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ONZIÈME ANNEE

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IOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

Histologie humaine et comparée.

Anatomie végétale. Botanique. Zoologie. Applications diverses du microscope. Optique spéciale, etc.

REVUE BI-MENSUELLE

DES TRAVAUX FRANÇAIS ET ETRANGERS

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION

DU DK J. PELLETAN

TOME ONZIEME

BUREAUX DU JOURNAL

ADMINISTRATION ET RÉDACTION

14, Rue de Berne

PARIS

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Onzième année.

Janvier 1887.

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JOURNAL

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MICROGRAPHIE

SOMMAIRE :

Revue, par le Dr J. Pelletan. Le mécanisme de la sécrétion, leçons faites au Collège de France, en 1886-87 (suite), par le professeur Ranvier. Aperçu de la morphologie des Bactériacée^ ou Microbes (suite), leçons professées par M J. Kunstler. Protistes parasitaires du Ciona intestinalis (fin), par le professeur C. Parona. La Genitogastrula, par M. J. Kunstler. Technique microsco¬ pique : Recherche de la farine de blé dans le chocolat, par le Dr G. Pentetier. Guérison des maladies des plantes : Emploi du sulfate de chaux et de fer dans la culture de la vigne, par M. Chavèe-Leroy. Les doctrines médicales contem¬ poraines devant la clinique (suite), leçon faite à l’hôpital Necker par le prof. M. Peter. Bibliographie. Avis divers.

REVUE.

Le Journal de Micrographie commence avec le présent fascicule la onzième année de sa publication, et, à cette occasion, notre premier devoir, que nous sommes heureux de remplir, est de remercier nos fidèles abonnés, correspondants et lecteurs, de l'excellent et utile concours qu’ils nous ont apporté pendant cette période de temps déjà longue et qui compte dans la vie d’un homme comme dans l’existence d'un journal.

Nous avons donc le ferme espoir que leur appui ne nous fera pas plus défaut cette année que par le passé, et nous voulons, d’ailleurs, les en remercier d’une manière plus positive. Plus que jamais, en effet, les travaux importants affluent à la rédaction du Journal de Microgra¬ phie, et nous sommes décidés, afin de les livrer le plus tôt possible à la publicité, et pour leur conserver l’attrait de l’actualifé, à faire paraître un certain nombre de fascicules supplémentaires qui augmenteront dans une notable proportion la quantité de matière que nous avons l’habi¬ tude de livrer annuellement à nos lecteurs.

Nous ne pensons pas qu’il y ait une meilleure manière de leur prouver notre gratitude.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

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Nous arrivons trop tard pour faire utilement aujourd’hui une revue rétrospective des progrès que la micrographie et les sciences qui s’y rattachent ont réalisés dans le cours de l’année qui vient de s’écouler ; d’autres publications à périodicité plus rapprochée que la nôtre ont déjà rempli cette tâche.

Nous dirons seulement que l’année 1886 a vu continuer les travaux des deux précédentes, ayant surtout pour but le perfectionnement des procédés techniques, la recherche de nouveaux réactifs, et particulière¬ ment de réactifs colorants choisis, le plus souvent, dans l'interminable série des couleurs dites d’aniline.

D’ailleurs, les méthodes d’investigation se sont, dans ces dernières années, modifiées du tout au tout. A l’étude par compression et par dissociation a succédé la méthode des coupes, que l’on est parvenu à appliquer non seulement à l’examen des éléments des tissus organiques, mais encore à celui des êtres considérés jusqu’à présent comme trop petits pour pouvoir se prêter à de tels procédés ; tels sont certains Pro¬ tozoaires, des Infusoires, par exemple, et des Diatomées, que l’on n’é¬ tudiait jusqu’ici que dans leur entier, par transparence ou à l’aide des « coupes optiques » que l’on pouvait obtenir dans leur profondeur en élevant, ou en abaissant l’objectif.

La généralisation de cette méthode des coupes, non plus théoriques et simplement optiques, mais réelles et matérielles, a eu pour origine les grands perfectionnements obtenus depuis quelque temps dans la construction des objectifs. La réalisation des objectifs à grand angle en raccourcissant la distance frontale et en donnant une vue de plus en plus parfaite du plan focal, mais limitée à ce plan focal seul sans per¬ ception des plans situés au-dessus et au-dessous, devait amener la né¬ cessité de réduire l’objet en lames planes de plus en plus minces, c’est-à-dire en coupes de plus en plus fines.

Le perfectionnement des instruments propres à réduire les objets en coupes fines s’imposait dès lors. En effet, les constructeurs de micro¬ tomes se mirent à l’œuvre, et les modèles de ces appareils se multipliè¬ rent bientôt de tous côtés. Nous en avons décrits plusieurs des plus compliqués comme des plus simples, et, grâce aux progrès qu’ont faits en même temps la préparation des objets à couper et la technique des coupes, on arrive maintenant à réduire les corps en lamelles d'un mil¬ lième de millimètre d’épaisseur. On peut ainsi débiter un objet, quelque gros ou quelque petit que soit son volume, en une série de coupes successives qui, par leur rapprochement et leur comparaison, rensei¬ gnent l’observateur, d’une manière complète, sur la structure de l’objet dans son ensemble.

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Nous sommes dans Père du microtome ; néanmoins, nous pensons qu’il ne faut pas tomber dans l’exagération et ne s’adresser qu’à la seule et unique méthode des coupes, surtout en anatomie microscopi¬ que. II y a encore les dissections fines sous le microscope qui, pour être plus difficiles et exiger une main habile et exercée, n’en constituent pas moins un des procédés de recherche les plus sûrs et les plus com¬ plets.

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Les travaux sur la technique des colorations ont mis en œuvre un grand nombre de réactifs, mais pour l’étude des tissus peu se sont montrés supérieurs à ceux que les histologistes possédaient déjà ; et, sauf l’hématoxyline que M. Kanvier appelle « hématoxyline nouvelle », le vert de méthyle, la safranine et quelques autres, il n’en est guère à signaler d’une manière spéciale.

C’est surtout la bactériologie qui a bénéficié des recherches sur les matières colorantes et leur mode d’emploi, car, à défaut de caractères morphologiques suffisamment distincts ou perceptibles, il a fallu, pour déterminer ces petits êtres, s'adresser à leurs caractères histochimiques et particulièrement à leur aptitude «à contracter des combinaisons plus ou moins stables avec diverses substances colorantes.

Grâce à l’engouement, bien naturel d’ailleurs, des micrographes pour cette branche nouvelle de la science, les méthodes et les réactifs se sont multipliés de tous côtés avec une telle abondance qu’il y a lieu de procéder aujourd’hui à un travail d’élagage dans cet amas touffu de documents. Nous nous proposons d’accomplir cette révision au point de vue pratique dans le Manuel de Bactériologie que nous préparons en ce moment.

Du reste, la Bactériologie est devenue à elle seule tout une science qui a ses méthodes, ses réactifs, ses instruments spéciaux ; on a écrit sur elle des livres tout entiers, créé des chaires dans lesquelles on l’enseigne, institué des laboratoires pour la mettre en pratique. Plus que tout autre branche de la microscopie, elle a tiré parti des nouveaux objectifs à immersion homogène qui lui sont maintenant nécessaires, et dont l’emploi, se généralisant, est appelé à modifier complètement l’état de nos connaissances sur un grand nombre d’êtres, par exemple sur les Protozoaires et les Pi otophy tes.

La bactériologie est enseignée aujourd’hui dans presque toutes les Facultés de France, dans toutes les Universités de l’Etranger. On an¬ nonce encore qu’un laboratoire municipal de bactériologie vient d’être institué à Barcelone, laboratoire dont la direction a été confiée au doc¬ teur Ferran, l’inventeur des inoculations anti-cholériques qui ont fait naguère tant de bruit en Espagne et même en France.

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Une autre branche de la micrographie qui a exercé jadis une in¬ fluence des plus actives et des plus heureuses non seulement sur la marche des études, mais encore sur les progrès de la construction des instruments, microscopes et objectifs, c’est la Diatomologie. Elle est aujourd’hui un peu déchue de son ancienne prépondérance, bien que ce soit encore à ses exigences qu’on doive l’invention des objectifs à im¬ mersion homogène. L’étude des microbes lui a fait du tort et, d’autre part, les diatomistes se sont un peu trop confinés dans la contemplation des Diatomées mortes, fossiles ou fossilisées, pour ainsi dire, au lieu d’étudier avec plus d’ensemble ces admirables petites plantes à l’état vivant. Toutefois, les discussions continuent encore sur la structure si délicate et si compliquée de leurs valves. M. Julien Deby poursuit avec succès la résolution des difficiles problèmes qu’elle soulève et a bien voulu se charger d’écrire, pour le Manuel pratique de Diatomologie auquel nous travaillons en ce moment, une préface consacrée précisé¬ ment à la structure de la cellule diatomée.

Ajoutons qu’un autre de nos meilleurs collaborateurs, le Dr H. van Heurck, dont tous nos lecteurs connaissent l’énorme et excellent travail : Synopsis des Diatomées de Belgique et de France, a obtenu cette année, pour ce bel ouvrage, le prix Desmazières décerné par l’Académie des Sciences, de Paris. C’est un hommage un peu tardif mais bien mérité que notre Académie a rendu à l’un des ouvrages exigeant le plus de travail, de fatigues, d'habileté et de dépenses qui aient paru depuis longtemps dans la langue française.

Nous félicitons bien vivement M. H. van Heurck, et nous sommes heureux qu’il ait reçu cette récompense publique de son dévouement à la science.

Ce prix a été attribué à M. H. van Heurck et à M. A. Grünow, qui a fourni à la Synopsis des Diatomées un très grand nombre d’excellents dessins.

Et, puisque nous sommes à l’Académie, n’oublions pas de signaler le prix Thore, qui a été attribué à M. A. Peragallo pour des travaux d’anatomie entomologique, et le prix Lallemand, décerné à M. Yignal, du laboratoire de M. Ranvier au Collège de France.

Quant à M. Ranvier, le plus éminent de nos histophysiologistes, nous sommes heureux d’enregistrer ici son élection à l’Académie des Sciences, à la place de Ch. Robin.

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On sait, d’autre part, que le prix Jean Reynaud a été attribué par l’Académie à l’un de ses membres, M. Pasteur, pour « ses recherches

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sur la rage». Jusque-là cela allait bien, et l’Académie était évidem¬ ment libre de trouver que les « recherches » de M. Pasteur sur la rage méritaient ce prix, c’est-à-dire valaient 10,000 francs à ajouter au million que ce savant a déjà reçu sous forme d’allocations, sans compter sa pension nationale, sans compter les 1,800,000 francs qu’a récoltés l’Institut Pasteur, sans compter les centaines de mille francs qu’ont produit la vente et l’exploitation de ses inventions, sans compter les terrains de la rue Vauquelin, sans compter, etc .

L’Académie était libre, disons-nous, dans son appréciation des «recherches sur la rage», mais il nous paraît, comme à bien d’au¬ tres, qu’elle a eu grandement tort d’ajouter dans son exposé des motifs: « et pour la découverte du traitement préservatif de la rage. »

Car le traitement « découvert » par M. Pasteur ne préserve pas de la rage0

Depuis quelque temps, en effet, les opérations que l’on avait jusqu’à présent données comme des succès se terminent lamentablement par des morts. C’est d’abord le cas de Réveillac, le charbonnier de la Vil- lette, mort de la rage paralytique après guérison par la nouvelle méthode intensive ; puis celui de Soudini, mort à l’hôpital de Constantine après le même traitement; puis, celui du douanier Janssen, à Dunkerque, que nous avons signalé le premier dans la Science Libre, mort après traitement intensif ; puis celui de Née, d’Arras, guéri aussi par la mé¬ thode intensive, mais mort ensuite de rage paralytique ; puis, le cas de Létang, de Goujeon (Haute-Saône), mort de rage paralytique après traitement intensif ; puis, celui de Gérard, de Bozan (Oise), mort de rage paralytique après traitement intensif ; puis celui de deux anglais, Arthur Wilde et Schmidt Gofîi !....

Comme on le voit la funèbre liste s’allonge tous les jours, et ce n’est malheureusement pas fini ; sans être grand prophète on peut facile¬ ment prédire que rapidement de nouvelles victimes vont tomber, sur¬ tout si l’on s’entête à cette pratique folle, téméraire et coupable qu’on appelle la méthode intensive.

Dans ces dernières semaines, en effet, on a vu se multiplier, dans une proportion effrayante, les morts après vaccination ; on a vu, dans beaucoup de cas, apparaître, non plus la rage convulsivante ordinaire chez le chien, mais la rage paralysante plus particulière au lapin, ou des symptômes mêlés de ces deux formes de rage ; on a vu les dou¬ leurs prémonitoires se déclarer, non plus au siège de la morsure, mais au niveau des piqûres d'inoculation. Et tout le monde accuse les ino¬ culations de moelle de lapins enragés non seulement d’étre inefficaces contre la rage du chien, mais de communiquer la rage du lapin.

Certes, c’est un fait possible, logique et rationnel pour tous ceux

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qui ont conservé le don du raisonnement ; et, ce ne sont point « des envieux» dont il faut fuir «la promiscuité», comme le dit si con- gruement M. Vulpian, mais des hommes qui voient les choses comme elles sont, froidement, sans parti pris, sans esprit de coterie, et jugent les causes d’après leurs effets, comme les arbres d’après leurs fruits.

Dans les deux dernières séances de l’Académie de Médecine, le professeur Peter est venu porter tous ces faits à la tribune et, avec tous les ménagements possibles, dans les formes les plus courtoises, mais avec la logique serrée qu’on lui connait, formuler toutes ces accusations.

Et, en résumé, il y a eu depuis un an, en France, 14 morts par la rage après vaccinations et 16 sans vaccinations, c’est-à-dire 30, qui est le chiffre ordinaire de la mortalité annuelle par cette maladie. Donc, dans tous les cas, la guérison de la rage n’est pas découverte.

On pense que MM. Vulpian et Brouardel ont protesté de toutes leurs forces, et aussi M. Grancher ! Ils se sont, pendant de longues phrases, battu les flancs pour rétorquer ces arguments si simples et si lumineux et se sont cramponnés à qui mieux mieux à leur aveugle entêtement, sans même se préoccuper de se mettre parfois en contradiction avec M. Pasteur. Ils ont parlé d’urémie, de phtisie, d’alcoolisme ; M. Vulpian a forgé ex professo une nouvelle statistique pour établir qu’il n’y a eu que 12 morts sur 1726 vaccinés, tandis qu’il y en a eu 16 sur 100 non vaccinés. Comment a-t-il trouvé ce dernier chiffre ? D’une manière bien simple : il l’a inventé.

« Bien qu’il soit impossible, a-t-il dit, de chiffrer le nombre des « personnes mordues qui ne sont pas venues réclamer le secours de « M. Pasteur, on est en droit de l’évaluer tout au plus à une cen- « taine. »

Et voilà sur quoi est fondé ce chiffre: 16 pour 100 de morts sans traitement, que l’on veut comparer à celui des morts après traitement !

En vérité, c’est à n’y pas croire, et quand M. Von Frisch, de Vienne, qui fut pastorien, mais qui ne l’est plus, vient dire que toutes ces statistiques ne prouvent rien, n’a-t-il pas mille fois raison ?

On a dit encore, ne pouvant plus nier, que la méthode intensive n’est pas infaillible; naguère cependant elle devait disait-on guérir infailli¬ blement. Effectivement, elle est loin d’être infaillible ; mais puisque la première méthode, qui elle aussi avait été donnée comme certaine, a été reconnue mauvaise et abandonnée, que reste-t-il de toute cette grande découverte ?

Quelques faits négatifs, a-t-on dit aussi, ne peuvent pas infirmer tant de faits positifs.

C’est une erreur. Ce sont ces faits-là qu’il faut considérer. Ce sont réellement les- faits positifs au point de vue de la démonstration : il

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y a eu traitement et mort après traitement, non pas une fois, mais cin¬ quante fois. Voilà ce qui est positif, et qui, pour tout le monde, prouve que le traitement ne vaut rien. Pour tous les autres cas, il n’y a pas eu mort, on ne sait pas si le traitement a produit un effet, car on ignore si les gens mordus fussent devenus enragés. Ce sont les faits négatifs, ou plus exactement, les faits qui ne prouvent rien. On est certain des insuccès et l’on ignore les réussites.

Tant que les choses seront ainsi, tant que le nombre des morts ne baissera pas d’une manière notable et évidente, l’efficacité de la mé¬ thode ne sera pas prouvée. Et tant que les morts se produiront dans les conditions nouvelles et singulières qu’a dénoncées M. Peter, on sera en droit d’accuser la méthode de les avoir produites.

Voilà la vérité. Elle est patente et lumineuse ; et il n’est pas possible que ceux-mèmes qui la nient n’en soient pas pénétrés jusqu’au fond de leur conscience. Ou bien, l’on se demande quel St-Esprit est descendu au sein de nos Académies pour les frapper d’aveuglement.

Dr J. Pelletan.

TRAVAUX ORIGINAUX

LE MÉCANISME DE LA SÉCRÉTION

Leçons faites au Collège de France, en 1886-87, par le professeur L. Ranvier,

{Suite) (1)

J’ai cherché, dans notre dernière réunion, à établir qu’il y a entre la structure des organes et leurs propriétés physiologiques des rapports tout à fait intimes. Pour faire cette démonstration, je ne me suis pas contenté d’une indication générale de mes idées sur ce sujet, je vous ai montré qu’il en est réellement ainsi, par des exemples choisis parmi les faits les mieux établis et dont la plupart vous étaient déjà connus.

Evidemment, on peut pousser .l’analyse beaucoup plus loin. Ainsi, quand je me suis occupé des deux formes de muscles de la vie animale, les muscles rouges et les muscles blancs, qui existent chez un certain nombre d’animaux, je n’ai considéré que des faits de structure très apparents, par exemple, les noyaux, leur nombre, leur situation à la surface ou dans l’intérieur des faisceaux ; je ne suis pas arrivé à la striation elle-même. En effet, ces deux sortes de muscles sont égale¬ ment striés, et quand j’ai parlé de muscles à contraction brusque et à

(1) Voir Journal de Micrographique , t. X, 1886, p. 544.

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détente brusque et de muscles à contraction lente dont la détente se fait avec lenteur, j’ai comparé deux phénomènes qui auraient être les mêmes d’après ce à quoi on s’attendait généralement. Je n’ai pas du tout comparé les muscles de la vie animale des Mammifères à certains muscles delà vie organique, les muscles lisses. Cette comparaison était encore bien plus intéressante au point de vue du rapport intime qui existe entre la structure fine et les propriétés physiologiques.

En effet, tous les muscles lisses, c’est-à-dire constitués par des cellules musculaires sans striation transversale, mais portant une striation longi¬ tudinale difficile à mettre en évidence, présentent de très grandes diffé¬ rences relativement à la rapidité de la contraction. Tandis que tous les muscles striés transversalement se contractent relativement avec rapi¬ dité, même les muscles rouges, tous les muscles lisses se contractent très lentement et reviennent plus lentement encore à leur longueur pri¬ mitive. Et, à ce point de vue, il n’y a pas à considérer les muscles de la vie organique et de la vie animale, car le cœur, qui appartient à la vie organique et qui se contracte brusquement, est constitué par des fibres musculaires striées transversalement. La conclusion à tirer de ces faits, c’est que la striation n’est pas en rapport avec les phénomènes de la vie organique ou de la vie animale de Bichat, mais avec le mode de la contraction, mode rapide ou mode lent.

Jadis, j’ai cherché à montrer quel rapport il doit y avoir entre la striation et la rapidité de la contraction. J’ai fait voir que la contraction ne peut se produire sans qu’il y ait un échange de matière entre les particules contractiles et les tissus voisins ; que la partie contractile des muscles striés est le disque épais, tandis que le disque mince et les espaces clairs représentent des parties élastiques. C’est une vérité géo¬ métrique que, plus les parties d’un objet sont petites, plus la surface de cet objet est considérable ; or, les échanges sont en raison directe de la surface, puisqu’ils se font à la surface même. Par conséquent, plus la substance contractile sera formée de particules petites, c’est-à-dire plus la striation des muscles sera serrée, plus le disque épais sera petit, et plus les échanges seront rapides, plus la contraction pourra s’effectuer avec rapidité. Si donc on admet tous ses principes, il y a encore un rapport étroit entre la structure et la fonction.

Pour terminer cette exposition, je dois vous dire qu’il y a des cas dans lesquels on ne peut pas encore saisir un rapport aussi direct entre la structure anatomique et la propriété physiologique d’un organe ; c’est que nous connaissons imparfaitement l’une ou l’autre, ou même, plus souvent, l’une et l’autre. Mais je suis convaincu que toutes les fois que nos connaissances sur la forme et sur la fonction seront suffisantes, nous pourrons saisir le rapport qui existe entre l’un et l’autre.

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Ceci étant dit, vous comprendrez sans peine que l’étude du mécanisme de la sécrétion, que nous allons entreprendre cette année, repose sur des données histologiques, c’est-à-dire sur une analyse minutieuse de la structure des glandes à l’état de repos et à l’état d’activité.

Au point de vue des fonctions des glandes, nous voyons qu’elles paraissent très variables, en laissant de côté pour le moment le produit de la sécrétion. C’est ainsi que nous pouvons distinguer des glandes à sécrétion continue et d’autres à sécrétion intermittente. D’autre part, d’après une analyse histologique même superficielle, nous pouvons reconnaître deux groupes de glandes. Les premières sont celles dont le produit de sécrétion est formé par les cellules de l’épithélium glan¬ dulaire, les cellules glandulaires elles-mêmes, arrivées au terme de leur évolution. Il se produit quelque chose d’analogue à ce que vous savez relativement à l’épiderme : les cellules nouvelles des couches profondes du corps muqueux de Malpighi, qui évoluent, arrivent à la surface, s’y transforment en cellules cornées et tombent. Il y a des glan¬ des dont les cellules se comportent de même, leur évolution les amenant à la surface de l’épithélium glandulaire elles tombent pour former le produit même de la sécrétion. J’appellerai ces glandes olocrines, et par opposition je désignerai sous le nom de glandes mérocrines le second groupe de glandes, celles dont le produit de sécrétion est élaboré dans les cellules, au sein du protoplasma qui les constitue, produit de sécrétion qui se dégage les cellules restant en place.

Les glandes sébacées, les ovaires, les testicules, etc., sont des glan¬ des olocrines, puisque leur produit de sécrétion est formé par les élé¬ ments glandulaires eux-rdèmes, arrivés au terme de leur évolution. Les glandes sudoripares, les reins sont des glandes mérocrines. Ges glan¬ des, si l’on se place au point de vue de la physiologie, telle qu’elle existe aujourd’hui, peuvent avoir une action sécrétoire intermittente ou continue. Les testicules ont une sécrétion continue chez beaucoup de Vertébrés, chez l’homme en particulier ; mais chez la plupart des autres animaux, ils ont une sécrétion discontinue ou intermittente. On a donc à considérer une glande non pas chez une espèce, mais dans la série animale. Les glandes sébacées ont une sécrétion continue. On voit donc que la qualité olocrine ou mérocrine n’est nullement en rapport avec la continuité ou l’intermittence de la sécrétion.

De même les glandes mérocrines peuvent avoir une sécrétion conti¬ nue ou intermittente. Presque toutes les glandes annexées au tube di¬ gestif ont une fonction intermittente. Les glandes sudoripares agissent aussi suivant la température et les conditions diverses du système ner¬ veux. Les glandes cutanées, séreuses ou muqueuses, des Batraciens sont aussi mérocrines à sécrétion intermittente. Du reste, ces glandes

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de la peau des Batraciens sont tout à fait les analogues des glandes sudoripares des Mammifères. Enfin, le rein, glande mérocrine par ex¬ cellence, a une sécrétion continue. Ainsi, pour les glandes olocrines comme pour les glandes mérocrines, on trouve une sécrétion continue ou intermittente.

Pour vous faire comprendre les fonctions de sécrétion continue ou intermittente des glandes, au lieu de vous donner de plus longues ex¬ plications théoriques, des idées générales, qui, comme vous le savez, conduisent trop souvent à Terreur, je vous donnerai des exemples.

D’abord, je vous ferai remarquer que les idées que Ton a aujourd’hui sur les glandes sont bien différentes de ce quelles étaient naguères. Dans la plupart des livres de physiologie qui remontent à un certain nombre d’années, on trouve exposée cette idée que les glandes sont des filtres au travers desquels passent des produits qui se trouvent tout formés dans le sang. C’est l’ancienne théorie ; aujourd’hui, elle n’est pas soutenable, surtout après qu’on a fait l’analyse de la cellule épi¬ théliale des glandes, cellule ou élément glandulaire, que Ton peut comparer avec un certain avantage aux cellules musculaires, aux élé¬ ments musculaires proprement dits. Ainsi, tous les muscles (je cherche toujours des comparaisons avec le système musculaire, parce que celui- ci est bien connu), tous les muscles ont-ils les mêmes propriétés, même en considérant séparément les muscles striés et les muscles lisses ? Non ! ils sont volontaires ou involontaires, c’est-à-dire qu’ils appar¬ tiennent à la vie animale ou à’ la vie organique, suivant l’expression de Bichat. On en trouve de trois espèces distinctes. Par exemple, dans la plus grande partie du tube digestif, dans la musculeuse de l’estomac, de l’intestin, on ne trouve que des muscles lisses. Dans les muscles striés ordinaires on trouve des faisceaux composés de fibrilles, fais¬ ceaux entourés d’un sarcolemme sous lequel est une couche de proto¬ plasma avec des noyaux, restes de la cellule formative. Chacun de ces faisceaux représente une cellule. Quand on les traite par la méthode de Weismann, la potasse à 30 ou 40 pour 100. on isole les faisceaux ou les éléments constitutifs des muscles striés. Par la même méthode on isole les éléments des muscles lisses et des muscles striés ordinaires. Une troisième espèce est celle que Ton trouve dans le cœur et qui cons¬ titue les fibres du muscle cardiaque proprement dit. Par la méthode de Weismann, on n’isole dans ce cas ni des cellules fusiformes lisses, ni des faisceaux striés, mais de petits tronçons striés qui, réunis bout à bout, constituent la fibre cardiaque.

Il y a une très grande variété, même à ne considérer que les mus¬ cles de la vie organique. Eh bien ! vous voyez qu’il n’y a pas une es¬ pèce histologique en rapport avec cette propriété du muscle de se con-

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tracter sous l’influence de la volonté ou en dehors de cette influence. De la structure du muscle dépend une seule propriété, la rapidité ou la lenteur de la contraction. Qu’il appartienne à la vie animale ou à la vie organique, s’il est strié il se contracte brusquement; s’il est lisse, il se contracte avec lenteur. Vous voyez que les Mollusques, qui ne possèdent généralement, pour constituer leurs muscles, que des fibres lisses, se meuvent très lentement ; vous avez tous vu avec quelle len¬ teur l’escargot sort on retire ses « cornes ». Les Insectes, au contraire, qui ne possèdent que des muscles striés, sont, dans leurs mouvements, les plus rapides de tous les animaux.

Ainsi la structure de l’élément musculaire n’est pas en rapport avec la propriété de se contracter sous l’influence de la volonté ou sans cette influence, laquelle propriété dépend uniquement des rapports du muscle avec le système nerveux, comme j’ai cherché à l'établir. On peut re¬ connaître par l’appareil nerveux terminal d’un muscle s’il appartient à la vie organique ou à la vie animale, mais rien dans sa structure ne permet de le distinguer. Je fais une exception pour le muscle cardiaque, qui a une structure à part et qui seul est composé de cette façon.

Bichat ne pouvait se douter de tout cela au moment il écrivait son merveilleux ouvrage sur l’anatomie comparée ; on ne faisait pas alors d’anatomie microscopique, et Bichat lui-même n’avait guère regardé dans le microscope.

Relativement à la fonction des glandes, y a-t-il quelque chose d’analogue ? Assurément. La sécrétion continue ou intermittents de la glande est sous la dépendance du système nerveux. Prenons les glandes salivaires : si nous introduisons une canule fine dans le canal de la sous-maxillaire, de la sublinguale ou de la parotide d’un chien, l’animal étant tranquille et ne mangeant pas, peu de liquide s’écoule par la canule. Mais si nous lui introduisons dans la bouche, comme faisait Claude Bernard, une goutte de vinaigre de manière à exciter les nerfs de la gustation, il se produit aussitôt une action réflexe caractérisée par une abondante sécrétion de salive. Cette sécré¬ tion intermittente est donc sous la dépendance du système nerveux. Quand l’animal mâche des aliments, il se produit une action réflexe qui détermine la sécrétion ; quand il ne mâche pas, la sécrétion est nulle ou presque nulle.

De même pour les glandes de l’estomac et de l’intestin, le foie, le pancréas, etc., il y a un rapport direct entre le moment de l’arrivée des aliments et celui de la sécrétion, les nerfs sensitifs réagissent sur les nerfs moteurs glandulaires qui déterminent la sécrétion.

Quant au produit de la sécrétion, il dépend de chaque espèce de glande ou d’élément glandulaire et n’est pas du tout sous la dépendance

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du système nerveux. Ainsi, une cellule sébacée produit de la graisse, c’est sa propriété essentielle, et je crois que l’intervention du système nerveux n’est pas nécessaire pour qu’elle produise du sébum; de même les cellules muqueuses ont la propriété essentielle de produire du mu* cigène ou du mucus, les cellules hépatiques, du glycogène, etc., en dehors de toute action directe du système nerveux.

L’acte sécrétoire est complexe. Ainsi, examinons une cellule du foie, chez un animal en pleine digestion, à l’aide des procédés connus : durcissement du foie dans l’alcool absolu, coupe, traitement de la coupe par l’eau iodée ; ou, congélation du foie, coupe, action de l’eau iodée ; ou bien encore, durcissement dans l’acide osmique à 1 pour 100, coupe et action de l’eau iodée ou du sérum iodé fort. Nous trouvons ainsi le glycogène contenu dans les mailles d’un réseau protoplasmique qui part du noyau et se termine à la périphérie dans une couche de protoplasma marginal. Voilà donc une cellule qui a la propriété d’éla¬ borer, sous l'influence de l’activité spéciale de son protoplasma, une substance particulière, qui a une réaction caractéristique, que l’on peut reconnaître, le glycogène. La sécrétion est-elle produite ? Non, il s’est formé de la matière glycogène, mais ce n’est pas le dernier terme, il faut que cette matière se transforme en glucose, et que ce glucose pénètre dans le sang. est la sécrétion ? Consiste-t-elle dans l’élaboration de la matière glycogène au sein de la cellule ou dans la formation du sucre et le départ de ce sucre dans le sang ? Doit-on con¬ sidérer la formation du glycogène comme un acte sécrétoire, tandis que la transformation en sucre-et le départ du sucre seraient un phénomène d’excrétion ? Cela serait assez difficile à dire en ce qui regarde les cellu¬ les hépatiques et le foie, parce qu’il s’agit d’un acte sécrétoire tout à fait intime, dont le produit n’est pas versé au dehors, mais pénètre dans le sang. Il pourrait y avoir matière à discussion, car il y a dans ce cas une certaine obscurité.

Je crois qu’il est plus simple, pour s’expliquer sur ce que l’on doit entendre par sécrétion, de prendre une cellule dont le produit est fort net et très reconnaissable au microscope et s’échappe au dehors, la cel¬ lule muqueuse des glandes salivaires ou la cellule caliciforme ou mu¬ queuse des épithéliums. Nous trouverons qu’elles ont la même consti¬ tution. Elles présentent la forme d’une outre ou d’une coupe : au fond, un noyau irrégulier, ratatiné par suite du refoulement exercé par la matière sécrétée ; autour du noyau, une masse de protoplasma dont se dégagent des cloisons protoplasmiques, généralement très minces, qui sillonnent la cellule dans différentes directions. Ces lames protoplas¬ miques limitent ou constituent un réseau irrégulier dont les mailles sont occupées par une substance réfringente qu’on appelle mucigène.

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Or, quand on prend une glande muqueuse à l’état de repos, on trouve ces cellules muqueuses ou caliciformes complètement remplies de mu- cigène. On en conclut que c’est pendant le repos de la glande que le mucigène élaboré dans le protoplasma de chaque cellule, s’accumule, et qu’il se fait une production d’un matériel qui sera utilisé pour la sé¬ crétion. Quand survient une excitation directe de la cellule par les nerfs sécrétoires, le mucigène se transforme en mucus et s’échappe par l’orifice de la cellule. Par exemple, si l’on excite par un courant d’in¬ duction interrompu le nerf sécrétoire d’une glande muqueuse, on voit l’excitation du nerf suivie d’une abondante sécrétion. C’est l’acte sécré¬ toire des physiologistes. Pour eux, la sécrétion d’une glande muqueuse ne consiste pas dans l’élaboration du mucigène au sein des cellules, mais dans la formation et l’issue du mucus. Or, si l’on analyse le phéno¬ mène intime, si, au lieu de prendre le résultat entier du travail glandu¬ laire, on considère le phénomène histologique, on est porté à penser, au contraire, que la sécrétion consiste dans l’élaboration du mucigène et que ce que les physiologistes appellent sécrétion n’est qu’un phénomène d’excrétion.

Mais je crois qu’il ne faut pas trop discuter sur les mots, car si nous comparons les glandes aux muscles, nous voyons qu’autrefois on dési¬ gnait sous le nom d 'irritabilité les phénomènes se produisant dans un muscle sous l’influence d’une excitation : un organe était irritable quand, en l’excitant mécaniquement ou électriquement, on le voyait faire un mouvement. Or, si nous considérons un faisceau musculaire strié, faisceau d’un muscle volontaire, par exemple, qui n’est qu’une cel¬ lule, cellule colossale, mais une cellule ; si nous le touchons en un point, il se contracte au niveau de ce point et forme ce qu’on appelle un nœud de contraction, dans lequel la striation est très resserrée. Si ce faisceau musculaire réagit par un mouvement quand on le touche, c’est qu’il est sensible : il ne peut pas y avoir de réaction motrice sans sensibilité. Si le mouvement se produisait spontanément, on pourrait admettre que le muscle est contractile sans être sensible. J’ajouterai que le nœud de contraction étant produit au niveau du point touché, on le voit se déplacer et donner naissance à une série d’ondes ou de nœuds secondaires se formant dans les deux direction opposées, au-dessus et au-dessous du point excité. Il y a transmission de l’impression sensitive et transmission de la réaction motrice. Ainsi, voilà un faisceau muscu¬ laire qui non seulement jouit de la contractilité mais de la sensibilité, de la motricité. Voilà donc l’irritabilité hallérienne qui peut se décom¬ poser, et on est conduit à admettre que dans le faisceau musculaire il y a toutes les propriétés nerveuses essentielles de l’animal entier, sensi¬ bilité, motricité et motilité ou propriété de se mouvoir.

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Je crois qu’il est bon, quand on' veut entrer dans l’analyse des phé¬ nomènes intimes, de considérer tout cela ; mais peu importe le mot que l’on emploie, pourvu, comme le disait Pascal, qu’il soit bien défini ‘et qu’on s’entende. Je crois que nous n’aurons aucune confusion dans ce que nous pourrons appeler la sécrétion et l’excrétion. La grosse ques¬ tion, c’est de s’entendre sur les phénomènes, cela vaut mieux que de discuter indéfiniment sur les termes. Ainsi, ce dont nous nous occuperons cette année, c’est moins de discuter sur les faits déjà connus que d’étu¬ dier les faits qui se produisent dans les glandes, soit quand elles se chargent du matériel de sécrétion,, soit quand elles rejettent ce matériel sous l’influence d’une excitation.

Ce que je dois dire tout d’abord, c’est que l’élaboration, au sein du protoplasma, d’une substance définie est l’acte sécrétoire par excellence, en se plaçant au point de vue le plus général, tandis que le départ de cette substance est bien plutôt un acte d’excrétion. A ce point de vue très général, toute cellule vivante est une cellule glandulaire, car toute cellule élabore dans son intérieur un certain produit qu’elle utilise ou qu’elle rejette, que ce soit un déchet organique ou une substance uti¬ lisée par d’autres éléments. Ainsi, les éléments cellulaires les plus em¬ bryonnaires d’un organisme complexe comme celui des Vertébrés, les globules blancs du sang, cellules amiboïdes transportées dans le torrent circulatoire, qui ne sont reliées à aucun autre élément et ne font pas partie d’une trame organique, les globules blancs contiennent des subs¬ tances très variables, graisse, glycogène, matières plus ou moins bien définies, se colorant d’une manière variée par les réactifs. Ces globules, les éléments cellulaires les plus embryonnaires, n’élaborent pas tous les mêmes substances, et, probablement élaborent des substances diffé¬ rentes suivant les phases de leur existence dans lesquelles ils se trou¬ vent et les conditions dans lesquels ils sont placés.

Toute cellule, je le répète, en se plaçant au point de vue de l’élabora¬ tion d’un produit spécial, est plus ou moins glandulaire. Ainsi, même en revenant au faisceau musculaire primitif, nous verrons que l’élabo¬ ration d’une substance particulière est indispensable à l’activité spé¬ ciale de la cellule musculaire, la contractilité. L’activité ne peut se produire que s’il y a des substances combustibles et comburantes. La substance comburante est l’oxygène amené par l’hémoglobine du sang. Le combustible doit être constamment élaboré par le faisceau muscu¬ laire. Celui-ci agit comme une cellule glandulaire. La seule différence, c’est que quand survient l’excitation fonctionnelle, c’est-à-dire l’action du nerf centrifuge moteur musculaire s’il s'agit d’un muscle, moteur glandulaire s’il s’agit d’une glande, les phénomènes varient. Pour le muscle, il se produit un mouvement ; les matières accumulées sur lui

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créent du mouvement et de la force. Pour la glande, il y a aussi un mouvement : il y a issue de la substance produite ; mais le mouvement n’est pas la chose importante, le phénomène essentiel est l’issue de la substance élaborée, et c’est ce qui distingue l’élément glandulaire de l’élément musculaire, malgré les très grands rapprochements que l’on peut faire entre eux.

( A suivre ).

APERÇU DE LA MORPHOLOGIE DES BAGTÉRIAGÉES OU MICROBES

Cours de zoologie fait par M. J. Kunstler,

Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de Bordeaux (1).

{Suite)

Quoique l’immense majorité soit incolore, réunis en masse, ces êtres deviennent visibles à l’œil nu ; ils ont alors une teinte blanche ou blanc-sale, des nuances souvent diverses, tirant sur le gris, le jaunâtre, etc. Les Bactéries colorées forment des masses de cou¬ leurs variées et nettes, telles que le jaune, le brun, le rouge, le vert, le bleu, le violet. Mais cette coloration est-elle due, comme je l’ai dit plus haut pour les couleurs vertes et roses, au protoplasma, ou tire-t-elle son origine de la membrane qui serait colorée, ou même des deux? Cela est fort difficile à décider; on attribue toutefois le plus souvent ces teintes variées à la membrane.

A la mort de ces organismes, leur protoplasma se décompose en ses petits corpuscules constitutifs, en plastidules.

Dans le genre Bacterioïdomonas , que j’ai autrefois décrit et dont la parenté étroite avec les Bactériacées ne saurait être mise en doute, on trouve au sein de la substance du corps un noyau rudimentaire.

Si les Bactériacées en général sont caractérisées en ce qu’elles n’ont pas de noyau, ni aucune formation analogue, leur corps n’est pas pour cela dépourvu de corpuscules inclus. On y rencontre sou¬ vent des contenus variés. Ainsi, dans certains groupes, on voit des granulations arrondies, réfringentes, à contour sombre, qui, ainsi que le démontre l’analyse chimique, sont formées de soufre à un état cristallin. Tel est le cas des Beggiatoa qui vivent dans des eaux sulfatées, dans lesquelles elles décomposent les sulfates, et le soufre mis en liberté se dépose dans leur substance. Sa quantité est souvent fort considérable, assez pour assombrir tout leur corps, et très va¬ riable suivant les individus et les moments. D’autres fois, le proto- plosma contient des gouttelettes d’apparence graisseuse. Il arrive

(1) Notes recueillies et rédigées par M. A. Peytoureau, préparateur du cours. (Voir Journal de Micrographie, T. X, 1886, p. 553).

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aussi dans certains cas que l’action de l’iode les fasse bleuir d’une manière intense, phénomène à ce qu’une substance, probablement analogue à de l’amidon, y est dissoute. Chez les formes à sporula¬ tion endogène, c’est principalement vers l’époque de cette repro¬ duction que ce phénomène peut s’observer ; la substance amyloïde imbibe tout le corps, excepté se forment les spores, et dis¬ paraît à leur maturité (Bacillus amylobacter , Spirillum amyliferum , Bacterioïdomonas , et d’autres formes telles que Leptothrix buccalis, Sarcina ventriculi , Bacterium i Pasteur ianum) . Ainsi, chez le Bacillus amylobactfr, ferment de la pourriture végétale, il y a formation transitoire d’amidon, communiquant au corps une plus grande ré¬ fringence. Dans l’être encore cylindrique, mais ayant cessé de se reproduire par division, l’amidon se produit dans des zones trans¬ versales isolées; il y en a deux aux extrémités, une au milieu, deux au milieu des intervalles, et elles se forment de cette manière en nombre de plus en plus considérable ; finalement il y a confluence, et l’être bleuit dans toute sa longueur sous l’action de l’iode. Plus tard, l’amidon disparaît de l’une des extrémités il se produit un renflement, et la spore s’y forme ; la résorption de l’amidon en un point annonce la formation de la spore dans la même région. Cet amidon diffus se trouve probablement dans le corps de ces êtres comme la granulose dans les grains d’amidon et n’est peut-être autre chose que cette dernière substance.

La couche périphérique du protoplasma du corps est plus dense et forme ordinairement une membrane enveloppante plus ou moins développée. Elle peut n’être considérée quelquefois que comme la limite dense du protoplasma; d’autres fois elle constitue une mem¬ brane nette. Cette membrane, au microscope, apparaît comme une ligne d’une grande finesse bordant l’être. Certains réactifs, tels que la solution alcoolique d’iode, qui colore le protoplasma et le con¬ tracte, ou aussi la cyanine mélangée au vert de méthyle, la mettent bien en évidence. Chez les bâtonnets mobiles, elle est fort mince et fort souple ; mais, autre part, elle est plus épaisse et formée de deux couches principales, l'une interne, plus dense, l’autre externe, gé¬ latineuse et fort peu visible Cette apparence de deux membranes n’est pas un fait réel ; il n’y a qu'une seule enveloppe dont la couche interne, plus dense, représente la région interne - et dont les assises périphériques deviennent colloïdes, imbibées d’eau, gon¬ flées, de manière à constituer une enveloppe muqueuse plus ou moins diffluente. Cette enveloppe gélatineuse est tellement trans¬ parente qu’elle est invisible ; elle ne se colore guère par les réactifs, et elle n’apparaît ordinairement que comme une étroite zone claire périphérique et régulière, fort difficile à voir. Elle possède des degrés de consistance variés ; lorsqu’elle est très-diffluente, et

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c’est le cas le plus commun, elle se dissout dans l’eau ambiante avant d’avoir atteint une épaisseur considérable ; d’où continuelle perte de substance à la surface de ces êtres; il y a ainsi un renouvel¬ lement constant, sorte de desquamation de la. couche superficielle incessamment remplacée par des assises plus profondes; si, au con¬ traire, elle est consistante, elle peut devenir fort épaisse, beaucoup plus que l’être lui-même.

La membrane des Bactériacées qui se trouvent dans les liquides en putréfaction est de nature protoplasmique et plus ou moins nettement différenciée du corps. Cette membrane protéique est formée d’une matière albuminoïde spéciale qu’on a appelée myco - protéine. Les espèces qui déterminent des fermentations ont, comme les plantes, une membrane formée d’une substance voisine de la cellulose. Telles sont, par exemple, le Micrococcus aceti, le Leuco - nostoc mesenteroides. Lorsque la membrane protoplasmique est mince, elle est flexible ; plus épaisse, elle devient rigide. C’est alors qu’elle se montre formée, ainsi que je l’ai dit, de deux couches, une interne mince, et une autre externe, qui n’est que l’assise gélifiée, plus ou moins épaisse ; nous savons que cette ap¬ parence de deux couches n’est pas un fait réel, et que ce n’est qu’une seule enveloppe. Dans beaucoup de cas, elle est bien appa¬ rente et souvent consistante, quelquefois fort épaisse.

Certaines Bactériacées colorées doivent leur teinte, non pas seu¬ lement à ce que leur protoplasma contient peut-être un pigment, mais à ce que la membrane est colorée. Ces colorations sont rouge vif, bleu, jaune, etc. ; elles sont dues à des matières voisines de couleurs d’aniline. On peut citer les espèces du lait bleu et du pus bleu, le Micrococcus indiens qui est rouge, le Micrococcus prodigiosus , le Micrococccus luteus, etc. Les filaments de Crenothrix et de Clctdo- thrix sont entourés de gaines souvent d’un brun sombre ou couleur de rouille colorations dues à des oxyhydrates de fer.

A l’exception de plusieurs de celles qui sont développées en longs filaments et de quelques autres, toutes les Bactériacées possèdent au moins un stade pendant lequel elles peuvent se transporter li¬ brement d’un point à un autre. Il en est aussi qui sont mobiles pen¬ dant toute leur existence. Cette locomotion présente tous les degrés, depuis un déplacement lent et oscillant jusqu’à un mouvement ra¬ pide comme un éclair ; ces organismes, en nageant, s’avancent en tournant .autour de leur axe longitudinal ; souvent leur corps pré¬ sente, en outre, des ondulations analogues à celles d’une Anguille. Ils peuvent se balancer simplement à la manière d’un pendule ou se déplacer vivement, alternativement en avant et en arrière.

Souvent on ne parvient à voir aucun organe susceptible de pro¬ duire ce mouvement, ce qui tient peui-être à l’insuffisance de nos moyens de recherche. Dans d’autres cas, on voit que ce mouvement est à l’existence, aux extrémités du corps de ces êtres, sur le

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prolongement de l’axe longitudinal, de longs filaments mobiles, des flagellums. Souvent il n’existe qu’un seul de ces organes locomo¬ teurs, inséré au pôle qui est antérieur pendant le mouvement. D’autres fois, il en existe un à chaque extrémité; il peut aussi y en avoir jusqu’à quatre et six ; mais leur situation est toujours termi¬ nale. Ces filaments sont d’une minceur extraordinaire, d’une réfrin¬ gence excessivement faible et, partant, très difficilement visibles. Ce n’est que grâce à des artifices et à l’aide des plus forts grossisse¬ ments qu’on peut les voir. Une coloration intense, la dessiccation, la photographie sont les procédés les plus commodes. On a pu voir ainsi les organes locomoteurs d’un certain nombre d’espèces, telles que, par exemple, le Bacillus amylobacter , le Bacterium termo , les Spirilles, etc. Il est possible que toutes les formes mobiles en pré¬ sentent. Le premier, Ehremberg, en 1838, a vu un de ces filaments chez f Ophidomonas jenensis (Cohn dit que cet être est un Spirille) et chez son Bacterium triloculare , qu’il faut probablement ramener au genre Bacillus. En 1872, Cohn fit une constatation analogue chez le Spirillum volutans ; il en est de même de Dallinger et Drysdale pour le Bacterium termo (1875) et de Warmmg pour le Bacterium sulfu - ratum, le Vibrio ru gu la et le Spirillum undula (1876). Koch, en 1877, retrouva ces organes sur divers Bacilles et Spirilles, en les colorant au moyen d’une solution aqueuse d’extrait de campèche, ou en les photographiant à l’état sec. Van Tieghem les étudia aussi sur plu¬ sieurs espèces, entre autres le Bacillus amylobacter. Il conçut sur leur nature une opinion originale que nous ne pouvons passer sous silence ici.

La difficulté qu'on éprouve à colorer les flagellums des Bacté- riadëes lui a fait penser, et M. de Bary partage son opinion, qu’ils étaient de simples prolongements de la couche gélatineuse superfi- cielle de leur corps qui, elle aussi, se colore fort difficilement, et ces organes, au lieu d’être locomoteurs, seraient des sortes de queues inertes. Ainsi, lors de la division du Bacillus amylobacter, au moment les deux moitiés de l’être sont encore réunies par leur enveloppe gélatineuse externe, le disque gélatineux qui les sé¬ pare ne tarde pas à être étiré, et ceci de plus en plus, par la trac¬ tion que l’article antérieur, qui se meut seul, exerce continuelle¬ ment, tandis que la deuxième moitié est inerte et entraînée. Les deux articles se déplacent alors ensemble, séparés par une dis¬ tance variable et rattachés par un fil invisible. Si le fil se rompt à son milieu, il laisse à chacun des bouts correspondants un prolon¬ gement ; si, au contraire, la rupture se produit au voisinage d’un des points d’attache, il se forme un article sans prolongement ; enfin si, au lieu de se rompre, il se fend longitudinalement, il y en aura deux ou trois. Ainsi, chez ce Bacille, l’étude de la division, aussi bien que l’action des réactifs absorbants, constituent des in-

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dices contre la nature protoplasmique des cils des Bactériacées. L’iode, les couleurs d’aniline, le carmin et l’hématoxyline alunée, qui colorent vivement le protoplasma, les laissent plus ou moins incolores.

Les fiagellums, en général, présentent cette résistance à l’action des réactifs, à cause de laquelle Bütschli les croit formés, chez les Infusoires flagellifères, par « une sorte spéciale de protoplasma ho¬ mogène », et cependant leur motilité ne saurait être mise en doute. La membrane ondulante du Trypanosoma Balbianü, qui n’est guère qu’un grand Spirille, se colore aussi fort difficilement, quoi¬ qu’on puisse arriver à la voir vibrer. La grande ténuité de ces fila¬ ments suffit d’ailleurs à expliquer leur invisibilité. En outre, pour leur recherche, on a le grand tort de se servir de réactifs colorants à sélection, qui ne donnent que de mauvais résultats. Il est d’autres réactifs, communiquant de fortes colorations totales, qui produisent de bien meilleurs effets. Le protoplasma des organes locomoteurs est partout et toujours moins colorable que la substance interne à constitution physique et chimique un peu différente. Le Spirillum tenue , fort intéressante espèce que j’ai étudiée, possède un certain nombre de fiagellums qu’il est relativement facile de voir en les colorant au moyen du noir Collin. Ils partent nettement du proto¬ plasma du corps et ne sont pas des prolongements de la membrane gélatineuse qu’ils traversent. Cet organisme en présente un véritable bouquet de 4 à 6 à chaque bout, et atteignant à peu près la longueur du corps d’un individu moyen. Si c’étaient de simples prolon¬ gements gélatineux, pourquoi ne difflueraient-ils pas comme la membrane elle-même ? Or, leur existence est constante, et ils ne sont pas même reployés, comme cela arriverait fatalement dans les préparations pour des filaments mous. Il est vrai que M. Van Tieghem pense qu’ils manquent souvent chez les formes mobiles; mais cela n’est peut-être pas certain, surtout quand on considère combien il faut de soins pour les conserver dans les préparations. Une fixation défectueuse, une coloration insuffisante, des cahots pendant la préparation suffisent pour les détruire, les laisser invi¬ sibles, ou les détacher. Dans un filament articulé, c’est le premier article de la chaîne seul qui remue et entraîne le reste. C’est donc que cet article porte les organes locomoteurs. Il me paraît, en effet, peu rationnel de penser que, si le déplacement était à la contrac¬ tilité du protoplasma du corps, à ses mouvements, cette propriété serait localisée au bout exclusivement ; on voit des prolonge¬ ments qui n’existent que chez les formes mobiles et qui sont placés comme les fiagellums locomoteurs dont ils ont les caractères. Ces cils sont ammés de mouvements ; ainsi, lorsque le Spirille est fixé par une extrémité, les cils de l’extrémtié opposée produisent

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en quelque sorte autour d’eux un tourbillon qui agite le liquide et éloigne les corpuscules voisins. Nous n’avons guère, d'ailleurs, pour apprécier la qualité des organes chez ces êtres inférieurs, que les analogies anatomiques; il nous faut conclure de l’identité de structure et de situation à l’identité fonctionnelle. Donc, malgré la haute autorité des auteurs précités, je suis porté à admettre que ces filaments ne sauraient être que de véritables flagellums partant du protoplasma et traversant la membrane et non de simples prolon¬ gements cuticulaires.

Mais, si ces cils sont des organes locomoteurs des Bactériacées, ils ne sont pas les facteurs exclusifs de leurs mouvements. La con¬ tractilité du corps protoplasmique joue un fort grand rôle, chez les espèces les plus mobiles surtout; les mouvements d’ondulations les plus variés, et surtout d’une remarquable vivacité, leur permettent de se rendre d’un lieu à un autre avec plus ou moins de facilité.

Lorsque les Bactériacées se trouvent dans un milieu qui leur est favorable, elles se multiplient ordinairement par le mode de re¬ production le plus élémentaire, par simple division de leur corps en deux parties égales, indéfiniment, aussi longtemps que les ma¬ tières nutritives seront assez abondantes. Le nom de Schizomycètes (Champignons scissipares), qu’on leur applique souvent, leur vient de ce phénomène. Ce mode de reproduction est fort rapide. En ad¬ mettant que ces êtres se divisent une fois dans l’espace d’une heure, ce qui est au dessous de la vérité, un seul individu produit en un jour une quinzaine de millions d’individus.

Le procédé par lequel s’opère cette division est simple. Un Micro - coque, par exemple, s’allonge, puis il se forme un rétrécissement médian, perpendiculaire au grand axe, et bientôt les deux moitiés se trouvent séparées par une cloison de nouvelle formation. Cette cloison se fend en deux, et les deux nouveaux Microcoques ainsi formés se séparent en arrondissant les angles de la surface de divi¬ sion, et peuvent bientôt se diviser à leur tour. Les divisions succes¬ sives se font ordinairement dans le même sens, de sorte que, si les nouveaux individus restent unis, ils se disposent en file dont les articles sent des individus au même titre et se comportent de la même manière. Il se forme ainsi souvent des filaments allongés dont les divisions sont même fréquemment peu visibles ; d’autres fois elles sont très apparentes et le filament est en chapelet. Les anciennes formes, connues sous la dénomination de Torula ou de Streptococcus, ne sont autre chose que des chaînes de ce genre ; les Diplococcus sont constitués par la réunion de deux Microcoques qui, après la divison, sont restés accolés, etc.

Dans la division d’un bâtonnet, la première observation qu’on peut faire, c’est l’apparition d’une ligne transversale fort déli-

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cale qui le partage en deux parties égales ; c’est une fort mince membrane qui s’épaissit, devient gélatineuse, de manière que les deux nouveaux êtres se distinguent de plus en plus. Chez le Bacil- lus amylobacter, par exemple, on peut bien observer cette division. Chaque individu est enveloppé d’une gaîne gélatineuse, due à la gélification de la couche externe de sa membrane. Après s’être al¬ longé, il se divise en deux moitiés par une cloison transversale dont la région moyenne ne tarde pas à se gélifier. Celle-ci se gonfle et les deux articles se séparent un peu, de façon que la couche géla¬ tineuse périphérique se joint à cette couche moyenne ; puis ce dis¬ que gélatineux se dissout en son milieu et les deux nouveaux indi¬ vidus deviennent libres.

La première membrane qui se forme au début de la division est si mince qu’elle ne se voit. guère qu’après l’action des réactifs colo¬ rant le protoplasma et le rétractant. Un bâtonnet divisé en un ou plusieurs endroits peut donc parfaitement paraître homogène à un observateur inexpérimenté.

Dans cette division, que j’ai bien étudiée chez le SpiriUum tenue, les plastitudes constituant le corps de ces êtres jouent un certain rôle. Dans l’être qui s’accroît, elles se multiplient par division et, après que leur nombre est devenu assez considérable, la division de l’être se prodqit. Ce fait peut s’observer chez le SpiriUum tenue par le noir Collin chromique. On y voit les vacuoles centrales des plastidules être allongées, étranglées au milieu, en biscuit à la cuil¬ ler, comme si elles étaient en voie de division.

Les nouveaux individus, issus de la division, peuvent se séparer immédiatement etnæger librement; ils peuvent aussi rester unis bout à bout en filaments. Mais, soit qu’ils s’isolent ou qu’ils s’a¬ grègent, ils peuvent rester accolés dans le voisinage les uns des autres , former des masses gélatineuses complexes immo¬ biles, auxquelles on a donné le nom de zooglêes , et cet état peut persister pendant une période plus ou moins considérable de l’existence de ces êtres. Par exemple, chez une Bactériacée constituée par des articles isolés les bâtonnets peuvent se sé¬ parer immédiatement après la division, glisser les uns sur les autres en tournant, et demeurer en contact, unis par une matière gélatineuse. Un seul individu devient ainsi l’origine d’une masse compacte, à contours plus ou moins nets et à forme déterminée sui¬ vant les espèces, dans laquelle tous les individus se divisent. Les formes ainsi unies en zooglêes sont celles dont la membrane enve¬ loppante présente une couche externe gélifiée assez consistante ; la matière gélatineuse ne se liquéfie pas assez pour permettre la sépa¬ ration ; elle se fusionne plus ou moins complètement en une masse commune englobant tous les individus. Cette matière

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unissante peut être protéique (mycoprotéine : Bactéries de la pour¬ riture) ou cellulosique (Bactéries des fermentations). Elle est sou¬ vent fort abondante, et son diamètre arrive quelquefois à dépasser jusqu’à dix fois celui des individus inclus. C’est un effet de la con¬ sistance de la couche gélatineuse.

La formation de zooglées est un phénomène répandu chez les êtres inférieurs, animaux ou plantes ; c’est îa réunion, en masses de formes diverses, de nombreux jeunes individus. Ainsi, dans l’ap¬ pareil reproducteur des Protozoaires nommé kyste , les jeunes larves issues de la division du contenu de cette formation peuvent être pourvues ou dépourvues de membrane. Cette membrane, quand elle existe, se montre souvent fort mince et résistante ; d’autres fois elle est plus ou moins épaisse et gélatineuse ; quelquefois même elle est formée de deux couches, une interne mince, l’autre externe gélatineneuse. Les jeunes êtres restent souvent accolés les uns aux autres par ces enveloppes gélatineuses pendant un temps variable suivant les espèces, et forment alors des amas d’êtres vivants unis dans une substance glaireuse commune, sortes de colonies transi¬ toires, qui sont les zooglées. Il est des espèces qui persistent dans cet état pendant toute leur existence (Volvox) et d’autres pendant la plus grande partie de celle-ci ( Magosphæra ) ; mais ordinairement ces phénomènes ne sont que transitoires.

La production des zooglées n’est pas partout liée à l’existence d’un kyste ; elles peuvent arriver à se produire à la suite de la simple division. Le kyste doit, d’ailleurs, être considéré probablement comme étant une modification et un perfectionnement du phéno¬ mène de la division. Les zooglées issues d’uue division simple se voient, par exemple, chez les Bactériacées. Les êtres réunis en zoo¬ glées sont ordinairement immobiles ; mais il arrive aussi qu’ils ac¬ quièrent leurs organes locomoteurs et que la masse entière est mue par les mouvements combinés et coordonnés de tous les individus. Les zooglées finissent par la désagrégation du tout ; alors chaque individu va de son côté, et, en se reproduisant, soit par enkystement, soit par division, engendre une nouvelle zooglée analogue à celle dont il faisait d’abord partie.

En général, chez les Bactériacées, si les parties périphériques de l’enveloppe sont très diffluentes, les individus se séparent facile¬ ment, et ces espèces restent rarement unies, ou bien elles restent unies en groupes très simples et leur enveloppe reste mince. Mais, si ces mêmes parties sont peu diffluentes et persistent, si elles sont épaisses, les individus issus delà division restent donc englo¬ bés dans une masse réunissante commune gélatineuse. Entre ces deux extrêmes, il y a tous les intermédiaires. Même chez les espè¬ ces qui, dans un milieu liquide, se sépareraient, on peut arriver à

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provoquer la formation de zooglées, si on les cultive sur un subs¬ tratum solide ou simplement humide : l’eau ne rendant plus guère leur enveloppe diffîuente, elles restent accolées; ex.: Bacülus amy- lobacter ; si on fait arriver du liquide, la dissociation se fait.

Les formes de zooglées sont fort variées; elles dépendent beau¬ coup du mode de formation de celles-ci. Tous les individus d’une zooglée peuvent provenir de la division successive des éléments d’un même groupe ou bien avoir des origines diverses et être réu¬ nis par accotement.

Dans le premier cas, la forme des zooglées, quoique très diverse, est ordinairement bien déterminée : la division successive des indi¬ vidus amène la constitution de formes propres aux diverses es¬ pèces et déterminées par la manière dont la division et le dé¬ placement réciproque des individus s’opèrent. Les êtres issus de divisions transversales successives peuvent rester unis en fila¬ ments plus moins longs ; d’autres fois les zooglées sont des masses libres, ramifiées ou sphériques, etc. La couche irisée qui se voit à la surface des infusions n’est autre chose qu’une zoo¬ glée, en forme de pellicule, étendue à la surface des liquides contenant des matières envoie de décomposition. D’autres zoo¬ glées se présentent à l’œil sous l’aspect de flocons troubles, c’est ce qui arrive, par exemple, dans les bouillons de culture. Ces diffé¬ rences dépendent fréquemment du poids spécifique de la substance de ces êtres et du milieu qui les contient ; les zooglées légères constituent des pellicules flottantes.

Lorsque l’origine des zooglées est multiple, leurs formes sont irrégulières. Il y a d’ailleurs tous les passages entre les véritables zooglées à contours bien nets et de simples amas irréguliers ; ces variations sont en rapport avec le degré de consistance de la couche gélatineuse. La réunion en zooglées empêche la locomotion chez les formes ordinairement mobiles.

Certaines zooglées possèdent même une enveloppe générale plus ou moins épaisse, résistante, d’aspect gélatineux, et forment ainsi des agrégations prenant des allures d’individus parfaitement auto¬ nomes et constitués par la réunion d’autres individus d’ordre infé¬ rieur. Ainsi ces corps agrégés, qu’ils aient ou non une membrane générale, peuvent se diviser en totalité, comme un véritable indi¬ vidu autonome, soit dans une seule direction, en formant ainsi une file de petites masses, soit dans deux directions, ce qui produit des membranes, ou enfin dans trois sens, pour former des amas. Ainsi voilà des zooglées qui se comportent comme de véritables cellules, ce qui n’empôche pas qu’on ne considère chaque Bactérie comme une cellule, même le plus petit des Microcoques, uniplastidulaire ; elles ont d’ailleurs une constitution bien plus simple que l’immense

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

majorité de ces éléments anatomiques. On a distingué un certain nombre de genres parmi ces êtres agrégés. Par exemple, celles qui sont sans enveloppe sont des Potybacleria , Punctula , et celles qui en possèdent une sont des Ascococcus , Ascobacteria. Ces zooglées sont aérobies, déterminent dans les matières albuminoïdes à la surface desquelles elles se trouvent une combustion énergique, et déga¬ gent presque toujours une grande quantité d’ammoniaque.

La division qui vient d’être indiquée constitue le cas le plus sim¬ ple et le plus général de la reproduction de ces êtres. Elle se pré¬ sente principalement chez les formes vigoureuses et placées dans de bonnes conditions de milieu. Dans d’autres cas, la reproduction par division se complique, et le corps en voie de reproduction ne se divise plus simplement en deux parties égaies. Il s’allonge d’a¬ bord et finit pas se fragmenter en un nombre plus ou moins consi¬ dérable de corps nouveaux. C’est ce qui arrive, par exemple, pour le Bacterium aceti , dont la division débute par un allongement considérable du corps qui se transforme en un filament. Celui-ci se divise d’abord transversalement en deux parties qui restent acco¬ lées bout à bout. Ces deux parties se divisent à leur tour, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le filament ne soit plus formé que par une réunion de Microcoques qui s’isolent, s’allongent peu à peu, pour recommencer le même cycle

La division n’est pas toujours simplement transversale; elle peut quelquefois s’opérer dans deux ou trois directions. Si les corpus¬ cules de nouvelle formation restent alors unis, il se forme des lames ou des masses.

Les articles des filaments dont il vient d’être question peuvent reproduire de nouveaux filaments; ils jouent donc le rôle de corps reproducteurs. Il arrive même que, parfois, des articles isolés se détachent simplement de l’ensemble et, dans des circonstances fa¬ vorables, reproduisent de nouveaux groupes. Pour cette raison, on donne souvent à ces articles le nom assez impropre de spores (ce sont bien plutôt des éléments analogues à des cellules durables), quoiqu’il n’y ait, en général, aucune différence entre eux et les ar¬ ticles végétatifs ordinaires. Les Bactériacées arthrosporèes de de Bary sont celles qui n’ont jamais d’autres corps reproducteurs que leurs articles détachés, par opposition au groupe des Bactériacées endosporées , qui se reproduisent par sporulation endogène.

La manière dont se forme l’article reproducteur est très variée, selon les espèces considérées.

Chez le Leuconostoc mes enter oïdes, qui ressemble à des œufs de grenouille (en chapelet) et se trouve dans les sucreries, qui est constitué par des rangées courbes de corpuscules arrondis unis dans une enveloppe gélatineuse générale et qui forme des masses

JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

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compactes zoogléiques, lorsque le milieu nutritif est épuisé, une grande partie des articles se détruit ; d'autres, répartis sans règle dans les rangées, deviennent un peu plus gros, à membrane plus épaisse et à protoplasma paraissant plus réfringent. La masse géla¬ tineuse se dissout finalement, ces corps deviennent libres et, dans de nouveaux milieux nutritifs, ils s’accroissent de nouvelles chaî¬ nettes.

Dans d’autres cas, ce sont de longs filaments qui se divisent en articles capables de les reproduire, articles courts et ressemblant à des Microcoques, tandis que, chez le Leuconostoc, la division est constante. Ici, même si les filaments sont toujours formés par d’au¬ tres articles, ceux-ci sont plus longs et, pour former les spores, ils se fragmentent. Ces sortes de corpuscules reproducteurs sont souvent relativement résistants aux agents extérieurs.

Chaque article de Baclerium ciceti peut être considéré comme une sorte de spore. Dans certaines espèces formées de gros filaments, chaque article ne devient pas une spore; ces articles plus courts que larges, discoïdes, ne présentent pas seulement la division transversale ordinaire, mais, finalement, ils présentent une ou plu¬ sieurs divisions parallèles à l’axe longitudinal, et, chaque fragment devient une spore ( Crenothrix ).

(. A suivre).

PROTISTES PARASITES

Du Ciona intestinalis.

(Fin) (1)

II

Non moins importante a été la rencontre d’un autre Protiste endopa- rasite, appartenant à la classe des Flagellés. Il est beaucoup plus rare que le précédent et je ne l’ai trouvé que dans la première portion du tube intestinal.

Ce Flagellé (PI. V, 1886, fig. 10) se distingue tout de suite parla préseqce de trois llagellums insérés tous à la partie antérieure du corps et dont celui du milieu est plus court que les deux latéraux. Ceux-ci dépassent une fois et demie la longueur totale du corps. Ils sont très fins, mais cependant faciles à distinguer.

Le corps est ovale, peut-être un peu aplati sur les bords, granuleux, avec des vacuoles, un noyau et un nucléole placés à la partie anté¬ rieure à proximité de l’insertion des llagellums, l’on observe encore

(t) Voir Journal de Micrographie, t. X, 1886, p. 496.

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une légère dépression ou cytostome, On ne voit aucune membrane ondulante .

Ce Protiste se meut avec beaucoup de rapidité, et j’ai pu vérifier avec toute certitude ce fait remarquable qu’il se sert d’un seul de ses trois flagellums, mais alternativement. Les deux flagellums en repos sont rabattus le long du corps et, ainsi, dirigés en arrière ; le plus souvent ils sont roulés en spirale sous le corps (fig. 12), de sorte qu’au premier abord, il semblerait que l’Infusoire ait un seul flagellum, ou deux au plus.

Le flagellum vibrant n’est pas, comme je l’ai dit, toujours le même. Quand l’Infusoire veut se servir d’un flagellum qui jusqu’alors était en repos, il tourne sur lui-mème en reculant en arrière et met en action le filament qui traînait le long du corps ; en même temps, il roule en spi¬ rale celui qui était en mouvement et tourne le troisième le long du corps. Aussitôt le second flagellum commence son travail de vibration jusqu’à ce que bientôt, par une seconde volte, le Protiste recommence la même manœuvre et mette en avant le troisième filament. Et ainsi de suite, avec beaucoup de précision.

Quand on compare ce Flagellé aux formes connues, on trouve qu’il a des rapports avec le Dallingeria Drysdalii (Sav. Kent, Man. oflnfus. Tab. XIX, fig. 35-41). Cependant il s’en distingue en ce qu’il est tou¬ jours libre et que le noyau occupe une position différente.

Tel qu'il se présente, ce Flagellé libre et pourvu de trois flagellums, dont un seul est vibrant et les deux autres traînants, peut se rapprocher du genre Trimastix de Saville Kent.

Saville Kent (Loc. cit ., p. 313) a institué, en effet, ce nouveau genre en le caractérisant ainsi :

« Animal nu, totalement libre, plus ou moins ovale ou piriforme avec « production d’une membrane ondulante latérale. Flagellums au nom- « bre de trois, insérés à la partie antérieure : un vibrant directement « en avant, les deux autres repliés et traînant en arrière. Endoplasme « et vésicule contractile très marqués. Ouverture orale non distincte. »

Si la forme trouvée par nous a des ressemblances avec le Trimastix marina , espèce unique du genre susdit, nous rencontrons cependant chez elle d’autres caractères tels qu’ils nous conduisent à instituer un nouveau genre très voisin du précédent : nous avons, comme carac¬ tères distinctifs, la position du noyau et surtout l’absence de la mem¬ brane ondulante. Ce genre se différencierait enfin du genre Dallinge¬ ria en ce que l’animal n’est jamais fixé mais toujours libre. De cette manière, au tableau de la famille des Trimastigidæ établie par Saville Kent il faudrait ajouter un nouveau genre, consacré au parasite ci- dessus décrit.

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Callodyction Trichomonas Dallingeria

Eivirea (nov. gen.)

Trimas tix

La forme trouvée par moi dans l’intestin du Ciona serait ainsi dé¬ finie :

Eivirea Cionæ. Corps ovale, arrondi en avant et en arrière. Trois flagellums, dont le médiau plus court ; tous insérés en avant, un seul vibrant à la fois et chacun à son tour ; deux traînants souvent roulés en spirale. Noyau et nucléole situés au milieu de la partie antérieure du corps.

Différence avec le g. Dallingeria : par sa forme ovale- et non piri- forme ; par l’insertion des flagellums ; par la position du noyau ; par ce qu’il n’est jamais adhérent aux corps étrangers, mais toujours libre.

Différence avec le g. Trimastix : par la position du noyau et l’ab¬ sence de la membrane ondulante.

Enfin, je crois pouvoir faire une petite observation morphologique en comparant les formes appartenant à la famille des Trimastigidés, telles qu’elles sont disposées sur le tableau ci-joint.

Les flagellums, parties différenciées si remarquables, sont, dans les Callodyction , tous les trois employés à la fonction de locomotion et peut-être aussi à la prise des aliments. Dans les Trichomonas , nous trouvons ce rôle limité à deux flagellums, le troisième servant plutôt de gouvernail pour diriger le corps de l’Infusoire. Dans les Dallingeria , il n’y a qu’un flagellum vibrant, mais on trouve un degré d’infériorité en ce qu’ils ne sont pas toujours libres. Les Trimastix ayant un seul flagellum vibrant et étant toujours libres seraient supérieurs à tous, mais comme ils présentent une membrane ondulante ils restent, quant à la fonction susdite, moins parfaits que les Eivirea chez lesquels nous ne trouvons qu’un seul flagellum vibrant à la fois, la locomotion étant exécutée alternativement par les deux autres, et, de plus, sans le con¬ cours d’aucune membrane ondulante.

On pourra trouver ces considérations excessivement minutieuses, si ce n’est inotiles, mais je ne crois pas qu’il en soit ainsi, parce que je pense que dans l’étude des organismes inférieurs, qui va en s’étendant beaucoup, si l’on faisait attention aux particularités biologiques au lieu de s’occuper seulement de celles qui sont purement systématiques, l’histoire de ces êtres, leur morphologie, seraient bientôt, sinon com¬ plètes, au moins bien avancées.

Itous les trois vivants deux vibrants, un traînant

[animal libre ou fixé Icomplètement libre, sans mem- un vibrant, 1 brane ondulante deux traînants]

Icomplètement libre, avec mem- ! brane ondulante

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III

Enfin, je signalerai seulement un Cilié que j’ai trouvé une seule fois en raclant délicatement la partie inférieure du sac branchial.

Cet Infusoire, de forme allongée, est atténué en avant, élargi en arrière (fig. 13). Très transparent, brillant, très peu granuleux, il pré¬ sente quatre ou cinq vacuoles non contractiles placées vers la partie centrale et trois vers le bord postérieur (fig. 14).

Dans la région antérieure, on trouve, en outre, des granulations très marquées et nombreuses, limitées au bas du bord arqué sous lequel est le noyau.

Tandis que les régions postérieures et latérales du corps*sont presque dépourvues de cils, ou ceux-ci sont très courts, les cils sont condensés à la partie antérieure ils se montrent relativement longs, robustes et très mobiles (fig, 13, 14, 15).

Malgré les recherches que j’ai faites dans les œuvres fondamentales d’Ehrenberg, de Claparède et Lachmann, de Stein, de Fromentel, de Saville Kent et dans d’autres ouvrages moins importants, il ne m’a pas été possible de rapporter la forme décrite ci-dessus à aucune de celles déjà connues.

Toutefois, par son aspect général, ce Protiste ressemble au genre Litonotus , bien qu’il ne puisse y rentrer, car ce dernier est olotriche ; on trouverait plutôt à le rapprocher, dans ses caractères les plus sail¬ lants, du groupe des Amphileptus , Dileptus et Lacrymaria (1).

Aussi, je crois qu’il faut laisser cette forme indéterminée en attendant que des observations ultérieures nous apprennent s’il faut ou non y voir une forme nouvelle.

(Gênes, mai 1886). Dr CORRADO PARONA,

Prof, à l’Université de Gênes.

LA GENITOGASTRULA

Le blastopore, considéré chez diverses gastrules, se comporte de ma¬ nières fort diverses. Il peut persister pendant toute la vie de l’individu qui le porte et se tranformer en bouche définitive ; d’autres fois, il forme l’anus. Mais il arrive aussi bien fréquemment qu’il se ferme et qu’après sa disparition ces deux ouvertures se produisent d’une manière indé¬ pendante de lui.

(1) Je ne trouve non plus aucune afflûité*avec les espèces des genres Opalinopsis et Bene - dénia décrites par Fœttinger ( Rech . sur q. inf. nouv. paras, des Céphalopodes , Arcli. B. de Biol. T. III, p. 345, pl. 19-22 ; et Bull. Acad. R. des Sc. de Belg., 50® ann., 3e sôr., 6, 1881, p. 887.

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La théorie de la gastrœa de Hæckel n’explique pas ces phénomè¬ nes qui, même jusqu’à un certain point, tendent à l’infirmer. Ray- Lankester, pour répondre à ces desiderata , a proposé de la remplacer par sa théorie de la Planula. Comme on le sait, une planule est un embryon sphérique, formé de deux feuillets limitant une cavité centrale, mais celle-ci est dépourvue d’orifice la mettant en rapport avec le monde extérieur.

Depuis lors, diverses théories ont été émises, soit pour obvier aux imperfections des premières, soit pour mieux répondre à l’état plus avancé de la science. Ainsi Mecznikoff a émis une hypothèse sur une forme ancestrale primitive des Métazoaires qu’il appelle Phagocytella ou Parenchymula ; Bütschli a décrit la Placula, Gœtte, la Sterrogas - trula. Enfin, Salensky vient de nous doter de la Genitogastrula. C'est l’exposé de la théorie de cet auteur que je me propose de retracer ici aussi fidèlement que possible. Ces diverses théories ont de commun qu’elles admettent toutes que les Métazoaires dérivent, d’une forme ancestrale unique, et ce n’est que par le mode de développement de cet être primitif et sa constitution hypothétique qu’elles s’éloignent les unes des autres. Même, elles admettent, pour la plupart, comme point de départ originel de leur organisme ancestral, une colonie de cellules semblables entre elles, une colonie homoplastide.

Salensky précise la nature de ces colonies originelles ; ce sont des colonies d’infusoires flagellifères, analogues aux Volvox, qui constituent les formes de transition reliant les Protozoaires aux Méta¬ zoaires.

Cette idée ne lui est d’ailleurs pas personnelle. Gœtte avait déjà conçu une hypothèse analogue, basée sur la comparaison des phénomènes de la reproduction des Volvocines avec les premiers stades du déve¬ loppement de l’œuf des Métazoaires. Cet auteur pense que les organis¬ mes pluricellulaires qui sont les plus anciens devanciers des Éponges, étaient vraisemblablement des êtres en forme de vésicule et couverts de flagellums, D’une manière analogue à ce qui se voit pour les Volvox, leurscellules reproductrices émigrèrent à leur intérieur, pour se déve¬ lopper au sein de leur cavité centrale jouant ainsi le rôle de cavité incubatrice. Mais leur évolution traîna en longueur, toutes ne se développèrent pas, et elles finirent par former une masse cellulaire, dérivée de cellules reproductrices non mûres, qui s’est différenciée ulté¬ rieurement en tissusvariés, tandis qu’une partie de ces éléments a con¬ servé la possibilité de produire des germes. Tous les Métazoaires peuvent être ramenés à une forme primitive commune, que Gœtte appelle Sterrogastrula , constituée par un ectoblaste relié et un ento- blaste parenchymateux, issu de la transformation des cellules reproduc-

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h

trices. La théorie de la Phagocytella de Mecznikoff ressemble beau¬ coup à la précédente, mais les cellules immigratrices, au lieu d’ètre des germes, constitueraient, dès l’origine, des cellules amiboïdes nourri¬ cières. Bütschli objecte à ces deux théories que l’immigration de cel¬ lules amiboïdes, sans l’existence d’une bouche, ne présente aucune utilité ; de même, la transformation de cellules reproductrices en cellu¬ les nourricières ne se comprend guère, si l’on n’admet, en même temps, la formation d’une bouche.

Comment la transformation des cellules reproductrices immigrées en cellules nourricières a-t-elle pu être utile ? De quelle manière et comment se produit le bïastopore et se ferme-t-il ? Comment peut-on rapprocher la cavité intestinale issue de la délamination et celle qui se produit par invagination, la première étant une cavité de segmen¬ tation, la deuxième une formation nouvelle provenant d’une invagination de l’extérieur vers l’extérieur ? Telles sont les questions que Salensky se propose de résoudre.

Les plus anciens devanciers des Éponges auraient été des colonies de Flagellés, analogues au Volvox actuel, des vésicules couvertes de flagellums. Ces êtres eux-mèmes seraient des dérivés de colonies plus simples., formées par un plan unique d’individus placés côte à côte (stade Gonium ). Remarquons que les êtres qui se disposent en un plan ne sauraient se diviser que longitudinalement, par conséquent, les organismes de Salensky dériveraient d’êtres se multipliant par division longitudinale ; ces colonies en lames, au lieu de rester planes, se sont incurvées, de manière à se transformer progressivement en vésicules. Ces vésicules étaient capables de se reproduire, à la façon des Volvox, au moyen de cellules reproductrices asexuées. Dans ces colonies pri¬ mitives, chaque individu se nourrissait pour son propre compte, en en¬ globant, à l’aide de ses pseudopodes, des particules nutritives, et il n’existait encore aucun mode de reproduction général. Leurs cellules reproductrices pénétraient au sein de la cavité centrale qui se fermait avant la maturation, pour assurer la protection des germes, de manière que c’était une véritable chambre incubatrice. Chez le Volvox, la fermeture de la vésicule et la formation de cellules reproductrices ne se produisent pas toujours à la même période de développement ; l’ou¬ verture primitive du germe de Volvox persiste jusqu’à la fin du déve¬ loppement et ne se ferme ordinairement que peu avant la formation des flagellums ; il arrive même, chez des colonies jeunes déjà libres, que la fermeture n’ait pas encore eu lieu, et, déjà avant cette mise en liberté, les cellules reproductrices se sont différenciées et se recon¬ naissent à leur volume. Qu’un fait analogue se soit passé pour les formes ancestrales des Métazoaires et qu’elles aient mis en liberté des

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vésicules filles non fermées, renfermant des cellules reproductrices amiboïdes, non encore bien différenciées, ces colonies se seront trouvées dans d’autres conditions de nutrition que celles qui naissent à l’état de vésicules fermées. En effet, leurs cellules reproductrices n’étant pas en¬ core à l’état de repos, étaient capables de se nourrir par elles-mêmes, et, comme elles se trouvaient en contact permanent avec le milieu am¬ biant, par le moyen du pore de la vésicule, elles pouvaient s’assimiler les particules nutritives qui y pénétraient. Ce phénomène a eu une grande influence sur l’avenir de ces colonies ; les forces de la vésicule ciliée ont été ménagées par là, de manière qu’elle a pu mieux s’adapter à ses fonctions de relation. Remarquons toutefois que, dans l’hypothèse, telle qu’elle est posée, ceci est loin d’ètre évident. En effet, les indi¬ vidus constitutifs de ces colonies se nourrissaient chacun pour son pro¬ pre compte, en dehors de toute nutrition générale, de telle sorte qu’il paraît assez difficile d’admettre une réaction des uns sur les autres suffisante pour que la prospérité des uns profitât à la communauté. Quoi qu’il en soit, pour Salensky, cette réaction existait, et les cellules constitutives de ces colonies étant bien nourries, leur puissance de re¬ production s’est accrue de telle sorte qu'au lieu de produire un petit nombre de germes, comme chez les Volvox, le nombre des cellules reproductrices a énormément augmenté, ceci d’autant plus que la quan¬ tité des matériaux nutritifs était plus considérable et que la durée de la période ouverte était plus prolongée.

Mais l’espace à remplir était limité, et comme le nombre des cellules reproductrices s’était considérablement accru, une partie seulement d’entre elles a pu s’accroître et se transformer en vésicules filles. Les autres cellules reproductrices ont persisté a l’état amiboïde jusqu’à la reproduction de nouvelles conditions favorables à leur développement, conditions qui ne pouvaient se représenter qu’après l’expulsion des vésicules filles développées. Celles-ci quittaient le corps de la mère au moyen d’un pore de nouvelle formation. Mais après cette sortie, la persistance de l’ouverture d’évacuation ne pouvait qu’être une excel¬ lente condition pour la vésicule mère. En effet, si la fermeture était avantageuse pour la protection des germes, après leur sortie, quelques cellules sont restées, qui étaient sans fonctions dans la vésicule fermée, mais qui, dans la colonie ouverte, peuvent déployer toute leur vitalité ; c’était donc alors un avantage pour la colonie de rester ouverte, car, non seulement elle se conservait mieux elle-même, mais encore elle pou¬ vait produire une nouvelle génération de germes. Toutefois ce dernier avantage n’est pas évident ; si la vésicule s’était refermée, les nouveaux germes pouvaient cependant se développer de la même manière que ceux qui ont déjà été expulsés, avec cet avantage en plus que cette occlusion les aurait protégées.

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Salensky ramène donc la forme ancestrale primitive .des Métazoaires à un être présentant trois états, dont deux ouverts et un fermé, et dont les cellules reproductrices se divisent en deux sortes, celles qui se déve¬ loppent et celles qui contribuent à la nutrition de l’ensemble ; ces der¬ nières se disposent en une couche au sein de la vésicule.

Par la suite de l’évolution, la période ouverte est devenue de plus en plus longue, la fermeture ne se produisant finalement plus qu’au moment de la reproduction ; il s’est formé ainsi un être des plus sim¬ ples, constitué de cellules qui ne sont pas toutes semblables ( hétéro -

plastide), sorte de gastrule à deux couches, qui est la souche primitive

des Métazoaires. Cette forme se distingue de la gastrula de Hackel en ce que sa couche interne n’est pas simplement constituée par des cel¬ lules nourricières, mais aussi par des cellules reproductrices, et en ce que, pendant la période de reproduction, elle vit à Tétât de vésicule fermée. Cette forme vésiculaire primitive est la Genitogastrula de Sa¬ lensky ; le feuillet externe devient le Kynoblaste et le feuillet interne, le Phagogenitoblaste ; la cavité interne, rappelant celle du Volvox, le Phagogenüocèle , et Touverture reste le blastopore.

Le développement des feuillets embryonnaires de la plupart des Métazoaires paraît obscurci par des phénomènes de cœnogenèse, des accélérations de développement de parties phylogénétiquement plus jeunes, des retards d’autres parties, flans les processus de différenciation de ces feuillets, phénomènes analogues à ce qui se voit d’ailleurs dans tout le reste du développement des Métazoaires, pour d’autres organes ou tissus. Malgré cela, le développemeütdes feuillets embryonnaires des Métazoaires, considéré dans ses traits fondamentaux, ressemble telle¬ ment au développement du Volvox, pour Salensky, qu’on semble fondé de dire que l’un est la copie de l’autre.

L’invagination et Tépibolie s’expliquent en admettant qu’une colonie en lame plate, un être au stade Gonium , s’incurve pour se transformer en une sorte de Volvox. L’invagination n'est donc qu’un reste atavique des processus qui caractérisaient les précurseurs des Métazoaires. Ainsi s’explique aussi la nature du blastopore, ainsi que sa fermeture.

Le blastopore manque chez les formes qui se produisent par délami¬ nation et par immigration, chez lesquelles la bouche définitive se produit du premier coup. Le blastopore étant homologue de Touverture des jeunes colonies de Volvox, sa fermeture rappelle l’oblitération de celle- ci ; par la suite, une autre ouverture se forme, pour la sortie des jeunes, d’une manière analogue à ce qui se voit chez ces dernières, et ce pore joue aussi le rôle de bouche, s’il reste des cellules amiboïdes dans la cavité du corps ; il deviendra la bouche ou l’anus définitif. Ainsi s’explique la

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fermeture du blastopore et son remplacement par une autre ouverture, bouche ou anus.

Si l’on compare diverses blastules de Métazoaires, au premier abord, elles paraissent assez semblables, quoiqu’en réalité elles diffèrent beau¬ coup. La paroi de la blastule à délamination ou à immigration est for¬ mée de cellules semblables entre elles ; l’ensemble se transforme en un corps hétéroplastide. Il en résulte que leur cavité primitive se trans¬ forme en cavité digestive. Dans l’archigastrule et l’amphigastrule, il faut admettre l’existence, dès l’origine, d’un entoblaste et d’un ecto- blaste distincts, et là, la cavité primitive, le blastocèle , ne se trans¬ forme pas en intestin, mais il est plus ou moins supprimé. En fait, l’intestin primitif se forme donc de deux manières bien distinctes : chez les uns, il se produit aux dépens du blastocèle, tandis que chez les autres il constitue une nouvelle formation. L’on en est ramené à ce dilemme que : ou bien les cavités digestives issues d’une délamination ou d’une invagination ne sont pas homologues ; ou bien, si elles le sont, l’homo¬ logie du blastocèle des deux sortes de blastules précédentes est dou¬ teuse. C’est cette dernière hypothèse qui paraît la plfts probable à Sa- lensky, pour lequel la cavité primitive des blastules à délamination n’est pas un blastocèle. On peut, en effet, remarquer que, plus tard, chez celles-ci, il se forme aussi deux cavités, dont l’une devient l’intestin et l’autre répond au blastocèle ; cette dernière se remplit ultérieurement de substance gélatineuse. Il arrive donc que dans les deux grandes sortes de blastules, l’ordre d’apparition de ces deux cavités est inverse. Chez celles dont l’entoblaste est produit par délamination ( Schizoblas - tula) ou par immigration ( Pareibiaslula ), l’intestin primitif se forme avant le blastocèle, tandis que la réciproque est vraie pour les formes dont l’entoblaste se produit par invagination ( Gastroblastula ).

J’avoue que, pour mon compte, cette manière de voir ne me séduit guère ; il me paraîtrait bien plus simple, si j’admettais les idées de Sa- lensky, de penser que dans les blastules à invagination il existe une localisation des cellules immigratrices, qui, au lieu de provenir de toute la périphérie, se spécialiseraient par une sorte de perfectionnement dans une région restreinte et que cette région immigrerait en bloc. Dans ces conditions, l’ordre d’apparition des cavités primaires du corps peut être considéré comme n’étant nullement inverse. La cavité de segmentation serait une dans toutes les blastules, et son identité ne. serait pas chan¬ gée par les détails de l’immigration des cellules, soit qu’elle se fasse en bloc ou en détail. Et par l’un ou l’autre procédé, l’on aurait une division de la cavité primitive par une cloison, de telle façon que, non- seulement celle-ci ne serait pas changée, mais encore les cavités se¬ condaires ne seraient aucunement d’essence nouvelle, et l’on aurait

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affaire à une subdivision, par des procédés divers, d’une cavité iden¬ tique.

Ainsi les schizoblastules sont des vésicules closes homoplastides, se transformant en ensembles hétéroplastides par le transport à leur inté¬ rieur de cellules provenant de toute leur périphérie ; il n’y a donc pas de blastopore, et l’ouverture qui s’y forme est la bouche ou l’anus défi¬ nitifs. Leur cavité est l’homologue de celle des formes coloniales vol- voxoïdes et leurs cellules inmigratrices représentent les germes de celles-ci, plus spécialement ceux du cas la foimation des cellules reproductrices ne commence qu’après la fermeture du blastopore. L’ou¬ verture primitive de la colonie, homologue du blastopore, n’est que peu ou point retrouvée. Les poreiblastules sont les proches parents des schizoblastules, et tout ce qui précède s’y applique.

Il y a cependant à faire remarquer ici un point laissé bien obscur par Salensky. Les deux catégories de blastules dont il vient d’ètre question sont évidemment les plus simples, et c’est chez elles que les processus primitifs devraient être les plus nets. Non seulement il n’en est pas ainsi, mais un des points les plus saillants, l’existence du blasto¬ pore, est ici complètement effacé. Si cependant les vésicules se formaient par l’incurvation d’un plan primitif, c’est ici qu’on devrait le rencontrer le plus nettement. Déplus, Salensky paraît faire une confusion complète entre cette incurvation primitive et un phénomène d’ordre secondaire, c’est-à-dire l’invagination des cellules entoblastiques (1).

La constitution des gastroblastules est bien plus variée que celle des schizoblastules ; il existe cependant deux formes principales, l’amphi- blastule et l’archiblastule, auxquelles on peut ramener les périblastules et les discoblastules. Mais la constitution hâtive du blastocèle est carac¬ téristique et il se forme bien avant l’archentéron. II apparaît comme une vaste cavité entre l’ectoblaste et l’entoblaste (archiblaslule) et plus tard se réduit par les progrès de l’invasion cellulaire, ou bien sous la forme d’une fente étroite (amphiblastule). C’est dans l’amphiblastule que la différenciation hâtive de l’entoblaste est le plus marquée.

La différence entre l’embolie et l’épibolie est due, en grande partie, à la proportion relative de l’archilécithe et du deutolécithe ; mais aussi à la direction des plans de segmentation des cellules de l’entoblaste.

(1) L’incurvation du stade Gonium, qui serait l'origine de l’invagination, est un phéno¬ mène bien antérieur à celle-ci et aboutit à la formation de la vésicule, et la constitution vésiculaire existe déjà lorsqu’elle se produit; ce sont des faits différents. Môme dans le cas de formation de rentodermj par immigration, la vésicule préexiste, et l'invagination est phylogénétiquement plus jeune. Les formes les plus anciennes de Salensky ne présentent donc ni l’incurvation ni le blastopore, et cependant il semble qu’elles devraient le mieux rappeler l’incurvation originelle. L’entoderme parenchymateux de cet auteur pourrait peut- être constituer la première ébauche d’un mésenchyme; ce qu’on voit dans le développe¬ ment des Echinodermes plaide assez en faveur de cette manière de voir.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE .

35

Ainsi, il est des blasluîes dont les cellules entoblastiques sont très riches en deutolécithe qui ne s’en invaginent pas moins pour cela que d’autres moins riches. Chez ces formes, les cellules entoblastiques se divisent longitudinalement, tandis que chez celles qui ont des amphiblastules elles se divisent dans diverses directions. Or, chez les archiblastules, on trouve aussi, dans la règle, cette division longitudinale. L’entoblaste se forme donc, soit en masse compacte, qui ne peut guère s’invaginer, soit en lame, qui s’invagine facilement,

En résumé, la forme ancestrale des Métazoaires est une colonie de Flagellés analogue au Volvox actuel, mais nettement animale. Les déviations de ce type ont engendré une gastrula par l’immigration hâtive de jeunes générations, dont une partie des cellules se sont trans¬ formées en entoblaste, tandis que les autres ont persisté à former des jeunes, gastrule pourvue d’un pore qui la fait communiquer avec l’ex¬ térieur; c’est la genitogastrula. L’archentéron est primitivement une cavité incubatrice ; le blastocèle est une nouvelle formation. Le blastopore est l’homologue de l’ouverture primitive du Volvox, et sa fermeture rappelle ce qu’on voit chez lui. Les schizoblastules se rapprochent le plus de la forme primitive et les gastroblastules en sont dérivées. Je regrette que Salensky ne se soit pas préoccupé suffisamment d’un point spécial, pourtant fort intéressant et d’une haute importance dans sa théorie, qu’il passe sous un silence absolu. Les premiers phénomènes produisant les couches secondaires des Métazoaires sont des phéno¬ mènes de reproduction. Par quels processus en sont-ils arrivés, pen¬ dant que tous les tissus et tous les organes arrivent à se développer, à se compliquer et à se différencier si hautement chez les Métazoaires, à ne se voir qu'à la fin de la vie de ceux-ci, tandis que le reste de l’organi¬ sation se produit sans montrer trace de processus reproducteurs qui seraient cependant phylogéniquement les plus jeunes ? Existe-t-il d’ail¬ leurs réellement une forme ancestrale commune à tous les Métazoaires ?

J. Kunstler,

Prof. alj. à la Faculté des Sciences de Bordeaux.

TECHNIQUE MICROSCOPIQUE

RECHERCHE DE LA FARINE DE BLÉ DANS LE CHOCOLAT

Les méthodes généralement employées pour le dosage des farines dans le chocolat, ne donnent que des résultats incomplets ou erronés.

Peut-être le procédé suivant paraîtra-t-il plus rigoureux et comporter un degré d’approximation suffisant.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

Voici comment j’opère :

Après avoir pulvérisé une certaine quantité de ehocolat, deux gram¬ mes par exemple, je le lave à l’eau sur un filtre pour dissoudre le sucre ; à l’alcool, pour le débarrasser de son principe colorant et, à l’éther, pour enlever la matière grasse. Je fais ensuite sécher le filtre et je tri¬ ture de nouveau la masse dans un mortier, de manière à obtenir une poudre parfaitement homogène. Cette dernière précaution est de toute nécessité.

Je pèse ensuite 0 g r. 01 (un centigramme) de cette poudre que je tri¬ ture dans un petit mortier d’agate, successivement avec une, deux».... six gouttes du liquide suivant : eau distillée 1 vol. , glycérine 2 vol., le tout additionné de 5 °/0 de teinture officinale d'iode : et, lorsque le réac¬ tif a coloré l’amidon, je fais six préparations microscopiques, de manière à utiliser la totalité de la substance.

Je me sers, pour cela, de petites lamelles de 22 millimètres de côté, et j’observe avec l’objectif 5 (ancien), 7 (nouveau) de Nachet, associé à l’oculaire 1.

Je compte alors, sur chacune des six préparations, le nombre de grains d’amidon de blé contenus dans dix champs du microscope : trois pris au hazard dans le tiers gauche de la préparation, quatre dans le tiers moyen et trois dans le tiers droit ; en ne tenant compte que des grains dont le diamètre, manifestement supérieur au diamètre maximum des granules d’amidon de cacao, oscille entre 0mm 02, et 0ram 05. J’obtiens ainsi un nombre a de grains, correspondant à soixante champs de mi¬ croscope et j’établis la moyenne représentée par

Il ne me reste plus, pour apprécier la falsification, qu’à comparer ce chiffre aux moyennes obtenues en procédant de même avec des types.

Le tableau suivant indique les moyennes que j’ai obtenues en opé¬ rant, chaque fois, sur trois séries de six préparations, de manière à fixer dans quelles limites peuvent osciller les chiffres.

Falsification à

lre Série

2™* Série

3me Série

Moyenne générale

0,05

°/e

0,05

0,16

0,10

0,103

0,10

0

/o

0,20

0,45

0,25

0,30

0,50

7.

0,48

0,60

0,45

0,51

1

°i

1 o

0,68

0,76

0,93

0,79

2

0 /

/ 0

2,05

*2,26

2,11

2,14

3

7.

2,36

2,46

3,80

2,87

4

7.

3,41

3,08

3,45

3,31

5

7.

3,50

4,70

3,83

4,00

10

7.

5,96

7,33

8,46

7,25

37

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Les moyennes les plus élevées d’une série sont parfois dues à la pré¬ sence accidentelle, dans un ou plusieurs champs de microscope, d’uu groupe de grains que la trituration n’a pas isolés : tel est le cas des moyennes fournies par la 2e série du type 0,10 °/0 et la série des ty¬ pes 3 et 1 0 % .

Ce procédé, d’autant plus exact que les doses de farine sont plus faibles, cesse d’ètre applicable au dessus de 10 °/0. A cette proportion même, le nombre et souvent l’accolement des grains rend leur numéra¬ tion difficile et on en omet nécessairement. Mais, avant que la fabrica¬ tion atteigne cette limite, les méthodes chimiques permettent aisément le dosage.

On peut ainsi doser dans un échantillon de chocolat des quantités extrêmement petites de farine de blé : l’addition de 0,05 °/0 correspond, en effet, à un demi-millième. Or, cette détermination, qui n’a aucune valeur au point de vue de la recherche de la fraude, a néanmoins, dans certains cas, son importance. Un chocolat pur cacao, fabriqué dans un appareil incomplètement nettoyé et ayant servi à faire du chocolat amy¬ lacé, pourra contenir des traces d’amidon ; il importe donc à l’expert de connaître les résultats de l’examen microscopique fait dans ces con¬ ditions, pour conclure à un semblable accident. Nous supposerons, pour cela, que le chocolat amylacé précédemment fabriqué, ôtait addi¬ tionné de trois, de cinq ou même de dix. pour cent de farine de blé ; que le mélangeur, d’une contenance moyenne de 35 kilogrammes, n’a pas été nettoyé et qu’il est resté 500 grammes de chocolat. Dans ces condi¬ tions, l’appareil prêta être remis en marche, contenait donc 15, 25 ou 50 grammes de farine qui, répartis dans 35,500 .grammes de matière, donnent des produits additionnés de farine dans la proportion infinitési¬ male de un demi-millième à un millième pour cent. On ne rencontre alors qu’exceptionnellement un grain d’amidon dans le champ du micros¬ cope, et la moyenne obtenue en suivant la méthode précédente, doit être comprise entre 0,1 et 0,3 au maximum.

Ce procédé de dosage pourrait être appliqué à la recherche de la farine de blé dans toutes les poudres alimentaires ou médicamenteuses.

Dr G. Pennetier,

Dir. du Mus. d’ilisl. Nat. do Rouou.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

Sur les Maladies des Plantes

LE SULFATE DE CHAUX ET LE SULFATE DE FER DANS LA CULTURE

DE LA VIGNE

A Messieurs les Membres de la Commission supérieure du phylloxéra Messieurs,

En 1869, M. H. Marès, un de nos viticulteurs les plus distingués, s’est demandé ce qu'étaient devenues dans le sol les quantités souvent considéra¬ bles de soufre employées depuis 1854 pour combattre l’oïdium, et qui, pour certaines vignes, se sont élevées à lOOkilog. pour cette période de quinze an¬ nées. Il a constaté que, dans les terrains calcaires, le soufre se convertit, sans formation préalable d’hydrogène sulfuré, d’autant plus rapidement que les terres sont plus fumées, en acide sulfurique, pour donner du sulfate de chaux, qui descend peu à peu dans le sol, il se retrouve souvent à une certaine profondeur. Il affirme que jamais le phylloxéra n’a paru d’une manière perma¬ nente sur les racines des vignes soufrées largement depuis assez de temps.

Si dans les vignes soufrées largement depuis assez de temps, et consé¬ quemment le sol est pourvu amplement de sulfate de chaux, le phylloxéra ne se montre jamais d’une manière permanente, quelle conséquence doit-on rai¬ sonnablement tirer de ce fait, rapporté par votre éminent collègue, si ce n’est que, pour combattre la maladie phylloxérique, il faut fournir en abondance au sol du sulfate de chaux , connu des vignerons sous le nom de plâtre ?

A l’appui de l'opinion que nous soutenons depuis un grand nombre d’an¬ nées, que le défaut d’élément calcaire soluble dans le sol est la cause de l’état anormal de la vigne, état anormal qui a pour conséquence de produire les maladies désignées sous les noms d’Oïdium et Phylloxéra, voici un fait bien connu. Dans les vignobles de la Marne, placés dans des sols composés en très grande partie de marne et conséquemment très riches en sulfate de chaux, l’oïdium et le phylloxéra ne sont connus que de nom. Si ces mala¬ dies parasitaires sont produites, comme on le prétend, par des germes, pour¬ quoi ces germes ne tombent-ils pas sur les vignobles de la Marne aussi bien que sur ceux des autres départements ? Et s’ils y tombent, pourquoi n’y produi¬ sent-ils pas les maladies qu’ils font naître ailleurs ?

Mais l’oïdium et le phylloxéra ne sont pas malheureusement les seules af¬ fections produites par la mauvaise composition de la sève de nos vignes ; le blackrot, l’anthracnose, etc., qui occasionnent des ravages un peu partout, sont aussi le résultat de l’état anormal dans lequel elles se trouvent. C’est que le sulfate de chaux n’est pas le seul élément dont un grand nombre de sols sont épuisés ; l’oxyde de fer, qui joue un rôle considérable dans la culture de la vi¬ gne, fait également défaut dans beaucoup de terrains.

Jusqu'à ce jour on ne s'est guère occupé de rendre au sol que des engrais riches en humus, en azote, en potasse, en acide phosphorique et en chaux ; quant à l'élément ferrugineux, on a cru que les vignes en réclamaient fort peu

elpartant qu’il était parfaitement inutile de leur en donner, le sol en conte¬ nant toujours suffisamment. Cette opinon basée sur l’analyse des plantes nous

JOURNAL DE MICROGRAPHIE,

39

paraît très contestable, voici pourquoi : par l’analyse des plantes on recon¬ naît très exactement la quantité de fer qu’elles renferment, mais cette quan¬ tité de fer n’est, selon nous, qu’une partie souvent très faible des sels ferrugi¬ neux dissous qu’elles ont absorbés ; la partie décomposée et réduite en molécules et en atomes, ensuite élaborée et transformée sous l’influence de l’oxygène, de la chaleur, de l’humidité, de la lumière, des réactions chimiques et de la force vitale, doit échapper aux recherches de la chimie* Nous nous croyons donc autorisés à soutenir que les végétaux en général et la vigne en particulier réclament plus d’éléments ferrugineux qu’on ne le pense. La pra¬ tique confirme du reste cette manière de voir, nous allons le prouver.

L’oxyde de fer, qui colore le sol en rouge, tend tous les jours à disparaître de la couche arable par l’absorption qu’en font les végétaux ; voici un fait qui le démontre : dans les jardins anciens la couleur du sol était primiti¬ vement rouge, cette couleur s’est perdue peu à peu au fur et à mesure de la disparition de l’oxyde de fer, et le sol a pris la teinte brune foncée que nous lui voyons aujourd’hui. Or, chose remarquable et bien digne de fixer notre atten¬ tion, c’est précisément dans ces jardins devenus très riches en humus, en azote, en potasse, en acide phosphorique et même parfois en chaux, mais en même temps fortement épuisés d’oxyde de fer, c’est précisément dans ces jar¬ dins, disons-nous, que beaucoup de végétaux, comme les pêchers, par exem¬ ple, .sont atteints d’affections nombreuses dont ils meurent prématurément.

Le fer et la chaux, tous deux sous forme de sulfates, sont assimilables par les plantes ; mais le sulfate de fer associé au plâtre et employé comme engrais n’agit pas également sur la coloration verte des feuilles de tous les végétaux indistinctement : tandis que son effet est très accentué sur les feuilles des poiriers, pommiers, pêchers, abricotiers, etc., il est nul et très peu marqué sur celles des céréales et des betteraves.

Nos expériences nous ont permis de constater en outre que l'emploi simul¬ tané du sulfate de fer et du sulfate de chaux a pour résultat :

De préserver les céréales de la rouille ; de les empêcher de verser aussi

facilement ; de hâter leur maturité.

D augmenter la richesse saccharine des betteraves ; de les rendre plus naturelles et par conséquent de meilleure conservation ; de les préserver de la pourriture du collet, maladie qui occasionne communément des pertes con¬ sidérables aux plantations faites dans les sols sortant des bois défrichés et dans les limons blancs.

De faire obstacle à la coulure de la vigne ; de rendre les raisins plus

sucrés et plus colorés ; d’avancer leur maturité ; de permettre aux sarments de

mieux s aoùter,; enfin de faire disparaître les maladies parasitaires dont le précieux végétal est atteint.

D arrêter la production des chancres des pommiers et des poiriers ; d’em¬ pêcher les fruits de se taveler, de se crevasser * de leur permettre de se déve¬ lopper dans des conditions normales et partant d’être plus beaux et plus suc¬ culents

De faire disparaître la cloque et la gomme des pêchers, abricotiers, pruniers, cerisiers ; d empocher leurs fruits de tomber en grand nombre avant maturité faute d’une nourriture convenable et suffisante.

b Enfin d augmenter considérablement la production des légumineuses,

40

JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

principalement des trèfles et des luzernes, tout en leur donnant plus de puis¬ sance nutritive.

Telles sont les déductions que nous avons cru pouvoir tirer des essais mul¬ tipliés auquels nous nous sommes livré. Nous engageons les cultivateurs, viticulteurs et les arboriculteurs à les contrôler. En faisant de nombreux essais un peu partout sur des plantes variées, on arrivera promptement à déterminer d’une manière très exacte l’effet du sel ferrugineux associé au plâtre pour combattre les maladies végétales. Dans le but d’encourager tous nos collègues dans cette voie fructueuse, nous ajouterons : ce n’est pas par des microbicides et des insecticides qu’on peut parvenir à empêcher les maladies de se produire ; en effet, étant donné, d’une part, que tout être vivant végétal ou animal, a absolument besoin, pour se trouver dans bonnes conditions vi¬ tales, d’avoir à sa disposition l’alimentation spéciale que réclame sa nature ; et, d’autre part, que tous les parasites, végétaux et animaux ne se plaisent que sur des êtres affaiblis par une cause quelconque, on est forcé d’admettre que, pour faire disparaître les maladies parasitaires des végétaux il importe de leur donner une sève meilleure, une vitalité plus forte en leur fournissant, dans de bonnes proportions, tous les éléments qu'ils réclament.

Nous engageons tout particulièrement les viticulteurs à suivre nos conseils en donnant par hectare à leurs vignes 300 kilos de sulfate de fer en poudre, mélangés intimement à 2000 kilos de sulfate de chaux. Le sulfate de fer en poudre coûte 6 francs les 100 kilos à l’usine de M. Fischer et Cie à Ghaille- vois (Aisne). Gomme on peut se procurer partout du plâtre à deux francs les 100 kilos, l’engrais que nous préconisons revient à cmquante-huit francs d’ac¬ quisition pour une durée minimum de deux années. Il n’est pas inutile de faire observer ici que les cépages producteurs de vins très colorés réclament beaucoup plus de sulfate de fer que les autres. Dans les terrains de craie et de marne blanche la quantité de sulfate de fer doit être augmentée tandis que celle de plâtre peut être diminuée ou même supprimée.

Pour produire promptement tout leur effet, ces sels doivent être répandus uniformément le plus tôt possible après la vendange afin d’être non seulement par les pluies avant le réveil de la végétation, mais encore entraînés profon¬ dément dans le sol et dissous se trouver ainsi au printemps à la portée des racines les plus enterrées.

En opérant de cette manière on ne tardera pas à reconnaître que l’état ma¬ ladif des vignes naît, non par l’influence des microbes voyageurs imaginés par l’Ecole parasitaire pour le besoin de sa théorie, mais par suite des modifica¬ tions anatomiques qui se produisent dans la sève sous l’action perturbatrice des vicissitudes atmosphériques ou d’une nourriture mal appropriée.

Veuillez agréer, Messieurs, l’expression de mes sentiments les plus respec¬ tueux.

Ghavke- Leroy cultivateur,

Membre de la Société des Agriculteurs de Frauce.

Clermont-les-Fermes (Aisne), janvier 1887.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

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Les doctrines médicales contemporaines devant

la clinique

Leçon faite à l’Hôpital Necker, par le professeur M. Peter (1).

Ainsi, d une part, le trouble des grandes fonctions précède la lésion et dis¬ paraît avant elle ; par conséquent, et chronologiquement, la maladie n’est pas la lésion, mais 1 engendre; c’est la fièvre péripneumonique qui fait la pneu¬ monie, - je veux dire la lésion du poumon ; et l’organisme se guérit plus tôt que l’organe.

Il n y a^ pas qu une question de doctrine n’ayant pas de sanction prati¬ que : ce n est pas la lésion seule que nous avons à traiter dans la pneumo¬ nie, c’est la fièvre. Et suivant que cette fièvre est légère, ou inflammatoire, ou bilieuse, ou nerveuse (adynamique ou ataxique) nous avons à varier notre thérapeutique, ainsi que je viens de vous le dire.

Le dogme de 1 organicisme étant détruit, il nous en fallait un autre : été celui de la « pathogénie».

VI. En effet, 1 esprit humain ne se laisse pas volontiers enfermer dans le cerc e visuel étroit que lui tracent ses globes oculaires. Il veut voir par delà,

a. V e,,eS yeux de 1 esprit. Aussi les médecins, mal satisfaits de la patholo¬ gie des lésions, en ont ils imaginé la pathologie.

La tentative pathogénique la plus brillante de ce dernier quart de siècle a ete celle de Virchow. Cet éminent médecin l’a formulée dans sa Pathologie cel - uaiiei œuvre considérable, qui eut un si grand si légitime retentissement, e qui est presque oubliée de nos jours. Virchow, vitaliste à sa façon, y fait denver la pathologie tout entière d’une déviation vitale des cellules. Je ne vous par erai pas ici des pages vraiment magnifique qu’il a consacrées aux ivers processus morbides et en partieuiier à l’inflammation. Je ne veux citer ici, et nevement, que ce qu il dit des tumeurs ; celles, par exemple, qu’on supposait es p us « hétérologues » ont pour lui leurs analogues dans l’orga- nisrne sain , î y a simplement ou « hétérochronie », ou hétérotopie » ou « îe erometrie ». insi il y a hétérochronie dans les tumeurs colloïdes l’ana-

n Dh6r U] .1S"’U °^6 86 tr0U!ant ^ans *a gélatine de Wharton du cordon m î ica , cest une « aberration de temps », un tissu fœtal se développant

orSanisme adulte. L’hétérotopie est une «aberration de lieu » : ainsi la

vrai ptv il0n 6 06 U cartdage ^ans un parenchyme ces cellules ne de- . ?aS exister\ . eterométrie n est autre que l’hypertrophie, c’est une

lit ? n“n»- Le hercule, pas plus que le cancer, n’est un tissu

nnvan!°re’ ° “n î Ae]l^l0n troPhi(lue des cellules du tissu conjonctif et des Z mortifier8 Ce S‘ hetérométrie excessive fait tout le mal en entraînant

oblkera n T ^ P'°liféré ^ ét0uffement des cellules entre elles et

est un bad le cZn \ T'Z* S’écr0Ule le bélier ** a brèche du choléra. G* tuberculose, comme c’est aussi le bacille

La tuberculose n’est plus une déviation trophique des cellules, c’est le ba¬ il) Voir Journal de Micrographie , tom. X, 1886, pag. 559.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

cille qui fait tout le mal, et la tuberculose est une maladie parasitaire. Le bacille engendre la tuberculosse comme il engendre le choléra ; c’est son in¬ troduction dans l'organisme et sa pullulation dans celui-ci, qui produit tous les désordres.

Virchow, troublé d’abord par la découverte de son compatriote, finit par se remettre, tout en capitulant. Il ne voit plus dans la maladie que la lutte du microbe avec la cellule quelque chose comme une pathologie de Lilli- put. Au fond, c’est du « solidisme » le plus pur.

D’autre part, Koch n’est qu’à demi triomphant ; car il est facile de lui démontrer que les désordres morbides ne sont nullement proportionels au nombre de ses bacilles. Forcé de capituler à son tour, il se réfugie dans l’hy¬ pothèse d’une ptomaïne qui serait sécrétée par son bacille ; celui-ci ne serait malfaisant que par celle-là. Mais la ptomaïne, hypothétique, ne pouvant in¬ fecter l’organisme qu’en infectant les liquides, Kock aboutit ainsi au plus pur, « humorisme ».

Et voici que, à propos du même fait, en admettant le même microbe, deux savants éminents se placent chacun à une extrémité opposée de l’axe de la médecine : l’un est solidiste et l'autre humoriste ; nouvelle preuve, hélas ! non pas de l’infirmité de l’esprit médical, mais de celle l’esprit humain.

Actuellement, la pathologie tout entière semble dominée par la pathogénie et celle-ci par la bactériologie ! Bactérie ici, bactérie là, bactérie partout ! Chaque jour vient apprendre au public médical stupéfait, que telle maladie après telle autre est manifestement parasitaire; que la pneumonie l’est comme le rhumatisme et celui-ci comme le charbon; qu’il est des bactéries à tout faire; des bactéries capsulées de la salive, qui font le bien dans la bouche et le mal dans les poumons, elles fabriquent la pneumonie (il y a erreur de lieu); des bactéries qui font l’hyperthermie de la fièvre typhoïde et des bactéries qui font l’algidité du choléra : des bactéries qui soufflent le chaud et des bactéries qui soufflent le froid ! !

Il y en a trop ! c’est un débordement. #

VII. Cette pathogénie, à tout prendre, pourrait être comme une gymnastique intellectuelle, salutaire au cerveau, mais le médecin est nécessairement a utilitaire », car, se trouvant toujours en présence du mal, il n’y saurait rester indifférent. Il cherche à appliquer, à utiliser, si possible, toute notion scientifique nouvelle.

On a donc cherché à tirer un parti thérapeutique des doctrines parasitaires et c’est justice de reconnaître que les parasitistes sont tombés dans la même erreur que les organiciens. Pour ceux-ci, la maladie était la lésion ; pour ceux- làla maladie, c’est le « microbe ». Pour eux, la pneumonie n’est plus l’inflam¬ mation du poumon, mais, ce qui n’est pas plus exact, c’est la maladie du mi¬ crobe pneumonique ; la dothiénentérie n’est plus la lésion des plaques de Peyer, mais, avec tout autant d'inexactitude, la ma’adie du microbe dothié- nentérique. Et voilà mes parasitistes qui retournent à Vunicité par la généra lisation (ils décrivent un circulus en sens inverse), et ils proposent de com¬ battre le microbe ennemi par une médication univoque.

Les uns, considérant que, dans la dothiénentérie, c’est le microbe qui fait la fermentation et la fermentation qui fait l'hyperthernie, conseillent de refroidir le malade pour refroidir le microbe et empêcher ainsi sa malfaisance

JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

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fermentescible. C'est le traitement de la fièvre typhoïde par les bains froids.

On sait ce qui est advenu en France de cette médication exotique, à la suite d’une polémique à laquelle je n’ai pas été étranger.

Mais cette médication systématique a eu ce résultat bienfaisant de nous apprivoiser à l’usage de l’eau froide, dans certains cas bien déterminés de fièvre typhoïde. Voilà ce qui nous est resté de la doctrine exclusive de Brand. Et c'est qu’est le progrès , lequel n’est autre qu’une série d'additions suc¬ cessives au fonds traditionnel.

D’autres, à propos de la pneunomie et toujours pour mettre à mal le microbe morbifère, ont conseillé les injections dans le poumon, sans songer à ce qu’il y a d’irrationnel dans une semblable médication, puisque, par hypothèse, les pneumocoques étant des parasites, les parasites étant d’essence repullulante, il suffirait que dix, que deux, qu'un seul pneumocoque ne fût pas touché par l’injection pour que la maladie persistât par la répullulation du ou des micro¬ coques survivants. On ne peut que repéter, à propos d'une semblable médica- que ce qu’en on dit avec candeur ceux qui l’ont pratiquée. Il n’y a pas eu d’ac¬ cidents. Les malades ont souvent plus de résistance qu’on ne croit.

Une troisième tentative thérapeutique, directement inspirée par l’observation parasitiste, est celle de Koch, lequel, remarquant que son bacille-virgule du choléra cesse de se reproduire dans un milieu qui n’est pas humide, a eu l’idée de le faire mourir de soif et n'a pas hésité (la chose est historique) à conseiller aux malheureux Marseillais décimés par le choléra, de cesser d’ar¬ roser les rues de Marseille.

D’autres encore, pour faire pendant à l’antisepsie chirurgicale, ont imaginé 1 ''antisepsie médicale ; idée généreuse mais chimérique, car l’antisepsie chirur¬ gicale repose sur cette notion, que le blessé est individu sain, mais porteur d’une plaie. Or, cette plaie peut, par hypotèse, donner entrée à ce qu’on ap¬ pelle les germes de l’air, et ces germes de l’air, peuvent, entrés, infecter l’or¬ ganisme. Il importe donc de s’opposer à la pénétration de ces germes ou de les détruire, afin d’empêcher cet organisme sain de devenir malade : telle serait la tâche du chirurgien. Mais, pour le médecin, la situation est tout au¬ tre : il est, lui, non pas en présence d’un organisme sain, mais d’un orga¬ nisme déjà malade. Quand il est appelé et qu’il intervient, cet organisme est déjàaffecté : par hypotgèse, le microbe est déjà dans la place ; il n’a plus à lui en iléfendre l’entrée, son rôle n’est plus que de l’en faire sortir. Je n’ai pas à insister davantage pour démontrer le chimérique de l’antisepsie médi¬ cale, dont les résultats d’ailleurs sont loin d’être encourageants.

Les inoculations antirabiques ne sont ni moins généreuses ni moins chimé¬ riques : irrationnelles en principe, elles ont été inefficacés en réalité.

Irrationnelles, puisqu’elles ont la prétention, contraire aux faits, d’empê¬ cher l’éclosion d’une maladie en incubation et qui tient l’organisme en sa puissance : lavacine n’a pas ce pouvoir sur la variole incubante : et l’on voit dans l’organisme contaminé par la variole, qu’on veut entraver par la vacci¬ nation, variole et vaccine apparaître à leur jour et simultanément évoluer.

Inefficaces ces inoculations, dites antirabiques, qui, après avoir été annon¬ cées avec l'éclat que vous savez, échouent aujourd’hui lamentablement, la France ayant eu dans l’année qui vient s’écouler une mortalité, par la rage, égale à la moyenne des années précédentes, c’est-à-dire 30 cas, dont 14

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

morts enragés, après les inoculations, se disant préservatrices, et 16 morts enragés, sans ces inoculations.

Vous voyez ce que la médecine vraiment scientifique et le public y ont gagné !

VIII. De toutes ces opinions opposées ou contradictoires, que conclure ? sinon que l’esprit médical participe à la faiblesse de l’esprit humain ; qu’il ne peut trop souvent envisager les problèmes si complexes de' la maladie que suivant l’optique individuelle propre à chacun, optique nécessairement étroite, comme l’angle visuel, et qui, éliminant involontairement du problème un cer¬ tain nombre de données, conduit ainsi à une solutiop incomplète autant qu’inexacte.

C’est le sort de bien des questions métaphysiques.

La clinique vraie ne nous expose pas à ces déconvenues. Qu’est donc la clinique ? Comment la doit-on concevoir et comment l’enseigner ?

La clinique, c’est ['histoire des malades. Nous avons affaire, non pas à des maladies mais à des malades, c’est-à-dire à des individualités réagissant, comme elles peuvent, contre des accidents morbides. Je l’ai déjà dit, nous avons affaire, non pas à la pneumonie, mais à des pneumoniques ; et même, dans le cas de maladie franchement infectieuse, nous n’avons pas affaire à la dothiénenterie, mais à des dothiénentériques ; non pas à l 'infection, non pas davantage à la lésion, mais à la forme de la fièvre : muqueuse, inflammatoire ou nerveuse (adynamique ou ataxique) ; nous avons affaire surtout à des accidents morbides éventuels et si souvent réalisés dans cette maladie infec¬ tieuse, c’est à savoir des congestions, des hémorrhagies, des phlegmasies, des flux, des gangrènes et même des névroses, accidents morbides à l’oc¬ casion desquels il faut presque aussitôt modifier sa médication.

Ce qui prouve, s’il en était besoin, non seulement l’inanité et l’inefficacité, mais encore le danger d’un traitement univoque, soit qu’il vise la fermenta¬ tion comme la médication réfrigérante, soit qu’il vise l’infectieux, comme la médication microbicïde.

En réalité, nous n’avons pas à traiter la lésion, qui est un fait accompli, mais I’acte morbide , que nous pouvons modifier, enrayer et même supprimer : car nous n’avons prise que sur ce qui est en voie de formation, sur ce qui évolue.

La clinique n’a pas toujours les grandes envolées des questions pathogéni¬ ques, c’est plus souvent le terre-à-terre ; mais un terre-à-terre fécond en en¬ seignements.

La clinique doit reposer sur l’examen attentif, patient, détaillé du malade, dans chacun des éléments morbides de son affection. La clinique doit tenir compte de l’état des forces, explorer le système nerveux dans son entier, de¬ puis le cerveau jusqu’au grand sympathique avec ses plexus viscéraux ; l’état des fonctions digestives, respectives, respiratoires, circulatoires, etc.

Nous l’avons vu, la pathogénie n’est trop souvent que le roman de la ma¬ ladie, tandis que la pathologie en est l’histoire, mais c’en est l’histoire géné¬ rale, eh bien, la chinique est l’histoire spéciale du malade; c’est cette cli¬ nique que nous ferons ensemble.

Je suivrai dans cette voie ceux qui ont fondé la grandeur médicale de la , France : après Gorvisart et Laënnec, Andral, Bouillaud, Chomel, Louis, Trousseau, pour ne parler que des morts.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

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Je m’inspirerai de leurs exemples, mais surtout des leçons que j’ai reçues de ceux que j'ai eu l’heureuse fortune d’avoir pour maîtres.

Je les remercie publiquement ici de la situation scientifique que leur en¬ seignement m’a faite et je leur en reporte tout l'honneur.

J’en reporte l’honneur à M. Gosselin, le chirurgien si savant et le clini¬ cien aussi prudent que sagace ; la prudence chez le chirurgien étant la plus haute expression de son esprit conservateur ; à Cruveilhier, ce colosse, dont les recherches modernes n’ont fait que démontrer le prodigieux savoir en anatomie pathologique, et qu’on ne connaît pas assezcomme médecin (lui qui, entre autres choses, nous a révélé l’ulcère simple de l’estomac et l’atrophie musculaire progressive, car ce m’est ici l’occasion de dire qu’Aran,son interne, et Duchenne (de Boulogne), qui suivait ses visites, ont ravi à leur maître la découverte qu’il leur avait généreusement exposée); à Monneret, médecin érudit et observateur des plus pénétrants ; à M. Henri Roger, qui m’a en¬ seigné la pathologie de l’enfance, dont son esprit si fin a su fouiller tous les mystères ; à Trousseau, enfin, que ses envieux qualifiaient de brillant ( pour n’avoir pas à en dire qu’il était savant), et qu’il fallait voir au lit du malade, pour en apprécier toute la grandeur.

En terminant, je veux adresser un hommage respectueux à mon prédéces¬ seur dans cette chaire de clinique, à M. le professeur Hardy, frappé par la limite d’âge en pleine vigueur de son talent professoral : c'était la person¬ nification accomplie de l’expérience, de la science, et du bon sens le plus consommé. Je m’efforcerai de le prendre pour modèle.

BIBLIOGRAPHIE

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

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Par MM. Arthur BOLLEi LEES

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Préparateur du cours d’embryogénie comparée au Collège de France.

AVEC UNE PRÉFACE DE M. RANVIER, PROFESSEUR AU COLLÈGE DE FRANCE.

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Onzième année.

3N° 2

Février 1887.

JOURNAL

D E

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE :

Revue, par le D* J. Relletan, 'Évolution des micro-organismes animaux et vé- gétanx (suite), leçons faites au Collège de France en 1887, par le prof. Balbiani.

Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France, en 1887, par le professeur L. Ranvier. Aperçu de la morphologie des Bactériacées ou Microbes ( suite ), leçons professées par M. J. Kunstlee. Observations sur les Cliœtonotus , par le Dr A.-C. Stores. Sur le Phylloxéra punctata, par le prof. V. Lemoine. Variole et Vaccine. Rage canine et rage de laboratoire, leçon faite à l’hôpital Necker par le prof. M. Peter. Bibliographie : I Précis élémentaire d’anatomie pathologique, par M. Abadie-Leroy. II Centralblatt fiir Bactériologie.

III Lepidopteren Doubletten de M. H. Ribbe. Avis divers.

REVUE.

Le professeur J. Béclard est mort. C’est une grande perte pour la Faculté de Médecine de Paris. Tous nos lecteurs savent ce qu’il valait comme savant ; mais tous ne l’ont pas connu comme professeur. Clair, concis, élégant : tel il était comme écrivain scientifique, tel il se montrait dans ses cours ; comme doyen de la Faculté, aucun n’aima autant que lui les étudiants et aucun n’en fut plus aimé. Il était sym¬ pathique, juste et dodx. Resté jeune d’esprit et de corps, c’était un homme souriant, bon et charmant. On le remplacera sans doute comme physiologiste, peut-être comme professeur ; mais comme doyen, Jules Béclard laisse un vide qui sera bien difficile à combler.

Saisi par le froid à la sortie d’une fête à l’Hôtel Continental, il a été pris d’une pneumonie qui l’a enlevé en quelques jours. Il avait 69 ans.

*

* *

La pneumonie- a, d’ailleurs, dans ces dernières semaines, exercé quelques ravages. Les partisans de la doctrine panparasitaire y verront

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

sans doute un déchaînement épidémique de microbes, pneumococcus ou autres ; pour nous, nous pensons que cet effet n’est qu’au froid qui a repris avec une nouvelle rigueur et nous a fait subir un second acte de l’hiver.

En fait de maladies considérées comme parasitaires, en voici une qui, à la suite des travaux de M. Ollivier, est rentrée dans le cadre des ma¬ ladies ordinaires de cause interne. C'est la pelade. On l’a rapprochée de la teigne tonsurante, ce qui a fait supposer tout naturellement et sans preuves suffisantes qu’elle était, comme celle-ci et la teigne faveuse, produite par un champignon, un Achorion , Microsporon ou microphyte quelconque. Naturellement aussi, on la regardait comme contagieuse. M. Ollivier vient de démontrer qu’elle résulte d’un trouble de l’inner¬ vation trophique. La section de la branche postérieure du deuxième nerf cervical produit des plaques de pelade. Elle peut résulter d’une frayeur, d’un chagrin, d’une grande fatigue. Enfin, on n’a jamais constaté un cas authentique de contagion. Il n’y a donc aucune raison d’interdire, comme on le fait, l’entrée de l’école aux enfants affectés de pelade.

* *

La trichinose , elle, est bien évidemment une maladie parasitaire, et tout le monde connaît, au moins de nom, la fameuse Trichina spiralis qui la produit.

C’est du reste, on le sait, une maladie extrêmement rare en Europe, presqu’inconnue en France où, à notre connaissance, on n’en a jamais observé qu’un seul cas, il y a de longues années. Il a été d’ailleurs exploité à fond, et M. Chatin s’en est fait un instrument dont il a long¬ temps joué avec succès, pour obtenir du Gouvernement l’interdiction sur notre territoire des porcs et des viandes d’Amérique, au grand dé¬ triment des consommateurs, ainsi que la création de cours et l’entretien de professeurs de trichinologie au bénéfice de M. Johannès Chatin.

L’Allemagne, l’on consomme beaucoup de viande de porc, peu ou pas cuite, en a seule offert des cas relativement nombreux. L’Italie vient d’en fournir un exemple.

Il s’agit d’un nommé Cappellacci, de Belforte, mort le 7 janvier der¬ nier, à l’hôpital de Camerino, avec des douleurs musculaires très in¬ tenses à la cuisse droite, du refroidissement général et une diarrhée rebelle.

*

A l’autopsie, le professeur L. Legge a trouvé dans tous les muscles de nombreux petits corps, d’un blanc jaunâtre, qui étaient des trichines enkystées.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

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Le fait lui parut d’autant plus surprenant que Cappellacci n’a jamais quitté l’Italie, que depuis 16 ans il n’était pas sorti de Belforte, l’on n’a jamais importé de viandes étrangères ni de porcs vivants.

Cependant, M. Piana, professeur à l’École vétérinaire de Milan, a confirmé le diagnostic de son collègue de Camerino.

Actuellement, l’Administration a nommé une commission ; celle-ci fait une enquête, après quoi elle rédigera un rapport, qui conclura naturel¬ lement à ce que Cappellacci est mort de la trichinose parce qu’il avait mangé des trichines.

Ces conclusions seront sages ; mais, si la commission nous faisait l’honneur de nous demander notre avis, nous lui dirions ceci :

La trichine est un parasite qui paraît cosmopolite et n’habite pas dans le porc seul. On sait, en effet, qu’il peut se développer chez l’homme. Mais on le trouve surtout en grande quantité chez le rat d’égout qui vit d’immondices, et même chez le lapin dit « de choux » qu’on élève dans des clapiers étroits, sales, putrides, il se nourrit de débris de légumes avariés, dévorant même ses propres crottins, le fait a été constaté. Donc, si comme cela est fort possible, il n’est pas trouvé de trichines dans leé porcs exclusivement italiens de Belforte, qu’on examine les lapins, et même les rats et les souris, dont les crottes traînent un peu partout, lesquelles crottes peuvent contenir des œufs de trichine et suffisent, dans ce cas, a introduire le parasite chez l’homme qui se nourrit d’aliments que lesdits rats et souris ont pu visiter avant lui.

La trichine vit aussi chez la taupe et peut passer au rat, au lapin, au porc, à l’homme, par les légumes, les racines, les pommes de terre, mal lavés, crus ou pas assez cuits.

Certainement les membres de la Commission savent tout cela, mais dans un pays les viandes américaines ont été interdites avec une ex'rème rigueur, il n’est peut-être pas inutile de rappeler aux person¬ nages chargés d’une enquête officielle ces explications auxquelles ils ne pensent pas toujours, parce qu'elles sont trop simples.

*

*

Une Commission officielle qui ne nous paraît pas aussi routinière que la plupart des autres, c’est celle que le Gouvernement belge a nommée à l’effet d’étudier les méthodes d’inoculation antirabique de M. Pasteur et de se prononcer sur l’utilité qu’il y aurait à établir à Bruxelles un Institut semblable à celui de la rue Vauquelin.

M. d’Andrimont, membre pastorien de la Chambre des représentants

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en Belgique, avait interpellé le ministre de l’intérieur sur ses intentions à ce sujet.

Le ministre a répondu que la commission, composée de trois méde¬ cins belges résidant à Paris, avait conclu dans son rapport à ce qu’il n’y avait pas lieu de créer un Institut-Pasteur à Bruxelles : première¬ ment, parce que cette ville est trop près de Paris (ça, c’est le prétexte), et, deuxièmement, parce que l’efficacité des vaccinations antirabiques n’est pas démontrée (ça, c’est la raison).

M. d’Andrimont s’est déclaré satisfait, et pour un partisan des mé¬ thodes pastoriennes, il faut avouer qu’il n’y a pas de quoi. Ce qui prouve que les députés belges sont plus faciles à contenter que les nôtres, savez-vous ; et cette commission de médecins nous paraît avoir agi, pour une fois, avec la prudence du serpent.

l

Est-ce parce que ces belges sont parisiens, ou parce que ces pari¬ siens sont belges ? C’est une question pour les savants.

*

* *

Ce qui commence, en effet, à devenir une question grave et terrible¬ ment embarrassante pour les savants, c’est celle des vaccinations anti¬ rabiques et particulièrement la méthode qu’on a appelée intensive. Nous disons « pour les savants », car pour le public elle est jugée ; il n’y a plus que les commissions académiques, à la tète desquelles s’est mis M. Vulpian, qui persistent à défendre, à grands renforts de circu¬ laires à couverture rose singeant les Comptes-Rendus , cette pratique absurde et monstrueuse, maintenant condamnée par tous ceux qui ont conservé cette chose si rare, le sens commun, et qui ont gardé le souci de la vie humaine.

Les « insuccès » se multiplient chaque semaine d’une manière na¬ vrante, depuis l’avènement de la méthode intensive, inventée pour remplacer la première méthode reconnue mauvaise par son auteur lui- mème. Et, dans presque tous les cas, c’est par la rage paralytique ou rage de laboratoire que meurent les malheureux qui paient, hélas ! bien cher, leur incroyable crédulité. On a fouillé les annales de la médecine depuis 70 ans pour rechercher des cas semblables, et on en a trouvé un, deux, peut-être trois ; mais qu’est-ce que cela prouve? sinon que tout arrive et que presque jamais, avant les vaccinations, tm n’avait vu cette forme particulière de rage qui tue maintenant quatre hommes par semaine.

Le professeur Peter continue devant l’Académie de médecine et à l’hôpital Necker sa courageuse campagne contre l’empirisme pastorien,

JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

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pendant que le docteur Chassaing poursuit devant le Conseil municipal de Paris l’opposition qu’il fait depuis un an, avec quelques-uns de ses collègues, aux entraînements d’un enthousiasme injustifié et injusti¬ fiable. Il a demandé au Conseil de revenir sur son vote attribuant â l’Institut Pasteur les vastes terrains de la rue Vauquelin. Et, cette fois, l’Assemblée parisienne a écouté cette proposition, que naguère elle eût rejetée avec frénésie; cette fois, elle l’a prise en considération, et renvoyée pour examen à l’une de ses commissions. Nous souhaitons à celle-ci la sagesse de la commission belge.

A l’étranger, les professeurs Amoroso et de Renzi, de l’Université de Naples, après des expériences longues et minutieuses, arrivent à cette conclusion que la médication antirabique inaugurée par M. Pasteur ne sert qu’à donner plus promptement la mort et, comme traitement préventif, n’a « aucun fondement. »

En Portugal, le professeur Ed. Abreu, de l’Académie de Lisbonne, conclut que « la rage est toujours la rage» et que, si l’on continue les pratiques actuelles, elle « se transformera en une maladie moins rare dans l’espèce humaine. »

A Vienne, le professeur Von Frisch pense que, par ce traitement rapide aujourd’hui préconisé, on s’expose à transmettre la maladie.

En Russie, « l’opinion est complètement retournée, et M. Pasteur y aura connu, tout comme le prince Alexandre de Battenberg, et la gloire du triomphe et i’amertume de la défaite. »

En effet, c’est la débâcle, la débâcle lamentable! Et, comme l’a dit admirablement M. Peter dans sa magistrale leçon que nous reprodui¬ sons plus loin : « Pour moi, la méthode Pasteur est aujourd’hui défi¬ nitivement, jugée, et, s’il n’en est pas de même pour vous, je vous plains ! »

Ainsi naguère, nous étions seul, ou presque seul, dans la presse scientifique, à nous élever de toutes nos forces contre ces théories absurdes, ces assimilations impossibles, ces expériences dangereuses. Ceux de nos confrères, bien rares alors, qui pensaient comme nous n’osaient pas le dire, combien de fois le leur avons-nous reproché! ou bien ne le pouvaient pas, frappés qu’ils étaient d’interdit dans tous les journaux, par l’énorme pression des cercles officiels.

Nous, libre dans notre modeste Revue, nous n’avons pas cessé un seul instant de combattre; nous nous sommes fermé des avenues, aliéné des sympathies et des amitiés, nous avons souvent fatigué nos lecteurs de nos polémiques... Eh bien! est-ce qu’aujourd’hui vous trouvez vraiment que ça n’en valait pas la peine ?

Car voici que, parti presque seul, nous arrivons légion; voici que peu

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE.

à peu toutes nos prévisions se confirment et que, de jour en jour, les # faits nous donnent déplorablement raison. De sorte que nous aurons cet honneur dont parlait Voltaire, triste honneur dans ce cas, d’avoir eu, pendant un temps, raison contre notre siècle.

Dr J. P.

TRAVAUX ORIGINAUX

ÉVOLUTION DES MICRO-ORGANISMES ANIMAUX ET VÉGÉTAUX

Leçons faites au Collège de France en 1886-1887, par le professeur Balbiani.

( Suite ) (1)

Après vous avoir rapidement fait connaître les principaux caractères des groupes dont nous avons composé notre tableau des micro-organis¬ mes, nous devons revenir maintenant sur chaque groupe en particulier pour en faire plus complètement l’histoire ; et, comme l’étude des espèces parasites nous occupera plus spécialement, je crois utile de commencer par vous présenter quelques considérations générales sur le parasitisme et les différentes formes qu’il affecte.

Dès que l’on a commencé à observer les choses de la nature, on a vu que certains êtres s’établissent sur des animaux ou des végétaux différents de leur espèce. L’idée d’un antagonisme entre ces deux associés s’est dès lors présentée naturellement à l’esprit, et l’on a pensé que cette association doit toujours s’exercer au profit d’une espèce et au détriment de l’autre. Cette interprétation était d’autant plus naturelle que l’on ne tarda pas à se convaincre que l’existence d’une foule d’or¬ ganismes est subordonnée à celles d’autres organismes qui leur servent d’e support et même de nourriture. Les premiers ont reçu le nom de parasites, du grec -*? a cr-og, et les seconds, ceux qui fournissent l’ha¬ bitation et l’aliment, et reçoivent le parasite à leur surface ou dans leur intérieur, Yhébergent, en quelque sorte, sont les hôtes ; c’est le terme consacré. Je n’ai pas besoin de vous citer des exemples d’animaux parasites, il me suffira de vous rappeler les Vers intestinaux qui pro¬ fitent des produits de la déglutition de leur hôte, et à plus forte raison ceux qui se nourrissent directement de son sang et de ses diverses hu¬ meurs.

Le règne végétal présente aussi une foule d’espèces parasites, aussi bien parmi les Phanérogames que chez les Cryptogames.

Il existe d’ailleurs un grand nombre de variétés de formes dans le

P Voir Journal de Micrographique, t. X, 1886, p. 535.

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parasitisme. Certains êtres ne sont parasites que dans leur jeune âge et mènent plus tard une vie indépendante. Tels sont les Œstrides, par exemple, dont les larves vivent dans l’intérieur des Mammifères, tandis qu’à l’état parfait, ils vivent au dehors ; les Méloïdes ont des larves qui sont parasites de certains Hyménoptères, et vivent adultes sur les plantes. D’autres fois, c’est le contraire ; parasites à l’état adulte, cer¬ taines espèces sont libres dans le jeune âge. Tels sont tous les Crustacés inférieurs parasites, les Leroéïdes, par exemple, et autres animaux voisins qui, jeunes, sont libres et nageurs actifs et deviennent parasites à l’âge adulte; c’est alors que se manifeste une dégénération plus ou moins profonde qui est le résultat même de la vie parasitaire. Chez les Pulicides, les Puces, la larve est à l’état de ver dans les fentes des plan¬ chers, se nourrissant de petits morceaux de sang que la mère lui ap¬ porte, et plus tard, seulement après la métamorphose, devient parasite. Quelques Vers nématoïdes, comme Y Ascaris nigrovenosa , vivent pen¬ dant le jeune âge dans la terre végétale humide et, à l’état adulte, dans le poumon de la grenouille.

Le parasite, peut tirer sa nourriture des liquides ou des tissus de son hôte ou se nourrir des produits d’excrétion. Il est ainsi plus ou moins nuisible à l’individu qui l’héberge. Quelquefois, il est fixé, localisé à un seul et même organe ; quelquefois, répandu dans tous les organes du corps. Dans les principaux groupes des Sporozoaires, on trouve des parasites qui peuvent vivre indistinctement sur une foule d’espèces, et cette sorte de cosmopolitisme est encore plus remarquable chez un grand nombre de Schizomycètes ou Bactériens, comme nous le verrons plus tard. Tantôt, le parasite ne peut vivre que sur une seule espèce, tantôt il peut infester les espèces les plus variées. Nous trouverons des faits semblables dans les trois groupes de micro-organismes.

Telle est l’idée qu’on se faisait du parasitisme et de l’antagonisme du parasite et de l’hôte, quand le professeur P. -J. Van Beneden, de Lou¬ vain, conçut la pensée de séparer du parasitisme deux formes de vie associée qui ont une ressemblance extérieure avec le parasitisme, mais au fond en diffèrent entièrement. Dans son ouvrage bien connu, Para - sites et commensaux , il distingue trois formes de vie associée compre¬ nant les commensaux , les mutualistes et les parasites proprement dits.

Voici comment il les définit :

« Le commensal est celui qui est reçu à la table de son voisin pour partager avec lui le produit de la pèche ; il faudrait créer un nom pour désigner celui qui réclame de son voisin une simple place à son bord et qui ne demande pas le partage des vivres.

« Le commensal ne vit pas aux dépens de son hôte : tout ce qu’il

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désire, c’est. un gîte ou son superflu; le parasite s’installe temporaire- mement ou définitivement chez son voisin ; de gré ou de force, et exige de lui le vivre et très souvent le logement . »

« Le parasite, dit-il ailleurs, est celui qui fait profession de vivre aux dépens de son voisin et dont toute l’industrie consiste à l’exploiter avec économie, sans mettre sa vie en danger. »

Quant aux mutualistes, ce sont, dit Van Beneden, «des animaux qui vivent les uns sur les autres sans être ni parasites ni commensaux : plusieurs d’entr’eux se remorquent, d’autres se rendent des services mutuels, d’autres s’exploitent, d’autres se prêtent un abri et enfin il en existe qui ont entr’eux des liens sympathiques qui les rapprochent tou¬ jours les uns des autres. »

Van Beneden cite de nombreux exemples à l’appui de sa théorie ; mais, quelqu’ingénieuses que soient ses idées, on peut dire qu’il s’est trop inspiré de considérations empruntées aux relations humaines. Il n’est pas facile de prouver que telles espèces qu’il considère comme liées ensemble par sympathie ne sont réellement liées en raison d’aucun autre mobile. De même, dans l’association fondée sur des services mutuels, il est souvent difficile d’établir que la raison de l’association n’est pas plutôt l’intérêt qu’en tire l’un des associés. C’est précisément ce qui arrive souvent chez beaucoup de mutualistes qui sont en réalité à un état d’hostilité très prononcée.

Ainsi, Van Beneden cite comme exemple les Ricins ou Mélophages, insectes aptères voisins des Poux qui vivent dans les poils des Mammi¬ fères et dans le plumage des Oiseaux. Il estime que ces parasites sont utiles à leur hôte en les débarrassant des débris de la disquammation épidermique.

« Les inseçtes connus depuis longtemps sous le nom de ricins, dit- il, et auxquels on a donné encore diverses autres dénominations, méri¬ tent de figurer au premier rang dans ce groupe. Ils ont de tout temps embarrassé les entomologistes, en voulant toujours voir en eux des parasites à côté des acarides et des poux. On sait cependant depuis longtemps qu’ils n’ont pas de trompe pour sucer et qu’ils, portent deux petites dents écailleuses qui leur servent plutôt à mordre. Depuis longtemps aussi l’examen de leur estomac a fait connaître qu’au lieu de sang il ne renferme que des débris de peau. »

Or, les Ricins mordent, en effet, et d’une manière qui peut être funeste : beaucoup de faits démontrent qu’ils peuvent devenir très incommodes pour leur hôte, et même très dangereux. Dans un travail intéressant ( Zeitsch . f. Wiss. Zool. 1885) Fr. Grosse rapporte que, quand ils se multiplient en grande quantité sur les volailles, leurs mou¬ vements continuels, leur grouillement, peuvent jeter celles-ci dans un

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état maladif : elles s’arrachent les plumes, ne couvent plus, tombent dans le marasme et peuvent même mourir. (On peut les débarrasser de ces 'parasites par des pulvérisations d’eau phéniquée.)

D’après M. Trouessart, les Ricins pénètrent dans le tuyau des plumes et se nourrissent de la pulpe ou âme de la plume et prédisposent celles-ci à tomber. Les Ricins ne sont pas, d’ailleurs, les seuls para¬ sites qui agissent ainsi. Chez les Sarcoptides beaucoup pénètrent aussi dans l’intérieur des plumes, mais ceux-ci sont probablement moins nuisibles que les Ricins, dont Van Beneden veut faire des mutualistes utiles (1).

Toutes ces espèces épizoïques sont donc de vrais parasites et non des mutualistes, comme le veut l’éminent professeur de Louvain. Il cite aussi les Opalines, qui vivent dans l’intestin des Grenouilles, certains Rotateurs, comme les Albertia, qui habitent l’intestin des Lombrics : « Ces Opalines, dit-il, sont de vrais Infusoires qui n’attendent pas que les ordures soient déposées et que les eaux puissent se corrompre par leur présence, ils préviennent les accidents qui pourraient surgir, et s’y prennent à temps pour purger les eaux de ses déjections. »

Mais tout le monde sait que les Grenouilles et les Lombrics ren¬ dent leurs excréments au dehors et n’attendent pas que leurs mutua¬ listes les en débarrassent. Ceux-ci les débarrassent, d’ailleurs, très incomplètement, car les Opalines sont dépourvues de bouche et ne peuvent absorber que des produits liquides. De plus, il doit être très indifférent à une Grenouille que les Opalines débarrassent leur intes¬ tin, car elles ont, comme on sait, un moyen bien simple de le vider elles-mêmes. Les Opalines sont donc encore plutôt des parasites ; elles vivent dans le tube digestif de la Grenouille comme les Oxyures dans celui de l’homme.

On voit donc que beaucoup d’associations animales ne méritent pas le nom de mutualisme que leur donne Van Beneden. Mais il existe, en revanche, des cas typiques de ce mutualisme, par exemple dans les petites Algues Palmellacées qui vivent dans les organes verts de cer¬ tains Infusoires, Rhizopodes, Turbellariés, Zoophytes, etc., tels que le

(1) Toutes les personnes qui se sont livrées à l’élevage en grand des volailles ou des oiseaux de faisanderie, savent les ravages que produit un petit acarien qu’elles connais¬ sent sous le nom à.’Àcurus necator et qui, logé, le jour, dans les murs, les parquets, les perchoirs des poulaillers et des volières, envahit les animaux pendant la nuit, pour ren¬ trer à l'aube dans ses cachettes. Les oiseaux dépérissent rapidement, ne pondent et ne couvent plus; privés de sommeil, ils tombent dans un état de maigreur squéleitique et finissent par’mourir. Des couvées entières sont détruites ainsi en quelques jours. C’est le fléau des faisanderies.

Ce a mutualiste » est d’autant plus dangereux que sa carapace chitineuse est fort épaisse et résiste à des badigoonnages au goudron de houille. Nous avons exposé à la gelée pon¬ dant tout un hiver la température est descendue plusieurs fois à 10°, et môme à 18°, des planches infestées par les Acariens, et au printemps, ceux-ci sont sortis par¬ faitement vivants de toutes les fontes du bois. J. P.

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Vortex viridis, YHydra viridis, etc. En effet, quand on empêche ces petits végétaux verts de remplir leur fonction chlorophyllienne en pla¬ çant dans l’obscurité les animaux qui les contiennent, les deux êtres, l’animal et la plante en souffrent également, dépérissent et meurent. Le parasite est donc utile à son hôte en fixant l’oxygène et récipro¬ quement, puisque l’hôte porte le parasite au contact des liquides aérés.

Je vous ai parlé aussi d’un Nostoc qui vit dans les racines des Cyca- dées, mais chez celui-ci la fonction chlorophyllienne est déjà affaiblie, et l’Algue semble vivre en partie des sucs de son hôte. Il y a déjà dans cette association un commencement de vie parasitaire. Il en est de même pour l’Algue associée au Gunnera scabra, grande Urticée tropicale, et qui porte l'oxygène aux racines du Gunnera, mais, en re¬ vanche absorbe leurs sucs.

De même encore pour le Polysiphon qui vit dans les lacunes des feuilles de Y Arum arizari : il détruit les tissus de la plante qui sont en contact avec ses propres cellules. Il agit donc en associé perfide. Le Mycoïdea parasitica, étudié par Cunningham, vit dans le Thé et détermine de grandes perforations dans les feuilles de l’arbuste ; c’est donc encore un parasite plus qu’un mutualiste, et très dangereux dans les plantations de Thé. C’est une sorte de Coleochæte, c’est-à-dire une Algue déjà élevée et qui pourrait vivre indépendante.

Parmi les Phanérogames, on peut citer le Gui ( Viscum album ) qui vit en parasite, quoique plante verte, mais la chlorophylle disparaît quand la vie parasitaire devient plus intense, comme dans les Cuscutes, les Orobanches, les Rafflésiacées.

On ne peut donc pas tracer de limite nette entre les différentes formes de parasitisme admises par Van Beneden : mutualisme, com¬ mensalisme et parasitisme proprement dit, puisqu’il y a des modes d’association qui sont des passages d’une manière de vivre à l’autre. On ne peut néanmoins pas nier que, par la publication de son ouvrage, Van Beneden n’ait fait faire un grand pas à la connaissance des faits d’association qui existent entre les animaux et les végétaux, mais il n’a pas toujours réussi à bien dégager le mobile de ces associations.

Il manquait un terme général pour exprimer ces associations. Dans un discours prononcé à Cassel, en 1879, et traduit dans la Revue in ternationale des sciences biologiques , tome 3, de Bary a proposé le mot de symbiose . C’est surtout à propos des végétaux que de Bary a fait cette communication, mais elle nous conduit néanmoins à des considérations applicables aux animaux. Il distingue deux formes : la symbiose antagoniste, il y a lutte entre les organismes associés, c’est le parasitisme proprement dit ; et la symbiose mutualiste, il y a .service mutuel, c’est le mutualisme de Van Beneden.

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La plupart des faits rapportés par de Bary sont empruntés au règne végétal, aux Algues, par exemple, et il a rendu ses descriptions très intéressantes par les nombreux détails qu’il donne et que je ne puis pas reproduire ici. Il insiste sur un cas de mutualisme des plus remarqua¬ bles, celui de l’association des Algues aux Champignons, association qui va jusqu’à produire des formes nouvelles, les Lichens, créant, pour ainsi dire, des êtres nouveaux par la réunion de deux êtres primitivement indépendants. Je ne puis pas vous faire ici l’histoire#des Lichens, je vous rappellerai seulement que c’est de Bary qui, le premier, a soupçonné cette association, théorie quia été développée par Schwendener, Bornet, Stahl, etc., ' et récemment confirmée par M. Bonnet, qui a réussi à réunir artificiellement les Algues et les Champignons pour former des Lichens par synthèse. (C. R., 15 nov. 1886.)

Ce sont des associations de ce genre, et presqu’aussi intimes qui existent entre les petites Algues dont je vous ai déjà parlé et les ani¬ malcules verts pour former les Hydres vertes, les Rhizopodes et les Infusoires verts. Le parasite est aussi indispensable, dans ces associa¬ tions, à la vie de l’animal que les petites Palmellacées qui, réunies à des Champignons, forment les Lichens, et sont si bien adaptées à leur hôte qu’elles sont devenues pour lui de véritables organes. (Klebs.)

Ce qui ajoute encore un degré à ce rapprochement c’est que les formes d’Algues, qui s’associent à des Champignons pour former les Lichens, sont les mêmes qu’on trouve aussi associées aux Infusoires. Ces Zoochlorella et Xanthochlorella des animalcules verts appartien¬ nent au groupe des Palmellacées, comme les Algues qui entrent dans la constitution des Lichens, en s’associant à des Champignons d’ordre plus élevé, des Ascomycètes ou des Basidiomycètes.

Dans un travail assez récent (Centralblatt 1882), G. Klebs a cherché à formuler quelques conclusions sur la symbiose. Il distingue les deux formes principales en symbiose avec adaptation unilatérale et sym¬ biose avec adaptation bilarérale. La première forme est celle dans laquelle l’association des deux symbiotes a lieu au profit de l’un d’eux ; c’est le cas des véritables parasites, qui cherchent chez leur hôte, à la fois, le vivre et le couvert, forme la plus intense de la vie parasitaire. Dans l’autre cas, le parasite ne cherche plus le vivre, mais seulement un abri qui lui permette de gagner plus facilement sa vie et de vaguer plus sûrement à sa reproduction. C'est ce queKlebs appell ^parasitisme, d'espace ; il vaudrait mieux dire parasitisme de surface ou de site. On en trouve de très nombreux exemples soit chez les animaux, soit chez les végétaux : il suffit de citer un arbre couvert de Mousses, de Lichens et d’Algues, pour y montrer un cas de parasitisme d’espace ou d’habitat. Les végétaux supérieurs en présentent aussi de nombreux

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exemples : les Orchidées, les Mélastomacées épidendres ne cherchent qu’un support sur les arbres dont ils habitent le tronc.

On a souvent cité, chez les animaux, le Pagure ou Bernard l’her- mite qui vit associé avec une anémone de mer, une Adamsia ; ces deux animaux se rapprochent, je ne sais trop dans quel but, probable¬ ment pour profiter ensemble du butin.

Les espèces qui rentrent dans cette catégorie, dont les végétaux offrent de fréquents exemples ont été appelés faux parasites. Et, en effet, ce sont bien de faux parasites, comme les Lichens, les Orchidées, qui vivent sur les arbres, sans leur rien emprunter. Ce sont les com¬ mensaux de Van Beneden.

Parmi les mutualistes on trouve une fouie de formes rentrant dans le parasitisme d’espace, de Klebs. Ainsi, chez les Infusoires, il y a un Vorticellien, YEpistylis plicatilis ; qui vit presque toujours sur les Gastéropodes aquatiques, les Lymnées, Paludines, etc.; une autre espèce, un Cothurnia, vit sur un Entomostracé, le Cyclops quadri - amis, et non sur d’autres; une autre encore sur VAsellus aquaticus, c’est le Carchesium Aselli. Il en est de même du Zoothamnium Asellil Pour Van Beneden, ce sont des mutualistes; cependant, ils peuvent être fort incommodes, et, en 1862, un Vaginicola s'était tellement multiplié sur les branchies des Poissons que ceux-ci mouraient en grand nombre. Il était devenu le meurtrier de son associé et n’était donc plus ni un mutualiste ni même un commensal.

Un autre Pagure a pour commensaux des Suberites qui vivent sur la coquille servant de demeure au Pagure ; ils profitent en commun du butin, mais les Suberites en se multipliant finissent souvent par enfer¬ mer le Crustacé, qui meurt dans sa maison transformée en prison.

Les cas les plus curieux de parasitisme d’espace sont fournis par ces êtres qui vivent plus ou moins profondément dans l’organisme de leur hôte. Tels sont certains Poissons qui habitent l’intérieur des Eponges, d’autres la cavité du corps des Méduses ou même dans la bouche d’au¬ tres Poissons, comme le Silure. Il est probable qu’ils ne cherchent pas seulement un gîte, mais aussi la nourriture.

Des cas de ce parasitisme d’espace interne se trouvent chez nos Mi¬ croorganismes. Ainsi, il est des Infusoires suceurs, munis de tentacules, qui attaquent les Paramécies ou les Stylonychies, s’y forment une cavité dans laquelle ils grossissent et se multiplient en grand nombre. Ce sont donc des parasites d’espace, mais en même temps des parasites proprement dits, car c’est au dépens du protoplasma de leur hôte qu’ils se nourrissent, croissent et multiplient.

Ces faits prouvent donc que ces formes de symbiose avec adaptation unilatérale, parasitisme d’espace, parasitisme nutritif, peuvent passer

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les unes dans les autres et se réunir en parasitisme proprement dit. Les animaux et les végétaux se ressemblent complètement sous ce rapport. Mais il est une forme de parasitisme de nutrition qui n’existe que chez les animaux, c’est le parasitisme exclusivement nutritif dans lequel le parasite ne recherche dans son hôte que la nourriture et pas le loge¬ ment. C’est ce qu’on trouve chez tous ces animaux qu’on peut appeler Vampires, les Phyllostomes et autres Chéiroptères, et, en petit, chez les Insectes comme les Cousins, les Puces, la Punaise des lits, qui ne se fixent que passagèrement sur l’hôte. lien est de même chez des An- nélides, par exemple la Sangsue médicinale, et aussi cette Sangsue de Ceylan et des Philippines, YHirudo tagalla qui vit par milliers, Hæc- kel dit par milliards, dans les buissons et dans les arbres et se laisse tomber sur la tète, dans le cou des voyageurs, tandis que d’aut'res lui montent le long des jambes, et lui suce le sang.

Celte même famille des Hirudinées montre le passage insensible du parasitisme d’espace, au parasitisme proprement dit ; par exemple, chez cette Sangsue ou Pontobdelle qui vit en parasite sur les Poissons et qui ne les quitte plus que quand ils sont exténués ; elles abandon¬ nent alors celui qui ne peut plus les nourrir, mais pour aller se fixer sur un autre. Les Malacobdelles, Sangsues qui attaquent les Mollus¬ ques, ne les quittent non plus que quand ils meurent ; elles commen¬ cent à prendre décidément, les habitudes parasitaires, et on remarque chez elles des dégradations très sensibles dans leur organisation.

Ces formes de transition nous sont présentées aussi par quelques Insectes. Les Diptères ont des représentants libres, comme les Cousins, et des représentants fixés, les Pupipares, Insectes aptères qui vivent dans les poils des Mammifères, des moutons, par exemple. Ce sont des suceurs devenus parasites, restant fixés sur leur hôte et libres seulement pendant le jeune âge.

Parmi ces Insectes qui ont passé de l’état de suceurs libres à celui de suceurs fixés, il y en a dont l’adaptation est tellement complète qu’ils ne peuvent plus se passer de leur hôte. Tel est le Branla cœca , de l’Abeille, qui meurt très peu d’instants après avoir été séparé de l’Abeille qui le portait. C’est donc un parasite aussi complet qu’un parasite intestinal.

On trouve rarement une adaptation aussi complète chez les parasites externes, ectoparasites ou épizoaires \ c’est la règle, au contraire, chez les endoparasites ou entozoaires. Chez les végétaux, elle est, en géné¬ ral, portée plus loin que chez les animaux. Cependant, il y a quelques espèces de Champignons, qu’on a pu faire vivre loin de leur hôte habi¬ tuel. Tel est V Ag avions melleus dont le mycélium vit en parasite sur les racines d’un grand nombre d’arbres, cohifêres, châtaigniers, chè-

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nés, arbres fruitiers. II est très redoutable pour ces espèces et exerce de vrais ravages dans les pays de châtaignes, comme le Limousin, l’Auvergne, les Pyrénées. On a réussi à le faire vivre en le semant sur du pain, sur diverses décoctions, etc. Nous trouverons de très nom¬ breux exemples de cette indépendance chez nos micro-organismes, et c’est même un caractère des plus importants des Saccharomycètes et des Schizomycètes, qui sont purement parasites et arrivent à tuer leur hôte, de pouvoir vivre d'une manière indépendante. Cette propriété est devenue le point de départ de tout ce que nous connaissons sur ces êtres en nous permettant de les cultiver et de les étudier, comme on le ferait pour des végétaux quelconques.

(A suivre ).

LE MÉCANISME DE LA SÉCRÉTION

Leçons faites au Collège de France, en 1886-87, par le professeur L. Ranvier.

(- Suite ) (1)

Nous avons examiné les glandes d’une manière théorique, c’est-à-dire tout à fait superficielle, au point de vue physiologique ; nous avons vu qu’il y a deux espèces de glandes, les glandes olocrines et les glandes mérocrines, les unes et les autres pouvant être à sécrétion continue ou discontinue. Poursuivant l’analyse de la sécrétion dans les cellules glandulaires, je vous ai montré que la définition de la sécrétion elle même est fort obscure dans la science. Ainsi, d’emblée, avant toute étude minutieuse, on est conduit, quand on fait de l’histologie, à consi¬ dérer comme représentant la sécrétion l’élaboration du matériel secré¬ toire au sein du protoplasma de la cellule glandulaire. Aussi, pour un physiologiste, une glande est en activité quand on voit l’expulsion 'du produit sécrété, tandis quelle est en repos quand on peut observer dans son intérieur le matériel sécrété, du moins dans les glandes dont on peut reconnaître le produit de sécrétion.

La sécrétion, pour les physiologistes,, correspond donc à ce que les histophysiologistes considèrent comme l’excrétion ; et, pour ceux-ci, la sécrétion est l’élaboration du matériel, c’est-à-dire ce qui, pour les premiers, est le repos de la glande. Aujourd’hui, on a une tendance à appeler du nom de sécrétion ces 'phénomènes d’ordres divers, et leur ensemble. Mais avant de poursuivre cette discussion, je crois qu’il est nécessaire, en prenant des exemples bien choisis, d’analyser les phéno¬ mènes eux-mèmes dans telle ou telle glande.

*

(1) Voir Journal de Micrographie , tora. X, 188G, pag. 559, et lom. Xt, 1887, pag. 7.

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Glandes sébacées. De toutes les glandes, les plus simples, au point de vue physiologique, c’est-à-dire relativement au mécanisme de la sécrétion, sont les glandes sébacées des Mammifères et de l’Homme ; aussi, je crois que c’est par ces glandes qu’il convient de commencer l’étude de ce mécanisme dans les différentes glandes de l’organisme des Mammifères et même d’autres animaux, comme les Vertébrés infé¬ rieurs. Aussi, à côté des glandes sébacées des Mammifères, devons- nous examiner les glandes fémorales du Lézard, si curieuses, et qui se rapprochent par des caractères si frappants des glandes sébacées des Mammifères.

La cellule sébacée se caractérise par son évolution. On peut la définir : une cellule de l’ectoderme qui s’est chargée de graisse et dont l’évolution a pour terme le destruction de la cellule elle-même, et la mise en liberté du matériel formé au sein de son protoplasma, le sébum , produit de sécrétion ultime, constitué non seulement par des matières grasses, mais par les débris de la cellule dans l’intérieur de laquelle ces matières grasses se sont formées.

Ainsi, si, dans une glande sébacée, l’on prend une cellule de la cou* che profonde, on voit qu’elle est d’abord une cellule quelconque épithé¬ liale de l’ectoderme, avec un noyau à son centre, un protoplasma dans lequel on ne distingue pas de granulations graisseuses. Dans une rangée supérieure, on voit dans les cellules des granulations grais¬ seuses. Dans une rangée supérieure encore, on voit dans les cellules des granulations graisseuses (caractérisées par ce qu’elles sont insolubles dans beau, solubles dans l’alcool et l’éther, colorées en noir plus ou moins foncé par l’acide osmique, etc.) Dans les rangées suivantes, les granulations graisseuses sont plus abondantes et plus volumineuses, et à mesure que le matériel de sécrétion, caractérisé par les granulations graisseuses, s’accumule dans les cellules, celles-ci augmentent de volu¬ me. Plus loin, en se rapprochant du centre de la glande, les cellules ont un noyau atrophié, comprimé par lés granulations grasses, le sébum, qui l’entourent. Il prend une forme étoilée entre ces granula¬ tions ; le protoplasma est alors représenté par une écorce protoplas¬ mique et une gangue formée de fines travées interposées entre les granulations de sébum. Le terme ultime est la destruction de la cellule primitive : les gouttelettes de sébum confluent et donnent finalement des gouttes de graisse mêlées à des débris, plus ou moins desséchés, du protoplasma qui se trouvait entre les granulations graisseuses ou à la surface de la cellule.

Pour étudier ce phénomène d’évolution, on peut avoir recours à différentes méthodes. Je vous engage à prendre les glandes sébacées de la face de l’homme. On peut enlever de petits fragments du derme

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et tissu conjonctif sous-cutané ; ou traite ces petits fragments, de 2 millimètres de côté, par une solution d’acide osmique à 1 pour 100. Au bout de 24 heures le durcissement est suffisant. On fait des coupes, et l'opération est facile.

Ou bien, le fragment de la peau est placé dans le liquide de Müller et le picro-carminate d’ammoniaque ; on fait les coupes et on les traite par l’acide osmique.

Ou encore, on peut faire les coupes après avoir complété le durcisse¬ ment par l’alcool; on les colore par l’hématoxyline nouvelle (1) et l’éosine. On les déshydrate par l’alcool, les éclaircit par l’essence de girofle et on les monte dans la résine damar. Ces coupes doivent être très minces.

On obtient, par cette dernière méthode, des préparations très démons¬ tratives. Les noyaux sont colorés en violet. Quand ces noyaux sont globuleux, la coloration est relativement claire (cela dépend de la concentration de la solution et de la durée de l’action) ; les noyaux sant alors colorés en bleu clair. Mais quand ils sont comprimés par les granulations de sébum et qu’ils ont pris une forme anguleuse, ils sont colorés d’une manière bien plus intense ; ceci montre que la compres¬ sion joue un rôle considérable, la substance appelée chromatine se trouve ainsi resserrée et accumulée sur une moins grande étendue, d’où résulte une coloration plus foncée. On peut reconnaître ainsi que les noyaux comprimés finissent par être divisés en petits fragments qui se colorent intensément par l’hématoxyline nouvelle et que c’est seule¬ ment dans les cellules arrivées près du terme ultime de leur évolution que l’on ne trouve plus de noyau.

L’éosine colore toute la gangue protoplasmique en rose et laisse le sébum incolore.

Ainsi, dans ces préparations, nous avons les noyaux colorés en violet ou bleu plus ou moins intense, suivant qu’ils sont plus ou moins com¬ primés, le protoplasma coloré en rose et les gouttelettes de sébum incolores, figurant comme autant de vacuoles. On peut, de cette manière, constater l’existence d’une couche protoplasmique à la surface de la cellule, formant membrane, et des travées protoplasmiques qui sillonnent la cellule, s’étendant jusqu’au noyau. C’est doue une méthode tout à fait démonstrative.

Je viens de vous décrire l’élément sébacé, cellule ectodermique subissant une évolution spéciale. Quant aux glandes sébacées, elles se présentent sous trois formes : la forme diffuse, la forme glomérulée , intra-épidermique, et la glande sébacée vraie.

Je ne connais la forme diffuse que chez les embryons, pendant le

(1) L’hématoxyline nouvelle est le dépôt qui se forme dans la solution de Boehm repris par une dissolution d’alun au 1/100.

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développement. Ainsi, si l’on examine la peau d’un embryon humain de 4 ou 5 mois, sur des coupes faites après durcissement dans l’acide osmique ou dans le liquide de Müller, en suivant les indications que je viens de vous donner, on trouve des poils en voie de développement : les uns sont déjà sortis et montrent leur pointe en dehors de la surface externe de l’épiderme, d'autres sont encore enfouis dans le derme. Si nous choisissons un de ces derniers poils, nous voyons à la surface de la papille un cône de cellules représentant le jeune poil entouré d’une sorte de cornet de cellules à demi kératinisées, la gaine épithéliale interne, qui présente, comme le poil, la forme d’un cône dont la pointe est dirigée du côte de la surface de la peau. Entre cette pointe et la couche superficielle de l’épiderme se trouve une couche plus ou moins épaisse constituée par les cellules ectodermiques soudées les unes aux autres; mais sur le trajet du poil, c’est-à-dire dans l’espace que la pointe du poil doit parcourir pour sortir de la peau, il survient une modifica¬ tion des cellules ectodermiques, la modification sébacée. On voit ces cellules se charger de granulations de sébum et, exactement sur le trajet du poil, se détruire, de façon à ménager un canal contenant une matière glissante qui favorise l’évolution et le glissement du poil. C’est une glande diffuse ; elle n’est nullement glomérulée, ni limitée, et a la forme d’un cylindre correspondant au trajet que la pointe du poil doit parcourir pour sortir d’une manière définitive.

Je passe très rapidement sur tous les phénomènes d’évolution du poil qui ne rentrent pas directement dans la thèse que je me propose de vous présenter.

J’arrive aux glandes sébacées glomérulées. On trouve ces glandes dans la gaîne épithéliale externe des poils tactiles des Mammifères, et je vous engage à examiner les poils tactiles de la moustache du lapin. On pratique des coupes perpendiculaires à l’axe du poil comprenant en même temps le poil et sa gaîne épithéliale externe au niveau du col du follicule ; il n’y a plus, à ce niveau, de gaîne épithéliale in¬ terne, elle a disparu à la hauteur des glandes sébacées. Après l’action de l’acide osmique, on voit la coupe du poil avec son canal médullaire et, en dehors, l’entourant complètement, une couche de sébum formée de granulations graisseuses et de débris cellulaires, se colorant en noir par l’acide osmique ; puis, la gaîne épithéliale externe, au niveau du col du follicule. Elle est constituée par des cellules semblables à célles du corps muqueux de Malpighi, polyédriques, présentant des dentelures à leur surface, c’est-à-dire réunies par des filaments d’union, et ayant une structure fibrillaire, comme je vous l’ai montré il y a deux ans.

Dans cette gaîne épithéliale externe, relativement très épaisse, on

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trouve des glandes sébacées, noyées dans la masse épithéliale. Ces glandes n’ont pas du tout d’enveloppe connective ; elles sont formées par une simple dépression des cellules ectodermiques de la gaine épi¬ théliale externe du poil. On voit seulement ces cellules se grouper de manière à constituer un glomérule et suivre, de dehors en dedans, l’évolution sébacée qui se fait comme je vous l’ai dit plus haut. Il se forme, au centre du glomérule, une cavité remplie de sébum et débou¬ chant à la surface du poil, d’où résulte cette couche de granulations graisseuses et de débris cellulaires dont je vous ai parlé.

On trouve aussi, au niveau du col du follicule pileux, un nombre variable de ces glandes sébacées rudimentaires, glomérulées, intra- épidermiques. Quelques-unes dépassent, au niveau de leur fond, la limite externe de la gaîne épithéliale externe, de sorte qu’il y a une petite région ces glandes possèdent une membrane propre qui est la prolongation de la membrane vitrée du poil, et une membrane ex¬ terne, expansion du sac épidermique du poil ; et, dans cette enveloppe connective, on trouve des vaisseaux sanguins.

Cela nous montre que l’évolution sébacée peut se produire en dehors de l’action directe des vaisseaux. Le plasma, pour arriver à la cellule sébacée et concourir à l’élaboration de la graisse, doit parcourir une couche constituée par des cellules ectodermiques. Nous savons, du reste, que la circulation des fluides nutritifs dans les masses ectoder¬ miques est facilitée par la structure même de ces masses, les cellules n’étant pas soudées les unes aux autres, mais séparées par des espaces cloisonnés par des filaments d’union ; de sorte que chaque cellule est entourée par un canal de drainage communiquant avec ceux des cellules voisines. Ainsi, le plasma circule facilement entre les cellules et tra¬ verse le sac connectif.

Du reste, ce n’est pas directement dans le sang que les éléments de nos organes puisent les matériaux de leur nutrition, comme on le croyait jadis. Des vaisseaux sanguins sort le plasma, qui constitue la lymphe plastique, et c’est dans la lymphe que les éléments de nos organes prennent les substances nécessaires à leur nutrition. Peu importe donc que les vaisseaux soient en rapport direct avec la glande sébacée ou sé¬ parés par une couche plus ou moins épaisse de tissu ectodermique.

Examinons maintenant les glandes sébacées vraies. Elles sont géné¬ ralement annexées aux poils ordinaires. Les poils sont ordinairement implantés obliquement à la surface de la peau. Attaché au follicule et soutendant l’angle obtus que forme le poil avec la peau, se trouve le muscle redresseur du poil, ce muscle qui produit l’horripilation et la chair de poule. Il est inséré par en bas au follicule pileux, en haut à la couche superficielle du derme. C’est dans l’angle obtus formé par le

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poil avec cette couche qu’est placée la glande sébacée, de sorte que cette glande est comprise dans le triangle formé par poil, la couche profonde de l’épiderme et le muscle redresseur. Il en résulte que chaque fois que ce muscle se contracte, non seulement il tend à ramener le poil dans une direction perpendiculaire à la surface de la peau, mais encore il comprime la glande sébacée, dont le produit se déverse à l’intérieur de la gaine du poil pour faciliter le glissement de ce dernier.

Cette glande a une membrane propre, qui peut être extrêmement mince, expansion de la membrane vitrée du follicule ; elle? entoure la glande et la limite, formant un sac plus ou moins lobulé. Cette mem¬ brane vitrée est doublée d’une couche connective vasculaire qui, nous venons de le voir, est l’expansion du sac connectif du follicule pileux.

A la face interne de la membrane propre, au niveau des culs de sac glandulaires, se trouve une couche de cellules ectodermiques, polyédri¬ ques avec un noyau bien accusé, cellules dans lesquelles on peut obser¬ ver des phénomènes de karyokinèse, comme dans celles de la couche profonde du corps muqueux de Malpighi. La première rangée de ces cellules ne présente pas de granulations graisseuses. Dans la seconde couche, elles sont plus volumineuses et l’on commence à y voir des gouttes de graisse qui deviennent plus abondantes dans les couches sui¬ vantes, à mesure qu'on approche du centre de la glande. Cette glande possède un canal excréteur qui résulte de l’abouchement des divers lobules. On observe dans celui-ci une évolution épidermique : son épi¬ thélium n’est plus un épithélium sébacé, et ses cellules ne subissent pas l’évolution sébacée, mais l’évolution épidermique, donnant naissance à un stratum granulosum contenant des granulations d'éléidine remar¬ quables par leur nombre et leur grosseur. Au niveau du col est une couche cornée qui s’infiltre de graisse.

Si l’on prend les grosses glandes sébacées de la face de l’homme, on voit que toutes les cellules qui forment la première rangée, au dessous de la membrane propre, ne subissent pas l’évolution sébacée ; il en est qui présentent l’évolution épidermique. C’est un fait très curieux et très important. Ainsi, si l’on considère un lobe d’une glande sébacée, on voit partir de cette couche profonde ou de la première rangée de cellules des cloisons formées par des cellules cornées. En un mot, les cellules sébacées sont comprises dans un réseau de travées constituées par des cellules cornées ou kératinisées. De sorte que l’on peut consi¬ dérer la glande sébacée complètement développée comme étant tout à fait semblable à la glande sébacée diffuse ou à la glande glomérulée inlra-épidermique, puisque les cellules sébacées se forment aussi au sein de cellules ectodermiques subissant l’évolution habituelle de ces cellules, l’évolution cornée.

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Dans les glandes sébacées vraies, en nous plaçant au point de vue physiologique, nous avons maintenant à considérer la secrétion histolo¬ gique, c’est-à-dire l’élaboration des gouttes de graisse dans l’intérieur des cellules, puis la sécrétion des physiologistes, qui est pour nous l’excrétion. Cette excrétion dépend de deux mécanismes: d’abord l’évolution sébacée qui, en se poursuivant, conduit à l’accumulation du sébum au centre de la petite glande et dans son canal excréteur, accu¬ mulation qui détermine une tension suffisante pour produire l’issue du sébum, puisque dans les glandes diffuses il n’y a pas de muscle redres¬ seur, non plus que dans les glandes glomérulées intra-épidermiques. Cette action du muscle redresseur vient s’ajouter à celle de l’évolution sébacée, dans les glandes sébacées vraies, lobulées, pour faciliter la sortie du sébum, laquelle est difficile et doit s’effectuer sous une certaine pression. Le muscle redresseur constitue un appareil d’excrétion, ou plutôt un appareil de perfectionnement de l’excrétion.

Ainsi donc, en prenant des glandes très simples, olocrines types, et cherchant à analyser le mécanisme de la sécrétion, nous voyons qu’il faut encore avoir recours à une certaine interprétation des phénomènes pour les comprendre. Le mécanisme de la sécrétion dans les glandes sébacées vraies est, néanmoins, si facile à suivre et à saisir qu’il a été le premier connu ; je dirai même que c’est le seul qui soit parfai¬ tement connu, mais non le seul qui soit parfaitement établi, ce qui est tout autre chose, car un fait peut être établi et ne pas être connu de la majorité des personnes qui s’occupent d’une science : il est établi quand il s’appuie sur des recherches sérieuses bien contrôlées . Tous les phy¬ siologistes exercés qui voudront l’étudier en reconnaîtront l’exactitude.

Ce mécanisme est encore le seul qui soit bien reconnu de tous les histologistes ; aussi, on a cherché à le généraliser, et certains observa¬ teurs ont été conduits à admettre que le mécanisme de la sécrétion de toutes les glandes s’accompagne d’une destruction des cellules glandu¬ laires. Nous aurons à discuter ultérieurement ces opinions ; pour le moment, contentons-nous des faits que nous venons d’observer, enre- gistrons-les, nous en tiendrons compte plus tard.

Glandes fémorales du lézard. J’arrive maintenant à des glandes très curieuses : les glandes fémorales du lézard.

On trouve, à la face interne de la cuisse du lézard de nos pays, une série de petites glandes acineuses qui s’ouvrent par des pores très dis¬ tincts; vous les connaissez. Ce qu’il y a de curieux, c’est que ces glandes, qui correspondraient assez bien à des glandes sébacées non annexées à des poils, ne sécrètent pas du tout de sébum, mais des écailles épidermiques. Pourquoi ? nous n’avons pas à nous en occuper maintenant. De chacun de ces pores, que l’on distingue à l’œil nu, part

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un canal glandulaire relativement volumineux. Ce canal excréteur donne issue au matériel de sécrétion d’une glande lobulée dont la première rangée de cellules ne présente rien de caractéristique. Elles ressemblent aux cellules profondes de l’ectoderme des autres régions du corps ; mais elles grossissent bientôt aux rangées suivantes, et l’évolution constante qu’elles subissent les amène dans le canal excréteur, elles s’entassent en piles, comme des piles de monnaie, perpendiculaires à l’axe du canal. On les voit perdre peu à peu leur noyau par atrophie, bien qu’on n’y observe aucune substance analogue aux granulations du .sébum. Que se forme-t-il pour amener l’atrophie du noyau? je n’en sais rien encore. Il y a une structure assez singulière dans ces cellules, mais que je n’ai pas encore élucidée. Les cellules sans noyau arrivent au pore de la glande et, là, se détachent comme les cellules épider¬ miques de la peau de l’homme. A quoi cela sert-il ? je n’en sais rien. Ce sont des glandes olocrines dont toute la sécrétion est constituée uniquement par des cellules, et le type en serait dans les cellules de l’épiderme de l’homme arrivant à la desquammation insensible.

Glandes sudoripares. Nous avons maintenant à nous occuper d’un autre groupe de glandes qui se trouvent aussi dans la peau de l’homme et des Mammifères, les glandes sudoripares, en nous attachant, bien entendu, aux seuls faits histologiques relatifs au mécanisme de la sécrétion. »

Ces glandes sont aujourd’hui très bien connues. Comme vous le savez, elles sécrètent de l’eau, des sels dialysables et de la graisse, substance indialysable. C’est donc une sécrétion extrêmement complexe. Les glandes sudoripares ont la forme d’un long tube qui se termine en cul-de-sac. Elles partent de la surface de l’épiderme elles s’ou¬ vrent par un pore, traversent l’épiderme, pénètrent dans le derme, et, obligées de se loger dans un espace relativement restreint au milieu du pannicule adipeux, elles s’enroulent sur elles-mêmes pour consti¬ tuer un glomérule. On distingue, dans' ce long tube, différentes portions dont deux principales : le canal excréteur et le tube sécréteur propre¬ ment dit. Le canal excréteur a une portion dermique et une portion épidermique. Sur une coupe perpendiculaire à l’axe du tube, on voit que la glande est limitée par une membrane propre, plus épaisse que celle des glandes que nous venons d’étudier. Cette membrane, qui paraît anhiste, est doublée d’une couche connective dans laquelle se trouvent les vaisseaux sanguins. Au dessous de la membrane anhiste, on observe la coupe de cellules musculaires qui paraissent être longitu- tudinales et coupées en travers. Ces cellules musculaires présentent sur leur face externe, correspondant à la membrane propre, une série de crêtes longitudinales au moyen desquelles elles s'implantent dans cette

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membrane. Puis, on trouve une seconde couche formée par des cellules épithéliales ou glandulaires, beaucoup plus grandes, à noyau sphéri¬ que. Ainsi : deux rangées de cellules, une externe, de cellules muscu¬ laires ; une interne, de cellules épithéliales ou glandulaires. Et c’est tout.

Je vous ai dit que les cellules musculaires qui se trouvent au dessous de la membrane propre et appliquées à sa face interne, sont longitudi¬ nales. Gela n’est pas exact : elles sont obliques. De sorte que, si au lieu d’examiner le tube sécréteur sur une coupe perpendiculaire à son axe, on l’observe suivant sa longueur, on reconnaît que les cellules musculaires sont obliques à cet axe. Il en résulte que, quand elles se contractent, elles diminuent en même temps la largeur et la longueur du tube sécréteur, En raison de leur obliquité elles agissent comme s’il y avait deux couches, l’une longitudinale et l’autre transversale, cou¬ ches qui existent, en effet, dans un certain nombre de canaux, en parti¬ culier dans l’intestin grêle, ce qui rend beaucoup plus effectifs les mouvements de l’intestin au point de vue du cheminement des matières contenues. La direction oblique des cellules musculaires du tube des glandes sudoripares est un fait important qu’il fallait signaler tout d’abord.

(A suivre ).

APERÇU DE LA MORPHOLOGIE DES BACTÉRIACÉES OU MICROBES

Cours de M. J. Kunstler,

Professeur adjoint à la Facullé des Sciences de Bordeaux (l).

(Suite)

Ainsi que je l’ai dit, il est des Bactériacées qui se reproduisent par des spores vraies, c’est-à-dire des corpuscules spéciaux, très dif¬ férents, par leur forme et l’ensemble de leurs propriétés, des arti¬ cles végétatifs ordinaires qui les produisent au sein de leur subs¬ tance et qui disparaissent en les mettant en liberté ; ce sont des fragments spéciaux- d’individus qui se détachent de ces êtres et qui, -dans des conditions favorables, peuvent les reproduire, tandis que les articles dont il a été question plus haut peuvent être con¬ sidérés comme des individus complets. La reproduction par divi¬ sion s’observe d’ailleurs aussi chez les êtres qui possèdent des spores.

Quant à la qualification de spores appliquée à ces corps repro¬ ducteurs, elle pourrait peut-être amener des confusions dans pes- prit des naturalistes et faire concevoir des idées erronées sur leur

(1) Notes recueillies et rédigées par M. A. Peytoureau, préparateur du cours. (Voir Journal de Micrographie , T. X, 1886, p. 553 et T. XI, 1887, p. 15).

J J- M. Mr/

PU.

■*1

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véritable nature. La division est un phénomène qui se voit chez les êtres les plus inférieurs pendant toute la durée de leur phase végé¬ tative ; à la ün de celle-ci, leur puissance de division semble être épuisée et le corps s’accroît souvent. C’est le prélude de la fin de l’individu qui va disparaître, mais non sans laisser un reste formé d e substance condensée et entourée d’une membrane le protégeant contre les agents physiques, reste qui formera un ou plusieurs êtres nouveaux et qu’on appelle kyste Telles sont aussi les spores des Bactériacées qui pourraient bien être l’origine de cet appareil re¬ producteur plus complexe connu sous la dénomination de kyste chez les Protozoaires. On observe, en effet, toutes les gradations, depuis la spore des Bacilles jusqu’au kyste de ces derniers ou à l’appareil beaucoup plus compliqué d’autres organismes (Myxomy¬ cètes, etc.). Le kyste peut produire un seul ou plusieurs individus nouveaux et tous les corpuscules qui s’y constituent se développent. Il se pourrait que, chez les êtres élevés, on trouvât un processus rappelant la division du contenu du kyste; mais, dans cette divi¬ sion, un individu prédominant se développe seul; les autres consti¬ tueraient les globules polaires. Les spores des Bactériacées mon¬ trent aussi quelquefois une division de leur contenu produisant plusieurs petits ; c’est ce que j’ai observé chez les Bactérioïdomonas ; et, ainsi que nous le verrons plus loin, des phénomènes de ce genre, remarquablement complexes, ont été vus chez les Spirilles. Gomme on appelle spores les corpuscules issus de la division du kyste, cette dénomination est donc peut-être appliquée à tort aux corps reproducteurs des Bactériacées, et il y aurait lieu de la remplacer par le mot de kyste. Ces êtres posséderaient donc, en général, un Kyste monosporé.

Perty, le premier, constata l’existence de spores endogènes sur son B acillus gracile ( Sporonema ), espèce colorée en vert par de la chlorophylle. Pour les Bactériacées vraies, Van Tieghem, le pre¬ mier aussi, a fait connaître les spores dans les genres Spirillum , Spirochæte et Vibrio. Les formes les plus simples chez lesquelles ce processus se montre ne le présentent guère qu’au terme de leur existence ; pendant le jeune âge et dans de bonnes conditions d’existence, elles ne se reproduisent que par division. Des condi¬ tions de milieu défavorables hâtent l’apparition de ces phénomè¬ nes ; et généralement les espèces pathogènes qui présentent une semblable sporulation ne donnent naissance qu’à des affections relativement moins graves La production de spores a été observée principalement chez les Bacilles, et le mieux chez le Bacillus subti- tis . Toutefois on l’a vue aussi chez un certain nombre d’autres for¬ mes. telles que des Vibrions, des Spirilles, etc. La sporulation est souvent l’unique mode de reproduction de ces organismes ; elle constitue fréquemment un phénomène normal ne détruisant pas la possibilité de se mouvoir de certaines formes élevées. On tes voit

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se déplacer plus ou moins agilement avec une spore dans leur inté¬ rieur. Avec la maturité de la spore, ce mouvement s'arrête tou¬ jours. Mais le plus souvent elle est un symptôme de sénilité, ou bien elle est un indice de changements dans les conditions de mi¬ lieu, tels que la diminution dans la quantité de matières nutritives. La sporulation intervient ainsi quelquefois chez des organismes qui, normalement, se reproduisent simplement par division. Elle coïn¬ cide généralement avec le moment la nourriture commence à manquer ou bien d’autres conditions deviennent mauvaises pour l’ètre. Cependant, chez le Bacillus butyricus, la reproduction par division continue énergiquement dans certains articles pendant que d’autres forment des spores.

Ordinairement, chaque article ne possède qu'une seule spore ; rarement il s’en forme deux et même plus. Au moment de la spo¬ rulation, l’être peut garder sa forme et son volume initial et conti¬ nuer à se mouvoir comme avant. D’autres fois, au contraire, cette reproduction est précédée d’une sorte de préparation. Ainsi cer¬ tains Bacilles s’allongent en filaments et peuvent arriver à attein¬ dre, en trois ou quatre heures, vingt fois leur longueur primi¬ tive. D’ailleurs tous les individus d’une culture n’arrivent jamais à sporuler ; il y a des formes stériles qui ne sont capables que de la reproduction par division. Le jeune Bacille issu d’une spore est un bâtonnet grêle qui s’accroît rapidement et se multiplie par divi¬ sion. Les articles ainsi formés peuvent rester unis comme, par exemple, chez le Bacillus anthracis, ou se séparer comme chez le Bacillus sublilis Puis ces bâtonnets ne s’allongent plus, mais ils grossissent, soit uniformément sur toute leur longueur et ils de¬ meurent cylindriques, ou bien le grossissement se localise, soit à l’une des extrémités, ce qui leur produit un renflement en forme de têtard ; soit au milieu, et ils prennent alors la forme d’un fuseau. Dans les individus ainsi grossis se forme une spore, au niveau du renflement, si celui ci est localisé.

Chez le Bacillus butyricus , par exemple, l’on connaît bien la for¬ mation des spores. Cette espèce ne s’allonge pas en filament lors de la sporulation. Son protoplasma, qui primitivement était pâle devient trouble, so libre, réfringent; chez certaines espèces de Bactériacées, il devient nettement granuleux. L’iode le colore en bleu. Puis, en un point de l’intérieur du corps, apparaît une tache sombre qui augmente rapidement de volume et se montre bientôt comme étant un corpuscule fort petit, mais à contours nets ; ce petit corps s’accroît ensuite lentement pour arriver à acquérir ses dimen¬ sions définitives Au niveau de la région la spore se forme, le bâtonnet se renfle, le protoplasma s’accumulant là. On distingue donc facilement un individu en voie de sporulation d’un individu ordinaire en ce qu il est renflé en un point, ordinairemet au bout antérieur, se forme la spore. Le reste du corps semble être

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un prolongement, une sorte de queue plus étroite, et la spore brille au milieu du bout renflé ; ainsi on a affaire à un être fusiforme ou en massue, suivant que le renflement est terminal ou médian. La spore est donc ici courte par rapport à l’être ; dans d’autres espèces la différence n’est pas si considérable, et le renflement peut même fort souvent ne pas exister. La spore apparaît alors à l’intérieur du corps sous la forme d’une petite masse arrondie, très réfringente, très brillante, bleuâtre, sombre, à contours nets, dont l'éclat peut même être voisin de l’éclat métallique. Ce corpuscule est entouré d’une membrane mince, et il prend progressivement ses dimensions définitives qu’il peut atteindre en quelques heures; l’ensemble de cette production d’une spore interne ( formation endogène ) dure en tout environ vingt-quatre heures. Pendant sa formation, le proto¬ plasma de l’être s’éclaircit progressivement et finit par acquérir l’aspect d’un liquide aqueux fort clair, comme s’il était remplacé par de l’eau, de manière que, dans l’enveloppe de l’individu mère, la spore est entourée d’un fluide clair. Cet état persiste quelque temps, puis la membrane si tendre de l’être primitif devient dif- fluente et se détruit ; alors la spore est rendue libre.

Le Bacillus subtilis qui se trouve facilement dans les infusions de foin permet d’étudier 1 ; phénomène de la sporulation endogène sous une face un peu différente. Il se présente sous la forme de bâtonnets quatre à cinq fois plus longs que larges, de 3 à 4 [j. de lon¬ gueur. A la surface de l’infusion, ces êtres sont allongés en longs filaments muitiarticulées et, dans chaque article, plus court qu’un bâtonnet libre, se formera en général une spore. Ces filaments sont unis en une peau gélatineuse superficielle, surnageant de telle manière que la face supérieure n’est pas mouillée par l’eau.

Le Spirillum tenue que j’ai étudié, dès qu’il s’est allongé assez, se divise par le milieu et, tant que ce processus dure, la sporulation ne commence pas. Lorsque l’allongement cesse, il grossit, devient moins contourné, n’est plus qu’un filament flexueux, et sa subtance apparaît un peu granuleuse ; les plastidules deviennent plus appa¬ rentes. Il se forme une ou peu de spores ovalaires et réfringentes, contenues dans des portions séparées par des cloisons. Dans ces segments, l’une des plastidules devient plus réfringente que les au¬ tres, à parois plus nettes, tandis que ses voisines pâlissent concur¬ remment et finissent par disparaître en même temps que la spore grossit. Il semble qu’il existe un courant protoplasmique portant la substance des plastidules voisines à la privilégiée, sorte de recon¬ densation nouvelle du protoplasma, pour former le germe.

Si l’on se reporte à ce que j’ai dit sur la valeur morphologique de la spore, cette condensation autour de certains centres, au moyen de sortes de courants protoplasmiques, apparaît comme une espèce de bourgeonnement encore bien rudimentaire.

Dans la sporulation des Bactériacées, les individus ou les articles

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qui forment les spores ne sont pas partout plus courts que ceux qui se voient avant la sporulation ; ils peuvent être semblables aux for¬ mes végétatives. Dans la sporulation endogène, le corps se divise encore ordinairement en articles comme dans la sporulation ar- throsporée, mais, de plus, le contenu de l’article, 'au lieu de rester tel qu’il est, se condense à l’intérieur de son enveloppe. Quant à la spore elle- même, elle est ordinairement plus courte que l’article ; son épaisseur peut être inférieure au diamètre transversal de celui- ci, mais plus longue que l’article n’est large ; d’autres fois, elle lui est supérieure. Certaines espèces ont des spores à dimensions in¬ férieures à tous les axes de l'article ; ces dernières, au moment de la sporulation, prennent un aspect fusiforme ou en massue.

La sporulation a le plus souvent lieu dans les cultures quand les autres processus végétatifs cessent par épuisement des matériaux nutritifs ; ainsi Van Tieghem a provoqué la sporulation du Vibrio serpens en appauvrissant le milieu, en transportant cet être dans de l’eau pure. Chaque individu a produit 4, 5 ou 6 spores sphériques et se montrait divisé en autant d’articles. La sporulation de ces êtres peut aussi parfois s’observer peut-être, parce que leurs excré¬ tions leur ont rendu le substratum impropre. C’est la fin de l’existence; tous les individus sporulant vont disparaître. Les autres individus, qui ne forment pas de spores et qui se trouvent dans les mêmes mauvaises conditions, meurent aussi, si on ne les change pas de milieu. Ces derniers n’arrivent pas à sporuler ; il en est qui ne parviennent pas à achever ce phénomène, quoiqu'ils Paient commencé, et leurs spores ne se développent presque pas. Mais il est aussi des espèces le phénomène se fait normalement, sans mauvaises conditions ambiantes, au bout de la vie de ces êtres, qui ont ainsi une évolution complète, tandis que les indivi¬ dus voisins vivent parfaitement bien ; ces êtres ne persistent pas, comme tant d’autres, à un état larvaire dans lequel ils se multi¬ plient par division.

Les spores sont rendues libres par la destruction de ce qui per¬ siste de l’être primitif, par la dissolution de sa membrane qui difflue peu à peu, et elles tombent ordinairement au fond du liquide elles reposent jusqu’à ce qu’elles soient placées de nouveau dans des conditions favorables; si celles-ci se reproduisent, elles germent ; une spore mûre est toujours capable de germer.

Les spores sont des corpuscules ovalaires, quelquefois sphériques, de dimensions variant de 2 à 3 [j- de longueur. Elles sont très ré¬ fringentes, brillantes, ce qui tient probablement à ce que le proto¬ plasma est très condensé, et elles sont entourées d une membrane assez épaisse Cette enveloppe est formée souvent de deux couches, l’une interne mince, l’autre externe, plus épaisse, beaucoup moins visible et formant autour de la spore une zone claire. Cette deu¬ xième couche se prolonge quelquefois, à un bout de la spore, en

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une sorte de queue très petite, ou aux deux bouts, ou bien elle est simplement épaissie à ces deux bouts.

Dans des conditions favorables, telles que la température, l’abon¬ dance de substances nutritives, l’âge, etc., les spores peuvent ger¬ mer. Van Tieghem a été le premier à observer la germination des spores, notamment dans le Bacillus amylobacter ; plus tard, Bre- feld l’a décrite avec soin dans le Bacillus subtilis, et Prazmowski l’a suivie en détail dans le Bacillus amylobacter . Les spores sont capables de germer aussitôt qu’elles sont complètement dévelop¬ pées et elles conservent cette propriété fort longtemps, avec une merveilleuse résistance contre les températures extrêmes, la des¬ siccation, etc. La germination se fait aussitôt que les conditions favorables à l’espèce sont remplies. La température favorable à la germination semble être ordinairement assez élevée et, à la tem¬ pérature ambiante, celle-ci est lente; elle devient énergique dès qu’on chauffe. Ainsi le Bacillus subtilis germe lentement à la tem¬ pérature ordinaire; de 35° à 40°, il germe vite. Pour le Bacillus anthracis, le minimum de la température serait de 35° à 37°. Les re¬ cherches dans cette voie sont d’ailleurs peu étendues; elles mon¬ trent toutefois qu’il y a de grandes variations suivant les espèces. Ces spores germent dans des solutions nutritives, dans les mêmes solutions dans lesquelles vivent, les adultes ; il ne semble pas que l’eau seule suffise à leurs premiers besoins.

Pour germer, leur éclat pâlit, elles enflent. La membrane peut se gonfler, devenir diffluente et disparaître progressivement par une sorte de dissolution ; les couches externes diffluent peu à peu jusqu’à complète disparition. Mais, le plus souvent, ce n’est qu’au moment de la germination que cette membrane se met bien en évidence et qu’on peut la voir nettement. Cela tient à ce qu’elle se rompt alors, soit longitudinalement ou, plus souverit, transversale¬ ment, à l’équateur; alors le corps interne s’allonge et se développe en Bacille. La fracture équatoriale est souvent incomplète et l’enve¬ loppe s’ouvre en deux valves qui s’articulent en manière de char¬ nière; d’autres fois, le jeune être est coiffé à chacun de ses bouts par une valve. Ces valves diffluent peu à peu pour disparaître. Si cette diffluence s’était faite immédiatement, on ne les aurait pas vues, elles ne se seraient pas produites, et on rentrerait dans la ca¬ tégorie de spores dont l’enveloppe ne se rompt pas, mais disparaît simplement. Les valves sont ordinairement fines et pâles; toute¬ fois le Bacillus subtilis présente une exception. Chez lui, elles sont réfringentes, d’un éclat presque analogue à celui de la spore elle- même, ce qui pourrait permettre de penser que, dans cette espèce, la spore lui doit son éclat.

Les circonstances étant favorables, peu d’heures se passent du début de la, germination à l’existence d’individus végétatifs fort actifs.

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L’axe longitudinal du nouvel individu est parallèle à celui de la spore, par conséquent de l’être primitif. On a cru que cet axe était souvent perpendiculaire, et ceci spécialement chez le Bacillus sub - tilis. Il n’en est rien, ainsi que le montre bien de Bary. Quand la spore s’allonge, elle est souvent coiffée aux deux bouts par les deux moitiés de la coque ; dans ce cas, la démonstration est toute faite. Mais quand la germination ne les sépare pas et qu’elles font char¬ nière, les deux bouts du filament sont encore engagés dans les deux valves, mais, souvent, l’allongement étant alors impossible à ces deux bouts, la région moyenne du filament proémine au de¬ hors, et celui-ci se courbe. Quand, cas fort fréquent, l’un des bouts s’échappe de sa valve, il sort forcément d’entre les deux et paraît ainsi germer à angle droit.

D’après Eward etGeddes (l) la sporulation ne serait pas si simple chez les Spirilles. L’être se transforme d’abord en un filament flexueux ; les spores apparaissent et se divisent bientôt à l’intérieur de ce filament; elles finissent par être rendues libres par la déhis¬ cence de la paroi du corps de l’aduite. Elles s’entourent d’une cap¬ sule, se divisent au sein de cette capsule en capsules secondaires et, après une certaine période de repos, elles se meuvent. Les pe¬ tites capsules qu’elles contiennent sortent et produisent par germi¬ nation des formes en virgule qui se transforment en Spirilles.

Si toutes les spores mûres sont capables de germer dans de bon¬ nes conditions, au contraire, lorsque celles-ci sont mauvaises, non seulement elles ne germent pas, mais elles sont douées d’une grande faculté de résistance, bien plus considérable que celle des adultes, souvent absolument étonnante, contre les agents physi¬ ques. Ainsi la dessiccation ne leur ôte pas, souvent pendant long¬ temps, la possibilité de germer ; les spores du Bacillus subtilis des¬ séchées à l’air peuvent germer au bout d’années ; contre les hautes températures, leur résistance est aussi fort remarquable. L’ébulli¬ tion de l’eau ne les tue pas ; ainsi on peut les faire bouillir pendant environ une demi-heure dans le liquide nutritif, et cela ne les em¬ pêche pas de germer ; il faut une ébullition prolongée de trois heures pour les tuer toutes. En élevant la température à 1 10°, la mort suit au bout de cinq minutes ; à 109°, dix minutes, à 108°, un quart d’heure. D’après Pasteur, les spores du Bacillus anthracis restent vivantes pendant vingt et un jours dans l’alcool absolu et sous l’influence de l’oxygène pur, comprimé à dix atmosphères. La résistance des spores est d’ailleurs plus ou moins grande suivant les solutions dans lesquelles on les fait bouillir, et suivant les es¬ pèces considérées. Pour Pasteur, certaines spores, dans l’eau, résisteraient à 130°. Il est cependant des spores qui ne peuvent pas en supporter l’ébullition. Cette grande résistance permet d’ad¬ mettre que certains Bacilles, chez lesquels on n’a pas encore vu

(1) P. Geddes et J. -G. Ewart, Proc, of the Roy, Soc. vol. 27, 481.

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de spores, possèdent de ces corps reproducteurs qui tout au moins * se développeraient lorsque les conditions extérieures deviennent défavorables. Ainsi, dans un liquide fortement chauffé, il se déve¬ loppera des Bacilles après le refroidissement, ce qui tend à faire croire qu’ils ont des spores à grande résistance. Dans les mêmes conditions, il ne se développe pas de Microcoques.

(i4 suivre).

OBSERVATIONS SUR LES CHÆTONOTUS

Ceux même qui n’ont qu’accidentellement examiné au microscope une goutte d’eau prise dans les profondeurs ombrées d’une mare her¬ beuse ou dans un fossé couvert de Lemna ont certainement rencontré un ou plusieurs spécimens de ce groupe de pelits animaux qu’Ehren- berg a appelés Chætonolus ouVos de soies. Dans leur habitat favori, ils abondent, presqu’aussi nombreux que les Infusoires et, quoique leurs différentes espèces se ressemblent beaucoup, surtout comme contour général, leur ornementation extérieure, ou plutôt leur cotte de mailles défensive est curieusement et merveilleusement variée d’apparence et de structure. Aussi est-ce à cette ornementation externe qu’on a eu re¬ cours pour distinguer les nombreuses espèces qui peuplent nos eaux douces.

Tous les Cbælonotus sont de sveltes et gracieuses petites créatures, attrayantes en raison de leur forme symétrique, de leurs mouvements ai¬ sés et rapides, des appendices qui ornent leur cuticule et à cause de leur vivacité et du souci évident qu’ils ont de prendre soin d’eux-mêmes. Ce sont tous des nageurs libres et rapides, présentant même un caractère irascible et aggressif.

Quoique leur bouche soit entièrement inerme, à l’exception de la rangée unique de cils ou soies qui l’entoure, ces petits êtres semblent s’en servir pour se défendre ou pour prévenir les habitants de la même eau qui pourraient leur faire obstacle ou produire une collision, en éle¬ vant la tête et frappant des coups répétés, brusques et relativement violents, en même temps qu’ils ouvrent l’œsophage avec un mouvement caractéristique de menace. Ceci s’applique particulièrement au Chæ - tonotus loricatus , mais j’ai vu le Ch. aconthodes frapper le corps d’un Infusoire mou, d’un Lagynus , en faire sortir le sarcode en gouttes ou en filaments coulants que l’assaillant avalait.

En raison de ces dispositions qui sont remarquables à plus d’un sens, il paraît assez étrange que ces animaux recherchent les fonds vaseux et les parties sombres des mares, les plantes aquatiques enfoncent leurs racines dans le limon. Souvent aussi on les prend sur les radicelles

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des lentilles d’eau flottantes ; j’ai même trouvé leurs œufs sur ces fila¬ ments entrelacés les parents les avaient négligemment déposés. La recherche de la nourriture paraît être la cause de cette préférence. Les débris organiques, les fins détritus des plantes et des animaux micros¬ copiques dont la vie s’est éteinte dans ces eaux paraissent former leur principale nourriture. Dans deux cas, tous deux relatifs à des individus différents de la même grosse espèce, Ch. rhomboïdes , une diatomée vivante avait ôté avalée. Ce sont les seuls exemples que j’aie vus dans lesquels d’autres corps que de fines particules aient été acceptés pour nourriture.

Quoique ces animaux abondent dans nos eaux douces, l’intéressant travail du professeur C.-H. Fernald sur le Ch. larus , Ehb. publié dans Y American Naturalist (Déc. 1883) est, à ma connaissance, le seul qui ait été imprimé en Amérique sur ce sujet, à l’exception de diverses allu¬ sions disséminées dans différents journaux et dans lesquelles les au¬ teurs paraissent douter de l’exactitude de la détermination spécifique. L’espèce européenne la plus anciennement connue est aussi la seule indiquée dans ce pays, dans ces diverses notes. En Europe, la littéra¬ ture est un peu plus riche. Joblot, en 1718, signale et figure évidem¬ ment une de ces formes qu'il appelle « Poisson à la tète tréflée » et il représente un poisson avec une tète en trèfle ; mais pour le vieux Joblot presque tout animal aquatique et microscopique était un Poisson. Ehrenberg, Dujardin, Schulze, Gosse, Metschnikoff, Ludwig et Bütschli sont les auteurs les plus importants et les plus facilement ac¬ cessibles sur ce sujet en général.

Un coup d’œil sur les planches I et II montrent, comme je l’ai déjà dit, que le corps de tous ces animalcules se ressemble beaucoup pour le contour. L’animal présente un corps libre-nageur, flexible, allongé, dont l’extrémité antérieure s’élargit ordinairement pour former ce qu’on appelle la tète ; une légère constriction en arrière de cette partie cons¬ titue le cou, et la région moyenne est limitée par deux bords latéraux convexes et un dos plus ou moins fortement arqué, le degré de la con¬ vexité de ce dernier dépendant de la présence ou de l’absence d’un œuf ovarien. Cette région est diversement munie d’appendices et se rétrécit brusquement pour former une partie postérieure nettement bifurquée. Les branches de la fourche constituent deux appendices caudaux cour¬ bes et flexibles. La surface ventrale, plate, forme presque un plan qui s’étend sous le corps tout entier et porte deux ou plusieurs bandes lon¬ gitudinales de cils. La bouche s’ouvre sur cette surface près du bord frontal ; l’anus est situé à l’extrémité opposée entre les branches cauda¬ les. L’animal possède aussi un œsophage, un intestin, un ovaire, des systèmes musculaire et nerveux, deux glandes caudales, et, chez une

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espèce au moins {Ch. larus ), une glande sous-intestinale qu’on dit re¬ présenter un testicule. Toutes les espèces se reproduisent par des œufs, et aucune, comme le fait remarquer le professeur Fernald, n’est para¬ site à aucune phase de son développement, autant qu’on le sache, du moins.

Ces petits animaux ont donné de la tablature aux classificateurs. Ils ont été ballottés des Rotateurs aux Infusoires et aux Vers Turbellariés, et finalement placés dans un ordre distinct, ce qui paraît juste. Ehren¬ berg les a rangés parmi des Rotifères, et Gosse, qui écrivait vingt ans plus tard, est entré dans un long raisonnement pour prouver qu’ils appartiennent bien au groupe dans lequel Ehrenberg les a placés, plutôt qu’à celui des Turbellariés dans lequel ils avaient été relégués par Schulze dix ou douze ans avant lui, Gosse. Dujardin les a classés dans les Infusoires ; Metschnikoff, dans son ordre des Gastero tricha ; Claus répartit ce genre dans deux groupes de petits animaux alliés aux Ro¬ tateurs ; Huxley dit qu’il appartient probablement à un groupe placé entre les Rotateurs et les Turbellariés. Et, finalement, Bütschli élève aussi ce genre au rang d’ordre, et le place, sous le nom de Nemator - rhyncha , entre les Nématodes et les Arthropodes, faisant de ces der¬ niers deux divisions du rameau de l’arbre .généalogique dont sort la branche des Rotateurs.

On en trouve dans nos eaux plusieurs espèces, et bien que toutes puissent avoir été observées,, aucune de celles-ci, à l’exception du Chætonotus larus d’Ehrenberg et du Ch. maximus , n’ont été étudiées ni en Amérique ni en Europe. Mon champ d’observation s’est limité à la région qui entoure ma demeure, et peut-être n’a-t-il pas ôté complè¬ tement exploré ; aussi, est-il plus que probable que plusieurs espèces, autres que celles dont je m’occupe ici, attendent les recherches de quel¬ que patient microscopiste. Pour les récolter, on racle légèrement la surface du fond vaseux des mares peu profondes, comme le Dr Leidy le recommande pour la recherche des Rhizopodes ; si on laisse aussi le collecteur sous les feuilles et parmi les tiges submergées des Nénuphars, on ne sera pas désappointé.

La « tète » renflée est, de règle, à peu près triangulaire, mais avec trois ou cinq lobes arrondis, les élargissements latéro-postérieurs prenant origine sur la partie qui représente le cou. Le bord frontal porte quatre touffes de longs poils tactiles et vibratiles que l’animal peut mouvoir iso¬ lément ou ensemble en groupe. Sur la partie supérieure du cou et à la région postérieure du corps, près de la fourche caudale, sont quatre autres poils, deux à chacune de ces parties, plantés perpendiculairement à la surface cuticulaire, mais qui ne paraissent pas vibratiles. Ils sont probablement tactiles, et n’ont pas encore, à ce que je crois, ôté obser-

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vés jusqu’ici. Je les ai trouvés dans toutes les espèces que j’ai exami¬ nées. Ils sont représentés en place dans lapl. I, fig. 2, 8 et 9, et dans la pi. II, fig. 21 ; dans les autres figures, on les a omis.

Le dos et les côtés sont diversement armés d’écailles, de poils, d’épines ou piquants, et chez certains individus, à la fois d’écailles et d’épines. Ehrenberg a institué le genre lcthydium pour une forme dont la struc¬ ture est la même que celle des Chætonotus , mais qui ne présente ni poils ni autres appendices sur le dos. Ce genre ne contient qu’une espèce, Y lcthydium podura , qui est probablement le « poisson à tète en trèfle » de Joblot, et se trouve quelquefois dans les eaux douces du New-Jersey. Ehrenberg le décrit ainsi : « Extrémité postérieure four¬ chue, corps sans poils », et il établit que dans un cas il a observé une bande de cils ventraux, tandis que dans les autres il n’en a pas trouvé du tout. Si le classificateur considère ce genre comme valide, quatre de nos formes américaines lui appartiennent. Cette coupe me plaît peu et j’en suspecte l’exactitude. Les quatre formes en question sont les Chætonotus loricatus (pl. Il, fig. 6), Ch. rhomboïdes (pi. II, fig. 31-35), deux formes qui ont le dos garni d’écailles; Ch. concinnus (pl. I, fig. 6), dont le dos et les côtés sont entièrement couverts de papilles sphériques; et Ch. sulcatus ( pl. I, fig. 15), dont les mêmes parties sont sillonnées de plis transversaux. Les mœurs, la structure interne, le mode de reproduction sont essentiellement similaires à ceux des Chætonotus. Les poils du corps sont représentés chez eux par les quatre soies dorsales non signalées jusqu’ici.

Les branches de la fourche caudale sont, dans toutes les espèces, flexibles et mobiles. Elles ont une fonction intéressante : elles servent à l’animal pour se fixer, comme avec une ancre, sur la lame de verre ou sur n’importe quel support, dans l’eau, pendant qu’il prend sa nourriture. Elles sont légèrement élargies à l’extrémité distale dont le centre est partiellement occupé par le conduit d’un organe ovalaire, comme une glande, situé à leur partie autérieure, mais juste dans l’in¬ térieur du corps proprement dit. On peut voir ces glandes dans la pl. I, fig. 2, 6, et 11, D; elles ont été omises dans les autres figures. On suppose qu’elles sécrètent une substance agglutinante qui sert à l’animal pour adhérer au support. Le professeur Fernald, dans son mémoire déjà cité, s’exprime ainsi : « Il est extrêmement curieux et intéressant de voir avec quelle facilité ils se servent de leurs appendices caudaux pour s’ancrer sur la lame de verre ou le couvre-objet, de manière qu’en mettant au point avec soin on peut voir comme la suc¬ cion exercée par le bout de ces organes pendant que les animaux cherchent de côlé et d’autre, dans l’eau. » Les conduits semblent s’ouvrir au centre des extrémités élargies des prolongements caudaux.

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Chez toutes les espèces à écailles dorsales ou à poils soyeux, ces appendices s’étendent ordinairement sur la face ventrale jusqu’à la marge externe de chaque bande ciliaire. Ces dernières sont, de règle, au nombre de deux seulement. Dans une forme, Ch. larus , il y en a quatre, et, même chez celle-ci, d’après mes observations, il y en a aussi souvent deux que quatre. Ces bandes s’étendend près des bords laté¬ raux de la surface ventrale aplatie, depuis le voisinage de la bouche jusqu’à la fourche caudale, et ne servent qu’à la locomotion. L’espace entre les bandes ciliaires est, dans la plupart des espèces, entièrement lisse et nu. Chez quelques-unes, cependant, il est hérissé de poils soyeux ou garni de piquants courts et recourbés. Chez d’autres encore, ces parties additionnelles sont représentées par quelques longues soies situées près de la bifurcation postérieure.

La bouche a une structure plus compliquée qu’il ne semble au pre¬ mier coup d’œil. Elle est entourée d’un cercle lisse qu’on peut appeler l’anneau oral, quelquefois élevé au dessus de la surface générale, et entouré encore par une série de cils soyeux, non vibratiles. L’anneau oral est si profondément strié verticalement que, sur une vue directe¬ ment ventrale, il semble bordé par un rang de grains, et des intervalles entre ces grains, ou des sillons verticaux, les soies orales paraissent sortir. Ces poils sont visibles dans toutes les espèces que j’ai exami¬ nées. Les grains de l’anneau oral sont très petits, chez certaines formes ; chez d’autres, ils manquent complètement. Chez toutes, les cils sont la cause d’une intéressante illusion d’optique. Qu’ils se projettent en avant de l’anneau oral, plus ou moins perpendiculairement au plan ventral, on ne peut le déterminer positivement que quand l’animal est vu de profil. On les voit alors formant bien nettement projection (ph II, fig. 21, 22 et 23), et l’animal paraît pouvoir modifier leur position, au moins rapprocher et éloigner leurs extrémités distales. Dans l’œuf, avant le développement complet de l’embryon, ces cils présentent un aspect fas- ciculé semblable à ce qu’on voit dans la pl. II, fig. 35, disposition qui n’est pas rare chez les adultes, libres-nageurs. Mais quand on examine l’animal la surface ventrale en dessus, l’anneau oral semble fermé par une membrane convexe, percée d’une petite ouverture centrale, et fortement striée. Cette fausse apparence se voii dans la pl. I, fig. 5, et dans la pl. II, fig. 17. Elle est probablement causée par les extrémités rapprochées des cils, comme on le voit pl, II, fig. 35. L’ouverture orale proprement dite est en dedans et au dessus de ces cils ; c’est un orifice circulaire muni de lèvres un peu protractiles, à l’aide desquelles, et par l’extention subite de l’œsophage, les particules alimentaires sont sai¬ sies.

Immédiatement derrière l’anneau oral, une ou plusieurs lignes de

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cils vibratiles s’étendent à partir des bandes latérales, en travers de la surface ventrale (pl. I, fig. 5). Cette disposition existe dans toutes les espèces. De chaque côté de l’anneau oral, chez plusieurs espèces, il y a une touffe de cils courbes qui plonge et se mêle dans les touffes fron¬ tales de poils tactiles placées de chaque côté de la tète. Leur fonction paraît être d’aider à produire un courant pour pousser devant la bouche les particules alimentaires. Près des quatre touffes tactiles, on voit ordi¬ nairement, sur la surface ventrale, quatre petits corps, hémisphériques, réfringents, incolores, qu’on a appelés des yeux. Ils sont indiqués dans la pl. I, fig. 5, d’après un spécimen qui les montrait avec une netteté peu commune. Je n’ai pas pu les étudier d’une manière satisfaisante.

La structure de l’ouverture orale est essentiellement semblable dans toutes les espèces, et, chez toutes, celle-ci s’ouvre directement dans l’œsophage, organe qui varie en longueur et est richement fourni de muscles. De l’orifice oral, il s’étend plus ou moins obliquement en haut, puis tourne vers l’intestin, dans lequel il entre à une courte distance (PL I, fig. 21 et 24). Vers son milieu il présente ordinairement une constriction. Sa cavité est triangulaire, comme on le voit dans une coupe optique transversale (Pl. II, fig. 18), et cette particularité se montre bien dans toutes les formes que j’ai observées. Les contrac¬ tions de l’épaisse paroi musculaire élargissent cette cavité, et, aidées par la rapide protrusion de l’ouverture orale, entraînent les matières alimentaires par ce qui semble un mouvement de succion. Ce mouve¬ ment est tout à fait subit et comme si l’animal voulait mordre. Les bords de la cavité triangulaire sont rarement droits mais irrégulièrement ondulés ou crénelés. L’ouverture dans l’intestin est circulaire.

Le conduit tubuleux, aplati, qui suit l’œsophage sert à la fois comme estomac et comme intestin. Son trajet est presque droit sur la ligne mé¬ diane du corps, détourné de sa direction normale pour l’œuf. Les parois sont, déréglé, tapissées d’une seule couche de cellules nucléées. Chez le Chætonolus larus , Fernald et Ludwig ont vu une couche secon¬ daire, externe, de petites cellules peu distinctes. Chez le Ch. rhomboï¬ des, j’ai noté, avec doute, une disposition semblable.

Au dessus de l'intestin, sur la ligne médiane de la moitié postérieure du corps, est un ovaire unique (PI. I, fig. 1 ov., 11 A; Pl. II, fig. 21), dont l’oviducte s’ouvre à l’extérieur au dessus de l’anus. Du reste, il ne se forme qu’un seul œuf à la fois, mais il n’est pas rare qu’on en puisse observer deux ou davantage, à différents états de développement, dans le même ovaire. Le volume de l’œuf est énorme relativement à la taille de l’animal, car parfois il mesure presque la moitié de la lon¬ gueur du corps entier. 11 est expulsé rapidement et, en apparence, sans efforts de la part de l’animal, l’oviducte et son ouverture exté-

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rieure étant extraordinairement dilatables. La membrane de l’œuf est molle et flexible, et celui-ci est souvent très comprimé et diversement déformé pendant le passage, déformation qu’il conserve quelques secondes après son expulsion. Il n’est pas fixé d’une manière perma¬ nente à un objet submergé, mais lâché l’animal se trouve à pren¬ dre sa nourriture, et abandonné aux risques d’ètre dévoré par quelque ver Turbellarié ou un autre des innombrables ennemis qui abondent dans la couche superficielle de la vase. Néanmoins, les œufs de plu¬ sieurs espèces sont protégés par une armure d’épines, de papilles ou de poils raides. Mais d'autres sont tout à fait lisses ou seulement cou¬ verts de rugosités granulaires. A ce propos, c’est un fait curieux qu’un côté de la membrane de l’œuf est toujours privé de défense, les épines et autres productions protectrices étant toujours limitées à un côté et aux deux extrémités. Il n’est pas moins intéressant que la même espèce puisse pondre des œufs dont l’ornementation diffère grandement, comme un réseau de lignes saillantes ou des papilles pentagonales creuses, ou de longues épines à l’extrémité triradiée ou quadripar¬ tite. J’avais d’abord supposé que chaque espèce pond des œufs marqués d’un dessin extérieur caractéristique, mais une observation un peu pro¬ longée a bientôt détruit cette illusion qui m’agréait.

Il ne serait pas bien difficile à deux observateurs, travaillant ensem¬ ble, de suivre le développement de l’embryon depuis le moment l’œuf est expulsé jusqu’à celui l’animal devient complet. Mais, pour qui travaille tout seul, c’est presque impossible. L’intervalle le plus court entre ces deux périodes est, autant que j’ai pu m’en assurer personnellement, d’environ trente heures. C’est le cas de l’œuf du Chætonotus spinosulus (PL I, fig. 2). Rester l’œil au microscope pen¬ dant trente heures consécutives ne serait pas une mince besogne.

Les modifications intérieures se produisent rapidement dans les premières phases, et commencent immédiatement après que l’œuf est arrivé dans l’eau. Le contenu devient de plus en plus granuleux et bientôt prend une forme sphérique au centre de l’œuf. Le noyau, très visible, se divise, ses parties se séparent, et le vitellus paraît subir une segmentation totale. Chez le Ch. loricatus (PI. II, fig, lü). Cette phase est atteinte en trois heures environ.

Le seul Chætonotus dans lequel on ait vu un organe qui semble avoir la fonction d’un testicule est le Ch. larus Ehb. Il présente un organe glandulaire sous la partie postérieure de l’intestin, (PI. I, fig. 11 , qui, d’après Ludwig, serait l’organe mâle; ainsi, l’animal serait hermaphrodite, ce que Bütschli nie.

Il existe des systèmes nerveux, musculaire, et vasculaire-aquifère, mais ils sont généralement obscurs. Les deux premiers ont été d’abord

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observés par Bütschli, chez le Ch. maximus, Ehb., mais la décou¬ verte du dernier appartient à Gosse, qui a vu des canalicules ciliées chez le Ch. larus , Ehb. et chez ses Ch. Slackii et Ch. gracilis , il y a plus de vingt, ans.

Le système nerveux consiste en deux bandes longitudinales, assez repliées et convolutées, s’étendant chacune sur le côté de l’œsophage, parallèlement à celui-ci, depuis l’ouverture orale jusque près de l’ou¬ verture postérieure. Elles sont représentées, telles qu’elles apparaissent chez le Ch. maximus, dans la PI. I, fig. 1, n.

Le système vasculaire-aquifère ne paraît pas différer de ce qu’il est chez les Rotifères., en ce qui concerne les canalicules. La vésicule contractile et l’entonnoir cilié des Rotifères manquent, mais les longs tubes, étroits, souvent très circonvolutés, sont ciliés à l’intérieur comme chez les Rotifères. Chez le Ch. maximus, Ehb., Bütschli les représente comme consistant en deux groupes de tubules, situés un de chaque côté de l’intestin, antérieurement, et prenant, postérieure¬ ment, une direction courbe en travers de ce conduit. Je les ai obser¬ vés chez le Ch. rhomboïdes, ils ont un aspect beaucoup plus simple. Dans la PL I, fig. 1, w, les tubules du Ch. maximus sont représentés.

Occasionnellement une ou plusieurs bandes étroites se voient près des bords latéraux du corps, parallèles à ceux-ci, comme cela est indi¬ qué dans la PI. I, fig. 1, a?. On suppose que ce sont des fibres muscu¬ laires, et, autant que je puis le savoir, elles n’ont été vues que par Bütschli. Les autres éléments musculaires sont plus nombreux. Ils consistent en corps contractiles, plus ou moins disséminés et rayonnés, qui sont quelquefois nucléés, comme on le voit dans la PL I, fig. 1, m. (I).

(4 suivre.) Dr Alfred Ch Stokes,

Du Trenton (New Jersey).

EXPLICATION DE LA PLANCHE I

Fig. 1 Chætonotus maximus , Ehb., d'après un individu remarquablement court et fort, dans lequel les organes internes étaient très distincts.

m, cellules contractiles radiées ;

x, probablement fibres musculaires longitudinales ; w, système vasculaire aquifère ; ov} ovaire; a, ouverture anale ;

n, système nerveux.

(D’après Bütschli).

(1) The Microscope.

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«

Fig. 2. Ch. spinosulus, sp. nov.; vu de dos.

Fig. 3. _ (Euf de Ch. spinosulus.

Fig. 4. _ ch. octonarius , sp. nov.; vu de dos.

Fig. 5. Ch. loricalus, sp. noV.; face ventrale de la tête.

Fig 6. Ch. concinnus, sp. nov.; région dorsale postérieure.

Fig. 7. Ch. Slackiæ , Gosse ; contour de la tête. (D’après Gosse).

Fig_ g. Ch. longispinosus , sp. nov.; vue latérale de la région dorsale posté¬ rieure.

Fig. 9. Ch. longispinosus. V ue dorsale.

Fig. 10. Ch. longispinosus. Cellules de l’intestin.

Fig. 11. Ch. larus. Ehb. Coupe optique de la partie postérieure : A, ovaire ;

B, intestin ; G, testicule^?) ; D. glande caudale.

Fig. 12. Ch. enormis, sp. nov.; vu de dos.

Fig. 13. Ch. acanthophorus, sp. nov. ; vu de dos.

Fig. 14. Ch. acanthophorus ; épine de la région dorsale.

Fig. 15. Ch. sulcatus, sp. nov.; région postérieure dorsale.

Au momeit ou nous mettons sous presse la planche II ne nous est pas encore parvenue,

(N. de la R.)

SUR LE PHYLLOXERA PUNCTATA

I

Développement des œufs

MM. Balbiani et Maxime Cornu, dans leurs belles études sur le Phylloxéra de la vigne [P . vastatrix) et sur le Phylloxéra du chêne pédonculé [P. qucrcus ), ont figuré plusieurs phases du développement des œufs de ces insectes, dont l’étude offre des difficultés toutes spéciales par suite de l’opacité des parties au centre desquelles se forme l’embryon.

Depuis deux ans je dirige mes recherches sur le Phylloxéra punctata , que je recueille sur les feuilles du chêne à fleurs sessiles ( Q . sessiflora) et dont la transparence relative est beaucoup plus favorable. Je me suis efforcé de rendre aussi complètes que je l’ai pu mes études, non seulement sur l’anatomie et la physiologie de l’insecte, mais encore sur ses mœurs et sur ses ennemis naturels.

L’œuf parthénogénésique nouvellement pondu se compose d’une masse centrale, remplie d’éléments vitellins et d’une zone périphérique semi-trans¬ parente, contenant de très fines granulations qui tendent parfois à se grouper sous forme de petites sphères. Ces groupements sont essentiellement instables jusqu’au moment arrivent des noyaux vitellins qui, fixant autour d'eux les granulations, constituent les cellules blastodermiques. La couche blastoder- mique, d’abord uniforme comme épaisseur dans tous ces points, présente bientôt, au pôle supérieur de l’œuf, un épaississement, véritable cumulus auquel correspondra plus tard la crête denticulée de la tête de l’embryon et un épaississement inférieur qui, en se développant, constituera le point de départ de la bandelette embryonnaire qui va se replier et s’invaginer dans l’intérieur de la masse vitelline centrale.

Celle-ci subit alors une segmentation totale, qui a comme résultat de la

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transformer en une série de globes vitellins. Ces globes, comprimant la couche blastodermique qui les environne, réduisent cette couche à l’état- d'une simplejamelle, sauf au niveau des deux pôles de l’œuf. Nous avons pu suivre toutes les phases de développement de la bandelette embryonnaire, qui, en pénétrant dans l’intérieur de la masse vitelline, prend la forme d’une sorte de V renversé, dont une des branches continue à se développer tandis que l’autre, en s’atrophiant de plus en plus, se réduit à l’état d’une simple membrane qui fera partie des membranes embryonnaires proprement dites. La branche qui se développe et qui va constituer l’embryon se contourne de façon à prendre la forme d’une S, la courbure inférieure de l’S correspondant à l’extrémité céphalique et la courbure supérieure au reste du corps. Cette dernière courbure offre bientôtun nouveau repli quiformera la région caudale, dans le voisinage de laquelle se rencontre la masse ovarienne rudimentaire. Nous avons suivi l’apparition successive des dilatations qui indiquent les segments du corps et sur lesquelles se développent les rudiments des appen¬ dices. On voit tout d’abord apparaître les rudiments des antennes, des mandi¬ bules, de la première paire de mâchoires et des deux premières thoraciques. Puis se montrent les rudiments de la deuxième paire de mâchoires qui consti¬ tuera la trompe de la troisième paire de pattes thoraciques et enfin des dilata¬ tions correspondantes à la région abdominale. La séparation de l’épiblaste et et du mésoblaste devient bien appréciable. Bientôt la partie de l’enveloppe vitelline qui correspond à la partie antérieure de la tête de l’embryon s’amincit et finit par disparaître, les membranes embryonnaires se rompent elles-mêmes en ce point, et l’embryon subit un mouvement de retournement fort intéressant à suivre dans ses différentes phases et qui dure en moyenne une heure un quart. Ce mouvement a comme résultat d’invaginer dans l’intérieur du corps l’ensemble du vitellus qui jusqu’alors se trouvait à sa périphérie. En même temps la tête de l’embryon vient occuper le pôle sépérieur de l’œuf, tandis que la région caudale vient correspondre au pôle inférieur. Ce mouvement s’effectue en deux temps bien distincts. Tout d’abord la tête se relève en entraînant les divers appendices thoraciques et vient s’appliquer contre 1 ou¬ verture anale ou proctodeum resté immobille au niveau du pôle supérieur de l’œuf. Dans un second temps le proctodeum se déplace et, descendant peu à peu, vient correspondre au pôle inférieur de l’œuf. Ce n’est qu'après le mou¬ vement de retournement que les taches oculaires commencent à apparaître. Nous ne pouvons qu’indiquer ici les phases successives du développement des différents viscères et des différents appendices.

L’embryon dans les divers temps de son développement est contenu dans trois enveloppes, l’une plus interne, présentant des diverticules qui se mou¬ lent sur les divers appendices, une moyenne à laquelle appartient la crête denticulée et enfin une externe qui va se rompre tout d’abord au point corres¬ pondant à la crête denticulée. Celle-ci nous paraît produire une véritable dissociation de la partie correspondante de la membrane externe. L’éclosion de l’œuf s’opère par le glissement successif de l’enveloppe externe et de l'en¬ veloppe moyenne le long du corps de l’embryon. A ce moment la troisième enveloppe a disparu, et l'insecte se met immédiatement en mouvement à la recherche d’un point de la feuille sur lequel il se fixera.

Le développement de l’œuf mâle et de l'œuf femelle offre la plus grande nalogie, avec cette remarque que le contournement de la bandelette embryon -

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naire est moins prononcé et que les rudiments d'appendices correspondant à h}, deuxième paire de mâchoires n’offrent pas de développement consécutif. Après le retournement de l’embryon, la région abdominale contraste par son volume relatif, par suite du développement précipité des organes génitaux. Nous ne pouvons qu’indiquer ici les différentes phases de l’évolution des organes sexuels mâles et femelles, évolution qui varie un peu suivant qu’il s’agit d’œufs pondus par une mère agame ailée ou par une mère agame aptère. Dans ce dernier cas, le développement général de l’ovaire s’éloigne moins du type normal, et l'on peut parfois apercevoir plusieurs œufs en voie d’évolution, mais il n’y en a jamais qu’un seul qui arrive à maturité. Souvent nous avons saisi la présence d’un proctodeum bien manifeste. La partie moyenne de l’in¬ testin se trouve réduite, dans la majorité des cas, à une masse ovoïde jaune rougeâtre, également distante des points devraient se trouver normalement la bouche et l’anus ; parfois, mais rarement, un véritable intestin paraît se constituer, mais il n’a jamais aucune importance fonctionnelle.

L’éclosion de l’œuf se fait également par le rejet successif de la mem¬ brane externe et de la membrane moyenne, qui présente une crête denticulée fort pâle. L’insecte continue à garder la même immobilité jusqu’après la production d’une véritable mue dont nous avons même pu étudier le résultat. C’est alors seulement que, des organes essentiels étant arrivés à la maturité, il se met en mouvement pour remplir son rôle physiologique.

(A suivre.) Dr V. Lemoine,

Prof, à l’Ecole de Médecine de Reims.

Variole et Vaccine Rage canine et Rage de laboratoire

Par M. le professeur Peter (1).

Le 4 janvier, un varioleux a été introduit par inadvertance dans la salle des hommes ; il y a séjourné deux heures, et ce court séjour a été l’occa¬ sion du développement de quatre cas de variole, trois hommes et une infir¬ mière de la salle des hommes.

Un des varioleux a succombé après quelques hémorrhagies, et, à l’autopsie, on a constaté l’état graisseux du cœur ; ce fait est à rapprocher de ce qu’on a trouvé chez les Esquimaux qui sont morts de la variole à Paris.

L’autre varioleux eut une variole légère, discrète. Enfin, le quatrième pré¬ senta l’éruption parallèle, non modifiée,- de deux maladies virulentes : la va¬ riole et la vaccine.

Nous avons des dates précises. Il est incontestable que, le 4 janvier, est entré dans la salle un varioleux, et que les varioleux dont je viens de parler ont été contagionnés par le seul séjour de ce malade dans la salle pendant deux heures. Vous voyez combien il faut peu de chose pour contagionner, et quel danger peut résulter de l’inoculation de virus à pleine seringue, comme on le fait avec les inoculations pastoriennes.

Cet homme a été vacciné le 12 janvier ; il était donc, depuis huit jours,

(l) L°çon professée à Necker, le 26 janvier 1886, recueillie par M, Deligny (J. de Méd,

Paris),

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en puissance de variole. Nous allons voir ce qu’est devenue la variole, si elle a été modifiée par la vaccine.

Il résulte de l'observation que l’incubation de la variole est de douze jours; or, le treizième jour de la contagion, le malade éprouve de la rachialgie, du malaise, il a de la fièvre. Les 18 et 19 janvier, il a une température de 40° ; la fièvre est aussi intense que possible.

Le 20 janvier, au matin, apparaissent des papules de variole, sur les bras, la face, le cou. C’est une variole régulière, quant à la marche, quanta l’érup¬ tion.

Le malade est contagionné de douze jours ; trois jours après l’inoculation sont apparues des papules, puis les pustules ombiliquées de la vaccine régu¬ lière.

Donc, ni l’une ni l’autre de ces maladies virulentes ne se sont influencées; elles se sont développées parallèlement, l’une ayant été inoculée pour neu¬ traliser l’autre.

La vaccine a été un appel au développement de l’éruption variole. En effet, au bras gauche, on avait fait deux piqûres, qui ont donné naissance à deux belles pustules ; autour de ces pustules vaccinales, il s’est formé une quan¬ tité considérable de pustules varioliques, et alors que, sur la face, on ne voit que sept à huit pustules, au bras, autour des piqûres d’inoculation, elles sont au nombre de quinze à vingt. Donc les piqûres d’inoculation ont été le point d'appel de l’éruption variolique.

C’est un fait clinique constant ; on sait que il y a une stimulation préalable, se fait la fluxion : ubis stimulus, ibi fluxus. Il faut excuser M. Pasteur, excellent chimiste, mais qui n’est pas un clinicien, d’ignorer ce fait.

Qu’est il advenu de l’éruption ? Elle s’est cornée, elle n’a pas passé par la période de suppuration. C’est que cet homme avait été vacciné dans son enfance, son organisme était encore influencé par la vaccine antérieure ; de là, cette variole modifiée.

Gela faits est des plus significatifs, et ce n’est pas un fait isolé ; Trous¬ seau et d'autres ont constaté que la vaccine et la variole évoluent sans s’in¬ fluencer ; on a pu voir une pustule de variole se produire au centre d’une puscule de vaccin. Cela prouve bien que le vaccin produit un appel de l’éruption variolique.

Ce fait m’amène à vous parler d’une méthode thérapeutique à la mode, la méthode des inoculations antirabiques.

M. Pasteur a été obsédé par l’idée chimérique de trouver, à l’exemple de Jenner pour la variole, une vaccination préservatrice de la rage,

Cette idée chimérique repose sur trois suppositions ou postulats :

M. Pasteur confond l’analogue avec Videntique.

Il ne voit pas que le virus vaccin est bénin, tandis que le virus ra¬ bique est mortel.

Le virus vaccin est naturel, tandis que le virus rabique est artificiel ; il ne vaut que ce que vaut toute fabrication humaine.

La vaccine est analogue à la variole, mais non pas identique. Les anciens inoculateurs de la variole inoculaient l’identique pour combattre l’identique. Quand on inocule la vaccine, on inocule une maladie toujours bénigne, ex¬ cepté si la vaccin provient d’un sujet syphilitique, ou bien encore, par inex-

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périence du vaccinateur, si l’on se sert d’un vaccin détérioré, corrompu; on a alors des accidents septiques.

Au contraire, que fait M. Pasteur? Il inocule un virus identique, mor¬ tel, pour combattre un virus identique. C’est ce qu’il a fait pour le charbon, et j’ai les preuves qu’il a été obligé de payer des indemnités à des proprié¬ taires dont son virus charbonneux atténué a tué des bêtes. Il y a des cas où, avec la vaccination charbonneuse, la préservation dure un an ou deux, assez pour que l’animal puisse être envoyé à la boucherie, et on ne s’occupe pas des cas de mort .

Mais il ne peut en être ainsi en médecine humaine.

Le virus de M. Pasteur est un virus artificiel, atténué par des artifices de laboratoire subordonnés à 1 habileté et à la prudence de celui qui opère.

Est-il vrai que, par cette médication, on a préservé de la mort de nom¬ breux individus ? Est il vrai qu’elle n’a pas déterminé la mort dans cer¬ tains cas ? Est-il vrai que les accidents observés ne sont pas ceux d’une rage inconnue jusqu’alors, d’une rage expérimentale ?

Mais, avant d’aborder cette question de si haute importance, je ne veux pas ne pas réfuter un subterfuge, familier à M. Pasteur, et dont a abusé M. Yulpian. Ce subterfuge consiste à regarder comme « guéri » tout individu qui ne meurt pas prématurément de ses inoculations, tout individu qui sort indemne du laboratoire.

u Guéri » De quoi ? De la rage ?

Mais : 1 0 II ne l’avait pas, quand il est venu à votre laboratoire !

Il pouvait ne pas l'avoir / Et vous le savez bien, puisqu’il avait, d’après Hunter, 95 0|0 de chances de l’éviter malgré sa morsure par un ani¬ mal rabique, et que, d’après Leblanc, ces chances étaient encore de 84 0[0.

Il peut l’avoir plus tard , la rage / Et vous le savez bien, puisque l’un vos inoculés (j’allais dire une de vos victimes, car s’il avait été cautérisé au fer rouge, et non sottement inoculé, il aurait été préservé ), l’un de vos inoculés, dis-je, le petit Videau, est mort sept mois après les inoculations faites par vous.

Et vous n’ignorez pas davantage ces incubations prolongées dont fourmille la science, ces cas de rage après :

Onze mois d’incubation, ( Gazette médicale de Lyon. 1869. Dupuy.)

Onze mois également, ( Annales médico -psychologiques 1843. Aubanel.)

Onze mois encore, ( France médicale. 1880. Bouzal. )

Après un an, (Annales d’hygiène et de méd. lég. 1870. Proust et Bouley.)

Après un an, ( Gazette des hop . 1833. Duporthuis.)

Après seize mois, (Revue de médecine. 1884, de Beurmann. )

Après quinze mois, ( Mémoire de médecine militaire. 17e vol. Dissez. )

Après dix-huit mois, (Loire médicale. 1883. Roussel).

Après dix-huit mois, (Union médicale , 1856. Valentin.)

Après dix-huit mois, ( Gazette des hôpitaux , 1864. Carrière).

^Après dix-neuf mois, ( Union médicale , 1885. Tachard )

Après deux ans et deux mois, ( Gazette des hôpitaux , 1875, Morel).

Après deux ans et cinq mois, (Mémoires de méd. mil. 1859. Hémard.)

Après deux ans et six mois, ( Union médicale , 1874, Féréol).

Après deux ans et six mois, (Gazette des hôpitaux, 1875).

Enfin, après cinq ans, ( Bulletin de ÏAcad. de méd. Léon Collin.)

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/

De sorte qu'aucun de vos inoculés n'est sûr de n’avoir pas la rage, même après cinq ans ; et s’il ne l’a pas, ce sera par le bénéfice de son immunité naturelle, non par celui de vos inoculations, vous le savez bien !

J’aborde maintenant la réfutation de la statistique enfantine que M. Vul- pian a fourniô, lundi 24 janvier, à l’Académie des Sciences, statistique plus que harsardeuse, statistique du trompe-l’œil, statistique du trompe-académi¬ cien.

Vous avez vu toût à l’heure que le virus vaccin exalte le virus variolique. Est-il vrai que le virus pastorien n'exalte pas, dans certains cas, le virus inoculé par la morsure d’un chien enragé ?

Voici des faits. Si le virus neutralisait, il devrait y avoir moins de mortalité, réserve faite du développement ultérieur de la rage chez les ino¬ culés. Or, elle est plus forte. Il y a eu, en 1886, 21 cas de mort après le traitement par la méthode Pasteur, et 17 cas de mort sans traitement : soit, 38 cas.

Un homme éminent, médecin légiste, président du Comité consultatif d’Hy» giène de France, Tardieu, a été chargé, par le Ministère, de rechercher com¬ bien, en une période de 13 ans, il était mort d’enragés. Il est arrivé au chif¬ fre de 25 par an, cela est imprimé dans le Bulletin du Comité d’ Hygiène en 1863.

Un autre homme éminent, également médecin légiste, président du Co¬ mité consultatif d’Hygiène, de même valeur scientifique, M. Brouardel, a trouvé, pour une période de 23 ans, 30 cas par année de mort par la rage.

Tardieu dit que presque tous les arrondissements ont répondu à sa deman¬ de ; M. Brouardel dit que les deux tiers seulement ont répondu. Faisant une règle de proportion, si chère à M. Vulpian, nous avons 30 cas pour deux tiers, ce qui fait 45 cas pour la totalité.

J’accorde les 45 cas ; je suis généreux.

Or, il y a 38 cas en 1886, mais c’est une petite moyenne, et il y en aura évidemment plus cette année, puisqu’il y en a déjà eu sept en deux mois, ce qui ferait 42 pour l’année entière chez des inoculés, sans compter les morts par rage chez les non*inoculés.

M. Vulpian arrive à ceci : qu’il y aurait avoir, en 1886, 246 cas de mort par la rage, et que, par conséquent, M. Pasteur a sauvé 230 enragés, alors que M. Tardieu dit que la moyenne par année est 25, M. Brouardel 30, et moi 45.

Le chiffre de 245 est plus que hasardé, et fondé sur des calculs puérils qui peuvent séduire l’Académie des sciences. Car il faut que vous sachiez que l’Académie des sciences est absolument incompétente ; elle se compose des hommes les plus savants du monde, mais les plus ignorants en médecine : 5 géomètres, 6 mécaniciens, 6 astronomes, 5 navigateurs, 5 physiciens, 6 chi¬ mistes, 7 minéralogistes ( dont M. Pasteur), 6 botanistes, 6 agronomes, 6 anatomistes, et enfin 6 médecins ou chirurgiens. Par conséquent, sur 63 membres, 57 incompétents .

M. Vulpian dit n’avoir vu que six cas de rage dans sa carrière médicale ; moi, je n’en ai vu que deux. Vous voyez que la rage est assez peu fréquente. D’ailleurs, le même cas, vu par plusieurs observateurs, devient plusieurs cas dans la statistique ; c’est malheureusement ainsi que les choses se passent.

Je reviens à la collaboration possible du virus inoculé avec le virus de la

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rage. Vous voyez que le virus vaccin exalte le virus variolique, et vous ne voulez pas qu’il en soit de même pour le virus rabique!

Mais cela est contraire à toutes les analogies !

Je dis qu’il collabore, et la forme de rage que j’ai appelée canino-expéri- mentale existe.

Je dis que, si les individus ne meurent pas exclusivement du virus qui leur a été inoculé dans le laboratoire, ce virus est un point d’appel pour le développement du virus rabique.

Je dis que, de même que le virus vaccin est, au niveau des piqûres vac¬ cinales, l’origine d’une explosion de pustules varioliques, de même le virus artificiellement préparé par M. Pasteur excite le développement des acci¬ dents du virus rabique naturel.

Je dis que ce virus rabique naturel, dans l’immense majorité des cas, chez l’homme, ne fait qu’exciter, sans les détruire, les cordons antérieurs de la moelle de façon à provoquer les mouvements convulsifs de la rage classique, et certaines autres portions du système nerveux de façon à déterminer la fureur et les hallucinations ; tandis que le virus artificiel, s’associant, s’il n'agit pas seul (ce que je ne sais pas), s’associant, dis-je, au premier virus inoculé par morsure, il n’en résulte pas seulement l’excitation, mais la dés- truction des cordons antérieurs de la moelle, d’où la paraplégie et cette for¬ me, insolite jusqu’ici, de la rage.

Je dis que, dans ces cas, anatomiquement, la rage a une intensité plus grande, puisqu’il y a, non pas seulement hypérémie delà moelle, mais ramol¬ lissement de celle-ci.

Je dis enfin, que, par ces pratiques insensées, on en est arrivé à ce résul¬ tat, inouï jusqu’ici, d’AGGRAVER la mort.

M. Pasteur a commencé par des inoculations d’intensité progressive ; mais comme il avait eu 21 cas de mort, il s’est dit que cette manière de faire n’é¬ tait pas assez énergique. Alors, il a imaginé la méthode intensive ; les inoculés de 1886 étaient saturés, ceux de 1887 seront sursaturés.

J’affirme que cette méthode est dangereuse, et qu’elle contribue certaine¬ ment à la mort.

Les malades meurent de rage paralytique. Cette forme de rage est si rare que, lorsque j’ai parlé de mon premier cas à l’Académie, MM. Chauveau et Dujardin-Beaumetz m’ont dit que je m’étais trompé. On a cherché dans la science, et on a retrouvé d’autres cas, neuf cas en deux siècles. A cela je ré¬ ponds : j’ai deux cas de rage paralytique en deux mois.

La question pourrait être jugée par ces chiffres,

Cette forme de rage était si peu connue que, depuis que je l’ai signalée, on l’a appelée la maladie de Peter.

Dimanche dernier, 23 janvier, je suis allé à Sceaux ; un petit garçon de 13 ans, G-oriot, avait été mordu par un chat. On tua le chat, sans s'inquiéter autrement, mais, trois semaines après, deux chevaux des parents de l’enfant moururent de la rage. On conduisit alors l’enfant chez M. Pasteur, et, le 21 ou 22 décembre, la première inoculation fut faite. On n’employa pas la mé¬ thode intensive, parce que, dit M. Brancher dans une lettre, il n’était pas prouvé que le chat fût enragé.

Les inoculations durèrent 10 jours, jusqu’au 31 décembre. Le 14 janvier, le malade éprouva de la rachialgie ; on fit venir le D1 Boisson, qui, n’étant

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pas averti des inoculations qui avaient été faites, crut à un lumbago et n’insista pas. Mais, deux heures après, on le rappelle : l’enfant était paraplégique. Il se renseigne, et, apprenant les inoculations, il se dit aussitôt : c'est la mala¬ die de Peter. Il fait venir le Dr Dauzats, qui partage cette manière de voir.

Chez ce petit malade, la période d’incubation de la rage a été diminuée, 30 jours au lieu de 40 ; mais, ce qui est plus grave encore, c’est que, depuis 2 ou 3 jours, il avait des douleurs au niveau des piqûres d’inoculation, et pas au siège de la morsure. Cette douleur peut manquer, mais elle est probante quand elle se montre ; Cœlius Aurelianus avait, il y a longtemps, signalé ce fait.

Vous avez vu, Messieurs, que la période d’incubation a été diminuée ; il en a été de même de la période de symptômes, le malade est mort en un peu plus de 24 heures.

Les symptômes observés ont été ceux des maladies infectieuses ; il y a eu, après la mort, écoulement de sang par le nez, taches ecchymotiques sur les parties déclives du corps. Par conséquent, le malade est mort d’une maladie des plus virulentes, produite par la collaboration de deux virus.

Voilà un cas tout récent, que les inoculateurs de M. Pasteur acceptent d’ailleurs, et considèrent comme un cas grave.

L’enfant aurait pu ne pas devenir enragé, car les animaux ont plus facilement la rage que l’homme. Hunter dit que cinq individus seulement sur cent mordus deviennent enragés ; je dis, moi, un sur six, car je suis encore généreux : l’enfant avait donc cinq chances sur six pour ne pas mourir de la rage.

Je ne puis m’arrêter aux assertions erronées de M. Vulpian, aux chiffres qu’il a donnés à l’Académie des sciences.

En premier lieu, tout les individus qui sont venus se faire inoculer n’ont pas été mordus. En second lieu, tous ceux qui ont été mordus ne l’ont pas été tous par des chiens enragés. En troisième lieu, tous les individus qui ont été mordns, même par des chiens enragés, ne sont pas tous destinés à être enragés.

Voilà les cas à retrancher de la liste de M. Vulpian,

Il cite 1538 mordus, en une année, 16 morts, soit une mortalité de 1.04 pour 100. M. Leblanc a trouvé que 16 pour 100 de mordus deviennent enra¬ gés, et nous arrivons à ce chiffre exorbitant de 246 cas de mort par la rage, qui aurait avoir lieu en France, en 1886. Gomme ils acceptent 16 morts (sur 21), ils en concluent que M. Pasteur a sauvé 230 personnes. C’est insensé !

Comment 246 cas en 1886, alors que la moyenne des années antérieures est seulement de 30 à 45? C’est un subterfuge, mais nous ne l’acceptons pas. Les chiffres de M. Vulpian se réfutent eux-mêmes par leur invraisemblance.

Il ont été donnés à tous les journaux, et M. Vulpian ose dire que, sur 50 cas d’inoculations intensives, il n’y a pas eu un seul cas de mort. Ici, l’er¬ reur est flagrante.

En effet, voici les Bulletins de l’Académie qui prouvent que j’ai cité sans être démenti par personne, pas même par M. Vulpian, trois cas de mort : un à Dunkerque (Jansen, de rage convulsive classique ; un cas à Constantine (Sodini, mort de rage paralytique à l’hôpital de cette ville, et dont l’observa¬ tion a été rapportée par le Dr Leroy); un troisième cas à Arras (Léopold Née,

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mort de rage paralytique, et avec les symptômes les plus navrants, souffrant au niveau des piqûres d’inoculation, et disant : Je vais mourir de cela »).

Et vous dites qu’il n’y a pas eu un seul cas de mort ! C’est une contre¬ vérité à la Nme puissance, car j’ai relevé quatre cas de mort par la méthode intensive.

Mais je saisis le subterfuge par lequel M. Vulpian, imitant son patron M. Pasteur, va chercher à m’échapper. Il me dira que ce n’est pas la méthode intensive suivant la formule logarithmique qui aura été appliquée, et qu’on aura’fait 2 ou 3 inoculationSj mais non pas suivant la formule secundum ar - tem Pastoris.

La méthode de Pasteur ne peut pas se tenir debout. L’on a dit qu’elle ne relève pas de la discusion rationnelle ; alors, elle ne relève donc que de la foi !

Dans la Gazette médicale , M. de Ranse dit aussi qu’on ne peut juger cette question d’après les données classiques, parce qu'il semble que ce soit une nouvelle ère médicale qui commence.

Laissez-moi encore, Messieurs, pour terminer, vous dire, avec un senti¬ ment de honte, ce qui s’imprime à l’étranger.

Un médecin, M. Abreu, membre de l’Académie des sciences de Lisbonne, qui est venu à Paris étudier sur place la méthode Pasteur, m’envoie un rap¬ port qu'il a fait à la demande du Président du Conseil des ministres. Dans ce rapport, il considère la méthode pastorienne comme « une précipitation dangereuse », parce qu’elle fait oublier les précautions habituelles, et il la qualifie de « grave erreur scientifique ».

A Naples, les professeurs Amoroso et de Renzi ont fait des inoculations intensives à des lapins : deux heures seulement après l’infection par trépana¬ tion, non seulement ces inoculations n’ont pas préservé ces lapins, mais ont accéléré chez eux le développement de tous les symptômes caractéristi¬ ques de la rage, et les ont fait mourir plus tôt que des lapins témoins infec¬ tés par trépanation avec le même virus.

Vous savez d’ailleurs, Messieurs, que l’opinion du professeur von Frisch, de Vienne, est absolument concordante avec celle de MM. Abreu, Amoroso et de Renzi.

Allez ! vous pouvez encore triompher momentanément dans des milieux incompétents, vos triomphes seront des victoires à la Pyrrhus, vous en sor¬ tez toujours affaiblis !

Déjà, par les puériles interprétations de vos morts, vous vous refusez de voir la rage, invoquant, contre toute évidence, chez celui-ci la ménin¬ gite, chez celui-là l’alcoolisme, chez tel autre l’urémie, chez tel autre enfin « vous ne savez quoi » ; vous avez perdu la confiance des médecins. Bientôt, il ne vous restera plus celle du public. Et ce sera justice !

Pour moi, Messieurs, la question Pasteur est jugée; s’il n'en est pas de même pour vous, je vous plains.

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BIBLIOGRAPHIE

i

Précis élémentaire d’anatomie pathologique, par M. Abadie-Leroy (1).

Voici un excellent petit livre que l’auteur a écrit particulièrement dans le but de fournir aux étudiants un manuel dans lequel ils puissent revoir rapi¬ dement et avec fruit les questions d’anatomie pathologique qui leur sont posées aux examens. Les médecins y trouveront aussi un memento ils pourront retrouver facilement les connaissances déjà acquises dans les traités généraux.

L’ouvrage est divisé en quatre parties, dont la première est consacrée à ce que l’auteur appelle les processus généraux, comprenant l’étude des exsudats inflammatoires et des tumeurs (sarcomes, myxomes, fibromes, carcinomes, tubercules, gommes, etc.).

La seconde traite des maladies des tissus, tissus conjonctifs, séreux, cartila¬ gineux, osseux, épithélial (comprenant les maladies de la peau), musculaire et nerveux.

Dans la troisième partie l’auteur passe en revue les altérations pathologiques résultant des maladies des appareils et des organes, des appareils circulatoires sanguins et lymphatiques, de l’appareil respiratoire, de l’appareil digestif et de ses annexes, de l’appareil urinaire, des organes génitaux et du système nerveux.

La quatrième partie est consacrée à un rapide examen des microbes , micro¬ coques, bactéries, bacilles, spirochætes.

On le voit, le tableau est complet. D’ailleurs les descriptions sont faites d’une manière claire et concise ; les particularités caractéristiques y sont bien mises en lumière et débarrassées d’une multitude de détails superflus ou peu constants qui ne font qu’encombrer la mémoire. M. Abadie-Leroy a d’ailleurs rédigé son travail en tenant compte des plus récents progrès de la science; Aussi a-t-il rendu un vrai service à tous ceux qui s’intéressent à ces questions ou qui sont tenus de les connaître, en leur permettant, comme il le dit fort bien, d’apprendre beaucoup en peu de temps, méthode qui devient aujourd’hui plus indispensable que jamais.

II

Centralblatt für Bactériologie und Parasitenkunde, nos 1 à 8 (1887).

C’est un nouveau journal que nous annonçons aux micrographes et aux helminthologistes. Il paraît à Iéna, chez M. Gustave Fischer, libraire, sous la direction du D* O. Uhlworm, de Cassel, et avec la collaboration des profes¬ seurs R. Leuckart, de Leipzig, et Dr Lœffler, de Berlin.

Cette publication, fort bien faite, contient des articles originaux, mais surtout des notices bibliographiques très complètes sur tous les ouvrages relatifs non seulement à la bactériologie, mais à l’histoire de tous les parasites, insectes, vers, etc.

Elle est hebdomadaire et ne peut manquer de réussir, ce que nous lui sou¬ haitons de bon cœur.

III

M. H. Ribbe, de Dresde, nous adresse un catalogue avec prix des Lépidop¬ tères qu’il met en vente pour 1887. Ce catalogue contient environ 1600 espèces,

(1) 1 vol. in-12 de 290 pages, Paris, 1887, A. Maloine, édit.

Onzième année

3

Mars 1887

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE !

A nos lecteurs. Nos Maitres : J. Béclard. Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France, en 1887, par le professeur L. Ranvier. Aperçu de la morphologie des Bactériacôes ou Microbes [fin), leçons faites par M. J. Kunstler, à la Faculté des sciences de Bordeaux. Conférences sur le Microscope [suite], par M. J. Mayall jun. Sur les maladies des plantes, par M. Chavée-Leroy. Bibliographie : I. Atlas de Microscopie clinique, par le Dr Alex. Peyer. II. Presse médicale. Exposition d’Ékathérinebourg en 1887 Offres et demandes. Avis divers

A NOS LECTEURS

Nous sommes heureux d’apprendre à nos lecteurs qu’à partir du présent numéro nous publierons, ainsi que nous l’avions annoncé dans notre fascicule de janvier dernier, des numéros supplémentaires qui paraîtront désormais régulièrement.

De plus, et pour ajouter à notre Recueil un nouvel élément d’intérêt, nous avons l’intention de publier avec ces numéros, une série de portraits des savants de notre époque, français ou étrangers, qui se sont illustrés dans les sciences biologiques.

Ces portraits de « Nos Maîtres * magnifiquement gravés ou photogravés, tirés avec soin sur papier de luxe, formeront autant d’œuvres d’art et compo¬ seront un suberbe album offert ainsi par nous à nos abonnés sans aucune augmentation de prix.

Nous ne pouvions mieux commencer cette série que par le portrait de notre excellent et regretté maître J. Béclard, portrait qui accompagne la présente livraison.

Nous pensons que nos lecteurs nous sauront gré de ces nouveaux sacrifices et de nos constants efforts pour leur offrir une publication hors ligne. Si, comme nous l’espérons, il en est ainsi, le Journal de Micrographie, au lieu de paraître tous les mois comme par le passé, paraîtra dorénavant tous les quinze jours.

Dr J. Pelleta N.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

NOS MAITRES

JULES BÉCLARD

à Paris le 17 décembre 1818, J. A. Béclard élait le fils du célèbre ana¬ tomiste Pierre Augustin Béclard qui appliqua avec tant de succès l’anatomie à la chirurgie. Il se montra dès sa jeunesse plein d’aptitudes pour les études scientifiques et fut reçu docteur en médecine, à la Faculté de Paris, en 1842. En 1845, il était agrégé pour la chaire d’anatomie.

On doit à J. Béclard des travaux remarquables sur l "influence de la température sur le développement comparé des systèmes organi¬ ques , (1845) sur le système cartilagineux (1846), une nouvelle édition des Éléments d'anatomie générale d’Augustin Béclard (1852), sur l’?'?z- fluence des rayons colorés du spectre sur le développement , sur la nutrition des animaux , (1858) ; des recherches sur le mécanisme de Y ab¬ sorption et les phénomènes de ï endosmose , sur les fonctions de la rate et de la veine porte , sur la contraction musculaire dans ses rap¬ ports avec la température animale , etc. ; enfin son Traité élémentaire de physiologie, publié en 1856 et qui n’eut pas moins de six éditions succes¬ sives. C’est un ouvrage d’une grande clarté, d’une incomparable précision, dans lequel plusieurs générations d’étudiants et de médecins ont trouvé leurs connaissances en physiologie, et qui a été traduit dans toutes les langues.

Bien que son enseignement remonte réellement à 1856, J. Béclard occu¬ pait depuis 1872 la chaire de physiologie à la Faculté de médecine il ne cessa de réunir autour de lui un auditoire des plus nombreux et des plus zélés.

Membre de l’Académie de Médecine depuis 1860, il en devint le Secrétaire perpétuel en 1873. Il était aimé de tous ses confrères et c’est avec un véritable talent littéraire qu’il prononçait les discours dont il était chargé dans les occa¬ sions solennelles.

Nommé doyen de la Faculté de médecine depuis quatre ans, et membre du Conseil supérieur de l’instruction publique, Béclard s’est toujours montré excellent administrateur et, plus que tous ses prédécesseurs, il sut se faire aimer des étudiants.

J. Béclard était serviable, généreux et bon ; on l’a vu jusqu’à ses derniers jours conserver son ardeur au travail et cette affabilité bienveillante, ces qualités aimables, ce caractère attractif qui faisaient de lui l’ami de ses collègues et le véritable père de toute la jeunesse de l’Ecole de Paris. 11 savait comprendre cette jeunesse, car il était resté réellement jeune tout en

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profitant de l’expérience de l’âge, et ses idées libérales, alliées à une grande sagesse et à un bon sens profond avaient consacré le prestige de son autorité.

J. Béclard est mort à Paris le 9 février 1887, d’une pneumonie ; il laisse une veuve et trois enfants dont un fils, l’aîné, qui est âgé de dix ans.

TRAVAUX ORIGINAUX

LE MÉCANISME DE LA SÉCRÉTION

Leçons fai tes au Collège de France en 1886-87 par le professeur L. Ranvier.

[Suite *)

MM

Vous avez pu remarquer que dans la description que je vous ai faite des glandes sébacées et dans ce que j’ai commencé à vous dire des glandes sudoripares, j’ai laissé de côté tous les détails qui me parais¬ saient ne pas avoir de rapport direct avec la question que je me propose de traiter, le mécanisme de la sécrétion. Pour faire l’analyse de la glande sudoripare, j’ai divisé le long tube qui la constitue en deux ré¬ gions, le canal sécréteur et le canal excréteur. Je vous ai parlé de sa membrane propre et de la couche musculaire qui la double. J’ai insisté sur la direction, oblique à l’axe, des fibres qui composent cette couche, et je vous ai montré que cette obliquité avait pour résultat, sous l’in¬ fluence de la contraction des fibres, de provoquer le retrait du tube glan¬ dulaire dans tous les sens ; en un mot, d’agir comme les deux couches longitudinale et transversale de l’intestin grêle. Je dois ajouter que c’est un artifice qu’a employé la nature parce qu’il lui était impossible, avec les matériaux d’édification de la glande sudoripare, de former deux couches musculaires dont l’une longitudinale et l’autre transversale : ce fait ressortira très nettememt des quelques notions que je vous donne¬ rai tout à l’heure sur le développement des glandes sudoripares. J’ajou¬ terai que les cellules musculaires du tube sécréteur de cette glande, contrairement à ce qui existe partout, excepté dans les glandes, sont placées en dedans de la membrane dont elles doivent déterminer le re¬ trait parleur contraction. Il fallait, pour que la contraction des cellules

(1) Voir Journal de Micrographie, t. X, 1886, et t. XI, 1887, p. 7, 62.

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musculaires fut effective et amenât le retrait dans tous les sens de la membrane qui limite le tube sécréteur, qu’il y eut une véritable adhé¬ rence entre cette membrane et les éléments musculaires. Cette union pouvait être réalisée par une substance cimentante réunissant soli¬ dement les éléments musculaires à la membrane; mais ce n’est pas ce procédé que la nature a employé, elle a mortaisé, si je puis m’exprimer ainsi, les éléments musculaires sur la membrane propre, et cela, au moyen de crêtes longitudinales qui s’incrustent dans la membrane et paraissent former autant de dents sur les coupes transversales du tube faites perpendiculairement à l’axe.

11 est curieux de voir qu’il y a un rapprochement à faire entre cette disposition et celle que Ton observe relativement à l’union de l’épi¬ derme et du derme. Vous savez que les cellules de la première rangée de l’épiderme sont unies les unes aux autres par des filaments d’union mais, de plus, fixées au derme par une série de dents. Ce 11e sont plus des crêtes qui pénètrent au sein de la couche dermique, établissant une union très intime entre les cellules de la première rangée et le derme, mais des dentelures. Pour les fibres musculaires du tube sécréteur des glandes sudoripares, ce sont des crêtes de sorte que si l’on isole ces fibres, 011 voit ces crêtes longitudinales, parallèles entr’elles et * parallèles à l’axe de l’élément musculaire, qui pénètrent dans les mor¬ taises de la membrane, établissant ainsi une union intime avec cette dernière. Je 11e sais s’il y a un ciment assurant la solidité de la sou- dure. C’est possible; je n’en sais rien ne voyant rien qui l’indique.

Un autre point important relatif à la couche musculaire du tube sécré¬ teur, c’est que les cellules qui composent cette couche ne se touchent pas : elles sont séparées, au moins chez les Mammifères, par des inter¬ valles la membrane propre se trouverait à nu s’il n’y avait d’autres éléments cellulaires, les cellules glandulaires. Pourquoi ces cellules ne se touchent elles pas? Pourquoi ne sont elles pas soudées les unes aux autres comme il arrive pour nombre de cellules musculaires, dans l’in¬ testin, par exemple, elles sont réunies par un ciment, et dans beau¬ coup d’autres cas ? Ici, les éléments musculaires sont distants et, entr’eux, restent des intervalles remplis par des cellules glandulaires. Je pense qu'il y a une disposition physiologique importante. Les cellules musculaires, pas plus que le ciment qui les unit, en nombre de poims de l’organisme, ne paraissent jouir d’une grande perméabilité. A priori, 011 est conduit à supposer que, par exemple, une membrane qui serait formée par des éléments musculaires soudés ne serait pas favorable à la dialyse physiologique. Si, au contraire, les éléments mus¬ culaires ne forment pas une couche continue, on conçoit que la dialyse puisse se faire très facilement à travers la membrane pour conduire

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les liquides nécessaires à la sécrétion dans les' cellules épithéliales du tube glandulaire ou cellules glandulaires, Je crois que la disposition dont je vous parle est en rapport avec ce fait.

Vous voyez qu’il paraît y avoir des rapports très-intimes entre la forme et la fonction quand on pousse un peu loin l’analyse histolo¬ gique des organes. Il s’agissait de déterminer le retrait d’une mem¬ brane par des éléments musculaires situés à l’intérieur de la mem¬ brane et non plus à l’extérieur; la nature a prévu le cas et établi une union intime entre la forme et la fonction à remplir. Les glandes su- doripares sont destinées à produire à un certain moment une sécré¬ tion très abondante dont les matériaux doivent traverser tous les éléments qui composent la paroi de la glande; aussi, nous les trou¬ vons entourées d’un tunique musculaire discontinue qui favorise à la fois l’accès des matériaux de la sécrétion et l’issue des produits de cette sécrétion une fois formés.

Les cellules glandulaires reposent en partie sur la membrane pro¬ pre, en partie sur les cellules musculaires. Ces cellules tapissent le tube en convergeant vers son centre ; elles ont la forme d’une pyra¬ mide tronquée dont le sommet regarde le calibre du tube, et possè¬ dent un noyau arrondi, presque sphérique, qui occupe à peu près leur partie moyenne. Le protoplasma n’est pas sans structure; comme dans les cellules épithéliales des canaux contournés du rein, on y observe des granulations disposées en séries parallèles ou rayonnant du centre à la périphérie du tube. Ces granulations sont albumi¬ noïdes, protoplasmiques, et, à côté d’elles, on en voit d’autres, plus volumineuses, souvent irrégulières, nous verrons bientôt pour¬ quoi, c’est-à-dire n’étant pas de forme régulièrement sphérique, ce qui est extraordinaire pour des granulations graisseuses. Ce fait a été observé par Krause le père, il y a longtemps, reconnu par tous les histologistes, en particulier par Reynold, élève de Langerhans, qui avait pensé, vu leur forme, qu’elles ne sont pas de nature grais¬ seuse. Elles sont allongées dans le sens de l’axe de la cellule; or, les granulations graisseuses libres dans un liquide ou dans le proto¬ plasma sont sphériques; quelquefois, quand deux d’entr’elles se réu¬ nissent en confluant, elles peuvent prendre la forme d’une haltère, autrement, elles sont sphériques. Permettez-moi de renvoyer à un peu plus tard l’explication de ces formes, et laissez-moi étalbir que ce sont bien des granulations graisseuses. Nous reconnaissons, en effet, les matières grasses à dbux caractères : elles résistent à l’ac¬ tion de l’acide acétique et elles sont solubles dans l’alcool absolu et dans l’éther. On pourrait ajouter qu’elle se colorent en noir par l’a¬ cide osmique, mais d’autres éléments peuvent prendre sous l’action

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de cet agent une coloration plus ou moins noire, les bâtonnets de la rétine, par exemple, qui ne sont pas des granulations graisseuses.

Les granulations dites graisseuses des cellules glandulaires des tubes sécréteurs sudoripares possèdent tous ces caractères; tandis que les granulations protoplasmiques disparaissent par l’acide acé¬ tique, les granulations graisseuses vraies se montrent d’une manière plus nette. C’est ce qui se produit pour celles qui nous occupent. Elles disparaissent par l’alcool absolu et se colorent facilement en noir par l’acide osmique. Si, avant de faire agir l’osmium, on les traite d’abord par l’alcool absolu, il n’y a plus de coloration noire par l’acide osmique. Ce sont donc bien des granulations graisseuses.

Lorsqu’on injecte dans le tissu conjonctif sous-cutané ou le pan- nicule adipeux, par exemple, des doigts, sur une pièce provenant d’une amputation, un centimètre cube d’une solution d’acide osmique à 1 ou 2 pour 100, l’acide se répand par diffusion et en passant par tous les interstices du tissu conjonctif et des glandes, fde entre les lobules adi¬ peux, entre les glomérules sudoripares, les faisceaux conjonctifs, les vaisseaux lymphatiques et sanguins et les nerfs. Chose curieuse ! quand on fait cette injection et qu’on complète le durcissement pour pouvoir faire des coupes comprenant tout l’épiderme, le derme et le tissu conjonctif sous-cutané, la netteté avec laquelle se montrent les glandes sudoripares frappe tout d’abord. On dirait que le liquide fixateur s’est porté de préférence sur ces glandes. Les cellules adi¬ peuses sont à peine fixées, quelques-unes un peu colorées en noir, tandis que tous les éléments qui entrent dans la constitution des glandes sudoripares sont nettement fixés et imprégnés par l’osmium. Ainsi, les granulations graisseuses dont je vous parlais tout à l’heure sont admirablement dessinées. Donc, quand un liquide cristalloïde ou diffusible se trouve dans les mailles du tissu conjonctif, espaces lymphatiques ou plasmatiques, ce liquide a une tendance à pénétrer dans les tubes sécréteurs des glandes sudoripares voisines. Il fau¬ drait varier l’expérience et employer des liquides diffusibles faciles à reconnaître. Je ne l’ai pas fait encore, mais partant de ce fait si net, j’ai cherché à faire une hypothèse : on en a toujours le droit. Je suis ar¬ rivé ainsi à cette idée que la glande sudoripare, qui est destinés à produire en peu de temps une grande quantité de sueur, emprunte les éléments de cette sueur, et en particulier l'eau, au tissu conjonctif voisin, et l’absorbe, comme le ferait une éponge. Nous devrons rechercher ce qui fait qu’à ce liquide est imprimée une direction qui le conduit dans le calibre du tube sécréteur de la glande sudoripare.

C’est ainsi que j’interprète les choses, car on ne dit plus aujourd’hui que les glandes empruntent au sang, directement, les matériaux de

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leur sécrétion, comme on le disait jadis. On a soutenu même que ces matériaux se trouvaient tout formés dans le sang et que les glandes étaient de simples fdtres destinés à séparer du sang ces matériaux. Non- seulement ils ne sont pas tout formés dans le sang, mais ce n’est pas dans le sang directement que les éléments glandulaires puisent les matériaux qui leur servent à sécréter, c’est dans le plasma lympha¬ tique sorti des vaisseaux et qui baigne la membrane propre des glandes.

Examinons maintenant le canal glandulaire. Nous y avons distin-

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gué deux portions, une portion dermique et une portion épidermique, division parfaite au point de vue du mécanisme de la sécrétion. On pourrait même établir trois portions parce que la partie dermique se divise en deux autres, une dans laquelle le canal excréteur est enroulé et fait partie du glomérule et l’autre dans laquelle Je canal monte dans le derme pour atteindre l’épiderme.

Voyons d’abord la portion dermique. Examinons le canal excréteur sur une coupe perpendiculaire à l’axe, qu’elle passe par la portion du canal [excréteur qui monte dans le derme ou par la portion glomérulée, peu importe, la structure est la même : à l’extérieur, le tube est re¬ couvert par la membrane propre, et à l’intérieur la lumière est li¬ mitée par une cuticule extrêmement nette, cuticule (pii n’existe pas dans le canal sécréteur. Ainsi, il y a un véritable calibre, limité par- une membrane à double contour, de sorte qu’il y a deux membranes, une extérieure et une intérieure, et, entr’elles, deux rangées seule¬ ment de cellules épithéliales, polyédriques : une couche ou rangée externe reposant sur la membrane propre, une couche interne dont la cuticule est une dépendance, car celle-ci est formée d’autant de pièces qu’il y a de cellules dans la couche interne ; ces pièces sont intime¬ ment soudées les unes aux autres.

Il n’y a donc pas, comme dans le tube sécréteur, une couche de cellules glandulaires et une couche de cellules musculaires; les cel¬ lules musculaires ont complètement disparu et sont remplacées par une couche externe de cellules glandulaires. Cette dernière est l’équi¬ valent morphologique de la couche musculaire du tube sécréteur ; c’est un point très important : dans le tube sécréteur la couche épi¬ théliale ou glandulaire profonde du tube excréteur est remplacée par une couche musculaire.

Pour bien reconnaître la signification morphologique de ces diffé¬ rents éléments tels que je viens de la formuler, il convient de re¬ monter au développement de la glande sudoripare. C’est ce que je vais faire très brièvement.

Chez l’embryon, à l’origine, il n’y a pas de glandes sudoripares. Le

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corps est recouvert d’une couche épithéliale simple; il n’y a pas de poils, ni de papilles. Toutes ces formations apparaissent plus tard. De l’ectoderme, formé de cellules épithéliales, part un bourgeon com¬ posé de cellules ectodermiques embryonnaires qui s’enfonce dans le derme et constitue la glande sudoripare embryonnaire, formée ainsi par un bouchon plein composé de cellules épithéliales. À cette épo¬ que, il n’y a donc pas lieu de distinguer dans la glande ni canal excré¬ teur, ni tube sécréteur. Toutes les cellules du bourgeon épithélial re¬ présentant la glande sudoripare embryonnaire sont semblables. Il n’y a donc pas de différences, pas plus dans les cellules que dans la glande tout entière. La première chose qui se produit, c’est la lumière du tube sécréteur, et elle se forme par l’édification d’une cuticule sur la face des cellules qui regarde le centre du bourgeon. Par conséquent, la première différenciation donne lieu à la formation de la cuticule, et de cette cuticule dépend le développement de la lumière glandu¬ laire. Cette lumière ne part pas de la surface, mais d’une portion du bourgeon qui, ordinairement, est assez profonde, s’étend peu à peu et n’arrive qu’ultérieurement à la surface. Je suppose que la partie du bourgeon située au-dessous du point apparaît la cuticule cor¬ respond à ce qui sera le tube sécréteur. Mais jusqu’ici, on ne voit rien qui ressemble aux cellules musculaires. C’est quand, par suite de son accroissement et ne trouvant plus de place, le bourgeon est obligé de se recourber et de prendre la forme d’une crosse, qu’on voit, sur cette crosse, apparaître la première différenciation de la membrane propre et la formation des cellules musculaires aux dépens des cel¬ lules épithéliales de la couche externe. De là, la forme singulière de ces cellules musculaires, et leur ressemblance par un caractère im¬ portant, les crêtes, avec les cellules de la première rangée du corps muqueux de Malpighi, et cette situation étrange au-dessous de la membrane qu’elles doivent ramener à une moindre étendue par leur contraction.

L’étude du développement suffit donc à établir que, véritablement, au point de vue morphologique, les cellules musculaires du tube sé¬ créteur sudoripare sont les équivalents des cellules épithéliales de la couche profonde du canal excréteur.

Quelle est la signification physiologique de la cuticule? Cette cuticule est constante dans toute l’étendue du canal excréteur. A quoi peut-elle servir? En examinant des coupes du canal faites par des procédés variés, on est frappé de voir qu’elle est toujours très nette ; que si, parfois, elle est un peu revenue sur elle-même, jamais on ne la voit assez distendue pour augmenter d’une manière notable le ca¬ libre du canal excréteur. Jamais on 11e la voit dissociée en ses parties

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constitutives, c’est-à-clire les plaques correspondant aux cellules épi¬ théliales centrales du canal.

Ces faits m’ont frappé et je me suis fait une théorie, une de ces hy¬ pothèses auxquelles on ne doit tenir que pour suggérer une idée d’ex¬ périence. Quel est le but de la sudation? Enlever de l’organisme des substances nuisibles. Vous connaissez l’expérience qui consiste à vernir un lapin de manière à empêcher les produits de la sudation de sortir : le lapin meurt, et meurt empoisonné. C’est un fait connu de tous les médecins. Il importe que ces produits toxiques soient éliminés très rapidement, puisque ce sont des poisons violents. Supposons que la paroi du canal excréteur des glandes sudoripares soit très élastique, de manière à ce que le liquide expulsé par l’action des muscles du tube sécréteur vienne à s’accumuler, l’excrétion ne se produira pas dans ce réservoir élastique, de sorte que, l’excrétion cessant, les muscles du tube sécréteur ayant fini leur action, la sueur rentrerait. Il faut donc que cette cuticule soit rigide et ne se laisse pas dilater, que son élasticité soit très limitée.

D’un autre côté, quel est encore le but de la sécrétion? Vous avez marché : vous avez produit des substances de déchet qui sont éli¬ minées par les reins, le foie, la sueur, et vous avez produit en même temps de la chaleur. Il importe que la température du®corps ne s’élève pas au-dessus d’un certain degré. Pour cela, les glandes sudoripares versent à la surface de la peau une quantité de liquide qui s’évapore et qui amène un abaissement de température. Il faut que cela se fasse très rapidement, puisqu’il s’agit de produire un équilibre ; il est donc né¬ cessaire que le liquide arrive très promptement à la surface de la peau et s’y répande très rapidement pour y produire rabaissement de tem¬ pérature dont le corps a besoin.

Peut-on donner à cette hypothèse la sanction de l’expérience? J’ai cherché à le faire. Vous connaissez la belle expérience, la décou¬ verte de Luchsinger, qui a été vérifiée depuis par beaucoup de phy¬ siologistes, par Vulpian d’abord. Elle consiste à exciter le bout pé¬ riphérique du nerf sciatique du chat. Si, au moment de l’excittaion, au moyen d’un courant interrompu, on examine la pulpe de la patte du chat, on voit sortir des gouttelettes de sueur au niveau de chaque pore sudoripare : on pourrait les compter avec une loupe. Elles gros- sisseut, se touchent, et bientôt toute la patte en est recouverte.

Puisque l’on fait sécréter si activement les glandes sudoripares du chat en excitant le nerf sciatique qui contient les fibres nerveuses glandulaires de ces glandes, si nous pouvions boucher le canal ex¬ créteur au moment nous faisons secréter ainsi fortement et fixer ensuite les éléments, nous verrions si la cuticule du canal s’est laissée

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distendre, rompre ou dissocier. Seulement, il faut boucher l’orifice, le pore de chaque glande, et c’est le difficile. J'ai essayé des vernis. Ils ne tiennent pas en place : la tension est suffisante pour que la sueur accumulée détache le vernis. Cela n’est pas possible. Nous avons essayé différents vernis, mais sans succès. Je suis arrivé à employer un pro¬ cédé que j’avais observé sur moi-même. Dès le temps vous étiez au collège, vous avez tous remarqué que lorsqu’on est auprès d’un poêle rouge, si l’on passe très rapidement la pulpe du doigt sur la surface chaude, on ne se brûle pas, mais il se produit une fusion de la subs¬ tance cornée de l’épiderme, et il se forme ainsi une sorte de vernis à chaud. J’avais bien vu, quand j’étais enfant, que quand je m’étais ainsi brûlé superficiellement, la région brûlée restait sèche pendant que les parties voisines étaient en sueur, et je l’avais constaté avec mes yeux comme d’autres avec une loupe, parce que j’étais myope, plus encore que je ne le suis aujourd’hui. J’ai employé ce procédé pour bou¬ cher les pores sudoripares de la patte du chat. J’ai passé rapidement un fer chauffé au rouge vif sur la partie je voulais étudier la glande sudoripare : il s’est formé le vernis dont je vous parlais tout à l’heure et les pores ont été bouchés. J’ai excité alors le nerf scia¬ tique et j’ai vu sortir des gouttelettes de sueur de toutes les régions de la pulpe qui n’avaient pas été touchées par le fer rouge, tandis qu’il n’en sortait aucune de la partie touchée par le fer. Au bout d’une à deux minutes d’excitation, j’ai enlevé d’un seul coup de ciseaux, cette dernière partie et je fai placée dans une solution d’acide osmique. Après un durcissement convenable, j’ai fait des coupes et j’ai vu les tubes sécréteurs extrêmement dilatés par la sueur qui les remplissait, mais les canaux excréteurs avaient conservé leur calibre, la cuticule n’avait pas cédé. Vous voyez donc qu’on peut arriver d’une ma¬ nière indirecte à bien établir les expériences et à démontrer la solidité ou la fragilité d’une hypothèse. Mon hypothèse, dans le cas actuel, était donc bonne : la cuticule constitue une membrane très résistante, destinée à 11e pas se laisser dilater, de manière à ce que la sueur ne s’y accumule pas et se déverse immédiatement sur la peau. Mon hypo¬ thèse anatomique fondée sur la fonction était vraisemblable.

Pour que l’expérience soit facile, il faut prendre un jeune chat, le curariser assez pour le paralyser complètement : k2 milligrammes de bon curare par kilogramme d'animal sont suffisants. Bientôt la respira¬ tion s’arrête, mais on met la trachée à découvert, 011 l’incise et on introduit le tube d’un appareil à respiration artificielle. Le chat con¬ tinue à vivre. Vous savez que quand un Mammifère est curarisé, si Ton vient à exciter les nerfs moteurs de la vie animale, le sciatique par exem¬ ple, ce nerf ne réagit plus sur les muscles, mais le cœur continue ses

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battements. Le curare n’agit donc pas sur les nerfs moteurs du cœur, non plus que sur ceux de l’intestin. 11 n’agit pas sur les nerfs moteurs de la vie organique à moins que ceux-ci se terminent par des plaques motrices : la preuve en est que, chez le lapin, il paralyse l’œsophage dont la tunique musculaire est composée de fibres striées ; il paralyse la musculature des cœurs lymphatiques , au moins chez les Ophi¬ diens, cœurs qui appartiennent, plus encore que le cœur sanguin, à la vie organique, mais ils sont composés de fibres musculaires qui se terminent par des plaques motrices. Le curare ménage les nerfs mo¬ teurs glandulaires comme il ménage les nerfs moteurs du cœur et les nerfs des muscles lisses, chez les Vertébrés. Par conséquent, l’excitation du sciatique ne produit aucun mouvement dans les muscles delà patte, mais il détermine encore d’une manière très nette et très active la se¬ crétion sudorale et ne paralyse pas les nerfs qui agissent sur les élé¬ ments excitables du tube sécréteur des glandes sudoripares.

Il faut donc que l’animal soit complètement curarisé et paralysé, et qu’on entretienne la vie par la respiration artificielle.

Puisque je vous ai parlé des glandes sudoripares de l’homme et du chat il faut que je vous signale un point important au point de vue nous nous plaçons.

Je vous ai dit que le tube sécréteur des glandes sudoripares de l’homme contient des granulations graisseuses dans ses cellules. Par conséquent, ces glandes sécrètent de l’eau, des sels et de la graisse, un peu à la manière des glandes sébacées. Chez le chien et le chat, à la pulpe des pattes, les glandes sudoripares sécrètent une bien plus grande quantité de graisse que chez l’homme ; il arrive même que, sur des coupes, on voit la lumière des tubes sécréteurs contenant de grosses granulations graisseuses. Nous ne pouvons pas encore bien reconnaître le mécanisme de l’issue par la graisse pénètre dans la lumière du tube sécréteur et de son trajet dans ce tube, mais nous constatons le fait que la graisse élaborée dans les cellules arrive dans le calibre de la glande. A quoi sert cette graisse ? La pulpe des pattes du chien et du chat est dépourvue de poils et de glandes séba¬ cées ; cependant cette pulpe, sur laquelle l’animal repose, rencontre tantôt un sol humide, tantôt un sol sec, de sorte qu’elle passe par des alternatives d’humidité et de sécheresse. Prenons des corps très ré¬ sistants, comme le cuir des chaussures, soumettons le à ces alterna¬ tions, ce cuir deviendra sec, se fendillera; pour lui conserver sa sou¬ plesse et son élasticité , nous le graissons. Il fallait aussi que ces chaussures naturelles du chien et du chat fussent graissées pour empêcher qu’elles se fendillent. On voit, chez les vieux chiens, l’épi¬ derme des pattes se gercer et se fendre; j’ai pensé que cela tenait

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à ce que les glandes sudoripares de ces parties n’étaient pas assez actives; et, en effet, on supplée à leur action en graissant, avec une huile animale, les pattes de l’animal qui peut ainsi courir sans se blesser. Notre expérience nous a donc conduit à reconnaître la cause d’un mal et à y remédier.

(A suivre).

APERÇU DE LA MORPHOLOGIE DES BACTÉRIACÉES OU MICROBES

Cours de zoologie fait par M. J. Kunstler Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de Bordeaux (1).

(. Fin .)

Quant aux articles reproducteurs des Bactériacées arthrosporées, on ne sait que peu de chose. En général elles paraissent moins résistantes, quoique résistant un peu plus que les formes végétatives. Ainsi, d’après Kurth, les spores du Bacterium Zopfii seraient tuées vers 57°, desséchées vers 57° et conservées à la température ordi¬ naire de la chambre, elles seraient mortes du dix-septième au vingt- sixième jour après P opération (la forme adulte meurt déjà au sep¬ tième). Les dissemblances entre la résistance relative de ces articles et celle des véritables spores produit souvent des effets remar¬ quables et modifie beaucoup les phénomènes qui se produiraient naturellement. Ainsi le lait cru contient un certain nombre d’es¬ pèces de Bactéries. Le Micrococcus lacteus normalement l’emporte bientôt et le rend acide; c’est la fermentation lactique (acide lac¬ tique). Si on le cuit, celui-ci est tué, et les spores du Bacillus amy- lobacter persistent seules; ultérieurement elles se développent, et le lait devient amer.

La température favorable à la végétation de ces êtres à l’état ordinaire est aussi assez élevée. Cohn avait assigné comme limite supérieure 55° (cette tempéraure, en effet, est mortelle pour la plupart des Bacilles). Van Tieghem en a vu vivant jusqu’à 74°. Bréfeld a fait des expériences dans lesquelles, toutes les autres conditions étant égales, il a fait varier les températures des cultures de Ba¬ cillus subtilis ; à 6°, l’accroissement des bâtonnets était fort lent, à 12° ils mettaient quatre à cinq heures pour arriver à la division; à 25°, celle-ci se produisait tous les trois quarts d’heures, à 30°,

(1) Voir Journal de Micrographie, t, X, 1986, p. 553 et t. XI, 1887, p. 15, 70.

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toutes les demi-heures. La sporulation était aussi plus rapide aux températures élevées et, à 30°. au lieu d’un ou plusieurs jours, elle se faisait en 12 heures ; à 6°, elle ne se faisait plus ; à 50°, les pro¬ cessus vitaux de cet être continuaient encore énergiquement. En général, le degré auquel la chaleur tue ces êtres n’est guère plus élevé que chez les autres plantes ; ainsi, pour le Bacillus subtilis , c’est vers 55°, et la longueur de l’action de cette chaleur a une grande importance ; elle peut le tuer en quelques heures, mais agissant seulement momentanément, le laisser parfaitement indemne. Desséchés, la résistance de ces êtres est plus grande. Inversement ils supportent admirablement les basses températures et, après avoir été gelés, ils peuvent ordinairement reprendre parfaitement leur végétation. Les aptitudes des diverses espèces sont d’ailleurs fort variées ; le Bacterium termo croît entre et 40°, et, le mieux, entre 30° et 35°. Koch a étudié le Bacillus anthracis , cultivé sur la gélatine ; les processus vitaux s’accomplissaient le mieux entre 20° et 25° La température la plus favorable est souvent de 40°.

La température n’est pas l’agent modificateur unique de la végé¬ tation de ces organismes ; la présence d’oxygène libre a une action tout aussi considérable. Il est des espèces chez lesquelles tous les processus vitaux sont activés par la présence de ce gaz ; tels sont \o Bacillus subtilis et le Bacterium aceti; Pasteur les qualifie N aéro¬ bies. Chez d’autres, la présence de cet agent peut arriver à ralentir et même à supprimer toute végétation ; ce sont les anaérobies de Pasteur ; tel est le Bacillus butyricus. Il existerait du reste des pas¬ sages gradués entre ces deux extrêmes.

Les espèces à chlorophylle vivent, comme les plantes et les êtres verts en général, au moyen de la fonction chlorophylienne ; les autres ont besoin d’une nourriture complexe. Dans la nature, on les rencontre donc toujours au sein des matières organiques, soit vivantes, soit mortes ; partout de la matière organique se décom¬ pose, il y a des Bactériacées. Elles agissent sur les substances azotées par un processus qui se rapproche beaucoup d’une vérita¬ ble digestion, phénomène qui est analytique (décomposition) et non pas synthétique comme chez les plantes. Les espèces qui habitent les pourritures et qui se nourrissent de substances organiques non vivantes, en voie de décomposition, sont des saprophytes. Les parasites sont celles qui vivent d’êtres vivants, animaux ou plantes et qui, normalement, se trouvent avec eux dans une symbiose perpé¬ tuelle. Mais, dans la nature, les différences ne sont pas si tranchées et, s’il est des espèces bien nettement et exclusivement parasites ou saprophytes, il en est aussi qui peuvent être alternativement l’un

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et l’autre, selon les .circonstances. Ainsi il est des saprophytes qui ne présentent certains stades de leur évolution qu’à l’état parasite, qui sont facultativement parasites, et certains parasites qui sont saprophytes à certains stades, facultativement s aprophy tes , de sorte que, entre les deux extrêmes, il existe tous les degrés.

Les recherches récentes de Balbiani sur les Bacilles saprophytes des infusions organiques apportent une nouvelle preuve à l’appui de ces transformations. Inoculés dans le sang de certains Arthropodes, ces microbes deviennent pathogènes et produisent chez leurs hôtes les symptômes caractéristiques de la maladie des vers à soie connue sous le nom de flâcherie.

On peut créer artificiellement des milieux dans lesquels ces orga¬ nismes arrivent à vivre plus ou moins bien, si on les y sème et si on s’efforce d’y maintenir des conditions favorables à leur développement. Ce sont les cultures.

Ces êtres peuvent vivre dans les milieux artificiels neutres conte¬ nant un composé organique du carbone, même si l’azote nécessaire se trouve dans des composés inorganiques, tels que des nitrates, des matières ammoniacales. Mais il faut que toutes les autres conditions soient favorables, et la présence d’autres substances dissoutes ne servant pas de nourriture n’est pas indifférente. Ainsi la présence des acides leur est fort défavorable. Suivant que les conditions de nutrition sont plus ou moins bonnes, ces êtres sont plus ou moins vivaces, et l’addition de matériaux nourriciers peut servir à réveiller les facultés locomotrices qui s’étaient arrêtées. Que la pénurie d’aliments ait rendu les individus d’une culture inertes et que, (l'un côté, on place de la matière nutritive, ils s’y rendront par essaims nombreux. Non seulement il v a donc mouvement, mais encore orientation. Pour les aérobies, l’arrivée de l’oxygène produit un effet analogue et le mouvement reparaît, ceci souvent pour des quan¬ tités infimes de ce gaz. Ainsi, d’après les calculs d’Engelmann, chez certains aérobies fort sensibles, la trillionième partie d’un milli¬ gramme d’oxygène suffit déjà pour amener des manifestations loco¬ motrices ; il y a aussi orientation si l’oxygène n’afflue qu’en un point. Un être vert, placé dans une culture, sera complètement englobé dans la masse de ces êtres. Inversement, de mauvaises conditions arrêtent les mouvements ; l’arrivée d’oxygène rend les anaérobies inertes.

Le rôle dans l’univers de ces petits organismes est immense ; ils détruisent les malpropretés (agents putréfiants), ils sont souvent utiles (digestion ?) mais aussi, souvent nuisibles (maladies).

La physiologie de ces organismes présente à considérer des phé-

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nomènes de la plus haute importance. Les remarquables travaux de M. Pasteur et de quelques autres ont créé une science toute nou¬ velle destinée à avoir un grand retentissement et à exercer une influence profonde sur quelques sciences voisines, notamment la science médicale. Au point de vue de leur rôle dans la nature, leur importance est fondamentale ; ils sont les agents et facteurs d’un grand nombre de phénomènes naturels, tels que les pourritures et certaines fermentations, et ils peuvent aussi constituer les germes des maladies les plus redoutables.

Dans la putréfaction des substances albuminoïdes, il se forme un principe septique stable et soluble dans l’eau, qui a été obtenu à l’état cristallin et possède des propriétés éminemment toxiques. On appelle ptomaïnes des substances plus ou moins septiques, pro¬ duites par des pourritures. Dans les maladies, on observe la genèse de produits analogues. Ce sont des Bactériacées qui sont la cause première des putréfactions proprement dites des matières albumi¬ noïdes, accompagnées de dégagement de gaz doués de mauvaises odeurs. Ces milieux ne contiennent pas une espèce isolée, mais un grand nombre de formes diverses, dont tantôt une, tantôt une autre se développe davantage, et dont les unes ne se montrent que dans quelques cas ou seulement à certains stades de la putréfaction, tandis que d’autres accompagnent constamment la pourriture. C’est proba¬ blement le Bacterium termo dont le rôle est le plus important dans ces phénomènes.

L’étude du Bacillus amylobacter , si bien faite par Van Tieghem, est fort instructive à cet égard. Il se cultive facilement dans un liquide contenant en dissolution une petite quantité de substances azotées et minérales avec un aliment carboné ternaire (sucre de canne, lactose, acide lactique, glucose, dextrine, amidon soluble, mannite, glycérine, acides tartrique, malique, citrique, etc. gomme de sucre). Cet aliment est décomposé, et il se produit de l’acide butyrique, de l’acide carbonique et de l’hydrogène. Cette fermen¬ tation butyriqne se produit à l’abri de l’oxygène et, en effet, cet organisme est anaérobie. C’est pour cela que ces liquides 11e pour¬ rissent pas quand on les aère. Le Bacillus amylobactey est le ferment de la putréfaction végétale, mais il n’agit qu’à l’abri de l’air. Il at¬ taque la cellulose d’autant plus énergiquement qu’elle est plus pure (parenchyme), la détruit dans les infusions végétales, surtout au fond des liquides et à l’intérieur des tissus, et les eaux se saturent d’acide carbonique ; une température de *25° à 55° est la plus favo¬ rable. Avant la phase reproductrice son corps bleuit par l’iode, cet être peut pénétrer à travers la membrane cellulaire et il se multi-

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plie à l’intérieur des cellules ; on le trouve chaque fois qu’il y a pu¬ tréfaction de matières végétales immergées, c’est-à-dire destruction de cellulose ou d’amidon qui peut la remplacer ; il agit par contact di¬ rect et non par la production d’une diastase qui aurait de l’effet à une certaine distance. En présence des Bacterium termo et lineola, du Bacillus subtilis, de Micrococcus , Monas , les tissus végétaux ma¬ cèrent simplement. Cet être qui se meut souvent et ressemble le plus au Bacillus subtilis, cultivé dans les pommes de terre, les radis, etc., réduit tout l’intérieur en une purée fluide, tandis que, superficielle¬ ment, persiste une mince pellicule. Dans une cellule végétale, il n’at¬ taque que la cellulose. Un autre ferment dissout les grains d’amidon; la saponification des matières graisseuses, la dissolution des matières albuminoïdes sont aussi dues à des organismes distincts. Il en est ici comme du corps humain chaque glande a son rôle. Peut-être les maladies sont elles aussi dues à l’ensemble des actions de plusieurs microbes.

Au contact d’une source d’oxygène, le Bacillus amylobacter s’en¬ toure d’une couche gélatineuse qui lui permet de résister ; ce fait ex¬ plique son ubiquité, quoique l’oxygène soit répandu partout. Exem¬ ple : des graines de fève, disposées dans un entonnoir traversé par un courant d’eau continu, s’entourent de masses gélatineuses, d’un blanc de lait, ovoïdes ou sphériques, mesurant jusqu’à deux centi¬ mètres d’épaisseur. Cette protection contre l’oxygène ambiant les fait ressembler, en ce moment, à des Leuconostoc.

Quelle est la situation que doivent occuper les Bactériacées dans nos classifications? O11 les place généralement dans les végétaux et, plus spécialement, depuis quelques années, dans les algues inférieures. J’ai démontré autre part que, si un grand nombre de formes peuvent avec raison être mises dans le règne végétal, il en est aussi qui sont indubitablement animales et reliées aux groupes zoologiques par des formes de transition fort nettes et remarqua¬ bles. Placer la totalité du groupe dans le règne végétal est donc mé¬ connaître ses affinités réelles. Je ne nie pas l'existence des formes végétales et des tendances du groupe à revêtir un habitus végétal ; mais mettre toutes les Bactériacées dans les plantes pour cette rai¬ son, n'est pas légitime. D’un autre côté, se baser sur les analogies que présentent certaines formes, par exemple, le Leuconostoc , avec les plantes, pour les y placer, est faire une pétition de principes, car il faudrait commencer par prouver que le Leuconostoc est véri¬ tablement une Bactérie.

Nous avons affaire ici à un groupe d’origine animale dont le plus grand nombre de formes présentent une tendance à acquérir des ca-

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ractères végétaux et à se transformer en véritables plantes. Certaines ne présentent ces caractères que vers la fin de leur existence, tandis que les formes jeunes sont plus souvent animales. Peut-être cette évolution vers l’état inerte est-elle due à un mode de nutrition ne nécessitant pas de mouvements, l’être plongeant entièrement dans un milieu pouvant être absorbé par imbibition et contenant une quantité suffisante de matières assimilables, de façon que tout dépla¬ cement devient inutile. L’inertie est aussi un produit de mauvaises conditions d’existence qui, ici, consistent probablement en ce que les matières assimilables, au lieu d’être des substances albuminoïdes complexes, sont généralement plus simples. Ainsi qu’il a été dit on peut souvent reproduire des mouvements qui ont cessé, en pla¬ çant ces êtres dans de meilleures conditions d’existence. Qu’un être mal nourri soit placé dans un milieu riche, ses mouvements revien¬ nent souvent; qu’à un aérobie, privé d’oxygène et devenu inerte, on rende ce gaz, ses mouvements reparaîtront.

Quant à la valeur morphologique du corps des Bactériacées, on admet que chaque individu est une cellule. Cette manière de voir, qu’un Microcoque, par exemple, soit une cellule, sera examinée plus tard. Je me bornerai à dire ici que je ne saurais admettre cette assi¬ milation. Chez les êtres inférieurs, les cellules n’existent pas, et ces organismes ne correspondent aucunement aux éléments anatomiques qui constituent les êtres plus élevés ; c’est un mode de structure qui caractérise ces derniers.

CONFÉRENCES SUR LE MICROSCOPE

(i Suite ) (1)

La « lentille » assyrienne . Une pièce de cristal de roche, de forme, « piano-convexe » a été trouvée par M. Layard dans les fouilles du palais de Sargon, à Nimroud, pièce à laquelle on a donné un tour ovale évidemment, par un procédé de clivage et de taille, et dont les deux surfaces, « plane » et « convexe » ont été taillées et en partie polies. Ce spécimen est actuellement au département assyrien du Bristish Muséum. Suivant l’opinion de Sir David Brewster, c’est une « lentille » destinée au grossissement. (Voir Layard, Nineveh

(1) Conférences faites à la Soc . f. th. Encourag. of, arts , manuf. and comm. fondation de feu le Dr Cantor. Dr J. P. trad. (Voir Journal de Micrographie T. X. 1886, p. 512.

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and Babylon, p. 197-8). Gomme elle a été trouvée avec d’autres objets en verre dont l’ un porte le nom de Sargon, j’apprends de M. Bunge, du Muséum, qu’il a été possible de fixer sa date avec une certaine probabilité, à une époque qui n’est pas plus récente que 721 à 705 ans avant J. -G.

Après des examens réitérés de cette pièce de cristal de roche, je ne puis me ranger à l’opinion de Brewster. Je ne dis pas qu’on puisse prouver que ce n’est pas une lentille, mais je pense qu’il n’y a pas de preuves davantage pour démontrer qu’elle a été construite comme len¬ tille, c’est-à-dire pour servir à amplifier les objets, tandis qu’il semble y avoir des probabilités contre cette supposition.

1. Je ferai remarquer ce fait, apparemment négligé par Brewster dans sa description, que les larges bandes de stries troubles s’éten¬ dant diagonalement et transversalement à travers la substance du quartz devaient former un sérieux empêchement à l’usage de cette pièce comme lentille, tandis qu’elles pouvaient être considérées comme ajoutant à sa beauté comme objet de décoration. Ces bandes de stries paraissent trop opaques dans la Fig. 1, quoique leur caractère

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Fig. 1 et 2. Lentille assyrienne.

général, quand on les voit sous certains effets de lumière, soit fidèle¬ ment rendu.

2. Le terme « convexe » appliqué à une lentille est généralement com¬ pris comme indiquant une surface lisse, sphérique, comme on en pro¬ duit par l’usure dans un outil concave. Mais la surface « convexe » en question était sans doute produite en taillant une multitude de fa¬ cettes irrégulières de manière à approcher plus ou moins d’une surface bombée ou ovoïde, bien inférieure aux surfaces qu’obtiennent les lapidaires de nos jours sur des tablettes d’obsidienne, d’agate, etc., * pour les broches, les bracelets et autres bijoux du type le plus com¬ mun. Une surface de ce genre n’est assurément pas « lenticulaire »

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dans le sens qu’on donne à ce terme appliqué aux lentilles. Le poli assyrien était certainement du caractère le plus grossier, exécuté avec une apparente violence et sans se préoccuper des profonds éclats pro¬ duits par le frottement. La courbure est si irrégulière et le poli des deux surfaces si imparfait, que les objets apparaissent indistincts, même quand on les place au contact avec la face plane, et, quand on les met à quelque trois ou quatre pouces plus loin, ils paraissent si troubles, la distorsion est si grande que la vision à travers la « len¬ tille » est presque pénible.

5. Brewster dit que le « foyer » est à environ 4 p. 1/2 de la face plane. Quand la pièce de verre est convenablement tenue au soleil, il se forme il est vrai, une condensation de lumière qui apparaît plus brillante à environ 4 p. 1/2 de la surface plane, mais cette tache de lumière ne peut guère être appelée un « foyer » dans le sens que nous donnons à ce terme quand il s’agit de lentilles.

Anciennes loupes de verre. Plus récemment le British Muséum a acquis deux pièces de verre dont la forme extérieure est si régulière que s’il était raisonnable de regarder certains travaux de cette époque comme impossibles sans l’emploi des lentilles grossis¬ santes, ces pièces pourraient facilement être considérées comme de telles lentilles, soit complètes soit en voie d’exécution. Mais jusqu’à ce qu’on ait trouvé en dehors une preuve de l’emploi des lentilles gros¬ sissantes, toutes les conjectures impliquant que ces loupes ont été réellement destinées à cet usage seront sans fondement sérieux.

L’un de ces spécimens est d’une forme presqu’hémisphérique, d’environ 2 pouces 1/2 de diamètre. Les surfaces se rencontrent en un bord presqu’aigu et des éraillures en spirale, irrégulières, sur les deux côtés, indiqueraient un procédé d’exécution par frottement. La surface courbe, vue à la lumière réfléchie, parait si régulière que si elle n’a pas été entièrement produite par usure dans un moule con¬ cave ou par quelque procédé équivalent, elle a été probablement fon¬ due dans une matrice très unie et régulière, puis usée et partiellement polie. Malheureusement, les deux surfaces sont décomposées et pres- qu’entièrement recouvertes d’une écorce opalescente, demi-opaque, et dans les points des fragments de cette écorce ont été brisés et le corps du verre lui-même est mis à nu, la surface de ce dernier est couverte de petits creux et généralement désagrégée de sorte qu’on ne peut voir à travers la substance.

Le second spécimen paraît avoir eu originairement la même taille et la même forme que le premier, mais ce n’est actuellement qu’un fragment brisé qui n’a qu’un peu moins de la moitié de sa grandeur originaire. Les surfaces sont beaucoup moins détériorées par décom-

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

position que celles du premier, néanmoins elles sont si troubles qu’on ne peut voir distinctement un objet à travers la matière. Les surfaces de fracture montrent que le verre est clair et transparent, d’une nuance légèrement jaune-paille. Vue à la lumière réfléchie, la surface courbe ne paraît pas de figure aussi régulière que dans le premier spécimen et il est possible que le second ait été fondu par la chaleur sans autre façon ultérieure. La date assignée à ces « loupes » par les autorités du Muséum n’est pas plus ancienne que 270 à 260 ans avant J. -G.

Et' maintenant, en admettant que nous ne puissions pas affirmer avec un degré raisonnable de certitude que les lentilles grossissantes étaient employées avant l’invention des lunettes, nous ne pouvons pas’nous tromper beaucoup, je pense, en supposant que l’augmenta¬ tion graduelle des courbes aura pu conduire à la production de len¬ tilles de foyer de plus en plus court, jusqu’à ce qu’on fut arrivé à la combinaison d’une lentille convexe, ou objective, avec une lentille concave, ou oculaire, combinaison produite accidentellement en les approchant l’une de l’autre, à la main. C’est ce qui aura pu amener l’invention du télescope et du microscope de la forme à laquelle est généralement associé le nom de Galilée, mais qui, d’après le témoi¬ gnage de Galilée lui-même, est d'origine hollandaise (1) et d’une date antérieure à la production de son propre télescope en 1609. Gela rendrait probable que l’origine du microscope consiste en la combinai¬ son d’une lentille convexe objective avec une lentille concave ocu¬ laire.

Le microscope képlérien, consistant en une combinaison d’une len¬ tille convexe objective avec une lentille convexe oculaire, ce qui est la forme la plus simple de ce qu’on appelle maintenent « microscope composé, » est probablement postérieur en date, postérieur même à la publication de la « Rosa Ursina » de Scheiner en 1630, ouvrage dans lequel la construction actuelle du télescope képlérien est re¬ vendiquée par Scheiner et notifiée comme datant de treize ans plus tôt, époque il l’avait mise en œuvre devant l’archiduc Maximi¬ lien.

Le système optique a été clairement exposé par Képler dans sa < Dioptrice , en 1611. Je remarque cependant que Descartes, dans sa « Dioptrique » publiée avec son « Discours de la méthode » (Leyde, 1657, in-4), décrit et figure à la fois son microscope et un

(lj Une discussion approfondie relativement à l'invention évidente du téles¬ cope se trouve dans le Chapitre XX de YHist. of Phusical Astronomy , par R. Grant, London, 1852 in-8.

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télescope avec des lentilles oculaires concaves, et ne dit pas un mot des formes képlériennes de ces instruments. On doit en conclure qu’il ne connaissait que les constructions « galiléennes » à cette date et les lentilles grossissantes simples (1). De plus, la première publica¬ tion relative à un microscope képlérien alors construit est de Fon- tana, en 1646 (2). Manzini dans son ouvrage « Locchiale alV occhio » (Bologne, 1660, in-4, pages 174-175), parle d’un de ces microscopes fait par Eustachio Divini, en 1648, et qu’il dit pouvoir être renversé, notant cette faculté de renversement comme une particularité de la construction, mais ne la recommandant pas dans la pratique ; il en parle comme construit d’après le système optique de Képler tel que Fontana l’a indiqué. Il semblerait ainsi qu’on ne peut pas reporter l’origine du microscope képlérien, en tant qu’instrument construit, une date plus ancienne que 1646. Il est vrai que Fontana dit avoir inventé cet instrument en 1618, mais cette date est absolument re¬ poussée par Montucla et par Poggendorff.

LES MICROSCOPES MODERNES

jusqu’à la date de l’application de l’achromatisme

Il est peut-être impossible d’assigner la date exacte de la produc¬ tion du microscope, (comme instrument distinct des simples lentilles grossissantes), mais les auteurs qui ont apporté une attention spéciale aux premiers documents relatifs à ce sujet, notamment Yan Swinden, Moll, Harting et Poggendorff s’accordent à penser qu’elle a eu lieu entre 1590 et 1609; et pour celui des trois fabricants de lunettes de Middelbourg, en Hollande, nommés Hans Janssen, son fils Zacharias Janssen et Hans Lippershey, qui peut en avoir été l’inventeur, il y a quelques légères probabilités en faveur des Janssen. Poggendorff considère les documents officiels trouvés par Van Swinden dans les Archives nationales de Hollande, et dont des extraits ont été publiés par Moll en 1831, comme prouvant d’une manière concluante que Lippershey a inventé le télescope binoculaire (avec une lentille oculaire concave, forme « galiléenne), » en 1608; les lentilles en étaient cons¬ truites en cristal de roche à cause de l’extrême difficulté d’obtenir du verre clair en Hollande. D’après le témoignage de Pierre Borel (3) et

(1) Relativement aux télescopes de cette forme qu’il donne comme ayant été inventés environ trente ans plus tôt (c’est-à-dire vers 1607), par Jacques Metius, d’Alcmar, en Hollande, Descartes dit: « Et c’est seulement sur ce patron que toutes les autres qu’on a veües depui sont esté faictes. » (La Dioptrique, p. 2). Descartes ne connaissait évidemment pas le télescope képlérien en 1637.

(2) 9 Novæ cælestium terreslriumque rerum Observationes » Neapoli, 1646, in-4°.

(3) L'ouvrage « Devero Telescopii inventore » Hag. Gomit. 1655, in-4°, contient

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une information personnelle à lui fournie par William Boreel, ambas¬ sadeur hollandais en Italie, qui était natif de Middelbourg et avait connu les Janssen père et fils, ce Boreel avait souvent entendu dire à Janssen le père que lui et son fils étaient les inventeurs du micros¬ cope, qu’il en avait envoyé un au prince Maurice d’Orange, et un autre, plus tard, à l’archiduc Albert d’Autriche. Boreel affirme en¬ suite qu’étant ambassadeur en Angleterre, en 1619, il avait vu ce der¬ nier instrument entre les mains de son ami Cornélius Drebbel (1) et le décrit comme ayant un tube long de 16 pouces et large de 2 pouces, en laiton doré (cuivre), supporté par trois dauphins sur une base en ébène; il ajoute que les objets placés sur cette base étaient vus con¬ sidérablement grossis, par le tube. En 1610 (suivant les souvenirs de Boreel), longtemps après leur invention du microscope, d’après l’af¬ firmation des Janssen, ceux-ci avaient réussi à construire un téles¬ cope pour les observations célestes.

C’est généralement d’après ces affirmations, corroborées par celle de Hans Janssen, fils de Zacharias, produite en 1665 (1655?) con¬ cernant ses dires à propos de son intervention première dans l’in¬ vention du télescope et du microscope, qu’on a jugé possible de re¬ porter l’invention de ce dernier jusqu’à 1590. Et il paraîtrait que ce premier microscope en question était destiné à regarder les objets sous la lumière réfléchie et non par la lumière transmise.

Microscope composé de « Janssen. » Il y a quelques années (1866), on a trouvé à Middelbourg un vieux microscope, et le pro¬ fesseur Harting a pensé qu’il pouvait avoir été construit par les Jans¬ sen. Il a été exposé à la « Loan Collection, » à Londres, en 1876, et est représenté dans la figure o. Il est de la forme képlérienne, c’est- à-dire consiste en une combinaison d’une lentille objective convexe avec une lentille oculaire convexe, forme qui n’a été publiée, comme construction alors actuelle, qu’en 1646, par Fontana. Je pense donc que Harting s’est trompé en attribuant cet instrument à l’un ou l’autre des Janssen. Néanmoins, comme Harting pense qu’il peut être reporté à cette date lointaine, je lui donne la première place dans ma liste descriptive des microscopes modernes.

Cet instrument est strictement un microscope composé dans le sens moderne, bien que sans lentille de champ, et ce dernier fait me permet d’admettre avec quelque raison qu'il a été construit avant l’application de la lentille de champ au microscope, par Hooke,

des portraits de Zacharias Iansen” (Janssen '?) et de "Hans Lipperhey” (Lip- pershey ?)

(1) Je suis ici Poggendorff, loc. cit. p. lit.

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1665, (voir la Préface de la » Micrographia » de Hooke). La distance entre les lentilles peut être réglée par deux tubes de tirage (dont l’un porte la lentille ob¬ jective dans un tube intérieur ajustable) en fine tôle de fer. Ces tubes s’adaptent aux deux extrémités d’un au¬ tre tube médian formant douille, de sorte que, dans une certaine limite le pouvoir grossissant peut être varié.

Il y a trois diaphragmes dans l’instrument, l’un placé à une distance variable au-dessus de la lentille objective ; le second est h une distance fixe derrière cette lentille et le troisième à une distance fixe devant Fig. 3. Microscope la lentille oculaire. Cette disposition du diaphragme composé de Janssen. egt gran(j intérêt, particulièrement si Ilarting ne

se trompe pas en assignant la construction de cet instrument au com¬ mencement du XYII0 siècle. La lentille de l’œil, &, est fixée dans une simple cellule de bois au moyen d’un fil de fer tourné en cercle ; la lentille objective, a, est retenue contre un étroit collier métallique d par un cercle de fil de fer. Dans l’instrument original ce dernier cercle manque, de sorte que la lentille n’est pas fixée, comme on le voit dans la figure, (au moins, c’est une explication qui me paraît probable de ce que la lentille n’est pas fixée dans sa cellule).

« Microscopium Pulicare. » Avant de passer aux micros¬ copes dont la date peut être établie avec une plus grande certitude, je dois appeler votre attention sur une forme d’instrument simple appelé

B

Fig. 4. « Microscopium pulicare . »

par les premiers auteurs modernes qui ont écrit sur l’optique t Mi¬ croscopium pulicare , » « Microscope de puce, » ou « Flea Micros¬ cope. » Il est représenté dans la figure 4, copiée d’après Zahn(0cw/w<s* artificialisa éd. 1702, p. 542). Les renseignements contenus dans la première édition de cet ouvrage (1685) et dans les anciens

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écrits de Kircher, Schott, Descartes et autres, prouvent clairement que cet instrument a été connu pour la première fois au XVII0 siècle.

Microscopes de Descartes . Nous arrivons maintenant à la première figure publiée que j’aie trouvée d’un microscope simple. Elle a été donnée par Descartes dans sa « Dioptrique , » en 1657, p. 126, et est. reproduite dans la Fig. 5.

Descartes affirmait qu’il était très supérieur à la forme (alors) com¬ mune de microscope à puce. Vous remarquerez que cette disposi¬ tion est pratiquement identique à la simple lentille montée dans l’ou¬ verture centrale d’un réflecteur métallique concave, généralement connue comme lentille « de Lieberkühn, » et construite par Lieber-

Fig. 5. Microscope simple de Descartes avec réflecteur (1037).

kühn vers 1758. L’invention de Lieberkühn est donc postérieure à la publication de la figure de Descartes d’environ un siècle. Descartes a suggéré l’emploi d’une pointe courte (G, dans la figure) pour tenir l’objet au foyer de la lentille piano-convexe (hyperbolique) qui était tournée directement vers le soleil.

Dans le même ouvrage (p. 152), Descartes figure aussi un micros¬ cope de taille colossale, consistant en une combinaison d’une lentille biconvexe objective et d’une lentille oculaire piano-convexe (l’une et l’autre supposées taillées sur des courbes hyperboliques), avec un énorme miroir parabolique concave perforé et encadrant la lentille objective, pour éclairer les objets opaques, et une lentille condensatrice dans l’axe de l’instrument pour éclairer les objets transparents. Ce microscope est représenté dans la Figure 6. C’est la première coin-

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

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binaison de lentilles que j’aie trouvée figurée pour former un micros¬ cope.

Aucun procédé n’est indiqué pour la mise au point, excepté, peut- être, le mouvement du tube de tirage contenant la lentille de l’œil. Les dimensions et la forme générale me semblent si complètement impraticables, particulièrement pour cette époque ancienne, que je me demande si cette combinaison a jamais été plus loin que la publica¬ tion de la figure, d’autant que les instructions de Descartes, sur ce

Fig. 6. Microscope « Galiléen » de Descartes (1637).

que les deux instruments pourraient être employés à la lumière di¬ recte du soleil, impliqueraient aussi qu’il ne s’en est jamais servi de cette manière. Je conçois difficilement quelle espèce d’objet ne serait pas vaporisé en quelques secondes d’exposition au foyer du gigan¬ tesque miroir parabolique du microscope de Descartes, deuxième forme.

Les microscopes de Descartes ont été brièvement indiqués par Kir- cher dans son « Ars magna de lucis et umb. » (Romæ, 1G46, in-fol., p. 835; et T édit. Amsterdam, 1671, in-fol., p. 750), et par Gaspar Schott dans la « Magia universalis (Ilerbip., 1657-9, I, p. 555); mais ils ont été généralement passés sous silence par les auteurs plus récents, y compris Harting. Le plus grand de ces instruments a pro-

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bablement été pris pour un télescope. Dans l’ouvrage ci-dessus cité, Descartes a été, à ce que je crois, le premier à publier des figures et des descriptions de machines à tailler et à polir les lentilles, précé¬ dant ainsi Manzini de 25 ans et Hooke de 28 ans.

Microscopes de « Bivini » et autres. Dans l’ouvrage de Gas- par Schott cité plus haut, cinq formes microscopes sont indiquées ^Pl. XXV, p. 525) qui sont représentées ici dans les figures 7, 8, 9, 10 et 11. L’instrument de la fig. 8 peut avoir été de la forme képlé- rienne, mais cela n’est pas certain. Schott établit (p. 555) que la fig. 10 représente un microscope construit par Eustachio Divini, mais j’ai beaucoup de peine à croire qu’il ait pu être destiné à un but sé¬ rieux. Divini était un opticien distingué de son temps, du petit nom¬ bre de ceux qui, en Europe, étaient alors capables de construire des télescopes pour les observations astronomiques. Il fut le rival de Giuseppe Campani, Torricelli et Huyghens ; il est cité en des ter¬ mes de grand respect par Manzini (dans l’ouvrage cité plus haut, qui donne un portrait de Divini) et parFabri dans la « Synopsis optica » (Lugd. 1067, in-4°) ; je considère donc comme improbable qu’il ait sérieusement construit un microscope dépourvu de systèmes d’é¬ clairage pour l’objet à examiner, et sur des proportions tellement en¬ combrantes que l’observateur ait du se placer comme on le voit dans la figure 10 pour regarder dans le tube (1).

J’ai déjà mentionné que Manzini a vu un microscope képlérien construit par Divini en 1048 ; nous arrivons maintenant à un de ses instruments datant de 1667 à 1668, montrant qu’il a réalisé un sys¬ tème de microscope de dimentions convenables et qu’il a travaillé au perfectionnement de la construction optique. Ce perfectionnement, aussitôt apprécié par Christopher Cock, l’opticien de Londres qui

(1) M. Frank Crisp. secrétaire de la « Royal Microscopical Society » a suggéré une explication des dimensions, véritablement anormales, des instruments repré¬ sentés dans les fig. 7, 9, 10, 11, explication qui me semble plausible. Il pense qu’au lieu des personnages représentés en pied dans ces figures et qui, par comparaison, font supposer des microscopes de taille colossale, le dessinateur avait indiqué seulement un œil, comme on le voit dans la figure 4 ( Microscopium pulicare). Schott, dans la description qu’il donne de la fig. 10, indique une base à trois pieds ( « super tripedale fulcrum ») ; et Traber, dans le « Nervus opticus » (Viennæ, Austriæ, 1690, in-fol.) représente un microscope qui paraît correspondre à celui de la fig. 10, avec une base tripode et un œil seulement devant l'ocu¬ laire. Dans les autres figures données par Traber et qui correspondent à dos figures 7, 9 et 11, il n’est représenté qu’un œil dans chaque cas. Le dessin ori¬ ginal auquel Schott a probablement emprunté la fig. 11 se trouve dans Kircher (Ars magna de lue et umb ., 1646, p. 835) et il n'v a aussi qu’un œil appliqué à l’oculaire. (Note de l’auteur).

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Fig. 7. Microscope d’après le « Magia Univer salis » de Schott fl657).

Fig. 8. Microscope d’après la « Magia Universalis » de Schott, ( 1 657;.

Fig. 9. Microscope d’après la « Magia Universalis » de Scholt (1657).

Fig- 10. Microscope de « Divini » d après la « Magia Universalis » de Schotl (1657).

Fig. 11. Microscope d’après la « Magia Universalis * de Schott (1657).

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parait avoir mis en œuvre les idées de Hooke, a conduit Grindl à la construction optique perfectionnée telle qu’il Ta publiée dans sa « Micrographia nova » en 1687.

Microscope composé de Campani. Le microscope suivant, d’un intérêt spécial, est de Giuseppe Campani. La figure 12 le re¬ présente environ aux 2/3 de sa grandeur linéaire. Il n’y a pas de lentille de champ dans cet instru¬ ment, et comme Campani était un opticien de renom considérable, il n’aurait certainement pas négligé une innovation si importante si elle eut été déjà connue. Nous pouvons ainsi, je pense, éta¬ blir avec certitude la date de cette construction comme antérieure à celle du microscope de Hooke, de 1665, dans lequel la lentille de champ était donnée comme une nouveauté. Campani a pourvu ce microscope d’un double système pour la mise au point, l’un pour régler la distance entre l’objectif et l’objet, l’autre pour varier la distance entre l’objectif et l’oculaire. L’emploi d’une se¬ conde plaque tenue par des ressorts sur la base pour fixer le porte objet et permettant un mouve¬ ment suffisant, est bien compris et peut avoir suggéré l’idée de l’emploi d’un ressort spiral in¬ venté plus tard par Bonanni. Le trou central à travers les deux plaques de la base avait cer¬ tainement pour but de permettre à l’observateur

F<Se' Campani!0 avant d’examiner les objets transparents en fixant le

microscope vers le ciel ou une source de lumière. Le tube optique, eu bois, tournant à vis dans un tube de métal for¬ mant écrou, pour faire la mise au point, ne devait pas être bien fixe dans la pratique ; néanmoins, c’est le premier système à moi connu dans lequel la vis est appliquée, dans le microscope, pour la mise au point.

John Mayall, jun.

Membre de la R. Microscopical Society, de Londres.

(A suivre).

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Sur les Maladies des Plantes

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A Messieurs les Membres de la Commission des engrais de la Société

des Agriculteur s de France.

Messieurs,

Le sulfate de fer n'a été préconisé jusqu’à ce jour en agriculture que comme désinfectant. Comme engrais, on en a même déconseillé l’emploi ; d’abord, parce qu’en se combinant avec les gaz ammoniacaux qui se forment dans le sol, ce sel les fixe et empêche ainsi les plantes de les utiliser ; ensuite, parce que les plantes contiennent très peu de fer et que cette substance se trouve assez abondante dans la terre pour suffire à l’alimentation de tous les végé¬ taux.

Nous allons examiner successivement la valeur de ces deux raisons allé¬ guées pour déconseiller l’emploi du sulfate de fer comme engrais.

On sait que les gaz ammoniacaux se volatilisent avec une extrême facilité lorsqu’ils sont soumis à une température élevée ; dans les tas de fumier en fermentation, par exemple, il se fait une déperdition considérable d'azote lorsqu’on n’a pas la précaution de les saupoudrer de temps en temps avec du sulfate de fer. Les composés ammoniacaux qui se produisent dans la couche arable par la décomposition des matières organiques qu’on y enfouit se vola¬ tilisent, de même, en partie, lorsque la couche superficielle de la terre, échauffée par les chaleurs de l’été, est dépourvue d’oxyde de fer ; aussi dans les sols marneux et dans les sols crayeux, dans les sables et les limons blancs très pauvres en oxyde de fer, l’azote des fumures disparaît plus promptement que dans les sols fortement colorés en rouge ; c’est pourquoi on est forcé de fumer plus souvent les terres blanches que les terres rouges. Si on veut empêcher les composés ammoniacaux des sols blancs de se volatiliser si promp¬ tement, il est donc indispensable de les y fixer momentanément en donnant abondamment à ces sols, l’élément ferrugineux que les sols rouges possèdent en grande quantité.

La chimie enseigne que les plantes contiennent fort peu de fer et que la terre en est assez pourvue pour suffire aux besoins de la végétation. De ces constatations basées sur une foule d’analyses, on a tiré la conséquence qu’il était inutile de donner au sol des sels ferrugineux. Cette conclusion nous paraît mal fondée : la faible quantité de fer trouvée dans les plantes est due à la faible quantité de sels ferrugineux solubles que contient le sol ; en effet, lorsque les expériences comparatives d’engrais sont faites sur une espèce vé¬ gétale, les analyses constatent que les plantes provenant des parcelles qui ont reçu des sels de potasse sont plus riches en potasse que celles des parcelles qui n’en ont pas reçu ; les mêmes constatations ont été faites pour les diffé¬ rentes variétés de sels donnés au sol comme engrais. 11 doit en être ainsi, car les plantes ne peuvent être riches d’une substance dont le sol est pauvre ;

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

conséquemment, si les végétaux contiennent peu de fer, c’est parce que cette matière est peu abondante dans le sol à l'état soluble .

Partant de ces faits, nous sommes autorisé à conclure, contrairement aux idées reçues : que par l’analyse des plantes on ne peut arriver à connaître leurs besoins réels ; qu’en rendant continuellement au sol dans les pro¬ portions trouvées par les analyses les matières minérales que contiennent les végétaux, on arrive insensiblement mais inévitablement à rompre l’équi¬ libre qui doit exister entre ces sudstances pour permettre aux plantes de se trouver dans de parfaites conditions vitales. Les maladies végétales de plus en plus nombreuses depuis qu’on met en pratique cette manière de procéder confirment notre conclusion.

Ces réflexions, Messieurs, que je prends la respectueuse liberté de soumettre à vos savantes délibérations, m’ont été suggérées par les résultats obtenus dans une foule d’expériences faites avec le sulfate de fer associé au sulfate de chaux, deux des principaux aliments terrestres de nos grands végétaux. Ces résultats, capables de réformer bien de préjugés et des pratiques erronées, sont résumés dans une lettre que nous avons eu l'honneur d’adresser à Messieurs les Membres de la Commission supérieure du phyloxéra ; vous en trouverez ci-joint un exemplaire (1).

Veuillez agréer, Messieurs, l’expression de nos sentiments les plus respec¬ tueux.

Chavée-Leroy,

Membre de la Société des Agriculteurs de France.

Clermont-les-Fermes (Aisne), 2 février 1887.

Erratum. Une grave faute d’impression a été commise dans le dernier article sur les maladies des plantes. [Journ. de Micr ., janvier 1887, p. 38) ; à la quatrième ligne du premier paragraphe on a imprimé : « se sont élevées à 100 kilogr. pour cette période de quinze années. » Il faut rétablir ce passage ainsi qu’il suit :

« Se sont élevées à 100 kilogr. par hectare et par an, soit à 1,500 kilogr. pour cette période de quinze années. »

BIBLIOGRAPHIE

Atlas de microscopie clinique, par le Dr Alex Peyer trad. du Dr E. de la Harpe (2).

Le Dr Alex. Peyer, de Schaffouse, a publié récemment un Atlas de microscopie cli¬ nique composé de 100 planches en chromolithographie accompagnées d'un texte en langue allemande. C’est de la deuxième édition de cet ouvrage que le Dr Eug. de

(1) Voir Journal de Micrographie , Janvier 1887.

(2) 1 vol. in-4°, 100 pl. comprenant 128 fig en chromolith. Paris 1887, O. Berthier.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

127

La Harpe, de Lausanne, vient de donner une traduction française publiée à Paris par M. O. Berthier.

La forme même de cet ouvrage indique qu'il s’agit d’un travail absolument pratique L’auteur, convaincu de l'utilité, dans la clinique, de l’examen microscopique des pro¬ duits morbides, a, pendant plusieurs années, dessiné les résultats de l’étude qu’il fai¬ sait journellement de l’urine, des crachats, des fèces, du sang des malades. C’est dans cette collection considérable de dessins qu'il a choisi les 100 planches formant Y Atlas dont une édition française vient de paraître.

Ces cent planches sont relatives à l’examen des éléments suivants : sang, sécrétion mammaire, urine, crachats, fèces, vomissements, contenu liquide de diverses tumeurs abdominales, sécrétions utérines et vaginales, microorganismes, vers endoparasites.

C’est là, comme on le voit, un ensemble fort complet de documents, très commode à consulter et dont chaque planche est accompagnée d’une description claire et concise. Le médecin, dans ses recherches cliniques, peut en quelques instants com¬ parer les résultats qu’il obtient aux dessins du Dr Peyer et arriver ainsi rapidement a des éléments de diagnostic tout à fait certains.

Ces dessins sont, d’ailleurs, d’une exactitude remarquable et toutes les personnes qui se sont livrées à l’examen microscopique des produits morbides y reconnaîtront au premier coup d’œil tout ce qu’elles ont observé elles-mêmes. Pour que Y Atlas rendit les services qu’en attendait l'auteur, il fallait cette exactitude dans la figura¬ tion des objets, et, sous ce point de vue, il n’était pas possible de faire mieux. Toutes ces planches sont, de plus, magnifiquement exécutées, le texte est imprimé avec luxe et Y Atlas de microscopie clinique du Dr Peyer est l’un des ouvrages de ce genre les mieux réussis, au point de vue de la méthode, de l’exécution et des services qu’il est appelé à rendre à tous les praticiens.

II

Presse médicale. Elle vient de s'enrichir à Paris, de tr ois nouvelles publica¬ tions :

Le Bulletin médical paraissant le mercredi et le dimanche, sous la direction du Dr Prengrueber, médecin des hôpitaux, rédacteur en chef.

La Revue générale de clinique et de thérapeutique , paraissant le jeudi et ayant pour directeur le Dr Huchard, médecin de l’Hôpital Bichat, et pour secrétaire de la rédac¬ tion le Dr Ch. Eloy.

La Pratique médicale , journal hebdomadaire dirigé par le Dr Baratoux.

En Suisse, à Davos-Platz, vient de paraître aussi un nouveau journal médical qui semble s’occuper surtout du traitement de certaines affections, comme la tubercu¬ lose, parle séjour des malades dans des climats choisis, dans les sanatoriums éta¬ blis notamment en Suisse ; ce journal rédigé en français et en anglais parait tous les mois, en hiver, sous le titre de Y Abeille médicale.

EXPOSITION D’ÉKATHÉRINEBOURG EN 1887.

Une Exposition des plus intéressantes sera ouverte l’été prochain, à Ekathé- rinebourg, en Russie, Exposition scientifique et industrielle de la Sibérie et de l’Oural, organisée par la Société Ouralienne d’Amateurs des Sciences Natu¬ relles, sous la présidence d’honneur du Grand-Duc Michel Nikolaievilch et sous la présidence effective du président de la Société, ingénieur en chef des Mines de l’Oural, le Conseiller Intime J. Ivanoff.

Cette exposition, la première de ce genre, à ce que nous croyons, et qui sera certainement des plus curieuses et des plus instructives à visiter comprendra 9 sections dont voici le programme :

Section I. Histoire naturelle.

Collections minéralogiques et géologiques, botaniques, zoologi¬ ques, etc., de la Sibérie et de l’Oural.

Section II. Géographie et Voyages

Section III. Anthropologie, Ethnographie et Archéologie. Heprésentantsvivanls:

familles de Baschkirs, de Kirghizes, de Vogoulcs, d’Ostiaks, de Samoïèdes, etc , avec leurs habitations et tout leur attirail de chasse et de pêche.

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Section IV.

Section V. Section VI.

Section VII.

Section VIII. Section IX.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Mines et fonderies. Machines.

Produits de toutes les mines et fonderies de l’Oural.

Grands modèles en activité des engins employés à l’extraction et au lavage des sables aurifères et platinifères, à la pulvérisation des filons de quarz, etc.

Manufactures et fabriques. Métiers.

Pierreries, fourrures, cuirs, suifs, farine, etc., etc.

Industries domestiques.

Multitude d’objets (bois, racines, os, corne, cuir, métal, tissus, broderies, etc.), fabriqués par les habitants des villages et employés dans leurs maisons ; outils dont ils se servent.

Agriculture, Sylviculture, Horticulture. Chasse et Pêche.

Le jardin de l’Exposition sera orné de plantes de la Sibérie et de l’Oural groupées par lieux de provenance.

Articles importés de la Russie d’Europe.

Beaux-Arts.

Avec le concours de l’Académie Impériale des Beaux-Arts de Saint- Pétersbourg.

c

Les collections exposées par les établissements d’instruction élémentaire, primaire et secondaire de l’Oural et de la Sibérie sont si considérables, que, probablement, on sera obligé de les séparer de la section d’Anthropologie pour en faire une section pédagogique à part.

Des facilités de parcours sont accordées aux exposants et aux visiteurs de l’Exposition sur présentation d’un certificat du Comité:

Un comité spécial sera chargé d’accueillir les voyageurs à la gare du chemin de fer et de leur fournir tous les renseignements nécessaires pour diminuer autant que possible les frais de leur séjour dans cette ville.

Le meilleur moment pour visiter l’Exposition est le mois de Juillet et la première moitié d’Aoùt.

OFFRES ET DEMANDES (i)

A VENDRE

33. Lanternes à projections, sur quatre colonnes de cuivre, condensateur de 105 mil.; 7 objectifs doubles achromatiques ; lampe à pétrole, 3 mèches. 85 fr. Cet appareil peut recevoir tout espèce d’éclairage.

34. Saccharimètres de Soleil-Duboscq avec 4 tubes de 20 c. . . . 135 fr.

35. Machine dynamo-électrique Gérard 05, 35 Volts, 7 Ampères. 160 fr.

36. Viseur à lunette, colonne ronde de 70 centim. ; pied triangle à vis calantes,

niveau et vis de rappel . 75 fr.

37. File électrique de Ducretet, 6 éléments montés à treuil .... 85 fr.

38. Appareil électro-médical de Dubois-Reymond ; 3 bobines . . 40 fr.

39. Sonnerie électrique à relais ; 20 kilom. de résistance .... 20 fr.

40. Objectif* photographique double à portrait, extra rapide, de De-

rogy à monture à vanne, 81 mill. 5 . 140 fr.

41. Grille pour analyses organiques 60 c. de long . 80 fr.

42. Moteur électrique Camacho, 4 électros à noyaux multiples . . . 180 fr.

43. Caisse de résistance 100 Ohms, 1, 2,2, 5, 10,20 et 50 à 16° de Boisse-

(1) S’adresser au bureau du Journal. Les articles portés au pré¬ sent Catalogue sont expédiés, à défaut d'indications spéciales, par la voie la plus avantageuse, contre mandat ou remboursement. La demande doit rappeler le nu¬ méro d’ordre de l'article au Catalogue. Le port et l’emballage sont à la charge de l’acquéreur.

Le Gérant : Jules Pelletan, Fils.

Amien* Imprimerie Rousseau-Leroy,

Onzième année

4

Avril 1887

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE !

Revue par le Dr J. Pelletan. Le Professeur Mathias-Duval. Évolution des Microorganismes animaux et végétaux [suite], leçons faites au Collège de France, parle Prof. Balbiani. Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. Observations sur les Chætonotus , [suite], par le Dr A. C. Stores. De la solution d’hypochlorite de sodium avec excès de chlore, par le prof. G. V. Ciaccio et le Dr G. Campari. Sur le Phylloxéra puncta ta. II, par le Prof. V. Lemoine. Bibliographie : La vérité sur M. Pasteur, par M. P. Boullier. La tuberculose des animaux par M. G. Butel. Revues diverses. Notes sur les méthodes microscopiques, etc. par le Dr S. H. Gage. Offres et demandes. Avis divers

REVUE

« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,

« Polissez-le sans cesse et le repolissez. »

a dit Boileau ; mais « le mieux est l’ennemi du bien, » affirme un vieux pro¬ verbe. C’est tout à fait le contraire, toutefois j’incline à penser que la sagesse des nations, dont le dicton ci-dessus est une courte mais directe émanation, est in¬ finiment mieux au courant des choses de la vie que ne l’était rhistoriographe à perruque de Sa Majesté le Roi-Soleil.

Combien de fois, pour rester dans les choses du métier, voulant faire plus belle une préparation déjà réussie, ne suis-je pas parvenu à la détruire tout à fait ? Et à qui cela n’est-il pas arrivé?

Mais ce ne sont pas ces petites mésaventures qui m’inspirent des considé¬ rations de si haute philosophie, voici ce que c’est.

Il y a quelques années, le professeur R. Koch découvrit, dans la muqueuse de l’intestin des cholériques, un Kommabacille dont la présence lui parut assez constante pour faire supposer qu’il avait « un certain rapport » avec le choléra, car c’est à ces termes prudents que s’en tint le savant professeur de Berlin. Mais les microbiâtres ne tardèrent pas à en faire la cause certaine et unique de la maladie, et ils le cherchèrent dans différentes formes de choléra, choléra nostras, choléra sporadique, certaines cholérines, et ils le trouvèrent.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

On le chercha dans l'eau des localités dévastées par le fléau, on le trouva!

Mais on chercha tant, on fit si bien, qu'on le trouva dans les liquides de la leucorrhée, dans la salive, on le trouva dans presque toutes les eaux, on le retira, par décalitres, des eaux de la Seine, à Paris; on le trouva partout... Si bien que le fameux Kommabaciile dégringola de son piédestal et n'est plus qu'un microbe de rien du tout.

D’ailleurs, il faut avouer qu'il n'avait jamais eu. en France, qu'un demi- succès. Ce sont le> étrangers, surtout, qui l’avaient prôné comme microbe du choléra, pensant faire pièce à M. Pasteur qui ne l’avait pas trouvé. Mais ce¬ lui-ci. éminemment plus malin que beaucoup de microbes, voire pathogènes,

et bien qu'il eut parfaitement cm. au temps de la fameuse mission en Égypte, à un microbe du choléra retourna sa veste et déclara que ledit choléra n'est pas une maladie microbienne : et, cette fois, nous pensons qu'il avait raison. Les Académies applaudirent avec enthousiasme, et la question, considérée dès lors comme jugée, fut enterrée.

Actuellement, il s’agit du microbe de la fièvre typhoïde.

MM. Chantemesse et Widai l'ont soutiré de la rate d’un typh oïdique vivant qu'ils ont ponctionné comme im tonnelier pique ime barrique d’un coup de foret pour goûter le vin qui est dedans.

Puis, il l'ont trouvé dans les déjections des malades, dans les puits de Pier- refonds : ils l'ont trouvé ici et là, un peu partout... Puis, voici M. Thoinot qui vient de le trouver dans les eaux de la Seine, à Ivry. c’est-à-dire avant Paris. Jugez im peu ce que ces mêmes eaux doivent en contenir dans Paris !

Cette Seine, quelle quintessence de pourriture, croyez-vous ! Pour moi, je ne demande pas mieux que d'admettre le bacille de la fièvre typhoïde, mais je me demande comment, nous autres pauvres Parisiens, nous ne mourons pas tous de cette fièvre, nous qui sommes continuellement en contact avec cette eau infectée; et cela, grâce aux incessants caprices de la Compagnie des Eaux qui, sous n'importe quel prétexte, ou sans l’ombre de prétexte, nous sup¬ prime à chaque instant les eaux de la Dhuys, de la Vanne ou de l'Ourcq, qu'elle s’est engagée à nous fournir, pour nous donner à la place, quand elle consent à nous donner quelque chose, les eaux de la Seine pleines des germes de toutes les maladies. Et les riverains de la Seine, depuis Ivry jusqu’au Havre, les habitants des villes et des villages, qui n’ont pas d’autre eau que celle de ce fleuve empoisonné, les pécheurs, les mariniers, voire les cano¬ tiers de Bougival-en-France. qui y barbottent depuis le matin jusqu’au soir, comment se fait-il qu’il en reste encore ?

Avouez que c’est bien inexplicable, et qu'il faut que ce microbe de la fièvre typhoïde se prête à bien des accommodements ! Mais vous allez voir qu’on va tant en trouver partout que ça va encore être un microbe dégommé.

Je sais bien qu’on répondra comme toujours : « le microbe ne se développe pas partout il tombe, il faut que le terrain soit -préparé . »

Bien! mais qu'appelez-vous préparé ?

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Gela veut dire que l’homme apte à iournir un bon terrain au microbe doit être dans de mauvaises conditions physiologiques.

Très bien! mais quelles conditons? car tous ceux qui sont dans de mauvaises conditions physiologiques n’ont pas la lièvre typhoïde.

Dans des conditions particulières encore mal définies. . .

Parfaitement ! Il faut qu’il ait déjà la fièvre typhoïde.

Notez que, d’autre part, le Dr Pécholier a lu récemment devant l’Académie de médecine un travail sur les excellents résultats qu’il a obtenus dans le trai¬ tement de la fièvre typhoïde. Il est vrai qu'il ne s'est pas plus préoccupé du microbe pathogène que s’il n’y en avait pas. Et il a guéri tous ses malades.

Aussi, est-ce avec la plus profonde indifférence que l'Académie a écouté ou plutôt n’a pas écouté sa lecture.

Ah! s’il avait apporté un nouveau microbicide en ine ou en ol. c’eut été une autre affaire. Mais M. Pécholier n’a pas pensé à cela, il n’a songé qu’à guérir ses malades, et il les a guéris par un traitement qu’on peut dire classique.

C’est un tort.

Le microbicide actuel est Yeucalyptol. Ce n’est pas qu’il soit nouveau, mais il a été apporté dernièrement à l’Académie de médecine par M. Bail et par M. Roussel qui l'emploient en injections hypodermiques contre la phtisie.

Les résultats annoncés sont plus que médiocres et il parait que le traitement ne fait pas disparaître les bacilles dans les crachats. Néanmoins, comme cette médication était dirigée contre les microbes, l’Académie l a écoutée avec faveur. Les injections d’eucalyptol vont donc probablement succéder aux lavements gazeux dont la période de succès ne semble pas devoir durer encore longtemps.

Je ne pense pas que le bacille de Koch, le microbe de la tuberculose, soit la cause de la maladie, je l’ai dit bien souvent. Je crois, jusqu'à présent, qu’il se développe dans les produits tuberculeux, mais qu’il ne les crée pas. Néan¬ moins, je considère comme très utiles ces recherches ayant pour but de détruire le bacille dans les poumons du malade. Car si, pour moi, ce microbe n’est pas pathogène, il est certainement pathologique et même caractéristique. Il ne se développe que il y a tubercules. Or, il n’est pas impossible que le jour l’on aura pu le faire disparaître de l’expectoration d’un malade, c’est qu’on sera arrivé à modifier la nature des tissus affectés et envahis par le parasite, d’une manière assez profonde, pour que, peut-être , il n'y ait plus tuberculose. Il pourra rester des lésions matérielles plus ou moins graves, souvent même irrémédiables, mais la dégénérescence tuberculeuse sera peut- être enrayée.

Cela est possible, dis-je, et mérite donc d’ètre tenté de toutes les manières. Malheureusement, cela n’est pas certain, et même, à mon sens, n’est pas pro¬ bable. Je ne crois pas, en effet, que la phtisie vienne ordinairement du dehors; je crois qu’elle vient du dedans. C’est le malade qui est phtisique et qui fournit au microbe le terrain préparé, malgré M. Daremberg.

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Et, puisque l’hérédité de la phtisie est admise à peu près par tout le monde je ne croirai pas à la causalité du microbe tant qu’on ne me l’aura pas montré constamment dans les spermatozoïdes des tuberculeux. Et quand on m’en aurait montré un dans chaque spermatozoïde, je ne pourrais croire encore que ce soit ce bacille qui, vingt ans plus tard, rendra poitrinaire l’enfant de ce tuberculeux. Tous les médecins, tous ceux qui ont soigné des phtisiques, qui ont vécu avec eux pendant des mois et des années ne deviennent pas phtisiques et cependant ils ont absorbé, par toutes les voies et par tous les pores, bien plus de bacilles qu’il n’en peut tenir dans un spermatozoïde, puisqu’après tout, l’atome de matière qui forme un spermatozoïde unique constitue toute la part de sa subs¬ tance que chaque homme donne à son enfant.

Non, chez le phtisique, le mode de nutrition de certains éléments histolo¬ giques est vicié. Comment? je n’en sais rien. Mais la substance, protoplasme, nucléine ou autre, de certaines cellules est altérée dans sa composition. La substance du spermatozoïde qui est un élément histologique et dont la tête a la valeur d’un noyau de cellule, peut être viciée dans le même sens, et, comme c’est de cette substance, combinée à celle de l’ovule maternel, que doivent se former tous les tissus de l’enfant, il est possible que les éléments de ces tissus subissent plus ou moins rapidement l’altération dont ils ont reçu le principe. A un moment donné, cette viciation étant suffisamment étendue et profonde, l’enfant, devenu homme, est phtisique; il dépérit, les échanges nutritifs ne se font plus ou se font mal dans ses organes, et c’est alors que les bacilles l’en¬ vahissent.

Ce que je dis du spermatozoïde peut se dire aussi de l’ovule. Mais, dans la combinaison qui se fait, par la fécondation, des substances des deux parents, l’une étant normale, il peut arriver que la composition de l’œuf fécondé soit sensiblement normale aussi (par exemple, si la mère est saine, car elle fournit plus de matière à l’œuf que le père) ; et le nouvel être, surtout si ses fonc¬ tions de nutrition s’opèrent bien, si ses échanges tissulaires sont actifs, pourra échapper à la phtisie.

Dans ces conditions, il est donc bien peu probable que les microbicides soient utiles. Et, en effet, puisqu’on prétend aujourd’hui tout démontrer par les slatistiques, si l’on consulte la statistique officielle que publie toutes les semaines la ville de Paris, on voit que malgré tous les microbicides em¬ ployés depuis plusieurs années pour combattre cette affreuse maladie qui décime l’humanité, le nombre des morts est le même qu’autrefois. On voit que quand ce nombre diminue, c’est que la température a été chaude ou uniforme; quand il augmente c’est que la température a été froide ou a varié brusquement. Et cela, aujourd’hui comme autrefois, et, malheureusement, les microbicides n’y ont fait, comme on dit, ni chaud ni froid.

*

* *

Quant aux inoculations anti-rabiques, il n’en est plus guère question. La vigoureuse campagne menée par M. Peter paraît avoir éteint tout cet enthou¬ siasme et voici que le professeur Pajot vient d’écrire au Journal de méde¬ cine une lettre (qu’il l’autorise à publier) dans laquelle il dit que jusqu’à pré-

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sent, la méthode intensive peut être considérée comme un péril social possible (1).

C’est un éreintement majeur.

Pendant ce temps, l’Institut Pasteur emploie ses loisirs et ses millions à la publication de ses Annales. C’est un recueil mensuel en gros texte, bien imprimé, qui contient deux petits mémoires de bactériologie, et une nouvelle réédition de ses sempiternelles statistiques dont on a déjà inondé Paris et les départements au mois de février dernier.

Voilà ce qui reste de cette affaire, si bien commencée : Desmit in piscem. Elle finit en queue de poisson, et c’est, après tout, ce qui peut lui arriver de mieux, car elle m’a tout l’air d’ètre tombée dans l’eau.

NOS MAITRES

LE PROFESSEUR M A T H I A S - D U V A L

M. le Professeur Mathias-Duval est à Grasse (Var) le 7 février 1844. En 1866, il était aide d’anatomie à la Faculté de Médecine de Strasbourg et pro¬ secteur à la même Faculté en 1868. En 1873, il passa à la Faculté de Médecine

(1) Voici la lettre du prof. Pajot.

Mou cher confrère,

Comme tous les médecins, je suis avec le plus vif intérêt toutes les phases du traitement curatif de la rage par la méthode Pasteur. Voulez-vous me permettre de dire que je trouve jusqu’ici, la question absolument mal posée. Il importe en effet, assez peu que M. Pasteur guérisse ou non la rage.

S il la guérit, nous nous en réjouirons tous et je ne serai pas le dernier 4 porter mon obole à la statue qu’on lui élèvera. S’il ne la guérit pas, on continuera à laver et à cautériser les plaies, traitement qui n’est pas à dédaigner. Mais la question n’est pas là.

La question, la vraie question, la seule question, est d’être sûr que la méthode ne peut pas donner la rage à ceux qui ne l’ont pas, ou qui ne ne l’auront pas. Voilà ce dont il faut être définitivement assuré. Et il n’y a rien de plus facile. Nous avons toujours, malheureusement, en France et en Algérie, au moins une douzaine de condamnés à mort. Il ne s’agit pas ici de chiens, de lapins ou de cobayes ; qu’on explique à chacun de ces misérables, ce dont il s’agit; qu’on promette la vie sauve à tous ceux qui survivront, et, avec leur consentement, qu’on inocule par la mé¬ thode intensive une douzaine de ces hommes, devant une commission, composée de deux fanatiques et de deux adversaires de la méthode qui choisiront, tous quatre, leur président.

Procès-verbaux seront dressés des inoculations, de leur nombre, de la qualité des liquides injectés et dans un an la question sera irrévocablement résolue.

Jusque-la, la méthode intensive peut être considérée comme un péril social pos¬ sible. faites, mon cher ami, de cette lettre tout usage qui vous semblera bon. Je ne recherche que la vérité.

Dr Pajot.

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de Nancy comme chef des travaux anatomiques. Agrégé à la Faculté de Paris en 1874 et directeur du laboratoire d’histologie, il fut appelé le 14 décem¬ bre 1885 à succéder à Ch. Robin dans la chaire d’histologie.

Sa leçon d’inauguration fut une ovation que lui firent tous les étudiants et bon nombre des médecins de Paris, heureux de voir un homme de progrès, jeune, libéral, aimé de tous, occuper cette chaire dont son prédécesseur avait fait comme un conservatoire des vieilles idées.

M. Mathias-Duval était depuis plusieurs années professeur d’anatomie à l’École des Beaux-Arts et il a succédé à Broca, en 1881, comme professeur d’anthropologie anatomique à l’École d’ Anthropologie de Paris. Le Journal de Micrographie , dont il fut un des premiers adhérents, a reproduit sa remarquable leçon d’ouverture ainsi que plusieurs de ses travaux relatifs à l’embryogénie. M. Mathias-Duval a publié, en outre, plusieurs ouvrages et son Traité de Physiologie (avec Kuss), ses livres sur le Transformisme et le Darwinisme , notamment, ont eu un grand succès.

Il semble, d’ailleurs, avoir été formé tout exprès pour l’enseignement, il a la parole facile et claire, l’éloquence démonstrative, le geste élégant, la taille haute, la tête belle; c’est un maître excellent au point de vue scientifique et, au point de vue esthétique, c’est un « beau professeur. »

TRAVAUX ORIGINAUX

ÉVOLUTION DES AIICRO-ORGANISMES ANIMAUX ET VÉGÉTAUX

Leçons faites au Collège de France en 1886-1887 par le Professeur Balbiani

[Suite1)

Les deux variétés de symbiose unilatérale peuvent passer, et pas¬ sent, en effet, insensiblement l’une à l’autre, symbiose de site et sym¬ biose de site et nourriture. Ces deux formes de symbiose unilatérale, c’est-à-dire avec avantage pour une seule des espèces associées, existent dans les deux règnes; mais, chez les animaux seuls, il peut se faire que cette association soit uniquement destinée à la nourriture, sans parasitisme d’espace, comme chez les Insectes suceurs qui ne font qu’un séjour passager sur l'associé, pendant le temps nécessaire pour y puiser leur nourriture, les Cousins, Puces, etc., et comme chez les Sangsues. Aussi, beaucoup d’auteurs se refusent à voir, dans ces

(1) Voir Journal de Micrographie, t. X, 1886, p. 535 et t. XI, 1887, p.54.

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espèces, momentanément associées, de véritables parasites, Davaine, par exemple, pour la raison qu’elles ne sont pas fixées d’une manière permanente sur leur hôte. Mais nous avons vu que, chez beaucoup de congénères de ces mêmes espèces libres, il y a des passages graduels de cet état libre à l’état de fixation permanente ; ainsi les Insectes suceurs fournissent des espèces fixées, chez les Pupipares, comme les Sangsues chez les PontobdeJles et les Malacobdelles, dans les¬ quelles on ne peut se refuser à voir de vrais parasites.

La seconde forme de la symbiose admise par de Bary et par Klebs est celle que P. J. Yan Beneden appelle symbiose mutualiste (par opposition à la symbiose antagoniste ) ; c’est la symbiose avec adaptation bilatérale de Klebs. Dans cette forme de parasitisme, il n’y a plus antagonisme entre les deux associés, mais un accord plus ou moins parfait qui rend l’association avantageuse pour les deux parties. C’est le groupe des mutualistes pour Yan Beneden qui avait raison, dans ce cas, mais qui n’a pas toujours été heureux dans le choix des exemples qu’il en a donnés, particulièrement à propos des Bicins et des Opalines. Mais je puis vous citer comme de meilleurs exemples ces petites Algues unicellulaires, dont je vous ai parlé, qui s’associent à des végétaux, comme les Champignons, pour former les Lichens, ou à des animaux pour constituer les animalcules verts. Dans ces cas, il y a association vraiment utile, car ni les uns ni les autres ne peuvent vivre isolément.

On peut appeler ces Algues des Lichens et des animaux verts des parasites nécessaires , car placées dans l’obscurité, elles ne peu¬ vent exercer leur fonction assimilatrice du carbone et meurent en même temps que leur hôte.

Cette expression de « parasite nécessaire » est intéressante parce qu’elle a joué un rôle dans la science. Quand Yon Siebold a com¬ mencé ses beaux travaux sur l’évolution des Yers intestinaux de l’ordre des Trématodes, dans sa Monographie du Monostomum mu - tabile, parasite des oiseaux aquatiques, il avait vu que, dans l’œuf de cet Helminthe, il se développe un embryon, première forme larvaire qu’on appelle aujourd’hui sporocyste , et, dans celle-ci, une seconde larve, par une sorte de bourgeonnement, larve qui, devenue libre, est ce qu’on appelle actuellement Cercaire et qui revient à l’état de Monostomum adulte. A l’époque Siebold faisait ce travail (1835), on ignorait la relation génétique qui existe entre cette seconde larve et la première dans laquelle elle se forme. Siebold prit le futur Cer¬ caire pour un parasite, et comme il le voyait constamment se pro¬ duire dans la première larve, il pensa qu’il était nécessaire à l’évolu¬ tion du Yer et le désigna sous ce nom de parasite nécessaire.

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Il est inutile d’ajouter que cette erreur a été rectifiée depuis par Siebold lui-même qui reconnut que ce parasite nécessaire n’est qu’une forme larvaire qui se produit dans le développement des Distomes et des Monostomes. Mais ce mot, très impropre dans ce cas, est tout à fait à sa place quand on l’applique aux petites Algues des Lichens et des ani¬ maux verts. D’ailleurs, la présence de ces Palmellacées dans les ani¬ malcules verts, Paramécies, Hydres, etc., a donné lieu aussi à une erreur. On a pris longtemps les grains verts que contiennent ces ani¬ maux pour de la chlorophylle animale. C’est tout récemment, comme nous l’avons dit, que Kari Brand et Geza Entz ont fait voir que ces grains sont des cellules végétales possédant leur noyau propre et devant être considérées comme des Algues Palmellacées.

Semp'er a fait connaître un autre cas de symbiose mutualiste entre une Algue et une Eponge. Il s’agit du Spongia cartilaginea , qui présente de nombreuses ramifications traversées dans tous les sens par des filaments que Semper, qui les a étudiés, croit constitués par une Algue confervoïde végétant dans l’Éponge. Or ces deux orga¬ nismes s’influencent mutuellement : l’Éponge détermine le mode d’ac¬ croissement et la forme de végétation de l’Algue, l’Algue détermine la forme et la situation des ouvertures, ou oscules , par lesquelles pénètrent les courants. Voilà donc un exemple parfait de symbiose mutualiste.

Quant à plusieurs autres que l’on cite souvent, il sont moins évi¬ dents. Telle est l’association que l’on peut observer tous les jours, dans les aquariums, entre un Pagure ou Bernard-l’Hermite et une Actinie ou Anémone de mer qui s’implante souvent sur la coquille dans laquelle le Pagure a établi son domicile. D’autres fois, au lieu d’une Actinie, c’est une Éponge qui se fixe sur la coquille du Bernard-PHermite. On a considéré cette association comme un cas de mutualisme. J’avoue que j’ai peine à comprendre quelle espèce de service ces animaux peuvent se rendre. Je crois, au contraire, que ce sont des cas l’un des individus, par exemple l’Actinie ou l’Éponge, immobile, profite plus que l’autre de l’association et ils rentreraient plutôt dans la symbiose antagoniste de de Barv.

A cette symbiose mutualiste Klebs a opposé cet état morpholo¬ gique dans lequel un organisme se résout en quelque sorte en organes indépendants dont chacun constitue plus ou moins un être organisé spécial. Tels sont les Siphonophores qui sont, en réalité, une colonie dans laquelle, sur un axe commun, sont portés des individus qui ont des formes très difiérentes, des formes spéciales en vue de fonctions, spéciales aussi, qu’ils accomplissent exclusivement à d’autres, en vertu d’une sorte de décomposition organique qui ne laisse à certains

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d’entr’eux qu’une bouche et un appareil digestif, à d’autres des orga¬ nes de natation ou des filaments urticants servant à la défense, à d’autres encore des organes de reproduction. Il en résulte une asso¬ ciation d’individus dont chacun s’est modifié de manière à remplir une fonction unique. Cependant, ces animaux appartiennent à un même organisme puisqu’ils sont fixés sur un même axe.

Je crois qu’on peut encore considérer, et ici nous cherchons à étendre l’idée de symbiose, comme des cas de véritable symbiose ceux il y a association non pas d’individus appartenant à des es¬ pèces différentes, mais de même espèce et de sexe différent. Il y a, en effet, des Crustacés très dégradés qui vivent en parasites sur d’au¬ tres Crustacés, comme les Rhizocéphales, qui se fixent sur l’abdomen des Pagures et des Crabes. Ce sont toujours des femelles, et, dans quelques espèces, comme Darwin, le premier, l’a très bien vu, les males sont parasites aussi, mais non du Crabe ou du Pagure, mais de leur propre femelle. Ce sont de très petits êtres qui se fixent sur le corps de la femelle et vivent de sa substance.

Un autre exemple est fourni par une espèce qui appartient au groupe des Géphyriens, une Bonellie. L’animal a la forme d’un grand sac ter¬ miné en avant par un long col bifide. M. Lacaze-Duthiers est un des premiers naturalistes qui l’ait disséqué avec soin. La bouche est à la base du col, au point celui-ci s’insère sur le sac. Dans le col est une gouttière qui se prolonge dans le filament bifide. Au-dessous de la bouche est une seconde ouverture, sexuelle, prolongée en un canal qui s’évase en poche, et celle-ci s’ouvre par un pavillon cilié : c’est l’utérus. L’ovaire est fixé à une sorte de ligament ou mésentère : les œufs mûrs tombent dans la cavité du corps, pénètrent par le pavillon cilié dans l’utérus et de s’échappent au dehors par le canal ou oviducte et l’ouverture sexuelle. Les mâles sont de tout petits ani¬ maux, très différents, entrevus d’abord par M. Lacaze-Duthiers et bien étudiés depuis (1808) par Kowalewsky. Us ont la forme de petites Planaires qui n’ont pas de bouche et ne peuvent se nourrir eux- mèmes. Ils sont logés dans l’oviducte de la femelle ils remplissent uniquement le rôle de spermatophores, nourris par la femelle elle- même.

•le pourrais vous citer encore un grand nombre de faits du même genre. Tel est le cas d’un Yer nématoïde qui vit dans la trachée des volailles, \v Syngamus trachealis : le mâle est toujours fixé sur la partie antérieure de la femelle. C’est le mâle parasite de la femelle. D’autres fois, la femelle est parasite du mâle, comme chez le Disto- mum hæmatobium, ce ver si redoutable pour l’homme en Égypte et

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en Abyssinie. Le mâle porte sa femelle logée dans une espèce de gouttière qui parcourt toute la longueur du corps et qui est formée par le reploiement des bords latéraux du corps, constituant ainsi un canal gynécophore.

Dans ces derniers cas, il s’agit d’un véritable parasitisme sexuel

ans lequel c’est tantôt le mâle, tantôt la femelle qui est le parasite de l’autre sexe. Mais le parasitisme sexuel du Distomum haemato¬ bium est particulièrement remarquable, car on voit que chez cet ani¬ mal la différenciation des deux sexes ne se borne pas à l’appareil sexuel, mais peut aller jusqu’à modifier la structure histologique du mâle qui présente une disposition spéciale du corps.

Voilà des cas d’un parasitisme que je crois pouvoir appeler para¬ sitisme sexuel. Peut-on les assimiler au parasitisme ordinaire ou à la symbiose, alors qu’ils n’impliquent que la vie en commun des deux êtres en vue des avantages sexuels ? Il paraît, en effet, que c’est seulement au moment ces Vers quittent l’organisme de l’hôte, homme ou animal, que les deux sexes se réunissent ainsi pour faire en commun leur trajet dans le monde ambiant et ne pas se séparer pendant ce passage tant d’accidents peuvent les isoler d’une ma¬ nière irrémédiable pour la propagation de l’espèce.

La conception du parasitisme proprement dit a varié chez les divers auteurs qui ont eu une idée plus ou moins large de ce mode d’exis¬ tence. Vous vous rappelez la définition donnée par P. J. Yan Beneden du vrai parasitisme dans lequel un individu emprunte sa nourriture à un autre en l’exploitant avec économie et « sans mettre sa vie en danger. » Il faut donc conclure de cette définition même que ceux qui mettent la vie de leur hôte en danger, et à plus forte raison ceux qui le font mourrir, ne sont pas de vrais parasites. C’est le côté faible de cette définition, car presque tous les parasites, même les plus inof¬ fensifs, peuvent, dans certains cas, tuer leur hôte, soit en se multi¬ pliant à l’excès, soit par suite d’une circonstance fortuite, comme lorsque l’Ascaride loinbricoïde quitte le tube digestif, il est peu nui¬ sible, et s’introduit dans la trachée il produit une asphyxie rapide. C’est un fait qui ne saurait enlever à l’Ascaride le nom de parasite et qui le lui enlèverait cependant si l’on suivait à la lettre la définition de Yan Beneden.

Da vaine, auteur de l’article « Parasitisme » dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales , pose aussi des limites au sens qu’il entend donner au mot « parasite. » Il ne considère pas comme parasites les êtres qui ne demandent à l’hôte qu’un gîte ou un abri, les parasites de site ou d’espace, de Klebs ; ni ceux qui, bien

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que se nourrissant de la substance d’un animal appartenant à une espèce différente de la leur, ne font sur ce dernier qu’un séjour pas¬ sager, comme les Insectes suceurs, Puces, Cousins, Taons, etc. ; ni ceux qui se nourrissent simplement de parties excrétées et ne servant plus à l’hote, comme les Champignons qui se développent sur les exsudats des plaies ulcéreuses ou les larves de Mouches qui vivent dans les matières intestinales accumulées dans le rectum des animaux vivants.

Pour Davaine, tous ces Schizomycètes, tous ces Bactériens, dont nous aurons à nous occuper plus tard ne sont pas des parasites, en raison de ce fait qu’ils tuent leur hôte, du moins les Bactériens patho¬ gènes. Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle il ne considère pas les microbes comme de vrais parasites. Pour lui, ce sont des virus et non des parasites : ils se propagent aussi bien dans des milieux inertes, dans des bouillons ou des cultures artificielles, que dans les organes des animaux vivants ; tels sont les microbes du charbon, du choléra des poules, etc. Ces microbes n’ont pas besoin pour vivre du secours d’un individu vivant, ils le détruisent en l’enva¬ hissant ; ce ne sont donc pas de vrais parasites. Davaine ajoute encore d’autres considérations : par exemple, la faculté qu’ils ont de vivre sans oxygène libre : ils sont placés dans des conditions spéciales qu’on ne rencontre pas chez les autres organismes. Ce sont les anaérobies de M. Pasteur. Nous verrons jusqu’à quel point cette division en aérobies et anaérobies est fondée.

C'est en vertu de ces faits que Davaine propose pour leur genre de vie le terme de microbisme. Je n’ai pas à m’étendre longuement sur les conditions d’existence des microbes, mais les raisons que donne Davaine pour les écarter des parasites 11e me paraissent pas convaincantes. Ainsi, il invoque d’abord leur qualité de virus. Dire que les microbes sont des virus est une façon de s’exprimer qui 11’est pas correcte; il serait plus correct de dire qu’ils sécrètent ou produi¬ sent un virus mais ne sont pas le virus lui-même. Beaucoup de Bacté¬ riens, d’ailleurs, vivent dans les eaux douces sans produire de virus. D’autres sécrètent des virus, par exemple ceux qui produisent les maladies infectieuses, mais cette production n’est pas spéciale aux microbes. Est-ce que les serpents venimeux ne sécrètent pas les venins les plus redoutables? N’en est-il pas de même des Insectes suceurs et des Fourmis, des Abeilles, des Guêpes, des Cousins et surtout de cette Puce pénétrante ou chique de l’Amérique méridio¬ nale, le Pitlex ou Dermatophilus penetrans , dont la piqûre produit une énorme tumeur? Quelques auteurs, et Bonnet, en particulier, qui a fait sur cette Puce un travail intéressant, n’attribuent pas à un

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venin ou virus la formation de la tumeur, mais à la présence même de l’insecte dans la peau il se creuse une loge dans laquelle il pond. Néanmoins, il y a une immense cohorte d’insectes galligènes, Gynips, Cécidomyes, Aphides, Acariens, Acaro-Cécidies, Anguil- lules, etc., qui produisent des galles de formes diverses; ou plutôt toutes les galles déterminées par ces Insectes ont une forme spéciale, et une forme spéciale non-seulement pour chaque espèce, mais même, comme chez les Gynips du chêne, pour chaque génération qui se pro¬ duit dans une année, génération sexuée et génération parthénogéné- sique. Cette forme spéciale des galles ne peut s’expliquer que par une * spécificité d’action, laquelle ne peut résider que dans un venin donl la composition chimique varie non-seulement d’une espèce à l’autre, mais encore dans les différentes générations d’une même espèce. On discute encore pour savoir si, dans la formation de ces galles, inter¬ vient une substance irritante. Je suis intimement persuadé qu’il en est ainsi, précisément à cause des différences que je signale. Ainsi, chez le Phylloxéra, il y a des variations dans la forme des glandes salivaires : chez les individus ailés, ces glandes manquent ; chez les radicicoles, il y a une paire énorme de ces glandes, et il est bien cer¬ tain que la salive qu’elles sécrètent intervient dans la formation des galles sur les racines de la vigne.

De même pour les microbes : chacun engendre un virus différent, et c’est ce virus qui agit dans la production des maladies infectieuses.

Une autre raison que donne Davaine pour exclure les microbes du groupe des parasites, c’est qu’ils font périr les êtres sur lesquels ils vivent. Ils n’exploitent donc pas leur hôte, suivant la formule de Van Beneden, « avec économie. » Mais cela n’est pas général à tous les microbes. Il y en a beaucoup qui ne tuent pas leur hôte, les microbes du furoncle, de la lèpre, de l’érysipèle, de la blennorrhagie, etc. Et même, ceux des maladies graves qui souvent tuent leur hôte, ceux du choléra, de la fièvre intermittente, de la fièvre^typhoïde, etc., ne font pas toujours périr le malade. Du reste, il y a, même parmi les para¬ sites admis par Davaine, des espèces qui tuent leur hôte. VAga- ricus melleus fait souvent périr les arbres sur lesquels il se déve¬ loppe, et après avoir tué l’arbre, il vit, comme saprophyte, dans les tissus décomposés de celui-ci. Nous avons même vu que Brefeld a cultivé VAgaricus melleus pendant un certain temps sur divers corps inertes, du pain, du jus de pruneaux, c’est-à-dire qu’il a fait du Champignon des cultures artificielles comme on en peut faire des microbes. Par exemple, le Bacillus anthracis^Xs Bacille du charbon, vit dans le sang de l’animal mort pour produire des spores, mais vit aussi dans les bouillons artificiels. Il y a donc analogie complète entre

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les vrais parasites et beaucoup de ces microbes auxquels Davaine refuse le titre de parasites.

On peut encore faire à Davaine une autre objection. Il ne regarde pas les microbes pathogènes comme de vrais parasites parce qu’ils peuvent vivre dans des organismes vivants et dans des milieux inertes. Mais, si nous examinons ce qui se passe chez les parasites purs et non douteux, les Vers intestinaux par exemple, est-ce que leur cycle biologique ne se compose pas de deux périodes, l’une dans l’orga¬ nisme vivant, l’autre dans le monde extérieur ? Quelquefois, cette dernière période peut se prolonger très longtemps et constituer l’état normal du Ver. Les Gordius et les Mermis passent une partie de leur vie dans la terre humide ou dans l’eau, et une autre partie seule¬ ment dans le corps des Insectes. Les Trichines, les Tænias abandon¬ nent l’organisme vivant pour traverser le monde extérieur à l’état d’œuf. Ce ne sont pas moins de vrais parasites. Mais, quand même on parviendrait à faire vivre une espèce purement parasite, un Tænia, en dehors de l’organisme vivant et à lui faire parcourir toutes les phases de son existence dans une culture, expérience que de Bary a conseillé de tenter, quand même cette expérience serait couronnée d’un succès complet, cela n’empècherait pas, évidemment, de consi¬ dérer le Tænia comme un parasite, puisque dans les conditions ordi¬ naires il vit dans les organes d’un hôte. Tout au plus, pourrait-on distinguer des parasites obligatoires et des parasites facultatifs.

Davaine invoque aussi la propriété qu’ont les microbes de provo¬ quer des fermentations. Est-ce une raison pour ne pas les considérer comme des parasites? Je ne le crois pas. Ainsi, la levure de bière provoque la fermentation que l’on sait, mais quand on en saupoudre un insecte, elle se développe dans l’organisme de l’insecte et le fait périr. Dans certaines circonstances, cette levùrede bière peut devenir un véritable parasite pathogène ; c’est même un des moyens qu’on a proposés en Amérique pour détruire l’insecte qui ravage les pommes de terre, le fameux Doryphora decemlineata.

Quant à la faculté qu’ont les microbes de vivre dans des milieux dépourvus d’oxygène, elle ne leur est pas particulière. Est-ce que toutes les plantes vertes ne la possèdent pas ? Tout le monde connaît la belle expérience de Priestley qui, sous une grande cloche fermée, introduisit une souris : celle-ci eut bientôt absorbé l’oxygène de l’air contenu dans la cloche, produisit de l’acide carbonique et mourut. Priestley plaça alors sous la cloche, exposée au soleil, une plante verte, une menthe ; celle-ci vécut parfaitement dans cet air chargé d’acide carbonique et quand une seconde souris fut introduite dans cette atmosphère, elle ) vécut également. A la lumière solaire, la

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plante avait réduit l’acide carbonique, fixé le carbone et mis en liberté l’oxygène nécessaire à la respiration de l’animal. Cette expérience a été répétée dernièrement avec une variante par M. Gréhant. Il prit deux éprouvettes de même capacité et dans chacune introduisit un poisson ; seulement, dans l’une étaient placées quelques feuilles de Potamogeton. Bientôt, dans l’éprouvette sans plante verte, le pois¬ son présentait des symptômes d’asphyxie et serait mort si on ne l’avait enlevé. Dans l’autre, l’animal vécut parfaitement (1) parce que l’acide carbonique qu’il produisait était décomposé par la plante qui lui ren¬ dait de l’oxygène. Beaucoup de plantes privées de matière verte peu¬ vent aussi vivre dans des milieux dépourvus d’oxygène, par exemple la levure de bière.

Tous ces faits prouvent qu’il n’existe pas chez ces êtres de pro¬ priétés qu’on ne rencontre pas aussi chez d’autres. Cela suffit donc, je crois, pour que la manière de voir de Davaine, qui exclue les microbes du nombre des parasites, soit mal fondée. Avec de Bary, nous les considérons comme de vrais parasites et nous nous en tien¬ drons à la définition que cet auteur, ainsi que Leuckart, donne des parasites: des êtres qui vivent dans les organismes vivants et se nour¬ rissent de leur substance. Il ne faut pas chercher plus loin. C’est à la lumière de cette définition que nous jugerons si telle ou telle espèce est parasite ou ne l’est pas.

(A suivre).

LE MÉCANISME DE LA SÉCRÉTION

Leçons faites au Collège de France en 1886-87 par le professeur L. Ranvier.

[Suite1 2 .)

A propos des glandes sudoripares de la pulpe des pattes du chien et du chat, je vous ai dit que ces glandes sécrètent une quantité très consi¬ dérable de matière grasse. On trouve les granulations graisseuses dans

(1) Dès 1867, dans divers articles insérés dans plusieurs journaux, notamment dans le Journal d’ Agriculture pratique , articles relatifs à l’entretien des aqua¬ riums d’appartement, nous recommandions aux personnes qui voulaient conser¬ ver ainsi des poissons, des insectes aquatiques et des larves d’insectes, d’entre¬ tenir dans les aquariums des plantes vertes vivaces, Potamogeton, Elodea , Myrio- phyllum. etc. J. Pelletan.

(2) Voir Journal de Micrographie , t. X, 1886, et t. XI, 1887, p. 7, 62, 99.

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rend la lumière béante. L’ampoule sécrétoire, qui correspond au tube sécréteur des glandes de l’homme, du chien et du chat, montre net¬ tement des fibres musculaires très bien décrites par Leydig, obliques par rapport à l’axe de l’ampoule, exactement comme nous les avons vues dans le tube sécréteur de l’homme et des autres Mammifères que nous avons étudiés. Les glandes sudoripares de la chauve-souris sont ainsi très faciles à voir et on y trouve, grossies par la nature, des dispositions difficiles à observer chez l’homme et d’autres ani¬ maux, puisque chez l’homme on a ôté très longtemps avant de pou¬ voir distinguer le canal sécréteur et le canal excréteur. Il y a chez la chauve-souris, une telle différence entre l’ampoule sécrétoire et le canal excréteur qu’il n’est pas possible de les confondre.

Je vous ai dit qu’on ne trouve pas de glandes sudoripares dans la membrane alaire de toutes les chauves-souris. On en voit chez le murin, mais pas chez la pipistrelle. Mais chez toutes, on en rencon¬ tre, dans d’autres régions du corps, qui rentrent plus ou moins dans le type découvert par Leydig. Parmi ces régions, il y en a une sur laquelle mon attention a été attirée et qui m’a fourni des préparations tout à fait remarquables. C’est la région de la joue. On détache la peau de la joue d’un coup de ciseaux, et l’on obtient un lambeau qui contient poils tactiles, poils ordinaires, glandes sébacées nombreuses et glandes sudoripares. On en place un fragment dans l’alcool pen¬ dant 24 heures, on fait des coupes perpendiculaires à la surface ; on colore les coupes par le picrocarminate et les monte dans la glycé¬ rine. On voit alors, dans le derme, un très grand nombre d’ampoules sécrétoires qui paraissent comme autant d’œufs coupés de diverses manières. De chacune de ces ampoules se dégage un canal excréteur et l’ensemble donne une préparation extrêmement élégante. Ces ca¬ naux contournent les outres glandulaires placées sur un plan plus élevé, et des fibres musculaires striées, très fines, se trouvent entre les canaux. La longueur de ceux-ci est donc très variable selon la profondeur plus ou moins grande à laquelle sont situées les am¬ poules. Les canaux excréteurs se terminent h la région épider¬ mique. Il ne faut pas comprimer le tissu parce qu’alors on aplatit les ampoules, qui n’ont plus leur forme régulière.

Supposons une ampoule coupée juste en son milieu, il est rare qu’on n’en trouve pas dans ces conditions. On voit d’emblée les fibres musculaires qui forment, à la surface, une striation extrême¬ ment jolie. Au-dessous, les cellules glandulaires forment une seule couche : elles possèdent un noyau bien net. Si la coupe est très mince et ne comprend qu’une petite portion de l’ampoule, celle-ci se montre ous la forme d’un anneau ovalaire. Sur les cotés de l’ampoule, les

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fibres musculaires sont coupées parallèlement à leur axe, mais vers le fond, perpendiculairement ou plus ou moins obliquement, et se présentent comme celles que nous avons observées sur le tube sé¬ créteur des glandes sudoripares de l’homme. On peut reconnaître que les fibres musculaires reposent sur une membrane propre, extrême¬ ment mince, très difficile à voir à cause de cette minceur et de la dif¬ ficulté d’obtenir des coupes parfaitement perpendiculaires à la direc¬ tion des fibres musculaires, ce qui est indispensable. On reconnaît cette membrane à sa réfringence et à sa différence de coloration par le picrocarminate : les cellules musculaires sont colorées en rouge orangé, la membrane est incolore. On voit que la couche musculaire est discontinue, mais je n’ai pas réussi à voir les crêtes longitudi¬ nales au moyen desquelles les cellules musculaires s’implantent dans la membrane propre. Cependant, l’adhérence entre les cellules et la membrane est tellement intime, la séparation en parait si difficile qu’il faut admettre qu’il y a un moyen d’union, un ciment; ou bien que cette membrane est une sorte de cuticule produite par les cel¬ lules musculaires qui sont aussi épithéliales. Toutefois, la limite entre la membrane propre et les fibres musculaires est si nette et il y a une telle analogie entre ce que nous voyons chez la chauve-souris et ce que nous connaissons chez l’homme, le chien et le chat, que je ne puis croire à cette derniere hypothèse qui m’est venue un moment à l’esprit.

Dans l’anneau, on trouve une couche de cellules épithéliales, sans différences fondamentales, dans leur disposition, avec ce qu’on ob¬ serve dans le tube sécréteur des glandes sudoripares de l’homme. Le canal excréteur est tout à fait comparable à ce qu’il est chez l’homme et les autres Mammifères que nous connaissons, mais plus mince; les cellules qui le composent sont aussi plus petites et plus difficiles à voir. La cuticule est très mince.

L’union de l’ampoule et du canal excréteur est très facile à ob¬ server et intéressante. Le canal commence assez brusquement. Ce¬ pendant, le rétrécissement de l’ampoule se fait un peu progressive¬ ment. La cuticule et les cellules épithéliales sur lesquelles elle repose se prolongent dans l’ampoule et lui forment une sorte de dôme; la cuticule se poursuit ainsi dans une certaine étendue de l’ampoule sécrétoire. C’est un fait important parce qu’il y a une disposition sem¬ blable dans les glandes cutanées des animaux qui n’ont pas de glandes sudoripares, ce qui nous permettrait d’établir une comparaison entre les glandes cutanées des Mammifères et celles des Batraciens, par exemple.

La portion épidermique du canal excréteur est la plus curieuse.

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Sur les coupes, on voit en même temps les poils avec leur follicule pileux et les canaux sécréteurs des glandes sudoripares. On pourra donc juger de la manière la plus nette l’opinion de Leydig. On voit un poil à bulbe plein et, à côté du follicule, est un bouchon épidermique qui s’enfonce parallèlement. C’est à l’extrémité profonde de ce bou¬ chon qu’aboutit le canal excréteur intradermique de la glande sudo- ripare. A mesure que l’on monte dans ce bouchon épidermique, on voit que les cellules épithéliales du canal excréteur sont comme poussées de bas en haut par suite d’une évolution épithéliale se fai¬ sant dans le même sens, de sorte que la cuticule est refoulée de bas en haut et présente des plis nombreux, extrêmement compliqués. Il y a donc une disposition un peu différente de celle qu’on ob¬ serve dans le canal excréteur du chien et de l’homme, mais qui arrive au même but : allonger considérablement le canal excréteur de ma¬ nière à ce qu’une substance placée à la surface de la peau ait un long trajet à parcourir avant d’arriver à l’ampoule sécrétoire, c’est-à-dire que la pénétration exige un temps très long, et pendant ce temps une poussée de sécrétion sudorale pourra chasser le corps qui aurait tenté de s’introduire. En outre, il y a mécanisme de soupape, obtenu encore par un procédé différent, mais aussi efficace que chez l’homme et les animaux dont nous avons parle.

En résumé, chez les différents Mammifères dont nous venons d’examiner les glandes sudoripares, nous voyons dans la portion glandulaire proprement dite, qui correspond à la sécrétion, une cou¬ che musculaire d’origine ectodermique qui correspond à la première rangée de cellules du corps muqueux de Malpighi et qui, sous l’in¬ fluence d’une excitation directe ou indirecte, doit diminuer la capa¬ cité de l’ampoule ou du tube sécréteur et rejeter rapidement au dehors le liquide accumulé dans son intérieur. C’est ainsi que les choses doivent se comprendre s’il est vrai qu’il y a un rapport intime entre la forme histologique d’un organe et sa fonction.

.l’ajouterai que j’ai fait des expériences ; j’ai répété celle de Luch- singer sur les glandes sudoripares de la patte du chat; j’ai comparé les glandes du côté droit, qui avaient été excitées, à celles du côté gauche qui ne l’ont pas été. Mais les moyens que j’ai employés n’é¬ taient pas suffisants pour arriver à un résultat satisfaisant. De plus, les glandes sudoripares du chat ne sont pas un matériel convenable pour une étude aussi délicate. Aussi, j’ai essayé d’opérer sur la chauve-souris, mais je n’ai pas pris les glandes sudoripares de la membrane a l aire parce qu’elles sont trop petites et très difficiles à voir et que l’épiderme est trop riche en pigment. J’ai pensé à agir sur les glandes qui sont en si grande abondance dans la joue ou la paroi

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buccale du murin ( Vespertilio murinus). J’ai maintenu solidement ranimai et j’ai excité d’un côté la paroi buccale à l'aide d’une pince électrique, avec un courant d’intensité moyenne. J’ai vu sortir les gouttes de sueur, au bout d'une demie minute, à peu près. J'ai coupé la tête d’un coup de ciseaux, détaché rapidement la peau du côté excité et du côté opposé. J’ai placé deux fragments dans l’alcool fort et, le lendemain, j’ai fait des coupes que vous pourrez examiner. Vous verrez qu'il y a, entre les glandes du côté excité et celles du côté opposé, de très grandes différences.

Du côté excité, la couche musculaire s’est contractée et a diminué la capacité de l'ampoule sécrétoire. La couche musculaire est épaisse et les cellules sécrétoires sont molles, comprimées, pressées les unes à côté des autres par la décomposition de forces qui s’est pro¬ duite. Elles ont été obligées de s'allonger, de sorte qu’elles se sont élevées dans l’intérieur de l'ampoule, diminuant encore sa capacilé. De plus, il s'est produit le phénomène suivant : certaines cellules, plus molles que les autres, comprimées, se sont élevées au-dessus de leurs voisines, et l'on dirait qu'on a sous les yeux ce qui a été décrit par Rollett et ses élèves sous le nom de cellules à pied. C’est un phénomène d’expérience, extrêmement simple, résultant de la com¬ pression exercée par la tunique musculaire de la glande.

J’ajouterai encore que chez la chauve-souris à l’état d’hibernation, il se fait une résorption du liquide accumulé dans les ampoules. Celles-ci sont revenues sur elles-mêmes et leur disposition, comme celle des cellules glandulaires, rappelle complètement ce qu’on ob¬ serve dans les ampoules qui ont été excitées par un courant d’induc¬ tion interrompu.

On ne peut être parfaitement fixé sur les modifications survenues dans les glandes du côté excité que par la comparaison avec celles du côté opposé qui n’a pas été excité; il faut comparer les glandes du même animal et l’on doit faire la comparaison d’une manière aussi complète et aussi rigoureuse que possible.

>A suivre.)

OBSERVATIONS SUR LES CHÆTONOTUS

[Suite l)

1. Chætonotus ( Icthydium ) podura , Ekb.

Le corps, d’après Ehrenberg, est linéaire oblong, la partie antérieure ren¬ flée, quelquefois trilobée, souvent légèrement resserrée, et la partie postérieure

(1) Voir Journal de Micrographie , T. XI, 1887, p. 77. The Microscope.

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fourchue. Il lui donne une longueur variant de 1/432 à 1/114 de pouce. Les quelques individus que j’en ai observés avaient la cuticule tout entière lisse et nue, à l’exception des quatre soies dorsales, déjà signalées comme existant dans chaque espèce, et des deux bandes longitudinales de cils ventraux. L’an¬ neau oral n’est pas bordé de perles. L’œuf, sur le seul spécimen que j’aie vu, et que j’ai négligé de mesurer, élait entièrement lisse. Les animaux, dans les eaux voisines de ma demeure sont plutôt au-dessous des mesures données par Ehrenberg.

2. Chætonotus sulcatus , sp. nov.

(PI. I, fig. 15).

Le caractère particulier de celte forme réside dans les sillons transversaux, profonds, que l’on observe ordinairement d’une manière très nette sur le dos et les côtés de l’animal. Rarement, ils sont presqu’oblitérés ou représentés par quelques rides peu profondes qui passent en travers du dos. Le corps est très mou et flexible et plus hyalin que celui des autres espèces observées jus¬ qu’ici, et les bords latéraux, qui sont tellement amincis qu’ils donnent au corps un aspect ailé, sont élégamment crénélés, ainsi que le dos, sur une vue de profil. La région postérieure, (PL I, fig. 15), entre la bifurcation caudale et la convexité dorsale, est rétrécie et beaucoup plus longue que dans toutes les autres espèces, particularité qui semble caractéristique. Quant à l’ovaire, il paraît placé beaucoup plus en avant, ce qui donne à l’oviducte une longueur peu commune. L’anneau oral n’est pas remarquablement perlé. L'oesophage n’a pas plus du sixième de la longueur du corps entier.

La taille varie de 1/13(5 à 1/237 de pouce. Dans la petite forme j’ai vu un œuf ovarien paraissant près d’être expulsé, possédant un noyau, et, à côté, était un autre œuf en voie de développement.

C’est un Icthydium , si ce genre doit être conservé.

3. Chætonotus concinnus , sp. nov.

(PL L % 6).

Le corps est oblong et les bords latéraux sont beaucoup plus près du pa¬ rallélisme que dans toutes les autres espèces observées. Le dos et les côtés sont couverts de petites saillies ou papilles, hémisphériques, serrées, dispo¬ sées en rangées obliques et donnant à l’animal un joli aspect, remarquable¬ ment élégant. Les deux glandes caudales sont particulièrement grosses et ap¬ parentes. L’espace ventral, entre les deux bandes latérales de cils locomoteurs, est entièrement nu. Le corps a une longueur de 1/265 de pouce, et l’œuf, dont la surface est lisse, mesure 1/467 de pouce de long.

4. Chætonotus Slackiæ , Gosse.

(PL L fig. 7).

Chez celui-ci la partie caractéristique est la tète, qui n’est pas lobée mais présente assez le contour de la moitié d’une courte ellipse (fig. 7,) formant un angle abrupt avec le cou qui est un peu plus délié, relativement au corps, que dans le Chætonotus larus, Ehb., auquel l’animal ressemble par ses propor¬ tions générales. La surface supérieure est nettement marquée de points en

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quinconce, cette partie étant, d’ailleurs, ainsi que les côtés, garnie de soies très fines, médiocrement longues et dirigées en arrière. Le corps a 1/135 de p. en longueur.

Je n’ai pas observé cette forme et je suis redevable de ces détails, ainsi que des suivants, à l’auteur qui l’a découverte.

C’est chez cette forme que M. Gosse a découvert le système vasculaire aquifère de ce genre. Dans son spécimen, ce système consistait en deux vais¬ seaux tortueux, visibles l’un sur un côté de la cavité du corps et l’autre sur l’autre côté. Ils étaient faciles à suivre, en arrière, jusqu’à la bifurcation cau¬ dale, et, en avant, dans la tète, ils finissaient en un bulbe claviforme. Dans la région ventrale de la même partie, il y avait deux vacuoles globuleuses, réfringentes, non reliées aux bulbes vasculaires, et l’une disparaissait par moments. Ce sont peut-être des vésicules contractiles.

La fig. 7, PL L montre le contour de la tête chez cette espèce.

5. Chætonotus gracilis , Gosse.

Le corps, dans cette forme, est long et étroit; la tête est assez triangulaire avec cinq lobes arrondis, distincts, et rejoint abruptement le cou étroit. L’œso¬ phage est très long, s’étendant jusqu’au milieu du corps, et juste avant qu’il entre dans l’intestin, les parois musculaires, épaisses, se rétrécissent subite¬ ment à la dimension du tube lui-même. Les soies, sur la moitié antérieure du corps, sont disposées en quinconce et les poils fins du dos et des côtés sont recourbés. Cette espèce, que je n’ai pas vue, serait facilement reconnaissable à la structure inaccoutumée de l’œsophage.

6. Chætonotus brevis, Ehb.

Ehrenberg décrit ainsi cette espèce, que je n’ai pas rencontrée : Corps court, ovale oblong. légèrement resserré près de la partie frontale, élargies ne présentant que peu de soies dorsales dont les postérieures sont très longues. Les œufs sont petits. Longueur du corps : 1/432 de pouce.

7. Chætonotus maximus , Ehb.

La forme que j’ai rapportée à cette espèce n’est pas commune ici. Celle-ci est décrite par son auteur comme un grand Chætonotus ayant les soies du dos courtes et de la même longueur. Mais, à moins que j’aie fait une erreur de détermination, lès appendices cuticulaires devraient être désignés comme épines, et elles sont quelquefois plus longues en arrière que dans les autres parties. Elles sont souvent courbées dans un sens indéterminé et disposées un peu en dehors de l’arrangement ordinaire longitudinal, de sorte que l’animal a l’air malpropre, échevelé : c’est une bête de mauvaise mine. Les épines s’élèvent sur une base élargie, directement sur la surface cuticulaire et non par l’intermédiaire d’écailles. Elles sont très inégalement fourchues, avec une branche très petite qui n’est souvent qu’une petite projection linéaire. L’an¬ neau oral est bordé d’un rang de perles. L’espace entre les bandes de cils ventraux est couvert de soies courtes, hispides, recourbées, avec deux ou plusieurs longs poils se projetant derrière le bord postérieur. L’animal a 1/120 de pouce environ de longueur. Je n’ai pas vu l’œuf.

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8. Chætonotus squamatus, Duj.

Dujardin dit dans sa description que ce Chætonotus est muni sur le dos, de courtes soies, élargies à la base en écailles pointues et régulièrement im¬ briquée. Yu de dessus il parait couvert trans versement de ces écailles qui forment sept rangées longitudinales, mais quand on examine le profil, on voit que les écailles sont les bases élargies d’autant de soies courtes qui garnissent le dos tout entier et même les deux branches de la bifurcation caudale. Je ne suis pas certain qu’aucune des formes que j’ai rencontrées puisse être rap¬ portée à celle-ci. Certainement, personne ne pourrait, avec les fins objectifs que nous avons aujourd’hui, tenir pour exact le fait avancé par Dujardin que les soies ou écailles ne peuvent être vues que sur l’animal examiné de profil. Dans un seul cas, j’ai vu pendant un moment un Chætonotus qui pourrait être le Ch. squamatus , mais je l’ai perdu avant d’avoir pu l’étudier conve¬ nablement.

9. Chætonotus larus , Ehb.

(PI. I, fig. 11)

Le dos et les côtés sont garnis de rangées longitudinales de courtes épines coniques, quelquefois, toujours, d’après la description d’Ehrenberg, plus longues postérieurement. L’anneau oral n’est pas perlé, mais les cils oraux se projettent au-delà du bord en une seule rangée de soies. L’arrangement des cils ventraux varie suivant les individus, peut-être suivant les différentes loca¬ lités. Mais dans le plus grand nombre de ceux que j’ai vus, les cils forment deux bandes latérales longitudinales. Dans quelques cas, toute la surface ven¬ trale antérieure, dans un espace égal à la longueur de l’œsophage, était entiè¬ rement ciliée, les cils se continuant en deux bandes jusqu’à la bifurcation caudale, et en deux étroites lignes centrales s’étendant sur le même espace. On décrit ordinairement l’animal comme ayant quatre lignes de cils ventraux.

Fernald et Ludwig ont observé tous les deux une couche externe de petites cellules entourant les grandes cellules de l’intestin, et Ludwig a découvert sous la partie postérieure de l’intestin une glande qu’il pense être le testicule. Elle est remarquablement développée dans quelques individus ; chez d’autres, elle n’est pas apparente. On la voit dans la planche II (fig. 11 c.) Chez ceux que j’ai observés, la longueur de la glande était d’environ 1/2125 de pouce.

10. Chætonotus tessulalus, Duj.

Je n’ai connaissance que d’une allusion accidentelle à cette forme dont je n’ai pu trouver la description originale.

11. Chætonotus hystrix , Metzch.

La surface dorsale est entièrement couverte de longues épines recourbées, inégalement fourchues. Celles de la région centrale du dos sont les plus lon¬ gues. Elles décroissent graduellement en longueur vers chaque extrémité. Je n’ai pas rencontré celte espèce.

D‘ A. C. Stores.

suivre.)

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

DE LA SOLUTION D’H YPOGHLORITE DE SODIUM

AVEC EXCÈS DE CHLORE

Et de so7i efficacité comme décolorant (1)

Cette solution se prépare en dissolvant 8 parties de soude caustique dans 100 parties d’eau distillée et en y faisant barboter du chlore jusqu’à ce qu’elle soit presque saturée- Dans cette opération le chlore agissant sur la soude dis¬ soute forme du chlorure et de l’hypochlorite de sodium, comme l’indique l’équation suivante :

2 Na HO + 2 Cl = H20 + NaCl + NaClO.

La solution contient ainsi 7,45 pour 100 d’hypochlorite de sodium. Mais pour qu’elle contienne cette quantité d’hypochlorite, jl faut que la solution de soude caustique soit maintenue froide par un mélange de sel et de glace pilée pendant tout le temps que dure le passage du chlore. En effet, si l’on cesse de refroidir, la solution de soude caustique se réchauffe par le passage du chlore et ses effets sont alors différents de ceux indiqués plus loin. La quan¬ tité d’hypochlorite de soude qui se forme dans ce cas, est très faible, et peut même être nulle si la température s’élève trop. Toute la soude se convertit alors en chlorure et en chlorate de sodium, comme le montre cette autre équa¬ tion :

6 Na HO + 6 Cl = 3 H20 + 5NaCl + NaClO3.

La solution, préparée comme il a été dit, à l’odeur vive du chlore et est d’une couleur vert jaunâtre, laquelle est d’autant plus intense que le refroi¬ dissement de la solution de soude caustique a été plus grand pendant le passage du chlore ; mais cette coloration, sous l’influence de la lumière, va en diminuant peu à peu et finit par disparaître. Le même effet se produit avec le temps, bien que la solution ait été soustraite à l’action de la lumière. Il faut noter qu’en même temps que sa coloration va en diminuant son pouvoir déco¬ lorant diminue aussi.

Pour savoir d’où provient cette diminution dans l’efficacité de la solution, il faut d’abord rechercher de quelle cause résulte cette efficacité elle-même. Nous pouvons donc dire que le pouvoir décolorant de la solution provient tout entier des substances qu’elle contient, c’est-à-dire de l’hypochlorite de sodium et de la grande quantité de chlore libre, et, en outre, de l’alcalinité de la liqueur. Le pouvoir décolorant de l’hypochlorite et du chlore est dû, comme on le sait à la propriété qu’ont ces corps de mettre en liberté de l’oxygène qui, se trouvant à l’état naissant, agit sur les substances avec lesquelles il se trouve en contact avec beaucoup plus de force et d'activité que quand [il est simple¬ ment libre. Quant à l’alcalinité de la solution, elle ne fait qu’activer l’action décolorante des deux corps susdits en rendant les tissus plus aptes à éprouver cette action. Maintenant, sous l’influence de la lumière ou seulement du temps,

(1) Note présentée à YAcad. Rov. des Sc. de Bologne le 11 décembre 1886.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

155

les corps qui entrent dans la solution se transforment peu à peu et donnent naissance à de l’acide chlorhydrique et à du chlorure de sodium, tandis que de l’oxygène est mis en liberté. Celui-ci, en partie, en quittant ces composés s’unit à l’eau et forme du bioxyde d’hydrogène.

Nombreuses et répétées ont été les expériences que nous avons faites avec cette solution sur les matières colorantes tant des végétaux que des animaux afin d’en étudier le pouvoir décolorant. Parmi les premières, nous avons essayé la solution sur les matières qui colorent les feuilles en un vert plus ou moins foncé, et sur celles plus variées et plus vives des fleurs, et nous avons trouvé que toutes ces couleurs sont détruites plus ou moins rapidement. Parmi les secondes, nous l’avons expérimentée, avec le même succès, sur les diverses sortes de matières colorantes qui se trouvent dans les yeux des insectes, des crustacés, sur le noir de l’épithélium rétinien et sur la choroïde des Vertébrés, sur les diverses espèces de cellules colorées répandues dans le tissu conjonctif lâche des reptiles et des amphibiens. En outre, et c’est un point important à noter, nous pouvons ajouter que nous avons aussi trouvé la solution efficace sur les difïêrentes teintes de noir de l’enveloppe externe chi- tineuse des insectes et sur les pigments mélaniques morbides. Ces deux dernières espèces de matières colorantes et celle de l’épithélium rétinien étaient jusqu’à présent considérées comme inaltérables par les réactifs chi¬ miques les plus puissants qu’on connaisse.

Il est bon cependant d’être prévenu que les fragments à décolorer doivent être d’abord durcis dans l’alcool ou dans les solutions d’acide chromique ou de bichromate d’ammoniaque ou autre. Il faut savoir aussi que les noyaux des tissus organiques traités par la solution décolorante ne se laissent que difficile¬ ment teindre par le carmin, l’hématoxyline et les autres réactifs colorants dérivés de l’aniline. C’est un signe certain que ces tissus ont subi une al¬ tération dans leur organisation intime, bien que leur forme ne paraisse pas sensiblement modifiée.

Ainsi, nous croyons, d’après tout ce que nous avons rapporté plus haut, pouvoir affirmer avec raison que la solution d’hypochlorite de sodium avec excès de chlore, surpasse en efficacité tous les réactifs décolorants que les histologistes ont jusqu’à présent employés dans leurs recherches.

Prof. C. V. Ciaccio,

Dr G. Campari.

De l' Université de Bologne

Sur le Phylloxéra punctata (I).

IL

Système nerveux.

Les recherches suivantes relatives au système nerveux du Phylloxéra punctata, qui vit sur le chêne à fleurs sessiles, sont basées sur de nombreuses dissections opérées : sur la forme agame aptère à œufs agames, étudiée à ses différents

(1) Voir Journal de Micrographie, t. II, p, 85.

156

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

âges et avant l’éclosion de l’œuf; sur la forme agame aptère à œufs dioïques ; sur la nymphe ; sur la forme agame isolée ; sur la forme dioïque mâle ; sur la forme dioïque femelle. Elles s’appuient, en outre, sur des études com¬ paratives, faites sur différents types de Pucerons et de Goccidés.

Dans la forme agame aptère adulte du Phylloxéra, le cerveau, réduit dans ses dimensions, allongé transversalement, présente une série de centres secon¬ daires parmi lesquels on paraît pouvoir distinguer les lobes cérébraux primitifs, les ganglions optiques latéraux ( lobi opt-ici) e t des lobes supérieurs innervant les antennes ( lobi olfactorii).

Le ganglion sous-œsophagien, auquel se trouverait accolé le ganglion thora¬ cique, présente deux paires de centres distincts, ; il se relie, par de longs pédon¬ cules, au ganglion sus-œsophagien et, par de beaucoup plus courts, aux autres gan¬ glions thoraciques. Cesderniersformentunemasse allongée, ovalaire, dans laquelle on distingue facilement trois paires de centres ganglionnaires plus larges, suivis d’un prolongement beaucoup plus étroit, formé de cinq à six petites masses plus ou moins intimement confondues et représentantlapartie abdominale de la chaîne. Celle-ci se termine par un tronc nerveux, gros et allongé qui se subdivise en une série nombreuse de branches. Nous ne pouvons insister ici sur le mode d’origine et de distribution des différents nerfs fournis par la chaîne ganglionnaire. Les branches destinées aux viscères se font remarquer par la présence de petits amas de cellulles nerveuses surajoutées. Nous avons pu suivre les filets nerveux tégumentaires, dont quelques-uns paraissent aboutir à des corps ovalaires à saillie en forme de tête de clou, qui remplissent des sortes de cupules chiti- neuses saillantes. Les filets destinés aux muscles se terminent par un cône de Doyère parfois bien appréciable.

Dans les formes jeunes, la masse ganglionnaire sous-œsophagienne est plus allongée et les pédoncules commissuraux sont de plus en plus courts. Leur brièveté est surtout remarquable dans l’embryon, la chaîne ganglionnaire, composée d’autant de parties qu’il y a de segments dans le corps, occupe celui- ci dans toute sa longueur. Cette étude peut-être faite d’une façon assez complète au moment du retournement de l’embrvon dans l’œuf. Chez la nymphe, la chaîne ganglionnaire se concentre de plus en plus dans les régions antérieures du corps ; des amas nouveaux de substance nerveuse se produisent aux points d’émergence des nerfs des ailes, ce qui élargit la partie correspondante de la chaîne. Les commissures interganglionnaires se réduisent de plus en plus et le cerveau prend, par contre, un développement tout spécial, en rapport avec l’ap¬ parition des nouveaux organes des sens. Le résultat de ces modifications, que nous avons suivies dans toutes leurs phases, se traduit surtoul par l’accroissement considérable des lobes optiques, les yeux composés de nouvelle formation venant s’intercaler en avant des trois ocelles primitives, qui ont persisté. Un centre dis¬ tinct paraît innerver l’organe spécial situé en avant et en dedans des yeux com¬ posés. Le volume et, jusqu’à un certain point, la forme et la constitution de cet organe (membrane transparente tendue sur un cadre chitineux, gros corps len¬ ticulaire unique auquel aboutissent de petites saillies bâtonnoïdes, sans doute de nature nerveuse) le distinguent des ocelles proprement dites. Serait-ce un appa¬ reil tympanal destiné peut-être à l’audition ?

Dans les formes dioïques, mâle et femelle, la partie centrale du système ner¬ veux offre la plus grande analogie, sauf la forme plus arrondie du cerveau et l’absence presque complète des commissures nerveuses pédonculaires, par suite de l’accolement intime du ganglion sous-œsophagien, singulièrement réduit dans

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

157

son volume, d’une part au ganglion sus-œsophagien, d’autre part aux ganglions thoraciques encore bien distincts. Le tronc nerveux qui fait suite à ces ganglions est court et se termine en un pinceau de branches nerveuses, que nous avons pu étudier d’une façon assez complète.

Chez une femelle récemment éclose, et par suite très favorable à l’étude par transparence, nous avons pu étudier dans tous ses détails le nerf antennaire, qui présente deux dilatations successives, la dernière surmontée des saillies de la fossette olfactive, si complètement figurées par M. Balbiani.

Le système nerveux de la vie organique paraît consister principalement en un tronc nerveux relativement développé, qui présente bientôt lui-même une petite masse ganglionnaire formée de huit cellules et à la suite de laquelle il se divise en deux branches, l’une plus courte destinée à l’intestin antérieur et à l’intestin moyen, l’autre plus longue qui suit le vaisseau dorsal et qui paraît innerver l’intestin postérieur, les organes génitaux et la dilatation postérieure et contractile du vaisseau dorsal. Nous avons pu étudier cette partie du système nerveux à la fois dans les formes dioïques et dans les formes agames aptère et aiiée.

Dans la forme agame aptère nos recherches ont porté spécialement sur le plexus d’innervation de l’intestin moyen, qui ne contiendrait pas moins de douze branches entremêlées de cellules nerveuses. Des plexus analogues innervent l’intestin postérieur et les organes génitaux.

Dr V. Lemoine,

Professeur a l'École de Médecine de Reims.

BIBLIOGRAPHIE

1

La vérité sur M. Pasteur, par M. Paul Boullier (1).

« Le devoir du citoyen qui veut se rendre utile à la société est de travailler sans cesse à propager les idées saines et à combattre, par tous les moyens possibles, les idées erronées que certaines illustrations répandent au milieu des masses. »

Telle est la pensée qui a porté M. P. Boullier, médecin vétérinaire bien connu, récemment encore vétérinaire départemental en Eure-et-Loire, à faire, le 25 juillet dernier, sous la présidence du Dr Ghassaing, à la Mairie du IVe arron¬ dissement de Paris, une conférence qu’il a appelée « anti-pastorienne. » Et c’est cette conférence que la Librairie Universelle vient de publier en volume.

Toutes les personnes qui s’intéressent à ces questions se rappellent le succès qu’ci eu cette conférence, bien qu’elle fut faite dans le temps ou l’enthousiasme du public pour les « découvertes » de M. Pasteur était ci son apogée ; on se souvient qu’un grand nombre de notabilités scientifiques avaient tenu ci assister M. P. Boullier dans sa courageuse protestation contre l’entrainement inconsidéré, non seulement du public, mais encore du monde savant qui voulait faire des théories pastoriennes un dogme et de M. Pasteur un dieu. Le Journal de Micro¬ graphie a depuis trop longtemps, et pour ainsi dire avant tout le monde, sou¬ tenu les idées de M. P. Boullier, pour que nous ayons besoin de faire ici, par le menu, l’analyse de sa conférence. Nous nous bornerons donc a recommander a

(1) 1 vol. in-12. Paris 1887, Librairie Universelle, 41, rue de Seine.

158

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

tous la lecture de ce livre, fort bien fait d’ailleurs, dans lequel M. Boullier a réuni ses arguments, groupé les faits, présenté enfla les choses dans leur véritable jour, et, après avoir exposé le peu de fondement des doctrines microbiennes étendues à toute la pathologie, montré en vertu de quelles singulières conceptions M. Pasteur est arrivé à la pratique absurde des inoculations de moelles de lapin contre la rage.

C’est une lecture curieuse et édifiante pour ceux qui savent, et instructive pour ceux qui ne savent pas.

II

La tuberculose des animaux et la Phtisie humaine , par M. G. Butel (1).

C’est une bonne étude sur la tuberculose, dans laquelle l’auteur, vétérinaire à Meaux, après avoir fait l’historique de la question, et établi que la tuberculose est urre maladie microbienne virulente, examine les différents modes de la contagion d’homme à homme, de l’homme aux animaux, des animaux à l’homme, des animaux entr’eux ; recherchant les voies de l’infection tuberculeuse par les différents appareils, organiques il reconnaît la contagiosité de la maladie sous toutes ses formes et par toutes les voies, et conclut par l'indication des mesures rigoureuses que devrait prendre la police sanitaire pour préserver les popula¬ tions de l’infection tuberculeuse par les animaux et notamment par les animaux de boucherie.

Cette étude est fort bien faite et quoique le sujet ne soit pas nouveau, très intéressante.

III

Muscologia Gallica. Description et figure des Mousses de France et de quelques espèces des contrées voisines , par T. Husnot, (5e livraison).

Nous avons annoncé au moment ou elles ont paru, les précédentes livraisons de ce joli ouvrage, nous n’avons donc pas à revenir sur son ordonnance et sur la méthode que l’auteur a suivie ; le fascicule que nous recevons aujourd’hui est consacré aux genres suivants:

Grimmia , Rhacomitriuw , Hedwigia,, Coscinodon, Ptychomitrium, Glyphomitrium Amphoridium , Zygodon , Ulota et Orthotrichum.

La livraison est accompagnée, comme les précédentes, de 6 planches finement dessinées par l’auteur et représentant les caractères distinctifs non seulement des genres mais encore des espèces.

IV

Revue Mycologique publiée par M. C. Roumeguèrc à Toulouse (avril 1887).

Révision monographique du genre Geaster, Mich. parle Rr G. B. de Toni.

Enumération de quelques Lichens de Nouméa , par le Dr J. Muller

Fungi Guaranitici , par le Dr C. Spegazzini.

Encore le Schewendenerisme par M. O. J. Richard.

V

Bulletin scientifique du département du Ncrd (n° 1-2, 1887).

La castration parasitaire, par le professeur A. Giakd.

Fragments biologiques, par le professeur A. Giard.

VI

Bulletin de la Société lmp. des Naturalistes de Moscou. (1886, 3) :

(1) Br. in*8°, Paris, 1887. Asselin.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

159

Sur l'Agromyza lateralis , Macq. et ses métamorphoses , par le professeur K. Lin-

deman (en Allemand).

Matériaux pour servir à l'étude des Algues du gouvernement de Moscou , par

M. A. Artari.

Ce travail qui fait suite à un premier article inséré dans le même Bulletin , (1885, III) a été entrepris dans le laboratoire du professeur Goroschankine. Il comprend quelques Œdogoniées, Confervacées, Protoccacées, Zygnémées, et surtout des Diatomées au nombre de 62 espèces. Il est écrit en français.

Matériaux pour la faune des Infusoires et des Articulés (en Russe).

VII

Notes on histologicaL méthods, for pathological and vegetable anaiorny ,

par le Dr S. H. Gage (1).

Notes on microscopical methods par le Dr S. H. Gage (2).

Le Dr S. H. Gage, professeur adjoint à Y « Université Gornell » d’Ithaca (N. Y), a rédigé ces deux excellents petits ouvrages pour l’usage des élèves du labora¬ toire d’Anatomie de cette Université.

Le premier est un petit traité de technique qui résume en 56 pages les princi¬ pales méthodes employées aujourd’hui en histologie et décrit le manuel opéra¬ toire que l’étudiant doit suivre en exécutant une série de préparations types à l’aide desquelles il complétera son instruction micrographique. C’est donc un guide, très pratique, de l’étudiant histologiste. Il comprend les chapitres suivants: étude des tissus vivants ; isolation et conservation des éléments ; durcissement des tissas ; coupes et montage ; coupes en séries ; injections fines ; réactifs. Trois chapitres spéciaux ont été ajoutés relativement aux méthodes de l’his¬ tologie pathologique, de l’anatomie végétale, et de la micrographie légale.

Enfin, l’ouvrage se termine par une liste bibliographique des auteurs et des publications.

Le tout comme nous le disions, en 56 pages petit texte, imprimées comme on imprime en Amérique, c’est à dire admirablement.

Le second cahier de « Notes » est une description du microscope, et de son mode d’emploi. En voici les chapitres : le microscope et ses parties ; interpréta¬ tion des images ; grossissement, micrométrie et dessin; objectifs à correction, à immersion, etc. Avec un appendice relatif à l’inclusion dans la celloïdine, au comptage des globules du sang, aux appareils à injection etc.

Total 36 pages, avec une préface de 6 lignes et des figures schématiques au- tographiées collées sur des feuillets ménagés en blanc en regard de chaque page du texte.

Et encore un petit bijou typographique.

Ces deux cahiers de Notes peuvent remplacer bien des gros volumes.

OFFRES ET DEMANDES (3)

A VENDRE

33. Lanternes à projections, sur quatre colonnes de cuivre, condensateur de 105 mil.; 7 objectifs doubles achromatiques ; lampe à pétrole, 3 mèches. 85 fr. Cet appareil peut recevoir tout espèce d’éclairage.

(1) Broch. in-8°, 1885-85. Ithaca, N. Y.

(2) Broch. in-8°, 1886-87. Ithaca, N. Y.

(3) S’adresser an bureau dLu. Journal. Les articles portés au pré¬ sent Catalogue sont expédiés, à défaut d’indications spéciales, par la voie la plus

160

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

34. Saccharimètres de Soleil-Duboscq avec 4 tubes de 20 c. . . . 135 fr.

35. Machine dynamo-électrique Gérard, 05, 35 Volts, 7 Ampères. 160 fr.

36. Viseur à lunette, colonne ronde de 70 centim. ; pied triangle à vis calantes,

niveau et vis de rappel . 75 fr.

37. File électrique de Ducretet, 6 éléments montés à treuil .... 85 fr.

38. Appareil électro-médical de Dubois- Reymond ; 3 bobines . . 40 fr.

39. Sonnerie électrique à relais ; 20 kilom. de résistance .... 20 fr.

40. Objectif photographique double à portrait, extra rapide, de De-

rogy à monture a vanne, 8t mill. 5 . 140 fr.

41. Grille pour analyses organiques 60 c. de long . 80 fr.

42. Moteur électrique Camacho, 4 électros à noyaux multiples . . . 180 fr.

43. Caisse de résistance 100 Ohms, 1, 2,2, 5, 10,20 et 50 à 16° de Boisse-

lot . . . 70 fr.

44. Appareil de Bertsch, pour photographie microscopique, complet en

boite . . . ... 40 fr.

45. Télégraphe électrique de Wheatsone, manipulateur et récepteur de

construction anglaise, les deux postes . . 100 fr.

46. Machine électrique de Ramsden, 2 conducteurs sur table en noyer verni ;

plateau en glace de 1 mètre . . . ... 500 fr.

47. Boîte à lumière avec chalumeau oxyhydrique . 60 fr.

48. Chambre noire à prisme de Chevalier avec pied, rideau, table etbte 65 fr.

49. Machines Gramme, dynamo : . . . 380, 480 et 725 fr.

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51. Machine Alliance, 6 disques, au lieu de 8,000 fr . 2,000 fr.

id. id. 4 disques, au lieu de 6,000 fr . 1,800 fr.

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53. Sextants en cuivre, à lunette, de diverses marques, de 60 fr. à . . 120 fr.

54. Goniomètre de Babinet au lieu de 200 fr . 145 fr.

Cet appareil peut servir à mesurer les angles des cristaux et des prismes et à trouver les indices de réfraction des solides et des liquides. On peut aussi aisé¬ ment le transformer en spectroscope.

55. Machines dynamos de Wilde de 4, 6, 10 foyers, au lieu de 3,000, 3,50d

4,000, prix : 450, 600 et . . . . 750 fr.

Ces machines se composent en principe de deux bâtis portant chacun un cercle d’électro-aimants entre lesquels peut tourner un plateau portant des bobines placées en regard des électro-aimants ; ceux-ci forment l’inducteur et le plateau

tournant l’induit.

56. Régulateurs de lumière électrique système Carré. Au lieu de 450 fr. 180 fr.

57. Lampes à arc système Bréguet et Cance Au lieu de de 300, 350 fr. 160 fr.

58. Lampes à arc Mondos, doubles charbons Au lieu de 200 fr. . . 75 fr.

59. Bobines d’induction de Rühmkorff. de chaleur, de 75 à . , 150 fr.

60. Bobines d’induction 3 m[m à 5 fr 30 m[m à commutateur 65 fr 20 à 380 fr.

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48 millim., rapide pour groupes, à vendre . *85 fr.

62. Objectif photographique Steinheil- Weitwinheil. Aplanat 43m spécial

pour reproduction ; au lieu de 450 fr . c50 fr.

63. Phonographe Edison a main, cyl. de 145mm diam. au lieu de 100 fr. 60 fr.

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102. Un télescope de 0,95 d’ouverture, pied zénithal, 6 oculaires, très bon ob¬ jectif, monture d'amateur . . . 120 fr.

On échangerait contre bon microscope.

103. Théodolite très bon pour relevés topographiques . 95 fr.

Ou échangerait contre téléphone ou télégraphe Morse.

avantageuse, contre mandat ou remboursement. La demande doit rappeler le nu¬ méro d’ordre de l’article au Catalogue. Le port et l’emballage sont à la charge de l’acquéreur.

Le Gérant: Jules Pelletan, Fils.

Amiens Imprimerie Rousseau-Leroy,

Onzième année

5

Mai 1887

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE *.

Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. Évolution des Microorganismes animaux et végétaux [suite), leçons faites au Collège de France, par le Prof. G. Balbiani. Charles Chevalier Notes sur la microscopie technique appliquée à l’histoire naturelle, par le prof. J Brun. Procédés pour l’examen microscopique et la conservation des ani¬ maux à la station zoologique de Naples [suite), par M. J. M. de Castellarnau y de Lleopart. Chronique de la Rage, par M. G. Percheron. Sur les maladies des plantes, par M. Chavée-Leroy. Sur l’organisation et les métamorphoses de l’Js- pidiotus du laurier rose, par le prof. V. Lemoine.

TRAVAUX ORIGINAUX

LE MECANISME DE LA SECRÉTION

Leçons faites au Collège de France en 1886-87 par le professeur L. Ranvier.

(Suite1.)

Je vous ai décrit les modifications qui se produisent sous l’influence de l’excitation dans les cellules glandulaires de fampoule sudoripare des chauves-souris. Vous avez vu que ces modilications paraissent, au premier abord, très considérables puisqu’au lieu d’un revêtement épithélial semblable à celui qui existe dans les cellules au repos, nous avons des cellules très irrégulières de forme et de longueur, et l’on pourrait croire qu’il en existe plusieurs couches. En réalité, il rfy en a qu’une seule, mais certaines cellules se sont allongées et dépassent celles qui paraissent former une première rangée. Je crois

H) Voir Journal de Micrographie, t. X, 1886, et t. XI, 1887, p. 7, 62, 99, 142

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

que ce sont des modifications purement physiques, résultant de la pression exercée par la musculeuse au moment de la contraction, par suite de la décomposition de forces que vous connaissez. Sous l’influence de la diminution de l’espace réservé à l’épithélium, les cellules ont été pressées les unes contre les autres, et celles qui offrent le moins de résistance ont été refoulées par les cellules voisines ; c’est ce qui explique ce que nous avons vu sur les coupes.

Dans tout cela : diminution de la capacité de l’ampoule, épaissis¬ sement de la musculeuse, modification des cellules épithéliales, il n’y a rien que l’on puisse rattacher au mécanisme intime de la secrétion. Ce sont des phénomènes d’excrétion.

Maintenant, il se présente une question, relative à l’expérience si remarquable de Luchsinger et à propos de l’action des nerfs sur les glandes sudoripares et sur l’excrétion. Vous connaissez l’expérience. Je crois que relativement à l’action des nerfs, la physiologie a devancé de beaucoup l’histologie. Ainsi, en ce qui regarde les glandes sudoripares de l’homme, quel que soit le procédé de la méthode de l’or que l’on emploie, et sur les préparations les mieux réussies, on voit arriver aux glomérules sudoripares des fibres nerveuses très nombreuses; on les voit former, dans la tunique connective, un plexus à fibres très fines, anastomosées, et limitant des mailles assez étroites, mailles à direction perpendiculaire, en général, au grand axe du tube sécréteur. On voit un certain nombre de fibres émanant de ce plexus traverser la membrane propre et arriver à la couche musculaire. Du côté de celle-ci, dans les coupes les plus convenables, on voit, entre les éléments musculaires, des lignes violettes qui pourraient être formées non-seulement par la substance intercellulaire, mais aussi par des fibres nerveuses appartenant au plexus que l’on connaît bien dans d’autres organes composés de fibres musculaires lisses, le plexus intra-musculaire. Il y aurait donc, dans les glandes sudo¬ ripares de l’homme, autant qu’on peut en juger par des préparations qui sont, je l’avoue, encore bien incomplètes, un plexus fondamental situé dans la tunique connective du tube sécréteur et un plexus intra-musculaire.

A la rigueur, on peut l'admettre ; d’autant plus qu’en comparant la partie du glomérule formée par le tube sécréteur et celle qui est formée par le canal excréteur, on voit qu’il y a une très grande diffé¬ rence. On constate tout de suite que le tube excréteur possède un appareil nerveux beaucoup plus riche et plus compliqué. Mais quant aux fibres nerveuses qui peuvent pénétrer au-delà de la tunique mus¬ culaire, il n’y a rien de certain. Les cellules épithéliales du tube sécré¬ teur sont colorées en un violet intense sur lequel les fibres nerveuses

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imprégnées d’or ne se détachent pas. Et encore, relativement au plexus intramusculaire, il faut laisser un point d’interrogation.

Vous me direz sans dôm e que les glandes sudoripares des chauves- souris, qui sont beaucoup plus simples que celles des autres Mammi¬ fères et de l’homme, doivent être très favorables à l’étude des termi¬ naisons nerveuses. Je le croyais et, pendant plusieurs années, toutes les fois que j’ai eu l’occasion, j’ai cherché à faire des préparations démonstratives sur le murin, sur la pipistrelle, sur la noctule, sur le fer-à-cheval, et je n’ai jamais pu obtenir rien de satisfaisant, quelle que soit la région de la peau que j’ai étudiée et même la membrane alaire du murin qui paraît si favorable, qui est si mince et qu’on peut dédoubler encore en faisant agir les solutions sur la partie profonde. Dans les préparations que j’ai faites au mois de juin dernier, j’ai eu à ma disposition plusieurs murins, je suis arrivé à de meilleurs résultats, probablement parce que je suis plus expérimenté, mais encore très insuffisants. J’ai vu des libres appartenant au riche appareil nerveux de la membrane arriver aux ampoules sudoripares, mais ces ampoules sont colorées en violet intense, et cette coloration porte aussi bien sur les cellules musculaires que sur les cellules épithéliales. Dans quelques glandes j’ai cru apercevoir, avec une lumière très vive, les fibres musculaires, disposées obliquement, comme vous le savez, séparées par des bandes violettes. Mais je ferai, à propos de ces bandes plus foncées que les cellules musculaires elles-mêmes, la même réflexion que je faisais tout à l’heure relativement aux cellules muscu¬ laires des glandes sudoripares de l’homme.

Néanmoins, je crois qu’il ne faut pas désespérer, qu’il faut recom¬ mencer encore ces préparations, profiter des occasions, en choisissant surtout ta membrane alaire du murin. Je crois qu’on arrivera, soit en modifiant un peu la méthode, soit en se plaçant dans des conditions plus favorables, à obtenir des préparations démonstratives, en ce qui regarde le plexus intramusculaire, car il y a certainement des termi- minaisons musculaires, chaque élément musculaire représentant la cellule formative devant être innervée spécialement. Mais quant aux terminaisons glandulaires, c’est autre chose. D’abord, existe-t-il des terminaisons de ce genre ? Je dirai même qu’il y a, je crois, beau¬ coup de cellules glandulaires, fonctionnant comme telles, qui ne reçoivent pas de nerfs. Il est certain que la cellule sébacée n’est pas accompagnée dans tout le trajet de son évolution par des fibres nerveuses. Je ne crois même pas qu’elle en possède. Pour d’autres, je ne puis rien dire, mais ce que je puis affirmer, c’est que, jusqu’ici personne n’a donné la démonstration de l’existence de fibres nerveuses se terminant dans les cellules glandulaires.

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Il n’y a de glandes sudoripares que chez les Mammifères, mais on peut rencontrer leur équivalent chez d’autres animaux, par exemple dans les glandes de la peau des Batraciens. Nous allons voir si ces équivalents présentent des dispositions qui éclaireront la structure des glandes sudoripares des Mammifères et nous permettront d’aller plus loin dans l’étude du mécanisme intime de la sécrétion.

Chez les Batraciens anoures, on rencontre trois espèces de glandes cutanées qni diffèrent entr’elles au point de vue anatomique et physio¬ logique : des glandes séreuses, des glandes muqueuses et des glandes à venin. Je sais bien que les auteurs qui m’ont précédé n’ont pas trouvé ces trois espèces de glandes, mais elles sont tellement nettes qu’il n’y a pas le moindre doute sur ces trois sortes de glandes, au moins, plus une quatrième, chez le mâle, les glandes de l’appareil copulateur, les glandes du pouce.

Chez les Batraciens urodèles, on 11e trouve pas toutes ces espèces de glandes. Ainsi chez le protée, qui vit exclusivement dans l’eau, et n’est pas un amphibie, je n’ai trouvé qu’une seule sorte de glandes, des glandes muqueuses. C’est important. Chez les salamandres et les tritons crêtés, marbrés et alpestres on trouve des glandes muqueuses et des glandes à venin ; mais j’ai vainement cherché des glandes séreuses. Cependant, les tritons et la salamandre terrestre sont amphibies, vivent dans l’air et dans l’eau ; par conséquent, les glandes séreuses ne sont pas absolument nécessaires aux Batraciens amphibies.

Examinons d’abord les Batraciens anoures et prenons la grenouille verte ( Rana esculenta ) ou la grenouille rousse (R. fusca ou tempo- raria). Les régions de la peau existent les trois espèces de glandes sont nombreuses : tel est, par exemple, le bourrelet latéral du corps. Si l’on enlève la peau au niveau de ce bourrelet, qu’on fasse durcir le fragment dans l’alcool ou mieux dans l’acide osmique, au bout de 24 heures de séjour dans ce liquide, on peut faire des coupes perpendi¬ culaires à la surface de la peau et à l’axe du bourrelet, par exemple dans la région moyenne. Si l’on examine ces coupes avec un grossis¬ sement de 500 diamètres, on pourra voir les trois espèces de glandes dans le même champ du microscope.

Ainsi, sous l’épiderme, on voit des glandes utriciüaires ressemblant à de petites bouteilles assez arrondies, remplies d’une substance granuleuse qui se colore en noir par l’acide osmique. Si la glande est petite, après 24 heures de séjour dans l’acide osmique à 1 pour 100, toute la masse est colorée en noir. Mais si la glande est plus volumi¬ neuse, il y a seulement une couche extérieure colorée en noir, le réactif n’ayant pas pénétré dans l’intérieur de la glande qui reste gris.

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Ce sont les glandes à venin. Le venin présente les propriétés d’un très grand nombre de ferments qui se colorent en noir par l’acide osmique. (Nussbaum).

À côté de ces glandes, on en voit d’autres, muqueuses, ordinai¬ rement plus petites, mais qui peuvent avoir les mêmes dimensions ; elles sont tapissées de cellules claires remplies de mucigène.

Les glandes séreuses ou granuleuses sont beaucoup plus petites que les précédentes. Il est rare de rencontrer des glandes muqueuses aussi petites que les glandes séreuses. Il en résulte que celles-ci occupent un plan plus superficiel. Souvent les glandes à venin et les glandes muqueuses semblent former une couche continue ; les glandes séreuses sont placées au-dessus. L’outre glandulaire, qui a aussi la forme d’une bouteille, est tapissée de cellules granuleuses qui, au lieu d’avoir le noyau refoulé vers la membrane propre de la glande, ont le noyau à peu près centrai.

Toutes ces glandes se distinguent donc de la manière la plus nette et la plus tranchée.

Dans toutes les régions de la peau de la grenouille on trouve des glandes séreuses, mais elles existent seules, à l’exclusion de toutes les autres, dans certaines régions. C’est certainement le fait le plus intéressant au point de vue nous nous plaçons : la comparaison des glandes cutanées des Batraciens avec celles des Mammifères et de l’homme en particulier. Il est clair que les glandes séreuses de la peau de la grenouille sont l’équivalent des glandes sudoripares ; l’outre glandulaire est l’analogue de l’ampoule sécrétoire de la glande sudoripare de la chauve-souris. Vous allez en juger.

Parmi les régions les plus favorables pour étudier les glandes séreuses de la grenouille, est la membrane nyctitante ou paupière inférieure. Elle est presqu’aussi transparente que la cornée, de sorte qu’en l’examinant dans un liquide neutre ou indifférent, le sérum du sang ou l’humeur aqueuse, on peut étudier successivement toutes ses couches avec un objectif à grande ouverture. Elle est assez grande pour qu’on puisse en la prenant par son bord libre avec une pince, l’enlever en deux coups de ciseaux. On obtient ainsi une membrane ayant une forme semi-lunaire dont le bord rectiligne correspond au bord libre de la paupière et est marqué par un liseré pigmenté ayant quel¬ quefois des couleurs très vives, jaune, brun, orange. Tout le reste de la membrane est privé de pigment. Elle a une constitution compliquée et présente un revêtement épithélial externe qui se continue avec l’épi¬ derme, et un épithélium interne qui est une dépendance de l’épithélium conjonctival. Entre les deux revêtements est une charpente connective. On y voit aussi des vaisseaux sanguins et des nerfs presqu’aussi

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nombreux et importants que dans la membrane cornéenne, et des glandes séreuses qui s’ouvrent sur la face épidermique ou externe de la membrane.

Quand on examine celle-ci à plat, après l’avoir déposée sur une lame de verre dans une goutte d’humeur aqueuse, recouverte d’une lamelle et bordée à la paraffine pour empêcher l’évaporation, avec un objectif à grande ouverture, on reconnaît l’épiderme et, au-dessous, on distingue plus ou moins nettement le stroma delà membrane ; on voit surtout des corpuscules étoilés analogues à ceux que l’on observe dans la cornée et une série de fibres perpendiculaires qui paraissent s’étendre, dans la membrane, depuis sa surface externe jusqu’à sa face interne, abstraction faite des deux épithéliums, puis les glandes.

Avec un grossissement de 150 diamètres, les glandes se voient très nettement et l’on reconnaît d’emblée que ces glandes se montrent sous deux formes principales. Les unes laissent voir à leur centre une cavité pleine de liquide et leur revêtement épithélial se montre, en coupe optique, sous la forme d’un anneau. Les autres sont plus irrégulières et on n’y distingue pas de cavité centrale : elles paraissent comme des bouchons épithéliaux. Les cellules épithéliales qui en revêtent l’intérieur paraissent beaucoup plus hautes que dans les premières : elles sont franchement pyramidales et leurs sommets se réunissent au centre de l’outre glandulaire, de sorte qu’elles 11e laissent pas de lumière glandulaire bien nette.

En 1840, Engelmann a vu aussi, dans la membrane interdigitale, une glande en forme de bouchon plein prendre la forme annulaire, et inversement, sous l’influence d’une excitation même très légère, et reconnut que la forme annulaire correspond à l’état de repos de la glande séreuse et la forme en bouchon à son activité.

Voilà donc des glandes comprises dans une membrane assez mince pour qu’on puisse l’examiner toute entière au microscope et étudier le passage de l’état de repos à l’état d’activité et inversement.

Depuis 1810, beaucoup d’histologistes se sont occupés des glandes séreuses et, en particulier, Engelmann. Je vous renseignerai sur l’inter¬ prétation des phénomènes tels que les ont compris ces auteurs ; mais, pour le moment, avant d’entrer dans l’étude physiologique proprement dite, nous devons faire l’anatomie des glandes séreuses en employant toutes les ressources de la technique moderne. Ainsi, il faut d’abord examiner ces glandes sur des coupes perpendiculaires à la surface, afin d’en bien connaître la disposition générale et les parties princi¬ pales. Ces coupes nous donneront des renseignements sur la membrane dans laquelle ces glandes sont comprises.

Enlevons en deux coups de ciseaux la membrane nyctitante; plaçons

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la sur la face inférieure du bouchon qui ferme un flacon d’acide osmique, renversons le flacon et la membrane se trouve dans la solution. Au bout d’une heure, l’acide a pénétré suffisamment la membrane. On enlève celle-ci et on la place dans l’alcool, puis on fait des coupes. La membrane n’a pas la même épaisseur dans toute son étendue. Les coupes perpendiculaires au liseré du bord libre ont la forme d’un coin et le liseré correspond à un bourrelet bien défini. Dans ce bourrelet, il y a l’épithelium pigmenté et du tissu conjonctif sur lequel repose cet épithélium et qui contient des cellules pigmentaires, puis des vaisseaux sanguins et des glandes séreuses. Mais laissons-le de côté et examinons la membrane elle-même. Nous avons l’épiderme de la muqueuse conjonctivale et le stroma qui est formé d’une série de couches parfaitement régulières, parallèles entr’elles, comme les lames de la cornée chez les Plagiostomes, et plus régulières encore. Chose curieuse ! ces lames sont formées par des fibres connectives pa¬ rallèles entr’elles, et sur une coupe perpendiculaire à la surface de la membrane et passant par son axe vertical (perpendiculaire au bord libre ou liseré), on trouve une lame dont les fibres sont coupées paral¬ lèlement à leur direction ; puis, au-dessous, une lame dont les fibres sont coupées perpendiculairement à leur direction ; au-dessous, une lame à fibres coupées parallèlement à leur direction ; et ainsi de suite : une couche transversale et une couche longitudinale. Je crois que ces couches se croisent à peu près à angle droit. Ces différentes lames sont cousues les unes aux autres par des fibres que j’ai appelées fibres suturales dans la cornée de la raie. Ces fibres partent toutes d’une couche extrêmement mince, située immédiatement au-dessous de l’épiderme et traversent perpendiculairement les différentes lames de la membrane. Quand elles arrivent à la réunion des trois quarts ou quatre cinquièmes antérieurs avec le quart ou le cinquième postérieur, elles se divisent et se perdent dans un système de fibres non disposées en lamelles. C’est juste J’inverse de ce qu’on voit dans la cornée les fibres suturales forment leur entrecroisement dans les couches superficielles. C’est dans la couche entrecroisée que sont les vaisseaux sanguins de la membrane nyctitante. Le bourrelet du liseré 11e contient pas de tissu conjonctif lamelleux mais des fibres entrecroisées, aussi possède-t-il des vaisseaux sanguins.

Dans ces membranes connectives, il y a des cellules en très grand nombre. Elles sont toutes disposées entre les lames ; elles sont étoilées, anastomosées, plates, présentant des crêtes d’empreinte, tout-à-fail comme les cellules de la cornée, mais elles sont beaucoup plus petites. On peut aussi les imprégner d’argent ou les colorer en violet par l’or. C’est la meilleure manière de les bien voir.

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Les glandes sont toutes dans la portion lamellaire, elles ne s’étendent pas dans la partie profonde ou postérieure les fibres s’entrecroisent.

Disons quelques mots du revêtement épithélial avant d’examiner les glandes. Je ne m’occuperai que de l’épiderme, laissant de côté l’épithélium correspondant à la conjonctive, et je comparerai cet épiderme de la membrane nyctitante à celui d’autres régions.

Nous observons une couche profonde formée par des cellules à pied. Elles commencent toutes sur la membrane connective et s’élèvent plus ou moins haut. Dans l’épiderme du corps les cellules de la pre¬ mière rangée sont minces et hautes ; dans la nyctitante, elles sont plus larges. La même disposition se trouve dans la première rangée de cellules du corps muqueux chez l’homme et les Mammi¬ fères. Il n’y a rien de particulier et ce n’est pas un cas spécial.

A ces cellules en succèdent d’autres qui reposent par leur face profonde sur la tête des cellules à pied et qui sont arrondies au niveau de leur face externe. On en trouve trois ou quatre rangées, et enfin, à la surface, une seule rangée de cellules plates qu’on voit, sur la coupe, reposant sur les cellules cubiques situées au-dessous. Cet épiderme repose tout entier sur une membrane basale, très-mince, de laquelle partent les fibres suturales. Quand la nyctitante, fixée par l’acide osmique, a fourni des coupes, que celles-ci ont été colorées par le picrocarminate et traitées par la glycérine acide, on voit cette membrane basale tirée par des fibres suturales, parce que la substance connective se gonfle sous finfluence de l’acide, et les fibres paraissent comme tendues. Il en résulte des fuseaux, et c’est à cela qu’on recon¬ naît cette membrane basale antérieure; autrement elle serait très difficile à voir parce qu’elle est excessivement mince.

Les glandes, avons-nous dit, sont toujours contenues dans la partie lamellaire de la nyctitante. Elles ont une membrane propre que l’on reconnaît assez facilement, quand la coupe passe bien par l’axe de l’outre glandulaire et qu’elle est assez mince, surtout quand on examine la coupe dans l’eau aussitôt qu’on l’a retirée de l’acide osmique. On voit ainsi, à l’aide d’un objectif fort, le double contour et l’on constate qu’il se continue avec la membrane basale de la nycti¬ tante. La membrane propre des glandes est donc une dépression de la membrane basale. Cette couche anhiste est doublée d’une couche musculaire présentant avec la couche musculaire des glandes sudori- pares de l’homme et des chauves-souris la plus grande analogie. Mais, pour bien la voir, il faut employer d’autres procédés.

Sur ces coupes, on distingue beaucoup mieux ce qui est relatif aux cellules épithéliales et surtout au canal excréteur. Ces cellules peuvent

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être distinguées sur les glandes à l’état de repos, celles qui, vues de face, paraissent annulaires, et l’on reconnaît les cellules qui tapissent les côtés de la glande et les cellules du fond. Celles du fond paraissent toujours pressées les unes sur les autres et font dans la cavité un relief marqué. Elles ne sont jamais sur le même rang que les cellules marginales : puis, elles deviennent de plus en plus petites, et, dans le canal, qui est bien net au sein de l’épiderme, il y a des cellules spéciales. Il faut faire des coupes très minces, à 1/1000 de millim. d’épaisseur, pour bien voir ces détails.

A priori, j’ai pensé qu’il y avait deux couches de cellules dans le canal excréteur, comme dans celui des glandes sudoripares de l’homme et des chauves-souris ; mais il n’y a en réalité qu’une seule couche de petites cellules rondes, pressées les unes contre les autres et qui tranchent sur les grandes cellules cylindriques à pied de la couche profonde de l’épiderme. Le canal se rétrécit dans la couche supérieure, et, là, il y a comme une cuticule ; c’est seulement l’aspect d’une cuticule : en réalité, le canal est limité par des cellules analogues à celles qui forment la surface du revêtement épidermique de la grenouille, cellules ayant subi une demi-kératinisation et qui font que, dans la mue, l’épiderme s’en va par grands lambeaux, comme une chemise. Cette couche est formée par des cellules plates, kérati- nisées, qui, de face, apparaissent comme un admirable pavé. Ce sont ces cellules à demi kératinisées qui forment le bord du canal, avant qu’il arrive tout-à-fait à la surface de l’épiderme. Cela est net et clair. Mais pour bien voir le pore de la glande, il faut avoir recours à d’autres méthodes. Je laisse donc de côté cette question du rapport du pore de la glande avec les cellules de la couche superficielle de l’épiderme et je vais vous parler d’abord du rapport de ces glandes avec les vaisseaux sanguins.

Ces vaisseaux ne se trouvent que dans la partie profonde de la membrane nyctitante. Ainsi, les glandes 11e sont pas en rapport de contiguité avec les vaisseaux sanguins, qui sont toujours séparés des glandes par une couche relativement épaisse de tissu conjonctif. Ce 11’est donc pas dans le sang qu’elles puisent les matériaux de leur sécrétion, mais dans le plasma qui se répand entre les lames for¬ mant le stroma de la plus grande portion de la membrane nyctitante. C’est une confirmation de ce que nous avons déjà reconnu plusieurs fois relativement aux sources les glandes puisent leurs matériaux de secrétion.

(.4 suivre.)

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Leçons faites au Collège de France en 1886-1887 par le Professeur Balbiant

(Suite')

Nos études devant porter particulièrement sur les êtres les plus simples, les Protozoaires et les Protophytes, je dois laisser de côté, dans ces considérations générales sur le parasitisme, les faits qui sont spéciaux aux animaux plus élevés, les Vers, les Arthropodes, etc. aussi bien qu’aux végétaux plus compliqués, Cryptogames ou Phané¬ rogames.

Les phénomènes généraux du parasitisme varient naturellement dans chaque groupe et c'est en abordant l’histoire de ces groupes de micro-organismes que j’entrerai dans les détails relatifs au parasitisme dans chacun d’eux, notamment pour les groupes les plus importants, les Sporozoaires parmi les animaux, les Schizomycètes parmi les végé¬ taux. Mais avant de commencer l’histoire spéciale du parasitisme dans chacune de ces classes, je dois vous présenter quelques consi¬ dérations générales sur ce sujet, mais à un autre point de vue, c’est- à-dire au point de vue du mode de nutrition.

Un coup d’œil jeté sur le tableau que nous avons dressé des micro¬ organismes parasites (voir T. X, p. 557) vous montre que nous avons affaire à des êtres extrêmement différents, puisque les uns sont des animaux et les autres des végétaux. Parmi les micro-organismes de ces deux catégories, il y a des êtres appartenant à des types fort variés. Cette variation dans l’organisation des micro-organismes entraîne des différences dans leur mode du nutrition. Ainsi, les uns ingèrent des particules alimentaires solides, se nourrissent comme les animaux, qu’ils aient une bouche spéciale et préformée ou bien une bouche adventice, qui s’improvise au moment du besoin. On peut appeler ce mode de nutrition nutrition animale . C’est celui des Infusoires, des Mastigophores, des Sarcodines, etc.

D’autres renferment de la chlorophylle et se nourrissent, par conséquent, à la manière des plantes vertes, en prenant directement dans le monde extérieur les substances inorganiques quils s’assimilent. C’est le mode de nutrition de tous les animaux verts : on peut l’appeler,

(1 Voir Journal de Micrographie, T. X 1886 et T. XI 1887, p. 54, 134.

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d’après l’expression de Bütschli, nutrition olophy tique ou entière¬ ment vêçêtale. Certains Flagellés, les Euglènes, les Chlamydomonas, etc. se nourrissent ainsi.

Une troisième catégorie d’organismes ne renferment pas de chloro¬ phylle et n’ingèrent pas de particules solides : ils se nourrissent par endosmose, c’est-à-dire en absorbant par toute la surface de leur corps, et ils absorbent des liquides contenant des produits de décom¬ position d’autres êtres animaux ou végétaux. On leur a donné le nom de saprophytes et leur mode de nutritution est le saprophytisme (de Eaïupos pourri). A cette catégorie appartiennent beaucoup de Flagellés. On peut les reconnaître tout de suite à ces deux caractères morphologiques : absence de bouche et absence de chlorophylle. Les êtres ainsi constitués, qu’ils soient animaux ou végétaux, se nourrissent par voie saprophytique. Us sont dépourvus de chlorophylle ou de ces appareils d’assimilation qu’on appelle aujourd’hui chromatophores et qui existent dans toutes les plantes vertes. Ces appareils d’assimi¬ lation, d’une structure spéciale, sont composés d’une substance fondamentale, protoplasmique, imprégnée d’une chlorophylle verte, jaune, brune, etc. ; ils se trouvent aussi bien chez les animaux qui contiennent de la chlorophylle que chez les végétaux. Leur présence implique la nutrition végétale.

On a trouvé divers modes de nutrition chez des organismes apparte¬ nant à la même famille, certaines espèces possédant des chromatophores et d’autres n’ayant pas de chlorophylle ; et comme elles n’ont pas de bouche, ces dernières sont saprophytes. Ainsi, dans des familles très naturelles, on rencontre ces différences considérables dans le mode de nutrition. Par exemple les Chlamydomonas sont verts et olophy- tiques, tandis que, dans la même famille, les Polytoma non verts, et d’ailleurs sans bouche, sont saprophytiques. Il en résulte que ces différentes espèces de Chlamydomonadinés, suivant qu’elles renferment de la chlorophylle ou qu’elles en sont dépourvues, vivent dans des milieux différents : les Chlamydomonas dans les eaux claires et pures, les Polytoma et autres semblables dans les eaux putrides ouïes infusions tenant quelque substance organique en dissolution.

Parmi les espèces parasites, il y en a un grand nombre qui se nourrissent comme les saprophytes, mais avec cette différence que les substances organiques liquides qu’elles absorbent sont empruntées non pas à des matières inertes, mais à des êtres vivants. Chez les Métazoaires comme chez les Protozoaires, nous rencontrerons beau¬ coup d’espèces qui se nourrissent ainsi. Tel est, chez les Métazoaires, tout le groupe des Cestoïdes, les Tænias, les Echinorhynques, etc. Chez les Protozoaires, parmi les Infusoires Ciliés qui n’ont ni bouche,

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ni chlorophylle et se nourrissent par endosmose, nous trouvons les Opalines. Chez les Flagellés, on rencontre aussi un grand nombre d’espèces saprophytes empruntant leur nourriture aux êtres vivants ; mais c’est surtout dans le groupe des Sporozoaires que ce mode de nutrition est répandu. Tout ce groupe se nourrit ainsi. Le mécanisme de ce mode de nutrition par simple absorption ayant heu par toute la surface du corps est le même que celui par lequel se nourrissent les saprophytes qui vivent dans des milieux inertes : la nourriture seule varie. Il en résulte que certaines espèces peuvent être indifféremment parasites, vivant sur des êtres vivants, ou saprophytes, vivant de matières inertes. Ce sont des cas très rares chez les micro-onia- nismes animaux, assez nombreux, au contraire, chez les micro-orga- ganismes végétaux, et spécialement dans le groupe des Champignons unicellulaires.

Nous venons de voir que beaucoup de parasites se nourrissent comme des saprophytes, mais il y a aussi des parasites qui se nour¬ rissent par voie animale, c’est-à-dire qui ont une bouche par laquelle ils absorbent des aliments solides ou liquides. Cette bouche est fréquemment suivie d’un intestin qui s’ouvre ou ne s’ouvre pas à l’extérieur par un anus. Ainsi, chez les Métazoaires, les Nématoïdes ont un appareil digestif complet, bouche, intestin, anus. Chez les Trématodes, parasites relativement élevés, il y a une bouche et un intestin, mais pas d’anus ; néanmoins, ils se nourrissent comme les animaux ordinaires, mais l’aliment est liquide. Chez nos Protozoaires parasites, nous trouvons aussi des espèces qui ont un mode de nutri¬ tion animal, quelquefois par une bouche préexistante. Ainsi le Balantidium entozoon des Batraciens anoures possède une bouche énorme avec laquelle il avale des corpuscules alimentaires très volu¬ mineux, comme d’autres Infusoires, les Opalines, parasites aussi des mêmes animaux. Les Nyctotherus, parasites encore de la grenouille, ont aussi une vaste bouche.

Mais la nutrition peut-être animale bien que le parasite n’ait pas de bouche préformée. La bouche s’improvise chaque fois que l’animal se nourrit. On trouve cette bouche extemporanée chez certaines Monades qui ont été bien étudiées par Bütschli. La Monade est un petit orga nisme muni d’un filament à l’aide duquel elle rapproche le corpuscule à absorber de la base du filament. Là, il se soulève alors une vésicule dans laquelle le corpuscule pénètre et est absorbé ; puis la vésicule rentre dans la masse du corps en entraînant la particule alimentaire. C’est donc un mode de nutrition animale. D’autres fois, la bouche s’improvise ou la pénétration de l’aliment se fait en un point quel¬ conque de la surface du corps ; c’est ce qui a lieu chez beaucoup de

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Sarcodines, Rhizopodes, Amibes, etc. Et malgré ce mode éminemment simple d’ingestion, ces animaux font très bien le choix des particules qu’ils veulent absorber. On le voit chez les Héliozoaires,les Actinophrys, chez une très belle Amibe, de taille colossale, qui vit dans l’intestin de la Blatte et qu’on trouve souvent bourrée de particules qu’elle y rencontre, notamment d’autres parasites qui vivent aussi dans cet intestin de la Blatte, véritable musée d’organismes parasitaires. L’Amibe a donc fait un choix de ses aliments.

Il résulte de ces faits que les deux modes de nutrition que nous avons appelés animale et saprophyte existent aussi bien chez les espèces parasites que chez celles qui vivent indépendantes.

Les botanistes emploient souvent les termes saprophytes et para¬ sites pour désigner les deux genres de vie des végétaux qui n’ont pas de chlorophylle ou qui, ayant de la chlorophylle, vivent sur d’autres plantes. Parmi les saprophytes, je pourrai vous citer beaucoup de végétaux supérieurs, parmi les Phanérogames, et parmi les végétaux inférieurs, des Champignons élevés qui se nourrissent des sucs se l’humus. Il y aussi des parasites. Chez les micro-organismes végétaux on trouve des saprophytes et des parasites. Au nombre des premiers sont les Myxomycètes, avec quelques espèces parasites ; les Sapro- légniées sont pour la plupart saprophytes avec quelques espèces parasites des êtres vivants.

Les végétaux supérieurs parasites ne se nourrissent pas à la manière des espèces inférieures parasites, qui sont saprophytes : ils ont des appareils spéciaux pour absorber les liquides nécessaires à leur existence. Les Santalacées, les Loranthacées, les Cuscutes, etc. ont des suçoirs ou hciustoriums.

Chez les animaux qui se nourrissent tantôt par endosmose, tantôt par une bouche préformée, il y a deux modes de nutrition, nutrition animale et nutrition végétale. On ne peut donc pas opposer simple¬ ment les espèces saprophytes et les espèces parasites comme le font les botanistes. Il manque en zoologie un terme pour exprimer que la nutrition a lieu par endosmose, mais de liquides organisés vivants. Je crois que l’expression biosmo.se comble cette lacune et qu’on peut l’appliquer à ce mode de nutrition par endosmose de produits vivants.

En résumé, nous distinguons chez les micro-organismes deux genres de vie et quatre modes de nutrition : vie parasitaire et vie indépendante ; nutrition animale (par une bouche préformée ou mprovisée), nutrition biosmotique (par absorption endosmotique de liquides vivants), nutrition saprophytique (par absorption de liquides organiques inertes), nutrition olophytique (par absorption de matières

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inorganiques puisées directement dans le milieu ambiant, comme font toutes les plantes vertes).

Nous passons maintenant aux micro-organismes appartenant au règne végétal. Chez ceux-ci nous rencontrons toutes les formes de nutrition observées chez les micro-organismes animaux, sauf la nutri¬ tion animale : ils n’absorbent jamais d’aliments solides, et n’ont pas de bouche. Ils sont olophytes, saprophytes ou biosmotiques. La nutrition olophytique est celle qui a lieu par les chromatophores ou appareils chlorophylliens. Nous les trouvons dans toutes les Algues unicellulaires, qui sont, en effet, des végétaux verts ; et cela, aussi bien chez les espèces libres que chez les espèces parasites. Ce qui démontre bien que, même à l’état de parasites, ces organismes verts se nourrissent comme les plantes vertes ordinaires, c’est que quand on les sépare de leur hôte, par compression par exemple, on les obtient libres dans le liquide ambiant, et, sous cette forme libre, ils peuvent vivre pendant plusieurs semaines par nutrition olophy¬ tique comme leur congénères indépendants. Quelques auteurs pré¬ tendent même avoir vu ces Zoochlorella tantôt entrer dans les orga¬ nismes avec lesquels ils sont associés, tantôt en sortir, par exemple chez les Bursaires. Ils pourraient ainsi revenir à la vie indépendante. Mais ces observations me laissent un peu incrédule, et pour ma part, je n’ai jamais rien vu qui indiquât la possibilité de leur retour à la vie libre après être sorties de leur hôte auquel je les ai toujours trouvées indissolublement liées, à moins qu’on ne les en extraie par violence. Il y a donc une symbiose dont l’avantage réciproque réside dans ce que l’Algue, devenue parasite, continue à se nourrir comme un véritable végétal, décomposant l’acide carbonique, fixant le carbone et dégageant l’oxygène. L’acide carbonique se trouve dans les gaz formés par la respiration de l’animal associé ; il se dissout dans les tissus de l’hôte il est décomposé par l’Algue qui fixe le carbone au profit de sa propre nutrition et dégage l’oxygène dont l’animal profite pour sa respiration. Ainsi s’établit un véritable équilibre dans l’association des deux êtres, et l’on a la réalisation par la nature de l’expérience de M. Gréhant dont je vous 'ai parlé.

Voyons quel est le mode de nutrition dans le groupe le plus inté¬ ressant, celui des Champignons unicellulaires. Dans ce groupe, on ne rencontre que des organismes dépourvus de chlorophylle : donc, pas de nutrition olophytique. Au contraire, il y a des exemples nombreux de nutrition saprophytique et parasitaire. Comme nous avons affaire ici à des végétaux, cette nutrition parasitaire a toujours lieu par absorption de liquides vivants ou par biosmose. Il n’y a pas lieu ici

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infiniment petits et très variés. Dans les vases marines que ramène la sonde, on ne trouve guère que des espèces mortes et même momifiées. C’est à la surface des mers et des lacs qu’est la vie ! ou l'air et la lumière abon¬ dent. Et si dans les vases profondes on trouve ça et des exemplaires en bon état, c’est qu’ils viennent de la surface et qu’il n’y' a pas longtemps que leur vie a cessé.

Le naturaliste éprouve souvent de grandes difficultés à séparer ces orga¬ nismes de la masse pulvérulente ou cristalline ( siliceuse , argileuse ou cal¬ caire ), qui compose la plus grande partie des sondages. Ces substances, souvent mêlées depuis des siècles aux détritus organiques, forment ordinai¬ rement une masse pâteuse ou plastique, quelquefois même goudronneuse, très gênante et difficile à séparer. On y trouve aussi souvent une forte dose de cendres volcaniques. Quelquefois même le sondage n’est composé que de matières minérales sans traces d’organismes.

Destruction de la matière organique inutile .

Pour l’étude des organismes à carapaces siliceuses, Polycystines, quelques Radiolaires et surtout des Diatomées, il est indispensable de détruire entiè¬ rement cette encombrante matière organique, en présence de laquelle, dans la plupart des cas, malgré de longues et patientes recherches, toute détermi¬ nation exacte d’espèces est impossible. Dans les guanos , les détritus chiti- neux abondent. Ceux-ci sont extraordinairement résistants à la putréfaction et aux dissolvants, et même aux acides chlorhydrique, azotique et au chlore. Tous ces détritus organiques, par leurs pesanteurs spécifiques variées et surtout par la grande adhérence qu’ils ont contractée avec les particules mi¬ nérales, empêchent également de pouvoir agir par lévigation.

Le procédé suivant permet la destruction complète de toute cette matière organique, et comme il ne donne pas de vapeurs acides , il a l’avantage de ne nécessiter ni un laboratoire spécial, ni une cheminée à fort tirage. 11 donne aussi des résultats meilleurs que les traitements au chlorate de potasse, au permanganate ou à l’acide azotique, ordinairement employés, et qui tous dégagent des vapeurs acides et corrosives.

La masse desséchée (pulvérulente ou compacte), est traitée dans une fiole avec de l 'acide chlorhydrique aqueux , afm d’éliminer le calcaire. La fiole doit être d’une dimension suffisante pour contenir toute l’écume visqueuse que les calcaires donnent lorsqu’ils sont ainsi intimement liés à une masse organique en décomposition. La dissolution de ces sels terminée, le liquide et vase sont jetés sur un filtre le dépôt insoluble est lavé puis desséché sur le filtre même.

Ce dépôt sec est alors mis en fiole et arrosé de deux lois son volume JS! acide sulfurique concentré , qu’on laisse agir plusieurs heures en agitant quelquefois. La masse noircit. Pour les guanos il faut 5 ou 6 fois leur volume d’acide sulfurique. Cet acide est le seul qui dissolve bien les débris cbitineux, et on peut déjà en éliminer la plus grande partie en décantant les 3/4 du li¬ quide sulfurique après un repos suffisant. Sur ce brouet épais et noirâtre, on

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ajoute alors du bichromate de potasse en poudre grossière. On l’ajoute par petites doses successives et en agitant chaque fois. La masse s’échauffe et souvent il y a dégagement d’oxygène. On s’arrête quand du noir elle a viré au rouge ou qu’il y a formation de cristaux rouges d’acide chromique. Dans ce traitement, les matières organiques sont carbonisées par l’acide sulfurique, et c’est l’acide chromique à l’état naissant qui en achève la comburation. Le lavage préalable à l’eau chlorhydrique a pour but d’éviter la formation de sulfate de chaux.

Le liquide précédent est additionné peu à peu d’eau. La masse s’échauffe à nouveau. L’eau est ensuite ajoutée en abondance. Le dépôt restant est devenu plus ou moins blanc. On le lave soigneusement par décantation. Les dernières décantations se font à l’eau distillée. Il est alors prêt à être utilisé. Pour cela on le délaye avec de l’eau distillée, et on verse ce mélange sur de grands couvre-objels (covers) sur lesquels on le dessèche. C’est sur ces covers que se trient les espèces.

Récolte et conservation des espèces pélagiques.

Quant aux organismes pélagiques , on les prend en promenant un voile de soie au travers des couches supérieures de l’eau. L’on récolte ainsi les es¬ pèces à l'état vivant , et elles ne sont guère mêlées qu’avec peu de pous¬ sières minérales. Le voile de soie doit être à mailles très fines et être tendu sur un cadre (ou un cercle) qui est tenu verticalement, de manière à ce que la partie supérieure effleure la surface arjueuse ; ceci pendant que, soit le bras, soit le bateau, avancent très lentement. Toutes ces espèces pélagiques res¬ tent tixées au voile sous forme d’une couche d’un aspect glaireux. Elles s’en¬ lèvent de temps en temps au moyen d’une lame en corne souple et mince. La meilleure manière de conserver longtemps ces récoltes, consiste à les mettre immédiatement dans une solution au quart d 'acétate de potasse neutre. L’alcool que l’en emploie habituellement a l’inconvénient de contracter et de déformer la plupart de ces animaux ou végétaux inférieurs. L’acétate n’amène aucune déformation ; il arrête toute putréfaction et s’élimine facilement par un simple lavage à l’eau, lorsqu’on veut entreprendre l’étude micoscopique.

L’étude des Diatomées pélagiques peut se faire facilement. Voici comment: une fois que l’acétate a été enlevé par lavage, on traite la récolte par de X acide chlorhydrique concentré ci froid pendant quelques jours, dans un flacon bouché à l’émeri que l’on agite souvent. Les espèces sont ensuite lavées abondamment et simplement calcinées au rouge sombre sur le cover. Elles restent ainsi juxtaposées comme à l’état vivant.

Désagrégation des dépôts fossiles compacts.

Pour les dépôts fossiles qui sont très compacts, ou bien pour les vases ma¬ rines que le temps a durcies, et l’on veut étudier les Spongiaires ou les Foraminifères qui, pour la plupart, sont de nature calcaire, le meilleur moyen de les désagréger consiste «à les chauffer à 100° environ et à imbiber com¬ plètement d’une solution bouillante et saturée de sulfate de soude. Ce sel

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par le refroidissement cristallise en $ hydratant et en se dilatant. Il sépare ainsi suffisamment les particules de ces agglomérats pour les rendre friables lorsqu’on les met ensuite dans l’eau pour enlever ce sel. L’opération précitée au besoin se répète une ou deux fois En tout cas, il faut bien se garder de broyer ces dépôts tel* quels. On briserait ainsi un grand nombre d’espèces.

Triage , encollage et montage des espèces types.

On s’est beaucoup mis, ces derniers temps, à faire des préparations mi¬ croscopiques d’espèces triées dites préparations types ( Ty peupla tten des Allemands), picketslides des Anglais). II est évident qu’aucun dessin, aucune microphotographie n’aura pour l’étude la précision d’une préparation ou l’es¬ pèce aura été triée et montée séparément.

Le procédé que j’emploie pour faire ces préparations m’a donné d’excel¬ lents résultats. Il est facile, rapide, et ne nécessite aucun appareil compliqué. C’est ce qui m’engage à le faire connaître. Je m’en suis surtout servi pour les Diatomées, les Polycystines et les Cilio-flagellés. Mais il peut aussi servir pour trier et monter les Foraminifères, les Radiolaires, Globigérines, etc., ainsi que de petits cristaux. Le voici :

Pour le triage, prendre une lentille de 1" permettant l’allongement du tube sans défigurer l’image, et un oculaire très fort. Fixer à la droite de la platine un petit plateau de fer servant d’appui-main et tenu solidement avec une pince à vis.

On trie avec un cil de porc ou de chien, emmanché. L’œil et la main pren¬ nent assez vite l’habitude d’opérer dans l’image renversée du champ visuel du microscope. Le prisme redresseur n’est pas un instrument commode ni recommandable; il fatigue encore plus que la vision directe. Du reste il di¬ minue trop le champ visuel.

Les exemplaires choisis et enlevés à la pointe du cil sont placés dans une minuscule goutelelte de glycérine adraganthèe mise au milieu du couvre- objet {cover). Le peu de cette colle qui reste chaque fois sur le cil y facilite aussi beaucoup l’adhérence des valses ou carapaces que l’on veut saisir.

Gel encollage s’obtient en traitant 1 gr. de gomme adraganthe blanche, pulvérisée,, par 50 gr. d’eau distillée bouillante et filtrant (la moitié seule¬ ment de cette gomme se dissout) ; ce liquide filtré est mêlé avec son volume de glycérine très pare.

Prendre des covers ronds de 8 à 10mm de diamètre et très minces (1/10 de milimètre d’épaisseur), surtout pour les Diatomées et aussi pour faciliter l’em¬ ploi des lentilles immersion homogène.

Les types triés sont débarrassés de toute poussière ou impuretés en allon¬ geant d’eau distillée la goulelette d’encollage. Ce balayage se fait de môme avec un robuste cil emmanché. Cette eau s’ajoute avec un petit pinceau bien lavé. Pour arranger exactement au centre du cover ou aligner au besoin les exemplaires triés, je prends des porte-objets (. slides ), se trouve tracé au diamant la lournette) un très petit cercle central. Le cover est centré sur ce

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cercle et fixé au slide avec très peu d’eau. Une fois le placement des espèces fini, le cover est enlevé par simple glissement.

A dater de ce moment, le ou les covers doivent être mis soigneusement à l’abri de la poussière et portés immédiatement à l’étuve à 100° ou au bain- marie pour volatiliser la glycérine et déterminer l’adhérence au cover des espèces triées ; ceci par le peu de gomme adraganthe qui reste avec elles sur le verre et les y colle fortement.

Quelques micrographes emploient comme encollage une simple solution très étendue de gélatine desséchée sur le cover, mais il faut la ramollir par l’haleine chaque fois que l'on y place une valve. L’encollage précité est bien préférable. Puis l’indice de réfraction de la gomme adraganthe est égal à celui du verre (1,52), tandis que l’indice de la gélatine est 1,34. et peut par consé¬ quent gêner la parfaite visibilité des objets une fois montés. J’ ajouterai que le collodion employé aussi comme encollage a le grave inconvénient de donner une pellicule qui n’adhère pas bien au verre.

Utilisation et valeur relative des médiums.

J’emploie comme medium pour monter les préparations de Diatomées, etc., le baume de Tolu , dont j’ai enlevé les substances cristallisables ( acides cinnamique et benzoïque ) par une longue ébullition avec beaucoup d’eau. Il est ensuite dissous dans de la benzine rectifiée , fdtré et desséché com¬ plètement; puis finalement dissous dans de l’alcool ou du chloroforme. Cette solution doit être limpide et concentrée. L’indice de ce tolu, mesuré exacte¬ ment au spectroscope, m’a donné 1,68 (raie D), lorsqu’il est mou , et 1,72 sec. Il est donc préférable au styrax dont l’indice est 1,64. Car il faut qu'il y ait une forte différence entre l'indice de réfraction de T objet monté et le médium employé , pour que l'on voie clairement l'objet et tous ses détails dans le champ visuel du microscope. D’autre part cependant, une trop forte différence devient nuisible et assombrit trop l’objet.

Une fois que le ou les covers (chargés de leurs espèces respectives) sont secs, on imbibe ces espèces (valves, carapaces ou cristaux) avec une baguette de verre plongée dans du tolu fluide très allongé de benzine. Ceci pour élimi¬ ner par capillarité toute bulle d’air. Après avoir ensuite ajouté de la solution épaisse de tolu, une dose suffisante pour recouvrir ces espèces, on expose une heure ou deux ces covers à une température de 60° à 70°, dans une étuve bien fermée, jusqu’à ce que le tolu soit sec. L’adhérence du cover au slide es obtenue en chauffant celui-ci suffisamment pour faire fondre le tolu, et la pré¬ paration est terminée. Observons que la teinte jaune de ce baume ne gène en rien l’observation.

Pour la bonne réussite de ces précieuses préparations, il est important que les valves ou carapaces (soit calcaires, soit siliceuses) soient préalablement bien lavées et sans impuretés adhérentes.

On a proposé, ces derniers temps, différents médiums chimiques. Par exemple : celui qui consiste en une solution de bromure d' antimoine dans de la glycérine ; gelée que l’on sature ensuite à chaux acide arsenieux

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(indice 1,80 à 2,0). Puis le médium qui s’obtient en dissolvant du réalgar (sulfure d’arsenic) clans du bromure d'arsenic, et chauffant avec de X acide arsenieux jusqu’à vitrification de la masse (indice 2,30 à 2,40).

J’ai fait sur ces médiums beaucoup d’essais. Ils ont leur valeur pour la mi¬ crophotographie des tests et pour des observations à de très forts grossisse¬ ments. Mais avec les lentilles ordinaires, les objets qui y sont plongés pren¬ nent une teinte trop foncée. Avec de faibles lentilles ils deviennent même presque noirs. En somme, je dois mettre les micrographes en garde contre leur usage pour des préparations à conserver ou devant faire partie d’une collection ; car, avec le temps, l’humidité et les autres influences atmosphé¬ riques, il s’y formera forcément une cristallisation d’acide arsenieux, et l’on serait appelé à voir ces préparations perdues, ce qui ne peut, en aucune fa¬ çon, arriver avec les médiums résineux modernes, le styrax ou le tolu .

J. Brun,

Prof, à V Université de Genève.

PROCÉDÉS POUR L’EXAMEN MICROSCOPIQUE E T LA C O N S E R Y A T 1 0 N D ES A N 1 M A U X à la Station zoologique de Naples

(Suite) 1

Avant de terminer cette partie de mon travail, et comme application des procédés que j’ai décrits, j’indiquerai le traitement qu’on doit faire subir à certains animaux, d’après les notes que j’ai prises à la Station. On pourra ainsi par analogie déterminer le procédé qui con¬ viendra le mieux dans chaque cas particulier.

Protozoaires. Il me reste peu de choses à dire ici après le chapitre spécial que j’ai consacré à ce type hétérogène d’animaux. Les Schizomycètes, Myxomycètes et Flagellés doivent être traités de préférence par l’acide osmi- que. On trouve actuellement beaucoup de procédés dans toutes les revues de Microscopie pure ou appliquée à la médecine pour préparer les Bactéries patho¬ gènes et surtout celles de la tuberculose, mais je ne crois pas que ce soit ici le lieu de les décrire. Pour quelques Flagellés comme XEuglena viridis , comme pour les Algues inférieures, je me suis toujours servi de l’acide osmiqueavec succès. A la Station, on emploie l'alcool iodé pour les Radiolaires et l’acide picrique pour les Infusoires (Dr Entz.) On doit se rappeler néanmoins que la classe des Infusoires comprend des animaux très différents, quelques-uns extrè-

(1) Voir Journ. de Micrographie , t. IX, 1885 et t. X, 1886

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mement contractiles tandis que d’autres ne le sont pas ; certains ont lecorpsnu, d’autres sont protégés par une cuirasse ou tunique chitineuse, etc. etc. Et, en somme, il vaudra mieux employer divers procédés, selon les cas, que d’en adopter un exclusivement.

D’après Mac Murrich, on obtient aussi de bons résultats avec le sublimé.

Cœlentérés. A. Eponges. Le Dr Vosmaer, pour la préparation des Spongiaires du Golfe de Naples, employait ordinairement la méthode de l’al¬ cool rapide, et parfois aussi l’acide picro-sulfurique. Les Éponges colorées teignent l’alcool et se décolorent. L'Aplysia aerophoba , par exemple, qui est d’une belle couleur soufre devient d’abord bleue, puis d’un roux vineux ; Y Axinella einnamomea , jaune, et VA polypoïdes , rouge de corail, per¬ dent complètement leur couleur. Quand il ne s’agit pas d’étudier l’histologie de ces êtres, mais seulement leurs formes générales, ou de faire des préparations pour les Musées, il suffira de les sécher à l’air libre.

B. Anthozoaires. Alcyonaires ou Coraux. Les trois types d’animaux qui appartiennent à cet ordre n’ont pas à être distingués quant à l’objet qui nous occupe. Les Alcyonides, comme les Pennatules et les Gorgonides, en sortant de l’eau contractent leurs polypes et les rentrent dans le corps de sorte que si celui-ci est mou, comme dans Y Aley onium palmatum , commun dans les mers du Nord et aussi dans le golfe de Naples, on n’en peut soup¬ çonner l’existence. « Main de mort » l’appellent les marins, et avec raison, car cette masse charnue et rosée est effectivement lobulée de manière à simu¬ ler Jes doigts d’une main. Mais si on la met dans un aquarium avec de l’eau courante, on la voit changer d’aspect et peu à peu se couvrir de florales blanches. Au moindre mouvement les polypes se resserrent et rentrent dans le tronc. Aussi pour les tuer en état d’expansion, il faut recourir aux moyens plus rapides, comme l’acide acétique ou le sublimé bouillant ; mais il faut opérer avec la plus grande rapidité pour ne pas laisser aux polypes le temps de se contracter. Les autres Alcyonides sont dans le même cas, tels que les Sym- podium coralloides et Par alcy onium eleqans. On obtient ainsi de très belles préparations de Pennatules : Pennatula phosphorea , Funicularia funiculina , Pterold.es spinulosus , Veretillum pusillum , etc. et de Gor¬ gonides : Corallium rubrum , Gorgonia verrucosa , Gorgonella sarmen- tosa , lsis elongata , etc. Si les préparations sont destinées aux musées, il vaut mieux employer l’acide acétique parce qu’il donne plus de transparence, et, pour éviter le gonflement, en certains cas (Par aie y onium et Ptcroides) on peut ajouter quelques gouttes d’acide osmique.

Zoanthaires. Dans cet ordre, il faut distinguer deux types: les Actinies et les Antipathaires et Madrépores. Les Actinies ou Anémores de mer sont toujours des animaux mous, non réunis en colonies et entièrement dépourvus de parties solides. En raison de leur contractilité, de leur mollesse, de leur facilité à la décomposition et de leur résistance à la mort, le procédé est assez incertain. Le Dr Andrès, auteur de la Monographie des Actinies du Golfe de Naples , a publié, dans une note de son mémoire « lntorno ail' Edward- sia Claparedii , » les meilleurs procédés pour tuer et durcir les Actinies, pro-

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cédés employés par lui et M. Lo Bianco et que j’ai eu l’occasion de voir appliquer.

La contractilité des diverses espèces d’Aclinies est très différente, car les unes, comme les Actinia Cari , equina , ! ïyanthus , diaphanus, Adamsia pat Hat a, ont des tentacules rétractiles, les autres ne les ont pas comme les Anthea ccreus , Cladactis Costæ , Cereactis aurantiaca. Le corps de cette dernière, en revanche, est extrêmement contractile. Après des expérien¬ ces répétées, le Dr Andrès s’est arrêté à l’emploi du sublimé, du mélange de glycérine et d’alcool, ou bien de l’alcool et de l’acide picro-sulfurique, après avoir immobilisé l’animal avec la fumée de tabac, ou la nicotine (1) gramme dans un litre d’eau de mer) qu’on fait passer lentement dans le vase contenant l’Actinie. Pour les petites espèces le sublimé chaud réussit bien, mais pour les grandes il faut l’injecter dans le corps pour éviter la contraction. Le chloro¬ forme et autres anesthésiques ont si peu d’action que l’animal commence à se décomposer en certains points avant d’avoir perdu complètement la sensibilité en d’autres. Le Dr Andrès a aussi employé avec assez de succès la congélation de l’animal en état d’expansion.

M. Lo Bianco emploie l’acide acétique on le sublimé chaud pour les espèces suivantes: Actinia equina, A. Cari , Adamsia palliata , Aiptasia Ca¬ méléon, , Cercanthus membranaceus , C. soUtarius , Edwarsia ( lapa- reclii.

Les trois dernières réusissent mieux avec l’acide acétique. Les espèces peu rétractiles comme X Anthea cereus , peuvent être tuées avec un mélange à parties égales d’acides chromique et picro-sulfurique. Le Cereactis auran- tiaca et le Cladactis Costæ réussissent bien avec un mélange de sublimé et d’acide chromique auquel on peut ajouter quelques gouttes d’acide osmique. Pour le Calliactis effæta il faut recourir à la fumée de tabac.

Pour les Antipathaires et les Madrépores, on doit les tuer avec les mêmes précautions que les Alcyonaires et le traitement le plus convenable est le su¬ blimé froid ou bouillant suivant leur plusou moins grande contractilité On ob¬ tient ainsi de bons résultats avec les espèces suivantes du golfe de Naples : Dendrophyllia rame a , Antipathes larix , Astroides calycularis, Clado- cora cæspitosa , Caryophyllia cyatus.

G. Hydromédnses. HydroïJes. Dans les Hvdroïdes, Tubulaires et Campanulaires, il faut distinguer les formes polypoïdes ou azamer el les for¬ mes médusoïdes ou sexuées.

Pour tuer les premières, on emploiera toujours le sublimé après avoir placé l’animal dans l’eau courante pour que les polypes étendent bien leurs tentacules. Avec les Méduses, si elles sont du type Océanide comme presque presque toutes celles qui appartiennent aux Tubulaires, il tant employer une méthode qui laisse étendus les filaments marginaux et non enroulés comme les met l’animal en état de contraction. Pour cela, rien de mieux que l’acide acétique suivi du durcissement immédiat par un mélange à parties égales d’acide chromique et d’alcool. On obtient ainsi de bonnes préparations des Oceania pileata, et conica, Lizzia Kœllikeri , Pougainvillia spec ., Po- docoryne carnea, Synyoryne spec., etc. I /Oceania conica , très contrac¬ tile, peutaussi être tuée lentement, par l’alcool.

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Pour les Méduses appartenant aux Campanulaires, en général plus petites, le traitement par l’acide osmique convient mieux. Parmi celles du golfe de Naples, j’ai fait aussi de bonnes préparations des Obelia geniculata, Clytia Johnstonii , Tinia flavilabris. Les Æquorea réussirent mieux avec l’acide chromique additionné de 1/8 d’acide acétique.

Pour les Trachyméduses, on emploie l’acide osmique seul ou mélangé avec l’acide chromique.

Les Cunia rhododactyla , Lyriope exiqua doivent être traitées par l’acide osmique ; les Ægineta flavescens, Æginopsis médit erranea, Ccimarina hastata par le mélange chromo-osmique.

Syphonophores. Il est regrettable que des animaux d’un type si peu commun, dont les espèces, avec leurs formes étranges, sont souvent d’une admirable beauté, soient si difficiles à préparer. La principale difficulté consiste en ce que pendant le traitement pour les tuer ils se désarticulent et se décom¬ posent. Malgré cela M. Lo Bianco a réussi à faire de bonnes préparations de Syphonophores, comme les magnifiques exemplaires de Phywphora hqdros- tatica et autres espèces qu’on admire dans presque tous les musées d’Europe. Quand il n’y a pas cette tendance à la désarticulation, comme cela arrive poul¬ ies Yélellides, Velella spirans , Porpita mediterranea, du golfe de Naples, la préparation est facile au moyen d’un mélange d’acides chromique et picrique.

J. M. de Castellarnau y de Lleopart.

suivre)

Ingénieur en chef des forêts, à Ségovie.

CHRONIQUE DE LA RAGE

M. Nocard continue à guerroyer pour le compte de M. Pasteur. Mais on sent que, déjà, il a moins de cœur à la besogne. Au lieu de prêcher la parole du Maitre. il s’attarde à discuter avec ses adversaires, reprochant à celui-ci de ne pas connaître le premier mot de la rage, accusant celui-là de se servir d’un vaccin dénué de vertu prophylactique. De vrai, c’est mauvais signe.

Rien plus. M. Nocard se croit obligé, pour appuyer son argumentation, de remettre tout au long sous les yeux de ses lecteurs la théorie de la prophylaxie de la rage après morsure Et alors, il rappelle que, dès leurs premières re¬ cherches, MM. Pasteur, Roux et Chamberland ont établi : « que le virus ra¬ bique existe constamment, à l’état de pureté, dans les centres nerveux, et no¬ tamment dans le bulbe des animaux enragés. » Ce qui revient à prétendre que la salive du chien atteint de rage ne contient qu’un virus sophistiqué. Aussi bien, M. Pasteur est allé encore plus loin que ne le dit M. Nocard : il n’a pas craint d’affirmer sans appuyer, d'ailleurs, son opinion d’aucune preuve, que la salive de la bêle enragée n’est virulente qu’ exceptionnellement . D’ou il suit que les gens mordus par un chien enragé ne peuvent être contagionnés

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qu’ExcEPTioNNELLEMENT. D’où il suit encore que, dans le nombre de ceux qu’une réclame effrénée pousse continuellement vers le laboratoire de la rue Vauquelin, pour y subir, sous les espèces du bouillon de moelle de lapin, la prétendue vaccination anti-rabique, ce n’est que F exception qui est exposée â subir les atteintes du mal. Alors, à quoi bon celte orgie de chiffres dont on excipe, à chaque instant, sans la moindre pudeur, pour nous faire croire à des succès qui n’existent que sur le papier?

*

# *

Plein de son sujet, M. Nocard essaie de faire croire que M. Pasteur a établi en: outre « que les grandes variations signalées dans la durée de l'Incubation de la rage inoculée par la morsure, tiennent probablement au temps néces¬ saire au virus pour, de la morsure il a été déposé, gagner les centres ner¬ veux il doit se développer. » Malheureusement, cette vue théorique, que l’observation ne répudie point, n’est pas de M. Pasteur. Elle a été émise dès 1879, par le docteur Duboué (de Pau). Admettant que la propagation du virus rabique se fait du siège de la morsure au buibe rachidien à travers la subs¬ tance des Filaments axiles et des cellules nerveuses correspondantes, celui-ci a formulé ce principe, à savoir : que « la période d’incubation est, en général plus courte que la distance du lieu de la morsure au bulbe est elle-même plus faible. C’est pourquoi elle est plus courte chez les enfants que chez les adultes, dans les morsures de la face que dans celle des membres et probablement chez les individus de petite taille que chez ceux de grande taille (1). »

Est-ce assez clair ? Alors que vient faire ici M. Pasteur ?

* *

Toujours même guitare :

« Lorsque M. Pasteur, continue M. Nocard, fut parvenu à conférer aux chiens l’immunité contre la rage, au point que ces chiens pouvaient être ensuite impunément inoculés, soit par morsures, soit même par trépanation, il se demanda s'il ne serait pas possible de traiter les chiens mordus, de façon à leur conférer l’immunité pendant la période ordinairement longue qui s’écoule entre le moment le virus a été déposé dans la morsure et celui il se dé¬ veloppe dans les centres nerveux, c’est à-dire apparaissent les premiers symptômes rabiques. »

S’il est vrai que M. Pasteur soit parvenu « à conférer aux chiens l’immu¬ nité contre la rage, au point que ces chiens pouvaient être ensuite impuné¬ ment inoculés, soit par morsures, soit par trépanation, » il n’avait qu’à s’en tenir là. Le problème était résolu. Il suffisait, en effet, de vacciner tous les chiens contre la rage pour, du même coup, en préserver les gens.

Mais, ne s’adressant qu’aux chiens, la découverte du grand chimiste n’aurait eu qu’un faible retentissement; elle n’aurait pas autant frappé les esprits et, partant, n’aurait été que d’un maigre rapport.

Or, M. Pasteur est à la fois un savant et un industriel. Ne pouvant conlen-

(1) Dr la Physiologie pathologique et du traitement rationnel de la rage, par le docteur Duboué (de Pau) Paris, 1879.

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ter chacun des deux individus qui sont en lui, il a préféré sacrifier le savant pour tout donner à l’industriel. Ainsi s’expliquent les fortunes diverses par lesquelles a passé sa théorie, depuis le jour il a laissé dire par tous les journaux qu’il « guérissait » la rage, jusqu’à celui l’on a accusé sa méthode d’inoculation de donner le terrible mal au lieu d’en préserver.

Aussi bien, cette tendance des disciples à paraphraser, à tout instant, à la manière des choeurs dans les tragédies antiques, le récitatif du Maître finit, vraiment, par devenir quelque peu fatiguante.

#

Le professeur Pajot tient à son idée. Il a écrit une nouvelle lettre au rédac¬ teur scientifique de la France , dans laquelle on lit :

« Vous voulez bien rappeler dans la France que le docteur Pajot a demandé qu’on inoculât, par la méthode intensive de M. Pasteur, les condamnés à mort, avec leur consentement , en leur promettant la vie sauve.

Vous ajoutez que « certains journaux » ont trouvé que la société n’a pas « le droit de faire de tels marchés avec les condamnés à mort, et qu’il est « évident qu’au point de vue philosophique pur, la justice doit suivre son « cours sans s’occuper de l’évolution scientidque. »

« Cette assertion pourrait être discutée, s’il était vrai que la justice suivît toujours son cours.

« Mais tout le monde sait qu’alors que des jurés ayant, dans leur conscience d’honnêtes gens, condamné un homme à mourir, il y a dans tous les pays civilisés un autre homme, roi, prince, empereur ou président, qui a le droit exorbitant de casser l’arrêt du jury et de faire grâce au coupable et cela sans explication aucune et de par son bon vouloir.

« Donc, la justice suit si peu son cours qu’en France en particulier la peine de mort est une tombola les favorisés gagnent la Nouvelle-Calédonie.

« Or, même au point de vue « philosophique pur, » n’est-il pas plus équitable de voir commuer la peine de criminels, qui, en se soumettant à une épreuve peut-être dangereuse, résoudront une question humanitaire et scientifique.

« N’auront-ils pas, par cette épreuve, atténué le crime qu’ils devaient payer parla mort. »

« Je me trompe peut-être, mais je trouve cela bien plus équitable que les grâces accordées, si souvent, à d’abominables scélérats. »

Le mieux serait, à mon av:s, que les élèves de M. Pasteur, qui affirment, avec tant de conviction, que l’inoculation antirabique est d’une innocuité parfaite, et cela doit être, puisqu’ils ne redoutent pas de la pratiquer sur sur leurs semblables, le mieux serait, dis-je, que les élèves de M. Pasteur s’y soumissent eux-mêmes.

Voyons, monsieur Nocart, ayez un bon mouvement ; faites-vous inoculer ce généreux virus dont vous proclamez si haut les bienfaits. Cela vaudra mieux que des explications qu’on n’écoute guère et que des statistiques auxquelles on ne croit plus (1). Gaston Percheron.

(1) S<mainc Vétérinaire.

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i

Sur les Maladies des Plantes

TRAITEMENT PRÉVENTIF DE L’ANTHK ACNOSE (1).

Sous le titre ci-dessus, la Vigne française , dans son numéro du 15 mars, em¬ prunte à la deuxième édition des « Maladies de la Vigne » le chapitre consacré au traitement préventit' de l’Anthracnose. Dans ce chapitre, l’auteur, M. Pierre Viala, recommande des solutions de sulfate de fer concentrées à 50 0/0 pour combattre cette maladie. Voici comment le savant professeur de l’École d’agri¬ culture de Montpellier conseille d’opérer :

« Pour pratiquer le traitement préventif on dissout dans l’eau et à chaud le « sulfate de fer du commerce et on emploie la solution lorsqu’elle n’est pas en- « core entièrement refroidie. Le plus généralement on s’est servi de tampons a de chiffons fixés sur un manche pour que les mains ne soient pas atteintes, « on l’applique en imbibant fortement le corps de la souche, (que l’on a préa- « lablement déchaussée et taillée), les bras, les coursons et les longs bois, sans « même respecter les yeux; on a surtout soin de largement humecter les chan¬ te cres en faisant pénétrer le liquide dans leur profondeur. Nous croyons qu’il est « plus économique de se servir des instruments pulvérisateurs qui ont été dé- « crits plus haut; non seulement on procède bien plus rapidement, mais on a humecte mieux les coursons et le corps de la souche, et on ne risque pas de « répandre du liquide sur les mains. »

Que la solution du sulfate de fer soit employée sur les vignes en badigeon¬ nages, en lotions, en injections ou en pulvérisations, il est un lait indéniable c’est qu’une partie tombe à terre au moment de l’opération. Quant aux sels qui restent adhérents aux organes aériens de la plante, lavés par les pluies, ils finis¬ sent par être entraînés à leur tour dans le sol. Gomme le sulfate de fer introduit dans la terre s’y combine avec le carbonate de chaux pour former du protoxyde de fer et du sulfate de chaux, deux substances dont les plantes sont avides, nous nous permetlons de demander à l’éminent professeur de viticulture si le sulfate de fer employé en badigeonnage n’agit pas plutôt comme engrais que comme microbicide. Nous sommes d’autant plus autorisé à poser cette question que M. Viala dit : a On doit faire l’opération seulement qnelque temps avant le bourgeonnement. » Or, autrefois on conseillait de la faire à l’époque les spores tombaient sur les feuilles, ce qui paraissait très logique; mais l’expé¬ rience démontra que les pulvérisations et les badigeonnages employés aussi tar¬ divement ne donnaient pas toujours de résultats. Gela se comprend : chaque fois qu’après ces opérations une pluie abondante faisait défaut pour laver les parties aériennes de la vigne et entraîner dans les profondeurs du sol la solu-

(1) L’Authracnose est une maladie très commune non-seulement dans les vigno¬ bles du Midi, mais dans les jardins des départements du Nord la vigne est culti¬ vée en treille. Lorsqu’un cep est atteint de l’Anthracnose il se forme sur les jeunes rameaux de l’année des taches qui se forment à la longue et deviennent noires. Si la maladie est très intense ces taches fort nombreuses s’allongent, et, à l’automue, les sarments paraissent comme rôtis.

C.-L.

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tion ferrugineuse celle-ci ne pouvant servir de nourriture le mal n’était nulle¬ ment enrayé. En conseillant aujourd’hui les badigeonnages avant l’éclosion des feuilles, on a beaucoup plus de chances de voir le sulfate de fer entraîné parles pluies du printemps jusqu’aux racines des plantes pour leur servir de nourri¬ ture et ainsi arrêter la maladie. Évidemment en opérant avant l’hiver on serait plus certain encore d’obtenir ce résultat l’année suivante.

« Il n’est pas nécessaire d’écorcer la vigne, » dit le savant professeur. Cela est très vrai puisque la matière employée en badigeonnage ne produit de l’effet que comme engrais. Si elle agissait comme microbicide, l’écorçage serait au con¬ traire d’absolue nécessité pour faciliter la destruction complète des spores cachés sous les écorces.

« Plusieurs viticulteurs, rapporte M. Viala, ont fait dans le Médoc, en 1886. « deux traitements préventifs au sulfate de fer, donnés à un mois d’intervalle « environ, l’un dans les premiers jours de lévrier, l’autre dans les premiers jours « de mars. Des expériences comparatives semblaient démontrer que ce système « est réellement supérieur à celui qui consiste à ne procéder qu’une seule fois « au badigeonnage : Par la seconde application on détruirait les semences qui un¬ it raient été épargnées la première fois. » A l’encontre de cette explication nous disons : Par la seconde application on donne comme engrais au sol une quantité de sulfate de fer qui était complètement insuffisante à la première.

Pour guérir les vignes de l’Anthracnose, de la Chlorose et de beaucoup d’au¬ tres affections nous conseillons ce qui suit : Répandre à la volée, par hectare, 300 kil. de sulfate de fer en poudre mélangée à 1000 ou 2000 kil. de plâtre, selon que le sol est plus ou moins riche en carbonate de chaux, puis enterrer ces matières fertilisantes par un labour. Ce procédé dont l’effet remarquable se pro¬ longe pendant plusieurs années est beaucoup plus simple, plus pratique, moins coûteux et plus logique que des badigeonnages, des lotions, des aspersions ou des pulvérisations répétées plusieurs fois chaque année.

Pour certaines personnes la quantité de sulfate de fer conseillée ci-dessus pa¬ raîtra énorme. Nous leur dirons que dans des essais faits sur blés, seigles et avoines, plantes bien plus tendres et bien moins rustiques que la vigne, nous avons employé, sur labour avant les semailles, la même quantité de sulfate de fer avec un plein succès.

Dans une des dernières séances de la Chevieal Society de Londres, M. A. B. Grieffiths a fait quelques communications sur des essais de fertilisation du sol par le sulfate de fer. Les essais tentés sur pommes de terre, ognons, haricots, bet¬ teraves et prairies naturelles ont donné des résultats excessivement remar¬ quables.

M. Adolphe Rith, viticulteur à Montpellier, écrivait récemment dans la Vigne , française qu’il avait répandu du sulfate de fer en menus cristaux comme on sème du blé, jusqu’à la dose excessive de 2000 kil. à l’hectare sur des vignes chlorosées et obtenu ainsi un excellent résultat.

Ces faits prouvent que la quantité de 300 kil. de sulfate de fer en poudre, que nous conseillons d’employer par hectare dans les vignobles atteints de l’An- thracnose, est un minimum qu’il y a sou\ent avantage à dépasser.

Clermont (Aisne), 20 mars 1887.

Chavée-Leroy,

Membre de la Société des Agriculteurs de France.

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Sur l'organisation et les métamorphoses de ’TAspidiotus”

du Laurier-rose.

J’ai l’honneur de vous communiquer le résultat de mes recherches relatives au développement, à l’organisation, aux métamorphoses et aux mœurs de l’ds- pidiotus du Laurier-rose, dont la présence se traduit par des sortes de taches blanchâtres, parfois accumulées en grand nombre sous la face inférieure des feuilles de cet arbuste. Les méthodes auxquelles j’ai eu recours sont: l’étude par transparence, la dissection sous le microscope, aidée par les liquides fixa¬ teurs et colorants, enfin les coupes pratiquées sur des fragments de feuilles abondaient les taches blanches en question.

Ces recherches ont été annoncées durant la semaine de Pâques de 1885, dans une des séances du Congrès des Sociétés savantes tenu à la Sorbonne. Elles ont été communiquées en août 1885 à la Section de Zoologie de l’Association fran¬ çaise pour l’avancement des Sciences. Ces dates sont importantes à établir, car c’est dans le courant de la même année 1885 qu’ont paru deux Mémoires sur des sujets analogues, i’un de M. Oscar Schmidt, Sur les métamorphoses et V anatomie du mâle de /’Aspidiotus Nerci, et le second du Dr Emmanuel Witlaczit, Sur la morphologie et l’anatomie des Coecidés. La femelie de YAspidiotus du Laurier-rose, arrivée à son complet développement, constitue une sorte de sac ovalaire rem¬ pli d’œufs. Elle ne présente plus ni antennes, ni yeux, ni pattes. Je ne puis in¬ sister ici sur la description de son appareil digestif, si caractisé par ses cour¬ bures, ses anastomoses, les deux gros tubes Malpighi qui s’y fixent, les nom¬ breuses glandes qui avoisinent son extrémité supérieure et qui semblent jouer un rôle important comme éléments de réserve dans la série des métamorphoses, la cavité pharyngienne avec les muscles qui écartent ses parois et que surmon- deux petits corps réfringents pluricellulaires, enfin la longue trompe munie de stylets qui sert à la fois à la fixation de l’insecte et à la succion du liquide ali¬ mentaire. Le svstème nerveux consiste essentiellement en deux masses réunies

V

par deux longues commissures, la masse inférieure étant multilobulée. Je passe¬ rai également sur la description de l’appareil génital, ne m’arrêtant que sur la présence de deux sacs ovalaires s’ouvrant près de l’orifice anal et sous-jacents aux glandes recourbées annexées aux organes génitaux. Ces sacs ovalaires se retrouvent dans les deux sexes et, par leur isolement, caractérisent le mâle du¬ rant ses premiers âges.

Le mâle adulte est remarquable par ses longues antennes, ses gros organes oculiformes au nombre de quatre, deux latéraux, deux presque contigus sur la ligne médiane, ses deux ailes, ses balanciers, scs pattes fort développées, sur¬ tout la paire postérieure, ses organes génitaux externes formés de trois longues pièces, l’absence de trompe et de stylets buccaux et son tube digestif rudimen¬ taire. Le système nerveux est fort intéressant par suite du volume spécial des ganglions sus-œsophagiens, qui sont presque contigus au reste des centres ner¬ veux par le fait du raccourcissement des pédoncules commissuraux et du déve¬ loppement de nouveaux ganglions fournissant des nerfs aux muscles des ailes.

Les organes génitaux internes consistent essentiellement en deux masses ovalaires réunies par un long canal aux pièces externes, entre lesquelles ce ca¬ nal paraît devoir s’invaginer.

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Les éléments renfermés dans les masses ovalaires se présentent sous l’appa¬ rence de filaments dont la taille semble être hors de proportion avec celle de Tanimal. Plus tard ces corps donnent issue à des filaments'beaucoup plus grêles qui paraissent être les véritables spermatozoïdes. J’ai observé l’acte génital dans le mois d’octobre, vers les 8 h. du soir : le mâle, après avoir reconnu la présence de la femelle sous l’enveloppe qui la dissimule, en faisant usage à la fois de ses antennes et de ses organes oculiformes antérieurs, produit, à l’aide de ses pattes postérieures, la désagrégation d’un des points du pourtour de la plaque protec¬ trice de la femelle, résultat de l’accumulation des produits de la mue.

Il insinue alors ses appendices génito-externes en affectant une position qui rappelle celle des Pucerons et du Phylloxéra. Le mâle ne tarde pas à périr. Quand on soulève la sorte de tente qui abritait la femelle, on reconnaît par dis¬ section la présence, dans sa poche copulatrice, des gros éléments précédemment décrits. Des femelles conservées pendant quinze jours ou trois semaines pré¬ sentent, au bout de ce délai, les fins spermatozoïdes engagés dans les tubes qui contiennent les œufs.

Les différences si complètes observées dans la conformation du mâle et de la femelle avaient fait penser à des différences non moins grandes dans le mode d’évolution de ces deux formes. Parmi les causes d’erreur à éviter je signalerai d’abord la présence d’un petit Hyménoptère parasite de V Aspidiotus et dont j’ai suivre, pour élucider ce problème compliqué, l’évolution biologique. C’est cet Hyménoptère qui produit la perforation que l’on avait considérée comme pratiquée par le mâle pour s’échapper de son enveloppe.

La sorte de coque brunâtre attribuée également au mâle ne serait autre chose que le contenu desséché et éliminé de l’intestin de l’Hyménoptôre.

D’une autre part, je me suis attaché à suivre pas à pas l’évolution biologique de V Aspidiotus et j’ai étudier les différentes phases du développement de l’œuf, son éclosion, la constitution, tant externe qu’interne, de la jeune larve, si caractérisée par le volume de ses différents appendices, la première mue, le deuxième âge de la larve dont les appendices sont déjà singulièrement réduits ; la deuxième mue, le troisième âge de la larve qui a perdu à la fois ses antennes, ses pattes et, le plus souvent, ses yeux. Tous les détails descriptifs relatifs à ces divers états s’appliquent également aux deux formes sexuées. La femelle s’arrête alors dans son évolution biologique et amène ses œufs à maturation ; le mâle, au contraire, continuant la série de ses métamorphoses, éprouve une quatrième mue qui le fait passer par l’état de nymphe et une cinquième mue d’où il sort insecte parfait. Je me suis attaché à suivre, aussi complètement qu’il m’a été possible, tous les détails de ces deux dernières phases, évolutions qui ont comme résultat général la production à nouveau des antennes et des pattes, en même temps que l’apparition et le développement des organes génitaux, des ailes, des balanciers et des gros organes oculiformes.

Le résultat de ces recherches, poursuivies pendant plusieurs années, serait de faire disparaître les caractères exceptionnels de l’évolution du mâle de Y Aspidio¬ tus, cette évolution rentrant dans les lois générales applicables à l’ensemble des insectes (1).

V. Lemoine,

Prof, à l'École de Med. de Reims.

(1) G. R. Ac. des Sc.

Le Gérant: Jules Pelletan, Fils.

Amiens imprimerie Rousseau-Leroy,

Onzième année

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20 Mai 1887

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE I

Revue, par le Dr J. Pelletan. Évolution des Microorganismes animaux et végé¬ taux [suite), leçons faites au Collège de France, par le Prof. G. Balbiani. Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier Idées nouvelles sur les fermentations, (suite), véritables causes des maladies des animaux, par M. E. Cocardas. Bibliographie diatomologique, par M. J. Deby. Sur les maladies des plantes, lettre à M. le Ministre de l’Agri¬ culture, par M. Chavée-Leroy. Une force nouvelle, par M. J. Thore. Offres et demandes. Avis divers.

REVUE

Supposez que vous êtes tranquillement assis dans votre cabinet en train de songer à des choses riantes, quand un monsieur se présente et vous dit :

« Monsieur, tel que vous me voyez, je me porte très bien ; je n’ai mal ni à la tête, ni aux jambes, ni au cœur, ni au foie, ni à la rate ; mes reins fonc¬ tionnent bien, ma vessie tout de même, et le reste à l’avenant. Mais je n’ai ni tenants ni aboutissants, je ne sers pas à grand’chose ici-bas et il me paraît que ma jambe gauche ne me sert à rien du tout. Goupez-la moi, voulez- vous ? Cependant, comme j’ai mon terme à payer le 15, vous me la couperez le 16. Ça vous va-t-il ? »

Qu’est-ce que vous répondrez?

Je pense que vous répondrez, comme je le ferais moi-même :

« Mon cher Monsieur, je ne sais absolument pas pourquoi je vous cou¬ perais la jambe, et pourquoi vous me choisissez, moi dont ce n’est pas préci¬ sément le métier de couper les jambes de mes concitoyens, pour celle corvée désobligeante. Si encore vous aviez votre jambe gauche en capilotade, je pourrais voir ce qu’il convient de faire, mais dans les conditions actuelles, je vous prie d’aller vous faire.... couper tout ce que vous voudrez ailleurs. »

Eli bien! c’est, à peu de chose près, ce qui vient d’arriver à mon ami G. Percheron.

Mon ami G. Percheron dirige, comme on le sait, et avec infiniment de talent, le journal La Semaine Vétérinaire. Or, le professeur Pajot a derniè¬ rement proposé aux vaccinateurs antirabiques d’expérimenter celle méthode intensive que tout le monde connaît, sur des condamnés à mort à qui l’onpro-

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mettrait la vie sauve si, par impossible, ils eu réchappaient; Percheron, dans un excellent article que nous avons reproduit dernièrement, s’est alors écrié :

« Le mieux serait que les élèves de M. Pasteur, qui affirment, avec tant de conviction, que l’inoculation antirabique est d’une innocuité parfaite, et cela doit être puisqu’ils ne redoutent pas de la pratiquer sur leurs semblables, le mieux serait que les élèves de M. Pasteur s’y soumissent eux-mêmes. »

Et il adjurait M.Nocard de prêter son livpochondre à la seringue du Maître (1).

Ce serait effectivement le mieux Mais M. Nocard n’a rien prêté du tout aux inoculations de moelle de lapin que le concours de ses raisonnements.

Mais si M. Nocard n’a pas répondu, M. Émile Thierry s’est offert.

M. Émile Thierry, vétérinaire distingué à Auxerre, a écrit à Percheron u.ie longue, très longue, trop longue lettre dans laquelle il lui dit qu'il n’a pas une belle fortune, qu’il n’a jamais fait grand mal ni grand bien, que son utilité dans ce monde a été plus que médiocre, et, qu’en conséquence, il s’offre pour qu’on pratique sur lui les inoculations antirabiques.

C’est, comme on le voit, un peu la lettre d’adieux d’un monsieur qui va se tuer. Néanmoins, c’est plein de bonnes intentions.

Mais il ajoute que l’opération aura lieu le 29 août prochain, c’est la date fatale, et, non par la méthode intensive, mais par la première méthode, dite progressive, parce qu’il tient « à ne pas exposer inutilement sa peau. » Celte condition, par parenthèse, ne prouve pas une confiance aveugle dans les dogmes pastoriens, bien que M. E. Thierry dise y avoir « une foi absolue. » C’est comme le négociant qui aurait en son client une confiance absolue.... jusqu’à concurrence de trente-cinq sous.

Toutefois, après que les vaccinations progressives auront réussi, M.E. Thierry consentira à subir les inoculations intensives. El c’est alors qu’il viendra prier M. Percheron de lui administrer la rage sous les espèces d’une lancette ou d’une seringue pleines de la bave d’un chien enragé, opération qui aura pour témoins d’une part, MM. Biot, Trasbot et Nocard, et, d’autre part, le profes¬ seur Peter et le Dr J. Pelletan.

Voilà !

Comme je le disais, la proposition de M. E. Thierry est pleine de bonnes intentions. Seulement, comme on le pense, M. G. Percheron s’est récusé, trouvant qu’il n’y a aucune raison pour le charger d’une expérience dans laquelle il n'a aucune confiance.

Ainsi donc, M. E. Thierry pourra se présenter, le 29 août, à l’Institut Pas¬ teur pour se faire vacciner, mais ce n’est pas mon ami Percheron qui lui ino¬ culera la rage. Et il fera bien.

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Quant à l'Institut Pasteur, le Conseil d’État s’est enfin décidé à le recon¬ naître au nombre des établissements d'utilité publique.

Cela n’a pas été sans peine, mais vous ne pouviez pas supposer qu'un établissement qui compte parmi ses administrateurs MM. Magnin, gouverneur de la Banque de France, Christophle, gouverneur du Crédit foncier, et

id) Voir le dernier du Journal de Mict'ogruphie, Chronique de la rage, p. 186.

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Alphonse de Rothschild, ferait tiasco devant n’importe quel Conseil. Maxima debetur millionibm reverentia.

Mais l’Institut Pasteur ne s’élèvera pas rue Vauquelin. Le vice-amiral Jurien de la Gravière a écrit au Conseil Municipal de Paris une lettre, qu’on a lue dans tous les journaux, par laquelle il l’informe que M. Pasteur refuse les 2.500 mètres de terrain que ledit Conseil Municipal lui avait octroyés pour 99 ans, rue Vauquelin. Et puis on lui demandait un loyer trop élevé pour le reste. M. Pasteur, qui ne veut pas qu’on le discute, ne veut pas non plus qu’on le marchande. Et alors on a acheté quelque part, du côté de l’abattoir aux cochons, un terrain de 11.000 mètres, alias 18.000 mètres, pour cultiver les moelles de lapin.

Ce sont les propriétaires de ces terrains lointains qui sont contents ! Ils en ont vendu pour 376.500 francs !

*

Laissons donc bâtir cet Institut Pasteur, et nous verrons ce qu’il deviendra. Pour moi, je m’en occuperai le moins possible. Depuis quelque temps d’ailleurs, mes lecteurs me l’ont un peu reproché, je m’étais abstenu de parler de la rage et des inoculations, et je compte faire de même, à l’avenir. C’est qu’en effet, je considère que cette question est jugée, et même enterrée, au point de vue scientifique. Elle n’existe plus qu’au point de vue commercial et industriel, et vient se placer à côté de tant d’autres « affaires » parmi lesquelles celles de la Baleine Française, des Mines de caoutchouc et des Carrières de fromage de Gruyère ne sont pas les moins célèbres.

Au surplus, il ne serait pas surprenant que cette nouvelle affaire réussit.

Tout arrive, en France, et dans un pays il y a des gens qui croient aux professions de foi de leurs députés, des gens qui lisent le Figaro , des gens qui fument les cigares de la régie, on peut s’attendre à tout et particu¬ lièrement à voir réussir tout ce qui n’a ni queue ni tête.

Un mot encore cependant sur les vaccinations antirabiques.

Notre maitre, M. Pajot, a proposé, comme nous l’avons dit, qu’on fit de:, expériences sur des condamnés à mort à qui l’on promettrait la vie sauve si ces expériences réussissaient.

Cette proposition a fait jeter les hauts cris à un tas de gens : le cours de la justice par ci, le cours de la justice par là, et patati et patata....

Tout cela, ce sont des mots. Toutes les fois que, dans notre pays de routine, f Administration a à prendre une mesure quelconque, que fait-elle ? Cherche-t-elle à savoir si la mesure est bonne, juste ou pratique? Pas le moins du monde. C’est ce qui la préoccupe le moins. Elle cherche s’il y a des précédents. C’est de tradition.

Eh bien! est-ce que la tradition ne nous dit pas aussi que l’opération de la taille, Guidonienne ou Mariane, je ne sais plus laquelle, a été pratiquée, pour la première fois, sur un condamné à mort, à qui l’on avait promis la vie sauve, s’il ne mourait pas de l’opération.

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Yoilà un précédent, je crois. Cela doit suffire, et l’on n’a pas besoin d’autres raisons.

* *

Enfin, pour terminer cette longue causerie, je dois vous signaler encore une statistique. Ne craignez rien, il ne s’agit pas de M. Grancher, ni de la rage ; il s’agit de la fièvre jaune et de MM. Domingos Freire, Rebourgeon et Gibier.

On sait qu’il y a déjà quelques années, M. Domingos Freire avait annoncé avec M. Rebourgeon, qu’il avait isolé le microbe de la fièvre jaune ; qu’il en avait fait des cultures, et qu’avec un bouillon de culture il avait pratiqué des vaccinations sur des ouvriers qui n’étaient pas morts de la fièvre jaune.

L’excellent M. Bouley avait, là-dessus, poussé des cris d’enthousiasme, ce qui n’avait pas empêché le microbe araaril, insuffisamment démontré, de tomber dans un oubli qui paraissait mérité.

Or, il vient de pousser un rebourgeon (pardon!), et ses deux auteurs pri¬ mitifs, après s’être adjoint M. P. Gibier, viennent de présenter une nouvelle note à l’Académie des Sciences sur les vaccinations contre la fièvre jaune, vaccinations dont la dite note célèbre l’efficacité.

Et l’on publie, comme de juste, une statistique. Pas d’inoculation sans statistique. Dans ce document, officiel à ce qu’il paraît, il est établi que pendant la période 1882 à 1884 il y a eu, à Rio, 1537 décès par fièvre jaune, ce qui donne en moyenne 768 décès par an; pendant l’année 1884, il y a eu 618 décès ; en 1885, 325 décès ; et en 1886, année où, dit le rapport, la maladie n’a pas sévi épidémiquement, ce qui laisserait supposer qu’elle était épidémique pendant les années précédentes, on a compté 1.015 décès.

Ces 1.015 décès ont été obtenus sous le régime des inoculations. Et en 1883, 1884, 1885, l’on ne vaccinait pas, il n’y avait que 768, 618, 325 décès.

Et l’on donne cette statistique comme une preuve en faveur des vaccinations ! C’est égal, pour une preuve c’est une drôle de preuve. Qu’en pensez-vous ?

Dr J. P.

TRAVAUX ORIGINAUX

ÉVOLUTION DES MICRO-ORGANISMES ANIMAUX ET VÉGÉTAUX

Leçons faites au College de France en 1886-1887 par le Professeur Balbiani

(Suite1)

En commençant Pétude des micro-organismes animaux, je dois d’a¬ bord vous présenter quelques considérations générales sur le groupe

(1) Voir Journal de Micrographie, t. X, 1886, t. XI, 1887, p. 51, 134, 170.

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des Protozoaires, et, en jetant les yeux sur le tableau que j’en ai dressé, vous voyez qu’il comprend des êtres très différents. Néanmoins, tous les êtres qui composent cette grande division, quelque différents qu’ils soient les uns des autres, présentent certains caractères com¬ muns qui ont justement servi à les rapprocher sous cette dénomination, caractères communs qui impliquent des affinités naturelles, ou, comme on préfère le dire aujourd’hui, une parenté naturelle, depuis que les idées darwiniennes ont été introduites dans la science.

En procédant de la sorte, je ne dois pas oublier que cette chaire n’est pas une chaire de zoologie proprement dite. Je ne puis donc pas entrer dans beaucoup de détails sur l’organisation de ces différents groupes, la nature de cet enseignement m’oblige à avoir surtout égard aux phénomènes d’évolution, et, par conséquent, à étudier leur déve¬ loppement et tous les phénomènes physiologiques qui s’y rattachent. C’est déjà un champ assez vaste à parcourir, aussi ne pourrais-je consacrer que peu de temps à l’histoire zoologique de chaque animal. Considérez le grand nombre et la variété des espèces que nous aurons à passer en revue et le point de vue spécial sous lequel nous aurons à les examiner, le parasitisme, point de vue sous lequel on les étudie peu dans les autres enseignements ; envisagez que, dans cette étude, nous aurons à faire intervenir la zoologie, la botanique, les sciences appliquées, la médecine, l’hygiène, l’art vétérinaire, l’agriculture, les arts industriels, la pisciculture, la sériciculture, l’apiculture, etc., et vous verrez que nous avons un long chemin à parcourir, j’entre donc tout de suite en matière :

Les Protozoaires sont réduits à des unités morphologiques, à des cellules : ce sont des êtres unicellulaires. Les êtres formés par des agglomérations de cellules sont dits Métazoaires. Cette division du règne animal en êtres unicellulaires et multicellulaires est la concep¬ tion la plus large qu’on puisse se faire delà classification des animaux.

Une autre considération a conduit à diviser les animaux en deux groupes d’après leur âge relatif. C’est l’introduction, dans la science, de l’idée de l’évolution qui a amené celle de l’idée de filiation entre les êtres et l’on suppose que cette filiation correspond à leur ordre d’apparition à la surface du globe. On a donc supposé qu’en raison de la simplicité de leur structure, les Protozoaires devaient être les plus anciens des habitants de la terre et que les autres, qui entrent dans les embranchements de Cuvier, devaient être d’origine plus ré¬ cente. C’est en vertu de cette idée, qui est également d’origine Darwi¬ nienne, que les Protozoaires sont non-seulement les êtres les plus sim¬ ples, mais les êtres primordiaux, les premiers nés, qu’on a créé les deux termes qui rappellent à la fois la constitution des animaux et leur

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filiation : Protozoaires, Métazoaires. Cependant, jusqu’ici, les natu¬ ralistes évolutionistes, qui ont eu l’idée de cette division, ne sont pas d’accord sur la façon dont le passage s’est fait des Protozoaires aux Métazoaires ; on n’a pas signalé de formes nettes de transition, et les naturalistes sont arrivés dans cette voie à des résultats différents. C’est encore une très grande lacune dans les idées que professe l’école évolutioniste.

En nous représentant un Protozaire comme formé d’une simple cellule, nous n’en aurions qu’une idée très imparfaite, si nous nous représentions cette cellule comme une de celles qui entrent dans la constitution des tissus animaux. Sans doute, il y a des micro-orga¬ nismes qui réalisent ce type très simple, par exemple plusieurs Gré- garines, au moins dans une certaine période de leur existence : une enveloppe, un plasma et un noyau. Il y a même une forme de cellules encore plus simple, et dans laquelle l’enveloppe manque; ainsi l’Amibe est réduite à un plasma et un noyau. Mais un très grand nombre de ces organismes ne réalisent pas ce type de simplicité qu’on peut ap¬ peler idéale, et présentent au contraire des détails de structure aussi divers et aussi compliqués que les Métazoaires eux-mêmes. Il serait difficile, en effet, de supposer au premier abord qu’une Stylonychie, une Vorticelle, une Paramécie, dont le corps offre des complications si curieuses, n’ont dans leur être tout entier que la valeur d’une sim¬ ple cellule. Il en est de même des Goccidies, des Grégarines à deux compartiments, des Foraminifères et d’un grand nombre d’autres orga¬ nismes dont la structure présente des détails extrêmement complexes

variés.

Ainsi, si l’on suit le développement d’une Grégarine, on arrive à des formes que l’on a peine à considérer comme de simples cellules, comme ces kystes que nous étudierons plus tard, et qui ne sont que des modifications des différentes parties d’une cellule. Je pourrais vous citer encore des organismes très curieux, comme les Myxosporidies et beaucoup d’autres.

Ces Protozoaires sont donc des êtres extrêmement différenciés au point de vue morphologique, malgré leur simplicité histologique. lien est de même quand on examine les propriétés physiologiques de leurs diverses parties. Dans une cellule, on rencontre presque toutes les propriétés vitales que l’on trouve dans les divers organes d’un Métazoaire : ainsi, la simple cellule de n’importe quel tissu possède des propriétés de nutrition, de sécrétion, d’excrétion, de reproduction, mais toutes ces propriétés se confondent dans le protoplasma. Mais, chez les Protozoaires, ces propriétés se localisent à propos de ces fonc¬ tions, et cette différenciation qui, chez les animaux supérieurs, s’ac-

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cuse par la formation d’organes très divers, s’effectue sur le proto¬ plasma lui-même, protoplasma qui se diversifie au point de vue mor¬ phologique et physiologique. Ainsi, dans cette simple cellule, il peut y avoir des ouvertures destinées à la nutrition, ouvertures dont l’une joue le rôle d’une bouche et l’autre d’un anus ; il peut y avoir des appendices variés qui servent h la locomotion ; il va aussi des fonc¬ tions d’excrétion et de circulation qui sont représentées par des diffé¬ renciations du protoplasma ; de même, pour la reproduction, il y a des éléments particuliers qui servent à cette fonction. Le corps de ces animaux est limité à la surface par une membrane qui sert à le proté¬ ger contre les agents extérieurs, formant tantôt un tégument très sim¬ ple ou cuticule, tantôt une véritable cuirasse dans laquelle l’animal est enfermé et qui peut atteindre' une complication très grande, comme chez les Foraminifères elle présente des détails de structure extrê¬ mement variés et délicats, permettant à peine de croire que l’ètre qu’elle renferme n’est que du protoplasma homogène.

Si nous examinons par quels moyens cette double différenciation morphologique et physiologique est produite chez les Protozoaires, nous voyons qu’elle résulte d’un mécanisme tout à fait différent de celui par lequel elle est obtenue chez les Métazoaires oii les différents organes ont pour point de départ un phénomène de premier ordre, la segmentation de l’œuf, ou transformation de cet œuf en un assemblage de cellules. Dans cet amas de cellules se forment bientôt des couches, strates ou feuillets germinatifs dont chacun est l’origine d’un groupe spécial d’organes, qui tous naissent d’un même feuillet. Les trois feuil¬ lets qui se forment ainsi donnent toujours naissance au même groupe d’organes. C’est de ce phénomène que résulte la différenciation chez les Métazoaires. Si nous considérons, au contraire, la manière dont cette diversification s’opère chez les Protozoaires, nous voyons que c’est par un principe tout différent qu’on peut appeler la force plastique du plasma. Tout se passe dans une cellule simple qui ne se résout pas en un assemblage de cellules par un phénomène de segmentation, ni par une superposition de feuillets germinatifs donnant naissance à des or¬ ganes divers. Son protoplasma est un microcosme qui renferme en lui le principe de tous ces phénomènes différents : il contient en résumé les propriétés de tous les organes qui entrent dans la constitution des Métazoaires. Je dirais volontiers que le protoplasma des Protozoaires représente Ja lumière blanche, contenant la réunion de tous les rayons colorés qui représentent les organes des Métazoaires.

On peut dire, par conséquent, que le protoplasma qui constitua h* corps des Protozoaires est comme le résumé de tous les organes qui forment le corps des Métazoaires. En effet, une c Mule de Protozoaire

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est à la fois cellule digestive, cellule musculaire, respiratoire, nerveuse, reproductrice ; et je puis donner des exemples. Je vous prouverai que ce protoplasma a les propriétés que Ton observe dans les organes nom¬ breux des animaux plus compliqués, qu’il fonctionne comme cellule excrétoire, contractile, digestive et même comme cellule sexuelle, œuf ou spermatoblaste. Cette conception est indispensable pour nous aider à comprendre les phénomènes que la reproduction présente chez cer¬ tains Protozoaires, comme les Infusoires ciliés, phénomènes qu’on ne peut expliquer qu’en considérant leur corps tout entier comme repré¬ sentant un œuf et une cellule spermatique.

Aussi, chez les Protozoaires, on peut dire que l’idée d’individu se confond complètement avec l’idée de ses éléments sexuels. Le même être qui représente l’individu dans l’espace et dans le temps est à la fois son œuf et son spermatozoïde. Je démontrerai cette proposi¬ tion quand nous nous occuperons de la reproduction des Protozoaires. On peut dire aussi que les Protozoaires, ainsi envisagés, sont, dès leur naissance, impérissables. La mort naturelle n’existe pas chez eux, comme nous le verrons.

Continuons notre exposé et voyons comment s’opère cette diversi¬ fication si remarquable qu’on observe dans le corps unicellulaire des Protozoaires. Nous venons de voir que c’est par des modifications des éléments qui entrent dans la cellule des Protozoaires que ces modifi¬ cations organiques et physiologiques s’obtiennent. En effet, dans cette cellule on distingue une membrane d’enveloppe, un protoplasma et un noyau. C’est grâce aux modifications de ces trois éléments que nous verrons apparaître toutes les modifications physiologiques et morpho¬ logiques si compliquées, si variées, si nombreuses que présentent les Protozoaires.

La membrane d’enveloppe existe très souvent, parfois elle manque. Souvent elle devient un élément très essentiel, par exemple, chez les Infusoires. Quelquefois, elle est simple et entière ; quelquefois, elle est percée de trous plus ou moins nombreux par lesquels passent des prolongements protoplasmiques, tentacules, cils vibratiles égaux ou inégaux, très diversement distribués, et qui jouent le rôle d’organes soit de locomotion, soit de préhension des aliments.

Souvent, surtout chez les Infusoires ciliés, cette membrane présente deux ouvertures qui jouent le rôle d’une bouche et d'un anus. Quel¬ quefois, cette cuticule, au pourtour d’une de ces ouvertures, se réflé¬ chit vers l’intérieur, soit du côté de la bouche, soit du côté de l’anus, et constitue un petit canal plus ou moins long qui, par comparaison avec ce qui a lieu chez les Métazoaires, représente un œsophage ou un rectum. Ces parties ne sont pas reliées par un tube continu et vien-

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nent déboucher dans la masse centrale. C’est donc un tube digestif très rudimentaire.

Il est difficile de vous donner ici une idée générale de toutes les particularités que présente cette membrane d’enveloppe, à cause des variations très considérables qu’elle éprouve. Je renvoie ces descrip¬ tions à l’étude que nous ferons de chaque groupe en particulier.

En dedans de la cuticule, nous trouvons la substance qui forme la masse principale du corps, le protoplasma ou cytoplasma. Il a des aspects très divers chez ces différents êtres. Tantôt c’est une masse homogène, mais peut-être plutôt en apparence qu’en réalité, car à mesure qu’on étudie davantage la structure du protoplasma, dans ces cellules comme dans toutes ies autres d’ailleurs, on s’aperçoit qu’elle est beaucoup plus compliquée qu'on ne le supposait. Mais avec les moyens ordinaires dont nous disposons, il se présente tantôt comme une masse homogène, tantôt comme différencié en couches concen¬ triques. Il constitue le plus souvent alors une couche ou zone externe et une couche ou zone interne, formant le centre de l’animal. Quelques auteurs, comme Hæckel, distinguent trois ou quatre couches, Brandt quatre couches, peut-être cinq, Maggi trois couches. Mais, ordinai¬ rement, on reconnaît deux couches dont l’externe a été appelée ecto¬ plasme ou ectosarque et l’interne endoplasme ou endosarque . C’est ce qu’on appelait autrefois couche corticale et couche médul¬ laire ou masse centrale.

La couche périphérique ou ectoplasme n’est pas spéciale aux Proto¬ zoaires. Les botanistes la connaissent depuis 1846, époque à laquelle elle a été décrite pour la première fois par Hugo von MohL C’est Vutricule primordial , qui donne naissance à la membrane de cellule végétale ou à la cuticule. De même, l’ectoplasme donne naissance à diverses membranes qui recouvrent le corps de l’animal, cuticule sim¬ ple ou cuticule épaisse, plus ou moins imprégnée de sels calcaires.

Outre ces parties tégumentaires qui naissent au dépens de l’ecto¬ plasme, on voit se produire des formations plus complexes : par exemple, des stries longitudinales douées de propriétés contractiles manifestes chez certains Protozoaires, comme les Stentors. Ce sont des modifications de la couche externe qui correspondent en quelque sorte aux fibres musculaires des animaux supérieurs ; aussi Hæckel les a-t-il appelées myophanes. On 11e les rencontre guère que chez quelques Infusoires ciliés.

Quelquefois, on voit se produire dans cet ectoplasme des fibres d’une autre nature. Elles servent plutôt de soutien au corps, surtout chez les Grégarines, dont le corps est très mou. Elles forment ainsi une sorte de squelette élastique affectant l’aspect de libre* annelées, soit en an-

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neaux séparés, soit en tours d’une même spirale, soit encore en réseau anastomosé, comme une sorte de treillage. Il peut même se produire, par des différenciations de l’ectoplasme, des organes beaucoup plus compliqués, organes de défense ou d’attaque, comme ceux qu’on a comparés aux tricliocystes, ou organes urticants des Zoophytes, et qui contiennent un bâtonnet ou un filament roulé pouvant faire issue hors de la vésicule qui les contient. C’est, du reste, par la modification d’une cellule que ces organes se produisent chez les Zoophytes.

Souvent encore, on voit se former des cavités arrondies qui com¬ muniquent avec des canaux. Leurs parois sont contractiles, les canaux parfois contractiles aussi, et il peut y avoir tout un système compliqué. L’un des canaux, quelquefois deux, peuvent communiquer avec l’extérieur par un petit pertuis. C’est ce qu’on a appelé des vési¬ cules contractiles. C’est donc encore un appareil complexe, qu’on a assimilé à des organes de circulation, de respiration ou d’excrétion. On le trouve dans l’ectoplasme de beaucoup de Protozoaires : Infu¬ soires ciliés, Rhizopodes, etc.

C’est dans cette couche aussi que se placent ces petits parasites, Algues Palmellacées, Zoochlorella ou Xanthochlorella , qui don¬ nent, par exemple, au Paramæcium Bursaria sa couleur verte. Elles sont ordinairemnnt logées dans la couche corticale, plus solide, mais quelquefois elles pénètrent dansl’endoplasme. Dans ce cas, elles tombent dans les courants protoplasmiques intérieurs par lesquels on les voit incessamment entraînées. Celles qui sont dans l’ectoplasme ne cèdent pas aux courants. Il y a donc un siège particulier pour ces petites Algues parasites.

Nous voyons, au contraire, chez d’autres Protozoaires, ces Algues parasites siéger non plus dans l’ectoplasme, mais dans l’endoplasme. Ainsi, chez les Héliozoaires, Y Acantrocystis viridis contient les Algues vertes logées dans l’endoplasme. Ces Acanthocystis ont une forme sphérique, avec des tentacules plus ou moins longs. C’est dans la couche superficielle de l’endoplasme que sont les Algues. Mais comme il n’y a pas de courants, elles restent immobiles. Cette situa¬ tion est intéressante en ce qu’elle nous rappelle le siège qu’occupent les mêmes Algues chez les Métazoaires qui en contiennent. Vous savez que chez les Actinies, par exemple, c’est dans les cellules endoder¬ miques que sont situées les Zooxanthella , petites Algues jaunes dont nous nous occuperons à propos des Palmellacées.

Examinons la structure de cet ectoplasme. On observe dans cette couche les mêmes variations que dans les cellules ordinaires. Le plus ordinairement, elle est formée par une couche plus condensée, plus résistante, plus homogène de l’utricule primordial. On y distingue tout

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au plus de petites granulations moléculaires : par exemple, chez les Grégarines, l’ectoplasme est très prononcé et se distingue nette¬ ment de la masse centrale par la finesse de ces granulations. Il n’y a peut-être pas d’espèces qui montrent mieux cette différenciation que les Grégarines.

Quelquefois, cette couche a une consistance spongieuse. On s’est servi souvent du mot u réticulée ”. C’est une erreur. Ce n’est pas un réseau formé de filaments entrecroisés, c’est une structure formée de cavités contiguës et qu’il convient d’appeler arêolaire. Dans un réseau, les limites des mailles sont indiquées par des filaments, tandis que dans le tissu dont nous parions, ce sont des cloisons. Ces cloi¬ sons peuvent avoir un aspect très régulier, comme chez le Bursaria truncatella , gros Infusoire qui, vu par la surface, présente un très joli réseau hexagonal, comme un gâteau d’abeilles. Mais, en l’examinant de profil, on reconnaît que Jes mailles hexagonales correspondent à des alvéoles limités par des cloisons. C’est donc une structure cloisonnée ou arêolaire. Je crois qu’il en est de même dans tous les cas cette disposition a été observée.

Arrivons à l’endoplasme, qui occupe tout le reste du corps limité au dehors par l’ectoplasme. Quand ces deux couches sont bien diffé¬ renciées, on constate facilement leurs différences. Prenez les carac¬ tères opposés à ceux de l’ectoplasme, vous aurez l’endoplasme : subs¬ tance molle, peu réfringente, contenant des inclusions plus ou moins grossières. Il présente encore une structure spongieuse, mais beaucoup plus irrégulière et ressemblant plus à une éponge qu’à un gâteau d’abeilles.

Il faut admettre, je crois, cette structure spongieuse pour tout le protoplasma des Protozoaires. Ainsi, Bütschli, qui s’est beaucoup oc¬ cupé de cette structure, est toujours arrivé à cette conclusion que le tissu de ces êtres est arêolaire, et plus récemment Schubert a vu la même chose sur le Bursaria truncatella.

Cette structure arêolaire n’a pas pu encore être constatée d’une façon très nette chez les Grégarines qui paraissaient être très favorables à l’étude de la structure des Protozoaires. Mais elles ne se sont pas du tout prêtées à cet examen. On ne sait pas comment elles se meuvent; on ne connaît pas non plus, malgré le gros volume que présentent plusieurs espèces, quelle est leur structure intime.

Comme dans les cellules végétales, on a remarqué dans l’endo- plasme des mouvements protoplasmiques, des courants comme ceux que l’on connaît dans les cellules des Char a. On les observe chez cer¬ tains Infusoires, par exemple, le Paramæcium Bursaria. Ces cou-' rants peuvent être tout à fait réguliers. La masse interne a la forme d’un

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réseau anastomosé et dans chacune des travées de ce réseau, le long de chacun des filaments, on voit un courant entraîner les granulations qui, arrivées à un certain point, s’arrêtent quelquefois, puis marchent en sens contraire. C’est ce qu’on voit très bien dans les cellules d’une plante aquatique, VElodea canadensis.

Dans Pendoplasme encore sont inclus la plupart des corps solides dont les cellules montrent les matériaux élaborés par le protoplasma lui-même, substancss amylacées, matières grasses, chromatophores, que l’on trouve dans la partie superficielle de l’endoplasme. Les corps étrangers qui servent d’aliments pénètrent dans Pendoplasme au sein duquel débouche ordinairement le tube que nous avons appelé œso¬ phage, quand il existe. C’est aussi le siège des parasites animaux et végétaux que renferment beaucoup d’infusoires, des Bactéries par exemple. Mais celles-ci ont une tendance à pénétrer dans le noyau et c’est leur présence dans cet élément qui les a fait prendre pour des filaments spermatiques. J’ai montré, il y a plus de vingt ans, que ces prétendus spermatozoïdes étaient des Bacilles. Il y a aussi des Micros- poridies que j’ai observées à l’état parasite chez des Infusoires ciliés, et des Monades qui se creusent des loges dans Pendoplasme de ceux-ci.

Nous n’avons considéré jusqu’ici que le cas les deux couches du protoplasma sont nettement différenciées, mais très souvent on ne voit aucune différenciation dans toute la masse : tout le corps paraît être une masse homogène et on n’observe rien qui ressemble à un ectoplasme et un endoplasme. On peut s’assurer très facilement de l’homogénéité de ce protoplasma, si l’on examine un Microbe ou une Amibe. Chez cette dernière, il y a une apparence qui ferait croire que le protoplasma est séparé en deux couches. Il parait, en effet, qu’il y a une différence entre une couche externe qui semble homogène et une masse centrale qui contient des corps étrangers. Mais ce n’est qu’une apparence : quand l’Amibe se met en mouvement et émet un pseudopode, on voit les granulations s’y précipiter et arriver jusqu’à l’extrémité du pseudopode, puis refluer dans la masse centrale. Il n’y a donc nulle part une couche plus dure qui les empêche d’avancer, et si la partie externe paraît plus claire, c’est tout simplement parce qu’elle est moins chargée de corps solides ; c’est pour cela que dans la progression de l’Amibe elle s’avance plus vite. De même, quand une goutte d’eau contenant des granulations solides s’avance sur une surface, c’est l’eau libre qui va le plus vite et les granulations restent en arrière.

En 1863, un naturaliste anglais, Wallich, (les Bhizopodes ont tou¬ jours eu un attrait particulier pour les Anglais) a soutenu que l’Amibe était formée par une masse homogène et uniforme, et qu’il n’y avait

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pas lieu de décrire des couches. Bütschli et Schubert, plus récem¬ ment sont arrivés aux mêmes conclusions. Bütschli a fait une étude spéciale des Protozoaires et a trouvé que chez la plupart des Rhizo- podes, il îfy avait pas à établir de différenciation en plusieurs couches. Cependant, il faut reconnaître que cette différenciation existe chez beaucoup d’infusoires et chez certaines Grégarines ainsi que nous pourrons le constater souvent par la suite.

(A suivre.)

LE MÉCANISME DE LA SECRÉTION

Leçons faites au Collège de France en 1886-87 par le professeur L. Ranvier.

[Suite) (1)

Nous avons établi, vous vous le rappelez, que chez la grenouille et les Batraciens anoures il existe trois espèces de glandes cutanées et nous avons commencé l’étude des glandes séreuses sur des coupes de la peau et de la membrane nyctitante qui est un repli de la peau. Nous avons constaté, particulièrement dans le canal excréteur, l’existence d’une seule couche de cellules épithéliales sans cuticule pour limiter le calibre du canal, tandis que dans le canal excréteur des glandes sudoripares de l’homme et des Mammifères nous avons trouvé deux rangées de cellules épithéliales dont la plus interne présente une cu¬ ticule limitant la lumière du canal. Pour faire une analyse plus com¬ plète de la glande séreuse, il convient d’avoir recours d’autres mé¬ thodes et d’abord à la dissociation par les dissociateurs chimiques.

j’ai essayé beaucoup de réactifs et celui qui m’a donné les meilleurs résultats est le sérum iodé faible, présentant une couleur légèrement ambrée. Quand la membrane nyctitante, enlevée avec soin, a séjourné vingt-quatre heures dans 1 ou 2 centimètres cubes de sérum faible¬ ment iodé, on peut facilement détacher la couche épithéliale interne, qui correspond à l’épiderme. On place la membrane sur une lame de verre dans une goutte de sérum et avec une pince ou un fin scalpel, en maintenant la membrane avec une aiguille, on peut enlever la couche épidermique interne d’une seule pièce. Et, chose intéressante, on détache en même temps l’épithélium du canal excréteur des glandes séreuses. Souvent même on enlève l’épithélium glandulaire tout entier.

(1) Voir journal de Micrographie, t. X, 1886, et t. XI, 1887, p. 7,62. 142, 161.

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Le lambeau d’épiderme aura la même forme et la même dimension que la membrane elle-même, et, si on l’examine sous sa face profonde, on reconnaît qu’il contient non seulement l’épiderme de revêtement mais même l’épithélium glandulaire d’un nombre considérable de glandes séreuses. Mais cet épithélium qui est le moule interne des utricules glandulaires a du passer par l’ouverture étroite qui corres¬ pond à la naissance du col de l’utricule. Il faut donc qu’il ait pu se re¬ fouler, se comprimer, se diminuer pour franchir l’orifice du col ; il s’est fait une sorte d’accouchement. Mais comme les lissus sont élas¬ tiques, ils peuvent, après avoir franchi l’orifice du col, reprendre leur dimension première. Aussi, avec un faible grossissement, on peut re¬ connaître l’épithélium parfaitement intact d’un certain nombre de glandes.

On a donc ainsi des plaques d’épithélium contenant des utricules glandulaires sans membrane propre, (la membrane propre est restée dans le stroma de la nyctitante) et ne contenant que la musculeuse et les cellules glandulaires proprement dites. Les fibres musculaires de l’utri¬ cule de la glande séreuse chez la grenouille font partie de la couche épithéliale et peuvent s’enlever avec elle.

En examinant les éléments épithéliaux et musculaires du tube sécré¬ teur des glandes sudoripares de l’homme et des Mammifères, nous étions arrivés déjà à cette conclusion que la couche musculaire est de nature ectodermique, et en poursuivant le développement du tube sé¬ créteur de la glande sudoripare de l’homme, nous avions reconnu que les éléments musculaires étaient à l’origine des éléments de l’ecto¬ derme. Ainsi, l’anatomie comparée nous conduit à la même conclusion, et nous trouvons dans cette étude comparative des glandes des faits qui viennent donner à notre hypothèse la valeur d’une véritable loi morphologique. Une loi n’est qu’une hypothèse prenant un carac¬ tère très général par l’étude d’un nombre de faits de plus en plus considérable.

Nous pouvons donc dire qu’il y a chez les Vertébrés deux espèces de muscles lisses, les muscles lisses mésodermiques, (comme ceux qui font partie des organes de la digestion, ceux qui sont annexés aux orga¬ nes génito-urinaires, et tous ceux du système vasculaire), et les muscles lisses ectodermiques des glandes sudoripares des Mammifères, des glan¬ des séreuses des Batraciens anoures et nous verrons bientôt des autres glandes cutanées des Batraciens anoures et urodèles. Il est pro¬ bable que quand on étendra les recherches à un nombre plus consi¬ dérable d’animaux, on arrivera à reconnaître que les muscles lisses ectodermiques ont une importance plus considérable qu'ils ne pa¬ raissent aujourd’hui. C’est une question tout à fait à son origine et je

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crois qu’on trouvera qu’il y a un grand nombre d’éléments ectoder- miques qui se contractent sous l’influence, soit d’une excitation ex¬ térieure, soit d’un nerf moteur.

Chez les Mammifères, nous n’avons pas réussi à isoler complète- tement les fibres musculaires du tube sécréteur des glandes sudori- pares. Gela tient à la petitesse du tube sécréteur qui 11e permet pas un maniement aussi facile que les utricules des Batraciens anoures. Je crois qu’on pourrait arriver avec des agents dissociateurs convenables et de bons procédés mécaniques de dissociation à isoler ces fibres, mais je ne l’ai pas fait, tandis qu’il est extrêmement facile d’isoler d’une manière complète les éléments qui composent la tunique musculaire des glandes séreuses de la grenouille. Quand la membrane nyctitante a séjourné vingt quatre heures dans le sérum iodé faible, les éléments qui composent le revêtement interne peuvent être isolés les uns des autres, mais la dissociation n’est pas complète, le ciment intercellu¬ laire n’est pas encore dissous mais ramolli, ce qui permet de détacher avec la pince tout le revêtement épidermique en entraînant en même temps les éléments épithéliaux et musculaires des utricules glandu¬ laires. Mais si l’on prolonge la macération, par exemple deux, trois jours ou davantage, en évitant la putréfaction, et en ajoutant de l’iode au sérum à mesure qu’il se décolore, avec une ou .deux gouttes de sérum iodé fort, on arrive à une dissociation de plus en plus complète. Au bout de 24 heures, on peut encore détacher la membrane épithéliale mais on n’entraine plus les éléments épithéliaux des glandes. Il se fait une dissociation au niveau du col, et alors il reste dans le stroma de la membrane des utricules glandulaires dont on a détaché le canal excréteur et qui possèdent encore leurs cellules épithéliales ou glan¬ dulaires et leurs cellules musculaires.

Prenons ce stroma avec les glandes qu’il contient ; plaçons-le sur une lame de verre dans une goutte de sérum, tenons-le par un bout avec une aiguille, et raclons sa surface avec un scalpel, nous ferons ainsi sortir les éléments épithéliaux et musculaires contenus dans les utricules et ils viendront flotter librement dans le sérum. Nous pou¬ vons ainsi obtenir séparés les éléments épithéliaux des utricules glan¬ dulaires et les éléments musculaires. Colorons avec le picrocarminate et examinons avec un faible grossissement. Nous reconnaîtrons qu’il y a un très grand nombre de cellules épithéliales et musculaires isolées, et nous verrons que ces dernières ont une forme très différente quand on les voit de face ou de profil. Il faut faire cette observation avant d’ajouter de la glycérine parce que celle-ci rend certains détails beau¬ coup moins nets.

De profil, les éléments musculaires ont la forme d’une faucille ou

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d’une demi-lune; et un point intéressant, c'est la forme et la position dunoyau. Ce noyau est toujours placé sur la face concave, c'est à dire quand la cellule est en place, sur la face qui regarde le centre de l’utricule. On reconnaît que ce noyau, allongé dans le même sens que la cellule, est compris dans une lame de prostaplasma, de sorte que dans une petite région la substance musculaire est recouverte d'une couche de protoplasma au sein de laquelle est le noyau. Ce dernier est coloré en rouge et la substance musculaire en jaune orangé. Les éléments musculaires vus de profil ont toujours cette forme; seule¬ ment, ils sont plus ou moins gros. Quelquefois, les deux cornes ont la même forme et la même longueur ; quelquefois, l’une d’elles est comme tronquée. Il y a de petites différences, mais toujours le noyau est au milieu de la face concave de l’élément musculaire. Dans les muscles lisses mésodermiques le noyau n’a pas cette situation. « Il est placé au centre de la cellule, qui est fusiforme ; cependant, il est entouré d’une couche de protoplasma, et l’on serait même disposé à croire que cette couche s’étend jusqu’à la surface. Du reste, vous savez qu’elle est fibrillaire et que ces fibrilles sont plongées dans une gangueprotoplasmique dont la plus grande masse est placée autour du noyau ; de sorte que, si l’on considère les choses un peu schémati¬ quement, on trouve autour du noyau une couche de protoplasma dont émanent des cloisons qui séparent les fibrilles musculaires les unes des autres. C’est la conception primitive de Max Schultze pour les fais¬ ceaux musculaires, primitifs.

Je ne sais pas si les cellules musculaires des glandes séreuses de la peau des Batraciens ont une structure fibrillaire. A priori, je l’ai supposé et je croyais avoir reconnu cette structure dans les cellules musculaires du tube sécréteur des glandes sudoripares de l’homme et dans les cellules musculaires de l’utricule des glandes séreuses de la grenouille, Mais j’ai vu qu’il s’agit d’une autre disposition.

Quand les cellules musculaires de l’utricule des glandes séreuses de la grenouille se montrent de face ; elles ont un autre aspect, et beaucoup se présentent comme une plaque mince, irrégulièrement fusiforme ; d’autres se terminent par une pointe à l’une de leurs ex¬ trémités, et deux pointes à l’autre extrémité, en forme de cœur. D’autres encore ont deux pointes extrêmement allongées et quelquefois les extrémités sont finement dentelées. Dans ces cellules on voit des stries longitudinales, et ce sont ces stries que j’ai’ pensé correspondre à des fibrilles musculaires.

Mais j’ai bientôt abandonné cette idée, car, en examinant les cellules avec un très fort grossissement, l’objectif J à immersion de Zeiss, et la lumière oblique, j’ai reconnu qu’il s’agissait, non de stries, mais de

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crêtes dont on voyait l’ombre portée, avec un très bon éclairage. Ce sont donc des saillies ou crêtes de la surface. Ces.saillies ou crêtes sont l’équivalent des crêtes externes longitudinales des cellules musculaires externes du tube sécréteur de la glande sudoripare de l’homme. Elles ne sont pas aussi régulières que ces dernières ni aussi nombreuses, et c’est sans doute la raison pour laquelle je ne les ai pas aperçues sur les coupes de l’utricule glandulaire des glandes séreuses.

Quelques mots sur les cellules glandulaires. Celles-ci apparaissent comme des plaques de forme et d’étendue variables : plus grandes quand ce sont des cellules du fond. Le noyau est à peu près sphérique et placé presque dans la région centrale. Après l’action du pricrocarmi- nate, on voit un nombre considérable de vacuoles dans le protoplasma. (Il s’agit de cellules isolées après fixation et macération dans le sérum iodé). On reconnaît ces vacuoles au caractère ordinaire, c’est-à-dire que leur substance étant moins réfringente que le milieu dans lequel elles sont plongées, elles deviennent obcures quand on éloigne l’ob¬ jectif, tandis que les granulations plus réfringentes deviennent brillan¬ tes. Les vacuoles deviennent brillantes quand on abaisse l’objectif après l’avoir mis exactement au point.

Je reviens aux cellules musculaires.

Après vingt-quatre heures de macération dans le sérum iodé faible, je vous ai dit qu’on pouvait extraire, avec le revêtement épithélial, l’épithélium glandulaire et les cellules musculaires des glandes séreu¬ ses de la membrane nyctitante. Mais, le plus souvent, en tirant la masse des cellules glandulaires et les faisant passer à travers le col de l’utricule, il se produit une dissociation et, parfois, les cellules glandulaires s’échappent, mais les cellules musculaires restent fixées à l’utricule par une de leurs extrémités et forment comme les valves delà coque du fruit du châtaignier, quand ce fruit s’est ouvert et que les châtaignes ( qui sont les cellules glandulaires ) se sont échappées. Il en résulte comme une rosace autour du canal excréteur.

Je vous signale ce fait à cause d’une erreur qu’a commise Engei- mann dans son travail, excellent d’ailleurs, sur ce sujet. Engelmann n’a pas essayé de dissocier les éléments des glandes ; il a vu celles-ci seulement en places et vivantes. Dans ces conditions on ne voit pas les noyaux des cellules musculaires. Mais quand on abaisse l’objectif et qu’on examine la glande par son fond, on voit sur la masse une couronne très élégante de noyaux. Ce sont les noyaux des petites cellules qui composent le canal excréteur. Engelmann n’avait pas fait cette expérience sans quoi il n’aurait pas dit que ces noyaux en cou¬ ronne sont les noyaux des fibres musculaires. Alors, il a été conduit à admettre une morphologie étrange pour ces fibres musculaires et à

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avancer qu’elles avaient leur noyau à Tune de leurs extrémités. Cette erreur est intéressante par ce qu’elle montre qu’il ne faut pas conclure d’un examen fait en suivant une seule méthode, et que les vues d’en¬ semble, très importantes et très utiles, conduisent à l’erreur si elles ne sont pas précédées d’une analyse aussi complète que possible, à l’aide des méthodes que fournit la technique moderne. Il est clair que les noyaux des cellules musculaires de la glande séreuse de la gre¬ nouille sont placés dans la région moyenne de ces cellules, comme dans les autres, et que les noyaux qu’Engelmann a pris pour ceux des cellules musculaires sont les noyaux des cellules du canal excréteur.

Quand on examine le revêtement épithélial ou épidermique de la membrane nyctitante par sa face antérieure, le revête ment étant complè¬ tement dégagé, on voit que sa surface est constituée par de très belles cellules polygonales. Ce sont celles qui forment la couche superficielle de l’épiderme du corps de la grenouille et qui se détachent au moment de la mue. Mais, au milieu de celles-ci, on en trouve d’autres qui ont une forme régulièrement circulaire et sont plus petites. Ces cellules correspondent aux orifices des glandes séreuses. Elles ont leur noyau refoulé sur la périphérie, tandis que les cellules polygonales ont leur noyau au centre. A côté du noyau, dans les cellules rondes, on voit une fente qui à la forme d’une piqûre de sangsue et quelquefois la figure d’une H. C’est l’ouverture du canal excréteur d’une glande séreuse. Les lèvres de cette fente sont exactement appliquées l’une contre l’autre, constituant une sorte de soupape qui permet l’issue facile des substances venant de dedans en dehors, mais non le passage des substances du dehors en dedans.

Ces fentes sont si étroites que sur les coupes perpendiculaires à la surface, après l’action de l’acide osmique, la lumière parait toujours close. Sur la coupe on voit très bien ces plaques épidermiques, le canal excréteur et l’orifice de la glande en forme de fente étroite dont les lèvres sont en contact et, au dessous, la première rangée de cellules du corps muqueux de Malpighi.

Vous vous souvenez que le canal excréteur des glandes sudoripares des Mammifères présente des dispositions variées suivant les espèces, mais qui ont toujours pour but de permettre la sortie du liquide éla¬ boré dans la glande sudoripare et de rendre très difficile la pénétration des substances étrangères dans le tube sécréteur. Chez la Grenouille, c’est, comme nous venons de le voir, une véritable soupape, et l’on conçoit combien c’était une chose importante, chez les Batraciens qui vivent dans l’eau, d’empêcher la pénétration de l’eau et des particules qu’elle contient.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

211

Une question se présente maintenant. Nous avons vu que, dans les glandes sudoripares des Mammifères, les fibres musculaires du tube sécréteur ou de l’ampoule ne constituent pas une couche continue, de sorte que les fluides nourriciers peuvent arriver facilement aux cel¬ lules glandulaires, sans traverser les éléments musculaires eux-mêmes. En est-il de même dans les glandes séreuses des Batraciens anoures?

Pour le savoir, il faut avoir recours aux imprégnations d’argent.

Quand on traite par une solution convenable de nitrate d’argent une

membrane formée de fibres musculaires lisses, l’argent se dépose sur le ciment intercellulaire qui sépare et unit solidement les fibres musculaires, en produisant un liseré noir tout à fait caractéristique, de sorte que la forme de chaque cellule se trouve parfaitement des¬ sinée. Ce liséré est très mince, en rapport avec la couche cimentante.

Obtient-on un dessin semblable de la couche musculaire de l’utricule de la glande séreuse de la grenouille ? Engelmann a réussi à impré¬ gner d’argent la couche musculaire de cette glande dans la membrane nyctitante. Il n’est pas facile d’obtenir une bonne imprégnation de ces éléments, par ce que les glandes sont plongées dans une masse de tissu assez épaisse qui empêche la pénétration rapide de la solution jusqu’aux éléments musculaires. Je n’ai pas réussi dans cette opéra¬ tion et j’ai eu recours à la membrane interdigitale. Il est très facile de dédoubler cette membrane en commençant par les phalanges, comme je vous ai dit qu’on dédouble la membrane alaire des chauves-souris. On place ensuite le lambeau dans une solution de nitrate d’argent à 1 pour 300 et l’imprégnation se produit.

J’ai vu récemment de très belles préparations delà membrane nyc¬ titante présentant l’imprégnation des cellules musculaires. L’auteur a profité très habilement des renseignements que je vous avais donnés et a obtenu une imprégnation d’argent semblable à celles que j’ai faites sur la membrane interdigitale. Les préparations sont très démonstra¬ tives : les éléments musculaires sont séparés par un liseré extrêmement mince. Ils sont donc réunis les uns aux autres de manière «à former une membrane. Ce n’est donc plus comme dans le tube sécréteur des chauves-souris et des Mammifères en général. Les fibres musculaires, aplaties, viennent converger en un point qui se trouve sur la face pro¬ fonde de la glande, mais, assez fréquemment, sur le fond de la glande on aperçoit une ou deux fibres musculaires qui forment comme une sangle sur laquelle viennent converger une série d’éléments muscu¬ laires. Mais ce qui frappe surtout, c’est la différence de grosseur de ces éléments. De sorte que nous arrivons ainsi à des résultats semblables à ceux que nous fournit la dissociation dans le sérum iodé.

(A suivre).

212

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

IDÉES NOUVELLES SUR LES FERMENTATIONS ET LES MICROBES

(Suite) 1 .

VÉRITABLE ORIGINE DES MALADIES DES ANIMAUX

Malgré la diversité de leurs théories, la divergence de leurs vues, lorsqu’on a étudié à fond tous leurs systèmes, on peut dire que les savants qui ont traité des maladies des animaux restent divisés en deux camps bien distincts.

Les uns veulent que les germes des maladies soient répandus dans l’air, nous viennent du dehors. C’est l’école pastorienne ou fantaisiste avec ses microbes.

Les autres veulent que les maladies se produisent dans le corps lui-mème, spontanémenl. C’est l’école vraiment française ou expérimentale sans microbes.

L’une fait des maladies de véritables êtres contre lesquels il faut se protéger et ne se préoccupe pas le moins du monde de l’organisme vivant.

L’autre regarde simplement les maladies comme des accidents et a pour principal objectif l’organisme vivant.

L’école microbienne ne procède que par des hypothèses et des tableaux à effet, captant les esprits par la réclame, s’emparant d’eux par la force en s’entourant d’un certain vernis officiel.

L’école anti-microbienne observe ce que la nature lui présente, poursuit sa tâche sans bruit, saisissant les esprits parla simplicité, la clarté, l’évidence de ses démonstrations et laisse juger en toute liberté les faits qu’elle présente parce qu’ils sont l’expression même de la vérité.

La première, qui a déjà vécu, s’effacera à jamais de notre souvenir avec les derniers sons de la trompette de la Renommée.

La seconde sera l’école de l’avenir comme elle a été l’école du passé.

Il n’y a pas, en effet, un seul micrographe vraiment sérieux qui oserait prétendre aujourd’hui que les microbes sont pour quelque chose dans la pro¬ duction des maladies et encore moins affirmer que les maladies, d’autant plus terribles qu’elles sont moins visibles, planent dans l’air prèles à fondre à tout instant sur nous.

Si, comme nous l’avons affirmé précédemment, les microbes ne sont pour rien dans la production des maladies, qu’est-ce donc que la maladie et dans quelles circonstances se produit-elle ?

Je définirai la maladie de l’animal un dérangement quelconque dans le mécanisme vital . Or, il est impossible de se rendre compte du déran¬ gement du mécanisme si on ne connaît ce mécanisme dans toutes ses parties.

Pour paraître simple à première vue, l’organisation animale est plus difficile

(l) Voir les trois derniers volumes du Journal de Micrographie.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

213

à pénétrer quo’n ne le pense généralement et c’est, je crois, la meilleure rai¬ son qui a poussé certains esprits à tourner le problème qu’ils se sentaient impuissants à résoudre.

Il faut cependant bien qu’on se décide à le regarder en face aujourd’hui. Assez longtemps on a joué sur les mots.

Nous ne pouvons certainement empêcher les naïfs d’admirer en rond ces aimables plaisants qui passent leurs loisirs à s’hypnotiser en public devant des cellules de levûre, mais nous avons le devoir d’en finir avec toutes ces plaisanteries.

Que peuvent bien me faire à moi le bouillon de M. U ou la culture de M. Y ?

Et quand M. X ou M. Y recevraient en haut lieu des sommes d’argent considérables pour les progrès que leurs recherches sont censées avoir fait faire à la science en général et à la médecine en particulier, qu’est-ce que cela prouverait?

Que M. X et M. Y ont quelques billets de mille francs de plus et c’est tout, les gens n’en continuant pas moins à mourir après leurs expériences absolu¬ ment comme avant.

De sorte qu’en fin de compte, le bon public, qui est plus malin qu’on ne pense, tout en ne disant rien s’aperçoit fort bien que celui qui a surtout profilé de l’expérience, c’est bien celui qui l’a faite et non pas celui pour qui elle a été faite.

Tout cela m’est donc bien égal et tout le tapage qu’on peut faire autour de tel ou tel nom ne saurait m’émouvoir. Je cherche en vain ce qui a pu motiver une telle agitation, un tel emballement, et je ne trouve rien, absolument rien qui puisse les justifier.

Ce qui m’intéresse est aussi obscur aujourd’hui qu’hier pour ne pas dire davantage. Toutes ces chaudières, toutes ces marmites, toutes ces étuves, tous ces filtres, tous ces liquides de convention, tous ces appareils à surchauffer, à cuire, à llamber, à embaumer, à stériliser me font, malgré moi, penser à la montagne de La Fontaine. La seule différence, c’est qu’ici on ne trouve même pas la souris.

C’est en vain que je feuillette les livres par centaines, j’y retrouve toujours la même rengaine.

C’est comme un cliché perpétuel destiné à passer d’âge en âge et qu’on se se transmet de génération en génération.

Il n’y a que trois choses qui changent : le nom, la date et la couverture du livre.

O bienfaits de la routine ! ô douce monolomie de l’habitude I

C’est en vain qu’on veut trouver l’originalité sous ces phrases qui sont toujours les mêmes, sous ces expressions étudiées une ù une, sous ces mots tamisés avec soin, sous ces figures qui ne sont jamais refaites de peur de com¬ mettre quelque erreur dans l’exécution.

Toutes les recherches s’arrêtent au même endroit comme si l’on craignait de commettre une profanation en poussant plus loin les investigations.

C’est alors que, pour ne pas avoir l’air de piétiner sur place, on met un habit neuf à ses idées bien vieilles et on les sert comme des nouveautés.

214

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Et pendant qu’on se dispute sur des mots, pendant que l’on passe son temps en discours aussi subtils qu’inutiles, je continue à demander de tous côtés ce qui fait mouvoir ces animaux innombrables, si variés de formes et de dimen¬ sions qui peuplent la terre, l’air et les eaux, je continue à poursuivre de mes questions les uns et les autres, curieux de savoir ce que je suis moi-même et comment je vis, et personne ne veut me répondre.

Est-ce que par hasard personne ne le saurait ?

Les livres ne disent rien, leurs auteurs encore moins.

Mais alors si personne ne sait, cherchons donc tous ensemble.

Sans doute il est très agréable d avoir un aperçu de l’organisation de notre corps et des humeurs qui circulent dans son intérieur.

Nous avons été très heureux de savoir par le microscope que ces humeurs étaient complexes et que le sang, ce liquide qui coule dans nos artères et dans nos veines, n’était pas un liquide simple, que des globules d’une forme parti¬ culière en constituaient la partie rouge et que des globules blancs arrondis, plus gros, et contenant des granulations, les accompagnaient; que ces globules nageaient dans un liquide jaunâtre contenant encore une substance particulière, la fibrine, susceptible de se prendre en gelée par le refroidissement ; que le liquide fondamental défibriné, appelé sérum, avait des propriétés particulières. Mais ce fut tout.

En dehors de la nature des sels qui sont en dissolution dans ce liquide, rien n'a été dit de plus. On s’est assuré, il est vrai, que le sang était indispensable à la vie, ce qu’on savait depuis l’antiquité la plus reculée ; on a fait une étude plus détaillée des tissus. Mais ces recherches sont restées superficielles. On n’est guère plus avancé aujourd’hui que le jour l’homme a cherché pour la première fois à étudier son organisation, sur la connaissance du principe vital intérieur qui anime et fait mouvoir toute la machine.

Et cependant, par un égoïsme bien naturel, toutes les recherches se sont pour ainsi dire portées exclusivement sur nous-mêmes et sur ce qui pouvait contribuer le plus à notre bien-être.

On s’est borné à chercher les causes des maladies de l’homme et des ani¬ maux qui lui sont utiles. A-t-on mieux résolu la question ainsi réduite? Je suis obligé de reconnaître que non.

Pour ne parler d’abord que de l’homme, ne sentons-nous pas tous qu'il y a une partie inerte, une charpente qui s’augmente, se modifie, se renouvelle et un quelque chose qui la pénètre et coopère à cette augmentation, à cette modi¬ fication, à ce renouvellement ?

Ne sentons-nous pas que les éléments de séparation d’avec l’extérieur sont repoussés d’une façon incessante vers le dehors, tandis que les éléments vivants se réfugient, pour ainsi dire, vers l’intérieur d’ou ils président au mou¬ vement et au fonctionnement général ?

Les globules rouges du sang ne sont-ils que de simples éléments toujours en mouvement, allant d’un bout à l’autre de l’appareil circulatoire, sortant par une porte du cœur et rentrant par l’autre en passant par les poumons, n’ayant d’autre rôle que celui de transporter l’oxygène, le prenant à un endroit, le déposant à un autre et restant toujours en nombre sensiblement égal.

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Les globules rouges ne sont-ils pas plutôt un élément parfait qui est devenu ce qu’il doit être et s’en va du cœur pour n’y plus revenir qu’en partie, une certaine quantité de globules ayant servi au remplacement tissulaire ?

Ne s’en est-il pas formé de nouveaux pendant le retour en nombre sensi¬ blement égal à ceux qui ont été dépensés à l’aller ?

Et ne pensez-vous pas que les globules blancs sur lesquels notre attention se porte si peu soient pour quelque chose dans ce renouvellement?

Le globule blanc, lui, loin de ressembler au globule rouge, est un élément imcomplet destiné à subir certaine» modifications, et le rôle qu’il joue dans notre corps est à mon point de vue considérable, on le trouve en effet partout dans les régions les plus superficielles comme dans les plus profondes.

Il subit des transformations qui nous échappent. Ce sont ces transformations mêmes qu’il faut s’appliquer à connaître.

De même que dans les plantes, il y a un liquide distributeur de la vie (protoplasma), de même dans notre corps il y a un liquide vital que j’appellerai plasmodium , qui est pour ainsi dire la quintescence de l’être, la concen¬ tration de tous les principes, la condensation de tout ce qu’il y a de vivanten nous.

(A suivre )

E. COCARDAS,

Membre de la Société Botanique de la France.

PROCÉDÉS POUR L’EXAMEN MICROSCOPIQUE

ET LA CONSERVATION DES ANIMAUX

à la Station zoo logique de Naples

[Suite) 1

Acalèphes. La préparation des espèces de cet ordre se fait comme celle des Trachyméduses ; pour les unes on emploie l’acide osmique, pour les autres le mélange chromo-osmique. Le Bhisostoma pulmo et les Nausithoë se traitent par l’acide osmique ; le Pelagia noctiluca par le mélange chromo- osmique. Le Cassiopeia borbonica ne donne de bons résultats avec aucun de ces procédés, il faut le traiter d’abord par l’acide osmique jusqu’à ce qu’il commence à se colorer, puis on le met dans une solution de bichromate de potasse à 5 0/0 pendant 2 ou 3 jours, ensuite dans l’alcool.

Les Ephyra de ces espèces peuvent être tuées indistinctement par l’acide osmique, le sublimé ou le mélange chromo-osmique. J’ai obtenu, par ces trois procédés, de bonnes préparations de Pelagia noctiluca (Ephyra) assez commun dans le golfe de Naples.

(1) Voir Journal de Micrographie, t. IX, 1885, t. X, 1886, t. XI, 1887, p. 180.

216

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D. Cténophores. En général, on peut traiter les Cténophores par un mélange d’acide chromique et d’acide osmique (4 ou o gouttes de solution osmique pour cha jue volume de 22 c. c. d’acide chromique à 1 0/0). On réussit très bien, notamment pour le Beroe ovatci. Pour le Cestum Veneris et le Vcxillum parallelum , il est préférable de les tuer par l’acide osmique et de les passer ensuite dans l’acide chromique. On peut tuer les petites espèces avec le sublimé en ajoutant quelques gouttes d'acide acétique. Pour le Callianira bialata , il vaut mieux employer un mélange à parties égales d’acide pyroligneux, d’acide chromique et de sublimé.

Echinodermes. LesCrinoïdes [Comatula médit erranea ) se tuent par l’alcool à 70 0/0, ainsi que les Astéroïdes, Astéries et Oursins. Les Ophiurides pour qu’ils ne se désarticulent pas doivent être tués avec l’eau douce De celle manière seulement les animaux resteront avec les pieds ou ambulacres con¬ tractés dans le corps. Si l’on veut qu’ils restent étendus comme les tient l’animal quand il va à la recherche de la proie, il faut employer un piticédé plus rapide car ils sont extrêmement rétractiles. On pourra se servir du su¬ blimé.

Les Holothuries doivent aussi être tuées rapidement à cause de la contrac¬ tilité des tentacules buccaux et des ambulacres. On attend que l’animal ait des tentacules bien étendus ; le prenant alors entre deux doigts par le milieu du corps, on l’introduit un moment dans l’acide acétique, puis on le met tout entier dans l’alcool.

Les Balanoglosses, que Glaus range après les Holothuries, se traitent par l’acide picro -sulfurique.

Gusaniens. Ce type comprend un grand nombre d’animaux et comme je ne puis parler que des espèces habitant le golfe de Naples, les indications que je donnerai sur la manière de les tuer et de les préparer seront très in¬ complètes. Passant sous silence les Gestodes qui n’ont pas d’espèces marines, je dirai que les Turbellariés et les Trématodes se préparent par le sublimé bouillant ou froid, comme le Dr Lang fait pour les Planaires. Les Némerliens se tuent par l'alcool, lentement, excepté quelques espèces de Cérébratules, comme les C. marginatus et paniherinus , pour lesquels il vaut mieux em¬ ployer un mélange de 7/8 de bichromate de potasse et de 1/8 d’acide chlo¬ rhydrique.

Pour les petites espèces de Nématodes et toute la classe des Rotateurs, tou¬ jours de taille microscopique, on emploie les mêmes procédés que pour les Infusoires.

Les Géphyriens, Phascoloma spcc., Phoronis hippocrepis, Sipunciilus nudas , S. tessellatus , sont tués et durcis par l’acide chromique; et les Aspisiclophoii Mülleri , Bonellia viridis , B. fuliginosa , par l’acide picro- sulfurique.

Les Chætopodes Polychætes comprennent une partie des Annélides presque toutes marines et abondantes dans le golfe de Naples. A noire point de vue, on peut les diviser en différents groupes. Les espèces qui ne sont pas contrac¬ tiles et ont le corps dur comme les Aphrodite aculeata et Bermione

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217

hystrix , et recouvert de soies rigides à brillantes couleurs métalliques, se mettent directement dans l’alcool, avec les précaulions indiquées plus haut. Les couleurs se conservent ainsi parfaitement. Le même traitement convient pour Y H esione sicula et les Myzostomum du golfe de Naples.

Les Annélides pélagiques, délicates et transparentes, comme les Alciopa Cantramii , Alciopina parasitica , Vanadis formosa et Asterope can- dida , (familles des Alciopidés), sont tuées par l'alcool iodé.

Vient ensuite un groupe, qui appartient aux Tubicoles et aux Errantes, à appareil branchial compliqué, composé de nombreux cirrhes et de tentacules doués d’une grande mobilité. Les sédentaires se rangent dans les familles des Serpulidés et des Térébellidés, animaux enfermés dans le tube qu’ils se cons¬ truisent et qui passent la tète par l’extrémité supérieure en déployant un tel luxe de branchies qu’ils paraissent un arbre en miniature. Leurs représen¬ tants les plus communs et les plus notables du golfe de Naples sont les sui¬ vants : Terebella Meckelii , Spirographis Spallanzanii , Sabella ^ al - mancidis , Dasychone luculana , Protula intestinum , Serpulo Phi¬ lip pi.

Parmi les Aunélides Errantes, on doit placer dans le même groupe, pour le déroulement et la contractilité de l'appareil branchial, les espèces suivantes de la famille des Eunicidés : Onuphis Pancerii , O. tubicola, Eiinice vittata , E. Claperedii, E. gigantea , E. siciliensis , E. violacea.

La méthode pour tuer ces animaux de manière à ce que l’appareil branchial sorte du tube chez les premiers et reste étendu chez tous, doit être des plus rapides. M. Le Bianco emploie le sublimé et en opérant bien, avec rapidité, il obtient de magnifiques préparations, comme j’ai eu occasion d’en voir avec plusieurs des espèces citées, notamment avec le précieux Spirographis Spal - lanzanii.

Toutes les autres Annélides du golfe de Naples sont tuées à la Station par la méthode du Dr Eisig, c’est-à-dire par l’alcool, lentement. De cette manière les animaux restent étendus à leur état naturel, mais la plupart perdent les magnifiques couleurs dont ils sont ornés pendant la vie. Gomme je l’ai dit plus haut, cette méthode n’a pas les inconvénients de l’alcool employé par le procédé ordinaire. Les Chætopterus variegatus, Sternaspis ihelassemoï- dcs et Sahellaria alveolata réussissent mieux avec l’acide chromique que par l’alcool employé lentement.

J. M. de Castellarnau y de Lleopart.

suivre)

Ingénieur en chef des forêts, à Ségovie.

BIBLIOGRAPHIE

Littérature récente des Diatomées

I

L’apparition de l’ouvrage du comte de Gastracane sur les Diatomées récol-

218

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

lées pendant le voyage du « Challenger » était allendue depuis longtemps comme un véritable événement par les diatomistes.

Ce travail, constituant un beau volume in quarto, accompagné de trente planches, a été distribué le mois dernier au prix extrêmement bas de 12 1/2 shillings, étant offert parle Comité du Challenger au prix coûtant. Au premier aspect le livre paraît mériter des éloges, mais un examen quelque peu approfondi nous force à exprimer notre profond désappointement.

M. de Castracane ne s’est réellement occupé que de la description des dia¬ tomées d’un nombre très restreint de localités, parmi la quantité de dépôts et sondages qui doivent lui avoir été remis à l’examen. La plupart des figures, quoique fort bien gravées, ne représentent pas la nature d’une manière satis¬ faisante, et la description des espèces laisse beaucoup à désirer. Les carac¬ téristiques des genres ne sont guère à la hauteur de la science. Ce qu’il y a de plus fâcheux, c’est que l’auteur ne s’est pas donné la peine de consulter les travaux de ses devanciers ; ce qui, joint à deux années perdues par la traduc¬ tion de ses manuscrits, est cause que, parmi les 300 espèces nouvelles environ qu’il a créés, il n’y en a certainement pas plus de 10 0/0 qui auraient être rebaptisées. La très grande majorité des noms nouveaux sont synonymes d’es¬ pèces précédemment décrites et figurées.

La revue critique d’un pareil travail nous demanderait un temps que nous ne pouvons lui accorder, en ce moment, mais un examen rapide du seul genre Campylodiscus, m’a à peu près démontré que :

Le Campylodiscus lepidus , N. Sp. Cast. est le C. Pfitzeri , A. S.

Le C. bicinctus , N. Sp. Cast. est commun depuis bien des années dans les collections de provenance des mers du Japon.

Le C. Japonicus , N. Sp. Cast. est le C. Adriaticus , de Griinow.

Le C. erosas, N. Sp. Cast. est le C. Greenleafiana Grün, 1874.

Le C. ni t eus , N. Sp. Cast. est le C. Ralfsii , Sm. et A. S. 1874.

Le C. humilis , N. Sp. Cast. est le C. Heufleri , Grün.

Le C. zebuanus , N. Sp. est le bianqulatus de Grév.

Le C . Philippinarum , N. Sp. Cast. est le C. ornatus , de Greville.

Et ainsi de suite.

Si la nomenclature a été créée pour faciliter l’étude aux naturalistes, ce n’est guère par des procédés qui multiplient énormément la littérature, déjà sur¬ chargée de synonymes, qu’on atteindra ce but.

Il est regrettable que les matériaux du Challenger n’aient pas été confiés à M. Grünow, ou à M. Cleve, qui en auraient tiré bien autrement profit. Dans les Diatomées du Challenger la question de la distribution géographique a été laissée entièrement sans commentaires et la séparation des espèces, en péla¬ giques, littorales ou des fonds de la mer, n’a jamais été faite. Ce volume est un grand désappointement pour tous ceux qui en avaient espérés un véritable régal intellectuel et scientifique.

Il

Un second travail important vient d’être complété. C’est celui de M. le doc¬ teur Pantocsek sur les Diatomées marines fossiles de la Hongrie. Cet

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

219

ouvrage est important et renferme la description de nombreuses espèces nou¬ velles. Nous n’aurons qu'à lui reprocher d’avoir probablement mis au rang d’espèces un nombre assez considérable de formes qui constituent tout au plus des variétés. Une autre cause de critique est l’ordre irrégulier de la distribution des figures, s’élevant à plus de 200, reportées sur trente planches; c’est ainsi que souvent les espèces du même genre sont éparpillées sur plusieurs planches différentes, ce qui n’est pas de nature à faciliter ni à accélérer les recherches. Les dessins sont fort bien faits par M. Pantocsek lui-même qui est certainement un artiste en sa partie.

111

Le troisième travail que nous avons à noter est celui de MM. Sturt et Groves sur les Diatomées fossiles du dépôt de Oamaru dans la Nouvelle- Zélande, dépôt richissime qui excède en formes curieuses et intéressantes tous les dépôts connus jusqu’à ce jour. La monographie de ce dépôt est en voie de publication dans le journal du Quekett Club de Londres. Les planches des livraisons parues laissent beaucoup à désirer sous le rapport de l’exécution, mais les espèces nouvelles décrites sont souvent du plus grand intérêt et méritent l’attention de tous les Diatomologues.

IY

En dehors des travaux signalés ci-dessus il n’y a à mentionner que fort peu de chose.

M. Christian a décrit dans le journal The Microscope , publié à Détroit, aux États-Unis, la description d’un soi disant nouveau genre et de ses trois nouvelles espèces. Le genre est nommé Rhaphidodiscus H. L. Smith; mais n’est en réalité qu’un Navicula presque circulaire. La première espèce dé¬ crite est connue depuis plusieurs années et fut découverte parM. Petilcolas, de Richmond, dans les sondages artésiens du Maryland et distribuée sous le nom caractéristique de Navicula disciformis. Les deux autres espèces de M. Christian sont la même diatomée qui s’est introduite dans l’intérieur de demi-valves du Melosira ( Paralia ) sulcata qui abonde dans les mêmes dé¬ pôts. Un facétieux ami d’Amérique propose le nom de Humhugodiscus pour remplacer le nom générique donné aux formes complexes constituées par deux diatomées appartenant à des genres et des familles différentes et accolées l’une à l’autre, comme cela a lieu en ce cas.

Y

Il ne nous reste plus, qu’à mentionner l’impatience avec laquelle on attend les légendes et le texte des planches vraiment admirables, photographies d’après nature ou dessins de M. A. Schmidt, exécutées par M. Janisch pour son grand ouvrage, en préparation depuis trop longtemps, sur les Diatomées récoltées pendant le voyage scientifique de la Gazelle.

Beaucoup des types nouveaux de ce travail perdront leur droit de priorité si M. Janisch n’aclive pas ses éditeurs.

J. Deby.

Membre de la /{. Microscnpical Society de Londres.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Sur les Maladies des Plantes

MILDEW ET PHYLLOXERA

Aux termes d’une récente circulaire publiée dans la Chronique vinicole du 14 avril courant, M. Develle, Ministre de l’Agriculture, rappelle ses ins¬ tructions de février 1886 relatives au traitement par les sels de cuivre des vignes atteintes de mildew.

Les expériences faites, dit M. Develle, ont été concluantes et l’efficacité des sels de cuivre est aujourd’hui universellement reconnue.

Il s’agit maintenant, toujours d’après le Ministre, de vulgariser les procédés de manière à mettre tous les vignerons à même de traiter leurs vignes ; et c’est à cette vulgarisation que tend la dernière circulaire reproduite par la Chronique Vinicole.

Notre savant et distingué collaborateur, M. Ghavée-Leroy, si compétent en ces matières, vient d’adresser à ce sujet, à l’honorable M. Develle, l’impor¬ tante communication suivante que nous nous faisons un plaisir de mettre sous les yeux de tous nos lecteurs.

A Monsieur Jules Develle, Ministre de l'Agriculture.

Monsieur le Ministre,

Permettez-moi de venir vous entretenir un moment de la coulure de la vigne et d’appeler votre attention sur cet accident qui arrive à la grappe en fleurs et fait que les grains avortent en partie ou même en totalité, ou sont paralysés dans leur développement.

Des pluies ou des rosées abondantes à l’époque de la fécondation occasionnent la coulure. Un abaissement subit de température à ce moment critique produit le même résultat. Contre les pluies et les rosées intempestives, on ne connaît aucun moyen pratique d’y obvier. Contre les gelées printanières on réussit par¬ fois, lorsqu’elles sont prévues, à atténuer leurs effets désastreux par des nuages artificiels de fumée ; cependant, on ne parviendra jamais à mettre les vignes complètement à l’abri de rapides abaissements de température. Heureusement, les intempéries sont rarement assez prolongées pour nuire à tous les vignobles d'une contrée. Mais il existe d’autres causes de coulure dont on ne semble guère se douter et qui en engendrant cette maladie un peu partout occasionnent chaque année des pertes inculculables à la France.

« Dans la Gironde, rapporte M. Félix Sabut, l’un de nos plus savants horti- « culteurs, les vignerons remarquent avec peine, depuis cinq ou six ans, que la « coulure réduit chaque année dans d’assez grandes proportions l’importance de « la récolte. Il en a été de même, dit-il, dans d’autres régions et à différentes « époques ; chaque fois les viticulteurs s’en sont préoccupés sérieusement parce « que cette affection leur enlevait une partie plus ou moins importante de la « récolte. »

Puisque dans certaines contrées la coulure atteint chaque année des cépages qui autrefois n’en souffraient que rarement, il faut bien admettre que dans ces contrées les intempéries ne sont pas la cause unique de cette affection, car le§

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

221

années se suivent et ne ressemblent pas. Ces cépages n’avant changé ni d’exposition, ni même de place, on est forcé d’admettre que le sol n’est plus dans les mêmes conditions qu’anciennement, c’est-à-dire qu’il ne renferme plus dans les mêmes proportions qu’autrefois les éléments variés dont la vigne se nourrit. De nombreuses observations viennent à l’appui de cette manière devoir.

On sait que les engrais dans lesquels l’azote est en excès par rapport aux autres éléments, comme le fumier par exemple, lorsqu’ils sont donnés en trop grande abondance poussent au développement du système foliacé, provoquent la cou¬ lure, font diminuer la qualité des raisins et par suite celle du vin.

On a observé également que les vignes qui reçoivent simultanément de l’azote et de la potasse en excès par rapport aux autres éléments, se développent en bois d’une manière exagérée et donnent peu de raisin. Dans les sols très-riches en azote et en potasse certains cépages poussent avec une telle vigueur qu’on les qualifie de vignes folles ; elles se refusent alors à donner des fruits et pour cette raison on les dit mal adaptées au sol.

Dans les limons blancs, dans les terrains crayeux ou marneux, très pauvres en oxyde de fer, tous les cépages (mais particulièrement ceux qui donnent les vins les plus colorés), sont exposés à être affectés de la chlorose. Lorsqu’ils sont atteints de cette maladie les grappes coulent facilement, les grains restent petits, inégaux et mûrissent mal, quoique produits en sols chauds.

Enfin, dans les terres maigres, épuisées, on voit souvent les vignes fleurir admi¬ rablement sous l’influence d’une température favorable et alors les grappes sont chargées de grains qui ne demandent qu’à se développer ; puis, tout-â-coup, lorsqu’ils sont un peu plus gros que des têtes d’épingles, ils tombent presque tous sans cause atmosphérique appréciable, mais faute d’une nourriture suffisante.

Ces faits prouvent que pour donner de bons et abondants produits, la vigne doit se trouver dans de parfaites conditions vitales. Non-seulement elle ne veut pas avoir à supporter d’intempéries graves, mais elle veut encore pouvoir trouver dans le sol, et bien proportionnées entre elles, les substances variées qui lui sont nécessaires pour se développer convenablement et nourrir parfaitement ses fruits. Lorsqu’elle ne se trouve pas dans ces conditions, elle souffre et si elle ne manifeste pas constamment ses souffrances par des signes extérieurs, scs fruits et les vins qui en proviennent disent assez par leurs défauts, ou même par leurs maladies, qu’ils n’ont pas été produits dans des conditions désirables.

Si, en fournissant continuellement aux vignes pendant un certain laps de temps des engrais mal appropriés, ou en laissant le sol s’épuiser peu à peu même d’un seul élément, la coulure peut prendre un caractère de chronicité, il est naturel d’admettre que beaucoup d’autres maladies, presques inconnues autrefois et aujourd’hui fort communes, sont dues exclusivement aux mêmes causes. S’est-on jamais rendu compte de l’effet que produit dans tel ou tel sol l’emploi de l’azote, celui de la potasse, du sulfate de chaux, de l’acide phosphorique, du souffre, du sulfate de fer , etc., sur les cépages qui y sont adaptés et sur les vins que ces cépages produisent? Sait-on dans quelle proportion il convient d’associer ces matières pour tel ou tel cépage planté dans telle ou telle nature de terre ? Nullement; et on ne s’inquiète pas d’acquérir ces connaissances! chose in¬ croyable dans notre siècle de progrès, nos savânts professeurs de viticulture, et à leur suite le Gouvernement, semblent même chercher à détourner les pra¬ ticiens de cette voie rationnelle ; en effet, si les vignes sont malades, ils ensei¬ gnent partout que des insectes microscopiques et des champignons parasites en sont la cause, et naturellement alors on s’ingénie partout à trouver des insecticides

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

et des microbicides et à inventer des instruments pour les répandre. Depuis bientôt un demi-siècle que l’on marche dans cette voie, les maladies des vignes se multiplient de plus en plus malgré les espérances de victoire que les rap¬ ports officiels font naître chaque année.

Puisque, ni par l’arrachage des ceps malades et leur incinération, ni par les snbmcrsions, ni par les injections de sulfure de carbone et de sulfocarbonate de potassium dans le sol, ni par les décorticages, ni par l’arrosage des souches avec du vin blanc pour leur rendre du ton, ni par l’emploi de matières pulvérulentes ou liquides lancées sur les parties aériennes des plantes ou données en badi¬ geonnages ; puisque ni par le fer, ni par le feu, ni par l’eau, ni par la dynamite, ni par l’électricité, ni par les cordons sanitaires on n’a pu parvenir à enrayer la marche envahissante des maladies qui ravagent les vignobles ; enfin, puisqu'il n’est pas probable qu'on trouve jamais en Amérique ni ailleurs le Merle blanc que nos savants cherchent en vain depuis longtemps, c’est-à-dire un cépage résis¬ tant et s’accommodant de nos sols épuisés qui ne peuvent plus nourrir nos bons vieux cépages français qui y fructifiaient si bien autrefois, il faudra bien finir un jour, comme nous ne cessons de le demander, par s’occuper beaucoup moins des microbes et beaucoup plus des substances variées que les vignes réclament pour se trouver dans de bonnes conditions vitales.

En présence des fléaux qui, en se perpétuant, menacent la viticulture de la ruine, le Gouvernement a évidemment raison d’encourager tous les efforts et de pousser à l’essai de fous les procédés qui paraissent pouvoir produire un heureux résultat. Nous aimons donc à croire qu’il engagera et encouragera les viticul¬ teurs à créer dans leurs vignes des champs d'expérience avec les engrais chimiques. Il vous appartient, Monsieur le Ministre, de prendre les mesures nécessaires pour que ces champs d’essai se fassent en grand nombre. Les profes¬ seurs d’agriculture dont le zèle et le dévouement vous sont acquis s’empresse¬ ront de répondre à votre appel et par une active et intelligente propagande décideront facilement les intéressés à faire ce que vous leur conseillerez. Les résultats que donneront ces champs d’expériences ne manqueront pas d’éclairer les viticulteurs, comme les champs d’essais faits sur les céréales, les légumi¬ neuses et les plantes racines, pour obtenir des produits plus abondants et de meilleure qualité, ont éclairé d’une vive lumière les agriculteurs.

Veuillez, Monsieur le Ministre, agréer l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

Chavée-Leroy,

Membre de la Société des Agriculteurs de France. Clermont (Aisne), 20 avril 1887.

UNE NOUVELLE FORCE

Première communication (l)

Quelques personnes trouveront peut-être bien audacieux le titre donné à cette communication. J'avoue qu’il m’était difficile, pour ne pas dire impossible, d’en prendre un autre qui exprimât aussi bien ma pensée sur les résultats que j’a1 obtenus par une longue série d’expériences minutieuses.

(i) Société scientifique de Borda , à Dax.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

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Ai-jc eu tort ou raison? C’est ce que dira l’avenir.

En attendant et faute de mieux, je le conserve jusqu’à preuve du contraire. Ceci dit, je passe à la description de mon appareil, nous verrons ensuite les faits observés.

Il se compose tout simplement d’un cylindre en ivoire de 24 millimètres de longueur et de 5 millimètres environ de diamètre : suspendu par un fil de soie d'un seul bnn de telle sorte que son axe soit bien dans le prolongement du fil de suspension; ce dernier est fixé à un support pliant ce qui permet d’abaisser ou de soulever le cylindre sans lui imprimer d^s secousses brusques qui amè¬ neraient infailliblement la rupture du fil : en un mot c’est un petit pendule que l’on pose, à l’air libre, au centre d’une table bien calée placée elle-même au milieu d’un appartement ayant toutes les ouvertures fermées, pour éviter autant que possible les mouvements de l’atmosphère.

Les choses étant ainsi disposées, si on abandonne le cylindre à lui-même, il finit, après avoir oscillé et tourné pendant un certain temps, par rester à peu près immobile. On peut, au besoin, le rendre stable beaucoup plus vite en le touchant légèrement à l’aide d’un corps quelconque. Cette stabilité obtenue, si l’on approche doucement, à un millimètre environ de la surface de ce cylindre, un second cylindre en ivoire disposé bien verticalement, on voit se produire dans le premier cylindre un mouvement accéléré de rotation qui semble n’avoir d’autre limite que l’effort contraire développé par la torsion du fil.

Cette rotation s'effectue toujours dans le même sens que celle des aiguilles d'une montre , lorsque le second cylindre est place à gauche du premier par rapport à l’observateur (je suppose ce dernier faisant face à l’appareil) ; et en sens con¬ traire lorsque ce second cylindre est placé adroite ; ce double mouvement a toujours lieu quelle que soit la place occupée par l’observateur autour de la table, lorsqu’il approche le second cylindre.

Cette loi est d’une constance remarquable, car, dans le cours de mes nom¬ breuses expériences, je n’ai jamais eu à constater un seul insuccès lorsque je prenais bien entendu toutes les précautions nécessaires pour éviter l’influence d’actions perturbatrices.

La nature de la substance des deux cylindres est sans effet sur la production du mouvement, il en est de même de leur masse. Liquides ou solides, pleins ou vides, la rotation reste toujours la même. Le second cylindre peut même être remplacé par un simple cheveu tendu, ou un fil de soie d’un seul brin qui est bien plus ténu encore, sans qu’il y ait de modification sensible.

La vitesse de rotation est fonction : de la longueur des deux cylindres ; de leur rapprochement ; du diamètre du premier cylindre.

Elle est en raison directe de cette longueur ; elle m’a paru inverse du diamètre du premier cylindre, et me semble diminuer beaucoup plus vite que ne l’exige la loi bien connue du carré des distances.

Des écrans plans posés entre l’expérimentateur et l’appareil ou placés au-delà lorsqu'ils sont à moins de 20 centimètres des cylindres, perturbent le mouvement.

Disposés au contraire latéralement à droite ou à gauche, ou placés au-dessus ou au-dessous, ils restent sans influence.

Un écran dcmi-cvlindrique a la singulière propriété de renverser le sens de la rotation. (L’observateur doit se mcllrc en face de la partie ouverte).

J’ai pu constater que la lumière est sans action, quelle que soit sa nature, son intensité ou sa direction. Il en est de même de la chaleur.

224

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

On ne peut attribuer ces mouvements à des influences électriques, car les cylindres plongés dans l’eau puis retirés sont aussi actifs avant qu’après.

L’action des pôles d’un aimant est nulle ; et la pesanteur est comme on le voit supprimée parla résistance du fil de suspension.

Enfin, l’air en mouvement ne peut pas expliquer la constance remarquable du sens dans lequel s’opère toujours la rotation, ni de son inversion dans le cas de l’écran demi-cvlindrique.

On sait que le sens de cette rotation est entièrement lié à la position de l’ob¬ servateur, ce qui semblerait indiquer que l’origine de cette force est dans l’observateur lui-même. Mais alors quelle est sa nature?

Je crois qu’il serait actuellement prématuré de poser des conclusions à cet égard, étant donné surtout le peu de faits connus jusqu’à l’heure.

Il est prudent, au contraire, de continuer les expériences, d’appeler l’attention des chercheurs; et, plus tard les hypothèses viendront à leur tour pour nous ap¬ prendre si réellement c’est une force nouvelle ou une nouvelle modalité des forces déjà connues.

J. Thore.

OFFRES ET DEMANDES (i)

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33. Lanternes à. projections, sur quatre colonnes de cuivre, condensateur de 105 mil.; 7 objectifs doubles achromatiques ; lampe à pétrole, 3 mèches. 85 fr. Cet appareil peut recevoir tout espèce d’éclairage.

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VIENT DE PARAITRE

A la Librairie Médicale A. MALOINE, 91, Boulevard Saint- Germain, a Paris

BIBLIOGRAPHIE MÉTHODIQUE

Des Livres de Médecine, Chirurgie, Pharmacie, Art Vétérinaire

1860-1887

Suivie de la table générale des noms d’auteurs. Cette bibliographie sera envoyée gratuitement aux abonnés du « .Journal de Micrographie » qui en feront la "de¬ mande directement à la librairie Maloine.

AVIS

M. Ch. REICHERT a l’honneur de faire savoir au public que le nouveau catalogue, en français et en anglais, de ses Microscopes, Microtomes, Objectifs à immersion dans l’eau et dans l’huile, Hémomèlres, et autres instruments vient de paraître et qu’il sera adressée franco et gratuitement à toute per¬ sonne qui en fera la demande.

Cli. REICHERT,

Opticien Constructeur de Microscopes , VIII, Bennogasse, 26,

Vienne (Autriche).

Le Gérant : Jules PELLETAN, Fils. Amiens - lmPrimerie Rousseau-Lerojr,

(1) S’adresser au bureau du J ournal. Les articles portés au pré¬ sent Catalogue sont expédiés, contre mandat oj remboursement. La demande doit rappeler le numéro d’ordre de l’article au Catalogue. Le port et l’emballage sont à la charge de l’acquéreur.

Onzième année

7

o Juin 1887

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE I

Le mécanisme de la sécrétion ( suite ), leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ra.nvier. Évolution des Microorganismes animaux et végétaux para¬ sites [suite), leçons faites au Collège de France, par le Prof. G. Balbiaisi. Con¬ férences sur le microscope [suite), par M. J. Mayall, junior. Classification des Flagellés, d’après le Prof. O. Butschli. Idées nouvelles sur les fermentations et les microbes ; véritables causes des maladies des animaux (suite), par M. E. Cocardas. Sur les maladies des plantes, par M. Chavée-Leroy. Offres et demandes. Avis divers.

TRAVAUX ORIGINAUX

LE MÉCANISME DE LA SÉCRÉTION

Leçons faites au Collège de France en 1886-87 par le professeur L. Ranvihr.

(i Suite ) (1)

Vaisseaux et nerfs de la membrane nyctitante de la Gre¬ nouille. Nous avons à faire maintenant l’analyse des vaisseaux sanguins et des nerfs de la membrane nyctitante de la Grenouille en considérant les rapports de ces vaisseaux et de ces nerfs avec les glandes séreuses ou granuleuses.

Je vous ai dit que dans la membrane nyctitante de la Grenouille, Rana esculenta ou Rana tew^oray'ia, on considère deux couches, une couche antérieure glandulaire et une couche postérieure vascu¬ laire. La couche antérieure est constituée par des lames superposées dont les fibres s’entrecroisent à angle droit dans deux laines voisines. La couche postérieure est formée par du tissu conjonctif réticulé. De il résulte qu’il n’y a pas de rapport intime entre les culs de sac

(1) Voir Journal de Micrographie, t. X, 1886, t. XI, 1887, p. 7, 62, 142, 161, 205,

226

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

glandulaires et les vaisseaux sanguins comme on l’observe dans les glandes sudoripares de l’homme et des Mammifères, qui ont un réseau capillaire indépendant. Ici, rien de semblable : les utricules glandu¬ laires sont dans la couche superficielle, et les vaisseaux sanguins sont situés profondément dans la couche postérieure. Le plasma nutritif qui s’échappe des vaisseaux doit parcourir les mailles du tissu conjonctif dans une étendue relativement assez considérable avant d’atteindre les culs-de-sac et de concourir à la sécrétion.

En un mot, ce n’est pas dans le sang lui-même que les glandes granuleuses puisent les matériaux de leur nutrition et de leur sécré¬ tion, mais dans la lymphe, qui résulte surtout de l’extravasation des vaisseaux sanguins.

Pour observer les nerfs de la membrane nyctitante, et en particu¬ lier ceux qui se distribuent aux glandes granuleuses, il faut avoir recours à la méthode de l’or, ou du moins c’est cette méthode qui démontre le mieux.

Vous vous souvenez qu’on peut parfaitement étudier les fibres ner¬ veuses sans myéline de la cornée delà Grenouille en examinant cette membrane à plat dans une chambre humide. Ainsi, après avoir enlevé la cornée et l’avoir placée avec une goutte d’humeur aqueuse dans une chambre humide, on ne voit d’abord rien en l’examinant, ni cellules connectives, ni fibres nerveuses sans myéline ; c’est seu¬ lement à la périphérie, il y a des fibres nerveuses à myéline, qu’on peut voir quelque chose de l’appareil nerveux de la cornée. Mais bientôt, au fur et à mesure que la membrane séjourne dans l’humeur aqueuse, on voit se dessiner dans le stroma les cellules connectives, corpuscules de la cornée, et les fibres nerveuses sans myéline.

En examinant la membrane nyctitante dans les mêmes conditions, j’ai été frappé de ce fait que, d’emblée, on voit admirablement les glandes que vous connaissez, les fibres à myéline, les vaisseaux san¬ guins, capillaires artériels et veineux, dont on distingue parfaitement la structure, surtout quand on examine la membrane la face mu¬ queuse ou postérieure en-dessus. Mais des fibres nerveuses sans myéline, des cellules connectives, que l’analyse histologique nous a montrées en si grand nombre, on ne voit absolument rien, quand même l’observation se prolonge.

J’ai été très frappé de ce fait et j’en ai cherché l’explication. J’ai fait à ce sujet une hypothèse : j’ai pensé qu’il y avait une différence, pro¬ bablement très considérable, entre les fibres connectives, ce qu’on appelle la substance inter cellulaire de la nyctitante et la substance

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iiilercellulaire de la cornée. Gela m’a conduit à faire, ces jours der¬ niers, des expériences que je vais vous indiquer, expériences qui sont toujours bonnes, étant fondées sur la méthode comparative.

Au lieu d’examiner successivement et à des intervalles plus ou moins considérables la cornée d’une Grenouille et la nyctitante d’une autre Grenouille, j’ai procédé ainsi ; (je vous donne tous les détails, car c’est important) :

Je n’ai pas besoin de vous décrire le petit appareil, porte-objet particulier qu’on appelle chambre humide. Fermée avec de la paraffine, elle est parfaitement close, mais si l’on veut prolonger les observations pendant plusieurs jours, il sera bon, après l’avoir bien nettoyée, de la flamber, ainsi que la lamelle qui doit la recouvrir, pour éviter le développement des germes. C’est, du reste, une indication déjà ancienne, et Recklinghausen, en 1866-67, dans son expérience sur la conservation du sang vivant, l’avait déjà donnée. La destruction des germes et des bacilles est parfaitement faite par un simple flam¬ bage. Ici, c’est indispensable.

L’appareil refroidi, prenons une Grenouille, sacrifions-là par déca¬ pitation, enlevons un des yeux, et, cet œil étant placé sur une lamelle, piquons la cornée avec une aiguille. Il se forme une goutte d’humeur aqueuse sur la lamelle de verre. Avec des ciseaux courbes, enlevons la membrane nyctitante de l’autre œil et déposons-la sur la lamelle dans la goutte d’humeur aqueuse. Avec de petits ciseaux pointus ou un couteau à cataracte, enlevons la cornée de ce même œil etplaçons- la dans la goutte d’humeur aqueuse en pratiquant sur ses bords de petites incisions afin de l’étaler convenablement. Nous avons donc, dans une même goutte d’humeur aqueuse, la cornée et la membrane nyctitante. Prenons alors la lamelle avec une pince et retournons-la sur la cavité de la chambre humide : la cornée et la nyctitante reste¬ ront suspendues dans la goutte d’humeur aqueuse à la face inférieure de la lamelle. Mais dans ces conditions nous n’aurions pas une véri¬ table chambre humide. Si la quantité d’humeur aqueuse n’est pas con¬ sidérable et si la capacité de cette petite chambre est relativement grande, il se produira une concentration de l’humeur aqueuse et nous n’aurons plus les conditions exactes que nous recherchons. Il faut que l’atmosphère de la chambre soit saturée de vapeur d’eau à la tempé¬ rature ambiante, et pour cela on dispose auparavant au fond de ta chambre une ou deux gouttes d’eau distillée. Gela est indispensable. Quand la lamelle à recouvrir a été retournée et appliquée sur la cavité de la chambre humide, on borde à la paraffine de manière à éviter toute perte de liquide par l’évaporation.

Si l’on a fait cette opération assez rapidement, et il ne faut pas plus

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

d’une minute, et qu’on examine au microscope avec un grossissement de 300 à 400 diamètres, on observe les détails suivants :

Dans la nyctitante, on voit les glandes, les vaisseaux sanguins, les libres nerveuses à myéline en assez grande quantité, l’épithélium an¬ térieur et l’épithélium postérieur. Tout cela se voit d’autant plus nette¬ ment et à sa place exacte que l’on emploie un objectif à plus grand angle d’ouverture qui ne confond pas les plans successsifs de la pré¬ paration.

Dans la cornée, on ne voit que les épithéliums antérieur et posté- térieur, et, sur la région marginale de la membrane, les petits troncs nerveux qui contiennent encore des fibres à myéline. Mais au-delà, plus rien que les épithéliums, et encore avec beaucoup d’attention. On ne distingue pas les noyaux, en général ; on voit les cellules poly¬ gonales, et celles de la couche profonde unies par des filaments d’union.

Mais, au bout d’une heure, à peu près, les choses ont bien changé. Dans la cornée, on voit les libres sans myéline se diviser et se subdi¬ viser, concourir à la formation d’un plexus décrit par les différents auteurs, Hoyer, Cohnheim, Kœlliker, et que j’ai appelé plexus en zigzag. On voit les cellules étoilées s’anastomoser les unes avec les autres par des prolongements ; et, à mesure que l’observation se pro¬ longe tous ces détails s’observent d’une manière de plus en plus nette. Dans la membrane nyctitante rien n’est changé.

Donc, voilà deux membranes placées dans les mêmes conditions, suspendues dans la même goutte d’humeur aqueuse et placées dans les mêmes conditions d’hygrométricité : dans l’une, les fibres nerveuses sans myéline et les cellules connectives deviennent très nettes. Dans l’autre, rien de semblable : on voit toujours les glandes, qui ne sont pas devenues plus nettes ; les vaisseaux sanguins et les fibres à myéline n’ont pas changé d’aspect et se voient comme au commencemnnt de l’observation. Les cellules connectives et les fibres à myéline sont invisibles. Pourquoi ces différences?

Avant de répondre à cette question, je dois m’occuper d’une autre question : pourquoi la cornée conservée dans la chambre humide laisse-t-elle voir, au bout d’un certain temps, des détails de structure qui échappent complètement au début de l’observation? Avant moi, ou avait parfaitement constaté cette différence, particulièrement Kollett, dans le Manuel de Stricker, en 1867 ou 1868 ; seulement, on ne s’en était pas demandé la cause. C’est cette cause que j’ai recherchée et que je vais vous rappeler.

11 y a quelques années, ayant voulu reprendre cette question, j’avais obtenu des résultats très incertains : tantôt je voyais dans la cornée

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tous les détails de fine structure indiqués par les auteurs, tantôt ils restaient invisibles pendant tout le temps de Inobservation. Quelque¬ fois, quand j’observais quelques fibres nerveuses sans myéline et quelques cellules connectives, bientôt tout disparaissait. Existait- il donc des différences individuelles ? Est-ce que les yeux de toutes les Grenouilles ne sont pas semblables ? Je ne pouvais pas admettre ces variations, bien que Kühne ait émis, relativement aux rapports des cellules avec les nerfs, des idées qui rendent possible l’admission de différences individuelles. J’ai pensé qu’elles venaient simplement de la méthode, guidé d’ailleurs, par une expérience macroscopique. Quand on place dans l’eau une cornée de bœuf ou de cheval fraîche, enlevée peu de temps après la mort de l’animal, on la voit peu à peu se gonfler de manière qu’elle double d’épaisseur. La cornée est donc colloïde et fortement hygrométrique. En même temps, elle perd de sa transparence et devient légèrement opaline.

J’ai pensé dès lors que cette propriété de se gonfler dans l’eau assure la transparence de la cornée, en produisant l’application très exacte, les unes sur les autres, des fibres qui composent les lames de cette membrane. Vous savez qu’un bloc de verre homogène et transparent, poli sur ses faces, devient opaque si, par exemple en le frappant, on produit des brisures intérieures ; que, réduit en poudre, il forme une masse opaque. Mais si l’on pouvait appliquer exactement tous ces morceaux les uns sur les autres, le bloc redeviendrait trans¬ parent. En effet, si l’on verse dans les interstices un liquide qui les remplisse et qui ait le même indice de réfraction que le verre, ou à peu près, de l’essence de térébenthine par exemple, la masse redevient relativement transparente.

Par conséquent, si les fibres de la cornée sont toujours suffisam¬ ment gonflées dans une préparation, elles seront toujours exactement appliquées les unes sur les autres, constituant un milieu homogène pour la lumière, et assureront la transparence de la membrane. J’ai pensé que c’est pour cette raison que sur la cornée observée dans la chambre humide, les fibres ne deviennent pas plus nettes ; la mem¬ brane, dans les régions l’on ne distingue pas les cellules connec¬ tives, est toujours aussi transparente. Mais si ces cellules, si les fibrilles nerveuses deviennent peu à peu visibles, c’est qu’elles sont moins hygrométriques, elles résistent à l’imbibition tandis que les fibres qui les entourent se laissent imbiber. Or tous les éléments anatomiques quels qu’ils soient ont un indice de réfraction supérieur à celui de l’eau. Mais, imbibés par l’eau, leur indice diminue et se rapproche de plus en plus de celui de l’eau, et les fibres delà cornée ainsi imbibées et appliquées les unes sur les autres forment un

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

milieu dont l’indice est moins considérable qu’il n’était, tandis que les cellules connectives et les fibrilles nerveuses, qui ont résisté à l’imbibition, ont conservé leur indice de réfraction plus élevé que celui du milieu dont elles sont entourées. Elles deviennent alors visibles en raison de cette différence des indices de réfraction. Il y a cependant une limite à l’imbibiton. Au bout d’un certain temps l’amé¬ lioration de l’image est complète et elle n’augmente plus.

Pour donner toute sa valeur à cette interprétation, il fallait, après qu’une cornée est devenue parfaitement nette, montrant les cellules connectives et les fibrilles nerveuses sans myéline sous l’influence de l’imbibition, enlever l’eau progressivement et constater que l’image redevient ce qu’elle était d’abord. C’est ce que j’ai fait. J’ai soulevé la lamelle avec la cornée qui y était suspendue, j’ai enlevé l’eau et j’ai mis à la place une gouttelette de glycérine, qui est très hygrométrique ; puis j’ai replacé la lamelle. Peu à peu l’image des fibrilles sans myéline et des cellules connectives a pâli, est devenue indistincte et a disparu.

Vous comprenez maintenant très bien pourquoi la membrane nyctitante, dans mon expérience comparative, reste telle qu’elle était au début de l’observation, tandis que la cornée donne une image qui s’améliore progressivement. C’est que les fibres connectives qui entrent dans la constitution de la nyctitante sont des fibres connec¬ tives ordinaires, comme elles existent dans la peau ; ce 11e sont pas des fibres cornéennes, elles ne sont pas hygrométriques de la même façon et ne se gonflent pas comme ces dernières. Leur indice de réfraction reste donc le même, et le même que celui des cellules et des fibrilles nerveuses interposées. Celles-ci 11’apparaissent pas parce que les fibres connectives ne sont pas très transparentes et, n’étant pas fortement appliquées les unes sur les autres comme dans la cornée, ne forment pas un milieu très transparent, et parce que l’in¬ dice de tous ces éléments est sensiblement le même.

Cette expérience m’a vivement interressé parce que j’y ai trouvé, ce qui était nécessaire, une démonstration absolument nette, absolu¬ ment claire pour tout le monde de l’hypothèse que j’avais faite jadis sur la cause de la transparence de la cornée et de l’amélioration progressive de l’image des fibrilles sans myéline et des cellules connectives.

Quand, après un séjour convenable dans une véritable chambre humide, la cornée a développé l’image de ses fibrilles nerveuses et de ses cellules connectives, on peut très bien étudier leur forme, leurs rapports entr’elles, et l’on pourrait croire, tant l’image est nette, que la préparation est suffisante pour étudier la distribution de ces fibrilles

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et leurs rapports avec les glandes ; mais il y a beaucoup de causes d’erreur, en raison des prolongements des cellules connectives, prolongements qui présentent le même aspect que les fibrilles ner¬ veuses sans myéline. C’est ce qui avait conduit Külme a dire que les fibrilles se terminent dans les cellules connectives ; et il admettait que ces cellules sont contractiles sous l’excitation des nerfs. J’ai essavé

ti

jadis de vérifier cette assertion, mais toujours en vain. Ayant, depuis, perfectionné la méthode de l’or, je suis arrivé à cette conviction qu’il n’y a pas de continuité entre les fibrilles nerveuses et les cellules connectives. Mais j’ai déjà exposé ces résultats, je n’insiste donc pas.

J’ai employé la méthode de l’or pour étudier les nerfs de la nycti- tante, et j’ai mis en œuvre deux procédés de cette méthode. Le premier consiste à immerger d’abord la membrane détachée dans du jus de citron pendant 10 minutes à peu près. Puis, j’ai porté la membrane, passée rapidement dans l’eau distillée, dans le chlorure d’or à 1 pour 100, pendant 15 minutes, et j’ai lavé à l’eau distillée. La réduction de l’or est opérée, a l’obcurité, dans l’acide formique (1 d’acide pour 3 d’eau distillée), ou, à la lumière, dans l’eau avec un acide acétique composé d’une à deux gouttes d’acide cristallisable pour 20 à 30 grammes d’eau distillée.

Le second procédé est celui que j’ai appelé Vor bouilli. On emploie trois parties de chlorure d’or à 1 p. 100 avec 1 p. d’acide formique. On fait bouillir. On laisse refroidir, on laisse la membrane pendant 15 minutes dans le mélange et on obtient la réduction de l’or soit dans l’eau acétifiée soit dans l’acide formique au tiers.

Pour ce qui nous intéresse, je n’ai étudié que des préparations à plat, soit par la face antérieure, soit par la face postérieure, dans la glycérine pure ou dans la glycérine formique. Ce qui frappe d’abord, c’est l’existence, dans la nyctitante, d’un plexus en zigzag exactement semblable à celui de la cornée : un petit nerf composé de fibres à myéline, très-visible après l’action du jus de citron et la réduction dans l’eau acétifiée, se transforme en fibres sans myéline, se divise et se subdivise jusqu’à donner des libres isolées. Ce sont celles-ci qui concourent à ia formation du plexus en zigzag. Celui-ci limite des mailles carrés, mais dont les angles sont souvent coupés comme ceux des cristaux de cholestérine. Les libres, en décrivant ces zigzag changent de plan : une branche antéro-postérieure se trouve, sur un plan supérieur ou inférieur, perpendiculaire à sa direction pre¬ mière. Ces différentes branches qui se coupent à angle droit ne se trouvent jamais sur le même plan. C’est un fait qui m’avait frappé, sur la cornée, et m’avait conduit à l’interprétation que j’en ai donnée.

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Dans la cornée, comme dans la nyctitante, il y a des lames qui sont formées par des fibres ; les libres d’une lame forment un angle à peu près droit avec les fibres d’une lame voisine. Les fibres nerveuses qui concourent à la formation du plexus en zigzag suivent la direction des libres connectives composant la lame dans laquelle elle sont placées ; lorsque, dans leur trajet, elles passent dans la lame voisine, au-dessus ou au-dessous, elles se coudent pour prendre la direction des fibres connectives composant cette dernière lame, et cette direc¬ tion est perpendiculaire à la première. Telle est la raison de la forme en zigzag du plexus cornéen ; et voilà pourquoi chaque fibre ner¬ veuse de ce plexus, toutes les fois qu’elle fait un angle droit, passe dans un plan supérieur ou inférieur.

Nous savons que la membrane nyctitante, dans sa portion glandu¬ laire, est formée par des lames semblables à celles de la cornée, et plus nettes encore parce qu’elles sont cousues par des fibres sutu- rales comme dans la cornée des Plagiostomes, de la raie par exemple. Rien d’étonnant à ce que les fibres nerveuses qui cheminent dans cette membrane, passant d’une lame dans l’autre, aient un trajet en zigzag dont les angles sont à peu près droits. Mais pourquoi les fibres nerveuses ont-elles nécessairement un trajet parallèle aux libres connectives au milieu desquelles elles cheminent ? C’est une loi géné¬ rale des plus intéressantes à laquelle je suis arrivé à la suite de recherches très-longues et très-variées. C’est parceque les fibres ner¬ veuses croissent, pendant le développement, du centre à la périphérie et poussent en suivant le trajet le plus facile, les voies qui sont ouvertes. Poussant comme une racine dans le sol, les libres qu’elles rencontrent perpendiculairement leur offrent une grande résistance, tandis qu’elles s’insinuent facilement entre celles-ci pour suivre un trajet ayant la même direction. C’est pour cela que, dans la cornée comme dans la nyctitante, les fibres nerveuses ont un trajet parallèle aux libres connectives au-milieu desquelles elles sont placées ; et quand ces dernières changent de direction, les libres nerveuses com¬ prises aux milieu d’elles en changent aussi.

J’arrive aux nerfs glandulaires. Après le traitement par l’or, les glandes se trouvent placées dans les mailles du plexus en zigzag, plexus qui, chose assez singulière, n’a pas été bien distingué par les histologistes qui se sont occupés de ces nerfs. Oppenchowsky, qui est venu faire des recherches dans notre laboratoire, avait fait un travail sur la terminaison des nerfs dans les glandes granuleuses de la membrane nyctitante, sous la direction de Stricker. Or Stricker et Spina avaient publié des recherches physiologiques sur les glandes de la nyctitante et ils avaient admis que les modifications que l’on

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observe sur ces glandes quand elles passent de l’état de repos à l’état d’activité, et inversement, dépendent absolument de l’activité des cellules glandulaires. Chose curieuse ! dans leurs recherches physio¬ logiques, ils ont complètement laissé de côté, comme si elle n’existait pas, la couche musculaire qui, cependant, avait été parfaitement vue et décrite par Engelmann, Ciaccio, Eberth. Dès lors qu’il fallait rechercher dans l’activité des cellules épithétiales de l’utricule de ces glandes granuleuses la raison de l’activité ou du repos de ces glandes, il fallait rechercher dans les cellules la terminaison des nerfs. C’est ce qu’a fait Oppenchowsky.

Les cellules épithéliales présentent une striation radiée formée par des grains, comme la striation vue par Heidenhain dans les canaux contournés du rein, par Henle dans les canaux salivaires, et par moi- même dans les cellules des glandes sudoripares de J’homme.

Ces stries constitueraient autant de terminaisons nerveuses intra¬ cellulaires et résulteraient de la division d’une fibre nerveuse ; de sorte qu’à chaque cellule épithéliale correspondrait une fibrille pou¬ vant se réunir aux fibrilles nerveuses voisines.

Dans cette vue, les fibres musculaires sont absolument supprimées. Cependant, vous comprenez que si les fibrilles nerveuses résultant de la division des fibres qui arrivent à la glande atteignent les cellules glandulaires, elles doivent traverser les libres musculaires qui forment, au-dessous, une couche continue. Par conséquent, cette manière de voir est complètement inadmissible.

Il me reste donc maintenant à vous exposer les résultats auxquels je suis arrivé.

suivre)

ÉVOLUTION DES MICRO-ORGANISMES ANIMAUX ET VÉGÉTAUX PARASITES

Leçons faites au Collège de France en 1886-1887 par le Professeur Balbiani

Examinons maintenant la structure interne du protoplasma.

Les observations que l’on fait maintenant avec d’excellents objectifs à immersion homogène ont conduit à conclure que presque toujours le protoplasma des Protozoaires, dans quelque groupe qu’on l’envi-

(1) Voir journal de Micrographie , t. X, 1886, et t. XI, 1887, p. 54,134, 170,196.

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sage, a la même structure aréolaire ou vacuolaire, rappelant celle d’une éponge, les vacuoles étant probablement remplies par du proto- plasma plus liquide. C’est cette structure que Biitschii a reconnue chez tous les Rhizopodes marins et d’autres Protozoaires comme les Opa¬ lines. Chez les Flagellés, ce protoplasma aréolaire ou vacuolaire ne présente cependant pas la même structure dans toute sa masse ; il se différencie à la périphérie et dans l’intérieur. A la partie périphérique, qui correspond à la couche que nous avons désignée sous le nom d’ectoplasme, les petites chambres ou vacuoles de cette masse se présentent avec une apparence très régulière. On voit de petites chambres inégales séparées par des cloisons limitant comme les alvéoles d’un gateau d’abeilles, quand on examine l’animal de face. Mais quand on l’étudie de profil, les cloisons ne montrent que leur coupe optique, leur arête, sous forme de lignes parallèles. Cette couche se présente donc sous un aspect strié qui a souvent trompé les observateurs lesquels ont cru avoir affaire à des fibres placées dans une masse homogène ; d’autres y ont vu des bâtonnets ou trichocystes comme il en existe réellement chez certaines espèces.

Cette structure régulièrement aréolaire que présente la couche ex¬ terne du protoplasma de beaucoup de Protozoaires rappelle la zone pellucide de l’œuf des Mammifères qui présente une striation radiaire déterminée par des canaux poreux, canalicules très fins la traversant de part en part. On la retrouve aussi dans les œufs d’animaux infé¬ rieurs, Échinodermes, Holothuries, Oursins, etc., produite à peu près de la même manière.

Cette structure aréolaire, qui présente tant de régularité dans la couche périphérique, en offre beaucoup moins dans l’endoplasme et rappelle davantage la structure d’une éponge microscopique.

Il me reste pour compléter l’étude générale des Protozoaires, à vous parler d’un autre élément qui entre dans la constitution de ces êtres unicellulaires, je veux parler du noyau ou nucléus. Il n’y a pas longtemps que l’on découvrait fréquemment des organismes qu’on disait dépourvus de noyau, llæckel s’était fondé sur ce fait pour établir tout un groupe d’êtres qu’il appelait Monères , êtres sans noyau. Ces êtres n’étaient donc pas des cellules. Réduits à un corps protoplas¬ mique qui ne répondait pas à la définition de la cellule, ces organismes, Monères au point de vue zoologique, étaient des cytodes au point de vue histologique, llæckel faisait rentrer dans ce groupe un assez grand nombre d’organismes qu’il avait découverts pour la plupart et l’avait placé en tète de son règne des Protistes composé des êtres les plus hétérogènes, Infusoires, Flagellés, Rhizopodes, et même des

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Champignons, des Myxomycètes et des Algues inférieures, des Diato¬ mées ou Bacillariacées. Le caractère général du règne, en effet, était de ne présenter de multiplication que par voie nonsexuelle (mono- gonie). Les Monères étaient les plus simples de tous les Protistes, comme ne renfermant pas de noyau et même pas d’organes du tout. C’était des « organismes sans organes » : pas de cils, pas de vési¬ cule contractile, mais une simple petite masse de protoplasma. Leurs mouvements ne se faisaient que par des contractions du protoplasma ou par des pseudopodes de formes variées, mais toujours formés par du protoplasma homogène.

Parmi les Monères, Hæckel rangeait d’abord les Amibes sans noyau, par conséquent des êtres réduits à leur masse protoplasmique. C’était les Protamœba et Protogenes ; ces deux genres étaient l’expression la plus simple qu’on peut concevoir d’un organisme quelconque. Les autres se rapprochaient des Héliozoaires, émettant des filaments plus ou moins nombreux : les Myxochytrium , Myastrum , de Hæckel, et le Vampyrella de Cienkowsky. D’autres se rapprochaient des Fla¬ gellés, comme les Protomonas (Hæckel), etc.

Mais à mesure que la technique histologique se perfectionnait, les organismes sans noyau sont devenus de plus en plus rares, et en exa¬ minant de plus près les Monères, il a fallu les faire rentrer dans les groupes des organismes nucléés. On a reconnu que ce sont de vraies cellules et même on a fini par découvrir, chez la plupart, une grande quantité de noyaux. C’est ainsi que Zopf a vu que le Vampyrelia de Cienkowsky présente plusieurs douzaines de noyaux et forme le passage des Flagellés aux Rhizopodes. Il en est de même pour les Monères de Hæckel. Ainsi les Myxastrum , M. radians , M. ligu- ricum , se rapprochent beaucoup des Ciliés et Gruber y a trouvé plu¬ sieurs noyaux. ( Protozoaires du Golfe de Gêiies, 1884). Il est pro¬ bable qu’il en sera de même pour les autres quand on les étudiera avec les ressources que fournit aujourd’hui la technique microsco¬ pique.

Bütschli, qui a une grande expérience de ces études, assure n’avoir pas rencontré jusqu’ici un seul organisme dont on puisse affirmer qu’il ne présente pas de noyau. Je puis confirmer son assertion et ajouter mon expérience à la sienne.

Mais il faut dire que s’il y a des cas l’on ne trouve pas de noyau ce sont des cas indhiduels, et j’en ai constaté. Je vous les ferai con¬ naître, et il est très intéressant de voir comment se comportent les cellules sans noyau.

Quant au nombre de ces noyaux, de même que nous connaissons chez les animaux et les végétaux des cellules qui renferment tantôt

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un, tantôt plusieurs noyaux, de même nous trouvons des Protozoaires uni- et plurinucléés. Nous connaissons un assez grand nombre de cellules animales à plusieurs noyaux, les myéloplaxes de Ch. Robin, les cellules des libres de Purkinje dans le cœur, certaines cellules ganglionnaires chez divers animaux, chez le Lapin par exemple ; les globules blancs du sang présentent souvent aussi deux noyaux (Ran- vier) Parmi les végétaux, dans le Troène, les cellules du liber, celles des vaisseaux laticifères des Urticées,des Apocynées, des Ver- bénacées, des Asclépiadées, les cellules du suspenseur de Tembryon chez les Légumineuses, présentent plusieurs noyaux. Chez les Cryptogames, les exemples sont innombrables, parmi les Algues et les Champignons inférieurs ; dans un grand nombre de fa¬ milles, comme les Siphonocladiacées, les Caulerpa , les Vau- cheria , la plante est formée par une seule cellule très grande dans laquelle on a été longtemps sans trouver de noyau ; de même chez certaines Confervacées. Hæckel eût été en droit d’en faire des Monères. Parmi les Champignons inférieurs ou Phycomycètes, les Péronosporées, les Mucorinées, les Saprolégniacées, n’ont montré pendant longtemps que d’immenses cellules sans noyau. Or depuis, avec des moyens supérieurs, on a constaté que non-seulement ces cellules contiennent des noyaux, mais qu’elles en contiennent des centaines.

Revenons aux Protozoaires. Nous trouvons chez eux une très grande variété au point de vue du nombre des noyaux, suivant les quatre types de notre tableau, beaucoup d’espèces n’ont qu’un seul noyau : chez les Infusoires ciliés, c’est à peu près la règle ou, du moins, c’est le cas le plus fréquent. Chez certains, comme les Stentors, la subs¬ tance du noyau est étranglée en plusieurs points, formant un chapelet, et simule plusieurs noyaux.

Cependant, on connaitdes genres qui renferment plusieurs noyaux. Tels sont les Loxodes, beaux Infusoires qu’on trouve souvent aux envi¬ rons de Paris, et qui présentent une rangée régulière de noyaux tout à fait distincts les uns des autres ; les Opalines, parasites du rectum de la Grenouille renferment une centaine de noyaux distincts. Gruber a fait connaître un assez grand nombre d’autres exemples dont je vous parlerai plus tard.

Les Ciliés présentent donc des espèces uni et plurinucléés. Cepen¬ dant, ils sont ordinairement uninuclées.

Chez les Mastigophores, la plupart n’ont qu’un seul noyau; chez les Flagellés, par exemple, on ne connaît qu’un seul cas de noyaux mul¬ tiples, chez les Péridiniens, c’est le Polykrikos , auquel Berg a trouvé quatre noyaux.

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Dans les groupes suivants, les noyaux simples sont beaucoup plus rares. Gruber n’a pour ainsi dire trouvé que des Amibes à noyaux multiples. Il en a conclu que toutes les Amibes ont plusieurs noyaux; c’est une erreur : Il y a des Amibes qui n’ont qu’un seul noyau, mais il y en a un grand nombre qui en présentent plusieurs.

Chez les Rhizopodes, on trouve d’autres organismes qui sont ren¬ fermés dans un test, une coquille, dont la nature varie, tantôt calcaire, tantôt membraneuse. On les prendrait pour des Mollusques et on les a longtemps considérés comme de petits Céphalopodes. On avait cru longtemps aussi qu’ils n’avaient pas de noyau, si bien que Huxley, dans son Anatomie des anima, ux invertébrés, avait divisé les Pro¬ tozoaires en deux groupes : le premier, groupe des Monères, dans lequel il faisait entrer, avec les Monères de Hæckel, les Foraminifères; le second, caractérisé par l’existence d’un noyau. Mais, en 1876-77, F. M. Schulze, R. Hertwig ont trouvé des noyaux dans les Forami¬ nifères, et souvent en grand nombre, dans les Polystomella par par exemple. Depuis lors, les exemples se sont beaucoup multipliés par les travaux de R. Hertwig. Récemment, Rütschli les a étudiés et est arrivé à des résultats intéressants dont je vous entretiendrai plus tard.

Il y a aussi des espèces de Rhizopodes qui vivent dans l’eau douce, les Arceiles, les Difflugies, etc. Les Arcelles présentent ordinairement deux noyaux. Au moment de la reproduction, le nombre des noyaux augmente. Dans les Lieberkühnia , M. Maupas a trouvé une cinquantaine de noyaux.

En résumé, chez les Protozoaires on trouve de très grandes varia¬ tions quant au nombre des noyaux qui peut aller de 1 à plusieurs centaines.

Arrivons à ce qui concerne la structure intime du noyau.

Il est est très difficile, dans une étude sommaire, de donner une idée générale de la structure des noyaux, tant cette structure varie : au point que Grnber assure qu’il a pu fonder la diagnose des espèces d’Amibes qu’il a étudiées, presqu’uniquement sur la structure du noyau. Rien que dans le groupe des Infusoires ciliés, le noyau pré¬

sente une telle diversité d’aspects que je ne pourrai pas vous en donner une idée même approchée. Je n’insiste donc pas. Cependant, on peut le ramener à quelques types généraux.

On peut d’abord distinguer des noyaux du type appelé vèsiculeux, (pii ont la forme d’un fuseau, et contiennent un nucléole, type que l’on trouve rarement chez les Infusoires ciliés ou suceurs, plus souvent chez les Flagellés ou il est à peu près constant, ainsi que chez les Choano-Flagellés et les Grégarines qui en offrent un très bel exemple.

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Un second type est le noyau compact. Toute la masse est formée par une substance homogène et granuleuse qui présente plusieurs variétés. La masse interne peut être plus ou moins finement ou gros¬ sièrement granuleuse, sous forme de fibrilles isolées, parallèles ou entrecroisées, ou réticulées. Tous ces aspects caractérisent certains types de Protozoaires. Ainsi la forme réticulée est très fréquente chez les Foraminifères, les Rhizopodes marins si bien étudiés par Bütschli. On la retrouve aussi chez les Péridiniens cette réticulation pré¬ sente quelque chose de très intéressant en ce que la réticulation change d’aspect suivant la face qu’on examine. D’un côté elle paraît irrégulière et sous une autre face ce n’est même plus un réticulum mais une série de lignes parallèles. Nous verrons ce qui correspond à cette variété d’aspect.

Quelquefois le noyau est cloisonné et montre des couches concen¬ triques. Chez les Radiolaires, il présente un aspect singulier : chez cer¬ taines espèces, toutes marines, le noyau paraît revêtu d’une membrane très épaisse parcourue par des stries radiaires très fixes qui lui donnent tout à fait l’apparence de la membrane pellucide d’un œuf de Mam¬ mifère. C’est un fait qui n’est pas sans analogie avec ce qui se voit

dans le novau des cellules de certains tissus animaux. Chez les Acan-

«/

thométrides jeunes, il y a une membrane fine qui s’invagine dans le noyau et le cul-de-sac qu’elle forme vient s’appliquer contre le nucléole. Ce cul-de-sac présente en même temps une succession de plis étagés les uns sur les autres. Puis, le cul-de-sac se résorbe et le novau devient simple (R. Hertwig). Chez les Thalassicoles, le noyau a aussi une forme très singulière : il est lobulé et, au centre de la masse, est un nucléole qui envoie des prolongements dans les lobules. Ces formes curieuses sont probablement en rapport avec des phénomènes de reproduction, car à un certain moment le réticulum se résout en petits grains et c’est à ce moment que se forment les zoospores au moyen desquelles se reproduisent beaucoup de Radiolaires, et chaque zoo spore contient un noyau.

Comme dans les noyaux ordinaires, on distingue des parties liquides et des parties solides ou figurées. Celles-ci sont formées de la même substance que les noyaux ordinaires, de nuclèine , substance albuminoïde qui se distingue du protoplasma par des réactions chi¬ miques dont l’une des plus importantes est son insolubilité dans le suc gastrique naturel ou artificiel. De plus, elle retient très-fortement les matières colorantes, carmin, hématoxyline, couleurs d’aniline, etc. En raison de cette propriété, on a donné le nom de chromatine à toutes ces parties figurées formées de nuclèine, et res deux noms sont ainsi synonymes. Tous ces caractères se retrouvent dans le noyau

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des Protozaires. Je ne veux pas dire qu’il n’existe pas, dans le noyau, d’autres substances que la nucléine ; il est bien probable, au contraire, que ce n’est pas la seule substance du noyau qui ait la propriété de se colorer. Le nucléole ne contiendrait pas de nucléine, mais de la plastine ; le noyau, de la nucléine et de la plastine. Mais toutes ces questions sont encore très mal résolues, aussi je n’insiste pas davantage.

J’aurais à vous entretenir maintenant du rôle du noyau, mais aupara¬ vant je dois vous parler du nucléole, endoplastule ou noyau acces¬ soire. C’est un corpuscule beaucoup plus petit, et qu’on trouve sou¬ vent associé au noyau, le plus souvent accolé contre celui-ci ou logé dans une échancrure de cet élément, bien qu’il en soit complètement indépendant, ayant aussi sa membrane propre isolable. En France, nous donnons à ce petit corps le nom de nucléole. Permettez-moi de vous faire remarquer toute l’impropriété de ce terme. Vous savez, en effet, ce qu’est le nucléole en histologie ; vous voyez donc combien le nom est mal choisi pour l’élément qui nous occupe. C’est Siebold qui, le premier, l’a appelé ainsi; les Allemands l’appellent noyau accessoire er les Anglais, avec Huxley, endoplastule par opposition à Vendo- plastide qui est le noyau. Vous voyez que tous ces termes sont difficiles à accepter pour nous ; celui de noyau accessoire parce qu’il est composé de deux mots, et celui d’endoplastule parce qu’il éloigne trop l’idée de la nature de ces éléments. Tous ces noms ont leur inconvénient ; il serait donc utile d’appliquer à ce corps un nom qui fut d’un emploi commode et qui indiquât le rôle qu’il joue. Mais tous les développements dans lequel je pourrais entrer aujourd’hui seraient prématurés ; je m’en occuperai quand nous passerons en revue les phénomènes dans lesquels il intervient et n’en ayant pas de meilleur, je lui donnerai le nom de nucléole.

Contrairement au noyau, qui existe chez tous les Protozoaires, avec les variations que nous avons dites, le nucléole n’existe que dans un petit nombre de types. Ainsi, il y a tout une classe il entre réelle¬ ment dans la constitution normale des organismes, c’est celle des Infusoires ciliés qui ont tous au moins un noyau, avec un nucléole. Ce dernier existe aussi chez quelques Acinètes (Maupas). Sauf ces deux types, le nucléole n’a été trouvé dans aucun autre groupe de Proto¬ zoaires, excepté encore ce singulier Choanoflagellé, le Polykrikos , dont je vous ai déjà parlé, qui contient quatre noyaux et aussi quatre nucléoles. (Berg).

M. Künstler dit avoir trouvé des nucléoles dans des types flagellés, mais son assertion n’a pas été confirmée, et je crois que nous pouvons considérer les Flagellés comme dépourvus de nucléole. Ce qu’il y a de

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plus surprenant, c’est que clans différentes cellules animales on a trouvé un corps qui se comporte comme le nucléole des Protozoaires, et les Allemands lui ont donné le même nom de noyau accessoire.

(. A suivre).

CONFÉRENCES SUR LE MICROSCOPE

(Suite1.)

Microscopes de Hooke. Nous arrivons maintenant à une date particulièrement intéressante dans Phistoire ancienne du microscope, celle de la mise au jour de l’instrument composé de Hooke, en 1665, dans sa Micro gra/phia dont est tirée ma figure 15, ci-dessous.

La première revendication de Hooke est relative à l’application d’un puissant appareil d’éclairage consistant en une lampe pouvant être ajustée sur un support, avec un globe d’eau et une épaisse lentille plan-convexe montée sur un bras mobile permettant de condenser à volonté la lumière sur l’objet. Il décrit ainsi sa méthode pour l’emploi de la lumière solaire :

« Je place un petit morceau de Papier huilé très près de l’Objet, entre celui-ci et la lumière; puis, avec une bonne et forte Loupe convergente, je rassemble si bien les Rayons en les dirigeant sur le Papier qu’une très grande quantité de lumière passe à travers et atteint l’Objet. Cependant, je ménage assez la lumière pour qu’elle ne crispe et ne brûle pas le Papier. A la place de ce Papier on peut employer un petit morceau de Verre plat dont une des faces a été dépolie en la frottant sur un Outil plan avec du sable très fin ; si la chaleur est amenée lente¬ ment sur ce verre, il supportera une température bien plus élevée, et, par consé¬ quent la lumière utile sera considérablement augmentée. » ( Préf . p. 16-17).

Toutes ces indications prouvent chez Hooke une habileté pratique dans l’emploi réel du microscope. Il signale très clairement l’avantage de la lumière diffuse sur la lumière solaire directe, car lorsque « la lumière immédiate du soleil tombe » sur un objet « les réflexions sur un petit nombre de points sont si vives qu’elles masquent complète¬ ment la visibilité de tous les autres, tandis que ces points eux-mêmes, en raison de l’inégalité de la lumière, restent indistincts et paraissent seulement comme des tâches rayonnantes.» (Ibid. p. 17). En com¬ parant ces remarques pratiques de Hooke à l’avis que donne Des-

(1) Conférences faites à la Soc. f. the Encour of Arts, Nanuf. and Comm. Fon¬ dation de feule Dr Cantor, DrJ. P. trad. (Voir Journal de Micrographie, T. X. 1886, p. 512 ; T. XI, 1887, p. 113.

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Kig. 13. Microscope de Hooke (1665;

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cartes, particulièrement pour condenser directement la lumière solaire sur les objets, je me confirme dans l’opinion que Descartes ne s’était jamais servi de ses microscopes comme il le recommande.

Hooke décrit son microscope en détail, en commençant par l'ap¬ plication de quatre tubes de tirage pour allonger le corps de l’instru¬ ment qui n’avait normalement « pas plus de six à sept pouces de long. » Puis, il explique son addition d’une troisième lentille à la combinaison optique, d’où nous pouvons inférer que le microscope composé ue contenait jusque-là que deux lentilles seulement, une lentille objective et une lentille oculaire. Cette troisième lentille était appliquée, dan§ une cellule, au sommet du tube cylindrique de manière à pouvoir être rapidement enlevée. Il dit :

«Je m’en sers, seulement, lorsque j’ai plus d’un Objet à voir à la fois; la Len¬ tille du milieu (lentille de champ) réunissant un grand nombre de Pinceaux lu¬ mineux qui sans elle auraient pris un autre chemin, et les dirigeant sur l’épaisse Lentille de l’œil. Mais quand j’ai à examiner plus attentivement les petites parties d’un Corps, j’enlève la Lentille du milieu et ne me sers que d’une Lentille oculaire avec une Lentille objective » (Ibid. p. 22).

Que l’addition, faite par Hooke, d’une lentille de champ à l’oculaire du microscope puisse avoir été suggérée par l’invention de l’oculaire composé auquel a été attaché le nom de Huyghens (1), (quoiqu’elle soit attribuée par quelques auteurs à Campani), je ne puis le dé¬ terminer. En tous cas, le seul but que Hooke avait en vue, relati¬ vement à son propre instrument, était d’agrandir le champ visuel, et en aucune façon de corriger l’aberration de sphéricité de la lentille de l’œil. Sa déclaration nette qu’il enlevait la lentille de champ quand il recherchait la meilleure définition est concluante sous ce rapport.

D’après cette description du mécanisme de ce microscope, donnée par Hooke, je pense qu’il entendait en réclamer l’invention générale. L’articulation à boule du corps sur le bras qui le supporte est ainsi décrite :

« A l’extrémité de ce Bras D (Fig. 13) qui glisse sur la colonne GG était une petite boule logée dans une sorte de douille F établie sur le côté du Collier de Cuivre G dans lequel la petite extrémité du tube était vissée. Grâce à cette dis¬ position, je pouvais placer et fixer le Tube dans toutes les positions désirées (ce qui était absolument nécessaire pour certaines Observations) et l’ajuster très exactement sur un Objet » (Ibid. p. 23).

L’articulation à boule, telle qu’elle est employée, n’est certainement pas avantageusement placée. Dans les microscopes que j’ai rencontrés,

(1) Dans la notice de la Biographie universelle relative à Huyghens, il est dit qu’il a appliqué « une combinaison de deux oculaires » à son télescope avant 1659, c’est à dire quelques années avant la publication de Hooke sur l’application d’une lentille de champ au microscope.

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construits sur le plan général de Hooke, cette articulation était rem¬ placée par une courte et forte vis fixée au collier G et s’adaptant dans un écrou correspondant, en saillie sur le bras à glissage D dont il faisait partie intégrante. Cette disposition à vis permettait d’incliner le tube, et une vis de pression sur le côté de l’écrou le fixait dans cette position. Dans plusieurs ligures du microscope de Hooke publiées depuis 1665, cette modification est indiquée, par exemple dans le Collegium Curiosum de Sturm (1676), Fig. LXX, et dans VOculus Artificialis de Zahn (1685) que nous examinerons.

Il paraîtrait que l’introduction de l’articulation à boule dans la cons¬ truction du microscope, par Hooke, a trouvé depuis de nombreux avocats ; il peut être intéressant d’en citer quelques exemples, comme renseignements.

J. Van Musschenbroek (1702) a appliqué trois de ces mouvements comme articulation, à son microscope simple. Marshall (1701) a employé une grosse articulation semblable, avec un collier de serrage, à l’extrémité inférieure de la colonne de son microscope composé. Joblot (1718) en adapta trois à sa loupe montée simple, et Lyonnet, (1762), cinq à la sienne. Gulpeper (vers 1730) monta le microscope simple de Wilson et son propre système de microscope composé sur une articulation à boule avec ajustement sur le sommet de la colonne. B. Martin (1742) l’employa de même sur sa première forme de 5 Mi¬ croscope Universel » Adams, Jones, Dollond, Pyefinch, Bâte et d’autres constructeurs anglais de la fin du siècle dernier et du com¬ mencement de celui-ci, employèrent une sorte de cliaine composée d’articulations à boule pour porter la pince, etc. Une forme très perfectionnée, avec un arrêt puissant, a été inventée par Goring pour supporter son « Engiscope » au sommet de la colonne ; (voir la figure et la description dans les Microscopie Illustrations de Pritchard, Londres, 1830, in-8° royal). Plus récemment, nous avons eu des mouvements de la platine (par Varley, Powell et Lealand, Smith et Beck Dancer, et d’autres) commandés par une articulation à bille adaptée à un levier; dans un cas (petit modèle de Varley), il y avait deux leviers semblables agissant ensemble). Des lampes à microscope, des miroirs, des condenseurs, des réflecteurs de côté, des prismes à éclairage, des pinces et des chambres claires ont été fixés par des ar¬ ticulations à boule. Le plus haut degré de cette application a proba¬ blement été atteint dans le « Ball-jomted Microscope » (microscope articulé à boule) de Marten (1) dans lequel deux de ces mouvements

(1) Zeitschrift /. hulrumcntenk. II (1882) p. 112 (Fig. 1); reprod, dans Journ. Roy. Micr. Soc. Il (1882), p. 672. La platine n’était pas figurée.

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sont employés pour porter le tube du corps, et la platine est un hé¬ misphère mobile dans une coupe hémisphérique, instrument spéciale¬ ment inventé pour l’examen des gros échantillons de métal qui ne peuvent pas être facilement étudiés avec un microscope ordinaire.

La facilité de mouvements réalisée par l’articulation à boule sem¬ blerait avoir attiré l’attention des inventeurs d’applications microscopi¬ ques dans chacune des générations qui ont suivi l’introduction qui en a été faite par Hooke. Pour les petits accessoires, quand la question de levier n’est pas à considérer, cette articulation convient, quoique son emploi demande, en général, plus d’adresse de main qu’il n’en faut avec le mécanisme ordinaire à pivot. Mais elle ne doit pas être employée comme principal support au mouvement d’inclinaison du corps d’un grand microscope. Même lorsqu’elle est munie d’un puissant écrou d’arrêt, comme celui qu’a inventé Goring, on risque toujours que, quand l’écrou est relâché, l’instrument culbute, par une négligence dans le maniement.

Hooke explique aussi minutieusement la construction de la platine objective :

« Pour placer l'Objet, j'ai adopté la disposition suivante : à l’extrémité d’une petite Règle ou Glissière en cuivre H H j’ai fixéune Plaque ronde 1 I qui pouvait tourner en rond autour de son Centre K et allant à frottement uu peu dur pou¬ vait rester fixe dans une position choisie. Sur un de ses côtés était adapté un pelit Pilier P, haut d’environ trois quarts de pouce et portant vers son sommet une petite Epingle de fer M dont l’extrémité (pointue) arrivait juste au dessus du Centre de la Plaque. A cette pointe je fixais un petit Objet et, par ces dispo¬ sitions, je pouvais le tourner dans toute espèce de positions par rapport à mon Œil et à la Lumière ; car en tournant la petite Plaque autour de son centre, je pouvais le mouvoir dans un sens et en tournant l’Epingle M je pouvais le mou¬ voir dans un autre seus, et cela sans déplacer du tout le Verre ou au moins très peu. La Plaque pouvant être portée dans toutes les parties du piédestal (ce qui dans bien des cas est utile) et fixée aussi dans chaque Position au moyen d’une Noix N vissée autour de la partie inférieure de la Colonne C C. » (lb\d).

Cette platine me semble établie d’après les idées pratiques, idées qui n’ont été dûment appréciées que de nos jours, comme le prouve l’application maintenant générale de la platine rotative que nos ancê¬ tres ignoraient presqu’entièrement. Cette règle fixée par un écrou sur la base du microscope était un support admirablement stable pour la platine rotative et bien supérieur à la majorité des systèmes de platines inventés avant que celui d’Oberhæuser fut appliqué (vue 1850).

llooke ne parait pas avoir été satisfait des lentilles qu’il employait. Il dit : « Les verres que j’ai employés étaient de notre fabrication anglaise, mais quoique des meilleurs de leur genre, ils étaient cepen¬ dant bien loin de ce qu’on pourrait attendre si l’on trouvait le moyen

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

245

(le faire des verres elliptiques ou de quelque forme exacte ». Il se plaint de ce que l'ouverture des objectifs est si faible « qu’un très petit nombre de rayons sont admis, et parmi ce petit nombre même il y en a tant de faux que l’objet apparait sombre et indistinct » Des « meilleures lentilles » il dit qu’ « aucune ne peut admettre un nom¬ bre suffisant de rayons pour grossir un objet au delà d’une dimension déterminée» {Ibid. p. 16). Pour remédier à cet inconvénient du au peu de lumière transmise par le microscope, il a inventé les lampes et les condenseurs décrits plus haut dans le but d’éclairer plus puissamment les objets.

Il est évident que Hooke a ainsi découvert, et il y a longtemps, l’im¬ portance de l’accroisement de l’ouverture ; mais les grandes ouver¬ tures qu’il entendait n’avaient d’autre but que de fournir une plus grande quantité de lumière à l’objet afin de permettre un grossissement plus fort, le grossissement qu’il s’efforcait d’atteintre étant limité par le manque de lumière. Il ne dit rien, et l’on ne pouvait pas atten¬ dre, en effet, qu’il dit quelque chose relativement à l’augmentation du pouvoir résolvant par l’accroissement de l’ouverture, car la con¬ nexion entre l’ouverture et le pouvoir résolvant n’a guère été sérieuse¬ ment envisagée au point de vue pratique, dans la construction des télescopes et des microscopes dioptriques, avant l’application de l’achromatisme.

Nous pouvons conclure que d’autres grands microscopes étaient en usage à cette date, car Hooke établit qu’un globule de verre fondu (1) préparé et employé comme il le décrit « montrera quelques objets plus distinctement que certains grands Microscopes » [Ibid. p. 22). Il paraîtrait aussi que l’on n’avait pas encore découvert que la vue des objets par transparence, à l’aide de la lumière transmise, était de première utilité pour les forts pouvoirs, car Hooke, en expliquant que « plus les objectifs du Téléscope sont grands et plus petits ceux du Microscope, plus ils grossissent, » appuie son dire (relativement au microscope) en ajoutant qu’il doit être extrêmement dif[icile. ..d’ éclai¬ rer un objet distant de l’objectif de moins d’un centième de pouce » [Ibid. p. 19-20). Il est donc évident que Hooke ne pensait à examiner que des objets opaques avec les forts pouvoirs. La diffi¬ culté dont il parle, relativement à l’éclairage, dispai aitrait avec les objets transparents. Une distance d’un centième de pouce ne serait pas un obstacle pour voir les objets par la lumière transmise et n’imposerait pas une limite (comme il l’indique) au grossissement.

(I) Poggendorff, Hist. de la Physique, établit que clans la production de petites lentilles ou globules de verre soufllé, Hooke avait été devancé par Torricelli.

246

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Hooke décrit aussi un microscope composé qu’il a inventé pour avoir deux réfractions seulement, consistant en un tube conique, à la petite extrémité duquel est cimentée une lentille plan-convexe de court rayon, la surface convexe en dehors, comme lentille objective, et a l’extrémité la plus large est soudée de même une lentille plus grosse, de plus grand rayon. Puis, par un petit trou percé sur le côté, il rem¬ plissait le tube avec de l’eau, en fermant le trou par un bouchon. A propos de cette disposition il dit :

« Je pouvais ainsi percevoir un Objet, plus brillant que ce n’était possible lors¬ que l’espace intermédiaire était rempli par de l’Air; mais, en raison d’autres inconvénients, je ne m’en suis guère servi » (Ibid. p. 23)

Il a aussi établi d’autres formes de microscopes, microscopes « d’Eaux, de Gommes, de Résines, de Sels, d’Arsénic, d’Huiles, ou avec diverses autres mélanges de liqueurs aqueuses et huileuses » (. Ibd ). Il ajoute: « je n’en trouve généralemen aucun plus utile que celui fait avec deux verres, tel que je l’ai décrit, » abandonnant ainsi son invention du « verre du milieu » ou lentille de champ.

(A suivre).

J. Mayall junior. Membre de la /toi/. Micr. Soc. de Londres.

CLASSIFICATION DES FLAGELLÉS

D’après le professeur O, Bütschli (1883)

Nous devons à l’obligeance deM. le professeur Balbiani les tableaux suivants qui résument la classification des Flagellés établie par le professeur Bütschli, de Heidelberg, classification la plus complète et la plus récente qui ait été donnée de ces organismes intéressants. Celle que nous avons publiée en 1882, avec les leçons de M. Balbiani sur les organismes unicellulaires, était due à Stein, la plus satisfai¬ sante alors et la dernière parue. Il convient aujourd’hui de la remplacer par celle de M. Bütschli qui a enrichi la science des Protozoaires d’un grand nombre de faits nouveaux.

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247

ORDRE DES FLAGELLÉS

Un flagellum

Accompagné quel¬ quefois de 1 ou 2 flagellums plus pe¬ tits.

/ Corps petit ou très petit, I souvent ami bi forme, i Pas d’œsophage . .

J Corps plus grand, entou- ] d’une cuticule. I Pas de mouvements f amiboïdes.

\ Un œsophage .

SOUS-ORDRES

a. MONADINA.

b. EUGLENOIDINA.

Un flagellum locomoteurs l’extrémité antérieure.

Un filament traînant dirigé en arrière...- . c. HETER0MAST1G0DA.

Deux ou quatre , plus rarement cinq ou six fla- gellums égaux . d. ISOMASTIGODA

Premier sous- ordre : a. MONADINA

Un flagellum, accompagné quelquefois de 1 ou 2 flagellums plus petits. Corps petit ou très petit, souvent amibiforme.

Pas d’œsophage.

Familles et principaux genres.

Donnant des pseudopodes . RHIZOMaSTIGINA.

Mastigcimæba.

Ciliophrys.

Dimorpha.

Un grand flagellum au pôle antérieur . CERGOMONADINÀ.

Cercomonas. Herpetomonas . Qikomoncis.

Un flagellum principal avec un ou deux flagellums ac¬ cessoires. Réunis souvent en colonies. . . . HETEROMONADINA .

Monas.

Dendromonas.

Anthophysa.

Dinobryon.

Uroglena.

DEUXIÈME SOUS-ORDRE : b. EUGLENOIDINA

Corps plus grand, le plus souvent entouré d’une cuticule. Pas de mouvements amiboïdes.

Le plus souvent un œsophage.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Corps coloré. . . .

t

I

\

Cas d’œsophage.

Cuticule nulle ou peu développée.

I Très contractile .

Un œsophage. \

Cuticule bien / développée. J Peu contractile.

f Presque rigide. .

Familles et principaux genres.

CÜELOMOXADIXA.

Cœlomonas.

Microglena.

Chromulina.

EUGLEiMN \. Euglena. Culcicium. Trcichelomonas.

CHLOROPELTINA.

Phacus.

/

I

I

Corps incolore..

<

\

/Corps très con¬ tractile.

Œsophage bien développé.

lum. .Forme constante /Œsophage peu développé ou \ nul.

Un flagellum principal et un fla- gellum accessoire .

Un seul llagel-

PERANEMINA.

Peranemci.

PETAL0M0NAD1NA.

Petalomonas.

ASTASIINA.

Astasia.

Heteronema.

Troisième sous-ordre : c. HETEROMASTIGODA

*

Un flagellum locomoteur à l’extrémité antérieure.

Un filament traînant dirigé en arrière.

Familles et principaux genres.

Un filament

f Corps nu, petit. Œsophage peu { distinct.

j Corps plus grand, entouré d’une I cuticule. Œsophage distinct, V en forme de tube.

RODONINA.

Bodo.

ANISOMENINA.

Anisonema.

Quatrième sous-ordre : d. ISOMASTIGODA.

Deux ou quatre, plus rarement cinq ou six flagellums antérieurs égaux, ou un, plus long, traînant, quelquefois remplacé par une membrane ondulante.

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249

Pas de llagellums postérieurs. . .

2 llagellums à l'extrémité antérieure. Corps.

Nu. Ne forment pas de colonies

Entouré d’une couche de gé¬ latine. Réunis en colonies de torme variable.

4 llagellums égaux à l’extrémité antérieure, ou le 4e plus long, dirigé en arrière, remplacé quel¬ quefois par une membrane on¬ dulante.

2 ou 4 llagellums. Chromatopho- res verts rarement nuis. Tache oculaire rouge fréquente. 1 ou 2vésicules contractiles à la base du flagellum. Formation fré¬ quente de macro et de micro- gonidies. Copulation fréquente. Non réunis en colonies.

2 llagellums. Chromatophorcs verts. Toujours réunis en colonies. Copulation des colonies sexuel¬ les avec ou sans dilférenciation des colonies et des gamètes en mâles et femelles. Le résultat de la copulation est une zygo¬ te dormante qui se développe plus tard en une ou plusieurs colonies nouvelles.

Extrémité postérieure prolongée en 1 ou 2 llagellums; 2 ou 3 llagellums égaux, en avant, de chaque côté.

Familles et principaux genres.

AMPHIMONADINA.

Amphimonas.

SPONGOMONADINA.

Spongomonas.

Rhipiclodendron.

TETRAMITINA.

Te tr ami tus. Monocercomonas . Trichomastix . Trichomonas.

CHLAMY DOMONADINA. Ch/amydomonas. Hæmatococcus. Chlorangium.

Chlorag onium. Polytoma.

VOLVOCINA.

G onium.

Stephanosphæra.

Pandorina.

Eudorina.

Volvox.

POLYMAST1GINA.

Ilexamitus.

Megastoma.

Polymastix.

IDÉES NOUVELLES SUR LES FERMENTATIONS ET LES MICROBES

VÉRITABLE ORIGINE DES MALADIES DES ANIMAUX

{Suite) l.

C’est ce plasmodium qui donne naissance aux globules blancs et aux glo- bulins ou plasmodium condensé (plasmodium normal).

(1) Voir les trois derniers volumes du Journal de Micrographie et le dernier volume.

250

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Les globulins peuvent être isolés (globulins libres) ou réunis) granulations des globules blancs).

Les globulins oxydés donnent naissance aux globules rouges du sang, (plasmodium normal transformé).

Les globulins privés d'oxygène ou en recevant insuffisamment, se résorbent et donnent naissance aux globules de pus (plasmodium élastique ou mou ou plasmodium décomposé).

C’est le plasmodium qui constitue la partie la plus intime de la moelle épinière.

C’est le plasmodium organisé qui fournit les spermatozoïdes chez l’homme comme c’est le plasmodium organisé qui fournit les œufs chez la femme.

En un mot, le plasmodium est pour ainsi dire comme le dernier terme de toutes les opérations qui se produisent dans notre individu et constituent la vie.

La condensation de l’être vivant est si saisissante et si merveilleuse qu’il suffit que les deux éléments de vie infiniment petits, résultats de cette conden¬ sation, le spermatozoïde d’une part, l’œuf de l’autre soient en contact pour donner naissance à un être semblable à ceux qui les ont produits, à condition toutefois qu’après s’être fondus l’un dans l’autre ils puissent continuer pendant les premiers temps de leur développement à recevoir une chaleur normale et constante et les matériaux de remplacement indispensables.

11 serait certainement très intéressant de se demander, comment le plasmo¬ dium coopère à toutes ces transformations ?

Pourquoi le spermatozoïde et l’œuf n’apparaissent chez l’homme et la femme que lorsque ces derniers ont acquis leur entier développement et pourquoi ils disparaissent pour ainsi dire quand la force et la vigueur les abandonnent ?

Il serait non moins intéressant, au point de vue de l’hérédité des maladies, de rechercher pourquoi, dans cette dualité des sexes, au moment de l’impré¬ gnation, des deux atomes organisés l’un prédomine plutôt que l’autre? Pour¬ quoi l’être nouveau est si ressemblant aux parents par les traits, la constitution, la démarche même ?

Pourquoi au moment de la procréation, un je ne sais quoi semble se détacher comme un coup de foudre de toutes les parties du corps à la fois?

Ce serait certainement sortir de notre sujet que d’aborder même cette haute question de philosophie naturelle que nous prenons la liberté de signaler aux hommes compétents ; mais nous avons le devoir de nous demander en passant ce que fait dans notre corps cette partie la plus intime du plasmodium, qui semble s’éloigner delà tète ou s’y condenser tour à tour, parcourt notre être à tout instant avec la rapidité de l’éclair en influant sur nos pensées, comme sur nos actes, car c’est cette partie intime du plasmodium qui anime le corps, c’est elle qui est le principe de vie, c’est d’elle seule dont nous devons nous occu¬ per pour savoir ce qu’est la maladie comme aussi ce qu’est la mort.

La maladie, c’est une altération quelconque du plasmodium ; la mort, c’est sa destruction.

Pour que la vie soit normale, le plasmodium a besoin de certaines condi-

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

tions ; si une de ces conditions n’est pas remplie, la maladie arrive aussitôt. Car lorsque cet élément de vie ne peut, pour une raison ou pour une autre remplir ses fonctions, tout s’arrête et la désorganisation peut se mettre dans tout notre corps à la fois.

C’est le plasmodium qui se décompose lorsqu’un vidangeur est asphyxié dans une fosse d’aisance.

C’est le plasmodium qui se décompose lorsqu’un égoutier tombe à la ren¬ verse dans ces galeries souterraines qui se remplissent si facilement de gaz délétères.

C’est le plasmodium qui se décompose quand vous absorbez volontairement ou non une quantité trop considérable d’oxyde de carbone.

C’est le plasmodium qui se décompose quand vous recevez sur la tète un coup de soleil brûlant qui vous abat.

C’est le plasmodium que vous altérez par des excès vénériens qui le retirent du corps sans lui donner le temps de se renouveler.

C’est le plasmodium qui s’épuise quand vous fournissez un travail au-dessus de vos forces et que non content de travailler le jour vous travadlez encore une partie de vos nuits dans la veille au lieu d’abandonner votre corps à ce sommeil réparateur qui vous permet de reprendre le lendemain sans fatigue vos occupations habituelles.

C’est le plasmodium que vous tuez peu à peu en buvant des liquides très alcooliques en trop grande quantité.

C’est le plasmodium qui se décompose, quand, tout en sueur, vous avalez un verre d’eau glacée. Que se passe-t-il en effet à ce moment? Cette sueur échappée par les pores de la peau, y rentre brusquement sous l’influence de l’absorption de ce liquide froid.

Or un liquide d’élimination directe, une fois sorti du corps n’y doit plus rentrer. S’il y rentre, un frisson survient accompagné d’une congestion qui n’est hélas que trop connue et à laquelle on n’a pu apporter encore aucun remède efficace.

C’est le plasmodium qui se décompose quand ayant l’habitude de vivre dans un climat doux vous voulez rester dans un pays très chaud ou très froid.

Le sang de l’homme en effet supporte bien une certaine élévation et un certain abaissement de température ; mais ces variations ne peuvent dépasser une certaine limite. Nous en avons tous les jours des exemples dans ces voyageurs qui se couchent au milieu des neiges pour ne plus se relever, et dans ces ouvriers faïenciers qui sont obligés d’affronter la chaleur des fours pour retirer des pièces de faïence qu’on vient d’y faire cuire. Celte chaleur est quelquefois telle que ces malheureux, quoique encapuchonnés et enve¬ loppés dans des étoffes de laine y cuisent positivement. Leur sang s’arrête tout d’un coup; ils tombent comme une masse inerte, le visage violacé, et il ne faut rien moins que de prompts et habiles secours pour les ramener à la vie.

Ne trouvons-nous pas une explication toute naturelle de ces fameux cas de choléra pour lequel ont prend des mesures aussi inutiles que dérisoires.

On vient de dire que le choléra est une maladie épidémique qui se coin-

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munique et peut s’attaquer à des populations entières, mais ne voyons-nous pas qu’ici il n’y a pas le moins du monde de contage, mais que si cinq cents hommes tombent malades en même temps, c’est uniquement parce que ces cinq cents hommes sont soumis aux mêmes influences perturbatrices.

Si je laisse macérer dans un seau d'eau pendant un certain temps une bête morte et que je filtre cette eau avec un filtre de votre choix, Chamberland ou autre, boiriez-vous ensuite volontier de cette eau. N’avouerez-vous pas vous- même que ce breuvage absorbé par dix personnes rendra ces dix personnes malades en même temps si elle ne les tue pas sur le champ. Qu’est-ce qui se sera donc produit dans ce cas ? La décomposition du plasmodium par les gaz et les substances résultats de la fermentation putride que renfermait l’eau et non par un soi-disant microbe capable de voyager dans un chapeau, un vête¬ ment, un mouchoir de poche etc. et de foudroyer les malheureux qui auraient eu la malencontreuse idée de l’approcher. Cette action des gaz sur l’orga¬ nisme n’a pas échappé à un expérimentateur connu, embaumeur de microbes de profession, dont le meilleur argument consiste à faire absorber à ses con- iradicteurs, avant toute discussion, une certaine dose d’acide prussique. C’est aussi le plasmodium qui se décompose quand une mouche s’étant posée sui¬ des matières putréfiées vient vous faire une vaccination charbonneuse.

Suivant le siège et l’importance de cette décomposition fa maladie peut-être plus ou moins grave. Elle s’accompagne toujours de formation de pus.

Cette formation n’a pas d’importance quand elle est produite simplement par le renouvellement et l’accroissement des éléments (fièvres éruptives, acné, boutons, furoncles. Dans ce cas du reste elle est toute superficielle et le pus s’expulse avec la plus grande facilité.

Mais quand la formation du pus est profonde elle peut amener des compli¬ cations graves (anthrax). Si même elle se fait dans des organes essentiels comme les poumons il est impossible de l’atteindre par les moyens dont nous disposons aujourd’hui, la mort arrive plus ou moins rapidement, mais toujours d’une façon fatale (Phthisie).

La décomposition du plasmodium et la formation de pus s’accompagnent toujours de fièvre et cette fièvre est d’autant plus intense que le siège du pus est plus au dedans.

Choisissons un cas le pus quoique se formant très-profondément peut avoir un écoulement facile comme dans la grippe. Qui neconnait les souffrances qu’o.i éprouve dans la grippe ? Eh bien il est très facile de suivre au micros¬ cope cette décomposition du plasmodium par la modification que subit la sécré¬ tion nasale.

C’est encore le plasmodium qui se décompose subitement sous le coup d’émotions très-vives comme une joie excessive, un violent chagrin, une frayeur très-grande.

Jusqu’ici nous n’avons parlé que de l'homme auquel se sont bornées la plupart des recherches. Mais si nous portons nos regards sur le règne animal tout entier, nous sommes obligé de reconnaître que c’est absolument la même chose. 11 est certain que les animaux à globules rouges sont en réalité peu

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253

nombreux si on les compare à la totalité des êtres animés qui vivent à la surface du globe. Mais nous retrouvons chez tous ce plasmodium grannuleux est le siège de leur existence et de leur vitalité.

Le plus petit insecte nous étonne par la perfection et le fini de son être. Nous admirons comme chaque animal est conformé pour le milieu dans lequel il vit et comme tous ses organes et toutes les parties de son corps sont bien disposées pour répondre à ses besoins.

De même que dans chaque plante existe un protoplasma particulier qui en •fait l’individualité, de même dans chaque animal existe un plasmodium spécial qui en fait également l’individualité et qui tout en permettant le renouvelle¬ ment des parties, contribue à la reproduction d’un être exactement semblable.

Et tous les animaux quelles que soient leur nature et leur constitution sont soumis aux mêmes lois avec cette différence toutefois que la sensibilité, l’im- pressionabilité du plasmodium, si je puis ainsi m’exprimer, s’exagère avec la perfection de l’individu.

G’es ce plasmodium qui se détruit quand un mouton tombe foudroyé par le sang de rate.

C’est ce plasmodium qui se décompose quand vous laissez dans l’immobilité la plus complète, par un froid rigoureux, un cheval auquel vous avez fait fournir une longue course et dont le corps est couvert de sueur.

C’est ce plasmodium qui se détruit quand un poisson revient sur le dos, à la surface de l’eau.

C’est ce plasmodium qui se décompose quand des sangsues viennent à mourir dans une eau corrompue.

C’est le plasmodium que vous tuez quand vous laissez des insectes en con¬ tact avec du chloroforme ou un liquide anesthésique quelconque.

En résumé, toutes les maladies sont produites chez les animaux par une cause unique la décomposition du plasmodium et cette décomposition, quelle que soit l’influence qui la provoque, coïncide toujours avec un arrêt plus ou moins prolongé du liquide vital dans l’une quelconque des parties dans les¬ quelles il circule.

(. A suivre)

E. COCARDAS,

Membre de la Société Botanique de la France.

Sur les Maladies des Plantes

A Monsieur Vol Pondeur, lauréat, eu 1886, du Prix d’honneur au congrès de l'Association pomologique de L'Ouest.

Monsieur,

Vous m’avez fait l’honneur de m’offrir votre brochure Congrès de V Association pomologique de l'Ouest, ce dont je vous remercie infiniment. Veuillez me per¬ mettre quelques réflexions à propos de cet intéressant travail.

254

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Premièrement. En parlant du chancre des pommiers, maladie très commune, vous écrivez : « Ainsi que l’a dit, avec une parfaite clarté, M. le baron Constant de Benoist, ce n’est peut-être pas extérieurement qu’il faut traiter les pommiers chancreux, mais, au contraire, essayer de changer la constitution de l’arbre, puisque l’on voit fréquemment ce fait qu'un chancre guéri par la méthode ordi¬ naire n’en empêche pas un autre de paraître à côté. Or, j’ai lieu de croire et et je suis même convaincu qu’en apportant une nourriture substantielle à l’arbre malade, on peut, dans une certaine mesure, en changer la constitution et en améliorer la sève. »

Certainement on peut améliorer la sève des arbres en leur donnant une nour¬ riture mieux appropriée à leurs besoins ; il n’est donc nullement étonnant que le baron de Benoist ait obtenu d’excellents résultats par l’emploi de la potasse et du sulfate de cuivre donnés en arrosages : les bons effets de la potasse dans l’alimentation des plantes sont connus depuis longtemps ; ceux du sulfate de cuivre le sont beaucoup moins, parce que l’emploi de ce sel en agriculture est de date très récente, mais il n’y a pas à douter de ses effets salutaires lorsque l’on connaît les bons effets du sulfate de fer donné en arrosages au pied des arbres chlorosés, souffreteux. Lacompositiondusulfatedecuivre [SO4 Cu-(-5 H~0] se rapprochant sensiblement de celle du sulfate de fer ["SO4 Fe -}- 7 H20], les plantes trouvent les même éléments nutritifs dans la décomposition de l'un ou l’autre de ces sels.

On a prétendu que le sulfate de cuivre et le sulfate de fer introduits dans le sol nuisaient à sa fertilité. Des faits nombreux démentent complètement cette assertion et prouvent, au contraire, que dans beaucoup de cas l’emploi de ces sels, donnés à dose convenable comme engrais, est indispensable pour guérir certains végétaux malades.

deuxièmement. En parlant des fermentations, vous dites : « La congélation ne tue pas les ferments, mais elle suspend momentanément et pour un temps plus ou moins long leur travail de transformation. »

Gela est très vrai. Tuer c’est ôter la vie, et on n'ôte la vie, qu’à des êtres vivants. Les ferments n’étant pas des êtres vivants, comme l’enseigne l’Ecole moderne, on ne peut leur ôter ce qu’ils n’ont pas ; et voilà pourquoi, ni par la congélation^ ni par la privation d’air, ni par une température humide excessivement élevée on ne peut les tuer, alors que, par l'un ou l’autre de ces moyens, on tue promp¬ tement tous les êtres vivants, depuis les plus petits jusqu’aux plus gros, depuis les plus faibles jusqu’aux plus forts.

Les ferments sont tout simplement des matières de nature albuminoïde pro¬ duites par la décomposition de substances organisées. Ces matières de nature spéciale sont très avides d’oxygène qu’elles absorbent en grande quantité, et ce gaz introduit par les ferments dans des composés organisés active leur décom¬ position.

La décomposition des composés organisés réclame, pour se produire, non seu¬ lement de l'oxygène, mais encore de l’humidité et une température convenable. Le travail de décomposition peut donc être ralenti ou même arrêté momentané¬ ment lors qu’une ou plusieurs de ces conditions lui font défaut ; mais il ne peut jamais être arrêté d’une manière définitive, parce que les lois de la nature veu¬ lent que tous les gaz associés sous l’influence vitale, pour former la matière vi¬ vante, se dissocient et retournent à leur point de départ, lorsque la matière organisée cesse de se trouver sous l’influence vitale.

troisièmement. Sur la clarification des cidres, vous émettez l’avis suivant : « La

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fermentation régulière, rapide, soignée est peut-être le meilleur collage à em¬ ployer pour la clarification des cidres. Cette question est donc étroitement liée à la bonne fermentation des moûts. »

Nous sommes en parfaite communauté d’idées: la clarification des cidres est intimement liée à la bonne fermentation, parce que la bonne fermentation est la conséquence de la bonne composition des moûts. La bonne composition des moûts est le résultat de la bonne qualité des fruits ; la bonne qualité des fruits est due à la parfaite santé des arbres ; et les arbres ne sont dans de parfaites conditions vitales que lorsqu’ils trouvent, bien proportionnées entre elles, les diverses substances nutritives qu’ils réclament, ce qui leur permet alors de don¬ ner à leurs fruits la plus grande somme de qualités. Donc pour avoir une fermen¬ tation régulière, rapide, il faut non seulement donner aux arbres les substances variées qui leur sont nécessaires, mais encore les leur donner dans les propor¬ tions réclamées par leur nature.

A l’appui de cette manière de voir et comme exemple à suivre, nous ajoute- terons : Pour obtenir des betteraves à sucre de parfaite qualité on ne se contente pas de cultiver les meilleures variétés, on s’attache en même temps à donner à la racine saccharifère, dans les proportions voulues, les matières alimentaires qu’elle réclame. De même, pour obtenir des cidres de parfaite qualité il ne suffit pas de cultiver les meilleures variétés de pommiers et de poiriers, il faut encore que ces arbres trouvent dans de bonnes proportions tous les élément nutritifs réclamés par leur nature. Si le sol ne contient pas ces éléments bien propor¬ tionnés entre eux il faut, par des apports d’engrais, donner ce qui lui manque.

En opérant ainsi on fera disparaître bon nombre des maladies dont ces arbres sont atteints et on obtiendra des cidres de parfaite qualité et de longue durée, parce qu’ils seront bien composés.

Ce que nous disons relativement aux arbres producteurs de cidre s’applique naturellement à la vigne productrice de vin.

En soumettant ces réflexions à votre haute appréciation je n’ait qu’un désir: contribuer, avec vous, au bien-être général.

Recevez, Monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus distingués.

Clermont (Aisne), 19 Mai 1887.

Chavée-Leroy.

OFFRES ET DEMANDES (i)

A VENDRE

33. Lanternes à projections, sur quatre colonnes de cuivre, condensateur de 105 mil ; 1 objectif double achromatique ; lampe à pétrole, 3 mèches. 85 fr. Cet appareil peut recevoir tout espèce d’éclairage.

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(1) S’adresser an bureau du Journal. Les articles portés au pré¬ sent Catalogue sont expédiés, contre mandat ou remboursement. La demande doit rappeler le numéro d’ordre de l’article au Catalogue. Le port et l’emballage sont à la charge de l’acquéreur.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

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39. Sonnerie électrique à relais ; 20 kilom. de résistance .... 20 fr.

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rogy à monture à vanne, 81 mill. 5 . 140 fr.

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eot . . . . . . 70 fr.

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boite . . . . . 40 fr.

45. Télégraphe électrique de Wheatsone, manipulateur et récepteur de

construction anglaise, les deux postes . 100 fr.

46. Machine électrique de Ramsden, 2 conducteurs sur table en noyer verni ;

plateau en glace de 1 mètre . . 500 fr.

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48. Chamore noire à prisme de Chevalier avec pied, rideau, table etbte 65 fr.

49. Machines Gramme, dynamo : . 380, 480 et 725 fr.

50. Installation électrique composée de une machine Siemens W 3. avec excitatrice D5 et six lampes avec suspens., couronne, au lieu de 4,900 fr., 2,200 fr.

51. Machine Alliance, 6 disques, au lieu de 8,000 fr . 2,000 fr.

id. id. 4 disques, au lieu de 6,000 fr . ... 1.800fr.

52. Goniomètre de Babinet . . '45 fr.

53. Sextants en cuivre, à lunette, de diverses marques, de 60 fr. à . . 120 fr.

54. Goniomètre de Babinet au lieu de 200 fr . 145 fr.

Cet appareil peut servir à mesurer les angles des cristaux et des prismes et à trouver les indices de réfraction des solides et des liquides. On peut aussi aisé¬ ment le transformer en spectroscope.

55. Machines dynamos de Wilde de 4, 6, 10 foyers, au lieu de 3,000, 3,500

4,000, prix : 450, 600 et .... ... .... . 750 fr.

Ces machines se composent en principe de deux bâtis portant chacun un cercle d’électro-aimants entre lesquels peut tourner un plateau portant des bobines placées en regard des électro-aimants ; ceux-ci forment l’inducteur et le plateau tournant l’induit.

VIENT DE PARAITRE

A la Librairie Médicale A. MALOINE, 91, Boulevard Saint-Germain, à Paris

BIBLIOGRAPHIE MÉTHODIQUE

Des Livres de Médecine. Chirurgie, Pharmacie. Art Vétérinaire

1860-1887

Suivie de la table générale des noms d’auteurs. Cette bibliographie sera envoyée gratuitement aux abonnés du « Journal de Micrographie » qui en feront la de¬ mande directement à la librairie Maloine.

AVIS

M. Ch. REICHERT a l’honneur de faire savoir au public que le nouveau catalogue, en français et en anglais, de ses Microscopes, Microtomes, Objectifs à immersion dans l’eau et dans l’huile, Hémomèlres, et autres instruments vient de paraître et qu’il sera adressée franco et gratuitement à toute per¬ sonne qui en fera la demande.

Cil. REICHERT,

Opticien Constructeur de Microscope*, VIII, Bennogasse, 26,

Vienne [Autriche).

Le Gérant : Jules Pelletan, Fils.

Amiens imprimerie Rousseau-Leroy,

Onzième année

8

2d Juin 1887

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOM M AIRE :

Revue, par le Dr Pelletan. Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. Conférences sur le microscope {suite), par M. J. Mayall, junior. Histoire naturelle des Diatomées, par le Dr J. Pelletan. Origine de la question phylloxérique, par M. A. L.-Donnadieu. Offres et demandes. Avis divers.

REVUE

il y a longtemps que les inoculaleurs de moelle de lapin n’ont fait parler d’eux ; ils sentent que l’attention d;i public s'est détournée de leurs laits et gestes. Et sachant, en hommes pratiques qu’ils sont, que la vogue est une de ces choses qu’on ne ratrappe,pas plus que la virginité, quand on lésa perdues, ils se tiennent cois, contents d’avoir sauvé la caisse et se bornant a écouler le trop plein de leurs statistiques dans un « organe » qu’ils ont créé pour cela, les Annales de l'Institut Pasteur.

Et voyez un peu s’ils sont démodés, oubliés, abandonnés ! La méthode des vaccinations antirabiques a eu récemment encore, trois insuccès à enre¬ gistrer à son actif. Il n’est pas fait assavoir aux populations si c’est la méthode progressive, la méthode intensive, la méthode progressivement intensive ou la méthode intensivement progressive, les unes et les autres sont aussi ab¬ surdes qui a remporté cette triple veste. D’ailleurs, il paraîtrait qu’on ne pratique plus la fameuse méthode intensive : on n’ose plus. Et comme elle était destinée à remplacer la méthode progressive, reconnue mauvaise par M. Pasteur après qu’il l’eut proclamée infaillible, le public serait en droit de se demander qu’esl-ce qu’on pratique, et si l’on pratique quelque chose pour le million et demi qu’il a versé. Mais il ne se demande rien du tout heureusement! parce qu’il ne c’en occupe plus.

Il s’en occupe si peu que c’est à peine si les grands journaux ont signalé les trois insuccès nouveaux et donné les noms des victimes, beaucoup n’en ont pas parlé du tout, non par pudeur, mais tout simplement parce que ce n’est plus de la bonne copie et que ça ne fait plus de vente au numéro.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Voici toutefois les noms des malheureux qui sont morts de la rage, dernière¬ ment, après traitement suivant lune ou l’autre des méthodes inventées par M. Pasteur.

Ph. Hydram (de Sallèle-d’Aude), cinquante-six ans, mordu par un chien enragé le 5 octobre 1886, et traité du 10 au 21 octobre, est mort le 17 avril;

J. -B. Cachet (de Vierzon- Village , vingt cinq ans, mordu par un chien enragé le 4 avril 1887, et traité du 10 au 20 avril, est mort le 2 mai;

J. Hayden (de Thurtes en Irlande), huit ans, mordu aux lèvres par un chien enragé le 16 avril 1887, et traité du 22 avril au 15 mai, est mort le 18 mai, à l’hôpital des Enfants-Malades.

Et faut-il que les empiriques de la rue d’Ulm et de la rue Vauquelin se sentent oubliés ! Ils n ont même pas profité de ces trois insuccès pour chanter victoire.

Il y a quelques mois seulement, avec quel empressement l’occasion de ces trois morts n’eut elle pas été saisie par les disciples et les adorateurs pour remplir tous les journaux politiques, scientifiques et mondains de leurs chants de triomphe, car ils avaient su jusqu’ici se tailler une gloire dans chaque dé¬ faite! - --

« Sans doute, se fussent-ils écriés, ces trois malades sont morts, mais c’est une triple confirmation de la méthode. Car s’ils sont morts, c’est parce qu’ils avaient été mordus l’un ici, l’autre là, l’autre ailleurs. Du reste, l’un était alcoolique, l’autre albuminurique et le troisième diabétique. Et s’ils n’avaient pas été mordus en ces différents endroits, s’ils n’avaient été ni dia¬ bétiques, ni albuminuriques, ni alcooliques, il est certain qu’ils auraient guéri. Donc, la méthode est infaillible et les immortels travaux de M. Pasteur ont reçu, comme nous le disions, dans cette circonstance, une nouvelle et éclatante confirmation. »

Voilà! Ce n’est pas plus malin que cela. Et naguère encore ça aurait pris. C’était de la. belle et bonne réclame.

Mais on a mis une notable sourdine à la réclame. Plus de dithyrambes heb¬ domadaires dans les journaux, plus de conférences à statistiques, plus de communications aux académies, plus de portraits à effet au Salon, à peine un tableau, qui représente plutôt un arabe qu’une scène d’inoculation, alors que les tableaux médicaux abondent. Car les médecins et les chirurgiens se sont piqués d’émulation, celte année, ( invidia medicorum pessima ), et se sont fait, à l’envi, représenter dans l’exercice de leurs fonctions, entourés d’un au- ditoiie d’autres médecins qu’on dirait un bouquet de fleurs. Malheureuse¬ ment, ça a la prétention d’ètre des portraits, et, ça ne ressemble guère ; ce qui, pour des portraits est un défaut capital.

*

# *

L’affaire ne se tenait, du reste que par la réclame. Et l’on n’en fait plus. Il y a à cela deux raisons : la première, c’est que ça ne prenait plus, le public était las et écœuré; la seconde, la meilleure, c’est qu’on a trouvé à peu près les deux millions qu'on voulait. Et deux millions, vous savez, c’est toujours un oli denier : il y a de quoi satisfaire quelques appétits.

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Et puis, il s’est produit des anicroches auxquelles on ne s’attendait pas. Car, en toute affaire, il y a toujours quelque chose avec quoi il faul compter, c’est précisément ce sur quoi l’on ne comptait pas: le fameux chapitre de Y imprévu, le plus redoutable de tous dans tous les projets, budgets et devis.

Or, il y a eu à ce qu’on dit des dissentions intestines. Et puis, il y a eu surtout M. Peter.

Car il ne faut pas s’y tromper, c’estM. Peter qui, au point de vue scientifique, bien entendu, a démoli tout ce château de caries, rien qu’en soufflant dessus.

Au moment tout allait pour le mieux, les souscriptions tombaient drû comme grêle, M. Peter s’est levé et avec l’autorité d’un pathologiste éminent et d’un clinicien de premier ordre, il s’est mis, tranquillement, mais avec la persévérance que donne une conviction absolue, a saper par la base tout ce dangereux échafaudage d’hypothèses.

M. Peter est un tempérament o\\,Q,Q\mm disent les comédiens, une nature. 11 dit les choses carrément, comme il les pense, sans se préoccuper des tenants et des aboutissants, et même sans tourner sa langue sept fois, suivant le précepte de la sagesse opportuniste. Il a jugé, avec sa science et son bon sens, que les inoculations antirabiques, suivant les méthodes pastoriennes, sont illusoires, et il l’a dit. Puis il a pensé, devant l’évidence des choses, qu’elles sont dangereuses, et il l’a dit, sans emportement, sans colère, mais obstinément.

On l’a traité de brutal, de hargneux, d’envieux. 11 a laissé dire, répondant seulement: « j’affirme que j’ai dit la vérité. »

Gela a fait réfléchir bien des gens, car il apportait des raisonnements solides, des arguments qu’il était impossible de tourner si ce n’est à l’aide de la mau¬ vaise foi la plus insigne et la plus patente.

Et, sa protestation déposée, sans vouloir entrer dans les polémiques et les criailleries, il est rentré simplement chez lui, laissant faire le temps.

Et l’émiettement s’est fait tout seul.

Parmi les défenseurs des inoculations antirabiques, les uns étaient venus par intérêt, les autres par entrainement, de confiance, comme on dit, les autres par chic, car il y a toujours intérêt, attrait ou chic à être du côté du man¬ che, c’est-à-dire du côté de l’argent.

Mais quand M. Peter est venu jeter sa pierre au milieu de celte mare à grenouilles, cela a fait un désarroi. Les plus osées des dites grenouilles se sont mises à crier après cet empêcheur de nager en rond, d’autres se sont ré¬ fugiées entre deux eaux, pour voir venir -, d’autres encore ont été se cacher tout au fond et on ne les a plus revues.

Autrement dit, ceux qui y allaient par intérêt se sont demandé si leur in¬ térêt était bien de continuer à soutenir celte machine si rudement secouée ceux qui y allaient de confiance, se sont dit que, peut-être, on les avait trom¬ pés. Ceux enfin qui étaient venus parce que c’était chic sont partis tout bêtement, parce que ça n’était plus chic.

Et le silence s’est fait fait.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

*

«

Mais un dernier coup esl arrivé, el qui a frappé en même temps la science entière : Yulpian est mort !

Or Yulpian, c’était le rempart, suprême espoir. Bien des gens de Bonne foi pensaient : « il n’est pas possible que la chose soit si absurde que le disent certains hommes et qu’elle le parait, en effet, puisque M. Yulpian en est l’admirateur enthousiaste et le défenseur obstiné. »

A la vérité, il y a longtemps qu’on se demandait comment il était possible que Yulpian, cet homme intègre, cet esprit sérieux et positif, ce physiologiste célèbre, ce médecin distingué, à qui l’on ne pouvait prêter aucune vue d’in¬ térêt ou d’ambition, qui, d’ailleurs, avait conquis et mérité une des plus hautes positions que la science peut donner en France, comment il était possible, dis-je, que Yulpian se fut ainsi avancé, compromis même à plaisir, en faveur d hypothèses aussi bizarres, ne reposant sur rien de scientifique ni de démon¬ tré, mais échafaudées seulement sur des conceptions chimériques et contra¬ dictoires.

Hélas! la mort est venu enlever Yulpian, que tous regrettent, avant qu'il ait pu répondre à celte question qui ne sera sans doute jamais résolue.

Pour nous tous, qui ne pouvons croire à ce qu’il soutenait avec tant de véhémence, nous devons supposer que Yulpian était, comme tous les hommes, sujet à l’erreur, et qu’en endossant ainsi tous les rêves de M. Pasteur, ainsi que tant d’autres il se trompait.

D’ailleurs, depuis deux ans, particulièrement depuis la mort de Bochefon- taine, le directeur de son laboratoire, Yulpian n’était évidemment plus l’homme d’autrefois, et ceux qui ont suivi, comme moi, ses derniers cours sur la pathologie cérébrale, n’ont pas retrouvé le professeur qu’ils avaient connu jadis.

Je serais désolé qu’on vit dans ce que je dis une attaque à la mémoire de Yulpian, je constate seulement chez lui, depuis environ deux ans il était déjà malade alors un état d’affaiblissement que je n’ai pas, d’ailleurs, été seul à remarquer.

Quoi qu’il en soit, Yulpian mort, les idées de M. Pasteur sur la prophy¬ laxie de la rage, qu’on appelle improprement ses doctrines et qui sont plutôt des dogmes, perdent le seul homme qui pouvait les défendre efficacement devant le monde savant et devant l’opinion publique. Dès aujourd’hui l’aban¬ don les atteint, demain l'oubli, en attendant la réprobation générale et cer¬ taine qui viendra un jour lorsque tout ce qui en reste, l’affaire financière et industrielle dite de Y Institut-Pasteur , aura rejoint celles des Mines de la Mouzaia , des Salines de Maumusson et autres Forges de Liverdun , dans le gouffre obscur s’etToadrent les a t trappe-gogos en déconfit : o.

* *

Nous avions l’intention de publier dans ce journal le cours professé, cette année, par M. Ba bianiau Collège de France et qui était annoncé comme de¬ vant traiter de X évolution des micro organismes animaux et végétaux

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2(31

parasites. Mais le temps n’a pas permis au professeur de remplir ce vaste programme et il n’a pu s’occuper que des Infusoires ciliés, flagellés et suceurs.

Dans ces conditions, les nécessités de son enseignement l’ont forcé de reve¬ nir assez longuement sur les détails de structure relatifs à ces êtres qui ont fait déjà l’objet de son cours, d’une manière plus générale, en 1882. Or, ces le¬ çons que M. Balbiani a bien voulu revoir, ont été publiées in-extenso à cette époque dans le Journal de Micrographie.

Reproduire le cours de cette année 1886-1887, était donc nous exposer à de longues redites et nous avons préféré, l’espace et le temps nous man¬ quant également, insérer ici, et sous notre propre responsabilité, un résumé de la partie neuve de ces leçons, notamment la description des espèces parasites que le professeur a donnée d’après les travaux les plus récents.

Nous commencerons donc dans un prochain numéro l’histoire des Infusoires ciliés, flagellés et acinètes parasites d’après les notes recueillies sténographi¬ quement par nous-mème, au cours de M. Balbiani.

DT J. P.

TRAVAUX ORIGINAUX

LE MECANISME DE LA SECRÉTION

Leçons faites au Collège de France en 1886-87 par le professeur L. Ranvier.

(Suite) (1)

D’après les travaux dont je vous ai parlé à la fin de ma dernière leçon, les fibres nerveuses se termineraient directement dans les cellules glandulaires pour y déterminer des phénomènes sécrétoires. Ce n’est pas la première fois que les physiologistes soutiennent cette manière de voir. Sur quoi est-elle fondée? Sur l’expérience extrê¬ mement remarquable et bien connue du professeur Ludwig qui con¬ sistait à exciter un nerf sécrétoire cérébral, la corde du tympan du chien qui correspond à la glande sous-maxillaire, et à constater que cette glande sécrétait de la salive sous cette excitation. Il y avait donc des nerfs qui agissaient sur les glandes pour les faire sécréter, comme il y en a qui agissent sur les muscles pour les faire con¬ tracter.

(1) Voir Journal de Micrographie, t.X, 1886, t.Xï, 1887, p. 7,62, 132, 161,205,226.

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Aujourd’hui, on sait que chaque élément musculaire qui corres¬ pond à une cellule, c’est-à-dire la cellule musculaire lisse, le faisceau musculaire strié tout entier et le segment musculaire du myocarde, reçoivent chacun une fibre nerveuse terminale. Pour le cœur, le fait n’est pas encore complètement démontré, il est vrai ; mais je dois dire qu'il y a un commencement de preuve, non pas preuve anato¬ mique directe, mais preuve par induction. Il n’y a pas de raison pour faire une exception pour le segment musculaire myocardique, puis¬ qu’on peut dire que, partout ailleurs, chaque élément musculaire .représentant une cellule reçoit une fibrille nerveuse terminale dis¬ tincte.

A priori, on devait admettre qu’il en était de même pour les cellules glandulaires, et devaient l’admettre surtout ceux qui travaillaient sous la direction immédiate de Ludwig. Aussi, lorsqu’à paru à Leipzig le beau volume publié à propos du 25e anniversaire du professorat de Ludwig, je n'ai pas été surpris d’y trouver le célèbre travail de Kupffer sur les terminaisons nerveuses dans la glande salivaire de la Blatte orientale. Dans ce travail, extrêmement remarquable, en lais¬ sant de côté tout ce qui a rapport à la fine structure de cette glande, l’auteur établissait que les canaux excréteurs, arrivés à leur dernière ramification, se terminaient par deux rendements en massue ou en cornue dont chacun correspondait à une cellule. Les cellules qui possèdent un de ces rendements terminaux seraient les cellules glan¬ dulaires proprement dites et à chacune de ces cellules arriverait une ou plusieurs fibres nerveuses qui, se divisant dans son intérieur, donneraient de nombreuses branches s’anastomosant de manière à y constituer un réseau nerveux terminal. Ainsi, le réseau protoplasmique qu’on observe dans ces cellules serait un réseau nerveux terminal.

C’est tout cela que Stricker, Spina et leurs successeurs ont cherché dans les cellules épithéliales des glandes séreuses de la Grenouille. Ainsi, ils expliquaient, par cette terminaison nerveuse dans les cellules glandulaires mêmes, certains phénomènes physiologiques qu’ils avaient observés et sur lesquels je reviendrai. Je vous ai déjà fait remarquer que cette manière de comprendre la terminaison des nerfs dans les glandes séreuses est absolument impossible, parce qu’aucun de ces auteurs n’a tenu compte de la couche musculaire, supposant qu’elle n’existe pas. Or il est indispensable que les fibres nerveuses qui se rendent aux cellules glanduleuses, si ces fibres existent, traversent la couche musculaire qui doit recevoir elle même des terminaisons ner¬ veuses. 11 n’y a pas à supposer que les fibres musculaires lisses qui composent la musculeuse de la glande fassent exception, puisque partout on peut constater que les éléments musculaires reçoivent

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tous des terminaisons nerveuses. Or, d’après les travaux dont je vous parle, il n’y aurait pas de terminaisons nerveuses musculaires, et toutes se feraient dans les cellules glandulaires elles-mêmes.

Voyons donc ce que nous avons constaté par la méthode de l’or, par les procédés que nous connaissons et dont nous avons l’habitude.

Je vous ai dit qu’on peut employer différents procédés et que j’ai essayé d’abord celui qui consiste à traiter la membrane nyctitante par le chlorure d’or et le jus de citron en réduisant par l’eau acétifiée ou l’acide formique au quart, puis le procédé de l’or bouilli avec réduc¬ tion par l’acide formique au quart. C’est par le jus de citron et le chlorure d’or à 1 pour 100 avec réduction dans l’eau légèrement acétifiée que j’ai obtenu les meilleurs résultats.

Quand, sous l’influence de la lumière, la réduction a été obtenue, on peut racler l’épithélium qui recouvre chacune des faces de la nyc¬ titante et l’examiner à plat dans la glycérine formique pour rendre la membrane plus transparente. On voit alors très nettement le plexus en zigzag, et la plupart des glandes paraissent comprises dans une des mailles de ce plexus ; mais toutes les mailles ne contiennent pas de glandes, c’est au contraire le plus petit nombre.

Ces glandes paraissent, dans les préparations vues à un faible gros¬ sissement, comme autant de masses arrondies, colorées en violet foncé. On aperçoit les travées du plexus en zigzag et les branches nerveuses qui y arrivent et concourent à le former. On voit se déga¬ ger d’une des branches du plexus, tantôt vers sa partie moyenne, tantôt au voisinage d’une maille, une, deux ou trois fibres nerveuses. On n’en voit pas plus, mais je crois qu’il y en a davantage. Elles se dégagent tantôt des travées les plus voisines du plexus en zigzag, tantôt de travées plus éloignées.

Arrivées sur la face externe de la membrane propre d’une glande, ces fibres semblent se diviser et parfois on peut les suivre jusque dans le plexus qui se trouve à la surface extérieure de la membrane propre, dans les points les mieux réussis. La méthode de l’or ne donne, en effet, que des résultats incomplets : il y a des points l’on peut constater ces faits, et d’autres l’on ne le peut pas. Cela ne tient pas à ce que les fibres nerveuses n’existent pas, mais à ce que l’or n’a pas été réduit sur elles.

A un grossissement un peu plus considérable, 250 diamètres, en examinant avec soin les glandes qui paraissent dorées de la façon la plus convenable, on observe ce qui suit :

Du plexus qui se trouve à la face externe de la membrane propre, et qu’on pourrait appeler plexus fondamental delà glande, se dégagent des fibres qui traversent la membrane et paraissent se perdre entiv

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

les fibres musculaires : entre les festons formés par la coupe optique de ces fibres musculaires, on aperçoit la coupe optique des fibres nerveuses, de sorte que certaines de ces dernières arrivent certai¬ nement jusqu’à la tunique musculaire. Il est probable quelles appar¬ tiennent à un plexus, que l’on connaît dans d’autres appareils cons¬ titués par des fibres musculaires lisses, plexus intramusculaire four¬ nissant des branches terminales aux éléments musculaires eux-mêmes. Si l’on pouvait voir cette tunique musculaire à plat et étalée (je ne dis pas qu’on ne puisse pas y arriver), on pourrait distinguer entre les différentes cellules un réseau dont les mailles seraient occupées par les dites cellules et qui serait le plexus intramusculaire. Je ne l’ai pas vu ; je suppose qu’il existe, mais mes préparations ne sont pas suffi¬ santes pour que je puisse l’affirmer d’une manière certaine.

Ce qui rend l’observation très difficile c’est que les cellules épi¬ théliales glandulaires réduisent le chlorure d’or avec une intensité considérable et forment une masse d’un violet foncé qui empêche de bien distinguer même les fibres nerveuses du plexus intra-muscu- laire, en supposant qu’il existe, et toute terminaison nerveuse dans les cellules épithéliales. Je n’ai jamais rien vu de ce qui a été dessiné à ce sujet par Oppenchowsky, de sorte que l’on peut parfaitement mettre en doute les terminaisons nerveuses intra-épithéliales dans les glandes séreuses de la Grenouille. Je ne vois pas que l’on puisse soutenir qu’elles existent ; on ne peut dire davantage, il est vrai, qu’elles n’existent pas. Mais on ne peut pas affirmer le mode de ter- naison ni le réseau nerveux terminal.

Un fait très curieux, c’est que la méthode de l’argent donne pour les terminaisons des nerfs dans les glandes séreuses de la Grenouille de meilleurs résultats que la méthode de l’or. Vous savez qu’il y a deux espèces d’imprégnation d’argent, l’imprégnation négative et l’imprégnation positive. Je vous ai déjà donné les résultats de l’im¬ prégnation négative de la membrane nyctitante de la Grenouille ; vous connaissez l’imprégnation négative de la cornée, imprégnation dont l’effet est de rendre la substance intercellulaire opaque et d’un brun plus ou moins foncé, de sorte que les cellules sont ménagées en clair sur un fond opaque, et non seulement les cellules, mais aussi les fibres nerveuses. Ainsi, dans la cornée, les cellules étoilées sont mé¬ nagées en clair sur un fond brun, et s’il y a des fibres nerveuses sans myéline dans le voisinage, elles sont aussi ménagées en clair, quand l’opération a bien réussi.

Dans la membrane nyctitante, vous pouvez obtenir l’imprégnation négative des cellules, des nerfs, et, chose intéressante, de la muscu¬ leuse des glandes séreuses. La substance cimentante des fibres mus-

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culaires èst colorée en noir, tandis que la substance musculaire est réservée en clair, comme dans les autres appareils constitués par des fibres musculaires lisses, membrane des veines, des artères, etc.

Dans les imprégnations positives, il se produit l’inverse. Il n’y a pas de dépôt d’argent dans la substance intercellulaire, mais dans l’intérieur des cellules, dans leurs prolongements et dans les libres nerveuses sans myéline. C’est un fait assez curieux que les fibres nerveuses sans myéline se comportent exactement comme les cellules et les prolongements cellulaires. Quand on va au fond des choses, c’est tout naturel. Qu’est-ce qu’un cylindre-axe ou une fibre nerveuse sans myéline, si ce n’est un prolongement cellulaire? Si l’on considère une cellule nerveuse des centres, on voit que parmi ses nombreux pro¬ longements il y en a un qui va constituer un cylindre-axe. Une fibre ner¬ veuse, dans une partie de son trajet, est un cylindre-axe entouré d’une couche de myéline qui montre des segments intérannulaires puais quand le manchon de myétine a disparu, il ne reste plus que le cylindre- axe, prolongement d’une cellule centrale, il est donc naturel que ce prolongement cellulaire nerveux se comporte vis-à-vis de l’impré¬ gnation d’argent comme le prolongement cellulaire d’une cellule connective.

Pour obtenir les imprégnations de la membrane nyctitante, on opère comme pour la cornée. Je vous ai montré que quand on dé¬ détermine une imprégnation négative en passant un crayon ou un cristal de nitrate d’argent sur la membrane, ou en l’immergeant dans une solution de 1 pour 500 à 1 pour 500 de ce sel, on peut transfor¬ mer cette imprégnation négative en positive par un séjour prolongé dans l’eau distillée.

Habituellement, au bout de deux jours, la transformation est opé¬ rée, et je vous dirai même que je ne sais pas du tout comment elle se produit. Tout le dépôt d’argent, noir ou brun à la lumière trans¬ mise, qui s’était formé dans la substance intercellulaires a disparu, et, à sa place, on voit des granulations d’albuminate d’argent distribuées assez régulièrement soit dans les cellules connectives, soit dans les fibres nerveuses pour dessiner ces éléments de la manière la plus nette et la plus positive.

Après avoir traité la membrane nyctitante par le crayon de nitrate d’argent, au bout de deux jours d’immersion dans l’eau distillée l’im¬ prégnation est positive et ordinairement très nette. Pour bien voir tous les détails qu’elle peut mettre en évidence, il faut la traiter par l’eau lé¬ gèrement acétifiée qui gonlle les libres du tissu conjonctif et les rend transparentes, permettant de distinguer parfaitement les libres ner¬ veuses et les cellules connectives.

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Ces préparations sont beaucoup plus nettes et plus démonstratives que les préparations à l’or; je n’ai jamais obtenu d’imprégnations posi¬ tives d’argent aussi avantageuses qu’avec la membrane nyctitante de la Grenouille. Le plexus en zigzag est parfaitement net : ses fibres sont marquées par une réfringence plus grande à cause de l’acide acétique, mais l’œil est pour ainsi dire attiré sur elles par les granu¬ lations très visibles contenues dans leur intérieur, granulations de couleur brune, disposées comme un semis, mais qui marquent parfaitement la direction de ces fibres. Les tissus imprégnés positi¬ vement par l’argent ne sont pas aussi complètement métallisés que quand on emploie le chlorure d’or ; il en résulte que l’acide acétique produit un gonflement beaucoup plus fort. Aussi, la membrane s’est elle gonflée, et les glandes se sont étalées ; la membrane propre s’est souvent écartée de la masse épithéliale qui constitue la glande et l’on distingue alors d’une manière beaucoup plus nette ce que j’ai appelé le plexus fondamental, à la surface externe de la membrane propre des glandes de la nyctitante. Ce plexus est beaucoup plus riche qu’on ne pourrait le croire.

La masse épithéliale est granuleuse, moins foncée qu’avec l’or, mais elle contient un nombre très considérable de granulations d’albumi- nate d’argent, de sorte qu’on n’y peut rien distinguer. Néanmoins, on reconnaît que du plexus fondamental se dégagent des fibres nerveuses très fines concourant à la formation du plexus qui se trouve à la surface de la masse épithéliale et qui correspond à ce que j’ai dési¬ gné plus haut sous le nom de plexus intra-musculaire. Il y a peut- être quelque doute encore sur ces dispositions, mais certainement il existe un appareil nerveux compliqué dans lequel nous avons déjà reconnu deux plexus, plexus fondamental et plexus intra-musculaire, et la méthode de l’argent ne conduit pas plus que celle de l’or à admettre de terminaisons proprement dites dans les cellules glandu¬ laires ; je ne considère pas du tout les granulations d’argent de la masse épithéliale comme dessinant un plexus très riche qui serait dans l’intérieur des cellules, car les cellules connectives placées dans le voisinage sont aussi très nettement dessinées par le dépôt d’argent dans leur intérieur et personne n’a imaginé un plexus nerveux dans les cellules connectives de la membrane nyctitante de la Grenouille.

J’arrive à la question qui nous intéresse le plus, à la question phy¬ siologique, c’est-à-dire au mécanisme delà sécrétion dans ces glandes si simples, que l’on peut voir vivantes et que l’on peut étudier à l’aide des différents procédés de la technique histologique actuelle.

Les premières recherches d’histo-physiologie sur ce sujet remon¬ tent à 1840 et sont dues à Ackerson [Arch. de Muller). Acksoner

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ayant examiné la membrane interdigitale de la Grenouille, a reconnu les glandes séreuses qui sont très nombreuses ; il prit alors une petite Grenouille, très jeune, de sorte que la membrane fut moins épaisse et moins pigmentée. Il reconnut ainsi que les glandes se pré¬ sentent sous deux aspects. : les unes avec une cavité centrale remplie d’un liquide transparent et une couronne de cellules bordant cette cavité, ce sont les glandes annulaires ; les autres, plus petites, reve¬ nues sur elles-mêmes, sans cavité centrale, avec des cellules glan¬ dulaires remplissant complètement la cavité : glandes en bouchon.

En poursuivant cet examen, il vit les glandes en couronne se vider de leur contenu et prendre l’aspect de glandes en bouchon plein. Il observa également le phénomène inverse et reconnut que les glandes, à l’état physiologique et en dehors de toute excitation extérieure, se contractent et se relâchent alternativement et présentent une contrac¬ tion rhythmique.

Ce n’est que trente-deux ans après le travail d’Ackerson, en 1872, que cette question a été remise à l’étude, par Engelmann, qui fit varier les conditions expérimentales. Examinant d’abord la membrane inter digitale, il reconnut comme Ackerson que les glandes séreuses se contractent et se relâchent alternativement. Il fit alors ia section du nerf sciatique et constata qu’à la suite de cette section toutes les glandes prenaient la forme de couronne, c’est-à-dire se relâchaient et restaient indéfiniment relâchées. Avant la section, la moindre irri¬ tation de la patte et même de l’autre patte, déterminait la contraction des glandes ; après la section, plus rien de semblable. La destruction de la moelle épinière produit le même effet : dilatation des glandes et dilatation permanente. L’excitation de l’animal ne produit plus du tout la contraction des glandes. Par conséquent, 'les phénomènes réflexes aboutissant à la contraction des glandes ont leur centre dans la moelle épinière et le sciatique est la voie de ces réflexes et non le centre. Si l’on excite le bout du sciatique coupé, même avec un cou¬ rant très faible, toutes les glandes se contractent, puis reviennent plus ou moins complètement à l’état de repos, c’est-à-dire à la forme annulaire.

Pour étudier les effets de l’excitation directe, Engelmann a pris la membrane nyctitante et l’a excitée par des courants interrompus. Il a constaté que toutes les glandes se contractent et reviennent ensuite à l’état de repos. Il put ainsi placer cette membrane dans la chambre humide à gaz et reconnut d’abord que quel que soit le milieu dans lequel on la place, quand on vient d’enlever la membrane nyctitante et de la disposer dans la chambre humide, toutes les glandes sont contractées. C’est un fait facile à comprendre car l’enlèvement même

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

de la membrane a excité \iolemment tous les nerfs qui y entrent ; mais au bout d’un certain temps, les glandes reprennent toutes la forme annulaire. Ayant alors fait agir successivement l’acide carbonique, l’hydrogène et l’oxygène, il a constaté les résultats suivants :

Avec l’acide carbonique et l’hydrogène toutes les glandes se con¬ tractent. C’est un phénomème très curieux et très intéressant, bien peu connu aujourd’hui, cependant très important. Que l’acide carbo¬ nique soit un excitant, cela n’est pas surprenant, mais pour l’hydro¬ gène c’est extraordinaire. Il en est de même pour l’oxygène : conservé dans ce gaz la membrane nyctitante laisse voir toutes les glandes à l’état de dilatation.

Engelmann a aussi expérimenté avec la chaleur : à 35°, toutes les glandes se contractent. A une température supérieure, le protoplasma est coagulé chez la Grenouille et la mort des éléments est produite.

L’expérimentateur s’est demandé quel est le mécanisme de la sécré¬ tion. 11 a constaté l’existence des muscles ; il les a même bien indiqués, malgré la petite erreur que je vous ai fait connaître, et a parfaitement constaté que dans les glandes revenues sur elles mêmes, l’effet estdù à l’action des muscles. Quant aux modifications de forme et d’étendue des cellules, il laisse subsister un point d’interrogation.

Voilà pour la contraction des glandes, mais le relâchement par quoi est-il produit ? Il pense que c’est le résultat de l’élasticité des éléments. Il montre, par une expérience extrêmement ingénieuse que quand les glandes se contractent, elles expulsent le produit amassé dans leur intérieur. Vous connaissez le pore glandulaire, qui a la forme d’une piqûre de sangsue : quand on examine soit la membrane nyctitante, soit la membrane interdigitale, en excitant parle nerf, on ne voit rien sortir nettement du pore glandulaire. Engelmann a eu l’idée de répan¬ dre du vermillon finement pulvérisé sur la surface de la membrane ; alors, en excitant le nerf, il a pu voir, les particules de vermillon se déplacer sous l’influence du courant de liquide qui sort par le pore glandulaire, et il a pu juger de la rapidité avec laquelle se fait l’expulsion.

Quand la glande passe de l’état de contraction à l’état de dilatation, il s’accumule du liquide dans sa cavité. D’où vient ce liquide? On pourrait admettre à priori, surtout quand on opère sur la nyctitante, que c’est le liquide additionnel de la préparation qui entre dans la glande quand celle-ci se dilate par élasticité. Or Engelmann a cons¬ taté que jamais le liquide additionnel ne pénètre dans les glandes.

Les choses en étaient quand Stricker et Spina, en 1879, avan¬ cèrent que le mécanisme est tout autre. Ils observèrent, ce qui avait été reconnu par les auteurs précédents, que cette transformation des glandes en couronne en glandes en bouchon s’opère sous l’influence

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de l’excitation. Il ont reconnu aussi que les glandes revenues sur elles- mêmes n’ont plus un contour régulier, mais ils ne voulurent pas ad¬ mettre, pour expliquer ce phénomène, l’activité d’une tunique muscu¬ laire dont ils mettent l’exietence en doute, et le rattachèrent à l’activité des cellules glandulaires elles-mêmes. Ils crurent voir que sous l’in¬ fluence de l’excitation, les cellules épithéliales delà glande augmentent progressivement de volume et s’étendent vers le centre de la lumière glandulaire, de manière à l’obstruer en chassant par le pore le liquide accumulé dans l’intérieur. Ils prétendent que le gonflement porte non seulement sur le corps de la cellule, mais encore sur le noyau, et ils insistent sur un détail. Lorsque la glande est contractée, les cellules de\iennent plus volumineuses, les noyaux plus gros et les stries, au lieu d’être disposées en séries linéaires rayonnantes du centre à la périphérie, ont les directions les plus inattendues. Il n’y a plus de striation radiaire. Ils admettent encore que, dans la glande à l’état de repos, les cellules glandulaires sont contractées, et lorsqu’on excite le nerf, elle se relâchent et reviennent à leurs dimensions normales. Par conséquent, ce qu’on considérait comme l’état d’activité est l’état de repos, et réciproquement, au point de vue de l’excrétion. Vous savez que Rouget a soutenu, à propos de la contraction musculaire, une' théorie analogue, fondée sur la structure en spirale des fibrilles musculaires. Mais je pense qu’ aujourd’hui Rouget a complètement abandonné cette manière de voir.

(A suivre).

CONFERENCES SUR LE MICROSCOPE

(Suite1)

Hooke a été le premier, je crois, à décrire une méthode pratique pour estimer le pouvoir grossissant d’un microscope composé. Il dit:

<( Ayant ajusté le Microscope pour y voir distinctement l’Objet étudié, en même temps que je regarde l’Objet à travers la Lentille avec un œil, je regarde d’autres Objets à la même distance avec l’autre œil libre. De cette manière je puis à l’aide d’une Règle divisée en pouces et fractions de pouces, placée sur le Piédestal du Microscope, projeter pour ainsi dire l’image agrandie de l’Objet sur

(1) Conférences faites à la Soc. f. the Enconrag. of Arts, Man. and Comer. Fon¬ dation de feu le Dr Cantor. (Voir Journal de Micrographie, t. X, 1886, p. 512; t. XI, 1887. o. 113,240). Br J. P. trad.

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la Règle et mesurer ainsi exactement le diamètre qu’il présente à travers la Lentille, lequel comparé avec le diamètre qu’il offre à l’œil nu doit donner aisément la valeur de son grossissement ( Ib . p. 22). »

Néanmoins, cette méthode n’est applicable qu’aux objets qui peuvent être nettement distinguée à l’œil nu.

Hooke a été l’un des premiers signaler la difficulté de distinguer « une proéminence d’une dépression » avec le microscope (pseudos¬ copie), d’après ce qu’il a observé en préparant les dessins destinés à illustrer sa Micrographies , ce qui devait être en 1664, si ce n’est plus tôt. Le professeur Govi (2) dans son travail sur le Découvreur dune singulière illusion d optique, se réfère à une lettre imprimée d'Eustachio Divini au comte Carlo Antonio Marozini, datée du 15 juillet 1665, dans laquelle sont décrits certains phénomènes de pseudos¬ copie ; Divini peut donc avoir devancé Hooke dans ces observations. Je remarque en passant que Divini fait allusion, dans sa lettre, aux « Microscopes à deux verres » et avance que lorsqu’il ne pouvait voir en entier des objets un peu grands, il enlevait la lentille objective à forte courbure et la remplaçait par une lentille à courbure moins prononcée ; mais probablement il ne savait rien, à cette date, de l’emploi d’une lentille de champ dans l’oculaire. Cela paraitrait confir¬ mer indirectement la priorité de Hooke quant à l’application d’une len¬ tille de champ à J’oculaire du Microscope.

La série de dessins d’objets usuels, comme la pointe d’une aiguille, le tfanchant d’un rasoir, les cristaux de neige, les araignées et d’autres insectes, etc., tels qu’on les voit avec son microscope composé, était sans doute vue avec une vive surprise par beaucoup de contem¬ porains de Hooke, et sa Micrographia devint rapidement un livre rare et coûteux. Dans ses descriptions de ces objets, il effleure inci¬ demment une grande quantité de détails relatifs aux manipulations microscopiques, détails qui prouvent une grande habileté et une extrême finesse d’observation.

Dans ses Lectures and Collections publiées en 1678, dans le ML croscopium , pages 96-97, nous ne trouvons plus en Hooke un dé¬ fenseur aussi enthousiaste du microscope « double ». Je ne puis dire si ce changement d’opinion est à la publication des belles obser¬ vations de Leeuwenhoek, avec le microscope simple. Hooke a été soupçonné par plusieurs de ceux qui ont cherché à connaître ses con¬ tributions à la science d’avoir un peu trop voulu se mettre en avant, mais cela ne doit pas nous empêcher de reconnaître ses mérites réels. Il a établi que lorsqu’on emploie une seule lentille plan-convexe comme microscope simple, « il est préférable de tourner la face plane

(2) Atii R. Accad Lincei Ti'ansunti , VU (1883) p. 183-8.

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vers l’objet et la face convexe vers l’œil. » Il dit qu’il ne s’est jamais servi de lentilles ayant un rayon de courbure de moins de 1/10 de pouce parce qu’elles lui fatiguaient la vue « bien qu’elles montrent, en réalité, les objets beaucoup plus clairs et plus distincts et grossissent autant que les microscopes doubles ; bien plus, pour ceux dont les yeux peuvent le supporter, il est possible de faire avec un micros¬ cope simple de meilleures découvertes qu’avec un microscope double, parce que les couleurs qui gênent beaucoup la vision dans les microscopes doubles sont évitées et empêchées dans le microscope simple. »

C’est à Hooke qu’il faut sans aucun doute rapporter la première idée des lentilles à immersion. En effet, il dit :

« De plus, si vous voulez avoir un Microscope à une seule réfraction, etpouvant donner par conséquent la plus grande clarté et le plus grand éclat dont il soit possible d’imaginer qu’un Microscope est susceptible, lorsque vous avez fixé un de ces Globules comme je l’ai indiqué (globules de verre fondu, dont l’auteur a décrit la préparation) et répandu un peu de la liqueur additionnelle sur une lame de verre, approchez alors ladite lame avec la liqueur près du Globule et mouvez la doucement contre le Globule jusqu’à ce que la liqueur le touche; Ceci fait, vous verrez que la liqueur adhère maintenant au Globule et y adhère encore quand même vous l’éloignez un peu ; par ces moyens cette liqueur ayant une réfraction spécifique très peu différente de celle du verre, la seconde réfraction est complètement supprimée, il n’en reste que peu ou point, si ce n’est celle qui se produit sur la face convexe du Globule du côté de l’œil; par ces moyens les inconvénients de la réfraction sont le plus possible écartés, et cela par un expé¬ dient aussi facile et aussi pratique qu’on peut le désirer (lb. p. 98-9;. »

La critique que j’ai faite de l’ajustement à vis pour la mise au point, par Campani, s’applique mieux encore au microscope de Ilooke, dont le tube, beaucoup plus long et plus lourd, devait certainement décrire une série de « courbes de rayons irréguliers » autour de ce qui devait être l’axe optique rigide, dans ce mouvement à vis pour la mise au point; l’objet, s’il était petit, devait disparaître du champ et y réapparaître suivant le défaut de la vis, de la vis telle qu’on les faisait à cette époque.

Il n’est rien dit de l’emploi d’un miroir, et je n’ai pas rencontré un seul microscope pourvu d’un miroir, d’une date antérieure à cin¬ quante ans environ après l’instrument de Ilooke (1710-1720).

Hooke paraît avoir confié la fabrication de ses microscopes pour la vente à « M. Christopher Cock, dans Long-Acre » (Ib. p. 99).

J’ai insisté assez longuement sur les microscopes de Ilooke, mais, je ne crois pas, plus qu’il ne faut pour mettre en vue ce fait qu’il a été le premier à donner un réel essor à la microscopie anglaise dans les deux principales branches qu’elle comprend, la construction optique

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et mécanique de l’instrument, et ses applications à l’étude, branches dans lesquelles son influence a été également importante. Ce serait une tâche facile que de prouver, par des citations des publications scientifiques contemporaines, que l’œuvre de Hooke lui a valu une réputation européenne. Pour ma part, je ne puis pas oublier que l’un des savants les plus éminents de notre époque, dont la compétence pour formuler un jugement sans appel est hors de toute discussion, je veux parler de Herschell, a qualifié Hooke de grand con¬ temporain et presque rival de Newton» (Disc, on Nat. Philosopliy ,

p. 116).

Microscope de Divini. Peu après qu’eût paru le microscope composé de Hooke, le Giornale de Letterati, I, p. 52-4 (1668) a publié la description (en partie traduite dans les Philosophicod Tran¬ sactions, , IH, p. 842, 1668), d’un microscope composé construit par Eustachio Divini, qui avait déjà été recommandé par Fabri (Synopsis optica , Prop. 46, 1667). Il était établi sur environ 16 pouces 1/2 de haut, pouvant s’ajuster à 4 longueurs différentes par des tubes de ti¬ rage et donnant une série de grossissements de 41 à 145 diamètres. Au lieu de la lentille oculaire usuelle, bi-convexe, il y avait deux len¬ tilles plan-convexes dont les surfaces convexes étaient en contact, ce qui devait produire un champ plus plat. Au « Museo Copernicano»,à Rome, on voit un microscope répondant si exactement à cette des¬ cription que je crois qu’on peut sans crainte attribuer son invention à Divini, j’en ai fait un croquis sur lequel la figure 14 a été copiée. Le trépied de la base se termine en haut par une douille cylindrique en étain ; les tubes du corps sont en carton recouvert de papier rouge, et les positions pour les diverses longueurs, en rapport avec les gros¬ sissements sont notées sur chaque tube.

Le tube inférieur glisse dans la douille du trépied et porte la lentille objective dans une mince cellule d’étain fixée à son extrémité. Le se¬ cond tube glisse sur le premier et porte un collier externe à son bord inférieur, apparemment pour servir d’arrêt au tube suivant. Le troi¬ sième et le quatrième tubes sont semblables, mais progressivement plus larges, et un diaphragme est placé à l’extrémité supérieure. Quant à la construction optique, mon avis est qu’elle a été modifiée et je me demande s’il reste rien de la construction originale.

Je puis mentionner que dans VHistory of the Royal Society , de Birch, il est cité (Voir Prof. Govi, loc. cit.) un passage extrait des papiers officiels de la Société, daté du 11 février, 1668-9, établissant qu’un grand microscope, (probablement du modèle général de Hooke), construit par M. Christophe Cock, a été présenté à la Société dans

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une de ses réunions alors récentes. Ce microscope avait « cinq len¬ tilles dont les quatre lentilles oculaires étaient plan-convexes, réunies deux à deux de manière à se toucher par un point de leur convexité. » L’oculaire était ainsi une modification de celui de Divini. D’où il

Fig. 14. Microscope com- poséde Divini ( 166T-1668)

Fig. 15. Microscope composé de Chérubin d’Orléans (1671)

résulte que nos opticiens étaient à l’affût des perfectionnements. Nous verrons plus tard que Grindl (1087) adopta cet oculaire et appliqua une semblable construction aux objectifs.

Microscopes de Chérubin d Orléans. Le microscope que nous devons examiner, par ordre de date, a été inventé par Ché-

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rubin d’Orléans et décrit dans son traité : La dioptrique oculaire , (Paris, 1671, in-fol. PI. 30-31, p. 238 et 261). Chérubin avait évi¬ demment une haute opinion de son microscope (voir Fig. 15) et a donné des instructions minutieuses avec des figures détaillées. Les trois « consoles » ou supports, en volute, devaient être en ébène ou en bois de poirier noirci, solidement attachés à la base et au collier entourant la partie moyenne fixe du tube ou corps. Un tube externe glissant par en haut sur ce tube du milieu fixe portait l’oculaire, et un autre tube glissant de même par en bas portait l’objectif, ces tubes à glissement servant à mettre l’image au point et à régler, dans cer¬ taines limites le grossissement. Plus tard, il a suggéré d’appliquer une disposition à vis, qu’il a figurée, sous la platine, pour la mise au point, le corps ne consistant plus alors qu’en deux tubes seulement, dont le tube inférieur, portant l’objectif, restait stationnaire.

Chérubin a aussi décrit et figuré une platine à disque sur laquelle plusieurs objets pouvaient être montés autour d’un centre, de sorte qu’en faisant tourner ce disque, sur la platine mise au point, les divers objets pouvaient être amenés sous l’axe optique par ce seul mouvement de rotation ; il est donc probablement l’inventeur du disque objectif multiple dont diverses modifications ont eu une cer¬ taine vogue, même de nos jours, tant en Europe qu’en Amérique, voire au Japon, comme nous le verrons plus loin. Il a aussi figuré une pince à ressort et une pointe articulée pour tenir les insectes.

Quant au système optique de ce microscope, Chérubin recommande tant de combinaisons diverses de lentilles que je ne puis déterminer avec certitude celle qu’il préfère réellement. Ces recommandations con¬ tiennent tant d’ « items » qu’elles rappellent tout à fait les descriptions des brevets modernes, dans lesquelles l’auteur cherche à faire entrer toutes les combinaisons possibles (et même impossibles) dans la sphère de son invention. A la page 127, à propos d’un microscope composé de deux lentilles convexes, il établit que la lentille objective doit avoir 4/4, 1/3 ou 1/2 pouce au plus de foyer et deux courbes convexes égales.

« La lentille de l’œil, qu’il n’est pas nécessaire d’éloigner beaucoup de l’objectif, doit être prise sur une sphère plutôt plus grande, d’en¬ viron 5/4 de pouce, 1 p. ou 1 p. 1/2 au plus de foyer. »

Un autre système, qu’il dit être construit, contenait une seconde lentille dans l’oculaire, dont le foyer était à celui de la lentille de l’œil dans le rapport de 2 1/2 à 1 ou de 3 à 1. Les remarques qu’il fait sur les effets observés en plaçant la lentille de champ plus ou moins près de la lentille de l’œil semblent réellement basées sur l’expérience. Il insiste sur les combinaisons de trois et de quatre lentilles séparées au moyen desquelles on peut voir les objets dans leur position natu-

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relie (redressés) et dit que la dernière est de « beaucoup préférable (p. 264). »

J. Mayall junior. Membre de la Roy. il; lier. Soc. de Londres.

suivre)

HISTOIRE NATURELLE DES DIATOMÉES i

Quelle est la position systématique des Diatomées, autrement dit, quelle place occupent elles sur l’échelle des êtres?

Nous avons vu, dans un précédent chapitre, qu’elles ont été longtemps ballot¬ tées du règne animal au règne végétal, que Leeuwenhoek, 0. F. Millier, Gmelin, Ehrenberg et d’autres auteurs les classaient parmi les animalcules infusoires, tandis qu’Agardh, Dilwynn, Turpin, de Candolle et, après eux, tous les naturalistes les placèrent parmi les Algues, sauf Ingenhouszqui, en raison de leur enveloppe siliceuse, les rangea dans le règne minéral.

Aujourd’hui, tout le monde est d’accord pour les placer dans le règne végé¬ tal, mais à l’échelon le plus bas et parmi ces êtres qui forment, pour ainsi dire, le passage des plantes aux animaux et qu’on a réunis sous le nom d 'Algues unicellulaires.

Singulières plantes, en effet, que ces Algues inférieures dont certaines se meuvent de mouvements qui paraissent volontaires, souvent à l’aide de cils vi- bratiles semblables à ceux des Infusoires Flagellés, possèdent un point rouge assimilable à un œil dont il remplit manifestement les fonctions, ont une vési¬ cule pulsatile, organe de circulation ou d’excrétion, dont le mécanisme appar¬ tient évidemment à l’animalité.

Aussi, beaucoup deces Algues inférieures, les Chlamydomonas, les Chla- my-dococcus , les Gonium , les Pandorina , les Volvox , etc., sont elles récla¬ mées par les zoologistes comme faisant partie de leur domaine.

est, en effet, le caractère distinctif, le critérium qui permet d’attribuer ces divers êtres à tel règne plutôt qu’à tel autre ?

En réalité, il n’en pas de certain, ni de complet, mais le plus satisfaisant nous paraît devoir être cherché dans le mode de nutrition.

La plupart des végétaux se nourrissent grâce à la chlorophylle ou matière verte dont ils sont munis, laquelle, sous l’influence de la lumière solaire, agit sur l’acide carbonique de l’air, fixe le carbone pour la nutrition de la plante et rejette l’oxygène. Tous les végétaux ne sont pas pourvus de chlorophylle, les Champignons, par exemple, et, par conséquent, ne se nourrissent pas ainsi aux dépens de l’atmosphère ; mais on doit, à notre avis, considérer comme des

(1) Chapitre extrait de l’ouvrage sous presse : Les Diatomées, histoire naturelle} classification et description des principales espèces , par le Dr J. Pelletan, avec une préface par M. J. Deby, 1 vol, in-12, avec gravures et planches.

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plantes tous les organismes à chlorophylle qui se nourrisssent par ce mode de nutrition exclusivement végétal et que, pour cette raison, on appelle olophy tique.

Ce n’est pas qu’il n’existe un certain nombre d’êtres certainement animaux qui contiennent de la chlorophylle. Mais ils se nourrissent, néanmoins, à la manière des animaux: ils ont une bouche et avalent leur proie. La chloro¬ phylle est, chez eux, disposée sous forme d’organes particuliers, assez com- pliqués, qu’on a appelés chromatophores , souvent en situation et en nombre constants pour chaque espèce. Nous supposons que ces organes constituent chez ces animaux, un appareil de perfectionnement destiné à la fonction res¬ piratoire.

Il peut arriver encore que ces organes chlorophyllés soient, chez ces ani¬ maux, doués, pour ainsi dire, d’une vie autonome. Ils ont la constitution his¬ tologique d’une cellule, se multiplient même par division cellulaire, à ce point qu’on les considère aujourd’hui comme des organismes végétaux parasites de l’animal. Il semblerait même que ces parasites sont nécessaires et quel animal ne pourrait pas vivre sans les parasites, de même que ceux-ci, malgré cer¬ taines observations qui tendraient à prouver le contraire, ne peuvent pas vivre en dehors de leur hôte. Il y aurait un fait d’adaptation aboutissant à une symbiose par service réciproque. On a même classé ces parasites parmi les Algues inférieures, les Palmellacées, sous les nomsde Zoochlorella , Zooxcin- t/iella , etc.

Les Diatomées n’ont ni cils vibratiles, bien que certaines se meuvent, ni point rouge oculiforme, ni vésicule contractile, mais elles sont pourvues d’un endochrome formé par une variété jaune ou brune de la chlorophylle et dis¬ posé en plaques ou en grains, c’est à dire en chromatophores, dont le nombre et la situation sont constants pour chaque espèce Elles se nourrissent unique¬ ment grâce à cette chlorophylle modifiée, qu’on a appelée diatornine et qui agit à la lumière solaire comme la chlorophylle des plantes vertes, décompose l’acide carbonique de l’air dont le carbone est utilisé par la Diatomée et rejette l’oxygène. Leur mode dénutrition est donc entièrement olophy tique; elles ne possèdent, d’ailleurs, aucun des organes de l’animalité. Il y a donc lieu de les classer dans le règne végétal et, par exemple, de les rapprocher des Algues inférieures.

Que les Diatomées agissent sur l’acide carbonique de l’air comme les plantes vertes, c’est un fait qu’il est facile de vérifier. Il est évident, d’ailleurs, qu’é¬ tant des plantes aquatiques, elles vivent à l’aide de l’air dissous dans l’eau qu’elles habitent. Si l’eau cesse d’être aérée, les Diatomées meurent, de même que si elle renferme des gaz de putréfaction. Il est facile de répéter avec elles la fameuse expérience de Saussure, comme nous l’avons fait, il y a quelques années.

Nous avons expérimenté sur une récolte pure et fraîche de Fragilaria capucina formant une masse à peu près de la capacité d’un à coudre. Nous avons vidé toute la récolte dans une petite éprouvette en verre, un lube à essai et nous avons achevé de remplir complètement avec de l’eau

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pure de rivière ; puis nous avons placé dans l’ouverture du tube un petit bouchon de liège, assez petit pour laisser un certain espace entre sa périphé¬ rie et les parois internes du tube. Celui-ci a alors été rempli de manière à ce qu'il débordât. Pais, le fermant avec le pouce, sans emprisonner de bulles d’air, nous l’avons retourné sur un vase plein d’eau, et débouché.

Dans cette position renversée, les Diatomées, en vertu de leur poids, tomberaient peu à peu et, sortant du tube, viendraient se répandre au fond du vase. Mais le petit bouchon, à cause de sa légèreté spécifique, s’élève doucement dans le tube et vient s’arrêter vers la partie supérieure en re¬ montant les Diatomées qui restent ainsi suspendues en grande quantité en haut du tube, reposant sur le bouchon (1).

L’appareil est alors consolidé au moyen d’un support à pince et placé â une vive lumière. Il n’est pas utile de l’exposer à la lumière solaire directe : le phénomène est plus rapide, il est vrai, mais l’eau, en s’échauffant, perd une certaine quantité de l’air qu’elle dissolvait, air qui vient s’accumuler au sommet du tube et trouble les résultats. En plaçant l’appareil à la lumière \ ive, près d’un objet éclairé par le soleil, on voit peu à peu de la masse des Diatomées se dégager de fines bulles de gaz qui se rassemblent au sommet du tube. En quelques heures, on obtient ainsi un volume de gaz occupant un centimètre cube, si les Diatomées sont bien vivantes, la lumière solaire active et l’eau employée bien fraîche.

Ce gaz est de l’oxygène, avec une petite quantité d’air en nature rendu par l’eau, li est facile d’en faire la preuve. On retourne le tube, en le tenant fermé avec le pouce, et, au moment l’on soulève le pouce, on insinue dans la petite atmosphère gazeuse une allumette éteinte et présentant un point en ignition. Celle-si se rallume aussitôt. Ou bien on fait passer la bulle de gaz dans un eudiomètre et, après y avoir ajouté un volume double d’hydrogène pur, on fait jaillir dans le mélange une élinceîle électrique. Le mélange brûle grâce à l’oxygène, et il ne reste plus au sommet de l’éprouvette qu’une toute petite bulle formée d’azote et de l’un ou l’autre des gaz, hydrogène ou oxygène, en excès.

Il n’y a, du reste, rien d’étonnant à voir cette chlorophylle brune des Dia¬ tomées, ou ce mélange de produits dérivés de la chlorophylle, se comporter avec l’air, sous fintluence de ia lumière, comme la chlorophylle ordinaire des plantes vertes. Nous connaissons, en effet, un grand nombre de végétaux dits à feuillage coloré chez lesquels la chlorophylle a subi des modifications diverses souvent très analogues â la matière colorante jaune ou brune des Diatomées. Tout le groupe des Algues marines appartenant aux Fucacées est coloré par une chlorophylle d’un brun verdâtre très foncé et tout le groupe des Floridées est coloré en un rouge parfois très vif. Les Phanérogames pré¬ sentent aussi des espèces dont les feuilles sont colorées en toutes les nuances du vert; un grand nombre, comme les Coleus , les Bégonia, les Altcrnan-

(I) On n’aurait pas besoin de ce petit artifice en opérant sur une cuve à mer¬ cure et en faisant passer les diatomées et l’eau dans une éprouvette pleine de mercure cl renversée sur la cuve.

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thera, les Caladium et mille autres, ont toutes les nuances du vert, du rouge et du blanc ; tout le monde connaît les Hêtres et les Noisetiers au feuillage pourpre, les plantes à feuilles panachées de blanc ou de jaune, le Perilla nankinensis à feuilles presque noires, etc. Tous ces mélanges de produits dérivés de la chlorophylle verte, agissent comme elle sur l’atmos¬ phère en décomposant l’acide carbonique de l’air, fixant le carbone et rejetant l’oxygène.

Enfin, ces modifications se produisent souvent sur une même plante: par exemple, quand les feuilles deviennent jaunes ou brunes en automne, ou même d’un rouge de sang, comme dans la Vigne vierge.

Les Diatomées, se nourrissant comme les plantes vertes et exclusivement comme elles, appartiennent donc évidemment au règne végétal ; il reste à déterminer le groupe de végétaux dans lequel on doit les ranger.

Incontestablement, elles appartiennent à la classe des micro-organismes et doivent être placées à côté des Algues unicellulaires.

Ce sont, en effet, des organismes unicellulaires. Leur corps entier n’est, au point de vue histologique, qu’une cellule.

Elles présentent une enveloppe cellulaire ou cuticule, un protoplasma, un noyau et un nucléole. De plus, elles sont munies de chromatophores diverse¬ ment constitués.

C’est la composition d’une cellule simple. Néanmoins, on a contesté que les Diatomées puissent être considérées comme des cellules simples. Certains auteurs se sont fondés, dans cette discussion, sur la complexité de ces orga¬ nismes, dans lesquels on trouve des différenciations trop considérables, selon eux, pour qu’on puisse les attribuer à un simple élément cellulaire. D’autres se sont appuyés surtout sur l’existence de deux protoplasmas, le premier, protoplasma ordinaire ou incolore, et le second, protoplasma coloré.

Nous pensons qu’au jourd’hui cette thèse n’est plus soutenable : le proto¬ plasma coloré, l’endochrôme, n’est formé que par les chromatophores dont on constate l’existence, non seulement chez les Diatomées, mais encore chez un grand nombre d’autres cellules, d’abord dans toutes les cellules vertes des plantes, puis chez beaucoup d’organismes reconnus comme unicellulaires. Tels sont beaucoup d’infusoires flagellés, comme les Dinobryiens, par exemple, qui possèdent de chaque côté de la cellule unique qui constitue leur corps, une plaque colorée en jaune brunâtre, comparable aux plaques d’endochrome de beaucoup de Diatomées, comme les Navicula.

Quant à la complexité de la cellule qui forme le corps des Diatomées, elle ne saurait non plus présenter un argument contre l’attribution de ces petites plantes à la classe des organismes unicellulaires. Cette complexité, d’ailleurs, n’est pas si grande qu’on peut le supposer ; elle réside en entier dans la faculté dont est douée la cellule diatomée de sécréter une carapace siliceuse qui double la membrane cellulaire d’une couche minérale indestructible et qui est pourvue de détails de structure, stries, perles, diaphragmes, pores, nodules, etc. fort compliqués, mais constants pour chaque espèce.

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Mais quand on compare ces détails de structure à ceux qui sont réalisés par de simples différenciations des éléments cellulaires, chez d’autres micro-orga¬ nismes, on reconnait qu’ils n’ont, bien qu’extrêmement curieux et délicats, qu’une importance tout à fait secondaire, auprès de ceux que présentent les Infusoires, les Myxosporidies et beaucoup d’autres organismes unicellulaires.

Avec les simples éléments cellulaires qui les constituent, les Infusoires peu¬ vent se créer, par des différenciations de ces éléments, des organes locomo¬ teurs, une bouche, un intestin, un anus, un appareil contractile, une cuticule parfois munie d'organes urticanls ou trichocystes, comparables à ceux des Zoo- phytes; on les voit se constituer des carapaces ou des coques de formes variées, voire des coquilles calcaires dont les Acanthomètres, les Polycystines, les Foramifères nous offrent d’admirables exemples.

Et quant au fruslule siliceux des Diatomées, ce frustule composé de deux valves, dont la jointure est formée par une bande connective, n’est-ce par un détail qui rappelle complètement la constitution des Psorospermies, (lesquelles ne représentent qu’une phase reproductrice des Myxosporidies) composées aussi de deux valves maintenues par un ruban connectif, valves qui s’écartent à certains moments pour mettre a nu le protoplasma intérieur en vue d’une conjugaison avec un autre organisme semblable. C'est le même phénomène qui se passe chez les Diatomées dans les cas assez peu nombreux ou la conju¬ gaison a été reconnue chez elles ; avec cette différence, tout à l’avantage des Psorospermies, que la bande connective n’a, chez les Diatomées, qu’un rôle passif, celui de protéger les valves de nouvelle formation dans la multiplication par voie asexuelle ou division cellulaire, tandis que chez les Psorospermies les filaments connectifs agissent comme de véritables grappins ou rétinacles pour maintenir l’organisme conjoint pendant l’acte de la reproduction sexuelle ou conjugaison.

Chez les Diatomées, le seul organe de fixation pendant la conjugaison est un mucilage dans lequel les deux cellules sont enveloppées pendant toute la durée du phénomène ; tandis que chez les Myxosporidies l’état de mucilage ou de myxome est une véritable phase biologique, phase végétative pendant laquelle se forment, dans le myxome, les Psorospermies qui se conjugueront plus tard librement (1).

Nous ne voulons pas pousser plus loin qu’il ne faut cette comparaison des Diatomées avec certaines phases du cycle biologique des Sporozoaires, compa¬ raison qui cependant conduit à des rapprochements très curieux. Nous voulons seulement établir que la complexité de la cellule diatomée et les différenciations qu’elle subit, 11e sont point un argument contre l’opinion, aujourd’hui admise par la grande majorité des naturalistes, sur la nature unicellulaire des Diato¬ mée ; que, bien au contraire, les analogies singulières que présentent ces différenciations et les phénomènes dont celles-ci sont l’objet ou le moyen, ne peuvent que confirmer cette opinion, s’il en était besoin.

Si nous continuons, en effet, cette étude des Diatomées au point de vue

G. Balbiani. Leçons sur les Sporozoaires , recueillies par le Dr J, Pelletan.

1 vol. in-8, avec figures et planches, 1885.

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biologique, nous arrivons à conslater chez elles une série de phénomènes très intéressants et qui se rapprochent complètement de ce qu’on observe chez d’autres groupes d’organismes unicellulaires. Les uns sont relatifs à la cons¬ titution même des Diatomées, les autres à leurs différents modes de repro¬ duction.

Nous étudions dans un chapitre spécial la structure anatomique, parfois si compliquée, de la cellule diatomée elle-même, réduite à ce qu’on appelle le fruslule . Mais nous ne pensons pas que l’organisme soit tout entier constitué par cette cellule ou ce fruslule. Il y a encore un autre élément sur lequel plusieurs auteurs ont déjà appelé l’attention des naturalistes, mais auquel on n’a pas, à notre avis, accordé toute l’importance qu’il nous semble avoir. Nous voulons parler de ce qu’on a appelé le thalle des Diatomées.

Bien évidemment, la Diatomée n’est pas représentée tout entière par son fruslule. Chez un très grand nombre d’espèces, on a reconnu facilement l’exis¬ tence d’une substance servant de support ou d’enveloppe extérieure aux frus- tules cellulaires et qui a parfois une forme bien définie. Par exemple, beau¬ coup de diatomées, comme les Gomplionema, sont portées par un pedicelle, c’est-à-dire par un thalle filamenteux, incolore, de consistance un peu mucila- gineuse et doué de certaines propriétés autonomes, par exemple, de la pro¬ priété de prendre cette forme filamenteuse et de croître en longueur en se divisant et se subdivisant par bi-partition dichotomiques.

D’autres fois, le thalle est constitué par des tubes transparents, gélatineux, d’un diamètre qui varie peu et dans l’intérieur desquels les fruslules cellulaires s’entassent et se disposent dans une situation constante. La matière qui cons¬ titue le thalle tubulaire de ces espèces est donc douée de la propriété auto¬ nome de croître en longueur en affectant toujours une disposition en tube.

D’autres fois encore, le thalle ne présente pas une forme aussi nettement définie de pédicelle ou de tube, mais constitue un amas mucilagineux et trans¬ parent dans lequel sont englobés des frustules plus ou moins nombreux ou un frustule unique. C’est le mutas matricalis des auteurs. Il forme une masse amorphe, composée d’une substance glaireuse semblable à celle dont sont enveloppées beaucoup d’Algues inférieures, Palmellacées, Nostocacées, Volvocinées, etc.

C’est dans une couche de cette glaire, qui ordinairement devient plus abondante et foisonne pour la circonstance, que s’opèrent les phénomènes de la reproduction sexuelle et de la formation des germes observés par M. Matteo Lanzi. Il peut même arriver que les thalles à forme définie, comme la pédicelle des Gomphonema , se transforment en une large expansion hyaline aux bords de laquelle, le phénomène de la reproduction accompli, poussent les pédicelles filamenteux qui portent les jeunes frustules.

Chez beaucoup d’espèces, le thalle mucilagineux est moins évident. Néan¬ moins, quoique réduit à une couche très mince, et peu visible, d’ailleurs, en raison de sa grande transparence, il n’en existe pas moins. Ainsi chez toutes les Diatomées qui affectent la forme filamenteuse, comme les Melosira , les Mimant ici ium,Q[ une foule d’autres, les frustules demeurant accolés les uns

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aux autres au fur et à mesure qu’ils se forment par des divisions successives, il est certain que ces frustules restent adhérents parce qu’ils sont enduits, notamment sur leurs faces de contact, d’une couche extérieure agglutinai ive, qui est formée par la matière hyaline du thalle.

La même observation peut se faire pour les Diatomées dont le frustule est triangulaire, comme les Meridion et les Licmophora , frustules qui, restant accolés après des divisions successives forment non seulement des cercles mais des figures spirales comme une vis.

Et de même encore pour les espèces dont les frustules restent accolés par un de leurs angles, comme les Tabellaria. En général, chez celles-ci, il est assez facile de voir la petite masse ou coussinet de substance hyaline qui sert à fixer l’angle d’un frustule à l’angle du frustule voisin.

Enfin, même chez les espèces dont les frustules paraissent libres et isolés, il est certain qu’il existe sur toute la surface extérieure une couche de subs¬ tance transparente, ordinairement très mince, mais dont il est néanmoins facile de vérifier la présence et qui, par exemple, masque partiellement ou complètement à l’œil de l’observateur les détails, stries et sculptures dont est orné la surface siliceuse des valves qu’elle recouvre. C’est cette couche agglu- tinative externe qui fixe les Diatomées libres sur les plantes, les pierres, et, en général, tous les corps qui leur servent de support. Il faut qu’on la détruise pour pouvoir reconnaître les détails de structure du frustule.

Nous pensons donc qu’à l’état normal et complet, l’entité biologique qu’on appelle une Diatomée se compose d’un thalle plus ou moins volumineux, à forme définie ou à forme indéfinie, et d’un ou plusieurs corpuscules cellulaires ou frustules.

Certains de ces frustules présentent une structure et un aspect identiques, mais les uns appartiennent à une espèce présentant un thalle évident, filiforme ou tubulaire, tandis que les autres appartiennent à une espèce n’ayant qu’un thalle réduit à une mince couche péricellulaire. De sorte que si l’on examine les frustules de la première espèce, alors qu’ils sont dépourvus de leur thalle, par suite d’un accident ou par les progrès de l’àge, on est exposé à les confondre avec ceux de la seconde espèce. Et, inversement, un même frus¬ tule, suivant qu’il est encore adhérent à un thalle défini ou qu’il en est débarrassé, peut être rangé dans deux espèces différentes.

Quelle importance doit-on donc donner au thalle des Diatomées soit dans la classification, soit dans les phénomènes qui constituent la vie de la plante?

Ce sont des questions très complexes et auxquelles nous n’avons encore à répondre que d’une manière très peu satisfaisante.

suivre).

D1 J. Peuætan.

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LES VÉRITABLES ORIGINES DE LA QUESTION

PHYLLOXÉRIQUE

Les questions de priorité sont toujours importantes car c'est par elles que, bien souvent, les renommées parviennent à se fonder.

I

Le 17 juillet 1868, ayant quitté, à l’heure habituelle de midi, le laboratoire de la Faculté des sciences de Montpellier j’occupais, depuis 1862, les fonctions de préparateur d’histoire naturelle, je rentrai chez moi, je trouvai un paquet que l’on venait de m’apporter de la part de M. Planchon. C’était une boîte à herboriser que le jardinier de l’Ecole de pharmacie avait, sur les ordres qu’il avait reçus, recommandé de tenir à la cave et de ne pas ouvrir avant l’arrivée de M. Planchon, qui du reste n’allait pas tarder. J’exécutai les recommandations et j’attendis M. Planchon.

Or, voici ce qui s’était passé :

Quelques observateurs ont cru pouvoir faire remonter à 1863 (d’autres même vont jusqu’en 1862) les débuts d’une maladie dont on constatait les effets désas¬ treux, sans pouvoir en trouver la cause. Ces effets étaient devenus, dès 1866, si manifestes dans certaines régions de la Provence, qu’à partir de cette époque, on avait comparé la maladie à un pourridié ou blanquet dont on recherchait l’origine. Enfin, en 1868, les agriculteurs de la Provence, déroutés par l’infruc¬ tuosité de leurs recherches, appelèrent à leur aide leurs collègues du Langue¬ doc. Ce fut tout naturellement à la Société la plus savante que l’on s’adressa, et la Société centrale d’agriculture de l’Hérault , n’ayant, on peut le dire avec beau¬ coup de vérité, que l’embarras du choix, délégua trois de ses membres qui se joignirent aux agriculteurs de Vaucluse pour étudier la maladie, source de tant d’inquiétudes à venir.

La délégation fut composée :

De M. Planchon. alors directeur de l’Ecole de pharmacie et professeur à la Faculté des sciences. M. Planchon est certainement l’un des meilleurs botanistes que la France soit heureuse de posséder. Personne ne me contredira donc lorsque j’affirme que M. Planchon peut être placé, sans conteste, parmi les plus savants de nos botanistes français. Du reste, je ne peux oublier que si j’ai pu faire mon éducation scientifique sous l’autorité vraiment paternelle de celui qui fut pour moi un maître et un ami, de Paul Gervais, c’est à l’entremise de M. Planchon que je le dois ; aussi, tout en rétablissant, comme je vais le faire, quelques détails qui ont été, sans doute involontairement, dénaturés, je m’em¬ presse de déclarer que je n’exclus aucun sentiment de reconnaissance de cet exposé commandé par la seule impartialité, laquelle ne modifiera en rien, je l’espère, la gratitude et le respect que je professe pour M. le professeur Plan¬ chon comme d’ailleurs pour tous mes anciens maîtres.

De M. Gaston Bazille qui s’était acquis, à juste titre, la réputation d’un savant agriculteur. Lauréat dans plusieurs concours, primé des plus hautes ré¬ compenses que l’Empereur accordait alors à ceux qui s’occupent le plus sérieu-

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283

sement des choses cle l’agriculture, M. Gaston Bazille avait ses succès à des connaissances agriculturales étendues ainsi qu’à une science incontestable.

De M. Félix S-ahut, qui était un praticien d’un très grand mérite, habitué à l’observation et doué, pour les choses de son art, d’une perspicacité que la dé¬ couverte du Phylloxéra est venue admirablement démontrer. Vivant au milieu des cultures, cherchant tous les jours à en connaître les détails les plus intimes, et appuyant ses investigations sur une éducation scolaire solide. M. Sahut était tout naturellement désigné au choix de ses collègues.

Gomme on le voit la Société centrale (T agriculture de l’Hérault è tait dignement représentée,

II

Dans la journée du 15 juillet 1868, les délégués se trouvaient réunis sur le terrain attenant au château de Lagoy, près de Saint-Remv (Bouches-du-Rhône), et là, M. Sahut fut frappé de l’analogie de ce qu’il voyait avec ce qu’il avait ob¬ servé précédemment sur la luzerne. La maladie semblait marcher absolument de la même manière, cette manière que M. Gaston Bazille a caractérisée plus tard par l’expression, désormais adoptée, de tache d’huile. Il supposa, dès lors, que l’on faisait fausse route en cherchant la cause de la maladie sur les ceps complètement détruits. Il eut l’idée d’examiner les ceps qni lui paraissaient , être au début de l’envahissement, c’est-à-dire ceux qui se trouvaient, non plus au centre, mais sur les bords de la tache, et l’évènement justifia complètement ses prévisions, car sur ces ceps il découvrit la véritable cause du mal.

Toutefois, comme il le dit lui-même, ce n’est pas à cela qu’il s’attendait ; il croyait trouver un champignon il découvrit un insecte, non pas par hasard, comme il l’a écrit avec beaucoup trop de modestie, mais à la suite d’un raison¬ nement que ses hautes connaissances lui avaient seules suggéré.

Quoi qu’il en soit, il appela immédiatement ses collègues, leur montra le pu¬ ceron qu’il jugea de suite être la cause de la maladie, et dès ce moment le Phylloxéra était découvert. M. Planchon, en effet, en examinant la racine sur laquelle M. Sahut lui montrait des traînées de petits insectes jaunes, s’empressa de dire : « ce sont des Coccus (textuel) ». Mais M. Sahut qui avait bien vu tout de suite qu’il avait à faire à des pucerons, explora une seconde racine, et la passant à M. Planchon dit alors : Ce sont des Pucerons ». Tout le jour on arra¬ cha les souches, en se plaçant dans les conditions M. Sahut s’était placé, et partout on trouva les mêmes insectes ; on remplit la boîte des racines qui les portaient, et c’est cette boîte qui me fut remise dès le retour des délégués a Montpellier.

Revenant dans ses derniers écrits sur les faits qui ont amené la découverte, M. Planchon semblerait atténuer la part de M. Sahut. « L’assertion inexacte, dit- il, c’est que M. Sahut aurait eu seul la pensée de faire arracher des racines pour en étudier les altérations possibles... C’était (l’arrachage) l’opération obligée, élémentaire, d’une pareille recherche ; aucun de nous n’en a eu le mérite exclu- clusivement à d’autres ».

De pareilles phrases ne tendent à rien moins'qu’à déplacer la question. Or, ici, un déplacement quelconque ne saurait être accepté, la question ne doit pas être traitée à côté, elle doit être envisagée en face. Personne, en effet, n’a ja¬ mais attribué à M. Sahut seul la pensée de faire arracher les souches, mais tous ceux qui sont au courant des faits savent très bien que la pensée d’avoir fait

284

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arracher les souches, la ou il fallait les arracher el de les regarder à la loupe, a été, au début, la pensée de M. Sahut tout seul. Et ne sait-on pas que, même de nos jours, lorsqu’on veut voir le Phylloxéra dans son plein développement, il faut le chercher sur le bord des taches, et non pas sur les vignes épuisées du centre; sur ces vignes sur lesquelles on le cherchait, jusqu’à ce que M. Sahut ait eu Vidée de chercher il était. Se retrancher derrière des appréciations latérales d’un goût plus que douteux, ce n’est pas réfuter, c’est au contraire donner de la force à des arguments exposés au grand jour de la vérité.

Il faut toutefois reconnaître que M. Planchon avoue que c’est bien M. Sahut qui, le premier, lui a fait passer les racines phylloxérées, car il dit: « Il m’a fait passer une racine il avait remarqué des points j runes... j’ai dès le premier moment reconnu un insecte auquel j’ai attribué le mal ... je lui donne acte pour les points jauues ; je compte sur sa loyauté pour m’attribuer Vin secte ».

Ce raisonnement pourra peut-être paraître très spécieux, mais il est en réalité des mieux conduits pour déplacer, comme je le disais plus haut, totalement la question. Il rappelle l’anecdote suivante: « Un individu trouve un morceau. Ignorant si c’est du verre, ou du diamant, ou quelque autre chose, il le porte chez le joailler qui lui dit que c’est une perle et qui se hâte d’ajouter : Or, vous avez bien trouvé le morceau ; mais, j’ai bien trouvé que c’est une perle ; donc, la perle est à moi, le morceau m’appartient ! » En concédant les points jaunes, et en réclamant la découverte, parce qu’il a dit que c’étaient des insectes, le savant professeur de Montpellier paraîtrait à tout le monde détourner complètement la priorité sibien établie par les faits. Et les questions de priorité sont toujours im¬ portantes, car c’est par elles que, bien souvent, les renommées parviennent à se fonder.

111

Quoiqu'il en soit, on rédigea plusieurs narrations de la découverte; elles furent adressées à la Société d’agriculture de l'Hérault, à un journal de Montpellier, le Messager du Midi, et à l’Académie des sciences. Sur la demande même de M. Planchon qui se hâta de proposer de faire en commun toutes les recherches et toutes les communications, on décida qu’elles seraient signées par les trois délégués ; mais elles furent libellées de telle sorte qu’il était difficile de savoir quel était celui des trois qui, trouvant la cause tant cherchée, l’avait montrée aux deux autres et qui sait, comme j’ai déjà eu occasion de le dire, si, sans M. Sahut, les deux autres ne la chercheraient pas encore. La note qui peut être considérée comme le véritable procès-verbal ou, si l'on préfère, l’extrait de naissance offi¬ cielle de la question phylloxérique, fut communiquée à l’Académie des sciences, dans la séance du 3 août. lfC8, ce qui permit tout de suite aux savants de s’emparer de cette question.

Mais pour ces savants le nom seul de M. Planchon était connu : aussi, pensant n’avoir que faire des noms qui leur étaient inconnus, ils s’empressèrent d’attri¬ buer à M. Planchon tout seul le mérite de la découverte. Le premier qui entra dans cette voie fut M. Signoret avec qui M. Planchon avait échangé les premières idées sur la nature du Phylloxéra. Dans sa notice sur le Phylloxéra vastatrix , insérée dans le tome IX, quatrième série des Annales de la Société entomologique de France, M. Signoret écrivait en effet : « Mais nous pensons que la connaissance du Phylloxéra est due à M. Planchon ; c'est à lui que revient le mérite de l'avoir découvert, et c’est lui qui doit être considérée comme l’ayant décrit tout seul d’abord, puis, plus tard, en collaboration avec son beau-lrère M. Lichtenstein. »

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Dans cette phrase il n’y a d’inexact que ce que je souligne, mais il vrai d’ajou¬ ter que c’est justement le point sur lequel roule la discussion. Toutefois M. Plan- chon laissa faire à cette appréciation son chemin, et tous ceux qui ont écrit sur le Phylloxéra ont, pour la plupart, renchéri sur le fait lui-même par des phrases comme celles-ci :

« Ce ne lut que plus tard, dit M. Mouillefert au milieu d’autres inexactitudes graves {le Phylloxéra , 1876), en 1868, que M. Planchon, directeur de l’École de pharmacie de Montpellier, en étudiant à la loupe , à Saint-Remy, en compagnie de la Société d’agriculture de l’Héraut une racine malade, découvrit l’insecte destiné à faire tant de bruit... »

« On nomme scientifiquement Phylloxéra vastatrix , dit M. Maurice Girard {le Phylloxéra, 1883j, le Phylloxéra de la vigne découvert en France en 1868 sur les racines de vigne, par M. Planchon... » On comprendra très bien que je ne relève pas ici les citations de tous les nombreux auteurs qui se sont occupés du Phyl¬ loxéra et qui, tous, ont absolument répété les mêmes choses. Je me bornerai à signaler, comme M. Sahut l’a fait, avec beaucoup de modération et d’à-propos, dans son livre : les Vignes américaines (troisième édition), l’oubli involontaire sans doute, de quelques-uns de ces auteurs qui, notant la bibliographie du Phyllo¬ xéra, ont négligé les documents les plus indispensables, les nob's constituant l’extrait de naissance de la question. Je ne retiendrai plus maintenant que l’article publié par M. Planchon lui-même dans la Revue des Deux Mondes (1874), et dans lequel il lit : « Un coup de pioche heureux met à nu quelques racines, sur les¬ quelles je vois à l'œil nu des tâches et des traînées de points jaunâtres. »

Mais ce sont précisément ces taches et ces traînées de points jaunâtres que M. Planchon, forcé à l’évidence, veut bien aujourd’hui concéder à M. Sahut. Le faire tout de suite, ce n'était pas entrer « dans le style des mémoires scienti¬ fiques, » et ce n’était pas non plus s’exposer à voir supprimer « des détails minutieux. » Quels sont ceux que l’on suppose assez naïfs pour leur faire accroire que M. Buloz aurait supprimé ce que l’exposé de la vérité aurait at¬ tribuer à M. Sahut, alors qu’il n’a pas supprimé ce qu’on s’est attribué à soi- même. En disant en ce moment, comme on le dit aujourd’hui, que M. Sahut fait passer une racine sur laquelle il a vu des points jaunes qu’il a reconnus pour des insectes, on faisait de la rédaction l’expression de la vérité.

Tous les auteurs auraient appuyé leurs dires sur ce document, et l’histoire de la découverte n’aurait jamais été à refaire, Or, en la refaisant, au moment que j’ai jugé le plus favorable à la publication des matériaux que j’ai depuis longtemps amassés, j’applique le clique suuia dans sa rigueur la plus absolne et je restitue cette découverte à son véritable auteur, à M. Félix Sahut. Je reviens maintenant à mon point de départ, au moment j’attendais M. Planchon pour ouvrir la boîte qu’il venait de m’envoyer.

IV

La conversation s’engagea, dès l’arrivée de M. Planchon, à midi et demi (je précise l’heure pour démontrer que j’écris d’après des notes et des souvenirs exacts) de la manière suivante .

« Poujol vous a apporté une boîte; vous ne l’avez pas ouverte? Non, Monsieur, selon les recommations, je vous ai attendu. Fort bien, nous allons examiner ensemble, ce sont des racines de vigne, il y a un puceron, et je crois que nous tenons la cause de la maladie : c’est Sahut qui a mis la main dessus.

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C’est bien possible, d’ailleurs le lait ne serait pas extraordinaire, car il y a des pucerons sur les racines de différentes plantes ; je peux vous montrer des dessins que j’ai faits l’année dernière, ils se rapportent à des pucerons que j’ai trouvés sur les racines de chiendent. » (Avant le milieu du xvmc siècle, Réaumur, qui avait déjà décrit une espèce de Phylloxéra du chêne, avait observé divers puce¬ rons sur des racines de nombreuses plantes). Je montrai à M. Planchon les des¬ sins dont je parlais, et pendant qu'il les examinait, je disposais, pour l’examen par le microscope, les insectes qui couvraient les racines apportées de Saint- Rémv.

Nous pûmes alors nous convaincre que la première opinion de M. Planchon était vraie et que l’insecte en question pouvait, même à première vue, être rap¬ porté au groupe des Aphidiens. Mais une première étude ne pouvait se faire ainsi à main levée, aussi fut-il décidé que j’irais le lendemain, muni de tout mon atti¬ rail de micrographe, passer la journée chez M. Planchon, à la campagne il habitait en ce moment, et que nous procéderions à la première étude de l’in¬ secte.

A l’époque tout ceci se passait, la science micrographique était bien loin de la perfection qu’elle a atteint de nos jours, et les micrographes étaient peu nombreux en province. Mes voyages très fréquents à Paris et les relations que m’avait créées mon maître regretté, Paul Gervais, m’avaient mis en rapport avec des spécialistes auprès desquels j'avais acquis en technique micrographique des connaissances qui, pour l’époque, pouvaient passer pour suffisantes. Je les uti¬ lisai à la grande satisfaction de M. Planchon, mais l’honorable professeur très pressé, cela se comprend, de faire connaître la découverte qui venait d’être faite, ne voulut que des ébauches rapides, et le soir même, après une étude très superficielle qu’il avait rendue hâtive le plus possible, il annonçait le futur Phylloxéra sous le nom de Rhizaphis vastatrix.

Comme je lui faisais remarquer que c’était peut-être aller un peu vite, et qu’il conviendrait, sans doute, de faire des recherches pour savoir si l'insecte n’était pas déjà connu, il me répondit : « Prenons toujours date, c’est l’es¬ sentiel, et si c’est déjà décrit, noas serons toujours à temps à rectifier. En tous cas je vais écrire à M. Signoret et je prierai mon beau-frère Lichtenstein, qui possède un De Geer , de faire des recherches de son côté. »

Les choses se réalisèrent exactement sur ces données. M. Planchon échangea avec M. Signoret une correspondance qui eut bien son côté curieux. Dès la pre¬ mière lettre, en effet, M. Signoret écrivit que nous nous trompions et que nous avions pris un acarien pour un puceron, ce qui causa à M. Planchon une surprise de courte durée, car M. Signoret se rendit bien vite, et dès qu’il eût pu, comme M. Lichtenstein et M. Planchon le firent de leur côté, déterminer le véritable genre de l’Insecte, le Rhizaphis devint le Phylloxéra vastatrix, et ce fut le véritable point de départ des études dont la nouvelle maladie de la vigne allait être l’objet.

V

L’époque à laquelle je fais allusion était aussi celle M. Boisduval faisait, au Palais de l’industrie, une série de conférences publiques sur les insectes nuisibles à l'agriculture. Il se montra tout naturellement empressé de parler du Rhizaphis au sujet duquel M. Planchon venait de lui écrire. Je me trouvais à ce moment-là à Paris avec Paul Gervais. J'avais apporté à M. Boisduval des racines

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287

de vigne garnies de pucerons, et sur les instances de M. Boisduval, qui me céda un moment son fauteuil, je fis voir aux auditeurs ces insectes, les pre¬ miers montrés au public parisien, et j’expliquai les observations qui permettaient de les considérer comme les véritables causes de la maladie.

De retour à Montpellier je fis, avec mon excellent ami Eugène Guinard, une photographie de l’insecte aptère qui fut remise à M. Planchon. Cette épreuve a été la première qui fut montrée dans les conférences publiques l’on com¬ mençait à généraliser le système des projections à la lumière oxhydrique. Comme M. Guinard, j’ai toujours conservé l’original de notre épreuve photogra¬ phique dont j’ai vu figurer, en dernier lieu au Concours de Lyon, un agrandis¬ sement placé au milieu de l’exposition d’une Ecole d’agriculture. J’ai aussi gardé avec soin la première préparation pour collections qui fut faite avec l’aide de M. Charles Bourgogne, préparateur à Paris. Elle porte encore l'étiquette de Rhizaphis vastatrix, écrite de la main de mon ami M. Bourgogne, et je garde enfin, prêt à les montrer à qui voudra les voir, les originaux des dessins qui se rapportent aux études que je fis deux ans plus tard avec M. Lichtenstein. Quoi¬ qu’on ne puisse trouver dans ces dessins aucune différence avec les publications même les plus récentes, je ne les considère ainsi d’ailleurs que tout le reste, qu’à titre de simples documents historiques.

Je déclare en outre que si j’ai parlé, comme je l’ai lait, de la part que j’ai prise aux premiers travaux, ce n’est absolument que pour bien démontrer que je sais ce que je dis. Il me semble, encore aujourd’hui, entendre sortir de la bouche de M. Planchon cette phrase qui résume tout : C'est Sahut qui a mis La main dessus. Mais je certifie qu’il est bien loin de ma pensée de m’attribuer à moi-même un rôle quelconque, et je ne réserve absolument mon humble personnalité que pour les travaux dont je donnerai prochainement les résultats. Ceux-là seuls sont à moi, et en les publiant, comme j’ai commencé de le faire, je serai sur le véri¬ table terrain de mes propres observations.

Je crois en avoir dit assez maintenant pour avoir fixé, d’une manière positive et indiscutable, les véritables origines de la question phylloxérique, et dans les études qui vont suivre cette sorte d’entrée en matière, je ne m’occuperai plus que du Phylloxéra lui-même. Je l’étudierai dans sa biologie, dans ses origines supposées et dans ses elfets ou résultats.

A. L. Donnadieu.

Docteur Ès-Sciences.

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(1) S’adresser au bureau du Journal. Les articles portés au pré¬ sent Catalogue sont expédiés, contre mandat ou remboursement. La demande doit rappeler le numéro d'ordre de l’article au Catalogue. Le port et l’emballage sont à la charge de l’acquéreur.

288

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

37. Bile électrique de Ducbetet, 6 éléments montés à treuil .... 85 fr.

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lot . . . . . . . . 70 fr.

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VIENT DE PARAITRE

A la Librairie Médicale A. MALOINE, 91, Boulevard Saint-Germain, à Paris

BIBLIOGRAPHIE MÉTHODIQUE

Des Livres de Médecine, Chirurgie, Pharmacie, Art Vétérinaire

1860-1887

Suivie de la table générale des noms d’auteurs. Cette bibliographie sera envoyée gratuitement aux abonnés du « Journal de Micrographie » qui en feront la de¬ mande directement à la librairie Maloine.

AVIS

M. Ch. REICHERT a l’honneur de faire savoir au public que le nouveau catalogue, en français et en anglais, de ses Microscopes, Microtomes, Objectifs à immersion dans l’eau et dans l’huile, Hémomèlres, et autres instruments vient de paraître et qu’il sera adressée franco et gratuitement à toute per¬ sonne qui en fera la demande.

C il. REICHERT,

Opticien Constructeur de Microscope **, VIII, Bennogasse, 26,

Vienne [Autriche).

Le Gérant : Jules Pelletan, Fils.

Amiens Imprimerie Rousseau-Leroy,

Onzième année

10

10 Juillet 1887

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE :

Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites an Collège de France, par le prof. L. Ranvier. Idées nouvelles sur la fermentation (Fin). Conclusion, par M. E. Cocardas. Le Penicillum-Fcrmcnt, par M, E. Cocardas. Histoire na¬ turelle des Diatomées, (Suite) par le Dr J. Pelletaiv. Une nouvelle force? (Suite), par M. F. Thore. Offres et demandes. Avis divers.

TR A

VAUX ORIGINAUX

LE MECANISME DE LA SECRETION

Leçons faites au Collège de France en 1886-87 par le professeur L. Ranvier.

[Suite) (1)

Toutes les notions que nous avons acquises sur la structure des glandes séreuses ou granuleuses de la Grenouille vont nous servir pour l’explication des phénomènes physiologiques que nous allons observer dans ces glandes.

Vous savez que jusqu’à présent il y a deux théories proposées sur le mécanisme de la sécrétion des glandes, théorie d’Engelmann, théorie de Stricker et Spina.

Pour Engelmann, le retrait des glandes, c’est-à-dire la transfor¬ mation des glandes annulaires en glandes en bouchon plein, l’expul¬ sion des matières accumulées dans la cavité glandulaire, la sécrétion proprement dite, sont déterminés par la contraction des libres muscu-

(1) Voir Journal de Micrographie, t.X, 1886, t. XI, 1887, p. 7, 62, 142, 161, 205, 226, 261

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

laires de la paroi de l’utricule. Quant à la dilatation de la glande qui se produit à la suite de la contraction, ce serait un phénomène d’élasticité de la paroi ; c’est-à-dire que l’utricule glandulaire, après avoir été fermé par la contraction de ses fibres musculaires, revien¬ drait à ses dimensions comme une poire en caoutchouc qui aurait été comprimée entre les mains.

Pour Stricker et Spina, la contraction ne dépend pas d’une couche musculaire qui existerait dans la g lande séreuse ; tous les phénomènes proviendraient des cellules glandulaires elles-mêmes. Sous l’influence de l’excitation, les cellules augmenteraient beaucoup de volume ; elles s’étendraient ainsi jusqu’au centre de l’utricule, déterminant l’expulsion du matériel accumulé dans son intérieur. Quand la glande se dilate, cela tient tout simplement au retrait ou à la contraction des cellules épithéliales elles-mêmes.

Pour distinguer la vérité entre ces opinions, pour savoir si l’on doit les conserver en totalité ou en partie, ou les rejeter complètement, il est nécessaire d’en faire la critique expérimentale, c’est-à-dire d’ob¬ server nous-mêmes ce qui se passe dans les glandes, de voir quelle est la structure d’une glande séreuse à l’état de contraction et de résolution, de suivre ce qui se produit dans une glande quand on l’excite et qu’ayant été dilatée elle se contracte, ou que, cessant l’ex¬ citation, elle se dilate progressivement.

Je vais vous rendre compte d’une série d’expériences que nous avons faites dans ce but : la critique expérimentale de la physiologie des glandes séreuses de la Grenouille.

Il y a d’abord une expérience très simple : on enlève d’un coup de ciseaux courbes la membrane nyctitante à une grenouille rousse ou verte et on la place dans la chambre humide que vous connaissez. On la dispose dans une goutte d’humeur aqueuse juste suffisante pour imbiber la membrane, de sorte que l’air enfermé dans la préparation quand on l’a recouverte d’une lamelle, et qui remplit la rigole et l’es¬ pace libre de la chambre, arrive jusque sur les bords delà membrane nyctitante coupée. Si l’on examine la préparation immédiatement, on constate qu’il y a des glandes séreuses annulaires, c’est-à-dire dilatées et dont la lumière est occupée par du matériel sécrété, et des glandes en bouchon, c’est-à-dire dont la lumière est complètement effacée, les cellules glandulaires remplissant tout l’utricule de la glande.

Vous vous souvenez qu’Engelmann a dit qu’aussitot après qu’on a extrait la membrane nyctitante, toutes les glandes sont contractées. Il n’en est jamais ainsi. Evidemment, la plupart sont dans ces conditions, mais il y en a toujours quelques-unes qui paraissent avoir résisté à l’excitation résultant de l’extirpation de la membrane et restent annu-

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laires. Une minute après, toutes sont relâchées, à l’état annulaire, présentant une cavité centrale remplie du liquide de la sécrétion.

D’une à deux heures après que la préparation a été exécutée, il se produit des modifications très importantes. Les glandes qui se trouvent à la périphérie de la nyctitante, aussi bien sur son bord libre qu’au niveau de la section demi-lunaire qui a été pratiquée dans la mem¬ brane, sont à l’état de relâchement, tandis que celles qui sont placées dans la région centrale sont revenues sur elles-mêmes et leur lumière est entièrement remplie par les cellules glandulaires. C’est un fait extrêmement curieux. Quelle est la cause de ce singulier phénomène? Faut-il la chercher dans une différence d’organisation entre les glande, marginales et les glandes centrales? Non ! U faut à priori rejeter une pareille hypothèse. Du reste, j’ai fait beaucoup d’expériences sur la membrane nyctitante observée dans la chambre humide et quelques unes d’entr’elles la repoussent complètement.

J’ai disposé dans une cellule peu profonde une membrane nycti¬ tante avec une goutte d’humeur aqueuse ne remplissant pas com¬ plètement la cellule et, par conséquent, ne baignant la membrane que partiellement; le bord convexe était placé dans l’humeur aqueuse tan¬ dis que le bord libre était en rapport avec l’air contenu dans la cellule. Vingt-quatre heures après, les glandes qui étaient au voisinage du bord libre étaient dilatées ou annulaires tandis que celles qui étaient au niveau du bord convexe étaient revenues sur elles mêmes en bou¬ chon. Il est clair que cet effet dépend des conditions dans lesquelles se trouvent les glandes par rapport à l’atmosphère comprise dans la chambre humide, celles qui sont au voisinage de l’air sont à l’état de relâchement, tandis que celles qui se trouvent privées d’air sont en contraction. Gela nous explique parfaitement pourquoi la membrane nyctitante entourée d’air de tous côtés aura ses glandes marginales dilatées et ses glandes centrales contractées. Mais pour bien com¬ prendre ce phénomène, il faut nous rappeler une expérience d’Engel- mann que je vous ai citée.

Engehnann a remarqué que la membrane nyctitante conservée dans une atmosphère d’oxygène montre toutes ses glandes à l’état de dilatation, tandis que la même membrane placée dans une atmos¬ phère d’acide carbonique ou d’hydrogène montre toutes ses glande., contractées. Je crois qu’il ne faut pas, en partant de cette expérience, dire que l’acide carbonique et l’hydrogène sont des excitants des glandes séreuses de la Grenouille et déterminent leur contraction, i! faut dire tout simplement que l’acide carbonique et l’hydrogène pro¬ duisent le même effet que la privation d’oxygène.

Cette conception m’a conduit à une hypothèse, qui paraît assez

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

singulière si Ton part des opinions antérieures, c’est-à-dire de celles d’Engelmann ou de Stricker et Spina, mais après un moment de réflexion et après l’exposition que je vais faire, cette hypothèse est très naturelle.

L’oxygène est indispensable à l'activité vitale des tissus animaux. Si une glande conservée dans l’oxygène, c’est-à-dire dans un milieu favorable à son activité, se montre sous la forme annulaire ou forme dite de relâchement, c’est que ce u relâchement” est un état d’acti¬ vité, tandis qu’au contraire l’état de contraction de la glande, c’est-à- dire quand elle est bouchée, la lumière obstruée par les cellules glandulaires, pourrait être l’inverse. Il faut l’établir.

J’ai fait alors cette hypothèse que l’état de relâchement correspond à l’activité sécrétoire des cellules glandulaires. Sous l’influence d’un

milieu convenable et suffisamment oxygéné, ces cellules sécrètent un liquide qui s’accumule dans la lumière glandulaire et refoule les cellules à la périphérie, tendant à augmenter le calibre de la glande.

Quand le milieu n’est pas convenable à l’activité vitale des cellules, elles ne fonctionnent pas, 11e secrétent pas, et il n’y a pas de raison pour que les glandes qui étaient bouchées prennent la forme annu¬ laire. Pour l’établir, il fallait obtenir un commencement de preuve à notre hypothèse, il fallait savoir comment se comporte une glande séreuse de la Grenouille morte. C’est ce que n’ont pas fait les auteurs qui m’ont précédé. Et, à priori, avant que je vous aie exposé l’hy¬ pothèse que j’ai imaginée, il vous était impossible de dire comment devait se présenter une glande séreuse de la Grenouille morte.

J’ai fait les expériences suivantes : hier (1), on a détruit le cerveau et la moelle épinière chez une Grenouille ; on a enlevé une des mem¬ branes nyctitantes et 011 l’a placée dans une chambre humide afin de l’examiner et de la conserver. Vingt-quatre heures après, aujourd’hui, on a examiné de nouveau cette membrane et l’on a constaté que les glandes marginales, en rapport avec l’atmosphère, étaient dilatées, et les glandes centrales à l’état de contraction. La Grenouille avait été conservée dans un vase ; on a pris la membrane nyctitante de l’autre œil, 011 en a fait une préparation absolument semblable à la première, et l’on a constaté que toutes les glandes étaient à l’état de contrac¬ tion.

C’est un phénomène très curieux de voir que, sur le cadavre, les tissus meurent beaucoup plus vite que quand 011 les conserve dans des conditions expérimentales particulières. Ainsi, si l’on détruit complè¬ tement le cerveau et la moelle, dans cette saison, le cœur est complè-

(1) Il janvier 1887.

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tement arrêté, la Grenouille est tout-à-fait morte. Cependant, on observe encore des réactions motrices dans les muscles avec un courant interrompu. Or, si l’on a enlevé le cœur avec de grandes pré¬ cautions, si on le place dans une chambre humide comme je vous l’ai indiqué et comme cela a été fait par Recklinghausen, le cœur bat encore pendant très longtemps, et même jusqu’à 10 jours. Il en est de même pour la membrane nyctitante. Celle qui est restée en place est morte ; celle qui a été conservée dans la chambre humide est vivante. Il faut ajouter que pour conserver un tissu quelconque dans la chambre humide, il faut avoir soin de flamber la chambre humide et la lamelle. C’est un fait anciennement connu, je crois vous l’avoir déjà dit : on considère généralement cette opération du flambage comme une chose nouvelle, or elle est connue certainement depuis plus de 20 ans.

Voilà une expérience qui montre que, dans la membrane nyctitante morte, toutes les cellules glandulaires sont à l’état de contraction.

Aujourd’hui, 12 janvier, j’ai fait une seconde expérience. J’ai enle¬ à une Grenouille la membrane nyctitante, je l’ai placée dans une goutte d’humeur aqueuse et l’ai examinée au bout de quelques minutes: presque toutes les glandes sont à l’etat de dilatation ou de relâche¬ ment. Alors, j’ai appliqué à cette membrane les électrodes d’une petite machine d’induction qui donnait des étincelles de manière à tuer tous les éléments compris dans la membrane. J’ai fait cette expérience jadis sur la cornée de la Grenouille, je n’ai pas à y revenir aujourd’hui ; qu’il nous suffise de savoir qu’avec une petite bobine d’induction on peut tuer les éléments. Quand on examine alors la nyctitante, les glandes sont en contraction. On conserve la membrane dans la chambre humide, on l’examine au bout d’une heure, deux heures, trois heures : toutes les glandes restent contractées ; aucune ne revient à l’état de dilatation. Nous voyez donc que la dilatation des glandes n’est pas du tout déterminée par l’élasticité. Mais je reviendrai sur ce point.

Enfin, voici une troisième expérience : j’enlève une membrane nyctitante à une Grenouille qu’on vient de sacrifier ; je la place dans une cellule de verre contenant de l’eau distillée. Mais pour donner à cette expérience toute sa valeur, il convient de rappeler ce qu’on observe sur la cornée dans les mêmes conditions. Sur la cornée, on voit, quand l’imbibition se produit, les cellules connectives qui ne se montraient pas, apparaître d’une manière très nette. Mais l’image ne dure pas longtemps, bientôt l’imbibition atteint les cellules connec¬ tives elles-mêmes ; elles se gonflent, se déforment, et l’on n’a plus du tout la belle image de ce réseau des cellules connectives de la cornée.

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Mais il y a un moment Ton a une image aussi nette que celle qu’on obtient dans la chambre humide, avec une gouttelette d’eau distillée occupant le fond de la cellule. La nyctitante devient très nette dans l’eau distillée, parce que les cellules épithéliales se gonflent, deviennent plus transparentes ; les fibres perforantes apparaissent avec une netteté admirable. Mais l’état fibrillaire de la membrane n’est pas changé, les fibrilles ne se gonflent pas conservent leur indice de réfraction et 11e laissent pas voir les cellules connectives placées entr’elles.

Quant aux glandes, nous avons vu que dans une nyctitante examinée dans une atmosphère d’air, au bout de quelques heures, les glandes marginales se présentent avec la forme dite dilatée, tandis que les glandes du centre apparaissent contractées. Dans une membrane nyctitante examinée dans l’eau, au fur et à mesure que l’action se produit, c’est juste l’inverse. L’eau pénètre d’abord difficilement à travers la surface épithéliale, qui se modifie, mais offre une certaine résistance. L’eau agit surtout par les bords et principalement par la section. A mesure qu’elle imbibe les glandes, elle tue les cellules glandulaires, et à mesure que les cellules sont tuées, la lumière dilatée de la glande disparaît ; de sorte que toutes les glandes mar¬ ginales sont à l’état de bouchon plein, ou contractées, tandis que les cellules centrales, qui n’ont pas été atteintes par l’eau distillée, restent annulaires ou relâchées. Vous reconnaîtrez tout de suite, l’action de l’eau sur les cellules glandulaires, leur protoplasma, imbibé, se gonfle, perd de sa transparence et le noyau apparaît quand on examine la préparation avec un objectif ordinaire d’un grossisse¬ ment de 250 à 500 de diamètre, à sec, tandis que dans les cellules glandulaires vivantes, il faut un excellent objectif à immersion pour reconnaître le noyau.

De ces expériences sur la mort des éléments glandulaires il semble que l’état de contraction peut être produit par la mort des cellules épithéliales des utricules glandulaires. Je ne veux pas dire qu'une glande contractée a nécessairement ses cellules glandulaires mortes,

au contraire, mais il faut distinguer entre les glandes revenues sur elles-mêmes avec mort des éléments glandulaires et les glandes simplement contractées.

Voyons maintenant ce qui se passe lorsqu’on excite une glande dite à l’état de dilatation, c’est-à-dire à forme annulaire. Pour étudier ces phénomènes, on peut prendre la membrane interdigitale de la Grenouille et exciter le nerf sciatique ou, directement, la membrane elle-même. Il est préférable d’exciter le nerf sciatique. On met la Grenouille dans un petit sac en toile auquel on a fait un trou pour

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laisser passer une patte que Ton dispose sur un porte-objet conve¬ nable, de manière à ce que la lumière puisse arriver sur la membrane et l'éclairer suffisamment. On peut aussi curariser la Grenouille,- et alors la circulation suit son cours. La Grenouille étant immobilisée, l’examen est facile ; seulement, si la curarisation n’est pas complète, la circulation se fait d’une manière irrégulière, et est quelquefois in¬ terrompue. Les glandes sont généralement contractées. Il en est à peu près de même quand on enferme la Grenouille dans un sac, sur¬ tout si l’on a fixé la patte avec des épingles sur la lame de liège porte- objet : la circulation est arrêtée ; c’est un phénomène réflexe bien connu, sur lequel je n’ai pas à revenir. Quand la circulation est arrêtée, généralement les glandes sont contractées, mais quand la circulation reprend, les glandes se dilatent.

Il y a dans l’expérimentation sur la membrane interdigitale des difficultés particulières, aussi je vous engage, pour avoir des expériences plus simples, à prendre la membrane nyctitante et à vous servir du porte-objet électrique, comme Engelmann l’a fait le premier. J’ai construit un porte-objet électrique avec une lame de verre par chacune des extrémités de laquelle on fait arriver un fil de platine aplati au marteau. Les bouts des deux fils s’arrêtent vers le milieu de la lame de verre, laissant entr’eux une distance qui correspond à peu près au grand diamètre d’une membrane nyctitante. Ils sont noyés, dans tout le reste de leur parcours, dans une couche de résine Dammar ou de baume du Canada, recouverte d’une lamelle de verre pour avoir une isolation plus complète. Les choses ainsi préparées, en enlève la mem¬ brane nyctitante à une Grenouille et on la place sur le porte-objet, entre les deux extrémités des fils de platine qui doivent servir d’élec¬ trodes, de manière qu’elle les touche ; on recouvre d’une lamelle et l’on borde à la paraffine. On place le porte-objet ainsi disposé sur la platine du microscope et l’on met les deux bouts extérieurs des fils de platine en rapport avec un appareil d’induction à courant inter¬ rompu et à chariot. On choisit alors sur le trajet des électrodes une glande séreuse très nettement annulaire et l’on rapproche progres¬ sivement la bobine du chariot pour chercher un courant inter¬ rompu suffisant à faire contracter la glande, par conséquent pas trop fort : cette glande passe à l’état de glande fermée ou en bouchon. On arrête le courant et l’on voit la glande revenir peu à peu à la forme annulaire. Si l’on n’emploie pas un courant trop énergique, on peut répéter l’expérience un très grand nombre de fois et faire successive¬ ment contracter et dilater une glande séreuse.

Vous constaterez ainsi que le temps perdu, c’est-à-dire le temps qui s’écoule entre le moment on lance le courant et le commen-

20(3

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cernent de la contraction dépasse une seconde, temps relativement considérable et qui correspond à la réaction des muscles lisses. Vous reconnaîtrez encore que la contraction ne se fait pas brusquement, mais très lentement, comme elle se produit dans les muscles lisses. De plus, cette contraction déforme ordinairement la glande; celle-ci, à l’état annulaire, est, en général, bien circulaire sur la coupe optique, mais quand elle est contractée, elle prendun contour sinueux avec des parties convexes et des parties rentrantes. Au niveau des parties ren¬ trantes, vous verrez toujours la coupe d’une cellule musculaire, plus épaisse que dans les autres régions. Chaque partie rentrante corres¬ pond ainsi à une cellule musculaire fortement contractée qui fait bride. Cette déformation correspond ainsi à une diminution de diamètre de la glande. Ainsi, la contraction est donc évidemment l’effet de l’acti¬ vité des fibres musculaires lisses, et je ne comprends pas comment on peut nier l’existence de ces muscles et leur action.

Seulement, il est clair que quand on regarde la membrane nycti tante de face, la diminution de diamètre de la glande ne paraît pas en rap¬ port avec le changement de diamètre des cellules glandulaires ; c'est- à-dire que ces cellules paraissent s’allonger d’une manière considé¬ rable. A quoi peut tenir cet allongement ? A l’état de relâchement, nous trouvons des cellules basses, plus larges que hautes ; dans les glandes revenues sur elles-mêmes, les cellules prennent la forme de pyramides et présentent une plus grande hauteur avec une moindre largeur. Voilà de grands changements, et ces changements sont plus considérables que la diminution du diamètre de la glande, quand on observe la membrane nyctitante de face. C’est probablement cela qui à porté Stricker, Spina et leurs élèves à émettre leur singulière théorie. Ils ont méconnu un fait important que l’on peut reconnaître sur les coupes de la membrane nyctitante faites perpendiculairement à sa surface.

Sur ces coupes, les glandes ont la forme d’une petite bouteille ronde, mais l’épithélium qui tapisse l’intérieur de l’utricule n’a pas la même hauteur dans le fond et sur les parois latérales. Au fond, les cellules sont plus élevées et forment comme un monticule qui s’élève dans la lumière de la glande comme le fond proéminent d’une bou¬ teille à vin. Quand la glande, se contracte, ce sont les cellules du fond qui sont le plus refoulées vers le centre, puis les cellules parié¬ tales, de telle sorte que quand on voit les glandes de face et par leur coupe optique, on ne peut se rendre compte de ce mécanisme ni du retrait produit par les cellules du fond, retrait qui est, je le répète, plus considérable qu’on le croirait quand on n’a pas observé des cou- l'es de la membrane perpendiculairement à sa surface.

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Quand on a excité la glande et qu’elle est revenue sur elle-même de manière à obturer complètement la lumière, elle retourne lente¬ ment à la forme annulaire, beaucoup plus lentement qu’elle se con¬ tracte, et l’on constate que certaines des cellules résistent et proémi¬ nent encore à côté de leurs voisines. En général, les parties proémi- nantes paraissent plus réfringentes et plus granuleuses. 11 est clair qu’il s’agit là, non pas d’un phénomène d’élasticité, mais du refoule¬ ment par le matériel sécrété dans l’intérieur de la glande, et que si toutes les cellules ne sont pas également refoulées c’est qu’elles pré¬ sentent à ce refoulement une résistance inégale. Celles qui résistent le plus paraissent plus denses, et c’est par cela même qu’elles résis¬ tent davantage.

Je 11e crois pas qu’on puisse considérer ce retrait comme étant le produit de la contraction des cellules, pas plus que de l’élasticité de la paroi ; je vous ai rendu compte d’expériences qui promeut le contraire. Il est certain que l’élasticité est une propriété des tissus qui persiste après la mort : par conséquent, si les glandes mortes ne se dilatent pas, c’est que leur dilatation n’est pas le résultat de la simple élasticité, mais d’une activité vitale que nous devons analyser.

Dans mon hypothèse, quand la contraction deJaglandeest produite et que la cause qui détermine cette contraction 11’existe plus, les cellules glandulaires sécrètent, et le mouvement de la sécrétion se fait dans l’intérieur de ces cellules en allant de la base vers l’extrémité libre : à priori , c’est évident, mais l’évidenee 11e suffit pas, il faut observer les phénomènes eux-mèmes. C’est ce que nous allons essayer de faire.

Admettons que les cellules glandulaires élaborent d’abord le ma¬ tériel de la sécrétion de sorte que, dans ces cellules, il s’établit un courant au moment de la sécrétion, courant qui porte les parties sé¬ crétées vers le centre, la lumière de la glande, en dehors de l’extré¬ mité fibre des cellules. Par conséquent la force qui détermine le refoulement des cellules et la dilatation de la glande paraît agir en sens inverse du courant de la sécrétion. 11 y a un paradoxe apparent que nous aurons à examiner.

Mais admettons pour un instant que les cellules sont à l’état actif pour déterminer le mouvement du liquide de la périphérie au centre, il reste à établir que le phénomène en sens inverse, le refoulement des cellules par le liquide sécrété est un phénomène passif, c’est-à- dire que les cellules sont en même temps à l’état actif et à l’état passif dans l’acte de la dilatation des glandes séreuses.

Je dis d’abord que la cellule est passive. Si nous examinons la nyctitante, placée sur le porte-objet électrique, avec un excellent ob-

298

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jectif à immersion (l’eau, nous pouvons reconnaître des noyaux dans l’intérieur des cellules vivantes. Je ne dirai pas dans toutes les cel¬ lules, mais dans certaines. Pourquoi ? Je n’en sais rien ; mais il y a des différences individuelles quant à l’indice de réfraction du proto- plasma des cellules. Or, fixons notre attention sur ces noyaux. Prenons dans une glande annulaire une cellule refoulée, aplatie pour ainsi dire contre la membrane propre de la glande ; nous voyons qu’elle a un noyau ovalaire, aplati aussi, pour ainsi dire, dans le même sens et dont le grand axe est perpendiculaire à l’axe de la cellule. Faisons contracter lentement la glande sans perdre le noyau de vue : en même temps que la cellule qui était aplatie, devient plus épaisse, nous verrons le noyau s’arrondir ; d’ovalaire qu’il était dans le sens de la largeur de la cellule, il devient ovalaire, mais dans Je sens de sa hauteur, à mesure que cette hauteur augmente et que la contraction est complète, c’est-dire quand la lumière de l’utricule est entière¬ ment effacée.

O11 pourrait dire que c’est un phénomène actif et que ces chan¬ gements de forme du noyau montrent tout simplement qu’il joue un rôle actif dans les changements de forme de la cellule. C’est évidem¬ ment une hypothèse qui se présente tout de suite à l’esprit. Pour savoir quelle est sa valeur, j’ai cherché dans les cellules quelques détails de structure étranger au noyau. J’ai trouvé qu’il y a très sou¬ vent, dans les cellules épithéliales des glandes séreuses, des vacuoles, qui diffèrent absolument du noyau par leur réfringence et par les caractères optiques que vous connaissez, quand on rapproche ou qu’on éloigne l’objectif.

Si, après avoir observé une vacuole un peu grosse, on fait con¬ tracter la glande, on remarque les mômes modifications de forme dans la vacuole que dans le noyau. C’est une expérience que j’ai faite récemment, et j’en ai montré tous les détails à M. Malassez. Ainsi, un corps absolument inerte subit des modifications de forme en rapport avec celles des cellules elles-mêmes : les modifications sont donc bien de nature passive.

Du reste, je vous dirai qu’en général, quand on observe des mo¬ difications de forme dans les cellules vivantes, ces modifications sont passives. D’aiileurs, j’ai été l’un des premiers, sinon le premier, à observer des modifications dans la forme du noyau des cellules vivantes. Dans ces cellules, très actives, avec de bons objectifs ordi¬ naires, on ne distingue généralement pas de noyau : par exemple, dans les globules blancs du sang, parce que le noyau et le protoplasma ont à peu près le même indice de réfraction. J’ai trouvé des exceptions chez les Urodèles, chez l’Axolotl dont les globules blancs laissent

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

299

voir leur noyau ; on constate ainsi que le noyau subit des modifica¬ tions de forme en rapport avec les mouvements du protoplasma. Constamment, le noyau est comme pétri par le protoplasma qui Pen- t-o ure, et ces modifications sont bien passives. Je suis donc fondé à penser qu’il doit en être de même pour les noyaux et les vacuoles dans les cellules épithéliales de glandes séreuses.

(. A suivre).

IDÉES NOUVELLES SUR LA FERMENTATION ET LES MICROBES

[Suite et fin1).

Conclusion

Maintenant que je crois avoir suffisamment démontré

qu’il n’y a qu’un seul et même ferment de décomposition,

qu’il y a autant de fermentations que de protoplasmas,

que tous les ferments, décrits comme microbes spécifiques, se rapportent à un seul et même type,

que les ferments, décrits comme microbes, sont aussi incapables de pro¬ duire la maladie que de la modifier,

Je puis présenter au lecteur le tableau récapitulatif ci- joint en lui donnant quelques explications complémentaires et si j’ai pu contribuer à éclaircir la question qui n’a pas été la moins embrouillée du siècle, je m’estimerai très- heureux. (Voir les Tableaux du Pénicillium- Fer ment à la suite de cet article).

Je ne m’arrêterai pas ici à converser longuement avec ceux qui, tout en me mettant dans l'impossibilité de leur répondre même ils contestaient l’exactitude des faits que j’avançais ont espéré, en fouillant dans les biblio¬ thèques étrangères, me prouver que je n’avais rien dit de neuf, et ont exhibé pour me confondre ou plutôt pour appuyer leur dire.... des travaux qui n’avaient aucun rapport avec les miens.

En pouvait-il être autrement? Ces excellents critiques n’avaient vu ni mes recherches, ni les figures que j’avais représentées patiemment et avec la plus rigoureuse exactitude, une à une, au fur et à mesure de mes observations!

Qu’importe ! Il fallait juger comme il le méritait ce simplificateur à outrance

qui venait inopinément bouleverser une classification jeune et encore toute

neuve, qui voulait rayer d’un trait de plume, les micro .., les meso..., les

mega..., les mono..., les diplo..., les asco..., les crypto ..., les spectro...,

les petalo..., les glia... coccus (pour les uns); coccos (pour les autres).

%

(I) Voir Journal de Micrographie les trois derniers volumes et les n0ï piécé- dents de 1887.

300

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

On le lui fit bien voir ! . et l’appréciation suit son chemin !!

Ce sont les critiques habituelles de ceux qui, après s’ètre fait traducteurs, n’ont aucun scrupule, d’abord de modifier leur traduction, ensuite de passer un coup de pinceau sur le nom de l’auteur pour mettre le leur à sa place.

Chacun ne sait-il pas et cela n’a rien d’étonnant, que quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, lorsque vous présentez un travail, on vous répond invaria¬ blement :

« Vos conclusions sont fausses , il ri y a donc pas lieu rien tenir compte. »

Pour augmenter votre embarras, on a soin d’ajouter :

« En supposant qiC elles soient vraies, ce que vous avancez est vieux comme le monde ! vous ri avez rien inventé du tout. Il doit y avoir quelqu'un qui a déjà dit cela. »

4

Alors, pour bien vous le prouver, on bouquine, on bouquine encore et on vous cite enfin un travail qui la plupart du temps n’a aucun rapport avec vos recherches personnelles.... cela ne fait rien.... le tour est joué et si, dans cette alternative vous êtes placé, vous n’avez pas conscience d’avoir passé votre temps pour rien, si vous n’èles pas découragé enfin, ou bien il faut que vous soyiez vraiment fort de vous-même, ou bien que vous aimiez joli¬ ment la nature!!!

Sans donc m’arrêter à discuLer avec ces heureux mortels qui croient pos¬ séder l’omniscience parce qu’ils sont assis sur le dernier barreau de l’échelle... humaine, en me plaçant au point de vue de tout le monde, je suis obligé de reconnailre qu’il y a, dans cette nomenclature à perte de vue, deux catégories bien distinctes : l’une qui représente vraiment un organisme végétal et qui est bien à sa place', l’autre composée d’organismes que j’ai classés, par acquit de conscience, que leurs parrains regardent comme des organismes végétaux, mais qui, en réalité, ne correspondent à rien du tout, ou plutôt correspondent à tout ce qu’on veut.... car il est de toute évidence qu’il est impossible de classer des choses inclassables....

.... Si vous examinez les humeurs de l’œil, vous y trouverez des granula¬ tions... Eh bien! il y a des observateurs assez forts pour nommer ces granu¬ lations des micrococcus. Eh bien ! je vous le demande en toute sincérité, placerez-vous ces micrococcus.

C’est de la dernière absurdité de prendre pour des espèces cryptogamiques des éléments constitutifs des liquides et des tissus animaux.... C’est cependant ce qui se fait depuis déjà bien long emps !

Le microscope fait voir tant de choses ! Il montre ce qu’il y a et même ce qu’il n’y a pas !

Il a déjà fait prendre à un grand nombre de pauvres déséquilibrés pas mal de vessies pour des lanternes....

.... Toutes les petites granulations qu’on rencontre dans le corps humain ont déjà en partie un nom botanique. 11 ne manque plus que de trouver un spécifique pour chacun d’eux.... celte lacune sera bientôt comblée j’espère.... Un docteur de Lyon vient bien de trouver dans l’Aunée, un principe actif qui

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PENICILLIUM-FERMENT , nom milyaire LE MOISI

Ferment unique de décomposition.

Ne produit ni ne modifie en aucun cas les maladies des êtres organisés. Préside à toutes les fermentations.

Se présente : A, en formation ; B, à l’état développé.

(A). PENICILLIUM-FERMENT EN FORMATION

I ÉTAT CORPUSCULAIRE . * CORPUSCULES FORMATEURS Globulins (Turpin —llyaloplaima jTaxis .— \hcrozyma Béchamp).

Organisation de la matière de vie. I MICROCOCCUS de lormaiion directe.

i" ÉTAT BACTÉRID1EN.

IB. cyanogenum , (Cienkowsky el Neeisen), dans le lait bleu aceti.

paslorianum.

rubescens (Cohn).

ferment lactique (Schutzemberger).

BACTERIUM . J hnolea (Warœing).

synxanlhum, dans le lait.

I œruginosum. dans le pus.

I bruneus.

I septicémie des lapins (Koc.li).

I microbe du choléra des poules (Pasteur).

\ putredinis (Davaine).

BACILLUS.

I

SP1R1LLUM

B. amylobaclcr A an Tieghem). butyricus.

mcgalerium (De Bary) liquides sucrés, gélatine, etc.

sublilis, bactérie du loin.

ulna, dans l'albumine des œufs.

polymixa, bacille des betteraves.

tremulus, infusion des plantes.

des selles (Bienstock).

Bips or a caucaska. ruber , riz cuit.

Bacilles saprogènes (Rosenbach).

Bacille de la bière tournée (Pasteur .

urne (Miquel).

anlhracis (Davaine).

du Jequirity (Salller).

vibrion septique (Pasteur).

bacille de l’oedème malin (Gaffky el Koch).

bacille de l’érysipèle du lapin (Kocln.

bacille de la septicémie de la souris (Koch).

bacille du rouget du porc (Klein).

bacille de la morve (Schutz, Bouchard. Charrin .

bacille de la fièvre lyphoide (Eberlh, Klebs. tialTly).

bacille de la malaria (Klebs, Tomasi-Crudeli, etc.)

bacille de la lèpre (Hansen).

bacille de la tuberculose (Koch).

bacille de la syphilis (Lustgarten).

bacille de la diphtérie (Klebs).

bacille de la rhinosclérose (Erisch).

bacille de la gangrène emphysémateuse (Rosenbach).

bacille du Xerosis conjonctivx (Neissen).

X. Kommabarillus (Koch).

Vibrio rugula (Zopf).

(B) PENICILLIUM-FERMENT A L’ETAT DÉVELOPPÉ

•T" ÉTAT ZOOGLAIRIEN

a) Zoogloea primordial (ou granuleux).

ZOOGLOEA

I I

) ZOOGLOEA VÉGÉTATIF

(ou pelliculaire).

/ Leuconostoc mes en 1er oui es. Ascococcus Bdlrolhii.

SMyconostoc.

Cryplococcus valerianæ (Kutzing). rhei

fer menl\ un

inœqualis

I roseus

! l Ivina myxophila (Kutzing).

rubi idœi

' aceti

sambuci

| HYGROCROCIS

!

i

i ÉTAT FILAMENTEUX (simple).

\

I

LEPTOMITIS

S1RÛCROCIS

i

TORULA .

H. reliculata (Binsolelto).

g os s ip ma

abrotamni

chamomillæ

H. hyperlrocenlrica rosœ [ Agard .

naphæ

crislallina

furcellala

dendriformis

ramulosa

phyllireæ

juniperi

arachnoidea

pycnocoma

arsenicus (Marchand .

de la graisse des vins. melissæ (Kulzing).

menthæ crispæ

perplexa

eu prie a

calenala

lauri cerasi

acida

disciformis

stibiaca

! L. idiœ pulegii planlaginis salviæ

1 lavandulæ

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spmosus

saceharieola

aureo-stannicus

violacé us

phosphoratus

naphæ

valerianæ

æleophilus

Biasoleito

Kulzii-tr .

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stibiata

ammoniala

anlennala

herbarum

arundinacea

Kutzing .

Person . Corda) (West .

BYSSl’S

I B. floeeosa i argent ea

B) PENICILLIUM- FERMENT A L’ETAT DEVELOPPE

ÉTAT SPORANGIAL sphérique ou piriforme. \

solilaire ou agrégé, j OiL CIIHCAIION A(JUA1I(JUE

OU SPORiFÈRE INCOMPLET.

ou Polymorphe

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T-y-T- »-.l- i

a) SPORES ADHÉRENT" i aux filaments ou ren- '

fermées dans les spo- ^ l

rangeS' j ÉTAT CAPSULIEÈRE '

OU SPORIFÈRE COMPLET...

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FRUCTIFICATION

AÉRIENNE.

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MICROCOCCUS

i

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b) SPORES LIBRES déta¬ chées des lilamenls ou l déversées à la surface ' des liquides et des subs- < lances humides avec les- j quellesceslilamentssonl I en contact :

M . ureœ (Pasteur).

Indiens.

uitr'ftcnns.

vint (Pa-deur).

prndigiosus (Colin).

de la sueur rouge (Babès).

lulrns (Cohn).

auront iacus.

chlormus.

cyaneus.

violnccns (Cohn).

fut vus (Kirchner).

ovatns (Guérin Malleville, Nœgeli, Pasteur).

bombyeis (Cohn).

de la pyémie du lapin (Koch).

de la septicémie du lapin (Koch).

de la septicémie consécutive du chai bon (Chair in).

Microbe de la salive i Pasteur).

du rouget du porc (Pasteur et Thuillier).

du pus.

Sla/thylococcus pyogenes aur eus i

n/bus (Rosenbach).

tenus I

Slreptococcus pyogenus (Rosenbach). Sfreptococcus crysope/ntus (Nepveu, OErlel, Felilei - Microsnoron se.ptiewn (KlebsL [seu .

de la fièvre puerpérale (.Pasteur, Doleris). de l’endocardite (Klebs).

de la diphtérie OErtel, Lel/.ericl), Klebs, Coruil).

de la scarlatine (Coze et Fellz).

de la rougeole (Hallier, Babès).

de la variole (Chauveau, Kohn, etc.)

de la pneumonie (Koch).

de la pneumonie bovine (Paris et Neelsen).

de la méningite Leyden).

de la gonorrhée 'Neisser .

de la fièvre jaune (Babès).

de la carie des dents (Muller).

ohlongns (Boulroux).

de la tuberculose (Salisbury).

, M. A ceti (Pasteur).

MYCUÜER.MA . vint (Desmazières).

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SACCHAROMYCES

el/ipsoideus (Rees). pastorianus exiguns conglomeratus

Carporyma apiculatum (Engel).

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de la levure haute.

de la levure basse.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

309

en injection sous-cutanée ou vaccination, tue séance tenante le bacille de Koch ! Heureux Koch ! ce qu’il doit rire en lui-même !!

On ne manquera pas de trouver de ces microbicides autant qu’il en faudra.

11 sera peut-être bon de se demander à ce moment, après avoir empois¬ sonné chaque partie du corps une à une ce que deviendra le corps lui-même !•

Et puisque nous parlons d’injections sous-cutanées et vaccinations, nous ne quitterons pas cette question de la fermentation sans dire un mot de la vacci¬ nation en général.

Quel est le but de la vaccination? Guérir une maladie en provoquant à l’avance une maladie atténuée; ou, si vous aimez mieux, d’après l’expression même des microbiens, introduire d’avance dans l’économie un microbe pour être sûr qu’il n’y entre pas de lui-même.

Si l’on cherchait la vraie raison de cette pratique absurde, on la trouverait certainement dans les deux petites brochures publiées chez M. Paul Combes, 41 , rue de Seine, Paris.

« La microbiculture ou l'art de devenir millionnaire en élevant des canards scientifiques » et « les douze travaux de M. Pasteur. »

Tant qu’une question grave au plus haut point reste dans le laboratoire de celui qui l’étudie vous ne devez sous aucun prétexte troubler le silence de recherches qui, quelquefois, peuvent être de bonne foi, et avoir un but noble et élevé ; mais quand cette question devient un système avec ses annonces et ses réclames forcées, lorsque l’intérêt de la société est en jeu, s’il y a un péril vous seriez coupable de ne pas le signaler.

Comment la vaccine Jennérienne a-t-elle pris? Est-ce par ses résultats? Nullement. On l’a fait prendre d’abord en publiant des statistiques plus ou moins fantaisistes, ensuite en rendant la vaccine obligatoire. « Mais, direz- vous, pourquoi si vous ne croyez pas à la vaccine faites-vous vacciner vos enfants? » Parce que l’État m’v force.... parce que l’État me dit : « Si tu ne vaccines pas ton enfant, on ne le recevra dans aucune école; il ne pourra se présenter dans aucune administration, et lorsqu’il entrera au service militaire, on le vaccinera de force, bon gré, mal gré. »

Lorsque vous mélangez de l’eau et du vin, vous n’avez plus de vin, vous n’avez plus d’eau; vous avez un liquide qui est l’un et l’autre ou qui n’est ni l’un ni 1 autre, comme vous voudrez... La même chose se passe pour un échange de sang direct.

Des maitres autorisés ont toujours cru à l’hérédité des maladies, parcequ’ils savaient que le siège des maladies, leur point de départ était non au dehors de l’organisme, mais dans l’organisme lui-même.

Qui pourrait dire combien de maladies ont pu être transmises par la vac¬ cine sans que jamais personne ait osé les signaler. De curieux exemples en ont été cependant déjà cités dans le Journal de Micrographie.

Point n’est besoin d’aller chercher de l’humeur sur le pis d’une vache, de l’inoculer à un enfant et d’inoculer le nouveau pus à d’autres enfants.

Il serait plus simple assurément de prendre de l’humeurdans n’importe quel furoncle. En en prenant la même quantité et en opérant delà même façon vous

310

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

obtiendriez exactement les mêmes résultats en restant exposés aux mêmes inconvénients.

Supposez, pour un instant que vous lassiez, par une transfusion coeur à cœur directe, avec retour du sang de l’un dans l’autre, communiquer deux êtres de constitution complètement différente, un homme fort, robuste, et un homme phthisique.

Que se passera-t-il au bout d’un certain temps? Vous verrez l’homme phthisique reprendre ses forces; l’homme vigoureux s’affaiblir et ce travail se fera jusqu’à ce qu’il s’établisse un équilibre entre ces deux tempéraments.

L’homme phthisique sera devenu moins malade ; l’homme robuste, de bien portant qu’il était sera devenu malade aux dépens du premier.

En résumé, vous aurez deux malades au lieu d’un.

Ces deux malades dépériront ensemble et mourront en même temps. Vous aurez prolongé les jours de l’un et abrégé ceux de l’autre.

Appellerez- vous ce résultat un succès ?

Combien les lancettes vaccinales ont-elles produit de ces équilibres? On ne le saura jamais de ceux qui s’en servent. C’est au contraire à qui fera le plus de zèle !

Et on cherche à faire pour la rage ce qui a été fait pour la vaccine jenné¬ rienne. On fait des cultures plus que problématiques d’un microbe de la rage. On le met dans toutes sortes de bouillons ; on l’accommode à toutes les sauces et on en couronne le nombril de personnes enchantées de se faire piquer.

On a établi des statistiques plus que douteuses puisqu’elles sont contestées de la façon la plus formelle, par des gens autorisés, désintéressés et entière¬ ment de bonne foi. Comme si les statistiques pouvaient prouver quelque chose et comme si on ne faisait pas toujours dire au papier ce qu’on veut qu’il dise !

On a installé un institut anti-rabique qu’on faisait reconnaître d’utilité pu¬ blique, pendant qu’on lançait par toute la France, dans chaque département, dans chaque commune même une lettre extatique toute imprimée l’on devait protester de son humilité, de son admiration, de son entier dévouement, etc. pour M. Pasteur et qu’on devait retourner signée.

On propose déjà d'inoculer et de faire par ler des condamnés à mort en leur promettant de commuer leur peine s’ils résistent au vaccin. Xe résisteront-ils pas toujours ?

C’est un moyen d’arriver tout doucement à tâcher de rendre obligatoire la vaccination anti-rabique.

Que diriez-vous, si demain vous étiez obligés d’introduire, de par la loi, dans le corps de vos enfants, le liquide Pasteur comme vous êtes obligés d’y introduire déjà, de par la loi, contre votre volonté souvent, le liquide Jenné¬ rien.

Ce liquide qui. au dire des spécialistes, ne peut en aucune façon ni prévenir ni guérir la rage, ne servirait qu’à enrichir davantage son préparateur qu’il n’y aurait pas grand mal, ce serait tant mieux pour lui.

Mais si la loi forçait chaque père de famille à saturer ses enfants de ce liquide ce serait grave!

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

311

En attendant que nous en soyions arrivés là, ce qui ne sera jamais heureuse¬ ment, n’essayera-t-on pas de substituer le vaccin rabique au vaccin Jennérien?

Cette substitution ne serait peut être pas aussi inoffensive que la plaisanterie faite aux marchands de vins de Bercy et rappelée dans une conférence faite à la salle des Capucines par M. Paul Combes.

On se plaint déjà pas mal de la fréquence des paralysies infantiles attribuées au vaccin.

Comment expliquer ces paralysies? Que serait-ce le jour la vaccination anti-rabique serait imposée!!

Un gouvernement qui favoriserait sciemment de semblables entreprises, en¬ dosserait, à mon avis, une bien grosse responsabilité.

Il est parfaitement prouvé aujourd’hui, et tout le monde le sait fort bien, que M. Pasteur a fait entièrement fausse route dans la question de la fermen¬ tation et qu’d s’est complètement trompé. Il a détruit lui-mème son système en voulant l’universaliser.

Tous les faits, au dire des hommes compétents, tendent à prouver qu’il n’a pas été plus heureux en ce qui concerne son microbe de la rage.

Pour toutes ces questions délicates, mais qui ne sont pas sans toucher de près à la famille et partant à la société, il est souvent bon de quitter pour un instant le terrain scientifique et de consulter le gros bon sens.

« Pourquoi, puisque la rage est une maladie du chien et que c’est pour ainsi dire exclusivement par le chien qu’elle est communiquée à l’homme part quelques exceptions il la doit au loup ou au chat). Pourquoi, dit-on, ne pas chercher à guérir le chien d’abord, plutôt que de s’exposer à communi¬ quer d’emblée à l’homme une maladie qu’il n’aurait probablement pas con¬ tractée s’il n’avait été soumis à aucun traitement? »

C’est bien simple, suivant des malins qui ne se gênent pas pour dire leur façon de penser :

« On ne soigne pas les chiens en grand et exclusivement, parce que les chiens, en signe de reconnaissance, pourraient tout au plus remuer le bout de leur queue... ce serait un peu maigre... Impossible de les faire payer. Les gens, au contraire, qu’ils soient enragés ou qu’ils ne le soient pas, ne manque¬ ront pas, lorsque le moment sera venu, et qu’on en fera la condition s inequâ non du traitement, de délier les cordons de leur bourse. »

Ne serait-il pas très pratique, lorsqu’on craint chez le chien un cas de rage de l’attacher solidement à un charriotqui tournerait autour d’un vaste manège avec une grande vitesse pendant un temps donné, recommencer à plusieurs reprises et cela jusqu’à ce qu’on ne trouve plus chez le chien aucun symptôme de la rage.

Mais laissons ces réflexions que nous devions signaler en passant, et puisque nous avons suffisamment prouvé ce que nous avons avancé au début de ce travail, contentons-nous de demander pour terminer.

La suppression radicale de ce pauvre microbe qui ne manquera pas de raconter cette nouvelle mésaventure par la plume spirituelle du professeur Wiarl de Caen.

312

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

La suppression de toutes les espèces, de tous les prétendus ferments spécifiques qui se rapportent au Penicillium-Ferment.

La révision complète des algues et des champignons inférieurs, pourvu que la nouvelle classification qui sera forcément une classification simplifiée ne soit faite qu’après une étude longue et approfondie des différentes phases se rapportant au même individu, des différents états végétatifs sous lequel on peut le rencontrer dans la nature, en ayant bien soin de ne pas donner un nom différent à chacun de ces états mais un nom unique pour l’individu.

Il est entendu que les zoologistes opérant d’une façon parallèle, suivront les métamorphoses par lesquelles passent tous les animaux et ne rangeront plus à l’avenir dans les cryptogames comine ils l’ont fait trop souvent des orga¬ nismes élémentaires, qui, plus développés, sont des végétaux supérieurs.

11 est sans doute très philosophique de rapprocher les trois règnes, mais il est absolument illogique de faire un galimatias le débutant aussi bien que le chercheur exercé ne se retrouvent plus.

La question de la fermentation sera alors seulement sur son véritable terrain.

Puissent les quelques jalons que j’ai cherché à planter permettre à d’autres de poursuivre avec fruit une étude en elle-même si séduisante et qui est liée d’une façon si intime à l’organisation et à la vie de tout ce qui existe sur notre globe.

FIN

E. COCARDAS.

Membre de la Société Botanique de France.

HISTOIRE NATURELLE DES DIATOMÉES

[Suite1)

Au point de vue de la classification des espèces, il est évident que les no¬ tions tirées du thalle sont de peu de ressources. Quand ce thalle est bien défini, d’une constatation facile dans la majorité des cas, comme les thalles pédicel- laires ou tubulaires, il est certain qu’il peut fournir des caractères de premier ordre pour la distinction dss espèces. On s’en est servi, en effet, dans les classifications en usage aujourd’hui. Néanmoins, comme nous venons de le montrer, ces caractères sont dangereux à l’emploi quand il s’agit de déterminer des fruslules qui se sont libérés de leur thalle. Et quand celui-ci se réduit à la mince couche pelliculaire qui revêt le frustule de toutes les

(1) Voir le dernier numéro du Journal de Micrographie.

Chapitre extrait de l’ouvrage sous presse: Les Diatomées, histoire naturelle, classification et description des principales espèees, par le Dr J. Pelletan, avec une préface par M, J. Deby, 1 vol. in-12, avec gravures et planches.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

313

Diatomées, il est difficile, quand à présent, sinon impossible, d'y chercher des caractères. Nous pensons donc qu’actuellement on a tiré du thalle, au point de vue taxonomique, à peu près tout le parti qui était possible.

Quant au point de vue biologique, l’importance du thalle des Diatomées varie beaucoup avec la constitution que l’on peut supposer à ce thalle. N’est- ce qu’une simple matière inerte, destinée à servir de support et d’enveloppe protectrice au frustule, comme celle qui enveloppe beaucoup d’Algues infé¬ rieures, les Palmella , les Nostoc, les Gonium, les Volvox , etc., elle ne paraît remplir qu’un rôle mécanique de protection et de réunion pour les cellules vivant en colonies ? S’il en est ainsi, son importance est secondaire. C’est un simple coléoderme.

Mais, au contraire, remplit-il une fonction plasmatique? ïntervient-il, à certains moments, comme élément formateur? Est-il, par exemple, comparable à ces masses plasmatiques, mucilagineuses aussi d’apparence, qui constituent la phase végétative des Myxosporodies, masse' au sein desquelles se pro¬ duisent par des différenciations, des polarisations dans ce proloplasma, ces singuliers corpuscules, aux formes si curieuses qu’on a appelé Psorospermitès ?

S’il en était ainsi, la part de cette glaire dans le cycle biologique des Dia¬ tomées serait considérable. On pourrait faire un rapprochement saisissant entr’elleset un grand nombre de Sporozoaires dans lesquels on voit d’abord une masse protoplasmique constituer l’organisme tout entier, masse dans laquelle, plus tard, apparaissent, à la suite de processus plus ou moins compliqués, des corpuscules à forme définie, forme qui rappelle môme quel¬ quefois celles de certaines Diatomées naviculaires à ce point qu’on a appelés ces corpuscules psendo-navicelles.

Ainsi, pour fixer les idées, nous rappellerons brièvement l’évolution de ces bizarres Sporozoaires, si bien étudiées par M. Bütschli et surtout par M. Bal- biani, et qu’on a désignés sous le nom de Myxosporidies :

Sur les lamelles branchiales de certains poissons, de la Tanche, par exemple, on voit de petites masses arrondies, ou bien allongées en boyau, quelquefois ramifiées, d’une matière plasmatique ou sarcodique, qui sont douées de mouvements amiboïdes, émettant même, dans quelques cas, des expansions ou pseudopodes plus ou moins longs et fins. Souvent, comme on le voit aussi chez cerlaines Amibes, elles 11e sont le siège que de mouvements de fluctuation se propageant tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre, et qui se produisent sur place sans déterminer de progression de la masse plasmatique parce que celle-ci repose sur un support solide. Si ces masses étaient flottantes dans un liquide, on conçoit que les ondes de fluctuation, formant comme une vague qui se propage, pourraient leur imprimer un mouvement de translation dans un sens ou dans l’autre, suivant le sens de l’ondulation.

Ces masses sarcodiques grossissent peu à peu, et varient beaucoup de dimension suivant les espèces et la phase de développement, quelques unes ne dépassant pas 8 p, d’autres atteignant jusqu’à 36 y..

Peu à peu, il se développe dans leur intérieur des globules d’une matière grasse colorée en jaune et des granulations qui prennent le caractère de

314

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

noyaux et qui se multiplient, grossissent, et, à la suite de transformations encore mal connues, acquièrent une forme elliptique, s’enveloppent d’une membrane solide ou coque transparente et constituent ce qu’on a appelé une psorospermie] ces corpuscules doivent être considérés comme des corps reproducteurs ou spores.

Ces psorospermies, qui correspondent chez les Myxosporidies aux corpus¬ cules que chez d’autres Sporozoaires, les Grégarines, les Coccidies, par exemple, on a appelé pseiido-navicelles à cause de leur forme naviculaire, sont de petits organismes très compliqués.

La coque est formée de deux valves appliquées l’une contre l’autre, comme les deux moitiés d’une coquille de noix, et laligne de suture est visible quand on examine le corpuscule par la tranche (ou par la face connective, comme on dirait pour une Diatomée). Chaque valve est garnie, tout autour de son bord, d'une fine bande ou ruban, tellement appliqué contre ce bord qu’il est im¬ possible de le voir, si ce n'est, au moment de la déhiscence de la psoropermie.

De plus, à l’un des pôles du corpuscule et dans son intérieur, se trouvent deux vésicules qui contiennent un filament enroulé ; on peut faire sortir de la psorospermie, à l’aide de certains réactifs, ces deux filaments qui sont deux ou trois fois plus longs que la psorospermie elle-même. Au dessous de ces deux vésicuhs sont deux granules brillants, vésicules polaires en expectative, et, au centre du corpuscule, un amas protoplasmique au milieu duquel est un noyau.

Telle est la période végétative de la Myxosporidie de la Tanche, période dans laquelle, au sein d’une masse protoplasmique à peu près amorphe, se forment des corpuscules figurés, très compliqués, mais que l’on peut néanmoins con¬ sidérer comme de simples cellules constituant les corps reproducteurs et dont la formation inaugure la période reproductrice.

Poursuivons doue cette analyse et voyons comment se clôt cette dernière période et se ferme le cycle biologique de ces singuliers organismes.

A un certain moment, la psorospermie ou spore ayant atteint sa maturité, les rubans ou bandes connectives se décollent du bord des valves, sauf par un point situé au pôle postérieur, et l'on voit alors qu’elles sont très longues et se prolongent en un filament pointu ou arrondi. Deux psorospermies voi¬ sines se saisissent, pour ainsi dire, l’une l’autre par leurs filaments et s’ac¬ crochent à l’aide de ces organes préhenseurs; ceux ci, faisant alors ressort élas¬ tique, amènent la déhiscence des valves de chaque psorospermie qui s’écartent, mettant en liberté le globule protoplasmique intérieur. Que se passe-t-il alors? Sans doute une conjugaison par fusion ou échange des globules protoplas¬ miques intérieurs ; on n’est pas encore fixé d’une manière certaine sur ces phénomènes qui sont très difficiles à suivre. Toutefois, on sait que les vési¬ cules à filament spiral se vident, les filaments sortent et se raidissent, contribuant à fixer le corpuscule à la place qu’il occupe, jusqu’à ce que le globule protoplasmique intérieur, à la suite de l’espèce de fécondation qu’il vient de subir, s’anime lout-à-coup de mouvements amiboïdes et sorte de la psorospermie à travers les valves écartées. Or, une fois libre, cette petite

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masse protoplasmique n’est autre chose qu’une nouvelle Myxosporidie qui va grossir peu à peu et au sein de laquelle vont se passer les mêmes phénomènes que nous avons décrits.

Encore une fois, nous ne voulons pas établir une assimilation complète des Diatomées et des Sporozoaires, mais nous cherchons si les faits que nous ve¬ nons de résumer brièvement et qui sont relatifs aux Myxosporidies, qui se produisent d’une manière à peu près semblable chez les Sarcosporidies et les Microsposidies, ne pourraient pas nous aider à éclaircir quelques-uns des phénomènes que l’on remarque chez les Diatomées, notamment ceux qui ont rapport aux mouvements qu’exécutent ces organismes et aux divers processus de leur reproduction. C’est ce que nous allons examiner maintenant.

Mouvements des Diatomées. Un grand nombre de Diatomées sont douées de mouvements propres, et particulièrement celles dont les frustules affectent une forme allongée ou en nacelle, comme les Navicala , les Pin- nularia et beaucoup d’autres. Il ne s’agit pas de ces vibrations moléculaires dont sont douées les très fines particules, même minérales, suspendues dans un liquide et qu’on appelle mouvement brownien, mais d’une motilité auto¬ nome, qui semble même spontanée et volontaire. Cette propriété n’a pas peu contribué jadis à faire classer ces espèces parmi les animalcules infusoires.

Si l’on dépose sur le porte-objet une goutte d’eau tenant en suspension plu¬ sieurs Navicula vivants, on les voit aussitôt se mettre en mouvement et se diriger tous, comme autant de petites nacelles, dans un sens différent, ce qui prouve que le mouvement n’est pas à un courant établi dans le liquide. La translation se fait toujours dans le sens de la longueur du frustule. Souvent, d’ailleurs, le petit corps, après s’être avancé dans un certain sens, s’arrête, comme hésitant, et repart en sens contraire. La plupart du temps, il va, pour ainsi dire, aveuglément se jetant sur les obstacles qui se trouvent devant lui, et c’est alors que, d’ordinaire, il rebrousse chemin ; mais quelquefois, cepen¬ dant, il parait se détourner, comme par un secret instinct, des corps qui peuvent l’arrêter. Cet effet, peut être à une petite différence dans la densité de l’eau qui se trouve un peu condensée dans une certaine zone autour des corps immergés par un effet d’attraction moléculaire ou capillaire.

Les Diatomées qui vivent associées en groupes sons forme de filaments, d’arborisation ou d’éventails peuvent aussi exécuter ces mouvements si, pour une cause quelconque, leurs frustules deviennent libres. Des espèces dont les frustules sont enfermés dans un tube gélatineux se meuvent aussi, c’est-à- dire que les frustules se déplacent dans l’intérieur du tube, ce qui démontre, par parenthèse, que chez ces espèces au moins, le thalle est réellement tubu¬ leux, ne contenant dans son intérieur que de l’eau ou une matière beaucoup moins dense que celle dont est formée la paroi.

Une des espèces les plus célèbres parmi les Diatomées mobiles est le Bacil- Inria paradoxa , l’ancien Vikrio paxillifer de O. -F. Muller ; cette espèce est composée de plusieurs frustules en bâtonnets, disposés parallèlement les uns aux autres de manière à former une sorte de tablette quadrangulaire.

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Bientôt, le premier bâtonnet glisse le long du second, parallèlement à sa di¬ rection, et s’arrête quand il ne touche plus la tablette que par une de ses extrémités. Puis, le second bâtonnet, imitant le premier, va le rejoindre en glissant sur le troisième ; puis, le troisième va se placer sous le second, le quatrième sous le troisième, et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les frustules se soient déplacés. La tablette s’est ainsi avancée latéralement de toute sa largeur. Alors, le premier bâtonnet recommence son mouvement, mais en sens inverse, et reprend la position qu'il occupait d’abord ; le second le suit, puis le troisième, et tous les autres. Et le phénomène se reproduit ainsi indéfiniment.

Depuis bien longtemps on cherche l’explication de ces singuliers mouve¬ ments des Diatomées. La première a laquelle on a songer naturellement, en voyant tant d’infusoires se mouvoir à l’aide de cils vibratiles, a été d’admettre aussi chez les Diatomées la présence de cils vibratiles plus ou moins fins. Certains auteurs ont affirmé les avoir vus, soit naissant à la sur¬ face du frustule, soit sortant du protoplasma intérieur par des pores de la carapace.

Malheureusement, aucun observateur moderne n’a pu réellement constater l’existence ni le mouvement de ces appendices. On a bien vu à la surface de certains frustules une sorte de croûte hyaline plus ou moins irrégulière et présentant en divers endroits comme de petites pointes. Mais ces pointes, plus ou moins longues, outre qu’elles n’existent pas sur tous les frustules d’une même espèce et qu’elle n’ont pas de positions constantes, n’ont jamais mani¬ festé aucun mouvement, et restent toujours rigides. Aussi, les considère-t-on seulement comme des productions parasitaires.

L’explication par les cils vibratibles étant généralement repoussée, on a dû, non moins naturellement, penser à l’endosmose, car on sait que l’ère de l’en¬ dosmose a succédé dans la science à l’ère des cils vibratiles. On a donc dit que les mouvements des Diatomées sont produits par des courants endosmotiques qui s’établissent, par les pores et les fentes que présentent le frustule, entre l’eau ambiante et le liquide protoplasmique intérieur.

C’est encore à cette explication qu’on s’arrête le plus généralement aujour¬ d’hui et c’est, à notre avis, un tort, car cette explication a un défaut grave : elle n’explique rien du tout. Des « courants endosmotiques », c’est un mot dont on se paie pour ne pas être obligé de chercher autre chose. Cela ne serait une explication que si l’on montrait comment ces courants agissent pour produire un certain mouvement, et, un instant après, pour produire le mouve¬ ment inverse. Des courants endosmotiques ne peuvent ainsi changer de sens d’un instant à l’autre.

Aussi, beaucoup d’auteurs, sentant tout ce que cette prétendue explication a d’incomplet, ont cherché à étudier de plus près les mouvements des Diato¬ mées, et nous ne pouvens citer ici tous les raisonnements plus ou moins compliqués qui ont été mis en avant pour arriver à une explication qui ex¬ plique. Nous devons toutefois citer M. Hamilton L. Smith qui a employé le procédé bien connu des milieux colorés. Il a répandu dans l’eau na-

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geaient des Pinmilaria, espèce à forme naviculaire, de l’indigo tel que l’em¬ ploient les aquarellistes. Cette matière colorante n’est pas, on le sait, réelle¬ ment soluble dans l’eau, mais s’y répand en particules extrêmement fines qui donnent à l’eau une teinte bleue fort inlense, et que l’on distingue au micros¬ cope.

Il a vu ainsi, et l’expérience, fort exactement décrite par l’auteur améri¬ cain, est facile à vérifier, que quand la Diatomée s’avance dans un certain sens, les particules d’indigo s’amassent au niveau du nodule central des valves, en formant une petite masse arrondie tournant sur elle-même, comme si elle était soumise à un « petit jet d’eau » sortant de la valve à cet endroit. Chacune de ces petites sphères tourbillonnantes, après avoir acquis un certain volume, se désagrège et les particules qui la composent sont chassées le long des valves, d’avant en arrière, pour s’accumuler derrière l’extrémité du frus- lule qui, dans la progression, est en arrière.

Si le mouvement de la Diatomée se renverse, les particules d’indigo sont chassées en sens contraire, c’est-à-dire toujours de la partie médiane vers l’extrémité du frustule qui est en arrière, dans le mouvement. Ces particules vont donc toujours comme si elles étaient soumises à un courant allant d’avant en arrière et se renversant, par conséquent, lorsque le mouvement se renverse.

C’est un résultat auquel, en somme, on devait s’attendre, mais c’est un effet dont on ne connaît toujours pas la cause.

Mais cette expérience a permis de constater, d’une manière bien nette, l’existence à la surface du frustule d’une couche d’une substance hyaline qui ne se laisse pas pénétrer par les grains d’indigo et forme une zone incolore entre la surface du frustule et le liquide ambiant chargé de particules bleues.

Dr J. P.

( à suivre)

UNE NOUVELLE FORCE ?

Deuxième Communication

Il existe un plan passant par le centre de l’observateur, et le cylindre mobile, dans lequel la force, sans être complètement annulée, éprouve cepen¬ dant une diminution considérable. Ce n’est pas tout à fait un plan neutre ; c’est plutôt un plan la force passe par un minimum, et change de direction, ou bien éprouve une modification que je ne m'explique pas encore.

Son maximum se manifeste dans un plan qui paraît être perpendiculaire à celui-ci. Je n’ai pas déterminé encore si le passage du maximun au minimum se fait suivant une loi régulière ; l’observation en est très délicate, mais 'je ne désespère pas d’y arriver.

L 'intensité de cette force n’est pas la même lorsque le cylindre fixe est placé à droite ou bien à gauche (par rapport à l’observateur) du cylindre mobile.

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A droite cette intensité est presque toujours supérieure à celle de gauche. La moyenne sur une série de 100 observations m’a donné le rapport suivant: 1 : 2.

Pour un même observateur, ce rapport subit des variations dans le cours de la journée et aussi d’une journée à l’autre, les points critiques de ces varia¬ tions semblent coïncider avec des heures fixes.

Ce rapport n’est pas le même avec tous les observateurs. 11 varie d’une personne à l’autre. Les mesures d’intensité ont été faites à l’aide de deux pro¬ cédés dont les résultats se sont montrés très concordants.

Par la comparaison du nombre des rotations effectuées par le cylindre mo¬ bile lorsqu’on place successivement l’autre cylindre adroite ou à gauche.

Par la méthode bien connue de la balance de torsion. Dans ce cas, je rem¬ place le fil de soie par un cheveu très long et le plus délicai possible. J’adapte au cylindre tournant un miroir microscopique sur lequel un rayon lumineux projeté se réfléchit pour aller former son image sur un écran éloigné portant les divi¬ sions du cercle, ce qui permet de comparer les déviations angulaires, et partant l’intensité de la force.

J’ai retourné plusieurs fois l’appareil à 90° pour bien m’assurer que le cheveu n’apportait aucune influence perturbatrice dans ces mesures.

La force semble agir par à coups , ou impulsions, car l’équilibre ne peut jamais s’établir entre elle et la force de torsion du cheveu.

Lorsque deux personnes se placent vis-à-vis l’une de l’autre autour de la table et qu’elles tiennent le cylindre fixe ou son support avec les mains op¬ posées, on observe toujours de fortes perturbations dans le mouvement et quel¬ quefois son annihilation complète.

Le cylindre fixe étant placé dans la ligne neutre entre l’observateur et le cylindre mobile. S’il est maintenu avec la main droite, le mouvement est dextrogyre (1) et lévogyre si c’est avec la main gauche.

(1) Sens du mouvement des aiguilles d'une montre.

Le cylindre fixe étant placé dans la ligne neutre au-delà du cylindre mo¬ bile par rapport à l’observateur. S’il est maintenu avec la main droite, le mouvement est lévogyre, et dextrogyre si c’est avec la main gauche.

10° Le mouvement est annulé lorsque le cylindre mobile est placé à égale distance entre deux cylindres fixes disposés à droite et à gauche.

11° Il n’est pas nécessaire de tenir le cylindre fixé avec la main pour que le mouvement se manifeste, car, porté à l’extrémité d’une longue règle, son action est la même, pourvu que l’observateur ne s’éloigne pas de l’appareil.

12° Un écran demi cylindrique ayant la singulière propriété de renverser le sens de la rotation, il était à présumer qu’un autre écran de même forme oppo¬ à celui-ci de manière à compléter le cylindre autour de l’appareil, agirait en sens contraire et neutraliserait le mouvement. C’est en effet ce que j’ai constaté.

Cette propriété de renverser le sens du mouvement n’appartient pas exclusi¬ vement aux surfaces demi cylindriques. On obtient le même effet à l’aide de miroirs sphériques ou paraboliques d’un court foyer et d’une grande ouverture ; mais pour que ce phénomène se produise, il est essentiel, comme dans le cas du demi cylindre, que l’appareil soit placé entre le miroir et l’observateur. Ce dernier faisant face à la concavité.

13° Les surfaces convexes n’ont aucune action particulière, quelles que soient leurs dispositions autour de l’appareil.

14° Une glace plane étant disposée entre l’observateur et l’appareil à 1 ou 2

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centimètres du cylindre mobile. On constate qne les mouvements ne changent pas de sens, mais sont considérablement diminués de leur intensité.

Si l’on superpose plusieurs autres glaces sur celle-là, la vitesse de rotation reste la même et ne diminue pas en raison de leur nombre. J’ai expérimenté avec plus de 40 glaces sans rien observer d’anormal. Cette observation semble prouver que les glaces n’agissent pas comme le feraient des écrans en arrêtant la cause du mouvement, mais s’opposent plutôt à son action par suite d’une pro¬ priété qu’il est difficile de définir encore et que j’appellerai en attendant mieux

action de présence.

15° Le mouvement est encore bien plus diminué, lorsque le cylindre mo¬ bile se trouve placé entre deux glaces parallèles espacées de 2 à 3 centimètres, dans ce cas, il est presque annulé.

- 16° La nature des écrans est sans influence, ils peuvent être constitués en n’importe quelle substance ; l’effet reste le même.

17° Les choses étant ainsi disposées, la glace à une très petite distance des cylindres et le repos étant obtenu: si on élève cette glace doucement ou si on la déplace à droite ou à gauche de manière à laisser à découvert l’appareil, le mouvement se produit alors avec vivacité, suivant les lois déjà connues.

Tous ces effets sont obtenus soit que la glace soit entre l’observateur et l’ap¬ pareil, ou au delà.

18° Deux cylindres mobiles de poids et de volumes égaux suspendus par des fils de soie d’un seul brin de même longueur, placés à une très petite distance l’un de l’autre (1 millimètre environ). S’ils sont sollicités par un troisième cylindre fixe, disposé dans leur prolongement ils tournent tous les deux dans le même sens et le sens de cette rotation est le même que celui qu’on observe sur un seul cylindre chaque cylindre a individuellement une rotation dont la vitesse est égale à celle d’un cylindre isolé. Cependant il arrive sou¬ vent que c’est le cylindre mobile le plus éloigné du cylindre fixe, qui tourne le premier et ls plus vite lorsque le cylindre fixe est placé entreles deux cy¬ lindres mobiles. Ceux-ci tournent en sens inverse, comme l’exige la loi déjà connue ponr un seul cylindre.

19° Les deux cylindres mobiles accouplés, placés dans l’écran demi-cylin¬ drique, se comportent comme le ferait un seul cylindre leur mouvement est renversé.

Dans le cours de mes recherches j’ai pris avec le plus grand soin toutes les précautions pour me mettre à l’abri des erreurs: chaque expérience a été répé¬ tée un très grand nombre de fois et les faits observés n’ont été acceptés qu’après un examen des plus scrupuleux. J’ai opéré dans les chambres saturées d’humi¬ dité même au milieu des vapeurs en voie de condensation et le mouvement a présenté les mêmes caractères qu’il a dans l’air ordinaire plus sec.

On m’a objecté la chaleur rayonnante dégagée par l’observateur, chaleur qui pourrait avoir pour effet de déterminer des mouvements dans l’air ambiant.

J’ai dit dans ma première note que la chaleur était sans influence. Voici sur quelle expérience repose cette affirmation :

Des vases à larges surfaces métalliq ues doués d’un grand pouvoir, émissif, remplis d’eau bouillante ont été disposés successivement dans tous les azimuts autour de l’appareil à une distance de 30 à 40 centimètres (moindre que celle de l'observateur) et n’ont déterminé aucnne modification dans la vitesse ou le sens de la rotation.

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Je me suis placé avec l’appareil dans lesétuves sèches ou humides dont la température variait de 35 à 40° centigrades, sans rien observer d’anormal dans le mouvement.

Plus j’expérimente et plus je suis convaincu qu’il est inutile de chercher la cause de ces singuliers mouvements dans les forces physiques connues. C’est plutôt vers l’observateur que doivent se porter à l’avenir toutes les investiga¬ tions si l’on veut arriver à une solution; car cette lorce me paraît être une nouvelle propriété inhérente à l’organisme humain et peut-être d’une manière générale à la matière vivante.

J’engage ceux qui voudraient répéter mes expériences dont quelques-unes sont d’une haute délicatesse, à se couvrir le nez et la bouche avec un écran en papier ou mieux avec un foulard, afin de ne pas projeter la respiration sur l’appareil.

Cette force étant fonction de la longueur du cylindre, je remplace avantageu¬ sement le cylindre de mon premier appareil par un cylindre creux qui est plus léger et dont je puis augmenter par conséquent la longueur ; les effets en sont plus nets. Mon nouveau cylindre a 60 millimètres de longueur et 5 millimètres de diamètre, il est en ivoire ; mais il pourrait être fait en toute autre substance. C'est tout simplement un crayon porte-mine Faber, scié un peu au-dessous de la partie vide, auquel j’ai enlevé la monture métallique.

Dax, 14 avril 1887.

J. Thors.

PRÉPARATIONS DES DIATOMÉES

contenues dans les nouveaux dépôts

Oamaru (Nouvelle-Zélande) Simbirsk (Russie) Santa Monica , Sa?i Pedro (Californie) La Centurie'. 60, 80 et 100 marks

GRAND CHOIX DE DIATOMÉEES-TEST ET DE FLAQUES -TYPES

Préparations de salon et groupes élégants de Diatomées, Ecailles de Papillons, Polycystines, etc.

INSTITUT MICROSCOPIQUE D’Edouard Thum 35, Brüderstrasse, Leipzig.

ENVOI DU CATALOGUE FRANCO

AVIS

M. Ch. REICHERT a l’honneur de faire savoir au public que le nouveau catalogue, en français et en anglais, de ses Microscopes, Microtomes, Objectifs à immersion dans l’eau et dans l’huile, Hémomètres, et autres instruments vient de paraître et qu’il sera adressée franco et gratuitement à toute per¬ sonne qui en fera la demande.

Cil. REICHERT,

Opticien Constructeur de Microscopes ,

VIII, Bennogassc, 26,

Vienne [Autriche).

Le Gérant: Jules Pelletan, Fils.

Amiens Imprimerie Rousseau-Leroy,

Onzième année 10 25 Juillet 1887

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE :

Revue, par M. le Dr Pelletan. Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. Conférences sur le Micros¬ cope [suite), par M. J. Mayall, juoior. Le Phylloxéra dans le Chablis, par M. Chàvée-Leroy. La rage à l’Académie de Médecine, parM. J. de Vroncourt. Caravane hydrologique. Offres et demandes. Avis divers.

REVUE

L’Académie des Sciences a, le 18 juillet dernier, donné un successeur à Vulpian, comme secrétaire-perpétuel. Ce titre manquait encore à M. Pasteur, qui en a déjà tant d’autres.

Ce n’est pas que ça rapporte beaucoup d’argent, mais c’est un poste envié ; ça (latte de siéger perpétuellement au bureau de l’Académie, surtout quand on est vaniteux. Et puis, ce titre arme celui qui en est investi d’une certaine influence sur la marche de la Science ; il peut, à son gré, mettre en lumière les travaux de ceux qui lui plaisent, étouffer à jamais ceux des gens qui ne lui plaisent pas, puisqu’il y a encore des savants qui ont la naïveté d’envoyer leurs œuvres au Secrétariat de l’Académie, pour qu’elles soient enterrées dans la Correspondance .

L’Académie des Sciences est le corps savant le plus généralement incom¬ pétent du monde entier, comme l’a si bien fait remarquer M. Peter, jouissant même de ce singulier apanage d’être incompétent en tout, puisqu’elle est com¬ posée de trois ou quatre chimistes, de trois ou quatre physiciens, de trois ou quatre astronomes, de trois ou quatre botanistes, de trois ou quatre zoolo¬ gistes, de trois ou quatre médecins, de trois ou quatre minéralogistes (dont le plus connu, M. Pasteur, n’a jamais fait de minéralogie). L’Académie des Sciences, en tant que corps savant, ne peut donc s’intéresser à aucun travail ni émettre sur aucune œuvre un jugement qui soit fondé. Quelque soit, en effet, ce travail, il n’y a jamais que deux ou trois académiciens qui pourraient y

comprendre quelque chose . Il est vrai que la plupart du temps, il s’en

moquent comme de Colin-Tampon, et quant aux autres, ça ne les regarde pas.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Ainsi, quand l’un des secrétaires perpétuels «en dépouillant » la correspon¬ dance, surtout la dépouillant de tout intérêt se met à dire à propos d’une pièce qu’il en tire:

« Voici une note de M. Thore sur ce qu’il appelle Une Nouvelle Force. Il s’agit de phénomènes d’attraction moléculaire qui ne me paraissent pas mériter l’attention de l’Académie. »

Quand le Secrétaire perpétuel a lâché sur un travail quelconque ce jugement sommaire, c’est fini. La docte assemblée que ce travail, quel qu’il soit, n’inté¬ resse pas, n’insistera certainement pas, et la chose est enterrée. Que si Fauteur essaie, un jour, de revenir à la charge, le Secrétaire perpétuel, qui le reconnaît, de s’écrier:

« Voici une nouvelle note de M. Thore.... l’Académie a déjà jugé qu’il n’y avait pas lieu de donner suite. .. »

« L’Académie », c’est lui. Et voilà un enterrement de première classe. A moins, qu’il ne soit nommé une commission, ce qui est un enterrement de seconde classe.

On cite, des gens qui sont arrivés par l’obsession. L’obsession, est en effet, une force considérable dont on ignore, en général, toute la puissance. Elle n’est, d’ailleurs, pas à la portée de tout le monde, et exige de la part de celui qui l’emploie un entêtement de brute, une profonde indifférence pour les rebuffades, souvent un complet mépris pour les giffles.

On cite, dis-je, des gens qui, malgré les secrétaires perpétuels et les com¬ missions, sont arrivés à se caser, à force d’envoyer, tous les lundis, une note à l’Académie : ils sont parvenus à faire entendre leur nom aux académiciens, à toutes les séances si bien qu’ils ont fini par en être connus. D’ailleurs, on les rencontrait continuellement traînant dans tous les couloirs académiques, le chapeau bas et l’échine courbe. De sorte qu’un jour ils ont posé leur can¬ didature à quelque chose, et l’Académie a voté pour eux comme un seul gâteux.

« Un tel, s’est dit chacun des doctes vieillards, un tel, mais je ne connais que çà ! 11 y a longtemps qu’il en.... tre tient l’Académie de ses tra¬ vaux. Nommnons-le, çà nous débarrassera de lui. »

Et l’embèleur est nommé.

Combien il y en a-t-il qui sont arrivés ainsi ! Je vous les nommerai quand vous voudrez.

*

* *

Donc, disais-je, l’Académie des Sciences a élu un secrétaire perpétuel pour remplacer Vulpian.

Ce secrétaire perpétuel, c’est M. Pasteur. Vous le saviez déjà, parce que vous l’avez lu ailleurs, mais ne l’eussiez vous pas lu ailleurs, vous le sauriez tout de même, attendu que M. Pasteur, qui ambitionne tout, devait ambition¬ ner ce poste, et le voulant, devait l’obtenir.

Les journaux ont même dit qu’il l’avait obtenu à l’unanimité. Cela n’est pas exact. D’abord l’Académie n’était pas au complet. Il n’y avait que 41 membres présents sur 75, je crois, dont elle se compose. Donc, une trentaine d’Acadé-

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miciens s’étaient dispensés même d’assister à cette importante séance, ce qui ne prouve pas de leur part un empressement exagéré à venir s’agenouiller devant le Maître. Et sur les 41 présents, 39 seulement ont voté pour le Grand Savant. Il y a eu deux bulletins blancs ; c’est-à-dire que deux académiciens, qui auraient pu ne pas venir, sont venus exprès pour ne pas voter en faveur de M. Pasteur, c’est-à-dire pour voter contre.

Qui, diable, çà peut-il être? C’est égal, ces deux n’ont, comme on dit, qu’à bien se tenir.

Mais, si c’est une unanimité, elle est drôle. On aurait dire que M. Pasteur a été élu à l’ unanimité... de ceux qui ont voté pour lui : un peu plus de la moitié de ses collègues.

Yulpian était un secrétaire perpétuel médiocre. Il n’était pas éloquent. D’ail¬ leurs, il avait la voix sourde, le débit hésitant, il parlait dans sa barbe, pour le monsieur assis à côté de lui, et bredoudlait volontiers. Mais c’était un vrai savant ; de plus, il était bienveillant, juste et consciencieux. Quand un travail lui était adressé, il l’étudait sérieusement et tâchait de l’analyser le mieux possible.

M. Pasteur est envieux, despote, hargneux et grossier. Sa grossièreté n’est limitée que par sa poltronnerie, qui, on le sait, est extrême. Il sera un secrétaire perpétuel épie. L’Académie des Sciences ne pouvait pas faire un plus mauvais choix. Mais, qu’on en soit bien sûr, ce n’est pas de gaité de cœur qu elle l’a nommé.

Entre temps, l’Académie s’est occupée de diverses questions qui ne sont pas de notre ressort, et notamment d’un travail de M. Paul Loye sur la circula - tion et la respiration chez les chiens décapités.

Je ne sais pas si je suis plus bête qu’un autre, mais il me semble que c’est un singulier sujet de travail. L’état de chien décapité me parait êt^e un état assez anormal dans la nature, assez rare et assez passager pour que les condi¬ tions circulatoires et respiratoires, dans ces deux morceaux d’un être qui tout à l’heure était vivant, ne soient pas d’une importance extrême à connaître par¬ le menu.

Depuis quelque temps, on s’occupe beaucoup des décapités et l’on se livre sur la tète des malheureux qui ont passé par la main de M. Deibler à des expériences absolument repoussantes, pas concluantes du tout, d’ailleurs, et qu’à mon avis on n’a pas le droit de faire. Mais, au moins, a-t-on un prétexte soi-disant philanthropique, et une excuse: on n’a pas décapité l’homme exprès pour faire les expériences.

M. Paul Loye a construit une petite guillotine et il a guillotiné des chiens. Je persiste à trouver que c’est une singulière occupation. Il a ccnslaté que le cœur bat encore pendant 4 minutes après la décapitation, et que la contrac¬ tion artérielle continue encore faiblement la circulation dans la tête. On le savait, à quelques secondes près. De sorte que je me demande à quoi cela peut bien servir.

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M’est avis que M. Paul Loye est un monsieur qui n’a pas le cœur tendre et ses expériences sont aussi barbares qu’inutiles.

M. Bonnal, lui, a étudié le mécanisme de la mort sous l'influence de la chaleur. Cette fois, il ne s’agit plus de décoller les hommes ni les bêtes, mais de les faire cuire. C’est un perfectionnement. Mais M. Bonnal opère sur lui-même, c’est une circonstance atténuante : il a pu rester 15 minutes dans une étuve sèche chauffée à 135° et dans un bain d’eau chaude à 46°, sans être tout à fait rôti ni bouilli ; mais il dit que s’il était mort, cela aurait été par suite de la lésion du grand sympathique.

Je n’ai aucune raison pour le contredire, et, outre que ses expériences sont curieuses, elles peuvent être utiles au point de vue pratique.

Quant à celles de M. Germain Sée, elles sont beaucoup plus fantaisistes. Il s’agit de Y antipyrine. C’est le nouveau dada qu’a enfourché ce professeur.

M. Germain Sée a pour spécialité de chercher parmi les produits chimiques une substance peu connue et de l’ériger, de par son seul caprice, à la hauteur d’un médicament héroïque. Quand celui-ci est lancé, M. Sée passe à un autre. Je ne sais pas ce que ça peut lui rapporter. Tout le monde connaît l’histoire du salicylate de soude, ce déplorable médicament qui, lorsque par hasard il agit, n’agit que comme sel de soude et pas du tout comme salicylate,

heureusement, parce que, dans ce dernier cas, il empoisonne, et dont M. Germain Sée a fait une panacée quasi universelle. C’était un alexiphar- maque tellement puissant qu’on l’éliminait par les reins, même quand on en n’avait pas pris.

Cette étonnante propriété du salicylate de soude a fait, on s’en souvient peut-être, un certain bruit dans Landernau, il y a quelques années. On avait ordonné ce remède merveilleux à un rhumatisant dont l’état s’amélio¬ rait de jour en jour et très rapidement. Et l’on chantait la gloire du salicylate,

et les pharmaciens qui en vendent tapaient de toutes leurs forces sur la grosse caisse de la réclame.

Et, tous les deux ou trois jours, on prenait l’urine du malade pour l’ana¬ lyser et montrer comme quoi l’élimination du médicament se faisait d’une manière aussi régulière que facile par les reins.

Le malade, guéri, laissa faire; qu’est-ce que ça lui faisait? Mais un jour on lui présenta une note d’honoraires sur laquelle, attendu que c’était un homme cossu, le médecin cotait chacune des fameuses analyses à quelque chose comme 200 francs.

On a beau être cossu, des notes comme celles-là, ça vexe toujours. Aussi le malade débina le truc : il n'avait jamais pris de salicylate , trouvant que c’était trop mauvais, ce qui n’avait pas empêché son attaque de rhu¬ matisme de guérir en onze jours ce qui est la règle. Et, surtout, ça

n’avait pas empêché le médecin de trouver ledit salicylate dans les urines !

* *

Ils sont comme ça une douzaine, dans le corps médical, qui cherchent tous les jours, dans les bocaux des chimistes ou dans les bagages des voyageurs,

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un tas de substances incongrues avec lesquelles ils font des expériences, sous le prétexte de thérapeutique, et auxquelles ils reconnaissent tout de suite des propriétés médicamenteuses jusqu’alors inconnues.

Voici comment ça se passe : un chef de service, en vue d’une idée théorique quelconque, ou en vue de rien de tout, prend une substance peu connue, qui doit être médicamenteuse et en administre des doses diverses à ses malades à l’hôpital. Pendant ce temps, son chef de laboratoire fait des injections hypodermiques et intraveineuses à des lapins, des chiens ou des cobaies ; un de ses internes, son élève, recueille les observations , et bientôt consacre sa thèse à l’histoire du médicament et au récit des expériences. Alors, le chef de service fait une conférence ou présente un mémoire à l’Académie ; deux ou trois pharmaciens créent des spécialités en encadrant les phrases du médecin dans leur prospectus. Et voilà ! c’est affaire aux dits pharmaciens, s’ils ont de l’argent, de faire de la publicité et de tirer, s’ils le peuvent, bon parti de la chose à laquelle personne ne pense bientôt plus.

Je ne dis pas qu’on ait tort de chercher des remèdes nouveaux, bien que notre pharmacopée constitue déjà un arsenal passablement encombré; mais, en général, toutes ces belles découvertes tombent au bout de quelques mois dans un oubli mérité. Aussi, je pense que nos professeurs et nos méde¬ cins des hôpitaux devraient être moins prompts à s’emballer en faveur de ces substances nouvelles dont 99 sur 100 n’ont aucune valeur et ne sont bonnes que comme matière à réclame, prétexte à poudre aux yeux, machine à épa- tement pour la galerie.

M. Germain Sée a patronné ainsi un certain nombre de médicaments. Au¬ jourd’hui il s’agit de l’antipyrine.

Il y a déjà quelques années qu’on nous a chanté les vertus de cette drogue. Tous les médecins de France et de l’Etranger, je crois, l’ont essayée ; mais j’imagine qu’il serait difficile aujourd’hui d’en trouver seulement dix pouvant affirmer qu’ils en ont obtenu de bons résultats. Je me félicitais déjà de voir qu’il n’en était plus question, quand M. Germain Sée est revenu à la charge, il y a quelques mois, et il vient de récidiver devant l’Académie des Sciences.

Cette fois, il s’agit d’employer l’antipyrine en injections hypodermiques. Il paraît que ça guérit seulement le rhumatisme articulaire aigu, le rhumatisme noueux, la goutte aigue, la goutte chronique, les névralgies très douloureuses, les zonas anciens, le lumbago, la migraine, la lithiase biliaire, les coliques né¬ phrétiques, les affections douloureuses du cœur, les angines de poitrine, l’asth¬ me, les grands accès d’étouffement, etc., etc., etc.

On ne dit pas si ça guérit les cors aux pieds. c’est un oubli, ça doit les guérir.

Il est vrai que M. G. Sée, qui propose de remplacer la morphine par l’anti¬ pyrine, ajoute que ça préviendra la morphinomanie. C’est bien possible, mais ça créera l’antipyrînomanie, et il reste à savoir laquelle de ces deux mauies vaut le mieux ou le moins.

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Un de mes amis, goutteux, très au courant des travaux de la « thérapeu¬ tique » nouvelle et qui a fait usage de l’antipyrine sous toutes les formes, me disait hier :

« L’antipyrine! voulez-vous savoir ce que j’en pense? Eh bien! c’est une blague ! »

Je n’osais pas le dire, mais c’est parfaitement mon avis.

Pendant que l’Académie écoute d’une oreille distraite, il est vrai ces choses instructives, elle néglige complètement d’examiner les phénomènes si curieux et si nouveaux dont M. J. Thore. de Dax, qui les a découverts, lui a adressé depuis longtemps déjà la relation.

Je ne puis entrer ici dans le détail de ces phénomènes que M. J. Thore croit pouvoir attribuer aune force nouvelle et dont nos lecteurs ont trouvé l'exposé dans les précédents numéros de ce journal (1), mais il est certain qu’ils sont fort étranges, comme tous ceux qui tendent à établir une influence à distance de la personne vivante sur la matière inorganique. Ils sont, du reste, faciles à vé¬ rifier, et l’on comprend difficilement que l’Académie des Sciences ne s’en soit pas encore occupée, pour les expliquer s’ils sont exacts, pour les réfuter s’ils ne le sont pas. Mais, on sait que les vieillards qui la composent se soucient de la science comme d’une guigne et ne s’occupent, pour la plupart, que d’ac¬ caparer pour eux, leurs fils, leurs gendres et leurs neveux toutes les places pouvant rapporter des émoluments sérieux.

Il n’en a pas été de même à la Société Royale de Londres, à laquelle M. J. Thore a soumis les faits singuliers qu’il a observés. En Angleterre, on s’est donné la peine de les étudier et M. Crookes, le célèbre physicien, s’est mis en devoir de les expliquer. Une discussion s’est engagée entre le savant anglais et M. Thore (2) et il est probable qu’un nouveau champ d’études, in¬ connu aux académiciens français, va s’ouvrir pour les physiciens et les ama¬ teurs de mécanique moléculaire.

Nous publierons prochainement la troisième communication de M. J. Thore dont le père est, croyons-nous, le fondaleur d’un prix de botanique que dé¬ cerne tous les ans cette Académie des Sciences si dédaigneuse des travaux du fils, et nous tiendrons nos lecteurs au courant des progrès de celte intéres¬ santes question.

(1) Voir Journal de Micrographie , 6 et 9 de 1887. Nous aurions déjà publié une troisième communication de M. J. Thore sur ce sujet, si nous n’étions obli - gés d’en faire graver les figures.

(2) Voiries Chemical News. N0 1436.

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TRAVAUX ORIGINAUX

LE MÉCANISME DE LA SECRETION

Leçons faites au Collège de France, en 1886-87, par le professeur L. Ranvier.

(i Suite ) (1)

Messieurs,

Nous avons commencé l’analyse des phénomènes physiologiques qui se produisent dans les glandes séreuses de la membrane nycti- tante de la Grenouille sous l’influence de l’excitation, excitation graduée, suffisante pour déterminer la contraction des utricules glandulaires et pas assez vive pour fatiguer la musculature de ces glandes, de sorte qu’il est possible de répéter un grand nombre de fois ces expériences. Dans ces conditions la contraction des fibres qui composent la couche musculaire de l’utri cule est tellement nette et tellement facile à saisir qu’il ne me paraît pas y avoir le moindre doute, et je crois que quand vous aurez assisté à la contraction de ces fibres, que vous les aurez vues se contracter sous votre œil, vous serez aussi absolument convaincus.

En ce qui regarde les modifications de forme que l’on constate sur les cellules glandulaires proprement dites, je dois ajouter quelques détails.

Quand, sous finfluence de la contraction de la couche musculaire, l’utricule revient sur lui-même, se rapetisse, il est clair que l’étendue de cet utricule diminue. Les cellules épithéliales qui le tapissent sont fixées à sa par. >i interne d’une manière assez solide, de sorte que jamais elles ne la quittent. Dans la contraction de l’utricule, l’espace réservé aux cellules devenant plus petit, elles doivent subir une pression latérale qui les amincit ou les pousse vers le centre de la glande de manière à le fermer.

J’ajouterai nncore que toutes les cellules épithéliales qui tapissent l’utricule n’ont pas la même consistance ni la même ductilité.

(1) Voir Journal de Micrographie, t. X, 1886, t. XI, 1887, p. 7, 62, 142, 161, 205, 226, 261.

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Quelques-unes résistent à la pression latérale et ne se déforment guère, tandis que les autres s’effilent, leur substance est refoulée vers le centre de la glande en une masse terminale portée sur une sorte de pédoncule.

\

Déjà, dans l’utricule sécréteur des glandes sudoripares de la Chauve-Souris, nous avons vu se produire un phénomène analogue sous l’influence de l’excitation expérimentale, et je dois faire remar¬ quer encore aujourd’hui combien ces recherches physiologiques sur les glandes séreuses de la Grenouille sont intéressantes quand on veut les appliquer aux glandes sudoripares des Mammifères. Ainsi, il est impossible aujourd’hui de concevoir une expérience dans laquelle on assisterait à la contraction des fibres musculaires de ces glandes su¬ doripares de l’homme et des Mammifères. Par conséquent, on pourrait mettre en doute la contractilité des éléments qui forment la couche musculaire du tube sécréteur de ces glandes : rien ne la prouve, puis¬ qu’on n’a pas vu cette contraction s’opérer. Eh bien ! il est évident que les fibres musculaires du tube sécréteur des glandes sudoripares des Mammifères sont l’équivalen des fibres musculaires des glandes séreuses des Batraciens anoures. Il y a, entre ces éléments de la couche musculaire des glandes sudoripares et les éléments de la couche musculaire des glandes séreuses, la plus grande analogie de forme, de situation, probablement de développement. Il est clair que dans les uns et les autres nous avons affaire à des éléments ecto- dermiques, qui ont pris la forme de fibres musculaires ainsi que la fonction, et je crois que nous pouvons conclure de la contractilité des uns à la contractilité des autres.

Du reste, si nous n’avons pas vu se contracter sous nos yeux la tunique musculaire des glandes sudoripares de l’homme, nous nous avons vu, au moins, le résultat de la contraction. Dans ce qui correspond au tube de la glande chez l’homme, c’est-à-dire dans l’utricule de la glande sudoripare de la Chauve-Souris, nous avons vu la contraction. Donc, bien qu’on n’ait pas vu une fibre musculaire du tube sécréteur des glandes sudoripares de l’homme se contracter, on peut affirmer sans crainte que les éléments musculaires de ces tubes se contractent d’une manière utile et efficace pour l’expulsion de la sueur. C’est une des applications du principe que vous connaissez sur le rapport intime qui existe entre la forme des éléments d’un organe et sa fonction.

Je reviens maintenant à l’analyse des phénomènes qui se produisent dans les glandes séreuses des Batraciens anoures quand elles se

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relâchent après s’être fermées et se remplissent de nouveau du maté¬ riel de sécrétion.

Je vous ai déjà dit que, dans cette intéressante question, j’ai pris une position tout-à-fait à part. Ne pouvant admettre ni la manière de voir d’Engelmann, qui attribue la dilatation de la glande à l’élasticité de la paroi, ni celle de Stricker et Spina, qui l’attribue à la contrac¬ tilité des cellules glandulaires ou épithéliales de l’utricule, mon hypo¬ thèse admet que l’agrandissement de la cavité et la constitution de cette cavité dépendent <Je la sécrétion ou de l’acte sécrétoire des cel¬ lules glandulaires qui rejettent le matériel de sécrétion au centre de l’utricule il s’accumule. Ces cellules subissent ensuite une poussée de la part de ce matériel au fur et à mesure qu’il arrive dans la cavité de l’utricule. Ainsi, elles sont passives, subissant la poussée du liquide accumulé, et, d’autre part, elles sont actives puisque ce sont elles qui produisent le liquide, lequel détermine cette poussée. Elles sont donc en même temps passives et actives. C’est un phénomène extrêmement curieux, et si je pouvais établir ma manière de voir sur des bases solides, il est clair que ce serait une donnée très intéres¬ sante pour la physiologie et surtout pour l’histo-physiologie.

Je vous ai montré les modifications de forme que subit le noyau, en suivant les déformations des cellules épithéliales glandulaires, pendant la contraction et la dilatation de l’utricule. Jai cherché, comme je vous l’ai dit, à savoir si ces modifications sont des phénomènes actifs ou passifs et je vous ai rappelé mes anciennes recherches sur les noyaux des cellules amiboïdes et des globules blancs du sang de la plupart des vertébrés. Je vous ai dit qu’on ne peut pas ordinairement observer le noyau dans le protoplasma, parce qu’il n’y a pas une différence suffi¬ sante dans les indices de réfraction des deux substances, mais que chez les Urodèles, chez l’Axolotl surtout, on aperçoit le noyau dans les globules blancs, de sorte qu’on peut apprécier les différences qu’il éprouve dans la forme au moment de l’activité amiboïde. On ne connaissait pas ces faits quand je les ai signalés pour la première fois ; aujourd’hui, ils sont classiques, et l’on a oublié quel était le point de départ de mes observations.

Il est évident que dans les globules blancs de l’Axolotl, les chan¬ gements de forme des noyaux sont passifs sous l’influence des mou¬ vements intérieurs du protoplasma. Le ou les noyaux sont compri¬ més, maniés, pétris, comme une masse inerte. C’est de toute évi¬ dence pour l’observateur, et ce qui appuie encore cette manière de voir, c’est ce qui se passe relativement aux vacuoles contenues dans les cellules épithéliales des utricules glandulaires delà Chauve-Souris. Toutes les cellules ne contiennent pas des vacuoles évidentes. Je suis

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porté à croire que presque toutes, sinon toutes, en contiennent, mais pas assez volumineuses pour qu’on puisse les reconnaître avec un bon objectif, mais quelquefois on en voit qui ont jusqu’à 10 jj, de diamètre. Elles sont alors aussi grosses que des noyaux, mais elles s’en dis¬ tinguent par ce que les noyaux sont plus réfringents que le protoplasma, tandis que les vacuoles le sont moins et prennent des couleurs com¬ plémentaires qui sont caractéristiques. J’ai fait une expérience dont M. Malassez a été témoin, et qui est parfaitement nette. Maintenant, je vais vous montrer que ces cellules glandulaires sont complètement actives pour produire la dilatation de la glande par l’accumulation du matériel sécrété.

Déjà je vous ai parlé de la mort des cellules de l’utricule glandu¬ laire, et je vous ai dit que, quand on a tué par un courant électrique les éléments qui entrent dans la constitution des utricules, ceux-ci restent fermés, et indéfiniment fermés, et il n’y a plus de cavité con¬ tenant du matériel de sécrétion ; c’est ce qui prouvre que la dilatation des glandes n’est pas le résultat de l’élasticité, propriété des tissus qui se montre aussi après la mort et n’est pas absolument vitale dans le sens on l’entend généralement.

J’ai refait l’expérience tout à l’heure, d’une manière plus élégante et plus démonstrative. J’ai pris deux fils de platine extrêmement fins, comme des cheveux; j’ai fait une boucle à chaque extrémité et les ai fixés avec de la parafine, l’un en face de l’autre, sur une lame de verre ; je les ai recouverts avec deux morceaux de verre et deux gouttes de cire à cacheter, pour obtenir une bonne isolation, en lais¬ sant libres les deux boucles. J’ai pu placer une membrane nyctitante entre ces boucles, reposant par ses deux extrémités sur les fils de platine; je l’ai recouverte d’une lamelle et j’ai fait passer dans les fils un fort courant capable de tuer les éléments de la membrane nyctitante.

Toutes les glandes comprises entre les deux anses de fil ont été tétanisées d’abord, puis tuées, tandis que les glandes comprises dans l’intérieur même de chaque anse, ne se trouvant pas dans le trajet direct du courant, n’ont pas subi de secousse électrique violente. J’ai laissé marcher l’expérience pendant quelques heures et j’ai cons¬ taté (pie les glandes tuées par la décharge électrique ne reprenaient pas la forme annulaire tandis que celles des anses avaient cette forme.

Mais j’ai reconnu, en outre, un phénomème dont je ne vous ai pas parlé. Au bout d’une demi-heure à peu près, avec un objectif à sec ordinaire, on distingue tous les noyaux des cellules épithéliales et même musculaires. Si Engelmann avait fait cette expérience, il n’au-

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rait pas pu conserver son opinion sur la situation excentriques des noyaux des fibres musculaires des utricules de la Grenouille. On voit les noyaux placés au centre; les noyaux des cellules épithéliales, dans le protoplasma devenu moins réfringent, acquièrent ainsi un indice bien plus élevé que ce protoplasma diffluent. A quoi cela tient-il ? Dire que la mort fait apparaître les noyaux dans les cellules, c’est se payer d’un mot.

Autrefois, j’ai fait ces expériences sur la cornée et les ai publiées à l’Académie des Sciences. Après avoir tué les éléments par des décharges suffisantes, je lésai placés dans des températures différentes, de à 20°. J’ai vu qu’à 0°, il faut un temps très long pour que les noyaux apparaissent, tandis qu’à 20°, ils apparaissent rapidement après la mort. J’en ai conclu qu’il y avait un processus chimique que la chaleur active, une auto digestion.

C’est une idée générale que j’ai développée plusieurs fois, à savoir que dans chaque cellule qui compose l’organisme on trouve toutes les propriétés essentielles qui appartiennent à l’individu complexe, et que chaque cellule vivante est une cellule glandulaire, quelle que soit l’étiquette qu’on lui donne dans les livres d’histologie, qu’elle a toutes les propriétés essentielles des glandes, sans distinction, sécré¬ tant de la pepsine, de la pancréatine, de la diastase, sinon constam¬ ment, du moins à certains moments. Ces liquides glandulaires sont contenus, après la mort, dans des vacuoles diffuses, et la digestion de l’albumine du protoplasma s’effectue. Ce protoplasma devient ainsi plus diffluent, certaines parties qu’il contient se dissolvent, il perd de sa réfringence. Le noyau, qui résiste davantage aux actions chimiques, conserve sa réfringence ou une réfringence voisine de ce qu’elle était primitivement, et apparaît de la manière la plus nette alors qu’il ne se montre pas, ou obscurément, dans les cellules vivantes.

Ce phénomène, grâce au petit procédé que j’ai employé, peut être facilement observé dans ses détails ; toutes ses phases se passent sous l’œil de l’observateur. En même temps, celui-ci a un terme de comparaison, puisqu’à droite d’une des anses de fil il a des glandes mortes et à gauche, dans l’anse elle-même, des glandes vivantes, et, dans le même champ du microscope, il peut comparer les unes aux autres. Les glandes mortes revenues sur elles-mêmes ne repren¬ nent jamais la forme annulaire : par conséquent, lorsqu’une glande fermée prend la forme annulaire, c’est sous l’influence de son activité vitale et non par un simple phénomène d’élasticité.

La seconde expérience qui montre le rôle actif des cellules est relative à l’action des gaz oxygène, hydrogène, acide carbonique ;

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(je n'ai pas essayé l’azote). L’oxygène favorise le retour d’une glande fermée à l’état annulaire, tandis que l’hydrogène et l’acide carbonique empêchent ce retour, et je crois que ce n’est pas par une action spé¬ ciale que ces derniers gaz agissent ainsi, mais seulement parce qu’il y a absence d’oxygène. La vie des animaux ne peut pas se produire sans oxygène ; quand les glandes de la nycti tante sont privées d’oxygène, elles n’ont pas de manifestation vitale et ne peuvent revenir à la forme annulaire.

Une troisième expérience a montré que le retour des glandes à la forme annulaire dépend de l’activité vitale des cellules glandulaires : quand la membrane nyctitante a été placée sur le porte-objet électri¬ que, qu’on a excité un certain nombre de fois une glande, de ma¬ nière à déterminer sa fermeture, et qu’on l’a laissée revenir à l’état annulaire, on constate qu’au bout d’un certain nombre de contractions et de dilatations, la glande met beaucoup plus de temps pour revenir à la forme annulaire, ce qui prouve qu’elle se fatigue; son retour à la forme dilatée est donc un phénomène actif et qui ne dépend pas de la simple élasticité laquelle ne se fatiguerait pas dans un tissu vivant.

La contraction des glandes séreuses de la Grenouille se fait donc sous l’influence de l’activité des muscles qui entrent dans la consti¬ tution de l’utricule. La dilatation est un phénomène essentiellement glandulaire. On peut ajouter que la contraction, phénomène muscu¬ laire, est un phénomène d’excrétion, et que la dilatation, phénomène glandulaire, est un phénomène de sécrétion.

La contraction de l’utricule, en effet, ne correspond pas plus à la sécrétion que la contraction de la vessie urinaire ne représente la sécrétion de l’urine : c’est l’excrétion, et rien de plus. L’agrandisse¬ ment de l’utricule de la glande séreuse correspond à l’arrivée de l’urine dans la vessie ; et l’arrivée de l’urine dans la vessie dépend en grande partie de l’activité sécrétoire des cellules qui entrent dans la constitution de la glande rénale, de cette force sécrétoire qui pousse en avant le liquide accumulé déjà dans les canaux urinifères. Je laisse de côté ce phénomène très important, le mouvement péristaltique des uretères.

Ainsi, nous arrivons déjà à décomposer le phénomène en phénomène d’excrétion proprement dite, contractions de la musculeuse de la glande séreuse, et accumulation du matériel sécrété dans l’intérieur de l’utricule, et nous sommes disposés à considérer ce dernier fait comme représentant la sécrétion proprement dite. Cependant, si nous analysons le phénomène plus profondément, nous arrivons à recon¬ naître que la sécrétion proprement dite ne consiste pas absolument dans l’accumulation du matériel sécrété dans la lumière de la glande séreuse.

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En effet, d’où vient ce liquide ? Gomment se produit son accumu¬ lation? La cavité glandulaire est entièrement limitée par des cellules épithéliales soudées les unes aux autres, de sorte que le liquide qui s’accumule dans la cavité est obligé de traverser les cellules. Je ne vois pas d’autre force qui paraisse produite par les cellules elles- mêmes pour déterminer le départ de ce liquide au niveau de la face libre des cellules épithéliales. Les phénomènes de sécrétion proprement dits sont ceux qui se passent dans l’intérieur des cellules ; mais quand le liquide s’échappe des cellules pour entrer dans la cavité glandulaire, c’est déjà un phénomène d’excrétion.

L’excrétion présenterait donc deux temps : uu premier temps le liquide élaboré par les cellules pénétrerait dans le centre de la glande; un second temps pendant lequel ce liquide accumulé est expulsé au dehors.

Quel est le mécanisme intime de la sécrétion cellulaire ? Qu’est-ce qui se passe dans cette cellule considérée en elle-même ?

Aujourd’hui, je n’ai pas l’intention de poursuivre beaucoup plus loin l’étude de ce mécanisme de la sécrétion, parce que je veux d’abord vous montrer, dans un certain nombre de glandes, le mécanisme intra¬ cellulaire de la sécrétion il est beaucoup plus facile à suivre que dans les cellules des glandes séreuses de la Grenouille. Cependant, je vous ferai remarquer un fait qui se place ici comme pierre d’attente :

Les cellules épithéliales des glandes séreuses montrent très souvent des vacuoles ; et l’observation des vacuoles n’est pas toujours très facile. Quand elles ont 3. ou 4 p. de diamètre on peut les reconnaître assez aisément ; mais quand elles sont extrêmement petites, de 1 p. ou même moins, qu’elles sont comprises dans une masse de protoplasma très réfringent, avec des granulations plus réfringentes encore, leur examen est très difficile, si difficile qu’elles échappent le plus souvent à l’observation.

Mais revenons à notre sujet.

Nous voyons que, dans l’utricule, le matériel formé s’accumule et détermine une pression, une tension suffisante pour produire le refou¬ lement des cellules épithéliales conlre la tunique musculaire et la membrane propre ; comment se fait-il que cette tension ne soit pas suffisante pour faire sortir le liquide par le pore de la glande ? Puis¬ qu’il se produit sous l’influence de l’accumulation du liquide une tension si considérable, comment se fait-il que, quand la glande n’est pas complètement dilatée, il suflise de la contraction de la couche musculaire, si mince, pour faire sortir le liquide ?

Pour répondre à ces questions, nous devons examiner de plus près

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le pore glandulaire et la couche musculaire de la glande granuleuse.

Voyons d’abord le pore. Sa forme la plus habituelle est celle d’une piqûre de sangsue : trois lignes extrêmement fines qui se rencontrent en un point, lignes entourées de lèvres relativement épaisses et cons¬ tituées par une substance réfringente et qui paraît élastique comme du caoutchouc. On dirait qu'elles sont tenues fermées par élasticité pour produire l’occlusion du pore. Cet appareil compliqué appartient à une cellule du revêtement épidermique et provient d’une différen¬ ciation cellulaire. Ce n’est pas un fait plus extraordinaire que la production dans les cellules du revêtement, chez l’Hydre d’eau douce, de ces capsules urticantes, d’une complication bien plus grande encore et dont nous ne comprenons encore le mécanisme qu’assez difficilement.

Les lèvres du pore glandulaire le tiennent fermé, et avec une force considérable. Ainsi lorsqu’on place la membrane nyctitante dans une chambre humide, au bout de quelques minutes, les glandes qui étaient contractées complètement reprennent la forme annulaire, mais les cellules glandulaires sont relativement épaisses, on reconnaît leur forme cylindrique. Mais, au bout de quelques heures, le liquide con¬ tinue de s’accumuler dans l’intérieur de l’utricule, l’agrandit et refoule les cellules épithéliales de manière à faire un anneau relativement très mince. Il a donc se développer une forte pression. Mais, chose plus curieuse encore, le lendemain, et surtout aux bords, l’air a accès, le canal excréteur est dilaté et forme, par sa coupe optique, un second cercle, concentrique au premier constitué par i’utricule glandulaire, et c’est au-delà, dans un point plus ou moins central d’une cellule du revêtement, que se trouve le pore glandulaire avec son ouverture en piqûre de sangsue exactement close. Il y a donc une force considérable qui a dilaté la glande et son canal, mais le pore tient bon.

Je le répète, on ne comprend pas à priori comment, le pore glan¬ dulaire fermant aussi solidement, il suffit de la contraction de cette couche musculeuse si mince, formée d’une seule rangée de cellules lamelliformes, pour déterminer la sortie du liquide sécrété.

A suivre.

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CONFERENCES SUR LE MICROSCOPE *

(Suite) 1 2

Microscope binoculaire de Chérubin d'Orléans. Chérubin cPOrléans est généralement considéré comme l’inventeur du micros¬ cope binoculaire, qu’il a fait connaître dans son ouvrage La vision parfaite , publié à Paris en 1677 (c2) en un volume in-folio, traduit librement en latin, par l’auteur lui-même sous le titre : De visione perfecta (Paris, 1677, in-fol). Il y établit qu’il a réellement construit, quelques années auparavant, ce microscope et l’a soumis à l’examen de plusieurs de ses amis. (Préf. p. VIII). Son modèle consistait en

deux microscopes composés réunis en un seul système, de manière à pouvoir s’adapter aux deux yeux à la fois. Un segment de chaque objectif, supposé d’un pouce de foyer, était disposé de manière à per¬ mettre aux axes convergents, partant des deux yeux, de se rencontrer à environ 16 pouces de distance en un foyer commun. Le mécanisme permettait de régler l’écartement des axes pour correspondre à celui des yeux de l’observateur.

La figure 1 6 qui montre la construction optique est copiée sur une figure théorique originale (La vision parfaite , PL I, fig. 2, p. 80).

Un dessin de ce binoculaire, tel qu’il était connu de Zahn, a été

(1) Conférences faites à la Soc. for the Encour. of Arts, Man. and Comm. Fon¬ dation de feu le Dr Cantor. (Voir Journal de Micrographie T. X, 1886. p.5i2, T. XI 1887, p. 113, 240, 269.

(2) Le second volume de cet ouvrage n’a paru qu’en 1681 ; il contient les ligures et la description du « Microscope Universel» de Chérubin, auquel il ale premier appliqué, à la pièce de nez, un disque tournant portant des objectifs de dillérent pouvoir, devançant ainsi de plus de 60 ans les applications semblables faites par G. Adams et B. Martin. (Note de l’auteur pour la traduction).

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donné dans la première édition de son « Oculus artificialis » 1685, (Fundamen. III, p. 233) et est reproduit dans notre figure 17.

D’après ce qui est représenté, la seule manière de mettre au point consistait à mouvoir l’objet à la main. J’ai cependant trouvé un mi¬ croscope binoculaire construit sur le système de Chérubin, au com¬ mencement du XVIIIe siècle, d’après l’instruction donnée dans La vision 'parfaite , et dont le mécanisme était excellent. Hooke a cri¬ tiqué l’instrument avec une certaine âpreté (Lectures, Microscopium, p. 101-102), probablement parce que Chérubin établissait qu’il avait découvert des erreurs dans certaines figures d’objets microscopiques récemment publiées, faisant allusion à quelques-uns des dessins con-

f î mi mu i tnuiiiwinn iiiwnin nnmi umûm«»tia]

Fig. 17. Microscope binoculaire de Chérubin d’Orléans (1685) .

tenus dans la Micrographia de Hooke. Ce dernier toutefois, fut obligé de reconnaître qu'il y avait « des défauts dans quelques-uns de ces dessins, les uns provenant, dit-il, de moi-même, les autres du graveur. Humanum est. Mais ceux qu’il (Chérubin) me reproche n’ont pas pu être reconnus par lui s’il n’a pas fait usage d’objectifs meilleurs que ceux qu’il décrit, car ils sont bien loin d’égaler ceux dont je me sers, ce que je puis démontrer d’après la description qu’il en donne lui-même, et ceux dont je me sers grossissent 10,000 fois plus que ceux avec lesquels il prétend avoir fait ces grandes décou¬ vertes. » L’opinion de Hooke était que les objets sont beaucoup mieux vus, dans le Microscope « avec un seul œil, (c’est-à-dire avec le mi¬ croscope monoculaire), ce qui est bien préférable à l’emploi des deux yeux (le microscope binoculaire). » Et il pose cette question topique à laquelle, je crois, il n’a pas encore été répondu d’une manière satis¬ faisante, même de nos jours, par les défenseurs du binoculaire :

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« quelles découvertes fait-il (Chérubin) avec son Microscope binocu¬ laire plus grandes que celles qui ont été faites avant lui ? »

Microscope à réflexion de Newton. En 1672, Newton com¬ muniqua à la Société Royale de Londres (Phil. Transact. YI , 1671- 1672, p. 3080) une courte note avec un diagramme descriptif de son microscope à réflexion, la première idée d’un microscope fonction¬ nant par réflexion, ainsi qu’il suit :

« J’ai quelquefois pensé à faire un Microscope qui, en quelque manière, aurait au lieu d’une lentille objective, une pièce métallique réfléchissante. Et j’espère que vous (la Société Royale) le prendrez aussi en considération. Car ces ins¬ truments semblent susceptibles de perfectionnement comme les Télescopes, et peut-être davantage, parce qu’ils n’exigent qu’une seule surface métallique, comme vous pouvez le comprendre d’après le diagramme ci-joint (reproduit dans la figure 18) dans lequel A B représente la pièce métallique, C D la lentille ocu¬ laire, F leur foyer commun et O l’autre foyer du miroir, auquel est placé l’objet. »

Il ne paraît pas que Newton ait jamais construit ce microscope. Les instruments modernes appelés « Graphoscopes à réflexion » réalisent une construction équivalente à celle du Microscope à réflexion de Newton, sauf qu’ils ne sont pas munis d’une lentille oculaire.

Microscope de Leeuioenhoek. En 1673, Leeuwenhoek commen¬ ça à communiquer à la Société Royale ses découvertes avec le micros¬ cope. Il n’indique qu’accidentellement que ses observations étaient faites avec lemicroscope simple (distingué du microscope composé Képlérien, car la combinaison « Galiléenne » semble être tout à fait sortie delà mémoire depuis sa toute première construction, au commencement du XVIIe siècle, jusqu’à Brücke qui l’a mis de nouveau en avant dans ce siècle). En dehors de cette indication Leeuwenhoek ne donne aucun détail qui puisse permettre à ses contemporains de se procurer des instruments semblables à ceux qu’il a employés ; et son silence a ajouté au respect mystérieux qu’inspiraient sa personne et son œuvre. Il était extrêmement peu empressé de montrer son microscope à qui que ce fut et certains du ses contemporains l’ont accusé d’avoir un bien plus grand amour pour la louange que pour la vérité, à cause

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de son aigreur à réclamer ses découvertes. Même, jusqu’en 1709 rien de certain n’était connu sur la construction réelle du microscope de Leeuwenhoek (Voy. Phil. Trans , XXVII, 1710, p. 24-27, une « lettre du Dr Archibald Adams au Dr Hans Sloane, secrétaire de la Société Royale, relative à la manière de faire les microscopes etc. » dans laquelle le Dr Adams, après les avoir décrits comme paraissant des sphérules logées entre deux plaques d’or ou de cuivre, dans un trou dont le diamètre ne doit pas dépasser celui d’une petite tête d’épingle, » ajoute: « mais leur fabrication réelle est encore inconnue. » Maintenant que nous connaissons exactement les instruments que

Fig. 19 Fig. 20

Microscope de Leeuwenhoek

Leeuwenhoek employait, il ne peut y avoir aucune difficulté â recon¬ naître que sa réputation comme découvreur en microscopie était réellement basée sur sa patience et sa dextérité dans la préparation des objets et sur son habileté dans l’interprétation de ses observations, Quant à ses microscopes, ils étaient mécaniquement delà construction la plus grossière, tandis qu’optiquement, ils consistaient en simples lentilles bi-convexes dont les surfaces travaillées étaient montées entre deux minces plaques de métal avec de petites ouvertures à travers lesquelles l’objet était vu directement. A sa mort, il laissa à la Société Royale un cabinet contenant vingt-six de ces microscopes sur lesquels il a été fait un rapport par Martin Folkes, vice-président de la Société, dans les Phil. Trans., XXII (1723) p. 446-463.

En 1740, ces microscopes ont été examinés et il en a été fait un rapport à la Société Royale par Henry Baker, un de ses membres, (Phil. Trans. XLI, 1740, p. 503-519) et il paraît que leur pouvoir allait de 1/20 à 1/5 de pouce, grossissant de 160 à 40 diamètres. En

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1755, Baker a donné deux croquis représentant les deux faces de l’un de ces microscopes dans son Employment for the Microscope (PI. XVII, fig. 7 et 8, p. 454-456). mes figures 19 et 20 ont été copiées.

Le cabinet et les microscopes ont disparu de la Société Royale. Voici la description de Baker :

« L’œil doit être appliqué du côté fig. 7 (notre fig. 19). La partie plate A est composée de deux minces lames d’argent fixées ensemble par de petits rivets

Kig. 21

Fig. 22

Microscope de Leeuwenhoek

bbbbbb Entre ces lames une très petite lentille bi-convexe est placée dans une douille et un trou est percé dans chaque lame pour que l’œil regarde à travers, en c. Une tige d’argent d, est fixée aux lames de ce côté par une vis e qui les traverse toutes les deux. Une autre partie de cette tige qui s’y attache à angle droit, passe sous les lames et sort de l’autre côté, en f, fig. 8 (notre figure 20). A travers cette partie monte directement une longue vis à pas fin g qui tourne dedans et élève ou abaisse la platine /Usur laquelle est une grosse pointe i pour porter l’objet; celle-ci tourne sur elle-même à l’aide d’une petite poignée k. Et la platine, avec la pointe qu’elle porte, peut-être éloignée de la lentille gros¬ sissante ou rapprochée par une petite vis L qui, traversant horizontalement cette platine et portant contre la lame postérieure de l’instrument, recule la platine quand il en est besoin. L’extrémité de la longue vis g traverse la platine en ra(?) et s’y termine en rond, mais elle n’agit pas comme vis. le filet ne se prolon¬ geant pas aussi haut. »

Grâce à l’obligeance du professeur Hubrechr, de l’Université d’Utrecht, je puis donner les figures d’un des microscopes de Leeu-

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wenhoek appartenant an Musée de cette Université. Il est représenté dans nos figures 21 et 22 en grandeur réelle. La lentille est bi-con- vexe, d’environ 1/4 de pouce de foyer, et montée entre deux concavités munies de petites ouvertures et pratiquées dans deux lames minces de cuivre qui se correspondent et sont fixées l’une à l’autre par trois rivets, deux à la partie supérieure et un en bas. L’objet est tenu devant la lentille à la pointe d’une courte tige vissée dans un petit bloc

Fig- 23. Microscope simple, d’après le Collegium Curiosum de Sturm (1676).

ou platine en cuivre qui est rivetté assez lâchement sur l’extrémité cylindrique lisse d’une longue vis à gros pas agissant à travers un écrou replié à angle droit et fixé à la partie inférieure des lames par une petite vis à tète. La longue vis sert à ajuster l’objet devant la lentille dans le sens vertical, tandis que le pivotement de l’écrou an¬ gulaire autour de la vis à tète lui donne un mouvement latéral. La pointe porte-objet peut tourner sur son axe, quand c’est nécessaire, en se vissant sur la platine. Pour mettre au point, une vis à tête passe à travers la platine à un bout et presse verticalement contre les lames, repoussant ainsi la platine à cette extrémité. La disposition de l’écrou angulaire est telle que la platine est pressée, par effet de res¬ sort de la Jongue vis, contre les lames de cuivre et c’est contre cette

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pression qu’agit la vis pour la mise au point. Un bouton de métal, sur la platine, porte une petite saillie qui paraît avoir été destinée par Leeuwenhoek à se fixer dans le trou placé au-dessous, dans les lames de cuivre, pour retenir l’objet devant la lentille.

Microscope simple ( cC après le u Collegium Curîosum de Sturm. Une autre forme de Microscope simple a été figurée dans le Collegium Curiosum de Sturm (Norimb. 1676, in-4°) p. 139, et nous la reproduisons dans notre figure 23.

La disposition de la tige AB pour la mise au point est assez primi¬ tive même que je soupçonne le dessin d’être d’une date beaucoup plus ancienne. On y voit une coupe de la lentille.

_ _ _ o

S

Fig. 24

Sur la même page de l’ouvrage original sont deux représentations graphiques (voir notre figure 24) du pouvoir grossissant de cet instru¬ ment. L’un montre la ligne n o en grandeur réelle, et la même ligne amplifiée 64 fois en grandeur linéaire à la taille N 0. Mais le dessi¬ nateur n’a indiqué que le grossissement en longueur et non en épais¬ seur. L’autre montre le chiffre 4 en caractère typographique et le même grossi par la lentille. Hooke avait déjà donné la représentation amplifiée d’un « point » imprimé à côté de la grandeur naturelle, mais il s’était servi d’un microscope composé. Sturm donne aussi une figure d’un microscope de Hooke, modifiée probablement par un des constructeurs qui le fabriquaient pour la vente.

Nous arrivons maintenant à une figure donnée par Zahn et qui est presque identique avec celle-ci.

John Mayall junior.

Membre de la Roy. Micr. Soc. de Londres.

suivre)

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LA RAGE A L’ACADÉMIE DE MÉDECINE.

Quand nous vous le disions que les inoculateurs de moelles de lapin, toutes les fois qu’ils obtiennent un « insuccès » entonnent un hymne de triomphe ! On annonçait trois morts, le mois dernier; il était question d’un quatrième.... C’était le moment! Aussi M. Pasteur a-t-il couru à l’Académie des Sciences et à l’Académie de Médecine avec une apologie de ce qu’il appelle ses « méthodes ».

Cette fois, c’est le rapport d’une certaine commission anglaise que M. Pasteur éprouve le besoin de déposer sur le bureau desdites Académies, et qui, à ce qu'il paraît, reconnaît l’efficacité des vaccinations antirabiques ; ce qui prouve, par parenthèse, qu’il y a partout des niais, des complaisants et des intéressés.

Il eût paru convenable de laisser cette tâche à un complice, mais M. Pasteur n’a pas de ces vergognes, et il s’est fait à lui-mème son panégyrique. A l’Académie des Sciences, cela a été tout seul, les académiciens s’en fichent absolument, mais à l’Académie de Médecine, M. Peter s’est levé tranquil¬ lement et a dit ceci :

Lorsque j’ai pris la parole au mois de janvier dernier, j’ai signalé les périls de la méthode intensive. Depuis, elle a été si profondément modifiée qu’on peut dire qu’elle n’existe plus sous sa forme absolue, et que j’ai cause gagnée.

On n’ose plus inoculer le troisième jour, le virus frais d’un jour, par consé¬ quent on reconnaît implicitement le péril que j’ai signalé. Maintenant on inocule par la méthode primitive ou une méthode mixte qui lui ressemble et qui est tout aussi inefficace. Je n’en veux pour preuve que le cas de mort par rage, qui vient d’arriver dans les conditions que je vais dire :

Hier matin, à deux heures, est mort de la rage, à l’hôpital Saint-Antoine, un pauvre ouvrier, nommé Paul Hurot, âgé de quarante-deux ans, demeurant rue Saint-Bernard.

Ce malheureux, qui avait été mordu le 29 mai dernier, par son propre chien, alla immédiatement se faire cautériser dans une pharmacie, puis, dès le lende¬ main, sur le conseil de plusieurs de ses amis, il s’était rendu à l’Institut Pasteur.

Pendant les treize jours que le traitement a duré, Hurot a subi dix-huit ino¬ culations, c’est-à-dire deux par jour pendant cinq jours, et une chacun des huit jours suivants.

A l’issue de cette médication, l’ouvrier ne se ressentait de rien et avait repris ses occupations. Mais samedi passé, le pauvre homme fut pris d’un malaise étrange. Un médecin fut appelé et crut à de simples crises nerveuses. Bientôt cependant, les accidents prirent un tel caractère qu’un autre praticien, M. le docteur Miquel, fut requis. Celui-ci ne tarda pas à reconnaître tous les symp¬ tômes de l’hydrophobie et fit immédiatement admettre le malade à l’hôpital Saint-Antoine.

Dans la journée de dimanche, Hurot, qui avait été placé dans la salle Axen- feld, fut assez calme ; mais vers le soir de nouveaux accès, de plus en plus ter¬ ribles, se déclarèrent et l’on dut transférer le malheureux dans une chambre

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isolée dépendant du service de M. Hayem. C’est qu’il est mort quelques heures plas tard, après une agonie épouvantable, de rage convulsive et non de rage paralytique. Vous pourrez vous renseigner auprès de M. Hayem.

On remarquera :

Que ce malheureux a été inoculé le jour même de sa morsure, on ne peut donc pas arguer (pour expliquer l’insuccès de la méthode) du long temps écoulé après la morsure.

Qu’il a été inoculé par des disciples de M. Pasteur. On ne peut donc pas arguer de leur incompétence ou de leur inhabileté.

Qu’il a été inoculé avec du liquide pastorien ; on ne peut donc pas arguer de la mauvaise qualité du virus ;

Qu’il est mort le 35e jour après la morsure, c’est-à-dire dans les limites habituelles de la durée de la période d’incubation de la rage.

On remarquera, d’autre part, que ce cas de mort ajouté à ceux des six pre¬ miers mois, forme un total égal à la moyenne de la mortalité annuelle de la rage en France.

Voilà pour la valeur de la méthode dite prophylactique de la rage.

J’ajoute qu’il y a, en matière de thérapeutique, un critérium de sens com¬ mun, c'est l’abaissement du chiffre de la mortalité. Or, ce chiffre n’est pas abaissé,, loin de là.

On a invoqué, il est vrai, deux choses :

Les statistiques antérieures ne sont pas suffisantes.

On cache dans les familles les cas de rage.

Le premier argument n’est pas sérieux ; en effet, c’est se faire la part trop belle que de récuser des chiffres qui déplaisent.

Le second argument n’est ni plus sérieux, ni plus médical ; il y a cinq mala¬ dies que l’on cache dans les familles parce qu’elles sont ou peuvent être héré¬ ditaires, ce sont : la tuberculose, le cancer, la syphilis, l’épilepsie et la folie. Mais on ne cache pas plus un cas de mort par la rage survenu dans uûe famille qu’on ne cacherait un cas de mort par l’incendie de l’Opéra-Gomique. Gela n’est pas héréditaire. »

On comprend de quelle colère a été pris M. Pasteur à cette attaque de M. Peter ; aussi s’est-il levé, jaune de bile et tremblant de fureur, et dans une réplique aussi nulle comme arguments que grossière dans sa forme, s’est-il mis à traiter du haut en bas le savant médecin de Necker qui lui a fait l’honneur de prendre ses « expériences » au sérieux.

« La personne qui vient de parler... » « l’académicien qui a pris la parole » a-t-il dit en parlant de M. Peter, professeur de Clinique Médicale à la Faculté de Paris. Pour un peu, il aurait dit : « Cet individu... »

Comme on comprend ce pauvre Jules Guérin qui, malgré ses soixante quinze ans, poussé à bout par la morgue, l’insolence et la mauvaise foi de ce hargneux adversaire, voulait absolument lui « flanquer des claques ».

Et, lui, M. Pasteur, marchand de seringues, de vaccine, de filtres, à 3 fr. 50 la seringue, 10 fr. la double dose de vaccin, 45 fr. le filtre ; ce négociant en brevets, à un million le brevet (sans commission ni escompte), a osé dire au professeur Peter, dans ce français de vache espagnole qui lui est habituel, qu’il considère ses « allégations comme milles et non avenues » et lui-même comme « cliniquement et expérimentalement absolument incompétent » .

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Vous conviendrez que c’est un toupet comme on n’en voit pas souvent. Et la discussion allait s’engager, mais l’Académie lia pas voulu et cela a été partie remise au 12 juillet.

Mais le 12 juillet, M. Pasteur, à qui l’on a sans doute fait comprendre qu’il avait été imprudent en traitant de « cliniquement incompétent » l’un des pre¬ miers cliniciens de ce temps et qu’il y aurait peut-être danger à aller plus loin, M. Pasteur, n'écoutant que son courago, a fait comme ces avale-toul-crû qui de loin menacent de tout casser, mais qu’il suffit de regarder entre les deux yeux et de pousser au pied du mur pour qu’ils s’accroupissent et vous montrent ce qu’ils sont : des foireux ! M. Pasteur s’est éclipsé et a laissé à ses sous-lieutenants le soin de défendre la « méthode. »

Et M. Brouardel s’est mis à faire des phrases et à ergoter sur les statis¬ tiques. C'est la seule ressource !

A propos de quoi M. Peter a fait remarquer qu’en le traitant d’incompétent M. Pasteur fait le même reproche à l’Académie presque tout entière. Et puis, d’ailleurs, compétent ou non, il vient d’apprendre, par une dépêche du dépar¬ tement de l’Aisne, qu’un nommé Bourgeot, mordu le 24 avril, entré en trai¬ tement dès le 28, à l’Institut Pasteur, est mort de la rage le 11 juillet.

Après quoi, il s’est donné la peine d’éplucher ce certificat de complaisance que M. Pasteur appelle pompeusement le rapport de la commission anglaise, lequel, tout élogieux qu’il soit, conclut néanmoins à ce que le Maître a fait prudemment en abandonnant la méthode intensive, et que, tout bien con¬ sidéré, ce qu’il y a encore de mieux pour prévenir la rage c’est d’insister sur les mesures de police sanitaire, sur l’emploi de la muselière, etc.

Car c’est la vérité, le rapport de la commission anglaise conclut ainsi. De sorte que ce mémorable document peut se traduire en ces trois lignes de langue vulgaire :

« La méthode de M. Pasteur est infaillible et merveilleuse. Aussi, pour empêcher les gens de mourir de la rage, il faut museler les chiens. »

C’est limpide ! Nous n’avons donc pas besoin de raconter par le menu le discours de M. Peter, qui a surtout insisté, du reste, sur cet argument que nous avons levé il y a déjà longtemps, et que l’éminent professeur qualifie avec raison d’argument de sens commun : « Vous dites que vous prévenez la rage : le nombre des morts par la rage devrait donc diminuer. Or, il augmente depuis vos inoculations. Vous voyez donc bien que vous ne prévenez rien du tout. »

C’est tellement évident que cela ne se discute pas. Aussi les lieutenants,

(1) Voici ces conclusions :

« La commission officielle de Londres déclare :

« Que le traitement prophylactique de la rage institué par M. Pasteur, est sans danger depuis l'abandon de la méthode intensive.

« Que les inoculations préventives ont pu empêcher la rage de se déclarer chez un certain nombre de personnes.

« Qu’il convient de renforcer les mesures législatives de nature à empêcher le développement delà race canine chez les animaux(muselières, chaînettes, etc.)»

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les Brouardel, les Grancher et autres Charcot auront beau crier, grouiller, s’agiter comme des asticots à qui l’on a marché sur la queue, c’est fini, la cause est jugée devant le public et devant le « sens commun. » Au point de vue scientifique elle n’existe plus. Elle ne subsiste que comme opération financière.

Pour ceux qui sont dedans, je veux dire : pour ceux qui sont dans l’affaire, c’est un moyen de gagner de l’argent, sur le dos des gogos, sans risquer un radis ; pour ceux qui sont autour, c’est un moyen d’arriver aux belles places, aux gros traitements, aux larges décorations, sans avoir rien fait pour ça... que le jeu des « Grosses légumes ».

Et puis, à côté, il y a les badauds, qui sont nombreux, et qui baillent d’admiration précisément, comme M. Prud’homme, parce qu’ils ne compre- nent pas.

Donc, en somme, parmi les applaudisseurs, il n’y a plus que deux catégories : les intéressés et les niais. Qu’ils se classent donc tous comme il voudront.

Mais voici encore deux faits divers publiés récemment et que nous leur dédions :

« M. Desclide, maître d’hôtel à La Rochefoucauld (Charente), descendant il y a quelques jours dans sa cave, fut mordu par un chat.

Immédiatement, M. Desclide est parti pour Paris, il est allé demander les soins de M. Pasteur. Après avoir suivi le traitement, M. Desclide se croyant guéri, revint dans sa famille.... pour y mourir dans les atroces souffrances de la rage la mieux caractérisée. »

« Marie Gerdc, servante à Arsizac-Adour (Hautes-Pyrénées) mordue par un chien, le 27 mars 1887, inoculée treize fois par M. Pasteur est morte de la rage le 22 juillet. Le traitement avait été commencé quarante-huit heures après la morsure. »

Note : Desclide et Marie Gerde sont morts de la rage paralytique, (rage du lapin ou rage de laboratoire).

M. Pasteur et ses complices vont encore triompher de ce chef, et cela sera ainsi, de triomphe en triomphe, jusqu’à ce qu’enfin la mesure soit comble et qu’ils tombent sous le mépris, la malédiction et, espérons-le, la vindicte publique.

Mais qu’est-ce que ça pourra leur faire ? Leur Institut n’est pas au coin du quai, mais on n’y rend pas l’argent.

J. de Vroncourt.

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CARAVANE HYDROLOGIQUE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’HYGIÈNE

La Société Française d' Hygiène vient d’organiser une caravane hvdro- logique qui visitera sous son patronage les stations thermo-minérales du centre de la France du 31 août au 10 septembre prochain.

L’itinéraire suivant a été adopté : Pougues, St-Honoré, Rourbon-Lancy, Bourbon-L’Archambault, Vicbv, St-Yorre, Cusset, Néris, Chatel-Guyon, Royat, (ascension du Puy-de-Dome), La Bourboule (ascension du Puits de Sancv) et le Mont-Dore.

La Compagnie des Chemins de fer de la Méditerranée a bien voulu accorder une réduction de 50 0/0, en faveur des excursionnistes. Des prix spéciaux sont assurés dans les hôtels.

Dans toutes les stations qui doivent être visitées, des fêtes sont préparées pour recevoir la caravane, de concert avec les municipalités, les établissements d’eaux minérales, le corps médical, les sociétés locales, etc.

Cette excursion présentera un grand intérêt au point de vue scientifique, car des conférences seront faites dans chaque station par des médecins les plus compétents.

Ceux qui désirent y prendre part devront s’adresser pour les renseigne¬ ments complémentaires au siège de la Société Française d' Hygiène, 30, rue du Dragon.

Les listes d’adhésions seront closes le 20 août.

LE PHYLLOXERA A CHABLIS

Le dépérissement de la vigne constaté sur plusieurs poins du territoire de Chablis est-il occasionné par le Phylloxéra, ou le Phylloxéra est-il l’effet des conditions anormales dans lesquelles se trouvent les ceps à ces endroits? Voilà la question qu’il importe de résoudre pour trouver le moyen de sauver de la destruction cet important vignoble dont la réputation est universelle.

D’aucuns prétendent que le Phylloxéra est la cause du dépérissement des vignes et qu’il suffit pour les sauver, de détruire l’insecte. Partant de cetle idée, ils ne s’occupent nullement de savoir si la plante trouve dans le sol tout ce qui lui est nécessaire pour être dans de parfaites conditions vitales. Grâce à l'appui inconscient du Gouvernement, cette opinion est acceptée aujourd’hui générale¬ ment partout.

D’autres, en très petit nombre, admettent au contraire que le développement, \a pullulation du phylloxéra est la conséquence de l’état anormal de la plante.

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Pour soutenir cette manière de voir, ils se basent sur l’observation des faits ; ils ont constaté que les insectes parasites, qui ne sont pas de création moderne, attaquent toujours les êtres souffreteux ; ainsi pendant les chaleurs de l’été, lorsque les plantes sou rent par manque d’humidité, on les voit souvent se char¬ ger tout-à-coup d’un nombre infini d’insectes parasites alors que quelques jours auparavant on n’en découvrait aucun. C’est que sous l’influence de conditions favorables, la multiplication de ces êtres infimes a quelque chose de réellement phénoménal ; on dirait qu’ils ont été créés avec la mission spéciale de se propa¬ ger rapidement pour attaquer et détruire les êtres qui manquent de vitalité.

Tous les végétaux indistinctement depuis les chênes vénérables qui peuplent les forêts jusqu’aux arbustes, aux légumes et aux fleurs qui ornent les jardins, ont à se détendre des parasites. L’un d’eux, le Phylloxéra, a fait beaucoup parler de lui depuis un quart de siècle et cependant bien des personnes ne le con¬ naissent aucunement, ne l’avant jamais vu. Si elles veulent, sans se déranger, se faire une idée de cet être minuscule, le moyen est bien simple : il suffit de prendre un verre grossissant et d’examiner en Eté la partie inférieure des feuilles des tilleuls qui embellissent et ombragent les avenues, les promenades, les bou¬ levards des villes et jusqu’aux places publiques des moindres villages, et elles y verront des insectes microscopiques ayant une grande ressemblance avec le Phylloxéra qui, lui, vit sur les racines de la vigne au lieu de vivre sur les feuilles.

Depuis près de cinquante ans nous connaissons le parasite du tilleul et en le voyant réapparaître chaque année, nous nous sommes souvent adressé cette question: si un jour, par suite de circonstances particulières, ces beaux arbres au feuillage si agréable dépérissaient tout-à-coup pendant l’été sur un 'grand nombre de points à la fois et si le Gouvernement donnait à un savant plus théori¬ cien que praticien la mission de déterminer exactement la cause de la mort de ces arbres, qu’arriverait-il ? Ce savant ne manquerait pas de s’armer aussitôt de son plus puissant microscope pour aller examiner attentivement les arbres ma¬ lades et, en découvrant des insectes infimes dont il ne soupçonnait nullement l’existence, il les accuserait indubitablement d’être la cause de la mort de ces arbres.

N’est-ce pas ce qui est arrivé pour la vigne lorsqu’après plusieurs années consécutives de sécheresses estivales prolongées, elle succomba tout-à-coup sur un grand nombre de points dans le Midi, qualifié depuis cette époque <r pays de la soif? »

N’est-ce pas ce qui est arrivé encore à l’occasion de la maladie des vers à soie? Un illustre prolesseur de Paris envoyé dans le Gard pour découvrir la cause de l’affection qui y occasionnait des ravages considérables, découvrit dans les intestins du précieux microbe, un corpuscule qu’il accusa aussitôt d’être la cause du mal. Et naturellement on s’en rapporta à la parole du Maître parce qu’un savant officiel est considéré généralement pour infaillible aux yeux du vulgaire. On ne s’occupa donc aucunement de savoir si les feuilles des mûriers ont toujours les qualités requises pour nourrir convenablement les vers à soie, aussi, malgré les moyens préconisés pour faire disparaître la maladie, les vers continuèrent à mourir ainsi que les mûriers ; et aujourd’hui la sériculture agonise.

Convaincu par nos études et nos observations que le phylloxéra et les cham¬ pignons microscopiques de la vigne, les corpuscules des vers à soie, etc, son l effets des maladies et non causes , nous n’avons pas craint, quoique simple culti¬ vateur, de combattre, par des brochures et de nombreux articles de journax,

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des théories qui devaient, selon nous, avoir pour conséquence des désastres épouvantables. La lutte que nous soutenons depuis longtemps n’a pas été stérile : aujourd’hui, eu effet, des doutes de plus en plus nombreux s’élèvent de toutes parts contre les théories microbiennes, et leurs promoteurs fuient la discussion! N’est-ce pas le commencement de la décadence. Gomme nous attribuons les ma¬ ladies des vignes à des causes purement chimiques, nous disons : C’est par des engrais bien appropriés et non par des insecticides et des microbicides qu’on fera disparaître les maladies constitutionnelles qui ont pour conséquence la produc¬ tion de l’érinéum, de l’oïdium, du péronospora, du mildew, du phylloxéra, du blanc des racines, etc. Pour que la vigne soit dans de bonnes conditions vitales, il faut qu’elle trouve dans le sol les éléments solubles qu’elle réclame. Gomme elle ne se nourrit pas seulement d’azote, de potasse, d’acide phosphorique, de chaux, mais encore de silice, de fer, de magnésie, de soude, etc. nous devons nous demander si la vigne trouve partout, dans les proportions voulues, la ma¬ tière soluble qu’elle réclame et qu’une longue succession de récoltes a enle¬ vées au sol. Admettons que dans les terres calcaires et siliceuses du vignoble de Chablis ni le calcaire soluble, ni la silice ne font défaut ; admettons encore que par les engrais chimiques aujourd’hui employés partout, le sol y soit pourvu suffisamment d’acide phosphorique, de chlore, de potasse, d’azote, de soude, etc. a-t-on jamais pensé à lui donner du fer à l’état soluble ?

Le sulfate de fer introduit dans le soi en modifie favorablement la couleur et fait obstacle à l’évaporalion des gaz ammoniacaux qui se produisent par la dé¬ composition des matières organiques ; il jouit en outre de la faculté de fixer, sous forme d’ammoniaque, l’azote de l’air.

Le fer aide à l’absorption de l’acide phosphorique qui joue un rôle pré¬ pondérant dans la nourriture de toutes les plantes mais principalement de celles qui, comme la vigne, donnent des produits sucrés.

Le fer introduit dans l’immense laboratoire, toujours en activité, qu’on appelle le sol, y produit encore, par ses réactions multiples sur les matières variées avec lesquelles il se trouve en contact, beaucoup d’autres effets utiles ; c’est ainsi qu’on a observé qu’il est presque toujours accompagné de magnésie qu’on trouve, comme le fer, dans les cendres des plantes.

Parmi les effets du fer sur la végétation, constatés par nos expériences person¬ nelles, nous rappellerons les suivants : associé à la chaux, à la marne pulvéri¬ sée, au plâtre, à l’acide phosphorique, le sulfate de fer donné comme engrais aux pommiers et aux poiriers les guérit du chancre et empêche leurs fruits de se taneler. Donné aux pêchers, abricotiers, pruniers, cerisiers, il les préserve de la gomme. 11 préserve également les céréales de la rouille et active leur matu¬ rité. Fourni abondamment aux vignes, il fait disparaître la chlorose, l’érinéum, l’oïdium, le péronosposa, le mildew, l'anthrachnose et donne au précieux arbuste une sève qui met le phylloxéra dans de mauvaises conditions de vitalité. Les vignes qui reçoivent en abondance des sels calcaires concurremment avec du sulfate de fer donnent des raisins plus sucrés. Le vin produit par ces fruits est plus alcoolique et plus coloré, partant de meilleure conservation et de plus grande valeur.

Ce qui précède suffit pour démontrer que le fer doit être classé au nombre des éléments qu’il n’est plus permis de s’abstenir de rendre au sol.

Pendant que nous recommandons l’emploi simultané des sels calcaires et fer¬ reux comme engrais, contre les maladies des vignes, de savants professeurs

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préconisent les sels cuivreux donnés en pulvérisation sur les organes aériens des plantes. La composition chimique du sulfate de cuivre se rapprochant sensi¬ blement de celle du sulfate de fer, on pourra peut-être par ce procédé répété plusieurs fois chaque année, arriver à la longue au même résultat qu’avec le sulfate de fer répandu en poudre sur le sol, parce, que le cuivre lancé en pulvé- risatiou sur les vignes tombe en partie sur la teirc pour y servir de nourriture aux plantes. Seulement, que de main d’œuvre et de temps perdu ! Cela, il est vrai, importe peu à nos professeurs ; ce qui paraît les préoccuper davantage c’est de faire croire aux viticulteurs que les maladies sont dues à des êtres vivants qu’il faut absolument détruire par un poison ; et le cuivre est un poison tandis que le fer, aux yeux du commun des mortels, passe pour un reconstituant puis¬ qu’il entre dans la composition normale des végétaux. Et si on guérissait les vignes a l’aide de reconstituants sans employer de microbicides, que devient drait la théorie du microbe cause? Voilà pourquoi « ils jettent leurs ineptes bouillies sur des feuilles, sur de jeunes pousses, tendres, délicates, qui ne peuvent vivre et grandir, dit le docteur Boëns, qu’à la condition expresse d’être soustraites à l’action des corps étrangers, aux brusques variations de température, aux intempéries subites; en un mot, à l'influence de tout agent extérieur capable d'altérer la fine contexture de ces tissus délicats , ou de troubler la circulation in¬ testine des sucs légers qui les nourrissent. »

Les vignerons de Chablis, instruits par les déboires de leurs confrères du midi et du bordelais, cesseront de prêter l’oreille aux conseils des promoteurs des théories microbiennes qui, en conduisant depuis vingt ans la viticulture dans une fausse voie, lui ont occasionné des pertes se chiffrant par centaines de millions. Ils se garderont donc d’arracher leurs vignes, de les incinérer sur place et de désinfecter leurs sols, parce que détruire n’est pas guérir. Ils s’abs¬ tiendront de recourir à l’immersion, procédé coûteux qui n’a jamais donné de résultats sérieux qu’à cause des engrais abondants dont on accompagne cette opération. Ils laisseront de côté le sulfure de carbone et le sulfocarbonate de potassium, d’un emploi peu pratique et qui n’ont fait tant de bruit que grâce à leur haut patronage. Quant à remplacer leurs excellents cépages par des cépages américains, ils n’v penseront même pas ; ce serait de la folie.

Les viticulteurs Chablaisiens se contenteront tout simplement de mettre en pratique les conseils dictés parla raison et le vulgaire bon sens en donnant à leurs vignes des engrais chimiques parfaitement appropriés à la nature du sol et du cépage qui y est cultivé. En procédant ainsi, ils seront bientôt convaincus de la fausseté des théories en vogue et conserveront à leurs enfants et à la patrie un des fleurons qui ont le plus contribué à la gloire de la France viticole.

Chavée-Leroy.

Membre de la Société des agriculteurs de France.

350

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

OFFRES ET DEMANDES (i)

A VENDRE

33. Lanternes à projections, sur quatre colonnes de cuivre, condensateur de 105 mil.; 1 objectif double achromatique ; lampe à pétrole, 3 mèches. 85 fr. Cet appareil peut recevoir tout espèce d’éclairage.

34. Saccharimètre de Soleil-Duboscq avec 4 tubes de 20 c. . . . 135 fr.

35. Machine dynamo-électrique Gérard, 05, 35 Volts, 7 Ampères. 160 fr.

36. Viseur à lunette, colonne ronde de 70 centim. ; pied triangle à vis calantes,

niveau et vis de rappel . 75 fr.

37. Bile électrique de Ducretet, 6 éléments montés à treuil .... 85 fr.

38. Appareil électro-médical de Dubois-Reymond ; 3 bobines . . 40 fr.

39. Sonnerie électrique à relais ; 20 kilom. de résistance .... 20 fr.

40. Objectif* photographique double à portrait, extra rapide, de De-

rogy à monture a vanne, 81 mill, 5 . 140 fr.

41. Grille pour analyses organiques 60 c. de long . 80 fr.

42. Moteur électrique Camacho, 4 électros à noyaux multiples . . . 180 fr.

43. Caisse de résistance 100 Ohms, 1, 2,2, 5, 10,20 et 50 à 16° de Boisse-

lot . 70 fr.

44. Appareil de Bertsch, pour photographie microscopique, complet en

boite . 40 fr.

45. Télégraphe électrique de Wheatsone, manipulateur et récepteur de

construction anglaise, les deux postes. . . ...... . 100 fr.

46. Machine électrique de Ramsden, 2 conducteurs sur table en noyer verni ;

plateau en glace de 1 mètre . 500 fr.

47. Boîte à lumière avec chalumeau oxyhydrique . 60 fr.

48. Chambre noire à prisme de Chevalier avec pied, rideau, table etbte 65 fr.

49. Machines Gramme, dynamo : . . 380, 480 et 725 fr.

50. Installation électrique composée de une machine Siemens W 3, avec excitatrice D5 et six lampes avec suspens., couronne, au lieu de 4,900 fr., 2,200 fr.

51. Machine Alliance, 6 disques, au lieu de 8,000 fr . 2,000 fr.

id. id. 4 disques, au lieu de 6,000 fr . 1,800 fr.

52. Goniomètre de Babinet . 145 fr.

53. Sextants en cuivre, à lunette, de diverses marques, de 60 fr. à . . 120 fr.

54. Goniomètre de Babinet au lieu de 200 fr . 145 fr.

Cet appareil peut servir à mesurer les angles des cristaux et des prismes et à

il) S’adresser au bureau du Journal. Les articles portés au pré¬ sent Catalogue sont expédiés, contre mandat ou remboursement. La demande doit rappeler le numéro d’ordre de l’article au Catalogue. Le port et l’emballage sont à la charge de l’acquéreur.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE 351

trouver les indices de réfraction des solides et des liquides. On peut aussi aisé¬ ment le transformer en spectroscope.

55. Madiirtes dynamos de Wilde de 4, 6, 10 foyers, an lieu de 3,000, 3,500

4,000, prix : 450, 600 et . . . . . 750 fr.

Ces machines se composent en principe de deux bâtis portant chacun un cercle d’électro-aimants entre lesquels peut tourner un plateau portant des bobines placées en regard des électro-aimants ; ceux-ci forment l’inducteur et le plateau

tournant l’induit.

56» Régulateurs de lumière électrique système Carré. Au lieu de 450 fr. 18ufr.

57. Lampes à arc système Brégüet et Cance Au lieu de de 300, 350 fr. 160 fr.

58. Lampes à arc Mondos, doubles charbons Au lieu de 200 fr. . . 75 fr.

59. Bobines d’induction de Ruhmkorff. de chaleur, de 75 à ... 150 fr.

60. Bobines d’induction 3 m[m à 5 fr 30 m[m à commutateur 65 fr 20 à 380 fr.

61. Objectif photographique Steinheil, in München, Gruppen Antiplane,

48 millim , rapide pour groupes, à vendre . . 185 fr.

62. Objectif pliotogr'aplxiqvLe Steinheil- Weitwinheil. Aplanat 43 m spécia-

pour reproduction ; au lieu de 450 fr . 350 fr.

63. Phonographe Edison a main, cyl. de 145mm diam. au lieu de 100 fr. 60 fr.

101. XJn télescope de 0,10 d’ouverture, chercheur, pied à 6 branches et à co¬ lonne, 2 oculaires, excellent instrument pour petit observatoire . . . 400 fr.

102. Un télescope de 0,95 d’ouverture, pied zénithal, 6 oculaires, très bon ob¬

jectif, monture d’amateur . 120 fr.

On échangerait contre bon microscope.

103. Théodolite très bon pour relevés topographiques. . . . . . 95 fr

On échangerait contre téléphone ou télégraphe Morse.

PARAITRA PROCHAINEMENT

LES DIATOMÉES

par le Dr J. Pelletan

1j beau volume in-18 jésus orné d’un grand nombre de gravures.

On souscrit dès maintenant.

L’ouvrage que M. le Dr Pelletan offre aujourd’hui au public se recommande comme étant une de ces publications qui font époque dans la science. On s’occupe beaucoup en ce moment de ces petites algues que l’on crut, pendant longtemps, appartenir au règne animai, et l’attention est vivement attirée sur elles, mais on rencontre peu d’ouvrages en traitent savamment sous une forme simple et dans des volumes accessibles à toutes les bourses.

En réunissant dans un charmant in-douze, plein d’heureuses illus-

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trations, toutes les connaissances acquises sur les Diatomées , le savant directeur du Journal de Micrographie rend un véritable service et popularise une partie de la science qui mérite certainement d’être connue.

J. R.

(Union scientif.)

PRÉPARATIONS DES DIATOMÉES

contenues dans les nouveaux dépôts

Oamaru (Nouvelle-Zélande) Simbirsk (Russie) Santa Monica , San Pedro (Californie) La Centurie : 60, 80 et 100 marks

GRAND CHOIX DE DIATOMÉEES-TEST ET DE FLAQUES -TYPES

Préparations de salon et groupes élégants de Diatomées,

Ecailles de Papillons, Polycystines, etc.

INSTITUT MICROSCOPIQUE D’Edouard Thum 35, Brüderstrasse, Leipzig.

ENVOI DU CATALOGUE FRANCO

AVIS

M. Ch. REICHERT a l’honneur de faire savoir au public que le nouveau catalogue, en français et en anglais, de ses Microscopes, Microtomes, Objectifs à immersion dans l’eau et dans l’huile, Hémomètres, et autres instruments vient de paraître et qu’il sera adressée franco et gratuitement à toute per¬ sonne qui en fera la demande.

O 11. REICHERT,

Opticien Constructeur de Microscopes ,

VIII, Bennogasse, 26,

Vienne [Autriche).

Le Gérant : Jules Pelletan, Fils.

Amiens Imprimerie Rousseau-Leroy,

Onzième année

I !

25 Août 1887.

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE :

Revue, par M. le Dr J. Pelletais*. Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France en 1887, parle prof. L. Ranvier. Évolution des Mi¬ croorganismes parasites (suite). Le parasitisme chez les Infusoires ciliés, leçons faites au Collège de France, en 1887, par le prof. G. Balbiani. Histoire Naturelle des Diatomées (suite), par le Dr J. Pelletais. Procédés de conservation et d’exa¬ men microscopique des animaux àlaStation Zoologique de Naples (suite), par M. J. M. de Castellarnau y de lleopart. Correspondance : lettre M. J. Künstler. Bibliographie : I. Beitrage zur fossilen Baci/larien Ungarns ; i Theil : Marine Bacillarien , par le Dr Jos. Pantocsek. Offres et demandes. Avis divers.

REVUE

Il y a bien longlemps que j’avais pensé à expérimenter l’acide per ou h y- perruthénique en histologie. Il était possible, en effet, en raison du voisinage du Ruthénium et de l’Osmium dans la classification des métaux, de l’analogie de formule entre l’acide per-ruthénique et l’acide per-osmique (vulgo acide osmique), que ces deux substances eussent des propriétés comparables, une action analogue sur les tissus organisés ; et il était curieux de savoir si, dans ce cas, l’acide perruthénique ne serait pas d’un emploi plus facile ou moins désagréable que l’acide osmique difficile à manier, d’odeur infecte et. dont les vapeurs irritantes sont plus ou moins dangereuses, surtout pour certaines personnes qui n’ont jamais pu s’y habituer.

Il y aurait donc, je le crois encore, intérêt à trouver un réactif plus com¬ mode qui put remplacer l’acide osmique. C’est pourquoi j’avais pensé aussi ;i l’acide vanadique, mais j’ai été obligé d’abandonner ces recherches, aussi bien sur l’acide ruthénique que sur l’acide vanadique, 5 cause de la difficulté qu’on a à se procurer ces substances, assez rares dans les laboratoires, et surtout à se les procurer toujours identiques.

Le professeur Ranvier, poursuivant ses travaux sur le mécanisme de la sécrétion, que nous publions dans le Journal de Micrographie , a étudié

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

l’acide per-ruthénique et l’a appliqué à la détermination des vacuoles com¬ prises dans le protoplasma des cellules caliciformes.

On sait que M. Ranvier attribue un rôle important à ces vacuoles qui, rem¬ plies du liquide élaboré dans la cellule caliciforme, vieiment crever, comme des bulles plus ou moins volumineuses, à la surface du protoplasma et dé¬ versent le liquide à l’orifice de la cellule.

D’après les nouvelles recherches de l’éminent professeur du Collège de France, l’acide per-ruthénique ne remplace pas l’acide osmique, mais, grâce à l’emploi successif de ces deux agents, on obtient des préparations absolu¬ ment démonstratives des cellules caliciformes dans lesquelles les vacuoles sont admirablement dessinées. Nous publierons cette note in extenso.

* *

*

M. Ranvier a communiqué ces résultats à l’Académie des Sciences en même temps que M. Rouget décrivait les grains ou boutons des terminaisons dites en grappe des nerfs moteurs. Les plus gros de ces grains ne seraient que des enroulements du filament terminal du cylindre-axe et les plus petits, de simples anses. Et, en somme, c’est par une anse que finiraient toutes les terminaisons motrices, qu’elles soient en boutons, en grappe ou en plaque, et même celles des plaques électriques de la torpille.

Après quoi je n’ai plus guère à vous parler que des microbes.

11 y a d'abord le microbe de l’indigo. On sait que la formation de la matière colorante bleue de l’indigo est le résultat d’une fermentation particulière. M. Alvarez déclare que cette fermentation est due à un microbe spécial en forme de bâtonnet capsulé.

Il paraît même que cette bactérie indigogène est pathogène et qu’elle peut amener la mort avec des congestions viscérales.

Cela ne m’étonne pas. Pourquoi cette bactérie ne serait-elle pas patho¬ gène? Et puis, d’ailleurs, qu’est-ce qui n’est pas pathogène ? Le gigot de mouton, le perdreau truffé, les haricots-flageolets, les prunes de Mirabelle, tout ça, c’est pathogène quand on en mange trop. Ça peut même occasion¬ ner la mort par indigestion.

Mais c’est le petit-salé que M. Peuch a particulièrement étudié. Il résulte de ses recherches que l’on peut manger sans crainte la viande de porc char¬ bonneux, pourvu qu’elle soit salée. La salaison détruit le bacille du charbon, mais à la condition qu’elle soit complète, ce que l’on reconnaît à la fermeté de la viande, à l’odeur particulière qu’elle exhale et à l’aspect uniformément rouge de la coupe.

Dans ces conditions, le petit-salé, le jambon, la langue à l’écarlate et autres cochonnailles ne sont pas pathogènes, à moins cependant, comme je le disais plus haut qu’on ne les prenne à trop fortes doses, auquel cas ils rentrent dans la catégorie des poisons encombrants les plus dangereux.

Le virus de la tuberculose est doué d’un pouvoir de résistance bien plus

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considérable et, d’après M. A. Galtier, il peut conserver toute son activité dans les eaux, à la surface des objets, dans les matières alimentaires, même après qu’elles ont été chauffées, desséchées, lavées, salées, congelées et quand elles sont en putréfaction.

11 ne faut donc pas s’étonner si la phtisie fait un tel ravage à la surface de la terre. Ce dont il faut s’étonner, si l’on admet que le bacille de Koch est l’é¬ lément producteur de la maladie, c’est qu’il reste encore des hommes, des la¬ pins et des cochons d’Inde vivants.

D’autre part, M. de Lacerda, qui est un grand piocheur devant l’Éternel, travaille la fièvre jaune et son microbe. Combien de fois a-t-on déjà trouvé le microbe de la fièvre jaune ? M. de Lacerda vient encore d’en découvrir un autre. Celui-ci se trouve dans tous les tissus des individus morts de la fièvre amaril. C’est une bactérie spéciale qui n’a encore été trouvée que dans ce mi¬ lieu pathologique et qui est groupée en chaînettes avec une grande tendance à former des ramifications.

M. de Lacerda considère cet organisme comme spécifique.

M. Galippe, lui, étudie le microbe du chou-fleur.

Ne riez pas, c’est très sérieux !

M. Galippe a fait des expériences prouvant qu’il existe normalement des micro-organismes dans les végétaux. Et il fait maintenant des recherches sur les micro-organismes du chou et du chou-fleur.

Nous pensons qu’il a raison. M Chauveau le pense aussi, et on se rap¬ pelle que MM. Ch. Richet et L. Ollivier ont trouvé des microbes, à l’élat nor¬ mal, dans les tissus et la lymphe des poissons vivants.

Cette question des microbes normaux des tissus vivants, animaux et végé¬ taux, est très curieuse et les théories qu’on peut édifier à ce sujet peuvent être des plus singulières. Nous publierons le compte-rendu des expériences de M. Galippe.

* *

Et puis, voici le microbe de la furonculose.

Vous savez qu’aujourd'hui beaucoup de médecins pensent que les clous ou furoncles sont la manifestation d’une diathèse particulière, et l’on dit : La diathèse furonculeuse, comme on dit :1a diathèse tuberculeuse.

Il y aurait, dans le furoncle, un microbe pathogène, naturellement, lequel, porté sur un autre point du corps, y déterminerait un nouveau clou. C’est ce qui expliquerait l’apparition si fréquente des clous par séries. Ils résul¬ tent d’auto-inoculations produites au cours du pansement d’un premier clou.

On ne dit pas, il est vrai, comment est venu le premier clou.

Or, le Dr E. Chambard vient de publier, dans le Progrès Médical , un excel¬ lent mémoire, très travaillé, surtout au point de vue micrographique, et qui est intitulé : Contribution à la théorie infectieuse de la f uronculose ; cas de pneumonie parasitaire furonculeuse .

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Voici de quoi il s’agit.

Un malade était atteint d’anthrax simple, c’est-à-dire de furoncles confluents, et non d’anthrax malin ; d’ailleurs, on connaît le mot : l’anthrax n'est malin que quand le chirurgien ne l’est pas.

Dans le pus de cet anthrax, M. Chambard trouve le microbe du furoncle. Gela devait être.

Mais ce même malade meurt d’une pneumonie, et, à l’autopsie, dans les parties suppurées du poumon, M. Chambard trouve encore le microbe du furoncle.

Et il en conclut légitimement, à ce qu’il semble, que la pneumonie en ques lion est infectieuse et de nature furonculeuse.

Ainsi, il s’agit donc bien d’une diathèse spéciale dont les manifestations peu¬ vent se produire non-seulement sur la peau mais encore dans le poumon .

Jusque là, comme on le voit, cela va bien, et nous pouvons nous croire en possession d'une notion nouvelle et fort intéressante.

Mais voilà que M. Chambard déclare que le microbe en question n'est nulle¬ ment spécifique, c’est le Staphylococcus qui se trouve dans toutes les sup¬ purations localisées, microbe déjà décrit par Pasteur, Lowenberg et par M. Chambard lui-mème. C’est celui qu’on rencontre dans le pus d’une écor¬ chure qui s’enflamme^ et aussi dans les abcès pulmonaires de la morve.

Mais alors, c’est un microbe banal ! Si c’est celui qu'on trouve dans foutes les suppurations localisées, qu’elles se produisent sur la peau, dans le poumon ou ailleurs, il n’y a plus de liaison entre l’anthrax ou les furoncles confluents du malade de M. Chambard et la pneumonie dudit malade. S’il n’avait pas eu d’anthrax, mais seulement une pneumonie, on eût trouvé tout de même dans les parlies abcédées du poumon le staphylococcus des suppurations localisées.

Et alors il n’y a plus de diathèse ou d’affection furonculeuse. Il y a des in¬ flammations locales suppurées qui peuvent être complètement indépendantes les unes des autres, et, dans tous les cas, ne sont pas régies par ce microbe de toutes les suppurations restreintes. Les clous peuvent exister sans la pneu¬ monie, la pneumonie sans les clous, et les abcès cutanés et les abcès pulmo¬ naires contenir le microbe, uniquement parce qu’il y a suppuration.

De sorte qu'à mon sens, le travail, très consciencieux et très instructif, de M. Chambard va précisément à l’encontre de ce qu’il voulait démontrer, la réalité de l’affection générale, infectieuse et parasitaire dite « furonculose. »

Nous n'en finirions pas si nous voulions signaler tous les travaux auxquels ont donné naissance, dans ces derniers temps, les microbes pathologiques. C'est, on le comprend, une mine inépuisable et il est facile à quiconque éprou¬ ve le besoin de publier quelque chose sur n’importe quoi, de prendre les pro¬ duits de la première maladie qui lui tombe sous la main et d'y chercher des Micrococcas , Streptococcus ou Staphylococcus .. . Il y en a toujours quand on le veut bien, et avec cela on peut barbouiller bien du papier et faire un peu parler de soi. C’est tout ce qu’il faut. De la science, il n’est pas du tout question, il s’agit tout simplement de se'faire connaître.

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Laissons donc de coté la séquelle interminable des microbes soi-disant pa¬ thogènes et annonçons aux diatomistes, une bonne nouvelle.

La première partie de l’ouvrage, depuis si longtemps attendu, du Dr Josef Pantocsek sur les Bacillariées fossiles de la Hongrie est enfin parue. Nos lec¬ teurs trouveront dans le présent fascicule une analyse rapide de cette pre¬ mière livraison, consacrée aux Diatomées marines. Nous espérons que les parties suivantes paraîtront prochainement. Nous ne manquerons pas de les signaler au fur et à mesure de leur publication.

Nous espérons aussi pouvoir donner au public dans ia première quinzaine du mois d’Octobre le volume que nous avons annoncé sur les Diatomées , leur histoire naturelle, leur classification et la description des principales espèces , livre qui nous est demandé tous les jours et qui aurait déjà paru, n’étaient les difficultés d’exécution résultant du grand nombre de figures que nous voulons y intercaler tout en cotant l’ouvrage à un prix des plus modi¬ ques.

Dans ces conditions, nous voulons croire que nos lecteurs ne nous en vou¬ dront point des retards apportés à notre publication.

Dr J. P.

TRAVAUX ORIGINAUX

LE MÉCANISME DE LA SECRÉTION

Leçons faites au Collège de France, en 1886-87, par le professeur L. Ranvier.

(Suite) (1)

i

NI.M

Nous avons vu que les phénomènes observés dans les glandes séreuses eu activité ne sont pas aussi simples qu’on pourrait le croire à priori. 11 est clair que l’expulsion du liquide accumulé au centre de l’utricule glandulaire sous l’influence de la contraction de la tunique musculaire est un acte d’excrétion, mais on peut discuter la signifi¬ cation physiologique du phénomène qui consiste dans l’accumulation du liquide sécrété dans l’acinus glandulaire ou l’utricule de la glande séreuse.

(1) Voir Journal de Micrographie, t. X, 1880. t. XI, 1887, p. 7, 62, 142, 161, 205,226, 261, 327.

358

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

En effet, raccumulation du liquide dépend bien d’un acte qui se passe daiqs les cellules glandulaires elles-mêmes, et c’est cet acte qui constitue la sécrétion proprement dite. Car, pour nous tous, il est absolument évident que la sécrétion n’est pas un acte desimpie filtra¬ tion, comme on le croyait naguère, mais un phénomène essentielle¬ ment cellulaire, et que, si l’on savait ce qui se passe dans les cellules essentielles d’une glande, on connaîtrait parfaitement la fonction phy¬ siologique de cette glande.

Quel est ce phénomène dans les glandes séreuses delà grenouille? C’est la question qui doit nous intéresser d’abord. Mais, avant de la résoudre, ou plutôt d’y répondre d’une manière complète, il est indis¬ pensable d’analyser les phénomènes intimes de la sécrétion dans d’autres glandes ces phénomènes peuvent être bien observés.

C’est ainsi que je préfère ne répondre à cette question qu’après avoir étudié les glandes muqueuses et en particulier les glandes mu¬ queuses de la grenouille, mais je 11e quitterai pas les glandes séreuses sans vous parler de quelques points secondaires qui, cependant, ne sont pas sans importance et qui certainement exciteront votre intérêt. Ce sont des questions que j’avais laissées de côté il y a quelques années quand j’ai abordé, pour la première fois, cette étude des glandes séreuses.

Comment se fait-il que le canal excréteur, qui paraît béant, ne laisse pas échapper le liquide accumulé au centre de l’utricule ?

Pour répondre à cette question, nous devons examiner avec la plus grande attention le canal excréteur et surtout le pore glandulaire.

Je vous ai dit que ce pore se présente sous la forme d’une fente qui découpe une certaine cellule de la couche superficielle de l’épiderme de la grenouille, cellule qui a un contour circulaire tandis que les autres ont un contour polygonal. Je vous ai dit aussi que, le plus souvent, le pore a la forme d’une piqûre de sangsue, c’est-à-dire d’une fente étoilée à trois rayons, les rayons formant trois angles à peu près égaux. Il est très facile d’observer ce pore glandulaire sur la mem¬ brane interdigitale, et mieux encore sur la nyctitante examinée par la face épidermique avec un grossissement de 5 à 400 diamètres et un objectif à grande ouverture, de manière à voir la couche superficielle en laissant de côté les couches sous-jacentes. On voit ainsi très nette¬ ment le contour de la cellule dans laquelle le pore est creusé et l’ou¬ verture de ce pore. On reconnaît, en outre, que l’incisure triangulaire n’est pas simplement creusée dans la substance de la cellule superfi- . cielle, mais qu’il se produit au voisinage de cette incisure une diffé¬ renciation en vertu de laquelle une substance particulière se forme

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359

pour constituer les lèvres de l’incisure. Cètte substanse a un indice de réfraction supérieur à celui du reste de la cellule. C’est un fait très frappant. Il est remarquable aussi que les lèvres sont toujours exacte¬ ment appliquées l’une sur l’autre, de sorte que la fente est absolument virtuelle : on ne la voit jamais ouverte. Cette fermeture est donc le résultat de la mise en jeu des propriétés des lèvres qui seraient aussi élastiques qu’elles sont réfringentes.

Etant donné la forme générale du pore, on comprend très bien que la fente soit toujours fermée et les lèvres très exactement appliquées les unes sur les autres avec une certaine force. Voyant la substance des lèvres si réfringente, j’ai eu l’idée qu’elle pouvait être biréfringente, mais je n’ai pas trouvé qu’il en fut ainsi ; il est vrai que je l’ai exa¬ minée dans une seule condition, dans la nyctitante, avec les couches conjonctives qui sont au-dessous, de sorte qu’il peut y avoir eu une observation insuffisante. Du reste, les substances parfaitement élas¬ tiques, ne sont pas biréfringentes : le caoutchouc, qui est parfaitement élastique, n’est pas biréfringent, mais si on l’étire, si l’on produit ce phénomène que j’ai appelé autrefois l’énervation en le maintenant étendu jusqu’à ce qu’il perde la chaleur produite, sous un courant d’eau, par exemple, il reste étendu et devient biréfringent.

On peut montrer par une expérience que le pore est très exacte¬ ment fermé et que son occlusion résiste à une tension qu’on ne peut mesurer mais qui est considérable. Quand la membrane nyctitante séjourne depuis quelques heures dans une chambre humide avec de l’air, il arrive que les glandes qui sont au voisinage de l’air sont dila¬ tées, tandis que celles qui en sont éloignées sont contractées. Dans ces conditions, le matériel sécrété devient de plus en plus considé¬ rable, les cellules glandulaires sont complètement refoulées contre la paroi et forment une bordure relativement mince, beaucoup plus mince que sur l’animal vivant à l’état physiologique. Sous l’influence de l’ac¬ cumulation progressive du liquide dans l’intérieur des glandes, celles- ci se dilatent et les cellules glandulaires tassées contre la paroi for¬ ment un anneau très-mince ; mais il arrive quelquefois que cette ten¬ sion est suffisante pour que le liquide s’accumule dans le canal excré¬ teur et Je dilate comme la cavité de l’utricule. Aussi, trouve-t-on quand on éloigne un peu l’objectif après l’avoir mis exactement au point sur l’utricule glandulaire (la membrane étant examinée par la sur¬ face antérieure), un second cercle, plus petit, concentrique au premier, constitué par le canal excréteur dilaté. Plus superficiellement encore, on trouve le pore glandulaire absolument fermé. Il y a donc, dans ce cas, une tension assez considérable dans l’utricule pour qu’il soit fait unepareille dilatation de la glande et du canal excréteur, et cependant

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le pore retient le liquide accumulé comme une bonne soupape.

Ce phénomène de dilatation montre que mon observation sur la constitution de ce canal excréteur était exacte, c’est-à-dire que les cellules qui forment l’épithélium du canal excréteur ne présentent pas de cuticule comme les cellules du canal excréteur des glandes sudori- pares. Entre ces glandes et les précédentes, il y a donc cette diffé¬ rence, chez les unes présence, chez les autres absence de cuticule dans le canal excréteur. Par conséquent, nous comprenons, étant donnée la constitution des lèvres du pore glandulaire, que le liquide élaboré ne s’échappe pas au dehors au fur et à mesure de sa forma¬ tion. C’est la réponse à notre première question.

Deuxième question : Comment se fait-il, étant donnée cette oc¬ clusion du pore glandulaire, que la couche musculaire, composée d’une seule rangée de cellules, cellules extrêmement plates, contenant par conséquent peu de substance contractile, comment se fait-il qu’une tunique musculaire aussi mince puisse déterminer l’ouverture des lèvres du pore glandulaire, alors que ces lèvres, par leur élasticité, assurent si efiicacement la formeture du pore ? C’était un fait très difficile à comprendre, car cette couche musculaire ne doit pas pro¬ duire une bien grande force.

Je vous ai parlé de certaines préparations fort instructives relati¬ vement à la structure des glandes séreuses : macérations de la nvcti- tante dans le sérum iodé faible, enlèvement de l’épithélium antérieur (épiderme) qui entraine l’épithélium du canal excréteur des glandes séreuses et de plus l’épithélium glandulaire et la couche musculaire. Je vous ai dit que, souvent, il se faisait une dissociation plus ou moins complète des éléments qui entrent dans la constitution des utricules glandulaires ; que toujours, l’épithélium du canal excréteur reste fixé au revêtement général et se montre sous la forme d’une couronne dans laquelle sont disposés régulièrement des noyaux.

Je vous ai dit aussi que les cellules épithéliales peuvent avoir été chassées par la dissociation après macération dans le sérum iodé et que les cellules musculaires peuvent rester adhérentes par une de leurs extrémités au canal excréteur. Que faut-il en conclure? Si ce n’est que, par une de leurs extrémités (antérieure) les fibres muscu¬ laires sont attachées au canal excréteur, ou du moins qu’il y a une adhérence assez intime.

Je vous ai montré que les noyaux des cellules musculaires n’étaient pas situés à une extrémité, comme l’avait cru Engelmann, mais au centre, comme dans les autres cellules.

Si nous prenons maintenant une coupe de la nyctitante ou de la peau dans une région qui soit riche en glandes séreuses, coupe per-

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pendiculaire à la surface, nous voyons dans la partie superficielle le profil du pore glandulaire, puis une région constituée par une série de lames parallèles, le canal excréteur bordé par de petites cellules cubiques; puis, l’utricule. C’est à ces cellules cubiques du canal excré¬ teur que viendraient s’attacher les fibres musculaires. Il est clair que toutes les fois que ces fibres se contractent pour l’expulsion du liquide accumulé au centre de l’utricule, il se fait en même temps une traction sur l’ensemble épithélial du canal excréteur, et sous l’influence de cette traction, il doit se produire un dérangement dans le rapport des lèvres du pore glandulaire; et vous voyez qu’étant donnée cette dispo¬ sition triangulaire, il suffit d’une traction relativement faible pour changer la forme de la fente, écarter un des lambeaux triangulaires et agrandir l’ouverture. Je crois donc que si la couche musculaire de la glande séreuse en se contractant, détermine l’expulsion du liquide contenu au centre de l’utricule, cela tient non-seulement à la pression exercée sur ce liquide pour le faire sortir, mais aussi à ce qu’il y a une action exercée sur le pore glandulaire et que la fermeture élas¬ tique de ce pore n’est plus aussi efficace.

Vous voyez donc que nous pouvons répondre à la deuxième ques¬ tion que nous nous étions posée et que l’observation des détails his¬ tologiques nous conduit à voir dans la disposition triangulaire du pore glandulaire quelque chose qui explique des phénomènes qui paraissent d’abord très obscurs.

Troisième question. C’est Engelmann qui l’a formulée. Quand, sous l’influence de la musculeuse, une glande séreuse de la grenouille s’est complètement contractée et a expulsé le liquide accumulé au sein de l’utricule, que cette gJande, revenue sur elle-même, reprepd peu à peu ses dimensions premières et se dilate, que l’on voit le liquide s’accumuler de nouveau à son centre, d’où vient ce liquide?

Il est clair que, si l’on admet la manière de voir d’Engelmann, si l’on croit que la dilatation de la glande, après que la musculeuse a cessé de se contracter, est due à l’élasticité de la paroi, c’est-à-dire de la couche de cellules glandulaires, de la tunique musculaire et de la membrane propre, on pourrait supposer que le liquide est aspiré du dehors, et il pénétrerait du dehors en dedans. Du reste, c’est une hypothèse qui a été faite par Engelmann, et il a cherché par une expé¬ rience à savoir ce qu’il y avait de vrai dans son hypothèse.

Il a déposé du vermillon broyé dans de l’eau sur la membrane in¬ terdigitale et a fait contracter les glandes par l’électricité et par une action réflexe, excitation du sciatique, etc. En examinant les glandes, il n’a jamais trouvé de vermillon dans leur intérieur. Il en a conclu

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que le liquide accumulé au dedans ne provient pas du dehors, mais résulte d’une élaboration interne.

Si aujourd’hui vous admettez la manière de voir que je vous ai exposée sur la dilatation des glandes, si vous considérez la paroi comme formée par des éléments actifs ayant chacun la fonction glan¬ dulaire, si vous admettez que ces cellules sécrètent un liquide qui est projeté dans la cavité centrale, que ce liquide, en s’accumulant, refoule les cellules à la périphérie de l’utricule pendant tout le temps que la glande met à se dilater, il y aurait dans la cavité glandulaire une ten¬ sion supérieure à celle que l’on pourra jamais observer dans le milieu vit l’animal. Par conséquent, au moment ces glandes se dilatent, il n’y a pas de raison pour qu’il se fasse une aspiration, au contraire, puisque la tension est plus considérable au dedans qu’au dehors.

Il était, cependant, nécessaire de répéter l’expérience d’Engelmann et même de la perfectionner, si possible, par de meilleures méthodes ou par l’emploi de substances plus pénétrantes que le vermillon. J’ai d’abord répété l’expérience d’Engelmann, dans les mêmes conditions : il a raison, les grains de vermillon ne pénètrent pas dans les glandes de la membrane interdigitale, quand on excite le nerf sciatique. Puis, partant de ce fait, établi depuis 1840, par Ackerson, que les glandes séreuses de la grenouille, en dehors de toute excitation expérimentale, se dilatent et se contractent alternativement et rythmiquement, j’ai pensé qu’il suffirait de mettre une petite grenouille dans une dissolu¬ tion de bleu de Prusse dans l’eau. Cette dissolution est bien plus pé¬ nétrante que les grains de vermillon suspendus dans l’eau, puisque c’est une dissolution. J’ai, du reste employé la solution saturée de bleu de Prusse, étendue d’une partie d’eau. En examinant la peau de la grenouille, je n’ai pas trouvé trace de bleu dans les glandes séreuses. Sur la membrane nyctitante d’une grenouille curarisée, excitée direc¬ tement par un courant d’induction interrompu, pas de bleu de Prusse dans les glandes. J’ai arrêté et repris l’excitation cinq ou six fois pour produire autant de fois le relâchement et la contraction des glandes et je n’ai pas trouvé de bleu de Prusse dans leur intérieur. Par con¬ séquent, il faut conserver les conclusions d’Engelmann ; elles sont exactes, les glandes n’aspirent rien pendant leur dilatation. Et j’ajoute qu’en vertu de mon hypothèse, il était tout à fait inutile de faire cette expérience parce que quand une glande se dilate, cette glande, au lieu d’avoir à son intérieur une pression négative a toujours une pression positive par rapport au milieu ambiant.

J’ai observé dans cette expérience un fait curieux. Si l’on empri¬ sonne une grenouille dans un petit sac en laissant passer la patte ou

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si on la curarise, qu’on mette le sciatique à nu et qu’on regarde la membrane interdigitale au microscope, toutes les fois qu’on produit une excitation les glandes se contractent et se vident, puis se dilatent peu à peu quand l’excitation a cessé. Dans ces conditions, on ne voit pas sortir de liquide par les pores glandulaires. C’est une observation très délicate et j’y ai à peu près renoncé; d’ailleurs, Engelmanny avait renoncé avant moi. Mais si l’on répand sur la membrane un peu d’eau vermillonnée et qu’on excite le sciatique, on voit les grains de ver¬ millon se déplacer au niveau de chaque pore sous l’influence du liquide qui s’en échappe. Il se produit au sein de la couche colorée des courants comme des rivières qui ne contiennent pas de vermillon et ces courants partent de chaque pore glandulaire, et pour un grand nombre de glandes, ils ont tous la même direction. Pourquoi toutes ces rivières ont-elles la même direction ? Pourquoi le liquide ne s’é- chappe-t-il pas du pore comme par une espèce d’éruption et ne coule- t-il pas dans tous les sens?

Si, après avoir observé ce phénomène attentivement, on examine une glande séreuse sur la membrane nyctitante à plat, pu l’interdigitale placée horizontalement dans le champ du microscope, avec un objectif à grand angle, on reconnaît, en faisant varier la mise au point, dans la couche profonde la coupe optique de l’utricuie, puis au dessus la lumière du canal excréteur, au centre du cercle formé par la coupe optique de l’utricuie ; mais le pore se trouve souvent en dehors des limites de ce cercle. Si l’on suit avec l’objectif le trajet du canal, on voit qu’il vient véritablement aboutir à ce pore et qu’ainsi il est oblique par rapport à l’axe de l’utricule. Il est certain que, dans ces conditions, le liquide se répandra à la surface de la peau en suivant la direction qui lui a été imprimée par celle du canal excréteur, et c’est à cette obliquité qu’il faut attribuer le phénomène des courants formés à la surface de la peau. Ces courants vont dans la même direction pour des groupes entiers de glandes parce que toutes les glandes de ce groupe ont leur canal excréteur oblique dans le même sens.

Quels doivent être le rôle physiologique, l’utilité de cette disposition ?

Les glandes séreuses de la peau de la grenouille sont des glan¬ des sudoripares et elles ont un rôle très important, puisque la gre¬ nouille vit sur le bord des eaux, se repose au soleil elle semble s’endormir; sa température s’élèverait trop, si à sa surface, il ne se faisait pas une évaporation produite par le liquide des glandes sé¬ reuses. Il faut donc que ce liquide se répande très rapidement au fur et à mesure du besoin, pour empêcher la peau de se dessécher et régler la température de l’animal.

Je vous disais que les glandes séreuses de la grenouille sont des

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glandes sudoripares. En effet, ces glandes n’existent que chez les Batraciens Anoures, je ne sais si elles existent chez tous les Anoures ;

elles manquent chez les Urodèles, chez qui Ton trouve des glandes muqueuses et des glandes à venin, qui existent aussi, d’ailleurs, chez les grenouilles. Cela est facile à comprendre car les Urodèles ont une vie beaucoup plus aquatique que les Anoures ; il y en a même qui sont complètement aquatiques, le Protée, l’Axolotl et les Pérenni- branches. Les Tritons, qui sont amphibies, quand ils sont à terre cher¬ chent les endroits humides, les cavernes, les trous sous les pierres, tandis que les grenouilles, surtout la verte, qui habitent les étangs et leurs rives se tiennent très souvent en plein air ou à l’ardeur du soleil.

Les glandes muqueuses existent dans la peau de tous les Batraciens ; et même, le Protée qui vit dans l’eau, habite les rivières, les lacs, dans les cavernes, n’a que des glandes muqueuses. Cela tient peut- être à ce que le Protée, dans les retraites il vit, a peu d’ennemis et n’a guère à défendre sa vie. Mais peu importe l’explication, ce sont les glandes muqueuses dont je dois vous parler maintenant, et d’abord à un point de vue très général.

Je vous ai dit qu’il y avait deux espèces de glandes, les glandes olocrines et les glandes mérocrines. Dans les glandes olocrines le produit de la sécrétion est formé parles cellules elles mêmes, arrivées au terme de leur évolution, et je vous ai donné comme type les glan¬ des sébacées. Je vous ai dit que ce qui caractérise ces glandes, c’est la cellule sébacée et il faut la suivre dans son évolution.

Les glandes sébacées se présentent dans trois conditions diffé¬ rentes. Elles sont diffuses, établies isolément dans le revêtement épi¬ dermique, car elles sont toujours d’origine ectodermique ; ou bien réunies en groupes irréguliers, comme on le voit dans la première sortie des poils chez l'embryon. Dans le trajet des poils, il se fait une transformation des cellules, véritables glandes sébacées temporairse.

Puis, il y a des glandes sébacées tout fait nettes, situées entière¬ ment dans une masse d’épithélium pavimenteux malpighien. C’est ce que présentent les poils tactiles de certains animaux. Enfin, je vous ai montré les cellules sébacées arrangées en glandes sébacées types, glandes sébacées vraies, formées par un ou plusieurs lobes, ayant membrane propre, vaisseaux et cellules sébacées évoluant de la périphérie au centre de la glande.

Ce qui caractérise aussi les glandes muqueuses, c’est une cellule particulière, la cellule muqueuse ou cellule caliciforme, laquelle peut s’arranger aussi de manières très différentes, et suivant ces arrange¬ ments, il y a à distinguer autant d’espèces de glandes muqueuses.

suivre)

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ÉVOLUTION DES MICRO-ORGANISMES ANIMAUX ET VÉGÉTAUX PARASITES

Leçons faites au Collège de France en 1886-1887 par le Professeur Balbiani

Le parasitisme chez les Infusoires ciliés

(Suite')

De même que chez les animaux supérieurs, il y a des parasites parmi les Infusoires ciliés, et eux-mêmes peuvent renfermer des parasites.

Occupons nous d’abord des parasites des Ciliés, car ils ont joué un rôle très intéressant dans l’histoire de ces animalcules. En effet, leur petitesse ne les met pas à l’abri de cette infirmité, infligée à la plupart des animaux, d’avoir des parasites, car si petits qu’ils soient, ils trouvent toujours des animaux plus petits qu’eux-mêmes, capables de vivre à leur surface, dans leur intérieur et à leurs dépens.

Ces parasites sont des organismes unicellulaires animaux ou végé¬ taux. Parmi les premiers, sont des Infusoires suceurs ou Acinétiens.

Les relations de parasitisme entre les Àcinètes et les Ciliés forment peut-être les chapitres les plus curieux de l’histoire de ces animal¬ cules, curieux par les théories auxquelles elles ont servi de base et surtout de la part de F. Stein, le célèbre auteur de Y Organismus , que je vous ai si souvent cité, mort en 1885, professeur àPrag. Dans ses longues études sur les Infusoires, il a presque renouvelé la car¬ rière d’Ehrenberg. Comme lui, il a apporté un nombre considérable de faits nouveaux, mais aussi, comme lui, il a commis des erreurs do doctrine graves, et comme Ehrenberg encore, ce qui est plus grave, il s’est obstiné à les défendre jusqu’à sa mort.

L’une des plus célèbres de ces erreurs est précisément celle qui concerne la relation génétique qu’il croyait avoir établie entre les Infu¬ soires ciliés, particulièrement les Vorticelliens, et les Infusoires suceurs ou Acinétiens. Elle n’a plus aujourd’hui qu’une valeur historique, aussi ne vous en parlerai-je que d’une manière sommaire.

Une Vorticelle, après avoir vécu un certain temps dans l’état de Vorticelle, tel que vous le connaissez, s’enkyste sur son style, ou bien

(1) Compte-rendu sténographique par le Dr Peçletan. Voir Journal de Mi¬ crographie , t. X, 1886, et tf 1887, p, 233.

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abandonne celui-ci et tombe au fond de l’eau. Alors, de la périphérie sortent des prolongements qui percent la paroi du kyste, et la Vorti- celle se trouve ainsi changée en Acinétien, Sphœrophrya ou Po- dophrya. Dans son intérieur naissent successivement des em¬ bryons, par un processus qui est réel. Stein avait bien étudié ce pro¬ cessus, mais il supposait que ces embryons, à mesure qu’ils se for¬ maient dans la mère, abandonnaient celle-ci, puis après avoir mené pendant un certain temps une vie errante, se fixaient, poussaient un style et reprenaient la forme de l’animalcule dont ils étaient partis. Cela formait un cycle dans lequel l’animal passait tantôt par la phase vorticelle, tantôt par la phase acinète.

Stein pensait avoir ainsi établi une relation génétique entre les Vor- ticelliens et les Acinétiens.

Cette théorie, bien connue dans la science, a été attaquée d’abord par Cienkowsky, ensuite par Claparède qui ont montré qu’elle reposait sur des faits de parasitisme et non de parenté. En effet, on trouve dans la nature certaines espèces de Vorticelliens associées à certaines espèces d’Acinétiens ; et ce qui est remarquable, c’est qu’une espèce donnée d’Acinétiens recherche plus volontiers une espèce particulière de Vorticelliens. C’est ainsi que Stein avait été amené à croire à une relation de parenté entre ces deux espèces si constamment associées. Tels sont, par exemple, VEpistylis plicatilis, Vorticellien qui vit sur les branchies des larves de Phryganes, et son associé le Podophrya branchiarum , VOpercularia IÀchtenstenii et le Podophrya Lichtenstenii.

Toutes ces idées n’ont aujourd’hui, je le repète, qu’un intérêt histo¬ rique, mais quand il fut bien établi qu’elles n’étaient pas exactes, Stein leur substitua une autre théorie qui n’a pas plus de fondement, mais dont la réfutation était plus difficile. Il admit que des Ciliés apparte¬ nant aux espèces les plus diverses, Oxytrichines, Paramécies, Sten¬ tors, etc., se reproduisaient par des embryons ayant la forme d’Aci- nètes, qui se formaient aux dépens d’un fragment du noyau, fragment constituant une espèce de poche dans laquelle les embryons se dévelop¬ paient, se multipliaient; puis ceux-ci sortaient par une sorte de canal sous forme d’un petit animalcule cilié qui, plus tard, poussait des tentacules à sa surface.

Telle est la seconde forme de la théorie de Stein sur la relation entre les Ciliés et les Acinètes. Il faut remarquer que cette théorie n’est en quelque sorte qu’une transformation de la première. Il ne s’agit plus ici que d’embryons ayant la forme d’ Acinètes. C’est un déguisement, un masque mis à la première théorie pour la rendre acceptable.

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Après avoir été ainsi obligé d’abandonner la forme première de sa doctrine sons les attaques de Gienkowsky et Claparède, Stein Fa dé¬ fendue encore dans la dernière partie de son Organismus (1867). En 1860, j’avais démontré le mal fondé de cette théorie et fait voir que ces embryons à forme d’Acinète étaient de véritables Acinétiens comme ceux que Stein avait d’abord mis en relation de parenté avec les Vorticelliens. J’ai montré que ces Acinètes pénétrent dans les Infusoires par un mécanisme très singulier que nous décrirons plus tard, en refoulant la peau et tendant à se créer dans la peau refoulée une sorte de poche dans laquelle ils se multiplient. Ce sont des Aci¬ nètes appartenant à un genre particulier, Sphœroplirya, de Clapa¬ rède, toujours libres et sans prédoncule, errants dans l’eau et cher¬ chant leur proie, c’est-à-dire un animal pouvant leur fournir la nour¬ riture et le moyen de multiplier. Ils commencent par se poser à la surface d’une Paramécie, par exemple, refoulant la peau et se logent dans l’enfoncement ainsi produit et qui ne tarde guère à se refermer presqu’entièrement sur le parasite, se transformant en une sorte de poche ou de cavité, communiquant encore avec le dehors par un canal plus ou moins rétréci, et dans laquelle ils se multiplient.

On trouve ces Acinètes parasites dans une foule d’espèces et fré¬ quemment chez les Paramœcium Aurélia et bur&aria, le Stylony- chia mytilus) etc.

La seconde forme de la théorie de Stein n’était donc pas plus vraie que la première et nous a amenés à cette conclusion qu’il n’y a aucune relation de parenté aujourd’hui établie entre les deux groupes d’infu¬ soires, les Ciliés et les Acinétiens.

Ces derniers ne sont pas les seuls Infusoires qui ont été mis en relation avec les Ciliés. Les Flagellifères ont été considérés aussi quel¬ quefois comme des embryons de Ciliés et surtout dans quelques gros¬ ses espèces, Stentor cœruleus, Bursaria truncatella , etc. On voit souvent, dans l’intérieur du plasma, de vastes poches remplies d’une population grouillante de petits êtres sphériques. Quand on écrase l’animal, on voit ceux-ci sortir et se répandre dans le liquide ambiant ils disparaissent en nageant. Les premiers observateurs, Oscar Schmidt, par exemple, avaient cru à une relation de parenté entre l’Infusoire et les petits êtres, qui ne sont que des Monadiens para¬ sites, se comportant exactement comme les Acinétiens dont nous par¬ lions tout à l’heure.

Ces Flagellés ont donné encore naissance à une autre erreur de Stein. A propos delà Vorticella microstoma , Stein avait constaté que parfois on voyait dans le kyste de la Vorticelle une masse de petits corps produits dans le noyau et qu’il croyait être des spores se déve-

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loppant dans Je noyau de la Yorticelle enkystée. Puis, les spores éclo¬ sent, et il en sort de petits êtres qui dévorent le contenu du kyste, émettent des prolongements qui sortent par des trous à la paroi du kyste, et enfin rompent ce kyste et s’échappent sous forme d’une nuée de petits organismes qui 11e sont pas des spores de Yorticelle, comme le croyait Stein, mais des Monadiens qui s’introduisent dans le kyste, s’y multiplient et s’échappent quand leur développement est terminé.

Ainsi, dans ce cas, c’est dans le noyau que les parasites se déve¬ loppent, mais 011 connaît d’autres faits semblables donnant lieu à des développements d’organismes plus ou moins bien connus. En 1878, Van Rees ( Zeitsch . f. toiss. Zool.) a décrit les faits suivants. Dans une Oxytrichine, il a vu se développer, dans les deux masses nucléai¬ res, des corps qu’il appelle « cellulaires » et qu’il ne détermine pas autrement. Bientôt chaque masse nucléaire prend l’aspect d’une amas homogène qui se clive en petits fragments et présente le dernier terme des observations de Van Rees.

Il est évident que cette observation n’a pas été poussée jusqu’au bout. J’ai moi-même observé quelque chose d’analogue et je suis resté dans la même indécision : dans les kystes du Stylonyclüa pustulala , les deux masses nucléaires disparaissent ou se fusionnent en une masse unique. Quoi qu’il en soit, à la place des deux noyaux, on ne voit qu’un gros corps nucléiforme qui se segmente d’une façon assez régu¬ lière en deux, quatre, etc. puis un grand nombre de segments ova¬ laires. Ceux-ci se répandent dans tout l’intérieur du kyste, et quand le kyste se rompt, ces corps s’échappent et restent complètement im¬ mobiles dans le liquide. La nature de ces fragments est aussi indécise que dans l’observation de Yan Rees.

Il y a donc une foule d’organismes qui peuvent vivre en parasites dans les Ciliés, organismes mal définis et qui sont la cause de théories diverses. Mais il y a des organismes dont 011 a pu reconnaître jusqu’à un certain point la vraie nature. Il y a probablement des Sporozoaires qui vivent en parasites dans les cellules et c’est Stein encore qui a fait la première découverte de corps Grégarinaires vivants en parasites dans les Ciliés.

Observant le Stentor Ræselii , Stein a rencontré des exemplaires chez lesquels le noyau avait perdu sa forme de chapelet et s’était trans¬ formé en un sac allongé plus ou moins tortueux et contenant de petits corps serrés les uns contre les autres, d’aspect brillant et de forme ovale ou fusiforme. Il est probable que la substance du noyau avait disparu et que ces corps s’étaient produits dans la membrane nucléaire. Quelquefois, le noyau s’était séparé en petites masses remplies de

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corps ovalaires. Ceux-ci restaient immobiles, Stein pensa d’abord avoir rencontré des spermatozoïdes.

D’après ce que nous connaissons des phénomènes de reproduction des Infusoires, il est probable qu’il s’agit encore de parasites, et ces corps fusiformes ou ovalaires ont une très grande analogie avec les spores des Microsporidies.

On voit souvent le noyau ou le nucléole rempli par des corps qui ont la forme de filaments, par exemple chez le Paramæcium Auré¬ lia. Le noyau est hypertrophié et remplit presque toute la masse du corps ; son contenu est formé par un feutrage de petits filaments qui s’entrecroisent dans tous les sens et qui avaient été pris pour des sper¬ matozoïdes. D’autres fois, c’est le nucléole qui renferme ces corps et qui est hypertrophié, surpassant même le noyau en volume.

Ces faits sont très intéressants parce qu’à leur connnaissance se rat¬ tache le grand nom de Johann Müller qui, à la fin de sa vie, s’occu¬ pait beaucoup de ces études et fut le premier à entrevoir ces filaments ou fuseaux. Il eut l’idée que ce pouvait bien être des spermatozoïdes, mais, en homme prudent, il n’émit cette idée que comme une hypo¬ thèse. Il en fut de même de Lieberkühn. Claparède et Slein reconnu¬ rent aussi les corps filamenteux ; malheureusement, ils n’imitèrent pas, surtout Stein, la sage réserve de J. Müller. Stein, toujours prêt à élever des théories, eut bientôt fait la sienne et admit que ces b⬠tonnets qu’il voyait dans le noyau et dans le nucléole se développaient primitivement dans le nucléole, parce que quelques mois aupa¬ ravant, j’avais caractérisé le nucléole comme un élément mâle et le noyau comme un élément femelle. Alors, il pensait que les bâtonnets étaient des spermatozoïdes formés dans le nucléole, organe mâle, qui avaient pénétré dans le noyau, organe femelle, fécondant celui-ci comme les zoospermes fécondent un œuf. Et ensuite, le noyau se seg¬ mentait, comme un œuf, et de ces segments dérivaient les sphères embryonnaires qui se transformaient ensuite en embryons acinéti- formes.

Vous voyez avec quelle habileté Stein arrivait toujours à faire ren¬ trer dans sa théorie les faits dont les travaux de chaque jour enri¬ chissaient la connaissance des Infusoires.

Cette idée de Stein avait déjà réuni quelques partisans, et Claparède, qui avait contribué à ruiner la théorie des Vorticelliens reproduits par des Acinètes, se prononça en faveur de cette idée de reproduction sexuelle. Mais ce succès ne fut pas de longue durée, car en 1861, je montrai que ces bâtonnets n’étaient que des Bactériens qui se produi¬ sent dans ce cas au même titre que chez les animaux supérieurs et déterminent des altérations de substance. Je démontrai, parles carac-

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tères physiques et chimiques, par leur résistance aux solutions de potasse qui dissolvent rapidement les spermatozoïdes, que ces corps étaient de nature végétale. Cette manière de voir fut confirmée, en 1864, par Kôlliker qui a fait quelques travaux de vérification, après avoir hésité un moment entre les deux interprétations, et se rallia définiti¬ vement à la mienne après avoir constaté les propriétés chimiques de ces bâtonnets.

Il ne faut pas confondre ces apparences filamenteuses, dues ici à un fait de parasitisme, avec la striation qui se forme dans le nucléole pen¬ dant la conjugaison ou la fissiparité. Cette striation est de nature très diverse. Souvent, elle se présente disposée en stries parallèles qui pourraient produire une certaine confusion avec les stries parallèles de la division du nucléole. Ici ces stries sont dues une disposition particulière que prend la substance du nucléole pendant la division et qu’on retrouve dans la division des cellules ou karyokinèse. C’est moi qui m’y trompai et pris la striation physiologique du nucléole pour des spermatozoïdes agglomérés. C’est ainsi que dans la science une erreur se substitue à une autre erreur.

Vous voyez que cette histoire du parasitisme chez les Ciliés a un intérêt très grand, en raison des erreurs auxquelles elle a donné lieu de la part des hommes les plus éminents.

Mais les Schizomycètes ou Bactériens ne sont pas les seuls micro¬ organismes végétaux parasites que Ton rencontre chez les Ciliés ; il y a aussi des Palmellacées, groupe inférieur des Algues. Ce sont ces petits corps qui donnent la coloration verte à un grand nombre de Ciliés et qui ont été pris, presque depuis l’époque de leur découverte pour de la chlorophylle animale. Je ne ferai pas ici l’histoire de ces parasites et je n’en dirai que quelques mots.

Ehrenberg connaissait déjà les parasites verts ; on les connaissait même avant lui, mais il constata que cette coloration verte de cer¬ tains Infusoires était due à de petits grains verts placés dans la couche corticale de l’animalcule. Ce n’est qu’une moitié de la vérité, car ils existent souvent aussi dans la partie de l’endoplasme qui confine à l’ectoplasme ou couche corticale. Ceux qui se trouvent dans l’endo- plasme sont entraînés parle courant circulaire du protoplasma, comme cela a lieu chez le Paramæcium bursaria. Siebold fut le premier

les considérer sinon comme identiques à la chlorophylle végétale, au moins comme formés par une substance très voisine.

Ces espèces vertes sont assez nombreuses et quelques-unes se pré¬ sentent ainsi à l’état normal, comme les Stentor polymorphus , Ophrydium versatile, Paramæcium bursaria, etc. D’autres ne renferment de grains verts que d’une manière plus ou moins acciden-

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telle, comme les Vorticella campanula , Euplotes Charon , E. pa- tella , Spirostomum ambiguum , et beaucoup d’autres que l’on ren¬ contre souvent colorés en vert, mais souvent aussi non colorés ; ce sont des colorations accidentelles.

Cette supposition de Siebold que ces corps verts pouvaient bien être des globules de chlorophylle végétale a été confirmée par les analyses micro-chimiques de Cohn etdeMaxSchulze. CohnetSchwæ- ble montrèrent qu’ils présentaient le spectre de la chlorophylle avec une solution alcoolique de la matière verte de F Ophrydium versa¬ tile. Je ne parle pas des travaux qui furent faits sur les corps verts d’autres animaux, Vers, Spongiaires, l’Hydre verte, etc.

L’étude de ces corps était faite simultanément par d’autres expéri¬ mentateurs qui reconnurent aussi que certains animalcules apparte¬ nant aux groupes des unicellulaires et des pluricellulaires pouvaient être colorés en verts par des granules d’une chlorophylle qui avait tous les caractères de la chlorophylle végétale.

Enfin, à une époque toute récente, en 1876, Geza Entz, le premier, émit l’idée que ces corps verts, pris pour des grains de chlorophylle, étaient des parasites. En 1881, Cari Brandt, arriva à une conclusion analogue, allant même jusqu’à caractériser ces petits corps au point de vue de leur systématisation : il en fit des Palmellacées parasites. En effet, ils présentent tout à fait les caractères de ces Algues et sont formés d’une enveloppe extérieure, mince, de cellulose et d’une subs¬ tance mucilagineuse recouvrant la masse du plasma. Ce plasma est revêtu extérieurement d’un liquide vert qui constitue la matière colo¬ rante verte, répandue tantôt sur toute la surface, tantôt affectant des dispositions variables. Mais Brandt fit une découverte encore plus im¬ portante qui confirmait cette interprétation : il montra que ces corps avaient un noyau, ce qui les caractérisait ainsi comme une cellule. Il put même colorer ce noyau par les réactifs colorants. C’était donc bien de petites Algues Palmellacées. Schulze, en 1851, avait vu leur multipli¬ cation par division en 3 ou 4 parties et j’ai fait moi-même cette obser¬ vation, en 1878, sur les corps verts du Stentor polymorphus ; à chaque fois, le noyau prend part à la division.

Enfin, les faits s’ajoutent les uns aux autres pour confirmer cette interprétation nouvelle. Cari Brandt et Geza Entz ont montré que lors¬ qu’on tue l’animal et qu’on met les petits corps verts en liberté dans l’eau ambiante, ils continuent à vivre et même se multiplient en formant de petits amas verts. Ils ont donc une existence indépendante et ont reçu de Brandt, qui en a fait un genre particulier de Palmellacées, le nom de Zoochlor ella qui indique leurs rappprts avec les animaux, tandis que Geza Entz les considérait comme des formes végétatives d’autres

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Algues filamenteuses et que d’autres les appelaient corpuscules pseu¬ dochlorophylliens.

Quels sont les rapports qui s’établissent entre le parasite et son hôte? c’est un très bel exemple de symbiose mutualiste ou sym¬ biose avec adaptation réciproque, association dans laquelle le parasite et son hôte trouvent également avantage, l’Infusoire produisant par sa respiration de l’acide carbonique, puisé à sa source parle parasite qui rend de l’oxygène et fabrique de la matière amylacée.

Gomment ces petits êtres pénètrent-ils dans les Infusoires ? Il y a encore d’autres questions que nous examinerons quand nous nous occuperons d’une manière spéciale des microorganismes qui ap¬ partiennent au règne végétal.

ê

Occupons nous maintenant des Ciliés qui vivent en parasites dans diverses espèces animales.

On trouve des Ciliés parasites dans les Vertébrés et dans les Inver¬ tébrés, les uns à l’extérieur ou ectoparasites, les autres à l’intérieur ou endoparasites. Parlons d’abord des ectoparasites.

Les Infusoires Ciliés ectoparasites occupent la peau, les branchies, les appendices divers du corps de leur hôte, pattes, antennes, poils, coquille, etc. En raison de leur mode d’existence, les animaux sur les¬ quels ils s’établissent doivent être des animaux aquatiques. Par consé¬ quent, pour les Vertébrés, ce sera des Poissons ou des Batraciens.

Le plus ordinairement, le parasitisme entre les Ciliés et leur hôte n’est qu’un parasitisme d’espace ou de support. Le parasite cherche un site, un abri, sur l’animal qu’il fréquente, mais il n’est pas rare de voir certaines espèces de Ciliés rechercher comme hôte une espèce particulière d’animal. C’est ainsi que V Epis ty lis plicatilis se trouve sur la coquille des Mollusques Gastéropodes d’eau douce et particu¬ lièrement des Lymnées et des Palusdines, Y E pis t y lis branchiophylla sur les larves de Phryganides il vit à côté de cet AcinètequeStein lui avait cru associé par parenté.

De même, le Cothurnia imberbis vit sur le Cyclops quadricor- nis , Entomostracé très commun que tout le monde connaît; c’est qu’il faut surtout le rechercher. Le Lagenophrys ampulla vit dans une capsule fixée sur les lamelles branchiales des Gammarus et exclu¬ sivement sur le Gammarus pulex avec le Spirochona gemmipara.

VHydra vulgaris donne asile à deux Ciliés très intéressants, des Urséolaridès, le Gherona polyporum et le Trichodina pediculus. Le premier, dont j’ai décrit la conjugaison en 1861, est un Infusoire anciennement connu, mais peu répandu. Il court avec ses cirrhes sur la peau de l’Hydre et a la forme d’un rein ; une large bouche, deux

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masses nucléaires et un petit nucléole. Il porte des rangées de cils, obliques et parallèles entr’elles ; mais le meilleur diagnostic, c’est qu’on Je trouve sur l’Hydre et jamais ailleurs.

Le Trichodina pediculus est encore plus curieux. C’est un animal de forme variable, car le Trichodina mitra n’est qu’une des formes qu’il affecte. Il est doué, en effet, d’une contractilité extraordinaire. Tantôt il a la forme d’un petit cône, tantôt d’un verre démontré, tan- lot d’un chapeau, d’une cloche ou d’un sablier. Quand il a la forme conique, la base du cône est en haut, et on le voit grimper sur les bras de l’Hydre avec les longs cirrhes qui garnissent cette base, sem¬ blables aux pattes d’un Myriapode.

Ce Trichodina a un noyau rubané et un appareil de fixation très compliqué, car il se fixe quelquefois. James Clarke a décrit cet appa¬ reil avec beaucoup de soin. L’animal avait pris une forme qui estasse/, fréquente, celle d’un chapeau. Dans ce cas, le fond du chapeau est situé en haut et c’est qu’est placée la bouche ; les bords et l’ouver¬ ture du chapeau sont situés en bas, et c’est l’ouverture même du cha¬ peau qui constitue l’appareil de fixation ; les bords sont limités par une membrane transparente que Clarke appelle le velvm. En dedans de cette membrane transparente est une seconde bordure très nette¬ ment striée en travers. Enfin, en dedans de cette seconde bordure il y en a une troisième formée par un anneau d’apparence cornée. Celui- ci est garni de petites dents en forme de crochets très acérés, inclinés vers l’intérieur et rappelant assez les dents de la roue d’échappement d’une montre, (c’est la comparaison qu’emploie Stein). A la limite du vélum avec la bordure striée est placée une rangée de cirrhes mar¬ cheurs.

Quand l’animal veut se fixer, il enfonce ses crochets dans la peau de l’Hydre ; quand il veut se déplacer, il se sert de ses cirrhes sur lesquels il court avec rapidité. C’est un animal qui pour un Infusoire a une organisation très compliquée.

Il vit aussi sur les branchies du Brochet, les nageoires de l’Épi- noche, et, d’après Saville Kent, sur un Triton. M. Robin l’a trouvé sur un Poisson, le Scorpène, et Stein sur des Planaires.

La plupart de ces Infusoires ectoparasites ne sont guère qu’impor¬ tuns et non dangereux. Cependant, le contraire peut arriver. Perty rapporte (Sur les formes les plus simples de la vie ) qu’en 186^ une espèce de Vaginicole s’était multipliée avec une telle abondance sur les branchies des Poissons des lacs de Lombardie que la respira¬ tion était empêchée et que les poissons mouraient en grand nombre.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

HISTOIRE NATURELLE DES DIATOMÉES

[Suite l)

M. K. L. Smith a même fait la contre épreuve, c’esl-à dire qu’il a coloré la couche hyaline en une nuance assez vive de manière à la mettre encore mieux en évidence. En ajoutant dans l’eau, on nagent les Pinnularia une très petite quantité de rouge d’aniline, soluble, il a vu la matière colorante se concentrer dans la couche hyaline périfrustulaire et la colorer en rose vif, alors que l’eau de la préparation était elle-même à peine teintée.

Nous avons fait la même expérience avec de l’éosine, matière colorante pour laquelle la substance hyaline périfrustulaire présente une affinité aussi grande que pour le rouge d’aniline. L’observation de M. H. L. Smith est peu exacte quant au mouvement des particules en suspension dans le liquide, mais la coloration rose se produit immédiatement, et, comme l’a constaté aussi M. H. L. Smith avec le rouge d’aniline, le mouvement de la Diatomée est instantanément arrêté.

Voici donc démontré d’une manière péremptoire, à l’aide d’un réactif colo¬ rant du protoplasma, l’existence d’une couche extérieure de protoplasma, in¬ visible dans les conditions ordinaires, a cause de sa minceur et de sa transpa¬ rence. Cette couche a, d’ailleurs, été reconnue dans un assez grand nombre de cas, et il est possible que ce qu’on regarde souvent comme une produc¬ tion parasitaire sur certains frustules ne soit que cette couche accidentellement épaissie de protoplasma externe.

Protoplasma externe , tel est, en effet, le nom qu’ont donné plusieurs auteurs à cette couche hyaline périfrustulaire. Or, cette couche, c’est le thalle dufrustule.

Pour nous, toutes les Diatomées vivantes et complètes possèdent ce thalle protoplasmique, en couche plus ou moins épaisse et régulièrement disposée. Si certains frustules libres ne le présentent pas, c’est qu’ils l’ont perdue, comme la psorospermie sortie de sa gangue myxosporidique, comme la graine sortie du fruit, comme la pomme tombée du pommier.

Mais si les frustules sont revêtus d’un thalle de nature protoplasmique, n’est-il pas possible que cette couche soit douée, comme l’est tout protoplas¬ ma, de mouvements propres, de contraction, de dilatation, d’ondulation, comme on en voit dans beaucoup de cellules, dans les Amibes, dans les masses myxosporidiques ?

Et, si à la surface d’un frustule naviculaire, c’est-à-dire facilement mobile, le thalle protoplasmique éprouve un mouvement de contraction ou d’ondula¬ tion, ce mouvement ne déterminera-t-il pas la progression du léger frustule flottant au sein du liquide, dans un sens opposé, et le rejet des particules so¬ lides qui viennent le toucher, sur les côtés ou vers l’arrière ?

N’est-ce pas, d’ailleurs, un phénomène presque constant dans les mouve-

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375

ments protoplasmiques que ces changements subits dans le sens du mouve¬ ment ? Quand on observe la marche des granulations dans les pseudopodes d’une Amide, ne les voit-on pas entraînées d’abord dans un certain sens par le courant protoplasmique, s’arrêter, puis rétrograder, le courant qui les em¬ porte ayant changé de sens? Ces mouvements d’ondulations, comme une vague qui va et vient, ne sont-ils pas caractéristiques de certains organismes formés presqu’uniquement d’une masse de protoplasma, comme beaucoup de Rhizopodes, les Pelomyxa, certains Rhizo-flagellés, etc. ?

N’est-ce pas, chez certains d’entr’eux, comme chez les Acanthomètres, le protoplasma extérieur, entourant la squelette minéral qui est chargé d’accom¬ plir tous les mouvements dont est doué l’animal?

Et la preuve que c’est bien à leur thalle protoplasmique, c’est-à-dire au protoplasma extérieur qui les entoure,, que les Diatomées à frustules locomo¬ teurs doivent leurs mouvements, c’est que si l’on détruit ce protoplasma, le désorganise, le coagule, par exemple, en le traitant par une matière colorante qui contracte avec lui une combinaison, immédiatement les mouvements de la Diatomée sont paralysés. Le protoplasma externe et nu, avide du réactif colorant contre lequel il n’est pas protégé, se combine aussitôt avec lui, se colore et, tué, perd sur l’heure ses propriétés ; et cela, bien avant que le protoplasma intérieur du frustule, défendu par la carapace siliceuse, soit le moins du monde atteint par le réactif, et bien avant même que l’eau ambiante ait pris de coloration sensible.

Ainsi, pour nous, les mouvements des Diatomées ne sont pas dus à ces problématiques courants d’endosmose et d’exosmose, mais au thalle protoplas¬ mique qui entoure les frustules, thalle qui est souvent assez abondant et doué de mouvements actifs assez énergiques pour imprimer aux frustules eux- mêmes une impulsion à sens variable, mais toujours dans la direction l’élément ambiant offre la moindre résistance.

Telle est la conclusion à laquelle nous amènent l’étude de ces mouvements et la comparaison que nous avons faite entre les Diatomées et certains orga¬ nismes voisins, choisis particulièrement chez les Sporozoaires.

11 faut remarquer que cette conclusion nous ramène presqu’à l’ancienne con¬ ception des cils vibratiles. En effet, on est d’accord aujourd’hui pour regarder les cils vibratiles des organismes qui en sont doués comme des dépendances du protoplasma, pour ainsi dire comme des pseudopodes qui seraient constants dans leur forme. Par conséquent, les mouvements ciliaires et les mouvements protoplasmiques proprement dits sont de même nature et ont la même origine.

suivre)

Dr J. Pelletan.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

PROCÉDÉS POUR L’EXAMEN MICROSCOPIQUE ET LA CONSERVATION DES ANIMAUX

à la Station zoologique de Naples

{Suite) 1

Crustacés. Les petits Entomostracés d’eau douce comme les Cypris, Daphnia , Cypredina , Cyclops , etc., ont été traités par moi avec succès par l’acide osmique. Quelques gouttes d’une solution à 1 p. 100 versées dans un tube de verre contenant les animaux dans un peu d'eau suffisent pour les tuer aussitôt et les durcir convenablement.

A la Station, on tue ordinairement les Copépodes marins avec le sublimé. Quelques espèces, cependant, comme les Copilia denticulata , Hyalophyllum pellucidum et H. vitreum, Sapphirina fulgens réussissent mieux avec l’acide osmique qui conserve parfaitement le tissu épidermique dans lequel réside la structure qui produit, par interférences, les magnifiques cou'eurs dont quelques espèces sont ornées.

Les Cirrliipèdes sont tués rapidement par le sublimé, et l’on obtient ainsi des exemplaires avec les cirrhes étendus hors de la coque qui les protège.

Les Amphipodes, les Isopodes et les Stomatopodes se placent directement dans l’alcool, comme les Décapodes quand on les prépare pour les musées. Mais si l’on veut étudier les branchies, il faut les tuer par l’eau douce, pour les raisons que nous avons données en traitant de ce procédé.

Il faut tenir compte, comme l’a fait observer le docteur Mayer (voir plus haut), que l’alcool produit des précipités qui se déposent entre les articulations des petits Crustacés et principalement des Amphipodes et des Isopodes, de sorte que celles-ci se brisent quand on veut les mouvoir. Pour éviter cet in¬ convénient, il convient de les tuer par l’acide picrosulfurique ou picroni trique, ou bien par l’alcool acide.

Les larves des Crustacés, Zoea, Nauplius, Phyllostoma, peuvent se traiter par le sublimé, l’acide osmique ou picro-sulfurique, suivant les cas.

Pour les Pycnogonvdies, on les place d’abord dans l’acide chromique (0,25 pour 100) puis dans l’alcool (2).

Mollusques Lamellibranches. Les Mollusques Lamellibranches, au sortir de l’eau, rentrent les syphons et le pied ( Syphonata ), ferment leurs

(1) Voir Journal de Micrographie, T. IX, X, XI p. 180, 215.

(2) M. Frenzel, qui a travaillé à la station dcpuisle séjour que j’y ai fait, recom¬ mande, outre les méthodes exposées ci-dessus, l'alcool chaud ou additionné de quelques gouttes de teinture d’iode, bien que ce procédé ne conserve pas bien les noyaux des cellules. Pour les infusoires, il préfère le liquide de Kleinen- bcrg (Mitt. zool. St.Neap. 1884, p. 3.)

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valves et meurent en cet état. Si l’on ouvre la coquille de force, ordinairement on détruit le manteau et il est très difficile, sinon impossible, de faire sortir les syphons et le pied. Pour les tuer avec la coquille ouverte et le corps en expan¬ sion, il suffira d’employer le procédé par l’alcool lentement, ou le mélange gly- céro-alcoolique. A mesure que la diffusion de ce liquide dans l’eau de mer s’ef¬ fectue, l’animal ouvre peu à peu ses valves, puis sort ses syphons et son pied, les allonge autant qu’il peut et reste dans cette position, immobile et insensible, jusqu’à ce qu’il meure. Quand il a perdu complètement la sensibilité, on peut continuer à verser peu à peu l’alcool pour le tuer ou bien on le plonge dans l’acide picro-sulf urique. Il faut avoir soin de verser l’alcool très lentement et en petites quantités à la fois, car l’animal restera d’autant mieux étendu et les valves plus ouvertes qu’on l’aura tué plus lentement.

Gastéropodes. Les Psorobranches présentent les mêmes difficultés que les Lamellibranches. Ils contractent la plus grande partie de leur corps, man¬ teau, pied, tôle, tentacules, à l’intérieur de la coquille et meurent dans cet état. L’alcool employé lentement, comme dans le cas précédent, donne souvent, non pas toujours, de bons résultats, et l’on doit l’essayer. Quelquefois aussi, avec certaines espèces, on obtient de bons résultats en employant quelqu’un des procédés qui tuent rapidement.

Quant aux Pulmonés, je n’en puis rien dire, attendu que ce sont des animaux terrestres ou d’eau douce, que je n’en ai pas vu à la Station de Naples et que j’ai fait très peu d’expériences sur eux.

Les Hétéropodes sont tous des animaux pélagiques, et, comme la plupart de ceux-ci, mous et transparents. Pour les tuer, on peut indiquer comme méthode générale l’acide chromo-osmique, car ils ne sont pas contractiles mais seulement mous et il s’agit de les durcir avant tout. On réussit bien ainsi avec les Ptcrotrachea mut ica. , P. coronata et Firoloides Desmarestii. Pour le Carinaria Mediterranea , M. Salvatore LoBianco préfère le sublimé et pour X Atlanta Peronii, l’alcool. On doit tenir compte que les Hétéropodes étant des animaux mous et transparents, si l’on n’y prend garde, l’alcool pro¬ duit sur eux des contractions, et pour les éviter, on devra prendre les pré¬ cautions indiquées dans la description des méthodes générales.

L’ordre des Gastéropodes Opistobranches [Opistobranchia) se divise en deux groupes, les Tectibranches et les Dermatobranches. Les premiers peuvent être considérés comme le type des animaux mous non rétractiles, et le trai¬ tement le plus convenable sera par l’acide chromique avec lequel on peut tuer les espèces suivantes qui donnent aussi de bons résultats avec l’acide picro- sulfurique.

Gaster opter on Meckelii Philine aperta Aplysia depilans leporina

P leuro branchas aurantiacus testudinarius

Pleur ophy lit dia lineata.

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Le Doridium aplysiæforme fait exception et le traitement du groupe suivant lui convient.

Les Dermatobranches Gvmnobranches, sans coquille, avec appendices cutanés et les branches sur le dos, appartiennent aux groupes des animaux mous, contractiles et à appendices contractiles. Il conviendra de les tuer par le mode le plus rapide possible, en employant l’acide acétique si les exem¬ plaires sont destinés aux Musées, ou le sublimé bouillant quand il s’agira d’étudier l’histologie de l’animal. Les espèces du Golfe de Naples qu’on pré¬ pare de ces deux manières à la Station sont les suivantes :

Doris tuberciilata Polycera quadrilineata Tritonici lethydea Tethys leporina Æobis spec Fiona nobilis Janus cristatus

Le Tethys leporina doit se préparer autant que possible par l’acide acétique.

Le Phylliroe bucephalum , quoiqu’appartenant à ce groupe exige un traitement différent. C’est un animal de 2 à 3 centimètres, très transparent et mou, sans branchies, mais seulement deux tentacules. Son corps est lumineux dans l’obscurité, et c’est un des animaux qui contribuent à la phosphores¬ cence de la Méditerranée par les nuits tranquilles du printemps. Pour le tuer la meilleure manière consiste à verser quelques gouttes d’acide osmique dans le vase qui le contient, et de ne le passer dans l'alcool que quand il est suffi¬ samment durci.

Dans la classification des Gastéropodes on s’est beaucoup servi de l’appareil dentaire ou mâchoire. Pour extraire celle-ci et la séparer des muscles et parties charnues qui l’entourent, j’ai un procédé très commode : il consiste à couper la tête de l’animal avec une partie du cou et à la mettre dans un tube de de verre avec un peu d’eau et quelques morceaux de potasse caustique. Au bout de quelques heures la partie charnue, dissoute, se sépare de la mâchoire que l’on nettoie dans de l’eau avec un pinceau; puis onia passe à l'alcool pour la décolorer et la monter d’une manière convenable. J'ai préparé de cette manière les mâchoires de différentes espèces qui, colorées par le picro-carmin et montées dans le baume, montrent bien les plus petits détails.

Ptéropodes. Ils constituent un autre type de Mollusques, composé d’animaux pélagiques, mous, transparents et non contractiles. Leur traitement général se fait par l’acide chromique employé lentement. On prépare ainsi les espèces suivantes :

Cleo dora cuspidata Clionopsis Krohonii Cereseis acicida Hylæa tridentata complanata Pneumodermon mediterranemn .

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Pour les Cymbalia Peronii et Tiedey'mannia neapolüana , il vaut mieux employer l’acide chromo-osmique.

Céphalopodes. Tous les animaux de cette classe présentent le même caractère à notre point de vue. Pour les tuer, on devra toujours employer les acides picro-sulfurique ou chromique toutes les fois qu’on voudra faire des études histologiques ou morphologiques. S’il ne s’agit que de préparer des exemplaires pour les Musées, on peut se servir de l’alcool acide. Les incon¬ vénients dont il a été question à propos de l’emploi de l’alcool comme liquide pour tuer sont très notables pour les grandes espèces de Céphalopodes, comme YOctopus vulgaris , par exemple. L’alcool ne pénètre pas jusqu’au centre des bras et les tissus y entrent en macération.

La mâchoire se prépare comme celle des Gastéropodes.

Molluscoïdes. Ce type comprend les Bryozoaires et les Brachiopodes. On peut tuer les premiers par l’alcool lentement ; on les obtient avec les ten¬ tacules sortis. Les seconds se tuent de la même manière ou simplement par l’alcool suivant le mode ordinaire.

Tuniciers. Les Ascidies, simples ou composées se tuent par l’acide .chromique lentement. Le Docteur Julin, de l’université de Liège, qui travaillait sur cette classe d’animaux à la Station pendant mon séjour, se servait de l’acide picro-sulfurique, rapidement ou lentement ; quant à la transparence, cela importe peu quand les exemplaires sont destinés à taire des coupes. Pour préparer les spécimens pour les Musées, il employait l’acide osmique à Ipour 100, en versant une petite quantité dans l’eau de mer contenant l’animal. M. Lo Bianco pour les Salpes eu général, et surtout pour les grandes espèces comme les Salpa Tilesi et S. maxima africana , emploie l’acide chromo- osmique. Les petites espèces, comme le S. fvsiformis umcinata , S. mucronata democratica, peuvent s’obtenir très transparentes par un mélange d’acides chromique et acétique (acétique : 1/8) ; ce mélange ne peut servir pour les grandes espèces parce que l’acide acétique ramollit trop les tissus. J’ai préparé ces deux dernières espèces avec l’acide picro-sulfurique et elles ont parfaitement réussi, aussi bien qu’avec le sublimé.

Pour les Pyrosoma, le meilleur liquide est l’alcool chlorhydrique.

Vertébrés

Je n’examinerai pas les animaux de cet ; ordre j’ai signalé les meilleurs moyens de les tuer et de les préparer en décrivant les procédés généraux.

L’acide picro-sulfurique est d’un usage très général et conviendra parfai¬ tement dans la plupart des cas sur les animaux adultes et sur les embryons. Pour ceux-ci, l’acide osmique donne aussi de très bons résultats, je m’en suis servi pour préparer des embryons de Salmonidés et des petites Truites avant la résorption de la vésicule ombilicale, avec beaucoup de succès, ce que jen’ai jamais pu obtenir avec les liquides conservateurs du Docteur Pacini. Pour les embryons des Poissons plus grands, on peut aussi employer le sublimé.

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B. DISSECTION

Ce n’est que pour ne pas rompre la série complète des opérations à effectuer sur un exemplaire que j’indique ici la dissection , car à la Station Zoologique, on l’effectue quand elle est nécessaire selon la manière ordinaire décrite dans les livres qui traitent spécialement ce sujet. Dans les pages qui précèdent, à propos des procédés pour tuer et conserver, j’ai dit tout ce qui est nécessaire à la préparation des objets pour la dissection. Et, en thèse générale, on peut dire qu’il sera le plus convenable, excepté pour les animaux sur lesquels un traite¬ ment spécial est indiqué, de les tuer par l’acide picro-sulfurique, puis de les passer dans l’alcool, après quoi on les dissèque.

S’il faut les durcir, on peut mêler l’acide picro-sulfurique avec l’acide chromique, et pour les rendre transparentes le Dr Mayer recommande la créosote, que l’on peut souvent remplacer avec avan¬ tage par une solution concentrée d’acide phénique.

L’hvdrate de chloral rend aussi des services dans certaines occa-

V

sions.

G. PROCÉDÉS DE COLORATION

Très rarement on examine les coupes sans les colorer d’une ma¬ nière convenable, et pour cela on peut suivre deux méthodes diffé¬ rentes qui consistent à colorer pièce à pièce après avoir fait les coupes ; la seconde à colorer d’abord l’objet in toto et de faire les coupes ensuite.

Cette dernière méthode est celle que l’on emploie autant que pos¬ sible à la Station de Naples, parce qu’elle est plus rapide et plus appropriée aux études morphologiques, en ce qu’elle permet très facilement de disposer un organe ou un animal entier en une série de coupes comme il sera indiqué dans le chapitre suivant. Les histolo¬ gistes se servent plutôt de la première méthode, parce que leur but principal, en examinant une cmipe, n’est pas seulement d’y voir les régions distinctes et les tissus bien différenciés pour pouvoir étudier leur position relative, mais plutôt de reconnaître la composition et les propriétés de ces tissus eux-mêmes ; et pour cela, il leur est utile d’observer l’action des matières colorantes qu'ils emploient aussi comme réactifs.

Pour colorer in toto les animaux ou les organes, il faut ordairement plusieurs heures et même des jours, tandis que pour les coupes il ne faut que quelques minutes, pas plus ; Et, il faut ici employer des solutions alcooliques, car dans les solutions aqueuses, les objets

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entreraient en macération et même pourraient se clécomposor. Il y a une autre raison pour employer aux colorations in toto des solutions alcooliques, c’est que le liquide doit pénétrer parfaitement lecorps du sujet, condition qui est d’autant mieux remplie que la force de l’alcool est plus grande. Mais il faut tenir en compte que suivant, les obser¬ vations du Dr Mayer, plus est élevé le tant pour 100 de l’alcool dans la solution colorante, plus la coloration est diffuse, comme si l’alcool enlevait aux tissus leur propriété sélective ; et aussi, pour le carmin, la cochenille et l’hématoxyline, plus les solutions sont alcooliques, moins elles contiennent de matière colorante, et moins est grand leur pouvoir colorant.

De là, la nécessité d’équilibrer ces trois conditions, de manière que l’objet n’éprouve de préjudice d’aucune d’elles. C’est ce qu’on a voulu faire avec les formules de Mayer, de Kleinenberg et de Grenacher, que j’indiquerai plus loin.

Quelquefois, comme l’a vu le D1 Mayer, quand les objets sont difficilement pénétrables, ou sont protégés par une enveloppe chiti- neuse, au lieu d’augmenter le tant pour 100 de l’alcool dans la solution colorante, on obtient le même résultat, ou même un meilleur, en faisant agir la chaleur (40° à 50° C).

Il y a encore une autre cause qui fait qu’on emploie rarement les solutions aqueuses à la Statien, même quand on ne fait pas de colo¬ ration in toto , c’est que, comme on l’a vu dans le chapitre sur les u Procédés pour tuer fixer et conserver” les objets sont dans l’alcool à 70° ; aussi, les coupes en passant dans un liquide aqueux, par suite de l’osmose considérable qui se produit, se désagrègentetse gonflent sans qu’on puisse faire disparaître le gonflement par un nouveau traitement à l’alcool. C’est souvent, comme l’a remarqué le Dr Mayer, un inconvénient pour l’observation.

De plus, comme à la Station les préparations se montent pres- qu’exclusivement dans le baume du Canada, après avoir coloré les coupes dans une solution aqueuse, il faut leur faire subir un traitement alcoolique pour les déshydrater, ce qui produit une perte de temps.

Malgré ces inconvénients, dont plusieurs sont plutôt inhérents à l’ex¬ clusivisme dans la méthode qu’à la chose elle-même, les solutions aqueuses sont indispensables dans bien des cas et, à la Station, on en emploie quelques-unes, comme le picro-carminate ; et beaucoup de leurs inconvénients disparaissent quand on colore les solutions une à une et qu’on les monte dans la glycérine ou la gélatine glycérinée.

J. M. de Castelearnau y de Lleopart.

Ingénieur en chef des forêts, à Ségovie.

[A suivre)

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CORRESPONDANCE

Monsieur le Rédacteur,

Différents numéros de votre journal contiennent quelques affirmations qui me concernent et sur lesquelles je vous serais reconnaissant de vouloir bien publier ce qui suit :

Tout d’abord, à propos du nucléole des Flagellés, je lis : « M Künstler dit avoir trouvé des nucléoles dans des types flagellifères, mais son assertion n’a pas été confirmée, et je crois que nous pouvons considérer les Flagellés comme dépourvus de nucléole. » Il est vrai que ce serait M. Ralbiani qui aurait pro¬ noncé ces paroles, ce qui m’étonne, l’érudition de cet illustre observateur étant bien connue, et tous les auteurs, ou à peu près tous, ayant figuré des nucléoles dans le noyau de ces organismes. J’ai, en effet, décrit et figuré, dans le noyau de certains Flagellés, un nucléole dont l’existence ne saurait être mise en doute : j’entends par nucléole ce qu’on appelle généralement ainsi, en his¬ tologie, ou chez les Grégarines, et non le noyau accessoire des Ciliés. Mes descriptions et mes figures ne permettent aucun doute à ce sujet.

Autre part, à propos de l’ectoplasme et même de l’entoplasme, vous dites : « Quelquefois cette couche a une consistance spongieuse. On s’est servi du mot réticulée. C’est une erreur. Ce n’est pas un réseau formé de filaments entrecroisés, c’est une structure formée de cavités contiguës et qu’il convient

d’appeler aréolaire . Il faut admettre, je crois, cette structure spongieuse

pour tout le protoplasma des Protozoaires. Ainsi Biitschli, qui s’est beaucoup occupé de cette structure, est toujours arrivé à cette conclusion que le tissu de ces êtres est aréolaire. » Il paraîtrait qu’il est nécessaire d’écrire en allemand pour qu’en France on tienne compte des publications. Dans le Journal de Micrographie , d’Octobre 1881, vous avez publié une note de moi sur les Infusoires, dans laquelle je donne la description de tissus « criblés d’une mul¬ titude de vacuoles extrêmement petites, remplies d’un protoplasma aqueux, régulièrement disposées et séparées les unes des autres simplement par des minces parties de substance plus dense. » Et dans votre numéro du mois de Septembre 1882, vous insérez une de mes publications dans laquelle je dis : « Le protoplasma offre l’aspect d’un réseau très-fin et continu de parties claires d’une grand minceur, circonscrivant de petits espaces plus sombres. » N’est- ce pas une apparence franchement alvéolaire et n’ai-je pas décrit, depuis six ans, des faits maintenant démontrés, mais qu’on trouvait alors peu vrai¬ semblables? A propos de cette structure, je ferai ici une remarque complémen¬ taire de mes anciennes descriptions. Les naturalistes qui pensent que les espa¬ ces remplis de protoplasma fluide et circonscrits par de la matière plus dense sont, non pas des cavités closes, mais des mailles d’un réseau communiquant largement entre elles, ne tiennent aucun compte, non-seulement du fait qu’au¬ cune de ces communications ne peut jamais être vue, mais encore de ce que,

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

383

û peu près constamment, on observe que les aréoles sont disposées en plans successifs, ce qui, dans l’hypothèse d’un réseau, serait étonnant.

Quant à la classification de Bütschli que vous donnez, vouiez-vous me per¬ mettre une remarque? Non seulement ce tableau omet une foule de genres (1), mais ce sont sans contredit les formes les plus intéressantes de l’ordre qui ne figurent pas dans votre tableau, tels que, par exemple, les genres Oxyrrhis , Cryptomonas, Chilomonas.

Veuillez agréer, etc.

J. Künstler,

Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de Bordeaux.

(1) Ayicyromonas, Platytheca , Bicosæca, Poteriodendron , Actinomonas, Trypano- soma, Codonæca, Cep halo thamnium, Epipyxis, Crvptoglena, Gonyostomum , Vacuo- laria, Eutreptia, Ascoglena, Menoïdium, Atractonema, Rhabdomonas , Entosiphon , Chrysopyxis , Nephroselmis, Synura, Phacotus, Jrepomonas , Cyalhomonas, etc.

NOTE DE LA RÉDACTION

Dans le passage incriminé par M. Künstler à propos du nucléole chez les Flagellés, il s’agit non du nucléole histologique, intranucléaire, mais de l’élé¬ ment juxtanucléaire que l’on appelle nucléole chez les Infusoires et qui est le noyau accessoire des Allemands, lequel manque, en effet, généralement chez les Flagellés.

Quant au tableau de la classification de M. Bütschli, le titre indique parfaite¬ ment, qu’il ne contient que les principaux genres. Maintenant, quant à juger si tel genre est plus important que tel autre, c’est une affaire d’appréciation personnelle. Je connais un homme qui soutient que la principale des connais¬ sances humaines est celle de la valse. Cet homme est un maître de danse.

Dr J. P.

BIBLIOGRAPHIE

I

Beitræge zur Kenntniss der Bacillarien Ungarns. The il I. il larme Ra- cillarien, d’après le manuscrit en hongrois du Dr Josef Pantocsek (1).

Notre savant collaborateur, M. Julien Deby, manifestait il y a quelques mois, dans le Journal de Micrographie , ses regrets que l'ouvrage annoncé par le Dr Josef Pantocsek ne fut pas encore paru ; nous avons la satisfaction d’annon¬ cer que la première partie de cette importante publication vient de faire son apparition dans le monde des Diatomistes.

(i) 1vol. gr. in-8° avec 30 planches photographiques. Texte latin. Nagy- Tapolcsany, 1886. En vente dans les Bureaux du Journal de Micrographiey 14 rue de Berne, Paris. Prix : 400 francs.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Gomme on le voit pins haut, cet ouvrage est intitulé Contrihulio?i à a con¬ naissance des Bacillariées fossiles de la Hongrie. La première partie, qui vient de paraître, est consacrée aux Bacillariées marines. Elle comporte 76 pages de texte grand in-8°, et 30 plancses accompagnées chacune de l’explication en regard, comme dans la Signopie des Diatomées de Belgique, de M. H. van Heurck.

L’introductien est écrite en langue allemande, mais la partie descriptive, les diagnoses, sont en latin, ce qui permet aux savants du monde entier de les com¬ prendre, car il y en a encore qui n'entendent pas la barbare langue germanique. Cette partie est précédée d’un tableau très ingénieusement combiné des localités et des 451 espèces qu’elles ont fournies.

Ces espèces, dont 322 sont représentées dans les planches accompagnant cette livraison appartiennent aux genres:

Achnanthes, Actinocyclus , Actinoptychvs, Amphora , Anisodiscus, Anaulus , Ara- chnoïdiscus, Asterolampra , Aulocodiscus, Auliscus , Biddulphia, Campylodiscus, Ccrataulus, Chætoceros, Clavicula, Climacosphænia, Cocconeis, Coscinodiscus , Cyclotella, Craspedoporus , Debya, Dicladia , Dimeregramma , Endictya, Entopyla, Epithemia, Eunoiogramma, Euodia, Gonothecium, Grammatophora, Hemiaulv.s , Ilemidiscus , Hyalodiscus, Isthmia , Mastogloia , Mastagonia, Melosira, Navicula, Aüzschia, Odontella, Orthoneis, Pantocsekia , Paralia , Plagiogramma, Periptera , Plcurosigma, Podosira, Pseudotriceratium , Pyxidicula , Pyuilla, Bhaphoneis, Rhab- donema, Rutillaria, Sceptroneis , Skeletonema, Stephanodiscu* , Stephanogonia , Ste- phanopyxis, Stictodiscus, Siirirella, Syndendriam, Synedra, Terpsinoë, Triceralium Trinacria, Truania, Xanthiopyxis, Zygoccros.

C’est-à-dire 68 genres.

Cette première partie de l’ouvrage de M. Pantocsek représente donc déjà un travail considérable. On pense que nous ne pouvons pas entrer ici dans la dis- cussiondesdiagnosesétabliespar l’auteur hongrois, nous dirons seulement que cet ouvrage nous semble très bien conçu et très sérieusement exécuté ; nous y voyons figurer un grand nombre d’espèces nouvelles et nous pensons que conformément à son titre il constituera, à ce que nous croyons, une importante contribution non seulement à la connaissance des Bacillariées hongroises, mais encore à la connaissance générale des Diatomées.

Les planches sont des reproductions photographiques des dessins de M. Pan¬ tocsek. Ceux-ci ont été exécutés avec beaucoup de soin, bien que, dans certains cas, quand une imitation plus exacte de la nature n’est pas absolument indis¬ pensable, elles semblent parfois un peu schématiques, et leur reproduction par la lumière, quelquefois un peu lourde, est en général tout à fait satisfaisante.

En somme, l’ouvrage du Docteur Posef Pantocsek remplit parfaitement son but et figurera certainement bientôt dans la bibliothèque de tous les diatomistes.

J. P.

Le Gérant : Jules Pelletan, Fils.

Amien* Imprimerie Rousseau-Leroy,

Onzième année

12

25 Septembre 1887.

JOURNAL

DH

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE :

Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France en 1887, par le prof. L. Ranvier. Évolution des Microorganismes animaux et végétaux parasites {suite) : le parasitisme chez les Infusoires ciliés, leçons faites au Collège de France, en 1887, par le prof. G. Balbiani. Sur deux cas d’inclusion dans des œufs de poule, par le prof A. Carruccio. Rage et choléra, par M. Gaston Per¬ cheron. Technique du microbe de la furonculose, par le Dr E. Chambard. Avis divers.

travaux originaux

LE MÉCANISME DE LA SÉCRÉTION

Leçons faites au Collège de France, en 1886-87, par le professeur L. Ranvier.

(< Suite ) (1)

Vous avez vu combien le mécanisme de la sécrétion est simple dans les glandes sébacées en général et dans les glandes fémorales du Lézard. Dans ces glandes, la sécrétion et l’excrétion dépendent essentiellement de Révolution cellulaire de Répithélium pavimenteux stratifié, c’est-à-dire de Rectoderme. La fin de cette évolution, en ce qui regarde la glande sébacée, consiste dans la destruction de la cellule et la mise en liberté du matériel accumulé dans son intérieur. Cette évolution, au début de laquelle on constate une cellule granuleuse

(1) Sténographie par le Dr J. Pelletan. Voir Journal de Micrographie t t. X, 1886, t. XI, 1887, p. 7, 62, 142, 161 205, 226, 261, 327, 357.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

qui ne diffère pas essentiellement de celle des premières rangées du corps muqueux de Malpiphi, conduit à la formation de granulations graisseuses de plus en plus nombreuses et volumineuses dans le protoplasma et à la mise en liberté de cette substance. Tel est le phénomène de sécrétion et d’excrétion, il s’agit de bien déterminer ce qu’on entend par sécrétion dans cette évolution qui aboutit à la formation du sébum.

Si l’on prend la glande tout entière et que l’on se place au point de vue des physiologistes, la sécrétion consiste dans la mise en liberté du sébum. Et alors, la sécrétion et l’excrétion se confondent ; mais nous devons en poursuivre l’analyse histologique et pénétrer beau¬ coup plus profondément dans le phénomène. Il est clair qu’à ce point de vue, la sécrétion correspond à l’élaboration au sein du proto¬ plasma cellulaire de la substance spéciale de la sécrétion. Ainsi, la sécrétion commence quand apparaissent, dans les cellules sébacées, les premières granulations ou gouttelettes de graisse. Quant au terme de l’évolution qui conduit à la formation du sébum, à la destruction de la cellule, à la mise en liberté des granulations graisseuses formées dans son sein, c’est un phénomène d’excrétion. Il est de toute évi¬ dence que ces phénomènes se produisent simplement par le fait de l’évolution cellulaire arrivée à son terme, et qu’ils soient facilités par certains muscles, comme le muscle redresseur du poil, peu importe, c’est toujours de l’excrétion.

En réalité, toutes les glandes, mérocrines etolocrines, présentent un mécanisme analogue de la sécrétion. Pour nous, histologistes ouhisto- physiologistes, la sécrétion consiste essentiellement dans l’élaboration au sein du protoplasma des cellules d’un matériel spécial qui carac¬ térisera le produit de sécrétion de la glande. Ces termes de mérocrines et olocrines.se rattachent à un processus qui caractérise plùtot une des phases ou un des modes de l’excrétion que la sécrétion propre¬ ment dite.

Nous sommes donc bien loin de cette époque, si rapprochée de nous cependant, ou l’on croyait que les produits de la sécrétion ne variaient point du tout avec la structure des glandes et que les cellules glandulaires étaient tontes semblables. Nous sommes encore bien plus loin de cette époque les glandes étaient regardées comme de simples filtres retirant du sang des produits qui s’y trouvaient tout formés. Les glandes étaient des filtres spéciaux pour certaines subs¬ tances contenues dans le plasma sanguin.

Après les glandes sébacées, il n’est pas de glandes il soit plus facile de saisir les différentes phases de l’acte sécrétoire, en le prenant à la manière des physiologistes, que les glandes muqueuses ; et je

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

387

dirais même qu’à ce point de vue des physiologistes ordinaires, la science est assez avancée pour qu’on puisse arriver à une satisfaction à peu près complète. Au point de vue physiologique, une glande muqueuse est celle qui sécrète du mucus ; au point de vue histologique, une glande muqueuse est caractérisée par une cellule spéciale, cellule muqueuse ou caliciforme.

Vous savez comment l’attention a été attirée sur les cellules calici¬ formes. Il y a vingt ans à peu près, un histologiste allemand qui n’est guère connu que par ce travail, Letzerich, pensa avoir trouvé dans les parois intestinales les voies d’absorption de la graisse. Il vit, entre les villosités de l’intestin, des ouvertures en forme d’entonnoir dans les¬ quelles il pensait que s’introduisaient les granulations graisseuses extrêmement fines de l’émulsion intestinale pour déterminer l’absorp¬ tion finale de la graisse. C’est une donnée classique qui doit vous être familière.

Les histologistes y regardèrent de plus près et virent qu’il ne s’agissait pas d’ouvertures, mais que dans ces entonnoirs on ne trouvait jamais de granulations graisseuses engagées, tandis que les cellules cylindriques voisines en étaient glonflées. A J’aide des pro¬ cédés de dissociation que l’on possédait alors, on sépara les cellules correspondant à ces entonnoirs et l’on vit que c’étaient des cellules chargées de sécréter du mucus et non des organes d’absorption.

Le travail le plus complet et le plus étendu sur ces cellules est celui de Fr. Schulze. Cet auteur les a suivies dans la série animale, et il a reconnu que les cellules correspondant aux entonnoirs de Letzerich étaient des cellules spéciales pour la sécrétion du mucus. Quand elles sont isolées au milieu d’autres cellules, comme dans les villosités intestinales, elles constituent des cellules glandulaires isolées ou des glandes unicellulaires, comme les appelle Schulze. Avant Letzerich on avait déjà observé dans l’intestin des cellules caliciformes. Elles sont signalées plus ou moins nettement dans un travail fort ancien de Gruby et Delafond sur les villosités intestinales ; Leydig les avait vues aussi chez les Batraciens. Cet historique a du reste été fait ailleurs et il n’est pas utile que je m’étende aujourd’hui sur ce sujet.

Quant au produit de la cellule caliciforme, le mucus, il paraît avoir à peu près la même signification physiologique dans toute la série. Le mucus constitue pour la surface un enduit protecteur, ou il facilite le glissement des parties comme le mucus qui est mélangé en si grande quantité au bol alimentaire tout le long de l’œsophage et jusque dans l’estomac. Chez les Vertébrés, on peut considérer les glandes muqueuses comme l’équivalent des glandes sébacées, mais

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pour les muqueuses et le tégument interne qui sont constamment humidifiés, ou pour le tégument externe lorsque les animaux vivent dans Peau et qu’ils ne sont pas protégés contre son action par de la graisse comme il arrive pour les Mammifères ou les Oiseaux qui vivent en partie dans l’eau

Chez les animaux à peau nue, comme les Batraciens, il y a toujours des glandes muqueuses qui déversent le produit de leur sécrétion à la surface du tégument il forme un vernis protecteur. Chez le Protée, les glandes à venin ou séreuses manquent, mais les glandes muqueuses sont en très grand nombre. Vous voyez que chez les Batraciens, les Anoures comme les Urodèles, les glandes muqueuses jouent un rôle analogue à celui des glandes sébacées.

Si nous considérons maintenant d’une manière rapide la distri¬ bution des glandes muqueuses dans la série des Vertébrés, nous voyons, par exemple, que chez tous les animaux il y a dans la bouche ou des cellules caliciformes qui y déversent leur produit de sécrétion et forment un liquide gluant, ou bien des glandes salivaires muqueu¬ ses. Ainsi, on trouve des glandes salivaires muqueuses bien nettement dessinées chez les Mammifères, les Oiseaux, les Beptiles, les Batra¬ ciens. Chez les Poissons, il n’y a pas de glandes salivaires muqueuses, mais elles sont remplacées par de nombreuses cellules caliciformes distribuées en quantité plus ou moins considérable suivant les régions de la bouche. Ainsi, la partie la plus importante de la salive des Mammifères, le mucus, est secrété dans la bouche des Poissons quoiqu’il n’y ait pas de glandes muqueuses proprement dites.

Le bol alimentaire arrive donc imbibé de mucus, dans l’estomac, et la nature n’a pas trouvé cela suffisant. Elle a fourni l’œsophage de glandes muqueuses chez la plupart des animaux. On trouve des glandes acineuses muqueuses dans l’œsophage des divers Mammifères. Chez les Oiseaux, les glandes muqueuses sont dans le jabot, et aussi dans l’œsophage chez ceux qui n’ont pas de jabot, comme les Échas¬ siers et d’autres. Chez les Batraciens, l’œsophage est très richement enduit de mucus. Il y a, dans le revêtement épithélial de ce conduit, des cellules caliciformes, mélangées à des cellules à cils vibratiles, cons¬ tituant des glandes unicellulaires muqueuses. De plus, il y a des glandes acineuses muqueuses, très riches en cellules muqueuses, dans les régions supérieures ou antérieures. Mais, dans la région postérieure et dans l’estomac de tous les Vertébrés, on trouve un revêtement complet et continu de cellules caliciformes qui protègent la surface interne de ces organes contre l’action du suc gastrique, en déversant du mucus, mais surtout parce que ces cellules forment autant de petites coupes remplies de mucus qui constituent par leur ensemble un vernis pro-

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

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tecteur épais et très efficace et ne laissent aucune portion de la mu¬ queuse aux prises avec le suc gastrique.

Dans l’intestin, on trouve des cellules caliciformes mélangées avec des cellules cylindriques. Dans les bronches, dans la trachée-artère des Mammifères, on trouve des cellules caliciformes et des cellules à cils vibratiles qui paraissent destinées à compléter l’excrétion, puisque leurs cils forment par leur réunion comme de petits balais qui répandent le mucus sur toute la surtace de la muqueuse, ce qui est important parce que le passage de Pair amènerait le des¬ sèchement.

Il n’y a pas de mucus produit à la surface, soit du corps, soit des muqueuses, par des glandes, sans cellules muqueuses ou caliciformes. Il y a un rapport extrêmement étroit entre la forme et la fonction. Toutes les fois qu’on voit une sécrétion de mucus, on peut affirmer qu’il y a des cellules caliciformes, et toutes les fois qu’on voit des cellules caliciformes vraies, caractérisées, on peut affirmer qu’il y a sécrétion de mucus. Nous verrons par la suite quels sont les carac¬ tères des cellules caliciformes vraies ou muqueuses, car je vous montrerai des cellules qui ont la forme plus ou moins caliciforme, qu’on pourrait prendre pour des cellules caliciformes muqueuses simples et qui n’en sont pas.

Les cellules caliciformes se montrent sous des formes un peu différentes, relatives surtout aux conditions dans lesquelles ces cellules se trouvent placées par rapport aux éléments voisins.

Ainsi, il y en a qui sont extrêmement renflées, ont la forme d’un ballon, avec un noyau refoulé au niveau de leur base; toujours, le noyau est comprimé et prend une forme irrégulièrement aplatie ; tou¬ jours, il est placé dans une masse de protoplasma granuleux plus ou moins considérable et qui remplit une pointe par laquelle se termine postérieurement la cellule et par laquelle elle se trouve en rapport avec le stroma de la muqueuse ou la membrane glandulaire. Sup¬ posez une cellule cylindrique remplie d’un matériel de sécrétion qui la dilate et refoule le protoplasma et le noyau vers la base, vous aurez une cellule caliciforme. Supposez que le matériel de sécrétion se forme au sein du protoplasma, mais par petites masses distinctes, comme dans les cellules sébacées, vous aurez une cellule calici¬ forme.

Vous vous rappelez, à propos des glandes sébacées, que si, après après avoir fait durcir ces glandes dans le bichromate d’ammoniaque ou le liquide de Muller, complété le durcissement par la gomme et falcool, on fait des coupes minces que l’on colore successivement par l’hématoxyline nouvelle et ensuite par l’éosine, les noyaux se

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colorent en violet, les gouttes de graisse restent incolores, tout le protoplasma compris entre ces gouttes de graisse donne, sur la coupe optique, l’apparence d’un réseau coloré en rose par l’éosine. En outre, tout le protoplasma qui est à la surface de l’élément cellulaire, comme celui qui reste entre les gouttes graisseuses, coloré en rose, forme, quand les gouttes sont très volumineuses, très nombreuses et remplissent bien la cellule, une couche mince qui semble comme une membrane. Ce n’est pas une membrane, mais ce qui reste du proto¬ plasma demeuré à la surface. Et ce semblant de membrane se con¬ tinue avec le réticulum protoplasmique compris entre les gouttes de graisse.

Dans les cellules caliciformes on voit une disposition semblable. Du protoplasma qui entoure le noyau partent des travées qui s’anas¬ tomosent et constituent un réseau semblable à celui qui se montre dans les cellules sébacées et comprend dans ses mailles des gouttes de graisse. Dans les cellules caliciformes, le réticulum protoplasmique comprend dans ses mailles, non des gouttes graisseuses, mais une substance réfringente, qui montre des caractères tout-à-fait particu¬ liers. Elle est insoluble dans l'alcool et l’éther, et même, sous l’influence de ces réactifs elle devient plus réfringente, parce qu’il se produit un ratatinement de la cellule. Cette substance après l’action de l’alcool, comme matière durcissante, ou de n’importe quel autre réactif fixa¬ teur durcissant, ne se colore pas par les réactifs colorants. Enfin, après l’action de l’acide osmique, le réticulum peut être teinté en brun, mais la substance comprise dans ses mailles reste à peu près incolore.

Cette substance qui ne se dissout ni dans l’alcool, ni dans l’éther, comme la graisse, et qui est, d’ailleurs, moins réfringente, qui ne se colore pas par l’hématoxyline, ni par l’éosine, ni par le carmin, n’est pas de la graisse : c’est du mucus ou du mucigène.

Nous verrons qu’il y a des cellules d’apparence caliciforme qui en diffèrent par ce que la matière qu’elles contiennent se colore d’une façon très remarquable par le bleu de quinoléine et le violet 5 B. Le mucus compris dans les cellules caliciformes vraies, caractérisées par la présence du mucigène, ne se colore jamais par le bleu de quino¬ léine ni par le violet 5 B.

.l’ai pris, dans cette description de la cellule caliciforme, la forme la plus simple. Quelquefois, le noyau n’est pas aplati par le mucus, le prolongement, en forme de pointe, de la ceilule est relativement plus gros et le noyau peut s’y loger. Il s’allonge alors dans le sens de l’espace dans lequel il est placé et prend une forme ovalaire, son grand axe parallèle à celui de la cellule. Le protoplasma est beaucoup

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plus considérable, relativement au mucus, que dans la première forme.

Enfin, il peut arriver que la pointe de la cellule contenant le pro¬ toplasma et le noyau soit incurvée au lieu d’être droite dans l’axe de la cellule. C’est ce qu’on observe sur le bord des plis de l’estomac et dans la plupart des glandes acineuses muqueuses.

Voyons maintenant comment se groupent les cellules caliciformes pour constituer des glandes.

La première catégorie de faits comprend ceux qui sont relatifs aux glandes unicellulaires : par exemple, dans les villosités intestinales.

On trouve un nombre plus ou moins considérable, suivant la région et suivant les animaux, de cellules caliciformes au milieu des cellules cylindriques du revêtement. Chez les Vertébrés qui n’ont pas de villosités proprement dites, mais des plis, le revêtement épithélial de ces plis se comporte comme le revêtement des villosités : (je fais allusion aux Batraciens, principalement aux Anoures). On y trouve des cellules caliciformes muqueuses et des cellules granuleuses. Dans la trachée et les bronches, on trouve aussi des glandes unicellulaires muqueuses isolées au milieu du revêtement épithélial. Seulement, ce sont des cellules à cils vibratiles qui les entourent, mélange utile pour la répartition régulière du mucus sécrété. Ces cils vibratiles paraissent être des organes destinés à assurer l’efficacité de l’excrétion.

Chez certains animaux, les cellules caliciformes, au lieu d’être isolées au milieu de cellules d’une autre espèce, forment à elles seules des surfaces plus ou moins considérables du revêtement de la muqueuse. Ainsi, dans la langue des Batraciens Anoures, chez la Grenouille par exemple, on observe des villosités ou papilles villi- formes, puis des papilles fongi formes ou papilles du goût. Les pa¬ pilles villiformes sont entièrement recouvertes de belles cellules cali¬ ciformes. Il en est de même aux parties latérales des papilles fongi- formes, c’est seulement la partie libre ou le sommet de ces papilles fongiformes qui présente un épithélium différent : d’abord une ou deux rangées de cellules vibratiles formant une véritable couronne, puis, au sommet, un épithélium particulier, sensoriel, dans lequel il n’y a plus de cellules caliciformes proprement dites ni à cils vibratiles. Néanmoins, une partie de la papille est tapissée de cellules calici¬ formes, ce qui représente une immense glande étalée en surface, ou, si l’on veut, une colonie de glandes unicellulaires muqueuses. Ainsi, le mucus peut être sécrété non seulement par des glandes ayant la forme des glandes connues par les anciens anatomistes, non seule¬ ment par des cellules isolées, mais encore par de grandes surfaces recouvertes de ces cellules.

392

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Une disposition remarquable aussi est celle que l’on observe dans la langue du Lézard. En examinant la langue pigmentée du Lézard, on voit qu’elle est striée de fentes qui deviennent de plus en plus profondes à mesure qu’on se rapproche de la base de la langue. Après la fourche que forme la pointe de la langue, on commence à voir ces stries, obliques à l’axe, et disposées en feuille de fou¬ gère. Si l’on fait une coupe perpendiculaire à la surface et perpen¬ diculaire à la direction générale des plis, on observe que ces plis présentent une élevure assez aigue qui forme sur la coupe une dent recourbée dont la pointe regarde en arrière, comme une dent de scie. Ces plis, à leur extrémité, sont tapissés d’un épithélium pavimenteux stratifié, de telle sorte que l’arête formée par le pli représente une dent revêtue d’un épithélium relativement solide ; mais tout le fond du pli est tapissé d’une seule couche formée par de très belles cel¬ lules caliciformes. Considérons une masse alimentaire parcourant la bouche d’avant en arrière : glissant sur la base de la langue, elle rencontrera seulement le sommet des plis tapissés d’épithélium pavimenteux relativement solide ; mais, en même temps, du fond de chaque pli, s’échappera une masse de mucus qui viendra recou¬ vrir la surface des plis et facilitera le glissement du bol alimentaire.

Voilà donc une deuxième forme de groupement des cellules ; on peut en ajouter une troisième : toute la surface d’un organe mem¬ braneux est tapissée de cellules caliciformes. C’est le caractère essentiel de la muqueuse stomacale dont le revêtement est entière¬ ment constitué par des cellules caliciformes.

Dans un quatrième mode de groupement, les cellules calicifornes sont disposées dans des culs-de-sac glandulaires ; mais ces culs-de- sac, au lieu d’être situés dans le mésoderme, c’est-à-dire dans le tissu conjonctif au-dessous de la muqueuse, sont situés dans une masse épithéliale. Je vous ai signalé deux exemples de cette disposition singulière qui rapproche encore les glandes muqueuses des glandes sébacées. Il y a des glandes sébacées diffuses et des glandes sébacées limitées mais placées au sein d’un épithélium stratifié, (dans la gaine externe de certains poils tactiles chez le Lapin, etc. ) ; nous trou¬ vons des glandes muqueuses comparables à ces glandes sébacées. Dans l’œsophage d’un petit Echassier, le Râle de genets, (je ne sais pas s’il en est de même chez tous les Echassiers), il y a un nombre considérable de glandes tubulaires ou utriculaires simples qui, sur coupe longitudinale ou transversale, paraissent plongées dans le revêtement épithélial et leur fond se trouve seul en rapport avec le tissu conjonctif de la muqueuse : tout le reste est comme creusé au sein de l’épithélium pavimenteux stratifié. Ces culs-de-sac sont

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caractérisés par l’existence de belles cellules caliciformes qui 11e reposent donc pas sur le tissu conjonctif, mais sur des cellules épithéliales pavimenteuses stratifiées. Cette disposition permet au matériel de sécrétion d’arriver à travers les couches épithéliales.

Chez la Tortue terrestre ou d’Algérie, on trouve sur la voûte pala¬ tine un épithélium cylindrique, relativement très épais, présentant des cupules plus ou moins profondes entièrement tapissées de cellules caliciformes, de manière à laisser au centre une lumière glandulaire.

suivre)

ÉVOLUTION DES MICRO-ORGANISMES ANIMAUX ET VÉGÉTAUX PARASITES

Leçous faites au Collège de France en 1887 par le Professeur Balbiani

(Suite1)

Nous avons vu que quelques Trichodines vivent à Pétât parasitaire, comme le Trichodina pediculus qui vit sur l’Hydre d’eau douce, et sur les branchies de quelques larves de Triton, d’après Saville Kent, sur les branchies de l’Epinoche et d’autres Poissons, comme le Scor- pène. Il est une autre espèce, le Trichodina baltica , qui d’après le naturaliste danois Quemmerstedt, vit sur le Neritina fluviatilis , mollusque d’eau douce. Enfin, l’observateur anglais Rosseter (Journ. R. Micr.Soc ., déc. 1886) a décrit une espèce nouvelle, endoparasite, qui habite le canal urospermatique du Triton cristatus.

Cette espèce paraît nouvelle, car elle ne semble pas la même que celle de l’Hydre et des branchies des jeunes Tritons. D’abord, la forme du corps n’est pas exactement la même. Elle a la forme d’une cloche ou d’un dôme, tandis que le Trichodina pediculus a une forme très variable : bonnet, chapeau, sablier. Dans l’espèce de Rosseter la forme du corps est constante. A la partie inférieure, il y a un appareil de fixation qui présente à l’intérieur un anneau corné servant de sou¬ tien à une espèce de ventouse et dont les dents ne sont qu’au nombre de 30, tandis qu’il y en a 36 chez le Trichodina pediculus. Mais un meilleur caractère est qu’elle n’a aucune tendance à se fixer

(1) Comple-rendu sténographique par le Dr I’elletan. Voir Journal de Mi¬ crographie , t. X, 1886, et t. XI 1887, p. 233, 365.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

sur l’Hydre. Rosseter a placé de ces Trichodines près de plusieurs Hydres, et elles n’ont tiré aucun parti de ce voisinage.

Cet Infusoire nous montre le passage d’une espèce de l’état d’ecto¬ parasite à celui d’endoparasite. Cependant, ce n’est pas un endo- parasite complet, car le séjour de cette espèce dans les canaux uros- permatiques du Triton implique encore des rapports avec l’extérieur. Ce n’est donc pas complètement un endoparasite comme les espèces qui vivent dans le foie, la rate, les reins, la cavité du corps, le sang d’autres animaux. La condition d’existence de cette Trichodine nouvelle est en quelque sorte une condition intermédiaire entre la vie ectoparasitaire et la vie endoparasitaire.

Bien que Rosseter n’ait pas décrit la bouche, il est probable qu’elle existe. Si la bouche manquait, ce serait un signe de dégradation, mais je pense qu’elle existe et qu’elle a seulement échappé à l’atten¬ tion de l’observateur. Vous savez que l’atrophie de la bouche est un caractère des animaux les mieux adaptés à la vie endoparasitaire, comme les Opalines, les Echinorhynques, les Taenias, etc. On ne peut pas dire non plus que l’appareil fixateur soit profondément modifié, car 30 denticules au lieu de 36, ce n’est pas une différence bien considérable et cela peut n’être qu’une différence spécifique qui ne peut être invoquée comme un commencement de dégradation. Mais un caractère plus important est la possibilité qu’a cet Infusoire de vivre dans l’eau pure. Aucun endoparasite ne peut vivre ailleurs que dans le milieu intérieur auquel il s’est adapté et tous meurent rapide¬ ment dans l’eau. Il est vrai que l’espèce dont il s’agit vit dans un liquide dont la densité diffère peu de celle de l’eau, l’urine mêlée, au moment du frai, d’une certaine quantité de sperme.

Je me demande maintenant si c'est la même espèce ou une espèce différente de celle de Rosseter, (qui ne lui a pas donné de nom et qu’on peut appeler, je crois, Tricliodina Rosseteri ) ou une espèce différente, dis-je, et nouvelle que nous avons observée récemment dans notre laboratoire, avec M. Henneguy. Cette fois, c’est dans l’in¬ testin d’une Grenouille que nous disséquions que M. Henneguy l’a observée. L'intestin contenait un grand nombre de Trichodines glo¬ buleuses, et à en juger par les denticules de l’appareil fixateur, il n’y avait évidemment pas d’analogie entre cette espèce et celle qui vit dans le Triton. Il y a une différence d’habitat, mais les caractères différenciels n’ont pas pu être assez bien établis pour qu’on puisse rien affirmer quant à la détermination spécifique. Mais il y a proba¬ bilité pour que ce soit la même espèce que celle du Triton, car Grassi, de Pavie, a observé un animal analogue dans l’intestin du Triton. On peut penser que c’est la même espèce que celle de M. Henneguy et la

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même que celle des conduits urospermatiques du Triton. Tous ces faits sont à revoir et à étudier d’une manière plus approfondie.

Ce qui empêche souvent d’identifier deux espèces analogues, ce n’est pas la propriété qu’elles peuvent avoir de vivre dans des animaux divers, témoin le Trichodina pediculus , mais leur présence dans des organes différents. Il est très rare de trouver des parasites qui vivent à la fois dans des organes différents d’un même animal ou d’animaux divers, à moins que ce ne soit des parasites erratiques qui ont émigré de leur habitat ordinaire, comme l’Ascaride lombricoide qui s’égare dans les voies respiratoires, comme l’Oxyure vermiculaire du rectum qui émigre quelquefois dans la vulve.

Un genre très voisin du Trichodina est le genre Urceolaria. IJ ne contient guère qu’une espèce parasite, VU. mitra , que Stein a trouvée sur le Planar ia torva de nos eaux stagnantes. Elle ne diffère guère des Trichodina et possède une ventouse avec un anneau corné, mais celui-ci ne présente pas de denticules et est seulement strié. C’est le caractère différenciel principal de ce genre, sur lequel je n’insisterai pas, qui n’est pas d’une grande importance, car il ne se compose que d’une seule espèce parasite.

J’arrive au genre Icthyophthirius et à une autre espèce de Cilié ectoparasite, plus dangereuse pour les animaux qu’elle fréquente que les espèces étudiées par nous jusqu’ici, c’est 1 '‘Icthyophthirius mul- tifiliis , c’est-à-dire « Pou de poisson à un grand nombre de fils, » pour peindre son excessive fécondité. Cet Infusoire constitue le type d’une petite famille de Ciliés créée par Saville Kent et ne se compo¬ sant que de ce genre, lequel ne compte que cette espèce, la famille

ICTHYOPHTIRIDÉS.

Observé d’abord par les naturalistes allemands Ililgendorf et Paulicki de Hambourg sur divers poissons des aquariums de Hambourg, notam¬ ment sur la Loche ( Cobitis fossilis ), il avait été placé dans les Pantotricha d’Ehrenberg. (Centralbl. fürmed. Wiss., janvier 1869).

Il est apparu en grandes quantités dans nos bassins de pisciculture au Collège de Erance et il a causé de grands ravages parmi nos jeunes alevins. J’engageai alors mon préparateur, le Dr Fouquet, à étudier cet animal très intéressant, ce qu’il fit avec beaucoup de succès et il a publié ses résultats dans les Archives de Zoologie expêriment . de Lacaze Luthiers, T. Y. 1876. C’est un gros Infusoire qui a presque un millimètre de diamètre, une forme ovalaire presque glo¬ buleuse, et qui est entièrement couvert de cils vibratiles insérés sur des lignes sinueuses régulières entourant le corps en spirale. Celui-ci présente une cuticule, puis la couche corticale ou ectoplasme

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qui parait comme une bande homogène, claire, et renferme un grand nombre de vésicules contractiles, ainsi que des trichocystes, mais très peu visibles dans l’adulte. L’endoplasme est granuleux et renferme des granules réfringents nombreux. On y distingue un noyau volumineux, souvent recourbé en fer à cheval ; mais à côté de ce noyau, on n’a pas pu distinguer de nucléole chez les individus adultes, tandis qu’il est très facile à observer chez les jeunes individus.

À la partie antérieure du corps se trouve une petite cupule ou ouverture circulaire s’élevant un peu au-dessus de la surface de la cuticule. Elle présente à l’intérieur des cils vibratiles plus volumineux que ceux qui revêtent le corps et dirigés de dehors en dedans de la cupule. Le fond de celle-ci est un vrai cul de sac formé d’une mem¬ brane transparente assez mince. Cette cupule, qu’on pourrait prendre pour une bouche, ne fonctionne pas comme bouche. Jamais les grains de carmin qu’on a placés dans l’eau n’ont pénétré dans le corps. D’ailleurs, l’animal ne prend pas de nourriture solide; il ne se nourrit que par absorption. On doit considérer cette cupule, suivant la re¬ marque très juste de M. Fouquet, comme une ancienne bouche qui a subi l’action dégradante du parasitisme et s’est transformée en une ventouse, car c’est par cette partie que l’animal se fixe sur la peau du Poisson. C’est un exemple très remarquable de la transformation d’un organe important par une fonction devenue secondaire par suite de la vie parasitaire. Conséquemment, l'anus manque. M. Fouquet a étudié aussi les phénomènes de la reproduction d’une manière très attentive et a remarqué que ces êtres, qui vivent sur la peau des Poissons jusqu'à l’âge adulte, ne se reproduisent pas sur les Poissons. Arrivés au maximum de leur taille, ils se laissent tomber au fond de l'eau, ils y forment un kyste gélatineux, très épais, à l’intérieur duquel ils se multiplient par des bipartitions successives de façon à donner naissance à des fragments de plus en plus nombreux. Au bout de 40 à ü0 heures, le kyste s’est rempli d’un millier de petits segments arrondis qui deviennent autant de jeunes individus. L’enveloppe mu- cilagineuse se détruit et les jeunes, devenus libres, commencent à mener une vie errante. Fouquet a constaté qu’à chacune de ces'bipartitions le noyau se divise. Il a pu suivre ces divisions pendant un assez grand nombre de stades, et ce n’est qu’au bout de trois ou quatre jours que les jeunes sont mis en liberté.

Ces jeunes ont des caractères tout à fait différents de ceux des adultes. Ils sont ovalaires, long de 46 y., et larges de 28. Ils sont ainsi plus allongés, et cette différence de forme nous l’avons constatée aussi chez d’autres Infusoires, le Leucophrus patula , par exemple, chez lequel les jeunes sont dépourvus de bouche. Chez notre Infusoire,

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ils sont dépourvus de kantienne bouche fonctionnant comme ven¬ touse et qui constitue la cupule dont nous avons parlé, chez l’adulte. Mais ils ont des trichocystes très visibles et beaucoup plus nombreux que chez l’adulte. Il semble qu’à mesure que la vie parasitaire se développe, les trichocystes avortent. C’est encore une dégradation, car on admet que les trichocystes sont des organes de défense. Ils apparaissent chez toutes les nouvelles générations, ce qui indique bien que l’animal qui a donné naissance à cette espèce possédait des tri¬ chocystes. Il y a un noyau et un nucléole, et des cils vibratiles avec lesquels l’animal se meut très-rapidement.

M. Fouquet n’a malheureusement pas suivi la transformation des jeunes en adultes, et n’a pas réussi non plus à les fixer sur des Pois¬ sons ni sur des Grenouilles, mais les observations faites sur les Pois¬ sons eux-mêmes ont montré d’une manière évidente le parasitisme de ces Infusoires.

Les altérations qu’ils déterminent sur la peau du Poisson sont d’abord des tâches blanchâtres qui sont semées sur l’épiderme, for¬ mant saillie, comme des pustules. Celles-ci atteignent souvent plus d’un millimètre de diamètre. Autour des taches, la peau est couverte d’un enduit visqueux et les cellules épithéliales sont altérées. La paroi de la pustule est formée de ces cellules soulevées et l’animal s’est ainsi creusé un kyste dans l’épiderme. Dans cete loge, ce gros Infusoire tourne continuellement sur lui-même. Il y a quelquefois deux ou trois animaux dans le même kyste, et c’est un phénomène très curieux que de les voir tourner ainsi les uns à côté des autres. Sur les nageoires du Poisson, on voit souvent les jeunes individus mar¬ cher à la surface de la peau, puis se fixer, devenir immobiles. Et quand on suit le phénomème sur un même Poisson, on les voit grossir et s’enfermer dans un kyste. Ainsi, si les essais d’infection artificielle tentés par M. Fouquet ont échoué, nous avons ici la preuve directe de la fixation des jeunes sur la peau des Poissons ils deviennent rapidement adultes.

Les Poissons ainsi attaqués maigrissent très vite, cessent de manger ; leur épiderme se décompose, se couvre de moisissures et la mort ne tarde pas à venir. Ces parasites sont donc très dangereux pour les jeunes alevins. Heureusement que depuis plusieurs années nous ne les voyons plus revenir. Il est vrai qu’il nous en est venu un autre, mais un Flagellé. Quels sont les moyens à employer pour s’en débarrasser ? Nous n’avons pas pu trouver de remède au mal, et nous ne sommes parvenus qu’à l’atténuer, en plaçant du gravier au fond de l’eau : les poissons viennent se frotter sur ces cailloux et y détachent en grandes partie les pustules.

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En 1884, un naturaliste hollandais a décrit un Chromalophagus parasiticus , parasite des Poissons d’eau doue, et trouvé dans les aquariums du Jardin zoologique d’Amsterdam. La plupart des caractères donnés par cet observateur se rapportent à VIcthyophthirius , sauf qu’il indique la présence d’une bouche. Mais tous les autres carac¬ tères sont tellement semblables à ceux de notre Infusoire que je ne crois pas à l’existence de cette bouche. L’auteur la place sur le côté. Mais l'animal n’a pas d’anus. Gela est difficile à admettre, car lorsqu’un animal a une bouche il est rare qu’il n’ait pas d’anus. Cela arrive cependant. Il est vrai qu’il ne décrit pas un anus préformé, mais un anus qui se forme en n’importe quel point du corps pour l’expul¬ sion des matières excrémentitielles. C’est à quoi je ne crois pas du tout. Pour tous les autres caractères, ils se rapportent si bien, je le répète, à ceux de notre Icthyophthirius que je crois qu’il s’agit d’une seule et même espèce.

Il me reste à vous parler d’une dernière espèce de Ciliés vivant à l’état d’ectoparasite sur les Poissons. Elle a été observée, en 1885, par M. R. Blanchard et décrit dans le Bulletin de la Soc. zool. de France , sous le nom d’Apiosoma. C’est V Apiosoma piscicola qui appartient au groupe des Infusoires péritriches, c’est-à-dire munis d’une ou de plusieurs couronnes de cils vibratiles. Il a été trouvé sur des carpes de l’aquarium d’eau douce du Havre couvertes d’un enduit blanchâtre de produits parasitaires, parmi lesquels était V Apiosoma.

Le corps est piriforme, terminé postérieurement pas un pédoncule qui s’élargit un peu à l’extrémité. L’animal se fixe sur les Poissons par un épatement de ce pédoncule. Le corps est strié transversalement, mais les stries sont assez éloignées les unes des autres, limitant comme des plis à surface convexe, de sorte que l’animal paraît annelé transversalement.

L’extrémité antérieure présente une espèce d’excavation qui figure une sorte de péristome bordé par un bourrelet assez épais, et à l’intérieur de cette excavation sont des cils assez forts. Un peu au delà de cette première rangée se trouve une seconde rangée de cils plus fins. La vésicule contractile est dans le voisinage de la bouche, et le noyau, généralement situé vers le milieu du corps, celui-ci s’atténue en pédoncule, épouse la forme du corps à cet endroit et s’amincit lui-même en pointe par le bas : il paraît ainsi triangulaire, avec la pointe vers l’extrémité postérieure. Il renferme plusieurs nu¬ cléoles cellulaires.

M. R. Blanchard considère cet animalcule comme une espèce nou-

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velle. Il n'a pas vu la reproduction et n'a jamais rencontré l’animal libre mais il a constaté qu’il s’enkyste quelquefois dans sa peau. Tous les organes extérieurs disparaissent alors et l’animal conserve à peu près sa forme.

Voilà tout ce qu’on sait de cet Infusoire dont l’histoire présente, comme on voit, beaucoup de lacunes. Nous ne savons donc pas si nous devons le ranger comme espèce nouvelle dans un genre connu ou comme espèce nouvelle dans un genre nouveau.

Tels sont à peu près tous les Infusoires ectoparasites décrits jusqu’ici. Leur nombre, assez restreint, augmentera évidemment à mesure qu’on s’appliquera davantage à l’étude des Infusoires et que les zoologistes prendront plus de goût pour l’étude de ces animalcules qui présentent un grand intérêt, non seulement au point de vue scien¬ tifique, mais aussi au point de vue économique en raison des dégâts qu’ils peuvent causer. Quand nous étudierons les autres groupes des Protozoaires, nous trouverons d’autres espèces de parasites.

Nous passons maintenant à un autre groupe de Ciliés parasites : ce sont les endoparasites. Iis sont plus nombreux que les ectopara¬ sites, car nous les trouvons dans tous les degrés de l’échelle animale, aussi bien dans les espèces terrestres que dans les espèces aquatiques ; car si les ectoparasites ne peuvent s’attacher qu’aux animaux qui vivent dans l’eau, les endoparasites, qui habitent les liquides intérieurs, peuvent infester les animaux qui vivent dans l’eau aussi bien que ceux qui vivent sur terre. Tantôt ils absorbent les parties fluides du milieu qu’ils habitent, tantôt ils ingèrent des particules solides. Les premiers se nourrissent par endosmose et sont dénués de bouche. C’est le genre de nutrition que nous avons appelé biosmotique. Les seconds ont une bouche et une véritable nutrition animale. Nous trouvons ainsi chez les Ciliés endoparasites ces deux modes de nutrition.

Dans la description de ces êtres, nous suivons l’ordre généralement adopté depuis Stein. c’est-à-dire les différentes sous-classes établies par Stein en commençant par les Olotriches et d’abord par les Opa- linides qui sont tous parasites et ont pour type l’Opaline si commune dans la Grenouille ordinaire, Opalina Ranarum.

Cette famille a été créée par Stein, en 1800, dans un mémoire pré¬ senté à la Société des Sciences de Bohème, travail dans lequel il a caractérisé pour la première fois cette famille : ciliée, olotriche, astome ou sans bouche. Il a placé dans cette famille 4 genres : Opalina, Discophrya (dont il a fait plus tard Haptophrya), Anoplophrya et Hoplitophrya.

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Les espèces qui composent le genre Opalina sont des Opalines à noyaux plus ou moins nombreux et sans vésicule contractile. Ces caractères suffisent pour déterminer le genre Opalina. Au contraire, dans les trois autres genres, il y a un noyau et des vésicules contrac¬ tiles plus ou moins nombreuses.

Ces espèces sont au nombre de cinq dans l’intestin des Batraciens et surtout des Anoures. Ce sont :

Opalina Ranarum , la plus commune, qui vit en masses dans le rectum de la Grenouille rousse (Rana temporaria ou fusca ) et aussi chez le Crapaud commun ( Bufo cinereus ) et le Bufo varia- bilis, (Stein) ;

Opalina dimidiata , qui vit dans la Grenouille verte ( Rana escu- lenta) et aussi dans le Crapaud commun ;

Opalina obtrigona , qui habite l’intestin de la Rainette verte (Hyla arbore a).

Opalina intestinalis , qui vit dans le Pélobate brun (Pelobates fuscus) et aussi dans la Grenouille verte.

Opalina caudata qui habite l’intestin du Sonneur à ventre rouge [Bombinator igneus).

Les mieux étudiées de ces espèces sont naturellement celles qui habitent la Grenouille commune et surtout la Grenouille rousse. Leur reproduction a été l’objet de travaux importants d’Engelmann en 1875 (. Morpholog . Jahrbuch de Gegenbaur), de Zeller, en 1877, (Zeits¬ chrift de Siebold et Kolliker), enfin de moi-même, en 1881, (Jour¬ nal de Micrographie de J. Pelletan.)

Les caractères généraux sont les suivants :

Animalcules toujours libres, corps ovalaire ou triangulaire, revêtu d’une cuticule très mince, présentant des stries très fines, le long desquelles sont rangés les cils vibratiles qui sont par conséquent très régulièrement distribués. Il y a une couche externe, ou ecto¬ plasme, à laquelle quelques auteurs, comme Biitschli, donnent une structure réticulée ainsi qu’à tout le corps de l’animal qui serait en¬ tièrement formé d’aréoles, disposition comparable à celle d’un gateau d’abeilles.

Pour Zeller, la cuticule manquerait et la couche corticale serait formée de bandes musculaires parallèles, granuleuses, faisant le tour du corps. Sur la face dorsale, ces bandes seraient disposées diago- nalement et passant de l’autre côté, côté ventral, présenteraient une disposition sinueuse ; de sorte que les bandes s’entrecroiseraient sur les côtés. Il y a des différences considérables avec ce que décrit Biitschli. Pour moi, cela s’explique par des différences de technique: .Zeller laisse les animalcules macérer dans une solution faible d’acide

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acétique ; Bülsclili se sert de substances éminemment coagulantes, l’acide chromo-osmique et autres réactifs fixateurs. Ce sont des méthodes directement inverses et qui pourraient expliquer ces diffé¬ rences d’observations. Pour moi, je donne raison à Bütschli.

Les noyaux des Opalines présentent quelques faits intéressants que je vous demande la permission de vous rappeler. Ils sont vésiculeux et renferment un liquide clair avec un petit nucléole central et un réticulum très fin. Ces noyaux-présentent des phénomènes très inté¬ ressants quand ils se divisent. Ces phénomènes de division et leurs phases ont été observés par plusieurs auteurs. Ils présentent tous les caractères de la karyokinèse : Maupas, moi, Nussbaum, Pfitzner, les ont étudiés. Le travail de Pfitzner (Morphol. Jahrb. 1885) est le plus complet.

Je ne vous ferai pas Phistoire de chaque espèce, cela serait trop long et sans intérêt. L’organisation reste la même dans toutes les espè¬ ces, la taille seule varie avec la forme du corps.

Ainsi, chez VOpalina Ranarum , le corps est ovalaire, un peu pointu en avant et plus arrondi en arrière, aplati et comme foliacé. Chez l’O. obtrigona , il est à peu près triangulaire ; chez PO. dimidiata , il est fusiforme, avec l’extrémité antérieure plus épaisse et tronquée latéralement. L’O. caudata a des caractères qui la distinguent immé¬ diatement : d’abord, son habitat, l’intestin du Bombinator igneus , puis une forme tellement curieuse que je crois que ce caractère, donné par Zeller, ne se rapporte pas à des individus adultes : le corps se termine par une queue.

Je résume ce que l’on sait sur leur multiplication. Elles se mul¬ tiplient par division fissipare et surtout activement aux approches de l’époque du frai des Grenouilles. D’après Zeller, la fissiparité pour¬ rait se faire dans tous les sens, mais je crois que ce qu’il a décrit comme une division longitudinale est une conjugaison, d’après ce que j’ai constaté. A mesure que la division se reproduit les animaux deviennent de plus en plus petits, car presqu’aussitôt formés, ils se multiplient à leur tour par division et les dernières générations sont très petites. Arrivés au minimum de leur taille, ils s’enkystent en masse, et les excréments de la Grenouille sont remplis de ces kystes contenant, un, deux, trois noyaux. Ces petits kystes, expulsés dans l’eau avec les excréments, tombent au fond de l’eau, se mêlent à la vase et sont avalés par les têtards dans l’intestin desquels ils éclosent. D’après Zeller ils arriveraient jusque dans le rectum avant d’éclore. D’après Engelmann et Nussbaum, ils écloraient dans l’intestin grêle. Ce der¬ nier auteur a essayé de faire des infections artificielles : deux heures après l’ingestion, il a trouvé les kystes appliqués contre la paroi de fin-

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testin grêle; trois heures après, ils étaient dans le rectum. Nussbaum a vu l’éclosion se faire sous le microscope. Jamais cette éclosion n’a lieu dans l’eau; il les a vu éclore dans l’humeur aqueuse delà Grenouille, et le phénomène ne présente rien de particulier (1).

Au moment les animalcules sortent du kyste, ils ont une forme très différente de celle de l’adulte : ils sont en raquette, arrondis an¬ térieurement et terminés par une extrémité effdée. IJs ne présentent alors qu’un, deux ou trois noyaux, mais à mesure qu’ils grandissent, leurs noyaux se multiplient par division indirecte ou karyokinèse et deviennent très nombreux quand l’Opaline est adulte.

Mes observations personnelles confirment la plupart de ces faits ; elles datent de la période de 1866 à 1878, mais ce qui n’avait pas été vu, c’est la conjugaison de ces Infusoires, très fréquente dans la période qui précède la multiplication et accompagnant souvent celle- ci. Lun des résultats de cet acte est de donner une grande activité à la multiplication. C’est le but physiologique de la conjugaison. J’ai fait aussi des expériences d’infection artificielle et j’ai vu, comme Nussbaum, l’éclosion des kystes dans l’intestin des têtards. (Voir Journal de Micrographie (1882).

Le second genre établi par Stein dans les Opalinides, le genre Anoplophrya différé des Opalines proprement dites par deux carac¬ tères principaux : les espèces qui le composent n’ont qu’un seul noyau, ordinairement sous forme d’un gros cordon placé dans l’axe du corps, et des vésicules contractiles presque toujours nombreuses rangées sur un des côtés, quelquefois sur les deux côtés du corps, en séries plus ou moins régulières. (Les Opalina ont, au contraire, des noyaux nombreux et pas de vésicule contractile).

Toutes les espèces de ce genre connues jusqu’ici sont des para¬ sites d’invertébrés, et la plupart habitent le tube intestinal d’Anné- lides inférieures ; quelques espèces se trouvent dans les Crustacés.

Elles n’ont pas de bouche, leur corps est ovalaire, plus ou moins aplati, couvert de cils vibratiles insérés en rangées parallèles plus ou moins serrées, sur des lignes saillantes en forme d’arêtes qui parcourent longitudinalement la surface du corps. La reproduction se fait par fissiparité simple : le corps se divise en deux moitiés comme cela arrive chez la plupart des Infusoires Ciliés ; c’est ce que M, A. Schneider a observé sur V Anoplophrya circulans ; mais Claparède et Lachmann ont trouvé que l’ A noplophry a proliféra , qui habite des Vers marins des côtes de Norwège, présente sous ce rap-

(1) Zeitschrift f. Zool. T. 26, 1886.

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port des phénomènes particuliers : l’animal se divise en 6 segments qui restent attachés les uns aux autres pendant un certain temps, puis deviennent libres. C’est un mode de multiplication qui ressemble beaucoup à celui de quelques Annélides inférieures, les Naïs , par exemple, et qui a été décrit comme un bourgeonnement.

Ce genre comprend une vingtaine d’espèces dont 14 ou 15 ont été décrites par Saville Kent (Manual of Infusorià), mais je dois vous faire remarquer que cet auteur a rangé dans ce genre une espèce, vue d’abord par Quemmerstedt qui a publié un ouvrage en langue sué¬ doise sur les Infusoires de la Suède, VOpalina Mytili (Quem), para¬ site des branchies delà Moule. Saville Kent en a fait un Anoplophrya Mytili ; or, M. Maupas a très bien montré que cette espèce n’appar¬ tient même pas à la famille des Opalinides, car l’animal est muni d’une bouche, et il en a fait un genre nouveau, Encistrum , l’espèce en question devenant 1 ‘'Encistrum, Mytili , Maupas.

Je ne décrirai pas ici une à une toutes les espèces d 'Anoplophrya qui vivent presque toutes dans le tube digestif d’Annélides infé- férieures. Toutes avaient été décrites comme des Opalina avant que Stein fut venu mettre de l’ordre dans cette classe et créer le type géné¬ rique Anoplophrya. Je vous citerai seulement les A. Naidos , A. clavata , ovata , nodulata , striata , cochlear'if orrais , filum , qui vivent dans les Annélides, VA. branchiarum , que Stein avait déjà décrit, en 1850, sons le nom d ''Opalina branchiarum , et qui vit dans l’intérieur des lamelles branchiales d’un petit Crustacé d’eau douce la Crevettine (Gammarus Pulex). On sait déjà qu’à l’extérieur de ces lamelles vivent d’autres Infusoires, les Spirochona gemmi- para , Lagenophrys ampulla , etc. A l’intérieur se trouve aussi le Dendrocometes parodoxus qui est un Infusoire suceur ou Aciné- tinien. C’est à côté de ce dernier, entre les deux lames des feuillets branchiaux, dans l’espace même circule le sang, que vit V Anoplo¬ phrya branchiarum (. Zeitschrift , de Siebold et Kôlliker, T. III). Je ne crois pas que ce parasite ait été revu depuis Stein qui n’en a pas donné de figure, de sorte que son histoire est encore fort obscure.

C’est sur un autre petit Crustacé, l’Aselle (Asellus aquaticus ), que j’ai observé une espèce appelée par moi Anoplophrya circulans (Recueil Zool. Suisse , 1885). Elle est plus curieuse que celle de Stein, par son habitat, car c’est le seul exemple connu d’un Cilié vivant dans l’appareil circulatoire d’un animal, pèle-mèle avec les globules sanguins avec lesquels il circule. C’est ce qui m’a décidé à lui donner ce nom : A. circulans.

Sa forme varie chez les jeunes et chez les adultes. L’Infusoire

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adulte est ovale, aplati, présentant un noyau allongé dans la ligne dorsale et une série de vésicules conctractiles, 5 ou 6, placées sur l’un des cotés du corps et qui se contractent alternativement. Les jeunes sont presque sphériques ou ovales ; ils ont un noyau égale¬ ment sphérique et non allongé, et une seule vésicule contractile placée à la partie postérieure du corps. Nous connaissons d’autres espèces chez lesquelles les jeunes diffèrent beaucoup des adultes (Leucophrys , Icthyophthirius , Opalma , etc.)

On comprend que la présence de ce parasite, qui se multiplie par quantités énormes dans le sang de PAselle, doive amener des troubles dans ses fonctions. En effet, dans les parties extrêmes des pattes, des antennes, le courant sanguin est moins violent, les animalcules s’entassent en si grand nombre qu’ils produisent des obstructions et une stase dans la circulation. Dans ces parties, il se forme comme des bouchons, par la coagulation de la fibrine. Chez PAselle, comme chez tous les Isopodes, il y a des artères, mais il n’y a pas de veines ; le système veineux est représenté par des cavités communicantes. Les artères présentent, de distance en distance, des ouvertures par lesquelles le sang passe dans J es cavités veineuses et de dans le cœur. Les petits parasites pénètrent ainsi partout comme les globules sanguins. Ils ne peuvent pas lutter contre le courant qui les entraîne. On conçoit donc que leur développement amène de graves perturbations dans la circulation et finalement la mort de l’hôte. Et la mort de l’hôte amène la mort des parasites, car l’eau extérieure ne tarde pas à pénétrer par endosmose dans l’animal mort elle tue les parasites. Au bout de deux heures déjà tous les animalcules ont été tués par l’eau. Quand on met le corps de PAselle dans Peau salée à dose physiologique, la survie des parasites peut durer cinq ou six heures.

Si l’on coupe une patte ou une antenne à une Aselle vivante, on voit les parasites projetés au dehors par l’ouverture du moignon, sous l’impulsion du cœur, avec les globules sanguins. A mesure qu’ils sont ainsi projetés, ils sont frappés de mort par suite de l’imbibition de Peau ambiante dans leur substance. Nous verrons cependant que dans certaines circonstances quelques-uns survivent.

Comment donc ces animalcules pénètrent-ils dans PAselle vivante et comment se propagent-ils d’une Aselle à une autre ?

Vous savez que les Infusoires Ciliés ont un moyen très simple pour résister aux causes naturelles de destruction venant du dehors : ils s’enkystent. Ils peuvent ainsi résister à la sécheresse. Ceux-ci s’en¬ kystent pour résister à l’imbibition.

Chez 1 ' Anoplophrya, je n’ai jamais observé que l’enkystement ait

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lieu dans l’intérieur des vaisseaux de PAselle. Mais, d’autre part, j’avais très fréquemment vu de petits êtres semblables aux jeunes individus, tourbillonnant dans le liquide comme des Ciliés franchement aqua¬ tiques. Ils venaient papillonner autour des Aselles et des plantes aquatiques, s’y fixer et même s’y enkyster. Il devenait donc évident pour moi que 1’ Anoplophrya circulans a une période de vie libre pendant laquelle il vit dans l’eau pure et parcourt certaines phases de son évolution biologique.

Ainsi, j’avais souvent l’occasion d’observer parmi les Aselles, dont les appendices, antennes, pattes, etc., sont très fragiles, des individus mutilés et de voir que les parasites étaient tués aussitôt qu’ils étaient rejetés dans l’eau. D’un autre côté, j’avais vu plusieurs de ceux-ci se mouvoir dans l’eau sans en être incommodés. Comment donc concilier des faits aussi contradictoires ?

Après de longues observations j’ai fini par avoir le mot de l’énigme. Examinant une Aselle dont la première paire d’antennes était cassée, je vis les petits parasites sortir en foule dans l’eau. Tandis que la plupart étaient tués, quelques-uns s’en allaient en nageant sans paraître incommodés. Ils voltigeaient pendant des heures entières dans le liquide, puis ils se fixaient et s’enkystaient ensuite soit sur des filaments d’ Algue, soit sur l’Aselle même. Ainsi, ces animaux peuvent sortir du corps de leur hôte et vivre dans l’eau sans inconvénient. J’avais vu les kystes de ces Anoplophrya ; malheu¬ reusement, quand j’ai voulu suivre le sort de ces kystes, je les ai toujours vus dévorés par des Monades parasites. Celles-ci ont la pro¬ priété de dissoudre la paroi du kyste sur lequel elles se sont fixées et font pénétrer dans son intérieur une sorte de pseudopode à l’aide duquel elles absorbent tout le contenu du kyste. Quand il ne reste plus que la coque, elles s’en vont et s’attaquent à un autre. C’est ce qui m’a empêché de suivre la destinée de ces kystes. Deux fois seulement, j’ai vu l’animal sortir de son kyste, mais avec la même forme qu’auparavant. Sans doute, il n’était pas satisfait de sa place et allait en chercher une autre. C’est ainsi que je n’ai pu voir la suite de l’évolution.

J’ai essayé aussi d’effectuer des infections artificielles. J’ai mis une Aselle indemne de tout parasite dans un verre de montre avec des Aselles infectées et des filaments d’Algues couverts de kystes : cons¬ tamment les parasites absorbés étaient digérés. Ce n’est donc pas par le tube digestif que se fait l’invasion. J’ai placé des jeunes Aselles sortant de l’œuf près d’Aselles infestées, et jamais je n’ai vu comment se fait l’infection. Un seul fait reste donc démontré, c’est qu’à certaines périodes de son évolution, VAnoplophry a peut sortir

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de son hôte, mener une vie libre dans l’eau et probablement y suivre une phase de son existence.

A quoi attribuer la résistance que présentent alors les parasites à l'action de Peau ? Elle tient, je crois, à ce qu’arrivés à une période ils sont destinés à sortir de leur hôte, leur cuticule devient plus forte et ne se laisse plus imbiber par l’eau.

En effet, si une antenne de l’Aselle se brise lorsque certains de ces parasites ont acquis la faculté de vivre dans l’eau, on voit ceux-ci profiter de l’accident, sortir en masse et se libérer. C’est une lésion accidentelle qui produit leur délivrance. La même chose a lieu pour beaucoup d’autres parasites, Tænias, Trichines, Filaires, Pen- tastomes, Distomes, etc., tant qu’ils sont à l’état de larves, c’est la mort de l’hôte qui vient les libérer, que celui-ci meure simplement, ou quTl soit dévoré par un autre animal. C’est la mort de l’hôte ou un accident arrivé à l’hôte qui leur permet de continuer leur évolution.

M. A. Schneider a, en même temps que moi, étudié cet Infusoire. Son mémoire a paru, un peu après, dans les Comptes-rendus del’Ac. des Sc. (1885) et dans ses Tablettes zoologiques , avec un grand luxe de planches. Il a complété mes observations sur plusieurs points, notamment par la découverte du nucléole que je n’avais pas vu et qui peut-être n’existait pas chez les individus que j’ai étudiés. C’est un petit granule placé sur la ligne médiane du noyau. Il a signalé la conjugaison qui se fait entre les plus petits individus, et je vous ai parlé ailleurs des phénomènes qu’il a observés à cette occasion.

J’ajouterai, à titre de curiosité seulement, qu’une naturaliste améri¬ caine Mademoiselle Sarab Foulke a trouvé, dans un Rotateur du genre Noteus , une espèce (TAnoplophrya; mais je crois que cette décou¬ verte repose sur une erreur. Mademoiselle S. Foulke parle de corps ovalaires ou sphériques, entourés de cils vibratiles et sans noyau. Quelques-uns de ces corps renferment des globules internes qu’elle appelle « gemmes » et qui s’échappent du corps de leur parent. Un animal sans noyau peut-il être un Opalinide et encore moins un Anoplophrya ? Je crois donc que nous pouvons , en atten¬ dant de nouveaux travaux, laisser dans l’ombre cette espèce problé¬ matique.

A suivre.

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SUR DEUX CAS D’INCLUSION DE PARASITES NÉMATOÏDES

DANS DES ŒUFS DE POULE (1)

Les modes et moyens d’introduction des parasites dans le corps humain et dans d’autres organismes animaux sont extrêmement divers et souvent exci¬ tent l’étonnement dans l’esprit du médecin ou du naturaliste qui sait ou qui veut les étudier.

Non moins merveilleuses sont les phases de développement qu’ils parcourent en passant d’une espèce animale à une autre et les procédés par lesquels ils se maintiennent ou s’adaptent à l’intérieur de l’hôte dans lequel ils ont réussi à s’introduire malgré lui, ainsi que les diverses manières dont ils se reprodui¬ sent. Pour le médecin sont aussi bien intéressantes les lésions qui accompa¬ gnent d’ordinaire la présence des larves et des formes adultes des parasites tan lot dans un viscère, tantôt dans un autre, ou à la surface de la peau.

Après avoir longtemps cherché sa voie, la parasitologie, fondée sur des observations soignées et des expériences ingénieuses, se trouve maintenant en état de rendre compte de faits de plus en plus nombreux que les anciens auteurs jugeaient inexplicables, ou bien s’ils tentaient une explication, celle- ci ne faisait que rendre plus obscurs l’origine et le mode de production des faits en question.

Les deux cas dont je vais vous donner connaissance aujourd’hui sont de ceux qui peuvent exciter la surprise et sur lesquels l’esprit s’arrête pour re¬ chercher comment ils ont pu se produire.

Quand je dirigeais l’Institut Zoologique de l’Université de Modène, un médecin distingué de l’Hôpital civil de Carpi m’écrivit pour m’annoncer qu’il avait trouvé un parasite dans un œuf de poule. 11 y a peu de temps mon collè¬ gue et ami, le professeur de pathologie générale à l’Université de Gagliari, M. Pietro Meloni, m’a fait connaître un fait semblable.

Le premier, le Dr Grosoli, s’exprime ainsi ;

« Je conserve dans laloool un corps d’aspect albumineux, atténué aux extré¬ mités, long d’environ lo centimètres et large d’un demi-centimètre dans sa plus grande largeur, roulé sur lui-mème et présentant quelques stries trans¬ versales. »

« Je l’ai examiné au microscope, mais à vous parler franc, je n’ai rien compris à la nature de ce corps. Il a été trouvé dans un œuf de poule non couvé, dont le jaune était très sain et le blanc très réduit. Qu’en dites vous? Est-ce l’albumine contractée qui se présente sous cette forme, est-ce un ver, qu’est-ce que c’est? A vous de juger. Si vous croyez que cela mérite un exa¬ men sérieux, je puis vous l’envoyer... » (6 Nov. 1872).

Sur ma demande, le Dr Grosoli m’a tout de suite et gracieusement envoyé

(1) Bull, délia R. Accad. Medica di Roma.

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l’objet par M. Benassi étudiant à la Faculté de Médecine, avec une lettre con¬ tenant la note suivante :

« Je dois vous dire qu’une des poules qui ont pondu les œufs parmi les¬ quels était celui qui contenait l’objet en question est morte. Si j’en avais été avisé à temps, je l’aurais ouverte. »

Mon collègue répondait par à une question que je lui avais faite.

Le ver dont il est question fait aujourd’hui partie de la collection helmin- thologique instituée par moi au Musée Royal Zoologique de Modène. C’était un Heterakis inflexa.

D’autre part le professeur Meloni-Satta m’a écrit récemment.

« Un soir du mois de mars 1885, une dame Cagliarilaine, faisait apprêter un œuf pondu le matin même par une poule de son poulailler. L’œuf n’était pas cuit, mais à peine échauffé.

« La coquille brisée, la dame approchait l’œuf de ses lèvres pour l’absor¬ ber, mais aussitôt elle pâlit et la nausée lui vint à la bouche : une agitation convulsive et des tortillements très vifs se produisaient dans l’œuf !...

« La première frayeur calmée, la dame et les personnes présentes consta¬ tèrent la présence dans l’œuf d’un petit ver long, long. Surprises de ce fait singulier et nouveau pour elles, elles eurent la précaution de le conserver avec l’œuf lui-même qui me fut envoyé le lendemain matin. Le petit ver, bien qu’immobile, paraissait encore vivant, comme un corps fusiforme au milieu du vitellus. Extrait, au bout d’une demi-heure, il mesurait 70 millimètres de longueur et 1 millimètre de largeur maxima.

« Je ne trouvai rien d’anormal à la coquille ni pour la forme, ni [jour la grosseur, ni pour la couleur. C’était un œuf normal dans toutes ses parties. Le jaune et le blanc étaient normaux, du moins à l’œil nu. Leur examen mi¬ croscopique aurait peut-être révélé quelque chose d’important ou au moins montré s’ils ne contenaient pas quelqu’aulre genre de parasite. Mais à ce mo¬ ment mon attention étant toute entière pour le petit ver, je ne pensai pas à cet examen.

« Je ne connais pas d’autres faits semblables et il ne m’a pas été possible d’en chercher dans des ouvrages à consulter (1) . Je t’en fais part et lu médiras si c’est un véritable Ascaride, comme le microscope le montre à mes yeux. Tant mieux pour moi si tu trouves que cela mérite une communication à l’Aca¬ démie. Le petit ver à toujours été conservé par moi dans la glycérine.

« Chercher un poil dans un œuf est un adage antique et toujours nouveau qui se dit à propos des gens qui cherchent à subtiliser, à sophistiquer leurs arguments sur des questions claires et simples sur lesquelles il ne peut y avoir de discussions et d'interprétations diverses. Mais si l’on n'a pas à craindre de trouver un poil dans un œuf, je demande si ces intrus plus dangereux et plus à craindre qui osent y chercher outre le logement gratuit et la nourriture empruntée aux matériaux de l’œuf, leur passage avec le contenu du même œut

(1) M. Meloni n’avait pas connaissance des travaux français. Les faits de ce genre sont au contraire assez nombreux. Voir la thèse de M. Gaillon.

Dr J. P.

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dans notre organisme peuvent par aventure produire un trouble physique aussi grand que fut le trouble moral chez la dame dont je t’ai parlé. »

Suivant le désir exprimé par mon collègue et ami le professeur Meloni-Satta je communique à l’Académie le fait rapporté par lui et qui mérite une étude spéciale.

Disons d’abord que chez les Gallinacés, les parasites sont nombreux que l’on peut trouver inclus dans les divers organes, et certains sont assez dange¬ reux. Il est rare cependant de trouver des êtres animaux ou végétaux dans le contenu de l’œuf des poules, et en lisant beaucoup d’ouvrages spéciaux, il m’a été très difficile de trouver des cas identiques à ceux observés par le Dr Grosoli et le professeur Meloni-Satta.

A propos des parasites végétaux trouvés dans les œufs de poule, je rap¬ pellerai le fait intéressant qui nous a été raconté par les professeurs Grassi et Gorrado Parona, observé à Pavie en janvier 1878. Ils ont trouvé près du jaune dans un œuf, qui macroscopiquement et microscopiquement ne présentait rien d’anormal, un petit corps adhérent (petit œuf fécond), long de 12 milli¬ mètres, partiellement enveloppé d’une membranule incomplète. Cette ano¬ malie est très rare et connue sous le nom d 'ovum in ooo. Sans rapporter tous les détails dans lesquels entrent justement les auteurs, je rappellerai que l’albuminedu petit œuf paraissait composée d’une grande quantité d 'éléments morphologiques qui d’après tous leurs caractères physiques et chimiques furent regardées comme des spores. Celles-ci, cultivées dans la chambre humide ordinaire, à une température assez chaude germèrent au bout de 10 jours et il se développa de nombreux Leptomitus (1). J’ajouterai que déjà, en 1870, des Leptomitus avaient été trouvés par le Dr Achille Fumagalli dans un œuf de poule (2).

D’autres auteurs citent des exemples de Cryptogames trouvés dans l’intérieur des œufs.

Dans ce nombre, je rappellerai les espèces suivantes :

Sporothricum albuminis , Burdach ; brunneum , Schenk.

Dactylium ovogenum , Rayer.

Hætophora .., Spec, Hoffmann.

Mucédinées, Panceri.

Les professeurs Parona et Grassi ont, en étudiant cette question, soutenu l’hypothèse de la plasmogonie et, pour expliquer la présence du grand nombre de spores trouvées par eux ils ont écrit que « la composition chimique de l’albumine au petit œuf était capable de donner naissance à des spores. »

Je n’en dirai pas davantage sur les corps de nature végétale trouvés dans des œufs, ce qui n’est pas le sujet dont je m’occupe, mais je donnerai quelques courts détails sur d’autres corps étrangers trouvés dans des œufs de poule.

Les professeurs Grassi et Parona ont justement avoué que ces cas sont assez

(1) Rendiconti d"l R. Istituto Lombarde, T. XI, p. 237-245, 1878, Milano.

(2) Sopra un microfito tr<.,vato in un uouo intégra di Gallina. Rend, de R. Ist. Lomb. S. II, T. III, 1870, p. 196.

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rares. Davaine (1) cite la présence (l’une épingle ; Des Murs parle d’œuls d’oiseaux qui dans l’épaisseur de la coquille contenaient des fragments d’insecte (2), (un cas de Rogier et un cas de Moquin-Tandon) mais plutôt que de les supposer passés du cloaque dans l’oviducte, il pense que ces insectes se trouvaient au point pendant la ponte reposait l’anus de l’oiseau et ont été surpris dans la matière calcaire encore molle et, en se débattant, y seraient restés encroûtés en partie ou en totalité ; le refroidissement pour ainsi dire instantané de cette matière les y aurait emprisonnés.

D’après Pouchet, cité par Panceri, des pattes d’insecte se seraient élevées du cloaque dans l’oviducte à l’aide de leurs épines tournées dans un même sens.

Le J):stoma ovation, qui habite la bourse de Fabricius chez la poule, peut passer dans l’oviducte ; il y a été rencontré par Otto et peut se trouver dans l’œuf (Hanon, Purkinje, Eschollz, Shelling, Gurtl).

L’h ypothèse du passage des corps étrangers par la communication normale du cloaque avec l’oviducte a été soutenue par le professeur Panceri (3) avec des raisons très solides, et il est admis que l’oviducte exécute des mouvements anti-péristaltiques très actifs qui, de bas en haut exercent une espèce d’absorp¬ tion ou, pour mieux dire, de succion, non seulement sur le sperme pendant l’acte du coït, mais sur les corps étrangers qui viennent à exciter le sphincter du cloaque.

On a dit aussi que le mucus, ou l’épithélium vibratile, par sa direction sur la muqueuse de l’oviducle, s’oppose à l’ascension du parasite. Celui-ci avec ses mouvements vivaces, ses contractions répétées peut assez facilement vaincre l’obstacle qui lui est opposé et gagner la partie de l’oviducte ou, bon gré mal gré, il reste emprisonné par la formation delà coquille.

Cependant, pour mieux rendre compte de ces faits, il convient de rappeler en quelques mots la structure, la situation et la physiologie de l’appareil ova- rique chez la poule... J’emprunte ce résumé à Grassi et Parona.

On sait que quand le vitellus est mur sa capsule est embrassée à l’extrémité dilatée de l’oviducte. Elle se rompt et l’œuf s’engage dans l'oviducte avec son grand axe dirigé parallèlement à l’axe du conduit, le disque germinatif se trouvant par conséquent tourné sur le côté. Dans la descente le long de l'ovi- ducte se forment les parties accessoires de l’œuf.

On sait que l’oviducte est divisé anatomiquement en quatre parties. La première est en entonnoir ; la seconde, longue, tubulaire, s’ouvre par un conduit étroit, l’isthme, dans la troisième partie qui est large. La quatrième, étroite, aboutit au cloaque.

Les enveloppes du vitellus se forment exclusivement dans les 2e et 3e par¬ ties. Dans la seconde, se forme l’albumine. Entre la 2e et la 3e, dans l’isthme,

(1) Mérn. sur les anomalies de l'œuf. C. R. de la Soc. de Biologie. Sér. 3, T. 2, 18(30. Voir aussi les mémoires du professeur Grassi et Parona, contenant ces ci¬ tations. liend. Ist. Lomb.

(2) Traité d’Ovologie, Paris, 1860.

(3) Panceri : Intorno al alcune Crittoqame observate nel l'uovo di Struzco. Atti de R. Accad. delle Sc. fis. e nat. di Napoli, T. VI, 1873.

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se forme la membrane testacée, et dans la 3e, enfin, la coquille. On sait, d’ail¬ leurs, que l’œuf arrive dans la 3e partie en moins de 4 heures et qu’il y reste de 12 à 14 heures.

Ceci établi, on peut raisonnablement supposer, disent MM. Grassi etParona, que le vitellus de l’ovule, soit entré dans l’oviducte et soit descendu dans 1 isthme, l’œuf contenant déjà le corps étrangeravantde se détacher de l’ovaire. Pendant ce long trajet il se serait enveloppé peu à peu d’albumine ; dans l’isthme il aurait pris la membrane. Il me paraît que cette supposition est très admissible.

Relativement à la différenciation qui correspond à la diversité des fonctions de chaque partie de l’oviducte, j’ajouterai un complément à ce qu’ont écrit les auteurs ci-dessus. La partie antérieure, plus longue et plus large, avec sa large ouverture en entonnoir, est celle dans laquelle est sécrétée l’albumine, qui enveloppe le vitellus ou jaune ; aussi, cette partie garnie de glandes en tube peut être appelée tractus albuminogène.

La partie moyenne, que Gegenbaur appelle moins exactement partie posté¬ rieure, plus large encore que la précédente, mais plus courte, ovoïde, dispo¬ sée presque comme un sac, à surface interne villeuse, est celle se produit la coquille ; celle-ci a d’abord l’aspect d’un liquide blanc mais qui se solidifie graduellement et rapidement. Cette partie peut être appelée tractus concfiit- lifère.

Enfin, la partie postérieure et dernière de l’oviducte gauche, courte, droite, est celle qui débouche dans le cloaque à côté de l’uretère gauche.

L’oviducte gauche, non-seulement est bien développé tandis que le droit subit le sort de 1 ovaire droit qui s’atrophie, mais, chez les oiseaux, il est assez compliqué. Il contient, en effet, des glandes spéciales, situées dans les diverses parties de sa paroi interne et destinées à sécréter ou l’albumine, ou la membrane, ou la coquille de l’œuf ; la coquille, qui offre de très nombreu¬ ses différences pour le volume, l’épaisseur des parois, la coloration générale ou dominante ou les taches, très variables.

Les fibres musculaires des divers tractus sont disposées tantôt dans le sens longitudinal, tantôt dans le sens transversal ; et cette disposition est évidem¬ ment en rapport avec les fonctions auxquelles ces parties sont destinées.

Je devais vous rappeler ces notions avant de répondre à la question sui¬ vante.

L’un ou l’autre des parasites qui m’ont été présentés s’est-il développé dans l’oviducte ou dans l’intestin?

Je pense que le parasite s’est développé dans l’intestin et a pu passer dans l’oviducte il a pu grossir, nourri par l’albumine, en y restant enfermé.

Tout porte à croire que ce parasite provenait de l’intestin et que, descendu jusqu’à la partie rectale et dans le cloaque, il a pénétré dans l’orifice de l’ovi¬ ducte qui pouvait-ètre dilatée par l’expulsion d’un œuf récent.

Mais on peut encore s’adresser cette question ? Le parasite est-il entré par la cavité péritonéale?

A celte question que je me suis posée moi-même, et à laquelle d’autres

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pourront répondre avec plus de compétence que moi, je dois cependant une réponse :

En admettant pour un instant que l’ascaride ait pénétré dans la partie large et infundibuliforme, il aurait du passer par une perforation intestinale. Peut- on admettre, ou au moins facilement soutenir, la pénétration d’un ascaride d’une certaine taille dans la cavité péritonéale.

Je ne nie pas la possibilité du fait et je connais des cas bien prouvés d’as¬ carides trouvés dans la cavité péritonéale ; mais alors l’intestin s’est toujours montré enflammé et l’inflammation avait été suivie d’une perforation ou d’une fistule gangreneuse par laquelle avaient pu passer de l’intestin dans l’oviducte un ou plusieurs parasites animaux ou végétaux ou d’autres substances, comme cela a été rapporté par Larcher et d’autres écrivains autorisés (1) Larcher écrit: « Quelquefois encore, la paroi intestinale est attaquée par certains en- tozoaires qui parvenus à la perforer et à se loger sous la tunique externe, peuvent la traverser à son tour, et continuer par-là leur migration dans la cavité péritonéale. »

Des deux faits transmis par MM. Grosoli et Meloni-Satta, on peut croire dans le premier que la poule a succombé à l’helminthiase. En effet, le Dr Gro¬ soli signale dans sa seconde lettre la mort d’une des poules qui avaient pondu les œufs parmi lesquels était celui contenant l’ascaride envoyé par moi au Musée de Modène. Le prof. Meloni ne m’ayant parlé d’aucun phénomène mor¬ bide présenté par la poule qui avait pondu l’œuf renfermant le parasite vivant, on peut croire qu’elle est restée en bonne santé.

(A suivre).

Prof. AiNt. Caruccio, de V Université R. de Rome

RECHERCHE DU MICRORE FURONCULEUX (*)

La technique de cette recherche est des plus simples. Après avoir étalé entre deux lamelles une goutte de pus recueillie, après incision, dans les couches profondes de la peau ou un peu de la sérosité exprimée d’une coupe fraîche de nodule pneumonique, et desséché la couche mince ainsi déposée sur chacune d’elles en les passant à trois ou quatre reprises sur la flamme d'une lampe à alcool, nous les avons fait flotter dans une solution anilinée de fuchsine, de violet ou de bleu de méthyle. Au bout de 10 à 15 minutes, la coloration est suffisante et si la préparation renfermait beaucoup d’éléments anatomiques tels que les globules de pus, capables de masquer les microbes dont la ténuité est extrême,

(1) Dr O. Larcher: Mem. sulle affezzioni délie parti genitali negli uccelli Gaz. med. veter. Milan 1874. O. Larcher: Sui corpi cstranci délie vie digestive degti uccelli. Ibid. 1872.

(2) Voir Journ. de Micr. d’aoùt dernier.

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on peut la décolorer partiellement, mais avec beaucoup de précaution, car ils ne fixent pas eux-mêmes, bien énergiquement la matière colorante (1).

S’il est facile de constater la présence de microbes furonculeux qui, bien colo¬ rés, apparaissent, même à des grossissements moyennement forts, tels que ceux que fournissent les objectifs 7 et 8 de Verick, comme des points parfaitement vi¬ sibles, de très forts grossissements et d’excellents objectifs à grand angle d’ou¬ verture seraient nécessaires pour déterminer leur structure : nous n’y sommes pas nettement parvenu avec un objectif à immersion homogène de 1/20 de Leitz pourtant assez bon, aidé de tous les jeux de lumière directe et oblique que per¬ met d’obtenir le condensateur d’Abbé.

A ces grossissements qui atteignent, avec des oculaires de travail, 1,000 et 1,500 diamètres, le microbe furonculeux apparaitsous forme de très petits cocci, exactement sphériques, d’un diamètre très uniforme ne dépassant pas Op-. 8 et, par conséquent, difficiles à mesurer exactement et dans lesquels l’examen le plus patient, avec les moyens déjà puissants cependant dont nous disposions, ne permet de distinguer aucun détail de structure. Isolés (monococci), géminés (diplococci) plus rarement disposés par trois ou quatre (tetrageni), ils sont tantôt disséminés, tantôt réunis en groupes staphyloïdes (staphvlococci) ou en amas zoogleiformes. Cette dernière disposition était surtout très évidente dans le li¬ quide extrait par pression des nodules pulmonaires.

Nous avons rencontré ce parasite en abondance et seul , dans le pus de l'anthrax, au moment de son incision, dans le liquide recueilli en appliquant une lamelle après la mort à la surface d’une coupe de la peau, dans le liquide pris de la même manière à la surface de coupe des nodules pneumoniques et c’est qu’ils étaient les plus abondants ; ils faisaient, au contraire, défaut dans les régions tout à fait saines de la peau et du parenchyme pulmonaire*

Recherche et distribution du microbe furonculeux dans les coupes des nodules

pneumoniques

Les préparations colorées à l’éosine hématoxylique nous avons étudié des altérations histologiques du poumon au niveau des nodules pneumoniques et dans leur voisinage permettent de voir assez nettement les microbes furonculeux surtout lorsqu’ils sont réunis en amas assez considérables : ils forment alors des taches plus ou moins étendues, assez faiblement colorés en rose, qui paraissent finement granuleuses à un grossissement modéré, mais que de plus forts objectifs (Obj .VII), et, à plus forte raison, l’objectif à immersion homo¬ gène permettent de résoudre eu micrococci innombrables, serrés les uns contre les autres et de volume uniforme.

Mais pour bien voir les micrococci isolés ainsi que les groupes staphyloïdes qu’ils forment dans les alvéoles pulmonaires et pour en déterminer exactement le siège, il est nécessaire de recourir à d’autres méthodes. A cet effet, les coupes

(1) Le liquide suivant, dont nous empruntons la formule au Traité de micros¬ copie clinique de Bizzorezo et Firket, colore très bien la plupart des microbes et se conserve très longtemps tout préparé ; la préparation de celui dont nous nous servons actuellement remonte à deux ans environ :

Bleu de méthyle . 0 gr. 50.

Alcool ..." . 25

Eau distilée . 75

Nous décolorons avec l’alcool plus ou moins additionné d’acide chlorhydrique : un mélange au dixième convient pour le bacille tuberculeux.

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bien dégommées, sont fortement colorées par la solution anilinée de bleu de méthyle, partiellement décolorées par une prudente immersion dans l’alcool additionné d’une trace d’acide chlorhydrique, séchées à l’étuve, éclaircies par l’essence de girolles et montées dans le baume de Canada fondu.

Sur ces préparations examinées avec le condensateur muni d’un large dia¬ phragme, les micrococci isolés ou réunis en amas apparaissement parfaitement colorés en bleu, tandis que des éléments voisins, ceux qui, comme les noyaux ont une grande affinité pour la matière colorante, se montrent teintées en bleu plus ou moins pâle et que les autres disparaissent presque entièrement, noyés qu’ils sont dans les Ilots de lumière blanche qui inonde le champ du microscope.

Les coupes ainsi préparées montrent des micrococci isolés ou groupés tant dans les régions des nodules pneumoniques atteintes d’alvéolite catarrhale et fibrineuse, que dans les parois caséeuses des cavernules mono-nodulaires, et des petites cavernes poly-nodulaires ; mais c’est dans les régions hémorrhagiques que les parasites se montrent avec le plus d’abondance, on trouve là, au milieu de la mosaïque formée par l’accumulation des globules rouges du sang et des cellules lymphatiques et endothéliales en état de désintégration granuleuse ou granulo-graisseuse, outre les micrococci disséminés dont nous venons de parler, deszooglées très denses, parfois très étendues, de forme d’ailleurs irrégulière et dont les dimensions peuvent varier de 10p. à 60p. ; on y rencontre même des alvéoles de petit volume entièrement occupés parles masses zoogléiques (1).

Dr E. Chambard.

RAGE ET CHOLÉRA.

S’il est vrai, comme l’affirme la sagesse des nations, que « les jours se suivent et ne se ressemblent pas », il n’en est pas de même des inoculations pasto¬ riennes, lesquelles se suivent et se ressemblent toutes avec une telle persis¬ tance qu’on croirait que M. Peter leur a jeté un sort.

Ainsi, un Irlandais et un Hollandais, mordus l’un et l’autre par une bête en¬ ragée, quittaient, il y a quelques semaines, le premier, les vertes plaines de la verte Erin ; le second, la Venise du Nord, pour venir chercher le salut dans le laboratoire de la rue Vauquelin. Tous les deux sont morts la semaine dernière.

Un troisième inoculé vient de mourir, un Anglais celui-ci, appartenant à l’aristocratie. Il a été mordu, il y a plusieurs mois, en compagnie de son co¬ cher, par un renard enragé.

On lit, à ce propos, dans un journal dévoué à M. Pasteur:

« Ce décès ne fournira pas d’ailleurs de bien solides arguments aux combat¬ tants de la méthode Pasteur, car le cocher du vicomte de Doneraille, c’est le nom de cette dernière victime de l’inoculation à outrance, qui avait été mordu, en même temps que celui-ci, et qui a été soigné au laboratoire de la rue Vauquelin, n’a encore montré aucun symptôme d’hvdrophobie. »

Tant mieux pour lui ; mais qui vous dit, pastorien que vous êtes, qu’il n’en subira pas les atteintes demain, après-demain, dans quelques semaines?...

(1) Progrès Médical.

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Et puis, cette proportion d’un mort sur deux inoculés, est-elle un résultat dont il faille tirer gloire ? Toutes les personnes mordues par une bête enragée ne deviennent pas fatalement enragées. Au contraire, c’est l’excessif petit nombre qui, en cette poignante circonstance, paie tribut au redoutable mal.

Mais les « souteneurs » de l’Ecole n’ont pas encore donné. Vous allez les voir bientôt nous bâtir une théorie sur la rage du renard, comme ils ont fait pour la rage du loup.

En attendant, je crois savoir que bon nombre de vétérinaires commencent à n’avoir plus qu’une foi médiocre dans le bouillon à la moelle de lapin.

Quelques-uns même, microbiologues endurcis, nous apparaissent, aujour¬ d’hui, entièrement désabusés.

On lit dans le Répertoire de police sanitaire, sous la signature de son direc tour, M. Laquerrière :

« En présence de tels insuccès, il est permis d’avancer que la nouvelle mé¬ thode de traitement est souvent inefficace. Reste à savoir si elle ne constitue pas un daDger sérieux en ce sens que le virus introduit dans l’économie pour¬ rait lui-même faire naître la maladie. Beaucoup de savants, M. Péter y compris, partagent cette opinion.

» Dans tous les cas, ce qui est vrai malheureusement, c’est que le chiffre des décès par la rage ne semble pas s’être abaissé en France, malgré les inocula¬ tions pastoriennes. Ce résultat, il faut le reconnaître, semble donner raison aux cliniciens comme M. Péter qui, eux, ne voient, et nous ne saurions les en bl⬠mer, que le terre-à terre du résultat clinique. »

A ces lignes, j’ajouterai ceci : non seulement le chiffre des décès par la rage ne s’abaisse pas, mais il augmente. Il augmente notablement. Et les cliniciens ont pleinement raison qui s’élèvent, de toutes leurs forces, contre une théorie dont les résultats s’affirment, au point de vue clinique, de façon si décevante Toutefois, j’estime que mon confrère et ami M. Laquerrière a tort de taxer ces résultats de « terre-à-terre #. La science du clinicien, faite d’observation et de laits, ne saurait engendrer que des résultats de haute portée.

En attendant les gouvernements étrangers, qui ont moins de raisons que le nôtre de soutenir la méthode antirabique, commencent déjà, après un moment d’emballement excusable, à s’en détacher insensiblement.

J’apprends que le ministre de l’intérieur d’Autriche-Hongrie vient de déclarer solennellement qu’en raison des nombreux échecs de la méthode, il n’accorde¬ rait plus, désormais, aucune subvention pour la continuation des « inoculations préventives ».

¥ *

Aussi bien, pourquoi M. Pasteur ne revient-il pas à ses chères études? Pourquoi ne s’attaque-t-il pas au choléra qui, à l’heure actuelle, est aux portes de la France ?

Il est vrai, qu’en face du choléra, sa théorie de la contagion des maladies épi¬ démiques est impuissante à expliquer la marche fantasque de ce fléau.

C’est ainsi que le docteur Tholozan, dont on ne saurait, en l’espèce, nier la compétence, a, dans une note lue la semaine dernière, à l’Académie de méde¬ cine, relaté, en s’appuyant sur les récits d’historiens véridiques et sur les écrits d’observateurs compétents et dignes de foi, un certain nombre de faits d’épidé¬ mies de peste et de choléra brusquement survenus et non moins brusquement disparus, sans qu’on puisse trouver une cause plausible à ces intermittences.

416 JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Dans une lettre datée de Marvejols, par Lemoine et Bailly, docteurs de la Faculté de Paris, députés par le Roy pour étudier, en 1721, les maladies pesti¬ lentielles du Gévaudan, on lit ce qui suit :

« La communication, preuve essentielle de la contagion, s’est faite avec une rapidité inconcevable. Une fille, qui avait communiqué avec une maison sus¬ pecte de peste, se trouva à vêpres le 10 août. Le même jour, soixante personnes, qui se trouvaient dans la même église, furent frappées comme d’un coup de foudre et, le lendemain, la ville fut prise dans tous ses quartiers ».

Dans un autre endroit, c’est le choléra qui, d’après d’autres auteurs, emporte le tiers ou le quart de la population d’une petite ville pendant une seule nuit.

S’appuyant sur quantité d’autres faits semblables, M. Tholozan termine en di¬ sant :

« Est-ce la contagion, comme nous la comprenons généralement, qui a agi avec cette soudaineté? Qu’est devenue la période d’incubation? Dans l’évalua¬ tion des causes de propagation des épidémies, il faut tenir grand compte des orages, des vents, de la pluie et des brusques variations atmosphériques. Ces phénomènes météorologiques agissent certainement dans un grand nombre de cas, en amenant ou en faisant cesser la contamination de l’eau qui sert aux usages alimentaires.

» D’autre part, dans les prisons, les épidémies de choléra prennent une acti¬ vité et une intensité souvent exceptionnelles. Chercellov, qui a décrit la catas¬ trophe du pénitencier de la ville de Tours, en 1849, exprimait ainsi son impres¬ sion : u Le choléra tait explosion au contact d’un air vicié, tout comme la « poudre s’enflamme au contact d’une étincelle. »

Les données de la science sur ces questions sont, on le voit, encore tout in¬ certaines. C’est pourquoi j’estime que M. Pasteur ferait mieux d’y appliquer ses facultés d’investigation que de continuer lamentablement à s’acharner après une maladie dont on peut avoir raison, comme je l’ai montré maintes fois, rien qu’en faisant intervenir, congruement, les mesures édictées par la loi sur la police sa¬ nitaire des animaux domestiques (1).

Gaston Percheron.

PRÉPARATIONS DES DIATOMÉES

contenues dans les nouveaux dépôts

Oamaru (Nouvelle-Zélande) Simbirsk (Russie) Santa Monica, San Pedro (Californie) La Centurie: 60, 80 et 100 marks

GRAND CHOIX DE DIATOMÉEES-TEST ET DE PLAQUES-TYPES

Préparations de salon et groupes élégants de Diatomées,

Ecailles de Papillons, Polycystines, etc.

INSTITUT MICROSCOPIQUE d’Edouard Thum 35, Brüderstrasse, Leipzig.

ENVOI DU CATALOGUE FRANCO

Le Gérant : Jules Pelletan, Fils.

Amiens Imprimerie Roussean-Lerov,

13

Onzième année

10 Octobre 1887.

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE :

Revue par le Dr J. Pelletan. Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France en 1887, parle prof. L. Ranvier. Évolution des Microor¬ ganismes animaux et végétaux parasites : le parasitisme chez les Ciliés, {suite), leçons faites au Collège de France, en 1887, par le prof. G. Ralbiani. Notes sur les Objectifs, par le Dr J. Pelletan. Les vaccinations antirabiques, par le prof. M. Peter. Avis divers.

REVUE

Peu de choses, à cause des vacances et de la chasse. D’ailleurs, c’est le moment des congrès, Congrès de l’Association française pour l’avancement des Sciences, à Toulouse, Congrès International des Sciences médicales à Washington, Congrès Néerlandais de Médecine et de Chirurgie, à Amsterdam, Congrès International d’IIygiène, à Vienne, en Autriche, Congrès des Micros- copistes américains, à Pittsburg, sans compter le Congrès des Sociétés coo¬ pératives, à Tours, le Congrès des Naturalistes allemands, à Wiesbaden, le Congrès de l’Association américaine pour l’avancement des Sciences à New- York et le Congrès de l’Association britannique, toujours pour l’avancement des Sciences, je ne sais plus où.

Quand il en sera temps, nous aurons à examiner les travaux de ces nom¬ breux congrès pour y rechercher ce qui peut intéresser les micrographes. Les comptes rendus sommaires qui en ont été faits jusqu’à présent ne paraissent pas nous annoncer une bien riche récolle, en dehors de la bactériologie.

Mais à propos de bactériologie nous pouvons dès à présent signaler le dis¬ cours du professeur Semmola, de Naples, au Congrès de Washington.

M. Semmola avait pris pour thème de son éloquente dissertation le rôle de la bactériologie dans la médecine. Il refuse à l’étude des microbes le nom de science et conteste à ceux-ci le rôle universel et dominateur qu’on veut leur attribuer dans les phénomènes biologiques et même dans beaucoup de réactions qui paraissent purement physiques ou chimiques. En pathologie, on en abuse évidemment, et rien, en somme, de l’inlluence qu’on leur prête n’est absolu¬ ment démontré. Si les défenseurs de la théorie microbienne en pathogénie paraissent souvent avoir raison, leurs adversaires semblent aussi n’avoir pas

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

tort. Il faut travailler encore toutes ces questions à l’aide de l’observation et de cette méthode expérimentale rigoureuse qui appuie chacun des pas qu’elle lait en avant sur des bases absolument certaines et démontrées. Il faut répudier l’empirisme qui ne s’appuie que sur des idées conçues à priori et pose comme faits des hypothèses.

« En passant en revue, dit-il, et en soumettant à la sûre et irréfragable critique de la méthode expérimentale, les récents progrès de la pathologie et de la thérapeutique fondés sur l’étude des microbes, on arrive à cette doulou¬ reuse conviction que sous les séduisantes apparences prêtées par la raison à l’expérience, on n’a devant soi que des hypothèses et des systèmes. »

« Il nous faut donc faire des vœux pour que les expériences en biologie reprennent cette rigueur scientique consacrée par ces lois immortelles que nous ont transmises nos devanciers, et grâce auxquelles seules pourront être péniblement élaborés les solides matériaux qui devront servir à la construc¬ tion de ce colossal édifice de la Médecine scientifique. Mais il ne faut pas en induire, Messieurs, que la Médecine doit persister dans la voie de l’empi¬ risme des Anciens. Cette accusation serait facile pour ceux qui feraient mine de ne pas comprendre le vrai sens de mes paroles, et qui voulant se sous¬ traire aux dures exigences de la méthode expérimentale, aiment à parler continuellement de progrès, alors qu’en pratique, ils sont plus empiriques que les Anciens, avec leur humiliante polypharmacie d’où sortent, à flots pressés, des remèdes nouveaux élevés aux nues, et aussitôt impitoyablement foulés sous les pieds. »

« .... Les magnifiques trésors d’observations cliniques que nous a légués la tradition représentent incontestablement la base solide de la Médecine. Au¬ jourd’hui, le devoir de tout savant qui aspire à contribuer aux progrès de la Médecine scientifique, est de faire resplendir les grandes vérités du passé à la radieuse lumière de la physique et de la chimie, de la physiologie, de l’ana¬ tomie pathologique. »

Tout cela est peut-être bien un peu trop pompeux, mais je ne puis qu'y applaudir, car c’est ce que je répète depuis douze ans,

Et, en terminant, M. Semmola salue cette terre américaine, qui, comme l’Italie, est le pays de la science libre.

Si l’Italie est aujourd’hui un pays la science est libre, cela prouve qu’elle a fait des progrès depuis Galilée, et le discours du savant professeur italien laisse supposer que si la science y compte des écoles et des maîtres, elle n'y est pas. comme dans d’autres pays qu’il n’est pas besoin de nommer, parquée dans des églises et séquestrée par des pontifes.

Au congrès de l’Association française, à Toulouse, le Dr Maurel, médecin principal delà marine, a fait une intéressante communication sur les parasites du paludisme.

Après un historique complet de la question, M. Maurel a exposé le résultat de ses propres recherches poursuivies à la Guadeloupe, au Cambodge, en Cochinchine. Voici, résumées en quelques mots, ses conclusions :

Les microorganismes des eaux des marais et des eaux potables ne diffèrent que par la quantité, et les mêmes organismes peuvent se trouver dans toutes les eaux.

L’atmosphère des marais, outre cette différence de quantité, diffère de 1 at¬ mosphère des lieux sains par la présence d’organismes que l’auteur considère comme des Amibes en voie de développement.

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Parmi ces organismes, certains lui ont paru analogues aux corps que Laveran a signalés dans le sang des paludéens. 11 en a trouvé deux formes dans les préparations même de Laveran. Ce sont bien, d’ailleurs, des corps étrangers au sang, et non des hématies altérées.

Ces corps de Laveran, M. Maurel les a retrouvés dans des macérations végétales récentes.

A un état de développement plus avancé, ces organismes prennent un ou deux flagellums et sont alors complètement semblables aux corps de Laveran. Ils peuvent vivre pendant un certain temps dans un mélange d’eau et de sang.

Ils se détruisent, quand ils sont à leur forme la plus développée, par une dessication complète, mais ils peuvent résister à une dessication incomplète. Sous leurs formes primitives, ils offrent une résistance beaucoup plus grande, et d’autant plus grande qu’ils sont à un état moins développé.

Il est donc probable que les organismes observés par M. Maurel sont iden¬ tiques aux corps flagellés décrits par Laveran. Mais il reste à prouver que ce sont des organismes pathogènes, qu’ils peuvent produire l’impaludisme et que cette dernière affection n’existe jamais sans eux.

M. Maurel a remarqué, déplus, qu’ils sont complètement détruits par le suc gastrique acidifié. Ce liquide serait donc, à l'égard de certains microorga¬ nismes, un antiseptique de premier ordre. Et dans ce cas, ne pourrait-il pas se faire que dans diverses affections à troubles gastriques prémonitoires, comme le choléra, la fièvre typhoïde, etc., ces troubles, au lieu d’appartenir en propre à la maladie, ne soient que l’occasion de son développement par suite de la suppression ou de la diminution de faction antiseptique du suc gastrique ?

J’ajouterai que je ne crois pas beaucoup aux corps flagellés de Laveran comme producteurs de l’impaludisme et que je n’ai pas vu les organismes qui font l’objet de cette communication, n’ayant pas pu me trouve!1 à Paris lors du passage de M. le Dr Maurel qui avait bien voulu m’offrir de me les montrer. Mais j’en ai vu les dessins, fort bien faits, qu’il a eu l’obligeance de m’envoyer. Il s’agit bien, en effet, de Bhizo-llagellés, sans flagellum dans leur premier état, uni ou bi-flagellés sous leur forme plus développée, et qui me paraissent avoir la plus grande analogie avec le Ciliophrys infusionum découvert par Cienkowsky.

Le Dv Maurel a étudié avec le plus grand soin les phases de développement de ces organismes et ses observations sont des plus intéressantes.

Après quoi, M. Brouardel, doyen de la Faculté de Médecine de Paris, est allé présenter ses félicitations à l’archiduc Kodolphe qui a ouvert « en personne » le congrès d’hygiène à Vienne, en Autriche, et qui est, dit-on, un bactériologiste distingué. Et l’archiduc Bodolphe a félicité à son tour le profes¬ seur Brouardel.

M. Pasteur devait célébrer les vaccinations antirabiques, mais il s’est abstenu et il a bien lait, car, à Vienne, on n'v croit plus. En revanche, M. Lœfller a soutenu que les vaccinations anlicharhonneuses ne sont bonnes à rien, et le Congrès, malgré M. Chamberland, a décidé qu’elles ne sont pas bonnes a grand’chose. Il parait qu’elles tuent 1 mouton sur 200, c’est- à-dire qu’elles produisent le même effet qu’une petite épidémie.

On annonce un Congrès Vétérinaire, à Paris ; nous verrons bien ce qu’il en pensera.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

*

Mais, un Congrès très intéressant pour nous, c’est celui des microscopistes américains, à Pittsburg. Cette réunion a été moins nombreuse que les neuf précédentes, mais les travaux qui y ont été portés n’ont pas été moins impor¬ tants. Elle était présidée par M. William A. Rogers dont les recherches sur la micrométrie sont bien connues et qui a prononcé Y adresse habituelle.

Parmi les mémoires qui ont été lus à ce Congrès et dont nous espérons pouvoir publier prochainement quelques-uns, nous pouvons citer :

« Procédés de cristallisation, par le froid, de la salicine et autres produits destinés à l’observation microscopique » par le Dr Frank L. James.

« Sur la longueur du tube et l’épaisseur des couvre-objets pour lesquelles sont corrigés les objectifs à monture fixe » par le prof. S. H. Gage.

« Sur le Floscularia Millsii , » par le prof. D. S. Kellicott.

« Terminaison et rapports des fibres musculaires chez les petits animaux, » par Madame SuzanDa Phelps Gage.

« Sur les objectifs apochromatiques, » par M. E. Gundlach.

« Sur les effets des courants électriques puissants sur les tissus animaux, » par le Dr G. E. Fell.

« Description d’un cabinet pour les préparations microscopiques, » par le Dp R. H. Ward.

« Les erreurs dans les recherches bactériologiques » par le Dr G. W. Lev is.

Etc. Etc.

Nous aurons l’occasion de compléter plus tard celte liste et de donner la traduction de plusieurs de ces intéressants mémoires.

Le reste du temps a été employé en excursions instructives et en démonstra¬ tions pratiques.

j’ai, en terminant, à annoncer deux publications périodiques nouvelles.

A Amsterdam, vient de paraître une Reçue internationale scientifique et populaire des falsifications des denrées alimentaires , dirigée parle Dr Yan Hamel Roos. Je m’aperçois que dans la liste cosmopolite des rédac¬ teurs se trouve M. Brouardel, qu’on voit partout depuis quelque temps. Cette Revue hollandaise est écrite en français, ou si certains articles sont en allemand, en anglais ou en une autre langue, ils sont accompagnés de la traduction française en regard.

Une publication périodique spéciale sur les falsifications ! C’est un signe des temps. Aujourd’hui, on fraude sur tout et quand un commerçant a réussi à vendre, à un pauvre badaud assez bête pour avoir confiance à quel¬ qu'un qui vend quelque chose, du café falsifié avec de la chicorée, de la chicorée falsifiée avec du poussier de motte, du poussier de motte falsifié avec de la terre, le commerçant est enchanté: il a trouvé à vendre 200 francs ce qui lui coûte 2 sous, ce qui est l’idéal du commerce.il s’enrichit vite ainsi, paye religieusement ses billets à l’échéance, prend du ventre, devient notable commerçant, député, sénateur, achète des décorations, entretient des vieilles drolesses, et traite de va-nu-pieds ou de meurt-de-faim les pauvres diables qui travaillent 23 heures sur 24, usant les ongles de leurs dix doigts ou les cellules de leur cerveau à produire de quoi manger à peu près tous les soirs et élever tant bien que mal leurs enfants.

C’est une belle chose que le commerce, et les Grec?., qui étaient des gens

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d’esprit, l’avaient bien jugé lorsque, fort longtemps avant l’ère chrétienne, ils lui avaient donné pour patron le dieu des voleurs I

La fraude envahit tout et de plus en plus. Tous les matins, des hommes se lèvent qui vont passer leur journée à chercher qu’est-ce qu’il pourront bien falsifier, et avec quoi, pour gagner 200 pour 1 sur ce qu’ils vendront à leurs concitoyens, quitte à les empoisonner, ça leur est bien égal.

Et alors les uns falsifient le café avec du pain brûlé, les autres le sucre avec du plâtre, le vinaigre avec du vitriol, les truffes avec des radis noirs, la soie avec de la laine, la laine avoc du coton, le coton avec du papier, le papier avec de la paille, la paille avec ce qu’ils trouvent...

11 y en a un qui a inventé de falsifier le poivre en poudre avec de la crotte de chien! Vous ne le croyez pas ? Demandez au professeur Marchand, de l’école de pharmacie !

On avait fait du vin avec de l’eau, des alcools de pommes de terre, des éthers d’esprit de bois et de la fuchsine,— sans une goutte de jus de raisin. Les « négociants » fabriquaient çà dans leur cave, à Paris, et ils vous le vendaient à raison de 200 francs la pièce, avec 55 francs en plus sous prétexte d 'octroi, c’était du brigandage ; mais on fait encore mieux maintenant, et ce sont les Allemands qui l’ont inventé, ça ne vous étonne pas on falsifie les médi¬ caments, et c’est de l’assassinat.

M. Brouardel et la Revue des falsifications ont donc de quoi faire, comme on voit, et ils auront certainement des lecteurs, si ce n’est ceux qui voudront se mettre en garde contre la fraude, ce sera ceux qui iront y prendre des leçons pour la mieux faire.

Enfin, le Dr C. 0. Whitman vient de fonder à New-York un Journal of Morphology , paraissant en deux volumes par an avec planches et gravures. Cette publication sera consacrée à l’embryologie, l’anatomie et l’histologie. Nous lui souhaitons bon succès,

Dr J. P.

TRAVAUX ORIGINAUX

LE MECANISME DE LA SECRETION

Leçons faites au Collège de France, en 1886-87, par le professeur L. Ranvier.

{Suite) (1)

Nous avons étudié la disposition dans l’organisme des cellules muqueuses ou caliciformes pour constituer des glandes unicellulaires,

(1) Voir Journal de Micrographie , t. X, 1886, t. XI, 1887, p. 7,62 142, 1GJ, 205, 226, 261, 327, 357, 385. Stônogr. par le Dr Pelletan.

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comme les appelle Fr. Schulze, des surfaces glandulaires et des glandes proprement dites. Les deux premières appartiennent au revê¬ tement épithélial, mais je dois reprendre en quelques mots ce que je vous ai dit des glandes proprement dites parce que j’ai à peine entamé cette question.

Je vous ai parlé de ces glandes muqueuses constituées uniquement par des cellules caliciformes logées dans un revêtement épithélial, mais qui, au lieu d’être disposées à la surface, dans de simples plis, comme dans la langue du Lézard, tapissent un cul de sac, une am¬ poule, un tube situé ou creusé dans une masse formée par de l’épi¬ thélium pavimenteux ou par de l’épithélium cylindrique dont les cel¬ lules sont extrêmement longues. La première disposition existe dans Lœsophage du Râle de genêts, la seconde dans la membrane pala¬ tine de la Tortue mauresque. 11 n’est pas nécessaire de multiplier ces exemples, parce que nous ne nous plaçons pas au point de vue de la zoologie proprement dite, mais de ranatomie générale ; il nous suffit donc de quelques exemples bien choisis pour faire voir ce que la disposition des cellules a d’intéressant.

Il est clair que cette disposition peut être considérée comme une transition entre les surfaces glandulaires et les glandes acineuses ou les glandes tubuleuses comprises dans l’épaisseur d’une masse de tissu constituée par de l’épithélium pavimenteux et entourée d’une capsule connective. Pour bien comprendre l’importance de cette signification, il faut considérer les glandes d’une manière très générale.

Pourquoi les glandes ont-elles cette disposition dont vous avez le schéma dans l’esprit? Ainsi, les glandes proprement dites ont un canal excréteur plus ou moins étroit, d’un calibre peu étendu, mais de ce canal excréteur partent des acini qui présentent une surface énorme. Il est évident que les glandes ainsi constituées ne représentent qu’une disposition faite pour augmenter la surface du revêtement de manière à réunir un nombre considérable de cellules qui fonctionnent comme autant de petites glandes.

Au fond, les surfaces de revêtement qui présentent un épithélium glandulaire, que les éléments en soient disséminés au milieu des cel¬ lules ordinaires, ou qu'ils constituent par eux seuls des surfaces plus ou moins considérables, ne sont, en se plaçant à un point de vue morphologique très général, autre chose que l’épithélium glandulaire contenu dans des tubes, des ulricules ou des acini plus ou moins compliqués. Voilà ce qui ressort de cette vue générale des glandes telle que je l’expose devant vous.

Parmi les glandes muqueuses à capsule connective enfouies dans

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le mésoderme, il y en a de bien des formes, de bien des types. La plus simple est la glande utriculaire qui rappelle par sa forme générale la glande séreuse de la Grenouille. Vous avez vu des préparations dans lesquelles vous pouviez observer en même temps des glandes séreuses, des glandes muqueuses et des glandes à venin, et vous avez reconnu que, chez les Batraciens, ces trois espèces de glandes sont utricu¬ laires, ayant la même forme mais variant de dimensions.

Le revêtement épidermique est creusé d’un canal excréteur qui correspond à une outre glandulaire, généralement ovalaire, entière¬ ment tapissée de belles cellules muqueuses ou caliciformes, et, dans l’outre, il n’y a pas d’autres cellules que les cellules muqueuses ou caliciformes. Ce sont des glandes muqueuses pures.

Chez les Urodèles, on trouve des glandes muqueuses simples, en forme d’outre, comme chez les Anoures. Le type de ces glandes se trouve chez le Protée. Le canal excréteur, creusé dans le revêtement épidermique, est suivi d’une outre glandulaire, généralement un peu plus petite que chez les Anoures, contenant des cellules muqueuses beaucoup plus grandes et largement ouvertes dans l’acinus, de sorte que la cavité de celui-ci parait en continuité avec la cavité de chaque cellule glandulaire. Le noyau, comme dans toutes les cellules de ce genre, est refoulé vers l’extrémité basale de la cellule,

Je prendrai encore un autre type de glande utriculaire muqueuse pure ; je le trouve chez les Oiseaux. Dans le jabot des Passereaux, du Moineau franc, on trouve des glandes utriculaires à capsule con¬ nective, semblables par leur forme générale à celles que nous venons de voir chez les Batraciens Anoures et Urodèles. Ces glandes sont, pour la plupart aplaties et leur grand axe est parallèle à celui de l’œsophage et du jabot. Par conséquent, leur forme générale est à peu près la même que celle des glandes cutanées muqueuses des Batraciens, et la différence consiste en ce que les cellules muqueuses sont très nettement cylindriques, étroites, pressées les unes contre les antres en grand nombre.

Ainsi, vous voyez ces types différents quand on considère les cel¬ lules de ces différentes glandes : les cellules des glandes utriculaires de la peau des Batraciens Anoures sont un peu plus hautes quelarges^ les cellules des glandes utriculaires des Urodèles sont beaucoup plus larges et plus volumineuses, et celles des mêmes glandes chez les Pas¬ sereaux sont cylindriques, beaucoup plus hautes que larges. Mais toutes ces espèces de cellules ont la même constitution essentielle: le noyau est toujours refoulé vers la base et déformé par l’accumulation de la matière sécrétée ; cette matière est toujours la même substance ré-

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fringente, ayant le caractère du mucus ou mucigène ; on y voit toujours les travées du réticulum protoplasmique, etc.

Donc, quelle que soient la forme et le nombre des cellules, leur cons¬ titution intime est la même. Je n’ai pas fait d’analyse histologique pour savoir si lemucigène a les mêmes réactions, mais avec les réactifs que nous employons journellement, il est le même: pas de coloration par le picro-carminate, très peu de coloration par l’acide osmique, etc.

J’arrive à un autre type de glande utriculaire, qui va nous servir de passage pour en venir aux glandes acineuses. Je parle des glandes muqueuses utriculaires composées des Oiseaux, qui sont les plus communes dans cet ordre de Vertébrés. Si l’on prend le jabot d'un poulet, qu’on enlève la musculeuse en conservant la muqueuse pro¬ prement dite avec son revêtement épithélial et ses glandes, et qu’on examine celle-ci avec une bonne lumière, on est frappé de voir, sur la face profonde de cette muqueuse, une série de petits grains régu¬ liers, d’une transparence admirable, on dirait autant de gouttes de rosée. Ces grains de cristal sont des glandes îmiqueqses, dont les éléments cellulaires sont tellement transparents, tellement réfringents, tellement nombreux et importants par rapport au tissu conjonctif qu’on dirait des perles diaphanes.

Durcissons la muqueuse dans l’alcool ou dans l’acide osmique, en l’étendant sur un bouchon de liège. Dans l’acide osmique, en quelques minutes les glandes sont fixées ; on fait des coupes qui donnent des préparations admirables, montrant le type le plus fréquent des glandes salivaires et des glandes de l’œsophage et du jabot des Oiseaux.

Le revêtement épithélial est formé par des cellules pavimenteuses stratifiées. Au dessous, au niveau de chaque grain transparent, la glande est limitée par une capsule de tissu conjonctif. De cette capsule connective commune se dégagent des cloisons qui s’avancent vers le centre de la petite glande et la décomposent en une série de glandes secondaires constituant autant d’utricules. C’est une glande utri¬ culaire composée. Ces divers utricules viennent s’ouvrir au centre de la glande composée et ce centre constitue une lumière en rapport avec la cavité du jabot par un canal excréteur très net. Or, chacune des glandes composantes est tapissée de cellules caliciformes minces, remplies de mucus ou de mucigène. Je ne connais pas d’organe glan¬ dulaire plus élégant et plus simple que ces glandes utriculaires com¬ posées du jabot des Gallinacés.

Quant aux cellules muqueuses, elles présentent dans l’œsophage et dans beaucoup d’autres organes des Oiseaux une disposition très intéressante. Si l’on isole une de ces cellules après l’action de l’alcool

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au tiers ou du sérum iodé ou de l’acide osmique et d’une macération prolongée dans l’eau distillée, on voit que ces cellules sont allongées, cylindriques avec un petit prolongement caudal dans lequel est accu¬ mulé le protoplasma et le noyau refoulé, plus ou moins ratatiné. Mais, à la réunion du tiers externe avec les deux tiers internes, les travées protoplasmiques se condensent et forment en ce point comme une sorte de corps spongieux d'un dessin très élégant. Nous reviendrons sur ce sujet.

Je me propose de faire sur les glandes du jabot des Gallinacés des expériences, mais le temps et l’occasion m’ont manqué jusqu’ici. Je veux voir quelle est la signification de cette disposition du protoplasma tout à fait curieuse et intéressante.

Les glandes acineuses muqueuses pures s’observent chez les Mamnfi ères et il me suffira d’indiquer les glandes sublinguale et retrolinguale du Cochon d’Inde. Je vais vous décrire en quelques mots la constitution de ces glandes sur lesquelles nous aurons à revenir. Les canaux excréteurs se divisent et se subdivisent, donnant naissance à ce qu’on appelle des acini ou culs de sac. On a discuté pour savoir si l’on pouvait appeler acinus le grain glanduleux cons¬ titué par l’extrémité d’un canalicule dérivé du canal excréteur, et par un cul de sac. Qu’on l’appelle comme on voudra, cela n’a pas d’im¬ portance. Quoi qu’il en soit, un canalicule en se renflant, présentant des bourgeons plus ou moins nombreux, plus ou moins réguliers, bourgeons simples ou compliqués, donne lieu à la formation de nom¬ breux culs de sac qui sont entièrement tapissés, c’est le point important, de cellules caliciformes ou muqueuses, et ne contiennent pas d’autres cellules.

J’ai cherché pendant très longtemps, chez les Mammifères, des glandes acineuses muqueuses pures, et la première que j’ai trouvée, ayant ce caractère, c’est la sublinguale du Cochon d’Inde, et, bien plus tard, une seconde, associée à la sous-maxillaire et que l’on appelée

retrolinguale.

Jusqu’à présent, nous n’avons étudié que des glandes muqueuses pures, car je ne parle pas des épithéliums dans lesquels il y a des cellules muqueuses disposées plus ou moins régulièrement, au milieu des cellules granuleuses, comme sur les villosités de l’intestin grêle. A la rigueur, on pourrait considérer toute la surface de la villosité comme un épithélium glandulaire composé de deux espèces de cellules, cellules caliciformes et cellules granuleuses. Mais il y a une objec¬ tion, c’est que rien ne démontre que les cellules^granuleuses de la muqueuse sécrètent quelque chose, que ce soit véritablement des

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cellules glandulaires, ou, si vous voulez, qu’elles excrètent quelque chose.

Je reviendrai plus tard sur cette question, et je me propose de le faire après Pavoir travaillée très longtemps, car il y a longtemps que j’y pense. C’est une hypothèse qui s’appuie sur beaucoup de faits déjà, qui me séduit et que je n'abandonnerai que quand j’v serai complètement forcé : c'est que le mécanisme de la sécrétion et le mécanisme de l’absortion sont les mêmes, et bien que ces faits, l’absorption et la sécrétion, paraissent très éloignés l’un de l’autre, je suis convaincu qu’au fond c'est la même chose. Il s’agit, dans l’absorption, du trans¬ port d’une substance du dehors au sein de l’organisme, dans l’excré¬ tion d’un produit élaboré dans une cellule glandulaire, du transport au dehors de la substance élaborée. Je crois que pour ce qui est relatif à la sécrétion et à l’absortion, il y a quelque chose d’analogue à une pierre qui tombe et à la fumée qui s’élève, deux phénomènes complètement différents en apparence, mais que le génie de Newton a fait rentrer dans une même loi.

S’il en est ainsi, entre la cellule qui absorbe une substance exté¬ rieure et la cellule qui excrète un produit élaboré dans son intérieur, il n’y a pas de différence fondamentale. S’il est prouvé que, dans les villosités de l’intestin grêle, les cellules granuleuses placées à coté des cellules muqueuses président à l’absorption des matières grasses, n’en déplaise à certains théoriciens de ces dernières années, il y aurait un rapprochement à faire entre l’épithélium de revêtement de la villosité intestinale et les épithéliums glandulaires dont je vais vous entretenir.

Les glandes muqueuses mixtes, qui contiennent des cellules muqueuses ou caliciformes et des cellules granuleuses se présentent sous deux formes.

Premier type : je le trouve dans les glandes en tube de l’intestin grêles des Mammifères, glandes de Lieberkühn.

Quand on examine ces glandes sur des coupes faites perpendicu¬ lairement à la surface de l’intestin, on les voit, au fond des creux for¬ més par les villosités, avec leur lumière légèrement sinueuse, con¬ tenant des cellules caliciformes semblables à celles qui sont à la surface des villosités. Mais si vous n’ètes pas prévenus, en nombre de points de la coupe, vous serez embarrassés pour savoir commence la glande et finit la villosité. Seulement, les cellules granuleuses qui sont entre les cellules caliciformes sont différentes dans la glande et dans les viliosités. Dans les glandes sont des cellules granuleuses nettes, tandis que dans les villosités ce sont des cellules à plateau, cellules d’absorption. Ces cellules caliciformes très nombreuses dans

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le revêtement épithélial des glandes de Lieberkühn au niveau du col, deviennent de plus en plus rares à mesure qu’on se rapproche du fond de ces glandes qui est occupé uniquement par des cellules gra¬ nuleuses, cellules qui sont au contraire de moins en moins abon¬ dantes à mesure qu’on s’élève vers le col de la glande.

Ainsi, dans ces glandes de Lieberkühn, il y a une rangée formée par un épithélium mixte, et, au fond, un épithélium uniquement gra¬ nuleux. Ce sont autant de faits dont il faut vous souvenir, parce que je ne les prends pas au hazard, je les choisis pour arriver à une démonstration.

Deuxième type : glandes acineuses muqueuses mixtes, muqueuses et granuleuses. Elles sont communes chez les Mammifères. Leur structure a soulevé une question extrêmement intéressante dans l’état actuel de la science.

Parmi les glandes de cette espèce, il convient de prendre le type le plus habituellement adopté par les auteurs, la glande sous-ma¬ xillaire du chien.

Les acini de cette glande muqueuse mixte ne diffèrent pas dans dans leur forme générale de ceux des glandes sublinguale et rétro- linguale du Cochon d’Inde que je vous ai déjè sommairement décrites.

Aux canalicules excréteurs font suite des culs-de-sac glandulaires de forme et d’étendue variables. Les acini sont tapissés de cellules caliciformes à l’exception des extrémités en forme de cul-de-sac se trouve un amas granuleux observé pour la première fois par Gianuzzi. Ce sont ces amas de cellules granuleuses qu’on a appelés croissants ou demi-lunes de Gianuzzi. Tout le reste des acini est occupé par des cellules muqueuses, de sorte que si nous nous représentons un de ces acini nous arrivons au schéma suivant :

Au fond du cul-de-sac, un amas de substance granuleuse dans lequel on distingue des noyaux et qui se décompose en autant de cellules qu’il y a de noyaux. Au-dessus, de grandes cellules calici¬ formes claires, possédant chacune un noyau refoulé vers la base, un amas de protoplasma autour du noyau, puis un réticulum proto¬ plasmique dans les mailles duquel est le mucigène.

Vous connaissez sans doute la discussion encore pendante relati¬ vement à la signification des croissants de Gianuzzi, et déjà rien que par la manière dont j’ai exposé la question. Au lieu de faire l’analyse pure et simple d'une seule glande, je vous ai présenté, dans la série des Vertébrés, des glandes muqueuses appartenant à des types diffé¬ rents. Par cela même, vous voyez quelle est la position que j’ai prise. Je ne ferai pas l’historique de la question, c’est inutile; seulement

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je vous dirai qu’on a pensé que les croissants de Gianuzzi n’étaient autre chose qu’une réunion de cellules de remplacement, que les cellules qui les composent étaient l’équivalent, par exemple, de celles qui forment la couche profonde du corps muqueux de Malpighi, tandis que les cellules caliciformes ou muqueuses de la glande étaient arri¬ vées au dernier terme de leur évolution. C’est l’opinion de Heidenhain, opinion qui l’a conduit à une théorie comprenant en même temps la morphologie, l’histogénèse et le mécanisme de la sécrétion.

Cette théorie, basée sur des conceptions de morphologie et d’histo¬ génèse, on a essayé de l’appuyer sur des expériences, et, chose curieuse, ces expériences l’ont confirmée.

Si les cellules des croissants de Gianuzzi sont des cellules de remplacement, c’est-à-dire de jeunes cellules destinées à remplacer les cellules muqueuses au fur et à mesure que celles-ci sont expulsées par suite d’une évolution ; si la sécrétion et l’excrétion sont le résultat de cette évolution épidermique, de cette évolution dont nous avons trouvé les traces en étudiant les glandes sébacées, rien n’est plus simple que le mécanisme de la sécrétion, rien n’est plus net, rien ne serait plus facile à reconnaître. Mais est-ce vrai ?

Il est clair, quel que soit le résultat des expériences physiologiques, que la théorie de la sécrétion dépendant absolument de l’évolution cellulaire suppose des cellules de remplacement, dans toutes les glandes muqueuses, suppose l’existence des croissants de Gianuzzi. Si donc nous trouvons des glandes muqueuses pures sans cellules de remplacement, c’est-à-dire sans croissants de Gianuzzi, glandes muqueuses qui secrétent sous l’influence des excitations physiolo¬ giques naturelles ou des excitations artificielles ou expérimentales, il est évident que la théorie de Heidenhain doit être abandonnée com¬ plètement, parce que cette théorie exige une évolution cellulaire. Et cette évolution implique la formation continuelle de nouvelles cellules, par le fond des acini, remplaçant au fur et à mesure celles qui se détruisent pour composer le matériel de sécrétion, nouvelles cellules toujours poussées en avant par de plus jeunes cellules, avec la force que suppose la nutrition des éléments. L’idée de cette évolution, de cette irritation permanente, comme aurait dit Virchow, si les croissants de Gianuzzi n’existent pas dans toutes les glandes muqueuses doit, je le répète, être abandonnée.

Or, rien que par l’exposé que je vous ai fait, vous avez vu que les glandes muqueuses pures, sans croissants de Gianuzzi, ne sont pas rares : dans la peau des Batraciens, Anoures et Urodèles, elles sont faciles à voir ; elles sécrètent du mucus non seulement sous l’influence des excitations physiologiques déterminant des actions réflexes, mais

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encore sons l'influence des excitations expérimentales. Je vous montrerai comment on peut faire sécréter les glandes muqueuses des Anoures et des Urodèles et constater qu’il sort du mucus, et cependant il n’y a pas de cellules de remplacement. Il n’y a pas davantage de cellules de remplacement dans les glandes de l’œsophage de certains Oiseaux, dans les glandes du jabot d’autres Oiseaux et j’ajouterai dans les glandes salivaires des Oiseaux, des Ophidiens, des Sauriens et des Ghéloniens. J’ai même fait jadis une partie de ces recherches devant vous. Il y a, de plus, chez les Mammifères des glandes acineuses, muqueuses pures, c’est-à-dire ne possédant pas de cellules de remplacement, qui sécrètent du mucus d’une manière active, spontanément ou sous des influences extérieures. C’est pour appuyer la théorie que je veux vous proposer que j’ai repris devant vous, cette année, l’examen de toutes les glandes pour vous donner un tableau complet et entraîner la conviction dans vos esprits.

Du reste, vous pouvez avoir la démonstration de cette idée qui résulte de tout ce que je vous ai dit, que les cellules des croissants de Gianuzzi ne sont autre chose que des cellules granuleuses, que les glandes qui en sont pourvues sont des glandes muqueuses et sé¬ reuses. En effet, il suffit d’examiner des coupes que vous aurez très facilement sous la main, des coupes longitudinales de l’œsophage du Crapaud commun (Bufo vulgaris).

Si l’on fait durcir l’œsophage du Crapaud, fendu suivant sa lon¬ gueur et convenablement étalé, dans l’alcool ou l’acide osmique, que l’on pratique des coupes longitudinales, c’est-à-dire parallèles à l’axe du canal, on reconnaît les faits suivants :

En allant du pharynx a l’estomac, les glandes s’alignent tout du long de la coupe, à peu près de la même importance. Ce sont des glandes acineuses. Près du pharynx elles sont muqueuses, mais, dans les glandes suivantes du côté de l’estomac, on voit apparaître au fond des glandes d’abord quelques cellules granuleuses ; puis, à mesure qu’on se rapproche de l’estomac, la hauteur de cet amas granuleux augmente dans les glandes, et au voisinage même de l’estomac, il remplit la masse glandulaire tout entière et les glandes sont granuleuses pures. De sorte qu’on peut représenter le phénomène par le schéma que voici :

Si l’on trace, sur la coupe, une ligne oblique partant du fond d’une des glandes muqueuses pures du côté du pharynx et s’élevant du côté de l’estomac jusque près de la surface ou jusqu’au col d’une des des glandes toutes granuleuses, cette ligne coupera obliquement toutes les glandes intermédiaires. Or, toutes les cellules de ces glandes qui se trouvent au-dessus de la ligne sont des cellules mu-

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queuses, et toutes celles qui sont au-dessous de la ligne sont des cel¬ lules granuleuses, depuis la première glande, côté du pharynx, tonte muqueuse, jusqu’à la dernière, côté de l'estomac, toute granuleuse.

On voit donc que tous les degrés de transition existent de la glande toute muqueuse à la glande toute séreuse, et, dans les glandes inter¬ médiaires sur notre coupe, nous en trouvons qui sont remplies de cellules muqueuses avec quelques cellules granuleuses seulement au fond, exactement comme on le voit dans la glande sous-maxilhaire du chien.

Pour terminer ce qui a rapport à ces glandes muqueuses mixtes, c’est-à-dire dont les culs-de-sac renferment des cellules muqueuses ou caliciformes et des cellules granuleuses, je dois vous rappeler un fait que je vous ai signalé il y a quelques années. Je vous ai montré que, chez les Oiseaux, les glandes salivaires, sont constituées à peu près toutes sur le même type de glandes utriculaires composées : une capsule de tissu conjonctif les enveloppe et de cette capsule partent des cloisons qui se dirigent vers le centre de la glande, limitant des tubes ou utri cules secondaires qui s’ouvrent tous dans le centre de la glande composée.

Quoiqu’elles soient toutes constituées sur ce type, il faut remar¬ quer que, tandis que les unes sont tapissées de cellules muqueuses, d’autres sont tapissées de cellules granuleuses ayant un noyau sphérique situé à une plus ou moins grande hauteur dans la cellule, tandis que les cellules caliciformes ont un noyau ratatiné refoulé dans le fonds de la cellule.

Mais on n’observe pas, parmi les glandes salivaires des Oiseaux,

de glandes mixtes comme’celles qu’on trouve chez les Mammifères,

c’est-à-dire dont les utricules sont occupés en partie par des cellules

muqueuses et en partie par des cellules granuleuses. Du moins, je

n’eu ai pas rencontré ; il est vrai que mes recherches n’ont pas

été très étendues. Chez les Passereaux, les Pigeons, les Gallinacés, *

les Echassiers, les Rapaces que j’ai étudiés, aucun ne m’a présenté des glandes salivaires ayant ce caractère mixte qu’offrent certaines

glandes salivaires des Mammifères.

Par contre, j’ai trouvé des glandes dont les utricules étaient tapissés de cellules caliciformes qui, au lieu d’être claires et remplies de mu¬ cus comme elles le sont en général, présentaient, sur des coupes après durcissement, un caractère granuleux. Mais il fallait un fort grossissement pour reconnaître qu’elles étaient caliciformes. Elles différaient des cellules muqueuses caliciformes des glandes muqueuses types, par un caractère important : le protoplasma occupant le fonds des cellules était relativement beaucoup plus abondant, et les travées

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protoplasmiques répandues dans la région occupée par le mucigène, étaient beaucoup plus épaisses et plus nombreuses. Il en résultait un aspect trouble et granuleux.

Cette disposition s’observe dans la glande du poulet qu’on a ap¬ pelée « parotide » Elle ne correspond pas à la parotide des Mammi¬ fères ; c’est la glande qui se trouve à l’angle des mâchoires.

Il est probable que les glandes ainsi constituées sont des glandes mixtes. C’est l’idée qui vient d’abord à l’esprit. Mais elles diffèrent des glandes muqueuses mixtes des Mammifères en ce que le caractère mixte se trouve non pas dans l’utricule, mais dans la cellule elle- même qui le tapisse.

Je m’arrêterai pour le moment, mes recherches n’étant pas encore suffisantes. Du reste, l’histologie comparée des Vertébrés, vous le savez, est à peine ébauchée. Je puis dire que, dans cette, direction, tout est à faire, et l’on a bien plus travaillé ces questions en Allemagne qu’en France, ainsi que je vous l’ai montré depuis sept à huit ans. C’est un champ il y a une très riche moisson à faire et qui peut suffire à la réputation de quinze ou vingt histologistes laborieux.

A propos des glandes muqueuses mixtes acineuses des Mammi¬ fères, je vous ai dit que la théorie de Heidenhain reposait sur l’exis¬ tence de cellules de remplacement, lesquelles constituent les cellules granuleuses formant les croissants de Gianuzzi; s’il existait des glandes muqueuses pures, c’est à dire ne contenant pas de croissants de Gianuzzi et, par conséquent, pas de cellules de remplacement, cette théorie ne leur serait pas applicable. Mais, en bonne logique, c’est à dire suivant cette logique qui admet toutes les objections pourvu qu’elles ne soient pas absurdes, on pourrait supposer qu’il y a dans les glandes muqueuses munies de croissants de Gianuzzi une évolution cellulaire qui répondrait à la théorie de Heidenhain sur la sécrétion et l’excrétion, tandis qu’il y aurait un autre mécanisme dans les glandes qui n’en possèdent pas.

Nous n’avons pas l’habitude de raisonner ainsi, convaincus que des glandes qui ont les mêmes caractères doivent fonctionner suivant le même mécanisme, qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas de cellules de remplacement. Mais enfin on peut faire cette objection.

Je vous ai dit que Heidenhain avait soumis sa théorie au contrôle de l’expérience et qu’il avait trouvé que l’expérience la confirmait com¬ plètement. Voyons ces expériences.

Heidenhain est un physiologiste, et il a répété la célèbre expérience de Ludwig, il» a excité le nerf sécréteur cérébral de la glande sous-

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maxillaire, la corde du tympan, et il a eu ridée de poursuivre l’excitation peudant très longtemps, puis d’examiner la glande excitée compara¬ tivement avec celle de l’autre côte dout on n’avait pas excité le nerf. Il prolongeait l’excitation pendant 4 et 6 heures, puis il prenait des fragments des deux glandes, les traitait par l’alcool absolu, faisait des coupes et colorait par le carmin.

Son procédé de coloration mérite d’être signalé en passant ; il est logique, mais il n’est pas pratique. On savait que les solutions très ammoniacales de carmin ne colorent pas les tissus anatomiques, parce que l’affinité de l’ammoniaque pour le carmin est plus considé¬ rable que celle des tissus pour le même carmin. C’est quand l’ammo¬ niaque s’évapore, que le carmin devenu libre se porte sur les éléments anatomiques et en particulier sur certaines parties, les noyaux par exemple. Heidenbain a eu l’idée (qui d’ailleurs n’était pas nouvelle) de neutraliser l’ammoniaque par l’acide acétique. Après avoir fait les coupes, il les plaçait dans une solution ammoniacale de carmin dans un verre de montre. Dans un autre verre de montre il mettait de l’acide acétique, et les deux récipients posés sur une plaque de verre étaient recouverts d’une cloche. Les vapeurs d’acide acétique arrivaient au contact de la solution ammoniacale de carmin, la neutralisaient peu à peu et déterminaient le précipité de la matière colorante sur les éléments anatomiques.

C’est un procédé très compliqué et il n’est pas du tout nécessaire de l’employer, il comporte des tâtonnements très fâcheux. Si l’on emploie trop d’acide, il y a, à la surface de la coupe, un précipité de carmin qui nuit à la netteté de l’image ; s’il n’y a pas assez d’acide, il ne se produit pas de coloration. C’est donc un procédé très logique, comme je vous le disais, mais pas pratique du tout. Dans la technique, il faut toujours tenir compte de cette considération : il faut recommander un procédé quand les résultats qu’il donne sont constants ; quand on en recommande un qui ne donne pas toujours les mêmes résultats, c’est qu'il n’y en a pas de meilleur, comme la méthode de l’or.

Heidenbain n’a jamais employé d’autre procédé, il ne s’est jamais servi d’un autre liquide que l’alcool pour le durcissement, d’une autre solution que le carmin pour la coloration ; il n’a jamais songé à employer d’autre méthode que les coupes. En somme, c’était un physiologiste qui se servait de l’histologie, ce n’était pas un histolo¬ giste. Ce n’était pas non plus un anatomiste, car dans ses travaux sur la glande sous-maxillaire du chien, il n’a pas cherché s’il n’v avait pas chez cet animal d’autres glandes muqueuses sans croissants de Gianuzzi.

Or, après avoir excité pendant longtemps la glande sous-maxillaire

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d’un chien, par la corde du tympan, il a constaté, à l’aide de ces méthodes dont je viens de vous parler, que dans les culs de sac delà glande, au lieu de trouver des cellules muqueuses et granuleuses comme dans la glande non excitée, il n’y avait plus que des cellules granuleuses : toutes les cellules muqueuses avaient disparu. Pour lui, ces cellules étaient analogues à celles des croissants de Gianuzzi ; il pensait qu’elles provenaient toutes des cellules des croissants proli¬ férées, multipliées par division, et que les cellules muqueuses avaient été expulsées en masse pour former le produit de la sécrétion.

Il fut ainsi confirmé dans son idée à priori que la sécrétion des glandes muqueuses dépendait d’une évolution cellulaire analogue à celle qu’on observe dans les glandes sébacées, dans l’épiderme, etc. Les faits étaient expliqués d’une manière tellement simple, tellement satisfaisante, par cette hypothèse que son auteur ne chercha même pas à poser l’hypothèse inverse, à savoir que les cellules granuleuses qu’il voyait dans les acini pouvaient être les cellules muqueuses trans¬ formées. Vous voyez le danger des idées générales : un fait est connu en ce qui regarde la sécrétion et l’excrétion d’une espèce de glande, sans observer ce qui se passe dans d’autres glandes, on généralise et on établit que dans toutes les glandes le processus de la sécrétion est caractérisé par une évolution cellulaire analogue à celle qu’on observe dans les glandes sébacées.

Je le répète, cette théorie était très séduisante, elle confondait la sécrétion avec l’excrétion... Quand une fois on a une idée comme celle-là, on a bien de la peine à l’abandonner, quels que soient les arguments qui s’opposent à cette hypothèse.

Ainsi, on obtient dans cette expérience une quantité de liquide excrété dont le poids représente un grand nombre de fois celui de la glande excitée. Si le matériel excrété était constitué par les cellules muqueuses expulsées, son poids serait inférieur à celui de la glande elle-même. Mais Heidenbain était tellement convaincu de la vérité de son hypothèse qu’il n’a même pas recherché s’il n’y avait pas chez les Mammifères ou les animaux placés plus bas dans la série, des glandes muqueuses sans croissants de Gianuzzi. Il n’a pas songé non plus a examiner la sécrétion et l’excrétion des cellules muqueuses répandues dans le revêtement épithélial entre les cellules d’un autre ordre, cellules à cils vibratiles, cellules granuleuses, etc.

En outre, vous comprenez que dans cette expérience sur le chien, Heidenhain n’a pas eu sous les yeux des phénomènes physiologiques. Il est certain que chez aucun animal la sécrétion des glandes sali¬ vaires ne se poursuit avec cette intensité pendant un temps aussi long sans aucun repos. Si même l’excitation est en rapport avec la

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durée d’un repas, chez le chien qui avale sa pitance en quelques minutes, on n’observe rien de semblable dans la sous-maxillaire. Du reste je reviendrai sur cette expérience et je chercherai à en tirer les conséquences.

suivre)

Le parasitisme chez les Ciliés.

Leçons faites au Collège de France en 1887 par le Professeur Balbiani

(Suite1)

Le second genre de la famille des Opalinides, a été d’abord créé par Stein sous le nom de Dioscopkrya que l’on trouve changé dans la Deuxième Partie 'de son Organismus en celui d’Haptophrya. Stein ne donne pas la raison de ce changement.

Ce genre a été créé pour une espèce observée d’abord par Von Siebold, puis par Max Schultze dans l’intestin de diverses Planaires. Cet observateur l’avait appelée Opalina Planariarum et Max Schultze, en 1881, Opalina polymorpha. C’est maintenant YHaptophrya po¬ lymorpha , connue ainsi depuis longtemps. M. Maupas, en 1879, a ajouté une autre espèce, VH. gigantea.

Ce genre diffère des deux précédents par deux caractères princi¬ paux : d’abord, l’existence à la partie antérieure du corps, à la face ventrale, d’une espèce de ventouse qui sert à la fixation; ensuite, au lieu des vésicules contractiles nombreuses des Anoplophrya , les Haptophrya présentent un long canal contractile qui parcourt le corps presque d’une extrémité à l’autre.

L ''Haptophrya Planariarum ou H. polymorpha a le corps très allongé, élargi antérieurement en forme de massue. A la partie anté¬ rieure est une cupule, la ventouse, bordée de cils vibratilos plus forts que ceux qui recouvrent le corps. Un long canal contractile s’étend dans la longueur du corps. Un noyau, petit, ovalaire, n’offre rien de bien saillant.

La seconde espèce a été décrite avec plus de détails et d’exacti¬ tude par M. Maupas qui l’a trouvée, en 1879, chez plusieurs Batra-

(1) Voir Journal de Micrographie, t. X. 1S8G, t. XI, 1887, p. 233, 365, 393.

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eiens Anoures d’Algérie, le Bufo pantherinus, le Discoglossus pictas , le Ranci esculenta. M. A. Certes l’a rencontrée dans un Bufo pan¬ therinus donné par M. Lataste et provenant de Constantme ; il en a publié une très bonne figure dans le Bulletin de la Société Zoolo¬ gique de France, en 1879. M. Maupas ne l’avait pas figurée. Il est probable qu’elle a été observée à Naples par Everts chez le Disco¬ glossus pic tus, Batracien dans lequel M. Maupas l’avait trouvée en Algérie.

Le corps est en massue, un peu aplati, surtout antérieurement, partie est placé le suçoir. M. Maupas lui donne plus d’un milli¬ mètre de long et c’est pour lui le géant des Infusoires (H. gigantea ) C’est peut-être, en effet, le géant des Opalinides, mais pas des Infu¬ soires, car le Spirostomum ambiguum a jusqu’à 5 millimètres de long, ainsi que certains Stentors.

La cuticule est très épaisse, garnie sur toute sa surface de cils très fins. La ventouse a été décrite par M. Maupas comme formée par un simple retrait de la paroi du corps en dedans, de manière à dessiner une petite concavité circulaire, et il croit s’ètre assuré que la paroi interne, au fond de la ventouse, est en rapport par des fibres sarco- diques avec la paroi du côté opposé du corps, et ce serait la con¬ traction de ces libres qui ferait agir la cupule comme une ventouse. M. Certes a donné une figure qui paraît plus compliquée : la ven¬ touse serait une dépression circulaire entourée de deux couronnes de cils vibratiles et garnie, au fond, de cils vibratiles très fins. Il a voulu vérifier si cette ventouse était perméable aux corps étrangers et a délayé du carmin dans l’eau ambiante, mais il n’a jamais trouvé* de granules de matière colorante ayant pénétré dans l’intérieur du corps : les grains s’accumulent au fond de la ventouse mais ne péné¬ trent pas. M. Fouquet avait fait la même observation sur YIcthyo - phthirius. Les ventouses, sur ces deux animalcules, sont donc des organes très analogues, je puis même dire homologues, et pro¬ bablement représentent une bouche dégradée par l’établissement de la vie parasitaire et transformée en un appareil d’un autre usage. C’est,* en effet, par cette ventouse que les animaux se fixent. M. Certes a vu cet Haptophrya se fixer sur les petits Tænias qui remplissent l’intestin du Bufo pantherinus.

M. Maupas nous a donné la description du vaisseau contractile sinueux. Il s’écoule un peu plus d’une minute entre deux contrac¬ tions. Le canal a une paroi propre en quelque sorte diffuse, formée par une substance grumeleuse à contour irrégulier, ressemblant plutôt à une couche de plasma plus dense qu’à une paroi membra¬ neuse proprement dite. Ce vaisseau présente de distance en distance

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de petits pores ovales par lesquels il s’ouvre à l’intérieur du corps. Ces petits pores ovales existent aussi sur les vésicules contractiles des Infusoires, tantôt unique, tantôt multiples.

Le noyau a des connexions très lâches avec le plasma qui F envi¬ ronne, car il se déplace dans le corps comme le noyau du Paramœ - cium Aurélia.

M. Maupas a vu la reproduction de cette espèce. Elle se fait par fissiparité, mais avec des circonstances particulières qui rappellent ce qui se passe chez les Anoplophrya. L’animal se segmente en deux moitiés, puis celles-ci en deux parties, ce qui fait 4 segments, et ceux-ci en deux autres, ce qui fait 8 segments qui restent quelque temps réunis, formant une chaîne de 8 articles ressemblant aux pro- glottis d’un Tænia. Puis, ces articles se détachent et mènent une vie indépendante dans le liquide.

Everts, à Naples, a observé aussi la multiplication de cet Infusoire chez le Discoglosse ; mais il a vu, de plus, que les segments, après s’être séparés, se rapprochent du rectum, s’y enkystent isolément comme les petites Opalines, et les kystes sont, de même, rejetés avec les excréments et vont infecter les autres Batraciens.

M. Raphaël Blanchard a trouvé dans un Triton un parasite dont il a fait une préparation qui a été remise à M. Certes. Cet Infusoire a quelques-uns des caractères des Haptophrya. Mais d’après la des¬ cription que celui-ci en a donnée, il est douteux que ce soit une espèce de ce genre. Il s’agit donc d’une observation trop incom¬ plète pour pouvoir prendre rang dans la science.

J’arrive maintenant au quatrième et dernier genre établi par Stein dans la famille des Opalinies, le genre Hoplitophrya.

Les espèces de ce genre sont armées (o-aov, arme) : elles sont munies d’un petit appendice corné placé à la partie antérieure du corps sur la face qu’on peut appeler ventrale, en raison de ce petit crochet lui-même, car il n’y a pas de bouche; cet appendice est situé sur la face large du corps, en saillie, et forme souvent comme une carène qui s’étend sur une longueur plus ou moins grande et sert évidemment à l’animal pour s’accrocher : c’est un organe de fixation. Quelquefois ce crochet à deux dents. Telle est l’arme des Hoplitophrya.

Sauf ce petit détail, les caractères sont à peu près les mêmes que ceux des Anoplophrya. Ces Opalines sont des Anoplophrya armés, comme les Anoplophrya sont des Hoplitophrya sans arme. Le noyau est allongé, cylindrique; les vésicules contractiles multiples, en une ou deux rangées, le long d’un ou des deux côtés du corps. Toutes les espèces vivent en parasites dans le tube intestinal de

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Planaires ou de Lombriciens. On en a décrit une dizaine d’espèces, dont quelques-unes sont assez anciennement connues, mais toujours sous le nom d 'Opalina.

Dujardin a trouvé dans le Lombric ou Ver de terre commun une de ces espèces, qu’il a appelée Opalina Lumbrici. Elle présente un corps allongé, un noyau et un petit appendice à deux branches. Ce dernier détail avait échappé à Dujardin et c’est Stein qui l’a aperçu pour la première fois. C’est aussi Stein qui a observé la division, la¬ quelle se fait par un plan médian en deux moitiés transversales. Ici, un petit détail de terminologie, qui n’est peut-être pas sans impor¬ tance : Stein avait décrit d’abord cette espèce, après Dujardin, et l’avait appelée Opalina armata. Il avait ainsi changé l’appellation donnée par Dujardin. Puis, il en a fait l 'Hoplitophrya armata. C’est à tort qu’il a changé le nom spécifique Lumbrici , imposé par Du¬ jardin, pour le nom nouveau armata , car il faut toujours respecter le droit de priorité, surtout quand il s’agit d’un observateur comme Dujardin. Aussi, est-ce avec raison que Saville Kent, dans son Ma - nuaf a rétabli la désignation : Hoplitophrya Lumbrici , reconnais¬ sant ainsi le droit de priorité du célèbre naturaliste français.

Dujardin a aussi découvert un Anoplophrya striata dans le Lom¬ bric qui renfermerait ainsi deux Opalinides, Y Anoplophrya striata et 1 ''Hoplitophrya Lumbrici. Il est probable que cet Anoplophrya , qui est un Hoplitophrya sans arme, est le même animal que ce der¬ nier : en un mot, que ces deux parasites ne soient que la même espèce, ou que le premier ne soit qu’une forme incomplète de la seconde, il ne resterait donc qu’un seul parasite du Lombric appar¬ tenant au genre qui nous occupe.

Le Lumbriculus variegatus , petit ver rouge très commun, ren¬ fermerait aussi, d’après Stein (1801), V Hoplitophrya secans et 17/. se- curiformis. Ce dernier se distingue facilement parce qu’il est plus petit, coupé obliquement en avant comme un fer de hache, tandis que 17/. secans a le corps élargi en massue. Les vésicules contrac¬ tiles de VIL secans forment une seule rangée médiane, tandis que dans le II. securiformis il y a deux rangées de vésicules, chacune sur l’un des cotés du corps. Je n’ai pas bien saisi ia description de l’appendice corné, mais voici ce que j’ai compris. Chez VHopli- tophrya securiformis , c’est une petite arête, courbée en genou, commençant vers la pointe antérieure du corps et atteignant le milieu du coté opposé. Chez 17/. secans , c’est une arête formant ca¬ rène sur une grande partie de la ligne médiane.

Un autre Ver de nos ruisseaux, le Sœnuris variegatus , qui rentre dans les Tubifex , a fourni à Stein une autre espèce, V Hoplitophrya

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pimgens , dont le corps est ovalaire, élargi en avant, avec deux rangées de vésicules contractiles le long des bords. L’appendice a la forme d’une petite arête fixée transversalement non loin du bord antérieur du corps, et suivant la courbe de ce bord. Elle est fixée par son milieu, et de ce milieu part une petite pointe qui se dirige en avant perpendiculairemenr à l’arête et dépasse un peu le bord antérieur du corps.

Claparède et Lachmann ont trouvé dans une Planaire marine des côtes de Norwège, Planaria limacina , une Opaline ou Hoplitophrya recurva. Cette espèce a le corps piriforme, arrondi en arrière, la tète pointue mais recourbée sur le côté. Elle présente un long canal contractile qui traverse le corps en suivant sa courbe en S, et dont les contractions produisent des varicosités en chapelet. Le noyau, aplati, est situé à la partie postérieure. L’animal est armé en avant d’un petit crochet.

Je citerai encore, pour mémoire, Y Hoplitophrya uncinata trouvé par Max Schultze dans le Planaria ulvœ et par Claparède et Lach¬ mann dans une autre Planaire, un Proceros. Cette espèce possède deux crochets.

Enfin, 1 'Hoplitophrya falcifera , de Stein, habite l’intestin du Lumbricus anatomicm et présente un appareil de fixation un peu compliqué. Au lieu de s’insérer à une petite distance en arrière du bord antérieur, il s’insère assez loin de ce bord et sur le côté du corps. C’est un organe impair et latéral ; ordinairement les organes impairs sont situés sur la ligne médiane, à moins qu'ils ne résultent de l’avortement d’un organe semblable situé de l’autre côté. Ce petit crochet, qui envoie une pointe au dehors, en envoie une très longue et recourbée en faux, vers la partie antérieure.

Je crois vous avoir énuméré toutes les espèces connues jusqu’ici ; je terminerai cet exposé par une remarque générale. Vous voyez que la plupart des espèces de ce genre ont été trouvées par Stein qui, malheureusement, n’a pas donné de figures, et quelquefois ses des¬ criptions ne sont pas aisées à comprendre sans figure parce qu’elles sont très concises. D’ailleurs, une figure bien faite vaut mieux que dix pages de description. Il est certain que la révision des espèces de ce genre et de bonnes figures combleraient une lacune importante dans cette partie de l’histoire des Infusoires Ciliés.

Après la famille des Opalinides, nous trouvons un petit genre Ptychostomum, fondé par Stein ( Sitzungsber de la Soc. R. des Sciences de Prag, 1860), pour deux especes qui habitent l'intestin de Vers et de Mollusques, le Ptychostomum Sœnuridis, qui vit dans le

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tube digestif du Sœnuris variegatus ou Tubifex, et le Pt. Paludi- narurn qui vit dans l’intestin des Paludines, Palndina impara, vit.

Les auteurs ne sont pas d’accord sur la place que l’on doit assi¬ gner à ces Ptychostomum. Stein les classe à côté des Paramœcies, des Colpodes, et autres espèces analogues ; Saville Kent les range dans la famille des Ophryoglénides. M. Maupas, qui a étudié le P. Sœnudinis , en fait un hypotriche et le place à côté des Microthorax... Mais laissons les classificateurs se mettre d’accord.

Ce Ptychostomum Sœnuridis n’a que 50 à 90 ;j. de longueur (Maupas) ; il est aplati, plus épais à la partie postérieure et triangu¬ laire à angles mousses : obtrigone. Le plus petit côté forme le bord postérieur, et l’angle gauche se prolonge en une petite pointe trian¬ gulaire munie de cils plus longs. La cuticule est finement rayée et sur les raies sont insérés des cils vitratiles d’égale longueur. La bou¬ che est placée près du prolongement triangulaire et est munie sur le bord droit d’une lame ondulante qui se prolonge d’une certaine quantité sur la face ventrale. Une vésicule contractile est placée en face de la bouche sur le bord postérieur du corps ; au milieu est son noyau ovalaire, allongé, avec un petit nucléole placé sur la gauche.

Ce petit animal est très vif, nage très rapidement, même dans l’eau. On le voit souvent se fixer solidement par son bord antérieur, et dans l’intestin du Sænure, c’est aussi par qu’il se fixe. Il y a évidemment en ce point un organe de fixation que M. Maupas n’a pas pu voir, probablement de petits poils formant une sorte de frange.

M. Maupas a rencontré dans un autre Yer, le Tubifex rivulorum , un Ptychostomum qui est le même que celui du Sænure. Il en a donné une bonne description et a corrigé une erreur de Stein qui avait pris la bouche garnie d’une membrane vibratile pour un anus.

L’autre espèce, Ptychostomum Paludinarum , a été également découverte par Stein qui n’en a pas donné de figure et nous sommes réduits à nous en tenir à sa description. La forme est à peu près la même, triangulaire, mais un des angles du bord postérieur, au lieu de se prolonger en une pointe triangulaire, est coupé obliquement et porte une membrane vibratile qui, par son bord gauche, se prolonge un peu sur la face ventrale. Il est évident que celte petite fossette munie d’une membrane représente la bouche, dans cette espèce comme dans sa congénère le Pt. Sœnuridis , mais Stein en a fait une ventouse. Dans cette espèce, l’organe de fixation serait donc placé à la partie postérieure, tandis qu’il est en avant dans l’autre espèce, ce qui paraît tout à fait improbable quand il s’agit de deux espèces aussi voisines.

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A côté de ce petit genre, il faut placer le genre Encistrum établi par M. Maupas qui a découvert une des deux espèces qu’il contient et rectifié la manière de voir des auteurs sur l’autre.

Je vous ai déjà parlé de la première espèce qui vit sur la Moule, dont Quennerstedt avait fait un Opalina Mytili et que Saville Kent a transformée en Anoplophrya Mytili. Or, M. Maupas a montré que cet animalcule a une bouche et, par conséquent, n’est pas un Ano¬ plophrya. C’est pour lui VE. Mytili.

C’est une espèce très petite, mesurant de 50 à 70 g. Son corps est allongé, en forme de lamelle élargie antérieurement. A la partie pos¬ térieure, coupée obliquement, est une petite fossette, la bouche, munie d’une membrane vibratile. Vue de profil, la face dorsale est con¬ vexe et la face ventrale concave : l’animal est en ménisque. Sur la face dorsale sont deux stries parallèles qui s’étendent jusqu’à l’extré¬ mité postérieure sur l’un des côtés de la bouche. La face ventrale présente une petite frange circulaire sur laquelle sont implantés des cils raides et courts. C’est par que l’animal se fixe. L’un des bords du corps, sur le côté dorsal, est garni de cils vibratiles beaucoup plus longs, ce qui fait à l’animal comme une crinière. Le noyau est recourbé avec un nucléole dans la concavité. La vésicule contractile est placée dans le tiers postérieur du corps.

Ces petits animaux ont des mouvements très vifs. Ils nagent en tournant autour de leur axe longitudinal et se fixent de temps en temps. Ils vivent sur les branchies et le manteau des Moules ils ont été observés pour la première fois, en Suède, par Quennerstedt; M. Maupas les a trouvés en Algérie sur le même Mollusque. Ce sont plutôt des commensaux que des parasites.

La seconde espèce est nouvelle ; elle a été découverte par M. Maupas sur un Mollusque Lamellibranche marin, le Venus gal- lina. Elle est aplatie latéralement : la face ventrale et la face dorsale sont les plus étroites ; c’est un pleuronecte. Sur un de ces petits côtés est placée la bouche ornée d’une petite membrane en forme de nasse. Cette bouche est placée à une certaine distance de la partie posté¬ rieure du corps. Sur le bord de cette partie est uue petite houppe qui représente un appareil de fixation.

Ce n’est certainement pas les seules espèces de ce genre qui vivent sur les Mollusques et le nombre s’en multiplierait certainement d’une façon rapide si l’on voulait examiner plus attentivement ces animaux au point de vue de leurs parasites ; et non-seulement les es¬ pèces marines, mais celles des eaux douces, de nos rivières et de nos étangs. Déjà, sur plusieurs de nos Lamellibranches d’eau douce, les t/rao, les Anodonta , on a trouvé des Ciliés ectoparasites qui vivent

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dans le mucilage qui couvre le corps de ces Mollusques, comme le Conchophthirius Anodentæ , de Stem.

Stein avait placé ce genre Conchophthirius dans les Olotriches Para- méciens etSaville Kent l’y a maintenu. C’est aussi Stein qui, en 1861, a fondé ce genre pour l’espèce, déjà anciennement connue, qui vit sur l’Anodonte, qu’Eliremberg avait observée et qu’il avait appelée Leucophrys Anodontæ , dont Claparède et Lachmann avaient fait un Plagiotomci et qui n’est ni un Leucophrys ni un Plagiotoma.

Le Conchophthirius Anodontæ est d’assez grande taille, avec le corps ovalaire, arrondi antérieurement, un peu oblique postérieure¬ ment. La cuticule est couverte de stries garnies de cils vibratiles. Vers le milieu du côté ventral, la bouche apparait comme une vaste fosse suivie d’un long tube recourbé qui représente l’œsophage. A la partie postérieure se trouve le noyau (dont la position est variable). La vésicule contractile est placée vers le milieu du corps, un peu rap¬ prochée du bord ventral, et présente un petit pore qui laisse échapper le liquide intérieur quand l’animal se contracte.

Le Conchophthirius curtus , qui vit sur VUnio, a été découvert par Engelmann. Il a le corps plus court et plus ramassé, subarrondi ; mais les détails d’organisation sont à peu près les mêmes. Signalons seulement, comme particularité curieuse, une masse formée de petites granulations obscures, à bord bien circonscrit antérieurement et occupant presque toute la partie antérieure de l’animal. Nous re¬ trouverons cette masse opaque dans d’autres Infusoires tout à fait différents. Sa signification est jusqu’ici énigmatique. Est-ce un organe particulier ou un simple dépôt de granulations ? C’est ce qu’on ignore.

Ces deux espèces de Conchophthirius sont des parasites d’assez grande taille. L’espèce de PAnodonte mesure de 120 à 200 y, et celle de l’Unio à 120 de long. Vous en trouverez de bonnes figures dans le mémoire d’Engelmann qui les représente toutes les deux (Zeitchr. /. Wiss. Zool. T. XI, 1861).

Comme fait curieux, je vous signalerai une troisième espèce qui a surtout un intérêt historique, car elle se rattache au premier travail qui a été fait sur les générations alternantes. Steenstrup, dans son fameux mémoire de 1842, en parle à propos de l’évolution d’un Distome qui vit dans un Hélix, le Succinea amphibia , dont il habite les antennes. Ces antennes sont remplies de petits êtres à forme d’infusoires et comme elles hébergent en même temps une larve extrêmement curieuse, longtemps connue sous le nom de Leucochlori- dium paradoxum , qui est une larve de Distome, Steenstrup avait cru que ces Infusoires étaient les embryons de cette larve.

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Tous ces faits ont été rétablis depuis. Steiu a. reconnu qu’il n’y avait aucune relation entre ces Infusoires et la larve de Distome, que ces prétendus embryons étaient de vrais Infusoires, indépendants, autonomes, appartenant au genre Conchophtkirius et il a dédié cette espèce à Steenstrup : Conchophtkirius Steenstrupii.

Quant à cette larve singulière qui vit dans les tentacules du Suc - cinea amphibie z, on sait depuis Zeller (1874) que c’est la larve d’un Distomum macrostomum qui vit à l’état parfait dans les oiseaux.

Je dois ajouter que le Conchophtkirius Steenstrupii a été retrouvé par Quennerstedt dans l’Escargot des jardins ( Hélix hortensis).

Steenstrup avait aussi commis une erreur à propos du Conclioph- thirius Anodontæ. Il l’avait vu dans ce Mollusque et l’avait rapporté au cycle biologique d’un Nématode, un Ptychogaster conchæ , qui a le même habitat.

Stein considère comme voisins des Infusoires qui vivent dans la panse des Ruminants, les Isotricha.

C’est un petit genre qui ne diffère des Conchophtkirius que par des détails assez légers. Le corps est un peu plus cylindrique et un peu moins aplati. La bouche est plus rapprochée du bord antérieur du corps. On les trouve dans la panse du Mouton, du Bœuf, etc.

Ce genre renferme deux espèces, VIsotricha intestinalis dont la bouche est placée à une petite distance du bord antérieur, et I. pros- toma dont la bouche est située au bord antérieur même. L’anus est placé sur la face dorsale; il a la forme d’une fente, occupant le tiers postérieur du corps, toujours plus ou moins béante, comme une boutonnière dont les bords sont formés par deux lignes foncées et saillantes. C’est donc un anus extrêmement long.

Avec ces parasites, on a trouvé, dans la panse des Ruminants, tout un groupe d’infusoires Ciliés très curieux, Opkryoscolex , Entodi- niumi qui appartiennent à la famille des Ophryoscolécidés, animal¬ cules encore très mal connus et signalés déjà, en 1845, par Gruby et Delafond. Je n’ai pas fait d’études spéciales sur ces parasites, mais, il y a quelques années, ayant eu l’occasion d’examiner la panse d’un bœuf, j’y ai trouvé des Colpodes vivants comme ceux qu’on obtient dans une infusion de foin. Ils avaient été apportés a l’état de kystes, sur l’herbe ingérée par le bœuf, et se trouvant dans un milieu chaud, ils étaient éclos. Et, comme le liquide de la panse est à peu près neutre, ce milieu ne leur était pas nuisible. Mais quand la rumination se produit, les aliments reviennent dans la bouche et passent de dans l’estomac ; les Colpodes sont alors tués par les sucs digestifs. Ces Infusoires qui se trouvent ainsi accidentellement dans la panse des Ruminants ne doivent donc pas être considérés comme de véri-

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tables parasites : ils y vivent comme dans une infusion faite dans un vase quelconque.

Il serait très intéressant d’examiner, à ce point de vue, le contenu de la panse des divers Ruminants, qui est très mal connu, le Bœuf, le Mouton, la Chèvre et surtout des Ruminants qui vivent à l’état sauvage, le Cerf, le Daim, le Chevreuil, etc., à plus forte raison encore la panse des Caméliens, le Chameau, le Dromadaire, le Lama, l’Alpaca, la Girafe, etc. Il est évident qu’il y a une riche mine à exploiter, à laquelle on n’a pas encore songé. Et cependant, dans les muséums d’histoire naturelle, dans les ménageries, on trouverait facilement les éléments de ces curieux travaux.

Si de la panse des Ruminants nous nous transportons dans le tube digestif des Fourmis et des Termites, nous y trouvons tout une faune infusoriale des plus singulière que Leidy nous a fait connaître. 11 a publié dans le Journal of Acad. ofNatural Sciences de Philadelphie, en 1880, un mémoire très intéressant sur les Infusoires qui vivent dans l’intestin du Termite des États-Unis, le Termes flavipes. En étudiant les parasites de ce Termite, qui sont fort nombreux, car il s’y trouve aussi des végétaux, il a rencontré, parmi les parasites animaux, des formes très curieuses de Ciliés qui sont comprises dans la famille des Trichonymphidés, créée par Saville Kent avec les trois genres Trichonympha, Pyrsonema ou Pyrsonympha, Dine- nympha ; chacun de ces genres ne contient qu’une espèce.

Comme chaque espèce est polymorphe, il est très incertain de savoir si certaines de ces formes se rapportent à des espèces diffé¬ rentes, ou à une seule espèce ou à des âges différents d’une même espèce. Leidy a eu du mal à débrouiller ce chaos, et voici le résultat de ses recherches.

Donnons d’abord les caractères de ces genres :

Trichonympha : Une seule espèce, Trichonympha agi lis. Le corps est allongé, fusiforme, très contractile, très élastique, divisé en deux segments : le segment antérieur, plus court, est surmonté d’une sorte de mamelon ; le segment postérieur est plus long et plus large. Cette organisation rappelle la structure des Grégarines, et cette ressemblance est complétée encore par un noyau placé dans le segment postérieur mais rapproché de la portion céphalique. Déplus, il n’y a pas de bouche, ni d’œsophage, ni de vésicule contractile. Toutefois l’existence d’une bouche paraît impliquée par la présence de particules solides dans le corps de l’animal, particules qui res¬ semblent aux fragments de tissu ligneux qui se trouvent dans l’intestin du Termite. Le parasite semble donc avoir ingéré des particules de bois qu’il a prises dans l’intestin de son hôte, ce qui indiquerait

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l’existence d’nne bouche. Leidy dit s’être donné beaucoup de peine pour voir cette bouche ; il l’avait même décrite dans un premier mémoire, mais après examen plus approfondi, il a reconnu qu’il s’était trompé.

Ce qui achève de donner à cet être une physionomie bizarre, ce sont les longs cils qui lui forment une enveloppe chevelue dont il est entouré. Ces cils, vibratiles, partent tous du segment antérieur et sont disposés en trois ou quatre séries de faisceaux dont quelques-uns sont plus courts que les autres. Il y en a qui s’étendent jusqu’à la partie postérieure du corps et même la dépassent, et s’étalent en divergeant autour de l’animal. Il y a même une forme chez laquelle la partie antérieure est contournée en spirale, et des tours de spire partent les longs cils. Dans d’autres formes, le corps lui-même tend à prendre un aspect spiraloïde.

On ne peut s’empêcher d’être frappé de la ressemblance que ces Infusoires parasites présentent avec certaines larves d’Annélides qui possèdent aussi des faisceaux de longues soies partant de la partie antérieure du corps.

C’est un animal très agile, qui se meut par les contractions et les inflexions qu’il imprime à son corps. Il est constamment en mouve¬ ment, mais ne se déplace que fort peu et par petits sauts brusques.

Je vous engage à lire le premier mémoire de Leidy (1877) ; vous y trouverez une description très poétique de cet Infusoire, dans laquelle il compare ses mouvements à une nappe d’eau agitée par le vent, la chevelure de l’animal à la queue d’un Oiseau de Paradis et l’animal lui-même à une Nymphe qui s’enveloppe dans ses longs cheveux. Ce qui prouve que les naturalistes américains sont doués d’une imagi¬ nation très riche, et d’autant d’exactitude que d’imagination.

Pyrsonympha. Ce genre diffère notablement du précédent. Il comprend des animacules lamellaires dont la forme varie suivant l’état de contraction de leur corps. Etendus, ils sont fusiformes allon¬ gés; contractés, ils sont ovalaires. Leur corps est très contractile, en effet, et sa forme varie continuellement. Il est parcouru par des lignes obliques qui sont probablement des stries contractiles, et c’est à l’aide de ces stries que l’animal exécute des mouvements de con¬ traction qui le font paraître comme en zig-zag. Sur toute sa longueur règne une longue membrane ondulante, depuis une extrémité jusqu’à l’autre. On ne voit pas de bouche, quoiqu’il existe des corpuscules alimentaires dans la substance de ces animacules ; pas de vésicule contractile, mais il existe un noyau. Tout le corps est couvert de cils vibratiles beaucoup plus courts que chez les Trichonympha, mais ils peuvent manquer sur quelques individus.

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Ces Infusoires sont plus délicats que ceux du genre précédent ; aussitôt retirés du tube digestif de leur hôte ils se détruisent par diffluence. Il n’y a qu’une espèce, P. Vertens , qui accompagne cons¬ tamment les Trichonympha.

Dinenympha. Ces animacules différent aussi beaucoup de ceux des genres précédents. Ils sont lamelleux, très minces, allongés, parcourus par des stries extrêmement fines et très contractiles. Dans ce corps lamellaire Leidy n’a pu découvrir ni bouche, ni vésicule contractile, ni noyau; de sorte qu’il est presqu’arrivé à conclure que ce genre pourrait bien n’ètre qu’une forme peu mure de l’un des deux genres précédents. Il y a, du reste des formes très curieuses ; quand l’animal se contourne en spirale, on voit les stries très fines qui se tordent suivant les tours de spire. À la partie antérieure, il existe un bouquet de cils vibratiles plus longs que ceux placés sur la cuticule.

En somme, cet être n’a guère que des caractères négatifs.

La reproduction des curieux parasites qui appartiennent à ces trois genres n’a pas été observée par Leidy ; cependant, chez les Tricho et Dinenympha , il a remarqué quelquefois des individus contenant dans leur intérieur des masses ovalaires réfringentes, qu’il a été tenté de prendre pour des spores. Gela me paraît peu probable : ces masses sont sans doute des parasites ou des corpuscules absorbés.

Il s’agit donc d’animaux encore très mal connus. On peut se demander même si ces organismes si bizarres sont vraiment des Infusoires ciliés, car ils s’éloignent beaucoup des formes que nous connaissons. Aussi, quand Leidy les a eus sous les yeux, il a hésité sur leur position : Ciliés, Grégarines, Turbellariés, Rhabdocèles ? Les placer dans ces derniers groupes, il n’y a pas pensé longtemps, car ce ne sont pas des Vers, ce sont des organismes unicellulaires : ils ont un noyau et ne possèdent ni intestins ni organes. Restent donc les groupes des Ciliés et des Grégarines. On pouvait hésiter, en effet. Mais ce qui écarte l’idée qu’on ait affaire à des Grégarines, c’est l’existence de ces longues soies. On ne coupait aucune Grégarine ciliée. Il en a été décrit autrefois, il est vrai, mais ces Grégarines ciliées, qui vivent dans le testicule du Lombric, étaient recouvertes des spermatozoïdes de ce Ver et non de cils. Il reste donc le parti inter¬ médiaire vers lequel incline Leidy, c’est-à-dire que ces êtres tiennent le milieu entre les Grégarines et les Ciliés. Cette opinion est défen¬ dable pour les Trichonympha , mais non pour les deux autres genres qui n’ont rien des Grégarines.

Vous voyez quel intérêt il y aurait à étudier le tube digestif des Termites, à commencer par ceux de nos pays, comme les Termes

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fiavicollis , T. lucifugus qui vivent dans le midi de la France ou qui depuis longtemps se sont établis en Saintonge, à la Rochelle, à] Ro- chefort. A plus forte raison, serait-il curieux de rechercher les parasites qui vivent dans l'intestin des Termites de l’Afrique australe, de Geylan, des Indes et de l’Amérique du Sud.

{A suivre )

LES OBJECTIFS (1)

Si la construction du microscope doit être parfaite pour l’étude des Diatomées, on conçoit de quelle imporlance est l’excellence des objectifs.

Nous ne pouvons faire ici la théorie de la construction des objectifs et de la formation des images microscopiques, nous rappellerons seulement que les objectifs, pour servir utilement à l’observation des fins détails de structure des Diatomées, doivent être doués d’un grand pouvoir de définition et de résolution , c’est à dire fournir des images dontles contours et les linéaments soient extrêmement nets et dont les parties soient bien dessinées et distincte¬ ment séparées.

Quant au pouvoir de pénétration, il est presque toujours suffisant pour l’examen de ces petits corps. On sait que ce qu’on appelle le pouvoir pénétrant est la propriété que possèdent certains objectifs de laisser voir à la fois, sans changement de la mise au point, un certain espace dans la profondeur de l’objet. Cette propriété est généralement incompatible avec une bonne définition et une fine résolution. Mais, comme fa très bien fait remarquer Helmholz, ce pouvoir pénétrant n’est pas absolument une propriété de l’objectif, il dépend aussi, pour une bonne part, de l’œil de l’observateur dont la faculté d’accom¬ modation est plus ou moins grande et qui peut distinguer à la fois des points plus ou moins éloignés au-dessus et au-dessous du foyer mathématique.

Pour l’observation des Diatomées, il faut des objectifs ayant les plus grands pouvoirs définissant et résolvant ; ce sont, d’ailleurs, les plus parfaits et les seuls qui permettent de juger avec certitude l’ordre de superposition des divers points dans l’épaisseur de l’objet. Quant à la pénétration, elle est ici peu utile et il ne faut rechercher que celle qui subsiste dans l’objectif dont la résolution est aussi parfaite que possible, pénétration aidée de la faculté d’accommodation que possède l’œil de l’observateur.

Par conséquent, les objectifs doivent avoir la plus grande ouverture possible.

(1) Extrait de l’Introduction , de les Diatomées, histoire naturelle, classification description des principales espèces par le Dr J. Pelletax ( sous presse).

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Quant à l’ouverture, on sait qu’on appelait autrefois ouverture angulaire d’un objectif l’angle du plus grand cône de rayons qui pouvait entrer dans l’objectif. On comprend que quelle que soit la combinaison optique qu’on ait imaginée pour admettre et faire concourir à la formation de l’image le plus large cône de rayons, l’objectif, agissant dans l’air comme milieu réfringent extérieur, il y avait toujours un moment les rayons extrêmes ne pouvaient plus entrer dans l’objectif parce que leur obliquité atteignait X angle limite au delà duquel les rayons ne pénètrent plus, en se réfractant, de l’air dans le verre, mais se réfléchissent totalement à la surface de celui-ci. Cet angle limite est de 41° 49'

C’est précisément cette impossibilité de faire entrer un très large cône de rayons dans les objectifs observant les objets à travers une couche d’air, objectifs dits à sec, qui a suggéré àAmici l’idée de remplacer la couche d’air interposée entre l’objet et la face inférieure de la lentille objective, par un milieu dont l’indice de réfraction diffère moins que celui de l’air de l’indice de réfraction du verre dans lequel sont taillées les lentilles. Il a essayé plusieurs liquides, et s’est arrêté à l eau, créant ainsi ce que l’on a appelé des objectifs à immersion.

Ces objectifs, en raison du peu de différence entre les indices de l’eau et du verre, ont permis d’agrandir considérablement l’ouverture angulaire, si bien que la quantité de lumière admise était plus grande que celle contenue dans un cône qui aurait eu même 180° d’angle, dans l’air. On sait tous les services qu’ont rendus et que rendent encore journellement ces objectifs à immersion dans l’eau, dont la construction a rendu célèbres les noms de Hartnack et Prazmowski, de Toiles, de Powell et Lealand et de quelques autres opticiens habiles.

Néanmoins, l’indice de réfraction de l’eau, exprimé par le chiffre 1,33, celui de l’air étant 1, présente encore une différence notable avec celui du verre des objectifs, (croivn glass ) qui est en moyenne 1,525. C’est pour cela qu’Amici avait pensé à employer la glycérine et certaines essences, comme l’essence d’anis, dont l’indice se rapproche davantage de celui du verre. S’il n’avait pas renoncé à l’emploi de ces liquides, comme peu pratique, il aurait inventé ce qu’on appelle aujourd’hui objectifs à immersion homogène avec lesquels on use, pour l’immersion, de liquides qui ont sensiblement le même indice que le verre. Cette appellation, assez mal choisie, veut exprimer que la lumière se meut ainsi dans un milieu, verre et liquide, qui est optiquement homogène puisqu’il a partout à peu près le même indice de réfraction.

On sait que c’est M. C. Zeiss, d’iéna, qui sur les calculs du professeur E. Abbé, et les expériences de M. H. Stephenson, de Londres, a construit les premiers objectifs à immersion homogène, qui fonctionnent avec l’huile essen¬ tielle de bois de cèdre, dont l’indice est 1,515, Néanmoins, ce n’est pas une découverte, ni deM. Zeiss, ni de M. Abbé, ni de M. Stephenson, c’est la réalisa¬ tion conduite à bonne fin de l’inventiond’Amici, laquelle date de 1844. Comme nous l’avons dit, Amici, inventeur de l’immersion, après avoir essayé une série de liquide s’est arrêté à l’eau, facile à trouver partout, dont l’indice est

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connu et ne varie pas. Ce progrès était alors immense et suffisait aux besoins des micrographes de cette époque.

C’est aussi M. E. Abbé qui a remplacé la mesure de l’ouverture angulaire des objectifs, laquelle était souvent illusoire, presque toujours inexacte et d’ailleurs sujette à des interprétations erronées, par une autre mesure appelée ouverture numérique.

Celte quantité est représentée par l’expression

O = n sin u

dans laquelle n représente l’indice de réfraction du milieu ambiant, air, eau, huile, et u le demi-angle d’incidence des rayons incidents extrêmes.

Ainsi, un objectif à sec qui aurait le maximum d’ouverture angulaire, 180°, aurait pour ouverture numérique : 1. En effet, dans la formule O =n sin u, l’indice n de l’air est 1, et l’angle u est la moitié de 180°, c’est à dire 90’ dont le sinus est 1. La formule numérique devient donc O = 1x1 = 1.

On voit ainsi qu’à cet objectif à sec, d’ouverture angulaire maxima, 180; et d’ouverture numérique == 1, correspond, comme puissance optique, un objectif à eau de 97° seulement d’ouverture angulaire. Car le sinus de 48 1/2 moitié de 97°, est sensiblement 0,752, qui multiplié par 1,33, indice de l’eau, donne pour valeur de l’ouverture numérique = 1.

Et, les mêmes effets optiques seraient produits par un objectif à immersion homogène, à huile, qui n’aurait que 82° d’ouverture angulaire, car dans la formule O = n sin u , l’indice n est 1,52 et sin u ou sin 41°, est sensiblement 0,658. D’où O = 1,52 x 0,658 = 1.

On verrait ainsi qu’à un objectif à sec qui aurait 128° (dans l'air) d’ouver¬ ture angulaire correspondrait un objectif à immersion dans l’eau qui n’aurait que 85° parce que tous deux ont la même ouverture numérique = 0,90. En effet, la formule donne pour l’ouverture numérique du premier O = 1 X sin 64° = 1 x 0,90 = 0,90 ; et pour celle du second : O = 1,33 X sin ^

= 1.33 x 0.68 = 0.90.

De même encore, un objectif à immersion homogène {?i = 1,52) qui n’aurait que 92° d’ouverture angulaire correspondrait à un objectif à immersion dans l’eau {n 1,33) de 112° d’ouverture angulaire, car tous deux auraient pour ouverture numérique 1,10, comme il est facile de le voir par le calcul.

On reconnaît enfin que si, comme nous l’avons vu plus haut, un objectif à eau dont l’ouverture angulaire est de 97° et l’ouverture numérique 1, et un objectif homogène de 82° d’ouverture angulaire ou d’ouverture numérique égale aussi à 1, correspondent à un objectif à sec de 180° d’ouverture angu¬ laire avec ouverture numérique égale à 1, tous les objectifs à eau qui ont une ouverture angulaire plus grande que 97° et tous les objectifs homogènes dont l’ouverture angulaire est plus grande que 82° correspondent à des objectifs à air dont l'ouverture angulaire serait plus grande que 180°.

( A suivre).

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

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ÉCHECS DE LA MÉTHODE FASTE UH EN ANGLETERRE, EN AUTRICHE

et en France.

Quelques réflexions me semblent nécessairement surgir des échecs répétés de la médication soi-disant anlirabique de M. Pasteur.

Et d’abord parlons de l’étranger :

Angleterre. La Semaine médicale nous a appris que le Comité chargé par la Chambre des Lords d’étudier la question du traitement de la rage par la méthode Pasteur a publié son rapport, qui se termine à peu près comme celui de Horsley : on y conseille en effet, non pas la fondation d’un Institut Pasteur en Angleterre, mais comme conclusions : la muselière, « quand règne la rage! » (autrement les chiens doivent rester libres dans ce pays de liberté); mise à mort des chiens errants;... et on ajoute, dans le cas / efficacité de la méthode de M. Pasteur SERAIT prouvée d’une manière concluante, il conviendrait d’en faciliter l’application en Angle¬ terre. »

Voilà le fameux rapport de M. Horsley jeté par dessus bord. Ce rapport, le voilà jugé comme nul et non avenu, car considérez les formules du langage : on y emploie partout le « conditionnel » ( serait , conviendrait), et non le « présent de l’indicatif; » le tout précédé de cette écrasante restriction dubitative : dans le cas où! Ainsi « il conviendrait de faciliter l’appli¬ cation de la méthode, » « dans le cas il serait prouvé » (cela ne l’est donc pas?) Et je dis non pas prouvé d’une façon quelconque, mais « d’uue ma¬ nière concluante. » Voilà qui est concluant, et qui prouve que le rapport de M. Horsley ne l’est pas concluant; à dire vrai, je le savais bien, et je l'ai dit ailleurs, ainsi qu’il convenait.

On était dans cette disposition d’esprit en Angleterre, lorsque tout à coup, voilà que, le 26 août, meurt à Londres, enragé , un nouvel inoculé de M. Pas¬ teur. Et, cette fois, l’enragé n’est pas le premier venu, un croquant, comme Goffi (qui mourut naguère de la rage paralytique si semblable à celle de labo¬ ratoire), ou comme Cahill (qui est mort le 7 août dernier d’une rage ana¬ logue). Non, cette fois, l’enragé est un personnage, un grand personnage, un lord (lord Doneraile), et, qui plus est, un lord conservateur ! Voir le Temps du 22 août.)

On comprend que cette mort d’un grand seigneur enragé n’est pas pour prouver « d’une manière concluante » à la Chambre des Lords (qui en dou¬ tait) l’eflicacité de la méthode de M. Pasteur comme préservatrice de la rage ; ni pour les induire à conseiller la fondation à Londres d’un Institut à l’instar de Paris, et destiné à préserver de la rage les lords et les vilains.

On comprend, d’autre part, que cette mort d’un Anglais, le 26 août, ajoutée à la mort d’un Irlandais, le 7 août, ce qui fait, pour un même mois, en An-

450

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

gleterre, deux morts par la rage des inoculés de M. Pasteur; on comprend, dis-je, que cette mort de l'Anglais et de l’Irlandais ne soit pas pour convertir à la Méthode le public du Royaume-Uni (1).

Le rapport de M. Horsley m’y semble bien compromis, et la Méthode aussi.

Autriche. Elle n'est pas seulement compromise en Angleterre la fameuse Méthode, elle l’est aussi, et officiellement en Autriche.

On sait qu’elle a été scientifiquement réfutée par le professeur von Frisch, on sait que ce savant concluait de ses très nombreuses expériences, conti¬ nuées pendant toute une année, que la méthode primitive était inefficace et que la Méthode intensive était périlleuse, en d’autres termes, donnait la rage aux animaux en expérience.

On sait que j’étais arrivé de mon côté, et par l’observation clinique, aux mêmes conclusions : à savoir que la méthode (première manière) ne préve¬ nait pas la rage et que la Méthode (deuxième manière) pourrait bien la don¬ ner. De sorte que notre nosologie humaine se trouverait ainsi riche de deux nouvelles espèces de rage : la rage de laboratoire et la rage mixte ou canino- expérimentale.

Or, on avait objecté, relativement à von Frisch, que si cet Autrichien, jaloux de la gloire de M. Pasteur, avait essayé de le combattre, il y avait à Vienne même un autre Autrichien, Ullmann, qui, plus juste envers notre compatriote prouvait la bonté de sa méthode en la pratiquant.

Cependant, comme le nerf de la guerre et des inoculations dites préven¬ tives l’argent lui faisait défaut, Ullmann demanda au ministre de l'In¬ térieur d’Autriche-Hongrie une subvention annuelle. Le ministre vient de pondre par l’envoi d'une somme de 1.000 florins (deux mille francs), mais en déclarant « qu’en raison des nombreux échecs de la Méthode , il n ac¬ corderait plus désormais aucune subvention pour la continuation des inoculations préventives. »

C’est dur !

France. La mortalité par la rage des inoculés de M. Pasteur n’y est pas en retard sur celle des autres nations, car, en six semaines (du 4 juillet 18S7 au 19 août 1887), j'ai reçu la déclaration, aussi spontanée que sincère, de la part de médecins désabusés, de cinq cas de rage chez des inoculés de M. Pasteur.

Le premier cas de rage (4 juillet) m’a été fourni par le docteur Miquel, de Paris (il m’avait déjà fourni Réveillac. de sorte que M. Pasteur n'a pas la main heureuse avec lui); le second 11 juillet) m’a été communiqué parle docteur Devillers, de Guise (Aisne), le troisième (22 juillet) par le docteur Nadaud, de Larochefoucauld (Charente); le quatrième (également le 22 juil¬ let) par le docteur Corrèze, d’Arazac-Adour (Hautes-Pyrénées) ; enfin le cin-

(1) 11 en est mort un troisième, en Angleterre, dans les derniers jours d’août.

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quième (19 août) m’est annoncé par le docteur Bretheau, de Yalençay (Indre) .

Le premier cas est celui de Hurot, qui fut inoculé le lendemain de la mor sure et n’en mourut pas moins de rage 35 jours après sa morsure par le chien enragé ; le second cas est celui de Bourget, inoculé quatre jours après avoir été mordu et qui mourut 48 jours après morsure ; le troisième cas est celu de Déclide. inoculé trois jours après avoir été mordu et mort 60 jours après morsure; le quatrième cas est celui de Gerde (Jeanne-Marie), inoculée trois jours après morsure et morte 116 jours après morsure; enfin le cin¬ quième cas est celui de Pénichaud, inocculé vingt-quatre heures après avoir été mordu et mort 68 jour» après morsure.

On ne peut donc pas invoquer, pour expliquer ou excuser l’impuissance des injections (si faussement dites « inoculations » et non moins faussement dites « préservatrices), » la longueur du temps écoulé entre la morsure et ces injections.

On ne peut pas non plus révoquer en doute la nature de la maladie, qui a bel et bien été la rage, laquelle est survenue du trente-cinquième au cent- seizième jour après morsure.

Enfin, deux fois sur cinq (chez Déclide et Gerde), la rage à été paralyti¬ que , et l’intervention du virus de laboratoire y a été soulevée par les méde¬ cins qui ont observé ces malades.

Les quatre premiers cas ont été déjà signalés un peu partout ; je donne ici l’observation du cinquième enragé de ces six dernières semaines, lequel est encore inédit :

« Yalençay (Indre), 19 août 1887.

» Monsieur et très honoré Maître,

'< Je crois vous être utile en vous transmettant l’observation suivante :

« Le jeune Pénichaud, âgé de 18 ans, demeurant dans la commune de Poulaiues (Indre), a été mordu le 12 juin dernier par un chien reconnu enragé.

« Une demi-heure après la morsure, cautérisation énergique au fer rouge.

« Le lendemain, ce jeune homme part pour Paris où, pendant 15 jours, il est soumis aux vaccinations antirabiques {méthode intensive) à l'Institut Pasteur.

« Depuis son retour, notre malade se portait bien et avait repris ses travaux (battage' à la mctchine' à vapeur). .....

« Je fus appelé près de lui pour la première fois le jeudi 18 août. Mon client me raconte' que depuis deux jour (16 août), il souffre d’une douleur assez violente dans le membre gauche, antérieurement mordu. Cette douleur est snrtout forte à l'é¬ paule et n'est pas continue. Il se plaint également de lourdeur de tête et d’insomnie. Jusque-là, il s’est pas trop inquiété : mais ce qui lui a paru grave et pour quoi il désirait me voir, c’est fa* difficulté qu’il a à boire les liquides, et surtout les li¬ quides froids.

« En effet, sur ma prière, il tente sans succès et à plusieurs reprises d’avaler de l'eau sucrée, froide; mais immédiatement un tremblement nerveux le prend, sa figure se couvre de sueurs, ses yeux brillent d'un éclat extraordinaire, sa gorge se contracte et une oppression telle se manifeste qu’il craint d’étouffer,

« Avec l’eau tiède la souffrance est moindre, et il peut en ingurgiter quelques cuillerées,

« L’air froid lui donne la même sensation d’étouffement.

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« Du reste, l'intelligence est nette ; le pouls est lent.

«( Les yeux sont très brillants et les pupilles, très dilatées, fonctionnent bien sous l’influence de la lumière.

« La nuit. qui suit se passe entièrement sans sommeil. Il devient loquace, se tour¬ mente, fait des prières.

« Le moindre contact fait éclater une crise.

« Il rejette continuellement une salive filante et meurt le lendemain, 19, à deux heures de l'après-midi, après avoir accusé un grand affaiblissement de la vue et une faiblesse extrême.

« Tels sont les faits, cher Maître. Je les crois intéressants et très probants. Mal¬ gré une cautérisation prompte et profonde, malgré un traitement rapide et éner¬ gique, la mort est arrivée 67 jours après la morsure. Aussi, sans prendre parti, dans la circonstance, pour ou contre l'inoculation antirabique, un doute affligeant naît dans l’esprit et mène droit au scepticisme.

« Veuillez, cher Maître, etc.

Dr A Bretheau.

On remarquera que c’est dans les pays vraiment scientifiques, comme l’An¬ gleterre et l'Autriche (où l’on ne peut pas faire, comme en France, miroiter, pour abuser l’esprit de nos savants, la question de patriotisme), que la Mé¬ thode Pasteur est jugée comme elle le mérite.

Aussi la fameuse méthode échoue partout, à l’Orient comme à l’Occident, en Autriche comme en Angleterre. Il ne me reste plus qu’à en dire, ô tristesse, qu’elle est une colossale mystification (1).

Prof. M. Peter.

OFFRES ET DEMANDES (i)

A VENDRE

33. Lanternes à projections, sur quatre colonnes de cuivre, condensateur de 105 mil.; 1 objectif double achromatique ; lampe à pétrole, 3 mèches. 85 fr. Cet appareil peut recevoir tout espèce d’éclairage.

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rogy à monture à vanne, 81 mill. 5. . . .* . 140 fr.

41. Grille pour analyses organiques 60 c. de long . 80 fr.

(1) Gazette Médicale de Paris.

(1) S’adresser au bureau du Journal. Les articles portés au pré¬ sent Catalogue sont expédiés, contre mandat ou remboursement. La demande

doit rappeler le numéro d’ordre de l’article au Catalogue. Le port et l’emballage

sont à la charge de l’acquéreur.

Le Gérant: Jules Pelletan, Fils.

Amiens Imprimerie Rousseau-Leroy,

Onzième année

14

10 Novembre 1887.

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE :

Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France en 1887, parle prof. L. Ranvier, Évolution des Microorganismes animaux et végétaux parasites : le parasitisme chez les Ciliés, [suite], leçons faites au Collège de France, en 1887, par le prof. G. Balbiani. Notes sur les Objectifs, par le Dr J. Pelletan. A propos du Phylloxéra, par M. Cïiavée-Leroy. Bibliographie. I. Beitræge zur fossilcn Bacillarien Ungarns, par le Dr J. Pantoczek, notice par M. Paud Petit. II. Elementarg Microscopical Technology , par leDr F. L. James, notice par le Dr J. Pelletan Avis divers.

TRAVAUX ORIGINAUX LE MÉCANISME DE LA SECRETION

Leçons faites au Collège de France, en 1886-87, par le professeur L. Ranvier.

[Suite) (1)

Je reviens aux expériences de Heidenhain.

Il y avait deux méthodes, physiologique et histologique, qui pou¬ vaient le conduire à une tout autre hypothèse. La première consistait à ne pas poursuivre aussi loin l’excitation de la glande sous-maxillaire du chien et la seconde à employer des méthodes d’examen variées. Si, après avoir excité la glande pendant 4 heures et obtenu une abondante sécrétion, ce qui dépasse même toute sécrétion physiologique, on fait durcir un fragment de cette glande dans l’alcool, dans le liquide de Müller, dans l’acide osmique, et qu’on colore par des procédés très divers, on obtient un résultat absolument constant. Les cellules des croissants et les cellules muqueuses se reconnaissent parfaitement, e cependant les unes et les autres ont subi des modifications impor-

(1) Voir Journal de Micrographies t. X,. 1886, t. XI, 1837, p. 7,62 142, 161, 205 226, 261, 327, 357, 385. Slénogr. par le Dr Pelletan.

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tantes. Les cellules des croissants se sont gonflées et sont devenues plus distinctes les unes des autres ; en général, le noyau est plus volumineux, le protoplasma contient des granulations plus grosses et plus nettes. Les cellules muqueuses sont en place, elles ont perdu une partie de leur mucigène ; le noyau, qui était refoulé vers la base et ratatiné, est redevenu sphérique et s’est soulevé dans l’intérieur de la cellule en se rapprochant de l’extrémité supérieure. Il reste encore dans chaque cellule une cavité plus ou moins anfractueuse qui con¬ tient du mucigène. Ces cellules ne sauraient donc être confondues avec les cellules granuleuses, puisqu’elles contiennent du mucigène, facile à reconnaître à ce qu’il 11e se colore pas, tandis que dans les cellules granuleuses, il n’y a jamais rien de semblable.

En outre, dans la glande excitée, recueillie soit après 4 heures, soit après un temps beaucoup plus long d’excitation, on constate que les cel¬ lules muqueuses sont moins grandes, que les acini tout entiers ont di¬ minué de diamètre. Rien que ce fait, que Lieidenhain 11’a pas observé, ex¬ cluait absolument la théorie d’après laquelle l’expulsion de la matière sécrétée dépendait d’une poussée résultant d’une évolution cellulaire. Une poussée de ce genre conduisait à la réplétion et à la tension de la matière formée dans chaque cul de sac, et la disposition de ces culs de sac n’indique rien de semblable puisque c’est un retrait que nous observons. Le mécanisme de la sécrétion ne consiste donc pas en une poussée résultant d’une évolution cellulaire.

Il y a une méthode excellente à suivre, (il est vrai que je 11e l’avais pas encore indiquée), c’est Tisolation des cellules de la glande excitée et de la glande non excitée, par l’alcool au tiers. Elle donne des résultats qui tranchent absolument la question. Après 24 heures de macération dans l’alcool au tiers, de petits fragments de la glande sous-maxillaire du chien donnent, par le raclage, un grand nombre d’éléments cellulaires parfaitement reconnaissables, et l’on distingue très bien les cellules muqueuses et les cellules des croissants. Les cellules muqueuses de la sous-maxillaire du chien ont un caractère qui permet de les reconnaître, c’est le prolongement conique que l’on voit à l’extrémité basale de ces cellules qui se recouvrent les unes les autres comme les tuiles d’un toit. C’est dans ce prolongement pro¬ toplasmique que se trouve le noyau ratatiné et souvent difficile à dis¬ tinguer. C’est la meilleure méthode aussi pour reconnaître les cloi¬ sons protoplasmiques qui sillonnent le mucigène.

Nous avons donc deux caractères qui nous permettront de recon¬ naître les cellules muqueuses des cellules des croissants, le prolonge¬ ment conique et incurvé de ces cellules et le réticulum qui les sillonne.

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De la glande excitée, et même très longtemps comme le faisait Heidenhain, on extrait des cellules qui contiennent encore une petite quantité de mucigènc et dans lesquelles le noyau a quitté le prolonge¬ ment conique, s’est développé en forme de sphérule et est compris dans une masse de protoplasma. Le plus souvent la limite du muci- gène et du protoplasma, au lieu d’être formée par une surface régu¬ lière en cupule, est constituée par uu feston dont la concavité regarde ce qui reste du mucigène, les pointes des festons correspondant aux prolongements protoplasmiques. Quand cette cavité a disparu les cel¬ lules muqueuses se reconnaissent encore à leur prolongement. Gela est très clair et il n’y a pas de discussion possible. Les cellules granu¬ leuses que l’on observe dans les acini après l’excitation de la glande ne sont pas des cellules des croissants qui se sont modifiées et multi¬ pliées et ont rempli la place des cellules muqueuses expulsées, ce sont les anciennes cellules muqueuses transformées : le protoplasma a éprouvé une activité nouvelle, le noyau qui est un organe très im¬ portant de la cellule a subi aussi une hyper-nutrition. Tout cela est net et évident.

Je reviendrai sur toutes ces questions parce qu’il y a certains détails sur lesquels je veux insister d’une manière particulière, mais je veux vous parler d’une expérience que Heidenhain aurait du faire et qu’il n’a pas faite, expérience très instructive, très intéressante, sur le mé¬ canisme de la sécrétion dans les cellules muqueuses isolées au milieu du revêtement épithélial et dans les glandes muqueuses qui ne contiennent pas de croissants de Gianuzzi.

Voyons d’ahord ce qui se passe dans les glandes uni cellulaires. Elles sont très répandues dans la série des Vertébrés. La trachée et les grosses bronches sont revêtues de cellules caliciformes et de cel¬ lules à cils vibratiles ; chez les Batraciens, l’œsophage est tout entier tapissé de grandes cellules caliciformes et de cellules à cils vibratiles. C’est chez les Anoures qu’il est le plus facile de faire ces expériences intéressantes. On introduit un morceau de bois dans l’œsophage d’une grenouille et on l’y laisse un temps qui varie entre quelques minutes et une heure. On détermine ainsi une irritation qui amène une abondante sécrétion de mucus, soit par irritation directe, soit par action réflexe. La méthode comparative ne peut pas ici être directe comme quand on excite la glande sous-maxillaire du chien d’un côté en laissant en repos celle de l’autre côté et que l’on compare la glande qui a été excitée à celle qui ne l’a pas été. Mais on peut prendre deux grenouilles dans les mêmes conditions et exciter l’épithélium œso¬ phagien chez l’une en laissant l’autre comme objet de comparaison.

Après que l’excitation a duré une heure, on tue la grenouille, on

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enlève l’œsophage et le place dans l’alcool au tiers. On fait de même pour l’autre grenouille. Au bout de 24 heures, on examine l’épithé¬ lium, qui se détache très facilement, sans qu’il soit besoin de le racler très fort. Dans l’épithélium excité il est survenu des modifications très importantes des glandes unicellulaires ou cellules caliciformes.

Dans l’épithélium qui n’a pas subi d’excitation, les cellules calici¬ formes sont d’immenses outres gonflées en ballon. On les reconnaît très bien avec un grossissement de 50 à 80 diamètres. Elles ont un prolongement en pointe mais non incurvé. Au fond, le noyau plus ou moins ratatiné est plongé dans une masse de protoplasma qui n’oc¬ cupe guère plus que l’espace du prolongement pointu et dont se dé¬ gagent des cloisons protoplasmiques s’étendant dans le corps de la cellule elles forment un réseau dont les mailles sont remplies-par le mucigène. Elles montrent ordinairement un orifice très net d’où sort un mucus chargé de granulations protoplasmiques.

Dans l’épithélium excité, les cellules sont généralement très reve¬ nues sur elles-mêmes, dégonflées, diminuées de diamètre ; l’orifice est largement ouvert et la capacité de la cellule, très réduite par le protoplasma qui s’est accru considérablement, ne forme plus qu’une cupule dont le fond est limité par une ligne festonnée dont les pointes font saillie dans la cavité. Le noyau est ovalaire avec son grand axe ordinairement parallèle à celui de la cellule. Le protoplasma, accru, se colore en rouge orangé par le picro-carminate d’ammoniaque et le noyau en rouge.

Quelle que soit la manière dont l’excitation a été produite, on voit dans ces cellules une transformation très considérable consistant, comme dans celles de la sous-maxillaire du chien, en ce que le muci¬ gène a été expulsé et que le protoplasma s’est accru et est devenu prédominant. Le noyau, ratatiné et refoulé dans le prolongement, a pris une vitalité nouvelle et est revenu à la forme qu’il a dans l’élé¬ ment en voie de développement.

Ce qui semble résulter de ces faits, c’est que sous l’influence de l’excitation directe ou indirecte, le protoplasma devient plus actif, absorbe une plus grande quantité d’éléments de nutrition et expulse le mucigène.

Tels sont les résultats les plus évidents, mais j’ai employé aussi l’excitation électrique de l’œsophage de la grenouille, à l’aide d’un mandrin métallique mis en rapport avec l’un des pèles d’un appareil d’induction, tandis que l’autre pèle était appliqué au devant du ster¬ num. Mais le courant s’établissait mal, les résultats n’étaient pas très réguliers, quoique suffisants comme signification.

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Aussi j’ai construit un petit appareil composé d’un tube de verre d’un diamètre convenable pour entrer dans l’œsophage et jusque dans l’estomac. Chez la Grenouille, depuis la bouche jusqu’au pylore on a affaire à une cavité en entonnoir dont l’extrémité rétrécie corres¬ pond au pylore qui est fort étroit. Toute cette cavité est assez large et l’on peut y introduire aisément un tube d’un diamètre assez consi¬ dérable. À 1 centimètre, 1 centimètre J/2, de l’une des extrémités du tube, qui est ouvert par les deux bouts, j’ai percé un petit trou latéral. Par l’autre extrémité du tube j’ai introduit deux fils minces de cuivre entourés de gutta-percha pour les isoler. L’un de ces fils sort par le trou latéral et je l’ai roulé autour du tube en un anneau a \ l’autre sort par le bout du tube ou je l’ai aussi roulé en un anneau b. J’ai gratté la gutta-percha sur les anneaux de manière à mettre le métal à nu. De sorte que si l’on met les deux extrémités libres de ces fils en rapport avec les pôles d’un appareil électrique le circuit sera interrompu entre a et 6, mais sera fermé si l’on établit une communication entre ces deux anneaux. Supposons cet appareil intro¬ duit dans un organe membraneux qui s’applique exactement sur lui, comme l’œsophage de la grenouille, la portion de cet œsophage com¬ prise entre a et b établira la communication et sera excitée par le courant.

Nous pouvons donc ainsi faire passer un courant d’induction inter¬ rompu dans telle ou telle région de l’œsophage que nous voulons. On attache la grenouille avec des fils pour l’immobiliser et on lui in¬ troduit le tube dans l’œsophage, ce qui est très facile. Elle ne le re¬ jette pas parce que cet œsophage est tapissé d’un épithélium à cils vibratiles dont les mouvements tendent à faire avancer les corps vers l’estomac, et par conséquent à faire pénétrer le tube. On met alors les deux fils de cuivre en rapport avec les pôles de l’appareil d’in¬ duction à chariot en établissant un courant moyen, ou plutôt un cou¬ rant faible et tel que l’on puisse le sentir avec les doigts mouillés. On laisse l’expérience marcher : la grenouille se contracte tout entière, devient rigide ; il y a des mouvements fibrillaires dans les pattes ; puis le courant s’établit et l’action se localise. Au bout d’une demi-heure, on tue la grenouille, on enlève l’œsophage pour le mettre dans l’al¬ cool au tiers et faire des préparations. Mais il y a deux procédés.

Par le premier, on enlève avec un scalpel l’épithélium, on le disso¬ cie dans l’eau, colore par le picro-carminate, et après avoir recouvert d’une lamelle, on substitue lentement la glycérine au liquide. Dans le second, qui donne de beaucoup plus beaux résultats, le produit du raclage de l’œsophage est agité dans une goutte d’eau sur une lame de verre porte-objet ; on ajoute du picrocarminate et, après la colora-

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tion, qui est assez rapide, ou place la lame porte-objet sur un petit godet de verre ou de porcelaine contenant quelques gouttes d’une solution d’acide osmique ; on retourne la lame de verre de manière que la goutte de liquide renfermant les cellules épithéliales dissociées regarde en bas, restant suspendue au verre par l’action moléculaire. On couvre le tout d’une petite cloche, sur une assiette, et on laisse les vapeurs d’acide osmique pénétrer et fixer peu à peu les éléments dissociés par l’alcool au tiers. C’est une méthode très générale sur laquelle j’ai insisté à plusieurs reprises, méthode de dissociation et de fixation qui réussit sur les éléments très délicats, comme la ré¬ tine. J’ai obtenu des préparations que le dessinateur pouvait re¬ produire telles qu’elles. étaient, et j’ai pu ainsi abandonner le système des schémas.

Quand les éléments ont été fixés par les vapeurs d’acide osmique, on peut ne pas employer les mêmes précautions pour substituer la glycérine au premier liquide additionnel. Les éléments sont métallisés par l’osmium et présentent une résistance notable. On peut employer le mélange de gélatine et de glycérine (glycérine et code de poisson), mélange de Deanoou deRodanowski. On observe alors que toutes les cellules caliciformes ne sont pas également modifiées; et cela se comprend : elles n’ont pas été toutes excitées de la même façon par le courant électrique, à cause de la disposition de l’œso¬ phage de la grenouille. Le tube a un diamètre inférieur à celui de l’œsophage distendu; celui-ci revient sur la sonde en formant des plis et les éléments situés sur la crête des plis sont excités beaucoup plus directement et plus fortement que ceux qui sont placés dans le creux des plis. Je crois que c’est la raison de la différence d’action. Mais la plupart des cellules de revêtement sont modifiées plus ou moins profondément. Il y en a un certain nombre qui s’éloignent tel¬ lement des cellules caliciformes par leur forme et leur structure que si l’onn’avait pas les intermédiaires sous lesyeux, onne les prendrait pas pour des éléments des glandes cellulaires muqueuses. Les unes sont des cylindres de protoplasma à extrémité supérieure mousse, renflés en un point de leur longueur et terminés en pointe. Dans le renflement est un gros noyau arrondi montrant un ou plusieurs nucléoles très marqués. Le protoplasma, granuleux, se colore en jaune par le picrocarminate et le noyau en rose. Les autres forment des cylindres plus larges avec une ouverture qui correspond à une cavité quelquefois irrégu¬ lière, anfractueuse et se prolongeant le plus souvent jusque dans la partie renflée au voisinage du noyau. Entre ces deux formes et celle bien connue des cellules caliciformes normales, on trouve toutes les formes intermédiaires.

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Il est clair que sous l’influence de l’excitation, le mucigène s’est modifié et a été expulsé pour constituer le mucus qui lubrifie la sur¬ face interne de l’œsophage. Il est clair que l’excitation électrique directe a agi sur le protoplasma et déterminé des mouvements, une contraction véritable qui ont concouru à l’expulsion de la matière éla¬ borée au sein de la cellule, c’est-à-dire du mucigène.

A ce point de vue, il y a lieu de comparer la glande unicellulaire, la cellule caliciforme, à une glande beaucoup plus compliquée que vous connaissez déjà, la glande séreuse de la peau des Batraciens Anoures. Nous avons vu que dans l’état de repos de la glande, il s’accumule au centre de l’utricule un liquide élaboré par les cellules épithéliales glandulaires et que, sous l’influence d’excitations méca¬ niques, électriques, directes ou indirectes, réflexes, en un mot, la capsule musculaire de la glande se contracte et expulse au-dehors, par le canal excréteur, le liquide élaboré pendant le repos. Je vous disais, a ce propos, que la sécrétion, comme doit l’entendre tout histologiste, consiste essentiellement dans l’élaboration du produit sécrété, que l’expulsion de ce produit est un phénomène d’excrétion; je vous disais aussi que les physiologistes, en général, désignent sous le nom de « secrétion » tout l’ensemble du phénomène, élaboration et expulsion du produit. Et cependant, bien souvent l’accumulation, l’élaboration du matériel de sécrétion est resté absolument inconnue pour eux et ils ont désigné sous le nom de sécrétion ce que nous histologistes, mieux renseignés, nous appelons phénomènes d’excré¬ tion.

Si nous examinons, en effet, par exemple une glande muqueuse et, qu’en l’excitant pendant une demi-heure par un courant moyen, nous déterminions l’expulsion du mucus d’un grand nombre de cellules ; si nous laissons ensuite l’animal se reposer pendant 2 ou 5 jours en le nourrissant, à une température convenable, il est certain que nous verrons le mucigène se reformer dans les cellules caliciformes dont il avait été complètement expulsé. Eh bien ! l’élaboration du mucigène dans la cellule pendant l’état de repos est essentiellement un phéno¬ mène de sécrétion. Nous dirons donc que ce que les physiologistes ont donné comme période de repos de la glande est sa période d’activité au point de vue de la sécrétion. La sécrétion correspond à ce qui est Je repos, pour les physiologistes, tandis que l’excrétion correspond à ce qui, pour eux, est la sécrétion.

Une question est soulevée par ces considérations : Est-ce que cette cellule caliciforme qui élabore du mucus ou du mucigène dans son intérieur, si elle n’est soumise à aucune excitation, ne produira pas, quand même, une excrétion du mucus par une sorte de regorgement?

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Au premier abord, on serait tenté de le croire. C’est possible après tout, mais ce n’est pas probable. Il est certain que pour les cellules caliciformes, les glandes uni cellulaires isolées dans le revê¬ tement épithélial, il est difficile de le savoir, parce que les muqueuses qui possèdent de ces cellules dans leur revêtement épithélial sont toujours lubrifiées par le mucus. On ne sait pas quand ce mucus est secrété ; on ignore s’il n’y a pas une sécrétion constante et con¬ tinue. Mais pour les autres organes qui ont un canal excréteur dans lequel on peut mettre un tube, on sait très bien que quand il n’y a pas d’excitation directe ou réflexe du nerf sécréteur, il n’y a pas d’excrétion. Par exemple, si l’on place un tube salivaire dans le canal excréteur de la glande sous-maxillaire d’un chien, le chien étant en repos, il ne sort rien, absolument rien, par le tube salivaire. Mais touchez la corde du tympan ou faites agir sur elle un courant même extrêmement faible, introduisez dans la bouche une substance sapide, une goutte de vinaigre, immédiatement la salive apparaît au bout du tube.

Par conséquent, il est probable qu’une certaine excitation sécré¬ toire, qui n’existe pas à l’état de repos, se produit pour déterminer la sécrétion. Ainsi, pour l’œsophage, la présence du bol alimentaire, qui agit directement, ou excite des nerfs de sensibilité qui réagissent sur le nerf sécréteur par le phénomène si connu des réflexes, déter¬ mine la sécrétion. Mais je 11e crois pas qu’en dehors de toute excita¬ tion, il se produise du mucus dans l’œsophage de la Grenouille.

J’arrive maintenant à d’autres glandes, les glandes utriculaires muqueuses de la peau des Batraciens Anoures.

Je ne connais pas de moyen d’exciter le nerf secréteur de ces glandes. O11 11e sait même pas si elles possèdent des nerfs sécréteurs ou excréteurs, li est probable, cependant, que ces nerfs existent. Mais avam. de vous parler des expériences que l’on peut faire sur ces glandes pour déterminer la modification que produit l’excitation directe, je dois d’abord vous exposer leur structure.

Elles sont largement répandues à la surface du corps. Mes expé¬ riences ont porté sur la Grenouille verte {Ranci esculentd). La lèvre supérieure de cet animal est relativement épaisse, et, si vous dissé¬ quez la Grenouille, vous verrez que la peau de cette région est dou¬ blée d’une couche connective assez épaisse dans laquelle il y a des glandes bien développées. G’est sur ces glandes du bourrelet de la lèvre supérieure de la Rana esculenta que j’ai fait mes expériences.

Une Grenouille verte étant sacrifiée, on peut très facilement, d’un coup de scalpel, enlever des fragments plus ou moins étendus de ce

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bourrelet. Ces fragments sont très petits : on les place clans l’acide osmique à 1 pour 100 et, quelques heures après, cet acide lésa com¬ plètement pénétrés. On peut faire des coupes, par exemple, perpen¬ diculairement au bord du bourrelet. Pour les faire convenablement, il faut opérer avec certaines précautions. On ne doit pas saisir les fragments entre des morceaux de moelle de sureau et les comprimer, parce que de cette façon on change les rapports de ces parties et l’on affaisse la cavité des glandes. Il vaut mieux plonger les fragments dans l’alcool et les monter dans le mélange de cire et d’huile, insérer le tout sur le bout d’un morceau de sureau entaillé en petit godet. On peut alors faire les coupes sans déformer les éléments ; on les traite ensuite par l’alcool, puis par l’eau, on colore avec le picrocarminate et l’on monte dans la glycérine.

On a ainsi des préparations extrêmement élégantes et très démons¬ tratives. Elles contiennent des glandes séreuses sur lesquelles je ne reviendrai pas, des glandes à venin que je décrirai plus tard, et des glandes muqueuses dont je dois vous parler.

Le revêtement épithélial est relativement épais et constitué par des éléments admirablement dessinés. La couche superficielle est formée de grandes cellules plates qui ont subi une kératinisation particulière. Au-dessous sont des cellules polygonales séparées par une striation scalariforme des mieux marquées : des cellules pigmentaires sont répandues çà et là. Du milieu de la couche superficielle sort le canal excréteur dont la première partie est limitée par des cellules plates semblables à celles qui forment la surface de l’épithélium. A ces cellules plates font suite, à mesure que le canal s’enfonce dans le revêtement, de petites cellules semblables à celles du canal excréteur des glandes séreuses. Ces petites cellules correspondent à la couche la plus profonde de l’épiderme de la Grenouille, qui est constitué par des cellules cylindriques. Généralement, cette région du canal est un peu dilatée. L’utricule glandulaire, qui lui fait suite, a ordinairement la forme d’un œuf. Les petites cellules du canal, avec leur caractère granuleux, se poursuivent sur une certaine étendue de la partie supé¬ rieure de l’utricule, formant une sorte de dôme. Les cellules muqueuses commencent au-delà de ce dôme et apparaissent comme de belles cellules caliciformes tapissant tout l’utricule glandulaire. Ces cellules ont leur noyau refoulé vers la base et plus ou moins ratatiné. Enfin, il y a une tunique musculaire comme dans les glandes séreuses.

Mais, dans le bourrelet de la lèvre supérieure de la Grenouille, il y a des glandes utriculaires muqueuses qui présentent de très grandes différences dans leur structure interne. Il y en a dans lesquelles le réticulum protoplasmique est tellement riche qu’il ne reste presque

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plus de place pour le mucigène. Il en résulte que les glandes parais¬ sent au premier abord des glandes granuleuses. Il faut y regarder de très près : on voit alors que ce sont seulement des glandes dont les cellules caliciformes contiennent beaucoup moins de mucigène que les autres, Enfin, chose curieuse, il y a de ces glandes presque toutes les cellules paraissent granuleuses, avec, au fond, un groupe de cellules caliciformes tout-à-fait typiques. On pourrait croire qu’il s’agit de glandes mixtes, et, sans doute, certains auteurs ont men¬ tionné les deux espèces de glandes dans la peau de la Grenouille, pensant que les unes se transforment dans les autres. Je ne le crois pas. Je pense que ces grandes glandes utriculaires dont le revêtement paraît granuleux sont des glandes muqueuses dans lesquelles la sécrétion du mucus est moins considérable que dans les autres.

Ces variations sont-elles en rapport avec des fonctions différentes ; avec le siège de l’utricule glandulaire, avec les saisons? Je serais bien embarrassé de répondre. Du reste, ce n’est pas ce qui m’in¬ téresse. Il suffit de bien connaître ces différences de structure des glandes muqueuses sur le même animal et, dans les expériences, de suivre la méthode comparative exactement, de ne tenir compte que des gros résultats, de ne pas s’arrêter aux détails et de ne voir que l’ensemble.

On curarise la grenonille avec 3 ou 4 gouttes d’une solution de bon curare au 1/1000; on enfonce dans le bourrelet labial une épingle à insectes qui traverse le bourrelet, à 1 centimètre à coté on enfonce une autre épingle. On met l’une en rapport avec un pôle, l’autre en rapport avec l’autre pôle de l’appareil à induction et on fait passer un courant d’intensité moyenne. Sous l’influence de ce courant on voit sortir du mucus de l'orifice des glandes muqueuses du bourrelet labial qui bientôt se couvre d’une couche du mucus. Pen¬ dant 2 heures j’ai poursuivi cette expérience pour avoir des modifi¬ cations plus tranchées. On pourrait la continuer plus longtemps, il est possible que les modifications soient plus profondes. Néanmoins, celles que j’ai observées sont parfaitement nettes.

Je dois vous dire d’abord que toutes les glandes muqueuses corres¬ pondant au côté excité ne sont pas modifiées également. Il y en a qui sont modifiées d’une manière presque complète et d’autres paraissent avoir résisté. Il est probable que cela tient au passage plus ou moins direct du courant. Mais prenons des glandes semblables, autant que possible, d’un côté et de l’autre. Je vous ai dit qu’elles contiennent des cellules caliciformes types avec noyau refoulé vers la base. Du côté excité, les cellules muqueuses ont encore ce caractère, mais elles sont beaucoup moins hautes, le noyau s’est gonflé et l’on voit

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distinctement le nucléole ; le protoplasma s’est étendu dans la cellule et a repoussé le mucigène. Ainsi, le résultat est le même, que nous considérions les cellules caliciformes contenues dans les glandes mu¬ queuses de la peau ou les cellules caliciformes isolées dans le revête¬ ment épithélial de l’œsophage de la grenouille.

Il est clair que nous avons affaire au même phénomène physiolo¬ gique, seulement il y a ici un peu plus de complexité. Voici pour¬ quoi : A l’état de repos, les cellules caliciformes élaborent dans leur intérieur le matériel de la sécrétion ou mucigène ; sous l’influence de l’excitation, le mucus du mucigène s’échappe de la cellule, phéno¬ mène d’excrétion, s’accumule dans la cavité glandulaire, et, peut-être sous l’influence de cette accumulation, et, par moments, par la con¬ traction de la tunique musculaire, le mucus accumulé s’échappe par le canal excréteur ; c’est la sécrétion des physiologistes, phénomène d’excrétion, comme aussi l’accumulation du liquide dans la cavité

glandulaire.

\ A suivre ).

Le parasitisme chez les Ciliés.

Leçons faites au Collège de France en 1887 par le Professeur G. Baldiani

(Suite1)

Nous avons maintenant à examiner les espèces parasites qui font partie de l’ordre des Infusoires Ciliés llétérotriches.

Les caractères généraux de cet ordre sont les suivants : le corps est entièrement cilié, comme chez les Holptriches, mais la conforma¬ tion de la bouche est différente. Tandis que chez les Holotriches la bouche est comme un simple enfoncement de la surface qui s’ouvre directement dans la substance interne, chez les llétérotriches la bouche est toujours précédée d’une sorte de galerie ciliée plus ou moins large et longue au fond de laquelle elle est située. C’est cette espèce de vestibule qu’on appelle péristome.

Un des bords de ce péristome, le bord gauche presque toujours,

(1) Voir Journal de Micrographie, t. X 1S8G, cl l. XI, 1887, p. 434.

Dr J. P. stèn.

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est garni d’une rangée de cils vibratiles qui est tantôt toute contour¬ née en spirale, comme chez les Stentors, ou seulement dans sa partie inférieure, comme chez les Spiros tomes, tantôt droite, comme chez les Bursaires, ou simplement flexueuse.

C’est à cette famille des Bursariés, dont le Bursaria triincatella est le type le plus parfait, qu’appartiennent les plus intéressants pa¬ rasites et, par exemple, les genres Balantidium et Nyctotherus, les plus importants des endoparasites. Ce genre Balantidium pré¬ sente même un intérêt tout particulier, parce qu’il renferme la seule espèce Ciliée qu’on ait trouvée endoparasite chez l’homme, le B. coli , qui vit dans l’intestin de l’homme et du porc. D’autres espèces se trouvent chez les Batraciens, la Grenouille, le Triton, etc. Enfin, une dernière espèce s’est choisi pour habitat le tube digestif de certains Vers, les canaux radiaires des Méduses ; c’est le B. Medusarum , qui est du reste une espèce douteuse.

Commençons par l’espèce la plus importante pour nous, le Balan¬ tidium coli de l’homme. Ce n’est pas, à proprement parler, un parasite de l’homme sain; on l’a trouvé dans certaines circonstances pathologiques, et l’histoire de ce Cilié, sous ce rapport, est exposée dans la plupart des traités de zoologie médicale moderne. On la trou¬ vera dans la 2e édition de F Histoire des Parasites de l’Homme de Leuckart (1879). (Dans la première édition, cette espèce est désignée sous le nom de Paramœcium coli). Je vous renverrai encore aux traités de M. de Lanessan, de M. Raphaël Blanchard, et ne m’éten¬ drai pas sur l’histoire médicale de ce parasite. Mais voyons d’abord ses caractères.

Les descriptions les plus exactes en ont été données par Stein (Orgranismtis, IL part. 1867) et par Leuckart (Hist. des Par. de VH. 2e éd. 1879, t. I.) Ces descriptions n’ont pas été faites sur des spéci¬ mens trouvés chez l’homme, mais chez le porc il est très fréquent et presque à l’état normal, tandis qu’il est assez rare chez l’homme. En raison même de cette rareté, ce sont les médecins qui ont eu le plus souvent l’occasion de voir ce Cilié. Il en résulte que ces des¬ criptions, données par des médecins et par des naturalistes peu ver¬ sés dans l’histoire des Infusoires, sont incomplètes et peu exactes ; aussi a-t-il été rapporté à une espèce autre que celle à laquelle il appartient, et Stein et Leuckart ne l’avaient pas d’abord rangé à sa vraie place et ce n’est qu’après qu’il a été découvert dans le porc que son histoire descriptive a pu être complètement faite par ces deux auteurs.

Lôwen avait classé ce parasite parmi les Paramæcies ; Stein, le pre¬ mier, l’a rapporté au genre Balantidium créé par Claparède etLacli-

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manu pour une espèce congénère qui vit dans la Grenouille, décrite elle-même comme un Bursarici entozoum par Ehrenberg, et devenue le Balantidium entozoum , type du genre auquel Stein a rapporté l’espèce qui vit chez l’homme et le porc.

La forme du corps varie suivant l’âge de l’animal. Chez les jeunes individus, et ici, à propos d’animacules qui n’ont pas de généra¬ tion sexuelle, ce terme s’applique aux produits de la fissiparité, sui¬ vant le temps qu’ils ont déjà vécu, chez les jeunes, le corps est fusiforme, très élargi dans la partie moyenne. L’animal est une fois et demie ou deux fois aussi long que large. Le bord droit, (gauche sur les figures qui représentent l’animal par sa face ventrale qui con¬ tient la bouche), est plus convexe et plus long que le bord gauche de sorte que le corps est tronqué obliquement de droite à gauche à sa partie antérieure, et n’est pas symétrique. L’extrémité postérieure est un peu pointue, mais s’arrondit plus tard. La longueur est de 70 à 100 y. et la largeur de 50 à 70 \x .

Le péristome commence au bord antérieur sous forme d’une petite dépression triangulaire qui s’étend sous la face ventrale en se recour¬ bant vers le bord droit, se rétrécissant graduellement pour se termi¬ ner à peu près vers le tiers antérieur de la longueur du corps. Il est donc très petit. Le bord gauche est muni d’une rangée de cils vibra- tiles plus longs que ceux qui garnissent le corps, tandis que le bord droit et le bord antérieur n’ont que des cils semblables à ceux du reste du corps. Sur la figure de Stein, la bouche n’est pas suivie d’un œsophage, car il pensait qu’il n’en existait pas. Mais Leuckart, au contraire, décrit l’œsophage comme un petit tube faisant suite à la bouche et s’enfonçant dans l’endoplasme.

Presqu’à la pointe postérieure du corps se trouve l’anus, qui est très visible, surtout quand on surprend l’animal au moment de la dé¬ fécation.

Le corps est couvert d’une cuticule rigide, assez épaisse ou même présentant un double contour, chez les vieux individus, parcourue par des stries fines revêtues de cils vibratiles. En dedans de cette cuticule, la substance propre du corps permet difficilement de recon¬ naître l’ectoplasme et IVndoplasine. L’endoplasme est ordinairement transparent, à moins qu’il contienne des aliments solides, car l’ani¬ mal paraît quelquefois ne se nourrir que des sucs de son hôte, mais chez les vieux individus on trouve souvent des ingesta solides et vo¬ lumineux, surtout chez ceux qui vivent dans le porc, qui contiennent des grains de fécule (pomme de terre). Dans les parasites de l’homme malade on a trouvé des globules sanguins, chez un homme affecté

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d’hémorrhagie intestinale. Ainsi, cette espèce avale souvent des ali- mens très volumineux.

Les vésicules contractiles sont au nombre de deux et placées vers le bord droit du corps, rune vers la partie moyenne, l’autre plus bas. Stein a vu quelquefois la ligne qui réunit les deux vésicules à l’inté¬ rieur se contracter ; elle apparait comme une lacune claire entre les deux vésicules. Il y a comme un canal lacunaire. La première vé¬ sicule en se contractant fait passer le liquide qu’elle contient dans la vésicule postérieure, et celle-ci le chasse par l’anus. Ceci est un peu problématique.

Le noyau n’a rien de particulier. C’est un corps ovalaire, quelque¬ fois réniforme, placé au milieu du corps. Le nucléole n’a pas pu être constaté. Cependant Wising dit Lavoir vu près du noyau, mais Wising est un médecin et ses observations peuvent n’être pas très exactes.

Stein représente un individu âgé (fig. 17, pi. XIV). Le corps est alors ovalaire et la dépression antérieure à peine marquée. Ces gros individus sont souvent remplis par des ingesta solides qui obscur¬ cissent la masse interne et rendent l’observation assez difficile, sur¬ tout pour le noyau. Leuckart a fait des observations intéressantes sur la manière dont l’animal ingère des proies solides, par exemple des grains de fécule. Le péristome, qui est ordinairement assez étroit, s’élargit considérablement, et c’est surtout la rétraction du bord gauche cilié, qui a une excursion plus longue que le bord droit, qui amène cet élargissement du péristome. Alors, on voit très nettement le petit œsophage courbe qui lui fait suite. L’animal glisse comme une limace à la surface des corps étrangers et fait pénétrer à mesure les grains de fécule ou les autres corps qu’il avale. Leuckart l’a surpris en ce moment, et l’a représenté.

Cet Infusoire se reproduit par fissiparité, comme cela a été observé d’abord par Stein, puis par Leuckart et par des médecins, Ekeckrantz, Wising, etc. Mais la meilleure description du phénomène a été donnée pour Stein et Leuckart. Il ressemble beaucoup à la division des autres Ciliés. Le corps s'allonge considérablement et atteint jusqu’à 150 et s’étrangle à son milieu. Quant aux modifications internes du noyau et du nucléole, elles sont les mêmes que dans la fissiparité des autres Ciliés. Extérieurement, il y a des particularités intéressantes. D’après Leuckart, quand le corps a commencé à s’étrangler à son milieu, on voit apparaître autour de la partie étranglée une ceinture ciliée qui n’embrasse que la face ventrale en s’étendant plus ou moins sur la face dorsale elle est interrompue. Sur le milieu de la face ven¬ trale, se montre une petite dépression, première trace de la nouvelle

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bouche, et la ceinture ciliée pénètre clans cette dépression dont elle tapisse seulement le bord gauche, de manière à constituer un petit péristome qui n’a qu’à grandir pour acquérir sa forme définitive. Les vésicules contractiles ne se divisent jamais, il s’en forme de nouvelles : la vésicule antérieure reste à l’animal antérieur qui se forme une vési¬ cule postérieur nouvelle, et la vésicule postérieure ancienne reste à l’animal postérieur qui se forme une vésicule antérieure nouvelle.

Quelques stades de conjugaison ont été observés non par des na¬ turalistes, mais par des médecins, Wising, par exemple. L’accolle- ment se fait par les péristomes et les corps restent entièrement libres par le reste de leur surface. On 11e connait pas d’autres détails.

On a observé aussi des kystes, qui ont été trouvés à la fois par Stein et par Leuckart, surtout dans le porc. Stein a reconnu que quand on examine sur une lame de verre un peu de matière fécale de porc contenant des Balantidium coli actifs, dès que ces animalcules com¬ mencent à se trouver dans de mauvaises conditions d’existence, par exemple quand on ajoute de l’eau aux matières, ils se mettent en boule, en s’enveloppant de leur cuticule qui sert de paroi au kyste. Dans l’intérieur de ce kyste, on voit que le corps de l’animal, plus ou moins rétracté, a abandonné la paroi interne du kyste et a perdu toutes les particularités de structure de l’animal libre, sauf sans doute le noyau. La formation du kyste a lieu aussi quand les excré¬ ments du porc se dessèchent ou pourrissent : les conditions d’exis¬ tence devenant mauvaises, les animaux s’enkystent.

C’est donc bien à l’état de kyste que ces parasites sont expulsés au dehors, comme les Opalines, pour la propagation. Quand les excré¬ ments, desséchés, sont réduits en poussière, cette poussière entraînée par les vents va tomber sur les matières alimentaires. L’homme ou l’animal qui les mange introduit dans son intérieur le B. coli. C’est une voie d’infection commune à l’homme et au porc. Mais en raison de l’abondance du parasite chez le porc, il faut penser que les condi¬ tions sont beaucoup plus favorables chez ce dernier et c’est peut-être dans certains cas de maladie seulement que ce Balantidium peut vivre chez l’homme, car il n’a guère été constaté que chez des hommes malades. C’est, pour la première fuis, le médecin suédois Malmstcn qui l’a trouvé, en 1856, dans les selles d’un jeune homme qui, deux ans auparavant, avait échappé à une attaque grave de choléra, mais était resté souffrant, avec des alternatives de constipation et de diarrhée accompagnée de ténesme. Malmsten, en examinant ce malade, vit, à un pouce au-dessus de l’anus, une petite ulcération produisant du sang et du pus qui, étudiés au microscope, montrèrent une quan¬ tité énorme d’ammaloulçs, Il les soumit à son compatriote lowen

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qui leur donna le nom de Paramœcium coli. Le malade guérit à l’hôpital de Stockholm, mais resta plus ou moins souffrant, continuant à rendre un liquide qui contenait des Paramœcium coli ; ceux-ci s’étaient, pour ainsi dire, acclimatés dans son intestin.

Depuis lors, on l’a revu plusieurs fois, surtout en Suède, en Russie, et aussi en Cochinchine un médecin-major de la marine, M. Treille, l’a trouvé chez un certain nombre d’officiers et de matelots pris de dy- sentérie et dont les selles contenaient ce Balantidium en grande quantité. Plus récemment, il a été signalé en Italie, par plusieurs observateurs, notamment Perroncito, dans les selles diarrhéiques d’hommes atteints de l’anémie des mineurs.

Il reste maintenant cette question : le parasite est-il la cause ou l’effet de la maladie? Cette question qui se présente chaque fois qu’on trouve un parasite n’est pas encore tranchée ici. Chez le porc, le parasite est très commun est très abondant, il ne cause aucun phéno¬ mène pathologique, mais ce n’est pas une raison pour qu’il en soit de même chez l’homme. On peut admettre avec Leuckart que déve¬ loppé en très grand nombre il peut amener un état irritatif sur la muqueuse, état qui peut produire des sécrétions morbides. Je ne crois pas cependant qu’on puisse le plus souvent attribuer la* cause de ia maladie à ce parasite, car on l’a constaté aussi chez des typhiques, et le typhus n’est certainement pas causé par le Balantidium coli , ainsi que dans un grand nombre d’affections très différentes, dyssen- teries, diarrhées persistantes, ulcérations simples de l’intestin, etc. 11 faut donc plutôt voir dans sa présence l’existence de conditions qui favorisent son entretien et sa multiplication, comme la production d’abondantes secrétions muqueuses par l’intestin.

Le Balantidium entozoum existe dans nos deux espèces de gre¬ nouilles communes, mais plus souvent dans la grenouille verte (Ra?ia esculenta ). C’est un des Infusoires Ciliés connus depuis le plus longtemps. Leeuwenhoek l’a reconnu en 1685 dans les excréments frais de la grenouille et on a donné une bonne description pour le temps dans ses opéra om?iia[\122) : « Animalcula in stercore Rana- rum. » C’est le Bursaria cntozoon d’Ehrenberg, qui devint plus tard le Balantidium entozoum , type du genre créé par Claparède et

Lachmann.

Cette espèce se distingue immédiatement de la précédente par sa grande taille (100 à 120 y.). On rencontre quelquefois parmi les popu¬ lations de cet Infusoire des individus d’une taille énorme, i ou 5 fois plus gros que ceux qui nagent avec eux dans les matières intestin des. Ce sont de vrais géants. Stein en a représenté dans son Organismus (PI. XIII) qui ont jusqu’à 5/10 de millimètre de longueur.

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Mais dans l’animal tel qu’on le rencontre d’habitude, le corps est piriforme, le péristome, étroit, plus long que dans l’espèce précé¬ dente, s’étend jusque vers le milieu du corps. De tous les Balanti¬ dium connus, c’est évidemment celui dont le péristome se rapproche le plus du péristome type des Bursariés. Le bord gauche présente des cils vibratiles plus longs et plus forts, mais il y a un détail particulier que Stein nous a fait connaître. Sur le bord gauche du péristome, au-dessus de la rangée ciliaire, est une membrane d’abord très étroite et qui s’élargit progressivement vers la partie postérieure sous forme d’une languette triangulaire, membraneuse et transparente prolongeant la lèvre gauche du péristome ; et, au point ou elle se réunit à la lèvre même du péristome est l’insertion des cils qui est ainsi recouverte par cet hypostome dont la portion élargie recouvre la partie posté¬ rieure de la bouche, de sorte que les cils buccaux ne peuvent pas battre en arrière et sont toujours obligés de rester dans le plan, excepté pour la partie antérieure, la membrane est plus étroite.

L’anus est à la partie postérieure du corps, mais ce n’est pas un anus préformé. Les vésicules contractiles sont au nombre de quatre, en deux paires : une paire vers la gauche et une paire à droite. La paire gauche est plus en avant que la paire droite. Ici encore, Stein a cru voir un canal lacunaire réunissant les vésicules contractiles d’un même côté, et sur la ligne représentant ce canal il a vu apparaître une série de petites vacuoles qui se formeraient, par moments, par les dilatations du canal. Le noyau n’a rien de particulier ; il est ac¬ compagné d’un nucléole quelquefois presqu’aussi volumineux que lui et présentant un aspect strié, comme dans la première phase de la conjugaison, mais ici en dehors de toute phase de conjugaison. Est-ce une hypertrophie du nucléole? Il a été surtout vu chez les petits individus, par Stein qui pense que ces animalcules sortent de se con¬ juguer.

Les mœurs de ce parasite sont à peu près les mêmes que celles du B. coli. Sa nourriture consiste en débris alimentaires contenus dans l’intestin ou même en d’autres parasites qui vivent à côté de lui, comme les Nyctotherns , les Opalines, les œufs de certains Distomes, les Dictomum clavigerum, D. cylindraceum \ (ce dernier vit dans le poumon de la Grenouille mais ses œufs passent par l’intestin). On en a trouvé aussi qui ne montrent pas d’ingesta solides et qui paraissent se nourrir en absorbant les parties liquides du contenu de l’intestin. Isolés sur le porte-objet avec de l’eau pure, ils sont presqu’immédia- tement tués ; l’eau salée prolonge un peu leur vie, mais le mucus in¬ testinal est leur milieu naturel.

La reproduction, par fissiparité, a été étudiée par Stein avec beau-

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coup de détail. Le phénomène ressemble beaucoup à celui que Leuc- kart a constaté chez le Balantidium coli. Je ne parle pas du noyau et du nucléole qui n’offrent rien de particulier, mais quand l’animal commence à s’étrangler au milieu, on voit apparaître une ceinture de cils vibratiles qui n’entoure que le côté gauche, et, à mesure que l’étranglement fait des progrès, la ceinture se rétrécit et les deux bords se rapprochent et quand l’étranglement est assez avancé, les deux bouts de la ceinture se rejoignent sur la ligne ventrale. Les deux animaux se séparent ; l’individu postérieur ne possède alors qu’un péristome très incomplet et tout à fait terminal dont la branche gauche descend plus bas et s’avance plus loin que la droite. Stein n’a pas suivi le phénomène au-delà de ce stade, mais on peut supposer que la branche gauche du péristome s’avance encore plus loin vers la branche droite entraînée dans le mouvement, pour compléter le péristome. On peut comprendre aussi, théoriquement, la formation de l’hypostome : la cuticule qui passe sur la lèvre gauche forme une saillie qui s’avance au delà de cette même lèvre et constitue une lamelle triangulaire.

En somme, le phénomène rappelle beaucoup ce qui se passe dans la fissiparité du Balantidium coli. Stein a observé aussi quelques phases de la conjugaison, mais sans aller très loin. Les deux ani¬ maux se fusionnent par le péristome seulement, le bord gauche res¬ tant libre. Les deux corps restent libres aussi, comme chez tous les Ciliés qui ont la bouche terminale ou subterminale. Stein ayant ob¬ servé chez quelques individus qu’il examinait deux gros corps sphé¬ riques, dans la masse interne, a supposé que c’était des embryons, des sphères embryonnaires comme celles qu’il avait décrites dans d’autres Infusoires. Ces prétendus embryons ne sont probablement encore que des parasites, comme nous l’avons déjà vu. Mais il fut encouragé dans cette manière de voir quand il découvrit de petits individus, presque sphériques, encore sans bouche, ou n’ayant qu’une bouche rudimentaire, qui se rencontrent en grande quantité mêlés à la foule des parasites ordinaires. 11 crut que c’était des jeunes qui venaient de sortir du corps de leurs parents. Il trouva un nouvel argument en faveur de sa théorie, et vous pouvez remarquer avec quelle habileté il trouvait des raisons pour la défendre.

Incidemment, Stein dit avoir observé chez la Grenouille un Infu¬ soire parasite qu’il ne put définir, mais que Liebcrkühn plus tard reconnut pour le Balantidium entozoum. Stein dit avoir vu dans la partie postérieure de cet animal, une grande poche, qu’il appelle « utérus », renfermant un grand nombre de petits qui s’agitaient ei s’échappaient pour aller nager à l’entour. Il pensait que l’Infusoire se

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reproduisait ainsi par des petits vivants. Il ne pouvait pas trouver un meilleur argument en faveur de ses idées. Tous ces faits sont incom- plètement observés et doivent être relégués dans ITiistoire du parasi¬ tisme.

Le Balantidium elongatum , découvert par Stein dans l’intestin du Triton tæniatus , a la forme plus allongée, pointue à ses deux extré¬ mités et présente quelques analogies avec certaines Oxytrichines ; mais le corps est rigide, non contractile, et l’animal se meut tout d’une pièce. Le péristome est relativement court, avec le bord gauche cilié. Il y a deux vésicules contractiles, Tune dans la moitié antérieure du corps, l’autre vers la partie postérieure. Le noyau et le nucléole n’ont rien de particulier. Je ne vous dirai rien de plus sur cet animal que, pour ma part, je n’ai jamais vu.

Le Balantidium duodeni , découvert encore par Stein, présente des faits plus curieux. D’abord, son habitat: il vit dans la partie de l’intestin grêle qui suit l’estomac, tandis que toutes les autres espèces habitent le gros intestin et même le rectum, elles vivent mêlées aux matières intestinales. G est, je crois, le seul Cilié constaté dans le duodénum, il se trouve quelquefois en grande quantité, chez la Grenouille verte, et surtout chez les Grenouilles des environs de Prague, dont l’intestin est farci de ce parasite.

Ses caractères morphologiques sont assez différents : le corps est ramassé, court, trapu, quelquefois triangulaire mousse, ou en amande. Son péristome arrive jusqu’à la moitié du corps ; il est par conséquent grand. Le bord gauche en est cilié. Il n’y a qu’une seule vésicule contractile, à la partie postérieure, vers le bord droit. Non loin de la vésicule contractile est un petit noyau arrondi qui n’a rien de remar¬ quable. Les cils vibratiles sont beaucoup plus longs que dans les autres espèces, ce qui permet à l’animal d’exécuter des mouvements très vifs dans le liquide de l’intestin. Quant à la reproduction, Stein a observé une seule fois un animal en voie de fissiparité, ce qui est le contraire de ce queSaville Kent lui fait dire, mais c’est une erreur de cet auteur.

Le Balantidium Medusarum a été trouvé par Mereschkowski dans des Invertébrés du nord de la Russie, les BougainvAllia , Eucope , Brada et autres Annélides de la Mer blanche. C’est un animalcule de très petite taille, ayant une forme cylindrique avec les deux côtés op¬ posés presque parallèles, l’extrémité postérieure arrondie et l’extré¬ mité antérieure tronquée de gauche à droite. Le péristome, qui s’avance vers le milieudu corps, a le bord gauche cilié. Le noyau et les deux vésicules contractiles n’offrent rien de particulier. Le système ciliaire présente des cils très longs et très espacés, L’animal ressemble

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ainsi beaucoup aux Pleur onemci. Les cils sont insérés sur des stries ou côtés qui parcourent le corps longitudinalement, très visibles et réunies par des lignes transversales moins marquées, de sorte que Fanimal présente une surface comme quadrillée. La reproduction n’a pas été observée.

Le corps, flexible, très délicat, se détruit facilement ; il a 16 à 20 de longueur.

Cette espèce ne rappelle donc que de loin les autres Balantidium et il est probable qu’elle ne doit pas être maintenue dans ce genre. Du reste, Mereschkowski ne l’y a rapportée qu’avec un point d’in¬ terrogation. (Protozoaires du Nord de la Russie, Arch. f. Mikr. Anat. T. XYI, 1879).

Un second genre important appartenant aussi à la famille des Bur- saires est le genre Nyctotherus (bête de nuit, en raison du séjour obscur se passe la vie de cet Infusoire) fondé par le naturaliste Leidy, en 1849, pour une espèce rencontrée dans l’intestin d’un Alyriapode, le Juins marginatus .

En 1850, il observait dans l’intestin de la Blatte, un Nyctotherus ovalis , espèce entrevue par Siebold en 1859. Plus tard, Stein qui ne connaissait pas le travail de Leidy, la découvrit à son tour et l’appela Bursaria Blattarum en signalant sa ressemblance avec le Bursaria cordiformis de la Grenouille, décrit par Ehrenberg. Enfin Gyôry le re¬ connut aussi et ne lui imposa pas de nom. Après avoir subi des vi¬ cissitudes synonymiques racontées en détail dans la deuxième partie de VOrganismus de Stein, le genre Nyctotherus fut définitivement cons¬ titué avec ces quatre espèces et ia coupe générique créée par Leidy pour les deux espèces trouvées par lui dans Pluie et dans la Blatte se trouva consacrée. A ces quatre espèces, AL Kunstler en a ajouté une cinquième, le Nyctotherus Duboisii. (Journal de Micrographie T. A' III, 1884), si toutefois cette espèce est nouvelle et ne se rapporte pas à une de celles qui étaient antérieurement connues.

Toutes ces espèces vivent dans l’intestin des Batraciens et de divers Articulés. Voici quels sont leurs caractères généraux.

Ce sont des Infusoires de taille moyenne, de 100 à 200 y. ; le corps est ovalaire, quelquefois un peu réniforme, aplati de la face ventrale à la face dorsale. Leidy, comme AL Kunstler, considère l’animal comme aplati latéralement, par conséquent regarde connue face ventrale, le bord qui, pour Stein, porte la bouche, et comme face dorsale, le bord opposé. Ce mode d’orientation ne me parait pas très justifié, et Stein, qui l’avait adopté un moment, y a renoncé ; aujour¬ d'hui tous les auteurs orientent l'animal comme le fait Stein. Les

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extrémités sont ordinairement arrondies ou un peu atténuées, dans quelques espèces. Le bord droit, la bouche étant en dessous, est à peu près parallèle à l’axe longitudinal du corps, tandis que le bord gauche est fortement convexe et présente souvent une petite échan¬ crure au milieu, point est située la bouche, ce qui donne un peu à Panimal la forme d’un rein.

La cuticule, assez solide et épaisse, présente des stries très fines portant les cils vibratiles et dont la direction varie d’une espèce à l’autre, direction qui n'est pas toujours la même sur la face ventrale et sur la face dorsale. Le péristome qui a une forme assez semblable chez toutes les espèces, commence aune certaine distance du bord an¬ térieur du corps, suit le bord droit jusque vers le milieu, s’incline en dedans et présente une courbure à concavité dirigée à droite il se continue par un œsophage. Le péristome présente deux bords, un bord dorsal qui se confond avec le bord droit du corps et un bord ventral placé un peu en retrait et qu’on voit par transparence quand on regarde l’animal parle dos. En avant, les deux bords se réunissent en arcade, s’avancent parallèlement jusque vers le milieu du corps, et s’enfoncent ensemble dans la bouche après la courbure que je vous ai indiquée, pour se continuer avec l’œsophage. Le bord ventral est muni depuis son origine d'une rangée de cils assez forts qui se con¬ tinuent à travers la bouche avec la rangée de cils œsophagiens laquelle se poursuit jusqu’à l’extrémité de l’œsophage.

La bouche est une excavation située à peu près vers le milieu du corps. L’anus présente des particularités très intéressantes, il est toujours très visible, même en dehors du moment l’animal expulse des excréments. Il apparaît toujours comme une dépression aboutis¬ sant à un petit canal qui se dirige vers le bord droit, c’est à dire vers le côté qui porte la bouche. 11 y a donc un anus à parois épaisses béantes, limitant une sorte d’intestin anal. C’est un détail remarquable dans tout ce genre. Mais, ici, se présente une question très impor¬ tante : comment se comporte ce canal anal à sa terminaison supé¬ rieure ? Stein et tous les auteurs le représentent comme s’ouvrant directement dans le plasma, mais on peut se demander s’il ne va pas au delà, s’il n’est pas suivi d’un prolongement qui, peut-être, se met en communication avec l’œsophage, de manière à constituer un tube digestif complet, de la bouche à l’anus. C’est une question qui est loin d’être résolue actuellement, cependant nous avons fait quelques préparations qui montrent que ce canal se prolonge au deià de sa terminaison apparente et se continue en un tube extrêmement délicat, plus ou moins entortillé, lequel se met en communication avec l’œso¬ phage de manière à constituer un tube digestif complet.

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Je vous ai déjà parlé des observations intéressantes faites sur ie tube digestif des Vorticelliens par Greeff et Mereschkowski qui ont montré que ce qu’on appelle le pharynx se continue en un canal beaucoup plus fin et plus étroit qui vient se perdre dans le plasma et que j’ai proposé d’appeler canal de Greeff. Peut-être va-t-il jusqu’à l’anus ? Mais les observations manquent. Je vous rappellerai encore le Didi- nium nasutum , ce singulier Infusoire chez lequel j’ai démontré l’existence d’un vrai canal digestif depuis la bouche jusqu’à l’anus, traversant tout le corps en ligne droite. La réalité de ce tube qui a été vivement contestée a été appuyée par les observations de Biitsehli, Gruber, etc., sur la structure réticulée du protoplasma, et nos pré¬ parations de Nyctotherus apportent un nouvel argument en faveur de cette thèse. Vous pourrez y voir, en effet, des globules de sang avalés par l’Infusoire et qui paraissent évidemment placés dans un espace particulier, comme un tube pelotonné, autour duquel est la masse granuleuse formée par le plasma.

La vésicule contractile a, chez toutes ces espèces, une situation fixe à la partie postérieure du corps, vers le bord droit, non loin de la terminaison anale; on voit d’autres vacuoles aqueuses, mais qui ne se contractent pas. Stein pense que cette vésicule épanche son contenu dans le canal anal avec lequel elle communiquerait par un petit con¬ duit, mais les preuves qu’il en donne ne me paraissent pas bien dé¬ monstratives.

Le noyau est un corps ovalaire, en cordon court ou en boudin, placé transversalement ou obliquement, accompagné dans quelques espèces d’un nucléole qu’on n’a pu voir dans d’autres espèces.

.L’espèce la plus anciennement découverte est le Nyctotherus cor¬ diformis, qui vit dans les Batraciens, la Grenouille. C’est un des Infusoires connus depuis le plus longtemps. Leeuwenhoek l’avait déjà vu dans l’intestin des grenouilles et décrit dans ses Opéra omnia en 1722 (. Animalcula in stercore Ranarum). Il a été vu aussi par d’autres auteurs, et Ehrenberg l’a décrit sous le nom de Bursaria cordiformis en 1858. Stein l’a fait rentrer sous le nom de Nyctotho - terns cordiformis dans le genre Nyctotherus, créé par Leidy quelques années auparavant. Il habite en grandes quantités l’intestin ue nos deux espèces de Grenouilles les plus communes [Rana esculenta et R. temporaria). Stein dit l’avoir trouvé aussi dans le Sonneur à ventre rouge (Rombinator ignens ), dans la Rainette (Hyla arborea) et dans le Crapaud commun [Bufo vulgaris ou cinereus).

Son corps est ovalaire, un peu atténué à la partie postérieure, plu arrondi à l’extrémité antérieure, et ne présente pas de détails parti

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culiers. Cependant, Stein a fait une observation curieuse et intéres¬ sante, car il s’agit d’une particularité spéciale à cette espèce. Une soie rigide, assez forte, implantée dans la partie postérieure de l’œsophage, se dresse en passant par la bouche. Nous avons pu vérifier l’existence de cette soie, qui est très réelle. Elle n’est pas vibratile. Stein pense qu’eile sert à conduire les aliments vers la bouche. Vous savez que chez les Yorticelliens il y a aussi une soie, dite soie de Lachmann qui parcourt toute la longueur de l’œsophage pour sortir au dehors; elle est l’analogue de la soie des Nyctotherus.

La substance du plasma ne présente, dans les conditions ordinaires rien de particulier. Elle est finement granuleuse, réticulée, comme chez les autres Infusoires, mais elle peut prendre, dans certaines circonstances, une apparence singulière, apparence rayonnante ou radiaire, déterminée par des lignes de granulations au centre des¬ quelles le noyau, devenu plus gros, semble composé par un cordon pelotonné sur lui-même, formant des circonvolutions très pales et très transparentes car on peut voir au travers la face opposée du corps. Qu’est-ce que cette masse pelotonnée qui semble remplacer ici le noyau ? Stein a trouvé plusieurs exemplaires présentant cette ap¬ parence radiaire du plasma avec noyau pelotonné, et surtout chez des très jeunes Grenouilles qui avaient encore la queue du têtard. 11 sup¬ pose que ces individus sortent de se conjuguer et que cette structure résulte d’une fécondation du noyau que les spermatozoïdes sortis du nucléole. Ce sont des idées qu’il faut abandonner aujourd’hui. Vous vous rappelez la théorie dont je vous ai déjà parlé. Stein pensait, sans l’avoir observé, mais par analogie avec ce qu’il avait vu chez d’autres espèces, que ce peloton nucléaire se déroulait plus tard en un long cordon qui se divisait en fragments lesquels devenaient ce qu’il appe¬ lait des embryons. Ainsi, il était toujours prêts à ramener a ses idées les faits singuliers qu’il observait.

Ces faits n’ont pas été revus jusqu’à l’année dernière M. Aimé Schneider les a observés. Il pense qu’il s’agit d’une conjugaison.

Pour M. Schneider le noyau se divise en un grand nombre defrag- ments, ou chromatosphérites, qui se dispersent dans tout le corps. Ces chromatosphérites sont des granulations qui existent dans le noyau et qui se retrouvent dans les fragments. Ces petits corps proviennent donc bien du noyau. Qu’est devenu le nucléole? M. Schneider l’ignore, mais parmi les fragments du noyau il a vu ilenx petites masses différentes, se colorant très peu, montrant par leur analogie avec le plasma nucléolaire, et contenant un mince filament pelotonné. D’abord placées dans la partie postérieure du corps, ces deux petites masses s’avancent, en grossissant, vers la

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région qu’occupait l’ancien noyau et prennent l’aspect pelotonné qu’offrait ce dernier. Quant aux fragments granuleux, ils se résorbent peu a peu sur place et disparaissent [Tabl. Zool. 1886).

Les observations de M. A. Schneider n’ont pas été plus loin. Il s’est demandé d’où venaient ces deux masses pelotonnées, et il est tenté de croire qu’elles proviennent d’une segmentation du nucléole. Je crois qu’il en est ainsi et, bien que l’observation directe n’en ait pas été faite, je pense qu’il est facile de la compléter en raisonnant par analogie. Qu’est-ce que ces deux masses? Ce sont deux frag¬ ments qui proviennent bien évidemment de la segmentation du nucléole dont l’un est destiné à former le noyau nouveau, tandis que l’autre deviendra le nouveau nucléole. Ü y a un phénomène qui ressemble beaucoup à ce qui se passe dans la forme la plus simple de la con¬ jugaison, chez les Cliilodon , par exemple, sauf que les deux corps ne présentent pas l’aspect filamenteux. Mais c’est une structure plus apparente que réelle, car on voit avec des forts grossissements une réticulation très évidente dans ces nouveaux noyaux. C’est un fait sans doute général chez tous les Infusoires.

Le Nyctotherus cordiformis se reproduit par division. Le péris- tome prend un très grand développement et apparaît de très bonne heure dans l’individu postérieur. L’ancien péristome change de direc¬ tion avec l’œsophage qui lui fait suite ; il se placé plus verticalement et arrive presque dans la région postérieure. M*ais ce sont des faits sans grande importance. Stein les a observés plusieurs fois et il a vu la division du noyau.

suivre )

LES OBJECTIFS (1)

(Suite)

On reconnaît enfin que si, comme nous l’avons vu plus haut, un objectif à eau dont l’ouverture angulaire est de 97° et l’ouverture numérique 1, et un objectif homogène de 82° d’ouverture angulaire ou d’ouverture numérique égale aussi à 1, correspondent à un objectif à sec de 180° d’ouverture angu¬ laire avec ouverture numérique égale à 1, tous les objectifs à eau qui ont une ouverture angulaire plus grande que 97° et tous les objectifs homogènes dont

(1) Extrait de l 'introduction, de les Diatojjées, histoire naturelle, classification description des principales espèces par le Dr J. Pelletas ( sous presse).

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l’ouverture angulaire est plus grande que 82° correspondent à des objectifs à air dont l’ouverture angulaire serait plus grande que 180°.

Or ce résultat parait absurde. On ne comprend plus un objectif dont l’angle d’ouverture serait plus grand que 180°, ce qui, en effet, est irréalisable dans la pratique avec les objectifs à sec. C’est précisément ces considérations qui ont amené de longues et vives discussions entre les micrographes sur ce qu’on a appelé la question de V ouverture . Et c’est aussi une des raisons qui ont amené le prof. Abbé a abandonner la notion de l’ouverture angulaire, laquelle n’a plus de sens à une certaine limite, pour la remplacer par celle de l’ouver¬ ture numérique qui s’applique à tous les cas.

M. Abbé a inventé un instrumentait apertomètre , qui permet de mesurer l’ouverture numérique des objectifs (1).

On comprend que nous ne pouvons entrer ici dans les détails d’optique géo¬ métrique que soulève celte question de l’ouverture numérique et nous ren¬ verrons pour plus de développement sur ce sujet aux ouvrages spéciaux (2). Nous ajouterons seulement que, dans la pratique, l’ouverture numérique la plus considérable des objectifs à sec est ordinairement environ 0,95, ce qui correspond à ce qu’on appelait naguère une ouverture angulaire de 140°. L’ouverture numérique des objectifs à immersion dans l’eau est ordinairement de 1,10 à 1,20, et celle des objectifs à immersion homogène, va à peu près de 1,20 à 1,43.

Pour que la définition et la résolution soient au maximum de pouvoir, il faut que l’ouverture numérique de l’objectif soit représentée par un chiffre élevé. En effet, puisque cette quantité est le produit de l’indice de réfraction du milieu dans lequel fonctionne l’objectif par le sinus du 1/2 angle des rayons incidents extrêmes dans un même milieu, l’indice ne changeant pas, ce produit est d’autant plus grand que le sinus est plus grand, c’est-à-dire que l’angle lui-même des rayons extrêmes est plus grand.

Et il faut que cet angle soit grand pour que l’objectif admette et superpose dans l’image un plus grand nombre des spectres de diffraction que forme la lumière en traversant l’objet à fine structure que l’on examine.

On sait aussi, en effet, que le professeur Abbé a établi, sur des expériences probantes, une nouvelle théorie delà formation des images dans le microscope, théorie que nous ne pouvons exposer ici, mais que nous résumerons en quel¬ ques mots (3).

(1) Voir Journal de Micrographie 1881.

(2) On doit avouer que les ouvrages ces questions sont traitées d’une ma¬

nière intelligible pour le plus grand nombre des lecteurs sont fort rares. C’est une lacune que nous avons essayé de combler dans notre petit livre : Théorie du Microscope d’après les idées actuelles ( Sous presse). J. P.

(3) E. Abbé, Beitrfige zur Théorie des Mikroskops etc. ( Arch . für mikr. Anal., IX, 1873, p. 413 et Monthly Micr. Journal, XIV, 1875).

Hclmhollz : Die theorctische Grcnze fur die ï eistungsfahhigkeit des Mikros¬ kops, {Ann. de Poygendorf , 1874, Jubelband, et Month. Micr. Journ. XVI, 1876).

E. Giltay : Inleiding to het gebruik van den Microscoop, Leiden 1885.

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On admettait autrefois que, dans le microscope, l'objectif avait pour fonction ae former, par les simples lois de la réfraction dans les lentilles, une image réelle, renversée et agrandie de l’objet, image que recevait l’oculaire et qu’il agrandissait de nouveau fonctionnant comme une loupe.

D’après M. Abbé, « lepremieracte de l’objectif consiste plutôt dans la for¬ mation d’une image virtuelle à distance infinie avec des rayons parallèles. Le second acte comprend la réfraction ultime à travers la face postérieure de l’ob¬ jectif et les autres réfractions qui se produisent dans l’oculaire, réfractions par suite desquelles l’image se forme, à la distance delà vision distincte, avec des rayons visuels divergents. Le premier acte répond simplement à la fonction d’une lentille grossissante ordinaire, tandis que le second répond à la fonction d’un télescope (avec un objectif de petite ouverture) auquel sert d’objet l’image virtuelle, à distance infinie, formée par le premier processus. »

C’est ainsi que se produit, autrement qu’on l’exposait, mais toujours parles lois de la réfraction, l’image générale donnant la forme et les contours de l’objet. Mais pour la production, dans l’image, des fins détails de structure de l’objet, interviennent des phénomènes de diffraction, analogues à ceux qui se produisent dans les réseaux.

On appelle réseaux une surface présentant des bandes ou des stries extrê¬ mement serrées, alternativement opaques et transparentes, telles qu'on les produit, par exemple, en traçant sur une lame de verre, avec un diamant, une série de raies très rapprochées, comme cela se fait dans la fabrication des micromètres ; les raies dépolies sont opaques, tandis que les espaces entre les raies sont transparents. Si l’on regarde un point lumineux, comme la flamme d’une bougie, à travers ce réseau, on 11e voit pas seulement une flamme, mais une série d’images de la flamme, de chaque côté de celle-ci. sur une ligne perpendiculaire à la direction des stries du réseau. Et ces images sont étalées, colorées des couleurs du spectre, d’autant plus étalées et d’autant plus éloignées les unes des autres que les stries du réseau sont plus rapprochées Ce sont des spectres de diffraction.

Or, pour qu’un objectif fournisse l’image des fins détails d’un objet, stries, ponctuations, telles qu’il s’en trouve, par exemple, sur les Diatomées il faut qu’il ait une ouverture suffisante pour recevoir, et faire concourir à la formation de l’image, le plus grand nombre de ces pinceaux diffractés par les détails de la fine structure. Et il faut admettre que plus l’objectif utilise de ces pinceaux diffractées, plus l’image qu’il fournit est conforme à l’objet, plus, par conséquent, l’objectif définit et résout.

Le professeur Abbé, à l'aide d’un objet ou test préparé artificiellement, une petite lame d’argent portant des lignes gravées à la machine à diviser, test dont la structure est ainsi connue, a démontré, que quand on arrête, avec des diaphragmes convenablement établis, tels ou tels des spectres de diffrac¬ tion produits par le test, on obtient des images absolument différentes et dont aucune ne représente la réalité. Quant au pinceau central qui donne une image par réfraction, il ne fournit que la représentation de la forme générale, des contours du test.

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Il en résulte que le même objet à fine structure peut fournir des images différentes selon l’objectif avec lequel on l’examine et des images qui peuvent ne pas représenter la réalité. De même, des objets différents peuvent, suivant l’objectif, donner des images semblables.

El, en définitive, on n’est pas certain que l’image d’un objet vu avec le microscope représente cet objet tel qu’il est réellement (1).

Maintenant, peut-on espérer qu’en créant des objectifs à ouverture de plus en plus grande, admettant le plus grand nombre possible des spectres de diffraction fournis par un objet à structure très fine, on pourra arriver à dis¬ tinguer, à résoudre, , comme on dit, des détails de plus en plus fins de cette structure? Non : il y a une limite à la visibilité. Ainsi deux stries d’une Diatomée qui seraient l’une de l’autre à une distance plus petite que 36o0 de millimètre ne pourraient plus être résolues et l’œil ne les séparerait plus. Cette limite de la visibilité a été calculée par Helmboltz qui a trouvé qu’elle est donnée par la formule.

_ X__

2 sin a

C’est à dire que £, la plus petite distance résoluble avec le microscope, est égale au quotient de la longueur d’onde X de la lumière dans laquelle on opère divisée par le double du sinus de l’angle a que font les rayons incidents avec l'axe optique.

Ainsi, si l’on prend la partie la plus lumineuse du spectre, le jaune dans le voisinage du vert, la longueur d’onde X est 0 mm. 00055, si l’on suppose un angle d’ouverture maximum, 180°, a est égal à 90° dont le sinus est 1 ; la formule donne alors les valeurs numériques suivantes.

£ = --^5^ = 0mm. 000275 = TTrirrr de millim.

2 dbdb

L’agrandissement de l’ouverture des objectifs ne saurait, d’ailleurs, être indé¬ fini. S’il augmente, comme nous venons de le voir, le pouvoir résolvant des objectifs, il diminue la pénétration et réduit la distance frontale, c’est-à-dire la distance entre l’objet et la face inférieure de la lentille antérieure ou fron¬ tale , laquelle distance, dans les très forts grossissements, devint tellement petite que l’objectif est d’un emploi fort incommode et qu’on a la plus grande difficulté à trouver des couvre-objets assez minces pour permettre la mise au point.

Du reste, il y a une relation forcée entre l’ouverture et le grossissement. On

(1) Consultez pour plus de détails, outre les ouvrages précédemment cités :

Dippel. Das Mikroskop, and seine Anwendung Ed. Braunschwoig, 1882.

Fr. Crisp. On the influence of the diffraction in microscopie vision, (Journ. Quekctt Nier- Club , 1878).

E. Abbé. Ucbcr die Grcnzcn der gcomctrischen Optik. ( Jen . Zeitsch f. iïaturwiss. XIV, sup. II. 1, Iena, 1881).

F. Crisp. Notes on apcrlure. microscopie vision, (Journ. IL Nie. L. Soc. T. 1, 1881, Trad. dans Journ. de Micrographie VI, 1882.)

J. Pelletai). Théorie du Microscope, in-8°, 1888.

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comprend qu’une grande ouverture, qui augmente le pouvoir résolvant, n’est utile que lorsqu’elle est accompagnée d’un grossissement suffisant. Et réci¬ proquement, un très fort grossissement n’est utile que s’il est accompagné d’un grand pouvoir résolvant. M. Abbé a déterminé mathématiquement le rapport qui doit exister entre l’ouverture numérique et le grossissement total (par i objectif et par l’oculaire du microscope) (1),

Il a trouvé que ce rapport est lié par une formule assez compliquée :

1719 N X = odv

dans laquelle le nombre 1719 est une quantité constante, N le grossissement total et o l’ouverture numérique de l’objectif ; d et v sont deux quantités connues, d la distance de la vision distincte, que l’on évalue ordinairement à 250 millim., et v l’angle visuel 'en minutes) sous lequel doivent se présenter les plus petites distances à observer pour être perçues par l’œil. Pour un bon œil, cet angle paraît n’êlre que de 1'. Quant à X, c’est la longueur d’onde de la lumière employée et si on la pose = 0,00055, longueur d’onde de la de la lumière jaune- verte, la formule donne une relation dont tous les termes sont connus, entre N, le grossissèment total, et o, l’ouverture numérique. De sorte que pour un grossissement donné qu’on veut réaliser, on peut cal¬ culer l’ouverture numérique que devra avoir l’objectif ; et réciproquement, pour une ouverture donnée on peut calculer quel est le grossissement que devra fournir le microscope.

Il faut noter que dans cette relation entre le grossissement et l’ouverture numérique, il s’agit du grossissement linéaire total, c’est-à-dire tel qu’il est produit par l’objectif, la longueur optique du tube et l’action de l’oculaire. Il reste donc à établir, dans ce grossissement total, la part de l’ob¬ jectif seul et le rapport qui doit exister, pour un bon fonctionnement de l’appareil, entre le grossisement propre de l’objectif et le « super grossis¬ sement » réalisé par le tube et l’oculaire.

Ce calcul a été fait aussi par M. Abbé (1) et il est trop compliqué pour que nous puissions l’exposer ici, mais en voici les résultats principaux :

Pour une ouverture numérique donnée, le grossissement fourni par l’ocu¬ laire et l’allongement du tube peut être plus grand, maximum, avec un objectif à immersion homogène; il doit être plus petit, minimum, avec un objectif à sec. (Il faut encore tenir compte, dans la détermination de cette valeur, de l’éclairage et de la nature de l’objet).

Pour les objectifs à sec et à eau, le grossissement par le tube et l’oculaire peut être au maximum de 4 fois en diamètre, environ, et de 6 fois pour les objectifs à immersion homogène.

Pour les objectifs à petite ouverture cette limite peut être portée jusqu’à 8 ou 10 fois en diamètre.

Toutes ces données sont fort utiles, non seulement aux opticiens parce

(1) E. Abbé. The relation ot‘ Aperturo and Power in the microscope ( Journ . of /?. Micr. ,S., II, 1882).

(2) E. Abbc Division of llie enlire Poww of lhe Microscope between ocular and objective (./. of fl. .1/., III, 1883, cl Zcit. f. HTss. Mikrosk. II, 1885).

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qu’elles leur permettent de calculer l’ouverture numérique qu’ils doivent donner à un objeclif fournissant tel grossissement déterminé, et réciproque¬ ment. mais encore aux micrographes qui y trouvent les indications néces¬ saires pour tirer le meilleur parti de leurs instruments et établir des combi¬ naisons satisfaisantes avec les oculaires dont ils disposent el les objectifs dont ils connaissent l’ouverture numérique et le grossissement.

A propos du grossissement nous rappellerons qu’il est plus grand sur l’axe optique, dans le sens de la profondeur, que dans le sens transversal. En effet, le grossissement dans la direction de l’axe [axial) est directement propor¬ tionnel au carré du grossissement latéral, mais il est inversement propor¬ tionnel à l’indice de réfraction du milieu dans lequel est l’objet.

Ainsi, les objets apparaîtraient extrêmement déformés par cette différence considérable entre le grossissement en profondeur et le grossissement en largeur si l’œil pouvait apprécier cette différence dans toute son étendue, et la défor¬ mation serait bien plus accusée si le phénomène se présentait inversement, c’est-à-dire si l’agrandissement latéral était le plus considérable dans le sens transversal. En effet, dans le sens de l’axe on l’apprécie moins, surtout avec les objectifs à grande ouverture qui ont peu de profondeur. Avec les objectifs à petit angle et à foyer profond la déformation est très notable et est de na¬ ture à tromper tout-à-fait l’observateur sur la forme réelle de l’objet, ce qui est encore une cause d’infériorité de ces objectifs.

Quoi qu’il en soit, plus ou moins marqué le fait est réel.

J. P-

A suivre.

A PROPOS DU PHYLLOXERA

A Monsieur Tisserand, Directeur de V Agriculture et Rapporteur de la commission supérieure du Phylloxéra , à Paris.

Monsieur le Directeur,

Dans une lettre que nous avons eu l’honneur de vous adresser à propos de l’anthracnose, maladie dont les vignes sont atteintes en beaucoup d’endroits, nous disions : * Un fait bien remarquable c’est que les parasites végétaux se multiplient et se répandent de plus en plus au fur et à mesure que les théories microbiennes prennent faveur. » Puis nous ajoutions : « C’est par des pro¬ cédés de culture et non par des procédés empiriques qu’on parviendra à gué¬ rir les vignes. »

Depuis que nous avons écrit ces lignes des faits nombreux sont venus con¬ firmer nos dires et des guérisons remarquables ont été obtenues uniquement par l’emploi d’engrais bien appropriés.

L’idée que les affections des végétaux en général et des vignes en particu-

482

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lier, peuvent être occasionnées par l’épuisement ou le défaut de proportion entre certains éléments du sol indispensables à la parfaite santé des plantes, vous paraît sans doute dérisoire puisque vous dédaignez complètement de vous en occuper. Vous continuez à faire croire que les affections nombreuses dont le vignoble français est atteint ont pour cause des microbes , et en toute occasion vous vous montrez satisfait des résultats obtenus dans la lutte contre l’insecte vaslalrix et les maladies cryptogamiques. Votre satisfaction ne nous parait guère basée sur des faits sérieux; en effet, à la suite de vos recomman¬ dations pressantes et réitérées, le sulfure de carbone, puis le sulfocarbonale de potassium ont été employés sur une très large échelle ; l’inondation a été pra¬ tiquée sur des milliers d’hectares; les badigeonnages, les aspersions, les pul¬ vérisations et une foule d’autres procédés d’extinction ont été mis en oeuvre et tout cela n’a nullement empêché les maladies des vignes de se multiplier de plus en plus. Il y a vingt-cinq ans on ne parlait guère que de l’oïdium ; la maladie du phylloxéra est apparue ensuite; puis après celles dénommés érh neum, péronospora ou mildew, anthracnose, black-rot, pour ne citer que les plus communes, ont été constatées un peu partout. Quel est l’insecticide ou le microbicide qui ait fait disparaître ou même seulement arrêté l’expansion d’une seule de ces maladies? Aucun. Et, chose étonnante, vous vous mon¬ trez rassuré pour l’avenir, car dans votre récent rapport adressé au Ministre de l’agriculture, en ce moment M. Barbe, rapport d’autant plus laconique et moins sérieux qu’il s’est fait attendre plus longtemps, vous dites, en parlant du phylloxéra :

« De l'examen des documents réunis par nos soins, rapports des inspec¬ teurs , des délégués , des préfets , etc., il résulte que la situation a subi de¬ puis un an peu de modifications au point de vue de V extension du fléau.)) Puis vous ajoutez : « Pendant l'année l 886, il n'y a eu que 2.000 hecta¬ res détruits et 9.000 hectares envahis por le phylloxéra. »

Ces chiffres comparés à ceux donnés antérieurement sont en réalité très rassurants et les viticulteurs ont du tressaillir de joie en apprenant, par le Ministre perpétuel de l’agriculture lui-même, que les ravages de l’insecte vastatrix diminuent d’une manière très sensible.

Mais ô fatalité! Gomment se fait-il, M. le Directeur, que votre rapport pu¬ blié par tous les organes officiels, par tous les journaux d’agriculture et de viticulture et même par beaucoup de feuilles politiques, donne des renseigne¬ ments complètement faux? Comment se fait-il qu’au lieu de 2.000 hectares détruits en 1880 par le phylloxéra, comme' on le publie partout, il y en ait eu 50.000; et qu’au lieu de 9.000 hectares envahis on en compte 39.000? Si ce sont des fautes d’impression, comme on le dit, il faut avouer qu’elles sont arrivées à point pour faire mousser les procédés insecticides et microbicides, dont vous êtes le puissant protecteur, et qu’elles étaient indispensables pour vous permettre d’arriver, comme les années précédentes, à faire croire encore au triomphe prochain de la science officielle, dont vous êtes l’un des mem¬ bres les plus en vue.

Mais passons. En constatant dans votre rapport que 7110 78 hectares de vi-

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gnes ont été reconstitués en cépages américains vous écrivez avec une réelle satisfaction : « La France malgré toutes ses pertes possède encore annuelle¬ ment le plus grand vigneron du monde. »

La France possède depuis des siècles le plus grand vignoble du monde, mais lorsque dans tous les pays producteurs de vins, en Espagne, en Portu¬ gal, en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Serbie, en Dalmalie, en Roumanie, en Afrique, en Amérique, partout, l’étendue des vignobles augmente considérablement en raison des besoins croissants de la consommation et de la facilité des communications, en France elle reste de¬ puis longtemps stationnaire. Y a-t-il de quoi vous réjouir?

Chose bien plus grave encore : pour conserver l’étendue du vignoble fran¬ çais vous encouragez par tous les moyens en votre pouvoir et votre pouvoir est immense, la plantation des cépages américains. Vous contribuez en agis¬ sant ainsi à extirper du sol français nos bons vieux cépages. Au lieu de pro¬ duire comme autrefois des vins qui avaient une renommée universelle, il faut donc, d’après vous, M. le Directeur, se résigner à produire et à boire des vins comme en Amérique. Que deviendra la réputation vinicole de la France si on continue à suivre vos conseils ? La perspective des résultats désastreux vers lesquels on marche à grands pas ne doit-elle pas vous faire chercher avant tout le moyen de conserver à nos crus les excellents cépages qui en ont fait la réputation ? Or, le moyen est trouvé ; il suffit de rendre à la terre épuisée ce que la vigne réclame, du sulfate de chaux et du sulfate de fer en quantité déterminée par la nature du sol et celle du cépage qu’il porte ; la chaux et le fer sont deux des principaux aliments terrestres dont les plantes sont avides. Mais par votre obstination à vanter sans cesse les procédés insecticides et mi- crobicides et à passer sous silence le procédé cultural dont nous vous avons donné connaissance, vous faites obstacle au progrès, vous poussez les vigne¬ rons dans une fausse voie et vous contribuez ainsi aux désastres immenses que subit la viticulture, comme vous avez contribué, pour la plus grande part, aux désastres irréparables de l’agriculture en soutenant la théorie du libre- échange absolu.

Gomme l’intérêt national vous fait un devoir d’attirer l'attention des viti¬ culteurs sur des champs d’expérience destinés à faire la lumière, et qu’il n’existe aucune raison pour vous empêcher de conseiller l’essai comparatif d’un procédé cultural qui a fait ses preuves, avec les procédés insecticides et microbicides que vous patronez; et d’autre part, comme il importe à votre dignité de ne pas laisser croire plus longtemps que vous cherchez à tenir la vérité cachée sous le boisseau, nous osons espérer que vous romprez enfin le silence à l’égard du moyen simple, pratique et peu coûteux que nous pré¬ conisons contre le phylloxéra et les maladies cryptogamiques.

Agréez, Monsieur le Directeur, l’expression de nos sentiments respec¬ tueux.

CHAYÉE-LEROY.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

BIBLIOGRAPHIE

I

Beitræge zur Kentniss der fossilen Bacillarien Ungarns. Theii. I.

Marine Bacillarien , par le Dl J. Pantocsek (1).

Dans le numéro du mois de mai dernier ( Journ . de Micro graph. p. 219), Monsieur J. Deby annonçait l’apparition du travail de M. le Dr Pantocsek sur les Diatomées marines fossiles de la Hongrie. Notre ami s’était borné à quelques brèves, mais très justes observations, nous avons pensé que l’ou¬ vrage publié par le DT Pantocsek méritait un compte rendu plus complet, et nous le donnons aujourd’hui, quoiqu’un peu tardivement peut-être,

Ainsi que l’auteur le dit dans l'introduction, son étude sur les Diatomées marines fossiles de la Hongrie est le complément des travaux antérieurs sur les gisements de cette région: d'Ehrenberg en 1837 et en 1852 (Mikro- geologie ; de Johannes Neupauer, en 1867 ; de Karl Wissenger, en 1873; dn Dr J. Schaarschmidt, en 1882; deM. Grunow, la même année; enfin du Dr Gorjanovié, toujours en 1882.

Parmi les. auteurs cités ci-dessus le Dr Schaarschmidt et le Dr Gorjanovié sont les seuls observateurs qui constatèrent la présence de Diatomacées marines fos¬ siles en Hongrie et enCroatie ; le premier, dans les marnes argileuses d’Elesd ; le second, dans letripoli bitumineux de Dolje. M. le Dl Pantocsek de son côté dé¬ couvrit des espèces marines dans les marnes argileuses d’Alsô et deFelsô-Esz- tergâli, dansles marnes argilo-siliceuses de Kékkô et de Szent-Peter, dans le tuf et la marne argileuse de Szakaletdans la marne siliceuse de Mogyorod.

Les dépôts hongrois appartiennent à l’époque tertiaire d’après l’étude par- culière faite pour chacun d’eux au point de vue géologique et chimique. Ils renferment de nombreuses et remarquables espèces marines qui donnent une preuve irréfutable de l’existence, à cette époque, d’une mer tropicale, dont les bords étaient formés parla chaîne des Karpathes, les montagnes de Bitraria et les Balkans.

On semble d'accord pour considérer ces dépôts comme étant plus modernes que ceux du Juttland et d’Archangelsk en Russie. Ils contiennent une quantité de formes extraordinaires de Diatomacées, et le genre Trinacria , y est très largement représenté, comme dans le dépôt d’Oamaru, récemment découvert dans la Nouvelle Zélande.

Les Diatomacées marines fossiles de la Hongrie offrent aux diatomophiles une excellente étude d’espèces marines fossiles et très remarquables. Malheu¬ reusement le prix élevé du premier fascicule (100 fr.) empêchera beaucoup d’amateurs d'acquérir l’ouvrage.

(1) Voir Journal de Micrographie, 1887, 11, p. 383.

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

485

Nous nous associons aux regrets de notre ami J. Deby, en voyant beaucoup de formes ou de variétés élevées au rang d’espèces; c’est augmenter singu¬ lièrement la nomenclature sans profit pour la science.

M. le Dr Pantocsek, comme le comte Castracane dans les Diatomacées du Challenger , a groupé les figures sans ordre dans 30 planches. Il n’est pas rare de trouver sur la même planche des Naviculées, des Goscinodiscées et des Biddulphiées.

On ne peut pas s’élever assez sévèrement contre ce défaut de méthode, qui tend à se généraliser, puisque nous le constatons encore dans les planches des espèce d’Oamaru dernièrement publiées par le Quekett Micros. Club. Il est facile de se rendre compte des difficultés auxquelles on vient se heurter lors¬ qu’on a à faire des recherches d’espèces ou de simples comparaisons; le genre Aulacodinus par exemple est dispersé en 5 planches (1, 2, 2o, 26 et 29) ; il en est de même des autres. Bien que préparées par les procédés pho¬ tographiques, beaucoup de figures laissent à désirer sous le rapport de la netteté, si on les compare à celles de l'Atlas d’Ad. Schmidt et aux belles planches des Diatomées du Challenger.

L’auteur a suivi pour le texte la classification empirique dn Prof. H. L. Smith ; les descriptions sont en latin.

Les Diatomophiles attendent avec impatience les autres parties qui doivent compléter l’ouvrage de M. le Dr Pantocsek.

Paul Petit.

II

Elementary Microscopicai Technology, (I. Part), A Manual for Students of Microscopy par le Dr Fr. L. James, 1 vol. in- avec figures dans le texte.

Le Dr Frank L. James, président de la Sociélé des Microcopistes de Saint- Louis (Missouri) et directeur du Medical and Surgical Journal de cette ville, a publié il y a quelques mois la première partie d’un Manuel élémentaire de techno¬ logie micrographique pour les étudiants en microscopie ( Elementary Microscopicai Technology).

Cette première partie est présentée comme l’histoire technique d’un slide, depuis l’état de matériel brut (crude material) jusqu’à celui de préparation montée.

Voici, comment le Dr F.-L. James explique son plan :

« Dans tous les ouvrages existants sur la technologie microscopique, dont j’ai connaissance, non seulement en anglais, mais en français, en allemand et en italien, la technologie proprement dite, c’est à-dire les manipulations et les procédés relatifs à la préparation des matériaux pour l’examen microscopique, est tellement mêlée à la micrographie, histologique, pathologique ou biolo¬ gique que c’est un travail presqu’insurmontable pour l’étudiant, particulière¬ ment le commerçant qui travaille sans maître, que de les séparer. »

« Dans la multitude des détails et au milieu des interruptions à la continuité du sujet, causés par cette obligation de travailler simultanément des sujets si complètement différents, l’étudiant commençant ne peut saisir ni les uns ni les autres de manière à s’en faire une idée exacte. »

486

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

« Une autre difficulté, inhérente à celte manière d’acquérir l’instruction et qui en est inséparable, consiste en ce que l'auteur doit anticiper sur certains détails ou supposer à l’élève certaines connaissances sur le sujet en question. »

« Ayant éprouvé des difficultés, d’abord comme étudiant éloigné de tout maître exercé, travaillant lentement et par ma propre expérience chaque problème au fur et à mesure qu’il se présentait, puis comme maître, cherchant un livre à. mettre entre les mains de mes élèves, finalement, j'ai entrepris la rédaction d’un manuel d’après un idéal dans lequel il ne serait fait aucune pétition de prin¬ cipe, ni supposé aucune connaissance préalable de la part de l’étudiant, et dans lequel chaque pas dans le travail, chaque procédé et chaque manipulation seraient expliqués à leur place et suivant leur ordre. »

« Ce petit Manuel est le résultat de celte idée... Je me suis efforcé de le faire strictement pratique et j’y ai incorporé toute l’expérience ciue j’ai acquise par plu¬ sieurs années d’un travail presque continuel dans cette direction. »

Comme le dit M. Franck L. James, son Manuel, qui constitue un petit volume in 8, de 107 pages, est essentiellement pratique . C’est, en effet, l’histoire d’une préparation microscopique depuis l’état d’échantillon anatomique ou pathologique, par exemple, jusqu’au moment le montage est entièrement terminé.

L’auteur s’est, d’ailleurs, et avec beaucoup de raison, imposé le devoir de ne décrire que les procédés et particulièrement les instruments que. par expérience il regarde comme absolument essentiels, en laissant à l’élève le soin d’étudier dans des ouvrages plus étendus et dans les catalogues des fabricants d’instru¬ ments, ceux d’une application plus compliquée qui, bien que très fréquemment employés, ne sont pas absolument nécessaires pour faire de bonne besogne et que par suite on peut considérer comme des articles de luxe.

Après avoir donné la liste aussi réduite que possible des objets nécessaires au travail des préparations: ciseaux, pinces, aiguilles, verres, etc., et des produits chimiques, alcool, benzine, glycérine, éther, etc. qui sont indispensables, M. Fr. L. James, commence l’exposé des opérations nécessaires à la préparation de son slide type.

Ces opérations sont de trois ordres, selon qu’elles concernent la préparation de l’objet, la préparation du slide, et le montage de l’objet sur le slide.

Les premières sont : la conservation du matériel en masse, le durcissement des matières molles, le ramollissement des matières dures, l’enrobage ou inclusion, la pratique des coupes et leur traitement pour les préparer à la coloration, la coloration avec la tixalion, la déshydratation, l’éclaircissement et la pénétra¬ tion ou saturation par le liquide, la résine ou le baume conservateur.

Les secondes sont : le nettoyage du slide et du covcr, la préparation des ci¬ ments et des vernis, la fabrication des cellules, l’usage des tournettes, etc.

Enfin, les opérations du dernier groupe sont : l’arrangement de l’objet dans la cellule, le remplissage de la cellule avec le liquide, l'expulsion des bulles d’air la mise en place du covcr, l’enlèvement du liquide en excès, le lavage et le séchage de la préparation, la remise à la tournetlc, le centrage, pour la ferme¬ ture au ciment.

Telle est, en effet, la suite des chapitres que l’auteur traite d’une manière détaillée, complète et précise, de telle façon que l’élève sans maître n’a qu’à suivre scs indicaiions pour arriver bientôt aux meilleurs résultats.

Nous pensons que le Dr F. L. James a parfaitement atteint son but : son ou-

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487

vrage est extrêmement pratique, et d’un emploi excessivement sûr et commode, aussi nous n’en connaissons pas de meilleur à mettre entre les mains des

étudiants.

Dr J. P.

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construction anglaise, les deux postes. .... . . ... . . . 100 fr.

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plateau en glace de 1 mètre . . 500 fr.

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4,0( 0, prix : 450, 6t>0 et ... . . ..... 7ê0 fr.

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(1) S’adresser an bureau dn Journal. Les articles portés au pré¬ sent Catalogue sont expédiés, contre mandat on remboursement. La demande doit rappeler le numéro d’ordre de l’article au Catalogue. Le port et remballage sont à la charge de l’acquéreur.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

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jectif, monture d'amateur . . . 120 fr.

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%

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Amiens Imprimerie Rousseau-Leroy,

Onzième année

15

25 Novembre 1887.

***”” ^“ 1 ' - I I . r - I rr^»' " Il I.—» Il

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE :

Le mécanisme de la sécrétion leçons faites au Collège de France, en 1887,

par le prof. L. Ranvier. Évolution des Microorganismes animaux et végétaux parasites : le parasitisme chez les Ciliés, [suite), leçons faites au Collège de France, en 1887, par le prof. G. Balbiani. Sur deux cas d’inclusion de parasites Ncma- toïdes dans des œufs de poules (fin) , par le prof. A. Garruccio Le Parasi¬ tisme des Truffes, par M. H. Bonnet. Avis divers.

TRAVAUX ORIGINAUX

LE MECANISME DE LA SECRÉTION

Leçons faites au Collège de France, en 1886-87, par le professeur L. Ranvier.

[Suite) (1)

Nous avons étudié les résultats de l’excitation directe des glandes unicellulaires muqueuses de l’œsophage <ie la grenouille et de l’exci¬ tation, directe aussi, des glandes muqueuses composées, quoique de structure très simple, de la peau des Batraciens Anoures, et nous avons vu que les modifications éprouvées par les cellules épithé¬ liales qui constituent ces glandes sont tout-à-fait semblables à celles qu’éprouvent les cellules caliciformes isolées de l’œsophage de la Grenouille. Gela prouve qu’il faut chercher dans l’élément glandulaire lui-même qui compose l’utricule des glandes muqueuses le méca-

(1) Voir Journal de Micrographie , t. X, 1886, t, XI, 1887, p. 7,02 142, 161, 205, 220, 261, 327, 357, 385. Sténogr. par le Dr Pelletan.

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nisme de la sécrétion, et que toute notre attention doit être portée maintenant sur les cellules glandulaires.

Dès lors, une glande utriculaire muqueuse doit être considérée, au point de vue de Phistophysiologie, comme une colonie de glandes élémentaires dont chacune est composée par une seule cellule. Une glande, aussi simple que vous voudrez, est une colonie de glandes unicellulaires.

J’arrive maintenant à d’autres glandes. Il s’agit d'animaux bien différents, les Oiseaux. Je vous ai parlé déjà des glandes utriculaires de l’œsophage des Oiseaux et en particulier du poulet. Je vous ai dit que, chez les Passeraux, ces glandes utriculaires simples se rappro¬ chaient des glandes utriculaires cutanées des Batraciens, mais que dans le jabot, qui n’est qu’une dilatation de l’œsophage, ces glandes étaient beaucoup plus complexes et devenaient des glandes compo¬ sées. Il n’entre pas de muscles dans leur capsule, mais du tissu conjonctif, et j’étais très curieux de savoir ce qui se produit dans ces glandes quand on les excite. Ce sont des glandes muqueuses pures, ne contenant pas de cellules granuleuses ; de plus, les cellules cali¬ ciformes sont extrêmement allongées et remarquablement élégantes.

La glande est formée d’une série de logettes tubuleuses qui s’ouvrent toutes au centre de l’utricule dans la cavité glandulaire.

J’ai voulu étudier les modifications qui se produisent dans les cellules de ces glandes utriculaires composées sous l’influence de l’excitation électrique.

J’ai fait une première expérience de la manière suivante. Après avoir fait gaver le poulet, pour bien tendre le jabot, je l’ai immobilisé complètement, d’une manière bien simple. J’ai fait, dans une pièce d’étoffe assez solide, un trou dans lequel la tète et le cou de l’animal ont été engagés, et le reste de l’étoffe, ramené sur le corps, a été atta¬ ché sur une planche, de façon à rendre le poulet tout-à-f ait immobile. Alors, on a passé une ficelle dans le bec inférieur et on l’a fixé sur la planche. Puis, une incision a été pratiquée dans Je côté droit du cou, j’ai mis à nu l’œsophage et passé sous la muqueuse, avec une aiguille un fil de platine très-fin, formant une anse, et à un centimètre et demi un autre fil formant une anse ; les deux bouts de chaque fil ont été réunis et mis en rapport avec les pôles d’un appareil d’induc¬ tion ; de sorte qu’on a pu faire passer un courant interrompu qui, entre les deux anses de fil de platine, traversait une certaine portion de l’œsophage.

Un courant d'intensité moyenne a été ainsi maintenu pendant trois heures. Puis, le poulet a été sacrifié par la section du bulbe ; j’ai dis¬ séqué l’œsophage, enlevé la musculeuse et aperçu au-dessous les

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glandes muqueuses répandues d’une manière plus ou moins irrégu¬ lière dans toute l’étendue de l’œsophage et du jabot. Seulement ces glandes ou lieu d’être transparentes et semblables à ces gouttes de rosée que je vous décrivais dans une leçon précédente, étaient opaques, et ne rentraient pas du tout dans la description macrosco- copique que je vous ai donnée. Elles étaient opaques, mais aussi bien dans les autres régions que dans celles soumises à l’excitation élec¬ trique. Ce fait m’a frappé et j’en ai cherché l’explication. J’ai pensé à l’hypothèse suivante : j'avais gavé le poulet autant que possible pour bien remplir l’œsophage ; je me figurais que c’était nécessaire à l’ex¬ périence. Il est clair que l’animal avait été gavé outre mesure, et la veille aussi, le jabot et l’œsophage étaient surmenés.

11 y avait une forte excitation, car tous les grains qu’on avait fait avaler au poulet avaient être mouillés par le mucus avant d’arriver au ventricule succenturié et au gésier. Je suis certain que l’excitation électrique n’y a presque rien ajouté.

J’ai fait des coupes comprenant des glandes, soit dans le jabot, soit dans l’œsophage : au lieu d’y trouver les magnifiques glandes utricu- laires composées avec les grandes cellules muqueuses si nettes, si belles, tapissant les utricules simples des utricules composés, j’ai trouvé des cellules plus granuleuses, oh le noyau devenu sphérique s’était élevé dans le protoplasma gonflé, le mucigène était plus ou moins expulsé dans un très grand nombre de cellules. Evidemment, ces résultats étaient semblables à ceux que l’on obtient par l’excitation directe de l’épithélium caliciforme de l’œsophage de la Grenouille ou des utricules de la peau des Batraciens Anoures, mais c’était une expérience douteuse, dans laquelle on ne pouvait pas avoir une grande confiance et qui devait seulement servir de guide pour en faire une meilleure.

La première idée qui m’est venue a été de bien établir que le gavage amène l’excitation des glandes muqueuses de l’œsophage et du jabot : il fallait prendre deux poulets, faire jeûner l’un et gaver l’autre ; les sacrifier tous deux au bout quelques heures et comparer les glandes. J’ai renoncé à cette expérience, surtout après avoir cons¬ truit le petit appareil que j’ai employé pour exciter l’œsophage de la Grenouille, X excitateur électrique. Il s’agissait de le faire un peu plus grand. Le tube a plus de 1 centimètre de diamètre; on pourrait même le prendre de 1 cent. 1/2 à 2 cent., l’œsophage du poulet est assez large. Néanmoins, celui que j’ai employé est suffisant. Le tube de verre est ouvert aux deux bouts. À 2 centimètres de l’une des extrémités j’ai fait un trou latéral et, à I cent. 1/2 plus haut, un autre trou. Par l’autre extrémité du tube, j’ai introduit deux (ils de cuivre entourés de

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gutta-percha ; Pim sort par un trou, Pautre par Pautre trou et le bout de chacun des deux fds est enroulé autour du tube, en anneau, et cette partie est dénudée de la gutta-percha. Les bouts libres des fds sont mis en rapport avec Pappareil d’induction. Il y a ainsi une solution de continuité dans le courant entre les deux anneaux, mais la continuité est rétablie par la portion de muqueuse qui se trouve entre les anneaux quand le tube est engagé dans l’œsophage.

J’ai commencé l’expérience aujourd’hui à 2 heures, les résultats ont été très intéressants. Le poulet attaché dans son sac, le bec fixé pour bien tendre la tête et le cou amenés en dehors, je pouvais introduire le tube par la bouche, mais je ne l’ai pas fait dans la crainte de gêner la respiration. J’ai préféré faire une petite incision sur le côté droit du cou, comme quand on veut faire l’expérience sur les mouvements péristaltiques œsophagiens. J’ai fait une boutonnière dans laquelle j’ai poussé l’excitateur jusqu’à ce que l’intervalle compris entre les anneaux soit à peu près au milieu de la région du cou. J’ai bien fixé Pappareil pour qu’il ne put pas se déplacer. Il suffit pour cela d’atta¬ cher le tube solidement au niveau de la plaie avec une ligature faite comme lorsqu’on veut fixer un tube salivaire dans le canal de Whar- ton. J’ai établi la communication avec l’appareil d’induction de Dubois- Reymond, et j’ai fait passer un courant moyen, les deux bobines étant seulement affrontées, pendant trois quarts d’heure. Toutes les fois qu’on établit le courant, l’œsophage se contracte tétaniquement dans la région qui correspond à l’intervalle des anneaux, de sorte que bien que le canal œsophagien soit plus large que le tube de verre, sous l’influence de la contraction tétanique, il s’applique énergiquement sur ce dernier et le courant passe nécessairement dans toute la partie de l’œsophage comprise entre les deux anneaux.

Puis, le poulet a été tué par la section du bulbe, l’œsophage a été mis à nu et, par deux coups de scalpel on a séparé la partie com¬ prise entre les anneaux de cuivre. Ce segment, fendu suivant sa lon¬ gueur, la tunique musculaire enlevée, a montré les glandes, petites et. opaques. On a fait de même pour deux segments œsophagiens compris au-dessus et au-dessous des anneaux, et l’on a constaté sur ces lambeaux, traités de même, l’existence de glandes plus volumi¬ neuses et transparentes, rentrant tout-à-fait dans la description que je vous ai donnée.

Le poulet était à jeun depuis la veille, ce qui montre que ces glandes, quand elles ont été excitées par le gavage, reviennent facilement à leur état normal, la réplétion par le mucus.

Il y a donc déjà, à l’œil nu, des modifications parfaitement sen¬ sibles.

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Ces segments œsophagiens, débarrassés d’nne partie de leur tunique musculaire, sont placés dans une soucoupe, leur face épithéliale ap¬ pliquée sur la porcelaine ; avec les doigts, une pince ou une aiguille, on peut les tendre et il s’établit une adhérence assez intime avec la porcelaine pour qu’il n’y ait pas de reirait. On verse alors une solu¬ tion d’acide osmique à 1 pour 100 qui saisit et fixe les glandes, mises presqu’à nu puisque la tunique musculaire a été enlevée. On recouvre d’une cloche, et, quelques minutes après, la fixation est produite. On peut faire des coupes. Ainsi, l’expérience commencée à 2 heures, je puis déjà à 5 heures vous donner une description des préparations, description que d’ailleurs je compléterai.

11 est très facile de reconnaître, sur des coupes perpendiculaires à la surface, que les glandes utriculaires composées ont diminué dans leurs différents diamètres. A la rigueur, on pourrait admettre que cette diminution de diamètre peut être le résultat de la contraction tétanique de la tunique musculaire de l’œsophage. Dans ce cas, il devrait se produire un simple aplatissement des glandes, celles-ci devant être comprimées sur la muqueuse qui repose sur le tube de verre. Mais ces glandes sont réduites dans leurs différents diamètres. C’est un phénomène curieux que nous rencontrons pour la première fois et sur lequel je reviendrai quand je m’occuperai des modifications que subissent les glandes acineuses muqueuses pures ou mixtes.

Dans les segments non compris entre les deux anneaux, les glandes utriculaires composées rentrent tout-à-fait dans la description que je vous ai donnée. Dans la portiou excitée, elles sont plus petites et plus irrégulières. Cependant, les unes et les autres sont formées par des utricules primaires allongés, des sortes de tubes. Ces tubes ont un diamètre plus considérable dans les glandes non excitées. Dans celles- ci, les cellules muqueuses caliciformes ont l’aspect que je vous ai dit, dans les glandes excitées, elles ont perdu pour la plupart plus ou moins complètement leur mucigène : le calibre de la glande est rem¬ pli de mucus ; par conséquent, il s’y est produit une certaine tension intérieure, et cependant, cela n’a pas empêché le retrait de l’utricule primaire et de l’utricule composé.

En outre, dans la glande non excitée, les cellules paraissent fermées

ou plutôt elles se limitent du côté de la lumière glandulaire par un bord arrondi, réfringent, de sorte que les différentes cellules forment par leur ensemble un feston convexe dans l’intérieur de la lumière glandulaire. Dans les glandes excitées le bord n’existe] plus. Je n’ai vu nulle part le phénomène aussi net. Quand le mucus n’est pas encore complètement parti, on voit le noyau hypertrophié,' le' proto¬ plasma augmenté et un reste de mucus ou mucigène contenu dans

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une cavité qui se trouve en rapport de continuité avec la lumière glandulaire tout entière, de sorte que chaque cellule est creusée d’une petite cavité qui fait partie de la cavité générale ou lumière de la glande. 11 y a donc des modifications qui ne sauraient être expli¬ quées par la contraction de la tunique musculaire située au dessous des glandes, puisqu’il survient dans chaque cellule qui entre dans la constitution des utricules composés des phénomènes qui nous sont connus, accroissement du noyau et du protoplasma, expulsion du mucigène ou du mucus, etc.

Je voudrais vous donner des détails minutieux sur les modifications des cellules muqueuses de ces glandes utriculaires composées, mais, je vous le répète, je n’ai fait que quelque préparations qui n’dnt été exami¬ nées que d’une manière superficielle et sur lesquelles les résultats que je vous indique peuvent être observés, mais quant aux détails plus intimes je ne peux rien dire encore. Je vous rendrai compte ultérieu¬ rement d’une manière plus complète de mes observations. (Voir plus loin Appendice.)

Nous allons maintenant nous occuper des glandes acineuses mu¬ queuses pures qu’on observe chez les Mammifères, c’est-à-dire des glandes utriculaires contenant dans leurs culs de sac des cellules muqueuses seulement, sans croissants de Gianuzzi, et par conséquent sans aucune cellule de remplacement.

J’ai cherché pendant longtemps chez les Mammifères des glandes de cette espèce et quelquefois j’ai cru en avoir trouvé, mais c’était une illusion. Il y a, par exemple, des glandes muqueuses qui ont des croissants de|Gianuzzi tellement minces, tellement réduits, qu’on a de la peine à les voir, et si les préparations ne sont pas très bonnes, si la fixation des éléments glandulaires n’est pas très complète, si les coupes ne sont pas assez minces et faites dans des régions conve¬ nables, on peut croire qu’on a affaire à des glandes muqueuses sans croissants de Gianuzzi, alors qu’il n’en est pas ainsi.

Telles sont, par exemple, les glandes muqueuses de l’œsophage du chien, glandes admirables, mais qui sont des glandes muqueuses mixtes. Je vous en ai déjà parlé ici, je n’y reviendrai pas, puisqu’elles ne rentrent pas dans le type que je recherche (1).

(1) Lorsqu’on a enlevé un segment de l'œsophage du chien, comme je l’ai décrit pour l’œsophage du poulet, qu’on a détaché autant que possible la muscu¬ leuse, il reste l’épithélium, la muqueuse et la sous-muqueuse avec les glandes. Si l’on traite par l’acide osmique au fond d’une soucoupe, si l’on fait agir l’acide tartrique, on a un ensemble de glandes œsophagiennes telles que je n’en connais pas de plus belles. On voit que ces glandes ont des acini extrêmement allongés ; ce sont bien des tubes, si l’on veut, mais non des glandes en tube

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Il y a quelques années, je me suis occupé ici pour la première fois des glandes, à un point de vue autre que celui auquel je me place aujourd’hui ; je vous ai dit alors que je venais de trouver une glande acineuse muqueuse pure, sans croissants de Gianuzzi, la sub-linguale du Cochon d’Inde. Cette glande est tellement cachée, tellement diffi¬ cile à découvrir qu’elle avait passé absoiument inaperçue, quoiqu’elle soit d’un volume suffisant, ayant à peu près le volume de la moitié d’une lentille et une consistance très ferme, si bien que, quand on l’a enlevée, on dirait un nodule cartilagineux, surtout quand on la presse entre les doigts. Elle est cachée profondément sur le côté de la symphyse du maxillaire inférieur, de sorte que, pour la découvrir il faut inciser le ligament symphysaire et écarter les deux branches du maxillaire inférieur.

Il est inutile d’insister sur ces détails anatomiques, il suffit desavoir que c’est une glande acineuse muqueuse sans croissants de Gianuzzi. Elle n’avait été décrite nulle part, je le répète. Comme j’avais trouvé l’objet que je cherchais, j’ai essayé d’exciter cette glande. Gomme je ne connaissais pas son nerf sécréteur, (je 11e l’avais pas trouvé en disséquant à l’air et à l’œil nu), j’ai abandonné l’idée d’ob¬ tenir l’excitation de la glande par son nerf sécréteur cérébral, et j’ai essayé l’excitation directe. C’est une expérience très difficile, chez le Cochon d’Inde vivant, longue et même cruelle. Je l’ai essayée, néan¬ moins, mais je ne suis pas arrivé à déterminer dans cette glande des modifications comparables à celles que l’on produit sur la sous-ma¬ xillaire du chien par l’excitation de son nerf cérébral, la corde du tympan.

Aussi, depuis, j’ai cherché si je ne trouverais pas dans la série des Mammifères d’autres glandes acineuses n’ayant que des cellules mu¬ queuses dans leurs culs de sac, sans croissants de Gianuzzi. L’an dernier, je me proposais déjà d’étudier le mécanisme de la sécrétion et j’avais en vue ce problème : exciter une glande muqueuse sans cellules de remplacement, chez les Mammifères, afin d’éliminer dans

proprement dites comme les glandes de Lieberkühn. Or, les croissants de Gianuzzi ne se trouvent pas dans n'importe quelle région des culs de sac glan¬ dulaires. Si l’on a une coupe qui passe vers la partie moyenne des culs de sac allongés, on ne voit pas de croissants : on a des coupes plus ou moins obliques des culs de sac qui montrent des cellules muqueuses parfaitement nettes, mais tous les croissants se trouvent à l’extrémité de ces culs de sac et tout à fait dans le fond. On comprend que dans ces préparations on ne verra pas du tout de croissants, mais seulement dans les coupes les culs de sac seront tranchés à peu près suivant leur axe. Dans ce cas, on voit très nettement les croissants ter¬ minaux.

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la solution du problème le rôle que pouvaient jouer ces cellules d’après la théorie de Heidenhain, ou même un rôle quelconque ; savoir, en un mot, si ces cellules sont nécessaires pour déterminer la sécrétion d’une glande muqueuse. L’an dernier, dis-je, j’ai été con¬ duit ainsi à une longue étude, mais le temps m’a manqué et je suis revenu cette année sur cette question.

Ce travail n’a pas été sans profit : il m’a permis de relever un certain nombre d’erreurs commises par mes prédécesseurs dans l’étude des glandes, erreurs dans lesquelles j'étais tombé, acceptant avec trop de confiance des résultats obtenus par des observateurs recommandables et même considérables. Gela prouve qu’il faut toujours, quand on se propose des recherches importantes et diffi¬ ciles, bien assurer sa base d’opération, et cela, en refaisant les ob¬ servations des auteurs d’une manière minutieuse et en en faisant de nouvelles. Somme toute, le livre que l’on peut ouvrir sans crainte d’y trouver la moindre erreur est toujours celui de la Nature ; si l’on ne saitpas y lire d’une façon convenable, c’est qu’on n’y a pas mis assez d’attention, mais c’est toujours avec le plus grand profit qu’on le con¬ sulte.

Ainsi, j’ai été conduit d’abord à refaire l’étude comparative des glandes salivaires chez les Mammifères, ou plutôt d’un certain groupe des glandes salivaires des Mammifères, des glandes sus-hyoïdiennes, celles que l’on désigne partout sous les noms de sous-maxillaire et sub-linguale. J’ai bientôt vu que si, au lieu d’étudier un ou quelques animaux seulement, quelle que soit la distance qui les sépare dans la série des Mammifères, on étend ses recherches à un certain nombre de groupes ou à l’ensemble des groupes de Mammifères, au lieu de deux glandes qu’on admet dans la région sus-hyoïdienne, il y en trois. Je les désigne sous les noms de sous-maxillaire , sub¬ linguale et rétro-linguale . J’ai été obligé d’inventer ce dernier nom.

CommenLai-je été conduit à cela? Je crois que cette étude ne sera pas sans utilité pour vous puisqu’elle pourra vous mener à prendre des chemins beaucoup moins tortueux que ceux que j’ai suivis.

J’avais d’abord, il y a longtemps, disséqué à l’œil nu et à l’air la sous-maxillaire du Rat, glande relativement volumineuse, qui a la forme d’une olive aplatie placée en arrière du digastrique et s’étend beaucoup dans la région sus-hyoïdienne. J’avais pris cette glande ovoïde aplatie, déjà difficile à trouver quelquefois au milieu des gan¬ glions lymphatiques qui l’entourent, je l’avais prise, placée dans l’al¬ cool et j’avais fait des coupes. J’avais remarqué que, dans ces coupes, il y avait toujours deux régions que je reconnaissais très bien au mi¬ croscope: une portion muqueuse les culs de sac étaient occupés

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par des cellules muqueuses ou caliciformes, et une autre portion, la plus considérable, dont les culs de sac contenaient des cellules granu¬ leuses. C’était deux glandes, Tune muqueuse, et l’autre granuleuse. J’ai donc commencé l’étude de cette question par l’histologie. C’est l’examen microscopique qui nïa conduit à reconnaître que cette glande, qui paraît régulière, est bien constituée par deux glandes.

Sachant cela, je l’ai étudiée avec plus de soin sur l’animal fraîche¬ ment tué, je l’ai disséquée avec attention, et toujours, en dehors et en haut, j’ai distingué une petite portion plus translucide ; mais il faut être prévenu pour voir cette différence, et quelqu'un qui ne serait pas déjà renseigné par l’examen microscopique ne verrait pas cette diffé¬ rence.

Je connaissais la sub-linguale du Cochon d’Inde, glande muqueuse pure, la sous-maxillaire, que j’avais trouvée, glande séreuse. J’en ai conclu que, chez le Rat, ces deux portions de la glande sous-maxil¬ laire, la portion séreuse et la portion muqueuse, devaient corres¬ pondre aux deux glandes que je connaissais chez le Cochon d’Inde ; que la portion muqueuse, située en dehors et en haut, correspondait à la sub-linguale du Cochon d’Inde et la seconde portion à la sous-ma- xillaire du même animal. Et j’ai supposé que ces deux portions ap¬ partenaient néanmoins à la meme glande et qu’elles n’avaienr. qu’un seul canal excréteur. C’était à l’état incomplet une séparation qui se réalise complète chez un animal voisin.

Il y avait une idée générale assez séduisante, mais c’était seule¬ ment une hypothèse. Je n’admets pas ces idées générales qui de¬ viennent des doginès auxquels on veut plier les faits, comme on le fait aujourd’hui, par exemple, avec le darwinisme, doctrine remar¬ quable, qui a fait beaucoup travailler, qui a conduit les zoologistes à de brillantes découvertes ; mais du moment qu’on veut y faire rentrer absolument tous les faits, je n’en veux plus. Je suis volontiers darwi- niste avec Darwin, mais certainement pas avec ses imitateurs qui ont fait de son hypothèse un dogme et de sa théorie une religion.

J’étais toujours persuadé que je me trompais et que cette glande, qui paraissait si bien limitée en deux portions, correspondait à deux glandes distinctes, et que, bien que je n’aie pas trouvé le canal excré¬ teur appartenant à chacune d’elles, ce canal existait.

Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que j’ai commencé par ce qui était le plus difficile. Il en est souvent ainsi. Vous savez que chez le Chien, la sous-maxillaire est une glande ovoïde, surmontée par une autre glande, comme le testicule par l’épididyme, et que chacune de ces glandes a son canal. Claude Bernard avait injecté successivement ces canaux et avait vu que ces glandes 11e se confondent pas, que la portion sura-

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joutée est une dépendance de la sub-linguale. L’injection était une manière très simple et très logique de déterminer leur limite. J’ai donc essayé, chez le Rat, de pousser une injection par le canal qui me paraissait unique. Je n’ai jamais réussi à y introduire une canule. J’ai fait des tentatives nombreuses, toujours stériles, et j’ai alors employer une autre méthode. (A suivre.)

(4 février 1887).

Appendice (9 février 1887). Je vous ai promis, dans la leçon qui précède, de vous rendre compte des expériences que je venais de faire sur l’excitation des glandes œsophagiennes du poulet à l’aide de l’excitateur électrique. Lorsque le courant passe, l’œsophage se téta¬ nise et sa contraction a pour effet de l’appliquer exactement à la surface du tube de verre. Les deux anneaux de cuivre en rapport avec l’appareil d’induction font saillie sur le tube, ce qui assure d’autant mieux leur contact avec la muqueuse œsophagienne. On est donc certain que le courant traverse la partie de cette muqueuse comprise entre les deux anneaux. Voici les résultats de cette expérience.

Au dessus et au dessous de cette partie excitée électriquement, on trouve des glandes muqueuses utriculaires composées normales : les tubes en sont tapissés, sur toute leur face interne, de grandes cellules caliciformes cylindriques, rangées d’une manière extrêmement élé¬ gante, et je vous ai dit que peu de préparations sont aussi jolies. J’ai un détail à ajouter sur la structure de ces glandes : il existe cons¬ tamment dans leur lumière centrale, dans le mucus que l’on y observe, des Spirochœte en très grand nombre. C’est une espèce particulière que l’on trouve toujours dans la cavité de ces glandes, même à l’état physiologique et chez des poulets qui ne présentent pas de lésion de l’œsophage. Il y a quatre ans que j’ai reconnu ce fait et je crois que ces microbes déterminent par leur présence une certaine excitation de l’œsophage. Dans le jabot il y a quelques unes de ces glandes qui montrent une certaine excitation provenant aussi du mucus. Il faut connaître cette particularité pour bien juger des différences entre les glandes excitées par le courant et les glandes normales. C’est seule¬ ment dans quelques glandes, dans quelques-uns des tubes de ces glandes, et je dirai même dans quelques parties de ces tubes que l’on observe cette espèce d’excitation d’origine microbienne.

Quand le courant a passé pendant 45 minutes, il s’est produit les modifications que je vais vous indiquer.

Les glandes excitées sont plus petites. Après fixation et durcisse¬ ment par l’acide osmique, les cellules paraissent d’un brun plus ou moins foncé, tandis que dans les glandes normales elles sont plus

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claires. Mais toutes les cellules ne sont pas également modifiées ; chez les unes tout le mucigène a disparu, chez d’autres la moitié ; chez d’autres moins encore. Les cellules qui,* dans les glandes à l’état normal, présentent cette forme cylindrique avec noyau ratatiné, que vous connaissez , ont singulièrement perdu de leurs dimensions, surtout dans le grand diamètre. Le noyau est devenu sphérique et oc¬ cupe une partie de la cellule ; le protoplasma est gonflé et forme un réticulum spongieux dont les travées sont plus épaisses.

Il y a plus de modifications que chez les Mammifères et les Batraciens, parce que chez les Oiseaux la vie est extrêmement active, la température élevée. En 48 heures, il se produit même des altéra¬ tions des glandes ; dans certaines cloisons, il se fait une diapédèse très abondante qui change complètement leur forme. Dans quelques cas, on voit s’élever dans la lumière du tube un monticule plein de cellules lymphatiques. Les cellules épithéliales qui recouvrent ces monticules sont transformées, n’oflrant plus trace de mucigène.

Ainsi, sous l’influence du courant, il se fait non seulement une excitation des cellules, mais probablement une paralysie des vaisseaux, qui a déterminé une diapédèse extrêmement énergique, laquelle s’est localisée dans certaines cloisons des glandes utriculaires composées, donnant lieu à de petits monticules inflammatoires.

Tels sont les principaux faits que j’ai observés dans l’excitation électrique des glandes muqueuses de l’œsophage du poulet, par le procédé que je vous ai décrit.

Le parasitisme chez les Ciliés.

Leçons faites au Collège de France en 1887 par le Professeur G. Balbiani

Le Nyctotherus ovalis a été entrevu, pour la première fois, par Siebold, en 1839, dans l’intestin de la Blatte orientale ( Contribution

(1) Voir Journal de Micrographie, t. X. 1886, et t. XI, 1887, p. 434.

Dr J. P. stèn.

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à F histoire des animaux invertébrés ), mais il l’avait rangé parmi les Leucophrys , de sorte que c’est à Leidy que revient le mérite très grand d’avoir reconnu qu’il s’agissait d’une espèce nouvelle dont il a fait un genre nouveau. Stein l’a décrit d’abord sous le nom de Bur- saria Blattarum qu’il a changé, en 1862, pour celui de Nyctotherus.

Cette espèce vit dans l'intestin de nos deux espèces communes de Blattes, la Blatte orientale ( Péri plane ta orientalis ) et la Blatte germa¬ nique (Blatta germanica ) (1). On l’a trouvée aussi dans la Courtillière (Gryllotalpa vulgaris). Ce Nyctotherus habite l’intestin, et plus par¬ ticulièrement cette portion que Léon Dufour a très justement appelée le gros intestin ou colon et que Miine Edwards appelle intestin grêle. Je crois qu’il faut considérer cette partie plus volumineuse du tube digestif comme le gros intestin. C’est également dans cette partie que séjournent presque tous les parasites qu’héberge la Blatte, les Gré- garines, les Flagellés, les Oxyures, etc.

L’organisation de cette espèce est celle de tous les animaux de ce genre, sauf quelques particularités peu importantes. Ainsi, l’animal est plus large, plus court, quelquefois presque sphérique, surtout les gros individus ; le péristome est plus court que chez le N. cordiformis et forme un angle plus aigu avec l’œsophage. Celui-ci, au lieu de dé¬ crire une courbe à concavité antérieure, se porte presque transversale¬ ment jusque vers la partie médiane sur l’axe longitudinal du corps. La soie buccale manque. Mais le meilleur caractère distinctif entre ces deux espèces, c’est leur séjour dans des hôtes différents, la Gre¬ nouille et la Blatte.

L’anus est aussi très évident, et s’ouvre dans une petite pointe. 11 y a un intestin anal près duquel est la vésicule contractile, à côté de vacuoles aqueuses.

Mais ce qui présente le plus d’intérêt, c’est la substance même du corps, le plasma. On y peut distinguer deux régions, l’une en avant, l’autre en arrière, la première moins haute que l’autre. Elles sont nettement limitées par le noyau.

Considérons d’abord la région postérieure qui forme la plus grande masse du corps. Chez les jeunes individus, elle n’offre rien de particulier ; c’est un plasma plus ou moins finement granuleux, con¬ tenant des ingesta de toutes sortes. Mais chez les gros, elle est rem¬ plie de petits corpuscules extrêmement pressés les uns contre les autres, qui remplissent toute la masse de l’animal et lui donnent un

(1) A ces deux espèces de Blattes, appartenant à deux genres différents, que nous possédons depuis longtemps, il faut en joindre une troisième, une géante, le hideux Cancrelat de Surinam [Blatta americana ), récemment importée d’Amérique, mais qui, fort heureusement, n’a pas encore envahi nos demeures.

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aspect sombre à la lumière traversante, blanc à la lumière réfléchie. Que sont ces corpuscules? De petites plaques ovalaires, assez égales et réfringentes comme la cire. Stein les prenait pour des granules graisseux, mais n’avait pas fait d’études microchimiques. J’ai entre¬ pris quelques expériences et j’ai trouvé que ce sont des granules amy¬ loïdes. L’iode les colore en rouge brun intense, tandis que la subs¬ tance protoplasmique dans laquelle ils sont plongés se colore en

jaune, par l’iode, comme toutes les matières azotées. Je vous signa¬ lerai leur analogie avec les globules répandus en si grande quantité dans les Grégarines et qui présentent les mêmes caractères, substance p aragluco génique ou zooamy ium (Maupas).

La région antérieure présente aussi des faits très intéressants. Elle est occupée par une masse très volumineuse que nous n’avons pas rencontrée dans le Nyctotherus de la Grenouille, ayant un bord su¬ périeur ou antérieur convexe, en rapport d’un côté avec le péristome et étant dans le reste de son étendue placée sous la cuticule jusqu’au bord opposé du corps. Son bord postérieur ou inférieur est aplati avec une échancrure au milieu pour recevoir la surface convexe du noyau qui y est enchâssé. Cette masse a une hauteur antéro-posté¬ rieure qui est la moitié ou le tiers de la longueur de l’animal tout entier, et une largeur qui est celle du corps’ d’un bord à l’autre. D’après Stein, elle serait divisée en deux parties très inégales par une fente, tantôt complète, de sorte que les deux parties sont absolument séparées, tantôt incomplète, et alors la fente partirait du bord droit et n’irait pas jusqu’au bord gauche. De plus, Stein a vu quelquefois, dans la portion inférieure, une grande vacuole, irrégulière, lobée, pleine de liquide. Les granulations qu’elle contient se colorent en rouge brun par l’iode.

Ainsi, d’après Stein, cette masse serait formée de deux parties sé¬ parées complètement ou incomplètement par une fente. Mes observa¬ tions m’ont conduit à des résultats assez différents. On peut se re¬ présenter cette masse comme un cordon ou un bourrelet cylindrique tourné en cercle, mais la moitié supérieure de ce cercle est plus épaisse que l’autre. Supposons qu’on replie le cercle de manière a amener la moitié mince inférieure sur la moitié supérieure épaisse, mais sans qu’elles se touchent et cette dernière dépassant la première qui reste en retrait.

Supposons de plus, qu’on recourbe tout le système de manière à en faire un arc double. En plaçant ce système sur un plan, on a la situation qu’occupe la masse dans le corps de l’animal, l’arc épais étant en avant, et la courbure inférieure du système embrassant dans sa concavité le noyau qui s’y enchâsse. L’arc épais est dorsal et l’arc

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mince ventral. On voit cette disposition avec un fort grossissement, et sans comprimer.

Quelle est la signification de ce corps ? On l’ignore. Je vous rappellerai seulement un corps qui paraît être l’analogue de celui-ci, mais sous une forme beaucoup plus rudimentaire, dans le Concho- phthirius curtus de VUnio, et qui paraît une masse granuleuse bien délimitée dans la partie antérieure.

La reproduction du Nyctotherus ovalis se fait par fissiparité. Elle a été observée quelquefois par Stein qui n’a pas donné de détails. La conjugaison n’a pas été vue. L’animal forme aussi des kystes qu’on trouve en grande quantité dans les matières stercorales de la Blatte. Ils sont ovalaires avec un petit prolongement à l’un des pôles, pro¬ longement dans lequel le corps ne pénètre pas. On voit la masse énigmatique, qui renferme le noyau, sphérique. L’éclosion des kystes n’a pas été observée; il est probable qu’ils sont avalés par les Blattes et que c’est ainsi que le parasite se propage.

Le Nycthotherus Gyœryanus a été trouvé dans l’Hydrophyle (Hydrophiliis piceus ), en 1856, par Gyœry, de Vienne, qui l’a consi¬ déré comme un Bursaria. Stein est le premier qui ait reconnu ses affinités avec les Nyctotherus. Sa forme est tellement semblable à certaines formes jeunes du N. ovalis que Stein crut d’abord avoir affaire à cette même espèce ; mais il y a quelques différences, d’abord dans la direction de l’œsophage qui se porte presque transversale¬ ment en dedans jusque vers le milieu du corps, dans le N. ovalis , et qui, ici, se porte en arrière et ne s’avance pas jusqu’à l’axe médian. Il y a, du reste, un anus et un intestin anal ;le noyau est enchâsse dans le corps énigmatique, mais il existe une différence quant aux stries : sur une face elles vont de droit à gauche, sur l’autre, de gauche à droite, et, par transparence, elles s’entrecroisent, ce qui signifie qu’elles sont spirales.

La fissiparité et la conjugaison n’ont pas été observées.

La première espèce de Nyctotherus , le N. velox , découverte par Leidv, en 1855, dans VIulus marymatus^n’à pas été revue ; du reste, la description est très insuffisante, (bien que les matériaux n’aient pas manquer, car Leidy dit que ce parasite existe par milliers dans l’intestin de l’Iule). Aussi, faut-il une certaine bonne volonté pour le rattacher à ce genre.

Cette espèce paraît, d’ailleurs, présenter d’assez grandes ressem¬ blances avec le N. Gyœryanas ; on peut en juger par les figures données par Saville Kent. L’intestin anal est très visible avec la vési¬ cule contractile placée à proximité. L’œsophage serait tout à fait transversal et le noyau placé aussi transversalement.

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Le N. Duboisii a été trouvé, en J 884, par M. J. Kunstler dans la larve de V Oryctes nasicornis et décrit par cet auteur dans Je Journal de Micrographie (T. VIII, 1884, p. 86). A en juger par la figure plus que par la description, qui n’est pas très claire, M. Kunstler ayant changé le mode d’orientation de l’animal ordinairement adopté dans les descriptions, on se prend à douter si l’on a affaire à une espèce nou¬ velle, car la ressemblance de celle-ci avec le N. ovalis est très grande, sauf que la partie postérieure est atténuée et la partie anté¬ rieure élargie, mais ce sont des variations de forme qui ne sont pas spécifiques. La bouche est placée plus haut, beaucoup au-dessus de la partie moyenne du corps. L’œsophage est très bas et se re¬ courbe vers le haut à droite ; il se poursuivrait donc plus loin que dans les autres espèces. L’intestin anal s’élève aussi plus haut et abou¬ tit à un tube effilé. La longueur de l’animal ne dépasse pas 100 pu

J’aurais voulu que M. Kunstler donnât les raisons et les caractères sur lesquels il s’est fondé pour faire de cet animal le type d’une espèce nouvelle.

Pour clore la liste des Ciliés hétérotriches parasites, il me reste encore à parler de deux types dont l’un appartient aussi à la famille des Bursaires.

La première espèce appartient au genre Plagiotoma ; c’est le P. Lnmbrici , la seule espèce du genre. Elle a été observée d’abord par W. F. von Gleichen, auteur allemand du siècle dernier dont un des ouvrages ( Dissertation sur la génération des animalcules spermati¬ ques et infusoires (1778) a été traduit en français en l’an VII. Il a trouvé cet animalcule parmi d’autres dans le Lombric terrestre et lui a donné le nom d’ « animal-fève » ou d’ « animal-haricot », car c’était la mode alors de désigner par des noms vulgaires les ani¬ maux microscopiques que l’on découvrait.

Ehrenberg l’identifia avec le Paramæcium compressum des Ano- dontes de l’Oural qu’il avait vus dans son voyage en Russie, en 1825. Dujardin est le premier qui ait donné une bonne figure de cet animal qu’il avait reconnu comme appartenant à un genre nouveau, créé par lui, mais il lui donna par erreur pour habitat la cavité générale du corps du Lombric et non l’intestin. C’est sous ce nom de Plagiotoma Lumbrici que cet animalcule a été décrit par Stein et par tous les auteurs modernes.

Il vit dans le canal intestinal du Lumbricus terrestris ou agricola , peu différent du L. anatomicus ou communis qui ne vit que dans les couches peu profondes du sol, tandis que le premier se trouve à toutes les profondeurs. Stein dit l’avoir trouvé aussi dans les Lumbricus

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fœtidus et tetraedrus qui ont un habitat particulier, le premier le bois pourri et le fumier, le second la vase et les boues de nos rivières. Nous l’avons cherché inutilement dans le Lombric commun, tandis que nous l’avons trouvé en grand nombre dans le Lombric terrestre.

Il mesure de 150 à 170 ^ ; le corps est aplati, lamelliforme, à ex¬ trémité antérieure atténuée en pointe de couteau de table, ogive aigue ou lancette. La partie postérieure est tronquée obliquement d’avant en arrière et de droite à gauche, (d’où le nom de l’animal : IDJyioç, coupe oblique). Le bord gauche antérieur est à peu près rec¬ tiligne et présente au milieu une petite échancrure: la bouche. Le bord droit est quelquefois régulièrement convexe, souvent s’infléchit un peu vers le bord postérieur : il représente ainsi un couteau dont la partie antérieure figure la lame et la partie postérieure le manche. Le bord qui porte la bouche est très souvent recourbé en dedans dans la partie postérieure, de sorte que cette partie ressemble assez à une coquille bivalve.

Le péristome commence presqu’à l’extrémité antérieure du corps et s’étend en ligne à peu près droite jusque vers le milieu il s’in¬ fléchit dans l’œsophage. Il est coupé en biais aux dépens de la face ventrale ; le bord gauche se confond avec la face ventrale, et le bord droit porte une rangée de cils vibratiles assez forts, en peigne. Chez les espèces voisines, c’est le bord gauche qui porte les cils adoraux, par la raison très simple que chez celles-ci la bouche est placée sur le bord droit, tandis qu’ici elle est sur le bord gauche. C’est un carac¬ tère assez rare.

L’œsophage se recourbe presque directement en arrière ; il est très étroit et assez peu visible. Il y a une soie buccale, implantée sur la paroi postérieure de l’œsophage, et qui proémine longuement au dehors, comme chez le Nyctotherus cordiformis. L’animal n’est pas contractile et ne peut changer sa forme. Quand on observe ses mouve¬ ments au microscope, on voit qu’il est très agile, nage très vite et se retourne tout d’une pièce.

A la partie postérieure du corps, longeant le bord droit, contour¬ nant le bord postérieur et remontant un peu vers le bord gauche, est une bande de granulations grisâtres, constante chez tous les animaux que j’ai examinés. Les vacuoles sont à la partie postérieure ; elles sont pleines de liquide avec quelques granulations. L’anus est au milieu du bord postérieur tronqué; on ne peut le voir que pendant la défécation.

Le noyau a une structure très curieuse que Stein a parfaitement dé¬ crite. Sur le vivant, on voil qu’au milieu du corps il y a des taches nombreuses, claires, transparentes, ovalaires; quand on traite l’animal

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par un réactif fixateur, on voit ces taches remplacées par des cor¬ puscules piriformes granuleux qui paraissent tous en connexion et insérés sur une tige commune, formant une espèce de grappe de grains ovalaires. C’est un noyau racémeux, et ces corpuscules ovoïdes ne sont que des dilatations de la substance nucléaire. Ces dilatations sont assez nombreuses pour cacher la tige commune qui les relie. Stein a fait une expérience qui met bien en évidence la structure, en quelque sorte, jeune du noyau. Quand on laisse dessécher à moitié, sur une lame de verre, un de ces individus jeunes, et qu’on ajoute de l’eau avant que la dessication soit complète, on voit très bien que la place du noyau est occupée par un cordon très contourné sur lui- même, très irrégulier, s’étendant dans une grande partie du corps. Ce noyau en cordon contourné ne présente pas encore les dilatations piriformes que l’on voit dans le noyau des adultes. Enfin, ce noyau tout entier est enveloppé par une masse granuleuse semblable à la bande qui longe le bord droit du corps.

La reproduction se fait, comme chez tous les Ciliés, par fissiparité, mais elle a été rarement observée par Stein. Il a remarqué qu’à une phase encore précoce, la bouche et l’œsophage cessent d’être visibles, mais en arrière du péristome un nouveau péristome commence à se former, continuant en quelque sorte la ligne du péristome primitif. La nouvelle vésicule contractile se formerait par l’apparition de nom¬ breuses petites vacuoles claires, disposées en série la long du bord interne du nouveau péristome et qui conflueraient. Cette opinion de Stein mérite confirmation.

Pendant la division, le noyau, formé par un long cordon contourné, se contracte comme dans les autres types semblables, se prend en une masse condensée, irrégulière, et les phases ultérieures se passent comme chez les Spirostomes, la masse se divise en deux moitiés, etc. Mais ces dernières phases n’ont pas été observées directement. L’existence du nucléole n’a pas été constatée. Quant à la conjugaison elle n’a pas encore été vue.

Stein n’a pas reconnu de kystes ; cependant, en ce moment même, nous assistons, dans notre laboratoire, à la formation de ces kystes. Quand on délaie dans l’eau la matière terreuse qui occupe la partie postérieure de l’intestin du Lombric, on voit les Infusoires nager, car ils vivent assez longtemps dans l’eau pure, et il ne tarde pas à se former des kystes.

Depuis 1867, il n’a pas été fait d’études nouvelles sur ce parasite et c’est par sa description que se termine la seconde partie du grand ouvrage de Stein sur les Infusoires, ouvrage dont la première partie a été publiée en 1858 et la seconde en 1867. Stein est mort en 1885,

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Cette étude, cependant, mériterait d’ètre reprise en raison, descurieux détails d’organisation que présente cette espèce, et je vous la recom¬ mande. L’animal vit longtemps dans l’eau pure et n’est pas difficile à observer.

Je passe à une seconde espèce parasite, mais c’est avec beaucoup d’hésitation que je place cette espèce, plus singulière encore que les précédentes, dans le groupe des Ciliés Hétérotriches Saville Kent l’a rangée dans un genre Trichodinopsis qui compose à lui tout seul la famille des Trichodinopsidés et ne comprend que cette seule espèce.

Stein l’a placée dans les Héterotriches Urcéolariens , à côté des Trichodina. Toutefois, elle présente des détails d’organisation dans lesquels sont combinés des caractères appartenant à plusieurs genres distincts. C’est une de ces formes de passage qui, de tout temps, ont causé beaucoup d’embarras aux classificateurs. De l’épi¬ thète de paradoxa que lui ont donnée Claparède et Lachmann.

Le Trichodinopsis paradoxa a été découvert, par ces derniers auteurs, dans l’intestin d’un Mollusque Gastéropode terrestre, le Cy- clostoma elegans. Par son extérieur, il ressemble beaucoup aux Tri¬ chodina ectoparasites que nous connaissons, comme le T. pediculus de l’Hydre d’eau douce. On peut le dépeindre comme une Trichodine dont toute la surface du corps serait couverte de cils vibratiles. Il a la forme d’un cône ou pain de sucre, pointu au sommet, élargi à la base, et couvert de cils très fins. A la partie antérieure est la bouche avec spire buccale ; à la partie inférieure, évasée, est l’appareil de fixation du Trichodina ou des Urceolaria , espèce de ventouse dont le bord est entouré d’un cercle corné ne présentant pas de dents sur son bord interne, mais de longues soies mobiles, dirigées vers l’in¬ térieur de la cupule ou le centre du cercle. C’est Stein qui a reconnu le premier ces soies que Claparède et Lachmann avaient décrites comme des stries.

L’œsophage présente une structure très curieuse qui a fort em¬ barrassé Claparède et Lachmann. Ils le décrivent comme composé de deux lames triangulaires qui se réuniraient par l’un de leurs côtés, formant un angle dièdre. Claparède a vu ensuite que cette espèce de cornet incomplet est entouré par une sorte de plaque qui le ferme sur un côté et dont les bords sont lobés. Il suppose que ce corps est un noyau. C’est une singulière position et une singulière forme pour un noyau !

A la partie postérieure du corps, presque sur l’appareil de fixation, est un corps solide en connexion avec cet appareil, que Claparède pense de nature musculaire, destiné à faire agir l’appareil de fixation. C’est encore un détail bien singulier.

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D’après Stem, l’œsophage ne serait formé que par une plaque solide recourbée en gouttière dont le coté ouvert serait obturé par une mem¬ brane transformant la gouttière en canal. Quant à la masse irrégulière et lobée qui entoure l’œsopbage, Stein pense aussi que c’est un noyau, mais, quant au corps musculaire, il lui laisse une signification in¬ décise.

Vous voyez jusqu’à quel point les meilleurs observateurs diffèrent

dans ttnterprétation qu’ils donnent des parties constituant ce bizarre Infusoire.

Récemment, M. Aimé Schneider a eu l’occasion d’observer ce Tri- chodinopsis paradoxa ( Comptes Rendus de l’Ac. des Sc. de 1878) et ses interprétations diffèrent sensiblement de celles de Claparède et Lachmann. Il considère le corps « musculaire » connue un noyau qui n’aurait rien d’extraordinaire et serait une masse allongée, ovoïde, logeant un petit nucléole dans une dépression. Le corps lobé irré¬ gulier qui enveloppe l’œsophage serait une espèce d’organe glandu¬ laire. J’avoue que cette interprétation a besoin d’ètre vérifiée. D’ailleurs, ce corps n’existe pas chez tous les individus, et suivant qu’il manque qu’il existe, il y a des modifications dans les autres parties. Ceux qui en sont privés ont une forme différente : il y aurait une sorte de dimorphisme en rapport avec la présence ou l’absence de ce corps, mais M. A. Schneider ne dit pas quelles sont les diffé¬ rences.

D’après lui, cette masse glandulaire renfermerait dans son intérieur des concrétions ou calculs, il ne dit pas de quelle nature, qui donne¬ raient à ce corps l’apparence solide signalée par Claparède et Lachmann et Stein. Enfin, toute la surface du corps, sous la cuticule, présen¬ terait de petits bâtonnets que M. A. Schneider compare à des tricho- cystes. On sait que ces organes existent chez d’autres Ciliés. Mais tous ces détails ont besoin d’être confirmés.

Telles sont les observations, encore peu nombreuses, que nous possédons sur cet Infusoire et je puis dire aussi que cette étude méri¬ terait d’être refaite avec soin.

A plus forte raison en dirai-je autant des formes étranges qui nous restent à examiner pour clore la liste des Ciliés parasites, telles que le Pompholyxia Sipunculi qui intrigue les naturalistes depuis 55 ans, et celles qui vivent par quantités énormes dans la panse des Rumi¬ nants et dont il n’existe pour ainsi dire pas de figures.

Quant au Pompholyxia Sipunculi , je crois que c’est Krolm qui a le premier signalé son existence dans la cavité du corps de la larve du Sipiinculus nudus [Arch. de Millier, 1851). Il parle de parasites

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vésiculeux, munis d’une couronne ciliaire dont les mouvements servent à mettre en mouvement et à attirer vers Panimalcule tous les corpuscules qui se trouvent dans la même cavité, globules du sang, œufs, ovules, spermatoblastes, etc. On les trouverait aussi chez d’autres Géphyriens, le Phascolosome, par exemple, mâle et femelle.

Keferstein et Ehlers, de Leipzig dans un mémoire sur l’anatomie du Sipunciilus nudas (Zeitsch. de Siebold et Kôlliker, 1865) parlent de divers éléments qu’on trouve dans la cavité du corps, parmi les glo¬ bules du sang, œufs, etc., éléments singuliers qu’ils appellent « corps en forme de petit pot » ( topfformige Kürper) ; ils en donnent des figures qui ne sont pas mauvaises, mais malgré l’apparence, ils se défendent de les prendre pour des parasites parce qu’ils les ont trouvés dans des larves de Siponcle n’ayant que de 2 millmètres ; ce qui est une raison insuffisante.

Brandt les signale aussi dans ses recherches anatomo-physiologiques sur le Sipnnculus nudus (Mém. de V Acad, des Sc. de Saint-Péters¬ bourg, 1870) et M. Rouget dans le travail il démontre que la matière colorante du sang du Siponcle n’est pas un liquide, comme chez les Ghironomus , par exemple.

Ray Lankester, dans ses Notes sur l’anatomie du Siponcle (Ann. and. Mag. ofNat. History , 1875) les considère comme des excrois¬ sances des cellules épithéliales. Ce seraient des éléments épithéliaux qui se détacheraient sur un point particulier qu’il indique, un repli du péritoine près de l’œsophage.

Enfin, arrivons à des recherches plus récentes : C. Yogt et Yung (Tableaux d? Anatomie comparée , 5e Livr.) enklonnent une figure ; ils désignent ces corps sous le nom d’ « urnes » et les décrivent comme des parasites, sortes de vésicules, qui portent à leur partie inférieure un cercle granuleux couverts de cils vibratiles à l’aide desquels ils nagent avec une grande rapidité. Ils les considèrent comme des Infusoires parasites qui se nourrissent en attirant à eux les corpuscules flottants dans la cavité du corps. Ils ajoutent qu’on n’en rencontre pas dans tous individus de Sipnnculus nudus : ce ne sont donc pas des éléments épithéliaux.

En 1884, j’ai eu, avec M. Henneguy, l’occasion d’examiner des Siponcles vivants adressés de Bordeaux, et au premier coup d’œil nous avons reconnu qu’il s’agissait de parasites. On ne peut même comprendre comment cela ait pu faire question.

M. Fabre-Domergue, au dernier Congrès de l’Association Française, à Nancy, a présenté un mémoire relatif à ces parasites et il a eu la complaisance de me donner quelques notes sur ce travail qu’il est en train de publier, Cest lui qui a donné à ces animalcules le nom de

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Pompholyxia (ampoule). Iis présentent, en effet, la forme générale d’un ballon constitué par une membrane très transparente enfermant dans son intérieur un liquide parfaitement hyalin. A la partie postérieure le ballon porte un disque de protoplasma granuleux, disque qui pré¬ sente un épaississement ou bourrelet autour de son bord. La mem¬ brane qui le compose remonte un peu sur le col du ballon jusqu’à une certaine hauteur et forme une mince couche, visible par ces plis trans¬ verses. Ce bourrelet est garni de cils vibratiles dirigés vers le bas, La face supérieure du disque présente à la partie moyenne une surface convexe qui fait plus ou moins saillie dans le col du ballon et c’est dans cette partie qu’est placé le noyau avec un petit nucléole logé dans une échancrure. Il y aurait un second noyau placé dans l’espèce de monticule de protoplasma qui remonte dans 1’urne. Yogt n’a vu que ce noyau. Est-ce un noyau ? Il ressemble beaucoup à un cor¬ puscule amiboïde du sang du Siponcle, comme M. Ilenneguy en a vu.

La surface intérieure du disque offre, à son centre, une légère exca¬ vation qui est agglutinante car les corps étrangers s’y fixent et peu à peu sont assimilés. C’est pour cela que M. Fabre l’a appelée aire d'ab¬ sorption. Il pense que la digestion commence avant la pénétration du corpuscule nutritif dans le protoplasma : il se ferait une transsudation de la substance du corpuscule dans le protoplasma de l’animalcule, et, en effet, le corpuscule se colore déjà comme les corps morts.

Ainsi, la partie réellement active et vivante de l’animal est le disque protoplasmique, puisque c’est lui qui porte les organes de la locomotion et la masse qui sert à secréter le liquide digestif. M. Fabre a fait quelques observations sur la reproduction qui paraît s’effectuer par division longitudinale. C’est J’anneau protoplasmique (pii com¬ mence à se diviser en deux moitiés longitudinales, et la division est déjà complète pour cette partie alors qu’elle est encore incomplète pour le ballon.

Quelle est la position systématique de ces êtres? Faut-il en faire des llolotriches, des Péritriches, des Hétérotriches ? M. Fabre pense qu’il faut les placer dans les Ciliés Péritriches, plutôt par exclusion des caractères des autres groupes.

Dans tous les cas, ce sont des êtres fort étranges et qui ne rentrent guère dans les divisions que nous établissons pour mettre un peu d’ordre parmi ces organismes.

Le temps me manque maintenant pour vous parler avec détail des Opiiryoscolécidés de la panse des Ruminants. Je me bornerai aux faits suivants :

En 1845, Gruby et Delafond communiquèrent à l’Académie des Sciences une noie sur des animalcules existant en immenses quantités

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dans la panse et le bonnet des Ruminants, notamment le Bœuf et le Mouton. Us en décrivirent 4 espèces dont 5 munies d’une carapace tantôt lisse, tantôt dentelée, et d’une ceinture de cils à la partie anté¬ rieure ou vers le milieu du corps. Souvent, il y avait un prolongement en forme de queue mobile. La quatrième forme n’a pas de carapace, mais est entièrement couverte de longs cils vibratiles et a la bouche située à la partie antérieure. Celle-ci est un Isotricha, dont nous avons déjà parlé ; c’est 17. prostoma décrit par Stein. Mais, pour les trois premières, il est très difficile de se rapporter à la diagnose, car Gruby et Delafond n’ont pas donné de figures, et signalent seulement la ressemblance que l’une de ces formes présente avec certains Rota¬ teurs, le Brachionus polyacanthas d’Ehrenberg. Une autre, disent-ils, n’a d’analogie avec aucune autre forme connue. Enfin, la dernière ressemble à VEnchelys nebulosus, Ehb. découvert par Gleichen.

On voit combien ces premières notions étaient vagues, mais leurs auteurs ont fait une observation intéressante sur l’énorme dévelop¬ pement que ces êtres prennent dans la panse et le bonnet des Rumi¬ nants. Ils évaluent à 5 à 5 kilogr.le poids de nourriture que prend un Mouton dans un repas, et le poids de ces Infusoires y figurerait pour 600 à 1000 grammes. Ils supposent que le Mouton s’en nourrit et que cela sert d’appoint à la matière nutritive végétale. Dans les deux autres estomacs, on ne trouve que des carapaces vides, la substance des animalcules a donc été digérée comme le foin.

Le premier essai de description un peu exacte est Stein, dans une communication à la Soc. des Sc. de Prague, en 1858. Il classe parmi les Infusoires Ciliées et en forme de deux genres, Ophryos- colex et Entodinium, composant la famille des Ophryoscoléoidés. Stein ignorait le travail de Gruby et Delafond et ce fut Purkinje, son collègue, qui lui indiqua l’existence de ces parasites et leur habitat. Us furent mieux caractérisés dans le Lotos de Prague (T. IX, 1859), et c’est dans ce second ouvrage que Stein les réunit en une seule famille qu’il place en tète des Infusoires Ciliés, première famille des Péritriches. U les décrit comme des êtres à corps nu, sans cils, mais avec un péristome cilié contractile, une cuirasse formée par la couche corticale du corps comme chez les Euplotes, et des prolongements postérieurs en forme d’épine ou de queue, droite ou recourbée. Stein s’est servi de ces caractères pour former des genres et des espèces. D’ailleurs, ses diagnoses sont fort incertaines à cause du manque de figures, et il est difficile de se faire une idée un peu exacte de ces êtres singuliers. Us se rapprochent évidemment des Vorticelliens, et surtout de ces Vorticelliens un peu aberrants, Spirochona , Lageno- phrys , par certains caractères, tel que le péristome contractile, mais

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il y a de grandes différences, par exemple dans l’anus, qui n’est pas placé près de la bouche comme chez les Yorticelliens, mais à l’extré¬ mité postérieure du corps, ayant une ouverture béante et conduisant à un petit intestin anal. De plus, ces parasites ne sont pas fixés, mais, au contraire, nagent avec une grande agilité. Mais ils ont le corps rigide comme les Spirochona.

M. Fabre-Domergue publie eu ce moment des figures dont il m’a montré quelques-unes et dans lesquelles on voit bien le péristome spiral, la queue pointue, l’anus, deux vésicules contractiles et un gros noyau allongé avec un nucléole. L’une de ces espèces ressemble a un animal héraldique.

M. Certes a figuré aussi ces animalcules à l’état contracté, et ses figures s’accordent bien avec les descriptions de Stein. Il a vu la re¬ production par division et l’a représentée.

De mon côté, j’ai fait avec M. Henneguy quelques observations, mais sur des animaux fixés par les réactifs. Ce qui frappe surtout c’est la très grande inégalité de taille d’individus appartenant à la même forme, ce qui tient sans doute a la répétition fréquente de la division lissipare qui donne naissance à des individus de plus en plus petits. Il y en a d’aussi gros que les plus gros Rotifères, et qui ressemblent beaucoup à certains de ceux-ci. Mais le fait le plus intéressant que j’aie observé et qui peut jeter un certain jour sur le mode de propagation de ces êtres, c’est l’existence de kystes. J’ai vu ces kystes sur un brin de foin, formant une masse de petits corps ovoïdes. Ce serait des kystes de la plus petite mais de la plus commune des espèces, qu’on trouve en très grande quantité dans toutes les préparations de la panse du Bœuf ou de Mouton.

Pour étudier ces Infusoires, il faut prendre certaines précautions c’est pour cette raison qu’ils sont si peu connus. Il faut les examiner dans des organes encore vivants, pour ainsi dire, et sur la platine chauffante. C’est en se plaçant dans ces conditions que M. Fabre a pu étudier les animaux à 1 état d’expansion, tandis que dans des prépa¬ rations refroidies on ne voit que des animaux contractés.

[A suivre).

Nota. Ici se terminent les Leçons de M. Balbiani relatives à l’histoire des Infusoires Ciliés parasites. Nous commencerons dans le prochain numéro, celle plus curieuse encore, des Acinétiens ou In¬ fusoires Suceurs. DrJ.P.

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SUR DEUX CAS D’INCLUSION DE PARASITES NÉMATOIDES

DANS DES ŒUFS DE POULE (i)

(Am).

Les caractères du parasite qui m’a été transmis par le prof. Meloni-Salla le désignent comme appartenant au genre HeteraUis , Dujardin, qui se dis¬ tingue des Ascarides véritables (G. Ascaris , L.) par la présence, chez les individus males, d’une ventouse préanale et deux spiculés assez inégaux ; en outre, il y a au moins trois papilles préanales de chaque coté.

Puis, les caractères spécifiques, après une diagnose différentielle convenable, rangent l’individu en question dans l'espèce désignée par Bloch sous le nom d 'Heterakis papillosa (2).

Il ne m’a pas été facile comme je l’ai dit en commençant de trouver la rela¬ tion, dans les ouvrages italiens, d’autres cas identiques à ceux deGrosoli et de Meloni-Satta. Peut-être, en y consacrant plus de temps que je n’en ai eu dans ces derniers mois très occupés, il eût été donné à moi-même ou à d’autres plus heureux d’en réunir de semblables. Je vous dirai seulement que dans le Giornale di Medicina V et er inaria de l’Académie Royale Vétérinaire Italienne, à Turin, (fasc. 5, ann. XXIV, 1880, p. 318), j’ai trouvé ce qui suit:

« Le Secrétaire général présente (séance du 31 mars 1880) un ver envoyé par notre collègue Zambelli, qui a été reconnu pour un Ascaride et que Zam- belli dit, d’après l’assertion de sa domestique, avoir été trouvé dans un œuf de poule. »

« Le Président (le prof. R. Bassi) croit à la possibilité de la présence d’un semblable ver dans l’œuf, parce qu’il peut être remonté du cloaque avant la calcification de la coquille; il dit qu’il se réserve de rechercher si l’on a déjà constaté des cas identiques. »

(1) Voir Journal de Micrographie, T. XI, 1887, p. 407.

(2) Rudolphi, pour nous en tenir à un seul des auteurs les plus compétents, donne la diagnose suivante pour Y Ascaris vesicularis, Frœl., synonyme de VHete- rakis papillosa de Bloch : « Linea corporis lateralis tenaissima ; cauda utriusque sexus reflexa, in maribus utrinque basi conniuente alata. » ( Entozoorum sive Ver- miam Intestinaliurn Historia Naturaliser. II, P. I. Paris 1810, p. 129).

Et, pages 130-132 du même ouvrage, Rudolphi ajoute une description minu¬ tieuse des diverses parties du corps chez le mâle et la femelle de ce Nématode.

Importantes sont les études du regretté prof. Ercolani sur le mode de déve¬ loppement et de reproduction de l’Ascaride vermiculaire, indépendamment d’autres espèces qu’il a aussi étudiées, et qu’il indique. Voir: sur la dimorpho- biose ou mode différent de vie et de reproduction sous une double forme d’une même espèce animale. Voir aussi les observations faites sur quelques Némathel- minthes, Bologne, 1873-1875. Voir encore Perroncito. Les Parasites de l'homme et des animaux utiles ; Vallardi, Milan, 1882 p. 305-307.

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Je ne trouve plus rien relativement à ce fait. Mais dans le fascicule de juin 1880, du même journal, p. 416-417, a été publiée une lettre du Dr Odo- ardo Benci di Calci dans laquelle, à propos du fait signalé par le Dl Zambelli, il est écrit :

« Il m’est aussi arrivé de voir, le 2 mai dernier, un cas semblable d’Ascaride trouvé dans un œuf de poule, de race indigène, et qui était suspendu dans l’albumine, de grandeur naturelle, etc.

« Il me semble donc, ajoute le Dr Benci, que ces deux faits, bien qu’appa- remment isolés, peuvent se constater avec une certaine fréquence. Seulement, au lieu de tomber sous les yeux d’bommes de science qui veulent se donner la peine de les faire connaître, il est possible qu’ils soient vus le plus souvent par des personnes ignorantes qui n’ont pas souci d’en chercher la cause. »

Il est possible que le Dr Benci ait ici raison ; mais ni lui ni Zambelli n’ont pensé à expliquer le fait communiqué par eux à l’Académie Royale de Médecine Vétérinaire. Et il ne me parait pas que selon la promesse du savant prof. Bassi, on ait rapporté des faits antérieurs semblables à ceux de Zambelli et de Benci.

Permettez-moi, avant de terminer cette brève communication, de vous présenter la liste des parasites trouvés dans les poules :

Classe : Némathelminthes. Ordre : Nématoïdes.

I. Fam. Ascarides.

Genre : Heteratris, Dujardin.

1. H. papillosa, Bloch. Dans le cæcum (Ascaris vcsicularis, Frœlich).

2. IL inflexa, Zed. Dans l’intestin.

3. IL compressa, Schn. id.

II. Fam. Strongylidés.

Genre : Syngamus, Sieb.

1. S. trachealis, Sieb. Dans la trachée (1).

III. Fam. Trichocepiialidés.

Genre : Tric/iosoma, Rud.

5. T. longicollcy Rud. Dans le gros intestin, particulièrement dans le

cæcum.

6. T. annulatum, Mol. Dans l’intestin.

7. T. collare, V. Linstor. Dans l'intestin.

IV. Fam. Filaridés.

Genre : Dispharagus, Duj. et Mol.

8. B. nasutus , Rud. Dans le jabot.

9. D. spiralis, Molin. Dans l’œsophage.

(1) Mc trouvant à Turin au mois de juillet 1880, j’ai pu observer grâce à l’obli¬ geance du Dr A. Carita, assistant du savant prof. Pcrroncito, les phases de dé¬ veloppement qu’il a réussi à obtenir chez le Syngamus trachealis, parasite (dont, un seul exemplaire défectueux était représenté dans la nouvelle collection que je forme au Musée de Rome) dontM. Carita m’a fait cadeau, individus males et femelles, ce dont ,jc lui adresse de nouveau mes remerciements.

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Classe : Plathelminthes Ordre : Trématodes.

Genre : Distomum.

10. D. ovatum, Rud dans le gros intestin.

11. D. lineare. Zedr.

12. D. dilatation, Miram.

13. D. armatum , Molin.

14. D. commutatum, Dies.

id.

id.

id. Et une autre espèce, id.

De l’ordre des Cestoides on connaît diverses espèces de Tænias et un Bo- thryocéphale (Y. pour la liste, l’ouvrage des prof. Rivolta et Del Prato : Ornitojotria , Pise, 1879).

Le prof. Landois, de Munster, calcule qu’on peut trouver dans les œufs de poule plusieurs espèces de Vers (26) dont : 13 appartenant aux Nématodes, vivant soit dans l’intestin de la poule, soit dans l’estomac, soit dans la tra¬ chée, etc. ; 8 aux Trématodes ; et 5 aux Plathelminthes (Tænias et Botryocé- phales).

Landois, comme tous les auteurs compétents, affirme que si de tels para¬ sites pénètrent dans l’œuf d’une poule, cet œuf ne peut être nuisible à la per¬ sonne qui le mange s’il a été préalablement soumis à la cuisson. Et l’on s’ex¬ plique bien l’innocuité de ces œufs qui sont si souvent un excellent ali¬ ment, quand on pense que par l’action de la chaleur le parasite est tout à fait détruit ou tellement altéré qu’il finit de succomber dans le tube digestif de celui qui l’a ingéré avec le contenu de l'œuf. Même, s’ils sont mûrs, les para¬ sites renfermés dans l’œuf de la poule et des autres oiseaux, si celui-ci a été soumis à une température convenable, ne peuvent se reproduire dans l’intestin de l’homme. J’ajoute ceci pour repondre à une question qu’on a bien voulu me faire (1).

Prof. Ant. Caruccio.

De l’Université de Rome.

DU PARASITISME DES TRUFFES

Pour étudier cette question du parasitisme, il nous faut remonter à l’origine des truffières. Dans un sol plus ou moins riche en sels minéraux, en détritus végétaux et plus spécialement en feuilles décomposées, des spores de truffes apportées par les animaux, entraînées par les vents ou les pluies, quand elles rencontrent des circonstances favorables, germent, c’est-à-dire émettent leur mycélium, en d’autres termes la plante qui doit reproduire le fruit d’où elles sont sorties. Ce mycélium parcourant le sol, dans sa croissance orbiculaire, l’épuise suffisamment pour faire disparaître d’ordinaire la végétation phanéro-

(1) ür J. P. Trad.

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gamique quj le recouvre. Mais je tiens à bien faire observer que celle dispari¬ tion de la végétation superficielle de la truffière, pour être ordinaire et habi¬ tuelle, surtout dans les sols maigres et secs, n’est point un fait constant ou nécessaire. Voici ce qu’en 1879, disait à ce sujet Munier, inspecteur des ponts et chaussées: « Les truffières sont dispersées dans les campagnes de l’Angou- mois ; elles se forment principalement dans les vignes, dans les terres labou¬ rables et les chaumes . J’en ai vu se former dans un pré haut. La première

année, la pelouse devint jaune, elle périt entièrement la deuxième année .

Le pic ne peut découvrir les truffières nouvelles. »

Tulasne dit, en outre : « Ce qui prouve beaucoup contre la prétendue assi¬ milation des truffes aux Rhizoclonia , c’est que les truffes du bois de Vin- cennes naissent sous des gazons ou des tapis de mousses, à la végétation desquels elles ne paraissent aucunement préjudicier, et que seulement on les a recherchées assidûment depuis plusieurs années, les graminées vivaces font plus ou moins défaut et sont remplacées par quelques plantes annuelles. On conçoit facilement que les Rkizoctonia, en enveloppant les racines de leurs innombrables filaments, s’opposent promptement à ce qu’elles remplissent leurs fonctions d’alimentation et que la vie des végétaux ainsi attaqués soit empêchée; mais l’action nuisible des truffes, si elle existait, ne serait explicable qu’en accordant à leur mycélium une puissance de dévelop¬ pement qu’il ne semble point avoir. » (Tulasne, Fung. hyp., p. 157). M. Vic¬ tor Tassy, inspecteur des forêts, écrivait en 18(38, alors qu’il était garde- général à Forcalquier : < On en a trouvé, néanmoins, dans les champs de blé» dans les prairies, sous des herbes fraîches et vertes. »

M. Chatin cite le Rromus sylvaticus parmi les végétaux truffiers. Je pourrai faire d’autres citations et dire avec M. Vigne, trufficulteur à Chame- ret (Drôme), que l’on trouve des truffes dans les jardins potagers ; avec Bruckmann, qu’on les fouille en Hongrie sous un tapis de mousse, je me bor¬ nerai à affirmer que dans ma propriété on a exploité une truffière qui s’était formée dans la portion non irrigable d’une prairie : qu’en face la ferme du Poiret, il en existait une dans une terre à blé elle a persisté longtemps et que dans un vallon dépendant de cette ferme on en a exploité pendant plu¬ sieurs années qui étaient couvertes chaque année par un tapis de lichen assez épais pour pouvoir se rouler comme une étoffe. J’ai appris, en outre, de mon chercheur de truffes, l’absolue nécessité d’un animal pour la découverte des truffières nouvelles, presque toujours cachées sous des plantes parfaitement vertes et vivaces ne laissant rien soupçonner à l’œil le plus expérimenté et le plus perspicace.

J’ai vu également en février et mars 1883, chez Jacques Agnel, diverses plantes parfaitement saines et une plantaginée semi ligneuse, le P. cynops probablement, retournées par le groin de l’animal fouillant sous mes yeux. Gomme je faisais remarquer à Agnel la végétation prospère de ces plantes, qui croissaient précisément au-dessus des truffes, il m’apprit que l'une de ses bonnes places truffières, dans le domaine d’Aurons, commune de Bonnieux (Vaucluse), dont il est le rabasner , se trouve à proximité et au-dessus d’un

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conduit de drainage, au milieu d’un gazon épais d’une irréprochable vigueur. 11 me semble permis de conclure des faits précédents que si dans les terres maigres et arides le mycélium fait périr les plantes qui végètent au-dessus de lui en absorbant à son profit les substances minérales et chimiques qui s’y trouvent, il ne serait point légitime d’en conclure que durant des années plu¬ vieuses et dans des terres fertiles et fraîches, son action se manifestât avec une égale énergie. Il me semble permis, en outre, de considérer les mycélium que l’on a trouvés à l’intérieur de diverses plantes croissant sur les truffières, soit comme des Érisyphés, soit comme des moississures quelconques, d’au¬ tant que le pouvoir absorbant de la plante truffière est d’ailleurs parfaitement connu. Elle meurt d’inanition dans les Heurs qu’elle a épuisées, pendant un temps d’occupation proportionnel à leur richesse, il faut ensuite des années pour que les minéraux enlevés avec le produit des fouilles leur soit restitué par les agents atmosphériques, les eaux d’infiltration, etc. conséquemment pour qu'une nouvelle plante y croisse et y frucfifie. Les expériences heureuses de M. Kieffer, inspecteur adjoint des forêts dans l’arrondissement d’Uzès (Gard), viennent encore à l’appui de cette thèse du pouvoir absorbant des truffes. Chacun connaît, en effet, la culture indirecte de la truffe. Dans un ter¬ rain calcaire, on plante des chênes en haies pour enrichir le sol de leurs dé¬ bris et des produits de la décomposition de leurs feuilles, et comme le sol forestier s’enrichit annuellement, il en résulte que dans un délai de six à vingt ans, selon la composition initiale du sol, la truffe se montre dans l’espace qui sépare les haies. Ce délai ayant, à bon droit, paru d’une longueur préjudiciable aux intérêts des trufficul leurs. M. Kieffer a pensé qu’il serait possible de l’a¬ bréger à l’aide d’engrais chimiques. Il a fait enfouir dans les clairières des bois d’Uzès du chlorhydrate d’ammoniaque, et la truffe a paru daus ces clairières assez peu de temps après.

Ces dernières réflexions sur la trufficulture témoigneront, je suppose, qu'en l’état de nos connaissances sur la matière, je partage l’opinion de M. Rous¬ seau: « Pas d’arbres, pas de truffes ». Je crois donc à findispensabilité ac¬ tuelle dans la culture en grand et indirecte des truffes, de la présence des arbres ; seulement comme je ne crois pas la truffe parasite des arbres plus qu’elle ne l’est des herbes croissant sur les truffières, je n’admets pas la né¬ cessité du contact du mvcelium de la truffe avec les racines des arbres. En effet, voici comment s’expriment MM. Moynier à cet égard : « C’est à l’entrée d’un bois, qu’elles (les truffes) se trouvent en plus grande quantité. Aux alen¬ tours du chêne on n’en manque jamais, aussi existe-t-il sur les lieux de pro¬ duction, dans l’esprit de quelques observateurs, ainsi que nous l’avons déjà observé, la croyance que la truffe est germée par les racines de cet arbre. Mais lorsqu’on considère que l’on en irouve également dans les plaines, dans les montagne s il n'existe pas meme h moindre arbrisseau et qu’en- core des terrains absolument sans arbres donnent encore de fort bonnes truffes, qu’on en trouve encore sur les rives caillouteuses du Rhône, l’opinion que nous venons de rapporter est sur le champ détruite et ne laisse pas même à sa place le moindre doute dans l’esprit (MM. Moynier p. 27). M. le docteur Leveillé déclare avoir « trouvé lui-mème pendant le mois de mai des truffes

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dans les environs d’Orange, dans un endroit il n’y avait pas d’arbres ». (Die. univ. d’Hist. Nat. de d’Orbigny, t. XXI, p. 715). « Et nous-même, dans le cours de nos tournées, avons pu en recueillir loin de toute végétation ar¬ borescente. » (Y. Tassy, inspecteur des forêts, étude sur la truffe noire, p. 15). Ajoutons à ce qui précède la découverte faite par le médecin Murat et rappor¬ tée par le pharmacien Martel « de truffes venues à l’ombre d’une église » et le second cas cité par M. Ghatin de truffières observées par M. Delamotte, se¬ crétaire de la Société d’agriculture de Péri gueux, à plus de vingt-cinq mètres de tout arbre ou sur la pente de collines à plusieurs mètres au-dessus de chênes dont les racines ne pouvaient remonter , chênes qui d’ailleurs étaient quelquefois séparés de la truffière par des rochers aussi en amont et rendant absolument impossible la remontée des racines ». (Ghatin, p. 13).

D’autre part, Jussian, rabassier de Villars-les-Apt, connait des truffières éloignées de quarante mètres de l’arbre le plus voisin. Son beau-frère, Cons¬ tantin Chabaud, en a exploité de plus distantes de tout arbre. A mon tour, j’ai mesuré devant témoins la distance séparant une de mes places truffières de l’arbre dont elle était la plus rapprochée ; cette distance était de vingt-six mètres, et l’arbre d’après ses dimensions ne devait pas étendre ses racines au-delà de douze à quinze mètres. Dans un rapport officiel sur une visite faite à la truffière de M. Rousseau à Carpentras, le 18 février 1858, M. le marquis des Isnards écrivait à M. le ministre : « A titre de curiosité, j’ai appris de M. Rey et je vous le signale, qu’au hameau de Groagne, près Saint-Saturnin- les-Apt, existe un chêne vert, étendu de la dimension d’un gros mûrier, dont la bienfaisante influence truffière s’étend sur une étendue de près de deux éminées. » Il est permis de douter que les racines de cet arbre parcourent tout ce terrain (notre éminée est de huit cents mètres carrés, soit dans le cas seize cent mètres carrés).

Je tiens à rappeler qu’on en a trouvé dans le terreau contenu dans le creux d’un saule, dans le creux d’un pied de vigne et à plus de üm,25 au-dessus du sol; dans un tonneau plein de marc de raisins destiné à la fumure des truffières et oublié au pied d’un chêne. Ce dernier fait a été publié par M. Charvat, pré¬ sident du Comice agricole de Reauville (Drôme) ; comme en pareille matière tant vaut l’homme tant vaut la chose, il résulte d’informations prises auprès de personnes dignes de toute créance et parfaitement à même de me rensei¬ gner que feu M. Charvat était un homme instruit, très franc et d’une hono¬ rabilité absolue; or, quand un homme de ce caractère affirme un fait il n’est pas permis de le repousser sans preuves contraires.

En définitive, qu’y a-t-il d’extraordinrire à ce que l’on trouve des truffes dans le terreau formé dans le creux des saules, de la vigne ou dans le marc de raisin ? Les salicinées favorisant la venue des truffes, les vignes avant les ravages du phylloxéra étant plantées dans les truffières comme plantes nour¬ ricières agréables à notre champignon hypogé, le marc de raisin était l’engrais préféré des truffières de la Drôme. Un tonneau plein de cet engrais est posé sous un chêne, au pied duquel une spore émet son mycélium, filament assez délié pour passer dans les joints delà partie inférieure d’un tonneau de rehut; ce filament rencontre une nourriture riche et de son choix, y vit et fructifie,

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quoi de plus naturel? En tout cas, cela se comprend mieux que le parasitisme de la truffe bien que M. Van Tieghem ait exprimé ainsi la possibilité de son existence : « (peut-être alors vit-il (le Tuber ) en parasite sur les racines des arbres, comme ce parait être le cas de YElaphomyces granulatus , sur les racines des pins, qui en éprouvent une ramification anormale et des déforma¬ tions. » (Van Tieghem. T. de Bot. p. 1074). Donc, et après avoir lu le Mémoire contenu dans le 3e fascicule de la Société de Mycologie, je me suis demandé depuis l’an dernier pourquoi les Elaphomyces granulatus et Leveillei, poussant dans les mêmes terrains et dans le voisinage des mêmes arbres, on avait choisi le second pour lui imposer un parasitisme dont le premier à peine était inculpé par le savant académicien précité. L’élude du mycélium res¬ pectif de ces champignons souterrains pourrait bien m'avoir mis sur la voie. WElapfi. Leveillei est recouvert d’une couche épaisse d’un mycélium vert et persistant, tandis que VElaph. granulatus est revêtu d’un mycélium jau¬ nâtre passant au brun foncé. Il importait de ne pas le laisser confondre avec celui de la truffe comestible. Je reviendrai sur ce point en exposant le sys_ tème des personnes qui de mon temps et à ma connaissance ont écrit sur le parasitisme de ce champignon souterrain.

Voyons d’abord la singulière situation dans laquelle ce parasitisme placerait la truffe vis à vis du règne végétal. Depuis très longtemps le groupe des Amentacées est sensé fournir la majeure partie des arbres dont le voisinage plaît à la truffe. Vittadini et Tulasne signalent, à ce point de vue, les cupuli- fères : chênes à feuilles persistantes et a feuilles caduques, châtaigniers, charmes, hêtres et noisetiers ; puis les salicinées : peupliers d’Italie (quartier d’espérance près Carpentras), peuplier blanc (près de Cadenet, C. Jacquême communication personnelle) ; les Tiliacées (Bouchè-Domenq. Bulletin de la Soc. d’agri. de l’Hérault 1835 et 1842; les Ulmacées (Vit), les Bétulacées (Tul), mariés avec les mûriers et les figuiers. J’ai cité le mûrier pour en avoir trouvé le nom dans un ouvrage dont j’ai perdu le titre; néanmoins j'avoue n’avoir jamais ouï parler de lui comme arbre protecteur de truffières ; quant au figuier, je fais des réserves à son sujet. Les platanes, on a trouvé des truffes au pied des platanes au domaine de Palerme, près de l’Isle, et sur la place de la sous-préfecture à Apt (Vaucluse), après une rectification du sol; cette place avait fait partie du jardin de notre ex-évêché.

11 conviendrait de joindre aux sepl familles précédentes les Hippocastanées. avec le marronnier d’Inde (Tulasne). Les oléacées avec l’olivier. (Dr Michel et Vigne, chercheur de truffes). Le lilas (Tulasne) les Euphorbiacées avec le buis, au sujet duquel je formule des réserves comme pour le figuier et les Rosacées représentées par la ronce, l’aubépine et l’épine noire. Les Poma- cées par le sorbier commun. Les Térébinthacées par le pistachier térebinthe. Les Acérinées par l’érable champêtre, les Éricinées par la grande bruyère, les graminées par le Bromus sylvaticus , les blés, les prairies. Les Jon- cées: J. Agnel a trouvé une truffe au milieu d'une touffe de joncs (au quartier des Moutons, à Apt); probablement aussi les Plantaginées, puisque j’ai vu fouiller ce champignon sous des plantains cynops ; les Labiées avec les thyms et les romarins (Meynier frères.)

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On donne encore comme hydnogènes parmi les conifères : le pin d’Alep, le pin sylvestre, le cèdre de l’Atlas et YAôies excelsa , le génevrier commun et le génevrier oxycèdre, etc., etc.

Mais si le mycélium de la truffe est parasite de tant de plantes, comment se nourrit-il quand il les a tuées? On conçoit mal l’existence d’une plante pa¬ rasite assez vorace pour détruire tous les végétaux existant sur le même sol qu’elle, abandonnant son fruit presque aussitôt sa naissance et lui laissant le soin de se nourrir de toute autre manière, soit par l’absorption des sels minéraux contenus dans le sol qui le couvre et l’entoure. Du reste nous venons de voir combien il existe d’exceptions à cette loi promulguée pour soutenir ce que je considère comme une théorie pure.

Le figuier, le buis, l’aubépine, l’épine noire, la ronce, le Bromiis sylvati- cus etc., protègent- ils directement la truffière ou fournissent-ils simplement un abri et un dépôt de terreau, résultant de la décomposition des feuilles du chêne ? A cent ou cent cinquante mètres de mon habitation de campagne, il existait une truffière sous un figuier encore vivant. Je fis abattre il y a bientôt 20 ans deux ou trois chênes qui croissaient à une certaine distance du figuier et ma truffière s’éteignit. Sur un terrain que mon père a planté en chênes verts croissaient des thyms, des lavandes, des ronces, des épines noires et blanches, sans que l’animal conduit par notre fouilleur eut jamais fouillé une seule truffe. Il n’en a plus été de même après que le sol a été enrichi par les débris et les feuilles des arbres apportés avec intention de parties de la pro¬ priété qui n’ont jamais produit de truffes et qui n’en fourniront probablement jamais.

Un rabassier, Constantin Chabaud, se promenant un jour aux environs de Lauris, arrive sur un mamelon appartenant à M. de Savournin et au centre duquel vivait un chêne unique entouré de génevriers ; il y fit des fouilles d’une richesse merveilleuse.

« Les truffes entouraient les pieds des génevriers comme les tubercules une plante de pommes de terre. » Encouragé par cette fructueuse récolte, il y re¬ tourna l’année suivante, mais dans l’intervalle le propriétaire avait coupé le chêne et aucune truffe ne se montra plus autour du génevrier. Le motif de ce défaut de production de champignons comestibles, je l’ignore ; mais il me semble en grande partie au moins à l’absence du terreau nourricier fourni par les feuilles du chêne. Au reste, sous le génevrier, deux tuberacées, le Picoc Juniperi , et une autre que j’ai eu le premier entre les mains. Cette truffe à base parfaitement définie et plate est de forme ovale très allongée, de couleur noisette et à pèridium lisse. Sa glebe et ses spores ressemblent exac¬ tement à celles d’un Tuber rufum et quand j’aurai un second exemplaire je me ferai un plaisir de vous en envoyer un fragment à l’état frais ; en l’état je serais disposé à considérer ce champignon comme un T. rufum et à l’appeler Tuber rufum , var ellipticum.

J’oubliais à propos du parasitisime de vous parler du Tuber magnatum trouvé dans un champ de garance à Tonnelles, près Tarascon (Bouches-du- Rhône). Ce champignon croit dans le Yar, les Alpes-Maritimes et le Piémont, surtout dans les bois de chênes et autres et dans nos environs dans les champs

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de garance, en est-il le parasite? et le Terfezia Leonis qui vit dans le Sahara au pied des cystes, àNérac, dans les sables croissent les pins et aux Antilles dans les champs d’indigo. Je regrette de ne point savoir auprès de quelles plantes il vit en Thessalie, mais M. Gennadius, inspecteur d’ Agriculture en Grèce, se borne à dire : « Dans cette dernière contrée, je l’ai trouvée moi- même dans des terrains sablonneux peu fertiles et ne portant pas d’arbres. » J’aime mieux croire avec Marsili, le docteur Clos, etc., que la truffe vit de la décomposition des produits végétaux, dont elle préfère quelques-uns, ceux des Amentacées par exemple. Ubi uber , ibi Tuber » se trouve la pourriture, la fertilité du sol, se trouve pareillement la truffe, disait-on autreiois, et cet adage n’est pas moins vrai aujourd’hui. Car si la truffe naît et fructifie dans les terres maigres, elle est surtout féconde et durable dans les terres riches. C’est que l’on trouve ces belles truffières des monts de Vaucluse estimées à raison de 6.000 francs l’hectare et qui, à ce prix, enrichissent leurs propriétaires.

Au surplus, si les truffes sont parasites, comment se fait-il que dans leur croissance orbiculaire, elles, n’entourent pas toujours l’arbre aux dépens duquel elles sont censées vivre ? J’ai vu de ces truffières chez Mathieu Agnel sur les Claparèdeset dans ma propriétéde la Roche d’Espeil. Enfin, si leur mycélium était aussi épuisant qu’on veut bien le dire, la vigueur des bois sous les¬ quels on les fouille en serait amoindrie. Ce fait je ne l’ai jamais observé nulle part, tandis qu’il m’a été donné de l’observer sur le passage du rond des fées tracé par divers Hymenomycèles épigés.

Sous peu je me propose ce vous parler des écrivains qui ont, de mon temps et à ma connaissance, traité du parasitisme de la truffe et de la couleur de son mycélium (1).

H. Bonnet.

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(1) Revue My cologique.

(1) S’adresser au bureau du Journal. Les articles portés au pré¬ sent Catalogue sont expédiés, contre mandat ou remboursement. La demande doit rappeler le numéro d’ordre de l'article au Catalogue. Le port et l’emballage sont à la charge de l’acquéreur.

Le Gérant: Jules Pelletan, Fils.

Amiens Imprimerie Rousseau-Leroy,

Onzième année

No 10

10 Décembre 1887.

JOURNAL

DH

MICROGRAPHIE

S Ü M M A IRE :

i - « < . i

Revue, pur le Dr Pelletan. Nos Maîtres : le- professeur Bâillon. Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France, en 1887, par le prof. L. Ranvier. Évolution des Microorganismes animaux et végétaux parasites : leçons faites au Collège de France, en 1887, par le prof. G. Balriani. Conférence sur le microscope (suite), par M. J. Mayai.l junior. Notes sur les objectifs, par le Dr J Pelletais. - Sur la maladie de la vigne, par M. Chavée-Leroy.— Avis divers.

REVUE

Je ne sais pas si j’ai l’esprit fait autrement .que les autres, mais il me semble que, depuis quelque temps, les savants agitent des questions bien étranges et se livrent à des hypothèses bien bizarres, lesquelles aboutissent à des conclu¬ sions bien extraordinaires.

Ainsi, voilà une femme qui, dans un magasin, trouve certains bibelots à son gré, les fourre dans sa poche, et est arrêtée comme voleuse.

Très bien, dites vous, ce n’est pas la misère noire qui pousse celle femme à voler ; elle n’a pas dérobé un pain de quatre livres pour nourrir ses pauvres enfants, elle a volé des dentelles et des rubans pour s’attifer. C’est une voleuse : elle est arrêtée, la loi va la punir, et le commerce sera protégé.

Vous croyez ça? Pas du tout ! La Science intervient et dit : cette femme s’est fait l’année derrière des «piqûres de morphine», c’est une morphinomane elle ri’est pas responsable. Et la voleuse est acquittée.

Voilà un monsieur qui viole des petites filles ou des petits garçons, je ne sais plus lequel. Il est arrêté et convaincu.

Très bien, dites-vous, voilà un misérable qui n’a pas d’excuses. On va l’envoyer au bagne et la morale sera vengée.

Pas du tout ! La Science se lève et dit : cet homme est un hystérique, il n’est pas responsable. Et les juges le renvoient continuer le cours de ses opérations.

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En voilà un autre qui se livre en public à je ne sais quel germinysme. Les sergots le traînem au poste et vous vous dites :

C’est parfait, on va mettre ce saligaud à l’ombre pour quelques mois ; il ne l'aura pas volé, et la pudeur sera sauvegardée.

N’en croyez rien. La Science arrive et affirme que tout homme a au fond de lui « un cochon qui sommeille » ; quant à cet alcoolique, il a trop écouté son cochon qui s’est réveillé. Ce n’est pas sa faute à cet homme, c’est la faute à son cochon.

Comme ils ne peuvent pas condamner le cochon, les jurés acquittent l’homme.

Voilà une cuisinière qui, un beau jour, prend sa lardoireet se jette sur son maitre pour le larder comme elle eût pu faire au cochon de l’autre.

Vous vous dites: c’est une vulgaire meurtrière ; elle a voulu tuer son maitre pour voler les sous qu’il cachait dans son bas. On va la condamner à quelques années de réclusion et la société sera défendue.

Vous comptez sans la Science qui vient proclamer que la femme a agi sous l'intluence d’une suggestion. Elle est irresponsable. Et les juges la renvoient à son maitre à qui, d’ailleurs, la prudence suggère, avec juste raison, de la llanquer à la porte.

C’est tout ce qu’il peut, n’est-ce pas ?

Mais au bout de tout cela, si le commerce n’est pas protégé, si la morale n'est pas vengée, si la pudeur n’est pas sauvegardée et si la société n’est guère défendue, c’est la faute à la Science.

¥ *

11 est vrai que, d’autre part, la science est en train d'abréger joliment la pa¬ thologie et de simplifier notablement la thérapeulique.

Nous avions déjà, depuis quelque temps, les microbicides. Toutes les maladies étant causées par un microbe spécial, il s’agissait tout bonnement de saturer le malade d’un parasilicide qui tuerait le microbe. Et pendant qu’on cherchait l’acétyldiméthyltrioxyphénylamylchlorométabutyrylamine convena¬ ble à la chose, d’autres savants ont trouvé la suggestion.

Plus fort que tout ça, la suggestion ! Vous avez un malade près de qui trente-six médecins ont perdu leur latin, vous le conduisez, ne sachant plus que faire, à un Monsieur qui a des grands cheveux à l’archange, des mains d'évêque et une calotte de sous-diacre. Celui-ci, regardant votre malade entre les deux yeux, lui dit d’un air inspiré : « Vous n’êtes pas malade, je vous sug¬ gère d’ètre guéri. »

Et le malade dit qu’il est guéri.

Mais si. tout de même, il n’est pas guéri, vous le menez chez un autre médecin qui met des médicaments dans un petit iube de verre bien bouché, plante le petit tube de verre entre les deux épaules de votre homme et, étendant sur lui ses deux mains brûlantes de fluide, suggère au médicament d’agir et de guérir le malade.

Comme vous voyez, c'est bien simple, mais ne trouvez vous pas, comme moi, que c'est de la science bien singulière. On dit que c’est du progrès,

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c’est bien possible ; mais cela me parait nous ramener lout droit au beau temps des sorciers et des envoûteurs, des exorcistes et des possédés.

En attendant, l’humanité actuelle ne se compose plus que de morphinisés d’alcooliques, d’hystériques, de névrosés, de suggérés, dépossédés, de toqués, sans compter ceux qui sont carrément fous...

Et les plus fous de tous ne sont pas ceux qu’on pense.

Autre chose : un savant, M. Peyraud, a eu l’idée d’injecter de l’essence de tanaisie dans les veines d’un lapin.

Pourquoi faire? Je ne sais pas. Mais ça, c’est un signe des temps. Aujour¬ d’hui il, faut absolument qu’on injecte quelque chose aux lapins ou aux cochons d’Inde. Toute la science est là, et les lapins et les cochons d’Inde ne servent plus qu’à ça. Autrefois, c’était les grenouilles, mais tout passe.

Pourquoi de l’essence de tanaisie ? Je n’en sais rien ; j’aime à croire que M. Peyraud le sait. Mais du moment qu’on injecte, autant injecter de l’essence de tanaisie qu’autre chose.

M. Peyraud a observé alors que la pauvre bête à qui il avait lancé ce poison brûlant dans les veines se tordait dans d’affreuses convulsions, écumait, mordait...

Tiens! s’est-il dit, ça ressemble à la rage. C’est la rage tanacétique. Il est vrai que ça n’est pas contagieux : ni la bave, ni la matière nerveuse ne sont virulentes. C’est une simili-rage, une rage par à peu près, comme qui dirait une rage atténuée.

Et il en a conclu que cette simili-rage doit préserver de la rage vraie « comme la simili- variole (la vaccine) empêche la variole. »

Et, comme de juste, il a institué des expériences sur des séries de lapins qui, naturellement, sont devenus réfractaires à la rage, on ne sait pas encore pour combien de jours.

On me dira tout ce qu’on voudra, on ne m’empêchera pas de trouver que ce sont des travaux bien bizarres. Il n’est déjà pas si prouvé qu’on veut bien le dire que la vaccine préserve de la variole. Et puis, quand même, serait-ce une raison pour en conclure que cet empoisonnement par la tanaisie, empoi¬ sonnement qui n’a aucun rapport avec l’infection par le virus rabique, sauf des convulsions communes à bien d’autres maladies, préservera de la rage, et surtout préservera comme rage atténuée ?

Je sais bien que pour essayer de légitimer une conclusion aussi téméraire, M. Peyraud bâtit une théorie. Eli bien ! cette théorie, je l’avoue, me paraît encore plus hasardée que la conclusion.

M. Peyraud part de cette hypothèse que les corps isomères, c’est à dire qui ont la même composition chimique mais dont les éléments sont groupés autrement, ont aussi les mêmes propriétés physiologiques, c’est à dire pro¬ duisent les mêmes effets sur l’organisme animal.

L’essence de tanaisie, qui produit une simili-rage, aurait donc une composi¬ tion « atomique » semblable a celle du virus rabique.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Et c’est pour cela qu’en inoculant l'essence de tanaisie. on communique une rage atténuée et l’on préserve de la vraie rage!

Telle esl la théorie de M. Peyraud, débarrassée des fioritures qu’il met autour et des enjolivements dont il l'encadre pour lâcher de la faire rentrer dans les doctrines de ferments, de microbes et de leucomaïnes hors desquelles il n’y a pas de salut maintenant pour n’importe quelle théorie : comme ça il y a de quoi contenter tout le monde.

Encore les lapins.

Les Grecs sont, dit-on, mangés parles puces, les Napolitains par les poux, les Allemands par les punaises, les Chinois par les mouches.., les colons de la Nouvelle-Galles du Sud sont dévorés par les lapins.

On voit bien, direz-vous, que M. Pasteur n’inocule pas, dans ce pays là.

Eh bien! précisément, voilà que M Pasteur va y aller, ou plutôt y envoyer, selon son habitude ; c’est si loin ! on ne sait pas ce qui peut arriver!

Et voici à propos de quoi :

11 y a tant et tant de lapins à la Nouvelle-Galles du Sud que les hablants ont beau en tuer, en manger, en faire manger à leurs femmes, à leurs enfants, à leurs coolies, à leurs chiens, à leurs chats, même à leurs bestiaux, il y en a encore, il y en a de plus en plus. Chaque soir, les gens, en se couchant, dé¬ couvrent une nichée de lapins dans leur lit, et chaque matin ils en trouvent deux dans leurs bottes.

Cette persécution a fini par exaspérer les colons ; elle leur a rendu leur pays intenable, leur maison odieuse, leur femme amère, la vie impossible. Pour y échapper, ils sont résolus à tout, et comme rien au monde n’est plus précieux que l’argent, ils offrent de l’argent, à qui les débarrassera des lapins.

Mais, beaucoup d’argent, s’il vous plaît. Ce sont des Anglais, ces colons, des gens pratiques qui savent que pour être bien servi, il faut bien payer. Et ils offrent 625.000 francs.

Devant un appât pareil M. Pasteur devait s’émouvoir. Aussi, tout de suite, il a écrit une lettre, que tous les journaux ont aussitôt reproduite avec l’enthousiasme que vous savez, et il propose de tuer tous les lapins. C’est bien simple : il suffit de leur inoculer le choléra des poules.

Vous croyez peut-être que c’est li une opération embarrassante. Pas du tout: « il suffit » d’arroser les' prairies, les champs, les bois avec un bouillon de culture du microbe en question.

Et alors, de deux choses l’une : ouïes lapins mangeront l’herbe empoisonnée ei ils mourront du choléra des poules ; ou bien, méfiants, ils n’en mangeront pas, et ils mourront de faim. (S’ils n’étaient pas bêtes, ils mangeraient les colons, ça serait dûr, mais enfin! malheureusement, les lapins, c’est bête).

Vous vous imaginez peut-être que je plaisante et qu’en mettant sur le dos de M. Pasteur une histoire aussi absurde, que je me livre à une de ces facéties dont on accuse les adversaires du grand savant d’être coutumiers. Vous vous rompez complètement, la chose est vraie, officielle, tous les journaux je le

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répète, l’ont insérée à la queue leu-leu, tous et surtout les plus sérieux : le Temps , par exemple, qui passe pour le plus sérieux de tous les journaux, sans doute parce qu’il est le plus ennuyeux, le Temps n’a pas craint d’étaler dans ses colonnes cette bourde monumentale.

Du reste, ça devait être. Dès qu’il y avait une forte somme en l’air, on devait trouver M. Pasteur autour. D’abord parce qu’il est millionnaire et qu’il n’y a que les millionnaires qui demandent des millions. On demande en raison de ce qu’on a : un pauvre demande un sou.

, Et puis, M. Pasteur est peut-être un grand savant, mais il a l’amour effréné de l’or, ça n’empèche pas. Et l’on sait jusqu’où un paysan jurassien (c’en est un aussi) peut pousser l’amour du million.

Car outre les 625.000 fr. qui constituent déjà un joli denier, veut-on compter combien il aurait fallu de petits tubes de bouillon cholérigène pour arroser la surface de la Nouvelle-Galles du Sud qui est je ne sais pas combien de fois plus grande que celle de la France ?

Et, d’après le prix courant de l’usine Vauquelin que nous avons publié jadis, 5 f. le tube, 10 f. le double tube (il faut toujours deux doses, la première pouvant rater), veut on compter combien çà ferait de millions?

Vous voyez donc bien qu’il était dans l’ordre des choses nécessaires que M. Pasteur se mit à la chasse des lapins de la Nouvelle Galles du Sud. Comme affaire financière, cela vaut autant, sinon mieux que la Banque Tunisienne , je ne dis pas le contraire; mais j’en reviens à mes prémisses quelle drôle de science î

Il n’y a pas que les lapins que M. Pasteur va tuer à la Nouvelle-Galles du Sud, il y a aussi ceux, trop nombreux hélas ! qu’il a posés à la science.

A ce propos je ne puis passer sous silence plusieurs nouveaux insuccès de la méthode préservative de la rage par l’inoculation des moelles de lapins.

Vers les derniers jours de septembre, le docteur Cauvy, de Béziers, ancien interne des hôpitaux de Montpellier, était mordu, chez lui, par son chien. Il partit aussitôt pour Paris, se présenta au laboratoire Pasteur et, sur les conseils qu’on lui donna, il télégraphia pour faire tuer le chien : ce qui fut fait sans qu’on s’assurât si l’animal était ou non enragé. M. Cauvy suivit le traitement Pasteur et revint à Béziers.

Le 3 novembre, il succombait après deux accès effrayants.

Un enfant, nommé Edouard Sintès, était mordu par un chien enragé, à Hussein-Dey (Algérie), le 19 janvier dernier. Deux jours après, ses parents l’envoyaient à M. Pasteur, qui commençait les inoculations le 25 janvier, soit six jours après la morsure. L’enfant revenait à Hussein-Dey, et, le 1(3 octobre suivant, c’est-à-dire huit mois après le traitement, il était pris de symptômes du mal rabique. Le 17 du môme mois, dit le Uadical Algérien, il expirait dans d’affreuses souffrances.

D'autre part, le journal A l'rouincia (La Province), de Porto, dans son numéro du 21 novembre dernier, annonce qu’un enfant de 7 ans nommé

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Jacome de Almeida, demeurant place du Camarao, dans cette ville, est mort le même jour à l’hôpital de la Miséricorde.

Cet enfant avait été amené à Paris, par M. André Michon, avec plusieurs autres, mordus aussi par un chien, pour y suivre le traitement de M. Pasteur.

Enfin, M. de Teixeira-Machado, lieutenant dans l’armée portugaise, qui a bien voulu m’envoyer le journal en question, me donne ce dernier renseigne¬ ment :

II y a quelque temps, j’ai vu annoncer dans les journaux la mort d’un prêtre, portugais aussi, qui avait été traité parM. Pasteur après morsure par un chien. Ce pauvre homme paraît avoir succombé à la rage de laboratoire. Je vais rechercher ces journaux et vous les adresser. »

On voit que la série des triomphes deM. Pasteur n’est pas close. C’est pour cela sans doute qu’il a obtenu, dit-on, deux voix au Congrès de Versailles, le 3 décembre, pour la nomination du Président de la République.

Ça, c’est un comble î Mais que penser des deux sénateurs ou députés qui ont commis cette incongruité ?

Heureusement qu’à côté de ce que nous regardons comme des écarts de la science, il se produit encore quelques travaux sérieux.

M. Ranvier a l’habitude d’occuper ses vacances à des recherches utiles. 11 n’y a pas manqué cette année ; aussi a-t-il fait à l’Académie des sciences, dans une de ses dernières séances, une communication des plus intéressantes.

On connaît le phénomène de la réviviscence chez les animaux et les plantes desséchés. La note de M. Ranvier est relative à un fait qui s’explique de la même manière que la réviviscence. Une cellule d’un tissu végétal, quand ses éléments sont mous et en pleine activité, ne résiste pas à une température de 50 degrés ; mais elle y résiste facilement, si vous la prenez à une époque la sève n’est pas encore remontée, la vie sommeille. Les boutures de la vigne sont mises en stratification en mars et attendent ainsi le mois de mai, époque on les dépose en terre pour y prendre racine. Ces boutures, soumises à l’échaudage, afin de tuer l’œuf du phylloxéra qui peut être caché dans l’écorce, réussissent rarement à donner un plant sain, parce que la tempéra¬ ture n’est pas assez élevée pour tuer l’œuf d’hiver, ou bien parce qu’elle l’est trop et qu’alors elle désorganise les tissus de la vigne. Cet inconvénient dis¬ paraît quand l’échaudage est pratiqué en mars, avant la reprise de l’activité vitale; les boutures supportent alors facilement une température de 50 degrés, et l’œuf du phylloxéra est détruit d’une manière certaine.

Dr J. Pru.ktan.

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NOS MAITRES

LE PROFESSEUR RAILLON

Tout le monde connaît M. Raillon, professeur d’Histoire naturelle médicale à la Faculté de médecine de Paris, dont nous publions aujourd’hui le portrait.

M. Bâillon a deux qualités maîtresses. C’est un homme d esprit, plein de verve, d’entrain et de mordant ; c’est le premier botaniste phanérogamiste que nous ayons.

Avec cela il y avait de quoi faire le savant professeur et le maître charmant qu il est en réalité. Aussi ses cours sont-ils de ceux les élèves se pres¬ sent. Les étudiants l’aiment, mais il n’en est pas ainsi, dit-on, de tous ses collègues,

C’est qu’il est assez d’habitude, à ce qu’on dit encore, que les collègues soient entr’eux injustes, tracassiers, jaloux ; et quand un homme, fut-ce un acadé¬ micien, a molesté M. Bâillon, tant pis pour lui; celui-ci a l’esprit piquant, la dent dure et le mot cruel.... Quand il a mordu, ça cuit.

Élève de Payer, M. Bâillon a conservé l’ampleur de vues de son maître ; il aime les plantes, il est resté botaniste botanisant et n’a pas fait un botaniste chimifîant ou traduisant, comme ceux qui encombrent les strapontins académiques.

11 a deux grands travaux commencés, qu’il mène à peu près seul, Y Histoire des Plantes et le Dictionnaire de Botanique , sans compter l’ Iconogra¬ phie de la Flore française , et beaucoup de petits livres. Car M. Bâillon a encore le mérite, assez rare aujourd’hui, d’ètre un travailleur de premier ordre.

C’est peut être le seul de nos botanistes qui mériterait d’ètre à l’Institut. C’est, je crois, le seul qui n’y soit pas.

TRAVAUX ORIGINAUX

LE MECANISME DE LA SECRÉTION

Leçons faites au Collège de France, en 1886-87, par le professeur L. Ranvirr.

{Suite) (1;

Je vons ai indiqué les recherches que j’ai entreprises chez les

(1) Voir Journal de Micrographie , t. X. 1886, t. XI, 1887, p. 7,62 142, 161, 205, 226 26L, 327, 357, 385. 489. Sténogr. par le l)r Ffllrtan.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

Mammifères pour trouver une glande acineuse muqueuse pure, c’est- à-dire sans croissants de Gianuzzi ou sans cellules que l’on puisse considérer comme des cellules de remplacement, glande muqueuse pure dont on connaîtrait assez bien le nerf, lequel présenterait une disposition convenable pour qu’on puisse facilement l’exciter et déter¬ miner une sécrétion abondante, comme on excite la corde du tympan, chez le Chien, pour faire sécréter la glande sous-maxilliaire.

A ce propos, je vous dirais que j’avais trouvé d’abord, il y a plu¬ sieurs années, chez le Cochon d’Inde une glande muqueuse pure et acineuse, sans croissants de Gianuzzi, sans cellules qu’on puisse considérer comme des cellules de remplacement : c’était la glande sub-linguale. Je l’avais trouvée en disséquant la tête du Cochon d’Inde ; j’avais été frappé de sa consistance et de sa structure admi¬ rable, de ses grands culs de sac tapissés de belles cellules cylindriques caliciformes extrêmement riches en mucigène, contenant très peu de protoplasma et un noyau très refoulé vers la base. C’est une glande d'une très grande élégance et donnant des préparations magnifiques. J'avais essayé d’exciter cette glande. Mais je ne connaissais pas le nerf. En disséquant à l’air libre et à l’œil nu, je ne voyais pas très bien tous ces détails qui sont relativement petits. De sorte que j'ai appliqué l’excitation directe. J’ai mis la glande à nu, ce qui n’est pas chose facile : il faut désarticuler le maxillaire inférieur, diviser la symphyse, écarter les deux branches du maxillaire et chercher, sous le mylo-hyoîdien, cette petite glande qui n’est pas aisée à trouver. Sa consistance est assez grande pour la faire reconnaître, mais l’espace ne permet pas d’introduire les doigts. Néanmoins, j’ai réussi à bien la voir ; puis, avec la pince électrique, je l’ai excitée directement pen¬ dant une heure, deux heures, ne pouvant pas savoir si l’excitation produisait une sécrétion. Sur les préparations, les résultats étaient tellement insuffisants que je n’ose pas me prononcer sur les modifica¬ tions qu’aurait pu entraîner l’excitation.

En somme, j’avais l’objet d’étude, la glande, mais je n’avais pas le nerf de cette glande, comme on a la corde du tympan pour faire sécréter la sous-maxillaire du Chien. J’ai été obligé alors de chercher ailleurs, et c’est de ces recherches que j’ai commencé à vous entre¬ tenir. Je vous ai rappelé qu’après mes observations faites sur la sub-linguale du Cochon d’Inde, j’ai examiné la glande sous-maxil¬ laire chez le Rat. J’avais fait des coupes de cette glande, et j’avais été frappé de trouver dans ces coupes deux portions tout à fait dis¬ tinctes et limitées par une ligne nette : une petite portion à structure le glande muqueuse, et une grande portion à structure de glande séreuse. Je disséquais toujours à l’air libre et à fœil nu : je ne

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trouvais pas de sub-linguale comme chez le Cochon d’Inde, et comme j’avais vu que la sub-linguale du Cochon d’Inde est de structure muqueuse, la sous-maxillaire de structure séreuse, je me suis dit que la portion muqueuse de la sous-maxillaire du Rat correspond à la sub-linguale du Cochon d’Inde, et la portion séreuse à la véritable sous-maxillaire.

Cette idée générale me séduisait ; cependant, je ne l’acceptais pas autrement que comme une hypothèse dont on devait se servir pour poursuivre les recherches.

J’ai commencé par ce qu’il y avait de plus compliqué. J’avais l’idée que ces deux glandes n’avaient qu’un canal sécréteur, et j’essayai d’y introduire une canule et d’y injecter du bleu de Prusse. Toutes mes tentatives sont restées infructueuses : je n’ai jamais pu trouver une canule assez fine, même en étirant un tube de verre, pour la faire pénétrer dans le canal excréteur que je supposais commun aux deux glandes. Jy renonçai. Dans les recherches de ce genre, il ne faut jamais aborder de front les difficultés qu’on rencontre, il vaut mieux les tourner. C’est ce que j’ai fait.

Je me suis dit : ces canaux excréteurs si fins sont bien vite dessé¬ chés à l’air et la dissection en devient impossible ; il faut donc opérer dans un liquide, comme le font les naturalistes pour étudier les animaux très délicats de structure. J’ai placé la tète du rat dans un baquet à dissection etj’ai employé comme liquide l’alcool au tiers qui est un excellent liquide dissociateur dont l’usage s’est répandu par¬ tout. En disséquant dans ces conditions, je ne tardai pas à reconnaître qu’il y avait une sub-linguale, comme chez le Cochon d’Inde, et occu¬ pant la même région entre le mylo-hyoïdien et la muqueuse buccale. J’abandonnai donc mon idée générale que la petite portion de la sous-maxillaire correspondait à la sub-linguale.

Comme j’avais de la peine à disséquer le canal excréteur pour reconnaître si réellement il était unique, j’ai pris un parti que j’aurais du adopter tout de suite : j’ai enlevé ce qui me paraissait être le canal excréteur unique et je l’ai étalé sur une lame de verre. En l’examinant au microscope, je reconnus alors facilement qu’il y avait deux canaux et cela dans toute la longueur depuis le hile jusqu’en arrière des inci¬ sives inférieures. Ces canaux ne sont pas d’égal diamètre ; quoique cela, il est facile de les disséquer dans l’alcool au tiers, de les isoler et de voir que le plus petit correspond à la portion muqueuse et le plus gros à la portion séreuse de la glande. En un mot, il y a deux glandes accolées, ayant chacune son canal excréteur. Chez les jeunes animaux, les petits rats, on arrive aisément à séparer les deux

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canaux, et l’on voit que le canal de la glande muqueuse est toujours placé en dehors du canal de la glande séreuse.

J’en ai donc conclu que chez le Rat, on l’on admet généralement deux glandes, il y en a trois : la sous-maxillaire, la sub-linguale, et une autre que j’ai appelée rétrolinguale , qui est la nouvelle petite glande.

L’an dernier, j’ai fait ces recherches sur le Rat que nous avons à Paris, la variété albinos qui procède du Rat d egoùt, comme l'a établi M. Lataste, le Mus decumanus. Pendant les vacances, j’ai été dans un pays très retiré, dans les montagnes du Forez, et je n’ai plus retrouvé le Rat d’égoùt de Paris, Rat importé du Nord, qui a détruit l’ancien Rat, le Mus Ratus qu’on aurait aujourd’hui bien de la peine à retrouver ici. Dans le Forez le Mus Ratus existe encore, sur¬ tout dans les fermes il y a des cochons. J’en ai trouvé beaucoup et j’ai constaté que, chez eux, il y a aussi trois glandes salivaires sus-hyoïdiennes.

Mais c’est surtout en prenant un autre groupe de Rongeurs, l’Écu¬ reuil, par exemple, que l’on arrive a bien voir les trois glandes de cette région. Je dirais même que c’est après avoir disséqué l’Écu¬ reuil que je les ai le mieux vues: la rétro-linguale et la sous-maxillaire, au lieu d’être comprises dans une même capsule, sont distinctes, séparées l'une de l’autre par du tissu conjonctif lâche, de sorte que rien n’est plus facile que de les isoler ainsi que leurs canaux. Le canal de la retro-linguaie est toujours du côté externe et en avant de celui de la sous-maxillaire, comme chez le Rat et le Cochon d’Inde. Il y a aussi une sub-linguale entre le myio-hyoïdien et la muqueuse baccale.

Quelques mots sur la structure de ces différentes glandes chez le Rat et chez l’Écureuil, avant d’aller plus loin.

Chez le Rat {Mus decumanus ), la sous-maxillaire est une glande séreuse : elle ne contient pas du tout de cellules muqueuses. Sa structure est particulière : on observe dans ses culs de sac, ou plutôt dans ses canaux excréteurs, des cellules sur lesquelles je reviendrai parce qu’elles présentent un très grand intérêt, surtout au point de vue de la sécrétion de ces glandes, cellules que l'on pourrait prendre pour des cellules muqueuses ou caliciformes, mais qui n’en sont nullement. En attendant, considérez comme établi que la sous- maxillaire du Rat est une glande qui ne contient pas de cellules muqueuses ou caliciformes.

La rétro-linguale, chez le même animal, est une glande muqueuse, mais, et cela aurait du m’éclairer d’abord, ce n’est pas une glande muqueuse pure comme la sub-linguale ; c’est une glande muqueuse mixte, c’e^t-à-dire que dans ces culs de sac se trouvent des cellules

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séreuses, seulement celles-ci ne sont par disposées pour former des croissants de Gianuzzi comme ceux de la sous-maxillaire du Chien, accumulation de petites cellules granuleuses au fond des culs de sac. Chez le Rat, il a aussi des cellules granuleuses, dans la rétro-lin¬ guale, au fond des culs de sac, mais elles ont la forme d’un coin. Elles ont une base qui s’appuie sur la membrane propre de la glande et une extrémité pointue qui s’enfonce, comme un coin, entre les cellules muqueuses jusque dans la lumière glandulaire. Rien que cette forme éloigne toute idée de cellules de remplacement. On peut admettre à priori , et jusqu’à un certain point, des cellules de remplacement dans la sous-maxillaire du Chien, parce qu’elles sont placées au- dessous des cellules muqueuses, comme les cellules du corps muqueux de Malpighi sont au-dessous des cellules de la couche cornée ; mais dans cette cellule en forme de coin de la rétro-linguale du Rat, étant donnée cette disposition en vertu de laquelle elle arrive par un de ses bords jusque dans ia lumière centrale de la glande, on ne peut plus voir une cellule de remplacement. Néanmoins, la retro-linguale du Rat n’était pas la glande que nous cherchions.

Quand à sa sub-linguale du même Rongeur, elle est bien différente. C’est une glande muqueuse pure comme la sub-linguale du Cochon d’Inde. Elle est formée de culs de sac plus grands, de cellules muqueuses plus larges et disposées de manière à limiter une lumière centrale bien dessinée. Ces cellules muqueuses ou caliciformes ont un réseau proto-plasmique très accusé, mais nulle part on ne dis¬ tingue de croissants ni de ces cellules en forme de coin dont je vous parlais tout à l’heure. La sub-linguale convenait donc pour les recherches que je voulais faire, mais les difficultés étaient les mêmes que pour le sub-linguale du Cochon d’Inde, et l’excitation directe était encore moins aisée ; je ne l’ai pas essayée. Mais il y avait une conclusion à tirer de cette étude, c est qu’il y a, chez certains ani¬ maux, entre la sub-linguale et la rétro-linguale de très grandes différences de structure ; il s’agit de glandes complètement dis¬ tinctes, et je vais vous dire pourquoi cette distinction. La rétro- linguale est une glande bien limitée, qui a son canal, et un seul canal excréteur ; la sub-linguale est formée de plusieurs petites glandes réunies entr’elles. Ainsi, chez le Cochon d’Inde, elle a 4 ou 5 canaux correspondants à 4 ou oglandules accolées. La rétro-linguale n’est peut-être qu’une glande détachée de la sub-linguale, qui, par le fait de son développement s’est éloignée de celle-ci. Eh bien ! non. Il y a quelque chose de plus, il y a une différence de structure qui éloigne ces deux glandes l’une de l’autre presqu’autant que la rétro-linguale de la sous-maxillaire.

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Chez l’Écureuil, la sous-maxillaire est une glande séreuse, mais dont la structure est tout à fait différente de celle de la sous- maxillaire du Rat. La rétro-linguale ressemble beaucoup à celle du Rat, et quand à la sub-linguale, je ne Fai pas étudiée et n’en puis parler.

Du moment que je connaissais les trois glandes salivaires de la région sus-hyoïdienne du Rat et de l’Ecureuil, je devais rechercher s’il existait trois glandes semblables chez les autres groupes de Ron¬ geurs, et naturellement je devais revenir maintenant au Cochon d’Inde. J’avais disséqué cet animal à l’air libre, comme tous les anatomistes, il fallait opérer maintenant avec les précautions que j’avais prises pour étudier les glandes salivaires du Rat et de l’Écureuil. D’abord nous avons cherché s’il n’y avait pas une glande correspondant a la rétro-linguale. - Vous voyez combien dans ces questions des études d’anatomie comparée sont utiles. En effet, nous avons trouvé une rétro-linguale tandis que jamais nous n’aurions trouvé cette glande et nous n’aurions pas eu l’idée de la rechercher si nous n’avions été guidés par des études antérieures.

Chez le Cochon d’Inde, on trouve, un peu en avant et en dehors de la sous-maxillaire, une autre petite glande qui ressemble à un lo¬ bule de la sous-maxilaire, quant on dissèque à l’air. Si l’on veut en faire des préparations histologiques, on la soulève et on l’enlève d’un coup de ciseau. C’est ainsi que procèdent ordinairement les histolo¬ gistes et cela nous montre combien il est utile, dans des recherches de ce genre, de faire l’anatomie macroscopique des organes. En opé¬ rant ainsi l’un aurait pris un lobe, et le premier aurait déclaré que la sous-maxillaire du Cochon d’Inde est une glande muqueuse, le second que c’est une glande séreuse. Les jeunes gens qui veulent faire de l’histologie sans avoir appris l’anatomie descriptive commettent une erreur grave et sont exposés a manquer absolument leur instruction médicale ou leur éducation de naturaliste.

J’ai donc trouvé, à côté de la sous-maxillaire, une autre petite glande correspondant à un des lobes de celle-ci; si après avoir bien dégagé ces glandes on vient a les presser avec les pinces, ou mieux, à prendre entre les doigts la sous-maxillaire et l’autre petite glande, on voit que leur consistance est très différente. La sous-maxillaire est molle, tandis que le petit lobe, la rétro-linguale, pour l’appeler par son nom, a une consistance de cartilage, exactement comme la sub-linguale. Elle est toujours placée en dehors et au niveau de la sous-maxillaire, mais plus ou moins rapprochée de cette glande. Tantôt, les deux glandes sont pla¬ cées à l’angle du maxillaire inférieur, en arrière du ptéryoïdien interne ; les canaux qui s’en dégagent cheminent ensemble et vont passer au-

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dessous du digastrique. Quelquefois, la première est située au-delà du digastrique, et alors les deux glandes sont séparées par l’épaisseur de ce muscle, mais toujours le canal de la rétro-linguale est en avant et en dehors du canal de la sous-maxillaire. Rien n’est plus facile que de séparer ces deux canaux, distincts jusqu’au moment ils passent ensemble sous le digastrique. Au-delà, ils sont accolés comme les deux canons d’un fusil double, séparés et réunis par du tissu con¬ jonctif, mais on arrive facilement à les isoler. Le canal de la rétro-lin¬ guale est plus petit et placé en dehors. Ils arrivent ensemble jusqu’au point d’abouchement à la muqueuse bucale, en arrière des incisives inférieures.

Ces canaux sont toujours réunis, aussi bien chez le Cochon d’Inde, que chez le Rat et l’Ecureuil, et sont placés en dedans de la sub-lin- guale et en dedans de son canal excréteur. Le canal de la sub-linguale est donc en dehors du double canal de la rétro-linguale et de la sous- maxillaire comme le canal de la rétro-linguale est en dehors de celui de la sous-maxillaire qui est de tous le plus interne.

Une chose très-intéressante, c’est que la rétro-linguale du Cochon d’Inde possède exactement la même structure que la sublinguale. Je vous ai déjà renseigné brièvement sur cette structure ; je vous ait dit que c’était une glande formée par des culs-de-sac extrêmement longs, intriqués élégamment les uns dans les autres et donnant, sur des cou¬ pes, des préparations fort jolies ; qu’il n’y avait aucun croissant de Gianuzzi, aucun amas de cellules granuleuses rappelant ces crois¬ sants.

Avant d’aborder la question qui nous intéresse, l’excitation du nerf secréteur de cette petite glande rétro-linguale du Cochon d’Inde, avant d’étudier l’innervation de ces glandes chez le Rat, l’Écureuil et le Cochon d’Inde, je dois vous parler encore des glandes salivaires sus hyoïdiennes d’un autre groupe de Rongeurs, les Duplicidentés : Lapins et Lièvres.

L’an dernier, je vous avais parlé rapidement des glandes salivaires du Lapin domestique et à ce moment je ne pouvais avoir ni Lapin sauvage, ni Lièvre ; mais, pendant les vacances, j’ai disséqué les glandes salivaires du Lapin de garenne et du Lièvre et j’ai reconnu que chez ces deux animaux la disposition de ces glandes est la même. La rétro-linguale manque absolument et les divers lobes delà sous- maxillaire ont tous la même structure, ils constituent tous des glandes séreuses dont j’aurai à vous parler.

Si chez les Duplicidentés on ne trouve pas de rétro-linguale, en re¬ vanche la sub-linguale a pris une importance beaucoup plus grande, probablement à cause de l’absence de la première. Elle est toujours

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située au-dessous de la langue, cachée par le maxillaire, comprise entre le mylo-hyoïdien et la muqueuse du plancher delà bouche. Elle a la forme d’une amande, et au lieu de 4 ou 5 canaux excréteurs, elle en présente au moins 12 correspondant à autant de glandules distinctes contenues dans une même capsule, expansion du chorion de la mu¬ queuse buccale.

La sous-maxillaire des Duplicidentés est séreuse, la sub-linguale muqueuse, mais non pas pure comme chez le Rat, le Cochon d’Inde et probablement l’Ecureuil; elle est mixte et d’une forme particulière, extrêmement élégante. L.es culs-de-sac sont allongés, présentent des renflements marginaux et un renflement terminal. Ce dernier est oc¬ cupé par un croissant de Gianuzzi ; les renflements marginaux con¬ tiennent des croissants du même genre. Tout le reste est occupé par des cellules muqueuses.

suivre).

ÉVOLUTION DES MICRO-OHGAMSHES ANIMAUX ET VÉGÉTAUX PARASITES

Leçons faites au Collège de France en 1887 par le Professeur G. Balbiani

[Suite')

Les Acinétiniens

Le rang élevé que les Infusoires Ciliés occupent dans le groupe des Protozoaires, l’intérêt que présente leur étude pour la connais¬ sance de ce groupe en général, l’importance et le nombre des travaux dont ils ont été l’objet dans ces dernières années, justifient le développement que nous avons donné à leur histoire dans les précédentes leçons.... Mais il nous serait impossible d’entrer dans des détails aussi étendus à propos de toutes les classes de microor¬ ganismes dont nous avons donné le tableau ( Voir Journ. de Micr. 1886, p. 557)... Nous ferons cependan tune exception en faveur du se¬ cond groupe des Infusoires : les Acinétiniens ouInfusoirfs suceurs, que nous étudierons d’une manière plus complète, non pas que ces animaux présentent beaucoup d’importance au point de vue du

(1) Voir Journal de Micrographie, t X 188(3, ol t. XI. !887,

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parasitisme , mais;parce que leur histoire est ordinairement sacrifiée dans les cours et dans les traités de zoologie, malgré fintérêt qu’ils présentent et la singuralité de leur organisation...

J’entre tout de suite en matière.

Tentaculifères, ce nom a été proposé par Huxley pour désigner ce groupe d’animaux, qu’en France, on appelle plutôt Infusoires suceurs ou Acinétiniens. Ils ont été longtemps confondus avec les Ciliés, et, dans sa classification, Ehrenberg en formait une famille d’infusoires, les Acmé tiens , comprenant 3 genres, Acineta, Podo- phrya et Dendrosoma. Néanmoins, leur organisation était trop différente pour qu’ils restassent longtemps confondus avec ceux-ci. Dujardin, qui avait constaté cette différence, les plaça parmi les Rhizo- podes qu’il avait créés, dans la famille des Actinophryens établie par lui, qui comprenait les deux genres Actinophrys et Acineta. Il a même décrit sous le nom d 'Actinophrys pedicellata un véritable Acinétitinien qui est notre Podophrya fixa.

Cette confusion entre les Actinophryens et les Acinétiniens était devenue générale à cette époque. Ainsi, dans le premier grand travail de Stein, paru en 1854 (. Infusionthiere , etc., qu’il ne faut pas confon¬ dre avec VOrganismus qui n’a commencé à paraître que cinq ans plus tard), on trouve souvent de véritables Acinétiniens décrits sous le nom d 'Actinophrys. Stein confondait encore, comme Dujardin, les Acinètes avec les Actinophrys, et il en a été de même pour tous les autres auteurs de ce temps. Je commençais à cette époque (1854-1856) à m’occuper de ces êtres et je me rappelle encore l’embarras que me causait cette confusion entre des organismes que rapprochaient seu¬ lement des caractères apparents et qui appartenaient en réalité à des types absolument différents.

Cette confusion ne devait cesser qu’à la suite des travaux de Lachmann (1856) qui reconnut que les Acinétiniens n’avaient rien de commun avec les Actinophryens et devaient être rangés parmi les Infusoires comme l’avait fait Ehrenberg. A la suite de ces observa¬ tions, Claparède et Laclnnann érigèrent ces organismes en un ordre spécial d’infusoires qu’ils appelèrent Infusoires suceurs. Ceux-ci prennent place ainsi dans la classe des Infusoires dont ils forment avec les Infusoires Ciliés les deux premiers ordres, tandis que les deux ordres que Claparède et Lachmann y faisaient entrer présen¬ taient cette différence avec les Ciliés et les Suceurs, qu’ils ne portaient que des llageliums ou des flagellums et des cils ; c’étaient les Flagellés et les Cilio-flag ellés .

Vous savez que ce groupe d’organismes, que l’on confondait aussi

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sous le nom d’infusoires, a été divisé en deux classes, les Infusoires proprement dits et les Mastigophores. La première comprend les Ciliés et les Suceurs ; la seconde, les Mastigophores, de Büstchli, comprend quatre sous-classes, les Flagellés, les Choano flagellés, les Dinoflagellés et les Cystoflagellés.

Cette réunion des Ciliés et des Suceurs dans une même classe se justifie par des caractères importants qu’ils présentent, au moins pendant une partie de leur existence, la présence de cils vibratiles chez les Suceurs dans leur jeunesse. Cenx-ci montrent ainsi leur affinité avec les Ciliés et leur différence avec les Mastigophores. Les Suceurs sont donc temporairement des Ciliés, caractère qui les relie évidemment aux Infusoires qui sont des Ciliés permanents. C’est en raison de la présence des cils chez les Àcinétiniens jeunes que Bütschli a cru devoir faire de ces organismes une classe spéciale à côté des Ciliés.

Quelques auteurs ont voulu aller plus loin et établir un véritable rapport de filiation ou de dérivation entre les deux groupes. Les uns, comme Gegenbaur, considèrent les Acinétiniens comme ayant donné naissance aux Ciliés ; d’autres, au contraire, pensent que les Ciliés ont donné naissance aux Acinétiniens. Enfin, d’autres encore, comme Hæckel, attribuent aux deux groupes des ancêtres communs munis à la fois de cils vibratiles et de tentacules. Mais, comme les cils vibratiles disparaissent, chez les Acinétiniens et que les tentacu¬ les restent, quelques auteurs s’en sont prévalu avec M. Fraipont, pour considérer les cils comme des organes plus anciens que les tentacules, et les Ciliés comme les ancêtres des Acinétiniens.

Je ne crois pas que cette manière de voir puisse être soutenue avec raison, je crois, avec Bütschli, qu’au point de vue du darwi¬ nisme, on peut considérer la présence des cils chez un être, non pas comme un héritage légué par un ancêtre cilié, mais comme nn carac¬ tère acquis par adaptation, et acquis indépendamment, par les Ciliés, d’une part, et par les Acinétiniens d’autre part. Et, pour ces derniers, la présence des cils aide A leur propagation. Sans les cils, ils seraient absolument immobiles pendant leur jeune Age et ne pour¬ raient pas se propager comme ils le font grâce aux cils dont ils sont alors munis. C’est un caractère qui leur est acquis par adaptation, par une véritable sélection sexuelle et qu’ils ont conservé parce qu’il est utile A leur propogation. Les cils existent aussi chez les Algues, et jamais on ne fera de leur présence sur les zoospores un argument en faveur d’une relation phylogénitique entre les Infusoires ciliés et les Algues.

Le trait le plus saillant de l’organisation des Acinétiniens est la

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J . de M. 1887

LE PROFESSEUR BAILLON

d’après un dessin de M. S. Hugard.

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présence des appendices qui leur ont valu le nom de tentaculifères ou de suceurs. Ils n’ont jamais de bouche préformée ; celle-ci est remplacée par des organes tout particuliers qui ont la forme de pro¬ longements plus ou moins longs, partant de la surface du corps, et qui jouent le rôle de véritables suçoirs et se terminent par une ventouse.

Dans quelques espèces, on voit s’ajouter à ces tentacules ou suçoirs d’autres appendices que nous apprendrons à connaître plus tard et qui sont des organes de préhension, appendices effdés des¬ tinés h s’emparer de la proie qui doit être pompée par les suçoirs.

Un autre caractère que présentent ces Infusoires, c’est d’être à l’âge adulte, dépourvus d’organes de locomotion, cils ou pseudo¬ podes ; ils vivent immobiles, sédentaires, portés, chez quelques espèces, à l’extrémité d’un pédoncule fixé sur d’autres animaux, des plantes ou des corps inertes.

Ils n’ont pas plus d’anus que de bouche, car ils prennent une nourriture liquide et n’ont pas besoin d’anus. Mais ils présentent un noyau comme tous les autres Protozaires. Ils ont une ou plusieurs vésicules contractiles, caractère commun aussi aux autres groupes de Protozoaires. Ils ont, enfin, un corps formé par une masse protoplas¬ mique qui, suivant quelques auteurs, est entourée d’une cuticule, tandis que pour d’autres, cette cuticule manquerait dans certaines espèces. Il y aurait donc des Acinétiniens nus. Enfin, chez beaucoup de ces animaux le corps, libre ou revêtu de la membrane propre ou cuticule, est renfermé dans une sorte de loge ou de cap¬ sule plus ou moins complète, ou une coque qui souvent se prolonge par sa partie postérieure en un pédoncule qui fixe l’animal dans une position permanente.

Examinons rapidement ces caractères, et commençons par les genres les plus simples, par exemple, les Sphærophrya.

Ce genre, en effet, créé par Claparède et Lachmann, contient les plus simples des Acinétiens, des espèces libres et non renfermées dans une coque, hérissées sur toute leur surface de tentacules rétractiles et extensibles plus ou moins nombreux, vivant flottantes à la surface des eaux et pénétrant souvent dans l’organisme d’autres animaux, dans les Infusoires ciliés par exemple, ils restent à l’état de parasites. Une ou deux espèces, les S. maçjna et S. hydros- tatica , vivent toujours à l’état libre et jamais parasites. D’après Engelman, cette dernière espèce posséderait une vésicule pleine de gaz qui lui permettrait de s’élever à la surface de l’eau. Ces espèces sont fort petites et leur étude ne nous mènerait pas loin dans la connais¬ sance des faits relatifs aux Acinétiens ; pour cela, il faut nous adres-

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ser à des espèces plus volumineuses et qui permettent des études plus approfondies.

Prenons un Spærophrya , donnons lui une forme aplatie, irrégu¬ lière et supposons que la masse présente une surface par laquelle elle est en rapport avec un support solide. Nous avons alors le genre Trichophrya. C’est un Spærophrya irrégulier. Le T. Epistylidis a été rencontré d’abord par Claparède et Lachmann sur les colonies d’Epistylis et aussi sur les plantes aquatiques qui portent les Episty- lis. C’est en raison de ce fait que ces auieurs ont donné ce nom à cette espèce. Le noyau a une forme allongée et il y a plusieurs vésicules contractiles. Stein a décrit une autre espèce, T. digitata , mais il n’est pas démontré que ce ne soit par la même espèce que la précédente. Toutefois, j’en ai trouvé une, qui paraît bien distincte, sur les branchies du Gammarus pulex , la Crevettine de nos ruisseaux, qui donne asile à tant de parasites, le Dendrocometes paradoxas , le Spirochona gemmïpava , etc. Ce Trichophrya a une forme irrégu¬ lière, triangulaire ou allongée, et les tentacules au lieu d’être insérés sur toute la surface, sont disposés par faisceaux ou par groupes, carac¬ tère présenté par plusieurs Acinétiens. Sur l’espèce dont je parle, le corps forme des prolongements, et chaque prolongement porte une aigrette de tentacules. Il y a un noyau et plusieurs vésicules contrac¬ tiles. Je crois cette espèce différente de la précédente.

Prenons maintenant un Trichophrya ou un Sphærophrya, plaçons- le dans une coque sessile ouverte à sa partie antérieure ; faisons reposer cette coque par son fond sur le plan ou l’animal est fixé, et nous avons le genre Solenophrya. L’organisation est, d’ailleurs, la même que chez le Trichophrya : tentacules par groupes et vésicules contractiles multiples. Le noyau n’a pas pu être observé. Le Soleno¬ phrya crassa de Claparède et Lachmann est la seule espèce de ce çenre.

Ce genre va nous conduire au genre Acineta, en supposant que la coque soit pedonculée et non plus sessile. Ainsi, les Acineta sont des Suceurs renfermés dans une coque allongée postérieurement en pédoncule fixé sur un corps solide.

Prenons maintenant ces mêmes espèces, nues, les Sphærophria et et les Trichophrya et plaçons les simplement sur un pédoncule, sans les enfermer dans une coque, nous avons un autre grand genre, le genre Podophrya.

Ainsi ces deux genres Acineta et Podophrya , qui sont les princi¬ paux parmi les Acinétiniens, ne diffèrent l’un de l’autre que> par la présence d’une coque chez le premier, tandis que dans le second les auimaux ne sont entourés que par leur cuticule propre.

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On est quelquefois embarrassé pour reconnaître les genres ; vous voyez comment, en partant du type le plus simple, on arrive facilement à caractériser les différents genres de cette famille.

Les Podophrya et les Acineta nous intéressent médiocrement, au point de vue du parasitisme, mais ils sont, au contraire, très intéressants pour les détails d’organisation qu’ils présentent, car c’est sur ces grandes espèces, assez communes, qu’on a pu se faire une idée de la structure et des fonctions de ces singuliers organes que nous avons appelés tentacules. Leur étude nous arrêtera donc un peu plus long¬ temps.

Examinons-les comparativement. Il y a d’abord la cuticule. Beau¬ coup d’auteurs pensent, en effet, qu’il y a une cuticule extérieure, mais c’est encore une question très débattue. Ainsi, suivant R. Hertwig, la coque ou loge dans laquelle l’animal est placé représente la cuticule, c’est-à-dire la peau, laquelle est devenue dure, résistante et se trouve détachée de la substance même du corps de l’animal, car il y a toujours un intervalle plus ou moins considérable entre le corps et la coque. Au contraire, chez les Podophrya , la cuticule serait une membrane mince et flexible qui envelopperait directement le corps. Suivant Stein et Fraipont, la coque extérieure de l’Acinète représente une cuticule externe. Ces animaux auraient ainsi deux enveloppes, une externe résistante, non flexible, et une interne s’appliquant directement sur la substance protoplasmique du corps, mince et flexible. Les Podophrya seraient, d’après les mêmes auteurs, dépourvus de la cuticule externe ou cystique (Stein) et ne posséde¬ raient que la cuticule proprement dite, interne et flexible, envelop¬ pant étroitement la substance de l’animal.

Suivant M. Maupas, qui a donné un excellent travail sur l’organi¬ sation des Acinètes, il y aurait sur ce point de grandes différences : la cuticule des Podophrya représenterait une membrane de cellule, tan¬ dis que la coque de V Acineta ne représenterait qu’un produit d’ex¬ crétion qui ne serait pas la cuticule, le tégument lui-même.

Pour moi, je me range complètement à l’opinion de Stein. Il est évident que la cuticule externe ou coque est une excrétion de l’animal, mais il en est de même pour la cuticule interne.

Etudions maintenant quelques détails anatomiques de ces êtres : par exemple, la forme si curieuse que cette coque présente chez les Acinètes. Elle a souvent l’aspect d’une coupe ou d’un verre à cham¬ pagne, et sa forme varie beaucoup d’une espèce à l’autre. C’est dans cette coupe que repose le corps de l’animal, mais quelquefois ce corps dépasse plus ou moins les bords de la coupe. Celle-ci n’est jamais fermée, parce qu’il faut qu’elle donne message aux tentacules.

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Elle présente donc ordinairement, à la partie supérieure, une ouver¬ ture, quelquefois une simple fente, comme une boutonnière, par laquelle passent les tentacules ; tel est YAcineta cucullus. D’autres fois, la coque a une forme plus curieuse (A. mystacina ) : vue parle sommet, elle présente six lobes triangulaires qui s’avancent sur l’intérieur, laissant entr’eux des interstices comme des valves convergentes, et par ces fentes sortent les tentacules.

D’autres fois encore, comme dans YAcineta tuberosa , au lieu de fentes, la coque présente des trous. Elle a la forme d’une boîte hexa¬ gonale aplatie, complètement fermée, mais au sommet de ses six angles est une ouverture par laquelle passe un faisceau de tenta¬ cules.

Donc, quelle que soit sa forme, la coque présente toujours des solutions de continuité destinées à donner passage aux tentacules ou suçoirs nécessaires à l’animal pour son alimentation.

Le pédoncule présente des faits intéressants à examiner, chez les Acineta et P odophry a. Dans un grand nombre d’espèces, ce pédon- dule n’est autre chose qu’un prolongement de l’enveloppe du corps, de la coque chez YAcineta, de la cuticule chez le Podophrya , pro¬ longement formé quelquefois par la cuticule seule et dans lequel le corps ne pénètre pas. Cependant, chez d’autres espèces, le pédon¬ cule est plus compliqué, comprenant une couche formée par la cuticule et une masse centrale, prolongement de la masse centrale de l’animal. Il présente souvent une grande épaisseur et une struc¬ ture assez complexe ; tantôt il est clair et homogène, tantôt il montre des stries transversales et se présente comme annelé par des ren¬ flements de distance en distance, annelures intéressant à la fois la cuticule et la substance interne. Il y a, en somme, une grande variabilité de forme dans cette partie, mais ces détails appartiennent à la zoologie descriptive.

Les tentacules ou suçoirs des Acinétiniens, qui sont leurs véritables organes d’absorption, ont été considérés d’abord comme de simples soies tactiles. Ehrenberg ignorait leurs usages et croyait que ce n'étaient que des prolongements avec lesquels les animaux tâtaient. Ce n’est que quand Lachmann a vu comment ces appendices fonc¬ tionnent qu’on a commencé à les considérer comme de véritables suçoirs.

Ce sont des prolongements qui partent de la surface du corps, tantôt disposés par groupes, particulièrement quand la coque présente des fentes ou des trous par lesquels sortent ces groupes. Chez les Podophrya , le corps n’est pas renfermé dans une coque et les suçoirs pourraient se développer sur tous les points du corps, il

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arrive cependant qu’ils sont souvent localisés et distribués dans certaines parties, par exemple chez le P. quadripartita , ainsi nommé parceque la masse protoplasmique s’allonge en quatre angles terminés par une tubérosité qui porte les groupes de suçoirs.

Ces tentacules sont toujours des organes extrêmement rétractiles et peuvent rentrer complètement dans la masse du corps. Quand l’animal est repu, ses tentacules sont rentrés dans le corps, mais il peut, au moment du besoin, les allonger considérablement.

Gomment sont-ils formés ? Aux dépens de quelles parties ? Cette question est une des plus discutées aujourd’hui parmi ceux qui ont observé les Acinétiniens. Le plus ordinairement ces organes se pré¬ sentent comme de petites baguettes raides, terminées par un bouton arrondi ou en forme de disque, comme une baguette de fusil. Cette partie discoïde terminale est un vrai suçoir sur la constitution duquel les opinions sont très diverses. D’après Claparède et Lachmann, les suçoirs sont de simple tubes contractiles renfermant un liquide. C’est un tube par lequel l’animal aspire comme nous le ferions avec un tube de verre. Pour d’autres auteurs, il y a une enveloppe, prolon¬ gement de la cuticule, et une partie interne, prolongement du pro¬ toplasma. D’après R. Hertwig, (il y a toujours des opinions extrêmes dans toutes les questions délicates), les tentacules seraient de simples prolongements protoplasmiques sans cuticule.

En examinant la façon dont ces suçoirs se comportent chez Podophrya gemmipara (R. H.), cet auteur a constaté qu’ils se continuent dans l’intérieur du corps de l’animal : ce serait des baguettes protoplasmiques plus solides qui s’enfonceraient dans une masse protoplasmique plus molle, de sorte que quand l’animal rentre ses baguettes, on voit une espèce de trainèe d’une réfringence parti¬ culière dans son intérieur. Ce prolongement interne a été nié par M. Fraipont ; il est admis, au contraire, par M. Maupas. Chez le Podophrya ( Heliophrya ) microsoma,M. Maupas aurait vu ce prolon¬ gement dans la substance du corps. Je crois qu’il a raison, car il a donné des figures et des descriptions tellement significatives qu’il paraît difficile qu’il se soit trompé.

Les fonctions des tentacules ont été longtemps inconnues. Pour Ehrenberg, c’était des simples tentacules. Lachmann observant un jour VAcineta (aujourd’hui Podophrya) ferrum equinum , ainsi nommé à cause de son noyau en fer à cheval, a vu que quand un Infusoire passe à portée d’un de ces tentacules, il se trouve arrêté, La ventouse de l’Acinète s’applique sur l’Infusoire et la substance liquide de celui-ci est aspirée par la ventouse. Alors, on voit les suçoirs voisins des premiers s’inlléchir vers la proie, appliquer à leur

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tour leur ventouse sur elle. On constate ainsi la formation dans l’axe de ces suçoirs d’une traînée de granulations qui se dirigent vers l’Acinète et se déposent sous forme de petit amas dans la masse du corps. Il y a autant de petits amas que de suçoirs ; puis, tous se mêlent dans le protoplasma général. Quant à l’Infusoire, il n’en reste qu’une cuticule vide et flétrie. Quand l’Acinète s’est ainsi bien repu en suçant quelquefois un grand nombre de proies, on observe un singulier phénomène dans son plasma. Celui-ci, qui était clair et finement granuleux, contient maintenant des dépôts de réserve sous forme de grosses granulations réfringentes, renfermant certainement beaucoup de graisse qui font paraître l’animal complètement blanc et opaque, si bien qu’on ne peut plus voir le noyau. Ces dépôts sont des réserves pour les temps d’abstinence. A mesure qu ils s’épuisent l’Acinète retrouve sa transparence, le noyau reparaît, et c’est alors que l’animal a besoin de se nourrir à nouveau.

C’est ainsi que les observations de Lachmann vinrent révéler le rôle des suçoirs ( Arch . de Muller, 1856). Depuis lors, ces organes ont été étudiés par M. Maupas et R. Hertwig. M. Maupas les compare à une pompe aspirante et foulante. Rempli, le suçoir se raccourcit, sa capacité intérieure diminue et il chasse dans le corps de l’Acinète le liquide aspiré ; puis, il s’allonge de nouveau pour augmenter sa capa¬ cité intérieure qui se remplit encore de la substauce prise à la proie, et ainsi de suite. R. Hertwig a donné du phénomène une explication un peu différente sur laquelle il est inutile d’insister pour ne pas prolonger ces détails,

Nous avons vu que, pour quelques auteurs, le suçoir n’est pas un tube : il est rempli par une matière plus ou moins dense ; on ne comprend pas alors qu’il puisse agir comme une pompe aspirante et foulante, puisque son calibre est complètement plein. Dans ce cas, M. Maupas pense que l’absorption se fait par un mécanisme un peu différent. Il suppose qu’après que le suçoir s’est mis en contact avec la substance de la proie, il se produit dans le protoplasma qui le remplit, une circulation sarcodique : les granulations protoplasmi¬ ques voyagent dans le sarcode et pénètrent peu à peu dans l’intérieur de l’Acinète. C’est un mécanisme qui rappelle ce qu’on nomme la circulation du sarcode chez les Rhizopodes. Il s’établit, entre le pro¬ toplasma de l’Acinète et celui de sa proie, une communication par l’intermédiaire du sarcode du suçoir et il se produit dans ce sarcode une circulation en vertu de laquelle le protoplasma de la proie se rend dans l’Acinète. M. Maupas a donné des preuves à l’appui de sa manière de voir.

R. Hertwig, qui a étudié le Podop/irya gemmipara , a observé

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qu’entre les véritables suçoirs, il y a de longs filaments terminés en pointe qui ne servent que d’organes de préhension, enlaçant la proie et la retenant pendant que les suçoirs font leur office. Il y a donc deux sortes de tentacules chez certains Acinétiniens, les tentacules suceurs et les tentacules préhenseurs. Les tentacules suçeurs sont ceux qui se prolongent dans l’intérieur du corps, tandis que les autres s’arrêtent toujours à la surface, d’après R. Hertwig, confirmé en cela par M. Maupas. Par conséquent, dans l’ancien groupe des Podo- phrya , il existe des espèces qui n’ont que des tentacules suceurs, ce sont les Podophrya vrais, et d’autres qui ont à la fois des suceurs et des tentacules préhenseurs ; celles-ci composent le genr z Heliophrya. Cette distinction a été faite pour la première fois par Saville Kent, de sorte que beaucoup des Podophrya qui ont été décrits avant cet auteur doivent être rangés dans les Heliophrya, par exemple Y Helio¬ phrya gemmipara ,

Ces deux sortes de tentacules ont été observées aussi par Fraipont, sur le Podophrya ( Heliophrya ) Benedeni. Les tentacules préhenseurs sont beaucoup plus longs et plus nombreux que les tentacules suçeurs, et dans leur intérieur, Fraipont a cru reconnaître une différenciation de la substance protoplasmique en forme de filament spiral agissant comme un véritable muscle. Cela rappellerait le muscle du style des Vorticelles. Les suçoirs sont beaucoup plus courts, moins nombreux, localisés à la partie supérieure, ont la forme d’un petit cône pouvant rentrer dans la plasma et se terminant par un bouton suceur.

Quant au protoplasma, on a reconnu dans quelques espèces, deux couches, une couche corticale et une couche centrale renfermant des granulations ; c’est ce qui correspond à l’ectoplasme et à l’endoplasme des Infusoires Ciliés. Les éléments intérieurs sont les vésicules contractiles et le noyau. Les vésicules contractiles sont tantôt uniques tantôt multiples. Le noyau n’a rien de bien particulier. Le plus souvent, c’est une petite masse ovoïde qui rappelle beaucoup le noyau des Infusoires Ciliés. D’autres fois, il a une forme en cordon, tantôt droit, tantôt recourbé (voire en fera cheval). La forme la plus curieuse est celle de noyau ramifié, qu’on trouve dans les Heliophrya et Podo¬ phrya , et qui rappelle le noyau de certaines cellules des tissus chez les Insectes, comme celle des tubes de Malpiphi et d’autres organes. Nous verrons le rôle important que joue le noyau ramifié dans la reproduction des êtres qui se multiplient par des bourgeons in¬ ternes.

Outre ce noyau, on a entrevu quelquefois un nucléole, mais autant la présence de cet élément est un fait constaté chez les Ciliés, autant elle est rare chez les Acinétiniens. Bütschli, le premier, a trouvé un

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nucléole dans les Sphœrophrya qui vivent tantôt libres, tantôt para¬ sites chez les Ciliés, petit nucléole analogue à celui de ces mêmes Ciliés. Le nucléole a été vu aussi chez quelques autres espèces, VAcinéta Jolyi , 1L4. fœtida , le Podophrya limbata , Quelquefois, le noyau est creusé de vacuoles ou contient un petit corpuscule sem¬ blable au nucléole cellulaire.

suivre ).

CONFÉRENCES SUR LE MICROSCOPE

(suite) (1)

Microscope d'après /’ t Oculus Artificiales » de Zahn.

Les deux éditions de P « Oculus Artificialis » de Zahn, (première édition : Herbip., 1685, in-fol.; seconde édition : Norimb. 1702, in- fol.) contiennent un nombre considérable de figures représentant des microscopes curieux, figures parmi lesquelles nous choisirons quel¬ ques-unes.

Anciens microscopes anglais Dans la première édition (Funda- mentum, III, p. 99-100, PL XII), nous trouvons les six microscopes représentés dans la figure 25 ci-contre qui est une reproduction en fac simile de la planche originale, y compris les numéros des figures.

Les quatre premiers microscopes (Fig. 1 à 4) sont d’anciens types du trépied fixe pour soutenir le tube, mis en œuvre par Culpeper et Scarlet, environ cinquante ans plus tard, dans les modèles populaires adoptés par les fabricants de jouets de Nuremberg, à cette époque, et que les successeurs de ceux-ci ont continué de fabriquer en gran¬ des quantités jusqu’à notre temps.

Les modèles originaux avaient ordinairement le tube garni de cuir ou de parchemin estampé et doré, supporté par des anneaux de bois. Les trépieds étaient en cuivre, fixés sur des bases de bois. Les lentilles étaient montées dans des cellules de bois ou de corne ; quelquefois fixées par des cercles à pas de vis, mais généralement retenues par

*

(1) Conférences faites à la Soc. f . the. Encour. of. Arts , Manuf. and Comm. Fondation de feu le Dr Cantor. (Voir Journal de Micrographie , T. X, 1886, p. 512, T. XI, 1887, p. 113, 240,269, 335.

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un fil métallique recourbé en anneau dans la monture. Il y avait des chapeaux pour couvrir les oculaires.

La plupart de ces instruments avaient de larges lentilles de champ, et, dans les premiers modèles, la mise au point se faisait presque tou¬ jours en vissant le tube dans un écrou placé à la partie supérieure du trépied. La mise au point par glissement du tube ne se rencontre guère que dans les modèles construits cinquante ans plus tard.

Dans la Fig. 4, on voit apparaître le disque à rotation pour porter des objets multiples.

La Fig. 2 montre deux supports, C, D, pour soutenir la traverse dans laquelle se visse le tube ; mais ce modèle ne paraît pas avoir eu une très grande vogue.

La Fig. 3 paraît représenter une modification du modèle de Hooke. modification dans le sens plus mauvais.

La Fig. 5 montre une autre forme du disque tournant pour des objets multiples, disque faisant partie du pied même de l’instru- ment.

La fig. 6 représente une autre modification du modèle de Hooke : le pied n’est plus porté sur un cercle. Ce dernier instrument est prati¬ quement identique à celui qui est figuré dans le « Collegium curio- sum » de Sturm et que j’ai déjà signalé.

(A suivre).

J. Mayall, Jr

Membre de la Royal Micr. Society de Londres.

LES OBJECTIFS (1)

{Suite)

Nous avons insisté un peu longuement sur ces questions parce qu’elles intéressent autant l’opticien qui construit les objectifs que le micrographe qui les emploie, et qu’on les trouve rarement exposées d’une manière intelligible dans les ouvrages français sur le microscope. Nous n’avons pas cru, toutefois, devoir entrer dans des explications plus élémentaires, parce que nous ne faisons pas ici un ouvrage d’optique micrographique et que nous avons supposer que nos lecteurs ne sont pas complètement étrangers à la connaissance de la construction et du mode de fonctionnement du microscope.

C’est pourquoi, à propos des objectifs, nous ne nous occuperons pas des

(1) Voir Journal de Micrographie, T. XI, 1887, nos 13 et 14.

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moyens que les opticiens emploient pour corriger ce qu’on appelle X aberra¬ tion de sphéricité des lentilles, aberration qui est due à ce que les lentilles, en raison de leur forme même, ne réfractent pas la lumière également dans toutes leurs parties, dans la partie centrale et dans les zones périphé¬ riques. Mais nous dirons un mot de X aberration chromatique , parce que la recherche d’un mode de correction plus complet de cette aberration a amené la construction de nouveaux objectifs dits apochromatiques.

Tout le monde sait que le prisme dévie, ou réfracte , les rayons de la lumière: c’est sur ce phénomène qu’est fondée l’action des lentilles, que l’on peut considérer comme composées d’éléments prismatiques réunis. Mais en même temps qu’il la dévie de sa direction première, il la disperse, c’est-à-dire qu’il sépare le rayon de lumière blanche en divers rayons colorés dont l’ensem¬ ble constitue ce qu’on appelle un spectre .

Le pouvoir réfringent des diverses substances, pouvoir en vertu duquel elles dévient la lumière de sa direction primitive, n’est pas proportionnel à leur pouvoir dispersif , pouvoir en vertu duquel elles la séparent en un spectre plus ou moins large. C’est-à-dire qu’une substance peut dévier la lumière autant qu’une autre, mais la disperser moins ou davantage. De telle sorte qu’on peut imaginer une combinaison de deux prismes disposés en sens contraire, telle que les rayons qui la traversent soient redressés dans leur direction primitive, mais restent encore séparés comme couleurs ; ou bien, telle que les rayons colorés soient réunis sous forme de lumière blanche, mais que le rayon blanc émergent reste encore dévié de sa direction primitive.

C’est sur cette dernière combinaison qu’est fondé X achromatisme , procédé qui permet de faire des lentilles composées qui concentrent la lumière, mais qui ne la dispersent pas en rayons colorés.

Tel est le principe, d’une manière générale. Malheureusement, les choses ne se passent pas, en réalité, d’une façon aussi simple. C’est, qu'en effet, le pouvoir dispersif partiel n’est pas proportionnel au pouvoir dispersif général. C’est-à-dire que si une substance donne, dans les mêmes conditions, un spectre deux fois fois plus long qu’un autre, chacune des diverses parties colorées n’occupera pas un espace double de celui qu’elle occupe dans l’autre spectre.

Il en résulte que, dans la pratique, il est impossible de superposer com¬ plètement dans toutes leurs parties deux spectres destinés à s’annuler l’un par l’autre de manière à recomposer la lumière blanche. 11 resle toujours des aberrations chromatiques partielles ou résiduelles qui donnent encore un spectre secondaire , moins sensible, il ,est vrai, mais qui altère encore la la netteté des images. On ne peut superposer exactement que deux couleurs, par exemple dans la partie centrale, de sorte que les objectifs faits avec les lentilles ainsi corrigées donneront encore un champ sensiblement coloré sur les bords, et des images teintées sur leur contour.

De plus, ce spectre secondaire, empêchant toutes les radiations de conver¬ ger en un foyer unique donne encore naissance à une aberration chroma¬ tique de sphéricité et à une différence chromatique de grossissement pour les différents rayons colorés, résultant de la différence de réfrangibilité

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de ceux-ci et de leur différence de réfraction dans les diverses parties, cen¬ trale et périphériques, de la lentille,

Dans la pratique micrographique, les objectifs formés de lentilles ainsi achromatisées ne conservent que des traces peu gênantes des aberrations ré¬ siduelles, qu’ils soient sur-corrigés ou sous -corrigés, comme on dit, suivant que ce sont les rayons rouges ou les rayons violels qui dominent dans le spectre secondaire, l’achromatisation étant faite pour la partie centrale du spectre, la netteté des images est peu altérée.

Toutefois, avec les très forts grossissements et les grandes ouvertures, et surtout quand l’objectif doit servira la micro-photographie, les inconvénients de l’achromatisme incomplet deviennent sensibles. Avec tous les verres con¬ nus jusqu’à ce jour et la construction la plus parfaite, il est impossible de les éviter et pour y remédier il a fallu fabriquer des verres nouveaux.

C’est ce qu’a entrepris, il y a quelques années, le Dr O. Schott, de Witten (Westphalie), qui, de concert avec le prof. E. Abbé et grâce aux subsides fournis par le gouvernement prussien, a fabriqué des verres dans lesquels l’acide borique et l’acide phosphorique remplacent plus ou moins l’acide sili- cique et dont la composition est fort complexe.

Dans ces verres, le pouvoir dispersif partiel des divers rayons est à peu près proportionnel au pouvoir dispersif total, et d’après des rapports très divers suivants les échantillons. Plusieurs, avant le même indice de réfraction, ont des pouvoirs dispersifs très différents, et réciproquement.

C’est avec ces verres boriques et phosphoriques que M. Zeiss a construit ses objectifs apochromatiques. Ceux-ci contiennent une lentille de plus que les anciens et leurs verres sont achromalisés pour trois couleurs, au lieu de deux, de sorte qu’il ne reste qu’extrômeraent peu d’aberrations résiduelles ou qu’un spectre tertiaire extrêmement faible. L’aplanétisme, c’est-à-dire ia correction de l’aberration de sphéricité, est obtenu pour deux couleurs du spectre.

Voici d’ailleurs, d’après M. Dippel, les avantages des objectifs apochro¬ matiques.

Utilisation de toute l’ouverture de l’objectif, c’est-à-dire en pratique, possibilité de construire des objectifs de plus grande ouverture utile.

Reproduction fidèle des couleurs de l’objet.

Possibilité d’agrandissement considérable de l'image par l’oculaire sans altérer sa netteté, parce que les défauts de l’objectif, qu’un fort grossissement par l’oculaire rend plus sensibles, n'existent plus dans ceux-ci.

Accouplés avec de nouveaux oculaires, dits compensateurs, ils donnent une coloration égale de tout le champ et la même netteté de l’image dans toutes les parties du champ

Mais le plus grand avantage de ces objectifs est surtout pour la photo-micro¬ graphie, parce qu’ils réunissent en un même point les foyers chimique et lumi¬ neux.

Les objectifs apochromatiques sont donc accompagnés d’oculaires nouveaux jits compensateurs qui ont. en effet, pour fonction de compenser les différences

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chromatiques du grossissement et les aberrations hors de l’axe. Ces oculaires ont la lentille de l’œil plus large et la distance de cette lentille au point ocu¬ laire, doit s’appliquer l’œil, plus grande. Enfin, on peut, comme nous l’avons dit, réaliser avec eux des grossissements par l’oculaire beaucoup plus forts qu’avec les oculaires ordinaires accouplés aux objectifs non apochroma- tiques. Nous avons vu qu’on ne peut guère, avec ces derniers, sous peine d’altération dans l’image, en employant même les meilleurs objectis à immer¬ sion homogène, grossir plus de 6 fois avec l’oculaire ordinaire -, or, avec les objectifs apochroma tiques on peut employer des oculaires compensateurs grossissant jusqu’à 18 fois.

Il y a là, comme on le comprend, un avantage très sérieux, car il devient possible, avec un seul objectif apochromalique de réaliser toute une série de grossissements, limitée seulement pour ainsi dire par l’insuffisance de la lumière. En effet, avec un objectif apochromalique grossissantde 10 diamètres et ayant un pouce de foyer, on peut obtenir une série de grossissements par les oculaires compensateurs nos 2, 4, 8, 12 18, de 20, 40, 80, 128 et 180 diamètres, c’est-à-dire jusqu’à 3.007 fois en surface si l’éclairage est suffisant,

Les objectifs apochromaliques sont fabriqués par divers constructeurs, no¬ tamment par MM. Powel et Leaiand, de Londres, et Cari Reichert, devienne.

J. P.

BIBLIOGRAPHIE

Muscologia Gailia. Description et figures des Mousses de Frcutce et des contrées voisines, par M. T. IIusnot. (6° fascicule).

Nous annonçons avec plaisir à nos lecteurs la récente apparition de la 6e livraison de la Mu cologia Gai ica de M. T. IIusnot.

Cette livraison, aussi soignée que les précédentes, continue le genre Orthotricum genre extrêmement nombreux comme on sait, et dont 39 espèces sont décrites daüs ce fascicule et à la tin de celui qui l’a précédé.

Les caractères anatomiques de toutes les espèces sont représentés par l’auteur dans les huit planches qui accompagnent cette livraison.

La Muscologia Gallica est certainement le meilleur et le plus pratique de tous les ouvrages qui ont été publiés sur les Mousses, car outre l'a méthode si simple et si commode qui y a été adoptée, outre l’exactitude et la clarté des descrip¬ tions, elle donne la ligure de toutes les espèces, la plante entière et scs carac¬ tères spécifiques. Or quclqu’exccllentc que soit une diagnose, il n’en est pas, au point de vue pratique, qui vaille une bonne ligure.

Nous rappelons que l’ouvrage de M. T. IIusnot sera complet en 14 livraisons environ.

SUB LES MALADIES DE LA VIGNE

A Messieurs les Présidents et Membres de la Chambre des Députés , à Paris.

Messieurs,

Les maladies de la vigne, dont jusqu’à ce jour la science a été impuissante à arrêter le développement, continuent à occasionner chaque année des perte

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incalculables. Dès leur apparition les savants se divisèrent en deux camps. Les uns soutinrent que les insectes microscopiques et les champignons cryptogami- ques étaient les causes du mal et qu’il sutfisait de les détruire pour rendre la vigne à la santé. Les autres prétendirent au contraire que les vignes se trou¬ vaient dans de mauvaises conditions vitales par suite de l’épuisement de cer¬ taines matières minérales solubles du sol ; ils admettaient que cet épuisement était le résultat d’un mode de culture défectueux longtemps prolongé et que les insectes microscopiques et les champignons cryptogamiques n’étaient que les fruits de la misère des plantes.

Les premiers ayant obtenu l’appui inconscient du Gouvernement devaient né¬ cessairement voir triompher leur théorie ; c’est ce qui arriva. Bientôt on ne vit plus, dans toute la France, que des gens occupées à inventer des moyens pour exterminer l’insecte vastatrix et tuer les microbes. Les seconds, forcés de s’in¬ cliner devant l’opinion générale, furent obligés de se taire.

Parmi les procédés, nombreux jusqu’à l’infini, préconisés pour détruire le phylloxéra, le sulfure de carbone et le sulfocarbonate de potassium, patron¬ nés par de hauts personnages, attirèrent particulièrement l’attention. On se mit donc partout à employer ces puissants insecticides qui devaient inévitablement, au dire des inventeurs, sauver la viticulture d’une ruine certaine. Mais malgré les coups d’encensoir lancés incessamment en faveur de ces procédés devenus officiels, les inventeurs, après plusieurs années d’essais infructueux, furent en¬ fin forcés de reconnaître qu’ils s’étaient grandement trompés et qu’il ne suffi¬ sait pas uniquement de tuer l’insecte pour ramener les vignes à la santé. Ils recommandèrent alors de ne plus employer ces insecticides sans réconforter en même temps les plantes par des engrais. Donner un semblable conseil, c’était reconnaître implicitement la fausseté de leur théorie. Mais les vignerons ne comprirent pas cela et, excités par M. Tisserand et l’armée de fonctionnaires sous ses ordres, ils continuèrent à employer le sulfure de carbone et le sulfo¬ carbonate de potassium en donnant simultanément à la vigne des engrais abon¬ dants et des soins minutiueux. Les bons résultats obtenus à ces conditions fu¬ rent naturellement attribués aux insectides et nullement aux engrais et la théorie du phylloxera-cause, ainsi sauvée du naufrage dont elle avait été un instant gravement menacée, continua à faire de nombreux prosélytes.

L’immersion des vignes préconisée pour tuer l’insecte vastatrix dans ses de¬ meures souterraines fut employée également sur une large échelle, il était naturel de croire qu’en maintenant le phylloxéra sous l’eau pendant quelque temps il serait certainement asphyxié, et que, disparu, les vignes reviendraient à la santé. Après des essais nombreux poursuivis pendant plusieurs années et malgré les sels que des inondations prolongées jusque pendant quarante jours consécutifs apportaient au sol, les vignes continuant à faiblir on lut forcé de recourir à des apports d’engrais. Lorsqu’on obtint après cela une abondante fructification, on l’attribua à l’inondation bien qu’elle siot due, pour laplusgrande part aux engrais.

Contre l’oïdium, champignon microscopique, on recommanda l’emploi du souffre projeté sur les parties aériennes des plantes. Ce procédé répété, trois, quatre, cinq et jusque six fois pendant le cours de l’Été portait souvent la quantité employée à cent kilogrammes par hectare et par an. A la longue cette matière minérale jetée ainsi annuellement sur les parties aériennes des plantes et entraînée chaque fois sur le solpar les ventset les pluies, s’y introduisit en suf¬ fisante quantité pour modifier avantageusement la nourriture des plantes et taire

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disparaître la maladie. Et alorson crut si bien avoir tué le microbe qu’aujourd’hui « on soufre la vigne comme on sale la soupe, » dit l’honorable sénateur de l’Hérault, M. Gaston Bazille.

Dans ces derniers temps, pour s’opposer à la fois à l’oïdium et au peronos- pora, certains viticulteurs employèrent préventivement un mélange de soufre et de sulfate de cuivre sans user de pulvérisateurs ni d’eau et s’en trouvèrent par¬ faitement. S’il suffit pour prévenir ces maladies de répandre ces sels dans la vigne longtemps avant l’époque ordinaire de leur apparition, n’est-ce pas une preuve évidente que ces maladies ne sont pas occasionnées par des microbes aériens, comme nous l’enseignent nos illustrations scientifiques ?

Au Congrès viticole qui vient d’avoir lieu à Mâcon et un grand nombre de savants se sont donnés rendez-vous, l’un d’eux a dit : « On doit abandonner, sans les traiter , les vignes plantées dans des sols n'ayant pas au moins 30 centi¬ mètres de profondeur , quelle que soit leur nature , ainsi que les vignes plantées dans les sols composés en grande partie d'argile, surtout lorsque le sous-sol est imperméable. »

Cet aveu d’impuissance. Messieurs, mérite de fixer un instant votre attention.

Le Maçonnais, un des plus beaux fleurons de la viticulture française, possède un sol de nature calcaire ayant très peu de profondeur. Le voilà condamné à la stérélité par l’un des plus illustres Docteurs des théories microbiennes, qui, après avoir constaté l’insuffisance des insecticides et des microbicides, pour sauver nos bons vieux cépages français, a reconnu que les cépages amé¬ ricains introduits jusqu’à ce jour en France ne s’accomodent nullement de ces espèces de sols. Cela n’est-il pas désolant?

Mais hâtons-nous de nous consoler. Un autre savant du Midi envoyé à la re¬ cherche d’un cépage qui puisse vivre et fructifier dans les terrains calcaires et peu profonds vient, paraît-il, de trouver ce Merle blanc juste à temps pour an¬ noncer sa découverte par télégramme au Congrès !!! Naturellement à cette nou¬ velle aussi surprenante qu’inattendue tous les microbiens réunis à Mâcon se sont empressés de s’écrier en cœur : Eurêka ! Vive Viala !

Dans dix ans on saura à quoi s’en tenir sur le prétendu cépage sauveur qui va nous arriver des États-Unis. Dès aujourd’hui, on peut déjà en être certain, s’il n’est pas appelé à faire la fortune des vignerons, il fera certainement celle des marchands de bois d’Amérique. En attandant faut-il nous croiser les bras et rester impassibles? Tel n’est pas notre avis.

Depuis les temps les plus reculés la vigne française a parfaitement végété dans le Màconnais pour l’honneur du pays, et le bonheur de ses habitants. Mais à la longue le sol de cette riche contrée, à force de donner plus qu’il ne recevait, diminua de fertilité et la vigne cessa de pousser vigoureusement ; l’abondance des produits s’amoindrit insensiblement ; les meilleurs cépages s’étant refusés à donner des fruits, on les remplaça par des cépages plus communs ; ceux-ci, quoique moins exigents sur la qualité de la nourriture, contribuèrent à leur tour à appauvrir le sol au point de n’y plus trouver que les substances nécessaires à la production des chétifs sarments ; aujourd’hui ils meurent même d’inanition sur un grand nombre de points.

Quel remède apporter h un semblable état de chose ? On sait qu’un cépage qu’il soit américain ou français, lorsqu’il est placé sous un climat favorable, dans un sol il trouve en abondance à l’état soluble et bien proportionnées entre elles les substances minérales réclamées par sa nature, ne craint ni les insectes parasites ni les microbes aériens, parce qu’il se trouve dans de parfaites condi-

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O CL

lions vitales. Cherchons conséquemment à mettre nos cépages souffrants dans de parfaites conditions vitales. Rendons à la terre les sels solubles que les plantes n’ont cessé de lui soutirer pendant des siècles ; donnons-lui en quantité suffi - et non avecsante, parcimonie, de la chaux, du fer, de la potasse, du soufre, etc, et nos vignes bientôt pleines de vie ci de santé, n’ayant plus à souffrir que des intempéries nous récompenseront de nos soins en nous fournissant des produits aussi abondants qu’autrefois.

Comment se fait il, Messieurs, que ces idées rationnelles que nous cherchons en vain, depuis 1874, à faire prévaloir, n'aient nullement été écoutées dans les sphères gouvernementales ? A plusieurs reprises, nous avons sollicité les auto¬ rités officielles, et en particulier M. Tisserand, directeur général de l’Agricul¬ ture, d’attirer l'attention des viticulteurs sur l’impérieuse nécessité de rendre à la terre les éléments dont elle s’est appauvrie, et de créer à côté les uns des autres, dans les vignes malades, des champs d’expériences comparatives ; de les faire les uns avec des matières minérales bien appropriées à la nature du sol et du cépage ; les autres avec des insecticides et des microbicides. M. Tisse¬ rand est resté sourd à nos appels réitérées. Craignait-il la lumière !

Autrefois, lorsque M. Dumas était président de la Commission supérieure du phylloxéra, on essayait, par ses ordres, tous les procédés préconisés pour com¬ battre les maladies de la vigne. L’illustre académicien, dans un de ses savants rapports, disait un jour : « On nous a conseillé d’arroser la vigne avec dn vin blanc, nous avons arrosé la vigne avec du vin blanc. » Pourquoi M. Tisserand ne suivrait-il pas cet exemple en faisant procéder simultanément, dans beaucoup d’endroits à la fois, à un essai cultural bien autrement sérieux que l’arrosage des ceps avec du vin blanc !

Sans doute, Messieurs, tout ce qui précède ne suffit nullement pour vous prouver la fausseté de la théorie des microbes-causes et vous démontrer la valeur du procédé cultural que nous préconisons ; il vous manque des preuves authen¬ tiques. Ces preuves authentiques vous pouvez les obtenir aussi nombreuses que vous les souhaitez ; le moyen est facile : vous allez être appelés prochainement par le Ministre de l'agriculture à voter, avec votre complaisance habituelle, la somme réclamée par la Commission supérieure du phylloxéra dont M. Tisserand est le rapporteur ; exigez que cette somme qui s’élève parfois à deux millions de francs et sert en grande partie à faire mousser les théories microbiennes, et aussi probablement à récompenser les frères et amis, soit employée à l’acquisi¬ tion d'engrais, d’insecticides et de microbicides, et qu’ensuite ces matières soient distribuées gratuitement à tous les viticulteurs qui s'engageront à faire dansleurs vignes malades des champs d’expérience, comme nous l'avons indiqué ci dessus. Les résultats de ces champs d’expérience ne manqueront pas. Messieurs, d’éclai¬ rer les viticulteurs, et en même temps de vous éclairer vous-mêmes, sur le meilleur moyen «à employer pour guérir les vignes.

En agissant ainsi, nul doute que la question des maladies végétales, étudiées jusqu’à ce jour sans succès par une foule de savants lancés dans une fausse voie, ne reçoive bientôt sa véritable solution. C’est ce que vous désirez certaine¬ ment, comme nous, pour le bonheur de la France.

Veuillez agréer. Messieurs, l'expression de nos sentiments les plus respectueux,

Chavée-Leroy,

Clermont (Aisne), 2 novembre 1887.

Amiens Imprimerie Rous î au-Leioy,

Le Gérant: Jules Pelletan, Fils.

Onzième année

17

25 Décembre 1887.

JOURNAL

DE

MICROGRAPHIE

SOMMAIRE :

Revue, par le Dr J. Pelletan. Notice bactériologique, par le professeur J. Künstler. Observations sur les Chætonotus (suite), par le Dr A.-C. Stok.es. Correspon¬ dance : Lettre de M. J. Künstler Réponse, par le Dr J. Pelletan. Table alpha¬ bétique des matières contenues dans le Tome XI. Table alphabétique des auteurs. Table des planches, des portraits et des figures. —Avis divers.

REVUE

Il y a longtemps qu’on n’avait entendu parler de la trichine.

C’est qu’en effet, elle n’a jamais été, en France, qu’une quantité non pas seulement négligeable, mais imaginaire. Elle avait été inventée, et exploL tée pour les besoins d’une cause que nous avons exposée jadis par le menu. Aujourd’hui on n’en a plus besoin ; et comme elle ne sert plus à rien il n’y en a plus.

Mais il paraît qu’en Allemagne, cet insidieux nématode n’est pas un mythe, et la Gazette de Francfort du 8 Décembre annonce qu’à Unterhausdorf, près de Reichenbach, en Thuringe, cent cinquante personnes sont tombées malades pour avoir mangé de la viande trichinée ; à la date indiquée, trente- trois étaient déjà mortes et on désespérait de sauver les autres.

Je me rappelle qu’il y a quelque années, on avait éprouvé le besoin de créer au Hàvre des postes de micrographes (je ne sais pas s’ils existent encore), à Paris, à l’École de Pharmacie, un cours de trichinologie, pour rechercher dans la viande de porc des trichines qu’on n’y a jamais trouvées, probable¬ ment par ce qu’il n’y en avait pas.

Mais, en Allemagne, la trichine n’est pas rare et l’on mange le porc à peu près cru, le gouvernement a établi sur tout le territoire des bureaux de recherches, auxquels un seul constructeur de Berlin a eu à fournir une com¬ mande de cinq mille microscopes. Je ne serais donc pas fâché de savoir à quoi s'occupaient les vérificateurs des viandes pendant qu’un marchand de cochons,

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peu scrupuleux, introduisait à Unterhausdorf des porcs assez trichinés pour empoisonner, en quelques jours, cent cinquante personnes.

On a assez l’habitude de l’autre côté du Rhin de se moquer des fonction¬ naires français qui, dit-on, ne fonctionnent pas, mais il me semble que les vérificateurs de ce même côté ne vérifient guère et que les contrôleurs ne contrôlent pas davantage.

Mais, il y a une autre morale à tirer de cette affaire et je la dédie bien volontiers aux Allemands :

Méfiez-vous des vérificateurs et de leur microscope, et surtout méfiez-vous des cochons. Écoutez un peu les conseils de ces français que vous jugez imprudents et légers, mais qui savent manger et, par conséquent, sont des sages. Or la gastronomie française vous dit : « Toutes les viandes blanches doivent être mangées, non pas rouges, ni roses, mais blanches , c’est-à-dire complètement et profondément cuites. »

donc I le porc est une viande blanche, faites le donc cuire. Et ne vous ruez pas à cent cinquante sur un cochon pour le dévorer tout cru, sans môme savoir ce qu’il y a dedans.

#

*

Puisque nous sommes à l’Étranger, restons-y.

j’ai rapporté dans le dernier numéro de ce journal les nouveaux « insuccès » de la méthode pastorienne antirabique en Portugal. Or, il paraît que les Por¬ tugais savent profiter des leçons de l’expérience.

A propos de la rage, le gouvernement avait demandé à la Société des Sciences médicales, qui est l’Académie de médecine de Lisbonne, son avis sur l’opportunité qu’il pouvait y avoir à prendre certaines mesures d’admi¬ nistration et de police sanitaire de nature à empêcher la propagation de la rage et à créer un établissement Pasteur pour les vaccinations antirabiques.

A quoi la Société des Sciences médicales a répondu qu’il y avait lieu de prendre toutes les mesures administratives capables de prévenir la propaga¬ tion de la rage aux animaux et à l’homme, de tenir à ce que les règlements de police sanitaire fussent rigoureusement observés; mais, quant à l’établisse¬ ment en question, tout en rendant hommage à l’intention et aux travaux de M. Pasteur, attendu que la méthode de vaccination ne repose que sur des expériences contredites par d’autres expériences et sur des statistiques dont il n'est pas prudent de tirer pour le moment des conséquences prati¬ ques, la Société juge prématurée la proposition du Gouvernement (1).

Ainsi, il n’y aura pas d’Institut-Pasteur à Lisbonne. De cette façon les Portugais seront au moins à l’abri de celte maladie de fabrication nouvelle : la rage de laboratoire.

#

«

Mais il n’y a pas que la méthode des vaccinations antirabiques qui subisse des vicissitudes remarquables, il y a aussi la grande théorie des microbes pathogènes.

(t) A Actualidad., de Porto, 26 Nov. 188t.

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M. Duclaux, qui a pourtant été nourri de la pure moelle de la doctrine, a démontré récemment, devant l’Académie des Sciences, d’une part, que la lumière tue les microbes, et d’autre part qu’elle détermine des fermentations.

. Une liqueur sucrée fermente sous la seule influence de la lumière solaire et se décompose en alcool et en acide carbonique, comme sous l’action d’un ferment.

Alors, les fermentations ne résultent donc plus du développement, d’un fer¬ ment vivant? Non seulement la lumière fait la fermentation à elle toute seule, mais elle tue le ferment !

Que devient donc ce rôle jusqu’à présent souverain, des microbes ? Voilà qu’ils ne servent plus à rien !

Et toutes nos maladies, qui sont, dit-on, le résultat de fermentations microbiennes, puisqu’il n’y avait pas, naguère encore, de fermentation sans microbe, qu’est-ce qu’on va en faire ?

Si les microbes-ferments sont inutiles et ne font aux fermentations que comme une cinquième roue à un carrosse, que vont devenir tous ces bacilles pathogènes que l’on charge depuis quelques années de toutes les maladies d’Israël ?

Et puis, voici M. Straus, encore un apôtre du microbisme qui, de concert avec M. Dubreuilh, établit, devant la même Académie des Sciences, que la respiration des hommes, quand même ils seraient malades, dans; un espace confiné, ne verse pas de microbes dans l’atmosphère. Bien plus, elle purifie l’air en le débarrassant des microbes qu’il renfermait préalablement.

Tyndall avait, d’ailleurs, démontré que l’air expiré est optiquement pur, c’est-à-dire qu’il ne tient en suspension aucune particule solide, poussières ou microorganismes. Lister avait aussi signalé cette pureté de l’air expiré. Toutes les particules solides restent enfouies dans les mucosités bronchiques ; les bronches font fonction de filtre pour les gaz qui entrent dans les poumons ou qui en sortent.

Mais alors, comment expliquer cette énorme quantité de microbes qu’on a constatée dans les salles encombrées, microbes auxquels on attribuait et on attribue encore la propagation des maladies, comme la phtisie pulmonaire?— Il parait que c’est bien simple :

« L’acte de la respiration n’est pour rien dans ce phénomène ; ce n’est pas par l’air qu’ils expirent, par leur haleine, que les hommes agglomérés chargent l’air ambiant de microbes, c’est par leurs vêtements, par les poussières qu’fis occasionnent, par leur expectoration desséchée sur le plancher et soulevée plus tard sous forme pulvérulente que s’effectue la disséminai ion des microbes dans l’air. »

Je le veux bien, cependant, ces microbes que les vêtements transportent, que les poussières contiennent, ni [les vêlements, ni les poussières ne les fa¬ briquent ; il faut bien qu’ils les aient pris quelque part. Vous citez, il est vrai, une source de production, « les expectorations desséchées sur le plan¬ cher, » mais vous admettrez bien pourtant, que dans tous les lieux de réunion, dans tous les salons, les invités ne passent pas leur temps à cracher sur « le plancher. »

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ooo

Je suis d’ailleurs disposé à admettre qu’en efïetles ramifications bronchiques lubréfiées par le mucus font, jusqu’à un certain point et dans une certaine mesure, fonction de filtre; mais alors, si les expériences de MM. Straus et Dubreuilh sont exactes, ce que je suis porté à croire, que deviennent ces autres expériences qui ont fait tant de bruit il y a deux ans ? Un expérimen¬ tateur a enfermé des lapins ou des cochons d’Inde, je ne sais plus au juste, dans une boîte dans l’atmosphère de laquelle un poitrinaire soufflait tous les jours par un tube l’air sortant de ses poumons. Et l’on a dit que les lapins ou les cochons d’Inde étaient devenus phtisiques.

Gomment concilie-t-on ce résultat avec ceux obtenus par MM. Straus et Dubreuilh ?

Voilà encore des expériences qui me paraissent singulièrement contradic¬ toires et dont la Société des Sciences médicales de Lisbonne aurait bien raison de se méfier.

Il est vrai qu’il y aurait un moyen d’arranger les choses, si l’on voulait, mais on ne voudra pas. Ce serait de reconnaître, avec MM. Straus et Dubreuilh que l’air expiré ne contient pas de microbes, mais de conclure de l’autre expérience que le bacille de la tuberculose n’est pour rien dans la production de la phtisie.

C’est-à-dire que le susdit microbe n’est pas pathogène. Mais, je le répète, on ne voudra pas.

Du reste, ce ne sont pas les contradictions qui gênent nos savants.

Voyez ce qui arrive pour la diméthyloxyquinizine.

Qu’est-ce que c’est que ça?

Ça, c’est l’ antipyrine.

Vous vous rappelez le notable tapage qu’on a mené, il y a deux ou trois ans aulour de cette nouvelle panacée importée d’Allemagne par M. G. Sée.

C’était d’abord un anti thermique, le plus puissant des antithermiques, et ça abaissait la température des malades d’une telle façon qu’on n’avait jamais jusque abaissé autant la température des malades. Quel bienfait pour les phtisiques à la troisième période !

Seulement, quand le premier enthousiasme fut calmé, on s’aperçut que ça n’abaissait rien du tout, excepté le |malade lui-même que ça épuisait par la diarrhée et les sueurs profuses.

Alors, on se rabattit sur le coté antipyrétique : ça n’abaissait peut-être pas beaucoup la température à moins d’en administrer des doses telles que le malade ne pouvait pas les supporter, mais ça abaissait la tension sanguine et ça faisait tomber le pouls comme jamais on n’avait abaissé la tension san¬ guine et fait tomber le pouls.

Et puis, pas du tout ! il fallut encore changer le fusil d’épaule. L’apyrétique devint un antiseptique. Et comme de juste, il devait guérir tout de suite la fièvre typhoïde et autres maladies à ferments.

Et puis, l’antiseptique est devenu un analgésique : il calmait « l’élément douleur » comme jamais encore on ne l’avait calmé. Laissant alors les topettes

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et les potions, on arbora les seringues et les injections hypodermiques, selon la mode du jour. Et la dépravante morphine, la perfide cocaïne, allaient être tout de suite détrônées.

Nous en sommes là. La morphine règne toujours, la cocaïne n’est pas remplacée, et je ne sache pas qu’on se serve beaucoup de l’antipyrine, ailleurs que chez M. G. Sée.

Et voici venir M. Robin.

Le Dr Robin a lu à l’Académie de médecine un travail sur l’antipyrine, et j’y cueille ceci :

« Le rôle de l’antipyrine contre l’élévation de la température et, par consé¬ quent, son emploi dans les fièvres me paraît sinon terminé, du moins fortement compromis. »

« L’antipyrine doit être proscrite du traitement des fièvres et spécialement de la fièvre typhoïde. »

« Lorsque les échanges nutritifs subissent du fait même de la maladie un ralentissement considérable, ainsi qu’il arrive dans un grand nombre d’états cachectiques, l’antipyrine est contre-indiquée. »

S’il en est ainsi, je ne sais plus trop à quoi ce médicament universel peut être bon.

M. Robin admet, il est vrai, que l’antipyrine « devra, rationnellement, être expérimentée » dans les névroses, la migraine, etc.

Hélas ! c’est bien vague. Qu’est-ce qui n’a pas été expérimenté, rationnelle¬ ment ou non, dans les névroses ? C’est la bouteille à l’encre. Qu’est-ce qui les guérit et qu’est-ce qui ne les guérit pas ? Quand on ne sait plus que faire d’un médicament, on s'en sert conlre les maladies nerveuses.

M. Robin admet encore que l’antipyrine est indiquée dans les dernières phases de la phtisie. Triste ressource, vous en conviendrez ; et que ne peut-on pas essayer alors qu’on sait qu’il n’y a plus rien de sérieux à faire?

La preuve, d’ailleurs, que cetle antipyrine n’est pas bonne à grand’chose, je la trouve dans les discussions et les expériences contradictoires dont elle a été le sujet.

M. Robin, qui nen veut pas dans les cachéxies, pense néanmoins qu’elle peut être utile dans les derniers moments de la phtisie pulmonaire. Or, beau¬ coup de médecins qui l’ont essayée, et je suis de ceux-là, trouvent qu’elle est inutile et que, le plus souvent même, elle est nuisible.

M. Robin avance qu’elle doit être proscrite du traitement des fièvres et par¬ ticulièrement de la fièvre typhoïde. M. Clément, de Lyon, soutient au contraire qu’elle y est fort utile, et particulièrement contre la fièvre typhoïde.

« Décide, si tu peux, et choisis, si tu l’oses. »

Soyez bien sûr que si l’antipyrine avait seulement une propriété bien nette, il n’v aurait pas tant de discussions. Il y a longtemps qu’on serait d’accord sur son compte, autant, du moins, que les savants peuvent être d’accord sur quelque chose, surtout quand ce sont des médecins.

Dr J. P.

558

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

P. S. Au moment de mettre sous presse, nous apprenons qu’un autre des enfants qui avaient été conduits, il ya-quelques mois, de Lisbonne à Paris pour y être soumis au traitement de M. Pasteur contre la rage, vient de mourir. Il s’agit cette fois, d’une enfant de huit ans, Louise. d’Almeida, demeurant à rto,rue du Bomjardim. Elle est morte, le 13 décembre dernier, à l’hôpital de Miséricorde de cette ville, après une horrible agonie.

NOTICE BACTÉRIOLOGIQUE

Depuis environ un mois, Peau de nos aquariums a attiré mon attention par sa couleur roussatre et ses dépôts ferrugineux ; à tous les points d’écoulement, ainsi qu’au fond des récipients, se déposait un limon couleur de rouille. L’examen microscopique de ces dépôts y a décelé une foule de débris organiques en voie de décomposition, spécialement les filaments altérés d’un des plus grands Schizomy- cètes, le Crenothrix Kühniana , entremêlés d’une foule d’autres Bactériacées. Les eaux courantes elles-mêmes en contenaient une quantité variable, selon les moments. Certains jours, elles étaient troubles et d’une saveur désagréable.

Les causes de cette invasion microbienne sont probablement clima¬ tériques. D’une part la sécheresse de l’été dernier a produit un abais¬ sement du niveau des nappes aquifères souterraines de la région, que : les pluies de l’automne ont brusquement relevé ; les végétations qui s’étaient développées dans la terre humide ont été détruites et se sont putréfiées. D’un autre côté, les gelées précoces, suivies des temps doux et humides, qui ont caractérisé cet automne, ont contribuer puissamment à la production des matériaux putrescibles, débris végé¬ taux, etc. Dans ces. conditions, le Crenothrix Kühniana , de même que d’autres espèces de Bactéries, ainsi que de nombreux Protozoai¬ res, s’est bien développé, et a produit ses filaments qui, sous l’influence de l’eau aérée et contenant des sels d’oxydule de fer, se. sont incrustés d’un précipité de sesquioxyde de fer, sont bientôt morts et se sont pourris.

Ces modifications de nos eaux, dues à des influences climatériques, pourraient-elles être considérées comme constituant l’une des prin¬ cipales causes de l’épidémie de fièvre typhoïde, qui sévit actuellement à Bordeaux? Cela me paraît probable(l). Ce iTest pas que je pense que.

(1) IL serait peut-être juste aussi d’incriminer les grands travaux exécutés

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

559

leur impureté puisse contaminer directement et inoculer ainsi cette terrible affection. Depuis longtemps déjà, Pettenkofer a montré que, dans le typhus, le choléra, la fièvre jaune, deux éléments sont néces¬ saires pour opérer l’infection, l’un provenant d’un malade, l’autre du sol. Tout sol n’en produit pas et la région insalubre elle même ne le développe pas toujours : cette production est donc locale et tempo¬ raire. Ainsi le sol produit probablement une certaine infection miasma¬ tique, et ce n’est que grâce à cette atteinte préalable que l’agent pathogène spécifique peut se développer. Les deux éléments qui constituent le contage entreraient donc séparément et à des époques différentes dans le corps humain. L’agent local modifierait les pro¬ priétés chimiques des humeurs du corps. Ces liquides présenteraient alors des conditions suffisamment favorables pour que l’agent infec¬ tieux, introduit en quantités minimes, puisse s’y développer. L’on sait fort bien que Lyon est une ville salubre dans laquelle le choléra ne règne pas épidémiquement, quoique des cas isolés puissent s’y pro¬ duire. L’épidémie cholérique de Spire (1.875) fournit une confirmation de même fait. La maladie n’atteignit que le bas quartier. L’hospice des vieillards, situé dans la région haute fut cependant durement atteint : ces hommes avaient récolté des pommes de terre |dans une région fort basse, les miasmes du sol ont pu leur faire subir leur influence.

Pour ce qui est de l’état sanitaire actuel de la ville de Bordeaux, les eaux, contenant des débris de Crenothrix , ont pu jouer le rôle d’agent miasmatique local, et permettre ainsi à l’agent infectieux de la fièvre typhoïde de produire ses ravages.

D’après ce qui précède, un certain nombre de précautions me paraissent devoir être utiles dans le cas une municipalité voudrait créer de nouvelles prises d’eau. De même qu’à Giard il me semble préférable de se servir, si cela est possible, d’eaux dont la surface supérieure serait exposée à l’air libre, telles, par exemple, que celle des lacs, et particulièrement des lacs élevés. Dans le cas cela ne pourrait pas se faire, on devrait choisir des nappes aussi profondes que possible et par là, à l’abri de fluctuations trop considérables et trop fréquentes, dépourvues, autant que possible, des sels ferrugineux qui sont nécessaires au développement du Crenothrix Kühniana.

J. Kunstler.

Professeur-adjoint à la Faculté des Sciences de Bordeaux.

dans noire port, d’autant plus que la fièvre typhoïde, dans l’épidémie actuelle, çst souvent compliquée de fièvres intermittentes, variole, etc.

560

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

OBSERVATIONS SUR LES CH.ETONOTUS

{fin) (1) :

12. Chætonotus loricatus Sp. nov.

(pi. i, fig. s. pi. ii, fig. 16-21) ' ;;

Le corps entier, à l’exception des prolongements caudaux et de l’é- troit espace ventral entre les deux bandes longitudinales de cils, est couvert d’écailles imbriquées, paraissant demi-circulaires, dont le bord libre, arrondi, est dirigé vers la tête de l’animal, c’est-à-dire dans le sens opposé à celui des écailles d’un poisson, et qui donnent au corps une apparence bizarre mais jolie. Les bords libres de ces écailles transparentes semblent épaissis, mais cela doit être une erreur et on l’a omis sur la figure (PL II, fig, 16). Ces appendices s’étendent au¬ tour des bords latéraux à la marge externe des bandes ciliées, ils cessent. L’intervalle ventral est nu. En outre des cils ventraux, il y a de chaque côté de l’anneau oral une touffe de cils qui continue les groupes antérieurs de cils tactiles (PL I, fig. 5.) Ces cils aussi bien que les soies tactiles, sont incurvées et leur fonction paraît être de créer un courant pour amener la nourriture, tandis que ceux des bandes ventrales sont principalement locomoteurs.

L’animal a 1/185 de pouce de longueur Ses mouvements sont ra¬ pides et « erratiques » lorsqu’on vient de le déposer sur le porte- objet, mais bientôt, il se calme et se livre à une recherche compara¬ tivement tranquille de sa nourriture.

L’ouverture orale est placée obliquement (PL II, fig. 21), l’anneau oral était fortement perlé.

L’œsophage occupe du tiers au quart de la longueur du corps. Les bords de sa cavité sont finement et régulièrement crénelés. Chez les adultes mûrs, il y a souvent des diverticules latéraux temporaires, très remarquablement développés, ou passages, d’inégale longueur (PL IL fig. 19) qui paraissent s’étendre du canal central aux canaux latéraux. Ils s’ouvrent et se ferment à la volonté de l’animal, mais si c’est par une action musculaire irrégulière, ou si ce sont des parties normales de l’organe, je l’ignore.

Il y a une variété rare qui diffère de la précédente par son corps plus petit, par ses écailles moins nombreuses et beauconp plus petites,

(1) V oir Journal de Micrographie. T. XI, 1887, p. 77. 150.

J. M. /M/

PL. , II

I

JOURNAL DR MICROGRAPHIE

561

et par la présence de deux longues épines recourbées sur chaque bord latéral près de la partie postérieure.

L’œuf mesure 1/545 de pouce de longueur. 11 a une surface et les deux extrémités qui sont armées de papilles creuses ou de courtes épines creuses ; le sommet des papilles et des épines est bifide ou émarginé (PL II, lig. 20). Les longs et les courts appendices se rencontrent souvent sur le même spécimen.

12. Chætonotm rhomboïdes , Sp. nov.

(PL II, fig. 31-35)

Les caractères de cette espèce, qui n’a pas encore été. décrite jus¬ qu’ici, sont la forme inaccoutumée de la tête, les petites écailles rhombiques et les appendices caudaux extrêmement longs. Le corps lui-même est long et étroit, mesurant environ 1/86 de pouce en lon¬ gueur. L’extrémité postérieure se divise en deux furculatures ou bran¬ ches, dont chacune à de 1/5 à 1/4 de la longueur entière de l’animal. Ces branches s’amincissent graduellement à leur bout libre et sont composées d’environ vingt anneaux ou articles légèrement étranglés. Elles sont librement mobiles et flexibles et constituent des organes en forme de queue, uniques dans ce genre d’animaux microscopiques. A leur jonction avec l’extrémité postérieure du corps, elles sont sépa¬ rées par une émargination plus ou moins marquée, comme on le voit dans la PL II, fig. 31 , un seul de ces appendices caudaux est re¬ présenté. Elles paraissent invariablement, au moins sur les différents individus que j’ai examinés, tout à fait creuses et vides. Il m’a été im¬ possible de voir le conduit des glandes caudales, non plus que l’ap¬ pareil musculaire de cette partie.

La tête, large, est formée de trois lobes, dont un frontal et deux latéraux. Le premier se termine de chaque côté à un groupe unique, acuminé, de soies en forme de pinceau, ordinairement appliqué tout contre la partie antérieure des lobes latéraux, qui se terminent aussi à un pinceau de soies, unique, plus fort et plus remarquable que les pinceaux frontaux, (PL II, fig. 35). L’anneau oral est perlé et les cils oraux paraissent se projeter en touffe. Immédiatement derrière Panneau oral est un sillon transversal étroit et profond, un peu plus petit que la moitié de la largeur de la tête à cet endroit, car celle-ci mesure environ 1/700 de pouce de large, tandis que le sillon n’a que 1/1500 de pouce de long. - Les poils tactiles sont très longs, et il y a plusieurs cils vibratiles additionnels, de chaque côté de Panneau oral, cils qui sont remarquablement droits et raides, bien que mobi¬ les. Les cils ventraux sont disposés en deux longues bandes latérales,

562

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

l’espace intermédiaire étant lisse et nu. IJ n’a pas été observé de pa¬ pilles oculiformes.

Le dos et les côtés sont complètement recouverts d’une cotte de maille formée d’écailles rhombiques, transparentes, imbriquées. Elles n’ont pas plus de 1/5000 de pouce de long, et examinées sous un fort grossissement, présentent un aspect fort élégant. On a essayé de le reproduire dans la figure 52 (PL II), mais avec peu de succès. Les bords latéraux paraissent épaissis et le bord postérieur de chaque écaille semble porter une petite écaille supplémentaire triangulaire. Chacun de ces appendices cuticulaires a probablement la forme indi¬ quée dans la fig. 54 (PI, II), avec le bord postérieur tronqué, et leur arrangement est probablement celui qui est représenté fig. 55. L’épa¬ nouissement des bords latéraux peut-être du au léger recouvrement des écailles transparentes, mais je n’ai pas d’explication à donner quant à la nature des petits triangles, bien évidents, cependant (1).

L’œsophage est court, excédant rarement le sixième de la longueur totale de l’animal. J’ai observé un système vasculaire aquifère dans cette espèce, mais les deux canalicules ciliées étaient marqués sur une si petite étendue et ont été si incomplètement étudiés que je ne puis maintenant que signaler leur incontestable existence.

Cet intéressant animal était très abondant, dans les récoltes que j’ai faites alors que j’étudiais ses congénères, mais je n’ai pas vu l’œuf émis, et je n’ai pas réussi à conserver l’individu vivant assez long¬ temps confiné pour que l’œuf arrivât k maturité, alors même que j’en avais vu un en formation dans l’ovaire, ce qui, d’ailleurs, ne se trouve pas fréquemment.

14. Chætonotus spinifer , nov. âp.

(PL II, fig. 25-27)

Parmi les Lemma et les Riccia d’un marais peu profond, j’ai trouvé plusieurs spécimens d’un Chætonotus bien armé, mesurant environ 1/150 de pouce de longueur et ayant les surfaces latérales et dorsale couvertes d’écailles arrondies et imbriquées dont le bord libre était dirigé en avant comme chez les C. loricatus et C. rhomboïdes. Sur chaque écaille s’élève une forte épine recourbée dont l’extrémité dis¬ tale est finement et inégalement fourchue, la base élargie et épaissie. Cette disposition est représentée dans la fig. 27 (PI. II). Les épines ne partent pas du centre des écailles, mais du voisinage de la partie

(i) Depuis que ces lignes ont été écrites, un individu a été observé dont les écailles avaient les bords un peu convexes.

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563

postérieure et entre les bords des écailles contiguës de chaque coté. La bifurcation, ici comme sur d’autres appendices de ce genre, peut- être décrite comme un petit éperon ajouté à l’épine courbe simple. Elle peut facilement passer inaperçue. Les épines sont plus grandes et plus fortes dans le dos, décroissant graduellement sur le cou et la tête, et rapidement sur les parties postérieures, tandis qu’en tra¬ vers de la surface dorsale, immédiatement au-dessous de la fourche caudale, est une série supplémentaire de quatre piquants plus longs et plus forts que tous ceux des autres parties du corps.

L’anneau oral est fortement perlé. Les cils adoraux externes for¬ ment une touffe, continuée de chaque côté sur la surface ventrale par une série de cils comme disséminés. L’espace entre les bandes ci¬ liaires ventrales est lisse et nu, excepté près de l’extrémité postérieure sont cinq soies disposées comme le montre la fig. 25 (PL II), les deux dernières (postérieures) étant obscurément fourchues ; les autres sont simples.

L’œsophage présente, sur la partie postérieure de deux des bords internes, un épaisissement formant comme deux accolades opposées (fig. 24) dont les pointes centrales sont longues, acuminées, atteignant presque la paroi externe, tandis que les extrémités postérieures s’allon¬ gent en se recourbant en dehors pour atteindre aussi la paroi. Ces épaisissernents ne sont visibles que quand l’animal est vu par le dos ou par le ventre.

Les œufs varient un peu pour la taille et beaucoup pour l’ornemen¬ tation. Il y en a trois modèles. Dans l’un, le côté et les extrémités portent des prolongements courts, forts et creux, dont les bouts sont tronqués et divisés en quatre ou cinq pointes quand on les regarde par le dessus (fig. 25). Les œufs ainsi armés mesuraient 1/545 de pouce de long. Dans un autre, les appendices sont des épines longues, coniques et creuses dont l’extrémité dictuleest tri ou quadrifide, à branches pa¬ raissant très fines et délicates quand on les voit de profd, mais vues de dessus s’effilant à leur bout et se terminant en une bifurcation très écartée (fig. 26). Ces œufs mesuraient 1/560 de pouce de long. Dans le troisième modèle, un côté et les extrémités de la membrane étaient couverts d’un réseau irrégulier de lignes saillantes dont les mailles avaient quatre, quelquefois cinq angles, tandis que le côté opposé de l’œuf était couvert de rugosités formées par de fines lignes un peu sinueuses, Ces œufs avaient 1/520 de pouce de longueur.

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i

15. Chætonotus acanthodes, Sp. nov.

(PL II, fig. 28-20).

Dans une petite inare à Sphagnum, près de mon habitation, j’ai pris un petit nombre de Chætonotus , mesurant 1/180 de pouce de longueur, dont la surface cuticulaire était pour la plus grande partie merveilleu¬ sement armée, la face ventrale ayant aussi une garniture protectrice. Il possède à la fois des épines et des écailles ;(ces dernières sont im¬ briquées, leur bord libre est dirigé en avant, et chacune porte une petite écaille supplémentaire ou un épaisissement en forme d’écaille, dont s’élève une épine recourbée (fig. 29). A une petite distance au- dessus du centre du corps, la surface dorsale est traversée par une série de grosses et fortes épines s’élevant obliquement en haut et en arrière, et formant une espèce de haie épineuse au-dessous de laquelle les appendices coniques sont petits et rares ; quelquefois même tout à fait absents, excepté sur les bords latéraux. De chaque côté, près de la fourche, sont deux larges épines. Dans la fig. 29, les écailles sont beaucoup plus correctes de forme que dans la fig. 28, elles sont même trop arrondies et l’apparence d’écailles doubles a étévolon- lontairement omise.

L’espace ventral entre les bandes ciliaires est entièrement et densé¬ ment garni d’épines courtes, fines, recourbées, ou piquants, et quatre ou cinq soies plus longues font saillie de la surface au-delà du bord de la bifurcation postérieure (fig. 30).

Je n’ai pas vu d’œuf.

16. Chætonotus octonarius , sp. nov.

(PI. I, fig. 4).

C’est une forme petite et active, aisément reconnaissable à sa disposition des épines dorsales recourbées. Elles sont inégalement fourchues et placées sur deux rangées latérales longitudinales de trois épines chaque avec une épine centrale antérieure et une centrale postérieure. Cette espèce ne paraît pas commune, je n’en ai rencon¬ tré qu’un exemplaire, que j’ai négligé de mesurer. Elle exige de nouvelles études.

* f ;

17. Chætonotus spinosulus , n. sp.

(PI. I, fig. 2 et 3).

Corps iong de 1/376 de pouce. La surface cuticulaire est grossière¬ ment granuleuse et le dos portr ordinairement sept épines inégalement

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565

fourchues, en deux rangées transversales, la rangée antérieure composée de quatre épines et la rangée postérieure de trois. Quel¬ quefois les épines latérales de la rangée postérieure manquent et la rangée antérieure n’en présente que trois. Les bords latéraux du corps sont munis de courtes soies coniques que j’ai constamment trouvées dans tous les spécimens que j’ai observés.

L’œuf a 1/750 de pouce de long et les extrémités ainsi qu’un côté sont hérissés de cils courts (Fig. 3). L’embryon sort environ trente heures après que l’œuf a été pondu, et, à peu près trente heures plus tard, on commence à voir dans le jeune Chœtonotus se former un œuf ovarien dont le noyau devient visible six heures après. J’ai assisté à la ponte de l'œuf et le parent est mort ensuite. Après l’éclo¬ sion de l’embryon, dont j’ai été témoin aussi, j’espérais que l’œuf qui se formait dans l’ovaire du jeune arriverait à un développement et donnerait quelque renseignement sur le mode de fécondation. Il n’y avait que ce Chætonotus dans la préparation (chambre humide) et c’était une occasion qui sans doute ne devait guère se retrouver, mais avant que le dos de l’animal commençât à s’arquer au-dessus de l’œuf en développement, l’animal mourut.

Chœtonotus longispinosus , sp. nov.

(PL I, fig. 8 et 9).

Les épines, inégalement fourchues, varient en nombre de quatre à huit, ce dernier nombre étant le plus commun. Elles ont presque la moitié de la longueur du corps de l’animal, et s’élèvent de la région centrale du dos en deux rangées transversales, ordinairement de quatre épines chacune ; elles sont arquées en dessus et en arrière (Fig. 8) jusque près ou au delà des extrémités des branches candales, celles qui forment la série postérieure étant la plus longue. Au devant de la rangée antérieure, la surface est garnie de quelques soies re¬ courbées, comme le montre la figure 9, et les bords du corps sont frangés de grosses soies raides. Les épines dorsales sont toujours sur deux rangées, mais leur nombre varie de quatre à trois dans une rangée et à cinq dans l’autre. Le corps à 1/345 de pouce de long. Je n’ai pas observé l’œuf.

(A suivre).

Dr A. C. Stores.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

EXPLICATION DE LA PLANCHE IL

Fig. 16. Chœtonotus loricatus , sp. nov.; face dorsale; écailles an¬ térieures omises.

Fig. 17. Ch. loricatus ; illusion d’optique produite par Couverture orale.

Fig. 18. Ch. loricatus; coupe optique transversale de Pœsophage. Fig. 19. Ch. loricatus ; diverticules de Pœsophage.

Fig. 20. Ch. loricatus ; surface de Pœuf.

Fig. 21. Ch. loricatus; coupe optique longitudinale.

Fig. 22. Ch. loricatus; ouverture orale avec projection externe des cils oraux.

Fig. 25. Chœtonotus spinifer , sp. nov.; région postérieure ventrale. Fig. 24. Ch. spinifer ; œsophage montrant les épaisissements en forme de parenthèse.

Fig. 25 et 26. Ch. spinifer ; détails de Pœuf.

Fig. 27. Ch. spinifer ; épines et écailles.

Fig. 28. Chœtonotus acanthodes , sp. nov.; partie dorsale posté¬ rieure.

Fig. 29. Ch. acanthodes; aspect des épines et des doubles écailles. Fig. 50. Ch. acanthodes ; partie postérieure ventrale.

Fig. 51. Chœtonotus rhomboïdes , sp. nov.; une branche caudale. Fig. 52. Ch. rhomboïdes ; apparence des écailles rhombiques.

Fig. 55. Ch. rhomboïdes ; disposition probable des écailles.

Fig. 54. Ch. rhomboïdes ; forme des écailles.

Fig. 55. Ch. rhomboïdes ; vue ventrale delà tète.

CORRESPONDANCE

Monsieur le Rédacteur,

L’esprit de contradiction est, dit-on, une chose innée : aussi me permettrez vous, j’espère, quelques remarques sur votre spirituelle Revue une des plus réussies du numéro qui vient de paraître.

Vous raillez et malmenez les injections et inoculations faites aux lapins et aux cobayes ; vous paraissez donc disposé à méconnaître leur utilité. Or, veuillez lire ce qui suit :

La tuberculose est caractérisée par la présence du Bacille de Koch dans les produits pathologiques. Mais il existe une affection assez analogue, dans laquelle les organes se tuberculisent de la même manière, qui diffère de la tuberculose vraie en ce que le Bacille caractéristique fait défaut. Inoculez aux rongeurs précités des produits non tuberculeux et vous aurez des lésions semblables à celles produites par l’inoculation de tubercules. De nombreuses expériences connues le démontrent et me dispensent d’insister. Servez-vous de matières pneumoniques, de cancer, de mélanose, de pus, de produits quelconques d’inflammation, de diphtérie, de vaccin, de syphilis, etc., ou même de papier, de linge, de grains d’aniline, etc. Toutes les expériences faites dans cette voie

JOURNAL DE MICROGRAPHIE

567

ont abouti d’abord à la doctrine qui considère comme d’origine septicémique toutes les lésions obtenues, en pareil cas. Actuellement on semble s’ètre arrêté à la notion des vrais et des faux tubercules, obtenus après inoculation de produits tuberculeux ou non tuberculeux. Outre le Bacille, un autre caractère sépare ces deux affections. Les vrais tubercules sont indéfiniment inoculables et reproduisent la maladie en série indéfinie. Au contraire, les faux tubercules ne possèdent pas cette puissance et ne sauraient servir à constituer des séries sans fin ; certains individus, inoculés, ne meurent pas. Il se produit encore des tubercules plus ou moins rudimentaires, mais qui guérissent.

En inoculant à ces derniers animaux du virus tuberculeux ordi¬ naire, on constate chez eux une résistance assez nette à son action , comme si les premières expèrienees constituaient une sorte de vacci¬ nation.

Je me propose de faire des recherches plus étendues sur ce sujet, et quoique votre verve piquante ait si rudement malmené les inoculations, j’espère que vous voudrez bien admettre leur importance et leur intérêt.

Agréez, je vous prie, etc.

J. Kunstler.

Professeur-adjoint à la faculté des sciences de Bordeaux.

RÉPONSE

Mon cher Professeur,

Je vous remercie de votre appréciation flatteuse de mes « spirituelles revues» et je suis heureux que vous ayez trouvé réussie celle du 16 de ce journal, quoique le correcteur ait laissé passer un que qui est de trop et laissé tomber un t qui était nécessaire (1).

Mais, de ce que je n’ai pas sur certaines questions scientifiques, les mêmes opinions que bien des gens, il ne s’en suit pas que mes idées soient absolument déraisonnables. Or, ce serait n’avoir pas le sens commun que de trouver inutiles et sans intérêt toutes les inoculations expérimentales.

Seulement, je distingue : je les trouve utiles quand elles servent à quelque chose, et inutiles quand je crois qu’elles ne servent rien. J’ai l’air de dire une bêtise, mais réfléchissez et vous verrez que c’est très sensé.

Il y a bien longtemps que les inoculations expérimentales, faites par exemple dans le but de reconnaître la véritable nature d’une maladie, ont été inven¬ tées. Si vous aviez mon âge, vous vous rappelleriez toutes les accusations, objurgations, incriminations, accumulées jadis sur la tète de Ricord, qui, le premier, autant qu’il m’en souvienne, les employa d’une manière pratique et utile. En vertu de cet axiome à rallonges que « tout homme qui a un chancre est apte à en contracter deux, que tout homme qui en a deux, peut en contracter trois, et ainsi de suite », pour reconnaître si une ulcération mal caractérisée était un chancre mou ou un chancre infectant. Ricord, inoculait la

fl) Voir les 3 dernières lignes de la page 524.

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JOURNAL DE MICROGRAPHIE

matière de cette ulcération à un homme déjà syphilisé, et s’il poussait un chancre à cet homme, il n’en était pas plus syphilisé pour ça, mais Ricord en concluait très logiquement, et très utilement pour le premier malade, que l’ulcération en question était syphilitique. D’où résultait un traitement spécial,

On a beaucoup crié, dans ce temps là, contre ce système d’infection mu¬ tuelle, et, au fond, on n’avait peut être pas tout à fait tort.

C’était des inoculations expérimentales ; il est vrai qu’on n’avait pas trouvé d'animal pouvant servir de réactif , malgré qu’Auzias Turenne se fut acharné à donner la syphilis à des singes qui n’avaient rien fait pour ça.

Aujourd’hui, on a le lapin et le cochon d’Inde qui peuvent servir de réactifs pour caractériser certaines maladies humaines qu’ils sont aptes à contracter. C’est fort bien. Quand on inocule à un lapin des matières tuberculeuses pour observer les conséquences de l’opération et savoir si ces matières proviennent de vrais ou de faux tubercules, si elles produiront ou ne produiront pas la tuberculose réelle, il y a là, certes, une expérience utile : elle est digne de toul intérêt et je l’approuve complètement.

Mais vous ne vous figurez pas la quantité de choses que l’on inocule et qu’on injecte, depuis quelque temps, dans les veines des lapins et des cochons d’Inde II n’y a pas de laboratoire dans nos Facultés et dans nos Écoles où, tous les jours, de nombreux jeunes gens n’injectent à ces pauvres rongeurs les substances les plus diverses et les plus étranges, sans but, sans idée, au hasard de la seringue, pour voir ce que ça fera.

Eh bien ! je dis que la plupart du temps, ça ne sert à rien, si ce n’est à confectionner des mémoires, thèses, articles de journaux, aussi inutiles que les expériences en question.

J’ai plaisanté à propos des injections d’essence de tanaisie faites à des la¬ pins par M. Peyraud et de la soi-disant rage tanacétique qui en résulte. Je ne connais absolument pas M. Peyraud et je serais peiné qu’il vit dans ma bou¬ tade une attaque personnelle, mais je persiste à croire que ses expériences sont de celles qui ne servent à rien; je crois qu’il n’v a aucune assimilation possible à faire, du moins dans le sens qu’entend M. Peyraud. entre la rage et les accidents nerveux produits par l’essence de tanaisie dans les veines, et qu’il est absolument illusoire de s’imaginer, par exemple, que cet empoison¬ nement par la tanaisie peut préserver, comme rage atténuée actuelle, d’une rage vraie future.

Et je répète qu’il se fait en ce moment des expériences, inoculations ou injections diverses à des lapins ou à des cochons d’Inde, expériences sans but défini, sans bases scientifiques ni même logiques, ou fondées sur une de ces idées a priori , idées générales comme dit M. Ranvier, qui pour une fois qu’elles mènent par hasard au vrai, conduisent cent fois à l’absurde.

Voilà ! ça ne veut pas dire que je regarde comme inutiles et sans intérêt toutes les inoculations expérimentales, mais que je ne m’v intéresse que quand elles peuvent conduire à un résultat profitable à la science.

Votre tout dévoué, Dr J. P.

Le Gérant : Jules Pelletan Fils.

Amiens Imprimerie Rousseau-Lerov,

TABLES

DU

TOME ONZIÈME

TABLE ALPHABÉTIQUE

DES MATIÈRES

CONTENUES DANS LE TOME ONZIÈME du Journal de Micrographie

A

Pages.

A nos lecteurs, par le Dr J. Pelletan . . 97

A propos du Phylloxéra, par M. Chavée-Leroy . 481

Anlhracnose (traitement préventif de P), par M. Chavée-Leroy . 189

Aperçu de la Morphologie des Bactériacées ou Microbes, par le Pro¬ fesseur J. Kunstler.. . 15, 70, 108

Aspidionotus du Laurier rose. (Sur Porganisalion et les métamor¬ phoses du) parle Professeur Y. Lemoine . 191

B

Bactériacées ou Microbes. (Aperçu de la Morphologie des), par le Pro¬ fesseur J. Kunstler . 15, 70, 108

Bactériologique (Notice), par le Professeur J. Kunstler . 558

Bibliographie. Atlas de Microscopie clinique, par le Dr A. Peyer ;

trad. du Dr E. de la Harpe . 126

Beilræge zur Kentniss der Bacillarien Ungarns,

par le Dr J. Pantocsek, notice par le Dr J.

Pelletan . 383

Beilræge zur Kentniss der Bacillarien Ungarns, par

le Dr J. Pantocsek, notice par M. P. Petit . 484

Bulletin de la Soc. Imp. des Naturalistes de Moscou. 158

Bulletin Scientifique du Nord . 158

Calalogue des Lépidoptères, par M. H. Bibbé . 94

Centralisait für Bactériologie und Parasitenkunde,

publié par le Dr 0. Uhlworm . 94

Elemenlary microscopical Technology, par le Dr Fr.

L. James, notice par le Dr J. Pelletan.. , . 485

L’Abeille Médicale (Suisse) . 127

La Pratique Médicale . 127

La Kevue Générale de Clinique et de Thérapeutique. 127

572

TABLE DES MATIERES

La tuberculose des animaux et la phtisie pulmo¬ naire, par M. G. Butel . 158

La vérité sur M. Pasteur, par M. P. Boullier.,...,.. 157

Le Bulletin Médical . 127

Littérature récente des Diatomées, par M. J. Deby. 217

Muscologia Gallica, par M. T. Husnot . 158, 549

Notes on histological methods,parle Dr S. H. Gage. 159 Notes on Microscopical methods, par le Dr S. H. Gage. 159 Précis élémentaire d’anatomie pathologique, par

M. Abadie-Leroy . ' . 94

Revue Mycologique. par M. G. Roumeguère . 158

Blé dans le chocolat. (Recherche de la farine de). -- Technique mi¬ croscopique, par le Dr G. Pennetier . . . 35

G

Caravane hydrologique de la Société française d’hygiène . 346

Classification des Flagellés, d’après le prof. 0. Bütschli, résumée par

le Prof. G. Balbiani. . . 246

Chætonotus. (Observations sur les), par le Dr A. G. Stores. 77, 150, 560 Chocolat. (Rechercherche de la farine de blé dans le). Technique

microscopique, par le Dr G. Pennetier . 35

Choléra et Rage, par M. G. Percheron . . 414

Conférences sur le Microscope, par Monsieur John Mayall1 ju¬ nior . . . . . . . 113, 240, 269, 335, 544

Correspondance. Lettres de M. J. Künsller . 383,, 566

D , .

Diatomées. (Histoire naturelle des), par le Dr J. Pelletan... 275, 312, 374

Diatomées. (Littérature récente des), notice par M. J. Deby . .. 217

Doctrines médicales contemporaines devant la clinique (Les), par le

Professeur M. Peter . . . 41

E

Echec de la Méthode Pasteur en Angleterre, en Autriche et en France,

par le Prof. M. Peter . 449

Évolution des Microorganismes animaux et végétaux parasites. Leçons faites au Collège de France, par le Professeur G. Bal-

biani. . . 54, 134 170, 196, 233, 365, 393. 434, 463, 499, 584

Exposition d’Ekathérinebourg en 1888 . . . 127

F

Farine de blé dans le chocolat. (Recherche de la farine de). Tech-

- niqne microscopique, par le Dr G. Pennelier . . 35

Fermentations et les Microbes. (Idées nouvelles sur les). Véritable

origine des maladies des animaux, par M. E. Cogardas.... 212, 249

573

TABLE DES MATIERES

Fermentations et les Microbes. (Idées nouvelles sur les). Le Penicil-

. lium-ferment, par M. E. Cocardas . . . 299

Flagellés. (Classitication des), d’après le prof. 0. Bütschli, résumée

par le Prof, G. Balbiani . > . . . 246

’t; I y / > •' , T ' *■: '

. G

f 1 t ' ' * , *

\ > , ,

> * , » . r

Genitogastrula. (La), par le Prof. J. Kunstler. ............ ........ * 28

H

Histoire naturelle des Diatomées, par le Dr J. Pelletan . . 275, 312, 374

Hypochlorite de Sodium avec excès de chlore. (De la solution d’), par

le Prof. G. Y. Giaccio et le Dr G. Campari . . . 154

I

? 1 . . .

Idées nouvelles sur les fermentations et les Microbes. Véritable origine

des maladies des animaux, par M. E. Cocardas . 212, 249

Idées nouvelles sur les fermentations et les Microbes.. Le Penicillium-

ferment, par M. E. Cocardas . 299

Inclusion de parasites Nematoïdes dans des œufs ne poules. (Sur deux

cas d’), par le Prof. A. Caruccio. . . . . . 407, 512

' . '' ; M - '• ' -

Maladies des Plantes. A Messieurs les Membres de la Commission

des engrais, par M. Chavée-Leroy.... . 125

A M. P. Fondeur, par M. Chavée-Leroy . 253

Le sulfate de chaux et le sulfate de fer dans

la çullure de la vigne, par M. Chavée-

Leroy . 38

Mildew et Phylloxéra, par M. Chavée-Leroy. 220

Sur les maladies de la vigne, par M. Chavee-

Leroy . 549

Traitement préventif de l’Anthracnose , par

M. Chavée Leroy . 189

Mécanisme de la Sécrétion. (Le), leçons faites au Collège de France, par

le Prof. L. Ranvier . . 7, 62, 99

142, 163, 205, 225, 261, 289, 327, 357, 385, 421, 453, 489, 527 Métamorphoses de l’ Aspidionotus du Laurier rose. (Sur l’organi¬ sation et les), par le Prof. Y. Lemoine . 191

Méthode Pasteur. (Echec de la) en Angleterre, en Autriche et en

France, par le Prof. M. Peler . 4rt9

Microbes. (Aperçu de la Morphologie des Baclériacées ou;, par le Pro¬ fesseur J. Kunstler . 15, 70, 108

Microbe furonculeux. (Recherche du), par le Dr E. Chambard . 412

Microorganismes animaux et végétaux parasites. (Évolution des), leçons faites au Collège de France, par le Professeur G. Bal¬ biani . 54, 134, 170, 196, 233, 365, 393, 434, 463, 499, 534

574

TABLE DES MATIERES

Mildew et Phylloxéra (Sur les Maladies des Plantes), par M. Chàvée-

Leroy . . 220

Morphologie des Bactériacées ou Microbes (Aperçu de la), par le Pro¬ fesseur J. Kunstler.... . . . . . . . 15, 70, 108

Microscope. (Conférences sur le), parM. J. Mayall jun.. 113,240,2(39,335,544 Microscopie technique appliquée à l’histoire naturelle. (Notice sur la),

. . par le Prof. J. Brun... . . . 178

N

Nos Maîtres. Charles Chevalier . . . 177

Le Professeur Bâillon . ,... 527

Le Professeur J. Béclard...., . 98

Le Professeur Mathias Duvat . 133

Notes sur la Microscopie technique appliquée à l’histoire naturelle,

par le Prof. J. Brun . . . . . . 178

Notice bactériologique, par le Prof. J. Kunstler . 558

Nouvelle Force. (Une), par M. J. Thore . . . 222, 317

-O

Objectifs. (Les), par le Dr J. Pelletan. . V . 44G, 47(3, 546

Observations sur les Chætonotus , par le Dr A. G. Stores.., 77, 150, 560 OEufs de poule. (Sur deux cas d’inclusion de parasites Nématoïdes

dans des), par le Prof. A. Caruccio . 407, 512

Organisation et les Métamorphoses de P Aspidionotus du Laurier

rose. (Sur 1’). par le ProfesEeur Y. Lemoine . 191

P

Parasites du Ciona intestinale. (Protistes), par le Prof. G. Parona. 25 Parasites. (Evolutions des Microorganismes animaux et végétaux), leçons faites au Collège de France, par le Professeur G. Bal-

biani . . 54, 134, 170, 196, 233, 365, 393, 434, 463,' 499. 534

Parasites Nématoïdes dans des œufs de poule. (Sur deux cas d’inclu¬ sion de), par le Professeur A. Caruccio . 407, 512

Parasitisme des Truffes. (Du), par M. H. Bonnet . 514

Penicillium-ferment. (Le), tableau par M. E. Cocardas . 301

Phylloxéra à Chablis. (Le), par M. Chavée-Leroy . 346

Phylloxéra. (A propos du), par M. Chavée-Leroy . 481

Phylloxéra punctata. (Sur le), par le Prof. Y. Lemoine . 85, 155

Phylloxéra (Mildew et), par M. Chavée-Leroy., . 220

Procédés pour l’examen microscopique et la Conservation des animaux

à la Station Zoologique de Naples, par M. J. M. de Castellarnau y de Lleopart . . . . . 183, 215, 376

Protistes parasites du Diona intestinalis, par le Prof. C. Parona.... 25

Q

Question phylloxérique (Les véritables origines de la), par M. A. lu. DonNADIEU..,, . . . . . . .

TABLE DES MATIERES

575

R

Rage à l'Académie de Médecine (La), par M. J. de Vroncourt.. . 342

Rage canine et rage de laboratoire. Variole et vaccine, par le Profes¬ seur Peter . ... 87

Rage et Choléra, par M. G. Percheron . » . 414

Recherche du Microbe furonculeux, par le Dr E. Chambard . 412

Réponse à M. Kunstler, par le Dr J. Pelletan . . . 567

Revue, par le Dr J. Pelletan, 1, 49, 129, 193, 257, 321, 353, 417, 553 S

Sécrétion (Le Mécanisme de la), leçons faites au Collège de France,

par le Prof. L. Ranvier . . . 7, 6 2

99, 142, 163, 205, 225, 261, 289, 327, 357, 385* 421, 453, 489, 517 Solution d’hypochlorile de Sodium avec excès de Chlore (De la), par

le Professeur G. V. Ciaccio et leDr G* Campari . . 154

.Station Zoologique de Naples (Procédés pour l’examen microscopique et la conservation des animaux à la), par M. J. M. de Castel- larnau y de Lleopart . 183, 215, 376

T

Technique microscopique. Recherche de la farine de blé dans le

chocolat, par le Dr G. Pennelier . 35

Traitement préventif de l’Anthracnose, par M. Chavée-Leroy . . 189

Truffes (Du parasitisme des), par M. H. Ronnet . 514

V

Variole et vaccine. Rage canine et rage de laboratoire, par le Professeur

M. Peter.... . 87

Véritable origine des maladies des animaux. Idées nouvelles sur les

fermentalions et les Microbes, par M. E. Cocardas . 212, 249

Véritables origines de la question phylloxérique (Les), par M. A. L.

Donnadieu . 282

576

TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

TABLE ALPHABETIQUE DES AUTEURS

B

Balriani (Prof. G.). Classification des Flagellés, d’après le Profes¬ seur 0. Bütschli . 246

Evolution des Microorganismes animaux et

végétaux parasites. (Leçons faites au Col¬ lège de France) . 54

134, 170, 196, 233, 365, 393, 434, 463, 499 534

Bonnet (H). Du parasitisme des Truffes . 514

Brun (Prof. J.). Notes sur la Microscopie technique, appliquée à

l’histoire naturelle . . 178

Caruccio (Prof. A.). Sur deux cas d’inclusion de parasites Néma-

toïdes dans des œufs de poule . 407, 512

Campari (Dr G.) et Ciaccio (Prof, G. Y.). De la solution d’hypo- chlorite de sodium avec excès de chlore comme liquide déco¬ lorant . . . 154

Castellarnau y de Lleopart (J. M. de). Procédés pour l’examen et la conservation des animaux à la station zoologique de

Naples. . . . 183, 215, 376

Chambard (Dr E.). Recherche du Microbe de la furonculose... . 412

Chavée-Leroy. à MM. les Membres de la Commission des engrais. 125

à M. P. Fondeur . , . 253

à propos du Phylloxéra . , . 481

Le sulfate de chaux et le sulfate de fer dans la culture

de la vigne . 38

Mildew et Phylloxéra . 220

Sur les maladies de la vigne . 549

Traitement préventif de l’Anthracnose . 189

Ciaccio (Prof. G. Y.) et Campari (Dr G.). De la solution d’hypo-

chlorite de sodium avec excès de chlore comme réactif décolorant. 154 Cocardas (E.). Idées nouvelles sur la fermentation et les microbes.

Le Pénicillium ferment . 299

Idées nouvelles sur la fermentation et les microbes.

Véritable origine des maladies des ani¬

maux . 212, 249

D

Deby (J.). Littérature récente des Diatomées . 217

Donnadieu (A. L.). Les véritables origines de la question phyl-

loxérique . , . . . . . . 282

TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS

-

577

K

Kunstler (J ). Aperçu de la Morphologie des Bactériacées. . 15, 70, 108

Correspondance . 383, 506

La Genitogastrula . 28

Notice bactériolohique . . . 558

L

Lemoine (Prof. Y.). Sur V Aspidionotus du Laurier rose . 191

Sur le Phylloxéra punctata . . . 85,155

M

» *

Mayall. jun (J.), Conférences sur le Microscope. 113 240, 269, 335, 544

P

Parona (Prof. C,). Protistes parasites du Giona intestinaiis . 25

Pelletan (Dr J.), A nos lecteurs. ........r.., . 97

Histoire naturelle des Diatomées . 275, 312, 374

Les Objectifs . 446, 476, 546

Notice surBeitræge für Kentniss der Bacillarien

Uungarns, par le Dr J. Pantocsek . 383

Notice bibliographique sur Elementary microsco-

pical Technology, par le Dr F. L. James . .485

Réponse à M. Kunstler . 567

Revue...... 1, 49, 129, 193, 257, 321, 353, 417, 553

Pennetier (Dr G.). Recherche de la farine de blé dans le chocolat. 35

Percheron (G.). Rage et Choléra . . . 414

Peter (Prof. M.). Échecs de la méthode Pasteur en Angleterre, en

Autriche et en France . 449

Les doctrines médicales contemporaines devant

la clinique . 41

Rage canine et rage de laboratoire. Variole et

vaccine . . . _ 87

Petit (Paul). Notice bibliographique sur Beitræge fur Kentniss

der Bacillarien Ungarns . ..., . 484

R

Ranvjer (Prof. L.). Le Mécanisme de la secrétion; leçons failes au col¬ lège de France . 7, 62

99, 142, 163, 205, 225, 261, 289, 327, 357, 385, 421, 453, 489, 527

S

Stores (A. C.). Observation sur les Chætonotus . 77, 150, 560

T

Thore (J.). Une nouvelle force . 222, 317

Y

Vroncourt (J. de). La rage à l’Académie de médecine . 342

578

TABLE DES FIGURES

TABLE DES FIGURES

Figures 1,2. Lentille Assyrienne . 114

3. Microscope composé de Janssen . 119

4. Microscopium pulicare . . 119

5. Microscope simple, de Descartes . 120

6. Microscope galiléen de Descartes . . 121

7. Microscope, d’après la Magia Uniuersalis de Sçhott. 123

8. - - -• 123

9. - - - - 123

10. Microscope de Divini 123

11. Microscope, d’après la Magia Univer salis. 123

12. Microscope composé de Gampani . 124

13. Microscope de Hooke(166o) . 241

14. Microscope composé de Divini (1667) . 273

15. Microscope composé de Chérubin (1671). . . . 273

16. Microscope binoculaire de Chérubin (1677). . . 335

17. (1685). . . 336

18. Microscoe à réflexion de Newton. ...... 337

19. Microscope de Leeuwenhoeck . 338

20. - - 338

21. - - 339

22. - - 339

23. Microscope simple d’après Sturm (1676). . . . 340

24. Représent, du grossissement obtenu par cet ins¬

trument . 341

25.' Anciens microscopes anglais . 545

TABLE DES PLANCHES

579

TABLE DES PLANCHES

PI. 1. Chætonotus maximas , Ch. spmulosus, C. octonarius ,

C. loricatitSyC. concinnus , (7. SlacJciæ, C. longispi- nosus , (7. G\ enormis , C. acanthophorus , C.

suie a tus . 80

PL II, Chætonotus loricatus, C. rhomboïdes , 6'. spinifer ,

G. acanthodes . . . 55

PORTRAITS

NOS MAITRES

Porlratts du Professeur J. Béclard . 98

Mathias Duval . 133

de Charles Chevalier . 177

du Professeur Bâillon . 527

- -