjiiod a nonniilUs priscis etiam meline nominatiir prorsiis abstineas. [Alim. facull. I, 7.) Xénopbon a cité cinq fois le fieMvrj dans VAnahose. Théopliraste VIII, m) lit (xeXivov au masculin. Sprengel [Hist. rei Jierh. I, 79) traduit le mot par ^a/«c«m miliaceum, et plus loin, p. 208, il semble critiquer Dioscorides et Galien de le présenter comme synonyme de ëXv^os ^ qiiod cum fxeXtvrj panico miliaceo componit. (Conf. Bodajus a Stopel, Comm. ad Hist. plant. VIII, m, p. 929: Theophr. opéra edit. Schneider, Index, (leXivv-

^ Le texte que nous citons est celui de l'édition de Panckoucke; mais celui du P. Hardojiin porte ohba. Borlœus a Stopel, dans sa citation de Pline, p. 929, lit de même. Le P. Ilardouin cite un ma- nuscrit qui lit obfa; mais il préférerait phoba, qui concorde avec (^oêrj, employé par Théopliraste. Ta (lèv é'/£i alâyov as anûSn , ^(^eSpoTcà Aoêoy, Tfx xe'yx,P^^V <pà^vv. AUa spicam (jernnt, xitfrn- nxenlacea; alia silicpiani, ut legnmina; alia jubani ut niiliacea. X£7;^pa'- Syjç est pris ici génériquemcnl ,el (pôërjv ou jnbnni, pour un panicule,

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 219 ses panicLiles ; sa cime se penche mollement; sa tige diminue insensiblement de grosseur. Les graines, ramassées et pressées, forment un épi long d'un pied. » Cette description , comme on le voit, est pré- cise; elle rappelle bien les figures de Matbiole et du commentaire de Théophraste, qui sont semblables.

àji , pour 4^i , »,ji> , fjranorum species, milii genus, scilicet melica valgo dora. Telle est l'explication qu'on lit dans Castel et que répète Freytag. Ibn al-Awam lui donne pour synonyme u**j^\-=?' , qui s'écrit en persan o*^;^^ On lit dans le Dictionnaire de Sa- macchari 0*^3 W- = (j)j^ j^ ^y^ {j^j^\^,djawaresch, (jhawaresch , espèce de (miliacée) arzan. L'agriculture nabathéenne le rapproche du (jyi^:> , avec lequel Kazwini le confond, ^j^ù^\ y^^ U^^W-- Avicenne a un article sur (j^-j^l-^?-, dans lequel il le sépare du dokhn, sur lequel il lui donne la supériorité pour les qualités ^

Le ^oarra/i a généralement été pris pour le Kéy^pos des Grecs. (Diosc. III, cxix; Théoph. VIII, m, etc.) Cependant les versions arabes des Géoponiques qu'on trouve dans les manuscrits de la Bibliothèque impériale, traduisant le chapitre xxvni, livre II,

qu'il y ait agrégation des épillels, ou qu'ils soient étalés, comosa, puisque les miliacées n'ont pas toujours les panicules diffus. (Theopli. Hist. plant. VIII, m.)

^ Banqueri , dans le texte imprimé d'Ibn al-Awam , écrit iisûLa^, djaivrcsch, et ^^ÀS, ghmvresch, avec schin; mais partout ailleurs, dans Kaswini, dans Avicenne et dans Castel, nous le trouvons avec un sin; aussi nous écrirons constamment ^»»lj^et ^v»l^ avec un sin,

i5.

220 MARS- AVRIL 1865.

emploient Je mot (^^^^^ pour rendre le mot Kéy^pos, rendu en latin par miliiim. (Voy. mss. giô anc. f. p. 1 7.5 et 91 4 suppl. fol. 6 v"*) ^. Cela n'infirme pas l'opinion reçue, mais prouve que souvent les deux noms ont été pris l'un pour l'autre. La version arabe de Dioscorides traduit Kéy-^tos par (j-^^^L:?-. A côté on lit, d'une autre écriture, (j^^. Strabon, parlant de cette partie de l'Italie qui produit beaucoup de millet, la qualifie de HS'y)(^po(pGpo$ (liv. V, p. i5i). Les noiha ou apocryphes de Dioscorides, cités plus haut, disent Pcoftaioi Kéy/jpos (xiXtovfJL. (Notli. 12 y.)

Nous n'hésitons point, quant à nous, à voir dans le dourrah, iJ;i>, le xéy)(^pos des Grecs, le miliam de Pline, le pnnicum miliaceum de Linn. millet à pani- cules étalées. La description de Pline ne laisse aucun doute à cet égard, elle est précise : Milii comœ gra- niim complexée, fimbriato capillo carvantaw (Pline, XVIII, X.) Telle est l'opinion de Bodaeus a Stopel dans ses commentaires sur Théophraste (VIII, m, p. 928 et 929), et de Mathiole sur Dioscorides (II, Lxxxix et xc). Les figures qui accompagnent les textes des deux auteurs portent des ramifications , et ne lais- sent aucun doute.

M. Fée voit dans le ëXvixos des Grecs le panicum de Pline et le panicum miliaceum de Linnée, millet à panicules étalées. (Pline, XVIII, not. 76.) M.Ernest Meyer voit dans ledourrah Vamlrapogon sorgham , con n u en Méso'potamie sous le nom de holcus sorgho, tandis

' Ces versions arabos ne sont pas complrles, elles sont seulement partielles.

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 2i>l que le djawares , o^Ji^ ' serait le panicwn miiia- ceum. (Gcsch. der Botan. ÏII, p. 65.) Dans le Diction- naire de M. Caussin de Perceval, le miilet porte les noms de (^>â-^ , ^>ào r,:>, ($^[^\ (.^^^. Il ne parle point du panic. On voit qu'il confond le dokhi avec le doarrak, et qu'il n'en connaît que le blanc. Il faut re- marquer que cette dénomination est celle aujour- d'hui usi(ée. Ce mol al-scharaniq semblerait presque une altération de gharnoucji, nom spécifique employé par Ibn al-Awam , et que nous allons voir.

Ibn al-Avvam (XX, arl. vi) dit qu'il y a doute si le doklin ne doit point être nommé djawares, jij^li^ (^^\j^^ <xj! (^JLiuOjj; mais à l'article vin , il n'hé- site point à identifier le doarrak avec le djaivares, qui serait son nom en persan. ^^.«wJu ^CÂ «*Xiû^ y^s fj*,j^\Jl iLAAi|*;UiL. Il cite deux espèces de doarrak, le blanc et le noir; mais le premier serait de meilleure qualité. Quant au dokhn ou panic, il en indique plu- sieurs espèces, qui sont, pour la couleur : le blanc, nommé é^jS-, gkarnoaqi, le rouge et le noir. Pline aussi indique plusieurs espèces de panic, qui sont, pour la couleur : le blanc, le noir, le rouge et le pourpre. Columelle se contente d'indiquer le pani- cam et le milium, sans parler d'aucune espèce parti- culière.

Pline parle d'mie très-grande espèce de millet, importée de son temps de l'Inde en Italie, depuis peu . Les expressions employées par le naturaliste latin ne permettent pas de douter qu'il veuille parler du sorgko : Milium, dit Pline, intra kos decem annos ex

222 MARS-AVRIL 1865.

India in Italiam invectum est, nigram colore, amplum grano, amncïineam culmo. Adolescit ad pedes altitadine septem, prœgrandibas cuirais : lohas ^ vocant : omnium frugum fertilissimam. Ex uno grano sextarii terni gi- gnuntar. (Pline, XVIII, x.)

Généralement on croit, et avec raison , qu'il est ici question du sorgho , holcus sorgho Linn. Cette miliacée est la seule qui, pour un grain, puisse rendre trois septiers romains, sextarii ( i litre 62), et qui s'élève à la hauteur de sept pieds romains ( 2 mètres 07, 1 o), d'un aspect sombre, et dont la graine est grosse, et qui, comme le milium de Pline, est originaire de l'Inde. Cette opinion n'est -pas nouvelle; on la trouve professée par Bodaeus a Stopel [loc. cit.) et par le Père Hardouin , qui cite Scaliger. [Exercit. 292,

p. 869.)

Le sorgho porte , chez les Arabes , le nom de dour- rah, 5;i>, et dans l'Yémen, celui de j»l*io, taham, sui- vant Niebuhr ( D£?5cnp^ Arabie, I, p. 2 1 8). Forskbal, sous le nom de holcus durra, cite quatre variétés différentes, dont deux glumis fuscis, à glumes noi- râtres (Flor.JEgypt. 1 y/i). Marcel, dans son Diction- naire arabe-algérien , emploie (j**;^l.> pour désigner le millet; au mot dourra il renvoie au blé de Turquie.

Bové [Cuit. d'Egypte, p. 36) cite trois espèces de sorgho: sorgho commun, sorghum vulgare Linn.

^ A l'occasion du mot /ofca^ï qu'on lit ici , le P. Hardouin rappelle ce qu'il a dit précédemment sur le mot ohhds, qu'il aimerait mieux pliobas, parce que Xo€6s est attribué par Théophrasle aux légumes, et <p6€rj aux miliacécs. (Vid. sup. p. 218, noi. 2.)

NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES AWCIEISS. 223 jjuo «ji ; sorgho bicolor, J^j 5;î ; sorghum cer- nuam, jJit^ iijt>. Bové nous apprend aussi qu'en Egypte c'est le doarrah blanc qui est le plus estimé; Ibn al-Awam en dit autant (loc, cit.).

Les espèces cultivées en Syrie sont souvent atta- quées de carie. C'est sans doute la maladie dont parle Forskbal, et qui était connue sous le nom de okâb, v^' litt./wm«5, ce qui peut s'expliquer, parce que la pulpe noircit et tombe en poussière.

Le dourrali, très-cultivé dans l'Orient, fournit à l'ali- mentation des populations, et cette culture doit re- monter assez haut, puisque nous avons vu que le grain en était mentionné dans Ezéchiel (iv, g). L'agri- culture nabathéenne paraît avoir donné aux deux miliacées qui nous occupent beaucoup d'attention, si nous en jugeons parla description minutieuse de leur culture et des procédés pour en obtenir du pain, que nous lisons dans Ibn al-Awam. Ce pain est d'une qualité assez inférieure par la faible quan- tité de gluten que contient la graine. Cependant il est des parties de l'Arabie on le préfère à celui du fi'omenl, dit Bové. Niebubr nous apprend aussi que, dans le voisinage de Tripoli de Syrie, proche le Liban, le froment abonde, les gens du peuple le vendaient et se nourrissaient de doarrah. (Descript. Arah. I, 2 i -y.)

Cette grande fertilité du dourrah, si supérieure à celle du froment, porte Niebubr à dire que la ré- colte si abondante que faisait Isaac, qui recueillait cent mesures, Dnviç; hnd, c'est-à-dire au centuple

224 MARS-AVRIL 1805.

{Geii. XXVI, 12), ne peut s'expliquer que par la cul- ture du doarrah. (Descr. Arab. I, 217.)

Hérodote nous apprend que dans la Babylonic le millet et le sésame atteignaient la hauteur des arbres : E;^ Se Ksy^pov xa) a-naafxov oaov ti SévSpov fxéysôos yivsTai (Lib. I, p. 89, éd. H. Step.), hau- teur qui rappelle celle attribuée par Pline au millet indien. Il y a donc lieu de croire que ce que dit ici l'historien grec doit s'entendre du sorgho.

Abdallatif, dans la Description de l' Egypte, ne dit rien des miliacées.

LE RIZ.

Le riz, oryza scitiva Linn. en arabe 3jî, aroz, en persan hirindj, g>j , opv^ov (Théoph. Hist. plant.), 6pv^(a (Diosc. II, XVII ), Plin. oryza (XVIII, xiii), en sans- crit ^^|fe vrihi^, en chaldéen îiiK [Mischna, Pea, II, m).

Il est peu de noms de plantes moins contestés que celui-ci. Le riz paraît originaire de l'Inde, et Strabon le cite nommément dans la description de cette partie de l'Asie (XV, /ly^, Sg). (> Il y croît, dit-il, dans les marais, il s'élève à la hauteur de quatre coudées; on est obligé de le nettoyer comme le zea, c'est-à-dire l.'épeautre. Cette indication ne laisse aucun doute dans l'esprit. La description donnée par Théophraste

' VAmaralioclia cite encore à^:u, pàlala, dhùiiya, çaUuja. Ce.s mois dësignenl plutôt des espèces particulières : àçii signifie « liàtil'» ; /;d<a/a, «pâle », etc. dliânjci est au contraire une expression gonéraic dont le sens csl «qui constilne la ricbesse. »

NOMS DES CEREALES CHEZ LES ANCIENS. 225 ne manque pas non plus de précision. Il dit que le riz ne donne pas un épi proprement dit, mais une tête disposée en panicules, comme le millet et le panic. A7TO)(^s7Tai Se ovx. eU ŒloL)(riv, àW oïov (pé^rjv wsirep à }céy)(^po?, Hat o sXv^os. [Hist. plant. IV, v, et Comm, Bod. a Stop. p. 362.) La description de la plante du riz donnée par Pline manque d'exactitude dans la forme qu'il donne de la racine , ainsi que lo fait obser- ver M. Fée. (Pline, XVIII, xm, not. 116 et 1 17.)

Le riz était cultivé par les Nabathéens, comme le prouvent les détails extraits de l'agriculture na- bathéenne rapportés par Ibn al-Awam(ch. xx, art. 1). Suivant Link , le riz aurait été un objet de commerce pour les Arabes, qui f exportaient pour la Grèce, et qui par y introduisirent son nom arabe . t, aroz,

d'où est venu le mot grec ôpv^a. et le latin oryza, et enfin notre mot riz, par le retranchement de fo ini- tial. Peut-être aussi le mot sanscrit vnTiï est-il le véri- table radical par le changement de h, en 5, comme il s'en trouve plusieurs exemples, notamment sind pour hiad (hindiis). (Gonf. Link, II, p. 239.) '

Le riz doit-il être considéré comme une céréale? L'opinion des anciens, à cet égard, était partagée. Abou'l-Khaïr, cité par Ibn al-Awam (loc. cit.), dit en termes bien précis, que le riz est une espèce de

froment, \\^XÂ çj^ <^j.^jj)\ mais Galien, qui pen- sait sans doute qu'on ne pouvait faire du pain avec

' D'après ies lois phoniques aujourd'hui connues, opvia corres- pond bien lettre pour lettre à ^1^, car h sanscrit ==z zend et grec.

220 MARS-AVRIL 1865.

il le riz , le range dans les légumes. OcnrptoL Koîkovaiv

SKSivct TÔJv S-n^YiTpi(t)v (Tuep^dTCiôv ej wv apios yive-

Tai , xvoLuovs, 'SîtacTOvs, êps€tvdov$, Çanovs, B-épfxovs ,

opviov , bpô^ovs. Legamina appellant ea cerealia semina

ex qaibiis panis non fit, ut puta,fabas, pîsa, cicera,

lentes, lupinos, oryzam, enmni. (Galien, De aliment.

facult. lib. I, ch. xvi et xvii.) Bodœiis a Stopei s'élève

contre cette opinion, en rappelant que le riz a la

plus grande analogie avec le blé. ( Comment, ad Hist.

plant. IV, V, p. 362.) Le Talmud également exclut

le riz des céréales, comme nous l'avons vu.

Tels sont les documents que nous avons pu re- cueillir sur les noms des céréales. Nous les avons groupés, selon les espèces auxquelles ils se rattachent, dans un ordre aussi méthodique que possible. Nous avons présenté les opinions de divers savants sur leur détermination; nous avons aussi présenté notre pensée, non point que nous ayons la conviction d'avoir résolu les j)roblèmes difficiles que soulève la constatation des espèces en histoire naturelle chez les anciens, mais bien pour apporter notre contin- gent de matériaux afin d'aider à la construction de l'édifice, et par le désir d'etie utile aux traducteurs.

Nota. Pour la transcription de ij\|i nous avons écril dourrah, afin de nous conformer à la prononciation arabe moderne.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 227

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES,

PAR IBN KHORDADBEH,

PUBLIÉ , TRADUIT ET ANNOTÉ

PAR C. BARBIER DE MEYNARD.

TRADUCTION.

O mon Dieu , bénis Mohammed et sa famille !

Au nom du Dieu clément et miséricordieux. Sei- gneur, facilite les bonnes entreprises ^

Louons Dieu, en le remerciant de ses bienfaits. J'atteste qu'il n'y a d'autre Dieu que Dieu, en con- fessant son unité. Je proclame que Dieu est grand, en m'humiliant devant sa puissance. Qu'il bénisse Mohammed son prophète et la meilleure de ses créatures! Bénédictions et salut sur la postérité du Prophète !

Le présent ouvrage, qui traite de la description de la terre et des êtres qui y sont établis , de la kiblah (orientation) de chaque contrée, des royaumes et des routes qui s'étendent jusqu'aux extrémités du globe, a pour auteur Abou'l-Kacem Obeïd Allah, fils d'Abd Allah , fils de Khordadbeh.

Abou'l-Kacem dit : La terre est ronde comme

' Allusion au passage du Koran, chap. x/c, v. 27.

228 MARS-AVRIL 18G5.

une sphère, et placée au milieu de l'espace céleste, comme le jaune dans l'intérieur de l'œuf. L'air ^ l'en- veloppe et l'attire, sur tous les points de sa surface, vers l'espacé céleste. Tous les corps sont stables sur la surface du globe, parce que l'air attire les prin- cipes légers dont ces corps se composent, tandis que la terre attire vers son contre leurs parties pesantes, de la même manière que l'aimant agit sur le fer. . La terre est partagée en deux moitiés par l'équa- teur, qui s'étend d'orient en occident. C'est l'étendue de la terre en long-, et la ligne la plus considérable du globe terrestre, de même, que la ligne zodia- cale est la plus considérable de la sphère céleste. La terre s'étend en large du pôle austral, au-dessus duquel tourne la constellation des Pléiades, au pôle boréal, au-dessus duquel tourne la constellation de l'Ourse.

La périphérie du globe à l'équateurest de 3 60 de- grés. Le degré vaut vingt-cinq parasanges^; la pa-

^ Le mot nhini^ employé par l'auteur, se traduirait pius exacte- ment par atmosphère terrestre. Les physiciens arabes donnaient à la couche d'air qui enveloppe la terre une épaisseur de seize mille coudées. Kazvîny entre dans de longues explications à cet égard , dans le deuxième discours de sa CosriW(j rapide (texte publié par M. Wûstenfeld, p. <^ï").

^ Au lieu de s jT^a contrées , districts , » leçon qui ne donne pas de sens satisfaisant, je lis Jj? «longueur,» avec Edriçy et Maçoudy, qui onl reproduit littéralement ce passage.

^ L'auteur adopte, on le voit , l'ancienne évaluation de Ptoléjnée, qui comple 20 stades à la parasangc. On sait que, sous le règne de Mamoun, deux commissions furent chargées, à quelques années de dislance, de mesurer un degré d'un grand cercle de la terre. Les premières observations., faites cnlrc Apaméc et Palmyre, donnèrent

LE LIVHE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 229 rasange, douze mille coudées; la coudée, vingt- quatre doigts; le doigt, six grains d'orge alignés les uns à côté des autres, dans le sens de leur épaisseur. Par conséquent, la circonférence de la terre est de 9,000 parasanges ^. Entre Téquateur et chacun des deux pôles, on compte 90 degrés. Telle est aussi l'étendue de la terre, dans le sens de sa largeur (latitude); mais elle n'est habitée que jusqu'au 2/1" degré, à partir de Téquateur^.

Le globe étant presque entièrement entoure des eaux profondes de la grande mer, le quart septen- trional est celui que nous habitons, tandis que le quart méridional est désert, à cause de l'excessive

pour résuilat 67 milles ; les secondes, dans la plaine de Sindjar, 56 milles^; «chaque mille conlenant quatre mille coudées noires, de celles adoptées par Almamon. » ( Voyez l'analyse de la table d'Ibn Younis, dans le tome VII des Notices et exlrails, et les prolégo- mènes de la Géographie d'Abou'1-Féda.) Maçoudy et Yakont ont re- produit l'évaluation des anciens, probablement d'après le Livre des routes. Voici enfin un troisième système cité par le cosmographe Schemsed-dînDimichky( ms.de la Bibl.imp.r°3). Le degré terrestre égale 19 farsakhs ou parasanges, moins ^. Le farsakh = 3 milles; le farsakh indien = 8 milles-, le relai de poste = A farsakhs. D'après le voyageur Mokaddessy, la parasange vaut 3 milles; un relai de poste 1 2 milles en Syrie et en Irak , 6 milles seulement dans le Khoraçàn. Une journée de marche est en moyenne de 6 farsakbs ^. (Voy. Post- und Reiseroutcn , préf. p. xxvi. )

' C'est par erreur qu'Edriçy, en copiant ce passage, a écrit I 2,000 parasanges ; cette méprise a été d'ailleurs relevée par le tra- ducteur (t. I, p. 2, en note).

^ Je pense qu'il Taut lire 64° degré, avec Edriçy {ibid.) , au lieu de 2/1% afin de se rapprocher de la 63* parallèle de Ptolémée. Le chiffre 6/; se trouve aussi dans Ibn Khaldoun (Trad. française des Prolégomènes, p. 92).

230 MARS-AVRIL 1865.

chaleur qui y règne. L'autre moitié de la terre, placée

au-dessous de nous, ne renferme pas d'habitants.

Les deux quarts de la terre, celui du nord et celui du sud, se divisent l'un et l'autre en sept

climats ' Ptolémée dit dans sa Géographie que,

de son temps , le nombre des villes de la terre était de sept mille deux cents.

DE L'ORIENTATION DANS LES DIFFERENTES CONTF.ÉES'.

Les habitants de l'Arménie, de l'Azerbaïdjàn, de Bagdad , de Koufah , de Médaïn , de Basrah , de Houl-

* Celle lliéorie paraît se rapporter au système géographique des Romains, mis en lumière par M. Reinau(l.(iT/m. sur les relations de l'Emp. romain avec l'Asie, p. 61 et carte 2.)

Toutes les généralités de géographie physique qu'on lit ici ont été copiées et développées par Mokaddessy (P /j2 ). La division qu'il adopte a pour origine une vieille tradition attribuée à Abd Allah , fils d'Amr. On peut la résumer ainsi : «La terre a une étendue de 5oo années de marche; 4oo dans les pays déserts et 100 dans les pays habités. Les contrées soumises au Koran occupent sur cette surface un territoire d'une année de marche environ. La race humaine s'étend sur 2^,000 parasanges, dont 12,000a la race noire, 8,000 aux Grecs, aux Francs, etc. 3, 000 aux Persans et 1 ,000 aux Arabes. 1

^ Ce paragraphe est un des plus mutilés du livre; les erreurs et les lacunes dont il fourmille me paraissent cependant devoir cire attribuées plutôt aux copistes ou au premier abréviateur qu'à l'auteur lui-même. Depuis longtemps déjà, la nécessité de déterminer exac- tement la position du temple de la Mecque avait donné naissance à des traités spéciaux qu'Ibn Khordadbeh n'avait pu manquer de con- sulter. Un de ces traités, composé sous le rëgne de Mamoun , par un Persan originaire de Neïriz, dans le Fars, était répandu dans le pu- blic. Mustaufy en a fait usage, en le complétant, au début de la description de la Perse qui termine son Noiizhet. Kazvîny [Athar el-Bilad, p. 76) a donné un plan grossier de la kaabah , entouré de médaillons dont les légendes indiquent la position des principales

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 231 van, de Dinaver, de Nèbavend , de Hamadân , d'Ispa- hân , de Rey , du Tabaristân , de tout le Khoraçân , du pays des Khozar et des deux parties de l'Inde (c'est-à- dire en deçà et au delà del'Indus) s'orientent, pour prier, vers le mur se trouve la porte de la kaabab. Le pôle nord est donc à gaucbe, relativement au centre de l'Orient. Le Tibet , les contrées babitées par les Turcs , la Cbine , Mansourah et tous les pays situés à six degrés au delà du centre de TOrient se tour- nent vers la pierre noire ^ Les babitants du Yémen se tournent, dans leurs prières, vers Van^le yémény; ils ont alors en face d'eux les habitants de l'Arménie. Les peuples du Maroc , de l'Afrique (septentrionale) , de la Syrie, d'Algeziras et du centre du Magreb, se tournent vers l'angle chamy (syrien); par conséquent ils font face aux habitants de Mansourah.

DESCRIPTION DES PROVINCES.

Commençons par le Saivad (portion cultivée de la Mésopotamie). Les rois de Perse l'avaient sur- nommé le Cœar de l'Irak udil iranschebr^. » Le

contrées du monde musulman autour de «la maison sainte. » (Cf. Reinaud, Inlrod. à la géogr. d'Abou'lfeda, carie, p. cxcviii. )

* La pierre noire est encastrée dans le mur qui fait face à l'orient. ( Voyages d'Ali-Bey, II, 346.) Il faut, je pense, donner au mot p-y^ qui se lit ici, la valeur de 78 milles, ainsi que le dit Birouny d'après le calcul attribué à Ptolémée. (Kazvîny, Cosmographie , p. i46.) On obtient ainsi 45o milles ou i 5o parasangcs, à raison de 3 milles pour une parasange.

^ Yakout a transporte une partie de ces détails dans son grand dictionnaire géographique. On sait que le mot Irak est la transcrip- tion arabe de Irak, vocable parsi tiré du sanscrit arya et ayria

232 MAKS-AVRIL 1805.

Sawad se compose de douze districts «koureh,)) chaque koureh IbrnianL un asitâii; il renferme soixante cantons «taçoudj.» D'autres traduisent iisitân par a arrondissement^ » et taçoudj par nahjeh (( canton; » d'autres donnent à asiiân]e sens de u lieu, résidence. » Enfin (selon une opinion diiïérente) , le Sawad se divise en quarante-huit cantons.

J. Asitàn de Schad-Firouz, chef-lieu Houivân; cinq cantons : Firouz-Kobad; 2" Djebhoul ; y Takwa; /i" Irbil ; S*' Rhanikîn.

RIVE ORIENTALK DU TIGRE. TAMARRA.

IL Asitân de Shad-Hormuz, sept cantons : i°Bu- zurg-Sabour; 2°Nehr-bouk; 3" Kelwada etNehrbîn; A^Khazer; 5'' la Vieille- Ville; 6' h Haut-Radàn; 7" le Bas-Radân.

m. Asilân de Schad-Kobad, huit cantons: i°Kous- toukbad ; 2°Mehroud ; 3" Silsil ; lx° les Deux-Djaloula ; les Deux-Zab; Bendendjeïn ; y'' Beraz er-Roud ; Deskereh et les deux bourgades (rousiakaïn).

]\'. Schada-hân-Khosrou'^, cinq cantons: le

«homme vertueux;» c'est un nom commun ;\ toule la race des Arians. Le persan moderne a conserve? la forme Iran qui désigne la Perse. M. Reinaud pense que le nom Irak fut appliqué d'abord au royaume de la Mésène et de la Kliaracène , et qu'il s'étendit plus tard à la Babylonie. [Mém. sur le royanni'j de la Mésène et de la Cha- rachxe, p. 60.)

' Au lieu de 'è'^Xs^ , je lis 'o\y^ «tractus, regio.» ■-' Je pense qu'il faut lire, avec \ako\i{ySchadè-djâni-Khosron «la joie de l'âme de Cosroès. » Cependant, d'après ce qui e.U dit dans le Méraçid, ce district paraît avoir été plus communément connu sous le nom de Khosron-Sahour, et par abréviation Khasrahonr.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 233 Haut-Nehrcvvan; le Bas-Nehrewân ; le Moyen- iNehrewân; /i" Baderaïa; f)° Bakoiisaya.

TERRITOIRES ARROSES PAR LE TIGRE ET L'EUPHRATE REUNIS.

V. Asitân de Sabour (nommé aussi) district de Kesker, quatre cantons: i°Zendaverd; ^''Berboun^; 3" el-Ustnd; /i" ei-Djevazireb.

VI. Asitân de Schad-Babman , quatre cantons : 1" Babman-Ardechir; 2" Meïsan; Dest-Meïsân; Eberkobad 2.

TERRITOIRES ARROSES PAR L'EU PUR ATE ET LE PETIT-TIGRE

(dodjeïl) l

VII. Asitân el-Ali , quatre cantons : i°Mîr-Sabour; Mesken; Rotrobbol; Badouria.

^ Ce nom ne se lit dans aucun traité géographique; peut-être l'auteur avait-il écrit ciSrîv^ i^oreït «terre UioUe et légère.» Dans le Méraçid, une localité du Sawad est ainsi nommée.

2 Le nom Ardcchir est écrit y^bJ dans les anciennes copies persanes, de la leçon Azdechir, si fréquente dans Maçoudy, Hamzah d'Ispahân , etc. Babman signifie en parsi « sage et heureux. » Ce fut vers l'an 225 de Jésus Christ qu'Ardecliir, après avoir détrôné les Arsacides, fit la conquête de la Mésène et lui donna son nom. (Voyez le passage de Hamzah sur cette expédition, Recherches sur la Mésène, elc. par M. Reinaud, p. 46 et suiv.) La description de Dest- Meïsan «la plaine de Mésène» se trouve dans Saint-Martin [Hisl. et géogr. de la Mésène, etc. p. 69.) Le nom du quatrième canton cité ici est écrit Ebezkobad dans Yakout et le Méraçid. Ainsi que l'auteur du Mo'djem le remarque, plusieurs historiens musulmans ont con- fondu ce canton avec celui d'Erradjân, dans la Susiane. (Cf. mon Dict. de la Perse, p. 10.)

■■' La copie A lit iJ^^ « !c Tigre ; » l'inexactitude de cette leçon est démontrée par ce qui précède. Au rapport de Yakout, dans le Mosch- tarik, on nomme Dodjeïl un canal qui prend naissance au-dessous f. . i6

i^34 MARS-AVIUL 1865.

VIII. Asitân ou district d'ArcIrchir-Bnbeguân , cinq cantons: canal de Schîr; 2" Roiimakân ; •3° Routa; Zi'^ canal Derkit; canal Djoubarah ^

IX. District de Diwamastân, ou des Zab, trois cantons : Zab supérieur; Zab moyen; 3" Zab inférieur'-^.

X. District du Haut- Bebkobad, six cantons: Babel; Kboutarnyab; Haute-Felloudjab ; /i" Basse-FeJloudjab^: les Deux-Canaux; Aïn et-Tarnr (( la Source du palmier.»

de Sorramènrâ, et se dirige sur Bagdad , à travers un territoire vaste et fertile. (Cf. Description du pachalik de Bagdad, par Rousseau; Chrestom. arabe, I, 78. ) L'asitân el-Ali fut nommé plus tard Nehr- ïça, lorsque l'oncle du khalife Mansour y fit creuser un canal. [Ahou'l-Féda, trad. française, p. 67.) C'est le nom de Mesken qui avait fait croire à d'Anville, égaré par le témoignage mal compris de Pline le Naturaliste, qu'il y avait deux Mésènes, dont l'une était placée plus au nord. Le canton de Kotrobbol (cette prononciation est donnée par le Kamous et le Moschtarik) était cité à côté de ceux de Salyhia et de Tizen-Abâd, pour ses fameux coteaux : ces trois noms se rencontrent souvent dans les poésies bachiques d'Abou- Nowas. (Voyez Od^s 27, 36 et passim, édition Ahlwardt. )

' Parmi les canaux dérivés du Petit-Tigre, Yakout mentionne le canal de Scljirîn, qui ré| ond an canal nommé ici Scliîr. Le canal Derkit, qui ne se trouve nulle part ailleurs sous cette forme, est peut- être pour Di'ïr aie couvent» dont il est question dans le Mo'djem clBouldan. Au lieu de Djoubarah, qui est la vraie leçon, le texte porte el-Hoicaïzah. Sur le canal Kouta, cf. Abou'1-Féda, ibid. p. 67.

2 Le haut Zab est surnommé Medjnoiin oie fou» à cause de la violence de ses eaux; il commence entre Moçoul et Arbelles, et se jette dans le Tigre, prbs de Essînn. Le Zab moyen finit dans le canton dcNômanyab. Le petit Zab passe entre Arbelles et Dakouka, avant de se réunir au Tigre (Yakout, Abou'lFéda). F.nfin il est question , dans le Moschlarik , d'un quaU'i^me canal nommé encore Zab, qui sort de l'FiUphrate et se jette dans le Tigre, près de VVaçit.

' Les deux lexicogr.iplies Djevvhcry cl Firotizâbàdy disent <[u'oii

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 235

XI. Bebkobad moyen, quatre cantons : cl- Djenneh et el-Bedat; i"" Soiira; Barbiçya; Ba- rousema; Nehr el-Mélik « canal du roi^ »

XII. Bas-Behkobad, cinq cantons: Forat-Ba- dakla^; Siiaboun; Nister; Boumistân; Hormuzdjird. IVlais, d'après une classification dif- férente, ces deux derniers cantons sont formes de la réunion de fermes prises çà et sur divers can- tons.

L'impôt foncier des districts arrosés par le Tigre (et FEuphrate) s'élève à huit millions cinq cent mille dirhems^.

nomme felloudj ah une terre labourée, arrosée et prête à recevoir les semailles.

' Le canal de Soura est le dernier bras qui met en communica- tion l'Euphrate et le Tigre, près de Korna; quanta l'emplacement de la ville de Soura, il a donné lieu à de sérieuses difficultés. (Voyez Aboul-Feda, trad. p. 67.) Le Canal royal, en araméen Nahr-Malha, est décrit par Saint-Martin (Mémoire cité, p. 68).

- Le nom de Forât est déjà cité par Pline {Hist. nat. VI, xxxii). Saint-Martin (même ouvrage, p. 29 et suiv.) place ce canton un peu au nord-ouest du canal el-Hajfar, entre Basrah et l'ancienne ville de Charax. Sur les différentes lectures du mot hadakla ,oti peut consulter les notes et additions au Meraçid par Juynboll (I, p. 171).

' Soit 5,626,000 francs, à raison de o^65 par dirhem. Ce chiffre ne s'accorde pas exactement avec les sommes portées dans les ta- bleaux qui vont suivre; je ne sais si l'on doit en accuser l'auteur ou les copistes. Mais il est hors de doute que ce petit paragraphe est mal placé dans les deux copies, puisqu'il se trouve entre les deux der- niers districts réunis sous le nom collectif de Bebkobad. Sa place naturelle est ici, à la suite des douze districts qui, selon l'auteur, forment le Sawad, et avant l'évaluation des ressources agricoles et financières de cette province.

16.

!36 MARS-AVRIL 1865.

OBSERVATION PRELIMINAIIIK.

J'ai disposé ce qui suit en tableau, pour éviter des redites faliganles, et aussi pour que le lecteur puisse saisir dans leur ensemble les chiffres disséminés dans le texte. Un mol d'explication me semble nécessaire sur la valeur delà mesure de capacité et des monnaies dont se sert Ibn Khordadbeh. Firouzâbâdy assure que le korre d'Irak vaut six charges ou soixante kafiz , soit quarante ardeh. Le kafiz contenant douze saa et chaque saa pesant à peu près deux litres et demi, le korre peut être évalué à 18 hectolitres environ. C'est aussi par approximation qu'il convient de déterminer la valeur du dinar et du dirhem , c'est-à-dire de la monnaie d'or et d'ar- gent. On sait combien le taux en a varié dans les premiers siècles de l'hégire : ainsi le dinar, de i4 francs, son cours primitif, est descendu au-dessous de 7 francs; pareille fluc- tuation a été subie par le dirhem. Afm de ne pas exagérer des chiffres déjà considérables , j'ai donné ici au dinar la va- leur moyenne de 10 francs, ce qui met le dirhem entre 65 el 70 cenlimes, en comptant i5 dirhems au dinar, ainsi que le fait Kodama dans son Livre de l'impôt. (Cf. Journ. asiat, 5* série, XX, p. 179.) Nous aurons ainsi :

Korre 18 hectohtres.

Dinar 10 francs.

Dirhem. .... G5 à 70 centimes.

TABLEAU STATISTIQUE

DU SAWAD.

238

MARS-AVRIL 1865.

TABLEAU STATI>

POSITION

RIVERAINE.

CANTONS.

NOMBRE II des

BOOnGAOES(l). 1

NOMBRE

SES GRANGES.

KORRES

DE Kl

/ El-Anbar

5

200

2,3oo

Kotrobbol

lO

220

1,000

Mesken

6

io5

3,000

Badouria

i4

420

3,5oo

Canal de Scbîr

lO

2/io

1,700

Roumakân

lO

220

3,3oo

Koutha

9

220

3,000

Canal Derkit

9

125

2,000

Canal Djoubarah. . . .

lO

227

1,700

Les (trois) Zab

12

2txl\

1,700

Région occidentale du Sawad, arrosée par ^

le Tigre et l'Euplirale,

Babel et Kbatarnyab. Haute-Felloudjah.. . . Basse-Felloudjah. . . . Les deux Canaux. . . .

i6

i5

6

3

378

24o

72 81

i,i5o

1,000

3oo

A n et-Tamr

Djenneh et Bedat.. . .

3

8

i4 71

3oo 1,200

Soura et Barbiçya. , .

lO

265

700

Barousama etNabr el- Mélik..

lO

66/4

i,5oo

Sinnîn(6)etlesWakf.

5oo

Forat-Badakia

lO

271

2,000

Silahouu (8)

II

34

1,000

Confluent

ri oc

Roumistân et Hor-

muzdjird

Nister

II 7

5oo

i63

i , 2 5 0

Iffhar f 1 oV . .

Kesker, canal de Sil- lah, Rikkat et

}

' 3,000

deux Heuves,

Reyén.

A reporter, . .

i83

4.524

37,6(-

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. IIQUE DU SAWAD.

239

KORRES

D'ORGE.

PRODUIT

DE L'IMPÔT

en dirhems.

OBSERVATIONS DU TRADUCTEUR.

j,4oo

i5o,ooo

(i) II y a une faute dans le texte; il faut lire bourgades

1,000 1,000

300,000(2) 3oo,ooo

« resatik » , au lieu do taçondj.

(2) Le texte porte trois cents seulement ; l'erreur est évidente.

1,000

1,000,000

1,700

ffl

(3] Les copies présentent ici une lacune, suivie des mots

3,o5o

35o,ooo

cinq mille. Dans Kodaraa , tous les chiffres de cet article se

2,000 2,000

i5o,ooo 1 5o,ooo

rapportent aux nôtres, on lit i5o,ooo diihems; mais si cette leçon était acceptée, le total de l'impôt dépasserait le chiffre de 8 millions et demi, représentant la contribution en numé-

6,000

i5o,ooo

raire du Sawad. Pour obtenir cette somme, l'impôt de Ba-

7,200

260,000

douria doit être estimé 43, 160 dirhems seulement.

(4)-

35o,ooo

(4) Le produit de l'impôt en espèces étant le même dans

5oo 3,000

70,000 280,000

Kodama, oa peut combler ainsi les chiffres omis : 3, 000 korres de blé et 5, 000 korres d'orge.

4oo

75.000

Il 00

5 1,000

1,600

i5o,ooo

2,4oo (5).

100,000

(5) Korres de riz.

4,5oo

25o,O0O

5,5oo

2,500(7).

260,000

(6) «Sous ce nom, ajoute l'auteur, sont réunies plusieurs

900,000

fermes enlevées à différents cantons. Les produits en nature et

1 ,5oo

i4o,ooo

en espèces y sont prélevés à litre de dîme aamônière. »

5oo

10,000

{7) Orge et riz.

(8) «Dans ce canton sont compris Khawarnak et Tizen-

2,000(9)

3oo,ooo 2oo,84o

Âbàd. »

(9) Korres d'orge et de riz.

(10) On nomme ainsi des terres de franc alleu, prises sur

plusieurs cantons et dont l'impôt entre dans le trésor particu-

20,000 orge et riz.)

70,000(11)

lier du khalife. ( Voy. mon Dictionnaire de la Perse, à ce mot. )

(11) Le texte de Kodaraa porte 2 70,000 dirhems, ce qui est

évidemment une erreur. Si l'on adoptait ce nombre , on au-

7i,i5o

5,996,840

240

MARS-AVRIL 1865.

POSITION

niVEBAINE.

Les trois Nahre>Yân.

Région orientale du Sawad.

CANTONS.

Report

Buzurg-Sabour

Radàn

Canal de Bouk

Kehvada, canal de

Bîn

Djazcr et la vieille ville. Les deux Djaloula . . .

Deçîn

Deskereh

Beraz er-Roud

Bendendjeïa

Haut-Nahrewàn

Moyen-Nahrewàn. . . .

Bas Nabrewân

Badouria , Baksaya . . .

Total (i)

i83

9

'9

255

NOMBRE

DES GRANGES.

/l,52/i 260 302

34

116 66(?i 23o

a 26 54

5,656

K 0 R R F. s

DE BLÉ.

37,600

2,5oo

4,800

200

1,600

1 ,00u

1,000 700 1,000 3,000 600 2,700 1,000 1 ,000 4,700

63,4oo

(i) On a vu précédemment que l'auteur évaluait l'iuipôt du Sawad à 8,5oo,ooo dirhems, tandis qu'ici nous trouvons seulement 3,450,84o. Cette difFérence de 43, 160 dirhams sur 8 millions et demi peut s'expliquer par des fautes de copistes, fautes iné- vitables dans une aussi longue nomenclature. 11 est d'ailleurs aisé de la combler, si l'on admet notre conjecture sur les chiffres omis à l'article Canal de 5c/iir. Le total de Kodama présente , comme on devait s'y attendre, des chiffres très-différents, à savoir : 8,095,800 dirhems, 117,200 horres de blé, 99,721 horres d'orge. Mais, comme M. de Slane l'a judicieusement remarqué, il y a un tel désaccord entre les groupes partiels et le total ré- sultant de ces mêmes groupes additionnes, qu'il est impossible de prendre ces nombres pour termes de comparaison. Kodama ajoute à sa liste une indication fort précieuse cl ([ui mérite d'être signalée ici : il nous apj>rcnd qu'un liorre de blé et un korre d'orgo pris ensemble valent 60 dinars monnayés. Appliquant celte même valeur au produit des céréales, tel qu'il nous est fourni par Ibn Khordadbeh , je trouve, en tenant compte des lacunes du texte, environ 5o millions de francs pour le produit annuel des ré-

■'oltcs , ou un peu j

>lns

l'on adopte la récapitulation do Ko(l;«ma. Mais il est csscn-

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES.

241

r.RES

PRODUIT

; 'JRGE.

DE L'IMPÔT

en Jirheras.

OBSERVATIONS DU TRADUCTEUR.

. 1 5o

5,996,840

.200

3oo,ooo

rait, pour l'inipôt du Sawad , un chiffre supérieur au total qui

120,000

résulte de l'exameudece tableau. D'ailleurs Kodama ajoute, en note, que le même canton payait précédemment 90,000 dir.

l,C>0O

100,000

il serait difficile d'expliquer une plus-value aussi considérable,

i,5oo

33o,ooo

et en si peu d'années, le produit des récoltes étant reste le même.

1,700

25o,ooo

1,000

100,000

1 3,000

4o,ooo

1,000

70,000

2,000

1 20,000

5oo

100,000

1,800

35o,ooo

5oo

100,000

1,200

i5o,ooo

5,000

33o,ooo

(1) La conversion des cbiflies des trois dernières colonnes donne les résultats suivants : blé, i,i4i,30o hectolitres;

o3,55o

8,/i56,8/io(i)

orge, 1,863,900 hectolitres; numéraire, 5,496,946 francs.

el de se rappeler que , dans le tableau de cet auteur, comme dans le mien , il est ueslion uniquement du produit brut de la terre pour une année. Or il résulte de aveu des écrivains les plus sérieux , Mawcrdy, l'auteur du Multeka , etc. que le Sawad ut déclaré par Omar terre kharadjydi et soumise au Uharadj moukaçcmè, c'est-à-dire l'impôt proportionnel. La quotité ordinaire de cet impôt étant le dixième , on voit ue le droit du trésor sur le rendement de cette province s'élevait à 5 millions de rancs. Ajoutons à cette somme 6 millions de francs, produit de l'impôt en numé- airc, plus 8 à 10 millions pour les dîmes aumônières des deux grands centres «misr» iasrah et Koufab , et nous obtenons un cbiffre de 20 millions pour la province' du iawad seulement. 11 résulte encore du renseignement fourni par Kodama que , vers le ■iiilieu du m* siècle de l'hégire, l'hectolitre de blé ou d'orge valait de i6 à 17 francs. ]es curieux renseignements, qu'on chercherait vainement dans les chroniques' musul- aanes, reposent, on le voit, sur des témoignages authentiques; ils feront, je l'espère', xcuscr la sécheresse et le désordre du document dont j'ai entrepris la publication.

242 MARS-AVRIL 1865.

Le district de Schad-Firoiiz , qui n'est autre que le pays de Houlvân, est imposé à 1,800,000 di- rhems, y compris les sommes payées par Jes popu- lations catholiques et kurdes.

HISTOllIQUE DE L'IMPOT DU SAWAD.

Sous le roi Robad, fils de Firouz, l'impôt était de i5o millions de miskals ^ Omar, fils de Khattab (que Dieu lui fasse miséricorde!), ayant ordonné de procéder au cadastre du Sawad, qui a, en long, 26 parasanges, depuis el-Haditlia jusqu'à Abbadân, et en large, 85 parasanges, du coteau de Houlvân jusqu'à el-Odaïb , le résultat de cette opération fut 36,000 arpents [cljérib). Alors le khalife établit les taxes suivantes : un arpent de blé = 4 dirhams ; un arpent d'orge ==: 2 dirhems-, un arpent de pal- miers^ 8 dirhems; un arpent de vignes ou d'arbres fruitiers = 6 dirhems ^. La capitation fut établie

^ On verra plus loin que la valeur attribuée à celte quantité par Tauteur lui-même est de 33 dirhems, plas une fraction. * En d'autres termes :

1 arpent blé 2^ 60"

id. orge 1 3o

id. palmiers. . . 5 20 id. vigucs ]

et > ... 3 90 vergers ) Tout ce qui est dit ici de l'impôt établi par Omar est traduit, dis- cuté et enrichi de documents nouveaux, par Hamd Allah , l'auteur du Nouzhel el-Kouloub. Je l'egretle de ne pouvoir ajouter à ma traduc- tion le travail du géographe persan; mais j'espère publier tôt ou tard son intéressant livre sur la topographie de la Perse, dénaturé et mis en lambeaux par Langlès , dans les notes du Voyage de Chardin.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 243 sur 5oo,ooo têtes, en tenant compte des difFérentes classes de tributaires. En résumé, Omar fixa l'impôt du Sawad à i 20 millions de dirhems. (Il y a ici une erreur du copiste; il faut lire seulemenl 20 millions de dirhems, soit i3 millions de francs.)

El-Haddjadj , fds de Youçouf , par son gouverne- ment tyrannique et son despotisme fantasque ^ ne put tirer de cette province plus de 1 8 millions de dirhems; encore dut-il consentir un dégrèvement de deux millions , de sorte que l'impôt ne produisit pas plus de 16 millions de dirhems (io,4oo,ooo francs). Il défendit aux cultivateurs de tuer les bœufs , croyant que cette mesure suffirait pour développer l'agricul- ture. C'est ce qui a fait dire à un poëte :

Quand nous déplorons devant lui la ruine de l'Irak, lin- sensé, il nous interdit la chair de nos bœufs!

La monarchie des Perses avait établi^ un impôt de trente millions de dirhems surleDjebal, l'Azer- baïdjân, Rey, Hamadân, les deux Mah, le Tabari- stân, Nèhavend, Koumès,Maçabadân , Mihrdjânka- dak et Houlvân.

^ Ce prince fut envoyé-en Irak , à ^'âge de trente-trois ans, et gou- verna cette province pendant vingt ans. [Dici. arabe de Nawawy, éd. Wûstenfeld, p, \<m.)

^ L'auteur emploie le mot ja^ qui indique un payement en dif- férents termes. Dans l'ancienne comptabilité ottomane, la solde de l'arm(fe se payait par qjsteïn, c'est-à-dire par semestres. (Voyez Hist. économique de la Turquie, par M. Belin , Journ. asiat. 1 864 ,111, 482 .)

244 MARS-AVRIL 1865.

RÔLE DE L'IMPÔT PAYÉ À ABOU'L-iBBAS AIJD ALLAH, FILS DE TAHER, FILS DE HUÇEÏN, PAR LE KHORAÇÀN ET LES AUTRES PROVINCES SOUMISES À SON AUTORITE, L'AN 211 ET 212 '.

Dii'heius.

Rey 10,000,000

Koumès (Comisèiie) 2,170,000

Djorcljân ' 1 o, 1 70,000

Le Kermàn. Celte province, dont les villes prin- cipales sont : Baft, Diliislàn , Moukàn et Rer- mân, a 180 parasanges en long et en large. Sous les Sassanides, Timpôt était de 60 mil- lions \ aujourd'hui il est seulement de 5, 000, 000

Wl y a ici une erreur très-grave, mais dont les copistes sont seuls responsables , car il est impossible que l'auteur ignorai la date d'évé- nements presque conlemporains et aussi important?. Il faut, au lieu de 2 1 1 et 2 I 2 , lire 221 et 222. Nous savons, par le témoignage de Hamzah d'fspahàn (p. 179), qu'Abd Allah, fils de Taher, reçut du khalife Mamoun le gouvernement du Kboraçân en 2i5 (septembre S3o), qu'il administra cette province pendant quatorze ans, et mourut en 280, sons le règne de Wathik. Celte assertion est con- lirmée de point en point par Yacouby, dans son Historique du gou- vernement du Ivhoraçân (éd. JuynboU, p. ^\ ). Enfin Kodama nous apprend qu'une répartition de l'impôt fut faite par Abd Allah , fils de Taher, l'an 221 (836 de J. C), et c'est très-certainement le document dont Ibn Khordadbeh avait une copie sous les yeux. (Cf. Journ. asiat. août 1862 , p. 169.)

^ Voici l'impôt payé par ces trois provinces un siècle plus tard ; je tire les chiffres qui suivent du manuscrit de Mokaddessy appar- tenant au docteur Sprenger, fol. 260. «Rey, 10 millions; Koumès, 1,196,000; Djordjân, 10,196,800.» L'auteur ajoute : « Dinaver paye 3 milhons; Koumni, 2 millions; Saïmarah, 3, 100,000 dir.; Kachân, 1 million; Démavcnd, 10 millions. » (i6u/.)

^ Mokaddessy dit (jue le Kermàn payait encore Go millions au moment il écrivait; mais je crois qu'il y a une erreur de copie en cet endroit. Dans Kod.ima, on lit 6 millions.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 245

Dirlieips.

Le Seïstân (prélèvement fait du dégrèvement de Firavân ' et du Rokkhedj), y compris le Zé- mîn-Daver et le Zaboulislân, qui forment la

frontière du Tokharisiân 6,776,000

Les deux Tabès 11 3, 000

Le Kouhistân 787,080

Neïsabour; cette ville a une citadelle ^ /i, 108,700

Tous

Abiverd

Serakhs

MerveChabidjân; cette ville a une citadelle. . .

Talikân

Gordjistân

Cette province paye , en outre , une taxe en nature de 2,000 moutons.

Badeghîs

Herat, Oustouvah et Esfidendj

Pouchèng

Province du Tokharisiân

Gourgân

Rhoulm.

Khottolân ^ et ses montagnes

Fatrougas

Termeta *

Eddour et Sindjân

7/10,860 700,000 307,440 ,147,000 2i,4oo 100,000

124,000

,159,000

559,350

106,000

1 54,000

i2,3oo

193,300

4,000

2,000

12,600

^ Ce mot est douieux. Le 'groupe de la copie A pourrait se lire DeraverdOs^L^. Le Méraçid place une ville de ce nom dans le Klioraçân.

'^ Kohendiz, mot qui est constamment défigure dans les copies. L'auteur entend par le centre politique d'une province, le siège du gouvernement. Le Kohcndiz est, pourles^villes de l'Orient, ce que la Kasbah était pour l'Afrique septentrionale et l'Espagne.

' Un mot entièrement illisible.

^ Ce nom et celui qui le précède sont incertains: ils me parais sent répondre à qÀ^\.? et ^{am^Ju dans Edriçy, [, 48o.

246 MARS-AVRIL 1865.

Dîrhcms.

Endicliarân 10,000

Bamiân 1 5, 000

Cliermekàn , Houraers(?) et IsFidjab 606, 5oo

Termed ^7,100

Soghdân 3,5oo

Sa'yân A, 000

Khàn 10,000

Midedjân 2,000

Ahazoun(?) 10,000

ïabab. 20,000

Baham 20,000

Saghaniân . . . , 4^,000

Bassara 7,3oo

Zagharsen 1 ,000

Adan et Raman 1 2,000

Plus treize chevaux [sic).

Kaboul , 2,ooo,5oo

Plus 2,000 moutons estimés 6,000 dir. Kaboul est sur la frontière militaire du 1 okharistân. Les autres villes sont : Wa- dân, Khâch, Khocbhak, Khibrîn. Cette province, qui est limitrophe à l'Inde, pro- duit le cocotier, le safran etlemyrobolan.

Bosl 90,000

Kech 111 ,5oo

Nîm (Nîmrouz) 5, 000

Badekîn (?).... 6,200

Richlàn et Djavân 9,000

Zaubân 2,220

Akat 48,000

Khârezm et Khatb ' 487,000

Amol : 293,400

' En dirhems dits hhârezniy.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 247

PAYS AU DELA DE L'OXUS.

Dirhcms.

Boukbara; cette ville a une citadelle ' 1,189,200

Le Soglîd avec tous les districts qui forment le

gouvernement de Neuh, fils d'Açed* 32 6,/|00

Cette somme est ainsi répartie :

Ferghanah 280,000

En dirliems mohammedy .

Les villes turques à6,l\oo

En dirhems khârezmy et moçaïby^. De

plus, 1,187 pièces de grosse toile et

1 ,3oo pièces de cuivre ouvragé (mol à mot ,

en chaudières) ou en plaques.

Le chiflre total de l'impôt (dans laTransoxiane)

est t 2,072,000

En dirhems mohammedy. Le Soghd, c'est-à-dire Samarcande, la mine de

sel, Rech, Neçef, Nîm el les autres districts. 1,089,000 En dirhems mohammedy.

' Une copie porte taterjeh , l'autre hataryeh *^^Ja^. La citation de Mokaddessy, qui est donnée pins loin, prouve qu'il faut Wre ghi- trijyehf du nom de l'auteur de cette monnaie.

* Mirkhônd, Histoire des Samanides, traduite par M. Defrémcry, p. 1 13, dit que Nouh gouvernait seulement Samarcande, et que le reste des provinces au delà de l'Oxus avait été partagé entre ses frères, par Ghassan, ministre du khalife el-Mamoun. Ce qui se lit ici prouve au contraire que Nouh réunissait le pays entier sous son autorité. Hamzah Ispaliàny, dont les Annales furent rédigées vers 35o, vient à l'appui de cette opinion. Voici ses propres paroles : «Cum Almamun e Chorassana in Iracam proficisceretur, Nuch , fihus Asadi, eum illuc comitatus est, ac per plures annos tam assi- duum ei se praîbuit, ut Transoxanam auspiciis Thaheridarum ah eo regendam acciperet. » (Trad. de Goltwaldt, p. i85.)

■^ A ajoute nysjeîn a deux moitiés», ce qui pourrait se traduire par «payahle en deux termes.» ( Voy. la note 2, ci-dessus, p. 2.43.)

248 MARS-AVRIL 1865.

Dirhem».

Plus 2,000

En dirhems moçaïhy.

Chach et la mine d'argent 607,100

Khcdjendeh 100,000

En dirhems moçaïhy^.

L'impôt du Khoraçâii, en y comprenant tous les districts et cantons gouvernés par Abou'l-Abbas, Abd Allah , fils de Taber, s'élève à la somme de 4/1,686,000 dirhems, à laquelle il convient d'ajouter (comme taxe en nature) i3 chevaux^, 2,000 mou- tons, 1,012 prisonniers de guerre et i,3oo pièces de cuivre ouvragé et en plaques ^.

^ Les sommes données ici, ajoutées à l'impôt de la province de Boukhara, formeraient un total de 3,087,800 dirhems. Il est hors de doute que plus d'une erreur s'est glissée dans les copies. Toute- fois, il se peut que l'auteur n'ait pas compris dans sa récapitulation les taxes en nature, telles que étoffes, métaux, etc. En adoptant pour celles-ci, d'après les données mêmes du texte, le chiffre i,oi5,3oo dir. et en ajoutant ce total à la somme de 2,072,000 qui , selon Ihn Khordadbeh, forme le montant de l'impôt dans la Tran- soxiane, on obtient, en dernier lieu, 8,087,300 dirhems.

^ Jl s'agit probablement de chevaux de luxe à l'usage des souve- rains. Le texte de Mokaddessy donne vingt chevaux,

^ Kodama, qui ne travaillait pas, il est vrai, sur des documents de même date, évalue les contributions du Khoraçân à 38 millions de dirhems-, mais quelques pages plus loin, dans sa récapitulation, il dit 87 millions seulement. Cette contradiction et l'omission de la somme payée par chaque ville ou district en particulier ne permettent pas de tenir grand compte de son témoignage. D'autre part, un écri- vain contemporain , Yacouby, qui, sans avoir accès aux sources offi- cielles, possédait cependant des renseignements posilifssurl'histoire administrative du Khoraçân, termine ainsi son a|ierçu chronologique des gouverneurs de cetle province : «L'impôt du Khoraçân entier s'élève à ko milliou.s de dirhems, non compris le quint prélevé sur

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 249

SURNOMS DES ROIS DU KHORAÇÀN ET DE L'ORIENT.

Le roi de Neïsabour est surnommé Kenar; le

les places frontières au profit dos Tahérides. Indépendamment de celte somme, dont ils ont la jouissance pleine et entière, ils reçoi- vent encore treize millions et de riches cadeaux, de la part du kha- life. » (Texte arabe , p. <lh .) Un témoignage aussi respectable doi t , ce me semble , trancher la question entre les chiffres incertains de Kodama et les données qui résultent de notre texte. Tant que des documents plus précis ne viendront pas dissiper nos derniers doutes, nous pou- vons accepter, comme une approximation satisfaisante , les sommes suivantes :

Sawad 20 millions de francs.

Khoraçân et Transoxiane. . . 3o

Fars 20

Susiane 20

90 millions.

soit de 90 à 100 millions pour les quatre provinces principales de l'empire des khalifes. Je crois devoir ajouter ici le relevé donné par Mokaddessy, à la suite de la description du Khoraçân et des pro- vinces situées au delà de l'Oxus. Il ne faut pas oublier que ce voya- geur publia son ouvrage en 376 de l'hégire {985 de notre ère). «Im- pôts : Ferghanah, 280,000 dirhems mohammedy. Chach, 180,000 dir. moçaïhy. Khodjondeh (sur la ferme des dîmes) 100,000 dir. moçaïhy. Soghd, Kech , Neçef, Achrousneh, 1, 089,03 1 [sic) dir. mohammedy. Isfidjab, 4,ooo et une fraction, plus un cadeau pour le sultan. Boukhara, 1,166,897 ^^r. nommés (jhitrifyeh. Les trois sortes de monnaies dont il est question ici doivent leur nom à trois frères , Mohammed , Moçaïb et Ghitrif , qui les firent frapper; elles sont noires, mais pUis estimées que les pièces blanches. Sagha- niân, 48,629. Dakhân , 4o,ooo. Le Khârezm, 420,1 20 dir. dits khârezmy; le dirhem de ce nom vaut ^ danck et demi. » Puis faisant allusion au Livre des routes que, nous le savons par sa préface, il avait quelquefois consulté, il ajoute : «J'ai lu ailleurs que l'assiette de l'impôt, dans le Khoraçân, esl 44, 800,943 dirhems, plus 20 che- vaux, 2,000 moutons, 1,200 esclaves, i,3oo pièces de cuivre en

V ,n

250 MARS-AVRIL 1865.

roi de Merve, Mahavéih^ \ le roi de Serakhs, Zadaveïh ; le roi d'Endekhoud, Ba/imrni (ou Bah- maneh, d'après la copie A); le roi de Niça, Ib- nan (?); le roi d'Amol, Anseb amol chah ; le roi de Merve er-roiid, Kilân; le roi d'Isfizar, Me- rahideh; le roi du Kaboul, Kaboul-chah; le roi de Termed, Termed-chah ; le roi de Bamiân, Soïd-Bamiâîi; le roi du Soghd , Akhchak ; ic

chaudières ou en plaques. » On voit que le texte d'Ibn Khordadbeh qu'il avait sous les yeux ne différait pas sensiblement du nôtre , au n)oins dans ce fragment. Le même voyageur donne, sur les droits de douane , des détails fort curieux et qu'on peut résumer ainsi : «Ces droits sont légers, sauf pourtant la taxe prélevée sur les es- claves au passage de l'Oxus. Nul esclave mâle ne peut traverser le fleuve sans être muni d'une autorisation du sultan; il paye en outre 70 à loo dirhems; il en est de même des femmes réduites en esclavage; mais l'autorisation du gouvernement n'est pas exigible pour les esclaves de race turque. Une esclave paye de 20 à 3o di- rhems; un chameau 2 dirhems; un passager, pour son bagage, i di- rhem. Les voyageurs sont fouillés rigoureusement, parce que les lingots d'argent qu'on porte à Boukhara sont l'objet d'un commerce important. Enlin , chaque voyageur est soumis à un droit de 1 dirhem ou d'un demidirhem , par relai. » ( Fol. 221.)

* Ce paragraphe, qui n'est pas ici à sa place, puisqu'il se rattache naturellement à la section qui a pour titre, «Des rois de la terre, » plus loin, p. 2 56, a été si maltraité par le temps que presque tous les noms qu'il renferme sont douteux. L'auteur du Modjmei a con- sacré un chapitre au même sujet; mais l'unique copie de la Biblio- thèque impériale, dont j'ai pu faire usage, et qui a servi à M. Mohl pour les extraits publiés dans ce recueil (IIP. et IV série, i84i- i843), est elle-même très-fautive et remplie de leçons différentes. Je signale en note celles qui semblent se rapporter aux mêmes per- sonnages. Dans le Dictionnaire persan intitulé Dorhan-é-kati', si pré- cieux pour l'histoire et l'archéologie de la Perse anté-islamique, il est dit que le gouverneur du Seîslân , sous Yezdidjird, dernier prince de la dynastie s;»ss;nii(lr" . sf noinmaif Mahaveïli.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 251 roi de Ferganah, Ikhchidîn ou Iklichidiz^; Je roi de Rounsariân, Zirîsân; le roi de Gourgân, Goiirganân; le roi du Khârezm, Khârezm-chah;

le roi du Kholtol, Huçeïn-Khottolân-Khodah^;

le roi de Boukhara, Khodah; le roi d'A- chrousneh, Ifchin; le roi de Samarcande, Tar- Jihoan^; le roi du Seïstân, Rothil^\ le roi de Rokkhedj, de Daver et de Nîm (rouz), Doul-na- naali^; le roi de Vardaneh, Vardân-chah; le roi de Héral, de Pouchèng et de Badeghîs, Arân;

le roi de Keched, Madoun; le roi du Djor- djân, Soal; le roi de la Transoxiane, Koasân- chah ^.

Rois des petites tribus turques : Tarkhân. Ni- zek. Hourtéguîn, Ramroiin. Ghourek. Chohrab '^.

^ «Le roi du petit Soghd est nommé Bekteguîn; le roi du grand Soghd, Ikchîd; le roi de Bamiân, Schin.v [Modjmel, fol. 271 et suiv.)

' Les deux copies portent tantôt t, |(>2». , tantôt 8 [jcâ..

^ Est-ce la prononciation emphatique et conforme aux habitudes persanes du vocable tartare tarhhân?

^ Même leçon dans le Modjmel et dans Yacouby. L'auteur du Modjmel ajoute que ce surnom , qui date de l'âge héroïque de Rous- tem, est encore usité dans le pays. Maçoudy [Prairies d'or, 1\, 21 è, sous presse), parlant d'un combat singulier entre un Arabe et le chef du Sedjestân, à la bataille de Kadiçyeh, nomme ce dernier Schahriar.

^ t L'homme à la huppe.» sobriquet tiré de l'idiome d'Himyar, d'après le Kamous.

® Peut-être faut-il lire : Tourân-chah. L'alphabet arabe rend pos- sibles des confusions de ce genre.

' La déplorable incertitude qui règne dans ces dernières lignes provient certainement de l'auteur, qui a pu prendre des noms propres

»7-

252 MARS-AVRIL 1865.

DISTRICTS DE L'AHVAZ (sCSIANE).

Souk el-Ahvaz. Sous. Touster. Djoundeï- Sabour. Rain-Hormuz. Eïdedj. Asker-Mo- krcni. Nehr-Tira. Sorrak. Menadirla grande et Menadir ia petite. (Dépendances.) Le canton de Sirv, ou Davrak, et Sinbil. Le canton de Ba- çiân. D'autres prétendent que Touster dépend de Djoundeï-Sabour, et que Eïdedj, au Heu de former un district particulier, est enclavé dans celui de Ram-Hormuz. (D'après une autre opinion), cette province se divise en sept districts : Djoundeï-Sa- bour; 2° Souk el-Ahvaz; (les deux) Menadir ^ â" Nehr-Tira; 5*^ Ram-Hormuz; Sorrak; y^Sous^.

L'impôt foncier de l'Ahvaz est de 3o miUions, celui du Fars également de 3o millions^. Sous l'an-

pour des titres, et les a défigurés, à mesure qu'il les copiait ou les entendait prononcer.

' Kodama écrit à tort Medhar. Journ. asiat. loc. laiid. p. i 68, ^ Au rapport de Mokaddessy, cette division en sept districts est la seule en vigueur dans le pays. L'unique variante que présente le texte de cet auteur est Davrak, au lieu de Sorrah; c'est-à-dire le nom du chef-lieu substitué à celui du district. (Cf. Dictionnaire géographique lie la Perse, p. 24 1-)

■* Les détails que donne Mokaddessy sur la répartition de l'impôt dans le Fars trouvent naturellement leur place ici : « Le chiffre des redevances varie dans cette province. Ainsi, à Chiraz, un arpent de blé ou d'orge paye 190 dirhems; un arpent de fruits ou de plantes potagères, 287 dirhems; un arpent de cotonniers, 2.37 dirhems et 4 danek-, un arpent de vigne, 1,42 5 dirhems. (L'auteur parle ici du grand arpent qui vaut 70 coudées royales; cette coudée est de 9 perches.) A Kovar, les mêmes produits payent un tiers de moins qu'à Chiraz, en vertu d'une loi dont Haroun er-Récliid est l'auteur.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 253 cienne monarchie des Perses, l'Ahvaz était taxé à 5o millions et les districts du Fars à ào millions de miskals. Imrân , fils de Mouça le Barmécide , fut nommé gouverneur du Sind, à la condition de payer une redevance de i million , tous frais pré- levés.

Kesra-Perviz (Chosroès II), dans la dix-huitième année de son règne, tira de l'impôt foncier de son royaume 2/1 millions de miskals ^ ce qui fait, au poids actuel du dirhem., ygS millions de dirhems. Plus tard, le revenu (total) de son royaume s'éleva au chiffre de 600 millions de miskals K

A Isthakhr, les prairies sont un peu moins taxées qu'à Chiraz, et les terres labourées payent un tiers de moins qu'au chef-lieu. Je pas- serai sous silence les autres taxes et contributions d'octroi, qui sont très-nombreuses cl très-lourdes. » (Fol. 293.)

^ Kodama établit ainsi l'impôt sous Chosroès II (608 de J. C.) : 720,000 mishals d'or monnayé et 600 millions de dirhems d'argent. Le savant traducteur qui nous a fait connaître ce précieux fragment {Journ. asiat. loc. laiid. p. 181) termine son travail par cette conclu- sion: 1° qu'en 61 9 de Jésus-Christ, le montant des impôts payés par l'empire perse dépassait 3oo millions de francs; qu'en 820 de Jé- sus-Christ, sous le règne d'El-Mamoun, le revenu du kiialifat de l'Orient dépassait un milliard. Le calcul rigoureux tiré du texte d'ibn Khordadbeh , et dont on a déjà vu les résultats partiels dans les notes qui précèdent, prouve au contraire que le revenu avait considéra- blement baissé sous la domination musulmane. En revanche, le re- venu de la monarchie sassanide doit être supérieur à celui qui résulte de l'évaluation de M, de Slane. Ibn Khordadbeh affirme que le mis- hal des Sassanides valait, non un dinar musulman, c'est-à-dire de 10 à 12 francs, mais bien 33 dirhems et une fraction, soit environ 21 francs 5o cent. Établissant le calcul sur celte base, on voit que Chosroès avait plus que doublé la richesse publique , puisque l'impôt s'éleva de 5oo millions à près de i3oo millions de notre monnaie. Kodama ajoute une sorte d'allusion timide qui laisse deviner un af-

254 MARS-AVRIL 1865.

DISTRICTS DU DJEBEL .

Maçabadân. Mihrdjânkadak. Dinaver. Nèhavend. Hamadân. Koumm. Impôt fon- cier de Dinaver, 3, 8 00,000 dir. On prétend que Koumm appartenait d'abord à la province d'Ispahân , et qu'il en fut séparé, à f époque de Haroun. Le dis- trict de Keredj eut le même sort.

Sous la monarchie des Perses, le Djîl (Guilân), TAzerbaïdjân, Rey, Hamadân, les deux Ma/i ^, le

faiblissement dans le revenu. «Je crois, dit-il, que ces pays sont en- core ce qu'ils étaient; le sol est fertile; mais pour les bien adminis- trer, il faut un homme qui ait toujours la crainte de Dieu, etc.» Que l'auteur du Livre des routes puisse être cru sur parole dans son évaluation du miskal perse, ii est permis de l'admettre, si l'on veut bien se rappeler qu'il était petit-fils d'un mage originaire du Kho- raçân, et que la nature de ses fonctions, dans l'Irak-Adjèaiy, l'obli- geait à connaître, au moins à titre de renseignement et comme terme de comparaison, les lois et usages de l'ancienne administration. Au surplus, son assertion, bien qu'il nous en laisse ignorer la source, est corroborée par le témoignage unanime des chroniques persanes et despoëmes, échos des souvenirs populaires dont Khosrou est le héros. Les uns et les autres célèbrent à Tenvi les splendeurs de son règne, ses immenses richesses et l'étendue de son empire. Toutefois, il im- porte de remarquer que la dix-seplième année, ou, suivant notre texte, la dix-huitième de ce règne , coïncide avec l'année 607 ou 608 de l'ère vulgaire, et non point avec l'an 619, comme le dit la tra- duction de Rodama. L'auteur du Modjem el-Mulouh, Mustaufy, Mir- khônd, etc. tous s'accordent à dater l'avènement de Chosroès II de i'an 690 de notre ère, lorsque l'usurpateur Vahram fil graver le nom du jeune prince sur la monnaie d'or et d'argent.

' Ou Irak persan ; on écrit plus ordinairement Djehul, pluriel de djebel, «montagne.» Le terme Kouh'isiân, qui en est l'équivalent en persan, est réservé à une province du Khoraçân.

■* On désigne ainsi les deux districts dont Dinaver et Nèhavend

L\L LIVRE DES KOUTES ET DES PROVINCES. 255 Tabaristàn, Nèhavend, Koumès, Mihrdjânkadak et Houlvàii étaient taxés à 3 millions de dirhems.

DISTRICTS D'ISPAHAN.

Cette province, qui a 80 parasanges en long et en large , renferme dix-sept bourgades (rousfafc) com- prenant trois cent soixante-cinq villages, sans comp- ter les domaines immobilisés^, qui sont vastes, bien cultivés et peuplés. L'impôt de cette province s'élève à 7 millions de dir. Celui de Rey h 1 o millions. D'a- près une autre version, la province d'Ispahân serait divisée en vingt cantons, non compris celui de KouQim , lequel dépendrait de Dinaver 2.

DU ROYAUME DE LA TERRE.

Aféridoun partagea la terre entre ses trois fils : Selm (ou Selem) régna dans l'occident; les rois du

sont les chefs-lieux. Yakout propose différentes étymologies pour le mot mak. (Voy. Dict. (jéogr. de la Perse, pages 5i4 et 674.)

' Ce mot est incertain : A lit iLu^; B JUij^ ; el Yacouby (p. 5o) ojjtf , «de création récente.» Je n'hésite pas à lire x.u»jo^, con- vaincu qu'il est question ici de domaines constitués en fondations pieuses. On sait que, dans le langage de la jurisprudence, honbous ou alihas est l'équivalent du terme wahf, vulgairement vaqouf, usité en Turquie.

^ C'est ainsi que je crois devoir corriger le texte, qui ne présente aucun sens satisfaisant. Istakhry et Ibn Haukal placent Koumm dans la région méridionale du Deïlem ou de l'Azerbaïdjàn. Mokaddessy comprend dans le Djebal toutes les villes situées entre la chaîne du Démavend et les plaines d'Ispahân; mais il ajoute que les deux dis- tricts de Keredj et Koumm , à cause de leur importance, étaient ad- ministrés séparément el pouvaient être considérés comme distincts de rirak-Adjèmy (fol. 2 53).

256 MARS-AVRIL 1865.

RoLîin et de la Soghdiane descendent do lui. Thoudj, nomme aussi Thoas , régna en Orient; les rois dos Turcs et de la Chine forment sa postérité ^ Un de leurs poètes a dit ;

Nous avons, dans notre siècle, partagé noire royaume, comme la viande est parlagée'sur l'étal.

Nous avons donné la Syrie et les pays du Roum , jusqu'aux lieux le soleil se couche, au vaillant Scleni ,

A Thoudj, le gouvernement des Turcs, dans les contrées réunies sous le sceptre d'un cousin.

Pour Iran, nous avons conquis le royaume de Perse, el nous l'avons comblé de nos bienfaits.

TrrRES DES ROIS DU MONDE.

Le roi d'Irak, ordinairement connu sous le nom de Kesra, était nommé Chahinchah. Le roi des By zantins, que le peuple nomme Kaïçar, s'appelle Ba slli^. Les rois des Turcs, du Tibet et des Khazars,

' H est incontestable que le texte est incomplet, puisque Iredj , autrement dit Iran, n'est pas nommé. Le poète qui a mis en vers ce thème ethnologique, si goûté des anciens historiens musulmans, appartenait, s'il faut en croire Maçoudy, h l'une des familles persanes qui, de bonne heure, se convertirent à rislamisme. Maçoudy ( Prairies d'or, II, p. i 16) et Yakout [Dicl. (}éogr. de la Perse, p. 6/1) rapportent la même tradition et client les vers qu'on lit ici. Mais l'un < t l'autre écrivent à la Cm du troisième vers ^sJ » au lieu de la leçon rapportée par Ibn Kliordadbch, et qui me semble plus ancienne. (Cf. Ibn Khaldoun, I" vol. de son Histoire univ«*r.sclle, traduite en lurc par SoubljiBey, p. 179; Hamzah Ispahàny, p. 33.)

* Comme il s'agit ici de titres plutôt que de noms propres, il est naturel de croire que l'auteur transcrit ainsi jSaa^Aeus; cependant, à en juger par les renseignements assez détaillés qu'il donne sur l'em- pire byzantin, quelques pages plus loin, il est probable qu'il connais- sait de nom Basile le Mact'floni'n, qin occupa \r trône do 866 A 886.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 257 portent tous le litre de Khahân. Le roi de la Chine est nommé Baghhoar (ou, selon l'autre copie, Fagh four). Tous ces rois descendent en ligne directe d'Aféridoun, à l'exception du roi des Khozlodjes, Khankomveïh '.

Le plus grand roi de l'Inde est le Balhara ou roi des rois ^. Les autres souverains de ce pays sont ceux de Djabalî, de Tafen, de Djouzr, de Ghanah, de Rahma et de Kamroun. Le roi du Zabedj (il faut sans doute lire des Zendjes) se nomme Alfikhat; le roi des Nubiens, Kamil; le roi des Abyssins, Nedjachy; le roi des îles de la mer orientale, Maharadja; le roi des Slaves, Kobacl.

ROIS SURNOMMÉS CHAHINCHAH.

Buzurg-Kousân-cbah ; Guilân chah ; Ardhachirân-

' Je suis porté à croire qu'il faut lire après Rhozlodjes ij\j^y=^ ' « les Kirghyzes , » comme l'écrit Schems ed-din de Damas (fol. 8 v°). Quelle que soit d'ailleurs la lecture qu'on adopte, il est iudubitable qu'il s'agit d'une tribu de race turque, soumise à une branche col- latérale de la famille de Féridoun , d'après le système ethnographique exposé dans les vers cités précédemment. (Cf. Edriçy, I, p. 173.)

^ Sur le Balhara, souverain de Manguir, voir Prairies d'or, 1 , 1 76 ; et sur les autres rois de l'Inde , ibid. p. 872 à Sgo. Edriçy a reproduit le même passage, en y ajoutant quelques données nouvelles sur les rois de Ghanah. ( Voy. traduction de Jaubcrt , I , p. 1 6.) Ce géographe parle aussi du Kamil, «nom qui passe, dit-il, par voie d'héritage, à tous les princes de la dynastie» [Ibid. p. 33.) Une grande confu- sion règne chez les auteurs musulmans qui ont essayé de transcrire et d'expliquer les noms des souverains de l'Asie et de l'Afrique. Pour en donner un exeniple, le roi de Kachcmir, nommé rniou rajalipâr Maçoudy, est nommé tchaïbal dans le Modjmcli l'auteur de cet ou- vrage place le Maharadja au-dessus du Balhara^ et ainsi du reste. (Ms. de la Rihlioth. impér. fol. 27''!.)

258 MARS-AVRIL 1865.

chah \ roi de Moçoul; Masoun-chah, roi de Meïsân (Misène et Characène); Buzurg-h'ân-chah; Azer- baïdjan-chah; Seguistân-chah; Harou-chali (roi de Hérat); Kirmân-chah ; (le mot suivant est ihisible) Samdad-chah, roi du Yémen; Barman-chah; Kars- chah; Farhân-cliah; Amarkân-chah (?); Saibân-chah; Maskardân-chah , dans le Khoraçân; Allan-chah , Baraskân-chah, Mekrân-chah, dans le Sind; Mourdân-cbah, chez les Turcs; Hindovân-cliah, dans l'Inde; Raboulân-chah, dans le Kaboul; Schirân-chah, Daân-chah, Manaad-chah, dans le Sind; Daverân-cbah, dans le Zémin-daver; Lahsân-chah; Kachmirân-chah^.

ITINÉRAIRES.

Aboul-Kaçem (Obeid Allah, fds d'Abd-Allab), fils de Khordadbeh, dit:

Commençons par l'Orient, qui forme le quart de l'étendue de fempire, et parlons, en premier lieu, du Khoraçân. Ce pays obéissait autrefois (sous les

' Ce nom, donné par ia copie A, la seule ce paragraphe soit lisible, ne serait-il pas un souvenir altéré, mais encore reconnais- sable, du ITîî^N y")î< «le pays d'Assur?» (Isaïe, vu, 18.)

^ Les deux mots qui terminent cet article si étrangement altéré sont entièrement méconnaissables. Il est d'ailleurs facile de voir qu'il ne pouvait pas s'arrêter aussi brusquemenl dans la rédaction origi- nale, et que le paragraphe sur les rois du Klioraçàn (ci-dessus, p. 249) devait en être la suite naturelle. Quoiqu'il en soit, la pre- mière section du livre, celle qui traite de l'impôt et de la division politique des royaumes, s'arrête ici, et l'auteur va commencer la

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 259 Perses) à un sipahbed nommé Kadouskâu^. Celui-ci avait sous ses ordres quatre merzebân, et chaque merzebân gouvernait une des quatre parties du Kho- raçân ; ils venaient dans l'ordre suivant : i" le merzebân de Merve-Chahidjân et ses dépendan- ces; 2° le merzebân de Balkh et du Tokharistân; y le merzebân de Hérat, Pouchèng, Badeghîs et Séguistân; à° le merzebân des pays situés au delà de rOxus.

ROUTE DE BAGDAD AUX LIMITES LES PLDS RECULEES DU KHORÂÇAN^ (rOUTES DU N.-E.).

Nahrevân, 4 fars. Barma (Mok. Deir-Barima), /i fars. Deskereh, 8 fars. Djaloula, y fars. Khanikîn (Kod. Ed. 9 fars.), y fars. Kasr-Gbirîn (de château de Chirîn, » 6 fars.

(Ici fauteur décrit une route annexe en ces ter- mes : de Kasr-Chirîn à Direkdân, 2 fars. Chehr- zour, 18 fars, puis, reprenant son itinéraire direct, il continue ainsi :)

Houlvân, 5 fars. Maroustân fil faut lire Made-

description des itinéraires, qu'il poursuivra, à travers quelques di- gressions, jusqu'aux dernières pages de son livre, ou du moins jus- qu'au chap, IV «Description des montagnes, des fleuves, etc.»

' Le mot sipahbed f « maître de la cavalerie, » se trouve dans Pro- cope. De bello persico, 1, ix. Voyez aussi Lajard, Uecherclies sur le culte de Mithra, p. 81. Selon Yakout, le gouverneur d'Ispahân, à l'époque cette ville fut prise par les Musulmans, se nommait Ka- dàuskân. [Vict. géogr. de la Perse , au mot Ispahân.)

* Afin de ne pas multiplier inutilement les notes et les renvois , je place entre parenthèses les variantes de noms et de distances, four-

260 MARS-AVRIL 1865.

roiistân , avec presque tous les géographes) , /i fars.

Merdj el-Rbala'h «la prairie de la citadelle,»

6 fars. Kasr-Yézid « le château de Yëzid, » 6 fars.

Zobeydyeh, 6 fars. Kochkam (?), 3 fars. Le château d'Amr, li fars. Karmasîn (aujourd'hui Kirmânchah), 3 fars. \

Lacune

On continue à suivre la route du Khoraçân, en appuyant à gauche, et Ton se dirige vers Dukkân,

7 fars.

(Celui qui va dans la direction de Nèhavend et d'Ispahân tourne à droite, en partant de Dukkân, et arrive à Maderân, puis à Nèhavend, qui est un des districts du Djebal, puis à Khodar, y fars.)

De Dukkân à Kasr el-Luçous « le château des vo- leurs,» y fars. Haddad, 6 fars. Raryet el- Açel a bourg au miel, » 3 fars. Hamadân 2, 5 fars.

nies par les itinéraires arabes. Les ouvrages que j'ai consultés sont désignés par les abréviations suivantes :

Kod. = Kodamali , livre du Kharadj.

Ed. = Edriçy, trad. de Jaubert.

Yac. = Yacouby, éd. JuynboH.

Yak. = Yakout, Modjcm cl-Bouldân.

Mok. = Mokaddessy , ms. du docteur Sprenger.

Ist. = Istakhry, éd. Moeller.

Fars, vent dire J'arsahh ou parasange (6 kilomètres).

M. = mille, tiers de la parasange. /i fars, suivant Mokaddessy. Kodama dit que la distance entre Bagdad et Kirmânchah est de 71 fars. D'après Ibn-Kliordadbeh, elle serait de 70 fars (620 kilomètres).

^ C'est par inadvertance que le docteur Sprenger dit que ce nom est omis par l'auteur, il se trouve dans les deu\ copies et fort lisi- Mrnx nf écrit. Kodama compte 3i fars, do Kirmancbali à Hamadàn;

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 2o»

Darnava (Kod. Darira) , 5 Fars. Bouzanadjird, 5 fars. Erzeh, /i fars. Herzeh, k fars. Ei- Asavireh, «les chevaliers,» k fars. Youçeh et Roiideh, 3 fars. Davoud-Abâd, k fars. Soiise- nîn, 3 fars. Savah, 5 fars. Miskveïh, 9 fars.

Kostana, 8 fars. Hey, 7 fars ^.

De Rey à Kazvîn, en tournant à gauche, 27 fars.

De Kazvîn à Abhar, 1 2 fars. D'Abhar à Zin- djân, i5 fars.

De Rey à Maskal-Abâd (nom incertain; Ed. Ma- kalabâd; Kod. Faslabâd. Le docteur Sprenger pro- pose Mofaddhal-Abâd), k fars. ^— Kast, 6 fars. Farrokhdîn, 8 fars. Khovar ou Khâr, 6 fars. Kasr el-Milh «château du sel, » 7 fars. (Ed. 6 fars.)

Ras el-Kelb « tête du chien , » 7 fars. Semnân ,

8 fars. Djizîn 2. Koumès, 8 fars.

En tout, de Rey à Koumès, 70 fars ^.

Haddadeh, 7 fars. Hadès, 7 fars. Meïmel, 1 2 fars. Hemkend, 7 fars. Açed-Abâd , 7 fars.

Bahman-Abâd, 6 fars. Khosroudjird*, 6 fars.

Nisker-dereh , 5 fars. Neïsapour, 5 fars.

mais le total de son itinéraire ne donne que 3o fars, le nôtre compte 28 fars.

^ Les distances additionnées donnent 6 1 fars, entre Hamadân et Rey, ce qui s'accorde avec l'itinéraire par milles d'Edriçy. Dans Mo- kaddessy , on lit 9 journées, soit 56 fars. En résumé, nous trou- vons, entre Bagdad et Rey, 169 fars. (96/4 kilomètres.)

- La distance est omise et le nom lui-même est douteux; j'ai suivi les leçons identiques d'Edriçy et de Kodama.

^ Faute des copistes; le calcul ne donne que 62 fars, chiffre con- firmé par Edriçy, qui compte 189 milles = 63 fars.

■* Kodama et Edriçy placent une étape intermédiaire de 6 fars.

^2 MARS-AVRIL 1865.

La distance totale entre Bagdad et Neïsapour est de 3o5 fars ^ Les villes principales de cette province sont : Zam (Djam), Bakherz, Djoueïn et Beïhak.

De Neïsapour à Elghabis ou Ghaïbas, k fars.

El-Djouzak (ou el-Djouza; Mok. lit: Karyet el- Homrâ « le village rouge »), Ia fars. Thous, 5 fars.

Birakân (je crois qu'il faut lire Noukân), 5 fars.

Mardoudân (Mok. Mazdourân), 6 fars. Erki- neh, 8 fars. Serakhs, 6 fars. Kasr et-Tudjar «château des marchands,» 3 fars. Astar-djemal (iMok. et Yac. Astar-Mo'ad ) , 5 fars. Bilistaneh, 6 fars. Dendanekân, 6 fars. Niredjird, 5 fars.

Merve-iSchahidjân; cette ville a une citadelle, 5 fars. Distance totale (de Bagdad à Merve), 87 1 fars 2. De Bagdad à Serakhs, 3 4 5 fars.

De Merve partent différentes routes qui se diri-

entre Baliman et Khosroudjird , et une autre étape de k fars, après Khosroudjird. Le texte est donc altéré dans mes deux copies. L'éva- luation totale, donnée quelques lignes plus loin, prouve bien que deux ou même trois stations doivent être ajoutées à celles qui sont nommées dans le texte.

^ Je ne trouve que 3oi fars, même en tenant compte des deux étapes omises sur la route de Koumès à Neïchapour; il se peut qu'une autre station ait été oubliée par l'auteur lui-même. Du reste, cette différence est minime , et nous pouvons fixer, sans être trop loin de la vérité, la distance entre Bagdad et la capitale du Khoraçàn à environ 1800 kilomètres.

^ Au lieu de Bagdad, les copies portent «El-Haddadel» , » leçon erronée; en outre le calcul donne seulement 368 ftms. Cette contra- diction s'explique par une légère différence dans la distance de deux étapes. Si l'on compte, avec Edriçy et Kodama, 5 fars, entre Neïcha- pour et Ghaïbas, 6 fars, entre Ghaïbas et Djoiizak, on obtient, grâce à cette correction , le chiffre de 871 fars, donné par l'auteur.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 2C3 gent vers Cbacli, le pays des Turcs, la province de Balkh et le Tokharistân.

ROUTE DE MERVE A CHACH ET AU PAYS DES TURCS.

Kechmahen, 5 fars. Deïoub (Kod. Divan),

7 fars. Mandou (Rod. Mansat), 6 fars. Ahsa,

8 fars. Bir-Omar « le puits d'Omar» (Kod. Nehr- Othmân «le fleuve d'Othmân ») k fars. Amol, 6 fars. Distance de Merve à Amol, 36 fars.

De Merve aux rives du fleuve de Balkh (Oxus), 1 fars. On traverse le fleuve et on arrive ensuite à Karîn (Kod. Ed. Ferebr), i fars. La forteresse de Djâfar, dans le désert, 6 fars. Bykend, 6 fars. Ribat v( caravansérail de Boukbara, n i fars.

Masals (Kod. Yasara), i fars. \. Cbora', place forte, Ix fars. Kourousgboun (Kod. Koul), 6 fars.

Distance entre Amol et Boukbara, 19 fars^ Les villes de la province de Boukbara sont : Ker-

minyeb, Tavavis, Virdaneh, Bykend, la ville des marchands, et Karîn (Ferebr), qui n'est pas éloignée de Boukbara. Entre Boukbara et Samarcande, il y 387 fars. Au sud de cette province se trouve la chaîne de montagnes qui s'étend jusqu'en Chine.

' L'itinéraire n'est pas complet , el le chiffre 1 9 fars, doit être placé avant Chora'. C'est ce que prouve le texte de Kodama, qui met Bou- khara à 5 fars, de Masals ou Yasara. En rétablissant cette distance, oubliée dans notre texte, nous trouvons, entre Amol et Boukbara, 20 fars. \. Edriçy compte, lui aussi, 60 milles entre les deux villes, ce qui revient au même.

264 MARS-AVRIL 1865.

ITINERAIRE DE BOUKUARA A SAMARCANDE.

Kerminyeh, U fars. Dobousyeh, 5 fars. Ir- tiklien, 5 fars. Rozmân, 5 fars. Château d'Al- kamab , 5 fars. Samarcande , ville fortifiée , 2 fars.

Les principales localités qui dépendent de Sa- marcande sont : Debousyeh , Rechanyeh , Irtikhen (ou Kecli), Nesef (ou Nakbcheb), Kbodjendeb. Distance entre Boukbara et Samarcande, Sy fars '.

De Samarcande à Barket, Ix fars. Djisr-bâgby (Kod. Djisrify) , dans le désert, li fars. ^

De Cbacb à la Mine d'argent , 7 fars. Erihnou- zeb(?), 5 fars. Distance entre Samarcande et Cbacb, li2 fars. Zamîn, ville connue

Deux routes mènent à Cbacb, au (lleuve des) Turcs, et à Ferganab. De Cbacb et de Zamîn à Kbouloum (Kod. Ed. Roulons) , par le désert , 7 fars.

De au fleuve des Turcs , sur le territoire de Cbacb, 9 fars. De au passage du fleuve, /i fars. Boumket , 3 fars. Cbacb , 1 fars.

^ Comme on l'a vu clans la note précédente, le texte a été mutilé en cet endroit, et le nom de Boukhara n'est même pas mentionné après Masals. Il faut donc prendre pour point de départ l'étape nommée Chora', ce qui ne donnerait encore que 36 fars. Mais je pense, avec le docteur Sprenger, que, pour arriver au chiffre pré- senté par Ibn Khordadbeh, il faut compter, comme le fait Edriçy, 6 fars, au lieu de 5 entre Irtikhen et Rozmân. (Cf. Die PosI- uiul Bci- seroiiten, p. 17.)

^ Ici commence une nouvelle lacune assez considérable; la suite de l'itinéraire de Samarcande ù Chach est perdue.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 265 La porte de fer, 2 milles. Klialef , 1 fars. Ghar- keiiï (ou Gharkeul), 6 fars. De à Isfidjab, par le désert, Ix fars.

Distance entre Chach et Isfidjab , 1 3 fars.

D'isfidjab à Sawat, Ix fars. Madoukbet (Kod. Baroudjket), 5 fars. nomillisihle (Kod. Tamiadj), 4 fars. Nardjah, Ix fars. Merly, au bord du fleuve (Kod. au lieu de Merly, menzil «station»), 6 fars. Nardjah est une montagne autour de la- quelle jaillissent, dit-on, mille sources qui se diri- gent vers l'orient, (et forment) un fleuve nommé Oïoarkoab \ c est-à-dire le fleuve rétrograde. On passe le fleuve et l'on va ensuite à Khounket, 5 fars. Atrân (peut-être Taraz), 3 fars^.

D'isfidjab au pays des Keïmak (Ed. iv^ climat, p. 217, Keïmaky), 80 fars. Il faut emporter des vi- vres pour toute la durée de ce voyage.

D' Atrân au Bas-Birsgbân , 3 fars. Kasr-Bas, repaire les Turcs-Khozlodjes s'abritent pendant l'hiver, 2 fars 3. Keul (lac) de Sout, li fars.

' Je présume que ce nom vient du verbe .'j^)<^.\ f^ ouïonrmaq , >y qui , en turc oriental , signifie « aller à reculons ; » dans le même dia- lecte, ouîouroun a aussi le sens de «tourbillon , chute d'eau. »

2 Le texte ajoute : «entre Atrân et Khounket, 7 fars.» Je pense que ce mot fait double emploi avec l'étape placée avant Atrân ou Taraz, car il n'est cité dans aucun autre itinéraire. D'ailleurs le total donné par l'auteur est en désaccord avec les distances partielles. Il résulte des chiffres présentés par Kodama, dont le texte a subi ici moins de mutilations, qu'il y a environ 3o fars, entre Isfidjab et Taraz.

^ La distance manque dans les copies, je l'ai rétablie d'après Ko- dama.

V. 1 8

200 MAIUS-AVRII. 1805.

Djebel (montagne) de Sont '. Koulab,

riche bourgade, l\ lars, Eberky, rirhe bourgade, /i fars. Asyreli , l\ fars. Nounkel (Kod. Nourket) , gros village, 8 fars. Akhoundjaràn , Ix fars. Djoul (Giieul, «lac ?»), l\ fars. Menazib (Kod. Sary), y fars. De à la capitale du Kbakân des Turcs, Ix fars. Navaket, [\ fars. Kcuar ou Ko- nad , 8 fars. Le Birsghân supérieur ^ (c'est que commencent les frontières de la Chine), i5 fars.

ROUTE DE ZAMÎN À FERGHANAH.

Sabat, 2 fars. Echrousneh, 9 fars. (De Samarcande à Echrousneh, 26 fars.) Une autre route mène de Sabat à Aiouk (ou Gholouk), 6 fars. Khodjendeb, k fars. Tarmakân, 7 fars. Me- dînel-Bab, 3 fars. Ferghanah, 4 fars.

Dislance totale entre Samarcande et Ferglianah, 53 fars^. Ferghanah a élé fondée par Enouchirvân, qui la peupla d'hommes pris dans chaque tribu; c'est pourquoi il lui donna le nom de Ez-her-khâneh , ce qui veut dire « de chaque maison. » Rhodjen- deh appartient à cette province.

De Ferghanah à Roba, ville, 10 fars. Aus,

.^ulre lacune. Le nom de cette station manque dans Kodama. Dan.s Edriçy on lit : Djebel-Choub, 1 2 milles (soit 4 fars.).

2 Le texte porte plus liaut Birsakhaïa,el ici , Bouchdjân; j'ai suivi la lecture du docteur Sprenger, loc. cit. p. 28.

^ Kodama compte seulement 35 fars, mais il ne veut probable- ment parler que de la distance entre Zamîn etFerghanab ; il resterait par conséquent 1 8 fars, pour la dislance entre Samarcande et Zamîn. Celte indication perniot d. mnibl.r la lacune siirnali^e ci-dessus.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLNCES. 267 lo fars. Yuzkend, résidence de Hourteguîn, 7 Tars. El-Akabah \ une journée de marche. Atas, une journée. Birsghân, 6 journées à tra- vers un pays ne se trouve pas un seul village.

Atas, dont il est question ici, est une ville bâtie sur le haut plateau qui sépare le Tibet de Fergha- nah. Le Tibet est au centre de l'Orient. Du Haut- Birsghân à la capitale du Khakân des Tagazgaz ^, il y a trois mois de marche, à travers un pays couvert de vastes bourgades et de forteresses. Les habitants. Turcs d'origine, sont ou mages adorateurs du feu, ou Zendik (manichéens, athées). Leur roi réside dans une grande ville fermée par douze portes de fer. La population professe les croyances des Zendik. A gauche (au nord) est le pays des Keïmak; en face, la Chine, à une distance de 3oo fars. Le roi des Tagazgaz possède une tente d'or placée au faîte do son palais; elle peut abriter neuf cents personnes, et se voit<^ 5 fars, de distance^. Le roi des Keïmak campe au milieu des pâturages, sous des tentes en

^ Akabah ou Nokaïl, dans leYénien, est un roc escarpé qui coupe une route; c'est exactement ce que les Persans, dans leur pays si ac- cidenté, nomment hôtel.

^ Maçoudy place dans la ville de Kouchân la résidence habituelle de ITrkhân, roi des Tagazgaz. «Ce chef, le plus puissant des souve- rains de race turque, est surnommé, dit le même auteur, le rci des bêtes féroces et des chevaux.» [Prairies d'or, I, p. 358. Cf. M. Rei- naud , Relat. des voya(jes, Introd. p. clïii.)

^ oLa tente du khân s'ouvre du côté de l'orient, par respect pour le côté du ciel se lève le soleil.» (Documents chinois sur les Tou- kioue, Irad, par M. St. Julien, Journal aMatiqnr , mars-avril i86/j, p. 335.)

268 MARS-AVRIL 1865.

peaux de bêtes. Le pays qu'il occupe est séparé d'Atrân (Taraz?) par vui steppe d'une étendue de 81 journées de marche. La contrée habitée par les Tagazgaz est le plus vaste de tous les pays turcs; elle est entourée par la Chine, le Tibet, les Rhozlodjes, les Keïmak, les Ghozzes, les Djagha (TchaghataïP), les Petchénègues , lesTerkech , les Euzkech , les Khou- fach'. Sur le bord du fleuve vit la tribu des Khor- loukh (?). La ville de Karat^ est une place forte oc- cupée à la fois par une garnison musulmane et par une garnison de Turcs-Khozlodjes. Gn compte en tout seize (grandes) villes turques.

ROUTE DE MERVE-CHAHIDJAn AU TOKHARISTÂN.

Kab (Kar, selon Kod. qui ne compte que 6 fars, par le désert), 7 fars. Mehdy-Abâd , 6 fars. Medjd-Abâd (Kod. Yahya-Abâd) , 7 fars. Karye- teïn (des deux bourgs» (Kod. El-Feres), 5 fars. Açed-Abâd, sur le fleuve (l'Oxus), 6 fars. Kasr- el-Ahnef ^, sur le fleuve , Ix fars. Merve-er-Roud

^ Je ne puis lire les deux groupes qui suivent; ce sont sans doute des noms de villes que l'auteur aura confondus avec les noms des principales tribus. (Cf.Sprenger,Zoc,ctf. p. 26.) Edriçya cité textuel- lement ce passage, I, 498; mais ses leçons ne peuvent inspirer au- cune confiance.

2 Les copies portent Maçyat-Karat ou Farat, peut-être faut il lire Medynet-Farab .

^ Au rapport de Yakout, dans le Mo'djem, ce château, appelé Sinvân avant la conquête musulmane, doit son nom à El-Ahnef, fils de Kaïs, qui s'empara du Tokharistân, l'an 32 de l'hégire. { Sur ce personnage, voy. C. de Perceval, Essai sur l'hisl. des Arabes, l\l, 276 : Ibn-Kolaïhah, éd. Wnstenfeld, p. 9\C).)

LE LIVRE DES ROLTES ET DES PROVINCES. 269 (Kod. Merve-la- Haute), 5 fars. - Birichk, sur le fleuve, 5 fars. Asrab, 6 fars. (Rod. 7 fars.) Guendjabâd, 6 fars. Talikân , 6 fars. Kich- tidjab (Kod. Kisdjân), 5 fars. Argbiân, Ix fars.

Kasr-Hout, 5 fars. Karyân (Faryab?), 5 fars.

El-Raa' a la plaine,» dépendance du Gouzgân, g fars. Serkân (Kod. Oustourkân), dépendance du Gouzgân, 9 fars. Sedreb ^ dépendance de Balkb, 6 fars. Vucbkouk, 5 fars. El-Ouz (El-Gbour?), à fars. Balkb, 3 fars. La distance totale entre Merve et Balkb est de 1 26 fars.^

De Balkb à Sarkbour, 5 fars. De aux bords du fleuve Djeïboun (Oxus), 7 fars. A droite est le pays de Rbottol et le fleuve du Lion; à gaucbe, le Kbârezm. Merve a un autre nom , qui est iVi/. Cette ville est formée de deux quartiers, sur les deux rives du fleuve de Balkb. (Ses dépendances sont :) Amol, Rezm , les montagnes de Talikân , Karyat (Faryab?) ,

^ Kodama, qui donne quelques détails sur les principales stations de cette roule, nous apprend que Sedreh était d'abord un simple reiai de poste, dans le désert. L'an 2o3 de l'hégire, à la suite d'un tremblement de terre qui se fit sentir aux environs de Merve et dans le Tokharistân, une source abondante jaillit auprès de Sedreh et forma une rivière qui roula ses eaux bourbeuses jusqu'à Merve et Amol, répandant la fertilité sur son passage. Depuis ce temps, Se- dreh est un bourg important, entouré de vergers et de champs cul- tivés.

^ Je ne trouve que 1 18 fars, mais il est certain que deux stations dont le nom est cité par Kodama ont disparu de nos copies. En tenant compte de cette omission , et après un examen attentif des deux documents, je trouve que cette distance est de 127 fars. (Cf. Sprenger, /oc. cif. p. 4i.) Mokaddessy compte 17 journées démarche , à raison de 6 fars. 1/2 par journée.

270 MAhS-AVKlL 1865.

le Nedjd «haut plateau,» le Djouzghân , jusqu'aux derniers bourgs de la Bactriane. Le fleuve de Balkh conserve ce nom jusqu'à ce qu'il arrive à Terined; il baigne les murailles de cette ville, bâties en pierres de taille.

ROUTE DE SAGHANIÀN.

De Termedà Sarim-Khân, 6 fars. Khân-Zen- djy (Ist. Darzindy), 6 fars. Bertakht, y fars. Sagbaniân , 5 fars. Barabda , 3 fars. Hemdarân, 7 fars. Entre ces deux dernières stations, s'étend une vallée qui peut avoir 2 ou 3 fars, de long. Barse- koun, 8 fars. Savamàn, 5 fars. Vachdjird, k fars. Rast , à journées de marche. Rast, qui forme la frontière du Khoraçan de ce côté , est une vallée étroite entre deux montagnes; c'est par que pénétraient autrefois les Turcs, quand ils envahis- saient le pays. Fadhl, fils de Yahya, fils de Khaled, fils de Barmek, y fit construire une porte ^

ROUTE DE BALKH AU TOKHARISTAN SUPERIEUR.

Valary, 5 fars. Le chef-lieu du Khoullam ou Khoulm , 5 fars. Nahar, ville, 6 fars (Kod. 7 fars). Erkabouk, 5 fars. Karisgbam (Kod. Karidh-

' Voilà pourquoi cette station est nommée Derbend «barrière» dans le Livre des Climats. Ibn-Kballikân, citant un passage de 17//5- toire des vizirs, par Djoucbiary, assure que Fadbl le Barmécidc fut investi du gouvernement de tout le pays qui s'étend entre le Cbirvàu et les frontières du Turkeslân, l'an 17G de rbégire. Yakout a trans- crit textuellement ce passage d'ibn Kbordadbcb, datjs son diclion- iKtir»', an mot i_>.;;v.

LE LIVUE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 271 Amir), 7 fars. Près de sonl les bourgs qui ap partiennent à Bustam , fils de Soura , fils de Mosavir ^

RELAIS DE POSTE SUR LA ROUTE DE L'ORIENT.

De Sorra meu-râ à Deskereh, 12 relais. De Bagdad à Deskereh, 10 relais. Moçaïr-Abâd (ou Naçir-Abad), 9 relais. Karmiçîn, 6 relais. Djoundân (Khoundad), 10 relais. Hamadàn , 3 relais. Miskveih, 2 i relais. Rey, 1 1 relais. Koiimès, I 3 relais. Neïsapour, 19 relais'-.

' La longueur totale de celte route est ici de 28 fars, et dans Kod. <le 3o fars.

^ Il est bon de s'arrêter un moment sur ces chiffres , afin d'en tirer des indications précises. Kodama, qui part de Bagdad, compte 73 relais jnsqu'à Rey ; Ibn Khordadbeh part de Sorra-men-rà , et en compte 72. Le nombre total des postes entre la capitale de l'Irak et celle du Khoraçân, entre Bagdad et Neicbapour, s'élève à loi. Or, comme une poste, nous le savons par le témoignage du voyageur Mokaddessy, était de 6 milles dans le Khoraçân, il s'ensuit que, entre l'une et l'autre capitale, le service régulier du berid avait à parcourir 624 milles, soit 208 parasanges ou fars ak lis (12^8 kilomètres). Ce- pendant nous avons vu précédemment que cette distance était de 3oi fars. ; et il serait malaisé de trouver la raison d'une telle inéga- lité si l'on oubliait que ce dernier chiffre s'applique seulement à la route suivie par les caravanes. Quelque considérable que paraisse d'a- bord un écart de gS fars, ou plus de 55 myriamètres, cette considc ration suffit à l'expliquer. Quiconque a voyagé en Asie Mineure ou en Perse sait avec quelle lenteur désespérante marchent le.s cara- vanes; que de détours et de contre-marches elles sont condamnées à faire pour trouver, soit un gué, soit un village d'approvisionnement, soit un pâturage pour les bétes épuisées. Le Ichapar « courrier » brâlc l'espace ; n'ayant d'autre bagage que son sac de dépêches , sa pipe et le tapis qui lui sert de lit, il vole de relais en relais, franchissant torrents et montagnes, prenant, pour abréger sa route, des sentiers escarpés nul autre n'oserait s'engager, et terminant ainsi en vingt quatre heures le trajet que le paisible muletier accomplit à peine eu

272 MARS-AVRIL 1865.

RELAIS DE POSTE DANS L'AHVAZ ET LE FARS.

De Houlvàn à Chehrzour, 9 relais. De Houlvân h Syrevân , 7 relais. De Syrevân à Samaïrah , Il relais. De Hamadân à Koumiri, li'j relais. D'El-Warkâ à Roumm, 3 relais. De Kounim à Ispahân, 16 relais. De Faderân à Nèhavend, 3 re- iais. De Bagdad h Vaçit, 26 relais. De Vaçit à la frontière d'El-Ahvaz, 20 relais. De à Nou- bendedjàn, 19 relais. AChiraz, 12 relais. A Istakhr, 5 relais.

Contributions de Chehrzour, Saineghân et Diza- bàd, 2,750,000 dirhems.

Impôt foncier du Maçabadân et de Mihrdjânkadak, o,5oo,ooo dirhems.

Impôt foncier de Koumm, 2 millions de dirhems.

ROUTES ENTRE SOUK-EL-AHVAZ ET LE FARS.

De Souk-el-Ahvaz à Azem, 6 fars. Goubdin, (xAbdînP), 5 fars. Zott, 6 fars. Makhaçah et Dhyâ «la ferme, » se trouve un grand pont sur le Oaadi-el- Milh u rivière du sel'.» Dihlizân,

huit jours. Les paragraphes spéciaux consacrés par r\otre auteur aux stations de la poste [sikheh] prouvent incontestablement qu'il y avait à côté de la route ordinaire, fréquentée par le public, une route plus spécialement aflFectée aux besoins du service postal , et plus directe que la première. La difl'érence entre les deux itinéraires s'ex- plique ainsi d'elle-même.

' La distance est omise; mais dans Kodama on lit /i fars. Cet écrivain estime à /i4 fars, la distance entre Souk-ol-Alivaz.le principal marché de la Susiane, ei Erradjân. Mokaddessy compte 7 journées, rnvircm \b fars. = 2 25 kilom.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 273 6 fars. Erradjân , 5 fars. Sur la rivière d'Erradjân, s'élève un magnifique pont d'origine sassanide; il est en pierres de taille et long de plus de 3oo coudées. Destedjird, 5 fars. Sedy, c'est qu'on gravit la côte de l'Eléphant a Akahat-el-Fil , )) 6 fars. Khardjân, 6 fars. Zerdjouneh, li fars. Nou- bendedjân, 5 fars. Kourkhàn, 5 fars. Dans les environs est le vallon de Bâwân, célèbre par ses noyers, ses oliviers et autres arbres à fruit, qui poussent au milieu des rochers. Harareh, y fars.

Chiraz forme un district qui dépend d'Ardechir- Khoureh. Les autres villes de ce district sont : Djour, Meïboud, Djau, Simghân, Bendedjân, Rerikhân , Khovar, Roustak, Kîz, Guérouz, Abdereh, Sebdal, Tavvadj, Kourân, Sidîn, Silaf, Gouvân, Zendjân et Koulm-Firouz.

La distance de Souk-el-Ahvaz à Davrak par eau est de i8 fars.; par terre, de ih fars.

DISTRICT DE SABOUR.

Il est ainsi nommé à cause de son chef-lieu. Les cantons qui en dépendent sont : Noubendedjân , Khast (ou Khacht), Kimaredj, Kazeroun, Djureh\ Goundivân, Destbarîn, Hindoukân, Derdjerid , Soulaf, Rhoubedân, El-Meïdan, Mahân, Rasikhân, Chahidjân, Merzefadîn, Savroun, Dizlendjân,Sileh- Misr (?), Enverân, le Bas-Khoumagân, le Haut- Rhoumagân, Tabaz-Mardàn, Kîst.

* C'est la petite ville nommée Giironh par Hamd-Ailali-Mustaufy, dans son fjouzhet.

274 MARS-AVRIL 1865.

DISTRICT DMSTAKHR.

Istakhr est à la fois le nom du cliel-lieu et du dis- trict. Dépendances : El-Beïda, Bahrân, Açân, Iredj, Manis, Djîr, Kybr-Halkounah , Borghân, Miavàn, Kaçalisân, El-Oudar.

De Chiraz à F.aça (nommée aussi Et-Béida) et à Darabjird, 3o fars. De Faça à Darabjird , I 8 fars. Les cantons qui forment le district de Da- rabjird (aujourd'hui pays des Ghebankareh) sont : Darabjird, Guerm, Djehrem, Sahaf, El-Akrad, El- Abdiân, Djouim, Merdj (Mergue), Tarem , Ta- beslân.

DISTRICT D'ERRADJÀN.

Bas, Chebr\ Mildjân, Buzm'g.

Distance de Chiraz à Djour, 20 fars. De Djour à El-Beïda, 8 fars. De Noubendjàn à Chiraz, 23 fars. De Chiraz à Sabour (Chapour), 20 fars. - De Chiraz à Istakhr, 8 fars.

CAMPEMENTS DES KURDES.

Le mot remni' (au pluriel rnmoani) signifie le

' Au lieu de Cliehr, Mustaufy, qui a cité cet article dans le même ouvrage, écrit Satr. Le nom suivant est illisible dans le texte; c'est peut-être le Dariân de Mokaddessy. (Cf. Sprenger, loc. cit. p. 69.)

^ L'orthographe de ce nom n'est pas fixée. Dans les traités d'Ista- khry et d'Edriçy, on trouve constamment la forme j»;. La pronon- ciation adoptée ici est celle de Yakout et de Mokaddessy. Ce dernier (r 290) compte 33 tribus ou clans chez les Kurdes ; mais il est im- possible de les rapprorber des noms < ités par noire uuleur; en outre,

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 275 campement des (tribus) Kurdes. On en compte quatre : i °le remm d'P^l-Huçeïn , fils de DjilaveïTi (Ed. Khalaveïh), surnommé Miandjân; il est à \ k fars, de Chiraz; le remm de Kaçem, fiJs de Chahriar, nommé Gouriân (Yak. et Ed. Barindjân), il est à 3o fars de Cliiraz ; le remm d'Ardamraï-Havamah (c'est peut-être \e^j^j^\ de Mokaddessy), à 26 fars de Chiraz; le remm d'El-Huçeïn, fils de Salih, nommé Rizan (copie B. Mouzan ; Yak. Zizân) , à 7 fars de Chiraz.

La province du Fars a 1 5 o fars, en long et en large; elle renferme six districts^ : i°Istakhr; Sabour ; Ardechir-Khoureh ; /i° Darabjird; 5°Faça; Er- radjân.

ROUTE D'ISTAKHK À SIRDJÀN (oU CHIRDJÀN, CAPITALE DU KERMÂn).

Khidbr, 7 fars. Le Lac^, 5 fars. Ersindjân, y fars. El-Astaf, à fars. Chahek-la-Grande, 6 fars. Village du Sel a Qaryet-el-Milh , » 9 fars.

trois de ces tribus sont omises dans la copie du D' Spreiiger. (Voyez aussi Prairies d'or,lll, p. 2 53, et un mémoire d'E. Quatremère dans les Notices et extraits, t. Xlli, p. 3oo et suiv.) J'ai déjà fait remar- quer ailleurs [Dict. yéogr. de la Perse, p. 264) quelle confusion régnait dans les auteurs musulmans qui ont parlé des tribus kurdes. L'étude plus complète des dialectes et des traditions populaires pourra seule dissiper ces ténèbres.

^ Il faut lire six au lieu de cinq que portent les copies, puisque ce nombre se trouve confirmé parla nouienclalure qui suit; il est donné aussi par Mokaddessy. (Cf. Sprenger, loc. cit. p. 69.)

^ Ce lac est nommé Hen(/uium par Edriçy, (jui en donne la des- cription (I, p. /n 1).

276 MARS-AVRIL 1865.

Mourianeh, 8 fars. Arvân, 3 fars. Marsan, dernière dépendance du Fars (distance omise). Ce qui fait depuis Chiraz jusqu'à cette station 6i fars.

De Marsan à Roud, 3 fars. Kelmân, i fars.

Sirdjân, capitale du Kermân et résidence du sultan, 1 1 fars. Il y a donc j 6 fars.^ depuis la fron- tière du Fars jusqu'à cette ville.

Villes du Kermân

(lacune), Koufs, Mazen, Marah, Balous, Djiraft, qui est la plus grande ville du royaume, bien que le sultan l'éside à Sirdjân ^.

ROUTE (du kermân) AU SEDJESTÂN.

De Djiraft à Bemm, 20 fars. Bermasir, 7 fars.

El-Amel. sur la lisière du désert, l\ fars, de jusqu*au Sedjestân , yo fars, dans le désert^.

Villes du Sedjestân : Zalek , Gourgveïh , Heïçoum ,

^ Ce paragraphe est plein de lacunes et d'erreurs. En admettant comme exactes les deux dislances additionnées par l'auteur, on a 77 fars, pour la distance entre Chiraz et la capitale du Kermân. C'est presque le résultat obtenu par Kodama : 76 fars.Edriçy, qui suit une route différente par le désert, dit 228 milles (76 fars.). Dans Yakout, on lit 64 fars, seulement ; mais le texte est certainement mutilé dans cet article du Mo'djem.

^ Le délabrement du texte est encore évident ici, puisque les villes les plus importantes, telles que Berdasir, Bemm, etc. ne sont pas mentionnées. Il est permis de supposer aussi que l'auteur, travaillant sur un document incomplet et inexact, aura pris pour des noms de ville les clans des Koufs et des Baloutches, ainsi que les gorges de Karen (écrites aussi Barzen) vivaient ces nomades. (Cf. Istakhry, p. 72; Dict. de la Perse, p. 452.)

•* Ce qui fait, pour la longueur totale de cette route, 101 fars. Kodama compte seulement 80 fai's. mais il faut remarquer qu'il suit une route différente à travers le Kouhistàn.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 277 Zârendj, Bost, Masverd, Karyeteïii « les deux bourgs; » en cet endroit se trouvent les écuries de Roustem; Rokhedj , Daver. Le fleuve du Sedjestân est nommé Hendmend. Dans les anciens âges, le roi Reïkaous donna la couronne du Sedjestân à Roustem le Héros.

D'El-Amel à Taberân, qui dépend du Kermân, k 1 fars. De Taberân à Basour, cbef-lieu du Dje- roun (Ed. Djervân), \ li fars. De au village de Yahya, fils d'Amr, lo fars. Hadân, lo fars.

Maaden «la mine,» lo fars. Mousar, 9 fars.

Direk-Mamounah , 9 fars. Guîr, 1 o fars. De au pays habité parlesBalous (Beloutches), 20 fars.

La Montagne de Sel, 6 fars. Mahal , 9 fars.

Kalamân , 6 fars. Seraï-Kbalef , 4 fars. Fi- rouz , 3 fars. El-Hafsar, sur la route de Kandabîl, en suivant le steppe, 10 fars. Seraï-Dara, 1 o fars.

El Hoçaïbah, 10 fars. Rasdân, 10 fars. Djour, Zio fars. Bourg de Suleïman-ben-Somayi, 1 8 fars. (Ed. village de Salem). Ce village est le port du Kboraçân l'on s'embarque pour aller dans l'Inde et la vallée de l'Indus (le Sind).

De la frontière du Kermân à Mansourah , 80 fars.; on passe par le pays desZatbes (ou Djathes), qui ont la garde de cette route. De Zarendj, capitale du Sedjestân , à Moultân , deux mois de voyage. Moultân fut nommé uleferdj de la maison d'or,» parce que Mohammed, fils de Kaçem, lieutenant d'El-Had- djadj \ y trouva Zio bahar d'oi' dans une maison, qui

' Sur la prise de Moultân et l'expédition de Mohammed dans la

278 MARS-AVRIL 1865.

fut depuis nommée <( maison d'or. » Ferdj (fente) a ici le sens de « frontière. » Le bahar vdut 333 menn, et le menn i ritles.

PAYS DU SIND.

El-Raïrounyeb , le Mekrân ^ El-Mend (il s'agit du pays des Meyd), Kandahar, Kasrân , Noiikân, Kan- dabîl , Kinnezboun , Armabîl , Kanbaly, Sebbân , Sa- dousân, Deïbal , Raçek, Daur, Vendân , Moultân, Sendân , Mandai, Salmân, Seïrasp, Keredj, Roumiab, Kouly, Kanoudj, Baroub.

PAYS DES PEHLEVIS,

Hamadân, Dinaver, Nèbavend, Mibrdjânkadak, Maçabadân, Kazvîn. Cette ville , qui est à 2-7 fars, de Rey, forme la frontière du Deïlem; elle comprend la ville de Mouça et la ville de Mubarek^. Zendjân, selon les uns , est à 1 5 fars. , selon les autres à 1 2 fars. d'Abbar; Essinn, Taïlasân (pays des Taliscbes) et le Deïlem. L'impôt foncier de Kazvin et de Zendjân

vallée de l'Indu s, on peut consulter l'extrait du Livre des Conquêtes, de Beladory, publié par M. Reinaud dans le Journ. asiat. ^' série, t. V, p. 121 et suiv. La maison ou frontière d'or est citée par Maçoudy, t. I, p. 207 et p. 377.

* Les copies lisent Kermàn. La confusion entre ces deux noms, qui ne diffèrent, en arabe, que par la position d'une lettre, est fré- quente dans les manuscrits. (Voyez, par exemple, le passage d'fbn Haukal, cité par Abou'1-Féda, texte, p. 346.)

' L'origine de ces deux quartiers est expliquée par Muslaufy, dans la description de Kazvîn qui termine son Histoire choisie. (Voyez un extrait de celte cln-onique, Journ. asiat. 5* série, t. X, p, 261.)

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 270 n'est pas établi sur une base (ixe; mais il est évalué approximativement.

ROUTE DE L'AITVAZ A ISPAHAN.

De Eïdedj à Djoudardân, 3 fars. Arestadjird, k fars. Sefid-Decht «la plaine blanche, » 6 fars. Tounien (ou Tonner), 5 fars. Tenoudjird, 6 fars. Ribat, y fars. Rhanedân, 7 fars. Ispahân, 7 fars. ^

ROUTE DU FARS A ISPAHAN.

Ramfirouz, 5 fars. Kouret (ou Koured), 5 fars.

Kâb, k fars. Semarmez (Somaïrem?), 5 fars.

Chebah, 5 fars. Mourdah, 7 fars. Kenz- el-Merdjân «trésor de corail,» 7 fars. Rhân-el- Abrar « l'Hôtel des hommes généreux. » Ispa- hân^.

ROUTE D'ISPAHAN A REY,

De Yahoudyeh (faubourg d'Ispahân) à Berkhâr, 3 fars. Ribat-Der a la station de la porte, » 7 fars. Enbazer, 5 fars. Asfar, 6 fars. Damar, k fars. Abâd, 5 fars. Berouz, 5 fars. Koumni, 6 fars. Khavas, 5 fars. Mokattaa

* Distance totale, 45 fars. = 270 kilom.

^ Les distances des deux dernières stations ne sont pas indiquées. Dans Istakhry, oii i'avant-dernière étape est nommée Khùnlendjân , la distance est \lx fars, et la route complète, 72 fars. Dans Kodania , 70 fars, mais il est à remarquer que l'un et l'autre prennent Cliiraz pour point de départ.

280 MARS-AVRIL 1865.

« la ferme , » 5 fars. Karem , 9 fars. Eddeïr u le

couvent, » 7 fars. Dàr, 7 fars. Hey, 7 fars. '

ROOTE DE BAGDAD A BASRAH.

Médain, Deïr-el-Okoul , Dljardjaraya, Djebboul, Fem-es-Silh, Vaçit, Farouth, Deïr-el-Ommal , El- Hawanit. On traverse ensuite les marais [hataïh), jusqu'au canal d'Aboul-Açed. on s'embarque sur le Didjlet-el-Awra, puis sur le canal de Ma'kal, jus- qu'au cbâteau de Basrah ^.

RELAIS DE POSTE ENTRE SORRA-MEN-RÂ ET VAÇIT.

Okbera, 9 relais. Bagdad, 6 relais. Me- daïn , 3 relais. Deïr-el-Okoul , k relais. t)jar- djaraya, 8 relais. Djebboul, 5 relais. Vaçil, 8 relais^.

' Total du parcours, 81 fars. La carte n" VII du D' Sprenger, dressée d'après VAtval, donne 79 fars.

- L'auteur ne donne pas les distances entre chaque station, parce qu'une partie du voyage se fait sur les canaux qui coupent toute cette contrée. Mais, au rapport des meilleurs géographes musulmans, Bagdad étant à 1 00 fars, de Basrah , Vaçit , qui doit son nom à sa po- sition intermédiaire entre les deux villes, est à 5o fars, de l'une et de l'autre. C'est ce qu'affirme Yacouhy(p. 107 et 108), qui men- tionne avec soin chacune des stations nommées ici. Kodama suit exactement le même itinéraire, malheureusement presque tous les noms y sont méconnaissables. Il est à remarquer qu'Edriçy ne compte que 120 m. ou ^o fars, de Bagdad à Vaçit. La station nommée Deïr- el-Àimnal doit probablement son nom aux manufactures de tissus dont parle Yacouhy [loc. cit. p. 1 09). Enfin le Méraçid, au mot y^ , explique l'origine des deux canaux d'Abou'i-Açed et de Ma'kal.

^ En évaluant le relai à 6 milles ou 2 fars, la distance entre Bagdad et Vaçit est 56 fars, entre Okbera et Vaçit, 86 fars. Il est vrai que Mokaddessy donne 12 milles au relai, dans le désert et

LE LIVRE DES ROCTES ET DES PROVINCES. ^81

ROUTE DE BASRAH À L'OMAN, I.K LONG HE LA COTE.

Abbadân, Hadaryali, Arfadja, Zabounah , Ël- Maaz, El-Assa, El-Migras, Holeïdjah, Haçan , El- Kora, Moreïlaha (Ed. Maslaklia), Hamadh, Hadjar, iMokabar (Rod. Mokayr), El-Katan, la Sabkbah « terrain salsugineux, >> Oman ou Sohar^

ROUTE (de BASRAH ) VERS L'ORIENT, PAR MER.

De Basrab à Abbadàn , i 2 fars. Les Estacades^, 1 fars, c'est qu'on s'embarque. La côte située à droite appartient aux Arabes, celle de gauche aux Persans; elles sont séparées par un bras de mer qui a 70 fars, de largeur. Dans ces parages se trouvent les deux montagnes (récifs) nommées iS^ocaïr et Oivaïr\ La profondeur de la mer, en cet endroit, est de -70

l'Irak; mais cela n'est pas applicable aux stations d'un pays sillonné (le canaux, les détours sont à l'infini. Le même auteur dit que 6 milles font un fars, en Syrie, et je pense que cette base est plus acceptable ici. (Cf. Sprenger, Vorrede, p. 6.) Ce qui le prouve aussi , c'est que Mokaddessy compte 10 fars, entre Bagdad et Okbera; il faudrait lire 20 fars, si le relai était calculé sur le pied de 1 2 milles , c'est-à-dire exagérer de moitié la distance bien connue entre ces deux points.

' Après Oman , la copie A ajoute un mot illisible. Islaklii-y (p. 1 5) dit que cette route, divisée en 18 stations, est dangereuse à cause des nomades qui y exercent leurs déprédations. Dans Edriçy, le nom des stations est totalement différent jusqu'à El-Kora (t. I, p. 371). On sait que Sohar fut le nom primitif de la ville qu'on appela depuis Oman.

^ La description des hliachebat , ou barrage de Basrah , se trouve dans Maçoudy, I , p. aSo.

^ Prairies d'or, toc. cit. p. 2^0; Ibn-Batoutab , H, 2 '17.

9

282 MAUS- AVRIL 1805.

à 80 brasses. Des estacades de Basrah a la du Bahreïn, sur la côte des Arabes, il y a Les habitants du Bahreïn sont des pirates; 1 pas do champs cultivés, mais possèdent dc^ d'abeilles et des chameaux. De au Don i5o fars. de à Oman, 00 fars. De ' Aden, 100 fars. Aden est un des principauN do relâche dans cette mer. On n'y trouve m troupeaux; mais l'ambre, Taloès . le musc y ah' Aden est rentrepôt des marchandises du > l'Inde, de la Chine, du Zendj, de l'Abyssi Basrah , de Djeddah et de Kolzoum (Suez). Lii mer orientale produit de l'ambre excellent. cèle dans ses flots un poisson long de cent cents coudées; les marins le redouten l'éloigner, ils choquent des morceaux de contre l'autre-. On trouve dans les mêmes p <> un poisson volant, long d'une coudée, à 1. lo chouette; un poisson, long de vingt coudée^ renferme dans son ventre jusqu'à quatre pois tis du même genre (squales, requins); une tortur 1 (le de vingt coudées, qui pond mille œufs à la i< a carapace fournit une écaille excellente : cet est vivipare. (On y trouve aussi) un poisson vivi; le qui ressemble au chameau; enfin, un oiseai ui

' Le lourbiHon, aux environs du cap Moçendom. (P/v/ /. c. Kaivîny, Âthar-cl-Bilad, p. 117, et Relalion des Voyaye.^

^ C'est le cachalot décrit par Maçoudy, sous le nom d'ora/, ; Voyez, aussi Helation des Fovai/f.v , II, vi , 75.)

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 283 nnd et couve ses œufs à la surface des vagues, sans naisse poser sur le rivage.

ROUTE DU FARS (goLFE PERSIQUE) VERS L'ORIENT.

D'Obollah à Kharek, 5o fars. Cette île, qui a un irsakh en long et en large, produit du blé, des pal- iiers et des vignes. De Kharek à Lafet, 80 fars, iifet a 2 fars, en long et en large; elle produit du et des palmiers. De à Aval (ou Abroun), 11 longue et large d'un fars, et qui produit du blé e des palmiers, 7 fars. De à Khîn ^ île déserte <|i n'a pas plus d'un demi-farsakh d'étendue, 7 fai*s.

Kîs (Kîch), île qui a 4 fars. On y trouve du blé. ds palmiers et des troupeaux; il y a dans ces parages ue pêcherie de perles très-estimées. 7 fars. Jle ds Benou-Kavân, 3 fars, d'étendue et de largeur; fie est habitée par des hérétiques de la secte des

adites , 1 8 fars. Ormuz , 7 fars. Narmechîreh

ci. Barmechîn), qui est la ligne de démarcation

être la Perse et le Sind, 7 journées de navigation.

Daïbal, 8 journées. Cette ville est à 2 fars, des huches du Mehràn (Indus). Le pays du Sind pré- dit le koust {costas speciosus, famille des balisiers),

Itrotang et le bambou. Du fleuve Mehrân à ^

oi commence le territoire indien, /| journées. On \ écolte le rotang dans les montagnes et le blé dans

Khîn n'est cité mille part; mais on lit dans Edriçy (I, 4s4) : ) muz est bâti sur les bords d'un canal dérivé du golfe Persique, * f^ii est nommé EI-IlizL^Î.» C/tsi sans rloui.- lo niénu' nom es- tnoié par les copistes.

Nom illisible. Edriçy dit )cI>mi oti \

rr>Mii.

19-

284 MARS-AVRIL 1805.

les vallées; les habitants, divisés en tribus, vivent de brigandages. Deux farsakhs plus loin, habite une autre peuplade qui se livre au vol , ce sont les Meyd ^. De à Koul (ou Koiila), 2 fars. De Koul à Sendân , 011 l'on récolte le bois de teck a sadj » et le rotang, 18 fars. De Sendân à Mely (Malabar), pays du poivre et du rotang, 5 journées. Au dire des marins, chaque grappe du poivrier est surmontée d'une feuille qui l'abrite de la pluie ; lorsque la pluie cesse, le feuillage s'écarte; s'il recommence à pleu- voir, il recouvre de nouveau le fruit 2. De Mely àBalîn, ajournées ^. Delà au grand golfe , ajour- nées. A Bahn , la route se partage. En suivant la côte, on arrive à Baneh(ou Bas) , qui produit du riz qu'on porte à Serendîb, 2 journées. Sandy et Askan, pays qui produit du riz, 2 journées. Koura, se jettent plusieurs fleuves, 3 fars. Kilakân (FM. Kilkayân), Louar et Rendjeh, 2 journées ^. Ce pays produit du froment et du riz; on y expédie de l'a- loès par voie d'eau douce (le Godavery, selon le docteur Sprenger) , de contrées situées à une distance de 1 5 journées , comme Kamoul et d'autres lieux.

^ Maçoudy, I, 678.

* Kazvîny [Atharel-Bilad, p. 84, au mot Melibar) donne de nom- breux détails sur ce phénomène, qui est décrit ici en termes brefs et obscurs.

' Baiin peut être identifié avec le port nommé *aL par M. Rei- naud, d'après Birouny. {Joarn. asiat. loc. cit. p. 128, et Mémoire sur l'Inde, p. io4.)

* Il Y a après ces mots une petite lacune; dans Edriçy, toutee qui suit se rapporte à la description de Semender.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLNCES. 285 De Semender à Oiirtasîr (Ed. Kachmîr), grand royaume abondent l'éléphant, le cheval, le buffle et toutes sortes de productions, 12 fars. Le roi de ce pays est très-puissante D'Ourtasîr à Aïneh , Ton trouve aussi des éléphants, Ix journées. De Houbaiin (?) à Serendîb, 2 journées.

Serendîb (Geyian) a 80 fars, en long et en large. On y voit la montagne sur laquelle Adam fut préci- pité (après avoir été chassé du paradis terrestre). Le sommet se perd dans les nues , et il est aperçu des na- vigateurs à une distance d'environ vingt journées [sic). Les Brahmanes, qui sont les dévots de l'Inde, mon- trent sur cette montagne l'empreinte de l'un des pieds d'Adam; fautre empreinte se trouve dans flude, à une distance de deux ou trois journées de la pre- mière. On recueille dans cette montagne faloès, le poivre, plusieurs espèces d'aromates et de parfums. Ou trouve dans les environs différentes variétés de rubis et d'autres pierres précieuses; enlin, dans la vallée, une mine de diamants et des chèvres à musc. Les habitants de l'Inde disent que le pied d'Adam n'a laissé qu'une seule empreinte dans le roc, et qu'une flamme jaillit sans cesse, comme un éclair, du sommet de la montagne^. Serendîb produit le cocotier, et l'émeri, qui sert à essayer les métaux; on

' sjJUÎ Aiifc l Y £—^i^y 11 faut ajouter au texte ces mots donnes par les deux copies, et qui ont été omis par mégarde au moment de la composition.

"^ Tout ce qui est dit ici du Pic d'Adam et du volcan a élé copié textuellement par Edriçy (t. I , p. 7 i ). Mokaddessy rapporte la même

286 MARS-AVlilL 1865.

trouve dans ses rivières le cristal de roche, et le long

de ses côtes sont établies des pêcheries de perles.

Au delà de Serendîb, est l'île de Ramy, vit le rhinocéros. Elle produit le bokam (bois de Brésil) dont les racines sont efficaces contre les poisons mortels. Ce remède s'emploie surtout avec succès pour les morsures de vipères. On y trouve aussi des buffles sans queue (lacune de quelques mots).

. . . Les habitants de ces îles vont nus, et s'abri- tent au milieu des tourrés. Leur langage est une sorte de sifflement inintelligible. Ils évitent la so- ciété des autres hommes. Leur taille est de d chibr (36 pouces); les parties génitales, dans les deux sexes, sont de petite dimension; ils ont les cheveux rouges et crépus. Ils grimpent aux arbres avec les

mains '.Il existe sur le rivage de cette mer

une race de blancs qui peuvent atteindre à la nage les bâtiments, même lorsqu'il vente grand frais. Ils échangent, contre du fer, de l'ambre qu'ils apportent entre leurs dents ^. Une autre île est habitée par

tradition, et avec pins fJe précision. «Serendîb, dit ce voyageur, a 8o fars, en long et en large; on y voit la montagne tomba Adam. Elle est nommée /?o/m ^. et peut être aperçue à plusieurs journées de là. On y remarque une empreinte de pied, large d'environ 70 coudées; l'autre empreinte, située à vingt-quatre heures de marche de la première, est entourée de flammes pendant la nuit.»

' «Sans le secours des pieds, et on ne peut 1rs atteindre, à cause de la rapidili' de leur course.» C'est ainsi que celte lacune est com- plotée par Edriçy (l,p. 75).

^ Edriçy a suivi une leçon difl'érenle et moins bonne; «lis écban- i^eut, avec les navigateurs, des perles contre de lambic qu'ils por-

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 287 (les noirs, qui mangent leurs prisonniers tout vi- vants, après les avoir suspendus et en avoir partagé les membres ^

Une montagne, dont la terre est mêiée

d'argent. Soumise à l'action du feu -^

Dans les montagnes du Zendj (ZabedjP) il y a d'énormes serpents qui dévorent les hommes et les buffles; on en trouve même qui dévoient les élé- phants. Ce pays produit le camphrier qui a, à peu de chose près, la taille de l'homme^. On pratique, au sommet de l'arbre , une incision par laquelle s'échappe l'eau (la résine) de camphre. On la re- cueille; puis on fait une autre incision au dessous, vers le milieu de l'arbre, et le camphre en découle goutte h goutte. Après cela, l'arbre se dessèche et

tcnt ctieieux. »La lecture qui résulte de nos deux copies est la niênie dans Kazvîny. [Adjaïb , p. 108.)

' Le texte a souiFert dans ce passage; mais il peut être rétabli ainsi qu'il suit avec le secours d'Edriçy :

^ Ces tignes se rapportent dans Edriçy à Djahms, qui est l'île nommée Bahus par notre auteur. «La terre ainsi mêlée se dissout et se transforme en argent, » ( Loc. cit. p. 79. )

^ Peut-être iisait-on, dans la rédaction originale, à la suite de ces lignes la description du baobab ou de quelque arbre gigantesque, puisque la copie B a conservé une leçon très-différente , qui se trouve aussi dans Kazvîny et Edriçy : «Il peut étendre Tombre de son feuil- lage sur cent personnes. » On sait (jue le camphrier a d'ordinaire le port et la hauteiu- du tilleul.

288 MARS-AVaiL 1865.

meurt. Cette île renferme ime foule de merveilles

qu'on ne saurait ni énumérer, ni- décrire ^

La route de Chine fait un eoude à Balîn (Ed. Bal- bak et Baibank) , et laisse à gauche l'île de Serendîb. De Serendîb, on se rend , en dix ou quinze journées de navigation, à l'île de Likbalous*^. Les habitants decetle île vont nus; ils vivent de bananes, de pois- son cru et de cocos; leur principale richesse est le fer. Ils fréquentent les marchands étrangers.

De Likbalous à l'île de Kalah, six journées de navigation. Celte île apparlientau Djabali de l'Inde. Elle renferme des mines d'étain allia ly et des plan- tations de bambou^. A gauche et à deux journées de Kalah est l'île de Balous, habitée par des anthro- pophages. Productions : camphre excellent, bananes, cocotiers, canne à sucre. Deux fars, plus loin est l'île du Djabah de Chelahet, nommé Maharadja. Cette île est très-vaste; le roi qui la possède est vêtu d'une robe et d'un chaperon (Kalansoua) d'or; il adore le Bouddah. Productions : cocotiers, bananes, canne à sucre, bois de sandal, jacinthe, giroflier. Près de se trouve une petite montagne qui vomit des flammes, sur un circuit de cent coudées et h la hauteui* d'une lance; le jour il en sort de la fumée, et le feu ne se montre que durant la nuit. Après

' Edriç) a reproduil et déveioppc celle dcscriplioii ; niai> il la rapporte à I île kilah ou Kalah /.li (l. I, p. p. 79-80).

^ iNonmice aussi Lcntjha(oiis , Lciujalous, etc. (Voyez le> variank's He ce nom dans le Journal des saraïUs, 18 16, p. 687.)

' fU hili,,n (/' > \'nya(ie.<^ , I , l,\!I ; Prilir'u \ il'nr, I , ?t il.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 289 quinze jours de traversée, on arrive au pays da coton. Entre Djaba et Chelahet, on compte environ. . .^ Les rois et les peuples de l'Inde s'abstiennent de boire du vin'^ ; mais ils considèrent l'adultère comme une action licite, à l'exception du roi de Komar, qui s'interdit et l'adultère et l'usage du vin. Au contraire, le roi de Serendîb fait venir les vins de l'Irak pour sa consommation. Tous ces rois font grand cas de l'éléphant, et ils s'en disputent facquisition à prix d'or. Le maximum de la taille chez cet animal est neuf coudées; cependant, on trouve dans les (jhobb^ des éléphants qui ont jusqu'à dix et onze coudées de haut. Le plus puissant souverain de l'Inde est le BalharUy dont le nom signifie «roi des rois.» Sur le chaton de sa bague, est gravée cette devise : « Ce qu'on entreprend avec passion fmit toujours par réussir. » Après lui viennent le roi de TaCen; le roi de Djabah (Java); le roi de Djozr (Guzerat?), cliez lequel ont cours les dirhems dits tatherides'^\ le roi d'Anah et le Rahma. Les Etats de ce dernier sont distants de tous les autres d'une année de marche^'. Le Rahma possède cinquante mille éléphants, des

' Lacune. Edriçy dit deux parasangcs environ [Le. p. 80). Au lien rlc «pays du coton, » la copie 13 lit Jajtlî ^v^» «P^Y^ ^'^^ aromates. »

■^ Passage copié par Maçoudy ( 1 , 168).

^ Pluriel : aghbab. Les géographes arabes nomment ainsi des vallées spacieuses et étendues qui s'avancent dans la mer. Maçoudy les place dans le voisinage de Ceylan.

* Voyez, sur cette monnaie, M. Heinaud, Mcin. sur /'/m/r ,p. 235 , et (jildemeister, p. 28.

^ Maçoudy place l'enipir^ du Rahma près du Ouzerat (I. 383).

290 MARS AVRIL 1865.

étoffes de coton et de l'aloès. Après lui vient le roi de Kanîroun, dont le royaume touche à la Chine, et abonde en rhinocéros. Cet animal porte sur le front une corne, longue d'une coudée , et épaisse de deux palmes; on y remarque une sorte de figure dans le sens de sa longueur. Quand on la fend, on trouve dans l'intérieur, et se détachant en blanc sur un fond noir, l'image de l'homme, du cheval, du poisson, du paon, ou de quelque autre oiseau. Les Chinois les achètent et en fabriquent des cein- tures dont le prix varie depuis deux cents dinars jusqu'à trois et quatre mille dinars ^

Tous les rois dont il vient d'être parlé ont les oreilles j)ercées ^. Le roi du Zabedj est nommé Ma- haradja; il possède dans ses Etats une île nommée Dhou-Taïl, Qui retentit du son des tambours et des timbales^. Au rapport des navigateurs, on trouve

' Maçoudy a cité avec quelques délaits nouveaux celte descrip- tion, dont le fond paraît avoir été emprunté au Livre des Animawc de Djahez. Après avoir parlé de la gestation fabuleuse de la femelle du rhinocéros, l'auteur des Prairies ti'or termine par ces mots : «J'ignore Djalicz a puisé ce conte, et s'il est le résultat de ses lectures, ou de ses informations.» (T. T, p. 388.)

^ C'est-à-dire portent des boucles d'oreille. (Cf. Relat. des voyages, I, i5i.)

"' Cette île est nommée Bcrtaïl JljLL^j par kazvîuy, mais les manuscrits de cet ouvrage donnent encore d'autres leçons. (Voy. édi- tion Wûstenfeld,p. i i2.)Cliems ed-dîn de Damas (f ^8 2) prétond que l'île de Tanil JujLi) est habitée par une peuplade qui ressemble aux Turcs, et que les bruits signalés par les voyageurs sortent d'une montagne élevée. Les marins musulmans, au dire de Maçoudy, qui décrit celte île sans îa nommer, croient (ju'clle sert de séjour au J)cd(l)al ou Anlecbrisl. La description du cheval marin se lit

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 291 dans ces parages un cheval qui ressemble à l'espèce chevaline répandue parmi nous, mais dont la crinière est si longue qu elle traîne par terre. Le Maha- radja perçoit chaque jour une contribution de 200 . . d'or; il fait fondre cette somme en un seul lingot et la jette dans l'eau en disant : voilà mon trésor ^ Il y a dans cette mer une île vivent des singes qui ont la taille de lane^.

ITINERAIRE DK LA CHINE.

En parlant de Mabit (Ed. Maït et Mafit), on trouve à gauche l'île de Koyouniah (Ed. Tonoumah, el plus loin, Choumah. Relnt. des voyages, Botou- mah), qui produit Taloès indien et le camphre. De on va, en cinq journées, à Romar, pays qui pro- duit l'aloès indien nommé komary, et du riz. De Koniar à Senf-'*, trois journées, en suivant la côte.

dans le même passage de Kazvîny, d'après l'ouvrage de Mohammed, fils de Zakarya er-Razy. (V. aussi Relat. des voyages, introd. p. xcv.)

^ Le même fait est raconté avec plus de détails par Maçoudy (I, 176). Cet écrivain ajoute que le poids de la brique ou lingot d'or ne peut être évalué par lui avec exactitude.

^ Le texte est mutilé en cet endroit : la rédaction originale devait ajoulerd'autres renseignements dont on retrouve la trace dansEdriçy, Tout ce qu'on vient de lire sur la description de l'archipel indien et la roule suivie par les navires arabes, a été soumis à un examen sérieux par le docteur Sprenger. Ce savant démontre, par d'ingé- nieux rapprochements, que le fragment d'Ibn Khurdadbeh, malgré ses erreurs et ses lacunes, a conservé un caractère d'exactitude re- marquable. [Die Poste, etc. p. 82 et suiv.) On peut comparer ce récit à celui du marchand Siileiman [Relat. des voyages, I, 16-21). Voyez aussi la discussion de cet itinéraire, par M. Alf. Maury dans le Bulletin de la Société de géographie de Paris , avril 1846.

^ Tclienf, la Ciampa de Marco Polo. La traduction d'Edriçy porto

292 MARS-AVRIL 1805.

L'aloès de Senf, nommé à cause de cela senfy, Ten^porte sur ceiui de Komar, car il va au fond de l'eau; ce qui prouve sa qualité supérieure. On trouve dans cette île des bœufs et des buffles.

Parmi les villes les plus connues de l'Inde,

sont:Saïl, Medry (Mendary), Barouh, Kandabar, Kacbmîr. . . ^

De Senf à el-Wakîn (Ed. Loukîn), qui est le premier point de relâcbe en Gbine, loo fars, par la route de terre et de mer. On trouve à el-Wakîn d'excellent fer de Gbine, de la porcelaine et du riz^. On peut aller d'el-Wakîn, qui est un grand port, à Kbanfou, en quatre journées par mer, et en vingt journées par terre. Kbanfou (Hang-tcbeou-fou) pro- duit toute espèce de fruits et de légumes, le blé, l'orge, le riz et la canne à sucre. De Kbanfou, on arrive en buit journées à Djanfou (Kban-dj en-fou), ville qui offre les mêmes productions que Kbanfou. De à Kanlou , l'on trouve aussi les mêmes pro-

à torl8 milles, au lieu de 3 journées. (Cf. Rehl. des voya(jes, p. cvi.) Loin de faire l'éloge de Taloës komary, l'auteur de VAthar el-Bilad, p. 64, assure qu'il est d'une qualité inférieure et qu'il diffère peu du bois ordinaire. (Cf. Prairies d'or, I, 169.)

' Fragment incohérent et qui n'est pas à sa véritable place.

^ B, au lieu de porcelaine, porte «terre vernissée » c-sivA»! (^^^^Jajf. On peut consulter, sur la fabrication de la porcelaine en Cliinc, lielat. des voyages, II, 76 -, le traité chinois traduit par M. Stanislas Julien, Paris, i856, et le Mémoire sur la porcelaine du Japon trad. par M. J. Hoffmann, Journ. asiat. V* série, t. V, p. 198. La traduc fion d'Ldriçy nomme Loiikin la première échelle de laCiiine ; M. Jau- hert paraît avoir lu ^J f^^ degrés, qui n'a jamais, je crois, le sons de port ou station.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 293 ductions, six journées. Dans tous les ports de la Chine il y a un grand fleuve navigable qui est soumis à l'influence de la marée. On trouve dans le fleuve de Kantou l'oie, le canard et d'autres volatiles. La plus grande longueur de la côte chinoise, depuis Almaïd (Ed. sic y t. Il, p. 89) jusqu'à l'autre extrémité, est de deux mois de voyage. La Chine renferme trois cents vifles , toutes prospères et bien connues. Ce pays est borné par la mer, le Tibet et le pays des Turcs. Les étrangers venus de l'Inde sont établis dans les provinces orientales.

Le pays des Wakwak est si riche en mines d'or, que les habitants fabriquent, avec, ce métal, les chaînes de leurs chiens et les colliers de leurs singes. Ils livrent au commerce des tuniques brochées d'or.

Abd el-Ghaffar le marin, originaire de Syrie \ étant interrogé sur le flux et le reflux, en donna l'ex- plication suivante : Ce phénomène se manifeste dans la mer de Perse, au lever de la lune; dans la grande mer, il se divise en deux saisons : l'une d'été, dans la direction d'est-nord- est, pendant six mois; à cette époque, la mer hausse dans les régions orientales, comme la Chine, et elle diminue dans les régions occidentales; l'autre d'hiver, dans la direction de l'ouest-sud-ouesl, durant six autres mois; la mer hausse alors dans les contrées occidentales ^.

' Tout ce qui suit esl textuel dans Kazvîny; c'est en consultant cette cosmographie que j'ai pu rétablir le nom cité ici et absolument méconnaissable dans l'une et l'autre copie.

2 Passage copié presque lilléralcnjent par Maçoudy (I , aSa). Ce-

294 MARS-AVRIL 1865.

Ce qui est au delà de la Chine n'est pas connu. En face de Kantou, s'élèvent de hautes montagnes. C'est le pays de Sila (Japon?) l'or abonde. Les Musul- mans qui s'y rendent s'établissent définitivement dans cette contrée, à cause de tous les avantages qu'elle présente. On ignore ce qui est situé au delà. Le pays de Sila fournit à l'exportation : le ghorraïb (ixore , plante de la famille des rubiacées), la gomme kino, le musc, l'aloès, le camphre, des voiles, des selles, de la porcelaine, du satin, le cinnamorne et le ga- langa. Du pays des Wakwak, on tire l'or et l'ébène; de l'Inde, l'aloès, le camphre, la muscade, le clou de girofle, la racine de nymphœay le cubèbe , le coco, des tissus de coton et de velours, des éléphants. On exporte de Ceylan toutes les variétés du rubis et d'autres pierres de ce genre, le diamant, les perles et i'émeri qui sert à essayer les métaux; de Mely et de Sendân. le poivre et le cristal de roche; de Kalah, le plomb dit alkafy; des régions du Sud , le bois de bokara (bois de Brésil) et le dary^, le cos- tus, le rotang et le bambou. La longueur de cette mer, entre Rolzoum (Suez) et le pays des Wakwak, est de /i,5oo fars. (2,700 myriamètres). On tire principalement du Yémen les soies rayées de diverses couleurs et plusieurs autres

|)endanl cet écrivain dit tenir ses renseignements des marins de Sîraf et de l'Oman.

' Je crois qu'il faut lire ^^^: .IjJ ! « Dracfena ferrca , » production ([ue Maçoudy attribue aussi aux iles Kitali et Sorirali (I, 2/12).

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 295 ëtolTes, l'ambre, le ivars (safran d'Arabie) et la

gomme V

L'Inde esl partagée en sept castes : Les Sabek- ferya (B : les Sabiens; Ed. Sakrya) ; c'est la caste des nobles et du roi. Toutes les autres castes se proster- nent devant eux; mais ils ne rendent cet hommage à personne, s'' Les Brahmanes, qui ne boivent ni vin, niliquem' fermentée. Les ^e5rja(kcbatrya); ils boi- vent trois coupes de vin seulement; ils ne peuvent contracter alliance dans les familles des Brahmanes; mais ceux-ci épousent leurs fdles. li° Les Soudarya (soudra) ou cultivatem^s. Les Meïsera (veisya), artisans et ouvriers^. Les Sandafya (tchandala), gens de service et d'escorte, Les Zenya, musiciens et jongleurs. Il y a quarante-deux sectes religieuses parmi les Hindous ; les unes croient en Dieu (que son saint nom soit glorifié!) et en la mission des pro- phètes; d'autres rejettent les prophètes, d'autres re- jettent toutes ces croyances à la fois. On trouve dans ce pays une classe de magiciens qui réalisent tout ce qu'ils veulent, par leurs enchantements, et guéris- sent toutes les maladies. Versés dans les sciences

' Je lis ir*, au lieu de y^ et de ^, leçoiie; également inadmis- sibles.

- On voit que l'auteur intervertit l'ordre de ces deux castes, celle des veysias ou marchands étant supérieure à la caste des soudras (artisans). Je n'ai pas hésité à transcrire par Tchandala le mot sui- vant, écrit Sandaljah dans les deux copies ; il désigne le fils d'un soudra et d'une femme d'origine brahmanique. Il reste encore deux noms douteux dans cette liste, celui de la 1" caste et celui de la 7'. Edriçy a copié ce passage (II, 98 ); mais ses leçons s'éloignent plus que les nôtres du llième sanscrit.

2i)J MARS-AVRIL 1805.

occultes et dans l'art de la divination i, ils exercent une autorité absolue, font le bien et le mal, évo- quent des apparitions et des fantômes qui frappent l'esprit d'épouvante, commandent à la pluie et à la grêle-. . .

MEMOIRE SUR KHACÀNl,

POÈTE PERSAN DU XIP SIÈCLE; PAR N. DE KHANIKOF.

SECONDE PARTIE. TEXTE ET TRADUCTION DE QUATRE ODES DE KHÂCÂNl.

Avant de donner le texte et la traduction des pièces annoncées dans la première partie de ce mé- moire, je crois utile d'exposer les raisons qui m'ont guidé dans le choix des Tuorceaux que j'offre au lec- teur.

La poésie de l'Orient musulman a été assez étu-

^ L'expression v>ahm est employée dans le même sens et au sujet des sorciers de l'Inde, par Maçoudy, II, 452. Ce terme assez vague est expliqué dans les fragmentsde Kazvîny publiés par Chézy. [Clircst. arabe, III, 448.)

' Ici commence une lacune dont il est impossible de déterminer l'étendue. Elle se termine par deux lignes incohérentes relatives à certains droits fiscaux de la ville de Bagdad, H y est dit qiie le trésor perçoit i3o,ooo dirbems (84, 5oo francs) sui- les Juifs, et i,5oo,ooodirbems (976,000 francs) sur les approvisionnements de la capitale.

MÉMOIRE SUR KHACÂNI. 297

diée, traduite et commentée par des savants de pre- mier ordre, pour qu'on ait le droit de formuler un arrêt définitif sur sa valeur intrinsèque. Les trésors cachés d'un monde poétique nouveau qu'on espérait y trouver jadis n'existent pas. Les muses n'ont pas entièrement renié le génie oriental, mais il n'est pas non plus f enfant chéri de leur cœur. Libre et sau- vage, il s'est développé comme ces plantes à formes 4)izarres qu'on rencontre quelquefois sur le sol cal- ciné des déserts de l'Asie méridionale. Hérissées de ronces et d'épines, imprégnées de sel , elles suintent à travers une écorce rugueuse des gommes aroma- tiques et bienfaisanfes,^et balancent , sur leurs tiges presque desséchées , des corolles de formes élégantes et vivement colorées. Beaucoup de laideur avec quelques étincelles de beauté, telle est, selon moi, la devise de la poésie orientale. Je suis loin de pré- tendre qu'il est absolument impossible à un Euro- péen, homme de talent, de puiser à cette source quelques bonnes et grandes inspirations. Riickert a brillamment prouvé le contraire ; mais si un célèbre con>positeur sait donner de l'éclat aux thèmes les plus naïfs et les plus insignifiants, son habileté à les varier ne démontre pas leur perfection. L'imagina- tion des poètes orientaux est très-active; elle se peuple facilement d'images tantôt gracieuses et tan- tôt terribles; mais ils les laissent, pour ainsi dire, à l'état de rêves et de cauchemars, et, comme de vrais dormeurs, ils s'inquiètent peu de les rendre conformes aux lois les plus élémentaires du temps

298 MARSAVRIL 1865.

et de l'espace. Ni dans ies arts plastiques , ni en poé- sie, les Orientaux ne se sont jamais élèves au-dessus de rornementation; leur épopée même n'est qu'une série d'arabesques, reliées par un fil à peine percep- tible et semblable au lierre s'enchevôtrant autour des arbres d'une forêt, sans les réunir plus étroite- ment les uns aux autres. Les rapports de fécrivain oriental se font avec le monde réel d'une façon bi- zarre et peu naturelle. Il voit sans doute les choses telles qu'elles sont; mais, en les décrivant, il se croit obligé de fausser le vrai pour se conformer aux principes immuables d'une théorie surannée, véritable chaîne imposée au^énie oriental. 11 sem- blerait que c'est surtout à la poésie que cette observation devrait s'appliquer; mais il n'en est pourtant pas ainsi. Bien que le poëte soit double- ment lié par les principes de la rhétorique et par ceux de la prosodie, il a néanmoins les allures beaucoup plus libres, uniquement parce qu'il reste plus national que le prosateur. Aussi, pour com- prendre le caractère et l'esprit des différents peuples de l'Orient, il faut s'adresser à leur poésie, car la prose orientale n'est ni persane, ni arabe, ni turque, elle est presque toujours exclusivement musulmane. Tout le monde connaît finfluence pernicieuse exer- cée par la langue du Coran sur les idiomes des peuples extra-sémitiques qui ont adopté ce livre comme leur guide moral. Les langues les plus oppo- sées, par la richesse de leurs formes, aux règles de la grammaire arabe, se sont saturées d'éléments

MÉMOIRE SUR KHÂCÂNI. 209

sémitiques au delà de toute mesure. La prose , sur- tout, s'est montrée docile à accepter le joug de rinfluence étrangère. Autant par fanatisme que par manque de goût, l'éloquence de tout l'Orient mu- sulman s'est surchargée de tournures, de locutions et de phrases arahes; mais les vers se sont montrés heaucoup plus rebelles. Les exigences de la rime et de la mesure ont forcé les poètes à ne dédaigner aucune des ressources offertes par leur langue ma- ternelle, et la résolution presque héroïque de Per- doussi de composer un long poëme en pur persan serait impossible, même à son époque, pour un prosateur iranien. Ainsi, c'est presque exclusive- ment dans les œuvres des poêles qu'on pourra puiser une idée correcte de la richesse lexicologique d'une langue de l'Orient musulman. Pour l'arabe, le be- soin d'une pareille élude est reconnu depuis long- temps, et l'on ne manque pas de recherches entre- prises dans celte direction. (îolius a fait quelque chose de semblable pour le persan; quant au turc djeghataï, les textes mêmes des ouvrages les plus riches en mots de pure origine touranienne, tels que les chants de Rurouglou, les poésies de Novaï, etc. ne sont pas encore publiés. Il est évident, en môme temps, que l'étude des poètes est infiniment plus profitable à la connaissance exacte de la grammaire et de la syntaxe d'une langue orientale, que l'ana- lyse de sa prose. Les licences poétiques, quelle que soit leur étendue, ne dépassent jamais les limites qui leur sont imposées par le génie de la langue ; et

300 MARS-AVRIL 1805.

(!Vst dans les vers seulement que l'on peut observer, pour ainsi dire, l'élasticité des formes d'un idiome. L'étude des poètes orientaux nous présente encore nn attrait tout particulier parles secours qu'elle offre aux recherches historiques. Généralement parlant, ce ne sont pas des faits qu'il faudra demander à la poésie; à part quelques annales rimées, le soin de préserver de l'oubli les événements du passé est abandonné aux prosateurs. Ces derniers se bornant, par esprit de routine, à enregistrer sèchement les faits officiels du monde musulman , f esprit du temps se reflète rarement dans leurs écrits, et si les poètes n'étaient heureusement venus les corriger sous ce rapport, cet élément si essentiel à la juste apprécia- tion du passé nous échapperait complètement.

Pour revenir à Khâcâni, j'observerai que, guidé par ces considérations , j'ai choisi pour la traduction quatre de ses pièces réputées les plus difîicilcs. Je commence par faire remarquer que, dans vuie ver- sion, môme très-fidèle, ces odes perdent presque tout leur attrait littéraire, ne brillant que d'un éclat purement extérieur qui s'éteint dès que ces poésies passent dans un autre idiome. Le vrai sentiment s'y fait rarement jour à travers des métaphores d'un goût douteux, et un fatras d'érudition désordonnée et vaniteuse. Les aspirations pieuses s'y mêlent à des sollicitations de cadeaux, dépourvues de toute dignité. La flatterie dépasse les bornes de toute dis- crétion , et ne peut être comparée qu'à l'exagération de f amour-propre et de la vanité du ])oëte. Les qua-

MEMOIRE SUR KUÀCÀNI. 301

lités mêmes qui le font tant apprécier par ses com- patriotes doivent , comme nous l'avons fait observer, disparaître dans la traduction. Elles consistent, chez Khacàni, dans une grande énergie d'expression, dans une sonorité harmonieuse des vers, dans la n)ultipHcité des calembours et des jeux de mots, dans la facilité enfin de grouper des syllabes conson- nantes et dont la cadence bizarre flatte l'oreille persane. Or toutes ces perfections factices ne s'ob- tiennent qu'au détriment de la clarté du style et de l'élégance , comme de la profondeur des idées. Le sens est sacrifié au son, et le mot commode rem- place l'expression vraie. Tel nous apparaît notre au- teur, à la clarté des lumières du goût moderne; mais il ne serait pas juste de le juger uniquement du point de vue européen , lequel est complètement étranger au milieu vécut le poète. Il ne faut pas oublier {[ue Khâcâni débuta à une époque les maqamats de Hariri étaient encore une nouveauté. On jugeait alors du talent de l'écrivain d'après ses tours de force grammaticaux, et on ne lui reconnaissait une science profonde d'une langue qu'à la condi- tion de pouvoir jouer avec ses mots à volonté. Des vers arabes, intercalés dans un morceau persan, en lohaussaient la valeur, et rendaient l'écrivain très- populaire dans la classe toute-puissante du clergé. A cette époque, un poète qui fiusait sans peine une pièce de vers de soixante à quatre-vingts distiques sur une rime donnée et sur un m///".difficile à répé- ter indéfiniment, et qui [)ouvait accorder en mesure

302 MARS-AVRIL 1865.

des mots dans le genre rai Rei tchiste , kkize wa djai Djei djoui, etc. gagnait immanquablement la réputation d'écrivain éminent. Toutefois, en dehors de cette facilité de versifier, Khâcâni était très-éru- dit; dans chacune de ses grandes compositions, il avait le talent de faire passer devant les yeux émer- veillés de ses lecteurs le ciel et la terre, avec tout leur cortège sublime et mystérieux, selon les idées de son siècle. Cette dernière qualité le mettait au- dessus de tous ses rivaux, et en faisait un point de mire, une sorte de merveille. Ces qualités et ces défauts, richement semés dans toutes les poésies du célèbre Chirwanien, ne sont nulle part aussi con- centrés que dans les quatre pièces que nous offrons au lecteur; et voilà malheureusement pourquoi il est impossible de les lire sans un commentaire cou- rant. Je me suis trouvé ainsi dans l'obligation de suicharger ma traduction de notes nombreuses, sans le secours desquelles elle ne présenterait qu'une série de périphrases très-éloignées du sens immédiat du texte , ou bien elle risquerait d'être parfaitement inin- telligible pour les lecteurs. Mais comme f obligation de consulter à chaque instant des notes ne peut être que très-fatigante, j'ai adopté, pour les restreindre autant que possible, deux genres de parenthèses; les rondes contiennent des complémenls nécessaires aux tournures elliptiques du texte, et les parenthèses carrées sont réservées pour des versions fidèles, donnant le mot à mot de l'original. Les crochets dans le texte persan conliennent les variantes.

MÉMOIRE SUR KHACANI. 303

Je donnerai ainsi le texte et la traduction de l'ode adressée au prince byzantin surnommé par le poëte Azzdoadowlet «gloire de TEtat; » de l'ode écrite en honneur d'Ispahan; de l'.ode écrite en prison, et de l'élégie sur le sort du poëte lui- même.

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TRADUCTION.

Le ciel a une marche plus tortueuse que les boucles des cheveux des chrétiens , il me tient enchaîné comme un moine. Or si [l'esprit de Dieu] Jésus se trouve (en vérité} dans ce monastère, pourquoi ce temple, à la couleur bleu d'émail, se comporle-t-il à mon égard comme Dadjal* ? Mon corps est ployé en deux comme le lil de Marie, mais mon cœur est droit comme l'aiguille de Jésus. Je reste ici les pieds pris dans ce fil, comme Jésus fut arrêté -haut par une aiguille qui, tout en n'ayant qu'un œil, comme Dadjal, parvint à se glisser dans la poche de Jésus^. Mon sort a pris

' Antéchrist et Polyphènie de l'Orient, qui doit apparaître près d'Ispahan , peu d'années avant le jour du juj^ement dernier.

- D'après la tradition musulmane, Jésus fut arrêté au qualriome ciel, à cause d'une aiguille qui est resiée cachée dans ses liahlts; aussi l'aiguille de Jésus est-elle employée par les poêles persans comme synonyme îles sentiments terrestres. Quant au fd de Marie, c'est une allusion à son talent de couturière, vanté dans les Evangiles apocryphes (Voyez, particulièrement, chap. x, p. i ?. i , des Evan- yiles apocryphes , par (). Hrunet.)

MÉMO[RE SUR KHÀCANI. 313

les liabils d'un ermite; voilà pourquoi, semblable à ce der- nier, je lais entendre chaque soir mes lamentalions. (Dès) le malin mes cris percent la fenêtre de ce toit azuré. L'ar- deur de mes soupirs fait bouillir l'eau de TOcéan , si bien que Jésus est obligé de faire le Uiyammoiim avec du sable du lond de la mer \ Ils ne uie sont pas bienveillants mes pères de -haut; aussi, comme Jésus, ai-je répudié mon père. Que me fait (l'éclat) de l'astre de la science, dont le corps est Inmineux, tandis que moi je suis obscur! Que fait à la chauve-souris [oiseau de Jésus] qne Jésus soit voisin du so- leil resplendissant^. Si en effet le chirwanchah [il] est le sou verain de llran et dq Touran , pourquoi Ridjan^ reste-t-il dans un puits obscur? Pourquoi Jésus ne guérit-il pas son oiseau, lui qui rend la vue aux aveugles de naissance? Les enfants de la virginité de mon génie sont comme Jésus, ils témoignent [parlent] en faveur de la pureté de leur mère. Mes paroles prouvent [portent témoignage de] la virginité de mon talent, comme le dattier démontra le miracle de Marie*. L'an 5oo ne produisit pas un homme digne de ra'èlre com- paré; ce n'est pas un mensonge? moi j'en suis la preuve. Mon cœur, semblable (par sa douceur) à une ruche d'a- beilles, pousse des cris comme des mouches à miel qu'on ex- termine [maculées de sang] ^ Ma langue huileuses'enflamme

' C'est encore la tradition qui fait descendre Jésus au fond de l'Océan; quant à son tayammoum, c'est une invention de Khâcâni, pour faire mieux ressortir fardeur de ses soupirs, qui dessèchent foute humidité, même celle de l'Océan.

- Le soleil, d'après l'ancienne cosmogonie, était au quatrième ciel, le même où, comme je viens de le dire, a été arrêté Jésus.

^ Bidjan est le serviteur de Keikhosrou , emprisonné par Afra- siab, roi du Touran, à cause de son amour pour la princesse Me- nidjèh. H fut délivré par Roustem ,qui vainquit Afrasiab.

'* Allusion au Coran, sourate xix, versets 22-2G. (Voyez aussi chap. XX, p. 2o4 , 2o5 , des Evang. apocryp. par Gustave Brunel.)

^ Les Orientaux prétendent que les abeilles qu'on tue poussent des cris, et rp^'elles le font aussi quand on a tué leur reine*. V. •. .

314 MARS-AVRIL 1805.

par l'ardeur de mes soupirs, comme la mèche [cœur] ' de la lampe des chrétiens. En outre, je ressemble à une lampe (ju'on suspend et qu'on allume [brùlej, des mains ennemies (m') ont chargé de trois chaînes. Comme Marie, baissant la tête sous le poids des reproches, je verserai des larmes lim- pides comme le souffle de Jésus. Je me tiens droit devant les calomnies, comme les élifs (du mol) utana (nous nous soumîmes). La justice de mes amis ne vient pas à mon se- cours, et mon cou opprimé n'a plus de force de résistance. Dieu est mon refuge contre les méchants de l'époque! Dieu est mon refuge ! Je suis loin de ceux qui s'éloignent de Dieu ! Je suis loin! Je ne demande pas assistance aux A'bassides, je ne cherche pas l'appui des Seldjoiiquides. Puisque le ciel [ce monastère] est sourd à mes plaintes, que me font les sultans Arslan et Toughra^? Puisqu'il n'y a pas de Joseph qui puisse me préserver de la famine, que me font Benjamin et Judas ? Mais comme les musulmans ne veulent pas me faire justice, je renierai l'Islam, que Dieu m'en garde!

Après avoir puisé l'enseignement religieux chez les sept hommes \ après avoir étudié la révélation sous les sept lec-

* La mèche d'une lampe, occupant sou centre, peut être com- parée au cœur; mais ici, évidemment, Khâcâni emploie le mot J^ à cause du mot qui lui est consonnant , Jut>x3.

^ Arslan, c'est le troisième atabek de l'Aderbeidjan Kizil Arslan , et Tbughra est le diminutif de Toughroul le Seidjouquide.

' Ces hommes, ou t.^^c- (J^)' aussi nommés jl^oîi sont des serviteurs des Imams, constamment présents dans ce monde, mais inconnus à la majorité des mortels. Leur mission est d'ensei- gner la vraie religion. Le nom d'Abdals leur vient de ce que l'on croit qu'ils se renouvellent immédiatement dès que l'un d'eux vient A mourir. Leur nombre, d'après l'opinion de quelques chiites, est de quarante; mais généralement on croit qu'ils sont sept, en se ba- sant sur le luidith : <jtA-w ^^ôof ^^jo. c'est-à-dire «les Abdals de ma congrégation sont au nombre de sept. » Chacun d'eux réside dans un des sept climats. Celui du premier climat porte le nom de jk^

MEMOIRE SUR KHACANJ. 315

leurs (du Coran'), après (m'être pénétré des chapitres du Coran) VAlhamd (chap. i), Tarra/iman (ch a p. i,v) l'alkehj (cil. xviii); après le Ja-ssin (ch. xxxvi), le Teioumim (ch. XXXVI ) ou les Choua'ra (ch. xxvi), et le Taha (ch. xx) ; après avoir accompli les cérémonies du Miq'at, du Harni , du Taivaf, du Djimar, du Sai'i, du Lahheik et du Moussalluh^;

"il cl a le caractère d'Abraham. Les habilants du second climat sont gouvernés par i\JlaJf ju>^ > doué du caractère de Moïse. Le troisième ressemble à Aaron et se nomme cVrîy^' t>ja:. Le qua- trième est N^liuf cNz-c , et a le caractère d'Esdras. Le cinquième, semblable à Joseph, est yfcliJf cSajc. Le sixième, «<vcu^]f j^c ,a la

perfection de Jésus. Enfin le septième, ayant le caractère d'Adam, est y*,j2^] jc\^- Khizr est leur directeur général, et, faisant cons- tamment la tournée des sept climats, il a la possibilité de les visiter souvent. (Voyez, pour phts de détails. Diction, of the technical ternis used in the sciences of musulmans, éd. Sprenger, fasc. III , p. iA6, 1 47 et 1 48.)

^ Fondateurs des sept écoles musulmanes principales, connus sous le nom de «aLJÎ pfy3. Ce sont: %s\^ de Médine, wJo of de la Mecque, j^^^î de Bassra, -^Lc et ol^ de Koufab, ^j\ yA^c de Syrie, et ùisj\ ^jf. (Voyez note de la page 9 de la concor- <lance dn Coran de Kazem-Bek.)

- Noms des différentes cérémonies imposées aux musulmans, par leur loi, pendant leur pèlerinage de la Mecque. cjl^U>« , heu d'où commence Vihram, passé lequel beaucoup d'actions sont défen- dues. ^y2^t l'acte même de Vihram. ojti ^^, promenade obli- gatoire autour du temple de la Mecque. vL^ , action de jeter des petites pierres (»s.<^) dans la plaine de Mina, l'on sacrifie des nioutons en souvenir du sacrifice d'Ismaël par Abraham, arrêté par Dieu. ^^ , sauts semblables à ceux du chameau , que l'on exécute en parcourant sept fois l'espace qui sépare les monts li^ et o^yjo. LÀ^1}^ mot de la phrase (A^^ ^^f c^aaJ, que les pèlerins sont obligés de crier presque incessamment, depuis le mont Arafat jus- qu'à leur entrée à la Mecque. Ji,<a-« - endroit l'on récite la prière

316 MARS-AVRIL ISôf).

après plusieurs quarantaines durant trente ans ', je gar- derai ostensiblement le carême pendant cinquante jours. J'ai une poignée d'ennemis à la conduile JLidaï(jue et je crains, comme Jésus, qu'ils ne m'attaquent à Timproviste. Que di- rais-lu, si, par crainte de l'oppression des Juifs, je m'en- fuyais vers la porte du monastère épiscopal, et [que dirais-tu] si je cherchais gagner) le seuil de l'inlKlélilé sans m'enquérir d'un maître élevé sur la route de la religion ? Remarque qu'cà Andjaz^ la porte est ouverte et que les lieux de refuge byzantins sont préparés. J'échangerai donc le qiu- blèli du temple de la Mecque [maison de Dieu] contre Jéru- salem [maison sainte], el contre la tribune de VAqsa. Les passe-dioits me forceront d'aller baiser les cloches, les in- justices m'obligeront a ceindre mes reins d'une ceinture de corde". Je rédigerai un commentaire de l'Evangile en syria- que, je lirai en hébreu le livre des Proverbes. A l'imitation

du Tawaf à Jeux génuflexions. (Voir aussi Dozy, Die Israelilen zu Mehka, p. 1 02-1 33.)

' Ces quarantaines sont des réclusions volontaires de quarante jours que s'imposent les sectateurs du taruiuat tlans les Tcidllek khaneh. Ils s'y livrent à toutes sortes de travaux pieux, dont le prin- cipal est le seiri Allabi, qui consiste à répéter mentalement et sans respirer la première partie du symbole de Tislainisme. (Voir, pour plus de détails, ma Descriplion du Khanat ci BouhliarUi p- ' 26-200, et mes Recherches sur le muridisnie du Caucase. )

^ Andjaz, port sur la mer Caspienne, dans le voisinage d'Astra- khan. Aboul-Fécla dit : ^^ ^^.^=11 ^^y-^ ^ *-^y^ ^^ ;Ls:>^I

jLd^f ikjo-^^ LS'^.'y»^^ (J J^ j^ ^^^y^^ U f ^j^^ c5;^ (^oô .^ii«Jf «Andjaz est un des ports de Kerkh, ses habitants sont chrétiens. Sa longitude est 68° 3o', et sa latitude de /i6°oo'.)) Azizi dit ; «Andjaz est renommée pour sa grandeur.» (Voyez Géo- graphie d'Aboulféda, édil. et trad. par Reinaud, texte arabe, p. 2o3.) ^ La ceinture de corde était obligatoire pour les chrétiens dans les pays musulmans.

MEMOIRE SDR KHACANI 317

lie Natljourmaki ', dans les murs du couvent de Moukliran, je Irouverdi repos et refuge dans Hippocrate. On me verra dans un coin d'une caverne sonnant de la corne et revèlu d'une tchoiikha ^. Au lieu d'une chemise en étoffe de soie, je porterai un cilice [une en laine], comme un évêque, et je m'enfermerai (comme lui) dans une pierre dure^. La croix de bois qu'on attache au cou des enfants, je la porterai [mêla mettrai autour du cou] avec conscience. Si (par ha- sard) on ne me recevait pas avec honneur à Andjaz, je sau- rai trouver de mon chemin jusqu'à Byzance. Je fonderai une école dans un temple byzantin, je polirai les rites des archevêques. Semblable à Poiiri-saqqa'\ j'échangerai ïaba et le turban contre la ceinture de corde et la soutane [burnous] . Je discuterai avec un (des) grands docteurs de la chrélienlé sur le Saint-Esprit, le Fils et le Père. D un mol, je ramènerai ces trinilaires du gouffre du doute dans la plaine de la certi- lucle. L'évêque me reconnaîtra comme plus véridique que Jacob , ([ue Nestorius et qiie Mélécias ^ Je dégagerai les mys-

' iNadjourmaki est, d'après le commentaire de Khàcâui, un moine célèbre pour ses connaissances médicales.

^ A prissent on désigne par tclioukha le par-dessus à manches pendantes que portent les Persans; mais jadis ce mot s'appliquait spécialement à l'habit de moine. Khâcâni confond ici évidemment les cénobites chrétiens avec les derviches et les jongleurs indiens.

^ Allusion aux pénitences que s'imposaient quelques cénobites de coucher dans un sarcophai^e en pierre qui devait leur servir de tom- beau, ou bien aux cavernes ils se dérobaient à la vue du monde; niais il est évident que le poëte n'en parle (jue pour avoir l'occasion (femployer le mot Ll:^ dans ses deux sens de soie et de dur.

' Pouri-sa(jqa , d'après le commentaire, est un nom qui s'applique à deux personnages : à un ermite musulman qui abjura sa foi par amour pour une iille chrétienne, et à Cheikh San'an.

■' Jacob Zanzale, évéque d'Édesse, (bndateur de la secte des Ja- cobites; il n'admettait qu'une seule nature en Jésus-("brist, et il est mort en 678 A. D. - Nestorius, .né en Syrie, fut nommé en /128 patriarche de (lonstantijiople. Ne voulant pas reconnaître à la \ iergc le titre fie mère de Dieu [Q^sotÔko^) , il fut cou<lamué par (c

318 MARS-AVRIL 1865.

lères divins des erreurs, je démonlrerai que Tliouime esl composé (aussi) d'éléments. Tu verras les prêtres attirés et aHentifs aux enseignements d'un prélat aussi savarit que moi *. On me nomme le second Ptolémée, on m'appelle le grand Philippe. J'enverrai ma thèse sur la Trinitô à Baghdad au marché de ihalallia ". On portera à Conslantinople les herbes odoriférantes et les essences, produits de ma plumé, il (y en aura) pour les morts et pour les vivants'. Je prendrai la baguette de Moïse et j'en ferai une croix. Au moyen des crot- tins de l'àne de Jésus , j'arrêterai l'hémorragie de l'évêque, impuissant*. J'enverrai le licou de cet àne comme une'cou- ronne an souverain de Samarcande et de Boukhara. (En frottant) mon visage (jauni) contre les sabots de cet âne, et (en les arrosant) des larmes (de sang) de mes yeux, je cou- vrirai ses sabots d'or et de rubis. Je commenterai les trois ouqnoum et les trois qaj'qaf' en les faisant suivre de démons- trations abrégées. (J'expliquerai) ce que furent l'insulîlalion

troisième concile général d'Eplièse en /i3i, et exilé dans un cou- vent de l'Arabie Pétrée. H passi» delà dan.s une oasis de la Lybie, et enfin alla mourir dans la haute Egypte. Mélécias.évêque de Lyco- polis, vécut dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, et fut de- posé pour avoir sacrifié aux idole?.

' Vers destiné évidemment à relever l'allitération de hechich «prêtre,» de hechich «attiré,» et de huchic'i «zélé, se donnant de la peine, » et enfin de qoussis ou qoussoiis encore « prêtre. »

- Marché de Baghdad, qui n'était ouvert que le lundi, troi- sième jour de la semaine chez les musulmans, d'où lui vient aussi son nom.

' Mon commentaire explique JoJ^.2*. par «camphre,» substance que les musulmans mettent toujours dans les narines et les oreilles des morts; mais je crois que Johnson a raison de l'expliquer par siveet hcrhs, et c'est aussi pourquoi je l'ai traduit ainsi.

' Moyen employé jusqu'à nos joiu'S on Perse poui* arrêter la sai gnemcnt du nez.

•' ^gÀ5i est l'iuie des personnes lormanl la TriniU'. (hiant aux (^é-jS , le coînnionl^iie n'fc\pli(pie pas ce mot, .lohnsiMi dit ((m r'psl ini des livre-, des ni.iirp.s.

MEMOIRE SUR KHACANF. 319

de l'esprit, l'ablution et le carême; comment Marie élait nue et seule avec l'Esprit \ comment la perle qui illumine l'àme ()ut apparaître, quoique la cassette du fruit fut scellée d'un cachet. (Je dirai) quelles furent les paroles de Jésus au mo- ment de sa naissance ^ et quelle fut la modération de Marie lorsqu'elle entendit prononcer des injures''; comment Jésus moula dans l'argile son oiseau , et comment il rendit la vie à Lazare", quel fut (enfin) le sens des paroles prononcées par Jésus sur le gibet ; « Je me presse de rejoindre mon Père là-liaut. »

Si le César me questionne sur Zoroastre, je raviverai les principes du Zendavesta. Je lui dirai ce que c'est que le zend et ce que c'est que le feu, et d'où vient ce qu'on nomme pazend et zend. (Je lui dirai) quelle étincelle resta de ce feu au moment Abraham y fut lancé ^ Je pèserai sur une ba- lance le mvstère du mage, comme si le peseur élait Qousta lils de Louqa*. J'expliquerai pourquoi la mouche est coiffée d'un turban et la sauterelle porte un pantalon en diba. Je dédierai ces écrits à César, et ils seront plus parfaits que i'Arjeng de Chine et (l'œuvre) deTengloucha ^

' Allusion au verset i 7 de la sourate xix. On voit ainsi que Khâ- càni comprenait ce verset d'une manière qui se rapproche beaucoup plus de la traduction de Wabl que de celle d'Lllmann,( Voyez Un- Koran von Ullmann, quatrième édition, p. 262, note h.)

- Allusion aux versets 3 i-38 def la sourate.xix.

^ Allusion aux mots Ha^J i^î^lL^Î UJ^ 0~'-<^>^ <-:>;0^ du verset 27 de la sourate xix.

* Allusion au verset i 10 de la sourate v.

^ Allusion au conte répandu par les musulmans, que le feu des mages a été allumé pour la première fois au bûcher Nimrod fit jeter Abraham.

" Chrclien de Palmyre, physicien et savant du m* siècle de fh*';- gire, connu comme traducteur du grec en arabe de plusieurs traités scientifiques des anciens.

' Khàcàni fait allusion à la galerie du peintre Mani et aux œuvres du célèbre philosophe sahcen Tengloucha.

320 MARS-AVRIL 1805.

Mais (eu voilà) assez, Kliàcàni, Iréve à ces méchantes di- vaga(ions! C'est une manie inspirée par le démon. Le faux frère que Irame-t-il contre Jésus, le vizir infidèle que cons- pire-t-ii ( pour la perte) de Darius ? Ne profère pas de pareilles hérésies, reviens de nouveau à la foi. Dis: Que Dieu me garde de pareilles tentations! Dis : En vérité je confesse que Dieu est unique. Il est plus élevé que je ne saurais le dire, bien plus élevé.

Mais pourquoi faut-il que j'aille jusqu'à B)z<uice pour y chercher refuge contre l'oppression ? Le souverain de Bv - zance, A'zz-oud-doulet est ici. (Il est ici) la main droite de Jésus, la gloire des apôtres , le confident de Marie, le refuge des chrétiens! Homme au caractère de Jésus, rejeton des Césars, je le conjure en vérité par le Saint-Esprit, par son insuflîalion et par Marie î par l'Evangile, par les apôtres et par Jésus, par le berceau du juste et par la Vierge enceinte, par le bras, la manche, par le passage du souifle; par Jéru- salem, par Aqsa et par le rocher du Golgotha! par les anges tulélaires et les apôtres I par la cloche, la ceinture de corde et la lampe de l'église! par Jean, par Charnmas cl par Ba- hira ^ ! par le grand carême et la boucherie de la nuit âujitr^, par la fête d'église et par le jeûne des vierges^ ! par la pureté de Marie, après son union avec Joseph! par réloignement de Jésus de la boulure des choses (c'est-à-dire par sa chas- teté)! par les racines, les branches et le feuillage de l'arbre qui porta des fruits sous Tinfluence de l'esprit élevé! par le prenner mois de l'année qui tomba alors en avril! parle vieux palmier transformé en arbre plein de sève! par les cris, les chants cl par la Irompelie du monastère! par les

* Cbammas est réputé en Orient comme fondateur du culte du feu, et Bahira est un moine neslorien qui a prédit l'apparitiou dt- Mouiiammed.

^ Khàcâni confond ici la nuit de Pâques avec le Eidifilr des mu- sulmans.

^ L'Église arménieinie a ^ardé jusqu'à nos jours l'usaiif de làire ji-ùner les vicriies cjuel(|ucs jcuus avant Unir n»aria|ie.

MEMOIRE SUP» KHACANI. 321

chaînes en fer donl ies évêques chargent les membres de leur corps! par le trine aspect des consL^.lîation'^ ', de la lune et des astres! par le carré (des points cardinaux) et par la Irinité du troisième jour de la semaine, par le trine opposi- lion à l'endroit le plus propice du ciel^! par le carré et la croix des vents impétueux ■\ (je te conjure) de m'obtenir du grand Chah Tordre d'aller visiter Jérusalem et je le promets que, tant que l'équaleur et l'axe du monde se rencontreront en croix et la rendront évidente, et tant que' Jésus sera dans le beiti ma amour, ces vers resplendissants glorifieront Dieu.

Avant de donner le texte et la version de la pièce suivante, je dirai quelques mots de celle que je viens de traduire. Cette ode nous permet de juger com- bien, à l'époque des premières croisades, les idées des musulmans sur les rites et sur les dogmes de la religion chi^étienne étaient vagues et confuses. Nous avons devant nous le témoignage d'un homme re- marquable, qui se pose en érudit, profondément

' Le trine aspect est la position de deux planètes, séparées par (rois signes du Zodiaque ou par 90° ou six heures.

^ Nous avons traduit (jXX3 o^su*, par l'endroit le plus propice du ciel; mais souvent il veut dire ce que les astrologues nommaient roue de fortune (Glùcksrad), endroit du ciel dont la distance, en longitude, de la lune, est égale à la distance du soleil de l'horos- cope, ou du signe zodiacal qui se lève dans un instant donné. (Voyez Astrologisclie Vortrfege von Adolph Drechsçler, p. 7.) Si l'on accepte cette signihcalion, le vers susmentionné doit être traduit par «le trine opposition dans fa roue de fortune, » ce qui ne peut avoir lieu que si la place occupée par une dos planètes coïncide avec celle do celte roue, désignée en astrologie par le signe 0.

' Le carré dont il est question ic.i est formé par les points cardi- naux, la croix des vcnis impétueux est celle qui est formée par des vents sounianl des (piatre j>oinls opposés de l'horizon.

322 MARS-AVRIL 1805.

versé dans les mystères de tous les cultes , qui a l'air d'efïleurer en riant tous les principes de la doctrine chrétienne, et qui confond, néanmoins, les rensei- gnements sur le Christ, donnés par le Coran, avec les notions puisées dans les évangiles apocryphes et les légendes; qui adopte les contes superstitieux des classes les plus basses et les moins civilisées des populations chrétiennes de son époque, sans ja- mais se donner la peine de recourir à la source authentique et admise comme seule base religieuse par ceux qu'il se propose d'éblouir au moyen de sa science théologique. On voit en même temps com- bien if méconnaît le sens et la nature des sentiments pieux des chrétiens de son temps. Dans une pièce destinée à disposer en sa faveur un prince profes- sant le christianisme , il se place partout à fégal du fils de Dieu et de la Vierge, traite très- cavalière- meiit les prélats de l'Eglise, et se vante de pouvoir redresser toutes les erreurs et expliquer tous les mystères des dogmes les plus sacrés d'une croyance quil embrasse par dépit. Khâcâni paraît complète- ment ignorer les ditférences qui existaient de son temps entre les nombreuses sectes chrétiennes, et il cite hardiment les noms des héj'ésiarques condamnés par tous les conciles, croyant naïvement obtenir ainsi les bonnesgràcesd'un prince orthodoxe du Bas- Emj)ire. Avec intention ou par ignorance , il confond les momeries des derviches de l'Inde avec les cou- tumes austères des cénoLutcs cbréliens, et tout en essayant d(^ vouloir lou(U' la relii^ion d\\ Cbrisl, il la

MÉMOIRE SITR KHACANI. 323

met bien au-dessous de l'islamisme. Toute propor- tion gardée, cette pièce de vers a beaucoup d'analo- içie , dans sa tendance , avec Ja moqueuse controverse du rabbin et du théologien chrétien chez Heine. Le poëte allemand est un juif converti, mais non con- vaincu; le Persan est un musulman très-convaincu et qui fait semblant de se convertir par dépit Son ignorance de la religion de Zoroastre est encore plus évidente; il se borne simplement h répéter la fable absurde de Torigine du feu sacré, qui, si elle n'était pas, à ce qu'il me semble, d'origine purement mu- sulmane, aurait le seul avantage d'établir un syn- chronisme entre le dernier patriarche et le premier législateur iranien.

Un fait politique assez curieux nous est indiqué par le passage Khâcâni ])arle d'Andjaz; à savoir que, non-seulement les Byzantins accueillaient avec faveur les transfuges arméniens et géorgiens, ce que l'on savait, mais encore qu'ils en usaient de même envers les sujets de leurs voisins musulmans, ce qui me paraît un fait assez nouveau. Andjaz et d'autres ports de la côte septentrionale de la mer Caspienne oifraienl aux habitants des provinces orientales du Caucase un moyen facile de pénétrer dans ]es plaines de la Russie méridionale de nos jours, plaines qui, au xn'' siècle, étaient un terrain neutre, habité par des nomades de race tuique. Ibn Batouta nous a laissé la description de l'itinéraire qu'on suivait poui' se rendre aux conllns du Bas-Empire, et quoique son \()yagc à Constant inople soit presque de deux

:Wi MARS- AVRIL 180 5.

siècles plus moderne que l'éj3oque dont parle Khà- cani, la direction de la route et la nature du terrain devaient avoir éprouvé peu de changements. Ces émigrations nous expliquent, en partie, comment les Grecs du Bas-Empire, assez peu voyageurs de leur nature, avaient des renseignements exacts sur des provinces éloignées, et qui semblaient être en dehors de leur activité politique et commerciale.

Je terminerai ces observations par la remarque que Khâcâni, en se comparant à Bidjan, indique clairement qu'à l'époque il écrivait cette pièce, il jouissait encore des bonnes grâces de son maître, et que, s'il était malheureux, il le devait uniquement à la malveillance de quelque gouverneur d'une pro vince il résidait alors. Ainsi, en évoquant Texen)- ple du souverain de l'Iran et du Touran , il avait en vue d'intéresser Akhistan à son sort et de l'enga- ger à le protéger contre les persécutions de ses ennemis.

La seconde pièce que je me propose de traduire est l'ode écrite en l'honneur d'Ispahan ; en voici le texte :

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MÉMOIRE SUR KHÀCÂNl. 325

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320 MARS-AVRIL 1865.

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MÉMOIRE SUR kHÀCÀNf. 327

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328 MARS-AVRIL 180^^).

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MÉMOIRE SUR KHÂCÂNI. 329

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330 MARS-AVRIL 1865.

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MÉMOIRE SUR KHÂCÂNI. 331

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332 MAHS'AVIUL 180 5.

TRADUCTION.

Esl-ce le parfum des houris ou bien est-ce l'air d'Ispaban ? Vois-jela face (de la consiellalion) des Gemini, ou bien est-ce la beauté d'Ispaban ? La ricbesse et la population d'Ispaban naquirent jumelles comme les étoiles de la constellation, ( elles doivent le jour) à la mère de la fortune qui n'engendre

MÉMOIRE SUR KHACANl. 333

que des (enfants) sans pareils. Les hommes purs d'Ispalian sont comme l'or des Gemini et comme les astres* du ciel pesés dans la Balance \ Comme c'est à (l'influence) des Ge- mini qu'Ispahan doit sa puissance , la richesse de son sol l'a faite ré{2:ale du paradis, ou plutôt, semblable aux deux (as- tres) [Jumeauii] des Gemini, le neuvième ciel et l'excellente (ville) d'Ispahan sont frères jumeaux. Il se peut même que le neuvième ciel ne soit qu'un oreiller carré, fait (exprès) pour que les grands d'Ispahan puissent y reposer leurs bras ^ Le sol d'Ispahan produit \esidrei,\Q sidreti muntaha de l'unité de Dieu^. Les yeux du soleil sont constamment malades par suite de l'envie qu'ils portent au sol d'Ispahan qui contient

^ Pour interpréter ce passage , nous devons encore recourir à l'astrologie. Ispahan se trouvait placée sous les auspices de la constel- lation des Gemini , qui , en astrologie , était égale en force à la pla- nète Mars. Cette dernière était réputée très-chaude et sèche ; son influence, sur la surface de la terre, s'exerçait sur le chêne, le bœuf, et produisait la couleur rouge de feu; dans l'intérieur de la terre, elle engendrait le fer, l'aimant et les minéraux amers. Ainsi l'or des Gemini veut dire force, solidité, attraction, le tout couleur de feu ou couleur d'or. Quant aux astres du ciel pesés dans la Ba- lance, ce sont évidemment les étoiles qui forment cette constella- tion. Je trouve dans un ancien traité intitulé : Aslrolofjia Jiidi- ciaria, etc. durch weyland M.Thobiam Mollernm Crimicensem Astro nomum , le passage suivant : «Die Zwilling so warm und feuchte, auch Lufft zugehôrtn, pflegen denjenigen, so sie nach verbrach- ten und gcsefzten Unterrichte, im Calender vermeldet, befunden , fùrneniblich einen Lust zur Weeszheit, Kunst , Verstand und Ge-

schiclilichkeit Viel Reichtumh wird er durch Cottes Segen

seine Kunst, Geschicklichkeit ûberkommen , etc. »

^ /ji'vfr a deux significations, celle du neuvième ciel, au-dessus duquel il n'y a plus de cieux, et celle du toit d'une maison; l'auteur l'a employée dans ce dernier vers, évidemment, pour pouvoir au be- soin dire qu'il ne voulait parler que de l'attrait des terrasses élevées des maisons d'Ispahan.

^ Le sidrcli mantaha est un arbre du paradis, selon les uns, et du septième ciel , selon les autres , dont les feuilles témoignent de l'unité de Dieu.

334 . MARS-AVRIL 1865.

du manganèse. Voilà pourquoi ja main de Jésus broie pour les yeux du soleil le manganèse d'Ispahan ^ Ne vois-tu pas que le ciel en a pris la couleur (du manganèse d'Ispahan), car il est le mortier l'on réduit le sourmèh en poudre. L'air d'Ispahan vivifie le corps et l'âme comme l'aube blan- chissante et l'aurore du malin ^ (Éveillée) par le zéphyr d'Is- pahan, l'aube du jour fait un éternument musqué et le ciel lui répond : Dieu te bénisse î La main du prophète Khizir ne pouvant retrouver la source (de Jouvence) , fil (fablutiondite) le tayammoum , avec de la poussière des pieds des Ispaha- niens. Tu ne dois pas considérer le puits d'Ispahan comme résidence de Dadjal; envisage (plutôt) les plaines d'Ispa- han comme lieu d'apparition de Mehdi. Jspahan ! Le parasol noir est le grain de beauté de la face de ta souveraine!é\ el marque le bien; c'est la couleur brune de celte petite tache qui rehausse la splendeur [de la noirceur de ce grain de beauté que dérive la splendeur]. h'Unqua (encourage) l'oi- seau de mon cœur en lui criant : Bravo, rossignol des crieurs d'Ispahan*. J'ai dit à l'eou de Jouvence: As-lu une source?

' Le manganèse se trouve dans îa province d'Ispahan; il est em- ployé comme collyre dans les maux d'yeux; écrasé, il est d'un bleu très foncé. Avoir les yeux malades à cause de quelqu'un, veut dire lui porter envie; enfin le ciel , ayant la forme d'une voîiie, peut être comparé à unmortrer renversé. C'est sur tous ces détails que se joue le poëte dans les deux vers que je viens de traddire.

^ L'action vivifiante du malin sur le moral et le physique de l'homme est aussi bien admise en Orient qu'en Europe, l'on croit que, pour être vertueux, il faut voir lever l'aurore.

^ Le parasol noir est le parasol des khalifes abbassides; il est pos- sihle que, parmi d'autres privilèges accordés par eux aux Seldjou- quides, se trouvait le droit de se servir également de ce signe exfé- rienr de la souveraineté,

'* Viinqua est l'oiseau mythologique que le Qamous définit très- bien : rui! Jj^ pSf <^jysu>yj[l7 Uaa,'I, c'est-à-dire «funqua est un oiseau connu de nom, mais de forme inconnue. » Par modes- tie, le poëte se dit être crieur d'Ispahan , mais loutefols un rossignol

MEMOIRE SUR KHACANI. 335

Elle me répondit: Oui , elle est dans le creux de la main des hommes riches d'Ispahan. J'ai dit à (la constellalion) de T ai- gle du ciel : Prends-lu de la nourriture ? Il me répondit : Oui , ce sont les cadeaux des gens libéraux d'Ispahan ! Pourquoi songer à Rei ? Lève toi et cherche ta place à Djei, car celui (même) qui possède Rei pense toujours à Ispahan^ L'année dernière, étant sur les bords du Tigre, moi seul parmi tous les pèlerins, je réclamai justice pour Ispahan. Mon compa- gnon [auditeur] me dit: Comment peux-tu parler des qua- lités d'Ispahan, ayant en vue les beautés de Bagdad? Com- ment peut-on médire de cette ville, quand le sable du fond du Tigre lui seul) vaut autant qu'Ispahan. De plus, Bag- dad est le coursier favori du Calife , et les fers de celte mon- ture valent autant qu'Ispahan. Un autre observa que le zé- kat de Kerkh suffirait (pour l'entretien) de Djei et d'Ispahan'.^ Je leur répondis que Bagdad est la réunion des prosliluéesw et de l'injustice, et as-tu vu, dis-le-moi, les dons des jardins d'Ispahan^ ? Kerkh n'est qu'un plateau des échansonneries de Djei, et le Tigre n'est que la jnoiteur des outres des porteurs d'eau d'Ispahan. Bagdad acluellement n'egt habité que par des vitriers (occupés à fabriquer des flacons) pour l'eau de

parmi ces modestes fonctionnaires, et de plus un rossignol applaudi par funqua,

^ Allusion à tous les conquérants seldjouquides de l'Iraq, qui, après s'être emparés de Rei, cherchaient à devenir maîtres d'Ispa- han , sans quoi ils ne se considéraient pas comme solidement établis en Perse.

^ Djei t nom d'un faubourg d'Ispahan; Kerhh est celui d'un fau- bourg de Bagdad; quant au zekat, c'est un impôt prélevé en faveur des pauvres.

^ ^ijJtj peut être décomposé en 4j et 313. Le premier de ces mois veut dire « oppression , prostituée , » etc. et le dernier «justice ; » aussi Khâcâni lui ajoute la négation ^. Par contre, é-u , qui ne diffère de «j que par un élif, veut dire «jardin,» et c'est sur ces trois expressions que roule le jeu de mots de ces vers.

336 MARS-AVKIL 18ô5.

rose, joie des maisons crispahanMJn point de la latitude et de la longitude d'Ispahan^ est plus vaste que la ligne (des mai- sons) de Bagdad et que la surface (occupée) par le Tigre. Sache que toute la province de Bagdad , comparée à Ispalian , est comme le point de ïefâu mont Kaf comparé à l'étendue de cette montagne. A Bagdad, on prépare un parfum avec du pa- leng michk (cest-k dire léopard musqué, nom d'une herbe), tan- dis qu'on prend l'antilope musquée dans les plaines d'Ispa- han. Le Caire est préférable au fur ze h de Bagdad"^; eh bien! les fondements des maisons d'Ispahan sont plus beaux que les édifices du Caire. L'avarice de Bagdad crée la famine de Chanaan, tandis que les largesses d'Ispahan amènent l'abon- dance égyptienne. Le Nil est plus petit que le Zenderoud, l'Egypte est inférieure à Djei, et la ville du Caire, elle-même, est soumise au roi d'Ispahan. Le verger d'Eini-Chems* n'est qu'un parterre de fleurs de Djei, et l'herbe commune d'Ispa- lian doit être regardée comme supérieure au hidssan\ Tout ceci fut dit en réponse aux attaques (susmentionnées) ; mes

' Les vitreries de Bagdad , de même que ses fabriques de papier, étaient célèbres dans le xii* siècle. Ispahan a conservé jusqu'à nos jours le privilège de fournir une excellente eau de rose.

- Yakoul dit: ^ULio* iùo».s3 (Jj_5ua_*«j «^nÎ ^Lg-^,-ol Jfy? (^^^ ï^\^ ^jdj^ «jJ L^yC^. Beauchamp lui donne 32° 25' de latitude et 70° 3o' de longitude à l'est de Fero; mais, dans tous les cas, sa longitude et sa latitude, écrites en toutes lettres, auront beaucoup de points, dont Khâcâni prend un seul pour le comparer à la province de Bagdad.

^ Le Qâmous dit : <^f^î Ja^ ^y f*-^^ ^^1» c'esl-à- dire, Alfurzeh, avec un zammeh, est un endroit sur TEuphrale.

'' Le Qamous dit : wj,^ iu^ . wJsCi ^^^ , c'est-à-dire, Einichanis est un village d'Egypte.

^ Le commentaire dit : k^^m^ c>-~♦«<y'^^•^ (ô^T^ J^ L>^ OJuir^r.v^^N (j[ ^iîv> \\ i^^y^a-^ ')''' l*''!^»''^^" ' prononcez comme Sartan, est un arbre connu dr l'F-gyptc; ou extrait de ses fouilles une liuile.

MÉMOIRE SUR KHAGANT. 337

moins sonl Hatrde I\ei et Ala d'Ispahan'. Il y a déjà trente ans nue je suis fidèle à Ispalian et queje lui suis sincèrement at- taché, et l'on peut voir enfin par ce nec plus uUra de rareté (nom de cette ode) avec quel zèle je loue Ispahan , [jusqu'où j'ai poussé les louanges d'Ispahan.] Que n'ai-je écrit à la glo- rification des deux arbitres de la religion Sadr et Djemal, ces deux hommes éminents d'Ispahan! Dans l'année tha, noan, alif{bbi), étant à Mossoul, j'ai prononcé 55 1 louanges à Is- pahan. Djemal Mouhammed, dont l'àme est semblable à celle de farchange Gabriel , et grâce aux bontés duquel j'ai les ca- deaux d'Ispahan, il m'a donné mille étoiles descendant du soleil, lui qui, par l'élévation (de son âme), est l'aslre du berger du ciel d'Ispahan^. Je porterai ma louange d'Ispahan comme cadeau de voyage au petit A'iy et au grand atabek. Mon roi Salomon , auprès duquel on me fit la réputation [on me loua] d'Assif, me dit : 0 huppe de l'air d'Ispahan! Par la suite, arrivé à la Mecque, je devins dès cetinslant l'esclave du chant à la louange d'Ispahan. La Kaaba (daigna) deve- nir le temple de ma prière, parce qu'elle vit que j'aspirais à faire l'éloge d'Ispahan. Elle chercha à me corrompre en m'of- frant un lambeau de sa robe verte, pour queje ne place pas la Mecque au-dessous d'Ispahan. Tout ceci fut fait de bon cœur, et non par convoitise de la couronne des cadeaux d'Is- pahan. Le div repoussé, voleur de mes vers, lit une brèche à ma fortune par sa satire contre Ispahan. Au jour du jugement dernier, il ne se lèvera pas avec un visage radieux [blanc], car il (osa) noircir le cou d'Ispahan. Quelle raison peuvent- ils donc avoir, les habitants d'Ispahan , pour médire sur mon compte ? En quoi ai-je jamais manqué à Ispahan ? J'ai re- cueilli du vert-de-gris et non de l'or de son cuivre (c'est-à- dire du cuivre, ou de la mauvaise poésie de Mudjir Eildin) ; la rouille peut attaquer tout, sauf la pierre philosophale d'Is- pahan \ Ma faute est-elle que, tout en étant le trésor de Dieu

' C'est-à-dire ^;L jt^ ^ et ^l.gA.^ | (^jJ[ *s!^.

- Les mille étoiles sont evideinmenl mille pièces d'or.

■* Allusion aux Iravaiix des alchimistes qui, croyant pouvoir ope-

338 MARS-AVRIL 1865.

de sa trésorerie du neuvième ciel \ je ne suis qu'un mendiant d'Ispahan ? Acceplemoi comme un mendiant de les faubourgs , car au fond je ne suis que la mouche des plats succulents d'Ispahan [la mouche des plais de volailles cuites d'Ispahan]. On ne saisit pas le trésor de Dieu pour se dédommager d'un vol [en punition du délit du voleur]. Les élus d'Ispahan ne pourronl jamais l'approuver. Pourquoi les chefs de la loi el les gouverneurs d'Ispahan n'ont-ils pas fait couper sa main et sa langue? ou bien pourquoi les régulateurs de la justice et les anciens d'Ispahan ne le iirenl-ils pas suspendre à un gibet ? La faute est à l'élève el la punition frappe le maître , cela s'accorde mal avec l'équité des hommes justes d'Ispahan. Le blanchisseur commet un délit et la responsabilité en est au maréchal ferrant, c'est un proverbe (connu) des grands d'Ispalian. Cela rappelle l'ordre bouleversé de l'Egyple, et en vérité les villages d'Ispahan sont (fertiles) comme l'Egypte. Les anciens du sixième ciel ^ ne doivent pas souffrir qu'on appose un cachet à ce décret dans les plaines d'Ispahan. Du moment mes yeux virent Ispahan, ma lèvre remplit de perles les oreilles de l'époque, et pour toute récompense ceux qui sont (comparables) à la canne à sucre el à l'eau de rose emplirent ma bouche et mes oreilles de coloquintes ( t de melons amers. Les cordes de ma fortune ont été bien accordées, néanmoins j'entends de faux accords des luths

rer la transmutation du cuivre en or, en le soumettant à faction des acides, n'en retirent que de l'oxyde de cuivre. La pierre philosophale était considérée comme un corps supérieur à tous les autres, pouvant les attaquer tous, sans subir aucunement leur influence réciproque.

1 Allusion au hadith : L^Ui.^ ^}_^iyy^^^ ^^^^' (J>^ ^ Ôl :*r.jjt^f Juu*Jf. c'cst-à dire : «En vérité, le Dieu tout-puissant pos- sède des trésoreries derrière ÏArch, dont les clefs sont les langues des poètes. » Comparez, Bland , On ihe earUesl Pers. Bio(jr. of Poeis [Journ. of llie liojal asiatic Society, t. IX , p. 1 1 6 , note 5).

^ Allusion au (jy/iJiLt, consleHalion protectrice des savants, et (lui s(> Ironv»^ an si\i(>mp rii>j.

MEMOIRE SUR KHACANI. 339

(j'ispalian. Ville pleine d'or, Irôrie des Khosrow de Tuni- vers, pourquoi tes mélodies doivent- elles être des disso- nances pour moi ' ? J'ai porté ma plainte à l'amant du tour- nesol contre les coups de massue (dont me frappe) la rigueur d'Ispahan. J'ai plaint le soleil lorsque j'ai vu qu'il n'était qu'une lueur d'éclair de la lumière d'Ispahan. Il me dit : Ne pousse pas des soupirs par la langue à l'inslar de Berbed , pousse-les plutôt par les yeux comme les lulhs d'Ispahan^. Il ne faut pas médire d'autrui [manger la chair de l'uni- vers], car il ne faut pas qu'Ispahan risque de s'empoisonner^. Ispahan commença par m'attrister, quoique la racine (du mol) Ispahan soit la joie\ On ajouta un élifk la pomme d'Ispahan pour que je puisse bien sentir la douleur des morsures d'âme d'Ispahan. La malveillance des Ispahaniens consume mon cœur, et je risque de trouver en elle le brasier d'Abraham. J'ai (commencé) par être mordu par un chien, puis d'autres en tirent autant , mais je me guérirai bientôt par les fèves d'Ispahan ^ J'ai avalé tout ce sikba de la colère d'Ispahan pour jouir enfin du Jouzinèh de sa reconnaissance^. Quoique

^ Le mot vA^i^isi.:^ ne se trouvant pas dans les dictionnaires, je remarquerai qu'il est composé de deux mots, cJ^^ »« paire» et «accord en musique,»» et de ^^^5^ « malveillance , inimitié;» le tout veut dire deux sons discordant?.

2 Berbed, célèbre musicien et chanteur persan. Les lutbs d'Ispa- han sont percés de huit ou neuf trous qu'on nomme cusk. «yeux» en persan.

-V« Manger la chair de l'univers» a la même signification, en persan, que la locution familière « déchirer son prochain. »

* Les Persans prétendent que la racine du mot ^Lgâ^l est li.-^. La pomme, en persan, est sib , et asib veut dire «blessant.»

^ On prétendait que les fèves d'Ispahan jouissaient de la propriété de guérir la rage.

•^ Uxlw en persan, ou ^L/Xw en ai'abe, signifient chaque mets préparé avec du vinaigre. Un homme d'un caractère aigre est nommé jiftyS <KfyM «marchand de vinaigre;» JCÀj^y , espèce de bonbon fait avec de la pâte d'amandes et du sucre.

340 MARS-AVRIL 1865.

cette ville lue paye par le mal, je le lui retournerai en bien. Le pays de Chirwan devint célèbre h cause de moi, mais puisse-(-il être détruit pourvu qu'hpaban reste toujours (prospère)! On me fera une part de roi si la gloire m'est dé- cernée par les experls en .Sciences d'Ispahan. L'an 5oo de l'hégire ne produisit pas un sans pareil comme moi; glori- fions donc doublement Lspahan. On me reconnaît pour le grand créateur des vers et de la prose, (ainsi tâchons) que l'amitié d'Ispahan ne diminue pas à mon égard, et lant que je vivrai, Khâcâni ne cessera de proclamer la louange des con- vives de Dieu à lspahan.

La pièce que je viens de traduire est trop artifi- cielle pour ne pas perdre presque toute sa valeur littéraire dans une traduction. Elle abonde en mé- laj)hores, en métonymies, en antithèses, en conve- nances (c-^«4wLij), en toutes sortes d'allitérations, etc. qui ne sont remarquables que dans la langue dans laquelle elles furent composées. Avec un peu de peine, on trouverait dans cette ode des exemples de toutes les formes d'ornements de style enseignées dans les rhétoriques musulmanes. Aussi porte-t-elie le cachet d'un long travail, et le poète avoue lui- même qu'il s'en est occupé pendant plus d'un an, depuis son arrivée à la Mecque jusqu'à son retour à Mossoul. Son but était d'étonner ses contempo- rains par la profondeur de sa connaissance des ri- chesses et des ressources de la langue persane; il en fait l'aveu sincère par le titre de son œuvre , intitulée , ainsi que je fai dit : t^j^i /ïv^.

Au point de vue historique, cette ode présente aussi ({uelquc intérêt par la monlion de trois noms

xVlËMOlUE SUR KHACÂNI. 341

(riiomuies politiques de l'époque. Je crois devoir relever ces passages, d'autant plus que cela précisera encore plus rigoureusement l'époque de Ja première publication de cette pièce de vers. Nous avons vu qu'il nomme Djemal Muhammed , Aly Asghar et Souleiman Chah. Le premier est le vizir de Koutb eddine Moudoud, fds de Zengui, tué en 5 69 (voy. Barbier de Meynard, Traduction de Yakoat, p. /i2); le second , son lieutenant à Mossoul , et le troisième , l'oncle de Mouhammed, fils de Mahmoud Seldjou- quide , régnant à cette époque sur l'Iraq , et connu par sa carrière vagabonde et par ses insuccès politiques. Le premier, natif d'Ispahan, protecteur et bienfai- teur immédiat de Khâcâni, devait avoir tout natu- rellement la première place dans une pièce de vers destinée à immortahser la gloire et les perfections de sa patrie. Le nom complet du second estZein eddine Aly Koutchik; il venait tout récemment de rendre un service signalé à son maître, en faisant prison- nier Souleiman Chah , au mois de djemadi-el-awel de l'an 55 I, au moment ce prince espérait pouvoir ravir le trône à son neveu. Khâcâni, en publiant son ode à Mossoul, ne pouvait se passer de vanter un homme aussi considérable; mais il établit une nuance entre les deux louanges, en tant qu'il cé- lèbre le premier sous son vrai nom , tandis que dans celui de Zein eddine , il traduit le mot turco-persan de koutchik par le terme arabe cYasghar. Cette nuance est encore plus renforcée dans le compliment qu'il adresse à Souleiman Chah; il le cite d'une manière

342 MARS-AVRIL 1805.

tellement vague, que l'on est tenté, au premier abord, de traduire le vers il en parle par umon roi prudent comme Salomon,» sans l'attribuera une personne déterminée, d'autant plus qu'il parle en même temps d'Assif, ministre du roi-prophète, et de sa huppe. Cette précaution n'était pas inutile, car nous savons par Ibn el-Athir que ce prince, traité à Mossoul, après sa capture, avec tous les égards dus à son rang, n'était pas moins un prisonnier d'État, et s'il était naturel de lui présenter un voya- geur illustre , capable de le distraire un peu dans sa prison, ce dernier devait en parler de manière à ne pas faire croire qu'il prenait trop au sérieux son litre de roi. Ainsi toute cette parlie de l'ode de Rhâcâni s'explique très-bien au moyen de l'histoire, et par conséquent elle sert aussi à confirmer l'exactitude des détails que nous fournissent sur cette époque les annahstes arabes et persans.

Pour ce qui est de l'assertion de Khâcâni, que le Caire était conquis par Ispahan , nous devons la reléguer au nombre de ces compliments outrés et hyperboliques dont il se montre si prodigue. Non- seulement sous Mouhammed, fils de Mahmoud, le pouvoir des Seldjouquides ne s'étendait pas sur l'Egypte, mais même du temps de Mélik Chah, fils d'Alp-Arslan, apogée de la puissance de cette dynas- tie, sa domination à l'occident s'arrêtait à Antioche, et à Laodicée , en Syrie. Le plus souvent Khàcâni est exact dans les faits historiques qu'il rapporte; mais s'il n'a pas reculé dans cette pièce devant i'ab-

MÉiVlOlRE SUR KHÂCÂNJ. 343

surdité géographique de faire du Zenderoud un fleuve plus important que le Nil, on peut lui par- donner d'avoir agrandi un peu les limites des pro- vinces soumises à un prince dont les sujets le trai- taient si bien. En général, malgré son érudition, notre poète, entraîné par son désir de louer Ispahan aussi éloquemment que possible, a complètement perdu de vue les règles établies par les rhétoriciens musulmans, pour distinguer le mensonge ( <-» Jo ) du trope (yjLjCUwî) (voy. Garcin de Tassy, Rhétorique musulmane, p. 62), et il ne se laisse que trop entraî- ner par le proverbe arabe L^JsSl jjuiJl ^^yM^^\, c est-à-dire que aies plus beaux vers sont ceux qui contiennent le plus de mensonges. »

La troisième pièce de vers que je vais transcrire et traduire est considérée en Perso comme l'œuvre la plus remarquable du poëte chirwanien : c'est la fameuse quassidèh écrite dans sa prison.

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344 MARS-AVRIL 1865.

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MÉMOIRE SUR KHACÂNl. 345

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346 MARS-AVRIL 1865.

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MEMOIRE SUR KHACANI. 347

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348 MARS-AVRIL 1865.

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MÉMOIRE SUR KHÂCÂNI. 3^9

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;^50 MARS-AVKIL 1865.

U^ iS^y—^ {J^ >^ J *-ft ^*>^-^ ^i c5^^ J^ TRADUCTION.

Le malin, mon soupir s'envole, semblable à un voile lé- ger comme la fumée, et le sang répand une teinte d'aurore sur mes yeux (fatigués) de mesurer (la profondeur) de la nuil. Le Irisle festin est préparé; et moi, je suis comme le charbon de saule ^ prêta clarifier le vin sécrété par mon œil. Les œuvres du ciel [dôme couleur d'orange] sont (chan- geantes) comme la couleur des joujoux, combien dois-je (en- core) bouillir pour que mon intérieur ne contienne pas de fiel? Devant l'averse de flèches de mes (soupirs) matinaux cl devant mes clameurs, comment ne jette t-il pas son bouclier, ce vieux loup à l'épaisse fourrure^ ? Cette jarre couleur de fer (la prison) , après avoir purifié et brûlé les scories de mon fer (c'est-à-dire après avoir détruit les faiblesses de mon carac- tère), se revêt de noir de fumée, (lancée) par mon cœur en la- mentations. Ma face , couverte de poussière, (se colle) comme la paille hachée aux murs de la prison, ramollis par mes

' On clarifie le vin avec du charbon de saule; celle opéralioii précède le feslin.

'^ Khâcàni compare le ciel à un loup, à cause de la malveillance (pi'il montre envers lui. L'épaisse fourrure, d'après le commenlaire, siiinifie les neuf cienx.

MÉMOIKE SUR KHACANI. 351

jarmes qui délayent de la boue sur le sol en s'y répandante Tu as vu le serpent enroulé dans l'herbe, regarde {mainte- nant) le reptile qui enlace mes jambes, réduites à l'étal de brinsde paille [d'herbe]. Jetle les yeux surles dragons roulés en anneaux et engourdis sous les pans de ma robe; je n'ose pas bougerde peurde les réveiller. La main du maréchal fer- rant me livra aux serpents de Zolihak; à quoi me sert donc le trésor d'Ifridoun, déposé au fond de mon cœur sagace^^

' Allusion à la manière usitée en Orient pour préparer les nmrs en pisé, A/si J5 0 ; on délaye de la terre argileuse, puis on y ajoute de la paille hachée. Le poëte veut dire que ses larmes étaient si abon- dantes, qu'elles suffisaient pour délayer le sol de sa prison, et que son visase, jauni et desséché, allait se coller à ses murs.

2 Le nom du tyran Zohhak, sa défaite par le maréchal ferrant Kawèhy et l'élévation de F^eridoun au Irône de la Perse, sont trop connus pour qu'on ait besoin d'entrer à ce sujet dans de grands dé- tails; toutefois je profilerai de cette occasion pour donner une gé- néalogie assez curieuse de Zohhak, insérée dans rtiistoire univer- selle de Rachid eddin. 11 dit:

(j-j.î o^' f**^>? '^'^Jl^y o^ (£xxù^ ^3fy o^t Jî^y ^i

(J^-î^^V '^O^. J*'^ t>~ôjXo <->J^' 0-Î..UU c>^3 <_>iu (j^fj « Notice sur Zohhak, connu sous le nom de Yourassh. Par rapport

352 M4KS-AVRIL )865.

Je verserai l'eau embrasée [ignée] de la source couleur de sang jusqu'au tibia, (pour faire mouvoir) les meules de pierre que portent mes pieds (babilués) à mesurer la terre \ Mon collet est rayé par mes pleurs comme le soadreti /i}iara;el une monlagne de pierre dure (se caclie) sous la doublure en soie de mon babil^. Mes jambes sont crénelées comme le rebord d'une cbandelle ; on dirait qu'elles portent des traces de morsure des dents (crochues) de mon sort. Pour que les deux enfants indiens ne soient pas effrayés dans le berceau des yeux, je cache sous les pans de ma robe les dragons qui me rongent râme\ Je suis semblable au pôle, quatre clous

à sa généalogie, les opinions sont partagées. Quelques Arabes disent qu'il est fils de A'iouan, frère ds Cheddad A'd, et l'on fait remonter son origine à Irem , fils de Sam , qui était fnVe d'Arfakhchad, coQ»n>G on vient de l'exposer plus haut. Ils disent que Cheddad l'envoya combattre Djemehid, Les Persans disent que son nom est Yourassb. fils d'Arwend Assf, fils de Zinkawez, fils de Ssahirèh , fils de Taz, fils de Farwal, frère de Houcheng, aussi fils de Farwal. D'après leur opinion, ce Taz, fils de Farwal, est le père des Tazis, c'est-à- dire de tous les Arabes. Ceci a déjà été rapporté. Ils disent qu'il fut surnommé Yourassb Zohhah, c'est-à-dire qu'il était affligé de dix im- perfections et défauts. Après, on arabisa ce mot, et l'on en fit soliah , c'est-à-dire «liommequi rit,» et ce mauvais sobriquet, en s'arabisantr devint un surnom honorable. Les habitants de Yénien, dont les Toubba'ian sont une souche, disent que Zohhak est un des leurs.»

Je n'ai pas besoin de rappeler que, d'après l'Histoire des Kurdes de Khondemir, les Kurdes sont les dcscenJants de ceux qui oui pu s'échapper des mains de Zohhak.

' Par surcroît de rigueur, les kundek eu bois qu'on atlachaht , et qu'on attache encore aux pieds des détenus, ont été remplacés par des meules en pierre.

^ H répète ici le calembour basé sur le double sens du mot Lliw, que nous avons déjà rencontré dans l'ode adressée au prince byzan- tin. LIâ ÏNtV^ est une étoffe rayée employée pour des devants de chemises.

^ Ces dragons sont évidemment les chaînes que le poë«e porlalt auv pieds. Les enfants indiens sont ses yeux noirs.

MEMOIRE SUR RHÀCANI. 353

lixenlà un point ma figure de Saturne, (grâce) au dieu Mars, aux actions de Zeneb \ Dès l'instant mes pieds se placè- rent sur le siège de fer, mes lamentations , semblables aux sons d'une trompette , n'ont pas cessé d' ébranler le ciel. Quoi- que les chaînes aient ployé le haut de mon corps comme un anneau, je les baiserai , oh joie! car elles me donnent de bons enseignements. En dépit de mes infortunes ténébreuses comme la nuit, je finirai par avoir un visage resplendissant comme le jour, et elle deviendra blanche ma demeure, noire comme la nuit. Adossé au mur de la prison , le visage tourné vers le toit du ciel , les narcisses de mes yeux bourgeonnent comme le cieP. Le malheur et moi sommes l'un dans l'autre comme la noix dans sa coquille, et le plafond de ma triste demeure manque d'ouverture comme l'enveloppe d'une noi- sette. Tous les jours des chagrins, chaque minuit des cris oh Seigneur! oh Seigneur! Voyons à quoi me serviront ces oh Seigneur! oh Seigneur de chaque nuit! Il est clair comme le jour qu'en me levant pour boire le vin du malin, je crains toujours que cette matinée ne soit la dernière après ma som- bre nuit. Mes soupirs ont la force des balistes, capables de percer cent murs ; pourquoi donc l'ignorant désarmé [sans catapulte] s'expose comme (la flamme) d'une chandelle au souffle de mon orage ^ ? Comme Marie , j'ai fait vœu de jeû- ner, car mon cœur (digne) d'engendrer Jésus, et voué au

^ Cette image astronomique s'explique par rimmutabilité de rétoile polaire entre quatre autres astres de la petite Ourse, Saturne étant noir, il compare à cette planète sa figure attristée par le mal- heur. Mars est la planète des bourreaux. Zenab est Tétoile brillante de la queue du Dragon, elle présidait aux crimes; Kliâcâni désigne ainsi ses persécuteurs.

2 D'après le commentaire, les bourgeons du ciel sont les astres, et les bourgeons des yeux sont les larmes.

' Le commentaire signale que :sUXj, mot arabe, se dit en persan ^^l_j, et il l'explique en citant une phrase du Cherkb des poésies

(VA'boul Oulai Mou'arra { jZx^) (j.^c>-^*(J^f ^v^f c^ *^^-*-^J

354 MARS-AVRIL 18G5.

Saint-Esprit, est pur comme elle. Mais la maladie de mon cœur m'exempte du jeune, voilà pourquoi il est rompu par les larmes qui me salissent la bouche*. Les larmes me tom- bent dans la bouche, aussi mon iftar n'est que de l'eau tiède, elle seule me passe par le gosier^. On dirait que je souftre d'une luxation des pieds par suite d'un faux pas, tan- dis que leur seule maladie est que j'ai perdu la tète. Or, comme la cautérisation par le fer rougi est le dernier remède dans loute maladie, le feu de mes soupirs fait rougir les fers de mes pieds. Cent geôliers sont préposés à chacun de mes soupirs (pour les empêcher de se faire jour), autrement le ciel en serait écrasé , car ils sont (puissants) comme des hé- ros. J'ai regardé le malheur en face, le chagrin a hérissé mes cheveux, et tous les membres de mon corps sont en désordre comme la chevelure des Dilems^. Je ressemble au violon- celle dont la caisse est desséchée et la table vide, car mes ennemis m'ont mis des cordes, (mais) au cou. Oh mon Dieu !

^j^^Jl ^.^v^^i c'est-à-dire, «Nekba-, c'est un vent qui apparaît entre la direction des deux vents. »

' On sait que la maladie sert d'excuse légale à un niusuhuan pour manger pendant le jour dans le mois de ramazan , et que toute chose qui lui tombe dans la bouche, même involontairement, an- iude la valeur religieuse de son jeûne.

- L'iftar, vLkiî, est la première bouchée que prend ie musul- man après Tabstinence de toute la journée pendant le jeûne du ra- mazan. En Perse, on commence par avaler quelques gorgées d'eau tiède , et l'on mange le os-^ > pâtisserie faite avec de la farine et des sucreries.

^ Le commentaire prétend que les Dilems formaient une tribu du Turkeslan , qu'ils étaient armés de petites et de grandes lances , et que leurscheveuxsenlrclaçaicnlel s'enflaient. Je crois que le docte auteur de ce commentaire cherche trop loin la peuplade dont parle Klià- càni; selon moi, ce sont simplement les pàJres du Gbilan, qui ont une chevelure aussi épaisse qu'inculte; mais, dans tous les cas, cette mention de la pUca pnloivca, parmi une ppuplade d'Asie, est assez ciu'icuso.

MEMOIRE SUR KHACANJ. 355

pardonne aux grands qui , sous l'influence du fiel de la puis- sance, n'oni pas hésité à prononcer ce jour leur que Dieu détruise sur ma jeunesse (et sur mes espérances). L'or est recherché à cause de sa rareté, les fleurs sont soignées par les amateurs, tandis que moi, sans conscience comme un papillon , on ne m'accorde pas (la moindre) attention ^ Mais l'éclat et la beauté [l'or et les fleurs] sont des entraves pour l'esprit [des ronces dans les pieds de l'esprit] ; pourquoi donc mon esprit éloquent [qui orne les mots] ira-t-il les recher- cher [aller à la chasse des ronces] ? Or est la réunion de deux lettres non liées l'une à l'autre \ d'où viendrait donc leur liaison avec un cœur d'un non pareil comme moi? Que j'aie les mœurs d'un Samaritain el non le caractère de Moïse , si tant que je vis je salirai mes mains pures [resplendissantes] aux sabots du veau d'or. Au cœur de mon été, je n'ai pas même (l'ombre) d'une seule feuille de saule; néanmoins, par égard pour mon importance, les branches du Toaba se font éven- tails pour me rafraîchir [pour éloigner de moi la chaleur]\ Je suis la branche du palmier, dont les hommes se servent comme d'un éventail ; le vent froid est sur mes lèvres et mes

^ Le dernier vers de cet hémistiche a une construction très-em- brouillée, et je crois rendre un service au lecteur en le transcrivant

en prose : (j^^f^ 0[j|^ ^j^jj^ ^\ ^^^ jjLijf c>^- Ce qui rend cette phrase encore plus obscure, c'est que tout naturellement on est porté à rattacher le mot ^Lij f aux deux sujets précédents, )') ^* J^' **"^'^ 4"J^ ^^ rapporte aux grands, dont il a été ques- tion dans les vers <v.i)| Ac ^j] , etc.

^ L'or, zr, en persan comme en français, s'écrit au moyen de deux lettres; mais en persan ces deux caractères ne se lient pas l'un à l'autre.

•^ Arbre du paradis mentionné dans le verset 28 de la xiii" sou- rate du Coran : t_>U f^yui^s^ « IaÎ 3 ai», passage trop vaguement

traduit par Dllmann : Geniessen Seliifkeif iind selig ist ihr Eintritl ins Paradies.

356 MARS-AVRIL 1865.

membres sont clécbiquet6s\ Je suis la bourse de musc, on peut m'enferaier derrière cent murailles sans empêcher que mon parfum vivifiant l'esprit ne trouve son chemin vers l'âme. Une peau de chagrin, colorée, en se moquant de la bourse de musc, lui dit : Fi! quelle couleur, lu n'as certes pas un aussi bel asj)ect que moi. La bourse lui répondit : Déraisonne un peu moins, j'ai des qualités invisibles. Il en est ainsi! il en est ainsi! la preuve de mes paroles est mon souffle par- fumé. L'éclat [la couleur du miroir] de ton extérieur est préférable à ta partie cachée, tandis que moi, je suis comme la pierre philosophais, et mes vertus secrètes ont plus de va- leur que mon apparence. Je suis comme la Kaaba un modèle pour les habitants du ciel qui s'habillent de vcrt^, car mon brocart est un morceau de l'étoffe placée sous les pieds de Jésus. Je porte une robe de lin et mon cœur est pétri dans l'eau du Keouiher^.Je roule dansle niouarradj , elles bienheu- reux montent jusque chez moi. Ma personne est une belle rose qui mérite d'être cultivée, et ma belle rose a un témoin de son martyre. Que de moqueries! (on me dit) pour une sottise, tu t'es enfoncé dans une caverne! 0 homme qui suis les lutins du désert, que tu es loin de ma sagesse [plaine] ! Je suis le bois d'ébène, je reste au fond de la mer avec la coquille de perles, et je ne suis pas de ces copeaux qui sur- nagent et s'associent à l'écume. J'éparpillerai mon âme, je répandrai mon esprit, je déverserai mes bienfaits, je donne- rai mon cœur; quel est-il le génie du monde qui ait le droit cle me donner des ordres ? Je suis grand , je suis du nombre

' C'est-à-dire déchiquetés comme les fils ou fibres du palmier dout ou tisse les nattes, les éventails, etc.

^ C'est-à-dire les anges.

-* L'un des fleuves du paradis, mentionné dans la sourate cviii . versel i, du Coran, Dans ce vers et dans le vers suivant, khâcàni joue sur les mots : ;»-y.^ , « «obe de lin , » -y^^Ja . « pétri, » -p. ^^a , qui d'après le commentaire est un lieu vaste, élevé, richonioni orné cl couvert de tapis, cl enfin ■r\<>u^ «action de monter. »

MEMOIRE SUR KHACANI. 357

des esprits, je suis du monde occulte et je suis saint par ma naissance. Comment est-il donc possible que mon être puisse se laisser subjuguer par la matière ? La raison me servit de gouvernante, ma nourriture était la loi du Prophète, l'esprit était mon berceau, mes mères sont les quatre éléments et les (cieux) élevés mes pères. Quand la raison frotta d'aloès les deux mamelles de la nature\ mon grand cœur se tourna vers l'étude du tariqat^. D'un autre côté, comme Jésus, je suis fds de menuisier, et ma mère chrétienne était sœur adoplive de Jésus. Lorsque la source de l'épine dorsale de mon père se déversa dans le conduit d'eau de la matrice, la perle de mon océan naquit de cette source bénite. Le voile de Tindigence me servit d'amnios, la main de la bien- veillance fut mon accoucheuse, la terre de Chirwan est ma patrie et le Daroul adah le lieu de mon éducation. Dès l'ori- gine, je ne me suis pas livré aux distractions de la paresse comme un enfant, car ma mère et mon père veillaient sur moi. Mon chameau furieux^, à deux bosses, n'a pas mangé chez vous ni du cuit ni du cru, car mon indépendance de vous, hommes grossiers, ne date pas déjà d'aujourd'hui. Que je croie aux pertes de sang des houris et aux pollutions des anges, si mon vin a jamais été fait avec du sang des vierges de la treille. Mais si même je buvais du vin, je l'aurais mé- rité, le maître du paradis m'aurait avancé aujourd'hui ma paye de demain*. Je suis au paradis et je bois; c'est pur et

^ Méthode employée par les nourrices, en Orient, pour dégoûter les enfants de leur lait.

^ Le tariqat est une doctrine religieuse qui se rapporte, d'après les théologiens musulmans, au charia't, ou à la loi proprement dite, comme la parole se rapporte à l'action ; car le ciiariat est basé sur les ordres verbaux du Prophète, et le tariqat sur ses actes. Ces deux doctrines se complètent par le haquiqat, dont les principes sont fon- dés sur les croyances intimes du Prophète, révélées aux élus parmi ses sectateurs.

^ Le chameau furieux mange très-peu et soulève de grands far- deaux.

* Le vin est permis aux musulmans dans le paradis ; aussi Khâ-

358 MARS-AVRIL 1865.

permis , car l'esprit est devenu ma poussière , el il admet mes gorgées rouges\ Je baise la pierre noire et le Coran lumi- neux, (aussi complètement) que si tout mon corps se chan- geait en lèvres comme le Keouther^. Je suis Khàcàni, roi du royaume delà parole, et, dans la trésorerie de mon élo- quence, un seul point lumineux de mes écrits vaut le revenu de cent khaciuis. Mes mains sont la constellation des Gemini , ma plume est cœtus, le sens de mes paroles est la spica et la vierge est créée par la bah ine , par suite du mouvement de mes jumeaux. Quoique les (hommes) au cœur de femmes me comprennent aussi peu [difficilement] que la (nature) de l'hermaphrodite compler\ mon cœur vierge porte le fruit des hommes à l'âme virile. Si, dans les sept climats, il se trouve un homme capable de dire deux vers semblables aux miens, je consens à devenir inhdèleet à échanger le Daroul qoummamèh contre la mosquée d'Aqsa. Je ne tournerai pas ma bride par crainte de ceux dont la conduite est semblable à cell d'Abou Lahab^, car l'élrier de Moustapha est devenu mon but el mon refuge\ Par la bienveillance d'Aboul Qas-

câni , qui déclare s'y trouver, se croit autorisé à cet acte défendu par la loi.

' C'est-à-dire, comme la poussière boit avidement le liquide qu'on y verse, de même son esprit, qu'il a su dompter et réduire à l'état de poussière de ses pieds, admet ses libations.

^ Le Kcouihery n'ayant ni source , ni embouchure , n'a que deux bords <_>J ou « lèvres » en persan.

■'' L'existence de l'hermaphrodite complet est admise par la loi musulmane , mais personne ne l'a vu.

^ Abou Labab, l'un des fds d'Abdoul Moutalib, oncle du Pro- phète, élait connu comme son mortel ennemi; aussi Mouhammed lui a-t-il fait l'honneur de le mentionner spécialement dans le Coran ,

par son célèbre ôjl o^l ^1 ftV o-jJ' i qui jure tellement avec la phrase de «Au nom du Dieu clément et miséricordieux» précé- dant celte apostrophe pleine d'amertume el de haine implacable. ^ Un homme poursuivi par la loi devient inviolable s'il parvient à

MEMOIRE SUR KHACÀNI. 359

sim , distributeur de bienfaits et prophète de Dieu , les rois de l'entendement sont mes esclaves.

Cette pièce étant suffisamment analysée dans la première partie de ce mémoire et dans les notes jointes à ma traduction, je passerai à l'ode ëlëgiaque de Rhâcâni sur son propre sort, que j'extrais du Ca- deau aux deux Iraqs.

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pénétrer dans un sanctuaire renommé pour sa sainteté, dans l'écurie du roi, etc. ou s'il réussit à toucher son étrier pendant qu'il esta cheval.

360 MARS-AVRIL 1865.

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MEMOIRE SUR KHACANI.

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24.

364 MA HS- AVRIL 186 5.

TKADIJCTION.

Ecoule maintenant les lamentations (que j'exhale) sur mon propre sort. Le monde touche à sa fin. Je suis profon- dément enseveli dans focéan des malheurs. Je suis confondu et semblable à une coquille de perle, je n'ai ni bras ni jambes. Souvent le ciel, pour extraire la perle royale, brise ma poi- trine comme si j'étais moi-même une coquille de perle. Par- fois (je supporte le malheur), comme l'argent (supporlej l'action du iéu ardent, et parfois, dans la main de l'infor- tune, je deviens (mobile) comme le vif-argent L'œil de mon existence est voilé par une taie; la face de mon libre arbitre est marquée de petite vérole. Celte taie , ce sont les peines de la vie; celte petite vérole, c'est la méchanceté du Chirwan. Je suis l'épervier auquel on a coupé le bout des ai'es et qui a éprouve les vicissitudes de la fortune. Il ne me reste dans le gosier ni unité ni zéro , c'est-à-dire que je n'ose pro- férer un ah, par crainte de mes ennemis \ Semblable à une génisse qui fait tourner un mouhn , ma carrière est bornée ; je tourne autour du centre des péchés. Je succombe sous les coups de fouet de l'époque, la corde est à mon cou et mes yeux se ferment. Regarde la génisse du moulin, elle tourne toute l'année, mais elle le fait sans joie et sans plaisir. Elle a toujours devant elle un râtelier bien lourni et frais*, mais elle ne peut jamais assez allonger son museau pour l'at-

* Ah s'écrit en persan par nn élij ei par un hei , ([ui ont aussi la valeur de l'unité et de zéro.

' Allusion à un procédé employé en Orient pour faire tourner l'arbre d'un moulin par une vache, sans être obligé de la faire avan- cer à coups de fouet. Ou cloue à cet arbre un râtelier abondamment garni de fourrage, puis on attache la vache de façon qu'elle puisse le voir sans pouvoir assez allonger son cou et son museau pour l'at- leindrc. Les efforts que fait la vache pour y parvenir font tourner l'arbre du moulin. Le poêle oppose les cercles décrits par la bêle à i;eux des danseurs qui loiu'uenl tfaiemeut.

MÉMOIRE SUn KHÀCANf. 365

leiniire. La voie est ouverte entre elle el l'objet de son désir, néanmoins il est inaccessible pour elle. Mes larmes prennent la couleur de l'épine-vinelle; mon médecin me lâle la veine du pouls. Voyant que j'ai de la chaleur dans le cœur, il me dit : Prépare une tisane de les larmes \ Le cœur brisé el mon activité paralysée, j'ai le droit de me plaindre, oh oui! Mon huile est épuisée, la mèche est trop fme, la flamme de ma lampe a peu d'éclat, elle est vacillante. Jamais aucun jour de mon existence n'a été béni comme l'est le jour de l'an. Mon sort [horoscope] est de ressembler à un almanach, je n'ai pas été respecté même durant une année. Comme il ne peut être appliqué à autre chose , il n'a plus de voleur aux yeux du chronologisle. Devenu inutile, il est déchiré el se couvre de poussière. Il est détruit par le rêveur, par le dé- bauché ou par celui qui espère encore, autrement on l'en- voie chez le fripier, on l'expulse de la bibliothèque. Tantôt on en arrache la moitié, tantôt on en porte une partie au marché ^ On y met la myrrhe el l'aloès el on lui lord la tête pour en faire des cornets. Par Dieu, dans les mains de mon Ariman de sort, cet almanach vieilli, c'est moi! c'est moi! Je n'ai jamais trouvé [vu] de bienveillance parmi les hommes;

* La tisane d'épine-vinette est ordonnée par les médecins orien- taux pour calmer la chaleur du sang. Le poëte compare la couleur de ses larmes de sang à celle de cette potion calmante, et dit que le médecin lui en a prescrit l'usage. Le mot . «i^ que j'ai traduit par tisane, ne se trouve pas, avec cette signification, dans Ricbardson. Dans les notes du TouA/efautographié, on lit: jcJcN^lL îJ^jV^o^ Wy*

cXÀib^ « Mezuar, ou Mezwarehj est un aliment préparé sans viande. On y met de la coriandre ou quelque autre ingrédient de ce genre , et on le donne au malade.

- Le tcharssou est , à proprement parler, le rond-point du bazar oriental , lieu se croisent des rues venant de quatre côtés. C'est l'endroit le plus fréquenté par les acheteurs , et c'est aussi que se tiennent de préférence les épiciers et les droguistes.

366 MARS-AVRIL 1865.

que dis-je vu, que je sois Juif, si j'en ai entendu seulement parler! Ce que firent les frères de Joseph à leur frère, je l'ai enduré autant des miens et peut-être plus encore. Par crainte de plus grands désastres, j'ai jeté la pierre aux car- reaux des vitres de la parenté. Je ne m'inquiète plus des af- faires de ma famille , elles agissent sur moi comme la fumée d'une mèche (mal éteinte) agit sur le cerveau. Je suis le Touti créateur des idées , et le Chirwan est ma cage de fer. Le sort m'a réduit à la dernière extrémité, il m'a coupé le bec, la langue et les ailes. Il m'a chassé de l'Inde de la joie, il a extirpé les racines de mes espérances. Ce n'est pas de sucre, mais bien de poison qu'il m'a nourri ; il m'a servi de l'eau dans la gueule d'un crocodile. Je fais le mort pour mieux sauter, tout comme le Toati qui par une mort (simulée) re- couvra sa liberté. Je me suis détaché du service des grands, j'ai dénoué ma ceinture et j'ai fermé ma bouche. Je suis au chapitre des privations, et j'ai biffé le verset de la parole. Comme Marie exaspérée parles reproches des siens, j'ai dit : je ne parlerai à personne durant tout ce jour\ Craignant pour ma tête, j'ai fermé la porte de ma langue, mais j'ai ou- vert celle de mon cœur. J'ai tranché ma langue par le glaive de l'isolement; mais aussi cette langue qui témoignait en fa- veur de l'unité de Dieu, est devenue un glaive. Chemakha paraît étroite pour mon cœur, c'est un four (ardent) dans ce pays ouvert^. C'est bien si la langue ressemble au glaive, si elle fait des actes virils^ sans proférer de paroles. Ma rési- dence est une vraie prison; chacun de mes cheveux se dresse

^ Citation d'un passage du verset 27 du chap. xix du Coran.

^ J'ai placé ce distique à l'endroit que lui assignent tous les ma- nuscrits où je l'ai trouvé, mais il me semble qu'il devrait suivre le» mots « et le Chirwan est ma cage de fer. »

^ J'ai reproduit le mot (J^J», car je l'ai trouvé dans tous les ma- nuscrits que j'ai pu consulter, je l'ai traduit par «acte de virilité;»

j mais il me semble toutefois qu'il faut le remplacer par >^ ^yA et tra- duire le distique on il «;r trnuvr par : «CVst bien si l.i liiitrue res-

NOUVELLES ET MÉLANGES. 367

vers Dieu. Aucun des voyageurs de ce monde ne peut me visiter; on empêche même le vent de pénétrer jusqu'à moi. Si je fais un pas, n'importe dans quelle direction, ou si mon poumon laisse échapper un soupir, un calomniateur le re- lève et le rapporte travesti à l'oreille du Chah.

NOUVELLES ET MÉLANGES

SOCIÉTÉ ASIATIQUE.

PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 10 FÉVRIER 18G5.

La séance est ouverte par M. Pauthier, en l'absence du président.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu ; la rédaction en est adoptée.

Sont proposés et élus membres de la Société ;

MM. KossowiTCH , professeur de sanscrit et de zend à

l'Université de Saint-Pétersbourg; MouciiLiNSK! , professeur d'arabe à l'Université de

Saint-Pétersbourg ; A. DE Caix de Saint-Amodb, à Paris.

Il est donné lecture d'une lettre de M. Reinaud , qui an-

semble au glaive, si elle fait la morte et si elle ne profère pas de paroles.» Car il serait assez difficile de comprendre comment la langue pourrait accomplir des actes virils sans proférer de paroles.

368 MARS-AVRIL J865.

nonce que l'étal de sa sanlc l'empêchera d'assister a la séance.

On lit une lettre de M. Duruy, ministre de rinstruction publique, qui annonce à la Société qu'il vient de renouveler la souscription de son département au Journal asiatique. Des remercîments seront adressés à M. le Ministre.

M, Lancereau lit un extrait de sa traduction du Punlcha- i unira.

M. Oppert lit une lettre adressée nu général Rawlinson sur les inscriptions araméennes qui se trouvent sur quelques briques de Babylone.

OUVRAGES OFFERT.^ À LA SOCIÉTÉ.

Par l'éditeur. Monumenla sacra et profana, opéra Collegii doctorum hibliolhecœ Amhrosianœ , edidil A. M. Ceriani , vol. H , cab. 1 el 2; vol.III, cab. 1. Milan, 1 863-1 864, in-4°.

Par l'auteur. Clave harmonica. Demonslracion de la unidad de ôrigen de los idiomas , porH. Mossi de Cambiano. Deuxième édition. Madrid, 186/i, in 8°.

Par le Gouvernement. Tableau des étahlissenients français dans l'Algérie en 1863. Paris, i864, in-/i°-

Par l'auteur. Lellre à M. Opperl sur quelques particularités des inscîiptions cunéiformes anciennes, par M. De Rosny, in-8°. (Extrait des Annales de philosophie chrétienne.)

Par l'auteur. Annuaire philosophique, par L. A. Martin, t. II, cab. i et 2. Paris, i865, in-8".

Par l'auteur. Discours prononcé aux funérailles de M. l'abbé Flottes, par A. Germain. Montpellier, i8G4, iii-8°.

Par l'auteur. Ouverture du cours de fdiilologic comparée des langues indo-européennes, par M. Jules Oppert. Paris, i864,in-8°.

NOUVELLES ET MELANGES. 369

PROCÈS-VEHBAL DE LA SÉANCE DU 10 MARS 1865.

La séance est ouverte à hnil heures par M. Reinaud, pré- sidenf.

Il est donné lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Est nommé membre de la Sociélé, M. George Grote, à Londres.

Le secrétaire fait un rapport sur une demande de l'Ins- titut royal de l'Inde néerlandaise, que l'échange des publica- tions des deux Sociétés soit rétabli. Le secrétaire propose d'envoyer à l'Institut dorénavant le Journal asiatique.

M. Oppert continue la communication qu'il a commencée la dernière fois sur les transcriptions araméennes ou phéni- ciennes qui accompagnent certaines inscriptions cunéiformes assyriennes, découvertes par le général Rawlinson, et qui servent de contrôle et de confirmation à la lecture de l'écri- ture cunéiforme.

Il expose ensuite des considérations sur la grande inscrip- tion de Sardanapale III, trouvée à Nimroud, et dont lui- même a publié la traduction dans son ouvrage sur l'Expédition en Mésopotamie. Dans cette inscription, le roi rappelle des stèles qu'il a fait graver près des sources du Tigre, stèles qui, sur ces indications, ont été retrouvées par M. Jones Taylor, et qui prouvent de même rexactitude de la lecture des inscriptions antérieurement déchiffrées.

OUVRAGES OFFEBTS À LA SOCIÉTÉ.

Par l'auteur. Un chapitre de l'histoire de l'Inde musulmane , ou Chronique de Scher Schah , traduit de l'hindoustani par M. Garcin DE ÏASSY. Paris, i865 , in-8°. ( Extrait de la Revue de l'Orient, i6/i pages.)

Par la Société. Actes de la Liociélé ethnoyraphiqae , 7. Paris, 1864, in-8".

370 MARS-AVRIL 1865.

Par la Société. Proceediiigs of the Royal geographical So- ciety, vol. IX, n*" 1. Londres, i865.

Par l'auteur. Du signe interrogatif des divers peuples et des fausses idées de l'Europe sur les hiéroglyphes , dissertation par le chevalier de Paravey. Lyon , i865, in-8° (2A pages).

Par la Société. Bulletin de la Société de géographie. Dé- cembre 1864. Paris, in-8°.

Travels in Central Asia, by Arminius Vambery. Londres , i864, in-8° (443 pages, beaucoup de planches et une carte).

Reise jn Mittelasien von Hermann Vambery. Leipzig, chez Brockbaus, i865, in-8°.

M. Vambery, Hongrois de naissance et membre de l'Aca- démie de Pesth, avait passé bien des années à Constanti- nople, se livrant à des études de langue et de littérature, lorsque l'Académie à laquelle il appartient le chargea d'un voyage dans l'Asie centrale , dont le but principal devait être l'éclaircissement des origines delà langue hongroise, par l'étude de dialectes congénères, soit finnois, soit tartares. M. Vambery, fort de sa connaissance intime de la langue turque et des coutumes musulmanes, se décida à voyager sous un déguisement oriental, seul moyen d'aller à Rhiva et à Bokhara, quand on n'est pas envoyé russe et protégé par une escorte militaire, mais moyen dangereux au plus haut degré, parce que le plus léger soupçon de son origine véri- lable créait un péril, et la découverte de sa nationalité entraî- nait inévitablement sa mort. 11 se rendit à Téhéran, il s'établit chez l'ambassadeur turc,. qu'il avait connu à Cons- tantinople. Il trouva bientôt que son premier dessein d'aller à Bokbara par Héral était devenu inexécutable par suite de la guerre qui avait éclaté entre la Perse et l'Afghanistan, et il conçut un nouveau plan, qui devait le conduire droit à son but, mais avec un surcroît de dangers et de fatigues. L'am- bassade de Turquie à Téhéran est le rendez-vous naturel

NOUVELLES ET MELANGES. 371

des pèlerins sunnites des pays tiircomans qui doivent traver- ser la Perse pour aller à la Mecque et en revenir. Mal vus et persécutés pendant tout leur séjour dans la Perse schiite, ils ne trouvent de secours et de protection qu'à l'ambassade turque, qui, en conséquence, est toujours entourée de com- pagnies de pèlerins turcomans, auxquels M. Vambery était en position de rendre des services. 11 conçut donc l'idée de se joindre à une de ces sociétés de dervicbes revenant de la Mecque, et de se faire conduire par eux à Bokbara et à Sa- markand, sous le prétexte d'un vœu qu'il aurait fait de visi- ter le tombeau d'un célèbre saint. Il se fit affilier à une com- pagnie de vingt-trois badjis, dont une grande partie étaient originaires des provinces musulmanes sujettes de la Cbine. Ils étaient toustrès-sales, ignorants , fanatiques et plus ou moins misérables , ne possédant en partie que leur bâton de voyage et leur caractère de dervicbe et de hadji, qui leur donnait le droit à des aumônes. M. Vambery fut alors initié à leur manière de vivre, se réduisit à l'équipement le plus simple, n*emporta qu'une très -faible somme d'argent, et se mit en route avec eux par le Mazenderan et le désert de Kbiva , il faillit périr de soif et de faim , et de à Bokbara et à Sa- markand, d'où il les laissa partir seuls pour le Turkeslan chinois , parce que ses ressources suffisaient à peine pour son retour, qu'il fit par la roule méridionale de Hérat. Il m'est impossible de donner dans cette note une analyse, si suc- cincte qu'elle soit, de son ouvrage ; il faut lire son livre pour voir quelle résolution il fallait pour l'entreprendre, quelle présence d'esprit continuelle pour ne pas se trahir par un mot, un regard, une curiosité quelconque, l'omission d'une cérémonie ou d'une habitude de derviche. Encore le récit de l'auteur n'en donne-t-il qu'une idée imparfaite; car M. Vam- bery est un voyageur singulièrement modeste, qui ne raconte de ses aventures que ce qui est indispensable à son liistoire, et l'impression que donne son ouvrage est qu'il ne raconte pas tout ce qui lui arrive, de peur d'être soupçonné d'exagé- ration .

372 MARS-AVRIL 1865.

Le voyage n'occupe que la moitié du volume; la seconde moitié consiste dans un résumé des observations de l'auteur sur l'état des pays turcomans , leur population , leurs produits , et leurs rapports politiques entre eux et avec les pays voisins. Les circonstances n'étaient pas favorables à des recberches historiques ou archéologiques ; mais M. Vambery a rapporté une quarantaine de manuscrits, dont il nous donnera proba- blement le contenu sous une forme quelconque ; lui-même pense que les résultats philologiques qu'il a obtenus sont le produit principal de ses voyages, et le premier ouvrage qu'il publiera sur ces sujets sera un Dictionnaire turc orien- tal, qu'il prépare dans ce moment. Ce qui peut sembler sin- gulier à ceux qui lisent le récit des misères, des fatigues et des dangers qu'il a supportés, c'est qu'il paraisse dé.sireux de recommencer ses voyages; mais l'attrait qu'exerce la liberté dont on jouit en Orient dans la vie ordinaire est irrésistible , et cela devrait donner à réfléchir aux admirateurs exclusifs de nos institutions européennes, J. M.

On trouve dans l'ouvrage de M. Helmholtz, intitulé : Die Lehre von den Tonempfindungen (2* édition. Brunswick, i865, in-8°), pages 433-^37, une nouvelle explication de l'échelle musicale des Perses , telle qu'elle paraît s'être formée sous les Sassanides. Je suis beaucoup trop peu musicien et mathé- maticien pour prendre sur moi d'exposer l'idée de l'auteur; mais il est peut-être bon d'indiquer aux savants qui s'occu- pent de l'histoire de la musique en Orient un passage qui pourrait aisément leur échapper, et je me contente d'appeler leur attention sur ce paragraphe de l'ouvrage de M. Helm- holtz. — J. M.

JOURNAL ASIATIQUE.

MAI-JUIN 1865.

PANTCHADHYAYI

ou

LES CINQ CHAPITRES SUR LES AMOURS DE CRICHNA

AVEC LES GOPÎS,

EXTRAIT DU BHÂGAVATA-PUrAnA, LIV. x,cnAP. XXIX-XXXIII,

PAR M. HAUVEÏTE-BESNAULT.

S'il n'est guère de Parâna aussi populaire chez les Hindous que le Bhâgavata, ainsi que l'attestent le grand nombre des manuscrits et plusieurs éditions indigènes, dans ce Parâna lui-même il n'est pas de livre plus célèbre que le dixième, est racontée l'histoire de Grichna, la dernière et la plus complète des incarnations de Vichnu^ Le fait est constaté par les traductions ou imitations qui en ont été faites, à différentes époques, et presque de nos jours en- core, dans les divers dialectes de l'Inde. 11 suffît de citer le Dasam A skand, traduit en français par M. Th. Pavie ; le Prem Sagar, dont M. Eastwick a donné la traduction en anglais, et une imitation en langue

' Polier, Mythologie des îndouSy ch. v et vi, t. I".

V. 25

374 MAI-JUIN 1865.

persane sur laquelle a été faite la tracluclion, égale- ment en anglais, publiée par Maurice dans le tome second de son History of Hindoostan.

La doctrine du salut par la dévotion, enseignée dans ce livre, en explique la popularité. Dans un fragment du Padma Parâiia^ le Bhâgavata Mâhâtmya^ qu'on trouve à la suite de quelques exemplaires du Bhâgavata Pnrâna, publié à Bombay en 1860, il est dit, au chapitre iv, qu'un brahmane nommé Atma- déva se retira dans la forêt, d'après les conseils de son (ils Gokarna, et qu'il obtint Crichna par la lec- ture de ce dixième livre : <^UJ|Vr[M fH^Td 5"5[TH^

Les cinq chapitres dont je donne ici le texte et la traduction forment un épisode désigné dans l'Inde sous le nom de rfts^^^Fft' ^^^ ^^^ ^^^9 ^^^•' titres; ils sont consacrés au récit des amours de Crichna avec les Gopis, littéralement ies vachères. Les principaux traits de cette légende vivent encore dans la mémoire du peuple et dans les cérémonies du culte : nos contemporains ont vu des processions figurait, porté sur un char, Crichna entouré de ses fidèles Gopîs ^ C'est un sujet semblent s'être complu l'imagination voluptueuse et la piété facile des poètes hindous. On sait que le Gîta Govinda y tient de très-près, h' Anthologie d'Haeberlin comprend , en outre, six ou sept autres petits poèmes, qui tous ont trait aussi à la même légende. Deux sont, quant à la forme, des imitations du Mégliadûta et traitent

* Voyages dans l'Inde j par le prince Sollykoff, p. A i 4-

PANTCHÀDHYAYÎ, 375

du message d'Uddhava, rapporté dans le BMcjavata liv. X, cb. xLvi et xlvii; ils ont pour titre Uddhava- sandéça et Uddhavadata. Deux autres, le Hamsadûta et le Paddhkadûla , ont rapport, l'un indirectement, l'autre directement, aux faits racontés dans la se- conde partie de notre cbap. xxx. Le Vrîndâvanaçataka et le Vrindâvanayamaka célèbrent la forêt témoin des jeux de Gricbna. Enfin le Vrajaviiâsa, Râdbâ est nommée, est l'œuvre de Çrîdbarasvâmin ; on se rappelle que c'est le noui du scboliaste de la Bhagavadgitâ, du Bhâfjavata et de trois des cinq livres du Vaichnava, le V\ le IP et le V*^ (Wiison, préf. du V. P. p. LxxTv). La Bibliotbèque impériale pos- sède en manuscrit, outre le Hamsadâta, un drame en dix actes, par Rùpagosvâmin, le Lalilamddhava , qui roule sur les amours de Gricbna et de Râdbâ. [Catalogue man. de i\L Munck.)

On ne s'élonnera pas du grand nombre de ces compositions, si l'on songe que les Gopîs sont de- venues, dans la tradition bindoue, comme le type et le modèle du salut par la dévotion et par la foi. Il est dit, au livre Vil, cb. i, st. 3o du Bhâgavata, que les Gopîs ont été sauvées par l'amour, ÎTT'^T: c^miH Le rédacteur du Prem-Sagar^ semble s'être

inspiré de ce passage dans les réflexions qu'il met dans la boucbe de Çuka sur les moyens d'arriver à la délivrance. Le Bhâgavata Mâhâtmya, déjà cité, est plus explicite encore : il n'hésite pas à déclarer

P. 56 et 57 de la Irad. (Cf. ci-dessous, ch. xxix, st. i 3 et suiv.)

25.

370 MAI-JUIN 1865.

inutiles et de nul effet, à l'égard du salul, les iiior- tifications, les Védas, la science et les œuvres; c'est la dévotion qui fait obtenir Hari , ainsi que le prouve l'histoire des Gopîs, II, 18 :

^f^ Hro?T^ H^TT TTîTTTlt rT^ îft^: M

Plus bas, II, 56 et 5y, opposant le bonheur du ciel des dévas, svarga, à celui du Vaikantha, ou de- meure de Vichnu : « Beaucoup de chemins, dit-il, mènent au premier, un seul mène au second , et c'est celui que les Gopîs ont suivi. »

5flftrftT%€T ë^ ^^FT: îT^rétWTT: I

Si la popularité de cette légende ne laisse aucun doute, on n'en peut dire autant de son antiquité. Je ne connais dans le Mahâbhârata qu'une allusion ra- pide à l'histoire des Gopîs; elle se trouve dans l'in- vocation de Drâupadi à Crichna, Gopijanapriya (II, 2291). Les développements commencent avec le Harivamça et se continuent dans les Purânas. Elle est comme en germe dans le premier; elle prend dans quelques-uns des Purànas des développements qui constatent et expliqueiit la faveur dont elle jouissait.

PANTCHADHYAYI. 377

Le Harivajfiça y consacre une vingtaine de stances \ le Vaichnava plus du double , et le Bhâgavata cinq cha- pitres. Le récit du Harivamça, tout bref qu'il est, en contient déjà les traits essentiels. On y voit Crichna se livrer au plaisir avec les Gopîs dans des circons- tances identiques à celles qui sont décrites dans nos deux ParânaSj et plus d'une fois la même idée y est exprimée dans les mêmes termes ^ soit que ce récit ait servi comme de canevas à ceux qui ont suivi, soit que la tradition eût dès lors consacré les mêmes lo- cutions à l'énoncé des mêmes faits. Ici, comme dans les Purânas, l'amour des Gopîs pour Crichna leur fait braver tous les obstacles ^; elles se rangent , pour danser, deux à deux sur une même ligne , c'est-à-dire , suivant la glose citée par Wilson*, elles forment un cercle dans lequel Crichna figure auprès de chaque Gopî; elles célèbrent ses louanges, imitent ses ac- tions, l'accompagnent dans ses promenades et dans ses jeux, et ne s'arrêtent que lorsqu'elles sont à bout de forces et ivres de plaisir.

Le Vichnu-Purâna , ainsi que je viens de le dire, est plus développé; notre sujet y comprend près de

' P. 584 de l'édition de CalcuUa, iSSg.

* Krisnas tu jauvanani dristvâ niçi candramaso navam \ Çâradim ca niçdih ramjâm manuç cakre radin prati |[

cf. ci-dessous, p. 378, note i, les st. i4 et i5 du V. P. et, dans le texte du Bhâçjcivata, la stance i"du ch, xxix.

^ Ta vdryamânàh pifribliir bhràtribhir mdtribhU tatliâ | hrisnani gopâiujanâ râtrau niricjajante ratipriyâh j| cf. ci-dessous, p. 38 1 en note, la slance 58 du V. P. et, dans notre texte, XXIX, 8.

* P. 53i de sa trad. du V. P. note.

378 MAI-JUIN 1865.

cinquante çlokas, plus des trois quarts du chap. xfiî, liv. V. Comme le texte de ce Purâna attend encore un éditeur, j'ai cru devoir donner, au moins en note et en caractères romains, ce passage tout en- tier ^ Je l'ai transcrit sur le manuscrit bengali de la

' Kiisnas ta vimalam vyoma çaraccandrasya candrilcàm j tailla kumudinîni phuHâm âmodiladigantaràm [| i 4 [l- vanarâjiiîi tattiâ kùjadbhriiigamâiàmanoramâm j vilolcya saha gopîbhir manaç cakre ratim prali j| 1 5 {] salia ramena madburam atîva vanitàpriyam J jagau kalapadam çaurir nânâtantrikrilavratani " || i6 |j ramyagîladbvanim çrutvâ santyajyâvasalbâms ladà | àjagmus tvarità gopyo yatrâslc madbusûdanab |] 17 [j çanaih çanair jagau gopî kàcit tasya layâougam *" | dattàvadbânâ kâcic ca tam eva manasâsmarat [| 1 8 l[ kâcit krl.sneti krisneti proktvâ'^tajjàm upâyayau | yayau ca kâcit premândliâ talpàrçvam avilajjitâ "^ |1 1 9 j| kâcid âvasatbasyântali stbitâ dristvâ vabir guram* | tanmayatvena govindam dadbyau mîbtalocanâ [j 20 [j taccinlâvipulâblâdaxînapunyacayâ tadâ | tadaprâptimabâdulikbavilînâçesapâtakâ |1 21 |j cintayantî jagatsûtim parabrahmasvarûpinam [ niruccbvâsalayâ muktim gatânyâ gopakanyakâ || 22 |{ gopîparivrilo râtrim çaraccandramanoramâm | mânayâmâsa govinda râsârambbarasotsukah || 28 |j gopyaç ca vrindaçali krisnacestàsv àyattamûrtayah^ | anyadeçam gâte knsne cernr vrindàvanântaram j| 2^ [| krisno ^ ham elallalitam vrajâmy âlokyalâm gatih | anyâ bravîti krisnasya samagîtir^ niçamyatâm l] 28 j] dusta kâliya listhâtra krisno S bam iti câparà [

' 16 d, Nânâtantribhih. kritam vratatn svaraniyatir yasmin , scb.

*" 18 b. layânu(jL

'■ 196. Prohlâ.

^ 19 c/. AùkLyjilà.

' ao 6. Çvaçurâdin^ scli.

' itxh. Krisnacestàsv âyaUâ'i tadanukârinyo mùrlayo yâsâih tnh , scb.

* 20. d. Marna gt°.

PANTCHÂDHYÂTÎ. 379

Bibliothèque impériale portant le li** i 2, P 2 5 2 b et suiv. C'est le seul qu il y ait à Paris. M. Moiiier Wil- liam a bien voulu comparer avec plusieurs manus- crits, et à l'occasion compléter la copie que je lui envoyée; il y a ajouté quelques variantes et quelques

bâhum âspholya krisaasya lîlâsarvasvam âdade [| 26 jj

aoyâ bravîli bho gopâ nihçankaih stbîyatâm ilia j

alam vristibhayonàtra dhrito govardbano maya || 27 []

dlienuko >S yaiïi maya xiplo vicarantu yalbecchayâ |

gâvo bravîti caivânyâ krisnalîlânakârinî |j 28 ||

evain nâiiâprakârâsu krisnacestàsu tàs tadâ ]

gopyo vyagrâli samam cerû ramyam vrindâvanam vanam j| 29 )|

vHokyaikà bbuvaiîi pràlia gopîr gopavarânganà j

pulakâcitasarvàiigî vikàsinayanotpalâ |] 3o ij

dbvajavajrâiikuçânka. . . ." àli paçyala |

padâny etâni krisnasya lîlàlankritagâminah |1 3 i [j

kâpi tena samam yâtâ krilapiuiyâ madâlasâ ]

padâni tasyâç cailâni gbanâny alpatanûni ca || 82 [j

puspâvacayam atroccaiç cakre dàmodaro dbruvam |

yenâgrâkrântimâtrâni padàny atra mabâlmanab [| 33 j]

atropaviçya sa tena kâpi puspair alai'ikritâ |

anyajanmani sarvâlmâ visnur alyarcilo'' yayà \\ 34 ||

puspabandhanasammânabritamânâm*^ apâsya làm |

nandagopasulo yàto mârgenânena paçyata || 35 ||

anuyâte samartbânyâ nitambabharamantharâ [

gantavye drutam yâti nimnapâdàgrasamslbilib || 30 j

hastanyaslâgrabasteyam tena yâti yatbâsakbi |

anâyattapadanyâsâ laxyate padapaddbatih [| 37 [j

hastasamsparçamâtreiia dhûrtenaisâ vimânità |

iiairàçyam mandagâminyà nivrittam laxyate padam || 38 ||

nûnam uktâ tvarâmîti punar esyâmi le ^S ntikam |

tena krisnena yenaisâ Ivaritâ padapaddbatib |j 39 |j

pravisto gahanam krisnah padam atra na laxyate j

' 3i ab. Il y a, dans cet liëmisticlie , cjuali-e syllabes que je n'ui pu dé- chiffrer. — AUsakhi bahuvacanârlhe cailmvacanam , sch. '• 34 d. Abhyarcilo. '' 35 b. "KritamâJam.

380 MAI-JLIN 1865.

gloses qu'on trouvera en note. On peut voir le pas- sage correspondant dans la traduction de M. Wilson, pag. 53i et suivantes. Je ne veux relever ici que les éléments nouveaux, par rapport au récit du Harivamça. Outre la doctrine du salut par la dévo-

nivariadhvam çaçânkasya naitaddîdhitigocare jj 4o j[

nivriltâs tâs tato gopyo nii-âçàh krisnadarçane |

yamunâtîram âgamya jagus taccaritam tadà |j ii ||.

tato dadriçur âyâolam vikâsimukhapankajâh" |

gopyas IrailokyagoptâraiTi krisnam aklistacestitam || 42 j[

kâcid âlokya govindam àyântam aliharsità |

krisna krisaeli krisnetl prâha nânyad udîrayat || 43 ||

kâcid bhrûbhaijguram kritvâ lalàtaphalakam hariro 1

vilokya netrabhriùgâbhyâm papau tanmukhapaùkajam |j 44 |j

kâcid âiokya govindam nimîlitavilocanâ j

tasyaiva rûpam dhyâyanlî yogârûdbeva câbabhau || 45 j'[

tatah kâçcit priyâlâpaih kâçcid bhrûbbaùgavîxitaih |

ninye ^ nunayam anyâç ca karasparçena màdbavah |[ 46 [|

tâbhih prasannacittâbhir gopîbbih saba sâdaram j

rarâma râsagosthîbbir udâracarito harih |] 47 j|

râsamandalabandho ^ pi krisiîapàrçvarri anujjhatà |

gopîjanena naivâbhûd ekaslhânasthirâtmanâ [j 48 |[

haste pragrihya caikaikâiïi gopikâm ràsamandalîm [

cakâra tatkarasparçanimîlitadriçam harih || 49 j|

tatah pravavrite râsaç caladvalayanisvanah [

anuyâtaçaratkâvyageyagîtir anukramât |j 5o |1

krisnah çaraccandramasarii kaumudîkiimudâkaram [

jagau gopîjanas tv ekam krisnanâma punah punah |j 5i j{

parivartaçrameuaikâ caladvaiayalâpinî [

dadau bâhulatâm skandhe gopî ir.adhunighâtinah |j 52 jj

kâcit pravilasadbâhuh parirabhya cucumba tam j

gopî gîtastutivyàjanipunâ rnadhusùdanam |1 53 jj

gopîkapolasaiîîçiesam abhipadya harer bhujau |

pulakodgamasasyâya svedâmbuglianalâni galau ** || 54 |)

* 1x2 h. "Pamkujam.

^ bh h. "Palya; cd. Pulakodcjaina eva sasxum tadartlunh svedarupasyn nmbuno ghunalârh me^habhâvam galau , sch.

PANTCHÀDHYÀYÎ. 381

tion ^ on y remarquera tout d'abord le nom du ràsa^, la disparition, ici non motivée, de Crichna^ tout le passage relatif à son amante préférée^, le dé- sespoir des Gopîs en l'absence de Cricbna ^, et leur joie à son relour au milieu d'elles^, qui est suivi de danses el de chants.

Nous avons là, non pas seulement le fond, mais la plupart des détails que nous retrouverons dans les cinq chapitres du Bhâgavata. A part le bain dans la Yamunâ et la promenade dans le bois voisin "^j

ràsageyarh jagau Itrisno yâvat târataradhvanih | sâdhu krlsiieti tâvat ta dvigunam jaguh jj 55 || gâte vS nugamanam cakrur valane' sammukham yayuh | pratilomànulomena bhejur gopâùganà harim || 56 || sa lathâ saha gopîbhî rarâma madhusûdanah j yathàbdakotipratimah xanas tena vinâbhavat [j 87 || ta vâryamâiiâh patibhih pitribhir bhrâtribhis tathâ | krisnam gopâùganà râtrau ramayanti ratipriyâh j| 58 |{ so ^ pi kaiçorakavavo mânayan madhusûdanah ( reme tâbhir ameyâtmâ xapâsu xapltàhitali'' || 59 [| tadbhartrisu tathâ lâsu sarvabhûtesu ceçvarah | àtmasvarûparûpo >s sau vyâpî'' vâyur iva sthitah j| 60 jj

jj iti çrîvisnupurâiie paricame ^ mçe Irayodaço ^ dhjàyah jj ' St. 2 1 et 2 2 , reproduites littéralement avec inversion des hémis- tiches de la st. 21, dans le Kâvyaprakâça , p. 38 , Calcutta , i 829 , et dans le Sâlntyadarpana,^. 109, Calcutta, i85i.

* St. 23. ' St. 24.

* St. 32-/io.

=* St. 41-45.

* St. 46, 47 et suiv.

' Cf. ci-dessous, ch. xxxiii, st. 2 3-2 5.

' 56 b. Valane âvritlau , sch.

69 d. Xayitâhitah ; la glose dit : xtipanâltitah.

* 60 cf. Vyâpyci.

382 MAI-JUIN I8C5.

que le scholiàste considère comme faisant partie du rasa ' ; si l'on excepte encore dans le môme chapitre les stances 3-/i et 20, qui ne laissent pas de doute sur la persuasion étaient les Gopîs que chacune d'elles possédait Crichna à l'exclusion de ses com- pagnes, ce que le Bhâcjavaia ajoute au Vaichnava est purement explicatif ou accessoire. Telles sont , au commencement du chapitre xxix^ et à lafm du cha- pitre xxxiii^, les discussions entre le narrateur Çuka et le roi Parîkchit; les moralités adressées par Crichna aux Gopîs et leur réponse, au chapitre xxix'*; la prière des Gopîs qui remplit tout le chapitre xxxi, et le dialogue entre les Gopîs et Crichna h la fin du chapitre xxxii ^.

L'intention religieuse qui ressort de ces divers passages et des comparaisons mystiques semées à profusion dans tout ce morceau, est peut-être en- core plus accusée dans le Dasam Askand, qui semble être surtout un livre d'édification et de piété, les faits n'ont guère qu'une valeur accessoire et sont presque toujours précédés ou suivis de réflexions et prières.

Le Prem Sagar, malgré les développements de sa

' Slhalajalakride darçile vaiiahmluni darçajali rdsahridum

nigamayati.

2 St. 12-1 G.

' St. 27 et suiv. Ce dernier passage a été inséré et traduit, ainsi que le commentaire, par M. John Muir, dans la quatrième partie de SCS Sanscrit Texts , p. h 2 et suiv.

'• St. i8-i4i.

* St. 16 et suiv.

PANTCHÀDHYÀYÎ. 383

rédaction, qu'on dirait puisés quelquefois dans la glose du Bhâgavata^ n'ajoute aucun trait nouveau au récit de nos deux Purânas.

Je ferai remarquer cependant que Râdhâ y est nommée, dans la prose seulement, il est vrai, à ne considérer que la Pantcliâdhyâyi ; mais plus bas, elle l'est aussi dans les vers , d'une rédaction beau- coup plus ancienne, à en juger par la langue, qui ont été fondus dans la prose lors de la composition de cet ouvrage au commencement du siècle; je veux parler du chapitre lxvi, répondant au chapitre lxv du Bhâcjavata , est racontée la visite faite par Rama aux habitants du parc sur l'ordre de Grichna. On sait que W. Jones avait cru lire ce nom dans le Bhâga- vata. C'était une erreur; elle s'explique facilement, si on suppose que W. Jones n'avait fait de notre cha- pitre XXX qu'une lecture rapide. Mais si le nom de l'héroïne n'y est pas, sa personne y est; et le culte rendu par elle à Crichna est exprimé par un par- ticipe ou un verbe formé de la môme racine que son nom, ârâdhitali, ou, suivant une autre leçon,

^ Cela ne doit s'entendre que de la partie rédigée en prose ; voyez entre autres, dans la traduction au bas de la page 63, le passage ré- pondant à la stance 20 de notre chapitre xxxii. L'auteur exprime dans le texte le jeu muet des Gopîs qui se regardent en souriant, persuadées que Crichna va se condamner par ses propres paroles; c'est ce que dit Çrîdharasvâmin : Atra caramahoiigatan âlmânant matvâ axisankocaih parasparam gûdhasmitamiihhis ta drisivâha. Voyez encore quelques lignes plus haut, répondant à notre stance 17, Crichna y parle comme le commentaire : gomahisyâdibhajanavaf : et les passages répondant aux stances 10, i i et i3 de notre ch. xxix, p. 56 et 67.

384 MAI-JUIN 1865.

arâdhi nah , de râdh. Cette rencontre, si elle est for- tuite, est au moins étrange, et elle autorise les con- jectures ^

Les sectes religieuses étaient et sont encore nom- breuses dans l'Inde, surtout parmi les Vichnuïtes (Wilson, Religions sects oj the Hindoos, dans les Asiatic Researches, t. XVI); et elles sont loin d'ad- mettre toutes le culte de Râdhâ. Rien d'étonnant, dès lors, que son nom ait été passé sous silence dans quelques Purànas. Celte omission est établie pour le Bliâgavata, sous la réserve qui vient d'être indiquée, et pour le Vaichiava par le texte que j'ai donné ci-des- sus (p. 378, en note). M. Burnouf l'admet aussi {p.cvi, préface du premier volume) pour VAgnéya, d'après le témoignage de Wilson. Mais la conclusion qu'il en tire paraît peu conforme aux textes. Si les rédac- teurs de ces Purânas n'ont pas nommé Râdhâ, ce n'est pas assurément qu'ils ignorassent le rôle qu'elle joue dans l'histoire de Crichna, puisqu'ils y ont con- sacré, l'un neuf stances, l'autre dix-sept ou dix-huit. On pourrait en inférer tout au plus qu'elle n'avait pas encore de nom. Y aurait-il témérité à admettre, au moins provisoirement, que ce nom a été omis dans un intérêt de secte? On serait ainsi amené à des conséquences tout autres que celles pour les- quelles penchait M. Burnouf. Car si, tout hostiles qu'ils peuvent être au culte de Râdhâ, deux de ces Purânas s'étendent sur ses amours avec Crichna et

' Est-il besoin de prévenir le lecteur que notre Bàdhâ n'a rien de commun avec la mère supposée de Karnft?

PANTCHADHYAÏI. 385

lui donnent un rang à part entre les Gojjîs, on est autorisé à penser que la croyance populaire unissait intimement les deux personnages lors de la rédaction de ces livres, et qu'il était impossible à un écrivain de parler de l'un sans indiquer les rapports que la tradition lui attribuait avec l'autre. Par cela même, on ne pourrait plus , sur l'omission de ce nom , fonder un argument en faveur de l'antériorité du Bhdgavata, relativement à ceux des Purânas il est fait une mention expresse de Râdhâ. D'autre part, comme le Harivarnça, qui donne tant de détails sur la vie de Cricbna, est muet sur le compte de sa maîtresse, il n'y a pas de raison pour en faire remonter la légende plus haut que la composition de ce poëme; mais cela sufBt peut-être, indépendamment des inductions qu'on peut tirer du style, pour accorder au Hari- ramcrt, jusqu'à plus ample informé, une antiquité plus grande qu'au Vichnii-Parâna, contrairement h l'opinion de Wilson. On a vu plus haut, en effet, que ce dernier ouvrage est cité dans le Kâvya Pra- liâça et le Sâhitya Darpana, compositions de date ré- cente qui empruntent la plupart de leurs exemples à la poésie erotique et aux drames , tandis que le Ha- rivafhça est déjà nommé dans Albirouny (Reinaud, Mémoire sur l'Inde).

Quant à l'origine première et au sens de cette légende, il serait prématuré d'en tenter aujourd'hui l'explication. Holwell et après lui Maurice ont cru la trouver dans l'astronomie, et c'est bien là, selon toute apparence, qu'il faudra la chercher. Les Hin-

386 MAI-JUIN 1805.

dous, au moins dans les livres d'imagination et de piété qui nous sont connus , paraissent n'y avoir pas même pensé. Il suffit, pour s'en convaincre, de jeter un coup d œil sur le commentaire de Çrîdharasvâ- min ^. On y retrouve, exposées avec plus de rigueur et de précision, les idées mystiques qui dominent dans le Dasam AsJtand et dans le Prem Sagar. Mais si cette interprétation est intéressante, en tant qu'elle témoigne de la croyance générale et de l'état des esprits dans l'Inde à l'époque elle fut adoptée , elle mènerait difficilement à un résultat scienti- fique.

M. Burnouf a décrit, dans la préface de son pre- mier volume et dans celle du second , les divers textes manuscrits et imprimés qu'il a eus à sa disposition

* En tête de chaque chapitre , le scboliasle a placé dans la glose , tantôt un, lanlôt deux distiques qui en résument le contenu. Au chapitre" XXIX nous en avons deux, suivis d'une courte discussion en guise de préambule. Voici ce passage avec la traduction :

ûnatriinçc tu râsârlham nktipratyuktayo Lareli | gopîbhî râsasamrambhe tasya cântardliikaulukam || i || brahtnâdijayasamrûflbamûclhakandarpadarpahâ | jayati çrîpatir gopîrâsamandalamandanab || 2 ||

nanu viparîtam idam paradâravinode na kandarpavijelritvapratîleb | malvam | yocjamâyâm upâçrilah | âtmdrâmo' py arîramat | sâxàn vianma- ihamanmalhah | âtmany avaruddhasauraia ity àdisu svâtantryâbbidhânât | tasmâd râsakrîdâvidambanam kâmavijayakbyâpanâyely eva tallvam j kinica çrinigârakatbâpadeçena viçesato iiirvittipareyam pamcâdhyâyîti vya- ktîkarisyâmab.

«Au chapitre vingt-neuf, discours el réponse entre Hari et les Gopîs, et sa disparition surprenante au milieu des transports du- rasa . 1 ,

«Gloire à l'époux de Çrî qui abat l'orgueil de l'Amour aveuglé et exalté par sa victoire sur Brabmâ , et qui fait l'orncraent du cercle formé par les Gopis dans le rasa . a .

PANTCHADHYAYI. 387

pour la publication et pour la traduction des neuf premiers livres. Le dixième manque dans le ma- nuscrit dévanagari portant le n" i . Parmi les au- tres, je n'ai pu consulter que le manuscrit déva- nagari provenant du fonds Burnouf, l'édition de Bombay de iSSg, appartenant l'un et l'autre à la Bibliotbèque impériale, et l'édition bengalie appar- tenant à la Société asiatique de Paris. Je dois à l'obli- geance de M. le Bibliothécaire de l'Institut d'avoir pu coUationner ces divers textes sur un exemplaire de la nouvelle édition de Bombay encore en feuilles. Il suffira de dire quelques mois de cette dernière. Elle serattacbe, comme l'édition de 1889, à la classe des manuscrits dévanagaris (Burnouf, préface du premier volume, p. clxih); mais elle n'en est pas la

uMais, dira-t-on, il y a la conlradiclion : car, puisqu'il se livre au plaisir avec les femmes des autres, il ne peut pas être considéré comme vainqueur de l'amour, Erreur; car des passages suivants, entre autres: recourant à l'illusion de Yoga; bien Cju'il trouve son bonheur en lui-même, il çjoâta le bonheur, xxix, 1 et Zia; lui qui trouble celui même qui trouble ks cœurs, xxxil, 2; lui qui renferme sa jouissance en lui-même, xxxiii, 2G ; il résulte expressément qu'il reste maître de lui-même. Par conséquent les jeux du rasa sont simulés et ont pour but de célébrer sa victoire sur l'amour; voilà la vérité; et, sous prétexte de récits d'amour, la délivrance est l'objet exprès de la Pantchâdhyâyî que nous allons expliquer. »

Le commentateur revient à plusieurs reprises sur la même idée. Je ne citerai que deux autres passages. Dans le premier, ch. xxxiii, st. o-j , il dit que l'intention de Crichiia est de s'attacher le cœur des hommes que les douceurs de l'amour séduisent et entraînent vers les objets sensibles, çvihcjârarasâhrisUicclaso tivahirmiikhân api svaparân kariiim. Dans le second, mêine chapitre, st. 4o : «L'au- teur, dit-il, établit ici que, pour qui écoute le récit des jeux du rasa ou la victoire de Bhagavat sur l'amour, le fruit est de vaincre l'amour;» Bhagavalah hâmavija/yarûparàsahrîdâçraianâdch lâmavi- jajam cva phalam âha.

388 MAI-JUIN 1805.

reproduction pure et simple. Elle donne un oloka de plus (cf. XXX, 3/i, note) qui se retrouve, d'ailleurs, dans le manuscrit dévanagari; si elle répète plusieurs fautes qui s'étaient glissées dans l'édition précédente ^ , il en est d'autres aussi qu'elle corrige ^, et d'autres qui lui sont propres'\ Ala classe des manuscrits bengalis appartient l'édition de la Société asiatique. Les va- riantes assez nombreuses qu'elle présente n'afTectent pas le sens général. Ce sont parfois de simples dif- férences d'orthographe; d'autres fois, des mots presque semblables pour le son comme pour le sens ; presque partout, une conformité plus sévère à l'u- sage général dans la formation du féminin des par- ticipes présents de la première classe. Deux variantes seulement méritent une mention particulière, je veux parler de l'insertion au milieu du çloka 28 , ch. xxx , d'un troisième hémistiche qui n'est donné par aucun autre texte; et du çloka 1 5, ch. xxxi, 011 on lit trali, pour le besoin de la mesure, ce semble, tandis que les autres textes lisent trutih en dépit du mètre, mais conformément à l'usage qui donne à ce nom le genre féminin. Ailleurs, l'édition bengalie ne se montre

* Ma kridhvam pour nid hidhvam, xxix, 20; visajân tava pour vi- sayâms tava, xxix, 3o; abihhrat pour ahibliran (= abibharuh), xxix, 4o; tathâ pour jalhâ , xxx , 27.

^ Jagnpsitam pour jaciupsitam, xxix, 26; harâsprista pour hara- sprista, xxx, i3; apidadhvam pour apidhadhvam , xxx, 22; karinah pour fearmd, xxx, 27; tathâ pour tayâ , xxx, ^o; svajamâna pour smayamâna, xxxii, 2.

•'' Mâninah pour mâninyah , xxix, 47; tv idg an da pour tvidganda, xxxiii ,22; ailleurs , xxx , 39, l'omission de l'apostrophe présente un sens tout opposé, gopyo vidiïratah powr yopyo Z vidùratah.

PANTCHADHYÀYI. 389

pas plus scrupuleuse que les textes dévanagaris à l'égard delà versification , et elle lit comme eux : ta- tra alûkhale, xxx, 2 3 , et sanistatya isat, xxxii, 1 5 ^ On peut voir d'autres exemples de cette irrégularité dans les Indische Sprûche de M. Bôhtlingk, 910 ei 1 yS^. Le sandhi irrégulier tTiyaHiavallabkam , xxix, 39, commun également à tous nos textes, pour çrrya ou çriyâ eka°, est autorisé par plusieurs exemples de la poésie épique.

Dans les citations que je pourrai faire de ces dif- férents textes, A désigne l'édition dévanagarie de 1839; B, fédition bengalie; C, l'édition de 1860; Z), le manuscrit dévanagari du fonds Burnouf. Les renvois au Bhâgavata- Piirâna (^dit. Burnouf, pour les neuf premiers livres; éd. de Bombay, 1839, pour les suivants) sont indiqués à faide de Irois nombres ou de deux, selon quils se réfèrent à la slanceouau chapitre. Les lettres V. P. suivies d'un nombre, désignent une des stances du Vichm-Pa- râna, livre V, chap. xiti, dont j'ai donné ci-dessus^ tout ce qui se rapporte aux amours de Crichna avec les Gopîs. Pour la transcription en caractères romains , j'ai suivi, en général, celle de M.Weber, moins pour le "^ que j'ai écrite, comme il a été proposé dans ces temps derniers, par analogie avec la transcription des

' Voyez aussi xxxi, 3, le 2* pada commence clans tous les lexles par - ^ au lieu de '-'^^, à l'inverse du 1^' pada de certains clokas.

^ Voyez pages 378 et suivantes.

V. . 26

300 MAI-JUIN 1865.

cérébrales. Cette remarque ne s'applique ([ii'aux textes cités dans les notes, y compris celles de l'introduc- tion. La traduction et les observations générales qui l'accompagnent, ainsi que celles qui précèdent, pou- vant être lues par des personnes étrangères à ces notations, j'ai cru devoir y conserver, pour les con- sonnes surtout, une transcription plus conforme à nos babitudes.

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392 MAI-JCIN 1805.

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400 MAI-JLIN 1805.

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PANTCIIÂDHYÂYÎ. 415

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BHÂGAVATA PURANA.

LIVRE X.

DESCRIPTION DES JEUX DU RASA EN CINQ CHAPITRES. CHAPITRE XXIX.

Cuka dit :

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1. A la vue des nuits le jasmin s'épanouissait au souffle de l'aulonine, Bliagavat,voulant se livrer au plaisir, recourut à l'illusion du Yoga ^

' 1 . Cf. F. P. 1 4 et 1 5. A la fin du cliap. xxii de notre livre X , Grichna promet aux Gopîs de satisfaire leurs désirs pendant les nuits de Tautomne :

YâtâhaJâ rrajaih suhlhâ mayemâ rantSYatha xapâh.

416 MAI-JUIN 1865.

2. Alors la lune, rougissant de ses rayons propices la laco de l'orient, vint dissiper les souffrances des mortels : ainsi fait le bien-aimé pour sa bien-aimée après une longue ab- sence.

3. En voyant l'astre ami des Kumudas, dont le disque arrondi et rouge comme le safran nouveau rivalisait d'éclat avec le visage de Râma, et la forêt baignée de ses doux rayons, il fit entendre d'harmonieux accords qui ravissent le cœur des (femmes) aux beaux yeux.

Ix. A ces accents qui redoublent leur amour pour lui, les femmes du parc dont Crichna a ravi les cœurs, se cachant les unes des autres , allèrent à l'endroit était le bien-aimé , en .secouant dans leur empressement les anneaux de leurs oreilles'.

5. Telles qui trayaient les vaches, laissant leur seau, s'en allaient vers l'objet de leurs désirs; telles, après avoir mis le lait sur le feu, parlaient sans retirer le gâteau.

6. Elles laissaient là, qui le service de la table, qui leurs enfants qu'elles allaitaient, qui leurs maris aux vœux de qui elles se rendaient, qui les aliments qu'elles prenaient.

7. Elles se rendaient auprès de Crichna, les unes en se frottant d'essences et en s'essuyant, d'autres en mettant le collyre sur leurs yeux; celles-ci affublées au hasard de leurs vêtements et de leurs parures^.

8. Quoi que hssent pour les retenir maris , pères , frères , parents, elles ne pensaient qu'à Govinda et ne revenaient pas, tant elles étaient troublées^.

9 Plusieurs Gopîs qui étaient dans le gynécée, et qui n'a-

' 3-4. Cf. F. P. 1 6-1 7. On remarquera qu'il n'est pas ques- tion de Ràma ou Balaràma, frère aîné de Crichna, clans ce passage du Bhâgavata.

^ 5-7. Elles renoncent aux trois espèces d'œuvres, c'est-à-dire au dharmârtliakâma , {I, ix, 28) pour ne s'occuper que de la seule chose nécessaire, rnoxa evàriliah (IV, xxii, 35). 7 b. Kâçca = kâçcit.

1 8. Cf. V. P. 58, et rintrodiiclion , p. 377. note 3.

PANTCIIADHYAYI. 417

valent pu en sortir, s'unissanl à Crichna par la pensée, mé- ditèrent sur lui en fermant les yeux \

10. La douleur cuisante qu'elles ressentaient de leur pé- nible séparation d'avec le bien-aimé effaçant leurs péchés, et la félicité des embrassemenlsd'Atchyuta, qu'elles devaient à la méditation, anéantissant leurs mérites,

1 1 . elles furent réunies à l'âme suprême en croyant l'être à un amant, et quittant leur corps émané des qualités, leurs liens furent soudain anéantis^.

Le roi dit :

i-i. «Elles ne voyaient en Crichna qu'un amant, et non l'Elre suprême, ô muni! Comment le courant des qualités s'est-il arrêté pour elles puisqu'elles méditaient sur les qua- lités ? »

Çuka dit :

i3. Tu as appris jadis que le roi de Tchédi obtint la dé- livrance , bien qu'il fût ennemi de l'Incarné ; à plus forte raison , ceux qui aiment l'Invisible.

1 /i . « C'est pour le sal ut des hommes , ô roi ! que Bhagavat se manifeste, lui qui est immuable, incompréhensible, et indépendant des qualités dont il est Fâme.

i5. «Quiconque éprouve pour Hari amour, colère,

' 9. Cf. V. P. 20.

* 10-1 1. Cf. V. P. 21, 22 , et l'introduction , p. 38i , note 1. Comment, dit la glose, ont-elles pu quitter leur corps, puisqu'elles ignoraient que Crichna fut l'âme suprême? Le texte a prévenu cette objection en àisant, jârabuddhyâpi; c'est que les choses ont une vertu propre et indépendante des idées qu'on s'en fait : ainsi de celui qui boirait l'ambroisie sans le savoir. Autre difficulté tout à fait in- dienne. Le texte dit que leurs liens ont été anéantis tout à coup. Mais comment, sans un bhocjay l'œuvre commencée a-t-elle été anéantie? Il y a eu hhoga : pour leurs péchés», c'est la douleur de ne pas voir Crichna; pour leurs mérites, c'est le bonheur suprême de s'unir à lui par la méditation. Bhocja paraît signifier ici absorption.

418 MAI-JUIN 1865.

crainte, affection; qui se sait un avec lui et lui est dévoué, toujours celui-là s'unit à son essence.

16. «Et cela ne doit pas t'jétonner, puisque Crichna est Bhagavat, l'Eternel, le maître des maîtres du Yoga, celui par qui l'univers est délivré ^ »

17. Quand il vit les femmes du parc qui étaient venues à lui, Bhagavat, le premier de ceux qui parlent, parla ainsi, troublant leurs cœurs par les charmes de sa voix^.

Bhagavat dit :

18. «Salut à vous, femmes vertueuses! Que puis-je faire qui vous soit agréable? Comment se porte-t-on au parc? Dites ce qui vous amène.

19. «Voyez, la nuit est pleine de visions effrayantes et hantée par des êtres effrayants. Retournez au parc. Il ne con- vient pas à des femmes de rester ici, ô toutes belles!

20. «Mères, pères, fds, frères, époux, ne vous voyant

' 12-16. La glose explique robjection et la réponse. «Il ne suflit pas, pour obtenir la délivrance, d'aimer son mari, ses enfants, etc. bien qu'ils ne soient autre chose que Brahme; il faut savoir qu'ils sont Brahme. De même à l'égard de Crichna : pour être sauvé, il ne suffit pas de s'unir à lui , il faut savoir qu'il est Brahme. L'assimi- lation est inexacte. L'essence suprême est comme voilée chez les êtres vivants, mais non chez Crichna, parce qu'il est Hrichikéça (celui qui dispose en maître des sens, Burn. préf. du 1" vol. p. cxxix); dès lors, il n'est pas besoin de penser à Brahme en pensant à lui. Si on demande comment une âme, dehl, peut n'être pas voilée, on ré- pond qu'il s'agit de la manifestation de Bhagavat, l'âme ou le régu- lateur des qualités; que, par conséquent, il ne faut pas voir en Crichna une âme semblable aux nôtres; qu'il suffit pour le salut d'y appliquer sa pensée de quelque manière que ce soit; et qu'il n'y a rien d'étonnant, puisqu'il est Bhagavat. » Cf. le même raisonnement abrégé, X, xlvii, 60. Sur Adhokchadja, cf. III, xii, 19 : Sarva- bhûtaguhdvâsum : son opposé Hrichikéça s'applique donc à la divinité incarnée, cf. en outre I, vin ,'^2 3; et M. Bh. II, 878. La mort de Ciçupâla, roi de Tchédi, est racontée dans notre livre X, ch. i,xxiv.

^ 17 (/. J^eçu = vâijvildsa ; cf. vâcah supeçalâhyXxxiii, ic.

PANTCHADHYAYÎ. 419

plus là, vous cherchent; ne causez pas d'inquiétude à vos parents.

2 1 . « Vous avez vu la forêt en fleurs , rougie par les rayons de la pleine lune et embellie par les jeunes pousses des ar- bres qui frémissent aux caresses de la brise de la Yamunâ.

22. «Retournez donc au parc sans tarder, obéissez à vos maris , ô femmes dévouées ! Les veaux et les enfants poussent des cris : faites-les boire, contentez-les '.

23. «C'est par afl'ection pour moi sans doute que, maîtri- sant vos pensées , vous êtes venues ici. C'est bien à vous. Tout ce qui a vie trouve en moi le bonheur.

ilx- « Le devoir suprême des femmes est d'obéir avec droi- ture à leur mari , de préparer la nourriture de ses parents et celle de leurs enfants , ô femmes bienveillantes !

2 5- «Fût -il d'un mauvais caractère, laid, vieux, borné, malade ou pauvre , jamais un mari qui n'est pas dégradé ne doit être abandonné par des femmes qui désirent gagner les mondes.

26. «C'est chose contraire au ciel et à la gloire, vaine, pleine d'ennuis et de périls, et blâmée toujours chez une femme de noble condition, que d'avoir un amant.

27. « C'est en m' écoutant, en me contemplant , en pensant à moi , en célébrant mon nom qu'on me témoigne de l'amour, et non par un tel voisinage. Retournez donc dans vos maisons. »

Çuka dit :

28. A ce langage sévère de Govinda , les Gopîs , abattues et le cœur brisé , tombèrent dans une profonde tristesse.

29. Inclinant vers la terre leurs visages aux lèvres rouges comme le fruit du bimba et desséchées par les soupirs de la douleur ; traçant avec le pied des lignes sur le soP, et de leurs

^ 226. Satih = he salyah ; cf. ci-dessous , xxxiii , 206 , yâvatih, p. ""tyah.

* 296. Cf. Likhant/y adhomukhi bhwnirh padâ nakhanianiçriyâ ^ III, XXIII, 5o. Ce n'est pas creuser la terre du pied en signe de co- lère comnme le fait le taureau furieux Arichta , X , xxxvi, 2 ; mais tracer

420 MAI-JUIN 1865.

larmes, teintes du collyre de leurs yeux, enlevant le safran de leurs seins, elles restaient debout en silence, accablées sous le poids du nialbeur.

3o. En entendant les paroles austères de Crichna leur bien- aimé, pour qui elles avaient renoncé à tous les désirs, elles essuyaient leurs yeux obscurcis parles larmes, et, d'une voix altérée parle dépit, elles dirent avec amour :

Les Gopîs dirent :

3i. «Loin, ô maître! loin de toi ces discours rigoureuxM Renonçant à tous les objets sensibles, nous aimons la plante de les pieds, aime-nous, ô (dieu) capricieux! ne nous aban- donne pas : ainsi le dieu premier-né des êtres aime ceux qui soupirent après la délivrance.

32. «Ce que tu as dit, avec Tautorilé de la science du devoir, que le devoir des femmes, par excellence, est le dé- vouement à leurs maris, à leurs enfants et à leurs parents, envers qui le pratiquer si ce n'est envers loi , qui es le but des préceptes et le Seigneur ? Oui , tu es le bien -aimé, le pa- rent, l'âme des êtres animés ^

des lignes sur la terre avec le pied , en signe de chagrin et de confu- sion.Cf. Amaru , 6, sch. : ahdranam eva likhati. Le Kâvya Prakâça est encore plus explicite : Bhûmim iti na tu bhiimau nahi hiiddhipûrvaham hincil likhati; et M. Bh. III, 374-375.

' 3i a. Le manuscrit D seul lit ici vaco 'rliati au lieu de vibho 'rhati. Sur l'emploi du voc. avec bhavân pour sujet, cf. Bôhtlingk , Indische Spriiche , iSgS.

^ 32. Le sch. propose ici plusieurs interprétations. D'après la première, le précepte, rappelé par Crichna et répété ironiquement [sopahâsam, scb.) par les Gopîs, a Crichna pour objet, parce qu'il est le seigneur, c'est-à-dire l'âtmâ, le seul être percevant tout ce qui peut être perçu, et en jouissant. D'après la deuxième, les Gopîs re- poussent le conseil de Crichna, parce qu'elles sont venues lui de- mander, non pas la connaissance du devoir, mais la possession de sa personne; avec lui, elles auront tous les fruits des devoirs. D'après la troisième, la loi rappelée par Crichna n'est pas applicable quand il s'agit de lui; les Gopîs peuvent l'aimer sans manquer à leurs de-

PANTCHADHYAYI. 421

33. « Les sages , en effet , mellent leur bonheur en loi , leur bien-aimé qui réside en eux-mêmes '; qu'importent maris , en- fants et le resie, source de douleurs? Sois-nous donc propice, ô maître suprême ! ne trompe pas l'espérance que nous avons mise en toi dès longtemps, (dieu) aux yeux de lotus!

3^. «Par loi nous ont été ravies les pensées qui se ren- ferment avec joie dans la maison, et les mains (qui se plai- sent) aux travaux domestiques^ ; nos pieds ne font pas un pas loin de la plante de tes pieds ; comment irions-nous au parc ou qu'y ferions-nous ?

35. « Oh ! éteins dans le lac d'ambroisie de tes lèvres le feu de l'amour qu'ont allumé en nous tes regards souriants et les accords harmonieux! Sinon, consumant nos corps dans le feu de la séparation, nous irons par la méditation sur In trace de tes pas, ô ami^I

36. «(Dieu) aux yeux de lotus! depuis que, dans ta bonté pour les habilanls de la forêt, nous avons touché parfois la plante de tes pieds, joie réservée à Ramâ; depuis que par toi nous avons connu le bonheur, non, nous ne pouvons plus supporter la présence d'un autrp.

3;. «De même que Çrî, qui repose cependant sur la poi- trine et dont les autres dieux s'efforcent d'attirer sur eux les regards, a adoré avec la Tulasî la poussière de les pieds, chère à tes serviteurs*; de même, nous aussi, nous nous ré- fugions dans la poussière de tes pieds.

38. « Sois nous donc propice, ô toi qui détruis la douleur !

voirs vis-à-vis de leurs maris. J'ai suivi la première : sarvabandimsu karanijam Ivayy evâstu; cf. vâsiidcvaparo dliarmah, I, ii, 2 g.

' 33 ab. Pour la pensée, cf. ci-dessous xxxii, l^ h; Sur âtman p. âlmanif cf. mahâtinan, X, xlvi, 3, sch. "âtmaiii.

^ Z^ ab. Sukhena, suivant la glose, peut aussi se rapporter à bhavatâ; sur le sens de nirviçad dans notre passage, cf. Wilson au mot nirviçat; karâv api yau grihakritye nirviçaias tau, sch.

^ 35. Cf. ci-dessus les st. 9-1 1 . (/. Padavim = antikam, sch.

* 37 a-b. La glose construit bhritjajustam avec °rajoli. c. On sait que Çrî est la déesse de la forhme.

v. 28

422 MAI-JUIN 1865.

nous voici à tes pieds, ayant quille nos demeures dans l'es- pérance de te servir; la beaulé de ton sourire el de Ion re- gard a allumé un ardent amour dans nos cœurs; ô perle des hommes ! donne-nous d'être tes esclaves.

Sg. « Oui, depuis que nous avons vu Ion visage qu'enlou- rent les boucles de tes cheveux, et brillenl les pendants d'oreilles sur tes joues, sur tes lèvres le nectar el le sourire dans tes yeux; depuis que nous avons vu les deux bras puissants qui donnent la sécurité, et ta poitrine, seules délices de Çrî, nous voulons devenir tes esclaves V'

^o. «Est-il donc une femme dans les trois mondes qui n'oublie ses devoirs les plus saints, troublée aux accords prolongés de ta flùle et à la vue de cette forme qui réunit les perfections des trois mondes, quand les vaches, les oiseaux, les arbres et les bêtes fauves en ont tressailli d'allégresse^!

4i. «Oui, lu naquis pour être le sauveur du parc dans le péril et la douleur, comme le dieu , premier-né des êtres , est le protecteur du monde des Suras. Oh ! pose ta main pa- reille au lotus, ami des affligés! sur nos seins brûlants et sur nos têtes, à nous les sevvantes. »

Çuka dit :

Ui' Quand il eut entendu les lamentations des Gopîs, le maître des maîtres du Yoga, souriant avec bonté, goûta le bonheur avec elles, lui qui trouve son bonheur en lui-même'.

Ix^. Tandis que réunies autour de lui, leur visage s'épa- nouissait à la vue du bien-aimé, le (héros) aux nobles ex-

' Sg li. Çriyaiharamanam = °çriya eka".

^ ^o a. Kalapudâmrita° , variante fournie par la glose, dont les sons harmonieux pareib à l'amhrolsie. c. Sauhhagaj d'ailleurs formé réguHèrenient (cf. saahridam, xxix, 1 5 6) , n'est pas dans les diction- naires; cf. rûpafh tava sarvasaubhagam , I, xi, 8. d. Abibhran = ahihkaruh, sch.

^ 42. L'idée que Bhagavat est heureux par lui-même [ânanda- maya, de la doctrine Védânta) revient en maint passage du Bhâga- vata,cf. surtout [|I, ix, 19.

I

PANTCHÀDHYÂYÎ. ^23

pioils, Atchyiila, dont le noble sourire et les dénis ont l'éclat de fleur du jasmin, resplendissait comme la lune en- tourée par les étoiles \

44. Répondant à leurs chants par ses chants et marchant, paré de la guirlande vaijayanii^, en tête de la troupe de ses cent femmes, il parcourait la forêt dont il faisait l'ornement.

45. Entrant avec les Gopîs dans une île du fleuve cou- verte d'un sable frais, il jouit delà brise qui en caressait les vagues ^ et qu'embaumaient les lotus de nuit.

46. Il les prenait et les enveloppait dans ses bras, pro- menait sa main sur leurs mains, dans leurs cheveux, sur leurs cuisses, sur leur taille*, sur leurs seins; il leur impri- mait en badinant la marque de ses ongles, jouait, les regar- dait et souriait, allumant et satisfaisant à la fois l'amour des belles du parc.

47. Fières de posséder ainsi le bienheureux Crichna à l'âme magnanime, elles se crurent dans leur orgueil bien au-dessus des femmes de la terre.

48. A la vue de l'ivresse et de l'orgueil qu'inspirait sa beauté, Kéçava disparut du milieu d'elles pour les punir et les calmer.

' 43 a. Les œuvres de Hari, aux exploits merveilleux (III, x, 10), sont un mystère (IV, 11, 8) comme le corps qu'il revêt; cf. ci- dessus la note sur 1 2-16, et, ci-dessous, ch. xxxiii, st. 36 et suiv. c. Sur °hdsadvijakundadidliiti , cf. sitadanta, III, xiii, 32. La même épithète convient aussi au sourire, d'après la glose : udârahâsaç ca dvijâç ca tesii Itandahusutnavaddidliiiirjajsja sah, et elle lui est sou- vent appliquée dans la poésie classique.

* 44 c. Vaijajanti est le nom donné à la guirlande de Vichnu, d'après Râdhâkânta; elle se compose de fleurs des bois.

•^ 45 c. Tara/a revient encore ci-dessous, .xxxii, 12 c, oiîi il est commenté par taranga. Ce sens n'est pas indiqué dans les diction- naires. Même observation sur uttamhhœyan = uddipayan, de la stance suivante d, et sur praçamâya, st. 48 c, qui revient encore plus bas, xxxTii, 27 b, et sur lequel le scholiaste est muet; il est d'ailleurs assez, fréquent, cf. M. Bh. I, i258.

* 46 b. Nîvî, prop.=pièce d'étoffe attachée autoiu' de la taille.

28.

l\'lk MAI-JUIN 186 5.

CHAPITRE XXX.

Cuka dit :

1. Bhagaval ainsi disparu soudain, les lemiues du parc se désolèrent: telles les femelles de l'éléphant qui ne voient pas le chef du troupeau.

2. Attachant leur pensée à sa démarche, à son sourire affectueux, à ses regards provoquants, à ses discours enchan- teurs, à ses jeux, à ses gracieux ébats, les femmes imitèrent les actions diverses de l'époux de Rama , en s'identifiant avec \m\

3. Elles reproduisaient avec amour en leur personne la démarche, le sourire, le regard, les discours du bien-aimé: «C'est moi qui suis Crichna ; » disaient les jeunes femmes en s'idenlifiant avec lui et en imitant la grâce de ses jeux*.

l\. Célébrant ses louanges à haute voix, elles le cher- chaient, en troupe serrée, comme des insensées, de forêt en forêt relies demandaient aux arbres des nouvelles du Puru- cha qui, pareil à l'éther, est au dedans et au dehors des êtres ■^.

5. «0 Açvallha, Plakcha, Nyagrodha! avcz-vous vu le fils

' 1-3. Cf. F. P. 2 4. 2 d. Ja()rihuJt:=anukaranenâkndan.

^3. Cette stance n'est en partie que la répélition de la précé- dente. On sait que ces répétitions, plus ou moins affaiblies, sont fré- quentes chez les poètes hindous. (Cf. C. Schùtz, Kalidâsas Wolken- hote, p. 8, note.)

^ 4. Selon le Prem-Sagar, les Gopîs supposent que les animaux , les oiseaux et les arbres de Vrindâvana sont des richis et des munis descendus sur la terre pour être témoins des jeux de Crichna. c. Sur l'éther, cf. III, xxvi, 34, il est appelé nabhali. Hari est au dedans et au dehors de toutes choses, I,viii, i8 ; au dedans, sous la forme de l'esprit; au dehors, sous la forme du temps, III, xxvi, i8. Ailleurs, III, ix, 32, il est comparé au feu renfermé dans toutes les espèces de bois. Cf. aussi V. P. 6o. d. Vanaspali, en dépit de l'éty- mologie, roi de la forêt, semble, d'après les stances qui suivent, s'ap- pliquer à des végétaux de diverses grandeurs.

PANTCHADHYAYI. 425

de Nanda qui s'est enfui après nous avoir ravi nos cœurs ^ par ses regards aiî'ectueux et souriants?

6. « Est-il passé ici, ô Kurubaka, Açoka, Nâga, Punnàga , Tchampaka! le frère cadet de Rânia, dont le sourire abat l'orgueil clés femmes superbes?

7. 0 El tc'i, propice Tulasî, chère aux pieds de Govinda ! as- tu vu celui dont lu fais l'ornement avec tes essaims d'a- beilles, ton bien-aimé Atchyuta^ ?

8. •( 0 Mâlalî , Mallikâ , Djâtî , Yuthikâ ! Tavez-vous vu ? est- il passé ici celui qui vous remplit de joie au contact de sa main , l'ennemi de Madhu ?

g. Dites, ô Tchùta, Priyâla, Panasa , Asana, Kovidàra, Djambu, Arka, Vilva, Vakula , Amra, Kadamba, Nîpa , et vous tous qui vivez pour le bien des autres \ arbres) voisins de la Yamunâ! dites-nous le chemin suivi par Crichna, car loin de lui nous nous mourons.

10, « Quelle pénitence as-tu donc accomplie, ô Terre! pour jouir du contact des pieds de Kéçava, et briller, frissonnante de plaisir, dans tous les poils de Ion corps? Est-ce impres- sion (récente) de ses pieds? ou de (l'antique) pas vainqueur du héros aux grands pas? ou de l'étreinte du (dieu) au corps de sanglier * ?

^ 5 6c. Peut-être faut-il Urejo au heu de no. ou mieux le sup- pléer comme le fait le sclioliasle ci-dessous, st. 10 ab. Cora iva (jQtah, sch,

* 7 c. Tvâ= tvâm. d. Tavâdpriyah, scb.

' 9 c. De parârtliahhavaka [=pardrtham eva hhavojanma yesâm te) , il faut rapprocher itarârtha, II ,vii, 27,(|ni a le même sens et qui n'est pas non plus dans les dictionnaires; cf. anyliripâh parabhritah, II, II, 5. d. La glose veut que la troisième personne soit mise ici pour la seconde, çamsantu te bhavantah; cf. xxxii, 22 c, et la note.

'* 10 ab. La même pensée et le même mouvement sont repro- duits plusieurs fois dans le Bli. P. cf. entre autres "V, viii, 19, avec cette différence que la construction y est pleine, tandis qu'ici elle est elliptique et complétée par le scholiaste à l'aide des mots tvam. Xiti = hexile. Apj ai'i(jhrisainbhav(ih = kim ajam iitsavah adliund

426 MAI-JUIN 1865.

11.0 gazelle amie ! est-il passé ici avec sa bien-aimée celui dont les membres font la félicité des yeux, votre cher At- chyuta ? Rougie, au contact de l'amanle, par le safran de ses seins, la guirlande de jasmin du noble époux embaume la brise qui souffle ici'.

12. « Le bras appuyé sur sa bien-aimée, un lotus à la maiu, et suivi des fols essaims d'abeilles de sa Tulasi, le frère cadet de Râma , qu'en ce moment vous saluez à son passage, 6 ar- bres! vous répond- il par des regards affectueux.^

i3, «Interrogez ces lianes: bien qu'elles pressent les bras du roi de la forêt, c'est au contact de ses ongles qu'elles tressaillent d'allégresse, ô bonheur^!»

i4. Ainsi disaient les Gopîs dans leur égarement, en cher- chant Crichna avec angoisse; (puis) elles imitèrent les jeux divers de Bhagavat en s'identifiant avec lui.

i5. L'une, qui faisait Crichna, suçait le sein à une autre qui faisait Putanâ. Telle aulre, faisant le petit enfant et pleu- rant, frappait du pied celle qui faisait le char ^

tavaihadeçânghrisparçasamhhûlah. Vâ[ = jadvâ) avec omission du sandhi, comme il arrive souvent à la pause. Sur l'incarnation en nain, cf. liv. VIII, cb. xxhï (ses pas sont la terre, l'atmosphère et le ciel, II, VI, 6). L'incarnation en sanglier est la seconde, cf. entre autres, III , xiii , 1 8 et suiv. Je n'ai retrouvé l'expression parirambhana dans aucun des nombreux passages il est question de ce fait; sur le sens propre de ce mot, cf. ci-dessus xxix , 46.

* ïid. Les adorateurs de Viclinu forment un gotra dont il est le chef; il est dit ailleurs de Crichna, gârhaspatyamâsthitah; de peut-être l'expression kulapatih.

^ 1 3. Les lianes sont intérieurement sensibles au toucher Jatâh... antahsparçâh y III, x, i 8.

^ i5. H est fait souvent allusion aux événements de la vie de Crichna dont il est question ici et dans les stances suivantes; cf. le ch. Tii du livre II. ah. Sur Putanâ, cf. X, vi; sur le char, X, vu. cd. Çahaiâyatîm et, plus bas, st. 1 7 c/, vakâjatim, formes parasmai- pades à la place de la forme âlmanépade, plus usitoe dans ces dénomi- natifs, et même irrégulières à favant-dernière syllabe, peut-être pour le besoin du mètre , surtout si Ton considère les deux autres participes

PANTCHADllYAÏI. 427

16. Telle, imilanl le démon, en enlevait une qui faisait Crichna enfant. Une autre rampait en traînant ses pieds avec des cris afireux\

1 7. Deux font Crichna et Rama , d'autres font les bergers ; celle qui fait le veau tombe sous les coups de l'une; l'autre tue celle qui fait le héron ^.

18. A une autre qui rappelle, comme jadis Crichna, les vaches entraînées an loin , joue de la flûte et prend ses ébats , « Très bien ! » disent ses compagnes ■\

19. Le bras appuyé sur l'une d'elles , une autre disait tout en marchant : «Ne suis-je pas Crichna? Regardez ma dé- marche gracieuse! » tant son cœur est plein de lui*.

20. « Ne craignez ni le vent ni la pluie : voici un abri que je vous ai ménagé , » en disant ces mots , elle roidissait le bras et soutenait en l'air son manteau ^

21. Telle, en terrassant une autre et lui mettant le pied sur la têle, ô roi! lui disait : «Tu es une perverse, eh bien! meurs. Ne suis-je pas pour le châtiment des méchants®?»

22. Telle autre disait : «Bergers 1 voyez le formidable in- cendie ; vite , fermez les yeux ; je vais vous sauver à l'instant'. »

présents de cette même stance 1 7. Cf. sur ces jeux des Gopîs, V. P. 24-28.

^ 16 ah. Le daitya qui enlève Crichna est Trinâvarta, X, vu. Au liv. X, cil. X, est la légende des deux arbres à laquelle le second hémistiche fait allusion.

* 17. Cf. X, XI, le récit de ce double exploit.

^ iS ah. Cf. X , XIII ; Brahmâ attire et cache les troupeaux et les petits bergers dans une caverne.

4 ig. Cf. V. P. 25.

* 20. Cf. X, XXV. Crichna, pendant un orage, met les troupeaux et les bergers à l'abri sous le mont Govardhana qu'il soutient en l'air; le texte est reproduit littéralement ici : tat trânarh vihitam hi nah.

^21. Meurtre du démon Aghâsura, X, xii.

' 22. Crichna sauve les bergers de l'incendie, X , xix. Sur le mouvement exprimé par caœûfhsy âcv apidhadhvam , cf. C. Schûtz , Wolhenbote , note sur la st. 108. Fréquence et causes des incendies, dans les régions tropicales, V, vi , 9.

428 MAI-JUIN 1865.

2 a. Attachée à un mortier par une de ses compagnes avec une guirlande", une jeune beauté, tremblante et cachant son visage, simulait la frayeur \

ilx Tout en interrogeant ainsi ^ur Oiclina les lianes et les arbres de Vrindàvana, elles aperçurent en certain lieu de la forêl les traces de celui qui est l'àme suprême^.

2 5. Car les traces du fils de Nanda à l'âme magnanime se reconnaissent sûrenif-nt à l'étendard, au lotus, au foudre, à l'aiguillon, au grain d'orge et autres signes^.

26. Tandis que, à l'aide de ces traces diverses, elles cher- chaient le chemin qu'il avait suivi, les jeunes femmes aper- cevant devant elles des pas de femme régulièrement mêlés au)L siens, se dirent entre elles avec douleur' :

27. «Quels sont ces autres pas? Quelle est celle qui est partie avec le fils de Nanda, en soutenant sur son épaule le bras du bien-aimé comme la femelle en compagnie de l'élé- phant?

28. «Sûrement, elle a gagné le cœur du Seigneur, le bienheureux Hari, puisque Govinda, nous abandonnant, s'est plu à l'emmener en un lieu secret^.

29. 0 0 bonheur! amies, c'est la poussière sacrée des pieds de Govinda, pareils au lotus, dontBrahmâ, Iça et Ramâdêvi se sont couvert la tête pour effacer leurs péchés !

* 23. Cf. X , IX , légende du mortier auquel Criclina est attaché par sa mère. Sur l'hiatus de 6, cf. Bôht. Ind. Sp. 910 et 1784. c. D'après une autre interprétation, sudrih se rapporte à âsyam. Au lieu de haiyancjava dans l'hém. fourni par JB,Wilson donne liaiyan- (javîna.

2 2/1. Cf. V. P. 29et3o.

^ 25. L'énuméralion de I, xvi, 34 omet le grain d'orge raiu qui se trouve aussi dans le Prem Sagar, p. 61; le lotus est nommé entre autres, 111, x\iv, i^] : padmanmdrâpadâmbnjah. Je n'ai pu déchiffrer entièrement le texte du F. P. 3i.

* 26. - Cf. V.P. 32.

=* 28. Cf. ci-dessus, préf p. 383, et V. P. i-2 et 3/j.

" A ces mots : uJ'enciiaîiic (|ui brise les pois cl vole le beurre.»

PAiNTCHÂDHYÀYÎ. 429

3o. « Devanl ces pas de femme notre trouble est au comble, parce que celte Gopî jouit seule en secret, à notre détriment, des lèvres d'Atchyuta \

, 3i. « Nulle trace apparente de ses pas ici; sans doute, les jeunes pousses des herbes blessant la plante de ses pieds dé- licats, le bien-aimé a porté sa bienaimée^'. . 32. «Ici le bien-aimé a cueilli des fleurs pour sa bien- aimée : voyez ces deux pas à moitié tracés par la pointe de ses pieds ^

33. « Ici encore l'amant a arrangé les cheveux de l'amaale : sûrement il était assis là, en disposant ces (fleurs) sur la tête de la bienaimée\ »

34. Et il goûta le bonheur avec elle , bien qu'il trouve son bonheur et sa joie en lui-même et qu'il soil impassible, pour montrer l'abaissement des amants etla perversité des femmes^ ^.

^ 2 9-3o. D'après le scholiaste ces deux stances sont dites par des personnes différentes, dont les unes croient et les autres ne croient pas à un acte de pénitence accompli par leur compagne. 3o d. Au lieu dera/ifl/i{qui s'emploie même à la question uhi, comme on dit dans les classes, sutâm api rahojakydt,\ Il , xir, g), B lit dhanam pour expliquer gopinâm, ce semble , lequel peut se rapporter encore , soit à ekâ, soit d'après la glose h °adharam, en sous-entendant sar- vasvam. Sur jat, au i" hém. cf. Ind. Spr. 2 1 13.

^ 3 1 . La si. qui suit dans B ei D aurait pu être insérée dans le texte; elle se rattache bien aux st. 3 1 et 32.

3 32. Cf. V.P. 33.

* 33 ci. Upavistam paraît employé à double entente; cf. III, XIV, 3o, upaviveça «eut commerce» (Burn.) , et, dans la stance sui- vante, renie. Cf. V. P. 34.

* 34. Ici Çuka reprend la parole, çukoktih. b. Aklianditah= strivihhramair anâhristo 'pi. Suit dans C et D une stance donnée

* « A ces empreintes plus marquées , reconnaissez , ô Gopîs ! les pas de «l'amant, de Crichna, appesantis par le poids de la femme qu'il portait. Ici «le liéros à l'âme magnanime a posé à terre sa bien-aimée pour cueillir des «fleurs. B ei D après 3i. La st. suivante vient après 34 dans Cet D.

Ainsi disant les Gopîs , Lors d'elles-mêmes , se montraient tout en mar- chant celle que Crichna avait emmenée en laissant les autres femmes.

430 MAI-JUIN 1865.

35. El elle, s'eslimant alors la plus grande entre loulcs les femmes : « 11 a délaissé les Gopîsqui l'adorent, disail-elle, et c'est moi qu'aime le bien-aimé \ «

36. Puis, arrivée à certain endroit de la forêt, elle dit avec orgueil à Kéçava : «Je ne peux pas marcher; porte-moi tu voudras ^. »

37. A ces mots, il répondit à sa bien-aimée : « Monle sur mon épaule»; et puis Crichna disparut, laissant l'épouse à sa douleur.

38. «0 seigneur! ô époux bien-aimé! cs-lu? es-tu (héros) aux bras puissants? 0 ami! montre-toi à moi, ton esclave digne de pitié ! »

Çuka dit :

39. En cherchant le chemin suivi par Bhagavat, les Gopîs virent non loin d'elles leur infortunée compagne, consternée de l'abandon de son bien-aimé.

^o. En apprenant par son récit quel orgueil elle avait ressenti (de la préférence) de Mâdhava , et quel mépris , dans sa perversité, elle avait fait de lui, elles en éprouvèrent une surprise très-grande.

Al. Ensuite elles s'enfoncèrent dans la forêt tant que dura le clair de lune ; quand elles virent les ténèbres venues , elles revinrent sur leurs pas^.

42. N'ayant que lui dans le cœur et sur les lèvres, imi-

en note et dont l'objet paraît être de marquer la fin du discours des Gopîs. Elle n'est commentée dans aucun exemplaire; elle contredit la glose çuhoJîtih; elle détroit l'opposition entre rente tayâ en et sa ca menej des st. 34 et 35; enfin le 2' hém. de 34 convient mieux à un récit.

* 35 c. Kâmayânâh =^ kâmo yânam âcjamanasâdhanam yâsâni tâh ; nous disons plus simplement pour hâmayamânâh ; cf. cependant Bopp, G. L. S. S 598.

* 36 d. Cf. V, H , 16 : indm. . . arhasi netam. . . te cittam yatah. Sur la cause de la disparition de Crichna, cf. V. P. 35.

' Al. Cf. V. P.lxo.

PANTCHADHYAYI. 431

(ant ses actions, s'idenlifiant avec lui, célébrant ses vertus, elles ne pensèrent même pas à leurs maisons.

43. Revenues dans l'île de la Râlindî et s'unissant à Cri- chna par la pensée, elles chantaient ensemble les louanges de Crichna et elles appelaient son retour'.

Les Gopîs dirent :

1 . « Gloire au parc entre tous , grâce à la naissance ! Indirâ y fixe sa demeure à jamais. (Dieu) compatissant! montre-toi aux tiens qui ne vivent que pour loi et te cherchent en tous lieux ^

2. «Quand de ton regard, plus i)rillant que le calice du lotus épanoui sur la mare d'automne, tu frappes tes servantes volontaires , ô maître des jeux d'amour ! (dieu) libéral ! n'est-ce pas un meurtre ici-bas*?

' 43.— Cf. V. P. il.

^ Je ne trouve indiqué nulle part le mètre employé dans les stances 1 - 1 8. Sur l'irrégularité des st. 3 et 1 5, voy. la préface, p. 388. Suivant le scholiaste, les stances de ce chapitre sont dites par diverses per- sonnes; mais la conclusion , plus ou moins explicite, en est toujours la même : driçyatâm. On peut néanmoins, toujours suivant la glose, y voir aussi un discours suivi. Ainsi, à la seconde stance, les Gopîs, prévenant l'objection de Crichna : «Que m'importe que vous me cherchiez? » répondent : « Montre-toi pour nous rendre la vie que tes regards nous ont ôtée. » St. 3"^ : «Pourquoi nous négliger aujour- d'hui , toi qui jadis , etc. » St. à' : « Puisque tu pour le salut du monde, il ne te sied pas de négliger tes adorateurs, etc. etc. »

•'' 1 . Tâvahâk, masculin , = tvadijâ (jopîjanâk.

* 2 ah. Le lotus décrit ici paraît être le çaratpadma , IV, xxiv, 52 ; il est foncé, çâradendivaraçjâmam, III, xxvi, 28, et on y compare souvent les yeux de Crichna. d. La glose établit qu'on peut tuer autrement qu'avec le glaive ; les poètes hindous semblent avoir affec- tionné cette idée; cf. Bôhtlingk , Ind. Spr. 3 20 : açastravihito badhah, et ci-dessous, xxxii, 6.

432 MAÎ-JUIN 1865.

3. a Par loi nous avons échappé maintes fois, 6 liéros! à mille périls, à la mort dans les eaux empoisonnées, au dé- mon fait serpent, à la pluie, au vent, au feu de l'éclair, au taureau, au fils de Maya\

4. « Non , tu n'es pas fils de la Gopî, tu es celui qui voit au fond du cœur de tous les êtres ! Tu naquis à la prière de Vikhanas, pour le salut du monde, ô ami! dans la famille des Sâtvats^.

5. « 0 chef des Vrichnis! ô bien-aimé! la main, pareille au lotus, donne la sécurité n qui se réfugie à tes pieds dans la crainte de la transmigration; elle comble fous les désirs, elle étreint la main de Çrî; oh! pose-la sur nos têtes!

6. « O héros! loi qui dissipes les souffrances des habitants du parc! toi dont le sourire anéanlit l'orgueil chez ceux qui t'appartiennent, ô ami ! honore en nous tes servantes! montre à tes femmes ton visage brillant comme le lis des eaux M

7. «Ton pied, pareil au lotus, efface les péchés de tes adorateurs, il suit les troupeaux, il est la demeure de Çrî, il a pressé la crête du serpent; pose-le sur nos seins! anéan- tis notre amour* !

8. «La douceur de ta voix et la beauté de tes discours qui ravissent les sages, héros aux yeux de lolus! ont jeté le trouble chez tes servantes; nourris -nous du nectar de tes lèvres..

9. «L'ambroisie de ton histoire, qu'ont chantée les sages

' 3 a. Visajalâpjajcij cf. X, xvi; vyâlarâxasa = Aghâsura, X, XII ; b. varsamâru(a,\ , xxv ; c. vrisa= Avista; X , xxxvi ; Mayâ- tmaja = Vyoma, X, xxxvii.

2 ^ c. Au commencement du livre X , Vikhanas ou Brahmâ de- mande à Bhagavat de s'incarner pour sauver la terre. d. Sdtvatâm fca/e,cf. IX, XXIV, ainsi que pour les Vrichnis de la slance suivante.

^ 6 «. D'après la construction du scholiaste que j'ai suivie, le génitif jo^i<âm est régi par darçaya, et le troisième pada forme une sorte de parenthèse dans la proposition principale. c. sineù niçci- tam, sch.

'^ 7 c. Pliani = serpent Kâliya, X, xvii.

PANTCHADHYAYI. 433

inspirés, rend la vie aux affligés, enlève les souillures, sanc- lifie par Taudition et donne la paix; qui la célèbre au loin sur la terre, y lit (jadis) beaucoup de bien \

10. «Ton sourire, ô bien-aimé! ton regard affectueux et les joveux ébats, bonheur de la méditation, tes secrètes ca- resses qui louchent le cœur, ô perfide! jettent le trouble dans nos dmes ^.

11. «Lorsque, sortant du parc, (u mènes paître les trou- peaux, ô maître chéri! à la pensée que les épis, les herbes et les jeunes pousses déchirent ton pied , beau comme le lotus, l'inquiétude s'empare de nos cœurs.

12. « Le soir quand tu reviens le montrer avec ton visage, pareil au Joins des bois, encadré dans les boucles de les noirs cheveux el couvert d'une épaisse poussière, ô héros! tu al- lumes l'amour dans nos cœurs!

i3. «0 bien-aimé! ô toi qui tues le chagrin! presse sur nos seins ton pied, pareil au lotus, qui comble les vœux de les serviteurs, qui fut adoré par Brahmâ, et qui fait l'orne- ment delà terre, l'objet de la méditation dans l'adversité et la paix de l'âme.

1 tx. « Donne-nous , ô héros ! les lèvres d'ambroisie qui com- plètent le plaisir et détruisent la douleur, que baise amou- reusement ta flûte harmonieuse \ el qui font oublier aux hommes les autres amours!

i5. « Quand pendant le jour t»i vas parcourant la forêt el te dérobant à leurs regards , une seconde est pour eux une éternité; lorsqu'ils contemplent tes cheveux bouclés et ton

^ 9 J. Le scholiaste supplée le sujet de (jnnanti, ye, dont l'an- técédent te sert de sujet à la proposition principale ; cf. une pareille ellipse, I, VIII, 36. Des deux inlerprélations de fe/uînJà/t, j'ai suivi la seconde : te bhûriJâh imrvajunniasii hahudattavantali suhritina Uj ar- thah: cf. Bôhtlingk, Ind. Spmche, 2o36. Le scholiaste établit, d'après le texte, une comparaison suivie entre l'ambroisie et l'his- toire de Criclina, et donne l'avantage à celle-ci.

"^ lo c. Saihvidah ^== saàhetanxirmàni , sch.

^ 1 /i h. Nàdâmritavûsitam , sch.

434 MAI-JUIN 1865.

visage divin, ils maudissent l'insensé qui mit des paupières sur les yeux\

16. «Foulant aux pieds maris, tils, famille, frères et pa- rents, ô Atchyula! nous sommes accourues vers loi, tu le sais, troublées par tes accords. Perfide! quel autre aban- donnerait des femmes au milieu de la nuil?

17. «Depuis que nous avons vu les jeux secrets, ton vi- sage souriant qui fait naître Tamour, Ion regard affectueux et ta large poitrine Çrî repose , sans cesse de violents désirs (nous assaillent) et troublent nos cœurs*.

18. «Oui, ta naissance détruit le mal et répand le bien à profusion parmi les habitants du parc; oh! à nous aussi dont le cœur brûle pour toi, donne un peu du remède qui tue la tristesse chez ceux qui l'appartiennent!

ig. «Quand lu parcours la forêt de Ion pied délicat, pareil au lotus, que nous voudrions po.^^er avec précaution et en tremblant sur nos seins déjà trop fermes, la crainte qu'il ne se blesse aux cailloux du chemin fait palpiler nos cœurs qui ne vivent que pour loi ^ »

CHAPITRE XXXII.

Çuka dit :

1. Ainsi les Gopîs exhalaient dans leurs chants mille plaintes diverses, ô roi! et, éclatant en sanglots, elles soupi- raient après la vue de Crichna*;

2. quand à leurs yeux apparut, le visage souriant, vêtu

i5 b. Sur trnli, voy. la préface, p. 388; suivant la glose, c'est un demi xana ou l'espace que le soleil parcourt en un instant. d. Driçâm pcurmahrit = Drahmâ; cf. nirviveko vidhdld dans les InJ. Spr. 2971.

- 1 7 (Z. La glose explique le nom. sprihâ on suppléant bhavati. •"' i^d. Kûrpa [= siixnmpâsâna] n'est pas clans les dictionnaires avec le sens qu'il a ici.

* I. Cf. F. P. /,2.

PANTCHADHYAYJ. /i35

d'une robe jaune et paré de sa guirlande, lepelil-llls deÇiira, qui trouble celui-là même qui Irouble les cœurs '.

3. En voyant leur bien-aimé de retour, les jeunes femmes , ouvrant les yeux de bonheur, se levèrent toutes au même instant comme les membres à l'arrivée du souffle de vie ^.

[\. L'une prenant la main de Çauri, pareille au lotus, la portait avec joie sur son front dans les siennes; une autre sou- tenait sur son épaule le bras de Crichna, orné de sandal.

5. Une jeune beauté, joignant les mains, y recueillait une bouchée de bétel '^; une autre, brûlant d'amour, posait sur ses seins son pied pareil au lotus.

6. Une autre, fronçant les sourcils, semblait vouloir dans un transport d'amour et de colère le tuer de ses regards obliques et insultants, en se mordant les lèvres *.

7. Telle qui savourait, les yeux immobiles, le lotus de son visage, le dévorait sans pouvoir se rassasier, comme les saints aux pieds de l'Etre suprême ^

' 3 a. Cricbna était petit-fils de Çûra par son père Vasudéva, IX, XXIV, 25 etsuiv. d. Manma</iama/imaf/ia «amour de l'amour», c'est-à-dire qui Irouble l'amour lui-même, sâxât iasya [kânmsya) api mohalta ilY arthah. C'est un des traits cités par le scholiaste en tête de \aPantchâdhjâjî{\Aa note de l'introduction, p. 386); cf. 11,11, 7, et la trad. de Burnouf : « Si , voulant entrer dans le cœur de Bhagavat , la colère tremble de crainte, comment l'amour pourrait-il y trouver un asile?» et un composé analogue bhibhayam, eu parlant de Crichna.

* 3 d. Tanvah==karacaranàdajah. Les dictionnaires ne donnent pas le sens de membre a tanu. La même comparaison se retrouve JX, x , 46,et X.LViii, 2; allusion à un passage du Véda, publié et traduit par Burnouf, préf. du 1" vol. du Bh. P. p. cxxxvi et suiv.

•^ 5 b. Carvila n'est pas dans les dictionnaires, j'en ai Aiitunsyn. de carvana; cf. hasita, hasana, etc.

* 6 c. Axepa = paribhava; hata = halâxa, ce dernier sens n'est pas dans les dictionnaires. Sur la pensée cf. pradaxyantîvaixata , IV, IV, 2, ci-dessus xxxi, 2 d note, et M. Bh. I, Sooq.

^ 7. Cf. V.P.hli. c. La métaphore âp{ta{d.\c\aiinbibitaure) est ramenée quelquefois à une simple comparaison : drigbhyâm pra~ paçyan prabibann iva, IV, ix, 3. (/. Les pensées pliilosophiques,

436 MAI-JUIN 1865.

8. Telle aulre, l'introduisant clans son cœur par l'ouver- ture de ses yeux aussitôt refermés, et frissonnant de plaisir, reste en adoration , inondée de joie comme un ascète '.

9. Toutes, élevées par la vue de Kéçava au comble de la félicilé, elles furent affranchies de la douleur qui naît de la séparation : ainsi les hommes , une lois réunis à celui qui possède la science^.

10. Le cœur libre de souci, elles entouraient le bienheu- reux Alchyuta, qui resplendissait d'un éclat suprême, ô roi! comme le Purucha entouré de ses énergies ^ ;

11." alors que , les prenant avec lui , le seigneur entra dans nie delaKâlindî, peuplée d'abeilles qu'attire la brise em- baumée des jasmins épanouis et des mandàras,

12, (île) fortunée, d'où la lune d'automne, par la multi- tude de ses rayons, chasse les ténèbres de la nuit, la Crichnâ% étendant ses vagues comme des mains, accumule les cailloux polis.

prodiguées ici, reviennent encore ailleurs : neçah. . . hleçà jnânodaye yathâ, IV, xt, 2. Cf. aussi V. P. /jo, et Bôhtl. Ind. Spràche, 20^g.

^ S h. Kritya pour hritvâ.

^ 9 d. Prâjnam^=içvaram, ou bien « le sage qui connaît l'être su- prême, » brahmajùam; ce qui revient presque au même , car c'est Bha- gavat qui transmet la science par l'intermédiaire du précepteur, un précepteur est Bhagavat lui-même, VII, xv, 29; ou bien encore, saasupkim [prâpya ) yalhâ viçvataijasâvaslhâ jîvâli.

^ 10. Purasali çakdhhir yalhâ «rame suprême entourée des qualités de bonté, etc.» cf. ci-dessus, xxix, i4; ou bien \epurusa*k l'œuvre, » updsaka « entouré de la science , de la force, de l'énergie; » ou bien \c purusa anuçayi [çaydnani vd guluiçayam «endormi dans le mystère, » par opposition à prexcmîyehitani « donnant le spectacle de ses œuvres, » III , xxviii, 19), entouré de la Prakriti et de ses autres énergies en puissance, prakrityâdynpâdhihh'irvrkah.

* 1 1. La glose rattache, par la construction, les stances 1 1 et 1 2 au verbe vyarocata de la stance \ o.

* 12 c. Krisnd (la noire) = Vamunâ; cf. dans les Ind. Sprûche de Bôhtl. 629 : Ydiimnam amhu kajjcddbham. Haslutanda , l'ordre inverse est pins ordinaire; cf. dans le M. Bh, i, 121/1 , vicîhastuili.

PAiNTCHADHYAYI. /i37

1 3. Affranchies de îa tristesse par la joie de le contempler, elles obtinrent, comme les Védas\ l'objet de leurs désirs; et de leurs vêlements tachetés du safran de leurs seins, elles firent un siège à celui qui réside au fond des cœurs.

1 Ix. Quand il s'y fut assis , Bhagavat , le Seigneur qui siège dans le cœur des maîtres du Yoga^, brillait au milieu des Go- pîs en adoration devant lui, revêtu d'un corps qui réunit la beauté des trois mondes.

i5. Après qu'elles eurent honoré celui qui les embrase d'amour et pressé ses mains et ses pieds sur leurs seins, en donnant à leurs sourcils un mouvement gracieux accompagné de regards aimables et souriants, elles dirent avec des éloges mêlés de quelque dépit \

Les Gopîs dirent :

16. «Quelques-uns aiment quand ils sont aimés; d'au- tres, même quand ils ne le sont pas; d'autres encore n'ai- ment jamais, aimés ou non. Oh ! daigne nous expliquer cela. »

Le Bienheureux dit :

17. «Ceux qui aiment pour être aimés, ô amies! n'ont

1 3 è. Çrutayo yalhâ. « Voici le sens , dit la glose. De même que dans le Karmahhânda , ou la partie qui traite des œuvres , les Védas ne voyant pas le souverain seigneur sont incomplets à cause des liens des pratiques diverses ; tandis que , dans la partie qui traite de la science , jhânakhânda , ils voient le souverain seigneur et, remplis de joie à cette vue, ils sont affranchis des liens des œuvres, de même celles- ci, etc. » Sur l'insuffisance du Véda, ou plutôt du Kannakhânda , voy. le discours du brahmane au roi, V, xi , 2 et suiv. (/. Atmahandhave = antaryâmine et «proche parent,» d'après un dictionnaire indi- gène cité par Bôlill. Le mot peut être pris dans les deux sens. Cri- chna, réputé fils de Nanda, était regardé comme un parent par les habitants du parc.

2 ll^. La pensée du premier hémistiche est une de celles qui re- viennent le plus souvent; cf. entre autres passages, IV, xxiv,37,p«ci- sade, et la glose : hamsah çiicisad iti çruteh.

^ i5 d. Hiatus dans un pada, cf. note sur XXX, 2^ b. V. 29

438 M AI- JUIN 186 5.

en vue que leur intérêt propre; il n'y a ni affection ni devoir; c'est calcul égoïste et rien autre.

18. « l'amour n'est pas payé de retour, comme chez les êtres compatissants ' et chez les pères, est le devoir par- tait et le dévouement, ô toutes belles !

19- «Quelques-uns n'aiment pas même qui les aime, en- core moins qui ne les aime pas. Ce sont ceux qui trouvent le bonheur en eux-mêmes^, ou dont les désirs sont satisfaits, les ingrats, ceux qui maltraitent un gourou.

20. «Quant à moi, ô amies! si je n'aime pas les êtres qui m'aiment, c'est pour qu'ils se livrent à la dévotion : ainsi riiomme tombé dans la pauvreté par la perle des trésors qu'il avait amassés, n'a de souci et de pensée que pour eux'.

21. « De même, ô femmes qui pour moi avez renoncé au monde, au Véda et à tous les vôtres! c'est pour que vous me soyez dévouées que, vous aimant à votre insu, je me dé- robe à vos yeux'*. Ne blâmez donc pas votre bien-aimé,ôbien- aimées !

22. « Non, je ne puis reconnaître le mérite de votre atta- chement désintéressé, même en vous donnant de vivre au-

^ 18 b. Karuna, en ce sens, n'est pas dans les dictionnaires; cf. ci-dessous, xxxiii , 21.

^ 19 c. Atmârdmâh = aparâijdricah « ceux qui n'ont pas d'yeux pour les objets du dehors. » d. Les gourous sont le précepteur, le père et la mère,/n(/. Spr. i8o4. On donne aussi ce nom à tout bienfaiteur, upakartâ gurutuljah , sch.

^ 20 d. Nibhrita = pûnïa, vyâpta, sens inconnu des diction- naires ; anyan na veda « il en perd le boire et le manger, » xutpipâsâdi , dit la glose.

'' 21a. Loka = juklœyukta : veda = dharmddharnia. Cf. X , XLVi, 4: td mannianaskd malprând madarthe tyaktadaihikdh \

ye tyaktalokadharmdç ca madarthe tân bibharmy akam |j et X, XLVii, 9 : tyaktalaukikâh , en parlant des Gopîs. c. Paroa;a «in- visible,» cf. paroxajit[Ul,xyinyli) «vainqueur invisible, a Pour l'idée exprimée ici, cf. IV, xxviii, 65 : paroxapriyadevabhagavân « Bhagavat est le dieu ami du mystère. » En effet, il entend leurs paroles affec- tueuses, dit la glose, bien qu'elles ne le voient pas. - d. Mâ=mâm.

PANTCHADHYAYI. 439

tant que les dieux, ô vous qui m'avez aimé' jusqu'à briser les chaînes indesiruclibles de la famille ! Que vos mériles soient leur récompense à eux-mêmes ! »

CHAPITRE XXXlll.

Çuka dit :

i. En entendant de la bouche de Bhagavafc ces paroles pleines de charmes, les Gopîs furent affranchies de la dou- leur qui naît de la séparation, et sa présence mit le comble à leurs vœux.

2. Alors, sous la conduite de Govinda, commencèrent les jeux du râsa^ que célébraient avec lui ses femmes dévouées et joyeuses, brillantes comme des perles, en se tenant entre elles parle bras.

3 et 4^. La fête du rasa, embellie par le cercle des Gopîs, était menée par Grichna , qui, usant de sa puissance magique et se plaçant entre elles, deux à deux, les tenait embrassées par le cou; et chaque femme croyait qu'il était auprès d'elle. Cependant le ciel se couvrit de cent chars montés par les dieux en compagnie de leurs épouses , et le cœur consumé de regret.

5. Alors les tambours retentirent, des pluies de fleurs tombèrent du ciel et les chefs des Gandharvas chantèrent avec leurs épouses sa gloire sans tache.

6. Les bracelets, les anneaux des pieds et les clochettes des femmes, accompagnées de leur bien-aimé, produisaient un bruit confus dans le cercle du rasa *.

^ 2 2 c. Yâh= hhavatyah, sch. cf. xxx, gcd et la note.

^ 1 b. Basa ■■= bahunartahîyuhto nrityaviçesah.

^ 3-4. Le sch. fait remarquer que la o' st. a trois hémistiches et quelle enjambe d'un pied sur la suivante, axaracalustayâdhikena sârddhena. VS. V. P. hi-liç, et la note de Wilson , p. 538 de sa traduction.

4 6,— Cf. V.P. 5o.

29

440 MAI JUIN 1865.

7. resplendissait sous l'éclat de ses femmes le Bienheu- reux , fils de Dévakî, comme une grosse émeraude parmi des pierreries aux reflets d'or '.

8. Tandis que, à frapper la terre du j)ipd, à agiter les bras, à mouvoir les sourcils avec grâce on souriant, à se bri- ser la taille^, à faire bondir leurs seins et flotter leurs voiles; tandis qu'à secouer sur leurs joues leurs boucles d'oreilles la sueur inondait leur visage, et que leurs cheveux et leurs ceintures se dénouaient, les femmes de Crichna brillaient en chantant ses louanges, comme les éclairs sur le cercle du nuage.

9. Elles chantaient avec force en dansant, variant le son de leurs voix, s'enivrant de plaisir et transportées de joie aux caresses de Crichna dont la louange remplit le monde.

'7 a. Tâbhih svarnavarnâbhih , sch. On sait que Crichna était d'un bleu foncé. c. Suivant la glose, on bien Témeraude, c'est-à- dire Crichna, resplendit entre chaque couple de pierreries jaunes, kaimânâih maninâin madhje madhje; ou bien, sans répéter madhye, li n'y en a qu'une seule aux yeux des Gopîs, cjopîdristjahhiprâjerui vâvinaiva madhyapadâvrktim. , delà le singulier fupufc/te, plus difli- cile à expliquer dans la première interprétation. Cf. ci-dessus, st. 3, d. Mahâmarahata == nîlamani «saphir. » Le premier de ces mots est constamment traduit par «émeraude,» et on y rattache le grec (Tfidpayêos. Il y en a de vertes, harinmarahata^Wll^u, 4; de foncées, marahataçjâmavapuseyWU, xvt, 3 (= megliaçjâmayV\[\,\u, 1 7, égale- ment appliqué à Bhagavat); les vertes elles-mêmes ont des reflets foncés, VIII, II, l\. La glose ne donne d'explication que sur ce dernier passage, harit= pâlàçavurna. Le marakata, dans certains cas, peut-il se confondre avec la pierre d'un bleu foncé, nUamani? xJ'ai passé huit jours, dit le prince SollykofT, dans les montagnes qui s'appellent Nilguerries , ce qui veut dire les montagnes bleues, apparemment parce qu'elles apparaissent bleues aux Indiens des plaines; mais elles sont, au contraire, éternellement vertes, .l'ai entendu dire, d'ailleurs, que nil veut dire indifféremment bleu et vert.» ( Voyages dans l'Inde, p. 117.)

^ 8 b. Bliajjat = bhajyamâna de bhamj. Cf VIII , xn , i 9. Au 3*pada, si on \\t°grantliayah au lieu de °agrantliaYah , on a un sens tout opposé, admis aussi par le scholiaste.

PAiNTCHADHYAYI. hliY

lO. Certaine Gopî, accompagnée par Mukunda sur une clef, chanlait sur une autre; et lui, prenant plaisir à l'en- tendre, l'honorait en disant : u Très-bien! très-bien!» Elle chanlait le refrain, et il lui témoignait beaucoup d'estime \

il. Une autre, épuisée de fatigue par le rasa, appuyant son bras sur l'épaule du héros armé d'une massue, qui se tenait auprès d'elle, laissait flo! 1er ses bracelets et les jasmins de sa guirlande.

12. L'une d'elles, qui soutenait sur son épaule le bras de Cricbna imprégné de sandal , sentant le parfum délicieux qu'il exhalait, le baisait en tressaillant de plaisir ^

i3. A une autre, qui pressait sur sa joue la joue (du héros) embellie par d'éclatants^ pendants d'oreilles qu'il agi- tait en dansant, il donnait une bouchée de bétel.

1/4. Tout en dansant, en chantant et en faisant résonner les anneaux de ses pieds et (les clocheltes) de sa ceinture, une autre, accablée de fatigue, prenant la main propice d'Atchyuta , qui se tenait auprès d'elle , la posait sur ses seins.

i5. Les Gopîs réunies au bien-aimé Atchyuta, le favori préféré de Çrî entre tous, se livraient à la joie et chantaient ses louanges, pendant qu'il les tenait parle cou dans ses bras.

16. Les oreilles parées delolus, les joues ornées de bou- cles de cheveux, le visage élincelant de sueur, les Gopîs dansaient au son des bracelets, des anneaux des pieds, des clochettes et des instruments de musique, en compagnie de Bhagaval , laissant tomber les fleurs de leur chevelure, dans la salle les abeilles tenaient lieu de musiciens.

17. Ainsi, parmi les embrassejiienls, les attouchements voluptueux, les amoureux regards, les jeux effrénés et les rires, l'époux de Rama goûtait le bonheur avec les belles du parc , comme l'enfant qui s'amuse de la réflexion de son image.

^ 9-10. Cf. le Preni Sacjar, p. 64 de la traduction anglaise. 9 d. Yad(jîtena , etc. cf. urugâya, III, v, 44.

2 11-12. Cf. F. P. [)2-53.

^ i3 6. Tvisa. Les dictionnaires ne donnent que Ivis et Ivisâ, cf. 22 a. ci-dessons.

442 MAI-JUIN 1865.

18. La joie d'être unies à lui troublant tous leurs sens, les femmes du parc n'avaient pas la force de relever soudain ' leurs cheveux, leur robe ou le voile de leur sein, et elles laissaient tomber leurs guirlandes et leurs ornements, ô des- cendant des Rurus !

19. A la vue des jeux de Crichna, le trouble s'empara des épouses des dieux en proie aux tourments de l'amour; et la lune, ainsi que les constellations, en fui émer- veillée^.

20. Le Bienheureux, se multipliant autant de fois qu'il y avait de Gopîs, goûta le bonheur avec elles en se jouant, lui qui trouve son bonheur en lui-même \

2 1 . Les voyant fatiguées par ces violents ébats , (le héros) compatissant leur essuyait le visage avec amour de sa main propice , ô roi î

22. D'un regard souriant que rehaussait l'éclat de leurs joues, brillaient, mêlés aux boucles de leurs cheveux, d'é- lincelanls pendants d'oreilles en or, les Gopîs, honorant le héros, chantaient, ivies de joie au contact de ses ongles, les actions méritoires qu'il avait accomplies.

23. Confondu an milieu d'elles et suivi d'abeilles, pa- reilles aux chefs des Gandharvas, qu'attirait sa guirlande froissée par les étreintes de ses femmes et rougie du safran de leurs beaux seins, il entra dans l'eau pour se délasser : tel (y entre) , épuisé de fatigue, le roi des éléphants avec ses conopagnes en brisant les barrières ^.

' 18 c. Amjas = anijasd.

^ 19. La marche des astres est suspendue, suivant la glose; de ce qui est dil ci-dessous, si. Sg a.

' 20. Cf. in, m, 8 et 9. Le scholiaste cite ici deux textes : la prière par laquelle les Gopîs demandent d'être unies à Crichna, cfX, XXII : nandagopasutam devi pat'iin me kurii, et la promesse de Crichna , rapportée en noie, xxix, 1. Notre stance justifie l'épithèle satya- kâma == sutyasankalpa que nous trouverons ci-dessous, st. 26 6; comparer avec ces deux composés satyavikrama, etc.

'' 23 (/. Bhinnasrtn. Ce qui est dit de l'éléphant doit s'entendre

PANTCIIADHYAYI. 443

24- Tandis qu'au milieUi des ondes les jeunes femmes l'arrosaient à l'envi et lui jetaient de l'eau de toutes parts avec une aimable gaielé, ô roi! tandis que du haut de leurs chars les dieux versaient des pluies de fleurs et chantaient ses louanges, il prenait plaisir, bien qu'il trouve son bon- heur en lui-même, à jouer au milieu d'elles comme le roi des éléphants \

25. El puis, dans le bosquet de la Crichnâ l'air est embaumé de tous côtés par l'arôme des fleurs de la terre et des eaux, il se promenait entouré d'une multitude d'abeilles et de femmes, comme î'élé[)hant en rut avec ses femelles.

26. Ainsi, fidèle à sa promesse, il passait avec la troupe de ses femmes dévouées toutes les nuits éclairées par les rayons de la lune et propices aux sentiments célébrés dans les poënies d'automne, lui qui renferme sa jouissance en lui- même ^.

Le roi dit :

27. «C'est pour afl'ermir la justice et pour réprimer le crime que Bhagavat, le maître du monde, a incarné une portion de son être.

28. «Comment lui qui enseigne, établit et protège les

en ce sens, suivant la glose, que Crichna foule aux pieds les usages du monde et les pratiques du Véda. Cf. I, xviii, 35; et ci-dessous 28 a.

^ 2lid. Gajeiidralila, cf. V, xviii , 39, la comparaison est ex- primée à la manière européenne : krîdann ivehhah.

^ 26. J'ai suivi la première interprétation du scholiaste; d'après la seconde, il faudrait séparer °/vaf/td de rasâçrajâh , et faire du com- posé '^niçâk, un compl. circonstanciel de siscve. c.Sauratah = cara- madhâtuh. Dans une des énumérations de dhâtu, rapportées par Bôhtl. dans son dictionnaire, le septième et le dernier est le samen; il y a peut-être une comparaison implicite, tout à l'avantage de Vichnu , avec ce qui est raconté de Çiva poursuivant Vicbnu déguisé en cour- tisane, Vin, XII, 32 ; cf. en outre dans le M.Bh.l, aSSo, la légende de Vasu, iasya retali pracaskanda. d. Çaralkâvya , cf. V. P. 5o.

444 MAI-JUIN 1865.

barrières de la justice', ô brahmane! a-t-il, au mépris de la justice, louché à des femmes qui n'étaient pas à lui ?

29. « Puisque ses désirs sont satisfaits , que voulait le chef des Yadus, quand il commit cet acte blâmable? Dissipe le doute qui s'élève en nous, ô pieux solitaire! »

Guka dit :

30. « Parce que des grands ont violé la loi et commis un crime, gardons de l'imputer à faute à ces élres puissants, non plus qu'au feu de tout dévorer \

3 1 . « Que jamais nul , s'il n'est leur égal , ne commette un tel acte même en pensée; ainsi tout autre que Rudra périt à avaler follement le poison sorti de l'Océan \

32. « Ce que disent les grands est bien ; ce qu'ils font , l'est quelquefois. D'eux, le sage n'imite que ce qui est conforme à leurs discours ''.

33. « Il n'y a pour eux ici-bas ni avantage à bien faire, ni dommage à mal faire, 6 roi ! parce qu'ils n'ont pas de person- nalité.

34. « A plus forte raison le rapport de bien et de mal n'existe pas entre le Seigneur de tous les élres, animaux, morlels ou dieux, et les créatures qui lui sont soumises.

35. a Quand ceux qui se sont complu à adorer la pous-

* 28 b. Bhagavat crée et protège les barrières de la loi, III, IX , 1 9. c. Pratîpam = pradkûlam. Les femmes des autres doivent être respectées comme une mère, mâtribhakiih parastrisu, IV, xv!, 17.

^ 3o. Sur le nom dlçvara donné à d'autres qu'à l'être suprême , cf. I, III, 27 (lesRichis, etc. sont réputés tous des portions deHari), et l'emploi du nom français seigneur.

^ 3i. Il s'agit ici du poison kdlahâki avalé par Rudra ou Çiva.

^ 32. M. Muir, tjuem honoris causa nomino , en traduisant ainsi le deuxième hémistiche, Let a wise man observe their command which is right, semble avoir lu séparément svavaco ynham , qu'il faut réunir comme le veut la glose, tesàm vacasd yad yuktam aviruddham tat; d'ailleurs, tout ce que disent les grands est bien, satyani vacali: c'est entre leurs actions qu'il faut choisir celles qu'on peut imiter.

PANTCHÀDHYÀYÏ. 445

sière de ses pieds, pareils au lotus, sont délivrés de tous les liens des œuvres par la puissance du Yoga; quand les mu- nis marchent libres et sans entraves, comment celui qui a pris un corps de sa propre volonté serait-il enchaîné par les œuvres ?

36. «En révélant un corps ici-bas, lui le régulateur su- prême, qui se moût au sein des Gopîs, de leurs époux et de tous les êtres animés, il ne faisait que se jouer ^

87. « C'est par bienveillance pour les êtres qu'il prend un corps humain et se livre à ces jeux, afin qu'on s'attache à lui en en écoutant le récit.

38. lEt, certes, les habitants du parc, troublés par sa puissance magique, n'ont eu garde d'accuser Crichna, per- suadés que leurs femmes étaient auprès d'eux.

39. «Quand la nuit de Brahujâ fut terminée ^ les Gopîs, qu'avait troublées Je fils de Vasudésa, retournèrent à regret dans leurs maisons, le cœur plein de Bhagavat.

40. « Et quiconque écoute et raconte avec foi ces jeux de Vichnu avec les femmes du parc, animé soudain d'une dé- votion profonde pour Bhagavat, il est affranchi du désir qui ronge le cœur, et affermi dans la sagesse. » ^

» 36. Cf. V. P. 60.

- 39 a. Brahinarâtra upâvritle = hrâhme muhurte prâpte, cf. Dasam Ashandj Ir. Pavie, p. 109 : «Et il se trouva qu'une nuit du jour de Brahine était terminée;» le Prem Sagar, trad. Eastwick, p. 65 ; « Meanwhile, the night advanced and no one was aware of it , and from that time tlie name of that night has heen the night of Brahmâ; » on peut voir dans Polier, ch. vi, p. 455 , ce qu est devenu dans la tradition populaire ce trait merveilleux de notre légende.

^ 4o. Dans le Bhâgavata, les épisodes sont ordinairement ter- minés comme celui-ci , par une prière ou bénédiction , dont la pensée est prise dans l'épisode lui-même.

446 MAT-JUrN 1865.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES,

PAR IBN-KHORDADBEH,

PUBLIÉ, TRADUIT ET ANNOTE

PAR C. BARETER DE MEYNARD.

(suite et fin.)

le maghreb ou occident.

Le Maghreb formait un quart de l'Empire sous lancienne monarchie des Perses; son gouverneur était nommé Kharherân-Espehboad.

ROUTE DE BAGDAD AU MAGHREB.

Sindjileïn(Yak. Salyaheïn, 3 fars.), 4 fars. El- Anbar, 8 fars. Ed-Derb, 7 fars.^ Hît, 1 2 fars. Narousyeh, île sur TEuphrate, y fars. Ela- dousyeh (Kod. Alouseh), 7 fars. Ed-Dara, 6 fars. El-Fakhîmah (Ed. Odjaïmah), 6 fars. Ei-Behyeh (Kod. El-Behymeh), 12 fars'. El-Fardhah (Kod. Ei-Ardhah) dans la plaine, 6 fars. Ouady es-seba' (1 vallée des Hons, » 6 fars. Khilidj « le canal » ( Ed. (( canal des Béni Djoumah ou Djoumaï, »> ibid. 1 /i5),

^ Kodama écrit c^^Jf ; Edriçy cjîjî- P^^ une inadvertance sin- gulière, Jaubert a lu ejam au lieu de enijal, et il traduit, eu con- séquence, journées au lieu de milles, II, i44.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. kM 5 fars. Montagnes^ de Karkisya, 7 fars. Nahr- Sayid, 8 fars. EM3ourrîn (Kod. El-Houran; Ed. Djordjân), \l\ fars. El-Menzil (Ed. El-Mebrek; Kod. El-Menazil), 21 fars, (il faut lire 1 1 fars.) Rakkah, ville nommée par les Grecs Kalanikous^, 8 fars.

(Villes principales) : Rakkah; Harran; Roha; So- maïsat; Saroudj ; Hisn-Kifa; El-Ard el-Bei'dha «la terre blanche;» Tell ((colline» de Mauzen; Ezze- waby; El-Mazidjân; Roçafah; Zeïtounah. Impôts de la Mésopotamie [El-Djezireh) : quatre millions de dinars. Au rapport d'El-ïspahâny, l'impôt du Diar- Modar a été fixé à la somme de 9,600,000 dinars, y compris les dîmes ^.

^ Avant jL^, la copie B donne le groupe ^lijî. Comme il n'y a pas de montagnes autour de Circesium, le docteur Sprenger propose de lire jUs». En acceptant cette conjecture, on devrait traduire : «de à Elghas, en face de Circesium, 7 fars.»

^ Callinicum est le premier nom de cette ville fondée par Se- leucusCallinicus. (D'Anville.) La distance compkHe est ici i34 fars, dans Kodama on lit 126 seulement; mais il est vrai que son itiné- raire omet deux étapes. D'après Edriçy, il y a en tout 872 milles, ou 12/i fars., ce qui établit une différence de 10 fars, entre son iti- néraire et le nôtre. Il importe de remarquer qu'indépendamment de cetle route, laquelle suit la rive de i'Euphrate, il y a, ainsi que l'atteste Kodama, un chemin pins direct, par l'intérieur du pays, jusqu'à Deïr, l'on rejoint I'Euphrate. Dans Edriçy il est fait aussi mention d'une voie qui traverse le désert et abrège , de cinq journées environ , la durée du voyage.

' D'après cette seconde version , le revenu de la province présen- terait une différence de plus du double. Comme je l'ai dit ailleurs, ce témoignage paraît n'avoir été invoqué par l'auteur que pour four- nir de plus amples matériaux et d'autres points de comparaison à l'histoire économique du khalifat. Cependant il ne serait pas impos-

448 MAI-JUIN 1865.

Division administrative de l'Euphrate : Karkiçya; KliaboLir; Rahbah; Eddalyali «la vigne; » Anal; El- Hadîlhah; Hit; Elanbar; Beïder; Masîn ; Somaïsat; Es-Sikr^... Tabân; Bir el-Alya; Bir es-Soufla. Telles sont les villes nommées villes dii Khaboar. Les stations de cette route, en partant de Rakkah, sont: Douser; Balès, Ton passe l'Euphrate; Khousaf; Naourah; Aiep; Rinnisrîn. La province de Rinnisrîn comprend les districts suivants : Maa- rat-Moft în '^ ; Berdjewân; Sermîn; Djebar el-Açab Dolouk; Raabân; Alep. Places fortes^ : Kourès El-Djoumeh; Menbedj; Antakyeh; iNirîn; Loubna Balès; Rossafah u la chaussée » de Hicham , iils d'Abd el-Mélik. L'impôt de la province de Rinnisrîn et des places fortes se monte à 600,000 dinars.

De Rinnisrîn on se rend à Chîzer, puis à Hamat, puis à Hims (Emèse). La province de Hims ren- ferme les districts suivants (dans ce pays, on donne au district le nom d'Iklim u climat») : Cbîzei ; Afa- myah; Marat en-No'mân; Sourân; El-Atmîn; Tell-

sible que les chiffres généraux donnés ici et dans d'autres passages, sur la foi d'EMspahàny, fussent simplement des annotations mar- ginales, introduites plus tard dans le texte par un copiste.

^ Le mot qui suit n'est pas ponctué. Le groupe entier répond au Sikket el-Âhhas d'Edriçy, II, i 5/i.

^ La copie B porte Marin. Il est parlé de Marat-Mofrîn et de la ville de Naourah dans les fragments de l'histoire d'Alep, publiés par Frevlag, 6 et passim.

•' La nomenclature des places frontières se trouve textuellement dans le traité d'Ibn-Haukal, et elle est citée, d'après ce dernier, par Abou'lféda, texte, p. 2 33. La seule variante qui mérite d'être notée est Tizin au lieu de Nirin.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 449 Meïçerah; Loubnân (le Liban); Es-Sofrah; les cinq districts l'on cultive le dattier; Ei-Ghoutas; Na- wah ; Raçîn ; Damîn ; Koustoul ; Selniyah ; Adounah ; Djoiiçyah ; Soudanyah ; Tadmor ( Palmyre). Villes delà côle: Kilata(?); Djebelali; Bolonyas (Apollonie de Syrie); Natroun (peut-être Antartoiis, Tortose); Merkabah (Castrurn Merghabum) ; Racirab; Saka; Habyah; El-Houleh ; Adjloun; Barîn; Afirama.

ROITE PARTANT DE HIMS (ÉMÈSE).

Djousiah ^ lo fars. El-Kara, 3o m. Nebek, 12 m. Kotaïfah, 20 m. Damas, 2/4 m. Damas, qui est la ville nommée Dhat el-Imad^, existait, dit- on , avant le prophète Noé. L'arche partit du som- met du Liban et s'arrêta sur le mont Djoudy, dans le Kurdistan. Lorsque les enfants de Noë se furent nuiltipliés, ils abandonnèrent les serdab (cavernes, voûtes cyclopéennes) au roi Nimroud , fds deKouch,

' Ce nom est Indéchiffrable dans les deux copies; j'ai suivi la le- çon de \akouby, laquelle se trouve aussi dans Ko Jama et Mokad- dessy, il faut lire avec ces trois écrivains i3 milles, au lieu de 10 fars, que porte notre texte. Il est à remarquer que la route décrite par Ibn-Kliordadbeh est une de celles que suivait la poste, mais elle pas- sait par Nebek, tandis que l'autre, mentionnée par Mokaddessy, passait par Ba'lkek; elles avaient à peu près la même étendue, en- viron 200 kilomètres.

^ La ville aux piliers . allusion au passage du Koran, LXXXIX, 5 et suiv. Ce n'est pas, à proprement parler, Damas même, mais bien un temple d'origine prétendue adite, et nommé Djeîro un, en souve- nir de son fondateur, qui est l'objet de la légende musulmane. Ma- çoudy, après avoir résumé les différentes versions qui circulaient, de son temps, sur la ville et le temple aux piliers, cherche à en dé- montrer l'origine fabuleuse. [Prairies d'or, t. IV, p. 88, sous presse.)

450 MAI-JUIN 1865.

le premier qui régna sur les Juifs, sectateurs de la Thorah. Impôt foncier de Hims, 3/io,ooo di- nars. Mais, suivant Ispabâny, il n'a jamais dépassé 1 8o,ooo dinars ^

Province de Damas, districts : la plaine du Gaw- tah (banlieue et jardins de Damas); Senîr; la ville de Ba'lbek; la Bekaa el le Liban; district de Djou- nyab; district de Tripoli; district de Djobeïl (ou Gebaïl); Beïrout; Saïda et Batbanée; district du Haurân; district de Djaulân; la banlieue^ de Balka; les environs du Jourdain; district de Moab; district du Djebal ou Montagnes; district de Gbera (ou Obé- rât); Bosra; Amman et El-Djabyeb.

HOUTE PARTANT DE DAMAS.

Djaçim, 2I1 m. Fîk, 2/1 m. Tibériade, cbef-lieu du Jourdain , 6 m.^ Impôt foncier de

' S'il faut en croire Yakouby, l'impôt d'Emèse, établi sur une base invariable, ne déjsasse pas 220,000 dinars, non compris, il est vrai , les redevances des biens affermés par l'État. Les contradictions qu'on remarque dans ces chiffres tiennent surtout à l'âge différent des documents que les trois auteurs avaient sous les yeux. (Voyez aussi la note 3, ci-dessus, p. A47.)

^ Littéralement «l'extérieur» zhahit ; cette expression est appli- quée par Yakouby à la même localité, texte arabe, p. 1 1 ï.

^ Total, 182 kiloni. L'impôt de cette province est à peu près le même dans la relation de Yakouby : 3oo,ooo dinars, sans compter les domaines affermés. Ibn-el-Moudebbir, dont paile notre auteur, après avoir été fait prisonnier par le chef des Zendjes, sous le règne de Mo'taded, fut mis en liberté et passa au service d'Obeïd Allah, fds de Suleïinân, dernier vizir de ce khalife. C'est du moins ce qui résulte d'une anecdote racontée par Ibn-Rhallikàn ( Vie da poète Ahou l- A' la ). SWe per-sonnagc en question est bien celui dont l'an-

LE LIVIVE DES ROUTES ET DES PROVINCES. A51 Damas, /ioo,ooo dinars, plus une fraction. El-Ispa- bâny ajoute : d Cet impôt a été rigoureusement éva- Jué par Ibn eJ-Mouclebbir; il se monte, en y com- preiiant le total des dîmes et la capitation des Juifs, à la somme de i/io,ooo dinars.»

Districts : le Jourdain; Tibériade; Samarie; Beï- sàn; Fahl; Hawîm ; Naplouse; Djadar; Abil (Méra- cid : Abil ez-Zeït); Sousyah; Safouryab; Akka (Saint- Jean -d'Acre); El-Rouds (Jérusalem); Sour (Tyr).

De Tibériade à El-Lahoun, 20 m. Kaïsaryeb, 20 m. Ramiab , chef-lieu de la Palestine, 2/1 m. (Total, i28kilom.) Impôt de la province du Jourdain, 35o,ooo dinars; mais, selon Ispahàny, il n'a jamais dépassé la moitié de cette somme , non plus que l'impôt de la Palestine ^

Districts de la Palestine : Ilya ou Beït el-Makdes (Jérusalem, jElia Capitolina). David et Salomon y avaient déposé leurs trésors. De Jérusalem à la mosquée d'Abraham (Hébron), se trouve le tom- beau de ce prophète, on compte 1 3 m. Suite des districts : Amwas; Loudd; Ramlah; Yafa; Kaï- saryeb; Sebastyeh; Askaloun; Ghazza; Beït-Djebrîn.

ROUTE PARTANT DE RAMLAH.

Azdoud, 12 m. Gbazza, 20 m. Rafah

leur invoque ici l'autorité , il n'est pas facile d'expliquer la différence énorme des deux évaluations.

^ Yakouby donne à peu près le même renseignement; il estime l'impôt du Jourdain , prélèvement fait des fermes, à 1 00,000 dinars. L'évaluation d'Ibn-Khordadbeh semble donc exagérée d'un tiers au moins.

452 MAI-JUIN 1865.

(Bekry ; Rafakli), i 6 ni. El-Arîch , dans les sables , 2 II m. Warradali, i8 nn. Ghoraïbeh (Kod. Bakarah; Mok. Nafarah) , 20 m. Faranria (Péluse), 2/1 m. dans les sables. Djordjîr, 3o m. El- Kaçyrah, 2/1 m. Mosquée de Kodhaa, 18 m. Bilbîs, 21m. Fostat, capitale de l'Egypte, 2 4 m. (Total, 261 m. = 5o2 kilom.) L'Egypte, patrie des Pharaons, était nommée aussi Macédoine. Fostat doit son nom au camp qui y fut dressé par Amr, fils d'El-Assy. Impôt de la Palestine, 5oo, 000 di- nars ^ .

DISTRICTS DE L'EGYPTE.

Menf; Waçîm; Dalass; Bousîr; le Fayyoum; Ahnas; El-Kaïs ; Taha ; Achmounîm; Osyouth; Kehfa; Behnesa; ïkbmîm; Ed-Deïr (c'est le couvent d'Abou Chanoudah); Abchayah; Ermount; Kyft; El-Askir (Méraçid : El-Aksar); Esnè; Ramîl; Oswân; Alexandrie; Rolzoum [Clisma, Suez) ; Thour; Eilah; MaçîletMalidous; Kartassa; Kliarbita; Sabas; Sakha; Nebdeh (Yak. Tydeh); Aiaf-, Loubya; El-Awsyeh; Thowah; le Bas-Menouf; Ghantouf; le Haut-Me- nouf; Atrîb; Aïn-Ghems; Karasla(?); Kaïinen(?); San

^ On a vu dans la note précédente que, d'aprtîs une évaluation plus modérée , l'impôt de la Palestine n'atteignait pas niéme à 200,000 dinars. Mokaddessy, après avoir donné les chilTres de notre auteur pour les villes de Kinnisrîn , Émèse, le Jourdain et la Palestine, les rectifie ainsi qu'il suit, d'après ses informations j)articulières : «Kinnisrîn et les places frontières, 36o,ooo dinars. Jourdain, 700,000 dinars (le texte me paraît fautif). Palestine, 269,000 dinars. Damas, 400,000 dinars et une fraction, « | F" 1 26.)

l

LK LIVHE DE^ ROUTES ET DES PROVINCES. 45:^ etlblîl; El-Bokhoum; Moghîrah; Ahyâ et Dachnah; El-Hauf occidental; El-Hauf oriental; Bohaïrali «le lac» ou région basse ^; Bathn er-Rîf; Ghorounah; Saïd; Tinnis; Dimyat; Farama; Dokhoula; Bothai- rah; Nakyzah; Bosaïth; Matharyeh; Ternout; El- Bahr(?); Bedaryeh: Bedakoun ; Cherak; Maryout; Samryah (Yak. Wasioiah); Bernîl; Ansina; Chatai; Debîk. L'étendue de l'Egypte en long, depuis Gbedjretein ules deux arbres^, » et El-Arîch jusqu'à Oswân «Syène, » et en large, depuis Barkah jusqu'à Eïlah, est évaluée à un mois de voyage.

ROUTE D'EGYPTE AU MAGHREB, EN PARTANT DE POSTAT.

Dhat es-Sahil (Rod. Dhat es-Setasil), 2(1 ni. - Tarnout (Marbout, leçon erronée dans Makrizy) , 22 m. Rafikab (Rod. Rafyah), le long du Nil, ili m. Rarasla(Ed. Rarma) ,24 m. Rerboun, 2Z1 m. Alexandrie, 2 à m. Nounyah (Rod. Abou-Mounyah; Mok. Bayyoubab), 20 m. Dhat el-Houmam «séjour de la fièvre, « 18 m.^ Djen-

' Selon Yakoiiby, ce district se compose de six villes, situées sur la rive orientale du Nil. (Ibid. p. 126.)

^ On trouve souvent la variante Chedjreli «l'arbre.» Celte bour- gade, située entre El-Arîch et Rafah , séparait la Syrie de l'Egypte. ( C f . Prairies , II , 295.)

•* De cette étape part l'embrancliemeut des deux routes condui- sant à Barkah. (Cf. Bekry , Irad. par M. de Slaiie, Journ. asiat. 5* sé- rie, XII, p. 48.) La distance jusqu'à cette station est, d'après notre texte, de 180 milles = 36o kilom. Mais Kodama ajoute une étape de 2lx milles, enlre Tarnout et Kaum-Cheryk , lieu dont il n'est pas fait mention ici. D'après cela, la distance entre Alexandrie et Tem- hrancliement de Dhal el-Houmam doit être 62 milles :;=: \2k kilom. V. 3u

45/i MAI-JIIN 186 [).

net er-Roum ^ jardin des Grecs» (Bekry : Hanyat er-Roum ((Tarcadc des Grecs »), 2/1 m. Thahou- nah ((la meule,» 3o m. Renais el-Awsedj ((ci- terne de la plante nommée rhamnus , » on n'y trouve que de l'eau de pluie, 3o m. Sikket el-Hammam ((relais du bain,» 3o m. Kasr-Chemmas «châ- teau du diacre , » 2 5 m. Khirbet ei-Koum u ruine de sable,» i5 m. Rharab Abou Halyma(Bekry : Kharaïb; Mok. et Ed. Haouanit n boutiques ») , 35 m.

La citerne d'Abd Allah, 3o m. Djanad es- Saghîr, 3o m. ... 35 m.^ Ouady Makhîl, 35 m. Citerne de Houlmân (variante : Holaï- mân), 35 m. El-Megbar (da caverne» (Ed. Me- gliar er-Rakîm u des Sept dormants»), 35 m. Takenest (Ed. Yakîst), 2 5 m. Nedamah, 26 m.

Barkah 6 m.^ Cette ville, au milieu du sable

Dans Mokaddessy, on la trouve évaluée à 3 journées, plus deux postes; mais le manuscrit présente quelques incertitudes dans ce passage; il semble d'ailleurs que ce voyageur ait copié et réuni par mégarde l'itinéraire d'Ibn-Khordadbeh et celui de Kodama,

* Le nom de la station est en blanc. Dans Edriçy on lit <_>c^ (jfcwtf «citerne du champ de course,» et dans Mokaddessy «->:^ NUij^f 0 citerne de la terreur. »

^ En ajoutant le nombre des stations indiquées par le contexte au fragment de route évalué ci- dessus, jusqu'à Dhat el Hoamam, on trouve entre le Caire et Barkah 65o milles z=z 1,000 kilom. Edriçy compte 552 milles environ entre Alexandrie et Barkah, ce qui, réuni aux xàk m. qui séparent Alexandrie de Fostat, donne 696 m. Il importe de remarquer que notre texte décrit, à partir de Sikket el'llammum , la route la plus courte à travers le désert; 1 autre che- min mentionné par Kodama donne, à une légère différence près, le total des stations d'Edriçy. Bekry, qui note avec une si scrupu- leuse exactitude les moindres stations de cet itinéraire, oublie mal- heureusement quelquefois de compter la distance qui les sépare.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. ^55 rougeàtre du désert, ressemble à une belle lleur de lotus; un amphithéâtre de montagnes l'environne à une distance de 6 milles.

ROUTE DE BARKAH À I/OCCIDENT.

Mabanah (Kod. Melitya; Mok. Meïseh) , i5 m.

Kasr el-Açel a château du miel, » 29 m. (il faut lire 1 g m. d'après les autres itinéraires). Awirân (Ed. Avrar;Kod. Awirab), 12 m. Selouk, 3om.

Barmest (Ed. Tourmest; Kod. Termeçeh), sur la côte, s/im^ Makyali, sur la côte, 20 m. Adjabyah, 2/1 m. El-Djezîreh (Kod. Haï-Nowah), 20 m. La Sabkkah « terrain salé » de Men- housah , 3o m. Kasr el-Atach « château de la soif, » 2 à m. El-Yahoudyeh , sur le bord de la mer, 34 m. Tombeau d'El-Ibady, 34 m. Sarb (li- sez Syrt « la grande Syrte )^ ) , 3 A m. Karyeteïn « les deux bourgs» (Kod. Karneïn), i3 m. Château de Haçan ben No'mân el-Ghassany^, compagnon de

^ De parlent plusieurs embranchements jusqu'à Adjabyah; le nôtre a 68 m. de parcours; celui dont parle Kodama (Sprenger, ibid. p. 98) , 74 m. D'où il résuite que, d'après Ibn-Khordadbeli , la distance entre Barkah et Adjabyah est de i44 m. d'après Kodama, de i5o ni. Le calcul d'Edriçy donne 6 journées=: i52 m.

^ Ce général, investi du gouvernement de T Afrique septentrio- nale par le khalife Abd el-Mélik, en 687 de J. C. fut défait près de Cabès par une armée berbère. Obéissant aux ordres de son souve- rain , il demeura dans le pays et y construisit deux forteresses aux- quelles il donna son nom; Bekry dit en avoir vu les ruines. [Journ. asiat. 5* série, XII, 433; Hist. des Berbères, III, 192 et suiv.) Le même fait est raconté par Ibn-Haukal. (Voir l'extrait de son livre publié par M. de Slane, Journ. asiat. mai î84 1 , p- ^^V-)

;k).

456 MAI-JUIN 1865.

Walid, fils d'Abd el-Mélik, 3o m. Marsat'(Kod. Mansaf), /lo m. Tonrgha, 2/1 ni. Ragoiiga, 2 A m. Wardaçab, 8 m. Un poëte a dit :

Il rencontra un jour El-Biraz qui conduisait son cheval , aussitôt il le jela sur Wardaçali.

El-Medjteby, 2rt m. Ouady er-Reml «torrent de sable,» 20 m. Tripoli \ 2/1 m. Sabrah , 2/1 m. Bîr (ou Beït) el-Hanaaialin, 20 m. Kasr er-Rizk (Kod. Er-Rouk), 3o m. Naderkbat, 2/i ni.2. . .

Kaïrowân , ville située au centre du Maghreb dont elle est la capitale, 2/1 m. Distance entre Bagdad et Misr (vieux Caire j Syo fars, ce qui équi- vaut à 1,710 milles^.

ÉTATS DMBN-EL-AGULEB.

Kaïrowân; le cours supérieur du Nil, l'Abyssinie et la Nubie. Les Nubiens ont acheté la paix des mu- sulmans, au prix d'un tribut annuel de 600 esclaves*.

' La comparaison du paragraphe mutilé d'Edriçy avec le texte ci-dessus donne entre Syrt et Tripoli 9.bà milles =: 3o8 kilom.

^ La fin de cette route est perdue; mais on peut la compléter avec les relations de Yakouby, de Kodama et de Mokaddessy : Fawa- rah, 3o m. Kabès, 3o m, Bîr-Zeïtounah , 18 m. Ketanah, 2/1 m. Lebès oa Kebès (dist. omise). Kaïrowân, 2/i m. Ce qui fait, entre Tripoli et cette dernière ville, 200 m. (^oo ki- lom.) ou un peu plus, si l'on tient compte de la lacune des textes.

^ A raison de 3 m. pour une parasange, soit 3,4 20 kilom. Il est aisé de voir que ce paragraphe a été déplacé par les copistes et qu'il devait se trouver primitivement à la suite de la route dont Fostat est le terme.

* Maçoudy [ Prairies , fil, 39) relate les circonstances historiques

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 457 Sous les Pharaons, l'impôt foncier de i'Egypte s'é- levait à 96 millions de dinars. Abd Allah, fils d'El- Hidjab (lisez El-Haddjadj), le fixa, souslesOmeyades, à 2,128,837 dinars.

Après l'avènement de la maison d'Abbas, Moiiça , fils d'Yça, fils d'Aly, taxa l'Egypte à 2,180,000 di- nars. — Les autres possessions de l'Aghlebite sont Kabès; Djeloula ;Subeïtyah (Sufietula), ville du roi chrétien Djordjis (sans doute Grégoire, préfet de l'empire), à 70 m. de Kaïrovvân; Zeraoud (?); Gha- damès; Merdjanah; Kafsah; Kastylyah ; la ville du Zab (TobnahP) ; Benzert; Chelehbân (Cheloubinah) ; Waddân; le versant du mont Wa'rân (Ouigran?);

qui ont «donné naissance à cet impôt, qu'il nomme bakt ou iiakt. Le nombre des esclaves livrés annuellement aux musulmans s'élevait, dit-il, à 442. Ce passage a été reproduit par Et. Quatremère, darjs son Mémoire sur la Nubie. Les renseignements que nous a laissés Ibn-Khordadbeh sur les fluctuations de l'impôt en Egypte, outre qu'ils ne sont pas à leur place naturelle , dénotent une rédaction précipitée et confuse. Mokaddessy, après les avoir insérés dans son livre, ajoute (fol. 142) : «J'ai lu dans le traité du Kharadj , par K.o- dama, que le revenu métallique de l'Egypte était autrefois de 2,5oo,ooo dinars. Or j'ai trouvé dans l'ouvrage d'Ihn-el-Fakih des cliilTres bien diflérents , ainsi qu'un historique détaille du revenu de l'Egypte sous les Pharaons, sousHaddjadj et la dynastie abbasside. » Mokaddessy critique la justesse du mot kharadj, employé en cet endroit, et rapporte à ce propos une conversation curieuse qu'il eut avec un Egyptien établi à Boukhara. De ce morceau, que je regrette de ne pouvoir traduire ici, il résulte que : «Dès le n* siècle de l'hé- gire, le système de l'impôt en numéraire était tombé en désuétude; que le fellah payait une redevance en nature pour la terre dont il était usufruitier; que cette redevance reposait sur le rendement an- nuel de la terre, ou, pour parler plus exactement, de la crue plus ou moins favorable du Nil . etc.»

458 MAI-JUIN 1865.

Tunis, à deux journées de caravane de l'Ifrikyah. Tunis se nommait autrefois Karthadjina (du latin Carthacjini). Elle était située sur le bord de la mer, et entourée d'un mur de 2 i,ooo-coudées de circuit (dans Bekry, 2/1,000). Tunis est séparée de l'Esr pagne par la mer Blanche, qui a, en cet endroit, 7 fars, de large [sic). De on va à Gordoue en six journées.

ÉTATS DU ROUSTEMIDE MEÏMOLN , FILS D'ABD EL-WEHHAB , FILS D'ABD ER-RAUMAN, FILS DE ROUSTEM EL-IBADy^

Ce prince est d'origine persane, et on le salue du nom de khalife. Ses États sont : Herzeh; Chelîf; Melyanah; Tahert et ses dépendances; cette ville est à un mois de voyage de l'Ifrikyah, par caravane; enfin le territoire de Sebtah régnait Julien, jusque dans le voisinage d'El-Khadrâ.

. . . Jusqu'à Ouady er-Remel; Ouady ez-Zeïtoun; le château d'Aswed, fils d'El-Heïthem , jusqu'à Tri- poli; tout le territoire situé en deçà, jusqu'à la mer qui baigne l'Espagne.

' Les bornes de mon travail ne permettent pas de rappeler les évé- nements historiques qui morcelèrent l'Afrique septentrionale en plu- sieurs petites principautés indépendantes; ils sont d'ailleurs connus des lecteurs de ce recueil , par les fragments de Bekry et d'Ibn-Hau- kal , dont M. de Slane a donné la traduction. J'indiquerai donc sim- plement les passages qui peuvent éclaircir les données si confuses du Livre des routes.

^ Le texte ajoute un mol méconnaissable, peut-être Djelyanah.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 450

ÉTATS DE L'HÉRÉTIQUE ES-SOFRy\

Marghah, grande ville très-peuplée . . . Mine d'ar- gent sur les frontières méridionales de l'Abyssinie ; une autre ville nommée Din.

Ibrahim, fds deMohammet le Mo'tazely, possède une ville nommée Er-Rezah, dans le voisinage de Tahert.

ÉTATS DE LA DYNASTIE D'IDRIS , FILS DMDRIS , FU^S D'ABD ALLAH , FILS D'EL-HAÇAN (lisez HUÇEÏn) LE THALÉBITE.

Tlemsen, à 26 journées de marche- de Tahert, sur un territoire partout cultivé; Tanger; Fez, rési- dence du souverain , à 2 /ijournéesdeTahert. Derrière Tanger vient le Sous el-Adna (inférieur), à 2,000 m. de Kaïrowân; derrière le Sous el-Adna, le Sous el- Akça (supérieur). Ces deux provinces sont à plus de 20 journées l'une de fautre. Au même souverain idriçite appartiennent aussi Walila (en berbère, Ou- lîli); Medaka; Zeloula; Rakoun ^, Heudjrah (Ibn

' On peut consulter, sur la secte des Sofriles et des Waçililes, le Journ. asiat. 5' série, XIII, p. 116. Maigre les déplorables mutila- tions du texte, il n'est pas impossible de démêler à quelle contrée de l'Afrique l'auteur fait allusion. Selon moi, c'est le pays de Ta- medelt, sur la route d'Aghmat au Sous. D'après le témoignage de Bekry, il y a, à une faible distance deMerghad, une mine d'argent d'un ricbe produit. La ville nommée plus loin Din répondrait, en ce cas, à Derâ, bourg situé à l'orient de Tamedelt. {Journ. asiat. ibid. p. 483.)

2 il n'y a pas plus de 5 à 6 journées de voyage entre ces deux villes. Presque toutes les distances indiquées dans les paragrapbes suivants sont calculées avec la même exagération.

•^ Peul-être Zerboun m^^n'^, sur les ruines de l'ancienne Onlîli

àdi) MAI-JUIN 1865.

Haukal ajoute cn-Ners «le nid de l'aigle»); Ël-Ho- djeïrah; El-Hadjir; Madjeradjera; Figoiin (Ifghan); El-Rhadhra\ sur le bord de la mer qui, en eet en- droit, n'a que 6 fars, de large; (le mont) Auras; le pays contigu au royaume du Dayi, fils du Dayi-, et le pays des nègres qui vont nus, lequel s'étend jusqu'au rivage de la mer.

^ [On a reconnu que le pays habité par les Abys- sins et les Noirs a une étendue de sept années de marche. L'Egypte ne forme que la soixantième par- tie de la terrre. D'après l'opinion la plus répandue, la terre n'a pas moins de 5oo années de marche, dont un tiers est cultivé, habité et peuplé, un tiers occupé par de vastes solitudes, et le dernier tiers envahi par les eaux de la mer.] Le roi de la famille des Idriçites ne reçoit pas le surnom de khalife; on le salue du titre de^ls de l'apôtre de Dieu.

ÉTATS DE L'OMEYADE ISSU IVABD ER-RAIIMAN, FILS DE MOA- WYAH, FILS DE HICHAM, FILS D'ABD EL-MELIK , FILS DE MERWÂN.

Le pays d'El-Andaious\ situé de l'autre côté de

' La position de Khadhra me paraît répondre au petit château s^suo-lî s*aiiiî dont il est fait mention dans la Table géographique àv l'Histoire des Berbères,

^ Ou, en d'antres termes, le missionnaire des Fatimitrs. (Voir Journ, asiat. 3' série, XIII, p. 2A9.)

^ Tout le passage compris entre crochets est interpolé.

* M. Reinaud [Géographie d'Abon'lfcda, trad. française, p. 234) a déjà signalé l'emploi vague et arbitraire que les écrivains arabes du moyen âge font du mol Aiidalnu.s , dont l'acreption vulgaire es! I'FjS- pagne musuinvmc.

I.E LIVRE DES ROUTES ET DES PROV[NCES. 461 la Méditerranée. Gordoue est à 5 journées de la mer. Depuis le littoral de la province de Gordoue jus- qu'à Narbonne, ville frontière entre l'Espagne et le pays des Francs, il y a une étendue de 1,000 m. Tolède, réside le roi, est à 20 (sic) journées de Gordoue. L'Espagne renferme quarante^ villes, comme Marida , Saragosse, Larida, Djarbada (Gi- ronne) et El-Beïdhâ. Ge royaume est limitrophe de la Frar>ce, et au delà s'étendent les contrées habitées par des peuples polythéistes. La dimension de l'Es- pagne , en long et en large , est d'un mois"^ de marche à travers une contrée riche, fertile et abondante en fruits. Les montagnes qui la bornent au nord , sur la frontièredes Romains et des Francs(empire deGhar- lemagne), sont couvertes de neiges. De la dernière de ces montagnes on voit sans cesse jaillir des flammes, au milieu d'une pluie de pierres et de sable ^. A l'époque delà conquête musulmane, l'Espagne avait pour roi Lodarik (Rodrigue) originaire d'Ispahân. En effet c'est de la ville d'Ispahân que les habitants de Gordoue dérivent leur nom Espâa'^. Le prince

' Mokaddessy, en citant ce passage in extenso, fait remarquer qu'il y est seulement question des villes les plus importantes. (Fol. j46.)

^ Ou deux mois, d'après la leçon conservée dans les Prairies d'or. Ibn-Yça, écrivain espagnol , ayant reproduit ce passage de Ma- çoudy, Makkary en démontre l'exagération et cherche à prouver qu'il faut réduire la distance à un mois et demi, (Ed. de Boulac, I, p. 65.)

^ La description fantastique de ce volcan se trouve dans \ Alhar el-Bilad, p. oSg.

^ Maçoudy, qui emprunte ces dernières lignes à notre auteur,

462 MAI-JUIN 1865.

omeyade qui règne actuellement en Espagne est sa- lué du titre de fils des khalifes, et non pas du titre même de khalife, qui n'appartient qu'au souverain des deux villes saintes.

TRIBUS BERBÈRES '.

Les Howarah; les Zenatab ; les Dharyssah; les Maghîlah; les Ouarfaddjoumah , branche des Naf- zah; les Oulîtah; les Matmatah; les Sanhadjah; les Waharah ; les Ketamah ; les Louatali ; les Mezatab ; les Mediounah; lesMasmoudah; les Gomarah; les Kal- mah (Guelma); les Warkab (Ouergha); les Asab ; les Béni Sokbour; les Arkinab (Auga, tribu zéna- tienne); les Béni Remlân; les Béni Masdouren; les Béni Ouandjen; les Béni Manbousab (Mettousa). Les Berbères , domiciliés d'abord en Palestine , obéis- saient au roi Djalout. Lorsque ce roi fut tué par David , ils émigrèrent vers l'occident, et, arrivés dans

ajoute qu'on considère les Eclibân comme un peuple issu de Japhet et dont il ne reste aucun vestige. Mais il fait remarquer, en même temps, que l'opinion la plus accréditée en Espagne rattachait Ro- drigue à la race des Galiciens, peuple d'origine franque. Toutes les conjectures des musulmans sur l'origine des Espagnols sont recueil- lies sans ordre par Makkary. (Ed. de Boulac, 1 , p. 70.) D'après l'au- teur des Prairies d'or, d'accord en cela avec le témoignage des numismates, les Omeyades d'Espagne recevaient le titre d'emir el- moumindi «prince des croyants.»

' Ce paragraphe, qui fourmille de noms étrangers, nous est par. venu dans un état méconnaissable. En le comparant à la non)encla- ture donnée, dans le même ordre, par Maçoudy (III, aii), j'avais réussi à restituer le nom de quelques tribus; mais c'est surtout aux conseils de M. de iJlane que je suis redevable d'une restauration aussi complète rpie possible.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 463 le pays de Loubyali et de Maiakyah, ils se dissémi- nèrent. Les tribus Zenatah, Maghîlah etDharyssah établirent leur résidence dans les montagnes. Les Louatah s'arrêtèrent à Barkah, ville nommée par les Grecs Antaholous , 'nszwamokiç , ce qui signifie « les cinq villes. » Les Hovvarah vinrent habiter Eyas^ ou Tarobolous, c'est-à-dire en grec «les trois villes. A la suite de cette invasion, les Grecs se réfugièrent en Sicile, qui est une île de la Méditerranée. Les Berbères se répandirent jusqu'à Sous el-Adna, der- rière Tanger, à 2,o5o m. de la ville nommée Kam- mounyah^, dans le Kaïrowân. Alors les Grecs et les Francs revinrent dans leurs anciennes possessions, après avoir conclu la paix avec les Berbères. Ceux- ci, dédaignant le séjour des villes, se fixèrent dans les montagnes et au milieu des plaines sablonneuses. La discorde décbira les colonies grecques jusqu'à

l'époque de finvasion musulmane (suit une

ligne illisible).

On exporte par la mer du Maghreb des eunuques tirés du pays des Slaves^ et du Soudan; de jeunes

' Ce mot transcrit assez exactement le grec ÈoSas, premier nom de Tripoli. {Journ. asiat. j858, p. 429.)

^ Un canton du même nom est cité par Bekry, sur la roule d'Oran à Kaïrowân, dans le voisinage de la petite ville de Kafsah. Maçoudy, en copiant tout ce paragraphe sur les émigrations berbères (III, 242), écrit Kabouçah. Il oublie aussi de mentionner l'établisse- ment de la tribu des Loualab à Barkah. Dans Ibn-Haukal, le nom de cette même localité est écrit Kamoudah. [Journ. asiat. i842, p. 244.)

' C'est par erreur que nous avons imprimé ^ oyJjLoJ f ; les deux copies portent lisiblement ^y^'i^l; et dans le fragment

464 MAI-JUJN 1865.

esclaves chrétiens; des filles espagnoles; des peaux de buffles et des laines; des parfums, entre autres le storax benjoin, et parmi les résines, le mastic. On tire du fond de cette mer, dans le voisinage du pays des Francs, le sehed^, substance connue ordinaire- ment sous le nom de merdjân «corail. »

La mer qui s'étend au delà du pays des Slaves jusqu'à la ville de Boalyah n'est fréquentée par au- cun navire ni bâtiment de commerce, et Von n'en tire aucun produit. Pareillement, l'Océan occidental, se trouvent les îles Fortunées, n'est pas exploré par les marins et ne fournit au commerce aucun objet de consommation.

ITINÉRAIRE DE BAGDAD À RAKKAII , PAR MOÇOIJL.

De Bagdad à El-Baradân, Ix fars. Okbera, 5 fars. Badjoumaïra, 3 fars. Kadiçyeh, y fars.

Sorra-men-râ , 3 fars. Kerkh, 2 fars. Hai- lita (Mustaufy : Hafyân), 9 fars. Souk-Kadiçyeh « le marché de Kadiçyeh » (Kod. Soudfanyeh) , 5 fars.

Narema (Kod. Barema), 5 fars. Sinn et la rivière du Zab, 5 fars. El-Hadythah, 12 fars. Beni-Taïbân (Ed. Tamyàn), y fars. Moçoul, 7 fars. ^

tl'Ibn-Haukal cité ci-dessus , il est parlé aussi des eunuques escla- vons. (Cf. Invasion des Sarrasins, etc. par M. Reinaud, p. 2 36.)

* Ou zehed marin, selon l'orthographe de Kazwîny, qui donne une longue description de la pêche du corail sur les côtes d'Afrique, {a.Adjaïb,ix 238.)

* Distance de Bagdad à Moçoul, 74 fars, ou Mili kiloni. Ccltr route est une de celles que Muslaufy a empruntées à l'auteur.

LK LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. ^i65 Villes de la province de Moçoul : Tikrit; en l'ace est Taubeb, ville du prophète Khidr^; Tizer; Ti- rhân; Essinn ; El-Houlyeh ; Merdj-Djohaïneh ; Ni- nive, ville du prophète Jonas; Badjila; Marhada ; Baadra ; Houbtoun ; Maïkaîa ; Hazzah ; Yanaas (P) ; El-Maallah ; Ramîn ; El-Hannanah ; Mahawa ; Maalya ; Tell-Sabour (Maçondy : « tombeau de Sabour )>) ; Da- kouka ; Khanidjar. Impôt foncier de cette pro- vince, l\ millions de dirhems.

(suite de L'ITINÉRAIRE.)

De Moçoul à Beled, 7 fars. Baaïnatha, 6 fars. (Kod. 7 fars.) Barkaïd, 6 fars. Adhramah, 6 fars. Tell-Feraçah, 5 fars. (Kod. 3 fars.) Ni- çibîn, cbef-lieu du Diar-Rebyab, k fars.^ Pro- vinces du Diar-Rebyab : Niçibîn-, Erzen; Raçaïn ; Myafarikîn ; Mardîn; Baaïnatba ; Beled; Sindjar; Kyrda^; Bazibda ; Thour; Abdyn. Impôt fon- cier, 7,700,000 dirbems.

De Niçibîn à Dara , 5 fars.^ Refer-Toutha , 7 fars. Raçaïn, 7 fars. Djaroud, 5 fars. La forte-

* On lit dans le Méraçid : « La colline du repentir, tauheh, est un surnona donné à Ninive, » Ibn-Djobeïr la place à 2 milles de Mo- çoul, sur la rive gauche du Tigre, «C'est là, dit ce voyageur, que Jonas prêcha et convertit les infidèles; telle est l'origine de son nom» (p. 237).

'^ En tout, 2o4 kilom. Mais, d'après Mokaddessy, il y aurait 6 jour- nées de marche entre les deux villes; ce qui , à raison de 6 fars. 1/7, donnerait un supplément de route d'environ 22 kilom.

^ Un fragment de vers cité par Maçoudy ( I , p- 227 ) prouve qu'il faut lire Bakjrda. Ces deux villes ou bourgades étaient situées près du confluent du Khabour et du Tigre.

466 MAI-JUIN 1805.

resse de Masamah, 6 fars. Badjrewân, 7 fars.

Rakkah, 3 fars. ^

Embranchement de droite, conduisant de Niçi- bîn à Erzen : Dara, 5 fars. Kefer-Toutha , 7 fars.

Château des Béni Zinaa'^, 6 fars. Amid, sur le Tigre, 7 fars. Myafarikîn, 5 fars. Erzen, 7 fars. (Total, 222 kilom.)

Embranchement de gauche d'Amid à Rakkah ^ : Chimchat, 7 fars. Tell-Hazm (Mok. Tell-Khoum), 5 fars. Djernân, 6 fars. Bam'adah, 5 fars. Djoullab, 7 fars. Koha (Edesse), [\ fars. Har- rân, Ix fars. Badjra(?), k fars. Badjrewân, 7 fars. Rakkah, 3 fars. (Total, 3i2 kilom.)

ROUTE DE GAUCHE ALLANT DE BELED À SINDJAR ET KARKIÇYA.

Tell-Afar u colline cendrée, »> 5 fars. Sindjar, 7 fars. Aïn el-Djebal « la source des montagnes, » 5 fars. Sokaïr c la petite digue » d'el-Abbas , 9 fars.

EhGhadîr, 5 fars. Masekîn, 6 fars. Kar- kiçya , 7 fars. '^ Toutes ces stations sont sur les bords du Khabour et de l'Euphrate.

' Les distances additionnées donnent ko fars, ce qui met Bag- dad à i48 fars. = 888 kilom. de Rakkah. ((]f. Sprenger, carte i5.) Le calcul d'Edriçy donne un résultat un peu plus fort: 2 5 journées =: 9 2 4 kilom.

^ Kodama : château des Béni Baldaa' ; Edriçy écrit Ihn-Bari et ajoute une station qu'il désigne sous la forme Tell-Yaraa.

^ Dans le texte, p. 82, ligne dernitVe, il faut lire iijà s (J,\ au lieu de 'i3s ^•

* Total du parcours, àli fars. = 264 kilom. Edriçy place Circe- sium à 4 journées de Rakkah , par un chemin direct.

I

LE LIVRE DE6 ROUTES ET DES PROVINCES. /i67

ROUTE DE RAKKAH AUX VILLES FRONTIERES.

A savoir : Salaous; Keïçoum; forteresse de Man- sour ; Malatliyab ; Zibetrah ; El-Hadeth; Mar'ach; Kamakh. - De Rakkah à Aïn er-Roumyeli « source de la Grecque,)) 6 fars. Tell-Abda^ 7 fars. Saroudj, 7 fars. El-Medîneh (Kod. Merîneh), 6 fars. Somaïsat, 7 fars. Forteresse de Man- sour, 6 fars. Malatbyab , 1 o fars. Zibetra (So- zopetra), 5 fars. El-Hadetb, Ix fars. Mar'ach, 5 fars. Kamakh, à Ix fars, de Malatbyab. El- Omk, près de Mar'acb. On appelle omk une vallée profonde encaissée dans de bautes montagnes.

De Aïn et-Tamr « source du palmier » à Bosra : on passe par El-Abdabyab, El-Djisr « pont de ba- teaux, )) El-HoJaït, Sera, El-Odjaïfar «le petit puits,)) et on arrive à Bosra.

ROUTE DE LA MESOPOTAMIE AU LITTORAL (dE LA MEDITERRANEE).

Stations depuis Rakkab : Douser; Rasten (Are- tbusa); Pont de Menbedj ; Alep; El-Erbab; Haïr; Antakyeb; Ladikyeb; Djebelleh; Tripoli; Beïrout; Saïda; Sour; El-Kades (dans le voisinage du Car- mel); Kaïçaryeb ; Arsouf (Apollonia); Yafa; Aska- loun ; Gazzab.

^ Ou Tell-Ahdah i$<>AC, d'après l'auteur du Méraçid et Ibn-Djo- beïr. Celui-ci ajoute : «Cette colline, qui a la forme d'une table, est couronnée d'un édifice en ruine. »

468, MAI-JUIN 1865.

De Hakkah à Damas, par Roçafali ' : Roçatah , 'ik m. Zeraat (Kod. Mok. Deraat), ko m. Kastal, 36 m. Salamyah, 3o m. Hims(Emèse), 2/4 m. Semkîn (Kod. Mok. Chemsin), 18 m. Karah, 22 m. Nebok, 12 m. Kotayah, 20 m.

Damas, 2/1 m. ^

Postes entre Hims et Damas, en passant par Baal- bek : d'Emèse à Hawseh, Ix relais. Baalbek, 6 re- lais. — Damas, 9 relais^.

Route de Roufah à Damas (par le désert) : on va d'El-Hîrah à Kotkotanah , puis à Abyad; Djoussa

Djema' ; Kbouta; Mihneh ; El-Oulvva

Dawary ; Saïdah; Bokayiah; El-Anak

Adri'at; Damas.

^ On nomme ainsi une chaussée en pierres plates et bien ci- mentées, au-dessus d'un terrain accidentellement inondé; plusieurs villes portaient ce nom. Celle dont il est question ici fut construite par le khalife Hicham, Gis d'Abd el-Mélik , qui en fit sa résidence, alors que la peste ravageait la Syrie,

2 Une partie de cette route a été suivie par Ibn-Djobeïr, dans son voyage d'Emèse à Damas. Parmi les particularités que signale sa relation, on lit que «le village de Karah est entièrement habité par des chrétiens de Saint-Jean, et qu'on n'y trouverait pas un seul mu- sulman» (p. 266). Le total des stations réunies donne aSo milles. Nebek est cité pour la beauté de ses sources. (Cf. Kremer, Ausjluge nach Palmyrat p. 2 4.) La station suivante, nommée dans le texte Kolaya,\eqon qui est répétée par Kodama , répond, je crois, au vil- lage de Koçaïr, dans Ibn-Djobeïr.

^ En estimant le relais de poste , en Syrie , à i 2 milles , comme le veutMokaddessy,la distance complète serait 228 milles = 456 kilom. chiffre évidemment exagéré. Il résulte, en elfot, des relations mo- dernes les plus exactes, que le trajet de Damas à Baalbek n'exige pas plus de dix-huit heures, ni celui de Baalbek à Émèse plus de vinst heures.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES, hm

POSTES ENTRE ALEP ET LES VILLES FRONTIÈRES.

D'Alep à Kinnisrîn, 7 relais (Kod. 9). An- tioche, Il relais. Iskenderyeh (il faut lire Isken- deroun, Alexandrette), Ix relais. Maçyça, ville sur les bords du Djeïhân (Djeban-Tchaï, Pyramos) , 7 relais. Adanab , sur le Seibân (Seïkboun-Tcbaï, Saras), 3 relais. Tarsous, 5 relais. Les places fortes^ sur les frontières de Syrie sont : Aïn-Zerbah; Harounyeh ; Reniçet es-Souda a église de la (Vierge) noire; » Tell-Djobeïr; Derb es-selamah acbemin du salut. ))

ROUTE (de tarsous) AU CANAL DE CONSTANTINOPLE.

El Olaïk, I a m. Zobour (distance omise. Cf Edriçy, II, 3o8). Djauzat, 12 m. Kbarbout, y m. Bedendoun (ancien Podandus), 7 m. Ma'sker el-Mélik «le cannp du roi,» 10 m. On passe devant Loulouah et Safsaf, si l'on veut tra- verser le Derb [Pylœ CUiciœ). De Ma'sker à Ouady-Tarfa, 12 m. Mina, 20 m. Rivière d'Héraclée (cf. Abou'1-féda, p. 01), 12 m. Sel- mîn, 1 6 m. Sources de Bargoutâ ,12m. Ri- vière d'El-Absa, 18 m. Rebedh «faubourg» do Naumab (Ed. Kounyab), 1 3 nn. El-Alémeïn (Ed.

' Sur les boulevards de ia Syrie, que uos doux copies nomment à {.oTiawadil, au lieu de awaçim, voyez Abou'I-féda , texte, p. 2 35. Aïn- Zerba est l'antique Anararba. Tell-Djobeïr, d'après le Méraçidj est à 10 milles seulement de Tarsous. La ville de Harounyeh doit son nom au khalife Haroun er-Réchîd. (Cf. Edriçy, îl , i /i i .)

470 MAI-JUIN 1«65.

Meldjis), i5n). Encloiimyanah , 20 m. Ouadv el-Hout (( rivière du poisson , « i 2 m. Amouryah, 1 1 m. [Mais il y a une autre route partant d'El-Alé- meïn. De aux villages de Nasr-le-Crétois, 1 5 m. La pointe du lac de Masiloun , 1 o m. Sedd ((la digue,» 10 m. Forteresse de Seyya- rah, 18 m. Saala, 25 m. Akyb-Amouryah «chaussée d'Amoriurn, » 3o m. Villages des Be- nou'l-Hareth , 1 5 m. Saïry ^ est un autre nom de la ville d'Amouryah.] De à F'endj , 12 m. Le khalife Mo'taçem-Billah fonda la ville d'Angora et fit la conquête d'Amouryah. On passe ensuite par Kalamy el-Ghabeh (( les roseaux des jungles , » 1 5 m. Hisn el-Yahoud a forteresse du Juif, » 1 2 m. Sendabery (Santabaris, aujourd'hui nommée Seià el- Ghazy), 1 5 m. Merdj «la prairie, n i3o m. Forteresse de Gharouboly, 1 5 m. Renais el-Mé- lik H églises du roi, » 3 m. Teloui «les collines, » 20 m. El-Akwar, 1 5 m. Meladjina (Aïn- Gueul), i5 m. Ecuries du roi, 5 m. Hisn el- Koubara (Ed. El-Abra), 3o m. Le canal de Cons- tantino'ple , 2 4 ni. Nikyeh est en face d'El-Koubara , et à 3o m. de Constantinople. C'est un lieu de transit pour les colis de marchandises^ à destination de cette capitale.

^ Peut-être faut-il lire Saghiry, du nom de la rivière Sangaris, qui passe à l'occident d'Amoriuni. Ici se termine l'embranchement dont parlent l'auteur et Kodama. Les stations suivantes sont communes aux deux routes.

^ Au lieu de cette leçon, on trouve, dans la traduction de Jau- bert, «légumes;» on voit qu'il a lu abhal: la fertilité des environs de

LE LIVRE DES ROUTES E'J DES PROVL^CES. 471 Autre route partant de Bedendoun : Keroum « les vignes;» -^ El-Ba'ryeh; El-Kenaïs, h droite de Kaukeb (Ed. Tfiouleb) ; Zendeh ; Belysah ; Merdj el-Askaf a la prairie de i'évêque ; » Felou- gary ; Karyet ei-Asnam « bourg des idoles -, » ^ Ouady er-Rîh « vallon du vent ; )> Sabbah ; Aï- nawab ; Medjassah ; Karyet el-Djouz a le bourg aux noix ; » Rostaçyn ; Karyet el-Bathrik « bourg du patrice ; » Merdj-Bamoulyah ; Ednos. commence une route qui aboutit à Deroulyah; une autre route, tournant à droite, passe par la for- teresse de Beloumîn, et finit au canal de Constanti- nople.

Ce canal est formé par la mer Nitas (Pont- Euxin), qui dérive de la mer des Khozars^ La lar- geur de son embouchure, en cet endroit, est de 6 milles. Il se dirige, sous l'impulsion d'un fort cou- rant, jusqu'à Constantinople, à 60 milles de ses bouches; parvenu à l'endroit nommé Abydos^, il passe entre deux montagnes, et se rétrécit telle- ment que ses deux rives ne sont qu'à une portée de flèche l'une de l'autre. Abydos est à 100 milles

Nicée, au moyen âge, peut justifier cette variante. La distance entre Nicée et Constantinople, telle qu'elle est présentée ici, est une er- reur évidente.

' Ibn-Khordadbeh partageait, d'après cela, l'opinion, générale- ment accréditée à cette époque, d'une prétendue communication entre la mer Caspienne et la mer Noire. [Prairies d'or, I, 278. In- troduction à la Géographie d'Ahou'lféda, p. ccxcv.)

^ L'auteur du Takwîm el-Boiilddn et d'autres géographes comptent 70 milles, exagérant ainsi la longueur du Bosphore d'au moins I 6 milles. L'étendue réelle de ce canal est de 27 kilom.

3i.

472 MAI-JUIN 1865.

de Gonstantinople, par une route unie. C'est que se trouve la source à laquelle Maslamah, fils d'Abc! el-Mélik, laissa son nom \ à l'époque il assiégeait Gonstantinople. Le canal se prolonge jusqu'à la mer de Syrie; et h son embouchure dans cette mer, ses rives sontéloignées seulement d'une portée de flèche; deux hommes peuvent communiquer avec la voix, d'un bord à l'autre, le canal n'ayant alors que /i milles de largeur. En cet endroit est bâtie, sur un rocher, une tour à laquelle est attachée la chaîne qui ferme l'entrée du canal aux navires musulmans. La longueur entière du détroit, depuis la mer des Khozars^, jusqu'à la mer de Syrie, est de 820 milles. Il est sillonné par les bâtiments qui descendent des îles de la mer des Rhozars ou des parages voisins, et par ceux qui, de la mer de Syrie, remontent vers Gonstantinople. La largeur du canal, près de cette ville, est de l\ milles.

Les autres pays du Roum, à TOccident, sont, en premier lieu, Rome et la Sicile, qui est une île. Rome, Tancienne capitale de cet empire, tut la ré- sidence de vingt-neuf rois ; deux autres rois habi-

' Dans le tome II des Prairies d'or, se trouve le même ren- seignement, il faut substituer Ahjdos à la leçon Andalous que don- nent les copies. Ce Heu est mentionné avec son nom correctement écrit dans la Géoyraphie d'AbouM-féda , et l'expédition de Maslamah , dans les Annales musulmanes du même auteur (I, 434).

* Ce nom avait été donné h la mer Noire, à cause du séjour de la tribu larlare des Khozars dans la presqu'île de Crimée, ou Kko- zarie. Maçoudy évalue à 35o milles la longueur du déiroit, des bouches de la mer Noire aux Dardanelles.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 473 tèrent Amouiyah , qui est située à 60 milles de Cons- tantinople, sur la rive asiatique du canal. Constantin le Grand, après avoir tenu d'abord sa cour à Rome, se transporta à Byzance, qu'il fortifia et nomma Constantinyeh. Depuis cette époque, elle est restée la capitale du Roum.

On dit que le canal baigne cette ville de deux côtés, à l'orient et au nord ^ ; les deux autres côtés, ceux du coucbant et du midi, tiennent au continent. Le mur d'enceinte le plus élevé a 2 1 coudées, et le plus bas, qui donne sur la mer, 5 coudées de haut {Maçoudy, 10 coudées). Entre ce mur et la mer, il y a un espace de 5 Sur la face méridio- nale du mur, du côté de la terre ferme ., s'ouvrent plusieurs portes, entre autres la porte Dorée, dont les battants sont en fer incrusté d'or. Constantinople possède environ cent portes.

On dit que les patrices et leur suite résident au- près du souverain dans Constantinople. La cavalerie se compose de quatre mille hommes et l'infanterie de 2

^ Il faut lire chimal au lieu de châm, comme dans Maçoudy, II, 319. Cet auteur a su éviter l'erreur commise par Ibn-Khordadbeh , qui joint le côté méridional de la ville au continent. Je profite de ce rapprochement pour corriger une faute d'impression qui s'est glissée dans ce même passage de notre édition. Ligne 1 5 : « mais c'est au sud que la mer a le plus d'élévation.» Au lieu de la mer, lisez le mur. La porte Dorée, dont il est question quelques lignes plus loin, se voit encore derrière les sept tours, à la pointe sud-ouest du mur d'enceinte. (Cf. Edriçy, II, 298.^

^ Le texte ajoute arbaa' « quatre » suivi d'une lacune. Les données des Iiistoriens byzantins sur la garde urbaine sont trop vagues pour

474 MAI-JUIN 1865.

Au rapport de Mousiim, surnommé El-Haramy, l'empire byzantin se divise en quatorze provinces administrées par les délégués du roi. Trois de ces provinces sont situées de l'autre côté de la mer ^

Thalaka (Thrace), province qui renferme Gonstantinople ''^. Ses limites sont, à l'orient, la partie du canal formée par la mer de Syrie, jus- qu'à la muraille (sic)-^ à l'occident, tout ce qui est compris entre la mer des Khozars et la mer de Sy- rie. Son étendue en long est de quatre journées de marche.

(La province qui commence à deux jour- nées de Constantinople), bornée, au midi, par la mer de Syrie. Elle est nommée Torakya^ ; ses bornes

qu'il me soit possible de rétablir ce fragment. On entrevoit cepen- dant, dans ce que dit l'auteur, une allusion au magister equitum et au magister peditam, dont la création est attribuée à Constantin. (Voyez Schœll, Histoire de la littérature romaine, III, 368.)

* Ce paragrapbe sur la division administrative et les limites des provinces grecques est rempli de lacunes, de mots intervertis et illi- sibles. Quelques-uns se retrouvent, il est vrai, dans Edriçy (II, 299) ; mais ils y sont aussi défigurés et classés dans un ordre diffé- rent. J'ignore Ibn-Kbordadbeh a trouvé sa division en 1 4 pro- vinces, au lieu de la classiGcation bien connue en 32 thèmes, dont i5 en Europe et 1 7 en Asie. Il nous reste , à cet égard, un important témoignage , c'est le Hep} tcov 0efzaT&)j; de Constantin Porphyrogé- nète. Quelques passages de ce livre, dont je dois la communication à l'obligeance de M. Brunet de Presle, m'ont paru se rapporter aux indications si incomplètes de mon géographe; je les indique en note , sans discuter les questions intéressantes que ces rapproche- ments pourraient soulever.

^ Premier thème de Conslanlin : to Séfia tyIs BpcfJtVS. (Edition Bekker, Bonn, i84o,p.4/J.)

^ C'est ainsi que je propose de lire le groupe «v^S (J)^; suit*'

LE LÏVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 475 sont la muraille à Test, la Macédoine au sud, le pays des Bordjân à l'ouest, la mer des Khozars au nord. Elle a quinze journées de marche en long, sur trois journées en large.

La Macédoine. Ses limites sont, à l'est, la mu- raille; au sud, la mer de Syrie; à l'ouest, le pays des Slaves; au nord, celui des Bordjân lar- geur, 5 journées de marche de la mer 3 for- teresses à 1 1 m. du canal.

k" Afladjounyah ( Paphlagonie), qui renferaie cinq forteresses ^

Antamathy , nom qui signifie « l'oreille et l'œil;)) cette province renferme trois forteresses^.

Elasik (Ed. Opsikion), dont la ville principale est Nikyeh (Nicée); dix forteresses.

El-Efesis, dont le chef-lieu porte le même nom (Ephèse); c'est la ville des Compagnons de la caverne; quatre forteresses.

Le khalife Wathik-Billah avait chargé Moham-

se rapporte avec une exactitude suffisante au Séfxa ^vppaKiov. [Ibid. P-56.)

* Constantin ne nomme que six villes principales dans ce thème. [Ibid. p. 3o.)

^ Le texte ajoute Amourjah, erreur de copiste. La province que l'auteur désigne sous cette dénomination bizarre répond très-proba- blement au thème Ôir7/fiaToy, dans Porphyrogénète , qui avoue lui- même ne pas en connaître l'origine. Le Grec peu instruit qui four- nit à Ibn-Khordadbeh ces vagues renseignements sur l'empire byzantin dut, suivant un procédé familier aux Orientaux, demander à la langue usuelle l'explication des noms de pays et de villes ; de la définition «l'oreille et l'œil, avri (kxti. » Le traducteur d'Edriçy avait déjà reconnu, dans le thème suivant, VO-^iKtov des Grecs. (Cf Coiist. Porphyrog. p, 2li.)

476 MAI-JUIN 1865.

med, fils de Mouça l'astronome, d'une mission re- lative aux Sept dormants. [Ashab er-rakim , Cf. Koran, chap. xviii.) En conséquence il écrivit au roi de By- zance, afm qu'il pourvût aux frais du voyage. Moi Abou'l Kaçem ^ ... fds de Khordadbeh , j'ajoute : Voici la relation de ce voyage, telle que je l'ai re- cueillie de la bouche de Mobammed ben Mouca lui-même. Le roi de Byzance lui donna une escorte qui les conduisit à Rorrah^. Puis ils continuèrent leur route et arrivèrent, en quatre étapes, devant une colline dont le diamètre à sa base n'était pas de mille coudées. Un souterrain , dont l'entrée s'ou- vrait à ras de terre, donnait accès au lieu repo- saient les Sept Dormants. «Tandis que (racontait Mobammed) nous gravissions le sommet de la col- line, nous vîmes un puits assez large à son orifice, et au fond duquel jaillissait une source. Nous redes- cendîmes ensuite jusqu'à la porte du souterrain , et, après avoir marché trois cents pas, nous arrivâmes au lieu même que nous dominions auparavant. Une salle en arceaux, taillée dans le roc et soutenue par des piliers sculptés, renfermait plusieurs cham- bres (chapelles). Une d'elles, dont le seuil s'élevait

' Après Abou 1-Kaçem, le texte ajoute Mohammed, ce qui est sans doute une inadvertance du copiste et fait double emploi avec le nom du voyageur dont la relation est citée. On pourrait, à la rigueur, au lieu de Mohammed , lire hen Ahmed t pour se rapprocher de la filiation donnée à l'auteur dans le Fihrist. (Voyez ci-dessus, Introd. p. lo.)

^ Ce lieu, s'il n'est pas question ici du promontoire de Kara- Bournouy ne peut être cherché que dans le voisinage de Smyrne; il y a seulement «jfuttfrf? étapes entre cette villeetEphèse, parTrianda et Yéiil Kcuï.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 477 d'une brasse au-dessus du sol, était fermée par une porte en pierre taillée au ciseau; c'est que les corps étaient conservés. Un gardien, assisté de deux eunu- ques d'une beauté remarquable, dérobe la vue de ces corps à la curiosité des pèlerins. Dans ce but il leur fait accroire que, s'ils allaient plus loin, ils s'expose- raient aux plus terribles malheurs, et ce mensonge est pour lui une source intarissable de profits, u Laisse-moi entrer, lui dis-je, ta responsabilité sera à couvert. » Puis je pénétrai dans le sépulcre, avec un.de mes serviteurs, muni d'une grosse torcbe. Les corps étaient revêtus de suaires qui s'effilaient en charpie, au simple toucber; ils étaient enduits de substances propres à les conserver, telles que Taloès , la myrrbe et le camphre. La peau était col- lée aux os; en passant ma main sur la poitrine de l'un d'eux, je sentis le contact rugueux des poils. Le gardien avait fait préparer un repas auquel il nous invita; mais, dès la première bouchée, nous quit- tâmes la table en refusant de prendre aucune nour- riture. En effet cet homme voulait ou nous empoi- sonner, ou tout au moins nous infliger un traite- ment honteux, afin de perpétuer dans l'esprit de son roi la croyance que ces corps étaient bien ceux des Sept dormants^ Je lui dis en partant : «Je croyais

* La légende des Compagnons de la caverne ou des Sept dormants, car je crois qu'elle a été mal à propos dédoublée par quelques écri- vains musulmans, fut recueillie par Mahomet dans un de ses voyages en Syrie. On sait comment il l'a racontée à son tour; mais le récit tronqué et puéril du Koran suffit pour exciter à un haut degré la curiosité des néo-convertis. Au rapport du Modjmel ( fol. 292 ) , au dé-

478 MAI-JUIN 18G5.

que tu nous aurais montré des morts dont i'aspect serait celui des vivants; mais, ici, nous n'avons vu rien de semblable. »

L'Anatholos, c'est-à-dire le Levant, c'est la plus grande province de l'empire grec; elle ren- ferme la ville d'Amoryab , les forteresses El-Alémeïn, Bordj ech-Chebm , Bargouth , Miclikîn et trente autres places fortifiées.

Khorsoun (Kepo-àr), sur la route de Malatbya : ville principale Kbaracbna (Chersonus) et quatre forteresses.

10° Kalath (Galatie): ville principale, Angora; seize forteresses.

1 El-Arsak^ : Kolonyah, ville fortifiée, et seize forteresses.

but de Ici guerre contre les Grecs , Moawyah et Abd AHah, fils d'Ab- bas, étant arrivés aux environs d'Ephëse, Moawyah voulut pénétrer dans la fameuse caverne, malgré les instances de son cempagnon. «Enfin il se précipita aveuglément dans le souterrain-, mais un veut impétueux, sortant des profondeurs de la montagne, le rejeta au dehors. » Le thème incomplet du Koran fut développé, avec plus de naïveté que de richesse d'invention , par Técole traditionniste , à par- tir de Kaab ei-Ahbar, un des pères de la tradition musulmane. (Voyez une de ces mille versions dans les Mines de l'Orient, t. III, p. 347») Une seconde rédaction un peu différente du voyage de Mouça fut publiée par Serakhsy, et Maçoudy l'inséra dans son Histoire moyenne. C'est du moins ce qu'on peut conclure d'un passage assez laconique des Prairies. Ici encore notre traduction a besoin d'être corrigée sur le teste même du fAvre des routes. T. II, p. 3o8, 1. 6, au lieu de «le meurtre de tous les musulmans qui l'avaient accompagné,» on voit qu'il faut traduire plus exactement : «La tentative d'empoison- nement faite contre lui et contre les musulmans qui l'avaient accom- pagné. »

' H est possible que cette forme désigne !<' pays nommé par les

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 479

l 'i*" Kelkyeh(Cilicie),seslimitessont.. .(lacune), six forteresses.

i3° Seloukyah, depuis la mer de Syrie jusqu'à Tarsous elle Lamis (fleuve Lamotis ou Lamuzo); cette province est gouvernée par l'intendant des routes. VilJe principale, Seloukyah; six forteresses.

1 Kabadak (Cappadoce), province comprise entre les montagnes de Tarsous, Adanah et Messis- sah. Ses forleresses sont Korah \ Hadhar, Antakoua, El-Ahzab, Dou'1-Kela' et quatorze autres places (suit une ligne illisible).

L'impôt foncier est affermé annuellement à 200 modi (de pièces valant) 3 dinars. Le modi vaut 3 mekkouk^. La dîme prélevée sur les céréales est destinée aux approvisionnements de l'armée. Les

Grecs Arzes (Cf. Constantin, ibid. p. 3i); en efFel le thème de Co- lonea était considéré comme d'origine arménienne.

^ «PropugnaculumquodCorumdicitur. » (Constantin, ièttZ. p. 21.) Je ne sais à quelles villes rapporter les noms qui suivent. La der- nière place, nommée ici Dou'l-Kela, est peut-être la transcrip- tion par métathèse de 'Loih^os, ville classée par Porphyrogénète dans le même thème.

^ Le mekkouk était autrefois, chez les Arabes, l'équivalent d'un saa et demi, ce qui fait 3 litres 3/4. D'après cela le modi [modius) pourrait valoir de 1 1 à i 2 litres. Le modius des Romains ne valait que 8 litres 63. On sait à quel point les mesures musulmanes ont varié selon les époques et les provinces; il serait donc difficile de tenter une appréciation du revenu de l'empire grec, d'après une donnée aussi incertaine. Cette difficulté est rendue plus sérieuse en- core par l'incertitude qui règne, parmi les auteurs byzantins, sur la valeur relative des monnaies, et l'impossibilité l'on est de tirer de leurs renseignements une notion, même par à peu près, div chiffi^e de l'impôt foncier. (Voyez ï'Hist. du droit byzantin , par Mor- treuil, t. 111, 107.)

480 MAI-JUIN 1865.

juifs et les idolâtres payent, chaque année, i dinar par tête. On prélève aussi une contribution annuelle de 1 dirhem sur chaque feu^ . Les fruits arrivent à maturité en septembre , dans les montagnes comme dans les plaines.

Le rôle de l'armée comprend i 20,000 hommes^.

^ Ce terme traduit exactement le aa-nviKov des Novelles de Com- nène, (Cf. Mortreuil, ihid.)

^ Lalisie qui suit n'est pas tellement déflgurée qu'on ne puisse en rétablir quelques passages, malgré la double mutilation qu'elle a subie de la part de l'auteur et des copistes. Le thoumarkk et le thoa- mahar, noms qui semblent provenir d'une même leçon, font penser à deux grades de l'armée grecque, d'une dénomination presque identique : le [lepâpyii^ç et le fioipdpxjns. Le passage suivant de la Tacticfue de Léon, que M. E. Miller a bien voulu me faire connaître, laisse supposer que notre thoiwiarkh pourrait être le Mœrarchh des Byzantins :

a Mejodp;^»^ , ol \sy6\i.evoi xsore al paTrjXoiTai , vvv §è tyj (TvvTjôe/çt, KaXox)[t.£voi ■vovp^iâpyai. »

Il resterait encore à rechercber si , vers la fin du ix* siècle , la [lolpa. était composée de cent hommes; mais c'est une question qu'il ne m'ap- partient pas de discuter. Le Coumes ne doit donner lieu à aucune difficulté; il se nommait aussi Tpi$oîivos, et pouvait commander jus- qu'à 4oo hommes, h' èxatovtdp-^os est encore reconnaissable dans îe groupe suivant: seulement, pour observer la proportion numé- rique qui se remarque dans les grades précédents, il semble que le nombre de ces hékatontarqnes doive êtreporiéà deux au lieudecinq. Le dernier titre damarkh est , sans contredit, le èeHâp-jçoi^ deciirio. La confusion entre le mim et le /îo/' médiat est trop fréquente, pour qu'il y ait lieu de douter de cette lecture. De tous les au- teurs musulmans auxquels j'ai demandé des éclaircissements ou une citation analogue, l'écrivain anonyme du Modjmel est le seul qui ait traitéde la hiérarchie militaire des Grecs, à peu près dans le même ordre qu'Ibn-Khordadbeh; et malheureusement Tunique copie que nous possédons de cet ancien document est déparée par des fautes non moins graves. Après avoir énuméré ces différents grades au- dessus desquels il place V AstartahhçuSt forme sous laquelle ou ne

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 481

Un patrice commande 10,000 hommes. Il a sous ses ordres deux thoamarkli , q-ui commandent cha- cun 5,0 00 hommes. Puis viennent : cinq thoumahar commandant 1,000 hommes; cinq coumès, com- mandant 200 hommes-, cinq katontarkh, comman- dant 1 00 hommes ; dix damarkJi , commandant

10 hommes. La paye (des officiers) est, au maxi- mum, de Zio rides d'or; eile descend à 36, à 2/1, à

1 2 , à 6 , et jusqu'à 1 ritle. (Ce nom répond ici à la X/rpa. Cf. Ducange, Dict. meà. grœc. sub verb.) La paye du soldat varie entre 8 et 1 2 dinars (de 80 à

1 20 francs) par an. Mais ordinairement elle n'a lieu que tous les trois ans. On paye alors, en une fois, la somme représentant quatre, cinq et même six an- nées de service. Le grand patrice est en même temps

peut méconnaître le SrpaTrfyos, l'auteur persan termine en ces termes :

^Ji^yX^,f fY^^ ^•s\^ «tCj c^LLo ^y^ cAjL Jaj^aj.^ L^[ t_>jL)j

«Le plus grand de tous les chefs (civils) était nommé barmakin (grand primicier) , son lieutenant, dikrit (drungaire, êpovyydpios). Le chef de la garde du roi était le kollos [dxôXovdos, chef des Varan- giens). Un domestikos était chargé de l'entretien des villes, et ainsi de suite. Plusieurs de ces dignités sont encore en vigueur aujour- d'hui» (fol. 275-276). Cette dernière ohservation est parfaitement jusiifiée par ce que nous savons des changements continuels surve- nus dans les charges du palais et de l'administration. Une étude sé- rieuse du Tct ÙÇxpUioLTOv 'ZsaXaTiov de Codinus apporterait plus de cer- titude aux assimilations que je propose.

482 MAI-JUIN 1865.

ie lieutenant et le ministre du roi. Puis viennent le otaïth (le grand dioctète?), chef du département des finances; le locjaïth (le grand logothète?), chef du bureau des requêtes; le chef des postes, le grand juge et le chef des gardes.

Iles du pays de Roum : Chypre, qui a un circuit de i5 journées de marche. La Crète, i5 jour- nées de marche. L'île du Moine, l'on mutile les esclaves destinés auservice d'eunuques.- L'îled'Ar- gent. La Sicile, qui a en circuit i5 journées de marche \

Cette ville est baignée par la mer au levant, au midi et au couchant; ie côté septentrional seul tient à la terre ferme. Son étendue, de la porte orientale à la porte occidentale, est de 28 milles. Deux murs,

' L'île (lu Moine (aujourd'hui Favicjnana) devait ce nom, comme l'atteste Ibn-Djobeïr, à un anachorète qui vivait dans les ruines d'un château, au sommet de la montagne. (Édition Wright, p. 34o; Journ. asiat. 1 846 , p. 86.) L'île d'argent est nommée Kousoiirah par Edriçy. C'est la Koacrupa des Grecs, aujourd'hui Pantellaria.

^ Cette peinture d'une Rome digne des Mille et une Nuits n'appar- tient point à l'auteur. Mise depuis longtemps en circulation d'après de vagues récits faits par les marchands musulmans et juifs, elle était déjà ornée de ses détails fantastiques lorsque Ibn-Khordadheh , ami du merveilleux et peu sceptique, lui donna droit de cité dans son recueil. C'est qu'Edriçy, et plus tard Mustaufy, Ibn el-Wardy sont venus la chercher pour l'embellir, ou plutôt la défigurer à leur guise. Une description analogue à la nôtre par le fond, mais plus exagérée encore, était due à l'imagination d'Ibn-cl-Fakih, écrivain assez frivole du IV* siècle de l'hégire. Elle a passé de son traité dans celui de Kazwîny [Athar, p. 897 et suiv.).

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 483 séparés par un espace de 60 coudées, forment son enceinte; le mur intérieur a 22 coudées de krge sur -72 de haut; le mur extérieur 8 coudées sur /i2. Entre cette double enceinte passe un canal couvert, pavé de dalles en cuivre, longues de li6 coudées chacune. Entre la porte d'or et la porte du roi on compte 22 milles. Près du mur compris entre la porte orientale et la porte occidentale s'élève un triple portique, dont les arcades centrales reposent sur des colonnes de cuivre romain; le pied, le fût et le chapiteau ont été fabriqués avec ce cuivre mis en fusion ; elles ont 3o coudées d'élévation. C'est le lieu sont les boutiques des marchands; entre ces bou- tiques et l'entrée du portique passe un petit canal (pavé) de cuivrejaune^; il se dirige de l'est à l'ouest. Ge canal, qui communique avec la mer, sert au transit des marchandises, de sorte que les bâti- ments qui les transportent s'arrêtent devant les bou- tiques mêmes. On voit dans la ville une église sous l'invocation des apôtres Pierre et PauP ; sa longueur est de 3 00 coudées et sa hauteur de 200. Elle est formée par des arceaux de bronze ; la toiture et les parois latérales sont en cuivre jaune roumy. Rome

* Passage cité textaellement par Edriçy , mais entièrement mé- connaissable dans la traduction française. Sur le fleuve et l'ère de bronze, on consultera avec fruit les remarques de M. Rcinaud, Trad. d'Abou'l-fàla, p. 3 11.

^ L'auteur n'a fait qu'une seule et même église de l'ancienne ba- silique de Saint-Pierre, fondée par Constantin le Grand, et d'une autre église du v* siècle, dédiée à saint Paul; elle était située hors des murs de Rome. La même confusion se remarque chez Maçoudy et Edriçy. (Cf. Abou'1-féda, ibid. p. 280.)

484 MAl^JUrN 1865.

renferme douze cents églises , un grand nombre de marchés pavés de maibre blanc , et quarante mille ^ bains. Une de ses églises, construite sur le modèle de celle de Jérusalem, a i mille de longueur. L'au- tel sur lequel on célèbre le sacrifice est d'émeraude verte; il a 20 coudées de long sur 6 de large; il est entouré de douze statues d'or hautes de 2 cou- dées 1/2 ; les yeux de ces statues sont formés de ru- bis ponceau, dont l'éclat illumine l'église tout en- tière. Elle a vingt-huit portes de l'or le plus pur, mille portes de bronze , sans compter celles en ébène , et de magnifiques boiseries, dont la valeur ne peut être estimée. Hors de l'enceinte de Rome , il y a deux cent vingt colonnes habitées par des moines (stylites).

Au rapport d'Abd Allah ^, fils d'Amr, fils d'el- Assy , on compte quatre merveilles dans le monde : le miroir suspendu au phare d'Alexandrie. Un homme placé sous ce miroir y voyait facilement ce qui se passait à Constantinople, malgré l'étendue de

^ Edriçy, effrayé d'une pareille exagération, en a réduit le nombre à mille; mais Ibn-el-Wardy et les traducteurs persans, moins scrupuleux, ont répété la leçon de notre texte. L'église bâtie sur le modèle du Saint-Sépulcre est nommée «église deSion» par KsLivflny [Athary p. SgS).

^ Ce personnage, après avoir pris une part brillante à la bataille de Siffîn, se retira en Syrie et y demeura jusqu'à la mort du kbalife Yézid. Il mourut à la Mecque, ou, selon d'autres, en Egypte, âgé de soixante et douze ans, en 65 de l'hégire. Il avait étudié le syriaque et recueillit curieusement les traditions rabbiniques et les légendes populaires; un grand nombre de traditions apocryphes ont été pla- cées sous son autorité.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 485 mer qui sépare les deux villes (cf. Maçoudy, II, /|3 i); 2" le cavalier de bronze en Espagne , qui , le bras étendu, semblait dire du geste: ((Derrière moi il n'y a plus de routes frayées; quiconque s'aventurera au delà périra sous le dard des abeilles^ ; » dans le pays des Adites, une colonne de bronze portant un cavalier de même métal. Pendant les mois sacrés l'eau en jaillissait assez abondante pour suffire aux besoins des habitants et remplir leurs citernes; ce temps expiré, l'eau cessait de couler; Zi" à Rome^, un arbre de bronze sur lequel est perché un oiseau semblable à la grive, également en bronze. Dans la saison des olives, cet oiseau de métal se met à sif- fler, toutes les grives arrivent aussitôt, tenant trois olives, l'une dans leur bec et les deux autres dans leurs pattes, et elles les laissent tomber sur cette

' J'ai lu cavalier au lieu de cheval que portent les copies, pour me conformera la leçon de Maçoudy et du Modjmel qui interprètent de cette façon la légende des colonnes dTIercule. Quant auX abeilles, il n'en est parlé nulle part, sauf par Jbn-el-Wardy , dont le témoi- gnage est de nulle valeur ; j'ignore l'auteur a trouvé ce supplé- ment à la tradition attribuée à Abd Allah.

' Ce conte, d'originegrecque.afaitsonchemindanslemondemu- sulman. On en trouve la traduction littérale dans le Modjmel {ï° 822), dans les compilateurs persans, et, en général, chez tous ceux qui ont consulté le Livre des routes. Comme toujours , c'est Apollonius de Tyane qui a les honneurs de ce singulier talisman. Maçoudy ne pouvait se dispenser de mentionner un récit aussi populaire; mais il en parle en coui'ant et d'une manière assez confuse. (T. IV, p. 9^ , sous presse.) Cependant l'auteur des Prolégomènes le blâme d'avoir accueilli ce conte en même temps que d'autres légendes (trad. de M. de Slane, vol. I,p. 73), reproche assez peu fondé, car Maçoudy n'en dit quelques mots qu'à titre d'information cu- rieuse et sous forme dubitative.

V. 32

'hm MAI-JUIN 1865.

itiiage. Les liahitants ramassent le Iruit, le mettent au pressoir et en tirent assez d'huile pour la prépa- ration des peaux et des cuirs de sandale, jusqu'à l'année suivante.

RELAIS SUR I A ROUTE DE L'OCCIDENT (mAGHREB).

De Sorra-men à Haïletha, 7 relais. Essinn , 10 relais. Hadithah, 9 relais. Beled, h relais.

Adramah, 9 relais. Nissibîn , 6 relais. Kc fer-Toutha (distance omise ; Kod. 3 relais). Ra çaïn, 10 relais. Rakkali , i5 relais. Nokaï- rah, 10 relais. Menbedj , 5 relais. Alep, 9 relais. Rinnisrîn, 3 relais. Sour, 10 relais.

Hamat, 2 relais. Hims, Ix relais. Kharech- tah. Ix relais. Baalbek, 6 relais. Damas, 9 re- lais. — EUadjoun , Ix relais. Ramlah , chef-lieu de la Palestine, 9 relais. El-Djefar, 1 relais (?). Barouk^eh, 19 relais^ De Fostat à Alexandrie, 1 3 relais. D'Alexandrie à Djoubb er-remel « puits de sable, .) dans le voisinage de Barkah, 3o relais.

PAYS DU NORD OU EL-HARBY (eNNEMi).

ILs formaient un quart de la monarchie (des Perses) sous l'autorité d'un chef nommé Azerbaïdjan' Espehboud ^. Sous le nom d'El-Harby étaient com- pris : l'Arménie; l'Azerbaïdjan; Rey; Donbavend,

' Voir dans Post- und Reiserouten du 17 Sprenger, p. 8, le même itinéraire, d'après Kodama.

* Le gx'oupe illisible qui suil ce mot me paraît devoir être rclahli

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 487 dont le roi se nommait Donbavend, fils de Karen; le Tabaristân; Rouïân ; Amol; Saryeh; Chalous; Dihistân; Guilân; Beïlakàn; Thaïiiçân (pays desTa- iiches); les Khozars; les Alans; les Abar [Abari, cf. Hist, des Mongols, p. /n3).

liOUTE (du KHORAÇÀn) À L'AZERBAÏDJAN ET L'ARMENIE.

De Sersameïrah à Dinaver, 5 fars, (lisez relais).

Zendjân, 29 relais. Meragab, 19 relais. Mianedj (Mianeb), 2 relais. Ardebîl, 11 relais.

Warthân, qui forme la limite de l'Azerbaïdjân , 1 1. relais.

Villes et bourgs principaux de l'Azerbaïdjân : Meragab ; Mianedj ; Ardebîl; Wartbân; Selîneb; Berzeh; Sarkhâst; Tebriz; Mérend; Rbouï; Kou- sireb ; Moukân; Berzendj ; Djenzeb (Guenjcb), ville du roi Pervîz; Ourmyab, ville de Zoroastre; Selmas; Cbîz. Dans cette ville est Y Azerkhastas ^ , temple du feu , très-vénéré des Guèbres. Sous l'an- cienne monarcbie, leurs rois s'y rendaient en pè- lerinage, et à pied, depuis Médaïn (Ctésiphon).

^ C'est le pyrée nommé Nar-Dirakhch dans le Borhané-Katy et clans la Géographie de Kazwîny. L'aulenr des Prairies d'or (t. IV, p. 7A) en dit quelques mots et rappelle une légende qui n'est pas sans analogie avec celle des trois Mages chez les chrétiens. La res- semblance entre les noms de Chiz, Ckîzer et Chîraz, a déterminé quelques auteurs musulmans à placer dans la province du Fars, et à PersépoHs même, le temple du feu et les récits apocryphes dont il est l'objet. (Cf. Yakout, Dict. de la Perse, p. 368.) Le co- lonel Rawlinson a identifié ce temple avec les ruines trouvées près de Sohraverd-, sur l'emplacement de l'Ecbalane du nord, [Jonrn. nf the Geogr. Societr^ t. X , p. 7 1 .)

32.

488 MAI-JUIN 1805.

Badjrevân; bourg d'Oui em ; bourg de Chrzob (Yak Chîzer); bourg de Mabalhoudj.

ROUTE DE DINAVER À BIRZEND.

Djenardjân, 7 fars. (Ed. et Kod. 9 fars.) Teli Van, 6 fars. Sîser, y fars. (Il y a ici , d'après Kodama, une bifurcation.) Enderâb, Ix fars. - Beïlakân, ville d'Arménie, 5 fars. Berzeh , 6 fars. (Kod. 8). Serkbâst, 8 fars. Meragbab', y fars. Kbirguân, 1 1 fars. Tebriz , 9 fars. Merend, 10 fars. Serah (Yak. Serav), 10 fars. El-Bîr (de puits, » 5 fars. Kouvasireb, 1 o fars. Mou- kân , 1 o fars. D'Ardebîl à Khoch , 8 fars. Bir-

zend (ou Birzendj), 6 fars. Cette ville

à Chaderaâp, se trouve le premier retrancbe- ment d'Ëi-Afcbîn, 2 fars. Rehguzer, est le troisième retrancbement, 2 fars. Bedd, ville de Babek 2.

' Cet itinéraire ne nous a pas été conservé inlact, et les stations y sont calculées trop faiblement ; car on ne trouve que 5o fars, de Dinaver à Meraghah , tandis que Mokaddessy et le Livre des climats en comptent 60.

^ Distance omise.-Kodama met Ardebîl à 8 farsakhs de Khân- Babek, Les retranchements dont il est parlé ici sont, je crois, les trois camps fortifiés que Haïdar, fils de Taous, surnommé El- Afckin, fit creuser, quand il poursuivit Babek, révolté contre le khalife Mo'taceni. Ce sectaire, dont les dogmes encore peu connus se rattachaient à ceux des Batbéniens, tint en échec pendant vingt ans l'armée du khalife. Vaincu dans une grande bataille contre El-Afchîn , il se réfugia auprès du gouverneur d'Arménie, qui le livra à ses ennemis, en 222 de l'hégire. (Abou'1-féda, Ann. moslem. t. II.) Le nom de sa patrie est incertain; Yakout et Maçinidy l'écrivent comme notre géographe.

LE LIVKE DES ROUTES ET DES PhOVENCES. 480

De Birzend au désert de Belasdjân et à War-

thàn, sur la limite de l'Azerbaïdjân, i 2 fars. De

Meraghah à Djenzeh, 6 fars. Mouça-Abâd , 5 fars.

Berzeh, Ix fars. Djabrevân, 8 fars. Berîn, k fars. Ourmyah, vilie de Zoroastre, \lx fars.

Selmas, ville sur le lac d'Ourmyah, 6 fars. ï^orsque Tbn-et-Thaousy (El-Afcbîn) conduisait les sectaires (de Babek) dans l'Azerbaïdjân, il alla de Meraghah à Berzeh, ensuite à Sîser, ensuite à Ghîz, k fars. Impôt de Dinaver, un million de di- rhems.

ROUTES D'ARMÉNIK.

De Warthân à Berdaah, 8 relais. De à Mansourah , l\ relais. De Berdaah à Tiflis, 1 o re- lais , et à Bab-el-Abwab ( Derbend ) , 1 5 relais. De Berdaah à Debîl, 7 relais. (Ed. 162 milles.) De Merend à Dara, 10 fars. Nechwa (ou Naktche- vân), 20 fars. Ardebîl, 20 fars. De Warthân au Koubân. (Ed. 3 fars. Ist. 7 fars.) Chirvân, 7 fars. Berdaah, 3 fars. De Bedd à Berdaah, 3o fars.

Division administrative ^ Arménie 1"" : Sisdjân; Errân; Bidlîs; Berdaah; Beïlakân; Fileh; Chirvân. Arménien : Khazai an (autre nom de Tiflis, selon Yakout); Soghdebil; Bab-Firouz-, le Koiirr. Ar-

^ Dans le grand dictionnaire de Yakout, les villes principales de l'Arménie sont classées à peu près dans le même ordre. (Cf. Moscli- terik; Aboul-féda, teste, 387; Saint-Martin, Méni. sur l'Armdnie, 107 et suiv.)

/iOO MAl-JLI.N 186 5.

ménie III : Sefourdjân (Baslburguân); Debîl ; Siradj- et-Taïr « flambeau de l'oiseau ; » Birzend ; Nechwa. Arménie IV: Ghimchat; Rhilat; Kalikala; Erdjîch; Badjenîs (Bayézid, selon Jaubert). Les autres villes de ce pays sont : Halda , Sanaryeh \ Baf, Kisar, Djar, Kalat-el-Hourmân, Houbrân, Ghakky.

BAB-EL-ABWAB.

On nomme ainsi les bouches des vallées formées par le mont Kabk (Caucase). Les principales for- teresses de ce pays sont: Bab-Soul; Bab-EHân; Bab- essabirân; Bab-Lazikah (Lezguis); Bab-Selsedjy ; la ville du Maître du trône «Sahib-es-Serir; » la ville de Filân-Chah; Bab-Karounân; la ville de Tabari- stân-Ghah (alii Teberserân); la ville d'Abvar-Cbah (Abkhazes?); la ville de Lebân-Chah^; la ville de Semender, derrière Bab-el-Abwab, bâtie par le roi Enouchirvân, fils de Kobad. Tout le pays situé au delà est occupé par les Khozars. Impôt de l'Ar- ménie, 4 millions de dirhems.

Derrière Semender est la muraille de Gog et Ma- gog. Voici ce qui m'a été raconté par Sallam l'inter- prète^: « Le khalife Wathik, ayant vu en songe que

^ Ou Sanabaryeh , cliei Edriçy. Maçoudy uonime cette ville Sa- nareh et la place au confluent du Kourr et de l'Araxe.

^ On peut comparer ces noms, dont j'ai respecté l'orthographe , avec la liste de Maçoudy dans le chapitre consacré à l'ethnographie du Caucase. ( Prairies, t. II, chap. xvii.)

^ Parmi les huit relations arabes et persanes de ce voyage que j'ai pu consulter, relations dont l'ouvrage d'Ibn-Khordadbeh a été le point dv départ , j'ai choisi de préférence cellrs qui s'en éloignai<'nt

LL LrVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 491 la muraille élevée par Dou'l-Karneïn entre nos con- trées et Gog et Magog était ouverte, m'ordonna d'aller sur les lieux et de lui rendre compte de ce que j'aurais vu ^ Il me donna une escorte de cin- quante hommes, une somme de 5,ooo dinars, plus une indemnité personnelle de i o,oao dirhems. Chaque homme reçut i,ooo dirhems et des pro- visions pour une année ; deux cent mulets portaient les vivres et l'eau nécessaires au voyage. Nous par- tîmes de Sorra-men-râ , munis d'une lettre adressée par le khalife à Ishak , fils d'Ismaïl , qui gouvernait l'Arménie et résidait à Tiflis, l'invitant h faciliter notre voyage. Ishak nous remit une lettre pour le Maître da trône a Sahib-es-Serir; » celui-ci écrivit li notre sujet au roi des Allâns; ce roi au Filàn-Chah, et ce dernier au Tharkhân, roi des Khozars. Arrivés chez le Tharkhân, nous nous arrêtâmes un jour et une nuit, puis nous repartîmes accompagnés de cinq guides que ce roi nous donna. Après avoir marché pendant vingt-sept jours, notre troupe en- tra dans un pays dont le sol était noir et fétide;

le n»oins, ou |)ar leur date comme la version du Modjmcl et le traité de Mokaddessy, ou par une reproduction assez exacte de l'original, comme la cosmographie de Kazwîny. Ce dernier cependant ainsi que les deux autres ont corrigé les mots peu lisibles du texte qu'ils avaient sous les yeux , ou cherché à l'expliquer dans les passages obscurs. Je ne donnerai qu'un très-peht nombre des variantes dues à ce travail de révision.

' Mokaddessy ajoute ici un fait que je n'ai trouvé dans aucune aulre version: a Wathik avait envoyé précédemment l'astronome Mohammed, fils de Mouça, originaire du Kliârezm, chez le Thar- kliân, roi des Khozars, Ce voyageuj- se joignit à moi , etc. »

an MAI-JUIN 1805.

heureusement nous avions eu la jDrécaution de nous pourvoir de parfums propres à combattre le mau- vais air. Au bout de dix journées' de voyage à tra- vers cette contrée, nous passâmes, durant vingt-sept jours, au milieu de villes en ruines. On nous apprit que c'étaient les restes des villes envahies autrefois par les peuples de Gog et Magog. Nous arrivâmes enfin près des forteresses (Kazwîny: d'une forte- resse) bâties au fond de la vallée formée par la montagne se trouve la muraille. Les habitants de ces forteresses sont des musulmans, sachant lire le Koran , possédant des écoles et des mosquées. Ils nous interrogèrent sur notre origine et notre pays natal. Apprenant que nous étions les envoyés de l'Émir des croyants, ils s'écrièrent avec surprise: c< L'Emir des croyants! Oui, leur répondîmes- nous, tel est son nom. Est-il vieux ou jeune? Il est jeune, d Leur étonnement redoubla; ils ajoutèrent : «Où réside-t-il? En Irak, dans une ville nommée Sorra-men-râ. Nous n'en avions jamais ouï parler, » répondirent-ils. Cependant nous étions arrivés devant une montagne ^ lisse et sans végétation, coupée par une vallée large de i5o coudées. Deux énormes piles (ou jambages) de 2 5 coudées de large et formant une saillie de 10 coudées s'élevaient sur chaque versant de la montagne, à droite et à gauche de la vallée, bâties

' Ici commence la description abrégée , empruntée au Livre des roules, par le cosmographe Cliems ed-dîn , de Damas. (Ms. de ta Bibl. imp. i3, v".)

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 493 en briques de fer, recouvertes de bronze, sur une hauteur de 5o coudées. Entre ces deux piles s'éten- dait une barrière [dervend) en fer de i 20 coudées de long; elle était ajustée à chaque pile, à une pro- fondeur de 10 coudées, sur 5 de large. Au-dessus de la barrière, une maçonnerie massive en fer et en bronze se dressait jusqu'au sommet de la mon- tagne, à perte de vue; elle était couronnée de cré- neaux en fer, reliés entre eux par des hourdis en forme de cornes. La porte aussi en fer avait deux battants de 5o coudées (Kazwîny : 60) de large, sur 5 d'épaisseur; les gonds étaient proportionnés aux dimensions de la barrière. Sur la porte, et à 25 cou- dées du sol, on voyait une serrure longue de 7 cou- dées et d'une brasse de circonférence ; au-dessus de la serrure, un verrou plus long que celle-ci, et dont les deux crampons avaient chacun 2 coudées. Une clef pendait au-dessus du verrou, longue de 7 cou- dées et demie , et terminée par douze dents de fer d'une force étonnante ^ La chaîne qui la retenait était longue de 8 coudées sur à empans de dia- mètre, et l'anneau auquel elle était rivée ressemblait à l'anneau des machines de siège '^. Le seuil de la porte avait 10 coudées de haut, sur un dévelop-

' Kazwîny et Mokaddessy remplacent ces mots par une leçon dont je ne comprends pas la signification : (Jav^Î J^O^

' Mendjanih « mangonneau ; » ce terme est expliqué par M. Rei- naud [Journ. asiat. sept. i848, p. 2 25). Je pense que le narrateur entend par l'anneau Tare du centre ménagé de façon à livrer pas- sage au projectile, conformément à la description des machines anciennes telle qu'on la trouve dans Vitruve, X, xv.

494 MAI-JUIN 1865.

peinent de loo coudées, non compris la maçon nerie placée au-dessous des deux jambages, et la partie saillante de 5 coudées. La coudée dont il est parlé ici est la coudée noire \ Le roi qui commande dans ces forteresses sort tous les vendredis , suivi de dix cavaliers munis de masses d'armes en fer, du poids de cinquante menn. Ils frappent trois fois la serrure , avec ces masses , pour avertir ceux du de- hors que la porte est bien gardée, et prévenir de leur part toute tentative d'agression. Ln de nos compagnons ayant frappé ainsi sur la serrure, nous appliquâmes nos oreilles contre la porte et nous entendîmes un bruit sourd, provenant de l'inté- rieur.

« Dans le voisinage s'élève une grande forteresse , qui a 10 farsakhs en long çt en large (Kazwîny : 1 fars.). La porte elle-même est flanquée de deux citadelles qui ont chacune 200 coudées en long et en large; à droite et à gauche de leur porte sont plantés deux arbres; une source d'eau douce coule entre les deux citadelles. On conserve, dans l'une d'elles, les instruments qui ont servi à la construc- tion de la muraille ; ce sont d'énormes chaudières de fer, comme celles qui servent à la fabrication du savon, placées à chaque angle de la place; des haches en fer; des débris de blocs du même métal, soudés les uns aux autres par la rouille. Ces blocs sont hauts et larges d'une coudée et demie, sur

' Appelée aussi uiamouny, parce qu'elle fut adoptée sous le rrgne rrEI-Mauioun -, elle ('tait <lr vin^jt-sept doigts.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 495 un empan d'épaisseur. Nous demandâmes aux ha- bitants s'ils avaient jamais vu des hommes de Gog et Magog; ils nous racontèrent qu'ils avaient aperçu, un jour, une troupe de ces barbares au-dessus du mur, un vent impétueux les avait jetés. Vus à cotte distance, leur taille ne paraissait pas dépasser un empan et demi. A notre départ, nous fûmes es- cortés par des guides qui nous mirent sur la route du Khoraçân ; nous continuâmes notre voyage, mu- nis de provisions par les soins du chef des forte- resses. Nous sortîmes enfin dans la plaine, à y fars, derrière Samarcande , et nous nous rendîmes ^ chez

^ Dans Mokaddessy, la relation se termine par ces mots : «Je me rendis ensuite chez le khalife et lui racontai mon voyage. Le récit qu'on vient de lire prouve que c'est à lorl. qu'on a voulu placer en Espagne le mur de Gog et Magog. » Il paraît, en effet, que quelques écrivains avaient proposé cette conjecture; d'autres confondaient les Yadjoiidj et Madjoudj du Koran avec les Khozars, et leur donnaient pour séjour la contrée située derrière Derb-Houzân. Ma- çoudy [Prairies t II, 3o8), après avoir signalé l'incertitude de ces hypothèses, ajoute qu'on voyait, de son temps, des images repré- sentant la grande muraille de Gog et Magog, à laquelle la croyance populaire donnait un développement de 1 5o fars. Un savant astro- nome, Mohammed, originaire de Ferghanab, mort en 8i5 , c'est-à- dire trente ans environ avant l'expédition de Sallam, avait cherché, dans ses ouvrages, à démontrer combien ces contes étaient ab- surdes et dénués de vraisemblance. En effet, lorsque les barrières du Caucase cédèrent devant l'effort des armées musulmanes, il fallut reculer la demeure supposée des peuples dont Mahomet avait fait une peinture terrrfiante. Des rives du Volga , on les tran.sporta dans les steppes de l'Oural et de l'Altaï; on finit même par confondre la digue d'Alexandre avec la grande muraille de la Chine. (Cf. Intro- duction à la Géographie des Orientaux, $ 3.) Je crois que la mission de Sallam avait surtout un but politique ; le prétendu songe du kha- life exprimait l'inquiétude qu'inspiraient aux musulmans les hordes

496 MAI-JUIN 1865.

Abou'l-Abbas Abd x\llah, fils de Taher. » L'iiiler- prête Sallam ajoutait : a Ce gouverneur nie donna 100,000 dirhems et en distribua 5oo à cbacun de mes compagnons; il alloua , en outre, 5 dirbems par jour à chaque cavalier et 3 dirhems à chaque fan- tassin. Nous arrivâmes ainsi à Rey, et de je regagnai Sorra-men-râ, vingt-huit mois (Kazwîny : dix-huit mois) après mon départ. » Le récit abrégé qui pré- cède m'a été fait par Sallam l'interprète, lequel me l'a dicté sur la relation même qu'il rédigea pour lo khalife Wathik-Billah.

PAIS DE LA DROITK OU MIDI.

L'Espehboad qui les gouvernait autrefois était nommé

ROUTE DE BAGDAD À LA MECQUE \

Djisr-Kouta, 7 fars, Château d'Ibn-Hobeïrah , 5 fars. Souk-el-Açed u marché du lion» (Kod.

(le Scythes et de Huns massées sur la frontière nord-est de l'empire. Sallam, qui s'arrêta probablement sur les bords du Volga, avait été chargé de recueillir des informations à cet égard. Pour concilier la réalité de son voyage avec les fables puériles qui en remplissent la seconde moitié, on doit donc supposer que ces fables furent inven- tées après coup, et répandues dans le public, pour satisfaire sa cu- riosité et lui donner le change, en le rassurant sur Timminence du danger.

' Décrite par Yakouby, mais moins détaillée (p. 92 du texte pu- blié à Leyde). Le docteur Sprenger a étudié avec un soin particulier ritinéraire d'Arabie, et j'ai profilé, en maint passage douteux, de ses judicieuses observations [Posl- und Beiserouten , p. 109-159).

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 497 El-Oçaïd), 7 fars. Cbaliy, 6 fars. Koufah, 5 fars. Kadiçyeh, i 5 fars. ^ El-Odhaïb, sur Ja limite du désert, 6 m. El-Moghaïbah (Kod. Moghythah), \ à m. on soupe à Oaady es-Seba' «vaJiée des lions,» y m^. El-Kara', 3^ m. on soupe à la mosquée de Saad, i /i m. Wakiçah, puits, 29 m. El-Akabah «la côte,» 27 m. (Kod. 29); on soupe à El-A'sat, m. El-Kaa', 'ili m.^ on soupe à Kbaldja, 1 1\ ni. Zobalah,oiiron trouve de l'eau en abondance, 2/1 m. on soupe à Djou- beïn, :h m. Gbokouk, citernes^, 29 m. (Mok. 21); on soupe à Elmas, 1 4 m. El Bitbân, tom- beau d'El-lbady, 29 m. on soupe à Yalhab'ab, 1 4 m. Tagblebyeh^, citernes etpuitsbydrauliques. Sa m. (Kod. et Mok. 29); on soupe à El-Amîs, i/j m.

' Bourg important entouré de palmiers , et arrosé par les canaux de l'Euphrate. (Ibn-Djobeïr. ) Le même voyageur, passant à Koufah vers minuit , arriva le matin à Kadiçyeh , ce qui prouve qu'il faut , au lieu de \h farsakhs, lire i5 milles, comme dans le texte de Ko- daoïa. Hamdâny, cité par Sprenger, évalue la distance à \k milles.

^ Les haltes de repos, étapes intermédiaires les caravanes faisaient le repas du soir, ne sont citées que par Ibn-Khordadbeh , ce qui ne m'a pas permis de contrôler l'exactitude des noms propres. Elles indiquent ordinairement le milieu de la distance entre deux stations : c'est donc par en-eur qu'ici les copistes ont écrit i4 milles au lieu de 7.

' Le texte porte à tort ik milles La distance est donnée régu- lièrement dans Kodama.

* «La plupart des puits et des citernes qu'on trouve sur cette route sont dus à la munificence de Zobeïde, femme du khalife Ha- roun er-Réchîd. > (Ibn-Djobeïr.)

* Ibn-Djobeïr écrit iU;JAAjî, leçon qu'on rencontre aussi chez Kodama et Mokaddessy. Près de cet endroit, est une forteresse en ruines.

498 MAI-JUIN 1865.

El-Hareçyeb, citernes, 3 2 m. Hal'ar \ puils, 2 II m. on soupe à Eladj , 1 5 m. Feïd, source d'eau vive, 3o m. (Kod. et Mok. 36); on soupe à El-Hodjaïmali^, i3 m. El-Hadjir, puits, 3o m. (Kod. et Mok. 33); on soupe à Belasah, 1 1 m. Ma'den-en-Nokrah « la mine d'argent, » puils, 32 m. (Kod. 27). La dîme aumônière de la tribu de Bekr ben Waïi, qui occupe la route de la Mecque, se monte à 3, 000 dirhems^.

De Ma'den-en-Nokrab , un embranchement con- duit àMédine, par les stations suivantes : El-Oçaïlah {Ed. Koçailah), puits d'eau saumàtre, 66 m. Bathn-Nakhl «vallon des dattiers, » eau abondante, 36 m. Taraf (Yac. Tarfab), eau de pluie, 22 m. Médine, 35 m. Médine, nommée aussi Tayibeh et Yatrib, était gouvernée, ainsi que le Tehamah, avant l'islamisme, par un délégué du Merzehân du désert y chargé de la perception des impôts. Les tribus Koraïzah et Nadhîr possédaient ce territoire, sous la suprématie des Aws et des Khazradj *. Le poëte El-

^ Kodama et Ibn-Djobeïr : El-Adjfar. « Les Arabes, dit ce dernier, nomment cette station le beau site ou îa colline des deux vierges. »

^ Feïd est à i 2 journées de Koui'ah , c'est-à-dire à peu près à moitié route de Bagdad à la Mecque. Ce renseignement , donné par Ibn-Djo- beïr, s'accorde avec les distances d'Edriçy et de Yakouby.

2 L'itinéraire est coupé ici par l'embranchement qui mène à Mé- dine; il est continué plus loin , p. 5oo.

* Voyez Y Histoire des Arabes avant l'islam, par M. C. de Perceval , t. II, livre Vil. L'auteur des vers cités ci-après est Abou Abd Allah Djaber el-Ansary, l'un des plus célèbres Compagnons de Maliomet, mort en 7/1 ou 78 de l'hégire. [Ann. Moslcm. I, 1 o5 el passim. Mich- kal el-Meçubih, 1 , p. 1 3.)

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 499 Aiisary a rappelé cette circonstance, quand il a dit:

Apres le tribut du Chosroës, après le tribut de Koraïzah et de Nadhîr, on nous rançonne encore !

De la province de Médine dépendent le Taïmâ et la forteresse d'El-Ablak, surnommée l'unique, entre la Syrie et le Hédjaz; elle appartenait au Juif Sa- muel^, fds d'Adya, que sa bonne foi a rendu cé- lèbre. On connaît le vers :

11 réside dans le Teîma , à El-Ablak l'unique, forteresse re- doutable, auprès d'un hôte sans félonie.

ROUTE SUIVIE PAR LE PROPHETE DANS SA FUITE.

Le guide vint le prendre au-dessous de la Mecque et le conduisit à Es-Sahil, au bas d'Osfàn. Puis, tra- versant la route , il passa par Kodaïd et voyagea dans la Hararah^, jusqu'à Thenyet-el-Morar. Après avoir laissé sur sa route Medlet-Modjab, Madhedj, Dhat- Reched, El-Adjrad, il s'engagea dans Dhou-Samor (Ed. Dhou-Chamir), dans le vallon de Aada, appar- tenant à la tribu de Madhedj , et arriva dans Ocliaï-

^ L'histoire de ce personnage est bien connue et elle a donné naissance à un dicton expliqué par Meïdany. Vers Tan 535 de notre ère, ilaccorda l'hospitalité à Imroul-Kaïs, et, pour défendre la fille de ce poëte , il soutint un long siège contre El-Harith , roi gassanide. (Cf. C. de Perceval, ouvrage cité, II, p. 323; Meïdany, I, 218.) Le même vers est donné par Maçoudy, qui Tattribue au poëte El-Acha'. [Prairies, III , 199.)

^ Terrain volcanique , couvert de pierres calcinées et de sables ; ce mot est expliqué par M. Reinaud , dans une note de sa traduction d'Abou'I-féda, p. loA.

500 MAI-JUIN 1865.

rah. Il reçut l'hospitalité à El-Fahid (Ed. Fadjah), se reposa à El-Ardj , et, continuant son voyage par Thenyet-el-Ayar, à droite de Rakoubah, il mit enfin pied à terre au puits d'Amr fds d'Awf, à Koubba. Autres dépendances de Médine : El-Fourou'; Dhou'I-Mirwah; Ouady'I-Kora ; Madian; Khaïbar; Fedek; villages d'Oraïnah; El-Wahîdeh; Nomeïrah; EI-Hadîkah «le verger;» Ady ; Rabbah; Seyyalab ; Sabeh; Rohatb ; El-Akhal ; El-Hamyyeb.

ROUTE DES PÈLERINS DE MEDINE À LA MECQUE.

De Médine à Cliedjrah «l'arbre, » les Médi- nois prennent le manteau pénitentiel ihram, 6 m. Melel, puits, 12 m. Seyyalab, puits, 19 m. ^ Sokya, se trouvent une rivière et des jardins, 36 m. El-Abwa, puits, 29 m. (Ed. 27). Djohfah, les pèlerins de Syrie prennent Vihram; cette étape est à 8 milles de la mer (Yak. 6; Ed. 4), 27 m. Kodaïd, puits, 27 m. Osfân, puits, 23 m.^

SUITE DE LA ROUTE DE BAGDAD À LA MECQUE, DEPUIS MA'dEN-

en-nokrah\ Mogbîthat-el-Mawân, citernes et puits, 33 m.

' Ici manque une étape de 34 milles, nommée Rowaîthah; elle est formée de la réunion de quatre puits, au milieu du désert, (Edriçy; Yakouby.)

- Le paragraphe finit brusquement ici ; mais il se complète par le texte de Kodama, qui ajoute : «Batn-Marr, 16 m. et de à la Mecque, 16 m. » La distance entière de Médine à la Mecque est» en ajoutantles stations omises dans les deux copies, a46 milles. D'après Burton et Burckhardt, elle est de 2/18 milles anglais.

' La premitrc partie de cet itinéraire se trouve ci-dessus, p. 496.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 50 J (Kod. 27); on soupe à Saiiiatli, 16 m. Raba- dheh, citernes, ili m. on soupe à Ada'bah, 1 Zi m. Mine des Benou-Solaïm , il est impossible de se procurer de l'eau, si les citernes sont desséchées, 2 II m. on soupe à Saroura, 12 m. Chelîiah, 26 m. on soupe à Aiem-Nohas, i3 m. Omk, puits ,21m. on soupe à Amdjeh , 1 3 m. Ofay'iah , citernes et puits, 82 m. on soupe à Kirah, 1 5 m. Maslah, citernes et puits, 34 m. on soupe à Ki- ram, 1 /i m. Ghonirah (ou Omrah), citernes et puits, 18 m. Dhat-Yrk, puits abondants, 26 m. on soupe à Awtas ,12m. Jardin des Benou- Amir, puits abondants, 32 m. on soupe à Omrat- Kendah, 12 m. La Mecque, 2 4 m. on soupe à moitié route, à Besatîn.

Distance totale de Bagdad à la Mecque, 275 fars. (y) ou 827 m. ( 1,654 kilom.).

Cantons^ de la Mecque : Tayef; Nedjrân; Kyrn- el-Ménazil; El Akik u vallée creusée par les eaux ; » El-Okazh ; Walîmeh ; Turbeh ; Bîcheh ; Tebalah ; Hodjeïrah ; Kyçeh; Djorach ; Gherat ; Tehamah ; Senkân ; Anîm; Beicb.

Route de la Mecque à Tayef : Bir-Ibn-el-Mortafi' (Ed. au lieu de bîr « puits, » kybr « tombeau»);

' Mikhlaf, terme spécial à la Péninsule arabique. { Cf. Ann. Moslem. U , 66/i.) Les noms qui suivent étaient presque tous illisibles dans le texte; ils se retrouvent dans Edriçy (1, i42 et suiv.), mais non moins défigurés. Pour cette partie du livre, le Méraçid est un guide précieux; les noms y sont orthographiés soigneusement, avec des preuves tirées soit de la Chronique du Yémen , soit du témoignage respectable, en cette circonstance, de l'auteur du Knmous,

V. 33

^02 MAI-JUIN 1865.

Kyrii-el-Mc'iiazil, rendez-vous des Yëinëiiiles et prises de lilirom; Tayef. On peut aller de la Mecque à Tayef par les hauteurs « Akabah, » en passant par Arafat, ie vallon de No'man, la côte de Hokaybah, et de à Tayef.

STATIONS DIC LA MECQUE AU YÉMEN.

Puits d'Jbn-el-Mortafi ; - Ry rn-el-Ménazil , grosse bourgade; El-Ghaïk (Faïk), grosse bourgade; Safar; Berneh, grosse bourgade; Kodâ , pal- miers et sources; Rowaithah (Kod. Wathyah), palmiers et sources; Tebalah, ville importante; sources; Djesdâ, puits, lieu désert ^ ; Recheh, grosse bourgade; sources; lieu de garnison; Bî- cheh-Yaktan; eau limpide; vignes, à 8 milles de Djo- rach; Mahdjerab, gros village; sources et puits; halte des caravanes. On y remarque un grand arbre nommé thalhat el-mélik; il ressemble au gharab « salix babylonica; » ce lieu est la limite entre le territoire de la Mecque et le Yëmen; Orfah; eau rare; lieu désert; Saadah, gros village; tannerie de peaux et de cuir pour chaussures; Amchyah. lieu inhabité; petite source; Khaïwân, village riche en vignobles; deux citernes; les habitants y souffrent d'ophthalmie ; Anabit, ville : blé , vignes et sources ; Sanaa , capitale du Yémen ^.

' Edriçy dit peu d'habitants. D'après Kodama , c'est un «ampe- ment d'Arabes de la tribu de Kaïs.

' Au lieu des j8 stations nommées dans cet article, Kodama en cite 19; mais dans un autre passage, il compte 18 journées de ca-

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 503

CANTONS DU YÉmEN.

Sanaa ; el-Hacheb ; Rohabeh ; Mei sel ; Sîf-Sanaa « littoral de Sanaa; » Saadali. De Sanaa à Rhaïwân, '2 II fars. De Khaïwân à Saadah, 16 fars. De Saadah à Mahdjerah, sous le coteau d'El-Mounsih, non loin de Talliat el-Mélik, commence le terri- toire de la Mecque, 20 fars. Total, 60 fars, de Saadah à Sanaa. Canton de Nour, se trouvent Reïbeh, le puits tari, et le château fortifié , dont il est parlé dans le Koran ^ ; Khaïwân ; Dhou-So- haïm ; Adwah , se voit la colline de feu, adorée par les anciens habitants du Yémen. Cantons à droite de Saana : En-Nar ; War'ah ; Tam ; Arhab ; Djobeïrah ; Hamdân; Djoraf; Murad ; Sendeh ;

Soudda; Djoufâ; El-Harreb ; El-Me- chrek; Berchân ; Ala'k; Ana'm. Can- ton El-Moçabîn. Canton des Benou 1-Othaïf; Karyet-Mareb, qui renferme le village de Salomon;

Sirwab: Saha, pays du château de Biikis et de la digue El-Arim. De Sanaa, on se rend à Soudda, Djoufa, Sendeh, et le Hadramaut; ces deux cantons sont séparés de la mer par des plaines de sable. Distance de Sendeh, 3o fars. De Sa- naa au Hadramaut, ^2 fars. Canton de ï^awlân et Rakh, est le Oaady-Yémen. Canton Ahwar.

ravane entre ia Mecque et Sanaa. Au surplus, quelques lignes pins loin, Tbn-Kliordadheh va nous apprendre qu'entre la frontière du Hédjaz et Sanaa il y a 60 fars.

' CLap. XXII, vers. 4/i. Les l«^gendes relatives à ce passage du livre saint sont racont(^es par Kazwîny, Athar, p. 67.

33.

504 .VJ Al -JUIN 1805.

Hakal-Warmàn [Méraçid : Mehrân), à i 6 fars, de Sanaa; Canton des Benou-Amir; Bah; Reda' ; Renyeh ; Cheref ; Ochar ; Roaïn ;

Nesefàn; Kalilân; Sankân; Reihân; Nafé'; Mousby ; Hodjr ; Bedr ; Aslah ;

Seïheb [Méraçid : Sihab). Canton d'Abian, se trouve Aden, Canton de Badân et Yéman. Canton de Nebah et d'el-Mizra'. Canton d'Ei- Mekarim et d'Amloul K

Distances : de Sanaa à Dhimar, 8 fars. De Saba à Hodjr et Bedr (Mok. Badad), 20 fars. De au bourg d'Aden, dans le canton d'Abian , 2/4 fars.

En tout, entre Sanaa et Aden, 68 fars. Ccintons de Salif; El-Adanv, A'ian; El-

Hinneb; Sekasik (tribu des Benou Seksek, Mé- raçid), qui est le dernier canton du Yémen. De Sanaa à Dbimar, 1 6 fars. De Dbimar au Haut- Yabsoub, 8 fars. C'est dans ce canton de Yahsoub que se trouvent la ville de Dhafar et son château (Kasr-Zeïdân), résidence des anciens rois du Yémen.

Du Haut-Yahsoub à Sohoul , 8 fais. De Sohoul à Tboudjeh, /i8 fars, (lisez 8 fars. Mok. dit 8 fars. Ed. 36 milles).

Cantons de gauche, en retournant à Sanaa : Ans (Yac. Khams) ; Ziady ; El-Moahr ; Benou'I- iMedjid; Rekeb; Chakab; Thanadjir; dans ce canton est le bourg fortifié nommé Almad; i\ est habité par la postérité de Dhou'l-Menakh. Ibn

' Ces quatre derniers cantons, d'après le Méraçid, doivent leur nom anx petites Iribns (|ui les habitent.

LE LIVRE DES ROUTES ET|DES PROVINCES. 505 el-Djoun el-Meiiakhy Thimyarite en est originaire. Canton de Sohoul; les Benou-Saab; Wa- hadhah ; Haut-Yashoub ; Ranaah ; Ei-War- dyeh; El-Hadjar; Zebîd , en face est le lit- toral de Galiafikah et El-Mandeb; Rima'; Makda ; Alhân ; dans ce canton est compris Djou- blân, possession de la famille (himyarite) de Dhou Sarh; El-Hakaleïn; El-Ourf; El-Ohrouf (Méraçid :El-Okhrout),

Distances : de Sanaa à El-Ourf, 8 fars. D'El- Ourf à Alhân, lo fars. D'Alhàn à Djoublân, i k fars. - De Sanaa à Djoublân, 32 fars. De Djoublân à Zébid et Rima\ 1 1 fars.

Suite des cantons : Kawlân, au delà de Sanaa; Hadar et Houcheb; Akk-Rezzabah; quiconque va dans ce pays y meurt ^ ; Yahcha'; Haraz et Hawzen; El-Okhroudj et Medjnab; Hadhour; Mareb et Djamlân ( Méraçid : Hamlân), se trouve la ville de Sahiad. Sakin; Chibam ; Beit An^am et El-Meçani', demeures de la postérité de Dhou- Hawal, fils de Maghar. Dja'far, fils d'Abd er-Rab- man, fils de Roreïb, appartient à cette famille; Watha' et El-Meflek, entre Sanaa et Chibam.

^ Je pense que l'auteur avait écrit (3IU3 «Lwwo» «son port est Dehlek , » leçon conforme à celle du Méraçid. Les copistes ne pou- vant lire ce membre de phrase l'auront interprété par sLw ^ju» CiUst» fV^, On doit cependant faire remarquer, en faveur de cette variante, que l'île de Delilek a toujours été considérée comme un séjour mortel à cause de l'excessive chaleur qui y règne. Les pre miers khalifes y exilaient ies agents dont ils avaient à se plaindre.

506 MAf-JUJN 1805.

De Sanaa à Chibam, 8 fars. Hakein ^ ; Dja- zâii; iMouça (Cf. Fresnel, Journ. asiat. i8/io, p. gS); Chardjah; Hadjour et El-Maareb.

Entre Basrab (il faut lire Omrali avec les autres itinéraires) et Sanaa, il y a /i 9 relais de poste. Entre Sanaa et Dbimar, li relais. Entre Dhimar et Aden, y relais, Entre Dhimar et El-Djened, 4 relais. Entre Sanaa et Mareb, 7 relais. Entre Mareb et Abdal, c'est-à-dire le Hadramaut, 9 relais, •à dos de chameau.

J'ai trouvé dans les registres de compte d'un agent du Yémen que le maximum do l'impôt payé par cette province, sous la dynastie actuelle, se monte à 600,000 dinars (6 millions de francs). Après la conquête musulmane, le Yémen fut divisé en trois gouvernements : le premier et le plus important est Djened et ses cantons; le deuxième, d'une impor- tance moyenne, Sanaa et ses cantons; le troisième, qui est le plus petit, l'Hadramaut et ses cantons.

Les habitants du Yémen racontent que, lorsque le prophète Salomon épousa la reine Bilkîs, les dé- mons bâtirent, pour Dhou-Tôbba , roi de Hamdàn (sic), des châteaux et d'autres éditices. Une pierre portait l'inscription suivante : « Nous avons bâti Seld- !(jen, Sirwab, Mirwah (suivent deux noms ilbsibles), (( Aiîn, (Idrit?), Hindeh et Honeïdeh, Kaïsoum-Be- (( faa , et les bourgs de Namath. Ce château a été cons- » truit l'année nos demeures étaient en Egypte. »

' Ce canton, d'après le Wrraçid, doit son nom à Kl-Hakeni, fils de Saad el-Acliirah.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 507 Selon Wahb, fiis de Mounebbih, cela fait plus de seize cents ans. Une inscription himyarite ^ d'un châ- teau appartenant à Chammir était ainsi conçue : « Cet édifice a été bâti par Chauinnir, fils d'Achar. . . (( reine du soleil.» On lisait sur la porte de la ville de Dhafar^ : u Qui posséda Dhafar? Les « nobles de la Perse. Qui possède Dbafar P («Les marchands koreichites. A qui Dbafar? <( Il reviendra [ioahar) aux fils d'Himyar. » Les Abys- sins ayant envahi le Yémen, quatre de leurs rois régnèrent dans ce pays pendant soixante-douze ans.

' li y aurait plus que de la témérité à tenter des recherches sé- rieuses sur un texte aussi mutilé. Je ne puis cependant m'empêcher de signaler la singulière ressemblance que présente la première moitié du groupe c^^xsu v.«i.c avec le nom himyarite lu et trans- crit yJ^ par Fresnel , sur les fragments IX, LV et LVI des inscrip- tions recueillies par M. Arnaud. On sait que Fresnel y trouvait le nom d'Astarlé, Vénus- Uranie, ï Aschtôretli des Sidoniens. L'épi- thète domina solis, qui se lit dans la version arobe d'Ibn-Khordadbeh, rend, il me semble, ce rapprochement encore plus frappant. (Cf. Journ. asiat. octobre i8/i5.) Bien entendu, toute trace de ce nom a disparu chez les écrivains musulmans. Dans la table ethnologique des rois himyarites, Chammir est fils tantôt d'Vfrikous, tantôt de Yaçer-Younim.

* Cette prétendue inscription , se révèlent pourtant les aspira- tions d'une nationalité souvent asservie au joug étranger, est posté- rieure à la conquête du Yémen par les musulmans. Elle a été mise en vers, pour être plus facilement retenue, et c'est sous cette forme qu'on la trouve dans les ouvrages historiques de Maçoudy et d'Ibn Khaldoun. Kazwîny et d'autres compilateurs l'ont citée en prose, avec des variantes qui en modifient sérieusement le sens. Le défaut d'espace m'empêche de discuter ce fragment, d'ailleurs épisodique dans le Livre des routes. La durée de la domination des Abyssins est ici exactement indiquée; elle prit place entre 525 et 597 de J. C. date de réliihlissenK^nt du premier vice-roi persan dans le Yémen.

508 MAI-JUIN 1865.

STATIONS ENTRE MESDJID-SAAD ET BASRAH.

Barik. EI-Asla. SeJmân. Akmar El- Adjaryeh. Aïn-Saïdam (Yak. Saïd). Aïn-djemel « source du chameau. » Basrah. (D'après Edriçy, il y a cinq journées entre Koufah et Basrah.)

STATIONS ENTRE BASRAH ET LA MECQUE '.

Sabkhayeh (Sabayeh). Kofaïr (Djofaïr, Ho- daïr). Rohaïl. Sadjr (Sendjek). Kefer (Djefer-Aby-Mouça). Matoumali (Mawyah). Dhat-el-Açeb (Ochar). Basnouah (Suraah). Chemseh (Somaïrah). Sebah. Oumoudyah.

Karyeteïn. Ram ah. Thikfah. Daryyah.

Djadîlah (Hawîlah). Feledjeh (Milhah). Rokaïbah. Kana (Koba). Merrân. Ouadj- rah. Awtas. Dhat-Yrk, dans le Tehamah. Le jardin des Benou-Amir. La Mecque.

STATIONS DU YEMAMAH À LA MECQUE.

El-Hadîkah (de verger )) (Ed. Arydh). Sabal).

' Les leçons entre parenthèses sont données , soit par Mokaddessy, soit par Bekry. Le calcul des stations n'est pas relevé dans notre texte, non plus que dans celui de Kodama, encore plus incomplet en cet endroit. On trouve dans Bekry 16 stations, formant un total de 4ii milles, et dans Mokaddessy, 20 stations, dont le total se- rait 538 milles : celui-ci cependant affirme que la distance exacte de Basrah à la Mecque est 700 milles. On voit, d'après cela, que 4 étapes ont été omises probablement par les copistes, M. Sprenger en a déjà fait la remarque. (Même ouvrage, p. 117.) Cette distance est évaluée ordinairement à 827 milles, en joiirnées de cara- vane.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 509 Thenyeh (Kod. ajoute £/-^Ja). Saka. Sedd «la digue. )) Sadat (Kod. Merarah). Sovaïkah. Karyeteïn. Puis viennent les stations entre Basrah et la Mecque, indiquées dans la route précédente,

ROUTE D'OMAN À LA MECQUE, LE LONG DE LA COTE '.

Fawk (Farak). Awkelân (Arkelân). La côte de Hamat (Minah). Chihr, habitée par la tribu de Kindah. Bourg de Kindah. Bourg d'Abd Allah, fils de Madhedj. Hadjedj? Aden, qui dépend d'Abian. La pêcherie de perles. Canton des Benou-Medjîd (Benou-Mohammed). Mend- jelah (Menhad). Canton de Rekeb. Mendeb (Mender). Zebyd. Ghalafikah. Canton d'Akk. Djoudah. Canton de Hakem. So- haïm. Havre de Dhenkân. Havre de Nalila (Halya). Serîr. Ounab. Merdjab-sasah (Sefîneh). Une autre station. Djeddah. La Mecque.

DE KHAWLÀN-DHOU-SOHAÏM À LA MECQUE ^

Bîcheh. Yaktân. Dhenkân. Hala. Bîcheh (Ed. ajoute Harân). Ranouna. Ha- chah. Darkah. Olaïb. Nyah. Bîrek.

Yelem [Méraçid : Yelemleh); c'est que les habitants de la Mecque revêtent Vïhram, Melkân.

La Mecque.

* Les variantes de cette route peu connue sont tirées de la copie de Kodama.

^ Cette route est donnée en sens iiîVerse par Edriçy, I, \lxh.

510 MAI-JUIN 1865.

STATIONS D'EGYPTE \ LA MECQUE V

De Fostat à El-Djoubb « le puits. » Boaïb. Station d'Ibn-Sadakah (Yac. Ibn-Rarkarah). Adj- roud. Demeh (Rod. Rebîbeh). Kersen. Hofaïr. Station '^. Eïlab. Hafa. Madian.

Ela'râ. Station (nom omis). Kilabeb (Kila- nyeh). Cba'b. Bedâ (Kod. Bena). Sarha- teïn. Badhâ. Ouady'1-Rora. Robaïbab.

Dhou'l-merwab. Médine. Voir, pour la suite de l'itinéraire , la route de Médine à la Mecque, oi-dessus p. 5oo.

DE DAMAS À LA MECQUE.

Station. Autre station^. Dhat-el-Ménazil.

Yanou'. - Tebouk. Mobaïnah. Elakra'.

Hanefyeh. Ouady'1-Rora. Robaïbab. Dhou'l-merwa. Soeïdâ. Dbou-kbacbeb. Médine. Pour le reste des stations , voir la route de Médine à la Mecque, ci-dessus, p. 5oo.

' Route indiquée par Edriçy, 1, Sag, et par Yakouby, p. 129. chez ce dernier avec des variantes notables. La première station , le Puits, à cinq heures du Caire, est, au rapport de Burckhardt, le rendez-vous des pèlerins égyptiens.

^ Nom omis ; il manque aussi chez Edriçy. Dans le texte de Yakouby on lit : Jc.iAjf civ-ii.

' Ni l'une ni l'autre ne sent nommées dans nos copies; mais on lit dans Edriçy: «De Damas à une petite rivière, et de à Daai» , une journée. » Du reste, tout ce paragraphe est mutilé et il manque encore deux étapes entre Damas et Tebouk. D'après les relations modernes, on compte onze journées entre ces deux points, et douze entre Tebouk ot Médim*.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 511

'de basrah au yémamah.

De Basrah à (Ed. Dehmân). Kazhimah.

Autre station. Rora'. (Rod. Fora'). Thikhfah (Rod. Safhah). Samân. Cinq autres stations ^ Soleïmah. Sal (Rod. Sînal). Yémamah.

Dépendances du Yémamah : Hadjar; Houd, à 24 heures de Hadjar; El-Yrdh, vallée^ qui traverse le Yémamah dans tonte sa longueur, et renferme plusieurs villages; El-Manfoukhah (Ed. Manbou- khah); Thoudah; Makrah; Nedjarah; Ouady'l-fitar.

Bourgs du Bahreïn : Rhatt; Ratîf; Elawreh; Hadjar; Awrak; Yalnoubeh; Machkar; Zarch; Hou- lyeh; Saboun; Darîn ^; El-Ghabeh.

STATIONS ENTRE LE YEMAMAH ET LE YÉMEN.

Houroudj. Merdj « la prairie. » Safa. Bîr- el-abar a le puits des puits. » Nedjrân. Hama. Barakas. Merba'. Mahdjereh. Pour la suite des stations, voyez la route ordinaire jusqu'à Sanaa, ci-dessus, p. 5o3.

* Kodama nomme les deux dernières seulement: elles sont appe- lées, d'après cet auteur, Djoiihb-el-Korat et Mutevelly.

^ «Cette vallée est arrosée par la rivière appelée A flan; elle sé- pare la province en haute et basse. Sur ses bords sont situés des villages bien peuplés, des champs cultivés, des palmiers et d'autres arbres.» (Edriçy, I, i56.)

* « Port du Bahreïn , entrepôt du musc nommé pour cette raison musc Dariny> bien qu'on le tire de l'Inde.» [Méraçid.)

512 MAI-JUIN 1865.

RÉCAPITCLATION DES STATIONS DE POSTE '.

Le nombre total des relais de poste dans l'em- pire s'élève à 980 ; les dépenses pour l'achat et la nourriture des chevaux, l'entretien du personnel et des fervanègui (voir l'introduction p. 1 1 ) se mon- tent à i5/i,ioo dinars ( 1 ,5/n ,000 francs.)

ITINÉRAIRE DES MARCHANDS JUIFS, DITS RADANITES ^

Ces marchands parlent le persan, le romain (grec et latin), l'arabe, les langues franque, espa-

^ Après avoir calculé avec soin les chiffres partiels, indiqués dans le couinant de l'ouvrage, aux paragraphes spéciaux, je ne trouve que 63 1 relais; mais il est juste d'ajouter que les postes de plusieurs routes importantes, comme celle de Bagdad à la Mec- que, etc. ne se trouvent plus dans le traité dlbn-Khordadbeh , tel que le temps nous l'a transmis, M. Sprenger, qui a fait usage, avant moi, de ces renseignements, en les comparant à ceux de Kodama, les résume ainsi : «En jetant les yeux sur le réseau des routes postales, il est aisé de comprendre le système de ce service. De Bagdad, sa résidence , le Khalife était en communication avec ses agents les plus éloignés : il pouvait correspondre au nord-ouest avec Neïchapour, dont le gouverneur, vassal de nom, indépendant de fait, exerçait son autorité jusqu'aux rives du Yaxarte. Au sud-ouest, le Khalife correspondait avec Chîraz et Istakhr, régnaient les Boueïhides. Il est intéressant de remarquer que ses intelligences s'étendaient jus- qu'aux frontières les plus reculées, au nord. Obligé de défendre l'empire musulman contre les Grecs, il avait besoin de recevoir aussi rapidement que possible, par ses estafettes, tous les rensei- gnements de nature à l'éclairer sur les mouvements de l'ennemi. » [Post- und lîeiseroulen , p. lo.)

^ Ce morceau si intéressant pour l'histoire du commerce de l'Eu- rope avec l'Orient, au moyen âge, a été traduit, pour la première fois, par M. Reinaud {Introduction à la géographie des Orientaux^ p. 58). Je no pouvais mieux faire que do ronscrvor la tiathiotion flo

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLNCES. 513 gnole et slave. Ils voyagent de l'Occident en Orient, et de l'Orient en Occident, tantôt par terre, tantôt par mer. Ils apportent de l'Occident des eunuques, des esclaves femelles, des garçons, de la soie, des pelleteries et des épées. Ils s'embarquent dans' le pays des Francs, sur la mer occidentale, et se di- rigent vers Farama (près des ruines de l'ancienne Péiuse); ils chargent leurs marchandises sur le dos de bêtes de sommes, et se rendent par terre à Kolzoum (Suez), à cinq journées de marche, sur une distance de 20 farsakhs. Ils s'embarquent sur la mer orientale (la mer Rouge) et se rendent de Kol- zoum à El-Djar ^ et à Djeddah; puis ils vont dans le Sind , l'Inde et la Chine. A leur retour, ils se char- gent de musc, d'aloès, de camphre, de cannelle et des autres productions des contrées orientales, et reviennent à Kolzoum , puis à Farama, ils s'em- barquent de nouveau sur la mer occidentale. Quel- ques-uns font voile pour Constantinople , afin d'y vendre leurs marchandises ; d'autres se rendent dans le pays des Francs.

mon savant et cher maître , en y introduisant un ou deux change- ments de détails , nécessités par la comparaison des deux copies. Le surnom donné ici à ces marchands me paraît devoir son origine aux trois cantons de Radân, dans la partie orientale du Sawad. (Cf. ci-dessus, Tableau statistique, p. 2/10.) Cette forme est expliquée de la même manière par Soyoulhy , dans son Dictionnaire des surnoms ethniques.

^ Au lieu de Hédjaz, je lis A^î forme très-nettement écrite dans les deux copies. El-Djar est un port à trois marches de Médine, et une île près de Djeddah, fréquentée par les navigateurs, qui y font

514 MAI-JUIN 1865.

Quelquefois les marchands juifs, en s'embar- quant sur la mer occidentale, se dirigent l'em- bouchure de rOronte) vers Antioclie. Au bout de trois jours de marche, ils atteignent les bords de l'Euphrale et arrivent à Bagdad. ils s'embarquent sur le Tigre et descendent à Obollah , d'où ils met- tent à la voile pour l'Oman, le Sind , l'Inde et la Chine. Le voyage peut donc se faire sans interrup- tion.

Les Russes, qui appartiennent à la race slave, se rendent, des régions les plus éloignées du pays des Slaves \ sur les côtes de la mer de Roum (la Médi- terranée), et y vendent des peaux de castor et de renard, ainsi que des épées. L'empereur (grec) se contente de prélever un dixième sur leurs mar- chandises. Les négociants russes descendent aussi le fleuve des Slaves (le Volga) , traversent le bras qui passe par la ville des Kbozars (aux environs d'Astra- khan) , le souverain du pays prélève sur eux un dixième; puis ils entrent dans la mer de Djordjân (Caspienne) , et se dirigent sur le point qu'ils ont en vue. Cette mer a 5oo fars, de diamètre. Quelque- fois les marchandises des Russes sont transportées, à dos de chameaux, de la ville de Djordjân jusqu'à Bagdad.

Ces divers voyages peuvent se faire également par terre. Les marchands qui partent de l'Espagne

de l'eau. L'auteur du Méraçid ajoute que la partie de la mer Rouge comprise entre Djeddah et Suez se nomme elle-même El-Djar. ' 11 faut en effet corriger ainsi le texte, qui porle ^/JjL-s.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 515 et du pays des Francs se rendent à Tanger et au Maroc, d'où ils se mettent en marche pour la pro- vince d'Afrique et l'Egypte. De ils se dirigent vers Ramlah, visitent Damas, Roufah, Bagdad et Bas- rah, pénètrent dans l'Ahvaz, le Fars, le Kermân, le Sind et arrivent dans l'Inde et à la Chine. On peut encore prendre la route d'Arménie et se ren- dre, à travers le pays des Slaves, auprès de la ville des Rhozars; on s'embarque sur la mer de Djordjân , puis on arrive à Balkh, dans la Transoxiane, le pays des Tagazgaz et la Chine.

L'accès à la cour du Chosroès était interdit aux étrangers qui arrivaient des cinq contrées suivantes : de Syrie, par Hît; du Hédjaz et du Yémen, par El- Odhaïb; du Fars, par Nabîn; du pays des Rhozars et du pays des Allans, par Bab-el-Abwab (Derbend). On lui adressait un rapport sur les arrivants, et on retenait ceux-ci à la frontière, jusqu'à ce que le roi eût pris une décision à leur égard.

La terre a été partagée en quatre parties : i" l'Eu- rope, comprenant fAndalous, le pays des Slaves, des Grecs et des Francs; Tanger, jusqu'à la frontière égyptienne; la Libye, comprenant l'Egypte, (la mer de) Rolzoum, l'Abyssinie, les Berbères et les payssitués au delà ; la mer méridionale , qui baigne le Tehamah, le Yémen , le Sind, l'Inde et la Chine; l'Asie, comprenant l'Arménie, le Rhoraçân, le pays des Turcs et des Rhozars. Il y a encore une di- vision du globe différente de celle qui précède.

516 MAI-JUIN 1865.

Volcan de Sicile

L'Espagne

On voit, dans l'Inde un rocher d'où jaillit du feu, mais on ne peut rien allumer à sa flamme

On ne trouve pas en Sicile la grosse fourmi nom- mée el-foursân [formica leo), et les singes sont in- connus en Espagne, à cause du grand nombre d'ani- maux sauvages que renferme cette contrée.

Dans le pays des Grecs, sur les bords de la mer des Khozars (mer Noire), est une contrée nommée Mostatîleh^, l'hiver et l'été sont la saison des pluies; les habitants ne peuvent ni battre, ni van- ner leurs blés; ils les entassent en gerbes dans leurs maisons; puis, au fur et à mesure de leurs besoins, ils prennent une certaine quantité d'épis, les frot- tent dans leurs mains , pour en extraire le grain ; après quoi ils le font moudre et le cuisent. Les singes sont nombreux dans ce pays.

Dans le Hédjaz et le Yémen , il pleut tout l'été ,

' Le commencement de ce chapitre est entièrement perdu, et le reste ne nous est parvenu qu'avec des lacunes considérables. La lec- ture du peu qui nous a été conservé n'est pas de nature à en faire regretter sérieusement l'ensemble.

' «Contrée longue, étendue.» Kazwîny a trouvé ce passage dans le traité de géographie de Djeîhany, l'ouvrage de noire auteur avait passé presque en entier, et il l'a cité d'une façon peu correcte. Mustaufy l'a traduit dans son Nouzhet; mais, oubHant que l'expres- sion «mer des Khozars» désignait aussi la mer Noire, il suppose que cette description s'applique au Guilân , dont le climat est hu- mide et pluvieux.

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 517 mais jamais en hiver. A Sanaa et au delà de cette ville, la pluie tombe en juin, juillet, août et une partie de septembre, depuis midi jusqu'au coucher du soleil. C'est pourquoi les habitants s'abordent en disant : «Hâlons-nous avant la pluie, car voici la saison pluvieuse qui arrive. »

Lorsque les Arabes conquirent l'Espagne, ils trouvèrent dans le palais de la ville des rois (Tolède) vingt-quatre couronnes, autant qu'il y avait eu de rois dans ce pays. Chacune de ces couronnes était d'un prix inestimable; elle portait le nom du roi au- quel elle avait appartenu , la mention de son âge et la durée de son règne. On y trouva aussi une table qui provenait, dit-on, de Salomon, fils de David. Dans ce palais était une autre salle fermée par vingt- quatre serrures, chaque roi ayant ajouté une ser- rure à celle de son prédécesseur ^; personne ne sa- vait ce que cette chambre renfermait. Le dernier roi (chrétien) de TEspagne voulut en violer le se- cret, persuadé qu'elle recelait des trésors. Les évo- ques et les prêtres cherchèrent à lui représenter la gravité de cet acte , et le supplièrent de se conformer

^ Il est inutile d'insister sur ces légendes d'origine chrétienne, qui ont défrayé bon nombre d'historiens arabes et persans. On en trouve le détail dans le grand ouvrage de Makkary (édition de Bou- lac, I, p. 1 15 et suiv.) , d'après Hafiz el-Homaïdy, auteur d'une ga- lerie des savants et des littérateurs arabes-espagnols. (Cf. Dozy, Introd. au Bajân al-Mogrib, p. 70,) Le conte rapporté par Ibn-Khordadbeb se lit également dans un des annalistes les plus graves de la con- quête musulmane, Ibn-el-Koutya, dont M. Cberbonncau a publié d'intéressants fragments [Jonrn. asiat. i856, novembre-décembre, p. 434).

V. 34

518 MAI-JUIN 1865.

à l'exemple des vois qui l'avaient précédé, eu lui di- sant : «Si c'est de l'or qu'il vous faut, nous vous en donnerons, à la condition que cette porte restera fermée. » Mais le roi, sourd à leurs prières, ordonna qu elle fut ouverte. On y trouva des figures d'Arabes à cheval, avec leurs turbajns et leur costume, armés d'arcs et de flèches. Ce fut en cette même année qu'eut lieu l'invasion de l'Espague par les musul- mans.

Los savants qui ont tracé cette sphère, image du globe terrestre, ont voulu donner une preuve sen- sible de la divine sagesse, laquelle, réunissant sur les bords et autour du globe les affinités de ces élé- ments, c'est-à-dire mélangeant la chaleur avec la chaleur, le froid avec le froid, comme on le voit ci-dessous, a créé le monde, avec les oppositions et les contrastes qui y régnent ^

' L'obscurité de cette théorie se complique du laconisme de l'au- teur Cl de rincorrcction du texte. Je n'essayerai pas de discuter cetle flibse enlièremenl étrang^re à l'objet principal de mon travail; je me bornerai à rappeler cpe le cosmographe et naturaliste arabe Kanvîny a consacré un long paragrapbc à l'élude des quatre élé- ments, de leurs cojnbinaisons, etc. (édition Wûstenfeld, p. 89), l'idée fondamentale qu'on entrevoit à peine ici est développée avec une clarté satisfaisante. En ce qui concerne les caractères dis- tinctifs de chaque quart du monde, les déïinitions renfermées dans Icj quatre cases de la figure ci-jointe sont répétées presque mot pour mot dans le chapitre lxii des Prairies d'or (t. IV, sous presse). Une seule différence, mais radicale, sépare les deux rédactions : Maçoudy applique h l'orienllcs caractères qui, selon lbn-K.bordad- beh, distinguent le midi. En s'oricnfaiil à la façon des musulmans, de manière à avoir le levant en face de soi, le midi à droite, etc. l'ordre indiqué par notre le.\le semble plus ralionnel.

LE LIVRE DES ROCTES ET DES PROVINCES. 519

Tout ce que renferme ce quart de la terre est chaud et sec , tempérament du feu, de la Lilc, de l'été; c'est l'Orient. Vent d'est. Quatrième , cinquième et sixième heure, Facultés organi- ques : force vitale et animale. Sa- veur : l'amertume. Planètes : Mars et le Soleil. Signes du Zodiaque : l'Écro- visse, le Lion, l'Epi.

Tout ce que renferme ce quart de la terre est chaud et humide, tempérament de l'air, du sang, du printemps et du vent d'est; c'est le Sud. Vent du sud- Première , deuxième et troisième heure. Forces physiques : faculté di- gestive. Saveur douce. Planètes : la Lune et Vénus. Signes du Zodiaque : le Bélier, le Taureau, !cs Gémeaux.

Tout ce que renferme ce quart de la terre est froid et sec , tempérament de la terre , de l'atrabile , de l'automne , de la décrépitude (un mot illisible). Vent du nord. Septième , huitième et neu- vième heure. Force organique : l'ah- sorption. Saveur : l'âcreté (lisez el- hamidheh , au lieu de kabidkeh), Pla- nète : Saturne. Signes du Zodiaque : la Balance, le Scorpion , le Sagittaire.

Tout ce que renferme ce quart de !a terre est froid et humide, tempérament de l'eau, de la pituite, de l'hiver, de la vieillesse; c'est l'Occident. Vent d'ouest. Dixième, onzième et douzième heure. Saveur salée et goûts analo- gues (il faut lire mâlih, au lieu de ma). Planètes : Jupiter et Mercure. Si- gne» du Zodiaque : le Chevreau et le Verseau. Force répulsive.

EDIFICES DIGNES D'ADMIRATION.

Les pyramides d'Egypte, construites en granit et

3^.

520 MA[ JUIN 1865.

en marbre; leur hauteur (verticale) est de l\oo cou- dées; c'est aussi leur mesure en long et en large L Toutes sortes de recettes médicales et de talismans merveilleux y sont gravés. On y lit aussi : ((Que le roi qui se dit puissant essaye de les détruire, quoi- qu'il soit plus facile d'abattre que d'édifier. » Et, en effet, le revenu du monde entier ne sufBrait pas pour

cette œuvre de destruction

On rapporte que la construction d'Alexandrie dura trois cents ans, et que, pendant soixante et dix ans, les habitants n'osaient sortir durant le jour, leurs yeux ne pouvant supporter le reflet mat et éclatant de ses murs. Son phare prodigieux s'élevait du milieu de la mer, sur une écrevisse de verre (Cf. Prairies d'or, II, Zi3o, /i33). Outre sa population in- digène, Alexandrie comptait 600,000 juifs tribu- taires.

Memphis, capitale et lésidence des Pharaons; leur armée résidait à Djeïroun.

Deux colonnes, vestiges des démons ^ à Aïn-

* Sur les dimensions des pyramides , calculc^es par les Arabes, voir Abdallatif (p. 216). D'après les mesures du colonel Wyse, la grande pyramide de Khéops a 187 mètres de hauteur verticale et 2 27'°,3o de largeur à chacune de ses bases; la hauteur de la face mesurée sur le plan incliné est do 178 mètres.

- Makrizy, en copiant ce passage, lit j^jaLL-I Ij'^ ij^ «restes d'un plus grand nombre de colonnes» (voyez la note de S. de Sacy, Relation d' Abdallatif f p. 227). Ainsi que je l'ai dit en commençant ( introduction , p. 17), l'historien arabe de Tr^gypte devait avoir sous les yeux une rédaction plus complète et plus correcte que Ja nôtre. Il est difficile d'admettre qu'Ibn-Khordadbeh, malgré sa crédulité dé- sespérante, ait attribué aux démons les deux colonnes d'Aïn-Chems,

LE LIVRE DES BOUTES ET DES PROVLNCES. 521 Chcms, en Egypte. Au sommet de chacune est un collier de cuivre; de Tune des deux, et au-dessous de ce collier, il distille de l'eau qui descend jusqu'à la moitié de la colonne, sans arriver plus bas. Elle suinte sans interruption , jour et nuit; la partie de la colonne qui en est mouillée est verte et humide; l'eau ne tombe pas jusqu'à terre. C'est un ouvrage de Houcheng.

La forteresse de Souk-el-Ahvaz: ce sont deux forteresses superposées. Un édifice tout semblable se voit au Maroc. C'est l'œuvre de Houcheng ^

Les Grecs prétendent qu'il n'y a pas de monu- ments en pierre qui égalent l'église de Roha (Edesse) et l'église d'Emèse. Abou'l-Kaçem , fils de Khordad- beh, dit : «De tous les édifices construits en bri- ques et en ciment, le plus beau était le palais (Eïvân) du Chosroës à Médain; il fut détruit et servit à la construction de Koufah.» Un poète a dit :

Les ancêtres et les rois (kaïl) de Kalitân placent les bases de leur gloire sur BabramGour;

C'est dans son palais de Kliavarnak et dans le Seclîr qii'ils ont manifesté la justice de leur règne.

Un des plus magnifiques monuments en pierre et en ciment est le Chadrevân de Touster. Ce châ- teau d'eau est en pierre, porté par des piliers de fer et pavé de dalles en plomb.

puisque, deux iignes plus loin, il fait remonter leur origine à Hou- cheng, le roi légendaire de la dynastie des Pichdadiens.

^ Ces mots me semblent une répétition inutile de la fin du para- graphe précédent.

522 MAI-JUIN 1865.

Parmi les transformations de l'eau les plus singu- lières, on cite mie montagne du Yémen, du sein de laquelle jaillit une source, qui se répand sur ses pa- rois et se solidifie, avant d'arriver à terre; elle forme le beau cristal blanc nommé y émany. On trouve dans l'Azerbaïdjân une rivière dont l'eau, après avoir coulé quelque temps, se transforme ensuite en couches de silex.

PARTICULARITÉS CDHIEUSES DES CLIMATS.

Quand un étranger arrive au Tibet, il éprouve, sans pouvoir s'en rendre compte, un sentiment de gaieté et de bien-être qui persiste jusqu'au départ. Vers les confins de la Chine est une contrée nom- mée Siltty très-riche en mines d'or. Les musulmans sont tellement séduits par la beauté de ce pays, quand ils y pénètrent, qu'ils s'y fixent et ne veulent

plus en sortir. (Voyez ci-dessus, p. 29/1.) Si un

étranger demeure un an à Moçoul son intelli- gence s'éteint, ou tout au moins s'amoindrit^

El-Djahiz affirme avoir entendu dire aux sages- femmes de l'Alïvaz qu'elles trouvaient souvent des

* J'ai séparé par des points ces phrases incohérentes, parce que je crois qu'il y a plusieurs lacunes dans le texte. On lit à la suite : «On ne trouve personne dont le teint soil coloré, » et, après un es- pace en blanc, «la fièvre y est endémique. i> Ces lambeaux me sem- blent se rapporter, non pas à la ville de Moçoul , mais à une des- cription perdue de la Susiane. Yakout {Dict. de la Perse, p. 60) parle à peu près dans les mêmes termes de la fièvre et des animaux nuisibles de ce pays. «On ne voit, dit-il en citant le témoignage d'Ahmed Hamadâny, sur aucun visage le coloris de la santé-, les fiè- vres de l'Ahvaz sont permanentes, etc.»

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 523 enfants atteints de la fièvre en venant i^u monde. Sur la nionti»gne qui domine la ville et sm^plombe les niaisons, à Souk-el-Ahvaz \ pullulent les vipères; les scorpions appelés djerrareh, dont la piqûre est mortelle, abondent dans les demeures. Au bout de deux mois, les parfums s'altèrent dans cette ville, de même qu'à Antioche. Quiconque arrive dans le pays des Zendjes gagne la lèpre (ou Télépbantia- sis). Quiconque jeûne pendant l'été, à Messiss^h (Mopsueste) , est tourmenté par l'atrabile et exposé à perdre la raison. Le climat de Bahreïn provoque des engoi^ements du foie, comme l'a dit un poêle :

Celui qui demeure à Bahreïn sent son foie grossir et son ventre se gonfler, malgré la diète ^.

Au rapport des savants, la contrée la plus favo- risée de la nature est Rey avec son cliarmant canton de Sinn; celle qui l'emporte par l'industrie et le tra- vail de l'bomme est le Tabarislân; la plus produc- tive, Neïsabour; celle dont' la beauté a survécu aux ravages du temps, Djoundeï-Sabour avec sa magni- fique végétation. Puis on cite Merve pour ses oli- viers; El-Madjân et le Gautali (banlieue) de Damas pour leurs fertiles vallons; Niçibîn, arrosée par le Hermas; Samaïrah et ses deux forteresses; Basrah et son (canal) Nahrevân; en Perse, le vallon de

* Je lis .oyw au lieu de «uSa qui n'offre pas de sens satisfaisant. Edriçy parle, lui aussi , du scorpion jaune nommé djerrarch.

^ Après cela vient une ligue illisible pour moi , suivie de quelques

mots incohércnls : «On trouve à Yatrib une racine odorante

à Chîraz, ville <lu Fars une chanson agréable»

524 MAI-JUIN 1865.

Bewân et les coteaux de Chebrezour couverts de jardins à droite et à gauche ; Médaïn; Sous; Touster entre ses quatre rivières : le petit Tigre, le Mousri- kân, le Mabàn et le Pouriân; enfin Néhavend, Is- pahân et Balkh. Mais les hauteurs de Samarcande, dans la Sogdiane, l'emportent sur tout le reste par leur beauté et leur richesse. Le roi Kobad disait que, dans tout son royaume, les meilleurs fruits venaient des villes suivantes : Médaïn, Sabour, Er- radjân, Rey, Néhavend, Houlvân et Maçabadân.

SOURCE ET EMBOUCHURE DES FLEUVES.

Le Dj eïhoan [Oxxis] , fleuve de Balkb, sort des montagnes du Tibet, passe devant Balkh, Teimed, le Khârezm et se jette dans la mer de Djordjân (Caspienne). Le Sind (Mehrân ou Indus) sort d'une montagne appelée Saghyân ^ passe par Man- sourah et se jette dans l'Océan oriental, après avoir formé plusieurs des rivières de l'Inde.

Le fleuve de Chacb ^

L'Euphrate sort de Kalikala, traverse le pays des Grecs jusqu'à Kamakh, passe à deux milles de Malatya et arrive à Somaïsat, il devient navi- gable Le Tigre prend sa source dans les

montagnes d'Amid, traverse le mont Selseleh (ula chaîne,» le Taurus). Grossi par de nombreux af-

* Birouny place la source de l'indus dans les montagnes d'On- nanak,siirle.s frontières du Turkestau.(Jo«ru. asiat. septembre i8/i/|. Cf. Burnes, 1 , 63 et 262.)

•* Lacune. ( Voyez Abou'l-féda , 11 , 78.)

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 525 fluents venus de l'Arménie, il passe à Beled, il commence à porter les bateaux et les kelehs; plus loin, il reçoit les deux Zab et le Nabrevân, passe à travers les Etangs et se joint au Tigre d'Obollab (ca- nal), pour se jeter ensuite dans la mer orientale.

L'Araxe, fleuve d'Arménie, sort de Kabkala, traverse l'Errân, il reçoit la rivière de ce nom, passe devant Wartbân et à El-Djem! (confluent), il se joint au Kourr; la ville de Beïlakân est entre les deux fleuves; après leur jonction, ils se jettent dans la mer de Djordjân ^. Les deux Zab sortent de l'Arménie et se jettent dans le Tigre : le grand Zab à El-Hadîthah, le petit Zab à Essinn. Le Nabre- vân (canal dérivé du Tigre) sort de l'Arménie, passe h Bab-Taloua, il est appelé Mamara (il faut lire {^fleuve de Sorra-men~râ) , reçoit les affluents nommés Kathoul, arrive au canton de Souly '^, il prend le nom de Nahrevân, et se jette dans le Tigre au-des- sous de Djebboul. Le Kbabour sort de Ras-Aïn, reçoit le Hermas et se jette dans l'Eupbrate h Kar- kiçya. Le Balîkb (Billicha) sort d'une source nommée Debbanyeb, dans la province de Harrân, et se joint à l'Eupbrate au-dessous de Rakkab. Le Hermas part de Tour-Abdîn et se jette dans le

^ Cette dernière page nous est parvenue dans un état déplorable. Voici les mots qui doivent être ajoutés au texte pour lui donner un sens, p. 125, 1. 4. Après LtfiL^f fil il faut lire : ^^ ^j (jl-y.â>^3

2 C'est ainsi que je corrige , avec Abou '1-féda (II, 78), le groupe inintelligible (jj.4»OkUj.

526 MAI-JUIN 1865.

Khabour. Le Theiihar est un bras du lleniias qui passe à El-Adhr (Atra) et se jette dans le Tigre. ^^

Le Nil d'F^gypte sort des montagnes de la Lune, se dirige vers les contrées sises au nord de l'équateur, coule le long de la Nubie, et entre en Egypte; enfin une de ses branches débouche dans ia mer de Roum, à Damiette; l'autre branche se jette dans la même mer, après avoir passé à Fostat ( Vieux - Caire).

Le Dodjeïi « petit Tigre , » dans TAhvaz , sort de la province d'ispahân et se jette dans la mer orientale (près d'Abbadàn). Le fleuve de Djoundcï-Sa- bour, un de ses affluents, vient aussi du fond de la province d'ispahân. Le fleuve de Sous, autre af- fluent du petit Tigre , part de Zeïtoun. Le Mous- rikân vient du Ghadrevân a château d'eau, aqueduc, » de Touster et se jette dans la mer orientale. Le Zendéroud , fleuve d'ispahân , prend sa source dans cette province, arrose ses dix-sept cantons, se perd ensuite dans les sables, et reparaît, soixante fars, plus loin, dans le Rermân; là, après un certain par- cours, il se jette dans la mer orientale.

Le Seïhân, fleuve d'Adanah, et le Djeïhân, fleuve de Messissah, viennent l'un et l'autre du pays des Grecs et se jettent dans la mer de Syrie. L'O- ronte, fleuve d'Antioche, prend naissance dans lu province de Damas, du côté de Baalbek (je lis ainsi, au lieu de Berhcr), coule du sud au nord et se jette dans la Méditerranée. La rivière de Damas, cpii

LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 527 fertilise le Gautab, se jette dans le lac de Damas. (Ce sont les trois étangs à l'est de la ville.)

MONTAGNES.

Le mont El- Ardj , situé entre Médine et la Mecque, se dirige vers la Syrie; il se réunit au Liban, près de Hims, et, plus loin, aux montagnes d'Antakieh et de Messissab; il prend alors le nom à' El-Lokam ; il se joint ensuite à la chaîne de Malatya , de Somaï- sal et de Kalikala, et s'étend jusqu'au rivage de la mer des Kbozars (Caspienne), près de Bab el-Abwab (Derbend)i.

' Passage copié par Kazwîny, II, 169. Maçoudy, qui cite cette opinion de l'auteur pour la critiquer, nous fournit en même temps la preuve que, loin de se terminer aussi brusquement, ce chapitre renfermait une théorie complète de la constitution du globe. « Il nous enseigne, dit Maçoudy, que les différentes parties du monde se touchent et tiennent ensemble, sans solution de continuité; que la surface de la terre offre tantôt des dépressions, tantôt des renfle- ments considérables, etc.» A en juger par l'ensemble du chapitre, celte dernière partie devait être aussi peu développée et présentée avec la même sécheresse que le reste; on n'en trouve aucune trace ni dans la copie de Constantinople, ni dans celle d Oxford. Cette dernière seule porle une date; elle a été terminée le jeudi 2 du mois de redjeb 632 (avril i235).

528 MAI-JUIN 1865.

TABLE DES MATIERES.

iV. B. Les chiffres en italique indiquent la pagination du texte arabe les chiffres en romain, celle de la traduction.

Introduction 5

Généralités de géographie physique 27 228

Evaluation des mesures 27 229

De l'orientation dans les différentes contrées 27 23o

Description du Sawad 28 28 1

Rive orientale du Tigre; Tamarra 28 282

Territoires arrosés par le Tigre et l'Euphratc 29 2 33

Territoires arrosés par TEuphrate et le Petit-Tigre. ... '29 233

Tableau statistique du Sawad 30 287

Historique de l'impôt de cotte province. 36 2A2

Rôle de l'impôt payé aux Tahérides par le Khoraçân . . 37 244

Par les pays au delà de l'Oxus 39 247

Récapitulation des sommes précédentes ^0 2 48

Surnoms des rois du Khoraçân et de l'Orient ^0 2^g

Districts et impôt de l'Ahvaz (Susiane) 4/ 202

Districts et impôt du Djebel à2 254

Districts et impôt d'ispahân 4.2 2 55

Royaumes de la terre ^2 2 55

Titres des rois du monde : . . 45 256

Rois surnommés Chahinchali . 45 257

Itinéraires 44 2 58

De Bagdad aux limites les plus reculées du Khoraçân

(routes du nord-est) 44 2 5()

De Merve à Chach et au pays des Turcs 47 263

Villes de la province de Boukhara 47 263

De Boukhara à Samarcande 47 264

De Zamîn à Ferghanah 4P 266

Tribus turques, Tagazgaz, Keïmak, elc 50 267

De Mcrvc-Chahidjân au Tokharistân 51 268

Roule de Saghaniân; route de Balkh au Tokharistàn su- périeur 52 270

TABLE DES MATIÈRjES. 529

Relais de poste sur la route de l'Orient 52 271

Relais de poste dans TAhvaz et le Fars 53 272

Cantons du district de Sabour 54 278

Cantons d'Islakhr et d'Erradjân 54, 55 274

Campements des Kurdes 55 274

Division de la province du Fars 55 276

Route d'Istakhr à la capitale du Kermân 55 276

Route du Kermàn au Sedjestân 56 276

Villes principales du Sind; pays des Pehlevis 57, 58 278

De l'Ahvaz à Ispabân 58 279

Du Fars à Ispahân 58 279

D'Ispaliân à Rey 59 27g

De Bagdad à Basrah 59 280

Relais de poste entre la capitale du khalife et Vaçit. ... 59 281

Roule de Basrah à l'Oman, le long de la côte 59 281

De Basrah à rOrienL,par mer 60 281

Poissons extraordinaires dans la mer orientale 60 282

Du golfe Persique à l'Orient 61 2 83

Serendîb (Ceylan) ; le pic d'Adam 63 2 85

lie de Ramy, etc 63 286

Le camphrier 287

Likbalous; Kalah; productions de ces îles 288

Principaux rois de l'Inde; éléphants 65 289

Le roi de Kamroun et le Maharadja 66 290

Itinéraire de la Chine 66 291

Aloès de Senf; El-Wakîn; Khanfou 66 292

Pays des Wakwak 67 293

Phénomène du flux et du reflux 67 298

Pays de Sila; productions de l'Inde ^ 68 29A

Castes et magiciens de l'Inde 69 296

Le Maghreb ou Occident; roule de Bagdad au Maghreb. 69 446 Villes du Khabour ; province de Kinnisrin ; impôts de ce

pays 70 448

Route partant d'Emèse. ... - 7i 449

Province de Damas; route partant de Damas 72 4 00

Districts de la Palestine 73 45 1

Route partant de Ramiah 73 45 1

Districts de l'Egypte 73 452

Route d'Egypte au Maghreb, en partant de Fostat 74 453

Route de Barkah à l'Occident 75 455

530 MAI-JUIN 1865.

États d'Ibn el-Aghleb 76 456

Etats de Meïmoun el-Roustemy, et de Sogbaïr le Berbère. 77 458

Etats de l'bcrétiquo Es-Sofry et des Edricites 78 459

Passage interpolé sur l'étendue de la terre 78 46o

L'Espagne sous les Omeyades 79 46 1

Tribus berbères 80 462

Exportations de la mer du Maghreb 81 463

Itinéraire de Bagdad à Rakkah par Moçoul ; villes prin- cipales 81 465

Route de gauche allant de Beled à Sindjar et Karkiçya. . 83 466

Route de Rakkah aux villes frontières 83 467

De la Mésopotamie à la Méditerranée SI4 467

Postes entre Émèse et Damas ; route de Koufah à Damas,

par le désert 8à, 85 468

Postes entre Alep et les villes frontières 85 469

De Tarsous au canal de Constantinople 85 469

Description de ce canal 87 47 i

Murs d'enceinte de Constantinople 87 473

Provinces de l'empire byzantin 88 474

Mission de l'astronome Mouça relative aux Sept Dormants. 89 476

Suite des provinces de l'empire byzantin 90 478

Impôt foncier chez les Grecs 91 479

Fonctionnaires militaires et civils; solde de l'armée.. . . 92 48i

lies du pays de Roum 92 482

Description de Rome 92 482

Les quatre merveilles du monde ^. 484

Relais sur la roule de l'Occident 95 485

Pays du nord [el-Harhj] 95 486

Route du Khoraçân à rAzcrbaïdjàn et l'Arménie; villes

et bourgs de l'Azerbaïdjân 96 487

Route de Dinaver à Birzcnd 97 488

Roules et division administrative de l'Arménie 97 489

Bab-el-Abwab ou Caucase 98 490

Mission de Sallam l'interprète chez les peuples de Gog

et Magog 99 490

Description de la fameuse barrière de ce nom 100 493

Pays de la droite ou midi ; route de Bagdad à la Mecque. 103 496

Embranchement conduisant à Médine 10^ 498

Roule suivie par le Prophète dans sa fuite 105 499

Houle des pèlerins de Médine à la Mecque 105 5oo

TABLE DES MATIERES. 531

Suite tic la roule de Bagdad à la Mecque . 106 5oo

Cantons de la Mecque; route de cette ville à Tayef. . . . 107 5oi

Stations de la Mecque au Yémen 107 5o2

Cantons du Yémen 108 5o3

Relais entre Omrah et Sanaa 111 5o6

Impôt du Yémen 111 5o6

Inscriptions himyaritcs 111 , 112 5o6

Stations entre Mesdjid-Saad et Basrah 112 5o8

Entre Basrah et la Mecque ll'i 5o8

Entre le Ycmamah et la Mecque 112 5o8

Route d'Oman a la Mecque, le long de la côte 113 5o()

De Khawlàn à la Mecque 113 Sog

Stations d'Egypte à la Mecque 113 5io

De Damas à la Mecque lia 5io

De Basrah au Yémamah IIU 5 1 1

Stations entre le Yémamah et le Yémen 115 5i i

Récapitulation des relais de poste 115 5i 2

Itinéraire des marchands juifs 115 5 1 2

Itinéraire des marchands russes 116 b\!x

La cour du Chosroës fermée à certains étrangers 117 5i5

Les quatre parties du monde 117 5 1 5

Merveilles de la terre (chapitre mutilé) 117, 118 5i6

Contrée nommée Mostatileh 118 5i(i

Pluies en Arabie 118 bij

La chambre des rois à Tolède 118, 119 617

Théorie des éléments dans leur rapport avec les pays. . 119 5 18

Figure explicative 120 5 1 9

Les Pyramides d'Egypte.. 121 619

Alexandrie et son phare; Mempbis 121 620

Colonnes d'Aïn-Chems 121 62 1

Edifices remarquables; églises; palais de Médaîn (Ctési-

phon); château d'eau de Toustcr 121 , 122 62 1

Pétrifications 122 52 2

Particularités curieuses des climats; le Tibet; Sîia; Mo-

çoul; la Susiane . . 122, 123 622

Antioche, Lèpre chez les Zendjes. Climat du Bahreïn. . 123 523

Contrées les plus fertiles de la terre 12^ , 125 523

Source et embouchure des fleuves : I'Oaus, le Sind,

l'Euphrate et le Tigre /24, 125 52/i

532 MAI-JUIN 1865.

L'Araxe, les deux Zah, le Nahrevân, le Khabour, le

Hermas i25 025

LeNil,leDodjeïl,leZendéroud,lesfleiivesdeSyne. 125, 126 626

Montagnes 126 627

NOUVELLES ET MÉLANGES.

SOCIÉTÉ ASIATIQUE.

PROCES-VERBAL DE LA SEANCE DU 12 MAI 1865.

La séance est ouverte à 8 heures, par M. Reinaud, pré- sident.

Sont proposés et nommés membres de la Société : MM. Boy (Victor), libraire à Marseille;

Pleignier (Victor), professeur à Casteltown , dans l'île de Man (Angleterre).

Il est donné lecture d'une lettre de M. Numa, photo- graphe, rue Richelieu, qui désire faire un album des mem- bres de la Société, et s'offre de les photographier gratis et de donner à chaque membie six exemplaires de son por- trait.

Le secrétaire donne lecture des comptes de l'année i864 et du budget de i865. Renvoi à la commission des censeur.s.

M. le président annonce que la Société tiendra sa séance annuelle au mois de juin, et que les membres seront avertis du jour par lettres individuelles.

Un membre donne quelques détails sur l'impression du Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque impériale. La première livraison, qui contient les manuscrits hébraïques, est très-avancée et sera publiée dès que l'impression sera achevée. Le même membre annonce la publication prochaine

NOUVELLES ET MÉLANGES. 533

du Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque impériale de Vienne, rédigé par M. Flûgel.

OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIÉTÉ.

Par l'auleur. Extraits du Livre des rois de Firdausî, pu- bliés par S. E. Kemal Efendi, à Constanlinople; lithographie in-i6 (i865), en persan.

Par l'éditeur. Catalogue de la bibliothèque d'un orientaliste, rédigé et publié par M. Thonnelier; vol. L Paris, i864; in-8'.

Par l'auteur. Tibetische Texte ùberselzt und erlaeutert von Emii ScHLAGiNTWEiT. Munich, 186 A; in-8°.

Par l'éditeur. Annuaire philosophique, par L. A. Martin; l. II, 3 (mars). Paris, i865.

Par la Société. Bulletin de la Société de Géographie, jan- vier-mars. Paris, i865; in-8°.

Bibliotheca indica. Calcutta, i864; in-8°. Nouvelle série, 63. The Brihatsanhita , fasc. l\.

67. The Nyaya Darsana of Gotama.

N°' 61 et 66. The Sraufa Suira of Aswalayana, fasc. 2 et 3.

N"' 62 et 64. TheMuntakhab al Tawarikh, ïasc. 3 et 4. Ancienne série, n"* 2o5 et 206. Biographical Diciionary

of Ibn Hajab, vol. IV, fasc. 1 et 2.

Par l'éditeur. Monatschrift fur Geschichte des Judentham, vol. XIV, cahier d'avril. Breslau, i865; in-S".

Par l'auteur. Geogràfia de las lenguas y carta etnogrà- fica de Mexico, par Manuel Orozko y Berra. Mexico, 1864 ; \n-lx\

Par l'éditeur. Exercice de la langue tibétaine. Légende du roi Açoka. Texte tibétain ; transcription, prononciation figu- rée; traduction en français par H. L. Feer. Paris, i865; in-8° oblong.

Textes tirés du Kandjour, par H. L Feer; 2' livraison. Composition des écritures bouddhiques. Paris, i865; in-8° oblong.

V. 35

534 MAI-JUIN 1865.

Parla Société. Annuaire de la Société d'elhnocjraphie , par Alfred Ledier. Cinquième année. Paris, i864; in-S".

Par l'auteur. Contributions towards the ancient fjeocjraphy of ihe Troad. On ihe site of Gergis, by Frank Calvert. (Tirage à parl^ sans aucune indication.)

RAPPORTS

FAITS A M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

SUR LES MANUSCRITS HEBREUX DE LA COLLECTION FIRK.OWITZ »

PAR M. NEDBADER ,

ET OBSERVATIONS SUR CES RAPPORTS FAITES

À L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

PAR M, MUNK..

PREMIER RAPPORT DE M. NEUBAUER.

La collection Firkowitz, acquise par la Bibliothèque impé- riale de Saint-Pétersbourg, consiste en rouleaux du Penla- teuque, en copies (fac-similé) des épitapbes se trouvant sur des tombeaux juifs en Crimée, en fragments d'anciens textes de la Bible, et en manuscrits concernant les littératures ca- raïte et rabbinique.

Parmi les rouleaux il y en a qui sont très-anciens, à en juger d'après les épigraphes placées soit au commencement, soit à la fin de ces rouleaux. Le plus ancien, qui porte ici le numéro 6 , est de l'année 489 P. C. Voici l'inscription qu'on déchiffre non sans difficulté : « Dédié .... ici dans la communauté de Tamatarka, auparavant appelée Tamirha, l'année 44. de la création du monde et i485 de notre exil (des dix tribus). »

;!;n 'V î<p-)''D:û n^^Db np^iûdcd 'p hd : vi\>}n

NOUVELLES ET MELANGES. 535

Avant de parler du caraclèrc paiéographique et des diffé- rences massoréliqucs de ces rouleaux, je dois relever les objections que je me suis faites sur l'anciennelé de ces do- cuments, et que le monde savant m'aurait sans doute posées : qu'on ne trouve nulle part mentionnée dans le Talmud une épigraphe sur les rouleaux; cet usage, au contraire, y est rigoureusement défendu; l'ère de la création du monde n'était pas encore employée à cette époque, à en juger d'après les documents connus jusqu'à présent; l'ère de l'exil des dix tribus est quelque chose de fabuleux et prouverait contre l'authenticité de ces épigraphes.

Je n'ai point l'intention de soutenir l'ancienneté de ces rouleaux, en en admeltant la possibilité; j'ai assez souvent dit qu'il faut se méfier des documents caraïtes. Je veux seu- lement démontrer que les objections mentionnées ne sont pas concluantes contre l'ancienneté des manuscrits dont il s'agit. Il faut se rappeler qu'ici on a affaire aux Juifs anté- talmudiques; chez ceux-ci, les épigraphes sur les rouleaux étaient probablement permises et peut-être même de rigueur.

Les caraïtes en Crimée, comme je peux m'en convaincre ici par mes propres yeux, en font encore aujourd'hui. D'ail- leurs, on peut juger par la négligence et l'irrégularité de l'écriture de ces rouleaux, comme on le verra plus loin, que ces juifs ne se montrent pas aussi minutieux pour la manière d'écrire leurs rouleaux que le sont les rabbanites. Il y a un grand nombre de rouleaux écrits sur cuirs, ce qui est sévère- ment défendu par le Talmud.

Quant au deuxième point, on ne peut pas rigoureusement alhrmer que tel ou tel usage n'ait point existé à un certain temps, par cela seul qu'on ne le trouve pas mentionné dans les livres composés à cette époque. Le savant M. Rappo- port a fait [Kereni Chemed, année v) la même objection pour les épitaphes trouvées en Crimée, et dont je parlerai dans ce rapport. Ce savant dit que l'ère de la création du monde se trouve pour la première fois employée chez Sabtaï Donolo (x' siècle); depuis on a trouvé le Traité astronomique de

35.

536 MAI-JUIN 1865.

Samuel le Petit, ouvrage qui date au moins du ix* siècle, et celle ère esl déjà employée (Cf. Boreïtha dischmouel haka- ton, Salonique, 1860, page ili). Il esl possible qu'on trouve plus tard des documents plus anciens qui l'emploient éga- lement.

Quant à l'ère de l'exil de Samarie, il est probable que ce soit une imagination de ces juifs, dont proviennent ces rouleaux. Cependant elle peut daler d'un temps très-reculé; on la trouve également sur les épitaphes à côté de l'ère de la création du monde. M, Munk en donne un exemple d'un manuscrit de Paris (cf. sa notice sur la version persane de la Bible, lome IX de la Bible de M. Cahen, préface, page i56). Tout le monde ici sait que les juifs du Caucase se servent encore aujourd'hui de celle ère sur leurs docu- ments (actes) civils; ils se sont toujours adressés à Tempereur Nicolas comme descendants des dix tribus.

Le rouleau n" 6, qui contient le Deutcronome, est écrit sur parchemin avec des caractères carrés un peu négligés ; les lettres sans les couronnes [taguîn); Tordre massoré- tique pour les espaces entre les chapitres est pareil à celui des rouleaux des rabbanites; le nombre des colonnes sur un de parchemin varie ici comme dans plusieurs autres.

Le n" 8 porte la date i335 de l'exil (èSg P. C.) , il est en parchemin et écrit presque en entier avec les taguin. H y a aussi les signatures de deux témoins pour confirmer la dé- dicace de ce rouleau à la synagogue de Choaphoaicalé (i?7D cnriTi). Les lagnîn y sont différents de ceux des rouleaux des rabbanites. Ceux-ci consistent toujours en trois traits et ne sont placés que sur les lettres : îî', 3', î', 3', îû', i^', ^, tandis qu'ici ils forment tantôt un trait, tantôl trois traits; ils sont placés aussi sur d'autres lettres*.

' Voici les textes des épigraphes :

NOUVELLES ET MÉLAiNGES. 537

Le n* 9 porte la dale^ de iA6ode l'exil (764 P. C); il est en parchemin, sans laguîn, avec des correclions énormes entre les lignes, de sorte que je n'ai pu admettre d'abord qu'on eût employé ce rouleau dans la synagogue; j'ai pensé qu'il était peut-être destiné à l'école, mais j'ai revenir de celle opinion , quand j'ai vu que cette négligence se retrouve dans d'autres rouleaux, écrits d'ailleurs avec grand soin.

Le n* 1 3 est dédié par la femme Olo , fille d'Aliron des 'Hazars (-)ÎD ''JDD pHN D2 ItûlK), /i54i de la création du monde(78lP.C.)^

]pTn pw^^ "iDb imx TnDD ^d n'i'a pn^j*» Y3 ^hd n^")Dî

G^^bv niND ^bm fjbx n:îyn -iddh nx M^b jn^T m^d pN vm-)nb imx n:i])b îû"d UTiib^b n^^^ n^Dn)

' pHN î^^i-ipDn ••^••n^:: nu;^ ••-.^D-'Dn nt:;^

nî^^D •••im •••inM :?bD •••'ib^b D'n'N ^xidd' p

'?î<"':i •••^"ib pn!:

QD h)r -)îD ^:3D pHN n-3 lîû^N 'D nu;npn n-nnn idd nî:;D: mDD -nn:?3 n"n nîit:? '-) p js^-i'^^c "n "ii: nty"'K nwvb^ nDb"*?! in m:nb c:dî^ n"3pi-n n^^a u;d: mDD^

538 MAI-JUIN 1865.

Le n" 1^ porte dans son épitaphe : «Dédié par la commu- nauté de nos frères les 'FJazars à la communauté de Krim » ( Qnp nD 1]D ■i:'«nK bn]) ) i 485 de l'exil , 4700 de la créa- tion (789 P. G.), signé David lils de Jizhak Sangari (?) le fils de celui qui a converti le roi des 'Hazars au judaïsme (?], d'après la lettre de Hasdai (cf. livre Cosri, éd. Buxlorf). Il s'y trouve également beaucoup de corrections, et cette parti- cularité qu'à la fm des colonnes [yeriot] il y a un custos (premier mot de la colonne suivante); les lettres y sont sans laguîn \

Le i5 appartenait à la communauté de Cafa et est écrit

nD")2?Dn ••nVND n^^i^ idiu'»') ':"; "jyni ""DDi "j^dd î^in minn- XM^ mnnn nbnp^ itr-'ipm id^ini in"'3 pin nM^ib i^v\ nnî<i ^2:^: inK îûdIîd hn^2 ï^diîod hn^2 nb:^i2b nnirr id"'u;di iD^"VnD inKi in^npD nnx îiik nmD inKi tidid nyi nv2 n^DDD -jTim i^^'iaiiD -jnm mtdw -jnm ]idî:;d

nsD n*? un 'dd::; 'pD n^b:? D^''p"'i 'i:mM ^r^j pian nDHi"»"! cz3'>"'p^T «T'isbi n''^D ''JD PW")'? 'iî;''n''7 n'n'p'n hdt^ dji n^T» ::?^n"' b^m '}) i^^it >ddt ^^dd it;iD^ nî'? n^riDi 'pD rriby Qi^pi nnr:; 'pDm n'pD ;dn nnp pm mnon 'î:?'' id^ nbix;

P"d'7 mn"' •?{< D'^i'jjn iD^n '•jsi ' ")îD u-inx Snp t:;npn niDN:n riD^Dnn minn riKT i:r"n UTii^j'? .Yen ï^bx njt:^ n'jyD Sip d^d ns ic;npnc lyS '7n;^ kSi nDD'» nS ^Nity^ ^nhab ^mp Nini p"D n^^s"»'?

NOUVELLES ET MÉLANGES. 539

pour le chef de la ville ben Yaldougan hakadri (l'Arabe ou

'Hazar nîp ?) (^Il^n pnb'' p T:?.*! l^'P'D (? beg) D^>3 d5S). i484 noire exil, ^709 de la création (788 P. C), sans taguîn, beaucoujD de corrections *; ici le n et le U ont des formes particulières. Ces quatre derniers numéros ont des points à la fin de chaque verset.

Le 11" 2 offre le plus d'intérêt; d'abord il est écrrt sur cuir et porte une épigraphe historique. En voici à 'peu près le contenu : «Qui peut décrire tous les miracles qui ont été faits pour nous depuis quinze cents ans que nous sommes dans l'exil? Nous sommes tombés dans les mains de ceux qui adorent le feu et l'eau ; ils nous ont pillés et pris nos livres saints dont ils ont fait un sujet de moquerie. C'est surtout notre dernier ennemi, le prince Gatom avec son peuple les Tatraktisiim ^eu nombreux, Nî^ Q2; in^HD Q!? Dni?: ^T7N) (D''''Dp1îûîO DDti^'l □Ijîi'*, qui voulait cependant nous détruire complélement ; mais Dieu nous a envoyé une assistance

□^"«nb nnD^ ban"^^ id^ dvt u^td^ 3inD3 niDD^ •^'V' DiT^^* "•n"» a^Nnn ddVdt nin UV2 np^^ in^^ hv insDii Q^bti^n^s

îû"D n:3D D"Di n"3: pni:^ "in i^m dk:

' -)^N nîn minn ^dd -«n-iDD iDion ni2bv p .-TibN* ':k

ns V's'' mpn pnb^ p Ti^^n i^pD D^^n d"d'? V't "»dn ^dd

man''? nDî"» m''*i"'''? n"u;n ^2nih:/7 Tsn f]bN d^i ^iin bi* ndd

540 MAI-JUIN 1865.

dans nos frères les 'Hazars (?), [llp "^JDD) qui scnl devenus juifs, le prince Mibsam (N'^u'in Dl^'SDl) était en tête. Ils ont conquis la forteresse Doura (">"m DIjÎDD) et ils ont sauvé ce livre saint, dans l'année courante i5oi de notre exil,/|5()5 de la création^ »{8o5 P.C.) Je ne suis pas en étal, pour le moment, de faire des recherches sur le fait cité, mais je crois me rappeler qu'un semblable peuple a exisié à celle époque , et a fait une invasion en Crimée.

Ce rouleau est presque entier, il contient Irès-peu de cor- rections entre les lignes; sur les premières colonnes, les lettres ont des taguîn, mais ces lettres ne sont pas les mêmes

' D^DDipnDD i:"'D''3 Q^Din y'C'iJD ^'V^ inD ^^in^ iii-^ în^ ]nnx nnb p")Dî qm^nh min iddd n:^ic*nn nxî dj nriDn-

^iDiy ^-■'3 UND n^:v pTiT f]^s m^;3 m^i orD i:mi< "la'»©! iDDDi lii^DN"! i:Tîîm Q^Dn nnii' n^n Tùxn crxn 'iiiiiw p^HKi-i nî") ann ibbi^n^i 'i^^vi'p ncD nx i32;n

nM*c; "«'r^ ■'bi^ n3D D-i^nD:T i^b |nî2 nDN i^^'n D''''Dp-ii:D Q2;3Dr □nn'TiDn i-p ^:3D d^hn d^:?^î:;id i:b n'?^''i ij*?

cn^D nîn mipn ison nî*i i:b"'S^i aî:?Kin ii^^zn

n"Dp'n'T i:nib:!b N"pn'N nxTn lin:::;^ nn a-iî23D i^2d^t

]DN Ij^d^d mnD3 IjN''^:

Au lieu de D''''Dp")îOlO , il faut peut-être lire D''''Dp")îyiÛ , tribu de ville Tscherkas; l'iuvasion des difïérentes tribus en Crimée a eu lieu vers 8oo. (Cf. Lebeau, Histoire du Bas-Empire , t. XIII ; Klaproth , sur Tscher- kas, Ane. Journ. usiat. t. III, p. 169, et Nouv. Journ. asial. t. I, p. 4»3. )

NOUVELLES ET MÉLANGES. 541

que sur les rouleaux actuels; dans les colonnes suivantes les taguîn deviennent de plus en plus rares et finissent par disparaître tout à fait. C'est à peu près la description des plus anciens rouleaux; quant aux variantes dans le texte, j'en ai peu remarqué, il y en a quelques-unes massorétiques (plene et defective). Le caractère paléographique ne diffère pas beaucoup de celui des rouleaux actuels, et je crois qu'avant de se livrer à des études sérieuses sur les rouleaux, il fau- drait que la chimie vînt en aide à la philologie pour en cons- tater l'antiquité.

Les épitaphes , dont la plus ancienne , d'après le fac-simile , date de la première moitié du ii' siècle de notre ère, seraient d'un grand intérêt si on pouvait constater par le déchiffre- ment minutieux de l'original l'authenticité de ces documents. Ici le caractère paléographique varie beaucoup selon la date de chaque inscription; dès le 5, fère de la création est déjà en usage. Il y a des noms tartares et persans dans ces inscriptions; ainsi le n" 6, qui porte la date de A091 de la création du monde (180 P. C.) , a le nom pblD; le n" 7, qui date de ii 1 08 ( 1 97 P. C), a le nom d'une femme f]^^^ ( Rose) ; le 9, de A 173 (262 P. C), a les noms tartares "'îi^DD et

Le 3 porte la date des deux ères, celle de la création du monde et celle de notre exil. On trouve aussi parmi eux le nom célèbre de Jizhak Sungari, les lettres du nom font la date 3D njjD \>r\'2^; une autre épitaphe a le nomlT^li^D. On peut s'étonner, à juste titre, de ne trouver aucun nom des princes 'Hazar dans ces épitaphes; le mot I^Dj se trouve déjà sur celle du commencement du 11* siècle. On ne peut cependant pas douter de l'existence des communautés juives dans ce pays, puisqu'on connaît des inscriptions grec- ques sur des synagogues du 1" siècle. (Cf. M. Le\y y Jahrbuch fur jûdische Literatur. Leipsik, 1860.) Pour qu'on puisse mieux apprécier le caractère paléographique, j'ai joint à mon rapport un fac-simile du 1, qui est le plus ancien.

Ce qui est de la plus grande valeur, d'après mon opinion,

542 MAI-JUIN 1865.

pour la science biblique, ce sont les vieux fragments des livres de la Bible. Ils portent des variantes qui simplifient beaucoup le sens; je n'en donnerai que quelques-unes qui m'ont frappé au premier examen.

Genesis, xxii, i3, on lit dans cinq manuscrits : inx h\^ au lieu de "inK conformément à la Septante sîç et, je crois aussi, à la traduction samaritaine. Exod. xiii, i3, ^Dplii^l au lieu de "înD")>"I Sept. Xvrpœarj. Juges , xviii , 3o nlb:! Dl"» ]i"lKn au lieu de y")Nn; en effet ] 1 se confondent facile- ment avec y. II Rois, xxiii, 9 : n*!"':p V^DK DX au lieu de mîîD. haïe, xiv, 6: rj-iip f]X3 5]-;^ \ Jérém, viii , k : IV^l n'"? ^-^W^ DK. Ézéchiel, xvi, 36 : T|D::;n ]V^ "jnî:;n:; ibid. xxm, 2 1 : ini^a ^IV ^i?p"'7; ibid. XLUi , 7 : DriiD3, au lieu de DITlDn; ibid. xlvii, 17 : nJÇS DN'î jlDî:; ïèic?. 18 : 'p; riKD nX'T □"'H b^ b''33Ç ; i6ic?.

19 : nii: n:D\-i dnd nxî; ibid 20 : ... hd: lir b"'3ap

Sophonie, 11, 16 : nil^ni ^n^C nnîl?; zttc/. 17, il y a à la marge pour jrT'n'» ^ "^OT'"! .

Je regrette que la Bibliotlièque impériale de Saint-Péters- bourg ne possède point la précieuse collection de variantes par Rennicot; on aurait pu constater si ces variantes sont déjà relevées , car cela confirmerait cncorQ mieux l'exactitude de ces leçons.

' Cette correction semble être d'une main récente; celle de plDD ")^i?, au lieu de DinD T'i? (Isaïe, xix , 18), mentionnée par M. de Mural {Deutsche Vierleljahresschrijt , par M. Heidenbeim, i863, p. 168 et suiv.). se trouve à la marge du manuscrit, et est d'une main toute récente. (Conf. Zeilschrijljur Wissenschajl itiul Lehen , par M. le D' Geiger. Breslau, i863, p. 288, 289.)

NOUVELLES ET MELANGES. 543

OBSERVATIONS DE M. MUNK SUR CE RAPPORT.

La Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg a acquis récemment une coUeclion d'anciens manuscrits hébreux, recueillis dans plusieurs communautés juives de la Crimée par M. Abraham Firkowilz, ancien 'hakham ou chef religieux des Caraïtes d'Odessa. Ces manuscrits sont généralement d'un haut intérêt pour la philologie hébraïque, la critique biblique et l'histoire littéraire des Juifs; ils nous fourni- raient aussi quelques renseignements précieux sur l'origine et l'histoire des juifs de Crimée, si l'on pouvait avoir pleine confiance dans l'authenticité des dates et des notices historiques que renferment plusieurs de ces documents. Depuis vingt ans à peu près, plusieurs des manuscrits bi- bliques de Crimée ont attiré l'attention des hébraïsants par leur système particulier de vocalisation et d'accentuation. Les voyelles et les accents toniques de ces manuscrits diffèrent lolalement de ceux de nos manuscrits et de nos bibles im- primées, et paraissent remonter à une plus haute antiquité. Plusieurs savants distingués, tels que Luzzatto, Ewald et Rœdiger, en ont fait l'objet de leurs recherches, et tout ré- cemment un savant hébraïsant d'Odessa , M. Pinsker, a soumis ce système à une étude approfondie, dont il a publié les ré- sultats sous le titre de Einleitung in dus hahyhnisch-hebraïsche Panktationssystem. il Introduction au système de la ponctuation « hébraïque de Babyione. »

L'historien , en usant avec réserve des notices disséminées dans les manuscrits et des copies d'épitaphes que renferme la collection, pourra y découvrir des faits curieux relatifs à l'histoire des Khazares, peuple dont le nom même a disparu, qui n'a laissé aucune trace de son ancienne puissance et dont les restes existent probablement encore dans les commu- nautés juives de la Crimée. Nous possédons quelques docu- ments juifs qui constatent la conversion au judaïsme d'un Koi des Khazares, nommé Boiilân, et d'une grande partie de

544 MAI-JUIN 1865.

son peuple. Ces documents ont été longtemps l'objet d'amers sarcasmes de la pari d'écrivains chrétiens , tels que Jean Buxtorf le lils, Baratlier, le savant enfant, elBasnage. Ce der- nier va jusqu'à dire : «On a beau chercher le royaume de « Cozar, on ne le trouve point. » Le silence intéressé des his- toriens byzantins ne pouvait qu'augmenter la défiance qu'ins- piraient les relations juives; il a fallu, pour réhabiliter ces dernières, les témoignages précis et détaillés des auteurs arabes réunis par plusieurs écrivains de notre siècle et no- tamment par M. Fraehn , dans les Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, et par M. C. d'Ohsson, dans son ouvrage intitulé: Des peuples du. Caucase ou Voyage d'Aboul Cassem. Nous savons maintenant que le judaïsme était la religion dominante en Rhazarie, depuis le milieu du viii* siècle jus- qu'à la fin du x'. Mais les lois des Khazares proclamaient une liberté de conscience illimitée. Les auteurs arabes nous disent que , dans ce pays , les juifs , les chrétiens et les musul- mans vivaient fraternellement ensemble et qu'on y tolérait même des païens. Le roi était juif; mais dans son conseil siégeaient, à côté du premier ministre également juif, six autres ministres, deux juifs, deux chrétiens et deux musul- mans. La monarchie des Khazares fut détruite vers l'an looo, et les restes de ce peuple, refoulés vers l'ouest, s'établirent sur les côtes de la mer Noire. Selon M. d'Ohsson, il n'en resterait pas d'autre trace que le nom de Ghyssr, par lequel plusieurs peuplades du Caucase désignent les Juifs. Mais nous croyons pouvoir affirmer que les restes des Khazares existent encore aujourd'hui parmi les juifs caraïtes de Cri- mée : ceux-ci, par la physionomie, le costume et le langage, révèlent leur origine tartare, et dans la forteresse de Tschou- foutcalé, près de Bakhtchéseraï , les juifs se divisent encore aujourd'hui en deux communautés, dont Tune est appelée communauté des Khazares.

Les juifs caraïtes de la Crimée parlent entre eux un dia- lecte tartare qu'ils écrivent en caractères hébraïques. Ils possèdent dans ce même dialecte des hymnes et des ver-

NOUVELLES ET MÉLANGES. 545

sions de la Bible qui ont été imprimées il y a environ qua-

ante ans à Eupaloria.Peut-êIre, en étudiant ces versions, y retrouverait-on les restes de la langue des Rhazares. Un au- teur arabe du x^ siècle, Ibn al-Nedim, dans l'introduction de son Kitab al-Fihrist, en parlant des alphabets et de l'écriture des différents peuples, dit que les Kbazares écrivent en ca- ractères hébraïques. On peut juger par de l'influence que le judaïsme avait exercée sur la civilisation des Khazares.

On comprendra maintenant tout l'intérêt que peuvent of- frir les monuments littéraires des juifs de Crimée. Un jeune orientaliste, M. Neubauer, qui a obtenu une mention hono- rable dans le dernier concours Volney, a voulu profiter d'un voyage qu'il avait à faire à Saint-Pétersbourg, pour examiner les manuscrits et les fac-similé d'épitaphes déposés à la Bi- bliothèque impériale de cette ville, et M. le Ministre de l'instruction publique a bien voulu lui accorder une sanction officielle, en le chargeant d'une mission gratuite. Dans son premier rapport qui nous a été soumis , M. Neubauer rend compte des rouleaux du Pentateuque destinés à l'usage des synagogues, des épitaphes les plus remarquables et de plu- sieurs fragments d'anciens manuscrits bibliques.

Les rouleaux du Pentateuque n'offrent, selon lui, que peu d'intérêt sous le rapport paléographique. Les caractères ne diffèrent guère de ceux qui sont employés encore aujour- d'hui; mais , en revanche, la haute antiquilé de ces rouleaux est constatée par des épigraphes placées soit au commence- ment, soit à la fm. Celles-ci ont des dates qui remontent, selon M. Neubauer, jusqu'à l'an /jSg de l'ère chrétienne. Ce renseignement serait précieux, si nous pouvions nous assu- rer de l'authenticité de ces épigraphes. L'ère qui y est em- ployée est désignée par le mot Ijnibnb de notre exil. Selon M. Neubauer, on désignerait par ce mot l'exil deSamarie, qu'il fait remonter seulement à l'an 696 avant l'ère chrétienne, et il nous assure que celte ère est en usage encore aujour- d'hui chez les juifs du Caucase, qui s'en servent dans leurs documents et actes civils. C'est un fait fort extraordinaire

546 MAI-JUIN 1865.

qu'il faudrait pouvoir constater, et il est à regretter que M. Neubauer n'ait pu communiquer aucun de ces documents , dont il ne parle que par ouï-dire. Jusqu'ici l'ère de l'exil de Samarie n'a été trouvée dans aucun manuscrit hébreu; car ce que M. Neubauer dit de l'emploi de cetle ère dans un manuscrit hébreu-persan de notre Bibliothèque impériale est une grave erreur.

Souvent l'ère de la création du monde figure à côté de celle de l'exil, sans que les deux ères puissent se mettre d'ac- cord. Ainsi, par exemple, l'épigraphe n" \l\ porte : «Dédié 0 par la communauté de nos frères les Khazares , ici à Krim , «l'an i/i85 de l'exil, 4,700 de la création. » Or la première date correspondrait, selon le calcul de M. Neubauer, à l'an 789 de J. C. tandis que l'an li,']00 de la création correspond à g/jo de J. C. Cette même épigraphe porte la signature de David, fils d'Isaac Sangari. On sait que, selon une tradition juive, mentionnée pour la première fois par le juif espa- gnol SchemTob, dans son Sépher ha-Emounôth (au com- mencement du XV* siècle) , Isaac Sangari fut le nom du doc- teur qui convertit le roi des Khazares au judaïsme; ce nom reparaît aussi sur l'une des épitaphes trouvées en Grimée et dont l'authenticité n'est pas moins douteuse que celle de notre épigraphe.

Pour que nous pussions juger en connaissance de cause, il faudrait engager M. Neubauer à communiquer les fac-si- milé, ou tout au moins l'original hébreu de plusieurs de ces épigraphes, dont il ne donne que la traduction française. L'ère dont se servaient généralement les juifs du raoven âge est celle des Séleucides, ou celle de la destruciion de Jéru- salem par les Romains. Nous serions portés à croire que le mot lin^b^i^ des épigraphes désigne cetle dernière ère, ce qui rajeunirait considérablement les épigraphes en question, mais présenterait d'autres difficultés chronologiques. En gé- néral , ces épigraphes nous paraissent fort suspectes , et nous ne saurions en tirer aucun résultat historique. Ce qui aug- mente nos soupçons, c'est que dans l'épigraphe 2 , qui ra-

NOUVELLES ET MÉLANGES. 547

conte une invasion ennemie repoussée par les *Tlp. ''J3 Tar- (ures ou Khazares, nous voyons figurer d'une part ie prince (ïrttom (Dnyj ^I^N) et d'autre part le prince M/65rtm (DlirDD) , deux noms empruntés au Pentateuque (Genèse, xxxvi , 16, XXV, i3), et dont l'un désigne un prince iduméen, petit-fils d'Esaù , et l'autre un fils d'Ismaël.

Les épitapbes nous placent sur un terrain un peu plus so- lide; mais encore ici nos doutes sont nombreux et nous de- vons regretter l'absence des originaux. M. Neubauer donne le fac-similé d'une de ces épitapbes, qui, selon lui, remonte à la première moitié du 11^ siècle de notre ère. Il n'en donne pas le déchiffrement, qui, à l'exception de la première ligne, nous paraît très-facile et donne un sens Irès-plausible. Voici comment nous lisons celte épitapbe :

3'c?'n n::r bK-i^'' nyi^"» ni? 'v'j ^hd pn^i"' p

« . . , Monument de Kouki (?) fds d'Isaac Cohen [qu'il re- « pose dans le paradis]. A l'époque du salut d'Israël, l'an a -702 de notre exil. »

Ici , si nous considérons le mot 1 im^jb , de notre exil, comme désignant l'ère de la destruction de Jérusalem par les Ro- mains, fan 702 correspondrait à l'an 771 de l'ère chré- tienne, qui peut être l'époque de la conversion du roi des Khazares au judaïsme, désignée ici par les mots époque du salut d'Israël. A la vérité, s'il faut en croire l'historien arabe Masoudi, le roi des Khazares n'embrassa le judaïsme que sous le règne d'Haroun al-Raschid, qui monta sur le trône en 786; mais nous croyons qu'il ne faut pas prendre à la lettre Tassertion de Masoudi. Si on appliquait le mot ^jmb:i'? à l'exil de Samarie, ce monument, selon le calcul suivi par M. Neubauer, remonterait à l'an 6 de l'ère chrétienne, et non pas, comme il le dit, à la première moitié du 11" siècle. Dans tous les cas, il strail apocryphe. M. Neubauer rendrait

548 MAI-JUIN 1865.

un grand service en donnant le fac-similé des autres épila- phes, qui seules pourraient nous mettre à même de juger de l'authenticité et de l'importance de ces documents.

Ce qu'il y a de plus intéressant et de plus sûr dans la com- munication de M. Neubauer, ce sont les variantes bibliques, dont quelques-unes méritent d'appeler l'attention des hébraï- sants. Nous attendons maintenant un rapport sur les manus- crits de la littérature hébraïque du moyen âge et notamment de celle des Caraïtes, encore peu connue. La collection de Saint-Pétersbourg possède les manuscrits caraïtes les plus rares. Un examen approfondi de ces manuscrits ne peut manquer de nous faire connaître des faits que nous ignorons encore et de rectifier nos connaissances sur divers points. M. Neubauer est parfaitement préparé pour un tel examen, et, en l'y encourageant, le Gouvernement rendrait certaine- ment un grand service à la science.

DEUXIEME RAPPORT DE M. NEUBAUER.

Les manuscrits caraïtes de la collection Firkowilz sont d'une grande importance pour la littérature hébreu-arabe; on y trouve des citations tirées mot à mot des commentaires de Saadyah, qui ne nous sont pas parvenus jusqu'aujour- d'hui. M. Pinsker, dans son ouvrage plein d'érudition Likouté Kadmonioth^, nous a donné beaucoup d'extraits de celle col- lection, mais ses conclusions concernant soit les auteurs des ouvrages, soit l'époque ceux-ci vivaient, ne sont pas toujours heureuses. Ainsi nous trouvons mentionné chez lui (page 44) un commentaire sur l'Ecclésiaste en arabe de Ben-

' Cf. notre compte rendu sur ce livre, Journ. asiat. i863, t. III, et aussi celui du savant M. Goiger, dans le recueil iiébreu Oçar ne'hmad, t. IV.

iNOUVELLES ET MÉLANGES. 540

iaimn al-Nahevendi, qui n'est certainement pas de cet écri- vain, à en juger d'après deux passages que Salmon ben Jerouham cite dans son commentaire sur l'Ecclésiaste ( même collection); j'ai d'ailleurs dit dans un recueil allemand' que ce n'est point probable que Benjamin ait écrit en arabe.

La collection possède les commentaires sur les Psaumes et Lamentations de Salmon ben Jerouham; elle est surtout riche en ouvrages de Jepheth ben Ali, tels que: plusieurs fragments de son commentaire sur le Pentaleuque(diiïérents de ceux que M. Munk a rapportés d'Egypte et qui se trouvent à la Bibliothèque impériale); les commentaires sur Isaïe, Jérémie, Hoséa, Joël, les Psaumes, Proverbes, deuxième partie de Job et Daniel; il résulte des citations contenues dans ces commentaires qu'il a également composé un Livre de Préceptes. Il y a un autre commentaire anonyme sur Daniel, intitulé Commentaire sur l'avenir (miTli^^N m^), qui semble être également du x' siècle ^

Dans tous ces commentaires on ne voit d'autre but que celui de défendre le dogme caraïte et d'y appliquer les ver- sets bibliques; on y trouve très-rarement des explications grammaticales, de sorte qu'on serait tenté de dire que la grammaire était, comme la philosophie, une étude mal vue par les caraites zélés, et que l'école d'exégèse n'avait rien de commun avec celle de la grammaire; les docteurs de celle- ci ne sont point hostiles aux rabbanites , tandis que les au- tres, à en juger d'après leurs livres que nous possédons, ne tâchent même pas de caclier tout au moins un peu ce fana- tisme. Les autres commentaires de cette collection écrits en hébreu ne sont qu'une compilation descommenlairos arabes; on en trouve également un grand nombre à Leyde et dans d'autres bibliothèques.

Les livres grammaticaux sont connus en partie par l'ou-

' Cf. le Journal Ben Hananyah, publié ù Szegcdin (Hongrie) , par M. le grand rabbin, L. Lôw, i863, p. 678.

'Ce commentaire semble être un extrait de celui de Jeplielli ben 'Ali sur DmhA.

V. 3 G

5f)0 MAI-JUIN 1865.

vrage de M. Pinsker et par ma Notice sur la lexicographie hébraïque'. La collection contient à peu près 70 numéros de livres pins ou moins étendus, purement dogmatiques, mais qui sont presque sans importance; si on en a lu l'un des plus volumineux, tel que celui de Levi ben Jcpheih, ou de Ahron le second, on est presque sur de ne rencontrer rien de nouveau dans les autres. Encore ceux qui sont écrits en arabe, comme celui de R. Samuel ha-maarbi, offrent le plus d'intérêt; en général il n'y a que de la valeur bibliogra- phique.

Les livres de prières sont assez nombreux; ils contiennent généralement des prières composées de versets bibliques, mais on y trouve aussi un assez grand nombre de poésies du second rang; les auteurs sont désignés par l'acrostiche avec le prénom seulcmenf. On y voit une prière qui annonce comme auteur Jiçhak Sangari, chef de l'école^. Dans un recueil parmi les manuscrits qui appartiennent à la littéra- ture rabbanile de cette collection, il y a des prières du R. Gamaliel, de Hilel, du R. Johanan et d'autres docteurs du temps du Talmud; je crois qu'il serait superflu de dire que tout cela est apocryphe. Les plus grands rôles dans les com- positions des prières appartiennent aux deux Ahron et au fa- meux Moïse Dari; ce dernier était, selon M. Pinsker, prédé- cesseur des grands poètes espagnols Gabirol, Jehuda Halevi ,

' Cf. Journ. asiat. 18G1 et 1862.

» N" 83o îûrD -'21 nbnp "-?:'? Nînuiûi NtriDisi x^oh^ ""n^

avec l'acrosticlie pHîi'' . imN"? HDnD bl"? ÎI^D » ]V'ni< UD^-^ HS^Vi

Plus loin on trouve nNJiD^N HD^V ")h XD^X

avec l'acrostiche nizb^' -^L^HID tlDIDl Vidl pDD nn^Dll!;

NOUVELLES ET MÉLANGES. 551

Moïse el Abraham Ibn Ezra, et aurait vécu par conséquent au ix' siècle.

J'ai dil dans ma Notice sur la lexicographie hébraïque^, avant d'avoir vu le manuscrit, que ce poëte ne pouvait appar- tenir au ix' siècle, et je l'ai donné comme contemporain de Hariri (xii' siècle); en même temps M. Geiger et d'autres savants en Allemagne ont émis la même opinion que moi sur ce point.

Après un examen minutieux du manuscrit, je trouve par- faitement confirmée l'opinion que j'avais émise, car l'auteur a été témoin des croisades, époque la ville sainte se trou- vait tantôt entre les mains des chrétiens, tantôt entre celles des Arabes. Voici deux des nombreux passages il y fait allusion :

Poëme 5o (l'ouvrage n'est pas encore paginé) :

nnspn npxn ]2 i]2

Poëme 60 :

IPV ''75^1 "^yv '^V ^P^ ''? "i?! ^'^n ^'^V

La date à la tin de l'ouvrage, quoi que M. Pinsker en dise, me semble altérée par une main récente. M. Firkowitz, dans un catalogue provisoire, place un certain Samuel Sani (Sini?) au viii'siècle, parce que Dari imite ses poésies; je n'ai pas besoin de mentionner cet anachronisme qui parle de poé- sies rhythmiques de tous les genres existants d'après le mo- dèle arabe, à une époque les Arabes n'ont guère com- mencé à connaître ces rhythmes; aussi M. Pinsker a eu le bon sens de ne pas mentionner même le poëte Sani dans son livre Likouté Kadmonioth.

Une seule feuille d'un poëte inconnu, Moses hamaariçi, contient une imitation complète des Makamet d'Al Hariri;

' Cf. Joiirn. asiat. i86i, l. II.

30.

552 MAI-JUIi\ 1865.

l'auleur y donne îles louanges à un certain Samuel Sani qui denieurail à Alexandrie en Egypte.

Dans ce fonds se trouvent aussi trois relations de voyage en Palestine dont la plus ancienne date de la fin du xvi* siècle ; celle-ci a pour auteur Samuel le Saint, fiis de David C^NlDu' ^*'D'i?''' Tl" 1"D'2 D'npn) et le commencement existe imprimé dans la Bibliotheca hebrœa de Wolf (lequel a considéré par erreur les dernières lettres qui constituent l'abréviation d'une formule précative pour un mort comme le nom de famille de Samuel); quelques livres de controverse et discussions religieuses, des chroniques d'une date récente sont sans im- portance. On y trouve encore les œuvres presque complètes de R. Simhah. Jiçhak, originaire de Loçka en Wolhynie et demeurant en Crimée au milieu du siècle dernier; celui- ci se donne de la peine pour être le médiateur entre le ca- raïsme et le rabbanisme, il est d'ailleurs adhérent fervent du système cabalistique de Loiirya.

Les livres philosophiques que j'ai rencontrés sont presque les mêmes qu'on trouve à Leyde et maintenant à la Biblio- thèque impériale, savoir ceint de Joseph Haroéh et de Yes- houah , qui ont pour base leKalam avec application des versels bibliques; c'est à peu près le procédé qu'a employé Maï- monide pour le système d'Aristote. Il y a encore quelques monographies, comme le Ziddouk haddin et d'autres, attri- buées à d'anciens caraïtes, qui sont certes d'une date posté- rieure à Maïmonide. M. Pinsker en a publié plusieurs.

A cette collection appartiennent des liasses contenant des feuilles détachées soit de lettres soit de contrats de différents genres qui sont assez importants pour l'histoire de la situa- tion sociale et politique des caraïtes, et aussi des rabbanites en Pologne et en Crimée; ces documents commencent à par- tir du xv" siècle; une grande quantité est en russe, je n'ai pu les examiner, ne connaissant pas cette langue. Quant aux traductions de la Bible, il y en a un fragment de celle de Saadyah , une page détachée de la Genèse en arabe d'un auteur anonyme (presque illisible), quelques fragments des

NOUVELLES ET MELANGES. . 553

(iiirérenls chapitres en persan, dont la Bibliothèque impé- riale possède la collection la plus complète ; trois exemplaires d'une traduction en turc criméen avec peu de variantes \ et d'un auteur très-récent (celte traduction est imprimée à Gonslantinople pour l'usage des écoles), et enfin un vocabu- laire pour les premiers prophètes, en grec moderne.

Pour l'histoire des Hazars, pas de trace dans cette collec- tion , excepté dans les épigraphes des rouleaux , dont j'ai parlé dans mon premier rapport. Quant à l'histoire du caraïsme primitif, avant le x* siècle, il n'y a pas une grande récolte à faire. En général on peut dire que cette collection , quoique la plus complète comme liltérature caraïte, n'a pas l'impor- tance nécessaire pour mériter le bruit qu'en ont fait les jour- naux, et récemment encore un des bibliothécaires de Saint-

^ ilili contient la traduction complète du Pentateuqiie ; i/i3 com- meuce par l'Exode xxi, 21. Nous allons donner deux versets seulement de ces deux traductions :

Exode XXI, 12 (n" 16/i) h^c'^IN* NÎD^IKT "riT^D "'ïînmN

(N"i/i3) ■>p^n^ïÛ'''?1iX ^sîD"'?^N ^^^INl ^^^^'^■d NîD-nx '^D U^2

Transcription d'après M. Barbier de Meynard , professeur de langue turque à la Bibliothèque impériale : ,x_^J^Î (jlàJ^f.i v^$wù-i JU« v » I «vi'^AJ

Exode XXI, i3 (n?i/,3): ^nmiDDi'^r n^issi -);:n* "'"ip.^''^'l '•^l

Transcription: àjj^ ^O^JL» (Jy^\ » .i ci<>^rî^ cV^J* «vj^».i

12. «Si quelqu'un frappe un homme et qu'il en meure, on le punira de mort. » «

i3. «Que s'il ne lui a point dressé d'embûches, mais que Dieu l'ail lait rencontrer sous sa main , je l'établirai un lieu il s'enfuira. »

554 MAI-JUIN 1865.

Pétersbourg dans le recueil allemand : Deutsche Vierteljahres- schrift von fleidenheim *.

Les manuscrits qui ont trait à la littérature rabbinique sont de beaux et anciens exemplaires du Targoum, les- quels seront très-précieux pour une édition, fort désirable, de celte paraphrase, des commentaires de Rashi et d'Ibn Ezra, un commentaire inconnu de Ix. Abraham Rrimi (de la Crimée, xiii*-xiv' siècle), un vocabulaire quelque peu expli- cite en arabe, mais qui connaît déjà /Ca/zi/iJ, et un dictionnaire hébreu-persan incomplet, le premier dont j'aie à signaler l'existence, etdont l'auteur ignore le système deHayyoïidj ; on trouve à la fin de ce livre, heureusement conservée, celle note :

n") Kin- 7)2^2 pnn 121 '"^d p-iriDi piJK -idd n; d^^id:

«fini ce IguTvn le deuxième jour de la semaine, qui est le premier jour du mois de Tamouz i65i de l'ère des Séleu- cides (iSSg) , dans la ville de Gorgandj ^. » Il y a quelque chose d'étrange, car le premier jour du mois de Tamouz, d'après les rabbaniles, ne peut être qu'un dimanche, un mardi, un jeudi ou un vendredi (Vn'J'N); ce diclioimaire a été cependant composé par un rabbanite, car l'auteur expli- que aussi des mots qui se trouvent dans le Talmud (ce qui rend cet ouvrage analogue au Havi de R. Haya, dont j'ai parlé dans ma Notice sur la lexicographie hébraïque'^). Quel- ques recueils rituels offrent un certain intérêt; les manus- crits qui ont rapport à la philosophie, aux mathématiques et à la médecine, sont presque les mêmes qu'on trouve dans beaucoup d'autres bibliothèques.

Qu'il me soit permis de revenir sur un passage de mon

' Cf. ci-dessus, p. 5^2, note i.

^ /^Law^^ , ville située (d'après Yaltout) entre le Tabaristân et le Kliora- çàii. (Cf. Dictionnaire de la Perse, par M. Barbier de Meynard, ad v.) ^ Cf. Journ. asiat. 1862 , t. 11, p. 212.

NOUVELLES ET MÉLANGES. 555

premier rapport ; j'ai donné par erreur pour la dale de l'épi- taphe la plus ancienne le milieu du ii* siècle, c'esl-à-dire d'a- près le calcul usité maintenant chez les juifs, et j'ai oublié d'ajouter que d'après mon calcul cela fait 6 P. C. L'Aca- démie, dans son rapport, a attiré mon attention sur cette erreur, et j'ai eu depuis l'occasion d'examiner huit pierres tumulaircs; j'ai trouvé les fac-similé de la collection d'accord avec l'original et j'ai publié dans le Bulletin de l'Académie de Saint-Pétersbourg^ les textes de ces huit pierres. L'ère delà création se trouve également déjà dans le W livre d'Esdras (texte arabe) publié récemment par M. Ewald^; selon ce savant, la traduction date du temps d'Adrien. Quant aux textes des épigraphes des rouleaux, dont l'Académie désire avoir les copies, ils seront bientôt publiés et soumis eo ipso à l'examen de tous les hébraïsanls.

OBSERVATIONS SUR LE DERNIER RAPPORT DE M. NEUBAUER, PAR M. MUNK.

La seconde partie du Rapport de M. Neubauer sur les ma- nuscrits caraïtes de Saint-Pétersbouig offre beaucoup moins d'intérêt que la première. L'espérance que nous avions ex- primée d'y trouver des faits que nous ignorons encore» et notamment des données sur l'histoire des Rhazares, ne s'est point réalisée. Mais la faute n'en est pas à M, Neubauer, qui lui-même s'est trouvé déçu, en examinant la collection. Celle-ci n'offre presque rien qui ne fut déjà connu par le Mémoire de Trigland (Diatribe de seclu Carœorum] , par la Notilia Carœoram publiée par Wolff , par mes Notices recueil- lies dans les manuscrits que j'ai moi-même rapportés d'E- gypte, et notamment par l'excellent ouvrage hébreu que

' Cf. Mélanges asiatiques , t. V, [). 119-125; ibid. M. Dorn, p. 1 28-1 32. ' C£. Das viertc Ezrabuch , e.lc. par M. H. Ewald. (Tirage à part du XI" volunii' des Mémoires de l'Académie de Goettingue , p. 92.)

556 MAI-JUIiN 1865.

M.Pinsker d'Odessa a publié en i 860 sous le titre de Lickouté Kadmonioth (Recueil d'antiquités). On savait déjà par mes écrits et par ceux de M. Pinsker, que les ouvrages caraïtes de la fin du x* siècle offrent le plus d'intérêt pour l'histoire littéraire des juifs, notamment par les nombreux fragments qu'ils nous fournissent de plusieurs écrits de Rabbi Saadia aujourd'hui perdus. Saadia al-Fayyoumi élail un des plus cé- lèbres auteurs rabbanites du x^siècle, dans lequel les Caraïtes voyaient leur plus redoutable adversaire et dont ils cherchent à réfuter les écrits, surtout ceux qui sont relatifs à la fixa- tion des Néoménies.

Les livres de prières et de cantiques examinés par M. Neubauer n'offrent également rien d'intéressant. Le re- cueil de poésies d'un certain Moïse Dara'i, que M. Pinsker a été le premier à faire connaître, serait important pour l'his- toire littéraire, si la date qu'il porte pouvait être considérée comme authentique. Il en résulterait que les juifs caraïtes, dès le ix' siècle, employaient dans leurs vers la prosodie arabe et qu'ils furent, sous ce rapport, les prédécesseurs des grands poêles juifs d'Espagne, tels que Salomon Ibn Gebi- rol, Juda ha-Levi et les deux Ibn Ezra ; ces poètes n'au- raient même été que les plagiaires de Moïse Dara'i, dont on n'avait jamais entendu parler. M. Pinsker s'est laissé induire en erreur par la date du manuscrit, et, grâce à lui, le pré- tendu poëte Moïse Dara'i a trouvé place dans la grande His- toire des Juifs de M. Graetz, comme une des célébrités du ix' siècle. Mais les lecteurs hébraïsants sans prévention ne pouvaient manquer d'avoir des doutes sur l'authenticité de la date de ce recueil, et, dans les fragments qu'en donne M. Pinsker, on reconnaissait au plus léger examen critique un auteur qui ne pouvait remonter au delà du xiii* siècle. MM. Pinsker et Graelz avaient seuls pu se tromper, l'un par sa prédilection pour la littérature caraïte, l'autre par sa trop grande avidité des nouveautés. M. Neubauer, qui a eu l'oc- casion à Saint-Pétersbourg d'examiner ce curieux manuscrit, nous confirme ce dont nous étions sûrs d'avance : « L'auteur,

NOUVELLES ET MELANGES. 557

« dit-il, a été témoin des Croisades, époque la ville sainte « se trouvait tantôt entre les mains des chrétiens, tantôt entre « celles des Arabes; » et il cite deux exemples tirés des nom- breux passages il est fait allusion aux Croisades. «La « date à la fin de l'ouvrage, dit-il encore, me semble altérée « par une main récente. » En effet, il ne saurait en être autre- ment; le poëte Dara'i doit descendre du piédestal que MM. Pinsker et Graetz lui ont élevé; et, au lieu d'être le pré- décesseur et le modèle des poètes juifs d'Espagne, il doit se résigner à en être le modeste imitateur. Peut-être le manus- crit ne renferme-t-il autre chose qu'un recueil de poésies de divers auteurs, copié par Moïse Dara'i, dont le nom n'appa- raît chez aucun des auteurs juifs, rabbanites ou caraïtes. Cependant, M. Neubauer ne s'exprime pas avec exactitude en parlant d'un certain poêle Samuel Sani, que M. Firko- witz fait remonter au viii' siècle : «Je n'ai pas besoin, dit « M. Neubauer, de mentionner cette erreur d'anachronisme M qui parle des poésies rhythmiques de tous les genres exis- « taiils d'après le modèle arabe à une époque les Arabes « n'ont guère commencé à connaître ces rhylhmes. » On sait que tous les genres de rhythmes arabes existent dans les poésies antérieures à l'islamisme; mais il est vrai de dire que le premier qui en ait exposé la théorie fut Khalil ben Ahmed, au if siècle de l'hégire.

Les ouvrages de philosophie, ou plutôt de théologie ra- tionnelle, de Josej)h ha-Roéh, de Yeschou'a etc. sont les mêmes que ceux qui, selon l'observation de M. Neubauer, se trouvent aussi à la Bibliothèque de Leyde et , depuis peu , à la Bibliothèque impériale de Paris. Ces ouvrages, primitive- ment écrits en arabe et mal traduits en hébreu, renferment l'application au judaïsme du calâm arabe et notamment du système des Motazales. Ils peuvent être utiles à ceux qui dé- sirent connaître les principales questions ihéologiques qui occupaient les Motazales ; le système y est présenté d'une manière complète et concise, et appuyé, pour les juifs, de passages bibliques.

558 MAI-JUIN 1865.

M. Neubauer mentionne uu dictionnaire hébreu-persan incomplet, le seul dont on ait entendu parler jusqu'ici. Cet ouvrage, qui a pour auteur un juif rabbanite,est de l'an iG5i des Contrats ou des Séleucides (i3/io de J. C. et non idSg, comme il est dit dans le Rapport) , et M. Neubauer s'étonne qu'il soit daté du Lundi 1" lumoiiz , « car, dit-il avec raison , le « premier tamouz, selonie calendrier des rabbnnites, ne peut «jamais tomber sur un lundi. » Mais la date hébraïque, que M. Neubauer a reproduite, porte simplement : Nconiénie de tamouz. Or on sait que certains mois ont deux jours appelés néoménie, dont le premier, jour de la conjonction, est consi- déré comme le dernier jour du mois précédent. H s'agit donc ici, non du i" tamouz, mais du 3o sivan qui, en efl'et, en 1 34o, fut un lundi.

M. Neubauer convient que l'observation qui lui a été faite dans notre premier rapport sur la concordance do l'an 703 le-galoulhénoa (de notre exil) avec l'ère chrétienne est biec; fondée, et il avoue qu'il fallait dire : l'an vi de l'ère chré- tienne, au lieu de : la première moitié du n' siècle.

En somme, comme le dit M. Neubauer lui-même, on peut dire que cette collection, quoique la plus complète de la littérature caraïte, n'a pas l'importance que lui ont attri- buée les journaux. Ce n'est donc pas, ainsi que nous l'avons déjà dit plus haut , la faute de M. Neubauer si les espérances que nous avions fondées sur cette collection ne se sont point réalisées.

La Musique arabe, ses rapports avec la musique (jrecqiie et le citant grégorien, par F. Salvador Daniel, in-8°. Alger, i863.

Amateurs privilégiés, qui vous pressez dans la salle trop étroite de la Société des conceris; dileltanli exclusifs, qui n'osez encore vous prononcer sur la neuvième symphonie de Beethoven; arbitres du goût, qui refusez le don de l'inven- tion à Mendelssohn, et qui traitez l'auteur du Tannhaiiser do

NOUVELLES ET MÉLANGES. 55U

barbare frotté d'orgueil , venez : de plus grandes surprises vous sont ménagées aujourd'hui. Le Caire est en fêle. Mêlez- vous à celte foule bigarrée qui se répand sous les frais om- brages de l'Ezbekyieh , c'est M . Salvador , un musicien homme d'esprit (il s'en trouve encore en Egypte), qui se charge de vous conduire. Prenez place au premier rang; la Noabah, la symphonie cantate va commencer. Ils sont cinq ou six virtuoses en turban, accroupis ou debout sur un tapis un peu flétri, mais de noble origine. L'orchestre est au com- plet : ce jeune garçon et son voisin , bon nègre à la face ré- signée, tiennent l'un le taiT, l'autre \ehendaïr, instruments de percussion chargés de l'accompagnement rhylhmique. De- vant eux, sur le premier plan, voici trois habiles artistes maniant avec dextérité la guitare, la mandoline et le violon; ils suivront et soutiendront la voix de ce chanteur aveugle, au visage mélancolique et doux. Prêtons l'oreille; le signal est donné. Les premières notes du becherafa prélude » se font entendre. « Ce prélude exécuté par les instruments chantants est destiné à indiquer le mode dans lequel la chanson doit être renfermée. Il reproduit d'abord la gamme ascendante et descendante du ton, ou pour mieux dire, du mode; puis il indique les transitions par lesquelles on pourra passer ac- cidentellement dans un autre mode. D'ordinaire, l'introduc- tion a un accent de trisiesse plaintive, de douce mélancolie, parfaitement en rapport avec le genre d'interprétation que lui donnent les Arabes. » Mais déjà le violon file son dernier point d'orgue, les instruments à percussion s'annoncent sur un rhythmc joyeux; après un court récitatif, voici la mélodie qui commence; laissons à M. Salvador le soin de l'analyser, il s'en acquittera mieux que nous.

« Quel que soit le mode auquel appartienne la mélodie, le chanteur traînera la voix, en montant ou en descendant, de- puis la dernière note du récitatif jusqu'à la première de la chanson. Le premier couplet offrira un chant simple et de peu d'étendue; il paraîtra facile à saisir, abstraction faite de l'accent guttural du chanteur et des combinaisons rhylhmi-

5130 MAI^JUIN 1865.

ques frappées sur les instruments à percussion. Mais le violon fait sa ritournelle, en ajoutant à la mélodie les enjoli- vements qui constituent la partie essentielle de son talent, tandis que la guitare continue invariablement le thème. Puis le chanteur, reprenant le second couplet, commence à orner ses terminaisons , ses cadences avec une série de petites notes, empiétant en haut ou en bas sur l'étendue de l'échelle donnée. Il s'anime, à mesure que le sujet se développe; bientôt, aux petites notes viennent se joindre des fragments de gamme traînée, sans régularité apparente, et cependant sans altéra- tion de mesure, puisque le chant est joué et chanté souvent aussi, mais toujours à l'unisson, par les autres nmsiciens, tandis que les instruments à percussion frappent uniformé- ment le rhythme commencé sur le premier couplet de la chanson. »

La symphonie s'est achevée au milieu de l'enthousiasme général. La foule émue prodigue ses applaudissements et ses largesses aux brillants virtuoses; les barekallah, les mâ- châîlah se mèlenl au glou-glou du narguilé. Nous seuls, trans- fuges du conservatoire, nous restons étrangers à ces mani- festations joyeuses. La curiosité seulement nous a empêchés de prendre la fuite; étonnés de cet étrange concert, nous avons ri, sans être désarmés; et nous partons, mécontents, agacés, jurant qu'on ne nous reprendra plus à pareille fête. M. Salvador, notre guide, sourit de notre désappointement, mais ne s'en étonne pas; lui-même l'a éprouvé, lorsque, se mêlant, pour la première fois, aux musiciens nomades de l'Algérie, il a essayé de surprendre le secret de leur art, et de renouer la chaîne brisée des traditions lyriques. A quoi doit-on attribuer l'éloignement que celle musique orientale nous inspire? Est-ce à l'accent nasillard du chanteur, au ca-f ractère indécis que l'absence de note sensible donne à la mé- lodie, à ces fragments de gamme traînée que l'on veut, a tort ou à raison, traduire en tiers et en quaris de ton? Sans nier l'influence de ces causes secondaires, M. Salvador pose en principe que, pour apprécier à sa valeur une musique si

NOUVELLES ET MELANGES. 561

différenle de la nôtre, la condition rig^oureuse est Vhabiliide d'cnttndre , ou V éducation de l'oreille. Voilà qui contrarie un peu nos théories en matière d'esthétique. Faut -il donc re- iuser aux œuvres musicales ce que l'on accorde à la poésie et aux. arts plastiques : un caractère de beauté absolu , indé- pendant des temps et des milieux .►^ Le charme de la mélodie n'estil plus qu'une question de latitude, de climat, de race? Soutenir une proposition semblable serait presque une pro- fanation; et pourtant, il faut bien admettre, dût-on en dé- duire une sorte d'infériorité relative pour l'art musical, qu'il est, plus que tout autre, exposé aux vicissitudes du temps et aux caprices de la mode. Deux siècles à peine se sont écoulés depuis que le drame lyrique est créé en France, et, malgré le verdict sévère de Despréaux , les vers de Quinault se li- sent encore avec plaisir, tandis que les accords de LuUi dor- ment d'un sommeil éternel. Nous voyons dans les mémoires du xviii" siècle qu'un air de son opéra de T/ie'5t/e( 1675-1679) avait conservé une vogue extraordinaire : au théâtre, on l'acclamait avec frénésie; h. la ville, on le fredonnait sur tous les tons. Cbercbons dans celte poudreuse partition le mor- ceau qui lit les délices de nos aïeux. O déception! nous n'y trouvons qu'un dessin servile de basse instrumentale, une sorte d'antienne lugubre, moins la grandeur il la simplicité du plain-cbanl. La même expérience pourrait se faire sur les œuvres de Rameau, de Salieri et de tant d'autres compo- siteurs presque contemporains. Les dieux de l'harmonie qu'adoraient nos pères sont irrévérencieusement classés au musée des antiques, et leurs créations si populaires devien- nent une curiosité d'archéologue. Cette conviction malheu- reusement trop fondée ne devrait-elle pas nous rendre plus respectueux envers des tentatives le génie a laissé son empreinte, et dont le plus grand tort est de s'intituler mu- sique de l'avenir? Mais cette intéressante question n'est pas du ressort de notre grave journal , et je me hâte de revenir à la brochure fort instructive de M. Salvador. Le titre indique que l'auteur n'a pas voulu seulement nous initier au style

562 MAI-JUIN 1865.

des maestri d'Algérie et d'Egypte, mais qu'il s'est proposé encore de chercher, dans l'antiquité grecque et les premiers âges du christianisme, l'origine d'un art dont la théorie est aujourd'lmi lettre morte en Orient. Cette question, il l'a étudiée avec une érudition sobre, sans pédanterie, ni abus de fermes techin'ques. Tout ce qui touche à la musique spé- culative chez, les anciens, à la science des nombres, à la querelle des Pythagoiiciens et des Arisloxéniens; l'influence des Juifs sur les progrès de l'ait; les réformes de saint Au- gustin et du pape Grégoire; la découverte de Gui d'Arezzo, qui pose les bases d'une gamme unique, et réunit dans son système d'hexacordes les premiers éléments d'où doit jaillir le nouveau principe musical, l'harmonie; tout cela, dis-je, est tracé de main de maître, clairement et sans parti pris. Je regrette de ne pouvoir suivre celte attrayante élude dans ses développements; mais il y a deux points sur lesquels je voudrais m'arrêter un instant, parce qu'ils sont de nature à faciliter la lecture des poêles musulmans, à savoir : la défini- lion des modes ou tonalités arabes, et la description des instruments usités dans leur musique populaire. Ici surtout, les connaissimces théoriques de l'auteur et le long séjour qu'il a fait en Algérie donnent un caractère particulier d'exac- titude à ses observations. Pour plus de rapidité, je réunis en tableau les explications éparses dans plusieurs chapitres.

NOUVELLES ET MÉLANGES.

563

TABLEAU DES MODES ARABES COMPARES AUX MODES GRECS RT À CEUX DU PLAIN-CHANT.

MODES ARABES.

MODE S

CORRESPONDANTS

chez les Grec?.

MODES

CORHESPON-

DANTS

dans le

p!aii)-cliaiil.

i

CARACTÈRE

PARTICULIER

(le ces modes.

/ 1 Irak ('jUc' u \ 2 Mezmoum

^ j 3 Edzeil J.J oV-J 1 ' /i Djorha l^yPi-

5 Elhosain

^ 6 Saika iLXA-'»^

s

■| ^ 7 Meïa jy Lo

Dorien

Lydien

Phrygien

Eolien ou Lydien grave

Hypo-Dorien . . . Hypo-Lydien . . .

Hypo-Phrygien .

Hypo-mixo-Ly-

i" ton. . .

y Ion . . , 5' ton . . .

7' ton . . .

2' ton . . . /l" ton.. . .

6" ton

8' ton

,«i fa

sol

]a si

do

sérieux et grave , pro- pre à l.t guerre et à fa religion.

triste, patlictique, ef- féminé.

lier, majestueu» , ter- rible.

grave, sévère; c'est un de» plus usités,

plaintif, tendre.

se confond avec le mez- moum ; emploi rare.

grand , majestueux. / .. . .

1

octave ) sérieux, lugubre.

MODES MIXTES.

"

//

"

9 Hummel Meïa *-?. ^^ i}^)

1 0 Elhosain Saha

1 1 Zeidan

\

1

)

1

"

Llérivé du mcia simple.

!

l dérivé du Elhotain , cor- I rcspond à nolregam- 1 me mineure , avec la ( noie sensible.

dérivé du mode iraA-.

(dérivé du mexmoam ; se ) confond souvent en ) Algérie avec le ze!"<Zan.

564 MAI-JUIN 1865.

Les huit premiers modes forment le g(3nre dialouique, qui procède par deux tons et un demi-ton, pour chaque lé- tracorde. Les quatre suivants semhlent appartenir à ce genre chromatique auquel les Grecs attribuaient des effets mer- veilleux. M. Salvador nous apprend que les Arabes comp- tent en tout quatorze modes, mais que, malgré ses recher- ches, il n'a pu obtenir aucun renseignement sur les deux derniers. Les quatre modes mixtes accompagnent d'ordinaire la danse furieuse qu'on nomme djunoiin « possession, folie. »

Un musicien de grand talent, attaché à la maison de Ben- Ayied , l'ancien minisire du bey de Tunis, tombait en extase, lorsqu'il exécutait sur son violon les rondes diaboliques en mode asheïn. Pour nous qui condamnons, au théâtre, toute manifestation bruyante, comme un manque de savoir-vivre, et qui laissons aux stipendiés du parterre le soin de traduire notre enthousiasme par des bravos tarifés, nous avons peine à comprendre l'effet irrésistible que les combinaisons de sonsetderhylhmes produisentsur les races impressionnables et nerveuses de l'Orient. Pour s'en faire une idée, il faut avoir assisté aux danses vertigineuses des mevlevites, ou à la représentation d'un mystère, en Perse, pendant les fêtes de moharrem ; on est alors plus disposé à admettre comme vrai- semblables deux récits semi-légendaires et presque identi- ques : le triomphe de Tyrlée au festin d'Alexandre, et celui du musicien Alfarabby, chez le sultan Fakhr-ed Doôleli.

Ainsi que M. Salvador le démontre judicieusement, toute composition musicale arabe repose sur deux principes inva- riables ; un motif très-simple coupé par une ritournelle, et orné, à chaque reprise, d'une glose; en d'autres termes, de fioritures et de variations le goût de l'exécutant se donne libre carrière, sans s'écarter cependant de certaines règles';

' Il est flilficilt! (l'analyser ces improvisalions briliaiilcs le thème re- paraît sans cesse, et toujours reconnaissablc. S'il fallait, à la rigueur, trou- ver un terme de comparaison , je chercherais, dans les œuvres pour clavecin <le Sébastien Bach et de Haendcl , quelques-unes de ces chaconnes ou sara- baiules un ihènjc de quchpics mesures est repris avec des traits rapides.

NOUVELLES ET MELANGES. 565

un accompagnement rhythmique, en guise d'harmonie, et qui admet toutes les combinaisons possibles de mesures. Il est donc naturel que les instruments dont se compose l'or- chestre se divisent en deux classes : i" les instruments à vent et à cordes, destinés à préluder et à rappeler le motif principal ; les instruments à percussion , dont le rôle est de marquer les divisions rhythmiques et de remplacer la basse sous le chant. J'ajoute ici, en l'abrégeant, la description de ceux de ces instruments dont le nom peut se rencontrer sous la plume des écrivains orientaux.

Instruments à vent.

Gosba hy^ , flûte à trois trous, de la dimension de notre grande flûte. Elle donne quatre sons, et soutient la voix du chanteur en répétant constamment le thème de la chanson. C'est le neï 3 des poètes persans.

Djouak (^\c^, flûte plus moderne, à sept trous, donnant l'octave complète.

Raïta ou liaïka jo^/x , musette à anche , percée de sept trous et terminée en pavillon. C'est l'instrument connu, en Es- pagne, sous le nom de gaita.

Instruments a cordes.

Kemandjah ^^àS , violon monté de quatre cordes, accor- dées par quintes, comme notre violon moderne.

Rehah c->W;, nommé aussi rehec , violon plus simple, à boîle bombée comme la mandoline. Deux cordes» grosses comme celles de notre contre-basse , et accordées par quintes , sont mises en vibration à l'aide d'un très-petit archet de fer, arrondi en arc.

Kouitra îyS?y , guitare de Tunis, tire son nom de la lyre tikitharav des Grecs. Elle est montée de huit cordes, accor- dées par deux à l'unisson, et mises en vibration au moyen

notes d'agrément, gruppetti, etc. qui enrichissent la mélodie , sans la déna- turer.

37

566 M'AI-JUIN 1865.

d'un bec de pliimo lenii de la main droite, tandis que les doigis de la main gauche exécutent le même travail que sur notre guitare.

Kanoun ijy^ , le kinnor des Juifs, harpe de soixante et quinze cordes, tendues sur une boîte harmonique on bois d'érable, recouverte d'une peau séchéc comme celle d'un tambour. On pince les cordes au moyen de petites baleines ou de becs de plume, fixés à l'index et au médius de chaque mnin, par des anneaux.

Instruments à percussion.

DoJ\j^ , tambour de forme carrée, nommé en Espagne aduf.

Tar/' sLb, espèce de tambour de basque.

Attahal J^JaJî, timbales de différentes dimensions, blou- sées, avec deux baguettes Entin le darbouka et le hendaïr, instruments le plus ordinairement employés; le dernier est une simplilication du tarr.

Tels sont les principaux instruments décrits dans le tra- vail que j'ai sous les yeux, et qui témoigne non-seulement de connaissances techniques approfondies, mais aussi d'une érudition trop rare chez les musiciens de profession. En fé- licitant l'auteur du talent avec lequel il s'est acquitté de sa tâche, je ne puis me dispenser de signaler un vœu bien té- méraire qui lui est inspiré sans doute par l'étude de la mu- sique arabe, et qui sert de conclusion à son livre. Après avoir défini l'élément nouveau introduit dans notre système mu- sical par la découverte de Gui d'Arezzo, M. Salvador se de- mande si , dans les dix modes abandonnés à la même époque, il n'y aurait pas, à côté des deux modes conservés, le ma- jeur et le mineur, d'autres emprunts a faire au système mé- lodique usité antérieurement au xiv* siècle. Pour parler plus simplement, serait-il impossible d'appliquer à l'harmonie moderne de nouvelles combinaisons appropriées à la gamme de chaque mode, sans altérer le caractère de la mélodie:' L'auteur répond affirmativement.

NOUVELLES ET MÉLANGES. 567

S'il ne s'agissait que du plaiu-chant, une tentative de ce genre devrait être favorisée. N'eûl-elle d'autre mérite que de nous délivrer du contre-point bâtard , ajusté au style plagal par l'école de Catel et de Perne, ce serait déjà un progrès in- contestable. Partout ailleurs, j'en crois l'application impos- sible. 11 y a cinquante ans, Reicba, lui aussi, rêva cette fu- sion entre nos lois musicales et la mélodie antique. Dans un recueil assez rare d'exercices d'école, dédié à Haydn, le sa- vant harmoniste a exposé tout au long le mérite de son in- novation, et, joignant l'exemple au précepte, il a composé, d'après ce système renouvelé des Grecs, plusieurs fugues à deux sujets, avec cadence à la dominante, à la deuxième, à la troisième de la tonique, etc. Que M. Salvador veuille bien lire ces bizarres compositions, l'oreille est si peu mé- nagée, et il restera convaincu, je n'en doute pas, que notre harmonie ne peut en aucune façon se plier ni aux mélopées grecques, ni aux cantilènes arabes, qui en sont l'écho af- faibh'.

Barbier de Meynard.

SVH L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR TEL QU'IL EST ORGANISE EN

France, et sur le genre D'EXTENSio.y À y donner, par P. G. deDumast. Paris, i865, in-S" (xii-ioo pages).

M. le baron Dumast expose dans cet écrit ses idées sur la manière de compléter le haut enseignement en France, tant par quelques changements dons l'organisation que par une augmentation notable de chaires. Ce qu'il demande pour les facultés des sciences, de droit et de médecine, n'est pas du ressort du Journal asiatique; mais ce qu'il dit des facultés des lettres nous louche vivement, car il insiste de nouveau sur la création d'une chaire de vsanscrit et d'une d'arabe auprès de chaque faculté des lettres. Plusieurs Aca-

568 MAI-JUIN 1865.

démies de province se sont déjà prononcées pour celle pro- position, et il serait très-désirable qu'elle fùl prise en consi- dération par le Gouvernement. Ensuite il passe au Collège de France, dont il voudrait voir compléter l'enseignement linguistique par des chaires de langue védique, de zend , de perse et de pehlewi, de celtique, d'assyrien, d'éthiopien et de copie. Puis il passe à l'Ecole des langues orientales vivantes, auprès de laquelle il demande qu'on établisse des chaires de tamoul, de cocliinchinois, de berbère, de basque et de breton , et que l'on convertisse l'enseignenienl de l'arabe algérien en une chaire régulière; de plus, il espère y voir fonder bientôt une chaire de mexicain et une pour le ma- gyar et le finnois. 11 faut lire dans le livre même les raisons sur lesquelles Tauleur appuie chacune de ses demandes, et l'on tombera certainement d'accord avec lui que l'enseigne- ment des langues orientales en France est encore bien in- complet. Ce petit livre est écrit avec beaucoup de chaleur et inspiré par un véritable amour de la science et de la gloire littéraire de la France. J. M.

ERRATA nu CAHIER DE JANVIER-FÉVRIER l865.

P. ilx'jy ligne 17, lisez : 200 paras.

P. 1 48, ligue 17, lisez: 2o5 paras 1/2 argent.

P. i58, avant-dernière ligne, lisez : pour Tannée i862-i8t)3.

P. 171, ligne )7, lisez : Mizan-elhaqcj ; plus bas: levdjihât.

P. 171, dernière ligne , après les mots : de Chemsul , ajoutez les trois ligues de la page suivante, transposées : Haqyqa nie soleil de la vérité,» etc.

P. 173, ligne 3 , lisez : patriarcal non-uni ; ligne 7 , lisez Yerévaq ; lig. 3 1 . lisez: compte seize ans d'cxisleuce.

P. 17/i, ligue 10, lisez : joint de plus au texte.

TABLE DES MATIERES. 569

TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS LE TOME V, Vl" SERIE.

MEMOIRES ET TRADUCTIONS.

Pa

Le Livre des roules et des provinces , par Ibn-Khordadbeh , pu- blié, traduit et annoté par M. Barbier de Meynard 5

Suite , , 227

Suite et fin 446

Essais sur l'Histoire économique de la Turquie, d'après lés écrivains originaux. (M. Belin.) Suite et fin 1 27

Sur les noms des céréales chez les anciens, et en particulier chez les Arabes. (M. J. J. Clément-Mullet. ) 185

Mémoire sur Khâcâni , poëte persan du xiii* siècle. (M. de Kha- NiKOF.) Seconde partie 296

Pantchâdhyâyî ou les Cinq chapitres sur les amours de Crichna avec les Gopîs, extrait du Bhâgavata-Puràna. (M. Hauvette- Besnault.) 373

NOUVELLES ET MELANGES.

Procès-verbal de la séance du 9 décembre i864 168

Tableau de la presse périodique et quotidienne à Constan- tinople en 1 8G/i. (M. Belin.) Notice sur la vie et les travaux de M. Bianchi. (M. Barbier de Meynard.) La Femme dans l'Inde antique, études morales et littéraires , par M"' Cla- risse Bader. (J. M.)

Procès-verbal de la séance du 10 février i865 367

570 MAI-JUIN 1865.

pages.

Procès-verbal Je la séance du lo mars i865 369

Travels iii Central Asia, by Arminius Vambery, et Reisc in Mittelasien von Hermanu Vambery. (J. M. )

Procès-verbal de la séance du 1 2 mai i865 532

Rapports faits à M. le Ministre de l'instruction publique sur les manuscrits hébreux de la collection Firkowilz, par M. Neubauer. La musique arabe, ses rapports avec la mu- sique grecque et le chant grégorien, par F. Salvador Daniel. (M. Barbier de Meïnard.) Sur l'enseignement supérieur en France, par P. G. de Dumast. (J. M.)

FIN DE LA TABLE.

JOURNAL ASIATIQUE

SIXIÈME SÉRIE TOME VI

JOURNAL ASIATIQUE

OU

RECUEIL DE MÉMOIRES

D'EXTRAITS ET DE NOTICES

RELATIFS A L'HISTOIRE, A LA PHILOSOPHIE, AUX LANGUES ET A LA LITTÉRATURE DES PEUPLES ORIENTAUX

HBOIGÉ

PAR MM. BARBIER DE MEYNÀRD , BELIN , BOTTA, CACSSIN DE PERCEVAL

CHEBBONNEAU, DEFRÉMERY, DUGAT, DULAURIER, FOUCAOX.

GARCIN DE TASSY, STAN. JULIEN

KASEM-BEG, MOHL , MDNK , OPPERT, PAUTHIEE, REGNIER, REINAUD

RENAN, DE ROSNY, DE RODGE , SÉDILLOT

DE SLANE, ETC.

ET PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE

SIXIEME SERIE TOME VI

PARIS

IMPRIMÉ PAR AUTORISATION DE M. LE GARDE DES SCEAUX

A L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE

M Dccr: Lxv

JOURNAL ASIATIQUE.

JUILLET 1865.

PROCÈS-VERBAL

DE LA SÉANCE ANNUELLE DU 28 JUIN 1865.

La séance est ouverte à une heure par M. Rei- naud , président.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu; la rédaction en est adoptée.

Il est donné lecture d'une lettre de M. Ferdinand de Lasteyrie, qui restitue à la Société un ouvrage chinois qu'il a retrouvé dans la bibliothèque de son père.

M. Saint-Amour, ancien sous-préfet à Oran, écrit pour inviter les membres de la Société à entrer dans la Société de civilisation orientale qu'il vient de fonder.

Sont présentés et nommés membres de la So- ciété :

iVlM. Le marquis de Gosentino. Orlando (Diego).

Durand, interprète militaire en Algérie. MiNAÏEF, de Saint-Pétersbourg. Delaunay (Emile), au château de Bois- Hunaut,prèslaChàtre-sur-Loire(Sarthe).

C. JUILLET 1865.

MM. FkAiDET, ou séminaire de Beauvais. Ganikr (M. D.). Caratheodory ( Alexandre ), docteur en droit

à Constantinople. Hassan Ekendi Mahmoud, D' en médecine.

Le secrétaire donne lecture du Rapport annuel .sur les travaux du Conseil.

M. Barthélémy Saint -Hilairo donne lecture du Rapport des Censeurs, qui se termine ainsi : «Nous renouvelons avec instance nos recommandations de l'année dernière, en ce qui concerne les cotisations, qui ne rentrent pas aussi régulièrement que nous devons le désirer. Nous prions Messieurs les Membres de vouloir bien se souvenir de l'époque ils doi- vent les acquitter, et nous engageons la Comnussion et l'Agence à montrer la plus scrupuleuse exactitude à les réclamer dès les prenuers mois de l'année.

« Nous adressons une autre prière à Messieurs les Membres, et celle-là est toute dans leur intérêt, c'e.st de vouloir bien avertir l'administration des ir- régularités qui pourraient se produire dans la ré- ception de leur Journal. L'administration fait tout ce qu'elle peut pour prévenir ces irrégularités; mais elle a besoin que Messieurs les Membres lui trans mettent leurs réclamations sans trop de délai. »

M. Féer lit un mémoire sur l'introduction du Bouddhisme dans le Kashmir.

Il est procédé au dépouiMcnioni du smilin. qui donne les résultats suivant^

PROCÈS-VERBAL. 7

Président : M. Reinaud. Vice- présidents: MM. Gadssin dePerceval, le duc

De Luynes. Secrétaire : M. Mohl. Secrétaire adjoint : M. Renan. Trésorier : M. De Longpérier, Commission des fonds : MM. Garcin de Tassy,

Mohl , Barbier de Meynard. Membres du Conseil: MM. Régnier, Noël Des- vergers, l'abbé Barges, Lancereau, Pavet de Cour- teille, De Saulcy, De Slane, Troyer.

Censeurs : MM. Guigniadt, Barthélémy Saint- Hilaire.

ouvrages présentés.

Par Tauteur. L'Algérie en 1865. Coup d'œil d'un colonisateur, par le marquis de Cosentino. Paris, i865, in-8°.

Par le secrétaire d'État pour l'Inde. The Aitareya Brahmana of the Rigveda, by Martin Haug. Bombay, i863, 2 vol. in-8^

Par l'auteur. Sur l origine de nos chiffres, par M. Sédillot. Rome, i865, in-4°.

Par la Société. Journal of the Asiatic Society of Bengal, if IV, et Supplementary number. Calcutta, i864,in-8°.

Par l'Académie. Sitzangsberichte der Akademie der fVissenschaften. Vienne, année i863, in-8*'.

Par l'auteur. Intorno a una traduzione italiana di nna compilazione astronomica di A Ifonso X, re di Cas-

8 JUILLET 1865.

tiglia, nota di Enrico Narduccf. Uonie, i865,

in-/i".

Par l'auteur. Osmanische Sprachwôrter, publiés par rAcadémie orientale à Vienne. Vienne, i865, in-8^

Par la Société. Zeitschrift der deutschen morgen- lândischen Gesellschaft. Vol. XIV, cahiers 3 et /|. Vol. XIX, caliiers i et 2. Leipzig, in-8°.

Par la Société. Bibliolheca indica, nouvelle série, ïf 68 et 69. Calcutta, i865,in-8^

Par la Société. Abhandiangen fur die Kunde des Morgenlandes :

Hermœ Pastor, aethiopice edidit d'Abbadie. Leipzig, 1860 , in 8".

Sse-scha, Scku-king , Schi-king , in mandschu- rischer Uebersetzung, von Conon von Gabelentz. Leipzig, i86/| , in-8°.

Par la Société. Actes de la Société d'ethnographie (ancienne série, n' 7, et nouvelle série, i). Paris, i865, in-8''.

Par l'auteur. Uncodice di Leggi e Diplomi siciliani del medio evo , da Diego Orlando. Palerme, i85'7, in^".

Par l'auteur. Dictionnaire des signes idéographiques de la Chine, par Léon De Rosny. Paris, 186/4 , in-8" (2' livraison).

Pai l'auteur. Lettre à M. Oppert sur quelques |)articularités des inscriptions cunéiformes ana- liennes, par M. Léon d(i Rosny. Paris, 186/1 (tirage à part).

TABLEAU DU CONSEIL D'ADMLMSTRATIOiN. 9

Par l'auteur. La tradizbne dei sette Savi, di E. Teza.

Bologna, 186/4, in-12.

Par l'auteur. L'état social et politique da Mexique

avant l'arrivée des Espagnols , par M. Charles De La-

BARTHE. Paris, i865,in-8°.

TABLEAU

DU CONSEIL D'ADMINISTRATION

CONFORMÉMENT AUX NOMINATIONS FAITES DANS L'ASSEMBLEE GÉNÉRALE DD 28 JCIN l865.

PRESIDENT.

M. Reinaud.

VICE-PRÉSIDENTS.

MM. Gaussin de Perceval.

Le Duc DE LUYNES.

secrétaire.

M. MOHL.

SECRÉTAIRE ADJOINT ET BIBLIOTHECAIRE.

M. Renan.

TRÉSORIER. M. DE LoNGPÉRIER.

COMMISSION DES FONDS.

MM. Garcin de Tassy.

MoHL.

Barbier de Meynard.

10 JUILLET 1865.

MEMBRES DU CONSEIL.

MM. Régnier.

Noël Desvergers.

L'abbé Barges.

Lancereal.

Paveï de Courte! ixe.

De Saolcy.

De Slane.

Troyer.

dulaurier.

FOUCAUX.

Guigniaut. De Rosny.

Oppert. Palthier. Perron.

Stanislas Julien. Defrémery.

DUGAT.

Sanguinetti.

Barthélémy Saint-Hilaire.

Brunet de Presle.

Le marquis d'Hervey de Saint -Denis.

Sédillot.

CENSEURS.

MM. Guigniaut.

Barthélémy Saint-Hilaibk.

RAPPORT ANNUEL. Il

RAPPORT

LES TRAVAUX DU CONSEIL DE LA SOCIETE ASIATIQUE

PENDANT L'ANNÉE 18 64-1865,

FAIT À LA SÉANCE ANNUELLE DE LA SOCIETE,

LE 28 JUIN l865,

PAR M. JULES MOHL.

Messieurs ,

La quarante- troisième année de l'existence de votre Société n'a donné lieu à aucun fait particulier dont j'aurais à vous entretenir. Vos travaux se sont continués sans interruption, et la mort même, qui nous avait frappés si cruellement l'année dernière en nous enlevant un si grand nombre de collabora- teurs distingués, nous a épargnés cette fois-ci.

Le Journal asiatique ^ a continué h traiter les sujets les plus variés de l'érudition orientale. M. Sta- nislas Julien a terminé la traduction des Extraits des Annales chinoises relatifs à l'histoire des Turcs orientaux, ou plutôt à l'histoire des rapports des

' Journal asiaùt^ue , sixième série, vol, IV, Paris, 186/1 (5/|/| pages) in-8", et vol. V, i865 (670 pages).

12 JUILLET 1865.

Turcs avec l'enipire chinois. Ce sont des documents très-secs, selon la manière du pays, mais qui four- nissent sur la partie la plus ancienne el: la plus obscure de l'histoire des Turcs des faits parfaitement authentiques que leurs propres chroniqueurs ne con- naissent pas.

M. Belin a de même terminé un long travail sur l'histoire des finances de l'empire ottoman , histoire que l'auteur a pu tirer des documents les plus sûrs que lui offraient les chancelleries turques.

M, de Khanikof nous a donné un mémoire très- curieux sur Khâcâni , poëte persan du xf siècle de notre ère, dont il s'était beaucoup occupé pendant son séjour en Perse. Pour faire comprendre son poëte, il commence par un tableau rapide de l'état politique de la Perse dans ce temps, puis il nous donne la vie de Khâcâni, surtout d'après les rensei- gnements que celui-ci fournit sur lui-même dans ses œuvres. C'est bien une vie de poëte d'alors, mendiant de fargent et des honneurs dans les cours des princes, flattant les grands et couvrant d'invec- tives ses ennemis, se vantant lui-même et conser- vant pourtant le sentiment d'une certaine dignité. M. de Khanikof termine cette belle étude par le texte et la traduction de quatre des plus remar quables poésies de Khâcâni. Ces poésies sont des plus difficiles à entendre, remplies d'allusions tirées des sciences et de l'histoire, de jeux de mots, de tout ce qui faisait la gloire d'un poëte dans les cours des princes turcs de ce temps, el de ce qui met à

RAPPORT ANNUEL. 13

j'épreuve le savoir et la patience du lecteur. M. de Khanikof juge très-sévèrement cette poésie; mais je crains qu'il n'ait été trop préoccupé des péchés de Khâcâni, quand il étend son jugement sur toute la poésie persane, car je crois qu'il ne peut repro- cher ni à Firdousi, ni à Hafiz, ni à Djelaleddin Roumi , et encore moins à Sadi les défauts qu'il relève avec tant de raison dans Rhâcani.

M. Barbier de Meynard nous a donné le texte et la traduction du Livre des routes d'Ibn Khor- dadbeh, maître des postes du khalifat dans la seconde moitié du uf siècle de l'hégire, par consé- quent, un des géographes arabes les plus anciens. Il s'est servi d'une copie du manusciit d'Oxford, et Véfik Efendi a eu la complaisance de faire coila- tionner pour lui le seul autre manuscrit qui soit connu et qui se trouve dans la bibliothèque d'une mosquée à Gonstantinople. Le livre de Khordadbeh n'est pas seulement un routier, il indique la division politique des provinces du khalifat, il donne le montant des impôts que chaque district payait, tant sous les rois de Perse que sous les khalifes, et il ajoute à la liste des étapes de chaque grande route des détails variés et souvent très-inléressants pour l'histoire et la géographie. Le chef des postes sous les khalifes était un personnage important, qui tra- vaillait directement avec le khalife, à qui il commu- niquait les rapports qu'il recevait des maîtres de poste locaux sur l'administration et l'état des pro- vinces. M. Barbier de Mevnard s'excuse d'avoir osé

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publier ce traité, en n'ayant à sa disposition que deux manuscrits, également imparfaits et prove nant d'un même original, qui paraît avoir été un manuscrit déjà fatigué et mutilé. Mais on doit au contraire le remercier de ne pas s'être laissé arrê- ter par cette considération, car les ouvrages arabes de cette époque ont péri en général, et il importe beaucoup qu'on fasse connaître tout ce qu'on peut en retrouver, si imparfaits et si fragmentaires que puissent être les manuscrits. Qu'importe qu'il v ail quelques lacunes et plus ou moins de noms dont ou ne peut à l'instant déterminer la lecture? L'éditeur lui-même en a déjà rétabli un grand nombre, et, l'attention des savants une fois éveillée, on docou vrira ou de nouveaux manuscrits, ou des matériaux analogues, ou des plagiats commis par des auteurs j)Ostérieurs q«ii expliqueront ce qui peut être resté douteux au premier moment, et je suis convaincu que, grâce à cette première édition, M. Barbier de Meynard pourra publier, dans dix ans d'ici, un texte de Khordadbeh qui le satisfera lui-même.

M. Clément-Mullet a publié dans votre Journal un mémoire sur les noms arabes des dilférentes espèces de céréales, recherches difficiles, dans les- quelles il s'est aidé de toutes les lumières que les descriptions des Arabes, les synonymies grecques et la botanique moderne pouvaient lui fournir.

M. Renan nous a donné un curieux fac-similé d'une antîienne inscription hébraïque, qu'il a co- piée à la synagogue de Kefr-Bereim, en Galilée, et

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qui est intéressante pour la paléographie des Hé- breux.

Vous allez recevoir dans le cahier de mai-juui une dissertation de M. Hauvette-Besnault sur l'his- toire de Krischna et des Gopi, accompagnée du texte et de la traduction des cinq chapitres que le Bbagavala Pourana consacre à cet étrange fragment de la mythologie indienne. Enfin, vous y trouverez deux rapports de M. Neubauer sur la collection des manuscrits caraïles formée par M. Firkowitz et les observations de M. Munk sur ce sujet.

Le huitième volume de votre Collection d'ou- vrages orientaux ^ qui forme le quatrième des Prai- ries d'or, de Maçoudi, par M. Barbier de Meynard, est entièrement composé et sera entre vos mains dans quelques semaines. La première moitié de ce volume traite de plusieurs sujets généraux relatifs à la géographie physique , puis des édifices consacrés aux différents cultes et spécialement au culte du feu , et se termine par un chapitre sur la chronologie universelle, jusqu'au temps de Muhammed. Dans

' Il a paru de cette collection : i" Les Voyages d'Ibn Baloutah, par MM. Defrémery et Sanguinetti, texte et traduction. Paris, i853- 1859. Complet, 4 vol. in-8°, et cahier supplémentaire contenant la table des matières, Les Prairies d'or, de Maçoudi, par MM. Bar- bier de Meynard et Pavet de Courteille , volumes Ï-III , texte et tra- duction. L'ouvrage entier aura huit volumes. Chaque volume de la Collection se vend au prix de 7 fr. 5o c. et aux membres de la Société, pour 5 fr. On peut acheter à part cliaque volume de la Collection , et les Écoles qui veulent adopter un des volumes pour les cours, l'obtiennent au prix des membres, si elles s'adressent directement au Bureau de la Société.

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la seconde moitié du volume , l'auteur commence l'histoire de l'Islam , à laquelle le reste de l'ouvrage entier est consacré. M. de Meynard est ainsi arrivé à la moitié de son édition des Prairies d'or, et nous pouvons espérer que dans peu d'années cet ouvrage, dont la publication a été un grand desideratum, sera complètement entre les mains des savants. C'est un livre plein de renseignements inattendus; car même dans les parties les plus connues de son su- jet, l'esprit curieux de l'auteur ne se dément jamais, et il nous fournit presque toujours quelques données qu'on chercherait en vain ailleurs.

L'édition de l'ouvrage d'Albirouni sur la science des Indiens, dont vous aviez chargé MiM. de Slane et Woepcke, et dont M. Woepcke s'était occupé avec beaucoup d'ardeur, n'est pas encore commen- cée. Après la mort de M. Woepcke, qui est une si grande perte pour nous, vous avez prié M. de Slane de se charger seul de cet ouvrage; il s'est occupé des manuscrits, mais d'autres travaux urgents ne lui ont pas encore permis de vous annoncer sa déter- mination. Nous attendions de l'Inde un nouveau ma- nuscrit d'Albirouni, qui, quoique imparfait, aurait été d'un grand secours; mais M. Cowell, qui nous l'avait fait espérer, est revenu en Europe sans pou- voir en obtenir le prêt pour nous ; espérons que son zélé successeur, le capitaine Nassau Lees, sera plus heureux.

Les autres sociétés asiati(|ues ont continué de

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même leurs travaux, autant du moins que nous pouvons en juger par ce que nous avons reçu de leurs publications; car je ne puis que répéter une plainte déjà ancienne sur la négligence que certaines d'entre elles mettent à communiquer à l'Europe ce qu'elles publient; elles paraissent se contenter du cercle des lecteurs qui les entourent et ne pas vou- loir comprendre que l'Europe est après tout roffi- cine du savoir et que les livres qui ne parviennent pas à Paris , à Londres et à Leipzig, sont des œuvres mort-nées ou au moins frappées de stérilité.

La Société asiatique du Bengale paraît être pleine dévie, elle trouve seulement qu'elle est surchargée de travaux, et elle est sur le point de transférer au gouvernement son musée d'histoire naturelle, qui de- viendra un établissement de l'Etat. Cette division du travail sera certainement heureuse , autant pour les sciences naturelles que pour les sciences historiques, auxquelles la Société pourra dorénavant consacrer toutes ses forces et qui lui offrent un champ de travail surabondant. Son Journal, pour Tannée i 86/i, con- tient comme à fordinaire des travaux sur différentes parties de f histoire et de la géographie de findo, sur les antiquités bouddhiques et brahmaniques, sur les anciens poids et mesures, et est accompagné d'un cahier supplémentaire consacré au second rap- port du colonel Cunningham sur les résultats de sa mission archéologique dans le nord de l'Inde. Vous savez que le colonel fait un pèlerinage bouddhiste, dans lequel il suit f itinéraire de Hiouen-Thsang , pour

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dëcoiurir les restes du Bouddhisme dans les lieux le Bouddha avait vécu et que ses sectateurs ont couverts de monuments. Dans ce second rapport, le colonel a un peu dévié de son plan; il y traite ex- clusivement des antiquités de Dehli, ville qui n'a jamais été un chef-lieu du Bouddhisme et M. Gun- ningham n'a trouvé d'autres traces de cette religion que les piliers d'Açoka, qui ont été érigés originaire- ment dans d'autres localités et transportés plus tard dans la capitale des Mogols. Le reste de son travail sur Dehli traite des antiquités brahmaniques et mu- sulmanes de cette ville. Au reste, dans le rapport prochain, il va rentrer en plein dans l'archéologie houddhique ^

La Société asiatique du Bengale a agité pendant plusieurs séances la question de l'emploi du carac- tère latin modifié dans les écoles indiennes et pour les langues du pays. M. Nassau Lees a proposé, dans un mémoire inséré dans le journal de la Société, de renoncer à l'idée de substituer l'alphabet romain aux alphabets sanscrit et arabe dans leur application aux langues savantes, mais de s'en servir pour les

' Journal of the Âsiatic Society of Benyal. Calcutta, i 854 , in-8°. vol. XXXin. Cinq cahiers et un cahier supplémentaire.

Le dernier cahier, qui est arrivé lorsque ce rapport était déjà composé, contient une protestation très-vive do Rajendralala Mitra, savant hindou, très-connu en Europe, contre la proposition d'intro- duire les caractères lalius pour l'hindoustani; il en fait sentir tous les inconvénienis , rimj)erfoctiou de l'écriture latine et la répugnance in\ incible de la population contre une tentative de ce genre. Il exhorte les Européens à approprier d'abord leur écriture à leurs propres langjies, avant d'en proposer l'adoption à d'autres.

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dialectes des peuplades qui n'ont pas de iittérature à elles et qui ne savent pas encore écrire, et puis de l'introduire pour l'hindoustani. Les raisons qu'il donne pour cette dernière partie de sa proposi- tion sont que l'hindoustani est une langue parlée dans toutes les parties de l'Inde, et que ce serait un grand pas de fait pour faciliter le rapprochement entre les Indiens et les Européens, si elle était écrite dans un alphabet commun aux deux, d'autant qu'on ne trouverait pas pour l'introduction du caractère romain des obstacles invincibles, parce que l'hin- doustani, n'ayant pas de caractère propre, était écrit dans toute la péninsule avec les alphabets propres à chaque province. On lui a répondu par deux ob- jections que je crois fatales à son plan , en ce qui concerne l'hindoustani; d'abord les difficultés inhé- rentes à l'application usuelle de l'alphabet latin à une langue beaucoup plus riche de sons, difficultés qu'on ne peut vaincre que par l'application d'une foule de signes diacritiques qui jettent du trouble dans l'écriture, et puis findiderence et la résistance des populations. Au reste, ce côté de la question des transcriptions ne nous touche pas, en Europe; nos besoins et nos difficultés sont autres, et j'aurai à en dire quelques mots un peu plus tard.

La Société du Bengale a continué avec beaucoup de zèle la pubhcation de sa Bihliotheca indica, dont il a paru quinze cahiers dans f année, et elle a l'es- poir de pouvoir élargir encore considérablement le cadre de cette collection et d'y comprendre la série

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d'Iusloriens musulmans de l'Jncle que feu Sir H. E\- liof avait préparée et annoncée. Lady Elliot vient de mettre à la disposition de la Société tous les ma- tériaux que son mari avait réunis, et le gouverne- ment de la Reine a promis de venir en aide h la Société pour faciliter cette grande et belle entreprise. Puisse la Société trouver aussi moyen de publier avec les textes toujours une traduction anglaise! Ce serait une grande garantie pour obtenir de bonnes et correctes éditions des textes, une grande économie de lemps pour tous les Européens qui veulent cher- cher un fait dans un de ces volumes, et probable- ment un secours très-apprécié par les Hindous ou les musulmans qui désirent apprendre l'anglais.

Nous n'avons reçu aucun envoi des Sociétés de Madras, de Colombo et de Shanghaï, et j'ignore ce qu'elles auront pu publier. Je sais que la Société de Bombay n'a pas fait paraître depuis assez longtemps la suite de son Journal ; mais le gouvernement in- dien lui ayant accordé, au commencement de celte année, une assez forte subvention pour ses publi- cations, elle en a recommencé récemment l'impres- sion.

La Société asiatique de Londres a commencé une nouvelle série de son Journal^ Le demi-volume qui a paru contient plusieurs mémoires d'une grande importance, une continuation du grand travail de M. Muir sur la théogonie védique, un mémoire de

' The Journal of the Royal Asiatic Society of Great Briiain anJ hiland. New séries, vol. I , j). i. London, iSB/j. in-S" 2/»6 pai?es .

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M. Bosanquet sur la comparaison des chronologies biblique et babylonienne, une notice très-curieuse du colonel Goidsmid sur la littérature populaire dans le Sindh et sur les difficultés qu'on a rencontrées à faire adopter aux habitauls indiens et musulmans un même alphabet; ensuite un mémoire des plus importants de R. Sir H. Rawlinson sur les inscrip- tions bilingues, babyloniennes et phéniciennes, sur lequel j'aurai à revenir plus tard; enfin la traduc- tion du chinois d'un Sûtra bouddhique, par M. Beal. La version chinoise dont se sert M. Beal a été faite l'an liob de notre ère par Rumara-Siva, prêtre indien établi au Tibet, qui s'était rendu tellement célèbre par son érudition, que l'empereur de Chine, désirant obtenir des traductions plus exactes des livres bouddhistes que celles qui existaient alors, envoya une armée dans le Tibet avec l'ordre de ne pas revenir sans amener Kumara. Celui-ci fut donc emmené en Chine, reçu avec grand honneur, mis à la tête d'une légion de prêtres, et traduisit de nouveau un grand nombre d'ouvrages bouddhistes du sanscrit en chinois. « La plupart de ses traduc- tions, dit M. Beal, furent refaites de nouveau deux siècles plus tard par Hiouen-Thsang^ »

' Je me permets de faire à cette occasion une remarque qui m'a frappé depuis longtemps. On voit qu il y a au moins trois grandes couches de traductions chinoises des livres bouddhistes, celles qui datent des premiers siècles de notre ère, celles de Kumara du cin- quième et celles de Hiouen-Thsang du septième siècle. Pour la plu- part de ces livres, il importe probablement peu de quelle époque sont les traductions; mais il y en a pour lesquels la date peut être

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Le Comité de traductions de la Société de Londres a résolu de faire terminer quelques ou- vrages considérables, entrepris depuis longtemps et interrompus par des accidents divers. Vous connais- sez tous les deux premiers volumes de rexcellente traduction des Vies des hommes illustres d'Ibn Khal- likan par M. de Slane. Tous ies savants regrettaient que cet indispensable manuel de biographie et de bibliographie n'eut pas été terminé, et, sur la de- mande du comité, M. de Slane a mis sous presse ies deux derniers volumes, et une vingtaine de feuilles

(l'une grande importance, par exemple, pour la vie du Bouddha, le Lalita Vislara. M. Stanislas Julien a fait connaître Texistence de quatre traductions chinoises de ce livre, dont la première est du premier siècle de notre ère et dont !a quatrième doit être posté- rieure au septième siècle. Cette dernière paraît être conforme à la rédaction souscrite qui a été imprimée à Calcutta et à la version tibétaine dont nous devons la publication et la traduction à M. Fou- eaux. Mais de quelle date est cette rédaction, la seule que nous connaissions jusqu'à présent? Personne ne saurait le dire-, mais elle inspire des doutes légitimes sur son antiquité, car elle est bien légendaire pour une vie écrite peu de temps après la mort du Bouddha, et nous savons tous qu'il n'y a pas de livres plus exposés à l'interpolation et à l'amplification que les vies des fondateurs de religion. Il y a peu d'espoir qu'on trouve une rédaction sanscrite différente de celle que nous avons; il est probable que M. Grimblol rapporte de Ccylan des matériaux pour contrôler le Lulifa Vistara, mais il est certain qu'en comparant les anciennes traductions chi- noises avec la plus récente, on peut remonter, pour le moins, au texte tel qu'il était au premier siècle, et s'assurer s'il était plus ancien et plus pur que celui que nous possédons. Je crois que M. Julien possède pres<[uc tous les éléments de celle question Irès- curieusc. et il rendrait un grand service à la science s'il voulait s'en occuper.

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sont déjà imprimées. D'autres continuations de tra- ductions interrompues sont en préparation.

La Société orientale allemande a publié quatre nouveaux cahiers de son Journal , qui nous donnent , comme les volumes précédents, des travaux très- importants ^ iVl. Wijstenfeld y publie une vie très- délaillée du géographe Yacout, qu'il suit dans tous ses voyages; M. Flûgel analyse les ouvrages de deux autres voyageurs arabes; M. Rosen décrit quelques anciens monuments samaritains dont il donne des fac-similé; M. Blau discute l'authenticité de la se- conde liste des rois parthesque contient Mirkhond; M. Dieterici écrit sur les Frères de la pureté; M. de Goeje décrit un manuscrit arabe très-ancien, qui traite des mots inusités dont s'est servi Muhammed; M. Rapp donne la première partie d'un intéressant mémoire sur la religion et les mœurs des Perses selon les Grecs; M. Meier reprend l'examen de l'inscrip- tion phénicienne de Marseille; M. Euling donne un catalogue raisonné des manuscrits sabéens des bi- bliothèques de Paris et de Londres; enfin, il y a un travail posthume de M. Osiander sur les inscriptions himyarites découvertes par M. Playfair. Lorsque le Musée britannique fit publier ces inscriptions, l'édi- teur, M. Franck, ne voulut pas y ajouter un com- mentaire parce qu'il savait que M. Osiander en préparait un. Malheureusement, ce jeune savant mourut avant d'avoir mis la dernière main à ce beau

' Zeilschrijt der deutschen morgenlàndischen Gesellschaft. Leipzig, 186/1 et i865, in-8°, vol. XVIII,cah.3et/i,etvol. XIX,cah. 1 et 2.

U JUILLET 1865.

travail , dont un de ses amis publie aujourd'hui avec beaucoup de soin la preuiière partie, accompagnée de fac-similé Irès-bien exécutés des photographies de M. Playfair. La seconde partie du mémoire, qui doit traiter de toutes les autres inscriptions himyarites connues, sera publiée plus tard. Ce travail ne peut qu'augmenter le regret qu'on éprouve à voir sitôt s'éteindre une vie qui promettait tant à la science. Je ne puis énumérer tout ce que contient encore celte année du Journal de Leipzig, mais je dois un mot à un article dans lequel M. Wickerhauser dis- cute la transcription du turc en caractères latins, telle ({ue M. Brockhaus Ta appli(|uée. Il expase en détail les dilïicultés que présente la transcription du turc et établit en principe, et je crois avec raison, que toute transcription doit s'attacher à reproduire l'or- thographe de préférence à la prononciation, quand il y a une différence entre les deux. Il y a du plaisir à observer le zèle et la sagacité avec lesquels on s'est appliqué de notre temps i\ trouver un alphabet de transcription aussi exact que possible, et les ré- sultats très-réels qu'on a obtenus. Non pas que je croie qu'on puisse substituer l'alphabet latin modi- lié aux écritures indigènes, je ne dis pas en Orient, mais même dans les écoles en Europe; mais c'est néanmoins un grand mérite que d'avoir trouvé moyen de se passer au besoin de types orientaux. C'est utile en mille cas, pourla transcription des noms propres, pour fixer les étymologics, pour insérer des cita- tions (piiind on n*a pas à sa disposition les types

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propres, ou quand la nature de l'ouvrage n'en admet pas l'usage; cela peut être utile quand on applique l'alphabet de transcription aux études des commen- çants, pour leur en faciliter l'entrée, comme le pra- tiquent M. Guerrier de Dumast et M. Barbe; mais c'est surtout utile et même tout à fait indispensable pour la grammaire comparée, l'emploi de types si différents rendrait la lecture intolérable et les livres incompréhensibles, et il est pourtant de toute nécessité de rendre avec la plus grande préci- sion en caractères latins toutes les nuances des écri- tures originales. Je doute que l'emploi du caractère latin aille beaucoup plus loin chez les savants en Europe. On comprend que les missionnaires et les administrations européennes en Orient désirent en faire un usage habituel, et il n'y aura aucune difficulté à l'enseigner à des tribus dont la langue n'a pas encore été fixée par l'écriture. Mais quand il s'agit de peuples qui ont un alphabet, même in- commode , auquel ils sont accoutumés , on trouvera des résistances impossibles à vaincre. On cite sou- vent les Persans qui ont adopté l'alphabet arabe, mais les Arabes avaient des moyens de persuasion qui ne sont plus au service de personne, car qui- conque se servait du caractère pehlevi était puni de mort. On essaye dans ce moment d'introduire le caractère latin modifié en Cochinchine; mais qui peut croire qu'une écriture aussi surchargée de signes supplémentaires puisse jamais devenir usuelle? Le temps répondra à toutes ces questions.

2ft JUILLET 1865,

La Société orientale allemande a publié, en de- hors de son Journal, trois nouvelles parties de ses Mémoires relatifs à l'Orient, dont j'aurai à parier plus tard à leur place.

La Société orientale américaine a lait paraître la première moitié du volume Vlll de son Journal ^ qui contient un mémoire de M. Whitney sur les opinions émises en Europe sur l'origine des Nak- shatras, mémoire que j'ai annoncé, d'après un tirage préliminaire, dans le Rapport de l'année dernière; ensuite une traduction du turc d'un catéchisme souli, par M. Brown, chargé d'afTaires d'Amérique à Constantinople. Ce ti'aité est extrait d'un ouvrage (jue l'auteur prépare sur le soufisme en Turquie, et qui offrira des points de comparaison curieux avec ce que nous savons des Soufis persans. Ensuite vient un mémoire très-détaillé sur la prédestination chez les Arabes, par M. Salisbury. Le résultat des recherches de l'auteur est que les musulmans sont allés bien plus loin dans la doctrine de la prédestination que ne l'autorise le Coran. M. Perkins a inséré la traduc- tion d'un apocryphe syriaque, intitulé la Révélation de saint Paul, apocryphe qui était inconnu jusqu'à présent. Enfin M. Stilson donne un bref aperçu de la langue des Komi , tribu de montagnards de l'Ar- racan, qui l'avaient appelé pour qu'il leur enseignât un alphabet. 11 paraît leur avoir donné l'alphabet birman, comme ses collègues avaient fait chez les

' Journal oftlie American Oriental Society. New-Havcn, 1 864 , In-S", vol. VIII. p. I (2260! xxivpges).

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Raren , je suppose pour ne pas les priver d'un moyen de communiquer avec leurs voisins.

Nous n'avons rien reçu depuis longtemps du Journal pour l'Archipel indien par M. Logan , et il est à craindre que cet excellent recueil n'ait cessé de paraître; mais nous recevons régulièrement les Mémoires de l'Inslitut royal pour la connaissance des langues des pays et des peuples de l'Inde néer- landaise ^ Ce recueil contient des voyages et des études géographiques, historiques, ethnographiques et philologiques sur ces colonies, et l'importance de ces belles îles, la variété des races qui les habitent, le nombre des langues qu'on y rencontre et la difTé- rence des caractères de tous ces peuples, assignent à cette publication une place toute particulière dans la littérature qui s'occupe de l'Orient.

M. Weber, à Berlin, nous a envoyé une nouvelle partie de son journal intitulé. Etudes indiennes "^-^ elle est entièrement remplie de la fin de l'analyse de rOupnekhat d'Anquetil Du Perron. L'Oupnekhat est une rédaction persane des Upanischads, c'est-à- dire de la partie ihéologique de la littérature vé- dique, faite par l'ordre de Dara Schekoh au xvn" siècle. Anquetil le traduisit en latin , et c'était réelle- ment le premier travail qu'on possédait en Europe ,

* Bijdracjen tôt de Taal- Land- en Volkenkande van Nederlandsch Indië. Uitgegeven door het Koninglyk Instituut vor de Taal- Land- en Volkenkunde van Nederlandsch Indiê. Vol. VII, nouvelle série, Amsterdann, i864,in-8°.

^ Indische Stadien. Beitràgefiir die Kunde des indischen Alterfhums, von D' A. Weber, vol. IX, cab. i. Leipzig, i865, in-8°.

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exécuté d'après des ouvrages védiques, quoique par l'intermédiaire d'une rédaction musulmane. L'ou- vrage, étant d'une origine douteuse et d'une forme repoussante, n'a eu que peu de lecteurs, et ce n'est qu'aujourd'hui que la connaissance des ouvrages originaux nous met en état de lui assigner son véri- table rang et d'apprécier l'usage dont il peut encore être dans état actuel des études védiques. M. Weber l'a fait avec beaucoup de savoir et avec une pieuse sollicitude pour la mémoire d'Anquetil qui lui fait honneur ^

Enfui , M. Benfey nous a fait parvenir la conti- nuation de son Journal, intitulé : Orient and Occi- dent^. Le nouveau cahier contient un grand nombre de notices sur dilférents sujets orientaux par divers auteurs, puis une longue dissertation de M. Benfey sur la voyelle sanscrite ri, et la continuation de sa

' L'histoire de la publication do l'Onpneklial est curieuse et ëga- lement honorable pour Anquetil et pour ses amis. Anquetil était royaliste et ne voulut jamais rieu accepter des gouvernements répu- blicain ou consulaire. Il vivait très-pauvrement, et ses amis, qui au- raient voulu le mettre plus à son aise dans sa vieillesse, n'osaient rien lui proposer directement. Mais ils savaient qu'il avait en porte- feuille la traduction de l'Oupnckhat, et ils envoyèrent un libraire pour lui offrir une somme assez considérable pour le droit d'impri- mer le manuscrit. Anquetil accepta avec plaisir, car il attachait beaucoup d'importance à ce travail , ce qui l'a probablement empê- ché de se douter d'une ruse qui aurait révolté ses sentiments d'indé- pendance. Ses amis payèrent an libraire les honoraires et l'impres- sion , et c'est ainsi que l'OupueLhat put paraître.

* Orient und Occidenl. inshcsondcrc in ilircn yefjenseitiyen Bezieliun- tjen. Forschungeu und Mittheiliuigcn , von Theodor nonlév. Vol. \\\ . rah. I . fi(Pttingne, i86'i, in-8°.

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traduction du Rigvcda. IJ avait rendu la première centaine d hymnes en vers allemands, dans le même rhythme que les originaux; la traduction était très- littérale et parfaitement intelligible, ce qui était un problème qu'on ne pouvait espérer résoudre qu'en allemand et qui exigeait une rare habileté dans le maniement de la langue. Il annonce maintenant que, sur des avis qu'il a reçus de divers côtés, il conlinuera sa traduction en prose, pour pouvoir serrer encore de plus près la phrase sanscrite, et les dix-huit hymnes que contient le nouveau cahier sont traduits ainsi. La version est accompagnée d'un excellent commentaire très-concis. Il est bien à dé- sirer que M. Benfey achève cette traduction, qui est une véritable œuvre d'art.

J'arrive maintenant à l'énumération des ouvrages de littérature orientale qui ont paru depuis notre dernière réunion annuelle, et je vais annoncer briè- vement ceux qui sont arrivés à ma connaissance. Je commence, selon mon habitude, par les ouvrages relatifs aux Arabes.

Nous trouvons en Arabie, du temps de Muham- med, de nombreuses et puissantes colonies juives, formant des tribus, admises au partage de la pos- session ou à l'occupation entière d'un certain nombre de villes, par des droits évidemment anciens et in- contestés, et traitant avec les tribus arabes sur un pied d'égalité qui exclut l'idée d'une émigration ré- cente et seulement tolérée. Elles jouent un rôle

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remarquable dans la vie de Muhammed , et l'in- lîuence de leurs croyances se trouve j^crite sui- toutes les pages du Coran. Le temps et les circons- tances de leur émigration sont inconnus ; la ti^di- tion arabe s'en occupe peu , par la raison (ouïe na- turelle qu'elle est avant tout locale, s'attache à une tribu , une généalogie , une famille ou un nom cé- lèbre, et ne s'intéresse guère à ce qui est en dehors. Les juifs arabes eux-mêmes avaient sans doute des traditions; mais elles ont périr lorsque Muham- med extermina ou convertit ces tribus.

M. Dozy ^ a entrepris de résoudre ce problème, et il a su donner à son sujet une ampleur et un intérêt qu'on n'aurait pas soupçonnés. Il part d'un passage du Livre des Chroniques, qui raconte l'émi- gration d'une grande partie de la tribu de Siméon au temps de Saûl. Il procède alors à prouver que ces Siméonites ont conquis sur les Minaeens le ter- ritoire de la Mecque, l'ont déclaré haram, c'est-à- dire consacré, y ont introduit le culte de Baal. ont construit la Raaba et fondé les fêtes annuelles que Muhammed fut obligé de conserver et qui sont de- venues le pèlerinage actuel de la Mecque. M. Dozy explique, d'après cette donnée, le sens premier de ces cérémonies, les noms des lieux elles se font et une foule d'autres circonstances qiii s'y rattachent et dont les Arabes eux-mêmes n'ont jamais pu se

' Die Israelilen zu Mekka, von Davids Zeil bis ins fûnfte Jahrhun- dert unsercr Zeitreclinung, von Dozy. Loipzip;, \S&h , in-8° (196 p. et une plancho).

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rendre compte. Il m'est impossible de le suivre dans le nombre des questions subsidiaires qu'il sou- lève dans le courant de sa discussion , et qui touchent à une multitude de points historiques plus ou moins importants.

Le lecteur voit s'élever, à mesure qu'il avance, tout un édifice historique, construit avec des matériaux de toute espèce etdes données isolées de tout genre, cachées auparavant dans les historiens et les géo- graphes, dans quelques passages de la Bible, dans les traditions obscures et confuses des Arabes. L'au- teur emploie ces matériaux avec toutes les res- sources que l'étymologie, l'esprit de combinaison et la critique la plus hardie peuvent lui fournir; les questions semblent naître d'elles-mêmes dans leur ordre naturel, se prêter un appui réciproque, et vous amènent graduellement à accepter les solu- tions les plus inattendues. Beaucoup de lecteurs se- ront sans doute choqués de la liberté avec laquelle il applique la critique aux livres de l'Ancien Testa- ment ; la plupart trouveront des étymologies , des con- jectures et des corrections de textes qu'ils ne seront pas disposés à accepter; mais je crois que presque tous seront frappés de la coïncidence d'une multi- tude de circonstances qui convergent vers la thèse principale de fauteur, et de la lumière qu'il a su y répandre, et certainement personne ne lira sans plai- sir et sans fruit un livre composé avec un art con- sommé , même parmi ceux qui penseront que tout cet échafaudage n'est qu'une brillante fantasmagorie.

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Le volume de M. Dozy fait partie d'une coller tion de traités sur l'histoire des principales religions qu'une Société de savants hollandais a commencé à publier. M. Dozy y a donné pour sa part, outre les Israélites à la Mecque, un ouvrage sur l'Islam, dans lequel il traite de la religion des anciens Arabes, de Muhammed, des sectes musulmanes et de la con- dition de l'islam jusqu'à nos jours. Je regrette de ne pas avoir réussi à voir ce dernier ouvrage, et je ne puis qu'exprimer l'espoir qu'il sera traduit dans une langue plus répandue que le hollandais, car tout ce qu'écrit M. Dozy est bon à connaître.

Les études sur la vie de Muhammed et la publi- cation des sources de son histoire ont été conti- nuées de différents côtés. Les progrès que l'on a faits de notre temps dans la connaissance de la vie du Prophète et de son temps sont vraiment mer- veilleux. On peut aujourd'hui se faire une idée suf- fisante du peuple parmi lequel il est et de fétat social et politique du pays; on peut assister au déve- loppement graduel et très-laborieux de cet esprit lent et consciencieux , on peut voir avec quelle dif- ficulté il a réussi à élaborer la seule idée dont il était rempli, à trouver des expressions qui pouvaient la rendre, à s'assimiler le peu de connaissances qu'il est parvenu à acquérir; on peut suivre les doutes et les défaillances qui l'ont assailli au com- mencement de sa carrière, et observer les effets désastreux que les besoins de la politique et l'ardent désir de la réussite ont exercés sur son côté moral

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pendant les dernières années de sa vie^ On ne peut pas se refuser à voir dans les résultats de ces études une très-précieuse conquête pour l'histoire, quand on pense qu'il s'agit de l'origine d'une reli- gion qui a cent millions d'adhérents, qui a réglé depuis douze siècles les croyances, les lois et les idées de tant de peuples d'origine différente, et quand on réfléchit qu'une parole, peut-être acci- dentelle, peut-être mal rapportée de Muhammed a pu exercer et exerce encore une influence incalcu- lable sur la civilisation d'une si grande partie de l'humanité.

On doit donc applaudir à l'ardeur avec laquelle une succession de savants a mis, par une série de travaux, à notre disposition les véritables sources de cette histoire, et a pénétré , par un travail infati- gable, dans les obscurités de la tradition arabe, à laquelle la critique européenne applique aujourd'hui des règles plus strictes et plus éclairées que celles qui ont servi aux docteurs musulmans. Personne n'a poursuivi ces travaux avec plus de zèle et de per- sévérance que M. Sprenger, qui vient de terminer par un troisième volume sa Vie de Mohammed 2.

' On peut trouver une très-bonne étude morale sur Mohammed et un jugement très-équitable sur lui dans Mohammed et le Coran, précédé d'une introduction sur les devoirs mutuels de la philosophie et de la religion, par Barthélémy Saint-Hilaire. Paris, i865, in-S" (cxiii et 348 pages).

^ Das Lehen und die Lehre des Mohammed , nach bisher grœssten- theils' anhenutzten Quellen bearbeitet, von A. Sprenger. Vol. III, Berlin, i865, in-S" (clxxx et 55 'i pages).

VI. 3

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Ce volume traite du séjour du Prophète à Médine, de la preuiière organisation religieuse , politique et financière de l'Islam, des expéditions militaires de Muhammed, de sa rentrée triomphale à la Mecque, de la soumission d'une grande partie de l'Arabie à la nouvelle croyance, et se termine très-abrupte- ment à la mort du Prophète. On voit pendant cette époque le caractère de Muhammed soutTrir et fléchir sous les nécessités de sa position; de prédicateur il devient politique, de persécuté persécuteur ; sa doctrine prend ce caractère menaçant et fanatique qui a été un malheur pour le monde et a rendu intolérants des peuples convertis, qui n'y étaient pas portés naturellement. Il faut, pour le juger équita- blement pendant les douze dernières années de sa vie, se rappeler sans cesse le milieu dans lequel il vivait, et l'on trouvera beaucoup à approuver et beaucoup à excuser; mais il restera toujours quel- ques actes d'une cruauté sanguinaire d'autant plus funestes à sa mémoire, qu'ils ont servi d'exemple à des énormités encore plus grandes de la part de ses lieutenants et successeurs.

Le livre de M. Sprenger est plein de recherches et de données nouvelles, ce qui en rendait la com- position très-diflicile ; car rien n'obscurcit un récit comme la nécessité d'y entremêler des discussions et la critique des faits. M. Sprenger s'est tiré de cette difficulté avec assez d'art, en rejetant dans des ex- cursas les détails et l'appareil critique indispensables pour lui, mais inconciliables avec un récit continu.

RAPPORT ANNUEL. 35

Ces détails sont ce qu'il y a de plus intéressant dans le livre, et donnent une image plus vive de lelat des choses et des esprits de ce temps que ne peut le faire le récit lui-même. Si quelque chose peut déplaire à quelques lecteurs, ce sont les allusions à des événements de notre époque que l'auteur fait de temps en temps; mais cela même découle de la vivacité de ses impressions, qui est une grande qua- lité, et il y a tant de vie, d'originalité et de sincé- rité dans ce livre , qu'on s'en sépare avec regret. La manière dont il se termine me fait espérer que l'auteur le continuera pour nous donner l'histoire des quatre premiers Khalifes, d'autant plus qu'il est grand admirateur d'Omar, et devrait avoir du plaisir à raconter sa vie et à expliquer l'immense influence qu'il a exercée. Je ne puis quitter ce livre sans dire un mot sur une longue introduction que l'auteur a mise à la tête du troisième volume et dans laquelle il traite des sources de l'histoire de Mohammed. Il les divise en six classes : les documents officiels, qui sont en petit nombre, le Coran, les biographes, la tradition, les commentaires du Coran et les généa- logies. H expose l'histoire, la nature et l'importance de ces différentes classes de sources, le degré d'au- thenticité qui appartient à chacune et les règles à suivre poui' les contrôler l'une par l'autre ; enfin il indique les ouvrages appartenant à ces différentes classes qui manquent encore dans les bibliothèques en Europe, et qu'il serait possible de retrouver en Orient. Ce sont des résultats extrêmement précieux

3.

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d'études continuées pendant trente ans dans les grands centres du savoir musulman. M. Sprenger n'a pas dit sur ce sujet tout ce qu'il avait à nous dire, et il reviendra, dans un ouvrage particulier, sur toutes ces matières.

C'est cerlainement une des études les plus cu- rieuses que celle des traditions musulmanes, qui sont des matériaux historiques uniques dans leur genre, et qui n'ont pu naître et se conserver que dans les circonstances particulières se trouvait placé un peuple illettré, agité subitement par tous les motifs qui peuvent émouvoir la nature humaine. Je me suis étendu, dans un rapport antérieur, sur l'origine de ces traditions, et je n'y reviendrai pas; mais je dois appeler l'attention sur les progrès que cette élude difficile fait en Europe. On peut voir dans tous les travaux récents sur ce sujet, et sur- tout dans l'ouvrage de M. Sprenger, qu'on est par- venu déjà bien souvent à rétablir la forme première d'une tradition et à la suivre à travers les change- ments qui en ont fait plus tard une légende mira- culeuse. Le résultat de ces laborieuses recherches est de donner à l'histoire de cette mémorable époque une grande précision.

Les matériaux dont la critique européenne a be- soin pour ces études se complètent de jour en jour. M. Krehl a fait paraître à Leyde le deuxième volume de sa belle édition des Traditions de Bokhari *,

' Le recueil des tradilions mahométanes par El-Bohhari , publié par M. Ludoif Krehl, vol. If. Leyde, i8G4, in-/r.

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et M. Lees a repris à Calcutta l'édition des Bio- graphies des personnes qui ont connu Muhammed , par Ibn Hadjar^ Ces biographies fourniront un contingent de données historiques, qui forment un élément important pour la fixation de la chro- nologie des événements et pour le contrôle des tra- ditions, parce qu'elles proviennent de sources un peu différentes de celles de la tradition ordinaire. Enfin M. Weil, à Heidelbcrg, a publié la traduc- tion complète de la Vie de Muhammed par Ibn Ishak^; M. Wûstenfeld nous avait déjà donné une édition du texte. C'est un Hvre des plus inté- ressants, le premier essai qu'on ait tenté de cons- truire une vie complète de Muhammed avec les anecdotes isolées dont se composait la tradition orale à la fm du premier siècle de fhégire. L'au- teur s'y est pris très-simplement : il a placé les anecdotes dont il a voulu se servir dans leur ordre chronologique, et les a insérées dans leur forme primitive, en laissant attachée à la plupart leur généalogie comme preuve de leur authenticité. Il n'y a aucune réflexion de l'historien, aucune com- binaison, aucun effort de style; on sent la main

' A bioijraphical dicdonaiy of persons who knew Mohammed, by Ibn Hajar. Editée! in arabic by Abd al-Haqq , Glioiam Qadir and Nassau Lees. Vol. IV, fascic. i. 2, 3. CalcuUa, i864, in-8° (288 pages). Cet ouvrage fait partie de la Bibliotheca indica.

^ Dus Leben Mohammed' s nach Mohammed Ibn Ishak, bearbeitet von Abd el-iVIalik Ibn Hiscliam. Aus dern arabischen ûbersetzt von Dr, Gustav Weil. Stuttgart, i864. Deux volumes in-8° (vi, .^90 et 364 pages).

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(le l'auteur seulement quand il fait un commen- taire grammatical sur des vers cités dans le récit. Tout le reste du livre n'est composé que des paroles mêmes des premiers témoins de chaque lait, et cette manière d'écrire l'histoire s'est conservée chez les Arabes encore pendant deux siècles. La naïveté et la fraîcheur de ces récits exercent un grand charme sur les lecteurs européens par leur con- traste absolu avec les généralités qui remplissent nos littératures; mais on ne doit pas se fier entière- ment à celte apparence do simplicité, car il y a déjà de fart dans cette surface dépourvue d'artifice, et la critique a ses devoirs même envers des maté- riaux aussi primitifs. L'art d'Ibn Ishak consiste dans le choix des traditions qu'il admet et dans l'exclusion de celles qu'il rejetle, car à la fin du premier siècle le monde musulman était inondé de traditions men- songères. On ne peut pas s'étonner qulbn Ishak n'ait pas échappé aux fables et que la légende ait pénétré dans son livre; mais il faut dire, à son hon- neur, qu'il a exercé une sévérité plus grande qu'on n'avait le droit de s'y attendre, et que les légendes qu'il admet sont bien peu de chose en comparaison de celles qu'il exclut. On n'a qu'à lire avec quelle sobriété il raconte le voyage nocturne de Muham- med à Jérusalem et dans le ciel, ce voyage qui a pris des proportions monstrueuses dans la mytho- logie musulmane et qu'Ibn Ishak ne craint pas de regarder comme un songe, à peu près comme nous le faisons. C'est certainement un des livres les plus

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curieux qui existent, tant pour le fond que pour la forme, et M. VVeil a eu le bon esprit de le traduire sans rien omettre même des notes grammaticales par lesquelles l'auteur interrompt de temps en temps son récit.

Sur l'histoire politique des Arabes il n'est rien venu à ma connaissance qu'un petit traité de M. de Goeje, sur la conquête de la Syrie ^ Rien nest plus confus que les traditions des musulmans sur leurs premières conquêtes. C'était leur temps héroïque, et la fable épique et romantique s'est greffée de très- bonne heure sur les récits de leurs exploits, et l'on n'avait pas les mêmes raisons de leur appliquer le canon critique par lequel on était parvenu à mainte- nir un peu d'ordre dans les traditions sur la vie du Prophète. M. de Goeje qui, dans un mémoire pré- cédent, avait sévèrement critiqué les opinions de M. Lees sur les sources de l'histoire de la conquête de la Syrie, a entrepris maintenant de rétablir les faits dans cette partie de l'histoire dés Arabes. Il termine son travail par quelques pièces justificatives.

Les ouvrages géographiques des Arabes sont dans ce moment une des parties de leur littérature qui attirent le plus l'attention des savants. Depuis que M. Reinaud, dans son Iniroduction à la Géographie d'Aboulféda, a donné le premier aperçu exact des véritables sources de l'histoire de la géographie des

' Mémoires d'histoire et de géographie orientales , par M. J. de Goeje , n. 3, Mémoire sur la conquête de ta Syrie, Leyde. i864 , in-8° (i 3i et XI pages). .

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Arabes, cette étude a reçu une grande impulsion: une partie des ouvrages dont il parlait alors d'après les manuscrits a été publiée, d'autres ont été décou- verts, et nous pouvons espérer posséder bientôt en texte et traduction tout ce qui a réellement de l'importance. M. Sprenger vient de faire paraître la première partie de ses Itinéraires de l'empire des Khalifes^. Il commence par l'énumération et la cri- tique de ses matériaux, puis il procède à donner par provinces les routes postales et commerciales par stations et par distances, discute les différentes données fournies par les auteurs et ajoute à mesure de son progrès les détails sur les localités, surtout dans les pavs qui sont les moins connus. Il résume son travail dans seize cartes postales, une par pro- vince. Ce livre est plein de choses nouvelles, et les cartes seront d'un grand secours pour s'orienter dans les récils des historiens, car elles indiquent un nombre considérable de localités qui manquent dans nos cartes et qu'on rencontre chez les histo- riens, parce que les grandes routes sont restées à peu près les mêmes dans tous les temps, et que tout le monde a passer par les mêmes étapes. La seconde partie traitera en détail de l'Arabie et de la distribution géographique des tribus arabes.

M. Sprenger s'appuie dans ce travail surtout sur le livre d'Ibn Khordadbeh , sur Yakout et sur Moka-

' Die Post- und Reiseroulen des Orient, mit 16 Karten nach ein- heitnischen Quellen, von A. Sprenger, cali. i. Leipzig, »86/i, in-Si" (xxvii, 1^9 pages ef i6 cartes).

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dessy. Nous possédons maintenant le premier, grâce à M. Barbier de Meynard ^ et je vais indiquer nous en sommes des deux autres.

M. Wûstenfeld s'est occupé depuis longtemps d'une édition complète du dictionnaire géographique de Yakout, le premier qui ait embrassé le monde entier, tel qu'il était connu aux Arabes. M. Wiisten- feld vient de publier la biographie de cet auteur, je crois un peu pour le défendre contre un repro- che de M. Sprenger, qui le traite de compilateur; il aura voulu montrer combien de pays Yakout a visités personnellement. Sir H. Ravvlinson avait déjà eu l'idée de publier Yakout, mais en omettant les nombreux détails qui se rapportent aux saints mu- sulmans et autres sujets qui pouvaient intéresser les lecteurs musulmans, mais dont nous pouvons nous passer au moins dans l'état actuel de nos études. M. Barbier de Meynard, dans son dictionnaire géo- graphique de la Perse, extrait de Yakout, a procédé ainsi. Mais M. Wûstenfeld s'est bravement déter- miné à donner le texte entier, ce qui vaut certaine- ment mieux, quand on le peut; car, d'un côté, il est presque impossible de prévoir quelle classe de faits acquerra un jour de l'importance; de l'autre, il est naturel que celui qui se sert d'un livre in- complètement publié soupçonne toujours qu'on ait omis précisément les faits qu'il y a cherchés inutile- ment. L'ouvrage est sous presse, et j'ai les premières feuilles tirées sous les yeux.

' Dans le Journal asiatique, année i865 , janvier-juin.

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Le troisième, auteur dont s'est surtout servi M. Sprenger est Mokadessy, et c'est celui dont il tait le plus grand cas, au point qu'il ne craint pas de l'appeler le plus grand géographe qui ait jamais vécu. La description qu'il fait de son ouvrage est certainement très-propre, sinon à faire admettre de suite une si haute qualification , au moins à appeler l'attention sur cet auteur, qui était entièrement in- connu, je crois, avant que M. Sprenger en eût dé- com^ert une copie dans une bibliothèque à Luck- now. On en a depuis trouvé une seconde dans la bibliothèque d'une mosquée à Conslantinople. en 376, Mokadessy passa sa vie à voyager et à obser- ver avec une curiosité intelligente très-rare chez les Orientaux. Vous trouverez prochainement des ex- traits de son ouvrage dans ie Journal asiatique, et il est à espérer que M. Sprenger se décidera à publier l'ouvrage entier ou à en charger quelqu'un.

Les sciences des Arabes ont été l'objet de plu- sieurs travaux. M. Steiner^ a pris pour thème d'un mémoire l'histoire de la lutte de la philosophie arabe avec le Koran ou plutôt avec l'interprétation traditionnelle et la dogmatique qui en résultait. Dès le commencement du 11^ siècle de l'hégire, la doc- trine de la prédestination, que les traditionnistes avaient encore exagérée, trouva des contradicteurs dont elle révoltait le sentiment moral. Un peu plus

' bie Mulazditen , oder die Freidenker iiii Islam. Ein Beitraij zur aUyeme'men CuUargeschichte , von H. Sleiner. Leipzig, 186/1, in-8" ( XV et III pages).

RAPPORT ANNUEL. 43

tard, lorsque l'influence des écoles grecques se fut répandue, cette opposition s'étendit aux dogmes sur les qualités de Dieu, sur la nature de la création et sur la vie future , et l'on essaya de mettre le Roran en accord avec les exigences de la philosophie et de maintenir les droits de la raison et de la morale contre l'exégèse littérale et les interprétations four- nies par la tradition. Ces nouvelles doctrines péné- trèrent profondément dans la nation et acquirent, surtout sous le khalifat de Mamoun, une telle pré- pondérance, qu'elles devinrent persécutrices à leur tour. Pour leur malheur, les novateurs adoptèrent la dialectique des aristotéliciens , avec laquelle ils em- barrassèrent au commencement leurs adversaires; mais ceux-ci s'emparèrent à leur tour de cette arme , la lutte dégénéra en querelles d'écoles fort obscures et incompréhensibles à la grande masse, et perdit de son intérêt populaire, pendant que le dogme traditionnel se fortifiait par la forme plus systé- matique qu'on lui donnait. Al-Aschar appliqua la dialectique au dogme et forma ainsi la théologie sco- lastique , qui fut adoptée par le parti orthodoxe ^

* Je sens que je me sers ici d'une expression qui n'est pas très- correcte, mais je n'en trouve pas de meilleure, li n'y a pas, à propre- ment parler, de l'orthodoxie. Les musulmans n'ont pas de prêtres, ni un corps qui ait autorité pour di'-cider ce qui doit être la règle de la foi. Leurs dogmes ont été fixés et définis dans les écoles savantes par l'interprétation du Koran , telle qu'elle a prévalu contre les Mutazilites et les écoles philosophiques. Mais cette interprétation a pourtant pris une telle consistance et est si généralement acceptée comme règle de la foi , qu'elle équivaut de fait à la décision d'une autorité ecclésiastique compétente. Elle a été si bien acceptée que

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et opposa aux novateurs un front qu'ils n'ont plus réussi à entamer. C'est ainsi que fut perdue la li- berté de penser chez les Arabes et que commença la décadence du monde musulman , décadence lente, interrompue par des époques brillantes, mais irrésistible, et nous en voyons les fruits aujour- d'hui. L'histoire de cette lutte est bien racontée par M. Steiner, et l'on peut seulement regretter qu'elle ne soit pas exposée encore plus en détail. Les ma- tériaux ne sont pas abondants; on est obligé de les prendre en grande partie dans les ouvrages des vainqueurs , mais il doit pourtant en exister assez pour une histoire digne d'un aussi grand mouve- ment, qui forme époque dans l'histoire de la civili- sation, parce qu'il a décidé de la direction qu'a prise l'esprit musulman pour des siècles, et qu'il a influé profondément sur le moyen âge latin par la scolastique qu'il a fait naître.

Néanmoins la lutte ne cessait pas tout à fait avec la défaite des Mutazilites; la philosophie grecque avait pris trop d'empire chez les Arabes, pour que l'adhésion de la grande masse à l'interprétation tra- ditionnelle ait pu calmer les doutes des esprits cul- tivés. Ainsi , nous trouvons , dans le x" siècle de notre ère, l'association des Frères de la Pureté, qui avaient

la scoiastiqtie, qui servait à la défendre, a depuis des siècles cessé d'être étudiée, parce que c'est une arme dont on n'a pius besoin. Ibn Khaldoun assure que déjà de son temps cette science n'était étudiée que par quelques esprits curieux , parce que l'absence de secte» la rendait superflue.

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leur centre à Basra et des maisons pour leurs réu- nions dans toutes les villes il se trouvait un nombre sufFisant d'adhérents pour former une loge. Leur but était de travailler en commun à élaborer une philosophie de la nature, qui pût leur tenir lieu de religion, de sorte que leur opposition à la théologie convenue ne portait plus seulement sur l'interprétation du Koran, comme chez les Mutazi- lites, mais sur les fondements mêmes des croyances. Ils nous ont laissé un très-curieux monument de leur savoir dans cinquante et un traités, dans les- quels ils embrassent toutes les sciences du temps et les exposent systématiquement, en ne perdant ja- mais de vue leurs théories générales, métaphysi- ques et religieuses. Ils commencent par les sciences mathématiques, parce qu'ils les regardent comme un moyen indispensable pour la discipline de l'es- prit, et parce qu'ils ont adopté les idées pythagori- ciennes sur les nombres comme base de toute chose; puis ils passent aux sciences logiques, dans lesquelles ils suivent Aristote, de même que dans les sciences d'histoire naturelle; enfm dans les sciences théologiques, ils sont néoplatoniciens. M. Dieterici, à Berlin \ qui avait déjà publié la traduction d'un assez grand nombre de ces traités, nous donne aujourd'hui celle des six premiers, qui compren-

* Die Propœdeiitilî der Araber im zehnten Jahrhundert, von D"^ Fr. Dieterici. BerJin, i865, in-8° (xi, et aoi pages, avec deux tableaux et une carte). Voyez pour les traités précédemment tra- duits par M. Dieterici : Der Streit zwischen Mensch und Thier, Ber- lin, 1 858; et Naturphilosophie und Natiminschaming. Berlin, 1861.

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nent la théorie de l'arithmétique, de la géométrie, de rastronomie, de la géographie, de la musique, et celle des rapports entre les nombres et de leur application aux sciences et aux arts. M. Dieterici fait suivre sa version d'éclaircissements et d'une liste de termes techniques. Il est fort à désirer que le traducteur continue son entreprise difficile et déli- cate , et nous fasse connaître toute l'œuvre des Frères de la Pureté; car c'est une des manifestations les plus frappantes de l'esprit philosophique chez les Arabes et un des points culminants dans fhistoire de leur civilisation. Ils avaient voulu relier toutes les sciences, naturelles et morales, par une idée commune; mais ils ne réussirent pas, et c'était le dernier grand effort de la pensée hbre dans l'Orient musulman, qui a sommeillé depuis sous l'influence d'une théologie immobile et intolérante. On voit bien encore chez Ghazzali et quelques autres que l'esprit des hommes qui réfléchissaient n'était pas satisfait; mais le mécontentement ne trouva plus d'autre refuge que dans le mysticisme des Soulis. Ce n'est que de notre temps qu on voit poindre un réveil des esprits; mais ces tentatives sont encore bien informes ou tellement cachées dans les mys- tères de sociétés secrètes, qu'on peut à peine en au- gurer quelque chose pour l'avenir.

M. de Slane a terminé l'impression du second vo- lume de sa traduction des Prolégomènes d'ibn Khal- doun\ que j'avais annoncé un peu prématurément

* Notices et Extraits des manuscrits (le la Bibliotlièifue impériale.

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l'année dernière. Ce volume traite du pouvoir royal, de ses officiers, des conditions de la croissance et de la décadence des empires , de la vie municipale , de la fondation et de la croissance des grandes villes, de leurs monuments et de leurs richesses; ensuite il passe aux arts, parmi lesquels il place la médecine; enfin il entame la dernière section de fouvrage, qui traite des sciences, à la tête desquelles il met la théo- logie , par laquelle se termine ce volume. Le troisième et dernier volume, qui est sous presse, comprend l'histoire des autres sciences, de la jurisprudence d'abord, puis de la logique et de la dialectique, des sciences exactes et des sciences fausses (astrologie, magie, alchimie), de la grannnaire, des méthodes d'enseignement, de la composition en prose et en vers, de la métrique et de la poétique. C'est un au- teur toujours plein de faits qu'il relie par des idées souvent fortes et vraies. Quand on réfléchit que c'est un Arabe du xiv^ siècle, on ne peut pas lire sans étonnement des chapitres comme ceux dans les- quels il traite de la distinction entre le pouvoir tem- porel et spirituel, des observations sur f économie pohtique, comme, par exemple, le chapitre il entreprend de montrer que les octrois sont un signe de la décadence des empires, ses observations sur le dogme de la foi et des œuvres, ou son histoire de

t. XXI, i'* partie. Paris, i865. AgS pages in-4°. Ce volume parait aussi dans un tirage à part, sous le titre de Prolégomènes d'Ihn Khal- doun, traduits en français et commentés par M. de Siane, vol. II. Paris, i865. (Le prix de chaque volume est de i5 francs.)

A8 JUILLET 1865.

Torigine de la scolaslique. Sans doute il est inégal, quelquefois faible; mais c'est néanmoins un grand osprit, et il est heureux qu'il se soit trouvé un tra- ducteur aussi compétent pour interpréter son ou- vrage.

Il ne me reste plus qu'à mentionner les traités qui ont paru sur les sciences exactes des Arabes. Il a paru à Rome, par les soins de M. le prince Bon- compagni, une brochure intitulée^ Passages relatifs à des sommations de séries de cubes, par M. Woepcke. C'est la traduction d'extraits de deux manus- crits arabes inédits du Briiish Muséum,, faits par M. Woepcke à son dernier voyage de Londres, et destinés évidemment à servir de matériaux pour l'his- toire des sciences mathématiques chez les Arabes, que malheureusement sa mort prématurée ne lui a pas permis de compléter. Au bas des pages se trou- vent des notes philologiques et la réduction des calculs du texte en formules algébriques euro- péennes. Je ne doute pas que ces pièces ne rem- plissent une lacune dans nos connaissances des ma- thématiques arabes; mais il faut être profondément versé dans l'histoire des mathématiques grecques pour préciser leur valeur exacte pour l'histoire des sciences.

M. Marre a publié une deuxième édition de sa traduction de l'Arithmétique de Beha eddin , auteur

* Passacjes relatifs à des sommations de séries de cubes , extraits de deux manuscrits arabes inédits du British Muséum à Londres, par F. Woepcke. Rome, 1864, in-/i° (26 papes).

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du xvif siècle ^ Le texte arabe, accompagné d'une traduction persane, avait paru à Calcutta par les soins de M. Strachey; en 1806, M. Nesseîmann en publia une bonne traduction en allemand, et M. Marre en inséra une traduction française dans le Journal de Terquem, en 18/16; aujourd'hui il la réimprime avec des notes additionnelles. On avait cru qu'en comparant cet ouvrage si récent avec celui de Mousa, qui est du xv^ siècle, on pouvait en tirer des conclusions sur les progrès que les Arabes avaient faits dans la science des calculs. Mais des études ultérieures ont prouvé que l'ouvrage de Beha-eddin n'est qu'un manuel pour les écoles et ne s'occupe pas des parties avancées de la science. M. Woepcke, qui avait cherché avec beaucoup de persévérance des matériaux pour remplir cette lacune dans l'histoire des sciences et pour démon- trer les progrès réels faits par les Arabes dans le calcul arithmétique et algébrique, avait copié un traité d'Albanna, célèbre mathématicien marocain du xiif siècle. Ce traité contient une analyse ration- nelle des opérations du calcul arithmétique et algé- brique. M. Woepcke se proposait de le publier avec un commentaire et une traduction; mais il n'eut pas le temps d'exécuter ce plan, et M. le prince Boncompagni pria M. Marre de se charger de cette

' Kholaçat al hissab, ou Quintessence du calcul, par Beba-eddin ai AamouH, traduit et annoté par Aristide Marre; deuxième édition. Rome, 1864, in-A° (xi et 83 pages).

VI. 4

o JUILLET ISOf).

traduction qui vient de paraître '. M. Marre donne dans sa prélace tous les renseignements qu'il a pu réunir sur Albanna, et accompagne la traduction de la réduction des calculs arabes en formules algé- briques. Il ne s'explique pas sur la place que ce traité assigne à Albanna dans l'histoire de la science; mais les mathématiciens, à qui il a rendu accessible l'ouvrage, nous le diront un jour 2.

Enfin M. Sédillot^ a publié une leltre sur l'ori- gine de nos chiffres, dans laquelle il discute l'opi- nion de M. Woepcke et maintient celle qu'il a émise antérieurement.

Ces pages étaient déjà sous presse lorsque a paru une nouvelle partie du Dictionnaire arabe de M. Lane, qui complète le premier volume de l'ou- vrage^. Ce volume embrasse les mêmes lettres que le premier du dictionnaire de Freytag, mais il con- tient à peu près trois lois autant de matière. Aussi est-il bien plus riche, les définitions des mots sont- elles j)lus précises, les nuances et les formes indi- quées bien plus nombreuses; on sent dans chaque

' Le Talkis d'ihn Albanna, publié et traduit par A. Marre. Rome, iS65, in-.'i° (xii et 33 pages .

' Je vois que M. Cliastes s'est chargé de ce soin dans l'Académie des sciences, séance du 27 mars i865. (Voyez le Compte rendu de cette séance.)

3 Sur Voricjine île nos chiffres, lettre de M. Am. Scdillot. Rome, i865, in-4° (9 pages . Extrait des Actes de l'Académie di Nuovi Lincei, I. XVIII.

* An arahic-english Lexicon, derived from the best and most copions sources, by E. W. Lane. Book I, part, 11. London, i863, gr. in-V (pages 369-83*7 ).

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ligne la grande lecture qui en a fourni la matière et le soin extrême avec lequel elle a été coordonnée et exposée. Il faut, quand on s'en sert, toujours se rappeler que l'auteur n'a eu en vue que l'arabe clas- sique, c'est-à-dire les mots et les formes usités jus- qu'à la fin du vii^ siècle de notre ère. Un jour, quand on possédera de bonnes éditions arabes des au- teurs principaux en tout genre, on pourra ajouter un nombre presque infini de mots dérivés ou nou- veaux, de sens techniques et de nuances plus mo- dernes; mais ce temps est encore loin et exige un grand nombre de travaux préliminaires. Mais dans la limite que M. Lane s'est prescrite , son dictionnaire est beaucoup plus complet, et, je crois, plus exact, qu'aucun de ceux que nous possédons pour les autres langues orientales.

De toutes les littératures secondaires qui se rat- tachent à la famille sémitique des langues, il n'y en a aucune qui ait été, depuis quelques années , l'objet d'autant de travaux que la littérature syriaque. Elle est presque tout entière ecclésiastique , compre- nant d'anciennes traductions de la Bible, très-im- portantes pour la critique du texte, des documents d'histoire ecclésiastique qui remontent très-haut, des traductions nombreuses d'ouvrages des Pères de l'Eglise grecque , qui servent à nous faire con- naître ceux dont les originaux ont péri , et à contrô- ler le texte de ceux qui ont été conservés. Elle avait toujours été cultivée en Europe par quelques théo- logiens érudits, mais isolément et à d'assez longs

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intervalles, de sorte que lorsque la première moitié des manuscrits des couvents de la Nitrie arriva, il y a une vingtaine d'années, au British Muséum, M. Gureton exprima avec beaucoup de force sa crainte qu'ils ne restassent encore longtemps lettres closes. Mais l'arrivée même de cette magnifique col- lection, coïncidant avec les discussions sur fhis- toire des premiers siècles de VEglise, qui commen- çaient alors à agiter tous les pays protestants , réveilla le goût des études syriaques, et M. Gureton lui-même fut le premier à réfuter sa propre prédic- tion par la publication d'une série d'ouvrages tirés de ces manuscrits, ouvrages qui ont donné lieu à des discussions très-vives et réveillé partout fintérêt pour ces nouveaux trésors littéraires. M. Gureton, presque mourant, a mis la dernière main à un ou- vrage qui a paru depuis sa mort par les soins pieux de M. Wright. Il a eu le temps de l'acliever, à l'ex- ception de la préface, qui aurait sans doute, si elle avait paru , donné lieu à d'intéressantes controverses. Tel qu'il est, l'ouvrage sera reçu avec reconnais- sance et un respectueux regret d'une mort préma- turée et déplorable. Le contenu du livre ^ se compose

' Ancient sjriac documents, relative io the earlirst establishment of Christianity in Edessa and the neitjhbouring countries , from the year ajter car Lord' s ascension to the heginning oj the Jour th century, discovered, edited, translatcd and annotated by the late W. Cureton, wilh a préface by W. Wright. London , i864, in-4° (xiv, 196 et 11 4 pages) J'ai reçu , mais trop tard pour le mentionner à sa place j>ropre, nn autre ouvrage posthume de M. Cureton, sous le titre de : Thethirty JirslChupter of the booli intiiled : The Lamp thut guides to sal-

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de documents qui se rapportent à l'histoire de la con- version d'Abgare, roi d'Edesse, du vivant même de Jésus-Christ. M. Gureton élail convaincu de l'au- thenticité des lettres attribuées à Jésus-Christ et à Abgare, et c'est, je crois, cette thèse qu'il se pro- posait de défendre dans sa préface Les pièces qu'il publie se rapportent à la conversion d'Abgare et d'une grande partie de son peuple, et à la persécution à laquelle les Chrétiens d'Edesse ont été exposés plus tard. Elles sont extraites de plusieurs manuscrits de la collection des couvents de la Nitrie, publiées en texte et traduction, et accompagnées de pièces jus- tificatives tirées d'ouvrages déjà connus et de notes historiques et philologiques. Il serait inutile d'in- sister sur l'importance de documents de ce genre, qui nous fournissent de nouveaux matériaux sur des temps si curieux et sur les premières luttes du chris- tianisme que nous connaissons si imparfaitement et qui ont eu de si grandes suites. D'autres ouvrages tirés de cette collection, comme l'Histoire de l'Eglise par Jean d'Ephèse, dont M. Cureton avait d'abord publié le texte et que M. Payne Smith, à Oxford,

valion, by Abu Nasr Ibn Haris al Takriti , edited by the laie W. Cure- ton , Londres , 1 865, in-8° ( 1 1 et 48 pages) . Ibn Haris était un jacobite , et le chapitre de son ouvrage traite de la Prêtrise. M. Cureton a fait imprimer ce petit texte il y a vingt ans , mais il n'a pasachevé la tra- duction et rintrofluction dont il voulait l'accompagner. Le sujet du chapitre choisi par M. Cureton me fait croire qu'il avait voulu dis- cuter à celte occasion certaines vues ecclésiastiques qui le préoccu- paient alors, mais que d'autres devoirs l'ont empêché de donner suite à son idée.

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a rendue plus tard accessible à tous par une traduc- tion anglaise, sont dans le même cas. Il y en a d'autres qui sont peut-êlre tout aussi importants pour la science, mais ils appartiennent tout à fait au ressort intérieur de la théologie savante, et il serait impossible de faire sentir l'inlérêl qu'ils pré- sentent, sans entrer dans des détails étrangers au but de ce rapport , et dépassant de beaucoup l'espace qui est à ma disposition. Ainsi tous les théologiens savent que la restitution de la rédaction de la Sep- tante , telle qu'Origène l'avait insérée dans ses Hexaples, est un objet d'une haute importance pour la critique de la Bible. Ils savent aussi que cette rédaction est en grande partie perdue et qu'on peut y suppléer à peu près par ce qui nous reste de la traduction syriaque que Paul de Telia en a faite. Mais ici il faut que je me contente d'indiquer que M. l'abbé Geriani, de Milan \ a tiré de la collection de Nitrie une nouvelle partie de cette version sy- riaque, et que M. Field, à Norwich, se propose de réunir dans une édition complète tout ce qui nous reste des Hexaples^. M. Philipps, à Oxford, a fait

' Monumenta sacra et profana ex codicibm prœsertun bibliothecœ Ambrosianœ, edidit Ant. Maria Ceriani, vol. JI et vol. IH, cali. I, Milan, i864, in-4°.

De Roërdam , à Copenhague , a aussi publié une partie des Hexaples en syriaque, comprenant le livre des Juges et Rutb; mais je n'ai pas vu cet ouvrage.

^ M. Field a publié un prospectus de son ouvrage intitulé : Pro- posais for publiskiny by sub.\cripUon Origenis Hexaploruni quœ super- sunt, conclnnavit, eniendavit et auxit F. Field. Norwicb , i8b5.

Le même aulcur avail dôjà publié : Otiwn Norviceiisc, sive leiHa-

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paraître des Scholies sur l'Ancien Testament ' par Mar Jacob, évêqiie clEdesse au vu" siècle de notre ère, texte, traduction et notes. M. Wright^ a publié un apocryphe sur la Mort de la Vierge. Ce livre est récent pour un apocryphe; il a été condamné par un concile en Ixgli, et était connu dans deux rédac- tions, latine et arabe. M. Wright se propose de publier tous les apocryphes syriaques, et il est na- turel qu'on veuille posséder tous ces livres , dont la plupart sont sans valeur réelle, mais qui indiquent le courant des idées de leur temps. Mais M. Wright est engagé dans une œuvre bien autrement impor- tante et qui certainement donnera une grande im- pulsion à ces études; c'est le catalogue des manus- crits syriaques du British Muséum. C'est une entre- prise des plus laborieuses, car tous ces beaux livres sur parchemin sont arrivés à Londres dans un état d'indicible désordre, par milliers de feuillets, ou en cahiers isolés, ou en volumes quelquefois composés de fragments mal assortis et reliés à contre-sens. 11 a fallu se rendre compte de chaque feuillet et de chaque cahier, et retrouver et reclasser ce qui ap-

men de relicjuiis Aquilœ, Sjinmachi, Tlieodotionis e lingua sjriaca in grœcam convertendis. Oxford, i86'i. Je n'ai pas réussi à me pro- curer ces deux publications.

' SchoUa on passages of the old Testament by Mar Jacob , bishop of Edessa, now fir^t edited in the original syriac with an english translation and notes by George Phillpps. Londres, i864, in-S" ! XI , 5i et 34 pages).

* The dcparture oj my Ludy Mary froni tlùs world. Edited from ivvo syriac manuscripts and translated by W. Wright. London, i 865. in-8''(i 1-32 et 5i pages).

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partenait au même ouvrage. M. Cureton avait déjà employé des années à ce terrible travail , et M. Wright Ta continué de manière à pouvoir prochainement rendre compte au public savant de tout ce que loi offre cette collection arrachée si heureusement aux mains de moines ignorants.

Un autre secours dont les études syriaques ont besoin depuis longtemps va à la fin leur être offert, c'est un dictionnaire plus complet que ceux que l'on possède. M. Quatremère s'en était occupé pendant bien des années, mais il n'a jamais pu se décider à rédiger un des nombreux dictionnaires dont il avait accumulé les matériaux pendant une longue et la- borieuse vie. M. Bernstein, à Breslau, avait com- mencé la publication de celui qu'il avait préparé, mais il mourut après l'impression de la première livraison; aujourd'hui M. Payne Smith, à Oxford, qui s'occupait de son côté d'un dictionnaire syriaque et qui a obtenu de la bibliothèque de Munich la communication des matériaux compilés par M. Quatremère, est en mesure de commencer l'im- pression d'un thésaurus qui suffira probablement pour longtemps aux besoins des savants.

Je ne crois pas pouvoir mieux placer qu'ici la Chronique samaritaine qu'a publiée M. Vilmar^ L'auteur était un Samaritain du xiv^ siècle qui com- posa ces Annales en langue arabe sur la demande

' Abulfathi Annales samaritani, quos ad fideni codicum manu- scriptorum edidil et prolegomenis inslruxit EduardnsVilmar. Gotha. i865, iu-8° (cxx et i8<i P'igc^).

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du grand prêtre de sa secte. M. Vilmar publie le texte qu'il fait précéder d'une longue introduction, dans laquelle il décrit les manuscrits dont il s'est servi, raconte l'origine de l'ouvrage, énumère les sources dont il est tiré, discute la chronologie et les dogmes des Samaritains, décrit certaines addi- tions qui ont été faites plus tard à ce livre, et in- dique la valeur des renseignements qu'il nous four- nit. Jl annonce qu'il se propose de publier plus tard une traduction. L'ouvrage lui-même est tiré de ma- tériaux d'origine fort variée, il est plein de lacunes et d'imperfections de diverses espèces; mais dans une matière sur laquelle nous avons si peu de don- nées , une chronique de ce genre , si sujette à critique qu'elle soit, est chose précieuse. Le travail préliminaire de M. Vilmar est très-bien fait, il ne veut pas attribuer à son auteur plus de valeur qu'il . n'en a, et il est à désirer qu'il mette bientôt par sa traduction l'ouvrage entre les mains de tous ceux qui s'occupent de l'histoire de la Palestine.

Les Samaritains m'amènent à dire un mot de la discussion très-courtoise entre MM. de Saulcy et de Vogué sur l'antiquité relative de l'alphabet samari- tain et de rhébreu carrée La question avait été sou- vent soulevée et elle paraissait décidée en faveur du samaritain; M. de Saulcy la conteste aujourd'hui. Je crois que d'un côté les travaux de M. de Rougé sur l'alphabet phénicien, de l'autre la grande masse de

' Voyez les mémoires publiés clans la Betnie archéolo(jiqiie , Paris, in-8°, années i86/i et i865.

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matériaux paléographiqiies sémitiques qui s'est accu- mulée (le tous les cotés et que M. de Vogué se pro- pose de réunir dans un travail d'ensemble, ne lais- seront bientôt plus aucun doute sur l'histoire de ces alphabets. C'est une très belle élude qui arrive au- jourd'hui à maturité, ou au moins à un état d'avan- cement tel, qu'on pourra en fixer les grandes hgnes et espérer que les nouveaux faits que chaque jour amène pourront se classer et remplir les lacunes, sans en bouleverser de nouveau les traits princi- paux.

La plus récente de ces découvertes est fort cu- rieuse sous bien des rapports. On avait déjà ren- contré sur des briques , sur des poids , sur des sceaux , des cylindres et autres débris et restes de l'antiquité assyrienne , des inscriptions en phénicien ou ara- méen qui montraient que l'usage de ce caractère et de cette langue était très-répandu en Assyrie; au- jourd'hui Sir H. Rawlinson^ fait connaître une nou- velle classe de ces inscriptions, qu'il a trouvées sur des tablettes en terre cuite , d'une forme particuhère , qui servaient d'actes de ventes et étaient conservées dans les archives. L'acte y est inscrit en assyrien et en cunéiforme ; mais sur un grand nombre de ces tablettes se trouve de plus un sommaire en langue et en caractères phéniciens, qui paraît avoir été ajouté pour une plus grande facihté de reconnaitre le contenu du document. On avait trouvé, à Baby-

The Journal of the li. Asialic Society of Greal Biilain and Irelaïul New séries, vol. I , p. i 87 et suiv. Londres, i86/i , in-8".

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lone, un grand nombre de fragments de poteries couvertes d'écriture araméenne; mais rien , je crois , ne prouvait qu'elles fussent du temps de l'ancienne Babyione; ici nous trouvons cet alphabet employé sur des pièces légales et officielles en conjonction avec l'alphabet assyrien, ce qui ne peut laisser au- cun doute sur l'usage simultané des deux écritures. Ces inscriptions phéniciennes , qui malheureusement sont, en grande partie, frustes ou très-négligemment écrites , ne sont pas assez considérables par leur nombre et leur étendue pour promettre beaucoup de lumières nouvelles sur l'antiquité assyrienne; mais si, comme on l'assure, elles prouvent, par les noms propres qu'elles contiennent, l'exactitude du système aujourd'hui adopté de lecture des noms propres assyriens, même de ceux qui sont écrits en partie idéographiquement, elles acquièrent une im- portance extrême, par la conviction qu'elles porte- raient dans l'esprit de ceux qui doutent de la lecture des cunéiformes assyriens , précisément à cause des difficultés qu'on trouve dans l'emploi des idéographes pour les noms propres ^ Ces difficultés, si réellement les Assyriens n'avaient pas d'autres règles pour s'y reconnaître que celles qu'on a retrouvées jusqu'ici,

^ M. de Rosny signale un parallèle des procédés employés dans l'écriture japonaise avec ceux qu'on trouve dans les cunéiformes as- syriens, parallèle qui montre qu'on s'est servi des deux côtés d'expé- dients similaires dans des cas de difficultés analogues. (Voyez Lettre à M. Oppert sur quelques particularités des inscriptions cunéiformes anariennes. Paris, i864, in-S" (8 pages, tirées des Annales^de philo- sophie chrétienne, vol. IX.)

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n'expliqueraient-elles pas aussi l'emploi des inscrip- tions supplémentaires en phénicien dans des cas de documents légaux il s'agissait de lire rapidement et avec certitude les noms propres?

Le seul autre travail sur les cunéiformes qui ait paru, autant que je sache, depuis un an, est le com- mencement d'un iong mémoire de M. Opperl sur l'histoire des empires de Chaldée et d'Assyrie d'après les monuments'. Il classe ici, d'après l'ordre chro- nologique, les documents dont il avait déjà publié une partie dans son Expédition en Mésopotamie et dans d'autres travaux, et en forme, autant que le permettent les matéiiaux aujourd'hui connus, une série continue dans laquelle il prend, en géné- ral, la chronologie de Bérose pour guide. A chaque nom, contenu dans les listes royales des dynasties successives, dont on possède des monuments, il rat- tache une inscription qui fournit l'histoire de ce roi, et il en donne toutes les parties qui lui pa- raissent importantes, dans une traduction nouvelle, qui souvent s'écarte assez notablement de celles qu'il avait publiées antérieurement. Ces changements dans une matière si neuve et si dilFicile sont inévitables et ne sont que des preuves de la bonne foi des tra- ducteurs et des progrès de la science. La dernière partie publiée de ce mémoire va jusqu'au ix'' siècle avant notre ère.

' Voyez les Annales de philosophie chréliennet dirigées par M. A. BoDnelty (année i8G5, caliier de février et caliiers suivants). Paris, i8G5, in-S".

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M. Menant imprime dans ce moment son Sylla- baire assyrien et une nouvelle grammaire assyrienne qui reproduira les formes de la grammaire en ca- ractères cunéiformes. Il n'a encore rien paru de ces deux auvrages.

Les études zoroastriennes ont été l'objet de plu- sieurs travaux remarquables. M. Spiegel , après avoir complété la traduction du Zendavesta, a commencé la publication de son commentaire philologique ^ 11 énumère d'abord les nouveaux secours qu'il a pu obtenir depuis que sa traduction a paru , surtout l'édition du texte par M. Westergaard, et la traduc- tion en guzzarati par Aspendiarji; ensuite il entre dans l'explication des points douteux, verset par verset, et discute les questions importantes avec tous les détails qu'elles exigent. La grande difficulté de cette étude consiste dans le sens, ou au moins dans la nuance du sens, d'un grand nombre de mots, quelquefois dans le doute sur l'état du texte et le choix des variantes. M. Spiegel reste fidèle à son ancienne conviction que le sens traditionnel, autant qu'on peut s'en assurer, est encore notre meilleur guide, sans être pourtant infaillible, ce qui était le principe de Burnouf, et qu'il ne faut s'en écarter que lorsque le progrès des études ou de nouvelles ressources fournissent des moyens plus sûrs d'arriver au sens primitif. Il trouve que fan- cienne traduction pehlevie est ce qui nous reste de

* Commentar ûber das Avesta, von Friederich Spiegel, vol. I, Vendidad. Leipzig, i865, in-8°(xv et 477 pages).

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mieux de cette tradition, quoiqu'elle soit entourée de grandes difficultés. Cette conviction n'a fait que se fortifier dans le cours de son travail, et il revient quelquefois dans son commentaire au sens donné par la version pehlevie dans des cas il favait abandonnée dans sa traduction. Il discute celle-ci très-librement, comme si elle était fœuvre d'un autre, la défend ou la change, selon les cas, donne ses raisons, expose les doutes et les nombreuses in- certitudes qui lui restent. Le volume qui a paru contient le commentaire du Vendidad. C'est un livre fait avec une parfaite sincérité, et qui certainement fera faire des progrès à cette étude importante,

M. Justi, à Marburg, y contribue de son côté, par son Manuel de la langue zende ^ qu'il vient de terminer, et qui comprend un dictionnaire, une grammaire et une chrestomathie. L'ouvrage entier est imprimé en caractères latins , et M. Justi y suit le système de transcription adopté par M. Brock- hans, avec quelques changements qu'il indique dans la préface. Mais il me semble qu'il aurait donner un tableau de son alphabet comparatif avec les carac- tères originaux , pour que le lecteur puisse s'orienter à finstant en cas de doute. Le mot zend est suivi de son étymologie, quand fauteur a cru pouvoir en proposer une, ou de sa dérivation quand c'est une forme dérivée; ensuite viennent le sens et la citation

Handbuch der Zendsprache, von F'erdinand Justi. Altbaklrisclies Wœrterbuch, Granimatik , Chrestomathie. Leipzig, i864, in-S" i XII et li2fi j>agcs).

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des phrases dans lesquelles on le trouve employé. Ces citations n'indiquent pas tous les passages un mot se trouve, excepté pour les mots rares et diffi- ciles. La rédaction du lexique est aussi concise que possible, mais elle est claire. Les passages cités pa- raissent bien choisis, et les explications et les renvois aux auteurs qui ont spécialement traité une ques- tion sont suffisamment développés. Dans la gram- maire l'auteur traite des sons, des racines, dont il donne la liste, de la formation des mots par affixes ou par composition, des numéraux, des pronoms, de la déclinaison divisée en douze classes et de la conjugaison en dix classes. Dans cette partie du livre, la concentration est poussée au dernier degré et me paraît excessive; le lecteur s'arrête devant ces listes d'affixes, sans indication de la nuance qu'ils appor- tent aux mots, et devant ces listes de mots sans tra- duction et sans autre explication que le numéro de la classe à laquelle ils appartiennent; on dirait qu'on a devant soi Pânini lui-même et ses énigmes gram- maticales. Je ne doute pas que M. Justi n'ait réussi à y faire entrer tous les résultats de ses études gram- maticales sur le zend, et qu'on ne puisse les tirer de ses formules et les développer, et qu'à l'aide du lexique on ne puisse se rendre compte de ses listes; mais c'est un procédé laborieux. Je suppose que M. Justi a été restreint par l'espace dont il pouvait disposer ; mais , quoi qu'il en soit , son livre est fait avec beaucoup de soin et une parfaite connaissance de l'état actuel de la science, et rendra un service

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signalé à l'étude de la langue zende. Jusqu'à pré- sent on n'avait qu'un vocabulaire zend très -res- treint, que M. Brockhaus a publié, et quiconque s'occupait de Zoroastre devait composer son propre dictionnaire. Celui que Burnouf a laissé n'a pas été imprimé, et celui qui doit faire partie de l'ouvrage de M. Weslergaard n'a pas encore paru. L'étude du Zendavesta est une des parties les plus importantes de la littérature orientale et en même temps une des plus difficiles : tout ce qui peut la faciliter doit être reçu avec reconnaissance. Il se prépare de nou- veaux travaux sur ce sujet. M. Haug, à Pouna, a annoncé un ouvrage en deux volumes sur le Zoroas- trisme ^ dont le premier doit contenir une histoire de la littérature zende et pehlevie et des grammaires de ces deux langues, et le second un exposé de la reli'iion de Zoroastre et des lois civiles et religieuses qui en dérivent, et une histoire de cette religion, de son développement et de ses rapports étroits avec la religion des Védas. Enfin M. Kossowitch a fait imprimer à Paris une chrestomathie zende avec un commentaire en latin, destinée au cours qu'il fait à l'Université de Saint-Pétersbourg. Le livre est im- primé, mais il n'a pas encore paru et je ne l'ai pas vu. Quant à la littérature persane, elle s'est, sans au-

^ The religion oj the Zoroastrians . as contained in their sacred wrilings, with a history of the Zend and Pehlevi literatures and a gramniar of the Zend and Pehlevi languages, by Martin Haug. 2 vol. of 7-800 pages. Le prix pour les souscripteurs est de 1 6 rou- pies (4o fr.),pour le public de 20 roupies (5o fr.) On peut souscrire chez Brockhaus, ù Leipiig.

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cun doute, enrichie de nombreuses éditions litho- graphiées à Tébriz, à Téhéran, à Bombay, à Luck- novv et à Delhi. Malheureusement elles ne nous arrivent que très-accidentellement, et quand on ap- prend en Europe la publication d'un des ouvrages et qu'on écrit pour le faire acheter, il est générale- ment déjà épuisé et devenu rare avant que la lettre soit arrivée dans l'Inde. Car on paraît, en géné- ral, ne les imprimer que dans des éditions peu nom- breuses, qui se dispersent rapidement par des voies de trafic variées et irrégulières , et on ne sait plus les trouver. Leur valeur critique est très-inégale; quel- quefois elles sont entreprises par un homme savant et consciencieux, qui prend la peine de collationner des manuscrits et d'en marquer les variantes sur la marge; en général, c'est simplement la copie d'un manuscrit faite par un écrivain lithographe, et le hasard décide de la valeur de l'original et de l'exac- titude de la copie. Mais, telles qu'elles sont, ces édi- tions nous seraient extrêmement utiles en Europe, et on ne peut trop désirer qu'un libraire entrepre- nant trouve moyen de nous les procurer régulière- ment. J'ai reçu quelques éditions lithographiées déjà anciennes d'ouvrages persans, mais rien de récent, si ce n'est un choix de passages de Firdousi, fait par Kemal Efendi, et publié par ses soins à Constan- tinople ^. Le choix consiste dans des moralités , quel- ques pièces lyriques et autres fragments d'un intérêt

1 A^UsbLi; (^IaJ^Là.^ Constantinople, 1281 de l'Hégire, in-13 (95 pages), lithographie.

VI. 5

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général, que l'éditeur fait précéder d'une préface et suivre d'un petit vocabulaire de mots moins usi- tés qu'il explique en turc.

La Société asiatique de Calcutta a achevé la pu- blication de la partie du Thabakati Nasiri^ qu'elle a jugée utile pour entrer dans la série des documents relatifs à fhistoire desprinces musulmans qu'elle a en- treprise. Le Thabakati Nasiri est une histoire univer- selle composée par Abou Omar Minhadj au milieu du xni* siècle de notre ère, par ordre de Nasireddin Mahmoud, roi de Delhi, prince très-lettré, qui, dans sa jeunesse, se trouvant en disgrâce, refusa toute allocation du roi d'alors et vécut pendant des années du produit de son travail de copiste de ma- nuscrits. Devenu roi, il institua un concours de poésie, dans lequel le grand prix fut adjugé à Min- hadj , qui fut nommé ensuite Radi et employé plus tard comme historiographe. M. Lees a jugé qu'il ne fallait publier que la partie du Thabakat qui se rap- portait à l'Inde musulmane, et qui remplissait uti- lement la lacune qui existe aujourd'hui dans la série des documents entre l'histoire de Baïhaki et celle de Zia Barni, toutes les deux déjà publiées dans la Bi- bliotheca indica. Le conseil de la Société partagea cet avis, et c'est ainsi que parut le présent volume, qui contient les livres XI, XVII à XXIII de l'ou-

' Tahakati Nasiri, of Aboo Omar Minhaj al-Din Otbman Ibn Si- raj ai-Din al-Jawzjani , edileci by Caplain Nassau Lees and Mawlawis Kbadim Hn?ein and Abd alHaï. Calcutta, i864, in-8" (/i, 8 et 453 pages).

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vrage de Minhadj , c'est-à-dire l'histoire des rois inii- suimans de l'Inde du nord, depuis Mahmoud le Ghaznévide jusqu'au xiif siècle.

Ensuite la Société a commencé la publication de l'Abrégé des Chroniques, par Badaoni^. C'est une histoire des rois musulmans de Dehli, depuis les Ghaznévides, mais plus de la moitié de l'ouvrage est consacrée à la vie de l'empereur Akbar, sous lequel l'auteur a vécu , et qui l'a employé comme traduc- teur d'ouvrages sanscrits. Akbar le récompensa ma- gnifiquement; maisBadaoni était un musulman fort strict et ne pardonnait pas à l'empereur ses ten- dances hérétiques. Aussi son ouvrage est-il écrit avec un ton d'acrimonie qui contraste singulièrement avec les nombreuses biographies d'Akbar, composées par ses admirateurs et courtisans. Cet esprit de cri- tique et d'opposition rend ce livre très-précieux pour l'histoire de ce temps.. On ne le connaissait jusqu'à présent que par d'assez nombreux extraits publiés par Sir H. Elliot. M. Lees fait imprimer maintenant toute la partie qui se rapporte à Akbar et son temps. Mais pour rétablir la balance de l'impartialité, il

^ The Muntahab al-Tawarikh , of Abd ai-Qadir Biu-i Maluk Shali al-Badaoni , edited by Nassau Lees and Mavviawi Kabir al-Din Ahmad and Munsbi Ahmad Ali. Calcutta, )864, in-8°. Il eu a paru quatre cahiers, contenant 38 j. pages. Il ne faut pas confondre cet ouvrage avec une autre histoire de l'Inde qui, par une étrange coïncidence, porte ie même titre , et est aussi écrite sous Akbar et conçue dans le même esprit de haine religieuse contre lui. L'auteur de ce dernier ouvrage est Hassan al-Schira/i. Je me permets cette remarque parce que j'ai été longtemps {rompe par l'identité des titres et des tendances et lrt\s-embarrassé dans des recherches que j'avais à faire.

5.

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propose de faire suivre cette histoire de la publi- cation d'une des vies d'Akbar qui ont été composées par ses amis.

Quant à la littérature proprement dite des Per- sans, je puis annoncer que M. Nicolas, chancelier de l'ambassade de France à Téhéran , est sur le point de publier le texte, la traduction et un com- mentaire des Quatrains d'Al-Kbavyami \ mathéma- ticien et poëte du xi^ siècle de notre ère. C'était un grand mathématicien et un esprit hardi et profond. Il partageait les opinions des Mutazilites alors déjà opprimés et sur le déclin , et il exprime leurs opi- nions théologiques avec une vivacité qui a fait de ses quatrains un objet de curiosité pour les uns et de scandale pour les autres. On l'a déclaré impie, athée, impur; mais il n'est pas si facile déjuger ses opinions et de savoir ce qui est persiflage des or- thodoxes ou des mystiques et ce qui est conviction chez lui. L'objet de sa grande aversion paraît avoir été le dogme de la prédestination, et la manière fort irrévérente avec laquelle il l'attaque doit être une abomination pour les croyants. Dans tous les cas ce sera un livre très-curieux pour la connais- sance de l'état des esprits en Perse à cette époque.

Je devrais parler ici des ouvrages récents sur la

' Ces Quatrains de Khayyaml ne sont connus en Europe que par quelques traductions très-partielles. M. de Hammer et M. Garcin de Tassy en ont publié quelques-uns, et il a paru une brochure conte- nant la traduction de soixante et quinze de ces petites pièces, en vers anglais fort bien tournés, par un savant qui a gardé l'anonyme. Ce

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littérature turque, mais il n'en est arrivé à ma con- naissance qu'un seul ; la Collection de proverbes osmanlis \ publiée par M. Schlechta de Wssehrd , directeur de l'Académie orientale à Vienne. Le but de l'auteur est de donner aux personnes qui possèdent un commencement de connaissance de l'écriture et de la grammaire turques un moyen de faire des progrès sans maître, en leur fournissant des textes simples et idiomatiques avec tous les secours né- cessaires à l'étude. Il accompagne pour cela cbaque proverbe d'une traduction interlinéaire française et allemande, d'une transcription double, qui rend la prononciation d'après la valeur des lettres latines en Allemagne et en France, et d'une traduction plus libre également en allemand et en français, puis il fait suivre les textes d'un glossaire. Cet ouvrage est exécuté avec beaucoup de soin, et bien fait pour le but qu'on s'est proposé; il contient cinq cents pro- verbes, dont une grande* partie n'avait pas encore été publiée, et qui par l'intérêt qu'ils présentent sont bien calculés pour soutenir le zèle de ceux qui les étudient.

M. Zenker, à Leipzig, continue la publication de son dictionnaire turc-arabe-persan^. Il se sert de tous les secours accessibles pour le rendre aussi riche

petit volume porte le tilre : Rubaiat of Omar Kliayyam, the astrono- merpoctoj Persia, translatée! inlo english verses. Londres, 1859, in-8° (xiii et 21 pages).

' Proverbes ottomans, publiés par l'Académie des langues orien- tales à Vieune. Vienne, i865, in-S" ( 1 3 et 180 pages).

- Dictionnaire turc-arabe-persan, de Th. Zenker, Leipzig, 1 864 ,

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que possible en termes de la langue turque, et la libéralité très-lonable de la bibliothèque de Munich, qui lui a communiqué ceux des manuscrits de Qua- tremère qui contiennent ses matériaux pour un dictionnaire turc et djagatéen, lui permet d'ajouter pour la première fois un grand nombre de mois de turc oriental, f.a partie turque est la chose princi- pale pour M. Zenker, et il n'ajoute les termes arabes et persans que comme un supplément indispensable à cause de l'usage immodéré que les Turcs font de mots de ces deux langues. Mais l'auteur ne néglige pas cette parlie , et il établit avec beaucoup de soin la nuance des dérivés arabes, qui ont acquis une signification restreinte et convenue qu'on ne peut pas tirer avec la précision nécessaire de Tétymologie des mots. Il se prépare d'autres travaux sur le même su- jet. M. Pavet de Courteille s'occupe depuis long- temps d'un dictionnaire turc oriental, qui est très- avancé maintenant. M. Vambery , qui a rapporté du Turkestan de nombreux matériaux pour un ouvrage sur les dialectes turcs orientaux, annonce de son côté un dictionnaire; enfin M. Lequeux, chancelier du consulat général de France à Tripoli, a terminé une nouvelle traduction de l'histoire des Tartares, par Aboul Ghazi, qu'il se propose d'imprimer pro- chainement.

Je dois dire ici quelques mots d'un grand ouvrage , qui se rapporte également aux trois principales lit-

in-fbl. (H a paru les cahiers i-viii , qui forment 32o pages d'une im- pression tr<*'S-compacte. )

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tératuies musulmanes, et dont le premier volume vient de paraître : c'est le Catalogue des manuscrits arabes, persans et turcs de la Bibliothèque impé- riale de Vienne, par M. Flûgel ^. Cette grande col- lection de manuscrits était mal connue; on ne pos- sédait, je crois, un catalogue imprimé que de la partie des manuscrits qui lui avaient été cédés par M. de Hammer, et encore il était bien difficile de se le procurer, car il avait paru par portions dans un grand nombre de volumes d'une revue trimes- trielle. Une collection de manuscrits sans catalogue imprimé perd la moitié de sa valeur, surtout aujour- d'hui où la science est beaucoup plus cosmopolite qu'elle ne l'a jamais été, et la plupart des biblio- thèques ont le bon esprit de prêter des manuscrits. C'est donc une idée très-heureuse qu'on a eue à Vienne de faire préparer ce catalogue et de le faire préparer par un homme aussi savant et aussi com- pétent que M. Flûgel. L'auteur divise les manuscrits en classes, d'après les sujets dont ils traitent, et subdivise chaque classe en trois sections , arabe, per- sane et turque, de sorte qu'on trouve ensemble tout ce que ces trois littératures, si étroitement liées, contiennent sur un genre d'études donné. Ce pre- mier volume comprend les encyclopédies, la biblio- graphie, les dictionnaires, la grammaire, la mé- trique, la rhétorique , l'épistolographie.les proverbes

' Die arahischen, fiers ischen und turkischen Handscliriften der K. K, Hofbihliotheh zu Wien, geordnet und besclirieben von Dr, Gustav Flùgei, vol. 1. Vienne, i865, in-4'' (x et 723 pages).

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et la littérature proprement dite, tant en prose qu'en vers; il embrasse y8i manuscrits. La description de chaque manuscrit contient des indications sur l'au- teur, quand on peut en trouver, quelquefois des jugements sur l'importance de l'ouvrage, souvent rénumération des chapitres et presque toujours le texte de la première ligne, pour faciliter l'identifica- tion avec d'autres manuscrits du même ouvrage; puis la mention des éditions, traductions et autres travaux dont l'ouvrao^e a été l'objet , enfin l'indication de l'âge et de la condition de l'exemplaire. Tout cela est énoncé brièvement et avec précision, de manière à satisfaire le besoin de celui qui consulte l'ouvrage; on ne peut pas demander davantage à un catalogue, et celui-ci se tient dans la mesure vraie. Il n'y a que ceux qui ont eu à classer et à déter- miner une collection de manuscrits orientaux qui sacbent ce qu'il faut de travail, de savoir et de soins pour arriver à un résultat aussi satisfaisant que celui que M. Flûgel nous olfre ici. Puissent toutes les bi- bliothèques qui possèdent des manuscrits orientaux suivre l'exemple que donne la Bibliothèque de Vienne, et puissent-elles trouver des hommes aussi capables et aussi dévoués à la science que M. Flii- gel pour exécuter leurs bonnes intentions M

' Je reçois pendant l'impression de ces feuilles îe catalogue d'une coilectioude manuscrits ;irabes et persans que M. de Khanikofacédée rëcemment à la bibliulh^que de Saint-Pétersbourg. Il porte le titre suivant : Die Sammlunçf von moryenleendischen Handschriften, welche die Kaiserliche ôffeiuUchc HihHntliel, zu St.-Pttersbnr(i lin Jahre i86i ,

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Je ne dois pas quitter les littératures de l'Asie moyenne sans mentionner les travaux sur l'Arménie qui ont paru dans l'année.

M. Emin , à Moscou , a publié des recherches sur le paganisme arménien ^ L'auteur s'est proposé de réunir et d'élucider tous les renseignements qui se sont conservés sur l'état religieux de l'Arménie avant

von H. V. Chanykov erworben liât, von B. Dorn. Saint-Pétersbourg, i865, in-S" (gS pages). La collection est fort belle et comprend 161 manuscrits; M. Dorn la décrit avec sa précision ordinaire, et donne dans un appendice des détails sur quelques-uns de ces livres, entre autres des extraits de ce qu'on appelle le Koran des Bahis, secte persane moderne et extrêmement curieuse. Elle est aujourd'hui offi- ciellement supprimée et réellement en grande partie exterminée; mais nous en entendrons encore parler, sous une forme ou sous une autre, car elle n'est qu'un symptôme d'un travail intérieur qui se fait dansie sein de l'Islam. Il paraît que le quiétismedesSoufis ne suffit plus aux esprits qui se révoltent contre les doctrines reçues, et qui autrefois se réfugiaient dans le mysticisme. On aperçoit dans les doctrines des Babis et d'autres sectes secrètes d'aujourd'hui un mélange d'aspi- rations religieuses et politiques qui les rend tiès-remarquables. Nous sommes encore très imparfaitement renseignés sur les doctrines de Bah, et les extraits que donne M. Dorn d'un de ses écrits sont les premières données authentiques que nous ayons sur elles. Ce qui est singulier, c'est que Bab, quoique Persan de race et à Schiraz, se servait toujours de la langue arabe pour ses écrits , ce qui prouve qu'il s'adressait avant tout aux classes lettrées. Nous connaîtrons bientôt en détail ce mouvement mystérieux. M. Kazim Beg, à Saint-Péters- bourg , en a écrit l'histoire en russe , et il a préparc une édition fran- çaise de son travail ; plus tard il publiera les écrits de Bab el d'autres pièces justificatives. De son côté, M. le comte Gobineau imprime dans ce moment un ouvrage sur la Perse actuelle , dans lequel il fera entrer la traduction ou l'analyse des écrits dogmatiques des Babis. ' Recherches sur le pacjanisme arménien , par M. J. B. Emin. Ou- vrage traduit du russe par M. A. de Sfadler, Paris, 1861, in-8° (56 pages).

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sa conversion au Christianisme. On ne trouve nulle part un exposé de cet état, et l'on est réduit à s'en Taire une idée d'après des mentions accidentelles. L'Arménie avait subi, en religion comme en poli- tique, l'influence de la Mésopotamie, de la Perse et de la Grèce. L'influence grecque s'est fait sentir sur- tout après l'établissement du Christianisme, de sorte que les traces qu'elle a laissées dans le culte anti- chrétien des Arméniens sont assez faibles. Les dieux principaux qu'on trouve sont d'origine perse et assy- rienne. M. Emin les énumère, discute les témoi- gnages et forme une mythologie arménienne classi- fiée d'après le rang qu'il assigne aux dilFérents dieux, en donnant le premier rang aux dieux des l^erses, et le second aux dieux empruntés aux Assyriens. Cette classification me laisse des doutes, non-seu- lement sur fexistence de quelques-uns des membres de cette mythologie , mais surtout sur le fait même que les Arméniens aient réduit à un système uni- forme et pour ainsi dire national les diflérents cultes dont on trouve l'exercice chez eux. Il me pa- raît bien plus conforme à la nature des choses et aux indications des documents, d'admettre que le culte perse prédominait dans les provinces du nord et de l'est, qui ont toujours été plus soumises à l'influence perse, et que le culte assyrien avait son siège dans les provinces méridionales, attenantes à la Mésopotamie, l'influence araméenne a tou- jours prédominé; de sorte que les cultes de diffé- rentes origines n'auraient pas été combinés et auial-

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gamés dans un système national , mais auraient été suivis selon les localités et simultanément. Je sou- mets mon doute à M. Emin, qui est infiniment mieux en état que moi de donner une réponse satis- faisante à ces questions.

M. Evariste Prud'homme a traduit l'histoire d'Ar- ménie par Arisdaguès de Lasdiverd^ L'auteur était un moine du \f siècle, qui a écrit l'histoire de son temps ; il commence avec l'an i ooo et termine avec l'année 1071. Les pères mékhitharistes de Venise avaient publié le texte de ce petit livre, et M. Prud'homme a pensé, avec raison, qu'un histo- rien contemporain était toujours un témoin qu'il va- lait la peine de faire connaître. Il a trouvé nécessaire d'élaguer une partie des citations incessantes de l'An- cien Testament dans lesquelles le moine cherche des parallèles et peut-être des explications des faits contemporains qu'il raconte, et, à en juger par les nombreux exemples que M. Prud'homme a con- servés, le lecteur ne peut que gagner à cette sup- pression de citations fastidieuses qui n'éclaircissent rien. L'ouvrage est écrit dans ce ton de déclama- tion et d'élégie qui caractérise les historiens armé- niens , et qui n'est que trop naturel chez eux, surtout quand ils ont à décrire les derniers siècles de fhis- toire de ce pays malheureux, histoire dont tout le

' Histoire d'Arménie par Arisdaguès de Lasdiverd , traduite pour la première fois en français et accompagnée de notes par M. Evariste Prud'homme. Paris, i864, in-8° ( i48 pages). Tiré à pari de la Revue d'Orient.

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courant n'est marqué que de sang et de ruines. L'époque dont parle Arisdaguès comprend la des- truction du royaume d'Ani par les Grecs et le com- mencement de l'invasion des rois seldjoukides , et son récit, malgré le ton de rhétorique qui y prédomine et le rend difficile à lire, paraît sincère, car il ne déguise point les fautes et les trahisons des Armé- niens, et nous laisse voir les motifs et les moyens d'action des acteurs dans cette longue et lugubre tragédie.

La littérature sanscrite n'a pas fourni son contin- gent habituel, au moins en Europe; je ne doute pas que les nombreuses presses typographiques et litho- graphiques hindoues n'aient publié un grand nom- bre de livres sanscrits, mais je n'ai aucun rensei- gnement à fournir sur leurs productions.

M. Fauche a fait paraître le troisième volume de sa traduction du Mahabhârata^ et l'exactitude éton- nante avec laquelle paraissent les volumes de cette entreprise colossale est une garantie de son achè- vement. L'auteur n'a pas dévié do son plan , fort sage , de faire uniquement une traduction sans aucun com- mentaire, et une traduction littérale, sans l'affaiblir par des tours de style qu'il pourrait être tenté d'em-

' Le Maliabhàrala, poëiiie épique, de Rrishna Dwaipayana, plus communémejit appelé Véda-vyasa, cesl-à-dire le Compilateur et l'Ordonnateur des Védas, traduit complètement pour la première lois par M. Hippolyte Fauche, vol. III. Paris, i865, in-8° (viii et 5^3 pages). Le quairième volume est en grande partie imprimé et devait paraître le i" juillet; mais une grève de compositeurs eti relardera la publication de ([uohjues mois.

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ployer pour déguiser la répétition des épithètes compliquées de l'épopée. La traduction en devient un peu rude, ce qui n'a aucun inconvénient; mais je crois que le traducteur pourrait éviter certaines tournures de phrases qu'il affectionne et l'emploi de certains mots, comme sire, monarque, dame, vola- tiles, etc. qui sonnent mal dans une épopée antique et qu'on n'emploierait pas dans une traduction d'Homère. iVlais ce sont de bien petites choses dans une œuvre aussi considérable, et il faut savoir gré à M. Fauche du dévouement qu'il a montré pour la science, car c'est un grand service que de rendre accessible à tous cet immense dépôt de légendes, dont quelques parties sont d'une extrême beauté, et qui, toutes, nous fournissent une foule de ren- seignements sur les idées, les mœurs et les croyances de l'Inde ancienne, que nous avons tant de peine à comprendre. Une traduction du Mahabhârata est indispensable à tous les savants qui s'occupent de fhistoire de l'antiquité, de ia mythologie et des mœurs des nations, et elle e'st presque tout aussi nécessaire aux plus savants indianistes, car aucune mémoire humaine ne peut suffire à se rappeler tout ce que contient ce recueil , et aucun texte oriental ne permet de retrouver rapidement un fait qu'on y a remarqué, si versé qu'on soit dans la langue.

Un auteur anonyme a publié dernièrement à Londres l'histoire de la secte des Maharadjas^ C'est

* Historj of the sect of the Maliaradjas or Vallabhacharyas of Wes- tern India. Londres, i865, in-8° (xvi, 182 et i83 pages).

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une secte de vishnouites, qui a été formée dans le XV* siècle par un brahmane de race telinga, du nom de Vallabhacharya. Il se donna pour une incarnation de Vishnou , fit de la partie la plus scandaleuse de la légende de Krishna la hase de sa religion, et tous ses descendants ont, depuis ce temps, comme in- carnations de Vishnou , exercé à leur tour une do- mination très-immorale sur une secte nombreuse. L'auteur donne des extraits des livres de la secte, dé- crit le rôle des chefs, la démoralisation des sectaires, fait la description de leurs orgies, donne le texte hindi des chansons qui accompagnent leur culte, et expose tout le système de débauches dégoûtantes et d'exactions que les chefs déifiés de ces malheu- reux leur imposent. On connaissait cette forme de superstition indienne , quoique imparfaitement ; mais dernièrement une enquête judiciaire a mis toutes les turpitudes de cette secte au grand jour, et l'auteur de l'ouvrage que j'annonce fournit, dans un long appendice, les preuves de ce qu'il avance. Il expose le contraste de ces énormités avec la pu- reté des hymnes des Védas, et il paraît conclure, du grand changement qu'il y aperçoit dans les idées indiennes, qu'un changement total des croyances des Hindous ne serait pas si difficile à amener. Je crois qu'il se trompe. Il est certain que les croyances exprimées dans le Rig-Véda auraient pu se déve- lopper autrement que dans l'extravagante mytho- logie sivaïte et vishnouite; mais le malheur de l'Inde a voulu que ce soit \k la voie qu'a suivie la masse

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du peuple, et des théories comme celles des Maha- radjas ne sont que des conséquences extrêmes, mais naturelles, de cette mythologie. On a vu dans d'au- tres religions des superstitions qui paraissaient, au premier aspect, tout aussi éloignées des origines de la croyance, et qui ont presque étoulFé le fond pri- mitif; mais quand on peut suivre leur histoire , on voit qu'elles provenaient d'un développement de quelque dogme, développement maladif et exorbi- tant, mais qui n'indique pas le moins du monde une disposition à changer.

L'Inde a été de tout temps plus fertile qu'aucun autre pays en sectes religieuses et philosophiques, et c'est dans ces spéculations que consiste en grande partie son importance dans l'histoire de l'humanité. L'étude de ces systèmes est des plus difficiles. On a devant soi comme un immense kaléidoscope , dont les mouvements incessants amènent des change- ments perpétuels dans la valeur des éléments et une idée ou une forme mythologique qui paraissait tout à fait secondaire devient tout à coup princi- pale et le centre d'un système. Il en est ainsi dès le commencement, et dans les hymnes mêmes des Védas on voit déjà ces transformations. Plus tard, quand la mythologie a pris le dessus, le nombre et l'importance de ces variations augmentent indéfi- niment. M. Muir a beaucoup fait, dans une série déjà considérable de travaux, pour mettre de l'ordre dans ce chaos apparent en suivant les idées reli- gieuses fondamentales des Hindous , l'une après.

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l'autre, dès leur origine et à travers leurs dévelop- pements divers. Il continue aujourd'hui ce travail dans trois essais\ sur la théogonie des Védas , sur leurs idées sur la vie future, et sur les progrès qu'on peut y suivre vers une conception abstraite de la divinité.

M. Weber a pris pour thème d'un mémoire lu à l'Académie de Berlin ^ un de ces livres de théologie qui, sous le nom (ïUpanishads, se rattaclient aux Védas, contiennent l'exposé des spéculations déjà systématiques des anciennes sectes religieuses, et dont les derniers se confondent par le sujet et par l'époque avec les plus anciens Puranas. Le livre que M. Weber a pris pour sujet estl'Upanishad de Rama, dans lequel ce héros est représenté comme incarna- tion de Vishnou et devient ainsi le centre d'un culte sectaire dont il est le dieu suprême. M. Weber donne le texte, la traduction complète et un commentaire de ce livre, et discute toutes les données qu'il a pu réunir sur la place que tient ce développement de ia mythologie de Rama dans la grande masse des variations du vishnouisme, et sur l'âge comparatif de cet Upanishad. Malheureusement l'âge compara- tif est tout ce qu'on peut atteindre dans fancienne histoire de l'Inde, et c'est avec une peine infinie

* Dans le Journal of (hc R. Asiatic Society, voL I, p. i et 2. Lon- dres, i865, in-8°. La deuxième partie de ce volume est arrivée à Paris pendant l'impression de ces feuilles.

* Die Rama-Tapanîya Upanishad, \on A. Weber. Berlin, i864, in-4°. (Tiré des Mémoires de l'Académie de Berlin, io5 pages.)

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qu'on trouve de temps en temps moyen de fixer par mie date certaine un nouveau jalon , qui , à son tour, sert d'appui à un nombre de dates comparatives. C'est pour augmenter le nombre de ces jalons que M. Thomas ^ a entrepris de prouver, dans une sa- vante dissertation , l'identité du Xandramas des Grecs avec le Krananda des Indiens, et d'obtenir ainsi un nouveau point fixe autour duquel d'autres dates au- jourd'hui encore vagues pourraient se grouper.

De son côté, M. Bhau Daji^, professeur à Bom- bay, détermine l'âge de cinq célèbres astronomes indiens, ce qui permettra de fixer approximative- ment l'époque de la composition des ouvrages qu'ils citent dans leurs livres. Un de ces astronomes est Varahamihira , dont îa Société de Calcutta publie un ouvrage dans sa Bibliotheca indien ^. Elle continue de même la publication des autres textes sanscrits qu'elle a commencée, la Logique de l'école de Nyaya par Gotama \ le Taittirya Aranyaka, un des appendices théologiques du Yadjour Véda noir ^, le Srauta Sutra

^ On the identitj of Xandramas and Krananda , by E. Thomas. Londres, 1 865, in-8°. (Tiré duJournaloftlie Asiatic Society, ki pages.)

^ On the ageandauthenticltjoflhe works ojArj'abhata, Varahamihira, Brahmagupta, Bhaltolpala and Bashkaracharya, by Dr. Bliau Daji. Journai de la Soc. as. de Londres, nouvelle série. Londres, i865, in-8''.

^ The Brihatsanhita of Vahara-Mihira , edited by Dr. H. Kern, fascic. V. Calcutta, i865, in-8''.

* The Nyaya Davsana of Gotama, with the commentary of Vat- syayaiia, fascic. ii. Calcutta, i86i, in-8''.

^ The Taittirya Aranyaka of (he blach Yajar Veda, with the com- mentary of Sayanacharya , edited by Rajendraiala Mitra , fascic. i. Calcutta, i864, in-S".

VI. 6

»

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d'Aswaiayana ', traité sur une des deux grandes classes de cérémonies brahmaniques, et un ouvrage de morale publique et privée, le Kamandakiya Ni- tisara ^.

M. Brockhaus, à Leipzig, qui avait déjà publié les cinq premiers livres de la grande collection de contes indiens de Somadeva^, autem- du xii'' siècle, continue aujourd'hui son travail par une analyse dé- taillée du sixième livre. Toutes les recherches de notre temps et, en dernier lieu surtout, celles de M. Benfey^ ont prouvé que l'Inde est la véritable pa- trie des contes et des fables, qui se sont répandus de vers l'Occident par l'intermédiaire des Perses et des Arabes, et vers l'Orient par le bouddhisme, et que toutes les littératures populaires ont vécu de temps immémorial, et sans s'en douter pour la plu- part, d'un fonds indien; ce qu'elles y ont ajouté n'est qu'imitation et développement d'un genre donné, qui était déjà arrivé à une grande perfection lors- qu'il s'est répandu au dehors pour servir de modèle et de stimulant à l'imagination des savants et des ignorants.

M. Nève, à Louvain, dans un petit écrit sur Ka-

' TheSraula Sutra oj Asualayana , whh the commentary of Gargya Narayana , edited by Rama Narayana Vidyaratna, fascic. iv. Calcutta , i865, in-8°.

^ The Kaniandakya Nidsara, with exlracts frora the commentary entitied Vpadhyayanirapeksha , fasclc. m. Calcutta, i86/i, in-8°.

^ Analyse des sechslcn Bûches von Somadeva, von Brockhaus. Dans les Benchte der K. Sàchsisehen (ieselLschaft der W xssenschaflen , 1860. Leip/.ig, in-8''.

RAPPORT ANNCEL. 83

lidasa i, adopte pour ce poëte la date qui lui avait été assignée par M. Lassen , la fin du second siècle de notre ère. M. Bhau Daji^ fixe à son tour cette date à la fin du v^ siècle; sa savante dissertation laisse néanmoins au lecteur des doutes sur un nombre de points auxquels touche l'argumentation et qui ont encore besoin d'être précisés. La date de Kalidasa est d'une importance considérable, car elle indique l'époque de la fleur de la culture indienne. On a assigné à Kalidasa successivement des dates qui va- rient de neuf siècles, quoiqu'il ait été le plus grand poëte du pays et ait vécu dans un temps de haute civilisation. C'est un exemple caractéristique des dif- ficultés qui entourent toutes les études indiennes, et pourtant il faut les suivre et y mettre de l'ordre, car il s'agit d'une des quatre ou cinq grandes civili- sations auxquelles l'humanité doit ce qu'elle est, et il y a tout un monde sous l'écorce rude et épineuse qui recouvre la littérature indienne.

Le manque de dictionnaires sanscrits otfrait de- puis longtemps un grand obstacle à l'extension de ces études ; mais cette lacune va disparaître. MM. Bur- nouf et Leupol, à Nancy, ont terminé leur Dic- tionnaire sanscrit- français ^; le dictionnaire que

* Calidasa, oa la poésie sanscrite dans les raffiiiemenls de sa culture, par M. Nève. Paris, i864 , in-8°.

^ On the sanscrit poet Kalidasa, by Btiao Daji. Bombay, in-8°. Extrait d'un volume du Journal de la Société de Bombay, qui, je crois, n'a pas encore paru.

^ Dictionnaire classique sanscrit-français , par E. Burnouf et L. Leupol. Paris, i865, in-8° (vtii et 781 pajçes).

6.

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MM. Boethlingk et Rotb publient pour l'Académie de Saint-Pétersbourg est arrivé à la fin du quatrième volume \ ce qui fait les trois cinquièmes de l'ensem- ble, et les auteurs annoncent que dans huit ans leur grande entreprise pourra être terminée. M. Benfey, à Gœttingue, a préparé un dictionnaire sanscrit-an- glais qui est, je crois, sous presse; M. Bopp fait im- primer à Berlin une nouvelle édition de son Voca- bulaire sanscrit, et M. Goldstûcker, à Londres, annonce une nouvelle édition de Wilson qu'il se propose de publier, sans renoncer au travail qu'il a commencé à faire paraître et (jui est plutôt un thé- saurus qu'un dictionnaire.

Je n'ai que peu à dire sur ce qui regarde les lit- tératures qui se rattachent au sanscrit, soit par la langue, soit par les influences historiques. Les per- sonnes qui s'intéressent à la littérature bindouslanie trouveront dans le discours annuel d'ouverture du cours de M. Garcin de Tassv '^ tous les détails dési- râbles sur les productions récentes de la presse mu- sulmane de l'Inde. M. Garcin de Tassy lui-même nous a donné la traduction de l'hindoustani^ d'une histoire de Schir Schah, roi de Dehii. Schir Schah était un Afghan qui avait profité des dissensions qui

' Sanshrit fVœrterhuch, hearbeitct von O. Boelhlingk und R. Rolh.vol. IV. Salnt-Pôlersbourg, i865, in-4° (i,2i/4 colonnes).

* Cours d'hindoustani , discours d'ouverture, par M. Garcin de Tassy. Paris, 1864, in-8° (27 p;iges).

' Un chapitre de l'Inde musulmane, ou Chronique de Scher Schah, Sultan de Delhi, traduite de l'hindoustani par M. Garcin de Tassy. Pans. i865. in (i6/i pages).

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s'étaient déclarées dans la famille de l'empereur Hou- mayoun pourchasser l'empereur, s'emparer de Dehli et y fonder une dynastie de peu de durée, que Houmayoun lui-même parvint à détruire. L'empe- reur Akbar demanda h Abbas Rhan Surwani, dont la famille avait été très-impliquée dans ces affaires, de décrire en détail ce sanglant épisode de l'histoire de l'Inde. Le livre fut composé en persan , et M. Gar- cin de Tassy l'a traduit d'après une version en hin- doustani. L'auteur ne s'élève pas beaucoup au-dessus des vues d'un chroniqueur oriental; mais l'exacti- tude de ses renseignements, les détails dans lesquels il entre et la vivacité de son récit font de son livre une source précieuse pour l'histoire de l'Inde dans le x\f siècle. Pour s'assurer de sa valeur, on n'a qu'à le comparer avec le récit des mêmes événe- ments qu'on trouve dans Ferischta , et qui est d'une déplorable sécheresse à côté de la vie que respirent ces souvenirs de famille.

De toutes les littératures qui se rattachent à la littérature sanscrite par un lien quelconque, les plus importantes de beaucoup sont les littératures boud- dhistes. Elles ont été beaucoup étudiées de notre temps, et elles le seront bien plus encore dans l'ave- nir, jusqu'à ce que la nature de cette religion ait été mise dans son véritable jour, que son histoire ait été approfondie et que la croissance successive des incroyables aberrations qui l'ont dénaturée ait été éclaircie. M. Feer^ vient de traiter un point qui

' La Légende de Rahu chez les Bramanes et les Buddhistes , par M. Feer. Paris, i865, in 8" (38 pages).

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se rapporte à cetle dernière question. Jl publie une série de textes tibétains deslinés en premier Jieu aux auditeurs de son cours de tibétain ^ et il prend occasion d'un de ces textes pour expliquer la manière dont s'est formée la mythologie boud- dhique, qui, en principe, est entièrement étrangère à la doctrine du Bouddha, et a fini par l'absorber et i'étoulïer sous son monstrueux développement. 11 a choisi pour cela la fable de Kahu le géant, qui dé- vore le soleil et la lune, ce qui produit les éclipses. C'est une fable qui flottait dans les croyances in- diennes, probablement des temps les plus anciens; M. Feer nous la montre dans sa forme purement brahmanique telle que la donne le Mahabhârata, puis reprise et modifiée par les bouddhistes et exa- gérée graduellement jusqu'au monstrueux.

Les textes que publie M. Feer sont tirés du Kandjour, la grande collection de traductions tibé- taines de livres bouddhiques, dont nous possédons à Paris im exemplaire imprimé au Boutan et que nous devons à la libéralité de la Société de Calcutta. Mais il nous faudrait avoir aussi la collection encore plus volumineuse intitulée le Tandjoar, et il serait extrêmement important pour les études sur le boud-

' Exercice de langue tibétaine. Légende du roi Açoka. Texte tibé- tain, transcription, traduction mot à mot par M. H. L. Feer. Paris, i865, in- 'i6 pages iithographiées).

Textes tirés du Kandjour, par M. L. Feer, ii" i. Tchandra-Sutra, Surya-Sutra, Tclialur-Gallia. Paris, i864, in-S" (16 pages Iithogra- phiées).

Textes tirés du Kandjour, par \\. L. Feer, n" 2. Composition des ccrils buddhiques. Paris, i865, in-S'fiô pages Iithographiées).

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dhisme qu on pût se procurer i'édition impériale de Pékin de ces deux collections, inr) primées en tibé- tain, en mongol, en chinois et en mandchou. Mal- heureusement cette édition ne s'achète pas, et il n'y a que l'ambassadeur de France à Pékin qui pourrait l'obtenir directement du gouvernement chinois. Nous ne possédons ni en pâli ni en sanscrit la plus grande partie des traités qui forment ces immenses collections tibétaines, et si même nous les possé- dions, la valeur de ces traductions n'en serait pas diminuée, parce qu'elles serviraient de contrôle pour la critique des textes et pour leur interpréta- tion par les savants en Europe.

On était très-pauvre en livres palis, qui sont les vraies sources pour l'étude de la religion et de la litté- rature bouddhistes; mais il vient d'en arriver à Paris une très-belle collection. M. Grimblot, qui s'était depuis longtemps livré à l'étude du pâli, fut envoyé comme agent consulaire à Colombo, et y resta pen- dant six ans, qu'il employa à continuer ses études. Les prêtres bouddhistes, qui longtemps refusèrent de lui céder des manuscrits, finirent par être tou- chés de tant de zèle , consentirent à lui ouvrir leurs bibliothèques, à lui vendre des manuscrits et à en copier pour lui , et il réussit ainsi à réunir une grande partie de ce qu'il y a de plus ancien et de plus im portant pour l'histoire et la doctrine du boud- dhisme. 11 se propose de publier une partie de ces matériaux , accumulés si laborieusement, sous le titre de Bibliotheca palica. Il commencera par les textes

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des discours du Bouddha recueillis par ses disciples dans le premier concile, tenu immédiatement après sa mort, et contenus dans le Tipitaca; il accom- pagnera ces textes des gloses de Bouddhagosha, prêtre hindou du iv^ siècle, qui vint à Geylanpour y recueillir les livres palis qui manquaient aux Bouddhistes de l'hide, et qui composa, aussi en pâli, un commentaire des actes du premier concile,, travail plein d'éclaircissements et de faits histo- riques, tirés de livres aujourd'hui perdus. Il fera suivre ces textes du Dipavanso, histoire du boud- dhisme à Ceylan, antérieure au Mahavanso, puis d'un texte du Mahavanso, plus correct et plus com- plet que celui de Turnour , et accompagné du commentaire que l'auteur du Mahavanso lui-même a écrit sur son livre. Pour faciliter l'Aude de ces textes il publiera en même temps le plus ancien dictionnaire pâli, l'Abidhana Padipika, avec une tia- duction et un index alphabétique, et le texte de deux anciennes grammaires , les Sutras de Kacciayana et le Rupa Siddhi, avec les index nécessaires. Ces publications donneront une nouvelle impulsion aux études sur le bouddhisme, et permettront de con- tinuer avec de plus amples ressources les travaux que Burnouf avait entrepris et qu'une mort préma- turée a si malheureusement interrompus. Ce sont des éludes de la plus grande importance, d'abord pour l'histoire dr l'Inde, pane que les livres boud- dhiques donnent des dates autour desquelles on peut fixer les vagues données que fournit la littérature

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brahmanique; ensuite et surtout elles sont impor- tantes pour l'histoire de l'esprit humain, car aucune religion n'a agi sur un aussi grand nombre d'hommes que le bouddhisme, qui compte encore aujourd'hui plus d'adhérents qu'aucune autre, et qui malgré sa décadence spirituelle et les superstitions et les vaines pratiques qui obscurcissent partout l'intelligence de ses sectateurs, influence encore par la trace ineffa- çable de ses premiers principes la manière de penser et la conduite de centaines de millions d'hommes.

Il ne me reste plus qu'à mentionner le petit nom- bre d'ouvrages qui ont paru sur la Chine et sur les littératures des peuples qui l'entourent.

M. Plath, à Munich, continue ses recherches sur l'état social de la Chine antique. Il vient de publier un mémoire sur la constitution et l'administration de la Chine sous les trois premières dynasties ^ M. E. Biot avait traité le même sujet, mais d'une manière plus restreinte, et n'avait parlé que de la troisième dynastie, parce qu'il supposait que le système féodal chinois était sous elle. M. Plath prouve très-bien que ce système remonte beaucoup plus haut, et qu'il a prévalu en Chine pendant près de deux mille ans. La féodalité détruisit graduelle- ment l'autorité des empereurs, jeta la Chine dans des désordres épouvantables et donna à la lin lieu, au iif siècle avant notre ère, aux entreprises de

' Ueber die Verfassung und Verwaltung Chinas unter den drei ersten Djnastieen, von D'. J. H. Plalli. Munich, i865, in-4° ( «42 pages). Tiré des Mémoires de l'Académie de Munich, vol. X.

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Chi-hoang-ti, qui introduisit le système d'autocratie et de centralisation que la Chine a gardé depuis ce temps.

M. Plath traite de l'origine de l'empire chinois, de l'organisation politique sous les trois premières dynasties et de la constitution féodale des provinces, et il montre les raisons de la décadence graduelle que cette constitution a amenée. M. Plath a accu- mulé beaucoup de faits et de matériaux sur le sujet qu'il a choisi, et il précise et complète en beaucoup de points l'image qu'on pouvait se faire de l'état po- litique de la Chine au if siècle avant notre ère, d'a- près les travaux des jésuites et ceux de Biot. Ces études sur l'histoire de la civilisation chinoise sont encore incomplètes; mais elles sont d'un grand in- térêt et seront certainement continuées d'époque en époque, jusqu'à ce que nous ayons une idée précise de ce que ce peuple a réellement accompli, et en quoi et pourquoi il est resté au-dessous de ce que promettaient des commencements si brillants. On peut entrevoir les causes de cette défaillance; mais il faut encore bien des études spéciales sur beau- coup de sujets avant qu'on puisse s'en rendre un compte complet C'est tout un côté de l'histoire du genre humain et digne des travaux les plus assidus et des spéculations des esprits les plus distingués.

M. Pauthiera publié un nouveau texte des voya- ges de Marco Polo \ et comme il en a fait, par une

' Le livre de Marco Polo, citoyen de Venise, conseiller privé el rommissairc impérial de Koubilai-Khan , rédigé en français sous sa

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longue introduction et par un commentaire, pres- que un traité de l'histoire et de la géographie de la Chine au xiif siècle, son travail rentre dans notre sujet. M. Pauthier prouve que la relation la plus authentique de ces voyages est contenue dans le texte français que Marco Polo, après l'avoir revu, avait remis à Thiébault Gépoy, et il puhlie ce texte, qui n'avait jamais été imprimé, d'après un excellent manuscrit de la bibliothèque de Paris. Il donne dans une introduction un exposé critique de la vie et des voyages de Marco Polo , une dissertation sur la langue dans laquelle il a composé son livre et un aperçu de l'état pohtique de l'Asie au xiif siècle; ensuite il accompagne le texte d'un commentaire fort étendu, tiré surtout de sources chinoises, dans lequel il traite de tous les points historiques, géo- graphiques et commerciaux auxquels a touché son auteur. Il ajoute dans un appendice deux inscrip- tions mongoles en écriture passapa qu'il avait déjà expliquées dans votre journal , et les lettres de deux princes mongols à Philippe le Bel, que Rémusat avait fait connaître. Marco Polo a eu le sort d'Hé- rodote; plus le savoir a fait des progrès dans le monde, plus leur véracité a été reconnue, et celte

dictée en i 298 par Rusticien de Pise, publié pour la première fois d'après la rédaction primitive du livre, revue par Marco Polo lui- même et donnée par lui en 1 807 à Thiébault de Cépoy, accompagné de commentaires géographiques et historiques, tirés des écrivains orientaux principalement chinois , avec une carte générale de l'Asie , par M. G. Pauthier. Paris, i865; in-8° (glvi et 882 pages. Prix : ko francs).

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édition du meilleur texte du voyageur et le nouveau commentaire, tiré de sources qui étaient inacces- sibles aux éditeurs antérieurs, ne peuvent qu'ac- croître encore i'eslime dans laquelle il a été tenu.

M. Legge, à Hongkong, continue son grand ou- vrage , les Classiques chinois; on dit que le troisième et le quatrième volume, contenant le Chou-king, ont j3aru. C'est de beaucoup le plus important pour nous des ouvrages classiques des Chinois, et le com- mentaire de M. Legge sera reçu en Europe avec reconnaissance et grande curiosité.

M. Edkins, à Shanghaï, a publié une nouvelle édition de sa grammaire chinoise ^ Le but qu'il se propose est d'aider les Européens en Chine à ap- prendre la langue actuellement parlée et écrite par les classes cultivées, c'est-à-dire ce qu'on est convenu aujourd'hui d'appeler le dialecte mandarin. Il traite, dans la première moitié du volume , en grand détail, des règles et des variations de la prononciation , sujet qui naturellement a plus d'importance pour les lec- teurs qui se trouvent en Chine que pour nous ; mais comme M. Edkins est un homme très-savant dans l'histoire de la langue chinoise , il trouve moyen de nous faire connaître une foule de rensei- gnements sur l'ancienne prononciation chinoise qui sont d'un intérêt Irès-réel pour f histoire de la

' A Grammur oj tlie Chincse colloqiiial laii(jua(jc , commonly called (lie mandarin dialecl, by Joseph Edkirià, of the London missionary Society. Second édition revised. Shanghaï, i863. in-â" (viii et 2 19 pages).

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langue et pour l'intelligence des livres classiques, et, s'il voulait écrire un traité systématique sur les changements que la langue et la prononciation ont éprouvés en Chine, il rendrait un grand service à la science. Le reste du volume contient l'exposé des formes grammaticales, ou plutôt des expédients dont se sert la langue chinoise pour remplacer les formes qui lui manquent. Cette partie de l'ouvrage est traitée dans un ordre naturel et intelligible, et remplie d'observations puisées dans une profonde connaissance de la langue écrite et parlée.

J'ai annoncé l'année dernière un manuel de grammaire chinoise, par M. Summers, à Londres. Je ne connaissais pas alors une grammaire plus dé- veloppée qu'il avait publiée presque en même temps ^ Il s'y est proposé d'aider les étudiants en Europe à acquérir la connaissance du dialecte man- darin. Il donne, après avoir traité de l'écriture, des formes et de la syntaxe, une chrestomathie avec transcription et traduction. Il se sert beaucoup de la transcription se"ule dans les exemples qu'il cite dans la grammaire, je suppose pour en réduire l'étendue; mais il vaudrait mieux omettre ce qu'on ne veut pas écrire aussi en caractères chinois. On voit dans les grammaires de M. Edkins et de M. Sum-

' A Handhook oj ihe Cliinese lanfjuuge. Parts i and ii, Grammar and Chrestomathy, prepared with a view to initiale tbe stndent of Chinese in tlie rudiments of this langtiage and lo suppiy materials for his early studies , by James Summers. Oxford , 1 863 , in-8° (xxx » 23 1, io5 et Sg pages}.

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mers que Ton attache, avec raison, plus d'impor- tance qu'auparavant à rénumération et à la défini- tion du sens des particules dans lesquelles consiste la partie la plus importante et la plus délicate de la grammaire chinoise. Ei pourtant je crois que ce qu'on a fait jusqu'ici pour cette partie capitale de la langue est très-insuffisant, et qu'un traité spécial et détaillé sur les particules chinoises est un grand de- sideratum. Tl devrait contenir l'énumération com- plète de ces mots auxiliaires et la définition exacte de leur emploi, de leur inlluence sur la tournure de la phrase, et de leur valeur grammaticale, et ap- puyer le tout par des exemples bien choisis et placés dans leur ordre chronologique. L'étude du chinois est, de toutes les études orientales, celle qui a fait le moins de progrès en Europe, quoiqu'il n'y en ait pas une qui puisse fournir des faits plus nombreux et plus variés qu'elle; mais il faut des secours plus amples que ceux que nous possédons pour cette étude difficile.

Il est arrivé récemment quelques exemplaires d'un vocabulaire latin-chinois, publié en Chine par M^"^ Perny, évêque de Sse-Tchouen^. Ce volume est destiné à l'usage des séminaires catholiques en Chine, pour l'enseignement du latin aux prêtres indigènes ; il contient à peu près vingt mille mots

' Vocabularium latino-sinicum , ad usam stiidiosœ juventutis sinicœ, auclore Paulo Perny, 1861, in-8° (721 pages), A la Gn du volume on lit : " Explicit vocabularium latino-sinicum , in pago dicto Kiéou- tcliay e tribu aborigena Tchong-kin-tsi , anno Domini 1862.»

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latins avec leur traduction en chinois, mais sans autres détails, chaque mol n'occupant qu'une ligne. Le livre est gravé sur bois en deux colonnes et assez proprement exécuté , mais il ne peut être d'aucune utilité pour les études chinoises en Europe. Nous avons besoin d'un dictionnaire chinois, le plus riche possible en mots composés, en emplois métapho- riques de mots et de phrases, et en explications des nuances délicates que l'usage introduit dans toute littérature riche et ancienne comme celle de la Chine.

Le Code annamite, dont M. Aubaret, consul général de France à Bangkok, vient de publier une traduction \ est un ouvrage tout chinois d'o- rigine et de langue, car les Cochinchinois ont adopté le Code chinois tout entier. Il n'y a de dif- férence que dans les Règlements supplémentaires que l'on y ajoute de temps en temps tant en Chine qu'en Cochinchine. Ces règlements forment la partie mobile de la législation; ils sont revus en Chine tous les cinq ans et en Cochinchine à des époques arbitraires. Le Code chinois est très-connu en Europe, par la traduction qu'en a publiée sir G. Staunton; M. Aubaret l'a traduit de nouveau sur l'édition officielle cochinchinoise, qui ne diffère de son prototype que par l'ordre plus logique dans le- quel les chapitres sont placés. M. Aubaret a eu soin

* Code annamite. Lois el règlements du royaume d'Annam, traduits do texte chinois original, par G. Aubaret. Paris, i865, 2 voL in-&* (xiv, 394 et 3o9 pages).

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de traduire aussi les Règlements supplémentaires par lesquels le Code annamite se distingue du Code chinois. Cette traduction mettra l'administration française à Saigon en état d'appliquer les lois du pays, et M. Aubaret espère qu'elle sera suivie de la publication du Code en langue annamite, pour que le peuple puisse prendre lui-même connaissance des lois qui l'ont gouverné depuis si longtemps, sans qu'il ait pu en lire le texte. Il est grand par- tisan de l'introduction de l'alphabet de transcrip- tion dont les missionnaires catholiques se servent dans leurs écoles, et il fait imprimer dans ce mo- ment une grammaire annamite-française dans ce caractère. Il a préparé aussi un vocabulaire anna- mite-français et français-annamite, qui sera imprimé avec les caractères cochinchinois que l'Imprimerie impériale a fait graver.

La littérature japonaise ne nous a guère apporté cette année que des promesses. M. de Rosny a publié un Guide de la conversation japonaise K Ce sont des conversations, composées à faide des membres de la première ambassade du Japon , qu'il fait précéder d'une instruction sur la pronon- ciation en usage à Yédo. Le japonais est imprimé en caractères français, ce qui n'offre pas de difficulté tant qu'il ne s'agit pas de mots chinois. M. de Rosny annonce la continuation de son Dictionnaire japo-

' Guide de la comerscK ion japonaise , précédé d'une introduction sur la prononcialion en usage à Yédo, par Léon do Rosny. Paris. 1 865 , in-8° ( 56 page» ).

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nais-français-anglais, dont la première partie a paru il y a quelques années, et une collection de spéci- mens d'ouvrages japonais reproduits en fac-similé et traduits en français.

M. Léon Pages imprime, de son côté, la conti- nuation de sa reproduction du Dictionnaire japonais des jésuites, qu'il accompagne de la transcription des mots japonais en caractères katakana et d'une traduction française. L'impression de la seconde livraison est très-avancée. Il nous promet aussi une Histoire du Japon, dont le troisième volume, qui doit paraître le premier et qui commence à l'année i58o, est sous presse. Enfin M. Pages s'est chargé des soins à donner à la publication du Dictionnaire français-anglais-japonais de M. Mermet, mission- naire au Japon, qui formera deux livraisons, dont la première paraîtra dans le courant de l'année. M. Mermet a composé de même un Dictionnaire japonais-français-anglais, qui doit paraître à la suite de la partie française et japonaise.

Nous ne manquerons donc pas de secours pour l'étude de la littérature japonaise, et il faut qu'on l'étudié en Europe , malgré la difficulté qu'elle oftVe d'exiger la connaissance préalable de la langue et de la littérature chinoises. Aussi longtemps que le Japon avait réussi à se préserver du contact avec les Européens, on pouvait s'occuper de sa littéra- ture comme d'un objet de curiosité scientifique; mais aujourd'hui la connaissance de sa langue , de son histoire, de sa géographie, de son organisation VI. 7

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sociale, de ses mœurs, de sa religion et de ses sciences, est devenue une nécessité pour nous, car nous avons porté chez les Japonais, par notre en- tière ignorance de leur état réel , de leurs idées et de leurs habitudes, la guerre étrangère et la guerre civile, et il est temps que l'Europe justifie par d'autres résultats son intervention dans les alfaires d'un pays qui ne demandait que de rester tran quille.

Messieurs, les ouvrages de littérature orientale dont vous venez d'entendre la liste et qui ont paru depuis notre dernière séance annuelle, ou au moins ceux qui sont arrivés à ma connaissance, sont moins nombreux que ceux qui ont été publiés dans la plupart des années antérieures; mais celte dimi- nution ne peut être qu'accidentelle et momentanée, car elle ne vient aucunement d'un alTaiblissement de nos études communes. Celles-ci, au contraire, n'ont jamais été plus sérieuses et plus profondes, elles ne se sont jamais étendues à un plus grand nombre de langues et de sujets, et elles n'ont ja- mais été poursuivies avec des méthodes plus rigou- reuses.

C'est un spectacle étonnant de voir avec quelle rapidité elles se sont formées , et ont pris posses- sion de toute l'étendue du cercle que la nature des choses leiu' assigne. Plusieurs d'entre nous ont eu- core pu connaître tous les initiateurs de ces nou- velles études, excepté peut-être Sir W. Jones. Wil-

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kins, Coiebiooke, Silvestre de Sacy , Gesenius, Grotefend, Hammer, Rémusat, Champollion , Bur- nouf étaient des hommes de notre temps; d'autres, qui ont créé à leur tour de nouvelles branches de nos études communes, ou même des sciences en- tières qui en sont sorties, sont encore en vie et continuent les travaux qu'ils ont si glorieusement commencés. Je n'ai pas besoin de dire leurs noms, qui sont dans toutes les bouches, partout le sa- voir est en honneur. Ce grand mouvement litté- raire a été provoqué par la coïncidence de plusieurs causes, indépendantes l'une de l'autre. Les exi- gences d'une théologie plus savante et plus hbre, l'extension donnée aux missions en Asie, les rap- ports politiques plus intimes avec l'Orient, une curiosité toute nouvelle tournée vers les problèmes de l'histoire de la civilisation humaine, un chan- gement dans le goût littéraire, qui cherchait avide- ment d'autres formes et de nouvelles inspirations, toutes ces raisons ont contribué au désir de mieux connaître l'Asie, ses littératures antiques, ses re- ligions et son histoire. Jusque-là les études orien- tales s'étaient bornées à ce que réclamait l'inter- prétation de la Bible, aux études des jésuites sur la Chine, et à quelques tentatives généreuses, mais isolées, comme celle d'Anquetil du Perron.

Les Anglais se sont mis à l'œuvre les premiers. La possession de l'Inde les y conviait, l'intelligence du gouvernement de la Compagnie et la position de ses employés fournissaient les moyens, et l'é-

7. '

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tude du sanscrit et de tout ce qui en dépend fut fondée. En France les anciennes institutions savantes , l'Académie des inscriptions et le Collège de France offraient un point d'appui. Silvestre de Sacy forma une école, qui a renouvelé dans toute l'Europe l'enseignement de l'arabe et lui a donné une pré- cision qu'il n'avait jamais eue. Rémusat créa l'en- seignement du chinois, Champollion découvrit la lecture des hiéroglyphes et Burnouf fit revivre les anciennes langues de la Perse. L'Allemagne entra dans ce mouvement la dernière; tout y manquait, les hommes et le matériel, mais le public y était mieux préparé que nulle autre part à faire un ac- cueil favorable à toute nouvelle branche de con- naissances humaines. Les travaux sur l'antiquité classique poussés à leur dernière limite, les sys- tèmes de philosophie qui se succédaient, fimmense extension donnée aux sciences théologiques, les be- soins littéraires de l'école romantique qui cher- chait à refaire sur un plan bien plus grand l'histoire des littératures, enfin toute la tendance des esprits portaient les hommes les plus intelligents vers les lettres orientales, dont on attendait la solution des plus grands problèmes historiques. Des hommes d'un âge muret célèbres déjà par d'autres travaux, comme les frères Schlegel, G. de Humboldt et Goerres, furent saisis d'uu véritable enthousiasme pour ces nouvelles éludes et s'y livrèrent avec la plus grande ardeur. Aussitôt que les malheurs des temps ne s'y opposèrent plus , des jeunes gens vinrent

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à Paris et à Londres pour suivre des cours et copier des manuscrits. Les universités allemandes, grâce à leur constitution libre, s'ouvrirent rapidement à ce nouvel enseignement, et aujourd'hui les lettres orientales sont cultivées en Allemagne plus géné- ralement que dans aucun autre pays. De elles se répandirent en Russie, en Danemark, en Suède et surtout en Hollande, elles trouvèrent, d'un côté dans les universités, de l'autre dans les intérêts co- loniaux néerlandais, de puissants encouragements; enfin le mouvement pénétra, quoique plus faible- ment , en Italie , en Espagne et aux Etats-Unis d'Amé- rique, et embrassa ainsi à ditï'érents degrés tous les pays qui suivent les voies de la civilisation moderne. La tâche qu'on entreprit était des plus grandes et des plus ardues. A la renaissance des lettres, on n'avait devant soi que deux langues et deux littéra- tures d'une étendue médiocre, et l'on a mis trois siècles à les approfondir; mais les éludes orientales étaient en face d'un nombre considérable de langues, de quatre ou cinq grandes littératures, qui elles- mêmes sont entourées d'un bien plus grand nombre de littératures secondaires, dont l'étude devenait indispensable à mesure qu'on avançait; enfin elles avaient à déchiffrer un nombre immense d'inscrip- tions, composées dans des langues oubliées depuis des milliers d'années et écrites dans des alphabets entièrement inconnus, et pourtant ces inscriptions contenaient tout ce qui nous reste des œuvres de nations qui ont exercé une grande influence sur

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les destinées de l'humanité, et il était indispensable

d'en découvrir le sens.

On n'avait en général des secours, même les plus élémentaires, que pour les langues sémitiques; pour les autres, tout faisait défaut; on n'avait ni gram- maires ni dictionnaires; la plupart des bibliothèques étaient pauvres en manuscrits; les rares copies d'ins- criptions qu'on possédait étaient généralement d'une incorrection vraiment déplorable; enfin, on man- quait presque partout de moyens d'imprimer des textes. Mais on se mit courageusement h l'œuvre, chacun créant pour soi-même et avec des difficultés infinies ses instruments de travail; on composa des grammaires et des dictionnaires de toutes les lan- gues et d'un grand nombre de leurs dialectes; on copia des manuscrits et on en fit venir de l'Orient; on se procura des types pour toutes les écritures; on imprima des livres élémentaires; on publia des textes et des traductions, en y appliquant avec une rigueur croissante les règles de la critique que la philologie avait découvertes pour les textes clas- siques. On ne recula pas devant l'étude des gram maires et des commentaires indigènes , travail aride entre tous , mais nécessaire pour bien pénétrer dans l'histoire et les formations de ces langues antiques. On a étudié ainsi le sanscrit et ses dialectes anciens et modernes, le pâli, le pracrit,le kawi, l'hindous- tani, le mahratli, le bengali, le gtizzurati; on a fait de grands travaux sur les langues des aborigènes de l'Inde, le tamoul , le canara, le telinga, et sur

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les dialectes des tribus barbares qui se rattachent à celte branche de langues; on a approfondi, comme on ne l'avait jamais fait, l'arabe et tous les dialectes sémitiques en usage dans l'espace compris entre l'Abyssinie et la Mésopotamie; on s'est occupé du persan et de ses dialectes; on a retrouvé le zend, le pehlevi et le parsi; on a étudié l'arménien, le géor- gien , l'afghan et toutes les langues tartares qui sont parlées depuis Constantinople jusqu'à Pékin; et même les dialectes finnois, qui oifrent à peine des rudiments de littérature, ont été l'objet de travaux considérables; on a cultivé les langues des îles de la Sonde, le malais, le javanais; on a étudié le tibé- tain et les langues de la presqu'île au delà du Gange, le birman, le cochinchinois ; on a rendu accessible le chinois, et l'on s'occupe très-sérieusement du ja- ponais. Enfin on a fait revivre par des eftbrts inouïs de travail et de sagacité les langues des peuples antiques, qui ne nous en avaient laissé des traces que dans leurs inscriptions, dont la lecture et le sens étaient perdus depuis longtemps. On a retrouvé ainsi l'ancien égyptien dans les hiéro- glyphes, le perse du temps de Darius dans les ins- criptions cunéiformes de Persépolis, le babylonien dans les inscriptions de Ninive, la langue des Phé- niciens dans les débris sculptés qu'on rencontre dans les ruines de leurs colonies, le himyarite dans les inscriptions de Saba , le nabalhéen dans les inscrip- tions du Sinaï, le dialecte sanscrit du bouddhisme primitif dans les inscriptions d'Âçoka; et l'on com-

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prend tout l'appui que reçoit l'histoire ancienne de la lecture de tant de documents contemporains et d'une aussi incontestable authenticité.

Un des premiers résultats de ces travaux si pro- fonds et si variés sur les langues a été la création dune science toute nouvelle, de la grammaire com- parée, qui est un instrument d'une délicatesse et d'une puissance incomparables, tant pour la philo- logie que pour les plus anciennes époques de l'his- toire. Elle nous met en état de pénétrer dans les lois du langage, d'expliquer les anomalies des dia- lectes, de fixer avec précision les parentés des races humaines, et permet de tirer des langues des indi- cations certaines sur létat de la civilisation de chaque race dans des temps bien antérieurs à toute tradi- tion historique. Elle fait aujourd'hui encore essen- tiellement partie des études orientales, parce qu'elle en est sortie et qu'elle n'a encore guère été sérieu- sement appliquée qu'à des langues ariennes et sé- mitiques. Elle s'étendra un jour sur toutes les races humaines, et, de même que Humboldt en a déjà fait fapplication aux langues océaniennes, elle détei mi- nera un jour fethnographie de l'Amérique et de l'Afrique; mais les lettres orientales auront toujours la gloire de lui avoir donné naissance.

Tous ces travaux de philologie n'étaient que des préparatifs pour les études réelles des littératures orientales. Aussitôt qu'on a été en possession de l'ins- trument, on s'est mis à l'œuvre pour refaire l'histoire de l'Orient, dans le sens du mot le plus large, et

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toutes les parties des sciences historiques ont bientôt ressenti l'influence de ce nouvel et puissant élé- ment, même celles qui paraissaient devoir y parti- ciper le moins, comme, par exemple, l'histoire des sciences exactes. Mais ce sont avant tout les sciences intellectuelles qui ont profité des nouvelles lu- mières. L'histoire des religions dépend entièrement de nos études; elle est à refaire en grande partie et se refait tous les jours. Les travaux sm' les Védas et le brahmanisme, sur le Zendavesla, sur le boud- dhisme, sur Confucius, sur Muliammed et sur le mysticisme des Soufjs , donnent déjà, tout incom- plets qu'ils sont pour la plupart, une base bien au- trement solide à l'histoire des religions que tout ce qu'on possédait et imaginait autrefois. La philosophie rencontje dans l'Inde ses origines et un développe- ment d'une profondeur inattendue; elle ne peut né- gliger les écoles métaphysiques et morales des Chi- nois, et elle trouve chez les Arabes les maîtres do la scolastique de l'Occident. L'histoire du droit trouve dans l'Inde, en Chine. et chez les Arabes trois peu- ples essentiellement législateurs, dont elle doit te- nir un très-grand compte. L'histoire littéraire est peut-être de toutes les parties des connaissances hu- maines celle qui a gagné le plus à nos études. Les hymnes des Védas, les drames indiens, les grandes épopées indiennes et persanes, les romans chinois, les poésies lyriques de tous les peuples orientaux, les contes des Hindous et des Arabes, les ballades nationales et, plus tard, la poésie d'art des Arabes

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sont autant de manifestations de l'esprit littéraire dans des œuvres qui nous étonnent par leur gran- deur et leur force , ou nous charment par leur grâce. Elles ne peuvent pas nous servir de modèles, mais elles élargissent l'horizon littéraire d'une manière incalculable.

Quant à l'histoire politique de l'Orient, elle s'élabore lentement et graduellement ; car il ne s'agit pas seulement de constater les gros faits des conquêtes, des batailles et des successions des dy- nasties, il s'agit de comprendre l'organisation de ces peuples, les idées auxquelles ils obéissent, les motifs qui les font agir, pour expliquer la résistance qu'ils ont pu opposer, et pour donner les raisons de leur grandeur et de leur décadence. L'histoire de ces grandes monarchies n'a que peu d'intérêt si nous nous en tenons aux fails extérieurs, parce que leur sort a eu peu d'influence sur le nôtre; mais il y a là-dessous une histoire humaine digne de toute notre sympathie et faisant essentiellement partie de l'histoire universelle. Qui es.t-ce qui pourrait pren- dre plaisir à lire l'histoire de la Chine du P. Mailla? Mais quand nous connaîtrons mieux le développe- ment de la civilisation chinoise, quand nous pour rons en suivre les phases et les causes, quand nous verrons clairement de quoi il s'agissait dans ces évé- nements, ces noms, qui ne nous font aujourd'hui aucune impression, prendront de la vie et devien dront les représentants d'hommes comme nous , d'idées et d'intérêts comme les nôtres. Les Anglais

RAPPORT ANNUEL. 107

ont pu faire cela pour quelques parties de l'histoire de l'Inde, on la fait pour la vie de Muhammed, on Ta essayé avec un certain succès pour les Djin- guiskhanides; on pourra prochainement le faire pour l'histoire du khalife Mamoun et montrer de quels grands intérêts il s'agissait alors à Bagdad ; on pourrait déjà le faire pour Confucius ou pour l'em- pereur Akbar, et peut-être bientôt pour le Bouddha. A mesure que des matériaux de toute espèce s'ac- cumulent, de nouveaux points ressorliront de cette masse encore un peu indistincte du monde oriental ancien; et l'histoire que nous nommons universelle, et qui est réduite aujourd'hui à celle d'un assez petit nombre de peuples, gagnera en sm'face et en profondeur, et deviendra de plus en plus ce qu'elle doit être : le tableau de tous les grands faits et des grands intérêts qui ont agi sur le développement des sociétés humaines.

Cette histoire de la civilisation en Asie est le point central vers lequel convergent tous les tra- vaux que nous voyons s'accomplir tous les jours dans nos études, et ce qu'il y a de vraiment admi- rable dans la direction qu'ont prise les écoles orien- tales en Europe, c'est qu'elles n'ont jamais perdu de vue ce grand but. Si divers, si individuels, si spéciaux, si arides en apparence que puissent être les travaux de chacun de nous, tous sont néces- saires à l'édifice à construire et finissent par y prendre leur place.

Mais il ne faut pas se dissimuler que malgré tant

108 JUILLET 1865.

d'efl'orts nous sommes encore loin, je ne dis pas (lu couronnement de l'œuvre, car heureusement les sciences n'ont pas de couronnement , mais d'un ensemble satisfaisant pour l'esprit. Tout est com- mencé, mais aucune partie n'est achevée, les mé- thodes sont trouvées, la route est ouverte, les matériaux sont abondants, mais l'entreprise est im- mense. Chaque progrès qu'on fait montre la né- cessité d'en faire de nouveaux et dévoile des la- cunes qu'on n'avait pas soupçonnées, chaque texte qu'on publie provoque de nouveaux besoins, cha- que sujet qu'on entame laisse voir une infinité de recherches à faire. Les travailleurs ne manquent pas, la grandeur du sujet, l'attrait de l'inconnu, la certitude de voir récompenser tout elTort réel par une découverte, sont de puissants stimulants pour la jeunesse. Mais cette ardeur et ce dévouement ne peuvent pas toujours vaincre le défaut de moyens matériels , qui sont beaucoup au-dessous des besoins de la science. Les gouvernements et les corps sa- vants constitués ont fait quelque chose pour ces études, mais beaucoup trop peu, et leurs progrès rapides sont dus bien plus à des dévouements et à des sacrifices individuels, sacrifices plus grands et plus pénibles que le monde ne se l'imagine, (ju'à des encouragements publics. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, car je ne veux pas faire le martyrologe des lettres orientales; je le dis seulement à la gloire (le ceux qin' se sont sacrifiés ainsi à l'avancement de la science.

RAPPORT ANNUEL. 109

Ce n'est pourtant pas une science que l'on puisse sans dommage abandonner à ses propres forces dans l'espoir que la curiosité des savants et du public suffira à ia cultiver. Il faut l'aider et l'encourager, car il y a un grand intérêt à ce qu'elle fasse des progrès rapides. Toute découverte scientifique produit ses effets; si abstraite, si éloignée de la vie pratique qu'elle paraisse, elle ne reste pas stérile; les savants la trouvent, le monde fappiique et souvent de la manière la plus inattendue. Pour nos études, la route est tout indiquée et l'application est certaine et urgente. L'Europe est aujourd'hui maîtresse de l'Orient, mais maîtresse ignorante et par conséquent violente; elle ne sait que détruire, et pourtant il lui importe de savoir ce qu'elle fait , de connaître les hommes sur lesquels elle veut agir, de ne pas se heurter inutilement contre des institutions et des idées profondément enracinées dans les esprits, de ne pas détruire ce qui fait la vie de ces peuples, ce sur quoi on peut s'appuyer pour les relever. L'Orient est presque partout en décadence, mais il n'en est pas moins gouverné par des idées anciennes qui servent de règle pour les actions de l'homme le plus ignorant ; il ne pourrait pas les énoncer, mais il leur obéit d'autant plus aveuglément qu'il a à côté de lui une classe lettrée qui les partage et qui tient dans ses mains la clef de sa conscience. Les missionnaires le savent bien ; ils convertissent facilement une tribu sauvage; mais fhômme ignorant, qui a derrière lui une religion ancienne et une caste savante en la-

I

110 JUILLET 1865.

quelle il a confiance, est inaccessible. Voyez le peu de sécurité de l'empire anglais dans l'Inde; et pour- tant l'administration coloniale des Anglais est la meilleure qu'il y ait jamais en. Mais l'opinion pu- blique en Angleterre n'est pas assez éclairée sur l'Inde pour produire un degré sufFisant de sympathie pour ces peuples, et il n'y a que la sympathie qui permette d'agir sur les hommes. On n'en a que pour ce qu'on comprend; on ne peut ménager les sentiments d'un peuple que quand on connaît son passé; on ne peut l'élever que quand on respecte ce qu'il a de bon. Les recherches des savants pa- raissent bien éloignées de l'action directe , mais elles servent par leurs résultats à former une opinion pu- blique qui est toute-puissante dans l'état actuel du monde. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, dont les développements seraient infinis, mais la thèse elle- même me paraît évidente; il est certain que l'Eu- rope est aujourd'hui toute-puissante en Orient, mais qu'elle est encore beaucoup trop ignorante pour pouvoir exercer sur lui autre chose qu'une action aveugle et généralement désastreuse, malgré toutes ses prétentions de porter partout la civilisation; elle doit apprendre à connaître l'Asie, sous peine de ne produire que des ruines en Orient et des désastres et de la honte pour elle-même.

L'influence des études orientales a encore un autre côté, moins évident, mais tout aussi important. S'il faut agir sur les Européens, il faut aussi agir sur les Orientaux. Leur grand malheur est la décadence

RAPPORT ANNUEL. 111

dans laquelle sont tombées chez eux les sciences. Après nous avoir souvent précédés , ils se sont arrêtés par l'influence de diverses circonstances dans les pays divers, ont adopté des théories toutes faites, ont regardé leurs sciences comme achevées, ont né- gligé la critique et les méthodes d'observation et se sont contentés de formules qu'ils ont crues défini- tives. Il est difficile de leur communiquer nos sciences directement, elles sont trop loin de leur point de départ; fesprit ne peut pas franchir d'un bond une aussi grande distance. Ils doivent à leur tour parcourir le chemin que nous avons fait, et ils le feront plus facilement avec notre aide; mais la première chose est d'éveiller en eux le besoin d'ap- prendre, et c'est à cela que leur sert fobservation de la manière dont nous nous occupons de leurs textes sacrés, de leur histoire, de leurs sciences; ils y ap- prennent les méthodes de la critique et l'avantage de connaissances nouvelles pour comprendre ce qu'ils croyaient si bien savoir. On voit l'efTet de cette influence par bien des signes et par des exemples qui deviennent de plus en plus nombreux chez les Hindous, les Arabes et les Chinois, et qui se produi- sent tantôt sous forme de controverse, tantôt sous forme d'imitation. L'une et l'autre concourent éga- lement au but, et si nos méthodes parviennent, comme il y a lieu de l'espérer, à s'introduire dans leurs écoles savantes , le plus grand pas pour leur ré- génération sera fait; car la réforme ne peut venir que de l'intérieur même d'une nation, et il n'est

112 JUILLET 1865.

possible d'agir sur elle d'une manière sûre que par les classes savantes qu'elle est accoutumée à respec- ter et de la main desquelles elle acceptera le progrès.

SOCIÉTÉ ASIATIQUE

I.

LISTE DES MEMBRES SOUSCRIPTEURS,

PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE,

L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

MM. Abbadie (Antoine d), correspondant de l'Ins- titut.

Abd-el-Kader (S. A. l'émir), à Damas.

AcoLLAs, docteur en droit.

Agop Effendi, conseiller à l'ambassade otto- mane.

Ahmed Kiamil Effendi , membre du bui'eau des interprètes aux affaires étrangères, à Paris.

Alcober (Vincent), employé au ministère de l'intérieur, à Madrid.

Alekan (Alphonse), à Tunis.

Amari (Michel).

Arconati (Le marquis Visconti), à Turin.

Arnaud, pasteur protestant aux Vans ( Ar- dèche).

LISTE DES MEMBRES. 113

MM. AuBARET, capitaine de frégate , consul de France à Bangkok (Siam). AuMER (Joseph), employé à la Bibliothèque royale de Munich.

BlBLIOÏHÈQOE AMBROSIENNE, à Milan.

Bibliothèque de l'Université, à Erlangen.

Bader (Mademoiselle), à Paris.

Badiche (L'abbé), trésorier de la métropole, à Paris.

Baissac (Jules), traducteur au ministère de la guerre, à Paris.

Barb (H. A.), professeur, à Vienne.

Barbier de Meynard , professeur à l'Ecole des langues orientales vivantes.

Bardelli, professeur à l'Université de Pise.

Barges (L'abbé), professeur d'hébreu à la fa- culté de théologie de Paris.

Barré de Lancy, secrétaire archiviste de l'am- bassade de France à Constantinople.

Barth (Auguste), à Strasbourg.

Barthélémy Saint-Hilaire, membre de l'Ins- titut. •

Beauté fils, à Alexandrie.

Bealvoir-Priaux (De), à Londres.

Baudet, au grand séminaire de Beauvais.

Behrnauer (Walther), secrétaire de la Biblio- thèque publique de Dresde.

Belin, secrétaire interprète de l'ambassade de France à Constantinople.

VI. 8

114 JUILLET 1865.

MM. Bellecombe (André de), homme de lettres, à Choisy-le-Roi (Seine).

Benzon (L'abbé comte), professeur d'hébreu au séminaire patriarcal de Venise.

Berezine, professeur de langues orientales, à Casan.

Berge, bibliothécaire, à Tifîis.

Bergstedt, agrégé, à Upsal.

Bertrand (L'abbé), chanoine de la cathédrale de Versailles.

Bh'au-Daji, à Bombay.

Bland, membre de la Société royale asiatique de Londres.

BoiLLY (Jules), peintre, à Paris.

Boissonnet de la Touche (Estève), lieutenant- colonel d'artillerie, à Perpignan.

Boncompagni (Le prince Balthasar), à Rome.

BoNNETTY, directeur des Annales de philoso- phie chrétienne.

Botta ( Paul-Emile j, consul général de France à Tripoli de Barbarie, corresp. de l'Institut.

BoLCHER (Bichard), à Paris.

Boy( Victor), à Marseille.

Bréal, agrégé de l'Université, chargé de cours au Collège de France.

Briau (René), docteur en médecine, à Paris.

Brosselard (Charles), secrétaire général de la préfecture d'Alger.

Brown (John), chargé d'affaires des Ktats-Unis, à Constantinople.

»

LISTE DES MEMBRES. 115

MM. Brunet de Presle, membre de l'Institut, à

Paris. BucHÈRE (Paul), à Versailles. BuHLER (George), à Londres. BuLLAD, interprète de l'armée d'Afrique, à

Fort-Napoléon (Algérie). Bureau (Léon), à Nantes. BuRGRAFF, professeur d'arabe, à Liège. BuRNOUF (Emile), professeur à la faculté des

lettres de Nancy.

Cahen , rabbin à Constantine.

Caix de Sa F NT -Amour, à Paris.

Calfa (Ambroise \ousouf Nar Bey), ancien directeur du Collège national arménien de Paris.

Cama (Rhursedji Rustomji), négociante Bom- bay.

Caratheodory (Alexandre), à Constantinople.

Cartwright.

Catsephlis, consul de Prusse à Tripoli de Syrie.

Caussin de Perceval , membre de l'Institut, professeur d'arabe à l'Ecole des langues orientales vivantes et au Collège de France.

Chaillet, payeur à Alger.

Challamel (Pierre), artiste peintre, à Paris.

Charencey (De), à Paris.

Charmoy, ancien professeur de langues orien- tales à l'Université de Saint-Pétersbourg.

8.

116 JUILLET 1865.

MM. Cherbonneau , piofesseur d'arabe à Alger.

Chinaci Effendi, en^ployé supérieur du Gou- vernement ottoman.

Chodzko (Alexandre), chargé du cours de lan- gue et de littérature slaves au Collège de France.

Cl^ment-Mullet (Jean-Jacques), membre de la Société géologique de France.

CoHN (Albert), docteur en pinlosophie.

CoMBAREL, professeur d'arabe à Oran.

Constant (Calouste), à Smyrne.

CosENTiNO (Le marquis de).

CooMARA SwAMY, mudellar et membre du con- seil législatif à Colombo, Ceylan.

Dastugues, chef d'escadron , à Oran. Dalsème (Achille), à Paris. Dax, capitaine d'artillerie, à Sebdou. Defréwery (Charles), professeur suppléant au

Collège de France. Delaunay, au château du Bois Hunaut. Delessert (François), membre de l'Institut,

président de la caisse d'épargne. Derenbourg (Joseph), à Paris. Deschamps (L'abbé), à Paris. Desvergers (Adolphe-Noël), correspondant de

l'Institut. Devic (\j. m.), élève de l'Ecole spéciale des

langues orientales. Dillmann, professeur, à Giessen.

LISTE DES MEMBRES. 117

MM. DiNi (D'), professeur au Collège de Fano , Marches d'Italie.

DiTANDY (Auguste), censeur au lycée d'Angou- lême.

Djemil Pacha (S. E.), ambassadeur de la Su- blime Porte, à Paris.

Drouin (Edmond), avocat à Paris.

DuGAT (Gustave), ancien élève de l'École spé- ciale des langues orientales vivantes.

Ddlaurier (Edouard), membre de l'Institut, professeur d'arménien à l'Ecole spéciale des langues orientales vivantes.

Du Nant (G. Henry), à Genève.

Durand, interprète à l'armée d'Afrique.

Ddrr, juge de paix, à Tenès.

Eastwick, secrétaire du ministère de l'Inde, à

Londres. EicHTHAL (Gustave d'), secrétaire de la Société

ethnologique. Emin (Jean-Baptiste), professeur à l'Institut

Lazareff, à Moscou. Enis Effendi, membre de l'Académie, à Cons-

tantinople. Escayrac de Lautcre (Le comte d'). EspiNA , vice-consul de France à Sousa (Tunisie).

Fano (Le comte Camille Marcolini di). Feer (Léon), chargé du cours de tibétain à l'Ecole des langues orientales, à Paris.

118 JUILLET 1865.

MM. FiNLAY (Le docteur Edouard), à la Havane. FiNN, consul d'Angleterre à Jérusalem. Fleischer, professeur à TUniversité de Leipzig. F^.iJGEL, professeur à Dresde. FoucAux (Ph. Edouard), professeur de sanscrit

au Collège de France. Franceschi (Richard), chancelier du consulat

d'Autriche à Scutari d'Albanie. Frankel (Le docteur ) , directeur du séminaire ,

à Breslau. Friedrich, secrétaire de la Société des sciences,

à Batavia.

Gabelentz (H. CoNON delà), conseiller d'Etat, à Altcnbourg.

Gagnier, à Paris.

Ganneau, à Paris.

Garcin DR Tassy, membre de l'Institut, pro- fesseur d'hindoustani à l'Ecole spéciale des langues orientales vivantes.

Garrez (Gustave), à Paris.

Gauthier, docteur médecin , à Luxeuil.

Gay (Ferdinand), chancelier du consulat de France à Mogador.

Gayangos, professeur d'arabe, à Madrid.

Gildemeister, professeur, à Bonn.

Gilbert, chancelier du consulat de France, à Alep (Syrie).

GoLDESBLUM (Pli. V.), à Odcssa.

GoLDENTHAi., profcsscur, à Vienne.

LISTE DES MEMBRES. 119

MM. GoLDSTÛCKER, D' en philosophie, à Londres.

GoRGUos, professeur d'arabe au i)cée d'Al- ger.

GoRRESio (Gaspard), secrétaire perpétuel de l'Académie de Turin.

GoscHE (Richard ) , professeur à Halle (Prusse).

Grote (Georges), à Londres.

Guerrier DE Dumast( Le baron), correspondant de l'Institut , à Nancy.

Guigniaut, membre de l'Institut, à Paris.

Hall (Fitz-Edward), dans l'Inde.

Hassan Efendi.

Hassler ( Conrad -Thierry ) , professeur, à

Ulm. Hauvette-Besnault, bibliothécaire à l'Ecole

normale, à Paris. Hecquart, consul de France à Damas. Heraclius (Son Altesse), prince de Géorgie,

colonel d'état-major, à Tiflis. Hermite, membre de l'Institut, à Paris. Hervé Saint-Denys (Le marquis Léon d'), à

Paris. Hoffmann (J,), interprète pour le japonais au

Ministère des affaires étrangères des Pays- Bas, à Leyde, HoLMRoË , conservateur de la bibliothèque de

Christiania. HuREL, ancien élève de l'Ecole des langues

orientales, à Paris.

120 JUILLET 1865.

MM. Janin-Chevallier (André), professeur de lan- gues sémitiques, à Genève. Jean, prince de Géorgie, à Saint-Pétersbourg. Jebb (Rév. John), recteur à Peterstow-Ross

(Herlfordshire). Jc'DAS, secrétaire du conseil de santé des ar- mées au ministère de la guerre, à Paris. Julien (Stanislas), membre de l'Institut, pro- fesseur de chinois et administrateur du Col- lège de France.

Kasem-Beg (Mirza A. ) , professeur de mongol à

rUniversitc de Saint-Pétersbourg, conseiller

d'État actuel. Kazimirski de Biberstein, secrétaire interprète

de l'Empereur aux Affaires étrangères. Kemal Effendi (Son Exe), ambassadeur de la

Porte à Berlin. Kerr (M™' Alexandre). Rhalil EL Kouni, à Beyrouth. Khanikof (Nicolas de), conseiller d'Etat actuel ,

à Saint-Pétersbourg. KossowiTCH, professeur de sanscrit et de zend ,

à Saint-Pétersbourg. Krehl, docteur en philosophie, à Dresde. Kremer (De), consul d'Autriche, à Galalz. KÛHLKÉ (J.), professeur h l'Ecole égyptienne

de Paris.

Labarthk (Charles de), professeur de sciences

LISTE DES MEMBRES. 121

mathématiques, ancien élève de l'Ecole des langues orientales. MM. Laemmerhirt (D'^), à Weimar.

Laferté-Senectère (Le marquis de), à Tours.

Lancereau (Edouard), licencié es lettres.

Langlois (Victor), ancien élève de l'Ecole des langues orientales, à Paris.

Lazareff (S. E. le comte Christophe de), con- seiller d'Etat actuel, chambellan de S. M. l'empereur de Russie.

Leridart (Antoine de), à l'internonciature au- trichienne, à Gonstantinople.

Leclerc, médecin-major.

Lefèvre (André), licencié es lettres, à Paris.

Legay (Léandre), professeur à l'état-major, au Caire.

Lequeux, chancelier-drogman au consulat gé- nérai de Tripoli de Barbarie.

Lenormant (François), sous -bibliothécaire de l'Institut.

Letteris, directeur de l'Imprimerie impériale orientale, à Prague.

Levander (H. C), de l'Université d'Oxford.

Lévy-Bing (L.), banquier, à Nancy.

LiÉTARD (D'), à Plombières.

Loewe (Louis), docteuren philosophie, à Brigh- ton.

Longpérier (Adrien de), membre de l'Institut, conservateur des antiquités au Louvre.

LuYNEs (Le duc de), membre de l'Institut.

122 JUILLET 1865.

MM. Mac-Douall, professeur, à Belfast.

Madden (J. p. a.), agrégé de l'Université, à Versailles.

Mahmoud Effendi , astronome du vice-roi d'Egypte.

Mallouf (Nassif), professeur de langues orien- tales au Collège de la Propagande, àSmyrne.

Martin (L. A.), homme de lettres, à Paris.

Medawar (Michel), secrétaire interprète du consulat général de France, à Beyrouth.

Mehren (D"^) , professeur àe langues orientales , à Copenhague.

Meign AN (L'abbé) , chanoine honoraire, à Paris.

Mekerticht-Dadian, à Constantinople.

Menant (Joachim), juge à Evreux.

Mergian (Rév. Père Grégoire), membre du Collège Mourad , à Paris.

Merlin (B.), conservateur du dépôt des sous- criptions au Ministère d'Etat.

Metz-Noblat (Alexandre de), membre de l'Académie de Stanislas, à Nancy.

MiLLiÈs D'), prof, de théologie, à Utrecht.

Miniscalchi-Erizzo, chambellan de S. M. l'em- pereur d'Autriche, à Vérone.

MoHL (Jules), membre de l'Jnstitut, professeur de persan au Collège de France.

MoiiN (Christian), ancien élève de l'Ecole spé- ciale des lang. orient, vivantes, h Naples.

Mondain, colonel, diiecteur des travaux pu- blics, à Belgrade (Servie).

LISTE DES MEMBRES. 123

MM. MoNBAD (D. G.), à Copenhague.

MosTAFA BEN Sadet (Tlialeb), à Constantine.

MoucHLiNSKi, professeur d'arabe, à Saint-Pé- tersbourg.

MuiR (John), à Edimbourg.

MiJLLER (Joseph), secrétaire de l'Académie de Munich.

MiJLLER (Maximilien), professeur, à Oxford.

MuiNK (S.), membre de l'Institut, à Paris.

Neubauer.

Nève, professeur à l'Université catholique, à

Louvain. Noethen (Ch. Maximilien), curé à Berg-Glad-

bach. NoRDMANN (Léon), à Paris.

OcAMPO (Meichior).

Offert, professeur de sanscrit à rÉcoie des langues orientales.

Orbelian (S. E. le prince Djambakour), colo- nel de la garde, aide de camp de l'empe- reur, à Tiflis,

Or[.ando (Diego), à Palerme.

Overbeck (Le docteur), professeur, à Bonn.

Pages (Léon), à Paris. Palmer, 8aint-John's Collège, à Cambridge. Paspati, docteur-médecin, à Constantinople^ Pauthier (G.), à Paris.

124 JUI-LLET 1865.

MM. Pavet de Courteille (Abel), professeur de

turc au Collège de France. Perétié, chancelier du consulat général de

Beyrouth. Perron ( Le docteur) , directeur du Collège

impérial arabe-français, à Alger. Pertsch (W.), docteur, à Gotha. Petit (L'abbé), professeur au grand séminaire

de Beauvais. PiLARD, interprète militaire, à Tlemcen. Platt (William), à Londres. Pleignier, professeur, à l'île de Man. Portal, maître des requêtes, à Paris. Prâtt (John), au collège de Saint-Mary, à

Oxford. Preston (Th.1,Trinity-College, à Cambridge. Prudhomme (Evariste), à Paris. Pynappel, docteur et lecteur à l'Académie de

Leyde,

Régnier (Adolphe), membre de l'Institut.

Reinadd, membre de l'Institut, professeur d'a- rabe à l'Ecole spéciale des langues orientales vivantes.

Renan (Ernest), membre de l'Institut.

Richard (Franceschi), vice-chancelier du con- sulat d'Autriche à Scutari en Albanie.

RiCHEBÉ, professeur d'arabe, à Constantine.

RiQUE (Camille), docteur en médecine, méde- cin-major.

LISTE DES MEMBRES. 125

MM. RiviÉ (L'abbé), vicaire à Sainl-Tbomas d'Aquin.

RoGHET (Louis), statuaire à Paris.

RoDET (Léon), ancien élève de l'Ecole poly- technique, à Paris.

RoNEL, lieutenant au sManciers.

RoNDOT (Natalis), délégué du commerce en Chine, à Paris.

RosiN (De), propriétaire à Nyons, canton de Vaud (Suisse).

RosNY (L. Léon de), à Paris.

RosT (Reinhold), secrétaire de la Société asia- tique de Londres.

Rothschild (Le baron Gustave de), à Paris.

RouGÉ (Le vicomte Emmanuel de), membre de l'Institut, conservateur honoraire des mo- numents égyptiens du Louvre.

Rousseau (Le baron Adolphe), consul de France à Bosna-Seraï.

RouzÉ (Edouard de), capitaine, attaché à la direction des a flaires arabes à Alger.

Royer, à Versailles.

Salles (Le comte EusèbcDE), à Montpellier.

Sanguinetti (Le docteur B. R.), à Paris.

Sarasin , élève de l'Ecole des langues orientales.

Saulcy (F. de), membre de l'Institut, sénateur.

ScHACK (Le baron Adolphe de), à Munich.

ScHEFER (Charles), interprète de l'Empereur aux alïaires étrangères, professeur de persan à l'Ecole des langues orientales vivantes.

126 JUILLET 1865.

MM. ScHLAGiNTWEiT (Emile), docteur, à Wurtz- bourg. ScHLECHTA WssEHRD (Ottokar-Maria de) , direc- teur de l'Académie orientale , à Vienne.

SCHLESWIG-HOLSÏEIN-AUGLSTENBURG (S.A. le

prince de), à Paris.

ScHWARZLOSE,doctem^ en philosophie, à Berlin.

Sédillot (L. Am.), professem' d'histoire au lycée Saint-Louis, secrétaire de l'Ecole spéciale des langues oiientales vivantes.

Seligmann (Le ry Romeo), professeur, à Vienne.

Seroka, chef du bureau arabe, à Biskara.

Skaïschkoff (Constantin), à Saint-Pétersbourg.

Slane (Mac Guckin de), membre de l'Institut.

SoLEYMAN al-Harairi, Secrétaire arabe du con- sulat général de France à Tunis.

SoREï (Frédéric), orientaliste, à Genève.

SxiEHELiN (J. J.) , docteur et professeur en théo- logie, à Baie.

Stecuer (Jean), prof, à l'Université de Gand.

SuMNER (George), à Boston.

Sutherland (H. C), à Oxford.

Taillefer, docteur en droit, ancien élève de l'Ecole spéciale des langues orientales, à Paris.

Terrien -Poncel, au Havre.

Théroulde.

Thomas (Edward), du service civil de la Com- pagnie des Indes, à Londres.

LISTE DES MEMBRES. 127

MM. Thonnelier (Jules), membre de la Société d'histoire de France, à Paris.

Tolstoï (Le colonel Jacques).

ToRNBERG, professeur à l'Université de Lund.

ToRREciLLA (L'abbé de), à Paris.

TuGAULT, élève de l'Elcole des langues orien- tales, à Paris.

Troyer (Le major) , membre de la Société asia- tique de Calcutta, à Paiis.

Trijbner (Nicolas), membre de la Société eth- nologique américaine , à Londres.

Van der Maelen , directeur de l'établissement

géographique, à Bruxelles. Vandrival (Le chanoine), à Arras. Vanucci (Atto), bibliothécaire, à Florence. Veth (Pierre -Jean), professeur de langues

orientales, à Leyde. Villemain, secrétaire perpétuel de l'Académie

française. Vogué (Le comte Melchior de), à Paris.

Waddington (W. h.), à Paris.

Wade (Thomas), à Shanghaï (Chine).

Vi^^EiL, bibliothécaire de l'Université de Heidel- berg.

Westergaard, professeur de littérature orien- tale, à Copenhague.

WlLHELM DE WuRTEMBERG (Le COmtc), à UlnU

WiLLEMS (Pierre), professeur, à Louvain.

128 JUILLET 1865.

MM. WoGUE (Lazare), professeur d'hébreu au Col- lège israélite de Paris. WoRMS, docteur en médecine, à l'Ecole de

Saint-Gyr. WusTENFELD, profcsscur à Gœttingen. Wylie, à Shanghaï.

ZiNGUERLÉ (Le père Pius), Bénédictin, à Rome. ZoTENBERG (D*^ Th.), à Paris.

IL LISTE DES MEMBRES ASSOCIÉS ÉTRANGERS.

SUIVANT L'ORDRE DES NOMINATIONS.

MM. MACBRiDE(Le docteur), professeur, à Oxford.

Bopp (F.)' lïiembre de l'Académie de Berlin.

Wyndham Knatchbull , à Oxford.

Briggs (Le général).

HoDGSON (H. B.), ancien résident à la cour de Népal.

Radhacanï Deb (R.adja), à Gaicutta.

Manakji Gursetji, membre de la Société asia- tique de Londres, à Bombay.

Lassen (Gh.j, professeur de sanscrit, à Bonn.

Rawlinson (Sir H. G.).

VuLLERS, professeur de langues orientales, à Giessen.

KowALEwsKi (Joseph-Etienne), professeur de langues tartares, à Kasan.

Flûgel, professeur, à Dresde.

LISTE DES OUVRAGES PUBLIÉS. 129

MM. DozY (Reinhart) , professeur, à Leyde.

Brosset, membre de l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg.

Fleischer, professeur à l'Université de Leipzig

DoRN, membre de l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg.

Werer (Docteur Albrecht), à Berlin.

Salisrury (E.), secrétaire de la Société orien- tale américaine, à Boston (Etats-Unis).

Weil (Gustave), professeur à l'Université de

. Heidelberg.

III. LISTE DES OUVRAGES

PUBLIÉS PAR LA SOCIETE ASIATIQUE.

Journal asiatique, seconde série, années 1828-1 835, 16 vol. in-8°, complet ; 1 A4 fr.

Chaque volume séparé l'exception des vol. I et II, qui ne se vendent pas séparément) coûte 9 fr.

Le même journal, troisième série, années i836-i842, i4 vol. in-8°; 126 fr.

Quatrième série, années i8A3-i852, 20 vol. in -S*; 180 fr.

Cinquième série, années i853-i862, 20 vol. in-8°; 260 fr.

Sixième série, années 1 863- 186 5; 6 vol. in 8°; 76 fr. Choix de fables arméniennes du docteur Varlan, en armc-

VI. 9

130 JUILLET 1865.

nien et en français, par J. Sainl-Martin et Zohrab. 1820. In-8° ; 3 Ir.

Eléments de la grammaire japonaise, parle P. Rodrigue^, traduits du portugais par M. C. Landresse; précédés d'une explication des syllabaires japonais , et de deux planches contenant les signes de ces syllabaires , par M. Abel Hémusat, Paris, 1825, in-8°. == Supplément à la Gram- maire japonaise , ou remarques additionnelles sur quelques points du système grammatical des Japonais, tirées de la grammaire composée en espagnol par le P. Oyanguren et traduites par C. Landresse; précédées d'une notice com- parative des grammaires japonaises des PP. Rodrignez et Oyanguren, par M. le baron Guillaume de Humboldt. Paris, 1826. In-8; 7 fr. 5o c.

Essai sur le Pâli , ou langue sacrée de la presqu'île au delà du Gange, avec 6 pL^nches lithographiées et la notice des ma- nuscrits palis de la Bibliothèque du Roi, par MM. E. Bur- nouf et Lassen. Paris, 1826. In-8° ; 9 fr.

Meng-tseu vel Mencium, inter sinenses philo.sophos inge- nio, doctrina, nominisque claritate Confucio proximum , sinice edidit, et latina interpretalione ad interpretalionem tarlaricam ulramque recensila instruxil , et perpeluo com- mentario e Sinicis deprompto illustravit Stanislas Julien. Luteliœ Parisioram , 1824, 2 vol. in-8°; 24 fr.

Yadjnadattabadha, ou LA MoRT d'Yadjnaoatta , épisode extrait du Râmâyana, poëme épique sanscrit, donné avec le texte gravé, une analyse grammaticale Irès-délaillée, une traduction française et des notes, par A. L Chézy, el suivi d'une traduction latine littérale par J. L. Burnouf. Paris, 1826. ln-4°, avec i5 planches; 9 fr.

Vocabulaire de la langue géorgienne, par M. Klaprolli. Paris, 1827. In^"; 7 fr. 5o c.

LISTE DES OUVRAGES PUBLIES. 131

PÎlégie sur la Prise d'Édesse par les Musulmans, par Ner- sès Rlaielsi, patriarche d'Arménie, publiée pour la pre- mière fois en arménien , revue par le docteur Zobrab. Paris, 1828. ln-8°; à tr. 5o c.

La Reconnaissance de Sacounïala, drame sanscrit et pra- crit de Câlidâsa, publié pour la première fois sur un ma- nuscrit unique de la Bibliothèque du Roi, accompagné d'une Iraduclion française, de notes philologiques, cri- tiques et littéraires, et suivi d'un appendice, par A. L. Chézy. Paris, i83o. ln-/j% avec une plancbe; 2/j fr.

Chronique géorgienne, traduite par M. Brosset. Paris, Im- primerie royale, i83o. Grand in-8°; 9 fr.

La traduction seule, sans texte, 6 fr.

CiiRESTOMATHiE CHINOISE (publiée par Klaprolh). Paris, i8o3. In 8°: 9 fr.

Éléments de la langue géorgienne, par M. Brosset. Paris, Imprimerie royale, 1887. In ; 9 fr.

Géographie d'Arou'lféda, texte arabe, publié par MM.Rei- naudetle baron de Slane. Paris, Imprimerie royale, i8/jo. In-/t°; Zi5 fr.

Radjatarangini, ou Histoire des rois du Kachmîr, publiée en sanscrit et traduite en français, par M. Troyer. Paris, Imprimerie royale et nationale, 3 vol. in-8° ; 36 fr.

Le troisième volume seul , 6 fr.

Précis di: législation musulmane, suivant le rite malékile, par Sidi Klialil , publié sous les auspices du ministre de la guerre. Paris, Imprimerie impériale, i855. In-8; 6 fr.

132 JUILLET 1865.

COLLECTION D'AUTEURS ORIENTAUX.

Les Voyages d'Ibn Batoctah, texte arabe el Iradiiction par MM. C. Defrémery el Sanguinetti. Paris, Imprimerie im- périale; 4 vol. in-8° et i vol. d'Index; 3i fr. 5o c.

Table alphabétique des Voyages d'Ibn Batoutah. Paris, 1869, in-S"; 1 fr. 5o r.

Les Prairies d'OR de Maçoudi, texte arabe et traduction par MM. Barbier de Meynard el Pavel de Courleille. Pre- mier volume. Paris, 1861, in-8° ; 7 fr. 5o c.

Deuxième volume. i863, 7 fr. 5o c.

Troisième volume. i864, 7 fr. 5o c.

Quatrième volume. i8G5, 7 fr. 5o c.

Chaque volume de la collection se vend séparément 7 fr. 5o c.

Nota. Les membres de la Société qui s'adresseront directement au bureau de la Société, quai Malaquais, 3, ont droit à une re- mise de 33 p. 0/0 sur les prix de tous les ouvrages ci-dessus.

JOURNAL ASIATIQUE.

AOÛT-SEPTEMBRE 1865.

GRANDE INSCRIPTION

DU PALAIS DE KHORSABAD,

PUBLIÉE

PAR MM. OPPERT ET MENANT.

VOCABULAIRE.

L'Inscription des fastes de Sargon , par son éten- due, par son importance, peut déjà présenter une idée assez exacte de la langue de Ninive au viii" siècle avant notre ère. La traduction de ce long docu- ment, suivie d'un commentaire rigoureusement ana- lytique, appelle, comme complément nécessaire, le résumé des données philologiques qui peuvent ressortir de cette traduction et de cette analyse.

Nous publions maintenant ce résumé sous la forme d'un Vocahalaire. C'est un inventaire, aussi exact que possible, de tous les mots contenus dans notre inscription , en les rattachant aux racines sémi- tiques auxquelles ils appartiennent. Il suffira de jeter les yeux sur cette liste pour suivre quelques racines assyriennes dans les diverses formes sous lesquelles elles se produisent au milieu des diffé- rents passages qui en déterminent l'acception, et

134 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

reconnaître les points par lesquels l'assyrien se rap- proche ou s'écarle des autres langues de la famille de Sem. Un grand nombre de racines se sont sans doute conservées dans tous les idiomes sémitiques avec la même signification; cependant quelques- unes ont en assyrien une acception particulière qu'on peut rencontrer dans tel ou tel autre idiome, sans qu'elle soit commune à tous. Enfm, quelques racines, en petit nombre, restent avec une forme propre, une signification assurée; mais elles ne se retrouvent, au moins que nous sachions, ni avec leur forme, ni avec leur signification, dans aucun autre idiome. Des faits analogues se présentent d'ailleurs dans chacune des branches de la même famille : il suffit de consulter les dictionnaires des langues hébraïque et araméenne, et particulièrcr ment le lexique arabe. Ces différences ne peuvent donc influer sur le caractère de l'idiome nouveau qui vient prendre sa place parmi les langues sémi- tiques. Nous aurions pu indiquer, sans doute, tous ces rapports et toutes ces différences; mais ces faits n'échapperont pas à ceux qui voudront consulter notre travail avec quelque attention, et on com- prend dans quelles longueurs nous eussions été entraînés en mettant chaque mot assyrien en pré- sence du mot correspondant que le dictionnaire sémitique aurait pu nous fournir, et en le suivant dans les acceptions diverses que nous présentent tous les idiomes qui se rattachent c^ la même ori- gine. Aussi nous avons renoncé à ce déploiement

GRANDE IxNSCRIPTION DE KHORSABAD. 135

d'une érudition facile, dès que la lecture du texte assyrien élait assurée. Nous ne pouvons aspirer au complet dans le vocabulaire dont nous tentons ici pour la première fois l'essai. Beaucoup de racines assyriennes, déjà connues et constatées avec leurs formes et leurs dérivés dans d'autres 'inscriptions, ne trouveront point place dans ce travail, et à l'ap- pui des racines que nous enregistrerons, nous ne recueillerons encore que les formes qui nous sont données ^f^ir V Inscription des fastes, car il fallait nous circonscrire, et, si nous étions sortis de notre texte, il eût été difficile de savoir nous arrêter.

Le moment d'ailleurs n'est peut-être pas encore venu le dictionnaire assyrien pourra être fixé comme on a pu déjà fixer les données générales de la grammaire. Ce n'est qu'après avoir expliqué les grands documents qui appartiennent aux différentes époques de la longue vie de la langue des fils d' As- sur et aux différentes localités elle était parlée, qu'on pourra saisir les nuances qui caractérisent chaque époque, chaque localité, et qui donnent à chaque terme sa véritable signification. En atten- dant, il faut recueillir des faits, examiner les dé- tails, et préparer, par une analyse rigoureuse, des matériaux pour une synthèse qu'il ne faut pas se hâter de produire. Aussi nous aurons atteint notre but, si cette esquisse renferme quelques éléments sur lesquels le dictionnaire assyrien pourra s'appuyer un jour.

Nous avons suivi un ordre alphabétique confor-

130 AOUT-SEPTEMHUE 18C5.

mément à Ja transcription des racines en caractères sémitiques; puis, après chaque racine, nous avons donné son dérivé assyrien avec sa signification et sa transcription en caractères latins, de manière à reproduire, aussi exactement que possible, le syl- labisme de î'écriture anarienne pour qu'on jmisse retrouver les formes dans les textes. Les chiffres romains correspondent du reste aux différentes lignes de l'inscription.

Voici les abréviations les plus fréquentes dont nous nous sommes servis-:

adj

adjeclivum

nipli.

nipbal.

adv.

adverbium.

pa.

paël.

aor.

aoristus.

part.

parlicipium.

aph.

aphel.

phon.

phonetice.

conj.

conjimclio.

plur.

pluralis.

f. fem.

femininum.

p. pers.

persona

ideog.

ideograpbicc.

prec.

precalivus.

imp.

irnperativus.

prœp.

prœposilio.

inf.

infmitivus.

s. sing.

singiilaris.

1.

linea inscriplionis

subst.

subslaniivun»

m. m a se.

masculinum.

sbaph.

sbaphel.

n.

nomen.

su (T.

suffîxum.

n. pr.

nomen propriuni.

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.

137

AVIS.

La première colonne comprend la racine assyrienne dans sa forme abstraite, transcrite en caractères béJîraïques, sans en induire pour cela une étymologie tirée soit de l'hébreu, soit de tout autre idiome sémitique, bien qu'elle soit sou- vent évidente, ainsi qu'on pourra s'en convaincre en se re- portant au commentaire.

La seconde colonne comprend la signification assyrienne de la racine à laquelle les mots assyriens doivent être rat- tachés.

La troisième colonne comprend la transcription des formes assyriennes relevées dans notre inscription , avec la signifi- cation qui leur est propre dans le passage qui a été précé- demment traduit et analysé.

La sagacité du lecteur ne manquera pas de saisir ainsi les ressemblances qui rattachent l'assyrien soit à l'hébreu, soit à tout autre idiome, de même que les différences qui l'en séparent et qui donnent à l'assyrien le caractère qui lui est propre pour constituer son individualité.

^

abà, paler, ideog. 1. »24. iSy, phon. abu, 1. 167; ideog. plur. cura suff. ahutiya, pa- ires raei, 1. 110, 147; ahisu, paler ejus. 29, 3i, 39; alulisu, paires ejus, 1. 3o, 110.

tul abubi , tumulns desolalionis , tul-a-bu-bi, 1. lU.

abil, imposai, oneravi , i'' pers. sing. aor. kal- a-bH, \. 22, i38.

138

Î3X

fortem esse . .

ÎIN

cognoscere. . foiiem redd*'*.

desiderare. . .

1 '*^

IDN*

ÎHN

prehendere . .

terribilein ess' possidere. . . .

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

yahila, altulerunt, 3* p. plur. m. aor. kal. ya-

hi-li, 1. 36, 149. yiisahla,sï\À afferri jussil, 3* p. sing. m. aor.

shaph. yu-sah-la, \. 1 13. yasabila, sibi afferri jusserunt, 3' pers. plur. m.

aor. shaph. jtt-5rt-6i-/«, \. i45. bilat, fribulum, ideog. 1. 24, 32; hii-tit 1. 90,

i53;/>i7-<tt, I. ii3;6i7-tttt'. 1.118. Ubulam, Ubuluiiï, n. prop. gentis, U-hu-Uim,

1. 19.

ahan, lapis, ideog. ahan, \. i42, 169, 160,

16/4, i65, 180. biritav, facinus, subst. hi-ri-Uiv, i. 112. Abitikna, Abitikna, n. pr. urbis, A-bi-li-ik-na ,

l.i37. Agagi, n. p. regionis, A-ga-gi, Agag, 1. 69. adanni, senectus, subst. pi. a-dan-ni, 1. 117. idii, agnorunt, 3" p. pi. m. aor kal. i-da-u,, 1. 96. idir, iirmare, part. kal. i-dir, 1. 119. ad iris. Iule, adv. a-di-ris, 1. 4i. avi, iniquitas, subst. a-vi , 1. 5i. iiiml, ulensilia, subst. u-nu-ut , 1. i48, 180. Aza, Aza, n. pr. hominis, A-za-a, 1. 37, 38. Azuri, Azuris, n. prop. hominis, A-zuri, 1. 90. ahu, frater. subst. ideog. (reslitutus phon.)

a-lm, 1. 94. asahiz, prehendi jussi , 1' pers. sing. aor. shaph.

usa-hi-iz, 1. 24. Aliimiti, Ahimit, n. pr. bominis, A-hi-mi-ti,

i- 9^:

Aharr, ideog. Phœnicia, n. pr. regionis, 1. 17,

161. ahratas, aliter, adv. ah-ra-tas, 1. 53. imat, lerror, subst. fem. i-mat, 1. i3i. inusunu, subsl. c. suff. res eoruni, i-nu-su-mi ,

1. 24.

GRANDE

1!3X

ODN

sumere, ca- pere

bN

non

parère, gig"'"=.

velle

irTjN

inde a

3

videre

INSCRIPTION DE KHORSABAD. 130

Akkadi, Akkad, ideog. n. pr. regionis, 1. 3,

123, \Uo. akhadiai, akkadius, vel polius armeniensis,

ideog. 1. Si. ikimu, cepi,r p. sing. aor. kal. i-ki-mu,\. 62. ikimassun, prehendere jussi eos , 1* p. sing. aor.

kal. cum suff. i-ki-ma-as-san , \. Ixk. ikimi, usurpatores, 1. 3i. Uknij Ukni, n. pr. fluminis, ÏJk-ni-i, 1. 19. rI, negat. 1. i3, 98.

Aïlahraiy n. pr. regionis, Al-laahraaiy 1. 55. lidtutu, progenies, n. Ut-tu-ta, L 191. ilu, Deus, ideog. 1. 137, i55, 189; cuni

suff. ilu su, Deus ejtis, 1. 77; plur. ideog.

ilai, Dei,l. 3, 12,16, 112, 122, 12A, 126,

iSg, i4o, 137, i43, 79, 167, 171, 176,

187; cum suff. iîuisu, Dei ejus, 1. 76, io5. ulluti, remolus, ul-lu-ti, \. i35. aîat, deleclus; cum suff. a-lat-sa, deleclus sui,

1. 38. alapu, bos, subst. sing. ideog. \. 189; plur.

alpiy boves, 1. 54, 168, i85, 189. UlusunUy n. pr. bominis, Ul-la- su-nu , \. 38,

4o, 44, 5o. ultu, ex, praep. ideog. 1. 94, 95; phon. ul-tu,

L 10, 23, 52, 57, 110, i35, i44, i46, 166. ultukiribj inde a, ul-tu ki-rih , 1. 81, 128. Vide

Amhanda, Ambanda, u. pr. regionis, Am-ha-

an-duj 1. 69.

a-mi ? 1. i32.

timin, lapis angularis, ti-mi-iny\. i34, 174. imar, vidit , 3' pers. sing. maso. aor. kal. i-mur,

1. 4i, ii4. imiri, muli, subst. m. plur. i-miri, 1. i84.

140

]^

NiN

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

Amris, Amris, n. pr. liom. Ain ri-is, 1. 29, 1, 3i. Amali, Haniat, n. pr. regionis, A-ma-at-ti ,

1. 33, 36, 49, 56-, liaraatensis, a-ma-ta-ai,

l 33. (ma, ad, pracp. a-na , 1. 5, 17, 25, 29, 3 1, 32 ,

37, 39, 4o, /î3, 59, 61, 65, 67, 71, 72,

74, 78, 86, 88, 90, 91, 94, 100, 107, 1 10,

111, 123, 125, 126, i34, 137,139, i/io, i4'^, 143, 147, i52, i53, i54i 164, i65

171, 1 88 , 1 92 ; ana siliirti su, omnino , 1. 83 , ii5 ; ana hassiya, conira me, L 26; ana issa- ii , denuo, 1. 65, 82, 88, 107; ana' iti , ullra,l. 102 ; «na /ri-rz7), versus, 1. 64, H2,

Andiai , Andia, n. pr. regionis, An-di-ai, 1. 45.

ina, in, praep. i-na, 1. i3, 16, 23, 33, 39,

4o, 42, 43, 5 1,53, 70, 70, 77, 79, 84, 97,

112, 1x3, 119, 120, 121, 124, 129, i3o, i35, i36, i4o, i46, i53, 159, 161, 166, 167, 176, 187; ideog. 12, i3, 24, 25, 26, 3o, 34, 35, 37, 38, 4 1, 42, 47, 54, 58,83, 120, i34, i36, i38, 139, i4o, i44, «48, i5i, i58, i63, 192, 193-, ina Ub. ideog. 1. 02, 36 , 62 , 63, 1 16; ina lihbisunu, inter eos, 1. 117; ina kirib , 1. 35, 56, 179; ina kirbisu, niedio. i35'; ina nir, prope, ideog. 1. i54.

munilju, slrenuus, pari, pacl mn-ni-hu, \. i3. Anzaria , Anzaria , n. pr. urbis , Anzari-a , 1. 64 nisi, homines, ideog. 1, 10, 24, 36, 45, 46,

56, 57, 61, 62, 64. 71, 75, 78, 88, 89.

93, .106, 108, 109, ii5, 116, i3i. i33,

i38, i53; sing. ideog. 1. 33; nisuti , 1. 3i,

sing. ideog populus,!. 139. Aàludi , Asfiod, n. pr. urhis, As-dti-Hi, I. 90,

100; As dudn, 1. io4.

GRANDE

")DN

circumdare . . tluere

egredi

ponere

npN

pretîosum ess'

insidiari . . . .

--)X

descendere. .

INSCRIPTION DE KHORSABAD. 141

Asdadim, Azotum , n. pr. urbis, As-du-di-im-

mu, I. io/|. Asur, Assur, n. pr. dei, Asur, ideog. 1. 3, 28,

4o, 53, 58, 63, 70, 12/4, a5, i54, 166,

167, 172, 187; A-sur, \.3li. Asurlih, Asurlius, n. pr. hominis, A-siir-Uh ,

\. 55, a-surlih, l. 56. ipid y suhsi. i-pi-sa-un {^onri-pi-idsu-un),\a\\us

eorum , 1. 192. apsa, effluvies, snbst. ideog. 1. 169.

appât ap-pa-a-ti 1. 161.

Usa, exeat, prec. kal. li-sa-a,\. 193.

sit, part. kal. si-it samsi, oriens solis, 1. i53;

sit su-un, exitus eorum, 1. 188. usisUy ad bcUum compuli, 1" pers. sing. aor.

shap. U'si-su-u, \. 5. usisassuv, egredi jussi eos, u-si-su-as-suv, 1. 81. ussi, eduxi, 1' pers, sing. aor. pa. us-si, 1. 4j,

114. ussib, posui, 1" pers. sing. aor. pa. us-sih , \. 29. ussiba, exposui, 1" pers. sing. aor, pa. us-^i-ba

(pro u-us-si-ba), i. 171. ash's, adv. radicitus, as-1i-is,\. i3i. akartav, pretiosus: abiii. a-kar-iav, lapides pre-

liosi, 1. 180. mihir> dileclus, mi-kir, 1. 3. irbilti, decoralio, ir-bit-ti, 1. 16/4. aribis, adv. insidiose, a-ri-bis, 1. 73. argamannu, purpureus, panni purpurei, ar-çja-

mail-nu, 1. 1/42, 182. Argistis, Argistfs, n. pr. hom. Ar-gis-tis, 1. 1 i3. yurid, descendit, 5' pers. sing, aor. kal. ideog.

i. 123.

ardud, subjeclio, subst. ar-da-li, 1. 70, i53; ideog. 1. 36, 70, 1 17.

142

nN*

n")K

leo

n*i}<

ire

mK

CD^N

V^

rogare

possidere. . .

2^K

2t'ii

Iiabitare

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

mirdat, valJes , subst. fein. plur. mir-da-at, i. 1 5. uruda, color melallicus, ferrum ? ideog. 1. i4» ,

i6i, 162. ariai, leones, subst. m. plur. ideog. 1. 162. arassii, transportavi eum, 1' pers. s. m. aor.

kal. cum sulT. u-ras sa, 1. 69. Urzana, Urzana, n. pr. hominis, Ur-za-na,

\. 72. uruh, via, subst. u-ru-uh, 1. 110, ii4, 118,

âi. arah, mensis, ideog. 1. 167. Aralîi, Aralli, n. prop. regionis, A-ra-ul-li,

\. i56. Arkuy Varka, Orchoë, n. pr. urbis, ideog. 1. 8,

i36. Arimi, Aram, n. pr. gentis, A-ri-mi, 1. i5o. Armit, Armit, n. pr. urbis, Ar-mi-it, 1. 4i. irini, cedri, subst. plur. ideog. 1. i58, 160. aranis, simul, adv. a-ra-nis , 1. 129. Arpadda, Arpad, n. pr. urbis, Ar-padda, 1. 33. Ursa, Ursa, n, pr. hominis, Ur-sa-a, 1. 3i, 37,

39, ^2, 52, 72, 76. Urarli, Armenia, n. prop. reg. Ur-ar-ii, 1. 76,

78, ii3. Urartai, Armeniensis, Ur-ar-ia-ai , 1. 37, 39,

4?, 73; ideog. (?) 1. 3i. irisanni, rogavil me, S'* p. ai. aor. kal. cum sud.

i-ris-an-ni, 1. 120. marsiti, res, possessio, mar-si-ti, \. /^b, 71, 75. Irislana, Iristana, n. pr. urbis, l-ri-is-la-na ,

isali, ignis, ideog. 1. 35, txi, 43, 47, 70,

i34, i5o. asah, babitalio, inf. kal. a-sah , 1. 118. asib , Iiabilans, part. kal. m. ûu^. a-si-ih , 1. 78,

193; asib, I. 24, 126, 175.

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.

143

SDÎL'N*

wa

^^i<

largum esse. .

-)*^X

IW^

vaticman .

asUmt, habitantes, part. kal. m. plur. a-si-hn-

ut, 1. i/i3, 167; a-si-hu-ti,]. 176. u-sibj sedi, 1' pers. sing. aor. kal. 1. 179. yusihu, consedit, 3* pers. sing- m. aor. kal. ju-

si-ha, \. 84; yu-sih , L 4i, 4'2, 179. iisisih, collocavi,i" pers. sing. aor. shaph. u-si-

516, 1. 32, 49, 56, 62, 63, 109, 116, 121;

u-si-si-ba, 1. 139; cum suff. ii-si-sib-sUj 1. 5i, i34; u-si-sib-sa-na-tiy 1. 67. yusisibu, collocaverunt, 3* pers. plur. m. aor.

shaph. jtt-5i-5i-6tt, 1. 3o, 37, 39. subatt habitalio, nomen sii-bat-éa-un , cum suff.

1. i46. musaby sedes, pari. aph. mu-sab, 1. 159. astUy largus, as-tu^ 1. i4. Asmun, Asmun(?), n. prop. regionis, As-mun,

\. i44; vide Niliik? usman, acies, campus, subst. sing. us-ma-an,

1. 129; plur. us~ma-ni, 1. 124. asputi, oraculo insignes, as-pu-ti, 1. 126. /5/)a6c!ra, Ispabara , n. pr. liominis, Is-pa-ba-

a-ra, 1. 118, 119, 121. asar, locus, subst. a-sar, 1. 85, 99, 110, 128;

cum suff. asar-sa , locus ejus ,1.26, 46 , 1 o4 ,

ii4; a-sar-si-na j cum suff. locus earum,

1. i5; asrisunu, locum eorum, 1. 57. asrus, in locum suum, as-ru-us, 1. 12, 137. isriti, opéra, subst. is-ti-ti, 1. i56. Assur, n. pr. regionis, Assyria, ideog. 1. 2, 32 ,

44, 59, 64, 67, 72, 89, 92, 109, 112, 167,

176, 179. Assurai, Assyrius, ideog. 1. 32. asariddati, subst. masc. plur. magnâtes . a-sa-rid-

du'tiA'^i. assu, pro ana su, propterea, 1. 92, 173.

144

nnx

dirige

re.

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

a-sur-n-si-ui

ustislra, suslenlavi, i" pers, sing. aor. iphleal.

us-ti-si ra, 1. i2 4- asurrisin, paries, cuni suff. plur.

parietes eorum, 1. i65. isiii, praep. inde a, is-tu, 1. i6. asuti, expiravîl, 3' p. aor. shaph. a-su- iti, praep. ultra, i-ti-i , J. 18, 1 5o. itti, praep. cum, it-ti, \. 25, 3o, 3i, 32, 34

72, 75, 81, 85, 87, 89, 99, 106, 109

îi4, ïi5, 123, i33, 172, 177.

-ti>\-ir

ikVn

effodere. . . .

33

maie agere. .

S33

1^3

"in3

' '?n3 -)n3

colligcrc . . . .

birit, ripa, hi-nt,\. 129.

birâti, puteus, bi-ra-a-ii , 1. 1 5.

biruti, spissus, bi-ru-ti, 1. i4-

basa, malum, ma-la, ba-su-u, quodnon est sper-

nendum 1. 7, 20, 2 1, 56, 75, 80, 87, i33. babi, portœ, ba-bi-sun, subsl. f. cum suff. plnr.

1. 162. Bab-karak, Bab-Rarab, n. pr. urb. ideog. 1. 20. Bub-lmir, Bab-Hisir, n. pr. urbis, ideog. l. i38. bibil, ina bibil, in voluntate, 1. i55. biblal, ex, in, praep. bib-lat, \. 170; bi-ib-lat ,

\. i43, i63. Bagbartii, Bagabarlus, n. pr, dei , Ba-ag-bar-

iav, 1. 76. Babilu, Bahylon, n. pr. urbis, ideog. Babllii,

\. 2, 6, 124, 125, i35, i4o, 149- Buhi, Bubi, n. pr. urbis, Bu-bii, 1. 20, i38. Bagdalti, Bagadates, n. pr. bominis, Ba-ag-

da-at-ti , 1. 49. biihari, splendor, ba-'a-ri, subî>t. 1. 194. bathalliv , équités, ipbteal, bat-hal-Uv, \. 35,

85, ii4, 116. nabhar, coliectio , omnis , uabhar, 1. 1 3 ; nabmir,

1.17.

î!/'1D

GRANDE

cessare

n''3

nbi

vectigal afferr^

,0

n:3

œdificare , fa- cere,creare

INSCRIPTION DE KHORSABAD. 145

bma, spolia, ideog. 1. 69,75,87, 106, ii5. batilta, alteralus, ha-tU-ta, 1. 1 1 ; pi, m. ha-at-

lu'ii, alterati, I. 137. hutni, pistacium, n. arboris, hu-ut-ni, \. 169. Bikni, Bikni, n, pr. regionis, Bi-ik-ni, 1. 18. Bala^ Baia, n. pr. urbis, Ba-a-la, \. 57. hiraii, urbes munitae, ideog. 1. 89, 42, 43,

44,52. hit, domus, subst. ideog. 1. 3i, i4i»i6i,i62. Bit-Amukkan, Bit-Amukkan, n. pr. regionis,

Bit-A-muk-ka-ni, 1. 21. Bit-Bagaya, Bit-Bagaya , n.pr. regionis ^Bil-Ba-

ga-ya, L 64- Bit-Dakkiiri , Bit-Dakkuri, n. pr. regionis, Bit-

Dak-kuri, 1. 21. Bit-Yakin, Bit-Yakin, n. pr. regionis, Bit-Ya-

kin, 1. 22, 116, 187, 149. Bil-Palla, Bit-Pahalla, n. pr. regionis , Bt<-

Pa-'al-la, L 86. Bit-Sa'ïla, Bit-Sabaliu , n, pr. regionis, I?i7-j5a-

•-al-la, L 21. BitSilan, Bit-Silan , n. pr. reg. Bit-Sil-a-ni , 1. 2 1 . ibtillu, adminislrarunt, 3" pers. plur. m. aor.

pa. ib'tillu, l. i36. bilat, vectigal, 1. i4i, 162. Balbiki, Balbek (?) , n. pr. urb. Bal-hi-ki, 1. 10.

halnm (?), 1. 84.

abni, feci , 1' pers. ï>ing. aor. kal. ab-ni, 1. 159,

i64. yusabni, perficere jussi , 1' p. sing. aor. sbapb.

yiisah-ni, 1. 128. banu, œdificans , part. ka!. bami-su-iin , cum snff.

1. .9..

binixi, creatura, n. bi-nu-iit, \. 180.

banâli, fdiae, ideog. pî. 1. 76,80, io5, 1 i5, i33.

binii, filiaf?), n. bi-in-ti,]. 3o.

]46

TJ2

permittere. . .

by:ï

dominari. . . .

)i2

abscindere . .

P13

populari ....

n-)3

perpeluare . .

r~»"i"(

u*n3

xî:'3

spernerc. . . .

Qv:i

fingere. . . . .

pn3

abscidere . . .

nn3

separare. . . .

AOUT -SEPTEMBRE 1865.

ahud, i' pers. sing. aor. kal. a-bu-ud, permis! ,

l i35. Baitili . Baïliil , n. pr. regionis , Ba-'-it-i-li, \. 68. hil, dominus, ideog. \. 82, 35, 96, 12a, 124,

iSg, \ko, lAij 167, 176; cum suff. hilya,

dominus meus, 1. 53, 63, 189, 166; biU

sanu, 38; bili-ya, 16. bilti, dea, ideog, 1. i63. bildcKjon, \W6-

Bilsarrusur, n. pr. hominis, Balthazar, \. 59. biîut, potenlia, subst. abst. bi-la-ii, 1. 96; cum

suff. bi-Ia-ii-ya, polentiamea, 1. 1 3, 2 2, 32,

116, 159; bi-lat-m, potenlia ejus, 1. 71,

93,95. busrat, locis inaccessis, n. bu-us-rat, 1. 4i. ubuk, condonavi, 1' pers. sing. aor. kal. a-bu-

uk, J. 5i. listabra, perpétuent, precat. istaph. lis-iab-ru,

labràti, admiratio, iab-ra-a-ti, 11, 1. i65. birmi, berom, genus coloris, bir-mi, i. i42,

181. barsa, brasa, genus mensurae, bar-sa, l. 128. Barsippa, Borsippa ,n. pr. urb. ideog. 1. 6, i35. ibsu, spernebant, 3' p. m. plur aor. kal. ib-su,

1. i3. absim, adaptavi, i' persona aor. kal. ubsim,

1. i65. yubattiha, abscidit, 3' pers. sing. m. aor. pael.

yu-bat-ll-ha , 1. 128. bitruti, separati, bit-ru-ti, 1. 168.

133 ;î?33

forlem esse, colligere. . .

^faèrai, rivales, plur.^a6-r«-rt/ J. \Z\gabri, 159. (jabsûti, cuncta, plur. f. (jub sa-a-ti, ]. 34, /|0. gibis, impelus, gi-bis, 1. 72, 97.

m 3

?

bm

")d:i

fmire

m:

aggredi

1

INSCRIPTION DE KHORSABAD. 147

gubus ? ga-bu-us^ \. i 22.

gada ga-du^ ]. 28.

guhlvLV , margarita, gii-uh-luv, 1. i33.

G uUatuv , GuWat , n. pr. urbis, G ul-la-tuv,\. 20.

Gamhula, Gambul, n. pr. gentis, Gam-bii-lu

(II. luv), \. 19, 126, i4o. (^mgumi, Gamgumus, n. pr. genlis, Gam-

gu-mi, 1. 83; gamgumaai , 1. 88. gammal, camelus, subst. m. gam-mal, 1. 27;

plur. gammali, 1. i85. giniri, familia , omnis , gim-ri,\. 88 ; gi-mir, 1. 1 23. Gimlu, Gimtu, n. pr. urbis, Gi-im-tu, 1. lo/j. Gunzinanu, Gunzinanus, n. pr. hominis, Gun-

zi-na-nUj 1. i83. gari, hosles; cum suff. 1" pers. gariya, hosles

mei; part. m. ga-ri-ya,\. 16. gisla, lis, subst.; cum suff. gi-is-îi-su, lis ejus,

i. 1 18, 1 19, 120. gusur, Irabes, subst. plur. ideog. 1. 160. Guti umki, 11. pr. gentis, 1. 17.

nNT

221

insidiari . . . .

bai

stare

b:i

splendere. . .

")m

durare

l'T

occidere. . . .

nui

diruere

datûti, possessio, da-'-ta-u-ti,\. 39.

dabib, raoliens, part. kal. da-bi-ib, 1-95, da-hi-

bu, ]. ii3. idbub, 3' pers. s. m. aor. kal. idbu-ub , \. 38. usadgila, concredidi, 1' pers. sing. aor. shapb.

R-sad-gi-la, 1. 117, 121, i36. digili, splendor, di-gi li, 1. 1^2. Dight, Tigris, n. pr. fluminis, ideog. 1. 18. darûti, perennes, da-ra-a-tiy 1. 192. adiik, occidi, 1* pers. sing. aor. kal. a-dak,

1.3.5,42. diklu, actio occidendi, inF. kal. di-ik-tii, ]. /\2. dihi , dirutio, inf. kal. di-hi, 1. i32.

148

numerare. . . commitlere . .

forlem red- dere.

■)DT

CD"I"I

im

morari

AOUT-SEPTEMBKE 1805.

Dayakku, Dayakku, n. pr. hominis , Da-ai-

ah-kvL, 1. 49. adki , 1 ' p. s. aor. kal. numeravi , ad-ki , 1. 34 , ko. ^/i7//t, Iranquillitas, subsl. di-U-ih, \. i36; dali-

ili-tav, 1. 62 , 121. usadlimuuiva , commiserunt mihi , 3* pers. p. m.

aor. sliaph. yu-sad-l^-mu-ni-va , \. 4- Dimaska, Damas, 11. prop. urbis, Di-mas-ka ,

l. 33; Di-mas-ki, b'j. mlannin, forlificavi, 1' pers. sing. aor. pa. u-dan-

ni-na, 1. 66; 3' pers. ya-dan-ni na , 1. 126. adnin, me fortem reddidi, 1' p. sing. aor. kal.

iid-niii, 1. 1 7D. danmi, polens, dan-nu, 1. 1. dunna, pclenlia, subst. dun-nu,]. i3. danniit, fortes, pari, plur, ideog. 1. 43, 47.

1 i5, i34; m. pi. dannu-ti, 52 , 54, 81, i34;

ïem. pi. dan-na-u-ti, 42. danan, polestas , exallalio , da-na-an ,\. 1 1 1 , 1 45 ;

dana-ni, 1. 16. Dunni sanias , Dunnisamas, n. pr. urbis, Dun-

ni-samas, 1. 20. daprani , dapran, n. arboris, dap-ra-ni, \. iSg. daru(jsany condensa earum, durti-ug-sa-un ,\, 1 5. darumi, princeps, da-ru-mi, I. i65; darumi ma-

titan, principes lerrarum, durar, commemoralio; da-ra-ar-su-iin , ]. 13^,

cum sufF. commemoralio eorum.

-)in

verlere

honora ro.

Vide -|Dn.

habal, fdius, ideog. 1. 38, 122; liabli , fdii, ideog. 1. 76, 1 18, i34; hablu-su, lilius ejus, cum suff, ]. 37, 84, 86; hahh-su , filii pjus, plur. cum suIT. 1. 80, io5, 1 15, i33.

udir, adorans, a-dir, \. 112.

mn

1^n

venire

-jDn

vertere

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 149

fJii, Ao, n. pr. Dei, ideog. Hu, 1. i55. hekal, regia, ideog. subst. 1. i, 169, 161;

plur. hekali, regiae, 1. i58, 166, 186: he-

kalya, regia mei, 1. 179; hekal-su, regia

ejus, i. 59, 76, 80, 87, 106, ii5, i33. allik, veni, pers. sing. aor. kal. al-lik, î. 71,

86, 101, 102. illik, adivit, 3' pers. sing. m- aor. kal. il-lik,

1. i5i; plur. il-Ji-ku, ibant. 1. i3o. illika, 3" pers. plur. fem.aor. kal. il-li~ka, 1. 1 18,

119. lilîik,vemat, precat. kal. lil-Uk, 1. 191. alak, actio eundi, inf. kal. a-lak, 1. 101, 126;

a-la-ka, 1. i25. alikut, part, euntes, plur. 1. 162. malak, viam , n. ma-lak , 1. 1^6. ?/)uA:,vertit, 3' pers. sing. m. aor. kal. i-pu-uk,

1. 79. 122. ittahiksu, convertit eum, 3* pers. s. m. aor. kal.

cum suff. it-ta-hi-ik-su , \. 111. hapiktasu, fuga ejus, ideog. 1. 23 ; hapiktasuni,

1. 26; hapiklasun, 1. i3o; fuga eorum.

1 au, et, conj. 1. 78, 119, 12A, i35, 162, i53,

i56, 181, 194. Vannai, Van, n, pr. gentis, Van-na-ai, 1. 36 , 38,

39, 4o, A4, 48, 5o. Upiri, Upirus, n. pr. hom. U-pi-i-ri, 1. i44- Varkasl , Varkasa, n. pr, urb. Var-ka-si, 1. 86.

vind

îcarc. . .

zibirti ? zi-hi-ir-ii, 1. 122.

izuzii, vindicavit, 3* p. s. m. aor. kal. i-zu-zu 1.118.

50

repudiare. . .

pacisci

meniorare. . .

V^T

VIT

deficere. . . .

h2n

vulnerare. . .

in

nn

confugere. . .

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

azuz, vindicavi, i* p. s. m. aor. kal. a-zii-nz ,

1.1 4o. izir, repiidiavit, 3* p. s. aor, kal. i-zirii, i. ^b. ziràti , fastidium , zira-a-ii, 1, 92. zakut, leges, subst. masc. plur. za-kiit, 1. ic. azkar, memoravi, 1* pers. sing. aor. kal. az-

kur, 1. 63. azkara, nuncupavi , az-ka-ra, 1. 1 55. zikir, memoTy subst. zi-kir, 1. l\- zikar^ raemoria, inf. zi-kar, 1. 122, \l\q\ plur,

zik-ri, 1. 112. zakrutiy antiquas, zak-ru-ti, 1. i34. zikruti, obedienlia, zik-ru-ti,\. i3. Zikartai, n. prop. reg. zi-kar-ta-ai , 1. 87, 45- zu/u//, columnae, ideog. 1. 161. Zari, Zerghoul? n. pr. urbis, ideog. 1. 9, 187,

zarû ? 1. 171.

Zurzakka, Zurzukka, n. pr. urbis, Zu-ur-

zu'uk-ka, 1, 48. zirkut, insignia(?), s. m.ipl.zir-kut, 1. 129, i3i. zir, semen, ideog. 1. 3i, 42, 139. Za/pamtov, Zarpanita, n. pr. deae, Zar-pa-ni-

tuv, 1. i43. zararti, defectio, subst, za-rar-li, 1. 95, ii3;

zar-ra-a-ti, \. 38.

n

hibiltasun, cum suff. Iransgressio eorum, Iji-

hil-ta-sun, 1. 7. Hubuskia, Hubuskia, n. pr. urbis, Hu-bu-us- ' kia, \. 54.

hadis , solus, adv. ha-dis^ 1. i4i. Jlavranu, Hauran, n. pr. genlis, Ha-av-ra-nu , ' 1. 18.

mahaziy lempla, subst. plur. ma-ha-zi , i. 137. i4o, i43.

bbn

QDn

HDn

I

-)2:n

pe(

iilcisci.

festinare. calefacere .

affligere.

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 151

Haziti,'Gaza, n. pr. urbis, Ha-zi-ti, \. 25, 26. hitatisuy subst. f. plur. cum suff. peccata ejus,

hi-ia-ti-SR, 1. 5i. hitli, subsl. plur. rebelles, hi-it-ii , 1. 35. Hallii, HuUius, n. pr. homînis, Hal-li-i, 1. 3o. Hald'ia, Haldia,n. pr. dei, Hal-di-a, 1. 76, 77. iït7i7m, Hilibus, n. prop. iirbis, Hi-li-ih-ha,

1. 20. Hilakki, Cilicia, n, prop. regionis, Hi-lak-hi, ' 1. 3o.

[mltuv , subst. ultio, hul-iuv, 1. 92. Hamhanigas, Humbanigas, n. prop. bominis,

Hum-ba-ni-gas , 1. 23, i2 3. Iiitmudis, adv. festinanter, hi-it-mu-dis , 1. 86. hammami, elementa, subst. lia-am-ma-mi , 1. i4. Haniani, Hamanus, n. pr. regionis, Ha-ma-a-

ni, 1. i43; Ha-nui-ni, l.i63. Hindaru, Hindarus, n. pr. j^entis, Hi-in-da-ru ,

1. 19, 127. Hanunu, Hanon, n. pr. bominis, Ha-nu-nu,

1. 25, 26. hipi, subst. clades, hi-pi-i, \. 'j'j. hapiktasu, clades ejus, ideog. 1. 121. ahpi, terrui, 1" pers. sing. aor. kal. ah-pi, I.80. iihappi, terrore implevi, 1' pers. s. m. aor. pa.

a-hap-pi, 1. i^- hisir, castelium, ideog. cum suf. hisirsu, 1. i32. Hisir-Yakin, Hisir-Yakin, n. pr. urbis, 1. i32, ' 'i3A; Hisir-Sarkin, Hisir-Sarkin , n. pr. urbis (Klior-

sabad), 1. i55, 1 57. Hisir-THitiv, Hisir-Tilit, n. pr. urbis, Hisir-

Ti-li-tivJ. i38. Harhar, Kborkbor, n. pr. urb. Har-ha-ar, 1. 6 1 . Harilluv , Harillu, n. pr. gentis, 1. 18. Harrani, Harran , n. pr. urbis , Har-ra-ni, 1. 1 o.

1 1 .

circumdare .

152

mn

V")n

eligerc.

scalpere . fodere. . .

\OUT-SEPTEMBRE 1865.

hij^at, uxor, subsl. hi-ra-ti-sii-nu , uxores eoruin ,

cumsufi. 1. i56; ideog. sing. 1.75,80, io5,

1 15, i33; plur. 1. 1 18. haral, sceplrum , ideog. I. i3i. harisi, fovea , subsl. plur. ha-ri-si , 1. 127. haras, aurum, subsl. ideog. i. 27, 87, i3i,

i32, i33, 1^1, làS, 159, i8(5. harsani, silvœ, subsl. plur. har-sa-ni , 1. 1^, 4G. hattav, formido, subst. hu-at-tav , \. iii. Hatti, S}ria, n. pr. regionis, Ha-at-h , 1. f)5.

Hat-ii,V 17, 57, i38, 1A7, 161.

libhulti, subst. plur. vestes linctae, tib-bul li,

1. i42, 181. tub , bonus, adj. tu-ub , 1. iqS; la-bu, 1. 173-,

ta-a-bii, 1. iA3. /a6i5, adv. fauste, ta-bis, 1. 167. /ttm, suslentio, inf. pa. tiir-ri,\. 119.

□r

. . . .

id , pes, subst. cum suff. ideog. id-ya, pes meus, 1. 85, 100, ii4; piplion, i-da-su-un, pedes eorum, 1. 190.

Yaubidii, Yaubidus, n. pr. bominis, Ya-ii-bi- di, 1. 33.

jiim, dies, ideog. 1. i3,37, 167; jumt, plur. dies , 1. 1 o , 1 1 o , 1 1 7 , 1 /i6 , 1 74 > 1 80, 1 92 , inayiimi suva, in illo tempore, 1. 1 53.

Izibia, Izibia, n. pr. urbis, I-zi-bi-a, 1. 4».

Izirta, Izirlu, n. pr. urbis, I-zir-tii , 1. /u, 35.

Ikbibil, Ikbibil, n. pr. urbis, Ik-bi-bil, 1. 125.

ihmaii , anleriores, ili-mu-ti , 1.

\akin, Yakin, n. pr. bominis, 1. 122.

lUipi , Albanin, n. pr. regionis. Il-li-pi, 1. 18, 117, 121.

assignare. . . .

K")"»

timere

vv^

spaliosum e"*.

GRA.NDE INSCRIPTION DE KIIORSABAD. 153

lUipai, n. prop. genlis, Il-li-pa-a, Albanus,

1. 70. Yamani, Yamanus, n. pr. hoininis, Ya-ma-ni,

1. 95, 101. Yajiagil, Yanagia, n.pr. regionis, Ya-'-na-gi~i,

1. i45.

YanzUy Yanzu, n. pr. hominis, Ya-anzu-u ,

1. blx. adï, praecepta, subst. plur. a-d-i-i, \. 79. iriy silva; cum suff. plur. i-rl-siin, 1. i43. irivva. Supers, sing. aor. kal. non sustinuii,

i-riv-va, 1. 26. Iranzii, Iranzu, n. pr. hom. Ir-an-zu , 1. 36. musa, salus, musa, 1. 190. Itu, Ilu, n. pr. gentis, I-tu, î. 18. lui, Iltius, n. pr. hominis, It-ti-i, I. 55, 56. Yalburi, Yatbur, n. pr. regionis, Y a-at-hu-ri ,

1. 20, i5o. Ilamaru, Ilamarus, n. prop. hominis, It-'-am-

a-ni, 1. 27. Yalnan, Cyprus , n. pr. genlis, Ya-at-na-na,

1. 16, i45.

^D-ND

133

33D

n3D

ki, ex, contra, cum, praep. 1. 89, 83, 12 4, 126,

i55. Kui, n. pr. regionis, Ku-i, 1, i5o. Kibaha, Kibaba, n. pr. hominis , 1. 61. ikbud, durum fuit, 3" pers. sing. aor. kal. ik-

bu-ud, 1. 33 , 91 . kababi, scutorum genus, ka-ba-bi, I. 117. kabiltu, multus, ka-bil-tu (/t), 1. 72, i33,

i5i, 168, i85. kabatti, propositum, ka-bat-ti, 1. 19/4. kibit, iua ki-bit , ope, 1. 1 2 4; ki-bi-tus-su, favente

eo

19^

154

A

comburere. . . esse, stare. . .

tondeie, exco- ria re.

prohibera . . .

nbD

perticere. . . .

rDbD

invigiiare. . . .

nCD

prehendere . .

AOUT-SEPTEMBRE 18C5.

kidinni, norma, sub. m. pi. ki-diti-nl, 1. 7; [ki-

dinmil) ki-din-nu-us'-mn , norma eorum , 1. 1 1 . Kiakku, Kiakkus, n. prop. hominis, Ki-ak-kii,

l 28. akvu, combussi, i' pers. sin^^ aor. kal. ak-vu,

1. 35, /i2, A3, ^7, i3/j. uktin, imposai, 1" pers. sing. aor. iphleal, iik~

tin, \. 67. wÂ^mJmposui,!* pers. sing. aor. kal. u-kin,\. 02 ,

83, 116, i6/i. ukinna, rectificavi, 1, 167, 160. kiin, stans. inf. kal. ku-un, \. 12; kun-nu,

1. 174. kinis, adv. constanter, 1. i56, 188. kitti (pro kiuii), kinat, fœdiis, kit-ti, l. 3o. akus , excoriavi, 1" pers. sing. aor. kal. a-ka-

us, 1. 35, à^, 56. kukum, crocus, ku-kiim, 1. 1^2 , 181. iklû, retinuit,3"pers. sing. m. aor. kal. ik-lii-u,

i. 28, 69, 1 13. iA-/a, abnuit, ik-la-a, 1. 79, 122. Kalu, Kalah, n. pr. urbis, ideog. 1. 8, 23. kola, omnis, ka-la, \. i/i3; cum suff. ka-U~

sun, 1. \l\. Kalanu , Ralanus, ideog. 1. 8. Kaldi, Ghaldœa, n. pr. genlis, Kal-di, 1. 21,

122, 125, 147. Kaldudii ,Cha\dud , n. pr. gentis, kaldu-duj. 1 8. ukallim, invigilavl, 1" pers. sing. aor. pael,

ii-kal-lim , 1. i35. kima, sicut, ki-ma, 1. 96, i25, 129, i32,

i34, iM. /mmu, possessio, inl". kal. ka-mu-u, 1. i35. Kummahi, n. pr. regionis, Kum-mu-hi, 1. 82. Kanunuhai, Kammanius, 11. pr regionis, Kitm-

nui-lja-al , 1. 1 1 y.

DD3

V12

îviDD

no

cogère.

inlricarc. expiare. .

separare, dis- tribuere.

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 155

akmisa, rogavi, i* pers. sing. aor. kal. ak-mi-

sa, 1. 174. Kindau, Kindaus, n. pr. urbis, Kin-da-u, \. 64. iknusu, se submiserunt, 3" pers. plur. m. aor.

kal. ik-nu-su, 1. i52. usaknisu, 1" p. sing. aor. slmp. coegi, u-sak-ni-

sa, 1. i54. kiissu, thronus, ideog. 1. 3o, 33, Sy, Sg, 5i,

84, 95, 118, 121, i3i. Kisik, n. pr. urbis, Ki-sik, 1. 9, 137. kasap, argentum, ideog. 1. 87, i3i, i33, i4i,

i48, 169, 168, 180. kapidu, inlricans , inf. kal. ka-pi-du, 1. 112. kaprasu, subst. cum sufl'. kap-ra-sn, dona ex-

piationis, 1. i45. aksura, distribui , 1" pers. sing. aor. kal. ak-

sii-ra, i. 98, 124. ikmru, distribuit, 3" pers. s. m. aor. kal. ik-su-

rtt, 1, 34, 12 3, 129. aksur, conscripsi , 1" pers. s. aor. kd\* ak-sur,

1. 24, 36, 117. kisir, porlio. ki-sir, 1. 36. Kar, iirbs, arx.

Kar-Islar, Kar-Istar, n. pr. urb. Kar-Istdr, 1. 65. Kar-HiL, Kar-Hu, n. pr. urbis, 1. 65. Kar-Yakin, Kar-Yakin, n. pr. urbis, 1. 126. Kar-Marduk, Rar-Marduk, n. pr. urbis, 1. 60. Kar-Nahu, Rar-Nabu, n. pr. urbis, 1. 65. Kar-Sin, Kar-Sin , n. pr. urbis, 1. 65. Kar-Sarkin, Kar-Sargon, n. pr. urb. 1. 63, 66. Kar-Tilit, Rar-Tilit, n. pr. urbis, l. 20. karhi, arces; cum suff. karhi-su, arces ejus;

kar-hi, 1. 126, i34; ideog. 1. 127. karka, lliesaurus, ideog. 1. 56, 75, 106, 1 15,

i33. Karallii, Raraliiv^, n. pr. regionis, Karal-la,

156

1V2

AOUT-SEPTEMBRE 1805.

1. 56; Kar al-la-ai, Carallaius, I. 55. kurunmi, piacula , ?,vihs>i. kii-rii-un-nu , 1. 170

karpanis adv. kar-pa-nis , 1. i/j, 80.

karri, expedilio; karriya, ideog. cum sufl, i. 2 3 ;

kar^ri-ya ,\. l\\, \o\, wk, \ib. karasi, impedimenta, subst. ka-ra-si, 1. 98.* kisati, cuncta, ki-sa-a-ti , L làà- Kisisim, Kesisi, n. prop. uibis, ki-si-siim, 1. Sç). kasad, appropinqualio, .subsl. ka-saà, !. /jo. kisad, ripa, ideog. 1. 18, 19; ki-sad, 22. kisidti, prseda , ki-sid-ti , 1. 62, 82, 108, ii3,

116, i5/i, i65, 171. aksiid, cepi , 1* pers, s. aor. kal. aksud ak-

siL-ud, ak-sii-du, 1. 23, 35 , ^a , 43, 45, à'j,

58, 60, 61, 64, 66, 71, io5, 11 5; ideog.

l 68, i32, 166. iksada, attigerunt, 3" pers. pliir. fem. aor. kai.

ik-sii-da, J. 117, 128, 139. liksud, conlingat, precat. kal. lik-su-iid, 1. 191. kisurri, lermini, ki-siir-ri , 1. 82, i36. commovere . . iktumusu, comnioverunt eum, ik-tii musa, 1. 1 1 1 .

colligere.

ire, appropin- quarc.

superbum ess"

cor

la, negat. 1. i4, 26, 3o, 33, 46, 71, 86, 90, 95, 96, 100, io3, iii, 112, ii3,ii4, ii5, i>6, 122, i42, 147, i52, 157, 169.

la'ari, desertus, 1. i5, 110.

Util Sun 1. 160.

lliti, honos, li-i-li, I. 16, 53.

lihhi , cor, ideog. 109, i24; hh-bi, i4o; cum siiff. Ubhi-ya, cordis mei , l. 4o, 79, 84, 97, ii3, i55; lihhi-suy l. 24; Ub-bi-su, 1. 194; lib-su . I. 91 ; Ubbisu, 1. 78; libbi-suna, ). 24 , 126; Ub-bi-su-na, 1. 12, 24. 193.

lib, Ubbu, superbia . Ub-bu-suiin , Miperbia sua , I. u/iH.

GRANDE

■)Db

nb

consumere. . .

discere

appropinquar*

invenire

îc^b

rnultum esse

favere.

administrare

INSCRIPTION DE KHORSABAD. 157

lahbis, adv. in animo, lab-bis , I. /jo. lilhiir, precal. kal. duret, lil-il-hiir, 1. ig2. Lagiida, Laguda, n. pr. dei, Lagii-da, \. g,

.37.

luddii, consumptio, subst. liid-dii, 1. i5. Lallukna, Lallucanu , n. pv. urhis, Lal-lii-uk-

nu, 1. 57. lamidlav , pro lamidaiuv , doclae, la-mid-tav ,

\. i58. lammïi, pael. desolalio, iul-lum-mu , lumuluni

desoiationis , 1. 35. a/mj, obsedi, 1' pers. s. aor. kal. al-mi, i. 23,

35, Gi, 64, 68 , 71, io5, 1 15 , i32. limitasa, 1. A7, 66 , 68 , 80 , 91, 93 ; limil , 1. 66. îimnu, inimicus, lim-nii, 1. 33, 112. limniti, inimicitia , lim-ni-i-tij \. 11 3. alkasu, 1* pers. s. m. aor. kal. cum suff. abri-

pui eum, a/-A;a-«5-5u, 1. 32. ilhû, assumpserant, 1. 55. Larsam, Larsam , n. pr. urbis , ideog. i. 9 , 137. lisan, subst. lingua. Usa-an, 1. 161; plur. li-

sa-na-an, i. 4- Lilai, Liteiis, n. pr. genlis, Li-ta-ai, 1. 19.

D

maduti, raulli, ma-dii~ti , 1. 11; ideog. 1. i4i ;

ma'adti, 77. Vide '^yiD. magdansiin, subsl. cum suff. opiniones suas.

mag-da-aii-su-un , 1- i58. imgurii, o'^ pers. pi. m. aor. kal. im-gu-ni , 1. 71. mitgari, felix, mit-ga-ri, 1. 167. Marfai, Media, n. pr. rcgionis, Ma-da-ai,\. 17,

65,66,69.

yiimahir, adminislravit, 3' kal. yii-ma-'-ir, 1. 84-

pers.

SUli

m. aor.

15J

mD

imponere. . . mulare

cedere

mori

dimicare . . .

"'D

")DD

implere

AOUT-SEPTEMBRE 1805.

mahhuy medulla, miih-lm,\. i42.

mUharîs, cum Iributis, mit-ha-ris, 1. 22, i38.

amura, me amovi, l'p. sing. aor. kal. a-mii-ru ,

1. i3, i5. immasu, in desuetudinem abierant, 3" p. plur.

m. aor. niph. im-ma-su, 1. 1 1 . imisu, denegavi, 1" pers. sing. aor. kal.t-mf-

sii, 1. 73. masuli (?) , anteriores, ma-su-ti (?) , 1. i36. musis^ cedendo, adv. ma-sis, 1. 126. nmti, mors, ma-u-ti, l. 118, i3i. amhas, in fugam eos vcrli, pers. sing. aor.

kal. am-ha-as, 1. 26. miimtahsis, diraicantes, part, mun-tah-si, \. 34,

28, 129. «m/tar, imposai , impers, sing. aor. kal. am-hav,

1". 27, 54. usamliir, afferri jussi, 1" pers. sing. aor. shaj).

u-sam-hir, 1. 168, 186. maliarsu, anteillos, ma-kar-sn, 1. 175. mahri, anlerior, ma-lii-ri^ 1. 24 , 83 ; adi-mahryu ,

12,

maltriti, anterius, mah-ri-ti, 1. 29.

mihrit, in Ira, ini-ih-rit, 1. 162.

mi, aqua, ideog. subst. plur. 128, i3o.

makrii, servus, ma-ak-rii, ]. 1 15.

usamliir, excilavi, 1" pers. sing. aor. shaph.

iL-sam-kir, 1. 123. yiimalli, implevit, 3' pers. sing. m. aor. paei ,

ya-mal-li , l. 128. mala, neg. mal ma-la, 1

87, i33. Mildisai, Mildisensis , n

ai, 1. 37, 49. Miliddai , Miliddensis, n. prop. urbi

dti-ai , I. 79-

7, 20, 21, 75, 80, pr. iiionlis, Mil-di-is- Mi-Jid-

GRANDE

^'jD

nhi2

possidere. . . numerare. . .

-jDD

")DD

1UD

npD

fugere

volarc

INSCRIPTION DE KHORSABAD. 159

malmalis, pignoris instar, adverb. mal-ma-lis,

1. i/jo. milammi, magnitude, subst. plur. m. mi-lam-

mi, 1. 1 1 1. M«7tt/t/ia, Meroe, n. prop. ve^ioms , Mi-luh-ha ,

\. io3, 109. milki, gloria, siibst. mil-ki, 1. 171. malku, rex, mal-ku, 1. 191; mal-ki, 1. 177;

plur. ma-li-ki, reges, 1. i3. mana, mina, subst. ma-na, l. i^i. minav , numerus ; la mi-nav, sine numéro , i. lk^

5i, 72. amna, numeravi, 1" pers. sing. aor. kal. ani-

na, 1. 28, 61, 76, 81, 83, 87, 89, 107,

109, i34, lAo. imncisuniiti , 3* pers. sing. fem. aor. kal. cum

suff. im-na-su-nii-ii , 1. i48. manamma, ullum, 1. ii5, 1^7. mussikki, coronae, subst. plur. mus-sik-hi ,\. 8;

mus-sik-ku, 1. 83. Mmki, Muski, n. pr. regionis, Mii-iis-ki, 1. 7,

3i; Mii-us-ka-ai , \. i5i, i52. Musri, n. pr. regionis, Mu-us-ri, \. i54- musarri, tabulae, subst. plur. masc. mii-sar-ri ,

1. .59.

Musari, .Egyptus, n. pr. regionis, Mii-sii-ri,

1. 17, 25, 27, 102, i83. Miisasir, Musasir, n. prop. urbis, Mu-sa-sir,

Mii-su-si-ri , 1. 7 4; Mu-sa-sir-ai y 1. 72; Mii-

s a-si-ru y I. 73. imkutsu, fugit eum , 3' pers. s. m. aor. kal. en m

suff. im-kul-su, 1. 126. iisamkit, redegi, l'pers. sing. aor. shaph. tt-5rtm-

hit, 1. i36. rnarûii. volantes, ?na-m-u-ti, 1. 168.

160

I^D

ne

ire

delrahere

comoarare

AOUT-SEPTEMBRE 1805.

Marduk, Merotlacliiis, nom. prop. dei , ideog.

1. 3, 1 1 1, 1 24, I /il, 1 45, 1 54- Marduk- bal -iddin, Merodach Baladan, n. pr.

hominis, 1. 121, i2 5. Marubisli, Marubusti , n. pr. urbis, Mar-ii-bi-

is-ti, 1. 121. marsi, al lus, mar-si, 1. 38, 4ii 42, 5o; mar-

sa-a-li, inaccessus, l. 43. marrani, passus, mur-ra-ni, 1. 112. marrati, mare, mar-ra-ti , I. 22, 122. mamraru, 1" pers. sing. aor. shaph. exlendi,

u-sam- ra-rii, i . 1 5 o . tamartus, donum , .subsl. la-mar-ias , 1. 28, 79,

ii3, 123, 168. tamirtus, cursus, subst. la-mir-tuSy \. 128. Marsanai, Marsanius, n. prop. genlis, Mar-sa-

na-ai, 1. i3o. masak , culis, ma-sak , 1. 35, 49, 56. Misiandia, Misiandia, n. pr. rcgionis, Mi-si-an-

di-ia, 1. 37. tamsil,ad instar, adv. tam-sil , 1. 161. mat, regio, ideog. 1. 1 36 ; ideog. praef. nomi-

num regionis, Passim. Plur. mali, 1. i35;

cum suft. malisii, vel. mal-su, ideog. 1. 3o,

01, 46, 52, 61, 74, 84, 1 1 5, 1 18, \k']\mati-

sii-a-tu, 1. 83, i4o; mat-ya, \. 178; ma-a-ti,

\. i35; mali-sa, 1. 74, ii5; plur. matât,

ideog. 1. i4, 4o, 62, 108 i53, 170; irrcg.

matitan, 1. i65, 177. Mita, Mita, nomen prop. hominis, 1. 3i,

i5o, i52. Mitatti, Mitatli. n. pr. hominis, Mi-la-al-li ,

1. 45, 48, 52. Malti, Maliens, n. prop. hominis, Matti-i ,\. 29, Miillalluv, Mullallus, n. pr. hominis, Mut-ial-

luv, 1. 84, 86, 112.

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.

101

on: Nîs:

Nî3:

velle. . . . edicere. . eniintiare

>sîd:

DD3

nj:

3"i:

ni:

pellere. . evertere

verlere .

caedere eruere.

olTerre. . . relinquere.

nimiya, volunlas mea , nimi-ya, 1. 84.

nim, decrelum, ni-im, I. i55.

uhhi , nominavi, i" pers. sing. aor. [kal. ab-bi,'

1. 6o, 65. nibit, nomen, subst. cum sufF. ni-bit-sii, no-

men ejus, 1. i55. Nabu, Nebo, n. pr. dei, ideog. 1. 3, 1^3, i45,

i5A, i55. Nabu-pakid-iliii , Nabud-pakid-ilui, n. pr. ho-

minis, 1. 139. niba, numerus, ni-ba, i. 87. Nibi, Nibius, n. pr. hominis, Ni-bi-i, ]. 118,

120. innabit, aufngit, 3" pers. sing. aor. niph. in-na-

bit, 1. 26, 46, io3. abbul, everli, 1' pers. sing. aor. pa. db-bul,

1. 70, i34. ibbiil, evertit, 3" p. s. m. aor. pa. ib-bul,\. i5i . nabasis, siciit folia arboris(?) adv. na-ba-si-is,

\. i3o. nagû, oppidum, na-gu-u, 1. 1 15; na-gi-i, l. 44.

63, 66, 68, 70, 71 ; na-gi'i-sii , cum sufl.

1. 43, i5i. nagap, clades, na-gap, \. 16, i49- agqiir, erui, i''pers. sing. aor. kal. ag-gur, I. 70,

"1 34. iggur, destruxit, 3* pers. sing. m. aor. kal. ig-

giir, ]. i5i. nadbiiii, sponlanea oblalio, subst. fem. na-ad-

bu-ti,\.\b^. addâ, disperlivi, 1^ pers. sing. aor. pa. ad-da-u,

1. i4. ^7c?tt5/««, adminislralio, subst. cum sud. ni-dn-

ns-su, 1. 139.

162

m:

n:

in:

slernere, querc.

darc

vovere.

consnescere . . procerumesse

ina

fluere

m:

raorari

pi:

4tD:

ponderare. . .

^2:

periicere. . . .

DDi

diminuere . . .

abscindere.. .

id:

non agnoscer',

allerare.

nîd:

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

acMâ^dispertivi, l'pers. sing. aor. l.a].ad-da-a,

l 14. addi, stravi, 1" pers. sing. aor. kal. 1. iGo. iddû, dispertivit, 3" pers. s. m* aor. kal. id-

du-u, 1. 38, 96. nadan, donum , inf. kal. iia-dan, 1. 67, ii3. addin, dedi, 1' pers. sing. aor. kal. ad-dinX 29;

cum sufF. ad-din-su, dedi ei, 1. 3o, 52. iddin, 3' p. s. m. aor. kal. id-din-sa,\. 39, 119. mandatta, Iribula, man-da-at-ta, [ti, tav.)

1. 29, 54, 69, I i3, t85; ma-da-at-ta , \. 27,

32.

annadir, votum feci, i"" pers. sing, aor. nipb.

an-na-dir, 1. 4o. nigutav, jurisdictio, ni-gu-tav, 1. 179. iiadis , auguste, adv. na-di-is, i. 174. iiada, proceri , na-da , i. 174. nada, ideog. augustus , 1. 34, 124, i4i. nahari, flumen, subst. plur. ideog. 1. 129, i3o,

et anle nomina fluminum; na-'-i-ri, \. 54. nivit, habilatio, ni-vit, 1. 9, 137. niik , satisfaclio, mi-iik, 1. 194. nathiti, ponderosa, nat-lu-ti, 1. 168. nakliiti, artificiosus, nak-lii-ti , 1. 157. nahlis , artificiose, adv. nak-lis , 1. j64. Niksammu, Niksam, n. pr. regionis, 1. 58. iinahkis, erui, l'pers. sing. aor. pa. a-nak-kis,

1. i3i. nakiri, rebelles, subst. m. plur. na-ki ri, 1. i4;

ideog. 1 12 5. M//rtMar, alleravi, 1' pers. s. aor. pa. u-nak-kar,

1.93.

nakratisu, rebellio cjus, subsl. feni. cum suff.

nak-ra-ti-sii , 1. 1 28. akkirvu, proslravi, ak-kir-vu , i. 73. numma , simul, 1. i3, 189.

GRANDE

id:

videre

mjj

P^

sobolescere. .

no:

suppiilare. . .

noj

evellere

dd:

elevare

1d:

fundere

id:

amovere ....

ns:

oriri

riDJ

-)d:

l!rD3

flare

-)2ÎJ

protéger e. . .

INSCRIPTION DE KHORSABAD. 163

narnar, visio, inf. kal. na-mar, 1. 19/i.

numri, splendens, particip. plur. kal. nam-ri,

1. 161, 162. namrati, splendentia , subst. plur. fem. nam-

ra-a-ti, 1. i56. nummur, splendor, inf. pa. na-um-mur, 1. i^i,

innamir, videbatur, 3* pers. s. m. aor. niph.

in-na-mir, \. 26, 46, io3, 11 4. Ninua, Ninive, n. pr. urbis, ideog. 1. i54- imni, pisces, s. plur. nuu-ni^. lUlw ideog. 169. Ninip , Ninip, n. pr. dei, ideog. 1. 112, i56. yunissi, supputavit, 3' pers. s. m. aor. pa.yuni-

is-si, 1. 127. isassusu, dicunt, 3" pers. plur. m. aor. sbapb.

i-sa-cLS-su-sa , 1. 162. assuhav, transportavi , 1' pers. sing. aor. kal.

as-sii-ha-av, 1. ^9, 56, i34. nissat, elevalio, ni-is-sat, 1. i46. nisiktu, metallum, ideog. 1. i^S. adsiirsuruili , amovi eos, 1" pers. s. m. aor. kal.

cum suff. as-sar-su-nu-ti , 1. 67. nipih, oriens, ni-pi-ih, \. 69, 109, i44. usappili, anhexui, 1* p. s. m. aor. sh. ii-sap-pih ,

1. 9. (ForsannSi:*?) nupai\ cor, nu-par-sun , 1. 186; nu-par-su-un,

1. 168. Nipur, Nipur, n. pr. urbis, ideog. î. 6, i34- napsat, st. emph. napasti, anima, vila , na-pas-ti,

1. 119; na-pas-ti, 1. 173-, cum sulL na-pas-

ta-su, vila ejus, L 77; ideog. 1. 7^. nasir, protegens, part. kal. na-sir, 1. 3o; na-si-

ru, 1. 189. masartu, subst. arx, mà-sar-tu, 1. 66. nisirti , familia , subst. ui-sir-ti, \. 69, "5, 80 î

106, ii5, i33.

IG4

AO

np:

perl'orarc. . .

21:

elevare

pn:

porlare

langere

osculari . . . . eripere

UT-SEPTEMBRE 1865.

nakab , perforatio , subst. na hah , \. i5.

nakhi, rivus, nak-hi , 1. 128.

makkii, insons, mak-ku, 1. 5.

nir, prope, praep. nir, 1. iSg; ni-ir^ 1. 22, 28,

55, 70, 116; nir-ya, cura sufT. 1. 5o, 85,

ii4, 1^9, i5/i; ni-ri-ju, 1. 36, 117. nirib-siin, inlersiilia corum, ni-rib-su-nu , 1. i4,

161. (Videm:^.) naram, exallans, na-ram , 1, 34- nirariil , adj utor, ni - ru - ru -ti ,\. 7 1 ; lù-ra-ri ,

I. ii3. Nirisar, Nirisar, n. prop. hominis, Niri-sar,

vel Isli-sar, 1. 58. nus, porlator, na-as , 1. 117. nasii, praestatio, na-si-i, 1. 90, 1 53. usassig , cinxi , i" p- sing. aor. shaph. ii-sa-as-sik ,

1.8. yunassiku, osculati sunt, 3' pers. plur. aor. pa.

yu-na-as-si-kii , 1. \l\(^. issur, deleta fuit, 3" p. m. s. aor. k. is-sur, i. 5i. Nituk, Nituk, n. pr. regionis, Ni-tuk-ki, 1. 22;

vide Asmun.

NÎDD

■):d

PD -inD

Sabai , Sabai , n. pr. regionis, Sa-b a-' -ai , 1. 27.

sibittu .... (?) si-bit-tu, 1. 78.

littasgar, serviat , precal. islapbal , lit-laé-gar,

l 188. sigar, margo; sigar-sun, cum sufT. marge co-

runi , 1. 164. sudinni , pulli aviunn, sa-din-ni , 1. i25. misir, corona, mi-sir, 1. 161. ullil, erexi, pers. sing. aor. iplileal , ul-til,

1.53. Go, 63.

mD

-ne

nno

nnc

CD

amovere ....

verrere

circumdare. .

7^D

1 ^

nbD

peccare

agglomerare .

i*DD

")DD

P]PD

-nu;

l'gare

dominari. . . .

i

GRANDE INSCRIPTIOxN DE KHORSABAD. 165

27, '29, 54, 67,72,

^7. 39.

J5-

s'iisi, equi, subst. ideog.

i83. msiir, amovi, 1' pers. sing. aor. as-sur su-nu- li ,

amovi eos, 1. 67. asm\ investivi, 1" p. sing. aor. kal. a-sar,\. 88. shit, serpens, is-hi-it. 1. 169. sahru, fœdus, sah-ru, 1. 119, 120. ishar, compulerat, is-har, 3" pers, s. m. aor.

"kaL 1. 123. sihirli, cotnplexus, si-hir-ti (su, sa), \. 17, 21,

82. ii5. simâii, aerarium, si-ma-a-li, 1. 166. Sin, Sin, n. pr. dei, ideog. 1. i55. Sukki , Sukkia, n. pr. urbis, Su-uk-kia , 1. Sakhat, Sakbat, n. pr. wThis , Sa- ak-bat , \. 1 islu, peccarunt, 3" pers. plur. m. aor. kal.

lu-u, 1. 28, 55. yusalluv, aggere munivit, 3' pers. sing. pa. aor.

m. yu-sal-luv,]. 128. s'almi, sandalorum genus, sa-al-mi , J. 99,

1 14 ; sal-mi, 1. 85. Samuna, n. pr. urbis, Sa-am-'u-na, 1. 20. Samirina, n. pr. urbis, Sa-mi-ri-na, 1. 23, 33, Samuna, Sammuna, n. pr, urb. Sa-am-'-u-nu,

]. i38. Samsië, Samsia, n. pr. reginae Arabiae, Sa-am-

si-i, I. 27. s'upii, praeslatio, su-pi-i, \. 120. Sipar, Sipar, n. pr. urbis, ideog. 1. 5, i34- askuppi, superliminarium, as-kup-pi, 1. i65. Nis'ruk, Nisroch, n. pr. dei, Nis-ruk, 1. i55. sur, st. emph. sarru, rex, ideog. 1. i, 2, 23,

•xlx, 25, 26, 27, 3i, 54, 76, 83, 90, 109,

11 3, 119, 122, 123, \lxk\ plur. sarri,

st. emph. sarvani, reges, ideog. 1. 91 , 110

i/j5, 1A7, i52. .

12

J66

nriD

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

sarrat, regina, sar-rat, 1. 27.

sarriit, regnum, sar-riit , \. li, sarriiti, 33, 94 ; cum sulï. sarrutiya, regnum raeuni, \. 23, 36, 53, 60, 63, 111, i/i4, 171; samitisu, regnum suum, ]. 29, 4», /42, 47, 5i, 53, 80 , 118, 129, i3i.

Sarkin, Sargon, n. pr. régis, ideog. 1. i.

Siirapp i,Surap, n. pr. fluminis,iStt-rap-pi,l. 19.

sittat, ordines reliqui, si-it-la-at , \. i3i, i33.

siltuti, reliqui, si-it-tu-ti, 1. 24-

sattukki, sal-tu-ki, \. 157, pacla eorum, /«/- tuk-ki-su-mi , 1. 137.

Sati, Suti, n. pr. gentis, su-ti-i, 1. i35.

suti sazah , ... 1. 82; sali zabgati, 1. 19; s'idi- zab hiLSzah, \. i23.

in:?

vel

nv

transira, facere. .

itibhira, transeundo paravi, i" pers. sing. aor.

iphteal, i-iih-hi-ra, 1. i5. ipsit, facinus, subst. ip-sit, 1. 1 ^7 ; ip-si-it,\. 5o. apsani, pietas, ab-sa-ni, ]. 109, i54- i/)tt5, feci, 1' pers. sing. aor. kal. i-bu-su, 1. 92 ,

118; ipus, ideog. 1. 53, 60, i55. ibis, ad faciendum, i-his, 1. 1 3, 1 52 ; i-pis , 1. 2 5. itibbusa, perfeci, 1" pers. sing. aor. iphtaal,

i-tib-bu-sa, 1. 7. itibbus , facinus, inf. iphtaal, i-tib-bu-us , l. i48. nibisti, fabricata, n. ni-bis-ti, l. i48. ibbusŒy facere, iuf. pa. ib-bu-su. usipisa, perfeci jussi, 1' pers. sing. aor. sliaph.

a-si-pi-sa, 1. 162. adi, usque ad, praep. 1. 17, 18, 20, 22, 23,

3A, A3, 4A, 45, 46, 49, 52, 56, 59, 60,

61, 68,71,74,75, 76,80,86, 110, 112,

iî5, 129, i3o, i33, i38, i44, i45, i46,

i4q, l52, 166.

GRANDE

deficere. . . .

2î:?

relinquere. . .

ni3y

tegere

qd:^

accedere. . . .

n'?^?

ascendere. . .

îby

exhilarare. . .

nV^

p-'?^*

lorquere. . . .

ÎDr

^Dy

ponere, slare.

INSCRIPTION DE KHORSABAD. 107

adi mahriya, coram me, ]. i^g.

adi una, diim, i^Q.

idinmissii, solus, i-din-nii-us-su , 1. qlx.

idiir, dereliqueral, .V p. sing^. aor. kal. i-diir, \. 46.

izib , reliqui, i" pers, sing. m. aor. kal. i-zib, 1. i32; i-zi-bii, ]. 1 15.

Azuri, Azurus, n. pr. hominis, Aznri, 1. 90.

itis , clam, adv. i-iis , 1. i32.

akamii, accessus, inf. a-ka-mii, 1. /u, iik-

yiilliy eievavit, Z" pers sing. m.yul-li-i, ]. 38.

illu, supremiis, ideog. 1. 170, 189; U-li-tiv, l->93.

m, super, ideog. 1. 29, 36, 48, 69, 60, 62, 6/4, 7/i, 78, 93, 113,119, 121, 129, 139, 1^2, i5o, 159, i63; cum sufF. ili-su, 1. 29,53, 83; ili-sii-im, super eos, L 22, 24 32, 62, 67, 84, 89, 94i 96, 116, 160; i-li, 1. 169; ili-su-un, 1. 32, 160; ili-su-un, \. 116.

ilis, supra, i-lis, 1. 20, i38.

ilina, loco, i-li-na, 1. i54.

usaliza, exhilaravi, i" pers. u-sa-li-za, 1. 168, 186.

Usaliza, gaudeat, precat.

1-194.

iliz, gaudio, i-li-iz, 1. i4o.

Elamii, Susiaria, n. pr. regionis, ideog. 1. 18,

21 , 23, 119, 120 (?) , 123, i38 , 139, i5o. ilku, lorquatus, il-ku, 1. 83. ummaii, exercitus, iim-ma-an, 1. 120; iim-ma-

iia-al, 1. 4o; um-m«-ni-ja, 1. 97. um-ma-nat, 1. 34; um-ma-na-al , 34, ^o; ideog.

1. 97; cum suff. iim-ma-na-ti-su-nu, 1. 120. um-ma-ni-ya , exercitus meus, 1. 73. imid, redegi, 1* pers. sing. aor, kal. cum sufî.

i-mid-su-im-ti , redegi eos, 1. 2 3, 2 5.

1 2 .

sing. aor. shaph. shapli. U-sa-li-sa,

168

im

slare

pDi?

profundum

esse.

nii*

□2:i?

ny:?

dominare, . .

cogère.

lorquere

inlrare,

gerniinare. .

69.

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

imidu i-mi-du, 1. 78.

andiisun, adoralio eoriim, 1. i58.

iniiki , Immiliatio, ti-mi-ki, \. 120.

imiik, aiicloritas, i-mu-iik , 1. 166.

innsii, intentio, ni-in-sa, 1. i52.

asmii, maleries, as-mu, 1. 164.

misir, dominium, rni-sir, \. 21, 3o, 46. 67,

i38, iSg. misria, provincia mea, mi-is-ri-a, \. 3i. usurat, morbus, ii-m-rat, \. 117. issur, avis, 1. i29;plur. ideog.l. 16A, »68, issuris, adv. sicut avis, is-m-ris , 1. 5o. «A-//, sapienles, ak-li , i. 178. a/r^i, impiiis, ak-si , 1. i2 5. i'r, urbs , subst. ir, 1. 29, 34, 4i, 47, 53, 54,

62, 80, 81, 124, 128, 1 33, 1 34, 137, 1 55;

an le nomina urbiiim , passim , cum sufl". ir su ,

1. 59; ir-sii-a-tu, 1. 1 14; ideog. plun irani,

ideog. i. 43, 47, 48. 58, 60, 68, 80, 107.

11 5, i5i; cum suff. irani-su, \. 52, 126;

irani-sunulu , urbes eorum , 1. 35. Aribi, Arabia, n. pr. regionis,^-r/-6/, 1. 27, 69. iriiba , intravi , 1* pers. sing. m. aor. kal. i-rii-ba,

1. 132. :

irib, occidens, i-ri-ib, 1. i46.

yiisirib, inlrare juvssit, 3' pers. s. m. aor. shapli.

yu-si-rib, 1. 126. nirib sun, interslilia earum, iii-rib-su-nii, 1. i4,

161. iri , colores? ideog. 1. 160. ira, profeclus sum, 1' pers. s. m. aor. sbapb.

i-ru-uv , \. i4i- îruvva, animadverli , i ^ p. s. a. k. i-7m-uv-va ,1.74 isbi, berbae (odorantes), is-bi, 1. 27. isuti, adv. ana issnli, denuo, is-sii-ti , 1. 62 , 1 1 5. islin , unus, ideog. 1. 128; is-tin,\. 126, i34.

progredi

GRAiNDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 169

istinis, adv. is-fi-uis, uterque pro se, 1. 1 18. istarat , dese , s. fera, plar. is-tar-at,\. 167, 176. ilitlika, peragravi, 1" pers. sing. aor. iphlaal,

i-ti-it-ti-ka , 1. i5. itkili, praeda, U-ki-ti, 1. i/ii.

"IJQ

mD

redirnere. . .

nriD

nnD

disperlire . .

■•D

^^D

n'^D

colère

nD^D

cum dolo âge"

^^bs

2;'7D

favere

pagar, cadaver, subst. plur. ideog. i. 38, 1- i3o. pudisu, ditionis ejus, subst. cum suS. pa-di-su,

1-70.

tapdi, punilio, iap-di , \. i/iQ.

pahat, satrapes, ideog. pa-kat, 1. 5^, 62, 89,

116, 179; pa-fia-ii, 1. 22, 178; ideog. oa;

piha-atA'^^; pi-lm-ti-sii , 1. 60, 6/i. upahhir, dispertitus sum, 1" pers. sing. aor.

pa. u-pah-hir, 1. 98. yupalihir, distribuit, 3' pers. sing. m. aor. pa.

y u-pah-hir, 1. 126. pî, os, subst. pi-i, 1. 189. pili, lapidis genus, pi-i-li, 1. i65- palah, cuitum, subst. pa-lah, 1. 96. palihu, adorans, part. kal. pa-li-hu, 1. 122. upalili, exaltans, u-pa-lih , J. 32. pulhi, lerrores , pul-hi, 1. 111. yuspulkit, dolo excitavit, 3" pers. sing. m. aor.

sbaph. us-pal-kit, \. 34 1 i23. ppalkitu, cum dolo egerunt, 3" p. m. pllar. aor.

niph. ip-pal-ki-ta , 1. 71. pâli, subst. ideog. cum suf. paliya, 1. l'jl^. ippalsuniva, bearunt me, 3* pers. plur. m. aor.

nipb. ip-pal-su-ni-va, \. 12. Uppalis, faveanl, 3" pers. plur. m. prec. niph.

Up-pa-lis, ]. 188. Pukud, Pukud, n. pr. genlis, Pu-ku-dii, 1. 19,

126. Pappa, Paphos, n. pr. urbis, Pa-ap-pa, 1. 67.

170

IVl'D

nriD nriD

pnD

verleie

injtislumesse.

extendere

se substrahere

lordere.

fraudera agere aperire

pei

'forare

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

puni, anle, pa-ni, 1. i4i; cuiii sufi'. pa-ni-yu

1. 39, i b2 ; pa-7ii-su , 1. 9/i , iSj , pa-nu-ussu lapaii, anle, la-pa-an, I. 128, 127. par/, asinus, pa-n'-i, 1. 29; ideog. 184. Parada, Parada, 11. pr. urbis, Pa-ra-da, 1. 47 parzil, ferriim, subs. par-zil-hi, [luv) ,1. i/ia

180; ideog. 1. 160. ipparkâ, .se di.sjungendo amiltebaiit 3" pers. pi

m.aor. nipli. ip-par-ku-ii,\.8b, 100, 1 i4, 190 Pirii, Pharao, 11. pr. honiinis, Pi-ir-'-a, 1. 27 Pursiius, PersiaP n.pr.regionis, Par-5u-a5,I. 58 usapris, 1' pers. sin^. apr. sbapli. extendi jussi

u-sap-r'is , 1. 129. % ipparis , sese exlendit, 3* pers. sing. m. aor

niph. ip-pa-ris , 1. 126. suprus, circumagendum, inf. sbapb. su-up-rus

I- 'H

ipparsid, 3' p. sing. ni. aor. nipb. se substraxit

ip-par-sid, \. 5o, 74, i32. ipparsidu, 3" pers. plur. m. se substraxerunt

ip-par-si-du , \. 1 3 3 . Piiniti, Eupbra'.es, n. pr. fluniinis, Para-ti ,

i. 128. paskâti, lortiiosœ, adj. f. pi. pa-as-ka-a-ti , I. 1 5 pat, ideog. 1. i5, 78, 88; pa-at, finis, I. 17

18, 22, 10^; pa-ti, Ô9; cum sufl*. padi-sii,

1.60, 63. patii, fraudulosus, pa-ta-a, \. 33, 112. yuputli, 3" p. sing. m. aor. pa. aperui, u-pal-

ti, \. i5. patnus, coercendum , pat-na- us , 1. 65. (?) iptuka, perforavit, pers. sir)g. m. aor

ip-iu ka, \. 128. pututku, perforalio, pu-/MA--/a, 1. 128. ippatkû (pro ippaHiku), 3' pers. plur. 111

nipli. ip-pal-kn-u, 1. i63.

kal.

nor

GKANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.

171

-)D2Î lis

^apere.

murare,

rogare.

infundere .

cogitare.

irrnere .

sini, agnus, snbst. si-i~ni , 1. 54-

5tfè, homo, sa-ab, 1. 33 ; ^atiV, bomines, ideog.

1. 7, 129, i36. asbal, cepi, 1' pers. sing. aor. kal. as bat, \. 26 ,

58, 62, 65, 82, 108, 116, iA>. assabat, secutus sum, 1" pers. sing. aor. nipli.

as-sa-bat, 1. 1 14- usabbit , ce^i , i*p. s. 111. aor. iphl. u-sab-bit , 1.43. vLsasbit, polirijussi, 1* pers. sing. aor. shaph.

u-sa-as-bit, 1. 82. isbat, 3" p. sing. m. aor. kal. is-bat, 1. 5o, i32. issabat, 3' pers. sing. m. aor. ideog. 1. 112. usasbita, exornavi, 1' pers. sing. aor. shaph.

u-sa-as-bi-ta ,1. 1 64 sibitta, divitiae, si-bit-ta, 1. i35. usaskiva, aedificavi, pers. sing. aor. kal. usa-

as-hi-ra, l. i65. sirti, superior, si-ii^-ti, 1. i84 sirassin, super iis, si-ru-us-si-in , 1. i65. yusallàni, adjuravit me, 3* pers. s. aor. pa. va- sal-la-an-ni , 1. 120. aslulia, infudi, 1' pers. sing. aor. kal. as-la-lia,

'l.'iSi. salam, imago, sa-lam, 1. 53, 60, 63. silik, initium, si-lik, i. 166. sindia, forlitudo, siin-di-ya, 1. I24- Simirra, Simyra, n. pr. urbis, Si-mir-ra, 1. 32. isniur, cogitavit, 3' p. s. m. aA.is-mar,\. 123. supur, cuprum, subst. ideog. 1. i42, 159. sissi, subst. admiralio, si-is-si, 1. 112. musukkani, lentiscus, arbor, mii-suk-kan-ni ,

i. *i'58. isnibu, irruerunt, 3" pers. plur. m. aor. kal. is-

ra-bii, 1. i3o.

72

m:

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

. . sirha. .••(?) sir-lia, 1. 78.

.. sirriti, symbola dominalionis, sir-ri-i-ti , 1. \li. sariri, vilreus, sa-ri-ri, 1. 167.

nap

dicere

Qip niop

Nîip

colligere. . . .

manere

suflire

nidum facere. vocare

3^p

appropinquar*

Tip

'?np

Ni:?p

np

akbi, 1' pers. s. m. aor. kal. proclamavi, uk-hi ,

1. 125.

kahal, médium , ideog. 1. 1 3 , 1 6 ; praelium ,1.25,

i44 i46, 1A7. akali, y" pers. sing. aor. pa. ii-ka-li, 1. \l\k- kimti, familia, kim-ti, l. 3i, 49» 86. katri, thuribulum, kat-ri-i, 1. 167. kiiiisu, habitaculum ejus, ki-ni-su, \. 56. aA:/7, invocavi, i* p. sing. aor. kal. ak-ri-i, i. 167. ikdrav, convocavit, 3^ pers. s. m. aor. iphlaal,

ik-li-rav , 1. 127. kirih , in , in medio , ki-rib , 1. zig , 5o , 1 09 , 1 3 2 ,

i38, 149; cum sufî". ki-rib-sii, \. iSg, 19^;

khib Sun, in medio eorum, 1. 190; ki-rib-si-

na, in medio earum, 1. 167; ana kirib,

I. 46, 72; ina kirib, 1. 59, 110, 147, i56,

157, 170; iiltii kirib, 1. 125; ina kirbisii,

1. 60, 63, 127; kirbussu, 159. kiirad, bellalor, cum sufî". kii-ra-di-ya, bellato-

res mei, 1. 99; ka-ra-di-sii, bellatores ejust

1. 8i,i3o. karzilli, ornamenta, kar-zd-li, i. i32. Karkari, Korkor, n. pro[). urbis, Kar-ka-vi ,

1. 34; Kar-ka-ru, 1. 35. kisàli, omnia, ki-sa-a-ti, 1. i44- hissât, legio, subsl. kis-sa-ti, 1. 1. kal, manus, I. i4o, i4i ; J>lur. ku-li, 1. 26,

58,83; ideog. I. 52,71, i4i; cum suffixe,

kali-ya, 1. 62, 82, 108, 116, 139, i54,

i65, 171.

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.

173

121

sternere.

r\21 multum esse

nsi

^21

n2i

I

221

P"»

lalere

favere

pede niovere addere ....

misereri . . . vaslum esse.

equitare ,

novum esse.

Basi, Ras, n. pr. regionis, Ra-a-si , 1. i8. ris, ideog. inilium, caput, 1. aS, i44. risity cul m en, ri-si-it, I. 170; ris-ti, 1. 1 58. irhidti, legumenta, ir-bit-ti, 1. i6A- Rubuh, Rubu, n. p. rcgionis, Ru-ba-uh, J. 18. yiirabbàj elevarunt, 3' p. plur. m. aor. pa. yii-

rab-bii, 1. 96. rxibi, magnâtes, ru-bi, ideog. 1. 178. rabu, magnus, ideog. 1. 1, 12/1, 167, 176;

plur. 1. 3, 12, 16, 38, 79, 122, 127, 139,

lAi, 160, 161 ; rabali, fem. magnaî, ra-ba-

a-ii, 1. i56; ra-bii-ti , 1. i65; rabili, ideog.

1. i63. rubis, adv. magnopere, ra-bis, 1. i5, 168. arba, quatuor, adj. num. ar-ba'-, 1. ik- narbam, latebra , nar-ba-m, 1. i44. urabbis, l'pers. sing. aor. pa. forlunavi, ii-rab-

bis, 1. 3o. ribit, vicinitas, planities, li-bit, 1. 20. Niryal, Nirgal, n. pr. dei. nirgali, nirgali, nir-gal-i,\. i63. iiraddi, addidi, i' pers. sing. aor. pa. u-rad-di,

l 36,58, 60, 64 yusardà, in canales diverlit, 3* pers. s. m. aor.

ûïdi^. yu-sar-da-â,\. 128. rima, venia, ri-i-ma, 1. 5i. rukiiti, longinquus, ru-kii-li, 1. 17, 110, i/i6,

188; ideog. l. 174. rukis, adv. late, 77i-/ii5, 1. 102, làS. Ru ha, Ruha, n. pr. genlis. Ru- -ha, 1. 19, 127. rakbu , legatus , rak-bu , 1 . 1 1 1 ; ideog. 1 . 3 1 , 1 5 2 . rukubi, currus(?), ideog 1. 2 à, 28, 32,

84, ii4, i3i. rikki, no vus , ri-ik-ki , 1. i43.

174

aDi

DD-)

circumdare. .

uD"1

npi

mutare

P-'

DD-)

favere

*^*D*1

aiuplum esse.

nin

velle

nu;-)

remiltere. . - .

l'V)

malum esse. .•

^^")

nm

disponere . . .

AOUT-SEPTEMBRE 1805.

rikitn, iiiipelus , rl-kim, 1. 26.

iirakkis, cinxi , 1 ' pers. sing. aor. paël , u-ruk-kis ,

1.161. usarkis, vectigal exegi, 1' pers. sing. aor. shap.

ii-sar-kisj 1. iSg. asarnti, permulando injeci, 1" pers. sing. aor.

shaph. ii-sar-mi, 1. iSg. irmu, exlialarunt, 1' pers. sing. aor. kal, ir-

mu-ii, 1. 1 67, ramanusiin, in loco eorum, cum suff. ra-ma-nu-

su-un, 1. 77, i36; ram-nusu, 1. 126. rinin, ad incipiendam hoslilitalem , 1. iiq. urassibu, obtinui, impers, sing. aor. pa. u-ra-as-

s'i-bu, ]. i6. yiirassibu, succedere jusserat, 3" pers. sing. m.

aor. pa. yii-ra-as-si-ba-su , 1. 8/4. rapastav , ideog. ampla, 1. 17. urappisa, prosperare feci, 1" pers. sing. aor.

pa. u-rap-pi-sii , 1. 82. Rapihi, Rapia, n. pr. urbis, Ra-pii, 1. 2."). risi, socius, adj. ri-st, 1. 1 2 1 , 129 ; ri-su, 1. 1 3o. risuli , fœdus, rlm-ti, î. 123. arsisu, permisi id, 1* pers. sing. aor. kal. cum

sufï". arsisu, 1. 5i. risit, nequities, risi-li, 1. 5. russï, opéra cœlata, ru-ussi-i, 1. 167. Rata, Râla, n. pr. urbis, 1. 8, i36. Ritâ, Rila, n. pr. hominis, Ri-ia-a, I. 70, 117. uratta, disposui, l'pers. sing. aor. pael, u-iat-

la-a, 1. 161.

rogare

septemplicen»

esse.

sa, qui, qua:»., quod , pron relat. passiin. sa'aï, pelendus, inf. kal. sa-'-al , 1. 111. lisbâ, septnplum facial, precal. kal U-is-bu-a , I. 19/i.

D2V

ni:;

nîDtr

addilumesse.

idere

parem esse rcquare. . .

ponere. . . .

servare. . . perdere. . .

sequi.

deprimi. scribere. facere. ; ,

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 175

Sahi, Sebecluis, n. pr. hominis, Sab-i-i, 1. 25,

26. sibiiia, stirps, si-hu-ta, 1. 191. sadid, addictus fuerit, part, kal. sa-di-id, 1. 36,

70, 117.

saddi Sun 1. i 64-

sadu, mons, ideog. 1. 38, ^9; plur. sadi, \. ài,

Z»2, 5o, 164, 170, 175, 180. su, ille, 1. 3o, l^l^, 4i6, 7^, 101, i23, 12/4, 126, 129, i3i, 162; suasu, 1. 28, 3/(, 35, 60, 61, 80, i33; suasunu, ). 96; saalu, \. 62; suatav, I. ii5; suatunu, 1. 58, 59,

71, 106; sun-sunu, iWi, 1. 22; salina, illae, J. 4o, 166, 186.

5111, pares, su-'-i, 1. 168.

isu, aequatur, 3' pers. sin^. m. aor. kal. i-su-u,

I. 87, \[\i , 169. simtu, st. empb. [simal] sors, sim-tu, \. 36. surani, murum, su-ra-ni, 1. i32. suzub, servandum , inf. sbapb. su-zu-ub , i. 74- suhut, ira, ideog. 1. 4o, 79, ii3; su-liu-ul,

L84,97- isutu, 3" pers. p. m. aor. kal. seculi sunt, i-su-lu,

1. 109, i54. siiuti, contemplio, 5i-/K-<<, 1. 55. shi, orain , si-lj-i, 1. i53.

astur, scripsi, 1' pers. s. aor. kal. as-tur, 1. 53. askun, feci, 1* pers. sing. aor. kal. as-kun, 1. 24 ,

29, 32, 59, 62 , 89, 94, 1 16; as-ku-uiiy 166. askuna, feci, 1. 23, 137. is-kun, fecit, 3" pers. sing. m. aor. kal. is-kun,

1. 127, 129. iskunu, fecerunl, 3^* pers. plur. m. aor. kal. is-

ku-nu, 1. 121, 1 3o. asiakan, direxi , T pers. sing. aor. ipbteal , as-ta-

kan, 1. 4i>, 179.

176

b'^v

ob^*

silere . . . . finire . . , . dominare.

spoliare. .

finire

allum esse, nominare.

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

sUkunii, conslitutio, sit-ku-mi, 1. làà, là^. asakkumi, vacabam, i" pers. sing. aor. pael,

a-sak-ka-mi, 1. i5o. astakkan, àxTexi, i' pers. sing. aor. iphtael ,

as-tak-kan, 1. 22; as-tak-ka-na , 1. 166. usaskin, mutavi, 1" pers. sing. aor. sliapli. u-su-

as-kiîi, 1. 35. yusaskin, molitus est, 3* pers. sing. masc. aor.

s\\ai^\\. yu-sa-as-kin , 1. 34- lissakin, ponatur, habilet, precat. fem. nipli.

Us-sa-kijiy ]. 189.

Sakkannakku ideog. nomen regium, \. 1.

sikitti, silentium, si-kit ti , I. i3. sillan, finis, sil-Ia-an, 1. 166. siltan, imperotor, sil-tan-nu, 1. 25. sithtis, sicut imperator, sit-lutis, \. yli. salât, prififectus, sa-lat, \. i4o, i5o; plur.

ideog. 1. 37. aslula, in captivitalem redegi, i" pers. s. aor.

kal, as-lii-lay\. 24,45,^7, 48, 68, 71, 11 5. islulav , eduxit , 3' p. s. m. aor. kal . is-lu-lav, 1. 1 5 1 . salai, spoliallo, inf. sa-lal, 1. 77, 81, i33. sallatis, spoliorum instar, sal-la tis, [ana sal-

la-ti), 1. 28, 76, 81, 87, 107. sallati, captivitas, sal-la-ti, i. 28, 61, 107, i34,

.37.

sallatu, 1. 72; cum sufl". sallatsunu, 1. 48:

sulla-sun, \. 47, 68, i5i. salam, occasus, sa-lam , \. 17. mu-sal-li-mu, part, paël , ]. iSf). usallimu, perfeci , i* pers. s. aor. p. u-sal-li-mu ,

1.8, i4i. tusmî, elevatio, tus-mi-i, J. 129.

sum, nomen, ideog. cura sufl". sam-ya, nomen meuni, 1. 4; siimsu, nomen ejus, 1. 60, 63; suin-su-nu, nominasua, 1. 65.

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.

177

"712^

'J^V

audire

O'DC»

servire

n2^

mulare .....

nw

"^^fv

*LÛD2?

judicare

bzv

huinilem esse.

ID^

mittere

"iDîy

placere

b]>z'

pondérale. . .

simli, genus arboris, î. i5g.

Siimir, Sumir, n. prop. regionis, ideog. I. 2,

123 ; sa-mi-ri , là^. Tasmit, n. pr. deae, Tas-mi-tuv , \. i43. ismi, audivit, S"* pers, sing, m. aor. kal. is-mi,

1. 5o, 77, 102, 125, 1^5. ismâ, audieriinl, 3" pers. plur. m. aor. kal. is-

mu-u , 1. 1^7, «48. siml, auditio, subst. si-mi-i, 1. 167. samas, sol, subsf. ideog. 1. i55; sam-si , \deo^.

i. 17, 69, 109, i/i4, 1^6, i53. yuLsanna, mutaverat, 3' pers. sing. in. aor. kal.

yu-sa-an-nii,\. 162. sanat, annus, subst. ideog. I. \lxk\ plur. 124. Sinuhtu, Sinuchtu , n. pr. urbis, Si-nii-uh-in ,

1. 29 ; 5i-ntt-u^-fa-at, Sinuclitensis, 1. 28. sa'ari, porta, subst. sa-a-ri, 1. 164. sapit, judex, ideog. I. 22, 24, 32, 69, 62,

83, 88, 116, 120, i4o, i4i, i5o, 178. Siiandalml, Suandubal, n. pr. urbis, Su-an-da-

ha ul, 1. 48. saplis, infra, adv. sap-lis , 1. 2 1 , i38. aspur, emisi, 1" p. sing, aor. kal. as-pur, 1. 120. ispur, misit, 3* pers. sing. ni. aor. kal. is-pur,

1. 92, 124; is-pu-ra, 3i, i53. ispuru, miserunt, 3* pers. plur. m. aor. kal.

is-pa-rii, 1. 111. sipar, ina sipar, per ingenium, si-par, \. 166. Sïipar, gloria, subst. su-par, 1. 162, 163. sipirtisiin, magnificenlia ejus, cum suff. sipirti-

sun, 1. 1 92. sapiri, doctores, subst. sa pi-ri , 1. 178. sahil, ponderare, inf. kal. ideog. 1. 124. i4o,

'l. 162. Surgadia, Surgadia, n. pr. urhis , Snr-(ja-di a ,

I. 58.

178

mi^*

ornare

r>TC

animadverler'

-jitr

permillere. . .

r]i^

urere

")")^

AODT-iiEPTEMBRE 1865.

siri , ornamentum, si-ri-i, 1. i68.

yusasriha, animadverti, 3" peis. sing. m. aor.

shaph. y«-5«5-r«-Art, 1. 119, 127. israkii, permiserunl, 3^ pers. plur. m. aor. kal.

is-rii-ku, 1. i3. o^riip, concremavi, i' pers. sing. aor. kal. «5-

ru-up , l. 70. isrup, combussil, 3" pers. sing. masc. aor. kal.

is-m-up , 1. i5i. survan, cupressus, diïhov , suv-ran , 1. i43, i58,

161. »Stt/riA:iVtf/mwc?i,Sulruknaliunla ,n. pr. régis Ely-

malàh, Sa-llk-rak-Na-ha-un-ti, 1. 119.

ire

onn

inn

ire, fieri. . . .

Tiiaya, Tuai, n. pr. regionis, Tua-ya, 1. 4/i. Tuanii, gemini, adj. pi. Tu-a-mi, 1. 162. ilhuiii, 1" pers. sing. aor. kal. it-hu-ni, 1. 26. usaihu, fieri jussi, i'' pers. sing. aor. sliapli.

usal-bu. Tabalai, Tabul, n. pr. reg. Ta-hal-ai, 1. 3o. <i/iam/i,mare,ideog. 1. 16, 1 A4, 1^6, 1 48, i53. utir, reslilui, 1" pers. sing. aor. aphel, n-tir,

l 11, 137. utirra, reslilui, 1" pers. sing. aor. aph. u-tir-

m, 1. 44,65, 67, i34, i36. ituru, niorantur, i" p. pi. aor. k. i-ta-rii, 1. 177. jfwaf f im, imposuerunt, 3' pers. piur. m. aor.

shapb. jji-5«-/t-7*tt, 1. i3. yiitir, allraxit, 3" p. s. m. aor. pa. yii-iir, 1. 127. tarri, suslinendum, inf. tur-ri, 1. 118, 120. lilurri, conductus, ii-tiir-ri, 1. 129. tahaz, praelium, ideog. 1. i3, 25, 34, 129,

137; ta-ha-zu, l. 118, 123. itimzu, exponebant, 3' pers. pi. m. aor. kal. il-

hn-zn, 1. 1 58.

GRANDE

1^^

confidere. . . .

îpn

reslituere. . . .

y-in

relinquere. . .

INSCRIPTION DE KHORSABAD. 179

tiksu iik-sii, 1. i32.

ittakil, confisuserat, 3" pers.sing.m. aor. riiph.

ittaklii, I. /j8, 78; //-to-yczV, 1. Sg, ii3, 122. tiiklat, ideog. 63, 8A, i36; tuklatiya, ideog.

cum suff. 1. 16,26, 46; s. e. tu-kul-ti, i3S ,

i38, i5o, lôy. likni, pondéra, ti-ik m, 1. i32. lakillav , caenileus, ta-kil-tav^\. 1^2, 182. tul, coWis, tul-Iummu. Tiilçjarimmi , Tulgarim, n. pr. urbis, Tul-ga-

rimmi, \. 81, 82 Tul-Humha, Tul-Humba, n. pr. urbis, Tiiî-

liun-ha, 1. i38. Tiilahitib, Tulahilib , n. pr. urb. Tul-ahi-tih,\. 64l. Tiliisirm ,Tï\us\n?i , n. pr. urb. ÏY-Zii-Zi-zia,!. 45- rftmKWii, Tamun, n. pr. gent. Ta-nmnu^l. 126. Tunnai ,Tunr\&i , n. pr, re^.Tu-un-na-ai.l. 29. iitakkin, restitui, 1* pers. sing. aor. kal. u-tak-

kin, 1. 121; u-tak-ki'iia, 1. 62. tukuntu. ... ? iu-ku-un-tu, \. 79. Tarhulara, Tarhular, n. pr. hominis, Tar-ku-

la-ra, 1. 83. Tarhunazi, Tarhunazi, n. pr. hominis, Tar-

hu-na-zi, 1. 78. iiruku, dereliquerunt, 3* pers. plur. m. aor. kal.

it-rii'ku, \. i48. iisatrisa, redis lineis disposui , 1' pers. sing.

aor. shapb. u-sat-ri-sa, 1. 160. Tirat-danias , Chaldaea inferior, n. pr. regionis,

Tirât- du- ni- as , 1. 21, i47-

J80 AOIIT-SEPTEMBRE 1865.

ÉTLDES PALÉOGRAPHIQUES SUR L'ALPHABET PEHLEVI,

SES DIVERSES VARIETES

ET SON ORIGINE,

PAR M. FRANÇOIS LENORMANT.

L

Le premier qui ait fait connaître à la science eu- ropéenne l'idiome et l'alphabet peblevis est Anquetil- Duperron. Avant l'achèvement de la publication de son livre sur le Zend-Avesta, l'intrépide pionnier de la science qui avait été conquérir jusque dans l'Jnde, au prix de fatigues et d'efforts inouïs, le texte des livres de Zoroastre, imprima dans les Mémoires (le V Académie des inscriptions^ une dissertation Sur les an- ciennes langues de la Perse, il donna les alphabets zend et pehlevi , d'après les manuscrits qu'il avait rap- portés et d'après les explications de ses maîtres les Parsis de Surate. Un peu plus tard, dans le tome III de son Zend-Avesta, il publia le fac-similé de la pre- mière page des man-uscrits du Buundehesch , avec une

Tome XXXI, p. 339-392. La partir relalivc aux pcriturpx va de lu page 35 1 à la page 359.

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 181

transcription et* une explication ad verbam qui lui avaient été fournies par les docteurs parses, et il re- produisit son tableau des alphabets zend et pehlevi. Les recherches des savants plus modernes sur les ma- nuscrits pehlevis n'ont fait faire aucune modification sérieuse à l'alphabet d'Anquetil , qui demeure le fon- dement nécessaire de toute étude sur les textes ma- nuscrits de cette écriture.

Le caractère des manuscrits offre des différences si considérables dans la forme des lettres avec le pehlevi monuiîiental des inscriptions et des mon- naies sassanides, que les travaux d'Anquetil n'ont, pour ainsi dire, servi en rien au déchiffrement de celte dernière écriture. Tout l'honneur de la dé- couverte appartient à M. de Sacy. Elle marque dans la science de l'archéologie orientale, avec les Mémoires de Barthélémy et de Swinton sur les ins- criptions paimyréniennes, une époque nouvelle. C'est en elTet dans la dissertation de Barthélémy que nous rappelons ici et dans le Mémoire sar quelques antiquités de la Perse de M. de Sacy\ publié pendant les plus mauvais jours de la tourmente révolution- naire, qu'ont été indiquées pour la première fois les règles exactes et philosophiques d'après lesquelles on peut procéder avec succès au déchiiïrement d'une langue et d'une écriture également perdues.

S'appuyant sur la comparaison du texte grec des inscriptions de Naksch-i-Roustam et de Rirmanschah avec le texte pehlevi des mêmes inscriptions , l'illustre

' Paris, 1793, in-A".

VI. ,3

ki

182 AOÛT-SEPTEMBRE 1865.

orienlalisle français parvint à traduire ce dernier texte dans son entier et à dresser un alphabet com- plet de l'écriture nationale des Sassanides. Appliquant ensuite aux monuments numisma tiques les résultats que lui avait fournis l'étude des inscriptions, il dé- termina les monnaies de plusieurs des princes de cette dynastie ^.

Sir W. Ouseley reprit l'étude au point M. de Sacy l'avait laissée , et , sans rien ajouter sous le rap- port de la philologie et de la paléographie , il expliqua au moyen de l'alphabet de notre illustre compatriote un plus grand nombre de médailles et quelques pierres gravées 2. Tychsen fit de même dans quatre dissertations^ insérées aux tomes I à 111 des Com- mentationes Socielatis regiœ scientiaram Gottingensis. Enfin M. de Longpérier réunit en un corps d'ouvrage les observations de ses prédécesseurs, en y ajoutant quelques lectures personnelles ^.Environ à la même époque , M. MùUer publia sur le côté philologique de la question, dans le Journal asiatique^, un mémoire

^ H consacra encore à ce sujet un nouveau mëmoire dans let. Il de la seconde série des Mém. de l'Acad. des inscr. p. 162 et suiv.

^ Observations on some medals and gems bearing inscriptions in tlie Pahlavi or ancient Pcrsic character. Londres, 1 801.

3 Conimentaliones quatuor de nummis velerum Persarum.

* Essai sur les médailles des rois perses de la dynastie sassanide. Paris, i84o, in-A". Citons encore Dorn, Ueber einige unhekannte Mànzen des dritten Sassaniden-Kônigs Hormisdas I, dans le Bulletin de l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg , classe des sciences his- toriques, 18 A 3.

s Avril 1839.

>

ÉTUDES SUR L'AF.PHABET PEHLEVI. 183

encore très-incomplet , mais renfermant de précieuses observations.

Malgré les travaux de ces divers savants, l'étude des monuments et de l'écriture pehlevis était de- meurée assez stationnaire depuis le temps de M. de Sacy, lorsque parut la dissertation de M. Olshausen sur les monnaies à légendes peblevies de la dernière époque ^. Ce travail contenait à la fois la lecture cer- taine et l'attribution des médailles émises sous les derniers Sassanides , celle des pièces frappées en Perse au nom des premiers khalifes et des monnaies des Ispehbeds du Taberistan, portant les noms de ces princes et des dates qui s'étendent de l'an y 3 à l'an 189 de l'ère d'Yzdegerd. M. Olshausen y expliquait en même temps les indications d'ateliers monétaires, dont les noms, plus ou moins abrégés, sont écrits au revers de toutes les pièces à partir du règne de SaporIII,et qui avaientjusqu'alors résisté aux efforts des érudits^. Par la fécondité des résultats et la sû- reté des déchiffrements la dissertation du savant da- nois était le plus remarquable travail qui eût été produit sur cet ordre d'études depuis le mémoire de M. de Sacy; elle ouvrait des séries entièrement nouvelles en numismatique, et faisait connaître des

^ Die PeUewi-Legenden auf clen Miinzen der letzten Sâsâniden. aiif den àltesten Miinzen arabischer Chalifen, aufden Mûnzen der Ispehbed's von Taheristân und auf indo-persischen Mànzen des ôstlichen Iran, ziim ersien Maie (jelesen und erklàrt. Copenhague, i843, in-4°.

- M. Olshausen a consacré à l'examen de ces marques d'ateliers monétaires une dissertation spéciale insérée dans le Zeitschr. der deutsch. morcjenl. Gesellsch. t. II , p. 1 1 2 sqq.

i3.

184 AOÛT-SEPTEMBRE 1865.

formes postérieures et dégénérées du pehlevi monu- mental, qui établissaient la transition entre celui des inscriptions et celui des manuscrits. MM. KrafFt^ Edward Thomas ^ et Mordtmann ^ ont suivi la voie ouverte par M. Olshausen, et même le dernier de cesérndits, en i85/i, a rassemblé en un corps de doctrine l'état actuel de la science sur les monnaies peblcvies^.

En même temps M. Rawlinson, dans les notes qu'il a jointes à la publication du texte perse de la grande inscription cunéiforme de Behistoun^, con- sacrait un certain nombre d'observations à quelques- unes des expressions que l'on rencontre dans les textes monumentaux des Sassanides , et, serrant de plus près, grâce aux documents nouveaux que l'on possède aujourd'hui, l'interprétation philologique de ces expressions, proposait plusieurs changements à l'alphabet de M. de Sacy.

Ker-Porter ^ avait rapporté les copies de plusieurs inscriptions, provenant toutes des environs de Per- sépolis, l'on remarquait, outre le texte grec, un

' Wiener Jahrbiichcr der Literalur, t. CVI, Anzeigeblatt. - Journal of (he Bojal Asiatic Society, t. XII, part. ii. ~ Numis- matic chronicle, t. XV, p. 180-187.

•■' Zeitschriftderdeatsch..morgenl. Gesellsch. t. II, p. 108-116.

* Erklàrung der Munzen mit Pehlvi-Legendcn, di Ans ]e Zeitschr. der deatsch. morgenl. Gesellsch. t. VIII , p. 1 -1 94. Le même M. Mordt- mann a publié tout récemment, dans le t. XVII du Zeitschr. der deutsch. morgenl. Gesellsch. (p. i-52),un mémoire fort intéressa ni sur les pierres gravées à légendes pcldevies.

* .Journal 0/ the Royal Asialic Society, t. X, p. 1 18 sqq. ' Travels,'p\. XXII, p. 548; pi. XXVIII, p. 672.

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 185

double texte pehlevi : l'un semblable pour les carac- tères à ceux que M. deSacy a expliqués; l'autre conçu dans une écriture et dans un dialecte un peu diffé- rents. M. Bore publia dans le Journal asiatique, en i84i \ une nouvelle inscription dans le même ca- ractère, et M. Rawlinson, quelques années plus tard, rapporta à Londres des moulages en plâtre des textes pehlevis du second système, tracés à côté des textes pehlevis ordinaires sur les rochers de Naksch-i- Roustam, de Naksch-i-Rajab et de Hadji-Abad. C'est avec l'aide de ces moulages que M. Edward Thomas a pu, sans parvenir à un déchiffrement complet, expliquer une partie de ces textes et en fixer l'al- phabet, lequel lui a permis d'interpréter les légendes de drachmes à types mazdesniens frappées sous l'autorité des Arsacides par les satrapes héréditaires de la Perse ^.

IL

Tels sont les travaux publiés jusqu'à ce jour sur les monuments pehlevis. Avec leur aide nous allons jeter un coup d'œil sur les différentes variétés de cette écriture, lesquelles doivent être considérées comme au nombre de quatre :

Le proto-pehlevi;

Le pehlevi persépolitain;

3'' Le pehlevi sassanide;

^ T. XI, p. 640-673. Cf. Dubeux, Journal asiatique, i843, t. I, p. 28-72.

^ Nuniismatic chronicle, t. XII, p. 68-77, 91-1 1 4.

186 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

/i° Le pehlevi des manuscrits.

Nous commencerons notre étude par le pehlevi sassanide, le mieux connu de tous.

Donnons d'abord l'alphabet de cette écriture, tel qu'il a été établi par M. de Sacy, avec les modifica- tions que les travaux postérieurs de MM. Olshausen , Rawlinson et Edward Thomas doivent y faire ap- porter.

Nous plaçons dans la première colonne les let- tres extraites des inscriptions monumentales, et dans les trois suivantes les caractères fournis par les lé- gendes des médailles, en distinguant dans ces der- niers monuments, avec M. Mordtmann, trois pé- riodes paléographiques, indiquées par des degrés de dégénérescence de plus en plus marqués. La pre- mière de ces périodes s'étend depuis Artaxerce I" jusqu'à Narsès, la seconde va de Sapor II à Chos- roès II, la troisième de ce prince à la chute de la mo- narchie sassanide , et le type paléographique adopté alors se continue sous les premiers khalifes et sous les régents ou Ispehbeds du Taberistan. Les difté- rcnces qui se remarquent dans l'écriture de ces di- verses époques frapperont au premier coup d'oeil nos lecteurs. Quant à ce qui est de la valeur des lettres, nous favons marquée de deux façons, on lettres hé- braïques et persanes.

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVI.

187

TABLEAU 1.

PEHLEVI SASSANIDE.

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MONNAIES.

VALEURS. Il

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188 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

On remarquera dans le tableau précédent, pour ce qui est des lettres tirées des inscriptions, un cer- tain nombre de différences entre les formes que nous donnons et celles qui figurent dans le tableau de M. de Sacy ^ En effet cet illustre savant travaillait sur les copies de Ker-Porter, un peu ine^ùactes dans le tracé des caractères, et nous avons relevé nous- même les figures que nous donnons sur les plâtres otferts à la Société asiatique de Londres par M. Ravv- linson.

De plus, nous avons marqué autrement que M. de Sacy la valeur de deux lettres :

Le 1 6 du tableau = 3 d'après M. de Sacy := ^ suivant nous ;

Le 5 du tableau = n d'après M. de Sacy = n suivant nous.

Nous avons enfm ajouté un 3 qui manque à fal- pbabet du Mémoire sur les antiquités de la Perse, et en revanche nous avons supprimé ^^ = n suivant M. de Sacy.

Il nous faut justifier ces changements.

La valeur de ^) comme n avait été extraite, par l'illustre auteur du déchiffrement des textes pehlevis, du mot qui se lit dans les titres de tous les princes, aussi bien sur les inscriptions que sur les monnaies, après celui de p^iîD, l'adorateur d'Ormuzd. Ce mot, qui est traduit en grec par 6600 , est écrit dans les

' Reproduit par: Kopp, Bilder und Schriftcn , l. il, p. 284. (jrsenius, Monuments phœnicia, pi. III.

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVF. 189

textes épigraphiques tel qu'on le verra au if i de la pi. A, et sur les monnaies tel qu'on le verra sous

PLANCHE A.

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les n°* 2 et 3. M. de Sacy y voyait bèh, qui est rendu par « excellent » dans le vocabulaire pehlevi-persan publié par Auquetil-Duperron. Mais M. Rawlinson

IdO AOÛT-SEPTEMBRE 1865.

a montré qu'il fallait y reconnaître au lieu de cela la racine sanscrite Bhaçja, zend Bâgha, persan ^, «dieu,)) ce qui donne un sens beaucoup plus con- forme à la traduction grecque, et, a remarqué de- puis M. Edward Thomas, à l'équivalent dans le pehlevi du second système, lequel est le mot tracé sous le if Ix de la pi. A, Nn'jN, chaldaïque n^tc, « dieu. •) Seulement ce savant s'est trompé en voulant lire Baga, car on ne saurait reconnaître dans ce groupe un N* final. M. Mordtmann , remarquant cette absence d'K et adoptant d'ailleurs l'explication de M. Rawlinson, a proposé de lire :id, en considérant 2] comme une seule lettre de la valeur de 2. M. Ed- ward Thomas, enfin, a prouvé que les deux signes placés dans l'intérieur du D initial, quoique assez souvent liés sur les médailles, sont toujours séparés dans les inscriptions et doivent être considérés comme distincts, que le second, troisième du mot, est évidemment un "i de forme ordinaire et que l'on doit par conséquent transcrire '»33 ou Bacjhi, ce qui assure au 3^ signe de notre tableau la valeur de ;. Du moment que nous avons ainsi un 3 certain avec le son de^ ou^/i,il devient impossible de trans- crire par cette lettre le signe 1 6 , dont i\l. de Sacv, tout en le rendant ainsi, avait bien reconnu l'iden tité avec le ^ de l'alphabet persan. La prononciation de tch était en elfet indiquée avec certitude par le mot 5 de la planche A, M. de Sacy avait re- connu du premier coup d'œil le minoutclièlr, « germe divin, )) du vocabulaire d'Anquetil.

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVJ. 191

Nous avons hésité quelque temps pour savoir si nous rendrions le signe 1 6 par 3, comme M. Mordt- mann, afin de nous tenir plus près de ^, ou par s, comme M. Edward Thomas. A la fin nous nous sommes décidé pour ce dernier parti :

Parce que le signe dérive, comme nous le ver- rons plus loin, du "2 araméen;

Parce que cette transcription rend mieux la nature de l'articulation que le signe représente et la facilité avec laquelle il permute avec le î de l'alphabet sémitique.

On le rencontre en effet :

Dans le nom du roi Përose, écrit sur les monnaies (pi. A,n°6) : ""lân^D.

Arabe :jjj;-^. Grec: ïlepolrjs. Syriaque : fo;.*^. Arménien : ^IJ^^f?*^.

Dans celui de la province du Chuzistan (per- san : yUj)^), abrégé en (pi. A, y) âin.

Dans celui de Bassora, écrit (pi. A, 8) Nniâs.

Enfin dans celui de la ville de Schasch dans le Mavaraennahr (pi. A, 9) : ii^iiv.

Pour le caractère 5 de notre tableau , la trans- cription que nous avons adoptée est aussi celle de M. Thomas. Elle s'appuie:

Sur l'origine du caractère qui vient du n ara- méen;

Sur la transcription de ce signe dans le pehlovi du second système par ^, qui est un n certain , dif-

tcrent do /S qui est un n.

\92 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

Cependant quelques exemples, entre autres ie nom du Ghuzistan , prouvent que ce n avait un son un peu plus dur qu'en hébreu et en araméen et ré- pondait pour la prononciation à ^ , tandis que le n correspondait probablement à ^.

Mais si nous acceptons les opinions de M. Edward Thomas pour ces trois lettres, nous nous écartons de lui au sujet du d, pour lequel nous restons fidèle à la tradition de M. de Sacy. Le savant anglais a prétendu, en effet, que le pehlevi ne possédait pas de D, et que le caractère auquel M. de Sacy avait attribué cette valeur (n*" ili de notre tableau) de- vait se décomposer en deux lettres , î"» (les n°' 9 et y ) ; que le mot écrit tantôt comme il est au 10 et tantôt comme il est au 1 1 de la pi. A, «l'ado- rateur d'Ormuzd » , devait se transcrire , non ptiTD , mazdièsn , mais ]V^1]1D, mazdiizn.

Les noms de Chosroès (pi. A, 12), moin, i^Vy^J"^ , de Abou-Sofyân (pi. A , 1 3 ) , jX-'D'îD-lDX , ^Uj^Aw y\ , de Selem (pi. A , n'' 1 4 ) , d^d , ^ ; ceux des ateliers du Séistan, d'Istakhar, d'Ispahan, de Saferaïn , du Segestan , du Khorasan , et d'autres mots encore qu'il nous serait facile de citer, prouvent fexactitude de la lecture de M. de Sacy et fexistence du D dans l'alphabet pehlevi.

Toutes les lettres sont constamment détachées dans les inscriptions monumentales, lesquelles appartiennent aux règnes d'Artaxerce 1" ^ , Sa-

' Ker-Porler, pi. XXII. De Sacy, p. G2.

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLP^VL 193

por P' \ Sapor IP et Sapor IIP; elles le sont aussi sur les médailles jusqu'au règne de Cavadès. Cepen- dant on y rencontre quelques ligatures, mais en petit nombre.

C'est dans les inscriptions le groupe n" 1 5 de la pi. A, |D, inutilement contesté par M. Ed- ward Thomas, mais prouvé par les mots n** 16 de la même planche, «fils de,» que l'on ne doit pas lire, il est vrai, homan, comme M. de Sacy, puisque cette leçon du vocabulaire d'An quetil est une faute pour han man, ]12 p^, mais que l'on doit expliquer par p "11. Ce sont aussi, sur les monnaies, les groupes qui dans la planche A sont désignés par les n^ 17, ^^f;

18, n;

19, in; •2 0, DH; 2 1 , D*?.

A partir de Cavadès, nous voyons les ligatures se multiplier de plus en plus dans les légendes mo- nétaires. Enfin sous les premiers khalifes et sur les pièces des régents du Taberistan , l'usage de lier toutes les lettres, usage ordinairement inventé dans les manuscrits, est employé constamment dans les inscriptions des monnaies.

' Ker-Porter, pi. XXVHL De Sacy, i>. 1.— Rich, Bahylon and Persepolis, pi. XIL Ker-Porter, pi. XV.

' Ker-Porter, t. II, pi. LXVIIL Malcolm , Pmia, t. I, pi. III,

^ De Sacy, p. 211. Ici. Mém. de l'Acad, des Inscr. nouv. sér^ t. II, p. 162 et suiv.

* MûHer, Journal asiatique, iSSg, p. 33o.

194

AOUT-SEPTEMBRE 1865.

m.

Après celle des monuments sassanides, Ja mieux connue des quatre espèces de caractères pehlevis est celle des manuscrits. Elle compte 2 3 lettres au lieu de 1 8. En voici, d'après Anquetil-Duperron, la liste, dans Tordie (calqué sur celui de l'alphabet persan) les manuscrits des Néaeschts la fournis- sent.

Nous accompagnons cette liste des valeurs en persan et en hébreu.

TABLEAU II. PEHLEVI DES MANUSCRITS.

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FORMES.

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EN HEBREU.

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ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL

195

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VALEURS.

EN PERSAN. EN HÉBBEr.

D

FORMES.

VALEURS.

EN PERSAN. EN H

4

n

n

Le lecteur a pu voir, en examinant le tableau que nous venons de donner, que les formes des let. très y sont presque identiques à celles que nous ont fournies les médailles de la troisième époque.

Pour ce qui est des cinq caractères ajoutés, qui portent le nombre à ^3, ce sont des lettres de lalpbabet ordinaire auxquelles on a donné une va- leur légèrement différente en y joignant un point diacritique ou un appendice.

^ ==r «-> est presque identique à ^ rrz ô.

jj ou ^= ^ n'est autre que ju = », sorti de /%/ ou A/, avec un point dans le premier cas et un appendice inférieur, ^, dans le second.

196 AOÛT-SEPTEMBRE 1805.

J5 = «. et 3 = d) sont le ^ dont les deux pro- nonciations se distinguent par des points; ^est en- core la même lettre, mais avec un appendice infé- rieur ^ dirigé à droite.

£j z= c±> est comme (^ = v::^ un dérivé de fj^'

Les points sont aussi employés dans cette écriture comme moy en d'éclaircissement , pour faire discerner certaines lettres, entièrement différentes comme son et comme origine, auxquelles les progrès de l'altéra- tion des formes avaient fini par donner des figures semblables. Ainsi :

Le ^ des monnaies de la époque = ^ 3) de-

:>

Z

vient dans l'alphabet des manuscrits .* ^,

Le ^ des monnaies de la ^ époque ^=z dJde- vient dans l'alphabet des manuscrits ô

Le J des monnaies de la 3* époque = ^ devient dans Talphabet des manuscrits J)

Le ^ des monnaies de la 3^ époque = ^ devient dans l'alphabet des manuscrits ô.

L'emploi de ces signes diacritiques pom' faire re- connaître, non les lettres nettement différentes, car leurs figures étaient d'abord bien distinctes , mais les articulations voisines contenues dans un même caractère, remonte assez haut. Dans quelques-unes des inscriptions monumentales, le /V avec la valeur

' Edward Thomas, Numismalic chronicir, t. \II,p. f)T, noie i.

ETUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 197

de 7- est accompagné d'un signe de ce genre, A/ , pour le distinguer de ia lettre simple.

Il est probable que, dès les premiers temps de la monarchie sassanide , à côté du peblevi monumental exista un caractère de manuscrits plus cursif, les lettres étaient liées les unes aux autres et Ton employ ait habituellement des signes diacritiques por- tant le nombre des articulations distinguées dans l'écriture à 22 ou 28 , selon que l'on compte ou que l'on ne compte pas le ^ pour deux valeurs, P et PH. Ce caractère des manuscrits suivit la même marche de dégénérescence et de déformation que le carac- tère monumental, et, à mesure que les figures d'un plus grand nombre de lettres tendirent à se con- fondre, on multiplia l'emploi des points diacritiques afin de maintenir la clarté dans les textes.

Le Kitah-al-fihrist contient de curieux renseigne- ments sur les diverses sortes d'écritures usitées à la cour des derniers Sassanides ^ On y voit qu'alors le peblevi des manuscrits se distinguait en plusieurs va- riétés calligraphiques.

L'auteur parle d'abord ^ d'une écriture appelée gwct^i que l'on employait dans les pièces officielles tracées avec un grand soin, dans les inscriptions,

' Je dois ici exprimer toute ma reconnaissance à mon ami M. Mi chel Amari, qui, encore exilé alors à Paris, a bien voulu, en i858, m'aider et me diriger dans l'étude , faite sur le manuscrit de la Bi- bliothèque impériale, des passages du Kitah-al-fihrist relatifs à l'écriture pehlevie.

- Ms. arabe de Paris, 87/1 , i5 verso.

VI. i4

198 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

sur les sceaux et sur les monnaies. C'est le pehievi monumental. « Cette écriture , dit Mobammed-ibn- (dscbak , se compose de 28 lettres. » Il est probable qu'il compte les 28 lettres de l'alpbabet des manus- crits comme existant dans celui des monuments, quoique cinq d'entre elles n'y eussent pas de signes distincts, et qu'il compte aussi comme lettres quel- ques ligatures abréviatives très-usuelles. C'est l\c cette façon que dans l'alphabet publié par Anqueiil le nombre des lettres peblevies est porté i\ 26, au lieu de 2 3. L'auteur du Fihrist donnait l'alphabet de cette écriture; malheureusement cet alphabet s'est tellement défiguré sous la main des copistes successifs que dans le manuscrit de Paris, dont nous avons fait usage, on ne peut plus rien y discerner. Mohammed-ibn-Ischak mentionne ensuite ^ une seconde écriture, du nom de .^jLàS'comme la pré- cédente, «qui servait, dit-il, dans les livres de mé- decine et de philosophie , ) et probablement dans tous les manuscrits. La liste de l'alphabet suivait. Dans l'exemplaire de la Bibliothèque impériale, au milieu de caractères tellement déformés qu'on ne saurait plus les reconnaître, on distingue encore avec certitude dans cette liste les lettres :

Une troisième forme de caractères servait d'écii- ture secrète pour le cabinet du roi^.

' F" 16 rrclo, ^ Ihid.

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 199

Une quatrième, appelée ^o^-^jlj, servait dans les uianuscrits; elle comptait ko lettres, voyelles et ligatures ^

Enfin une cinquième variété de caractères était également mise en usage par les calligraplies. C'était le A^^^ (j**tj dans lequel on n'employait pas de ligatures ni de groupes abréviatifs, mais seulement 2 4 lettres «avec points diacritiques^.» Le nombre de 2 A est celui même de l'alphabet des manuscrits en y joignant le am = â, monogramme pour mm ou jjjk), qui s'emploie dans les manuscrits comme une véritable lettre.

L'ouvrage arabe d'où nous extrayons ces rensei- gnements contient aussi une donnée que nous ne saurions passer sous silence.

Tandis que l'étude des monnaies et des inscrip- tions pehlevies a fourni des résultats considérables à l'histoire et à la philologie, celle des manuscrits de la même langue est restée presque stérile maigre tous les efforts des érudits. Anquetil-Duperron a donné au public savant de l'Occident la version du Boundehesch et des Néaeschts pehlevis, telle que la tradition s'en conserve de génération en génération chez les docteurs parses. Il a publié , d'après la même tradition, la transcription et la traduction ad verbnm de la première page du Boundehesch. Mais lorsque des savants plus modernes ont voulu faire pour le Boan^

' F" i6 verso. « IbuJ.

200 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

(lehesch ou pour les Ncaeschts pelilevis ce que Biir- nouf avait fait pour le Yaçnâ zend , recourir au texie original, le soumettre à une rigoureuse analyse phi- lologique et reconstituer par l'idiome perdu dans lequel il est conçu, ils ont été arrêtés par des obs- tacles insurmontables; non-seulement ils n'ont sou- vent pas pu l'expliquer, mais même ils ne sont pas toujours |)arvenus à le décliilTrer.

Cet insuccès tient à plusieurs causes. D'abord les manuscrits pehlevis, transcrits depuis longtemps par des hommesquinele comprenaient plus, fourmillent de fautes, comme Anquetil s'en était déjà aperçu. Ensuite les copistes y omettent constamment des points, de manière que lorsqu'on rencontre la lettre A on ne sait si c'est ^, ^, ^ï^ ou ^^ que l'on doit lire. On éprouve la même difficulté qu'un homme qui voudrait deviner l'arabe sur un manuscrit sans points ni voyelles.

En outre il y a peut-être une troisième source d'obscurités inextricables à laquelle on n'a point pensé, et dont fidée nous est suggérée par ce qui se lit dans le Kitab-aljihrlst après la mention des cinq écritures que nous avons énumérées :

((Les Perses ont aussi un alphabet appelé zewo- resch, Qii;i^j (c'est une corruption évidente de hizwa- resch), dont les lettres sont tantôt liées, tantôt isolées. Le vocabulaire se compose d'environ mille mots, et ils s'en servent pour distinguer les expres- sions qui ont une forme semblable. Par cxcinple, quiconque veut écrire le mot cfonschl, c.*-i^5^, qui

ETUDES SUH L'ALl'HABET PEHLEVI. 201

en arabe se traduit /o-i « chair », écrit bisra , [^-j^j, qu'il prononce (jouscht; si Ton veut écrire nan, ^b, qui si- onifie « pain », on trace le mot lakma, Uyi, que l'on prononce nan. Il en est ainsi des autres mots, à l'exception de ceux qui n'ont point besoin d'être dé- guisés et que l'on écrit comme ils se prononcent ^ n

Dans ce passage assez obscur on reconnaît la mention d'une cryptographie mystique, consistant h écrire, pour représenter un certain nombre de mots, des lettres déterminées que l'on lisait autre- ment que leur véritable prononciation, absolument comme les Juifs lisent Adonaï dans la Bible lorsqu'ils rencontrent l'inetfable tétragramme mn\

Ce système de cryptographie, que Mohammed ibn-Ischak atteste avoir été en usage chez les Perses sassanides, n'aurait-il pas été employé dans les ma- nuscrits du Boundehescli et des Néaeschts? Ainsi n'est- ii pas probable que l'on prononçait d'une manière voisine de YAhouramazda zend et de r"'iîD'nnK des inscriptions sassanides le nom de la divinité du bon principe, écrit constamment ju^^juw dans les ma- nuscrits pehlevis, ce qui régulièrement, d'après l'al- phabet, devrait se lire Anhoama, comme l'a fait An- quelil?

IV.

M. Rawlinson appelle parlhique le second système de pehlevi des inscriptions de Naksch-i-Roustam, de Naksch-i-Rajab et de Hadji-Abad. Mais M. Edward

' F" 1 6 verso.

202 AOUT-SEPTEMBRE 1805.

Thomas lui donne avec plus de raison le nom de pehlewi persépolitain , puisqu'on le trouve principale- ment dans les inscriptions des environs de Persé- polis, il occupe' la place d'honneur tandis que le pehlevi oiïiciel ordinaire est relégué à la seconde. On le rencontre encore à Amadîah, Holwàn, Schimbor dans les monts Bakhtiari, Schahrzor et Bebahân, c'est-à-dire dans toute la région qui s'étend du Tigre à Persépolis. Le pehlevi habituel des inscriptions et des monnaies, celui que nous avons appelé spécia- lement pehlevi sassanide, paraît avoir eu pour patrie originaire les provinces nord-ouest du royaume de Perse.

Noiis donnons la liste de l'alphabet du pehlevi per- sépolitain telle qu'elle a été dressée par M. Thomas.

ETUDES 6UR L ALPHABET PEHLEVI.

TABLEAU III.

PEHLEVI PERSÉPOLITAIN.

203

NUMÉROS

D'ORDRE.

FIGURES.

VALEURS. 1

EN HÉBREU.

EN PERSAN.

1

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204 AOUT-SEPTEMBRE 186l).

Les valeurs des lettres

n T D D : D ^7 D M 1 n 1 N sont fournies avec certitude par les mots ID^IID ^ kd'jd , et par les noms propres in^'nmx , "jdnd , nniDn^ , ■'lîDlinK, orthographiés comme dans le pehlevi du premier système.

Le signe 3 est absohiment identique au : du pehlevi sassanide; la valeur de 2 assignée au carac- tère n^ 2 ressort de la forme même de cette lettre et de son emploi dans un assez grand nombre de mots. Pour ce qui est du 8= ^, la lecture en est fournie par le i delà pi. B. = nDin, persan ; iC^^Xii-,

PLANCHE B.

^ Ji^')ht^

7

yyyi^yy

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 205

répondant au sassanide i de la même planche : piiiV > persan : (^:>l.

On remarquera l'emploi, pour distinguer de dC d'un signe diacritique ayant absolument la même forme que celui qui distingue dans le peliievi des manuscrits ^ =: J de ^ = dC seulement placé au- dessous de la lettre au lieu d'être par-dessus.

Le dialecte écrit avec l'alphabet persépoiitain diffère notablement, surtout pour le vocabulaire ou du moins le choix des mots, de celui qu'écrit le pehlevi ordinaire; cependant c'est encore un dialecte pehlevi, c'est-à-dire iranien par la grammaire et par une partie du lexique, araméen par un très-grand nombre de mots, un plus grand nombre, peut-être, que l'autre dialecte.

V.

Nous désignons par l'appellation de prolo-pelilevi la forme la plus ancienne du pehlevi, qui nous est ré- vélée par les légendes des drachmes d'argent des sa- trapes héréditaires de la Perse sous la domination des Arsacides. Ces pièces portent au droit la tête du roi parthe régnant, au revers un mobed en adoration devant le pyrée et une légende pehlevie.

M. Edward Thomas a expliqué le premier ces lé- gendes avec un grand bonheur; seulement il s'est trompé sur fépoque ces pièces ont été frappées. ^JVouvant sur elles les noms d'un Papec et d'un Ar- taxerce, il les a attribuées à la fm de l'empire des Arsacides et au début de celui des Sassanides. Mais

200 AOUT-SEPTEMBRE J805.

Je style, la nature de la fabrication et les tètes qui se lemarquent au droit montrent, au contraire, qu'elles ont été émises sous les premiers règnes de la dynastie parthe.

La plus ancienne de ces monnaies ^ nous offre en effet la tête de Mithridate I", coiffée de la tiare, et, au revers, la légende n"* 3 de la pi. B, il est facile de reconnaître les mots :

Papec roi, fils d'Ithoucapheth roi^.

Une autre ^ porte l'effigie de Phraalace , avec au revers une légende reproduite sous le Zi de la pi. B, que M. Thomas a fort bien lue :

Ariaxerce roi, fils de Kciilik roi. Le nom d'Artaxerce fut, du reste, porté à plusieurs reprises parmi ces satrapes de la Perse, car nous en retrouvons la trace certaine sur une monnaie assez postérieure, portant la tête d'un autre Arsacide, et au revers, non le mobed avec le pyrée, mais l'effigie du satrape, dont le nom est inscrit sur la pièce ^, ainsi qu'on le verra sous l'indication du n'' 5 dans notre planche :

Cette dernière légende n'a été qu'incomplètement lue par M. Thomas.

' Numismalic chronicle, l. Xlf , pi. ad p. 68, u°* 6-7.

•' M. Thomas ne lisait que : ND^D P ID-- "ID I^DXP.

' Nwn. chron. loc. cit. 11° 8.

' Ibid. 3.

ETUDES JSUR L'ALPtUBET PEHLEVI. 20'

Le type des deux têtes se retrouve, malheureuse- ment avec l'effigie de l'Arsacide tellement effacée qu'elle n'est plus reconnaissable , sur une quatrième drachme \ dont la légende est figurée au 6 de la pi. B:

Cavadès roi, fils de Kamiouth roi.

Nous pourrions citer encore quelques autres drachmes, inédites jusqu'ici, de la même série, dont l'une offre la tête d'Orode. Mais ces pièces, qui font partie de la collection du Cabinet de France, sont dans un assez mauvais état de conservation. Il fau- drait, pour établir la lecture de leurs inscriptions, une assez longue discussion; d'ailleurs nous ne fai- sons pas ici un traité spécial des monnaies de la Perse sous les Arsacides, et pour fobjet de notre mémoire les exemples que nous avonr> cités suffisent parfaitement.

Il est inutile d'insister sur l'importance historique des lectures que l'on fait dans cette série monétaire. Les pièces portant constamment les noms, non-seu- lement de celui qui les a fait frapper, mais encore de son père, et les effigies du droit fournissant une date certaine, on parviendra, lorsque les monuments de ce genre se seront un peu multipliés, à reconstituer la suite presque complète des princes qui, sous la suzeraineté des Arsacides, ont gouverné la Perse, princes sur lesquels les auteurs classiques et les écri- vains orientaux gardent un silence absolu. Jusqu'ici,

Niim. chron. n" ^.

208 AOUT-SEPTEMBRE L8G5.

en etVet, ce qu'on savait d'eux se bornait à quelques lignes de Strabon : ^vv S^rjSv koB' av-covs (Twea-lw-res Tlepcrat fScta-iXécts e^ovaiv vTrrjxaovs étépois /BaaiXeCai , 'srpÔTspov [X£v M.0LK£^6(7t , vvv Ss ^apOvaiots^ . uMiiinle- (( nant les Perses , s'étant reconstitués cbez eux, ont des « rois vassaux d'autres rois, d'abord des Macédoniens « et aujourd'hui des Parthes. »

Ce rétablissement d'une histoire qui n'a pas laissé d'autres traces pourra peut-être jeter un jour nou- veau sur Torigine de la dynastie sassanide et faire modifier les idées généralement reçues à ce sujet. En effet, la présence des noms d'Artaxerce, de Ca- vadès, de Papec, répétés plus tard dans la liste des Sassanides, parmi ces régents héréditaires de la Perse, semblerait prouver que c'était à cette même famille que se rattachait Papec ou Babec, grand-père maternel d'Artaxerce l""" et gouverneur de la pro- vince de Fars, ainsi qu'intendant de tous les temples du feu de l'empire, d'après les écrivains de l'Orient. Il est vrai que les auteurs grecs et la lins veulent, au contraire , que le gouverneur de la Perse, grand- père ou père adoptif d'Artaxerce , se soit nommé Sassan et que le nom de Papec ait appartenu à l'homme de condition vulgaire , père naturel du fon- dateur de la nouvelle monarchie persane'-^. Mais, comme on le voit, nos monnaies donnent une plus

1 Strah. XV, p. 736.

* Voyez dans M. de Sacy [Mémoire sur (juciqucs antuiuilés de la Perse, p. 62, ifiy cl 57/1) les diffërenls récits sur l'origine d'Ar- taxerce 1".

ÉTLDES SUR L ALPHABET PEHLEVI. 200

grande autorité au rapport des écrivains orientaux, lesquels étaient mieux à portée de connaître la vé- rité, et d'ailleurs leur récit est confirmé par la ma- nière dont Artaxerce s'intitulait constamment sur ses monuments «fils de l'adorateur d'Ormuzd, du divin Papec, o YIOC MAZAACNOY GeOY nAPAKOV, en pehlevi : -j^DND ^;n p"'nTD p ^2, comme pour éta- blir la légitimité de son pouvoir.

Au point de vue de la paléographie, les monnaies que nous venons de citer sont aussi très-précieuses. Elles nous fi)nt connaître la fi)rme la plus ancienne de l'alphabet pehlevi, et cette forme est, comme le lecteur a déjà s'en apercevoir, presque absolu- ment identique au pehlevi persépolitain.

La transition entre ces deux écritures est fiDurnie parles monnaies de bronze de Vologèse IIP, portant la légende reproduite dans la planche B sous le y, que M. Thomas a fort bien interprétée par :

C'est-à-dire ND^D pD'jD ^Vjhl IC?:^, Arsace Vologèse roi des rois.

VI.

Après félude rapide dans laquelle nous venons de passer en revue les diverses variétés de l'écriture pehlevie, depuis sa première apparition sur les mo- numents jusqu'à la conquête de la Perse par les mu-

' Pellerin, IIV supplément, p. 32. Payne Kni^ht, Cataloy. imm. grœc. p. 201. Nuni. chron. t. XII, pi. ad p. 68, n°' 1 cl 2.

210 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

sulmans, nous (levons passer à l'examen de la qiies

tion d'origine.

Que l'alphabet national de la nation perse sous les Arsacides et les Sassanides soit un dérivé de l'al- phabet araméen , c'est ce dont on ne saurait douter; M. de Sacy Ta établi dès la fin du siècle dernier d'une manière certaine, bien que le passage de saint Epiphane sur lequel il s'appuyait n'ait pas en réalité le sens qu'il cherchait à lui donner s Mais du temps ont été écrits les admirables Mémoires sur quel- ques antiquités de la Perse, d'un côté on ne con-

* Le passage de saint Epiphane [Adv. hœres. II, p. 629,0(1. Patav.) allégué par M. de Sacy prouve seulement que du temps de ce Père de l'Eglise, c'est-à-dire sous les Sassanides, on se servait concur- remment en Perse de l'alphabet syriaque et de l'alphabet pehlevi, isepcftxà (/loiy/ict. Voici en efiVt le texte de ce ])assage : B/^Aous yàp ovTos (o MâvTjs) SiaÇopovs è^édcTO. Mlav (jlsv ia(ipiO(xov eiHoai Svo aloiysiœv lœv HatotTriv Sup&jy alor/^elwaiv èi aÀi^a^r?T&jf crup «e<fxéyr?v. XpôUvrai yàp 01 'urXsïcrTOi tôov ïlépcrœv (xerà UcpciHa aloiysïa xoà Supûi) ypâfxuaTi, œaTtsp 'zsap'ri(j.7v 'ssoXXà éQvr\ to7s hÀArjviKoïs Ké^pnjvTat xahoi yt ôvzwv cr^eSov xarà êSvos lèiœv ypanfidrcov. AXXoi èè SfjOev T^v ^advTciTrjv roov Sw'pwv SiâXemov aeyiVvvovTai , xi/fv te xarà T17V Jla.Xy.xipav êidXeKTOv, aCrriv êè xa< avTÔ5v aloiysïa, eïxocrt Svo xa< laîjTct vTtdp^et.

On s'aperçoit qu'il n'y est pas dit un seul mot de ce que l'écriture des Perses était dérivée de l'écriture syrienne ou sembhible ù celle-ci. Tout ce que saint Epiphane a dit et voulu dire, c'est que, de son temps, les gens instruits de la Perse connaissaient et employaient l'alphabet araméen à côté de leur alphabet national, lequel ne pouvait être alors que le pehlevi , et que Manbs avait divisé un de ses ouvrages en 22 livres, à chacun desquels répondait une lettre ara- méenne. L'auteur du Kitab-al-filirisl (Ms. arabe de Paris, 874 > f 16 recto) va encore plus loin cl dit que de son temps (dans le iv' siècle de l'Ilégire) l'ancien syriaque était encore la langue mune du peuple dans certaines parties de l,i Porsp.

rom-

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 211

naissait que le pehlevi sassanide, le troisième en date; de l'autre on était bien loin de connaître les diverses évolutions de la paléographie des écritures sémitiques; on en était encore, par exemple, c^ con- sidérer le caractère de l'inscription de Carpentras comme du phénicien. C'était donc un résultat qui demandait toute la pénétration d'esprit et l'instinct divinatoire de M. de Sacy, que d'arriver dès cette époque à discerner et à faire voir dans le pehlevi un dérivé de l'alphabet sémitique de 22 lettres. Mais il était impossible ,^'aller plus loin et de préciser la dérivation d'une manière plus exacte. La multipli- cité ées documents nous permet aujourd'hui d'ar- river bien plus facilement à une autre précision, et, tout en proclamant la certitude de plus en plus ma- thématique du fait général découvert par le génie de M. de Sacy, de ne pas désigner avec lui le palmy- rénien comme la source'd'oii sortit le pehlevi. C'est là, nous le reconnaissons, une question de détail bien secondaire; mais dans la science aucun détail n'est absolument indifférent, et dans le moment ac- tuel, où la paléographie sémitique est en voie de se fonder, il importe de déterminer avec l'exactitude la plus scrupuleuse la place qui appartient dans le tableau de filiation des écritures de cette famille h chacun des alphabets qui la composent.

On sait actuellement d'une manière certaine^ que l'alphabet araméen, après s'être constitué comme

' Voy. Melchior de Vogiié, Revue ai chéolocjique j nonv. sér. t. V, p. 3'i-38; t. JX, p. 2o3-2o8.

212 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

un type d'écriture propre et distinct de celui qu'em- ployaient les Phéniciens, demeura un pendant plu- sieurs siècles; , et ces siècles correspondent exacte- ment ci l'époque durant laquelle MM. Lassen^ et Layard ^ ont démontré qu'il était, ainsi que dans l'Assyrie et la Babylonie, employé dans la Perse même comme caractère cursif , à côté du cunéiforme servant d'écriture monumentale. Dans son état d'unité, l'écriture araméenne présenta trois formes successives, dont il importe de résumer en quelques mots l'histoire.

Antérieurement au vf siècle avant l'ère chré- tienne , l'alphabet commun à toutes les popidations sémitiques de la Syrie, en donnant à ce mot le sens le plus étendu qui lui fut attribué dans l'antiquité, est Y alphabet phénicien archaïque , souche de l'écriture grecque et de tous les systèmes graphiques de l'Oc- cident. Vers le vi^ siècle, l'écriture phénicienne de la seconde époque, que l'on a nommée sidoniennc, se constitue définitivement : le plus beau monument de cette écriture est l'inscription du sarcophage d'Eschmounazar; en même temps la branche ara- méenne se sépare de la souche commune. Le carac- tère principal de ce nouvel alphabet est l'ouverture des boucles des lettres 3, T, ir, "). Mais pendant deux siècles environ, à côté de ces formes nouvelles se maintiennent un certain nombre de formes an- ciennes ; l'altération de toutes les lettres n'est pas

' Zeitschrift fur die Kundc des Morgenlandes , t. VI, p. 502. * Discoverici at Nincveh and Bahylon , p. i55 et 3/|6.

ÉTUDES SUB L'ALPHABET PEHLEVL 213

simultanée, de sorte que l'alphabet conserve un caractère de transition qui marque nettement sa première époque; à cette variété originaire nous donnons le nom de protaraméen. Vers la fin du v' siècle, l'alphabet araméen proprement dit ou ara- méen secondaire , car on peut lui donner indifférem- ment l'un et l'autre nom , se constitue définitivement sur les pierres gravées et les médailles des satrapes de l'Asie Mineure. Mais il subit bientôt lui-même l'effet de la loi de dégénérescence constante qui pré- side k l'histoire des écritures ; vers la fin du iv^ siècle ou le commencement du iii% on vit naître un nou- vel alphabet, dérivé du précédent, comme celui- ci était dérivé de celui qui l'avait encore précédé; ce fut l'alphabet dont les principaux monuments jusqu'à présent connus, inscriptions et papyrus, ont été découverts en Egypte, mais qui n'était pas, comme l'ont cru quelques érudits , limité à ce pays, car il existe des preuves certaines de son emploi dans d'autres parties, et assez éloignées, des do- maines de i'aramaïsme; nous l'appelons araméen tertiaire.

Cet alphabet fut le dernier commun à toutes les populations de la famille. Un siècle environ avant la venue du Christ, l'observation attentive des mo- numents nous montre l'unité de Técriture araméenne se brisant, se subdivisant, suivant qu'elle est em- plovée par des Palmyréniens, des Nabathéens, des Auranites ou des Juifs, et donnant naissance à toute une série d'alphabets nouveaux , particuliers aux dif- VI. i5

214 AOÛT-SEPTEMBRE J805.

féients peuples et suivant chacun de leur côté, d une

manière absolument indépendante, leur marche de

dégénérescence.

Plusieurs des écritures ainsi dérivées de l'ancien type graphique commun à tous les Araméens devin- rent à leur tour la souche de nouvelles sous-familles. Le paluiyrénien produisit l'estranghelo et toutes les variétés des alphabets syriaques ; le nabathéen, comme je l'ai déjj'i indiqué ici même et comme j'espère un jour le prouver plus complètement, donna naissance à l'arabe. Dans le tableau généalogique résultant de ces observations, quelle place doit-on assigner au pehievi? Faut-il le tenir comme une écriture dérivée del'araméen terliaireparallèlement aupalmyrénien , au nabathéen, à l'auranite et à l'hébreu carré du type le plus ancien? Ou bien faut-il le considérer comme issu par une seconde dérivation du palmyrénien?

Pour connaître la marche suivie par falphabet sémitique de 22 lettres dans les contrées au delà du Tigre, nous devons demander des renseignements à une série de monuments numismatiques encore très-peu étudiés et même imparfaitement connus des savants.

Ce sont des monnaies d'argent de différents mo- dules, portant au droit une tête de satrape coiffée de la mitra, qui varie selon les époques, et au re- vers un temple surmonté de plusieurs pyrées ou autels du feu, avec presque toujours à côté un prêtre en adoration. Ce dernier type est accomp.igué d'une légende contenant le nom du piinre ou satrape ré-

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEYL 215

gnant, qui, outre le titre de son autorité, porte celui de pontife d'une déesse, laquelle ne saurait, pense M. le duc de Luynes , qui a fait de ces pièces une étude toute particulière, être considérée comme dif- férente de l'Aitémis Nanaea de l'Elymaïs, dont le temple, objet de la vénération de tous les peuples voisins, fut pillé par Antiochus le Grand, roi de Syrie. Une de ces monnaies, avec le nom d'un sa- trape appelé Saripadate, a été publiée par M. le duc de Luynes ^ qui la considérait alors comme frappée dans la Bactriane, opinion sur laquelle il est com- plètement revenu; trois autres ont été gravées dans le Numismatic chronicle de Londres^. Mais il en existe un bien plus grand nombre, encore inédites, dans la collection de M. le duc de Luynes et dans l'ancien médaillier de la Bibliothèque impériale. Les différences que ces monnaies offrent entre elles sous le rapport du style prouvent qu'elles ont été émises pendant un assez long espace de temps par une dynastie de satrapes héréditaires ou de roitelets , dont les plus anciens étaient contemporains et vassaux des Achéménides, et les plus récents des premiers Arsacides.

Les légendes de ces pièces sont en langue ara- méenne. Sur les plus anciennes, celles du temps des Acbéménides (il n'en a encore été publié que de cette époque), l'écriture dans laquelle elles sont con- çues est faraméen secondaire des monnaies des sa-

' Numismaticjue des satrapies, pi. VI, 3. - T. XVIII, pi. Vf,!!"' 6-8.

i5.

216 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

trapos de Ja Cilicic et des autres parties de l'Asie Mineure; un peu plus tard nous y voyons apparaître l'araméen tertiaire des papyrus et de rinscription de Carpentras ; enfin sous les Arsacides l'alphabet de ces légendes se rapproche de plus en plus du pehlevi et arrive à ne plus différer de la variété de cette dernière écriture que nous avons designée par ]e nom de persépolitaine.

Dans la série d'écritures successives qu'offrent ainsi les monnaies dont nous venons de parler, la forme palmyrénienne n'a pas sa place; elle semble n'avoir pas été connue dans la région lointaine h laquelle appartient cette numismatique. On passe directement de l'araméen au pehlevi, sans l'intermé- diaire de l'alphabet de Palmyre. Ce serait assez déjà pour faire conclure avec une entière confiance que l'écriture pehievie est un des dérivés directs de l'ara- méen tertiaire, une écriture sœur et non fille du palmyrénien. Nous achèverons de le démontrer par le tableau suivant, nous avons placé falphabet araméen en usage du uf au i" siècle de notre ère et falphabet palmyrénien en regard des diverses formes paléographiques de l'alphabet pehlevi , dispo- sées dans Tordre de leur dégénérescence.

TABLEAU IV.

ORIGINE DE L'ECRITURE PEHLEVIE,

i\ i

218

AOUÏ-SEPTEMBRK 1865.

ARAMEEN

PEHLEN

PALMYRÉNIEN.

PROTO-PEHLEVI.

TERTIAIRE.

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ETUDES SUP

i L'ALPHABET

PEtlLEVL

219

PEHLEVI

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220 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

Ce tableau réclame un commentaire; nous allons le donner en suivant l'ordre des lettres :

N. La forme que l'on peut considérer comme typique pour les quatre variétés du pelilevi, \i> sort évidemment de l'araméen KJ^ avec le trait inférieur reporté au point de départ du Irait ver- tical et du trait oblique. Voici, du reste, tous les degrés par lesquels on passe pour arriver du pliemi- cien au pehlvi*:

^' >^ X yt ^

Sur les monnaies de ia fm de la première et du commencement de la seconde époque, cette lettre devient X/; mais à la lin de la seconde époque et dans toute la troisième on voit reparaître la figure «4j, plus conforme à forigine, laquelle produit le 41 des manuscrits.

2. La tête de la lettre est plus atrophiée dans le proto-peblevi que déins le type persépolitain. Sui- vant le progrès de cette tendance, elle disparaît dans le type des inscriptions sassanides, lequel ne varie plus jusqu'à l'extinction de l'alphabet pehlevi.

3. Dans toutes les variétés du pehlevi cette lettre suit un type constant, lequel dérive de l'araméen, renversé sur le côté. Le pivotement des caractères dont nous avons ici un premier exemple s'observe à plusieurs reprises dans le passage de l'araméen au prolo-pehlevi et au persépolitain; il se reproduit en- core dans d'autres cas lorsque l'on suit la marche des

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 221

letlres, de ces deux alphabets au pehlevi sassanide ou des provinces orientales.

1. Leproto-pehlevi manque. Le pejsépolitain est presque identique au typearaméen.Dansle sassanide cette lettre subit un changement bizarre; elle se ren- verse sur le côté, se recourbe légèrement par l'extré- mité inférieure, et en môme temps sa tête passe à droite.

Cette explication de la forme X^ ou '^ est peut- être trop compliquée. On pourrait aussi en produire une autre plus simple et peut-être plus vaisemblable. Sur certains monuments persépolitains, le signe dia- critique qui accompagne le i se confond avec le corps de la lettre sous la forme d'un appendice Irès- développé. Ainsi à Naksch-i-Roustam le nom d'Or- muzd, dans le texte pehlevi persépolitain , au lieu de la forme régulière retracée sous le n*' 8 de la pi. B, est écrit , comme on le voit au 9 \ iîD"nnN*. ^ a pu produire ^. Dans ce cas l'appendice ajouté comme marque diacritique sera devenu plus important comme dimension que le corps même de la lettre, ce qui se voit quelquefois en paléographie.

Toujoursest-ilquele"ipehlevisassanide,aprèsavoir été longtemps invariable avecla forme J , se réduit sur les monnaies de la 3^ époque à un simple trait courbe, par une abréviation qui ramène au type primitif. De celte dernière figure sortie J des manuscrits.

Cf. Rawlinson , Jnurn. .of the Rojal Asiat. Soc. t. Xï, I pari. p. 69.

222 AOUT-SEPTEMBKE 1865.

n. La forme de cette lettre en proto-peliJevi dérive tout naturellement de i'araméen , dont l'exti ë- mité gauche s'est relevée. Dans le pelilevi persépoli- tain, la tradition du type primitif est déjà oblitérée; le trait qui relie les deux hastes se trace obliquement. Dans le sassanide la partie droite de la lettre n'est plus que peu développée et la baste de gauche lé- gèrement infléchie par la base. Cette lettre devient bientôt, par une nouvelle déformation, /V, ce qui produit le ju des manuscrits et ramène par consé- quent très-près de la figure du persépolitain.

T. Dans le proto-pehlevi et dans le caractère persépolitain, la figure est une simple courbe comme en araméen. Dans le sassanide on ajoute en bas un appendice analogue à celui du "i, pour distinguer cette lettre de l'^ . Sur les médailles de la troisième époque et dans les manuscrits, le tracé s'abrège et se réduit à \.

T. Nous ne connaissons pas la forme proto- pehlevie. Dans les trois autres alphabets la figure est ondulée, et non droite comme en araméen.

n. Cette lettre n'existe qu'en persépolitain , sa figure dérive de celle de I'araméen , presque sans aucune diflerence. En sassanide elle est rempla- cée constamment par n , avec ou sans point diacri- tique.

\ En proto-pehlevi la forme de ce caractère est identique à celle de la lettre araméenne. Plus droite dans l'alphabet persépolitain , elle se recourbe dans

ETUDES ^R L'ALPHABET PEHLEVJ. 223

le sassanide et finit dans les manuscrits par être sem- blable an 1, au 3 et au -j, JJ.

D. La lettre proto-pehlevie est semblable à l'araméen, mais avec la tête plus ouverle. Dans le persépolitain la bastese recourbe et la figure devient pareille à celle du ". Cette ressemblance fait que dans le sassanide le D se trace de même, avec un petit appendice diacritique à la partie inférieure. De résulte le ^ des médailles, qui, s'abrégeant à la troisième époque, revient presque au type ori- ginaire et produit le a des manuscrits.

b. Le proto-peblevi est identique à l'araméen. La figure du caractère pehlevi persépolitain semble influencée par celle de la lettre correspondante du palmyrénicn. Elle produit le L, qui sur les médailles de la seconde époque devient }^, la partie supé- rieure perdant beaucoup de son développement. A la troisième époque la lettre s'abrège en /' et de- vient ) dans les manuscrits^

D. Le proto-peblevi et le persépolitain sont en- core exactement pareils à l'araméen. Dans le sassanide la figure de la lettre devient fermée , mais d'une autre manière que dans les écritures dérivées du palmyré- nicn , comme l'estrangbelo et l'bébreu carré, par la jonction du sommet du trait transversal avec l'ex- trémité inférieure de la baste de droite. Sur les mé- dailles le D devient Jfc7, puis, à la fin de la seconde et dans toute la troisième époque >{ , d'où le ^des manuscrits.

224 AOUÏ-SEPTEiMBRE ^805.

:. Dans -le proto-pelilevi celte lettre est re- courbée par en bas et prolongée horizontalement vers la gaucbe, comme dans le paimyrénien. Ici la dérivation dans les deux alphabets collatéraux s'est opérée dans un même sens. Mais cette inflexion à gauche n'est pas aussi essentielle en pehlevi qu'en araméen, cardans le caractère sassanide la courbure a lieu vers la droite. De le J^ des médailles, abrégé en g à la troisième époque; enfin le ^ des manuscrits qui, par un singulier hasard , est revenu à une forme identique à celle du type araméen.

D. Leprolo-pehlevi ne nousestpas connu. Dans le persépolitain il estfiicile de reconnaître l'araméen , avec ses deux hastes parallèles si caractéristiques. La différence de proportion entre ces deux hastes, qui rappelait encore en araméen le type primitif ^p* , a cependant disparu en pehlevi. Dans l'écriture sassa- nide le D devient }J, puis sur les médailles, dès la fin de la preniière époque, J>>; plus tard les deux traits se rejoignent de nouveau, mais par en bas cette fois, la tradition de l'origine étant perdue, J||. D'où, dans les manuscrits, ^.

D. Dans l'alphabet proto-pehlevi les différences avec l'araméen, pour ce caractère, consistent dans l'ouverture plus grande de la tête et dans l'ondula- tion de la haste principale, ", le tout combine poui' distinguer cette lettre du 2. Dans la paléograpliie persépolitaine la figure se renverse on avant et les traits s'arrondissent. Passant de dans le pehlevi offici*»! (les Sassnnidf's, h'tlie, pivotant encorr^ unr

ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 22o

fois, se trouve piacée en sens absolument opposé à ce quelle était d'abord, la partie supérieure en bas; en même temps la partie primitivement inférieure et devenue supérieure se recourbe complètement vers le bas , et, venant rejoindre le trait horizontal, produit une figure fermée, d'où sur les médailles de la seconde et de la troisième époque ^ et dans les manuscrits ^.

!:. Nous ne possédons pour cctle leltre les formes, ni du proto-pehlevi, ni du caractère persc- politain. Mais, comme l'a très-bien vu M. Thomas, on reconnaît encore indubitablement dans la lettre sassanide le tracé du )i araméen. Sur les médailles, dès la première époque, cette figure compliquée se simplifie en f^. Le ^dcs manuscrits revient plus près de la première forme.

-). Semblable dans les deux alphabets les plus anciens au "i araméen. Dans les inscriptions sassa- nides et sur les médailles de la première époque , le tracé s'arrondit et un appendice diacritique s'ajoute par en bas. Il dislingue le ") du "i, sans appendice, et du 1 , l'appendice est beaucoup plus développé. Sans cette marque dillérentielle , ces trois lettres se seraient facilement confondues. Sur les médailles, à partir de la deuxième époque, et dans les manus- crits le tracé du ") ne diffère plus de celui du b.

V. Le proto-pehlevi est identique à l'araméen. Dans le persépolitain le trait de droite, sur lequel se greffent les deux autres, s'allonge par le bas et tend à se coucher. Dans la paléographie sassanide la lettre

226 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

est complètement renversée sur le côté, et cette dis- position se maintient jusque dans les manuscrits. n. Semblable à l'araméen dans le proto-peblevi et le persépolitain. Dans les inscriptions sassanides la haste de gaucbe s'ondule et se recom^be vers la droite : en même temps la proportion du crochet de droite se réduit. Ces deux tendances se pronon- cent beaucoup plus sur les médailles. A la Iroisième époque, le crochet de droite se bouclant, la figure devient k?, puis yo, d'où le f^ = c:> et le ^^ = ci»

des manuscrits, ce dernier étant le caractère re- tourné.

En terminant ici cette courte dissertation, nous ne prétendons pas avoir apporté des faits bien nou- veaux pour la science , mais seulement avoir coor- donné les données acquises parles derniers travaux sur cette branche de la paléographie sémitique. Si nous avons réussi dans celte coordination, si nous avons mieux précisé qu'auparavant le mode de gé- nération de l'écriture pehlevie par l'écriture ara- méenne, qui en était déjà considérée comme la mère, notre but est atteint et notre ambition satis- faite.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TUIUN. 227

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN,

PUBLIE ET TRADUIT POUR LA PREMIERE FOIS

PAR M. T. DEVÉRÏA.

I.

ÉTAT ACTUEL DU MANUSCRIT ET DISPOSITION DU TEXTE.

Parmi les manuscrits égyptiens que possède le musée de Turin, il en est un qui se fait remarquer par une très-belle écriture hiératique dont les signes atteignent une dimension peu commune; ils sont hauts de 2 à 3 centimètres en moyenne, et les traits lâchés au-dessus ou au-dessous des lignes occupent en quelques endroits un espace d'environ 5 centi- mètres.

Dans son état actuel, la première page est malheu- reusement détruite, à l'exception d'un fragment qui contient seulement un ou deux mots de la fin de chacune des neuf lignes qui la composaient.

Cinq colonnes de texte formées d'un plus ou moins grand nombre de lignes inégales en longueur constituent, avec ce premier fragment, fensemble du manuscrit. Le papyrus dont a été formé le vo- lumen est de la plus belle qualité ; il pouvait avoir 5o centimètres de hauteur avant que les marges

228 AOUT-SEPTEMBRE 1805.

eussent été coupées, ce qui le réduit mainlenani à 42 centimètres environ, et une longueur de plus de 5 mètres, que l'absence du commencement ne per- met pas de déterminer exactement.

M. Alphonse Mallet, en reconnaissant, le pre- mier, il y a quelques années, la nature judiciaire de ce manuscrit, comprit tout l'intérêt qui s'y rattache pour la connaissance de la langue, des usages et de la législation de l'ancienne Egypte; il en fit alors une copie très-complète qu'il a bien voulu me commu- niquer depuis , et dont j'ai vérifié moi-même la par- faite exactitude sur foriginal, à Turin.

M. Lieblein , de Christiania , a aussi obligeamment mis à ma disposition , depuis que mon travail est terminé, un calque fac-similé du même papyrus, qui a l'avantage de conserver, ligne par ligne, la dis- position du texte. C'est donc cette dernière repro- duction que je choisirai pour la publication, en la réduisant de moitié par la photographie et en la vérifiant sur la copie déjà collationnée dont je suis redevable à M. Mallet.

Ce beau manuscrit, qui peut passer pour un mo- dèle de calligraphie hiératique , est un document officiel , une pièce originale des archives pharao- niques et non pas un simple récit , comme on pourrait le croire; il date du règne de Ramsès ITÏ, premier roi de la vingtième dynastie , c'est-à-dire environ d'un demi-siècle après rjExode, ainsi que je le démon- trerai plus loin. 11 nous fait voir, à cette époque séparée de notre temps par trois nulle ans au moins,

»

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 220

tout le procès d'une conspiration contre la personne ou l'autorité du roi , et un tribunal régulièrement constitué dans une cour de justice, saisi par déci- sion royale de cette affaire, qui motiva de nom- breuses condamnations et plusieurs exécutions delà peine capitale; il nous donne un exemple de la toute-puissance d'un Pharaon qui rend la justice contre les magistrats eux-mêmes; il nous fait con- naître aussi les formules judiciaires et la rigueur des lois égyptiennes , tout en nous fournissant d'inté- ressantes notions philologiques sur la langue parlée de cette époque.

L'étude de ce papyrus est donc intéressante à plusieurs points de vue : c'est ce qui m'a décidé à y consacrer un long travail.

La destruction presque complète de la première colonne du texte est des plus regrettables , car l'ex- posé de l'affaire amenée devant le tribunal devait y être contenu, et ce n'est, maintenant, qu'en ras- semblant et en comparant entre elles les diverses accusations des condamnés , qu'on peut deviner quel fut le motif ou le but de leurs délits, ainsi que le lien qui pouvait exister entre eux.

La seule chose qui ressorte d'une manière évi- dente, à un premier examen du texte, encombré par la répétition continuelle des formules, c'est que le crime principal des coupables se borne h des paroles prononcées par eux, ou seulement tenues secrètes après avoir été entendues, et ayant pour but de nuire ou d'exciter des malfaiteurs à nuire à leur seigneur. VI. «6

(

230 AOÛT-SEPTEMBRE 1865.

On constate ensuite : que ces paroles furent prononcées particulièrement dans un lieu liabité par des femmes, étaient aussi des fonctionnaires, parmi lesquels on distingue deux intendants du ha- rem royal ; on peut en conclure que ce lieu était le gynécée ou harem du palais de Ramsès III;

Que des femmes de ce lieu, probablement esclaves ou concubines du Pharaon, sont accusées elles-mêmes d'av^oir prononcé des paroles sem- blables;

y Que , parmi les accusés, il y a plusieurs grands personnages et fonctionnaires du palais, dont le sei- gneur ne pouvait être que le roi lui-même, et, con- séquemment, que leur crime ou les paroles pronon- cées ou entendues et ayant pour biil de nuire à leur maître ne pouvaient être qu'une conspiration contre la personne ou l'autorité royale;

li° Que cette dernière déduction est confirmée par la sévérité des jugements et par la rigueur plus grande encore des arrêts rendus en dernier lieu par le roi lui-même, contre quelques-uns des membres du tribunal et d'autres officiers de justice qui furent trouvés trop indulgents pour les coupables, ou qui allèrent jusqu'à s'unir à leur cause.

L'ensemble de ces observations empêche de sup- poser, comme j'avais d'abord été tenté de le faire, que le véritable délit des coupables consistait en des relations d'adultère entre les accusés et les femmes du gynécée, aucun fait de ce genre n'étant d'ailleurs formulé, et le fond de faccusation portant toujours

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 231

sur les paroles prononcées ou entendues que le roi donne dans la première partie du manuscrit comme seul motif de la sévérité recommandée aux magis- trats.

Quelques-unes des constatations que je viens d'indiquer sont heureusement corroborées par trois fragments d'un autre papyrus, également conser- vés jusqu'à nous, qui paraissent faire partie d'un autre procès concernant la même afl'aire , mais avec complication d'opérations magiques dont certains personnages ont été accusés d'avoir fait usage pour s'approcher du harem, essayer d'y pénétrer et y faire passer ou en rapporter les paroles criminelles, c'est-à-dire les premiers germes de la conspiration. Il est à noter que le manuscrit de Turin semble contenir les jugements de toute la partie du com- plot qui se produisit dans l'intérieur du gynécée, mais qu'il n'y est pas question de moyens surnatu- rels; tandis que l'autre papyrus relatait probable- ment tout ce qui s'était passé en dehors de ce lieu et les moyens, supposés surnaturels, qu'on avait employés pour y établir une communication.

Une première interprétation de ces trois frag- ments connus sous les noms de papyrus Lee et Rollin est due à M. Chabas^; ils avaient été signalés à ce savant par M. Goodwin, qui avait remarqué la liai- son des deux premiers^ que possède M. Lee, en Angleterre, avec le troisième qui est conservé à la

' Le pai)jrus macjiqiie Harris j p. 170. ^ Sbarpe, Eyypt'uui inscriptions , 2** série, pi. 87 et 88.

iG.

232 AOUT-SEPTEMBRE 1805.

Bibliothèque impériale de Paris. J'eus occasion de communiquer à M. Gliabas quelques observations qui m'étaient suggérées par ma première étude du papyrus de Turin; il en tint compte et modifia plus tard sa traduction'. On y retrouve les noms de deux des accusés que nous rencontrerons dans le manuscrit de Turin, avec des détails intéressants sur les délits dont ils furent coupables.

V^oici maintenant la disposition matérielle du texte du papyrus judiciaire de Turin.

' Mélanyes éqyptologuines , I , p. 9

TABLEAU SYNOPTIQUE

DU

PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN.

234 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

PREMIÈUE PARTIE.

DISCOURS PRÉLIMINAIRES POUR LA MISE EN FONCTION DU TRIE

(très-grosse Écriture.)

COLONNE 1. (fragment.) COLONNE 2. ( AVEC LACUNES. ) COLONNE 3. (bNTIÈ

Ligne i [ Dale ? ] Prolocole royal.

î» /

Discours adresse par le roi aux magistrats.

Ligr

Suite du discours du roi : les membres de la commission judi- ciaire, noramémeut désignés, sont saisis de l'affaire , et la plus grande sévérité leur est ordonnée.

Ligne

I Corolijire du discou ^ \ royal : imprécatii 3 ^ contre les coupable f i hommage rendu à

f doublr justice divin

Ce tableau synoptique suffit pour qu'on puisse se rendre un compte exact de la disposition du texte original dont je vais maintenant donner la transcrip- tion alphabétique et la traduction littérale.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN.

235

DEUXIEME PARTIE.

JUGEMENTS RENDUS CONTRE LES COUPABLES. RITURE MOINS GROSSE QUE CELLE DES TROIS PREMIÈRES COLONNES.)

.^^^__

_^^_

COLON.NE 4. (entière.)

COLONNE 5. { ENTIÈRE.)

COLONNE 6. (entière.)

i

( i" rubrique. ) Coupa-

Ligue 1

j Six femmes et deux ac- > cusés subissent éga-

Ligne i

( 4* rubrique.) Gens (de

\

bles de grands crimes ,

2

justice) qui ne tin-

Ligne I (

condamnés par la

3

] lemeut leur peine.

rent pas compte des

3 >

i" section de la com- mission judiciaire.

4

{a* rubrique.) Coupa- bles de crimes et de complicité . condam-

témoignages à la charge des coupa- bles, condamnés par le roi avec les fem-

3

nés ( mais non exé-

mes et un accusé

4 5

cutés) par quatre membre.s de la a* sec-

a

déjà nommé (v, 5). / Quatre personnes, dont

lion de la commis-

3

1 deux membres de

6

7 8

9

lO

Quatorze accusés sont successivement ame-

i nés, jugés, condam- nés, et subissent leur peine.

ô 6

sion judiciaire.

Six personnes jugées.

( 3* rubrique. ) Coupa- blés de crimes , jugés par les mêmes magis- trats, et un membre supplémentaire de

4 5 6

'. la commission judi- 1 ciaire et deux ofiS- \ ciers de justice. (5* rubrique.) Gens complices des cou- pables, ou énonçant lie mauvaises pa-

12

la commission judi-

roles , sont condam-

i3

ciaire.

7

nés sans exception.

Un seul nom suit 1.»

i5

7 8

9

lO

(Quatre coupables, coii- ) damnés et exécutés.

rubrique et termine lo manuscrit; c'est celui d'un oiricicr, peut-être chargé des exécutions.

Ma première intention , en coinniençant celte tra- duction, était de donner une transcription liiërogly- pliique interlinéaire de tout le texte hiératique , pour en faciliter l'étude; mais j'ai y renoncer devant

536 AOUÏ-SEPTEMBRE 1865.

les difïicullës typographiques que présente encore remploi des types égyptiens, et surtout à cause du temps énorme que m'auraient demandé la notation par cbiflres de tous les signes et la correction des épreuves. Les nombreuses réj)étilions que contient le manuscrit rendent d'ailleurs ce genre de trans- cription moins utile pour ce texte que pour tout autre. Je me suis donc borné à une transcription alphabétique suffisante pour aider à suivre notre traduction sur les fac-similé qui seront réunis à la lin du mémoire.

Le système de transcription que j'ai adopté est emprunté à ceux de MM. Brugsch^ et de Rougé-; il a pour but : i"" la précision et la clarté, en ren- dant chaque voyelle et chaque articulation de l'écri- ture ^ égyptienne par une seule lettre de notre alpha -

^ Die Géographie f I, p. i5; Recueil, I, p. i, etc.

^ Revue archéologique yjioxeaxhve 1861, p. 352; Cours au Co!l6<^c de France, etc.

^ Je ne dis pas «de la langue ,)> car je n'aurai jamais la préten- tion d'exprimer les sons ou la prononciation d'une langue morte depuis des siècles; je cherche seulement un équivalent conventionnel des signes qui servaient à l'écrire.

Depuis que j'ai terminé le présent travail , M. Lepsius a publié dans le Standard alphabet de la Société biblique de Londres un système de transcription générale qui est presque entièrement adopté pour les textes égyptiens, par MM. de Rougé, Brugsch et Birch. Son application à mon mémoire aurait nécessité trop de cor- rections pour un travail terminé; je le laisse donc tel que je l'ai écrit. Ce nouveau système, que je n'ai d'ailleurs pas suflisamment étudié, me paraît cependant présenter encore quel(|ues imperfec tions et quelques inconvénients, parmi lesquels je signalerai seule n)ent l'introduction du ;^ grec dans notre alphahet, cl la néces^ité d'employer des signes spéciaux pour la notation fie certaines lellrrs.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 237

het; 2" la facilité de ia composition typographique et ia commodité pour tous les usages auxquels il peut s'appliquer par l'emploi exclusif des sicjnes usuels de la typographie française, évitant ainsi tous les signes particuliers qui nécessiteraient des types spé- ciaux, et rejetant enfin toute notation pouvant aug- menter récartementdes lignes, comme par exemple le point sous une lettre, auquel l'œil ne s'habitue d'ailleurs que difficilement.

Les seuls signes distinctifs que j'admette sont , pour les voyelles, les accents ordinairement usités, et, pour les consonnes, la virgule retournée ('), placée après la lettre qu'elle sert à noter.

Voici maintenant les règles que j'ai suivies :

Toute voyelle accentuée, accompagnée du tréma (ï), ou notée de la virgule renversée (a*], re- présente une voyelle écrite dans le texte égyptien.

Toute voyelle non accentuée représente une voyelle non écrite dans le texte . mais nécessaire à la prononciation du mot, ou donnée, soit par des transcriptions antiques , soit par l'orthographe capte, ou bien encore cachée dans le syllabisme des écri- tures égyptiennes, car, dans ce dernier cas, il est souvent difficile de la déterminer exactement. Les voyelles non accentuées dans nos transcriptions de- vront donc être considérées comme moins certaines que les voyelles accentuées.

Toute consonne qui n'est pas suivie de la marque que j'ai adoptée ^ est supposée avoir été

' J'ai préfère pour celte marque la virgule retournée (') à Tapos-

238 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

prononcée d'une manière très-analogue , sinon iden- tique, à l'articulation qu'elle représente ordinaire- ment dans notre écriture.

4" Toute consonne suivie d'une virgule retournée (') prend une valeur différente de sa prononciation habituelle.

Voici maintenant mon alphabet de transcription , avec les correspondants coptes et sémitique^.

ALPHABET.

HIÉROGLYPHES.

COPTE.

HÉBREU.

a' 1

\

i>, E, H, 0, en

N

à

\

^, E,H,0,a\

X (n?)

à

-=>-•

i>,z, H,o, ai, 0-*

y

M

J

El

2

(/

^

1

9

G

K

j

h

h*

ï

m

1

^

^

n , 8 arabe, n , ^ ^"-abe.

trophc ('), qui a déjà été employée pour lu uolation de certaines consonnes, parce que ce dernier signe doit être réservé pour indi- quer, au moyen de sa fonction habituelle, des cas délision que j'ai souvent entrevus et qui pourront être un jour bien constatés.

' J'aurais préféré Vu (accent aigu) à l'a' (noté); mais j ai adopté ce dernier, parce que Va (accent aigu) ne se trouve pas dans tous 1rs caractères de la typographie ordinaire.

^ Je transcris />', au lieu de bp , le !> doublé d'un p dans corlains

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN.

239

IIEROGLYPHES.

tllll

^

K

A

TT

p

c

'T

ov , If , a\ , o

h

P

-!

D

n 1

)^ , ^ arabe

mots, pour lui donner plus de force, comme dans la syllabe

^ Je transcris n* ïn aspiré qui prend dans les variantes un x* initial comme dans la syllabe (^ n*

'em^x'nem.

* Je transcris ii (sans accent) le signe du pluriel, | 1 1, toutes les fois que j'ai des raisons de penser qu'il pouvait influer sur la pro- nonriation du mot qu'il suit.

240 AOIIT SEPTEMBRE 1805.

II.

TRANSCUfPTlUN ALPHABETIQUE ET TKADLCTION LITTÉUALE.

PREMIÈRE PARTIE.

COLONNE I , SEDI. FRAGMENT CONSERVÉ.

I , l Hyq-Ân . . .

[An... mois... jour... du règne de Rà-ouser-màà-mei- Amon, du fds du soleil Ramessès IIP], Souverain d'Ôn

de r

l, 2 à ta'' H

p«y'

1,3 ta"

la terre pour.

1,4 . â nienmen-iL .

troupeaux*^ .

1,5 [ret']-u r a'ntâ-u'.

hommes pour les amener .

1,6 ... neb m- met- ' .

tous par-devant eux .

1,7 //(?)« a'û nà.

son( les .

1,8 rel'-a an .

hommes étant.

' Cf. Pap. Lee I , 1. 3. Les mois placés entre des crochets répondent à des lacunes du texte.

'' Cf. col. II , 1. 1 ; Pap. Lee 1 , 1. 2 , et Pap. RolUn , L 5.

' îd. ihid.

'' Le Papyrus Lee I l'ail mention d'un «intendant des lioupeaux,» nommt' Peu-houï-ban. (Cf. col. 5, i. 2 de noire papyrus.)

" Cf. IV, 1, etc. et chap. vi , Formules judiciaires.

' Cf. IV, 2, etc. et cliap. vi, Formules judiciaires.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 241

^ ' y Il a'â m ntû"

étant en eux

COLONNE II.

il, 1. bûtâ [i) n ta a' a- A' dâà-t m-h'er (2)

les exécrations de la terre, je les soumets

n mur-h'ez' (3) Mentâ-m-tà-ti mur-h'ez' Pàïwreiâ au trésorier Mentou-m-ta-ti , ( au ) trésorier Paiwretou,

z'àï - œUi (II) Kar ûbâ (5)

11,2. (au) porte-chasse-mouche Kar, l'officier?)

Pàï-b'àst âhâ (?) Qedenden (?) âhâ (?)

Païbast, l'officier?) Qedenden (?), l'officier?)

Bâr-mâhàr II , 3. âbâ (?) Pà-a'rû- . . u, ubu (?)

Bâr-mâhar, l'officier ?) Pa-arou ... ou , l'officier?)

Z'od-tî-rex'-novre sûten âehmâ (6) Pen-Renâ

Thoti-rex'-nowre , (au) rapporteur royal Pen-Renou ,

sœ'à Mâï. III. 4. sx'à Pà-râ-m-h'eb n ta (au) scribe Mâï, (au) scribe Pa-râ-m-h'eb , de la

a's-t s'ââ (7) z'àï - serï H'ora' n ta

bibliothèque , ( etau ) porte-ombrelle Har, du corps des

Aûâï-t [^) W , b . r z'od A'rnàz'od-tu a'-z'odû Àouâï ^ en disant: « Les paroles que dirent ces

Ou a'û mentû «étant eux» (ces crimes) , car on peut voir ici une forme plurielle du pronom mentuiv «lui.»

(1) Les chifFres renvoient aux notes philologiques réunies à la fin du mé- moire. (Voyez chap. ix.) Les lettres placées au-dessus des lignes dans la tra- duction sont seules en rapport avec les notes placées au bas des pages. Tout ce qui est relatif aux noms propres et aux personnages sera expliqué dans un chapitre spécial (viii) , auquel je renvoie une fois pour toutes.

•' Corps militaire chargé de la police , et probablement aussi des exécu- tions judiciaires. ( Voir notes philologiques , 8. )

242 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

ret'u bu rex'-A'-se-t-u (9) h'enî-teii (10)

hommes, n'en ai-je pas connaissance? Allez!

s-metî-s-i-u.[i\)\\.^. a'â-u s'emï a'ii-u s-meiï-û Jugez-les. Qu'ils avancent, qu'ils les jugent;

a'ii-u dâà-t mut-tâ dâàâ mata

qu'ils donnent la mort, ceux qui donnent la mort

m de-t-â r h'â-t-û II, 7. a'û rex'

de leur main, à leurs membres \ N'en ai-je pas

[-A'-se-t-u] ... a'r'-t sebàï-t (11)

connaissance? [Faites] exécuter le châtiment de

helex'â a'âbâ rex'- A'-se-t-u

[mort et les] autres. N'en ai-je pas connaissance,

m r-â {?) II, 8. œ'er a'û h' en. . .

actuellement ? Or, ils avancent ! [Jugez-les ]

r z'od h'et r-ro-ten sààû-tu-ten

suivant ce que vous dicte votre cœur; soyez vigilant

r dûà-t a'r-tû sebàï-t 11,9. r

à faire exécuter [le] châtiment pour [celui qui a

gàuàs'à (i3) a'û b[en] su h'cr h'er-w

mérité la] torture. Cela (le crime) n'est-il pas constant

x'er-A' un m-dunï (?)

à mon égard ? Eux , qu'il périssent ! ^

On voit dans ce discours, prononcé par le roi lui-même pour instituer la commission judiciaire et pour la saisir de l'afFaire , que la mise en accusation des coupables ne repose

C'est-à-dire : a aux coupables. »

'' Ces derniers mots sont, pour moi, d'une signification douteuse. On peut traduire littéralement: «Cela n'cst-il pas sur sa face vers moi.-* (Qu')ils périssent!» La transcription du dernier groupe, m-doûn , semble

donner le type du copte JUL'TOS^' mori.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 243

que sur la connaissance de certaines paroles prononcées par eux.

Suit une imprécation contre les criminels, et un hom- mage que le roi rend aux dieux de la justice.

COLONNE III.

111,1. A^r pàâ-a'rï-t neb n ntâ a'-a'r-t-sû

Étant toutes leurs actions pour ceux qui les ont faites*,

m, 2. a'mmâ x'operû pàâ ' a'-a'rû neb

puisse devenir (retomber) tout ce qu'ils ont

r z'àz'à-û 111,3. a'â-A' x'â-kâ-A' fait, sur leur tête! Je dirige moi-même (et je)

muk-hâ-A* r s*àâ h'eh' a'û-A'

gouverne moi-même jusqu'à perpétuité, (car) je suis

III, k. x'er-tû Sâlenï-u màâ-tï-u ntï m met

avec les Rois des deux Justices qui sont devant

111,5. A^mon-Râ Sâten Nuter-a m metRes(ili) Ammon-Râ , Roi des Dieux , et devant le Vigi-

hyq z'e-t-tà lant, souverain éternel.

Après ce discours , qui sert en quelque sorte de corollaire au précédent, commence la deuxième partie du manuscrit; elle débute par une rubrique relative aux quatorze premiers accusés; c'est le commencement du procès-verbal des juge- ments. L'écriture, à partir de cet endroit, est moins grosse que celle des trois premières colonnes.

' C'est-à-dire : «Chacun étant responsable de ses œuvres.»

244 AOUT SEPTEMBRE 1805.

DEUXIÈME PARTIE.

COLONNE IV DU PAPYRUS, l'" nUBRIQDE.

IV, 1 . Ret'-u a'nï-t h'er holàiiï âàïâ

Gens amenés pour les grandes abominations qu'ils

u'-a'rû (lûàï-n-a* " r ta a's-t s-mct m

ont faites. Je les ai mis au lieu du jugement en

met ûerâ âàîu ta a's-t s-met

présence des grands magistrats du lieu du jugement

r s-met a'u mur-h'ez' Mentu-m-tà-ti pour les faire juger par (le) trésorier Mentou-m-ta-ti ,

miu' h'ez, Pàïwretâ z'àï x'A

(le) trésorier Pahvretou, (le) porte-chasse -mouche

Kàr ûhâ (?) Pàïh'as-t sx'à Mai n

Kar, ( l'officier ?) Pàïbast, (le) scribe Màï, de la

ta a's-t s'âû z'aï- serï H'ora' a'tî-u

bibliothèque, (et le) porte-ombrelle Har. Ils les

s-met-û, a'u-it qem-â m âz'àï u'â-u

jugèrent, ils les trouvèrent en culpabilité, ils leur

<lûà-t dema'â-ân tàï-ii sebâî-t a'û nàï-u botàut

firent appliquer leur châtiment , et leurs abominations

a'z'à-â leur furent enlevées. (Ce sont : )

IV, 2. X'eru âà Pàï-bàka'-Kàmen ûnû m âà

Le graiîd criminel Paï-baka-Kanien , étant major-

* La forme de la ligature hiératique du pronom est irrégulière, et, bien que le signe de majesté n'y ligure pas, il semble que c'est encore le roi qui parle. (Voyez notes pliilologiquos , n" .3o.)

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 245

n â-t A'N-TÛ-w h'er h'u-iâ-w (i5) a'-a'rû-w h'er tlome *. Amené pour son délit, qu'il fit à cause de

Taïïh'enânà hini-t'âperx'en-t-u (i6) a'â-w a'r-t ûâ a'rmâ-â Taïï, avec les femmes du harem, 11 fit un avec elles ^.

a'â-w x'operâ a'z'à nàï-û zed-t-u r hâner (17)

Il lui arriva d'emporter leurs paroles au dehors,

n nàîâ mut-u nàïâ senâ-t ntï a' m r

à leurs mères (et à) leurs sœurs qui étaient là'' pour

z'od (18) ret'-u tehàmu (19) x'erûï (20)

dire d'exciter les hommes, d'engager les malfaiteurs

r a'r-t seha'â h^er Neh-û a'â-tâ dâà-tâ-w

à faire tort à leur Seigneur ^. Il a été mis en

m met ûeriî âàîâ tà-a's-t s-met

présence des grands magistrats du lieu du jugement.

a'â-a s-met nàï-w botàuï a'û-u qem r z'od

Ils jugèrent ses abominations , ils trouvèrent à dire

a'rï-w-s-t-u a'â nàï-w botàâï

qu'il les fit (en réalité), et que ses abominations

meh' a'mw a'â âerû a'-

étaient complètes en lui. Les magistrats qui le

s-met su dâà-t doma'-â-n-w tàï-w shàï-t. jugèrent lui firent appliquer son châtiment.

* Lilt. «Grand de maison.»

^ C'est-à-dire : «11 s'unit à leur cause.»

' Au dehors du harem.

' M. Chabas a traduit ce passage d'une manière plus énergique et peut- être plus exacte : «Travailler les gens, convoquer des meurtriers pour com- mettre des attentats contre leur seigneur.» (Mélancfes, vol. II, p. 206.)

VI. 17

240 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

IV, 3. X'ern âà Mesdï-sû-râ iinâ m âbû (?)

Le grand criminel Mesdi-sou-râ , étant (officier?)'

An-tû-w h'er pàh'a-lû-w a'-a'rû-w [h'cr"^) Amené pour son délit, qu'il fit cause de)

Pàï-bàka'-Kàmen nnû m àà-n-â-t a'rmââ Paï-baka-Kamen , étant majordome , avec les

h'im-t-u r nu x'erûï r u'r-t seba'd

femmes, pour exciter les malfaiteurs à faire lorl

/?/er Neh-u a'â-tâ dâà-tû-iv m met

à leur Seigneur. H a été mis en présence des

âerii âàïâ n ta a's-t s-met-ii u'â-u s-met grands magistrats du lieu des jugements. Ils jugèrent

nàïw hotàûï au-u qem-tâ-w m âz'àï

ses abominations ; ils l'ont trouvé en culpabilité ,

aû-VL dâà-t doma'â-nw tàîw sebài-t. (et) ils lui firent appliquer son châtiment.

IV^ U. X'eru âà Pà-a'na'ûk unû m mur

Le grand criminel Pa-anaouk, étant intendant

sâten- a'p-t-u{^) n per-x'en-t-u h'er s'enisu du gynécée royal au harem, en service.

A'N-TÛ-w h*er a'r-t a'-a'rû-w ûâ a'rmââ Pàïbàka'- Amené pour le fait d'avoir fait un avec Paï-baka-

Kàmen Mesdï-sû-râ r a'r-t seba'û

Kamen(IV, 2) et Mesdi-sou-râ (IV, 3), pour faire tort

h'er Neb-â a'â-tû dâà-tâ-w m met

à leur Seigneur. Il a été mis en présence des

' On a déjà trouvé celle (jualification appliquée à plusieurs des membres de la commission judiciaire , et on verra plus loin (piVllo est 'lonnéc à plu- sieurs accusés. (Cf. notes philologiques, n" h.)

LE PAPYRUS JUDICUrRE DE TURIN. 247

ûeriî âàïâ ta a's-t s-met. a'û-u s-met

grands magistrats du lieu du jugement. Ils jugèrent

nàî-V) hotàâi a'û-u qem-tû-iv m âz'àï ses abominations; ils l'ont trouvé en culpabilité,

a'â-u dûà-t doma'û-n-w tàï-v) sehàï-t.

(et) ils lui firent appliquer son châtiment.

IV, 5. X'erû âà Pen-dâàââ ûniî m sxUi

Le grand criminel Pen-douaouou , étant scribe

sâten- a'p-t ri per-x'en-l-u h'er s'emsu,

du gynécée royal au harem, en service.

A'N-TÛ-w h'erpà a'r-t a'-a'rû-w ûâ a'rniâ Pàïbàka'- Amené pour le fait d'avoir fait un avec Paï-baka-

Kàmen Mesdï-sâ-râ pàî-kï x'erâ

Kamen (IV, 2) , Mesdï-sou-râ (4,3) et l'autre criminel'

unû m mur sâten-a'pt-u h'ime-t-u per

étant intendant du gynécée royal des femmes du

x'en-t-u r a'r-t âà

harem (cf. IV, 4), pour devenir le plus grand des

dûta'-u (21) a'rmâu-u r a'rt sebàu h'er

réprouvés avec eux, dans le but de faire tort à leur

Neb-â a'u-tu dâà-tu-w m met âerû

Seigneur. 11 a été mis en présence des magistrats

n ta a's-t s met-u a'iiu s-met nàï-w botàûï

du lieu des jugements. Ils jugèrent ses abominations,

a'û-u qem-tû-w m âz'aî a'û-u. dûà-t

ils l'ont trouvé en culpabilité, (et) ils lui firent

doma'ûnw iàî-w sebàî-t. appliquer son châtiment.

' Pa-anaouk (IV, /i ).

. 17

248 AOUT-SEPTEMBRE 1805.

IV, 0. X'eiHÎ âà Pàniwii-m-dûà-A'mon unâ

Le grand criminel Pa-niwoii-m-doua- Amon ' étant

m redâ n per-œ^en-t-ii h'er s'ems-n. A'n-tij-w h'er employé du harem, en service. Amené pour

/m sotem a'-a'rii-w z'od-t-u a'-a'râ ret'u l'audition qu'il fit des discours que firent les hommes

âàâà-â (22) a'rmâii U'ime-t-u per-x'en-t-a conversant avec les femmes du harem, et

a'û-iv tem per h'er r-ro-û a'â-iâ dâà-tu-w

qu'il ne produisit pas contre eux. 1} a été mis en

m met ûerû âàïâ n ta a's-t s met

présence des grands magistrats du lieu du jugement.

«'tt-u s-mei nàî-w hotàâï a'uu qem-tu-w m

Ils jugèrent ses abominations; ils l'ont trouvé en

âz'àï a'û-u dâàt doma'u-n-w tàî-w

culpabilité, (et) ils lui firent appliquer son

sebàï-t. châtiment.

IV, 7. X'eru âà Kàrpûs ânâ m redâ n

Le grand criminel Karpous, étant (employé?) du

per-x'en-t-uh'er s'ems-u A'n-tû-w h'er z'odt-u harem , en service. Amené pour les discours

a'-solem-w a'âw li'àpâ-â (28) a'â-t-â dâà-tu-w m

qu'il entendit (et) qu'il cacha. 11 a été mis en

met âeru n ta a's-t s-met a'â-u présence des magistrats du Heu du jugement. Us l'ont

* Ou Pa-niwu-mâ-Amon ?

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 249

qem- iâiv m âz'àï a'û-u dâà-t doma' Ci-nw

trouvé en culpabilité (et) ils lui firent appliquer

làï-w sebàï't. son châtiment.

IV, 8. X'erâ âà S'â-ni-A'p-t ûmî m redââ n

Le grand criminel S'à-m-Ap-t, étant (employé) du

per-x'en-t-uh'er s'ems-u A'n-tûw h'er z'od-t-a harem, en service. Amené pour les discours

a'-sotem-w a'â-iv h'àpâ-â a'â-tâ dâà-tâ-iv m

qu'il entendit (et) qu'il cacha 11 a été mis en

met lîerâ n ta a's-t s-met a'â-u

présence des magistrats du lieu du jugement. Ils l'ont

qem-tâ-w m âz'àï a'â-u dâà-t domaUi-n-w

trouvé en culpabilité (et) ils lui firent appliquer

iàï-io sebàï-t. son châtiment.

IV, 9. X'erâ âà S'â-m-màà-ner (?) ânâ m redââ

Le grand criminel S'â-m-maa-ner, étant (employé)

n per-œ'en-tï h'er s'ems-u Ai^n-tû-w h'er z'od-t-u du harem , en service. Amené pour les discours

a'-sotem-îv a'â-tv h'àpâ-â a'â-tâ dâà-tâ-w m

qu'il entendit (et) qu'il cacha. 11 a été mis en

met âerâ n ta a's-t s-met a'â-u

présence des magistrats du lieu du jugement. Ils font

qem-tâ-w m âz'àï a'â-u dâà-t doma'â-nw

trouvé en culpabilité (et) ils lui firent appliquer

tàï-iv sebàï-t. son châtiment.

250 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

IV, 10. X'erâ âà Setï-m-per-Z'od-tï ûnâ m redââ

Le grand criminel Séti-ni-per-Thot-ti , étant ( employé )

n pei-x'en-t-a m s'emsii A'n-tû-w h'er z'od-lii du harem, en service. Amené pour les discours

a'-soleni-w a'à-w h'àpâ-u a'â-tâ dâà-tu-w m

(ju'il entendit (et) qu'il cacha. 11 a été mis en

met lierâ n ta a's-t s-mel a'û-a présence des magistrats du lieu du jugement. Ils Tout

qem-tâ-w m az'àï a'û-ix dâà-t doma*u-n-w

trouvé en culpabilité (et) ils lui firent appliquer

tàï-w sebàï-t. son châtiment.

IV, 11. X'erâ âà Selï-m-per-[A']mon ânâ m redââ

Le grand criminel Séti-m-per-[A]mon , étant (employé)

n per-x'en-u h'er s'ems-u A'n-tv-w h'er z'od-t-u du harem, en service. Amené pour les discours

a'-sotem-w a'â-w h'àp\u\-â a'â-iâ dâà-tâ-w m

qu'il entendit (et) qu'il cacha. Il a été mis en

met âejâ n ta a's-t s-met a'àu

présence des magistrats du lieu du jugement. Ils l'ont

qem-tâ-w m âz'àï a'â-u dâà-t doma'ânw

trouvé en culpabilité (et) ils lui firent appliquer

tàhw sebàï-t. son châtimenl.

IV, 12. X'erâ âà lJàr...(?) ânâ m âbâ (?)

Le grand crimhiel Ouar {?), étant (officier?).

A'N-TÛ-w h'er pàsotem a'-a'râ-w z'odtumduà (a4) Amené pour l'audition qu'il lit des discours du

LE PAPYHUS JUDICIAIRE DE TURIN. 251

pùi âà-n-â-t ânâ-w refait (2 5)- n-w a'û-w

majordome ' ; il s'est détourné de lui , (mais) il les

h'àpâ-â a'u-w tem z'od sema'-û (26) a'â-td

cacha (et) il n'en lit pas déclaration. Il a

dâà-tâ-iv m met âerû n ta u's-i

été mis en présence des magistrats du lieu du

s-mel a'û-a qem-tâ-w m âz'àï a'â-u

jugement. Ils l'ont trouvé en culpabilité ( et ) ils lui

dâà-t doma'â-n-w tàï-w sehàî-t. firent appliquer son châtiment.

IV, 13. X'erâ âà As'-h'ebs-t ûnûin x'er-qàh'â['î^) n

Le grand criminel As'-hebs-t, étant valet'' de

Pàï-bàka-Kàmen A'n-tû-w h'er sotem

Paï-baka-Kamen ^ Amené pour l'audition

a'-a'râ-w z'od-t-u m Pàî-hàka'-Kàmen

qu'il ht des discours de Paï-baka-Kamen ;

iinu-w âàûû[2%)- ii-xv a'u-w tem z'od sema'-û il s'entretint avec lui (et) il n'en ht pas déclaration.

a'u-tâ dâà-tâ'W m met ueru n ta a's-t II. a été mis en présence des magistrats du lieu

s-met u'â-a qem-td-w m àz'à du jugement. Us l'ont trouvé en culpabihté (et)

a'A-ii dâà-t doma'd-nw tàï-w sebàï-t. ils lui hrent appliquer son châtiment.

iV, 14. X'eî'â âà Pàlkà ânâ m âbâ[?)

Le grand ciiminel Paika (étranger), étant (officier?)

" Pai-baka-Kamcn (IV, 2). '' Ou serwiteiir. Cf. IV, a.

252 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

sx'à 11 per-ânx' (29) A'n-tû-w h'er

et scribe de la demeure de vie'. Amexé pour

h'ii-tâ-w a'-a'râ-w h'er Pàï-bàka'-Kàmen

son délit qu'il fit à cause de Paï-baka-Kamen ;

a'â-w solem z'od-t-u m dâà-w a'â-w tem z'od il entendit ses discours (et) il n'en fit pas

sema'-û a'â-tâ dâà-tâw m met

révélation. Il a été mis en présence des

âeriî n ta a's-t s -met a'iî-u qem-tû-tv

magistrats du lieu du jugement. Ils l'ont trouvé

m âz'àï aUî-ii dûàt doma'â-n-w tàïtc

en culpabilité (et) Us lui firent appliquer son

sehàï-t. châtiment.

IV, 15. X'em âà Libâ-ïnïnï ânu

Le grand criminel Libou-Inini (étranger), étant

m âbu (^) A'N-TÔ'W h'er h'u-tâ-iv a'a'riî-w (officier?). Amené pour son délit, qu'il fit a

h'er Pàï-bàka'-Kàmen a'â-w sotem z'od-t-ii cause de Paï-baka-Kamen ; il entendit ses discours

m. dûà-iv a'â-w tem z'od sema'-â a'â-tâ dâàtâ-w

(et) il n'en fit pas révélation. Il a été mis

m met âeru. n ta a's-t s met

en présence des magistrats du lieu du jugement.

a'â-a qem-tâ-w m âz'à a'â-u dâà-t

Ils ^ l'ont trouvé en culpabilité, (et) ils lui firent

doma'â-n-w tàï-w sebàï-t. appliquer son rhàtimenl.

* l.a demeure <ie vie ëtail le nom du collège des scril>os.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 253

COLONNE V.

V, 1. Hime-t-a rel'-a sehà n per-œ'en-t-u ûnii Les femmes des gens de la porte du harem , étant

doma'û n reV-ii a'r lîàâà z'od-t-ii

réunies aux hommes ", firent entretien de paroles.

dààï-n-a' (?) (3o) m met lierâ n ta Je (les) ai mises en présence des magistrats du

a's-t s-met a'â-u qem-tâ-u m âz'àï

lieu du jugement. Ils les ont trouvées en culpahilité

a'â-a dûàt doma'â-iîn tàï-iî sehàï-t. (et) ils leur firent appliquer leur châtiment.

se-t 6. 6 femmes.

V, 2. X'erû âà Pàî-a'rï si Lama

Le grand criminel Paï-ari, iils de Lama (étranger),

ûnâ mur per-h'az' A'n-tû-w h'er h'u-tâw étant chargé du trésor. Amené pour son délit

a'-a'râ-w h'er x'erû âà{3i) Pen-h'uï-b'an

qu'il fit à cause du grand criminel Pen-houî-ban '';

a'û-w a'r-tiiâ a'rmâû-w r tehàmiî x'erûï-a r

il fit un avec lui pour pousser les malfaiteurs à

a'r-t seba'â h'er Neh-u. a'Atii dûà-lâ-w m

faire tort à leur Seigneur. Il a été mis en

met ûerii n ta a's-t s-met a'â-u

présence des magistrats du lieu du jugement. Ils l'ont

' Aux accusés.

'' \'oycz les Papyrus Lee et UoUin , et noire chapitre v.

254 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

(lem-tu-w m âz'àï a'â-a duà-t doma'iî n-w

trouvé en culpabilité, (el) ils lui firent appliquer

tàï-îv sebàï-t. son châtiment.

V, 3. X'erâ âà Ba'n-niUùbâ ânâ mli'er-pel[3-2)

Le grand criminel Ban-em-Ouabou ', étant olllcier

jiKiis'ï A'N-TV-w h'er /ià6-< (33) a'-

d'Éthiopie. Amené à cause du message que lui

' a'rû-w tàï-w soni ntï m per-x'en-tï

expédia sa sœur, qui était dans le harem ,

h'eî' s'emsii r z'od (i8) ret'-u

en service, pour (lui) dire : «Excite les hommes à

a'r œ'erâï-u mtâk (3 A) ï r a'r-t seba'n

faire des méfaits, (et) toi, viens pour faire tort

h*er Neh-k a'â-iâ duà-tâ-w m met

à ton Seigneur. » Il a été mis en présence

Qedenderi [?) Bâr-Mâhàr Pà-

de Qedenden (étranger), Bàr-Màhar (étranger), Pa-

a'rû. . . Z'od-tï-rex'-nowre a'â-ii. s-mel-tc n'â-u arou-. (et) Thotti-rex'-nowre. Ils le jugèrent; ils l'ont

<jem-tâ-w m âz'àï a'â-u dâà-i donta'â-n-iv

trouvé en culpabilité, (et) ils lui firent appliquer

tàï-w sebàï-t. son châtiment.

2 J'.UBUIQOE.

V, k. Ret'-u a'nï-t h'cr botàâï h'er

Gens amenés pour leurs abominations el pour lein

' D'après la lecture de M. Chabas, ohe [ùàbi'i] pour le nom de l'Iiùhcs. (Voy- chap. viii, noms propres.)

LE PAPYRUS JUDICIAmE DE TURIN. 255

h'u-â a'-a'r-â h'er Pàïhàka' Kàmen Pàï-

délit , qu'ils firent à cause de Paï-baka-Kamen , Paï-

ii's Peii'tà-âr a'â-tû duà-tû-u m

as (et) Pen-ta-our (cf. V, 7). Ils ont été mis en

met ûerâ n ta a's-t s-met r

présence des magistrats du lieu du jugement pour

s-met-û a'û-u qem-tâ-u ni âz'àï-u a'ii~ii

les juger. Ils les ont trouvés en culpabilité ; ils les

âàh'-â h'er qâhUi-û m ta a's-t s-met placèrent sous leurs mains" dans le lieu du jugement.

a'â-u. mut-un z'es-û a'û bu a'rït

Ils seraient morts eux-mêmes s'il n'avait été fait

z'àï r-ro-u.

exception pour eux. (Ce sont:)

V, 5. X'eru âà Pàï-a's ûnâ m mur-mâsà-u (35).

Le grand criminel Paï-as, étant capitaine d'archers.

X'erâ âà Mes-su-ï ûnâ m sx'à per-

Le grand criminel Mes-sou-ï, étant scribe de la

ânœ', X'erâ âà Pà-râ-Kàmen-w

demeure de vie. Le grand criminel Pa-rà-Kamen-w,

ânâ m h'er-t-âp. X'erâ âà A'ï-rï

étant supérieur chef''. Le grand criminel Aï-ri,

ânâ m mur-âbu Pax't. X'erâ

étant chargé de la libation de Pacht. Le grand

âà Neh-z'eivàâ ânâ m âbâ (?) X'erâ

criminel Ne])-z'ewaou, étant (officier?). Le grand

' Lilt. A leur bras , ils les laissèrent à disposition. '' Titre de dignité (?}.

256 AOUT-SEPTEMBRE 18G5.

âà S'âd-mesz'er ânâ m sx'à per-

criiïiinel S'àd-mesz'er, étant scribe de la double de-

ânœ' Dâd (36) 6.

meure de vie. Total 6.

3* RUBRIQUE.

V, 6. Ret'-ô a'nï-t h'er hotàï-â r a's-t

Gens amenés , pour leurs abominations , au lieu du

s-niet 711 met Qedenden {?) Bâr-

jugement, par-devant Qedenden (?) (étranger), Bàr-

mâhàr a'ra- ... a Z' od-tï-rex' -nowre

mahàr (étranger), Pa-arou-. .ou, Tliotti-rex'-nowre

(Mer-tï-ûs-A'mon) a'âu s-met-û h'er nàî-d (et Merti-ous-Amon"). Ils les jugèrent sur leurs

botà-t (?) a'âu qeni tiî-u m âz'àï-u abominations; ils les ont trouvés en culpabilité, (et)

a'â-u h'er âàh'-â h'er a's-t-tâ-u ils disposèrent d'eux à la place (où) ils étaient.

a'â-ii mut-un z'es-û.

~- Ils moururent eux-mêmes''. (Ce sont:)

V, 7. Pen-ià-âr pùï âii-iu z'od-n-w pàï ran

Pentaour (V, A), ayant été appelé d'un autre nom'.

Ce dernier nom, qui ne figure pas dans la commission judiciaire, csl ajouté au-dessus de la ligne.

'' Les coupables.

° Il est à noter que ce personnage n'est désigné (|ue sous un pseudonyme , et que ce pseudonyme n'est jias précédé , comme te nom des autres accusés , de répithcte flétrissunle de grand criminel. Nous reviendrons sur ce lail cl sur les raisons qui ont pu le motiver.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 257

A'N-TÔ-w h'er h'u-tâ-w a'-a'râîv [her"] . Taïï Amené pour son délit, qu'il fit cause de) Taïï,

lùï-w mu-t m-z'er ûnû-s-t nàiîà (Sy) z'od-t-u sa mère , lorsqu'elle était entretenant des paroles

a'rmâû h'ime-t-u per-x'en-t-u h'er a'r-t

avec les femmes du har«m, dans le but de faire

seha'u h'er Neh-w a'â-tâ dâà-iâ-w m met

tort à son Seigneur^. Il a été mis en présence

âbâ (?) r s-met-w a'û-u qem-tâ-w m

des (officiers?) pour le juger. Ils font trouvé en

âz'àï a'û-u âàh'-w h'er a's-t tâ-w

culpabilité; ils disposèrent de lui à la place (où) il

a'û-w mut-n-w z'es-w. était. Il mourut lui-même.

V,S. X'erû âà Hàn-âten-A'mon ânu m âhâ (?)

Le grand criminel Han-outen-Amon, étant (officier ?).

A'N-TÛ-w h'er botàâï-u n h'ime-t-u

Amené à cause des abominations des femmes du

per-x'en-tuûnû-w m x'enû-ii a'-sotem-w

harem; étant dans leur intérieur, il (les) entendit

a'â-w tem z'od sema'u a'â-tu dûà-tu-w m

(et) il n'en fit pas déclaration. Il a été mis en

met ubu (?) r semet-w a'û-u

présence des (officiers?) pour le juger. Ils l'ont

qem-tû-w m âz'àï a'â-u ûàh'-w h'er a's-t

trouvé en culpabilité; ils disposèrent de lui à la place

tû-w a'û-w mut-n-w z'es-w.

(où) il était. Il mourut lui-même.

' Particule omise.

'' Litt. «Au seigneur de lui.»

258 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

V,9. X'eru âà A'men-s'ââ ûnû mdenû n

Le grand criminel Amen-s'àou, étant (musicien?) du

per x'en-t-u h'er s'evis-a A'n-tjj-w h'er hotàâ harem, en service. Amené pour les abomina-

n h'ime-t'U per-x'en-t-u ûnû-w m

lions des femmes du harem; étant dans

x'enû-û a'-sotemiv a'û-w lem z'od

leur intérieur, il (les) entendit (et) il n'en fit pas

sema'-û a'û-tû dâà-tâ-w m met

déclaration. Il a été mis en présence des

«eu (?) /" s-met-w a'û-u qem-tû-w m

(officiers?) pour le juger. Ils l'ont trouvé en

âz'àï a'â-u ûah'-w h'er a's-t-

culpabilité. Ils disposèrent de lui à la place (où)

iû-w a'â-w mut-w z'es-w.

il était. 11 mourut lui-même.

V, 10. X'erû âà Pàï-a'rïâ ûnû m sx'à sûfen

Le grand criminel Paï-ariou , étant scribe du gynécée

a'p-t {?) per-œ'en-tïp) h'er s'ems-u A'n-tv-w h'er royal au harem, en service. Amené pour

hotàâi n h'imetu per x'en-ta ûnû-w

les abominations des femmes du harem; étant

m x'enû-û a'-soleni-w a'û-w ieni

dans leur intérieur, il (les) entendit (et) il n'en lit

z'od sema'-û a'û-tâ dûà-tû-w m met

pa^ déclaration. 11 a été mis en présence des

ûbû (?) r s-mel-w a'û-u qem-lû-w m

(officiers?) pour le juger. ils l'ont trouvé en

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 259

âz'àï a'û-ii âàh'-w h'er a's-t tâ-w

culpabilité ; ils disposèrent de lui à la place (où) il élait.

a'âw mut-n-w z'es-w. Il mourut lui-même.

COLONNE VI , 4" RUBRIQUE.

VI, 1. Bet'-u a'rï ta un seha'ï-t m sààâ

Gens à qui l'on fit leur châtiment par le supplice '

'wend-â masz'er-û h'er

fa

de leur nez (et) de leurs oreilles, à cause de

x*àâ (38) a'-a'râ-u meter-tï-ii nowrâ (89)

l'abandon ^ qu'ils firent des bons témoignages ;

z'odï-n-A'-ân h'ime-t-u s'em a'â-u

je" leur ai dit : les femmes (étant) parties, qu'ils

peh'-â (4o) m ntï s- t-u a'm

les joignent dans le (lieu) elles sont, (et)

a'û-u a'r â-t (4i) h'eqer-u a'm {/12) a'rmâû

qu'ils y fassent une habitation * de tourments ' avec

-a a'rmâ,u Pàï-a's a'â pàï-â botàï

elles (et) avec Paï-as (V, 4-5), et que leurs abomina-

a'z'à-u. tions leur seraient enlevées. (Ce sont :)

VI, 2. X'erû âà Pàï-b'às-t ânâ m ubu(^) a'râ-n-w Le grand criminel Paï-bast' étant (officier ?). Lui fut fait

La mutilation.

^ L'oubli, la négligence, le manque de prendre en considération.

" C'est le roi qui parle.

^ Un séjour, litt. «une maison.»

' Ou de jeûnes ?

' Membre de la commission judiciaire.

260 AOUT-SEPTEMBRE 1805.

làï sebàï-t a'âlu uàh'-w

le châtiment (et de plus) on a disposé de lui.

a'â-w mat-n-w z'es-w. 11 mourut lui-même.

VI , 3. X'erû âà Mai ânâ m sx'à n a'st

Le grand criminel Mai ', étant scribe de la biblio- s'âu. thèque.

VI , 4. X'erû âà Tàî-nex'lûta' ânâ m âââ n ta

Le grand criminel Taï-nex'tou-ta , étant officier des

VI, 5. X'erâ âà Nànàïu ânâ mh'er-t

Le grand criminel Nanaïou( étranger), étant supé-

s-âs'-t-u (43). rieur des \

5* RUBRIQUE.

VI, 6. Rët'-u ânâ mââ a'rmââ-u a'â-tâ

Ge\s (ou tout homme), étant uni avec eux^ ayant

x'eràâ [lili] m dâàw m z'od-t-uba'nâ z'era'â{lib) été opposition de sa part en paroles fort mauvaises ;

a'â-tâ uàh'-w a'rï-t z'ài

il est disposé de lui, (et) il n'est pas fait d'exception

r-w. pour lui. (C'est :)

* Membre de la commission judiciaire.

^ Exécuteurs ?

' Fonclionnairc des prisons ?

"^ Avec les couiiables.

NOUVELLEïi ET MELAxNGES. 261

VI, 7. X'erâ âà H'ora' ânâ m z'àï-serï n

Le grand criminel Har \ étant porte-ombrelle du

ta âiîâï-t.

corps des àouàï ^.

(La suite au prochain numéro.)

NOUVELLES ET MÉLANGES.

SOCIÉTÉ ASIATIQUE.

PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 14 JUILLET 1865.

La séance est ouverte par M. Garcin de Tassy, en Tab- sence du président.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu; la rédaction en est adoptée.

11 est donné lecture d'une lettre de M. Duruy, ministre de l'instruction publique, qui annonce l'envoi d'une carie des treize départements du Japon , d'où l'on voit la monlagne Foussi-Yama, gravée au Japon.

Est présenté et nommé membre de la Société, M. Hecquart, consul de France à Damas.

Il est procédé au renouvellement de la Commission du Journal. Sont nommés : MM. Garcin de Tassy. Renan. , dulaurier. Régnier. Defrémery.

M. Léon de Rosny communique au Conseil un ouvrage

' Membre de la commission judiciaire. '' Exécuteurs?

VI. iS

202 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

japonais manuscrit, sur la culture du mûrier et réducalion des vers à soie, par Sira Kawa Sabouro, dont il a entrepris la traduction.

OUVRAGES OFFERTS X LA SOCIÉTÉ.

Par le Ministre de l'instruction publique. Une carte du Jiipon, grande feuille gravée, in-folio.

Par la Société. Journal of the Asialic Society of Bengal. Calcutta, V, 186A.

Par M. Sauvaire. Lettre à M. Soret sur des médailles ihoa- loiinides, par M. Sadvairk. (Sans date ni lieu d'impression.)

Par l'auteur. Glohiis cœlestis arabicas qui Dresdae asserva- tur illuslralus a C. Schier. Leipzig, i865.

Par l'auteur. Le Pentafeiique mosaïque, défendu contre les attaques de la critique négative, par Arnaud. Paris, 1 865, in-8°.

PUBLICATIONS DE LA SOCIETE DE M'KITZE NIRDAMIM.

Il y a maintenant près de trois ans que le rédacteur du jour- nal politique et littéraire Hunimacjuid {-ji^Dn le Nouvelliste) qui se publie en bébreu à Lyck, petite ville de la Prusse orientale, annonça son intention de fonder une société qui se cbargerait de l'impression des travaux inédits de la litté- rature juive. M. Silbermann, qui rédige presque à lui seul la partie politique de celte feuille bebdomadaire ', arrivée au- jourd'bui à sa buitièrae année, et qui y déploie un talent in- contestable d'écrivain , voulait ainsi arracher à leur sommeil les ouvrages qui dormaient paisiblement dans les bibliothè- ques publiques et privées; de le nom de M'hitzé Nirdamini

' C'est une œuvre éminemment civilisatrice pour les juifs de la Pologne, de la Russie et de l'Orient, qui apprennent ainsi les nouvelles politiques les plus intiîressantes qu'ils ne liraient pas dans aucune autre langue. Il pa- raît chaque semaine une feuille grand in-/i°, dont les quatre premières pages sont consacrées à la politique et aux faits divers qui peuvent intéresser les israélites; trois autres pages traitent des questions littéraires et scienliûques, et la dernière est remplie d'annonces de toute nature.

NOUVELLES ET MELANGES. 263

(D'^Dn^ '*2J''pD, ceux qui éveillent les assoupis) qu'il donnait à celte Société. Il fallait à M. Silbermann, pour mener cette entreprise à bonne fin, mille souscripteurs, payant une contribution annuelle de deux tbalers (7 fr. 5o cent.), et qui recevraient à ce prix, chaque année, un certain nombre de volumes. Un comité fut formé, composé de sept membres, dont un à Berlin, un à Paris (M. Albert Cohn), deux à Londres, un à Padoue. un à Wilna et un à Lyck, naturellement le savant rédacteur du Hawmaguid lui- même. Grâce à l'activité de ces hommes , le nombre de mille est atteint et même dépassé depuis un an , et il est curieux de parcourir la liste des souscripteurs qui compte des adhérents jusque dans l'ancienne ville des khalifes, à Baghdad \

Nous avons entre les mains les ouvrages de l'année i864i , et nous allons rendre successivement un compte exact de cette première série.

Voici les titres des volumes qui ont paru cette année : Divan, de l\. Jéhuda ha-Lévi, tiré d'un manuscrit de la bi- bliothèque de M. S. D. Luzzatto, professeur du collège rab- binique de Padoue, et publié par ce savant lui-même. 1" li- vraison (16 pagres de préface et 42 feuillets de texte et de notes); ")D"iD ^*J {Et Sôpher, plume du scribe), compo- sition grammaticale de R. David Kamhi, copiée sur un ma- nuscrit de la Bibliothèque impériale de Paris, par M. Béer Goldberg (82 pages) ; D^j1N*3n m31î!?n {Tcschoaholli Hag- gueonim, réponses et décisions des gueonim ou chefs des écoles de Babylone) , publié et annoté par Jacob Musalia, rabbin de Spalatro en Dalmatie [àà feuillets); pril»"' "HD ( Pahad YitzhaJc, crainte d'Isaac) , encyclopédie talmudique et rabbinique, par Isaac ben Samuel Lampronti, de Ferrare; 2 volumes, dont le premier (120 feuillets) renferme une

^ Cette Société marchera sur les traces de son aînée, l'Institution pour le progrès de la littérature israélite {Institut zur Furderuncj der israeliti- sclien Lileratur), fondée, il y a dix ans,, à Leipzig, et à laquelle on doit la publication des travaux de Graetz, de Jost, de I.évy (de Breslau), de Gci- ger, etc. etc. Elle compte plus de trois mille adliérents.

*i04 AOUT-SEPTEMBRE 18G5.

parlie de la letlre j^», el le second ( i oo feuillets) conlient la lettre j.

I. Abou '1-Hassan Jéhuda ben Samuel ha-Lévi, le Castil- lvTn\ était à Tolède en 1080. A peine âgé de quatorze ans , il composa, à Tuccasion de la naissance d'un pelit-fils du fa- meux rabbin Barucli ben Isaac, quelques strophes qui ont été conservées, et qui faisaient bien augurer de sa facilité^. Quel- ques années après, la gloire d'Abou Haroun Mosé ben Jacob ben Esra, qui brillait déjà an premier rang, l'attira, et il lui adressa un petit poëme qui fixa l'atlenlion du poète de Grenade sur les qualités incontestables du jeune Castillan. Mosé répondit par une lettre en vers, dans laquelle il salue et devine tous les dons grands et sérieux de son jeune émule*. C'était le commencement des rapports d'amitié qui ont lié les deux poètes jusqu'à leur mort.

Rien de semblable cependant entre le génie de Mosé et celui de Jéliuda. Le premier avait toutes les qualités et tous les défauts des poètes arabes de son temps; doué d'une véritable inspiration, il se plaisait néanmoins dans tous les artiliccs et tous les tours de force qui étonnent, surtout quand on pense combien est restreint le terrain sur lequel se meut un écrivain hébreu. Mosé se joue de toutes les difficultés avec la dextérité et la .souplesse d'un prestidigita- teur; les rimes les plus difficiles, les tadjnis les plus ardus, lui viennent sans qu'il ait l'air de les avoir recherchés*. Les

' Voyez, sur la vie de R. Jéhuda, entre autres, M. Geif^er, Divan des Casliliers Abou'l-HassanJada ha-Levi (Breslau, i85i), p. 116 et suivantes, sont discutées les opinions de MM. Rappoporl, l.uzzalto et Edelmann. Comparez tSussi .M. Graitz, Gcschichle der Juden , vi , p. i/|oet suiv. (jui lui a consacré uu chapitre particulier de son histoire.

^ Belhulat bat Ychouda , par Luzzatto. (Prague, i<SZ|o), p. 25, et F.flt^l mann, Gu'inzé Oxforl , p. xi (Londres, 56io=i85o).

' Dukes, Moses ben Ksra (Allona, iSSg), p. 98 et suiv.

'* M. Dukes, dans le livre que je viens de citer, a réuni un grand nombre de poésies de Moses ben Esra. Vovcz aussi Kerem Cliemed , vol. IV, année I 8.'^ (Letires de M. Luzzalto), p. (55 et suiv. et p. 80 el suiv. sur son 7nr- schisch (C^C^n ). coll. "('(ion fie i •> i <■ fli>-li<pM's <;r lonuinonl par <I«'<: <rtJ//(iv

NOUVELLES ET MELAvNGES. 205

sujets qui intéressent sa muse sont oncore ceux des Maures: le vin, l'amour, les plaisirs de la jeunesse, et l'idiome sacré doit se plier aux dures exigences d'une poésie qui prend des allures fort libres et quelquefois même licencieuses'. Un amour malheureux tempère, il est vrai, plus lard, cette

Le poëte dit lui-même dans son Traité d'éloquence (fol. 127 v") : \ 0>^i> ^ q

pii? j\ «Uû.Ciuj , jwUJr «Sur celle espèce de iadjnis il existe un re- cueil qui i-enferme plus de 1200 distiques, formés de mots qui cadrent ensemble et qui présentent à la lin des vers des tadjnis. Cet ouvrage est divisé en dix chapitres et traite de divers sujets. Je l'ai composé dans les jours j'étais jeune et sans souci. Cet ouvrage se trouve dans les mains du monde qui l'appelle Anak «collier.» Il paraît donc que ce nom d'anak avait été donné par les lecteurs à cette composition de Mosé ben Esra, que lui-même avait appelée Tarschisch , comme on le voit par les vers qu'il a placés eu tête de son recueil. C'était, du reste, le nom que Salomon beu Gebirol employait aussi pour son poëme didactique de grammaire , qui se trouve en tête du lexique de Salomon Parchon (publié par S. G. Stern ,

Presbourg, iUh). Il y dit, p. xxiii : m:î< in^npi^M^ pj>* rnN")^

m3")J ^'^i? TTlD^* pj2/*3 □; «Je l'ai appelé anafc, parce que j'en fli^att an don aux hommes; puis je l'ai mis comme un collier autour de son cou.» (Il vaudrait mieux Î^TjN^ mpjlMC'* , cf.Deut.xv, iZi, ce qui ne change- rait rien au mètre, qui est évidemment redjz. M. Stern ne s'en est pas aperçu ; autrement il aurait, dès le premier vers, mis l'^xV pow 7X^* ^'^^ poètes juifs se permettaient, en outre, de ne regarder quelquefois le schewa mobile, suivi d'une voyelle , que comme une seule syllabe, comme dans "priNIp- Voyez plus bas, p. 276.) On trouve des extraits d'un troisième anak, recueil de Indjnis de R. Jéhuda Harizi , Guinzé Oxjort, p. A7. M. Pinsker [Likulé Kadmonioth , p. ^^) prétend que le poêle caraïle Mosé Dar'i avait donné à son divan aussi le nom d'anak; mais le vers cité à l'appui de celle opinion ; «Toi qui demandes à connaître l'homme qui a enchâssé dans le collier ['anak) de ce livre le schoham et le jaspe , sache que c'est le travail de la bouche de Mosé ben Abraham le médecin , » ne pi-ouve rien. Nous savons, au con- traire, par M. Pinsker lui-même, que ce divan était nommé: . Lu^^yS

' M. Luzzatto a fourni à M. Geiger [Divan, p. i3/i) un exemple frappant

2C6 AOÛT-SEPTEMBRE 1865.

gaieté Irop vive, et depuis la mort de celle qu'il a passion- nément aimée, un sentiment mélancolique attriste sa nmse et lui inspire des chants religieux qui lui ont valu le surnom de « chantre de prières de contrition \ »

Jéhuda appartient aus>i à son pays et à son époque; il ne dédaigne ni les faux ornements de la poésie arabe, ni l'amour, ni les jeux de son âge^. Mais il est avant tout israélite, et, malgré toute la sérénité de son caractère, sa muse se ressent de la piété qui paraît lui avoir été inspirée par sa première éducation , et qui répondait aux besoins impérieux de son cœur tendre et sensible, et ses poëmes les plus mondains ne dépassent jamais les limites de la conve- nance la plus rigoureuse. 11 puise avant tout ses inspirations aux sources de la Bible, et s'il ne peut pas s'affranchir com- plètement du joug d'une diction et d'une prosodie qui ap- partiennent à un idiome étranger, il s'y soumet tout en pro- lestant, et à mesure qu'il avance dans la vie, il revient da- vantage aux bonnes traditions de la poésie sacrée^.

des choses obscènes que Mi b. E. débitait en vers hébreux. Il cite les ver» suivants, tirés du Divan de ce'^poëte (ms.) qu'il possède :

pi) HD^' K2D3 nt^*nn hi<

qu'il traduit en français : «Quand tu as obtenu un baiser, tu as droit de prétendre à tout le reste.» Les hébraïsants verront facilement que M. Luz- zatto, dans l'intérêt de la décence, a voilé beaucoup.

' Voyez Geiger, Divan, p. 3i et suiv.

■■' Luzzatto, Divan, 16, v. 3; n" yii, v. i5 et 16, 27;n''8Zi, v. i4cl i5 , et passim.

^ Les avantages que présente le langage naturel et libre des Prophètes sur les artifices des poêles arabes ont été exposés par II. Jéhuda ha-Lévi lui- même dans son Khozari , liv. II, S 67- 70, et liv. V, S 16. M. Goldberg nous a donné ces passages en arabe, tels qu'il les a copiés à Oxford , et nous en donnons ici quelques extraits :

LLfc (AJ^ ijyj ^^^)

NOUVELLES ET MÉLANGES. 267

Jéhuda est philosophe et poêle. Le même ••enlimenl tl'un

Dl}< (Jî [^- <vll| ] L^ <^^| ijJl ^11 f l^ls JiiJl CLs'j

Hjj n^ (J-» T\^^ ^n-iip ^-« pp^ ^n ^ mn^ t^r-'N ;j^ nî:;^^

L^Lâ-5 LoL LgÀjsLa-Jj U>=eL^L l^Uu-l ^j iUjLuJL îûosaJL

3f ciJi^->i^^ |u;njfj mDî<Jî^ pi:;Dll n-nnjf «^-^^ c>r»î;f

iL-jL:âel »wo .\Jjci.j ^rx c^^lXîj m j^Lô' ^Uxci^ ^^^[^ j^^^ «owoij^ «cvii^^ n'':^^;^ (>• -îi^j^) ^-^;>j

s 67. «Le roi des Khazars : L'hébreu anrail-il une supëriorilé sur les

208 AOUT-SEPTEMBRE 1805.

doux mysticisme forme le fond de son livre Khozari \ et a j)é- nélré dans ses chants religieux, qui ont eu le rare privilège

autres îangucs, cjui, d'après ce que nous voyons avec évidence, sont plus parfaites et plus riches?

§ 68. « Le docteur : L'hébreu a subi le sort de ceux qui en étaient chargés ; il s'est affaibli à la suite de leur faiblesse, il s'est appauvri lors de leur dé- cadence. Par sa nature, cependant, cet idiome est le plus noble, soit qu'on consulte la tradition, soit qu'on le juge d'après le raisonnement. Selon la tradition , Dieu s'est révélé dans cette langue à Adam et Eve , qui eux-mêmes la parlaient, comme on le reconnaît en dérivant Adam d'adamnh (terre), ischah (femme) de isch (homme), Hava (Eve) de hayy (vivant), Kaïn de kaniihi (j'ai acquis), Seth de schath (il a remplacé), Noah dti yenahmcnoii (il nous consolera) ; la Thora en témoigne, et la nation entière la rapporte a Eber, puis à Noé, puis à Adam; elle porte le nom dliébraïcjue , parce que Eber la conservait à l'époque de la dispersion et de la confusion du langage. Abraham , à Lr-kasdim , se servait du syriaque , qui est la langue des Kasdim ; l'hébreu était sa langue réservée, la langue sacrée, et le syriaque sa langue profane. Ismaël l'emportait aussi chez les Arabes de race pure. De la la ressemblance que ces trois idiomes, savoir: le syriaque, l'arabe et l'hébreu , ont conservée pour leurs dénominations, leur construction et leurs conjugai- sons. On constate aussi cette supériorité par le raisonnement, en considé- rant le besoin du peuple qui se servait de l'hébreu dans sa conversation, et en pensant surtout à la prophétie, si répandue dans cette nation, à ce que réclamaient les remontrances, les chants et les cantiques, et a leurs rois , tels que Moïse, Josué , David et 8alomon. Se peut-il que , ayant besoin de désigner une chose, l'expression leur manquât, comme cela nous arrive aujourd'hui, parce que la langue est perdue.^ Regarde seulement la perfec- tion et la belle ordonnance dans la description que la Thora fait du taber- nacle, de l'éphod, du pectoral et d'autres objets, il fallait des mots rares. Il en est de même pour les noms des peuples, des espèces d'oiseaux et de pierres, pour le langage employé dans les Psaumes de David, les plaintes de Job et ses discussions avec ses amis, dans les remontrances, les pro- messes et les menaces d'isaïe , etc.» Le docteur continue à énumérer les avantages d'un rhylhme libre, qui ne néglige point l'accent particulier de chaque mot, sur la prosodie artificielle le Ion est nécessairement sacrilié au mètre, et la composition matérielle de la syllabe détermine sa valeur dans la phrase. Nous aurons ailleurs l'occasion de revenir à ces paragraphes , ((ui ont reçu des éclaircissements notables par la communication de M. Pins- ker [Likule Kadmoniolh , p. ÎOjctsuiv.). Nous nousborneronsàciter ici encore quelques lignes (jue le traducteur hébreu nous [tarait avoir mal comprises; elles sont tirées du S 78, nous lisons dans l'original les mots suivants :

NOUVELLES ET MÉLANGES. 209

de se répandre dans les rituels des synagogues de tous les pays \ La vérité, selon lui, n'est pas au bout des conclu- sions trompeuses et des jugements fallacieux de la raison : l'Israélite, qui a reçu la mission spéciale de la chercher, la rencontre en s'appuyant sur des faits historiques, attestés par une tradition non interrompue, en méditant sur les besoins infaillibles de son cœur prédestiné, en sanctifiant sa vie par les pratiques religieuses, en se plaçant dans un milieu plein de souvenirs qui peuvent réagir sur ses pensées, et en s'élevant ainsi par degrés presque jusqu'à l'inspiration prophétique. Pour Jéhuda , Lsraël est comme le cœur des nations , la langue sainle comme le cœur de tous les idiomes, la terre promise comme le cœur de tous les pays, et Jérusalem le cœur de la Palestine. Vers Jérusalem doivent donc tendre tous les ef- forts, tous les désirs, toutes les aspirations; vivre loin de la cité sainte, c'est subir l'exil le plus dur, le châtiment le plus terrible. Aussi notre poëte est-il rempli d'un seul vœu, celui de voir Jérusalem et de se prosterner en face des

Dn^U^i^D M12b^^ U^^}'2 m^n^V Jélmda ben Tibban traduit les mots

ly:^ [3f par DHD D^1Dî!7 JÏ2?D , ce qui ne donne pas. de sens convenable.

Je crois que le verbe ;^ est, comme bien d'autres dans cette littérature

juive-arabe, formé d'un mot hébreu, et a le sens de «faire un ÎTID ou une rime.» Notre auteur veut sans doute dire : «Nous avons assez de latitude en suivant la voie du Piut (composition destinée à entrer dans le Rituel) , qui ne gâte pas le langage quand on se sert de la rime ; mais en allant jusqu'à la composition métrique, nous avons éprouvé le même sort que nos ancêti*es , lorsque (le Psalmiste) dit d'eux : «ils se mêlèrent aux nations et apprirent imiter) leurs actions (Ps. cvi , v. 35).»

On trouve une courte esquisse de cette philosophie religieuse dans le Dictionnaire des sciences philosophiques , III, p. 3Go (article de M. Munk) , dans les Mélanges , du même auteur, p. /i83 , et une exposition plus détaillée dans la WissenschafllicheZeitschriJtfiirjûdische Théologie (Francfort, i835), I, p. 167 et suiv. (article de M. Geiger). La version hébraïque, la seule qui soit publiée, a été traduite en espagnol, en latin et en allemand.

' Geiger, Divan, p. 109. M. Zunz , Die synogogale Poésie des Millel- allcrs , p. 23i.

270 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

ruines du t-aticluaire vénéré, d'en baiser la poussière. «Le lils de Hagar, Vescîave, » le musulman si détesté, ne domi- nait plus dans ces contrées , et Jéhuda espérait vivre et mou- rir en paix et oublié dans un coin du royaume que les croisés venaient de conquérir dans l'Orient. Les poésies qui expri- ment avec tant de chaleur ces aspirations sont certainement les plus belles et se ressentent le plus du souffle divin qui pénétrait Jéhuda. Ce qu'il a rêvé si longtemps, il va le réa- liser, et sur le seuil de lavieille.sse, âgé de presque soixante ans, il abandonne une lille unique, un petit- iils qui porte son nom ' et qu'il chérit entre tous, il quille parents et amis, et se dirige vers Jérusalem. Y est-il arrivé ? A-t-il pu réjouir sa vue de l'aspect de la ville qu'il a célébrée par tant de chants immorlels? On l'ignore. 11 traverse l'Espagne, s'arrête à Cor- doue et à Grenade, s'embarque pour Alexandrie et le Caire, l'enchaîne malgré lui, pendant plusieurs mois, l'hospi- talité empressée de plusieurs hommes distingués parmi ses coreligionnaires que sa réputation avait attirés et qu'il a cé- lébrés en retour, par des vers charmants, presque les der- niers que nous possédions de lui , car nous entendons encore quelques accords de sa harpe retentir de Tyr^, et le silence se fait ; nous perdons toute trace de la vie de notre poëte.

Les poésies de Jéhuda, qui ont été appréciées d'après leur juste valeur par des maîtres tels que Jéhuda Harizi, le fa-

' LuzzaUo, Divan, n" 9,v. ii-i3.

•* On comprend difficilement comment R. Jéhuda, eu allant de l'Egypte a Jérusalem, aurait pu passer par le Yémeu, comme on l'a soutenu. Ce pré- tendu séjour dans le Yémen repose sur le commencement d'une pièce de vers qui a été imprimée dans les Guinzé Oxfort, j). 21, et traduite eu al- lemand par M. Geiger, Divan, p. loA- Le voici (mètre y^) :

ÎÇ'^NS 3Tlî^ ""bap ''TU]

ïùiï eflet, le mol ÎD^n signilie souvent dans l'Iiébrcu de ce temps «le Ycmen;» niais ici il a certainement le sens de «sud,» et le vers doit Hre

NOUVELLES ET MÉLANGES. 271

meux traducteur des Makames de Har]ri\ n'ont été recueil- lies et réunies dans un divan qu'après sa mort. Un certain R. Hayya Haddayyan les a rassemblées le premier. De ce recueil primitif sont nés les trois manuscrits du Divan que nous connaissons maintenant. La bibliothèque Bodléienne possède un volume sous le titre de nilîl'' n^HD [Mahné Je- huda, campde Juda), écrit il y a à peu près deux cents ans , qui renferme ces poésies^. Un second recueil appartient à M. Car- moly à Francfort. Le troisième est celui de M. J. D. Luzzatlo, qui l'a acheté en 1889 d'un juif venant de Tunis, et d'où le savant professeur de Padoue a tiré la première livraison qui vient de paraître. L'exemplaire de M. Luzzatto porte en

traduit : oEn traversant les passages de l'est et du sud, seul, sans parent, comme un veuf.» D'après Mosé ben Esra, dans son Trailè de l'éloquence (fol. 122 r°), ?D^n fie peut être traduit «vent ou pays du sud » qu'à la suite d'une figure, appelée OsLcif, qui consiste, d'après les rhétoriciens arabes, dans la faculté qu'on a de faire seulement uue allusion à ce qu'on veut exprimer et à ce que le sens exige , et à se reposer pour le reste sur le

bon sens du lecteur. Voici ce qu'il dit : c.| û„j[ pyJJ iÇoly»JU | c^^'^îj

pTi nm pDîî nn o-j^ pin •'K31 pDS my L^ iy^

ri2D nD bDN"''! ^lil ^m N1T x-L*J[ ïXs. ^^^ / rD^3

U U^^ ^^s^l^ J^cJ^xl f,^yl\ ^X ptDj ^3'î/tlt i^ pDî: ^yf o^-^ ^^ /^ (J'yf^^^ ^-^U^ o^ ^.<>-^

Les deux versets cités dans ce passage se trouvent Cantique iv, 16, et Isaïe, xLiii , 6.

' Mahberoth, chap. m et xviii. Harizi, après avoir énuméré les diverses ([ualités par lesquelles les poésies peuvent se recommander, finit par dire f|ue Jélmdaha-Lévi les réunit toutes. (Voy. Geisfcr, Divan, 107 etsuiv. 166.)

^ Steinschneidcr.

272 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

tête une préface, écrite en arabe , de Jostié bar Elle lia Lévi ', qui nous dit que la compilation de i\. Ilayya'' a bien servi de base à ce Divan , mais qu'il Ta considérablement augmen- tée ^ en y ajoulant un grand nombre de pièces , qui portaient corame acrostiches les noms de Juda et de Lévi. Josué ne s'est point préoccupé de savoir si ces compositions étaient réellement de notre auteur ou des trois autres poètes qui por- taient également ce nom \ ou bien d'un cinquième encore qui s'appelait Lévi ^ par son prénom et qui avait, par consé- quent, plus de raison qu'Abon'l-Hassan de le mettre en tête de ses strophes ".

Ce Divan est divisé en trois parties. La première renferme toutes les pièces qui observent le mètre et gardent partout les mêmes rimes; elles sont au nombre de li2i , et rangées dans l'ordre alphabétique des rimes comme les recueils des poêles arabes Bohiori, Motanebbi et autres. Ceci facilite sin- gulièrement les recherches des vers isolés qui se rencontrent si souvent, et il est à regretter que le savant éditeur, qui a parfait emeiît apprécié cet avantage, ne l'ait cependant pas conservé. La seconde partie contient les poésies qui suivent un mètre arabe, ou une simple mesure des syllabes, et qui sont rangées par strophes; ce sont des stances qui ont dans l'inlérieur chacune leur rime spéciale, et une rime com- mune pour chaque hn des strophes. De ces poésies, 68 sont tirées du recueil de R. Hayya, et 1-^7 ajoutées par

' Geiger, Divan , p. 168, a donné cette préface, suivie d'une traduction allemande.

'•' D'après Carmoly et Steinschneider, ce N^TI "1 porterait le surnom de >2")2?D'?Î< "^^ Maglirebin ; » il est, du reste, tout a lait inconnu.

* Luzzalto, Bethulat hat Jehouda , p. 16 , dit que Josué avait encore deux autres recueils devant lui, l'un de I\. David ben Maimon, l'autre de Abou Saïd ibn Alkasch,

* Abou Zacariah Jéhuda ben Gavatli , Jéhuda ben Balam et Jéhuda Abbas.

* Lévi ben Allliaban, le dernier grammairien dont Abraham ben Ezra lait mention dans l'introduction j)lacte en tête de son Moznayini.

* Dans la riche collection des manuscrits hébreux appartenant a M. Ho- race Gùnzbourg, et dont M. Senior Sachs publie en ce moment le savant catalogue en hébreu, il se trouve un quatrième exemplaire de ce divan.

NOUVELLES ET MÉLANGES. 273

Josuc bar Elie. La troisième el dernière partie eiilîn est com- posée de poésies tout à fait sans mesure et n'observant que la rime, puis de quelques lettres en prose rimée.Le nombre de ces compositions est de 180. Les trois parties réunies donneraient donc 816 pièces; mais des lacunes qui se trou- vent dans le manuscrit en réduisent le nombre à 6i3. M. Luz- zatto a réuni , en outre , Sa pièces qu'il a trouvées dans des rituels rares, imprimés ou inédits, et il est à espérer que les listes des commencements de toutes les pièces, mises on tête de notre livraison , exciteront l'attention des amateurs de ces poésies, qui s'empresseront sans doute de mettre entre les mains du savant professeur les moyens de com- pléter l'œuvre qu'il a si dignement inaugurée.

Il importe de ne pas confondre ces poésies, appelées néo- hébraïques , avec les pastiches plus ou moins réussis des poètes latins du moyen âge ou des temps modernes. Pour les juifs de l'Orient et de l'Egypte de ce temps la langue sainte n'est pas une langue morte. Les contemporains de R. Jéhuda ba-Lévi la bégayaient presque avant de s'exprimer dans l'idiome de leur pays, et cet idiome même, l'arabe, leur servait singulièrement pour l'intelligence de celui des Ecritures. Les idées qu'ils propageaient dans leurs cantiques étaient celles qui avaient inspiré les prophètes, et ils en étaient tout aussi intimement pénétrés que leurs ancêtres. La forme seule n'est plus la même. Assujettie d'abord, tomme quelques psaumes, à la gène des acrostiches alphabétiques, soumise ensuite, à Babylone surtout, à la rime, la langue sacrifie les derniers restes de son ancienne liberté en enj pruntant finalement aux Arabes le joug d'une prosodie com- plète, et, nous l'avons déjà dit, des hommes inspirés comme Jéhuda ha-Lévi cherchaient à s'en affranchir.

Cette prosodie même est simple; elle est transformée, et très-bien adaptée au génie de la langue hébraïq^ie. Toute syllabe pourvue d'une voyelle, simple ou composée \ est

' Une syllabe simple ou ouverte est une syllabe qui se termine par une

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longue; les scheva mobiles fournissent les brèves. Ainsi les mots n2"13, ÎÛDÇ*p3 ibinient une brève suivie de deux lon- gues (fâofiloûn). Il n'y a que certains scheva mobiles, au milieu des mots , ceux qui se trouvent après des voyelles lon<;ues, qui, pour la nécessité du mètre, peuvent être con- sidérés comme quiescents : p. e. i^DI , "^?"ît2, peuvent être considérés comme des spondées (--), ou des amphimacers (-^-), selon qu'on prend le scheva comme mobile ou quiescenl. Les auteurs hébreux qui ont écrit sur l'art métrique ont laissé de côté la classification arabe, et ont adopté une ter- minologie nouvelle, d'après laquelle on nomme in*' piea un scheva mobile suivi d'une voyelle (iambe, ou "-) et nî^l^n la voyelle seule. Les deux mots hébreux que nous avons cités en premier forment donc un yathecl et une tenouah ; les deux autres, selon les deux modes de les lire, deux tenouoth, ou une tenouah et un yathed. Celte négligence qu'on affectait contre l'ancien système arabe a ses inconvé- nients. Elle est devenue la cause que certains phénomènes delà versification restent inintelligibles. Comment cela sefail- il, par ex. que le numéro 5 de notre Divan présente tantôt (lignes 1 , 2 , 4 et 6) à la fin une ihsnouah, et tantôt (ligues 3 et 5) unyathed? En se conformant à la métrique arabe, on sait que dans le redjz le dernier pied peut être moslafilon ou mostafd. Puis on met quelquefois, très-mal à propos, une voyelle, en vue du mètre, un scheva serait mieux à sa place et parfaitement permis par les altérations qu'admet le pied. Je préfère, par exemple, numéro 22, v. 26, pns à pn3, puisque en redjz la première syllabe du pied peut être longue ou brève.

D'un aulre côté, bien que le scheva mobile fournisse dans ce système les brèves , on ne s'en permet pas moins quelque- voyelle, comme ha; une syllabe composée ou fermée a encore une consonne derrière celle voyelle , comme hal. Celle distinction , si féconde pour l'ex- plication d'un grand nombre de pliénomènes dans les langues sémitiques, a été mise en lumière pour la première fois par M. Ëwald [Krilische Gramma- lik (1er hebr. Sprache , 1827, p. .'17, 81 et passim).

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fois de prendre îe schcva comme faisant partie de la syllabe suivante et de compter le yallied entier comme una seule longue. Voici, enlre autres, une pièce que M. Luzzallo n'a pas su classer, et qui est cependant du mètre khafif ^_^ l__^^l_^_j avec quelques altérations que comporte ce paradigme en arabe :

Le mot ")^K est ici traité comme une seule syllabe; bs au contraire est pris, dans celte pièce comme dans celle nu- méro 7, vers 3, comme une brève V

D'après ces règles de la prosodie hébraïque, les mètres arabes qui présentent des pieds renfermant deux brèves de suite deviennent impossibles, parce que jamais deux scheva mobiles ne peuvent se rencontrer ensemble. Deux desrhylh- mes les plus usités , le A-ami/ et le wafir, seraient donc exclus, s'ils n'avaient pas été transformés; lous les autres se rencon- trent dans la livraison du Divan que nous avons sous les yeux*.

Le manuscrit de M. Luzzalto ne présente point de voyelles; le savant et consciencieux éditeur, qui est lui-

' Au commencement du Divan des Caraïtes de Mosé TinTÏ^Likuté Kadxno- nioth, p. T"D), on lit un vers du mètre hedjez , se terminant par les mots 31î!7T n52 DD^'N*?. Le mot X^ est traité comme une brève.

* R. Saadia ben Denan a composé un petit traité sur la métrique lié- braïque, comparée à la métrique arabe, qui se trouve à la Bibliothèque im- {îériale (ancien fonds hébreu, n" /182). Le titre de ce traité est: p"^2 l^îî^n ^'7pt!/*D2. En voici la substance :

Les poètes hébreux se sont servis de seize vaèlres ou Jleuves (O^DD = )j-^.) '■ le fleuve maggil (;>,ipr> 1?^? = ^^i^f v-^), qui est de deux espèces: a, un paradigme (1p) composé des pieds {D'71P2J) suivants: D'^l:?p 'DD 'DÇ .O'^IIJD D'h^)hv D'^:?1DÇ; h, dans les deux hémistiches manque le pied D'bli^D . Le fleuve des rimes (fTîP? IC^ > y^ y I >-^)» qui est de trois espèces : a, trois pieds D'biîDPD dans les deux hémistiches ;

b, le dernier pied du second hémistiche changé en O'^i^DDD (sans chevn) ;

c, deuxD'^Î^DTO seulement. 3" Le fleuve au cours précipité (IPPPO 10^

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même poêle liébreu , les a ajoutées partout, travail tliflicile el délicat, mais indispensable pour l'intelligence de textes aussi obscurs. Des notes, aussi en hébreu, éclaircissenl les passages qui pourraient laisser des doutes; nous les au- rions désirées quelquefois plus courtes. Malgré rhabilelé incontestable el la science consommée de M. Luzzatto, nous

= «J^^if y^), qui est de trois espèces : a, avec le paradigme D'^i^DrU D'^i^lD D'^i^DPD dans les deux hcmisticlies ; b, le dernier pied des deux hémis tiches remplacé par ;i?D> : c, sans le dernier pied, et le second pied changé en 0':^i'D/?D (--v^--),— 4" Le fleuve long (-jnf)? ")?: = JjjiJf ^), qui est de trois espèces : a, deux fois cbi^^DÇ D'blX'D dans chaque hémis- tiche; h, le dernier pied O'^i^lDD de chaque hémistiche changé en ;1i?D ; c, les quatre D'bli'D du mètre remplacés par des ;i?Dr. Le fleuve étendu (U1CD? lO:) = JayWAjf v^), qui consiste en deux lois O'bi^lD D'bi^DrD pour chaque hémistiche. Le fleuve léger ( ;p? ID^ = ^__^^^Ài>i- y^^ ) , dont le paradigme est D'bui'D Ov^^D^JO 0 v ui'D pour chaque hémistiche. Le fleuve qui se ressemble ( OV^PVZ^ 1?^ = ^ yuJj» ! y^ ) , qui ofl're deux espèces : a, deux fois D^bi^DJ) O'bli^D, et h, deux fois D';ui?D D';"irD dans chaque hémistiche. Le fleuve qui se rapproche (3")p/^PD ID^ ^^ c^sUixif s-^) , qui présente trois espèces : a, quatre 0*bl2?D pour chaque hémistiche; 6, le dernier pied de chacun réduit à bli?D; c, deux foisO*;1i?D 0';i?1D dans les deux hémistiches. L'auteur ajoute : LitX-*^ v^-^' lô-^^ (__^y_XJ ^ fJ,y^JLujja a ce fleuve est usité chez nous et on le varie beaucoup. » ( (^_^:^yj A eut probablement dire : faire subir a un pied de vers des modifi- cations nommées (__9 L^y Voy. de Sacy, Grammaire arabe , II, p. OaS.)— Le fleuve asoucj (pD^DD ")?^ :== 0>'^^ > y^ ) ' ^^"'^ '^ paradigme est : D'^liî^JD D'bi^Di^D, pour chaque moitié de vers. lo" Le fleuve de sable (bip? IOj = J^v^f Y-^)' ^"i ^^^ ^^^ ^^^^ espèces : a, dans chaque hé- mistiche O'b^JID D'blbi^D O'b^biJD [et 6, dan^ chacun des deux premiers pieds seulement]. ii" Le fleuve abondant (C^TIP? lZi2 = ^3 iy I >-^) , qui se présente sous deux formes: a, O'^I^D O'^bi^DrîO D^O^^DrV dans chaque hémistiche , et b, les deux premiers pieds seulement. (On voit que le pied (le ce mètre est une transformation do |Js,_X&Ul/o , impossible en hébreu, la rencontre de deux brèves (|ui devraient êlre présentées par deux

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nous permettrons de lui proposer quelques changements. Numéro 2 , vers 3, nous voudrions : "jnSDN* ^V'Qlpî^ 13*)p"' ,

schevas mobiles est contraire au génie de la langue. Après avoir supprimé la seconde brève, la prosodie hébraïque a prolongé aussi la brève qui com- mence le pied, et il n'est plus resté qu'une brè^e, entourée des deux côtés de deux longues. On a laissé cette brève au commencement du troi- sième pied tronqué.) ï Le fleuve des voyelles (>:?13PD ")?;)), composé de seize syllabes, pourvues de voyelles et formant deux hémistiches de huit syllabes chacun. Les Arabes ne possèdent pas ce mètre; mais les juifs, et surtout les poètes français, s'en servent pour les cantiques rituels ( O'PDliO U")D31 ?3")p 13 1'>">1C' D'7^?'?l ). 1 S" Le fleuve parfait (0*pr? ">D3 = JuoLCJ I ^^) , qui a deux formes : a, trois fois DD^rib^DIO dans chaque hémistiche, et b, ODri^i^D 0'^2?Dr^ ODrlbl^D ( -^--o |

-%j--Kf I - xj dans chaque hémistiche. (Ici , comme en n' 1 1 , le rhythme arabe ^>ÀcLfl./> , qui commence par deux brèves, ne pouvait être con- servé dans sa pureté en hébreu ; on a remplacé la première et la troisième brève par deux longues dans tous les pieds , ou bien , on a changé la se- conde brève en longue pour le premier et le troisième pied , et réuni les deux brèves en une longue ( ylAÀAa»».-« pour .Xc lÂX^ ) pour le second pied. ) 1 Le fleuve étendu ( IICPO ">?>3 = cS? i^-* y^. ) » <iont voici le paradigme : D'bui?D D'>i?1D 0'blbi?D , dans chaque hémistiche. 1 Le fleuve rassemblé (CDlf?DO ")?3 ), dont les deux parties du vers sont, D^bl'ID O'bi^DDÛ, une fois, ou deux fois. On voit que c'est le 5 interverti. i6° Leûeuvemeyouthar ("^DVPP 10^ := ^ yMjJil y-^). qui présente deux formes : a, O'bsJDrD D'^l^i^D 0>^i?DrD , et fc , deux fois D'^i^DP^O et un troi- sième pied DO;PDrD dans chaque hémistiche. Cette dernière forme est , à la vérité , un redjz , avec l'addition , connue dans la prosodie arabe , sous le nom de tarfîl.

Il paraîtrait que cette division jouissait d'une certaine autorité , et était répandue parmi les poètes. Un manuscrit d'Oxford renferme la défense d'un poète que R. Jacob Gabchon (J1C3.1) avait crueUement maltraité et accusé de plagiat envers R. Joseph Haézobi, l'auteur du «Plat d'argent.» Dans ce plaidoyer, on lit ce passage curieux : !:"l."ip? ")?r>X) f)1D D"):?p? ")♦& O 7in ^ptVOKi 6l? i:>->3P 13 IDtt QV)2 311D3 ^l'<V '•^3 W^U bc 1>CD m ")?PPr ")W?D 'iC?. En efiet, le vers cité appartient à la seconde forme du mètre 3 , et la terminologie est employée comme une chose connue et adoptée. M. Neubauer vient de publier le texle de ce petit traité dans un petit recueil d'Anecdota hébraïques, u Francfort-s.-M. i8G5.

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à la place de 'ji?; u puissent (ces vagues) me rapprocher des lieux subliaies de ton autour (cf. 2 Sam. xxiii, 1 , et Osée, XI, 7, Si' est un nom), et écarter de moi le joug (que Fait peser sur moi) l'x\rabe. » Numéro 4, vers 3, le mot nrîDC* me paraîtdevoir étrecliangé en nn^p. Le vers fait allusion au psaume lxxxiv, 4 , le temple est présenté comme un re- fuge des oiseaux qui aiment à y construire leur nid, et aux mots n'7^D )p (Isaïe xvi, 2) , expression qui signifie un nid délaissé. Le vers serait donc à traduire : « Je contemplerais cette demeure délicieuse, ce nid délaissé, d'où les jeunes colombes (Israël) ont été chassées, demeurent les petits du corbeau (de l'Arabe). » Numéro 16, vers 1 1, je maintiendrais TIJN' clans le sens de Job, 11, 1 1 ; Jérémie, xvi, 5, etc. Les sentences du numéro 22 ne me paraissent pas toujours bien comprises. Je traduirais v. 21 : ■]'':''y3 DDn •T'rin bi< yjlDV D"'^*''î^ ^n^Z*^ |D «Ne sois pas sage à tes yeux; car le monde pourrait bien oublier ce qu'en effet tu portes en loi, » en d'autres mots, la vanité te ferait même contester ce que tu possèdes réellement. Dans" le mot "ji^lDS il se trouve une allusion aux Proverbes, x, i^.

Ces poètes nourris également d'arabe et d'hébreu ont quelquefois transporté dans celte dernière langue des coiis- Iructions qui appartiennent à la première. De cette nature est la préposition 3 , placée après les verbes qui désignent un mouvement ( voy. de Sacy , Gramm. arabe j,l, p. ^70) ; "'n ni2j (numéro 4), "^S "iDi?'? (numéro 9) s'expliquent comme des imitations des locutions arabes, telles que «u t_>jbi , «vo j,f, elc.

Nous pourrons être beaucoup plus court sur les n"' 11 à iv.

IL L'ouvrage de R. David Kauihi s'adresse, comme l'in- dique sulïisamment le titre, aux sôferini ou scribes, chargés d'écrire le Penlateuque ou la Bible entière et d'y mettre les points-voyelles et autres signes massorétiqnes (D"'i1p3). Il est divisé en trois chapitres Irailant de l'écriture ', de la ponc

' Le premier chapitre, «jui est Uès-courf , n'esl, a la \érité, que la ci- tation ot l'explication du lamcuK passage du lalnuid , traité Ncdarim ,

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tuation et de l'accenlualion. On y Irouvera à peine un pa- ragraphe qui ne se renconlre pas dans le Mikiilol du même auteur, et ce traité de grammaire étant très-répandu, VEt Sofer a donc peu d'utilité. La copie qui a servi à celle pu- blication est, en oulre, détestable et présente partout des la- cunes. L'éditeur, M. B. Goldberg, si connu par sa grande érudition et sa rare sagacité dans les choses hébraïques, s'est contenté de faire la copie pour la Société, sans indi- quer, au moins par des points, les pages entières qui man- quent et qu'on ne pourra compléter qu'en comparant le Mikhloî. Ainsi, par exemple, pag. 3, 1. ig, une ligne en- tière est tombée entre les mots llD^n et ni'?"'D^'n; pag. 4, 1. 29, les mots îivm IC^X doivent être étonnés de se trouver tranquillement placés l'un à côté de l'autre; il manque entre les deux tout ce qui se lit Mikhlol depuis fol. i55 a, 1. 18, jusqu'à fol. i56 a, 1. \/i (éd. Fûrlh). Des corrections, faites à propos, dans des passages évidemment fautifs, et quelques notes aux rares endroits pour lesquels nous n'avons pas trouvé de suite les passages analogues du Mikhlol, au- raient été indispensables.

m. M. le rabbin de Spalatro a publié un nouveau recueil des décisions et réponses de Gueonim, qui comprend 1 20 nu- méros. Une partie en est déjà imprimée, mais il doit y avoir encore un nombre considérable de Tschubôt dans les biblio-

fol. 37 b. Kamhi confirme la leçon de y")X yiX (Jérémie, xxii, 29), passage (Vmot, répété trois fois, est lu deux fois avec ségol, puis une lois en pause, avec knmetz. La science du lecteur consistait , selon l'avis de notre auteur, que nous partageons, à savoir distinguer les endroits ce mot devait être prononcé érez de ceux il fallait lire àrez, ce que les igno- rants ne savaient pas. Il en est de même des deux autres exemples cités par le Talmud, et qui manquent chez Kamlii, savoir : Q'^Dîi? et D^12iD. Ces deux mots sont très-fréquents, et se rencontrent quelquefois dans le même verset avec palah et kametz, par exemple : Exode, vu, 21; xiv, 3o; Deulé- ronome, iv, 82; encore le A:ô;e ou lecteur instruit seul savait reconnaître les versets il fallait employer l'une ou l'autre des deux voyelles. ( Voyez M. Geigor, Urschrift u. Uehersetziiiujcn der Bibel , 1867, p. aoi et suivantes, (|ui est d'une opinion dilFércnte.)

^9-

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thèques el entre les mains de particuliers. Nous retrouvons en- core ici (pag. 9) le mol r\'>^'Û2 (de Jua-Z = N^'i^îO) pour dire: en arabe, mol que M. Hayya alVeclionne particulièrement el qui se rencontre plusieurs fois à chaque page de son commen- taire sur le sixième ordre de la Mischnah , Séder Taharoth. L'éditeur a eu tort tie renvoyer encore pour l'explication de ce mot à la note 17 de la biographie de W. Nathan, par M. Rappoport \ Ce savant distingué a certainement renoncé depuis longtemps à rinterprétalion insoutenable qu'il avait donnée alors de ce mot. Dans notre passage, R. Hayya a voulu citer la phrase arabe : jo^L .vaX^ou correctement fcN2^L Ui, « il l'a écrit d'une seule plume.»

IV. Cette encyclopédie a déjà élé imprimée jusqu'à la lin de la lettre mim, depuis 1760 jusqu'à 181 3, à Ve- nise. La Bibliothèque impériale de Paris a acheté depuis le manuscrit complet de l'ouvrage, l'autographe de l'au- teur et le seul qui existe. La direction du M'kiizé Nirdâ- mim le publie en deux séries; elle réimprime \^ première portion , et aborde en même temps la dernière partie inédite depuis Noun.

Malgré l'importance incontestable de ces publications, le choix laisse à désirer. Les bibliothèques renferment des tré- sors autrement précieux qui auraient mérité la priorité , el le cri de réveil aurait pu s'adresser à des dormeurs plus dignes d'être ressuscites. Mais il faut tenir compte aux éditeurs des tâtonnements inséparables d'un premier essai. Puis il y a une difficulté que l'augmentalion du nombre des souscripteurs qui, du reste, ne se fera pas attendre, pourra seule résoudre. Les ouvrages qu'on désirerait surtout voir paraître sont ceux d'Aboulwalid, de Tanhoum et de lant d'autres auteurs du moyen âge, qui, écrits en arabe, sont peu accessibles à la plupart des hommes qui souliennent celle œuvre , pas autant en riches Mécènes qu'en studieux connaisseurs de l'hébreu et du langage rabbiniquc. Nous espérons cependant

' Dans le recueil iutilulé : liiccurc hnïUim , 10' année (i8a(j).

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qu'avec le temps , et les moyens pécuniaires de la Société s'étanl accrus, il sera possible d'ajouter annuellement aux œuvres hébraïques quelques-unes composées en arabe el pour lesquelles les éditeurs ne manqueront pas.

J. Derenbodrg.

Poésies de l'Époque des Thang (vu', vm* et ix* siècle de notre ère) traduites du chinois pour la première fois, avec une étude sur l'art poétique en Chine et des notes explicatives par le marquis d'Hervey Saint-Denys, suivies d'un index analytique et d'une table des matières. Paris (Amyot éditeur, 8 , rue de la Paix), 1 862, in-8° (cxii et 288 pages).

Cet ouvragée manquait aux études des orientalistes. La poésie chinoise considérée dans ses éléments, dans sa fac- ture, dans les formes plus ou moins heureuses qu'elle a suc- cessivement revêtues, n'avait pas encore trouvé d'historien. De plus , renfermée dans ses textes accessibles aux seuls ini- tiés, elle restait lettre close pour la masse de nos érudits. M. d'Hervey Saint-Denys a senti la lacune, il a voulu la combler, et, mettant à profit les précieuses collections de nos bibliothèques, il nous a donné avec le talent et le goût qui le distinguent, une élude approfondie sur la poétique du grand empire, et une reproduction fidèle de ses plus élé- gantes compositions. La période desThang, pendant laquelle les cadres poétiques se sont fixés définitivement, a exercé en Chine à peu près la même influence que le siècle de Louis XIV parmi nous. Aussi les écrivains de ce pays ont- ils coutume de dire : «L'arbre de la poésie prit racine au temps du Chi-king, ses bourgeons parurent avec Li-ling et Sou-vou, ses feuilles poussèrent en abondance sous 1 in- fluence des Han et des Ouei, mais il n'était réservé qu'aux Thang de voir ses fleurs et de goûter ses fruits, » Le choix

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de M. d'Hervey Sainl-Denys se trouve ainsi parlaileuiciil justilié par l'opinion môme des nalionanx.

Parmi les productions d'une foule d'auteurs renommés que le savant traducteur nous fait connaître dans son livre, nous mentionnerons spécialement celles des trois plus célè- bres poètes qui illustrèrent ensemble le règne de Ming- Hoang-ti et passèrent une partie de leur existence à la cour de Tchan-ngan comme à un rendez -vous de gloire. Ces hommes qui imprimèrent leur cachet à la poésie classique de l'Empire sont l'illustre Li-Taï-peli , dont le scepticisme mé- lancolique fit école; l'inébranlable Thou-fou, cette fleur de l'élégance, qui dut à sa vertueuse sévérilé comme censeur impérial des années de disgrâce; enfin le médecin Wang- weï, doué d'autant de courage civique qu'il montra d'abné- gation sur les champs de bataille. Ce dernier, en effet, osail improviser des vers en l'honneur de son légitime souverain à la table même du redoutable Ngan-lo-chan , prouvant ainsi à ce rebelle que le poëte est avant tout une conscience in- flexible, diargée de rappeler leurs devoirs aux hommes les plus puissants, et capable de leur faire envisager face à lace la vérité qu'ils voudraient fuir. Ce fut sa manière de ré- pondre à ce Tartare illettré qui avait demandé: « Quel animal ce pouvait être qu'un poëte et à quel usage il pouvait servir. » Il est consolant d'arrêter sa pensée sur de tels caractères, et tout en remerciant M. d'Hervey Saint-Denys de nous avoir donné ces détails, nous ferons remarquer que c'est un trait particulier à la Chine et l'une des conséquences de ses insti- tutions, qu'aux bonnes époques la plupart de ses lettrés ont été aussi remarquables par leur moralité que par leurs la- lents.

Tout sinologue sait qu'avec nos idiomes la traduction lit- térale des vers chinois est le plus souvent impossible. On doit alors se pénétrer vivement des images et du sens que ces vers renferment, en saisir 1 idée principale , l'm/e«//oM , et s'efforcer lVqïï rendre la force el la couleur. A rap|)ui de ce précepte l'auteur nous donne d'exrellcnls excnq4cs. Mais

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à jTkirt la reproduction heureuse des textes et roriginalité de la pensée, toutes les pièces de ce recueil se recommandent encore par les circonstances historiques , les traits de mœurs ou les traditions qui s'y rapportent. Plusieurs d'entre elles présentent des allusions et donnent lieu à des expressions figurées qu'on ne pourrait comprendre sans commentaire. L'auteur s'est attaché à développer tous ces points dans les notes nombreuses qui accompagnent partout sa traduction. Parmi les morceaux les plus remarquables sous ces divers rapports qui intéressent surtout les orientalistes, et pour ne citer que les premiers, nous mentionnerons surtout les sujets suivants : le Brave, le Retour des Beaux jours , la chanson des quatre saisons dont l'héroïne Lo-foh , si populaire en Chine, nous rappelle la moralité des fables de notre première en- fance, et enfin la pièce intitulée : Quand les femmes de Yu- tien cueillaient des fleurs, espèce d'élégie à laquelle se rattache l'histoire singulière de la belle Tchao-kiun, tirée par mé- prise du gynécée impérial pour devenir l'épouse d'un khan tartare, qui plus tard refusera obstinément de rendre ses dé- pouilles mortelles , malgré tous les trésors que le fils du ciel lui offrira en échange.

Pour comprendre comment les Chinois entendent le pa- rallélisme des idées et l'enchaînement des diverses parties de l'oraison \ on peut consulter douze excellents vers inspirés par «un vieil arbre» ainsi qu'une pièce portant le titre de

' Les poètes ont reconnu quatre ou cinq stades oratoires, que M. d'Hervey- Saint-Denys nous expose avec dëtail, mais qui peuvent se réduire, comme toute idée, à trois parties principales, savoir: à l'exorde ou mise en scène, dont le nom ki , signifiant «fendre, ouvrir le titre (delà pièce),» représente très-bien l'objet par une saisissante image; à la conclusion, dont le nom ho «nœud,» rapport qui s'établit , qui se serre, ne rend pas l'effet avec moins de bonheur ; enfin aux parties intermédiaires qui doivent former le passage de la mise en scène au dénoûment. Les Chinois leur ont appliqué les noms de tchun «réponse, développement,» de kincj «perspective, tableau,» de Ichouen «tournant,» et l'on ne sait ce que l'on doit le plus admirer, ou de l'analyse subtile qu'ils ont su faire des différentes parties de l'oraison , ou de la brève et complète définition qu'ils en donnent.

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Souvenir de rantiquité. Ënlin une improvisation faite à l'oc- casion d'un tableau nous révèle un goût délicat de l'art, et l'existence en Chine de grandes écoles de peinture encore aussi inconnues de l'Europe, que l'étaient, il y a peu de temps, les deux écoles de mathématiciens dont nous devons la connaissance à M. Wylie. Je laisse à l'homme de goût, à l'historien, au philologue, le soin d'aprécier le plaisir et l'instruction qu'il pourra recueillir de la lecture attachante de toutes ces compositions, et je passe aux vues, aux consi- dérations que, dans une introduction savante, l'auteur nous a présentées sur l'histoire et }<ur la nature de la poésie chi- noise.

On sait que, des quatres parties dont se compose le Chi- kijig (livre des vers), la première, appelée Koueh-foung (mœurs des royaumes), est une collection de chants populaires com- posés du xii'' au viii' siècle avant J. C. Le ministre de la mu sique, dont les fonctions cessèrent lors du fractionnement de l'empire (en 770), était alors spécialement chargé de re- cueillir ces chants qui nous peignent si bien les mœurs, les besoins , les vœux des populations. Puisant avec bonheur à cette source irréfragable d'informations historiques, M . d'Her- vey Saint-Denys, qui nous traduit, ces chants et qui les com- pare avec ceux d'un autre âge, nous fait assister aux trans- formations successives qu'ont subies l'idée de la divinité et la condition sociale delà femme qui n'en est, suivant nous, qu'une conséquence pratique. Il nous montre cette condi- tion s'abaissant toujours et dégénérant jusqu'à la polygamie à mesure que le sentiment religieux perd de sa force et l'idée philosophique de sa clarté. C'est aussi dans les chants popu- laires, pour le dire en passant, qu'il faudrait rechercher l'origine, sinon les règles, des conditions phonétiques de toute poésie. Ces conditions phonétiques sont ici la rime, l'œil et le ton. Quant aux cadres et aux rliythmes musi- caux, s'ils sont, comme nous le croyons, fondés sur les danses symboliques et sacrées de la haute antiquité, c'est aux plus anciens monuments religieux de la nation qu'il appar-

NOUVELLES ET MELANGES. 285

tient de nous en révéler la clef. Aussi émettrons-nous le vœu que la quatrième partie du Chi-king , laquelle contient des hymnes qui se chantaient en grande pompe durant la célé- bration des sacrifices et pendant qu'on procédait aux funé- railles des empereurs, soit enfm étudiée et traduite à ce point de vue. Nous ne pouvons quitter ce sujet sans signaler une opinion qui donne beaucoup de force à nos conjectures. C'est celle de M. Léon de Rosny qui accumule chaque jour de nouveaux matériaux pour prouver jusqu'à l'évidence que le Chi-king fut primitivement un livre phonétique et musical qu'on letenait de mémoire , et dont Koung-fou-lseu ou ses prédécesseurs, s'il en eut dans celte tentative \ n'ont fait qu'obscurcir le texte en cherchant à le reproduire à l'aide des signes idéographiques. Pour démontrer le caractère pho- nétique de ces anciens livres, M. de Rosny s'occupe d'une traduction du Chi-king dont il corroborera l'exaclitude en s'appuyant sur les travaux nombreux, et jusqu'à présent ignorés, des commentateurs japonais.

Mais hàtons-nous de revenir à l'œuvre de M. d'Hervey Sainl-Denys. Continuant à remonter le cours des siècles et après nous avoir signalé l'impolitique incendie des livres or- donné par Thsin-chi-Hoang-li, il nous cite un nom glorieux, celui de Kiu-youen , auquel on attribue la composition du Li-sao. Ce titre qui signifie « épanchement de tristesse » an- nonce assez le sujet de l'ouvrage et paraissait présager la fin tragique de son auteur; minisire d'un roi de Thsou, n'ayant

^ De près de quatre mille pièces dont se composait le Chi-king, on sait que Koung-fou-tseu n'en conserva que trois cent onze, lesquelles se rédui- sirent enfin à trois cent cinq lorsqu'on entreprit de restaurer ce livre de mémoire après le fatal incendie ordonné par Thsin-chi-Hoang-ti, Sans parler des erreurs possibles lors de cette restauration et qu'on aura celer par la suite , il est à penser que ces pièces d'origines si diverses , traduites d'abord dans l'idiome propre au domaine impérial , furent transcrites en caractères idéographiques bien avant l'époque de Koung-fou-tseu. S'il en est ainsi, les altérations dont nous parlons ne peuvent être attribuées personnellement à ce philosophe, dont nous n'entendons nullement attaquer les intentions ni la gloire. Cependant la suppression que , pour différents motifs , il fit de la plus grande partie des textes , n'est pas moins à regretter pour l'histoire.

286 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

pu par ses conseils sauver son maître, qui fut défait et dé- trôné, Kiu-youen se noya de désespoir. Cet événement se passait vers Ja fin du m* siècle avant notre ère, et telle est en Chine la religion des souvenirs, qu'en 1716 on fêlait encore l'anniversaire de ce généreux suicide.

Sous les rian , qui succédèrent aux Thsin et dont les deux dynasties embrassent un intervalle d'environ quatre siècles (de 202 à-^2 2o), les éludes se réveillèrent de tous côtés. Les poètes Sou-vou et Li-ling marquèrent brillamment le règne de Wou-ti, l'empereur guerrier, et deux écoles nouvelles apparurent : la première, celle du Roueï (adonnée h l'ex- traordinaire), fut le résultat du mélange des doctrines de Lao-lseu et des idées bouddhistes. Elle offre par ses concep- tions et par son style des analogies surprenantes avec notre école romantique moderne. La seconde, semi-historique, semi-descriptive , naquit dans une circonstance qui prouve l'influence souveraine du talent et des traditions en Chine; l'empereur Hiao-ti ayant manifesté l'intention de quitter Lo- yang il tenait sa cour et de donner une autre capitale à son empire, un grand écrivain, Pan-kou, prit la défense de la ville menacée, et il gagna sa cause par un poème archéo- logique et élogieux qui trouva partout des imitateurs.

Après la chute des Han devenus oppresseurs et que ren- versèrent les sociétés secrètes vers l'année 220 de notre ère, survint l'époque du San-koach (des trois royaumes); puis lu Chine, troublée par la guerre, divisée daiîs son territoire, traverse avec peine, et bien qu'avec des alternatives, les siè- cles des six petites dynasties. Durant cette période, notre au- teur constate la dégénérescence de la liitéralure, et nous montre la poésie devenant tour à tour précieuse ou roma- nesque, erotique et épicurienne selon l'impulsion de la cour et le mouvement des mœurs. Apparaissent enfin les Thang, et nous voyons de nouveau l'empire renaître à la puissance et se reposer dans sa gloire. La voix inspiratrice de ses em- pereurs évoque partout le génie littéraire, et bienlôt se pré- sentent en foule les talents qui donneront à la poésie chinoise

NOUVELLES ET MÉLANGES. 287

ia loriiie détinitivc qu'elle devra conserver désormais. Arrivé à ce point de l'ouvrage, il nous faudrait donner l'analyse des règles et les conditions poétiques dont M. d'Hervey Saint-Denys a reconnu l'existence dans toutes les composi- tions de celte époque.

Ce travail curieux et que nous avons fait pour nous-même , si resserré qu'il soit, dépasserait de beaucoup les bornes d'un compte rendu. C'est dans le livre même de M. d'Hervey Saint-Denys qu'il faut voir comment les Chinois satisfont au parallélisme des idées; comment dans une stance de quatre, de huit ou de douze vers ils établissent d'un vers à l'autre la correspondance des mots pleins et des mots vides ; comiuenl les rimes qui sont obligatoires aux vers d'ordre pair, et de plus au vers (inal, doivent sonner toutes dans le même Ion ; comment les vers qui ne riment pas doivent finir dans le ton opposé à la rime qui leur manque; comment enlin il faut qu'il y ait une constante opposition de Ions entre les pieds corres- pondants des deux vers d'un même di.-^tique \ Ce n'est pas tout

' Sous le rapport de la poésie , les tons chinois peuvent se diviser en

deuxdasses : celle du ton phùicj ^JT*. «égal ou fixe;» celle du ton tsii TK

« inégal ou modulé. » Ces classes se subdivisent , la première en deux , et la seconde en trois espèces ou accentuations différentes, qui sont :

le ton chànçj r «élever, monter,» le ton kiâ ZIl. « s'en aller, se perdre , »

et le ton ji yK «rentrer.» Le sens chinois de ces caractères figure par-

i'aitemeut le rôle de chacun de ces tons. M. d'Hervey Saint-Denys a tracé les règles auxquelles donnent lieu toutes ces variétés , et il nous apprend que sous les Thang la rime exigea non-seulement l'accord du son , mais encore Videntité de la classe du ton et de son espèce, c'est-à-dire de l'accent. Nous pensons que cette rigueur nouvelle fut déterminée en partie par les change- ments qu'avait subis la langue dans son ancienne prononciation , prononcia- tion que les Japonais nous ont conservée, ainsi que le démontre M. Léon de Rosny. Un sent de suite que ces tons'el les lois qui les enchaînent étaient d'absolue nécessité pour donner au récit poétique la couleur et le mouve- ment dont il eût été privé par la monotonie 'de la prononciation mandari- nique.

288 AOUT-SEPTEMBRE 1865.

encore; les vers portenl un repos, une césure, qui en marque la cadence, Vœil qui suit celle césure et qui remplace Taccent tonique' de nos langues indo-européennes est toujours l'an iépénuitième monosyllabe; conséquerament à sa place et à son caractère ce doit être un mot plein, et de plus il faul qu'il rime ou alterne de ton avec l'œil des autres vers. Certes aucune poésie au monde ne s'est assujettie à une pareille gène; mais nous croyons aussi que, complète en ses cadres et séparant entre eux pour les opposer plus librement les différents éléments poétiques d'idéalité et de son que nous avons mêlés et confondus dans nos langues, aucune n'esl capable de produire des effets plus immédiats et plus grands. M. d'Hervey Saint-Denys, se fondant sur le monosylla bisme de la langue et sur les nécessités de l'barmonie, sur !e double besoin de satisfaire à la fois l'oreille et l'esprit, nous fait concevoir les motifs des singulières entraves que s'est données, pour se rendre plus attrayante, la muse du céleste empire. Il nous entretient des licences permises, des épi- thètes, de la synonymie, des chevilles, du métier comme de l'art. Il nous initie à tous les secrets de la composition poé- tique , et , l'histoire à la main , il nous fait assister au dévelop pement raisonné de ses règles, à l'éclosion graduelle de son génie.

Charles de Labarthe.

' .\ l'ap{)ui de ce rôle que nous attribuons a Yœil du vers chinois , faisons remarquer que les mêmes éléments poétiques existent, au moins virtuelle- ment, dans toutes les langues, et que les différences qui, sous ce rapport, séparent ces dernières et diversifient leur poésie, ne proviennent que de la .siiperposition ou de l'énergie de certains de ces éléments qui se sont ren- forcés par suite de l'affaiblissement des autres. Aussi, tiuelque étrange que paraisse au premier abord la poésie chinoise, elle pourrait, étant bien com prise, servir, à un certain point de vue, de prototype et de moyen de com- paraison, si l'on entreprenait de faire l'Iiistoire et l'analvse approfondie de la poétique chez les différents peuples.

JOURNAL ASIATIQUE.

OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

GRANDE INSCRIPTION DU PALAIS DE KHORSABAD.

COMMENTAIRE PHILOLOGIQUE.

SUPPLEMENT.

L'adage Dies diem docet, vrai dans toutes les sciences, peut surtout trouver son application dans une branche du savoir humain tout naguère était à découvrir, et la sagacité individuelle, sou- mise à tant de bizarres conditions, à tant de hasards, devra longtemps encore suppléer à la tradition in- terrompue depuis des siècles. Nous nous sommes suffisamment expliqué, dans le commencement de ce commentaire, sur les difficultés que présente le dictionnaire assyrien; il nous sera donc permis de reprendre en sous-œuvre quelques points, peu nombreux en comparaison des questions que nous avons élucidées, et minimes en comparaison des laits acquis à la science. Mais quelque accessoires que puissent paraître ces particularités, ces petites découvertes grammaticales et lexicographiques, elles ne doivent pas être passées sous silence , aussitôt

290 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

qu'on a été assez heureux pour les acquérir; car le maintien de ces erreurs peut en engendrer d'autres, et la constatation de Ja vérité doit nécessairement contribuer à i'éioignement des difficultés encore sub- sistantes.

Les questions de grammaire sont presque entiè- rement résolues. Depuis la publication des Éléments de la Grammaire assyrienne, en 1 860, aucun principe nouveau n'est venu modifier le système; les seuls faits qui méritent d'être signalés sont des preuves confirmatives des bases précédemment établies. Nous suivrons pas à pas les quelques développe- ments que nécessiteront les questions grammaticales.

REMARQUES GRAMMATICALES. LOIS PHONÉTIQUES.

Les lois phonétiques de l'assyrien, compaiées à celles des autres langues sémitiques, sont telles qu'elles ont été présentées dans les paragraphes y h 24 de la Grammaire.

Les premières lignes du tableau du § 8 sont à établir ainsi :

Assyrien. Hébreu. Assyrien. Hébreu.

t^ i^, ^ au lien do ^ ^

C C D D. t/*

Les deux lettres séparées en hébreu t; et e^ ne sont pas encore distinguées en assyrien, ce qui est très-important pour l'histoire do la langue hébraïque elle-même ^ Ainsi nous avons :

' Nous n'avons pas voulu changer clans ce .supplément la tran.s-

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 291

Assyrien

. Hébreu.

Assyrieu.

Hébreu.

TIC*

lit: être plan.

n^2

DDD embaumer

mz'

mt; étendre.

HZ':

i^f^j élever.

nw

□Iè; poser.

}^:

3t*a atteindre.

Vndî:^

'pNDt? gauche.

im

iv:^ dix.

ii2^

ii:i^ haïr.

2m

nt^:? herbe.

f]-)^

?]-)îy brûler.

^iz

1Z;-)D étendre.

it

"iî:; prince, roi ^

pe^D

pt?D tordre.

Quand il y a à la fois D et l!; en hébreu, Tas- syrien a également et D et e/; le premier surtout à Babylone, le second à Ninive; nous citons d^d et thz , D2D et ^22.

11 est bien entendu que la transcription par V ou par V ne préjuge rien sur la prononciation même des Assyriens.

Un autre équivalent composé est celui de u hé- breu, et de îîD assyrien; ainsi nî:î hébreu est en as- syrien Ti2; t:: devient y*i2. Ailleurs, dans les langues sémitiques, la combinaison "AD est anomale.

Un D ne remplace que rarement un p , e^ vice versa, à moins que toute la combinaison ne devienne plus douce ou plus dure; ainsi de'7pn, on a l'équivalent ninivite b^n; de 1D2 : i\>])\ mais ces cas sont rares.

Un autre changement, c'est le remplacement par

rrjptiou que nous avons suivie jusqu'ici; mais le progrès de nos études a rendu nécessaire la suppression du point sur le ^. Cette question se rattache à des études sur la prononciation antique de la langue assyrienne qui seront exposées dans une lettre de M. Oppert à M. Menant.

' Voir la remarque à la ligne i de l'inscription.

2o.

292 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

un n assyrien du n hébreu , arabe, syriaque et éthio- pien; cette substitution mésopotamienne n'est pas sans analogie dans les idiomes de Sem ^ et le com- mentaire en a djéjà rendu compte. Nous citons, par exemple :

Assyrien. Hébreu.

\>ni

]>m loin.

n]>b

npb prendre , trouver.

nns

riDD ouvrir.

□n")

DUl entrailles, miséricorde,

vm

^m nouveau*.

m

m un.

Dans la grande majorité des cas, pourtant, le n des autres langues sémitiques est également représenté en assyrien par un n.

* Nous citerons la langue des Sabéens et le dialecte de Galilëe, l'on ne pouvait distinguer, selon le Thalmud, les lettres N*, i«*,

n, n.

' La forme muddis, dans les titres de Nériglissor et de Nabonid, est le participe paèi de ^ID (non expliqué, E. M. t. If, p. SaS); Indis et luddis, souvent employés dans les formules imprécatoires des fins de textes, sont, l'un le précatif du kal, l'autre le précatifdu paël. L'infinitif du paël se trouve sur la pierre d'Aberdeen ( W. A. I. pi. XLIX, col. III, 1. 23], dans un texte de Sardanapalc VI (coll. ph. 89, a. K, 120); il est uddus. Selon ce que nous avons dit pré- cédemment sur l'art de dégager les racines (voir Journal asiatique, 186 4, t. III, p. 4i2 ), il est évident que, dans cette forme de l'infi- nitif paël, le d ne peut être que la seconde radicale. La racine est donc i:;"n. et les formes sont ^iS, ^IHD, ^inb, C^lH.Le'n 'D sp conjugue comme le 'X D.

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 293

NOMS DÉCLINABLES.

Il n'y a qu'à confirmer, en général, les principes qui régissent le nomen, ou substantif ou adjectif. Les grammairiens futurs , néanmoins , devront insister sur la déclinaison de noms masculins 'n'b, qui confirme également , de la manière la plus irréfragable , le prin- cipe des trois cas en h, a et i; le pluriel est formé en ut, comme le pluriel des adjectifs masculins. (§§ 48, 56, 58, 77.) On déclinera donc :

Singulier.

Pluriel.

^p3, la victime.

np:. xn]?:

^?,^

^W

'r-

^K^V,^

Ainsi se déclinent UN « le père, » ut «le pacte, » U"} («grand.» Les pluriels en n^n et "•- sont moins fréquents pour cette classe de mots.

Le chapitre des suffixes est établi depuis long- temps, et il n'y a que la question des dialectes qui nous conduise à une addition. En effet, dans des formules le suffixe de la y personne au féminin du singulier est quelquefois ^p , au lieu de N^, et con- curremment avec cette forme.

Les formes ]D-, ]d-, ]^-, ]p-, proviennent des suffixes amplifiés ^U-, NU-, uur, KJîÇ^-.

Pronoms. Parmi les pronoms personnels 8 1) , le féminin singulier et le masculin pluriel de la 2^ per- sonne ont été réellement constatés sur les monuments

294 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

(coll. ph. 111, K. 1 /i2 et passim, Prisme de Sardana- pale), et dans les formes que nous avions proposées. La leçon attunu au masculin conduit naturellement à attina au féminin, et nous aurons :

rix, «tu (homme),» ^nx, a tu (femme).»

jriN, i:riK, avons (hommes),» ^riK, î<:nK, «vous (femmes). »

Quant aux autres pronoms, il se pourrait que, contrairement à notre opinion (E. M. t. II, p. i 62 ; G. y4.§ 8 7), mais conformément à celle de M. Hincks, le mot mala K^^D signifiât non pas «qui, ne pas , » mais «tout ce qui,» quelles que soient les raisons que nous puissions encore alléguer en notre faveur.

Noms de nombre. Parmi les nombres, nous cons- tatons la présence du pluriel de un : '•"iriK ^ina [fV. A.L^\, XIX, 1. 81) « les uns, les autres; » puis la forme nn, dans """in , (f un ; » ^in (adverbe), « seul. »

Dans les nombres dérivés, nous avons omis, k côté des formes KC^^ç; 99), celle de v^^.

L'idée de réciprocité est exprimée , en assyrien , comme dans toutes les langues sémitiques, par une métaphore. Comme l'hébreu dit pour «moi-même » la parabole «mon os,» l'arabe «mon âme, mon souffle,» l'assyrien emploie «mon cœur,» '•a'?, ou « mes entrailles, » ""^Dn"! ^

VERBES.

La classification des verbes est aussi complète qu elle peut l'être; mais il resterait à insister davan-

' Nous reviendrons sur ce point h la discussion de la ligne 77.

GRANDE INSCRIPTION DE KUORSABAD. 295

lage sur l'article i i 4, qui parle des formes verbales développées de l'aoriste simple. La crainte de trop sys- tématiser avait empêché l'auteur d'entrer plus avant dans le développement des aoristes apocope, antitlié- ticjae en a, et paragngùjue en amina, qu'on retrouve dans la Grammaire arabe.

Le progrès de nos études a démontré que cette réserve était exagérée, et qu'il faut au moins consa- crer quelques mots à l'aoriste en ma ou ua\ qui paraît avoir donné naissance au ma si obscur, traité au § 2 II il. Nous aurons donc, en conjuguant seule- ment le kal, l'aoriste paragogique sans revenir sur les autres voix :

Singulier. Pluriel.

1 T-\:- T-\:'

2' p. m. NDIDîn XD^nDTn

1 T-\:- T\\:-

2" p. f. ND:nDTn ND^iXI^Tn

3" p. m. KD-)3Î> J^DinDÎ^

3* p. f. XD-IDîn NDiNIDTD

Les foruïes comme ibfmrunamma (Bisoutoun , pas- sim), issunumma, ïoï)t supposer, avec une certitude presque complète, des analogies comme tabhaii- mimma et tabhuranamma.

Toutes ces formes paragogiques, se plaçant à la

' Il rappelle les formes de la poésie hébi-aïquc en ID , comme 1DVDD\ 1D:?b3n, et tant d'autres.

* Les exemples, du reste peu nombreux, semblent donner nt au lieu de notre na; ainsi on dira, à la i" personne du pluriel, nizkur au lieu de nazhir; mais le nn de niuakhir doit être maintenu.

296 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

fin des plirases, se lient avec ce qui suit, de sorte que dans le ma o.u va de la fin, on peut réellement voir une sorte de copule.

Nous devons donc considérer comme vidée, dans le sens négatif, la question du iSp:, nammac en- semble,» dont il a encore été traité dans le com- mentaire. (G. A. § 20 1 ; E. M. t. II, p. 223.)

La paragoge ma, ajoutée aux suffixes, telle que aksadassamma (Inscription, 1. 117), liskanassamma [Caillou (le Michaux, col. iv, l. 18), appartient à la même classe de phénomènes grammaticaux.

Quant aux verbes défectifs , il y a peu de chose à ajouter; les verbes k'd ont presque toujours a à l'aoriste, sauf bDX manger, qui forme bDNV

Précatif. Depuis longtemps nous avions soup- çonné que le précatif ne se bornait pas à la troisième personne, mais quil était, comme les formes ana- logues en arabe et en araméen, seulement formé par faoriste avec le b préposé. M. Hincks avait déjà cru voir une première personne dans les formes b^Jl\ qui devaient être distinguées de la troisième •7^3^. Nous venons de trouver la preuve de cette supposition dans une prière (col. ph. 29, b. K. /i3), on lit anahu lablut^, Dbn'? ^iDiN; ailleurs nous

^ Tout en rendant hommage au mérite éclatant de M. Hincks, nous ne pouvons pas accéder à tous ses principes soi-disant gram- maticaux qui manquent généralement de simplicité, et par cela même de justesse. Dans une note d'un écrit sur la polyphonie, M. Hincks veut bien reconnaître que dans les Eléments de la Gram- maire assyrienne il se trouve plusieurs grands principes qu'il adopte; mais il dit qu'en dehors d'encjirs minnircs qu'il ne signale

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 297

croyons voir la seconde dsLUslûtapparraéa(co\\.ph. 2 1) KD^pnb. Seulement la 3^ personne du féminin a dis- paru et s'est confondue avec la forme du masculin. Le î i 6l\, G. A. est k rectifier dans ce sens.

pas , il y voit des erreurs petnicieuses (sic) qui pervadent tout l'ouvrage. M. Hincks, celte fois, veut bien spécifier nos aberrations, et, après l'avoir écouté, il faut avouer que la terreur qu'inspire son épithète diminue singulièrement. «Tout ce qui a la seconde radicale redou- blée n'est pas un paël , et un paël peut ne pas avoir la seconde radicale redoublée.» Nous n'avons jamais dit le contraire. «Les '^'D bébreux ne deviennent pas , en assyrien , des 'N'D , mais des VD. » Nous sommes fâcbé de persister dans l'impénitence finale; il n'y a pas de 'VD. Aux mots hébraïques lh'\ nibiD, D^\ 2^p\D , correspondent les assyriens aliJ, talidat, asib, musesih , et non pas validf vasib ,'etc. Enfin, en dernier lieu, nous sommes accusé de ne pas distinguer entre les formes de l'aoriste mufadves et permansives. A cette occasion, M. Hincks ne s'explique pas, et nous ne le com- prenons pas; toute la sagacité de nos amis ainsi que notre investi- gation n'ont pu trouver dans les écrits de M. Hincks même le moindre vestige qui pût nous éclairer sur sa découverte.

Espérons, toutefois, que cette découverte sera plus permansive que celle du prétérit assyrien, dont M. Hincks a essayé de donner les terminaisons; ce sont, singulier 1" pers. ku, 2" pers. ka et ki (comparable à l'éthiopien), 3' pers. et at, au pluriel, l'^'pers. nu, 2' pers. tun et tin, 3' pers. u et a. Mentionnons tout d'abord que pour la 2* pers. masc. et fém. du singulier, pour la 1'* et la 2* pers. du pluriel, M. Hincks n'essaye pas même de donner d'exemples. Il est réduit, pour la 3" pers. du pluriel, à produire les pronoms sunii et sina! Pour la 3* pers. du singulier, il subs- titue des participes. Quant à la 1" pers. en ku, voici comme M. Hincks la trouve. 11 allègue anaku «je,» et une forme sarraku «je suis roi.» Quand même on ne devrait pas lire sarralus, on con- viendra que le mot «je» ne prouverait pas l'existence d'un préte'rit verbal. Puis il nous présente une forme usbaku, selon lui la 1" pers. de D21. D'abord, on ne lit jamais ushaku, mais toujours us- bakuni, dans les inscriptions de Sardanapale III, dans la phrase : « Pendant qu'ils me retinrent à Ninive, etc.» Us'bakiini est la 3* pers.

298 OCTOBRE-NOVEMBRE J805.

Formation des voix. L'assimilation du n dans l'ipli- teal et l'ipbtaal (§§ 12S, 1/1 3) a lieu, dans des cas Irès-rares , pour d'autres lettres que les sufïixes. Nous citons, par exemple, ^p^"' pour ^pnb"; (K. à6).

Verbes (juadrilitèrcs. Nous avons déjà remarqué, dans le commentaire, que la Grammaire omet la mention du shaphalel et de Yistaphalel des verbes qua- drilitères; le nombre des voix pour ces verbes s'é- lève donc à six.

Suffixes verbaux. A côté des formes ordinaires, comme it:^"ipr , il faut noter ^îî^*l2r. , et avec le ma pa- ragogique, NÇ^nDr..

Adverbes. La classe des particules offre les plus grandes difficultés pour l'interprète; on peut même dire qu'elle est la partie la plus ardue de toute la grammaire, parce que les langues congénères ne fournissent que peu de points de comparaison, et il n'est accordé qu'à la sagacité du traducteur de se rendre compte de la valeur de ces mots qui donnent la vie à la langue.

Il est possible que 20 i) il ne faille pas lire ^;iï)i< ,

du pluriel de ~pD à l'iphteal avec le suffixe. Sans suffixe, ce serait yussabaku ID^D]", ou mèiwc jasahaku ^D3p^ (G. A. S 128), et con- tracte avec le suffixe [Ihid. § 197) "'jlD3p\ Voilà à quoi se réduit la ï" personne en lui. Et ce seul exemple, si même il était avéré, ne pourrait avoir une grande portée, quand on le compare aux milliers de formes des aoristes fournies par les textes.

La fin des prières de Nabuchodonosor est à modifier dans le sens indiqué. (Voir E. M. 1. II, p. 284, t. I , p. i56.) Le passage se traduira donc :

«Avec ton assistance, ô Mérodach , le sublime , j'ai bâti ce palais. Puissé-je , sans douleur, trôner à Babylonc, y trouver du repos, y

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 299

mais ""DIK « après \)) quoique la première forme trouve bien son équivalent en syriaque; le mot "»pnx a sûrement la signification de «après,» surtout comme préposition.

Il faut rayer NDp (voir plus haut), et ajouter \y, «jusqu'à ce que, » avec la signification de «jamais, » (voir), XDJN «jamais» [unqaam), et puis parmi les prépositions adverbiales : ''pn^ « derrière, après. »

Parmi les conjonctions, il y a dilTcrentes forma- tions effectuées avec ND , telles que KD'^n; « puisque , » NÇnp « tout ce que; » mais il faut rayer kjdn* « aussi, » qui repose sur une interprétation défectueuse.

REMARQUES RELATIVES À L'INSCRIPTION.

Après ces remarques qui se trouvent déjà en partie disséminées à divers endroits du commentaire, nous nous adressons aux points de l'interprétation sur les- quels nous croyons devoir revenir, soit qu'ils soient susceptibles de recevoir un supplément de preuves, soit qu'ils doivent être infirmés par des découvertes survenues depuis la rédaction du commentaire.

Le nom du roi Sargon , composé avec le mot roi, nous force à revenir sur la transcription de ce nom propre, qui aujourd'hui seulementse trouve décidé- ment résolue, et dans le sens même de la substitu- tion de V kt;. [Joarn. asiat i863, t. II, p. AS/i, note.) Nous croyions avoir une preuve directe pour

septupler ma race. Puisse, à cause de moi, mon peuple y dominer jusqu'aux jours les plus reculés! »

' L'incertitude provient de la double prononciation du signe.

300 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

la transcription de èarra\ mais il est probable que ce mot n'est pas identique à celui de « roi. » On se sou- vient que jVI. de Saulcy établit pour la première fois, dans son Mémoire autographié sur les inscriptions des Achéménides, la transcription sarpour la lecture du mot royal dans les légendes des chambranles de Persépolis, quand M. Rawlinson [Beh. p. 3)

le lisait encore melek. Le mot étant ^^J T>-TT<Ti il s'agissait de savoir si le premier signe devait être lu sur ou sar. Nous avons lu le nominatif jusqu'ici sarru, les Anglais ont adopté sarra; ils ont même écrit 5/iarra , ce qui préjuge une question que nous ne saurions résoudre, celle de la prononciation du mot vivant dans la bouche des Assyriens. Pour parler plus scientifiquement, faut-il transcrire ")D ou i^? Une constatation récente que nous avons faite prouve qu'il faut abandonner définitivement 1D.

Nous avons trouvé , dans les plancbes (pi. VI, rf 2) que nous devons à notre ami regretté Loftus, un fragment que nous avons eu le tort de ne pas exami- ner, parce qu'il était trop fruste, et se composait à peine de quelques signes. Cependant ce petit reste de l'épigraphie achéménide de Suse , provenant d'Ar- taxerxès Mnémon , fournit, sealde toas les monuments assyriens connus, le mot wroi» en caractères pho- nétiques simples. Voici ce texte en entier :

Ligne Z^ T S#^ 6==B^^^ V :ëJI

A - na - ku. ^ Ar - lak - sut - su. Ego Arlaxerxes

GRANDE liNSCRIPTlON DE KHORSABAD. 301

Y <I-^K -T[f < ^—

sa ar - ri. raba

rex magnus

Ligne. ^< ^m 4^ ^I ^

sa ai' - ri. kak - ka - ru.

rex lerrae

ïï yT^i<T-ffî<-

habal. sa. * Da - ri - ya - vus. filius Darii.

Ligne 3 V :HIT« ^ :=f <^Ï=

Ar - tak-sat - su . sarru. in. silli.

Aitaxerxes rex in (iilela

^-TTf-^<îfciT

A - hu ur - ma az - da.

Oromazis

Or, dans ce document, le mot de «roi» est écrit sarri, sans équivoque aucune. On pourrait nous op- poser que le monument ne date que d'Artaxerxès Mnémon , donc d'une époque assez récente; mais une preuve provenant de cette époque vaut toujours mieux que l'absence de toute démonstration. D'ail- leurs , les inscriptions babyloniennes de ce règne nous montrent encore, ce qui n'a pas lieu pour l'idiome perse , la langue assyrienne dans toute sa pureté. Nous ajoutons que le fragment nous offre en outre une par- ticularité d'ortbograpbe qui lui est commune avec

302 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

les plus anciennes inscriptions assyriennes; ici seule- ment, dans le nom d'un texte trilingue , nous avons la preuve que Je signe t~r. a la valeur de àr (peut- être âr), et est , d'ordinaire , équivalent à /y^^JT^T ar.

Le nom de Sargon se transcrira donc en carac- tères sémitiques Kj''D-)^ ou î<:^D-n^. La prononcia- tion de ce nom, entendue par des oreilles juives ou grecques, était ou Sargàn ou Sarkean^\ car la leçon p2")D, un oiira^'kBy6{ievov,uesi pas sufïisamment sûre , quand nous pensons que les Massorètes ont sou- vent été obligés de remplacer un i de l'écriture (stid) par un "• de la lecture (''"'p) , ( par exemple iVum. xxvi, 9; Jer. xLvni, /i , et à chaque instant). Le 1 s'est in- troduit dans le nom d'Assuérus D"n:^*nt< , le sy- riaque ne l'a pas, et probablement dans le nom de Sippara n^nuD (voir Rois, 11, ly, 3i). Par toutes ces considérations, il est probable que notre pro- nonciation de Sargon ne repose que sur une erreur d'écriture, et qu'elle élait inconnue aux contempo- rains judaïques du monarque ninivite.

La locution si souvent répétée , mal basa ou mala- basû (ligne y) , se trouve à chaque instant dans les ins- criptions quand on entend insister sur l'importance d'une province , d'un palais, d'un butin. La difficulté réside dans le mot malâ N^D, aussi bien que dans la

' En effet, \v j hébraïque el araméen semble avoir en une pro- nonciation voisine de celle de l'assyrien D. Le 3, dans le nom de Téglathphalasar, le pronve cgaloment , car l'assyrien a anssi un D; el le nom assyrien Mannii-ki-Arhaîl est transcrit dans les inscriptions de Sir Henry Rawlinson par 73")N3 jtD ( liiUngnnl inscriptions, p. 2 1 8).

GRANDE INSCUlPTIOiN DE KHORSABAD. 303

signification de basû -t^n. Nous l'avons interprétée par : «qui n'est pas ti dédaigner. »

MM. Rawlinson et Hincks avaient, en premier lieu , vu dans mald un pronom indéfini « tout ce qui , » et, il faut le dire, quelques passages des inscriptions semblent indiquer cette signification. [Yoir R. Beh. p. g/i.) C'est surtout des inscriptions trilingues [E de Xerxès, 1. 9) que semble se développer l'acception de {(tout ce qui,» et non pas. comme nous l'avons cru, contrairement à fidée de Sir Henry Rawlin-

son, l'idée de «ce qui ne pas. » (E. M. t. Il,

p. 162.) Nous avions cru pouvoir inférei' la nécessité de cette traduction d'un passage de l'inscription de Bisoutoun (1. /i3), oii il est probablement question desMèdes nomades, et on lit les mots :

uliuîu sa Madai mala in bit populiis Mediœ qui non in domo.

Et la traduction médo-scythique semble militer en faveur de cette traduction. (Voir E. M. t. II , p. 2 2 1 .) Néanmoins ici le manque de connaissance de la langue médique ujême pourrait nous faire oppo- ser finterprétation : a populus Mediae quisquis in domo. » Ce passage ne prouve ni pour, ni contre.

Un passage bien souvent répété dans les textes de Sargon [Inscription des Taureaux, Revers des pla- ques et ailleurs, comparez aussi Menant, Revers des plaques, 1. 35) semblerait plus concluant en faveur de la traduction affirmative; on y parle des pays :

304 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

mati mald samsu irli 'a terras quasquas sol aspicit^

Dans ce cas , la version négative serait beaucoup moins à sa place. D'autres passages (par exemple. Caillou de Micliaux , col. iv, 1. 22) sembleraient plu- tôt nous faire pencher pour le sens « qui ne... pas; » et parmi ces locutions, qui ne résolvent rien, se trouve aussi notre mala hasû.

Il semble d'abord acquis que le verbe n^n veut dire « être mauvais , » et qu'il est allié au mot ^'N3 qui, avec ce même sens inhérent aux mots hébreux et araméens, se trouve dans les textes trilingues (par exemple JS. B, 1. 33). Dans le syllabaire K. 46 (publié fî. M. t. II, p. 96), qui contient une liste d'adjectifs assyriens exprimés en regard par des mois touraniens, on lit après tdba y bon:» basa, comme on voit après rahâ « grand, » si 'ir i^ii « petit. » Basa, expression du mot touranien sara, semble signifier (( mauvais. » Tel est le sens résultant des formes ver- bales (par exemple E. 1. H. I. col. n, 1. 20).

A côté du mot touranien sara, ikla rend égale- ment hasû, et le syll. K. 1 99 (coll. ph. 1 58 b.) nous démontre que, dans notre phrase malabasû, c'est le mot ikla qui traduit le sémitique basû. Ce mot ikla

^ La plupart des copies de M. Botta portent à tort saliu, le su et le ir n'étant distingués que par la longueur du clou horizontal infé- rieur-, cette erreur nous avait pendant longtemps caché la vraie si- gnification de ce passage, car satin n'est pas un mot.

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 305

esl retrouvé dans un mot touranien ka ikla, qu'un syllabaire traduit par les deux mots hncjurm i^yp et rugummu Nîp:^ , synonymes dont le sens nous échappe, mais qui, si nous admettons l'explication que nous fournil le dictionnaire arabe , pourraient s'interpré- ter par (( des défauts corporels. »

Nulle part nous ne pourrions retrouver l'idée de «nombre,» que M. Hincks, nous croyons, avait proposée, de sorte que mala basa aurait le sens, très-plausible en lui-même, de « quisquis (sit) nume- rus,» c( en entier, de quelque sorte que cela fût.» D'autres passages ne démontrent pas la possibilité d'un verbe W2 o compter»; et, 1. i3, le verbe ibsu, assez obscur du reste, s'y refuse. Nous avons en de- hors d'autres preuves, par exemple, dans les inscrip- tions des Séleucides, le nom La-basi-Bel, b^2-^p2-i<b u Non sperne Belum , » qui confirme encore l'existence d'un verbe w:i, avec la signification de dédaigner que nous lui avons primitivement reconnue.

Quoique nous ne puissions décider la question, nous avons soumis à nos lecteurs les éléments de la question relative à la phrase intercalaire mala basa, dont le sens , nous le répétons, pourrait parfaitement être ({ dans toute son étendue. »

Ligne i3. Israkanumma est un seul mot.

Ligne i 6. Le groupe idéographique ^^~T J^y se classe , à l'heure qu'il est, encore parmi les questions difficiles.il est sûr qu'il rend taklat n^pn , et. emph. takulti; telle est sa valeur incontestable dans le nom

306 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

de Téglathphalasar. Mais il n'en est pas moins vrai qu'il désigne une espèce d'arme dans le texte de ce roi (par ex. col. v, 1. 58 etpassim) et son emploi, comme équivalent d'arme, ainsi que M. Hincks l'a supposé, semble assuré. 11 se peut donc que, quand parfois nous le lisons au pluriel , nous devions le traduire ainsi sans le prononcer, surtout dans la phrase :

in ISKUêya. usamkit. cum armis meis vici.

Ce dernier groupe est masculin.

Aussi les phrases telles que 1. 20, /iG se prêtent- elles mieux à la dernière interprélation.

Ligne 2 5. Le nom de Sebechus est lu Sabhe; la première lettre est ^ TT't-T- ^^ syllabaire R. 1 10

distingue T— 1*^1 ^^ tl 1^^ ' ^^^ ^^^ textes eux-mêmes confondent, et donne au premier la va- leur desip, au second celle de sap; dans ce cas le nom serait sibhé, ce qui , du reste , ne change rien h la question de l'identité avec le ^^'ID de la Bible.

Ligne 3o. Binti signifie réellement «fille;» un fragment de K. 1 10 ainsi que des textes historiques nouvellement examinés le prouvent.

Ligne 33. Nous transcrivons /T—w^ parlimna, et nous y sommes autorisé par de nombreux pas- sages; mais nous n'oublions pas que la leçon sina et sineti pourrait parfaitement se justifier par le mot i<W « haïr, » de sorte qu'on pourrait l'exprimer par

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 307

N^'Ç^ et jnN*::;.*. Le verbe dd'jd veut dire « se brouiller; » le shaphalel , aspalkit D^b'Dp^ veut donc dire « bix)uil- 1er quelqu'un avec un autre, » Il se construit avec itti ^riN', et la phrase signifie : u II brouilla avec moi Arpad , Simyra , Damas et Samarie. »

Ligne 5o. Le signe /^^, au duel/^^^TT, a bien , en dehors de la valeur de padan et de nir, celle de sep, que nous traduisons par «jambe. » Cette transcription a été publiée par Sir Henry Rawlinson, dans le nouvel écrit sur les inscriptions araméennes, qu'il- nomme partout à tort phéniciennes ; nous la transcrivons par Ç]^^?, et nous l'assimilons à l'hébreu ^yD, qui signifie use bifurquer, se ramifier.» Mais dans le passage, ligne 5o, il faut toujours transcrire niriya, quoique, comme substitution à nir, le mot sep lui-même soit devenu préposition. Nous lisons sepâa (( au-dessous de moi » ( par exemple Lay. pi. XXXVIII , I. 5:/^'.i. /. pi. XXXVII, l.ï5).

. Ligne yS. Le signe unique \ ►fej^l a été trans- crit par kir. Cette valeur semble être applicable i\ un caractère compliqué ainsi fait \ y^^^^ | . D'autre part, le syllabaire K. j lo donne au signe \^TTT la valeur de kir. Un fragment du même texte donne pour < ►wj la valeur de éum ou zam, et

cette prononciation se trouve applicable à un passage de Coll. phot. 2 1,1. 1, le signe figure. Il s'agit de savoir si le signe de la ligne ^3 est une variante de

308 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

< ►f^J ; i' faudrait alors Jire aksiiinma DD^wX u je dé- cidai, » ou DT^N «je retranchai. »

Le signe se trouve encore dans la stèle de 8a nias (col. 1, L 43. fV. A, L pi. XXXII), l'on peut lire également yusamklrva et yusamzavva [EL L H. L col. VIII, 1. 3o); mais nous avons un passage qui semble parler plus directement pour ja5rtm/fir (com- parez le commentaire ad 1. i23).

Dans la ligne -76 se trouve le signe g TTT'^ ^^ > que nous avons laissé en blanc, parce qu'il rend une valeur idéographique. Le caractère indiqué est évidemment un objet du culte, car si nous y subs- tituons X, nous aurons; uJe pris Haldia et Baga- barta, ses dieux, et leur X (au singulier) nombreux.» Depuis la rédaction du commentaire, nous nous sommes souvenu que, dans un syllabaire, nous lisons le signe expliqué par pasisu. ^^p'D. Ce mot pro- vient d'une racine dont d'autres dérivations se voient souvent à la fm des inscriptions, parmi les recom- mandations faites par les rois à leurs successeurs. C'est le terme î:^t:*p'7 ^^D que nous avons parfois traduit par «qu'il nettoie les bas-reliefs. » On pourra croire qu'il faille dire: «qu'il érige des autels.» En tout cas, le sens de «bas-reliefs,» qui ne serait pas en désaccord avec le sens général de la formule,, ne pourrait plus convenir ici; mais toutes les considé- rations semblent concourir à y faire admettre un objet en pierre.

Ligne 77. Le passage relatif à la mort d'Ursa exige une rectification très-importante, et qui prou-

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 309

vera de nouveau, par un exemple frappant, com- bien souvent les vérités les plus simpJes se dérobent longtemps à notre investigation. Il est dit qu'Ursa mourut in katë ramanisa, ce que nous avions traduit, selon un ancien précédent, par in manibas centurio- num suoram, et nous avions fait remarquer que toute cette manière de rendre le sens que nous lui sup- posions était très-embarrassée. Mais rien n'était plus erroné que la traduction de ramani par u soldats,» traduction proposée en premier lieu par M. Rawlin- son dans l'inscription de Bisoutoun, 1. I12 , et suivie par nous-mêmes (E. M. t. II, p. 220).

Or le mot ramani, sur l'étymologie duquel nous reviendrons, veut dire «même;» in kate ramanisa signifie per manus saimeiipsias « de sa propre main. » La pbrase entière se traduit: ((Lorsque Ursa, roi d'Arménie, apprit la cbute de Musasir et l'enlève- ment de Haldia , son dieu , il s'ôta la vie de sa propre main , par l'épée de sa (?) ceinture. »

Or voici les preuves :

Le texte de l'inscription de Bisoutoun, \. l\2, porte : issabta ana Martiya agasû sa in elisun rabû in ramanisana idduhasa. Ce qu'il faut traduire :

(((Les Susiens effrayés) prirent ce Martiya, qui avait été élu cbef, et le tuèrent eux-mêmes )) [in ra- manisana , « d'eux-mêmes »).

Nous avions traduit : (( parmi leurs grands. »

Le perse dit simplement : atâsini avâiana (( et le tuèrent, » et le texte médo-scythique exprime la même idée par irhalpis.

310 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Mais ii y a plus, le récit de la mort de Cambyse cache ce mot, sans que nous nous en soyons aperçus. Le perse porte : Karnbaziya avâmarsiyas amaryatâ : «Cambyse mourut, se tuant lui-même. » Le texte assyrien a :

Kambuziya mituiu ramannisii mïti.

Nous avions, comme M. Rawlinson [R. Beh. p. 63) , séparé ainsi : mita tara mannisa mïti, et admettre une préposition maii qui, bien qu'hé- braïque et arabe, ne se trouve pas ailleurs en assy- rien. 11 faut traduire : \

« Cambyses morte suimet mortuus est. »

Le mot ramani se trouve souvent dans ce sens; nous avons fréquemment la phrase, quand il s'agit de faire d'une ville un dépôt de blé : cr sualu ana ramaniya ashat. urbem illam pro memetijDso cepi,

Assarhaddondit(^.^. /. pi. XLTX,col. iv,l. lo):

kudurru ina kakkadija assi va

tiavam in verticem nieura susluli et

usazbil ^ ramajii{ya).

imposui raihimetipsi.

I--:- .;-^ .- T-l-l-l- \\s

' La forme ramanni se trouve souvent dans les textes plus mo- dernes, par exemple dans ceux de Sardanapale VI.

^ Le mol hébreu et chaldaïque correspondant est '^DD, et nous aurions accejUé la transcription par un D , si la locution des inscrip-

GRANDE INSCRIPTION Dli KHORSABAD. 311

Dans le texte des Taureaux, il est dit qu'Ursa «dans sa peur se tua » in IS.KU, ramanisu, il faut donc traduire : « par sa propre arme. »

Le mot ramani est exprimé par le signe idéogra- phique ^►^-ff— ' ^^^ (p^^ exemple, Lay. pi. XIV, 1. i/i); le syllabaire K. 60, coll. ph. Ii6 a, donne le mot touranien imteo.

Il nous reste encore à expliquer le mot ramani par les langues sémitiques. L'idée «même)) est in- terprétée dans tous les idiomes de la branche de Sem par une idée concrète. Les Juifs emploient le mot 05 W^:^ , et , pour « moi-même , » on dit u mon os ; » les Arabes y substituent «mon souffle, mon âme,» comme les Germains ont formé cette idée de corps , et disent «son corps» pour «lui-même» [selb]. Les Assyriens ont également adopté une locution con- crète qui, pour être un peu plus difficile à classer dans le dictionnaire, n'en est pas moins sûre. /?a- man/, avec le suffixe ranianija, doit se transcrire ^\:pni, et veut dire «mes viscères,» correspondant à Yhé- breu'iDnn; c'est le pluriel de raham, et, comme en hébreu, un pluralis tantura.

On se rappellera, en effet, que la racine on"), mi- sereri, change en assyrien en Dm, comme de pn"), on fait \?ni, de znn : î:;"in. Nous avons lu dans ce texte même Dnn «le pardon.» On devra donc transcrire le m.ot ramani, ""iDn*], moins exactement "'jD'i.

lions zabil kudarriij « portans tiaram » pour «lieutenant,» ne nous forçait pas à rendre la siiHante par un z ou un s, en marne temps qu'elle explique la voix factitive du ))aisage d'Assailiaddon.

312 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Le fait important pour nous, c'est le dégagenienl de la vraie signification de ramani : «même.»

La ligne 78 renferme des mots qui sont toujours une énigme, au point d'obscurcir le sens de la phrase entière. Seulement les mots 5a itti (c'est ainsi qu'il faut lire, au lieu de ki) hullû yiisahsi commencent à sortir de leur obscurité première. Nous traduisons :

eïi Urarli ana pat gimri sa îtii hiiUû Supra Ariiieniam in omni parle qiiam cum nequilia

yusabsi (se. Ursa) nisi asih lihbisa emida rebeliem reddiderat, homines habitantes in illa collocavi

sibittu au sirha.

ad casiigandum eo.s (?) et invigilandum in eos (?).

Dans ia stèie de Samas-Hou (col. I, 1. 4o) on lit avat lialtl yasabsi, avec ia même signification.

De même, les mots de la ligne -79, Tarhalara Miliddai tukanta ihsuh, sont inexpliqués, à cause des deux derniers mots, et surtout du dernier nD*n dont le sens nous échappe encore , ([uoiqu'une racine ainsi composée se trouve en chaldaïque. Nous supposons que sa signification est « chercher. »

La ligne 82, comme la ligne 116, contient le groupe ^^ T^^-y T, qui signifie «arc,» et qui est probablement équivalent au mot kisti ,Vhébi eu D^\>. Le signe anarien se fait en babylonien \^ |t, et se trouve dans les textes des Séleucides; il y est question du dieu de l'arc, qui se trouve sur les mon-

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 313

iiaies à l'effigie de Séleucus. Or les médailles des Séleucides portent un Apollon assis. La forme ba- bylonienne archaïque du signe est ^rf-^ [Inscrip- tion de Londres, col. ii, l. ^S). La valeur syJJabique est han.

Le mot «arc» est féminin, et finit en t. (Prisme de Téglathphalasar, col. vr, 1. 69 et 65.)

Ligne Sli. Balam n'est pas un mot alloph'bne, comme nous fa vions cru, mais un terme parfaitement phonétique, et signifiant a sans, contrairement à. >> Il se rattache à la racine n^D, d'où viennent les mots hébreux bi « non , » ""bs, r)b:i , « sans. » Et comme on dit en hébreu "ib^D, on trouve en assyrien in bala , par exemple dans la phrase relative à Ninip (fV. .4.7. pi. XVII, 1. 3) :

Ilu sa in balusu eshare samie au irsitiv la Deus sine quo orbes cœli et terrae non

reguntur.

Comparez l'inscription de Bélochus et de Sëmi- ramis, L 6. [W, A. L pi. XXXV.)

La phrase qui se retrouve I. 85 et pcissim ; Sa asar salmi idaï la ipparkà, n'a pas reçu d'autre solution. Id est une partie du corps; la locution ana ide akharit (non pas ahata) ittakla, «ils eurent con- fiance aux id d'akharit, » est obscure.

Ligne 87. Sa niha la isû, «dont le nombre n'a pas d'égal. )) Le groupe niba est, malgré les doutes

314 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

que nous avions émis, phonétique. Ce fait est prouvé par 1 ortbograplie incorrecte ni i-hi, et puis par la forme babylonienne la ni-hie. Le mot provient de la racine N3j « dire, annoncer, » et se transcrit : N33 K*?.

Ligne 112. Tout ce qui précède a été mal compris. laman fuit vers Méroë, il croit être à l'abri; mais le roi d'Etbiopie noue des relations avec Sargon, jette le fugitif d'Asdod dans les fers, et l'envoie en Assyrie. Les mots sont à rétablir, 1. 1 1 2 : Jna sissi parzilU ina kasritav parzilli iddisuvva « in vincula ferrea, in catenas ferreas conjecit illum (lamanem). Sissi a du rapport avec l'hébreu y^s (Ex. XXVIII, 36), et kasrit (au lieu de birit) avec lU'p ((lier. ))

Lignes 1 1 2 et suivantes. Les deux expéditions contre Moutallou et les fils de Rita sont posté- rieures à la douzième campagne, puisque, dans ce récit, la capture de Dour-Iakin est mentionnée, 1. 116, comme déjà accomplie. L'histoire de Nibia et d'Ispabara ne se trouve pas dans la grande inscrip- tion dite les Annales; il est à présumer qu'elle forme la quinzième campagne dont Sargon parle au com- mencement de notre texte.

Nous voyons, lignes 1 1 9 et suivantes, le même mot turri écrit par ^.^TZ^^T^ ^ TW' ^* P"^^ par ►^rri TT^T- ^^ premier signe du premier groupe est tar, le premier du second, tnr; c'est une preuve palpable de l'emploi souvent inexact des homéoplwnes , ou signes à prononciation rap- prochée.

GRAxNDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 315

Ligne laS. Le mot uspalkit, shaphel de nD'7D, si- gnifie « faire brouiller quelqu'un » (voy. 1. 3/i). Sar- gon parle de l'alliance de Mërodachbaladan , conclue douze ans avant la défaite, avec Houmbanigas; les Annales mentionnaient ce fait, ainsi qu'on le voit par les fragments qui ont trait à la première cam- pagne. En tout cas, Houmbanigas n'était plus sur le trône, car le njonarque de Susiane régnant à cette époque était Soutrouk-Nakhounti, l'un des succes- seurs immédiats du roi cité. Soutrouk-Nakhounti se nomme lui-même fds de Halloudous.

Ligne 126. La traduction de haramta ramnisa im- huthi ne peut plus subsister, d'après ce que nous avons dit de ramanià la ligne 77. Seulement le pas- sage reste obscur, à cause des mots difticiles karamtu et imkiit.

Ligne 1 28. Le passage traite des fossés entourant la ville de Dour-Iakin , que Mérodachbaladan mit en état de défense. II est dit :

I ^ V tz:yn=z srf^ :^^{^y

que nous avons transcrit: istin barsa yusabni , et tra- duit « unam barsam largam perfici jussit. » Nous nous demandons si nous ne devons pas lire le der- nier signe tiz^ ^~-^T, que coll. ph. 6 a rend par

pil, transcrire ja^ap/)//, ^d:^^, et traduire : unam. barsa profundam fecit. Nous croyons que cette interpréta- tion s'accorde mieux avec les nécessités de la situa-

316 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

lion; en outre, l'idée de ia largeur aurait être

exprimée expressément. .

Le mot barsa est probablement identique au mot t?n3 «genièvre; » le terme désigne aussi aie poids le plus petit. » (Voir la note dans la traduction que M. le duc de Blacas a faite de YHisfoire de la mon- naie romaine de M. Mommsen, t. I, p. 4 i o.)

Lignes 129, 1 3 1 . Zirkat est à lire kulkut; le signe \ ^ zir et kul, s échangeant dans ce mot avec /^^T, san et kal, dans quelques passages des An- nales de Sargon et dans la stèle de Samas-Hou (col. iv, \. Il II). Ce résultat ne modifie en rien le sens du mot , et fétymologie reste tout aussi obscure dans un cas que dans l'autre.

Ligne i3o. Nous avons longuement discuté la phrase parabolique entrent le mot pagar, « ca- davre,» le verbe sarab ou sarap et le mot obscur nabas ou napas. Nous avons interprété ce dernier par « tronc d'arbre » ou par « feuille » tout en disant qu'en chaldaïque dDj signifiait «laine». Peut-être le verbe se rapporte-t-il à la racine p]"12î qui, dans les inscriptions (par exemple L. pi. LXVIII, pi. 1 ), se trouve à côté du pourpre et du bleu, et signifie colorer. Dans ce cas, nous modifions notre pre- mière traduction ainsi : «Les guerriers teignirent par les cadavres les eaux comme de la laine. » Qui ne pense pas alors à Isaïe (I, 18) : yb^DD iD^nx^ DN

Ligne 1 /12. Lisez: sa niba la isù. I idc supra, 1. 87. Ligne i/i/i. (Jkali est le paël de ^ip «assembler.»

GRAiNDE INSCRiPTlON DE KHORSABAD. 317

Nous connaissons le nom Assat-dar-kdli , écrit dans Jes légendes araméennes du Musée britannique bp*iltî?N, ce qui confirme la leçon cunéiforme :

La période astronomique dont le terme est cité, lig. 110 et I /|6 , finit probablement en 708 av. J. C.

Ligne i35. Depuis la rédaction de notre com- mentaire, Sir Henry Rawlinson a donné, dans ses Bilinqual reaclings, une nouvelle valeur incontestable de l'idéogramme T^ ^TTT, qui se transcrit par ekil, et est traduit dans l'araméen par bpn, ce qui, en chaldaïquc, en syriaque, comme en arabe, indique (( un champ, une plaine rocailleuse. » Cette valeur a été corroborée depuis pour nous par un autre glos- saire, où elle se rencontre également. Mais cet équi- valent ne rend nullement illusoire l'identification avec le mot liaran, résultant du passage cité de la grande inscription de Nabucbodonosor, col. 11, 1. -2 1 et suivantes.

Nous croyons que , dans notre passage , l'idéo- gramme a réellement le sens de « champ. »

Si notre collaborateur s'était borné à établir cette valeur, tout le monde lui en saurait gré; mais quand il attaque la valeur du nom de Sargon que nous avons donnée selon le passage du Baril, il dépasse le but. Il veut hien convenir que le passage du Baril est difficile; mais si la traduction qu'il propose n'a pas le désavantage d'être de prime abord invraisem-

318 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

blable, elle froisse les sentiments grammaticaux les

moins développés et les moins susceptibles.

Certes, eMl ou haran, veut dire « plaine, la chose aplanie et le champ,» mais également «la surface aplanie, sur laquelle on écrit.» Sargon dit, selon notre première traduction qu'il faut probablement modifier :

«Je leur ai donné des statuts exempts d'injustice, qui sont contenus dans les commentaires sur la loi contre farbitraire, sur la loi de l'équité et sur la loi de la conduite à suivre. »

Les mots assyriens sont :

Haran la sibù, haran misar, haran asar panasanu.

Sir Henry traduit :

«Le champ pour lequel on ne demande pas de prix, le champ en arrière, le champ en avant. »

11 lit niihar, au lieu de misar, mot écrit ailleurs misari. Le second signe est 5aret hir, il n'est jamais har. Sir Henry Rawlinson a sans doute oublié le mot haranav isartav (/. L. coi. i, 1. 6o) quand il rattache le mlkhar imaginaire à la racine inx. D'ailleurs « der- rière » se dit en assyrien arki et non pas ahar. Nous connaissons le passage de Nabouïmtouk (J^\ A. 1. pi. LXIX, col. II, 1. 5/i), le roi dit «qu'on avait cherché la pierre de fondation d'un temple, à droite et à gauche, par devant et par derrière : » imna sa- mila pani u arki : ■'p^xi ^:d x^nDC^ K:p^

Et qu'est-ce que le champ en arrière et le champ par devant? Sir Henry croit que le roi a donné aux propriétaires des champs qui ne voulaient pas se

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 319

laisser exproprier pour de l'argent, en échange, ou un champ en arrière, ou un champ par devant. Le sens paraît clair; nous soutenons qu'il ne l'est que trop. Il faudrait pour cela, d'abord, lire mikliar au lieu de misar, admettre le mot inconnu mikliar^ don- ner aux mots la sibû X22î i^h , « sine arbilrio , » toute cette exubérante interprétation, admettre plusieurs impossibilités grammaticales, et rayer le mot asar, qui deviendrait inutile et gênant.

On lit les phrases assyriennes suivantes dans les exercices de lecture que le roi de Ninive fait faire à ses sujets dans les tables si précieuses, rédigées en casdo-scythique, avec l'assyrien en regard. Nous ci- tons, d'après M. Rawlinson, qui a eu le mérite de nous les faire connaître :

Tallik tassa ekil nahri.

Ivisli, suslulisti tabuiam alteratani.

Illik issâ ekilka nakru.

Ivit, sustulit labulam tuam alteratam.

Il s'agit évidemment de l'enlèvement d'une borne , telle qu'est le Caillou de Michaux. M. Rawlinson comprend ainsi le passage :

((Tu vas et tu enlèves le champ de l'ennemi. » ((Il va et il enlève ton champ, l'ennemi. » Le savant anglais explique (( enlever, » par (< enle- ver les récoltes!»

Il est pourtant clair pour quiconque est fami- liarisé tant soit peu avec la structure des langues sémitiques , que le mot nakar, qui s'emploie si sou-

320 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

vent en parlant de l'altération des tables, ne peut être qu'un adjectif. Nakru, après ekilka, u ton e/fi7, » ne pourra jamais être autre chose. Puis, pour ad- mettre l'idée de (( champ , » il faut donner à NU;: l'idée de «dévaster (!).»> Or cette racine veut dire «por- ter,)) d'une lance, d'un casque qu'on porte (Nakch. R., Khors.); «élever, » de la couronne qu'on élève sur sa tête (Assarhaddon), de la main qu'on lève au ciel; «enlever, » de la royauté que Gomatès le Mage enlève aux Achéménides. Mais jamais nous n'avons constaté d'autres significations.

Cet idéogramme peut parfaitement désigner une borne , telle que le Caillou de Michaux. Voici ce que nous devions ajouter au sujet de l'idéogramme

Ligne 1 36 se trouve la phrase ramanussun jalirra , que nous sommes maintenant en état d'expliquer avec sûreté. Ramanussun veut dire « eux-mêmes. » De toute la phrase va obtenir une autre accep- tion.

Le sens de la phrase entière, à partir dukallim- sanuti, se trouve modifié.

En effet il paraît évident que nûra peut se rappor- ter à ")i: , arare, et indiquer la récolte d'un champ nouvellement défriché; il provient de la racine qui forme, en hébreu, "i^: et ^^:D. Nous pourrons donc chercher dans ce passage autre chose que ce que nous y avons lu, et rectifier ainsi notre traduction ;

Nûrii i/disnnn sa ullii ynmi nlhiti

Primiliûs camporum .siiorum qui iiide a diebus reniolis

GRANDE INSCRIPTIOIN DE KHORSABAD. 321

ina isiti sati ikimà ramanussun

in possessione Suli (fueraiit), ceperiint sibimetipsisque

yutirru. vindicariinl.

« Ils reprirent le produit de leurs champs défri- chés, qui depuis l'antiquité avaient été dans la pos- session des Suti, et se l'approprièrent, n

Mais cette modification, par les raisons que nous avons données plus haut, n'emporte pas nécessai- rement celle du texte du Baril , ni même celle du Prisme d'Assarhaddon que nous avons cité^

Ligne 1 /n . Nos doutes au sujet de notre traduc- tion de ibbu par « ivoire » sont confirmés ; ibbu veut dire (X pur, sans tache;» ainsi on lit, nikat ibhat « des victimes sans taches. »

Ligne i55. Kiniim anma. Nous avons pris anma comme renfermant l'idée de u dieu » ila. Il paraît néan- moins que anma n'est autre chose qu'une expres- sion allophone de la première personne. Ainsi on Ht ( fV. A. I. col. xvni , 1. 69 ) : in iimi annima a dans ma propre éponymie. » Ainsi la phrase entière signi- fierait : «Secundum decretum meum, in voluntate cordis mei. »

Ligne 1 60. Nous avons prouvé la valeur métal- lique des idéogrammes divins ►►-! w _^^T (Anu), qui se prononce anaku, "|:k, en hébreu « élain, » et ►►— T >-j (A'm/p), qui rend parzilla, bim en chal-

' Nous soumettrons néanmoins tous ces passages à une nouvelle étude plus approfondie, et nous ne manquerons pas de signaler franchement le parti auquel les faits nous forceront de nous arrêter.

322 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

(laïque « fer. » Il est possible que ►►— T ^ >^X [Ha) eût également uue valeur analogue, telle que le plomb ou le mercure, si, ce qui est probable, ce métal était déjà connu des Chaldéens. Néanmoins le passage d'un syllabaire la lumière, nùra, est ex- primée par SIR. G AL, tend à nous faire identifier fidéogramme divin au plomb, qui s'exprime par (( pierre» IS. SIR. GAL. Ao est la lumière intelli- gible. Les idéogrammes désignant « or » et « argent, » commencent par le signe « sublime , )) ce qui tend à en prouver le rapport avec une divinité. C'est de ce fait que paraît procéder le système qui attribue aux sept planètes les sept métaux principaux. Ces idées, pourtant, paraissent être plus récentes, car jusqu'ici rien ne prouve que Ninip désigne la pla- nète de Mars, et Anou celle de Jupiter. Les assimi- lations, d'abord des faits isolés, semblent plus tard avoir été généralisées pour être érigées en système. La ligne 167 répèle la phrase u dans un mois propre, à un jour heureux; » mais finscription ne donne pas, comme le texte des Taureaux et des Ba- rils, les mois du calendrier que Sargon choisit pour accomplir ses différents travaux. Le signe « mois » est connu depuis la publication de l'inscription de Bi- soutoun par M. Rawlinson. Les groupes exprimant les douze mois le sont aussi, et il s'agissait seule- ment de savoir si le premier mois coïncidait avec l'équinoxe du printemps ou avec celui de l'automne. Nous avons toujours , depuis la rédaction du second volume de Y Expédition de Mésopotamie, défendu la

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 323

première de ces deux alternatives, que nous laissait le texte publié à la ligne làà dans le Commentaire, et qui établit que dans le premier mois l'un des équi- noxes a lieu. M, Rawlinson semble être de notre avis; mais il dit que cette opinion a encore besoin d'être prouvée. Nous croyons avoir trouvé la preuve du commencement de l'année dans l'équinoxe vernal dans le texte de l'inscription de Sennachérib , dite/715- cription de Constantinople. Le roi raconte comment, pendant son expédition dans les montagnes d'Elam, il fut obligé parles neiges de rebrousser chemin et de retourner à Ninive. Il dit (1. lii , PV. A. L pi. XLIII) :

Aruli AP. kussa dannu iksudavva sagabtuv

Mense lo"" intempéries immanis irrupit, et tempestas

iaziztuv illik va salgu nahalluv nadbak sadi adura liorrida venit; et nivem vallis parieiis montium vitavi,

utir va ana Assur ashuta murrana.

redii et versus Assyriani direxi passum.

Le Prisme a un passage parallèle (col.iv, 1. 76) :

Arah. UT. HI. rienti^ annu dannu erubavva Mense (Tebet) fragor nubis ingentis intravit et

sagabtuv maadtuv yusaznin A. E. ê sa; A. Ë. ê. tempesla«i magna pluere fecit aquas cœlestes suas; imbres

au saïga nalili nadbak sadé adura ^ etc. el nivem vallium parieiis montium vitavi, etc.

' Rienti est XDDi*") , de Dyi changement de m en n ( G. y4. S 12). L'idéogramme A. E. pourrait être zunuu, qui se trouve réellement

324 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

iNous n'insistons pas sur l'idéogramme du mois dans le Prisme, correspondant à Tebet; dans le texte de Constantinople, c'est clairement le i o^ mois^ F^e groupe qui l'exprime se trouve , de plus , à Bisoutoun , il se substitue au mois perse Anâmaka. Avant môme de connaître le texte assyrien, nous avions placé le mois Anâmaka au mois de décembre [Ins- criptions des Achéniénides , p. 52), guidé seulement par les exigences bistoiiques. Ce mois, correspon- dant au 10*' mois babylonien, tomberait, selon l'un des systèmes, au mois de juin-juillet; selon le nôtre, en décembre-janvier. Les textes cités corroborent cette opinion, car, au mois de juillet, il n'y a pas de neige (saïga, ii:^^ , bébreu :hv) dans les montagnes de l'Elymaïs et de la Susiane.

C'est ainsi que beaucoup de nos idées déjà an- ciennes ont été confirmées, quoique d'aulres aient été résolues contrairement à nos opinions, quel- quefois cependant dans un sens purement négatif, et sans mettre quelque chose à la place de ce qu'on doit éliminer. Nous ignorons ainsi encore la pro- nonciation du mot «cbar» que, »^ la I. 2/1, nous avons dubitativement prononcé rukub. Jusqu'ici cette prononciation nous paraissait probable; mais

dans des passages comme celui-ci , l'idée de tremblement de terre ne paraît pas être admissible. Il faudrait lire alors . . . yusaznin zun- nésa; zunni au salgu, etc. Nous exprimons par ê le signe du pluriel. ^ Depuis que nous avons ëcrit ces lignes nous avons vu une liste des mois signalée par M. Rawlinson, et dont le premier nom est Ni- s'annu, le dernier Addaru. Nous reviendrons sur ce document d'une grande importance.

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 325

un passage de Sardanapale VI, [ff'. AI. pi. 7, E. j. d) s'y oppose. Nous voyons que le «char du roi» est qualifié de rvkab^ sarruiiya , )) le véhicule de ma royauté, 1^ et celte même locution est employée ail- leurs, comme épithète à d'autres idées analogues. Le char ne se dit donc pas rakub. Serait-ce zamam? [Inscr. de Londres , pi. II , 2 2 . )

Nous avons laissé en dehors de nos explications les noms géographiques. Ce sujet extrêmement riche nécessitera des études spéciales, qui seront d'une très-grande hnportance pour l'antiquité asia- tique. Quelquefois nous aurons des rectifications à faire aux lectures proposées; nous signalons celle du pays Gullala, qu'une inscription nouvelle de Téglathphalasar IV nous enjoint de lire Pillatu. On sait que le premier signe du mot comporte les deux lectures; le texte cité écrit le peuple Pi il-la-tu.

Une grande quantité de noms est déjà identifiée à l'heure qu'il est, et peut nous guider pour recons- tituer la carte de l'Asie au viif siècle av. J. C. Parmi les assimilations fausses se trouve, nous croyons, celle de la ville de Pappa qui semble n'être pas Paphos de Chypre, mais la ville de Pappa en Pi- sidie, à moins qu'on ne la croie déjà trop éloignée. Le pays de Tanna (1. 29), Tana et Tuana est, selon nous, Tyane en Cappadoce, la ville natale du cé- lèbre thaumaturge. La ville de Milid est celle qui

' Par vin oubli inexplicable, le catalogue de V Expédition en Mé- sopotamie ne mentionne pas au 34 la valeur hup , qui pourtant est bien sûre.

326 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

a donné le nom à la Mëlitèno, en effet voisine de la Commagène, définitivement identique au Kummukh des inscriptions.

Nous réservons ces remarques, comme d'autres, à nos travaux ultérieurs, et nous nous permettrons ici quelques observations ayant trait à la mythologie.

Ligne i 69. Istarclt « les déesses, «est exprimé tout simplement par l'idéogramme ^W 1<« dans la pierre d'Aberdeen. (JV. A. L pi. XLTX, I. 6.) La prononciation de ►►-! / W est Istar; cela résulte de beaucoup de passages. Quant aux déesses Istar de Ninive et Istar d'Arbèles, qui se montrent si sou- vent dans les textes des derniers Sargonides, nous apprenons par les inscriptions bilingues que la pre- mière s'appelait Assat, et la seconde ArhaïL Ainsi nous trouvons le nom : J^^ ►►-! ^^ ^^àÛ ^""^' Arbaïl-asirat , nn^K-bxyniN*. <i Arbel favet , » ce que la légende araméenne transcrit par nD'73")N.

Paka-ana-A rbaïl.

« Fide Arbelae. » bNV?1î^"î^?'^P?-

La déesse s'écrit ►►-T ^f ►►"Tî ^^ ville, tou- jours avec le déterminatif de ville, ►-fzzJT ^f

Le nom de la déesse Arbel se trouve, selon nous,

^ Sir Henry Rawlinson s'est constamment mépris sur ce fait; il n'a pas su lire le nom Arhaîl-asirat, c[uï\ a lu Arbaïl-hirat (!) , ce qui ne donne aucun sens. Nous regrettons que notre cminent collabora- teur n'ait pas encore soumis à un examen rigoureux les principes fon- damentaux de la lecture, sans lesquels aucune interprétation n'est possible. Il ne suffit pas de remplacer, pour le besoin spécial d'un

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 327

dans le fameux vers d'Osée (x, iZi) : "D^n pbv ^î^'D bxnnN , bxn'iKTi^s indique le temple de la déesse Arbel.

Ligne 187, Asar abu ildni. Assonr, le père des dieux, s'écrit, comme on sait, ►►-T ^, ce que, il y a longtemps, nous avons traduit par «le dieu bon. » Mais ce que nous avons déjà indiqué dubitative- ment (E. M. t. II, p. 336, note 2) s'est confirmé; le nom d'Assour ne signifiait pas autre chose. La lettre ^, abréviation de l'allophone higa «bon,» s'ex- prime, en assyrien, par les racines sémiliques ma et ivti ( n::^"'). Le premier mot des Psaumes , n'JX , pro- vient de la même racine que le nom de la divinité suprême de l'Assyrie. Ainsi l'idéogramme tziTTTT ^ t^^ TT, qui termine le nom de Téglathphala- sar, se compose du signe « demeure, » du signe « bon » [asar], et du complément phonétique ra; il se pro- nonce asar, ou asri au génitif. Cette idée a écarté notre ancienne transcription de ce groupe par nno. Aussi quand M. Rawlinson propose, pour les be- soins de sa cause, la valeur secondaire de zi ou tlii à ^, il est dans l'erreur. Il aurait abandonner, avec les progrès de l'assyriologie, cette fausse idée de la polyphonie multiforme, qui ne résulte que d'une méconnaissance complète^ du caractère idéo- graphique de l'écriture anarienne.

passage ou d'un nom , les valeurs principales par des soi-disant valeurs secondaires, qui, la plupart du temps, n'existent même pas.

' Ces principes, déjà établis et développés dans le second vo- lume de V Expédition de Mésopotamie , seront mis en lumière par des exemples dans le Syllabaire de M. Menant.

328 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Le '^^*^?, asar, est donc une partie du ciel; nous y avons vu le zodiaque, ce qui peut être vrai [E. M. t. II, p. 336). Dans l'inscription de Sargon, publiée par nous, le ^ TTTT ^ ~TT est distingué du

^yyyy »%z=yytrfiz lt=^~ (voir p. 33/1). Ce terme se traduit sûrement par domus verticis. Nous avons voulu entendre la partie du ciel qui se trouve suc- cessivement au zénith de la Mésopotamie, et les étoiles qui se trouvent dans la bande formée entre le 36' et le 30" degré de déclinaison boréale. Mais si ce dernier idéogramme cité signifie l'endroit vertical, le zénith , il se pourrait que asar désignât justement le contraire , le nadir, la partie du ciel qui est ca- chée aux regards des Chaldéens, et qui correspond au segment compris entre le pôle antarctique et le 60* degré de déclinaison australe. Et si Ton n'admet pas que les Chaldéens aient supposé la forme sphé- rique du firmament, on pourrait y voir toute la partie du ciel qui se lève et qui se couche en Méso- potamie, c'est-à-dire la zone comprise entre le 60' de- gré de déclinaison boréale et le 60^ degré de décli- naison australe.

Dans les deux cas, asar pourrait se comparer à ce que nous nommons « le monde inférieur. «

Quant aux interprétations que nous avons données du nom de Salmanassar, et à d'autres de cette classe : «Salman (est le) zodiaque », nous les avons abandon- nées depuis longtemps. Le dernier élément , asir iVi<, est le participe au masculin de "ic; « être propice , être bon.» et correspond au féniinin asirat, mÇ^N , que

GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 329

nous trouvons dans le nom d'Arbaïl-asirat, Ainsi les noms de Nergal-asir, Nabâ-asir, Marduk-asir, s'expli- quent très-rationnellement.

Nous n'aurions rien à ajouter au sujet des autres dieux, pour lesquels les inscriptions araméennes ne nous fournissent pas les renseignements que, dans un article de VAthenœum, Sir Henry Rawlinson nous avait promis. La transcription en caractères sémi- tiques aurait été de la plus haute importance à l'endroit des dieux Ninip-Sandan , Hou , Salman; car quelque soiitenables que nous paraissent les pro- nonciations que nous avons adoptées, nous aurions été heureux de les voir corroborées par des preuves plus irréfragables encore que ne le peuvent être les raisons très-plausibles que nous avons jusqu'ici fait connaître.

La seule addition que nous puissions faire ici, c'est que nous croyons avoir trouvé la véritable forme originaire du dieu SIn , qui entre dans le nom de Sen- nachérib. Il se prononce 5m, ainsi que l'attestent la glose d'Hésychius^ les écrits des Sabéens et la trans- cription syriaque ; mais nous trouvons une fois le dieu «Sinur aw dans les tablettes mythologiques, et nous ne doutons pas que nous n'ayons ici la forme phonétique du nom. Sin, le dieu de la lune, n'est autre que le dieu^ qui change et se renouvelle; il

' 2tv Tijv (TeXrivr^v Ba^vXclivtoi, comme nous lisons, au lieu de T^iv (Te(ivYiv, qui ne donne pas de sens.

^ Le signe \\\ «trente, » qui forme l'idéogramme du dieu Sin ►►— T<^<< (aussi ►►—! ^^^Hrdeus mensis), est rendu par si in

330 OCTOBRE NOVEMBRE 1865.

provient de la racine nii:;, qui, dans toules les langues sémitiques, l'assyrien compris, a donné nais- sance aux idées, de «nouveau, changement, deux, année. »

Ce nom, en apparence si étrange, rentre dès lors complètement dans le domaine de la philologie sé- mitique.

Quant à Assour, nous lui avons définitivement restitué sa signification de diea bon. Le mol, ainsi que l'idée, est sémitique; mais les autres nations de Sem semblent ne pas l'avoir connu. La diversité d'origine des Assyriens et des peuples qui ado- rent le bon principe est prouvée; mais il serait té- méraire de vouloir nier les rapporls q^ii ont relié, dès l'antiquité la plus reculée, les deux nations de l'Assyrie et de l'Iran, appartenant pourtant à des ra- meaux linguistiques distincts. Et comme, sur le do- maine spécial des langues indo-européennes, l'in- fluence des autres branches d'idiomes commence à être de plus en plus reconnue, ainsi cette simple remarque, déterminée strictement par les considé- rations de la philologie sémitique, peut avoir, pour l'histoire de la civilisation priniordiale du genre hu- main , une importance plus grande que l'on ne sau- rait dès à présent supposer.

{ W. A. I. coi. XXI, i. 70); mais il est employé souvent pour exprimer le suffixe de la 3* pers. au pluriel du féminin sin. Du reste, le satel- lite même de notre planète est exprimé par ce groupe divin ; mémo pour indiquer ime éclipse de lune, on écrit éclipse de Sin.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 331

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN,

PUBLIÉ ET TRADUIT POUR LA PREMIÈRE FOIS,

PAR M. T. DEVÉRIA.

m.

DATE DU PROCÈS.

Avant de récapituler les faits pour exaaiiner en quoi pouvait consister, au fond , le délit des accusés, il importe de fixer autant que possible la date et le lieu ces faits se passèrent.

Le manuscrit de Turin portait certainement, en tête de la première colonne, la date du règne et le protocole royal du pharaon qui prend lui-même la parole dans le texte \ pour nommer la commission judiciaire, exhorter les magistrats à la sévérité, et enfin prononcer, de sa propre bouche, certains arrêts. Mais il ne nous reste de cette formule initiale que les signes hiératiques que je transcris en hiéro- glyphes : 7-i vfii ^iy(J-àn, «souverain d'On , ou «d'Héliopolis (?). )) Ils se trouvent, comme on le sait, dans les cartouches de plusieurs rois. Ce titre

' Ainsi que l'indique, en plusieurs endroits, l'emploi du pronom de majesté de la première personne.

332 OCTOBRE-NOVEMBRE 18C5.

se rencontre pour la première fois, d'nne manière

constante et officielle, dans le nom de Piamessès Ifl,

f JillP^^-^j J /id-me5-5a-/ij9-a/i, uRamessès, souve- « rain d'On. »

Le papyrus Lee i , à l'occasion du coupable Pen-houi-ban, qui est aussi mentionné dans le ma- nuscrit de Turin (v. 2 ), nous apprend que ce per- sonnage se procura « un des écrits de formules '((magiques) de Râ-âser-màâ-mer-A'mon , vie! santé! ((force! le dieu grand, son seigneur, vie! santé! ((force!)) Or, c'est précisément le prénom de Ra-

messès III, (O j^^^^ , et quand bien même

l'exclamation (( vie! santé! force! » deux fois répétée, n'indiquerait pas suffisamment que c'est du souve- rain régnant qu'il est question, les mots ^ V"! J 2|^"^\k II^J nuter âà pàï-w neh, (de dieu ((grand, son seigneur,» ne pourraient laisser sub- sister aucun doute à cet égard. De plus, les noms propres Séti-m-per-Amon et Séti-m-per-Thot-ti , qui rappellent ceux des rois Séti de la XIX^ dynastie, n'ont pu être donnés qu'à des hommes nés sous le règne d'un de ces pharaons, et conséquemment notre papyrus date de cette génération. Enfin, le style paléographique de ces manuscrits et la plu- part des autres noms propres que contient en parti- culier celui de Turin, s'accordent parfaitement avec fépoque du commencement de la XX* dynastie. Il est donc bien évident que c'est sous le règne de Ramessès III que notre papyrus a été écrit.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 333

Nous n'avons malheureusement aucune indica- tion de l'année du règne , à moins qu'on n'admette la possibilité de reconnaître le Ramessès III des mo- numents dans le Séthos ou Ramessès de Flavius Josèpbe, et de rattacher notre procès aux faits que cet historien, d'après Manéthon \ attribue à son règne; il deviendrait évident, alors, qu'il aurait eu lieu immédiatement après son retour des campa- gnes d'Asie. C'est une question qui sera examinée plus loin. Le seul point acquis avec certitude, rela- tivement à la date de notre document, est qu'elle se place dans le règne de Ramessès III, premier pharaon de la XX^ dynastie.

IV.

LE HAREM DE RAME.SSÈS III.

Passons maintenant k l'examen de l'endroit le texte de notre manuscrit indique que les délits fu- rent principalement commis. Ce lieu, que j'appelle harem, répond au mot composé qui se présente dans le texte hiératique sous les formes suivantes :

i'Morme(iv,2) J fl"^ 1 H

informe (iv, 3,5, ^) - ^[]=^\\]

3-^--Mv,3) nïl^m

La première partie de ce groupe se transcrit sans

' Josèphe, Contre Apion , cap. xv.

334 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

difficulté, en hiéroglyphes, de la manière suivante : mi^m ou uu\mc:i. On y reconnaît : l'idéo- gramme p_-.i per^ «demeure,)) 2** le nez ^, qui a pkis hahituellement la forme a, souvent confondue avec ]a tête de veau ^, et une seconde fois le signe jr3 « demeure, )i qui est ici l'un des détermi- nalifs du groupe entier. La fin du mot se compose d'autres déterminatifs, que j'ai d'abord été tenté de transcrire par les caractères | J' | , ainsi que l'a fait M, Chabas, pour la seconde forme, dans son inter- prétation du papyrus Lee i ^ Mais j'ai acquis la certitude, par la comparaison de plusieurs autres mots qui devraient être déterminés par les mêmes signes, et, par exemple ^\L,M\fn (^v, i, 2, 4, etc.), qu'il fallait chercher un autre déchiffre- ment, car ces mots sont accompagnés de formes hiératiques toujours différentes. En examinant d'au- tres groupes, j'ai reconnu : que la ligature de la deuxième forme de notre mot était employée plu- sieurs fois, et, par erreur sans doute, à la place des signes hiéroglyphiques jt, dans le mot bien connu ^^ *^ j^ rel'-u a hommes » (iv, 2 ; v, 3 ) , il ne dif- fère de la forme régulière que par l'adjonction d'un point qui sert ordinairement à distinguer la forme hiératique du signe de la femme J de celui de l'homme "^ ; et ce point est constant dans toutes

* Ligne 4. Le Pap. macj. llarris, p. 170, note 5. M. Chabas, qui n'avait pas à sa disposition les mêmes documents que nous, a tra- duit une variante du groupe entier par le mot «onicine; » mais on va voir que celte interprétalion doit être abandonnée.

LL PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 335

les formes de notre groupe; que la troisième forme, plus irrégulièrement abrelgée, est employée dans le groupe senû (iv, 2), il faut reconnaître le même mot qu'à la colonne v, ligne 3 , c'est-à-dire

I \^%1 snû-i, au lieu de I J seni «sœur,» forme plus usitée, bien qu'elle ne soit pas régulière.

II résulte de que la dernière forme de notre liga- ture doit être transcrite par les signes ^ J, et que les autres paraissent répondre à ceux-ci û , ce qui nous donne , pour l'expression complète, les groupes

t^'c^^i"?! -^ r^nic^ri^ J, ou, pour nous con- former aux règles de la carrure hiéroglyphique :

I nii. ^^ I c-3^ 4' M. E. de Rougé, qui a connu avant moi le texte

du papyrus judiciaire de Turin, a bien voulu me

commimiquer quelques-unes de ses observations

sur ce précieux manuscrit; il avait remarqué que

ce lieu était habité par des femmes, ainsi que le

prouve la mention fréquente de ses habitantes :

et il supposait que c'était l'habitation particulière d'un ordre ou d'une classe de femmes dont la supé- rieure était désignée par le groupe ^ t^ ( Louvre, E. 3/i65), ou mieux ^-^ J| (Champoll. Notices, p. 523, etc.). Nous verrons tout à l'heure que cette conjecture s'est confirmée. Mais il est nécessaire d'établir une distinction importante, c'est que cette expression ^^;^, ordinairement suivie du nom d'Ammon ou de celui d'un autre dieu, dans les

330 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865

inscriptions, s'applique à un ordre religieux, tandis que rien d'analogue ne semble ressortir du texte de notre papyrus. On verra, tout au contraire, que ce lieu devait faire partie du palais pharaonique, et que les femmes qui l'habitaient devaient appar- tenir à la maison royale. Néanmoins, le mot est le même, et M. de Rougé avait été amené à le sup- poser par la permutation fréquente du nez m et du signe i ou T, abusivement employé aux basses époques pour la consonne m.

Le titre sacerdotal que je viens de citer a pour variante ^^ # ^Jiii (Musée de Lyon, stèle 88, 2^ reg. 1. 4), qui nous donne la lecture du groupe entier ûer-x'ent-u. Or la valeur x'en ou x'ena*, bien connue pour le signe % ou T , est également ad- mise aujourd'hui pour le nez a, et elle s'accorde parfaitement avec une autre variante ^ z= ^ ï Ta, <-*itée par M. de Rougé dans son cours au Col- lège de France. Ces diverses formes, et particuliè- rement la dernière, peuvent être comparées aux mots x'en «intérieur,» x'enû «sanctuaire, boîte, «colfre» (Chabas, Le pap. mag. gloss. n°* 7/18 et 7/19) et x'ena' «prison?» (Pap. Abbott, v, 17; vi, 10). Le sens primitif de l'expression semble donc être celui de la réclusion : les recluses ou les cloî- trées. Et il est à noter que le signe du nez s'applique souvent comme déterminatif à l'idée de l'empri- sonnement.

On sait que l'hiéroglyphe du nez ^ et ^ (ar- chaïque), M (bonnes époques), ^ (bas temps),

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 337

détermine ordinairement le mot "iz:^^ wend (Chab. Gloss. 2 7 2 ) , ou A^v^ ivent'î (T. li 'i , 8) , qui signifie certainement u narines, nez; » ce mot n'a pas laissé de trace en copte, mais on peut le rapprocher de l'hé- breu n:D faciès , valtas. Comme des variantes bien constatées prouvent que le signe M isolé pouvait être pris pour l'expression idéographique de ce mot ivencl ou wenti «nez,» on en avait conclu que ce caractère, employé comme signe phonétique, de- vait avoir la même valeur, c'est-à-dire celle de ivend

ou wentï, et sa fréquente permutation avec flffl ou rfilfj faisait nécessairement attribuer cette même

valeur à ce dernier caractère. Mais si le signe M « nez » a été employé pour l'expression idéographique du mot wend ou wentï «nez,» rien ne prouve qu'em- ployé comme caractère purement phonétique, il ait eu la valeur de ce mot, et, conséquemment, que

cette valeur puisse être attribuée au signe (1 f ri- Au contraire, la constance de l'expression phonétique tvend, wendï ou wentï dans le nom du troisième pa- rèdre, auquel le nez M sert de déterminatif (Todl. 125, i6), semble établir que sa valeur phonétique était différente, car, sans cela, on trouverait ce nom écrit quelquefois par le signe nez A, sans autre

expression phonétique, et même par le signe fifr|

son homophone évident. Or, cette dernière variante ne s'est rencontrée qu'une seule fois dans les exem- ples recueillis par M. E. de Rougé, et il est permis

VI. 23

338 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

d'y supposer une faute ou une confusion du scribe égyptien. D'un autre côté, les transcriptions démo- tiques donnent constamment x'en, x'ent et x'eniï,

pour les signes m et fif ri ; de pJus, les listes grec- ques des décans, publiées par MM. Lepsius et Brugsch, s'accordent à Jes transcrire x^v^, toutes les fois qu'ils se présentent dans les noms hiérogly- phiques. Ajoutons enfin que la valeur x'en, x'ent, ou x'eiitï, s'accorde parfaitement avec le copte aj5.2>.WT: nasas, naris, OJZ^mE nares , et l'on re- connaîtra qu'il faut adopter cette valeur, en principe x*en, plus tard x'en-t ou x'en-tï, pour les deux si- gnes M et (flr). Ceci explique l'équation des trois signes T, a et filr| , et cette équation une fois bien

établie, nous reconnaitrons facilement des variantes du groupe que nous étudions dans les titres d'un personnage nommé Amenmès sur le damier du Louvre. On y lit en etïet qu'il était ^ « jl^ ^"

^, j^^ ilfffl^^ ^^^^" (^) P^^-^'^f^'ty (((musi-

ucien?) du harem. ^ » Le même radical figure aussi dans ceux de quelques autres fonctionnaires, tels que Ki'^iTriiJ i'^) ^^'^ ^ x'en-t (Sharpe, id.; Louvre, vase Anastasi, n" 9/19), R j sx*a x'en-t «grammate du harem ou de la prison?» (Sharpe, Eq. insc. I, 108, i3.) ï^n mur-x'en-t «intendant du harem ou de la prison?» (Statuette

' Cf. Pap. judic. V, 9.

LE PAPYBUS JLlDfCIAIHE DE TURIN. 339

accroupie de Kertà, musée de Turin). Toutes les formes certaines de l'expression étudiée : (hiérat.) CTH^riJi (pap. de Turin), (hiérogl.) ruAm

(Louvre, stèle S, i li66), irDfiir|im et i (Louvre, échiquier d'Amen-mès), doivent donc se lire per- x*en-t-a, ou simplement per-x'en, et si, dans ces exemples, l'hiératique seul ajoute au dcternn'natif «des lieux» celui de la femme et la marque collec- tive, on trouve ces mêmes signes dans un texle hié- roglyphique de l'époque ptolémaïque (Prisse, Mon. pi. XXVI, 1. 1 2), les deux déterminatifs sont em- ployés simultanément : I Ik^vkA'^A ) ' 'lH un- n-a' x'enû-t nower nower nower, u était à moi (( un excellent harem (quand j'accomplis l'âge de « quarante- trois ans, Euais aucun enfant maie ne «[m'j était né).» M. Birch a traduit un peu dilïé- remment ce passage ( On iwo egyptian tahlets of the Ptolemalc per'iod, p. 6 et 17). La lecture du mot étant bien constatée maintenant, on reconnaîtra facilement qu'il exprime la « demeure [per) des re- <( cluses [x'en-t-u),)) et l'ensemble du texte indique suffisamment que le lieu d'habitation des pallacides ou concubines royales était ainsi appelé, quoique ces pallacides soient désignées par une autre expres- sion sur la stèle historique du roi Piankhi, décou- verte, au mont Barkal , par M. Mariette, et analysée par M. le vicomte E. do Rougé, dans la Reime ar- chéologique ^

' Livraison de juin iS63. Je reviendrai plus loin sur la {orme liiéroglypliiqne de cette dernière expression.

340 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Les prêtresses de l'ordre sacerdotal, dont nous avons parlé plus haut, s'intitulaient aussi « pallaci- (( des » de tel ou tel dieu , ordinairement d'Ainmon. Ce titre exprimait leur entière dévotion, et l'on pourrait également le rendre par a esclave >> de telle ou telle divinité; il n'avait rien que de très-hono- rable, tandis que la rareté de la mention des palla- cides royales ou de celles des simples particuliers semble indiquer qu'il n'en était pas de même pour ces dernières.

Un très-ancien bas-relief' nous montre cependant que le terme x'en-t^ s'appliquait aussi aux esclaves des simples parliculiers , comme dans le passage que je viens de citer de la stèle traduite par M. Birch ; on y voit quatre jeunes femmes vêtues d'une courte chenti et le corps ceint de bandelettes, dansant devant deux chanteuses (Ji'es-t) qui battent la mesure; auprès de chacune délies est inscrite

cette légende hiéroglyphique : a^^a^ ^ x'en-t n a'm-t «palhuide de la tente, ou du campement,» ou bien « du harem, » si l'on doit rapprocher ce mot a'm-t de l'expression |V VJ "'«^ «favorite» (de Rougé, cours, i863). Ces femmes appartenaient au personnage principal représenté dans le bas-relief, au même titre probablement que les esclaves du

' Lepsius , Denkmàler, II, i o i , B. Le même radical était également employé dans le Rituel fané-

V"

rairc, chap. cxLViii (Louvre, pap. 8074 ), dans le groupe T ^•^

m

Mil

qui désigne les «sept femelles du taureau sacn

I I I

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 341

harem musulman, el, comme ces dernières, elles pouvaient avoir la musique et la danse pour diver- tissements et pom' talents particuliers.

Cette polygamie peut être illégale; mais, con- sacrée par l'usage dans l'organisation sociale de l'an- cienne Egypte \ elle est prouvée, pour les pharaons, parlepassage déjà cité de Manéthon [Josèphe, Contre Apion, cap. i5), et par les listes des nombreux en- fants royaux, qui, pour Ramessès 11 en particulier, s'élevaient à i i i fils et 69 filles ; elle est expliquée pour les simples particuliers par Diodore de Sicile, qui s'exprime en ces termes (I, 80) : «Chez les ((Egyptiens, les prêtres n'épousent qu'une seule « femme, mais les autres citoyens peuvent en choisir «autant qu'ils veulent. Les parents sont obligés de «nourrir tous leurs enfants, afin d'augmenter la «population, qui est regardée comme contribuant « le plus à la prospérité de l'Etat. Aucun enfant n'est «réputé illégitime, lors môme qu'il est d'une u mère esclave; car, selon la croyance commune, « le père est l'auteur unique de la naissance de fen- «fant, auquel la mère n'a fourni que la nourriture « et la demeure. » (Traduction de M. Ferd. Hoefer.)

' On en trouve un curieux exemple sous la XII* dynastie : un grand personnage nommé X'etï (ou X'eretï) était le « chef, décoré de « l'abeille (?), favori unique, surveillant des hommes et des femmes, <■ le [pourvoyeur?) du lit nuptial (ou du harem?). » Ce dernier titre est exprimé par deux caractères figuratifs dont je ne connais pas d'au- tres exemples. Dans une autre légende, peut-être funéraire, mais relative au même individu , il est question de « millions de femmes. » ;Lepsius, Dcnkmàler, II, i43.

342 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865,

Cest oncore ce qui a lieu de nos jours en Egypte

et chez la plupart des peuples musulmans.

On a vu par ce qui précède, d'une part, que ces esclaves dont parle Diodore, de même que les pallacides royales, étaient désignées par le terme x'en-t, et, d'autre part, que le lieu qu'elles habi- taient, c'est-à-dire le gynécée ou harem, s'appelait per-x'en-t-u «demeure des x'en-t-u ou pallacides,)) ainsi que l'indique dans notre manuscrit, et comme nous l'avons déjà fait observer, la mention fréquente de ses habitantes : <! les femmes du harem » (iv, 2 , 3, 5, 6; V, 7, 8, 9, 10; VI, 1).

Ces femmes y étaient probablement enfermées, mais elles recevaient la visite de leurs mères et de leurs sœurs, qui habitaient au dehors (iv, 2).

Les papyrus Lee et Rollin nous montrent que les abords de ce lieu n'étaient pas plus faciles que ceux du sérail d'un souverain musulman, puisque quelques accusés, parmi lesquels on remarque un grand per- sojinage, «un intendant des troupeaux \)) crurent avoir besoin d'opérations magiques pour tenter d'y pénétrer et pour y étabhr une correspondance.

Dans ce lieu, cependant, un certain nombre de fonctionnaires avaient des offices à remplir, et nous y voyons, en première ligne, un intendant du gy- nécée royal au harem (iv, 4), et deux scribes du gynécée royal au harem (iv, 5; v, 10), tous trois en fonctions. Mais je dois dire ici que la lecture du

' Voyez, sur l'imjiorlaiice hiérarciiique de ce titre, Chabas, Mé- linijes, vol, I. Arrestation d'esclaves.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 343

groupe hiératique qui est déterminé par les mêmes signes que le mot per-xen-t-a «harem » (iv, li\ iv, 5) et que je traduis ((gynécée,» me laisse quelques doutes. Je crois cependant reconnaître une variante du premier do ces titres (iv, A) sur une sièle du sérapéum. (musée du Louvre, /i 2 i , 1 1 . S. 1/166),

je lis : ^n X '^ mm'l^ mur a'p sût\en]-

a n per-x'en-t m Men-nowre, « l'intendant des palla- « cides royales (ou du gynécée royal) du harem à (( Memphis. » Ce même titre est souvent abrégé sous

les formes l^\ et fg\ comme par exemple

dans les inscriptions de la stèle E. 333y, au musée du Louvre ^ Je n'hésite pas à reconnaître dans ces

titres le groupe IlAm sii[ten] a'p-t-u , qui désigne les pallacidcs du roi Piankhi, dans Ténumération des femmes de son palais : 1 J i lA m i ^^ M X I y M. E. de Roueé a très-exactement rendu ce passage par ces mots : «les reines, les favorites , « les filles et les sœurs du roi ^. » Mais il est possible

' On trouve également trois fois, dans la grande inscription de la Vr dynastie, conservée à Boulaq, le groupe 1 /Zl [7^ qiii peut avoir un sens analogue. Mais le signe a'p^ si toutefois il a cette va- levir, est d'une forme plus analogue à celle du signe ^ et arrondie par le haut.

2 Inscription historique du roi Piankhi, Extrait de la Revue archéo- loijicfue, p. 6.

Trompé par une mauvaise copie, j'ai tiré une conclusion inexacte du passage qui nous occupe , dans mon travail sur Quelques person-

344 OGTOBRE-NOVEMBRli 1865.

que ies caraclères ^ et /^ aient eu deux valeurs clifTérentes; s'il en était ainsi, le premier seulement répondrait au groupe hiératique de notre papyrus et la lecture a'p n appartiendrait qu'au second. Quoi qu'il en soit, ii est certain que les trois personnages nommés dans le manuscrit de Turin étaient des fonctionnaires royaux attachés au harem. Ce harem était donc bien celui du roi, et le roi régnant était Ramessès TU, ainsi que nous l'avons démontré plus haut. C'est ce qu'il importe de constater.

Nous trouvons encore en fonctions, dans ce lieu, plusieurs officiers et employés dont les attributions sont difficiles à déterminer; c'est premièrement un ^ « ^ ^ fi^nâ ou a'dnâ (v, 9).

Le personnage nommé Amen-mès, qui ejk>repré- senté sur le damier du Louvre jouant seul à un jeu analogue aux dames ou aux échecs, portait ce même titre. Son costume indique un personnage impor- tant : ii est coiffé d'une longue perruque, vêtu d'une ample tunique plissée, et des colliers ornent son cou ; un homme , ayant la tête rasée , se tient debout devant lui et lui présente à boire. Sa légende se lit :

^,V^r.r|}t|r. ou ^ '^^Pfh

[I i^ X^L «le denû du harem Amen-mès, «de Memphis. » Dans une autre légende, il est qua- lifié : jMt^"]! "g«and chanteur du dieu bon,» c est-à-dire {( du roi.» Etait-ce le a musicien, l'odiste

nages d'une famille pharaonique de la XXII' dynastie, extrait de la Hevue archéologique , p. 9.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 345

« du harem? )) Nous savons qu'il y avait des denâ des soldats, qui pouvaient être les musiciens de l'armée, car les troupes égyptiennes marchaient au son de la musique.

Des employés inférieurs sont appelés '^VV*— ' redûû ou râdâ. Le manuscrit en mentionne six , tous en service dans le harem (iv, 6-1 i ; cf. pap. Lee, n" 1). Ces personnages avaient un rang inférieur aux scribes, ainsi que semblent le démontrer cer- tains textes ils sont nommés après eux et après d'autres fonctionnaires pins importants (Lepsius, Denkmàler, III, 21 9, e, 1 6; Grand pap. hist. Harris, Mus. brit. pi. K.). C'étaient peut-être même de sim- ples serviteurs.

Nous voyons encore dans l'habitation des femmes plusieurs :i^\ ^ âbû^ « otïiciers(?), » qui les ap- prochent d'assez près pour entendre leurs paroles (v, 8) et même pour s'entretenir avec elles (iv, 3). Cela pourrait laisser supposer que ce sont des eu- nuques, ou plutôt ce que la Bible appelle les saris du pharaon, mais rien n'en donne la certitude; d'autres passages du manuscrit (iv, 3-i 2-1 4-i 5) mon- trent seulement qu'ils étaient en rapport avec le grand de maison ou majordome. Quoi qu'il en soit, ils figurent dans notre procès parmi les juges et

^ CeUe lecture est très-douteuse , mais je l'adopte provisoirement , faute de mieux; elle n'est donnée que par une seule variante qui m'a été signalée par M. J. de Horrack : rj: \\ *^ j^ (hiérat.) pap. Sallier III, 8/9 = f Ji \p (Brugsch , Recueil, I . pi. XXXI , col. 34).

346 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

parmi les accusés; dans d'autres textes, ils sont ap- pelés les âbû (?) royaux, ou les âbû du pharaon; ils paraissent parfois chargés de missions impor- tantes ^

Il y avait aussi des agentes, auxquelles certaines surveillances étaient confiées (pap. Lee, i, 5), et des femmes qui occupaient d'autres fonctions, parmi les- quelles était au moins une Ethiopienne (v, 3).

Enfin, la porte de ce lieu était gardée par des hommes ^, qui semblent y avoir été logés avec leur famille, car leurs femmes sont mentionnées (v, i).

Une dernière remarque à faire, c'est que rien n'indique que le grand de maison ou majordome ait été attaché au harem; ce personnage, fonction- naire du palais (iv, 2), n'y fut peut-être introduit que par les manœuvres de l'intendant des troupeaux Pen-houï-ban , qui n'y entra pas lui-même.

L'importance du personnel attaché à ce lieu, et la difficulté (|ui paraît avoir existé pour y pénétrer, montrent, comme je viens de le dire, que c'était bien le harem du palais de Ramessès IIL

Or le palais qu'habitait ordinairement Rames- sès lïl était celui qui subsiste aujourd'hui à Médinet- Abou , presque entièrement construit et décoré par ce pharaon ; l'avant-corps de cet admirable monument contenait des appartements nous voyons encore le lieu qu'habitaient ses femmes. Les bas-reliefs

* Voyez note philologique n" 5.

^ La stèle du Louvre C 6 nous montre un ^ ^ —-. « por-

« lier du harem, ou peut-cire de la prison. »

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 347

nous y montrent ce roi dans l'intimité du harem : tantôt il est assis, jouant aux échecs, avec une jeune fille ime, qui se tient debout et lui fait sentir le parfum d'une fleur ^; tantôt, dans la même occu- pation , il passe affectueusement son bras gauche autour du cou d'une autre esclave, ou bien il ca- resse son menton et échange des fruits avec eWe. D'autres encore lui présentent des fleurs et des mets^. Cinq jeunes filles debout, portant des chasse- mouches et d'autres objets, décorent aussi, au-des- sous d'un vautour aux ailes éployées , l'intérieur d'une sorte d'enfoncement semblable à une alcôve et ré- servée dans l'une des parois de l'appartement. Dans toutes ces sculptures, les femmes sont nues, et l'on ne distingue, de l'ajustement du roi, que sa coiffure, ses sandales^ et ses bracelets.

était indubitablement le harem, la demeure des femmes, des paKacides royales, ainsi que les appelait Manéthon , dans le passage conservé par Flavius Josèphe, et que Ghampollion attribuait avec raison , je crois , au règne de Ramessès III *; c'était, en d'autres termes, l'habitation des x'en-t-ii «recluses» et des a'p't-u «favorites (?) »> comme les appelle la stèle du roi Piankhi. Là, en un mot, le pharaon

' Lepsius, Denkm. III, 208; Roseilini, Monumenti reali, pi. 228; Lepsius, AiiswahlfTuL 23, d. elc.

^ Lepsius, ihid.

■' Sanddes dont la pointe relevée vient se rattacher sur le cou- de-pied. Celte chaussure était de mode sous la XIX' et la XX' dy- nastio.

* Voyez ChampoHiou-Figcac, V Egypte ancienne, p. 3'j5.

348 OCTOBRE-NOVEMBRE 18C5.

avait son harem, et il semble qu'il en poussa le luxe plus loin qu'aucun autre souverain. Ses mœurs voluptueuses prêtaient si bien à la critique de ses contemporains, que, malgré le respect dont l'auto- rité royale était entourée, des artistes satiriques de l'antiquité n'hésitèrent pas à en charger spirituelle- ment les traits caractéristiques. Dans ces caricatures , ils figurèrent le roi par un lion, ses femmes par un troupeau de gazelles, ses enfants par un troupeau d'oies, car l'oie 1^^ veut dire fils et fille dans les hiéroglyphes; ses eunuques et le précepteur de ses enfants par des chiens et des chats conducteurs de ces troupeaux. On y remarque particulièrement la partie d'échecs, que nous venons de mentionner, et le lion s'approchant d'un lit sur lequel est couchée une gazelle, scène qui ne demande pas plus ample explication ^

probablement, enfin, eurent lieu les faits rap- portés dans le papyrus judiciaire de Turin.

V.

MATIÈRE DU PROCES. S 1 . DÉLIT PRINCIPAL.

Cherchons maintenant à nous éclairer sur le fond de l'affaire, sur la nature des délits qui mo- tivèrent la mise en accusation et le jugement des

' Lepsius, AasivaJd, Ta^. XXllI, C-D, cf. d., et le travail de M. Champfleury sur ia Caricalure (Uns l'antiquité.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 349

coupables, sur le but et les résullats de leurs crimes.

Comme je l'ai déjà dit , il est difficile de se for- mer au premier abord une idée claire à cet égard, par suite de la perte de la première colonne du manuscrit, et aussi à cause de la répétition conti- nuelle des formules qui viennent sans cesse em- brouiller et noyer les faits. Je vais donc m'eflbrcer de les dégager l'un après l'autre, et, pour procéder méthodiquement, je les prendrai au fur et à me- sure qu'ils se présentent dans le texte, sans en in- tervertir Tordre.

Nous voyons par les restes de la dernière ligne de la colonne i , et par la première de la colonne 2 , que dans les crimes en question étaient les exé- crations de la terre ; cela rappelle la formule des pa- pyrus Lee et RoUin dans laquelle il est dit, à propos de ce qui constitue la culpabilité des accusés, que c'est ce qn abominent tout dieu, et toute déesse^.

Plus loin (col. II, lig. 5) le roi adresse l'allocu- tion suivante aux membres de la commission judi- ciaire qu'il vient de nommer pour la saisir de l'af- faire : « Les paroles que dirent ces hommes, n'en ai-

' Voyez Pièces justificatives. Ce rapprochement semble établir une différence de gravité entre les crimes produits par des moyens naturels, exécrés de l'humanité entière, et les crimes produits par des moyens surnaturels, comme ceux que mentionnent les pap. Lee et RoHin, qui, bien plus grands, émeuvent les dieux eux-mêmes. (Cf.Diodore de Sicile, i, 77 : «Le parjure était puni de mort comme élant la réunion des deux plus grands crimes qu'on puisse com- mettre, l'un contre les dieux, l'autre contre les hommes. »)

I

350 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

je pas connaissance? Allez! Jugez-les Qu'ils avancent , qu'ils les jugent, et que ceux qui donnent la mort de leur main donnent la mort à leurs mem- bres. — N'en ai-je pas connaissance? Faites exécu- ter le châtiment [de mort?] et les autres (aussi). N'en ai-je pas connaissance actuellement? Or, ils avancent! [Jugez-les suivant ce que vous] dicte notre cœur; soyez vigilants à faire exécuter le châ- timent, etc.

De ce passage il résulte que la mise en accusa- tion des coupables est motivée sur certaines paroles connues du roi; mais ces paroles sont-elles des dénonciations, ou constituent- elles à elles seules les délits des accusés? C'est ce qu'expliquera la suite de notre travail. Nous pouvons cependant ob- server dès à présent qu'aucun crime n'étant men- tionné dans ces lignes, il est supposable que ces paroles ont pu être prononcées par les accusés eux- mêmes, et constituer au moins une partie de leur culpabilité.

S 2. PAPYBVS LEE ET ROLLIN.

Avant d'aller plus loin, il importe d'examiner ce que nous apprennent les papyrus Lee et Rol- lin ^ puisqu'on y trouve les noms et titres de deux des principaux accusés du papyrus de Turin. Ces précieux manuscrits nous présentent en eHét les restes d'un autre procès relatif à des personnages

' Voyez Appendice el pièces juslifiroiivpK.

LE PAPYRUS JUDICrAIHE DE TURIN. 351

qui ne sont pas jugés dans le papyrus de Turin, mais qui furent compromis dans la même atfaire.

Nous trouvons d'abord dans le papyrus Lee i , contenant le jugement d'un individu dont le nom a disparu, qu'un grand personnage appelé Pen- houï-ban\ qui était probablement nommé à la r^ colonne du manuscrit de Turin (1. 4-5), comme à la colonne v (1. 2), avec l'épithèle de grand cri- minel, ce qui n'a lieu pour aucun des autres noms cités dans le texte courant, est accusé : d'avoir de- mandé et obtenu des écrits magiques^ appartenant au roi Ramessès III, son maîtie; d'avoir fait usage de la puissance suprême qu'ils communiquaient à leur possesseur pour atteindre, en fascinant les gens de service, un lieu grand et profond (un souterrain), à la proximité du harem (royal); d'avoir fait^ des figures (magiques) de cire et des écrits de sou- haits (ou talismans) qu'il fit emporter à l'intérieur (du harem) par l'employé Atïrmâ, pour éloigner Tune des servantes , et pour agir magiquement sur les autres; /i° d'avoir porté certaines paroles à l'inté- rieur (du harem) et d'en avoir retourné d'autres (au dehors).

' Il était « intendant des troupeaux» titre Irès-iiuportant dans la hiérarchie administrative de l'ancienne Egypte, comme je l'ai déjà fait remarquer.

^ La destruction du commencement du papyrus ne permet pas de savoir à qui il s'adressa pour les obtenir; mais il est supposable que c'est au personnage (jui était préposé à leur garde dans la bibliothè- que du roi, et que c'est à ce même individu que se rapporte le ju- gement.

' Sans doute au moyen de ces mêmes écrits magiques.

352 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Ce personnage j)arvint donc par des moyens par- ticuliers, supposés surnaturels, à s'approcher du liarem royal et au moins à y faire passer certaines paroles, si ce n'est à y pénétrer lui-même. Voici bien les paroles prononcées par les coupables et auxquelles le roi fait allusion dans la première partie du papyrus de Turin. On verra plus loin que ce même Pen-houï-ban est en elïet l'un des principaux instigateurs des coupables, et le premier de tous, si notre interprétation des papyrus Lee et Rollin est exacte.

Nous avons à regretter que le papyrus Lee 2 ^ ne nous présente plus que des lambeaux de l'acte d'accusation d'un autre personnage; après quelques signes séparés par des lacunes, on ne lit avec cer- titude que ces mots : «sa main paralysée», qui in- diquent probablement faction des talismans donnés par Pen-houï-ban à f employé Atirmâ , pour s'en servir dans le harem. Le jugement qui suit peut donc être celui de cet Atirmâ.

Ce que nous possédons du papyrus Rollin est parfaitement conservé, mais le commencement manque entièrement. Le reste constitue la partie la plus importante de f acte d'accusation d'un troi- sième-personnage dont le nom a aussi disparu, et dans lequel je n'hésite pas à reconnaître Pen-houï- ban lui-même, le premier instigateur des coupa- bles. On remarque en effet que ce personnage a recours à des opérations magiques, et c'est à

' Voyez Appendice et pièces jiislifcalives.

LE PAPYRUS JUDTCIAÎRE DE TURIN. 353

Peii-houï-ban seulement qu'a été donné (pap. Lee, i) le livre de magie au moyen duquel elles pouvaient être faites. Le texte s'exprime ainsi: cdl lui arriva de faire des écrits magiques pour repous- ser et pour forcer; de faire certains dieux de cire et certaines figures pour donner la paralysie au bras des hommes, et de les placer dans la main de Paï-baka- kamen ' ; mais le dieu Soleil ne l'a pas fait agir (ce) majordome'^ (ni) les autres grands criminels en disant: Qu'ils pénètrent, et en les faisant pénétrer^. »

Si notre attribution n'est pas fausse, nous aurons donc à ajouter à la charge de Pen-houï-ban , qu'il fut l'instigateur de Paï-baka-kamen , comme cohii d'Atirmâ, et qu'à l'aide des prétendus talismans dont le livre de la bibliothèque de Ramessès ÏII lui avait révélé le secret, il avait essayé de faire entrer dans le gynécée phisieurs malfaiteurs, sans toute- fois y parvenir, ni se hasarder à y pénétrer lui- même.

Après les sortilèges , sur lesquels pouvaient aussi porter en partie les jugements qui nous sont con- servés par ces trois papyrus, on peut donc, en ré- sumé, constater les faits suivants: Pen-houï-ban parvient à s'approcher du harem; 2" il y établit une correspondance; il y fait passer certaines paroles et en rapporte d'autres au dehors, avec l'aide de

" Voyez chap. viii, Noms propres et personnages. - Lit. grand de maison. (Voyez Pap. j mile, de Turin, col. 4 et 5.) ' C'est-à-dire : «Mais le dieu Soleil n'a lait agir ni (ce) major- dome, ni les autres grands criminels; il n'a pas dit : Qu'ils pénè- trent, et il ne les a pas fait pénétrer. »

VI. 24

I

354 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Paï-baka kamen (vi, 2); /i° il a donné des talismans à Atirmâ et à Paï-baka-kamen , ses complices, pour agir dans l'intérieur du barem; ce dernier, d'après le papyrus de Turin, ourdit un complot avec les babitantes et les fonctionnaires du même lieu.

Ces faits une fois établis, nous comprendrons mieux les actes d'accusation du papyrus de Turin, auxquels j'arrive sans autre préambule.

S 3. SUITE DES DÉLITS.

On lit colonne d , ligne 1 , du manuscrit judi ciaire, une première rubrique relative à ce même Paï-baka-kamen et à tous ses complices, tous fonc- tionnaires du barem , à l'exception cependant dos deux derniers; elle nous apprend seulement qu'ils sont amenés devant le tribunal pour «les grandes abominations qu'ils ont faites. »

En effet, le majordome Paï-baka-kamen com- paraît (iv, 2) pour le délit dont il se rendit cou- pable à cause de Taïï, avec les femmes du harem, pour avoir /«if un avec elles, c'est-à-dire pour s'être uni à leur cause; puis il lui arriva de porter leurs paroles au dehors à leurs mères et h leurs sœurs, afin d'exciter certaines gens et de pousser les malfai- teurs à faire tort à leur seigneur.

Voici encore les paroles dont le roi a eu con- naissance; elles avaient donc pour but de lui faire tort et d'exciter d'autres individus h lui nuire.

Nous retrouvons ici Paï-baka kamen, fonction- naire du palais et agent de Pen-houï-ban, conspi-

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 355

rant avec ies femmes fin roi, ou tout au moins avec les femmes de sa maison, dans leur intérieur; nous observons de plus que ce personnage devient com- plice de la femme Taïï, déjà gagnée peut-être par Pen-houï ban, et que les premiers germes de la conspiration apportés du dehors, à l'instigation de Pen-bouï-ban , sont maintenant reportés par Paï- baka^kamen aux parentes des femmes , à l'extérieur. C'est peut-être par cette voie aussi, et au moyen d'une dénonciation, que les paroles en question arrivèrent aux oreilles du roi.

L'(officier?) Mesdi-sou-râ (iv, 3), l'intendant du gynécée royal Pa-anouk (iv, /i), et le grammate du gynécée royal Pen-douaou, ces deux derniers étant en service dans la demeure des femmes au harem, s'unissent ensuite à leur cause, toujours dans le but de nuire, ou d'exciter les malfaiteurs à nuire à leur seigneur.

Les dix accusés suivants (iv, 6-1 5), occupant di- vers emplois dans le harem, ou simplement (offi- ciers?) , comparaissent successivement devant le tri- bunal, pour avoir entendu, sans les dénoncer, les paroles échangées entre les précédents personnages et les femmes du gynécée.

Après eux, viennent six femmes des gens de la porte du harem (v, 1), qui sont coupables de s'être entretenues aussi avec les quatre premiers accusés.

Puis, un intendant du trésor (v, 2), complice de Pen-houï-ban (pap. Lee, 1), qui s'unit à ce per- sonnage également pour faire tort à leur seigneur.

24.

356 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Enfin, un (capitaine?) d'Ethiopie (v, '^), person- nage assez important, auquel sa propre sœur, qui avait des fonctions dans le harem , envoya un mes- sage pour lui dire : u Excite les hommes à com- mettre des méfaits, et toi-même, viens pour faire toit à ton seigneur. » D'après Ja signification de son nom (Mal dans Thèbes), ce personnage devait être Ethiopien^; c'est en Ethiopie qu'il exerçait ses fonc- tions et tout porte à croire que c'est aussi en Ethio- pie que le message lui fut envoyé. Le complot, comme on le voit, pouvait étendre ses ramifica- tions au delà des frontières de l'Egypte : c'est dire assez f importance qu'il devait avoir.

La 2^ rubrique (v, Ix) se rapporte à d'autres com- plices de Paï-haka-kamen que nous avons reconnu pour f agent principal de Pen-houï-ban, et à ceux de deux autres des principaux conjurés, nommés Paï-as et Pen-ta-our (cf. v, y). Ils sont au nombre de six, en tête desquels apparaît Paï-as lui-même, capitaine d'archers, qui pouvait certainement dis- poser de forces militaires, ce qui est aussi à noter (v, 5). Tous sont étrangers au harem, et ils pa- raissent avoir été graciés après condamnation; on voit cependant plus loin (v, y et vi, i) que Pen-la- our et Paï-as eurent chacun une peine à subir. Le texte ne donne pas le détail de la culpabilité de ces six personnages.

La 3** rubrique (v, 6) est relative à quatre com- plices des femmes du harem, qui n'eurent d'autres

' Voyez Noms propres.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 357

rapports avec les premiers instigateurs que de s'unir à leur cause. A leur tète se trouve Pen-ta-our (v, 7) qui nous est déjà connu comme l'un des chefs de la conspiration , associé à Paï-baka-kamen et à Paï- as (v, /i), et conséquemment personnage important qui doit attirer notre attention. Il est amené pour le délit qu'il commit cause) de Taïï, sa mère, lors- qu'elle s'entretint avec les femmes du harem dans le but de faire tort à son seigneur (littéralement au seigneur de lui).

Le texte s'exprime ainsi à son égard :

^^ .^ , v^Jr-^* ^ ^^ .^ \ ! jéT A««N.\ jJQ pdï ân-ià z'od-n-w pùî ht ran,

littéralement: «l'ayant été dit à lui l'autre nom,» celui qui fut appelé de l'autre nom, connu sous l'autre nom, et cet autre nom n'est pas écrit : il y avait donc probablement quelque raison pour qu'on dût le cacher [v, j).

Ce personnage n'est qualifié d'aucun titre, tandis que les dignités et professions de tous les autres ac- cusés sont soigneusement désignées; cependant sa condition, pas plus que son nom, ne pouvait être inconnue des magistrats, puisqu'il était fils de la femme appelée Taïï qu'on a vue dans le harem en rapport avec Paï-baka-kamen (iv, 2). Si le texte se tait à cet égard, c'est donc sans doute aussi pour la raison ignorée de nous qui le fit mentionner seu- lement sous un pseudonyme, et non sous son nom véritable. 11 est, de plus, le seul des accusés dont

358 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

l'indication personnelle, dans l'acte d'accusation, ne soit pas précédée de l'épithète flétrissante dex'eruâà «grand criminel». Or, rien n'autorisant à suppo- ser trois omissions successives dans l'un des ma- nuscrits les plus beaux et les plus soignés qui soient parvenus jusqu'à nous, ce dernier fait doit être expliqué comme les deux autres, c'est-à-dire par quelque raison qui s'opposait à la flétrissure de la personne, aussi bien que du véritable nom et du titre de cet individu. Il pouvait donc être puni ju- diciairement en vertu des lois, mais non déshonoré par une dégradation officielle, et ce n'est qu'une question de rang ou de naissance qui lui valut ce privilège. Sa mère s'appelait Taïï (v, y) ; nous l'avons déjà vue conspirant avec Paï-baka-kamen et les femmes du harem royal (iv, !2 ; v, 7); elle semble être comprise dans l'expression collective qui dé- signe ces femmes (iv, 3; v, 8-10). Elle devait donc appartenir elle-même au harem pharaonique, c'est- à-dire que, si elle n'était pas esclave ou pallacide du roi, elle devait être une validé de la famille royale. Ces considérations nous amènent naturel- lement à penser que si Pentaour n'était pas un fds de Ramessès II! , il pouvait appartenir de près ou de loin à sa famille, et cette conclusion très-probable de nos observations explique tous les faits que nous venons de constater, c'est-à-dire pour quel motif ce |)ersonnage est désigné d'une manière mystérieuse et tout à fait exceptionnelle.

M. E.de Bougé a ed'ectivemenl signalé un fait ana-

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 359

logue en expliquant les textes relatifs à la grande expédition de l'an v de Ramessès II; quand ce pha- raon adressa des reproches à ses généraux pour leur manque de vigilance et leur lâcheté, les fils du roi, qui étaient du nombre des officiers supérieurs, dis- paraissent de la scène et ne sont pas même men- tionnés, afin d'éviter toute flétrissure officielle à des princes du sang.

Les trois autres accusés (v, 8-10), dont deux au moins étaient des fonctionnaires du gynécée, ne sont coupables que de n'avoir pas dénoncé les pa- roles des femmes du Karem qu'ils avaient enten- dues. Il est à noter que tous les quatre sont con- damnés à mort et exécutés.

Jusqu'ici, comme on le voit, les faits s'enchaînent avec une régularité parfaite : après les premiers ins- tigateurs et leurs complices, en rapport avec les femmes du gynécée, à l'intérieur du harem., les me- neurs secondaires de la conspiration , puis les com- plices de ces derniers , et enfin ceux des femmes . dont l'un, personnage important devenu chef à son tour, sont successivement amenés devant le tribunal, et jugés.

Mais nous arrivons au passage le plus curieux et peut-être le plus difficile à interpréter, à cause du double sens qu'on peut attribuer ^ quelques mots. Heureusement cette partie du texte est acces- soire, car nous venons de passer en revue tous les faits qui se rapportent directement au fond de l'af- faire, c'est-à-dire à la conspiration.

360 OCTOBRE-NOVEMBRE J865.

C'est la rubrique (vi, i); la formule jucli- ciaire y disparaît ou se modifie considérablement, et l'emploi du pronom de majesté de la j " personne qu'on y rencontre prouve qu'ici, comme dnns les premières colonnes du manuscrit, le roi parle lui- même.

Après une étude attentive de ce passage, voici comment je l'interprète : «Gens à qui l'on fit leur châtiment par la mutilation de leur nez et de leurs oreilles, pour avoir abandonné les bons témoignages (c'est-à-dire le résultat des interrogatoires constatant la culpabilité), je^ leur dit, les femmes étant parties, de les rejoindre dans le lieu elles sont, d'y faire un séjour de tourments^ avec elles et avec Paï-as, et que leurs abominations seront enle- vées. »

Cela veut dire, je crois, que les magistrats ou officiers de justice qui acquittèrent les coupables, ne les condamnèrent qu'à des peines secondaires, ou refusèrent leur exécution, au lieu de leur inlîiger la peine de mort, à cause de trop d'indulgence, par oubli des faits constatés dans les interrogatoires, ou plutôt par la crainte que pouvait leur inspirer le parti des conspirateurs qu'ils étaient chargés de juger, sont condamnés à leur tom% et par le roi lui- même, d'abord , à avoir le nez et les oreilles coupés, puis, avec les fenunes coupables et Paï-as, l'un des

C'est le roi qui reprend la parole.

Ou jeûne, faim; c'était sans (loiite fjurUjiio lieu de déporhiiicm

comme Rhinocolure.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 361

chefs de la conspiration, à une déportation (?) ac- compagnée de tourments ou de privations, après quoi ils seront libérés.

Les noms qui suivent sont en effet ceux de deux membres de la commission judiciaire ' et de deux autres officiers de justice (vi , 4-5). Mais il semble que cet arrêt ne fut pas jugé suffisant pour le premier de ces personnages, car il est dit qu'on exécuta son châtiment, qu'on disposa (ensuite?) de lui, et qu'il mourut lui-même, c'est-à-dire, qu'il subit la peine de mort (vi, 2).

Une dernière rubrique s'applique à tout individu ayant pu s'unir à ces hommes (aux coupables pré- cédemment nommés) pour s'opposer par de mau- vaises paroles à l'application la plus rigoureuse des lois. On dispose de lui , dit le texte , et il n'est fait aucune exception en sa faveur. Un seul nom suit cette rubrique, c'est celui d'un officier des Aouâï, corps militaire qui était probablement chargé des exécutions judiciaires ^.

Ainsi se termine la liste des accusés et celle des jugements, la légende de ce personnage occupant la dernière ligne du manuscrit.

Pour résumer en quelques mots les faits que nous venons d'examiner, nous les récapitulerons dans l'ordre suivant :

i** La mise en accusation des principaux cou-

' ( VI, 2 et 3). Voy. le chapitre intitulé Le Tribunal. '^ Voy. noies philologiques, 8.

362 OCTOBRE-NOVEMBRE J865.

pables est motivée sur des paroles criminelles pro- noncées par eux, et connues du roi.

Ces paroles criminelles ont été introduites dans le harem royal par Pen-houï-ban, ou plutôt par son agent le majordome Paï-baka-kamen, qui obtint la complicité de plusieurs personnes attachées au harem.

Elles avaient pour but de faire tort et d'exciter certaines gens à faire tort h la personne ou à l'au- torité du roi.

Zi° La femme appelée Taïï a des intelligences avec Paï-baka-kamen et ses complices; elle est elle- même instigatrice à l'intérieur du harem.

Ces mêmes paroles sont portées par Paï-baka- kamen aux mères et aux sœurs de ces femmes, au dehors du harem, et c'est probablement par cette voie que le roi en eut connaissance.

6" Toutes les personnes qui avaient entendu ces paroles sont condamnées pour le seul fait de ne les avoir pas dénoncées; c'est donc bien d'un complot ou d'une conspiration qu'il s'agit.

Les gens de service, et jusqu'aux femmes des gardiens de la porte du harem se mêlent de la cons- piration.

Le fils de la femme appelée Taïï, appartenant probablement à la famille royale, et à cause de cela sans doute désigné sous le pseudonyme de Pen- ta-our, sans titre ou qualité, ni épithète flétrissante, est coupable comme sa mère, et, devenu l'un des

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 363

chefs de la conspiration , il est du nombre de ceux qui furent condamnés à mort et exécutés.

On remarque, parmi les complices de ce der- nier et de deux autres meneurs, un capitaine d'ar- chers, c'est-à-dire un personnage qui pouvait avoir à sa disposition des forces militaires.

lo'' Quelques-uns des magistrats et officiers de justice chargés de rendre ou d'exécuter les sentences contre les coupables sont à leur tour accusés d'in^ dulgence et condamnés par le roi lui-même.

1 Tout individu s'unissant à la cause des cou- pables et s'opposant à l'application la plus rigoureuse des lois est également poursuivi et condamné.

Ces faits nous permettent de conclure : l'^que tous les jugements que nous trouvons enregistrés dans le manuscrit judiciaire de Turin et dans les papyrus Lee et Rollin, sont relatifs à une véritable conspi- ration contre la personne ou l'autorité souveraine de Ramessès III; que cette conspiration, dans la- quelle plusieurs des femmes et probablement même un proche parent du roi furent compromis, eut son siège principal dans le harem de ce pharaon, bien que ses premiers germes soient venus du dehors; que cette conspiration eut assez d'im- portance pour motiver de nombreuses condam- nations à mort, ainsi que le châtiment de certains magistrats et officiers de justice, supposés coupables d'indulgence.

Voilà tout ce que nous pouvons déduire, au point de vue historique, de ce curieux document.

364 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Quel était le but précis des conjures? Etait- ce d'enlever la couronne à Ramessès TJI, pour la donner au personnage désigné, par les raisons que nous avons indiquées, sous le simple pseudonyme de Pen-ta-our, et qui semble avoir appartenu à la fa- mille royale? Ce serait, je l'avoue, une conjec- ture bien hardie , et nous ne pouvons constater qu'un seul fait, c'est que ce personnage mystérieux subit la peine de mort comme plusieurs autres coupables. Quoi qu'il en soit donc du but véritable des con- jurés, on doit reconnaître seulement que le papyrus judiciaire de Turin nous met sous les yeux le plus ancien exemple connu de ces conspirations de harem, auxquelles se mêlent si souvent des eunuques et des grands personnages, dans l'histoire de tout l'Orient, et qui ne manquaient jamais d'entraîner après elles de nombreuses condamnations à la peine capitale.

§ 4. COMPARAISON HISTORIQUE.

Ce que nous savons par les monuments de l'his- toire de Ramessès III ne nous apprend rien que nous puissions rattacher aux faits que je viens d'indiquer; mais il est impossible de ne pas en rapprocher, au moins à titre de comparaison, un passage de Mané- thon, conservé par Flavius Josèphe^ et dans lequel nous lisons que le roi Séthosis ou Ramessès « as- sembla de grandes armées de terre et de mer, laissa Armais, son frère, son lieutenant général en Egypte

Contre Apion , chap. v (ou xv , suivant l'édition).

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURLN. 365

avec un pouvoir absolu, et lui défendit seulement de prendre la qualité de roi, de rien fan^e au pré- judice de sa femme et de ses enfants, et d'abuser de ses concubines. Il marcha ensuite contre l'île de Chypre, la Phénicie, les Assyriens et les Mèdes, vainquit les uns et assujettit les autres par la seule terreur de ses armes. Tant d'heureux succès lui en- flant le cœur, il voulait pousser ses conquêtes encore plus loin dans l'Orient. Mais Armais, à qui il avait donné une si grande autorité, fit tout le contraire de ce qu'il lui avait ordonné. Il chassa la reine, abusa des concubines du roi son frère, et, se lais- sant persuader par ses flatteurs, mit la couronne sur sa tête. Le grand prêtre d'Egypte en donna avis à Séthosis. Il revint aussitôt, prit son chemin par Péluse, et se maintint dans son royaume. On tient que c'est ce prince qui a donné le nom à l'Egypte, parce qu'il s'appelait Egyptus, aussi bien que Sé- thosis, et Armais s'appelait autrement Danaùs \ »

J'ai été fort tenté de considérer le procès que nous fait connaître le papyrus judiciaire de Tiu'in comme celui du frère du roi et de ses comphces. Le passage de Josèphe que je viens de citer doit en effet se rapporter à Ramessès III, comme le pensait Champollion , et non à Séti I", comme on le croit généralement aujourd'hui; je diiai tout à l'heure pourquoi. Mais je dois reconnaître que plusieurs difficultés s'opposent à ce rapprochement histori- que : la première et la plus importante, c'est que,

' Traduction du Panlhéon UUcraire , \^. 8^i .

fe

366 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

dans le récit de Manéthon, les femmes du roi ne paraissent pas volontairement coupables comme dans le procès du papyrus de Turin; On pouiTait cependant répondre à cette objection que dans ce dernier document Ja reine n apparaît pas et que les six femmes condamnées ne devaient former qu'une très-faible partie du harem royal. La seconde diffi- culté est qu'il faudrait identifier le personnage dési- gné sous le pseudonyme de Pen-ta-our, dans ie ma- nuscrit, ave(" r Armais ou Danaûs de fhistorien. Cela ne serait pas à la rigueur encore impossible, puis- que c'est sous un pseudonyme que le papyrus désigne ce personnage, et que celui dont parle Josèphe ne peut avoir rien de commun avec Armais ou Danaiis, dernier roi de la XVIIP dynastie , lequel répond exactement à l'Har-em-heb des monuments. Je dé- montrerai en effet qu'on ne peut trouver qu'une confusion de nonu Mais il faudrait aulsi que ce personnage, caché sous le nom de Pen-ta-our, fût un frère de Ramessès III, et conséquemment que Taïï, sa mère, fût une femme ou concubine du père de ce roi, restée dans son harem comme i;a- lidé. J'ai déjà dit que cette dernière supposition n'était pas plus inadmissible que les autres; mais de toutes ces possibilités nous n'avons aucuire preuve, et nous devons nous abstenir de toute conclusion.

S 5. EXAMEN CHEONOLOGIQLE DU PASSAGE DE MANETHON.

J'ai dit que le récit de Manéthon que je viens de citer devait se rapporter au règne de Ramessès III

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIlN. 367

el non à celui de Séti I"; voici les motifs sur lesquels j'appuie cette assertion •. Flavius Josèphe, dans son Eloge des antiquités contre Apion , cite un pre- mier passage de Manétlion relatif à l'occupation de l'Egypte par les Pasteurs. Plus loin , il ajoute , comme relatif aux temps qui suivirent cette période, un autre passage du même auteur, dans lequel tous les rois de laXVIir dynastie sont d'abord ënumérésavec la durée du règne de chacun d'eux. Cette liste s'ac- corde assez bien avec les monuments et avec l'ex- trait qu'en a conservé aussi l'Africain. On observe seulement quelques diflerences dans la durée des règnes, l'Africain comptant généralement pour un an les mois qui sont ajoutés aux années dans Jo- sèphe. Peut-être aussi doit-on admettre deux er- reurs.

L'avant-dernier roi de la XVIIP dynastie de Ma- néthon est Ramessès P^ dont le règne, fort court d'après les monuments, est indiqué d'un an seule- ment par l'Africain et d'un an et quatre mois par Josèphe. Après ce roi, la liste de Josèphe omettes deux noms suivants, dont le second commence la XIX^ dynastie de l'Africain et du Syncelle; ce sont ceux d'Aménôphath ou Aménôphis et de Sé- thôs^; puis, elle mentionne Armessès-Miammou

^ Ces deux noms doivent être réunis; ils répondent au Méné- ptah-Séti ou Séti I" des monuments, et se placent coiiséquemment l'un et l'autre dans la XIX* dynastie, puisqu'ils appartiennent à un seul et môme roi. Ce dédoublen\ent fautif, qui a produit l'intercala- tion arbitraire d'un règne dans les listes, explique le désaccord qui existe dans la durée que les différentes versions lui attribuent; l'Afri-

368 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

dont le règne de 66 ans et 2 mois ne peut répondre qu'au Rampsès ou Rapsakès des autres listes et au Ra messes II, Meiamoun, des monuments; le suc- cesseur de ce dernier est indiqué sous le nom d'Amé- nôphis, rAménephthès de l'Africain, avec 19 ans et 6 mois de règne, dans lequel on reconnaît le Ménëptah-hotep-her-maa des monuments. L'Afri- cain donne ensuite le nom d'un Ramessès, avec y ans de règne , à la place du Ménéptah-Séti II des textes hiéroglyphiques, qui n'est mentionné dans aucune des autres listes. Toutes les listes, à l'tixception de celle de Josèphe, s'accordent après cela à donner Amménémès, 5 ans ou 26 ans, et Thouoris, 7 ans, pour les deux derniers règnes de la XÏX^ dynastie; on reconnaît dans le premier l'A- menmésou desinscriplions,et dans le second la reine Ta-ouser, épouse de Ménéptah-si-ptah. Les monu- ments semblent indiquer encore un ou deux règnes collatéraux ou illégitimes qui ne devaient pas figurer dans les listes officielles; mais nous n'avons pas à nous en occuper.

En résumé , le passage de Manéthon rapporté par Flavius Josèphe ne mentionne ni Séti P", ni Séti II, ni Amménémès, ni Thouoris; mais il donne pour

cain no donne que 19 ans à ce roi supplémentaire (Auiéiiôphath) , tandis qu'Eusèbe ; qui l'appelle Améuôphis , lui accorde ^o ans. Celte durée de règne de 19 ou de 4o ans est donc à retrancher entière- mont des calculs chronologiques. C'est peut-être ce fait que Flavius Josèphe se rappelait {|uand il disait [Contre Apion , chap. ix) que Manéthon parle d'un roi Aménôphis, qui est un roi imaginaire, dont pour celle raison il n'a osé coter les années de règne.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 369

successeur à Aménophis (Ménéptah-hotep-her-maa) le roi qu'il appelle Séthosis ou Ramessès surnommé ^gyptus. Or, ce dernier, nommé parmi les succes- seurs^ de Ramessès II, Méiamoun, ne peut pas ré- pondre, comme on Tadmct généralement, à Mené- plah-Séti I", le prédécesseur immédiat de ce roi, omis, il est vrai, dans ce passage, mais cité par Jo- sèphe autre part sous le nom de Sétlion et appelé Aménophath ou Aménôpbis-Séthon, jamais Rames- sès, dans les autres documents. Josèphe fait effecti- vement plus loin 2 deux personnages de ^n Sétho- sis ou Ramessès, qu'il appelle alors Séthon et Rampsès, et il est évident, par la durée de leur règne , qu'il entend désigner ainsi les rois Séti ?' et Ramessès IT des monuments. Mais le récit que nous avons enregistré ne peut s.e rapporter qu'à un seul

^ On lit clans les annotations marginales d'un manuscrit la va- riante fis6' èv, aprh lui, au lieu de tov Se [son fib). Bunsen y Eqypt's place, vol. I, p. 649-

2 Contre Apion, cliap. ix, on xxvi, suivant l'édition. L'auteur dit relativement à Manéthon : «Il parle ensuite du roi Aménophis, qui est un nom imaginaire et dont pour cette raison il n'a osé coter les années de règne , quoiqu'il les ait marquées particulièrement lors- qu'il a parlé des autres rois. 11 ajoute à ces fables d'autres fables sans se souvenir qu'il avait dit auparavant qu'il y avait 5i8 ans que les pasteurs étaient sortis d'Egypte pour aller vers Jérusalem. Car ce fut pendant la 4* année de Thetmosis (Âmosis) qu'ils en sortirent, et ses successeurs régnèrent SgS ans, jusqu'aux deux frères Séthon et Hermeus, dont il dit que le premier était surnommé Egyptien, et l'autre Danaùs, que Séthon chassa , et régna ôg ans : que Ramp- sès, fils aîné de Séthon , lui succéda et régna 66 ans. Ainsi, après avoir reconnu qu'il y avait si longtemps que nos ancêtres étaient sortis d'Egypte, il met au nombre de ces autres rois ce fabuleux Aménophis, etc.» (Traduction du Panthéon littéraire.)

VI. 25

370 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

roi, et Ramessès II étant déjà désigné dans la liste que nous venons d'étudier, sous le nom d'Armessès- Miammou, reconnaissable à ses 66 ans de royauté, il est certain que Josèphe n'a fait que des confusions de noms, ce qui n'apporte aucune nouvelle diffi- culté à l'assimilation que j'ai proposée et dont je cherche les preuves.

Quant au Ménéptah-Séti II des monuments, qui ne ligure dans aucune des listes manéthoniennes, si ce n'est dans celle de l'Africain, sous le nom de Ramessèst, Josèphe le nomme bien Séthon ou Ra- messès \ mais les circonstances de son règne ne paraissent pas concorder avec celles que l'historien rapporte à Séthosis-Ramessès qui fit de grandes con- quêtes en Asie. Les deux autres rois de la XIX® dynastie sont, d'après les monuments, Ménéptah- si-phah et Set-nekht dont les noms n'ont plus de rapport avec ceux qui nous occupent. Or, le succes- seur de ces trois derniers fut Ramessès III, le pre- mier roi de la XX^ dynastie, que les inscriptions appellent aussi Sésoa'^ comme Ramessès II, et au règne duquel Champollion attribuait les faits rap- portés par Manéthon au double nom de Séthosis ou

^ Le roi Aménôphis, se souvenant de ce que le prêtre Âménôphis avait prédit, fut saisi d'une telle crainte , qu'après avoir tenu conseil avec les principaux de son Etat, il envoya devant les animaux qui passent pour sacrés en Egypte, commanda aux prêtres de cacher leurs simulacres, mit entre les mains d'un de ses amis Séthon, son fils, âgé seulement de cinq ans, autrement nommé Ramessès, du nom de son aïeul. (Traduction du Panthéon littéraire, p. 835.)

•^ Lepsius, Drnhm. III, Bl. 208, o.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 371

Ramessès. Le nom de Sésou peut très-bien être en effet altéré en grec sous la forme ^eôcos ou ^sôcoa-ts. Le Séthosis ou Ramessès de Josèphe , l'un des suc- cesseurs de Ramessès 11 , peut donc répondre au 5e'- soa ou Ramessou III des monuments.

J'ai dit que rien n'indiquait, dans les extraits de Manéthon rapportés par Josèphe , qu'Armais frère de Sétbos ou Ramessès, dont le règne illégitime dut être fort court , si tant est qu'il ait véritablement régné, et qui conséquemment ne dut pas figurer dans les listes officielles , soit le même que l'Armais successeur du dernier Akhenkérès mentionné plus haut avec un règne de li ans et i mois. On remar- quera en effet que ce dernier est présenté comme un roi légitime de la XVIIF dynastie, tandis que l'autre ne fut tout au plus qu'un usurpateur bien- tôt dépossédé du pouvoir. L'Africain appelle celui de la XVIir dynastie Armessès et non pas Armais, mais Eusèbe le confond avec Armais ou Danaus , et le Syncelle qui fait , il est vrai , la même confusion , donne cependant une confirmation à notre manière de voir, en appelant seulement Ramessès et non pas Sétbos le frère d'Armaïs.

J'arrive à conclure de ces observations , qui ne for- cent en rien le texte : i"* que Flavius Josèphe, dans sa première liste extraite des livres de Manéthon, a omis Séti ?" et les trois derniers rois de la XIX^ dy- nastie; 2° que son Séthosis ou Ramessès, mentionné parmi les successeurs de Ramessès II, ne peut être que le Sésou ou Ramessès III des monuments, pre-

25.

372 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

mier roi de la XX' dynastie; que rArmaïs (ou Danaûs), dernier roi de la XVIIP dynastie, i'Har- em-heb des inscriptions, ne peut avoir rien de com- mun avec l'Armais ou Danaûs frère de Séthosisou Ramessès , puisque l'un est un roi légitime tandis que l'autre est un usurpateur, et que ces deux person- nages doivent être séparés par toute la durée de la XIX^ dynastie.

Ces déductions sont, comme on le voit, simples et naturelles; l'identité de Ramessès III avec Sétho- sis ou Ramessès est encore confirmée d'une manière qui me paraît tout à fait probante par une circons- tance du récit emprunté par Josèphe à Manéthon , c'est que Sétbosis ou Ramessès, l'un des grands con- quérants égyptiens de TAsie, comme les monuments nous montrent Ramessès III, possédait, outre son armée de terre, àes forces maritimes assez considéra- bles pour que l'bislorien ait cru devoir en faire une mention spéciale ^ Or la plus ancienne représen- tation d'un combat naval qu'on trouve dans les bas- reliefs égyptiens remonte précisément au règne de Ramessès III ^, et ce pbaraon , fier de sa flotte , la pre-

* \iniixi)v xai vavTix'fiv é)(wv êvvaiitv. (Cf. S. Theophilus, in libro ad Antolycnm tertio, cap. xix : 6v Çatriv èayr)xévcu i!roAAi)i> êvvafiiv iirTriHiis xal xsapâ-va^iv vavTtxrjs. )

* C'est dans les monuments du règne de Ramessès III qu'on ren- contre, pour la première fois, la circonstance remarquable d'une ba- taille navale. (De Rougé, Notice sommaire des monumenls égyptiens da musée du Louvre, 2" édit. p. 18.) C'est le seul roi qui fit en même temps, ainsi que les monuments le montrent, la guerre par terre et par mer. (Brugsch, Histoire d'Egypte, I, p. lS^; cf. ChampoUion- Figeac, L'Egypte ancienne, p. 3/j5.^

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 373

iilière qui ait été armée en Egypte, y attachait assez d'importance pour la décrire lui-môme dans les ins- criptions officielles du pylône de son palais de Médinet abou : «Elle paraissait sur la mer, dit-il, comme un mur puissant; elle se composait de trois sortes de vaisseaux (les Hâu, les Mens', et les Bdir), qui étaient garnis, de la proue à la poupe, de braves guerriers , munis de leurs armes ^ » D'autres ins- criptions y font souvent aussi allusion ^.

En appliquant les mêmes observations à un pas- sage de Diodore de Sicile, on peut penser que le roi qu'il appelle Sésoosis est aussi le Sésou ou Rames- sès III des monuments, car il lui attribue aussi ( i , 55) la possession d'une flotte maritime, en indiquant quilfat le premier Egyptien qui construisit des vaisseaux longs. Celte circonstance pourrait nous faire recon- naître, dans le même auteur, la suite et le complé- ment, peut-être altérés, du récit de Josèphe relatif à la trahison d' Armais, mais avec une variante qui transporterait auprès du roi la reine, chassée par Armais ou Danaiis. Diodore s'exprime ainsi ^ :

(( A son retour en Egypte , après sa grande expé- dition, Sésoosis s'arrêta à Péluse, il faillit périr, lui, sa femme et ses enfants, dans un repas donné par son frère ^. Pendant qu'ils étaient assoupis par

^ Greene, Fouilles , pi. lï, col. 20; de Rougé, Nolice de quelques textes hiéroglyphiques , p. 8; Brugsch, Histoire d'Egypte,!, p. 187.

^ Brugsch, Histoire d'Egypte, I, p. 186, 188, etc.

^ Livre I , chap. lvii.

* M. Champollion-Figeac remarque que «selon quelques cri- tiques, ce frère de Sésoosis serait le Danaus qui conduisit des coîo-

374 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

la boisson, le frère de Sésoosis profita de la nuit pour mettre le feu à des roseaux secs accumulés d'avance autour de sa tente. Sésoosis se réveilla sou- dain à la clarté du feu; mais ses gardiens, enivrés, tardèrent à venir à son secours. Levant alors les mains, il implora les dieux pour le salut de ses en- fants et de sa femme, et traversa les flammes. Après s'être ainsi sauvé comme par un miracle, il éleva, comme nous favons dit, des monuments h tous les dieux, mais particulièrement à Vulcain, auquel il devait surtout son salut ^ »

Quoi qu'il en soit des rapports qui peuvent exister entre ces deux récits, les observations précédentes nous amènent à établir, d'une manière que je crois certaine, que les faits rapportés par Flavius Josèphe, d'après Manétbon, se rapportent au règne de Ra- messèslll, comme la conspiration jugée dans le texte du papyrus judiciaire de Turin.

On sait, il est vrai, que des rois d'une époque antérieure avaient déjà porté leurs armes dans les îles de la Méditerranée; mais il ressort clairement des textes qui mentionnent leurs conquêtes, que ces souverains ne firent qu'y transporter des troupes de terre ou de débarquement, ce qui ne constitue pas des forces maritimes proprement dites, comme celles de Ramessèslll. Quant aux listes monumentales des victoires de ce Pharaon , elles correspondent au récit

nies égyptiennes clans la Grèce au xv' siècle avant noire ère. » [L'É- (jyple ancienne, p. SSg.)

' Traduction de M. F. Hoefer, vol. I, p. 67.

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 375

de Josèphe, aussi bien et peut être mieux que celles de Ménéptah-Séti I.

Aux faits que je viens de constater j'ajoute encore une indication; c'est que nous savons, par les mo- numents , que les principales campagnes de Rames- sèslll, en Asie, datent de l'an viii et de l'an ix de son règne, et conséquemment que le récit rapporté par Josèphe doit être relatif à cette époque.

Voici, pour terminer cette digression, la concor- dance des listes manéthoniennes avec les monu- ments, telle que je la comprends pour les rois dont je viens de parler :

376

OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

EUSÈBE.

AFRICAIN.

APMAIZÔKai Aara6g 5

APMEZZHZ

PAMEZZHZ b K^i kîyvivlos 68

PAMEZZHZ

AMENCJTIC [4o] Èivvéa xaï èexifi) Svvaaieia.

ZE0COZ 55

AMENCO^PAe [

Èvvéa xai êexd-nj Svvaaleia.

ZEGOJZ

PAMVHZ 66

PAVAKHZ

AMMENET0IZ 4o

AMENET0HZ

PAMEZZHZ

AMMENEMHZ 26

AMMENEMHZ

eOYOJPIZ 7

eOYCOPIZ

Eîxo<r1il Svvaaielix.

-

LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN.

377

JOSEPHE. C. Ap. cap. XT ou V.

APMAIZ

PAMEZZHZ

4,1

(Cap. XXVI ou IX. SE0Q ou ZE0QZ, 59)

ARMEZZHS MIAMMOY 66,2 (Cap.xxviouix. PAMVHZ— 66) AMENCOVIZ 19,6

(Cap. XXVI ou IX AMENCOTIZ //)

(Cap. XXVI ou IX. ZEGCiOZô Kaî PAMEZZHZ.)

ZE0COZIZ b Kai PAMEZZHZ,

èxctX. kïyMulos. Confondu par Josèphe avec Séti I et Rames- sès II. [Contre Apion, cap. xxvi ou ix.)

MONUMENTS.

HoR-EMHEB Mer en Amon (Râ-z'osor-x'eper-u-sotep-en-Ra).

XIX' dynastie.

Rà-mes-sou I

(Râ-men-pah'u-tï).

Mei-en-ptah z=z Séti I (Râ-men-maa).

Ramessou (II), Meianimoun, ( Râ-user-maa-sotep-en-Râ ) .

Mai-en-ptah holep her mâa,

(Ba-en-Râ-meï-Amon ).

Meï-en-ptah =r SÉTI II,

( Râ-user-x*eper-u-mei-Amen ).

Amen-mes-sou h yq-ouabou ,

( Men-ma-rà-sotep-en-Râ) .

Mei-en-ptah =: Si-Ptah

( X*ou-n-Râ-sotep-en-Râ ). et la reine Ta-Ouser.

XX' dynastie.

SÉsou ou RÂ-MES-sou-h'yq-An, ( Râ-ouser-maa-Tneï-amon ^ .

( La suite à un prochain cahier. )

378 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

QUELQUES CHAPITRES DE MÉDECINE ET DE THÉRAPEUTIQUE ARABES.

TEXTE ARABE, PDBLlÉ, TRADUIT, SUIVI D'UNE LISTE DE TERMES TECHNIQUES ET AUTRES.

PAR M. LE DOCTEUR B. R. SANGUINETTI.

AVANT-PROPOS.

La Bibliothèque impériale de Paris possède deux exem- plaires manuscrits d'un ouvrage arabe de thérapeutique mé- dicale, intitulé : Le livre des jlambeaux resplendissants, au sujet de la médecine humaine^. C'est un traité complet, ou mieux une sorte de compilation, divisée en dix chapitres, dont le premier est consacré à l'exposition de la doctrine humorale. Les autres parlent du traitement des maladies des diverses parties du corps , en commençant par les affections de la tète. L'auteur de ce livre est appelé Chihâb Eddîn Ah- med Alkalyoûby ^ et il est mort vers la fm du dixième mois lunaire de l'année 1069 de l'hégire (juillet 1669 de J. C).

On trouve des détails sur AlkalyoûlDy dans le Dictionnaire bibliographique et encyclopédique de Hâdji Khalfah , édition de M. Fluegel, notamment : t. V, p. i53, n" io,5o5, il est question d'un ouvrage théologique de notre auteur; t. VII, p. 856 et p. 899, d'après un assez long fragment du ji^s^Lî. yj^\ , fol. 36 v°, fragment cité ainsi deux fois en arabe par le savant éditeur, M. Fluegel. Il y est dit en somme qu'Alkal-

' *:ivJf ô-*'-'(J *.jyu«J[ ^La.lf cjLl^. Ancien fonds arabe, n" 1069, et supplément arabe, mis en ordre par M. Reinaud, n" lolio. " Originaire de Kalyoûb, petite ville d'Egypte, près du Caire.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 379 yoûby était un jurisconsulte distingué, auteur de plusieurs ou- vrages de droit, de théologie, philosophie, grammaire, etc. et^ aussi d'un livre] ou recueil de médecine, science qu'il connaissait bien. Ce dernier ouvrage est sans doute celui dont il est ici question. On ajoute que tous ses livres étaient eslimés, qu'il est mort dans les derniers jours du mois de chawwâl de l'an 1069 de l'hégire (juillet 1669 de J. C.),et que Ralyoûb était une petite ville en Egypte, dis- tante de deux ou trois parasanges du Caire'. Je noterai en- core que, parmi les manuscrits arabes de la Bibliothèque impériale ,^se trouvent d'autres ouvrages littéraires d'Alkal- yoûby.

J'ai cru utile de publier le texte et de donner la traduc- tion de plusieurs chapitres de ce livre de médecine; car, in- dépendamment de l'intérêt que quelques personnes peuvent prendre à ces sortes de matières, tous ceux qui s'occupent d'arabe rencontreront ici beaucoup de termes qui manquent dans nos lexiques, ou qui y sont mal expliqués. Ceux d'entre les arabisants qui ont la louable habitude d'écrire en marge de leur dictionnaire, soit Golius, soit Freytag ou autre, les mots qui y sont omis, ou les éclaircissements qui seraient nécessaires , trouveront dans ce travail de quoi augmenter leurs notes d'un bon nombre de termes de médecine, d'his- toire naturelle, etc.

' Le -j'^1 ''iUo>!^l:^> dont il est parlé plus haut', est un ouvrage bio- graphique, composé vers l'an n33 de l'hégire (1720 de J. G.), dans le but de faire connaître les hommes remarquables du onzième siècle de la même hégire (xvii" de J. G.) ; son auteur est Amin Eddîn Mohammed Almohibby Acchâmy, et il est cité par Hâdji Khalfah, édition de M. Fluegel, t. VI,

p. 6i5, iZi,882, ainsi qu'il suit : C^^L-LiL j>fyc»ijL j>IJjJ| c:iLiul'

yAc. (J^l:^. (jy? j y .^f ioos^ IjbLL' "^^ p[^3yfj. (Voyez aussi t. VII, p. 965.) La Bibliothèque impériale de Paris renferme un exem- plaire dudit 0^1 iL-vsvjLàfc » supplément arabe, mis en ordre par M. Rei-

naud, n" 676. On peut y lire la biographie d'Alkalyoùby , p. 96 et 96 , et l'on enverra la traduction ci-après.

380 OCTOBRE-NOVEMBRE 1S65.

Le (exte et la version qui vont suivre comprennent : Ja pré- face de l'ouvrage; le premier chapitre, qui traite du pouls, etc. puis des maladies, des liquides du corps, des aliments, des boissons ; et cela , d'après les principes de la doctrine humo- rale; le chapitre deuxième, il s'agit du traitement des maladies de la tête; enfin, le troisième chapitre, consacré en enlierà la cure des affections nombreuses des yeux. On y remarquera une grande variété , une vraie richesse de médi- caments; mais aussi, on y verra quelques préjugés et des traces nombreuses de superstition. J'ai mis le plus grand soin pour que le texte soit correci , en prenant surtout pour guide le manuscrit 1069, qui m'a semblé le moins fautif des deux manuscrits déjà mentionnés de la Bibliothèque impé- riale. Lorsque la leçon de ces deux manuscrits m'a paru erro- née, tantôt j'ai ajouté entre parenthèses la bonne leçon, ou, du moins, celle que je crois préférable ; d'autres fois j'ai fait connaître la bonne leçon par une note, ou dans les variantes. Quant à la traduction, j'ose espérer qu'on la trouvera suffi- samment exacte et fidèle. Quelques noies, d'ailleurs assez courtes , fourniront à mes lecteurs les explications que j'ai cru utile de leur donner. Parmi les manuscrits arabes de médecine, celui qui m'a le mieux servi pour vaincre quel- ques difficultés dans ce travail , c'est l'ouvrage du cheïkh Dâoud Alanthâky, dont le titre est : Mémorial des hommes intelligents ^

Il est maintenant de mon devoir de dire que, il y a quel- ques années, M. Cherbonneau , avec son obligeance habi- tuelle, a pris la peine de m'envoyer spontanément, de Cons- tantine, un court extrait de cet ouvrage d'Aîkalyoûby , afin d'appeler mon attention sur ce livre de médecine. Je le con- naissais déjà par les deux manuscrits plusieurs fois cités de la Bibliothèque impériale ; mais dès ce moment j'ai pris avec moi-même l'engagement de le faire connaître aux lecteurs

' CjlxJjf ^ol iJ^ijo". Manuscrits de la Bibliothèque impériale, an- cien fonds arabe, n' 10 58.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 381

du Joarnal asiatique. Différentes circonstances m'ont em- pêché jusqu'à ce jour de mettre à exécution mon projet.

Le pelit extrait provenant de M. Clierbonneau, et dont il vient d'être parlé, se compose généralement de formules prises çà et dans les trois premiers chapitres de l'ouvrage. Il fait par conséquent partie de la présente publication.

Enfin, l'abondance des médicaments, la polypharmacie , que j'ai annoncée ci dessus, ne surprendra point mes lec- teurs; car ils savent que les Arabes, par leur sol, et puis par leur commerce, surtout avec l'Inde, se trouvaient en pos- session d'un plus grand nombre de médicaments que les - Grecs n'en avaient sous la main. De la sorte, leur pharmacie s'accrut, leur matière médicale s'enrichit. Ils en furent pro- digues , et renchérirent encore sur Galien dans l'emploi des remèdes.

Voici maintenant la biographie de notre auteur :

« Ahmed, fils d'Ahmed, fils de Salâmah, Almisry, Alkal- yoûby, Acchâfi'y, l'imam très-instruit, le jurisconsulte, le Iraditionnaire , un des principaux savants, universellement estimé et apprécié, à cause des grands services qu'il a ren- dus. Il a étudié le droit et les traditions sous Chams (Eddîn) Arramly, qu'il a suivi pendant trois années , vivant retiré dans sa maison. 11 a aussi suivi les leçons de Noùr (Eddîn) Azziyâdy, de Sâlim Acchebchîry, de 'Aly Alhaléby, d'Ahmed, fils de Rhalîl Assoubky, et d'autres docteurs célèbres. A son tour, il a donné des leçons à Mansoùr Attlioûkhy, à Ibra- him Albirmâouy, à Cha'bân Alfayyoûmy et à d'autres sa- vants bien connus.

« On le redoutait beaucoup; nul n'osait parler en sa pré- sence sans tenir la tête baissée,, par crainte de lui et par frayeur. Il n'acceptait rien de personne, et on le voyait, la plupart du temps, faire l'aumône; il n'avait aucun traite- ment, ni aucune fortune connue, et pourtant il ne manquait de rien. Du reste, il ne mettait aucune recherche dans ses repas ni dans ses habits; il n'était occupé que d'oeuvres pieuses, et ne quittait pas l'enseignement, qui embrassait

382 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

toutes les sciences légales. 11 était instruit dans la géomancie, la science de la lettre (une sorte de cabale), et dans son ap- plication aux carrés magiques, à la zâïrdjah\ et autres stra- tagèmes. Il avait acquis en cela de la célébrité. Alkalyoûby était expérimenté et habile en médecine. De plus , il avait l'art de bien raconter, d'exposer clairement les choses. Au temps de son enseignement, ses auditeurs avaient un main- tien fort grave et tout à fait silencieux ^.

rt Notre savant est l'auteur de beaucoup d'ouvrages d'une utilité générale. Nous nous bornerons à citer ceux qui sui- vent :

« i" Des gloses marginales sur le commentaire du Minhâdj (ou Voie), parDjélâl (Eddîn) Almahally;

« Des gloses marginales sur le commentaire du Tahrîr {Revue ou Examen), par le clieïkh de l'islamisme;

« Des gloses marginales sur le commentaire d'Abou Chodjâ', par Ibn Râcim AIghazzy;

« l\° Des gloses marginales sur le commentaire de \ Azha- riyah (ou la Resplendissante , ouvrage grammatical);

« Des gloses marginales au commentaire du cheïkh Khâ- iid sur VAdjorroâmiyak (autre ouvrage de grammaire);

« Des gloses marginales au commentaire que le cheïkh de l'islamisme a écrit sur VIsagoge ( ou Introduction de Porphyre aux œuvres d'Aristote) ;

4 Une dissertation sur la manière de connaître la kiblah

* Ou tableau circulaire pour arriver à découvrir les clioses occultes. Cr passage du texte demande à être cité : (^y^l^ Jl_>Oy) I Àst^ iCiytvO jj»

\e.MLA^- Voyez sur ces matières les Prolégomènes d'ibn Khaldoun, dans les

Notices et Extraits des Manuscrits , notamment, texte arabe, t. XVI, p. 2o3 à 220; traduction française, t. XIX, p. 282 à aô/i.

"^ Littéralement : A ses leçons, les hommes étaient comme s'ils avaient en

des oiseaux sur leurs têtes ^^Joif j^-waN (^c- (jo «V^-*ws3 (J .*wUJk

MEDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 383

(ou la direction du temple de la Mecque), sans le secours d'aucun instrument;

0 Un recueil de médecine ;

« q" Les cérémonies du pèlerinage.

tt Outre cela , il a aussi composé d'autres dissertations et revues [tahrîrât), toutes fort utiles. Sa mort a eu lieu dans les derniers jours du mois de chawwâl de l'an 1069 ^^ l'hégire (juillet 1669 de J. C). Quant au mot alkalyoûhy^, qui s'écrit avec le fath du kâf, le soucoun du lâm, le dhamm du yâ, lettre qui a deux points au-dessous, le soucoun du ouâou, el après cela un hâ^ lettre qui porte un seul point au-dessous; le mot alkalyouby , dis-je, est l'adjectif relatif d'une toute petite ville (Ralyoùb), dont la distance du Caire est de deux ou trois parasanges, et qui possède de nombreux jardins, y

TEXTE.

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aî^jjcâ.^î_5 ii)r,^iiî^ t^laÀJL 5jJU^ ftîyiiî jXî ^,L-j^l ^y

384 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

^^ lj\,.^j\ AK-r,.jS? ^ v^i^la) o»-î^ ^*^'(^* *^^-'V^ f W^'^

<,Ua3l iCioc^ (i iôeJsJiXi îUi\s»^^ V^^^ i^^^i^^ iCoJOU (_^ scji>^ iC -C^i -«^LJLo AJLjI^^ ^ji4>o^| iKS-yAb^^^ L-£^*X*ô3

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^j^X-»«Jî^ iL^v^^ iUâJtJl^j («^i^ JyajUij cyUlUaJî^ <-*vAAla-M \b\s ê,!jJÎx-%wiiîj (j*.IajC^.^Î^ (^jyvMÀJuî^ (^AJJyJl

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^ J^^l J^waxîi iCjtjjî J^>wai Xaj^ d)Ji> wa^^ ^4*>^ ^^

' Le ms. loAo porte *Lyii>^| to^ ^kkIû}\ ^«Xkf f^j^, ré- daction qui est peut-être préférable.

" La leçon du ms. 1069 est Jj*a3. ^

MEDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 385

w w^

2i.Jk,J^ iL^^^Ks- y^^ \SjJl ^J-^ c3^^ ^^^ (_j.N.«^wJ| (j^

(j^ 14-Loî^ Jldkii L^Aô^j -pb^^Jl iU^yûj iCS^

îtX-s» t>-JS-ij ^î^ iLA-ibuJîj iLidîj io^XÂ-i/I JÎ*X-JCfil

^ &jX^\j *jiXJî iU:^^ lôUJl ^ (jbUJl^ J.JJI <-^ »,JUaJî^ «;l;.il J^:> iCAaJlil «;^itj ^T:>y^\ iU:^ lâAàJî

UJH^-? J^5 AA>UaJî 5^^^ icAiUiî^ i^M iU:^ QÎ^i^î ci^XJCi^î^ JyJî ^j«i*^ iU:^fi (J>^^^ *V^Î ^3^

* Le ms. n" 10/10 ajoute: qÎ^^I (Jiylij' ^^ iU^ «v^f^ VI. 26

38C OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

^^ j:,\j^:ii\ (j^ Lû^ Uvi jUJi JooaJi J^l iu:su . 1 - . ^

Util ^j^"^^ RmJ^ Aj| «X^^ (^^JU^Î «Xj^ io^X^^i/l

UU l ^j^ IoXâ. Jo 0.* ci^tXa? U (jojo bjji «Xj»^ (j^**

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^ J«X-x2.Jî^ jl^»xJI^ (j-[^^ tjUaJiJ A.JLfi ^^-i«*ÂAi j.«xJ|

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^y^\ ^^X-W^ ^lÂAwiil »^U^J3 i^Î tKb^J.^iiî ^^-^^5

iL-^«xJîj «o^j-ÀûJI iLs^y^^ iû^*Xc^ «jl^-^^ ^^ji^; ^ c3^5^-xJLî y^UaJî^ j^Uiîj t^Jo^î JU-«Jl^ *X^^i f^j^ ^'^-^il iiL5àl^ iL^Aû-l^ c^J^-4^ |-îM^J ^^^

{*A3) l^i :>^*xJî^ ^"^"^^ (:J^*^^^ iûc?l^A«^î^ t^»^ cyîi_5

^ La leçon du ms. io4o est : 8Ujc:^«|j >!>[j ^ySJiw] jjij- En marge du ms. n" 1069, il y a, en cet endroit : «aXj , sans doute pour -AXJ" (j î

2 Le ms. lo/io porte ^jaaJIj.

' Le ms. n" io4o donne çj en place du j.

* Le ms. 1069 porte ^.^iUJf , terme plus vulgaire.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 387 ^1 (i%A»,^ ^U>^ i3^î «jî^j lôJ^iiî à^i/J otiJS]^

jJuo^\ fiZM^ iL^Mw^UJl ^^jJi^\^ iS^"^^ 'éj^\^ Âjéé^^ *T:>^--«-JI iiX^ilî^ Jwiil ^\:>^ iLjLUî «jl^j ^^*^b

^j*»*^î iJ*Xd-.^ J^jXmJÎ ^\yJMyl\^ j.^Mé}\^ Cj^Jxîî ^UÂiw^

'^ p^^î^ ^^-A-^ ^^^3 p3 "^ Lh|/-*-A3l iU-Jt^tj (Sj'^^

^-=^33 t^^-AAxiî (_J.^^H^^ iL^**jU3i J.-^-«U*Xj|^j-j^^î^Aiî^

* Lems. n" 1069 paraît donner i^j^ cs<*j-

> Le ms. 10/10 aioute : J^^j|^ ^-^^-^^ J V^î 'Ul^

■* Le ms. 1069 porte ^viiJf. Ce serait alors le ténia.

* Le ms. W 1 o4o donne ^yj L , ou « la lèpre. »

26.

388 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Jjijj l^AM^^ Uûi^i^ ^Uaw^J J^^^ ^^"^^^ ^jli^î J^JLJ

^^jumJI •^^^ t-^wkxiJî ^^:>^ :>^^^l t3-ô^î^ <_*uAjJl i^Ufc.^^ (jÀiLiJi ^^^^ **>otîi ^^ Oi)*^^-? J^«Jiiî *r^^ (MV^^^

-JoOl Jl t;*.îpt (j^ iùUoUJI^ y^llôJî xftU*^!^ (j*>«AiI

u * w ,^^

«X-j^^îj^ ^jUmJo c.^»»^ i>yS'^ S^j^3 y^3 J-*-* ^Ij ^yh

JJiL«5 iC-j^j-w -^^^^s*-) L*XÂiûjjj^ u^tj^ jy^^ '^y^ Jj^3

* Le ms. io4o donne vLx.«.

' Le ms. n* 1069 donne jLwlj. •^ La leçon du ms. 1069 est iiiMJl.

* Le ms. n" 1069 porte si .^^5- C'est la nie sauvage, 011 ruta syl- vestris.

MÉDECINK ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 389

w

iLS^XJL? (^^^ ^J;^ (i^. o^Uî :>j^l ^Vj^ (^ JJjl Uji eJUJi JoAiil dUJî ^1^ ^^yX\ J^x^i ^^^ 2<;iU^Î

L|^;-^^ >TJ.JUail Uî^ t^^Xx^Ji t^f^ *^tjUil iOoùJl^j

yXK^\ ^ X^^yKi^^ Aho^ U^^^^ t^!^VvMÎ f-\^^ ^X^o'^S^

f\A i)lj*. l^jiX»^^^5CwJî^ iii^jdl^ (iJV^Î^ iaî^^î^ y^-»«^

«Xj^I^ uy4;^^^^ u^^^^^^ a^i^I jj^^ ^jjà\ <lJ^ ia.Jk*JiJl *xiaJij^ J^v^î *>U|^ JouUi^î^ J.ajJI <-,o^ aJvxL»^

^ Le m?. io4o ajoute ^>aa:^JOL. C'est probablement pour (jAA^yJL, ce qui signifie rosée miellée, ou manne.

390 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Z^^yKj^\ y^ iCi-^LîJ! Is^i^i/Î ^kû^ Jl^î^ :>^t^ ^y.xj:iél\^ i^^J^a^Wy UijJljjUJI f^^^ ^xj^i^ J^ajJî

J.-JC-J ^— J^;-J AaX^ j^Joi-^^j^ »Xa£ -*x]1 (ji -PtJM^ o***^

l^S'y^Aj; vilU x)jiXJî (jîj l.^A^ U vJ^' cU^s^J^' lis" (jî^ c^Jo; jl^»- -<xil kXs». ^î^ «^ ^ LU aaJU «^-Ui

(j^^c-jL ^jl* p^^j, Mé.\\ iaAifc yi^ (jwwjLjU»- ^lyuaJI laXâ.

tKj Jî*X-A-fi>^î (jl <-^J:3; jl>- 3-^ iXj l-^ytlo CJ-* Jfc^^

' La leçon du ms. 10/io est jLg.ukJ«.

- Le ms. n" io4o ajoute ^j,

^ Le ms. 1069 paraît porter i^.

* Le ms. io4o donne «vjJ^^, et ne contient pas XL» JdI Jl. ^

' Le même ms. io4o ajoute : 3su ,^*-^^ y m^^*^^ <^ oAcf a>Uwaaj iaxU . jwoU

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 391

jj^jCft^JjJU cKj «;JS5:5" ^i^^Jkilii^ »^UmJ^ i<s>^^j^ ^-^ cXVs? Ig^Aiiil^ cl>b^l (j^jj^Â. ^^Sj^JI^j AAiûljo tj kJkwyU »_^jf <j

^b ^j.-gi (^5>J J^^ »jÂ.y.^ ^ iSj^^^ ^ (SJ^^^^^ &^

^Ui)i *J.jî ^^^4 <o.ij iUA^I J^^SJI ^ 20^^Ut

^ La ieçon du ms. io4o est J ^^ * La leçon du ms. 1069 est (_sa.o . ^ Le ms. io4o offre K^^jjf.

392 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

c:*ii'^^3U5 (j^ ^ii^ <^^îyuaJl Ul_j l^^^ cKsi^i /6-^^

^^^îj (j^*X-j<Jî^ dl-A^5^ ^jiJî dUvJi t^^xil ^

A-rs»^il ^\ L«X-jLg.ii i*;_5^-*^ W*^ (J-^^ U^**? ^ (J^^'^ *_xJLij (jôaJ^ j.-*r-^ ^^ (Sj^^ (jÀ^lil (jv^î «oLjj^,-im

* La leçon du nis. io4o est O^lIL.

* Le ms. n" io4o porte Jù»yiif.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 393 (^jOlJÎ^ ^^>JCmjUÎ^ j^yJ^^aJ]^ ^^'^b <-r''*^^ A^slykit Ul^ t-V^^ J^-'^î^ cM^Î^ c:^î;JSîj (j.ao:ilî 0^^^^ ^^ (^^^.^î ^Uiiîl (;JV<^ c:>^_^^3Uî t>-4 Ai»î^^ ^xUJl

^^.^^î ^^ J.^]L j^^ iL,^|/î JàUJî J>^

^^ (jo^-^-li Lifiy-^^ ^^j-^il^ ^r^^j^î aST^I Cj-* *Aiî^^ jlJJI vW-îî v^r^ f4^^ H^ <^^' ^b ^^^ ^*^

^ Le ms. n" i o4o ajoute ici le mot ^i>-<-

' Le même ms. io4o ajoute isJuL.

^ Le ms. n" io4o ajoute ici le mot itiyco.

* Lems.n°io4oajoute:«vc[yL pljj^l ^^^t^cS^^t U<<^

^-^ I Ml' •••• •• .

•vxl^^f Lob wuiuJU.

394 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

yV-^3 J^ çj^y^iy^J]^ (J^j^\ j^^\ (ijy^^3 <^;JaJuJI i^M iax**05 (^.AXjtîî o«»^î çj^ f^J^ \^i^ *Xx? (j-^03 U^ U^ ^î*XAâJi Uî^ pl»l iLS-^V_3 «^-â^îj w^î J^î (j^

Xilî liyJL» ijy^^\ ^ Ltf>yA=fc. ^^îUo (j**iiî (j^^ y\ ^yl »i^^^ 0-^ fjV yi^ c:>^«^ c5^5^5 c(js-uaiî çj^ tj^y^

ljjJm ç-UJi -^U; 5^^î cj^ J^j5/* iC^-Mj^ (3"^^ Vj-*»* ^'

* La leçon du ms. n** lo/io est : ^^AA-ifyjl oyi <U/« »ÂJuw9.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 395

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Uî^ r^^^ (•j^'*^ iCtl^ <X;ij iCftUw *Xr&-^ U^-?^ tK=^^ ^ La leçon du ms. n** io4o est 153*0.

396 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

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MEDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 397

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ii-Aâ^î *y«jj^XJl (i3r^ (j^ JUi*-« ç^^'Aw Ϋ>s5^ Uift^^ [tj^

* La leçon du ms. n" lodo est sl^UL . Le ms. 1069 donne st\^fa, sans doute pourvj^îa.

* Le ms. n" io4o porte ywi^Jf. ^ Le ms. io4o ajoute \oJ>.

* Le ms. 1069 donne ici la note marginale suivante : jUxiL^

398 OCTOBRE-NOVEMBRE 1805.

^Jy^ (j^ JlÂA^ cjj.:^ ^^3 u^'^^ (:y^ ^ j^^ 63>^

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-Ll iL5^' /i^l;:> iu**^ -^ tX ^^^ ^iV^j *)^ ^Ji^î^^ ^jSjo^^ULI fjj3 y^^ /^ (j-«^ 'ri;'^ {♦xxiftj \mJ^ ^y*^.3

-•^K-^î iTj-AjS^ (J*i|^iî j-=?-^^ ylxw^l ^t'^^^ 13*^ ^

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jj^ ^1 ub"*^^ -?' ^J^y^ iùA:2I_5Î J^yll^i yL^iUil

' Le ms. io4o porte -^3yii' r^j*

^ Le ms. io4o ajoute ^0!

^ Le même ms. n" io4o porte oAjÇ. UTa .

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 399

ouÇ^yi ^JL« ^ÀÀj u^^ jUS <Xxj j4Xajc«^ iCÂiAw (^j-^I^S-j^

^ La leçon du ms. io4o est s(>.*X^ .

* Lems. \ol\o porte A^ ^/> ïs5^y^\ ^Uixif.

400 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

^^.jkJu^ ^ui iifg^\j^ (jté.s^'j^] çf\^ 1<>0^ ^J^ ty^^ ^^

iLj^^.yl ^^.— ^*0* ^^— s- ^jwJLa» ^^UpÎ v-À^aJ^ Sy*^ iliUil

^uÂw« ^-A-Â-jui ^^I^^^.4mJ| (jmI^^^I Uij^ ^J-^^ (>^«^ ^^

jfcw^i^ \j\j^^ j^:^}] (j4y-îJi ^i pl»î iC>^* ^3X^Jl i>j^^ cy^iXwA_i^ ^^-Â-fi LâmJL» iÙj^Ui (j*é[^\ i J-kAsC* «Xj» Aj|

Le ms. io4o donne ï]JL].

' Le même ms. io4o porte c.yy«JI

' Le ms. n" io4o donne

MÉDFXINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 401 ^jl» c3j^-j«JLl tjjUl j.am»^ ^yû:> ^_^-« 5*^^ ^^ ,^^^

^U4>^)i (J^l^^ J^V^ (J^ ^"^ i=^K>aiJî ^4>5^ «^^XaÂJI ^ 0.A£?

^^^.tfw-Jî^ jjbj_jLJî^ ^tjU*JL*wi/î (j^^ i^^;^^ »j^5jsJLi AJCjtJLo^ (j*^-*Jî ^HV-*-J^ j4^^^ 5«Xxiî^ j<XAalî (jbl^i^ -^j—j'^î (ji?Lj;^ (j^ i^\j!L«l éjji^ju (^-^^.^ ^^^ *^^'^^. (j^ ti^j ^-cHk^ «Xm^Jj *;xJ^ ti J^^î? (*^* (^W^ ^3"^i*^Jî %-«

(^^ (jlvyJî^ iJ^j-jUl <-^Mfc^ ^.x^3 U jUiA^ XiU i4^y;Ji^ ^jyj^J^ 5>4* (i-^^ .WJtÂ^^ c^s2 :>jaJU ^bpt (^^ )

402 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

«M

A-^ ^j Vl , > 4X.J»^ i\.jsw« la.)»:.iy>»J «y^^ ^.^liCLo »Jla iC^w&Jl^

j.yJt ^1 J-AJiJl ji^ i^\y J^l ^^ pU-j (^.x^ <^j^

' Le ms. 1069 porte Lrf-.

» La leçon dums. n" io4o est: y ^t>Jl ^u-j^-^" J^ J ^/^'

3 Le ms. n" lo/io porte ^à-^i?. * Le tns. n" 1 o4o donne (Jj j^

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 403 l^Ai ij^ J.5- vl^î ïjSjJi^ JU^S^I ^iilj ,^iJUw

^^ ^^\ cU;?? Ctfj iûsXil^ ^>^î^ v-J^Î^ cri/î

IM

' Le ms. n" loAo ajoute ^^^l- * Le IMS. n" io4o porte ajc^jc^.

27.

404 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

iu^.^! ^;2;JLÎÎ i iCXjsA-lî ^-aJ^JL UfcJ^Uo ^i «■ii>S?>Jt *i

^^XJaJi b!^ «-^ *^ iLj^j,^5s^ ''^^^^ iLÂww^i ^5-**^^ ^:>jj^\^ pXm^XÂ (i^ysl^ ^lLH ^ jJuJi^ j^*iî ^^ ëJ>>^

^i^î ^ eJlAJÎ C->Uil Uijl ^Uil^ Rjy^^ (j-yliUîi ^jj^

' La leçon <Ju ms. 1069 est ^jâ-^i- .

^ Les deux mss. n"' io4o et 1069 portent qI^a^UI.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 405 isjl)^ <J^ lJ>5 U>K Jb>^ Vj^ ui^^ î^ (i^Xi

cM^j j^^ »^y^^ «2>yu» ^^.^^^ >^\^^ j^î dum^

jlj^pL Jl^v^î^ c->U5<>Jî c^b yt^ ^^JwaJl Jyuo *JÎ cK** «X^î Jvx> i>^UjiJî^ iowjJî^ U^^^ «^ *r**^^ *^^ xJl (^LwâJ J^wm.^ ^ud;& 4X^i (Jl^ ^â31 ^!^ ■f'tJ^^I (jàxj

^^^L »Lûflu« «>^-*J<J^ ^JSilàf^il5 i>j^î ^kj^î^ U ^^

406 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

' Le ms. n" xo4o ajoute «*J^.

' Le ms. 1069 porte v^Li.Jî. Le ms. n°io4o porte Ul ^^.^LoJf [sic), sans doute pour JI j»U ^f . ' Les mss. portent *A=h.y I.

* Le ms. 1 o4o ajoute *U .

* La leçon du ms. n" lo^o est >adj|.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 407

oc*pi ^^^ ^^j^i utj isç^ ji iu;5ï y ^SJo l^xi

j-iJ «XJ»j :>j|^l Jît* ^1 i^X-s-^î âjl-ca* p^A^4 j^U ^i ' Le ms. n* 1069 donne Lbo'jJL.

408 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

^jî U^-X-a)5 t^v-Vft ii;LwSLfi J^JJHi iLj^jJl Uî^ (^>:?>*'5

^ ^Càsî^jj^JL^i ^IjJaJUL^Î iot-JlL^Î^L ji^JOfii

^ok^ *X,«»^ a-jUsSoi UûjI ^jb S^;-:^ ^^^ J"-^' j' uLt*^^

' Le nis.n" 1069 porte ^jyàLyybfî le ms. 1 o4 o donne J^«w,| 3^1 f, pour J^t^^f.

^ La leçon du ins. n" lo/io est ^,^1 (jL^^f ydJ] J {sic.}\ le ms. n" 1069 porte i_^LviJl en place de (_>Ia^|.

"^ La leçon du ms. n" lo^o est Js^«jL.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 409

j-A-x^ *ilj>j^J s^=-^ ( J^"^) J^4 o^**^ -^"^ 3^ dlUiL l^-&-^ ^^iljj^i V;-^^ c5*>^^î cdyT^ :>U»^ -î^:>jls^l

iC-jt-/o«xJI ûî^ k*l aMÎ^ ^y-^3 iûftLw v.juâ3 jJv3 ^4^* ^ c^;-:^ c-^I^^^I «^ (jlj-icpJ j-xlaiuj ^^K^î^

iU-^î _5l^^:^i ôU^L Jl.âK^:iiU ^U^j^ii U!^ ^5î

^^ jJLî J^-M*u«Jt ^^ j^y^^ ^ ^yaà^ ^^^ouaJÎ (j^«X^

^^ cK^^ Jc»d- -IjÎ «^-ôjJî^ 4^-5 ^^*^*^- ^^^

^ La leçon dums. 11° io4o est vtSÀ^ .yiJI; celle chi ms. n* 1069

410 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

yÀhS dL^M-O f^y^ y^m (j[/Àft]j f^*yjjl^ VXjjJ CJ>^^j^î ^j^^

j.j^I *>oj^ ^I ^Uiî i^u^\ *λXJL> ^1 ^UjcJÎ ^^jUtio

' Le ms. io4o porte yifc.3f.

' Le ms. iO/4o donne QLJf.

^ La leçon du ms. n" 10G9 est c>Jv4-

* Les deux mss. portent (jIla^UIj-

MÉDECINK ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 411

«X -^^ w^ ^Lj-Aiaj^ iLxUI i3-A^ ^ O^*^^ O^W iûXà?

^ÎLc: L^iX-s»-! ujUaj «X-ÂJilï^ *î^^ ^bî^ o^aÂft ÎJsS^

(^ ^t CX-^îj-Xlft JojUJI ^Ijlill? i^;^^ ioyÏKilj

Ul^ iSU-^fi? ^t-^ Â-JI (çjJ *-« yl^^-jutpl ^1 V^aS :>;3Jî

* Le ms. io4o porte ï^.Ju»'

' Le ms. n" 1069 offre çj^yc^- ^ Le ms. n" loAo ajoute ici ^^IX . ^ Le même ms. ajoute \Z<ui f

* Le même ms. ajoute ici c:>L)>^[ [sic).

412 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

(j-« c>uk»<^xU ^ |*{ t->L«>Jl JJU^^jwiaJÎ j»UÏ ^o^ (J^ *|^-*m ' Co passage inanqui? dans le ms. n" 1069.

MEDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 413 tLiLxjLÎÎ^ yii^:^^î^ ^^^JL$jÎj J,s>-jÀ^]^ cyL^A^ft)^!^

tj J^-x-:^^ J.>w»^^ cK^-^ ^<-^^ Jj^:^^^AiÂi.^î c.Uj^àJI ^j«Xj «^^t-juiàl v|^~^ A^-«5 ^J^ f»^ cKj^Jtîî ^^ C:J??*ÎÎ ti

* La leçon du ms. n" lo/io est L*^ ^-<*^^ tj^ C^^ «^[^ ^ ^f

'^ Le ms. 1069 pai'aît porter cjft>4^- ^ Le ms. n" 10^0 donne ijyjuîJf.

414 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Ooufcjj ^^^ <i^ ■^^'^^ (i^^ W^-^' 5j-ioo gJaj^ ^=?- ^j

&Lâ-xJ L^x^ :>i^ tXd^ J^MjJt^ cu^L io^.^k>o ^^^1^

Jjljcîî ^Llt (j^j tj.J[^^ UmjJî^ x.»j>^J1j (j).^^j #»j Js^wwjtJî

* La leçon du ms. n" lO^o est cUat^JiJf; celle du ms. n" 1069,

ylff.

A-XJl.^

' Le ms. n" jo4o porte >LII C«L-

' La leçon du ms. io4o est juaL» *^^\-

* Le ms. lo/io donne jOv^U*

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 415

v^iAAJ JUX» -«^î^^ *X*Aw J«^ (j^^ (j,»«Us:U| 0l2fc.i^ iuJbw*

^U<[ XK^- v>-i:s?rj^^ J.i^ J-**^^ î*-^4^ (>^*v: U*Xj»-1

i^j :<* ^LL^L ^^j-^5sJLi (j^LJl ^j<**j5»^i (jj^^ ^j^

* Le ms.n^ioAo ajoute ce qui suit: (^_:^«ï[) [yïw>^f ^3 *l CJv^ ^-« (jf^JzjJî^f Cjj^ ^Lo^^î <AjtX-l[ ^Lo3 ^^^A^f ^f

" Le même nis. n" io4o ajoute ici : <^>SZj (j'^^^- ' La leçon du ms. 1069 ®** U^^î.

* Le nis. io4o ajoute lys^f.

* Le même ms. n' io4o porte ^«sâ.yj[, c'est-à-dire : «la fou- gère. »

416 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

^U:*? V^ ^.>^^ èLi^jj^A iULl*^ y^Uô Uû;.AP^ iouLJl (ji <}<JùLo^ iooy:5ll ij^5>=^ (j-« ^^ «-^ J^ aL».'û:w>w^^

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' La leçon du ms. n" io/io est <_>jsa1?,

^ Le ms. io4o porte <vXaÀ/nOû.

"• Le ms. 1069 donne Uutu» ou *<1am»*.

^ Le même ms. n^ioôg porte Asic. [sic).

^ Le ms. n°io4o ajoute «ijJî ^j .

^ Le ms. n" 10/10 ajoute ^«.

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MÉDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 417

^ji «^iAûj iC:^p >i f^*^* u^ ^b^ (j^ <5^ ^^^* AÎ^«^ «i

^jlâÂiî (j^^i pUt.^ J^*^:> (J-* ^' ^«^^i^J (j^ ^i r»>^^ CJ-» ^^ j*,<xi]î^ Jytlî^ Jo^K 4:yt^^ili tXî (j^ (jbUJî c:>îi

>LiSï «^-^loLjJl j>>-*-î? r^ J^ y^-&jb ^^-«^1 (J^-^^

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TRADUCTION.

LE LIVRE DES FLAMBEAUX RESPLENDISSANTS, AO SUJET DE LA MÉDECINE HUMAINE.

C'est l'ouvrage du cheïkh imam , et du docteur magnanime, le savant, le dévot, Chihâb Eddîn Al- kalyoûby Acchâfi'y.Que le Dieu très-haut le recouvre de sa miséricorde et concède aux musulmans une part de sa bénédiction ! Qu'à cause de lui Dieu favo- rise quiconque transcrit ce livre , et quiconque le lit ! Amen. Que Dieu bénisse notre. maître Mahomet,

' Le ms.n" io4o donne ^Lyls ,

VI. 28

418 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

sa famille et ses compagnons, sur lesquels soit le salut! Amen. Amen.

Au nom du Dieu clément et miséricordieux, sur qui repose toute ma confiance. Louange à Dieu, qui a fait l'espèce humaine la plus parfaite de toutes les espèces, qui fa distinguée parla parole, l'intel- ligence et la découverte; qui a voulu que la santé du corps et de l'esprit de l'homme soit la cause de l'in- vention de choses utiles. Bénédiction et salut sur notre maître Mahomet, qui fut hien proportionné dans le corps, les qualités et le naturel !

Or, voici un petit livre que chacun pourra com- prendre, et sans avoir besoin pour cela de secours étrangers. 11 réunit ce qui se trouve répandu dans les autres traités sur ces matières, et dispense ainsi de recourir à ces derniers. Que le Dieu suprême lui fasse atteindre son but sincère, et favorise celui qui désire tirer profit de cet ouvrage, dans de bonnes intentions! Certes, Dieu est proche, puissant et maître d'exaucer la prière de celui qui l'invoque. Cet écrit est divisé en une prélace, dix chapitres et une conclusion.

PRÉFACE.

SUR LA CONNAISSANCE DE LA MEDECINE ET DE CE QDI S'Y RATTACHE.

La médecine est une science qui fait connaîti^e les états des corps, tant dans la santé que dans la maladie. Son sujet est l'étude des corps; son but, c'est la conservation de la santé et l'éloignement des

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 419 maladies. Les recherches qu elle exige sont innom- brables, et il faut employer les plus grands soins pour celles qui sont possibles.

Sachez donc que toutes les maladies sont le pro- duit dune altération du tempérament, suite de la corruption de quelqu'une des quatre humeurs fon- damentales qui par leur mélange le constituent. Les causes de cette corruption se trouvent dans le mélange des aliments et des boissons, dans l'almos- phère, les lieux, les professions, les saisons, le som- meil, la veille, dans le mouvement et le repos, aussi bien du corps que de l'esprit , dans ce qu'on re- tient et dans ce qu'on rejette. Le médecin étant bien instruit sur toutes ces choses, nulle altération ne peut survenir que par la volonté du Savant et Très- Saint. Or, l'on reconnaît les affections par les symp- tômes, par l'inspection du pouls et des urines. Mais le Dieu très-haut est le plus savant.

CHAPITRE PREMIER.

SUR LA CONNAISSANCE DES OUIGINES DES MALADIES, DE CE QU'ELLES PRODUISENT, DE CE QUI LES SUIT, ETC.

Il y a ici quatre paragraphes.

S I.

SUIl LA CONNAISSANCE DES QUATRE HUMEURS FONDAMENTALES DD CORPS, AU MOYEN DU POULS OU DES URINES.

Le pouls peut être grand et accéléré , ce qui est le signe do l'humeur sanguine, et ce qui prouve que

28.

^20 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

le sang est on prédominance sur les autres humeurs. I^a place du sang est dans ie foie, et son origine dans le soleil (ou le feu). Si le pouls est petit et ac- céléré, cela indique la prédominance de la bile. La place de la bile est dans la vésicule du liel, et son origine dans les vents (ou l'air). Quand le pouls est petit et lent, c'est le signe de l'atrabile. La place de celle-ci est dans la rate, et son origine est dans la terre. Le pouls étant grand et lent, c'est un indice de la pituite, ou du flegme. Sa place est dans le poumon, et son origine dans l'eau. Lorsque le pouls tient le milieu entre ces différents états, cela prouve les justes proportions dans les humeurs du corps de l'homme, sa santé et sa situation intègre. Si enfin le pouls est très petit et très-accéléré, il indique l'épuisement des humeurs et l'imminence de la mort.

Quant aux urines, si elles sont rouges et épaisses, elles prouvent l'excès du sang; si elles sont blanchçs et épaisses, elles indiquent la pituite; jaunes et épaisses, elles dénotent l'atrabile; purement rouges, elles indiquent l'inflammation; jaunes et légères, elles prouvent la bile; légères seulement, elles sont un indice de la siccité du corps; vertes, elles prou- vent la froideur; blanches, elles prouvent l'humi- dité; si elles sont d'un jaune clair, elles indiquent un état de maladie; d'un jaune tempéré, à la manière de la couleur du cédrat et du petit-lait, elles prou- vent la santé et l'état intègre du corps; d'un rouge clair, elles indiquent les soucis, le chagrin , ot la dou-

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 421 leur du foie^; si elles sont fort puantes, elles déno- tent la difficulté d'uriner; enfui, lorsque les urines varient beaucoup de couleur, c'est un signe de mort.

S II.

SUR LES MALADIES QUI SONT PRODUITES PAR LES HUMEURS DU CORPS.

D'après des recherches qui ont été faites avec soin et persévérance, on a trouvé que le nombre des affections engendrées par les humeurs se monte à trente-cinq mille. Nous allons mentionner ici quel- ques-unes des maladies produites par chacune des humeurs du corps.

Le sang donne lieu aux affections suivantes : la diminution de l'intelligence^, le vertige, la cépha- lalgie au front, la pesanteur des yeux, la chassie, ou lippitude, avec chaleur et larmoiement; i'oph- thalmie des deux yeux, aussi avec chaleur et lar- moiement; les ulcères de la prunelle de fœil, les ulcères du nez, l'affaiblissement de la vue, le sai- gnement de nez, les pustules des paupières, la dou- leur des oreilles, accompagnée de chaleur; les taches rousses de la face ou lentigo; l'érosion des gen- cives, le ramollissement des dents, les pustules de la bouche, accompagnées d'humidité, de chaleur, et d'une saveur douce; la raucité de la voix, fes- quinancie, le gonflement de la veine jugulaire ex-

' Le manuscrit io4o ajoute: la teinte grise des urines est un signe de fièvre; la couleur de safran est un signe de bile. * Mot à mot : l'affiubiissemcnt de la tête.

422 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

terne, la toux humide, les écrouelles, la peste, ap- pelée (en Egypte) coabbah, ou bubon; la lèpre tuberculeuse, la variole, la rougeole, le prurigo, les furoncles, les ulcères, les clous nombreux, le charbon ou anthrax^, la pleurésie, la ménorrha- gie, le cours de ventre et les vers intestinaux, la pustule maligne, la folie, et les fièvres continues.

Les maladies occasionnées par la bile sont : fin- llammation de la tête, le vertige, la douleur dans le sommet de la tête ou sinciput, la cataracte blanche ^, la sécheresse du nez, l'air chaud des oreilles, les grandes taches brunes du visage, l'amer- tume et la sécheresse de la salive, les pustules chaudes de la bouche, l'âpreté ainsi que la séche- resse du gosier; l'inflammation de l'estomac, la soif, la dureté de l'hypochondre droit, les ulcères secs, la cataracte jaune ^, la colique, finflammation de la vessie, la léontiasis^, la gangrène, la difficulté d'uriner ou dysurie, les calculs, ou pierres dans la vessie et les reins; les papules ou petit boutons; les verrues, les gerçures des pieds pendant fêté, fahénation mentale, et la fièvre tierce.

L'atrabile produit les affections qui suivent : les

' Littéralement : le Jeu persan. On l'appelle aussi le Jeu sacrée et quelquefois il sert ù désigner une sorte (rérésipèlc.

* Mot à mot : l'eau blanche dans l'œil. Cela indique une des variétés de la cataracte, ou la cataracte blanche.

^ C'est une autre variété de ia cataracte. Littéralement : l'eau jaune.

* C'est l'éléphanliasis des Grecs, ayant son siégo h la face. A la lettre : la maladie du lion.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 423 dartres dans la tête et dans le corps, la céphalalgie, la migraine, le vertige, l'air du nez \ l'astlinje, le vomissement violent, l'indigestion, rcmphysème, la syncope, les palpitations du cœm% l'insomnie, la folie taciturne, la fréquence de la respiration, la dureté de la rate, les calculs rénaux, la difficulté d'uriner, la colique, (la douleur dans) la région hy- pochondriaque, les vers (qui ressemblent aux se- mences) des courges, ou les ascarides; la goutte ou névralgie sciatique; l'impuissance, les crevasses des pieds , la petite vérole , le tremblement , la goutte , (podagre ou arthrite), sans enflure; la calvitie^, l'enflure ou tumeur; les hémorrhoïdes, les furoncles secs, la sécheresse des tendons, la douleur du dos, la froideur des reins, la douleur des conduits dé- férents, dans les testicules, etc.

Les maladies engendrées par la pituite sont : le vertige, la migraine dans le côté droit, la sensation de poussière dans l'œil , l'ophthalmie humide et sans rougeur, la lippitude, aussi sans rougeur; le rhume de cerveau, la douleur d'oreilles, et la du- reté de l'ouïe, la douleur et la carie des dents, ainsi que leur agacement, l'embarras de la langue, la pesanteur des membres, la difficulté de parler, la toux humide, la dyspnée, les palpitations, l'hal- lucination, la folie taciturne, l'insomnie, les dou-

' Le manuscrit lodo ajoute : i'eau noire dans l'œil (autre vari(?té de cataracte, ou cataracte noire), le bruit et le tintement dans les oreilles, la toux sèche.

■^ Littéralement, la maladie du serpent , ou opliiasis. C'est une es- pace d'alopécie.

424 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

leurs aiguës de l'estomac, avec abcès et petits vers; le cours de ventre, la petite vérole, le tremble- ment des yeux, la contorsion du visage, l'hémi- plégie, le relâchement des tendons, le lichen noir, l'alopécie, la chute des cheveux, l'enflure, l'abon- dance des poux, la grande sueur, le gonflement des pieds, et la fièvre accompagnée de frissons.

Remarque utile.

L'expérience a prouvé que l'électuaire ci-dessous est avantageux dans toutes les maladies et toutes les douleurs du corps, tant externes qu'internes, depuis la tête jusqu'aux pieds, et qu'on peut l'employer en tout temps. La dose est de deux à six gros (de huit à vingt-quatre grammes environ), suivant l'état des forces.

On le prépare avec les drogues qui suivent : le spicanard, ou lavande indienne ^; le mastic ^, le safran, l'antispode, ou spode des Arabes^; la can- nelle [Winterania cannella), le jonc odorant^, l'asa- rum ou asaret^, le costus doux ^, l'aigremoine ou eupatoire"^; la garance, la laque purifiée^, la graine

* Andropogon nardus.

* Résine tirée du terehinthus lentiscus, etc.

' Spodium, ou cendres du roseau des Indes; cendres de canne, sucre pétrifié, etc. On a dit aussi iabaschir et tabaxir.

* Andropogon shœnanllius.

^ C'est le nard sauvage; on l'appelle aussi oreillette, cabaret, etc.

* Appelé aussi costus indien. ^ Agrimonia eupatoria.

" C'est-à-dire, fondue et coulée. La laque est une substance rési- neuse, qui exsude de plusieurs arbres des Indes.

MÉDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 425 de Paradis (amomam granum paradisi), les clous de girofle, le bois d'aloès, le carpobalsamum \ la rhu- barbe, la graine de la cuscute ou barbe-de-moine, la graine de céleri, et la graine de chicorée; parties égales de toutes ces substances. De plus, feuilles de roses sèches, comme le poids total de la masse. On pulvérisera le tout, et on le pétrira avec le triple de miel écume. Dieu est celui qui guérit!

S III.

SUR CE QUI EST AVANTAGEUX, EN GENERAL, CONTRE CHACUNE DES HUMEURS DU CORPS.

Quant au sang, on lui donne issue au moyen de la saignée, ou de la purgation par la garance, l'hy- dromel^, et le mézéréon^. On le rafraîchit, comme l'expérience le prouve, au moyen de la moelle du palmier, ainsi que par l'emploi des jujubes^, de la laitue, du pourpier, et de la morelle.

La bile est évacuée par la violette , la scammonée , appelée màhmoûdah ^ l'asfar ^, l'eau de liseron ou

' Fruit du baisamier de la Mecque, amyris opohalsamum.

* Les deux manuscrits portent JLoU«^f et (jLo>«<yf; mais ia

vraie leçon est sans doute (JX^^^^^3] ^ du grec vSpàfieh.

^ C'est le bois gentil, ou la lauréole femelle. Daphne mezereum, daphne oleoides, (jarou, etc.

* Zizyphus sadviis, zizjpha rubra, etc.

^ C'est-à-dire substance dlfjne de louange. Il s'agit du convohulas scammonia.

^ Ou jaune. C'est, dit-on , une herbe laxative, qui ressemble à la laitue, et qui croît dans les rivages sablonneux. Mais je pense qu'ici

426 OCTOBRE-NOVEMBRE 1805.

liset \ et les pommes grenades avec leur pulpe. Elle est rafraîchie par l'orge, la chicorée et la laitue; elle est adoucie par la manne, l'eau des fruits, le tamarin et les prunes; elle est domptée par toutes les substances acides et astringentes.

On expulse l'atrabile parla purgation , au moyen du myrobalan chébale, du lapis-iazuli, de Tépithyme, de l'agaric, du polypode^, du séné, et de la lavande nommée stéchas [lavandala stœchas). On l'adoucit par l'usage du myrobalan emblic^, de l'asarum, du carpobalsamum , des séhestes \ des figues, de la cannelle et du sucre. On la calme à l'instant par l'emploi de l'eau de menthe.

La pituite est chassée au moyen de la purgation , par la pulpe de coloquinte, k moelle du safran bâtard, ou carthame; les graines des orties, le col- chique, l'agaric, et le turbith végétal ^. Elle est adoucie par les graines de l'indigo , la scille et l'hy- dromel, ou eau miellée. Elle est supprimée parle costus des i\rabes, le bois d'aloès et la graine de Pa- radis.

Les trois humeurs ci-dessus nommées (bile,

^^-^f est employé pour ^Â*tf^f JyJU>^l et signifie, par conséquent, le myrobalan jaune, ou citrin.

' Cotivolvulus f convolvuUis arveiisis.

* Les deux manuscrits donnent ^isU: et ^U.*w; mais je ne doute pas que la bonne leçon ne soit ^^JLmj.

■* Vhyllanthus emhiica, cmblica.

* Petites prunes, ou drupes noirâtres du sébestrier; cordia sehes- tenUf cordia mixa.

■' ConvolvuUis turpelhuin. C'est une plante du genre liseron.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 427 atrabile et flegme) sont dominées par l'aloès, les graines de l'indigo, le laurier, le concombre sau- vage \ l'amidon, la centaurée, l'euphorbe pitbyuse, l'ellébore^, la matricaire, elle sel gemme très-blanc, ou sel dârâny.

Il faut bien savoir que débarrasser le corps par un purgatif ou quelque chose d'analogue, c'est aider les médicaments à produire l'effet que l'on a en vue. Par conséquent, il convient de commencer par la purgalion. Un médecin a dit à ce propos : « Le sang est un esclave qu'on ne saurait dominer, et qui souvent tue son maître; la bile est un chien qui mord sa thériaque ^; l'atrabile est une terre qui, chaque fois qu'elle est remuée, tout ce qui est sur elle se met en mouvement; la pituite est un roi, un chef : toutes les fois qu'on lui ferme une porte , il en ouvre une autre. »

L'humeur sanguine est chaude et humide; Thu- meur biliaire est chaude et sèche; l'humeur atrabi- laire est froide et sèche ; l'humeur pituitaire est froide et humide. Chacune de ces humeurs doit être traitée par les moyens qui sont en opposition avec elle, soit dans ses deux qualités ensemble, soit dans une seule.

La règle sur les propriétés des médicaments s'ap-

«

' Momordica claterium.

^ L'un (les deux manuscrits donne ^j'^-M-t et l'autre ,*J>=^ ; mais il est probable que la bonne leçon est /aJ-J^-

^ C'est-à-dire, qui rend inefficace le meilleur médicament qu'on dirige contre elle. De la nécessité de l'évacuer.

428 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

prend par leur saveur. Ainsi, tout ce qui est doux est modérément chaud et humide; tout ce qui est amer, acre, est chaud et sec, mais avec prédomi- nance de la chaleur; tout ce qui est salé est aussi chaud et sec, mais avec prédominance de la séche- resse; tout ce qui offre un mélange de doux et d'acide (aigre-doux) est également chaud et sec, mais avec prédominance de chaleur ^. Ce qui est gras est modérément froid et humide; ce qui est fade, c est-à-dire ne domine aucune des saveurs ci-dessus mentionnées, est humide, s'il s'agit d'une substance liquide; sinon, il est sec, à l'exemple du fromage. Tout ce qui a un goût agréable est tem- péré. Les graines, les semences, et les écorces, suivent la nature de leur origine; toutefois, avec une tendance à la chaleur et à la siccité. Mais celles qui ne sont pas en bon état donnent lieu à beau- coup de flatuosités, elles se corrompent, et laissent après elles d'abondants résidus. Au contraire, tout ce qui est frit offre des effets opposés, mais cela est de difficile digestion. Ce qui est bien broyé pé- nètre plus vite dans le corps.

La chair de tout animal est mauvaise dans son âge tendre, comme dans son extrême vieillesse; elle est excellente dans sa croissance, et médiocre dans sa maturité. Le mâle est toujours meilleur que la femelle. Il faut préférer l'animal gras, et celui

' Le manuscrit n" lo/io ajoute : tout ce qui est acide, ou d'une saveur fraîche, agréable, est froid et sec, mais avec prédominance de la sécheresse.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 429 de petite taille. F^^es meilleures parties sont : d'abord celles du devant, puis celles des côtés, en donnant la préférence au côté droit sur le gauche; ensuite les parties internes des membres, puis les parties voisines du dos, et enfin celles qui adhèrent aux os. Quant aux oiseaux en particulier, les oiseaux domes- tiques, ou apprivoisés, sont préférables; viennent ensuite ceux qui sont sauvages. Leurs ailes sont les meilleurs morceaux , et après cela vient la poitrine. Pour les poissons, ceux qui ont la chair ferme et qui ne sont pas trop maigres sont les meilleurs. On préfère les poissons petits, puis ceux d'eau douce, ensuite ceux qui sont d'un gris rougeâtre, et enfin ceux de la mer. Leur moitié postérieure est la plus recherchée. Toutes les parties molles sont de la nature de l'animal qui les renferme. Tous les fruits, abondants en principes aqueux, sont plus humides ou plus fi:'oids, suivant ce qui a été dit plus haut.

S IV.

QUELS SONT LES ALIMENTS, SOLIDES ET LIQUIDES, QUI CONVIENNENT À CHACUNE DES QUATRE HUMEURS CARDINALES DU CORPS, POUR LE MANGER ET POUR LE BOIRE.

L'humeur sanguine se trouve bien de l'emploi des aliments qui suivent: la viande des veaux gras, celle des chevreaux, ou celle des alouettes, les jeunes pigeons, et les moineaux. Puis les mets aux lentilles, ou aux navets, ou aux concombres, ou au sumac, avec de l'huile d'olive et du sel. Ou bien : les plats au riz , avec un peu de châtaignes, les pommes gre-

430 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

nades, le biscuit, et le pain, sans aucune graisse. Il faut unir à ces substances quelque chose d'acide, comme le vinaigre, ou le verjus, ou autre in- grédient analogue. Voici les boissons et les fruits qui conviennent à l'humeur sanguine : le lait aigre, le suc de coings, ou de grenades, ou de tamarin, les poires, la pulpe de palmier, etc.

Les aliments qui conviennent à l'humeur biliaire sont: la viande de chevreau, les poissons frais, la bouillie, faite au lait ou au froment, les lentilles, les courges, le légume, ou haricot, appelé mâch^, avec addition de graisse. Ensuite les plats de chi- corée, ou de pourpier, ou de l'espèce de gelée à l'amidon, à l'eau, au miel, etc. ou d'amandes unies à une petite quantité de sucre ou de graisse. Quant aux boissons : le lait aigre récent, bien que non écrémé, l'infusion de tamarin, de prunes, etc. Pour les fruits : la banane, la canne à sucre, la pulpe du cédrat, le concombre, la rave, le melon, la pomme, etc.

L'humeur atrabilaire demande, en fait d'ali- ments : les moutons gras, les pigeonneaux rôtis, la bouillie épaisse de dattes, les jaunes d'oeufs avec la graisse de bœuf, la noix d'Inde avec le sucre rouge, ou cassonade; ou bien avec le raisiné, etc. Pour les boissons : le vin de dattes, ou de raisins secs privés des pépins, etc. En fait de fruits : la canne sucre), le cédrat, la pomme de pin, la pislache, la figue,

Pha<;colus muncjo.

MÉDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 431 les grenades lisses, les poireaux, les radis, roi- gnon, etc.

Enfin l'humeur pituitaire exige pour aliments : les moutons gras rôtis, avec addition de la graine de sénevé, ou de poivre, ou de carvi \ le pain au miel, le fromage vieux avec l'huile, ou le fromage piquant et gras, l'ail frais, la roquette^, les noix, les dattes , et les carottes. Pour boissons : l'eau sucrée , l'infusion de girofles, de cannelle, etc. Pour fruits: les raisins secs, les dattes, etc.

Eludiez avec soin les matières traitées dans ce chapitre, car l'on trouve rarement dans les autres ouvrages des considérations de cette même nature. Le Dieu très-haut est le plus savant, et c'est lui qui inspire le bien.

CHAPITRE DEUXIÈME.

SUR LES MALADIES DE LA TÊTE.

Ce chapitre est divisé en cinq paragraphes. SI.

SUR CE QUI EST UTILE, D'UNE MANIÈRE GÉNÉRALE, CONTRE LES MAUX DE LA TÊTE, SOIT LA CÉPHALALGIE, OU UNE AUTRE AFFECTION.

Maladies de la tête.

Les maladies de la tête, soit chaudes, soit froides, sont combattues généralement avec efficacité par l'emploi d'un mithkâl ( un gros et demi ou six grammes)

' Cariim carvi, ou cumin des prés, ^ Brassica eruca; eruca saliva.

432 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

de graine de henné \ avec trois onces deau et de miel; ou bien, en prenant pour boisson l'eau des fleurs de pommes, ou de poires, ou de coings, ou en introduisant dans le nez le fiel d'ours, ou le fiel de pélican, mêlés avec le suc delà poirée, ou bette. On peut aussi prendre de l'aloès socotrin , du borax rouge d'Arménie^, de la nigelle , ou herbe aux épices; de chacune de ces substances deux gros. On les pulvérisera; puis, au moyen d'un gros de vieille huile d'olive, on en fera une pâte, à servir comme errhin, c'est-à-dire médicament destiné à être introduit dans les narines. Son emploi durera trois jours, soit au commencement ou à la fin du

Céphalalgie.

Si la céphalalgie est le produit de la cbaleur, alors sont utiles les réfrigérants qui suivent : les prunes, les jujubes, pour manger; l'oxymei uni à l'eau de pourpier, pour boire ; un gros et demi de henné , ou de ses fleurs, avec du miel, en boisson, ou bien avec du vinaigre, en application froide, ou épithème; ou avec de l'eau de roses, pour flairer, ou avec des roses pulvérisées, en épithème, ou pour flairer; l'huile des semences de courges, pour flairer, ou pour introduire dans le nez, ou pour être appli-

' Hinnâ. Lawsonia inermis.

^ Nitre rouge d'Arménie, sorte de nalron, ou azotate de potasse. ' H s'agit ici de mois lunaires, et l'auteur veut sans doute éviter l'emploi do ce médicament lors de la pleine iuno.

MKDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 433 quée en topique ou épithème; l'huile de violette, pour flairer, ou comme errhin, ou en topique, ou pom' boire-, le suc de la moreile noire, Teau de courges, le suc ou le sirop de citron , en applications froides; le cubèbe indien et les noyaux de pêches, unis avec Teau de roses, en frictions sur le front; l'eau de roses, l'eau de coriandre verte et l'huile d'amande, le tout en friction, comme il a été expé- rimenté; f huile de roses, ou l'huile de myrte, aussi en friction, spécialement avec l'opium, car celui-ci délivre du mal de tête mortel.

Au contraire, si la céphalalgie est le produit du froid, on emploiera : î'oxymel et l'épithyme, avec le lait des fleurs mâles du palmier, en boisson; cinq carats (vingt grains ou un gramme) de perles pul- vérisées unies à feau de serpolet, également en boisson; le breuvage à fbydromel avec un demi- gros d'agaric. On appliquera comme topiques : le fiel de la chèvre , les amandes a mères , ou leur huile , les cendres des poils humains, ou des poils des bre- bis, la rue sauvage, ou harmale; le poivre, la ca- momille et le serpolet; toutes ces substances étant unies au vinaigre. Et l'on fera usage , pour onction , des huiles chaudes, telles que l'huile de camomille et celle de costus.

Lorsque la céphalalgie est associée à la douleur d'estomac , on emploiera à l'intérieur : les coings , les poires, le sirop de jujubes, les prunes, les grenades, les mûres, le myrte, etc. On oindra l'estomac et la tête avec fhuile tiède de roses ou de myrte. L'on

VI. 29

434 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

peut aussi appliquer sur la tête : les roses, le sandal , l'acacia, ou le suc de son fruit; le cate, ou suc du lyciuïn\ et la terre sigillée, avec les roses ou l'eau de myrte, de vigne ou de fleurs de palmier.

Dans les cas la céphalalgie est produite par l'ardeur du soleil ou par la fumée, l'on doit oindre la tête avec l'huile d'amandes ou de roses, avec addition de vinaigre. Il sera utile de flairer les roses, ou les fleurs de courges. L'expérience a prouvé que celui qui flaire souvent la marjolaine n'a jamais de mal de tête.

Il est bon de noter que, lorsque la céphalalgie a lieu dans le côté droit de la tête, elle provient de chaleur aux reins. Alors on doit introduire dans les narines fhuile de violettes, avec de l'opium. Si, au contraire, elle a lieu dans le côté gauche, elle pro- vient de froid. On introduira dans les narines fhuile de roses, etc. Si c'est dans le sommet de la tête, on emploiera , comme errhin , f huile d'amandes douces, avec le sucre, ou l'aneth^. Quand c'est au front, il sera utile de boire la décoction d'orge sucrée. Si la céphalalgie se fixe du côté du gosier, on mâchera la nielle ou nigelle. Si elle est accompagnée de bruits dans la tête, l'on introduira dans les narines de l'huile, dans laquelle aura bouilli du lait. Si elle est associée à de la sécheresse dans les cartilages du nez, ou les fosses nasales, on emploiera comme

' Rhainnus infectorius.

'■^ Anetluim: anethumjœniciilum.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 435 orrhin deux dâniks^ de strutbium, ou saponaire^. Si elle a lieu après de la somnolence, on appli- quera sur les tempes de l'écorce de grenade, ré- duite en pâte au moyen de l'eau de radis. Enfin si elle se manifeste de temps en temps, on doit faire en sorte de dormir beaucoup.

Migraine.

La migraine est analogue à la céphalalgie qui est bornée à lune des moitiés de la tète. Seulement elle est plus douloureuse, et les souffrances qu'elle occasionne s'étendent jusqu'à ToeiL Quand la mi- graine est froide on mettra en usage : le musc et l'huile d'abricot à l'amande amère, n'importe le mode d'emploi; la rose musquée^, le jasmin* et le safran, pour flairer, ou comme topique; le sésame avec son écorce, et l'encre à écrire (d'Orient), en to- pique. Si la migraine est chaude, alors on emploiera : la viande de bœuf pour nourriture, et le tamarin

^ Le dânik contient trois carats, c'est-à-dire douze grains, on soixante centigrammes.

^ Gypsophila struthiam. Saponaire à petites fleurs blanches , pas-

j

serine , etc. Le terme arabe est ^(>3o synonyme de , *«LksJl .J^ , ou herbe à éternuer. AclueHement, en Egypte, le mot j*)<>JO dé- signe l'achiUée ptarmique [achiliea ptarrnica), et en Algérie l'ellé- bore. Du reste, pareil fait arrive pour plusieurs autres plantes, etc. J'avertis, à ce propos, que j'ai donné généralement la dénomination adoptée par M. le D"^ Sontheimer, dans sa traduction allemande de l'ouvrage d'Ibn Baïthàr.

^ Rose pâle, ou rosa canina.

' Jasmin d'Arabie, ou sanibac.

29.

436 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

en boisson. On pourra aussi boire l'eau de morelle noire, de pourpier, etc. ou s'en servir en applica- tions froides.

§ II. .

SUR LES RHUMES OU LES CATARRHES.

Catarrhes.

Ce sont des affections générales, et si on les mentionne à l'occasion des maladies de la tête, c'est qu'elles sont le plus fréquentes dans ces cas. En Egypte elles sont nommées alhaoaâdir, ou les fluxions. Sont utiles dans ces maladies, et d'une ma- nière générale : la camomille, qui les chasse de la tête, du corps et des os *; il en est de même de l'a- rille, ou du macis, et du pouliot-, l'onction avec de l'huile, dans laquelle on a fait frire les grains du café, jusqu'à ce qu'il soit brûlé ou tori'éfié.

Les catarrhes chauds demandent les remèdes sui- vants : le pavot à l'intérieur, ainsi que l'eau d'orge et l'infusion de tamarin, pour boisson; la noix de galle, laneth odorant ou puant^, la coriandre, le myrte, le sandal , l'acacia, comme épilhème, em- brocation et friction; le sucre solaïmâny, ou très- pur, pour respirer par les narines, étant uni préa- lablement au suc de l'orange ou du cédrat.

Les catarrhes froids sont traités par les substances

^ L'auteur veut probablement parler des cas dans lesquels ces maladies sont ou deviennent des rhumatismes. ^'Anetlmm (jraveoleiis.

MÉDli:CINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 437 qui suivent : les noisettes unies au poivre, le chou ordinaire uni au sucre, pour manger, et l'emploi des liiera^; la nigelle, le cumin, l'ail et le séné, en aspiration par les narines, avec de l'eau, ou en onc- tion avec leurs huiles préparées.

En outre, tout ce que Ton dira à propos du co- ryza ou rhume de cerveau est utile ici. Pour dis- siper, en général, les gonflements dans les catarrhes , on fera usage dos frictions avec l'eau de coriandre unie à l'huile d'amandes; ou bien on appliquera sur la partie enflée la farine d'orge ou l'écorce de pa- vot unies au vinaigre. L'on pourra boire aussi le henné avec le miel, comme il a été dit ci-dessus.

S III.

SLR L'HÉMIPLÉGIE, L'OUBLI OC PERTE DE LA MÉMOIRE, LA LÉTHARGIE, L'APOPLEXIE, LE DELIRE, LE VERTIGE, L'ENGOURDISSEMENT DES MEMBRES, L'INCUBE OU CAUCHEMAR ET LE TREMBLEMENT.

Hémiplégie, perte de la mémoire, etc.

Toutes ces affections sont le produit de l'humidité et du froid. Elles sont traitées d'une manière géné- rale par tout ce qui est chaud et humide , ou chaud et sec. Par exemple, en nourriture : la tête de lièvre, les pigeons mâles des colombiers, à cause d'une qua-

* Du grec /epa, sacrée ou sainte. Ce sont plusieurs médicaments composés, en général laxatifs, que les Arabes ont appelés ijâradj, et au pluriel , iyâradjât. Le plus usité était celui nommé ijâradj Jikr a, du grec îepà tsixpâ, hiera picra, sacrée amère, ou sainte amère. C'était un électuaire amer et purgatif, dont Taloès formait la base, car il en était le principal ingrédient.

438 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

litë particulière dont ils sont doués, l'aii, le poivre, la plante nommée 'oud alkarh ou pyrèthre', surtout avec addition de miel. On prendra aussi : la rhu- barbe, la (gomme résine) bdeilium, l'origan, le cé- leri, la résine mastic, et le castoréum; tout cela a été expérimenté. L'on emploiera également: un gros de rue chaque jour, ou deux mithkâls (près de trois gros) de garance, avec de Tanis, et dans le méli- crat^ ; l'expérience en a prouvé refficacité. En outre, on fera usage des huiles chaudes à l'intérieur et en frictions. On administrera un mithkâl de cristal brûlé avec une once de lait d'ânesse; on administrera tous les jours la même dose de ce composé sec, sa- voir : clous de girofle, cannelle, nard indien^, iris faux acore, graine de paradis, gingembre, année, racine de grenadier sauvage et anis ; parties égales de chacune de ces substances; sucre blanc et candi, du poids total delà masse. Enfin on se frottera avec des amandes brûlées unies au lait d'ânesse.

Hémiplégie.

Les médicaments qui suivent ont été trouvés par- ticulièrement utiles dans l'hémiplégie. Ce sont : un mithkâl de l'électuaire de l'anacarde avec l'hydro- mel, une fois par semaine; l'onction avec l'huile de costus, ou avec fhuile d'olive,, dans laquelle on aura brûlé du poivre.

' Anthémis Pyretkrnm.

'■' Melicratum ou apomeli, espèce d'hydromel des anciens.

^ Valeriana jaturnonsi. Roxb.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 439

Perte de la mémoire.

Dans la perte de la mémoire ont été trouvés utiles les médicaments suivants : les hiera^, les my- robalans, l'encens, mâché habituellement, l'onc- tion de l'occiput avec de l'huile d'olive, et l'odeur de la fumée des cheveux humains que 1 on brûle. Ensuite , quiconque portera sur soi l'aiie droite de l'oiseau nommé huppe se rappellera tout ce qu'il voudra, et n'oubliera rien.

Pour aider à la conservation de la mémoire et de l'intelligence , on Fera usage des moyens suivants : la viande de mouton, le raifort, le beurre, la rose musquée, et le composé sec, formé d encens, ou oli- ban, de souchet^, de sucre blanc; parties égales de chacun de ces ingrédients. On prendra de ce com- posé, en poudre, cinq gros par jour, pendant trois jours de suite, et l'on se reposera cinqjours. Après on recommencera, et ainsi successivement. C'est de cette manière que l'expérience en a indiqué le bon em- ploi. Celui qui respirera la fumée de la corne de chèvre que l'on brûle se rappellera les choses qu'il avait oubliées.

Voici ce qui provoque la perte de la mémoire et la douleur de tête : parler beaucoup, trop manger, abuser du coït, dormir pendant le jour, faire usage de l'oignon, delà coriandre verte, de l'ail, de l'a- neth odorant, quand même ils seraient cuits; des

' Voir ci-dessus, p. ASy. ^ Cyperm , cyperus rotundus.

440 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

dattes, soit sèches, soit fraîchement cueilHes; des lentilles, des mûres douces, des semences de lin , de la mélongène, de la graine de sénevé on moutarde, du fenugrec , quand bien même ce ne serait pas à l'état cru; du safran, de la graine de céleri; enfin respirer le parfum des ongles de senteur \ et du storax.

Vertige.

Dans le vertige, maladie qu'en Egypte on ap- pelle daoïihhah., ou étourdissement, on prendra, au moment de se coucher, ou avant de s'endormir, la poudre de coriandre sèche, spécialementaprèsqu'elle aura infusé dans le vinaigre, et qu'elle aura été sé- chée; on ajoutera du sucre, ou du raisin sec rouge, privé de ses pépins. Le sirop de roses, pris à jeun, est aussi fort utile dans ce cas.

S IV.

SUR L'ÉPILEPSTE, LA MÉLANCOLIE, LA MANIE, ETC.

Epilepsie, mélancolie, etc.

Pour ces maladies, l'utilité de (la composition appelée) southaïra^ a été prouvée par l'expérience.

* C'est le nom qu'on donne à une coquille odorante, provenant du mollusque appelé slrombus lentiginosiis. Cette dénomination don- (fies vient sans doute de ia forme de ladite coquille.

2 C'est le nom donné h. un médicament composé, dont la réputa- tion approchait de celle de la tliériaque. Ce mot soulluura vient du grec (jÛTSipoL, ou (la médecine) qui sauve, qui guérit, etc. autrement dire, \e yrand sauveur.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 441

Epilepsie.-

Une espèce d'épilepsie est la maladie générale- ment connue sous le nom de oumm assihiân, ou épi- lepsie des enfants. Laguérison de l'épilepsie est facile avant l'époque de la puberté\ ensuite elle est diffi- cile jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, et presque im- possible plus tard. On combat cette maladie par les substances qui vont suivre : Tassa fœtida , le bois d'aloès, le sagapénum, l'ambre gris, le musc, l'a- garic, la pierre du taureau^, la décoction de l'épi- thyme, la rue, l'iris faux acore, l'iris de Florence, l'écume de mer^, les cendres des os brûlés, notam- ment de ceux des crânes, la cendre des sabots des ânes, surtout mêlée au miel , la cervelle du chameau , la vésiclile du fiel de l'ours, la présure du lièvre; le tout à l'intérieur, en boisson; la pione, ou pivoine, nommée aussi 'oud assalîb , ou bois de la croix , prise à l'intérieur, ou bien simplement portée sur soi; un carat d'émeraudes, dans une once devin blanc, en boisson, moyen dont l'utilité a été établie par l'expé- rience; les onctions avec les huiles chaudes; les fumi- gations avec les ongles de senteur^; et c'est un emploi que f expérience a sanctionné aussi; l'huile de finté- rieur ou amande de la noisette , et l'huile de sésame , introduites dans les narines; les petites pierres que

' Litléralement : avant la sortie des poils dans le pubis. ^ C'est une concrétion pierreuse qui se forme quelquefois dans la bile de cet animal.

^ Alcyonion, spmna maris. ' Voyez ci-dessns, p. /|/io.

442 OCTOBRE-NOVEMBRE 18C5.

l'on trouve dans le ventre du coq blanc, portées sus- pendues sur soi; manger la chair de la huppe et du hérisson, comme cela a été expérimenté; prendre de l'opopanax en boisson , ou introduire du casto- réum dans le nez; cela a été trouvé utile dans Tépi- lepsie des enfants; porter au doigt une bague faite avec le sabot de l'âne, notamment avec le sabot droit; enfin manger la chauve -souris en friture, avec l'huile d'olive.

On a appris par l'expérience que, lorsque l'en- fant nouveau-né a reçu des fumigations de bile, il est garanti contre l'épilepsie. Flairer le narcisse est aussi un bon moyen prophylactique contre cette maladie, à cause d'une propriété inhérente à celte fleur. Il faut d'ailleurs que la personne atteinte d'épilepsie évite l'usage des substances vaporeuses, et emploie, au contraire, les moyens qui empê- chent les vapeurs de monter au cerveau. Tels sont : la coriandre, les poires, les coings, etc.

Mélancolie.

La mélancolie est utilement traitée par les viandes de faucon et de sacre ^ , par l'eau de la menthe pouliot , avec un lénitif, tel que les prunes, en boisson; par l'emploi constant, une fois par semaine et en boisson, d'un mitliMl de lapis-lazuli , et de la même quantité d'épithym, dans l'eau de pouliot, ou dans l'oxymel. On peut aussi administrer le médicament composé suivant: épithym et absinthe, deux par-

' Falco nisiis.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 443 ties de chacune de ces plantes; mousses, une partie et demie; racine dite les doigts jaunes \ une partie. On pulvérisera ces substances, et on les donnera, unies avec quelques-uns des véhicules dont il a été parlé ci-dessus, ou bien incorporées avec le miel. Un autre moyen contre la mélancolie, c'est Tintro- duclion dans les narines du lait de femme , mêlé k l'huile d'amandes, ou à l'huile de violettes, ou à celle de nénuphar, ou à celle de courge.

Manie.

Quant à la manie atrabilaire ou noire, on la traite par les remèdes ci-après : le séné, la coriandre verte, le lait de chèvre, la coloquinte, la tisane de bette, donnée pendant trois jours, et la racine de béhen rouge ^, administrée plusieurs fois.

C'est ici la place de noter que parfois ont lieu dans la tête des épanchements sanguins, qui occa- sionnent de fausses imaginations, autrement dit des hallucinations, telles que la vue d'un feu, ou de gens qui veulent tuer ou battre le malade. Alors celui-ci parfois déchire ses vêtements, ou se serre contre les personnes présentes, ou crie beaucoup, etc. Il est avantageux d'employer dans ces

^ Cette racine a ia forme d'une main; on l'appelle aussi la main d'Aîchali, femme de Mahomet, et plus souvent, la main de Marie, f^.y^ ij^^ ' Il s'agit peut-être ici du satyrium basilicum. Plusieurs

' (M ^

autres plantes sont nommées, comme celle-ci, ddiy^ t_^ Telles sont: l'agnus-castus, la rose de Jéricho, etc. '^ Salvia hœmatoides , staticc limonium

444 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

circonstances l'huile bien connue de ces courges que l'on coupe par tranches. On s'en frottera le milieu de la tête, les tempes et le front. Pendant plusieurs jours, on s'en servira également comme errhin.

Remarque.

J'ai connu par l'expérience que la théria(jue d'or, de laquelle sont avares les hommes inteUigents, et que tiennent cachée les hommes excellents, est utile dans toutes les maladies du cerveau susmen- tionnées, etc. Elle est utile aussi dans l'hydropisie, l'ictère, contre les poisons, dans les affections de la poitrine, de l'estomac, du dos et du reste du corps.

Voici comment on la prépare : on prend des perles, qu'on pulvérise avec grand soin, et qu'on arrose au moyen de dix fois leur poids de suc de cédrat. Ensuite on les introduit dans une fiole, que l'on bouche avec de la cire, et que Ton place, jusqu'au goulot, dans l'eau chaude, pendant trois se- maines. Après cela , on prend ce qui suit : aloès, sept gros; scammonée, cinq gros; épithym, cannelle ^ roseau aromatique; de chacune de ces trois subs- tances, quatre gros; lapis-lazuli , clous de girofle, bois indien ou aloès , sandal rouge , gomme arabique , gomme adragant et or; de chacune de ces subs- tances, trois gros. On pulvérise le tout, et l'on en fait une pâte, au moyen de la solution ou soluté ci- dessus. On en fabrique des pilules, grosses comme

' ïjaurus cinamonium.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABEi?. 445 les pois chiches. La dose de ce médicament est d'un mithkâl et plus, suivant la force et l'âge (du malade).

L'électuaire qui suit est presque aussi utile que le précédent, et il s'appelle l'électuaire qui renferme de grands secrets. 11 est avantageusement employé dans toutes les affections du cerveau; il augmente l'esprit, la mémoii'e et la raison; il chasse les vents et le froid. Ainsi l'expérience l'a fait connaître.

Pour le préparer on prend : myrobalan chébale, une portion; agaric, gingembre, coriandre, graine de moutarde, mousse, graine de henné, graine de céleri et aloès; de chacune de ces substances une demi-portion; mastic, roses, nard , bois d'aloès; de chacune de ces substances , un quart de portion ; safran, costus, musc, ambre gris et ladanum ou labdanum^; de chacun un huitième de portion. On dissoudra dans l'eau de roses celles parmi ces substances qui peuvent s'y dissoudre; on pulvéri- sera le reste, et l'on incorporera le tout dans une quantité égale de miel écume, ou dans le suc de chicorée ou de céleri. Puis on réduira la masse en pilules. La dose est de deux mithkâls. Ce médica- ment peut aussi être employé comme errhin et en friction.

SV.

SDR L'AMOUR SEXUEL, SUR CE QUI LE PROVOQUE ET SUR SES SUITES.

Passion de l'amour. On chasse l'amour, en buvant l'eau qui a servi

' Substance i^ommo-rësin^use tirée du cistus creùcus, etc.

446 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

à laver le bout du vêtement de l'objet aimé; en pre- nant quatre grains de harmale \ ou rue sauvage; ou sept grains d'indigo de l'Inde, dans de l'eau; ou le marbre blanc pulvérisé provenant de quelque tombe; la poussière des sépulcres de personnes tuées, et en dormant dans les cimetières.

Parmi les moyens particuliers d'éloigner l'amour, nous citerons les suivants : se rouler dans la même poussière s'est roulé un mulet, s'il s'agit d'un homme, ou une mule, s'il s'agit d'une femme; porter sur soi des os de l'oiseau cigogne; lier dans la manche de l'amant, et k son insu, la tique, ou le ricin, qui tourmente le chameau; prendre beaucoup de harmale; boire l'eau l'on a mis préalable- ment la pierre trouvée dans le ventre de la poule; ou bien, porter cette pierre suspendue sur soi.

Il est nécessaire de priver l'amant de toutes ces choses qui provoquent l'amour. Telles sont par exemple : manger les pigeons à collier, les merles , les ramiers; se complaire à entendre le son dune voix; écouter les chants gais; regarder les jolies figures, ou seulement penser à ces dernières.

Insomnie, etc.

Parmi ce qui occasionne Tinsonmie, nous cite- rons : l'action de flairer le camphre, de porter sus- pendu sur la tête le duvet de la chauve-souris, ou son cœur, ou sa tête; de porter également sur la tête des plumes ou un œil de hibou; de placer des

' Peyanum liarinola

MÉDECINE ET THEUAPEUTIQUE ARABES. 447 poils de loup derrière l'oreille; de se servir, en guise de collyre, de fiel de corbeau; de porter au bras gaucbe une bourse contenant du soufre, ou de Tar- seiiic, uni à de la graine de lin; de se frotter le nez avec le vitriol vert.

L'insomnie cessera par l'emploi de l'huile d'olive, par l'acte d'attacher au pied du lit des pois chiches noirs, renfermés dans un chiflTon.

Les substances suivantes sont nuisibles pour le cerveau et les nerfs : le lait aigre, les lentilles, les aubergines, l'oignon, les dattes sèches, le safran, la graine de céleri, le raisin, les mûres, et le fenu- grec. ,

Voici ce qui provoque le sommeil : le frottement du front et des tempes, avec la graine de laitue pul- vérisée, ou avec la graine de lajusquiame blanche, ou avec l'amome, ou l'eau des fleurs mâles du pal- mier, ou l'aneth, ou la matricaire, ou l'anémone, ou la graine de pavot, le tout uni à l'opium; flairer le safran, ou le carthame; appliquer cette dernière substance sur le sommet de la tête; manger des choux, ou des amandes douces, ou du fenugrec, ou du riz; instiller l'huile d'amandes dans le nez.

Si on place sous le traversin de l'homme qui dort une dent molaire de cadavre, ou une aile de la huppe, il ne se réveillera pas jusqu'à ce que ces objets aient été enlevés. Il en est ainsi des poils du singe. Quand on frotte le front du dormeur avec un gros d'opium , et un gros de graine de jusquiame blanche, réduits en pâte au moyen de l'eau de lai-

448 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

tue, il ne se réveillera pas, quand même on lui cou- perait les chairs. Il sera nécessaire alors de lui faire flairer du vinaigre très-fort.

Pour se procurer des rêves agréables on portera sur soi de l'or pur, ou du cristal, ou de la peau d'âne; on se couchera après s'être lavé, en état de pureté religieuse, ou légale, et avec l'esprit libre de tout souci; on placera sous son chevet de falun du Yamân, ou du pourpier.

Entre les choses qui servent à faire revenir de l'état d'ivresse, nous nommerons ce qui suit: avaler des pommes grenades acides; boire ou flairer de i'eaii de roses; boire le pissat du chameau. ,

Calvitie.

On fait cesser la chauveté, soit accidentelle, soit eflét de la teigne, en oignant la tête, après l'avoir préalablement rasée, avec i'orobanche pulvérisée, frite dans l'huile d'olive; en la frottant avec l'indigo, qu'on a laissé une nuit entière dans le four, et que l'on a pétri ensuite avec de la crème de lait, ou bien de rhuile chaude ^ , dans laquelle on a fait dissoudre du sel; ou en faisant ces frictions à plusieurs reprises , au moyen de faloès, de la farine de lentille ers, et du henné, incorporés dans le vinaigre; ou bien en- core en irottant la tête avec les ongles brûlés d'a- nimaux de la race caprine ou de la race bovine,

nL^ Or?). On eiUend quelquofois par ces mois l'iiuile de graine de lin.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 449 mêlés an henné; ou avec le scarabée brûlé, le pa- pyrus, et les feuilles de colocasie, incorporés aussi dans le henné.

CHAPITRE TROISIÈME.

SUR LES NOMBREUSES MALADIES DES YEUX; SUR CE QUI AIGUISE ET RENFORCE LA VUE; ET SUR CE QUI SE RATTACHE À CE SUJET.

AfFeclions des yeux, en général.

Dans toutes les affections des yeux, quels que soient le genre de ces maladies et les membranes ou couches qui sont atteintes, il est avantageux d'employer, en collyre: la solution des cheveux de l'homme ou de ceux de l'enfant nouveau -né, au moyen d'un stylet d'or, deux fois par mois; ie fiel de la vache noire, pendant vingt-quatre jours; la langue piléede la gazelle, ou le fiel du bouc rouge, unis à un demi-dânik^ de sel ammoniac, pendant cinq jours; et en instillation dans les yeux : faloès, le suc du lycium, la poix liquide ou goudron, la grande chélidoine ou éclaire, surtout unis au sa- fran."

En général, dans tous les cas de douleurs des yeux, il convient d'employer, comme topiques, les substances suivantes : le jaune d œuf cuit dans l'eau, avec le safran, ou avec l'huile de roses; les pommes rôties, le fromage tendre, le pourpier, la violette,

* C'esl-à-dire un carat et demi , ou bien six grains , ou trente cen- tigrammes.

VI. 3o

A50 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

le jaune d'œuf rôti avec le cumin. L'expérience a

prouvé que tout cela fait cesser le froid dans les

yeux.

Voici une composition fort utile contre la gêne ou l'irritation de l'œil, contre l'affaiblissement de la vue, et contre la plupart des maladies des yeux On prendra des perles non percées, des coraux, comme ci-dessus, des cornalines, du chiclim \ du musc de Turquie ou de Tartarie, quantité égale de toutes ces substances. On les pilera séparément, puis en- semble, on les fera dissoudre, et l'on s'en servira comme collyre.

Pour aiguiser la vue, on emploiera en collyri^ : le suc du lycium, le safran, le poivre, le gingembre, les cendres des noyaux de dattes, l'eau de la morelle noire, l'eau de céleri, l'eau de rue, le fiel de coq, et la vapeur de la poix liquide, ou goudron. On mangera, dans le même but, des choux, ou des graines de choux, des raves bouillies, surtout pour déjeuner, et pendant longtemps; on mangera aussi pendant longtemps des navets, puisqu'on dit que les navets rétablissent la vue, quand bien même elle serait presque perdue.

Le collyre fait de vert- de -gris dissous dans le jaune d'omf est utile dans la dépilation , les pus- tules, la démangeaison et la rougeur des paupières,

' C'est le nom qu'on donne aux graines du cassia absus. On les réduit en poudre, et on les emploie beaucoup, surtout en Afrique, contre les affections des yeux. Ce médicament, chez nous, est quel- quefois appelé ahsus.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 451 dans le larmoiement et TafFaiblissement de la vue, ou amblyopie, suite de la lippitude. Nous en dirons autant d'un autre collyre, préparé avec les graines du cassia absus (espèce de petite casse), unies à la sarcocolle et au sucre.

11 arriva une fois que la vue d'un des saints de l'islamisme s'était affaiblie. Or, ce saint vit en songe le prophète Mahomet, sur qui soient la bénédiction de Dieu et le salut! auquel il se plaignit de cette infirmité. Mahomet lui ordonna de composer un collyre pour ses yeux, avec l'écorce brûlée d'a- mandes douces unie à l'antimoine,

Comme une d'entre les particularités, nous no- terons que celui qui s'appliquera sur les yeux le sang de la huppe, ou l'huile de sésame, dans la- quelle on a fait frire un œil dudit oiseau, voit hi nuit de la même manière que le jour.

Lippitude.

Pour ce qui est de la lippitude, outre ce que nous avons dit plus haut, on la combat utilement, en faisant cuire des roses et des pavots, et coa- guler leur colature, à l'instar du sirop, au moyen du sucre, pour l'employer en collyre. On peut aussi dansée cas employer en collyre la joubarbe, la co- riandre verte, la rosée des arbres, le lait de femme, la crème de lait, la gomme arabique avec l'eau de roses. Tout cela isolément, ou ensemble. Il est encore avantageux de se frotter les yeux avec la cervelle de mouton, les jaunes d'œufs, le safran,

3o.

452 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

mêlés à feaii de roses. On se trouve bien enfin de

suspendre des mouches au bras ou à la tête.

Pustules, démangeaison des paupières, etc.

Contre les pustules et la démangeaison (de l'œil ou des paupières), on emploiera en collyre: le suc du lycium, le safran, et les cendres des filaments de la tige du palmier; en instillation dans les yeux, les différents fiels d'animaux, l'eau de coriandre, l'eau de roses, celle des deux espèces de grenades (les douces et les acides), et l'infusion de sumac; comme topiques, les lentilles bouillies, la pulpe des grenades acides, et le pourpier; comme errhins, l'aloès, le struthium ou saponaire, et le casto- réuni.

Hyposphagme.

L'hyposphagme , ou ecchymose de fœil, sera traité par le safran, en topique; par feau de céleri, le sang de pigeon, le lait de femme avec l'eau de roses, le petit-lait, la salive de fhomme qui jeûne, le sel mâché avec le cumin , le tout en instillation dans l'œil; foliban, uni à la fiente de bœuf, en fu- migation.

Trichiasis.

Quant aux cils sur aihondants {trichiasis , distichia- sis, etc.) , on devra d'abord les arracher; ensuite, on frottera la place qu'ils occupaient avec Je sang de grenouille, le sang ou le fiel de la huppe, et le iiel de la chèvre avec le sel ammoniac, comme il a été

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 453 expérimenté. On pourra employer aussi : la civette , la cendre des coquilles, unie à la poix liquide; le lait des figues, le safran, la gomme arabique, la myrrhe dans l'eau de roses, le suc de l'aloès d'E- gypte \ le suc de la fumeterre, avec la gomme ara- bique; la cendre de mouches brûlées dans le four, dans un roseau revêtu de pâte, ainsi que l'a indiqué l'expérience. Enfin, si Ton a soin d'arracher avec persévérance les cils trop longs au moyen d'une petite pince, faite avec une sorte de cuivre jaune ^, ils ne repousseront plus.

Grêlon et orgeolet.

Le tubercule dur de la paupière supérieure ^ et l'orgeolet se traitent par l'application du sagapé- num*, et de la gomme ammoniaque, unis au vi- naigre; de la mie de pain chaude, à plusieurs re- prises; des divers lieis, de l'aloès, et du suc de centaurée.

Adhérence.

On guérit l'adhérence (des paupières ou des cils), en s'enduisant les yeux avec les collyres nommés roâchnâïa, ou brillants ^ Il est aussi avantageux de

' Aloe variegata.

' Les deux manuscrits portent ^liLJiJ f ; mais je suppose que la bonne leçon doit être QyiJUaJl , mot qui désigne une espèce par- ticulière de cuivre jaune.

' 'Appelé aussi chalaze, grêle ou grêlon, du grec ^aXd^iov ou

* Ferula persica.

' Ce sont des collyres composés qui donnent beaucoup d'éclat aux yeux.

454 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

placer sur les paupières : la céruse, les scories de cuivre, quelque huile, quelque lait et quelque mu- cilage.

Milphose.

Contre In simple chute des cils, ou milphose, on emploie en collyre toutes les substances qui font pousser les poils; en friction , en collyre, et en onc- tion on fait aussi usage dans ce cas du ladanum, du lapis-lazuli, et des noyaux de dattes, mêlés à quelque huile.

Chémosis.

L'espèce d'ophthalmie appelée chémosis, quand même elle serait accompagnée de lippitude, sera traitée par l'aloès, le suc de lycium, le safran, le suc de coriandre, le cumin, la graisse d'ours avec le blanc d'œufs, la sarcocolle et le lait des femmes brunes, le tout soit en collyre, soit comme topique, soit en instillation dans les yeux.

Ptilose.

La ptilose, ou chute des cils, par suite d'une acrimonie corrosive, sera combattue par l'huile de roses, le suc de chicorée, le blanc d'œufs, le verjus, le suc de pourpier, l'eau de roses-, de phis, sont avantageux dans cette affection, le cumin et le my- robalan jaune, ou citrin, le tout en application ex- térieure, ou en instillation dans les yeux.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. ^55

Hydalis.

On traite la tumeur enkystée de la paupière su-, périeure, ou liydatis^p^r le glaucium (glaucier jaune ou pavot cornu), l'acacia, et la myrrhe, avec l'huile de roses; par le myrte, le safran, le suc du lycium, le collyre citrin , le collyre gris, et le collyre nommé azizy, ou précieux ^

Verrue.

La verrue, ou mûre de la paupière, sera com- battue par la myrrhe, unie au suc de la morelle noire; par le safran, uni à la joubarbe; et par le to- pique dur, ou collyre sec, du glaucium. Si la ver- rue est ancienne, on la frottera avec du sucre, ou bien ou la coupera , et on la traitera avec l'onguent de vert-de-gris, la tuthie (calamine, ou oxyde de zinc), la litbarge, le sucre, et le topique dur, ou collyre sec, rouge.

Plérygion.

Pour le ptérygion, ou excroissance variqueuse de la conjonctive, on fera usage en collyre des fiels de bœuf piles, avec la sarcocolle, moyen expérimenté; de la nigelle pulvérisée, de l'aloès, dissous dans

* Je dirai ici, une fois pour toutes, que je ne crois pas utile de donner la composition de ces collyres, etc. telle qu'on la trouve dans quelques manuscrits arabes de médecine, et notamment dans le manuscrit du traité de médecine du cheïk Dâoud Alanthâky. Il en sera question plus tard , dans la liste des termes techniques.

456 OCTOBRE-NOVEMBRE J865.

l'eau de myrte, de la furnée de l'oliban, de ia myrrhe, du storax, de la poix liquide ou goudron, du cuivre brûlé \ du safran de Mars (tritoxyde de fer), de l'alun, et du sel brûlé ou nitre : tous ces remèdes ensemble, ou bien seulement quelques-uns d'entre eux; ce qui vaut mieux.

Cancer.

Si l'on a affaire au cancer de la paupière, on instillera dans l'œil malade le mélilot, le safran unis au blanc d'œuf , le glaucium , l'hématite '^ et les perles. Si le cancer ne disparaît pas, il suffira alors (pour qu'il s'arrête?!) de l'abandonner à lui- même , sans autre traitement.

Tumeur lacrymale.

La tumeur lacrymale, si elle n'est pas encore ouverte, sera traitée en appliquant sur l'œil le vi- triol vert (sulfate de fer), le myrte, le limaçon (brûlé, etc.), l'oliban, l'aloès, le safran, ou la myrrhe, comme cela est établi par l'expérience. Si la tumeur tarde à s'ouvrir, on appliquera sur elle la décoction des lentilles, ou celle des haricots nommés mâch, ou le safran, etc. Après son ouverture, on traitera ladite tumeur par le myrte, l'alun, le natron (nitrate de potasse), la camomille unie aux vieilles noix, la résine mastic , et l'eau de plantain [arnoglossa). On

' Cuivre calciné avec le soufre et un peu de sel marin. ' Pierre dure et ferrugineuse, appelée aussi sancfuine. C'est un oxyde rouge de fer.

MÉDECINE El THÉRAPEUTIQUE ARABES. A57 a expérimenté avec avantage, pour faire disparaître ]a tumeur sans quelle s'ouvre, l'application persé- vérante du (myrobalan) indien, râpé. On a aussi expérimenté dans ce but, par suite de l'inspira- tion divine, l'alun onctueux \ la tuthie ou calamine de rinde, et l'humidité du scarabée noir. Pour re- cueillir cette dernière, on place, pendant une demi- heure, un peu de laine sur l'insecte, puis on la re- tire. Dieu est le plus savant!

Epiphora, etc.

Quant au larmoiement ou epiphora, accompa- gné de rougeur et d'excoriation du bord libre des paupières, on le traite utileuicnt par l'instillation du safran uni au vin, de la myrrhe avec le vinaigre, du myrobalan citrin dans l'eau de roses, et de la décoction de noix de galle ou de myrte.

Tuméfaction.

La tuméfaction des paupières guérit en mettant sur les yeux le topique ou collyre sec rouge; en ap- pliquant sur ces organes le mélilot, le jaune d'œuf avec le safran ou le collyre sec et blanc, mêlé à un peu d'oliban.

Sclérophthalmie.

Dans l'induration des paupières ou sclérophthal- mie avec chaleur, on se sert, comme épithèmes ou

' C'est une sorte d'alun, d'aspect sale et jaunâtre, que Ton a appelé aussi beurre de montagne.

458 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

topiques, de l'huile de violettes, notamment avec le vert-de-gris, le miel ou la myrrhe. Dans la sclé- roplîlhalmie sèche , on fait usage de la graisse d oie , de la moelle de la jambe de bœuf ou de quelque huile lénitive, delà décoction de fenugrec ou d'orge mondé.

Pannicule.

Le pannicule ^ sera traité par le médicament com- posé suivant, employé en collyre : on fera bien bouillir des coquilles d'œufs dans le vinaigre fort , puis on les laissera reposer environ dix jours, afin quelles se déposent complètement. Alors on les fera sécher, on les pulvérisera et on les emploiera comme il a été dit. L'efficacité de ce remède a été constatée par l'expérience. Si l'on y ajoute le suc de pourpier et celui de concombre sauvage , desséchés , le collyre sera ce qu'il y aura de mieux.

On guérit encore le pannicule avec le médica- ment composé suivant : gomme ammoniaque et encens; de chacune de ces substances une portion; cinnabre^, horkoûs, ou cuivre bridé et calciné, ar- senic rouge ^ et sucre; de chaque une demi-por- tion; myrrhe, safran, curcuma ou safran des Indes; de chaque un quart de portion. A réduire en col- lyre sec, suivant la règle ou fart. Ce médicament a été aussi utilement expérimenté.

' Réunion de plusieurs ptérygions sur la cornée, etc.

' Oxyde de mercure sulfuré rouge; sulfure rouge de mercure.

^ Réalgar ou sulfure rouge d'arsenic.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 459 Un troisième médicament composé, pour la cure du pannicule, est celui qui suit : sarcocolle, tuthie ou calamine des Indes , safran et sucre pur de Hamâli , musc odoriférant; partie égale de chaque. On tritu- rera ces substances suivant l'art, et l'on en fera un collyre, à employer matin et soir. L'expérience a prouvé aussi l'utilité de ce remède.

On peut encore se gargariser avec le rob de rai- siné \ ou de mûres, uni à l'iris faux acore, ou à rhuile de violettes. On peut enfin employer comme errhins : le slrutbium avec l'huile de violettes, la myrrhe, le suc du lycium, l'ambre gris et le safran.

Taches rouges , etc.

La tache ou taie rouge ou brune de la cornée transparente se traite par les substances ci-dessous, en instillation dans l'œil, savoir: la myrrhe unie au lait de femme , la décoction d'épithym , d'agaric ou de figues; la moelle de carthame et autres substances chaudes, si la nature de la maladie est froide, oq bien froides, si elle est chaude.

Petit apostème, etc.

Nous parlerons plus tard du petit apostème, de la petite pustule et de l'ulcère des paupières. Icj nous mentionnerons seulement l'instillation tiède, dans les yeux, du blanc d'œuf ordinairement uni au lait, et du mucilage de fenugrec mêlé à la cé- ruse. Si lesdites affections sont anciennes, elles sont

' Suc épaissi de raisin, sapa ou defrutum.

460 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

chaudes ^ et doivent être traitées coinine on vient

de ie dire.

Albugo.

La tache blanche de la cornée, ou albugo, sera traitée par un collyre fait avec les substances sui- vantes , unies ou séparées : le miel , le lyciiim euro- péen, pendant sept jours; le fiel de l'hyène, la présure du lièvre, les parties qui tombent en frot- tant la malachite sur une pierre à aiguiser, le suc de centaurée, l'anémone, la rosée prise sur la canne à écrire ^, l'écume de mer, la grande chélidoine, la myrrhe, lasarcocolle , le safran , le sucre, la gomme ammoniaque et le suc de lycium.

Parmi les moyens acquis par l'expérience et avantageux dans l'albugo, se trouve le suivant : mêler le blanc d'oeuf avec le fenugrec pulvérisé, et les battre ensemble, puis prendre leur écume sur un peu de coton que l'on placera entre les paupières.

On a aussi expérimenté que, pour faire cesser cette tache, il est utile d'employer en collyre le musc et l'antimoine, mélangés avec feau de roses. Il en est de même de l'infusion , pendant un jour et plus, de la limaille de cuivre de l'île de Chypre dans l'urine ; et encore du collyre qui suit : noix de galle et acacia, parties égales; vitriol vert, la moitié

' Ou « galeuses , » suivant une autre leçon.

■' Ou canne de Perse, ^nUji c-v^iaJi. Ce roseau est commun en Egypte, et ses racines y sont employées dans la lliérapenlique.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 401 d'une desdites substances; le tout dans l'eau de myrte ou dans l'eau du lycium européen.

Rougeur.

La rougeur galeuse des yeux, avec obscurcisse- ment de la vue, sera traitée par le suc de centaurée, l'huile d'amandes, l'huile de violettes, le lait de femme, le lait d'ânesse, en instillation dans l'œil; laloès, ou l'anis, en collyre.

Grosseur, durelé, elc.

La grosseur, la dureté et la rudesse des pau- pières, avec ardeur de l'œil , seront combattues par la myrrhe, le nard indien ou samhul, la lie de l'huile, le lait de femme, l'alun et le miel, soit ensemble, soit séparément.

Dilatation.

Contre le développement ou la dilatation des paupières, on emploiera les astringents et lassa fœ- tida, tant en aliments qu'en boissons; les œufs avec l'huile de roses , en instillation dans l'œil ; le safran uni au lait de femme, comme topique.

Rétrécissement.

Dans le rétrécissement, au contraire, on mettra à contribution les lénitifs; on appliquera sur les yeux les collyres secs, faits avec une partie de camo- mille pyrèthre et un quart de partie d'opopanax. On pourra aussi employer le collyre jaune ou citrin.

462 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865,

Proéminence.

La proéminence de l'œil sera traitée par la terre sigillée, le safran, l'oignon rôti, le jaune cVoeAif, l'eau de coriandre, l'eau de la morelle noire, de pourpier et de courges.

Strabisme.

Quant au strabisme, il sera traité, en collyre, par la fumée ou suie de la résine sandaraque, in- corporée dans l'huile de roses, qui aura été prépa- rée avec celle de sésame; l'armoise judaïque, la rue et l'antimoine mêlé à la noisette indienne. Dans le strabisme sec on fera usage des dilférents laits, en instillation dans l'œil.

Héméralopie.

L'héméralopie ou cécité nocturne est avantageuse- ment traitée en s'appliquant sur les yeux le collyre ré- frigérant du verjus, les collyres brillants \ le foie rôti , le poivre long, notamment avec l'écume du foie rôti, le suc du lycium, le natron ou nitre, le ventre des scarabées, le cérumen avec le poivre, durant trois jours; feau de rue, surtout unie à l'eau de coriandre verte; l'eau des feuilles de radis, etc. On peut aussi employer, comme errhin, le spode des Arabes^, h la dose d'un huitième de gros, avec fhuile de violette,

' Conférez ci-dessus, p. 453.

- Cendres de canne, antispodo; sacharnm bambusa' anuuh- nac€(e,etc. (Cf, ci-dessus, p. /ia/j.

MEDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 46^ et continué pendant trois nuits. Cela a été expéri- menté.

Nyclalopie.

La nyctalopie ou cécité diurne sera combattue par le décocté de camomille et de pavot, en embro- cation; par l'huile de violette, la crème de lait ou le beurre frais, l'huile de sésame et toute substance humectante, à l'intérieur, ou introduite dans les narines.

Visions.

Pour ce qui est des visions, ou hallucinations de la vue, et de la confusion des couleurs, s'il arrive que tantôt elles augmentent et tantôt diminuent, ou bien qu'elles se montrent quand on a faim et cessent quand on est rassasié , ou bien encore qu'elles se prolongent au delà de six mois, soit que le ma- lade croie voir devant ses yeux des mouches ou non; dans ces cas, elles n'indiquent point un com- mencement de cataracte. Si les symptômes parais- sent venir de bas en haut, alors l'affection est le produit des vapeurs de festomac. Si au contraire ils descendent, elle est le produit du cerveau. Si ni l'une ni l'autre de ces circonstances n'a lieu, alors fatfec- tion est le produit tant de festomac que du cer- veau.

Dans le premier cas, c'est-à-dire si la maladie en question provient de festomac, il est avantageux d'employer les médicaments qui empêchent les

404 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

vapeurs de monter. Tels sont, par exemple, à l'in- térieur : les myrobalans, les coings, les poires, la marjolaine, la menthe, les semences de plantain' unies au julep, la lavande stécbas^, les fleurs de violette, la résine mastic, la cannelle, l'anis, la co- riandre, l'origan, même non lavé, la noisette, le raisin sec, le carvi,*la laitue et les semences de pa- vot. Tout cela à prendre avec le sucre. En collyre, on se servira de la cendre des têtes de pigeons, de la sarcocoUe, du safran, de l'alun, etc.

Dans le second cas , celui la maladie provient du cerveau, on mettra en usage les électuaires, et encore les autres substances qui donnent de la force à cet organe. Telles sont, en guise d'exemple, les clous de girofle , l'iris faux acore , l'ambre gris et le musc.

Dans le troisième cas, c'est-à-dire si la maladie provient en même temps de l'estomac et du cer- veau, les médicaments à mettre en pratique doivent être composés de ceux des deux ordres qui viennent d'être mentionnés. Ainsi l'on pulvérisera la menthe verte, qu'on couvrira avec un peu de miel; ensuite on la placera dans un vase ample qui sera exposé à la rosée pendant toute une nuit; alors on la filtrera à travers un morceau d'étofle, et on l'emploiera en instillation dans les yeux, tous les jours, au moment du déjeuner. L'utilité de ce moyen a été établie par l'expérience.

' Ou herbe aux puces, pUmlaçjo psyllium. ' Luvandala stœchns.

MEDECfNE ET THÉRAPECTIQUE ARABES. 405

Il en est de même du remède appelé le sirop des visions, ou des fantômes. C'est un des meilleurs mé- dicaments composés que 1 on connaisse; il sert à For- tifier le cerveau et l'estomac, h empêcher les va- peurs de m.onter à la tête , à guérir un grand nombre de maladies, et à purifier tous les sens. On le prépare comme il suit : pommes coings, poires, de chaque une partie; infusion de myrte, origan, marjolaine, lavande stéchas, coriandres sèches, de chaque une demi-partie; bois de sandal, anis, de chaque un quart de partie. On fera bouillir le tout dans dix parties d'eau, jusqu'à réduction au quart; on con- densera la colature au moyen de quantité égale de sucre et d'un quart de suc de citron , et l'on conser- vera le sirop.

Un autre excellent moyen pour guérir la maladie dont nous parlons, consiste dans le fiel de la chèvre uni au miel , et employé en collyre. L'expérience en a constaté l'avantage.

Pour chasser absolument les vapeurs on a con- seillé l'électuaire suivant : feuilles de myrte, noix de cyprès, bois de sandal, absinthe et bois d'aloès, pé- tris avec de l'huile et du miel. On y a ajouté aussi de la menthe , du serpolet et de la rue.

On a dit que l'usage persévérant du panicaut' guérit radicalement ces hallucinations de la vue dont nous nous occupons.

Voici encore un composé, dont l'utilité dans cette affection est acquise par l'expérience : résine

^ Chardon Roland on roulant, chardon à cent têtes, etc. VI. 3i

466 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

mastic, clous de girolle, bois d'aloès, coriandres sèches, pyrèthre, iadanum et pommes de pin. On arrosera trois parties de ces substances au moyen d'une partie d'hydromel; puis on pétrira la masse avec gomme, amidon, et l'on en fera des pilules.

Cataracte, etc.

La cataracte, dont les signes sont connus par ce qui précède, est une sorte d'humeur aqueuse qui s'interpose entre l'organe visuel et les objets que l'on regarde. 11 y en a onze espèces, et la plus grave de toutes est l'espèce nommée cataracte noire. Un trai- tement qui réussit bien dans les premiers temps de la maladie, c'est de faire bouillir vingt grains de staphisaigre\ sept grains de polypode, trois grains de chaque espèce de centaurée, autant de turbith végétal, dans cent cinquante gros (cinq cent quatre- vingt-cinq grammes) d'eau, jusqu'à ce qu'elle soit réduite à un tiers, et de la boire.

Un autre traitement qui réussit bien , en général , dans la même affection, c'est de s'appliquer sur les yeux les graines de cutam'^, la vieille huile, l'encre a écrire (d'Orient), le sagapénum, Tassa fœtida, l'a- némone, l'eau d'oignon, l'eau de pouliot, le suc de la racine du cyclame^, le musc, le sel ammoniac, le cerveau de la chauve-souris, uni à l'hydromel*, les

^ Herbe à ia pituiie, herbe aux poux, etc.

' Boxas dioica. Forsk.

^ Cjclamen curopewn , \yà\n-depourceaiU , arlbaulta , etc.

* Le manuscrit n" io/|o ajoute ici cr f|ui suit: l'huile «le briques,

MÉDECINK ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 467 perles dissoutes et la marcassite calcinée, comme on le pratique pour la chaux. C'est ainsi que l'a indiqué l'expérience, et de cette manière on guéritla cécité.

On peut aussi se servir, dans le même but , de ce collyre composé : arsenic rouge ou réalgar, alun et antimoine. Il a été avantageusement employé. On peut en dire autant de celui qui suit : cadmie d'or, marcassite d'or calcinée, et suie de cuivre, prove- nant du lieu l'on fait fondre ce métal, parties égales de chacune; poivre, la moitié d'une de ces parties; on pilera le tout, on arrosera la masse avec le vinaigre de raisin, puis on la fera sécher; après cela on l'arrosera encore avec l'eau de fenouil, on la fera sécher de nouveau , on la triturera et on l'em- ploiera.

Il est aussi avantageux dans la cataracte de se frotter la tête avec les feuilles sèches de narcisse, pétries avec le henné; ou bien, d'introduire dans les narines l'ambre gris, la pierre qui se forme dans le fiel du bœuf^ et dont on mettra, gros comme une lentille, dans l'eau de bette; enfm l'huile d'iris avec la nigelle. On a expérimenté qu'un mithkâl d'ori- gan , pris au moment de se coucher, ou avant de s'endormir, est une sauvegarde contre la cataracte. On a expérimenté encore que l'emploi du collyre dont nous allons parler est utile dans toutes les ma- ladies qui ont été ci-dessus mentionnées, et autres,

l'aloès uni à la cervelle du coq, ou à celle de l'agneau, la poix liquide mêlée au miel.

' Sorte de bézoard , lapis bezoardicus.

3i.

468 OCTOBRE-NOVEMBRE ISôf).

tant externes qu'internes, tant connues (dans leur nature) qu'ignorées. Quiconque se sert de ce coi- lyre n'a pas besoin de médecine ni de médecins. En un mot, ce composé est doué des propriétés les plus secrètes.

Voici comment on le prépare : tuthie de l'Inde, poivre noir, poivre long, grande chélidoine, pissas- phalte\ acacia, écume de mer et gomme arabique, de chaque cinq mithkâls; or brûlé, perles, rubis, nard indien , cadmie d'or et d'argent, de chaque trois mithkâls; écrevisse chinoise^, terre ou argile de Chine, corail, excréments du lézard, poivre blanc, marcassite d'or et d'argent, de chaque deux mith- kâls; cuivre brûlé et calciné [horkoûs), scorie^, acier, fer, myrrhe, vert-de-gris, sel gemme indien, sel am- moniac, de chaque un miihkâl. On triture le tout et on l'emploie suivant la règle.

Le collyre suivant est presque aussi avantageux que celui que nous venons de faire connaître : sco- ries de cuivre, une portion; aloès, grande chéli- doine, de chaque une demi-portion; écume de mer, clous de girofle, sel ammoniac, ambre gris et musc; de chaque un quart de portion. On pilera ces dro- gues et l'on mouillera la masse pendant une semaine avec l'eau du lycium d'Europe; puis on la fera sé- cher, et on remploiera pour les yeux.

' Poix mêlée de bitume, poix minérale, goudron minéral, etc. mumia, pissasphaltus , pittasphaltos , etc. 2 Ecrevisse de mer, cancer marinus. 2 Scories de fer, de cuivre , etc. tobal.

MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 469 Une particularité remarquable, c'est que celui qui s'enduit les yeux avec la graisse de la gazelle voit les génies ou les esprits, et, s'il les interroge, il en reçoit une réponse. Quant aux poils (qui bles- sent l'œil ou les paupières, sorte de trichiasis, ou de phalangosis), nous en parlerons plus loin.

Avertissement.

Quiconque veut conserver pendant longtemps le bon état de sa vue doit se garantir contre la grande chaleur, contre l'excès du froid et la violence des vents, surtout du vent froid; contre la poussière et la fumée. Il doit éviter l'excès dans le coït, dans les pleurs, dans le sommeil, dans la veille, dans l'usage des bains, dans l'action de fixer les petits objets, les objets brillants, et ceux de couleur blanche. Il ne doit pas manger beaucoup de ces ali- ments vaporeux ou venteux, tels que les oignons, les haricots, les lentilles. Il doit s'abstenir des mets qui donnent de la pesanteur à la tête , ainsi qu'il a été dit plus haut.

Enfin on a observé que l'habitude de manger tous les jours une poignée de lupins du pays de Mahallah (en Egypte), salés, et avec leurs gousses, donne de l'éclat et de la force à la vue. C'est une particu- larité dont jouissent ces graines \

. * La liste des termes techniques et autres suivra dans un numéro prochain. Elle sera précédée d'un Avertissement, dans lequel je don- nerai à mes lecteurs des explications qui trouveront naturellement leur place.

470 OCTOBRE NOVEMBRE 1865.

NOUVELLES ET MÉLANGES

SOCIÉTÉ ASIATIQUE.

PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1865.

La séance est ouverte à 8 heures par M. Reinaud, pré- sident.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

M. le secrétaire-adjoint donne lecture de la correspon- dance.

M. de Rhanikof présente à la Société une description de la côte méridionale de la mer Caspienne, par M. Melgounof, avec une carte détaillée de la côte, en langue russe.

M. Pilard écrit à la Société pour lui annoncer l'envoi de deux exemplaires d'un Traité d'arithmétique en arabe.

Lettre de M. G. d'Eichlhal, annonçant l'envoi de ses Ori- gines asiatico-bouddhiques de la civilisation américaine.

M. le Ministre de la marine écrit à la Société pour lui an- noncer l'envoi d'un exemplaire du Code annamite du capi- taine Aubaret.

M. Orlando remercie la Société de l'avoir admis parmi ses membres.

M. Léon de Rosny lit une note sur l'influence des migra- tions bouddhiques sur le développement de la littérature en Corée.

M. Drouin est chargé de faire un rapport sur l'ouvrage de M. le capitaine Aubaret.

M. Oppert rend compte de ses dernières études au Musée Britannique; il communique à la Société les noms des mois assyriens et quelques résultats historiques relatifs à l'Egypte.

NOUVELLES ET MÉLANGES. 471

OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIETE,

Par M. le Ministre de la marine. Code annamite; lois et règlements du royaume d'Annam. Traduit du texte chinois, par M. G. Aubaret. Paris , Imprimerie impériale , 1 865 , 2 vol. grand in-S".

Par l'auteur. Etude sur les origines bouddhiques , 1" partie, par M. G. d'Eichthal. Extrait de la Revue archéologique. Paris, i865,in-8°.

Par l'éditeur. Homonyma inter noniina relativa, auctore Ibno 'l-Raïsarani , edidit D' P. de Jong. Leyde , 1 865 , in-8°.

Par l'éditeur. Historia khalifatus Omari II, Jazidi et Ei- schami, edidit M. J. De Goeje. Le.yde, i865, in-8°.

Par la Société. Bibliotheca indica, vol. IV, fasc. 3 : A bio- graphical Dictionaiy of persons who knew Mohammed, edited in arabic by W. N, Lees. Calcutta, 1864, iu-8°.

Par les éditeurs. Journal des Savants, juillet, août, sep- tembre i865, in-A".

Par la Société. Transactions de la Société américaine, mai, décembre 1860. Paris, in-8°.

Bulletin de la Société de Géographie, juin, juillet et août 1865 {2 livraisons).

Revue orientale, 55. Paris, i865, in-S",

Actes de la Société d'ethnographie , 2** livraison , 2' série. Paris, i865, in-8^

Traité d'arithmétique, par M. Pilard, interprète de l'armée. Texte arabe. Paris, Imprimerie impériale, 186 5, in-8°.

Actes du Comité d'archéologie américaine, 3* livraison, tome I".

Bulletin et Annales du Conseil d'outre-mer, n'* 82 , 83, 84, 85, 117. Lisbonne, Imprimerie nationale, i865.

Distribution des prix au Collège arabe d'Alger. Alger, i865.

Moniteur de Pékin.

472 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Histoire des khans de Kassimoff (en russe), par M. Wéliami- noflf-Zernoff, membre de l'Académie des sciences de Saint-Péters- bourg (tome II, de XVI, 498 pages).

Dans un précédent article , nous avons rendu compte du premier volume de cet ouvrage, à l'un des savants acadé- miciens russes qui se sont imposé la tâche d'étudier l'histoire des populations musulmanes du vaste empire des tzars. Le volume dont nous allons parler aujourd'hui ne le cède en rien, comme intérêt, au premier; il embrasse les annales du khanat de Kassimoff, depuis Tannée 1567 jusqu'à 1610, c'est-à-dire un espace de quarante-trois ans , durant lesquels trois souverains occupèreht le trône : Saïne-Boulate, Mous- tapha-Ali et Onraz-Mohammed. Les deux premiers apparte- naient à la famille des princes souverains d'Astrakhan, dont le khanat fut détruit, en lôôy, par les Russes. Onraz-Mo- hammed était un prince kirghiz-kaissak qui était tombé aux mains des Russes pendant la conquête de la Sibérie, et que la faveur des tzars avait placé à la tête du khanat de Kassi- moff. Jusqu'à présent, on ne savait que fort peu de chose de l'histoire de ces trois princes; leurs noms mêmes étaient à peine connus. M. Wéliaminoff-Zernoff a réussi, à force de recherches, à refaire entièrement leur biographie, et il est parvenu à mettre en relief la vie de ces trois kbans, dont l'existence se lie intimement à l'histoire de l'une des époques les plus saillantes de la Russie, c'est-à-dire les règnes de Jean IV le Terrible, de son lils Théodore, de Boris Godou- noff ^ et la période de trouble des faux Démétrius. Les do- cuments contemporains, mis en lumière par M. Wéliaminoff- Zernoff, prouvent que les khans de Kassimoff prirent une part active à tous ces événements. C'est ainsi que Saïne-

' Il est curieux de noter, en passant , que les seuls représentants de la maison tzarienne des Godounoff sont actuellement les Sahou.ro ff ci les Wélia- minoJf-ZernoJf .

NOUVELLES ET MELANGES. 473

Boulate, après un court séjour à Kassimoff, se laissa baptiser sous le nom de Siméon, et, cédant sa place à Moustaplia-Ali , devint plus lard, sinon de fait, du moins de nom, grand-duc de Twer. Onraz-Mohammed , de son côté , devint l'un des parti- sans les plus zélés d'un des faux Démétrius, qui le récom- pensa de son dévouement en le tuant de sa main, dans une parlie de chasse, près de Kalouga, en 1810.

La parlie principale du second volume de l'histoire de Kassimaff est , sans contredit, celle qui Iraile d'Onraz-Mo- liammed. M. Wéliaminoff-Zernoff s'est attaché surtout à éta- blir la généalogie de ce prince kirghiz, et, dans celle vue, il a du écrire presque entièrement l'histoire des Rirghiz-Rais- saks, depuis leur apparition jusqu'au commencement du xviii^ siècle. Cette partie du second volume des khans de Rassimoffest d'un intérêt capital, car elle renferme des dé- tails inconnus jusqu'à présent sur un peuple dont on faisait remonter l'origine à une époque fort ancienne, el dont l'exis- tence est, au contraire, toute récente. Les Raissaks ne pa- raissent être qu'une agglomération de différentes tribus de l'Asie centrale qui , vers le milieu du xv' siècle , au moment des troubles occasionnés par la mort du khan uzbek Abdoul- Rhan, se réunirent dans les steppes de la Mongolie, sous les drapeaux de certains descendants de Djenghiz-Rhan. Leurs premiers chefs étaient les frères Djani-Bek et Ghiraï, (ils de Barak-Rhan et arrière-petits-fds d'Ourous-Rhan , fondateur d'une nouvelle dynastie des khans de la Horde d'Or. M. Wé- liaminoff-Zernoff a raconté en détail toutes les révolutions que le peuple kaissak a eu à subir pendant son existence jusqu'au commencement du xvui" siècle. On voit les Rais- saks tantôt vaincus, tantôt vainqueurs, mais se faisant tou- jours craindre de leurs voisins, et réussissant à occuper les terres sur lesquelles ils sont actuellement installés vers les frontières d'Orembourg et de la Sibérie, jusqu'au moment ils durent se souuieltre à la Russie. A côté de ces données toutes nouvelles, on trouve dans le livre du savant académi- cien russe la liste entière de tous les khans kaissaks, depuis

474 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Djani Beg et Ghiraï jusqu'à Aboul-Khaïr qui se fil sujet russe. En Europe, nous ignorions la plupart des noms de ces souverains, et cependant plusieurs d'entre eux onl joui d'une grande réputation en Asie. Le célèbre Kassim , iils de Djani Beg, tint tête à Scheibani, émir de Boukhara; Scbigaï fut l'allié d'Abdoullab, émir de Bqukbara, mort en 1698. Twekkel s'empara de Tacbkend qu'il légua à ses descendanis,

M. Wéliaminoff-Zernoffa tiré tous les renseignements qu'il a donnés dans son livre sur les Kaissaks de plusieurs sources orientales et occidentales inédites, notamment du Tarichi- Raschid, écrit par Mobammed-Haider, parent de Baber sul- tan, et dont les manuscrits se trouvent à l'université de Saint-Pétersbourg et au musée asiatique de l'Académie des sciences (ce dernier en dialecte kascbgar).

Outre l'bistoire des Kaissaks el de Kassimoff, M. Wélia- minoff-Zernoff a donné des notices nouvelles sur le kbanal de Sibérie, dont l'bistoire se relie, à la tin du xvi' siècle, à celle de Kassimoff, et un coup d'oeil général sur l'organisa- tion intérieure des khanats de Crimée, de Kazan, d'Astra- kban , clc.

Deux plancbes sont annexées à ce second volume. La plancbe II contient des fac-similé d'inscriptions tumulaires talares, découvertes à Kassimoff. La plancbe 1" représente le mausolée de Scbab-Ali, klian de Kassimoff. M. Wélia- minoff-Zernoff nous promet un troisième volume de l'His- toire des kbans de Kassimoff, dont l'impression sera ter- minée dans le courant de cette année.

En debors de cette importante publication, le savant aca- démicien russe vient encore d'imprimer un grand recueil de documents tatars tirés des arcbives de Moscou , sous le litre de : Matériaux pour servir à l'histoire du khanat de Crimée , avec une préface en russe et en français , donl nous nous proposons de rendre compte dès que nous aurons reçu le volume.

Nous ne pouvons que féliciter M. Wéliaminoff-Zernoff de s'être engagé dans la voie peu tracée qu'il parcourt en ce

NOUVELLES ET MÉLANGES. 475

moment, et de faire connaître aux amis des études orientales des points d'histoire intéressants qui comblent des lacunes importantes dans ies annales des contrées asiatiques possé- dées actuellement par la Russie.

Victor Langlois.

Die Himjarjsche Kasideh, herausgegeben und ûbersetzt von R. von Kremer. Leipzig, i865 (vu et 33 pages).

11 se trouve dans la Bibliothèque impériale de Vienne un volume contenant un poëme arabe en cent trente-cinq dis- tiques, accompagné d'un long commentaire grammatical et historique. Le poëme porte le titre âe Kasideh himyarite, soit parce que l'auteur était un descendant des anciens princes des Himyarites, soit à cause de la manière dont il a traité son sujet. Ce sujet est l'incertitude des choses humaines, et l'auteur appuie sa thèse sur de nombreux exemples tirés de l'ancienne histoire himyarite. La brièveté de ces allusions historiques rendait un commentaire indispensable, et l'im- perfection de nos connaissances de l'ancienne histoire du sud de l'Arabie rend les renseignements que doit contenir ce commentaire extrêmement précieux pour nous. M. de Kremer a commencé par publier le texte et la traduction du poëme, et promet des extraits du commentaire. L'exemplaire de la bibliothèque de Vienne est malheureusement trop défiguré par des fautes et par des lacunes, pour que M. de Kremer puisse entreprendre de le publier en entier, et il espère que l'impression du texte du poëme appellera l'attention sur l'ou- vrage dont il s'occupe, et conduira à la découverte d'un nou- veau manuscrit de ce commentaire. Dans tous les cas, il nous donnera ce qu'il pourra tirer du manuscrit de Vienne, et quand on voit le nombre de personnages himyarites cités dans ce poëme, qui nous sont tout à fait inconnus, on ne peut qu'attendre de ce travail des éclaircissements inespérés de cette partie de l'histoire de l'Arabie. .1. M.

470 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.

Lettebs fp.om Egypt, 1863-1865, by Lady Ddff Gordon. Londres, i865, in-8° {xii et 371 pages).

Lady Gordon fut envoyée en Egypte en i863 parles mé- decins; elle ne trouva, ni à Alexandrie, ni même au Caire, une température assez chaude, et linit par s'établir dans le village d'El-Uksur, près de Thèbes , dans une maison que M. Tastu, consul général de France, voulut bien mettre à sa disposition. Le volume qui vient de paraître contient la reproduction exacte de sa correspondance de famille, sans qu'on ait supprimé ou ajouté quelque chose. Ces lettres sont trè.s-intéressantes. Lady Gordon , qui parait être une personne pleine de sympathie pour ceux qui souffrent, s'intéressa aux Arabes et aux Coptes de ce village, apprit d'eux l'arabe, les visita familièrement, se fit au besoin leur médecin ou leur protectrice contre les oppressions des autorités subalternes, et raconte dans ses lettres tout ce qu'elle apprend de jour en jour. Elle observe curieusement les mœurs, les traits de caractère, les superstitions, tout l'étal civil et moral de ces pauvres gens. L'impression que donne la lecture de ses lettres est très-favorable aux fellahs et très -défavorable au gouvernement égyptien, dont les procédés dans les parties éloignées du pays se ressentent peu du vernis de civilisation européenne dont on se vante au Caire et à Alexandrie. Il est fort à désirer que ce livre arrive aux mains de tous les Européens qui voyagent sur le Nil, pour combattre le dédain avec lequel ils traitent les Arabes, et pour leur inspirer un peu de sympathie pour une population très-digne d'un meil- leur sort. Les lettres de Lady Gordon sont non-seulement d'une lecture instructive et attachante, mais elles sont une véritable bonne œuvre, et nous avons grand besoin de livres semblables sur toutes les parties de l Orient. J. M.

JOURNAL ASIATIQUE

DÉCEMBRE 1865.

INTRODUCTION DU BUDDHISME

DANS LE KASHMIR, PAR M. LÉON FEER.

Le premier livre buddhique^ que la science con- temporaine ait révélé à l'Europe, la Chronique cin- galaise, rédigée en pâii, sous le titre de Mahâvanso , nous présente dans son xif chapitre un grand et solennel spectacle. On y voit tout un ensemble de missions organisées sous le règne du grand roi Dharma-Açôka pour porter de tous côtés dans les pays étrangers les doctrines et les institutions bud- dhiques.

«I Lethérô, fils de Moggali, dit l'auteur de ce livre, celui qui fait briller renseignement du Jina, après avoir tenu l'assemblée (le 3*" concile), envisageant l'avenir, considéra que le moment était venu d'éta- blir la loi dans les pays étrangers, et, dans le mois

' Parmi les lettres employées dans la transcription a = ou,j = dj, ch = tclî , 5/1 = ch , X = kch ; le cj est toujours dur; ai = aï, au = aou. Les autres lettres se prononcent comme en français. Ainsi muni se lit mouni ; Jalodbhava , Djalodbbava; Panchakô, Panlchakô; Kushmir, Kachmir; bhixu , bhikchu -, d(jé dguc. Dans les mots tibétains, le / vaut notre j, et le son dj est rendu par dj.

V}. 32

478 DECEMBRE 18C5.

de kattika, il envoya des thêiôs, les uns d'un côté,

les autres d'un autre.

((A Rasmîra et Gandhâra, il envoya le tliêrô Maj- jhantika ;dansleMahisamandala , lethêrôMahâdêva; à Vanavasi, il envoya letbêrô nommé Rakkita, et à Aparantaka, celui qui s'appelait Yonadbammarak- kita; dans le Mahâratlba, il envoya le thêrô Mahâ- dhammarakkila; quant au thêrô Mabârakkita , il l'envoya dans la contrée de Yôna. 11 envoya le thêrô Majjbima dans le territoire de l'Himavat, et dans la terre de Suvanna les deux tbêrôs Sôna et Ultara. Il envoya le thêrô Mahâmabinda avec les autres dis- ciples Ittbiya , Vuttiya , Sanibala , Bbaddasala , en tout cinq thêrôs, en leur disant : « Etablissez dans la déli- « cieuse île de Lanka la délicieuse doctrine du Jina. »

Ce tableau intéressant , que je ne me propose pas d'analyser dans son entier, frappe surtout par deux traits, celui du commencement et celui de la fin, la conversion des pays de Kasmîra et de Gandhâra , et celle de l'ile de Lanka ou de Geylan. Ce n'est pas seulement la vaste extension du buddhisme qui est indiquée dans cette simple énuméralion, c'est en- core sa division en deux fractions: car, de même que la conversion de l'île de Geylan a été l'origine du buddhisme du Sud, celle de la vallée deKasbmir a été le point de départ du buddhisme du Nord. Cette vallée est, sinon Tunique, au moins la princi- pale voie de communication de l'Inde avec les con- trées centrales de l'Asie; c'est le chemin du com- merce; et, comme les idées suivent d'ordinaire le

DU BUDDHÏSME DANS LE KASHMIR. "479

même chemin que les marchandises (bien cfue parfois il leur arrive de suivre celui des armées) , c'est par cette voie-là surtout que le buddhisme a été porlé dans le pays limitrophe de l'Inde , qui est devenu le centre du buddhisme septentrional , le Tibet. Aussi peut- on dire que,. sauf la conversion de Geylan, il n'y a pas, dans l'histoire du buddhisme, depuis Çâkya- muni, d'événement aussi considérable et aussi fé- cond en résultats que l'introduction du buddhisme dans le Kashmir.

Il existe, à notre connaissance quatre récits de cet événement : le xii^ chapitre du Mahâvanso en contient un qui fait immédiatement suite au texte cité tout à l'heure; le XP volume du Randjur, con- sacré presque tout entier aux derniers événements de la vie de Çâkyamuni, à sa mort, à ses premiers successeurs, à la compilation de sa doctrine, nous offre la version ofiRcielle des buddhistes du Nord. Enfin Hiouen-Thsang recueillit à Kashmir même la tradition locale sur cet événement, dont le récit se trouve aussi dans l'histoire du buddhisme deTârâ- nâtha, auteur tibétain qui écrivait dans le premier quart du xvii^ siècle ^ Les renseignements fournis par Hiouen-Thsang nous sont connus par la tra- duction que nous devons à M. Stanislas Julien. Quant <\ Târânâtha, nous ne possédons pas son livre; mais M. Wassihef l'a traduit, et, en attendant

' On en trouve encore un résumé très-substantiel en six lignes dans l'ouvrage de M. A. Schiefner intitulé : Eine ûheùsche Lehcns- hesckreihiu\(j Çâhjainiuus, etc. p. 79.

480 DÉCEMBRE 1805.

qu'il publie ce travail, il nous donne clans le pre- mier volume (le son ouvrage sur le buddhisme, le seul qui soit encore venu jusqu'à nous, une précieuse analyse du livre de Târânâtha. J'invoquerai sans les reproduire les récits de Hiouen-Thsang et de Târâ- nâtha; mais je veux donner d'abord intégralement le récit du Mahâvanso et celui du Kandjur.

Voici d'abord le récit du Mahâvanso, depuis long- temps connu par la publication que G. Turnour a faite du texte pâli d'une portion de cet ouvrage en raccompagnant d'une traduction anglaise :

«Alors dans les pays de Kasmîra et de Gandhâra, le redoutable Aravâlô, roi des Nâgas, doué d'une grande puissance surnaturelle, faisant tomber une pluie mêlée- de grêle, submergea dans une véritable mer toutes les moissons mûres ^ Le thôrô Majjhan- tikô s'y rendit promptement à travers les airs, s'a- battit sur le lac d'Aravâlô^, et se tint à la surface de l'eau, marchant et absorbé dans la méditation. Les Nâgas , furieux à cette vue , le firent savoir au roi. Alois, le roi des Nâgas, furieux à son tour, em-

^ Un traité du Kandjur (section jR^juci) intitulé Nâga samaya (serment des Nàgas) contient des descriptions des cérémonies et des montras pour obtenir des Nâgas la pluie dans la saison des pluies, et un engagement des Mdgas de ne pas détruire les blés et autres grains. Ces données correspondent très-exactement à l'idée que le Mahâvanso nous donne de ces êlres fabuleux.

2 Un des lacs du Kashmir porte encore le nom de Viilar ou Valler, qui rappelle celui d'Aravâlô. Des étendues d'eau sont quelquefois qualifiées row desNdçjcis.k'insï on retrouve le roi des Ndcjas , l'Océan, (rgya mts'ô); le roides Nâyas, Anavalapta (Ma-dros-pa, lac célèbre). { Suvuma-prdhhâsd , éd. de la Bibliolb. do l'Institut, folio i3i.)

t>U BUDDHiSME DANS LE KASHMIR. 481

ploya tous les moyens d'épouvante : les nuages gron- dèrent, envoyèrent la pluie; les Nâgas, prenant des formes hideuses, essayèrent de toutes parts de l'épou- vanter. Lui-même (le roi) exhala de la fumée et du feu, lançant mille imprécations contre lui. Le thêrô ayant, par sa puissance surnaturelle, repoussé tous ces épouvantails, s'adressa au roi des Nâgas en lui manifestant sa force supérieure :

u Le monde avec tous les dieux aurait beau réunir «tous ses efforts, il ne serait pas capable de faire «naître en moi la crainte. Tu pourrais, ô grand « Nâga , lancer sur moi la terre avec ses mers et ses «montagnes, tu ne parviendrais pas à faire naître «en moi la crainte. Cesse donc, ô roi des serpents, « de causer la destruction des moissons. » Ces pa- roles l'ayant fait rentrer dans le calme , le thêrô lui enseigna la loi. Alors le roi des Nâgas fut établi dans la règle morale des (tiois) refuges. Il en fut de même de quatre-vingt-quatre mille serpents et de bon nombre de Gandabbas, de Yakkas et de Kumbhan- dakas de l'Himavat.

«Un Yakka, nommé Panchakô, avec sa Yakkî Harîtâ et leurs cinq cents fils, obtinrent le premier degré (çrôta âpatti) : «Ne vous livrez plus désor- « mais comme autrefois à la colère et à l'orgueil; ne «détruisez plus les moissons; cherchez le bien-être «des créatures, soyez compatissants pour tons les «êtres; que les hommes habitent en paix.» Telle fut fexhortation qu'il leur adressa, et ils s'y confor- mèrent.

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(( Alors le roi des serpents , ayant établi le thêrô sur un trône de pierres précieuses , se tint tremblant (et respectueux) en sa présence.

«En ce temps-là, les hommes qui habitent Kas- mira et Gandhâra étaient venus rendre leurs hom- mages au roi des Nâgas. Ayant salué humblement le thêrô comme un thcrô doué d'une grande puis- sance surnaturelle, ils s'assirent h l'un de ses côtés ; le thêrô leur enseigna la loi intitulée Asivisôpama. Quatre -vingt mille personnes acceptèrent la loi; cent mille autres entrèrent dans la prêtrise en pré- sence du thêrô.

« Depuis lors , dans lespaysdeKasmîra et de Gan- dhâra, on vit briller les habits jaunes des religieux, et l'on fut adonné aux. principes de la triple base. »

De ce récit, écrit en pâli pour les buddhistes du Sud, je rapproche la narration tibétaine suivie par les buddhistes du Nord : elle se trouve dans le XV volume de la i'*' partie du Kandjur intitulée Dulva ou la discipline, et fait partie d'une section du Dulva qui occupe les volumes X et XI, et porte le nom de Vinaya-xudraka-vastu, en tibétain Hdul-va-phran- tsêgs-kyi-gji , recueil des minuties de la Discipline. On ne voit pas bien en quoi cette section est plus mi- nutieuse que les autres, car il y est question de choses graves et importantes, et il semble même qu'il y ait plus de minuties dans les livres dont le titre n'en annonce point; mais nous n'avons pas ici à discuter ces titres. Le Vinaya-xudraka-vastu, comme tout le reste du Dulva tibétain, est traduit

DU BUDDllISME DANS LE KASHMIR. 483

du sanscrit; on donne même le nom des traducteurs: ce sont les pandits indiens Vidya-kara-prabha , et Dharma-çri-prabha , et le lotsava (interprète) tibé- tain Ban-dhe-dpal-hbyor. L'épisode de la conversion ' du Kashmir n'a pas encore été traduit, que je sache; seulement Gsoma de Kôrôs en a fait^ dans son ana- lyse du KandJLirun résumé très-fidèle, mais très-bref. Je le donne intégralement, le faisant précéder du récit des derniers moments d'Ananda et le faisant suivre de la liste des chefs spirituels du buddhisme, pour rendre l'exposé plus complet et plus intelli- gible.

M Dans le temps arriva pour le sthavira^ Ananda le moment d'entrer dans le nirvana complet (pari- nirvana)^, cette grande terre trembla de six ma- nières. En ce temps-là, quelques autres rishis ^S s'étant réunis jusqu'à former un groupe de cinq cents personnes, se rendirent, au moyen de leur puissance surnaturelle, au lieu était lâyushmat^

' Asiatic Researches , vol. XX, p. 92.

^ Ce mot, qui signifie vieillard, prêtre, sera l'objet d'une discus- sion. — Je reproduis la forme sanscrite de tous les noms propres et de tous les termes buddhiqucs traduils en tibétain dans le texte. J'ajoute d'ordinaire, entre parenthèses ou en note, l'expression tibétaine et l'interprétation en français, sans entrer dans aucune explication, parce que ces restitutions sont certaines. Les cas dou- teux ou difficiles seront l'objet soit d'une note, soit d'une discussion ultérieure.

^ On sait que les Tibétains disent : d'être enùcrement passé hors de la douleur.

* Saints personnages; en tibétain drang-sromj , «ermite. »

* En tibétain tse-dumj-ldan, «doué d'une longue vie,» (jualifica- tion fréqueule des [)lns éininents disciples du Buddha.

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Ananda, et, ayant réuni les paumes de leurs mains, ils dirent à layuslimat Ananda : «Pour apprendre « la loi el la discipline ( Dharma et f^'inaya) ^ bien en- te seignées, nous avons quilté notre demeure et «nous sommes devenus des upâsakas^ (auditeurs «laïques) accomplis : nous demandons maintenante a être élevés à l'état de bhixus (moines mendiants). » En tout autant de temps, l'âynshma* Ananda pro- duisit cette pensée : «Disciples, venez ici tous en- « semble près de moi.» Quand il eut produit cette pensée, incontinent, conformément à ce (juil avait dit y les cinq cents disciples se rendirent près de lui. «Le sthavira Ananda, ayant accompli des trans- formations surnaturelles sur la terre ferme, au milieu de l'eau, ferma tout accès jusqu'à lui^. En tout autant de temps, l'assemblée de rishis, com- posée de cinq cents personnes qui avaient adopté

' Division originelle et fondamentale, des Écritures buddhique».

^ Les upâ-akas sont les individus, non encore reçus moines, qui suivent l'enseignement religieux et observent certains préceptes. On les appelle en tibétain d(je-hshen <i\o\ûn de la vertu. » Cependant notre texte porte bsnen par-rdzoys « qui s'est parfaitement approché , » composé auquel le diolionnaire attribue le sens de devenir reliyieux; il se retrouve plus bas avec ce sens. Mais, ici, j'ai cru devoir tra- duire par upâsaka à cause du contexte; car si l'on dit, « nous sommes devenus des religieux,» la phrase qui suit n'a plus de raison d'être.

^ Sur la terre ferme , au milieu de i'cau, expression périplirastique, pour désigner une île du Gange. Csoma de Kôrôs [As. lies. XX, p. 92) dit que celte île est imaginaire. Je crois que, dans tous les cas , on aurait de la peine à la retrouver. Ferma tout accès auprh de lui, je traduis ainsi lam med par byas (fil ou fut fait à l'étal de sans chemin).

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 485

la vie religieuse , obtint la demande ^ , faite par ceux qui la composaient, d'être reçus religieux; puis les membres de cette assemblée arrivèrent à l'état d'anâgami (qui ne revient pas à la vie), et, quand la troisième opération eut été exposée^, ayant rejeté loin d'eux toute la corruption naturelle, ils obtinrent l'état d'arbat (digne, méritant). Ceux-là donc étant devenus religieux au milieu de la Gangâ (du Gange) et au milieu du jour : «L'un d'eux sera appelé « Milieu de l'eau (ou l'île , de l'île) , l'autre sera appelé « Milieu du jour (midi, Ni-ma-igung,Madhyântika)^; » voilà ce qui fut proclamé.

* En tibétain, (jsôl pa hjas pa, ce qui pourrait se traduire par «fit ia demande. » Mais ce sens ne conviendrait pas à l'ensemble de la pbrase. D'ailleurs le génie de la langue tibétaine exigerait, pour que co sens fût attaché à cette phrase, gsôl.var au lieu de gsôlpa.

' Les mots sont bien clairs [las gsum-pa brdjod pa), la pensée l'est moins. Les trois opérations dont il s'agit sont sans doute : de- venir bliixu ou moine; devenir anâgami; devenir athat «parfait. » Le passage à chacun de ces états aurait été précédé d'une instruction donnée par Ananda; le texte ne cite que la dernière. Les trois degrés susindiqués sont loin d'être les seuls qui existent : l'auteur eût facilement pu allonger la liste; il a su se borner.

^ Tout ce passage est assez obscur. S'agit-il de deux individus ou de deux collections d'hommes, dont l'une aurait pris une dénomi- nation, fautre une autre? Le texte tibétain a le singulier, il faut bien le conserver dans la traduction ; mais le singulier a souvent la valeur d'un pluriel, cas qui paraît se présenter ici. il semble donc que les disciples d'Ananda auraient été partagés en deux classes. Quelle peut être la valeur de cette division? 11 est d'autant plus diffi- cile de le dire, que , plus loin , les cinq cents disciples d'Ananda (du moins tout porte à croire qu'il s'agit d'eux) sont représentés comme agissant de concert avec Madhyândka, dont la personnalité, forte- ment mise en relief dans la suite du récit, se dessine assez faible- ment ici. On croit voir dans ces deux désignations, empruntées

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«Ceux-là donc, ayant accompli ce qu'ils avaient k faire, ayant honoré avec la tête les pieds de ràyushmat Ananda, dirent : ((Puisque Bhagavat, ('arrivé au terme de toutes ses bonnes actions, est ((Cnlré antérieurement dans le nirvana complet, « que le précepteur donne une instruction , car nous (1 devons entrer les premiers ^ dans le nirvana com- (( plet , nous désirons ne point voir le précepteur (( entrer dans le nirvana complet. » Le sthavira repartit : (( Mon fils ^, Bhagavat, après avoir remis le (( dépôt de son enseignement à l'âyushmat Mahàka- « çyapa , est entré dans le nirvana complet. Le stha- « vira Mahâkaçyapa à son tour, me l'ayant remis, me « dit : Maintenant, quand je serai entré dans le nir- <( vâna complet, surveille avec soin cet enseigne- <• ment. Bhagavat a dit : Le pays de Kashmir^

aux circonslances de temps et de lieu dans lesquelles s'accomplit îa conversion des disciples d' Ananda, la trace obscure d'un schisme mal dissimulé.

Ml y a dans le texte sncjar « premièrement. » On pourrait traduire uvaiitque nous entrions, sens plus satisfaisant en lui-même, mais qui s'accorderait moins bien, soit avec la construction de la phrase tibétaine, soit avec le sens de celle qui suit. Bhagavat est le Buddlia . et Mahâhaçyapa, son premier successeur.

^ Le texte porte hu, à peine lisible. Cette expression Jîij (bu) qui ouvre le discours et est reproduite dans la conclusion nous prouve (comme l'ensemble le démontre) qu'il est adressé tout entier au seul Madhyantika, et cependant c'est la réponse d'Ananda aux cinq cenis disciples. Il y aiin peu d'incohérence dans cette partie du récit.

^ En tibétain, kha chhé «grande bouche,» nom qui paraît être seulement la prononciation populaire du sanscrit haçmira, défiguré de manière à donner ini sens plus ou moins conforme A l'idée qu'on se faisait du pays ou aux liiiditions dont il était le sujet.

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. HSl

« est le meilleur séjour pour le dhyâna (l'extase) et (' le recueillement parfait (hlhun-samagra) ^ ; tel a été u son oracle sur le pays de Kashmir. Et après le nir- " vâna complet de Bhagavat , après un laps de cent «ans, il existera un bhixu, nommé le Milieu du a jour (Ni-ma-i gung, Madhyântika), par lequel on «sera, ici^, établi dans la doctrine. Telle a été «sa prédiction. D'après cela, mon fils, à toi d'af- «fermir ce pays dans la doctrine. Je le ferai « ainsi, » répondit-il.

«Ensuite l'âyusbmat Ananda commença à mani- fester toutes sortes de transformations surnaturelles. Or, un habitant du pays de Magadba-'*, pleurant de tendresse, lui cria : «Maître, viens ici.» Un habitant de Vriji^ (Spong-byed), pleurant de ten-

^ Dhyâna, terme bien connu, en tibétain bsani (jtan, que je tra- duis par extase; je rends par recueillement parfait le mot hlhiin (unus) en sanscrit jorna^ra (totus). Ce mot semble désigner un esprit ramassé sur lui-même, dont toutes les facultés, toutes les énergies sont concentrées, rassemblées sur un point unique,

2 Ce mot prouve que le texte sanscrit de ce récit a été arrêté dans le Kashmir; peut-être la traduction y a-t-elle été faite. Celte circonstance est spécifiée pour quelques ouvrages.

^ Le Bihar méridional, véritable berceau du buddhisme, et qui avait alors pour capitale Pataliputra et pour roi Ajâtaçatru.

'' C'est un habitant de Vriji qui demande à posséder le corps d'Ananda, et le don est fait à un habitant de Vaïçâlî. Jl s'ensuit que le pays de Vriji représente ici le territoire dont Vaïçâlî est le chef-lieu; la même particularité se retrouve dans plusieurs textes iVoy. des pel. buddh. JII, 366). Cela vient de ce que le royaume de Vriji a été souvent réuni à celui de Vaïçâlî; mais, du reste, c'était un Etat à part ayant sa capitale propre. ( Voy. des pel. buddh. loco citato, et p. 4o2.) Ses frontières étaient à 5oo li, environ 87 lieues, de Vaïçâlî.

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dresse , l'appela aussi , en disant : « Maître , viens ici. » Telle ilit l'invitation que, de chacune des rives du fleuve, deux hommes lui adressèrent. Ayant en- tendu ces appels et agissant avec sagesse, il par- tagea son corps vieilli en deux parties.

« Puis ràyushinat Ananda, ayant béni son corps, ayant fait apparaître des transformations merveil- leuses de toute espèce, semblable à la vapeur pro- duite par l'eau dans le feu\ entra dans le nirvana complet. Une moitié de son corps fut remise aux habitants de Vaïçàlî, l'autre moitié au roi Ajâta- çatru ; ce qui fit dire : «Le prince, la tête de la {(Science, ayant disposé des parties de son corps ^, K en a donné une moitié à l'Indra des hommes (au

' Je ne veux pas entrer dans la question du nirvana, qui n'est pas de mon sujet; mais je dois au lecteur de justifier la traduction de cette phrase qui s'y rapporte. On la retrouve plus loin avec une variante. Ici nous avons : la (igni ou in ignem), chhus (aquâ), (jtong-va (datum) ou gtor-va (sparsum, oblatum), vjin-du (sicut) : «comme ce qui est donné par l'eau au feu,» c'est-A-dire apparem- ment, «comme la vapeur d'eau.» L'autre phrase diffère unique- ment par le verbe vstah-pa (donner, fournir), synonyme de cjtony. Quanta gtor, très-semblable k gtoncj par la forme des lettres, il ne diffère pas essentiellement par le sens. La pensée paraît donc être «semblable à ce que donne l'eau mise en contact avec le feu. »

" Dans ce pada (car toute la pbrase est une stance de quatre j)adas, dont chacun a sept syllabes) le texte est: raïuj-gi lus-kyi i bchom-sle , «i ayant vaincu la montagne (?) de son propre corps.» Cette expression pour dire « ayant dompté son corps avec les efforts les plus pénibles» paraît bien exagérée. Je lis ris (partie) au lieu de ;i (montagne), ce qui m'obligea détourner un peu le sens de bcliotn (vaincre) et à lui donner celui de "disposer en vainqueur ou f-n maître souverain. »

DU BCDDHISME DANS LE KASHMIH. 489

«roi), l'autre moitié, il l'a donnée, ce muni \ à «tout un peuple^.») Ensuite les Lichavyi, ayant bâti à Vaïçâlî un chaitya (ou stûpa)^, y mirent la moitié du corps d'Ananda, et le roi Ajâtaçatru aussi, ayant bâti un ebaitya dans la ville de Pataliputra, y mit l'autre moitié.

((Ensuite, Madhyântika produisit celte pensée : Mon précepteur m'a donné cet ordre : Introduis la doctrine dans le pays de Kashmir, car Bhagavat a fait cette prédiction : Il y aura un bhixu du nom de Madhyântika (Ni-ma-i-gung « midi ») qui, après avoir vaincu le méchant Nâga Hu-lun-ta^, introduira la doctrine dans le pays de Kashmir. Eh bien ! je me

* Le mot muni se dit en tibétain thub-pa (fort, force) : nous avons ihub-pas à l'instrumental, on pourrait traduire : «avec puissance;» il paraît préférable de traduire par « ce muni. »

^ Notre texte porte Is'ocjs rnams « des troupes. » Ce mot, évidemment opposé à roi (Indra des hommes), justifierait l'opinion de Csoma que Vaïçâlî était un Etat républicain. Cette ville, dominaient les Lichavyi, paraît avoir eu une constitution aristocratique ou oligar- chique. Cependant, clans le récit de la mort d'Ananda , Hiouen- Thsang parle du roi de Vaïçâlî, qui aurait pris les armes pour dis- puter au roi de Magadha la personne d'Ananda. Afin d'empêcher une guerre entre les deux rois, Ananda, qui fuyait en bateau sur le Gange, disparut et entra dans le nirvana. Le récit du voyageur chinois diffère notablement du récit tibétain,

^ Monument de forme généralement pyramidale, renfermant des reliques.

^ Ce nom sera étudié plus tard. Il est à remarquer que Hulunla n'est point ici désigné comme roi, il est seulement qualifié de mé- chant. Le teste porte mi sran; il faut lire mi bsriin, que le diction- naire tibétain-sanscrit traduit par îpf^ : «Malicieux, méchant, bas, vil.» Schmidt traduit dans son dictionnaire par «homme doux;» mais le mot mi est à la fois la négation et le substantif /jonime; il est évident que, ici, -/ni bsrun signifie : «qui n'est pas doux. »

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pénétrerai à fond de l'esprit de la doctrine. C'est ainsi qu'il pensa. L'âyushmat Madhyântika se ren- dit donc dans le pays de Kasbmir et s'assit les jambes croisées : puis Madhyântika fit cette réflexion : Pour triompher de ces Nâgas du pays de Kashmir, je mettrai ces Nâgas dans le trouble, et, par là, je les snrmonlerai. Telles furent ses réflexions, puis il resta ainsi, absorbé dans la contemplation (samâ- dhi), plongé dans le recueillement complet. Ainsi, le pays de Kashmir trembla de six manières : pour lors, les Nâgas troublés soufflèrent avec violence, et, faisant tomber des pluies abondantes et impé- tueuses, commencèrent à maltraiter le sthavira. Mais le sthavira restait assis plongé dans la contem- plation de maitrêya (ou de l'amour, Maitrêya ou Maitrî samâdhi^), et les Nâgas ne furent pas ca- pables d'agiter même le bord de son vêlement de religieux. Ensuite, ces Nâgas firent tomber une pluie de flèches; mais le sthavira les fit arriver en fleurs éclatantes, en lotus, en lotus bleus, en lotus rouges^, en lotus blancs. Ces Nâgas se mirent alors

' En tibétain hjamspa ting-ge hdzin. Ting-ge hdzin est la samâdhi ou contemplation. Byams-pa signifie compassion ou compatissant , et correspond à maifrî et à maitrêya. Maitrî est l'amour universel; Burnoufie traduit par charité : c'est l'amour étendu à tous les êtres. Maitrêya est le nom du Buddha qui doit apparaître quand sera achevée la période assignée à Çâkyamuni.

- Je traduis ainsi le mot du texte kan-mu qui n'existe pas, ot doit être corrigé en ku-sa-ma (fleur) ou mieux kii-mu-da, f\m se ren- contre dans des passages semblables, et qui, on\ro a-itres siunilîca- tioiis, a celle de lotus rouge.

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIh. 401

à lancer sui- lui des amas ' de pointes de rochers, de grandes flèches, des amas d'armes aiguës, des haches d'armes : le tout tomba près du sthavira en pluie de fleurs. Alors ils dirent : » Cet être semblable au K sommet d'une montagne couverte de neige, et « comm^ brillant de l'éclat du soleil, en restant ferme- u ment assis, anéantit et rend invisibles, à mesure «qu'elles arrivent, toutes ces pointes de roch'ers'^; «quand tombe une averse qui balaye tout, il la fait «arriver en pluie de fleurs de toutes sortes; s'il «tombe du ciel une pluie de flèches, ce ne sont «que guirlandes de fleurs qui couvrent le sol. »

« Ensuite , comme il était assis dans un calme par- fait, plongé dans la contemplation de Maitrêya, que le feu ne le brûlait pas, que ni les armes ni le poison ne pouvaient s'attacher à son corps et y pé- nétrer, les Nâgas furent émerveillés. Puis ces Nâgas, étant venus près du sthavira, lui dirent: «Véné- «rable, qu'ordonnes-tu ? o Le sthavira repartit :

Cette énumération présente deux fois le groupe rtsegchig / ^gi^qi ) , dont la division , incertaine la première fois , est la deuxième

fois assez bien indiquée sous la forme rtse-gcbig (une seule pointe), mais rtseg signifiant «accumulation,» si l'on divise les lettres ainsi, rtseg-chig, on aura rdo-rdje rtség- cliig (un amas de pierres, pierres sur pierres), mts'ôn rtsêg-chig (un amas d'armes, armes sur armes), ce qui est bien préférable. Il faut donc lire ; ^^H"^^ (rtség- cbig), et non ^'^^^ (rlsê-gcbig).

^ La pbrase paraît assez claire; mais la construction en est em- barrassée. Je traduis ainsi mot à mot en latin : « Nivei monlis vertice illo quideni sub solis radiis firmiter sedente, monlium verlices illi omnes ccrte haud (jam) esse, quum advencrmit, haud conspici [ou ita ut conspici possint). »

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(( Faites-moi don de ce lieu. » Les Nâgas repri- rent : ((On ne peut présenter un rocher comme (( offrande ^ d Le sthavira répondit : (( Bhagavat a (( prédit que cette place serait mienne, parce que le « pays de Kashmir est un lieu favorable pour le (( dhyâna et le recueillement parfait. Désormais (( elle est à moi. » Les Nâgas repartirent : ((Slha- ((virà, Bhagavat la-t-il ainsi déclaré? Bhagavat ((l'a ainsi déclaré,» répondit le sthavira. Les Nagas dirent : ce Sthavira , combien d'espace te donnerons- (( nous en offrande? Autant que j'en occupe assis «les jambes croisées, «répondit le sthaviia. Les Nâgas reprirent : « Révérend , nous te l'offrons. » Le sthavira s'assit les jambes croisées; les extrémités des vallées furent déprimées par cette action^. (( Les Nâgas dirent : (( Sthavira , à quel nombre

' Le texte tibétain est : Dbulvar offrir), rdo (une pierre), mi

(non) thôgê ? Thôgé n'existe pas. Thôg signifie «toit d'une

maison, foudre, production (moisson) tous mots avec lesquels on ne peut faire un sens raisonnable et naturel. Je transpose les voyelles, et je lis thégô pour thég-gô. Thêg signifie : o porter, enlever, voiturer. » L'emploi de ce terme ne paraîtra pas déplacé, si l'on songe que, en général, le mot offrande emporte l'idée d'un meuble. Les Nâgas ne comprennent pas l'oblation d'une chose immobilière. Des offrandes de cette nature se voient cependantplus d'une fois dans le Buddhisme. En lisant thôg-gô, on pourrait traduire: un rocher n'est pas une offrande relevée, ou bien n'est pas une offrande productive.

* Lang-pa dgu'hi mdo skyil-mô krung-gis-nôn-pa. « Vallium novcm os T«? cruribus junctis sedere depressum fuit. Je considère dgu, \o nombre /jc«/, comme un simple signe du pluriel (ce qui n'est pas rare en tibétain), et je vois dans cette phrase cette idée que les eaux (dont les Nàgas sont l'emblème) , renfermées jusqu'alors entre les montagnes , trouvèrent une issue par la dépression dont il s'agit. C'est le seul indice que nous ayons de l'inondation et du dessèchement

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 493

d'hommes s'éJève l'assemblée de tes disciples?» Le slhavira se dit en lui-même : combien de disciples rassemblerai-je ? Et aussitôt le stbavira pensa : Ce sera cinq cents arhats; et il dit aux Nàgas : « Elle u s'élève au chiffre de cinq cents arhats. Qu'il en (( soit ainsi , répondirent les Nâgas. Quand bien (( même il s'en faudrait d'un seul arhat\ reprit Ma- udhyântiku, je ravirai en ce temps-là le pays de u Kashmir. »

«Puis le stbavira Madhyàntika dit aux Nâgas du

de la vallée de Kashmir, si clairement énoncés dans les autres textes allégués; mais combien il est encore faible et obscur ! Le Kandjur n'entre dans aucun détail qui ait trait aux choses naturelles, il est tout entier à la fantasmagorie bouddhique. Dans l'ouvrage de M. Schiefner [Eine Lebensbeschreibancj , ii.s.w. p. 79), ce fait est ainsi exprimé: « Umfassle er so sitzend die Ausgànge von 9 Thàlern, \vo- rauf ihm die Nâga's das Land einraùmten» (en s'asseyant ainsi, il embrassa les issues de neuf vallées, ce qui fit que les Nâgas lui cé- dèrent la place). Cette phrase répond assez bien au récit de Hioueu- Thsaug. Nôn-pa devrait alors être traduit par : a embrasser, couvrir, soumettre. » Mais il serait nécessaire aussi de connaître le texte dont M. Schiefner a fait usage : il paraît identique au nôtre en cet en- droit.

Je ne crois pas qu'on puisse traduire cette phrase autrement, et cependant elle n'a guère de sens. Qu'importe qu'il manque un arhat sur cinq cents ? Et à quoi se rapporte l'expression en ce temps- ? On est tenté de croire à une lacune que la forme extérieure du texte n'indique d'ailleurs en aucune manière. Mais la mention des interlocuteurs, énoncée constamment, fait ici défaut; le premier membre de phrase est peut-être n>is dans la bouche des Nâgas, le deuxième l'est certainement dans celle de Madhyàntika : cependant rien n'indique qu'il prend la parole : et même, d'après la construc- tion delà phrase, le tout se trouverait attribué aux Nàgas; l'évidence du sens oblige seule à faire intervenir Madhyàntika comme le per- sonnage qui parle. Le mot tibétain dhrôij répond au français raiir dans sa double acceptiiin.

VI. U

4^4 DÉCEMBRE 1865.

pays de Kashmir : «Voilà ime atraire réglée; mais «ce n'est pas assez : demeurent des gens qui «donnent, seulement il peut exister des gens qui M reçoivent 1; en conséquence, je veux aussi établir «ici des maîtres de maison. Qu'il en soit ainsi. » répondirent les Nàgas. Incontinent, le sthavira se mit à créer lui-même des villages, des villes, des provinces, et il y installa des sociétés d'hommes. Ceux-ci dirent : «Sthavira, comment nous accioî- «trons-nousPn Aussitôt le sthavira, emmenant aveclui des multitudes d'hommes, se rendit sur la montagne de Gandhamadana^ (la montagne des parfums) et dit : Que le safran apparaisse ! Aus- sitôt les Nâgas du mont Gandhamâdana se soulevè- rent; mais le sthavira les dompta également; ils dirent alors : « Combien de temps doit durer l'ensei- «gnement de Bhagavat P Mille ans'',/) répondit

' Mot à mot en latin : » lie ita sese hahenle [ou rehus ita compa- ratis) , atlamen , quia, ubi donantes versantnr, ibi sunl capientes. »

^ En tibétain : Spos. hyi ngad. ldun(j; n)ais ce nom a diverses autres formes qui se rapprochent plus ou moins de celie-ci, et dont l'analyse, assez difTicile, serait trop longue. Du resteil sagitbiendela montagne des Parfums. On est étonné d'y trouver des Nâgas, ou serpents d'eau ; peut-être ces Nâgas hantent-ils les nuages qui en- tourent le sommet de la montagne. Le mot iiàya désigne aussi l'élé- phant, et celle double acception a été la cause de plus d'une confu- sion. On serait tenté d'en soupçonner une, si la montagne fabuleuse de Gandhamâdana n'occupait une position septentrionale peu favo- rable à la propagation des éléphants. Le iMahàbhârata y place toutes sortes d'êtres.

^ C'est un des termes assignés à la période de Çàkyamuni ; mais il y en a d'autres, en particulier celui de cin(j mille ans, qui paraît plus généralement adopté.

DU BUDDEIISME DANS LE KASHMIK. 495

le sthavira. Ceux-ci reprirent : «Aussi longtemps (( que doit durer la doctrine de Bhagavat, aussi long- « temps il faut la propager. » Tel lut le vœu par lequel ils se lièrent. » Qu'il en soit ainsi, » reprit le sthavira; et, sans plus tarder, le sthavira in- troduisit le safran dans le pays de Kashrair et en bénit la cuUare. Après un long temps employé à im- plimter et à propager au loin dans le pays de Kashmir renseignement de Bhagavat, le sthavira Madhyântika, après avoir, par toutes sortes de mer- veilles et de prodiges, réjoui le cœur de ceux qui donnent, et dont la vie est conforme à la pureté, semblable à la vapeur formée par feau dans le feu, entra dans le nirvana. Son corps, brûlé avec du bois d'excellent sandal, du bois d'akara et de di- verses autres espèces d'arbres, fut mis dans un chai- tya (ou stûpa) construit pour cela même.

«Ensuite l'àyushmat Çânavâsika \ ayant reçu prêtre l'àyushmat Upagupta ( Vsiîe-Sva , sous-garde^), puis ayant répandu au loin la doctrine, adressa ce discours à l'àyushmat Upagupta : «Ayushmat Upa- «gupta, apprends bien ce que je vais te dire : Bha- u gavât a jadis remis l'enseignement à l'àyushmat « Malîâkaçyapa , puis il est entré dans le nirvana

' En tibétain sha-nahi-(jos-chan , «vêtu de chanvre. » ^ Upagupta était fils de Gupta (protégé). La préposition upaaicila valeur dejils. Elle signifie « secondaire, en sous-ordre. » C'est comme si Ton disait : le petit Gupta, ou Gupta II, Gupla minor. C'est ainsi que Çâriputra, l'un des principaux disciples de Çâkyamuni, appelé de ce nom à cause de sa mère , tient de son père Tishya celui de Upa-Tishya,

33.

496 DÉCEMBRE 1865.

« complet. 1^'àyushmal Mahâkaçyapa la remis à mon « précepteur, et mon précepteur, à son tour, in'ayant « confié (le dépôt de) l'enseignement, est entré dans « le nirvana complet. Et maintenant que moi aussi ^ «je vais entrer dans le nirvana complet, ce sera à (( toi désormais à développer tout au long cet ensei- ugnement, à l'appliquer à faire connaître à tous en <t quels termes Bhagavat a formulé sa doctrine. » Puis, fâyusbmat Çânavâsika, après avoir réjoui le cœur de ceux qui donnent beaucoup et dont la ma- nière de vivre est conforme à la pureté, ayant fait apparaître des lueurs, des flammes, des pluies abon- dantes, des éclairs et toutes sortes de prodiges, entra dans le nirvana complet au sein du milieu exempt de tout reste d'agrégat^.

' Les deux premières lettres de cetle phrase sont méconnais- sables. On peut lire pung ou lang. Lung signifiant prédiction, la phrase serait lumj.yang.yongs su. mja. ngan. las. Iidas. ste. L'annonce du nirvana complet existant (pour moi). Mais il vaut mieux lire da. luja (maintenant moi, etc.), d'autant plus que le membre de phrase suivant commence par da hhyod (maintenant toi) , el qu'il y a ainsi une sorte de parallélisme.

^ Celte phrase sur le nirvana est bien connue : Burnout" l'a citée et discutée [Introd. à l'hist. du Buddh. ind. p. Bgi). Je me bornerai à mettre* en regard les mots tibétains et les termes sanscrits corres- pondants :

Pung.pô Ihag.ma med.pa dbyings.su

Upadhi Çésha ni: dhâtau

Agrégat reste sans milieu (région) dans

yongs.su raya ngan.las-hdas parinirvrita entré dans le nirvana complet. Dans l'exemple cité par l'illu-strc indianiste, le tnat dhriiiffs su

DLI BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 497

u Le sthavira Upagupta, à son tour, enseigna à 1 ayushmat Dhîtika (ie penseur, ou chanteur d'hym- nes) les parties essentielles et indispensables de la doctrine; l'âynshmat Dhîtika ^ les enseigna à l'âyush- mat Kâla(A^a^/)o,ienoir); l'âyushmatKâla àTaynsh- mat Sudarçana [legs, mthong , qui voit bien^). Voilà comment ces^ éléphants entrèrent dans le nirvana complet*. »

Il est manifeste que le récit tibétain et le récit pâli, composés dans des pays si éloignés l'un de l'autre et dans des temps différents, dérivent d'une même source et reproduisent la même tradition. L'accord qu'ils présentent se trouve confirmé par les récits de Hiouen-Thsang et de Târânâtha, ainsi que le prouvera l'examen auquel nous allons nous li- vrer.

Deux personnages principaux sont en présence dans ces récits : un religieux buddhiste et un roi des Nâgas du Kashmir. Le religieux buddhiste est ap- pelé en pâli Majjhdntika, mot qui correspond au sanscrit Madhyântika , dont le sens, quelque peu obscur, paraît être , « qui est en présence du milieu , »

(lliâtau) est précédé du mol mja.ngan.las.hdas (nirvana) que nous n'avons pas ici.

' Ce nom est transcrit dans le texte du Kandjur : c'est le seul nom propre qui ne soit pas traduit. Il est écrit avec le premier i bref: l'étymologie et l'orlhographe constante exigent Vi long.

* Ce nom a probablement un sens mystique et religieux : il si- gnifie « exempt d'erreur. »

■^ Ces n'est pas dans le texte : il y a seulement glang-pô-chhenpô- tlaxj; il faut intercaler (ce) entre chhen-pô et dag , signe du pluriel.

* Hdulva, vol. XI, fol. 686-689.

498 DÉCEMBRE 1865.

OU tout simplement « au milieu. » Les l'ibétains i ont rendu par Ni-mai-rjung (le milieu du jour). Ce nom semblerait devoir être plutôt la traduction du sans- crit Madhydhna {ni\di)\ car midi se dit en tibétain ni-mai gung et nin-giing (Dict. de Scbmidt). Le dic- tionnaire tibétain-sanscrit de la Bibliotbèque impé- riale donne pour équivalent du sanscrit Madhyâhna (midi) le composé gang-inthun (égal par la moitié, divisé en deux parties égales); il ne cite ni le com- posé tibétain Ni-mai-gang , ni son équivalent sans- crit Madhyântika. Il y a donc une certaine difficulté à saisir un rapport très-exact entre ces deux mots : un seul élément du composé , milieu (madhy a en sans- crit, gung en tibétain) se trouve exprimé de part et d'autre. Hiouen-Tbsang ne nous vient pas en aide dans celte difficulté parce qu'il transcrit toujours le nom de Madhyântika sous la forme Mo-tien-ti-kia, et n'en donne point l'équivalent chinois : on n'en trouve pas la traduction dans les tables que M. Sta- nislas Julien a mises à la fin de son ouvrage.

Malgré ces difficultés, l'identité de Madhyântika et de Ni-mai-gang n'est point douteuse. Il est adnûs sans conteslation que ces deux noms sont celui d'un seul et môme personnage, celui qui porta le bud- dhisme à Kashmir.

Le rapprochement des noms donnés dans l'un et l'autre texte ou roi desNâgas présente des difficultés plus sérieuses. Ce personnage est appelé dans le Kandjur Huhinla et dans le Mahavanso Aravàlô. Le mot hilunta n'a une physionomie ni tibétaine ni

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 499

sanscrilc, et il ne paraît pas qu'il appartienne à au- cune de ces deux langues. Le dictionnaire sanscrit- tibétain intitulé Mahâvyatpatti renferme une liste des rois des Nâgas. On trouve dans cette éniiméra- tion très-longue le terme Hala-Halu, avec le corres- pondant sanscrit Haliira, et les variantes Hulada et Hulaiida. 11 n'est pas douteux que ce nom est bien celui que nous avons dans le Kandjur. L'insertion de la nasale est facultative; le cl cérébral est connu pour se confondre avec la lettre r: Hulanta. Ulata, Ulada, Ulanda, Ulura sont évidemment diverses Ibrmes d'un même mot. La signification en est fort douteuse, et c'est peut-être par ce motif que les Tibé- tains, au lieu de le traduire suivant leur habitude constante, se sont bornés à le transcrire. Il n'est pas probable qu'il soit sanscrit, et il pourrait bien être un mot local , propre au Rashmir. On s'expliquerait ainsi les diverses lectures qui en existent ^ Immé- diatement après le nom de Hulu, notre diction- naire donne le terme Huluka ou Uluka : on pourrait le considérer comme une variante du précédent, et essayer de l'y rattacher; mais comme il est accom- pagné d'une traduction tibétaine Gsal.mthong [c\mv- voyant ou regard brillant), on hésite à les rappro- cher; car si l'on a bien trouvé une traduction pour fun, par quelle raison l'autre en serait-il privé^P

' Le terme Hulura ou Vlura ne serait-il pas la forme primitive du nom Vular ou Valer que porte aujourd'hui un des lacs du Kash- mir dans lequel on a cru reconnaître le lac d'Aravâlô { Aravàladaha) cilé dans le Mâhâvanso (ch. xii, 1 1) ?

^ Il y a en sanscrit une racine hiid (hur), qui signifie «accumuler,

500 DECEMBRE 1865.

Le Dom d'Aravâlô, le roi des Nâgas du Malià- vanso , se trouve aussi dans le Mahâvvulpatti , et vient immédiatement à la suite des précédents : il est tra- duit par le composé tibétain brtségs-rcjyas (élevé, étendu, ou étendu en hauteur). Quant au mot sans- crit-pâli Aravâlô, sa signification est très-incertaine : on ne pourrait arriver, en cherchant à l'interpréter, qu à des résultats fort douteux, et surtout il serait très-difficile de trouver le sens indiqué par le tibé- tain. L'identité dos personnages appelés Hulunta et Aravâlô est donc très-peu certaine-, et même, d'après le dictionnaire Mahavyutpatti, qui cependant les rapproche l'un de l'autre, on devrait les considérer comme tout à fait distincts. Ils n'ont de commun que leur qualité de rois des Nàgas.

C'est seulement par cette qualité que Hiouen- Thsang désigne l'adversaire de Madhyântika : il n'en dit pas le nom. Autant en fait Târànâtha, à en ju-

être submergé;» cette dernière signification convient très-bien à un serj)eiit d'eau; la première s'accorde avec le sens d'un des mots tibétains par lesquels on traduit le nom d'Aravâlô. Je ne sais si l'on peut faire venir de cette racine le nom de Hul-unla ou Hiiliida. Une autre racine /lu/ signifie «aller, cacher, frapper, tuer ces signi- fications ne répondent point à la traduction tibétaine du nom de Huluka. Cependant, si les mots Hulata et Huluka sont sanscrits (ce dont je ne suis pas persuadé), on ne peut pas les faire dériver d'une racine autre que hal et peut-être Iwd. Les sens de «amasser» (les eaux) «être plongé > (dans les eaux) « couvrir» (d'eau), «frapper, tuer» (par la pluie, la tempête et l'inondation), conviendraient très-bien à des Nàgas ou serpents d'eau, et r?ntrent dans l'ordre d'idées que comporte le récit du Mahâvanso. Le sens de «regard brillant » attribué par la traduction tibétaine à Huluka convient aussi très-bien à des serpents et rappelle le grec Spâxojv.

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 501

ger par l'analyse de M. Wassilief; mais le nom de Hulunta se retrouve dans Touvrage de M Schiefner. Il est à remarquer que la chronique kashmirienne Bâjalarancjinî ne connaît ni Aravâlô, ni Hulunta. Ce n'est pas qu'elle ignore les Nâgas; bien au contraire, elle les présente comme les amis et les prolecteurs du pays, des divinités, dont les rois de Rashmir, religieux et libérateurs, ont protégé le culte ou vaincu les ennemis. Mais «lie donne au grand chef de ces Nâgas le nom de Nîla (le bleu)^; il semble avoir été confondu avec Çiva. La même chronique cite deux autres chefs de Nâgas, Çankha et Padma^. Ainsi il n'y a pas d'accord sur les noms entre les buddhistes et les brahmanes, bien que les uns et les autres assignent aux Nâgas un rôle important.

Les Nâgas ou serpents d'eau sont, en effet, repré- sentés dans les documents brahmaniques et bud- dhiques comme les habitants primitifs du Rashmir. Il importe peu de rechercher ici si ce nom désigne un peuple, les premiers habitants du pays, ou s'il figure d'une manière allégorique les eaux qui l'au- raient couvert entièrement et l'auraient rendu inha- bitable dans des temps sans doute fort éloignés. Il paraît démontré que la vallée de Rashmir fut jadis un lac, et que les alluvions de la Vitastâ (le Jilun) , ai- dées sans doute par l'industrie des hommes, y ont créé peu à peu un sol habitable. Quoi qu'il en soit , et quel- que sens particulier qu'on doive attacher au mot

' Râjataranginî, I, çl. 28. (Éd. Troyer.) * Râjataranginî , l ^ ç\, 3o.

502 DECEMBRE 1865.

Nâga, le récit du Kaiidjur nous présente bien clai- rement le Rashmir comme peuplé, ou tout au moins civilisé par les bnddhistes. Avant l'arrivée de Ma- dhyânlika le pays était entièrement désert , sans habi- tants, sans villes , sans culture , occupé tout entier par les eaux (c'est-à-dire par les Nâgas); ou, si l'on veut considérer les Nâgas comme une race d'hommes, c'était une population tellement sauvage et grossière qu'on a pu aisément la confondre avec des reptiles aquatiques. Hiouen-Thsang, qui st^ourna deux ans dans le pays et eut tout le loisir d'y recueillir les tra- ditions, cite une description du Kashmir d'origine évidemment buddhique, qui dépeint d'une manière plus positive encore que ne fait le Kandjur cette con- trée comme entièrement submergée. Il y est dit, en effet, (( que le pays était primitivementun étang de dra- gons. Madhyântika, s'y étant rendu, obtint du roi des dragons un petit espace au milieu du lac; à peine eut-il occupé cet espace restreint qu'il agrandit dé- mesurément son corps. A mesure que le nouveau venu prenait des dimensions plus vastes, le roi des Nâgas lesserrait ses eaux, si bien que, à la fin, l'étang se trouva entièrement à sec. Le roi des Nâgas fut donc réduit à demander à Madhyântika la faveur d'un peu d'eau , et le religieux consentit à lui accorder pour lui et ses sujets un petit étang de i oo lide tour, environ y lieues. Depuis ce temps, les Nâgas fu- rent attachés au buddhisme et très - respectueux envers les religieux^» Târânâtha dit pareillement

' Hioucn'rhsau<i;, I, i08. (Trad. de M. Stanislas Julien.)

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 503

que le pays de Kashmir était primitivement un lac ou une demeure de Nâgas, et que le premier soin de Madhyântika fut de les chasser et d'en nettoyer le pays ^

Tel étant 1 état du Kasbmir avant le buddhisme , l'œuvre des disciples de Çâkyamuni aurait été d'abord de dessécher les» marais, de régler le cours des eaux, de rendre le pays habitable , puis d'y attirer les gens du dehors pour le peupler. Une telle œuvre , si elle n'est pas historiquement vraie,, est au moins très-vraisemblable. Les moines chrétiens n'en ont pas accompli d'autre du v*' au siècle en Gaule, en Germanie et ailleurs^. Le Kandjur et Hiouen-Thsang disent positivement que «Madhyântika fit venir des contrées voisines d'abord des religieux, puis des habitants, dans un pays primitivement désert, qu'il y bâtit des villes et des villages, et y introduisit la culture du safran. » Hiouen-Thsang ajoute que « à la mort de Madhyântika, les Kashmiriens se don- nèrent un roi ; » et il fait ainsi remonter jusqu'à

' Wassilief, I, Sg, note.

- Je ne crois pourtant pas que les moines buddhistes aient jamais rendu des services de la nature de ceux par lesquels les Bénédic- tins se sont honorés dans l'époque barbare. Les religieux bud- dhistes ont exercé une immense influence morale; ils ont adouci le caractère des peuples les plus féroces du monde ; mais ils n'ont pas donné l'exemple du travail, du développement des facultés et des énergies natives. Une telle tendance n'est pas dans la direction du buddhisme. Le rôle attribué à Madhyântika présente une exception remarquable et inattendue, à laquelle non-seulement les traits fa- buleux du récit, mais même les prétentions évidemment exagérées des buddhistes ne doivent pas noii.s empêcher d'avoir égard.

504 DÉCEMBRE J865.

Madliyântika et à la révolution opérée par lui l'oii- gine même du royaume de Kashmir. Târâuâtha est peut-être plus explicite encore; il raconte que, à la place des Nâgas expulsés, Madhyântika fit venir cinq cents religieux de sa suite, plus des brah- manes, des maîtres de maison de Bénarès, qu'il constitua ainsi une colonie, grossie depuis par les émigrations nouvelles parties des pays voisins, qu'il bâtit neuf villes, douze temples, nombre de villages, et prépara ainsi la richesse du pays par la culture du safran qu'il y introduisit et le vaste commerce dont cette culture fut la cause. Hiouen-Thsang, en effet, parmi les productions du Kashmir, cite les chevaux de la race des dragons, et le hurkiima, nom sanscrit du safran ^

Les buddhistes, au moins ceux du Nord, ont donc la prétention d'avoir non-seulement converti, non-seulement civilisé, mais même peuplé et con- quis sur une nature sauvage le pays de Kashmir. Est-il possible de leur faire cette concession? Les brahmanes, eux aussi, revendiquent cette gloire; ils la rattachent au nom de Kaçyapa, qui est appelé le fils de Marîchi, le petit-fils de Brahmâ, le Pra- jâpati, fauteur de toutes les créatures, et par ils reculent le dessèchement de la vallée de Kashmir jusque dans les temps antéhistoriques. Ils disent

' M. Stanislas Julien dit dans sa traduction : «le kurkuma (yô- kin-biang).» Le texte tibétain donne pour te nom de la plante JTjx," îr]« (gurgum) ou peut-être mieux îH^' ^HW (gun-guni) suivi du

signe du pluriel ; le mot sanscrit est ^^^ (kunkuma).

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 505

que ce Kaçyapa, le créateur des êtres, après avoir tué le démon Jalodbliava, qui demeurait dans l'eau, forma dans le fond du lac le pays de Rashmir^ Ce monstre Jalodbhava, dont le nom a un sens parfai- tement clair : de l'eaa ou dans l'eau (aquâ oriun- dus), joue à l'égard de Kaçyapa le même rôle que Aravâlô ou Hulunla à l'égard de Madhyâniika. Ja- lodbhava figure ici, pour les brahmanes, un élément destructeur qu'il fallait anéantir, l'inondation cons- tante ou toujours menaçante, tandis que les Nâgas, représentant sans doute l'eau et la pluie fécondante, sont des êlres bienfaisants, qui deviennent acciden- tellement nuisibles, lorsque leur culte a été négligé. Telle est la conception brahmanique. Les buddhistes ne distinguent point entre les bons et les mauvais Nâgas, ils les traitent tous en adversaires. Mais leurs procédés sont tout autres que ceux des brahmanes, et c'est ici qu'on peut apprécier la différence des deux religions. Kaçyapa, le civilisateur brahma- nique, anéantit son adversaire, Jalodbhava; Ma- dhyântika, le civilisateur bouddhiste, commence par essuyer toutes les attaques les plus furieuses du sien; il finit par l'adoucir, le convertir, et en faire un fidèle disciple du Buddha.

La Râjataranginî, qui, d'accord avec le Kandjur et le Mahâvanso , rappoiie l'établissement du bud- dhisme dans le Kashmir au règne d'Açôka, est bien éloignée de faire dater de cet événement l'origine du royaume lui-même. Elle nous présente une série

' Râjalaranginîf l ,ç\. î>6-27.

505 DECEMBRE 1865.

de souverains qui auraient régné avant i'introduc- tion du biiddhisnie, et dont l'ensemble ne com- prend pas moins de quarante-six générations. Le Mahâbhàrata , dans la description de la conquête du monde parles lils dePandu, événement bien an- térieur, de l'aveu même des buddliistes^ à l'appa- rition de Çàkyamiini, dit que Arjuna vainquit dans le Nord, entre autres adversaires, \es Xalryas hé- roïques de Kaçmîra^. Le témoignage du Mahâbhà- rala peut, il est vrai, paraître suspect; car, même en admettant , ce qui semble certain , que les divers poèmes particuliers qui le composent sont bien antérieurs au buddhisme, la rédaction défi- nitive peut en être plus récente, et il a s'y glisser des interpolations, surtout dans les épisodes qui contiennent des énumérations géographiques, comme celui des conquêtes exécutées parles fils de Pandu. Quoi qu'il en soit, nous voyons la chro- nique kashmirienne et le grand poëme national des Aryens nous montrer la civilisation brahmanique établie à Rashmir bien avant la naissance du bud- dhisme. Du reste, les buddhistes du Sud eux- mêmes semblent, sur ce point historique, se rap- procher des brahmanes, et ils sont loin d'être aussi affirmatifs que leurs confrères du Nord sur l'étendue de l'œuvre civilisatrice accomplie dans le Kashmir

* Us disent que le Biiddha ne voulut pas naître dans la Taniille de Pandu à cause du désordre que les descendants de ce prince avaient mis dans leur généalogie. [LuUluvistara , trad. de M. Fon- canx, p. 26.)

- « Kàçmîrlkàn vîrân Xattriyàn. » [Sithho Parva , çl. )025.)

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 507

par Madhyântika. Il est vrai que, avec leurs Nàgas, leurs Yakkas, leurs Gandhabbas et leurs Kumbban- dakas de l'Hirnavat, ils nous transportent dans le inonde imaginaire de la féerie indienne : les quatre- vingt-quatre mille serpents qui se font buddliistes, et dont le nombre rappelle les quatre-vingt-quatre mille monuments élevés par le roi Açôka et les quatre- vingt-quatre mille subdivisions de la loi, peuvent être considérés comme des êtres tout à fait fantas- tiques. Il n'en est pas moins vrai que , à côté de ces êtres surhumains, le texte pâli place de véritables hommes dans le Kashmir. 11 nous dit que les mois- sons y avaient été détruites par le fait des Nâgas : ces moissons ne peuvent avoir été que le produit du travail de l'homme. Madbyàntika, dans son exhor- tation aux Yakkas, leur recommande de ne plus détruire les moissons, de laisser les hommes habiter en paix. Enfin le texte pâli dit de la manière la plus positive que les hommes [manujâ) qui habitent les pays de Kasmîra et de Gandhàra étaient venus pour honorer les Nàgas et les apaiser par des of- frandes. Il est donc bien constant que le Mahâ- vanso considère le pays de Kashmir comme habité et cultivé avant l'arrivée des buddhistes. Madhyân- tika, en s'y établissant, y prêcha avec succès les doctrines de sa secte , et substitua au culte des Nâgas les institutions monacales , les croyances et les pratiques religieuses du buddhisme. C'est évi- demment là ce que le texte signifie.

Cependant, s'il faut tenir compte de toutes les

508 DÉCEMBRE 1865.

circonstances indiquées par le texte pâli, on croit entrevoir que la période immédiatement antérieure à l'arrivée de Madhyàntika aurait été une période malheureuse, signalée, soit par des calamités natu- relles, inondations, tempêtes, etc. soit par un état d'anarchie et de désordre. Les buddhistes auraient calmé CCS maux : les maux physiques par de nou- veaux procédés ou un plus grand soin dans la cul- ture ; les maux politiques et sociaux, par rensei- gnement d'une religion nouvelle. Cependant la l\âjataranginî ne dit rien qui puisse faire supposer l'existence de cette époque de désordre : il est vrai qu'elle avait peut-être intérêt à la dissimuler; mais les buddhistes ont pu avoir intérêt à l'inventer ou du moins à l'exagérer. On voit seulement par la chronique brahmanique que les quatre rois qui pré- cédèrent Açôka , l'introducteur du buddhisme dans le pays, selon notre chronique, viennent après un roi mort sans postérité, et Açôka, leur successeur, ne descendait pas d'eux en ligne directe ^. Cette in- terruption dans la filiation de la dynastie kashmi- rienne est le seul fait qui pourrait être l'indice d'une époque troublée : du reste, ces quatre rois parais- sent avoir été recommandables, religieux, généreux envers les brahmanes, et l'un d'eux aurait même fait exploiter une mine^. Le pays était donc fort

' Râjalaranijun , I, d. gS-ioo,

2 Ce roi est Suvarna, qui fit exploiler, dit la clironique, une mine (kulyà) d'or et de pierreries dans le Karâla. Le nom de ce roi signifie nr, et il distribua aux nécessiteux une part du produit de la mine. Il paraît (jur.pru avant le règne d'Açôka , il v eut une émission

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 509

heureux, et les novateurs, dont la force s'accroît par la vie errante (c'est ainsi que l'auteur désigne les bud- dhistes), n'avaient que faire de venir troubler l'ordre établi. Ainsi pensait probablement l'auteur de la Râjataranginî : l'introduction du buddhisme dans le pays fut, selon lui, un mal; mais en général il le traite avec une certaine légèreté, ayant l'air de n'y attacher aucune importance et de ne pas même le tenir pour digne de sa colère. Malgré ce dédain des brahmanes, il n'est pas douteux que l'introduction du buddhisme dans le Kashmir a eu les plus graves conséquences. Il a pu ne pas être étranger à la pros- périté matérielle du pays, ainsi que le prétendent tes buddhistes du Nord. Je ne saurais affirmer si l'on doit faire dater de cette époque la culture du safran. Cette plante est connue pour être une des produc- tions du pays; elle a même en sanscrit le nom de kaçmîrajanman (natif du Kashmir). Mais il serait bon de savoir s'il existe une tradition brahmanique qui puisse être opposée à celle des buddhistes rela- tivement à cette plante. Du reste, d'importants chan- gements, que les brahmanes eux-mêmes ne contestent pas, prouvent que l'introduction du buddhisme au Kashmir marque une ère nouvelle dans l'histoire

considérable de monnaie de cuivre (je tiens ce détail de M. de Long- périer); notre texte ne fait allusion qu'à l'exploitation d'une mine d'or; mais il a bien pu passer sous silence d'atitres travaux du même genre, tels que l'exploitation de mines de cuivre, qui ont bien plus d'intérêt pour nous que pour les chroniqueurs indiens. La notice donnée par la Râjataranginî sur ces rois est fort brève, et se réduit à un çlôka pourchac»m d'eux.

VI. 34

510 DECEMBRE J805.

(lu pays. La Rnjataranginî va jusqu'à attribuer au roi Açôka la fondation de Çrînagarî, la ville capi- tale. Ainsi les renseignements qui nous viennent de part et d'autre se confirment, se complètent et s'atténuent mutuellement. Le pays n'était point pri- mitivement aussi sauvage que le veulent bien dire les buddhistes. L'arrivée de ceux-ci lui a bien com- muniqué quelque chose de la richesse et de la gloire qu'ils se vantent de lui avoir apportées. 11 esi bien permis de croire que la puissance royale d'Açôka a fait pour le moins autant en faveur de cette prospérité que la parole de Madhyântika. La pai't de l'influence religieuse n'en reste pas moins très-considérable. H s'en faut, sans doute, que buddhisme ait eu constamment cette prééminence souveraine, cet empire exclusif, que lui attribuent les buddhistes du Sud aussi bien que ceux du Nord : il lui a bien fallu compter avec le culte de Çiva. Le Kashmir n'en est pas moins devenu un des plus ardents foyers du buddhisme : il lui a la gloire et l'autorité morale qui s'attachent à tout peuple, si peu nombreux soit-il, qui représente une grande idée, ou se signale par quelque grand efl^brt de l'intelligence, et l'exercice d'une véritable autorité spirituelle, depuis longtemps perdue, mais dont les etTels subsistent encore aujourd'hui.

De la différence qui existe entre le Mahâvanso d'une part, le Randjur et les autres auteurs bud- dhistes de l'autre, on peut tirer cetfe conclusion, que le récit pâli est le plus rapproché des événe-

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 511

ments. Malgré toute la fantaisie qui y règne, il suppose une notion plus exacte de l'état du pays. se borne à en retracer la conversion, et ne le présente pas seulement comme un désert liante par des monstres. Le Randjm , au contraire, paraît dé- crire un état plus récent, une civilisation bud- dliique, déjà avancée, implantée sur la civilisation primitive venue des brahmanes. Car cette culture du safran, ces fondations de villes, ce développement de la richesse du pays, tout cela est, dans la pensée même des auteurs buddhistes, plus récent que l'ar- rivée de Madlnàntika , bien qu'ils réunissent tous ces faits comme s'ils étaient simultanés. On comprend aisément que, en présence d'une civilisation bud- dhique florissante, ils aient pu oublier l'œuvre anté- rieure des brahmanes, et, même sans calcul, la compter pour néant. La forme même des deux récits , et les circonstances spéciales par la mention des- quelles ils se distinguent, prouvent l'antériorité, d'ail- leurs attestée par l'ensemble des documents histo- riques , du récit pâli sur les récits tibétains et chinois. La preuve du même fait peut se tirer de la men- tion du pays de Gandhâra , qui se trouve dans le récit pâli et ne se rencontre dans aucun autre. Le Mahâvanso ne cite jamais le pays de Kasmîra tout seul ; il lui associe constamment le Gandhâra. Ce- pendant ces deux contrées ne sont pas limitrophes, un assez grand espace les sépare. La situation du Gandhâra, souvent cité par les historiens et les géographes grecs, et dont le nom se lit plusieurs

34.

512 DÉCEMBRE 1865.

fois dans les inscriptions cunéiformes perses, est fixée maintenant cfune manière indubilable, grâce surtout aux données si précises fournies par Hiouen- Thsang : c'était le pays situé sur la rive droite de rindus, à l'extrémité de la vallée de Kabui, et la ville actuelle de Peisbaver représente l'antique Pu- rusbapura, capitale du pays de Gandbâra ^ On se demande donc quel motif a pu pousser l'auteur du Mahâvanso à unir ainsi Gandhâra et Kasmîra, d'au- tant que ces descriptions de lacs, de débordements, ces fables relatives aux Nâgas ou serpents d'eau , et aux génies habitants de l'Himavat (ou l'Himalaya), conviennent très-bien au Kashmir et n'ont plus de raison d'être s'il s'agit du Gandhâra. On est d'abord tenté de croire à un anachronisme, à une confusion entre Açôka et Kanishka, tous deux rois puissants, grands protecteurs du buddhisme, et qui réunirent chacun un concile. Kanishka régnait peu avant le commencement de notre ère. La Râjataranginî le oite comme roi du Kashmir, mais le qualifie d'e^raw- ger^; les Pèlerins buddhistes l'appellent roi de Gan- dhâra^. Le siège de sa puissance était en eifet à l'ouest de l'Indus. La qualification de « roi de Gan- dhâra et de Kasmira n lui conviendrait donc par-

' Voir le mémoire de M. Vivien de Saint-Martin à la fin des Voyages de Hiouen-Thsang. Le nom de Peishaver (s yi^wj) se trouve écrit quelquefois Pershaver {\y^ >-J ) par un » au lieu d'un ^j , forme plus exacte et plus rapprochée de la forme primitivo H^v (les pèlerins biiddhisles, III.)

^ Râjatarançjinî , I, çl. 160-170.

* VoY. des pèlerins buddh. II, 17':' et ailleurs.

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 513

faitement, comme celle de roi de France et de Na- varre à nos anciens rois. Il n'est cependant pas pro- bable que Mahânâma ait transporté à Acoka des faits concernant Kanishka : ce dernier, célèbre chez les buddhistes du Nord, qui cependant paraissent n'en point parler dans leurs livres canoniques, est inconnu aux buddhistes du Sud. La séparation des deux branches du buddhisme, postérieure à Açoka, sinon contemporaine de ce roi , est antérieure à Ka- nishka, et il ne paraît pas possible d'admettre un mélange dans les traditions qui peuvent se rapporter à ces deux personnages. Du reste, l'union des noms de Kasmîra et de Gandhâra s'explique suffisamment par le vaste développement de la puissance d'Açôka (puisque la ville de Taxaçilâ, capitale d'un royaume limitrophe du Gandhâra et situé entre ce royaume et celui de Kashmir, appartenait à Açôka) et par la prompte diffusion du buddhisme au delà de l'Indus. Car le Kashmir, une fois gagné au buddhisme, fut le point de départ dune vaste et active propagande. Nous voyons Dhîtika, séparé de Macihyantika par l'intervalle d'une seule génération, peut-être même son successeur immédiat, porter déjà les doctrines de Çâkyamuni dans la Bactriane^ La mention ré- pétée du nom de Gandhâra dans le Mahâvanso marque l'^ nremière étape dans la marche du bud- dhisme vers les contrées occidentales; d'où Ton est en droit de conclure que le récit de Mahânâma, ou

* Dans ie pays de Tukharà, disent les livres buddhiques. (Was- silicf, I. 4/i.^

514 DÉCEMBRE 1865.

du moins celui qui lui a servi de modèle, fut composé au commencement et lors des premiers succès de ce grand et magnifique mouvement. Mais, après des triomphes qu'on aurait pu croire définitifs, la dé- cadence survint : au temps de Hiouen-Thsang, les buddbistes ne formaient plus dans le Gandhâra qu'une faible minorité : l'herbe poussait dans les couvents déserts et en ruines ^ Or le récit du Kandjur, dans sa rédaction dernière, date bien certainement de cette période de revers : il n'a pas célébré des conquêtes reprises par l'ennemi; et si le texte original les racontait, comme il y a lieu de le penser, les traducteurs auront sup- primé ces témoignages indirects, mais trop positifs, des défaites du buddhisme. La fin du volume dont est tiré notre récit contient des remarques d'un lama sur des fautes de traduction qui existeraient dans ce volume et dans le précédent. Peut-être ce reproche s'applique-t-il aussi h des réticences du genre de celles dont nous venons de signaler la possibilité.

On a pu remarquer que le Mahâvanso et la Kâ- jataranginî sont d'accord pour rapporter au règne d'Açôka l'établissement du buddhisme dans le Kash- mir. La clu^onique brahmanique ne parle ni de Madhyântika, ni d'aucun missionnaire buddhique; à ses yeux, l'introduction de cette religion nouvelle ne lut qu'un effet du caprice, de l'égarement, de la tyrannie d'Açôka; elle ne s'est donc point complu à

' Voyages des pèlerins budditisles , II, io5.

DU BUDDllISME DANS LE KASHMIR. bi^)

en décrire les progrès et les triomphes. Mais dans son indication sommaire, elle établit un synchro- nisme remarquable avec l'auteur cingalais. On a soupçonné les buddhistes d'avoir rassemblé et mis sous le nom d'Aeôka toutes les conquêtes spirituelles de leur religion : voici un auteur brahmanique qui, certes, ne se soucie guère de la gloire d'Açôka , ni surtout des triomphes du buddhisme, et qui, sur un point particulier, leur donne complètement raison .

On peut ajouter que le Kandjur est d'accord avec ces deux ouvrages; il ne prononce pas, il est vrai, le nom d'Açôka, mais i! fixe la conversion du Kash- mir à la loo" année après le Nirvana. Or, la loo" année du Nirvana tombe sous le règne d'Açôka (d'a- près le Kandjur). La chose est fort connue; mais il n'est pas inutile de citer un des textes les plus cu- rieux parmi ceux qui l'établissent : Un jour, Çâkya- muni, accompagné de son disciple Ananda, men- diait dans les rues de Çrâvastî en Kôçala : un enfant qui jouait avec d'autres, le voyant venir de loin, monta sur les épaules d'un de ses camarades pour verser comme offrande, dans le vase aux aumônes du Buddha , un peu de la terre avec laquelle il jouait; ce qui lui attira cette prédiction : a Cent ans après mon Nirvana, cet enfant sera le roi appelé Açôka, et l'autre enfant sera son (premier) ministre; il régnera sur le Jambudvîpa, et, après avoir proclamé en tous lieux les qualités des trois joyaux, il élèvera SU!" une vaste étendue des stupas à mes reliques, il

&lf) DECEMBRE I8G5.

répartira dans le Jambudvipa quatre-vingt-qualre mille stupas ^. »

Malgré cet accord apparent sur la date de l'in- troduction du buddliisme dans le Kashmir, le Ma- hâvanso et le Kandjur sont profondément divisés. Selon le Mahâvanso, en effet, l'événement se place à la 2 35*' année après le Nirvana. Cette divergence vient de ce que les buddhistes du Nord ne recon- naissent qu'un seul Açôka , le grand roi qui réunit le deuxième concile à Vaïçàlî, cent dix ans après le Nirvana, tandis que les buddhistes du Sud en re- connaissent deux : le premier Açôka surnommé le JSoir (Kâla) qui réunit le deuxième concile àVaïçâlî cent ans après le Nirvana, et le second appelé le pieux, Dharma-Açôka, qui réunit un troisième con- cile à Pataiiputra : il y a donc une différence de cent vingt-cinq années que les buddhistes du Nord ont effacées de l'histoire ou que les buddhistes du Sud y ont gratuitement ajoutées.

Ce n'est pas ici le lieu de* discuter cette difficulté, qui tient à l'ensemble de la chronologie indienne : aussi bien, notre sujet en renferme une qui lui est propre, qui peut se résoudre indépendamment de l'autre, et qui nous donnera assez d'embarras.

Si le Mahâvanso, la Râjataranginî et le Kandjur sont d'accord, nous n'en pouvons pas dire autant de Hiouen-Thsang qui assigne à l'événement une date différente, en quoi il paraît soutenu par Târànâtha;

' Dzang-lun (der Weisc und derThor), p. 176 du texte, 217 do la traduction aHemandc (édition Sclimidt).

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 517

et il se trouve en outre que le Kandjur, partieile- ment d'accord avec Hiouen-Thsang, admet et com- bine les deux thèses opposées, d'où il résulte dans le texte canonique des buddhistes du Nord une con- tradiction qu'il importe de faire ressortir.

iMadhyântika est présenté par les buddhistes du Nord comme un disciple immédiat d'Ananda. Le Kan- djur, Hiouen-Thsang, Tàrânâtha sont unanimes sur ce point. Le Mahâvanso ne dit rien de pareil , et on en comprend la raison; les deux cent trente-cinq ans qu'il place entre le Nirvana et le troisième concile le lui interdisaient. Le Kandjur ne place que cent ans entre le Nirvana et la conversion du Kashmir, et c'est déjà beaucoup trop, comme on va le voir. Les dates précises de la vie d'Ananda sont sujettes à des difficultés : cependant il semble établi que ce cousin de Çâkyamuni, beaucoup plus jeune que lui, mourut à quatre-vingt-cinq ans^ après avoir été chef de l'association buddhique pendant quarante ans, ayant reçu cette dignité de Kaçyapa, qui l'avait exercée pendant dix ans. La vie d'Ananda peut donc se partager en trois périodes; trente-cinq ans pen- dant lesquels il est le contemporain et le disciple de Çâkyamuni; dix ans pendant lesquels il est soumis à Kaçyapa; quarante ans pendant lesquels il est à la tête du buddhisme : sa mort se placerait donc en l'an 5o® du Nirvana. Il semble impossible de repor- ter sa naissance et sa mort à des dates plus rappro.-

' M. A. Scliiefner, Eine tibetischc Lehensbcschreihany ÇâUjamit- ni's, etc. p. 79.

518 DÉCEMBRE 1865.

chées de nous : tout changement qu'on pourrait apporter à cette chronologie aurait plutôt pour eHet de les reculer dans le passé. Quoi qu'il en soit, voilà les résultats : Ananda meurt cinquante a us après le Nirvana; peut-on croire que son disc^iple Madhyân- tika ait attendu cinquante autres années pour aller, k l'âge de soixante et dix ans , instruire les peuples du Kashmir? car, d'après le Kandjur, on ne peut être reçu religieux avant l'âge de vingt ans. Le récit tibé- tain renferme évidemment deux assertions contra- dictoires et inconciliables. Ou Madhyântika a con- verti !e Kashmir cent ans après le Nirvana, et, alors, il ne peut être le disciple immédiat d'Ananda; ou il est effectivement le disciple d'Ananda, mais alors il a joué son rôle moins d'un siècle après la mort du Buddha. Une tradition kashmirienne recueillie par Hiouen-Thsang résout la question dans le deuxième sens. Nous avons vu que son récit reproduit les principales circonstances du récit tibétain ; mais il place révénement cinquante ans seulement après la mort du Buddha, et, par conséquent, à l'époque même de celle d'Ananda^: dès lors on n'a plus au- cune peine à concevoir que Madhyântika soit le disciple de ce dernier. Mais aussi on est lort embar- rassé pour fixer l'époque de fintroduclion du bud- dliisme dans le Kashmir en présence de trois dates différentes. Selon le pèlerin chinois, écho fidèle, on n'en saurait douter, d'une tradition kashmirienne, cet événement aurait eu lieu un demi-siècle après le

' Mémoires de Hioiien-Tlisanij , I, lOS.

DU BUDDBISME DANS LE KASHMIR. 519

Nirvana ; le livre sacré des buddhistes du Nord pré- tend que ce fut un siècle après; enfin le Mahâvanso le place à deux siècles et un tiers de dislance.

Faut-il voir un seul et même fait placé dans des temps différents par des écoles rivales, ou plu- sieurs faits distincts racontés d'une manière uni- forme, mais dont les difficultés chronologiques font ressortir la diversité? C'est ce qui nous reste à exa- miner.

Le récit de Târânâtha, qui fait de Madhyântika un disciple d'Ananda , permet d'expliquer l'arrivée de ce personnage à Kashmir par une scission qui se serait produite au sein du buddhisme. D'après cet historien, l'agglomération desbhixus à Bénarès était si grande après la mort d'Ananda, les habitants de la ville étaient tellement à l'étroit que, pour les mettre au large, Madhyântika, en buddhiste compa- tissant qu'il était, s'enfuit à travers les airs avec dix mille arhats ^ Cela veut dire en langage ordinaire que Madhyântika et ses amis furent expulsés de Bé- narès; et ils durent l'être par des buddhistes, car cette ville était dévouée aux disciples de Çâkyamuni et soustraite à l'influence brahmanique. La fuite de Madhyântika s'explique par sa rivalité avec Çânavâ- sika. Ce personnage fut le chef de la société bud- dhique après Ananda, et la succession de ces chefs présente la série suivante : Mahâkaçyapa, Ananda, Çânavâsika, Upagupta, etc. Mais Madhyântika y figure souvent entre Ananda son maître et Çànavâ-

' Wassilief, I , p. 3g.

620 DÉCEMBRE 1865.

sika ^ son contemporain, et peut-être son concur- rent, d'autres disent d son disciple. » Le rang attribué indûment peut-être à Madbyântika parmi les chefs du buddhisme peut s'expliquer par cette circons- tance que les Kashmiriens et les buddbistes du Nord auraient tenu à donner une place d'honneur à celui qui leur avait apporté leur religion , ou auraient été entraînés à le faire d'une manière inconsciente-, mais il s'expliquera encore bien mieux si l'on sup- pose que Madbyântika et Gânavâsika se disputèrent la primauté, et que Gânavâsika l'ayant emporté dans la lutte, Madbyântika n'eut d'autre ressource que d'aller se créer ailleurs une nouvelle société reli- gieuse. L'école qu'il aurait fondée l'aurait maintenu sur la liste des grands chefs du buddhisme.

Cette interprétation est combattue par une as- sertion remarquable des buddbistes : ils prétendent unanimement que, dans les cent premières années qui suivirent le Nirvana, il n'y eut aucune discus- sion, qu'un accord parfait régna dans la société bud- dhique. Aussi M. Wassilief, qui explique la fuite de Madbyântika par une lutte au sein du buddhisme,

^ C'est ce que l'on volt dans une liste des patriarches que donne le Sse. fung. phiao. commentaire chinois du Vinaya (Wassilief, I, 224-5). D'un autre côté, nous savons par la Vie de Çàkyamuni de M. Schiefner [Fine tib. Leb. desÇakj. p. 79) que MadhyâiUika fut ré- puté le précepteur de Upagupta (successeur de Çànavâsika d'après le Kandjur, et, selon cette même biographie, successeur de Yaç.is, disciple lui-même de Madhyântika, et identique à Çànavâsika] : Madbyântika joue donc, d'après ce document, un rôle exceptionnel et afifecte une véritable supériorité sur Çànavâsika, présenté comm»' son disciple.

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIU. 521

considère le différend entre Madhyântika et Çânavâ- sika comme l'expression légendaire et anticipée d'un événement postérieur, la scission opérée entre les Mabâsangikas et les Sthaviras , qui arriva cinquante ans (ou plus) après l'époque supposée de la fuite de Madhyântika au Rashmir.

On comprend très-bien, si la fuite prétendue de Madhyântika est véritablement de beaucoup posté- rieure à la mort d'Ananda, que les Kasbmiriens aient reculé cet événement dans le passé, soit pour lui donner le prestige de l'antiquité, soit pour s'attri- buer le privilège d'avoir reçu le buddhisme de la bouche d'un disciple direct d'Ananda, du compa- gnon de Çâkyamuni, de celui qui passe, dans le buddhisme , pour avoir reproduit la'parole du maître. Mais, dans tous les cas, ce serait s'appuyer sur une base fragile que d'invoquer contre cet anachronisme possible l'assertion des buddhistes sur l'unité qui signala le premier siècle du Nirvana. Cette pre- mière centaine d'années fut-elle aussi calme qu'on le prétend? cet âge d'or est-il certain? et devons- nous croire les buddhistes sur ce point, quand nous nous méfions d'eux sur tant d'autres ? Et d'abord, ne sait-on pas qu'ils font tous remonter leurs diverses écoles aux disciples immédiats, au fils de Çâkya- muni, faute de pouvoir les faire remonter à Çâkya- muni lui-même? Tout le monde reconnaît qu'une pareille prétention n'a aucune valeur historique; elle est cependant de nature à ébranler le préjugé qu'ils ont réussi à faire admeltre en faveur dejunité qu'ils

522 DÉCEMBRE 1865.

auraient observée pendant cent ans. Mais il y a plus : il existe un témoignage contre l'opinion reçue, té- moignage douteux, il faut l'avouer, mais qu'il n'est pas permis de négliger. Le Mabâvanso, après avoir raconté le deuxième concile (tenu à Vaïçâlî sous Kâla-Açôka), commence l'énumération des sectes buddhiques par cette déclaration :

Ekô ihêravàdô âdivassasatê ahu *. Una slhavirorum discordia liaec primo saeculo fuit. Celte seule division entre les tliêrôs exista dans le premier siècle.

Burnouf, dans la liste qu'il a dressée des écoles selon les buddhistes du Sud, cite cette école comme réelle, quoique non désignée'-^; en quoi il se montre d'accord avec G. Turnour. M. Kœppen considère le texte de tout ce passage du Mabâvanso comme cor- rompu ^, et, quant à la pbrase ci-dessus, il propose de la traduire ainsi :

La seule école des Sthaviras exista dans le premier siècle*.

Ce qui nous ramènerait à l'assertion des buddhistes du Nord, et mettrait d'accord les deux brancbes du buddhisme. Cette explication de M. Kœppen est au moins tiès-ingénieuse ; elle peut fort bien se dé- fendie; elle a seulement contre elle l'autoiité de Burnouf et celle de Turnour qui, sans doute, inter-

' M ah do ans 0 , ch. v, 2.

* Lotus (le la bonne loi, p. 357 (appendice). ■^ Die ReVij'iori des Buddha , 1 , p. 1 33 , note ï .

* Ibid. p. i56 , note i.

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 523

prétait le texte de ia même manière que les doc- teurs cingalais. Si l'inlerprétation ancienne et, je puis le dire, traditionnelle est conservée, ne pour- rait on pas retrouver la scission à laquelle le Mahâ- vanso fait une allusion, du reste fort obscure, dans la lutte dont les buddhistes du Nord semblent indi- quer fexistence entre Çânavâsika et Madhyântika ? Ce serait aussi vm moyen d'accorder le Nord et le Sud. Dans tous les cas, il paraît impossible d'ad- mettre que tant de schismes aient éclaté dans le h" siècle sans qu'aucun se soit manifesté dans le i®""; il en a certainement existé dans cette première période; ils ont été moins graves, plus promp- tement étouffés que ceux des âges suivants; mais rien n'empêche de croire que quelques-uns ont pu avoir un certain éclat, et entraîner d'assez graves conséquences, sans cependant diviser d'une ma- nière profonde et irrévocable la société buddhique. Cependant, s'il est admis que, par erreur invo- lontaire, ou par falsification, les faits ont été déna- turés dans leur forme et transposés dans le temps, il faut faire descendre l'introduction du buddhisme à Kashmir de l'an 5o à l'an i i o du Nirvana, et au deuxième concile tenu à Vaïçâlî, à fépoque de la première scission avouée qui se produisit dans le buddhis-ne.

Le concile tenu à Vaïçâlî par l'ordre du roi Açôka , pour mettre un terme à des discussions dont le sujet paraît avoir été en général fort puéril, n'avait guère atteint son but. Les religieux disputaient plus que

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jamais. Pour en finir, Açôka les fit voter; i'eftet de cette opération lut de séparer nettement les élé- ments contraires; et il se forma deux écoles : l'une, composée des religieux les plus nombreux et, paraît- il, les plus jeunes, prit le nom de Mahâsanghikas (ceux de la grande assemblée); l'autre, composée de la minorité, mais des membres les plus âgés, prit le nom de Sthaviras. Ce fut, dit la tradition, la première scission du buddhisme , et toutes les autres en sont dérivées. De gré ou de force, les sthaviras ayant quitté la place auraient été chercher un nou- veau théâtre pour leur activité religieuse : les con- trées de THimalaya et spécialement le Kashmir leur auraient donné un asile; de vient que le nom d'Haimavalâ (fécole des montagnes de neige) a été adopté par une de leurs subdivisions, et même semble avoir été appliqué dans l'origine à la secte tout entière ^

Le Mahâvanso , dans la célèbre énumération qu'il donne des écoles buddhiques, ne parle pas de celle des sthaviras, quoiqu'il nomme les haimavatas. Mais il cite, et en premier lieu, l'école des mahâsanghi- kas dont il fait remonter l'origine au deuxième con- cile tenu h Vaïçâlî sous Kâla-Acôka, en quoi il est d'accord avec les buddhistes du Nord. Cependant, il y a une différence importante dans la manière dont la scission est envisagée de par et d'autre.

' Samuyavadhôparachanaclmkra dans V^assilief, I,p. sSo, note 2. Liste des dix-huit écoles schismaticines, etc. par M. Stanislas Julien. [Jouni:il usiat. ocf.-nov. 1869, liste A, 38-39, P^^^ ^^9 ^^ passim.)

DU BUDDIIISME DANS LE KASHMfR. 525

Selon le Mahàvanso, les Mahâsanghikas furent la minorité condamnée par le concile, minorité im- posante puisqu'elle est représentée par ce chiffre respectable de dix-mille bhikkus ^ , bien suffisant pour lui mériter le titre de grande assemblée, mais enfin, minorité vaincue, condamnée, excommuniée par le concile : car c'est au sein même du concile que le schisme se produit d'après les buddhistesdu Sud. Ceux du Nord au contraire paraissent séparer la formation du schisme des opérations du concile, et surtout ils font des Mahâsanghikas une majorité vic- torieuse qui aurait, par son vote, maintenu l'ancien état de choses, tandis que la minorité, composée des plus âgés ou des plus dignes, aurait tenu ferme pour le |)rogrès, préférant l'exil à l'abandon de la cause qu'elle soutenait^. Les buddhistes du Nord et ceux du Sud sont donc en désaccord complet au sujet des Mahâsanghikas : les premiers voient en eux une majorité conservatrice, les seconds une minorité fac- tieuse et pervertie. Quant aux adversaires des Mahâ- sanghikas, lesbuddhistesduNordenfont, sous le nom de Sthaviras, une secte particulière qui représente le mouvement au sein du buddhisme; les buddhistes du Sud ne leur donnent aucun nom , chose assez naturelle puisque la majorité, attachée aux mêmes

* Mahàvanso, ch. iv. 53; ch. v. 3.

'^ Wassilief, p. 55 et 224-225. Cependant certains indices , entre autres l'assertion que les Sthaviras étaient les Arhats les plus res- pectables, donneraient lieu de^croire que les novateurs étaient les Mahâsanghikas, tandis que les Sth&viras auraient- tenu pour le maintien de la tradition,

VI. 35

526 DÉCEMBRE 1865.

principes, reste ce quelle était, et qu'il siiflit de donner un nom nouveau à la nouvelle école que la minorité vient d'inaugurer. Toutefois le nom de thê- rôs, correspondant du sanscrit sthavira , s'applique de lui-même à la majorité; car' nous voyons ce mot désigner constamment la portion saine et res- pectable de la communauté buddhique; et sur ce point encore, il semble que Taccord entre les bud- dhistes du Nord et ceux du Sud ne soit pas très-bien établi; mais l'expression thêrô ou sthavira paraît avoir eu différentes acceptions, et il importe de l'examiner. Le mot sthavira (pâli thêrô) signifie ((vieillard;» il vient de la racine sthâ(se tenir debout) , et indique soit la rigidité des membres que l'âge apporte en enle- vant l'agilité , soit la fermeté de caractère et la ténacité d'habitudes qui succèdent ou sont censées succéder à la légèreté de la jeunesse. Ce terme s'emploie pro- prement pour désigner une portion des membres de l'association buddhique, les plus âgés, les plus dignes : c'est un terme de distinction qui, dans le Mahâvanso, semble parfois s'étendre à tous les reli- gieux lorsque rien ne vient troubler l'ordre, mais qui, en cas de désaccord, est réservé aux seuls membres orthodoxes : ainsi les dix mille religieux excommuniés dans le deuxième concile ne sont ap- pelés que bhikka (religieux) , quelquefois avec la qua- lification de me'c/ia^^5 (pâpabhikku), tandis que leurs adversaires sont les thcrôs. Bhikku est le terme gé- néral : i/ierd désigne la meilheure partie, la fleur des bhikkus.

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 527

Cependant les Tibétains traduisent le mot stha- vira par le composé gnas-brlan, qui, au premier abord, n'y correspond nullement. Ce composé tibé- tain a, dans les dictionnaires, le sens de vicaire , lieu- tenant, remplaçant, successeur. Il semble alors que le sthavira soit le lieutenant de Çâkyamuni et corres- ponde dans le buddhisme à ce qu'est le khalife dans l'islamisme, le pape dans l'Eglise catholique romaine. Mais alors le nombre des stha viras est bien consi- dérable pour que leur titre exprime une pareille idée; et si tel est le sens du mot sthavira, ou plutôt de gnas-brtan, il faut lui donner la plus grande ex- tension possible, et considérer comme vicaire du Buddha tout docteur capable de reproduire ses en- seignements : ainsi entendu, le mot gnas-brtan ré- pond parfaitement à l'acception que les textes nous obligent à donner au mot sthavira.

Cependant les livres buddhiques , ceux du Nord surtout, nous présentent une succession de person- nages chargés, directement, officiellement, d'ensei- gner la doctrine et de présider la communauté. Notre texte nous donne cette liste jusqu'à Kâla^ Il semble que le terme sthavira ou plutôt son équi- valent tibétain gnas-brtan devrait être appliqué spécialement et exclusivement à ces personnages , car ils sont investis d'un véritable vicariat; cepen- dant il s'en faut bien que ce titre leur soit particu- lièrement applicable, et nous voyons dans notre

^ Elle comprend les noms de Mahâkaçyapa, Ananda (Madhyân- lika), Çânavâsika (on Yaça), Upagupta, Dhîtika, Kâla.

35.

528 DECEMBRE 1805.

texte le mot sthavira employé concuiTcmmeiit avec le mot âyushmat, qui signifie «doué d'une longue vie , » et qui peut être considéré comme le synonyme de sthavira dans l'acception de «vieillard,» mais lion pas dans celle de « vicaire. » Il est même à re- marquer que dans le texte duKandjur, objet de notre étude, le titre d'âyushmat est appliqué seul aux personnages cités en dernier lieu; Kaçyapa etAnanda sont désignés tantôt par le mot sthavira, tantôt par le mot âyashmat; Madhyântika seul est constam- ment appelé un sthavira. D'où vient cette particu- larité? Tient-elle à l'acception de «vicaire, lieute- nant» attribuée au moi sthavira, et qu'on aurait maintenue, sur laquelle on aurait appuyé avec soin dans le Kashmir, pour donner une plus grande autorité au docteur qui y apporta le buddhisme , en vue de faire de lui un représentant officiel de la religion? Ou bien vient-elle de ce que Madhyântika aurait été véritablement le chef de fécole dite des Sthaviras, de ce que son nom figurerait en quelque sorte et personnifierait cette école?

Quoi que fassent et disent les buddhistes pour rattacher fécole des Sthaviras aux sthaviras du pre- miersiècle, et dût-on même admettre leurs raisons, il est difficile de croire que le nom de l'école dite des Sthaviras soit le môme que celui des anciens stha- viras. Aussi a-t-on proposé pour expliquer le nom de cette école des interprétations nouvelles : Burnoufa traduit : Ceux cjui ont des habitations fixes ^. il ne serait

^ Inlroiluclion à VUist. du buddii. indien, 4V6-/i7. Cetlp intcrprt^-

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 529

|3as impossible que le sens de vicaire datât de l'époque du schisme, et que le mot sthavlra, employé seule- ment pour désigner les plus vieux, pendant le premier siècle, servît dans le if siècle à distinguer les /<?rme5, les persévérants. M. Wassilief paraît être de cette opinion ^ Si l'on admet que l'école des Sthaviras fut fondée par des hommes qui refusèrent énergi- quement de se rendre aux décisions de la majo- rité , on reconnaîtra que le nom appliqué à ces oppo- sants a exprimer la force et la constance. Or ce sens est compris dans le mot sthavira , c'est même sa signification première; il se trouve également dans le tibétain gnas-brtan; car gnas signifie « place , » brtan exprime la «fermeté, la durée, l'immobi- lité, l'immutabilité, » et je ne sais si la signification traditionnelle (et partant inattaquable) de « vicaire, lieutenant» est fondée sur la juste valeur des mots, et si le composé a toujours eu cette acception. Il semble pouvoir très-bien se traduire par « restant ferme à sa place, qui ne bouge pas de place. » Cette idée est également bien rendue en sanscrit par le mot

tation diilere entièrement de l'explication donnée pages 288-89, 297 et 565 du même ouvrage, et fait du mot sthavira (nom de l'école) un terme tout différent du mot sthavira (nom d'une classe des membres de la société buddhiquej. Elle est fournie aussi par le dictionnaire tibétain-sanscrit de la Bibliothèque impériale, qui donne pour !e mot gnas-brtan les deux équivalents sanscrits, sthavira (vieillard) et vâsadhira (qui a des demeures fixes) D'après un auteur chinois, cité par M. Wassilief (p. 2 25, tjote 3), le nom de slhavira aurait été donné aux membres de cette secte parce qu'ils occupaient les lieux les plus élevés, ou les plus hautes positions. ' Wassilief, I , p. 55.

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sthâvara «ferme, immobile,» pris substantivement dans le sens de «montagne; » et je me demande si le mot sthâvara ne serait pas la désignation origi- naire de l'école qui se sépara desMahâsangbikas, soit que les fondateurs de cette école l'eussent adopté eux-mêmes, le prenant en bonne part avec le sens de « fermes, inébranlables; » soit qu'il leur eût été jeté comme un reprocbe par leurs adversaires avec la nuance de « entêtés, opiniâtres ^)) L'emploi de ce nom, à supposer qu'on en eût fait usage, aurait été de peu de durée; on n'aurait pas tardé à le con- fondre avec le mot sthaiira, à cause de la ressem- blance de son et de sens , et aussi parce que cette école proscrite aura pris soin de se rattacher, à tort ou à raison , aux origines mêmes du buddhisme , et aura émis la piétention de continuer par une sorte de vicariat l'œuvre de Çâkyamuni et de ses premiers disciples. On conçoit donc très-bien que les traces

^ Dans l'Âmaraltôsha tibétain le mot sthâvirani (vieillesse) et sthavira (vieillard) sont également rendus par gnas brtan, qui ici no peut signifier «lieutenant.» L'auteur de l'Amarakôsha était Inid- dliiste, d'une époque postérieure au premier siècle du Nirvana, et d'ailleurs la traduction tibétaine est plus récente. 11 est évident que ce dictionnaire nous donne le sens buddbique et ordinaire du mot sthavira, sans se préoccuper des sens diflércnts que ce mot a pu avoir. Brtan, tout seul , dans le même dictionnaire, rend les mots sthâsnu (fixe, stable, permanent) et JnfZ/ta5t/fi(Z/if (fortement lié). Quant au mot sthâvara, il est difficile de démêler le terme tibétain qui lui correspond dans l'Amarakôsha: ce terme répété deux ou trois l'ois, avec variante, paraît être : bya bjed ou bya spyod (agenda agens) et bya spyod bycd pa spyod (pratiquant ce qu'il faut prati- quer) , ce qui suppose une acception toute morale ol revient à dire : « ferme dans le devoir, fidèle au devoir. »

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de celte confusion aient disparu; ii en reste cepen- dant quelque chose, la diversité des explications que l'on donne du nom des sthaviras. Ainsi les Chi- nois expliquent le mot 5</ia vira par «vieillard, an- cien» (chang-tso)\ et par L^ ils remontent jusqu'au premier siècle de l'ère buddhique, aux premiers sthaviras. Les Tibétains , en l'interprétant par « lieute- nant , vicaire , » paraissent remonter seulement au H*" siècle de l'ère buddhique, à la création de l'école des Sthaviras par laquelle surtout le buddhisme a pénétré dans le Kashmir, et de dans le Tibet.

L'Himavat, nous dit-on, fut l'asile des Sthaviras exilés; cette expression Himavat désigne toute la bande de territoire qui longe la chaîne de l'Himalaya, ou la plus grande partie de cette bande; le Kashmir semble devoir y être compris; mais d'après le Mahâ- vanso, il serait en dehors, puisque cette chronique distingue soigneusement la conversion de l'Himavat de celle de Kasmîra et de Gandhâra. Kasmîra et Gandhâra désignent apparemment le point cesse l'Himavat et commence la région d'Occident; et, géographiquement, le Kashmir peut être considéré comme le point intermédiaire des deux contrées. Du reste Kasmîra n'est point tout à fait exclu de la dé- signation d'Himavat; car, dans le récit pâli de la con- version de ce pays, il est question de quatre-vingt- quatre mille serpents de l'Himavat persuadés par la parole de iVJadhyàntika. Et cependant la conver-

' Journ. asiat. oct.-nov. 1 869 , art. de M. Stanislas Julien , p. 347, II" I et passim.

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sion de l'Hirnavat proprement dit fut confiée à un autre personnage, Madhyama (en pâli Majjhama), qui, avec quatre autres thêrôs, établit le buddhisme dans les cinq divisions (pancha rattbâni) de ce terri- toire. Je n'ai point à traiter ce sujet qui ne se présente à moi qu'incidemment , et je ne rechercherai pas si ces divisions du territoire correspondent à des divi- sions actuelles, telles que Gerwal, Népal, Sikkim, Boutan. Jene veux pas même insister longuement sur un fait qui me frappe, mais que je ne puis me dispenser d'indiquer, la ressemblance de noms de Madhyântika et de Madhyama. Je ne prétends point nier la personnalité distincte de chacun de ces deux prédicateurs du buddhisme. Je remarque seulement que, si Ton fait de Madhyântika le chef de fécole des Sthaviras, et de Madhyama le missionnaire de l'Himavat, pays qui fut le refuge des sthaviras, il y a de fortes présomptions en faveur de l'identité de ces deux individus. Enfin je retrouve la trace de cette ressemblance des noms de ces deux hommes , Ma- dhyântika et Madhyama , qui ont opéré dans le même temps, à si peu de distance l'un de fautre, et dans des contrées si voisines, je la retrouve dans nos deux termes tibétains si obscurs, moins par eux-mêmes que par la manière dont ils sont présentés dans le récit du Kandjur : Milieu de l'eau (Ghhu dbus) et Milieu du jour (Ni-mai-gung)'. Dans ces deux mots, le terme milieu, exprimé par deux termes dilVérents mais synonymes [dbus et gung), correspond également

' V^oir ci dessus, page 485.

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bien au sanscrit madhya. Quant aux déterminatifs chha (eau) , hi-ma (soleil ou jour), le second ne réj)ond à aucun élément du mot sauscvh Madliyântika , dont Ni-maigung est cependant l'équivalent reconnu; le premier, cliliu (eau), est parfaitement clair, mais ne correspond à aucune partie du mot Madhyama , dans lequel il n'entre du reste aucun déterminatif , et qui se compose d une simple racine augmentée d'un suf- fixe. On ne peut considérer Clihu dbas ( milieu de l'eau) comme la traduction certaine de Mndhyama [inWieu); mais on doit reconnaître que ces deux mots corres- pondent l'un à l'autre , au moins aussi bien , si ce n'est mieux, que Madhyântika et Ni-mai-gung. Et quand on voit dans deux, textes qui , pour certaines parties au moins, ont une origine commune, d'un côté Madhyântika (en face du milieu, médius) et Madhyama (qui est au milieu, médius); de l'autre Ni-mai-guTKj (milieu du jour), Chha dbas (milieu de l'eau); quand il est reconnu que les deux premiers termes de chaque série désignent une seule et même chose , on se demande avec raison si les seconds ne désignentpas aussi une seule et même chose; et quand on observe d'une part la synonymie des termes sans- crits, et d'autre part la synonymie partielle des termes tibétains, et les particularités du récit qui permettent à peine de remarquer en eux une dis- tinction bien profonde, on est porté à se demander si tous ces termes ne se rapportent pas au même objet, envisagé peut-être de deux manières un peu dilférentes. Ces rapprochements de mots, de sens et

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de sons me paraissent, soit renfermer une dilïicultë, soit préparer les voies à une solution; mais je n'ai, quant à présent, les moyens ni de lever l'une, ni d'arriver à l'autre.

Puisque la fuite des sthaviras dans l'Himavat est un des éléments de la question qui nous occupe, je ne veux pas l'abandonner sans faire une dernière remarque. La querelle entre Madhyântika et Çâna- vâsika a paru n'être pas autre chose que la querelle élevée entre les Mahâsanghikas et les Sthaviras. Ce serait un de ces doublements dont d'autres histoires que celle dubuddhisme offrent des exemples. Mais la querelle des Sthaviras et des Mahâsanghikas semble être mise aussi sous un autre nom qui se rappor- terait à une époque plus moderne, celui de Mahâ- dêva. CeMahâdcva est un des plus grands schisma- tiques du buddhisme. Il se permit de changer le rituel, d'émettre des propositions téméraires et bles- santes pour les arhats; il souleva ainsi contre lui de violentes colères, et fut obligé de se retirer; mais de nombreux disciples le suivirent et formèrent une école. On le place dans le iif siècle du Nirvana \ et par conséquent plus de cent ans après Açôka , d'après le compte des buddhistes du Nord. Mais ce qui est remarquable, c'est que Hibuen-Thsang place Mahâdêva sous Açoka, et rattache ce nom à la con- version du Kashmir^. 11 raconte que Mahâdêva s'eni-

' Wassilief, p. 58, Liste des écoles bouddhitiiics [Journ. asiaf. oct.- nov. 1869, page ?i'Mi , article de M. Stanislas Julien). ^ Siju-ln (M(^moires fie Hioiieii-Tlisang), I, 171.

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 535

para de l'esprit d'Açôka qui, ayant, à ce quii paraît, plus de zèle que de lumières, ne savait pas distin- guer un bon religieux d'un mauvais, tellement que ce roi si juste, Dharma-Açôka , voulut faire périr et noyer dans le Gange cinq cents religieux et cinq cents arhats ^ Les arhats s'enfuirent à travers les airs et se rendirent dans le Kashmir. Açôka, revenu de ses projets criminels, les rappela près de lui; mais ils refusèrent de se rendre à son appel, et le roi, bâtissant pour eux cinq cents couvents, donna tout ce royaume aux religieux. Cette légende reproduit quelques-uns des traits de celle de Madhyântika; elle rappelle, quoique de plus loin, ce que les bud- dhistes disent communément du schisme provoqué par Mahâdêva. Ce Mabâdêva , contemporain d'Açôka, est-il le même que celui que d'autres documents plus dignes de foi, selon toutes les apparences, font vivre cent ans après lui? Je l'ignore; il est seulement digne de remarque que Mahâdêva est cité par le Mahâvanso comme un des contemporains et même des missionnaires d'Açôka. Son nom vient immédia- tement après celui de Majjhantiko, et il fut envoyé, dit le texte pâli, dans le Mahisamandala, contrée dont la situation n'est pas bien déterminée.

Il serait sans doute possible de ramener à funité

^ On ne voit pas bien si ces cinq cents arhats représentent l'as- sembiéc des disciples ou des amis de Madtiyântilca , qui étaient réeîle- ment au nombre de cinq cents arliats. Si i'auteur chinois veut dire que Mahâdêva provoqua l'expulsion de Madhyântika (et il a l'air de le donner à entendre) , Mahâdêva aurait joué à peu près le rôle que Çânavâsika paraît avoir joué d'après le récit de Târânâtha.

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les traditions diverses qui ont cours sur Mahâdêva, si l'on n'était à peu près certain qu'il y a un ana- chronisme 011 peut-être même un mélange de sou- venirs relatifs h deux personnages distincts. Du reste, il n'est guère possible que Madhyântika et Mahâdêva aient été confondus : trop de documents établissent leur indépendance mutuelle et leur in- dividualité distincte. Mais il importe de noter la dif- férence de ton qui existe entre le Mahàvanso et les buddhistes du Nord sur tous ces personnages. Le livre pâli nous les présente comme des hommes d'une pureté parfaite, des missionnaires qui vont, d'un commun accord , prêcher la doctrine de leur maître : les documents du Nord nous obligent ou nous autorisent à voir en eux des hérétiques, ou du moins des proscrits. Je ne veux pas m'appesantir ici sur cette différence assez remarquable; mais il suffit de signaler ce fait que, si le deuxième concile tenu par RâlaAçôka a excommunié dix mille bhikkus, le troisième, tenu par Dliarma Açôka, en a excommu- nié soixante mille ' (selon les buddhistes du Sud). On peut douter que tous les excommuniés se soient soumis à la sentence qui les avait frappés, et se soient condamnés eux-mêmes au silence. Aussi, quel qu'ait pu être le calme majestueux avec lequel le roi Açôka a exercé son zèle pour la diffusion du bud- dhisme, les renseignements fournis par les bud- dhistes du Sud eux-mêmes sont un motif pour nous de tenir compte des elfets nombreux et considé-

' Mahàvanso, c\\. \i, -i^S.

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIll. 537

rables que les buddhistes du Nord allribuent aux dissensions religieuses.

Et maintenant que conclure de toutes ces discus- sions? Bien des points restent douteux : cependant il semble qu'on peut admettre non pas peut-être comme absolument certains, mais au moins comme probables, les résultats suivants :

Le buddbisme commença à dominer dans le Kasbmir sous le règne d'Açôka : quand les docu- ments brahmaniques viennent confirmer sur ce point les assertions des buddhistes, la question doit être regardée comme résolue, et il ne semble plus possible de conserver des doutes.

S'il y a eu , comme les huddhistes du Sud le pré- tendent et comme cela paraît généralement admis, deux Açôka, c'est sous le second, Dharma-Açôka , que l'établissement triomphant du buddbisme eut lieu dans le Kasbmir; mais il faut admettre avec les buddhistes du Nord que des tentatives plus ou moins fructueuses ont été faites avant Açôka pour porter le buddbisme dans le Kasbmir; et, j)uisque Hiouen-Thsang nous signale une tentative faite cin- quante ans après le Nirvana, et le Kandjur une autre qui daterait du commencement du if siècle de l'ère buddbique, rien n'empêche de croire que ces tentatives ont eu lieu. La première aurait eu un caractère tout privé, ce serait celle de Madhyân- tika, le disciple d'Ananda; la seconde aurait élé faite, sans doute avec plus de succès que la pre- mière, par les proscrits de l'école dite des Stkaviros,

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et le buddhisme, prêché, mais combattu, aurait fait peu à peu son chemin et préparé ainsi la victoire qu'Açôka II devait lui faire définitivement rem- porter. Quelques raisons que l'on puisse avoir de supposer des anachronismes et des erreurs ou des falsifications de toute espèce, on ne doit pas, ce me semble, rejeter les documents qui tendent à éta- blir une série de tentatives d'introduction du bud- dhisme dans le Kashmir. Nulle part cette religion, qui s'est imposée avec tant de puissance aux peu- ples qui l'ont reçue, n'est entrée sans résistance. C'est par degrés, tour à tour triomphante et vaincue, qu'elle a pénétté en Chine, au Tibet, en Mongolie; et, d'autre part, le prosélytisme, favorisé par di- verses circonstances , était tellement dans son esprit , qu'elle devait tenter de bonne heure de pénétrer partout. C'est peut-être à tort qu'on attribue presque exclusivement ses progrès, soit aux persécutions qu'elle aurait souffertes, soit aux divisions qui se seraient produites dans son sein. Répandre la bonne loi était l'un des préceptes du buddhisme; nous avons vu dans notre texte les Nâgas du Gandha- mâdana dire qu'il faut propager l'enseignement du Buddha aussi longtemps que cet enseignement doit durer, et une déclaration remarquable du Lotus de la bonne loi nous apprend qu'on est bien moins coupable pour avoir injurié grossièrement un Ta- thâgata (un Buddha) pendant un kalpa tout entier (c'est-à-dire pendant au moins seize millions d'an- nées) que pour avoir dit une seule parole désobli-

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 530

géante à un simple docteur enseignant la loi à une créature quelle quelle soil^. Prêcher la loi fut donc un besoin et un devoir pour les buddhistes, et, s'il fallait des divisions entre eux pour les pousser à aller faire cette prédication au loiiî, elles n'ont manqué en aucun temps. On doit donc croire que le Kashmir a reçu de bonne heure la visite des dis- ciples de Çâkyamuni.Çiva, Nïla, les Nâgas, les vieilles divinités kashmiriennes ont résister énergique- ment; mais la persévérance et l'ardeur des nouveaux venus finirent par triompher et par faire accorder une place et une place importante aux doctrines et au culte de Çâkyamuni. Cette lutte, les écrivains buddhistes nous la retracent comme malgré eux, en nous laissant entrevoir, par leurs divergences de toute sorte, et surtout par leurs divergences chro- nologiques, que la conquête du Kashmir, au lieu d'avoir été exécutée d'un coup de baguette, ainsi qu'ils voudraient le faire croire, fut une assez longue et assez laborieuse entreprise.

Quant à la personnalité de Madhyântika et au rôle propre qu'il a joué, ils sont assez difficiles à établir. On ne doit pas, ce semble, le placer parmi les sthaviras ; car, bien qu'il soit qualifié de sthavira, son nom ne paraît pas être attaché d'une manière spéciale à cette secle ; d'ailleurs cette école des Sthaviras se présente avec un caractère collectif et non individuel. On ne peut guère non plus le faire descendre jusqu'à Açôka, car il n'aura

^ Lotus de la bonne loi, page i38 de la traduclion.

540 DÉCEMBRE 1805..

plus la gloire d'avoir converti le Kasbmir, si l'on est forcé d'admettre que le buddhisme était déjà connu au Kashmir avant Açôka. Puisque l'introduc- tion du buddhisme au Kashmir est mise sous son nom, il faut le considérer comme le premier pré- dicateur buddhique qui eut quelque succès dans la célèbre vallée. Il n'est pas étonnant que son nom se retrouve chaque fois qu'il est question de quelque tentative nouvelle , prétendue la première de toutes, pour amener au buddhisme le peuple de Kashmir. Les prédications des sthaviras, celles des mission- naires d'Açoka auront été attribuées à Madhyântika , qui , comme certains autres personnages du bud- dhisme, entre autres Nâgârjuna , se trouverait obligé d'étendre sa vie sur plusieurs siècles pour suffire à tout ce qu'on veut lui faire accomplir.

Je termine ici cette étude sur l'établissement du buddhisme dans le pays de Kashmir. Je me con- tente d'avoir exposé ce que la légende rapporte de ce grand événement et ce que la critique en peut dire avec un certain degré de certitude : je ne me pro- pose pas en ce moment d'en suivre et d'en développer les vastes conséquences. Peu defaitshistoriquesenont eu d'aussi étendues. Le buddhisme a eu pour appui à Kashmir une des plus brillantes et des plus puis- santes royautés que l'on connaisse, celle de Kanishka ; c'est à Kashmir que s'est tenu le grand concile dé- finitif des buddhistes du Nord ; c'est de que le buddhisme a rayonné dans les contrées septentrio- nales et occidentales. Si le mouvement vers l'Ouest

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fui arrêté, et arrêté pour toujours, le mouvement vers le Nord ne s'en continua que plus profond et plus intense. C'est du Rashmir que les livres bud- dhiques ont été portés au Tibet. La plupart des pandits indiens qui ont travaillé à la traduction de ces livres étaient Kashmiriens; c'est même à Kashmir que plusieurs de ces traductions ont été faites. Le culte de Çiva, qui s'est maintenu dans le Kashmir en présence du buddhisme, et a fini par s'unir c^ lui, a laissé sa trace dans une portion considérable de la littérature buddhiquedu Tibet. Et si, en contem- plant la vaste diffusion du buddhisme tibétain, cette autorité puissante qui retient sous la sujétion spi- rituelle du pontife de Lhassa tous les peuples mon- gols et une grande partie des habitanls de la Chine, forçant le souverain du plus vaste empire qui existe à s'incliner devant le grand prêtre du Tibet, nous voulons nous rendre compte de cet état de choses et remonter d'effets en causes jusqu'à l'origine du mouvement dont les derniers résultats nous frappent d'étonnement, nous sommes ramenés aux légendes de Hiouen-Thsang, du Kandjur et du Mahâvanso, sur fintroduction du buddhisme dans le Kashmir, aux missions du grand roi Dharma-Açôka et aux prédications de Madhyântika.

542 DECEMBRE 1865.

TEXTE TIBÉTAIN DU KANDJUR.

TRADUIT, PAGES ^8Z-!l^'].

Mort d'Ananda. Conversion du Kashmir, par Madhyântika. Série des premiers patriarches buddhistes.

(Dulva, XI, fol. 686-690.)

(Je mets entre crochets [ ] les lettres qne je propose d'ajouter au texte , entre parenthèses ( ) celles que je propose d'en retrancher. )

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DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 543

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(g 3; pj s'f^ i^OJ f^:; q^5 t] ^^ I q^ ' /^ S ' R^^ '^'î^' ' uji^Jf^ ' ^

* Le texte porte zni:: znf\. La correction du deuxième zn en q] ne peut être douteuse.

^ On pourrait lire 5^1 au lieu de s-

•'' On pourrait lire q/g en un mot : le texte sépare q et /g par un

point.

* Ce mot ^ est peu reconnaissable dans le texte; mais comme il

est répété à la fin du discours, la lecture ne saurait être douteuse.

36.

544 DECEMBRE 1865.

JoT^M ' S"^' M^ ' a^^•^\' ^^^•\\ \^ ' raN:x. q^s ' a ' oj ra^^gi

5î^ s s^î; (^5j u ^5 ^îiiR •"iS'îJ^i 3^* n.gni ¥54 a ^ ' ^W^ " ^^ss q^ q^&l'^i i^' ^ï; I 54 :i| 5 a \î; |3^ 4 ^î^ «"ïfjs iT- ^^a^

q|.)|in':^ n."q s^ I ^ ' ni^54 î;^:n g^ ^i '^- x^^ ^ î\' 'lè^il ' q|^ï;^" ^ |

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Le texte a Bi au génitif: l'instrumental nj^i est bien préférable. ^ On pourrait lire mtx ; mais le texte porte bien ^X^-

^ Le texte a g, qui existe; mais il vaut mieux ajouter un r lire|^.

* Le texte a Sv : j'ajoute un ^i ( Voir la note 2 , p. àSS.)

DU BUDDHISMEDANS LE KASHMIH. bk'j

q^nj-qf II \'a;^ '\' <w^' ^^'^^'^1 ' cj5^5^ î^ '^^3^' q I cjî:în "^ '

*ipi5 •"lî''^' Ji; pi 5) u^ry ^ q^g^ t] ?35| -^J^ q'^R I j q^5J ' /^s ' ^S^'i^'"^'^' STS^' V^^' ^^'^^'^ '^ "q '^^^1 Rnï;'q3;-

^5" yK" î;^5ft'\!'tl'uT5^ï^i'^-qsq"t!^"^R"'^5J'S'^| S'^Ç^-'^S'

"^^ «55 -011 g •^' î;^ïi|'n,gïr|'^"iJ3^'^î^i-g^'R^A]-qx,-n,nj3;'X- \^- ( ">X-(^^'f'^'^'«^fyS^«^-^-|^-^'^ûj;j^,-^^|g->^-z;^ïi|.

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îr:ç,'S3n-ir| g •^•;;^qj-^^'"^-"^^-'^q|-'^iIj-î;^^'| jj^R'*!]' * ^i; ' j

* Le texte a q^lzTj ■'^^is] à l'instrumentai : je lis q^zn ' ^ au génitif.

^ Le texte a ^5, les dictionnaires donnent unanimement q^5 Je rétablis le préfixe.

^ Le texte a*ïj ou"q. Cependant les dictionnaires donnent le mot 54 ^n sans suffixe.

540 DECEMBHE 1865.

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Bj^'î^'^'"^ I ^^'^Y'^S'^' '^'^'■^"|f^'^'^''5'|| 3 '^^"^'"^^''

' Entre qx, et q^n^' , il y a dans le texte un petit intervalle marqué

(le, plusieurs points; mais le sens n'indique aucune lacune.

^ Le texte a q ' m^ en deux mots; mais il faut supprimer le point

et lire qojx^, la mesure du vers rcxigc.

•\ Le texte a "^m. Il faut lire gui ' qj ou ^ii|'4|.

DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 547

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q^^î^i 5!\i I ^ q^w 13 ra q j R''^'^ ^^ t] ^i; j ri îsj^' ' ^ î^''^' q^5" Y 2 =^'^^ I ^m'\ '^g '=i^5^ y ' ^"^^ "^^ •'zn^^- 5j' ^^• ë^ I "^"b, i pi s'rii.' u^ai q s^îH •'^îJv! ^^ïi| n^' rj ^ rC'^^i ^^j^i q

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2 Le texte a ici ^ ^i ; il est évident qu'il faut % , qui se trouve à la

ligne suivante; du reste cette particule est ordinairement retranchée dans le nom propre. (Voir la note 2 de la page 4 94.) ^ Le texte a r , il est évident qu'il faut ^.

r}^iS DÉCEMBRE 1865.

^5 î;^5 sTâzn •;;^K i w y ^* oj ^yîH'^' un. ^s ^s^ q^^j^i sxsj j 54"o&^'?5-q"|ïnï^'-y q/oT^n'^'l I ^'Sj*^-*' s^^'n]?^"i!-^-5R-¥3^

^î^' s a s^ï; ' ni5 y '"fî v" ^~ ' 5S •"ïT" oj q^s q ^h\ s^ i "J^^'.'

' Le texte a rs? , il est certain que /k^^! est la vraie l'orme qui con- vient ici.

■^ Le texte a^è^^. Le dictionnaire donne pour cette expression

composée zsj "^^ sans î^!.

* La véritable lecture doit èfreq^q^'; maisleniot du texte a l'ap- parence de qîS-iq^' , qui s'cxjdiquerait aisément, ou plutôt de q^q^', qui s'explique moins bien.

' Le texte paraît avoir J^. Je lis ^ connue plus bas.

DU BLJDDHISME DANS LE KASUMIR. 549

aj-5jpiY^'^''^'^''^ ' ^^V^ '^^S' ^'^' ' '^^'^ ^ ^* v5' ajî^ n>î;^ï^'-X' Il s^' ^ '*' "J^ •ÏJ'^'^' ?^* ^' ^5" wî^- f^sf^'^S I n'S-

?^^' * ' ^ï; ^5 ^ ' ^ ' ^"^ ^^ 55 ^^1 %5 r] 'q'- r i; I si;;^ tj

S,^ s^qq I] i;^:; I ^qi R n t^ q r i; i ^' n,g o] ' ^^ ' t] -^ '"^^^ ' xE^ Sj'^' I -^^ ■'^' ig^ 5^ ■'^^' ^f^' ^â^'^' ' ^ ' ^^'^ ' ^ ' ^ ' ^?\ f^^"

«Ti; ' '^ ' ^'l X '<g^'3^' ^^ ' ^ rX" 1* ^^ "J'^^ ^ * ^ " V f^'^''

' J'ajoute au lexte la particule î^ et la deuxième barre verticale :

la construction de la phrase me paraît exiger cette modification. - s' '^. Cette lecture, à cause d'une expression semblable qui se

retrouve un peu plus bas dans la même phrase, et qui s'est déjà pré- sentée dans la suite de ce texte, ne me laisse aucun doute; mais le groupe est illisible, ou, pour mieux dire, méconnaissable dans l'é- dition du Kandjur que possède la Bibliothèque impériale.

■• On attendrait devant la particule ^ une racine verbale, car il

ne paraît pas conforme aux usages de la langue que cette particule représente elle toute seule un verbe placé plus haut dans la phrase et séparé d'elle par un grand nombre de mots. Je suppose une lacune; mais je donne le texte tel qu'il est.

^ J'ajoute t qui n'est pas clans le texte, mais qui devrait y être.

550 DECEMBRE 1865.

NOUVELLES OBSERVATIONS

ITÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE, PAR M. RENAN.

I.

Dans la séance du 28 janvier i 86Zi, M. deSaulcy parla à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres du sarcophage découvert par lui dans le monument- appelé «Tombeaux des rois, » près de Jérusalem, et invita les hébraïsanls à s'occuper de l'inscription qu'il présente. Le monument était, dès cette époque, ex- posé au Louvre.

Un estampage de l'inscription ayant été apporté un ou deux jours après par M. de Longpérier à la conférence de philologie hébraïque que je faisais alors chez moi, nous passâmes l'heure du cours à déchiffrer et à discuter ensemble ce texte curieux. Le 1 février, je lus à la Société des Antiquaires de France , dont j'avais fhonneur d'être président, une explication de ladite inscription. Le soir même, ou le lendemain matin, M. fabbé Barges publiait dans un journal quotidien une explication identique à la mienne et des réllexions qui concordaient avec les miennes. A la séance de f Académie des Inscriptions du /] février, M. de Saulcy déclara qu'il voulait que rien ne fût publié sur celte inscription avant que

OBSERVATIONS D'ÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. 551 l'ouvrage qu'il préparait sur son voyage eût paru. J'arrêtai donc la publication de la note que j'avais lue à la Société des Antiquaires. Aujourd'hui l'ou- vrage de M. de Saulcy est publié. Ce qu'il dit de l'ins- cription ne m'ayant pas semblé rendre inutile la note que je lus à la Société des Antiquaires, je donne ici le texte même de cette note. Les bois de M. de Saulcy ne m'ayant pas paru représenter les caractères avec toute la netteté désirable, je donne ici, également, un nouveau fac-similé de l'inscription.

« De tous les résultats du dernier voyage scientifique de notre savant confrère, M. de Saulcy, le plus intéressant est sans contredit la découverte, dans le monument dit «Tom- beaux des rois,» près de Jérusalem, d'un sarcophage avec inscription. La vive curiosité qu'une telle inscription doit exciter m'excusera de venir sitôt vous communiquer le résul- tat de l'étude que j'en ai faite.

«L'inscription se compose de deux lignes , contenant cha- cune huit lettres. Elle est bilingue, ou, pour mieux dire, (pardonnez-moi le barbarisme) bigraphe, les deux lignes re- produisant le même texte en deux écritures différentes et avec de légères variétés de dialecte.

« Le caractère de la première ligne est le pur estranghcio

552 DECEMBRE 1805.

ou syrien antique, tel qu'on le trouve dans les plus anciens manuscrits syriaques, sur les monnaies d'Édesse et de Mé- sène et dans une inscription d'Édesse du temps de Jusiinien , dont je dois la copie à M. Texier. Il faut lire cette première ligne :

« La deuxième ligne est en caractère héi»reu carré ana- logue à celui de l'inscription du monument dit « Tombeau de saint Jacques, » à celui des anciennes inscriptions grecques juives se trouvent quelques lettres hébriiïques, à celui de l'inscription de Kefr-Bereim enGalilée. Tl faut lire cette ligne:

« La langue de la première ligne est le syriaque pur; il faut traduire « La reine Saddane. »

« La langue de la seconde ligne est le chaldéen palesti- nien, à peine différent du syriaque. Il faut traduire «La reine Sadda. »

«La seule lettre de la première ligne qui offre quelque difficulté est la première. On peut être tenté un moment de la prendre pour un olaph. Mais , outre qu'on ne trouve à justifier cette supposition par aucune preuve paléographique satisfaisante, une rai.«-on décisive s'y oppose. La dernière lettre de la première ligne est certainement un olaph. Cette lettre a, dans l'alphabet estranghelo, une forme grande, large, très-constante, très-caractérisée. Impossible de sup- poser qu'à six lettres de^ distance le lapicide eût fait deux olaph si totalement différents l'un de l'autre. Qu'obtient-on, d'ailleurs, par lalectureyff ? Une leçon impossible, if ( n'est pas un mot syriaque. En tous cas, ce n'est pas un mot fé- minin qui puisse être en rapport avec le féminin (J^. *^VV^- Ajoutons que la valeur de ^ que nous attribuons à cette première lettre est en parlait accord avec les plus vieilles

OBSERVATIONS DÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. bbS formes de celle lettre eu eslianghelo \ et que la lettre corres- ponJante de la seconde ligue, ligue qui, comme nous l'avons dit, n'est qu'une répétition de la premier^ , est évidemment nu y.

0 La seconde ligne n'offre pas de difficulté paléographique sérieuse. Le y initial se retrouve dans l'inscriplion trilingue de Torlose (Espagne)' et dans l'inscription de Ketr-Bereim. Le D initial de nriD^D se retrouve identiquement dans l'ins- cription de Kefr-Bereim.

«Comme on le voit, l'orthographe de la seconde ligne diffère de la première en deux points : Le nom propre écrit p2J dans la première ligne est écrit mSî dans la se- conde. Ce n'est pas une différence bien importante. Les langues araméennes affectionnent la terminaison on ou an.

•> %0 en syriaque est nue terminaison de diminutif, qui change

à peine le sens du mot^. On peul, si l'on veut, voir dans la première forme une sorte de nunuation, connue ni^bv = yO^isClA^Nj^ = (jU»J^. Les habitudes juives se trahissent dans l'orthographe du second mot, écrit nriD^D au lieu de KDDto. On sait que le chaldéen biblique substitue sou- vent l'orthographe hébraïque à l'orthographe araméennc, surtout en ce qui concerne l'emploi de n pour N*.

« Quelle est cette reine Sadda ou Saddane dont le corps a été sans aucun doute déposé dans le sarcophage rapporté par noire savant confrère ? Je n'ai pas trouvé dans toute l'histoire du peuple juif une seule personne qui répondît à ce nom. On ne peut pas même dire que ce suit un nom hébraïque. Les noms hébreux en effet sont peu nombreux et peu variés. Sadda est un nom sémitique, puisqu'il renferme un y; ce n'est pas précisément un nom juif.

« Les caractères paléographiques et philologiques de l'ins-

' \'oir les spécimens de paléographie syriaque donnés par M. Land à la suite du premier volume de ses Anecdota syriaca (Leyde, 1862).

" Revue Archéol. i*'nov. 1860, p. 3/i5 et suiv.

^ Uhlemann, Elementarlehre der syr. Spr. p. 101; Gcsenius, Lehrc^ch, der hehr, Spr. p. 5i3.

554 DÉCEMBRE 1805.

criptlon fournissent-ils du moins quelque lumière sur le siècle elle fut tracée, et par conséquent sur l'époque vécut la reine en question? Ici on peut s'exprimer avec plus d'assurance. Faisons complète abstraction des considérations archéologiques tirées du style du monument dit a Tombeau des rois, » et du sarcophage rapporté par M. de Saulcy. J'ose dire que si l'inscription qu'il a découverte se trouvait sur une pierre isolée, égarée hors de sa place au milieu de débris épars, d'abord il n'y aurait aucun doute sur ce point qu'elle est postérieure à la captivité de Babylone; en second lieu, on en fixerait la date par approximation vers l'époque du commencement de notre ère.

«J'établis d'abord le premier point :

« Bien que l'usage du caractère carré soit plus ancien chez les Juifs qu'on ne le croyait autrefois , il est absolument impossible de le faire remonter au delà de la captivité. Cet alphabet est d'origine araméenne, comme le prouve son évi- dente similitude avec l'alphabet palmyrénien. Il n a pu être employé par le peuple juif que quand celui-ci se trouva en contact avec les Araméens. Le nom même que porte le ca- ractère carré, D'^IV^'N IDJ «écriture assyrienne,» est à cet égard une démonstration presque suffisante. Personne, de- puis Louis Cappel, n'a douté que jusqu'à la captivité les livres hébreux ne fussent écrits dans le caractère , analogue au phénicien, que les Samaritains ont conservé et qui se trouve sur les monnaies juives des Asmonéens \ En sup- posant même, contre toute vraisemblance, que l'alphabet carré fût employé avant la captivité, comment admettre qu'on y pratiquât les ligatures et les séparations de mots dont notre inscription offre de si curieux exemples. Les liga- tures sont un fait relativement moderne. L'écriture phéni- cienne, même la plus moderne, n'en offre pas de trace. L'écriture araméenne n'en offre pas non plus dans ses mo- numents les plus anciens.

M La langue de la seconde inscription ne constitue pas

' Voir Gosoiiius, Gesch. (1er hehr. Sprnche und Schrift , S A i .

OBSERVATIONS D'ÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. 555

une moindre difficulté contre l'hypolhèse qui prclerait à l'inscription de Saddane une haute antiquité. Comment ad- mettre une inscription en cbaldéen à Jérusalem, sur le tom- beau d'une reine juive de Ja famille de David ? Le chaldéen ne gagna du terrain chez les juifs qu'à partir de la captivité. Le verset chaldéen qu'on lit dans Jérémie (x, ii) est, de l'aveu de tous , le résultat d'une erreur de copiste, le larguni s'élant substitué à cet endroit à l'original , ou bien une glose marginale s'étant introduite dans le texle\

« Comment enfin admettre que le tombeau d'une reine de la famille de David ait pu poiter à côté de l'inscription chaldéenne une inscription syriaque en caractère estranghelo ? Mettons que l'estranghelo remonte dans ses traits essentiels fort au delà de l'époque à laquelle appartiennent les plus vieux spécimens que nous en connaissons. On croira bien difficilement qu'il ait pu garder pendant six ou huit siècles une telle identité dans les traits les plus minutieux de sa physionomie. Et d'ailleurs, je le répète, comment expliquer la présence d'une inscriplion syriaque dans le tombeau des plus anciens rois de Jérusalem ?

« Obligés de chercher après la captivité une dynastie à la- quelle ait appartenu notre reine Sadda, nous n'avons de choix qu'entre les Asmonéens , les Hérodes et la famille d'Hélène, reine de l'Adiabène, qui, comme on sait, embrassa le judaïsme, habita Jérusalem ^, et se fit bàlir au nord de la villeun superbe mausolée dont Josèphe, Pausanias, Eusèbe, saint Jérôme, Marin Sanulo parlent d'une façon plus ou moins circonstanciée ^. On ne conçoit guère comment les Asmo- néens, représentants si exclusifs du judaïsme, auraient fait iracer sur un de leurs tombeaux une inscription bilingiie, une inscription le texte étranger eût tenu la première place. Les légendes des monnaies de ces princes sont, comme on sait, en hébreu pur. Pourquoi ce premier texte syrien,

' Cf. GrafF, Der Prophel Jeremia , p. 160.

" Jos. Anticj. XX, Il et suiv. ; Bell. Jud. V, ii, 2 ; iv, 2 ; vi, 1. ' Voir les textes dans Robinson , Bihl. rexearches in Palestine , I , p. ."^62 et suiv. (2* édil.)

550 DECEMBRE 1805.

surtout dans un endroit qui n'était pas desliné à frapper les yeux? L'Osrhoène, la Mésène, l'Adiabène étaient des pays éloignés et étrangers pour les Hiérosolymites, au temps d'Alexandpe Jannée et de Hyrcan.

«J'en dis autant, quoique avec plus de réserve, de la dynastie des Hérodes. Le texte estranghelo n'a guère de sens, si la personne ensevelie dans le cercueil rapporté par notre confrère a appartenu à cette dynastie. C'est le grec , ce semble, qu'on trouverait en pareil cas sur le cercueil à côté de l'écriture courante de Jérusalem. Sans doute, les fiérodes ont eu bien plus de liens que les Asmonéens avec la Syrie. MM. de Vogué et Waddington ont entre les mains des ins- criptions à la fois grecques et nabaléennes d'un des rois Agrippa, trouvées dans le Hauran. Mais l'alphabet de notre premier texte n'est nullement l'alphabet nabatéen. C'est l'al- phabet de la Haute-Syrie, d'Édesse. de Nisibe. Les Hérodes n'avaient pas de raison d'aller prendre cet alphabet d'un pays éloigné, avec lequel ils n'avaient rien à faire, pour lui donner la première place sur leurs tombeaux.

« Reste la famille d'Hélène, reine de l'Adiabène, ou poui- mieux dire d'Izatès, laquelle, l'an 46 de notre ère, élut en quelque sorte domicile à Jérusalem , y lit de grandes construc- tions , de grandes aumônes , et y jeta beaucoup d'éclat '. En ad- mettant que le sarcophage rapporté par M. de Saulcy ait con- tenu le cadavre d'une princesse de cette famille, tout s'explique dans la perfeclion. On sait qu'une opinion ancienne, dont M. de Chateaubriand vit la force avec sa pénétration ordi- naire, et à laquelle Robinson a prêté l'appui d'un savoir très- solide et d'une forte argumentation', regardait le monument appelé «Tombeaux des rois acommeles tombeaux de la famille d'Hélène. Divers passages de Josèphe, d'Eusèbe, de saint Jé- rôme, surtoutde Pausanias, donnaient à cette opinion une Irès-

' Jos. loc. cit. 1.C Taimud parle souvent de divers membres de cette fa- mille, surtout de Monoha/.c, dans un sens parfaitement concordant avec ce (jue dit Josèphe.

* JiihVtral resefirclws in Polcsline , I, 1^0 1 et suiv. III, 2 5i-f>2.

OBSERVATIOiNS DEPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. 557

grande force. J'ose dire que Tinscription dont nous parlons, rapprochée de ces textes, lui donne presque la certitude. Admettons pour un moment l'hypolbèse que le tombeau trouvé par noire savant confrère ait renfermé une princesse de la famille royale d'Adiabène : nous apercevons la raison du nom de cette princesse, lequel est sémitique, mais non pas précisément juif; nous comprenons à merveille la pré- sence d'une inscription en langue et en caractère de l'Adia- bène à Jérusalem, à côté d'une inscription en langue et en caractère palesliniens; nous voyons pourquoi le caractère adiabénien occupe la première place, circonstance inexpli- cable dans un tombeau juif ordinaire; li" les caractères pa- léographiques et philologiques de l'inscription sont tous expliqués. L'analogie du caractère carré de notre inscription avec celui du tombeau dit de saint Jacques, que M. de Vogué rapporte, avec toute raison selon moi , aux temps asmonéens ou hérodiens; l'analogie moins forte, remarquable cependant en quelques points , du même caractère carré de notre ins- cription avec celui de l'inscription de Kefr-Bereim, laquelle est sûrement postérieure à noire ère; enfin la similitude de la partie esiranghelo, surtout du mot r^OV£ia^3 avec le mol r^îilJïTa d'une monnaie de la Mésène, qui est du pre- mier siècle de notre ère '; tous ces faits, dis-je, trouvent leur pleine et entière justification dans l'hypothèse que nous pro- posons. La famille d'Izate était fort nombreuse ^. Il laissa vingt-quatre fils et vingt-quatre filles. Cinq de ses fils ap- prennent à la fois l'hébreu à Jérusalem^. Monobaze, son frère, et d'autres de ses parents* embrassèrent le judaïsme comme lui. Monobaze fut très-connu à Jérusalem, et y laissa une grande réputalion de charité ^ Rien n'est donc plus facile que

' Langlois, Numismalique des Arabes avant l'islam, p. 76-77; pi. u, 8. - Cf. Lévy, dans la Zeitschrift der dentschm monjenl. GcselUchaJt , i858 , p. 209, 2 10.

' Josèplie , ^ntiq. XX, iv, 3.

* /(/. ihid. m, 3.

* îd. ibid. IV, i; D.J. II, xix , 2.

* Voir un curieux passage, Talmud de Jérusalem, Peah , i5 6; Taimud de Babylone, Baba hathra , 1 1 n.

VI. 37

558 DECEMliUE 186,).

de peupler avec celle royale faiullle de prosélytes Jes vasles salles des « Tombeaux des rois, n Ce nom même se trouve n'être pas inexact. Jusqu'en plein moyen âge, on attacha à cet endroit le souvenir d'une reine (rcgina Jabenorum , Ile- lena regina)^; de probablement le nom de Kobour el-Mo- louk. Plusieurs femmes de la famille d'fzale ont pu porler le titre de reine \ et certes il n'est pas surprenant que le nom qui s'olFre à nous aujourd'hui soit nouveau dans l'histoire. Dans cette famille si nombieiise, nous ne connaissons qu'un seul nom de femme, celui d'Hélène elle-même. Saddane ou Saddu a pu être femme d'Izalc ou de Monobaze. L'inscription , dans cette hypothèse, aurait été tracée vers le milieu du pre- nûier siècle après Jésns-Chrisl.

u En résumé, l'inscription rapportée par M. de Saulcy est Tépilaphe d'une reine ; c'est l'épitaphe d'une Syrienne; c'est l'épitaphe d'une juive ; cette épitaphe a été tracée vers l'époque de notre ère. Conclure de qu'elle est l'épitaphe d'une prin- cesse de la famille royale d'Adiabène convertie au judaïsme est une conséquence presque inévitable, surtout si l'on se rappelle qu'avant la découverte de notre inscription on était incliné par les raisons les plus fortes à voir dans les « Tombeaux des rois » le tombeau de la famille dont nous venons de parler.

« On ne peut donc placer trop haut l'importance de la dé- couverte faite par noire confrère. Elle nous apprend des choses capitales : elle résout à peu près le problème ar- chéologique du curieux monument appelé les « Tombeaux des rois,» et elle donne ainsi une base chronologique solide à l'histoire de l'art juif; elle nous donne le plus ancien spé- cimen que l'on possède de l'estranghelo, et elle enrichit la paléographie araméenne d'un texte important; elle ajoute un numéro de plus à l'épigraphie hébraïque, malheureuse- ment si limitée; elle prouve en particulier que, dès le premier siècle de notre ère, les ligatures et la séparation des mots existaient dans l'alphabet carré comme dans l'alphabet es-

Marinus Sanulus, Sécréta fuUl. Crucis , lll.xiv, 9.

'■' l.a j)olvgami(! régnait dans celte famille. (.los. Ant. W, 11, à.)

OBSERVATIONS D'ÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE- 559 Iranghelo; elle prouve de plus en plus que la langue vul- gaire de Jérusalem , à l'époque du commencement de notre ère, était le chaldéen, que l'on orthographiait selon les ha- bitudes hébraïques. Bien d'autres conséquences seront sans doute tirées du texte rapporté par noire savant confrère. Mais celles-ci suffisent certainement pour en montrer déjà tout le prix. »

Les observations publiées par M . de Saiilcy ( Voyage en Terre Sainte, I, p. 384 et suiv.) ne m'ont fait modifier aucune de ces idées ^ M. de Saulcy incli- nerait à préférer la lecture ms: et » i * à nm et yf *.

Cela serait admissible paléographiquement. Mais le nom de Sadda ou Saddan est plus satisfaisant, phi- lologiqiiement. Le nom de ZAAAA se retrouve sur une inscription des environs de Damas, datée de fan i 69 de notre ère [Corp. inscr. grœc. 45 1 9). XAAAAèOZ se trouve dans le Hauran (Wetz- stein, Aasgewàhlte griecliische und laieinisclie Inschrif ien. Berlin, 1864, nU]5)\

Je ne comprends pas les difficultés deM.de Saulcy (p. 389) sur le mot nr\DbiO. Ce mot est une forme

* M. Geiger, datis son Journal [Jàdische Zeitschriftfûr Wissen- schaft und Lehen f année, p. 227-228) a proposé, sur la lecture de cette inscription, quelques idées que je ne discute pas, car le savant rabbin les a conçues sur des renseignements insuffisants , et ne les défendra pas. M. Geiger a bien conclu, du reste, du caractère carré et des aramaïsnies de l'inscription , qu'elle ne pouvait être que des temps du second temple.

^ L'explication isjui, que propose M. Wetzstein, me paraît peu satisfaisante, La forme arabe était probablement JJj.-».

37.

560 DÉCEMBKE 1865.

emphatique féminine conformo aux règles du chai- déen (voir Winer, Grammaùk des hihl. und targiim. Chaldaismus, p. 69, 70). L orthographe araméenne pure serait xn^bD. Cette suhstitution du n à l\y final est un hébraïsnie qui n'est pas rare dans le chal- déen biblique. [Ibid. p. 6-7, etc.)

Les deux dernières lettres de la première ligne n'ont rien qui s'écarte del'estranghelo pur; seulement il semble que le lapicide avait d'abord écrit f^ûA:^, et qu'il a substitué le à) din)S l'intervalle des deux lettres. De la sorte, le à) n'est pas lié à la lettre pré- cédente, comme il devrait l'être. S'il se joint pres- que à l'r^, ce n'est pas une ligature comme le croit M. de Saulcy, mais un simple rapprochement, qui n'est même pas rigoureux. Que le C) n'ait pas de pe- tite boucle à gauche, ainsi qu'il l'a dans les manus- crits, c'est une circonstance insignifiante. Cette boucle n'est pas essentielle à la lettre; c'est un trait de calligraphie propre aux manuscrits et qu'on ne de- vait pas s'attendre à trouver dans le caractère épigra- phique. On sent d'ailleurs dans notre inscription un lapicide maladroit, peu maître de son outil, et qui certainement n'eût pu rendre sur la pierre un trait aussi dilïicile.

En ce qui concerne la question de la date do l'alphabet carré , je n'ai qu'à renvoyer à M. de Vogiié , qui l'a traitée à fond dans la Revue archéologique , 'd\n\ i865. Pour la question archéologique, il est essen- tiel de lire Robinson, Bihlical researches in Palestine, I, 356 et suiv. (2' édit.)

OBSliHVATIOiNS D'EPIGKAPHIE llÉBKAÏOUi:. 501

Je saisis cette occasion pour revenir, selon une pralicjue que je crois ulile, sur des inscriptions que j'ai publiées il y a quelque temps dans ce Journal ^ et dont plusieurs savants, M. FrankeP, M. de Saulcy^, M. Lévy et M. Geiger'^, se sont depuis occupés. 11 s'agit des deux inscriptions de Kefr-Bereirn.

La première de ces inscriptions est fort dou teuse, et je n'en avais pas donné d'inlerprétation. M. deSaulcy propose délire pc nn it^bii i:d : « Eléazar fils de lefoun l'a bâti. » Mais quelque latitude de lecture que permettent les caractères qui précèdent ")î:?VîC, un fait est certain , c'est qu'il y a quatre let- tres. r:D, qu'on pourrait être tenté de proposer, est une forme impossible, les verbes n"b supprimant totalement le n final avant le pronom suffixe. D'ail- leurs, la place de l'inscription, sous une fenêtre, et dans un endroit tout à fait accessoire, ne porte nul- lement à croire que son objet soit d'indiquer le nom du constructeur de l'édifice. C'est au-dessus de la porte qu'une telle indication aurait se trouver. L'arcbitecture de cette synagogue est très-régulière; une telle anomalie ne se comprendrait pas.

M. Frankel ne j)ropose non plus sur cette inscrip-

' Mars-avril i8G/i.

° Monalsschrifl fi'ir Gcschichte nnd IVissenschafi des Judenthwns , avril i8f)5.

•^ heviie archéolocfiquc , '^mWei i865.

* Jûdische Zrifschrift f'iir Wlssrnschaff iind hrhen , m" amU'O ,

562 DECEMBRE 18 6 5.

tion rien de satisfaisant. Jl veut qu'il y ait deux inscriptions , d'époques diflerentes , le second écrivain ayant, par une sorte dejeu, voulu continuer, avec un sens ditï'érent, ce qu'il trouvait écrit. Il est très-vrai (jue deux ou trois endroits de l'inscription semblent offrir des retouches, dont noire gravure a tenu compte. Néanmoins rhypothèse de JVl. Frankel est inadmissible. Un tel jeu se comprendrait tout au plus pour une inscription placée à la portée de la main. Mais faire apporter une échelle pour se donner le plaisir d'une sorte d'espièglerie sur un graffito anté- rieur, voilà ce qui est de la plus haute invraisemblance. Il faut donc rester encore dans le doute sur cette ins- cription. Ayant de nouveau comparé la gravure sur bois avec mon estampage , j'ai reconnu qu'on ne pou- vait guère mieux rendre les traits de ce dernier. La petite séparation entre les caractères pénultième et antépénultième existe , et j'ai renoncé à voir un n ou un n . Je tiens du reste mon estampage , lequel est l'équivalent du monument lui-même, à la disposition des hébraïsants qui voudront reprendre la question.

Pour la grande inscription, les quatre savants que j'ai nommés ne s'écartent de mon explication qu'en de légers détails. Je vais néanmoins suivre l'une après fautre toutes leurs observations, et consigner ici quelques idées qui me sont venues depuis.

Les trois premières lettres, comme on se le rap- pelle, offraient quelque difficulté. L'allusion au pas- sage d'Aggée, qui se trouve dans la première partie» de l'inscription , me j)orta à y chercher la racine

OBSERVATIONS D'ÉPIGKAPHIE HÉBHAÏQUE. 563 Îd:; je proposai de lire ^n:, ^n-; ou ]n^ \ en donnant une certaine préférence h ]r\\ Bien que plausible, cette explication n'offrait pas cependant le caractère absolument plan que présente le reste de l'inscrip- tion. M. Frankel a eu ici une idée singulière. Il veut

lire HTH DipDS Dibtî? in*» : « Que Jehova , qui est

la paix, [habite] en ce lieu, etc. . . » Cela est as- surément bien peu naturel; je remercie toutefois M. Frankel d'être revenu sui" ce passage, car c'est en lisant ses observations à ce sujet que je suis arrivé à une lecture et à une interprétation du passage en question, qui est sûrement la vraie. Il faut lire in- dubitablement wh^' M"» : «Que la paix soit

en ce lieu, etc. . . » Cela est si simple et si con- forme aux habitudes de l'épigraphie hébraïque, que je ne conçois pas comment je ne suis pas arrivé de prime abord à cette idée. J'ai pour circonstance atténuante le passage d'Aggée , qui me préoccupait exclusivement, et la grandeur un peu insolite du second \ M. Lévy et M. Geiger sont arrivés de leur côté à la môme idée.

M. Frankel croit pouvoir citer quelques exemples anciens de dV*?'^, employé comme nom propre. Lors même que les exemples t[u'il cite ou qu'il a en vue seraient démonstratifs (ce qui est douteux, la vraie lecture étant peut-êti'e □l-'Ç^), l'hypothèse que je juopose sur le nom Schalom ben-Levi dans le

' M. Frankel- veut voir une faute d'impression «évidente» dans ]îl''. îl n'a pas son<;é que la forme du futiu- hopbal |ri^ est usitée. (V. (lesenius, Thcsanriis , p. 928.)

504 DECEMBRE 180 5.

voyage de Rabbi Saiiuiel bar-Simsoii n'en garderait pas moins sa vraisemblance. Le nom de Schalom est porté aujourd'hui par beaucoup de juifs; mais c'est peut-être une altération de ScliaUoiim.

La lecture du nom propre riDP est approuvée par les trois savants israélites allemands, et en particulier confirmée par M. Frankel. M. de Saulcy élève ici des objections. Il doute d'abord que les noms de José et Joseph soient identiques. Mais c'est un doute qu'il abandonnera, j'espère, devant les démonstra- tions données par M. Frankel. José est une altéra- lion palestinienne du nom de Joseph. Le même individu s'appelait Jo5^/)/i à Babylone et José en Pa- lestine. Dans les manuscrits anciens du Nouveau- Testament, les noms Icoa-rfs et lcoa'r](p s'emploient inditféremment pour le même personnage K Nous citerons bientôt un exemple du même genre tiré du Pirhé Avoth. Eufm , on trouve dans les papiers de Peiresc l'épitaphe d'un Syrien chrétien, émigré en Gaule, du nom de lUJCHC^; or un chrétien n'a pu prendre un tel nom que comme synonyme de Joseph. La lecture ntûv proposée par M. de Saulcy, outre qu'elle ne donne aucun sens, est paléogra- phiquement bien moins satisfaisante que nor. En effet, la troisième lettre est sûrement un d, comme le prouve la comparaison avec le nom ^DV dans

' VoirWincr, Bihl. Uealwœrlerbucli , au mol Joscs ; i. C M. Lau- rent , NeutestamcntliclieStudien (Gotha , 1 86()), j). i OH- 1 O9 ; Eif^litroot. Horœ hebr. in Act. Apost. 1, 2.3.

' Eehiaiit, Iiisc>\ chrét. de la Gaule, u" 021.

OBSERVATIONS DEPJGPiAPHIE HÉBRAÏ(^)UE. 505 l'inscription du «Tombeau de saint Jacques ^)) Je sais' que la forme "'DT' est bien plus fréquente que nor. Cette deuxième forme cependant est employée dans le Talmud de Jérusalem. M. Fiankel, talmu- diste si exercé, déclare en connaître des exemples, aussi bien que de la forme i<D'''' et nD^\

Quant à la date l'on commença à employer cette forme écourtée du nom de Joseph, M. de Saulcy voudrait la reculer le plus possible. 11 cite deux personnages du second siècle avant Jésus- Christ, qui sont désignés dans quelques textes rab- biniques par le* nom de José. Mais il faut remar- quer que de telles particularités d'orthographe n'ont de force probante que pour l'époque de la rédaction des textes elles se trouvent. La preuve, c'est que les deux personnages cités par M. de Saulcy, Joseph ben-Joézer de Séréda et Joseph ben-Johanan de Jérusalem , sont indifféremment appelés Joseph (^Dv) ou José (^cr) dans les meilleurs textes, en particu- lier dans le Pirké Avoth (ch. i, § à, p. 5 , 6 de l'édi- tion de Philippe d'Aquin).

En ce qui concerne le sens du mot ^^\>U , «lin- teau,» je ne peux admettre les observations de M. de Saulcy. ^)\>VD ne signifie pas «fenêtre ou baie; »> le sens radical de f]p^* n'est pas «regarder. » On peut s'en convaincre en consultant Gesenius, Thésaurus, p. i /lyy-i /iyS, et Buxtorf, Lex. chald. talm. et rabb. col. 2517-251 8.

' M. de Vogué , Le Temple de Jérusalem , p. 45 et 1 3o , et pi. xxxvir , fig. '1, pl clans ja Revue archéoloyiqae , avril i865, p. 326-327.

500 DÉCEMBRE 1800.

L'explication que j'avais proposée, d'après M. De- renbourg, des dernières lettres c;r:î?DD, n'a pas satis- fait mes savants émules. M. Frankel, réservant la dernière lettre pour en faire une date, lit : N2D ^^02 nDin, K Veniat benedictio in viscera ejus. » Pour diminuer ce qu'une telle expression a de cho- quant, il suppose une allusion au Ps. cix, v. i8: «Veniat (maledictio) sicut aqua in interiora ejus. >> Mais l'allusion n'est pas suffisamment justifiée. L'hy- pothèse d'après laquelle r^D serait pour v^D ^NSN5î, avec allusion à Isaïe,XLviii, 19, est encore plus forcée.

Enfin, pour rendre possibles de telles explications, M. Frankel est obligé de séparer le ^ et d'en faire la date de l'inscription. Nous ne discuterons pas ses dif- férentes suppositions l\ ce sujet, car elles vont toutes se briser contre un fait évident, c'est le style du monument, lequel exclut absolument les dates aux- quelles M. Frankel est obligé de descendre pour soutenir ses suppositions.

Négligeant, en effet, ce que j'avais dit du style architectonique de la porte et des débris gisant alen- tour, M. Frankel s'est laissé aller h Thypolbèse la plus singulière. Il veut que la synagogue qui j)orte notre inscription soit de la fin du x'^ ou du com- mencement du xf siècle. Je regrette de ne pouvoir donner encore de ces débris un dessin, qui sûre- ment mettrait fin h un pareil débat. iMais je le dé- clare, nulle confusion à cet égard n'est possible. La synagogue en question est en très-grands matériaux, en style romain*de décadence; elle olVre les jfar-

OBSERVATrONS D'EPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. 567 ticularités que présentent les édifices analogues du temps des seconds Antonins. Je ne connais pas en Syrie de synagogue du x" ou du xi^ siècle. Mais, bien certainement, si on en a construit à cette époque , on ne les a pas construites en un style oublié depuis six cents ans et nullement approprié aux habitudes du temps. On ne peut donc pas tenir compte des ob- servations de M. Fiankel sur ce point.

M. Lèvy s'était d'abord arrêté « faute de mieux , » à une hypothèse analogue à celle de M. Frankel. Mais c'est sûrement M. Geiger qui a eu ici l'idée la plus ingénieuse. Il pense que le lapicide a vouki écrire TD^DS, qu'ayant omis par mégarde le u après le :?, il l'a écrit à la fin du mot, en le faisant suivre du ] renversé, qui dans la Bible indique les transposi- tions. J'ai de très-grands doutes sur ce dernier point, d'autant plus que ce trait final de l'inscription est fort indécis. Mais je regarde comme probable, en effet, que l'on a voulu écrire rt^^i'Dn, et qu'il faut simplement traduire : u Veniat benedictio in opéra «ejus. )) M. Geiger, cependant, a tort de repousser absolument l'explication de M. Derenbourg. Des abréviations de ce genre n'ont rien d'invraisem- blable, et la formule proposée par M. Derenbourg est très-nsitée dans le rituel.

M. Lévy serait porté, par la paléographie, à sup- ' poser le monument un peu plus ancien que je ne l'ai fait. Il ne croit pas qu'il y ait deux siècles d'in- tervalle entre notre inscription et celle du «Tom- beau de saint Jacques. » '

568 DÉCEMBRE 1805.

M. de Saulcy, sur la question de la date du mo- nument, apporte avec raison beaucoup de réserve. Il allègue cependant, pour fixer la date delà construc- tion de la synagogue qui est dans l'intérieur du village, un passage de Rabbi Samuel bar-Simson , ce pèle- rin dit que la synagogue de KefV-Bereim est une des vingt-quatre synagogues que lit bâtir Rabbi Siniéon, fils de Jochaï. M. de Saulcy prendrait volontiers ce passage comme historique. Mais ces vingt-quatie synagogues sont très-pi obablement une donnée lé- gendaire dont on ne peut faire usage. Pour bâtir vingt-quatre synagogues aussi belles que celles de Kefr-Bereim. Siméon ben-Jocbaï aurait être un Rothschild. Samuel bar-Simson voyageait en Pa- lestine vers 12 10. Une telle tradition, h mille ans d'intervalle, a bien peu de poids. Les pèlerins juifs du moyen âge n'ont pas plus de critique que les pèlerins chrétiens. Qui ne sait combien ces sortes de relations établies entre les monuments de Pales- tine et les hommes célèbres de la tradition juive et chrétienne sont frôles, combien elles changent iVé- quenmient ! Les guides de tous les temps ont été les mêmes. Quelquefois, ces traditions qu'on vous donne en un village comme immémoriales, n'ont pas cin- quante ans de date; souvent même on peut toucher du doigt leur formation. Tous les tombeaux de Meïron ont ainsi des attributions à des célébrités tal- inudiques, qui paraissent gratuites.

Quant à ridenlification de la synagogue qui porte notre inscription avec le monument qui passait pour

OBSERVATIONS D'ÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. 569 celui de Pinehas ben-Jaïr, elle est peu probable. Ce monument était, dit-on, situé au sud du village; le nôtre (j'aurais le dire dans mon premier article , ainsi que M. de Saulcy en a fait la remarque) est au nord-ouest. Du reste, quoique située maintenant hors du village , la synagogue en question peut très bien être l'une des deux synagogues que les pèlerins juifs placent «dans le village.» Le village pouvait être alors plus étendu; la distance des dernières mai- sons à la synagogue est très -peu considérable; les limites du village ne sont pas nettement tracées.

m.

Enfin, je reviendrai en quelques mots sur une inscription trilingue, hébraïque, latine et grecque, trouvée à Tortose , en Espagne , et publiée par M. Le- blant et moi dans la Revue archéologique (novembre î86o). Tous deux nous nous trouvâmes amenés à attribuer cette inscription au vi^ siècle de notre ère. Le P. Garrucci a contredit cette opinion [Cimitero degli antichi Ebrei scoperto receniemente in Vigna Ran- danini. Rome , 1 862 , p. 2 7-28 , et dans la Civiltà cat- tolica, série 5, vol. 111, fasc. 296, p. 95), et voulu rapporter ladite inscription à la période qui s'écoule du x** auxiii^ siècle. Je ne puis me prêter à une telle supposition. Je laisse à M. Leblant le soin de mon- trer que le texte latin et le texte grec de l'inscription ne peuvent être d'une si basse époque. Mais com- ment admettre, en Espagne, aux \f et xif siècles, l'emploi du grec dans une inscription funéraire î Le

;>70 DÉCEMBRE 1865.

grec était en Espagne, à cette époque, une langue tout à fait inconnue. Les études classiques étaient perdues. D'un autre côté, les rapports avec les pays l'on parlait grec étaient presque nuls. Sous les Visigoths , au contraire , l'érudition grecque était recherchée; on aimait à prouver qu'on en possédait quelque chose; les auteurs donnaient des titres grecs à leurs livres. C'est le temps d'Isidore de Sé- ville , de Jean de Biclaro. J'ai recueilli là-dessus un grand nombre de faits dans mon Mémoire encore inédit sur l'étude du grec dans l'occident de l'Eu- rope au moyen âge, couronné par l'Académie des inscriptions et belles-lettres en i8/i8. Je me con- tenterai ici d'inviter le lecteur à consulter Antonio, Biblioiheca hispana Fêtas ,I,p. 179,18/1,186,193, 226, ilik, 202, 28-7, 307,308,321. Dans aucun pays, au contraire, les études grecques et latines ne furent plus abandonnées qu'en Espagne, à partir du viii* siècle. Je persiste donc à regarder finscription trilingue de Tortose comme antérieure à l'invasion arabe , et même à la rapprocher le plus possible des beaux temps de la dynastie des Visigoths.

NOUVELLES ET MÉLANGES. 571

NOUVELLES ET MÉLANGES.

SOCIÉTÉ ASIATIQUE.

PROCÈS-VEHBAL DE LA SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1865.

La séance est ouverte à huit lieures par M. Reinaud, pré- sident.

Le procès -verbal de la dernière séance est lu; la rédaction en est adoptée.

Est présenté et reçu membre de la Société :

M. Waldemar Schmidt, de Copenhague.

Il est donné lecture d'une lettre de M. Ch. Durand, inter- prèle militaire à l'armée d'Afrique, qui remercie le Conseil de sa nomination de membre de la Société.

M. Barbier de Meynard annonce l'achèvement du vo- lume IV des Prairies d'or de Maçoudi. Le volume est dans ce moment au brochage et paraîtra sous peu de jours. Il rend compte de l'état d'avancement auquel est arrivé le vo- lume V ; il aura besoin prochainement des deux manuscrits de la bibliothèque de Leyde qui ont été prêtés à M. Deren- bourg, qui les a collationnés pour les quatre premiers vo- lumes. M. Barbier de Meynard espère que le Conseil deman- dera de nouveau à la bibliothèque de Leyde le prêt de ces deux volumes, et que celte bibliothèque voudra bien donner une nouvelle preuve de sa libéralité bien connue.

M. de Khanikof rend compte de la réponse favorable qu'il a reçue de MM. Rieu et Birch sur la possibilité d'obte- nir soit des empreintes, soit des photographies des tablettes assyriennes à écriture phénicienne. Le Conseil charge M. de

572 DECKMBUE 1865.

Khanikof de Iransmellrc ses remercîmenis à MM. I\leu et Birch.

M. Feer lit la traduction d'un Soutra bouddliique traduit du tibétain.

OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIÉTÉ.

Par l'auteur. Le lanijcige, son histoire, ses lois, par le comte d'Escayrac de Lauture. Paris, i865, in-Zi".

Par l'auteur. Die orientalischen Handschriften der lierzogli- chen Bibliothek zu Gotha, verzeicbnet von D' W. Pertscb. Vol. II. Manuscrits turcs. Vienne, i865, in-8°.

Par les auteurs. Calalocjus codiciim orientalium hibliothecœ académies Lugduno-hatavœ , aucloribus P. de Jong et M. J. de GoEJE. Vol. m. Leyde, i865, in-8°.

Par la Société. Annual report of the board of régents of the Smithsonian institution. Washington, i865, in-8°.

Par l'auteur. Indische Studien, von D' Albrecht Weber. Vol. IX, cahiers 2 et 3. Leipzig, i865, in -8°.

Par la Société. Balletin de la Société de géographie , pour septembre. Paris, i865, in-8°.

Par l'éditeur. Actes de la Société d'ethnographie , SMivraison (nouvelle série). Paris, i865, in-8°.

Par la Société. Proceedings of the American philosophical Society held at Philadelphia for promoting usefnl knowledge. Vol. IX, n°' 71 et 72. Philadelphia, i865, in■8^

Par l'auteur. Annuaire philosophique, examen critique des travaux de physiologie , de métaphysique et de morale accomplis dans Vannée, par L. A. Martin. Vol. 11, livr. 7-10. Paris, i865, in-8°.

Par la Société. Journal of the Asiatic Society ofBengal. Index and Conlenis oi' vol. XXXIII. Calcutta, i865, in-8°.

(Même journal.) Parlie 1, 2. Partie 2, n°* 1 et 2. Calcutta, i865, in-8°.

NOUVELLES ET MÉLANGES. 573

HoMO.\YMA iNTER NOMI^'A RELATiVA , auctOFc Abul Fadljl Moham- med Ibn Tallir al-Makdisi, vulgo dicti Ibn el-Kaisarani, qua^ cum appendice Abu Musœ Isfabanensis edidit D*^ P. Dk Jong. Lcydc , i865, in-S" (xix et 229 pages).

L'habitude des Arabes de citer ies auteurs plutôt par uni- épithèle, qui devient un surnom, que par le nom propre, donne lieu à de nombreuses dilïicultés, surtout quand deux ou plusieurs auteurs portent le même surnom. L'auteur du traité dont je viens de donner le titre a voulu remédier à cet inconvénient par un dictionnaire de ces surnoms portés par plusieurs hommes. 11 était à Jérusalem en liàS, et paraît avoir joui d'une grande réputation de savoir. Il place les surnoms dans leur ordre alphabétique, et procède, sous chacun» à donner les indications nécessaires pour distinguer les personnes noiables qui l'ont porté. La plupart de ces notices sont fort brèves , et , comme il s'agit en général de traditionnistes , il indique leurs maîtres et quelquefois leurs disciples, mais non pas la date de leur naissance ou de leur mort, ce qui crée de nouvelles difficultés à des Européens qui ne sont pas aussi versés dans la généalogie spirituelle de ces docteurs qu'on l'est dans les écoles musulmanes. Néan- moins l'ouvrage sera incontestablement utile, et M. de Jong a très-bien fait de le publier. Il y a ajouté un supplément composé par un auteur du \f siècle de l'hégire , et la biogra- phie de Raisarani par Makrizi. L'éditeur n'a pas accompagné le texte d'une traduction, et, de fait, elle est à peine néces- saire pour un livre facile et destiné avant toul aux hommes du métier. J. !VI.

VT.

38

574 DÉCEMBRE 1865.

ERKATA DU CAHIER DE MAI-JUIN I 865.

Page 376 , ligne 6 , au lieu de jfnîl , iisez rrtf^cFT :

Ibid. ligne i5, au lieu de gnftlTTî^» lisez qrdriTnif-

Page 379. le premier hémistiche de la stancc 3i doit être com piété ainsi :

dlivajavajrânkuçâiïkâni rehhâvanty dli puçyata \

Page 379, stance 35 c, au iieu de °hrila°, lisez °hrita°.

Ibid. stance 36 a, devant saynarlhânjd , mettez un S.

Page 38 1, stance 55 c, ajoutez une seconde fois hrisneti.

Ibidé stance 59 d, séparez xapitâ de hitali, et de même , dans I.' variante donnée en note, lisez xayitâ hilah.

Page 386, note, ligne 9, au lieu de \'mode na, lisez "vinodena.

Ibid. ligne i3, au lieu de nirvitti°, lisez nirtritti".

Page 398, stance 9 c, au lieu de qTT^Tl^olcht , lisez g^T^TiTcTcFiT.

Page 399, stance 11 a, au lieu de «q-oUq» lisez °qrRnT".

Page 4oo, stance 20 c, au lieu de ^rj?^j%^, lisez ^(^lï^n"-

Page 4oi, stance 35 a, au lieu de rfi^^WM , lisez rTHTriTFT. Page 4o2 , stance Sg cd, au lieu de "JâMt^o, lisez °4à(\|iT)°. Page 4o6, avant-dernière ligne, au lieu de 'frf , lisez «Ffî».

Page 407, après le ^ (jui termine la stance 2 , ajoutez :. Page /ii6, ligné 7 et en d'autres passages, au lieu de liàrno: lisez Ramâ.

Page 432 , note 4 , au lieu de Piianij lisez Phanin.

TABLE DES MATIERES. 57;

TABLE DES MATIERES

CONTENUES DANS LE TOME VI, W SERIE.

MEMOIRES ET TRADUCTIONS.

Pa

g<-s.

Procès-verbal de la séance annuelle de la Société asiatique

tenue le 28 juin 1 865 5

Tableau du Conseil d'administration , conformément aux no- minations faites dans l'assemblée générale du 28 juin 1 865. 0 Rapport sur les travaux du Conseil de la Société asiatique , pendant l'année i864- 1865, fait à la séance annuelle de

la Société, le 28 juin i865 , par M. Jules Mohl il

Liste des membres souscripteurs, par ordre alphabétique. . . 112 Liste des membres associés étrangers, suivant l'ordre des no- minations 128

Liste des ouvrages publiés par la Société asiatique 129

Collection d'ouvrages orientaux 132

Grande inscription du palais de Khorsabad. (MM. Oppert et

MENANT. ) 133

Appendice, par M. Oppert 283

Etudes paléograpbiques sur l'alphabet pehlevi, ses diverses

variétés et son origine. (M. François Lenormant.) 180

Le papyrus judiciaire de Turin , publié et traduit pour la pre- mière fois , par M. Devéria 227

Suite 331

Quelques chapitres de médecine et de thérapeutique arabes. Texte arabe, publié, traduit, suivi d'une liste de termes

tecb niques et autres. ( M. le D' B. R. Sanguinetti.) 378

Introduction du Buddhismc dans le Kashmir. (M. Léon Feer.) 477 Nouvelles observations d'épigraphic hébraïque, (M. Renan.).. 550

576 DÉCEMBRE 1865.

NOUVELLES ET MELANGES.

Piiges.

Procès-verbal de la séance du id juillet i865 261

Publication de la Société de M'kitzé Nirdamin. (M, Deren- BODRG.) Poésies de l'époque desThang, traduites du chinois par le marquis d'Hervey Saint-Denys. (Cliarles Labarthe.)

Procès-verbal de la séance du i3 octobre i865 470

Histoire des khans de Kassimoff(en russe), par M. Wélia- minofF-Zernotl'. (V. Langlois. ) Die Himjarische Kasideh, herausgegebcn und ùbcrsetzt von R. von Kremer. (J. M.) Letters from Egypt, 1 863-i8G5, by Lady DuffGordon (J. M.)

Procès-verbal de la séance du lo novembre i865 r>7 I

Homonyma, etc. par M. P. De Jong. ( J. M.) Errata du cahier de mai-juin i865.

FIN DE LA TABLE

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