CVJ OF THE U N I VERS ITY or 1 LLI N O I S 570.5 JOU V.12 Digitized by the Internet Archive in 2018 with funding from BHL-SIL-FEDLINK https://archive.org/details/journaldemicrogr1218unse JOÜL \l, v c JOURNAL D E MICROGRAPHIE Douzième année 10 Janvier 1888. No 1 JOURNAL DE MICROGRAPHIE SOMMAIRE : A nos lecteurs, par le Dr J. Pelletan. — Le mécanisme de la sécrétion {suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. — Évolution des micro-orga¬ nismes animaux et végétaux parasites : les Acinétiniens {suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. O. Balbiani. — Observations sur les Chætonotus et les Dasydytes, par le Dr A. C. Stores. — Contribution à l’histoire naturelle des Diatomacées, par le prof. Hamilton L. S.mitii. — Consultation sur la maladie des vins de Chàteau-Laffite, par M. Chavée-Leroy. — Localisation de l’atropine dans la Belladone, par M. A. de Wèvre. — Avis divers. / A NOS LECTEURS Nous devons, suivant l’usage, dans ce premier numéro de l’année 1888, présenter nos compliments de nouvel an à nos abonnés, lec¬ teurs et correspondants. C’est de bien bon cœur que nous nous acquittons de ce devoir : c’est à leurs encouragements, à leur fidélité, car beaucoup nous ont suivi depuis onze ans, Journal de Micro¬ graphie doit de pouvoir inscrire en tête de ce fascicule cette mention pleine de promesses pour l’avenir : Douzième année. C’est qu’en effet, nous avions pris, en créant cette publication, en 1877, les choses par le mauvais bout. Au lieu de suivre, comme tant d’autres, les voies banales et les routes battues qui mènent aux emplois, aux subventions, à la fortune par l’aplatissement et le servi¬ lisme devant les hommes, les choses et les dogmes officiels, nous nous sommes délibérément jetés dans les chemins de traverse qui ne conduisent, cà travers les fondrières, les pièges et les traquenards, qu’à l’indépendance. Et sans nous préoccuper de la position des hommes, de leur puis¬ sance et de leurs millions, nous nous sommes emparés de leurs idées. 4 JOURNAL DE MICROGRAPHIE maxillaire, trois glandes salivaires distinctes. L’an dernier, je ne con¬ naissais pas ce travail, tout récent alors, sur le développement des glandes salivaires. Dans ce travail, sur les glandes salivaires du Cochon, l’auteur a trouvé trois glandes salivaires sushyoïdiennes chez le Cochon et paraît avoir absolument méconnu les observations anciennes et classiques de Cuvier, et la discussion entre ce naturaliste et Meckel sur les mêmes glandes sushyoïdiennes du Cochon. Dans l’historique que je vous ai présenté, je vous ai montré que Meckel avait complè¬ tement rejeté l’opinion de Cuvier et soutenu que, chez le Cochon comme chez le Pécari, il n’y avait que deux glandes salivaires : la sous-maxillaire et la sublinguale, et supposé même que Cuvier s’était grossièrement trompé sur cette dernière glande. Quoi qu’il en soit, j’ai voulu en avoir le cœur net. J’ai pris des Souris et je les ai disséquées. - M. Suchard a disséqué les glandes salivaires en employant le procédé de l’alcool au tiers Chez la Souris [Mus musculus) nous avons trouvé, à la région sous-maxillaire, deux glandes : la sous-maxillaire et la rétrolinguale, comme chez le Rat ; seulement, elles sont beaucoup plus distinctes et ne paraissent pas contenues dans la même capsule. Elles sont dans une même atmos¬ phère de tissu conjonctif, mais la trame se laisse très facilement dissocier et la séparation des deux glandes se fait très aisément. On peut aussi dégager facilement les deux conduits. Mais ce qui m’a frappé, c’est la différence de coloration des deux glandes. La sous- maxillaire, même dans l’alcool au tiers, au bout de quelques r imites, est colorée en rose très net, tandis que la rétrolinguale pré¬ sente une teinte d’un blanc mat. — Je vous rappellerai que le réseau capillaire des glandes séreuses est beaucoup plus riche et plus serré que celui des glandes muqueuses. Or, la rétrolinguale est une glande muqueuse et la sous-maxillaire est une glande séreuse. Il y a donc nettement, chez la Souris, une sous-maxillaire et une rétrolinguale. Existe-t-il une sublinguale? En poursuivant la dissection, on arrive au point où le nerf sous- maxillaire croise les deux canaux au-dessous du mylo-hyoïdien. Si l’on décolle ce muscle, on parvient à la muqueuse profonde du plan¬ cher de la bouche. Là, une dissection attentive, avec la loupe, fait voir, au-dessous du mylo-hyoïdien, à la surface externe de la muqueuse, de petites glandules qui correspondent évidemment à la sublinguale du Rat. C’est évident ; seulement, ces glandules sont si petites qu’on ne saurait les distinguer sans la loupe, et si l’on dissèque à l’air libre, il est impossible de les reconnaître, même avec la loupe. Et, pour être bien sûr que ce sont des glandes et non des débris de muscle ou de tissu conjonctif, il faut les enlever et les examiner au JOURNAL DE MICROGRAPHIE D microscope. J’en ai vu ainsi deux tout-à-fait nettes s’ouvrant chacune par un canal excréteur distinct à la surface de la muqueuse. C’est la disposition de toutes les glandes sublinguales. Dans l’alcool au tiers, on reconnaît facilement que dans la sublin¬ guale de la Souris, comme dans celle du Rat et des autres Rongeurs simplicidentés auxquels on a trouvé des sublinguales, le canal excré¬ teur est tapissé d’un épithélium cylindrique bas, et les culs-de-sac sont garnis de cellules caliciformes, sans croissants de Gianuzzi. Mais ce ne sont pas là les glandes que nous cherchons, glandes acineuses muqueuses pures dont on puisse exciter le nerf sécrétoire. Il est possible que ces petites glandes qui correspondent à la sublinguale du Rat, du Cochon d’Inde, de l’Écureuil, ne soient pas constantes. Il peut y avoir des anomalies à ce sujet ; du reste, ces anomalies des glandes salivaires des Rongeurs sont très communes. Ainsi, chez le Cochon d’Inde, quand on a disséqué un certain nombre de ces animaux à ce point de vue, on est frappé des différences que l’on trouve relativement à la forme, au volume, au siège de la rétro- linguale. Ce qui est le plusfrappànt, c’est la différence quant au siège ; tantôt elle est accolée exactement à la sous-maxillaire comme un de ses lobules, tantôt elle est en avant et tout-à-fait au côté externe ; quelquefois elle est, non pas en arrière du digastrique avec la sous- maxillaire, mais en avant de ce muscle tandis que la sous-maxillaire est en arrière, les deux glandes séparées l’une de l’autre par le digas¬ trique. Enfin, chez certains Cochon d’Inde, il m’a été impossible de trouver trace de la rétrolinguale. En somme, il y a de telles anomalies à propos de ces glandes, que l’on est en droit de se demander quelle est la disposition qui représente l’état normal. Quoi qu’il en soit, de ces faits, observés aujourd’hui même, sur la Souris, il résulte que les animaux de cette espèce ne diffèrent pas des autres Rongeurs simplicidentés ; que chez eux, comme chez les autres, il y a trois paires de glandes salivaires sushyoïdiennes : la sous-ma¬ xillaire, la rétrolinguale et la sublinguale; seulement, j:ette dernière glande peut manquer chez cette espèce et il est probable que, dans la plupart des cas, elle est réduite à deux ou trois petit? lobules glandulaires qu’il faut rechercher à la loupe. Chez les Duplicidentés, il n’y a pas de rétrolinguale. J’ai disséqué un grand nombre de Lapins à ce point de vue, et chez aucun je n’ai trouvé de rétrolinguale : il n’y a que la sous-maxillaire et la sublin¬ guale. 11 en est de même chez le Lapin sauvage et chez le Lièvre. D’après cela, il y a de très grandes différence d’organisation entre les deux grands groupes qui composent la classe des Rongeurs, les Simplici et les Duplicidentés. Cette différences entre les glandes sali- 6 JOURNAL DE MICROGRAPHIE vaires de ces deux groupes est d’autant plus profonde que, chez les autres Mammifères, les Insectivores et les Chéiroptères, on trouve les trois glandes salivaires sushyoidiennes comme chez les Rongeurs simplicidentés. A ce propos, je dois vous renseigner sur quelques-uns des faits relatifs aux glandes salivaires des Insectivores et des Chéiroptères, qui vont nous présenter un intérêt tout particulier au point de vue qui nous intéresse. Parmi les Insectivores, je vous parlerai des glandes salivaires du Hérisson (Erinaceus œuropæus)^ parce que chez lui nous pourrions trouver la glande que nous cherchons. Chez cet animal, les glandes salivaires sont fort remarquables. Quand on dissèque dans Palcool au tiers les glandes salivaires de la région sushyoïdienne, on trouve, en arrière de l’angle de la mâchoire inférieure, deux glandes à peu près de même volume (l’externe un peu plus petite, cependant), hémisphé¬ riques et se regardant par leur face plane. Chacune possède un canal excréteur distinct et que l’on peut facilement séparer. Toutefois, lors¬ qu’ils ont cheminé à la face interne du ptérygoïdien interne et qu’ils atteignent le digastrique, au niveau de cette intersection, ils s’unissent sans se confondre et cheminent ensemble ; mais, toujours, le canal de la glande externe est placé sur le côté externe du canal de la glande interne. Quand, pour suivre les deux canaux dans leur direction antérieure, on a enlevé le digastrique, on les voit croiser le nerf lingual, puis rencontrer deux petites glandes placées entre la muqueuse buccale et le mylo-hyoïdien, glandes qui correspondent à la sublinguale. Donc, chez le Hérisson, il y a deux glandes à peu près de même volume, dans la région ordinaire de la sous-maxillaire, et une sublin¬ guale. Évidemment, des deux glandes de l’angle de la mâchoire l’une est la sous-maxillaire, l’autre la rétrolinguale. Chez les Rongeurs duplicidentés, la rétrolinguale est toujours placée en dehors de la sous-maxillaire, et son canal en dehors du canal de celle-ci. Dans tout leur trajet, ces canaux ont le même rapport : le canal de la rétrolinguale est toujours externe au canal de la sous- maxillaire, et le canal de la sublinguale en dehors des deux canaux précédents. Il en est de même chez le Hérisson. H est probable, d’après cela, que la glande externe, la plus petite, en arrière de l’angle de la mâchoire, correspond à la rétrolinguale, et la glande interne, la plus grosse, à la sous-maxillaire. Or, chez les Rongeurs, la rétrolinguale est une glande muqueuse, pure chez le Cochon d’Inde, mixte chez le Rat, tandis que la sous- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 7 maxillaire est une glande séreuse. Cette observation va nous guider et nous allons constater facilement que, chez le Hérisson, la grosse glande, située en arrière de l’angle de la mâchoire et en dedans, est une glande séreuse, et la glande externe, presqu’aussi grosse, est une glande muqueuse. La première est donc la sous-maxillaire et la seconde la rétrolinguale. Examinons la structure de ces glandes. Je passerai rapidement sur la sous-maxillaire. C’est une glande séreuse très intéressante, offrant des détails de structure qui jettent une certaine lumière sur d’autres glandes séreuses dont les dispositions ne sont pas encore parfaitement nettes, les glandes sous-maxillaires du Rat et du Lapin, par exemple. Mais, comme je me propose d’étudier le méca¬ nisme de la sécrétion dans ces glandes du Rat et du Lapin, je ne fais que rappeler ces détails si intéressants sur la même glande chez le Hérisson. J’arrive tout de suite à la rétrolinguale du Hérisson. C’est une glande muqueuse pure, mais présentant des détails de structure tout à fait à part, et que je n’ai trouvés dans aucune autre glande salivaire muqueuse. Qiiand on en place un fragment dans l’acide osmique pen¬ dant 10 à 12 heures, qu’on en fait une coupe, qu’on colore par le picrocarminate, on voit nettement les culs-de-sac glandulaires. Ceux- ci contiennent des cellules caliciformes, dont quelques-unes dépas¬ sent les autres : ce sont des cellules caliciformes à pied. Le noyau, au lieu d’être refoulé, aplati à la base de la cellule, se trouve com¬ primé dans le pied, son grand axe parallèle à l’axe du pied cellulaire. Voilà une disposition différente de celle que nous trouvons dans les glandes rétrolinguales que nous avons observées jusqu’à présent. De plus, on trouve au centre des acini, à une faible distance des canaux excréteurs, des cellules irrégulières de contour, colorées en rouge plus ou moins intense par le carmin après l’action de l’acide osmique, et qui rappellent les cellules centro-acineuses du pancréas. Dans ces îlots colorés en rouge, on distingue, mais difficilement, des noyaux qui rappellent ceux des cellules caliciformes à pied. Ces différences entre la rétrolinguale du Hérisson et les autres rétrolinguales sont encore plus grandes quand on étudie les canaux excréteurs. Ces canaux sont de deux sortes. J’ai déjà insisté sur ce sujet : les différences entre les canalicules salivaires et les canaux. Aux acini succèdent des conduits fuis qui sont des canalicules sali¬ vaires. Rien n’est plus net, que cette disposition dans la rétrolin¬ guale du Hérisson. Les canalicules salivaires ont un trajet relative¬ ment très long ; ils sont minces et paraissent commencer par les cellules centro-acineuses, comme dans le pancréas. Si l’on regarde 8 JOURNAL DE MICROGRAPHIE attentivement des coupes longitudinales de ces canaux, on voit que leur lumière présente des élargissements alternatifs : ils sont monili- formes ; les noyaux sont placés à des distances variables et paraissent appartenir à des cellules fusiformes, (mais je ne suis pas bien sûr qu’elles soient fusiformes), plus ou moins imbriquées, mais disposées en une seule couche. Sur des coupes perpendiculaires à l’axe, la lumière a un diamètre variable et la limite des cellules est plus ou moins; nette. Dans aucune glande salivaire je n’ai trouvé de cana- licules de cette forme. Aux canalicules salivaires succèdent les canaux salivaires propre¬ ment dits, tapissés de cellules cylindriques striées à leur base, dans la plupart des glandes salivaires, mais dans la rétrolinguale du Héris¬ son, rien de semblable encore. Vous voyez donc que cette glande est une glande muqueuse pure, dans laquelle on ne trouve pas de cellules de remplacement, pas de croissants de Gianuzzi. Elle conviendrait, par conséquent, pour l’étude que nous nous proposons de faire. Il reste la question du nerf, que allons étudier tout à l’heure. La sublinguale du Hérisson est encore une glande muqueuse pure, mais elle diffère de la rétrolinguale par des caractères importants. D’abord, elle n’a pas de canaux striés, ou du moins je n’en ai pas vu. Les culs-de-sac sont très grands ; les cellules caliciformes qui les occupent sont volumineuses et pressées dans les culs-de-sac, se dépassant les unes les autres, s’enchevêtrant, de sorte qu’il est impos¬ sible de déterminer leur limite bordant la lumière, et même de voir s’il y a une lumière. Les canaux qui font suite à ces acini ainsi remplis de cellules caliciformes paraissent eux-mêmes tapissés de cellules muqueuses. C’est donc là une glande muqueuse pure, mais elle ne saurait convenir à nos recherches à cause de sa situation, et de la difficulté de se procurer des Hérissons pour répéter des expériences physiologiques. J’ai examiné les glandes salivaires d’un autre Insectivore, la Taupe (Talpa eiiropœd)^ mais je n’ai pas eu à ma disposition assez de Taupes pour qu’il me fût possible de faire de bonnes recherches. Je me propose de reprendre cette question quand je serai mieux fourni. Cependant, j’ai constaté un fait assez intéressant pour que je vous le signale. A l’angle de la mâchoire, on trouve aussi deux glandes rela¬ tivement volumineuses, seulement la glande interne est plus petite que la glande externe. Ce fait m’avait frappé surtout quand, ayant examiné leur structure, j’ai trouvé que la glande externe était une glande séreuse, tandis que la glande interne était une glande muqueuse. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 9 C’était une disposition inverse, chose étonnante dans un même groupe d’animaux. En disséquant avec attention, j’ai reconnu que les canaux excré¬ teurs de ces glandes, en passant au dessous du digastrique, se croi¬ sent, de sorte que le canal de la glande interne se place sur le côté externe de la glande externe. Or, pour déterminer la situation rela¬ tive des glandes, un point important, c’est de déterminer la situa¬ tion de leur canal excréteur. Chaque glande naît d’un bourgeon qui s’étend peu à peu dans les parties profondes, mais le canal vient toujours s’ouvrir au point 'de la muqueuse où le bourgeon primitif a pris naissance. C’est donc le point où le canal vient s’ouvrir qui est important pour déterminer le rapport morphologique d’une glande. Si, par la suite du développement, il se fait une déviation dans la direction du canal, le point où il s’ouvre sur la muqueuse n’en marque pas moins la position primitive de la glande. Ainsi, chez la Taupe, la glande qui s’est placée au côté interne de l’autre était originairement la glande externe puisque son canal excréteur débou¬ che encore du côté externe. Il s’est fait un entrecroisement. Je passe maintenant aux Chéiroptères. Chez les différents animaux' de cet ordre que j’ai examinés et qui appartiennent aux Chéiroptères Insectivores, le Murin [Vespertilio murinus)^ la Noctule [Vesperugo noctida) et la Pipistrelle [Vesperugo pipistrellus)^\\ y a trois glandes salivaires sus-hyoïdiennes, la sous-maxillaire et la rétrolinguale der¬ rière l’angle de la mâchoire, et, en avant, la sublinguale, cachée par la branche horizontale du maxillaire inférieur. La rétrolinguale est' placée du côté externe delà sous-maxillaire. La sublinguale est située entre le mylo-hyoïdien et la muqueuse de la bouche, et son canal excréteur est en dehors des canaux excréteurs de la sous-maxillaire et de la rétrolinguale. C’est surtout le Murin que j’ai^, étudié. Chauve-souris assez grosse' pour qu’on puisse la disséquer assez facilement. Les Chauves-souris de nos pays sont des animaux crépusculaires qui se nourrissent de papillons nocturnes et d’autres insectes qui volent le soir. C’est une nourriture qui est toujours la même : des insectes. Pour le Hérisson, il n’en est pas tout à fait de meme: il ne se nourrit pas que d’insec¬ tes, mais aussi de mollusques et peut-être de végétaux. La Chauve- souris ne se nourrit que de papillons crépusculaires : je n’ai jamais trouvé autre chose dans son estomac, après l’avoir tuée au fusil. C est important à notre point de vue. Chez les animaux que nous avons étudiés, nous avons vu que la sous-maxillaire est une glande séreuse ; chez les Chéiroptères, elle 10 JOURNAL DE MICROGRAPHIE perd ce caractère de glande exclusivement séreuse, et devient muqueuse. Sur des coupes, après durcissement par l’acide osmique, on reconnaît que les culs-de-sac sont tapissés de deux espèces de cellules: des cellules granuleuses formant une ou plusieurs couches, croissants de Gianiizzi de grandes dimensions, et des cellules calici¬ formes faisant suite à ces cellules granuleuses ; dans ces cellules caliciformes le réticulum protoplasmique est marqué et le noyau refoulé vers la base : c’est une glande mixte. Les canaux excréteurs sont tapissés de cellules cylindriques striées. La rétrolinguale, beaucoup plus petite que la rétrolinguale des Insectivores, est très curieuse aussi. C’est une glande muqueuse pure, en ce sens que les culs-de-sac sont tapissés par une seule espèce de cellules, des cellules caliciformes, hémi-caliciformes : on dirait des cellules qui ont été excitées pendant longtemps et ont subi les modi¬ fications correspondant à une longue excitation. Les culs-de-sac ont une lumière centrale très nette où les cellules caliciformes se rappro¬ chent un peu de la forme cylindrique. C’est cette forme qu’on trouve dans la sous-maxillaire et dans la rétrolinguale du Cochon d’Inde. Les noyaux sont bien au voisinage de la membrane propre de la glande, mais ne sont pas ratatinés ni refoulés comme dans les cellules caliciformes ordinaires. Ils sont compris dans une masse protoplas¬ mique assez dense qui occupe très souvent la moitié de la hauteur de la cellule. Du protoplasma se dégage un réticulum à larges mailles contenant du muciègne. La sublinguale est aussi une glande muqueuse pure, dans laquelle les cellules muqueuses sont beaucoup plus grandes, le noyau refoulé, beaucoup plus ratatiné, le réticulum épais et grossi. C’est tout ce que j’ai à dire sur ces glandes chez le Murin. Je les ai examinées aussi chez la Pipistrelle et la Noctule. Chez tous ces animaux dont nous avons étudié les glandes salivai¬ res, chez les Rongeurs simplici et duplicidentés, chez les Insecti¬ vores et chez les Chéiroptères, — il est bon de le rappeler, avant d’aller plus loin, — il n’y a pas, pour l’innervation de la sous-maxil¬ laire ou de la rétrolinguale, un filet nerveux spécial dégagé du nerf lingual, que l’on puisse saisir avec une pince ou soulever par un crochet ; chez tous, les deux canaux excréteurs de la sous-maxillaire et de la rétrolinguale, ou le canal de la sous-maxillaire, si l’on consi¬ dère les Duplicidentés, rencontrent le nerf lingual qui passe au-dessus ; et, au point de jonction, ce nerf émet une série de filets nerveux qui, pour la plupart, se dirigent du côté de la sous-maxillaire et de la rétrolinguale quand celle-ci existe ; — De telle sorte, je le répète, qu’il serait impossible de trouver le filet nerveux cérébral produisant JOURNAL DE MICROGRAPHIE 11 rinnervation de ces glandes. Du reste, il y a lieu de considérer cette disposition chez un certain nombre des animaux que nous venons d’étudier. Chez le Lapin, où il n’y a qu'un seul canal, le canal excréteur de la sous-maxillaire, au point où celui-ci est croisé par le nerf lingual qui passe au-dessus, il reçoit des filets nerveux en assez grand nombre qui -se fixent d’une manière tellement solide sur le canal excréteur que la séparation du nerf et du canal est bien difficile. Chez le Rat il y a une disposition analogue ; seulement les deux canaux sont unis et ne sont pas distincts au point où ils croisent le nerf lingual, et la difficulté qu’il y a à distinguer ces deux canaux provient précisément de ce que les filets dégagés du lingual forment autour de ces canaux une enveloppe ou un lacis tellement serré que la séparation est presqu’impossible, surtout chez des animaux déjà vieux, à cause delà résistance du tissu conjonctif. 'A suivre). (16 Février 1887). ÉVOLUTION DES MICRO-ORGANISMES ANIMAUX ET VÉGÉTAUX PARASITES Leçons faites au Collège de France en 1887 par le Professeur G. Balbiani Les Acinétiniens. f , (Suite^) Pour vous donner une idée des formes, quelquefois si étranges, que présentent ces êtres, nous choisissons trois types, trois genres correspondant à autant de familles distinctes, les genres Dendro- cometes, Dendrosoma, Ophryodendron. Le genre Dendrocometes ne comprend qu’une seule espèce, le D. paradoxus.^ et compose toute la famille du Dendrocométides. Cette espèce vit sur les lamelles branchiales du Gammarus pulex^ la Grevettine, petit Crustacé qui habite en si grandes quantités nos eaux douces et est très communément répandu dans toutes les par¬ ties de l’Europe. Le Dendrocometes paradoxus a été découvert par Stein sur les lamelles branchiales des Crevettines où il vit en compa¬ gnie de plusieurs autres Infusoires. Stein en a d’abord donné une (1) Voir Journal de )licro g r api lie'T . X, 1886, T. XI, 1887, D*" J. F. sLén, \2 JOURNAL DE MICROGRAPHIE courte description en (Zeitschrift de Siebold et Kôlliker, T. III) et il y est revenu avec plus de détails dans son grand ouvrage de 1854 sur les Infusoires (înfusionsthiere ^ etc.) Depuis lors Bütschli a publié, en 1877, quelques observations sur cette espèce {Zeitschrift^ T. XXYIII) puis Wrzesniowski, dans la même année 1877 [Zeitsch. T. XXIX), et M. Maupas a ajouté quelques considérations (Arch. de Zool. gén. et expérim. de Lacaze-Duthiers, 1880-1881) ; puis Plate (Zeits. T. XLIII) ; et, enfin, M. Aimé Schneider a inséré dans ses Tablettes Zoologiques (1886, T. I) quelques détails mieux étudiés concernant la conjugaison de cet Infusoire. Moi même, j’ai eu l’occa¬ sion d’observer le Dendrocometes^ mais mes observations sont iné¬ dites. — Étudions donc les caractères de ce singulier Acinétinien. Il vit, comme je l’ai dit sur les lamelles branchiales que portent les Grammarus sur les six dernières pattes thoraciques, avec diverses autres espèces d’infusoires. Quand on dilacère ce petit Amphipode dans une goutte d’eau, ces lamelles se détachent de la base des pattes et viennent flotter dans le liquide. On voit alors les parasites qui se dis¬ tribuent l’espace sur les lamelles. Le bord libre est occupé par des Vort.icelles, une espèce de Zoothamnium et le Spirochona gemmi- para ; les Dendrocometes sont ordinairement placés sur la partie postérieure des lamelles, au voisinage du point d’attache de celles-ci. Ces Acinétiniens vivent dans une immobilité presqu’absolue : on peut les observer pendant longtemps sans les voir exécuter aucun mouvement. Ils se composent d’un corps et d’appendices que nous allons étudier, appendices qui proéminent, faisant saillie au-dessus de la marge de la lamelle, et permettent de décéler la présence de ces êtres même avec de très faibles grossissements. Le corps, quand on l’examine de profil, apparaît comme une petite masse plan-convexe, une sorte de calotte hémisphérique. Il est fixé par sa surface plane sur la lamelle branchiale, non pas d’une manière immédiate, mais par l’intermédiaire d’une sorte de plaque que Bütschli a observée le premier, et qu’on peut appeler plaque basilaire ; de sorte que le corps tout entier est porté sur cette espèce de petite lamelle qui le déborde tout autour et par laquelle il est fixé ; c’est un produit de sécrétion de l’animal. Il y a une circonstance dans laquelle cette plaque peut être étudiée, c’est quand l’Infusoire abandonne labrancbie sur laquelle il était fixé. Vous savez que l’Amphipode est soumis à la mue ; les lamelles bran¬ chiales muent aussi. Que deviendraient le parasite s’il était entraîné avec la vieille peau ? Par une sorte de pressentiment, toute cette population d’infusoires abandonne les lamelles afin de ne pas être emportée avec la dépouille du Crustacé. Le Dendrocometes agit de JOURNAL DE MICROGRAPHIE 13 même : il s’en va, laissant sa plaque basilaire, de sorte que sur les vieilles lamelles, on voit des plaques circulaires restées en place avec un peu de cuticule granuleuse. Cette cuticule s’étend sur le corps et sur les appendices ou bras. Elle est très épaisse sur le corps, mais va en dimunant sur les appen¬ dices, de sorte qu’à l’extrémité de ces ramifications, elle est tellement fine qu’elle cesse d’être visible. Elle ne présente pas d’ouverture, ni bouche, ni anus, comme chez les Acinétiniens ; il n’y a qu’un petit orifice, celui par lequel débouche le canal qui va de la vésicule con¬ tractile à la surface du corps, orifice observé pour la première fois par Bütschli. Au dessous de la cuticule est le plasma, quelquefois clair, quand il est pur de produits d’assimilation, mais le plus sou¬ vent, il renferme des corpuscules de diverses natures, surtout dans la partie centrale : D’abord, de gros globules réfringents, qu’on observe dans tous les Acinétiniens, probablement de nature graisseuse car l’acide osmique les noircit ; puis des petits grains qui se colorent intensément par les réactifs colorants, la safranine par exemple. Plate qui les a signalés le premier, les a appelés corpuscules de tinc- tine ; ce sont des granulations pigmentaires de toutes les nuances du jaune au brun, quelquefois d’un beau vert. On pourrait croire, dans ce cas, avoir affaire à de la chlorophylle, mais il n’en est rien : ces granulations n’ont pas les caractères de la chlorophylle et il est pro¬ bable qu’elles proviennents des produits de désassimilation. Cette co¬ loration, due aux granulations pigmentaires, est assez commune chez les Acinétiniens. Les tentacules, souvent désignés sous le nom de bras^ présentent de grandes variations d’un individu à l’autre, d’abord relativement à leur nombre. Pour Stein, ils sont le plus souvent au nombre de cinq ; Plate dit n’en avoir jamais observé plus de quatre. Pour moi, j’en ai vu fréquemment cinq, mais souvent aussi quatre ; d’autres fois, deux ou trois seulement. Ce nombre dépend de l’âge de l’animal : plus il est jeune, moins il a de tentacules, et il en acquiert de nouveaux en vieillissant, de sorte qu’il faut considérer comme l’état adulte celui qui présente cinq bras. Quant à leur disposition, elle est variable aussi, mais assez régulière. Quand il y a quatre bras, ils occupent sur le corps de l’animal les quatre angles d’un carré inscrit dans le cercle que forme le pourtour du corps. Quand il y en a cinq, ils occu¬ pent les angles d’un pentagone régulier inscrit dans le même cercle. Chez les jeunes individus, ou sous l’influence de certaines circons¬ tances, par exemple quand l’animal commence à abandonner les lamelles branchiales de son hôte, ou pendant la conjugaison, ou encore quand l’animal souffre, qu’il est maintenu longtemps dans une 14 JOURNAL DE MICROGRAPHIE goutte d’eau sur le porte-objet, qu’il manque de nourriture et d’air, les bras rentrent dans l’intérieur du corps les uns après les autres, de sorte qu’on peut croire avoir affaire à un animal à un, deux, trois, quatre bras, suivant le moment où on l’examine. En même temps que le nombre des tentacules augmente avec l’âge, ceux-ci se divisent en branches dichotomiques et le nombre de ces ramifications augmente. Les extrémités des dernières ramifications sont formées de petites pointes coniques en couronne, le plus sou¬ vent divergentes, mais qui, quelquefois, se recourbent les unes vers les autres comme les doigts mi-fléchis d’une main. De sorte que ces êtres, malgré leur immobilité apparente exécutent des mouvements, mais très lents, si bien que Bütschli les considère comme complète¬ ment immobiles et rigides. Mais Plate a observé ces mouvements et a reconnu que les tentacules peuvent rentrer dans le corps ; il pense d’ailleurs, qu’une fois rentrés, ils ne sortent plus, mais qu’il s’en forme des nouveaux qui poussent à la surface de l’animai, d’abord sous forme de moignons qui s’allongent, se ramifient plus ou moins, jusqu'à présenter l’aspect arboriforme que l’on connaît. Quant à la structure de ces tentacules ou bras, Bütschli a reconnu, le le premier, qu’ils ne sont pas homogènes,mais parcourus par des fibrilles qui pénètrent dans l’intérieur de la substance du corps où elles se per¬ dent. Wrzesniowski a vu que les extrémités, les dents qui terminent les bras, étaient ouvertes à leur pointe, et que ces pointes peuvent ren¬ trer et sortir comme un doigt de gant, que de ces pointes part un canal qui pénètre dans l’intérieur du tentacule. M. Maupas a reconnu que ces canalicules partant de chaque pointe ou dent forment un faisceau qui parcourt toute la longueur du bras et vient se perdre dans le plasma, comme Bütschli l’avait signalé pour ce qu’il considé¬ rait comme des fibrilles. Ce sont de vrais canalicules qui s’étendent dans toute la longueur du tentacule sans se mêler et aboutissent dans le plasma. Plate a ajouté un détail nouveau : il a reconnu que ces dents, telles qu’elles avaient été décrites, ne forment pas la partie terminale des tentacules, mais que chacune d’elles est surmontée d’iin petit cône formé par une substance très claire, et c’est ce cône qui peut s’invaginer en dedans ou ressortir, suivant les états de rani¬ mai. Ces cônes que l’on peut comparer à des papilles tactiles, sont très impressionnables, et, au moindre attouchement, on les voit ren¬ trer dans le tentacule, et ressortir quand l’excitation a cessé. Ces petites pointes, qui sont très distinctes, semblent séparées du reste du ten¬ tacule par un petit anneau clair ou chitineux. En effet, quand on examine une lamelle branchiale de Crevettine et qu’on presse sur le couvre-objet,|on voit les pointes des bras des Acinétiniens parasites JOURNAL DE MICROGRAPHIE 15 rentrer dans les tentacules de sorte que les dents paraissent tronquées et ouvertes à leur extrémité ; puis, ces pointes sortent de nouveau, et chaque dent finit en un petit cône très clair qui est la terminaison ultime du tentacule. Steinn’a jamais vu Panimal faire usage de ses bras; aussi, pensait-il que c’étaient des appendices rigides et destinés à absorber une nourriture liquide. Mais l’eau dans laquelle ces Infusoires vivent ne peut guère les nourrir, de sorte que cette opinion paraît invraisemblable. D’ailleurs Wrzesniowski aurait observé des Dendrocomètes au moment où ils saisissaient de petits Infusoires à l’aide des dents terminales de leurs tentacules. Mais, d’après Plate, il n’est guère probable que ces bras soient disposés de manière à saisir des proies aussi agiles que des Infusoires ciliés. Plate les a vus saisir des Amibes, qui sont des ani¬ maux lents, et dit avoir constaté deux fois directement la capture de petites Amibes par les tentacules et dit en avoir vu la succion s’opérer assez rapidement. Pour moi, j’avoue avoir souvent observé des Den- drocometes pendant des heures entières et je n’ai jamais eu la chance de les voir saisir quoi que ce soit; j’ai bien vu, dans les bras, des petits mouvements d’extrémité, mais je n’ai jamais pu constater qu’ils saisissaient quelque chose. C’est donc un spectacle très rare dont ont été témoins Wrzesniowski et Plate, et il faut convenir, en raison de cette rareté, que les Dendrocometes sont soumis à des périodes de jeûne très longues, et bien plus longues que chez les autres Acinétiniens qu’on voit à chaque instant s’emparer de quelqu’infusoire. La vésicule contractile est unique et généralement placée vers l’extrémité ou à la périphérie du corps ; elle débouche à la surface par un petit canal et son mouvement de contraction est très lent, beaucoup plus que chez les Infusoires ciliés d’eau douce. (Chez les Protozoaires marins. Ciliés et Rhizopodes, les mouvements de contrac¬ tion de la vésicule sont très lents, — c’est un fait constaté par Stein et confirmé par d’autres auteurs.) — Cette vésicule, sauf le canal qui la met en communication avec l’extérieur, n’a rien de particulier, non plus que le noyau qui est ovalaire, formé d’une membrane et d’un plasma granuleux et dont la forme ne se modifie guère que pendant l’état de conjugaison. Tels sont les caractères de ce premier type que nous nous propo¬ sions d’étudier, et vous voyez que cette épithète de paradoxus qu’on a donnée à la seule espèce de ce genre, est bien justifiée par la sin¬ gularité de sa structure, par ces bras qui représentent les appendices des autres Acinètes et qu’on ne peut guère rapprocher que du tenta¬ cule unique des Ophryodendron^ tentacule qui présente quelques analogies avec un bras multiple de Dendrocometes, IG JOURNAL DE MICROGRAPHIE Le genre Ophryodendron comprend plusieurs espèces- La pre¬ mière a été découverte par Claparède et Lachmann sur les Gampanu- laires des côtes de Norwège ; c’est PO. abietiniim. Depuis lors, on en a trouvé sept à huit autres espèces, toutes marines, généralement fixées sur diverses Polypes Hydraires, Sertulaires, Campanulaires, quelques-unes sur des Isopodes marins. Il nous suffira de décrire comme type V Ophryodendron abietinum. Le corps est une masse piriforme ou ovoïde, fixée par son extré¬ mité postérieure atténuée sur son hôte, à Paide d’un petit disque. A l’extrémité supérieure, est une sorte de fossette large, placée sur l’un des côtés. Dans cette fossette s’élève une tige quelquefois fort longue, qui se dresse comme un mat sur sa base d’implantation, tige claire, cylindrique, très rétractile, très extensible et qui peut acquérir trois ou quatre fois la longueur du corps. Au sommet de ce mat, qui représente un tentacule, se trouve un bouquet d’appendices digitifor- mes, au nombre de vingt à trente. Ce sont des filaments divergents qui peuvent s’abaisser et se relever avec un mouvement très vif, et la tige elle-miême qui les porte est très mobile, se dirigeant très rapide¬ ment dans tous les sens, comme si l’animal tâtonnait dans le liquide. En raison de cette mobilité extrême, Claparède et Lachmann ont donné à cet organe le nom de trompe ; et, pour sa forme, ils Pont comparé à un sapin qui porterait des branches à son extrémité supé¬ rieure. D’où le nom ^'Ophryodendron abietinum donné à cet animal. L’usage de cet appendice est encore inconnu. Il est probable qu’il sert à la préhension des aliments. Relativement à la structure des filaments terminaux, on ne sait que très peu de choses. Quant au corps, il est souvent très opaque, d’abord en raison des granulations probablement graisseuses qu’il renferme, comme chez la plupart des Acinétiniens et dont certains contiennent encore une accumulation de petits éléments en forme de fuseaux qui remplissent l’intérieur du plasma et que leur forme même a fait comparer aux trichocystes dont beaucoup de Ciliés nous offrent des exemples. Mais c’est là une opinion qui ne repose que sur une analogie de forme. Ces corpuscules, dont la quantité varie beaucoup d’un individu à un autre, ont été observés aussi chez PO. belgicum trouvé aussi sur les côtes de Bel¬ gique par M. Fraipont. Claparède et Lachmann ont vu que la trompe, dans son état d’ex¬ tension, présente des stries correspondant à des plis de la cuticule. D’après des observations plus récentes de Koch sur PO. peduncula- tum^ la trompe présenterait une coupe très analogue à celle d’un bras de Dendrocometes. Cette dernière espèce à' Ophryodendron ressem¬ blerait beaucoup à PO. abietinum.. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 17 Mais ranimai est porté sur un pédoncule très grêle. C’est peut-être la même espèce que l’O. pedicellatum de Tli. Hincks, en Angleterre. La trompe est parcourue par des canalicules dont la terminaison anté¬ rieure et postérieure n’a pas été aussi nettement aperçue que dans le Deiidrocometes paradoxiis^ mais il est probable qu’ils présentent une disposition analogue. Depuis Claparède et Lachmann, on a trouvé sept à huit espèces de ce genre. Je vous signalerai VO. helr/ictim^ trouvé par Fraipont, à Ostende. Les appendices ont une disposition différente : la trompe porte à son extrémité une couronne de tentacules. 11 semble que ceux-ci soient mieux disposés pour saisir que chez VO. abietimim.lJnQ autre espèce de ce remarquable genre, signalée à Jersey par SavilleKent, se distingue par le nombre de ses trompes. C’est PO. midticapitatum. Le corps, a une forme ovoïde ou presque globuleuse, avec quatre trompes divergentes qui portent des appendices digitiformes, comme chez VO. ahietinum. Il a été trouvé sur des Isopodes marins et non sur des animaux immobiles. Ajoutons que, chez ces animalcules, la vésicule contractile n’a été vue sur PO. Sertulariæ. Chez toutes les autres espèces, on n’a observé que des vacuoles qui ne paraissaient pas contractiles. Le noyau n’est jamais visible sur Panimal vivant à cause de l’opacité du corps, opa¬ cité produite par des granulations et des corps fuisformes ou tricho- cystes ; mais avec les réactifs fixateurs, puis colorants, le noyau devient très apparent. Il est toujours ramifié, et même très ramifié. Fraipont a remarqué que, dans PO. be.lgicum.^ les ramification sont souvent la forme d’un Y. Ce noyau ramifié est d’autant plus intéressant à consta¬ ter ici qu’on le rencontre dans certains tissus animaux, dans diverses glandes et dans les canaux de Malpighi des Insectes. Le dernier type que je veux étudier avec vous, est représenté par le genre Dendrosoma. Il était connu d’Ehrenberg qui Pavait observé en 1837, sur des plantes aquatiques sur lesquelles il vit fixé. C’est un animal d’eau douce, dont le corps est en forme d’arbre, d’où le nom de Dendrosoma qu’Ehrenberg lui a donné. On n’en connaît encore qu’une seule espèce le Dendrosoma radians. Frappé de ces ramifications nombreuses, Ehrenberg ne le considé¬ rait pas comme une individualité simple, et il pensait que c’était une association d’Actinophrys. Il n’avait pas publié de figure. Ce n’est que plus tard, quand Claparède et Lachmann le retrouvèrent, qu’ils en donnèrent une figure et étudièrent d’un peu plus près l’organisation de cet être. Cette espèce peut acquérir une taille volumineuse. L’uni¬ que exemplaire rencontré par Claparède et Lachmann mesurait 1 inilli- 18 JOURNAL DE MICROGRAPHIE mètre dans tous les sens. Sa ville Kent donne encore une figure plus complète, d’après un exemplaire capturé par M. Th. Bolton, de Bir¬ mingham, et qui mesurait '2 millimètres 1/2 dans tous les sens. C’est une sorte de buisson dans lequel on peut distinguer une partie fondamentale d’où s’élèvent perpendiculairement des branches qui se se dichotomisent un plus ou moins grand nombre de fois. Le corps est formé par des trabécules de plasma formant une espèce de souche ou de rhizome rampant. Ce rhizome pousse des branches verticales, qui se ramifient plus ou moins et se terminent par des extrémités en forme de massue dont chacune porte une aigrette de suçoirs confor¬ més comme chez les Acinètes. C’est une organisation fort singulière, s’il s’agit d’un individu unique et non d’une association d’individus. Une multitude de petits vésicules contractiles est répandue dans toute la masse, tant dans le plasma du rhizome que dans celui des branches. Claparède et Lachmann supposaient qu’il existait un canal régnant dans le plasma et pénétrant dans les branches ; mais ce qu’ils prenaient pour un canal est un noyau ramifié dont les ramifications parcourent les trabécules du protoplasma et qui envoie des prolonge¬ ments simples dans les branches. C’est donc encore un exemple de noyau ramifié, constaté pour la première fois par Stein en 1859, et signalé un peu plus tard par Ehrenberg, non pas dans son premier travail, mais dans un autre mémoire publié en 1862, dans lequel il revient sur la description de ce Dendrosoma. Il reste une question qui partage encore les auteurs : s’agit- il à d’un organisme simple ou d’un organisme composé ? L’une et l’autre opinion a trouvé des défenseurs. Stein s’est prononcé pour un animal simple, une individualité unique. Ehrenberg, Claparède et Lachmann, et surtout Saville Kent, défendent la seconde opinion, concluant à un animal composé, une sorte de colonie : chaque extré¬ mité portant une couronne de tentacules composerait une individuali¬ té et tous ces êtres seraient greffés sur un plasma commun. Saville Kent compare cette structure à celle des Hydropolypes, Campanulai- res, Sertulaires, etc., et surtout aux formes les plus inférieures des Hydropolypes, les Coryne^ Cordylophora^ etc., qui représentent les formes les plus élémentaires. Tl compare cette souche ou tronc à la tige commune ou cænosarc qui porte les polypes et dans laquelle il y a une substance nutritive commune qui circule dans toute la colonie* Il va même jusqu’à mettre en parallèle les tentacules que portent les extrémités du Dendrosoma avec les extrémités des tentacules des Hydrozoaires. Il y a même une espèce de Coryne dont les tentacules se terminent par un petit bouton organisé, analogue au suçoir des Acinétiniens. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 19 Mais il y a une considération qui ruine ce système et prouve qu’il y a entre ces êtres analogie, mais non homologie ; c’est que nous avons affaire ici àun êtreunicellulaire. Jecrois quecette seule observation suffit pour détruire ce parallélisme, si séduisant qu’il soit au premier abor.l. Saville Kent a été jusqu’à dire que les Acinétiniens, en général, et les Dendrosoma en particulier, doivent être considérés comme la souche ancestrale des Hydropolypes. Il a puisé un autre argument à l’appui de sa thèse dans le mode de reproduction des Deiidrosoma. Chez beaucoup d’Hydropolypes, comme les Cordylophora^ la repro¬ duction se fait par des larves ciliées qui se forment, dans certains gonophores, par reproduction agame. Des larves ciliées ont été cons¬ tatées aussi chez les Dendrosoma^ larves qui ont cei’taine ressem¬ blance avec les petites larves ciliées des Hydraires. Mais ce n’est encore là qu’une analogie. Nous reviendrons d’ailleurs sur ce sujet en étudiant la reproduction des Acinétiniens et celle des Dendrosoma en particulier. (A suivre]. OBSERVATIONS SUR LES GHÆTONOTÜS ET LES DASYDYTES. [Suite] (1) 19. Cfiætonotus enormis, sp. nov. (PL I, 1887, fig. 12). Les surfaces supérieure et latérale de la tête et du cou sont garnies de courtes soies recourbées qui s'étendent aussi tout le long des bords latéro-venlraux du corps. Les parties centrale* et postérieure de la région dorsale portent treize longues épines dirigées en arrière, mais peu recourbées. Elles s’élèvent direc¬ tement de la surface cutilaire par une base élargie, sans l’intermédiaire d’é- cailles, et s’effilent vers leur extrémité, où elles sont inégalement bifurquées. Elles sont disposées comme le montre la figure 12 : trois épines dans la pre¬ mière rangée transversale, antérieure, quatre dans la suivante, deux large¬ ment espacées, dans la troi.sième, trois dans la quatrième, la cinquième n’a qu’une épine placée au centre. De chaque côté, postérieurement, sont deux lon¬ gues épines paraissant appartenir à la série des petites épines qui frangent les bords du corps. L’animal mesure 1/300 de pouce de long. (1) Voir Journal de Micrographie, T. XI, 1887. [The Microscope, Detr.) 20 JOURNAL DE MICROGRAPHIE 20. Cfiætonotus ancanthophorus, sp. nov, (PI. I, 1887, fig. 13 et 14). La surface supérieure de la tête et du cou et les bords latéraux du corps sont ornés de courtes soies l'ecourbées, tandis que la région dorsale proprement dite porte quati’e rangs d’épines recourbées, chaque série s’anpiant en avant et comprenant cinq épines chacune avec une épine additionnelledechaque côté du corps, près de la bifurcation postéiâeure. Les piquants sont finement et inégalement fourchus et s’élèvent sur une base élargie (Fig. 14) de sorte que l’animal est presqu’entièrement recouvert d’uue armure formée par ces bases élargies. L’anneau oral n’est pas perlé. — Je n’ai pas vu d’œuf. — Le corps mesure 1/235 de pouce de longueur. Il y a trente-six ans (1850), dans les Annals and Magazine of Natural FJistory, M. P. H. Gosse a publié une courte diagnose relative à un petit ani¬ mal aquatique allié aux Chætonotus, mais différent assez de ces êtres micro- cospiijues bien connus pour qu’il ait été nécessaire de créer un nouveau genre afin de le classer. Ce genre, M. Gosse l’a brièvement formulé et l’a désigné sous le nom de Dasydijtes, du grec Aaa-x, chevelu, etouTr^ç, plongeur ; et en même temps il en a décrit deux espèces. Les diagnoses en sont), fort brèves, je puis donc les citer ici : « Üasydytes ; yeux absents ; corps garnis de poils comme des soies ; queue simple, tronquée. » Les deux espèces sont (.lécrites ainsi: Dasydytes goniathrix\^o\h\ow^‘è^ chaque poil recourbé suivant un angle abrupt; cou rétréci. Longueur : 1/146 de pouce. » « Dasydytes antenniger ; poils courts, duveteux ; un pinceau de longs poils à chaque angle de l’extrémité postérieure du corps ; tète munie de deux organes en forme de cloche ressemblant à des antennes. Longueur : 1/170 de pouce. » De 1851 à 1876, les Dasydytes n’ont pas attiré d’autre attention ; ils n’ont pas été vus, autant (pie je le sache. Mais, en 1876, Ludwig, dans la Zeit- schrif fur wissentcliaf tlicfie Z oologie ^ a republié les diagnoses de Gosse. Puis il n’a plus été question, à ce que je crois, de ces petits êtres, sauf dans le f Micrographie Diclionnary » qui a aussi reproduit la courte description de Gosse, et si l’une ou l’autre de ces espèces des eaux anglaises a été re¬ trouvée depuis leur première découverte, on n’en a rien su. Aucune figure n’en a été publiée par Gosse ni par Ludwig, et aucune ob.servation supplé¬ mentaire n’a été fournie relativement à leur structure, leurs mœurs ou leur développement. Les animaux découverts par Gosse ont été classés par lui dans les Rotateurs; ils appartiennent au groupe des Chætonotns. 11 y a un peu plus d’un an, l’auteur de cette note a eu la bonne fortune de capturer un seul individu d’une espèce non décrite de Dasydytes \ la pre¬ mière, à ce qu’il semble, qui ait été observé en Amérique. A ce momeni, la structure de ce petit animal ne put être complètement définie, et bien que. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 21 depuis lors, j’aie pris d’autres individus de cette espèce dans la même localité, je crains que ma description soit encore assez incomplète, car cet animal est particulièrement difficile à étudier. Pour la forme, cette espèce présente une lointaine ressemblance avec les Gliætonototus, mais en ditTère par le corps plus court, la présence d’un cou plus distinctement formé et l’extrémité postérieure non fourchue. Le corps, inco¬ lore et transparent, est irrégulièrement ovale, et moins de trois fois aussi long que large. Sa structure interne n’est pas très différente de celles des Chætoiio- tus, mais, dans son aspect général, l’animal manque de la forme élégante et des mouvempts gracieux de ceux-ci. L’absence du double prolongement caudal, si remarquable dans certains Chætonotm^ nuit à la beauté des Dasydyles dont l’extrémité postérieure est simplement arrondie ou convexement tronquée ; ses mouvements sont beaucoup moins doux, glissants et faciles. L’habitat des deux animaux est le même, le fond des mares peu profondes, bien que, si la surface est couverte de Lemna, l’un et l’autre peuvent sans'doute être pris avec ces plantes dont ils visitent la face inférieure pour y chercher leur no ur riture, ou dans les nombreuses radicelles desquelles leurs petits corps peuvent rester emmelés. La tète de l’espèce dont je m’occupe, et probablement de toutes, est aplatie et distinctement trilobée, le lobe antérieure étant le plus petit, le moins arrondi et portant sur le bord frontal une plaque incolore, d’apparence cliitineuse, ou bouclier céphalique. Les deux surfaces de la tête sont ciliées de cils très longs et fins, disposés en deux séries transversales ou'circulaires, ceux du cercle an¬ térieur se recourbant en arrière, tandis que ceux du cercle postérieur se di¬ rigent en avant et sont ordinairement animés d’un mouvement vibratile dans cette direction. Les lobes latéraux de la tête se fondent dans cette partie rétré¬ cie qui forme un cou très net et égale ou excède la longueur de la tète. Le corps est mobile, extrêm:'ment flexible, car le Dasyrfytes se tournenfconti- nuellement de côté et d’autre à la recherche de sa nourriture, tantôt se redres¬ sant en dessus, tantôt se recourbant vers le ventre. 11 ne"^ peut pas tourner sur lui-même, par rotation ; autant que j’ai pu le voir, la rotation ne s’accomplit que par une révolution partielle de tout le corps. Le mouvement de flexion cervicale se fait principalement quand le Dosydytes se renverse sur le dos, presque toujours en faisant un .saut en fléchissant le cou sous le ventre et rele¬ vant le reste du corps en avant. Ce fait se produit rarement et cette position n’est gardée que quelques instants, ce qui rend difficile et fatigante l’étude de la surface ventrale, car 1 observateur ne peut avoir qu’un aperçu rapide et insuffisant des appendices qu’elle présente. Le corps proprement dit est ovale, la surface dorsale convexe et la surface ventrale aplatie. De çliaque côté de la région antérieure, prés de la base du cou, de chaque épaule, si je puis ainsi dire, s’élèvent de quatre à six grosses soies dont chacune égale ou dépasse la longueur totale du corps de l'animal. Ces appendices naissent à des distances égales sur la face inférieui-e des bords latéraux et se recourbent en dessus sur le région dorsale, le groupe de droite passant par dessus le corps en se dirigeant obliquement en arrière vei-s le •J 22 JOURNAL DE MICROGRAPHIE bord gauche, tandis que les soies du groupe de gauche s’étendent de même vers le bord droit, les deux groupes se croisant au dessus de la région postero-dorsale et se prolongeant considérablement au delà de l’extrémité postérieure arrondie du corps (PL 1, 1888). Les soies sont très robustes à leur point d’origine, près duquel elles montrent ordinairement une courbure irré¬ gulièrement sigmoïde, puis elles s’amincissent et se courbent, sans former d’angles abrupts et sans montrer aucun signe de bifurcation, à leur extré¬ mité distale. Elles paraissent s’élever directement sur le corps sans l’intermé¬ diaire de plaque, d’écaille ou d’épaississement cuticulaire quelconque. Le Dasydyte peut tout juste séparer les soies d’un groupe de celles de l’autre, mais au delà je n’ai pas observé qu’il puisse les gouverner d’aucune façon. Accidentellement, on les voit étendues irrégulièrement sur les côtés du corps de l’animal donnant à celui-ci un aspect en désordre et comme échevelé, mais, s’il y a là un effet de la volonté de l’animal, ou non, je n’ensaisrien. — A quoi ces soies peuvent servir, on ne le voit pas. Elles sont probablement tactiles et peut-être protectrices. Sans elles, la surface dorsale serait tout à fait nue, sauf qu’elle porte deux poils tactiles fins, presque verticaux, sur la région postérieure, poils dont chacun naît sur une petite papille placée près des bords latéraux. D’’ A. G. Stores [A suivre.) CONTRIBUTION A L’HISTOIRE NATURELLE DES DIATOMAGÉES (1) Parmi les Algues dites unicellulaires aucune n’a plus attiré l’attention que les Diatomées et cet intérêt leur a été continué pour deux causes : la structure variée, et souvent très élégante, de leurs frustules siliceux en fait de très beaux objets pour les préparations de collection ; les dessins délicats de leurs valves en font les tests favoris pour le perfectionnement des meilleurs objectifs modernes. En dehors, toutefois, de ces deux considérations, elles ont été l’objet d’une grande somme d’attention de la part de beaucoup de botanistes et d’observa¬ teurs ; les résultats de ces travaux se trouvent épars dans divers journaux scientifiques et dans des monographies chèrement et élégamment illustrées. Et cependant, après ces nombreux travaux et cette élude, ces intéressants organismes n’ont fait qu’ajouter, d’année en année, aux perplexités des obser¬ vateurs ; au lieu que leur élude soit devenue plus facile, elle a été rendue plus difficile par l’introduction d’une immense quantité d’espèces et de genres basés sur d’insignifiantes distinctions, de sorte que la nomenclature, depuis le demi- siècle dernier, en est devenue de jour en jour plus confuse et moins satisfai- (1) Travail présenté au Congrès des Microscopistes américains à Ghaulauqua, N. Y. — D'‘ J. P. trad. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 23 santé. Une longue expérience des Diatomées, vivantes aussi bien que fos¬ siles, m’a convaincu que toutes les formes connues peuvent être comprises dans un très petit nombre de groupes et que, même dans ceux-ci, il n’est pas difficile de tracer des transitions ; que toutes sont construites sur un type général et subissent les mêmes variations typiques. En somme, que le nombie total des genres doit être réduit, peut-être de moitié, et celui des espèces dans une proportion bien plus grande encore. Le sujet de cette communication et d’autres mémoires qui la suivront a, sous forme de notes ou de dessins, attendu pendant plusieurs années une « occasion favorable ; » c’est ainsi que, pendant ce temps, une partie de ce qui peut en être présenté maintenant a été noté ou publié, indépendamment, par d’autres. Il convient de parler, 1° de la structure du frustule diatomé, de la nature de son enveloppe et de ses variations typiques ; 2° de la distri¬ bution et du caractère de son contenu interne ; 3° du mouvement des Diato¬ mées ; 4° de la reproduction et de la croissance des Diatomées, avec quelques observations générales. I STRUCTURE DU FRUSTULE DIATOMÉ ; NATURE DE l’ENVELOPPE ET VARIATIONS TYPIQUES. Les frustules des Diatomées sont complètement siliceux, résistant à l’action des acides et d’une vive chaleur, mais ils contiennent aussi plus ou moins d’une substance cornée, probablement la même qu’on trouve dans les spiculés des Éponges et la trame des Polycystines. Quelquefois, la silice manque tellement que les acides, la chaleur,ou même la dessication, détruisent le frustule; c’est le cas pour le très rare Amphiprora complexa, Lewis. D’autres fois, la silice n’existe que partiellement, comme dans X^Fragilaria striatula,^ que l’on trouve dans toutes les conditions, avec la plus petile quantité de silice ou presqu’entièrement siliceux. Normalement, le frustuie est constitué par une membrane, plus ou moins complètement pénétrée de silice, et la partie non siliceuse, ou membrane, dis¬ paraît par le traitement avec les acides ou par une incinération prolongée. Probablement, cette membrane est semblable à ce qui consistue ce qu’on appelle les stipes, coussinets, ou tubes de certaines espèces et que l’on a désigné sous le nom approprié de « substance gélatineuse. » Tous les frustules frais brunissent plus ou moins quand on les chauffe mo¬ dérément, mais la couleur disparaît après un brûlage prolongé, excepté quand la substance cornée est abondante, ce qui est souvent le cas dans le centre hyalin des Beliopelta, Aiilacodiscus^ etc, qui reste toujours brun après une longue combustion, comme font beaucoup des plus gros spiculés siliceux d’Éponges et aussi le squelette siliceux des Radiolaires. Les tubes des Collo- tonema et des Schizonema^ les stipes des Achnantlies et des Gompho- nema^ deviennent, de même, noirs quand on les chauffe modérément : ils sont simplement carbonisés, et le charbon disparaît, comme je l’ai dit pour les 24 JOURNAL DE MICROGRAPHIE fruslules, quand on chauffe davanlage,et il ne l esle qu’un imperceptible dépôt de cendres. Toutes les Diatomées vivantes ont une enveloppe extérieure gélatineuse qui, sans structure et parfaitement Iranspnrenle, n’est pas ttmjours reconnue ; mais sa présence peut-être facilement démontrée au moyen de la fuchsine. Quand un petit cristal de fuchs ne est appli(iué sur le bord de la lamelle sous laquelle se meuvent de grandes Diatomées, longtemps avant (jue le champ soit perceptiblement coloré, les extrémités des fruslules se teignent nettement en rose, et, en même temps, tout mouvement est immédiatement arrêté ; et bientôt la couleur est fuée sur les frustules tout entiers et aussi sur les cous- I sinets, stipes et tubes, s’ils en possèdent. La coloration ne se produit pas de la même manière chez les Desmidiées : La paroi cellulaire externe d’un Closterhim ^Desmidiée) est colorée en rouge foncé par la fuchsine, mais contrairement à ce qui arrive chez les Diatomées, la cyclose n’est pas arrêtée; en réalité, elle est même plus clairement indiquée et l’on voit plusieurs courants de matières protoplasmiques fortement colorés se mouvoir en lignes parallèles, tantôt tous dans le même sens, tantôt quelques- uns en sens contraire. Quand une grande Diatomée, comme un Navicula major, a été coloré par la fuchsine, la coloration est beaucoup plus marquée le long de la ligne médiane, ou raphé, que partout ailleurs. Quelle que soit la composition de l’enveloppe muqueuse sécrétée, on ne peut pas douter qu’elle ne soit là dans un but de préservation pour les Diato¬ mées vivantes; c’est un produit essentiel de toutes les formes vivantes de ce groupe d’ Algues, et c’est elle qui constitue ces coussinets, stipes, etc., quelquefois si persistants et si caractéristiiiues que plusieurs naturalistes éminents en ont fait, dans une certaine mesure, une base de classificaüon. Mais, après tout, ce sont des caractères passagers, particulièrement variables de formes, comme le montreront les observations qui suivent. Le 1®*’ février 1859, j’ai récolté dans un petit ruisseau sortant du flanc d’une colline, une masse gélatineuse adhérente aux parois d’une conduite d’eau, et qui examinée, montra un nombre immense de tubes, pleins de frustules de Colletonema milqare se mouvant avec une grande activité dans l’intérieur des tubes. Je les transporlai dans une assiette pleine d’eau pure el les couvris d’une lame de verre pour empêcher la poussière. Quelques jours api és, une légère pellicule pouvait se voir à la surface de l’eau, et un couvre-objet propre ayant été mis en contact avec l’eau, et enlevé, montra des centaines de frus¬ tules, maintenant hors des tubes. Le 7 février, je ne pus plus trouver Jrace d’un seul tube. Une masse gélatineuse molle et amorphe restait, qui montra bientôt de nombreuses papilles fais mt saillie à sa surface. Cette masse était pleine de frustules, et si ceux-ci avaient été trouvés ainsi dans des eaux tranijuilles, on les aurait appelés, (comme on les appelle en réalité jusqu’à présent) h'rustulia saxonica.. Bientôt les sommets des papilles devinrent sombres et même noirs; là, les fruslules étaient agglomérés en amas si épais, qu’en en prenant un petit fragment et l’examinant sous le microscope, on en trouvait des nnlliers à la fois dans le champ. C’est préci- Journ. de Micrographie, 1888 PI Dasydytes saltitans, A. G St JOURNAL DE MICROGRAPHIE 25 sémenl de même que j’ai vu disparaître dans les eaux tranquilles, les tubes des Encyonema et les stipes des Gomphonema qui perdaient ainsi ce qui a été jusqu’à présent, et, même, est encore, le caractère générique accepté pour séparer les Cocconema des Cymbella. Il est assez facile de voir comment les tubes des Colletonema empêchent les frustules d’être emportés par les eaux courantes, rôle que remplissent aussi les tiges ou stipes des Gomphonema et les coussinets des Synedra. La matière mucilagineuse, qui constitue aussi le revêtement glissant des pierres et des herbes submergées, paraît facîlement sécrétée dans les eaux courantes et les frustules, se mouvant librement en avant et en arrière, forment les tubes ou, par la coalescence des tubes, les tiges ou stipes par lesquels ils sont solidement amarrés ou ancrés ; et quand il ne se forme ni tubes ni stipes (ce qui est rare, excepté avec les frustules qui ont un raphé sur l’une des valves ou sur les deux), la masse sécrétée, hors de laquelle le frus- tule glisse continuellement, forme, comme chez les Synedra^ plus ou moins un coussinet adhérent aux pierres ou aux algues sur lesquels les frustules sont sessiles. Le caractère tubulaire des longues tiges des Gomphonema ou des Cocconema peut être facilement reconnu; et celles-ci sont rameuses toutes les fois que se produit la division qui a valu à ces organismes le nom de « Diatomées. » Quelquefois, dans les genres marins, des tubes sont formés dans d’autres tubes ; c’est là dessus que s’est fondé Kützing pour établir son genre Micromega, qui, nous le savons maintenant, doit être supprimé. Il en est de même de tout le genre Schizonema, qui a été caractérisé par les formes de ses frondes, c’est-à-dire les formes variables de développement des tubes, caractère qui n’a aucune valeur spécifique. La seule espèce Dillwynü comprend réellement peut-être la moitié de tous les Schizonema ; et les autres espèces peuvent être réduites a une ou deux, dont les frustules sont presque, sinon tout-à-fait identiques, la distinction spécifique ayant été fondée sur le développement variable des frondes (tubes). La gaine de revêtement ou enveloppe, possède une grande élasticité qui se voit particulièrement bien dans le Bacillaria paradoxa, cette Diatomée qui est réellement un NUzschia^ et, comme tous les autres membres de cette famille qui montrent des mouvements actifs, a reçu pour distinction générique la persistance de l’enveloppe muqueuse en vertu de laquelle, au lieu de se désagréger et de se montrer séparés après la division, les frustules restent cohérents, formant par leurs mouvements actifs, tantôt un ruban plat souvent ondulé dans son plan, tantôt en se poussant bout à bout, une longue ligne, puis se retirant rapidement. Ces mouvements, quand il les voit pour la première fois, ne manquent jamais d’intéresser et même d’étonner l’observateur; ils ont une telle appa¬ rence de volition et de vitalité qu’on est presqu’excusable de douter de la nature végétale de l’organisme. Il y a un petit Amphora qu’on trouve souvent sessile ou adhérent de très près au BacUlaiàa, une sorte de parasite qui chevauche en avant et en arrière, sans être troublé par les excursions des grands frustules, comme une petite punaise chevauchant sur la surface d’un tube élastique qu’on tirerait et qu’on relâcherait doucement. 26 JOURNAL DE MICROGRAPHIE La fine membrane étendue sur les ailes des ^urirelia^ et particulièrement remarquable dans le S. splendida et son frustule sporangial [S. nobilis)^ est une partie de la gaine d’enveloppe, et quand le carbonate de ïer existe dans l’eau, comme cela a lieu généralement quand les grandes Diatomées abondent, cette membrane s’en emprègne si fortement qu’elle donne une couleur bleu foncé lorsqu’on fait agir l’acide sulfurique et le ferrocyanure de potassium. Gela arrive aussi aux Desmidiées récoltées dans une mare où le sel de fer est en solution. La présence d’une gaine enveloppante mucilagineuse ou gélati¬ neuse peut aussi être démontrée en observant de grandes Diatomées dans un champ coloré en bleu par l’indigo, comme j’aurai l’occasion de l’indiquer en traitant des mouvements des Diatomées. En outre qu’elle sert sous forme de stipes, tubes ou coussinets à empêcher les Diatomées d’être entraînées par les torrents et les eaux courantes, l’enve¬ loppe sécrétée (glaire ou gelée, de quelque nom qu’on l’appelle) relient ensemble dans une certaine mesure, les deux valves du frustule, et forme une notable protection pendant la conjugaison, moment où la sécrétion est énormément augmentée et qui arrive le plus communément au premier printemps ou tout à la fin de l’hiver. On peut, à ce moment de l’année, quelquefois même sur la glace, trouver chaque pierre, chaque morceau de bois, chaque brin d’herbe submergés, couverts d’une masse mucilagineuse de couleur olive qui, lorsqu’on l’examine, se montre composé d’un amas entremêlé de stipes de Gomphone ma ou de Cocconema^ formant des touffes, quelquefois d’un demi-pouce de diamètre. Et, comme les frustules, avec leur endochrôme élégamment disposé, poussent toujours en avant vers l’extérieur de la masse, il arrive que l’intérieur de ces touffes reste presque ou complètement incolore. Dans la même saison, quand tout est activité dans le reste du monde végétal, un autre groupe de Diatomées, qui ne sont pas plus minces à un bout qu’au milieu, et par consé¬ quent ne glissent pas hors de leur enveloppe pour former des tubes et des stipes, mais adhérent solidement l’une à l’autre après la division, peut se rencontrer en longs filaments flottants, quelquefois d’un pied et davantage en longueur, comme les Fragila,ria, dans les eaux douces courantes, et les Melosira dans les eaux salées ou saumâtres. Les solutions alcalines paraissent dissoudre ou désagréger la sécrétion muqueuse, et je ne connais pas d’expérience plus intéressante, si l’on voulait démontrer la structure des frustules, que d’observer l’effort d’un grand Pinnularia ou Surirella sous l’action d’une solution moyennement concen¬ trée de potasse caustique. Quand une goutte de cette solution est déposée sur le bord du couvre-objet, pendant qu’on observe la Diatomée au microscope, au moment où la solution l’atleini, les deux valves du frustule se séparent comme les deux moitiés d’une boite, dont une moitié recouvrirait l’autre en partie, comme un couvercle. Cette structure en boîte est caractéristique chez toutes les Diatomées. Le fond et le couvercle de la hoîte, pour ainsi dire, constituent les valves, et les côtés du couvercle et du fond sont ce qu’on appelle les < membranes connectives, » « zones suturâtes etc., plus ou moins solidement (souvent très légèrement) attachées aux valves, et quelque¬ fois appelées < cercles » ou « ceintures, » quand elles sont détachées. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 27 L’ouverture subite de la boîte, dans l’expérience avec la potasse, décrite plus haut, est peut-être, due en partie, à un gonflement produit par l’imbibition de la solution (endosmose) ; mais elle paraît plutôt due à la pression normale de la masse interne dans ses membranes élastiques, qui n’exige que le départ de la gaine extérieure pour faire écarter l’une de l’autre les deux valves du frustule. C’est peut-être cette même pression (jui, s’exerçant dans les frustules -fusiformes (Naviculées) les fait glisser en avant et en arrière, comme une navette, formant ainsi une structure plus ou moins nettement tubulaire, et dans les frustules en coin [Gomphonemo) et ceux qui ont un côté plus convexe que l’autre [Coccoîiema) les pousse toujours en avant, formant des stipes ou tiges. Dans les préparations de spécimens pour l’étude, il est désirable de conser¬ ver autant que possible les frondes, tubes, stipes et coussinets, et pour les formes filamenteuses cela n’est point difficile, car la membrane est assez forte¬ ment imprégnée de silice et les frustules adhèrent assez solidement les uns aux autres, même après un brûlage prolongé, formant des fils cylindriques, comme pour les Melosira, des bandes rubanées, comme dans les Fragilaria, ou des files en zigzag, comme dans les Diatoma ; et quoique les tubes mêmes des Encyonema, Schizonema et Colletonema puissént disparaître, cepen¬ dant, après un brûlage énergique, l’arrangement elle groupement des frustules peut rester tout à foit apparent, et en opérant avec quelques précautions, les stipes des GomphonemaQi(\%^ Achnanthes peuventêtre conservés. Les pré¬ parations de ces espèces dans les liquides, pour montrer leur mode de crois¬ sance, sont tôt ou tard détruites par le coulage ou l’action du milieu sur les tissus; le traitement par les acides serait à éviter car, bien qu’il puisse donner une préparation plus propre des valves et montrer plus nettement leurs mer¬ veilleuses sculptures, il disjoint les fruslules et détruit leur arrangement. Les préparations de ce genre peuvent être comparées aux élégantes écailles dont les perles brillantes ont été révélées par la distruction des couches externes : assez jolies sur la table à dessin, elles sont affreuses dans le cabinet du naturaliste. La vraie structure et la beauté des frustules sont mieux conser¬ vées, pour le tout, dans les spécimens montés dans le baume, mode de pré¬ paration qui se recommande encore de lui-même comme étant le plus durable. Le remarquable caractère et l’importance de la sécrétion mucilagineuse ne se voient nulle part mieux que dans les frondes des Schizonema qui varient depuis la forme de délicats filaments ramifiés jusqu’à celle de tiges robustes, semblabes à des troncs d’arbre, avec des nuances de coloration allant du vert au brun. Sur ces caractères, bien qu’insuffisants, on a établi des genres et des espèces, comme on le sait généralement. Les frondes peuvent être conservées en les étendant et les des.séchant sur du papier, comme les autres algues marines ou d’eau douce, et j’en possède ainsi plusieurs spécimens originaux provenant des herbiers de Kützing, Lenormand, Brébisson, Grévilleet d’autres qui sont dans les plus parfaites conditions. A suivre. Prof. Hamilton L. Smith. 28 JOURNAL DE MICROGRAPHIE CONSULTATION SUR LA MALADIE DES VINS DE CHATEAU-LAFEITE, RÉCOLTE 1884. Cliâteau-Laffite est aon-seulement uq des plus précieux joyaux de la cou¬ ronne du Médoc, dit Bertaal dans son ouvrage la mais de la couronne de France. L’acquisition de ce domaine, par le baron James de Rothschild, s’éleva à la somme de quatre millions deux cent mille francs. Le produit du vignoble est d’un million à quatorze cent mille francs ; l’année exceptionnelle^ de 1875 en a produit, assure-t-on, seize cent mille ; à cette époque les frais d'exploitation ne dépassaient guère cent mille francs. Dans les grandes années le grand Laflile s’est vendu jusqu’à huit et dix mille francs le tonneau (le ton¬ neau est composé de quatre pièces de deux cent vingt-huit litres). Sauf quel¬ ques réserves que se font les opulents propriétaires, la récolte tout entière est achetée en bloc par quelque grand commerçant et passe en majeure partie en Angleterre. Par quelle fatalité le vin de 1884 du premier grand crû du Médoc est-il en ce moment atteint d’une maladie qui fait perdre au précieux liquide ses qu a lités si appréciées des gourmets ? A quoi attribuer semblable désastre, cause d’un procès retentissant? Un des chimistes les plus renommés du Bordelais, le D" Caries, attribue la cause de la maladie à des organismes vivants infiniment petits qui pullulent dans le vin. Son savant collègue de la Faculté de Bordeaux, M. Gayon est du même avis. Mais ces distingués professeurs ne disent pas pourquoi les microbes ne s’introduisaient pas autrefois dans les vins de Gtiâteau-Lalfite,ni pourquoi, en 1884, ils ont choisi ces vins de préférence à ceux des vignobles environnants. Ce sont là, on en conviendra, des lacunes éminemment regrettables, qu’ils doivent s’empresser de combler, s’ils veulent parvenir à faire accepter leur théorie par des esprits sérieux et réfléchis. Comme remède à employer pour empêcher à l’avenir les vins de Chàteau- Laffite de devenir encore la proie des microbies, ces Messieurs conseillent na¬ turellement de tuer toute vitalité dans les germes du parasite par le chauffage du vin, opération qui consiste à porter le liquide, en vase clos, à une tempéra¬ ture de 50 à 60°. Si on suit leur conseil, on ne boira plus désormais que des Château Laffite chauffés ! Encore seront-ils naturels? Et attendant qu’il soit bien prouvé que les arômes, le parfum, en un mot, le bouquet et toutes les autres qualités qui distinguent les grands vins ne souf¬ frent nullement du chauffage, nous allons faire connaître notre manière de voir sur la pause de la maladie du vin en litige. Nous donnerons ensuite le moyen d’éviter, aux futures récoltes du célèbre crû, la grave affection dont celle de 1884 est atteinte. Le vin, pour être de longue conservation, doit être bien composé ; et la vigne, pour le bien composer, veut se trouver dans de parfaites conditions de santé. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 29 Pour cela, elle exige d’être sous un climat favorable, à bonne exposition et plantée dans un sol sain où elle trouve, dans les proportions réclamées par sa nature, tous les éléments nécessaires à la production de fruits parfaits. Or, les renseignements du docteur Caries, basés sur des analyses et des études micros¬ copiques sérieuses, nous apprennent que le vin en question était mal composé : non-seulement il était faible en couleur et en alcool, mais l’équilibre, qui de¬ vait normalement exister entre ses éléments constituants, était rompu. Donc nous pouvons conclure que les vignes qui les ont produits n’étaient pas dans de parfaites conditions de santé. Les vignes de Château-Laffitte se trouvant sous un climat favorable et à bonne exposition, on ne peut attribuer à l’une ou l’autre de ces causes les dé¬ fauts sus-mentionnés de leurs vins. On ne peut pas davantage attribuer ces défauts à des intempéries atmosphériques puisque les vignobles rapprochés de Château-Laffite ont supporté les mêmes conditions atmosphériques sans que leurs vins se soient mal comportés. Il n’est pas possible non plus d’ad¬ mettre que les vins malades aient été mis en bouteilles aune époque défavora¬ ble puisque ceux restés en tonneaux se ressentent de la même maladie. Enfin on ne peut pas supposer que la cueillette se soit faite trop tôt ou trop tard, les connaissances dont le digne régisseur du château a donné tant de preuves de¬ puis de longues années prouvent le contraire. 11 ne reste donc plus qu’à nous occuper uniquement du sol pour savoir s’il contenait, dans les proportions ré¬ clamées par la nature du cépage, tous les éléments solubles indispensables à la formation de fruits parfaitement composés pour produire un vin de longue conservation et de bonne fin. De nombreuses expériences faites a vec des engrais chimiques nous ont don¬ né des résultats qu’il est utile de faire connaître. Premièrement : Les matières calcaires, sulfate de chaux, phosphates, su¬ perphosphates, etc., fournies en abondance aux vignes, favorisent la formation du sucre dans le raisin et par suite celle de l’alcool dans le vin. Deuxièmement : Le sulfate de fer, donné comme engrais aux vignes, contri¬ bue grandement à la coloration des raisins ; les blancs prennent la couleur de l’ambre, et les colorés se foncent davantage. C’est pourquoi les variétés de vignes dont la nature est de produire des vins très chargés en couleur, comme les cépages d’Amérique par exemple, prospèrent dans les argiles rou¬ ges et dans tous les sols suffisamment riches en matières ferrugineuses, tandis qu’elles dépérissent, au contraire, plus ou moins promptement dans les sols blancs, les calcaires -crayeux, les calcaires friables, les tufs et les marnes pau¬ vres en oxyde de fer. A ce fait connu, mais resté inexpliqué jusqu’à ce jour, nous ajouterons que le sel ferreùx, donné en excès à l’état de sulfate de fer, nous a procuré l’occasion de constater d’une manière indubitable qu’il donne aux fruits de l’amertume, de l’âcreté, conséquence de leur plus grande richesse en tannin. Natureîlement, le vin produit par ces fruits se ressent de cette augmen¬ tation de tannin. Troisièmement. — La potasse pousse au développement du bois et, par conséquence, à l’abondance des produits, car on ne peut obtenir des fruits abondants, des raisins fortement développés, sur des sarments grêles, courts, 30 JOURNAL DE MICROGRAPHIE rabougris. La potasse joue évidemment d’autres rôles encore au point de vue de la qualité des fruits; mais nous devons avouer l’insuffisance actuelle de nos essais et de nos observations pour déterminer ses effets sur le vin d’une manière suffisamment exacte. Quatrièmement. — Enfin, les matières azotées en excès dans le sol, par rapport aux substances minérales solubles, sont malfaisantes pour les vignes qui, d’ailleurs, puisent dans l’atmosphère une partie de l’azote qui leur est né¬ cessaire. L’excès d’azote dans le sol les excite à une végétation folle et les pré¬ dispose à la coulure, à l’oïdium, à l’anthracnose et autres maladies. Le raisin provenant d’un sol trop riche en azote donne un vin chargé en abondance de matières organiques de nature albuminoïde ; ces matières ont une tendance d’autant plus grande à se décomposer, sous l’action de la chaleur principale¬ ment, que le tannin et l’alcool, substances antiseptiques, se trouvent en plus faible quantité dans le liquide vineux. En nous appuyant sur ces faits, dont la plupart sont connus des praticiens observateurs, ainsi que sur les renseignements puisés dans la remarquable consultation du D'' Caries, nous pouvons tirer des conclusions rationnelles sur la véritable cause de la maladie des vins de Château-Laffitte, récolte 1884. D’après l’éminent professeur, le vin était faible en couleur et en alcool. Or, nous avons vu, d’une part, que le sel ferreux contribue non-seulement à la coloration du raisin et par suite à celle du vin, mais augmente, dans l’un et dans l’autre, la quantité de tannin ; il a été constaté, d’autre part, que les sels calcaires poussent à la production du sucre dans le fruit et, par sa transforma¬ tion, à celle de l’alcool. Si donc le vin de Château-Laffitte était faible en couleur et en alcool, c’est parce que les éléments ferreux et calcaires n’étaient pas en suffisante quantité à l'état soluble dans le sol, en 1884, pour suffire aux exigences des nombreux ceps qui couvrent ce vignoble. Par l’examen microscopique, le savant docteur a reconnu, dans le vin, la présence de nombreux filaments déliés. La maladie caractérisée par ces fila¬ ments s’appelle la tourne ; ces filaments, de nature albuminoïde, visqueuse, sont la conséquence de l’excès d’azote absorbé par la plante ; leur formation et leur multiplication dans le vin sont le résultat de sa décomposition et non la cause ; la décomposition des matières organiques qui engendrent ces filaments se produit, sous l’influence de l’air, de la lumière, de la chaleur et du mouve¬ ment, avec d’autant plus de facilité que le vin est moins riche en tannin et en alcool, deux éléments puissants de conservation. Partant de ce qui précède, pour éviter à l’avenir la décomposition dont les vins précieux de Château-Laffitte sont menacés, il est indispensable de donner aux vignes des sels ferreux, calcaires et potassiques, â l’exclusion d’azote. Voici la formule que nous conseillons par hectare : 600 kil. sulfate de fer en poudre ; 2000 kil. sulfate de chaux (plâtre) ; 800 kil. superphosi)hate ; 300 kil. chlorure de potassium, ou bien de sulfate de potasse* JOURNAL DE MICROGRAPHIE 31 Mélanger ces matières intimement, les répandre uniformément avant ou pendant l’hiver, et les enterrer aussitôt que possible. L’essai de cet engrais sur une partie du vignoble fera connaître, par le vin produit, comparé à celui récolté dans la partie non traitée, la valeur du procédé thérapeutique que nous préconisons. Ghavée-leroy. Membre de la Soc. des Agricultea?'s de France. Clermont (Aisne), 19 décembre 1887. LOCALISATION DE L’ATROPINE DANS LA BELLADONE (I). Occupé depuis quelque temps au laboratoire de M. Errera, à étudier la locali¬ sation de divers alcaloïdes et glycosides dans les tissus végétaux, je me permets de présenter aujourd’hui un aperçu des résultats que m’a fournis la belladone {Atropa Belladona). Voici d’abord les principales réactions indiquées pour l’atropine : 1. Le tannin produit un précipité blanc, soluble dans l’acide chlorhydrique. 2. L’iodure de potassium iodé donne un précipité brun-rougeâtre très abondant, qui se transforme ensuite en étoiles à éclat métallique. 3. L’iodure double de mercure et de potassium donne un précipité caséeux. 4. L’acide picrique donne, à la longue, dans les solutions concentrées, un précipité jaune, cristallin. 5. Le chlorure de platine donne un précipité jaune-isabelle. 6. Le chlorure d’or précipite l’atropine en jaune. 7. L’acide phosphomolybdique donne un précipité jaune clair. 8. Si l’on évapore au bain-marie, jusqu’à siccité, un peu d’atropine avec de l’acide nitrique fumant, que l’on humecte le résidu au moyen d’une goutte d'une solution de potasse caustique dans l’alcool absolu, on obtient une coloration violette qui passe ensuite au rouge {Héaction de Vitali), Parmi ces réactifs celui qui convient le mieux pour la localisation de l’alcaloïde est l’iodure de potassium iodé. 11 produit, dans les cellules, un précipité brun, sur la nature duquel il n’y a aucun doute à avoir; on voit même les cristaux étoilés à aspect métallique se montrer au bout d’un certain temps. L’acide phosphomolybdique m’a donné également des résultats assez satisfai¬ sants, du moins pour la tige ; il détermine dans les cellules un précipité jaunâtre. Quant aux autres réactifs, les indications qu’ils fournissent ne sont pas assez sûres ponr qu’on puisse recommander leur emploi. La recherche microchimique de l’atropine doit se faire de préférence sur les coupes longitudinales où les cellules sont moins endommagées que sur les coupes transverses. Voici ce que j’ai observé dans les différentes parties du végétal : racine, tige, pétiole, feuille et fruit. (1) Bull, de la Soc. B. de Microscopie. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 32 Racine. — Dans une racine de la grosseur du petit doigt, les zones à l’alcaloïde sont : l’épiderme et quelques rangées de cellules du parenchyme sous-épider¬ mique, une ou deux couches de cellules parenchymateuses entourant le liber externe, enfin quelques cellules relativement nombreuses, situées dans la partie de la moelle qui avoisine le liber interne. Les vieilles racines (grosseur dn poignet) en contiennent beaucoup moins que les jeunes et l’alcaloïde ne se trouve plus que dans l’écorce, surtout dans l’épi¬ derme et les cellules voisines. Tige. — Elle renferme beaucoup d’alcaloïde surtout lorsqu’elle est encore molle. Plus tard elle durcit et paraît en renfermer moins surtout à l’approche de l’hiver ; il est moins difficile d’obtenir alors la réaction d’une façon convenable. A mesure que la plante vieillit, on remarque que l’atropine quitte les parties les plus centrales pour se rapprocher d’avantage de l’écorce. L’alcaloïde se trouve dans les tiges jeunes aux endroits suivants ; 1® Dans l’épiderme et deux ou trois assises de cellules sous-jacentes; 2® Dans la parenchyme qui entoure le liber ; 3° A la périphérie de la moelle. Pétiole. — C’est encore une fois Tépidermc et les cellules sous-jacentes qui contiennent le plus d’atropine. Feuille, — Toutes les parties de la feuille paraissent en renfermer, mais c’est surtout dans l’épiderme supérieur que Ton peut indiquer sa présence avec certitude. Fruit. — On peut répéter pour le fruit ce qui a été dit de la feuille, c’est-à- dire que l’alcaloïde se localise surtout avec netteté dans l’épiderme. La localisation des alcaloïdes dans les feuilles et les fruits présente de grandes difficultés, à cause des matières albuminoïdes, de l’amidon et surtout de la chlorophylle ; cette dernière est particulièrement incommode, par suite de la teinte brunâtre qu’elle prend sous l’influence de l’iode. Tout mes efforts pour voir s’il y a de l’atropine dans le liber, sont restés sans résultat. J’ai parfois remarqué des cellules très allongées qui en contenaient, mais ces cellules pourraient bien appartenir au parenchyme fondamental et non au liber. Le bois et le cambium n’en renferment jamais. En résumé on voit : 1® Que c’est surtout dans l’épiderme et au voisinage des deux massifs libé¬ riens que l’alcaloïde se trouve ; 2® Qu’il paraît diminuer et se localiser déplus en plus dans l’écorce quand la plante avance en âge. A, DE WÈVRE. (Laboratoire d’anatomie et de physiologie végétales de l’Universitéde Bruxelles,) Le Gérant : Jules Pelletan Fils. Amiens — Imprimerie Rousseau-Leroy, Douzième année *25 Janvier 1888. JOURNAL DE MICROGRAPHIE SOMMAIRE : Le mécanisme de la sécrétion {suite), leçon faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. — Évolution des micro-organismes animaux et végétaux parasites : les Aciuétiniens {suite), leçons faites au Collège de France, par le prof, G. Bal- BiAisi. — Observations sur les Chætonotus et les Dasydytes, par le A. C. Stores. — De l’Absorption du Bacillus Subtilis par les Globules blancs, par le D«* E. Gallemaerts. — La Micrographie à l’Exposition de Wiesbade, eu 1887, par M. L. Errera. — Sur les maladies des vins, par M. Chavée-Leroy. — De la digestion des Rhizopodes, par M. Greenwood. — Avis divers. TRAVAUX ORIGINAUX LE MÉCANISME DE LA SECRÉTION Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le professeur L. Ranvier. {Suite) (1) Nous nous sommes occupés des rapports du nerf lingual avec les canaux excréteurs de la sous-maxillaire et de la rétrolinguale chez les Rongeurs. Je vous ai dit qu’il ne fallait pas chercher chez eux un filet nerveux se rendant à ces glandes, analogue à celui que nous connaissons chez le Chien depuis les travaux de Ludwig et de Claude Bernard, la corde du tympan qui, excitée par un courant d’induction interrompu, amène la sécrétion de la sous-maxillaire, comme l’exci- (1) Voir Jou'iial de Micrographie, T. XI, 1886, T. XI, 1887 et T. XII, 1888 13'' J. P. Stén. 34 JOURNAL DE MICROGRAPHIE tation d’un nerf .moteur muscnlaire détermine la contraction d’im muscle. Chez les Rongeurs, Rat, Cochon d’Jnde, Lapin, animaux sur lesquels nous pouvons expérimenter facilement, le nerf lingual en croisant les canaux de la sous-maxillaire et de la rétrolinguale chez le Cochon d’Inde et le Rat, le canal de la sous-maxillaire seulement chez le Lapin, envoie à ces canaux un nombre variable de filets ner¬ veux qui s’accollent un tissu conjonctif dont ils sont entourés et les accompagnent jusqu’au hile des glandes. Et c’est en suivant le canal excréteur qu’ils pénètrent dans l’intérieur de la glande pour concourir à l’innervation des éléments glandulaires. Il y a quelques différences à signaler dans le rapport des canaux excréteurs des glandes sous-maxillaire et rétrolinguale avec les filets émanés du nerf lingual chez les divers animaux. Chez le Rat, ce n’est même pas à la loupe qu’on peut distinguer ces rapports ; pour les bien observer, il faut disséquer la sous-maxillaire et la rétrolinguale, isoler les canaux associés de ces deux glandes, qui paraissent n’en former qu’un seul, arriver jusqu’au nerf lingual, séparer les canaux au niveau du hile, les couper au delà du lingual et disposer le tout sur une lame de verre. On peut alors exposer celle-ci aux vapeurs d’acide osmique ou, simplement, ajouter à la préparation une faible quantité d’acide acétique. Pour cela, onia recouvre d’une lamelle avec de l’eau ou de l’alcool au tiers et on ajoute une goutte d’acide de manière à le faire agir lentement. L’acide, en pénétrant, éclaircit le tissu conjonctif, et alors, avec un grossissement de 50 à 100 diamètres, on peut voir les filets nerveux qui se dégagent du lingual et descendent vers les glandes en suivant les canaux excréteurs. Le nombre de ces filets, leur disposition, leur direction, tout cela me paraît assez * variable ; je ne crois pas, d’ailleurs, qu’il y ait lieu d’en faire ici une description minutieuse. Voilà une méthode simple pour avoir une idée des rapports du nerf lingual avec les canaux excréteurs et reconnaître les filets nerveux qui en émanent. On pourrait employer d’autres méthodes. Celle que que je viens de vous indiquer est la méthode générale ; elle détermine le gonflement des fibres du tissu conjonctif, de manière à rendre l’ensemble de ce tissu transparent et permet de distinguer les filets ner¬ veux dont les éléments conservent à peu près leur indice de réfrac¬ tion. L’acide chlorhydrique, la potasse en solution faible agiraient à peu près de même. La méthode de l’or colore les fibres nerveuses et les cellules ganglionnaires en violet et laisse incolore le tissu con¬ jonctif que l’on peut gonfler par l’acide acétique, etc. Il y a encore une méthode dont je ne vous ai pas parlé. Quand on JJURNAL DE MICROGRAPHIE oo a traité uiie préparation par l’aciilc acétique les tissus ne s’accusent ou ne se distinguent que par des différences d’indice de réfraction, et si l’on ajoute de la glycérine tout devient très transparent et il faut un très fort grossissement, avec beaucoup d’attention, pour voir les élé¬ ments; je vous engage à employer la méthode suivante qui donne des résultats remarquables et fournit des préparations persistantes. Je vous montrerai de ces préparations, faites depuis un an, qui sont tout aussi démonstratives qu’au premier jour. Quand les tissus sont devenus transparents par l’acide acétique, sous la lamelle de verre, on ajoute une solution saturée d’acide pi- crique qui ne colore pas le tissu conjonctif devenu transparent, mais colore les fibres musculaires, les éléments nerveux et les cellules gan¬ glionnaires. On fait alors pénétrer peu à peu la glycérine et l’on obtient des préparations très belles, je dirai même saisissantes, et qui se conservent fort bien. Dans ces préparations, les vaisseaux san¬ guins sont très nets, les éléments musculaires qui entrent dans la constitution de leur paroi sont bien dessinés et très faciles à recon¬ naître : par exemple, dans les artérioles on voit admirablement la dis¬ position des fibres musculaires couchées en travers sur l’artère. Les canaux excréteurs, c’est là que j’en veux venir, de la sous-maxillaire et de la rétrolinguale se distinguent parfaitement, l’épithélium cylin¬ drique qui les tapisse, et que l’on voit très bien, est coloré en jaune, mais on ne reconnaît rien qui ait rapport à une tunique musculaire. Les canaux excréteurs des glandes salivaires ne contiennent pas d’éléments musculaires dans leur paroi. Chez le Rat, où les canaux sont assez petits pour être mis sous le microscope, on peut vérifier facilement cette absence de fibres mus¬ culaires. Les fibres nerveuses forment des faisceaux de diamètre variable qui se divisent, se subdivisent et s’anastomosent pour former un plexus extrêmement élégant et dont les mailles sont relativement étroites. Les deux canaux, celui de la sous-maxillaire et de la rétro- linguale, sont enlacés par le même plexus. C’est la raison pour laquelle, je le répète, il est si difficile, par la dissection de lés sé¬ parer l’un de l’autre. En outre, les travées contiennent des cellules ganglionnaires accumulées en nombre plus ou moins considérable en un même point, mais ne forment jamais par leur réunion que des ganglions microscopiques, de telle sorte que depuis le nerf lingual jusqu’au hîle des glandes, chez le Rat, les éléments nerveux constituent un grand plexus ayant la forme d’un cylindre creux. C’est dans ce cylindre que sont contenus les canaux excréteurs des deux glandes en question. C’est le plexus fondamental de l’a[)pareil nerveux des glandes salivaires. 36 JOURNAL 1)E MICROGRAPHIE Chez le Cochon d’Inde, les choses sont un peu différenles. Nous savons que, chez cet animal, la rétrolinguale est séparée de la sous- maxillaire et que dans aucun cas on ne saurait les confondre. La rétrolinguale est placée bien en avant de la sous-maxillaire dont elle est séparée par le digastrique. Il en résulte que les canaux excréteurs ne sauraient, comme chez le Rat, être contenus dans un même plexus tubulaire. Par exemple, quand on isole, par le même procédé, les canaux excréteurs des deux glandes et, en même temps, le nerf lin¬ gual, on obtient une préparation dans laquelle ces canaux s’accollent mais sans être unis intimement après le digastrique ; on peut les séparer en opérant dans l’alcool au tiers. A un quart de centimètre, ou deux millimètres, le lingual envoie un premier fdet nerveux, puis deux, puis trois... Ces filets nerveux représentent la corde du tympan de rHomme, du Chien, etc. Ces filets se divisent et se subdivisent en arrivant sur les canaux des glandes, mais bientôt, après qu’ils ont formé quelques ganglions entre les canaux ou tà leur surface, il se fait un départ régulier des fibres nerveuses pour l’un ou l’autre canal excréteur. Ainsi, si l’on examine après l’action de l’acide acétique, de l’acide picrique et de la glycérine, on voit un plexus nerveux tellement riche et serré que l’on peut dire que ces canaux ont une tunique nerveuse. Il se trouve aux points d’entrecroisement beaucoup de cellules ganglionnaires. En général, il y a plus de ces cellules ganglionnaires sur le canal de la sous-maxillaire que sur celui de la rétrolinguale. Le plexus du premier m’a paru plus riche mais je ne voudrais pas affirmer qu’il en est toujours ainsi. Du reste, vous le savez, il y a de très grandes diffé¬ rences individuelles relativement aux cellules ganglionnaires péri¬ phériques, et il peut se faire que, chez un animal, il y ait un plus grand nombre de cellules le long d’un canal que chez un autre, sur le canal de la sous-maxillaire ou sur celui de la rétrolinguale. Vous vous rappelez qu’en étudiant les glandes lymphatiques des Batraciens, je vous ai montré combien sont grandes ces variations individuelles qui représentent de grandes différences pour le siège des centres mo¬ teurs ; il peut bien en être de même pour les glandes salivaires. Le Lapin n’a pas de rétrolinguale, mais seulement une sous-maxil¬ laire. Le nerf lingual croise donc un seul canal excréteur. Si l’on isole ce canal du lingual, on a des préparations assez démonstratives. Un grand nombre de filets se dégagent de ce nerf, un plus grand nombre que chez les deux espèces que nous venons d’étudier. Autour du canal de Wharton, canal de la sous-maxillaire, il y a une gaine nerveuse ganglionnaire, un véritable ganglion tubulé livrant passage JOURNAL DE MICROGRAPHIE 37 au canal ; du reste, pas plus de cellules musculaires dans les parois du canal que chez les animaux que nous avons examinés. A propos de ces ganglions se présente une question intéressante, à laquelle je ne puis pas encore donner une réponse définitive parce que j’ai commencé seulement aujourd’hui à m’en occuper. Chez le Lapin, les cellules des ganglions sympathiques contiennent deux noyaux, — c’est un fait connu depuis longtemps, — tandis que les cellules des ganglions cérébraux ou cérébro-spinaux ne contiennent qu’un seul noyau. La question est de savoir si, parmi les nombreuses cellules ganglionnaires qui appartiennent au ganglion tubulé du canal de la sous-maxillaire, il y en a qui appartiennent au système sympa¬ thique et au système cérébro-spinal. A priori, on pourrait dire que si l’on trouve des cellules à deux noyaux et des cellules à un seul noyau, les premières appartiendront au système sympathique et les secondes au système cérébro-spinal; j’ai examiné à ce sujet des préparations qui ne permettent pas de voir d’une manière suffisante, mais je n’ai trouvé que des cellules à un seul noyau. Je n’affirmerais pas, néan¬ moins, que toutes sont des cellules à un seul noyau ; tout ce que je puis dire c’est que les ganglions que j’ai vus appartiennent au système cérébro-spinal. Mais il faut savoir s’il y a des ganglions mixtes. Je soulève seulement cette question en passant ; et je me propose d’y revenir et de la traiter plus complètement devant vous. Il faut revenir maintenant à notre sujet. Vous vous rappelez quel était notre but : chercher une glande acineuse muqueuse pure dont nous aurions reconnu le nerf d’une manière suffisante pour pouvoir l’exciter et déterminer la sécrétion de la glande, comme on détermine la sécrétion de la sous-maxillaire en excitant la corde du tympan. Nous n’avons pas à songer à faire des expériences sur ces animaux que l’on ne se procure pas facilement, la Taupe, le Hérisson, la Chauve-souris ; si l’on voulait entreprendre ces expériences, il fau¬ drait avoir une ménagerie faite exprès. Nous avons bien trouvé des glandes muqueuses pures chez eux, mais ce ne sont ])as des animaux de laboratoire. Le Cochon d’Inde seul est un animal de laboratoire. Je vous ai déjà parlé des expériences d’excitation des glandes que j’ai tentées il y a déjà plusieurs années sur ce Rongeur, tentatives infruc¬ tueuses: je n’ai pas réussi, par l’excitation directe, à produire dans les glandes des modifications suffisantes pour en tirer des conclusions. Mais ayant poursuivi, l’année dernière, des recherches d’anatomie comparée, j’ai découvert la glande rétrolinguale qui était absolument inconnue et qui m’avait échappé à la dissection à l’air libre et sans loupe. 38 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Les détails que je vous ai donnés sur Pinnervation des glandes du Cochon d’Inde semblent vous montrer qu’il serait possible d’agir sur la rétrolinguale, glande acineuse muqueuse pure. Voici comment, à priori, on comprend l’expérience en se fondant sur ce qui est connu depuis les recherches mémorables de Ludwig sur la glande sons- maxillaire du chien. Il faut découvrir la glande, mettre une canule dans le canal excré¬ teur — ce qui est facile à dire, — chercher les filets nerveux du lin¬ gual qui s’y rendent, les isoler, les couper et les exciter. Ou bien, on pourrait encore ne pas toucher à ces filets, dégager le nerf lingual aussi loin que possible vers le centre, le couper et exciter le bout périphérique qui contient des fibres sensitives, les fibres du lingual proprement dites, des fibres motrices glandulaires, des fibres céré¬ brales des deux glandes... Eh bien ! je crois qu’il ne faut pas essayer d’introduire un tube salivaire dans le canal de la rétrolinguale du Cochon d’Inde. Je ne dis pas qu’on ne puisse y arriver, mais il faudrait une adresse très supé¬ rieure à la mienne : ce serait une affaire de hasard. Quant aux filets nerveux qui se dégagent du lingual pour se rendre aux canaux de la sous-maxillaire et de la rétrolinguale, ils sont microscopiques et, de plus, situés très profondément et difficiles à atteindre ; de sorte que je ne considère pas comme réalisable l’expérience qui consisterait à couper le tronc du lingual de manière à exciter le bout périphérique. Et il faut savoir que, chez les petits Rongeurs, les deux branches du sous-maxillaire inférieur sont très rapprochées, et, qu’outre qu’il y a très peu d’espace, le lingual est caché derrière la branche correspon¬ dante du maxillaire, de sorte que pour faire une bonne dissection du nerf lingual, fil est nécessaire de diviser la symphyse du maxillaire inférieur et d’écarter les deux branches. Impossible donc de mettre un tube dans le canal de la sous-maxillaire et de la rétrolinguale, impossible de séparer les deux ou trois filets qui se dégagent du lin¬ gual pour se rendre à la glande ; difficulté extrême d’atteindre le lingual lui-même, à cause du peu d’espace entre les branches du maxillaire et de sa situation profonde. Mais je suis d’avis qu’il ne faut pas se buter contre les difficultés, mieux jaut les tourner ; d’autant plus que nous ne nous proposons pas de recueillir la salive qui coule de telle ou telle glande, ni de mesurerj’la^pression|de cette salive au moment de la sécrétion : nous voulons faire^sécréter^^une glande muqueuse pure pendant assez long¬ temps pour déterminer dans cette glande des modifications qui puis¬ sent. nous éclairer sur le mécanisme de la sécrétion. Pour cela, nous n’avons pas besoin de mettre de tube dans le canal JOURNAL DE MICROGRAPHIE 39 de la rétrolinguale, ni d’exciter les fibres du nerf sécréteur au point où elles se dégagent du nerf lingual, ni même le tronc du lingual. Il est certain qu’à partir du nerf lingual, toutes les fibres nerveuses qui vont se rendre aux glandes cheminent à la surface extérieure de ces canaux. Par conséquent, si nous portons l’excitation électrique sur les canaux au dessous du lingual, nous exciterons toutes les fibres nerveuses sécrétoires de la glande. Comment réaliser l’expérience ? Il faut exciter les nerfs qui chemi¬ nent à la surface des canaux, et cependant ne pas comprimer ces canaux pour ne pas empêcher la salive d’arriver dans la bouche et de sortir par le canal excréteur. Voilà la question. Il fallait faire d’abord de petites pinces électriques dont les extrémités se terminent en cro¬ chet que l’on puisse introduire sous le nerf. J’ai pris un petit morceau de bois, un bout d’allumette, je l’ai recou¬ vert d’une couche mince de cire à cacheter, et sur les deux faces oppo¬ sées j’ai appliqué deux petits fils de platine de 2/10 de millimètre de diamètre, en laissant dépasser les deux bouts au dessus de l’extrémité du morceau de bois. Puis, j’ai enroulé les fils autour du bois et je les ai recouverts d’une nouvelle couche de cire à cacheter. Les deux bouts qui dépassent, recourbés en crochet, peuvent être rapprochés ou écartés à volonté. Voilà une petite pince électrique très commode : on peut passer les crochets sous le nerf ou sous les canaux des glandes, mettre les deux autres bouts des fils de platine en rapport avec un appareil d’induction et faire passer le courant. Il ne faut pas que la pince électrique, par suite de la traction qu’elle exerce, puisse comprimer les canaux assez pour empêcher le cours de la salive. Pour atteindre ce but, la petite pince électrique est appliquée sur un cylindre de cire à modeler ; c’est un support d’une délicatesse extrême. On peut ainsi l’établir où l’on veut, elle reste en place ; on peut glisser les crochets en dessous des conduits excré¬ teurs de la sous-maxillaire et de la rétrolinguale, faire passer le cou¬ rant qui excitera les fibres nerveuses comprises dans le segment correspondant à l’intervalle des deux crochets de la pince, sans qu’il y ait de pression exercée sur les canaux. Comme la cire à modeler, suivant la grosseur du bâton et suivant la température, est plus ou moins souple, il peut se faire, surtout si l’on n’a pas une très grande habitude de la manier, que la pression de la pince soit suffisante pour empêcher l’issue de la salive. J’ai alors imaginé de mettre la petite pince électrique en rapport avec un fil de cuivre entouré de soie, d’un très petit diamètre enroulé en spirale, de manière qu’il n’y ait pas de traction si l’animal fait des mouvements, les efforts de traction étant annulés par la spirale. 40 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Il faut cependant que l’animal soit immobilisé de manière à ne pas faire de mouvements brusques, car le petit instrument, qui est extrê¬ mement délicat, pourrait être arraché. Pour atteindre ce résultat, j’ai construit, avec un fil de fer et une planchette, un appareil fort simple que vous pouvez voir ici, et qui immobilisera l’animal d’une manière parfaite. J’arrive maintenant à l’expérience elle-même et à son manuel opé¬ ratoire. Elle n’est pas facile, parce que, je le répète, chez ces petits Rongeurs, il n’y a pas d’espace et que cette région sus-hyoidienne est extrêmement vasculaire. Il y a là surtout des veines très volumi¬ neuses, et je dirai même hors de proportion avec les autres organes si on les compare à ce qu’elles sont chez le Chien ou même le Lapin. Les difficultés sont donc très sérieuses. Après avoir coupé convenablement le poil de la région, pour ne pas en être gêné, on fait, sur un des côtés à partir de la symphyse, une incision d’un centimètre et demi environ : on trouve le peaucier, relativement très épais, formé de fibres musculaires avec une trame connective assez considérable. On l’incise avec soin et on tombe sur le ptérygoïdien interne et la branche du maxillaire ; on suit le muscle jusqu’au digastrique, on écarte les veines avec des petits crochets et des pinces, — et il y a des Cochons d’Inde chez qui ces veines sont tellement volumineuses que, malgré tous les soins, on aura une hémorrhagie veineuse très gênante. Si cet accident arrive, il vaut mieux mettre l’animal de côté pour une autre expérience et prendre un autre sujet. Arrivé sur le digastrique, on cherche en arrière l’intersection mar¬ quée par une ligne tendineuse assez nette ; c’est au niveau de cette intersection tendineuse du digastrique que passent les deux canaux. Après avoir cheminé sur la face interne du ptérygoïdien interne, ils atteignent l’intersection. Ils sont très fins, très souples, il faut mettre à leur recherche beaucoup d’attention, et même il faut avoir fait déjà plusieurs fois cette dissection, et pas depuis longtemps, pour trouver les canaux au moment où ils passent sous le digastrique. Supposons-les trouvés. On les soulève par un petit crochet et l’on passe au dessous la petite pince électrique montée comme je vous l’ai indiquée. Et l’on fait passer le courant. Le choix de ce courant est important. Il faut commencer par un courant très faible et en augmenter peu à peu l’intensité en rappro¬ chant les bobines. Quand il est suffisant, la bouche de l’animal s’hu¬ mecte, la salive coule ; l’animal fait des mouv-ements de déglutition répétés qui le débarrassent de la salive sécrétée. Nous ne recueillons pas cette salive, comme dans les expériences de Ludwig et de Claude JOURNAL DE MICROGRAPHIE 41 Bernard, car nous ideii avons pas besoin. Nous constatons senlement que la sécrétion ,se produit, que la salive est abondante, et nous n’aurons qu’à rechercher les modifications qui se sont produites dans les glandes. Il faut interrompre le courant toutes les dix minutes pendant une ou deux minutes pour ne pas fatiguer le nerf, et poursuivre ainsi l’expérience pendant deux heures et demie à trois heures. Puis l’ani¬ mal est sacrifié par la section du bulbe. On dissèque les glandes, on les divise en deux parties dont l’une est mise dans l’acide osmique, l’autre dans l’alcool, et l’on opère de même sur les glandes de l’autre côté, qui n’ont pas été excitées et qui serviront comme termes de coin - paraison. (ri suivre). ÉVOLUTION DES illCilO-OBGANISilES ANIMAUX ET VÉGÉTAUX PARASITES Leçons laites au Collège de France, en 1887, par le Professeur G. BALBfANi Les Acinétiniens. {Suite^) Nous allons aborder J’examen des phénomènes de la reproduction. En étudiant la reproduction chez les Ciliés, nous avons vu qu’il n’y a réellement qu’un seul mode de reproduction chez ces animal¬ cules, la division ou fissiparité. Chez un petit nombre seulement, nous avons constaté la reproduction par gemmiparité, par exemple, chez certains Yorticelliens. Quant à la fissiparité, autant elle est com¬ mune chez les Ciliés, autant elle est rare chez les Acinétiniens, tandis que la gemmiparité devient, au contraire, très fréquente chez eux. Et au lieu d’un seul mode de gemmiparité, qu’on trouve chez les Ciliés, gemmiparité externe, ils en présentent deux : gemmiparité externe et gemmiparité interne. Le mode le plus simple, la division spontanée ou fissiparité, a été (1) Voir Journal de Micrographie T. X, 1886, T. XI, 1887, D*" J. P. stèn. 42 JOURNAL DE MICROGRAPHIE observé pour la première fois cliez ces êtres par le naturaliste russe Gienkowsky, de Kharkoff, sur un Acinétinien très répandu, le Podo- phrya fixa [Bull, de l'Ac. des Sc. de Saint-Pétersbourg, 18^5) ; puis, par Claparède et Lachmann sur VAcineta mystacina ; par Carter et par Stein, sur le Podophrya fixa ; par moi-même sur un Sphœro- phrya qui vit tantôt libre dans l’eau, tantôt parasite dans les Infu¬ soires Ciliés. M. Maupas a aussi observé le même phénomène sur le Podophrya libéra. Il l’avait d’abord décrit sur une espèce, qu’il con¬ sidérait comme une variété, trouvée à Alger, le P. fixa var. Alye- rz'cras; puis, il a reconnu que cette variété était le P. libéra de Perty. Il a étudié aussi le P. fixa.^ puis il a constaté des phénomènes de fissiparité chez le Sphærophrya magna. Voici en quoi consistent ces phénomènes : Prenons pour type les observations que j’ai faites sur un Sphæro- phrya non déterminé, le S. magna peut-être, mais peu importe- L’animal est une sorte de boule qui flotte dans l’eau, hérissée sur sa surface de longs tentacules ou suçoirs. Quand le moment de la mul¬ tiplication est arrivé, on voit d’abord apparaître un étranglement ou sillon à peu près vers le milieu du corps, sillon qui devient plus pro¬ fond ; puis, une certaine région de la surface, toujours parallèle au plan que suit l’étranglement, s’aplatit, se couvre de cils vibratiles très courts et très fins. L’étranglement fait des progrès et bientôt les ani¬ maux sont séparés, l’un à côté de l’autre. L’un d’eux reste tel qu’il était, tandis que l’autre, qui présentait les cils vibratiles, rentre ses tentacules et se couvre de cils sur toute sa surface. Il prend une forme allongée, une vésicule contractile apparaît à sa partie antérieure, et l’animal ainsi muni se meut avec une grande rapidité. Puis, les cils se résorbent, les tentacules apparaissent, deviennent de plus en plus nombreux et l’animal fait retour à la forme qu’il avait avant la divi¬ sion. A l’aide de l’acide acétique, on constate la présence d’un noyau, masqué jusque-là par les granulations réfringentes dont nous avons déjà parlé. Le rôle du noyau dans le phénomène de la division est très simple ; je crois l’avoir, le premier, mis en évidence dans l’étude de ces petits êtres. Le noyau s’allonge, se divise en deux riioitiés et chacun des deux individus obtient une moitié du noyau. Chez le Podophrya fixa.^ qui est un Sphœrophrya porté sur un pédicule plus ou moins long, le corps commence par s’allonger ; il prend une forme ovalaire et l’on voit bientôt apparaître un sillon per¬ pendiculaire à la direction du pédicule. Puis, les mêmes phénomènes se produisent. La surface antérieure s’aplatit, des cils très fins y appa¬ raissent, et les tentacules rentrent dans le plasma sur toute la partie JOURNAL DE MICROGRAPHIE 43 antérieure, tandis qu’ils restent étendus dans la portion qui demeure fixée sur le pédicule. La moitié antérieure se sépare par les progrès de rétranglement, elle prend une forme ovalaire, une vésicule con¬ tractile y apparaît en avant, des cils hérissent toute sa surface et l’animal entre dans une période de vie libre dont la durée varie de quelques minutes à une ou deux heures. Après quoi, il fait retour à la forme fixe par toutes les phases que nous avons indiquées : résorp¬ tion des cils vibratiles, apparition de tentacules rares, d’abord courts, s’allongeant ensuite, corps devenant globulaire, sécrétion d’un pédi¬ cule, et ranimai revient ainsi à la forme primitive et à la vie séden¬ taire. C’est ainsi que les choses se passent dans les espèces étudiées par Gienkowsky et Stein ; il en est de même chez le Podophrya libéra^ de Maupas, avec quelques légères variations. Cependant chez le P. fixa^ la partie destinée à se détacher et à devenir libre se couvre de cils vibratiles sur toute sa surface ; chez le P. libéra^ la ciliation se fait d’une manière un peu différente : les cils apparaissent, comme tou¬ jours, à la partie antérieure, mais ne s’étendent que sur une zone perpendiculaire au plan du sillon faisant le tour complet du corps. Ainsi, d’après la ciliation du jeune individu, on peut reconnaître le genre et même l’espèce auxquels il appartient. M. Maupas a fait une observation intéressante sur ces deux espèces. Il a reconnu que, même en dehors des époques de reproduction, le Podophrya libéra et le P. fixa peuvent se détacher spontanément de leur pédicule et passer de la vie sédentaire à la vie libre, sans se diviser, pendant plus ou moins longtemps, puis faire retour à la vie sédentaire en sécrétant un pédicule. En suivant les phénomènes qui marquent ce passage, il a vu que les mêmes phases que nous avons décrites pour la division, c’est-à-dire les modifications que subit la partie antérieure pour devenir germe libre, se produisent sur le corps tout entier de ranimai, qui se comporte ainsi comme une de ses moi¬ tiés quand il va se diviser. Un autre caractère différentiel des individus libres, c’est que, chez le Podophrya fixa^ l’animal qui a abandonné son pédicule rentre ses tentacules complètement, tandis que chez le P. libéra^ quelques extrémités de tentacules restent persistantes. Ce sont là des caractères différentiels quand on n’en a pas d’autres Une conclusion intéressante résulte de ces observations, c’est que, même dans l’état adulte, l’animal peut prendre des cils vibratiles et revêtir les caractères d’un Cilié, puis revenir à l’état d’Acinétinien. M. Maupas a consiiléré encore ce caractère comme servant à indiquer une parenté entre les Ciliés et les Acinétiniens. Ce retour à l’état Cilié est très fréquent, général même chez toutes les espèces qui vivent 44 JOURNAL DE MICROGRAPHIE parasites dans les Infusoires Ciliés. Celle ciliation leur sert pour pour¬ suivre leur proie. Destinés à attaquer les Infusoires Ciliés, qui sont des êtres extrêmement rapides, pour pouvoir les atteindre ils se revê¬ tent aussi de cils et, devenus très agiles eux-mêmes, ils peuvent se mettre à la poursuite de ces gros animaux aux dépens desquels ils vivent. Enfin, M. Fraipont a fait une observation analogue sur \ Acineta divisa qui peut mener une vie libre pendant plus ou moins longtemps, puis fait retour à l’état fixe. Ainsi, les cils vibratiles ne sont pas fapanage du jeune âge, caries adultes peuvent momentanément se revêtir de cils. Passons maintenant au second mode de propagation des Acinéti- niens, par la formation de gemmes ou bourgeons externes. Les premières observations relatives à cette gemmiparité externe sont dues à R. Hertwig, qui en a fait le sujet d’un travail très inté¬ ressant, non-seulement par cette découverte* elle-même, mais encore par les considérations générales que l’auteur y a ajoutées sur la repro¬ duction et l’organisation des Acinétiniens. [Morphologis. Jahrhuch de Gegenbaur, 1876). L’espèce observée par lui est le Podophrya gemmipara. A cette époque, on n’avait pas distingué les Podophrya des Hemiophrya : les premiers n’ont que des tentacules terminés par un bouton, des suçoirs, tandis que les seconds ont des suçoirs et des tentacules préhenseurs sans bouton ; le Podophrya gemmipara doit rentrer dans le genre Hemiophrya. Tous les Hemiophrya se reproduisent par des bourgeons externes, tandis que les Podophrya se multiplient par des bourgeons internes. VHemiophrya gemmipara est une grande et belle espèce trouvée par un auteur qui ne cherchait pas à l’étudier au point de vue de la reproduction, Lieberkühn, deMai’burg, dans le Grand Canal de Venise, en 1858. Il l’a décrite, en 1878, en traitant des « phénomènes de mouvement des cellules ; » il ne s’est donc pas préoccupé delà repro¬ duction, mais seulement de la structure et des mouvements des tenta¬ cules. Il avait indiqué déjà les deux sortes de tentacules. R. Hertwig a trouvé aussi cette espèce en grande quantité dans Pile d’Helgoland, sur des Polypes Hydraires qui en étaient quelquefois complètement cou¬ verts, à des profondeurs plus ou moins grandes. Enfin, M. Maupasl’a rencontrée dans la baie d’Alger, où elle est très commune, sur des Hydropolypes et même sur des Algues, à 20 ou 50 mètres de profon¬ deur. Ce serait donc une espèce cosmopolite et très répandue. L’animal est coloré en brun rouge par des granulations pigmen¬ taires très abondantes, phénomène assez fréquent chez les Acinéti¬ niens. Une particularité très remarquable de cet Hemiophrya est la^ JOURNAL DE MICROGRAPHIE 45 forme de son noyau très ramifié, et dont les ramifications se prolon¬ gent, pour la plupart, vers le bord antérieur du corps : c’est le prélude de la multiplication par bourgeons externes. En même temps que ces prolongements s’avancent ainsi vers la surface antérieure, on voit apparaître sur cette surface des protubérances en forme de mamelons produites par la cuticule et la substance de l’animal. Ces mamelons sont des bourgeons, tenant ainsi par une large base à l’organisme maternel, mais ils tendent à s’en séparer par l’étranglement de cette base. On voit un prolongement du noyau pénétrer dans chacun de ces bourgeons, et quand il y est entré profondément, il s’épaissit, se recourbe et commence à prendre la forme en fer k cheval qui carac¬ térise le noyau des jeunes individus. Il reste pendant un certain temps en communication avec la masse du noyau maternel par un filament qui devient de plus en plus fin, puis se rompt. Le noyau des bour¬ geons s’affranchit ainsi du noyau maternel, et de même les bourgeons s’affranchissent du plasma par la rupture du pédicule, de plus en plus étranglé, qui les retenait cà la mère ; et l’on a autant de petits individus libres, d’abord nus, mais qui- dans leurs dernières phases se recou¬ vrent de cils vibratiles et mènent alors une vie active et très volti¬ geante. L’embryon est un corps aplati, concave, en gouttière, avec un enfoncement longitudinal à la partie postérieure et comme un trou qui pénètre dans l’intérieur, excavation ciliée sur ses bords et que R. Hertwig considère comme une bouche, nouveau caractère qui rapprocherait ces êtres des Ciliés. Mais cet auteur est le seul qui ait signalé cette particularité et c’est un fait qui a besoin d’être encore vérifié. Après avoir vagabondé plus ou moins longtemps dans l’eau am¬ biante, l’embryon se fixe : ses cils se résorbent, des tentacules, d’abord rares et courts, apparaissent, augmentent et s’allongent ; l’animal sécrète un pédicule et se fixe par l’extrémité correspondant à cette espèce de bouche transitoire décrite par R. Hcrtwig. Puis, on voit sortir des tentacules préhenseurs, les premiers qui apparaissent, les suçoirs ne se forment que plus tard. L’animal a ainsi fait retour à la vie sédentaire et pris les caractères typiques de l'espèce. Telles sont les observations de R. Herlwig sur le bourgeonnement externe de VHemiophr.LEROY GO JOURNAL DE MICROGRAPHIE LA DIGESTION CHEZ LES RHIZOPODES Par M. GREENWOOD Un auteur anglais, M. Greenwood, vient de publier d’intéressantes recherches, par lui instituées, sur la digestion chez les Protozoaires. Les animaux étudiés par lui sont V Amaeha proteus Actinosphaerium Eichornn. Le résultat de ces recherches peut se résumer ainsi qu’il suit. Chez l’Amibe, l’ingestion des substances nutritives et non nutritives se fait d’une façon indifférente ; celle-ci ne fait aucun choix; elle absorbe aussi bien les matières minérales ou autres, insolubles, non alimentaires, que celles dont le pouvoir nourrissant est maximnm. Il faut remarquer cependant que l’absorption de bactéries est rare, bien que celles-ci aient été souvent abondantes dans le milieu occupé par l’Amibe en observation. Par contre, V Aciinosphaerium prend rarement à l’intérieur de son corps les matières non alimentaires avec lesquelles il se trouve en contact. L’introduction des substances dans l’organisme se fait de la façon que voici, pour l’Amibe. Celle-ci émet des pseudopodes vers la proie qu’ils encerclent latéralement pour se réunir derrière elle ; d’autres passent au-dessus et au-dessous, si bien que, si la proie offre quelque grosseur, l’Amibe forme un simple anneau très mince, muni de pseudopodes. Ceux-ci s’unissent autour de la proie, qui se trouve ainsi enfermée de toutes parts par la substance propre de l’Amibe. Les pseudopodes partent de l’extrémité postérieure du corps de celle-ci. Chez V Aciinosphaerium, les choses se [passent de la même façon, avec ou sans participation des pseudopodes filiformes. Même dans le cas où la proie est vivante et réussit à s’échapper , une fois que l’impulsion a été donnée aux pseudopodes, ceux-ci continuent leur mouvement; mais ils ne se réunissent pas les uns aux autres ; ils se rétractent lentement. Une fois que les matières étrangères ont pénétré dans le corps de l’animal, les phénomènes que l’on observe varient selon la nature de celles-ci. Si elles ne sont pas alimentaires, elles restent telles quelles, directement entourées par la substance propre du protozoaire. Si elles sont de nature à nourrir le protozoaire, elles s’entourent d’une couche liquide incolore que M. Greenwood considère comme un liquide digestif, et cette matière persiste jusqu’au moment où fine reste plus qu’un petit résidu insoluble : alors le liquide disparaît et se diffuse dans le. corps du protozoaire. Le temps de la digestion dure quelques heures (de 2 à 6), et l’expulsion du résidu se produit au bout d[un temps qui varie entre un et douze jours. Le résidu insoluble varie de nature et de quantité selon les matières ingérées, cela va de soi. Ni la chlorophylle (des algues), ni la chitine, ni les pigments ne sont attaqués par le fluide digestif. Le blanc d’œuf est généralement digéré. La chlorophylle subit cependant une certaine altération et devient brun foncé. M. Greenwood ne pense pas, d’après ses observations, que le liquide digestif contienne un acide quelconque. Dans quelques cas, la digestion des aliments est complète et il ne reste aucun résidu. Il ne semble pas que la matière alimentaire soit fragmentée dans la vacuole digestive ; elle reste ramassée, agglomérée ; quand il s’agit d’un infusoire à parois cellulosiques, la digestion se fait par pénétration du fluide à travers les parois. La vacuole digestive ne reste pas immobile ; elle se déplace sans cesse au contraire, se promenant dans toute la substance de l’Amibe. Elle n’est pas contractile. L’activité digestive paraît plus vive chez V Aciinosphaerium que chez l’Amibe. JOURNAL DE MICROGRAPHIE G1 Pour l’expulsion des résidus non digestibles, elle se fait, avons-nous dit, au bout d’un temps qui varie beaucoup. Chez l’Amibe, elle se fait par l’extrémité postérieure, avec où sans formation préalable d’une vacuole ; pour les corps non alimentaires, il n’y a pas de vacuole. Il y en a toujours chez V Actinos'phae- riiim (1). LA MICROGRAPHIE A L’EXPOSITION DE WIESRADE (2) Le Congrès annuel des naturalistes et médecins allemands qui vient d’avoir lieu à Wiesbade au mois de septembre 1887 a été l’occasion d’une exposition scientifique, remarquable à plus d’un titre. Elle avait été divisée en vingt sections. Deux d’entre elles offrent pour notre Société un intérêt particulier : la section consacrée à la photographie et celle qui, sous le nom de micrologiey comprenait tout ce qui a rapport au microscope et à ses accessoires. Il ne saurait être question de faire ici une analyse détaillée ou même une simple liste des objets exposés : cela nous entraînerait beaucoup trop loin et je n’ai d’ailleurs pas pu visiter l’exposition assez en détail pour entreprendre cette tâche. Je voudrais me borner à vous dire quelques mots de ce qui m’a le plus frappé, en m’excusant d’avance d’omettre une foule de choses inté¬ ressantes. La nouveauté à sensation en fait d’optique microscopique ce sont, vous le savez, les verres nouveaux que Schott et d’Iéna, fabriquent sous la direction du professeur Abbe. On les obtient par l’emploi d’acide phosphorique, d’acide borique et d’autres ingrédients dont on n’avait pas fait usage jusqu’ici. Ils sont extrêmement variés et présentent des combinaisons de forte réfringence et de faible dispersion, ou vice versa, que ne donnent ni les crowns, ni les flints ordinaires. Zeiss avait envoyé à Wiesbade la série complète des oculaires compensateurs et des objectifs apochromatiques qu’il construit avec ces verres. Je n’ai pas besoin devons rappeler leurs avantages, puisque notre Société, grâce à l’un de ses vice-présidents, a été des premières à pouvoir les apprécier (1). Constatons avec plaisir que les nouvelles sortes de verre sont déjà dans le commerce : c’est ainsi que Reichert, de Vienne, Powell et Lealand, de Londres, exposaient également des objectifs apochromatiques en verre d’Iéna. L’exacte coïncidence du foyer chimique avec le foyer optique rend surtout les nouvelles lentilles précieuses pour la microphotographie. Les épreuves qu’avait exposées M. Zeiss le démontrent ; vous pouvez, du reste, en juger vous-mêmes par celles qu’il a bien voulu me confier et que je vous présente ici. J’appelle votre attention sur des photographies d’insectes faiblement grossis et surtout de Pleurosigma à 500, à 600 et à 4,900 diamètres : pour la netteté, la finesse et l’étendue du champ utile, elles rivalisent avec ce que l’on a produit de mieux. (1) Revue Scientifique. (2) Bull. Soc. B. de Microscopie. 62 JOURNAL DE MICROGRAPHIE L’épreuve de \' Amphipleura esl aussi très belle, mais je ne sais si elle atteint la perfection des splendides ima^^es que notre collègue M. Van Ileurck nous en a adressées. Vous vous souvenez d’ailleurs que les clichés de M. Van Heurck, comme ceux de M. Francotte que nous avons pu admirer dans ces derniers temps, étaient obtenus avec les nouveaux objectifs de Zeiss. Lorsqu’il s’agit de publierdans un ouvragedes épreuves photomicrographiques, le simple tirage aux sels d’argent est à la fois trop lent, trop coûteux et trop peu durable et l’on doit avoir recours à l’un ou l’autre procédé de phototypie. Ces procédés ont pris, comme vous le savez, un grand développement en Allemagne, MM. Kühl et G‘®, de Francfort s/M., avaient exposé à Wiesbade d’excellentes reproductions phototypiques qu’ils ont eu l’obligeance de m’envoyer et que je suis heureux de mettre sous vos yeux. Un fait important dont j’ai pu me convaincre par l’examen de plusieurs de leurs clichés, c’est que la phototypie donne souvent des images notablement plus nettes que le négatif qui a servi de point de départ. Vous le constaterez notamment sur ces photographies du rein et des centres nerveux. En outre, il est facile de faire disparaître de l’image phototypique les traces de poussières, de bulles d’air et autres menus accidents dont l’épreuve directe n’est jamais exempte. Enfin, l’impression peut se faire en une couleur quelconque. Avant de quitter la micrographie, il me reste à vous citer quelques appareils envoyés à l’exposition et qui ne sont pas généralement connus ; le microscope de démonstration de Klonne et Müller (Berlin), dont la platine tournante peut recevoir huit préparations différentes, lesquelles viennent se présenter succes¬ sivement à l’observateur ; le microscope d’aquarium des mêmes constructeurs ; le « micromètre radial » du docteur Klaatsch (exécuté par Magen à Berlin), qui sert à mesurer et à dessiner exactement les objets circulaires et ovales (moelle, embryons, etc.) ; et le « périmicroscope » binoculaire du professeur Aubert, de Rostock, exécuté par Westien. Cet instrument peut être déplacé et fixé dans toutes les directions : il est toujours en équilibre. Il est destiné à examiner de tout côtés les objets solides, tels que les embryons, etc. Quant à mentionner tous les microtomes et autres accessoires qui s’alignaient sur les tables et s’étageaient derrière les vitrines de l’exposition, j’y renonce, d’autant plus que le principe de tous ces instruments vous est connu et que les perfectionnements » ou, pour ne rien préjuger, les nombreux changements de détail que l’on y apporte sans cesse, ne peuvent être appréciés que par un usage prolongé. Qu’il vous suffise de savoir qu’il y avait là une provision de condenseurs et de diaphragmes, de réflecteurs et d’écrans ; des platines tellement mobiles qu’on les dirait inventées par quelque ingénieux manchot, désireux de prouver que la main du micrographe est un meuble inutile ; des prismes de tous angles, des compresseurs, des bains pour les objets délicats, des cadres pour les envelopper doucement de paraffine, des pincettes pour les tenir sans les froisser, des ciseaux, des aiguilles, bref, cet attirail infiniment varié qui charge et surcharge la table de certains d’entre nous. Et vous savez qu’il n’y manque ni le carmin, ni les parfums de girofle ou de bergamote pour compléter la toilette de nos préparations. (1) P. Francotte, Bescriptions des objectifs construits avec les verres nouveaux. {Bull. Soc. belge de Microscopie du 31 juillet 1886) ; Abbe, TJeber Verb essor unqen des Mikroskops mit Hilfe neuer Arten optischen Glases. {Sitzungsb. ,Jena, Juli 1886). JOURNAL DE MICROGRAPHIE 63 La cristallogénie a plus d’un rapport avec les études rnicrographiques : comme celles-ci, elle s’attache à la structure intime des corps et elle va même plus loin, puisqu’elle cherche h saisir et à expliquer le groupement invisible de leurs particules. A ce point de vue, je dois vous signalerMes formes cristallines artificielles envoyées par la Société de physique de Breslau [Breslaiier physika- lischer Verein, sous la présidence de M. A. Anderssohn). Voici comment cette Société procède : On dispose d’une manière régulière un certain nombre de balles sphériques en plomb, égales entre elles, dans une grande capsule du même métal, que l’on referme ensuite et que l’on soumet de toutes parts à la pression uniforme de la presse hydraulique, jusqu'à ce qu’il ne reste plus aucun vide entre les sphères. Les sphères prennent ainsi la forme de cristaux à arêtes et à angles vifs, d’une surprenante perfection. Pour empêcher leur agglutination, on a soin de les recouvrir, avant l’opération, d’un enduit de graphite. Les formes exposées à Wiesbade, étaient le rhomboèdre, l’octaèdre à base carrée, le prisme hexagonal et le dodécaèdre rhomboïdal. La plupart des autres formes cristallines ont été réalisées d’une manière analogue, mais par l’emploi de sphères de grandeurs inégales. 11 serait prématuré de vouloir dire jusqu’à quel point ces expériences pourront servir à expliquer la genèse des cristaux; mais elles sont certainement intéres¬ santes et méritent d’être connues. Je ne serais pas à la hauteur de mon époque, si je ne vous avais pas rapporté de Wiesbade quelque microbe nouveau. Aussi n’y ai-je point manqué. Mais rassurez-vous ; ce microbe n’est pas méchant, il n’engendre ni le choléra, ni la tuberculose, ni même la rage. 11 s’agit simplement du bacille pjiosphorescent de la mer du Nord, découvert depuis peu. En voici une culture pure sur gélatine exposée par le docteur Hernies, directeur de l’aquarium de Berlin. A l’obscurité, ce bacille émet, comme vous pouvez le voir, une lueur très nette, qui a quelque ressemblance avec celle des sulfures alcalinoterreux employés pour fabriquer les porte allumettes phosphorescents. C’est surtout à la loupe, dans l’obscurité, qu’il est curieux d’observer la culture. Elle présente alors des lueurs intermit¬ tentes, un scintillement continuel ; elle est comme pailletée de points brillants : on dirait l’aspect télescopique d’une nébuleuse qui se résout en étoiles (1). Il existe plusieurs espèces de bactéries photogènes. Un article récent de F. Ludwig (2) auquel j’emprunte la plupart des renseignemeuts qui vont suivre, donne un excellent aperçu de l’état de nos connaissances sur ce sujet encore insuffisamment étudié. Depuis assez longtemps on connaissait de grands champignons phosphores¬ cents, surtout des agarics. Dans les pays chauds, leur nombre est considérable; le sud de l’Europe nous présente l’Aj/ancî^s olearius que l’on rencontre au pied des vieux oliviers ; parmi nos espèces indigènes, les rhizomorphes, qui sont les mycéliums de ÏAgaricus melleus, provoquent la phosphorescence du bois pourri, déjà observée par les Anciens et si souvent décrite depuis. Mais les bactéries lumineuses ne pouvaient être découvertes et étudiées qu’avec les microscopes puissants dont nous disposons aujourd’hui. Pflüger est le (1) La comparaison des lueurs phosphorescentes avec celle des nébuleuses n’est pas nouvelle : voy. par ex. Ciel et Terre, 1^=^ janvier 1884, p. 483. (2) Die bisheriyen Untersuchungen über pliotogene Baklerien, {Centralbl. für Bactériologie und Parasitenkunde, 1887, II, n° 13). JOURNAL DE MICROGRAPHIE 64 premier qui, en 1875, ait rapporté la phosphorescence fréquente des poissons de mer morts aux microcoques d’origine marine qui se développent à leur surface. Il montra que le mucus lumineux recueilli sur ces poissons perd sa phospho¬ rescence par une filtration à travers du papier d’impressien épais, qui retient les microcoques et devient lumineux à son tour. L’espèce observée par Plïüger reçut plus tard les noms de Micrococcus phospho^ reus Gohn, il/, lucens V. Tieghem, M. Pflûgeri Ludwig. A côté de la phosphorescence des poissons morts, il faut citer la phospho¬ rescence des viandes de boucherie. Nüesch et Lassar ont étudié ce phénomène curieux qui ne se présente que de temps en temps, sporadiquement : (Padoue, 1492 ; Montpellier, 1Ô41 ; Berne et Heidelberg, 1868 ; etc.). Tous deux concluent qu’il est du à des microcoques, auxquels Nüesch a donné le nom de Bacterium lucens. Ludwig a fait voir ensuite que ce microbe n’est autre que celui de Pflüger et que l’on produit facilement la phosphorescence de la viande en y transplantant le microcoque des poissons de mer. Il a également cultivé cet organisme dans de la gélatine alcaline, avec peptone et jus de viande (« Fleischpeptonnàhrgelatine » ) ; une addition de sel marin est utile. D’après sa description, les amas gélatineux du Micrococcus phosphoreus sont formés de cellules arrondies, nettement limitées, relativement grosses, parfois isolées, le plus souvent réunies en chapelets ou en bandes de plusieurs rangs, Le microbe doit arriver sans doute par transport fortuit des marchés au poisson chez les bouchers, ce qui expli({uerait la rareté de la viande lumineuse. Mentionnons pour mémoire une forme marine filamenteuse phosphorescente, observée vers 1830 par Meyen dans les parties tropicales de FOcéan Atlantique et qu’il appelle une « oscillaire incolore, très petite. » Comme l’a supposé Zopf, il s’agit probablement d’un Beggiatoa ; mais cet organisme demanderait a être étudié à nouveau. Enfin, tout récemment, la liste des bactéries photogènes s’est enrichie de deux espèces ; le Bacillus phosphorescens que Fischer a trouvé dans la mer, près des côtes américaines, et qui forme des bâtonnets courts, arrondis aux deux bouts, ressemblant un peu au bacille-virgule du choléra ; et le Bacterium phosphores- cens de Hermes que vous avez ici sous les yeux et qui provient de la mer du Nord. Il est plus court et plus gros que le bacille de Fischer, ne liquéfie point la géla¬ tine comme celui-là et émet une lueur à reflets plus verdâtres (1). (A suivre). (1) Hermes, Sitzungsb. der Gesellsch. naturforsch. Freunde zu Berlin, 1887, n“ A* Le Gérant: Jules Pelletan Fils. Amiens — Inipriuierie Rousseau-Leroy, Douzième année No 5 25 Février 1888, JOURNAL t é DE MICROGRAPHIE sommaire; I Le mécanisme de la sécrétion {suite), leçon faites au Collège de France, par le prof L. Ranvier. — Cristatella Mucedo, par le prof. J. Kuinstler. — Microscope et Télescope, parM. J. C, Houzeau. — Des lois mathématiques et mécaniques régis¬ sant la distribiiliou des prismes de l’Email, par le A. Eternod. — Structure anatomique des Muscles des Mollusques, par le prof. H. Fol. — Notes Médicales : un nouveau galactogène, lettre par le A. Vignes fils. — La Micrographie à l’Ex¬ position de Wieshade, en 1887, (fin), parM. L. Errera. — Bibliographie. — Les Diatomées de Luchon et des Pyrénées, par M. E. Belloc. — Avis divers. TRAVAUX ORIGINAUX LE MÉCANISME DE LA SECRÉTION Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le professeur L. Ranvier. [Suite) (1) Nous avons vu comment on peut exciter le nerf sécrétoire de la glande rétrolinguale du Cochon d’Inde, pour déterminer la sécrétion et les modifications caractéristiques chez cette glande. Je ne suis arrivé à cette expérience si simple qiRaprès une série de recherches et de tâtonnements, qui m’ont demandé beaucoup de temps et de patience. Le problème de trouver une glande acineuse muqueuse pure, dont on pourrait exciter le nerf secrétoire, m’a conduit à refaire l’anatomie (1). Voir Journal de Micrographie, T. X, Xi cl T. XU p. 33. 66 JOURNAL DE MICROGRAPHIE comparée des glandes salivaires des Mamniféres, et je vous ai rendu compte d’une partie des recherches que j’ai faites dans cette direction. Il a fallu ensuite analyser avec plus de soin qu’on ne l’a fait jusqu’à présent l’appareil nerveux sur lequel je voulais agir expérimenta¬ lement. Vous avez vu à quels résultats m’ont mené ces recherches, et que j’ai du renoncer à exciter directement le filet nerveux de la glande rétrolinguale du Cochon d’Inde. Mais en portant l’excitation sur le canal de cette glande ou les deux canaux réunis de la rétrolinguale et de la sous maxillaire, je suis arrivé à exciter les nerfs sécrétoires. Vous avez vu quelles précautions nous avons dû prendre pour, tout en excitant le nerf sécrétoire, ne pas arrêter le cours de la salive et gêner l’excrétion. C’était là le danger. Vous vous rappelez à l’aide de quel artifice il nous a été possible de réaliser notre expérience. Examinons maintenant les résultats. Je vous ai dit à quoi on reconnaissait que l’excitation a été, d’abord réelle, puis suffisante, et comment on pouvait apprécier que les canaux n’étaient pas comprimés par la petite pince électrique. Il peut survenir des accidents. D’abord, il faut avoir soin de ne pas dénuder les glandes, et pratiquer l’incision de façon que le bord corresponde seulement aux canaux excréteurs, au niveau de l’insertion tendineuse du digastrique. Si les glandes sont a nu, sous l’influence du refroi¬ dissement et du traumatisme, il se produit des modifications dans la circulation de la glande qui changent singulièrement les données de l’expérience. D’ailleurs, c’est un fait reconnu et que j'ai observé dès 1868, que quand une glande salivaire excitée est mise à découvert, elle est le siège d’un œdème souvent considérable. Cela n’est pas sans influence sur la circulation capillaire de cette glande. Il faut avoir soin aussi de ne pas intéresser des vaisseaux impor¬ tants appartenant à la glande, ce qui troublerait la circulation. Ensuite, si l’on n’opère pas avec tous les ménagements nécessaires, il peut se faire, pour la grande rétrolinguale surtout, une apoplexie de cette petite glande : elle devient très rouge, et comme dans tous les organes atteints d’une apoplexie totale, la circulation s’y arrête. C’est là l’accident le plus grave de l’expérience et il l’entrave absolument : il faut alors opérer sur un autre animal. Depuis l’an dernier jusqu’à ces jours derniers, j’ai fait un grand nombre de fois cette expérience, au moins dix fois, et l’excitation a duré depuis i l/:2 jusqu’à 6 heures. Je suis arrivé à cette conclusion qu’au bout de ‘2 heures d’excitation du nerf sécrétoire, on obtient des modifications des éléments de la glande, suffisantes pour en faire la preuve d’une manière nette et démonstrative. Vous savez que dans des expériences de ce genre il faut toujours JOURNAL DE MICROGRAPHIE 67 suivre la méthode comparative et rigoureusement comparative : recueillir les deux glandes chez le même animal, la glande- excitée et celle de l’autre côté qui est restée au repos, employer les mêmes méthodes de préparation et examiner les mêmes régions des glandes. — C’est indispensable. .l’ai employé deux procédés : l’alcool et l’acide osmique. La moitié de la glande a été mise dans l’alcool et l’autre moitié dans l’acide osmique ; la même chose a été faite pour la glande de l’autre côté. L’expérience ayant fini vers ô ou 0 heures du soir, le lendemain, à (S heures, on a fait les préparations. On a fait des coupes minces qu’on a colôrées par le picrocarminate d’ammoniaque et on a substitué la glycérine. Examinons d’abord la glande normale. .Te l’ai déjà décrite grosso modo, mais je dois ajouter quelques détails importants. Une coupe de la glande montre les culs de sacs coupés suivant différentes orien¬ tations : perpendiculairement à leur axe, suivant l’axe, et plus eu moins obliquement. Ils sont bourgeonnants et, par conséquent, ils ont, même sur des sections perpendiculaires à leur axe, des diamètres variables, car quand un cul de sac se bifurque, il présente au point de bifurcation un plus grand diamètre que les culs de sacs terminaux. Dans la glande normale, les cellules muqueuses appliquées exactement les unes sur les autres, comblent la lumière des culs de sacs, lumière qui ^n’existe qu’à l’état virtuel; mais jamais, quand la dissociation a été faite après l’action de l’acide osmique, dans l’alcool au tiers ou dans le sérum iodé, jamais on ne voit au fond des culs de sac tubulés rien qui ressemble à des croissants de Gianuzzi, rien qui rappelle les cellules granuleuses qu’on observe, par exemple, dans le rétro linguale du Rat. Les cellules muqueuses sont soudées les unes aux autres d’une manière très solide et bien plus que dans la sublinguale du Chien, aussi le sérum iodé est-il le meilleur réactif dissociateur qu’on puisse employer, parce qu’à mesure que son action se prolonge, en prenant les précautions sur lesquelles j’ai insisté si souvent, la séparation des éléments se complète et on arrive à faire des dissociations bien plus difficiles qu’avec l’alcool au tiers. Quand ces cellules sont isolées, on constate que la plupart ne [)résentent pas le prolongement caudal des glandes muqueuses ou caliciformes des glandes muqueuses, en gé¬ néral, et en particulier de la sous-maxillaire du Chien. Quelquefois on voit un de ces prolongements, mais très court; le plus souvent, la cellule a une forme très régulière et, au fond, se trouve le noyau refoulé par l’accumulation du mucigène dans une petite lame de protoplasma très mince. Ainsi, la disposition n’est pas la même que 68 JOURNAL DE MICROGRAPHIE dans la sous-maxillaire du Chien, où le noyau est refoulé dans le prolongement caudal des cellules. Pour le moment, je laisse de côté les canaux excréteurs de la rétro- linguale du Cochon d’Inde, la structure des cellules striées, etc., j’y reviendrai à propos d’autres glandes. Cependant, je dois vous parler encore de l’enveloppe des culs de sac, c’est très important et même très nécessîdre pour interpréter les phénomènes qu’on observe après l’excitation. Dans différentes glandes acineuses, F. Boll a trouvé que la mem¬ brane propre des culs de sac n’était pas simple, mais que sous l’influence des liquides dissociateurs, l’acide chrômique dilué, le sérum iodé, etc., cette membrane se résolvait en cellules réticulées, présentant des prolongements s’anastomosant les unes avec les autres, de manière à former ce qu’il appelait les cellules en panier. Il avait même supposé, ayant de la peine à expliquer les formes bizarres de ces cellules, qu’elles envoyaient des prolongements entre les cellules muqueuses ou granuleuses. Il est revenu, d’ailleurs, sur cette dernière supposition. On a beaucoup discuté, en effet, sur la forme et la constitution même de ces cellules, surtout sur la constitution de la membrane propre, pour savoir si cette membrane était formée uniquement par les cellules en panier ou par d’autres éléments encore. Ces cellules sont parfaitement définies par ce mot « en panier. » Soudées entr’elles pour limiter les culs de sac, elles ne les ferment pas d’une manière complète. Gomme elles sont réticulées, entre leurs prolongements sont des trous qui laissent passer facilement le plasma existant entre les culs de sac grandulaires. Et, cependant, en exami¬ nant le pancréas, certains histologistes, Heidenhainen particulier, font remarquer que les culs de sac du pancréas, placés dans Peau, laissent passer l’eau au-dessous de la membrane propre. Cette membrane ne présente donc pas de trous, car il n’y a pas d’action endosmotique avec des trous ; il faut une membrane complète dont les pores soient plus petits que ceux du réticulum des cellules en panier. Enfin, récemment, quelque temps après que j’ai publié mes recherches sur les glandes sudoripares et montré ces éléments musculaires si curieux qui se trouvent au-dessous de la membrane propre et qui y sont fixés par des crêtes longitudinales, et sont des éléments épithéliaux, Unna a pensé que les cellules en panier de F. Boll devaient corres¬ pondre aux éléments musculaires des glandes sudoripares de l’homme et des Mammifères. Il n’a pas de recherches spéciales ; c’est une idée qu’il a eue et il a publié une petite note sur cette idée. A priori je ne rejette jamais ni une expérience, ni une conception, et, bien qu’on JOURNAL DE MICROGRAPHIE 69 puissse avoir à la douzaine des idées comme celle-là, il ne faut pas les repousser dès l’abord. J’ai donc du reprendre l’élude de ces cellules et les examiner avec plus de soin. J’ai pensé que cette glande rétrolinguale du Cochon d’Inde, de même que la glande sublinguale du même animal, étant des glandes sans croissants de Gianuzzi, l’isolement des cellules eu panier devait se faire plus facilement que dans les glandes granuleuses et dans les glandes muqueuses ayant au fond de leurs culs de sac des cellules granuleuses. Il n’y a dans ces glandes que des cellules muqueuses et des cellules eu panier, point de cellules granuleuses qui pourraient se confondre avec les autres. Voici donc comment on opère. On met un fragment de la glande dans le sérum iodé faible ; le lendemain, le sérum est décoloré, l’iode s’étant porté sur les tissus : on ajoute une goutte de sérum iodé fort de manière à rendre au liquide sa teinte ambrée primitive. On fait de même tous les jours ou tous les deux jours, parce que toutes les substances dissociatrices à une dose sont durcissantes à une autre dose : il faut ici coaguler l’albumine protoplasmique et ne pas durcir l’albumine qui se trouve dans le ciment intercellulaire. — Après l’action du sérum iodé, on isole très facilement les cellules en panier de Boll ; elles sont très nombreuses et relativement épaisses. Elles présentent un caractère frappant. Colorées par le picrocarminate, elles sont toujours en forme d’arc quand on les voit de profil, épaisses au centre ; elles paraissent constituées par une substance réfringente qui, par le picrocarminate, prend une coloration orangée. Le noyau n’est pas situé dans l’inté¬ rieur de la cellule, mais toujours dans la concavité de l’arc et dans la partie épaisse saillante. Cette concavité correspond à la surface du cul de sac glandulaire, c’est donc la face interne de la cellule. On voit que cette cellule n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Comparez maintenant cette cellule avec les cellules musculaires des glandes que nous avons pu isoler, non pas les cellules musculaires des glandes sudoripares de l’Homme et des Mamnifères, mais celles des glandes séreuses de la peau de la Grenouille, cellules dont, avec Engelmann, nous avons pu reconnaître la contraction, naturellement ou artificiellement ; cellules qui se contractent à la manière des fibres musculaires lisses. Je vous ai montré que ces cellules, vues de profil, se présentent aussi en forme d’arc, qu’elles contiennent un noyau logé dans une masse de protoplasma et occupant toujours la face interno^de la cellule ; que, vues de face, elles ont des prolongements variables comme forme et comme étendue ; mais je n’ai pas vu de réticulation. Toutefois, il y a certainement un très grand rapport de formes et de propriétés bisto-cbimiques entre les cellules en panier de 70 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Roll et les cellules iniisciilaires des glandes utriculaires séreuses de la peau de la Grenouille. Mais il ne suffit pas d’un rapprochement de ce genre pour appuyer l’idée à prioii d’Unna. Il n’est ])as démontré que les cellules en panier de Boll se contractent : il faut faire de4 expériences pour établir qu’elles sont contractiles, autrement la conception du savant viennois, ' relativement à ces cellules, restera toujours à l’état d’hypothèse vague. Voyons maintenant les modifications qui se sont produites dans la glande rétroiinguale du Cochon d’Inde par l’excitation de ses nerfs pendant deux heures. La préparation est faite par l’alcool, colorée par le picrocarrninate et montée dans la glycérine. — Les deux glandes sont traitées de même. — La glande du côté excité est beaucoup plus rouge, et l’on constate que cette coloration est certainement due aux noyaux. et au protoplasma qui sont plus étendus. Dans la glande normale, non excitée, les noyaux sont refoulés vers la membrane basale et appa¬ raissent sous la forme de masses aplaties contre la membrane. Dans la glande excitée, les noyaux sont sphériques et occupent dans chaque cellule une place relativement considérable. Dans la première, le protoplasina est à peine marqué, dans la seconde il s’est accru et s’est élevé dans l’intérieur de la cellule avec le noyau. C’est là ce que l’on constate « en gros, » mais pour faire une analyse en détail, il vaut mieux employer les préparations à l’acide osmique. Le durcissement est opéré sur de ])etits fragments, puis on fait des coupes, on les colore par le picrocarrninate et on monte dans la glycérine. On voit alors les détails avec la plus grande netteté. Mais je TOUS conseille' de faire des préparations par les deux procédés ; celles à l’alcool sont plus frappantes parceque la coloration s’y fait mieux qu’après l’action de l’acide osmique. Mais pour examiner à un fort grossissement et bien étudier les détails, les préparations à l’acide osmique sont supérieures. D’abord, en même temps qu’ils sont fixés, les éléments sont rendus rigides, ils sont métallisés pour ainsi dire, de sorte que dans les coupes ils restent mieux chacun à leur place et que si, par e::emple, on fait agir l’eau on n’en a pas de mauvais effets, tandis que dans les préparations à l’alcool il se produit des modifications considérables. Le premier fait que vous reconnaitrez, c’est que dans la glande normale la lumière glandulaire est virtuelle, tandis que dans la glande excitée pendant ^2 heures la lumière est réelle et très accusée, bien que nous ayons pris toutes les précautions pour ne pas comprimer les canaux excréteurs : il y a eu nécessairement une gêne, et une gêne d’autant plus marquée que l’issue du liquide est plus considérable JOURNAL DE MICROGRAPHIE 71 qu'il ne l’est jamais clans les conditions physiologiques. Par con¬ séquent, il se fait dans chaque cul de sac une pression suffisante pour amener une légère dilatation de la lumière glandulaire. Les cellules sont moins hautes du coté excité que du côté opposé. Cela se comprend, mais cette diminution de hauteur ne tient pas seulement au refoulement, elle vient aussi de ce que les cellules ont perdu une partie du matériel qu’elles contenaient. Le noyau a été refoulé à la base de la cellule, s’est accru et le protoplasma qui l’entoure s’est augmenté. Je me suis demandé si malgré la dilatation de la lumière des culs de sac sous l’influence de l’accumulation du matériel sécrété, ces culs de sac n’étaient pas en réalité plus petits J’ai prié M. Malassez, qui s’est beaucoup occupé depuis quelques années de l’exactitude des dessins faits à la chambre claire, de copier rapidement, mais exacte¬ ment, les deux glandes dans des régions à peu près semblables, et ce sont là des dessins rigoureusement exacts. Au point de vue des culs de sacs, il n’y a pas une très grande différence si on les mesure. Mais il y a une différence véritable qui porte sur la perte du matériel et qui correspond au moins au calibre de la lumière glandulaire dilatée. Je crois que la perte est plus grande encore et que Fhyper- trophie du noyau et du protoplasma ne compense pas la perte du mucus concret ou miicigène qui était accumulé dans les celiules. Vous le voyez, les résultats que vous donne cette expérience si simple sur une glande muqueuse pure, la glande rétrolinguale du Cochon d’Inde, sont absolument nets. Nous avons eu une sécrétion abondante de mucus, que nous avons constatée puisque le liquide sécrété a dù s’écouler au dehors, la dilatation de la lumière glandu¬ laire ne suffisant pas à l’absorber. Nous avons vu aussi que cette glande ne contient aucunes cellules qu’on puisse considérer comme des cellules de remplacement ; par conséquent, la théorie de la sécrétion qui repose sur l’existence de ces cellules est une théorie fausse, ou, tout au moins, incomplète, puisque des glandes mu¬ queuses sans cellules de remplacement peuvent sécréter du mucus. — Et, de plus, nous pouvons déterminer les modifications que produit dans ces glandes une sécrétion prolongée : nous recon¬ naissons que ces modiücations sont les memes que celles qui se pi'o- duisent dans les glandes muqueuses unicellulaires ou celiules calici- ciformes, par exemple dans l’œsophage do la Grenouille, dans les glandes muqueuses utriculaires simples des Batraciens, dans les glandes muqueuses utriculaires composées des Oiseaux. Maintenant, il se présente une question : lorsque dans les culs de sacs d’une glande muqueuse, on observe ces cellules granuleuses 72 JOURNAL DE MICROGRAPHIE disposées en croissant ou en coin, comme dans la glande rétrolin- guale du Rat, sont-elles des cellules de remplacement? Il faut retourner la question : ne sont-elles pas des cellules granu¬ leuses comme il s’en trouve dans certaines glandes ? Vous avez vu que la morphologie nous répond déjà d’une manière assez nette, puisque dans l’œsophage des Batraciens, du Crapaud, par exemple, des coupes longitudinales, s’étendant du pharynx à l’estomac, montrent des glandes muqueuses pures avec quelques cellules granuleuses, puis à mesure qu’on se rapproche de l’estomac, de plus en plus des cellules granuleuses, à côté des cellules muqueuses, et enfin au voisinage même de l’estomac, plus de cellules muqueuses du tout et rien que des cellules granuleuses. On a ainsi tous les intermédiaires permettant d’assister à la transformation d’une glande muqueuse en glande granuleuse. Mais cela ne suffit pas. La solution d’une question physiologique ne peut pas reposer sur la morphologie pure. Je suis disciple de Magendie, sans cependant accepter dans toute leur rigueur les con¬ clusions de ce grand physiologiste, pas plus que je ne puis accepter la manière de voir, à ce sujet, de ses élèves et de mon maître Claude Bernard. J’admets un rapport très étroit entre la forme et la fonction, je vous l’ai dit souvent, je n’y reviendrai pas, mais je vous ai dit aussi que quand on ne peut pas saisir le rapport de la forme et de la fonction, c’est qu’on ne connaît pas assez l’une ou l’autre. Cela dit, nous devons, avant de rien juger relativement au méca¬ nisme de la sécrétion dans les glandes muqueuses mixtes, faire des expériences sur toutes ces glandes mixtes. La plus simple, à mon sens, est la rétrolinguale du Rat commun. On y trouve le plus souvent, au fond des culs de sac, une seule cellule granuleuse en forme de coin. — L’expérience est très facile. La première chose à faire, c’est d’im¬ mobiliser complètement l’animal. Je n’emploie pas le même appareil pour le Rat que pour le Cochon d’Inde ; ce dernier est un animal doux, mais le Rat n’est pas commode. L’animal immobilisé, on pratique à peu près au milieu de l’espace entre l’angle de la mâchoire inférieure et la symphyse, une incision d’environ 1 centimètre 1/2. On rencontre des ganglions lymphatiques et des veines, c’est là la grande difficulté. Avec les crochets, on passe sur la face interne du ptérygoïdien interne et on rencontre le digas¬ trique. C’est là que l’on peut observer les deux conduits réunis. On passe les crochets en-dessous et on commence l’excitation. On voit alors se produire une salivation abondante et, quoique l’animal avale continuellement pour se débarrasser de la salive, il s’en écoule encore au dehors. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 73 On pourrait supposer à priori que quand on excite les nerfs d’une des glandes, il peut y avoir une action retlexe sur l’autre glande. Chez le Kat, on peut extirper les glandes sous-maxillaire et rétro- linguale d’un côté et ou agit sur le colé op[)Osé. On enlève d’abord les glandes destinées à servir de témoin, et l’on excite celle de l’autre côté. De cette manière les résultats sont pariaitement nets. (A suivre). CRTSTATELLA MUCEDO (/). Dans les colonies de cristatelles placées dans des solutions de 10 0/0 d’iiydrate de chloral, les individus se rétractent d’abord, puis s’étendent de nouveau, et deviennent insensibles ; on peut alors les fixer par le sublimé corrosif. Xu bout de dix minutes de séjour dans ce dernier réactif, on les lave une demi-heure dans l’eau et on peut les conser¬ ver dans l’accool. Le carmin boraté, additionné d’un peu d’acide acé¬ tique, est le meilleur colorant ; après sou action, on lave avec de l’al¬ cool à 70», mélangé de quelques gouttes d’acide chlorhydrique. Il est préférable de ne colorer les coupes que sur le porte-objet. Les individus sont logés dans un disque charnu, mou, d’environ 0 — 4 mm. de largeur et de i — o cm. de longueur; ils y Sont disposés en ordre régulier, et forment, de chaque côté de la ligne médiane, 2 ou 5 rangées parallèles ; le lophophore de chacun est dirigé vers le millieu. Les plus rapprochés de la ligne médiane sont plus âgés que les externes qui ne sont souvent guère que des bourgeons. Le disque ou pied a la forme d’une sole plate, comparable comme aspect à celle d’un Mollusque, et sert à transporter la colonie d’un en¬ droit à un autre ; c’est une sorte d’organe locomoteur commun. Il s’y trouve des cloisons verticales longitudinales, séparant les séries d’indi¬ vidus les unesdeï> autres et formant des bandes longitudinales qui, elles- mêmes, sont divisées par des septums transversaux, situés entre les différents individus. La sole est ainsi subdivisée en compartiments, sur chacun desquels s’élève un tube vertical, très-mince et très- llexible, correspondant à l'endocyste des autres Bryoxoaires, dénomi¬ nation vicieuse, car la Gristatelle n’ayant rien d’analogue à l’ectocyste des Bryoxoaires marins, la couche molle ne correspoml qu’imparfai- (1) Max Verworn, Zeitsch. /. tLws. Zool. 1887. 74 JOURNAL DE MICROGRAPHIE temont à Pendocyste. Ou appelle, en effet, ectocyste une portion de /'endocyste transformée en une enveloppe solide dans laquelle l’être peut se rétracter. La Cristatelle est ime. Le tube saillant ne forme aucun pli comparable à ce qui se voit à la base de la gaine tentacu¬ laire des formes marines, et, par le fait, les muscles pariéto-vagi- naux n’existent pas. Le lopbophore, en forme de fer à cheval, montre de chaque côté de ses bras des tentacules ciliés, au nombre de 80 à 00, présentant tout autour de leur base une, fine membrane intertentaculaire transparente. L’épistome surmonte la bouche; derrière celle-ci ^‘{nwXimj^harynx dont la paroi fait immédiatement suite à la face inférieure de l’épis¬ tome. L’œsophage est séparé de l’intestin par une valvule annulaire, qui peut se projeter dans l’estomac en forme de cône, ou, inverse¬ ment, se retourner vers le haut. L’estomac montre des plis longitu¬ dinaux internes ; il est environ h fois plus long que le pharynx et l’oesophage réunis ; de sa région moyenne naît le rectum. Celui-ci remonte et va déboucher au-dessous du lophophore. La cavité générale est ciliée ; elle contient le système musculaire, composé de deux groupes, le premier constituant au corps, une tunique musculaii’e le deuxième, formé de muscles libres, séparés de la paroi (lu corps. Le système génital n’est constitué que par un filament mince, le fiinicule. Le système nerveux consiste en un ganglion réni- forme, d’où partent deux nerfs pour les bras du lophophore. Ce ganglion est situé sur le côté de la paroi du pharynx correspondant à l’anus, immédiatement au- dessous de l’épistôme ; son hyle est dirigé du côté du pharynx. Il ne forme pas, ainsi qu’on le décrit pour d’autres iophopodes, un collier œsophagien; aussi l’existence de celui-ci est-elle rendue douteuse parce fait. Verworna de plus étudié la structure histologique de cet animal. La paroi du disque commun consiste entrois couches, une externe, ectodermique, une couche musculaire, et un épithélium, probable¬ ment mésodermique; ces trois couches se rencontrent chez tous les Hryoroaires d’eau douce. Selon toute probabilité, la couche cellu¬ laire externe dérive de l’ectoblaste, le revêtement interne de la cavité du corps du mésoblaste, et l’épithélium interne du tube digestif, de l’entoblaste. La couche ectodermique consiste, à la face libre du disque pé¬ dieux, en une seule couche de grosses cellules vésiculaires, possé¬ dant un noyau pariétal et peu de protoplasma autour; la grande masse de la vésicule cellulaire est remplie d’une masse tram^parente, claire, muqueuse. Cette couche de cellules mmjiieuses qui repose sur JOURNAL DE MICROGRAPHIE 75 une membrane sans structure est morphologiquement équivalente aux cellules ectodermique (pii, chez les autres bryozoaires, forment Fectocyste. A la face inférieure du disque pédieux, entre des cellules vésiculeuses analogues aux précédentes, il y a encore de longues cellules cylindriques, glandulaires, qui possèdent des bases élargies juxtaposées inférieurement. Il existe par ce fait une mince couche re¬ couvrant toute la face inférieure de la sole ; cette couche présente de fins pores qui permettent au mucus des cellules sécrétrices de s’é¬ chapper. Ce mince revêtement excrète constamment une substance chitineuse, qui forme au-dessous du pied une couche transparente, ténue, jaunâtre, facilitant la locomotion par la production d’une sur¬ face lisse, et que l’on peut détacher lorsque Fanimal a passé. Sous Fectoderme se trouve une mince membrane anhyste, le sépa¬ rant de la couche musculaire. Celle-ci est formée de deux couches de fibres, Fune externe, à libres longitudinales et présentant toute la longueur de la colonie, Fautre interne, à fibres transversales. Puis vient la couche épithéliale mésodermique. C’est un épithélium plat, très-mince, présentant des cils très- courts et, par conséquent, peu visibles. Les subdivisions de la sole sont entièrement tapissées par lui ; chaque septum est formé d’une membrane de soutien hyaline de chaque c()té de laquelle se trouvent des libres musculaires verticales et tapissées intérieurement par cet épithélium aplati. Le tégument de chaque individu n’est que la continuation de celui de la face supérieure de la sole. On y distingue aussi trois couches ; mais la plus superficielle est modifiée, ses cellules étant plates, dé¬ pourvues de mucosité. Les autres couches sont identiques à ce qui a été vu précédemment. Le lophophore lui-méme présente une struc¬ ture identique, de même que les tentacules qui ne sont que des éva¬ ginations des cavités du lophophore. La coupe d’une corne du lophophore est à peu près semi-circulaire, à face plane supérieure et à convexité dirigée vers le bas. La surface [)lane [irésente, le long de ses deux bords, un repli proéminent vers le haut; le bord de ce bourrelet, dirigé vers le milieu du liras, est ondulé, plissé, et ceci d’autant plus que le point considéré est plus élevé. Ce [U’ocessus continuant, les ondulations finissent par ne plus être partie intégrante des bourrelets et forment des cylindres creux, enfièrement libres, qui ne sont autre chose que les tentacules ciliés. La paroi du tube digestif est aussi formée de trois couches. A l’intérieur se voit Féi)ithélium entodermique, [m\s vient la couche musculaire, revêtue extérieurement par F(>pilhélium mésodermique. L’é- l)ithélium cilié de l’épislùme se continue directement avec Fépihélium 76 JOURNAL DE MICROGRAPHIE du pharynx qui est cylindrique. L’œsophage présente à peu prés le diamètre et la longueur du pharynx; ses cellules ctiangent brusque¬ ment d’aspect et se distinguent nettement de celles du pharynx, quoiqu’elles en aient encore la forme générale. Mais elles ne portent plus de cils, et leurs extrémités, proéminant dans la cavité œsopha¬ gienne, sont sombres, granuleuses et arrondies ; les noyaux sont rejetés à la base. La cavité de l’estomac est étoilée, ce qui tient à la présence de bourrelets longitudinaux dûs à l’existence de cellules fortement allon¬ gées suivant des lignes verticales ; il n’y a donc pas de véritables plis longitudinaux. Ces cellules n’ont qu’un seul noyau à leur base, et cependant, de même d’ailleurs que celles de l’œsophage, elles sont généralement divisées en 2 ou 5 parties par des cloisons trans¬ versales ; leur extrémité libi e est sombre, présentant beaucoup de granulations. Elles produisent un mucus qui englobe les matières alimentaires et constitue avec elles une sorte de bouillie. Le rectum présente une cavité circulaire, et ses cellules sont toutes semblables ; elles sont encore cylindriques, quoique moins allongées, à extrémité interne sombre, et noyau basilaire, et cloisonnées. La cavité du corps communique avec l’extérieur par les organes segmentaires. Une coupe, passant à travers la base de l’épistome, montre deux tubes ciliés accolés, situés au fond de l’échancrure du lophophore, entre les deux bras, en face des deux derniers tentacules. Ce sont deux conduits tellement courts qu’on peut à peine les qualifier de canaux, s’unissent extérieurement en un seul conduit, et débou¬ chent par leurs bouts distincts dans la cavité du corps ; leur épithé¬ lium cilié se continue avec celui de la cavité générale. C’est chez les Endoproctes, où il existe deux organes de ce genre bien plus déve¬ loppés, que l’on a établi d’abord leur homologie avec les organes seg¬ mentaires des vers; chez les Bryozoaires marins, il n’y a qu’un seul de ces tubes; chez la Cristatelle il est bifurqué; il paraît donc pro¬ bable qn’originairement ces organes sont simples. Le ganglion nerveux est formé de cellules à assez gros noyaux ; il est l’ecouvert par la membrane mésodermique ; mais celle-ci ne se prolonge pas entre le pharynx et le ganglion, de telle sorte qu’il semble s’étre développé par invagination aux dépens de la paroi di¬ gestive. De là, le pharynx doit probablement être considéré comme une formation ectodermique, et l’entoderme ne commencerait qu’à l’œsophage, en concordance avec les différences histologiques déjà mentionnées. Le ganglion est l’origine de fibres qui, en deux fais¬ ceaux, se rendent aux bras du lophophore, et, entre elles, se trouvent logées des cellules. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 77 L’appareil reproducleur n’est constitué que par le funicule. La structure de ce cordon rappelle celle de tous les tissus de la Grista- telle. A l’intérieur, on trouve un prolongement cylindrique de la membrane homogène qui dans les téguments soutient les muscles, cordon qui est entouré d’une couche unique de cellules mésoder¬ miques fusiformes, allongées. L’axe est creux. On n’y recontre pas de libres musculaires. Le funicule développe les éléments reproducteurs, dont certains, les statoblastes^ présenient des caractères fort remarquables. Pour les anciens auteurs, les statoblastes sont des bourgeons qui - deviennent libres. Pour Vogtet Jung, ce sont des Ijourgeons qui ont la constitution d’œufs ; chez la Plumatella repens^ ils ont vu les stato¬ blastes sous l’aspect de renflements plats, recouverts d’un épithélium et formés de protoplasma, en quelque sorte nuageux, non constitué pai’ des cellules. En résumé, tout le monde les a pris pour des bourgeons. Le funicule n’est formé que d'une seule couche cellulaire. Pour constituer un bourgeon, il faut au moins deux couches de cellules, et tous les auteurs n’ont vu dans les statoblastes qu’un assemblage d’une seule sorte de cellules. Il n’existe que deux modes de retnm- duction des êtres, le bourgeonnement, pour lequel au moins deux feuillets entrent en jeu et la reproduction par œuf, toujours due à une cellule unique. Le développement des statoblastes dél)ute par une multiplication des noyaux des cellules du funicule au i)oint où il se produiront. Peu de noyaux se divisent tout d’abord. Puis le processus s’étend. Il se produit un renflement au centre duquel se voient bientôt deux cellules plus grosses, qui ne paraissent pouvoir provenir que de la division d’une cellule unique primitive; elles ont les caractères des sphères de segmentation, et sont grosses, à grands noyaux, munis de nucléoles très-réfringents. Extérieurement, elles sont entourées par la masse des cellules funiculaires. Selon toute probabilité, Tiuie de ces cellules s’est placée au centre, dans le canal, et les autres lui ont formé un follicule. Puis on voit quatre , sphères de segmentation, et finalement une morule pleine, sans cavité de segmentation. Après que cette momie a atteint certaines dimensions, on voit apparaître une petite surface plus claire, ordinairement perpendiculaire à Taxe longitudinal du funicule et située près du pôle supérieur; il se forme là une feule, au-dessus de laquelle les cellules se disposent en une couche unique de cellules cylindriques. Au-dessous de cette fente, se constitue une couche cellulaire plus plate. Le statoblaste montre donc deux régions, l’une supérieure, l’autre inférieure, qui est une masse cellaiaire 78 JOURNAL DE MICROGRAPHIE confuse; il s’élargit |)1 ns latéralement qn’il ne s’allonge et s’aplatit en disque. La fente se recourbe à ses deux cotés vers le bas et tend à entourer la masse. A ce stade commence la foianation de la capsule cbitineuse. A l’inté¬ rieur de la fente, les cellules cylindriques supérieures forment une déli¬ cate lamelle de chitine, qui s’épaissit de plus en plus, en même tem[)s qu’elles perdent leur caractère d’épithélium cylindrique et deviennent déplus en plus plates. Cet épithélium, par les progrès de son accrois¬ sement, finit par atteindre le bord inférieur du statoblaste, et se recourbe, à la face ventrale, vers le milieu. Tout autour de la circon¬ férence supérieure du statoblaste, se développe un bourrelet (diiti- neux, sorte d’anneau horizontal ; puis un deuxième, équatorial et parallèle, enfin un troisième, le long du bord inférieur. Ensuite, aux points où ces anneaux se sont produits, les cellules de la couche épithéliale périphérique se multiplient de telle sorte que celles de la face supérieure débordent celles qui sont situées plus bas, et entre les deux couches ainsi formées se développe une lamelle chitineuse en continuation avec l’anneau supérieur. Au niveau de l’anneau équa¬ torial un phénomène analogue se produit, et même aussi, mais moins accentué, au niveau de l’anneau inférieur, de manière que - l’épithélium cylindrique forme trois replis, deux latéraux et un infé¬ rieur. Alors les cellules situées entre les lamelles supérieure et moyenne, s’entourent tout entières d’une couche de chitine. Le bourrelet inférieur produit des prolongements cylindriques qui vont dépasser les cellules chitinisées latérales et se rendre aux deux pôles latéraux où ils prennent la forme d’ancres et constituent ainsi une couronne de crochets. La couche de cellules limitantes externes, qui a fini par entourer complètement la masse centrale, se chitinise sur les faces cellulaires latérales ; les éléments protoplasmiques de toutes ces cellules disparaissent, et les capsules chitineuses persistent seules. Il y a ainsi des logettes vides, formant un anneau natatoire équa¬ torial, et les faces supérieure et inférieure, dont les cellules ne se sont solidifiées que sur les côtés, sont couvertes de sculptures, de champs [)olygonaux, d’alvéoles non closes à leur extrémité périphérique. La masse cellulaire centrale s’organise pendant tout ce développe¬ ment ; ses noyaux perdent leurs nucléoles, et se disposent par grou¬ pes en forme de lobes, séparés par des espaces clairs, et le stato¬ blaste passe ainsi l’hiver, entouré par le follicule funiculaire. Au printemps, l’ectoderme du jeune être se développe aux dépens de la couche interne de l’épithélium cylindrique primitif, et du méso¬ derme de la masse centrale. Ces derniers phénomènes de développe¬ ment sont encore obscurs et imparfaitement étudiés. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 79 Les slatoblastes se développent dans le fnnicnle, quand les sper¬ matozoïdes sont déjà éliminés; ils ne sont donc i)as fécondés. Il peut s’en produire plusieurs ; les premiers l'ormés sont toujours les plus élevés dans le funicule. La conclusion du travail qui précède est que les slatoblastes sont des œufs d’hiver partbénogénétiques, qui, à l’opposé des œufs fé¬ condés, se présentent attachés au fnnicnle pendant une grande partie de leur développement. J. Kunstler, Professeur-adj . à la Faculté des Sciences de Bordeaux. MICROSCOPE ET TÉLESCOPE (l) L’invention simultanée du microscope et du télescope est venue agrandir, dans une proportion immense, le champ des recherches scientifiques. Il n’y a pas, dans toute la durée de l’histoire, une autre invention qui, dans la sphère des faits matériels, ait eu pareille portée. La poudre à tirer a élargi d’une manière inattendue le cercle de l’action individuelle. C’est elle qui a permis à Corlez et à ses quatre cents hommes de mettre en déroute des armées qui étaient contre lui dans le rapport de 100 contre 1. L’invention de la poudre est, dans Tordre strictement matériel, le premier triomphe éclatant de la science appliquée, de la science moderne. Mais il faut constater qu’elle avait un caractère essentiellement destructif. Elle appartenait aux arts delà guerre, qui dans notre enfance sociale priment les arts de la paix. La seconde invention qui, toujours dans le monde matériel, a produit une révolution profonde, appartenait aux arts utiles. C’est celle de la machine à vapeur, qui a étendu dans une mesure prodigieuse nos forces industrielles. C’était une addition d’énergie qui équivalait à fa création de millions de tra¬ vailleurs. Lesmachinesà vapeur en action dans les pays civilisés, représentent le travail de dix ou douze fois les individus mâles et adultes qui entrent dans la population du globe. C’était gagner en force non pourtant en intelligence. xMais après ces deux inventions, Tune de la guerre, l’autre de l’industrie, il en est venu une, appartenant à la science, celle du microscope et du téles¬ cope, qui n’a pas eu de parallèle dans l’histoire pour l’étendue et les consé¬ quences de ses résultats matériels. Au delà du monde perceptible par nos sens, il y avait, en bas et en haut, une sorte d’enveloppe immense, qui pendant des milliers d’années avait échappé aux regards de l’homme. Au delà des bornes du visible, soit dans le petit, soit dans le grand, il y avait comme une seconde (1) Conférence donnée le 19 février 18^7. {Bull. Soc. b. de Micr.) 80 JOURNAL DE MICROGRAPHIE sphère, plus vaste que celle où tant de générations avaient vécu, qui était restée jusque là un domaine impénétrable. Un jour, grâce à ce que j’appellerai ces yeux nouveaux dont l’homme sut se doter, ce monde précédemment ignoré s’est révélé à nous. Et l’on sait s’il renfermait assez de sujets d’étonnement et de merveilles ! Vue ainsi, dans son éclat, la double invention du microscope et du téles¬ cope a quelque chose de soudain. Cependant tout n’était pas absolument nou¬ veau, dans cette grande et merveilleuse extension du sens de la vue. L’homme primitif n’a pas pu rester étranger à certains faits de grossissement des objets qui s’offraient pour ainsi dire d’eux-mêmes à son attention. Lorsque j’habitais les Antilles, j’ai remarqué un jour un noir, apporté de sa terre natale d’Afrique avant la suppression de l’esclavage, par conséquent un sauvage, qui regardait, à travers une goutte de rosée, un moucheron marchant sur une feuille. C’était une observation occasionnelle, sans intention, l’effet du hasard ; mais ce n’en était pas moins une observation, et ce hasard a dû se renouveler dans certaines circonstances. L’homme primitif ne pouvait donc pas ignorer complètement le pouvoir grossissant des gouttes d’eau. Ce pouvoir est si bien sous notre main et à notre disposition continuelle, qu’à défaut de lentille le voyageur y recourt lorsqu’il désire examiner un objet en détail. On fait dans une carte un trou rond de 2 ou 3 milîimètres de diamètre, et l’on y insère une goutte d’eau, bombée sur ses deux surfaces : c’est une loupe. On sait même que ce moyen sert non seulement à grossir les objets qu’on l’egarde à travers la goutte, mais encore mieux à grossir ceux, tels que les infusoires, qui sont dans la goutte même. Le grossissement dans ce cas est encore plus fort, par la raison que l’image est d’abord amplifiée par réflexion sur la surface concave de la goutte, puis ensuite par réfraction. Dans une sphérule d’eau le grossissement est 3 1/3 fois pour les objets intérieurs ; dans une sphérule de verre ce rapport est de 2 1/4. Les premiers microsco- pistes, Leeuwenhoek entre autres, n’ont souvent employé que ce moyen, pour étudier les organismes qui nagent dans différents liquides. Ils regardaient directement, sans autre appareil, une très petite goutte de vinaigre, de bière, de vin, d’eau croupie, suspendue à la pointe d’une aiguille. L’homme des sociétés primitives a donc pu, accidentellement, être témoin de faits de grossissement. Il a pu avoir fort anciennement l’idée de la loupe ou lentille simple. Ce qui le prouve, c’est que dans une très haute antiquité, avant que le verre fût connu,' on avait songé à tailler des lentilles de quartz, malgré les difficultés de celte opération. Ainsi, dans le tumulusdeBirs-Nimroud, prés de Ninive, dont l’ancienneté est maintenant de plus de quatre mille ans, on a trouvé une lentille de quartz qui n’était pas trop mal formée. On a pu recon¬ naître qu’elle avait été exécutée non par les procédés que nous suivons aujour¬ d’hui, mais en la taillant sur la meule, comme nos lapidaires font des pierres fines. Etait-elle vraiment destinée à accroître le pouvoir de la vue? Il est per¬ mis de répondre affirmativement à cette question, par la raison qu’on trouve dans ces ruines des objets trop fins pour avoir été exécutés sans moyens auxi¬ liaires. Tels sont par exemple certains cylindres d’ivoire, gravés d’images et particulièrement de figures géométriques tellement délicates, qu’il aurait été JOURNAL DE MICROGRAPHIE 81 impossible de les tracer sans pouvoir grossissant. Chez les Grecs, il a fallu également une loupe à Callicratès, s’il est vrai, comme le rapporte Plutarque, qu’il ait réussi à graver plusieurs vers d’Homère sur un grain de millet. Mais c’étaient là des exemples tout à fait isolés. Les lentilles n’étaient pas alors des objets usuels, comme le sont aujourd’hui nos verres de loupes. Il n’y avait que de rares artistes qui s’en servaient. Même après que le verre fut bien connu, l’usage des lentilles demeura encore, pendant bien des siècles, exclusivement restreint à des spécialistes isolés. On ne doit pas s’en étonner dans un temps où l’emploi même de celte substance pour les vitres des fenêtres était absolument exceptionnel. A Pompéi on n’a trouvé de ces vitres que dans une maison seulement, et l’on a pu voir qu’on ne savait pas alors les souffler pour les étendre ensuite, mais qu’on les produisait par le procédé plus grossier du coulage. Il faut arriver au xii® et même au xiii® siècle, pour voir les vitres, les lentilles, les miroirs de vein e étamé, entrer dans le domaine général. Si donc on n’ignorait pas complètement les effets des lentilles, on n’en con¬ naissait pas d’application régulière. Il arrivait aux Romains, lorsqu’ils avaient besoin d’éclairer fortement, un objet T de mettre entre cet objet et la lampe une boule de verre remplie d’eau, comme le faisaient encore il n’y a pas longtemps nos dentelières. Damien fils d’Héliodorus disait dans son Optique, écrite au VIII® siècle, que les rayons du soleil, concentrés par ces boules, sont capables d’enflammer les petits objets combustibles. Mais c’est seulement dans la se¬ conde moitié du xii® siècle, qu’on commença à se servir des lunettes placées sur le nez, pour corriger les défauts de la vue. Nous avons de cette époque et du commencement du siècle suivant, différentes relations qui en font mention. Pour désigner les premières besicles on avait un mol de la mauvaise latinité du moyen âge, bustula. Une lettre de Jean, abbé de Beaugerais, en Touraine à Gaufroy sous-prieur de Sainte-Barbe en Normandie, qui n’est pas datée, mais qu’on peut placer sans erreur notable à 1166, contient la plus ancienne mention relative à cet objet. Gaufroy avait envoyé à l’abbé une missive par un porteur. L’abbé dit dans sa réponse : « aussitôt que j’ai vu votre messager, saisissant mes lunettes [biistulam arripiens), non seulement j’ai lu et relu avidement, mais je n’ai pu m’empêcher d’écrire. » A la fin du xni® siècle il y avait, au moins dans les villes, nombre de myopes et de presbytes qui se servaient de besicles. Mais cette application des entilles ne remonte pas plus haut que la seconde moitié du xii® siècle. Le smaragdus ou émeraude de Néron, que cet empereur mettait devant un œil pour regarder les représentations du théâtre ou du cirque, n’était pas une lentille, mais un simple protecteur de la vue employé pour sa couleur verte. Les détails qu’en donnent Pline et surtout Isidore de Séville nous permettent d’être positifs à cet égard . L’emploi des lentilles comme loupes était si peu familier aux investigateurs, même après l’invention des besicles, qu’encore en 1539, lorsque Rucellai voulut suivre de plus près les travaux des abeilles, il eut recours à un miroir grossissant et non à une lentille de verre. Cependant, si les usages des lentilles ne s’étaient pas multipliés, quelques JOURNAL DE MICROGRAPHIE 82 hommes d’élucle n’avaient pas été sans s’occuper des effets qu’elles pouvaient produire. Avant de faire l’objet d’une construction positive et pratique, les combinaisons de lentilles par couples avaient été envisagées par les théori¬ ciens. Ces spéculations remontent jusqu’au célèbre Hoger Bacon qui, au xiiu siècle, a décrit fort exactement ce qu’il faudrait faire pour obtenir legros~ si.ssement d’objets, qu’on regarderait à travers deux lentilles convenablement disposées. Plus tard Frascastoro indiqua comment on pourrait faire de fortes besicles à l’aide de deux lentilles concaves. Puis, à partir du milieu du xvi® siècle, les descriptions sont venues de plusieurs côtés en peu de temps. Porta et Gabeo en Italie, Dee et Léonard Digges en Angleterre, Kepler en Allemagne, ont parlé comme Bacon du grossissement des objets à l’aide de deux verres. Kepler joignait même à son texte, dans ses Paralipomena^ qui sont de 1604, une figure, où l’on voit deux lentilles, l’une convexe, l’autre concave, sur un axe commun. Mais tout cela restait purement spéculatif ; aucun de ces théoriciens, après avoir établi le principe, n’avait réalisé son idée. C’était pour eux un simple exercice de raisonnement, dont les liommes d’étude ne songeaient pas encore à tirer parti. Il paraît seulement qu’un amateur, dont le nom est demeuré in¬ connu, avait présenté au pape Léon X, dans le premier quart du xvu siècle, un spécimen d’instrument grossissant. Les curieux purent voir pendant quelque temps, dans les collections pontificales, cet exemplaire unique et acci¬ dentel d’un télescoqe anticipé. Ils étaient frappés un instant 'd’apercevoir les objets plus grands et avec plus de détails. Mais ils passaient outre et l’instru¬ ment disparut sans que personne en ait soupçonné la valeur. Il en fut de cette pièce curieuse comme il en a été souvent de tant d’autres, de la boussole par exemple : l’heure de l’appréciation scientifique n’était pas venue. La prétention que le télescope h lentilles ait été connu des anciens n’est pas plus soutenable que celle de leur connaissance du microscope. Certains érudits se sont laissé tromper à cet égard, par des images de manuscrits, dans les¬ quelles on voit des astronomes qui regardent les astres à travers un tube. Mais le tube, vide et par conséquent sans verres, était simplement le moyen de fixer la ligne de visée. Ce moyen était le procédé qu’on eût pu alors ap¬ peler classique, lorsqu’il s’agissait de faire des observations précises. Les astronomes du moyen âge se servaient de semblables tuyaux, et l’on connaît une de.scription de celui employé par Gerbert, plus tard pape sous le nom de Sylvestre II, lorsqu’il observait la latitude de Magdebourg. Les Arabes faisaient usage de tubes pour viser aux astres. Les Persans, les Hindoux, les Chinois, en appliquaient à leurs instruments. Non seulement le tube conduit la vue et concentre l’attention sur l’objet lointain à examiner, mais en écartant la lumière latérale il donne plus de distinction à cet objet. Les anciens le savaient. Aristote, Polybe, Strabon, en parlent plus ou moins directement. D’après une tradition qui paraît remonter aux temps mérovingiens, César, lorsqu’il médi¬ tait sa descente en Angleterre, examinait à travers un tube, du haut du cap Gris-Nez, la côte opposée. Mais ce qui est fort curieux, c’est que l’usage du tuyau, du pseudo-télescope ou télescope sans verres, était répandu parmi les Indiens du Nouveau Continent, JOURNAL DE MICROGRAPHIE 83 Les collections archéologiques des États-Unis renferment de nombreux: exemplaires de cet inléressant objet. On les trouve dans les fameux monts artificiels ou tumuliis de la grande vallée du Mississipi. Le premier qu’on ait découvert, il y a maintenant plus de quarante ans, provenait de l’ouest de la Virginie. Ce sont des bâtons de sléatite ou silicate de magnésie, généralement plus longs que la main, et gros comme le pouce. Ce minéral étant facile à travailler, on perçait le bâton, dans toute sa longueur, d’un trou dans le(piel on pouvait introduire le bout du petit doigt. Mais à l’extrémité de.stinéeàs’ap- pliijuer à l’oeil, le Idiu se rétrécissait subitement, et l’ouverture de ce coté n’élail pas plus grande que la pupille. Le pseudo- télescope n’était pas borné d’ailleurs à l’Amérique du Nord ; l’usage en était connu dans le continent du Sud, bien au delà de l’équateur. 11 y a de ces tubes jusque dans les sépultures du Lérou. On avait d’abord mis en doute qu’ils fussent de véritables tubes de visée. Ce pouvait être, disait-on, des sarbacanes. Mais les doutes sont levés par une petite statuette d’argent, trouvée dans une sépulture indienne près de Coroco, dans la Bolivie, qui est maintenant conservée à Londres. Le sujet tient dans la main droite le masque d'un visage humain, et dans la gauche un tuyau percé de part en part, un peu conique, et dont la partie étroite est placée sur l’œil gauche. Ce qui est encore plus digne d’attention, c’est que la direction du tube est en montant, comme s’il s’agissait de regarder un objet céleste. Si la goutte d’eau était le microscope du sauvage, le tube sans verres élait, comme en le voit, son télescope. Dans l’antiquité, la catoplrique avait fait plus de progrès que la dioptrique, peut-être à cause de la rareté du verre. Le métal, qu’on travaillait avec beau¬ coup d’babileté, se prêtait à la construction des miroirs. Nous avons vu tout à l’heure que Bucellai, dans la première moitié du xvu siècle, recourait à un miroir et non à une lentille pour étudier les petits objets. Dès les beaux temps de la Grèce classique, on faisait usage dans les temples du miroir concave elliptique pour faire apparaître les dieux. Ce miroir donne une image aérienne au second foyer de l’ellipse, que l’on pouvait éloigner, dans des conditions pratiques, de huit ou dix mètres du miroir. On disposait celui-ci derrière l’autel, et l’on y faisait réfléchir l’image d’un sujet vivant placé dans une ouver¬ ture de la crypte. Tout était calculé pour former l’image aérienne au-dessus de 1 autel ; mais aussi longtemps qu’il n’y avait pas d’écran pour la recevoir, elle demeurait invisible. Or l’écran, c’était la fumée des offrandes qu’on brûlait sur l’autel. Le personnage, homme ou femme, se peignait alors d’une manière ondulante, incorporelle, aux yeux de l’assistance étonnée. Les gestes du mo¬ dèle étaient fidèlement reproduits. C’était ainsi que Maxime avait fait rire l’image d'Hécate. Au moyen âge, les pi'opriélés du miroir elliptique conti¬ nuaient à être mises à profit par ceux qui donnaient des séances de magie, et Benvenuto Cellini a pu encore assister à une de ces séances, dont il nous a laissé une inléressante description. Il semble que le miroir concave ail aussi été employé (luelquefois, par les anciens, dans un but de télescopie. Ainsi il y avait, sur le célèbre phare d’Alexandrie, un appareil dans lequel on voyait, selonla tradition, les vaisseaux plus grands et avec plus de détails. Quelques historiens l’ont fait remonter 84 JOURNAL DE MICROGRAPHIE jüsqu’à Alexandre, mais il est plus probable qu’il était d’origine arabe ou au moins orientale, parce qu’on le disait fait de métal chinois. A l’époque où tout l’Orient était en guerre, on s’en servait assidûment pour épier le caractère des vaisseaux qui s’approchaient du port. Il a péri, d’après Benjamin de Tudela, dans la destruction même du phare qui a suivi de près la conquête de l’Égypte par les Arabes, sous le règne du premier calife du nom de \S’alid. Il paraît que cet instrument avait la forme d’un tambour à un seul fond, et qu’on y regardait en tournant le dos aux vaisseaux qu’on voulait reconnaître. Il n’y avait pas d’oculaire; mais à cette différence près, l’instrument aurait pu être comparé au télescope front view de William Herschel, dans lequel l’observateur tourne aussi le dos aux objets, pour regarder dans le miroir qui en réfléchit rimage Ce qui jette un certain jour .sin- la nalui’e de cet instrument, c’est le miroir tout à fait analogue :di .se trouve sur une tour à Raguse d’Illyrie, pour examiner la mer, et qui existait encore au xv!*" siècle. Il avait aussi la forme d’un boisseau ou d’un (amîjoui' à un seul fond, et l’on y regardait, comme à Alexandrie, en tournant le do.s aux objets à considérer. Malgré toutes les re¬ cherches, il a été impossible de découvrir ce que ce miroir était devenu. Ajoutons que dans le Talmud, on trouve au p’’ et au ip siècle de notre ère, la mention d’un appareil, au moyen duquel on voyait plus distinctement les vais¬ seaux, à la distance de deux mille coudées, soit un kilomètre. Mais ces divers instruments n’avaient jamais constitué des outils scientifiques C’étaient des appareils exceptionnels, d’un usage essentiellement limité. Il semble qu’ils aient été provoqués par les besoins de la défense maritime, les arts de la gueiTe, qui devancent presque invariablement les arts de la paix. Ceux qui les avaient construits n’y voyaient qu’un but restreint et bien défini : ils ignoraient ce que leurs appareils tenaient en réserve. Preuve nouvelle que la science seule est féconde, et qu’au point de vue des conquêtes de l’intelli¬ gence, les oeuvres delà guerre, si près qu’elles soient du but, sont mort-nées. Pour trouver le télescope et le microscope scientifiques, ces instruments qui ont tant étendu le domaine de nos sens, il fallait une autre classe d’hommes. Les miroirs-vedettes d’Alexandrie et de Raguse avaient existé pendant plusieurs siècles, entre les mains des garde-côtes, sans rien produii e. Mais le jour où le télescope fut manié par Galilée, par Scheiner, par Simon Marius, par Fontana, par Huygens, quelle ne fut pas la récolte ? Le jour où le microscope fut entre fes mains de Leeuwenhoek, de Malpighi, de Robert Hooke, de SNvammerdam, de Hartsoeker, de Ruysch, quelle sphère nouvelle n’ouvrit- il pas à nos regards ? Quelle émotion dût être celle de ces pionniers, lorsque, les premiei's, ils pénétrèrent dans un monde où jusque là l’œil d’aucun mortel n’avait porté ! Quel dût être leur étonnement aux choses nouvelles, inattendues, souvent incompréhensibles au premier abord, qui s’offraient à leurs constatations! Que ce rôle était grand, et comme les hommes illustres dont je viens de citer les noms en appréciaient bien l’importance et la gran¬ deur ! C’est à la fin du xvi® siècle que le microscope elle télescope ont paru défini¬ tivement. Par une circonstance faite pour étonner, car elle a quelque chose de JOURNAL DE MICROGRAPHIE 85 tout à fait extraordinaire, ils sont sortis du même berceau, à la même époque, et suivant quelques-uns la même année. Tous les deux nous sont venus de la petite ville de Middelbourg en Zélande, et tous les deux de la boutique d’un lunettier. Leurs origines sont mêlées dans une véritable confusion, tellement que les historiens attribuent tantôt le microscope, tantôt le télescope, à l’un ou à l’autre des inventeurs. Leurs efforts pour faire la part exacte de chacun sont lestés jusqu’ici sans succès. Pour augmenter les difficultés, les mots de microscope et de télescope n’existant pas encore, les écrits du temps appli¬ quaient arbitrairement et indifféremment à ces deux instruments, en latin les noms de conspicilliim ou perspicillum^ et en italien occhiale ou oc- chialine. Mais la confusion disparait, et l’histoire de cette invention s’éclaire d’un jour soudain, lorsqu’on réfléchit qu’à l’origine, dans les proportions modestes où ils étaient construits, et avec leurs faibles grossissements, les deux instruments n’en faisaient en réalité qu’un seul. Ce sont deux variétés d’une même cons¬ truction. Nous les séparons pour les appliquer à des situations entièrement différentes. Mais si nous envisagions l’instrument dans ses plus humbles con¬ ditions, c’est-à-dire réduit à de petites proportions et à des grossissements très faibles, comme il était dans son enfance, nous verrions que le même outil, le même appareil, serait à la fois, et à notre volonté, télescope et microscope. Prenons deux lentilles. Tune convexe de quelques décimètres de longueur focale, l’autre d’un foyer plus court, et appliquons-les aux extrémités d’un tube dont le tirage soit facultatif. La lentille du foyer le plus long servira d’ob¬ jectif, et l’autre d’oculaire. Il sera facile de régler un pareil instrument sur les objets éloignés, de manière à les apercevoir distinctement : ce sera un petit télescope. Si maintenant, au lieu de vjser des objets lointains, tels que la lune ou les arbres de l’horizon, nous choisissons des objets de plus en plus rap¬ prochés, il faudra, pour conserver la netteté des images, augmenter le tirage à mesure que le point visé sera plus près de nous. Le tube aura donc à s’al¬ longer progressivement, et quand nous arriverons à examiner des objets placés tout près de l’objectif, sa longueur sera devenue double ou plus que double de ce qu’elle était primitivement, suivant la nature de l’oculaire em¬ ployé. Cependant les images conserveront leur netteté, et le même instrument qui venait de nous servir de télescope sera transformé en microscope. Cette transformation n’était qu’une question de tirage ; et pour des appareils de quelques décimètres seulement de longueur, ce changement de tirage n’est pas un obstacle. Si l’on reconnaît donc que l’instrument, à son début, et .dans ses formes toutes restreintes, pouvait se prêter, suivant les cas, aux deux usages, l’obs¬ curité, les contradictions qui entouraient l’invention du merveilleux appareil, disparaissent d’elles -mêmes. Un jour de l’année 1590, un jeune garçon, Zacharias Jansen, vulgairement Janszoon, fils d’un lunettier de Midelbourg, jouait avec des verres de la boutique de son père. Il en tenait un dans chaque main, et les plaçant l’un devant l’autre les écartait à volonté pour voir l’effet produit. Tout d’un coup il aperçut à travers ses deux verres le coq du clocher sous des dimensions plus fortes qu’il ne le voyait à l’œil nu. C’était le télés- 8G JOURNAL DE MICROGRAPHIE cope, puisqu’il s’agissait d’un objet éloigné. G’élait le télescope que nous nommons « de Galilée, » et que l’on appela longtemps « batave, » du lieu de son origine; car si l’image eut été renversée, un fait si nouveau aurait indubitable¬ ment frappé le jeune homme plus encore que le grossissement de l’objet, et on nous l’aurait conservé. Le père, le lunettier Jansen, s’empara de ce trait de hasard, et se mit à ex¬ périmenter d’après les données de cette observation fortuite. Il voulut faire de la combinaison de lentilles trouvée par son fds un instrument pratique. Il travailla probablement dans le cabinet, et s’attacha à la vision des objets qui l’entouraient de plus près, car l’appareil qui, après un certain temps d’incu¬ bation, sortit de ses mains, fut un microscope, le premier microscope com¬ posé. Il n’y a pas de doute possible à cet égard. Drebbel, qui s’était fixé à Londres, mais qui était hollandais d’origine, conservait parmi ses collections un exemplaire authentique des produits de Jansen. Le tube avait 45 centi¬ mètres de longueur, et c’était si bien le dispositif découvert par le jeune Za- charias, que ce premier microscope composé était formé d’un objectif convexe et d’un oculaire concave. Mais Jansen avait été longtemps à parfaire son invention, et celle-ci fut ensuite lente à se répandre. Le xvii^ siècle était commencé lorsque le micros¬ cope fut généralement connu. On voit par les Ragguagli di Parnasso de Boccalini, imprimés en 1012, qu’à cttle date l’instrument s’était introduit en Italie. Ce fut cette même année que Galilée envoya au roi Sigismond de Pologne, un de ces appareils qu’il avait construit de ses mains. En 1021 Drebbel se servait couramment du microscope. Jansen, en tournant son attention vers le grossissement des objets voisins, avait laissé échapper l’application de cette combinaison de verres aux objets éloignés. Mais .ses essais n’avaient pu manquer de transpirer. Un autre lunet¬ tier de Middelbourg, allemand d’origine, Lippershey, par abréviation Laprey, s’était mis à suivre cette voie un peu différente. Gomme il partait de la même observation première, l’instrument auquel il arriva fut aussi composé d’un objectif convexe et d’un oculaire concave. Seulement la longueur du tube était réglée pour voir les objets éloignés : c’était un télescope. Il est intéressant de remarquer que ses lentilles étaient de quartz, comme celle de l’antique Ninive. Il avait également fallu à Lippershey un temps d’incubation. Mais il finit par se trouver satisfait du ré.sullat auquel il était parvenu, et alors il s’adressa, le 2 octobre 1008, aux états généraux bataves, à l’effet de demander un brevet qui garantit ses droits d’auteur. Les états examinèrent le spécimen qu’il pré¬ sentait et trouvèrent l’invention méritoire ; toutefois il parut insuffisant, presque dérisoire, de se réduire h l’usage d’un œil seul. Pour répondre à celle critique, Lippershey envoya, le 15 décembre suivant, un télescope binocle. Mais dans l’intervalle, Adriaanszoon, dont le véritable nom était Jakob Melius, fils d’Adrien Metius inspecteur général des forteresses de Hollande et bien connu dans l’histoire des mathématiques, avait présenté de son côté une de¬ mande de brevet, fondée sur une question de priorité. Il établissait par des témoignages, entre autres par celui de Maurice de Nassau, que depuis deux ans déjà il était arrivé à de premiers résultats. Dans cet état de la question. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 87 les états généraux, ayant repris l’alTaire le 13 février 1609, jugèrent que l’iii- ventioh n’avait plus de caractère personnel, qu’elle était tombée dans le domaine public, et ils refusèrent de la breveter. Dès ce moment, en eiïel, de petits téléscopes, provenant de divers opticiens hollandais, se vendaient comme objets de curiosité en Allemagne et en France ; au printemps de cette année on en voyait chez un orfèvre de Bruxelles. J. C. Houzeau. à suivre. Ane. directeur de l’Observatoire de Bruxelles. DES LOIS MATHÉMATIQUES RÉGISSANT LA DISTRIBUTION DES PRISMES DE L’ÉMAIL (1). Messieurs, L’union intime de la science et de la pratique peut seule donner des résul¬ tats sérieux et complets. C’est dans cette idée que je viens vous présenter ici aujourd’hui les résul¬ tats que j’ai obtenus en soumettant les prismes de l’émail à une investigation serrée, au point de vue de leur distribution et de leur agencement. Vous connaissez tous la structure de l’émail dentaire, composé de longs bâtonnets onduleux et accolés ensemble d’une manière intime. Aussi je n’insiste pas. Ce n’est, du reste, pas là le sujet qui nous occupe maintenant. Je voudrais attirer votre attention seulement sur les rapports topogra¬ phiques les prismes adamantins affectent entre eux. J’ai pu me convaincre, et j’enseigne dans mes cours depuis tantôt cinq ans, que l’émail est construit suivant les règles de la statique. Ces règles, vous le savez, ont été démontrées depuis longtemps par le professeur Meyer (2) de Zurich, pour la substance osseuse. Grâce aux recherches de Meyer, de Julius Wolff (3) et d’autres, il a été prouvé qu’il y a une unité admirable dans l’agencement des trabécules et de la substance compacte des os ; que toute la substance osseuse obéit aux lois étudiées, — puis appliquées aux consfruc- tions en fer, — par le professeur Culman. Les viaducs de chemin de fer, les ponts, les voûtes en fer, les colonnes creuses sont construits d’après les lois de la statistique établies par le savant professeur de l’Ecole polytechnique fédérale. S’inspirant de ces lois, Meyer avait appliqué à l’anatomie les belles re¬ cherches de sou collègue Culmann. Quand un objet est soumis à une pression, la statique nous démontre : (1) Revue et Arch. Suisses d' Odontologie. (2) Hermann Meyer. Ucber die Architeclur der Spongiosa. Arch. Reichert et Dubois-Reymond. 1887, p. 025. (8) Julius Wolff. Ueber die innere Architeclur der Knochen. Vircli. Arch , Vül. 50 p. 389. — Idem Vol. Cl p. 417. 88 JOURNAL DE MICROGRAPHIE 1° Qu’il se produit des lignes de traction et de pression suivant la dis¬ tribution de l’effort. 2° Que les trajectoires de traction et de pression se coupent toujours à angle droit. Dans ce temps de Tir fédéral, (i) vous pouvez tous voir une magnifique construction en bois réalisée suivant les lois les plus savantes de la mécanique : c’est la grande Cantine, que vous ne manquerez pas de visiter, je suppose. Notre Diorama possède également une voûte en fer très intéressante dans le même sens. Ces constructions sont faites au moyen de pièces rectilignes ou courbes, agencées suivant les trajectoires de la statique. Après cette petite introduction, venons-en. Messieurs, plus directement à notre sujet. Les prismes de l’émail sont implantés d’une manière spéciale sur la sur¬ face de la dent et forment des groupes s’entrecroisant très régulièrement. Ces faits avaient été en partie entrevus par Richard Owen. .le vous fais ici circuler les dessins se rapportant à ce sujet et qui ont été publiés dans \Odontography (2) de ce savant. Us indiquent schématiquement et d’une manière sommaire la distribution des prismes sans relever bien particulière¬ ment les règles mécaniques qui en découlent. Ayant soumis ces faits à une investigation méthodique, sur les dents de l’homme et des animaux, j’ai été assez heureux pour voir qu’ici les lois delà statique sont observées d’une manière frappante. Ces recherches font, du reste, partie d’un corps d’investigation plus étendues et ayant une portée plus générale. Je puis dire en passant que j’ai trouvé dans d’autres tissus et dans d’autres endroits, de l’économie des faits analogues, sur lesquels je me ré¬ serve de revenir à une autre occasion. Les prismes de l’émail sont distribués, ainsi que vous pouvez vous en convaincre sur mes dessins et sur les préparations microscopiques originales qui les accompagnent, de manière à constituer sur chaque cuspide dentaire une sorte de voûte. Cela est surtout très apparent dans les dents unicuspi- dées ; la canine du chien et du chat, par exemple. Chez l’homme, cela est moins apparent, moins frappant dirai-je ; sans doute par le fait que, suivant l’idée de feu le professeur Aeby, les dents humaines sont toutes calquées sur un type plus complexe ; — et qu’il faut probablement considérer la canine comme étant une bicuspidée atrophiée. Néanmoins, si l’on examine la chose d’une manière serrée, il est possible aussi dans ce cas de saisir les mêmes faits. Les prismes dessinent des sortes de tourbillons à marche complexe et difficile à se représenter dans l’espace. Ces tourbillons spiraloïdes s’agencent très régulièrement les uns par rapport aux autres, et souvent il est possible de saisir la loi d’entrecroisement à angle droit dont nous avons parlé plus haut. C’est le cas pour certaines coupes de bicuspides humaines que je vous soumets ici sous le microscope. (1) C’était la veille de l’ouverture du Tir fédéral de Genève. i2) Pxichard Owen. Odontography or the comparative anatomy, etc. London, 1840*45. Texte et atlas. Vol. I. p. 464, vol. II planche 122. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 89 Autre fait. Depuis longtemps on indique dans les préparations microsco¬ piques de dents sèches des sortes de fentes, de cassures que l’on avait attri¬ buées à une cause accidentelle: dessèchements par l’évaporation, actions mécaniques durant la confeclion de la coupe, etc. A mon sens il n’en est rien, Messieurs, ces fentes sont situées toujours d’une manière régulière dans les couches profondes de l’émail et immédiatement contre la dentine. Elles dessinent, dans les coupes, des sortes d'arborisations ramifiées, partant d’un tronc commun depuis la limite profonde de l’émail et s’étendant souvent assez loin dans l’épaisseur même de ce tissu. Il est possible que ces fentes aient une importance pour la sensibilité dentaire; certaines raisons me le feraient penser. Mais indépendamment de cela, j’estime qu’elles ont une grande portée mécanique. Aussi je propose de les nommer fentes de décharge. Elles permettent aux groupes de prismes de glisser, de jouer en quelque sorte les uns sur les autres. Ce qui donne incontestablement à l’émail beau¬ coup plus d’élasticité; et paidant beaucoup de solidité, de résistance à l’écra¬ sement. Il résulte nécessairement. Messieurs, de ce que je viens de vous démon¬ trer, — pièces en mains, — que l’action de la compression agit d’une ma¬ nière très curieuse et très précise sur la couronne dentaire. Quand une pression se fait sentir sur un point de l’émail, sur la cuspide par exemple, l’action mécanique ne se transmet pas directement, brutalement dirai-je, sur le point immédiatement sousjacent de la dentine. Au contraire, la force se divise, s’éparpille sur toute la surface de la couronne dentaire ; comme cela aurait lieu sur une voûte construite avec des travées en fer. — Ainsi, l’émail, sur chacune de ses parties, ne subit qu’une pression légère ; ce qui est éminemment favorable à la conservation de son intégrité, et ce qui explique sa solidité étonnante, — qui restait encore jusqu’à présent incom¬ préhensible. La preuve de ceci peut être donnée par une expérience très simple et facile à répéter. Mes propres dents ont un émail de comhXnnce moyei-me. Si je taille intentionnellement un cube d’émail isolé dans une dent très forte, je puis, avec mes propres dents, — plus faibles, — sans peine écraser ce morceau et le pulvériser. Ici la force agit d’une manière différente sur mes dents et sur le morceau d’émail en expérience : dans le premier cas, suivant les lois de la statique, dans le second, en dehors de ces lois. Ce serait une poussée, une compression latérale agissant sur notre voûte de tout à l’heure. Elle serait facilement déformée et même démolie. Cette expérience me paraît avoir une portée dans la pratique dentaire. J’attire votre attention spécialement là-dessus. Messieurs les praticiens ; car ici la science me semble tendre directement la main à la pratique journalière. C’est à vous devoir quelie importance peut-avoir la présence d’une aurifica- tion ou d’un défaut dans le tissu adamantin. N’y a-t-il pas, peut-être, une action mécanique semblable dans les cas d’ébranlement et de chute de l’obtu- 90 JOURNAL DE MICROGRAPHIE ralion, conslalés si souvent et encore bien discutés dans leurs causes ? C’est à vous, Messieui's, à creuser ce problème. Je ne veux pas prolonger ce discours. Je pense vous avoir rendu attentifs à une question intéressante. Les lois mathématiques se trouvent malheureu¬ sement si rarement encore dans les recherches biologiques qu’on est toujours heureux quand on a l’occasion de les y constater. Je vous invite en terminant à examiner vous-mêmes de près les prépara-' lions microscopiques qui sont ici à côté, ainsi que les dessins qui les accom¬ pagnent. J’ose espérer que la conviction se fera dans votre esprit, comme elle s’est faite dans le mien. A® Eternod. NOTES MÉDICALES. CORRESPONDANCE à M. E. Grùnand, pharmacien, 3 rue Ribéra, Paris. Monsieur, J’ai employé Elixir E asthénique ferro-ergolé du D’* J. Pelletan, que vous avez bien voulu mettre à ma disposition. L’observation mérite que j’entre dans quelques détails et c’est ma femme qui en est le sujet. Ma femme a toujours joui d’une excellente santé. Cependant, six enfants qu’elle m’a donnés dans l’espace de dix ans et qu’elle a nourris de son lait ont nécessairement affaibli sa constitution. Je l’ai soumise depuis longtemps aux préparations ferrugineuses, de quinquina, etc. Certains médicaments la remontaient assez bien; mais je dois à la vérité de dire que l’élixir Eusthé- nique a fait merveille. Un verre à liqueur de votre produit a donné un coup de fouet trop éner¬ gique aux fibres musculaires intestinales: il y a eu diarrhée. Mais à la dose d’un demi-verre à liqueur, pendant ou après le repas, V appétit restant le mème^ ma femme sentait chez elle une force et une vigueur inaccoutumées. Mais ce qu'il y a de particulier dans cette observation, c’est que le lait a augmenté du double. Déjà très bonne nourrice, ma femme ne savait plus que faire de son lait, les seins étaient toujours gonflés, au point qu’il lui tardait souvent de voir notre petite fille (qui est énorme) se réveiller pour lui donner le sein. Cet état s’est maintenu pendant tout le temps qu’a duré votre élixir. Main¬ tenant que le flacon est vide depuis quelques jours, ma femme éprouve un peu de faiblesse et son lait est peu abondant comparativement à ce qu’il était lorsqu’elle faisait usage de l’élixir. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 91 Ce qui ne gale rien à la chose, votre préparation a un excellent goût el serait acceptée par le palais le plus difficile. Gomme conclusion, je vous confirme que si le corps médical auquel vous le soumettez, veut bien comprendre le service que lui rendra votre produit, surtout chez les mères fatiguées par la lactation, et principalement chez celles- qui ont peu de lait, nul doute que l’Elixir Eusthénique n’acquière bientôt une grande vogue. Pour moi. Monsieur, je me ferai un devoir de le prescrire chaque fois que j’y verrai l’intérêt de mes malades . Recevez, Monsieur, etc. A. Vignes Fils. D. M. P. A Miélan (Gers). SUR LA STRUCTURE ANATOMIQUE DES MUSCLES DES MOLLUSQUES (1). Dans le champ si mal exploré de Thistologie des Invertébrés, il y a peu de points aussi obscurs que la structure des muscles dans le grand embranchem.ent des Mollusques. Les données les plus contradictoires ont cours sans que per¬ sonne se soit imposé la tâche de les vérifier par un travail d’ensemble. La forme prédominante est celle des muscles lisses, composée de fibres unicellulaires, tantôt courtes et fusiformes, tantôt longues, cylindriques et atténuées en pointe à leurs deux extrémités. La substance contractile constitue une gaine épaisse et réfringente autour d’un axe sarcodique granuleux, riche en glycogène et dans le milieu duquel se trouve logé le noyau. La gaine contractile se compose de fibrilles qu’il n’est pas difficile de distinguer après macération et dilacération. Une membrane cellulaire ou sarcolemme apparaît avec évidence sur toutes les préparations par dissociation. Il est rare que la substance fibril-. laire ne soit développée que d’un côté, et que la fibre porte la partie sarcodique et le noyau dans une situation latérale (filaments buccaux du Dentale). On a fait beaucoup de bruit autour de la prétendue découverte de G. Schwalbe d’après laquelL; divers muscles des Mollusques, et en particulier les muscles d’occlusion des Lamellibranches, seraient composés de fibres striées d’un type tout particulier, que l’aufcur nommait les fibres à « double striation oblique. » A l)cn croire, la substance contractile aurait présenté, dans ces cas, un dessin en losanges qui n’aurait été qu’un cas particulier de la striation transversale des muscles dits striés. Déjà, avant Schwalbe, Mettenheimer, Wagener et Marge avaient vu les images en question, mais en avaient donné une interprétation bien plus juste en les désignant sous le nom de striation spirale. Il s’agit, en effet, d’un enroulement de la couche corticale fibrillaire autour de l’axe granuleux, et l’aspect de losanges provient simplement du croisement des deux moitiés du tour de spire, celui qui est le plus voisin de l’observateur avec celui qui se trouve au-dessous (1) G. R. 23 Janv. 1888. 92 JOURNAL DE MICROGRAPHIE de l’axe granuleux. Th. W. Engelmann a donné le coup de grâce à la théorie de Schwalbe en démontrant que le dessin en losanges ne répond point à une alter¬ nance des parties monoréfringenles et des parties biréfringentes, comme c’est le cas pour le muscle strié, mais que la fibre tout entière est biréfringente dans le sens de sa longueur comme dans les muscles lisses. Néanmoins, certains auteurs ont continué à décrire des muscles striés chez les Mollusques sans tenir compte des discussions que nous venons de résumer. Les données déjà anciennes de H. Millier et de Keferstein sur la présence d’une véritable striation dans les muscles du cœur des Céphalopodes et dans ceux du pharinx des Céphalophores ont été simplement rééditées; R. Blanchard a cru trouver le même fait dans une portion des muscles d’occlusion du Peclen, et plus récemment, Paneth a décrit une striation transversale dans les muscles de la nageoire des Ptéropodes, et des Hétéropodes, traités par un mélange de glycérine et d’acide nitrique. J’ai soumis toutes ces données à un contrôle comparatif, ne négligeant aucune des méthodes employées par mes prédécesseurs et je suis arrivé aux résullals suivants ; La véritable striation transversale n'existe chez aucun Mollusque. Tous les exemples de cette structure que l’on a cru rencontrer dans cet embranchement se rapportent en réalité à des fibres lisses à fibrilles enroulées en spirale. Les muscles du cœur des Céphalopodes, ceux de la masse buccale des Céphalo¬ phores, ceux des nageoires des Ptéropodes et des Hétéropodes, ceux du siphon, des Cépholopodes peuvent être cités à côté du muscle rétracteur des Acéphales en général et du Pecten en particulier, comme de jolis exemples de l’enroulement spiral des fibrilles. Le tour de spire est plus ou moins long suivant le nombre des fibrilles qui constituent le faisceau enroulé et aussi suivant l’état de contraction ou de rel⬠chement de la fibre. Dans le mélange de glycérine et d’acide nitrique employé par Paneth, la fibre se contracte si fort et la spire s’abaisse au point que les lignes deviennent presque transversales. Ainsi s’explique l’erreur commise par cet auteur. En réalité, il n’y a donc chez les Mollusques qu’un seul type de muscles, les muscles lisses. C’est même dans cet embranchement et surtout parmi les Cépha¬ lopodes que l’on rencontre les plus belles fibres unicellulaires à axe granuleux. Seulement, ces fibres lisses présentent deux variétés, celles à fibrilles droites et celles à fibrilles spirales. Ces dernières sont aussi fréquentes que les premières. Elles prédominent chez les Céphalopodes; elles sont très répandues dans les organes les plus mobiles des Gastéropodes, des Ptéropodes et des Hétéropodes, ainsi que dans les muscles d’occlusion des Lamellibranches ; elles se trouvent en outre dans d’autres embranchements, chez l’Ârénicole et les Hirudinées, par exemple. A en juger par la distribution du tissu à fibrilles spirales, nous serions tentés de croire que cette disposition est favorable à la contraction rapide des muscles lisses. Prof. Hermann Fol de l’Université de Genève. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 93 LA MICROSCOPIE A L’EXPOSITION DE WIESBADE Suite et fin D’après tout cela, la phosphorescence de la mer provient parfois de bactéries lumineuses. Des observations de Michaelis, à Kiel, et plusieurs autres ne peuvent ^uère s’interpréter autrement. Mais il va de soi qu’elle peut être causée aussi par des noctiluques et d’autres infusoires phosphorescents, comme on l’admet¬ tait jusqu’ici. Il sera intéressant de rechercher dans quelle proportion ces deux facteurs contribuent à la phosphorescence souvent si vive qui s’observe le Ion" de nos côtes. 11 est certain, dès maintenant, que le Noctiliica miliaris joae, chez nous, le rôle principal : feu le docteur Verhaeghe (1) dans ses soigneuses obser¬ vations, poursuivies à Ostende pendant deux ans (1844-1846), en a rencontré chaque fois que la mer était phosphorescente. A Nieuport (Flandre occidentale) j’ai moi-même eu l’occasion d’examiner l’eau de mer au microscope, plusieurs soirs de phosphorescence intense, et je l’ai trouvée chargée de noctiluques. Les bactéries dont nous venons de parler sont d’origine marine. Ludwig re¬ marque, avec raison, qu’il existe probablement aussi des microbes photogènes continentaux, qui ne tiennent pas autant à une nourriture salée. Malheureuse¬ ment leur peu de fréquence n’a pas encore permis de les étudier. (Test ainsi que Patouillard et Roumeguère ont vu certains exemplaires lumineux chez des aga¬ rics habituellement obscurs. Naudin et Tulasne signalent des feuilles pourries phosphorescentes. On connait également plusieurs cas exceptionnels de phos¬ phorescence du lait, de l’urine, de la sueur, de la salive, etc. J’ajouterai que l’on a même observé quelquefois des cadavres humains complètement phosphores¬ cents. Le Journal de la Société des sciences physiques et chimiques de Julia de Fon- tenelle, de 1838, en rapporte un exemple (2). Tous ces phénomènes sont proba¬ blement occasionnés par des microorganismes, comme cela a lieu pour les viandes et les poissons morts. Quant à la phosphorescence du bois pourri dont il a déjà été question, elle doit s’attribuer, en général, aux mycéliums de divers champignons hasidiomy- cètes et ascomycètes, notamment aux rhizomorphes de VAgaricus melleus. De vieux bois de navires et d’autres bois qui ont été en contact avec l’eau de mer peuvent aussi devenir phosphorescents par suite du développement du micro¬ coque de Pflüger. Enfin, la littérature botanique nous fournit quelques cas qui se rapportent peut-être à des bactéries continentales ; telles l’observation de Har- tig (.3) sur du bois de peuplier en décomposition et celle de JBary (4) sur du bois hêtre qui ne contenait pas trace de filaments mycéliens. De mêmequeles bactéries chromogènes ne produisent pas sur tous les substrats leurs colorations caractéristiques, de même que les pathogènes ne sont pas toujours virulentes, les espèces photogènes n’engendrent pas nécessairement la (1) Recherches sur la cause de la phosphorescenee de la mer dans les parages d’Os‘ tende. {Mém. Acad. roy. Bclg., in-4®, t. XXII, 1848). (2) Cité par Verhaeghe, loc. cit., p. 21, (3) Bot. Zeit., 1855, p. 148. (4) Morph. U. Physiol. d. Pilze. 1^° édit., p. 230. 94 JOURNAL DE MICROGRAPHIE phosphorescence sur tous les milieux où elles se développent. Mais il serait tout à fait inexact d’en conclure avec R, Dubois (1), que la luminosité soit liée « à la désintégration physiologique, pathologique ou nécrobiotique de certaines cel¬ lules, se produisant, dans ces deux derniers cas, sous l’intluence de certains microbes. » A l’encontre de son opinion, vous voyez que la phosphorescence se manifeste très bien dans des cultures pures à la surface de la gélatine nutritive, et si elle disparait bientôt dans les bouillons liquides, c’est apparemment que le microbe a vite épuisé la provision d’oxygène qui s’y trouve à sa disposition. La luminosité des organismes est, en effet, en rapport intime avec leur res¬ piration et leur vie. Tout ce qui les tue, les éteint. Ils ne se bornent pas, comme le diamant ei les sulfures alcalino-terreux, à émettre à l’obscurité les rayons qu’ils ont emmagasinés à la lumière ; ils sont eux-mêmes la source de la lumière qu’ils dégagent et celle-ci est indépendante de tout éclairement préalable. Quant à expliquer d’une manière précise le mécanisme du phénomène, c’est une tâche qui appartient à l’avenir. Radziszewski (2) a montré que beaucoup de substances, en solution alcaline, sont phosphorescentes à la température ordinaire, au contact de l’oxygène. Les organismes lumineux répandent-ils autour d’eux des substances semblables ? Certains faits permettent de le sup¬ poser. Ou bien la phosphorescence siège-t-elle dans la cellule vivante elle-même et dépend-elle d’une façon encore plus directe de l’activité protoplasmique (3) . Nous voici loin de l’exposition de ’Wiesbade. Revenons-y, pour consacrer en terminant, quelques lignes aux photographies instantanées de O. Anschütz, pho¬ tographe à Lissa (province de Posen). Les plaques au gélatinobromure sont, comme on sait, d’une telle sensibilité qu’il est devenu possible de photographier un cheval au galop et un express lancé à toute vapeur. C’est d’Amérique que sont venues, il y a quelques années, les premières images photographiques "destinées à l’étude méthodique du mou¬ vement des animaux : Muybridge, photographe à San-Franscisco, s’était attaché à analyser par la photographie les allures du cheval. Bientôt Marey, en France, dont les travaux ont tant contribué au progrès de la « mécanique animale » continua ces recherches ; vous avez tous entendu parler de son fusil photogra¬ phique, grâce auquel il a pu fixer, coup sur coup, — c’est bien le mot — tous les mouvements du vol des oiseaux. Parmi ceux qui ont repris, depuis lors, ces essais, il faut mentionner M. O Anschütz, dont la persévérance et l’habileté sont dignes de tous les éloges. Les séries d’épreuves exposées par lui à Wiesbade se rapportaient aux mouvements du cheval et de l’homme (marche, course, exercices gymnastiques). Je mets sous vos yeux l’une de ces séries, reproduite par la phototypie : elle décompose en douze phases successives l’acte d’un homme qui jette une pierre pesante et vous i , (1) Revue scientifique, 7 mai 1887, p. 604. (2) Annalen derChemie, 1880, t. 203, p. 330. (3) Ldi Revue scientifique di annoncé {5 novembre 1887) que R Dubois aurait réussi à extraire des parties lumineuses d’un mollusque, le Pholas Dactylus deux substances qu’il nomme luciférine et luciférase et dont le contact en pré¬ sence de l’eau suffirait à provoquer l’apparition de la lumière, sans intervention de l’oxygène. Il convient d’attendre la publication complète des expériences avant de se prononcer sur la valeur de ces conclusions, assez peu en harmonie avec ce que nous savions jusqu’ici {Note ajoutée pendant l’impression). JOURNAL DE MICROGRAPHIE 95 pouvez voir que ces images, par leur finesse, leur heureux éclairage et leur pré¬ cision n’ont pas moins de charme pour l’artiste que pour le savant. Après avoir réussi de la sorte à analyser les mouvements les plus rapides, on s’est efforcé d’en faire la synthèse. On y parvient au moyen de ce jouet d’enfants, le phénakistiscope ou zootrope, dont le principe est dû à notre compatriote J. Plateau. Anschütz a fondé sur le même principe un appareil plus perfectionné, auquel il donne le nom de « Schnellseher » et que Je nommerais plutôt cinétoscope, pour rappeler qu’il sert à faire voir les objets en mouvement. 11 doit être installé dans une chambre noire. Voici en quels termes fauteur le décrit dans le cata¬ logue de f exposition : « Les images successives sur verre (de l’homme ou de l’animal en mouvement) sont fixées sur un disque circulaire qui tourne autour, de son centre. Elles passent ainsi l’une après l’autre derrière une ouverture (pratiquée dans un grand écran qui se trouve devant l’observateur). Chaque fois que l’une des images atteint le milieu de l’ouverture, elle est éclairée pendant une petite fraction de seconde(environ 1|10.000). L’éclairage se faitparla brusque décharge d’un courant d’induction, à travers un tube de Geissler, placé en arrière du disque mobile. La durée de l’éclairage est si courte, que les images paraissent pendant cet instant être immobiles. L’œil reçoit ainsi les diverses images l’une après l’autre et en quelque sorte l’une sur l’autre et, grâce à la persistance des impressions sur la rétine, elles se réunissent en une image unique qui semble en mouvement continu. » L’illusinn obtenue avec cet appareil est si parfaite, qu’il est difficile de se persuader que l’on n’a devant les yeux qu’une reproduction et non la réalité elle-même. Il y avait entre autres une reconstitution du saut de mouton de l’elTet le plus comique. Ces photographies instantanées, n’ont à première vue aucun rapport avec fobjet de nos études. Peut-être pouvons-nous cependant en retirer quelque profit. Les détails et le mécanisme des mouvements d’êtres microscopiques sont encore très imparfaitement connus. Les cellules à cils vibratiles, les infusoires, la moindre zoospore nous présententencore une foule de problèmes à résoudre- J’ai peine à croire que la photographie qui a rendu de si grands services pour analyser le saut de l’homme, le vol de la mouette et le galop du cheval ne puisse être employée aussi avec succès, lorsqu’il s’agit de poissons, d’insectes, de vers de protozoaires, d’algues ou d’éléments histologiques isolés. Je me propose, d’accord avec un photographe habile, de faire des essais dans cette voie. Le microscope d’aquarium de Klônne et Müller, et le microscope à plusieurs corps de Nachet, convenablement modifiés, permettront probablement de réaliser la phot(>, graphie instantanée des mouvements microscopiques. r/. !.. Errera. 96 JOURNAL DE MICROGRAPPIIE BIBLIOGRAPHIE Les Diatomées de Luchon et des Pyrénées centrales par M. E. Belloc (1). M. E. Belloc a publié récemment une intéressante étude destinée à combler une des nombreuses lacunes que présente encore la Flore Diatomique de la France. Ce sont les environs de Luchon et la région pyrénienne qui ont été le théâtre des recherches de M. E. Belloc. ' Cette région offrait un intérêt tout particulier : sa position géographique au centre de la zone tempérée, les différences d’altitude qu’elle présente, puisque son relief s’élève graduellement du niveau de la mer à une hauteur de 3404 mètres, les conditions climatologiques extrêmement variées qui résultent de ces différences et qui n’ont d’analogues dans aucune autre chaîne de mon¬ tagnes, faisaient espérer une grande variété dans les productions naturelles et particulièrement dans ces végétaux microscopiques dont l’existence et le déve¬ loppement sont si immédiatement liées aux conditions du milieu ambiant. Les résultats obtenus par M. Belloc n’ont pas trompé son attente, et ce sont ces résultats qu’il expose dans cette intéressante brochure honorée d’une mé¬ daille d’or par une société savante du midi de la France. L’auteur commence par définir la région qu’il a étudiée, puis il donne un court historique de la diatomologie et le résumé de nos connaissances actuelles sur la structure et la reproduction de ces petites Algues ; après quoi, il indique les localités qui lui ont fourni telles et telles espèces. Celte première partie se ter¬ mine par une double liste, fort intéressante pour les botanistes diatomologues, des espèces qui ne se trouvent qu’en plaine et de celles qui ne se récoltent qu’en montagne. La seconde partie comprend le catalogue des espèces qu’il a rencontrées, classées par tribus et genres. L’auteur a adopté la classification de M. P. Petit, basée sur la disposition de l’endochrome dans les individus vivants, et donne, en tête de son catalogue, la clef de cette classification. Cet inventaire signale environ 250 espèces ou variétés parmi lesquelles domi¬ nent les Placochromaticées, qui figurent pour 200 formes tandis que Ips Cocco- chromaticées n’en présentent qu’une cinquantaine. Parmi les genres qui nous paraissent le plus richement représentés, sont les Gomphoiiema, les Epitliemia, les Cymbella, les Navicula, les Nitzscfiia, les Surù^ella, les Synedra les Staurosira, les Himanthidium et les Fragüaria. L’ouvrage se termine par une planche finement dessinée qui repfe4senle quelques unes des plus jolies espèces. L (1) 1 vol. 60 p. et 1 pi. in-8, Paris, 1887, J. Lechevalier, Pr. in 8°, 4 fr. 50. — Gr. in-4°, 8 f. Le Gérant : Jules Pelletan Fils. Amiens — Imprimerie Kousseau-Leroy, Douzième année No i 2b Février 1888. JOURNAL DE MICROGRAPHIE SOMMAIRE : Revue par le J. Pelletan — Le mécanisme de la sécrétion, (suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. — Application de la méthode d’in¬ clusion dans la paraffine à la botanique, par le J W. Moll. — Microscope et Télescope, {fin), M. J. C. Houzeau. — Choléra des poules et des lapins, par VoiTELLiER. — Sur les tiges souterraines de VUtricularia Montana, par M. M. Ho- VELAQUE. — Sur le cycle évolutif et les variations morphologiques d’une nouvelle Ractériacée marine, Bacterium Laminariæ, par A. Billet. — Étiologie du paludis¬ me, par le Dr E. Maurel — Avis Divers. REVUE « Il faul laisser pisser le mouton. » C’esl un proverbe chez les Arabes. — fl n’est pas propre, mais il est juste. Il y a déjà quelque temps que je n’ai pris la parole ici pour raconter à mes lecteurs les nouvelles du monde scientifique, — * je l’ai fait exprès. Dans ces derniers temps, j’ai dit le peu de valeur que j’attribue à beaucoup des travaux publiés par les savants en herbe, et, depuis bien des années, je bas en brèche les théories élevées par les grands mandarins de la science, soutenues par ceux qui en profitent et admirées par ceux qui n’y comprennent rien. 11 m’a semblé, et les faits prouvent que je n’ai pas eu tort, qu’aprés avoir affirmé que tout cela était chancelant et ne tenait pas debout, que cela tom¬ berait, le mieux , était d’attendre et de laisser faire le mouton comme dit l’Arabe. Le temps a passé, et sans que j’aie eu besoin de me creuser la tète pour trouver de nouveaux arguments, il est arrivé que, de jour en jour, ces grands travaux se sont effondrés, et que, peu à peu, ces belles théorie.^^ se sont mises à tourner en os de boudin. C’est qu’en effet, on éprouve aujourd’hui plus que jamais le besoin de faire du nouveau, — n’en fùl-il plus au monde, — et beaucoup de chercheurs, dans 98 JOURNAL DE MICROGRAPHIE leur hâte d’arriver premiers, bâclent des travaux et des mémoires sur des questions qu’ils ne savent pas assez, tandis que d’autres font tout simplement du roman. Dans l’un et l’autre cas, le mieux est de ne pas discuter, ergoter, ratiociner, mais, comme je l’ai dit, de prendre patience, et de laisser... faire le mouton. C’est ce que je fais. Pour aujourd’hui, je ne demande qu’à marquer quelques points. ^ * Il fut un temps, qui n’est pas encore bien loin, où il y avait des miasmes. C’était des miasmes qui causaient les fièvres intermittentes, le typhus, le choléra, la fièvre jaune, la fièvre typhoïde même, et, pensait-on, toutes les maladies infectieuses. Malheureusement, ce mol de « miasmes » n’était qu’un mot. Les chimistes avaient fait des analyses, mais n’avaient rien trouvé, et les miasmes restaient à l’état virtuel. Lors de l’avénement de la doctrine microbienne, tous les chercheurs de miasmes furent dans l’enchantement : les miasmes allaient pi'endre un corps, et bien certainement, c’était des microbes. — Dans les eaux stagnantes se for¬ maient des microbes qui, lors de la dessication des marais, étaient enlevés dans l’air et c’étaient eux qui donnaient aux riverains des fièvres paludéennes. C’était évident, certain, indiscutable, ça n’avait pas besoin d’ètre démontré, — seulement, il fallait trouver le microbe. Les bactériologues se sont mis à la besogne, et, naturellement, ils ont trouvé le microbe. Ce qui eut été surprenant, c’est qu’ils ne le trouvassent pas. Mais, comme ils étaient sept ou huit, ils ont trouvé sept ou huit microbes, qui ne sont pas les mêmes ; et chacun soutient aujourd’hui que c’est le sien qui est le bon et que celui du voisin ne vaut pas un clou. Si bien que, quand on a examiné tous ces travaux, ce qui paraît en ressortir le plus évidemment, c’est qu’aucun de ces « microbes » ne représente le miasme paludéen. D’ailleurs, tous ces auteurs sont arrivés à des résultats tout à fait discordants, qualifiant de microbes des spores d’ Algues, des Algues tout entières, des Amibes, des Plasmodies (!), des Infusoires, des globules blancs du sang, ou des organismes compliqués et fantaisistes, qui rappellent assez le Champignon dont M. Ferran avait fait naguère le microbe du choléra et sur lequel il a échafaudé un roman si bête et une fortune si grosse. Plusieurs, dans la description qu’ils donnent de leur microbe, me paraissent ne pas connaître suffisamment l’hisloire ni des Bactériens, ni des Infusoires, ni des Algues. D’autres font de vrais romans, les uns, à ce qu’on pourrait croire, avec ruse et préméditation, les autres avec innocence et conviction. Seuls, MM. Tommasi Crudeli. Marchiafava et Klebs, qui sont des bactériologistes émérites, sont à la hauteur de la question qu’ils traitent ; mais leurs microbes n’ont pas plus que les autres subi l’épreuve de l’expérience : on ne les a pas trouvés dans l’organisme des malades affectés de paludisme, et l’on n’a pas pu démontrer qu’inoculés ils produisent la fièvre intermittente. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 99 M. de Laveran seul dit avoir trouvé dans le sang le microbe pathogène,., mais ce microbe n’est évidemment qu’un globule blanc du sang. M. le D'’ Maurel vient de publier sur le paludisme tout un gros livre, très savant, très travaillé et très bien fait. On voit qu’il a lu tout ce qui a été écrit sur ce sujet. Il rapporte tout cela, et c’est même par ce côté que pèche son ouvrage, qui manque un peu de critique. Les déterminations d’espèces sont en outre souvent inexactes et l’auteur s’attarde à la description de phénomènes auxquels il semble prêter une grande importance, comme la germination d’une spore, fait qu’il n’avait sans doute pas encore observé, mais qui est banal et que connaissent tous les botanistes. Néanmoins, l’ouvrage du D'’ Maurel est intéressant, et c'est ce qui a paru de plus complet jusqu’ici sur le paludisme, mais il arrive aussi à cette con¬ clusion: « Voilà des microbes, trop de microbes même, j’incline à croire que l’un d’eux est celui qui cause la fièvre intermittente, mais la preuve n’est pas faite (1). » Cependant, lui aussi, a son microbe; c’est un Infusoire flagellé dont il a suivi les phases et il est porté à croire que celui-là est le bon. Eh bien ! je ne le crois pas, et je suis convaincu que si la fièvre intermit¬ tente est causée par un microbe, — ce qui est bien possible, — ce n’est cer¬ tainement pas par un Infusoire flagellé. Et, d’ailleurs, si cela était, il y a longtemps qu’un tel organisme eût été trouvé par les micrographes qui ont fait tant et de si sérieux travaux sur le sang. Et puis, je me refuse absolument à regarder un Infusoire, fut-il flagellé) comme un microbe pathogène, infectant général de l’économie. Je ne com¬ prends ce rôle, s’il est réel, que pour ces infiniment petits qu’on appelle des Schizomycètes. J’ai peut-être tort, j’exposerai plus tard mes raisons, mais jus¬ qu’à preuve du contraire, je ne considérerai les Infusoires, quand ils sont parasites, que commme des parasites locaux, parasites d’une plaie, d’une ulcération, d’un intestin altéré, d’un vagin malpropre, etc. ; mais pathogènes dans le sens qu’entendent les étiologistes actuels, — jamais de la vie ! Donc, pour en revenir aux travaux en question, à mon avis, il n’y a encore rien là. Laissez faire le temps, et vous verrez qu’il me donnera encore raison, — malheureusement, — - car ici il a y eu des recherches sérieuses, consciencieuses, faites par des hommes convaincus et animés du vif désir d’arriver à des résul¬ tats utiles. Ces résultats seront négatifs, mais ils seront utiles, parce que des résultats négatifs, bien établis, donnent la preuve positive que l’hypothèse dont on est parti n’était pas exacte. Voici, en effet, autre chose. Autrefois, disais-je, on croyait aux miasmes, mais comme il n’y avait pas encore de microbes, les miasmes étaient des gaz, des vapeurs, des moffettes, mal définis, ou plutôt pas définis du tout. On s’accordait cependant assez à en (l) 1 vol. in-8 ; Paris, 1887. O. Doin. 100 JOURNAL DE MICROGRAPHIE faire des vapeurs produites par une décomposition 'particulière de certaines matières organiques. Les microbes connus, les miasmes, comme je viens de le dire sont devenus des microbes, et l’on a démontré par expérience que les microbes de la phtisie se transmettaient par la respiration. Les miasmes contenus dans l’air expiré par les poitrinaires étaient formés par le bacille de Koch, le fameux Bacillus tuberculosis. Et la preuve, c'est qu’en faisant respirer à des lapins cet air bacillo-miasmatique, on les a fait crever de la phtisie. Depuis, je l’ai déjà rappelé, on a démontré qu’il n’y a pas de bacilles dans l’air expiré par les poid inaires. Cependant, il faut bien admettre que les lapins sont crevés, ou sont devenus plus ou moins tuberculeux puisque les expéri¬ mentateurs l’ont affirmé. Voilà qui, si je ne me trompe, porte un rude coup à la théorie parasitaire de la tuberculose. Bien plus, il paraît que l’air qui sort des poumons, non seulement des malades mais de tout le monde, est pur de bacilles, bactéries et microcoques. Mais, en revanche, MM. Brown Séquard et d’Arsonval, qui comptent parmi les premiers expérimentateurs de ce temps, viennent de prouver que cet air ren¬ ferme les vapeurs d’un alcaloïde organique des plus toxiques et tel que quelques gouttes de l’eau dans laquelle il est condensé suffisent à foudroyer des chiens. Mais ces vapeurs là, ces gaz pestilentiels que la chimie vient de définir, je les reconnais : ce sont les miasmes d’autrefois. El, quand nos pères, dans une chambre où vingt personnes étaient rassem¬ blées, disaient: « l’air est chargé de miasmes, » nos pères avaient raison : il y avait des miasmes, et il n’y avait pas de microbes. Voici donc le miasme-vapeur qui revient et le miasme-microbe qui s’en va. « C’est le juste retour des choses d’ici bas. » Ët voici que l’infection, la transmission des maladies, de la phtisie même, peuvent se faire sans microbes. Mais que va devenir la théorie parasitaire des maladies infectieuses ? Et ce n’est que le commencement. Laissez faire, laissez faire le mouton. D’ailleurs, est elle assez bizarre, cette théorie parasitaire des maladies infec¬ tieuses ; faut il être assez microbiâtre et complaisant pour s’en contenter! C’est par le professeur Pettenkofer, de Munich, qu’elle a été, dit-on, le mieux formulée. Je dis « formulée » parce que le prof. Pettenkofer l’a présentée sous forme d’une expression algébrique. C’est, du reste, la mode aujourd’hui, et l’on ne dit plus qu’une maladie peut être produite par plusieurs causes, on dit qu’elle est fonction de plusieurs facteurs. C’est bien plus drôle. Ça a un petit air mathématique qui ébaub'it les bourgeois et leur fait croire que c’est arrivé. Donc, d’après la théorie de Pettenkofer, les maladies microbiennes sont JOURNAL DE MICROGRAPHIE 101 fonction de trois facteurs. L’un d’eux est l’homme, le deuxième est le microbe. Ainsi, voici une nappe d’eau qui nourrit sur ses bords le microbe de la fièvre intermittente ou de la fièvre typhoïde. S’il ne tenait qu’au microbe, tout homme qui boirait de celte eau ou (jui respirerait l’air environnant serait aussitôt microbiséet aurait forcément la fièvre typhoïde ou la fièvre intermit¬ tente. Mais Pettenkofer sait bien qu’il n’en est pas ainsi et que certains hommes seulement auront la fièvre paludéenne, ou quelques-uns seulement la fièvre typhoïde. C’est alors qu’il fait intervenir 1^ troisième larron, — je veux dire, le troi¬ sième facteur. Celui-ci est un agent particulier, assez mystéi ieux, peut-être atmosphérique, peut-être tellurique, peut-être cosmique ; mais enfin, il inter¬ vient pour modifier les tissus de certains hommes, altérer leurs humeurs, et, en somme, rendre leur organisme propre à fournir un terrain de culture au microbe. — C’est ce que nous appelons ici créer la réceptivité. — Alors, trouvant le sol préparé, le microbe y germe et c’est la lièvre qui pousse. C’est bien simple, comme vous voyez. — Mais il en ressort que c’est l’agent inconnu, l’agent provocateur qui, ici comme ailleurs, fait tout le mal, et le pauvre microbe n’arrive que quand le coup est fait. Et c’est lui qu’on accuse. C’est ce troisième facteur, l’agent tellurique ou atmosphérique, qui a rendu l’homme malade, et le microbe n’apparait guère là dedans que comme une cin¬ quième roue à un carosse. Il a trouvé, ce microbe, des tissus désorganisés, des liquides altérés, et il s’y est établi. . C’est son lot, dans ce monde; il ne vit, comme tous ses congénères, que dans des matières en décomposition. Il a profilé du mal fait par l’autre, c’est possible, mais il ne l’a pas produit. Mais cet autre agent, mystérieux, insaisissable, qui de l’aveu même de Pettenkofer, est nécessaire pour produire l’infection, est-ce que vous ne le re¬ connaissez pas ? — C’est notre miasme d’autrefois qui est revenu. Eh bien, et le microbe, à quoi sert-il ? « * Il ne sert si bien à rien que les microbistes sont obligés, pour meltre les choses d’accord avec leur théorie, d’inventer des fausses maladies. Il y a longtemps que je leur ai prédit qu’il faudrait en venir là. Il y avait déjà le charbon vrai et le charbon faux, voici les vrais tubercules et les faux tuber¬ cules. Les faux tubercules, vous le devinez, sont ceux où, malgré tout, on ne peut pas trouver de microbes. Ils sont malheureusement aussi vrais que les autres et on en meurt tout aussi bien ; seulement, ils ne sont pas encore à Pétai de décomposition commençante où les bacilles peuvent s’y établir, comme les moisissures envahissent un fruit qui pourrit. Et quant au bacille, lorsqu’on l’inocule à des animaux bien portants, même à des lapins, bêtes lymphatiques et fragiles, et qu’au lieu de jeter ceux-ci au 102 JOURNAL DE MICROGRAPHIE fond des clapiers infects des laboratoires, on les met en plein air et au grand soleil, ils guérissent très bien et l’inoculation est sans conséquence : M. Brown Séquard, je crois, vient de le démontrer. A quoi donc sert le microbe ? y ^ # J’ai connu jadis un homme qui avait inventé de faire des bougies en bois. Il sciait des manches à balais par petits morceaux, les peignait en blanc et en faisait des paquets ayant la forme et les étiquettes consacrées. Je le surpris un jour à cette besogne : — Que, diable, faites vous là ? Ça ne peut servira rien, vos bougies. — C’est vrai, mais elles sont bien présentées et j’en vends beaucoup. Avant qu’on se soit aperçu qu’elles ne sont bonnes à rien j’en aurai vendu pour vingt-mille francs. — Voilà à quoi ça sert. Il fut un temps, aussi, vous vous en souvenez peut-être, ou le D’‘ Domingos Freire, de Rio Janeiro, découvrit dans le sang des individus atteints de fièvre jaune un microbe, dont il fit naturellement le microbe de la fièvre jaune, puis qu’il cultiva et avec lequel il entreprit de fabriquer un virus atténué et de faire des inoculations préventives. Peut-être vous souvenez- vous que la chose fut portée, il y a quelques années, devant l’Académie de médecine et que le brave Henri Bouley, qui s’élait fait * le porte-clairon de M. Pasteur, saisit cette occasion pour acclamer la décou¬ verte de M. Domingos Freire et jouer un air de trompette à la gloire du dit M. Pasteur. Ce qui m’avait fourni l’occasion de traiter de naïf et de gobeur ce vieil enfant terrible de la cause microbienne. Depuis lors, il est vrai, le microbe de la fièvre jaune avait subi quelques anicroches, et dans les préparations présentées par M. Domingos Freire et Rebourgeon, M. Gornil n’avait trouvé que des brins de coton. Si bien que M. P. Gibier fut envoyé, il y a quelques mois, à la Havane, par le gouvernement français, afin d’ « étudier la fièvre jaune dans les pays où elle se montre d’habitude, ainsi que les moyens prophylactiques à opposer à cette maladie. » Or, M. P. Gibier est revenu et il a adressé à l’Académie des Sciences le ré¬ sultat de ses observations faites sur un grand nombre de malades ou de morts ; et il en ressort que M. Domingos Freire s’est absolument trompé. « Le sang, dit M. P. Gibier, a été examiné chaque fois qu’il va eu lieu sur plusieurs préparations à l’état frais, puis desséché et coloré ; il en a été de même de l’urine et de la matière noire. (1) Des ensemencements par piqûres multiples dans la gélose d’agar ont été faits avec le sang, l’urine, la bile, la sérosité péricardique. L’urine a été de plus ensemencée dans des préparations sur plaques ; l'"'' de ce liquide était mélangé avec le premier tube de gélose de (1). Matière noire des vomissements. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 103 la série. De nombreuses coupes ont été faites dans différents organes ; elles ont été colorées en vue d’y rechercher la présence des microbes. » « Je dois avouer ici, quoi qu’il m’en coûte, que mes résultats viennent con¬ tredire, d’une manière absolue, les faits avancés par M. Domingos Freire dont j’ai le regret en même temps que le devoir de me séparer. » En somme, M. P. Gibier n’a trouvé de micro-organismes ni dans le sang, ni dans l’urine, ni dans la bile, ni dans le liquide péricardique. « Même dans les cas les plus graves, le sang examiné au microscspe ne présentait pas de trace appréciable d’altération dans ses éléments. » Les ensemencements ont été stériles, et le fameux microbe de la fièvre jaune trouvé dans le sang par M. Domingos Freire, n’y existe pas plus, malgré les cris d’enthousiasme dont le bon Henri Bouley avait salué son avènement, que le non moins fameux leucocyte-amibe qu’y avait signalé jadis M. de La Caille et dont j’ai fait dans le temps bonne justice. En revanche, M. P. Gibier a trouvé, dans les matières vomies et le contenu de l’intestin, « une quantité prodigieuse et une foule d’espèces de microbes de toutes sortes. » Je crois que ce résultat n’étonnera personne ; dans toutes les maladies de l’appareil digestif, on trouve des myriades de micro-organismes dans les matières de l’estomac et de l’intestin, et l’on en trouve d’autant plus que la maladie a plus duré, — ce qui est tout-à-fait contraire à la doctrine du microbe-cause, d’après laquelle le microbe devrait être d’autant plus abondant que la maladie a été plus courte et a plus rapidemdent tué le malade. Ces matières noires pleines de microbes ont été injectées à trois cobayes — l’un est mort, l’autre a été malade et s'est guéri tout seul ; le troisième ne s’est pas aperçu de la tentative faite contre ses jours. Voici donc encore un microbe de la fièvre jaune jugé. ... en attendant qu’il en pousse un autre. Mais, si j’ai bonne mémoire, le gouverment brésilien a pris sous son patro¬ nage les inoculations préservatrices faites par M. Domingos Freire avec les cultures de son microbe. H avait même fait vacciner d’office je ne sais plus combien d’ouvriers ; — j’ai demandé alors pourquoi des ouvriers et pas des banquiers. On ne m’a pas répondu, mais on a célébré sur tous les tons les mer¬ veilleux résultats, etc... Pour moi, j’ai affirmé que tous ces gens là avaient été préservés de la fièvre jaune de la même façon que j’ai échappé au fameux accident du chemin de fer de la Rive Gauche: parceque je n’étais pas dans le train qui a sauté. Alors des gens très bien posés, très décorés, très officiels, m’ont admonesté: « vous vous moquez de tout, — ces faits sont indéniables, — la doctrine est inattaquable, — vous n’êtes pas sérieux.. ! Eux, à les entendre, étaient sérieux. — Eh bien! voulez-vous me dire qu’est-ce qui reste aujourd’hui de tous ces beaux résultats obtenus avec le bouillon de culture de quelque chose qui n’existe pas? Et puis, ce n’est pas fini. Laissez faire le mouton. Ces temps sont fertiles en débâcles, et j’en ai encore bien d’autres à vous présenter. Mais il y en aurait trop long. Ça sera pour la procliaine fois. Df J. Pelletan. 104 JOURNAL DE MICROGRAPHIE TRAVAUX ORIGINAUX LE MÉCANISME DE LA SECRETION Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le professeur L. Ranvier. [Suite) (1) Après vous avoir décrit Texpérieiice qui consiste à exciter électri¬ quement les nerfs qui entourent les canaux excréteurs des glandes sous-maxillaire et rétrolinguale du Rat, il me reste à vous décrire les modifications qui se sont produites dans ces glandes. Je m’occu¬ perai plus tard de la sous-maxillaire dans laquelle surviennent des modifications très intéressantes et pas encore connues ; aujourd’hui je veux m’occuper seulement de la rétrolinguale. Vous vous souvenez que la sous-maxillaire et la rétrolinguale du Rat sont contenues dans une même capsule et qu’on lesprendrait pour une seule et même glande. Lorsqu’on a tué un Rat par hémorrhagie, par décapitation, et que l’on dissèque rapidement les glandes réunies, 011 est frappé de voir qu’il y a une très grande différence d’aspect, dans ces conditions, entre les deux glandes, différence d’aspect de laquelle je n’ai rien dit jusqu’à présent. La rétrolinguale est translu¬ cide et présente une teinte ambrée, tandis que la sous-maxillaire est blanche et opaque. Cette différence se comprend facilement: le sang ayant été éliminé par l’hémorrhagie, les glandes apparaissent avec leur couleur propre. La rétrolinguale paraît translucide parce qu’elle est constituée par des cellules muqueuses qui sont elles-mêmes translucides, et l’on voit la teinte vraie du tissu. La sous-maxillaire, au contraire, est consti¬ tuée pour des cellules granuleuses opaques, aussi parait-elle opaque et blanche. Quant à l’expérience que j’ai commencée devant vous nous l’avons continuée pendant 2 heures 1/2 avec des interruptions pour ne pas fatiguer le nerf. Au bout de ce temps, l’animal a été décapité, on a (1) Voir Journal de Micrographie T. X, 1886, T. XI, 1887, T. XII, 1888, p. 2, 33, 65. D’’ J. P. sténogr. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 105 mis les glandes à nu des deux côtés, et j’ai été frappé de la différence d’aspect que présentaient les deux glandes rétrolinguales. Du côté excité, elle ne paraissaient plus du tout translucide ni ambrée, mais opaque et blanchâtre comme la sous-maxillaire. Cette observation macroscopique conduit déjà à admettre qu’il est survenu dans la glande rétrolinguale des modilications des cellules qui les rapproclient 'de celles de la sous-maxillaire, c’est-à-dire qu’elles ont perdu de leur transparence et sont devenues plus granuleuses, c’est ce que l’a¬ nalyse histologique que nous allons faire maintenant va nous montrer. Je vous rappellerai d’abord quelle est la structure de la rétrolin¬ guale du Hat. Vous vous souvenez qu’elle présente des culs de sac bourgeonnants qui se réunissent pour former de petits lobules à chacun desquels correspond un canalicule salivaire. Les canalicules s’abouchent pour constituer le canal excréteur, tapissé d’un épithé¬ lium cylindrique très net. Dans le fond des culs de sac sont des cellules granuleuses, géné- râlement en forme de coin, et le reste est occupé par des cellules muqueuses caractéristiques, avec un noyau refoulé vers la base de la cellule, [irès de la membrane propre de la glande. Quelquefois plusieurs cellules granuleuses sont associées au fond d’un cul de sac, quelquefois il n’y en a qu’une seule. — Doit-on les considérer comme des cellules de remplacement devant jouer un rôle dans la sécrétion? C’est la question que nous nous sommes posée et que nous cherchons à résoudre. L’expérience va nous montrer que ce ne sont pas des cellules de remplacement. Mais, cette expérience, quel est son caractère? Va-t-elle donner des résultats que nous devions considérer comme physiologiques ? — Non. — Le Hat, vous le savez, est un Rongeur infatigable : quand on laisse indéfiniment à sa [)ortée des substances alimentaires, il mange indéfiniment ; et s’il n’a pas à manger, il ronge tout ce qu’il trouve. 11 en résulte que. cliez ces animaux il y a une sécrétion salivaire à peu près continue et abondante. Eh bien! quel que soit le moment où vous preniez un Rat et que vous examiniez sa glande rétrolinguale, elle se montre toujours avec les mêmes caractères : culs de sac glandulaires occupés, presqu’uniquement par des cellules muqueuses très nettement dessinées, avec noyau ratatiné et refoulé à la base de la cellule, etc. Ainsi à l’état physiologique, il ne survient jamais dans la glande rétrolinguale, sous l’inlluence de la secrétion, des modilications qui l’écartent notablement du type que je viens de vous décrire. Donc, si à la suite d’une excitation électrique prolongée du nerf, nous observons des modifications considérables, elles ne devront [ras 106 JOURNAL DE MICROGRAPHIE être considérées comme des phénomènes physiologiques, mais pa¬ thologiques, c’est-à-dire comme une exagération telle des phéno¬ mènes physiologiques qu’on ne la rencontre jamais à l’état naturel. Ce sont des modifications expérimentales. Quelles sont ces modifications? — Nous allons les étudier sur des coupes faites après durcissement par l’alcool ou Tacide osrnique et colorées par le picro-carminate d’ammoniaque. Des préparations ont toujours été faites en même temps avec la glande du côté nor¬ mal et du côté excité afin de pouvoir les comparer très exactement. Chez le Rat, des modifications considérables de la glande rétrolin- guale se produisent rapidement, et déjà au bout de '2 heures à 2 2 h. 1/2, il y a une transformation telle qu’on est frappé en exami¬ nant des préparations de cette glande et de celle du côté opposé faites de même. Les choses vont beaucoup plus vite que chez le Cochon d’Inde, et de plus, en employant les mêmes procédés et les mêmes instruments, il ne survient pas ces dilatations de la lumière glandulaire qui en augmentent le calibre. Les cellules granuleuses en coin restent en place. Il semble qu’elles sont légèrement accrues, mais je ne voudrais pas l’affirmer, bien que j’aie une tendance à croire qu’elles sont un peu plus grandes. Dans la plupart d’entr’elles, on observe des granulations graisseuses, extrêmement fines, mais fort nombreuses, et qui donnent à ces cellules une coloration noire tout à fait caractéristique et qu’on ne trouve pas dans la glande non excitée. De plus, les noyaux des cellules caliciformes, qui étaient aplatis à la base des cellules se sont développés, sont devenus sphériques, le protoplasma qui était réduit à une couche extrêmement mince s’est accru et a subi un mouvement ascentionnel dans les cellules. Celles-ci sont moins hautes ; il reste cependant dans la plupart d’entr’elles, au voisinage du bord libre, un espace clair sillonné par le réticulum protoplasmique que nous connaissons. Tous les culs de sac ne sont pas également transformés ; il y en a, dans la même glande, qui paraissent n’avoir pas été atteints et sem¬ blent à peu près à l’état normal ; d’autres, au contraire, sont trans¬ formés, après 2 heures 1/2 d’excitation, de telle sorte qu’on a peine à y trouver trace de cellules muqueuses, mais les cellules en coin se distinguent toujours par la présence de granulations graisseuses. C’est un fait extrêmement frappant. J’ai examiné avec soin les culs de sac de la rétrolinguale après 2 heures 1/2 et 3 heures d’excitation, et surtout le réticulum proto¬ plasmique. Pour le bien voir, au lieu de monter la préparation dans la glycérine après l’action de l’acide osrnique, je la conserve dans l’eau phéniquée. En plaçant les coupes minces de la glande normale JOURNAL DE MICROGRAPHIE 107 dans l’eau phéniquée à 20 pour 100, on voit très bien le réticulum par ce qu’il se distingue surtout à cause de son indice de réfraction supérieur à celui des parties qui Tentourent. Donc, si on place la glande dans un liquide d’un indice de réfraction inférieur à celui de la glycérine, on distinguera le réticulum plus facilement. On voit aussi que le réticulum est plus épais et que la masse protoplasmique a pris beaucoup de développement dans la glande du côté excité. A ce point de vue je dois vous parler d’un travail tout récent que j’ai reçu de M. Henry List sur la structure des cellules glandulaires, en particulier des cellules caliciformes. Je ne sais pas pourquoi il admet que le réticulum que l’on trouve dans les cellules muqueuses des glandes et les cellules caliciformes n’est pas de nature protoplas¬ mique. Et cependant, il dit y avoir observé des mouvements ! Il ne dit pas comment, et paraît ignorer complètement les observations que j’ai faites l’année dernière et il y a deux ans sur les mouvements si marqués qui se produisent dans les vacuoles de la glande retro-lin- guale delà Grenouille. Il admet que ce réticulum, qui n’est pas proto¬ plasmique et dans lequel il y a des mouvements, ne joue aucun rôle dans le mécanisme de la secrétion. Pourquoi? je n’en sais rien. C’est une simple affirmation qu’il ne cherche à établir sur aucune expé¬ rience. Pour lui, il n’y a pas besoin d’expériences, et la secrétion se produit parce qu’il survient un gonflement de la « substance interfi- laire », c’est-à-dire la substance des mailles protoplasmiques. — Évi¬ demment, il survient un gonflement dans cette substance, c’est bien connu et facile à voir, surtout quand on emploie l’alcool au tiers : Dans les cellules caliciformes de l’œsophage de la grenouille, on voit s’échapper de l’ouverture comme une sorte de champignon de mucus dans lequel se trouvent des filaments qui probablement correspondent à des parties du réticulum protoplasmique, appareil filaire de M. List. Mais cela ne prouve pas que la sécrétion se fasse en réalité comme elle semble se faire dans ces préparations. Il y a une grande différence entre ce qui se passe dans les organes vivants et ce qui se produit dans les préparations, entre deux lames de verre, et surtout dans l’acide chromique ou l’alcool au tiers. Ce sont des phénomènes physiques ou chimiques, mais de là à la sécrétion telle qu’elle se produit dans une muqueuse ou dans une glande vivante, il y a très loin. Il ne faut pas conclure de ces aspects à des propriétés physiologiques. En général, autant qu’on peut en juger par des dessins, très exacts au point de vue des contours, exécutés par M. Malassez à la chambre claire, il y a un instant, les culs de sac de la rétrolinguale modifiée par une excitation électrique prolongée ont un diamètre inférieur à celui des mêmes culs de sac dans la glande normale. En effet, les 10, Jan. — minutus. Grev. Coscmodiscus lineatus, Grev. var. tenera, ï. et W. — naviculoïdes, T. et W. — pauper, T. et W. suhdivhus, T. et W. — trochiscos, T. etW. — oblongus, Grev. — elegans, v. parvipuntata, T. et W. — cribrosus, T. et W. — Kinkerianus, T. et W. astéroïdes, T. et W. — robustus, Grev. Arachnoïdiscus Ehrenbergii, Bail. — Grevilleanus, Hardm. — ornatuSy Ehb. Craspedodiscus elegans, Ehb. Auliscus Hardmanianus, var Haitiana, T. et W. — punctatus, v. robusta, T. et W. Porodiscus interruptus, Grev. et St. Stictodiscus Truani, W. — Grunowü, T. et W. — elaboratus, T. et W. — haytianus, T. et W. — Buryanus, f. subquadrata, T. etW. — — rotunda, T. et W. — — . f. triangularis, T. et W. — — f. sub triangularis, T. et W. — — V. gracilis, T, et W. — Johnsonianus, ex rect., T. et W. — — f. tricona, T. et W. — f. quadrata, T. et W. — multiplex, G. Jan. — Jeremianus, Castr. — Hutllingerianus, T. et W. ■ — Eulensteinii. Gartr. — adspersus, T. et W. — caraibicus, T. et W. — kinkerianusy T. et W. — serpentinus, T. et W. — pulchellus, T. et W. — confusus, T. et W. Triceratium favus, f. hexagona, Ebh. — Strabo, A. S. 164 JOURNAL DE MICROGRAPHIE — grande, Briglit. — arcticum, v. robusta, T. et W. — Perryanum, T. et W. — Godefroyi, Gruii. — Shadboltiamim, Grev. — trisulcum, v. Haytiana, T. et W. — — V. producta, T. et W. succinctum, ï. et W. — grave, A. S. — rotundatum, Grev. — Janisckii, T. et W. — hiquadratumy G. Jan. — hardmanianum, Grev. — insuave, f. trigona, T. et W. — f. tetragona, T. et W. — Davidsonianum, T. et W. — Jordani, T. et W. arrogans, T. et W. — imperator, T. et W. — Stolterforthii, T. et W. — pallidum, Grev. Triceratium turriferum, T. et W. — elaboratum, T. et W. — barbadense, Grev. Trinacria Jeremiæ, T. et W. — subcapitata, Grev. Porpeia robusta, T. et W. Biddulphia pulchella Grev. — caraïbica, T. et VV. — antigua, T. et W. Entogonia Davyana, v^ pentagona, T. et W. — — V. biangulata, T. et W. On voit par cette liste, que nous abrégeons, combien sont nombreuses les formes nouvelles, signées Truan et Witt, que ces auteurs ont trouvées dans le dépôt en question. Et il est remarquable que presque toutes ces espèces et variétés nouvelles appartiennent aux tribus des Biddulphiées, des Goscinodiscées et autres groupes voisins. Ce travail, accompagné surtout de figures d’une exac¬ titude aussi rigoureuse, est donc d’un vif intérêt pour les diatomistes. Certaines de ces figures, même, sont extrêmement curieuses à étudier à la loupe, car la rétine de l’appareil photographique, comme a dit M. Van Heurck, a vu sur les valves, et a fixé dans l’image, de fins détaiis que la rétine de l’œil humain n’avait pas encore distingués nettement. Malheureusement, le texte est en allemand, ce qui est un inconvénient pour beaucoup de lecteurs français à qui la langue d’outre-Rhin n’est pas familière. D. J. P. Le Gérant: Jules Pelletan Fils. Amiens — Imprimerie Rousseau-Leroy. Douzième année No G 20 Avril 1888 JOURNAL DE MICROGRAPHIE SOMMAIRE : Le mécanisme de la sécrétion [suite], leçons faites au Collège de France, par le Prof. L. Ranvier. — Évolution des microorganismes animaux et végétaux para¬ sites ; leçons faites au Collège de France, parle Prof. G. Balbiani. — De l’immu¬ nité vaccinale ; théorie phagocytaire du Dr Mentschnikoff, par M. Delamotte. — Un foraminifère nouveau, par IVI. le Prof. J. Kunstler. — Les Diatomées, histoire naturelle, classification et description des principales espèces, préface par le Dr J. Pelletan. — Bibliographie. — Catalogue des plantes de France, de Suisse et de Belgique, par M. E. G. Camus, eic — Avis divers. TRAVAUX ORIGINAUX LE MÉCANISME DE LA SECRETION Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le professeur L. Ranvier. [S ai lé) (1) A la fin de la dernière leçon, je vous ai donné quelques rensei¬ gnements sur Pexpérience de l’excitation de la glande sous-maxil- laire par la corde du tympan chez le chien. Il est inutile d’y revenir c’est une expérience tout à fait classique, extrêmement facile pour quiconque a acquis l’habitude des expériences physiolo¬ giques, parce que les temps et les points de repère ont été parfaite- (1) Voir journal de Micrographie, T. X, 1880, T. XI, 1887 T. XII, 1888, p. 2, 33,65, 104. J. P. stén. 1G6 JOURNAL DE MICROGRAPHIE ment réglés. 11 y a longtemps que cette expérience est connue : elle a été faite i)ar Ludwig, répétée par Claude Bernard et par tous les physiologistes ; lleidenhain a eu le mérite d’avoir tenté, en employant des méthodes relativement insuffisantes, de déterminer les modifica¬ tions qui se produisent dans la glande excitée par Pintermédiaire de son nerf cérébral. J’ai répété nombre de fois cette expérience et j’ai fait varier la durée de l’excitation depuis 5 minutes jusqu’à 7 et 8 heures, — vous verrez que cela est nécessaire pour apprécier cer¬ taines modifications qui ont complètement échappé aux physiolo¬ gistes et aux histologistes, jusqu’à présent. Je vous ferai d’abord remarquer que le Chien n’est pas un Ron¬ geur, c’est un Carnassier, qui mange d’une tout autre façon que le Lapin ou le Rat. Ceux-ci mangent constamment et éprouvent toujours une sécrétion très abondante de leurs glandes salivaires. Le Chien, au contraire, a des repas extrêmement rapides et, par consé¬ quent, produit une grande quantité de salive en très peu de temps. Qu’en résulte-t-il ? C’est que si nous excitons la corde du tympan, pendant 5, 10, 20 minutes, nous déterminons une sécrétion extrê¬ mement abondante de la sous-maxillaire correspondante ; du reste, nous pouvons recueillir la salive. Et évidemment, la sécrétion de cette glande est beaucoup plus considérable que celle qui se produit lors d’un repas ordinaire : jamais il ne se produit autant de salive en si peu de temps et pendant aussi longtemps. Par conséquent, nous sommes sûrs que quand nous avons excité la corde du tympan pen¬ dant 20 minutes et déterminé une production abondante de salive, nous sommes bien au delà de toute limite physiologique. Si nous recueillons cette sous-maxillaire après 20 minutes d’excitation et que nous en fassions des préparations comme il est conseillé de le faire par tous les auteurs qui se sont occupés de cette question, en plaçant un fragment dans l’alcool, faisant des coupes, colorées ensuite par le carmin, suivant le procédé de lleidenhain, nous ne verrons aucune différence entre cette glande et une glande normale, entre cette glande et celle de l’autre côté qui n’a pas été excitée. Pour produire les modifications qui ont été décrites par Heidenhain et ses élèves, il faut une excitation beaucoup plus prolongée et, je le répète, ce sont des conditions expérimentales qui déterminent des lésions entièrement pathologiques. Je ne veux pas dire cependant qu’une excitation de la glande ayant duré 20 minutes, ou même 5 minutes, n’y a pas déterminé des modifications ; bien au contraire, il s’est produit des modifications mais elles ont échappé jusqu’à présent aux observateurs. Ainsi, l’année dernière, j’ai excité la corde du tympan, le nerf JOURNAL DE MICROGRAPHIE 1G7 tyinpailico-lingiial, du côté droit avec un courant d’induction moyen, produisant une grande quantité de salive ; j’ai fait passer le courant pendant 5 minutes sans désemparer, me disant qu’il doit y avoir des modifications transitoires qui échappent et qu’il fallait les fixer. Vous savez quel parti j’ai tiré des injections interstitielles d’acide osmique, quoique mes résultats n’aient pas été tout à fait admis par les physio¬ logistes ou les histologistes étrangers, ce qui m'est complètement égal. Vous savez quel parti j’ai tiré de ces injections interstitielles j que j’ai introduites dans la technique, pour amener avec une très grande rapidité dans un organe, à telle période que l’on veut de sa fonction, un fixateur énergique qui immobilise les particules organiques dans leurs rapports, juste à un moment donné ; je m’en suis servi pour étudier la sous-maxillaire du Chien. La sécrétion marchait a toute vapeur, si vous voulez me permettre cette expression ; j’ai enfoncé une canule dans la sous-maxillaire et j’ai injecté 2 centimètres cubes d’une solution d’acide osmique à 1 0/0. Dans l’autre glande, au repos, j’ai fait la même injection et l’animal a été sacrifié par la sec¬ tion du bulbe. Les parties touchées par l’acide osmique ont été fixées. On les a recueillies des deux côtés, et l’on a complété le dur¬ cissement par l’alcool pour rendre les coupes plus faciles. Ces coupes ont été faites, très minces, on les a colorées par le picro-carminate et montées dans la glycérine. Au premier abord, on ne voit pas de grandes différences. Mais quand on- lixe son attention sur les points essentiels, on constate, du côté de la glande au repos, normale, des croissants de Gianuzzi, de grandes cellules muqueuses avec leur noyau refoulé vers la base, un réticulum protoplasmique, et tous les détails de structure que nous connaissons. Du côté excité pendant 5 minutes, les croissants parais¬ sent légèrement plus étendus ; cependant, je ne voudrais pas l’affirmer, attendu que l’épaisseur des croissants n’est pas constante chez le même animal, mais ils sont vacuolisés, tandis que dans la glande nor¬ male ils sont simplement granuleux. Il y a des croissants où les va¬ cuoles sont extrêmement nombreuses et petites, d’autres où elles sont grandes et en nombre variable. — Pour les bien voir, il faut que la coupe soit très mince et la coloration intense. Déjà, au bout de 5 minutes, à côté des vacuoles apparaissent des granulations colorées en noir, qui sont de nature graisseuse. Ainsi, après 5 minutes d’excitation on constate deux faits intéres¬ sants, apparition dans les cellules granuleuses des croissants de va¬ cuoles plus ou moins considérables et de granulations graisseuses. Quant aux cellules muqueuses, on n’y voit pas de modifications ; il a 1G8 JOURNAL DE MICROGRAPHIE (lù cependant s’en produire puisqu’il y a eu une sécrétion abondante et que nous ayons même recueilli la salive. Il s’est donc échappé du mucigène des cellules caliciformes. Néanmoins, quoique nous ayons appliqué une excitation qui dépasse toutes les conditions physiolo¬ giques, il ne s’est pas produit de modifications suffisantes pour que nous puissions les reconnaître d’une manière sûre. Mais notez ce fait, car il est important, que dans les croissants de Gianuzzi, c’est à dire dans les cellules granuleuses, il s’est formé des vacuoles et quelquefois en nombre considérable, de sorte qu’il se pourrait très bien que sous l’influence de la formation de ces vacuoles ces crois¬ sants soient devenus plus épais qu’à l’état normal. C’est ce que je crois, sans pouvoir l’affirmer à cause de la variété qu’il y a dans ces croissants. Maintenant, poussons les choses à l’extrême pour avoir des modifi¬ cations aussi complètes que possible. Plaçons nous dans les condi¬ tions que Heidenhain a recommandées. 11 m’a même reproché in¬ directement de n’avoir pas poussé les choses assez loin, — je dis « indirectement » parce qu’il a pris pour cela un intermédiaire, ce qui n’était pas nécessaire. — Prenons une sous-maxillaire du Chien ex¬ citée pendant 7 heures avec des interruptions, de manière à obtenir la plus grande quantité possible de salive ; au bout de 7 heures, sa¬ crifions l’animal, recueillons des fragments de la glande du côté ex¬ cité et du côté resté en repos et n’en faisons pas une seule espèce de préparations, comme Heidenhain, mais employons les coupes et les dissociations. Pour les coupes , nous pouvons utiliser plusieurs procédés : coupes après l’action de l’alcool et coloration par le picro- carminate; coupes après l’action de l’acide picrique et coloration par l’hématoxyline ; coupes après durcissement dans le bichromate d’am¬ moniaque et coloration par l’hématoxyline ancienne et nouvelle ; enfin, coupes après l’action de l’acide osmique et coloration par le picro- carminate d’ammoniaque, ou l’hématoxyline, et montage dans le baume. Examinons d’abord les coupes. Nous constatons, même après 7 heures d’excitation, que les différents culs de sac ne sont pas égale¬ ment transformés. — C’est exactement comme chez le Rat. — Tandis que la plupart des culs de sac ont subi des modifications tellement complètes qu’il ne reste pas une seule cellule ayant conservé les carac¬ tères des cellules muqueuses, il y en a d'autres qui n’ont pas changé et présentent tous les caractères que nous considérons comme physiologiques, pour les croissants de Gianuzzi et les cellules mu¬ queuses. De deux culs de sac qui sont en connexion l’im est entière¬ ment transforme, l’autre n’a subi aucun changement. Vous voyez dès JOURNAL DE MICROGRAPHIE 1G9 lors que des culs de sac qui se trouvent dans les mêmes conditions au point de vue de la circulation du sang ne sont pas également mo¬ difiés. L’explication du fait ne peut donc pas être cherchée dans des changements survenus dans la circulation de la glande. Cela confirme s’il était nécessaire, la belle expérience de Ludwig, établissant que la sécrétion de la sous-maxillaire du Chien est indépendante, jusqu’cà un certain point, de la circulation. Si le nerf excité agit directement sur les cellules glandulaires pour déterminer l’activité sécrétoire, il faut admettre que les culs de sac qui ont résisté, alors que le nerf tympa- nico-lingual était excité, ne reçoivent pas les terminaisons de ce nerf, ou que si ces terminaisons existent, ils ont perdu leurs propriétés physiologiques. C’est possible. Il ne faut plus croire aujourd’hui à cette fixité du système nerveux, surtout dans ses expansions périphé¬ riques. Je vous ai montré souvent que les nerfs ont une tendance à pousser du centre à la périphérie et que les terminaisons nerveuses périphériques ne sont pas fixes, qu’elles ne sont pas les mêmes chez l’adulte et chez le jeune, pas les mêmes’ chez le jeune que chez le fœtus ; c’est à dire que les fibres nerveuses terminales croissent au sein des tissus comme les racines des plantes dans le sol. Par consé¬ quent, les nerfs qui se rendent dans l’intérieur d’une glande sont sou¬ mis à cette croissance continue et il se peut qu’tà un moment donné, il y ait, dans la sous-maxillaire du Chien et dans les autres glandes, des culs de sac de nouvelle formation qui, par suite de cette évolu¬ tion même, n’aient pas encore été atteints par des nerfs glandulaires. Pourquoi pas? C’est une hypothèse, je ne l’ai pas vu, mais devant un fait aussi extraordinaire que la non transformation de quelques culs de sac après une excitation aussi longtemps maintenue, je suis bien en droit de chercher une explication. Cette hypothèse restera dans la science ou en disparaîtra, cela m’est égal, mais ce qu’il faut, c’est, en face d’un fait inexplicable, présenter une hypothèse qui puisse con¬ duire à la découverte de la vérité. Il y a un fait encore bien plus curieux qui se produit, mais avant de vous en parler, je dois vous exposer les modifications qui se sont effectuées dans les culs de sac les plus transformés. Comme je vous l’ai dit, dans ces culs de sac on ne trouve plus une seule cellule muqueuse : en général, les croissants de Gianuzzi sont singulièrement épaissis. Etant donné le mode de préparation, on ne voit plus nettement les vacuoles, mais, par contre, les granulations graisseuses sont extrêmement nettes et très abondantes, de sorte que ces croissants apparaissent avec une teinte brune ou noire des plus caractéristiques, surtout dans les préparations faites après durcisse¬ ment dans l’acide osmique, examinées dans l’eau ou dans la glycérine 170 JOURNAL DE MICROGRAPHIE sans autre coloration. Les cellules qui leur font suite sont des cellules muqueuses tronsformées, parfaitement reconnaissables quoique leur noyau soit refoulé à la périphérie, accru et avancé dans la cellule; la masse protoplasmique s’est développée également, et il ne reste dans la cellule qu’un réticulum plus ou moins marqué, enserrant dans ses mailles une substance séreuse transparente. Est-ce du mucigène ? Est-ce seulement de la sérosité? je n’en sais rien. J’espère arriver à le déterminer en perfectionnant la méthode dont je vous ai parlé der¬ nièrement. Les culs de sac sont très nettement réduits ; leur diamètre est moins considérable que dans la glande normale. Donc ici aussi, comme chez le Rat, il y a une transformation grais¬ seuse des cellules des croissants, granuleuses, tandis que les cellules muqueuses transformées ne contiennent pas de granulations, de sorte que, grâce à cette réaction physiologique, on trouverait toujours moyen de distinguer ces celluies muqueuses des cellules granuleuses dites « de remplacement, » et qui ne sont pas des cellules de rempla¬ cement, comme je l’ai établi. J’arrive maintenant au fait vraiment curieux que l’on observe dans quelques culs de sac. Généralement au voisinage d’un croissant, une cellule muqueuse tout à fait type a conservé ses dimensions, son aspect, son réticulum, son noyau refoulé à la base... Yoihà donc une cellule muqueuse qui a résisté mieux que toutes les autres à l’excita¬ tion. Je crois être arrivé à ce sujet, à une hypothèse tout à fait présen¬ table. Si nous admettons, ce qui est probable, que l’excitation du nerf cérébral de la sous-maxillaire du Chien se transmet aux cellules elles- mêmes de la glande directement par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs libres nerveuses terminales, et si nous supposons que les cellules muqueuses, par suite d’une évolution non fonctionnelle, mais évolution de développement, se détachent successivement les unes après les autres, parce qu’elles sont usées, quand on excitera le nerf, l’excitation ne pourra pas se transmettre à ces cellules qui se seront détachées. Nous connaissons un fait semblable pour les cellules de l’épiderme. On admet théoriquement, car on ne l’a pas constaté, que dans tous les épithéliums il en est de même, que toute cellule épithéliale est soumise à une évolution sinon fonctionnelle, au moins de développement. 11 est tout simple que cette cellule n’étant plus en rapport avec le nerf, quand on excite celui-ci, il ne peut rien lui trans¬ mettre ; elle restera donc stérile au point de vue de la fonction au milieu de toutes les autres cellules voisines qui travaillent. J’ai observé un fait qui vient donner un singulier appui cà cette hy¬ pothèse ; c’est un fait que je connais depuis quelques années, que je n’ai pas publié encore et je ne sais aucun travail où il soit signalé, pas JOURNAL DE MICROGRAPHIE 171 plus que ceux que je viens devons rapporter sur la résistance de cer¬ tains culs de sac et de certaines cellules à Pexcitation. Quand on a excité pendant G ou 7 heures, la sojis-maxillaire du Chien par le nerf cérébral, on constate sur des coupes faites après l’action de l’acide osmique, ou bien après celle du bichromate d’ammoniaque pro¬ longée, de riiématoxyline et de l’éosine, on constate que, précisément au voisinage des croissants, il y a des trous qui correspondent au départ d’une cellule muqueuse puisqu’ils ont exactement la forme et et la dimension de cette cellule et qu’ils en occupent la place. Il y a un grand nombre de culs de sac où l’on observe ces pertes de subs¬ tance qui sont très abondantes dans une glande excitée pendant 7 heures, mais on peut en trouver aussi dans une glande qui n’a été excitée que pendant 5 minutes.. Vous me direz que je combats la théorie de Heidenhain qui soute¬ nait que le produit de la sécrétion est formé par des cellules qui sont parties et sont remplacées peu à peu par des cellules des croissants ou cellules de remplacement, et que j’apporte un fait favorable à cette théorie ! — ■' Messieurs, je ne crois pas que cette cellule soit partie pendant qu’on faisait l’expérience ; nous venons de constater que les culs de sac excités pendant longtemps avaient diminué de diamètre, que les cellules muqueuses avaient perdu du mucigène, qu’elles étaient plus petites et qu’il s’était fait un retrait des culs de sac pour compenser la perte du matériel. Pourquoi ces trous ? — S’ils s’étaient produits pendant l’excitation de la glande, le retrait aurait été plus considérable, les cellules voisines qui sont molles seraient venues occuper la place de la cellule partie et nous n’aurions pas une cavité représentant le moule d’une cellule caliciforme. C’est une cellule caliciforme qui n’était plus soudée aux cellules voisines et qui s’est détachée de la coupe. C’est un produit en parlie artificiel : tandis que les autres cellules sont solidement unies les unes aux autres, en certains endroits il y en a qui sont parties parce qu’elles étaient détachées. Je ne veux pas dire qu’elles ne peuvent pas être entraînées par le courant sécrétoire de la salive, je n’en sais rien, mais je dis que, dans les préparations, les pertes de substance que j’observe n’ont pas été éprouvées pendant Texcitation de la glande ; c’est un artifice de préparation qui a sa valeur par ce qu’il nous in¬ dique que les cellules étaient détachées et probablement n’avaient plus de connexion avec le nerf. C’était des cellules muqueuses qui avaient toutes leurs dimensions et ai)rès sept heures d’excitation, sont restées dans leur forme et à leur place.^ C’est donc un fait qui vient appuyer mon hypothèse et qui est très sérieux. Rien de plus facile que de voir ces pertes de substance après dur- 172 JOURNAL DE MICROGRAPHIE cissement dans le bichromate d’ammoniaque et coloration par l’héma- toxyline et l’éosine. Les cellules muqueuses non transformées ont ainsi leur noyau coloré en violet et le réticulum protoplasmique en rose ; dans les pertes de substance on ne voit ni noyau ni réticulum. C’est donc bien simple. — Quand vous verrez ces préparations, vous en serez frappé, et vous jugerez de quelle importance est la technique dans les recherches histologiques. Nos expériences sont absolument contraires cà la théorie de Hei- denhain. Nous trouvons dans les croissants de Gianuzzi des cellules particulières qui subissent une évolution à part, transformation grais¬ seuse, augmentation d’étendue, tandis que les cellules muqueuses di¬ minuent. Il y a là des différences très considérables et, en aucun cas, on ne pourrait considérer les premières comme des cellules de remplacement destinées à prendre la place des cellules muqueuses au fur et à mesure que celles-ci sont expulsées par le mécanisme de la sécrétion. J’avais déjà publié ces faits dans une note insérée dans le Traité d'histologie de Frey, quand Heidenhain a voulu savoir à quoi s’en tenir et a fait reprendre les expériences par un de ses élèves, un ex¬ cellent et très consciencieux histologiste russe, Lavdowsky. Celui-ci a vu les mêmes faits que moi, et néanmoins, sous l’influence de Hei¬ denhain, il a dit que lorsqu’il s’agit d’excitations faibles les choses se passent comme je l’ai annoncé, mais que pour les excitations fortes et prolongées, il faut avoir recours à l’explication de Heidenhain. C’était une moyenne entre l’opinion de Heidenhain et la mienne. Evi¬ demment Lavdowsky n’était pas convaincu ; du reste, il est venu travailler au Collège de France, et nous avons causé. Mais il y a dans ces Universités étrangères une discipline très forte, qui empêche les élèves de professer une autre opinion que celle du maître, ce qui est déplorable. Enfin, je dirai qu’un dernier coup a été porté à la théorie de Hei¬ denhain par l’isolation des ‘cellules de la glande. Rien de plus facile que d’isoler les cellules de la sous-maxillaire du Chien. Après 24 ou 48 heures, ou 3 jours au plus, de][séjour dans l’alcool au tiers, il suffit de racler et de dissocier un fragment de la glande dans l’eau distillée pour avoir un très grand nombre de cellules muqueuses isolées et nageant dans le liquide de la préparation. On peut alors très aisément reconnaître les cellules muqueuses ordinaires, avec leur noyau ratatiné, leur réticulum protoplasmique (découvert par Lav¬ dowsky quand il a fait son travail de vérification). Dans les cellules de la glande excitée, on trouve le noyau sphérique, le protoplasma aug- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 173 liicuLé et lo imicigêiie coini)letoiiieiit parti. Tout cela est si que toute discussion devient absolument inutile. {/I suivî'e). 3 a von* Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le Professeur G. Balbiani Les Acinétiniens. [Suite^) Il nous reste à examiner le singulier type Ophryodendron. Al’état adulte, ces Acinétiniens sont remarquables par le long prolon¬ gement en forme de trompe qui s’élève au-dessus du corps, ovoïde ou piriforme, trompe qui, à son extrémité libre, porte des tentacules ou suçoirs digiti formes plus ou moins nombreux, dont l’insertion varie suivant l’espèce à laquelle appartient l’individu. Chez V Ophryo¬ dendron abietinnrn^ de Claparède et Lachmann, les tentacules s’in¬ sèrent à des hauteurs différentes comme les branches d’un sapin sur le tronc de l’arbre, (d’où le nom qui a été donné à cette espèce), tan¬ dis que dans l’O. helyicum^ trouvé à Ostende par M. Fraipont, les suçoirs s’insèrent tous à la même hauteur et forment comme une couronne. Tel est l’état qu’on peut appeler normal chez ces Acinétiniens, mais on trouve très fré([uemment cette forme associée à une autre d’un aspect très différent, et qu’au premier abord on pourrait considérer comme étrangère «à l’espèce. En effet, Claparède et Lachmaim, qui ont découvert la première forme appartenant à ce genre, T O. abie- tinum^ avaient remarqué qu’en compagnie de ces etre-s se trouvaient des organismes tout à fait différents et qu’ils ont d’abord été tentés de rapporter à un autre type animal. Ce sont, [en effet, des corps (1) Voir Journal de Micrographie, T. X, 1886, T. XI, 1887, cl T. XP, 1888, p. 41, 134. Ü'' J. Pslcn. 174 JOURNAL DE MICROGRAPHIE qui ont une forme allongée, vermiforme : Glaiiarède les coiiqiare à (les nirndinées. Ils sont dépourvus de trompe, mais présentent dans leur substance les mêmes corpuscules fusiformes que Cla¬ parède et Lachmann sont portés à considérer comme des organes urticants. Mais comme ils naissent souvent sur la forme ordinaire, à trompe, de ranimai, ces naturalistes ont pensé qu’il pouvait y avoir une relation génétique entre les deux types. M. Fraipont, dans l’espèce belge, a trouvé aussi des êtres verini- formes à côté d’individus du type normal. Le R. Thomas Hincks, qui a découvert VOphryodendron pedicel- latum sur les cotes d’Angleterre, y a trouvé aussi une forme vermi- forine associée, sur les Plumatelles [Phimidaria). Enfin, Saville Kent a fait aussi la même observation. Tous les auteurs, sauf Ch. Robin, s’accordent à considérer ces deux formes comme appartenant à une même espèce dont ils représente¬ raient des états différents. Hincks les regarde comme appartenant à la même espèce, mais considère les individus vermiformes comme appartenant à une forme spéciale qu’il appelle « lagéniforme » [Journ. Micr. Sc. 1875.) G. Yon Koch, sur des individus trouvés dans le détroit de Messine, avait remarqué queles animaux sans trompe abandonnaient quelquefois leur position pour venir se fixer sur les individus à trompe ou « pro- boscidiens •). Il en avait conclu qu’ils venaient se conjuguer avec ceux-ci et le résultat de cette conjugaison était la formation d’em¬ bryons internes chez les proboscidiens. Enfin, d’après une autre opinion, la forme lagéniforme ne serait que la forme jeune de la forme proboscidée. Telle est, d’ailleurs, l’opinion qui était dans l’esprit de Claparède et Lachmann, mais qu’ils n’ont pas cherché à éclaircir, les matériaux leur manquant. Telle est aussi l'opinion que, plus récemment, M. Fraipont s’est faite de ces deux formes lagéniforme et proboscidienne, opinion adoptée par Sa¬ ville Kent. Après avoir décrit ces deux formes, voyons si l’opinion qui les rat¬ tache l’une à l’autre par des liens génétiques est justifiée. Claparède et Lachmann qui ont découvert la première espèce, y Ophryodendron abietinum, ont observé les premiers les phénomènes de reproduction chez ces êtres : bourgeonnement externe, bourgeon¬ nement interne. Dans le bourgeonnement externe, le bourgeon naît toujours au voisinage de l’extrémité de l’animal qui porte la trompe ; ce bourgeon apparaît sous la forme d’une excroissance ou d’une protu¬ bérance arrondie qui grossit et se munit quelquefois de tromiie. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 175 Dans ce cas, la forme proboscidiemie produit directement un être semblable à elle. Mais, d’autres fois, au lieu d’un bourgeon à trompe, il naît un bourgeon du type vermiforme, de sorte que chaque indi¬ vidu proboscidien est susceptible de donner naissance tantôt au type proboscidiforme, tantôt au type lagéniforme, ce qui montrerait qu’il existe une relation étroite entre ces’deux sortes d’individus. M. Fraipont, à Ostende, a fait des observations analogues. V Ophryodendron helyicum produit aussi à sa partie antérieure des bourgeons qui présentent d’abord une petite excroissance régulière¬ ment arrondie. Le noyau, que Pon fait apparaître par les réactifs, envoie un prolongement dans le bourgeon, prolongement qui se sépare en¬ suite et forme un petit noyau particulier au bourgeon. Ce bourgeon ne se munit jamais de cils vibratiles et reste toujours nu. M. Frai- pont n’a pas vu en liberté de ces petits êtres indépendants, rappelant par leur forme le bourgeon encore fixé sur l’organisme maternel, mais il a vu des formes indiquant qu’elles résultaient de l’accroisse¬ ment d’un bourgeon. Sur une même masse de polypier, il a constaté l’existence d’étres qui n’étaient que des bourgeons un peu plus déve¬ loppés ; les uns à un âge un peu plus avancé avaient le corps effilé ; chez les autres, plus avancés encore, le corps effilé avait pris la forme allongée qui caractérise les individus lagéniformes. C’est-à-dire qu’il a trouvé tous les états de transition entre le simple bourgeon fixé sur la mère et les individus lagéniformes. Mais il n’a pas vu la transfor¬ mation directe des individus lagéniformes en proboscidiens ; il a ob¬ servé seulement certaines phases qui indiquent que cette transforma¬ tion a lieu : le corps se raccourcit et il naît en un point un petit pro¬ longement qui pourrait être le commencement de la trompe en voie de formation. Ces formes transitoires constatées par M. Fraipont en examinant des individus lagéniformes déjà indépendants et des individus probos- cidiformes indépendants aussi, Koch les a vues dans des états qu’il a considérés comme des états de conjugaison, et non comme représen¬ tant les différents âges d’une même es[)èce. Au lieu de supposer que les bourgeons allaient se détacher, il a supposé qu’ils allaient se fu¬ sionner complètement avec l’individu qui les portait. C’est l’erreur dans laquelle sont tombés les auteurs qui ont cru à une formation de bourgeons chez les Vorticelles, alors qu’il s’agit en réalité de pe¬ tits individus qui viennent se conjuguer avec les gros ; mais c’est une erreur inverse de celle commise par Koch au sujet des formes [iro- boscidées et lagéniformes des Ophryodendron. Très souvent, les individus vermiformes sont portés sur un pédon¬ cule grêle et chitineux, pédoncule qui peut manquer, d’ailleurs. 176 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Ch. Robin a observé, à]Concarneau, VOphryodendron abietinum a vil des individus à leurs divers états. Il a trouvé un individu vernii- forme fixé sur un autre, proboscidien, par un pédoncule cbifmeux, armé à son extrémité de 5 ou G petits crochets qui s’entonçaient sous la cuticule de l’individu servant de support. Ch. Robin y a vu un fait de parasitisme et a supposé que findividu vermiforme était la larve d’un ver inconnu. C’est une opinion qui lui est particulière et qu’il n’aurait pas émise s’il eut eu connaissance des travaux de ses devanciers lesquels montrent qu’il s’agit là d’états divers de déve¬ loppement. Je dirai, d’ailleurs, que cette question est absolument élucidée par les recherches de M. Fraipont. Le plus souvent, V Ophryodendron qui bourgeonne ne produit qu’un seul bourgeon à la fois ; mais Saville Kent a observé une es¬ pèce qui, au lieu de porter une trompe, en porte quatre et il a vu que, dans cette espèce, il se produit des bourgeons multiples à la base de la trompe, forme de bourgeonnement qu’il a figurée dans son M annal. Le second mode de bourgeonnement est le bourgeonnement in¬ terne. A ce sujet, nous n’avons guère que les observations de Clapa¬ rède sur VOphryodendron abietinum. Il avait remarqué que Panimal porte un noyau volumineux ; il a vu ce noyau grossir et dans l’inté¬ rieur du corps se former une espèce de boule qui le remplit presque complètement. Puis, cette boule se divise en deux ou quatre corps que Claparède appelle « vésiculiformes ». Ces corps renferment des vacuoles qui contiennent ces corpuscules fusiformes existant en si grande abondance, dans le protoplasma du parent et qu’il interprète comme des trichocystes. Par une pression sur l’animal, il a fait sor¬ tir les germes intérieurs, petits êtres allongés, aplatis sur une face et convexes sur l’autre. La partie convexe ou ventrale est garnie de cils vibratiles. Chez d’autres individus, il a constaté un très grand nombre de pe¬ tits bourgeons, de 16 à 20, de même forme mais plus petits que les embryons précédents. Mais Claparède et Laclimann n’onb pas pu suivre les transformations de ces embryons et leur retour à la forme type. Von Koch, dans le détroit de Messine, a vu aussi des individus à bourgeons internes. Fraipont n’a pas constaté d’embryons internes chez V Opfiyodendron belgicum.^ mais seulement des bourgeons ex¬ ternes, ce qui ne prouve pas que l’animal ne se reproduit pas aussi par bourgeons internes, quoique le fait n’ait pas été observé. J’appelle seulement votre attention sur la ressemblance que pré¬ sentent ces bourgeons internes avec ceux qu’on remarque chez JOURNAL DE MICROGRAPHIE 177 quelques formes dont nous avons parlé, comme X llcmiophrya gem- mipara^ si bien étudié par R. IIertwig,et le Dendrocometes paradoxus. Ainsi, nos connaissances jusqu’ici sont assez précaires sur l’his¬ toire de cette reproduction et nous n’avons pas d’étude approfondie qui nous fasse pénétrer dans l’intimité du phénomène; nous ne savons rien sur le rôle du noyau qui doit se conduire comme dans les cas observés par Bütschli, R. lïertwig. Plate, etc. Nous manquons aussi de données sur les phénomènes qui accom¬ pagnent la transformation de ces embryons internes en adultes, et le fait le plus intéressant que nous ayons reconnu est la coexistence des deux modes de bourgeonnement, interne et externe, chez une même espèce, ce que nous n’avions pas encore rencontré chez les espèces que nous avons déjà étudiées. Passons aux Dendrosoma. Le Dendrosoma radians est un être étrange, tantôt considéré comme un individu unique, tantôt comme le groupement ou la colonie de plusieurs individus. Claparède ne paraît en avoir figuré qu’un frag¬ ment ; Saville Kent a représenté tout entier l’être que lui a adressé M. Th. Rolton, de Birmingham, et qui mesurait 2 millimètres 1/2 de largeur. Ceux qui considèrent le Dendrosoma comme une colonie, ainsi que l’entendait Ehrenberg qui en faisait un Actinosphériacé composé, ainsi que Claparède et ainsi que Saville Kent, regardent toutes ses branches comme des bourgeons externes qui croissent sur le tronc commun, et poussent en se ramifiant de plus en plus à mesure que l’animal s’accroît en hauteur et en étendue. Ces ramifications naissent sous forme de petites excroissances latérales d’une branche qui poussent elles-mêmes d’autres excroissances latérales dont les der¬ nières se garnissent plus tard de tentacufes. Ce sont en quelque sorte des bourgeons qui au lieu de se séparer de l’organisme mère y restent adhérents, car je crois, en effet, qu’il faut interpréter cet être comme une véritable famille coloniale. Claparède a même remarqué que les ramifications principales se dichotomisent régulièrement, surtout celles qui partent du tronc principal, et il a supposé que ces dichotomisa- tions résultent d’une fissiparité longitudinale, mais c’est là une simple hypothèse inspirée par l’aspect de ces ramifications. Pendant longtemps nos connaissances sur le Dendrosoma radians se sont bornées à ce que je viens de vous indiquer et ce n’est qu’assez récemment, en LScSO, qu’un auteur anglais, Levick annonça que cet être se reproduit par des bourgeons internes ciliés, et à la suite de phéno¬ mènes comparables à une génération sexuelle. 11 dit avoir observé la 178 JOURNAL DE MICROGRAPHIE formation de capsules dont il considère les unes comme des ovaires et les autres comme des testicules. Ces capsules mâles et femelles naîtraient sur des individus différents, qui seraient des êtres dioïques. Il dit même qudl a vu s’ouvrir les capsules mâles, donnant issue à des zoospermes qui nageaient dans le liquide. Il suppose que ceux-ci pénètrent dans les capsules femelles et qu’après la lécondation les œufs tombent dans un état latent ; ils hivernent sous cette forme pour éclore au printemps suivant. Ce serait certainement là une découverte très importante, mais il s’agit de savoir si ces assertions sont bien fondées. Saville Kent dit avoir reconnu que tous ces faits ne sont pas parfaitement exacts. Il confirme la formation de bourgeons internes, mais d’après le pro¬ cessus suivant : Les bourgeons internes ne se forment jamais que dans les grosses ramifications et à la base des ramifications qui partent du tronc. Les branches présentent des rameaux qui s’enfléchissent tantôt à droite, tantôt à gauche, ce qui leur donne un aspect en zigzag, et à chaque coude existe un renflement globuleux produit par une sorte de kyste renfermant un corps ovoïde qui est un embryon interne formé très près de la surface du rameau. Saville Kent a vu ces bourgeons tra¬ verser la mince couche qui les sépare de l’extérieur et venir libre¬ ment dans l’eau. Leur forme est ovalaire, avec plusieurs rangées de cils vibratiles, un noyau ramifié déjà tandis que le bourgeon est en¬ core renfermé dans la mère. L’auteur anglais a même constaté que ces bourgeons se forment par l’individualisation d’une partie du pro¬ toplasma maternel autour d’un diverticule du noyau. Ce noyau parti¬ culier est déjà ramifié dans le bourgeon très jeune et, à mesure que celui-ci se développe, les ramifications augmentent, mais celles du pourtour se résorbent. Des tentacules clairs et peu nombreux se for¬ ment, mais, de plus, il pousse un prolongement ou première liran- che qui présente à son extrémité des tentacules boutonnés. Cette branche est le premier rameau d’une future colonie ; en effet, elle fournira d’autres ramifications qui se compliqueront de plus en plus et nous aurons liientôt une colonie présentant un aspect semblable à la mère. Voilà donc une reproduction par bourgeons internes bien cons¬ tatée, mais Saville Kent a observé sur le Bendrosoma radia?is, un autre mode de bourgeonnement. Il a constaté qu’aux extrémités des branches, là où elles deviennent minces, se produisent de distance en ■distance de petites capsules, groupées ensemble sur les ramifications les plus jeunes et analogues aux grosses capsules qui naissent dans les grosses branches. Mais, au lieu de produire un embryon cilié dans JOURNAL DE MICROGRAPHIE 179 leur intérieur, elles forment un être globuleux qui ne présente ja¬ mais de cils vibratiles. Quand il est devenu libre par un mécanisme analogue à celui que nous avons décrit, par la rupture de la cuticule maternelle, il pousse des tentacules boutonnés, qui souvent com¬ mencent déjà à apparaître, dans la cavité de la mère. Ces deux espèces de capsules représentent les capsules males et les capsules femelles de Levick et tels sont, en réalité, les phénomènes que cet auteur avait interprétés comme se rapportant à une généra¬ tion sexuelle. Saville Kent fait remarquer avec raison la ressemblance que pré¬ sente cet embryon du Bendroso)na^ au moment où il a poussé son premier rameau garni de tentacules à son extrémité, avec un Ophryo- dendron adulte. On peut définir un Opliryodendron comme un T)en- drosoma réduit au premier stade de son développement. Ainsi, les deux formes peuvent s’expliquer l’une par l’autre, \ Opliryodendron représentant un Dendrosoma arrêté à la production d’une seule bran¬ che, et le Dendrosoma un Opliryodendron qui a poussé des rameaux multiples. Le Dendrosoma radians a été constaté en Europe, en Allemagne, en Angleterre, je ne sache pas qu’on l’ait vu en France, mais Leidy l’a trouvé en Amérique. Il existe probablement aussi en France, mais c’est une espèce rare, car depuis si longtemps que je m’occupe de Protozoaires je ne l’ai jamais rencontré. Je terminerai en jetant un coup d’œil comparatif sur les diffé¬ rentes formes d’embryon qu’on observe dans ce groupe d’Acinétiniens, suivant les genres et les espèces. [ Tous ces embryons se différencient par leur revêtement ciliaire ; 1 est très remarquable qu’on peut établir, à ce point de vue, les mêmes différences entr’eux qu’entre les Infusoires ciliés que l’on a divisés en groupes d’après leur revêtement ciliaire, holotriches, hypotriches, péritriches, etc. Toutes ces variétés dans le revêtement ciliaire des Infusoires ciliés, nous les retrouvons dans celui des embryons d’Aci¬ nétiniens, et c’est une preuve de plus de la parenté qui existe entre ces Acinétiniens et les Ciliés, affinité qui, dans les groupes supé¬ rieurs des animaux se produit surtout dans les phases ultérieures du développement, les différenciations se produisant plus tard parce que chaque animal suit alors une direction différente. Nous avons donc des embryons holotriches, hypotriches, péri¬ triches. Les holotriches, qui portent des cils sur toute leur surface, se rencontrent dans les Sphœrophrya qui vivent libres, en forme de boule hérissée de tentacules. Ces embryons ont toujours un revête- 180 JOURNAL DE MICROGRAPHIE meut ciliaire complet, sauf chez le SpJiærophryo magna dont, sui¬ vant M. Maupas, Fembryon ne serait chié qu’à une extrémité et ren¬ trerait, par conséquent, dans le groupe des embryons hypotriches. Ces embryons hypotriches se présentent chez un certain nombre d’espèces, notamment chez VHemiophrya gf^mmipara oii ils n’ont de cils qu’à la face ventrale sur laquelle Stein croit avoir vu une sorte de bouche transitoire. Il en est de meme chez VOphyodendron ahietiniim. La ciliation péritriche est la plus ordinaire chez les embryons in¬ ternes de Podophrya^ Acineta^ etc. Les cils vibratiles sont souvent placés vers le tiers supérieur du corps. Chez le Podophya fixa, il y a un léger étranglement au tiers supérieur et un sillon dans lequel sont quatre rangées de cils vibratiles. De même chez le P. quadri- partita. Chez V Acineta fœtida^ les rangée.> de cils ne sont plus trans¬ versales, mais obliques, et il y en a cinq au lieu de quatre. Chez le Podophrya libéra^ qui se reproduit par fissiparité, les jeunes indivi¬ dus résultant de la division fissipare ont une ceinture disposée sur un plan perpendiculaire au plan de section et formée de plusieurs ran¬ gées de cils vibratiles. Quand Fanimal devient libre la ceinture ciliée se rétrécit et prend une direction transversale. Les embryons internes du Dendrosoma radians^ du Dendrocoine- ies paradoxus sont aussi péritriches. Enfin, il y a des embryons qui sont complètement nus et ne présentent que des tentacules à certaines phases de leur développement, par exemple, les embryons externes {\qV Ophryodendron belgicum^ et les petits embryons qui se forment en haut des ramifications du Dendrosoma radians. Cette ciliation présente donc des caractères très remarquables dans les embryons des différentes espèces, et f on peut presque reconnaître le genre, sinon Fespèce, auquel ils appartiennent par la seule inspec¬ tion de leurs cils. Un mot maintenant sur le parasitisme chez les Acinétiniens. Il n’existe guère, chez ces êtres, qu’une sorte de parasitisme, le mode que l’on peut appeler, avec Klebs, parasitisme de site ou d’es¬ pace. L’Acinétien est fixé sur son hôte comme sur un sol et n’en tire pas de nourriture ; c’est un parasitisme par adaptation unilatérale : un seul individu en profite et l’autre n’en souffre pas. C’est un com¬ mensalisme, pour Yan Beneden. Les parasites qui tirent nourriture de leur hôte ne se trouvent guère que parmi les Sphærophrya.^ pa¬ rasites des Infusoires ciliés, dans lesquels ils se logent avec leur fa¬ mille ; par exemple, dans les Paramæciiim Bursaria.^ P. Aurélia, les Stylonychia, etc. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 181 La présence de ces parasites dans les Infnsoii'es ciliés a conduit Stein à une grave erreur qu’il a défendue pendant longtemps, et en vertu de laquelle il considérait les parasites comme les jeunes, les embryons acinétiformes des Ciliés chez lesquels il les rencontrait. Cette erreur a été réfutée, d’abord, en 1860, par moi qui ai démon¬ tré qu’il s’agissait d’un fait de parasitisme, et qui ai vu comment ces parasites pénètrent dans les Infusoires, ce qui détruisait de fond en comble cette théorie de Stein. Mes observations ont été, depuis, con¬ firmées par Mentsclmikoff, Engelmann, A. Schneider, Bütschli, etc. Les Sphærophyra présentent des cils vibratiles dans le jeune âge mais ils peuvent aussi s’en revêtir quand ils sont adultes. Alors, grâce à ce revêtement, ils deviennent très agiles et se mettent à la poursuite des Infusoires qu’ils veulent attaquer. Quand ils les ont atteints, ils poussent des tentacules à l’aide desquels ils se fixent sur l’Infusoire. Bientôt, ils refoulent la cuticule de celui-ci comme un doigt de gant et se logent dans la poche ainsi formée par la cuticule invaginée au milieu du plasma. De là, le parasite absorbe les liquides de son hôte, grossit rapidement et se remplit de ces globules opaques qui apparaissent dans tous les Acinètes repus ; puis, il se multiplie et produit une nichée de petits êtres qui dilatent la poche, laquelle finit quelquefois par remplir presqu’en entier le corps de l’Infusoire. Quand les jeunes sont suffisamment développés, ils profitent de l’ou¬ verture d’invagination pour sortir, comme par un os uteri ; Stein avait pris cette ouverture pour un orifice de parturition. J’ai achevé la démonstration de ces faits en infectant artificielle¬ ment des populations de Paramæcium Aurélia, tout entières, d’abord parfaitement saines, avec des Sphœrophrya introduits dans l’eau où elles vivaient. C’est ainsi qu’a été porté le dernier coup à la théorie de Stein qui a si longtemps régné dans la science. — Ces pa¬ rasites sont de véritables endoparasites qui finissent même par tuer leur hôte. Gesa Entz a trouvé une espèce de Trichophrya dans la cavité branchiale du Salpa democratica^\Q T. Salparum^ animal en forme de cloche, groupé souvent en grand nombre sur les lamelles bran¬ chiales du Salpa qui en étaient toutes garnies. C’est à peine si l’on peut voir là un véritable cas de parasitisme ; il n’est pas probable que les Trichophrya se nourrissent des sucs de leur hôte. Ils se trouvent bien sur ces lamelles branchiales parce que les mouvements respira¬ toires font affluer à leur portée l’eau contenant les animalcules dont ils se nourrissent. C’est encore un parasitisme d’espace. De même, le Dendrocometes paradoxus vit sur les lamelles bran¬ chiales des GarïDïiarus ; il se fixe sur ces organes parce que les mou- m JOURNAL DE MICROGRAPHIE vements natatoires du petit Crustacé créent à la portée de l’Acineti- nien des courants de liquide contenant des particules alimentaires. Tous ces cas rentrent donc dans le parasitisme de site ou d’espace. C’est le mode le plus commun chez les Infusoires suceurs. Cette as¬ sociation entre les Acinétiniens et certaines espèces animales se pro¬ duit en raison de ce fait que l’individu fixé trouve dans cette position des conditions favorables pour sa nutrition. Tous ces Suceurs, en effet, sont immobiles à l’état adulte ; ils recherchent pour hôte, de préférence, des animaux qui déterminent parleurs mouvements des courants d’eau richement aérés et chargés de particules alimentaires. Privés de mouvement, ils profitent des mouvements des autres. C’est ainsi qu’ils s’associent aux colonies de Yorticelliens qui pro¬ duisent avec leurs cils des courants extrêmement énergiques, et cette association a été aussi la cause d’une erreur de Stein sur la repro¬ duction des Vorticelles. Trouvant les Acinétiens fréquemment asso¬ ciés aux Yorticelliens, il en a fait une phase de développement de ceux-ci et les a compris dans un même cycle évolutif. Cette théorie que Stein a développée avec beaucoup de talent, appuyée de ]jreuves extrêmement séduisantes, a longtemps régné dans la science. Beaucoup d’Acinétiniens vivent aussi sur les colonies de Bryozoaires, pour le même motif, sur les polypes Hydraires, Campanulaires, et Sertulaires. Tous les Hemiophrya vivent sur les Hydraires, VOphryo- dendro7i abietinum sur les Campanulaires. Tous recherchent pour hôte les animaux qui créent des courants d’eau, et un certain nombre, pour la meme raison s’établissent non sur des êtres qui déterminent des courants, mais qui sont eux-mêmes doués de mouvements rapides, comme les Crustacés, les Insectes aquatiques. On en trouve aussi sur les poils des pattes du Cyclop% quadricomis^ comme le Podo- phrya Cyclopiim, sur l’Écrevisse, le Podophya Astaci ; le P. fer- riun-equmiim vit sur l’Hydrophile brun, le P. Phryganidum sur larves de Phryganes, le P. Lichtensteinn sur diverses espèces d’in¬ sectes aquatiques, comme le Solenophrya Notonectæ sur les pattes des Notonectes, etc. Ce sont donc des parasites d’espace, qui ne profitent que des mouvements que leur hôte produit dans le li¬ quide ambiant, mouvements qui les mettent dans des conditions fa¬ vorables à leur nutrition. (Al suivre). JOURNAL DE MICROGRAPHIE 183 EXPLICATION DE L’IMMUNITÉ NATURELLE ET DE L’IMMUNITÉ VACCINALE THÉORIE PHAGOCYTAIRE DU DOCTEUR METSCHNIKOFP. Aucun problème biologique ne pouvait exciter à un plus haut point la cu¬ riosité des médecins que cette immunité spontanée ou acquise qu’on observe, à des degrés divers, chez certains individus et dans certaines espèces, ou qu’on produit à volonté chez d’autres sujets nativement vulnérables. Sur quoi repose exactement, qui soit déterminé ou déterminable, la raison de ces étonnants privilèges? Il y a là un véritable mystère, que les auteurs les plus hardis ont voulu pénétrer et dont ils ont cherché à nous donner l’explica¬ tion au moyen de données conjecturales qui n’ont point du tout satisfait les positivistes. Jusqu’à présent, en effet, on ne nous a offert que des hypothèses supportant difficilement la critique. M. Metschnikoff nous paraît avoir été plus heureux dans ses investigations ; car il nous présente quelque chose de tan¬ gible, de visible du moins, et de contrôlable. Passons d’abord une courte revue rétrospective des opinions qui ont été émises pour expliquer les immunités en question. I. Théorie de la spoliation. Pour expliquer le mode d’action de ses inoculations préventives, M. Pasteur suppose que les microbes vaccinaux enlèvent au sang un principe, encore indéterminé, qui est nécessaire à leur évolution et à celle des organismes pathogènes. Ceux-ci, ne trouvant plus ledit élément chez les sujets vaccinés, ne pourraient point se multiplier suf¬ fisamment pour produire des désordres graves. II. Excrétion toxique. M. Chauveau croit plutôt que les agents vaccinaux déposent dans le milieu sanguin ou dans l’organisme un principe, également indéterminé, qui nuirait à la multiplication des microbes virulents. Voici, du reste, comment formule sa théorie physiologique des vaccinations l’éminent Inspecteur des écoles vétérinaires : « 1° L’immunité acquise après une maladie naturelle ou après une inocu¬ lation préventive, est peut-èlre due, en certain cas, à la soustraction, par la première évolution virulente, des matières propres à la culture du microbe spécifique dans l’organisme animal ; mais cette immunité résulte surtout d’une résistance créée, par cette première évolution, à une seconde évolution de l’agent infectieux. « Cette résistance est, selon toute probabilité, le fait de Timprégnafion de l’organisme animal par une matière soluble et diffusible, soit le poison spé¬ cifique engendré par la multiplication des microbes pathogènes, soit toute autre substance résultant de la vie microbienne, c’est-à-dire de l’évolution infectieuse. 184 JOURNAL DE MICROGRAPHIE / 3° Il n’est pas indispensable que cette matière, pour produire son effet défensif contre une nouvelle infection, c’est-à-dire pour engendrer l’immunité, se développe dans l’organisme même qu’on veut protéger. En provenance d’uii autre organisme, elle pourra remplir cet office, si elle est douée d’une grande activité et introduite dans l’économie en quantité suffisante. « 4“ Il n’y a pas de différence essentielle entre l’innoculation préventive pratiquée après la contamination et celle qui est pratiquée avant. Dans les deux cas, il s’agit d’arriver à produire fimmunité assez vite ou assez tôt pour prévenir l’évolution infectieuse, qui suivrait la contamination si elle était abandonnée à sa marche naturelle. « 0° L’immunité communiquée par les diverses méthodes d’inoculation pré¬ ventive est donc acquise au fond par le même mécanisme. Il n’y a pas à faire intervenir plusieurs théories pour expliquer l’inoculation préventive; toutes se fondent dans la théorie générale de l’immunité exposée ci-dessus. » Quand on songe que la nutrition apporte tant de matériaux nouveaux, que - l’élimination naturelle des matières nuisibles est d’ordinaire si active, il semble bien difficile d’accepter sans réserve les explications données par l’ab¬ sence ou la présence d’un élément utile ou nuisible. Mais il y a encore d’autres raisons qui nous semblent démentir les opinions émises. Il ne nous paraît pas admissible, en effet, que quelques microbes atténués, et qui ne de¬ meurent qu’un temps très court dans l’organisme, puissent lui enlever la presque totalité d’un principe qui existe en assez grande quantité pour être capable de fournir à une production phénoménale des mêmes microbes. Cette objection s’applique aussi à la seconde théorie. Si les proto-organismes vacci¬ naux excrétaient un principe vénéneux pour eux-mêmes (une leucomaïne sans doute) on ne verrait certainement pas, chez les victimes qui succombent, l’in¬ fection représentée par un chiffre aussi prodigieux de parasites. Les faits heureux résultant de la vaccination sont assez évidents pour que nous n’ayons nullement l’intention de contester leur authenticité; mais ce que nous révoquons en doute, ce sont les deux interprétations spéculatives qu’on a données, au début, pour éclaircir le mystère de la vaccination. Si la spolia¬ tion ou l'intoxication de l’organisme, par les microbes vaccinaux, consti¬ tuait le véritable obstacle à l’infection virulente, des doses massives de virus devraient apparemment demeurer tout aussi impuissantes que des doses faibles; tandis qu’elles foudroient les vaccinés, et que chez ceux auxquels on communique la fièvre charbonneuse, par exemple, on trouve, dans le sang, des milliards de bacilles. Un terrain vraiment stérile et un sol qui con¬ tient suffisamment de substances prohibitives ne produisent absolu¬ ment rie7i^ quelle que soit la quantités de graines qu'on y dépose. Voyons maintenant l’explication fournie par M. Metschnikoff. III. Théorie phagocytaire. Cette théorie, exposée d’une façon vraiment séduisante, n’est pas une vaine fiction de l’esprit : elle repose sur des faits cons¬ ciencieusement observés. En voici les principales données: Plusieurs animaux unicellulaires, tels que les amibes et autres rhizopodes, ainsi que les infusoires flagellés et ciliés, se nourrissent de différentes bactéries, qu’ils dévorent en JOURNAL DE MICROGRAPHIE 185 quantité pour les englober dans leur protoplasma. Bien souvent, de petites monades arrivent, et cela en peu de minutes, à introduire dans leur corps des filaments de leptothrix dix fois plus longs qu’elles. Chez les animaux d’une organisation plus complexe, et même cnez les mammifères, on a remarqué (jue des cellules fixes avaient la faculté de s’incorporer la myéline des fibres nerveuses mortifiées (Banvier), et l’on a constaté que les leucocytes englobaient la graisse ou le carmin injectés dans la cavité abdominale. M. Gornil, dans son étude histologique des séquestres du charbon sympto¬ matique, a observé que lorsque le séquestre est morcelé par la membrane extérieure qui végète de manière à l’enserrer de toutes parts, les cellules en absorbent les débris et les divisent en particules très fines, susceptibles d’en¬ trer dans la circulation sanguine et lymphatique. En absorbant les débris du séquestre, les cellules lymphatiques deviennent énoi^mes, au point de mériter le nom de cellules géantes. Il peut arriver qu’une seule cellule géante, colos¬ sale, pourvue d’un nombre considérable de noyaux, entoure un fragment de séquestre et ti’availle à sa destruction. M. Kowalevsky a démontré que pendant la métamorphose des mouches la plus grande partie des tissus larvaires est dévoi’ée par une énorme quantité de leucocytes. Partant donc de ce fait que les leucocytes sont des éléments protoplasmiques animés d’un mouvement amiboïde et dotés de la singulière propriété de retenir et d’absorber de petits corps solides ou des globules graisseux, M. Metschnikoff fut conduit à rechercher comment ces leucocytes se com¬ portent vis à vis de certains microbes, comme les bacilles du sang de rate. Il résulte de ses investigations — et de celles de Wyssokowitsch — que le rôle des cellules amiboïdes ne serait nullement restreint aux phénomènes de la résorption des tissus affaiblis ou morts : ces cellules serviraient aussi de moyens de lutte de l’organisme contre les microbes parvenus dans les tissus de l’animal. Gomme les amibes, les cellules amiboïdes, auxquelles M. Metschni- kolf a donné le nom générique de phagocytes^ entourent, par leur proto¬ plasma, le microbe envahisseur et le digèrent d’après le mode de la diges¬ tion intracellulaire. Les hacillus anthracis inoculés à un animal très apte à contracter le char¬ bon bactéridien ne sont pas incorporés par les globules blancs du sang; mais, chez les animaux réfractaires, les bactéridies sont vite assimilées par les leucocytes. L’innocuité du bacille est due à ce qu’il est saisi et détruit par les leucocytes. Dans le conflit qui s’engage entre l’organisme et la bactéridie, celle-ci deviendrait inoffensive quand les globules blancs arriveraient à la dé¬ truire dans moins de temps qu’il n’en faut pour assurer sa multiplication. Le globule blanc assimilerait toujours le bacille atténué et n’absorberait pas d’emblée le bacille virulent, dont les propriétés biologiques doivent être diffé¬ rentes. Les bactéridies injectées en trop grand nombre produii’aient l’infection parce qu’il ne se trouverait pas assez de globules blancs pour les anéantir rapidement. (Serait-ce parce que le sang des anémiques est riche en leucocytes que certains moutons cachectiques offrent une notable résistance au sang de rate? Mais il convient de rappeler que cette iminimité spéciale des anémiques 180 JOURNAL DE MICROGRAPHIE seiiiblo coiiîcslable, ou du moins (ju’il n’y a pas dans leur étal de misère phy¬ siologique une raison absolue, exclusive ni constanle.) La vaccination aurait donc pour action de permettre aux globules blancs d’acquérir la propriété, qu’ils ne possédaient pas auparavant, d’englober et de détruire les bacilles virulents. L’introduction des bacilles de virulence moindre aurait pour effet de préparer les leucocytes à s’assimiler les bacilles de viru¬ lence plus grande, — ce qu’ils n’eussent pas fait sans cette inoculation préalable. Comme on le voit, il y a là des aperçus nouveaux qui méritent une sérieuse attention: aussi croyons- nous devoir entrer dans quelques détails qui per¬ mettront de juger du bien-fondé de la théorie de l’éminent docteur russe. Quelque soit, du reste, le sort que l’avenir réserve à la thèse de M. Metschni- koff, on est forcé de reconnaître que la hardiesse n’en exclut pas la vrai¬ semblance. Pour mieux observer le phénomène indiqué, l’auteur a choisi des animaux transparents, tels que les Daphnies, petits crustacés d’eau douce, qui sont souvent sujets au parasitisme d’un champignon inférieur de la famille des Levures [Moiiospoi'a biscupidata). Les spores du parasite, en forme de longues aiguilles, pénètrent, avec la nourriture, dans le canal alimentaire, d’où, en perforant la paroi de l’intestin, elles s’introduisent dans la cavité du corps de la Daphnie. Mais dès que les spores paraissent au delà de l’intestin, il s’engage aussitôt une lutte entre elles et les leucocytes qui, isolément ou à plusieurs (il se produit souvent une véritable concentration lymphoïde pour . résister à l’ennemi), englobent la spore et la transforment en un amas de grains informes, sauvant ainsi la plupart des animaux du danger auquel ils sont exposés, attendu qu’il n’en meurt guère que 20 0/0. Sur ceux qui suc¬ combent, les spores échappent à l’action des globules blancs et parviennent à germer en donnant un nombre considérable de conidies qui, dans un temps assez court, envahissent la cavité du corps entier. 0 Chez les animaux supérieurs, il s’opère également, dit M. Metschnikotï, une lutte des éléments cellulaires contre l’invasion des microbes ; mais ce combat est dans la plupart des cas plus compliqués que chez les Daphnies. Le rôle des phagocytes est ordinairement distribué entre deux espèces de cellules. Les unes, plus petites, à noyau lobé ou multiple, les leucocytes, dans le sens le plus restreint du mot, sont dispersées dans tous les tissus (cellules migratrices) et concentrées dans les systèmes lymphatique et sanguin, d’où elles émigrent en cas de besoin, dans chaque partie du corps envahie par les parasites. Je donne à ces cellules le nom de g^Xi» Par contre « terrain vieux » se dit de celui planté en vignes depuis longtemps. Lorsqu’une vigne plantée en « terrain neuf » succombe peu de temps après sa plantation, on ne peut se faire à l’idée que le sol ne contenait pas une nourri¬ ture convenable a la plante puisque <>. le terrain était neuf. ■» Et comme, dans ce cas, il est plus difficile de trouver la cause du mal que d’accuser un innocent, on charge le phylloxéra du méfait. Malheureux insecte ! il faut que tu aies la désolation de voir des calomniateurs honorés, glorifiés, et tes défenseurs traités d’incapables; il faut que tu prennes à ta charge les conséquences funestes de toutes les fautes commises par l’ignorance des viticulteurs; il faut, quoique faible et petit que tu supportes le poids immense de tous les péchés d’Israël. Ainsi le veulent ceux qui ont résolu la ruine; tu es bien à plaindre! Cependant voyons quelle est la composition chimique d’un terrain sortant de bois défrichés. Les arbres, dont les bois sont peuplés, enrichissent le sol de substances azotées par la chute annuelle de leurs feuilles et autres débris organiques qui se décom¬ posent sur place. Ils l’épuisent, au contraire, des matières minérales néces¬ saires à leur développement et qui sont exportées par l’enlèvement périodique des arbres. l.a vigne en terrain de défrichement se trouve donc dans des conditions dia¬ métralement opposées à ses exigences puisque, comme nous l’avons vu ci-dessus, elle réclame peu d’azote par rapport aux substances minérales. Placée dans des conditions semblables, elle ne peut que vivoter misérablement pendant quelque temps, puis périr, et cela d’autant plus promptement que la dispro¬ portion entre les matières azotées et les matières minérales est plus grande. Comme on voit, l’intervention du phylloxéra n’est nullement nécessaire pour expliquer la mort des vignes en « terrains neufs. » Quant aux vignes qui succombent « en terrain vieux malgré tous les engrais possibles » nous serons très reconnaissant à l’honorable M. de Mondenard de nous dire si, parmi tous les engrais employés jusqu’à ce jour il en connaît un seul dans le composé duquel le sulfate de fer et le sulfate de chaux soient entrés en quantité suffisante. Le fer et la chaux, que nous préconisons depuis longtemps, sont cependant les deux aliments terrestres les plus indispensables à la vigne pour en obtenir du bon vin, puisque l’on pousse à la production du tannin et l’autre à celle de l’alcool, précisément les deux éléments qui con- courrent le plus à la conservation du précieux liquide. C.-L. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 223 lUBLlOGHAPHIE Distruzione e rinnovamento del Parenchima ovarico, par le prof. Giov. PALADiNo,de TUniversité de Naples (1). Le docteur Giovanni Paladino, professeur à l’Uni versité de Naples, a publié il y a quelques mois un travail très intéressant et fort étendu sur la destruc¬ tion et le renouvellement continus du parenchyme ovarique chez les mam¬ mifères. Ce travail est le résultat d’études longues et multipliées sur l’ovaire d’un grand nombre de femelles de mammifères, la femme, la chienne, la chatte, la biche, la vache, la jument, la truie, le cobaye, etc. L’auteur avait déjà publié il y a plusieurs années un premier mémoire sur ce sujet et ses nouvelles recherches n’ont fait que confirmer les résultats auxquels il était arrivé primitivement. D’après ces recherches, l’ovaire des mammifères est le siège d’un mouve¬ ment continu de destruction et de renovation, et l’objet principal du travail de M. Paladino est de rechercher le mécanisme de cette destruction et de cette, renovation. Chemin faisant, et grâce aux excellentes méthodes techniques qu’d a em¬ ployées, il a mis en évidence certains détails de la structure anatomique de l’ovaire, des tubes de Pfiüger, par exemple, qu’d ne faut pas confondre, pas plus dans la région coi ticale que dans la partie médullaire, avec les tubes restes des organes embi-yonnaires; il a pu suivre la genèse, le développement et l’évolution des follicules, la formation des corps jaunes et des faux corps jaunes et l’origine des trois pigments qu’ils contiennent. Il a trouvé que l'ovaire est un organe où, — pour la formation des ovules, la régénération du pai-enchyme, le développement des follicules, la production des corps jaunes, — la kruyokinèse intervient largement Elle se produit dans l’epithélium gei'minalif et dans celui des tubes ovariques, dans les ovules primordiaux comme dans les œufs mui*s, bien qu’avec une signification diffé¬ rente, dans la gramdeuse pariétale et dans le disque proligère, dans les élé¬ ments connectifs ou lymphatiques, migrateui's ou fixes, de la thèque du folli¬ cule et du stroma; dans l’épithélium des tubes médullaires; dans le corps jaune et particulièrement dans ses cellules; dans l’endothélium de l’inlima, dans les fibres musculaires de la tunique moyenne et dans les élémenls con¬ nectifs deTadveniice des vaisseaux veineux et artériels. (1) Ulteriori ricerche ulla distruzione e rinnovamento coniinuo del jiaren- chyma ovarico nei mammiferi; nuove contrihuzioni alla morfologia e fisiologia de IV ovaja. 1 vol. in-8". 230 p. et 9 grandes planches lithographiées, Naples 1887. (Texte italien). 224 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Celte karyokinèse démontre d’nne manière directe le processus de régéné¬ ration continue de parenchyme ovarien. Un chapitre de l’ouvrage est consacré à quelques exemples curieux et nou¬ veaux d’ovaires accessoires. Les méthodes employées par le professeur Paladino dans ses recherches ont consisté en durcissement, coloration et coupes en séries. Pour le dui'cissemenl, l’auteur s’est servi du bichromate de potasse en solu¬ tion à 2 et 4 pour 100, du liquide de Müller. de l’acide osmique à 1/2 ou 1 p. 100, du sublimé en solution aqueuse saturée, de l’acide chrômique à 2 pour 100, et enfin du mélange osmo-chromo acétique de Flemming. Pour le picrocarminate d’ammoniaque deux solulions ont été employées, l’une à 1, l’autre à 2 pour 100. Puis les pièces sont placées pendant un temps court dans des solutions très allongées d’acide pici-ique. On obtient ainsi des préparations à deux colorations, rouge et jaune. En règle générale, les fragments ne doivent jamais être portés dans les réactifs colorants avant d’être tout à fait débarrassés des liquides durcissants, et d’avoir perdu la réaction acide. La réaction neutre est indispensable quand on veut avoir de belles colorations du noyau dans la division des ovules primordiaux, des cellules de l’épithélium germinatif, etc., par le rose de Magdala. Cette matière colorante, en effet, est très délicate et son action est contrariée par les acide.s aussi bien que par les alcalis même très affaiblis. Mais quand on arrive, grâce à cette neutralité, à obtenir des impressions, elles sont très précises et assez persistantes. On comprend que nous ne pouvons pas suivre fauteur dans le détail de ses travaux, mais nous devons en citer les conclusions qui sont des plus intéressantes. Le parenchyme ovarien, chez la femme et en général chez les femelles des mammifères, est constamment le siège d’un double mouvement par lequel une partie se détruit pendant que l’autre se regénère. Cette destruction continue se produit par plusieurs modes dont les plus ordinaires sont : la dégénérescence hyaline, la dégénérescence graisseuse, la dégénére.scence granuleuse, l’atrophie directe, et pour les follicules plus ou moins avancés ou mûrs, les faux corps jaunes. La dégénérescence hyaline atta que les œufs et l’épithélium des tubes ova- riques aussi bien que des follicules, et aussi le tissu conjonctif qui les entoure immédiatement. Cette dégénérescence peut saisir les œufs à toutes les phases de leur déve¬ loppement, et même quand ils sont mûrs et en état d’être fécondés. En même temps la régénération du parenchyme ovarique s’opère conti¬ nuellement par l’invagination de l’épithélium germinatif, en des points va¬ riables de la surface de l’ovaire et particuliérement sur les faces latérales et les incisures dans le voisinage du hile de l’organe. Cette régénération commence dès la période fœtale et se continue pendant toute la vie, et plus particulièrement depuis la naissance jusqu’à l’âge de la stérilité. Ce mouvement de régénération et de destruction du parenchyme ne se fait pas dans les mêmes proportions chez toutes les espèces et à tous les âges. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 225 mais est en rapport direct avec la fécondité de l’espèce et en raison inverse, toutes choses égales, de l’âge des individus. L’étude du processus de régénération met en évidence les tubes de Pflüger pendant toute la durée de la vie, et montre qu1ls sont une production pri¬ maire, non secondaire, qu’on ne peut confondre avec les restes de l’organe segmentaire. La genèse des ovules et de l’épithélium est commune et se fait par des enfoncements de l’épithélium superficiel. L’ovule primordial se multiplie par karyokinése. Le follicule ovarique à son origine n’est pas toujours une cavité ou une formation simple, mais il est toujours très irrégulier et se développe aux nœuds du réseau formé par les tubes glandulaires ovariques. Le processus géné¬ tique des follicules est le résultat d’un double mouvement, mouvement ex¬ centrique de l’épithélium, mouvement concentrique du stroma. Les follicules ovariques subissent par la maturation des changements carac¬ téristiques dans l’œuf, dans l’épithélium et dans la capsule du follicule. Les plus facilements reconnaissables sont l’agrandissement et les changements de forme de l’épithélium, et surtout l’accumulation de grosses cellules nucléées riches en protoplasma, polyédriques, dans la couche fibreuse et dans la tunique propre ou interne de la capsule folliculaire. La signification du corps jaune doit être élevée. Après avoir servi à pré¬ parer et à activer la déhiscence du follicule, c’est-à-dire l’expulsion de la gra¬ nuleuse et de l’œuf, il établit un processus classique de cicatrisation et de réparation de l’ovisac rompu. Il a une période de préparation et une période d’évolution. La première est représentée par les modifications qu’éprouve la paroi pour la maturation ; la seconde commence après l’ouverture du follicule. Elle consiste en un vif rassemblement des éléments accumulés dans la capsule pendant la période de préparation, lesquels se multiplient jusqu’à remplir tout le follicule, chez certains animaux, en même temps que la vascularisa¬ tion augmente. La néoformation jaune, qui est une formalion connective éminemment vas¬ culaire, complètement développée, remplit la cavité folliculaire et est toujours plus grande que le follicule mûr. Les éléments connectifs sont venus par migration ou résultent de la division indirecte. Quelle que soit leur prove¬ nance, ils croissent sur place, deviennent gigantesques, présentant un beau noyau vésiculaire avec un réseau chromatique à filaments fins et à mailles irrégulières. La vascularisation se fait par plusieurs processus, notamment par dérivation ou gemmation des vaisseaux préexistants. Après cette évolution progressive, la néoformation jaune suit une marche régressive et se détruit graduellement, par atrophie directe, par dégénéres¬ cence graisseuse, pigmentaiie ou hyaline. Cette dernière n’amène pas une destruction complète, mais une transformation du corps jaune. L’espace nous manque pour entrer dans de plus grands détails sur les tra¬ vaux considérables réalisés par le professeur G. Paladino, travaux sur les- 226 JOURNAL DE MICROGRAPHIE quels nous croyons devoir attirer toute l’attention des histologistes et des enjbryologistes, qui y trouveront beaucoup de laits nouveaux et des considé¬ rations du plus haut intérêt. Il Les genres de Diatomées connues, séries de préparations microscopiques par M. J. Tempère. lNous nous taisons un devoir d’annoncer à nos lecteurs diatoinistes que M. J. Tempère, l’habile préparateur parisien que Loutle monde connaît et qui a alfranchi la France de l’obligation d’aller chercher en Allemagne les fameux tests, dits de Moller, (1), a commencé le mois dernier la publication annoncée dans les précédents numéros du Journal de Micrographie de ses séries de préparations de tous les genres de Diatomées connues. ^ On sait de quoi il s’agit : M. J. Tempère à l’intention de faire paraître des séries de préparations relatives à tous les genres connus de la famille des Diatomées. Chaque série comprendra vingt-cinq préparations et chaque prépara¬ tion contiendra de une à trois espèces 'ou variétés. Ce sera donc une collection des plus utiles et des plus précieuses pour les diatomistes en même temps qu’elle constituera pour les « amateurs » un recueil de documents beaucoup plus com¬ mode et intiniment plus exact que tous les Atlas et toutes les planches possibles. Les genres, espèces et variétés qui composent ta première série récemment parue sont les suivants : Actinoptychus kexagonm. — senarius. — vulgaris. Aulacodiscus africanus. — orientalü. Arachnoïdiscus Ehrenberengii. Actinosphenia elegans. Cerataulus polgmorplius, var spinosa. Coscinodiscus bîangulatus. — symbolopfiorus. — excavatus. Craspedodiscus elegans. Eunotogramma Weissii, Eupodiscus Rogersü. — Hardmanniana. ' Gephyria media. — telfairia. Janischia antiqua. Heliopelta metii et 2 variétés. Hydrosira triquetra. Odontotropis cristatus. Podosira ambigua. — Monter eyi. — maxima. Pseiidaulisciis radiatus . Pseudostictodiscus angulatus. Solium exsculptum. Stephanogonia danica. Stephanopyxis valida. — lurris. Stictodiscus californiens . — Jeremianus. Systephania aculeata. — corona. Terpsinôe musica. Triceratium crenula tum . — Harrisonianum. — grande. Trinacria regina. — excavata. — Hoerbei'gii. (1) Il est bon de noter que les tests de M. J. Tempère se vendent beaucoup moins cher que les Typen-Platten de Moller. JOURNAL DE MICROGRAPHIE Cette série de 25 préparations microscopiques, comprend donc 25 genres et 43 espèces ou variétés différentes. Nous n’avons pas Itesoin de dire que les frus- tules ne sont pas jetés au hasard dans les préparations, mais artistement dis¬ posées au milieu de la cellule, rangés dans l’ordre indiqué sur l'étiquette, s’il y a plusieurs espèces dans la même préparation. Ajoutons que très souvent la diatomée est présentée sous ses deux aspects, par sa lace valvairc et par sa face conn'‘ctive. M. J. Tempère se propose de faire paraître ses séries des Genres connus de Diatomées (qu’il ne faut pas confondre avec les séries de Diatomées qu’il publie mensuellement depuis quelque temps déjà, avec la collaboration de M. P. Petit) à des intervalles de deux ou trois mois. Nous ne manquerons pas de tenir nos lecteurs au courant de cette importante publication. MICROPHOTOGRAPHIE INSTANTANÉE M. Tommasi-Crudeli a présenté le 18 mars dernier, à l’Académie des Lyncées, une note préliminaire de AI. Stefano Gapranica sur la microphotographie. Voici les conclusions de cette note : 1“La photographie rapide, 1(20 de seconde, ou très rapide, 1[200 de seconde, peut être obtenue avec le microscope photographique, en employant des objectifs à forts grossissements et à immersion. 2“ L’auteur est arrivé, grâce à un obturateur spécial et à une disposition par¬ ticulière, à obtenir un nombre quelconque d’épreuves photographiques succes¬ sives des mouvements d’un objet observé, comme on en obtient macroscopique¬ ment pour le vol des oiseaux et les mouvements rapides des autres animaux (Marey, Muybridge, etc). 3® Par le système des poses successives, l’auteur a réussi à reproduire sur la même feuille les divers plans d’une préparation quelconque, obtenant ainsi une épreuve d’ensemble unique. L’auteur appelle particulièrement l’attention des micrographes sur les résul¬ tats indiqués au §2, qui sont entièrement nouveaux dans la science et suscep¬ tibles de nombreuses et importantes applications à l’étude des Infusoires et de tous les microorganismes vivants. OFFRES ET DEMANDES ii) i \ / A Vt:.SDUK 33. J_ia,rLter*n.es à projections, sur quatre colonnes de cuivre, condensateur de 105 mil ; 1 obj<‘ctif double achromatique ; lampe à pétrole, 3 mèches. 85 fr. Cet appareil peut recevoir tout espèce d’éclairage. (1) S’adresser* au. bureau du Journal. — Les articles portés au pré¬ sent Catalogue sont expédiés, contre mandat ou remboursement. — La demande doit rappeler le numéro d’ordre de l’article au Catalogue. — Le port et l’emballngc sont à la charge de l’acquéreur. 228 JOURNAL DE MICROGRAPHIE 34. Sa.cctLa.r'im.ètre de Soliîil-üuboscq avec 4 tubes de 20 c. . . . 135 fr. 35. Macliine dynamo-électi’icivie Gérard, 05, 35 Volts, 7 Ampères. 160 fr. Viseai? à lunette, colonne ronde de 70 centim. ; pied triangle à vis calantes, niveau et vis de rappel . ’ . 75 fr. électricivie de Ducretet, 6 éléments montés à treuil .... 85 fr. 38. A.ppar*eil électro-inéciical de Dubois- Reymond ; 3 bobines . . 40 fr. 39. Soaner'ie électr*iq[vie à relais ; 20 kilom. de résistance .... 20 fr. 40. Objectif piiotogx’apliicjxae ciovilDle à portrait, extra rapide, de De- ROGY à monture a vanne, 81 mill, n” 5 . 140 fr. 41. Grille pour analyses organiques 60 c. de long . 80 fr. 42. JVIoteiir électrique Camacho, 4 électros a noyaux multiples . . . 180 fr. 43. Caisse d.e résistance 100 Ohms, 1, 2, 2, 5, 10,20 et 50 à 16o de Boisse- . . . . 70 fr 44. Appareil de Bertscli, pour photographie microscopique, complet eu boite . . 40 fr. 45. Télégraplxe électrique de Wheatsone, manipulateur et récepteur de construction anglaise, les deux postes . ... . . 100 fr. 46. Macbine électrique de Ramsden, 2 conducteurs sur table en noyer verni ; plateau en glace de 1 mètre. . . . 500 fr. ^^7. Boîte à lumière avec chalumeau oxyhydrique . 60 fr. 48. Glaarnore noire à prisme de Chevalier avec pied, rideau, table etbte 65 fr. 49. Macbines Gramme, dynamo : . 380, 480 et 725 fr. 50. Installation électrique composée de une machine Siemens W 3, avec excitatrice D5 et six lampes avec suspens., couronne, au lieu de 4,900 fr., 2,200 fr. 51. Macbine Alliance, 6 disques, au lieu de 8,000 fr. ....... . 2,000 fr id. id. 4 disques, au lieu de 6,000 fr . l,800fr. 52 Goniomètre de Babinet . ... . 145 fr. 53. Sextants en cuivre, à lunette, de diverses marques, de 60 fr à . . 120 fr. 54. Gonionaètre de Babinet au lieu de 200 fr . 145 fr. Cet appareil peut servir à mesurer les angles des cristaux et des prismes et à trouver les indices de réfraction des solides et des liquides. On peut aussi aisé¬ ment le transformer en spectroscope. 55. ]VEa.cbines dynamos de Wilde de 4, 6, 10 foyers, au lieu de 3,000, 3,500 4,OijO, prix : 450, 600 et . . . . . . . . 750 fr. Ces machines se composent en principe de deux bâtis portant chacun un cercle d’électro-aimants entre lesquels peut tourner un plateau portant des bobines placées en regard des électro-aimants ; ceux-ci forment l’inducteur et le plateau tournant l’induit. 56. riéqulatenrs de lumière électrique système Carré Au lieu de 450 fr. 180fr. 57. Lampes à arc système Bréguet et Cance Au lieu de de 300, 350 fr. 160 fr. 58. Lampes à arc Mondos, doubles charbons Au lieu de 200 fr . . 75 fr. 59. Bobines d’indnction de RuiiMKORFF.de chaleur, de 75 à .... 150 fr. 60. Bobines d’induction 3 à Sfr 30 à commutateur 65 fr 20 à 380 fr 61. Objectif* pbotograpbiqne Steinheil, in München, Gruppen Antiplan e. 48 millim , rapide pour groupes, à vendre . . . . 185 fr. 62. Objectif* pbotograpbiqne Steinheil- Weitwinkell. Aplanat 43 m spécia- ponr reproduction ; au lieu de 450 fr . bôO fr. 63. Bbonograpbe Edison a main, cyl. de 145mm diam. au lieu de 100 fr. 60 fr. 101. Un télescope de 0,10 d’ouverture, chercheur, pied à 6 branches et à co¬ lonne, 2 oculaires, excellent instrument pour petit observatoire . . 400 fr. 102. Un télescope de 0,95 d’ouverture, pied zénithal, 6 oculaires, très bon ob¬ jectif, monture d’amateur . 120 fr. On échangerait contre bon microscope. 103. Tbéoclolite très bon pour relevés topographiques. . . . 95 fr. On échangerait contre téléphone ou télégraphe Morse. Le Gérant: Jules Pelletan Fils. Amiens — Imprimerie Rousseau-Leroy. Douzième année N° 8 10 Juin 1888 JOURNAL DE MICROGRAPHIE S O 1\I M A I R E : Revue, par le l)r Pkllktan. — Évolution des microorganism es animaux et végétaux parasites A’MzYej, leçons faites au College de Krance, par le prof. G. Bai.biani. — Le mécanisme de la sécrétion [suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. — Le troisième œil des Vertébrés, leçons faites à l’Ecole d’Anthropo- logie, par le prof. Mathias Duval, recueillies par P. G. Mahoudeau. — Prépara¬ tions instantanées dans le milieu gomme et glycérine de Farrant, par le R. H. Ward. — Avis divers. REVUE Le temps est venu, il me semble, où l’on doit examiner les choses de prés et ne plus continuer à se payer de mois. La théorie microbienne, — j’entends la doctrine en vertu de laquelle la plupart des maladies, et bientôt toutes les maladies, y compris les cors aux pieds, sont produites par des microbes parasites et spéciaux, — la théorie microbienne s’est, depuis quelques années, imposée dans la pathologie. Je dis « imposée, » parce qu’en effet, elle est entrée dans la science comme en pays conquis, de par l’autorité de savants haut placés et bien posés pour la faire accepter quand même elle eût été moins séduisante. Car, séduisante, elle l’était, il faut l’avouer, au plus haut point. Elle s’est imposée, car elle n’a jamais été discutée à fond. Aussitôt pro¬ mulguée, elle a été tout de suite appliquée de tous les côtés, à tort et à tra¬ vers, uniquement par ce qu’elle était bien présentée, puissamment patronnée et, je le répète, parce qu’elle était séduisante. Gela ne veut pas dire qu’elle soit vraie. D’ailleurs, en dehors des faits pu¬ rement mathématiques, il n’y a pas de théorie vraie. Les théories ne sont pas forcées d’être vraies, et elles ne le sont que pendant un temps donné. Ce sont des hypothèses qui expliquent un certain nombre de faits, en font dé¬ couvrir certains autres et servent seulement d’instrument de travail, jusqu’au 230 JOURNAL DE MICROGRAPHIE jour OÙ les faits qu’elles n’expliquent pas deviennent trop nombreux et où surgissent, pour interpréter céux-ci, d’autres doctrines qui feront leur temps, comme les premières, rendront plus ou moins de services selon qu’elles se¬ ront plus ou moins bien bâties, — et passeront à leur tour. Les théories, en médecine, en physiologie, ne se comptent plus ; toutes, elles ont eu leurs jours de gloire; toutes, elles ont été défendues avec achar¬ nement au moment où elles chancelaient et, toutes, elles se sont effondrées apiès avoir été, pendant un temps, données comme l’expression complète, unique et certaine de la vérité. La théorie des microbes pathogènes s’est imposée immédiatement parce qu’elle reposait sur des travaux nouveaux, très intéressants d’ailleurs, con¬ cernant des êtres jusqu’alors méconnus ou même inconnus : il y avait autour d’elle comme une sorte d’auréole de merveilleux. Elle paraissait à priori, s’appliquer à un grand nombre de faits, et à priori on l’a appliquée à un bien plus grand nombre encore, à des faits auxquels elle ne s’adaptait pas et pour l’explication desquels on n’avait pas besoin d’elle. Et cependant, elle avait failli dans des cas où elle était nécessaire. Dans des maladies nettement contagieuses, la variole, la rougeole, la scarlatine, la sy¬ philis, la rage, il n’a pas été possible de trouver un microbe dont on put dire avec certitude qu’il est la cause unique et spécifique de la maladie, et qui fut universellement reconnu comme tel. De même, dans les maladies infec¬ tieuses, le typhus, la fièvre intermittente, la fièvre jaune, le choléra, on n’est arrivé qu’à des résultats tellement controversés, discutés, démentis, niés, qu’ils peuvent être considérés comme nuis, — et que même, en ce qui regarde le choléra, par exemple, il a fallu admettre que celui ci n’est pas une maladie microbienne. — Et si l’on s’obstine à faire des premières des maladies micro¬ biennes, je défie que l’on me donne une bonne raison pour qu’il n’en soit pas de même du choléra. Mais c’était une théorie si séduisante, qui expliquait si aisément tant de faits, pour ceux qui n’y voulaient pas regarder de trop près, qui se prêtait à tant de travaux faciles; elle était de plus, si souple et si élastique, s’accom¬ modant si bien des interprétations les plus diverses et même les plus contra¬ dictoires; enfin, elle était si bien posée dans la science officielle, qu’elle a trouvé partout des apôtres et s’est aussitôt répandue comme un nouvel évan¬ gile parmi les nations. Et puis, c’était si simple : on prenait un produit morbide quelconque, on l’examinait au microscope ; au besoin, on inventait une technique spéciale ou un réactif nouveau ; on trouvait, au milieu de beaucoup d’autres, un microbe que l’on teignait en rose, en bleu ou en violet, et l’on s’écriait : — « Voilà la cause de la maladie î voilà le microbe pathogène et spécifique ; iste adest qui fecitl » Je ne veux pas dire que cela ait été inutile. Bien au contraire. Je pense que c’est la grande gloire de M. Pasteur, d’avoir ouvert cette voie inexplorée et pénétré, le premier, dans ce monde nouveau des infiniments petits que les JOURNAL DE MICROGRAPHIE 231 naturalistes et les micrographes d’autrefois avaient laissés de côté, se bornant à les appeler Vibrioniens et à constater qu’ils étaient trop simples pour que leur étude fut intéressante et trop petits môme pour qu’elle fut possible. M. Pasteur a trouvé qu’elle était possible; il a créé des procédés ingénieux et délicats et a enrichi la biologie d’un nouvel et immense chapitre en nous mon¬ trant des myriades d’êtres dont nous ne soupçonnions pas l’existence. Et, après lui, les imitateurs ont encore agrandi le champ des découvertes... Mais ils n’ont fait qu’imiter, et si quelques-uns l’ont fait maladroitement ou témérairement, il ne faut pas en rendre responsable M. Pasteur dont l’œuvre est grande et lui fera un nom impérissable dans l’histoire de la science fran¬ çaise comme fondateur de la Microbiologie^ (puisque ce mot lui plaît davan¬ tage, à ce qu’il paraît, que le moi Bactériologie devenu à peu près officiel.) Malheureusement, à notre point de vue, M. Pasteur ne s’en est pas tenu là. Devancé par son précurseur Davaine dans les applications de l’iiistoire des Microbes à la pathologie, il a voulu le dépasser à son tour et a tiré de ses découvertes des conclusions infiniment trop générales. Il faut se méfier, dans les sciences biologiques, des déductions par analogie et des conclusions géné¬ rales : rien n’est plus périlleux et plus trompeur. De ce qu’une maladie, le charbon, par exemple, parait bien due à un microbe (quoique la démonstra¬ tion du fait soit encore loin d’être complète), il ne s’en suit pas du tout que les autres maladies contagieuses ou infectieuses aient nécessairement une cause analogue. M. Pasteur a eu le tort de se laisser entraîner sur cette pente, facile d’ailleurs, où, comme cela arrive toujours, ses imitateurs ont été plus loin encore que lui. De ce que l’origine microbienne était possible, probable même, si vous voulez, dans un cas, il a conclu et affirmé qu’elle était certaine, non pas là seulement, mais partout. Et enfin, il a eu le tort, plus grand encore, quand les faits n’étaient pas d’ac¬ cord avec ses idées, de les méconnaître, de les transformer ou de les nier, et de soutenir, avec un entêtement de boule-dogue, le dogme de sa propre infaillibilité. m * « Il est remarquable, d'ailleurs, que les plus chauds partisans de la microbia trie — je parle des partisans convaincus et non de ceux qui se sont faits « pas¬ toriens » parce que c’était une voie facile, menant aisément aux honneurs et à l’argent, — se sont recrutés surtout parmi les médecins qui font de la mé¬ decine théorique. Font de la médecine théorique les médecins et les professeurs qui discourent devant les Académies, les commissions savantes ou administratives, pontifient dans les amphithéâtres des Facultés ou des hôpitaux. Font encore de la mé¬ decine théorique, ceux qui publient force volumes, travaux d’imagination et de compilation, écrits avec l’aide de deux ou trois « élèves qui « font les recherches; » ceux qui rédigent des mémoires bourrés, non de faits, mais de notes au bas des pages renvoyant à tous les auteurs allemands connus et in¬ connus ; ceux qui professent dans les laboratoires, préparent des bouillons dans des petits tubes et font des cultures dans des petits ballons. 232 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Tous ceux-là peuvent être des « princes de la science, » mais ce ne sont pas des médecins. Appelés en consuliation par une famille qui a confiance en leur nom ou par un médecin traitant qui brigue leur patronage, ils voient les malades une fois, — le plus souvent trop lard — donnent leur avis (au poids de l’or) et s’en vont sans plus s’occuper de ce qui adviendra. Ceux-là, dis-je ne sont pas des médecins. Le médecin c’est celui qui suit le malade pas à pas, notant chaque symptôme, parant à chaque accident, gou¬ vernant, pour ainsi dire, la maladie, le mieux qu’il peut, avec toute son intel¬ ligence, tout son savoir et tout son dévouement jusqu’à la terminaison, heu¬ reuse ou funeste. Celui-là, c’est le médecin, le clinicien, si vous voulez — et celui-là, remai*quez le bien, croit peu aux microbes pathogènes et ne s’en oc¬ cupe guère : il cherche à guérir le malade et non à tuer le microbe, sachant bi(in d’ailleurs que quand le malade sera guéri le microbe s’en ira. Du reste, quels si grands services la doctrine microbienne a-t-elle donc ren¬ dus jusqu’ici à la médecine? On me répondra qu’en chirurgie la méthode antiseptique a opéré une véri¬ table révolution et permet de faire aujourd’hui avec succès des opérations qu’on n’eût jamais osé tenter autrefois. — C’est vrai, mais cette méthode ne résulte pas des travaux de M. Pasteur sur les microbes ; elle nûa pas davan¬ tage été inventée par M. Lister ; elle était pratiquée dès 1360 ou 1861, à l’hô' pilai de la Pitié, par Maisonneuve, et non pas comme microbicide mais comme antiseptique. C’est M. Déclat qui le premier a employé l’acide phénique, comme empêchant la décomposition des liquides sécrétés par les plaies, en dehors de toute idée de microbes, — et rien n’empêche maintenant encore, d’admettre que c’est ainsi qu’agit ce précieux agent d’antisepsie. En médecine proprement dite, c’est à dire dans le traitement des maladies, je défie qu’on me cite un seul cas où grâce à la connaissance des microbes on ait guéri une maladie qu’on ne guérissait pas jusque là. Je dirai môme43lus : celte doctrine a eu une influence funeste sur la théra¬ peutique. Les médecins, au lieu de traiter les maladies, .se sont évertués à tuer le microbe — ce qui paraît impossible, car les microbes sont infiniment plus résistants que les éléments de nos tissus et de nos organes, — et pen¬ dant ce temps là, les malades sont morts. Et notez que je ne parle que de la doctrine parasitaire en elle-même, non des procédés empiriques qu’elle a suscités, l’inoculation des virus atténués, et la prophylaxie de la rage, conceptions théoriques que rien de sérieux n’est venu justifier. «T * Eh bien, il me paraît que le moment est arrivé où il convient de regarder les cho.sesdeprès et de s'arrêter dans cette voie de travaux mal conçus, mal faits, et inutiles, — et de ne plus conclure à tout bout de champ à un microbe. Il ne se passe plus un jour, en effet, où la doctrine des microbes patho- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 233 gènes ne reçoive un écliec et n’enrégistre un démenti. Est-il nécessaire de rappeler son échec dans le choléra, dans la fièvre jaune, dans la rage; tous ces microbes trouvés, affirmés et qui tout à coup n’ont plus été que des êtres banals dénués de toute importance et de tout rôle pathologique ? En voici encore d’autres qui sont en train de déchoir ; et ce ne sont pas les premiers venus, ce sont des microbes que l’on croyait bien et duement établis, le mi¬ crobe de la lèpre, le microbe du cancer, le microbe de la péripneumonie bovine, — et, je vous le dis, ce sera bientôt le tour du bacille de la tubercu¬ lose. C’est M. Leroy de Méricourt, qui comme médecin de la marine a eu plus que tous les médecins de l’hôpital Saint-Louis l’occasion de voir et de soigner des lépreux, c’est M. Leroy de Méricourt qui vient dire à l’Académie de Médecine que la lèpre n’est pas une maladie bacillaire, et que d’ailleurs elle n’est pas contagieuse. C’est M. Nepveu qui déclare à l’Académie des Sciences que le microbe du cancer, qui a fait tant de bruit récemment et dont l’invention en Allemagne (bien qu’il fut déjà connu en France) a été annoncée à l’Europe par le télé¬ graphe, le microbe du cancer n’est qu’un organisme banal car il se trouve dans des tumeurs qui ne sont point cancéreuses. C’est M. Arloing, cet expérimentateur émérite que tout le monde connaît, qui vient annoncer que le liquide où ont végété des microcoques de la péri¬ pneumonie produit, lorsqu’on l’inocule après l’avoir séparé des microcoques, les mêmes effets que ces microbes eux-mêmes. Remarquez combien est grave ce dernier coup porté à la doctrine micro¬ bienne, — et par un homme comme M. Arloing, — car si l’on peut produire sans le microbe un seul cas de péripneumonie, ce seul cas suffit pour culbuter toute la théorie. Tous les médecins qui ont soigné des phtisiques, — je dis : qui ont soigné^ je ne dis : pas qui ont vu^ — savent qu’il est des tuberculeux dont les crachais ne contiennent pas de bacilles. Il en viendra un jour, — comme il vient des vers dans un fumier, — mais en attendant, il n’y en a pas encore ; le malade, pour le clinicien qui l’ausculte n’en est pas moins un tuberculeux. Je sais bien qu’on a inventé, pour caractériser ces cas, le mot de faux-tuber¬ cules, mais c’est une plaisanterie lugubre. C’est la même phtisie. — Et quand bacilles il y a, « le nombre de ceux-ci n’indique nullement le degré de la maladie î des phtisiques très malades fournissent souvent bien moins de bacilles que des phtisiques au début » dit M. Durand (de Lyon), qui croit cependant aux mi¬ crobes et traite la phtisie par les injections microbicides. Vous voyez donc bien que le bacille des tubercules est ébranlé ; il n’a plus l’importance qu’on lui attribuait. M Trudeau à New-York, comme ici MM. Brown-Sequard et d’Arsonval, n’ont pu rendre tuberculeux des lapins à qui ils l’avaient inoculé, en mettant ces lapins au grand air et dans de bonnes conditions hygiéniques. C’est, en effet, d’un autre côté qu’il faut cliercher la cause des maladies (lue 234 JOURNAL DE MICROGRAPHIE l’on attribue aujourd’hui aux microbes. C’est dans le milieu ambiant que sont ces causes. Les êtres vivants sont façonnés par le milieu dans lequel ils vivent ; ils se modifient pour s’y adapter. C’est le milieu qui détermine le mode suivant lequel s’accomplissent leurs fonctions, et c’est la manière dont s’accomplissent ces fonctions qui forme les organes par lesquels elles s’exé¬ cutent Si les conditions — éminemment variables — que présente ce milieu dans lequel vivent les êtres viennent à varier, ne doit-il pas arriver que l’équilibre de leurs fonctions soit troublé, que leurs organes s’altèrent, c’est à dire que des maladies se déclarent ? Ce milieu c’est l’air, c’est l’eau, c’est le sol, c’est tout ce qui nous enlourê, et qui est soumis à des variations de chaleur ou de froid, de sécheresse ou d’humidité, d’agitation ou de calme, de lumière, d’électricité. En un mot, ce sont les conditions météréologiques dans lesquelles nous vivons qui nous do¬ minent, non seulement au physique mais même au moral. Et nous en avons incessamment la preuve sans toujours nous en rendre compte. Les circonstances météréologiques dans lesipielles nous vivons ont une valeur moyenne normale, c’est à dire à laquelle notre organisme est adapté, et dont elles ne peuvent s’éloigner sans qu’il y ait danger pour notre économie. C’est une idée qui n’est pas neuve, et que les Anciens ont eue avant nous, mais à laquelle il nous faut cer lainement revenir en mettant à son service les puissants moyens d’étude et les procédés précis d’observation que nous possé¬ dons aujourd’hui. D’ailleurs, des éléments nouveaux doivent intervenir dans la question, élé¬ ments que nos devanciers ignoraient ou négligeaient. Un de ces éléments, et qui me parait devoir jouer un rôle important, c’est l’état électrique de l’air. On l’a introduit déjà dans l’étude de l’atmosphère avec la notion de \ ozone qui est, comme on sait, l’oxygène électrisé. M. Descroix, le savant chef du service météorologique de l’Observatoire de Montsouris, a repris cette question sous une forme nouvelle, la mesure directe de la charge électrique de la couche d’air dans laquelle nous respirons et je ne doute pas que ses recherches, (jui s’étendent aussi aux variations magnétiques, n’abou¬ tissent tôt ou lard à des résultats intéressants. La charge de l’air en matériaux solides, poussières, germes vivants, microbes, etc., devra aussi intervenir, car l’influence de ces corps étrangers — en dehors même delà doctrine parasitaire — ne saurait être mise en doute, comme vient de le 'démontrer la belle expérience de M. Potain sur le^^ injec¬ tions d’air stérilisé dans la plèvre d’un malade qu’il a guéri d’un pneumo¬ thorax suppuré. Je reviendraPavec plus de détails sur ces questions, car je suis certain qu’en les étudiant avec les méthodes scientifiques dont nous disposons aujourd’hui, on obtiendra des résultats plus sùi*s et plus utiles que ceux auxquels est aiTivée jusqu’à présent l’hypothèse parasitaire. J. P. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 235 TRAVAUX ORIGINAUX ÉVOLUTION DES JIICRO-OKGANISMES ANIMAUX ET VÉGÉTAUX PARASITES Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le Professeur G. Balbiani [Suite^) LES MASTIGOPHORES Chez un grand nombre de Flagellés, le plasma renferme des corps colorés qui sont tout à fait comparables, pour leur structure et leurs fonctions, aux chromatophores des végétaux, qu’on appelait autrefois des « grains de chlorophylle. » Ce sont aussi des organes d’assimi¬ lation, qui forment de l’amidon sous l’influence de la lumière solaire. La structure des chromatophores chez les Flagellés n’a été bien connue que depuis les travaux de Schmitz, qui a d’abord étudié ces organes chez les Algues et a reconnu ensuite que ceux des Flagellés avaient une grande analogie de structure avec les chromatophores des Algues. Il avait été précédé dans cette voie par Klebs qui, en 1885, a publié un excellent travail sur les Flagellés, travail dans lequel il s’est occupé de la structure des chromatophores. Ces chromatophores sont constitués exactement comme ceux des végétaux. Ils ont pour base fondamentale de petites masses de proto¬ plasma qui se sont différenciées et nettement délimitées du proto¬ plasma ambiant, en affectant quelquefois une forme particulière. Ainsi, dans le protoplasma général, nous trouvons de petites masses qui se sont délimitées, plus ou moins nombreuses, et forment la hase fonda¬ mentale des chromatophores. Ces petites masses, que les botanistes ont appelés leiicites chez les végétaux, sont assez difficiles à étudier chez les Flagellés, à cause de leur petitesse. On a reconnu néan¬ moins que ces leucites ont une structure granuleuse ou réticulée, de (1) Voir JûU''nal de Micrographie, T. X, 1886, T. XI, 1887, et T. XIi, 1888, p. 4 1 , 134. D*" J. P. sléii. 236 JOURNAL DE MICROGRAPHIE même que chez les végétaux. Ils sont imprégnés d’une manière colo¬ rante, souvent verte, et c’eôt alors de la chlorophylle ordinaire, mais parfois aussi d’une autre couleur. Certaines de ces couleurs, par leur mélange, donnent naissance à des nuances très variées que l’on observe aussi bien chez les plantes que cliez les Flagellés et qui vont du jaune au brun. Ainsi, cette belle coloration verte que l’on voit chez tous les végétaux verts et que Ton retrouve chez beaucoup de Flagellés est due à la chlorophylle ; d’autres fois, la matière colorante se rapproche de la diatomine^ jaune ou brune, qui existe dans les Diatomées et qui se trouve aussi chez un certain nombre de Flagellés. Quand les leucites sont imprégnés par une de ces matières colo¬ rantes les botanistes leur ont donné le nom de chromoleiicites. Mais il arrive souvent, chez les végétaux, qu’ils ne sont pas colorés et res¬ tent leucites. Cette matière colorante est très soluble dans l’alcool et peut être isolée. On peut alors étudier la structure de ces leucites, ainsi décolorés, avec beaucoup plus de facilité et de soin. Chez les Flagellés, leur forme et leur grosseur varie beaucoup dans les diffé¬ rentes espèces. Leur présence caractérise plusieurs groupes impor¬ tants, car ils n’existent pas dans tous, et donnent aux animaux des colorations variées. Les groupes les plus importants qui présentent des chroinato[)hores sont les Euglénidiens, les Chlamydomonadiens et les Volvoci- NIENS. Dans ces groupes, les chromatophores n’ont pas exactement la même structure. Ainsi, dans le premier groupe, chez les Euglènes, les Chlo- ropeltis ont des chromatophores formés par un petit corps arrondi, une petite plaque discoïde ou ovalaire, bien nettement délimitée et existant en grand nombre dans le protoplasma. Ces plaques sont tou¬ jours placées immédiatement au dessous de la cuticule, ce qui est en rapport avec la fonction de ces organes, puisqu’ils doivent agir sur l’a¬ cide carbonique de l’air et de l’eau sous l’inlluence des rayons solaires. Quelquefois, ces chromatophores se présentent sous la forme de plaques très larges mais très peu nombreuses. Très souvent même, alors, il n’y a que deux plaques en face l’une de l’autre (Dmobryon). Chez les Cryptomonas^ il y a heux grands chromatophores en plaques recourbées dont les bords se regardent sans se toucher, laissant en- tr’eux un intervalle assez étroit sur la face dorsale et sur la face ven¬ trale du corps. Mais il n’est pas nécessaire d'entrer dans plus de dé¬ tails sur les circonstances de forme et de structure des chromato¬ phores; il nous faut passer en revue les dilférentes familles de Fla¬ gellés colorés, étudier leur structure intime, et d’abord chez les Chlamydomonadiens, les Volvociniens, etc. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 237 Les Volvociniens et les Ghlamydomonadiens ont toujours des chro- matophores colorés par la chlorophylle pure, par conséquent verts. Ils sont petits et discoïdes ; examinés avec attention et sous de forts grossissements, ils laissent reconnaître leur constitution. C’est néan¬ moins un travail très difficile, parce que ce sont de très petits corps, qui nécessitent l’emploi des grossissements les plus considérables que l’on peut réaliser aujourd’hui. C’est pour cela que la lumière n’a pu être faite sur leur composition que dans ces dernières années. A l’aide de ces moyens, on voit au centre un petit espace clair, connu depuis long¬ temps sous le nom de vésicule chlorophyllienne . On croyait cette « vésicule » pleine de chlorophyle, parce qu’elle paraît plus foncée en couleur: C’était une erreur qui remontait à Nægeli. Schmitz, dans ses études récentes, a reconnu que ce n’est pas une vésicule, mais un petit globule d’une substance particulière qui présente la plus grande analogie avec celle des noyaux cellulaires et se colore comme elle par les réactifs ordinaires de la nucléine. Schmitz a désigné ce petit corps intérieur sous le nom de pyrénoide. Il a d’abord observé ces pyré- noïdes dans les chromatophores des Algues inférieures et a constaté que c’est autour du pyrénoïde que se forment les grains d’amidon, probablement sous son influence et sous faction de la lumière. Ces grains sont disposés autour du pyrénoide et non pas directement à sa surface, mais dans la substance du chromatophore, séparés du pyré¬ noïde par une mince couche de substance appartenant au chromiato- phore. Tantôt ces petits grains sont libres les uns des autres, formant une couronne autour du pyrénoïde, tantôt ils sont soudés et forment une couche d’amidon continue autour de ce même pyrénoïde. On peut constater la forme de ces amas de grains, libres ou soudés, à l’aide de l’iode qui les colore en bleu, ce qui permet de déterminer la place et la quantité de l’amidon dans les chromatophores. Chez les Chlamydomonas^ les Volvocinés, l’amidon qui se dépose autour des pyrénoïdes a ordinairement la forme d’un anneau, et quand on traite par l’iode, on aperçoit un cercle bleu très visible dessiné autour de chaque pyrénoïde. Ces pyrénoïdes qui existent au centre des chromatophores ont été trouvés aussi chez les Eugléniens, mais avec une disposition particu¬ lière indiquée par Klebs [Recherches du laboratoire de Tübinyen t. I, 1883). Mais ce sont là des détails à vérifier, d’autant plus que Klebs n’est pas toujours d’accord avec Schmitz ; néanmoins, les faits que je vous ai indiqués sont bien démontrés. Des chromatophores existent aussi chez les Trachelomonas^ Euglé¬ niens renfermés dans une coque dure, mais la disposition des pyré- 238 JOURNAL DE MICROGRAPHIE iioïdes est un peu différente de ce que nous avons vu chez les Yolvo- cinés et les Chlamydomonas. Les cliroinatopliores se multiplient par fissiparité, et jamais autre¬ ment. Cette propriété, jointe à la grande colorabilité des pyrénoïdes par les réactifs colorants, a fait considérer le chromatophore tout entier comme un noyau cellulaire dont le pyrénoide serait le nucléole. C’est peut-être une vue qui n’est pas très exacte, mais je vous expose les faits qui ont aujourd’hui cours dans la science, je ne les discute pas. La présence de l’amidon est donc liée à l’existence de petits ap- [)areils particuliers, imprégnés de matière colorante, qui, sous fin- fluence de la lumière solaire, produisent ces grains d’amidon, lesquels servent à la nutrition de l’animal. Mais cette production de f amidon se fait aussi chez les Flagellés sans chromatophores, dans un plasma parfaitement incolore : par exem¬ ple, chez le Polytoma iivella qui représente une forme incolore dans une famille composées d’animaux colorés. C’est un Chlamydomonas ou Chlamydococcus dépourvu de chlorophylle ; aussi, a-t-on eu rai¬ son de classer ce genre parmi les Chlamydomonadiens. Parmi les Cryptomonadiens, le genre Cryptomonas présente deux grandes plaques brunes qui entourent les parties latérales du corps, comme nous l’avons dit, sans se joindre sur la face ventrale ni sur la face dorsale. Mais, un genre voisin, les Chilomonas présentent une structure semblable, sauf les deux plaques ^endochrôme^ comme on dit, lesquelles manquent. Ainsi, dans une même famille, on trouve des espèces colorées et des espèces incolores. Or, dans ces espèces incolores rattachées aux familles colorées, on a rencontré aussi de l’a¬ midon. Anton Schneider l’avait constaté, il y a plus de 20 ans. — Comment cet amidon se dépose-t-il ? — F. Schmitz et Klebs l’ont re¬ cherché : Schmitz, chez le Polytoma uvella^ et n’a jamais pu rien trouver qui rappelât les chromatophores ; il en a conclu que ces grains d’amidon se déposent directement dans le plasma. Cependant, Fisch, dans des recherches sur l’organisation de quel¬ ques Flagellés et particulièrement du Chilomonas Paramœcnim.(\w\ n’a pas de chromatophores et contient néanmoins beaucoup d’amidon, a découvert chez ce dernier un petit élément qu’il compare à un chro- matopbore incolore. Quand on traite ce Chilomonas par l’iode, on sait depuis longtemps qu’on colore un grand nombre de globules que l'on considère comme des grains d’amidon ; Fisch a constaté que chaque grain d’amidon adhère à un petit corps, masse de substance protoplasmique incolore qui est probablement le centre de formation de l’amidon. Or, dans les végétaux, il y a des amyloleucites incolores qui produisent aussi des grains d’amidon. Il en est de même chez JOURNAL DE MICROGRAPHIE 2:39 certains Flagellés, où Ton voit de petits chromatophores incolores dont chacun est le foyer de formation d’un grain d’amidon. Dans les végétaux les mieux étudiés, on a remarqué que ce sont de petites masses protoplasmiques qui adhèrent au grain d’amidon par le côté opposé au hile du grain. — Le travail de Fisch a paru en 1885, chr. fur wiss. Zool. T. 42. • L’amidon n’est pas la seule substance amyloïde qui existe dans les Flagellés, on y a trouvé aussi très fréquemment une matière qui a la plus grande analogie avec l’amidon et la même composition chimique, mais présente des réactions très différentes ; on l’a appelée paramy- loue. Les propriétés chimiques de celte substance rappellent beau¬ coup celles de la cellulose. Cette substance ne se colore par l’iode ni en bleu comme l’amidon, ni en jaune comme les matières protéiques ; elle présente une grande résistance aux réactifs acides et alcalins et n’est soluble que dans Tacide sulfurique concentré et l’acide chlorhy¬ drique bouillant ; insoluble dans l’ammoniaque, mais soluble dans la potasse à plus de 6 0/0. C’est donc une matière très réfractaire à la plupart des réactifs qui attaquent au contraire les grains d’amidon. Enfin, la diastase est absolument sans action sur le paramylone. C’est, d’ailleurs, une substance que les botanistes connaissent depuis long¬ temps ; elle existe dans chaque grain d’amidon associée à une autre substance appelée granulose. C’est celle-ci qui se colore en bleu quand on traite le grain d’amidon par l’iode. Ce paramylone existe à l’état de pureté chez beaucoup de Flagellés, chez les Euglénidiens, par exemple, qui le renferment et non de l’amidon proprement dit. Comment se forme ce paramylone ? Ce n’est jamais dans les chro¬ matophores, comme l’amidon ; c’est toujours au dehors qu’il se dé¬ pose, mais au voisinage immédiat du chromatophore, de sorte qu’il semble bien qu’il y a néanmoins une relation entre le chromatophore . et le paramylone. Ce dernier se trouve sous des formes très variables chez les divers Flagellés. Très souvent il constitue de petites plaques arrondies ou ovalaires ou des tablettes souvent rectangulaires, larges ou étroites, ou des bâtonnets, et plus ces tablettes ou ces bâtonnets sont volumineux, moins ils sont nombreux. On en trouve quelquefois deux seulement, comme chez VEugleua acus où ces tablettes ont la forme de pains de savon. Pendant longtemps on a cru que ces tablettes étaient homogènes, et en effet, la substance qui les compose présente presque l’aspect delà cire ; mais Klebs a montré qu’elles sont formées de couches concen¬ triques, comme les grains d’amidon, et quand on examine ces ta¬ blettes par leur bord, on constate que les côtés sont marqués de 240 JOURNAL DE MICROGRAPHIE stries parallèles, ce qui indique que la tablette est formée par la su¬ perposition de plaquettes ou de lamelles très minces. Relativement à leur usage, il est vraisemblable qu’elles jouent le même rôle que l’amidon chez les végétaux et les Flagellés qui en con¬ tiennent. On a vu du reste que ce paramylone apparaît et disparaît dans les mêmes conditions que l’amidon. Ainsi, dans l’obscurité, les Euglènes perdent leurs tablettes de paramylone ; si on les replace à la lumière, ces tablettes se reforment. Quand on met les animaux au grand jour dans un milieu ou ils trouvent les conditions nécessaires pour développer leur vitalité, dans ces conditions où ils montrent en quelque sorte une surabondance d’activité, les tablettes de paramy¬ lone s’usent et diminuent ; si, au contraire, l’animal entre en repos, prend une forme immobile, comme cela est si fréquent chez tous ces êtres, les tablettes se développent outre mesure et l’animal en est comme bourré. C’est qu’en effet, la vie est alors très ralentie chez lui et les substances combustibles restent en dépôt au lieu de se brûler comme pendant l’état de vie active. Examinons maintenant les taches oculaires ou oculiformes, ou stigmas. Chez un grand nombre de Flagellés, et principalement chez ceux dont nous venons de parler, qui sont colorés par la chlorophylle, il existe une ou plusieurs taches rouges dites « oculi formes » et qui se présentent très nettement à l’observateur parce qu’elles tranchent très vivement sur le fond incolore du corps ; car, ordinairement, le plasma dans la partie antérieure du corps, où sont placées les tâches rouges, ne renferme pas de chlorophylle. On trouve d’ailleurs ces points ocu- liformes chez les espèces qui contiennent de la chlorophylle verte ou de la chlorophylle brune ou jaune. Relativement au nombre de ces taches, on n’en trouve le plus sou¬ vent qu’une seule, placée à la base du flagellum, mais quelquefois deux. Chez le Synura uvella (1) on peut en rencontrer beaucoup plus. C’est un Flagellé colonial : tous les individus vivent réunis en colonies globuleuses, leur partie postérieure ou queue au centre de la sphère et la partie antérieure à la surface. Cette partie antérieure présente deux ou trois taches oculiformes, mais quelquefois jusqu’à une dizaine. — Néanmoins, le nombre de ces points rouges est ordi¬ nairement, dans le groupe des Flagellés, de deux au plus. La structure de ces taches a été étudiée par Klebs dans le travail que j’ai cité plus haut. Quand on traite des Euglènes. par une solution (1) Voir Journal de Micrographie, T. VI. 1883, p. 73. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 241 faible de sel marin, à 1 0/0, les vésicules contractiles, ou plutôt le ré¬ servoir commun dont je vous ai parlé et dans lequel se déversent les vésicules contractiles multiples, se dilate énormément, et comme la tache rouge est exactement placée sur le réservoir, elle se dilate avec celui-ci, et l’on peut examiner sa structure intime avec plus de soin, l’observation étant beaucoup plus facile. Dans ces conditions, Klebs a reconnu que les taches rouges sont formées de deux substances. D’abord, la tache présente comme une petite masse généralement dis¬ coïde, mais jamais son contour n’est absolument régulier : il paraît dé¬ chiqueté ou festonné ; quelquefois il est rectangulaire. On constate que la tache a pour base une petite masse fondamentale de plasma réti¬ culé ; dans les mailles de ce plasma, on voit des gouttelettes d’une substance presque huileuse, qui est la matière colorante rouge. Cette substance pigmentaire a été reconnue par Gohn comme étant la même que la matière colorante rouge qui remplit tout le corps des Ghlamy- domonadiniens à l’état de repos, pendant l’hiver, par exemple. G’est une modification de la chlorophylle verte, et je ne sais pas si cette modification comporte un changement dans la composition chimique. G’est Vhématochrome ^ de Gohn ; il redevient vert avec la vie active. Gette pigmentation rouge de l’œil des Flagellés est sans doute analogue', sinon identique, àl’hématochromedesEuglènes. Les spores dormantes des Algues, c’est-à-dire celles dans lesquelles la vie ne se manifeste pas pour le moment à l’état actif, prennent aussi cette coloration rouge. La différence consiste en ce que Thématochrome est répandu dans toute la masse du corps dans les Ghlamydomonadiens au repos et dans les spores dormantes, tandis que dans les taches oculiformes la coloration ne se produit qu’au sein d’une petite masse de protoplasma particulier. • Quelle est la signification physiologique de ces taches ? Ehrenberg les a toujours décrites comme des yeux. G’est même en raison de la présence de cet « œil » qu’il a appelé Euglena^ (qui signifie Bel-œil) un genre de Flagellés qui montre le mieux le point oculiforme. Gette interprétation a été révoquée en doute par presque tous les auteurs qui ont suivi Ehrenberg, particulièrement par Dujardin. Elle a ce¬ pendant été défendue par quelques-uns, comme Garter, Glark, Klebs, Kunstler. Voyons sur quelles preuves s’appuient ces derniers. L’observation directe de ces taches a été faite par M. J. Kunstler sur le Phacus^ où il a reconnu une structure qu’il décrit avec beau¬ coup de précision : elle présente un globule homogène incolore, qu’il compare à un cristallin, et qui serait enveloppé par une matière co¬ lorante rouge qui l’enchâsserait comme un pigment choroïdien. Gette observation de M. .1. Kunstler n’est d’ailleurs pas nouvelle. Anté- 242 JOURNAL DE MICROGRAPHIE rieurement, M. G. Pouchet avait décrit un œil semblable chez les Péridiniens, ce qui est d’autant plus singulier que ces êtres ont été: pris souvent pour des végétaux. [Gymnodmium Polyphemus). Mais, bien longtemps avant, en 1851, Lieberkülm avait vu chez un Cilié, VOphryoglena flavicans, aujourd’hui Panophrys flavicaiis, une tache noire dans laquelle il a trouvé un corps, en verre de montre, très con¬ cave, dont la concavité regarde en avant. Dans une espèce très voi¬ sine, VOphryoglena idva^ Lieberkühn a vu la matière colorante, mais n’a pas trouvé le petit corps qui représente un cristallin. Ainsi, dans tous ces cas, les petits yeux simples ont la même structure, et même chez les Métazoaires qui ont un œil semblable, comme les Entomostracés, les Gopépodes, les Rotifères, etc. : un petit globule transparent associé à une petite masse de pigment choroï- dien, destinés à percevoir les rayons lumineux. Il est donc démontré que l’on peut trouver un petit œil très simple chez certains de ces organismes, mais en est-il ainsi chez ceux qui n’ont qu’un peu de matière colorante imprégnant une petite portion de plasma différenciée ? Tout le monde sait que ces Euglènes sont très impressionnables à la lumière. Tous ces êtres colorés en vert tapissent toujours, dans le vase où ils sont contenus, le côté éclairé. Strasburger et Stahl ont fait à ce sujet des études spéciales et Engel- mann, par des expériences très délicates, a démontré que chez les Euglènes, ce n’est pas la tache rouge elle-même qui est sensible à la lumière mais la partie du corps qui précède la tache rouge. Il est probable que cette portion antérieure du corps joue tout entière le rôle d’une espèce de cristallin et- la tache rouge celui d’un appareil choroïdien destiné à absorber la lumière. Il faut remarquer cette coïncidence entre l’œil et le chromatophore. Elle prouve que la sensibilité à la lumière est en relation avec les fonctions des cbromatophores. Ces êtres sont sensibles à la lumière précisément pour être attirés vers l’agent qui fait fonctionner les chro- matophores et exercer leur mode de nutrition, produire de l’amidon et exhaler de l’oxygène. Cette sensibilité actinique est donc une fonction importante chez tous les Flagellés. Aussi, tous ces organismes se nourrissent comme les végétaux et sont holophytiques. Mais, ce qu’il y a de plus cu¬ rieux, c’est que ces Euglènes, qui ont une bouche et un œsophage, ne se servent pas de ce rudiment d’appareil digestif, et jamais on ne voit de corps étrangers dans leur intérieur ; ils se nourrissent par endosmose. Ainsi, ils ont, en indication, un organe qui n’est pas encore appelé à fonctionner chez ces êtres qui possèdent de la chlo¬ rophylle, et fonctionnera quand ils seront représentés par des ani- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 243 maux sans chlorophylle, comme le Peranenm trichophora qui est un Euglénien, mais sans chlorophylle. Celui-ci a un mode de nutrition tout à fait animal et avale des morceaux énormes en ouvrant déme¬ surément sa bouche munie d’un appareil particulier. Les Astasia sont dans le même cas : ce sont des Eugléniens incolores, avec un tube digestif. Je ne me rappelle pas s’ils avalent des corps étrangers, c’est probable ; ils n’ont pas de chlorophylle et n’ayant pas besoin de la lumière, ils n’ont pas de tache oculiforme. Les Polytoma sont saprophytes et se nourrissent par absorption par toute la surface du corps : ils n’ont ni tache oculiforme, ni chlo¬ rophylle. Enfin, la matière colorante des taches présente les mêmes réac¬ tions que l’hématochrome, et ce sont les mêmes que fournit aussi cette matière colorante jaune ou rouge que l’on trouve dans la rétine d’un, certain nombre de vertébrés. Gapranica a reconnu que la ma¬ tière colorante jaune de la rétine de ces derniers animaux, qui pré¬ sente tant d’analogie avec la matière rouge des Flagellés, est la même qui existe dans les cor/?s de l’ovaire ou, du moins, a les mêmes réactions. Si donc il n’y a pas identité, il y a analogie entre ces diverses matières colorantes. « [A suivre.) LE MÉCANISME DE LA SÉCRÉTION Leçons faites au GolIègO de France, en 1887, par le professeur L. Ranvier. {Suite) (1) • I I Il est facile de détacher la muqueuse du sac rétrolingual de la Gre¬ nouille, même sans extraire ce sac. Il ne faut pas le gonller pour avoir de bonnes préparations. On place les lambeaux de muqueuse dans l’humeur aqueuse, ou dans du sérum de Grenouille pris avec (1) Voir Journal de Micrographie, T. X, 18S6, T. XI, 1887 T. XIT, 1888, p. 2, 33, G5, 104, 212. D"" J. P. sténogr. 244 JOURNAL DE MICROGRAPHIE une petite pipette, ou dans Peau salée à dose physiologique, (7 pour 1000). Autrefois, j’enlevais la muqueuse, l’étalais sur une lame de verre dans une goutte de liquide dit indifférent, je bordais la préparation à la paraffine et l’examinais au microscope. Quand la préparation est fraîche, avec un bon objectif à grand angle et de fort grossissement, la face supérieure de la muqueuse étant en haut, on voit un grand mouvement de cils vibratiles don¬ nant l’apparence si connue d’un champ de blé agité par le vent. Au milieu de certaines régions, on voit des cellules caliciformes qui appa¬ raissent comme autant de cercles réfringents. En examinant avec soin, on distingue l’ouverture des cellules caliciformes qui est toujours plus ou moins excentrique à la coupe optique de la cellule vue d’en haut. Gela tient à ce qu’en enlevant la membrane on a déplacé sans doute un peu les couches qui la composent et qu’il y a eu un peu de tiraillement dans un sens ou dans l’autre. Parmi ces cellules, les unes forment des masses d’apparence vitreuse assez homogène, tandis que d’autres, au contraire, sont très granuleuses. Chez quelques Grenouilles, — cela tient à des conditions que je n’ai pas à déterminer ici, — il y a beaucoup de cellules granuleuses ; chez d’autres, il y en a'très peu. De plus, en hiver, les cellules gra¬ nuleuses sont plus nombreuses qu’au printemps, à ce qu’il me semble. Ce qui est intéressant, ce sont les cellules homogènes. Quand on les examine avec attention, on voit que presque toutes contiennent des vacuoles, de forme et d’étendue très variables, variables aussi suivant les individus, les saisons, variables enfin d’une cellule à l’autre : certaines cellules n’en contiennent pas du tout, tandis que d’autres, à côté, en sont remplies. Ainsi, à l’état vivant, les cellules caliciformes étudiées dans un liquide indifférent, qui ne trouble pas notablement leur vie physiologique, laissent distinguer très nettement et leur mucigène, et leurs vacuoles. Voilà le point important. Le mucigène est infiniment plus réfringent que le liquide contenu dans les vacuoles, de sorte que celles-ci paraissent obscures quand on éloigne l’objectif après avoir mis exactement au point, et brillantes quand on l’abaisse. La forme de ces vacuoles est très variable, au premier abord : les unes sont sphériques, d’autres sont formées par des arcs de cercle qui se coupent, résultant de la confluence de plusieurs vacuoles ; quelques-unes forment des angles saillants, c’est-à-dire présentent une disposition inverse. Chose très intéressante, ces vacuoles ne sont pas fixes : il en appa¬ raît de nouvelles et d’autres disparaissent. Quand elles apparaissent, généralement elles sont arrondies ou bien forment des arcs de cercle- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 245 qui indiquent qu’elles correspondent à la confluence de deux, trois vacuoles ou davantage. Quand elles disparaissent, elles sont angu¬ leuses en sens inverse ; et quand on assiste à leur disparition, on voit leurs angles se modifier : la vacuole diminue progressivement d’étendue, forme bientôt une simple fente, et enfin les deux lèvres de la fente se soudent, et la vacuole a disparu. De plus, elles se déplacent les unes par rapport aux autres et par rapport à la cellule : elles se déplacent dans différentes directions, tantôt dans le sens latéral, mais le plus souvent des couches pro¬ fondes vers les couches superficielles. Ainsi, il y a dans les cellules caliciformes, observées à l’état vivant dans de bonnes conditions de milieu, alors que les cils des cellules voisines sont en pleine activité, il y a des mouvements, et des mouve¬ ments assez actifs, de différentes espèces, apparitions, disparitions, déplacements de vacuoles. On peut exciter, par un courant interrompu, cette membrane vi¬ vante ; fe me suis servi pour cela jadis d’un porte-objet électrique composé de deux lames de platine formées par des fils de platine aplatis par un bout, l’autre bout plongeant dans des godets placés près du microscope, et contenant du mercure dans lequel arrivaient les. deux pôles de la pile. Je déposais la petite membrane sur les deux électrodes recourbées, lutées à la paraffine, je recouvrais d’une lamelle et j’examinais ainsi. Sous l’influence d’un courant interrompu assez fort, on voit non seulement (ce qui est bien connu) les cils vibratiles se mouvoir avec une plus grande intensité, mais les vacuoles subir aussi des mouvements très actifs. Elles ne disparaissent plus, mais il s’en forme de nouvelles ; les anciennes s’agrandissent, confluent, et la vacuolisaüon des cellules tend à se compléter. Pour qu’elle soit complète, il faut une excitation prolongée ou extrêmement intense. C’est seulement au voisinage des électrodes que des cellules pa¬ raissent subir une vacuolisation complète, expulser complètement leur mucigène et se transformer en une boule séreuse à la place de la boule réfringente de mucigène. Ces faits, vous les connaissez ; ils ont été partiellement publiés. Mais je dois vous parler maintenant des perfectionnements que j’ai apportés à cette expérience et des résultats qu'elle m’a donnés. J’ai perfectionné cette expérience et le perfectionnement repose sur l’emploi de la chambre humide que j’ai fait construire il y a déjà longtemps et que vous connaisbez ; donc, je n’ai pas besoin delà dé¬ crire. Mais depuis lors les constructeurs ont apporté aussi des per¬ fectionnements à la réalisation de ce petit appareil. Ils ont creusé une rigole circulaire dans une lame de cristal relativement épaisse. 246 JCKJRNAL DE MICROGRAPHIE servant de porte objet; il reste ainsi au centre de la rigole un disque sur lequel Tobjet est disposé, tandis qu’on met un peu' d’eau dans la rigole et qu’on recouvre le tout d’une lamelle mince. De cette façon, la surface du disque central est au même niveau que la surface su¬ périeure de la lame de verre. Mais on peut facilement obvier à ce petit inconvénient grâce à de minces cales en papier ou en moëlle de sureau placées entre le couvre-objet et la lamelle pour élever celle-ci autant qu’on le désire et ménager à la chambre humide une épais¬ seur convenable. Je dis que c’est sur l’emploi de cette chambre humide que repose tout le perfectionnement que j’ai apporté à l’observation et à l’expé¬ rience sur la membrane rétro-linguale. Vous allez voir que cela est exact. Quand, après avoir détaché au moyen des ciseaux la membrane muqueuse qui recouvre le sac lymphatique rétro-lingual, on l’étale sur la face supérieure du disque de la chambre humide, on éprouve une certaine difficulté à la maintenir convenablement tendue pour l’observation microscopique, et il est très important que l’extension soit régulière. J’ai réfléchi au moyen à employer pour parer à cet inconvénient, et finalement je me suis arrêté à un procédé extrême¬ ment simple. J’ai fait, avec un fil de platine, ayant à peu près 1/2 milli¬ mètre d’épaisseur un anneau dont le diamètre doit être un peu plus grand que celui du disque de verre de la chambre humide. Il suffit’ de tourner le fil en un cercle et de tortiller les deux bouts ensemble ; puis on replie ces deux extrémités tordues, après les avoir coupées assez courtes pour qu’elles ne soient pas gênantes, le long de l’an¬ neau. On étend alors la membrane sur le disque de la chambre hu¬ mide de manière que ses bords dépassent ceux du disque; puis avec une pince et une aiguille on descend le cercle de platine tout autour du disque de telle sorte que la membrane se trouve tendue comme on tend la peau d’un tambour. Cette manœuvre doit être faite avec attention et dans un liquide indifférent, humeur aqueuse, sérum du sang de la Grenouillle ou eau salée à 7 pour 1000. Quand l’opération est terminée, on ajoute une gouttelette du li¬ quide sur la membrane, on applique la lamelle, avec ou sans cales, suivant qu’on veut que la membrane soit plus ou moins comprimée, et on borde à la paraffine. On a ainsi dans la chambre humide une pe¬ tite provision d’air suffisante pour entretenir pendant quelques heures la membrane rétrolinguale dont les éléments sont parfaitement vi¬ vants, et cette membrane présente un degré d’extension aussi com¬ plet et aussi régulier qu’on le désire : c’est très important. La préparation étant achevée, on peut l’examiner à loisir avec les grossissements les plus variés, et les plus forts, afin d’observer tous JOURNAL DE MICROGRAPHIE 247 les détails, extrêmement nombreux, de cette membrane. On est frappé d’abord de voir tous les cils vibratiles en mouvement, et en abaissant légèrement l’objectif, si le grossissement est fort et l’ouver¬ ture grande, on aperçoit les cellules caliciformes qui se montrent comme autant de masses à peu près sphériques et réfringentes, des faisceaux musculaires striés et des nerfs: nerfs de deux espèces, nerfs de mouvement et de sentiment, c’est-à-dire des terminaisons nerveuses du glosso-pharyngien, qui remplace le lingual chez la Grenouille, et de l’hypoglosse. Aux fibres nerveuses de sentiment sont annexées des cellules ganglionnaires. Tout cela, on le voit vivant, comme les cellules caliciformes, les cellules à cils vibratiles et d’autres détails sur lesquels je passe. Il y a là tout une mine pour l’étude des tissus vivants ; j’ai commencé à l’exploiter et je compte continuer, car je m’occupe principalement de la physiologie des élé¬ ments anatomiques, de l’histophysiologie. Chez les Vertébrés, il n’y a pas beaucoup d’organes que l’on puisse disposer ainsi dans le champ du microscope et observer à l’état vivant. C’est pour cela qu’on s’est passionné depuis si longtemps pour l’étude de la cornée ; c’est pour cela que j’ai consacré 25 leçons à cette étude, leçons que j’ai pu¬ bliées. Il y a encore plus à étudier sur la membrane rétrolinguale, car elle est beaucoup plus compliquée que la cornée. Au fur et à mesure que j’arriverai à des résultats intéressants, je vous en rendrai compte et vous ferai, pour ainsi dire, assister à mes recherches. — Pour le moment, je reviens aux cellules caliciformes de cet épithélium. La membrane étant vivante, les cellules en pleine activité, — cette membrane étant disposée la fîice muqueuse en haut, libre, quand on met l’objectif exactement au point sur la base des cils vibratiles, on aperçoit l’orifice des cellules caliciformes. En. abaissant un peu le foyer, cet orifice disparaît, et l’on a la coupe optique de la cellule. On peut alors voir les vacuoles dont je vous ai déjà parlé. On ne distingue généralement rien du protoplasma à moins que les cellules ne pré¬ sentent cet aspect granuleux que je vous ai signalé. Mais quand la cellule est homogène, on ne distingue rien, ni du noyau ni des tra¬ vées protoplasmiques. Le mucigène masque tout, à l’exception des vacuoles, à cause du faible indice de réfraction de celles-ci. On voit ainsi des vacuoles apparaître, d’autres disparaître, pendant que cer¬ taines s’étendent, confluent avec des vacuoles voisines ; on les voit changer de place, même dans le sens vertical. J’ai fait moi-même et j’ai fait faire par M. Karmansky, il y a quelques jours, des dessins d’un même champ de microscope pris à quelques minutes d’inter¬ valle, 0 heures 10, 5 heures 50, 5 heures 50, etc., et l’on constate tous les changements qui se sont produits d’une observation à l’autre. 248 JOURNAL DE MICROGRAPHIE- Ces dessins sont faits à la chambre claire par un dessinateur qui y a apporté tous les soins, se bornant à reproduire les faits avec exacti¬ tude et sans qu’on lui ait donné aucune explication. J’ajouterai quelques détails sur la méthode pour bien étudier ces phénomènes. Lorsqu’on examine une membrane rétrolinguale tendue sur la face supérieure du disque de la chambre humide et enlevée avec soin, on distingue une région extrêmement riche en muscles, et, dia¬ métralement opposée, une autre région très vasculaire à mailles ca-. pillaires très serrées et généralement divisée en deux groupes plus ou moins séparés. Au centre, la membrane est très transparente. Pour se renseigner sur la position de ces éléments, il faut faire les obser¬ vations suivantes. ' On dissèque la région sus-hyoïdienne de la Grenouille dans l’alcool. au tiers sur une lame de verre. En divisant le maxillaire inférieur vers sa partie moyenne et l’étendant, on voit le muscle hyoglosse qui se perd dans la langue ; de chaque côté, attaché à chaque branche du maxillaire, est le muscle génioglosse. Quand on a enlevé le mylo-hyoï- dien, on aperçoit le nerf hypoglosse en dehors du genioglosse, et, en dedans, la branche du glosso-pharyngien. Si l’on écarte les deux muscles génioglos’ses, on tombe dans le sac lymphatique rétro-lingual. La langue, attachée chez la Grenouille au niveau des apophyses géni, étant étalée en dehors du maxillaire, on peut, en incisant sa base, suivre les deux muscles hyoglosses, et l’on voit, vers leur ex¬ trémité périphérique, ces deux muscles se diviser et se subdiviser pour former le magnifique épanouissement musculaire de la langue de la Grenouille. — En arrière, de chaque côté, on a les nerfs, nerf de mou¬ vement, l’hypoglosse, nerf de sensibilité, le glosso-pharyngien. Ils se trouvent sur la face inférieure et les faces latérales du sac retrolin- gual. Pour bien les voir, il faut, sur une petite Grenouille, injecter un mélange à parties égales d’acide acétique et d’alcool, dans le sac re- trolingual au niveau de la symphyse du maxillaire, en se servant d’une petite seringue de Pravaz, après avoir fait une ligature au- dessous des membres thoraciques. Immédiatement, le sac rétrolin- gual se développe, la langue est projetée au dehors, et au-dessus et en arrière delà langue est la vésicule constituée parle sac. A la loupe et par transparence, on voit au fond, en avant le réticulum muscu¬ laire, en arrière deux plaques opaques correspondant à ce réseau ca¬ pillaire très riche dont je vous ai parlé. De sorte que l’on comprend la préparation et que, le sac lymphatique gonflé, on arrive à recon¬ naître que la portion musculaire de la membrane correspond à la partie antérieure, la portion très vasculaire à la partie postérieure et la portion claire k la partie médiane. JOURNAL DE MICROGRAPHIE ~ {S Si 249 Dans le réseau musculaire, il n’y a presque jamais de cellules cali^ ciformes ; dans la partie moyenne, les cellules à cils vibratiles sont les plus nombreuses et les cellules caliciformes plus rares. C’est en arrière, dans la portion ou est le réseau vasculaire, que l’on trouve le plus grand nombre de cellules caliciformes. De sorte qu’il parait y avoir un certain rapport entre la vascularité et le nombre des cellules glandulaires ; car il est naturel que la région plus particulièrement glandulaire soit aussi particulièrement vasculaire, puisque le sang ap¬ porte les matériaux de la sécrétion. Pour apprécier les modifications qui surviennent dans la vacuolisa¬ tion, il faut employer le dessin. Si vous vous bornez à les regarder dans le microscope, vous ne verrez pas facilement ces transforma¬ tions, surtout si vous regardez l’ensemble des cellules caliciformes dans ce réseau qui en est si riche. Il est indispensable de choisir . quelques cellules et de les dessiner. Il faut mieux employer la chambre claire, mais cela n’est pas absolument nécessaire. On peut faire un croquis représentant les choses telles qu’on les voit ; 10 minutes après on fait un autre dessin, et ainsi de suite. On se rend très bien compte alors des modifications qui se produisent. Pour avoir une vacuolisation très active, il faut examiner la mem¬ brane tout de suite après que la préparation a été faite ; ou bien, si c’est un peu plus tard, faire porter l’examen sur les parties de la membrane qui sont vacuolées et qui sont placées non loin de la rigole pleine d’air qui entoure le disque, parce que la présence de Pair est indispensable à la vitalité des éléments. — Rien que cette condition montre que ces phénomènes vacuolaires sont des phénomènes de vie et non des phénomènes chimiques. Si l’on a fait une préparation, même avec beaucoup de soin, flambé la chambre humide et la lamelle à recouvrir, au bout de 24 ou 48 heures, on n’a pas de bacilles dans la préparation ; mais, en général, au bout de 24 heures, les cils sont immobiles. — Est-ce que la membrane est morte? Non, car si l’on regarde près de la rigole, on y voit presque toujours quelques cils en mouvement ; mais ils vont bientôt se mouvoir si l’on soulève la lamelle de manière à faire arriver unpeu d’air au contact des cils. Donc la membrane n’est pas morte. — Le véritable signe de la mort, ce signe que l’on cherche, c’est l’appa¬ rition des noyaux dans les cellules à cils vibratiles et dans les fais¬ ceaux musculaires, et surtout l’aspect de ces noyaux. Avec un très bon objectif et une lumière puissante, on peut arriver à voir des noyaux dans les cellules vivantes et dans les faisceaux musculaires, mais on ne les voit pas avec le caractère que je vais vous indiquer : on ne les voit pas avec un double contour qui montre nettement que 250 JOURNAL DE MICROGRAPHIE le noyau est une vésicule limitée par une membrane. Quand les noyaux présentent cet aspect, on peut être sur que la membrane est morte et si l’on soulève la lamelle on ne ranimera plus les cils vibra- tiles. Les cellules caliciformes montrent encore des vacuoles : vont- elles donc présenter des phénomènes d’activité? — Non, c’est fini, les vacuoles ne changent plus de place et ne se transforment plus. Vous voyez que les phénomènes qui surviennent dans les vacuoles ne peuvent pas être considérés comme des phénomènes chimiques ou physiques. Ce sont des phénomènes d’activité vitale. {A suivre). LE TROISIÈME OEIL DES VERTÉBRÉS Leçons faites à l’École d’Anthropologie, par le Professeur Mathias Duval, Recueillies par M. P. -G. Mahoudeau. I C’est pour la huitième fois, depuis 1880, que je reprends la série de nos leçons annuelles. L’esprit général de ce cours est assez indiqué par la nature des sujets que nous avons examinés pendant les années précédentes, et par la direction que nous avons donnée à nos conclusions générales. Nous faisons ici de la philosophie biologique. Les faits à l’exposé desquels nous nous atta¬ chons, nous ne les étudions pas pour connaître le fait en lui-même, mais pour en tirer des conclusions au point de vue général de l’évolution de l’ensemble des organismes vivants et de l’Homme en particulier. Cette évolution, nous la poursuivons en nous éclairant des lumières de la grande doctrine trans¬ formiste, et c’est spécialement à l’embryologie de l’Homme et des Vertèbres que nous demandons nos sujets d’étude. En effet, en 1880, quand j’eus le périlleux honneur de succéder ici à Broca, dans sa chaire A" Anthropologie biologique, le sujet de notre pre¬ mière série de leçons fut le développement du cerveau, et nous avons vu alors que l’encéphale de l’Homme, considéré à ses stades successifs de forma¬ tion, reproduit dans sa morphologie les formes cérébrales des Vertébrés placés aux divers degrés de l’échelle dont il occupe le sommet. En 1881-82, c’est le développement de la face que nous avons étudié, mon¬ trant que chez tous les Vertèbres la région de la bouche, du nez, de l’œil se produit par le même mécanisme de bourgeons frontaux et maxillaires mar¬ chant à la rencontre les uns des autres et venant se souder par une partie plus ou moins étendue de leur bord libre. Et après la formation de la face, nous JOURNAL DE MICROGRAPHIE 251 il’avons pas trouvé moins d’intérêt à l’étude du mécanisme des muscles de la physionomie, d’après les beaux travaux de Duchesne (de Boulogne). Ici encore nous avons vu, en effet, que le rôle de tel muscle dans l’expression de telle passion est le môme chez tous les animaux pourvus de ce muscle, et que, d’après les recherches de Darwin, un muscle n’est appelé à exprimer un sen¬ timent déterminé que parce qu’il est lié à l’acte fonctionnel qui correspond à ce sentiment ou qui le constitue. * C’est alors que, à l’occasion de la mort de Darwin, nous avons pensé à jeter un coup d’œil d’ensemble sur la part immense que ce grand naturaliste avait prise à l’établissement définitif de la doctrine transformiste, et cette étude ne nous a pas demandé moins de deux années (Cours de 1882-83 et de 1883-84). Ces leçons ont été ultérieurement publiées en un volume (1). Dès lors, il nous a paru nécessaire de parcourir plus méthodiquement le vaste champ de l’embryologie, et nous en avons recommencé l’étude par le commencement. — En 1884-85, nous avons fait l’histoire des éléments de la génération, spermatozoïde et ovule, de leur origine, de leur fusion dans l’acte intime de la fécondation, et nous avons ainsi examiné les conditions maté- rielles’des phénomènes de l’hérédité. En 1885-86, l’œuf fécondé nous a présenté à examiner sa segmentation, puis la formation de la sphère blastodermique, son invagination en gastriila, et la signification morphologique des feuillets du blastoderme. Comme la dis¬ position de ces feuillets présente chez les Rongeurs (rat et cochon d’Inde) des caractères restés longtemps énigmatiques et qui avaient pu jeter des doutes sur la valeur de la théorie blastodermique de la gastrula, nous nous sommes attaché à expliquer la signification réelle de l'inversion des feuillets chez les Rongeurs, d’après les recents et si remarquable travaux de Selenka. Enfin, l’année dernière, à propos de l’orifice de la gastrula, c’est-à-dire à propos de la ligne primitive des Vertèbres supérieurs, nous avons longue¬ ment examiné comment les connaissances actuelles sur les dispositions anor¬ males de cette ligne primitive nous expliquaient dans tous ses détails le méca¬ nisme de la formation des divers types de monstres doubles. Nous sommes ainsi amenés actuellement, poursuivant toujours l’étude de l’embryologie des Vertèbres dans l’ordre naturel de ses étapes successives, nous sommes amenés au stade où le feuillet moyen du blastoderme va se seg¬ menter en une série de masses cellulaires dites prévertèbres ou corps pré¬ vertébraux. A cette segmentation bien visible du mésoderme correspond une segmentation analogue, mais moins évidente au premier abord, des au¬ tres formations blastodermiques, et c’est ainsi que nous voyons à chaque seg¬ ment vertébral correspondre un ganglion spinal, d’une part, et d’autre part un tube segmentaire du corps de Wolff. G’est-à dire que nous voyons le Ver¬ tébré se développer comme une série linéaire d’individus partiels placés bout à bout, exactement comme les Annélides. De même que ces Invertébrés, le Vertébré représente donc une véritable colonie linéaire, et l’objet essentiel des (1) Le Darwinisme, par Mathias Duval. {Bibliothèque Anthropologique, Paris, 1886), 252 JOURNAL DE MICROGRAPHIE leçons de cette année sera l’étude des colonies animales en général, d’après les travaux de Spencer en Angleterre et de Perrier en France, et spéciale¬ ment l’étude des colonies linéaires par l’examen, entr’autres, des organes seg¬ mentaires uro-génitaux (corps de Wolff). Mais auparavant nous consacrerons quelques leçons à une question toute d’actualité : la glande pinéale, ou troisième œil, ou œil pariétal des Ver¬ tébrés. • II Il existe dans le cerveau humain, comme dans celui de tous les Vertébrés, supérieurs, dans la partie la plus profonde et la plus cachée de cet organe, un petit corps, d’apparence glandulaire, auquel jusqu’à présent on n’avait pu attribuer aucun rôle physiologique, ce qui fait qu’on l’avait considéré comme une glande vasculaire sanguine, ainsi qu’on l’a fait trop souvent lorsqu’on ignorait les fonctions d’un organe. Cette glande, c’est la glande pméale. Nous savons par l’embryologie qu’elle se développe aux dépens du sys¬ tème nerveux central. On voit, en effet, que la partie supérieure de la première vésicule cérébrale primitive émet un prolongement en doigt de gant et que ce prolongement est plus volumineux chez les animaux que chez l’Homme, ce qui semblerait indi¬ quer pour cette formation un rôle atavique. Or, en décembre 1886, parut ’ dans la Revue scientifique un article de M. de Varigny qui, résumant des travaux faits à l’étranger, assignait à ce prolongement cérébral ou glande pinéale le rôle d’un œil atrophié (1). L’embryologie des vésicules oculaires primitives aurait déjà dû depuis longtemps y faire songer, car rien n’est plus frappant que la ressemblance entre le développement de ces vésicules et celui de la glande pinéale. Aussi les embryologistes durent-ils accueillir aussitôt avec empressement cette idée nouvelle que la glande pinéale, demeurée rudimentaire chez la plupart des Vertébrés, est le seste d’un œil ancestral que possèdent encore les lézards. Au XVII® siècle. Descartes avait eu l’idée de faire de la glande pinéale le siège de l’âme et c’est sans doute à ce souvenir classique que je dus d’être mal compris, lorsque traitant, à la Faculté de Médecine, de l’histologie des centres nerveux, je fis allusion à la nouvelle signification morphologique assignée à la glande pinéale : en effet, il me revint que quelques-uns de mes auditeurs se figurèrent que j’avais dit que c’était là un œil intérieur fait pour regarder en soi -même. Voyons donc quels travaux d’anatomie et d’embryologie ont été l’origine de l’interprétation dont la première nouvelle fut donnée en France par la Re~ vue scientifique^ dans son article de décembre 1886. En 1888, Rabl-Ruckhart, étudiant le cerveau des Poisson?, avait émis l’idée, {{) Revue scientifique, 25 décembre 1886 (tome 38> n® 269, page 806). Le troi¬ sième œil des reptiles, par H. de Varigny. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 253 mais comme simple vue de l’esprit, que la glande pinéale pourrait bien être un œil rudimentaire (1). En 1884. Ahlborn, de Gœtlingue, dans un petit mémoire de six pages, sur la signification de la glande pinéale, reprend cette idée en la basant unique¬ ment sur l’embryologie et conclut en disant qu’on sera amené à découvrir que c’est bien là un œil (2). En 1886, de Graaf, en Hollande, dans ses recherches sur la glande pinéale chez l’orvet {Ang'ids fragilis) et chez d’autres lézards, représenta quelque chose de très semblable à un œil, constilué par un cristallin, une rétine et un nerf optique allant s’insérer à la place de la glande pinéale (3). Cette fois, ce n’était plus une hypothèse, une vue de l’esprit : de Graaf avait bien décou¬ vert un troisième œil, un œil pariétal chez les Reptiles, et cet œil pariétal était, de par ses rapports et connexions, assimilable à la glande pinéale des autres Vertébrés. Aussitôt la presse scientifique s’occupa de signaler les vues nouvelles. Tout d’abord, en 1886, parut dans le Cosmos allemand un article de vulgarisation dû à Korschelt, article qui inspira celui que de Varigny fit paraître bientôt après dans la Revue scientifique (4). Puis vinrent presque aussitôt de nouvelles recherches originales. B. Spencer, en Angleterre, publia dans la Nature une note pour établir ses droits à la priorité de la découverte de cet œil pariétal ; son travail définitif parut dans le Journal des sciences micrographiques de Londres (5); il y démontre par l’élude faite sur trente lézards européens et australiens, que celte glande est bien réellement un œil qui chez certaines espèces est encore très bien dé¬ veloppé. Nous examinerons dans tous ses détails le remarquable mémoire de Spencer, et c’est d’après ses descriptions et ses dessins que nous ferons ici l’histoire de l’œil pariétal des Vertébrés, mais terminons ces quelques indica¬ tions bibliographiques par l’énumération des divers articles de vulgarisation provQiiués par le mémoire de Spencer. Cette énumération montrera que l’étude du troisième œil des Vertébrés est bien une question d’actualité. Dans le Bulletin scientifique du département du Nord, Julin montra que cet œil était le seul qui restait aux Ascidies (Vertébrés dégénérés). (1) Rabl. Ruckiiardt. Zur Deutung und Entwickelung der Gehirns der Knocken- fische [Arch. f. Anat. und Entewiklg, 1882, p. IH). (2) Ahlborn. U eh er die Bedeutung der Zirbeldruse pioealis; conarium; Epiphysis cerebri). — Zeitsehrift fur wissemchaftliehe Zoologie-, 1884, tome xl, page 331. (3) Henri de W. Graaf. — Zur Anatomie und Entwicklung der Epiphysis bei Amphibienune Reptilien {Zoologischcr Anzeiger, 29 mars 1880, page 191). (4) Korschelt. — Ueber die Entdekung eines dritten Auges bei Wirbelthieren {Zeitschrift Kosmos, III, Heh. 1886). (5) W. B. Spencer. — The pariétal eye ofHatteria {Nature, 13 mai 1886. 8ô.'D. W. B. Spencer. On the Presence and stucture of the pmeal Eye in Lacertilia. {Quarterly Journal of mieroscopical Science, 1887, vol, XXVll, j^nge 165). 254 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Une thèse de la Fac. de Bordeaux, due à M. Peyloureau, parut sur le même sujet. Puis, en 1887, unarlicle de Granet dans le Montpellier médical. Puis deux nouveaux articles dans la Remie scientiHqiie : enfin deux longs et ex¬ cellents articles de Marcel Baudoin dans le Progrès médical (1). Tout cela se suivit de si près que, en une année environ, cette question prit naissance et fut presque totalement tranchée. Ce qui donne pour nous un très grand intérêt à cette étude, c’est qu’elle porte sur un organe rudimentaire, c’est-à-dire sur un de ceux qui fournissent au transformisme ses meilleurs séries d’arguments. En outre, cette étude nous amènera à mieux comprendre les rapports de parenté qui relient les Vertébrés dégénérés aux Invertébrés et a reconnaître la valeur de certains caractères de parenté douteux jusqu’à présent. D’autre part et à un tout autre point de vue, en recherchant les hypothèses émises autrefois sur les fonctions de la pré¬ tendue glande pinéale, nous aurons à faire l’histoire du roman métaphysique auquel cette glande a donné lieu ; et nous n’avons pas moins d’intérêt à faire l’histoire des erreurs de l’esprit humain, qu’à retracer ses réelles conquêtes. Nous verrons donc comment Descartes avait fait de la glande pinéale le siège de l’âme; comment Voltaire s’en moqua, et comment il ne reste plus aujourd’hui de tout cela qu’un détail de la nomenclature anatomique. En effet, aux deux tractus qui se prolongent en avant de cette glande on donne encore le nom de freins ou rênes, car lorsqu’on supposait l’âme à cheval sur la glande, les deux rênes lui servaient à conduire le corps. Aujourd’hui que nous savons que c’est le reste d’un œil, nous ne pouvons que constater combien les découvertes de la science peuvent dépasser en inattendu les œuvres même de l’imagina¬ tion. 111 Pour mettre dans leur vrai jour tous les détails de cette étude et en faire bien ressortir la portée pliilosophique, nous devons présenter d’abord quelques considérations générales sur les organes rudimentaires, sur leur valeur au point de vue du transformisme ; puis viendra l’étude de la glande pinéale chez l’homme et avec elle l’histoii’e des errements auxquels elle a donné lieu (1) Voyez . A. Peytoureau. — La glande pinéale et le troisième œil des Vertébrés^ Paris, O. Doin 1887. Revue scientifique. — 17 septembre 1887 (tome 40 n. 42, page 379). Vœil parié¬ tal chez les poissons. — 12 nov. 1887, (tome 40 , n® 20, page 635). Le troisième œil des vertébrés. Progrès médical 10 et 17 décembre 1837 (n°® 50 et 51, tome VI, pages 501 et 5l7j. La glande pinéale et le troisième œil des YertébréSy par Marcel Baudoin. Ber.nard. — Le troisième œil des Reptiles. {Nature, 21 ou 25 mai 1887.) Granet. — Li glande pinéale, anatomie et fonctions (Gaz. hebdom, des sciences médicales de Montpellier, 30 juillet 1887). Masse, — La glande pinéale et le troisième œil des Yertébrés. (Gaz. hebdomad, des sciences méd. de Bordeaux, 4 sept. 1887). JOURNAL DE MICROGRAPHIE 255 en métaphysique et en anatomie; ensuite nous étudierons la glande pinéale chez les lézards, chez lesquels ce troisième œil se trouve bien développé ; et retra¬ çant alors sa constitution chez les autres animaux, nous suivrons cet œil dans sa dégradation progressive, pour arriver à ne plus former que la glande pi- nèale chez l'homme ; nous terminerons, enfin, en mettant en évidence les rap¬ ports de parenté que cette étude permet d’établir dans toute la série animale. Pour les éludes transformistes, la recherche des organes rudimentaires se présente comme un des points capitaux de cette théorie ; si bien qu’on peut affirmer que la constatation de ces organes doit désormais empêcher le natu¬ raliste de demeurer indittérent entre le téléologisme et le transformisme. Lorsqu’en face de Cuvier, qui défendait la fixité des formes animales, se basant sur ce que leurs conditions d’existence étaient telles qu’ils avaient tout ce qui leur est nécessaire, rien en plus, rien en moins, s’élevèrent d’abord Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, puis Lamarck et enfin Darwin, il fut, durant cette lutte entre les deux théories, tout un long temps pendant lequel il était encore permis à des naturalistes de conserver une certaine indifférence et, res¬ tant libres, sans se ranger plus formellement d’un côté plutôt que de l’autre, ils pouvaient se borner à recueillir des faits, à les enregistrer, à les collec¬ tionner. Ils pouvaient ainsi s’appeler positivistes, c’est-à-dire se bornant à‘ l’étude des faits positifs, laissant de côté aussi bien la question de foi (doctrine des causes finales) que les hypothèses philosophiques (transformisme). Mais cette attitude n’est plus possible aujourd’hui devant les découvertes incessantes de l’Embryologie qui viennent confirmer d’une manière si écla¬ tante les données du transformisme. Que nous montre, en effet, le développement de l’embryon, l’ontogénie ? sinon ce fait remarquable, que le transformisme exigeait en quelque sorte, que seul il était en mesure d’expliquer, à savoir que l’embryon d’un animal supé¬ rieur reproduit dans les différentes phases de son développement l’organisation d’animaux placés au-dessous de lui dans l’échelle des êtres ; récapitulant ainsi . rapidement les différentes formes ancestrales que lui supposait le transfor¬ misme. Peut on en face de la constatation d’un tel phénomène, demeurer indifférent? Les partisans des idées de Cuvier n’ont même pas essayé d’en présenter l’explication. Car de quelle façon, avec leur manière de concevoir la fixité, l’in¬ variabilité des espèces, eussent ils pu interpréter ce fait que l’ontogénie est la reproduction de la phylogénie, c’est à -dire de la série atavique. Sans l’hypo¬ thèse transformiste, il serait en effet difficile de comprendre pourquoi un animal supérieur reproduit en se développant le plan des échelons placés au- dessous de lui. Les organes rudimentaires parlent en faveur du transformisme avec autant d’éloquence que les faits de l’embryologie. Un organe rudimentaire est un organe qui se présente à nous méconnaissable, atrophié, sans fonctions, sans utilité, par suite, pour l’animal qui le possède ; mais, si l’on considère des espèces voisines, on remarque que cet organe y est demeuré plus développé, qu’il y a conservé son importance primitive, qu’il est utile. 256 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Ce n’est pas dans les sciences naturelles seules mais dans tout ce qui se transforme que se retrouvent ces témoins du passé. Les langues elles-mêmes, puisqu’elles évoluent, doivent présenter des exemples de ce phénomène*, et, en effet, si nous écrivons le mot sang^ nous remarquons de suite qu’il y a une lettre, le g, qui ne se prononce pas, ([ui estinutile; que fait dooc là cette lettre, si elle n’est pas le rudiment, le vestige d’un mot primitif ? Or sang vient du latin sanguis, le g est l’organe ancestral qu’on retrouve encore utilisé dans l’adjectif sanguin et, rudimentaire en français, cette lettre g et demeurée es¬ sentielle dans une langue sœur delà nôtre, dans la langue italienne (sangue). Chez les animaux supérieurs les organes rudimentaires sont fréquents. L’orvet, Saurien qui rampe comme les Serpents, qui n’a plus de membres extérieurs, a un reste de sternum, de clavicule et d’omoplate, vestiges du temps où il possédait des membres. Les Ruminants n’ont plus de canines ni d’incisives à la mâchoire supérieure; cependant chez l’embryon on voit se former les germes des canines et des in¬ cisives à la mâchoire supérieure, mais cela ne va pas plus loin, ces germes avortent, ces dents devenues inutiles, n’ayant pas de raison pour percer, dis¬ paraissent. La taupe Eu'^'opea)^ animal fouisseur, vivant actuellement sous terre, n’a plus besoin de voir clair ; aussi n’a t-elle qu’un œil rudimentaire, composé par un cristallin embryonnaire, une rétine peu développée. — Dans le sud de l’Europe vit une taupe que son état d’atrophie oculaire plus avancé a fait dé¬ nommer Talpa cœca ; chez elle, l’œil est tellement devenu rudimentaire que les paupières sont soudées et que les poils qui passent par-dessus prouvent que cet organe a, par défaut d’usage, cessé depuis longtemps d’être apte à fonc¬ tionner. 11 est vrai que, si les téléologistes, je ne dis pas les théologiens bien qu’au fond ce soit la même chose, n’essayent pas d’expliquer la reproduction des phases phylogéniques que présente l’embryon : ils ont à propos des organes ru¬ dimentaires tenté une explication. D’après eux, le Créateur a tout fait dans la nature sur un plan uniforme dans lequel tout s’enchaîne, tout se tient ; or les organes rudimentaires sont là pour la parfaite harmonie de ce plan ; de même (lue dans une façade de maison, pour conserver la symétrie de l’aspect, l’archi¬ tecte dessine de fausses fenêtres. Ainsi, pour Agassiz, le représentant le plusautorisé des téléologistes, les orga¬ nes rudimentaires, n’étant pas essentiellement utiles, n’existent que pour con¬ server l’harmonie et la symétrie du plan général (1). Le transformisme, sans (1) « Ces organes et d’autres semblables, n’ont été conservés, que pour main¬ tenir une certaine uniformité dans la structure fondamenlale ; vrais par rapport à la formule originelle du groupe auquel appartiennent les animaux qui les pos¬ sèdent, ils né sont pas essentiels au mode d’existence de ces animaux. Leur présence n’a pas pour but l’accomplissement de la fonction, mais l’observation d’un plan déterminé. Elle fait songer à telle disposition fréquente dans nos édifices, ou l’architecte, par exemple, reproduit extérieurement les mêmes combinaisons en vue de la symétrie et de l’harmonie des proportions, mais sans nucunbut pratiqua. » L. Agassiz. De V espèce et de la classification en zoologie. Trad. fr. 1869, page 12. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 257 chercher si haut son explication, en fournit une plus rationnelle. Pour cette théo¬ rie, enelîet, les organes rudimentaires ne sont pas des fantaisies artistiques fai tes pour le coup d’œil, mais bien d’irrécusables témoins d’organes utiles aux types ancestraux chez lesquels ils avaient leur parfait développement et qui depuis, par suite de dérivations successives, n’étant plus exercés, se sont atrophiés. Aussi, peut-on affirmer que, grâce à sa vie souterraine, l’organe de la vue chez la taupe sera dans un certain nombre de siècles encore plus rudimen¬ taire qu’actuellement. Darwin a pu assister à une transformation de ce genre. Il a vu que, chez un petit Rongeur de l’Amérique du Sud nommé par les indigènes tiico-tiico^ les habitudes de fouisseur, acquises probablement depuis un temps relativement récent, provoquaient chez le plus grand nombre de ces animaux, dont les yeux sont encore ouverts, des ophlhalmies dues à l’irritation produite par le frotte¬ ment de la terre et des graviers. Peu à peu leurs paupières se fermeront et la sélection pourra développer cette nouvelle disposition capable d’éviter dès lors à l’animal les dangers de l’inflammation que lui fait courir actuellement un organe qui, ne lui étant plus utile, ne peut plus que lui constituer un danger. La taupe elle-même n’a pas du à son acquisition d’habitudes souterraines la seule perte de l’œil, mais encore l’atrophie puis la disparition de l’oreille ex¬ terne; chez elle plus de pavillon de l’oreille, et en fait à quoi lui servirait-il? Ne reçoit-elle pas directement du milieu solide, la terre, les bruits transmis avec plus d’intensité que dans l’air ? Sans usage, l’oreille externe est devenue de plus en plus rudimentaire. Parmi les organes qu’une atrophie graduelle a rendu inutiles, on peut citer les membres des Serpents. Actuellement les Serpents et l’orvet, qui est un lé¬ zard serpentiforme, un Saurien qui fut longtemps rangé parmi les Serpents, bien qu’il appartienne aux lézards par la non dilatabilité de sa bouche, n’ont plus de membres apparents. Or ce sont précisément les Sauriens qui seuls ont conservé un troisième œil si nettement caractérisé, si parfait encore que les naturalistes en sont à se demander si cet œil ne fonctionne pas d’une façon utile pour l’animal. Ces Sauriens ont tous leurs membres, et l’orvet, sans appa¬ rence extérieure de membres, possède comme eux le troisième œil. Parmi les Serpents véritables, le boa constrictor, un des géants du genre, a des traces de membres postérieurs, restés très atrophiés, très méconnaissables il est vrai, mais néanmoins bien réels et qui se présentent à l’extérieur sous l’aspect de deux petits crochets situés de chaque côté de l’orifice anal. Sous la peau on trouve un membre très réduit dont le degré d’atrophie peut parfois même aller si loin qu’au lieu de deux crochets, traces de deux membres, on n’en trouve plus qu’un seul. Mayer (1) [Annales des sciences naturelles) a, d’après l’apparence que peuvent présenter ces rudiments de membres chez les Serpents, établi la divi¬ sion suivante en trois classes : (Ij Mayer, sz/r /c.s memâms postérieurs des Ophidiens [Annales des sciences natu- rclleSf tome VII, 1828, page 170 et planche 6). JOURNAL DE MICROGRAPHIE 1" Serpents chez lesquels les membres postérieurs sont encore apparents : Phénopodes. 2° Serpents chez lesquels les membres postérieurs sont entièrement sous la peau, sans rien d’apparent à l’extérieur : Cryptopodes. 3“ Serpents chez lesquels .il n’y a plus d’autres traces qu’une petite lan¬ guette cartilagineuse ou fibreuse : Chondropodes. 1. — Le type essentiel des Phénopodes est le boa, car outre ses crochets apparents, on trouve sous-jacent à la partie la plus profonde un os long, qui est le tibia, auquel succède une petite masse osseuse qui constitue le tarse et enfin à son extrémité deux ou trois petits os allongés dont celui du milieu se termine par une phalange unguéale qui est logée dans le crochet qui fait saillie à l’extérieur. Nous ferons remarquer ici que nous avons nommé la pièce la plus profonde un tibia et non pas un fémur, parce que lorsqu’il n’y a qu’une seule pièce osseuse longue, c’est le tibia. Le fémur étant, d’après les données de l’embryologie, qui montre les membres apparaissant d’abord par leurs extrémités périphérique, l’os qui apparaît le dernier, c’est de môme celui qui en cas d’atrophie disparaît le premier. Chez le boa, on trouve non-seulement des os du membre postérieur, mais encore des muscles qui pourraient encore faire mouvoir ce petit crochet, lequel, dit-on, sert à l’accouplement. Mayer figure en effet : un long muscle extérieur qui serait le long fléchisseur ; un plus court, le court fléchisseur, etc. Ainsi donc, voilà bien constaté, chez un vrai serpent cette fois, un rudiment de squelette sous-jacent à un crochet extérieur. il. — Mayer fait de l’orvet son second groupe, n’ayant pas de membres apparents (Cryptopodes). Cuvier le premier avait signalé le rudiment du membre postérieur de l’orvet et il avait considéré cela comme le reste d’un bassin. L’embryologie démontre qu’il n’en peut pas être ainsi et qu’on se trouve là en présence d’un tibia; peut-être même plutôt d’un métatarsien. Car, ainsi que je le disais à l’instant, les membres apparaissent sous forme de palettes qui seraient les mains et les pieds, puis peu à peu ces palettes se pédi- culisent et les deux segments des membres poussent ainsi graduellement. De même lorsque, par défaut d’utilisation, ces mêmes membres viennent à s’a¬ trophier, leur disparition se fait dans l’ordre inverse de leur apparition; les parties les dernières apparues disparaissaient les premières et quand on ne trouve, comme chez l’orvet, qu’un seul os, on en conclut que ce sont là les restes d’uu pied devenu méconnaissable tellement il est idéalement rudimen¬ taire. III. — Les Chondropodes sont représentées par les couleuvres. Chez elles, vers la partie postérieure du tronc se trouve une petite baguette cartilagi¬ neuse ou fibreuse qui est absolument tout ce qui reste reproduisant les mem¬ bres postérieurs. Les autres Serpents n’en présentent plus aucune trace. [A suivi'é). JOURNAL DE MICROGRAPHIE MONTAGE INSTANTANÉ DANS LE MILIEU DE GOMME ET DE GLYCÉRINE DE FARRANT (1). On ne peut trop recommander le médium de gomme et de glycérine, de Farrant, pour la facilité de son emploi. Il peut être inférieur à la gelée de gly¬ cérine pour monter des coupes larges et qui ne craignent pas la chaleur, comme l’un et l’autre sont sans doute inférieurs au baume du Canada pour le mon¬ tage des objets qui ne sont pas trop transparents dans ce dernier, ou que Ton peut suffisamment différencier par les colorations et déshydrater pour les porter ensuite dans le baume, sans craindre de détériorer leur structure. Mais il s’applique excellemment à un grand nombre de spécimens, tant ani¬ maux que végétaux, qui peuvent être étudiés avantageusement dans l’eau ou dans la glycérine et qui, dans le premier cas, peuvent être transportés dans un milieu mucilagineux dense sans être détruits par l’exosmore. Pour de tels objets le milieu en question réalise ce paradoxe de permettre le montage sans avoir le souci de ce montage même. Pour les personnes qui font des préparations pour le commerce, les étu¬ diants qui travaillent dans les laboratoires pour s’instruire, c’est tout une af¬ faire que de durcir les objets, de faire des coupes, de manier le^ réactifs, de choisir et de mettre en oeuvre les vernis, etc.; et bien des amateurs et même des admirateurs de ces travaux prennent plaisir à les imiter, (souvent ils y excellent) dans ces occupations récréatives. Bien des microscopisles de profession, cependant, ont leur temps pris par d’autres labeurs. Des objets pour ainsi dire innombrables, sont examinés dans un but purement scientifique, ou hygiénique ou économique, ou médical, ou légal et sont inévitablement rejetés ensuite par manque du temps nécessaire pour les monter. Ces objets sont souvent examinés dans la glycérine et s’ils sont jugés intéressants, sont mis de côté, sans être fermés, et on les trouve bientôt altérés, ou bien on les borde avec un vernis, sans cellule, faisant ainsi une préparation de peu de durée soit parce que le ciment s’introduit sous la lamelle soit parce qu’il se détache. Il n’est pas plus long ni difficile de placer dès l’abord ces objets dans le mi¬ lieu de gomme et de glycérine, — et de les couvrir — que de les mettre dans la glycérine ordinaire. Et les voilà tout de suite monlés,prêtsà être lavés dès le lendemain, si l’on veut, ou abandonnés pendant des années sans qu’ils su¬ bissent d’avaries. Les points suivants doivent être observés par ceux qui n’ont pas l’habitude de cette méthode instantanée de montage. 1® Il faut employer une quantité suffisante du milieu. Avec un peu d’at¬ tention on arrive à employer une goutte de grosseur convenable pour être tout entière recouverte par le couvre-objet, mais sans qu’il y ait un excès de matière qui nécessite un fastidieux travail de nettoyage pour enlever tout ce (1) Note lue à l’Association Scientifique de Troy, N. Y., (États-Unis d’Am.) JOURNAL DE MICROGRAPHIE 260 qui déborde. Mais s’il faut néanmoins en enlever une cerlaine quantité, il vaut mieux laisser sécher la matière pendant quelques heures et la gratter ensuite avec un canif que de. la laver tout de suite avec de l’eau. 2° On projette l’haleine sur le slide et sur la lamelle au moment de les mettre en contact avec le milieu, afin d’humidifier la surface et d’empêcher l’emprisonnement des bulles d’air. 3° On plonge l’objet dans la goutte du milieu au moyen d’une aiguille ou d’une pince plate sans enfermer de bulles d'air par une agitation inutile, et l’on enlève avec la pointe de l'aiguille toutes les bulles que l’on peut voir. Il ne faut pas tirailler l’objet si quelques petites bulles y sont enfermées; elles disparaî¬ tront avec le temps. 4° L’objet peut être pris dans la glycérine, dans un liquide aqueux ou même dans un alcool dilué. Il ne faut pas le laisser sécher assez pour que l’air pénètre dans les tissus, mais on aura soin de ne pas emporter avec lui trop de ces liquides car il est facile ainsi d’ajouter au milieu assez d’eau pour le rendre trop dilué ou assez de glycérine pour l’empêcher de sécher convenablement. 5° Il faut avoir un flacon de teinture au carminouàl’hématoxyline, cette der¬ nière est sans doute d’une application plus générale. Et l’on plonge dans une goutte de l’une ou de l’autre, sur un slide ou dans un verre de montre, les objets qui peuvent se colorer rapidement. Beaucoup de coupes délicates, de membranes, de tissus ou de fibres dissociées, des produits de sécrétion con¬ tenant des organismes physiologiques ou pathologiques intéressants, etc., seront ainsi parfaitement colorés par ce bain de quelques secondes, pendant le montage lui-même, ou, au plus en les y laissant pendant le temps qu’on examine un autre objet. 6° Si l’objet est mince, il n’y a aucune précaution spéciale à prendre après qu’on a appliqué le cover. Mais s’il est épais, il est possible que l’air entre par le côté, par suite du ratatinement de l’objet en séchant. On y remédiera en gardant les préparations sous les yeux pendant quelques jours et en y ajou¬ tant, s’il en est besoin, une goutte du milieu non pas sur le point, mais à côté du point où commence à se former une bulle d’air, de sorte que le liquide pénètre sous le cover à la place de l’air. 7" Si l’objet est intére.ssant, sans rien de plus, on applique une étiquette et un numéro reportant sur un catalogue systématique ce qu’il peut être impor¬ tant de savoir à son sujet. 8» S’il est convenablement préparé, le slide n’a pas be.soin d’être nettoyé après que le montage et l’étiquetage sont terminés. On le laissera seulement pendant quelques jours sans le loucher jusqu’à ce que la gomme soit sèche aux bords du cover. 9° Lorsqu’on le désire, après des semaines, des mois ou des années, on peut placer le slide sur une tournette et faire un cercle de vernis à la gomme laque ou au ciment de Bell. Celui-ci donnera un beau fini à la préparalion et empêchera le milieu de déformer l’objet ou de soulever le cover, en se cris¬ pant devenant trop dur ou granuleux dans le cas ou il n’a pas été bien préparé ou employé. En adoptant cette méthode pour conserver les objets intéressants qui pas¬ sent sous son examen, l’homme occupé peut, avec les années, réaliser une collection utile, sans s’être livré à un travail appréciable, et pour ainsi dire sans s’en apercevoir. D’’ R. H. Ward, à Troy, N.-Y. (États Lnts). I.e Gérant: Jules Pëlletan Fils. Amiens — Imprimerie Roussean-Leroy, Douzième armée N° 9 10 Juillet 1888 JOURNAL DE MICROGRAPHIE SOMMAIRE : Revue, par le Pelletan. — Évolution des microorganismes animaux et végétaux parasites. — Les Mastigophofes (suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. G. Balbiani. — Le troisième œil des Vertébrés, leçons faites à l’Ecole d’ Anthropologie, par le prof. Mathias Duval. — Les véhicules du Mildew, par M. Chavée-Leroy. — L’Anatomie du Phylloxéra, par le prof. V. Lemoine. — Recher- • elles expérimentales sur les maladies de la vigne par MM. P. Viala et L. Ravaz. — Coloration des tissus à l’état vivant, par M. A. Pilliet. — Des diverses angiiil- lules qui peuvent s'observer dans la maladie vermineuse de l’oignon, par le Dr Joaunes Cratin. — Caravane hydrologique. — Offres et demandes. — Avis divers. REVUE MM. Gornil et Toupet viennent d’inventer un nouveau microbe, celui du « choléra des canards. » Les canards avaient succombé, au Jardin d’Acclimatalion, à une maladie épidémique caractérisée par la diarrhée, l’adaiblissement progressif, des trem¬ blements musculaires et la mort survenant en deux ou trois jours. Les micro- organismes existent en grande quantité dans le sang du cœur, du foie, de la rate, de la moelle des os, dans la sécrétion intestinale. Ils ont de 1 à 2 pouces/^ de long sur 1/2 de large et la forme en 8, et sont donc très voisins de ceux du choléra des poules et de la septicémie des lapins. Ils se colorent très bien par le violet 6 B, le bleu de méthyle, la safranine. Ils résistent alors à la décoloration par le procédé de Gram, dans les prépara¬ tions de culture du sang ou des liquides des tissus, mais ils se décolorent sur les coupes traitées par le procédé de Gram ou les nouvelles méthodes de Wei- gert et de Kühne. Les meilleurs procédés pour les coupes sont la coloration simple par le violet 6 B, la safranine ou le bleu de méthylène de Lœftler. Les cultures n’offrent pas de caractères qui permeltent de les distinguer sûrement de celles du choléra des poules. Inoculées à toutes les espèces et races de canards domestiques et indigènes 262 JOURNAL DE MICROGRAPHIE elles tuent les animaux en un, deux ou trois jours avec des symptômes sem¬ blables à ceux de la maladie spontanée. Les espèces exolitjues et sauvages paraissent offrir une résistance beaucoup plus grande : de deux canards Pilet inoculés en même temps l’un est mort le 11° jour, l’autre vivait encore, quoique malade, le 15®. Les poules et les pigeons résistent aux inoculations, mais les lapins suc¬ combent. « On doit donc considérer le choléra des canards comme une maladie dis¬ tincte du choléra des poules. » l’elle est la conclusion que les auteurs tirent de leur travail. — Moi, pratique, j’en tire une autre : « n’achetez pas vos canards au Jardin d’acclimatation. » C’est à quoi MM. Geoffroy St-Hilaire et Ménard, les directeurs dudit « Jardin » n’avaient pas songé. • « « Production de maladies infectieuses par V inoculation de virus sans microbes. » Tel est le litre que l’on pourrait donner à la communication qu’à faite, le 23 mai dernier, le professeur Bouchard, à l’Académie des Sciences, et qu’il a présentée sous une autre étiquette: « Elimination par les urines, dans les maladies infectieuses, de matières solubles, morbifiques et vaccinantes . i Sous cette forme modeste, M. Bouchard a rappelé (ju’en 1884 il avait prouvé qu’en injectant à un lapin les urines filtrées au filtre de porcelaine, c’est à dire privées de microbes, de l’homme cholérique, on détermine une intoxication qui reproduit tous les symptômes caractéristiques du choléra : cyanose, algi- dité, crampes, diarrhée cholériforme, anurie, etc., et mort dans les 3 ou 4 jours. Actuellement, l’auteur démontre que dans une autre maladie infectieuse, la maladie pyocyanique, les urines emportent aussi des poisons solubles pouvant reproduire chez des animaux sains divers symptômes de la maladie et même la matière vaccinante soluble qui se montre capable de rendre les animaux réfractaires à une inoculation ultérieure. Mais quelles bizarres conclusions tire M. Bouchard : « ces expériences prouvent, dit-il, que les matières solubles morbifiques ou vaccinantes peuvent êli*e fabriquées par les microbes dans le corps des animaux infectés comme elles le sont in vitro ; que ces matières solubles ne restent pas indéfiniment dans le corps des animaux infectés, mais qu’elles sont capables de s’éliminer en partie au moins par la sécrétion urinaire. » A mon tour, j’en conclus tout simplement qu’on peut produire une maladie infectieuse avec un virus qui ne contient pas de microbes. Je cueille dans le Journal d' Hygiène l’entrefilet suivant : « Par ces temps de microbiologie et de bactériologie for ever, il serait JOURNAL DE MICROGRAPHIE 263 puéril de vouloir arrêter le p.Ure Chamberland dans sa marche envahis¬ sante à travers les établissements industriels de la Capitale, et jusque dans les habitations privées. « C’est à l’œuvre qu’on connaît l’artisan, » dit le pro¬ verbe ; c’est à l’usage qu’on verra les inconvénients de la mode entraînée par la fascination d’un nom illustre I « Toutefois, il nous paraît opportun de signaler aujourd’hui ce que pense de ce filtre célèbre celui qui en réalité peut réclamer, à bon droit, la paternité de l’idée et de l’application première dans un laboratoire ; nous voulons parler de M. Armand Gautier, complètement étranger, du reste, à toute exploitation commerciale. Au cours de la discussion qui vient d’avoir lieu sur la question d’Achères devant le Conseil d’hygiène publique et de salubrité du département de la Seine, le savant professeur de chimie s’est exprimé en ces termes : « Quant aux germes infectieux, nul doute qu’ils ne traversent le sol, au c moins en proportion notable. Comment en serait-il autrement lorsque, « d’après mes expériences, les spores et les ferments traversent les filtres « les plus compacts faits en porcelaine de Sèvres, et jusqu’aux filtres « de faïence de Creif dès que les eaux sont albumineuses ou alcalines, « comme il arrive si souvent pour les eaux d’égout. « Des terrains fissurés, sablonneux, seront-ils plus imperméables à ces « germes que le biscuit de porcelaine cuit à 1.200 degrés^ » • M; Pasteur, présent à la séance, n’a pas fait la moindre objection ! Parbleu ! mon cher confrère, M. Pasteur a vendu son filtre. Alors, que diable voulez-vous que ça lui fasse ? A propos de vente, j’ai encore à vous dire un mot sur l’antipyrine dont j’ai souvent parlé ici, parce qu’elle est entrée dans la thérapeutique à la suite de la théorie parasitaire. L’antipyrine vient de remporter une notable veste. Vous savez, n’est-ce pas, que l’antipyrine guérissait tout : la fièvre typhoïde la fièvre intermittente, la pneumonie, la migraine, les névralgies, le rhume . de cerveau, les douleurs de l’accouchement, la rage de dents, le mal de mer. C’est le roi des antidotes, Qui guérit de tous les maux. Ça sert à cirer les bottes, Et même à blanchir la peau, disait le vieux vaudeville. Eh bien, pas du tout : il paraît que l’antipyrine, qui pourrait peut-être servir à cirer les bottes, — je n’en sais rien, — ne guérit pas le mal de mer. C’est naïf, les savants I Ils croient volontiers ce qu’on leur dit. On avait dit aux membres de l’Association française qui allaient au Congrès d’Oran que l’antipyrine guérissait le mal de mer. Ils se sont bourrés de la drogue alle¬ mande, quelques-ims môme trois jours à l’avance, pour s’entraîner, et jamais on n’a vu de savants rciidre tripes et boyaux ù la Méditerranée avec plus 264 JOURNAL DE MICROGRAPHIE d’entrain (jue ceux-Jà. Lorsque les forces leur furent assez revenues pour leur permettre d’ètre furieux, ils voulaient rédiger une plainte collective à l’Aca¬ démie de médecine. « On dit qii’un « prince de la science » a reçu 50.000 fr. pour lancer l’anti¬ pyrine. Eli bien, moi qui ne me pique pas d’être un prince de n’importe quoi, mais tout .simplement un^homme de bon sens, de bonne foi et d’expé¬ rience, je vous affirme — itérativement, — et vous verrez que je finirai par avoir encore laison, que l’antipyrine n’a jusqu’à présent été bonne à rien en médecine. Et il n’en sera plus question quand le prince de la science trouvera qu’il a assez lait de réclame pour 50.000 francs. Et notez bien que je n’ai pas reçu un sou pour vous dire ça. Quelques mots en terminant sur diverses publications nouvelles. Tous nos lecteurs ont connu le Bulletin scientifique du département du Nord^ que publiait depuis de nombreuses années déjà le prof. A. Giard. Cet intéressant recueil vient de subir une modification importante. Il a agrandi son format qui de rin-18° passe à rin-S° et, sous le titre de Bulletin scien¬ tifique de la France et de la Belgique, paraît dorénavant à Paris, M. Giard étant devenu maître de conférences à l’Ecole Normale. Dans ce premier fascicule de la 3® série, nous trouvons de nouvelles re¬ cherches du prof. Giard sur la castration parasitaire ; des études sur deux nouveaux genres d’Epicarides, Probopyrus et Palæqyge par MM. A. Giard et J. Bonnier ; sur les Copépodes libres marins du Boulonnais, parM. E. Garni. — Ce dernier auteur s’est donné la peine de traduire une communica¬ tion de M. E. Korschelt sur un cas de plumage de male chez une cane do¬ mestique. Le naturaliste allemand cite comme un phénomène remarquable le change¬ ment de plumage chez une cane qui, à l’âge de 13 ans, prit la livrée du mâle. 11 sait, toutefois, qu’on a remarqué le même fait chez les poules domestiques, les faisans, les tétras, etc., et dit qu’on ignorait s’il s’agissait d’animaux her¬ maphrodites ou de véritables femelles ayant changé de costume. Je ne sais pas si les savants l’ignoraient, mais il y a bien longtemps que toutes les filles de basse cour, dans nos campagnes, savent qu’il s’agit de vieilles poules, de vieilles dindes et de vieilles canes qui ont cessé de pondre, tout en restant vigoureuses. Elles savent, les filles de basse-cour, que toutes ces femelles, qui ont subi une sorte de castration par l’âge, tombent, comme tous les châtrés du reste, dans un état mixte, androgyne, qui les rapproche du sexe opposé, et que, non contentes de revêtir le costume du male, de lui emprunter son chant, elles cherchent souvent à exercer ses fonctions auprès des autres femelles, — surtout les canes qui participent du caractère éminem¬ ment amoureux de leur espèce et qui, ne pouvant plus être canes, essaient d’èlre canards. Il en est de même chez presque toutes les vieilles femelles de Gallinacés, JOURNAL DE MI.CROGRAPHIE 265 4 chez les faisans, les paons, les perdrix, chez les Passereaux élevés en vo¬ lière, etc. Il ne s’agit pas du tout d’hermaphrodites, mais de femelles qui ont pondu, couvé, rempli complètement toutes leurs fonctions de femelle. Leui’s ovaires ayant cessé de fonctionner, se souvenant peut-être du temps embry¬ onnaire ou elles avaient les deux sexes et leur vigueur n’étant point éteinte, elles s’efforcent de ranimer chez elles ce qui peut rester du sexe mâle, main¬ tenant qu’elles ne se sentent plus femelles. Le même cas se présente aussi chez quelques Mammifères, les Kuminants, dont les femelles prennent parfois les cornes du mâle — juste retour des choses d’ici-bas. Est-ce que nous ne voyons pas aussi, dans l’espèce humaine, certaines femmes que la ménopause a châtrées avant qu’aient fléchi les forces du corps et de l’esprit, acquérir les formes, la voix, les manières,., la barbe de l’homme et devenir parfois les plus redoutables et les plus détestables viragos. La Science aux champs, tel est le joli titre d’un joli journal que vient de faire paraître M. Ch. Mendel ; le journal est rose et fait le pendant de la Science en famille qui est bleue, comme chacun sait, et publiée, on le sait aussi, parle même M. Ch. Mendel. Ce titre est vaste et contient particulièrement toute l’histoire naturelle, c’est â dire la plus attrayante de toutes les sciences et celle qui offre le plus d’applications intéressantes et amusantes pour le grand public. Avec de jolies gravures, il y a de quoi faire là un charmant journal, et il est certain que M. Mendel n’y manquera pas ; il est secondé par MM. Larbalétrier et Rivoiron. Bonne chance donc à la Science aux champs. Le Prof. Santiago Ramon y Cajal vient de fonder, à Barcelone, la Revzsta trimestrial de histologia normal y patologica, organe du Laboratoire d’histologie de la Faculté de Médecine de Barcelone. Le premier numéro, récemment paru, contient les articles suivants : Structure des centres nerveux chez les Oiseaux. Morphologie et connexions des éléments rétiniens chez les Oiseaux. Terminaisons nerveuses dans les faisceaux musculaires de la Gre¬ nouille. Texture de la fibre musculaire du cœur. Ces mémoires sont, bien entendu, écrits en espagnol ; ils sont accompagnés de quatre planches lithographiées. Le Prof. Santiago Ramon dot le fascicule par une adresse aux lecteurs et termine ainsi : « Il ne nous reste plus qu’à supplier ceux qui s’intéressent à la micrographie en Espagne de faire taire leur modestie ou leur indolence et de seconder, comme il leur sera possible, nos efforts patriotiques, rendant ainsi moins lourds et plus supportables les sacrifices que nous nous sommes imposés. » Je ne doute pas que l’appel du prof. S. Ramon ne soit entendu de ce géné¬ reux public espagnol qui depuis quelques années prend un si vif intérêt aux choses de la science dans l’étude desquelles il a fait, du reste, de si gi-ands et si rapides progrès. 266 JOURNAL DU MICROGRAPHIE ¥ • Signalons enfin les Partial syllabic lists of the clinical morphologies ^ petit ouvrage que vient de publier le D’’ Ephraïm Cutter et dans lequel il passe en revue rapidement la composition micrographique du sang, des crachats, des fèces, de l’urine, de la peau, des vomissements, des matières alimentaires y compris les eaux potables, la glace et l’air, et la liste des corps que l’on peut y rencontrer dans diverses circonstances physiologiques ou pathologiques. C’est un memento utile auprès du lit de certains malades ; mais une partie, celle qui concerne les aliments et les eaux est spéciale à l’Amérique. ly J. P. TRAVAUX ORIGINAUX ÉÏOLllTION DES MICRO-OReANISlIES ANIMAUX ET VEGETAUX PARASITES Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le Professeur G. Balbiani LES MASTIGOPHORES (Suite^) Quelques mots maintenant sur le noyau, qui existe chez tous les Flagellés. Il est toujours, chez ces êtres, du type le plus simple, véritable noyau cellulaire, et l’on n’en voit jamais qu’un, sauf chez le Tricho¬ monas agilis où Bütschli a découvert quelquefois deux noyaux. La position de cet élément est plus stable que chez les Ciliés et les réac¬ tifs ne la modifient pas aussi facilement que chez ceux-ci. D’ailleurs, il est placé tantôt en avant, tantôt en arrière, tantôt à la partie moyenne du corps. Beaucoup plus que chez les Ciliés, il rappelle le noyau des cellules ordinaires. Il a le type vésiculeux et présente presque toujours un (1) Voir Journal de Micrographie, T. X, 1886, T. XT, 1887, et T. XII, 1888, p. 41, 134, 235. D*" J. P. stén. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 267 petit ou quelquefois plusieurs petits nucléoles centraux. Il a aussi les caractères microchiiniques des noyaux ordinaires, sauf qu’il se colore plus lentement, — aussi bien d’ailleurs que le noyau des Rhizopodes, lent aussi à se colorer, — par les réactifs colorants. Récemment, Fisch a fait connaître quelques particularités inté¬ ressantes du noyau des Flagellés, mais je ne puis pas m’y arrêter ici. Quant au nucléole ou « noyau accessoire » des Ciliés, et qui n’est qu’un noyau d’attente, destiné à être échangé au moment de la con¬ jugaison, on n’en trouve pas de trace chez les Flagellés. Nous arrivons à la reproduction, chez les Mastigophores. Le seul mode qui ait été bien constaté est la division ou fissiparité. On a décrit aussi des germes internes, une sporiparité produisant des spores dans l’intérieur du corps, mais tous ces faits n’ont rien de bien certain, et l’on peut presque toujours les rapporter à des cas de parasitisme ou de fissiparité mal interprétés. Cette fissiparité peut avoir lieu dans des conditions très différentes, à l’état de vie active, l’animal ne cessant pas de se mouvoir, ou à l’état de repos, quelquefois accompagné d’enkystement ; dans ce dernier cas, c’est dans l’intérieur du kyste que l’animal se divise. Nous avons vu des phénomènes semblables chez les Infusoires Ciliés, mais chez ceux-ci, on n’observe guère ces deux cas à la fois chez la même espèce, ce qui est fréquent chez les Flagellés, qui présentent même souvent une sorte d’alternance entre les deux modes de repro¬ duction fissipare. Chez les Ciliés, nous avons trouvé le Leucophnjs patida qui se reproduit à l’état de vie active et à l’état de repos, donnant dans ce dernier cas naissance à un très grand nombre de rejetons. Chez les Flagellés, cette reproductien dans un kyste est le plus souvent accompagnée d’une conjugaison, et dans quelques cas prend la signification d’une génération sexuelle bien caractérisée. La division a presque toujours lieu longitudinalement, beaucoup plus rarement transversalement. C’est le contraire chez les Ciliés, où la division longitudinale est l’exception, et la division transversale la règle ; il n’y a guère que les Vorticelliens qui se divisent longitudina¬ lement. Parmi les Flagellés, ce mode division est très répandu chez les Monadina et les Euglenida de la nouvelle classification de Bütschli. Voyons comment s’opère cette division longitudinale, chez les Mastigophores. Elle commence toujours par la multiplication des principaux or¬ ganes. Comme le but du phénomène est de faire d’un seul animal 268 JOURNAL DE MICROGRAPHIE deux animaux, il faut que chacun de ceux-ci possède tous les organes dont est muni l’animal primitif ; il faut donc que les organes se pro¬ duisent dans l’intérieur de la mère. Cette multiplication des organes est donc le premier acte de la division qui se produit, et la division elle-même du corps de la mère n’est que la seconde période. La pre¬ mière période est le dédoublement de tous les organes de la mère, flagellums, vésicules contractiles, chromatophores, noyau, quand tous ces organes existent, et le dédoublement opéré, le corps se di¬ vise alors en long. Le plus souvent, avant que la division ait lieu, le noyau commence à s’allonger et met son grand axe en travers, c’est-à-dire perpendi¬ culairement au plan par lequel doit passer la division, exactement comme chez les Ciliés. Le premier organe qui devient double, c’est le üagellum, quand l’animal n’en a qu’un à l’état normal. Un second flagellum naît à côté du premier et tout près de sa base. Quand l’ani¬ mal a deux flagellums, deux nouveaux flagellums apparaissent symé¬ triquement à côté des premiers. A ce moment, on croirait avoir affaire à un animal à deux flagellums, dans le premier cas, à quatre flagellums dans le second, quand il ne s’en offre normalement qu’un ou deux. Les anciens observateurs, surtout les Anglais, qui ont beaucoup étudié cette muUiplication des flagellums, avaient cru que c’était le flagellum primitif qui se divisait, se fendait en deux. C’est une er¬ reur : il n’y a pas fissuration de l’ancien flagellum, le nouveau nait de toutes pièces à côté de l’insertion du premier, comme l’ont remarqué Bütschli et moi-même. Klebs a cru que la tache pigmentaire oculiforme, qui existe chez beaucoup d’espèces, se dédouble. C’est une manière de voir qui a été justement contredite par Bütschli et Pelletan : c’est par une formation nouvelle que se produit le nouvel œil, tandis que l’œil ancien per¬ siste intégralement. De même, Klebs a cru que les vésicules con¬ tractiles se divisaient en deux moitiés. C’est encore une erreur, car des observations ont élé faites par Bütschli et d’autres naturalistes, . qui démontrent que la vésicule nouvelle est aussi une néoformation, seulement comme elle se forme souvent tout à côté de l’ancienne, cela, a pu faire croire à un dédoublement de celle-ci. Il en est encore de même pour la boucbe et l’œsophage. Les choses se' passent donc comme chez les Ciliés où tous les or¬ ganes nouveaux se produisent par une sorte de génération spontanée et nouvelle.' Il n’y a rpi’iin seul de ces organes qui se forme par dé¬ doublement d’un organe ancien, ce sont les chromatophores. Cette multiplication des chromatophores par division a été observée et dé- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 269 crile clans tons ses détails par Scliioitz sur des iVlgnes on Us ont la même structure que chez les Flagellés. Il a vu la division dn pyré- noïde en denx moitiés, chaqne moitié conservant la couronne de gra- nnlation amylacées qui l’entonre. Récemment, Bloclimann a publié un travail intéressant sur la fissiparité chez les Flagellés et a montré que les pyrénoïdes se divisent à chaque division du Flagellé. On connaît d’ailleurs depuis longtemps, depuis Nægeli, la multiplication des chromatophores par division chez les végétaux supérieurs. Quelques auteurs pensent quil n’y a pa» d’autre mode de génération. Dans les espèces où les chromatophores sont représentés par une ou deux grandes plaques d’endochrôme, cliaque plaque se dédouble de sorte que s’il y a deux plaques, il s’en forme quatre, chaque moi¬ tié de l’animal conservant une plaque ancienne et acquérant une plaque nouvelle. Le plus souvent, ce dédoublement du chromato- phore précède la division du corps; cependant, chez les d’après Bütschli et J. Pelletan, la division de l’animal se fait d’abord en entier et ce n’est qu’après la séparation des deux individus que se produit le dédoublement des plaques d’endochrôme. Quand tous les organes des deux animaux sont parfaits, alors commence la division du corps. Cette division commence souvent à l’extrémité antérieure, par une entaille qui se poursuit ensuite jusqu’à l’extrémité postérieure, de sorte que l’animal paraît se fendre en deux moitiés longitudinales (Euglènes). D’autres fois, l’entaille commence à la fois en avant et en arrière et les deux sillons vont au-devant l’un de l’autre, et suivant que l’un va plus vite que l’autre, ils se rejoignent tantôt plus en avant, tantôt plus en arrière. (Dinobryon). Il y a un second mode de multiplication qui a lieu à l’état de vie active. Il diffère du précédent d’abord en ce que la cuticule qui, dans les cas précédents, participe à la division, n’y prend pas part et c’est la substance seule du corps qui se divise sous la cuticule. Les seg¬ ments peuvent devenir ainsi très nombreux par des divisions suc¬ cessives, restant tous sous l’enveloppe commune formée par la cuti¬ cule maternelle. Puis, quand le plasma a ainsi achevé de se diviser, la peau servant d’enveloppe se détruit, se rompt ou se dissout et les rejetons devenus libres mènent une vie indépendante. Ce mode particulier de multiplication dans la cuticule maternelle a été observé notamment dans deux genres très intéressants. D’abord, dans le genre Polytoma qui se compose de deux espèces : le P. uvella^ anciennement connu et qui se trouve dans les infusions animales et le P. spicatum, étudié par un observateur russe (Zool. Anzeiger^ 1882). Puis, dans le genre Chlorogonium^ par exemple dans le C. euchlorum^ que l’on trouve en abondance dans les mares 210 JOURNAL DE MICROGRAPHIE d’eau de pluie, les tonneaux d’arrosage, (Stein). Dans ces deux genres les autres divisions se font longitudinalement. Le corps se segmente ainsi en 4 à 8 parties, 8 au plus chez les Polytoma ; mais chez le Chl or O g onium eiichlorum la division va beaucoup plus loin. Mais souvent la formation de ces microgonidies répond à un mode particu¬ lier de reproduction : celles-ci se conjuguent entr’elles. Le temps me manque pour entrer dans plus de détails, j’ajouterai seulement que pendant que la mère continue à se diviser sous son enveloppe propre, elle mène une vie active et ses mouvements persis¬ tent. Les observateurs se sont demandé comment cet organisme dont la substance est résolue en un grand nombre de fragments peut encore se mouvoir. Gela tient à ce que l’un des segments, l’antérieur, reste en connexion avec les flagellums de la mère. C’est la substance de la mère qui s’est en quelque sorte individualisée là, et ce petit indi¬ vidu conduit pour ainsi dire la barque où se trouvent ses sœurs. Enfin, quand tout est préparé, les flagellums anciens se détruisent, le kyste se rompt et les jeunes sortent pour mener une vie active. Très souvent, comme je l’ai dit, ils sortent pour s’accoupler et inaugurer un nouveau phénomène de reproduction. Ainsi, dans ces cas, la multiplication a lieu pendant la vie active de l’animal, mais fréquemment aussi elle se produit pendant l’état de repos. La mère cesse tout mouvement, tombe à l’immobilité complète et c’est alors que la division s’accomplit. Le phénomène se produit de plusieurs manières. Chez les espèces qui ont une enveloppe coriace et dure, comme certains Eugléniens, les Phaciis^ etc., l’état de repos est amené seulement par la perte du flagellum; à plus forte raison dans les espèces qui ont une coque so" lide, ç^omm^X^^Trachelomonas'. l’animal perd ses flagellums et n’est plus qu’une petite boule résistante et pierreuse dans laquelle s’ac¬ complit la division du plasma. Mais chez les espèces dont l’enveloppe est mince et souple et ne donnerait pas une protection suffisante aux jeunes, l’animal s’enveloppe préalablement d’un kyste sécrété par la cuticule et c’est dans le kyste que l’animal se divise [Euglena viridis) . D’autres fois encore, l’animal entre en repos en sefixantsur un corps quelconque, souvent sur des corps organisés, des végétaux, des plantes aquatiques ou des animaux, des petits Gopépodes, des Gy- clopes ou des Rotifères. Il y a une espèce très curieuse le Colacium calvum^ qui a deux périodes d’existence : une active, où il nage à l’aide de son flagellum et des ondulations de son corps extrêmement contractile ; l’autre, immobile, quand il veut se diviser. Il se renverse JOURNAI. !)]•: MICROGRAPHIE 271 alors, son extréiiiilé antérieure en bas, quitte son llai>eliu[n, et par cette extrémité antérieure sécrète un gros pédoncule qu'il fixe sur un animal, Entomostracé ou autre. C’est dans cet état que la division commence et s'aclieve sous la protection d’une enveloppe épaisse se¬ crétée à la surface du corps. C’est ainsi que se fonde une petite colonie. Une autre espece, le Chlorangium stentinorum^ Chlamydomona- dien muni de deux gros chromatopliores verts, à deux cils, sécrète aussi en se renversant un pédoncule à l’aide duquel il se fixe sur un animal, et une enveloppe solide dont il s’entoure. La division com¬ mence à l’intérieur et quand elle a produit quatre cellules filles, la coque se rompt et les cellules filles, libérées, restent réunies en bou¬ quet sur le pédoncule, ou elles continuent à se subdiviser de la même manière. Ainsi, ces animaux ont plusieurs moyens pour entrer en repos, - s’enfermant dans leur peau, quand elle est rigide, ou secrétant un kyste et se fixant par un pédoncule sur un corps étranger. Quel que soit le mode de fixation, la fissiparité s’opère comme chez les animaux libres qui se divisent longitudinalement et les faits sont les mêmes. Dans les conditions ordinaires, quand il s’agit simplement de mul¬ tiplier le nombre des individus d’une colonie, c’est une reproduction végétative et non sexuelle qui s’effectue. Le nombre des divisions n’est pas considérable, il donne 4 ou 8 segments au plus, et il ne se produit qu’une petite quantité de gros rejetons. Mais quand la repro* duction doit avoir une signification sexuelle et conduire à une conju¬ gaison, la division est beaucoup plus fréquente, le nombre des indi¬ vidus produits beaucoup plus grand et leur taille beaucoup plus pe¬ tite. Deux formes rentrant dans cette catégorie sont particulièrement cé¬ lèbres par les travaux nombreux auxquels elles ont donné lieu, les Chlamydomonas et Cidamydococcus ou Hematococcus. A leur his¬ toire se rattachent les noms d’un grand nombre de savants célèbres, surtout des botanistes, parce qu’ils ont été fréquemment considérés comme des végétaux ; cependant, les zoologistes les ont décrits aussi comme des animaux. Ils ont joui de la prérogative d’être étudiés à la fois par des botanistes et des zoologistes : Ehrenberg, Dujardin, Stein, Bütschli, F. Gohn, Flotow, Alex. Braun, etc. etc. Mais le temps me manque pour vous raconter ici avec détail toute cette curieuse histoire. Vous la trouverez d’ailleurs dans mon cours de l’année 1882 tel qu’il a été publié dans le Journal de Micrographie du D" J. Pelletan (1882- 1883). Je me bornerai donc a vous indiquer les faits essentiels. Ce sont ces organismes qui, avec les Euglènes, produisent le pins % 272 JOURNAL DE MICROGRAPHIE souvent la coloration verte de certaines eaux, au printemps, sur les mares ou les lacs. Ges deux genres Chlamydomonas d’une part, et, de Tautre Chlamydococcus ou Hæmatococcus^ présentent une ti’ès grande ressemblance. Chez l’un et l’autre, le corps est enveloppé d’une membrane qui montre les réactions de la cellulose, c’est à dire par exemple qu’elle se colore en bleu quand on la traite successive¬ ment par l’acide sulfurique et par l’iode. C’est donc une membrane végétale, et c’est pour cela que les botanistes ont réclamé ces êtres comme leur appartenant. Chez les Chlamydomonas^ la substance du corps est immédiate- tement tapissée par la cuticule sans intervalle qui l'en sépare. Cette substance est composée d’un grand chromatophore vert qui, à sa par¬ tie antérieure, est excavé. C’est dans cette excavation qu’est logé le plasma, contenant deux vésicules contractiles placées à côté l’une de l’autre, à la base des deux fiagellums, et le noyau. Le gros chroma¬ tophore qui forme tout le reste du corps possède unpyrénoïde et une tache oculiforme. Le C hlaînydococcus ou Hæmiotococcus üQ vmvçiYii pas complètement sa coque ; l'animal paraît suspendu dans la membrane par des fila¬ ments ou prolongements qui l’attachent à celles-ci. Il y a aussi un gros chromatophore et le plasma forme en avant une masse qui s’a¬ vance comme un bec, aboutissant aux deux points d’insertion des flageliums. Il y a au même endroit un point oculiforme. Le Chlamydococcus 'pluvialis ou Hæmatococcus^ — et c’est de là que dérive son nom,— prend, quand il est à l'état de repos, une colo¬ ration rouge tantôt partielle, tantôt générale, par la formation d’une matière colorante rouge, \' hémato chrome de F. Gohn. C'est cet or¬ ganisme, à cet état, qui produit la neige rouge que l'on a observée sur certaines montagnes, [Chlamydococcus ou Hæmatococcus nivalis)^ l’eau rouge de certains lacs, [H. lacustris) ; mais ces diverses formes constituent une seule et même espèce, dont l’endochrôme passe du vert au rouge. Les Chlamydococcus qui restent verts peuvent, dans certains cas, produire une coloration qui s’étend sur des surfaces considérables, sur des glaciers tout entiers, comme l'a vu Nordenskiold sur des glaciers du Groenland colorés en jaune verdâtre par le C . flavovircns. Les Chlamydomonas et Chlamydococcus se reproduisent par bi¬ partitions successives à Tintérieur d’une enveloppe formée par le corps de la mère, pour augmenter la population. Mais ce mode de division à l’intérieur du corps de la mère présente plusieurs modifications. Il arrive le plus souvent qu’à mesure que les segments se sont formés, ils deviennent liüreset chacun mène une vie indépendante. Mais d’autres JOURNAL DE MICROGRAPHIE 273 fois, les rejetons qui se forment dans le corps de la mère ne deviennent pas libres. Chacun s’entoure d’un kyste et s’y divise, ce qui fait deux générations emboîtées l’une dans l’autre, comme chez certaines Algues Palmellacées, les Glæiocystis, les Glœiocapsa^ etc. Puis, tantôt les kystes se rompent et les fragments sont mis en liberté ; tantôt il se forme des segments très petits, des microgonides qui s’accou¬ pleront et se fusionneront, formant les zygospores zygotes des botanistes. (A suivre.) LE TROISIEME OEIL DES VERTÈBRES Leçons faites à l’École d'Anlhropologie par M. Mathias Duval. professeur à la Faculté de médecine de Paris (1). {Suite). De même que chez les animaux, chez l’homme, les organes rudimentaires sont loin d’être rares, et, pour n’en citer que deux exemples des plus appa¬ rents, je vous parlerai d’abord de l’œil. L’angle interne de l’œil ne se termine pas comme l’angle externe, mais il se rouvre pour circonscrire un petit es¬ pace que ses fonctions ont fait nommer le sac lacrymal ou le réservoir des larmes. Le fond de cette pelile cavilé est formé par un l epli rouge, couleurde chair enflammée, la caroncule, laquelle se termine par un repli semi-lunaire, le nom en indiquant la forme, dont la concavité regarde le globe oculaire. Or ce repli, si réduit maintenant, est encore un organe atrophié devenu rudimen¬ taire, c’est une troisième paupière très réduite, dont nous devons la connais¬ sance à l’anatomie comparée. Cette troisième paupière constitue chez les ani¬ maux une sorte de i ideau qu’ils tirent sur leur globe oculaire comme un voile intérieur (par rapport à l’ensemble des paupières supérieure et inférieure.) Un autre exemple, encore emprunté à rhomine, nous est fourni par noire pavillon de l’oreille, lequel malgré sa structure, son aspect compliqué, n’est cependant plus qu’un témoin du passé, plus qu’un organe rudimentaiie, reste d’un organe qui pouvait non seulement se mouvoir, mais même par le glisse¬ ment de certaines pièces sur les autres, faire varier sa forme. C’est ce que nous observons chez le chien, le cheval, etc. Or nous descendons d’animaux qui possédaient ces facultés et la preuve c’est (lue nous en avons conservé des muscles qui ne peuvent plus nous servir. Les muscles extrinsèques, mo- (l) Recueillies par M. P. G. Mahoudeau. (Voir Journal de Micrographie, dernier numéro.) 274 JOURNAL DE MICROGRAPHIE leurs du pavillon de l’oreille sont chez nous très atrophiés, cependant on rencontre encore quelques personnes qui peuvent faire exécuter quelques mouvements à leur pavillon; c’est là une anomalie atavique. Pour ce qui est des muscles intrinsèques qui étaient chargés de modifier la forme de l’oreille externe, on peut, en cherchant bien, les retrouver encore, mais tellement ru¬ dimentaires qu’on a le plus souvent besoin du microscope pour reconnaître les faisceaux musculaires; aussi n’a-t-on pas signalé d’hommes ayant conservé le pouvoir de les contracter, de même aussi n’a-t-on pas pu découvrir les ter¬ minaisons nerveuses qui se rendent à ces traces de muscles. Maintenant que nous avons reconnu ce que sont les organes rudimentaires, il faut bien établir qu’il y a lieu de distinguer ces organes atrophiés d’avec ceux qui semblablement sont très réduits, très imparfaits, mais non parce- qu’ils sont en voie de disparition, mais bien au contraire parcequ’ils sont en train de se développer. Si l’on considère, par exemple, l’état que présentent les hémisphères céré¬ braux chez les êtres qui sont au bas de l’échelle des vertébrés, comme cela se voit chez les Poissons osseux, en remarquant combien peu ils sont développés il y a tout lieu de se demander si de semblables hémisphères servent de quelque chose. Ce ne sont, en effet, que deux petites vésicules creuses, si minces que, sur les neuf dixièmes de leur surface, elles se composent d’une simple couche épithéliale. On pourrait prendre cela pour une sorte de rudi¬ ment d’hémisphères: il n’en est rien, c’est seulement là un organe qui com¬ mence à apparaître, car si nous le suivons dans la série ascendante des êtres, nous voyons ces hémisphères grandir, s’accroître, se développer enfin de plus en plus, pour arriver chez les vertébrés supérieurs à être le siège prédo¬ minant de toutes les fonctions nerveuses. Aussi pour nous, si ces Poissons osseux que nous considérions à l’instant, pensent, et certainement ils ont une pensée, car ils manifestent de l’intelli¬ gence, ce n’est pas essentiellement avec leurs hémisphères, mais bien plus avec d’autres parties de leur système nerveux central ; de même chez les Oiseaux, après l’ablation des hémisphères cérébraux, les lobes optiques si dé- velo})pés, peuvent encore leur permettre certaines act'ons compliquées, et tout au moins celles en rapport avec la vision. Ainsi donc, il faut bien se garder de confondre un organe rudimentaire avec un organe qui commence à apparaître. Mais, demandera-l-on, à quel critérium pourra-t-on reconnaître cette diffé¬ rence ? Nous avons pour répondre à cette question la loi formulée par Nægeli en 1884 (1). Ce qni distingue un organe rudimentaire, c’est qu’il a le plus souvent beau¬ coup plus qu’il ne lui en faut pour les fonctions qu’il a à remplir; lesquelles, vous le savez, sont le plus souvent nulles. Aussi Nægeli a-t-il insisté sur ce fait que l’état de complexité d’un organe (t) Nægeli. pliyaiol. Théorie der Leipzig, 1884. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 275 rudimentaire est en rapport, non avec les fonctions qu’il remplit chez l’animal (jui le porte, mais avec les fonctions que ce même organe remplit chez les animaux voisins chez lesquels ils sont bien développés et en pleine fonction. Ainsi, chez la Talpa cœca, l’œil possède une rétine et un cristallin, ce qui est évidemment beaucoup plus iil-’ü n’en fauta l’animal, puisque les paupières sont si bien closes et l’œil si inutile que la peau et les poils recouvrent l’ou¬ verture de l’orbite. Il n’en est plus de même si l’on compare cet œil rudimentaire, mais encore si compliqué, à celui que possède le NaiitiluSy qui ne se compose pourtant que d’une simple sphère creuse et qui, tel qu’il est, sert cependant à l’animal. En second lieu, le degré de persistance des parties d’un organe rudimentaire ne correspond pas à la place qu’occupe l’animal dans l’échelle des êtres. C’est ainsi qu’on voit apparaître brusquement par persistance un organe chez certaines espèces alors que les espèces voisines n’en semblent plus présenter de traces. il est fort heureux qu’il en soit ainsi, car si les lézards par exemple étaient disparus, on ne pourrait plus savoir aujourd’hui quelle est la signification de la glande pinéale ; tandis que nous les voyons conserver leur troisième œil pendant que, chez les animaux placés au-dessus et au-dessous d’eux, la glande pinéale, très atrophiée, ne ressemble plus à un œil. Je vous ferai remarquer qu’on peut dès lors se demander comment il se fait qu’un organe aussi inutile et aussi atrophié ijue la glande pinéale, par exemple, survive ainsi si longtemps à ses fonctions et persiste toujours. En donner une explication serait difficile : en biologie on n’explique pas, on se borne à mettre les faits en rapport, en série, et alors de ce qui résulte de leur comparaison l’esprit se trouve naturellement satisfait. El rien n’est plus facile ici que de réunir des faits, de les mettre en rap¬ port, car les exemples abondent d’organes qui, bien que ne servant plus de rien, se reproduisent sans cesse, persistent toujours. Dans l’appareil génital de l’homme il est un organe, l’utricule prostatique, qui est inutile, qui se reproduit toujours et ce n’est cependant qu’un organe rudimentaire, un utérus mâle [utérus rnasculinus). Chez les Mammifères mâles, les mamelles ne servent pas et cependant elles continuent à se reproduire; elles sont rudimentaires et, comme tous les or¬ ganes dans ce cas, elles ont plus qu’il ne leur faut pour leurs fonctions. La meilleure preuve qu’on puisse en avoir est cette démonstration physio¬ logique qui fait que parfois, sous l’influence de l’irritation produite par une succion répétée, ces glandes peuvent se remettre à fonctionner, à secréter comme des mamelles de femelles, ainsi qu’on en connaît divers cas. Cet o?-gane rudimentaire actuellement possède donc plus d’éléments anatomiques qu’il ne lui en faut. Ayant donc ainsi, par de nombreux exemples, établi et défini ce que sont les organes rudiment n' res, nous allons passeï- à l’étude de la glande pinéale et en premier lieu à .son anatomie chez l’homme. 276 1 JOURNAL DE MTCROGRAPHIE IV Nous aurons d’abord à démontrer que cette glande est, chez l’homme, l’équi¬ valent du troisième œil des Sauriens. Si on se bornait aux descriptions d’ana¬ tomie qui se trouvent encore dans tous les traités classiques, on resterait per¬ suadé que la glande pinéale est située dans l’intérieur du cerveau, ce qui serait une étrange place pour un organe de la vision qui doit être placé à la superficie. Mais j’ai à vous démontrer que ce n’est là absolument qu’une apparence et que cette glande est bien en réalité située à l’extérieur, et qu’elle ne doit sa position actuelle qu’à la façon dont les hémisphères cérébraux la surplombent, la recouvrent. Rappelons rapidement que, lorsqu’on considère le cerveau par sa face supé¬ rieure, il présente chez l’homme deux gros hémisphères séparés par une scissure inter-hémisphérique. Abrasons par la pensée tout ce qui domine le fond de celte scissure, nous nous trouverons alors en face de tractus allant d'un hémisphère à l’autre. Ces tractus constituent ce qu’on nomme le corps calleux et l’aspect que présente cette coupe est dénommé centre ovale de Vieusseux. Si alors nous incisons ces tractus de façon à en enlever un mor¬ ceau en forme de couvercle, nous détruisons une partie du corps calleux et renversant cette partie d’une part, nous découvrons, à la face inférieure, une double bandelette qui est le trigone, et d’autre part nous nous trouvons dans les cavités cérébrales qui sont : deux latérales (ventricules latéraux) et, au ' milieu une plus profonde qui est le troisième ventricule (ou ventricule moyen). Si on examime alors la partie postérieure de ce troisième ventricule on aper¬ çoit un petit corps en forme de cône, de fruit du pin, c’est la c/lande pinéale ou conarium (1). Cette glande repose sur deux saillies qui sont les deux antérieures d’un groupe qui en comprend quatre et qu’on nomme pour cela les tubercules quadrijumeaux. Mais toutes ces parties ne sont pas nettement visibles, couvertes qu’elles sont par un rideau vasculaire, (toile choroïtlienne) qui en voile l’aspect. Cette toile est formée par de très nombreux vaisseaux sur lesquelles se Irouvent deux grosses veines qui furent découvertes par Gallien et portent son nom. Aussi, pour bien se rendre compte des dispositions que nous indiquons, pour bien voir la glande pinéale, il faut enlever cette toile avec beaucoup de soins, car la glande pinéale se trouve comprise dans un dédoublement de la toile cboroïdienne. Tel est, en quelques mots, le résumé de ce qui .se trouve actuellemeni dans (1) « [ es latins nommaient ce corps turbo, {toupie), glandula turhinata, peniformis, sive pénis virga eerehri, d’où le nom de glande pinéale. » (Fafvrk. Annal. Se. nat. 1857). « Cræcis Kovaptov, a coni flgurà, lalinis glandula pinealis dicitur, quod pini Im hirialiim fructiim simililudine quàdam repræsentet ; aliis etiam eerehri vocatur. » (DiFMrnuRŒciv. Ajiatome eorporis humani. Edit. nov. Lug- duni, 1633, lig. 3ô4). JOURNAL DE MICROGRAPHIE 277 tous les traités classiques, et alors, pénétré de cette idée (pie cette glande pi- néale qui se trouve sous-jacente au corps calleux, au trigône, est incluse dans la toile choroïdienne, on se la figure comme occupant l’intérieur du cerveau, et il devient dès lors difficile d’admettre que ce soit là une place favorable pour un œil, même si rudimentaire qu’on puisse se l’imaginer. Cependant, il n’en est rien : cette situation profonde n’est qu’une fausse apparence ; mais pour résoudre cette question il est indispensable d’avoir recours à l’embryo¬ logie, qui nous montrera la formation pinéale située au début sur la surface même du cerveau et au contact de la peau de la partie supérieure de la tête. Le cerveau, cet organe si compliqué, ne forme d’abord chez l’embryon qu’un tube creux qui donnera naissance à la future moelle, au futur encéphale. Bientôt à la partie antérieure il se produit trois dilatations qui se renflent et constituent les trois vésicules cérébrales primitives, qu’on nomme l**®, 2® et 3® vésicules cérébrales (fig. i, en A.) et qui vont se subdiviser pour former les différentes parties du cerveau (fig. J, en B et G.) fig. 1. — A. Schéma des trois vésicules cérébrales primitives : B. La première vésicule cérébrale primitive a donné naissance aux vési¬ cules des hémisphères (H, H), et à la glande pinéale (P) ; la troisième vési¬ cule cérébrale primitive s’est divisé en cervelet (G) et moelle allongée (M.) G. Coupe médiane des vésicules cérébrales delà figure B ; mêmes lettres. On voit que la glande pinéale (en P) est située à la superficie de l’encéphale. Nous n’aurons à nous occuper ici que de la l**® vésicule cérébrale, car c’est sur elle que prendront naissance les deux hémisphères et la glande pinéale. En effet, sur cette 1’’® vésicule deux renflements latéraux ne tardent pas à être émis, dirigés en avant, ce sont les vésicules des hémisphères cérébraux. (H, H, fig. 1, B). La partie qui reste comprise entre ces deux bourgeons fera la vésicule du 3® ventricule ou des couches optiques ; c’est sur elle qu’apparaît bientôt une petite évagination, sorte de petite cavité formée par le prolongement de sa paroi supérieure. Gette petite excroissance est la glande pinéale qui alors, comme on peut facilement s’en convaincre, est bien nettement extérieure, bien située à la surface du cerveau (en P, fig. 1, B et G). Mais cet état ne durera pas et, par suite de complication, la partie de la surface càla(iuelle elle appar- liejit deviendra graduellement de plus en plus profonde. Gependant ce ne sera jamais une partie intérieure, mais seulement une partie recouverte. 278 JOURNAL DE MICROGRAPHIE C’est qu’en effet, à un stade plus avancé, on voit les vésicules des hémis¬ phères prendre de l’importance, se développer et arriver bientôt à recouvrir totalement la vésicule des couches optiques ou du 3® ventricule, (fig. 2). Il en résulte qu’à mesure que les hémisphères se rapprochent vers la ligne médiane, la paroi supérieure des couches optiques semble s’enfoncer, dispa¬ raissant sous ces deux masses qui la surplombent. La pie-mère qui recouvre cette paroi se trouve alors enfermée dans une partie profonde (fig. 2, en B.) Les hémisphères continuent à croître, la couche optique et son toit se trouvent ainsi de plus en plus enfoncés profondément et, comme si cela ne suffisait pas, l’apparition du corps calleux vient encore accentuer cette disposition cachée de la glande pinéale. Chez beaucoup d’animaux, qui ne possèdent pas de corps calleux, le problème se trouve simplifié, mais chez l’homme et chez les ver¬ tébrés supérieurs le corps calleux forme une vaste commissure transversale établissant de nombreuses communications entre les deux hémisphères. On voit alors (fig. 3) une partie de la paroi des hémisphères (sous-jacente au Fi^^. 2. — En A; les deux hémisphères tendant à recouvrir la vésicule des couches optiques (I); la vésicule de l’hémisphère droit est ouverte et on voit la fente par laquelle elle communique avec la vésicule des couches optiques. En B. coupe faite suivant la ligne a de la fig. A ; mais on a de plus représenté la glande pinéale comme si la coupe était faite selon la ligne b, afin de montrer dès maintenant les rapports tels qu’ils seront quand les hémisphères se se¬ ront étendus en arrière de façon à couvrir la glande pinéale. P m, pie mère, représentée seulement dans la région interhémisphèrique ; — P, glande pinéale. corps calleux) donner naissance au trigone, qui s’étale sur cette pie-mère re¬ foulée, la cachant presque entièrement et la séparant enfin totalement de la pie-mère extérieure sauf dans la partie postérieure du cerveau. C’est ainsi qu’éloignée de la surface par le corps calleux, par le trigone, la pie-mère arrive à constituer cette toile choroïdienne que nous avons vu entourer de ses replis la glande pinéale. Mais cette pie-mère, devenue toile choroïdienne, ap¬ partient bien à la surface du cerveau et l’organe compris dans son dédouble¬ ment est bien en réalité un organe superficiel ainsi que nous avions à le dé¬ montrer. Ces faits nous étaient nécessaires à connaître pour bien faire com¬ prendre comment il se fait que la glande pinéale est très superficielle chez les animaux, comment alors elle peut envoyer un prolongement vers la peau et comment ce prolongement peut, à sa partie périphérique, être porteur d’un cristallin. Chez l’homme nous trouvons la glande pinéale couchée en arrière JOURNAL DE MICROGRAPHIE 279 sur les tubercules (juadrijurneaux, chez les animaux que nous aurons à élu- dier, elle est au contraire portée en avant parce que là elle n’a pas été refou¬ lée par un développement trop considérable des hémisphères. Ainsi donc, il est bien établi dès mainlenant que la glande pinéale organe d’une région de la surface devenue profonde peut parfaitement chez les ani¬ maux se développer en constituant un œil. Je passe maintenant aux différentes opinions qui ont été émises à son sujet. Fig. 3. — Schémas de la formation du corps calleux, du trigone et de la toile choroïdienne. En A, les hémisphères sont arrivés presque au contact Tun de l’autre par leur partie supéro-interne et recouvrent complètement la région de la glande pinéale. — 1 , région où va se former le corps calleux ; — 2, région où va se former le trigone ; — p m, pie-mère ; — P, glande pinéale. En B, les hémisphères sont soudés au niveau des corps calleux (1) et du tri¬ gone (2) ; — 4,1e prétendu ventricule du septum lucidum; — 3, les plexus cho¬ roïdes des ventricules latéraux. Pour plus de détails sur ces diverses formations, voir : Manuel de rannlo- miste, par Ch. Morel et M. Duval, page 745 et suivantes. ERRATA Page 251. — Ligne 20 en comptant par en bas. — Au lieu de : « les re¬ cents et remarquable travaux de Selenka » il faut lire: les récents et remar¬ quables travaux de Selenka. Pages 252. — Ligne 3, par en bas. — Au lieu de : w En 1888, Rabl- Ruckhart etc » il faut lire : « En 1882, Rabl-Ruckhart etc. » Même page. — Ligne 1 4 par en bas. — Au lieu de : a le sesie d’un œil » il faut lire : « le reste d’un œil. » (d 280 JOURNAL DE MICROGRAPHIE VÉHICULES DU MILDEW Sous le titre ci-dessus un journal de viticulture publiait récemment ce qu sui t : Les feuilles sont tombées. Elles pourrissent dans la terre, mais la spore du mildew qu’elles portaient résistera à l’hiver, grâce à la solide carapace dont la nature l’a dotée pour perpétuer, hélas ! la vie de ces imperceptibles cryptogames sans doute utiles à l’ordre naturel des choses, mais qui font le désespoir des viticulteurs. L’hiver a pris fin. Le sol se dessèche peu à peu sous le soleil du printemps, le terrain devenu friable, se désagrège, se pulvérise enfin et les tourbillons de poussière vont succéder aux trombes d’eau des mois précédents, Avec cette poussière, la spore qui a survécu aux frimas est enlevée et avec elle aussi retombe sur le feuillage lorsque le vent se calme. Elle y reste à l’état passif jusqu’au moment où une gouttelette de pluie ou de rosée invitera son germe à sortir. A ce moment, ce dernier, poussé à accomplir ses fohctions, sortira, en en effet, et trouvera le joint par lequel il doit prendre possession du tissu de la feuille, il y croîtra, ses rameaux appendus au-dessous de cette feuille por¬ teront des fruits. » D’après le savant auteur de cet article, le vent n’est pas le seul véhicule du mildew, l’escargot est accusé également de transporter les germes des mala¬ dies cryplogamiques. « Le mollusque à la coquille volute rampe sur le sol, à la recherche du vé¬ gétal qui lui servira de nourriture. A sa chair gluante se fixent des parcelles de ce sol qu’il foule. Plusieu/s spores de mildew ne le gêneront certainement pas dans sa lente course, et, lorsqu’il atteindra le cep, il en laissera ou sur le bois, ou sur le pétiole des feuilles, ou enfin sur la feuille elle-même. » Voilà les explications que donnent des illustrations scientifiques pour faire croire aux viticulteurs que les microbes sont cause des maladies organiques de leurs vignes. Ces explications savamment formulées paraissent si rationnelles qu’on les accepte généralement sans même penser à émettre contre elles la plus légère objection. Et cependant, ceux qui prétendent que les maladies vé¬ gétales ont pour cause des microbes sont-ils certains de ce qufils avancent ? Ont-ils pu suivre les spoies du mildew, par exemple, dans leurs périgrina- lions sur la terre et dans l’air depuis le moment de leur chute sur le sol, à l’automne, jusqu’au jour, l’année suivante, où elles sont arrivées sur les feuilles des vignes apportées par les vents.? Les ont-ils vues, ces spores, restei- là « à l’état passif )> jusqu’au moment où une goutteletle de pluie ou de rosée a invité leur germe à sortir et à Irouver « le joint » par lequel il prend posses¬ sion des liss isde la feuille? Loin* souleiiir que les maladies végétales sont occasionnées par des microbes JOURNAL DE MICROGRAPHIE 281 dont le vent et les escargots sont le véhicule, Une sufüt pas de se baser sur des données de pure imagination, il faut des faits sérieux, positifs, incontestables. Puisque,' d’après les promoteurs des théories microbiennes, les spores du mildew résistent aux intempéries de l’hiver et ne craignent ni le froid, ni le chaud, ni la sécheresse, ni l’humidité; puisqu’elles ont la vie dure et longue, il est facile de les conserver pendant la mauvaise saison : il suffit de ramasser à l’automne des feuilles de vigne mildiousées et de les placer soigneusement dans une caisse. L’année suivante, à l’époque favorable et par un temps propice, on sèmera des spores à l’aide d’un pinceau qui aura été passé légèrement sur les feuilles malades elles parois de la caisse. Si, à la suite de cette opération très facile à faire, le mildew apparaît sur les feuilles opérées et non sur les autres, on sera autorisé à croire que la maladie est engendrée par des spores et que le vent et les escargots peuvent leur servir de véhicule. Jusqu’à ce que cette démonstration soit faite, rien n’est prouvé. Il y a 25 à 30 ans, nous avons souvent essayé de produire artificiellement XOidium en opérant à divers moments de l’année comme nous venons de l’indiquer; nous n’avons jamais pu y parvenir. Vers la même époque, la maladie des pommes de terre faisait partout d’é¬ normes ravages ; nous avons un grand nombre de fois, au printemps et en été, semé des spores conservées du Botrijtis mfestans sur des tiges, des feuilles et même sur des tubercules en terre que nous découvrions à cet effet, et jamais nous n’avons pu provoquer sur aucun des tissus de la précieuse so- lanée la moindre altération caractéristique de la maladie. Nous croyons qu’il en sera de même des essais que l’on tentera sur la vigne avec les spores du mildew. Naturellement, ces essais infructueux nous ont porté à croire que la théorie (jui admet des êtres vivants, des microbes imperceptibles comme cause des maladies dont beaucoup de végétaux sont atteints, est une théorie mensongère. Aujourd’hui, nous sommes convaincu de sa fausseté, car nous avons fait naitre volontairement des maladies cryptogamiques en donnant à la vigne des engrais mal composés par rapport à leurs besoins, à leurs exigences. 11 nous a suffit de fournir au sol de l’azote et de la potasse à fortes doses, plusieurs fois ré¬ pétées, pour rendre la vigne malade et voir se former, tantôt sur ses feuilles, tantôt sur ses fruits ou sur le bois de l’année des exsudations ressemblant parfois à des cristallisations. Ces exsudations, qui se montrent sur des points plus ou moins étendus, apparaissent à la suite d’une forte absorption de ces sels provoquée par une température chaude et humide et ont reçu les noms d’érinéum, oïdium, mildew, anthracnose, etc. Elles sont, selon nous, une preuve que la plante n’a pu élaborer convenablement les sels absorbés, ni les rejeter de l’économie, les végétaux n’étant pas pourvus d’organes excréteurs comme îes animaux. Après avoir provoqué diverses affections organiques à nos vignes par l’em¬ ploi d’engrais azotés et potassiques donnés en excès, nous les avons guéries en leur fournissant en abondance du sulfate de fer associé à des matières cal¬ caires facilement solubles. Ces résultats, obtenus à la suite d’expériences pour- 282 % JOURNAL DE MICROGRAPHIE suivies pendant un grand nombre d’années, nous donnent la certitude que c’es£ par la bonne proportion des diverses éléments 7iuiritif s réclamés par chaque variété de vigne qu'on peut les quérir de leurs maladies organiques. Aux promoteurs des théories microbiennes qui ignorent les résultats heureux auxquels on arrive par l’emploi du procédé simple, pratique et rationnel que nous recommandons, nous disons : venez les constater de visu. Ghavée-Leroy, Membre de la Soc. des Agriculteurs de France Clermont (Aisne), 13 juin 1888. N. B. La chronique vinicole de la Gironde vient de publier une lettre de xM. Yassilière, professeur départemental d’agriculture à Bordeaux, dans la¬ quelle nous lisons : « Le mildiou et l’anthracnose ont fait leur apparition un peu partout dans la Gironde ; les traitements préventifs à la bouillie affirment une fois de plus leur efficacité contre la première de ces affections ; il en est de même du badigeon¬ nage d’hiver au sulfate de fer contre la seconde, et si ce traitement était géné¬ ralisé et répété tous les ans comme il en est maintenant pour la bouillie, je suis convaincu qu’après deux ou trois campagnes on serait également maître de Fanthracnose. » Il n’est pas possible d’employer la bouillie bordelaise en pulvérisation, ni le sulfate de fer en badigeonnage sans en laisser tomber une quantité considé¬ rable sur le sol. On est donc en droit de se demander si c’est comme microbi- cide ou comme engrais que ces substances liquéfiées produisent de bons effets. Pour le savoir, des essais comparatifs, doivent nécessairement être tentés, et M. Yassilière est trop bien placé pour ne pas les faire faire avec soin afin de se renseigner d’une manière très exacte. En attendant, nous sommes à notre tour, convaincu que le sulfate de fer et le sulfate de chaux, donnés en suffi¬ sante quantité au sol comme engrais, fera disparaître promptement le mildiou et l’anthracnose sans être obligé chaque année, de recourir à l’emploi de la bouillie bordelaise projetée en aspersion et à celui du sulfate donné en badi¬ geonnage. G. L. L’ANATOMIE DU PHYLLOXÉRA AILÉ Par le prof. V. Lemoinc. Lors de la réunion du Gongrès des Sociétés Savantes, à Paris, au mois de mai dernier, M. Lemoine.^ professeur à l’école de médecine de Reims, a ex- JOURNAJ. DE MICROGRAPHIE 283 posé le résultat de l’ensemble de ses recherches sur la forme ailée du phyllo¬ xéra, recherclies qui ont été déjà l’objet de plusieurs communications à l’Aca¬ démie des sciences. On sait combien, pour le phylloxéra de la vigne, la forme ailée est à la fois importante à étudier comme moyen de propagation du mal et difficile à saisir par suite de ses faibles dimensions et de son déplacement instantané. Il en est de même pour le phylloxéra du chêne et il n’y a que quelques jours dans l’année où il puisse être recueilli. C’est ordinairement tout à fait au début du mois d’août. Sous l’influence d’un été exceptionnellement froid, celte époque peut être retardée de près d’un mois. Dans ces recherches, M. Lemoine a eu recoui’s à l’étude par transparence de l’insecte vivant, à des dissections fines et à la méthode des coupes. L’étude par transparence lui a permis de saisir les modifications subies par la larve pour passer à l’état de nymphe et d’insecte parfait, notamment dans son sys¬ tème nerveux et son appareil locomoteur, le mode d’éclosion de la forme ailée, le déploiement et la consolidation des ailes. Certains phénomènes physiolo¬ giques, comme la ponte et le mode de contraction du vaisseau dorsal, peuvent être également étudiés avec détails. Les dissections fines fournissent des ren¬ seignements sur l’ensemble du système nerveux et sur le mode d’origine et de distribution des différents nerfs. Le tube digestif peut être déroulé dans sa totalité et étudié dans ses rapports de continuité. 11 en est de même des organes génitaux et du vaisseau dorsal. La méthode des coupes est particuliérement précieuse pour l’examen appro¬ fondi du système nerveux central et des organes des sens (ganglions sus et sous-œsophagiens, lobes cérébraux, corps central, lobes et nerfs olfactifs, lobes et nerfs ocellaires, lobes optiques avec leurs subdivisions en masses médulaires interne et externe, nerf optique et ses subdivisions, lame ganglionnaire, fibres post-rétiniennes, yeux composés, etc). L’appareil musculaire peut être étudié d’une façon à peu près complète (muscles du tronc, muscles des ailes et des membres, muscles annexes de l’appareil digestif et det organes génitaux). Les rapports si compliqués des divers viscères peuvent être établis avec une grande netteté, notamment dans la partie initiale du tube digestif (trompe, stylets divers, cavité pharyngienne, mode d’ouverture des glandes salivaires, œsophage). Il en est de même de la structure intime des parties constituantes du tube digestif, du système glandulaire, des organes génitaux qu’il est possible d’étu¬ dier dans tous leurs éléments. Pour donner une idée des résultats fournis par l’emploi combiné de la paraf¬ fine et du rocking microtome, il suffira de dire que des coupes successives on pu être obtenues non seulement dans la trompe, dans les pattes, dans les ailes mais encore dans l’œsophage et le vaisseau dorsal. L'insecte a pu être sectionné dans son épaisseur en 35 à 40 coupes, et dans le sens antéro postérieur en 80 coupes successives disposées méthodiquement à la suite les unes des autres. On conçoit quelles ressources nouvelles sont fournies à l’étude par l’examen comparatif de semblables séries. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 28 'i Ub:GHKllCHES EXPÉKliVlENTALES Süii LES MALADIES DE LA VIGNE (1). I. Dans nos précédentes recherches, nous avons étahli expérimentalement que les différents organes reproducteurs qui existent sur les lésions déterminées par le black rot appartiennent au Champignon cause de cette maladie. Des stylospores semées sur des grains de raisin, ont reproduit des spermogonies et des pycnides. Cettè expérience démontrait, en même temps, le parasitisme de la forme Phoma de ce Champignon. Il était important de préciser par l’expérimentation que les périthèces, qui sont associés aux pycnides et aux spermogonies, étaient en relation d’origine avec elles. L’ohservation pou vait déjà le faire supposer : nous avons semé le 22 mai, des sporidies sur des feuilles saines attenantes au cep de vigne. Au bout de huit à douze jours, les tissus verts des feuilles inoculées ont pris, par places limitées, une coloration d’un gris blanchâtre et finalement une teinte feuille morte carac¬ téristique des taches du black rot. Des pustules noires constituées par des pycnides et des spermogonies se formaient en même temps dans les tissus des lésions et émergeaient à leur surface. Ces expériences prouvent à nouveau le parasitisme du Champignon et établissent définitivement la filiation qui existe entre ses di¬ verses formes de reproduction ; elles affirment aussi l’identité d’origine des lé¬ sions des raisins et de celles des feuilles. Nous avons indiqué que les Phyllos ticta des feuilles (Ph. viticolael Pli Labruscæ) étaient produits par le même Cham¬ pignon que celui du Black rot des fruits et des rameaux. Les périthèces observés aux Etats Unis par M. Bidwell, en 1881, et en 1887, par M. F. L. Scrihner et l’un de nous, ont été retrouvés récemment par M. Fréchou dans le Lot-et-Garonne et par nous dans le Lot et dans l’Hérault. Ils ne sont en¬ tièrement développés, en France comme en Amérique, qu’au mois de mai : leur durée est très courte. Les sporidies qu’ils renferment sont de même que lesstylos- pores qui résistent, dans les vignobles, aux intempéries de l’hivpr, la cause de la réapparition du black rot au printemps. Les périthèces nés dans les pycnides préexistantes ou directement sur des fila¬ ments mycéliens, contiennent de 80 à 120 asques fde 72 à 84 [jl, sur 9 à 10 ja) qu projettent les sporidies avec force au moment de la maturité des conceptacles. Ces sporidies sont incolores, subovoïdes, un peu déprimées sur leur pourtour, et sans points réfringents vers les pôles ; elles mesurent 12 p.. à 14 p. sur 6 à 7 p^ Les asques ne sont jamais entremêlés de paraphyses. Par suite, le Champignon du blackrot ne doit plus être maintenu dans le genre P/iysalospora, qui est surtout caractérisé par l’existence de paraphyses ; tous ses caractères le font classer dans le genre Læstadia, sous le nom de Læstadia Bidwellii. II. Le Coniothyrium Diplodiella a été considéré jusqu’à ce jour comme la cause du rot blanc (white rot). Pour démontrer nettement le parasitisme de ce Champi¬ gnon, il fallait le faire développer sur des organes absolument sains, non séparés de la souche. Des stylospores cueillies en mai dans les vignobles et sur des grains (1) Note présentée à VAcad. des sc. le 18 juin 1888. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 285 de raisin morts l’année dernière, ont été semées sur de jeunes grappes (pédon¬ cule, rafle, ovaires, pédicelles) d’une souche d’Aramon très vigoureuse. Leur al¬ tération s’est manifestée au bout de huit jours et les pycnides du Coniothyrium n’ont pas tardé à se montrer. Le parasitisme de ce Champignon, sur lequel nous avions émis des doutes, est ainsi précisé. La même expérience montre que c’est par la stylospore que le mal se perpétue d’une année à l’autre. III. Le Sphaceloma ampelinum, cause de l’authracnose, n’a comme organes re¬ producteurs connus jusqu’à ce jour que des filaments conidifères ; les pycnides que M. R. Gœthe a rapportées à ce Champignon appartiennent à une autre espèce. Nous avons cherché à déterminer comment la maladie se transmet d’une année à l’autre Dans toutes nos cultures, nous avons vu le mycélium du parasite rester à l’état de vie latente pendant l’hiver et se développer au printemps en pro¬ duisant les mêmes filaments conidifères que l’on observe pendant la période es¬ tivale. Les conidies, semées sur les organes sains de la vigne, ont reproduit les lésions de l’anthracnose. IV. M. de Bary avait émis depuis longtemps l’hypothèse que VUncinula spiralis pourrait être la forme ascosporée de notre Oïdium de la vigne, bien que les péri- thèces n’aient jamais été observés en Europe. L’étude comparée de très nombreux échantillons frais de l’Oïdium d’Amérique et de ses formes de reproduction nous permet d’établir son identité avec celui qui se développe sur les vignes en Europe et d’admettre, par suite que VTJncinula spiralis est bien la forme ascospore de ce dernier. P. ViALA et L. Ravaz. COLORATION DES TISSUS A L’ÉTAT VIVANT C’est seulement depuis peu que la physiologie générale s’occupe des réactions des tissus à l’état vivant et déjà les recherches faites sont nombreuses et de la plus haute portée ; elles animent et rendent vivante l’anatomie générale. Les deux sciences se pénètrent et s’éclairent l’une fautre : ainsi s’ouvre plus d’une voie neuve dont on ne peut encore prévoir l’avenir. Les fécondes recherches du laboratoire de Paul Sert ont montré sur les tissus faction de la lumière, de l’électricité et des autres formes de fénergie. L’in¬ fluence des hautes pressions a été étudiée par le professeur Regnard. Celle des anesthésiques par le professeur Raphaël Dubois. C’est dans cet ordre d’idées qu’il faut ranger les expériences faites pour suivre le trajet elles modifications des substances colorées introduites dans l’organisme. U y a déjà longtemps que l’on a essavé de colorer les tissus vivants. La fixation de la earance sur les os a c été tentée par Duhamel en 1739. Ace propos, nous trouvons dans une des con¬ férences du marquis Tseng que des procédés semblables do coloration étaient connus des Chinois de toute antiquité. Mais c’est seulement dans les travaux ré¬ cents du professeur Erlich que l’on trouve une véritable méthode d’investiga¬ tion et un ensemble de faits déjà considérable. Nous avons fait, sur ce sujet, quelques recherches personnelles, communiquées en partie à la Société de biologie, à l’Association philotcchniquc et dans la 286 JOURNAL DU MICROGRAPHIE thèse de doctorat de M. Talat (1), et nous voudrions dire quelques nriots de celle méthode qui nous paraît appelée à un grand avenir. D’abord un mot d’historique. Laissons de côté les colorations expérimentales obtenues anec des sub-tances minérales telles que le plomb avec lequel E. Hec- kel (2) a coloré les cellules des ganglions cérébroïdes des Mollusques, ou l’argent qui a donné à Huet (3) une coloration noire des cellules du duodénum. C’est en effet aux couleurs végétales et aux couleurs d’aniline que l’on doit des résul tats de beaucoup les plus importants. Les recherches de Duhamel sur la garance ont été reprises par Flourens, Serres et Doyère, par Heckel (loc. cil.) qui a montré que le curcuma, l’hémato- xyline et d’autres substances végétales avaient les mêmes élections que la ga¬ rance. Tout cela joua même, au commencement du siècle, un rôle important en philosophie. Quand Bichat, en 1800, eut établi, dans ses recherches sur la vie, que la vie organique présente « un double mouvement de molécules, dont Tun compose sans cesse et l’autre décompose l’animal, »* on chercha, dans les expé¬ riences de Duhamel, le moyen de mesurer la durée de ce circulus. Plusieurs physiologistes crurent pouvoir dire que l’être vivant se renouvelait tout entier en sept ans. Magendie s’éleva même contre ces hypothèses exclusives et fit re¬ marquer que les molécules de garance pouvaient être déposées et reprises au bout d’un certain temps, sans changement nécessaire du parenchyme qui les contenait. Mais ces faits ne s’appliquent qu’à la substance intercellulaire des os et des cartilages. Il n’en est pas de môme des essais de coloration qui ont été tentés sur les animaux inférieurs. Dujardin (4), en 1835 et 1841, se servit de carmin précipité dans une goutte d’eau; ceci lui montra que les Euglènes, les Kolpodes et beaucoup d’infusoires ciliés, contrairement aux Monades qui absorbent par toute leur surface, n’absorbaient que par un point déterminé, une véritable sto¬ mate. Mer, K. Brandt, Henheguy et plus récemment A. Certes (5) ont pu déli¬ miter ainsi les vacuoles des infusoires. Ce dernier auteur, en servant du bleu G* B, du vert acide de Poirrier et de divers autres bleus de la série C, de Poir- rier, a réussi à colorer à l’état vivant des huitres dont la coloration produite en quelques heures persistait plusieurs jours sur le mollusque replacé dans son parc. L’an dernier M. Certes a coloré ainsi un certain nombre de micro orga¬ nismes végétaux. C’est la reproduction expérimentale de ce qu’on observe dans certaines sources où la coloration souvent très marquée du fond ou de l’eau est dûe à des végétaux inférieurs qui ont absorbé et fixé les principes colorants tenus en dissolution même très faible dans l’eau de ces sources. Si, des animaux intérieurs, nous passons aux éléments des animaux supérieurs nous voyons que ceux sur lesquels ont porté les essais de coloration à l’état vi- (1) M. Talat. — Recherches sur la coloration des tissus chez les animaux vi¬ vants au point de vue histologique. Th Paris, 1886. (2) E. Heckel. — Phénomène de localisation dans les tissus animaux, Journal de VAnalomie el de la Physiologie^ p. 582, 1875. (3) Huet. — Recherches sur l’Argyrie. Th. doctorat. 1873. (4) Dujardin. — Histoire naturelle des zoophytes infusoires. Paris, août 1841 p. 72. (5) A. Certes. — Société de Biologie. Comptes rendus hebdomadaires, n® 16, p. 206, 1886, JOURNAL DE MICROGRAPHIE 287 vant sont précisément les leucocytes qui se rapprochent et le plus de l’état des in¬ fusoires libres. En injectant dans les sacs lymphatiques de la grenouille du car¬ min d’indigo, comme l’ont fait Von Vittich (1874), Julius Arnold (1875) et diffé¬ rents autres auteurs, ou du carmin de cochenille comme l’ont fait Pouchet e^ Legoff en 1875 (1), on observe une série de phénomènes des plus intéressants. D’abord, et pendant les premiers jours qui suivent l’expérience, les leucocytes du sang charrient la substance colorante à l’état de grains ; ensuite, et à la longue certains tissus se colorent, et ce sont principalement les tissus fibreux qui pren¬ nent une teinte diffuse, et les noyaux des épithéliums glandulaires qui se colorent manifestement. Nous verrons plus loin le parti que l’on a tiré de ce dernier détail. Arrêtons-nous un instant sur la transmission des particules colorantes par les voies lymphatiques. Nous venons de voir que les matières insolubles étaient charriées parles leu¬ cocytes, les matières solubles chargent également le sérum ainsi que certaines émulsions très fines. Quand Recklinghausen (1862) eut injecté au bœuf les lymphatiques du centre phrénique, un grand nombre d’auteurs s’attachèrent à constater l’absorption soit du bleu de Prusse comme Ludwig et Schweiger Seidel (1867), soit de l’encre de Chine, soit de l’albumine colorée par différents procédés, et en particulier par les couleurs d’aniline comme l’ont tait Dubar et Rémy en 1882. Cette mé¬ thode a donné des résultats histologiques importants en permettant d’obtenir l’injection naturelle des sinus péri-folliculaires des ganglions lymphatiques. Mais le procédé n’est pas là utilisé au point de vue chimique. Il n’en est pas de même dans les expériences suivantes. La coloration des noyaux des épithéliums a surtout été employée par Heiden- hain (2) dans ses recherches sur l’anatomie et la physiologie du rein ; il a obtenu par l’injection dans le sang d’une solution d’indigo, la coloration de l’épithélium à bâtonnets, mais à la condition qu’on supprime les vaso-moteurs par section de de la moelle cervicale. Les glomérules ont été aussi colorés par l’injection de carmin ammoniacal par Vittich (3) et un certain nombre d’autres auteurs (Du¬ bar et Rémy), avec cette différence que lorsqu’on ne sectionne pas la moelle et qu’on ne modifie pas la circulation, c’est surtout le glomérule qui paraît se colorer et non le labyrinthe. Dans les recherches que nous avons faites avec M. Talat, nous avons pu constater une coloration diffuse du rein comme des autres or¬ ganes, par l’injection sous-cutanée ou intra-péritonéale du bleu de métyle, chez les rats et les cobayes ; en le mêlant à la nourriture des rats et des lapins, on obtient une élection bleue sur le glomérule. Si on emploie au lieu du bleu la fuschine, le rein entier se colore en rouge vineux. Sur les coupes, l’élection se décompose ainsi : le labyrinthe est teint en rouge diffus, les glomérules en rouge plus foncé, les noyaux des cellules présentent une élection nette sur les coupes examinées fraîches. Mais un fait remarquable, c’est le suivant : par l’injection intra-péritonéale de bleu de méthyle chez les cobayes, on obtient une coloration ro^e carminée du glomérule. Sur les grenouilles placées dans une solution faible de bleu de mé- (1) Pouchet et Legoff. — Mémoires de la Soc. de Biologie, décembre, 1875. (2) Heidenhain. — Anat. und. physiol. der Nieren. Arch. f. microscop. Anat. T. X. 1875, p. 1, planche 21. (3) Vittich. — Physiolol. der Nieren. Arch. fur mickrosp. Anat. 1875, p. 74. 288 JOURNAL DE MICROGRAPHIE thyle, dans laquelle ces animaux peuvent vivre plusieurs jours, on constate l’im¬ prégnation en bleu des tissus, mais dans les glomérules le bleu a viré au rouge carminé, au rose, ou au jaune ocreux; les noyaux des cellules du bouquet glomé¬ rulaire présentent la même teinte que le reste du glomérule, mais beaucoup plus accusée. Chez le rat, nous n’avons pu obtenir le virage du rouge au bleu au niveau du glomérule. 11 résulte pourtant de ceci que dans certains cas le glomérule possède une réaction oxydante et un pouvoir réducteur assez mar¬ qués, car le bleu de méthyle est une couleur relativement difficile à réduire. Ce fait indique que la circulation dans les capillaires étalés du bouquet glomé¬ rulaire amène sur un même point une grande quantité de sang oxygéné, et fait du glomérule, non pas un simple filtre, mais un véritable appareil réducteur. M. Gréhant (1) a indiqué d’ailleurs combien pouvaient être multiples les échanges chimiques qui se passent au milieu du rein. L’anatomie comparée montre que chez les reptiles le sang revenant de la queue est collecté par une veine volumineuse, c’est du sang noir qui va irriguer les glomérules, il en ressort par la veine rénale qui contient non pas du sang noir mais du sang rouge, ainsi se trouve constitué le système porte rénal. Le rein, dans ce cas, est un véritable appareil réducteur, et c’est la disposi¬ tion des vaisseaux du glomérule largement développé chez ces animaux qui fa¬ vorise ces échanges chimiques. I>e sang venant des muscles de la queue ne va pas s’oxyder au poumon mais directement au rein. Erlich (2), dans un premier travail en 1885, étudia d’une façon beaucoup plus complète qu’on avait fait jusqu’avant, les effets obtenus par les substances colo¬ rées introduites dans l’organisme, en se fixant nettement comme but la recherche du degré d’oxygénation des tissus. Il se servit des injections intra-veineuses de la façon suivante. En introduisant dans l’organisme deux corps, dont la syn¬ thèse donne lieu à un produit coloré, bleu d’indo-phénol, et ne peut se faire que dans un milieu faiblement oxygéné, on arrive, lorsqu’on a la connaissance précise du degré d’oxygénation voulu, à obtenir colorés par le produit résultant de la synthèse, un certain nombre de tissus dont on connaît, par cela même, la teneur en oxygène. D’autre part, en injectant de la même façon des compo¬ sés facilement réductibles (bleu d’alizarine), on peut établir une échelle d’oxy¬ génation. Ainsi on a constaté le pouvoir réducteur très marqué du poumon, de la substance corticale du rein et de la muqueuse de l’estomac, qui est acide. Le muscle, le foie et les glandes ne viennent qu’ensuite. C’est ce premier travail qui a conduit Erlich (l) à ses ‘découvertes si remar¬ quables qui tendent à constituer, non pas seulement un nouveau procédé tech¬ nique, mais une nouvelle méthode dont la portée nous échappe encore. Dans ce travail, qui a été analysé par toute la presse médicale, il y a deux ans, l’auteur a prouvé que la méthode des colorations des nerfs à l'état vivant, très facile à obtenir chez les animaux à branchies placés dans un bain coloré faible, donnait des résultats bien supérieurs à tous les autres procédés, même à la coloration par l’or, sauf pour les terminaisons des fibres musculaires striées. Nous avons . (1) Gréhant. — Sur l’activité physiologique du rein. Comptes rendus de la Soc. de Biolog. 1879. (2) Erlich. — Du besoin d’oxygène. — An. Schlemmer in Journ. des Connaiss. méd., n“ 10, n. 77, 1888. (1) Erlich. — Sur la réaction de la substance nerveuse \ivantc. — Deustcfi medicin. Wockensc. 1886, n° 4, p. 49, 28 janvier. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 289 f)U colorer ainsi les nerfs et les ganglions du voile du palais de la grenouille entr’autres, en suivantles données d’Erlich et en employant le bleu de méthyle, de la façon la plus nette. Les nerfs situés autour des glandes cutanées de la grenouille s’obtiennent également bien. Le cristallin, qui ne se colore pas par le bleu, fixe bien la fuschine. Les cellules pigmentaires de la grenouille et du têtard, les glandes de la peau et du gros intestin des mêmes animaux se co¬ lorent également en rose. En laissant de côté les résultats obtenus avec la fuschine, nous pouvons nous demander quelle est la raison anatomique du pouvoir réducteur inégal des diffé¬ rents tissus pour les colorations bleues. Nous serons amené assez vite à con¬ clure que la cause de ces différences c’est l’inégalité de la répartition de l’hé¬ moglobine dans les tissus vivants. En effet, dans les combustions qui se passent dans le sein de l’organisme, ce n’est pas toujours l’oxygène apporté par le glo¬ bule rouge qui est immédiatement employé. Au contraire, les cellules possèdent, dissoutes dans leur cytoplasma, une quantité véritable d’hémoglobine qui four¬ nit l’oxygène nécessaire aux premières combustions. L’hémoglobine du sang ne fait que la remplaeer au fur et à mesure des besoins, mais il existe toujours une charge d’oxygène à épuiser, qui appartient en propre au tissu. Le fait est évident et bien connu pour les fibres striées du cœur et des muscles qui ont leur hémoglobine propre et visible ; on sait que c’est elle qui donne à ces tissus leur coloration rouge. Pour les autres tissus il peut être faci¬ lement constaté par la présence dans le corps même de leurs cellules de Ehé- matine et des granulations du pigment sanguin qui sont des résidus de l’hémo¬ globine brûlée. Quelque difficulté que l’on fasse pour admettre l’existence d’un corps par ses résidus, les accumulations de grains pigmentaires des cellules géantes du cer¬ veau et de la moelle qui peuvent former des masses comme le locus niger et qui sont constantes à partir d’un certain âge, et la pigmentation des cellules de l’épiderme privé de vaisseaux chez les nègres, ne 'peuvent se comprendre, si l’on admet pas que ces cellules ont une teneur en hémoglobine beaucoup plus faible, il est vrai, que celle des cellules musculaires, mais de même nature que celle qui amène la pigmentation de la fibre cardiaque. Dans le mésoderme, la pigmentation des cellules du derme qui s’observe autour des vaisseaux, celle des cellules interstitielles du testicule et de l’ovaire; celles qu’on observe dans les cellules des bourgeons charnus et des plaies en réparation sont des faits de même ordre, faciles à distinguer de la pigmentation des cellules qui environnent un foyer hématique et qui est secondaire à la résorption, par ses éléments, de l’hémoglobine passée à l’état de résidu. On serait ainsi amené à admettre une classe de cellules conjonctives à hémoglo¬ bine à côté des cellules plasmatiques de Waldeyer et des cellules d’engrais¬ sement (Mastzellen) de Erlich. Ces tissus, dans lesquels on constate par leur pigmentation une teneur plus ou moins grande en hémoglobine, sont précisément ceux dans lesquels le pouvoir réducteur est, en général, le plus marqué pour les substances colorantes. Ainsi les deux méthodes se contrôlent et se confirment l'une par l’autre. Mais la première est de beaucoup la plus importante, car elle en réalise d’une manière très élégante des réactions chimiques sur l’individu vivant. On peut déjà mesu¬ rer la tension en oxygène des différents tissus, sans les isoler, sans qu’ils cessent de faire partie de l’ensemble vivant ; à leurs différents états d’activité physiologique. Il est probable que ce qui se fait en ce moment pour l’oxygène et 290 JOURNAL DE MICROGRAPHIE l’acide carbonique se pourra faire pour des composés complexes qu’on pourra ainsi saisir à leur passage. 11 y a là en germe toute une nouvelle méthode d’ana¬ lyse biologique (1). Alex. PiLLiET. DES DIVERSES ANGUILLULES QUI PEUVENT S’OBSERVER DANS LA MALADIE VERMINEUSE DE L’OIGNON (2). Dans des communications qui datent de quelques années (3), j’ai fait con¬ naître chez l’oignon comestible {Allium cepa) une maladie vermineuse causée par le Tylencfius putrefaciens^ Nématode voisin de l’Anguillule du blé niellé. Depuis cette époque, ce parasite a été signalé dans diverses contrées (Alsace- Lorraine, Westphalie, ^Russie, etc.) partout où il s’est montré, il a causé de sérieux dommages dans les cultures. Sur certains points, les ravages ont même été si considérables, si étendus, qu’on a pu se demander si d’autres vers, spé¬ cialement des Leptodères et des Pélodères, ne venaient pas s’associer au Tylen- chus. C’est précisément dans des conditions analogues que j’ai observé celui-ci il y a quelques mois, au milieu de circonstances qui imprimaient à l’helmin- Ihiasis un caractère particulier de gravité car elle semblait due aux atteintes si¬ multanées de plusieurs Nématodes. On trouvait, en effet, mêlées aux débris des oignons infectés et représentées par de nombreux individus, les trois espèces suivantes : 1® Pelodera strongy* loïdes ; 2® Leptodera terricola ; 3® Tylenchus putrefaciens. Devait-on reconnaître à ces Helminthes une égale action nocive et leur attri¬ buer une part identique dans le développement de la maladie ? Dès les pre¬ mières observations, un tel rapprochement me parut difficilement admissible, et je crois devoir faire à cet égard des réserves formelles, en invoquant les mœurs et l’habitat ordinaire de ces différents vers, en insistant sur les dissem¬ blances que présentent leurs appareils buccaux, etc. (4). Toutefois, comme je n’avais eu à ma disposition que des fragments altérés et décomposés, je ne pouvais formuler des conclusions absolues. L’étude récente d’oignons également infectés, mais entiers, m’a permis de retrouver les Helminthes que je mentionnais plus haut et dont je me suis efforcé de rechercher la valeur respective en mettant à profit ces circonstances nouvelles et plus favorables. Quand on examine les coupes pratiquées, avec toutes les précautions néces¬ saires dans les différentes régions de V Allium cepa, on n’y trouve que le Tylen¬ chus putrefaciens. Ce ver s’y montre dans les conditions que j’ai précédemment signalées, et détermine dans les cellules, les faisceaux fibro-vasculaires, etc., les (1) Progrès Médical. (2) G. R, 14 mai 1888. — Note présentée par M. Chauveau. (3) G. R. 1883-1884. (4) Comptes rendus de la Soc. de Biologie] fév. 1888. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 291 altérations que j’ai lait connaître. La désorj^anisation et la destruction du bulbe, l’épuisement prématuré et la dessication des organes caulinaires ou appendi¬ culaires sont imputables à cette Anguillule. Quant aux Leptodères et aux Pélodères, ils ne se rencontrent que dans les réglons superficielles de la plante et ne gagnent les parties profondes que se¬ condairement, à la suite, pour ainsi dire, des Tylenchus putrefaciens. S’ils co¬ existent avec lui dans la même station, c’est seulement lorsque celle-ci a été déjà atteinte et mortifiée; cette notion présente une importance toute spéciale et l’on doit toujours en tenir compte quand on cherche à apprécier l’action nocive de ces Nématodes. On constate alors très nettement que les désordres causés par la maladie ver¬ mineuse doivent être rapportés au Tylenchus^ non aux Leptodères et Pélodères qui représentent ici de simples saprophytes. Parfois, ces vers pourront pénétrer entre les éléments altérés ; ils pourront même, s’ils sont en grand nombre con¬ courir indirectement à aggraver et à accélérer les progrès de l’helminthiasis ; mais cette complication sera toujours lardive, ne se manifestera que rarement et ne s’observera jamais que dans des limites fort étroites. Ces faits montrent avec quelle attention doivent être étudiées les maladies vermineuses des plantes ; en attendant que les Anguillules parasites soient soumises à une sérieuse révision qui permette d’établir l’exacte identité de cer¬ taines espèces dont l’autonomie semble douteuse, il est au moins indispensable de les distinguer soigneusement des Nématodes lerricoles ou accidentellement saprophytes. Johannes GHATIN. EXCURSION HYDROLOGIQUE En présence du succès de la caravane hydrologique quelle avait organisé sous son patronage en 1887, la Société française d’hygiène vient d’organiser une nouvelle excursion qui permettra de visiter dans les mêmes conditions les stations climaté¬ riques et thermo-minérales de la Suisse et des Vosges. L’excursion aura lieu du 15 au 31 août prochain. L’excursion aura lieu du 15 au 31 août prochain. L’itinéraire suivant a été adopté : Lucerne, Zurich, Pfæffers, Baden, Schinznach, Rheinfelden, Luxeuil, Plombières, Gérardmer, Bussang, Vittel, Gontrexe ville, Martigny, Bourbonne et Sermaize. La Compagnie des chemins de fer de l’Est a bien voulu accorder une réduction de 50 0|0 en faveur des excursionnistes qui prendrout part à la caravane. Des prix spéciaux sont assurés dans les hôtels. Dans les stations qui doivent être visitées, des fêtes sont préparées pour recevoir la caravane, de concert avec les mu¬ nicipalités, le corps médical et les sociétés locales. Cette excursion présentera un grand intérêt au point de vue scientifique. Des conférences seront faites dans chaque station par les mcdecins les plus compétents. Ceux qui désirent y prendre part doi¬ vent s’adresser, pour les renseignements complémentaires, à M. Joltrain, secrétaire de la Société frrnçaise, 49, avenue Wagram, a Paris. Les listes d’adhésion seront closes le 31 juillet. 292 JOURNAL DE MICROGRAPHIE OFFRES ET DEMANDES (i) A VENDRE 200. Lampe à incanciescence à air libre de Reynier-Trouvé, nickelée, neuve, au lieu de 70 francs . . . . . 50 fr. 201. Ind-icatexir de vitesse Deprez-Carpentier, neuf, au lieu de 150 fr. 120 fr. 202. Lampe Reynier à crémaillère, au lieu de 125 francs . . . . 85 fr. 203. Rydromètre Ducondun-Güichard, n® 4, au lieu de 50 fr . 40 fr. 204. Rég-nlatenr électrique à. arc système Berjot, grande course, au lieu de 225 .... ......... ...... ...... 150 fr. 205. Moteur électrique Trouvé, 3 kilogs, neuf, au lieu de 125 fr. 80 fr. 206. Moteur électrique Clovis Baudet, au lieu de 140 francs . 85 fr. 207. Blauimètre d’Amsler, en écrin, au lieu de 60 francs . 45 fr. 208. CEli artificiel de Rémy avec 12 dessins en couleur au lieu de 20 fr. 13 fr. 209. Oplatalmoscope de Wecker (Crétès) neuf en boîte gainerie. 15 fr. 210. Récepteurs de télégraplies à cadrans, système Briguet, à mou¬ vement d’horlogerie [Mors] . . . . . 14 fr. 211. Anneau Gramme, 14 c/m diam. avec arbre et collecteur construction Brégüet ... . . ..... O . 90 fr. 212. Lanternes de sûreté, de Trouvé, à parachutes, neuves . . . 40 fr. 213. Macliine Gramme, type d’atelier, réduction, 20 volts, 5 ampères. 135 fr. 214. Téléph-ones Gorneloup, métalliques, au lieu de 35 fr. la paire. . 16 fr. 215. Microscope de Sclxieclt, vis de rappel, 3 oculaires, 5 objectifs, 1, 3. 4, 7 et 9 grossissant de 24 à 1200 diamètres en boîte acajou. . ... 225 fr, 216. Compte secondes, nickelé, 10 minutes, arrêt et mise en marche instan¬ tanés . . . . ... 28 fr. 217. Compte secondes, argent, de Henri Robert, 10 minutes, . . . 65 fr. 218. Microtome a triple pince, du Eternod . 32 fr. 219. Réqulateur de lumière électrique, Serrin, construit par Vinat, au lieu de 400 francs, comme neuf . . . 160 fr* 220. Microscope E. Hartnack, droit, vis de rappel, 3 oculaires, 3 objectifs 4, 7. 9 grossissant de 50 à 1000 diamètres, appareil de polarisation, prisme pour l’éclairage oblique et boîte. ........ ... 150 fr. 221. Microscope qenre anglais, sans marque, inclinant, crémaillère double, vis de rappel, platine mobile, diaphragmes tournants 2 oculaires, 2 objectifs, appareil de polarisation, loupe mobile en tous sens. Grossissement de 60 a 600 diamètres, en boîte. ... . ...... 160 fr. 222. Microscope Naclaet. nouveau modèle, inclinant, platine en glace noire, crémaillère, vis de rappel, porte diaphragmes à excentrique, loupe sur pied, 3 oculaires, objectifs, 3, 5, et 7 grossissant de 30 de 780 diamètres, en boîte. . . . . . . ... 230 fr. 223. Microscope solaire, petit modèle, condensateur de 45, porte lumière mû par boutons molletés, complet en boîte, avec cuves, pièces pour le têtard et 12 préparations doubles. . . . 125 fr. 224. Glxambre claire Wollaston, grand prisme, barrette d’acier, 2 tirages, verres de couleur, fort modèle, neuve . 32 fr. (1) S’adresser a\i bareavi cLa Journal. — Les articles portés au pré¬ sent Catalogue sont expédiés, contre mandat ou remboursement. — La demande doit rappeler le numéro d’ordre de l’article au Catalogue. — Le port et l’emballage sont à la charge de l’acquéreur. Le Gérant: Jules Pelletan Fils. Amiens — Imprimerie Rousseau-Leroy. Douzième année 10 ' J i è î ^ ^ — - ;■ ï.| : i| 10 Août 1888 JOURNAL DE ' MICROGRAPHIE SOMMAIRE : / Revue, parle Pelletan. — Le mécanisme de la sécrétion {suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. — Evolution des Micro-orga¬ nismes animaux et végétaux parasites. — Les Mastigophores [suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. G. Balbiam. — Le troisième œil des Vertébrés {suite), leçons faites à l’Ecole d’Antropliologie,fpar le prof. Mathias Düval. — Le Microscope Anglo-Continental ou Microscope d’Etudiant de MM. Watson et Sons, par le D*" H. Van Heurck. — La Prophylaxie de la rage, par M. G. Percheron. — Sur les Nephromyces, Champignons Parisistes des Mollusques, par le prof. A. Giard. — Bibliographie. — I. Muscologia Gallica, par M. T. Husnot. — IL Matériaux pour servir à la faune des Açores, jiarM. T. Barrois. — Offres et demandes. — Avis divers. REVUE L’évènement du jour est la réunion du Congrès pour l’étude de la tuberculose, Congrès qui s’est ouvert à Paris, le 25 juillet dernier, sous la présidence de M. Chauveau. C’est avec une grande joie que nous voyons les médecins et les vétérinaires se réunir pour discuter les questions que soulève cette redoutable maladie, commune à l’homme et à un grand nombre d’animaux, et qui peut, dit-on, se transmettre des uns aux autres. M. Chauveau a ouvert la session par un discours assez emphatique, ampoulé, redondant, mais, pour le personnage ultra-officiel qu’il est, c’était le discours à faire. Puis, M. Verneuil a pris la parole et a félicité les vétérinaires de s’être réunis aux médecins pour étudier ensemble la tuberculose; et, d’ailleurs, il ne fout pas oublier que c’est à l’initiative d'un vétéri¬ naire, M. Butel, de Meaux, qu’est dû le Congrès actuel. M. Verneuil a même fait une invite aux botanistes, on ne sait pas trop pourquoi : sans doute pour cultiver le bacille de Koch. Ça n’a pas grande impor¬ tance; mais où il me parait avoir été singulièrement téméraire, c’est ({uand il a dit que ces « nombreuses cohortes des deux sortes de méde- 294 JOl'RNAL DE MICROGRAPHIE ciiis se proposent actuellement d’éjiuiser fructueusement le sujet de la tuberculose ». Que le sujet soit épuisé après le Congrès, il ne faut malheureuse¬ ment par le croire, et M. Verneuil lui-méme ne doit pas Tespérer. Sans doute, il se dira là tout ce qu’on sait aujourd’hui, tout ce qu’on suppose sur la tuberculose — et bien d’autres choses encore; — sans doute on y apportera beaucoup de travaux et on y remuera beaucoup d’idées ; mais quant à épuiser la question, vous ne le pensez pas, monsieur Verneuil, car le point le plus important de tous, — le seul important même, — le traitement et la guérison de la phtisie, n’aura pas fait un pas. Il n’y a peut-être pas de médecin qui n’ait à son actif la guérison d’un ou de plusieurs poitrinaires au début, mais en est-îl un seul qui puisse affirmer que c’est telle médication plutôt que telle autre qui a guéri ? — Ce n’est pas les inhalations fluorhydriques, ni les lavements carboniques ou sulfureux, ni toutes les panacées mi- crobicides inventées par les fabricants de spécialités pour tuer le parasite, qui ont guéri un phtisique, c’est l’hygiène, l’air, le climat et la nourriture : car tout phtisi({ue qui se nourrit peut être sauvé, et tout phtisi(fue qui ne mange pas est un homme perdu. Et nous en serons encore là après le Congrès. Et pour longtemps encore sans doute, car il ne semble pas que les chercheurs soient maintenant dans la bonne xmie. Les médecins vont lire une série de mémoires sur des questions de détail, la tuberculose de tel ou tel organe... Et après ? Les vétérinaires me paraissent, au contraire, arriver avec des con¬ clusions nettement formulées. Malheureusement, elles ne concordent pas. M. Chauveau a, dès l’ouverture du Congrès, proclamé comme un dogme imposé à la réunion la contagiosité de la tubei'culose. Je ne répugne pas à cette idée, car j’ai des faits (jui militent en sa faveur (mais je ne croirais ({u’à une contagiosité très rare et très difficile) ; néanmoins, j’aurais préféré que M. Chauveau laissât ce point de doctrine se dégager tout seul de la discussion des faits apportés au Congrès. Mais enfin, il l’a affirmé, et les vétérinaires paraissent abonder dans ce sens; ils pensent que la tuberculose peut se pro¬ pager par le lait et par la viande d’animaux tuberculeux (jui sont livrés à la consommation. Et ils proposent la saisie et la suppression du lait, des viandes et des bêtes tuberculeuses. Ils ont raison. Du moment qu’ils croient la transmission possible de la bète à l’homme, leur proposition est logique et elle s’impose, malgré les difficultés que la mesure indiquée peut présenter dans l’application. Mais, dans la discussion, il est curieux de voir combien les vétéri¬ naires, même s’accordant sur le fond, sont en désaccord sur les détails. M. Nocard pense que la viande des animaux tuberculeux n’est que très exceptionnellement dangereuse, et encore n’est-ce qu’à un fail)le degré. . J - i ) 1 I / I V -ÂVfXfilV 1 JOURNAL DE M[CROGRAl>HIE (,t l,29.'> I t 'lit 31. Arl oing affirme « par un calcn! très simple » qu’un seul bœuf tulierculeux peut exposer à la contagion 1,400 personnes. Les popu¬ lations courent donc, de ce chef, de très grands dangers. M. Baillet, de Bordeaux, dit que le rôle de la viande comme agent de transmission est très secondaire. Du reste, à Bordeaux^ il n’y a que 40 bêtes tuberculeuses sur 21 à 20 000 abattues. 31. Butel, qui conseille une extrême sévérité dans les saisies des viandes tuberculeuses « puisque cette viande fournit une forte propor¬ tion de phtisies humaines », dit que dès qu’il surgit des doutes sur la nature d’une viande, il faut l’interdire. 31. Villain, qui est, je crois, inspecteur de la boucherie à Paris, dit (|ue la tuberculose ne se montre à la Villette que dans la proportion de 6 pour 1,000, qu’il faut donc éviter de compromettre les intérêts commerciaux. 31. Dionis des Carrières affirme qu’il n’existe pas de fait certain , démontrant que la tuberculose soit transmissible par les voies diges¬ tives. Or des expériences de laboratoire ne suffisent pas pour obtenir une loi qui combat les intérêts agricoles et commerciaux. Quant au lait, il semble que tout le monde s’accorde à ne le trouver dangereux que lorsqu’il y a une lésion de la mamelle, une mammite tuberculeuse, dont les produits passent dans le lait. En somme, on voit combien les vétérinaires, aussi bien (jue les médecins, sont peu d’accord sur le degré de contagiosité de la tuber¬ culose de la bête à l’homme par les viandes, et même sur la possibi- bilité de cette transmission. Pour moi, au fond, je suis de l’avis de 31. Dionis des Carrières : il n’y a rien d’absolument prouvé; mais ([uantaux conclusions, je suis avec 31. Butel, et jepense que du moment où l’on croit la transmission possible, il n’y a pas à hésiter ; il faut sup¬ primer toutes les viandes tuberculeuses, quand même elles ne devraient, à elles toutes, produire qu’une seule phtisie humaine. — 3Iais les intérêts agricoles et commerciaux? me direz-vous. — Ça, c’est une ({uestion écon()mi({ue (pii ne me regarde pas. — Nous avons une Chambre des députés qui est nommée pour s’occuper de ces questions-là. On dit ([u’elle ne fait rien : donnez-lui cette loi à étudier, ça l’occupera, et elle la fera, — si elle en est capable. C’est, en effet, ces conclusions tendant à la suppression, même avec indemnités aux intéressés, de toutes les viandes tuberculeuses, que le Congrès a votées, — et je crois qu’il a bien fait. ¥ ♦ Je ne puis pas citer la longue série des travaux, — parfois absolu¬ ment contradictoires — que vétérinaires et médecins sont venus lire devant le Congrès, — je reviendrai, d’ailleurs, ])his tard sur ce sujet, — mais je signalerai celui de 31. Solles (de Bordeaux), qui conclutà l’existence d’un organisme ({ue présente le poumon tuberculeux de l’homme et qui n’est pas le bacille de Koch.. Il s’agit d’un micrococcics JOURNAL DE MICROGRAPHIE 29() particulier. Et alors la phtisie pulmonaire serait, comme on dit main¬ tenant, fonction de deux facteurs au moins. — Naïfs, ceux qui croyaient que la découverte des microbes pathogènes allait simplifier les choses ! Et enfin, je rapporterai, pour la contredire absolument, l’assertion de M. Chauveau relativement à la difficulté de l’inoculation des rnala- dies contagieuses par le vaccin. « Le germe turberculeux ne se déve¬ loppe pas dans ces conditions-là », a-t-il dit, et il a ajouté : « Il en est de même pour le virus syphilitique, qui ne passe pas facilement dans le liquide vaccinal. » Pour le germe tuberculeux, je n’en sais rien ; mais pour le virus syphilitique, c’est une autre affaire. J’ignore s’il passe facilement ou non dans le liquide vaccinal, mais je sais qu’il y passe, et si M. Chau¬ veau avait voulu s’en donner le peine, il aurait eu connaissance d’une série de faits abominables que les journaux ont rapportés dans ces der¬ nières années, — sans compter l’histoire de ce régiment de zouaves qui a été syphilisé à peu prés tout entier, en Afrique, par la lancette empoisonnée du vaccinateur. A propos de l’introduction de la doctrine parasitaire en médecine, on trouve tous les jours dans les comptes rendus des sociétés savantes la preuve du peu de services qu’elle a rendus jusqu’à présent. Un exemple seulement entre cent autres : Au Congrès de l’Association médicale américaine, à Cincinnati, Congrès dont les journaux français ont longuement rendu compte, la question de la pneumonie a été mise à l’ordre du jour. Pour le D"' Van Biber, cette maladie peut provenir de quatre causes prédisposantes : l’âge, le froid, l’impaludisme et l’alcool. Ces causes occasionnent de telles lésions dans l’organisme qu’un trouble ultérieur survenant, il se produit une congestion des poumons plutôt que tout autre maladie. Le D*' Whittaker trouve que les deux dernières années ont été plus fructueuses pour l’étude de la pneumonie «qu’une période antérieure de deux mille ans.» «On l’a faitrentrer dans le cadre des maladies infec- tueuses et toutes les erreurs dont elle était l’objet ont été dissipées. » Le froid, pense-t-il, ne cause jamais la pneumonie; ce sont' les mi¬ crobes de Friedlænder, de Fraenkel et divers autres,» — car il y en a plusieurs, — qui sont les agents probables de l’affection. A quoi le D"' N. S. Davis répond que la mortalité dans la pneumonie est certainement plus grande aujourd’hui qu’autrefois. Et divers ora¬ teurs cherchent à expliquer ce fait, mais ne le contestent pas. Ainsi, aujourd’hui que mécanisme de la pneumonie est, dit-on, si bien connu, les médecins n’ont pu s’entendre encore sur ses causes. Le seul point sur lequel il s’accordent, c'est que la mortalité est beaucoup plus grande qu’autrefois. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 297 Vous conviendrez que si c’est là l’unique résultat de la doctrine microbienne appliquée au traitement de la pneumonie, il n’y a pas de quoi se réjouir et chanter victoire. Il semble qu’il eût mieux valu ne pas tant poursuivre de pneumocoques et de staphyloco({ues, et guérir plus de malades. ★ 4 4 Comme on le voit, nous sommes en plein dans l’ère des Congrès, et ce n’est rien encore auprès de ce dont nous sommes menacés pour l’année prochaine. Il doit y avoir tant de Congrès, en 1889, à Paris, qu’une commission spéciale de l’Exposition a dû être nommée par le ministre afin de les organiser et de mettre un peu d’ordre parmi tous ces congressistes qui, venant de tous les pays du monde, parlant toutes les langues et s’occupant de toutes sortes de choses, pourraient se tromper, se mêler et ne pas s’entendre du tout. On comprend quelle cacophonie, si les memlires du Congrès des hygiénistes allaient se four¬ voyer au milieu du Congrès des fabricants de crochets de gouttières ! — Espérons que, grâce à la commission, de tels accidents n’arrive¬ ront pas et que tout se passera pour le plus grand avantage des congressistes et de la science. Les Congrès ont, en effet, des avantages : ils servent à rapprocher les savants les uns des autres, à leur apprendre à se connaître et à s’apprécier; ils servent à lesexeiter au travail et à faire naître entre eux une salutaire émulation ; ils servent, à certains, de débouchés pour placer des discours qui, s’il leurs restaient sur la conscience, pour¬ raient être funestes à leur santé ou à celle de leurs voisins ; à d’autres, ils servent de prétexte pour un déplacement, d’occasion pour un voyage; aussi, les Congrès à Paris sont-ils particulièrement recher¬ chés. Beaucoup de savants en profitent pour venir voir la grande ville et s’y dégourdir un hrin. Cela se comprend, n’est-ce pas ? , Mais si les Congrès offrent tous ces avantages à ceux qui y pren¬ nent part, servent-ils autant à l’avancement de la science ? — Il est permis d’en douter. Pour les sciences dites exactes, les sciences physiques ou chimiques, expérimentales, je crois ({ue les Congrès sont fort utiles. Tel a été le Congrès des électriciens, où l’on a établi en commun le sens de certains mots, fixé la valeur de diverses unités; dans ces réunions, les cher¬ cheurs exhibent des appareils nouveaux, expliquent le principe sur le({uel ceux-ci sont fondés, comment ils fonctionnent et l’cffetqu’ils pro¬ duisent. Les assistants examinent, constatent, s’instruisent. Mais, pour les sciences d’observation, hiologi({ues et, en particulier, médicales, il s’en faut ({ue l’utilité des Congrès soit aussi manifeste. Supposez une réunion do thérapeutistes : chacun lit un mémoire sur l’action d’un médicament- et cite, à l’appui, les résultats excellents qu’il en a obtenus. Et alors, de deux choses l’une : ou bien personne n’y fait attention, chacun se préoccupant de sa propre affaire et pas 298 JOURNAL DE MICROGRAPHIE du tout de celle des autres; ou bien un confrère sc lève et soutient que c’est tout le contraire, que le médicament en question agit tout autre¬ ment, et cite des faits à l’appui. Quelle instruction [voulez-vous que les assistants en retirent et ({u’est-ce ({lie vous voulez qu’ils en concluent, si ce n’est que le premier orateur est un farceur, — à moins que le second n’en soit un autre ? Moralité : Faut des Congrès, pas trop n’en faut. 1). J. P. TRAVAUX ORIGINAUX LE MÉCANISME DE LA SÉCRÉTION Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le profeseur L. Raxvier. , (1) Il se présente maintenant une question bien intéressante, et je dirai bien difficile, quoique très simple en apparence : où sont situées les vacuoles ? Nous savons à priori qu’une cellule caliciforme est un élément assez complexe puisqu’elle possède un noyau, une substance granu¬ leuse protoplasmique qui l’entoure, un réticulum protoplasmique qui s’étend dans la cellule, et enfin du mucigène. Les vacuoles peuvent être situées dans le protoplasma ou dans le mucigène : dans le pro¬ toplasma qui occupe le fond de la cellule, dans les travées du réti¬ culum, dans la membrane protoplasmique qui entoure la cellule. — Elles peuvent aussi, ai-je dit, être dans le mucigène. Quand on examine la membrane à plat, on voit que les vacuoles forment un groupe assez nettement limité, qui se trouve dans la région profonde, et il est vraisemblable qu’elles se trouvent dans le proto¬ plasma qui avoisine le noyau. Mais quand on observe avec attention, on voit ces vacuoles se déplacer dans le sens vertical ; il semble qu’elles ne sont pas toutes nécessairement situées dans la masse protoplas- (1) Noiv Journal de Microqra’plde, T. X, 1886; T. XI, 1887; T. XII, 1888, p. 2, 35, 65, 104, 212, 243. U J. P. sténogr. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 299 inique profonde de la cellule, qu’il y en a qui se rapprochent davan¬ tage que les autres de l’orifice de la cellule caliciforme. Pour bien juger de la question, il faudrait voir les cellules calici¬ formes de profil. Pour cela, il faudrait les isoler et les observer lors¬ qu’elles roulent dans le liquide additionnel, ou les étudier sur une coupe de la muqueuse perpendiculaire à la surface. C’est de toute évidence ; mais on ne fait pas une coupe, sur une membrane vivante, d’une semblable minceur ; cela n’est pas possible. On ne peut guère étudier que sur des vues à plat ou sur des cellules dissociées roulant librement dans le liquide de la préparation, ou enfin sur des coupes de lambeaux de l’épithélium détachés après dissociation. Cela paraît simple, mais j’ai fait pour y arriver des recherches déjà extrêmement nombreuses, dont la plupart ont été infructueuses. .Te vous ai déjà dit que dans les glandes muqueuses qui ont été excitées pendant longtemps de manière à modifier les éléments cel¬ lulaires, on voyait des espaces clairs, et qu’on ne savait s’ils étaient occupés par du mucigène ou de la sérosité, parce que l’acide osmique et la plupart des réactifs colorants ne colorent pas plus le mucigène que la sérosité. On peut essayer l’action de l’alcool au tiers seul ou suivie de l’ex¬ position aux vapeurs d’acide osmique, et notre petit anneau de pla¬ tine rend là ’de grands services. On fait une préparation de la mem¬ brane rétro-linguale; on l’examine, et Ton constate qu’elle est très riche en cellules caliciformes et que celles-ci sont presque toutes vacuolisées. Cette constatation faite, on enlève la lamelle : l’anneau de platine maintient en place la membrane, qui sans cela se chiffonne¬ rait c(mîme un linge mouillé. On prend alors le porte-objet avec la petite membrane qui y est fixée, on le met dans une soucoupe et l’on ajoute de l’alcool au tiers. On laisse agir pendant douze à vingt-quatre heures ; puis, avec un scalpel, on enlève le revête¬ ment épithélial de la région riche en cellules caliciformes. On peut aussi exposer la membrane aux vapeurs d’acide osmique après avoir fait agir l’alcool au tiers. Voilà donc les cellules dissociées, puis fixées dans leur forme. — C’est cette méthode de fixation après dissociation qui m’a rendu de si grands services dans l’étude de la rétine et d’une série de tissus. L’acide osmique ayant agi pendant cinq à six minutes, on racle répithélium, on le dissocie dans une goutte d’eau, on ajoute du picrocarminate ou de l’hématoxyline nouvelle, on substitue très len¬ tement de la glycérine, on recouvre d’une lamelle, et l’on examine. Les cellules sont très curieuses. Elles ne sont pas faites comme les autres : elles n’ont pas de queue. Elles sont régulièrement sphériques 300 JOURNAL DE MICROGRAPHIE dans tous les sens ; à un pôle, il y a une petite ouverture, et au pôle opposé on voit le noyau aplati et couché dans une lame de proto¬ plasma semi-lunaire qui se perd sur la membrane cellulaire. A Tinté- rieur est un réticulum très peu riche. Généralement, après l’action de l’alcool au tiers, il s’échappe par l’ouverture un bouchon de niuci- gène expulsé ou de mucus. Mais de vacuoles, point. J’ai essayé Taction directe des vapeurs d’acide osmique. J’examine la préparation : les cellules caliciformes sont pleines de vacuoles; je détermine la région, j'enlève 1^ lamelle de verre, l’anneau maintient tout en place, et j’expose la membrane aux vapeurs d’acide osmique. C’est un moyen puissant qui fixe tous ou presque tous les détails organiques : je vous ai montré que dans la cornée, les cellules appa¬ raissent après un séjour convenable dans la chambre humide. L’acide osmique fixe les cellules comme elles sont. Si, dans la membrane rétro-linguale, les cellules ne se voient pas comme dans la cornée vivante,' l’acide osmique les fixe ainsi et elles demeurent invisibles. Eh bien ! l’acide osmique en vapeurs ne fixe pas les vacuoles : la lamelle en place, on ne voit plus de vacuoles. J’ai alors essayé le chlorure d’or, la méthode de l’or bouilli et du jus de citron; j’ai essayé le nitrate d’argent. Et l’on a avec le nitrate d’argent des préparations admirables, qui montrent supérieurement les différentes cellules; dans les cellules caliciformes on distingue nettement l’orifice, limité par une ligne noire ; on voit très bien le contour, et même une partie des travées protoplasmiques ; mais pour les vacuoles, impossible de les voir. Pour vous dire comment je suis arrivé à un résultat déjà fort remarquable, il faut que je vous parle de la manière d’exciter par un courant interrompu une région à mon choix de la membrane. J’ai examiné la membrane, j’ai vu dans tel ou tel endroit, dans un espace d’un demi-millimètre peut-être, un petit groupe de cellules avec vacuoles : je voudrais l’exciter délicatement. Pour cela, je prends un peu de papier d’étain dans lequel je coupe deux languettes pointues entre les pointes desquelles je place la petite région que je veux exciter, et dont les autres bouts plus larges s’étendent de chaque côté jusqu’au bord du porte-objet. Je puis ainsi porter le courant sur les plus petites parties. J’ajoute une quantité suffisante de liquide additionnel, je recouvre d’une lamelle et je borde à la paraffine, les deux bandes d’étain pénétrant ainsi dans la préparation et s’étendant en dehors de la bordure jusqu’aux extrémités de la lame porte-objet. D’autre part, je prépare deux petites masses de plomb aplaties d’un côté et percées d’un petit trou. Dans ce trou j’engage un fil de pla¬ tine et je l’y fixe avec une goutte de cire à cacheter. Chaque fil de JOrilNAL DE MICROGRAPHIE 301 platine est en rapport avec un pôle de la pile ou de Tappareil d’induc¬ tion. La préparation étant disposée sous le microscope, je place une des petites masses de plomb sur une des bandes d’étain, l’autre sur la bande du côté opposé ; les fils de platine qui traversent ces masses sont ainsi fortement appliqués, par le poids du plomb, sur les lames d’étain, et le courant passe facilement. On peut même déplacer la lame de verre, les deux petites masses de plomb la suivent parce que les fils qui conduisent le courant sont des fils souples. J’avais donc excité les cellules caliciformes par cepiocédé et enle¬ vé la lamelle pour essayer de les fixer [)ar les vapeurs d’acide osmique. La préparation avait été laissée à imtte action du jour aulendemain... Le lendemain, je la trouvai toute noire. Qu’était-il arrivé ? Elle était couverte d'un liquide de. couleur jus de pruneau. Avais-je donc laissé du sang sur la membrane, car sa coloration rappelait celle de l’hématine ? — Non. — Je lavai la préparation dans une soucoupe, et il s’en dégagea un nuage violacé. Je la portai alors sous le miscros- cope, et jamais je ne fus aussi surpris: toutes les cellules caliciformes, qu’aucun réactif ne colore, avaient maintenant une belle coloration violette et les vacuoles étaient incolores. Nous avons donc maintenant un réactif pour colorer le mucigène, réactif qui ne colore par les vacuoles. Nous pouvons, grâce à ce réac¬ tif, suivre avec plus d’exactitude que je n’avais pu le faire aupara- ravant les phénomènes qui se passent dans les glandes muqueuses pures et muqueuses mixtes ; nous pouvons poursuivre les modifica¬ tions qui se produisent dans les cellules caliciformes, ce qu’il nous a été impossible de faire jusqu’à présent parce que nous ne pouvions pas distinguer les vacuoles du macigène. En résumé, il y a dans la muqueuse de la membrane rétro-linguale des cellules caliciformes qui, presque toutes, présentent des vacuoles. Celles-ci, vous le savez, sont caractérisées par ce fait qu’elles devien¬ nent obscures quand on éloigne l’objectif après qu’il a été mis exac¬ tement au point. Ces vacuoles sont soumises à des mouvements qui appartiennent à la vie puisque, quand l’élément cellulaire est mort par asphyxie ou par tout antre procédé, les vacuoles deviennent immobiles. Ce sont donc bien des mouvements d’ordre vital, et non physique ni chimique, comme on le dit généralement. Non seulement, les vacuoles sont soumises à des mouvements qui les déplacent dans les cellules, mais encore elles peuvent disparaître tout à fait alors que d’autres vacuoles apparaissent dans des points voisins. Si l’on note ces mouvements quand les cellules sont bien vivantes et qu’il y a de l’oxygène en suffisante quantité dans la préparation, on 302 JOURNAL 1)?: MICROGRAPHIE A^oit qu’ils sont très rapides ; de sorte que si on les dessine, alors qu’on arrive à la fin du dessin, les choses sont déjà changées. Et le dessin est indispensa])le pour bien observer. 11 ne faut pas examiner les va¬ cuoles en bloc ; il faut en suhTe une toute seule, en particulier, la dessiner, et l’on voit que peu à peu elle revient sur elle-même, prend, line forme anguleuse, puis devient une simple fente dont les lèATes se soudent bientôt, et la vacuole disparaît. Ce sont là des faits extrêmement intéressants, non seulement en eux-mêmes, mais aussi au point de vue où nous devons nous placer cette année, le mécanisme de la sécrétion. Pour aller plus loin, il est indispensable de poursuivre l’analyse des cellules contenues dans l’épithélium de la muqueuse rétro-linguale. Essayons maintenant de faire cette analvse. Déjà, je vous ai montré qu’à l’inverse de l’immobilisation des va¬ cuoles par l’asphyxie ou la mort, on peut rendre les mouvements vacuo- laires plus intenses en excitant la membrane par des courants d’induc¬ tion interrompus d’une force convenable. Nous avons vu même qu’en employant des courants relativement très forts, on peut, en excitant assez longtemps, produire, au moins dans les cellules au voisinage des électrodes, une Amcuolisation assez complète pour déterminer le départ ou la disparition de tout le mucigène. Je vous ai dit combien il est intéressant de fixer les cellules muqueuses caliciformes dans lesquelles on observe des vacuoles et de fixer les vacuoles d’une cel¬ lule à un moment déterminé ; je viens de vous dire qu’après des essais nombreux et longtemps infructueux, j e suis arrivé par hasard à une méthode tout à fait extraordinaire au point de vue chimique, qui montre le mucigène coloré en AÛolet ou en brun foncé et les vacuoles absolument incolores, méthode qui consiste à faire agir sur la prépa¬ ration les Ampeurs d’acide osmique en présence de l’étain. J’ai cher¬ ché dans les traités de chimie, notamment dans le Dictionnaire de Chimie de Wurtz, et je n’ai rien troiwé au sujet de cette réaction. On sait que le chlorure d’étain est un corps réducteur, voilà tout. Jeme suis adressé aux chimistes les plus compétents, et jusqu’à présent je n’ai pas obtenu de réponse satisfaisante. C’est une question des plus curieuses ; mais pour le moment laissons la où nous l’aA^ons amenée : le point de chimie générale dont il s’agit ne nous concerne pas. Ainsi, les cellules sont colorées en violet au A^oisinage de la lame d’étain, tandis que celles qui sont plus éloignées sont incolores. Mais je A^ous ai dit aussi qu’il se produit une substance colorante jaune violacée, comme du jus de pruneaux; aussi faut-il hiA'erà l’eau, et si l’on examine alors les cellules caliciformes, on les trouve admirable¬ ment colorées. Ce sont des préparations tout à fait extraordinaires. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 303 Néanmoins, au contact de Teau, la teinte yiolacée disparaît, puis la teinte jaune et il ne reste plus qu’une teinte grise, et au bout de deux ou trois jours il n’y a plus de coloration. Ce résultat n’est pas étonnant, la matière colorante formée sous rinfluence de l’osmium et de l’étain se dissout dans l’eau. Elle reste combinée au mucigène, mais elle finit par se dissoudre. J’ai essayé l’eau salée, la glycérine, etc., comme liquides conservateurs, et la matière colorante se dissout encore. Les chimistes n’ont pas pu me donner de renseignements à ce sujet, mais je suis arrivé moi-même à trouver le fixateur : c’est l’alcool. (A saicre.) ÉVOll'TlOîi DES MICRO-ORGAiSHES AlUADX Eî VÉGÉTAUX PARASITES Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le Professeur G. Balbiani LES MASTIGOPHORES (Suite) (1) Avant de parler des phénomènes de copulation, il est bon de dire quelques mots sur la manière dont les colonies se forment, principale¬ ment par fissiparité. Un premier cas de formation coloniale est présenté par le Colachmi calmtm et le Chlorangium stentorinum. Sous son enveloppe, le corps de la mère, qui est fixé par un pédoncule sur un corps étranger, se divise longitudinalement en deux moitiés qui restent attachées au même pédoncule. Puis, chacune de ces moitiés se divise en deux autres, toujours longitudinalement. Il y a alors quatre segments, qui deviennent cylindriques et qui s’isolent en se séparant sur le pédoncule commun. Mais bientôt chacun d’eux sécrète un pédicelle particulier sur celui de la mère, qui paraît ainsi divisé en quatre rameaux dont chacun porte un individu fixé {Colacium) . Au ])out d’un certain temps, ces individus abandonnent leur pédoncule, (\). y o'w Journal de Micrographie T, X. 1886; T. XI, 1887; T. XII, 1888, p. 41, 134, 225, 266. — J. P. sténogr. 304 > JOURNAL DE MICROGRAPHIE se modifient im peu dans leur forme et prennent un llagellum ; ils entrent alors dans la vie active. Le Chlorangimn stentorinum se comporte de même, mais les segments poussent des pédoncules plus ou moins longs, d’où il résulte que la colonie prend l’aspect d’un petit arhre. Tel est le premier mode de formation de colonies, colonies fixes et sédentaires, sur des surfaces inertes ou sur des animaux. Mais il Y a aussi des colonies libres et lloltantes, composées ordinairement d’un grand nombre d’individus, VUroglena Volvox, le Sgncripta Volvox, etc. Elles différent beaucoup les unes des autres par le mode d’agrégation. Le plus souvent, les individus sont libres, leurs connexions avec leurs voisins ne se produisant que par une partie du corps. Chez le Sgncripta Volvox, les queues de tous les individus sont réunies : la division longitudinale ne s’est pas étendue jusqu’à l’extrémité postérieure et tous les êtres sont confon¬ dus à cette extrémité ou queue. Il y a beaucoup de modifications au point de vue de la constitution des individus qui composent les colonies. Fréquemment, on observe des colonies formées par de grosses boules gélatineuses, à la surface desquelles les individus sont placés, leur partie postérieure dirigée vers le centre de la boule. Tel est par exemple le Volvox glohator. Une autre forme est fournie par V Anthophysa vegetans, petite Monade qui sécrète une tige brune, ramifiée, de manière à repré¬ senter un petit arbre. Cet organisme est assez commun dans les eaux putréfiées. Je ne puis insister longuement sur ces détails ; j'ai cru devoir vous dire quelques mots de ces formes revendiquées par les botanistes et les zoologistes. L’un des plus communs, le Gonium pectorale est composé de seize cellules constituant une simple plaque. Chaque individu pris isolément a la même structure qu’un Chlamycloraonas ; ils sont seulement adhérents les uns aux autres par leurs parties latérales, du moins les douze qui forment les bords de la plaque, les quatre autres étant au centre. Une autre forme commune est le Pandorina morum, constitué par un groupe de 16 à 32 cellules, le plus smvent 16, réunies géomé¬ triquement, comme les grains d’une mûre, sous une épaisse enveloppe gélatineuse ; chaque cellule a un point rouge et envoie deux flagel- lums à travers l’enveloppe commune. Ce sont là de véritables colonies de Chlainydomonas , aussi Cohn les avait-il appelées « Chlamydomonades coloniales » ou « coin- JO[^RNAL DE MICROGRAPHIE 305 posées », dont les Chlamydonionas et Chlamydococcits représen¬ taient les formes libres (2). V Exidorina elegaxis est beaucoup plus rare. Les colonies sont le plus souvent composées de 32 individus, plus rarement de 16, sous une enveloppe commune, sphérique ou ovoïde, servant de protec¬ tion aux cellules. Mais au lieu de se toucher, comme dans le Pandorina, les cellules sont distantes les unes des autres, très régulièrement disposées contre l’enveloppe, et non réunies au centre ; chaque individu a d’ailleurs la même structure que les autres, deux llagellums sortant au dehors, un œil rouge, etc. Le Ste'phaxiosphœra phivialis n’a jamais, que je sache, été observé en France; il a été vu en Allemagne, où il est rare. Les individus qui le composent, au lieu d’être globuleux, sont allongés et ne sont pas disposés sur toute la surface de l’enveloppe sphérique qui les renferme, mais sur un cercle qui marque l’équateur de la sphère. Ils ont deux flagellums qui sortent à travers l’enveloppe. Les Volüox sont formés par de grosses boules gélatineuses, dans lesquelles les individus composants, enfermés chacun dans une enveloppe spéciale, sont disposés à la surface de la boule, serrés les uns contre les autres et séparés par leur enveloppe propre ; mais ils communiquent tous ensemble par des filaments protoplasmiques, qui les réunissent comme dans un réseau de mailles hexagonales dont chaque nœud est une cellule de Chlainydococcus ^ c’est-à-dire une cellule dans laquelle la matière verte est suspendue dans son enve¬ loppe sans la toucher. A travers cette enveloppe, chaque individu envoie deux flagellums à l’extérieur ; il présente un point rouge et com¬ munique avec les autres par les filaments, qui sont probablement des conducteurs, comme des fils télégraphiques, qui mettent en quelque sorte les diverses cellules en harmonie. Car pour qu’une masse aussi grosse, composée d’individus souvent au nombre de plus de 2,000, puisse se mouvoir dans un sens déterminé, il faut nécessairement qu’il y ait entre eux un certain consensus pour établir l’harmonie ' JOURNAL DE MICRCGRAPHIE 315 velles; mais c’est dans ces derniers temps surtout qu’ils se sont adonnés pleinement et avec grand succès aux appareils de microgra¬ phie. Ils les construisent avec un soin extrême et à un prix très sou¬ vent inférieur à celui que l’on paie sur le continent. Nous avons eu l’occasion d’examiner dernièrement deux de leurs instruments : un grand modèle très complet et très élégant, et un microscope de prix moindre, (|ue cos constructeurs opposent aux ins¬ truments du continent. C’est ce dernier instrument, le microscope anglo-continental ou microscope d’étudiant, que nous allons décrire ici. L’instrument se construit sous trois formes, qui ne diffèrent que par la perfection des diverses pièces. Nous examinerons d’abord le modèle n® 3, qui est le plus complet. Le pied est en cuivre bronzé à l’antimoine et verni; il a la forme ordinaire, en fer à cheval, mais plus grand qu’on ne le construit habi¬ tuellement; aussi, la stabilité du microscope, dans toutes les inclinaisons de l’appareil optique, est-elle parfaite. Le pied porte une solide colonne en cuivre poli, terminée supérieu¬ rement par une charnière qui la relie à la platine. La platine est fort épaisse et a 8 l/:2 cent, de côté; elle est polie sur les bUrds et noircie inférieurement et supérieurement; elle a des trous antérieurement et postérieurement, afin que les valets, qui sont cons¬ titués par des ressorts à pression très douce, puissent être fixés dans la position la plus commode. Nous trouvons que ceci est une excel¬ lente disposition, qui devrait être adoptée pour tous les instruments. En effet, avec les deux ouvertures situées près du mouvement lent, comme cela a lieu dans les microscopes continentaux, il est impos¬ sible de fixer le slide dans une position quelconque, par exemple parallèlement aux côtés latéraux de la platine. Or, cela est cependant absolument nécessaire dans certains cas, par exemple pour le dessin ou pour la photographie. La colonne ({ui porte le tube du microscope dans nos instruments habituels est remplacée par un bras élégant, en cuivre bronzé, et ({ui rapjjelle l’organe analogue des grands modèles anglais. Ce bras, creux inférieurement, renferme un puissant ressort à levier, qui agit sur la coulisse qui porte le tube et le fait monter ou descendre tout d’une pièce. Le bouton du mouvement lent est très grand, il est divisé en cen¬ tièmes de pouce anglais et tourne devant un index. La vis est très line, d’une excessive douceur et permet la mise au ])oint la plus délicate. Le mouvemeni rapide est donné par une crémaillère très douce, mue par de larges boutons. Les pièces du mouvement lent aussi bien (pie celles du mouvement rapide sont guidées par des coulisseaux ajustables, comme dans tous les grands modèles anglais. Cet ajustement est, selon nous, très impor¬ tant ; le système des guides fixes, que l’on adopte sur le continent. A 316 JOURNAL DE MICROGRAPHIE ^ ' donne des résultats parfaits dans les premiers temps. Mais, pour peu ({ue l’instrument soit manié fréquemment, bientôt il se produit de l’usure et du ballottement auxquels l’observateur ne peut guère remé¬ dier. Le tube du microscope a 2o cent, de longueur, il est à tirage et est gradué en centimètres. Il est disposé pour recevoir les oculaires conti¬ nentaux et porte inférieurement le pas de vis anglais. Les organes de l’instrument servant à l’éclairage sont mieux com¬ pris et plus complets que dans nos microscopes du continent. Nous trouvons d’abord une véritable sous-platine, pouvant monter ou descendre de même qu’être rentrée par des boutons latéraux. L’ouverture de cette platine est identique à celle des grands ins¬ truments anglais ; on peut donc instantanément appliquer au micros¬ cope n’importe quel condenseur ou accessoire anglais. JOURNAL DE MICROGRAPHIE :U7 La sous-platine est portée pai* un bras, qui, mobile sur un pivot, peut être complètement écarté de l’axe en laissant le miroir libre. Ce miroir, plan d’un côté et concave de l’autre, est suspendu à une longue barre, qui porte inférieurement une coulisse qui permet de rap¬ procher ou d’écarter ce miroir de la platine une articulation permet en outre de le porter en avant. La monture que nous venons de décrire peut s’acheter isolément, mais MM. Watson la fournissent habituellement renfermée dans une boîte en acajou et accompagnée de deux oculaires, de deux objectifs et d’un conden¬ seur Abbe modifié. Les oculaires, nickelés, ont la forme des oculaires continentaux; ils sont analogues, comme grossissement, aux numéros 2 et 4 de Zeiss et de Reichert. L’objectif de un pouce est très bon, les images des préparations histologiques sont très nettes et très pures. L’objectif supporte un oculaire grossissant sans perte notable de netteté. Le sixième de pouce est également un excellent objectif pour toutes les recherches courantes, la distance frontale est longue, et les images sont pures et nettes. Dans l’éclai¬ rage oblique, le Pleurosigma préparé au styrax se résout avec une grande netteté. Pour le travail histologique, l’objectif ne laisse rien à désirer. Le condenseur est, sous le rapport opti¬ que, tout à fait semblable au modèle de M. Zeiss de 1, 2. N. A. (i); mais la partie mécanique est beaucoup plus simple et moins pratique. Elle consiste en un simple porte-diaphragmes et ne permet la lumière oblique que par l’intermédiaire de diaphrag¬ mes spéciaux. Tel qu’il est, sans donner toutes les ressources que permettent les condenseurs Abbe de M. Zeiss, l’appareil suffit cependant dans la plu¬ part des cas. Le microscope avec les objectifs, etc., comme nous venons de le décrire coûte 275 francs. Isolément, la monture peut s’acquérir pour fr. 160. (1} O. N. (Ouverture numérique = 1,2). D*’ J. P. Appareil microphotographique de MM. Watson and Sons. JOURNAL DE :snCROGRAPHIE IMS Xous avons dit plus liant que Tinstrument sc fabrique aussi sous forme plus simple : c’est ainsi ({ue le modèle (fue nous représentons ici ne coûte que fr. 80 pour la monture seule, et fr. 200 quand elle est accompagnée des objectifs, des oculaires et du condenseur. (Fig 1). Quand le mouvement prompt à glissement de ce modèle est rem¬ placé par la crémaillière, alors le prix de l’ensemble s’élève à fr. 220. MM. Watson ont combiné un appareil pbotomicrographique excel¬ lent, spécialement adapté pour les microscopes que nous venons de décrire. On nous saura gré aussi de faire connaître ce modèle, qui est approprié pour tous les modèles continentaux et dont le prix (fr. 120) est très peu élevé. Cet appareil, qui est représenté dans la fig. 2, se compose d’une vhambre noire en acajou, format demi-plaque anglaise, dont le souflet permet un tirage de 75 centimètres; une échelle divisée, incrustée dans le pied de la cbambre, indique sans cesse la lon¬ gueur de la partie tirée, ce qui permet de connaître immédiatement l’amplification, mesurée antérieurement une fois pour toutes. La partie antérieure de la chambre (ce que la figure n’indique pas) se compose de deux plateaux superposés, dont le supérieur tourne sur son centre. A l’aide de ce mouvement, on a devant soi l’oculaire du microscope; que l’on ajuste comme on le désire, de même que la lampe, et, lorsque le tout est disposé convenablement, on fait décrire un quart de tour à l’ensemble, et, l’oculaire se présentant devant l’ou¬ verture de la chambre noire, on n’a plus qu’à mettre au point sur le verre dépoli. Cela se fait à l’aide de la tige qui est placée sur le côté de la chambre, et qui agit sur le mouvement lent du microscope par l’intermédiaire d'une bandelette en caoutchouc. I)’’ H. Vax Heurck Directeur du Jardin Botanique d’Anvers. LA PROPHYLAXIE DE LA RAGE La question de la prophylaxie de la rage est-elle donc insoluble ? On le croirait. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas du côté de M. Pasteur que semble devoir venir la solution. N’a-t-il pas, l’autre jour, au cours d’une séance du Conseil d’hygiène, adjuré le préfet de police de tenir la main, aussi fermement que possible, à l’exécution des mesures der¬ nièrement édictées contre les chiens et leurs propriétaires ? J’ignore de quel œil tous ceux qui communient à la même table et (1) La Semaine Yètèrinaire. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 319 SOUS les mêmes espèces que M. Pasteur ont vu cet appel de leur pontife à la sévérité administrative, — appel qui dissimule mal un aveu d’impuissance ; ce que je sais, c’est que le public, que n’éblouis¬ sent plus, aujourd’hui, les feux d’artifice tirés parles journaux en l’honneur de M. Pasteur, commence à y voir clair et à regretter l’argent qu’il a donné pour la construction d’un Institut de vaccination antira¬ bique. Car, il ne faut pas se le dissimuler, si le public s’est exécuté de si bonne grâce quand M. Pasteur lui a demandé de quoi bâtir son Ins¬ titut, c’est que ledit public croyait à la guérison de la rage, il se croyait à jamais garanti contre les atteintes du terrible mal. Et voici main¬ tenant que les vexations de la police lui apprennent que la rage sévit plus désespérément que jamais, et que le meilleur moyen de la com¬ battre est de revenir à l’application stricte des mesures de police sani¬ taire. Avoir donné deux millions pour se voir débarrassé d’un mal ([u’on redoute, et apprendre qu’on y est plus en butte que jamais ; avoir donné deux millions, et être exposé, par-dessus le marché, à payer, à chaque instant, des amendes pour contraventions aux régle¬ ments de police, avouez c’est que raide. Aussi le public commence-t-il à déchanter, et, ma foi, il a bien raison. Il faut bien ajouter qu’on a une singulière façon d’opérer à l’Institut Pasteur. Vous doutiez-vous que le soin de faire les inoculations expéri¬ mentales destinées à éclairer le diagnostic dans les cas douteux fut abandonné à un garçon de laboratoire ? J'avoue que, pour ma part, je ne m’en doutais point. Et, il n’y a pas lieu de répudier le fait : il nous est affirmé par un homme qui s’est cramponné, aussi étroite¬ ment que possible, à la fortune de M. Pasteur: il nous est affirmé par M. Nocard lui-méme. Il est vrai que M. Nocard n’y a pas vu malice. Il a raconté la chose bonnement, simplement, à la Société de médecine vétérinaire pratique. Etonnez-vous après cela de l’aventure arrivée à nos confrères MM. Renaud et Rossignol. Voici pourM. Renaud: « Un chien, dit notre confrère de Rueil, avait mordu une personne, d’autres chiens ses camarades et plusieurs vaches dans une étable. Ce chien était devenu inabordable. Je fus appelé pour le voir et, bien que le trouvant à l’agonie, je conclus à l’existence de la rage. La personne mordue a été envoyée au laboratoire de M. Pasteur, où le cadavre du chien fut également transporté. Là, il fut répondu ({ue le chien n’était nullement enragé et aucune précaution ne fut prise. Cepen¬ dant je mis les animaux mordus en surveillance. Environ vingt jours après, mon client reçut une lettre de l’Institut annonçant que le chien était enragé. Dans cet intervalle,j’avais constaté la rage chez une vache; antérieurement, une autre avait été abattue parce qu’elle ne mangeait plus, puis une troisième avait également présenté les symptômes rabiques et avait été abattue ainsi que les chiens mordus. ^20 JOl'RNAL DE MICROGRAPHIE « Mon client se rendit à l’Institut Pasteur, demandant ce qu’il fallait faire à l’égard de la personne mordue ; il fut répondu qu’en raison du laps de temps écoulé depuis la morsure, il ne fallait pas parler de rage au mordu, car il serait trop tard pour vacciner utilement. » Vous m’avouerez que ceux qui traitent irrévérencieusement de (( bouti(|ue » l’établissement où se passent de pareils faits n’ont pas tout à fait tort. Voulez-vous maintenant connaître le cas de M. Rossignol ? Oyez : « Un de mes clients, dit le secrétaire général de la Société de médecine vétérinaire pratique, m’apporte le cadavre d’un roquet qui était mort dans les circonstances suivantes : « Ce roquet, très agressif, s’attaquait d’habitude aux plus gros chiens ; la veille, il s’était jeté sur un gros terre-neuve, son compa¬ gnon de tous les jours, il s’était acharné après lui ; pour les séparer, on lança un coup de pied au roquet, qui se réfugia immédiatement dans une écurie, et c’est là qu'on le trouva mort le lendemain. Son cadavre me fut apporté aussitôt. (( Ce chien, dont je vous apporte le cadavre, me dit le propriétaire, a mordu mon beau-père, ma belle-sœur et mon domestique, mais il n’était pas enragé; je suis persuadé qu’il est mort du coup de pied qu’il a reçu. Toutefois, je viens vous demander d’en faire l’autopsie alin de tranquilliser les personnes mordues. J’avoue que j’étais très em¬ barrassé pour procéder à cette autopsie : les commémoratifs qui m’étaient fournis me laissaient des doutes. Aussi je conseillai à mon client de porter le chien au laboratoire de M. Pasteur, et j’écrivis moi- même à M. Pasteur pour le prier de bien vouloir faire lui-méme l’au¬ topsie de ce chien et inoculer des lapins. Sans doute M. Pasteur ne dérogea pas à ses habitudes, et c’est le garçon de laboratoire qui, selon la coutume de l’établissement, pra¬ tiqua l’autopsie, car écoutez ce qu’il advint : « M. Pasteur, poursuit M. Rossignol, me répondit le lendemain que le chien était mort d’une hémorragie interne, suite du coup de pied donné, et qu’il n’y avait pas lieu de craindre la rage. « Je m’empressai d’informer mon client du résultat de l’autopsie. (( Vingt jours plus tard, je reçus une lettre de M. Pasteur, dans laquelle il me disait : « J’ai inoculé le bulbe du chien à deux lapins, ces deux lapins sont morts de la rage. Que faire ? » On ne peut, vraiment, faire montre de plus de légèreté. Et puis, que dites-vous de ce « que faire? » sortant de la bouche d’un homme auquel justement vous veniez demander assistance ? J’ai pensé aussitôt, dit en terminant M. Rossignol, qu’il était urgent de conseiller aux personnes mordues de se faire vacciner. Je me suis JOURNAL DE MICROGRAPHIE 321 concerté avec le docteur Barraqué, médecin de la maison ; après bien des précautions oratoires, nous avons dit finalement à ces personnes que M. Pasteur désirait les voir et les interroger parce ipic leur cas était des plus curieux; elles se décidèrent à aller rue d’ülm, où elles furent vaccinées et d’où elles revinrent enchantées et exemptes de toute appréhension pour l’avenir. » Tant mieux pour elles ! Mais comment se fait-il ({ue, dans le cas rapporté par M. Renaud, on se soit refusé, à l’Institut Pasteur, à pra¬ tiquer la vaccination, par ce qu’en raison du laps de temps écoulé depuis la morsure, « il était trop tard pour vacciner utilement, » et que, dans le cas cité par M. Rossignol, on a mis tout en œuvre pour pratiquer envers et contre tous ladite vaccination? Et, pourtant, dans les deux cas, c’est vingt jours après avoir déclaré que les animaux envoyés au laboratoire n’étaient nullement enragés que M. Pasteur écrivait ou faisait écrire à nos confrères qu’il y avait eu mal donne, que les animaux avaient bien succombé à la rage! En vérité, tout cela n’est-il pas écœurant? G. Perchrron. SUR LES NEPHROMYCES CHAMPIGNONS PARASITES DU REIN DES MOLLUSQUES Dans un beau travail sur le Cyclostoma elerjans, M. Garnault (1) a signalé récemment l’existence chez ce Mollusque d’un organe fermé [(/lande à concré¬ tions ^ de Claparède) qui contient à la fois des produits uriques et des bacilles sym- biotes. J’ai observé depuis bien des années des phénomènes de symbiose de même nature dans l’organe rénal entièrement clos des Ascidies de la famille des Molgulidées. Mais, chez ces animaux, les Champignons symbiotes appartiennent à un groupe beaucoup [plus élevé que les Schizomycètes. Les anciens auteurs ont décrit te incomplètement figuré dans le rein des Molgules des corps étrangers, qu’ils ont appelés filaments confervoïdes, corps grégariniformes. etc. ; et qu’ils suppo¬ saient appartenir à des êtres divers (2). En réalité, ces productions doivent être rapportées à des Champignons de la tribu des Siphomycètes (Sorokine) et de la famille des Chytridinées. Les parasites des diverses espèces de Molgulidées appartiennent à des espèces différentes; mais dans une même espèce d’ Ascidie, on ne trouve en général qu’une seule espèce de parasite à des stades très variés d’évolution. Je donne à ces Champignons le nom générique de Nephroniyces. Le genre le plus voisin me paraît être le Caienaria (Sorokine) dont l’espèce type Catenaria Anf/uillulœ, est parasite des Nématodes. Toutefois, dans les NepJiro- ini/ces, les sporanges sont toujours terminaux. (1) Garnault, Recherches anatomiques et histologiques sur le Cyclostoma ele- gans, p. 49-60; 1887. (2) De Lacaze-DüthiErs, Arch. de Zool. exp. et gen. T. III, PI. XI, 1874. 322 JOURNAL DE MICROGRAPHIE J’ai particulièremeutj étudié deux espèces de Nephrouiyces ayant pour hôtes deux Molgulidées très voisines à Wirnereux : 1“ le Nephromyces Molguldrum, parasite de Molyulo socialis, Aider; 2“ le Nephromyces Sorokinij parasite de Litlionephrya euyyrandd, de L. D. Le Nephromyces Molgularum forme autour des concrétions isolées qui rem¬ plissent le rein de Molgula socialis un mycélium uniccllulaire à filaments Jtrès délicats et fortement enchevêtrés, dont les extrémités libres sont tern inées par des renflements sphéroïdaux; malgré leur apparence, je n’ai jamais vu ces renfle¬ ments terminaux se détacher de leur support et se comporter comme des spores conidiales. Ce mycélium délicat et transparent produit un grand nombre de tubes beau¬ coup plus épais, de forme irrégulièrement cylindrique, plus ou moins contournés sur eux-mêmes et remplis d’un protoplasme flnement granuleux, opaque, qui se colore fortement par le picrocarmin. A côté de ces amas protoplasmiques naissent en énorme quantité des zoosporanges de formes très variées, souvent bifurqués à leur extrémité libre et dans lesquels se développe une multitude de zoospores très agiles et de taille excessivement petite. La formation des zoospores est pré¬ cédée par un aspect spumeux du protoplasme, comme cela est indiqué chez diverses Chytridinées, et par la formation de cloisons plus épaisses séparant le sporange du reste du mycélium. Pendant longtemps je n’ai eu qu’une notion fort insuffisante do ces zoospores, et je n’ai pu mener à bien leur étude qu’avec l’aide des excellents objectifs apochromatiques de Zeiss. Les zoospores sont complè¬ tement sphériques et munies d’un flagellum assez long, mais très ténu ; elles contiennent un granule fortement réfringent vers la naissance du flagellum. Il est probable que ces corps agiles s’introduisent dans la branchie des jeunes Mol- g-ules et pénètrent par diapédèse dans l’organe rénal, puisqu’on n’a trouvé, ni par les injections, ni par les coupes, aucune ouverture à cet organe. Vers la fin de l’été, les zoosporanges vides et séparés du mycélium encom¬ brent souvent les préparations ; ils présentent généralement, en divers points de leurs parois, surtout aux extrémités, des renflements formés par une couche de protoplasme réfringent non différencié. Pendant les mois d’automne, chez les Molgules nées au printemps, le mycélium présente une très grande quantité de zygospores. Ces corps reproducteurs, beau¬ coup plus gros que les zoospores, prennent naissnnee chacun isolément, mais en des points très rapprochés où plusieurs filaments de mycélium (généralement quatre on cinq) viennnent se conjuguer. Leszygospores ont une enveloppe finement granulée, peut-être même ^légèrement échinulée. Pendant l’hiver, au commence¬ ment de février, ces zygospores germent en émettant deux filaments égaux, ter¬ minés en pointe et un peu divergents, qui donnent à la spore en évolution la forme d’un compas. Les deux branches de ce compas s'ouvrent de plus en plus et le stade compas se transforme graduellement en un stade fusiforme, où la spore n'est plus visible que comme un renflement médian qui ne tarde pas à disparaître complètement. A côté de ces formes diverses, on trouve pendant toute l'année des tubes assez longs, plus larges que le mycélium, dont ils se séparent facilement, et arrondis aux deux extrémités. Ces tubes présentent sur leurs parois un fin dépôt plasmatique disposé eu deux spires entrecroisées, ou peut-être disséminé autour de vacuoles placées bout cà bout sur toute la longueur du tube. La signification de ces parties m’échappe complètement. Anurella Iloscovitfrna, L. D, renferme un Nejjhromyces iN.Roscovitamis), très voisin du N. Mol yularumr cependantbien distinct. L’espèce parasite de Listhonephyra euyyranda et que je nomme Nephromyces Sorohini, est très nettement caractérisée par la forme de ses zooporanges régu¬ lièrement piriforrnes avec deux amas réfringents, l’un au sommet, l'autre àlabase, au point où le sporange s’insère sur le mycélium. Chez les Litlionephrya ^ le rein est presque complètement rempli par une concrétion uni(]ue très volumineuse .11 JOURNAL DE MICRCXiRAPHIE reste donc un espace fort limité pour le Champignon sjmbiote ; aussi ce dernier est-il bien moins abondant que ses congénères parasites des Molgules. L’installation insuffisant du laboratoire de Wimereux ne m’a pas permis de réa¬ liser jusqu’à présent des expériences de culture des Champignons du genre Ne- pJiromyces dans des milieux artificiels renfermant de la guanine ou de l’acide uri¬ que. Je crois que de parreilles cultures seraient possibles et que ces Champignons sont utiles aux Tuniciers qu’ils infestent, en les débarrassant des produits excrétés qui, sans eux, obstrueraient rapidement le rein dépourvu de tout canal excréteur (1) A. G IARD. IMHLIOG11APHII-: I Muscologia Gallica. — Description et figures des Mousses de France et de& contrées voisines, par M. T. Hüsxot (7® livraison). M. T. Husnot, le bryologue bien connu, vient de faire paraître la septième livraison de la Miiscoloyie Gallica. Elle est consacrée aux genres suivants : Orthotricum (fin), Encali/pta, Schistostega, Œdipodium, Dissodoit, Tayloria, Tetraplodon, Splachnmn, Ephemeriim, Physcomitrella, Biscelium^ Pyraini- dula., Physcomitrium, Entosthodon, Funaria, Mielicltlioferia^ Orthodontium , Leptohryum, Anomohryuni, Plagiohryum. Cette livraison, qui porte à 72 le nombre des genres décrits, est accompagnée de 8 planches lithographiées qui représentent toutes les espèces appartenant aux genres ci-dessus. Toutes ces espèces sont, d’ailleurs, décrites avec soin, avec indication de l’habitat et des localités. Nous avons trop souvent fait l’éloge de l’excellente publication de M. Husnot pour le refaire aujourd’hui. Nous nous bornons à répéter que la Muscologia. Gallica. est un ouvrage indispensable à tous les botanistes. II Matériaux pour servir à l’étude de la faune des Açores, par le Th. Barrois. 1® Hydrachnides, 2" Faune Carcinologique. Le D’* Th. Barrois, professeur agrégé à la Faculté des sciences de Lille, a profité d’un séjour de deux mois qu’il a fait l’an dernier aux vVçores pour étudier la faune des lacs, des rivières et des fontaines de ces îles. C’est le résultat par¬ tiel de ses recherches qu’il publie, sous forme d’une série de brochures. La notice sur les Hydrachnides n’est relative qu’à deux espèces. Aussi nous attendons la publication de la suite des matériaux que M. Th. Barrois a du récol¬ ter dans les caldeiras de San Miguel, de Terceira, de Fayal, de Graciosa et de San Jorge, publication qui ne pourra être fort que intéressante. (2) Une seconde brochure relative" à la faune carcinologique (marine) de ces mêmes îles contient la désignation de 101 espèces appartenant à tous les groupes de Crustacés. Ce n’est aussi qu’une note préliminaire et nous espérons ipe M. Barrois complétera un jour ses travaux sur l’histoire naturelle des Açores. (1) C. R. Ac. Sc. 10 avril 1888. (2) Nous rappelerons que IM. Th. Barrois avait publié antérieurieurement avec le professeur R. Monier, de Lille, un catalogue descriptif très complet et très détaillé des Hydrachnides du Nord de la France. 324 JOURNAL DE MICROGRAPHIE OFFRES ET DEMANDES (1) A VENDRE SOO. Lampe à incandescence à air libre, de Reynier-Trouvé, nickelée, neuve, au lieu de 70 francs.; . 50 fr. 201. Indicateur de vitesse Deprez-Carpentier. neuf, au lieu de 150 fr. 120 fr. 202. Lampe Reynier à crémaillère, au lieu de 125 francs . 85 fr. 203. Hydromètre Ducondun-Guichard n® 4, au lieu de 50 fr . 40 fr. 204. Rég:ulateur électrique à arc, système Berjot, grande course,, au lieu de 225 . . 150 fr. 205. Moteur électrique Trouvé, 3 kilog., neuf, au lieu de 125 fr...... 80 fr. 206. Moteur électrique Clovis Baudet, au lieu de 140 francs . 85 fr. 207. Planimètre d’Amsler, en écrin, au lieu de 60 francs . 45 fr. 208. Œil artificiel de Rémy, avec 12 dessins en couleur, au lieu de 20 fr. 13 fr. 200. Ophtèlmoscope de Wecker (Crétès) neuf, en boîte gainerie . 15 fr. 210. Récepteurs de télégraphes à cadrans, système Breguet, à mouve¬ ment d’horlogerie (Mors) . 14 fr. 211. Anneau Ciiramme, 14 c/m diam. avec arbre et collecteur, construction Bréguet . ' . . . 90 fr. 212. Lanternes de sûreté, de Trouvé, à parachutes, neuves. . 40 fr. 213. Machine Gramme, type d’atelier, réduction, 20 volts, 5 ampères.. 135 fr. 214. Téléphones Corneloup, métalliques, au lieu de 35 fr. la paire _ 16 fr. 215. Microscope de Schieck, vis de rappel, 3 oculaires, 5 objectifs, 1, 3, 4, 7 et 9 grossissant de 24 à 1200 diamètres, en boîte acajou . 225 fr. 216. Compte-secondes, nickelé, 10 minutes, arrêt et mise en marche instan¬ tanés . 28 fr. 217. Compte-secondes, argent, de Henri Robert, 10 minutes . 65 fr. 218. Microtome à triple pince, du D"' Eternob . 32 fr. 219. Régulateur de lumière électrique, Serrin, construit par Vinay, au lieu de 400 fr. comme neuf . 160 fr. 220. Microscope E. Hartnack, droit, vis de rappel, 3 oculaires, 3 objectifs 4, 7, 9, grossissant de 50 à 1000 diamètres, appareil de polarisation, prisme pour l’éclairage oblique et boîte . 150 fr. 221. Microscope genre anglais, sans marque, inclinant, crémaillière double, vis de rappel, platine mobile, diaphragmes tournants, 2 oculaires, 2 objectifs, appareil de polarisation, loupe mobile en tous sens. Grossissement de 60 a 600 diamètres, en boîte . 160 fr. 222. Microsc<^pe Aachet, nouveau modèle, inclinant, platine en glace noire, crémaillière, vis de rappel, porte-diaphragmes à excentrique, loupe sur pied, 3 oculaires, 3 objectifs, 3, 5 et 7, grossissant de 30 à 780 diamètres, en boîte. . 230 fr. 223. Microscope solaire, petit modèle; condensateur de 45, porte-lumière mû par boutons molletés, complet, en boîte, avec cuves, pièces pour le têtard et 12 préparations doubles . 125 fr. 224. Chambre claire Wollaston, grand prisme, barrette d’acier, 2 tirages, verres de couleur, fort modèle, neuve . 32 fr. (1) S’adresser au bureau du Journal. — Les articles portés au présent Cata¬ logue sont expédiés, contre mandat ou remboursement. — La demande doit rappeler le numéro d’ordre de l’article au Catalogue. — Le port et l’emballage sont à la charge de l’acquéreur. Le Gérant : Jules Pelletan Fils. Paris, lmp. J Bolbach, 25, rue de Lille. Douzième année N« Il 10 Septembre 188S JOURNAL DE MICROGRAPHIE SOMMAIRE : Revue, parle D*" Pelletan. — Le mécanisme de la sécrétion [suite], leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. — Le troisième œil des Verté¬ brés [suite], leçons faites à l’Ecole d’Antrophologie, par le prof. Mathias Du- YAL. — Les Protistes des Mousses, par M“‘® Maria Sacchi. — Le vaccin anticholérique, par M. G. Percheron. — État des Vignobles, par M. Chavée- Leroy. — Sur le cycle évolutif d’une nouvelle Bactériacée chromogène, par Ch. A. Billet. — Bibliographie : LesDiatomacées du Cap Horn,par M. Paul Petit. — Olfres et demandes. — Avis divers. REVUE Clôture du Congrès « de la Tuberculose ». — Et le résultat ? — Le résultat est ce que je vous ai dit : beaucoup de médecins et dé vétérinaires ont parlé, les uns ont dit blanc, les autres noir ; les pru¬ dents n’ont dit ni blanc ni noir, et les malins blanc et noir. On a dit tout ce qu’on sait, et môme ce qu’on ne sait pas, sur la tuberculose; mais quant à avoir épuisé le sujet, comme l’annonçait M. Verneuil, on n’a rien épuisé du tout, que peut-être la patience des auditeurs. Et Ton n’en sait pas plus aujourd’hui qu’on n’en savait avant le Congrès. Toutefois, les vétérinaires ont obtenu le vote d’un vœu tendant à ce que le gouvernement prenne diverses mesures pour empêcher de livrer à la consommation la viande des animaux tuberculeux. Et l’administration a, en effet, profité de l’occasion pour édicter quelques nouveaux réglements, dont les gens compétents s’accordent, dès maintenant, à contester Futilité, attendu qu’il ne paraît pas établi, I d’une manière certaine, d’après les discussions mêmes du Congrès, que .a viande des animaux tuberculeux soit dangereuse. — Et, dans tous es cas, d’après M. Nocard, elle Fest si peu ! 326 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Et le lait ? Le lait ne contient de bacilles que quand il y a une manmiite tuber¬ culeuse, et cette maladie est si difficile à reconnaître chez la vache ! — D’ailleurs, c’est un cas relativement rare, et alors le lait n’est guère danaereux. Cependant, certains vétérinaires demandent des mesures de précau¬ tion, un examen préalable du lait livré à la consommation. Mais alors il faudra donc aussi examiner le fromage qui est fait avec du lait, — et le be'irre, qui est aussi, quelquefois, fait avec du lait! Où s’arrétera-t-on ainsi? Allons-nous en arrivera ne plus pouvoir rien manger ni rien boire qui n’ait été préalablement soumis à la cui¬ sine bactériologique pour y rechercher les dangereux bacilles qui peuvent s’y cacher ? En somme, disais-je, le résultat du Congrès pour l’étude de la tubei- culose est à peu près nul. Il ne fallait pas. d’ailleurs, s’attendre à ce qu’il fut plus important. Et notez que je ne dis pas cela pour critiquer ce Congrès plutôt qu’un autre. J’ai déjà dit que je crois les Congrès utiles, non pas toujours pour l’instruction de ceux qui y prennent part, mais pour l’édification de ceux ({ui y assistent. — Je crois aussi qu’ils sont utiles à un point de vue plus général : il est bon que les savants se connaissent, se tâtent, frottent leurs idées. Des hommes venus de pays divers n’ont pas toujours la même manière de conce - voir, d’expliquer ou d’exposer les mêmes faits; ils diffèrent par la tournure d’esprit, le caractère national, par des inlluences d’école, et de leur réunion il peut naître des courants d’idées inattendus et nou¬ veaux. Malheureusement, il n’en a pas été ainsi au Congrès pour l’étude de la tuberculose. Une seule considération a dominé toutes les discussions, la considération du bacille, et par conséquent trois courants d’idées, imposés et préconçus, pouvaient seuls s’établir : la contagiosité de la phtisie, — à laquelle je croirais volontiers ; — la contagion par le bacille, — à laquelle je ne crois guère ; — la guérison par la destruction du bacille, à laquelle je ne crois pas. Dans ces conditions, il ne pouvait rien résulter du Congrès, je dis rien de pratique ni d’utile pour l’humanité. Et il en sera ainsi tant que l’on s’obstinera à creuser cette veine facile, mais stérile. Il faut laisser le temps faire son oeuvre et la i-éaction se produire, — elle sera égale à l’action, soyez-en sûrs : c’est la loi. Il faut attendre (]ue les chercheurs se disent : « Il y a assez longtemps que nous travaillons à tuer le microbe « sans y parvenir, voyons maintenant si nous ne pourrions pas traiter « le malade. » Ce temps viendra, n’en doutons pas. C'est alors que, profitant de l’expérience acquise dans les travaux faits à côté et tout autour pen- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 327 dant la période précédente, l’on arrivera, nous devons l’espérer, à des résultats plus sûrs, plus réguliers et plus nombreux ({ue ceux que l’on obtient aujourd’hui de temps en temps, et, il faut l’avouer, sans bien savoir pourquoi ni comment. ★ ¥ ■¥• Dans les Académies et les Sociétés savantes, on est en vacances, et la liste des travaux est assez mince. Cependant, on voit, à des indices certains, que voici bientôt venir la fin des vacances, la rentrée des Chambres et la discussion du budget. A ce moment psychologique, M. Pasteur, fidèle à la périodicité que l’on sait, a reparu k l’Académie des Sciences et à l’Académie de Médecine pour y lire un travail de M. Gamaleïa, médecin de l’Institut- Pasteur d’Odessa, sur la vaccination anticholérique. Cet élève de notre Grand Savant a trouvé le moyen, en cultivant le kommabacille de Koch, de produire un vaccin qui préserve du choléra). On pense si les académiciens ont applaudi ! Mallieureusement, le vaccin de M. Gamaleïa ne préserve que les pigeons (du choléra des pigeons, naturellement, puisque le choléra de l’homme n’a pas encore pu être communiqué aux animaux). Les académiciens n’en ont applaudi que davantage. Mais ce qui paraît assez étrange, c’est que M. Pasteur a demandé le renvoi du travail de M. Gamaleïa à la commission du prix Bréant. Le prix Bréant est, comme on sait, une grosse somme que l’Académie doit attribuer à celui qui trouvera un moyen de guérir le choléra ; — je dis « le choléra, » et non le choléra des poules, le choléra des canards ni le choléra des pigeons. Mais, de plus, dans le temps où le kommabacille, dont est parti M. Gamaleïa pour composer son vaccin, a été découvert par le profes¬ seur R. Koch, de Berlin, M. Pasteur qui, pour des raisons de haute prudence, n’avait pas voulu chercher le microbe du choléra et avait envoyé MM. Thuillier, Straus et Nocard en Égypte voir s’il y était, pendant qu’il s’en allait, lui, en Danemark, M. Pasteur déclarait que le choléra n’est pas une maladie microbienne. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui il vienne soutenir devant nos Académies un travail dans lequel le fameux kommabacille est reconnu comme le microbe pathogène spécifique du choléra asiatique? Quel est donc ce mystère ? Il est bien certain pour moi, et pour vous aussi, que si M. Pasteur veut, le D'’ Gamaleïa obtiendra les cent mille francs. — Or, on peut s’entendre, n’est-ce pas? Mais c’est M. Ferran (|ui n’est pas content. * ♦ + Toujours est-il que M. Gamaleïa fait passer le produit des cultures du kommabacille à travers des séries de cobayes et de pigeons. — JOURNAL DE MICROGRAPHIE Notez que je ne plaisante pas, je parle sérieusement. — Et ({uand on a inoculé ces diverses séries de cobayes et de pigeons, on obtient avec le sang du dernier pigeon un virus capable de tuer tous les pigeons de la terre, excepté ceux qui auront été vaccinés avec les cultures du kommabacille n’ayant pas passé à travers les pigeons. Vous comprenez ? Mais après avoir raconté Thistoire de toutes ces fricassées de pigeons, M. Pasteur a profité de l’occasion pour parler un peu des moelles de lapins et des cervelles de chiens : Si l’on fait cuire la moelle d’un lapin enragé, que l’on ouvre le crâne de « deux chiens » et qu’on leur inocule dans la cervelle la moelle enragée, mais cuite, du lapin, les chiens ne deviennent pas enragés, mais réfractaires à la rage, car si on leur inocule maintenant la moelle crue d’un chien mort de la rage, ils ne deviennent pas enragés. « La moelle chauffée (du lapin) et rendue non virulente, était « donc vac¬ cinale par un vaccin chimique. » Quelle cuisine, mes enfants ! — Et c’est ça de la science ! ★ ¥ -¥ « Vaccin chimique. » Vous avez remarqué ce nouveau vocable. — Sans en avoir l’air et malgré son aspect connu, il marque et est des¬ tiné à masquer une nouvelle évolution de la doctrine microbienne. Malgré que tous les microbiatres aient jeté les hauts cris, déclaré que ce n’était pas vrai, que c’était absurde, que c’était impossible, il a bien fallu reconnaître que certaines maladies infectieuses peuvent se transmettre par des virus privés de tous microbes ; dans certains cas même, on a dit que ces virus privés de microbes peuvent agir comme vaccin préservatif. — J’ai signalé ici même différents travaux récents émanant d’expérimentateurs sérieux, et établissant ces faits d’une manière incontestable. — Déjà, on avait été amené, pour expliquer certains phénomènes sur lesquels on n’insistait pas, à admettre que les microbes peuvent sécréter diverses substances, des ptomaïnes, des poisons variés. — De sorte qu’à la fin il a bien fallu reconnaître qu’il n’était pas impossible de communiquer des maladies virulentes avec des liquides sans microbes, que cela n’était pas absurde, mais que c’était tout simplement vrai. Notez, comme je l’ai déjà fait remarquer, que ce simple fait de la production d’une maladie reconnue microbienne par un virus préparé sans microbes, avec cette complication de la production possible d’un virus atténué^ vdiQ.QÀudi\^ sans microbes, était la ruine de la doctrine parasitaire : l’amorphe pouvait ainsi déterminer ce qu’on donnait comme l’apanage exclusif de l’élément figuré. D’ailleurs, M. Pasteur lui-même, pour expliquer faction de son vaccin antirabique, les fameuses moelles de lapin, cuites ou crues, ne pouvait invoquer l’action d’un microbe^ puisqu’il n’a pu découvrir le JOURNAL DE MICROGRAPHIE 329 microbe de la rage; d’autre part, M. Peyrault, qui vaccine contre la rage avec de l’essence de tanaisie, ne pouvait, malgré la bonne envie (|u’il en a, faire raisonnablement intervenir le microbe. De sorte qu’il a fallu inventer quelque chose pour soutenir la doc¬ trine qui s’effondrait. — C’est bien simple ; ce n’est plus les microbes qui produisent la maladie, mais ils produisent quelque chose qui pro¬ duit la maladie et, au besoin, en préserve. Ce « quel({ue chose », c’est le virus ou le « vaccin chimique ». Ainsi voilà le microbe pathogène officiellement relégué au second plan. Ce n’est plus qu’un producteur au second degré. Un peu de patience donc encore, et vous le verrez bientôt tomber au cinq ou sixième, c’est-à-dire au rang d’un de ces « facteurs » banals avec les¬ quels on n’a plus à compter. Il y a longtemps que je le lui ai prédit, et c’est tout ce que je lu souhaite. D'^ J. P. TRAVAUX ORIGINAUX LE MÉCANISME DE LA SÉCRÉTION Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le profeseur L. Ranvier. {Suite) (1) Je dois maintenant vous donner quelques détails. La membrane étendue sur le disque de la chambre humide porte- objet, y est fixée par l’anneau de platine. — Si nous n’avons pas à employer l’excitation électrique, on peut se servir de deux procédés : On ajoute de l’humeur aqueuse pour que la membrane ne se dessèche pas ; on taille dans du papier d’étain deux petites lamelles de 1/4 de millimètre de large et on en dépose deux ou trois sur la préparation : elles flottent, à cause de leur minceur, sur l’humeur aqueuse. Ou, mieux ^encore, on prend un barreau d’étain pur, sans plomb, {\)Yolr Journal de Micrographie, T. X, 1886, T. XI, 1887, T. XIII, 1888 p. 2, 35, 65, 104, 212, 242, 298. D>'. J. P. sténogr. 330 JOURNAL DE MICROGRAPHIE qui ne 'donne pas de trace quand on le frotte sur un papier un peü dur ; avec une lime fine, on fait un peu de limaille d'étain, dont on laisse tomber des grains sur la préparation. On retourne alors la lame de verre et on expose la préparation aux vapeurs d’acide osmi- que dans la chambre humide. — On place, pendant la nuit, par exem¬ ple, la préparation sur l’acide osmique, et le lendemain on la trouve couverte de cette matière colorée en jus de pruneau tellement foncé qu’elle masque à la vue la membrane. — On lave, puis on plonge dans l’alcool; on lave de nouveau à l’alcool absolu ; on ajoute une goutte d’essence de girofle et l’on monte dans la résine Dammar dissoute dans Tessence de térébenthine. Avant de décrire les préparations et de vous dire les conclusions que l’on peut tirer de leur examen, je dois Amus indiquer la méthode par laquelle on obtient très facilement les cellules caliciformes de la muqueuse rétro-linguale complètement isolées. Car il faut que nous connaissions les cellules. Nous avons déjà examiné des préparations de la membrane fixée par l’acide osmique, colorée par le picro-carminate, et nous aAmns vu l’ouverture plus ou moins excentrique des cellules caliciformes. Nous avons trouvé des vacuoles dans un plan un peu plus profond, et nous avons pensé que ces vacuoles étaient placées aux environs du no vau. C’était une supposition : nous sommes précisément à la recherche de la solution de cette question. Il faut isoler ces cellules. La membrane rétro-linguale est d’une minceur extrême quand on l’a isolée. Si on la place dans l’alcool au tiers, elle revient sur elle-même comme un chiffon mouillé et l’on ne sait plus où est la face profonde, où est la face superficielle, ni quelles sont les régions. J’ai essayé bien des fois, sans arriver à rien de bien satisfaisant. C’est seulement depuis que j’ai imaginé le procédé de l’anneau de platine que je suis parvenu à faire une bonne étude des cellules de cette membrane. La membrane est étendue sur le disque de la chambre humide, fixée avec le petit anneau de platine : on observe^ dans la partie postérieure les deux régions vasculaires très riches en cellules caliciformes. — C’est là que nous allons les prendre. Enlevons la lamelle, plaçons le porte-objet dans l’alcool au tiers et laissons-le pendant la nuit dans ce liquide. Le lendemain, enlevons le porte-objet: rien n’est déplacé. Exposons-le alors aux A'apeurs d’acide osmique. Nous opérons donc par fixation après dissociation. — Au bout de quelques minutes, les vapeurs d’acide osmique ont fixé les éléments dans leur forme, mais sans les souder de nouveau s’ils ont été séparés par le liquide dissociateur. — On ajoute de l’eau et, avec JOURNAL DE MICROGRAPHIE 331 un scalpel, on râcle la surface de la membrane dans les régions qui contiennent les cellules caliciformes. On obtient ainsi soit des élé¬ ments isolés, soit des lambeaux que Ton place dans Teau avec du picrocarminate, sur une lame de verre ; on ajoute une lamelle et on substitue lentement la glycérine au liquide additionnel. C’est là une excellente méthode : la coloration se produit très bien, l’action de l’acide osmique n’ayant pas été assez prolongée pour empêcher le carmin d’avoir une belle élection. On obtient ainsi beaucoup de cellules à cils vibratiles et un grand nombre de cellules caliciformes. Je passe sur les premières, qui sont basses, cylindriques, d’une largeur relativement considérable par rapport à la hauteur, ce qui est le contraire de ce qu’on 'observe généralement. — A côté des cellules à cils vibratiles, sont des cellules calicifori^ies, remarquables par leur forme sphérique à peu près régulière, sans aucun prolonge¬ ment ni queue remplis de protoplasma et contenant un noyau comme nous le connaissons. Elles présententune ouverture circulaire corres¬ pondant à la surface de la membrane, et au pôle opposé de la cellule est le noyau, aplati, lenticulaire, logé dans une couche protoplasmique assez légère qui s'en va en s’amincissant et constitue la membrane de la cellule, celle-ci n’ayant pas de membrane cellulaire à proprement parler. C’est un petit ballon sphérique, avec une ouverture, un noyau dans une couche de protoplasma qui paraît semi-lunaire, et un réseau protoplasmique s'étendant à l’intérieur : un bouchon de mucigène dilué et gonflé sort par l’ouverture. Ainsi, ces cellules ont une forme assez particulière, puisqu’elles ne présentent pas le prolongement caudal protoplasmique dans lequel le novau est d’ordinaire refoulé. Elles sont extrêmement élégantes, et forment un des types si nombreux de cellules caliciformes. Revenons maintenant aux préparations faites par la méthode que je vous ai indiquée, les vapeurs d’acide osmique en présence de l’étain métallique. Il est clair qu’après l’action de l’alcool au tiers, il n'est pas question d’observer des vacuoles dans les cellules, comme quand on em¬ ploie l’acide osmique comme fixateur, le mucigène étant modifié et amené à prendre des caractères qui se rapprochent de ceux du contenu des vacuoles, de sorte qu’il est impossible de les reconnaître. Nous avons fait une préparation de la muqueuse rétro-linguale, comme je l’ai dit : les vapeurs d’acide osmique en présence de la li¬ maille d’étain ; nous l’avons montée dans la résine Dammar dissoute dans l’essence de térébenthine. Nous observons les cellules de face. Nous les avons examinées à l’état vivant : nous v retrouvons les va- cuoles. Elles sont comprises dans un système de lignes claires qui 332 JOURNAL DE MICROGRAPHIE correspond aux travées protoplasmiques. Le mucigène avec un fort grossissement, 400 à 500 diamètres, et de bons objectifs, paraît en¬ tièrement formé par des grains. Ce sont ces grains qui sont colorés par Tosmium-étain. — Entre ces grains se trouve un système réti¬ culé, clair, correspondant au protoplasma, qui n’a pas été coloré. C’est donc justement le contraire de ce qui se produit quand on emploie l’acide osmique seul, qui colore très souvent le réticulum en gris, pen¬ dant que le mucigène reste incolore ; et même, quand le réticulum est très abondant et très serré, comme dans les glandes à cellules mixtes, la cellule paraît opaque à cause delà coloration du réticulum protoplasmique par l’acique osmique. Il y a des gouttes de mucigène colorées en brun plus ou moins foncé et, entre ces gouttes, tout un système réticulé représentant le protoplasma. C’est dans ce système que se trouvent les vacuoles. Elles ne sont donc pas dans le mucigène, mais dans le protoplasma, dans le réticulum. C’est un point extrêmement important. De plus, le mucigène a pris une teinte plus ou moins foncée. Voici, en effet, comment les choses se passent. Un grain de limaille d’étain est placé sur la membrane : au voisinage de ce grain, tout est coloré en noir, même les petits faisceaux de tissu conjonctif, tellement le pouvoir réducteur des tissus est augmenté par l’étain. A ce niveau, lès cellules caliciformes sont colorées en brun presque noir; à mesure qu’on s’éloigne de ce point, la coloration va en diminuant, de sorte qu’à une certaine distance les éléments sont incolores. On a donc tous les degrés de coloration en s’éloignant des petites particules d’étain. Vous pourrez constater déjà que les vacuoles se trouvent dans n’im¬ porte quelle région du réticulum protoplasmique, non pas seulement dans la couche de protoplasma qui occupe le fond de la cellule, mais dans n’importe quelle région de la cellule, même au voisinage de l’ou¬ verture ou du bord. Ace propos, j’ai à vous parler d’une expérience que nous avons faite hier et aujourd’hui. Elle confirme la première expérience dont je vous ai entretenus, consistant à laisser mourir la membrane par asphyxie. On constate que dans cette membrane asphyxiée la vacuo¬ lisation persiste, mais est fixée : il n’y a plus de mouvements des vacuoles. — C’est une idée qui m’est venue naturellement à l’esprit : placer dans une goutte d’humeur aqueuse la membrane rétro-linguale convenablement tendue sur le disque du porte-objet chambre humide, couvrir d’une lamelle, sceller cette lamelle à la paraffine, porter le tout dans la platine chauffante et élever la température. Vous savez que quand on part d’une température de 10'’ à 12° et qu’on l’élève progressivement à 22°, 23°, 25°, le mouvement des cellules devient JOURNAL DE MICROGRAPHIE 333 de plus en plus actif. Je vous ai montré que quand on dépasse une certaine limite, le mouvement des cellules, qui était très intense, diminue d’activité et s’éteint vers 43®, 45®. La même chose se produit pour le mouvement vacuolaire. L’activité des vacuoles augmente avec la température ; à 33®, 35®, 37®, les mouvements sont très actifs, mais ils s’arrêtent à 43®. — C’est donc à peu près comme le mouvement des cils vibratiles, qui s’arrêtent à 43®. — H y R une petite différence entre la température indiquée par le thermomètre de la platine chauffante et celle de la préparation placée dans cette platine ; c’est donc un peu avant 43® que s’arrêtent les mouvements vacuolaires, mais il ne s’agit pas ici d’une expérience de physique, et cette donnée nous suffit pour le moment. Quand le thermomètre de la chambre humide marque 43®, les vacuoles ne disparaissent pas, mais elles sont fixées par la coagu¬ lation du protoplasma. Cette expérience montre bien qu’il s’agit, dans ces mouvements , vacuolaires, d’un phénomène vital, car lorsque nous avons tué le protoplasma par la chaleur, le mouvement s'est arrêté. Comme il arrive très souvent, soit que la préparation ait été iné¬ galement tendue, soit que la membrane soit tirée dans deux sens opposés à la partie superficielle et à la partie profonde, les cellules caliciformes paraissent implantées obliquement dans certaines régions, et au lieu de se montrer de face, on les voit de profil. Quand un les a colorées par rosmium-étain, il est très facile de voir les détails. La partie convexe qui correspond au côté libre de la cel¬ lule est fortement colorée. Dans la couche profonde la coloration va en diminuant et se limite par une ligne sinueuse ou festonnée, dont la concavité regarde la couche profonde dans laquelle est le noyau, et que la coloration n’atteint pas. Dans les cellules obliquement dispo¬ sées, on voit bien où se trouvent les vacuoles : elles sont dans toutes les régions de la cellule ; les unes à moitié dans le protoplasma du fond et à moitié dans le mucigène, les autres au milieu de la cellule, d’autres encore au voisinage de la face libre. — On ne pouvait pas s’en douter. Ainsi, les vacuoles sont dans le protoplasma, soit du fond, soit des cloisons du réticulum de l’intérieur, et divisent le mucigène en une série de boules. Après toutes ces données acquises par l’expérimentation et l’ob¬ servation histologique, après une série de recherches longues et minu- tieusss, il venait à l’esprit d’étudier ces cellules caliciformes de la membrane retro-linguale vivantes et de profil. L’expérience est facile à concevoir. 1. ‘Mi JOURNAL DE MICROGRAPHIE "' La ‘nieiiibranp est- disposée sur té porte-objet chambre humide de manière à. cé' que sa face externe ou supérieure, libre, soit appliquée sur le disque. On* ajoute l’anneau de platine, et on tire la membrane de manière à en dégager un coin que l’on replie en dessus: Sur l’angle du pli on aura la surface supérieure 4e la membrane, et sur lé bord les éléments vus" de profil; on ajoute une goutte d’humeur- aqueuse;^ on borde à la paraffine et l’on observe. " Sur le bord du pli, nous voyons les cellules vibratiles en mouvement, et au milieu de ces cellules, de distance en- distance, des cellules- caliciformes dans lesquelles des vacuoles occupent différentes régions, et nous pouvons en observer au niveau du^ bord de la cellule, "c’est-¬ à-dire au niveau de son ouverture. Aujourd’hui même, nous avons fait encore cette observation, que j’avais déjà faite il y a quelques- jours, et j’ai fait dessiner les cellules. Nous avons constaté ainsi que les vacuoles -qui se trouvent près de l’orifice peuvent disparaître complètement tout d’un coup ou bien se diviser de manière à donner deux ou plusieurs nouvelles vacuoles, exactement comîne dans la couche profonde. — - J’ai assisté ainsi à la disparition 4e vacuoles au voisinage de l’orifice. Mais arrêtons-nous là pour le moment, occupons-nous de la question fondamentale. Nous sommes en possession de tous les faits, et je dirai' que nous n’avons pas grand chose à ajouter pour arriver à ùhe hypo¬ thèse se rapprochant beaucoup de la vérité. • Comment se fait la sécrétion du mucus ? — Il faut éloigner tout de suite cette idée que dans les glandes acineuses muqueuses pures des mammifères, la sécrétion du mucus dépend de ‘la contraction delà paroi de l’acinus, produite par l’activité dont jouiraient les «cellui^es en panier » de Boll. Cette explication ne pouvant pas- s’appliquer à' toutes les glandes muqueuses, par exemple aux glandes unicellulaires muqueuses, il faut l’abandonner, — et, du reste, 'ce serait un phéno¬ mène d’excrétion, et non de sécrétion. Mais peut-on appliquer cette explication non plus à l’acinus glandulaire, à l’atricule glandulaire, màis à'ia cellule caliciforme ellé-même ? — Je viens de vous dire que - les cellules muqueuses n’ont pas de membrane, que leur paroi est' constituée par une lame de protoplasma dépendant du- protoplasma général de la cellule. Peut-on supposer l’activité motrice de ce proto¬ plasma comme suffisante pour expulser le mucigène, et reprendre pour' les cellules isolée^ l’idée que l’on pouvait avoir pour l’acinus ou Futri- cule glandulaire ? —^^Cela n’est pas admissible d’après une observa¬ tion des éléments morts comme je le disais antérieurement, parce que - le mucus Ti4st pas formé seulement par le mucigène', mais au moins par le mucigène et de l’eau, et dans le mucus, le mucigène n^entre JOURNAL DE MICROGRAPHIE 835 que pour une très faible proportion. Donc le mucus ne résulte pas de la seule élaboration produite par les cellules caliciformes. C’est dans le phénomène de la vacuolisation qu’il faut chercher l’explication de la sécrétion du mucus. - . Je laisse de côté l’élaboration du mucigène dans la cellule, c’est la sécrétion elle-même, comme l’élaboration de la graisse dans la cellule sébacée est la sécrétion elle-même ; la mise en liberté du produit est l’excrétion. — Comment la vacuolisation peut-elle déterminer la formation du mucus aux dépens du mucigène et le départ de celui-ci? Je comprends la chose de la façon suivante : Voici une vacuole. Cette vacuole, comprise dans la cellule calici¬ forme, ne contient pas du tout de mucigène ni de mucus, puisqu’elle reste absolument incolore sous l’action de l’osmium et de l’étain. Le mucus qui se répand à la surface de la cellule se colore en noir par l’osmium et l’étain. Par conséquent, les vacuoles ne contiennent pas de mucigène, et j’ajouterai, ne contiennent pas de matière organique, — j’en donnerai la preuve plus tard. Déjà aujourd’hui, grâce aux consultations que j’ai prises près des chimistes, et je dirai quels chi¬ mistes, j’ai obtenu un réactif de toute matière organique. Je l’ai déjà appliqué à ces vacuoles, aux vacuoles des globules rouges du sang, et j’affirme que celles-ci ne contiennent pas de matière albu¬ minoïde. De même, les vacuoles des cellules caliciformes. Elles con¬ tiennent de l’eau et des sels, mais pas de matières organiques. Nous y reviendrons plus tard : pour le moment, je crois être autorisé à dire que les vacuoles ne renferment ni albumine, ni mucine, ni aucu¬ ne autre matière organique. Comment se fait-il donc que, ces vacuoles, qui contiennent de l’eau, qui voyagent dans les travées protoplasmiques de la cellule caliciforme, qui peuvent atteindre le bord cellulaire, comment se fait-il qu’elles concourent à la formation du mucus, puisqu’elles n’en contiennent j amais ? Je vous ai dit que quelle que soit la situation de la vacuole dans la .cellule, elle peut disparaître tout d’un coup. Qu’est-ellé devenue ? — je ne vois qu’une .seule manière de l’expliquer : c’est que la vacuole contenue dans une travée protoplasmique a éclaté, et alors l’eau qu’elle contenait s'est répandue le long des travées protoplasmiques et est arrivée au bord cellulaire» — Sur son trajet, elle a rencontré du mucigène, elle s’en est chargée, et quand elle est arrivée au bord cellulaire, ce n’était plus de l’eau chargée de sels, mais de l’eau char¬ gée de sels et contenant du mucigène, — c’est-à-dire du mucus* [A i9uit'Y*C.) 336 JOURNAL DE MICROGRAPHIE LE ÏPiOISIE3IE OEIL DES VERTEBRES. Leçons faites à l’Ecole d’Anthropologie par M. Mathias Dtval, professeur ’ à la Faculté de médecine de Paris [Suite] (1). Tiedniann ayant mis en doute l’existence de la glande pinéale, chez les poissons, Natalis Guillot montra qu’elle y existait constamment ; mais ce qu’il vit, ce ne fut pas l’appareil pinéal entier tel que nous le trouvons chez les reptiles, ce fut seulement la base de cet appareil. En effet, pour pouvoir arrivera trouver l’œil pinéal et son nerf optique, il fau(, comme nous le verrous bientôt, ouvrir le crâne en l’attaquant par ses parties latérales, et non pas, comme le lit Natalis Guillot, en arrachant la partie supérieure d’un seul bloc. Il constata encore la présence de la glande pinéale chez les oiseaux, mais chez ces derniers il ne reste absolument que la partie basale, le reste, c’est-à-dire nerf et globe oculaire, n’existe déjà plus. ('2). Faivre, en 1857, publia une monographie sur la glande pinéale, et c’est dans cet ouv rage qu’on trouve la première tentative de recherche histologique, faite au moyen de la dissociation. Il trouva des cellules nervœufes possédant un noyau et dont les prolongements étaient atro¬ phiés. (8). Gratiolet, ensuite, décrivit la glande pinéale des mammifères et sa description fut plus parfaite, surtout au point de vue de la cavité glandu¬ laire; et comme il avait vu cette cavité se continuer avec celles des ventricules, il proposa de lui donner le nom de cavité du ventricule de la glande pinéale (4). Ce nom est, en effet, bien légitime, car cette cavité est bien réelle : elle existe chez l’embrvon, où elle forme une lïrande (1) Recueillies par M. P. G. Mahoudeau. Voir Journ. de Microgr. 1888, p. 250, 273, 308. (2) Natalis Guillot. — Exposition anatomique de l'organisation du centre ^ nerveux dans les quatre classes d'animaux vertébrés . Paris 1844, (3) Ernest Faivre. — Etudes sur le Conarium et les plexus choroïdes chez Vhommeet les animaux. (Annales des Sciences Naturelles. 4° série, tome Vil, cahier 2 ; page 52. — 1857). (4) Fr. Leuret et P. Gratiolet. — Anatomie comparée du système nerveux. (Tome II, par Gratiolet) page 73. « Le second prolongement médian est fort petit : il émane de l’arc supérieur de l’anneau immédiatement au-devant des tubercules quadrijumeaux, et marque la limite qui sépare l’aqueduc de Sylvius d’avec le ventricule intermédiaire. Cette petite dilatation occupe, derrière la commissure des habenæ, le centre de la glande pinéale, dont elle est, en quelque sorte, le ventricule. Nous lui donnerons, en conséquence, ce nom : ventricule de la glande pinéale. » JOURNAL DE MICROGRAPHIE 337 cavité, Bcssemblant aux vésicules oculaires à leur apparition sur les couches optiques. Nous reviendrons du reste sur ces explications, que nous ne faisons que signaler en passant. Hagemann, en 1872, étudia de nouveau la constitution de la glande pinéale, et il y découvrit des fibres nerveuses, des cylindres-axes (5). Par tout ce qui précède, on devait donc être bien préparé à l’idée que c’était là un organe nerveux. Cependant, ce ne fut pas admis sans con¬ teste, car en 1879 Henle (6), et, en France, Ch. Robin considéraient la glande pinéale comme une sorte de ganglion lymphatique, perdu au milieu de la pulpe cérébrale. Mais ce furent là les dernières résistances ; car tout à coup les études de la glande pinéale, poursuivies chez diffé- Fig. 4. — Figures reproduites d’après H. Milne-Edwards {Recherches Zoolog. pour servir à Vhistoire des Lézards. — Annales des Sciences Naturelles, 1829, tome XVI, page 50) et représentant les plaques squameuses de la tête du Lézard piqueté (en A* et du Lézard pommelé (en B) : — A, plaque occipitale; — B, B, plaques pariétales; — C, plaques interpariétales. (On y voit la tache noire correspondant à la glande pinéale) ; — D, plaques fronto-pariétales ; — E, plaque frontaie. rentes espèces de reptiles, vinrent démontrer que c'était un œil rudi¬ mentaire. Celui auquel revient la gloire de cette découverte, est le Hollandais de Graaf, comme nous l’avons dit précédemment ; mais le travail le plus complet est celui qui parut peu après en Angleterre et est dû à B. Spencer. C’est à lui du reste que j’aurai à emprunter les figures et la plus grande partie des matériaux de ce cours. Maintenant, pour démontrer que la glande pinéale est un œil rudi- (5) . Hagemann. — Uber den Ban des Conarium (Reichert’s und Du Rois Reymond’s Arch. 1872. p. 429). (6) Henle. — Handbuch der Systematischen Anatomie. (III. Bd., Xervenlelhre des Menschen ; p. 290. 1871). « La ressemblance entre le Conarium et les ganglions lymphatiques n’est pas seulement une ressemblance superficielle. Mais je pense que cet organe, après avoir fonctionné d’abord comme glande lymphatique, en à peu à peu perdu les propriétés, et que le courant de la lymphe a pris une autre direction _ » 338 JOURNAL DE MICROGRAPHIE meiUaire, je vais commencer par vous présentcrquelques-uns des types les plus parfaits que présente cet œil cérébral chez les lézards. Si on regarde la partie dorsale de la tète du Lacerta of/ilis, on voit cette tête couverte d'écailles, qui sont en général au nombre de Fig. 5. — L'œil du Calotes d’après Baldwin Spencer. — En A, l’écaille interpariétale, à travers laquelle est vu l’œil pinéal ; — en B, cette écaille est enlevée et on voit, à un plus fort grossissement, le globe oculaire au milieu du tissu conjonctif et des vaisseaux. deux par os crânien et on remarque comme particularité un point, une tache noire médiane au niveau delà région pariétale. Cette particularité n’avait pas échappé aux yeux des observateurs, on la connaissait, sans l’expliquer. Elle existe, bien marquée par le dessinateur, dans la figure de ce reptile qui se trouve dans l’atlas de Milne-Edwards (lig. 4), mais le texte n’en fait pas mention [Annales Sciences Nat. 1829). Les deux écailles latérales sont les écailles pariétales ; celle en arrière est l’écaille occipitale, celles qui sont en avant sont les écailles fronto-pariétales. La tache se trouve sur les écailles inter-pariélales et correspond à un trou très-important, qui se trouve sous-jacent. ' Voici d’autre part l’écaille inter-pariétale d’un Iguane, le Calotes \ F, 6. — Coupe du crâne, à travers l’œil pinéal du Seps Chaloidica (Saurien brévi- lingue, de la famille des Scincoïdes ; l’orvet appartient à la même famille)/ — Pa, Pa, portions de l’os pariétal limitant le trou pariétal ; — Ep, épiderme ; — C, hémisphère supérieur ou cristallinien, et R, hémisphère inférieur ou rétinien, du globe oculaire placé dans le trou pariétal. Ici ce globe oculaire n’est pas rattaché à l’encéphale par un pédicule. cette écaille présente (fig. 5, en A.) une tache pigmentaire, entourée d’un cercle blanchâtre, et fait ainsi l’effet d un œil : c’en est un en réalité. Car si on soulève cette écaille, on se trouve en pré.sence d’une. «4TrTr JOURNAL DK' MICROGRAPHIE masse de tissu^ fibreux au milieu duquel se rencontre une sorte sphère très fortement pigmentée (fig. 5, en B). > ; r;.. - ro La fig. 6 nous montre, sur une coupe, cet organe placé comme un bouchon dans le trou de l’os pariétal {Pa, Pa) ;;jil a la forme d’une sphère creuse aplatie de haut en bas, que la coupe nous fait, vpir compo¬ sée de deux hémisphères, un supérieur (G) constitué par des éléments transparents; un inférieur dont la structure histologique est beaucoup plus compliquée (R). Nous reviendrons sur ces parties. Mais tout cela reste seul, isolé dans cette cavité, sans connexion avec le cerveau, car il n’y a pas là de nerf optique. Ce premier exemple ne nous aurait, rien appris sur la nature de la glande pinéale; aussi, pour avoir uncasplus démonstratif, plus probant, nous allons passer à l’œil cérébral de V Hatteria punctata^ iguanide) de la Nouvelle-Zélande. D’abord sur lafig. 7, qui représente la face latérale du cerveau de ce reptile, nous voyons en avant les hémis- Fig. 7. — Le cerveau de VHatteria ‘punctataf Â'di\>v'e^ Baldwin Spencer. Pa, Pa, l’os pariétal ; — Ca, Ca, le crâne cartilagineux ; — H, hémisphère'^ cérébral. — O, lobes optiques ; — C, cervelet ; — M, moelle allongée ; — E, la portion basale de l’épiphyse ; — P, sa portion périphérique renflée (œil pinéal) placée au-dessous du trou occipital. phéres cérébraux (H), et en arrière de ceux-ci, les tubercules biju- meaux (0) quu correspondent à nos tubercules quadrijuiïfeaux. Entre ces deux parties il en existe une plus réduite, et très peu visible sur cette figure, mais qui Te devient bien plus si on considère l’encéphale, vu par sa face supérieure. Ce sont les couches optiques, ou vésicule du troisième ventricule. C’est sur ce point qu’il faut porter notre attention. Là, en effet, on trouve, à la partie postérieure des couches optiques et du troisième ventricule, un petit organe assez développé, qui monte s’élevant au dessus du cerveau (E, 7), puis se rétrécit en un filament blanc (Jui va ^e terminer eri. un' renflement bulbaire (P). C’est un nerf optique, ayant un œil à son extfémité- Cette petite région dé l’extrémité périphériquede la formation pinéale,^ nous la considérerons àpart et plus grossie dans la fig. 8. Nous, voyons d'abord là, comme dans la rfigure précédente,; la cavité pariétale qui existe dans le Crâne osséux et se répète dani le crâne cartilagineux; au dessous, la coupe d’uii fiémisphérc céCébral (H), puis celle d’ùn tubercule bijumeau,,(Q!.) et entr^e les deux,Ja cavité du troisièrpè ventri¬ cule (Va), et ce qui doit attirer principalement notre attention, en arriérent 340 JOURNAL DE MICROGRAPHIE au-dessus de cette cavité, un organe creux communiquant avec elle, organe à contours irréguliers, bizarres, d’apparence spongieuse (E),qui se prolonge à sa partie supérieure en un filament nerveux, dirigé d’arrière en avant, de bas en haut, et qui va dans le trou pariétal se di¬ later en une sphère creuse, dont les dimensions étroites ne semblent Fig. 8. — L’ensemble de la formation pinéale de VHatteria punctata (d’après Bal¬ dwin Spencer). — V3, la cavité du troisième Ventricule, coupe antéro-postérieure; — Les autres lettres comme pour la figure précédente. plus en relation avec la capacité de la cavité qui lui sert de réceptacle. Cet organe sphérique est entouré par du tissu conjonctif, transparent, gélatineux, analogue à certains égards, à celui de la cornée, et formant deux couches qui entourent ce globe oculaire. (A suivre). SLK LES PROTISTES DES MOUSSES ET LEUR ENKYSTEMENT I Les études de perfectionnement que j’ai faites, dans ces dernières années, dans le champ de l'anatomie, de l’histologie et de l’embryo¬ logie comparée (1) et spécialement sur les cellules glandulaires, m’ont (1),Mari.4 Sacchi. — Contrihuzioni alV istologia e V emhryologia delV appa- recchio digerente dei hatrachi e dei rettili (avec2pl.). Atti Soc.it. Sc. Nat. 1886. Sulla morfologia delle gland, intestinali dei Yertebrati. Boll Sc. 1886. SulV istologia dei ovidotto dei Sduropsidi (avec 1 pl.). Atti Soc. it. Sc. Nat. 1887. Sulla struttura dei tegumenie negli embrioni dei Salmo lacustris. Rend. Ist. Lomb. 1887,- . , JOURNAL DE MICROGRAPHIE 341 convaincue de quelle importance serait, pour l’explication des phéno¬ mènes biologiques qui se produisent dans les cellules des tissus et dans les tissus eux-mémes pris dans leur ensemble, l’étude des êtres inférieurs. En effet, les méthodes des coupes et des dissociations des parties embryonnaires ou des organismes complètement développés, nous mettent sous les yeux les résultats de ce qui est arrivé pendant la vie de l’étre, mais ne nous montrent pas le processus fonctionnel en action. Au contraire, sur les êtres unicellulatres isolés ou associés que nous pouvons observer vivants, il est plus facile de se faire une idée du processus intime des phénomènes biologiques, avec cet avan¬ tage même de les voir dans leurs premiers moments, et par conséquent non soumis aux conditions de leur développement ultérieur. Dans les êtres inférieurs vivants, outre les cellules libres, il y aussi, vivant librement, d’autres éléments plus simples de l’organisation animale, cytodes et plastidules, dont l’importance se révéle pendant l’évolution individuelle et spécifique de l’être supérieur en degré d’or¬ ganisation à l’élément morphologique constituant. Dans la série des Protistes, on trouve d’immenses matériaux de recherches pour Tétude des substances plastiques qui sont le substra¬ tum des processus biologiques. H y a des substances indifférentes ou primordiales relativement à l’état actuel de nos connaissances, et il y a des substances dérivées, celles dans lesquelles commence à appa¬ raître la division du travail physiologique. Le substratum anatomique selieainsi avec la fonction, et la substance formatrice de l’organisation animale devient caractéristique de l’être vivant. L’importance biolo¬ gique de toute cette nombreuse série d’êtres qui précède l’autre, si nombreuse aussi, des Métazoaires, est aujourd’hui tellement reconnue que j’ai été portée à entreprendre des recherches particulières. C’est pour cela que j’ai cru devoir prendre la protistologie comme sujet des études de perfectionnement de cette année, études dont je vais rendre compte brièvement dans le présent travail. Au début, ces recherches me présentèrent des difficultés, que j’ai pu surmonter peu à peu en profitant des solides enseignements et des bons conseils que m’a gracieusement prodigués le professeur L. Maggi. Connaître d’avance toute la nomenclature et la taxonomie protistolo- gique est une des premières difficultés qui se présentent, et pour la surmonter, outre la pratique du microscope, il y a un grand nombre de livres ; la nécessité de consulter ceux-ci minutieusement et fréquem¬ ment allonge plus qu’il n’est possible de le croire le temps nécessaire aux recherches, augmenté encore par l’obligation de noter les faits que l’on observe et de signaler les formes qui présentent de la nou¬ veauté ; c’est ainsi que l’année se termine en laissant un grand nombre de desiderata non satisfaits. Toutefois, j’ai pu arriver à la systéma¬ tique des Protistes et faire quelques observations biologiques, pour lesquelles j’ai dù reprendre les principales théories concernant la constitution intime du corps des êtres inférieurs. 342 JOURNAL DE MICROGRAPHIE ■ Ces recherches sur la structure intime des Protozoaires appliquées à Texplication des phénomènes cytologiques des Métazoaires ont fait mettre un peu de côté Pétude de la vie des Protozoaires eux-mêmes, de leurs relations avec le monde ambiant et des modifications qu’ils en reçoivent. « Dans les nombreux et intéressants travaux sur les formes animales qui vivent dans la profondeur des mers, dans l’obscurilé, dans les plus grandes dépressions et sur les plus grandes, élévations, de la croûte terrestre, dans les extrêmes de température, de sécheresse et d’humidité, on voit dominer les Protozoaires; car, sauf quelques excep¬ tions importantes, il n’y a pas de type animal dans lequel on puisse trouver les phénomènes plus élémentaires de l’adaptation aux condi¬ tions diverses de la vie. Un. fait biologique particulier, sur lequel j’ai particulièrement tourné mon attention cette année, , est l’adaptation des Protozoaires aux alternatives de sécheresse et d’humidité du milieu dans lequel beaucoup d’eux se trouvent, tandis que les espèces qui vivent dans les étangs, les lacs et les mers sont voués à une vie conti¬ nuellement aquatique. Ces faits ont déjà été observés -sur des formes plus élevées, et tout le monde se rappelle ce qui a été dit et écrit depuis Spallanzani sur la mort apparente des Rotifères et des Tardir- grades exposés successivement au dessèchement et à l’humidité. Mais on n’a pas rappelé que, dans ce même milieu où vivent ces Rotifères et ces Tardigrades, c’est-à-dire tlans les mousses des toits, des pierres et des arbres, dans les lichens et les hépatiques, existent aussi, succes¬ sivement exposés à la pluie et au soleil, beaucoup de Protozoaires lobés, ciliés et flagellés, qui doivent présenter les mêmes phénomènes d’adaptation. ' Semper, dans son livre : Die- natilrlichen Eæistenzbedingung en der Thiere, où il traite de l’adaptation aux alternatives de sécheresse et d’humidité à propos des Tardigrades et des Rotifères, ne s’occcupc pas des Protozoaires. ’ . Ces réflexions, jointes à l’étude des travaux de Imhof sur les. foriiies animales qui vivent dans les ErvMania^ et de Maggi sur les Proto¬ zoaires qui habiient les mousses des arbres, m’ont conduite à étudier les Protozoaires des mousses des arbres, des toits et des pierres, en vue de rechercher spécialement quelles sont les espèces qui présentent une adaptation à cette alternance particulière de vie. 11 Sur les Protistes des mousses, ont déjà écrit : Dujardin en 1841 et 1852, Perty en 1846, Ehrenberg en 1853, Leidy en 1874, Fabrcr Domergue en 1884, Oth. Em. Imhof en 1888. On trouve des notices historiques particulières sur ces travaux dans le dernier mémoire du professeur Maggi « sur les Protozoaires vivant, dans les mousses'des JOURNAL DE MICROGRAPHIE 343 plantes. » (Rend. Ist. Lomh., T. XXI, fasc. 6, sér. II.) Sur VHypnum rdinaires. On ne distingue pas de réliculuin protoplasmique bien net. Puis, on observe des canaux ayant une lumière centrale bien marquée, des cellules cylindriques très nettement striées à la ])ase; le noyau est situé à la partie moyenne de la cellule ou un peu plus rapproché du sommet : ce sont les canaux salivaires à cellules striées. Enfin, dans les éléments intermédiaires, on voit des cellules claires,, avec un noyau près de la base, cq\\\\\qs, ])seiido-calicif ormes ^ striées, à la base, mais sur une faible hauteur. Ainsi, on reconnaît des culs-de-sac composés de cellules granu¬ leuses, des tubes tapissés de cellules claires ne se colorant pas par le picrocarminate, à base striée : ce sont les canaux salivaires striés, bien connus; enfin, des canaux tapissés de cellules pseudo-calici¬ formes. (A suiere.) LE TROlSIExME ŒIL DES VERTEBRES. » Leçons faites à l’Ecole cl’ Anthropologie par M. Mathias Duval, professeur à la Faculté de médecine de Paris [Suite) (1). La fig. 9 nous donne une coupe plus grossie de ce globe oculaire qui permer de distinguer l’orientation des éléments anatomiques. Le globe a une forme générale piriforme et comprend deux hémisphères : l’hémisphère antérieur (L) constitué par des cellules allongées, trans¬ parentes, cellules qui en majorité ressemblent presqu’à des fibres, tandis que quelques-unes ont encore conservé une forme ovale. C’est l’hémisphère du cristallin (C.) Au contact immédiat avec cet hémisphère, à sa partie postérieure, se trouvent des cellules qui, par leurs formes, présentent tous les pas¬ sages, toutes les transitions avec celles qui vont former l’hémisphère- postérieur. Celles-ci en effet se modifiant, se compliquant, arrivent à présenter (1) Recaeiîlies par M. P. G. Maholdeau. Voir Journ. de Microgr. 1888, p. 250, 273, 308, 330. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 369 une structure analogue à celle de la rétine. C’est, en effet, un hémisphère rèlinien. Si maintenant nous passons à la lig. 10, qui nous donne une coupe Fig. 9. Coupe de l’œil pinéal àeV Ilatteria. (d’après B. Spencer). — NO, nert optiqu® ou pédicule de l’œil pariétal ; — C, cristallin ; — R, rétine. — On voit de plus le tissu conjonctif réticulé (à cellules étoilées) dans lequel plonge l’œil, et les diverses couches de tissu conjonctif qui l’englobent. histologique de cette partie rétinienne, nous remarquons à la face in¬ terne du globe une couche de cônes ou htàtonnets (B). Ce sont de grandes cellules à hase large, dont la partie profonde, dirigée vers la Fig. 10. Structure delà rétine pinéale de Y Hatteria . Spencer). B, les bâtonnets pigmentés ; — NI, couche des grains internes ; — G, couche molé¬ culaire ou granulée ; — N 2, couche des grains externes, — CN, petite cellule nerveuse ; — S, éléments de soutien, comparables aux fibres de Muller; — NO, couche des fibrilles nerveuses, formant la zone la plus externe de cette rétine. sont noirs, très fortement pigmentés ; leur partie centrale est claire, n’est leur surface qui est infiltrée de pigment. . 370 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Au-dessous on rencontre une deuxième couche, celle des grains internes ou des cellules bipolaires internes (Ni , %. 10). La partie qui lui est sous-jacente constitue la couche moléculaire ou granulée (G); elle est formée par des granulations fines, placées côte à côte. Après elle vient une nouvelle couche de grains ou noyaux externes (N2), dont les prolongements vont se continuer avec les fibres nerveuses de la périphérie, qui sont constituées par le nerf optique (NO). Il y a encore, en outre, de petites cellules nerveuses bipolaires très réduites, dont les prolongements extérieurs vont se mêler aux fibres du nerf optique (CN). Les éléments qui sont figurés en dernier lieu ne sont plus des éléments nerveux, ce sont de gros cônes sans connexion avec tout ce qui vient d’être décrit ; ils sont la comme une palissade,. Fig. 11. La partie centrale (la plus profonde) de la rétine pinéale de V Hatterid). — GN. ganglion nerveux ; — Les autres lettres comme dans la figure précédente. dans un but protecteur : ce sont des soutiens (S). Dans la rétine humaine, ces mêmes éléments se retrouvent et se prolongent très loin ; ce sont les fibres de Müller, ou fibres de soutien, ou fibres de la rétine. Cette couche est la dernière de la rétine ; après elle, on ne trouve plus que l’épanouissement du nerf optique (NO). Chez quelques lézards, de même que cela a lieu chez l’embryon, le nerf optique est creux, et cette cavité se prolonge jusqu’aux ventri¬ cules. Chez VHatteria punciata, il est plein, formé par des fibres nerveuses qui s’irradient pour aller à la périphérie de la rétine, (fig. 9.) Vous remarquerez, sur la fig. 9, qu’à la partie centrale de ce nerf, au moment où il aborde la rétine, il présente une sorte de ganglion nerveux, formé d’un groupe de cellules (fig. 11, GN) ; puis, au delà, le nerf se reconstitue et ses fibres vont se continuer avec des cônes très allongés, qui forment à cet endroit tout ce qui constitue la rétine. Cette disposition, en ce qui regarde la constitution si simple de la rétine à ce niveau, correspond peut-être à notre fossette centrale ou tache jaune^ JOURNAL DE MICROGRAPHIE 371 c’est-à-dire à l’endroit de la rétine où la vision se fait le plus dis¬ tinctement. Il y a donc tout lieu de croire que cette région est bien, chez le lézard, l’analogue de la tache jaune et joue le même rôle. Fig. 12. — Schéma de l’œil humain (coupe antéro-postérieure). — No, nerf optique; — Ch, choroïde; — P, pigment rétinien; — Pr, procès ciliaires; — I, iris; — Cr, cristallin; — Co, cornée; — E, son épithélium; — Ha, humeur aqueuse (chambre antérieure); — Hh, humeur hyaloïde. Maintenant que nous venons de voir rapidement en quoi consiste cette formation pinéale des Reptiles, pour être bien certains que cela constitue un appareil de la vision, il y a lieu de nous demander en quoi consiste un œil ordinaire. Un œil est un organe constitué par des membranes et des milieux. Les membranes sont la sclérotique, la choroïde et la rétine ; les mi¬ lieux sont le cristallin et l’humeur vitrée. La complexité de ces parties est suffisamment représentée par la fig. 12. Fig. 13. — Œil de VAmmoco&tes, réduit à un cristallin (C) et à une rétine (R) avec sa couche pigmentaire (P). Mais un œil peut ne pas comprendre tous ces détails, et fonctionner tout en n’étant formé ({ue d’une rétine et d’un cristallin, comme par exemple l’œil de V Ammocœtes (fig. 13). 372 JOURNAL dp: micrographip: , Ces deux ])nrties peuvent done suffire pour faire un œü. Le cristallin, lentille bi-convexe, est formé de couches concentri(pies qui dissociées ])résentent des éléments longs, placés côte à côte et autre¬ fois nommés fibres cristalliniennes. Ces fibres ne sont que des cellules primitivement cylindri({ues ou cubiques, (jui se sont allongées et qiiiont encore leur noyau vers leur partie médiane. On trouve encore quelques cellules de forme cylindri(|uc vers la base du cristallin. Tout ce qui constitue une lentille cristalline, nous le retrouverons dans ITiémisplière antérieur de V Haiteria, qui forme une lentille bi¬ convexe de même nature et capable, elle aussi, de réfléchir une image sur une rétine. Nous allons maintenant cbcrclier si la rétine, que nous avons étudiée Fig. 14. — Schéma de la rétine humaine. (Son état de développement vers la fin de la vie fœtale). — 1, couche des fibres du nerf optique; — 2, couches des cellules ner¬ veuses; — 3, couche granulée interne; — 4, couche granuleuse interne; — 5, couche granulée externe; — 6, couche granuleuse externe, avec les cônes et les bâtonnets en voie de formation; — 7, couche de pigment. (Voir Matuias Duval. Art. Rétine du Dictionnaire de Médecine et de Chirurgie pratiques.) chez V Ilatteria, ést bien l’équivalent de la rétine d’un œil ordinaire, et si nous le démontrons en la comparant, par exemple, avec une rétine humaine, nous serons bien amenés à conclure que cet œil pinéal est bien réellement un œil parfait. Sur une rétine humaine, en suivant couche par couche les éléments qui se présentent, nous rencontrons en premier lieu : la couche des b⬠tonnets, elle correspond bien à celle que possède V Hatteria \ la couche granuleuse externe ou des grains externes, qui vient après, est bien analogue sur les deux rétines; nous trouvons, identique encore, cette 3® couche, dite couche granulée et formée par les anastomoses en ple¬ xus serré des fibrilles émises par les couches précédentes ; la 4® cou¬ che, ou couche des grains internes, estde même semblable dans les deux cas; mais après elle vient une légère différence, qui est du reste la seule chose qui fasse défaut chez VHatteria : c’est la seconde couche granulée de l’homme; ensuite nous retrouverons également sur les deux JOURNAL DE MICROGRAPHIE rétines la couche de cellules nerveuses et celle des éléments de soutien ou fib’:’es de Muller. , Il y a donc presque identité entre les deux rétines, et en présence de la vésicule pinéale de V Hatteria, nul ne peut méconnaître (pi’il ne se trouve bien réellement en présence d*un œil, puiscpie nous avons vu qu’un cristallin et une rétine sullisent pour caractériser un œil véri¬ table. Mais, arrivé à ce moment de notre démonstration, nous allons nous trouver en présence d’une diflérence dans la topographie des éléments rétiniens, différence que nous avons évité de signaler de suite pour ne pas embrouiller la description, c’est que ; si la rétine de VHatteria Fig. 15. — Partie antérieure du corps du poulet au troisième jour (vue par la face ventrale.) — (7, cœur; — Vo, vésicules oculaires primitives. correspond bien à celle de riiomme qui nous a servi de point de com¬ paraison, c’est cependant une rétine qui se présente au rebours, c’est- à-dire que l’ordre des éléments se trouve être précisément à l’envers de ceux de l’homme; exactement comme si cette rétine était renversée, c’est-à-dire que, dans la rétine humaine, c’est en pai'tant de la face externe que nous trouvons tout d’abord les bàtonnents, puis successi¬ vement les autres couches, en finissant par celle des fibres nerveuses qui est la plus interne; tandis que dans la rétine de Vllatterkc, c’est en partant, cette fois, de la face interne que nous trouvons d’abord les b⬠tonnets, puis les autres couches, dont la couche des fibres nerveuses est la plus externe. . C’est là assurément une différence qui paraîtra prodigieuse au ])re- mier abord, et qui pourrait sembler considérable si rcmbryologie ne enait à notre secours pour en rendre compte, pour rcxpli(|uer. Examinons donc de plus près la question : je le répète, dans la 374 JOURNAL DE MICROGRAPHIE rétine humaine nous voyons que la couche des cônes est tournée vers l’extérieur du globe oculaire, tandis que celle des éléments de la base ou éléments de soutien regarde à l’intérieur de la cavité, ce qui est juste l’inverse de ce que nous présente VHatteria; la conclusion que nous en tirons dès maintenant est que cette rétine pinéale est une rétine inversée. Sommes-nous dans le vrai en disant cela? L’embryologie nous ré¬ pondra en nous éclairant sur ce fait, en apparence si contradic¬ toire. Il suffira, à cet effet, de rappeler très brièvement les les phé¬ nomènes bien connus aujourd’hui du développement de l’œil, et par¬ ticulièrement de la rétine des vertébrés. Lorsque l’œil humain se développe, on constate que la rétine se forme aux dépens de la première vésicule cérébrale ; sur cette vési- Fig. 16. — Coupe de la tête et du cou d’un embryon humain long de 4 millimètres (d’après His). cule, en effet (fig. lo et 16), il se forme d’abord une sorte de hernie ou excroissance bilatérale, qui lui donne l’apparence d’un marteau; chacune de ces excroissances latérales grandit, s’exagère, puis sa base se rétrécit, et dès lors se trouve constitué ce qu’on nomme les vési¬ cules optiques primitives, sortes de sphères creuses dont les cavités communiquent avec celles de l’encéphale. Quand ces sphères arrivent au contact de la peau de la tète, elles semblent s’arrêter dans leur développement, car au lieu de proémi- ner, elles s’aplatissent par leur hémisphère périphérique ; bientôt même, la partie aplatie rentrant dans la cavité de la vésicule, il y a invagination, de telle sorte que peu à peu à la sphère succède une véri¬ table cupule (flg. 17), dont les deux bords tendent alors à se rapprocher pour reformer une nouvelle sphère, bien différente, celle-là, de la pre¬ mière. Nous venons donc de voir, à la vésicule primitive, en succéder une JOURNAL DE MICROGRAPHIE 375 seconde, qui est la vésicule oculaire secondaire^ caractérisée nette¬ ment par ce fait qu’elle possède de doubles parois qui sont le résultat de l’invagination de l’hémisphère externe ou antérieur dans la partie interne; ces parois nouvelles se transforment et font la rétine. La rétine, dans ce cas, est donc constituée par la paroi qui vient de s’invaginer, et par suite, comme les éléments qui deviennent des bâton¬ nets sont ceux qui regardent l’intérieur de la cavité, ainsi (|ue nous Lavons vu dans l’œil pinéal de V Hatteria^ comme ici la cavité réelle primitive est la partie comprise entre les deux feuillets, on comprend que les cônes, étant les éléments histologiques intérieurs, se dévelop¬ peront du côté qui correspond à la cavité primitive ou ce qui en tient lieu, tandis que les fibres de Muller, elles, regarderont la cavité de la Fig. 17. — Formation de la vésicule oculaire secondaire (coupe transversale de la tête de l’embryon.) — vésicule cérébrale ; — 6, vésicule oculaire ; — e, e, ectoderme ; — m, mésoderme; — n, n, paroi du tube nerveux central; — c, épaississement correspondant à l’apparition du cristallin. vésicule secondaire, ou, pour mieux dire, la partie externe invaginée. La rétine humaine sera donc bien au rebours d’une rétine pinéale, mais laquelle des deux doit être considérée comme inversée? Evidem¬ ment c’est celle des vertébrés supérieurs qui seule mérite cette déno¬ mination. Une autre remarque reste à faire, c’est qu’en même temps qu’il y a inversion, il y a aussi division du travail. Dans les yeux non inversés, comme l’œil pinéal de Vllattoda, les bâtonnets ou cônes sont très fortement pigmentés. Cette disposition ne se retrouve plus dans les yeux inversés des vertébrés supérieurs ; mais là, le feuillet externe de la vésicule oculaire secondaire forme la couche pigmentaire : il y a donc bien répartition du travail entre les deux couches, les bâtonnets étant seuls dans le feuillet interne, le pigment résidant uniquement dans le feuillet externe. La physiologie vient appuyer et confirmer ces données anato¬ miques, car, par elle, nous savons qu’il faut que les rayons lumineux 370 JOURNAL DE MICROGRAPHIE 'aillent impressionner les bâtonnets après s’ètre préalablement réfléchis sur le pigment, de telle façon qu’ils attaquent ces derniers par leurs bases; direction qui démontre bien tout ce que nous avons dit à ce sujet. . Maintenant que nous avons vu dans la rétine de VHatteria une rétine mon inversée, et compris ce qui la sépare nettement de celle des ver¬ tébrés supérieurs, comme Cette rétine est celle d’un œil spécial, d’un œil pinéal, nous devons nous demander s’il n’en existe pas d’autres dans ce cas, ce qui nous permettrait de faire de meilleures comparai¬ sons. Or, rien n’est plus facile que de trouver une semblable rétine, qui est celle de tous les invertébrés. Les Mollusques, les Gastéropodes, l’escargot par exemple, n’ont pas leur rétine inversée. Chez eux on trouve, comme chez VHatteria, en allant de la cavité de l’œil vers sa surface, d’abord des cônes et bâtonnets, puis la couche granuleuse, etc., c’est-à-dire l’inverse abso¬ lument de la disposition histologique de la rétine humaine. Nous sommes donc là en ])résence de ce fait, qu’un œil pinéal ést un œil identique à celui des invertébrés, et nous aurons plus tard à examiner si, en effet, cet œil spécial n’a pas été transmis des inver¬ tébrés aux vertébrés, dans la série physiologique, avec sa constitution propre. Mais, d'abord, à propos de cet œil non inversé des Mollusques, il nous reste à en connaître l’origine, à savoir pourquoi il existe ainsi, pourquoi il diffère à ce point des yeux ordinaires des vertébrés supé¬ rieurs. Là encore l’embryologie seule peut nous répondre, et il en sera ainsi chaijuefois que nous chercherons à comprendre, à expliquer des phénomènes dé ce genre. fA suivre.) SLll LES PROTISTES DES MOUSSES ET LEUR-ENKYSTEMENT , (Suite) (1) 30. EitgJypha Sp ? Hah. — Dans les mousses des toits. Ohservatiù7i. — Petite Euglyphe cylindrique, terminée postérieurement par un hémisphère, et munie antérieurement de deux appendices repliés en arrière. On voit, par transpare’' îie, trois grosses masses adossées qui occupent une bonne par¬ tie du corps. Quelq^. D5 granules épars çà et là à l’extérieur des masses. : {\) \o\v Joiü'nal de Micrographie, dernier numéro, p. 340. _ - - JOURNAL DE MICROGRAPHIE 377 31. Euglypha Sp ? Hab. — Dans les mousses des toits. Observation. — Coque à surface lisse de forme ovoïde, avec une ouverture' oblique à l’une des extrémités. Noyau visible à travers la coque transparente, placé près de la surface, environ au tnilieu de la longueur du corps. On voit aussi, par transpareuce, plusieurs corpuscules de formes variées, qui ont été absorbés. L’animal se meut en oscillant et ne va que par saccades. 32. Euglypha Sp ? Hab. — Sur le Grimmia pulv inata. Observation. — La coupe optique de la coque a la forme symétrique d’un polygone oblong à 7 cotés : un, postérieur, basal ; deux latéraux parallèles, et dans une direction perpendiculaire à la base; deux côtés qui réunissent cette base aux côtés latéraux ; deux, enfin, convergents en avant en un angle, dont partent deux petites dents coniques. La coque est entièrement couverte d’un dessin à aréoles arrondis. On ne voit pas par transparence la structure interne. 33. Pleurophnjs lageniforrnis, Eilh. g. Schulze (T. XI., p. 125, pl. 7, fig. 6-8.) Hab. — Sur Grimmia pulv inata. Observation. — Coque en forme de flacon à col gros et court, colorée en rouge sombre et couverte de gros granules de sable qui la rendent presque complète¬ ment opaque. On pouvait voir cependant le protoplasma enkysté en une sphère qui occupait toute la partie sphéroïdale de la coque, mais non le col. — L’espèce de Schulze est marine. 34. Nehela collaris, Leidy. (Rbizopods in tlie musses of the summit of Roan Mountains, Norih Carolina. — Proceedings of the Acad, of Nat. Sc. of Philadelphia, Part. H, Avril-Sept. 1880, p. 335- 336.) Hab. — Sur V Homalothecium sericeum. Observation. — Leidy a trouvé cette espèce sur les Hypnum et les Sphaynum des Montagnes Rocheuses. Mon exemplaire a la forme d’un fiacon. La coque est traversée 7 ou 8 fois par une ligne spirale, et parsemée de granules sableux. 35. Arcella vulgaris, Ehb. (Loc. cit.) Hab. — Sur Y Homalothecium sericeum et sur le Grimmia puU vinata. Observation. — Coque très sombre et presque opaque, empêchant ainsi de distinguer les particularités du protoplasma de l’animal. L’ouverture centrale, circulaire, est distincte. 36. Arcella patens. Olap, et Lacli. (Loc. cit., p. 446, pl. 22, fig. 7.) Hab. — Sur Y Homalothecium sericeum. Observation. — Coque hémisphérisque, transparente, incolore, ouverte sur toute la largeur de la base, donnant issue à une partie du corps avec de gros pseudopodes arrondis au bout. Une vésicule contractile et un noyau. 37. Ayxella auréola, Maggi (Rend. Ist. Lomb. Scr. I, T, fasc. 6; Milan, 1888). Bab. — Sur Y Homalothecium sericeum: Observation. — Couleur jaune doré. — Quatre noyaux d’égale dimension dans l’endoplasme, près de l’ouverture de la coque, disposés en carré. Divers autres 378 JOURNAL DE MICROGRAPHIE noyaux épars dans l’endoplasrae et nombreux globules de diverses grosseurs irrégulièrement disséminés. Divers pseudopodes filiformes partent d’un point de la périphérie. CILIÉS. Holotriches, Ehb. 38. HoloiJhrya ovum, Ehb. (Infus. p. 314, pl. 23, fig. -) (1). Hab. — Sur V Ano^nodon viticulosus. Observation. — Forme ovoïde ou cylindrique à base hémisphérique; surface du corps striée obliquement. Vésicule contractile à une extrémité du corps ; à l’autre extrémité, deux petites saillies qui limitent la bouche. 39. Colpoda cucullus^ Ehb. (Infus., Pl. 39, %. 5.) Hab. — Sur V Homalothecium sericeum et le Grimmia pul mnata. Observation. — Corps uniforme, long une fois et demie autant que large, arrondi postérieurement, plus étroit en avant. — Vésicule contractile grande, placée en arrière. Cils de la région orale plus longs que ceux de la cuticule. 40. Cyclidmm glaiicoma, Ehb. (Infus. Pl. 22, fig. 1, p. 245.) Hab. — "èuvV Homalotliecium sericeum, V Ano^no don viticulosus. Observation. — Corps ovale, plus ou moins comprimé ; bouche ventrale, cils longs et sétiformes ; une petite soie assez longue à l’extrémité postérieure. Hétérotriches, Stein. 41. Bursaria iruncaiella, Müll. (Infus., p. 115, pl. 17, fig. 1-4). Hab. — Dans les mousses des toits. Observation. — Corps transparent, largement ovalaire, plus large en arrière et légèrement plus étroit à l’extrémité antérieure, qui est tronquée. Je n’ai pu constater toutes les particularités indiquées par Saville Kent, dans sa pl. XXIX fig. 1. [Matinal of Infusoria, part. IV.) 42. Plagiotoma Sp ? Hab. — Sur V Homalothecium sericeum. Observation. ■ — J’ai observé cette forme d’une manière insuffisante, aussi je n’en puis rien dire, si ce n’est qu’elle appartient au genre Plagiotoma, Duj. 43. Stentor albus, From. (Fromentel et Mme Jobard-Muteau. — Etudes sur les Microzoaires, p, 258, pl. 12, fig. 13-13 d.) Hab. — Sur V Homalothecium sericeum ci le Grimmia puleinata. Observation. — 11 prend des formes assez diverses. Tantôt il est cylindrique ovalaire, avec deux touffes de cils à la partie antérieure, à la base desquelles partent deux sillons longitudinaux qui se joignent vers le tiers de la longueur du corps. Les cils sont plus courts sur deux petites lignes latérales aux touffes, et sur la surface d’une vésicule cluire, transparente, qui proémine vers le milieu de la longueur du corps. Tantôt il affecte la forme d’un calice étroit en haut, large et plat à la base, avec deux touffes enroulées, qui occupent toute la partie anté- ( (1) Le genre Holophrija est maintenant rangé non plus dans les Ciliés holo¬ triches, mais dans les Acinétiniens. — Red. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 379 rieure ; — tantôt la forme d’un calice renflé au fond, avec un col et une embou¬ chure élargie. — Tantôt encore, il devient presque sphérique, avec les cils dis¬ tribués à la partie antérieure un peu plus étroits et plus aplatis. — 11 y a une grande vésicule contractile, toujours placée dans la moitié antérieure. — Çà et là sont semés de gros granules. 1 PÉRITRICHES. 44. Yorticella microstoma, Ehb. (Infus. p. 311, 1838.) Hab. • — Sur le Gr. pidvinata. Observation. — Rien de particulier sur cet individu, si ce n’est qu’il contient beaucoup de gros granules vert-clair. L’extrémité du pédoncule, long environ deux fois comme la partie caliciforme, était fixée à un granule vert-clair. 45. — Cothurnia ovàta, From. (Etude sur les Microzoaires, p. 245 pl. 9. fîg. 1.) Hab. — Sur V Anomodon vüiculosits . Observation. — Coque transparente, ovalaire, longue environ une fois et demie autant que large, tronquée antérieurement, et légèrement dilatée ; élastique, s’élargit et se resserre lentement. On voit par transparence le corps renfermé dans un kyske ovoïde, atténué antérieurement, contenant de gros granules. — Une vésicule contractile. Hypotriches, Stein. 46. — Chilodon Cuciilhis, Ebb. (3“® Mém. 1833, pl. 2, fig. 1. — Infus. 1838, pl. 36, f. 6.) Hab. — Sur Y Anomodon viticulosits et Y Homalothechm sericenm. Observation. — Corps très flexible, long deux fois autant que large, arrondi postérieui-ement. La proéminence labiée de l’extrémité antérieure est pointue et courbée à gauche. La face ventrale est plate et entièrement ciliée, mais les cils sont plus développés sur le bord frontal et au côté gauche de l’extrémité anté¬ rieure. Une cannelure ondulée va diagonalement de la pointe de la proéminence labiée à l’ouverture orale. — Noyau ovale ou fusiforme, médian, avec un nucléole distinct. Plusieurs vésicules contractiles irrégulièrement distribuées. 47. Aspidisca Sp ? Hab. — Sur Y Ano7nodon viticulosus^ Y Homalothecmm seydcewn. Observation. — J’en ai observé un grand nombre, mais non d’une manière particulière et suffisante pour pouvoir les classer, OXYTRICHES, Ebb. 48. Oxy tricha Sp ? ' Hab. — Sur Y Hoinalothecium sericenm, Y Anomodon viticulosus, e Grimmia pulvinata, dans la mousse des toits. Observation. — Formes très fréquentes ; je n’ai pas déterminé l’espèce. 380 JOURNAL DE MICROGRAPHIE 49. Glaucoma sciatillans, Ehb. (Infus. p. 335, pl. 30, fig. 5.) Ilab. — V Anomodon viticulosus^ V Homalothecmm sericeuin et le Grimmia pulvinaia. % Observation. — Corps ovale, déprimé, bord entier et également arrondi aux deux extrémités. Vésicule contiactile située postérieurement. Ouverture buccale munie d’une membrane vibratile ; cils sur toute la face ventrale et sur toute la périphérie, eu forme de frange. — Striation longitudinale à la surface du corps. — Ce genre Glaucoma, comme aussi le genre Cinetrochiluni ( C. margaritaceum, M. Perty = Glaucoma margaritaceum, Ehb. r=: Cyclydium margaritaceum, Ehb.) ne sont plus, pour diverses raisons, considérés par Saville Kent, comme des types génériques indépendants, placés dans l’ordre des Holotriches, de plus simple organisation, mais comme probablement des formes larvaires de quelques formes Hypotriches plus hautement organisées. — Ils sont cependant conservés provisoirement comme des genres. 30. — Stylonychia mytiht?:, Ebb. (3“® Mém. 1835, pl. 6, — Intus. 1838, pl. 41, fig. 9.) Hab. — Sur XRomalothecium sericeum. Observation. — Corps elliptique, long plus de deux fois autant que large, un peu plus large en avant, légèrement courbé sur un côté. Extrémité postérieure munie de trois longues soies. Le péristome occupe toute la partie gauche de la surface ventrale antérieure ; son bord cilié est replié à l'intérieur, et porte une membrane. Style anaux et ventraux divers. (A siûvre.) Doct. Maria Sacchi, * Adjointe au Lab. d’Anat. Comp. de l’Université de Pavie. SUR L’INFLUENCE DU MÂLE DANS LA PRODUCTION DE QUELQUES ANOMALIES OU MONSTRUOSITES (D’après l’hypothèse de M. Cutter.) Dans la dixième année du Journcd de Micrographie (1886) publié par M. le D’’ J. Pelletai! , M. le D*" Ephraïm Cutter, de New- York, après aN'oir exposé ses observations, avec celles du D’’ Salisburj, sur clés spermatozoïdes monstrueux trouvés dans le sperme binnain, en tirait la conclusion que le fait constaté de la présence de ces sperma¬ tozoïdes monstrueux pommit aisément expliquer quelques monstruosi¬ tés, les spermatozoïdes à double tête ou double queue, par lui obser¬ vés, pouvant par exemple donner origine à des monstres doubles (1). Il ne fallait donc pas, dorénavant, cV après l’auteur, cbercber les raisons des monstruosités — lorsqu’elles ne peuvent pas s’expliquer (1) D*" Ephraïm Cutter — Sur la cause possible de quelques monstruosités. — Paris, 1886. — Journal de Micrographie. 10° année, p. 2^9. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 3 Mais il nous semble que c’est là toute la question. En effet, l’immunité, c’est-à-dire la préservation d’une maladie, n’a de valeur pratique et sociale que par durée ; si le vaccinateur grec ne préserve du choléra que pour deux ou trois jours seulement et que l’épidémie sévisse pendant deux ou trois mois, comme cela s’est produit, son résultat est nul. Mais, il faut le dire, M. Gamaleïa ne préserve pas du tout et sa soi-disant immunité n’est qu’un leurre. Le choléra gamaleïque ne garantit point du choléra indien. Un savant de Lau¬ sanne, M. E. Lowenthal, vient, en effet, de le démontrer. Il a, comme M. Gamaleïa, cultivé du virus cholérique ; comme M. Gamaleïa, il l’a inoculé à des animaux, et voici ce qu’il a constaté : des souris, inoculées d'abord avec une culture stérilisée, inoffensive, puis inoculées, deux jours après, avec une culture virulente, mortelle, résistaient à cette seconde inoculation : mais si, quinze jours plurs tard, on les soumettait à la même injection de culture virulente, elles succombaient. Ainsi la soi-disant immunité dure bien deux jours, mais nen dure pas quinze. Voilà donc la découverte dont on a fait si grand bruit ! Cependant M. Pasteur n’a pas hésité à proposer de faire inscrire M. Gamaleïa pour le prix Bréant (de cent mille francs), et il s’est fait nommer membre de la commission qui le décerne, afin que sa proposition ait plein succès. Pauvre M. Bréant! Ayant perdu son fils, mort du choléra, il voulait donner cette belle récompense à qui empêcherait l’homme de mourir de ce fléau, et on veut l’attribuer aujourd’hui à celui qui ne sait pas même préserver d’un choléra artificiel le pigeon ou la souris. Concluons : avec la vaccination cholérique, M. Pasteur prépare encore à la France abusée les mêmes déboires dont il l’abreuve avec la vaccination prétendue antirabique, A. Bhrthier. BIBLIOGRAPHIE La Revista trimestrial de Histologia normal y patologica, publiée à Barcelone, par le Santiago Ramon y Cajal, contient dans son numéro 2 les articles suivants : Sobre las fibras nerviosas de la capa molecular del cerebelo, Estructura de la retina de las aves (fin). Estructura de los tubos neroiosos del lobulo eleclrico del Torpédo. Las Vacuolas de los Hématies, etc., en la Malaria, par le D'^ Py y Gibert. :Î88 .TOniNAL DE MICROGRAPHIE La Revue Mycologique, de M. C. Roumeguère, à Toulouse (n® 39), donne, entre autres, les articles suivants : Lichenes Paraguayenses (suite), par MM. Balansa et Millier. La luminosité des Champignons , par M. W. Phillips. Herborisation lichénolo gigue à Constantine, par M. C. Flagey, etc., etc. Dans la Revue Bryologique, publiée par M. T. Husnot (n“ 5, 1888) : Éludes sur le péristome (suite), par M. Philibert. Note sur un Fontinalis de l'Auvergne, par M. F. Renauld. Notice sur quelques Mousses de l'Am. du Nord, par MM. F. Renauld et J. Cardot. OFFRES ET DEMANDES (1) A VENDRE 200. Lampe à iiieaiidescenee à air libre, de Reynier-Trouvé, nickelée, neuve, au lieu de 70 francs . 50 fr. 201. Indicateur de vitesse Deprez-Carpentier, neuf, au lieu de 150 fr. 120 fr. 202. Lampe Reynier à crémaillère, au lieu de 125 francs . 85 fr. 203. Hydromètre Ducondun-Guichard n° 4, au lieu de 50 fr . 40 fr. 204. Régulateur électrique à arc, système Berjot, grande course, au lieu de 225 . 150 fr. 20o. Moteur électrique Trouvé, 3 kilog., neuf, au lieu de 125 fr . 80 fr. 200. Moteur électrique Clovis Baudet, au lieu de 140 francs . 85 fr. 20'?. Plaiaimètre d’Amsler, en écrin, au lieu de 60 francs . 45 fr. 208. Œil artificiel de Rémy, avec 12 dessins en couleur, au lieu de 20 fr. 13 fr. 200. Ophtalmoscope de IVecker (Crétès) neuf, en boîte gaiuerie . 15 fr. 210. Récepteurs de télégraphes à cadraus, système Breguet, à mouve¬ ment d’horlogerie (Mors) . 14 fr. 211. Anneau Crainme, 14 c/m diam. avec arbre et collecteur, construction Bréguet . 90 fr. 212. Lanternes de sûreté, de Trouvé, à parachutes, neuves . 40 fr. 213. Machine Oramme, type d’atelier, réduction, 20 volts, 5 ampères.. 135 fr. 214. Téléphones Corneloup, métalliques, au lieu de 35 fr. la paire .... 16 fr. 215. Microscope de Schâeck, vis de rappel, 3 oculaires, 5 objectifs, 1, 3, 4, 7 et 9 grossissant de 24 à 1200 diamètres, en boîte acajou . 225 fr. 216. Compte-secondes, nickelé, 10 minutes, arrêt et mise en marche instan¬ tanés . 28 fr. 21?. Compte-secondes, argent, de Henri Robert, 10 minutes . 65 fr. 218. Mier 13 25 Octobre 1888 JOURNAL DE MICROGRAPHIE f . SOMMAIRE : Le mécanisme de la sécrétion (suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. — Evolution des micro-organismes animaux et végétaux pa¬ rasites (suite), leçons faites au Collège de France, par le prof. G. Balbiani. — Le troisième œil des Vertébrés (suite), leçons faites à l’Ecole d’Anthropologie, par le prof. Mathias Du val. — Les Protistes dos Mousses (fin), par M'“® la D*"®® Maria Sacchi. — Liste complète des Diatomées signalées en France, par M. H. Pehagallo. — Méthode de triple coloration de Baumgarten. — L’ori¬ gine bovine de la scarlatine, par M. Bl. Edwards. — Bibliographie. — Avis divers. TRAVAUX ORIGINAUX LE MÉCANISME DE LA SÉCRÉTION Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le profeseur L. Ranvier. (Suite) (1) J’ai déjà exposé sommairement ces faits. Vous savez que dans les glandes salivaires en général, par exemple dans la glande rétro- linguale du rat, il faut distinguer les culs-de-sac glandulaires, les canalicules salivaires et les canaux salivaires proprement dits. Les canalicules sont tapissés par des cellules granuleuses sans caractères bien tranchés (sauf chez le hérisson, où nous avons trouvé ces sin¬ gulières cellules fusiformes que vous connaissez). Les canaux tapissés de cellules pseudo-caliciformes correspondent aux canalicules sali¬ vaires, et vous voyez, par le fait des stries qui apparaissent à la' hase de quelques-unes de ces cellules, qu’il s’agit d’un passage entre (1) Voir Journal de Micrographie, t. X, 1886; t. XI, 1887 ; t. XII, 1888, p. 2,35, 65, 104, 212, 242, 298, 329, 364. — DL J. P. sténogr. 390 JOURNAL DE MICROGRAPHIE les canalicules et les canaux salivaires proprement dits. Ainsi, si l’on considère, au lieu d’une coupe transversale à l’axe d’un cul-de- sac, une vue schématique longitudinale, on voit, au fond du cul-de-sac, des cellules granuleuses ne laissant entre elles qu’une lumière vir¬ tuelle; puis, faisant suite au cul-de-sac, un canalicule salivaire avec une lumière nette et bien accusée, tapissée de cellules pseudo-cali¬ ciformes, dont les plus éloignées du cul-de-sac commencent à pré¬ senter des stries à la base, stries qui deviennent plus hautes à mesure que les cellules sont plus éloignées du fond et se rapprochent du point où le canalicule devient cânal salivaire proprement dit, tapissé de cellules striées ordinaires. La transformation des cellules pseudo¬ caliciformes en cellules striées se fait ainsi graduellement. Après l’action de l’alcool, employé pour le durcissement, si l’on se sert, pour colorer les coupes, du picrocarminate ou de l’hématoxy- line, les cellules pseudo-caliciformes restent incolores, comme les cellules chargées de mucigène. Mais si, au lieu de Talcool, on emploie l’àcide osmique pour le durcissement, les cellules se colorent toutes en brun. Ce ne sont pas des cellules caliciformes. Elles présentent encore d’autres réactions. Ainsi, si l’on traite la glande par l’acide picrique en solution concentrée, qu’on fasse une coupe et qu’on l’examine dans l’eau, on trouve toutes les cellules transformées en grains. Il en est de même si au sortir de l’acide picrique on met la glande dans l’alcool. Chose curieuse! Quand on colore les coupes de la sous-maxillaire du rat, faites après l’action de l’acide picrique et de l’alcool, par l’éosine, les cellules se colorent en rouge, tandis que si l’on emploie l’alcool seul pour le durcissement, ou le liquide de Müher, ou le bichromate d’ammoniaque, il n’y a pas de coloration par l’éosine. De plus, sur les coupes faites après l’action de l’acide picrique, traitées par le bleu de quinoléine, les cellules deviennent bleues. Si l’on a simplement durci la glande par l’alcool ou les sels chromiques, elles ne se colorent pas. Les mêmes cellules se colorent en un beau violet avec le violet 5 B, si la glande a été durcie par l’acide picrique, et ne se colorent pas si le durcissement a été obtenu par l’alcool ou le bichromate. La coloration porte sur les grains qui paraissent compo¬ ser entièrement les cellules. Ce sont là des réactions glandulaires extrêmement curieuses et tout à fait nouvelles. Je reviendrai' plus tard sur ces cellules, que j’ai appelées cellules cyanophiles. Nussbaum ayant fait des coupes de la glande sous-maxillaire du lapin, après en avoir mis un fragment dans l’acide osmique à 1 pour JOURNAL DE MICROGRAPHIE 391 100, a vu, au col de chaque acinus glandulaire, une rangée de cel¬ lules colorées en brun ou en noir par l’osmium. Ces quelques cellules, qui se trouvent au col des culs-de-sac glandulaires, correspondent aux cellules pseudo-caliciformes de la sous-maxillaire du rat; seule¬ ment, au lieu de deux ou trois cellules à la suite des canalicules, il y en a un très grand nombre chez le rat, de sorte que ces canalicules, très petits chez le lapin, sont très longs chez le rat. De plus, les cellules du lapin sont chargées de granulations. Vous savez que Nussbaum considère ces granulations comme du ferment : ce fer¬ ment, dans ce cas, serait de la diastase salivaire. La glande sous- maxillaire du lapin, dans laquelle se trouvent des cellules chargées de granulations qui se colorent en brun par l’acide osmique, doit sécréter de la diastase salivaire. La discussion s’est alors élevée entre Nussbaum et Heidenhain, qui soutient que cette glande ne sé¬ crète pas de diastase. L’an dernier, j’ai fait des expériences à ce sujet. J’ai placé un tube salivaire très fin, en verre, dans le canal de Wharton d’un lapin, et j'ai déterminé une excitation directe du canal, puisqu’il n’y a pas chez cet animal de corde du tympan, mais une série de filets nerveux qui viennent s’unir au canal lui-même. Pen¬ dant 25 minutes j’ai obtenu une salivation très abondante : j’ai re¬ cueilli beaucoup de salive. Nous avons ainsi pu rechercher si elle contenait de la diastase, en la faisant agir sur de l’amidon, et nous n’avons pas du tout réussi à saccharifier l’amidon. Nussbaum a opéré autrement : il a fait agir des fragments de la glande sur de l’amidon cuit, et il a obtenu la transformation de celui-ci en sucre. Mais de cette manière, presque tous les tissus de l’organisme peuvent trans¬ former l’amidon en sucre. Je crois donc que Heidenhain a raison, et qu’il n’est pas démontré du tout que les deux ou trois cellules granu¬ leuses qui se trouvent au col des culs-de-sac sont des cellules à ferment. Il y a un animal chez qui la sous-maxillaire représente le type le plus accusé des canalicules salivaires formés par des cellules granu¬ leuses, c’est le hérisson; mais, comme chez le rat, les culs-de-sac sont volumineux et les cellules des canalicules pénètrent plus ou moins profondément dans les culs-de-sac; il y a des cellules granu¬ leuses assez grandes, relativement claires, et des cellules qui devien¬ nent granuleuses et brunissent par l’acide osmique. Si l’on examine des préparations durcies dans l’aleool et traitées par le picrocarmi- nate, on trouve toutes les cellules, qui étaient brunes par l’osmium, colorées en rouge. C’est le contraire de ce qui arrive chez le rat.... On voit donc qu’il y a encore énormément à faire dans l’histochimie des glandes, et je crois que si on a souvent tranché rapidement les 392 JOURNAL DE MICROGRAPHIE questions, c’est qu’on n’avait pas fait d’études suffisamment com¬ plètes. Chez le rat, il n’y a pas de lumière entre les cellules ordinaires ; celles-ci se rejoignent au centre des culs-de-sac, ne laissant qu’une lumière virtuelle, en dehors de certaines conditions, tandis que les cellules des canalicules salivaires laissent entre elles une lumière bien nettement dessinée ;• c’est là la caractéristique de ces canalicules. — Chez le cochon d’Inde, je n’ai pus trouvé de cellules de ce genre, se colorant en brun par l’acide osmique, au col des culs-de-sac; c’est seulement chez le rat, parmi tous les animaux que j’ai étudiés, que les cellules pseudo-caliciformes ont présenté le caractère cyanophile. J’ai d’abord fait l’expérience chez le rat pour savoir quelles modi¬ fications surviennent dans les glandes séreuses sous l’influence d’une excitation sécrétoire. Il fallait faire pour les glandes séreuses ce que j’avais fait pour les glandes muqueuses. J’ai excité chez le rat, en même temps, la glande rétro-linguale et la sous-maxillaire; ce sont les mêmes expériences que celles dont je vous ai parlé qui vont nous servir pour reconnaître les modifications survenues, lesquelles sont intéressantes, inattendues. Laissons de côté, pour le moment, les cellules pseudo-caliciformes, et examinons les cellules granuleuses qui occupent les culs-de-sac. Nous avons excité la sous-maxillaire et la rétro-linguale du rat par le même courant interrompu, et d’autre part par la pilocarpine. Une heure à une heure et demie d’excitation électrique ou dé 2 à 4 centi¬ grammes de nitrate de pilocarpine donnent des modifications très con¬ sidérables des glandes. Après trois heures de sécrétion, la rétro-lin¬ guale présente des modifications extrêmement importantes et la sous-maxillaire de plus considérables encore ; seulement, ces modifi¬ cations sont tout à fait inattendues. Il n’y a rien de semblable dans la science. Il faut faire les coupes de la glande excitée après l’action de l’acide osmique à 1 pour 100; il n’est pas nécessaire, pour étudier les cellules séreuses et les vacuoles, de faire des injections interstitielles comme pour la sous-maxillaire du chien. Après l’action de l’acide osmique, on fait les coupes et on les examine dans l’eau phéniquée, dans la glycérine, etc. ; on les colore par le picrocarminate, l’hématoxyline nouvelle, l’éosine, etc. Les faits sont tellement nets qu’ils sont faciles à constater : il s’est fait dans les cellules granuleuses un nombre si considérables de vacuoles, et ces vacuoles sont si volumineuses, que la structure de la glande est entièrement changée. Les culs-de-sac glandulaires ressemblent à des écumoires dont les trous seraient d’iné¬ gales dimensions. La chose est tellement frappante même, qu’il est JOURNAL DE MICROGRAPHIE 393 surprenant qu’on n’ait pas encore observé un fait si facile à reconnaî¬ tre. C’est qu’on n’a pas songé à exciter la sous-maxillaire du rat, qu’on n’avait pas trouvé le moyen de le faire comme je vous l’ai mon¬ tré. Il en est de même avec la pilocarpine : une injection de 2 centi¬ grammes de nitrate produit, en une heure, les mêmes transformations dans la glande. 11 se fait une vacuolarisation extraordinaire dans les cellules gra¬ nuleuses de la glande excitée par le courant électrique, et remarqua¬ ble surtout si l’on compare la glande excitée avec celle de l’autre côté restée au repos, et dans laquelle les vacuoles sont rares et la structure régulière. Dans la glande excitée, au contraire, la struc¬ ture, les noyaux, la limite des cellules sont tellement changés, qu’on croirait avoir affaire à un autre organe ou à une modification patho¬ logique. Il n’en est rien cependant, à cela près que l’excitation à la¬ quelle elle a été soumise est certainement beaucoup plus intense que l’excitation physiologique. — Le mouvement vacuolaire est très éner¬ gique; les vacuoles arrivent à la lumière glandulaire à travers le protoplasma, y crèvent et versent le produit de sécrétion dans le canal. Vous voyez donc bien que le liquide de sécrétion ne vient pas du sang, comme on l’enseignait naguère et comme on l’enseigne encore aujourd’hui. S’il venait du sang, il contiendrait de l’albumine, et le liquide qui provient d’une glande séreuse ne contient ni albumine ni même de mucine : c’est de l’eau. Elle provient de l’activité des cellules glandulaires, et les vacuoles ne renferment pas de matières organiques. Le liquide de sécrétion d’une glande salivaire séreuse est de l’eau contenant des sels, c’est du liquide vacuolaire résultant de l’activité de la glande. — Ainsi, vous voyez que j’ai pu répondre par des faits au titre du programme que je m’étais imposé cette année : le méca¬ nisme de la sécrétion. Nous nous en tiendrons là pour le moment. Dans le semestre d’été, je me propose d’étudier les glandes à venin, notamment celles des batraciens et des reptiles, qui sont extrêmement intéressantes, et nous verrons si le mécanisme de la sécrétion de ces glandes est le même que celui des glandes que nous avons étudiées ef peut être rapproché de ce que nous avons constaté jusqu’à présent. 394 JOURNAL DE MICROGRAPHIE ÉÏOIDTION DES ÎIICRO-ORGAMSMES ANIMAUX El ÏÉGÉÎAll PARiSlTES Leçons faites au Collège de France, en 1887, par le Professeur G. Balbiani (Suite) (1) LES MASTIGOPHORES Avant de vous donner la description des Flagellés parasites, il est bon que je vous dise quelques mots sur les classifications qui ont été proposées pour Tarrangement méthodique de ces organismes. Les classifications sont toujours difficiles, même quand il s’agit des êtres les plus compliqués et présentant un grand nombre d’or¬ ganes sur lesquels peuvent porter les comparaisons. Mais la difficulté est bien plus considérable encore quand on a affaire à des êtres très simples, qui ne diffèrent que par des caractères légers : on est alors embarrassé pour trouver des termes de comparaison permettant de classer ces êtres en groupes, genres, espèces, sur des bases corres¬ pondant à une méthode naturelle. Cette difficulté est surtout très sensible pour les Flagellés, en raison de leur extrême simplicité. Aussi avons-nous vu trois classifications différentes de ces êtres se succéder en moins de dix ans. La première est celle de Stein, publiée dans la troisième partie de VOrganismus der Infusionsthiere, grand ouvrage resté malheureusement ina¬ chevé, en 1878, par suite de la mort de son auteur. La seconde est celle de Saville Kent dans son Manuel of Infusoria^ t. I, 1881. La troisième, enfin, est celle de Bütschli, qui se trouve dans son ouvrage sur les Protozoaires, dans le premier volume du « Règne animal » commencé par Bronn en 1883. — Voilà donc trois essais récents de classification, sans tenir compte des anciennes classifications. Stein avait divisé les Flagellés en quinze familles. Malheureuse¬ ment, il est mort avant de commencer la description de ces familles ; nous ne savons donc pas sur quels caractères il s’était fondé pour les établir. Saville Kent répartit les Flagellés dans sept groupes. Il appelle (1) Voir Journal de Micrographie, t. X, 1886 ; t. XI, 1887 ; t. XII, 1888,. p. 41,134,225,266,303. — D’^J. P..., sténogr. / JOURNAL DE MICROGRAPHIE 395 Flagellata Panstomata les espèces qui absorbent les aliments par toute la surface du corps, chaque point pouvant, à Foccasion, servir de bouche ; Eustomata, celles qui ont une bouche véritable, pré¬ formée. — Les Choanoflagellata sont des organismes qui ont à la partie antérieure un prolongement en forme de tube ou d’entonnoir entourant la base du flagellum et circonscrivant une aire circulaire, expansion protoplasmique qu’il appelle en anglais « collar ». Il sup¬ pose que c'est par cet espace que les aliments pénètrent à la bouche, laquelle est ainsi représentée par une aire limitée qui sert à l’inges¬ tion des aliments. Ces grandes coupes que Saville Kent établit entre les Flagellés sont fondées surtout sur le mode d’alimentation. Pour la différen¬ ciation de ces divers groupes ou familles, Saville Kent se fonde sur les caractères tirés des flagellums égaux ou inégaux, et sur le mode d’insertion de ces organes. Enfin, dans la classification de Bütschli, les Radioflagellata de Saville Kent sont d’abord éliminés et placés dans les Sarcodines parmi les Héliozoaires. Le groupe des Choanoflagellata est aussi exclu pour former une division spéciale de la classe des Mastigo- PHORES, dont les Flagellés sont un ordre. Bütschli ne conserve de Saville Kent que les Rhizoflagellata, dont il fait une simple famille sous le nom de Rhizomartigina, au lieu d’un sous-ordre. Mais il conserve les deux grands groupes de Flagellés, Pansto]\lvta et Eu¬ stomata. Il exclut aussi les Cilioflagellata, dont il change le nom en celui de Dinoflagellata. En somme, il ne conserve que les Rhizo¬ flagellata devenus une simple famille, les Panstomata et les Eus¬ tomata. La première famille de Saville Kent, celle des Trypanosomata, Bütschli la conserve, mais la dégrade au point d’en faire un simple genre aberrant de ses Rhizomastigina. , Ainsi circonscrit, cet ordre est divisé en quatre sous-ordres d’après des caractères tirés des flagellums, leur égalité ou leur inégalité. Ces sous-ordres ou tribus se divisent en familles d’après des considé¬ rations tirées du nombre et de la disposition des flagellums, de la bouche, de l’œsophage, de la contractilité et de la rigidité du corps, de la vie de l’être à l’état libre ou en colonie. Tout en tenant compte de la difficulté du sujet, on peut dire que la classification de Bütschli ne satisfait pas entièrement aux exi¬ gences d’une disposition naturelle des Flagellés. C’est ce que Fisch lui reproche {Zeits f. W, Zool. t. 42, 1887) en faisant remarquer, par exemple, que la séparation faite par Bütschli des Boclonina du groupe des Monadina n’est pas naturelle, attendu que tous les 396 JOURNAL DE MICROGRAPHIE auteurs ont conservé les Bodo parmi les Monadiens. — C’est, en effet, leur place. — Bütschli a pris un caractère unique, et, en vertu d’un système artificiel, a placé ces êtres, avec toute la famille dont ils sont le type, dans son sous-ordre des Heteromastigina, d’après la direction de leurs cils vibratiles. Ainsi, chez lo^sBodo, selon Bütschli, il y a deux cils vibratiles partis d’un même point ou de deux points très rapprochés ; un cil vibratile moteur dirigé en avant, et un cil plus long, plus fort, dirigé en arrière, le filament traînant de Dujar¬ din. Autrefois, ce genre Bodo entrait dans le groupe des Monadiens ; c’est là que le plaçaient Ehrenberg et Stein. Bütschli le place à côté des Anisonema^ dans ses Heteromastigina. Les Anisonema ont, en effet, le même caractère des deux flagellums, mais tous les autres sont très différents : cet animalcule a une carapace très épaisse ; aussi Dujardin, fondateur du genre, l’avait-il placé dans ses Théca- monadiens. Il a un œsophage en tuhe rigide, très long, etc. Tous ces caractères n’existent pas chez les Bodo. — Leur séparation d’avec les Monadiens, comme l’établit Bütschli, n’est donc pas justifiée, et ils devraient en être rapprochés. Je n’insiste pas davantage : je n’ai pas une expérience suffisante des Flagellés pour critiquer l’œuvre d’un homme qui a acquis une si grande autorité dans l’histoire de ces animaux; mais l’opinion de Fisch est que cette classification a surtout le caractère d’un système artificiel, qui permet d’arriver assez facilement à la détermination d'un type donné, plutôt que d’une véritable classification naturelle. C’est dans ces conditions qu’elle va nous servir à classer les Flagellés parasites dont nous avons à nous occuper. Nous avons vu que, chez ces êtres, il en est qui mènent la vie libre et d’autres la vie parasitaire. Parmi eux, sept genres sont exclusive¬ ment parasites ; dans les autres, il y a des espèces dont les unes sont libres et les autres parasites. Leurs hôtes sont d’abord les Vertébrés de toutes les classes, puis les Insectes, les Myriapodes et surtout quelques Mollusques, enfin certains Vers. Leur habitat le plus ordinaire dans ces divers animaux est le tube digestif, comme pour les Ciliés. Quelques-uns vivent dans le sang même ; une espèce dans le mucus vaginal, chez la femme ; une autre, dans le réceptacle séminal d’un Mollusque, VHelix. Dans certains cas pathologiques, on prétend avoir trouvé des Flagellés dans divers organes chez l’homme, le poumon, l’enduit buccal dans quelques cas de gastrite longue, de cancer de l’estomac, enfin dans un kyste hydalide du foie. — Presque toutes ces espèces sont endoparasites ; une, ectoparasite, a été découverte au Collège de France, où elle a fait de grands ravages parmi nos alevins de Truites et de Saumons. Cette année encore, toutes JOURNAL DE MICROGRAPHIE 397 nos jeunes Truites ont péri jusqu’à la dernière par suite de l’invasion de ce petit parasite, le Bodo necator (Henneguj). C’est la seule espèce ectoparasite connue jusqu'à ce jour. Commençons notre étude par les Monadina^ première famille, Rh iz omastigina . Cette famille contient des espèces non parasites, mais Bütschli y a établi un genre curieux, le genre composé d’êtres fort singuliers, encore bien mal connus, quoique leur découverte remonte à 1843, époque à laquelle le Tripanosoma sanguinis a été trouvé par Grub}^ dans le sang de la Grenouille [Ann. des Sc. Nat. 1844.) Depuis Gruby divers observateurs ont trouvé d’autres formes ani¬ males chez d’autres Batraciens, toujours dans le sang, ou chez plu¬ sieurs Poissons, le Saumon, la Loche, la Carpe, la Tanche, le Bro¬ chet, la Raie. Elles sont décrites dans des monographies relatives aux hématozoaires. Ces Tripanosoma sont des êtres lamelliformes, constitués par une substance homogène qui se prolonge en une expansion membrani- forme dentelée. Cette membrane se prolonge en un filament plus ou moins long, qui constitue un flagellum. On y a reconnu des stries longitudinales ou côtes. (Ray-Lankes ter, Quart. Journ. Micr. Bc. 1871 et 1882.) Il n’y a pas de vésicule contractile, et la présence même d’un noyau est douteuse, bien que Ray-Lankester le décrive cjmme un corps ovalaire, pâle et homogène. L’existence de ce noyau a été aussi reconnue par un naturaliste russe, Danilewsky. L’histoire de cet organisme a donné lieu à beaucoup de publications dans lesquelles les opinions les plus contradictoires ont été émises sur sa véritable nature; mais l’opinion la plus singulière qui ait été mise en avant, est celle de Gaule. Cet auteur a prétendu que le Tripano¬ soma sanguinis n’est pas un organisme indépendant, mais un glo¬ bule blanc du sang modifié dans certaines circonstances. [Arch. der Physiol. 1880.) Gaule a développé des vues • très bizarres sur cette supposition, et entre dans des détails où je ne puis le suivre ici. Cette opinion a, du reste, été vivement combattue, même en Allemagne, par Flemming. [Biol. Centralbl. 1882,), en Angleterre par Ray- Lankester. En 1885, Danilewsky, de Kharkoff, a publié [Biol. Centralbl.) un travail dans lequel il s’occupe aussi du Tripanosoma de la gre¬ nouille, et en décrit quatre variétés, d’après leur forme. Mais il est probable que ces variétés ne sont que des apparences que prennent les individus de même espèce, qui sont très contractiles, et changent constamment de forme. Il s’est occupé du mode de reproduction de cét organisme ; c’est là une question sur laquelle nous n’avions pas 398 JOURNAL DE MICROGRAPHIE de données. Il décrittrois modes de reproduction; le premier se fait par division transversale ; Danilewsky décrit les phénomènes. La portion qui se détache prend la forme d’un globule pendant que le noyau se divise, puis la partie globuleuse se sépare par l’étranglement de plus en plus profond de son pédoncule d’union, etc. Le deuxième mode de reproduction a lieu par la formation d’espèces de spores : l’animal prend la forme d’une sphère protoplasmique, qui subit une série de segmentations, et se réduit en un amas d’un grand nombre de petits globules, — jusqu’à plus de 64. — Ces petits globules se séparent et chacun se transforme en une sorte de petite monade fusiforme, à laquelle Danilewski donne le nom de Tripanomonas sangiiinis ^ bien qu’il fût inutile de nommer cette forme transitoire. Puis, ces monades se multiplient par division, et arrivent à la forme adulte. Le troisième mode de reproduction a lieu par gemmiparité. De certains points du corps se détachent de petites masses de protoplasma globuleuses, mais l’observateur russe n’a pas vu la transformation de ces masses en Tripanosomes typiques. Ces faits sont très singuliers, et d’autant plus qu’ils ne rappellent rien de ce qu’on connaît chez les autres Flagellés ; par conséquent, avant d’être définitivement acceptés, ils ont besoin d’être sérieuse¬ ment confirmés. D’ailleurs, l’auteur a adressé son mémoire à l’Académie des Sciences pour un concours de prix, et le jury du concours aura à dire son avis, ce qui n’est pas une tâche facile. Ce n’est pas seulement chez les Batraciens et les Poissons que les- Tripanosoma ont été trouvés, mais aussi dans les Tortues. Enfin, M. Kunstler en a signalé une espèce dans le sang du Cochon d’Inde, animal élevé dans la série des Vertébrés, mais il ne l’a pas décrite. [Comptes rendus de V Ac. des Sc. 1883.) Nous reviendrons tout à l’heure sur l’histoire de ces parasites envi¬ sagée au point de vue de leur signification pathologique, mais disons d’abord que ce n’est pas seulement dans le sang qu’ils ont été ren¬ contrés. Eberth avait depuis longtemps signalé chez la Poule et le Canard l’existence d’un organisme singulier, qui rentre dans le genre Tripanosoma. Il présente une membrane ondulante, attachée le long d’une tige assez épaisse, pas de flagellum, etc. — Eberth ne lui avait pas donné de nom ; Saville Kent l’a appelé Tripanosoma Eherihi, On le trouve dans le cæcum, l’intestin grêle, dans les glandes de Lieberkühn, dont il obstrue la lumière, chez la Poule, l’Oie, le Canard. [Arch. de Siebold et Kolliker, t. II, 1862.) M. A. Certes a trouvé dans l’Huître une espèce qu’il a appelée Tripanosoma Balhianii^ espèce munie d’une membrane ondulante attachée le long d’une tige fusiforme et sans flagellum. On trouve cet JOURNAL DE MICROGRAPHIE 399- organisme dans toutes les Huîtres à une certaine époque. Mœbius l’a trouvé aussi dans les Huîtres de la mer du Nord. M. Certes a observé le mode de multiplication par division longitudinale, mais il n’en dé¬ crit pas les phases. Jusqu’à une époque toute récente, la valeur pathologique de ces êtres était restée fort obscure. Personne ne s’était prononcé à cet égard. Ils affectent des animaux qui paraissent sains ; je les ai ren¬ contrés moi-mêmedans la Grenouille, la Tanche, où l’on ne cherche ja¬ mais vainement des parasites, dans des sujets qui ne paraissaient rien présenter d’extraordinaire. On comprend, cependant, que si les para¬ sites viennent à se multiplier d’une manière considérable, ils peuvent nuire à la santé de leurs hôtes. C’est, d’ailleurs, ce qui semble ressortir d’observations très curieuses faites dans les Indes, où il existe une maladie, connue sous le nom de « surra », qui attaque les grands Mammifères, les Chevaux, les Mules, les Chameaux, et cause quelque¬ fois des pertes énormes dans la cavalerie de l’armée anglaise. D’après un rapport du D*" Evarts au gouvernement de l’Inde, en 1880, un ré¬ giment du gouvernement du Penjab avait perdu 360 chevaux, morts d’une maladie semblant une décomposition du sang, sans fièvre, avec prostration, épuisement, marasme, et amenant la mort après une durée moyenne de deux mois. A l’autopsie, on ne trouvait pas de lésions organiques appréciables, mais dans le sang on constatait la présence d’une grande quantité d’organismes spéciaux, qui ont beau¬ coup intrigué les premiers observateurs anglais et les vétérinaires indiens, qui ont constaté que cette maladie pouvait être transmise par l’inoculation du sang et aussi par ralimentation. L’examen des organismes fut fait par Crookshank sur des préparations envoyées de l’Inde, et il reconnut qu’il s’agissait d’un Flagellé qu’il rapporta au genre Trichomonas et l’appela Trichomonas sanguinis ; mais c’est un véritable Tripanosoma^ et il suffit de jeter les yeux sur les figures qui accompagnent ce travail pour le reconnaître. 11 l’avait pourtant comparé au Tripanosoma de la Grenouille et des Poissons, mais il lui donne le nom de Triponomonas , ce qui prouve qu’il n’avait pas une très grande habitude des Flagellés. Il a même trouvé des orga¬ nismes analogues chez les rats, en Angleterre. J’ajoute que les vétérinaires anglais attribuent la transmission delà maladie aux mouches qui sucent le sang des chevaux malades et la transportent ainsi sur les animaux sains. La famille des Cercomonadines comprend deux genres, qui ren¬ ferment l’un et l’autre des espèces parasites : les Cercomonas et les Herpctomonas . Les Cercomonas sont de petits Flagellés incolores, ronds ou ovales. 400 JOURNAL DE MICROGRAPHIE dont rextrêmité postérieure s’étire en un prolongement, qui tantôt se présente sous l’apparence d’un pseudopode, et tantôt d’un flagellum. En avant est un filament moteur. Il y a une vésicule contractile à la base du flagellum, et souvent à l’extrémité postérieure de courts pseudopodes, qui ne sont pas d’ailleurs constants.- On voit un noyau vers le milieu du corps. Stein dit avoir vu une bouche à la base du flagellum. Le caractère essentiel est un filament moteur antérieur et un prolongement postérieur traînant. Ce genre présente un certain nombre d’espèces, dont les unes vivent à l’état libre et les autres sont parasites. L’espèce parasite la plus célèbre est le Cercomonns iniestinalis^ le Cercomonas hominis de Davaine, que l’on trouve dans les matières de la diarrhée des cholériques et des typhiques. — Est-ce la même espèce, ou des variétés ? — Depuis ces premières recherches, le Cercomonas hominis a été trouvé souvent dans les diarrhées graves, la dyssenterie. Les méde¬ cins anglais del’Inde, Cunningham, prétendent même qu’il est fréquent chez les personnes bien portantes. Enfin, il aurait été constaté dans le liquide d’un kyste hydatique du foie, par Lamb. On l’aurait reconnu aussi dans les liquides évacués par une femme atteinte de gastrite chronique et dans l’enduit buccal d’un homme affecté du cancer de Testomac. (Moquin-Tandon, Zoologie medicale ; Davaine, Ento- z O air es.) Quelle est sa signification pathologique ? — Doit-on le considérer comme la cause de la maladie ? — C’estplutôt un effet qu’une cause, et je crois qu’il est plus rationnel d’admettre que, introduit avec les ali¬ ments et les boissons, arrivé dans le tube digestif de personnes dont l’intestin est malade, il y trouve un terrain favorable et s’y fixe. Ce n’est pas un parasite spécifique, et il y en a évidemment beaucoup dans le même cas. Mais ceux-là peuvent aggraver la maladie, ou rester parfaitement innocents. On connaît beaucoup de Cercomo¬ nas {\\\\ vivent libres dans les mares et les infusions, les Cercomonas typicus, C. longicauda, C. fasiformis, etc. Ces organismes peuvent être introduits dans le tube digestif de riiomme par les aliments et les boissons, et trouvant dans certains organes des condi¬ tions d’existence favorables, ils s’y multiplient en grande quantité et apparaissent dans des cas pathologiques dont ils ne sont pas la cause. (A suivre) JOURNAL DE MICROGRAPHIE 401 LE TROISIÈME (EIL DES VERTEBRES. f Leçons faites à l’Ecole d’Anthropologie par M. Mathias Duval, professeur à la Faculté de médecine de Paris [Suite) (1). Nous avons vu jusqu’à présent la rétine, soit celle de l’homme, soit celle de l’œil pinéal de V Hat teri a, \)roven\v du cerveau; ici tout change, ou du moins tout semble changer, car il n’y a là qu’une apparence dont nous verrons plus loin la cause. Dans l’œil d’un Mollusque, la rétine ne provient pas du cerveau, mais de l’épiderme; c’est une production directe du feuillet externe de l’embryon. Sur l’ectoderme de ce dernier, en effet, on voit graduellement se faire une dépression (fig. 18), se Fig. 18. — Première phase du développement de l’œil d’un Céphalopode. creuser une fossette ectodermique, dont peu à peu les bords conver¬ gent l’un vers l’autre (fig. 19), arrivent au contact, se ferment et constituent ainsi une vésicule oculaire. ' Du reste, que cette vésicule se ferme ou reste ouverte, peu importe, car cette rétine qui vient de se former suffit pour constituer un œil, et, dans cet œil, c’est de dedans en dehors qu’on trouve d’abord les cônes, puis les couches suivantes; c’est donc bien un œÂ\ reproduisant exacte¬ ment celui de VHatteria, c’est-à-dire que ce n’est pas un œil inversé. Pourquoi n’est-il pas inversé? C’est bien simple, et vous venez de (1) Recueillies par M. P. G. Mahoüdeau. (Voir Journal de Micrographie^ t.XII, 1888, p. 368.) 402 JOrRNAL DE MICROGRAPHIE le voir : c’est parce qu’il n’y a pas eu d’invagination des deux moitiés d’une vésicule hémisphérique l’une dans l’autre, et que le feuillet ectodermique est resté en place sans se retourner. Ainsi donc s’explique cette différence de l’œil pinéal et de l’œil ordi¬ naire des Vertébrés; à certains égards, l’œil pinéal est un œil d’inver¬ tébré, c’est un œil atavique. Mais cette démonstration nous satisfait-elle bien complètement? Ne pourrions-nous pas nous demander si, dans ce rapprochement que je viens de faire entre l’œil pinéal et l’œi! des invertébrés, il n’y a pas quelque chose d’artificiel, de forcé ; si enfin ces deux yeux (ces rétines) sont bien réellement homologues, bien comparables ? Et cela , ne le pourrions-nous pas avec d’autant plus de raison que nous venons de voir l’un, l’œil pinéal, dérivant du cerveau ; l’autre, l’œil des inver¬ tébrés, dérivant de l’épiderme ? Non, ces rétines sont très homologues, car, qu’elles proviennent du Fig. 19. — Deuxième phase du développement de l’œil d’un Céphalopode. cerveau ou de la peau, elles ont toutes les deux une même origine ectodermique; seulement la rétine des Mollusques est d’origine ecto¬ dermique directe et l’autre d’origine ectodermique indirecte; et ce qui le prouve, c’est l’évolution même, l’embryologie du système nerveux. En effet, lorsque sur le feuillet externe du blastoderme le système nerveux commence à apparaître, on voit sur une coupe se faire dans ce feuillet une légère dépression, qui se creuse en gouttière, dont bien¬ tôt les bords se rejoindront, se fermeront, laissant isolés sous forme de canal creux un tube qui formera tout le système nerveux central. Ainsi, l’origine du cerveau est ectodermique et, par suite, tout ce qui en provient, provient aussi de l’ectoderme; c’est le cas de la rétine classique mais au lieu d’en provenir directement comme pour l’œil des Mollusques, notre rétine grâce à ce détour, provient de l’ectoderme par une origine indirecte. Je dis indirecte, mais l’est-elle tant que cela, et JOURNAL DE MICROGRAPHIE 403 ne trouverions-nous pas quelque cas qui viendrait tenir le milieu entre ces deux modes de formation ? Ce cas existe et nous est présenté par le lapin, sur lequel on voit déjà la vésicule oculaire primitive faire son apparition alors que la gout¬ tière nerveuse (cérébrale), qui se creuse sur le feuillet ectodermique, pour donner naissance aux centres nerveux, est encore ouverte. Cette gouttière ne se ferme qu’après que ces vésicules se sont nettement sépa¬ rées; si bien que dans ce cas nul ne pourrait dire les yeux d’origine cérébrale plutôt qu’épidermique ; c’est une forme intermédiaire qui vient donc bien combler la lacune que nous signalions à l’instant et bien démontrer l’analogie d’origine des deux modes de formation de la rétine. Voici donc que l’œil pinéal devient, en morphologie générale, tout spé¬ cialement intéressant, puisqu’il vient pour nous compléter une série. En effet, jusqu’à présent tous les yeux (rétines) d’origine cérébrale étaient inversés, tous ceux d’origine ectodermique directe ne l’étaient pas. On pouvait donc à priori imaginer, prévoir un œil d’origine céré¬ brale non inversé ; ce vide, c’est l’œil de VHatteria qui vient le com¬ bler. Là, l’œi la pris une forme de vésicule, il est d’origine cérébrale et n’est pas inversé. Nous pourrions encore, il est vrai, concevoir un quatrième type morphologique d’œil : ce serait celui qui serait dû à une végétation di¬ recte de la peau, de l’ectoderme, et qui, par invagination de la vésicule oculaire ainsi formée, se transformerait en vésicule oculaire secondaire, à deux feuillets, et présenterait par suite une rétine inversée ; mais un pareil type n’est pas connu. Ainsi donc deux formes d’œil autrefois étaient seules connues. On pouvait en imaginer quatre, quatre combinaisons; l’œil de VHatteria nous en fait connaître trois existantes : une seule reste à trouver, si toutefois elle existe. Avec ces considérations, j’en ai fini avec la rétine : ce que nous venons de faire est sans doute de la morphologie bien spéculative, un peu transcendante même. Cependant je vous demanderai de continuer ce mode d’investigation à propos du cristallin. Et cela nous présentera d’autant plus d’intérêt que, là encore, celui de VHatteria vient compléter la série des formations cristalliniennes. Dans les deux cas bien typiques que nous avons étudiés, et qui montrent chez les Vertébrés supérieurs une rétine inversée d’origine nerveuse et chez les Invertébrés une rétine non inversée d’origine épidermique, nous allons voir le cristallin avoir cependant une origine identique. Dans le premier cas, on remarque que, lorsque la vésicule oculaire s’invagine, il se forme au-devant d’elle sur l’ectoderme (ci-dessus fig. 17) d’abord un épaississement avec dépression, qui va bientôt donner naissance à une cupule qui se ferme en une vésicule, devient une sphère qui se séparera de la couche formatrice, et constituera une 404 JOURNAL DE MICROGRAPHIE colonie indépendante de l’ectoderme. Cette masse isolée, se plaçant à l’entrée même de la cupule rétinienne, sera le cristallin formé par des- Fig. 20. — Vésicule secondaire (Embryon de poulet au 3® jour). — 1, 1, ectoderme; — 2, cristallin; — 3, 3, mésoderme ; — 4, pédicule optique (nerf) ; — 5 et (), les feuillets rétiniens. cellules ectodermiques très allongées. Nous avons donc dans ce cas une rétine d’origine nerveuse et un cristallin d’origine ectodermique. Passons maintenant à l’œil des Gastéropodes. Quand la vésicule- rétinienne, à laquelle l’épiderme vient de donner naissance, est fermée phases précédentes dans les figures 18 et 19.) (ci-dessus fig. 19), il se produit à la face antérieure et interne de cette vésicule une singulière formation : c’est un bourgeonnement, un épais¬ sissement qui grossit et arrive à constituer le cristallin. 405 Nous nous trouvons donc, dans ce deuxième cas, en présence d’un cristallin d’origine ectodermique comme la rétine. — Que pourrions- nous bien concevoir alors pour faire série? mais c’est bien simple: un œil de Vertébré chez lequel le cristallin lui aussi serait, comme la rétine, d’origine nerveuse. Or, l’œil pinéal de WHaiieria remplit précisément ces conditions: dans cette vésicule qui le constitue, tout, rétine et cristalin ont une même origine. Vous l’avouerez, cette constatation a bien de quoi satisfaire l’esprit. Aussi, puisque nous connaissons déjà trois modes de combinaisons de cristallins, on peut parfaitement en concevoir une quatrième: ce serait celui où le cristallin serait d’origine nerveuse quand la rétine, elle, serait d’origine ectodermique. C’est évidemment là une pure rêverie, mais que de surprises la na¬ ture ne nons réserve-t-elle pas? L’œil des Ascidies, sans répondre com¬ plètement à ce type, s’en rapproche assez sensiblement, tout au moins dans la disposition, sinon dans l’origine des parties, pour tendre à rendre cette conception légitime. (A suivre.) SUR LES PROTISTES DES MOUSSES ET LEUR ENKYSTEMENT {Suite) (1) III Les Protozoaires, comme on le sait, sont des formes essentiellement aquatiques, et la vie à sec ne peut être pour eux qu’une condition transitoire, contre laquelle ils se défendent spécialement au moyen de l’enkystement. C’est au même but que servent en partie les revêtements calcaires de quelques espèces, et parmi les formes qui viventdans les mousses,, j’ai noté en effet plusieurs Thécolobés [Arcella, Difflugia, Eugiypha)\ mais chez ceux-ci, il y a aussi un enkystement. Tous les auteurs cependant n’admettent pas l’évaporation comme la cause unique de l’enkystement, et il y a, à ce sujet, des opinions diverses. L’enkystement observé pour la première fois sur le Colpoda CuciUlus., par Saussure (1769), et décrit dans une lettre à Bonnet, communiquée à Spallanzani, est plus longuement décrit par Guanzati (1796), qui l’a observé sur son« prodigieux aninialeulc des Infusions (:2)» (1) \o\v Jour nul de ^Jicrof/raphie. 1888, p. 340, 370. (2) Prodigioso animaluxio delle infusioni. 406 JOURNAL DE MICROGRAPHIE qu’il appoüo Protèe, et qui, d’après Claparède et Lachuiann, est V Ainphilepias moniliger d’Ehrenberg. Ceux-ci, d’ailleurs, ont cité d’une manière erronée les observations de l’auteur milanais, en rap¬ portant à des phénomènes d’enkystement d’autres faits que Guanzati avait attribués à la diffluence, ce que le prof. Maggi a justement fait observer dans une note critique. (Rend. Ist. Lomb. Ser. II, t. X, fasc. 8.) L’enkystement a été regardé comme une mue par Müller, idée qui a été exprimée ensuite par Ehrenberg (1838). — Stein l’a à son tour expliqué comme un phénomène de métamorphose (transformation des Vorticelles en Acinètes). Les observations successives de Claparède, Haime, Cohn, Cienkowsky, Balbiani, GezaEntz etGruber ont démontré ce fait que l’enkystement n’est pas commun à tous les Protozoaires, mais caractéristique de quelques espèces, fait important parce qu’il montre une adaptation à des conditions spéciales de vie. — Il faut noter aussi cpie l’évaporation n’est pas la seule cause de l’enkystement. Fabre-Domergue a trouvé que le Colpoda Cucullus se dessèche sans s’enkyster (1), tandis qu’il est admis par beaucoup de naturalistes que l’évaporation chez certains Infusoires, au lieu de l’enkystement, pro¬ duit la diffluence. D’autres causes d’enkystement résident dans le manque de nourriture, la putréfaction du milieu ambiant, et en géné¬ ral toutes les modifications physico-chimiques du milieu qui sont dé¬ favorables à la vie de l’étre. Toutes ces causes, avec l’évaporation, produisent X enkystement de conservation. Il y a encore deux autres sortes d’enkystement qui ne rentrant pas dans le sujet ici traité: c’est- <à-dirc l’enkystement pour digestion et l’enkystement préparatoire à la division scissipare. Ces différentes sortes d’enkystement présentent cette différence que, dans le premier cas, l’étre sécrète une double membrane chiti- neuse, comme on le voit par sa résistance à la potasse caustique, tandis que dans les deux autres, l’animal sécrète une membrane mucilagineuse. Les observations que j’ai faites sur l’enkystement des Protozoaires qui vivent dans les mousses sont les suivantes : Si l’on prend un Hypnum ou un Grimmia, qui, après plusieurs jours de beau temps et de soleil, se présentent à l’état sec, et si l’on en met un fraament dans une aoutte d’eau distillée, on n’observe d’abord aucune forme vivante mobile; on remarque en revanche de grosses masses roses et blanchâtres, formées par les Rotifères immobiles et ramassés sur eux-mèmes, et les masses jaunâtres des Tardigrades, aussi rétractés et immobiles. On y voit, en outre, de nombreuses petites sphères à double contour, immobiles aussi, sans appendices et avec un contenu tantôt hyalin, tantôt granuleux, et même un noyau claire- (1) Fabre-Domergue, Recherches anatomiques et 'physiologiques sur les In¬ fusoires CiliéSy Paris, 1888. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 407 ment visible à la partie centrale, sphères qui ne sont que les formes d’enkystement de Rhizopodes et d’infusoires, dont, à cet état, on ne peut déterminer l’espèce. Çà et là, on voit encore les coques de Rhi¬ zopodes Thécolobés, comme les Arcella, Euglypha^ Bifflugia, mais ceux-ci aussi sont immobiles et dénués de pseudopodes. A l’intérieur de la coque on voit par transparence l’animal roulé en houle et pré¬ sentant un double contour, à l’état d’enkystement. 3Iais au bout de quelque temps, un quart d’beureou une demi-heure, la scène change, et d’autant plus rapidement qu’on ajoute au fur et à mesure de l’eau nouvelle. Les Rotifères et les Tardigrades commencent à faire de petits mou¬ vements; puis, peu à peu, ils se développent et se mettent à cheminer dans la goutte d’eau, avec des mouvements hésitants d’abord, mais de plus en plus décidés. C’est le phénomène de la réviviscence déjà ob¬ servé par Spallanzani. En même temps, on remarque de légers mouve¬ ments de rotation à l’intérieur des kystes, qui semblent imbibés par l’eau, car ils augmentent légèrement de volume. Au bout de quelque temps, les mouvements rotatoires se font plus vifs, et par une déhiscence, qui se produit le long d’un méridien du kyste^ sort lentement le corps cellulaire du Rhizopode ou de l’Infusoire. D’abord sa forme est confuse et ses mouvements lents, mais peu à peu les différentes parties se dessinent mieux, les eontours se délinissent et le petit être se met à agiter ses cils ou à étendre ses pseudopodes. Si, après avoir observé une mousse sèche, tout à fait privée de formes mobiles et riche en formes enkystées, on la mouille avec de l’eau distillée, qui est rapidement absorbée en grande quantité, et si, après trois ou quatre heures, quand les brins ont repris leur verdure et leur fraicheur, on examine une goutte de l’eau qui les baigne, on y voit de nombreuses formes de Protozoaires mobiles. Si, inversement, on fait sécher à Pair libre et au soleil une mousse humide et pleine d’Infuso'res vivants, on remarque, au bout de deux ou trois jours, que la scène se reproduit des Tardigrades immobiles et des Protozoaires enkvstés. On rembarquera que la dessiccation complète d’une mousse humide et, par suite, l’enkystement de ses hôtes exigent un temps notablement plus long quel’imbibition d’une mousse sèche, qui se fait en quelques minutes, et le réveil des Protozoaires qui l’habitent, réveil qui a lieu en quelques heures. Les choses se passent tout autrement si l’on fait sécher sur le verre porte-objet la goutte qui contient les Protistes. Alors, comme l’eau disparait rapidement, les Protozoaires se rassemblent dans un champ de plus en plus étroit et, manquant complètement d’eau, diffluent pour la plupart et se détruisent. Si, pour rendre l’évaporation plus lente, on couvre la goutte avee une lamelle mince de verre, le manque d’eau rapproche peu à peu les Protozoaires du porte-objet, et cette fois encore, non pas directement par suite de l’évaporation, mais à cause de la 408 JOURNAL DE MICROGRAPHIE pression de la lamelle qui les recouvre, les Infusoires, à commencer par les plus volumineux, vont peu à peu en diffluant. Cet ensemble de faits nous conduit à differentes réflexions sur la vie des Protozoaires des mousses et sur ralternance entre la forme libre et la forme enkystée. Fabre-Domergue et les autres auteurs qui ont observé les effets de l’évaporation sur les Infusoires ciliés ont conclu qu’elle tend à les faire tomber en diffluence, plutôt qu’à les faire enkys¬ ter, et par suite ont regardé l’évaporation comme une cause tout a fait secondaire d'enkystement. Cependant, les faits cités à propos des mousses démontreraient que l’évaporation est la cause principale d’en- kystement pour les Protozoaires qui vivent sur ces plantes. Mais il ne faut pas oublier que les choses se passent bien autrement, quand il s’agit de l’évaporation d’une goutte d’eau placée sur le porte-objet du microscope et de celle qui existe entre les brins des mousses. L’éva¬ poration d’une goutte, surtout en été, se produit trop rapidement pour que rinfusoire aitle temps de se préparer à l’cnkystement et de sécréter les deux membranes ebitineuses et la couche mucilagineuse qui forment l’enveloppe du kyste de conservation. Au contraire, entre les tiges de la mousse, l’évaporation se fait avec une grande lenteur, soit en raison de l’énorme quantité d’eau qui est absorbée jiarle végétal et par le peu de matière qui lui forme un substratum, soit par suite de l’obstacle que les rameaux emmêlés de la mousse opposent à l’action des rayons solaires. Avec une évaporation aussi lente, les Infusoii'es ont tout le temps nécessaire pour se préparer à l’enkystement et le réaliser. On ne doit donc pas dire que l’évaporation est une cause secondaire de l’enkystement, (\[iQ T évaporation 7'apide conduit jjlutôt à la diffluence ciii à l'e7ikyste7nent,ei([\icVèvaporatio7ile7ite conduit à r enkyste)ne7it. — Outre cette condition particulière offerte par la vie dans les mousses, il y a pour les Infusoires qui vivent dans ces plantes une circonstance spéciale, l’adaptation à ce genre de vie, au moins poul¬ ies formes qui sont les habitants ordinaires des mousses, et non des hôtes passagers. Quant à l’état éiC vie latente lequel se trouvent les Protozoaires pendant la période de sécheresse, Fabre-Domergue admet que les êtres enkystés sont dans une dessiccation complète et fait remarquer que si le kyste et l’Infusoire sont très prompts à absorber l’eau quand on vient à les mouiller, iis doivent être aussi prompts à l’émettre par éva¬ poration. Maintenant, on peut remarquer que l’expression éiC dessicca¬ tion complète n’a pas une valeur absolue si on ne l’entend pas comme une absence complété d'eau. Car il est peu probable que les organismes enkvstés se trouvent dans ce cas : contenant normalement une grande quantité d’eau dans le corps, ils devraient, s’ils la perdaient en entier, se réduire par l’enkystement à un volume trois ou quatre fois plus petit qu’ils ne le font. En outre, il est impossible de refuser une action protectrice, soit à la forme sphérique qui présente le maximum de volume sous le minimum de surface, soit aux trois membranes d’en- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 409 veloppe. Aussi, en s’enkystant, l’Infusoire, tout en se desséchant en partie, se dessèche toujours moins que s’il fut resté sous sa forme à grande surface et privé de membranes d’enveloppe. Le substratum même formé par la mousse, malgré son état de grande sécheresse, ne réalise pas cette condition extrême d’une absence d’eau absolue, et pas plus que lui les kystes qui s’y trouvent fixés. En outre, l’adaptation à la vie à sec, tant pour les mousses que pour les Rotiféres et les Protozoaires, doit être en relation avec les conditions météorolo¬ giques qui l’ont déterminée, et non s’élever à un extrême qui corres¬ pond à des conditions tout à fait exceptionnelles. Quand la siccité dépasse un degré déterminé par la moyenne de l’alternative entre les pluies et la sécheresse, les organismes adaptés pour un certain degré de siccité devront périr. Balbiani pense que la membrane d’enveloppe s’oppose à l’évaporation de l’eau et que, lorsque le protoplasma a entièrement perdu son eau, il a perdu aussi la pro¬ priété de revivre. Les expériences faites sur les Rotiféres, en tenant ceux-ci pendant plusieurs jours dans le vide sec de la cloche pneumatique, ne prouvent pas qu’il y ait eu dessiccation complète de la partie interne du corps, étant connu que ces animaux, comme aussi la plupart des Arthropodes, ont la faculté de se renfermer complètement dans leur dcrmosquelette de manière à se soustraire aux influences extérieures, et par conséquent à l’évaporation. On sait que les insectes, qui meurent rapidement dans un air ou dans de l’eau contenant des substances toxiques ou narcotiques en petite quantité, résistent au contraire plus longtemps si l’on augmente la quantité de poison ; et cela parce ([ue, reconnaissant alors que les conditions ambiantes sont notablement changées, ils ferment les ouver¬ tures de leurs stigmates, et, complètement renfermés dans leur cuirasse clîitineuse, ils se soustraient à l’action du milieu. Tout nous porte donc à croire que l’cnkystcmcnt a aussi un but de protection contre la des¬ siccation. Doct. Mauia Sacchi Adjointe au Lab. d’Anat. Comp. de rUriiversilé de Pavie. LISTE COMPLÈTE DES DIATOMÉES FRANÇAISES On peut considérer le mémoire de MM. de Brébisson et Godey sur les Algues des environs de Falaise (1835) comme l’origine des travaux relatifs aux Diatomées françaises. Bien qu’à cette époque les premiers travaux d’Ehrenberg et la première édition de l’ouvrage de Kützing 410 JOURNAL DE MICROGRAPHIE fussent parus, les instruments étaient encore si inférieurs, les figures publiées si incorrectes, les méthodes de classification si mal établies que les plus grossières erreurs étaient commises journellement dans la détermination des formes. Les rivalités mesquines qui, séparant Kützing d’Ehrenberg, les condamnaient à ne tenir presque aucun compte de leurs travaux mutuels, avaient tellement embrouillé la synonymie qu’elle était presque inextricable, et que ses voiles n’ont été levés que lorsque de bonnes figures ont été publiées, qui ont fixé les noms anciens sur des especes qui souvent sont bien différentes de celles qu’avaient observées les pi'emiers auteurs. Aussi est-il bien difficile d’établir d’une façon sûre la synonymie des espèces mentionnées par M. de Brébissou en 1835, et cet ouvrage n’a- t-il pour nous qu’un intérêt purement historique. Il en est à peu prés de même du second ouvrage du même auteur, paru en 1838 sous le titre de : Considérations sitr les Diatomées et essai d'nne classification des genres et des espèces de cette famille. Cet opuscule, qui mentionne toutes les formes signalées alors, nous montre d’une façon bien saisissante l’état d’enfance des connaissances sur les Diatomées à cette époque. Néanmoins, l’attention était appelée sur les Diatomées. L’étude de ces admirables organismes devenait, surtout en Angleterre, une dis¬ traction d’amateurs éclairés et riches, qui par leurs demandes aux opticiens les lançaient dans la voie des merveilleux perfectionnements qu’a suivie le microscope depuis quarante ans. En Angleterre, où ce mouvement a pris naissance, et où il s’est continué avec tant d’éclat jusqu’à nos jours, l’un des premiers constructeurs, M. Beck, sentit le besoin de développer le goût des Diatomées, et il fit les fonds de l’ou¬ vrage de M. W. Smith, qui a marqué une ère nouvelle dans l’étude des Diatomées. Le premier volume de la célèbre Synopsis parut en 1853. Il fit voir à tout le monde le néant et le vide des ouvrages antérieurs, qui ne pou- vaientguère servir qu’à ceux qui les avaient publiés ou qui possédaient des types authentiques des auteurs. Il lança alors les observateurs, surtout les Anglais, dans une nouvelle voie, d’où sont sorties les belles planches de Diatomées publiées dans le Journal Micro graphique et les Transactions de la Société Royale de Londres par Gregory, Gréville, Roper, Bright\^ell, O’Meara, etc., et qui ont ouvert une deuxième période dans l’étude des Diatomées. Partant, en effet, de bases sérieuses et pouvant hardiment aller de Pavant, les micrographes arrivent peu à peu à débrouiller la synonymie allemande et à fixer les formes. M. de Brébisson publie, dans cette période d’une vingtaine d’années, ses Notes sur quelques Diatomées marines., rares ou peu connues., du littoral de (1854, revues et augmentées en 1867), avec une planche passable ;ses Notes sur quelques Diatomées françaises (1870); en anglais dans le Quecket, Hier Club.)\ et enfin son étude JOURNAL DE MICROGRAPHIE 411 sur les Diatomées de la mousse de Corse (1872, avec une affreuse planche), que la mort ne lui laissa pas le temps de revoir et qui fut pu¬ bliée par son fils. A n’envisager que ces trois opuscules, l’œuvre de M. de Brébisson paraît bien peu importante ; en réalité, elle fut considérable, mais s’exerça pour ainsi dire par réflexion. M. de Brébisson fut, en effet, l’inspirateur et le conseiller de tous ceux qui s’occupèrent de Diatomées pendant sa vie. Son amabilité et sa complaisance étaient inépuisables, sa collection réunissait des types de tous les auteurs avec qui il était en relations, scs conseils et ses déterminations étaient d’une merveilleuse justesse, et il faut rechercher le complément de ses travaux dans ceux de MM. Guinard, Manoury, Van Heurck et tant d’autres. Mais nous avons mieux que cela ! A sa mort, sa bibliothèque et ses collections furent vendues, et le Muséum acheta son herbier. Les Dia¬ tomées de cet herbier constituent une mine inépuisable de renseigne¬ ments. Malheureusement il était en grand désordre : M. Guinard a bien voulu se charger d’un premier travail de coordination, sans trop se rendre compte de la tâche énorme qu’il assumait, et qu’il continue depuis plus de cinq ans avec une inépuisable patience. Dans la formation de sa collection, M. de Brébisson procédait de la façon suivante : trouvait-il une récolte présentant cinq à six formes intéressantes, il en faisait autant de préparations, qu’il étiquetait sous chacun des noms des especes intéressantes. Il en résulte un nombre énorme de préparations sur verre, et un nombre presque incalculable de micas en portefeuille. Le premier travail de M. Guinard a été de relever toutes les indications des étiquettes de cet herbier, ce qui en constitue une espèce de catalogue, dû tout entier à M. de Brébisson, dont M. Guinard a bien voulu me laisser prendre connaissance, et dont j’ai pu extraire ce qui est relatif aux Diatomées françaises. Cette espèce de flore des Diatomées françaises de l’herbier de M. de Brébisson m’a donné un nombre considérable déformés, qui n'avaient été signa¬ lées par aucun des auteurs qui se sont occupés de flores Jocales. Actuellement, M. Guinard contrôle toutes ces indications par l’examen des préparations, marque les espèces types, souvent fort rares dans la masse, et en établit la synonymie actuelle. Quant à l’étude détaillée de toutes ces préparations, il y aurait sans doute là bien des choses à trou¬ ver, mais la vie d’un homme n’y suffirait pas. Quoi qu’il en soit, il faut s’estimer heureux que cette riche collection ne se soit pas perdue, qu’il se soit rencontré un naturaliste assez patient et assez désintéressé pour la mettre en ordre, et émettre le vœu que ce travail ne sera pas perdu, et que, lorsque tous ces matériaux d’étude seront rentrés au Muséum, ils donneront lieu à d’autres travaux intéressants pour la flore de nos Diatomées françaises. Parallèlement aux mémoires cités de M. de Brébisson, il faut en mentionner deux autres, qui doivent leur impor(,ance à la compétence toute particulière de leur auteur. Ce sont les notes sur les Diatomées 412 JOURNAL DE MICROGRAPHIE récoltées en France par le Rev. W. Smith, pendant deux voyages qu’il fit chez nous en 185-4 et 185G. Le premier donne la liste des formes recueillies par Smith dans la Méditerranée, à Cette, Agde, Frontigjian, dans les eaux douces du Languedoc, à Montpellier, Nimes, la Lozère et lesplateaux inférieurs de l’Auvergne, enfin celles recueillies à une grande altitude dans l’Au¬ vergne. Le deuxieme donne les espèces récoltées en compagnie de M. de Brébisson sur nos côtes de l’Ouest, et par M. Smith à Bordeaux, Biarritz et dans les Pyrénées. Ces mémoires, très intéressants, et signalant plusieurs espèces et variétés nouvelles, sont accompagnés de deux bonnes planches ; on trouve dans l’herbier de M. de Brébisson des préparations de W. i donc, comme nous le disions, dans le nombre des filaments. Quant au reste, au noyau, à l’absence de vésicule contractile, etc., la ressemblance est complète. D’après Grassi, il existerait des formes plus ou moins analogues, et jusqu’à ressemblance complète, au Trichomonas Bairachorunir parmi des Flagellés qu’il a trouvés dans l’intestin des Rats, Souris, Campagnols [Arvicolà arvensis), Cochons d’Inde, Poules, Canards, etc. 11 est tenté de croire que des formes qui ressemblent dé si près JOURNAL DE MICROGRAPHIE 429 au Trichomonas Bütrachorum ne sont que cette même espèce, laquelle serait ainsi très répandue. Dujardin [Hist. Nàt. des Infusoires) a décrit un Trichornoncis •chez la Limace, mais avec cet '< à peu près » qui caractérise tous les travaux de cette époque. Cette espèce qui présenterait une rangée de cils en peigne, ressemblerait de tous points au T. Bàtrachorum. Et il en résulterait que ce dernier serait extrêmement répandu et se trouverait chez presque tous les animaux, depuis la Limace jusqu’à LHomme. (A suivre.) LE TROISIÈME œiL DES VERTÉBRÉS. î.eçons faites à l’École d’Anthropologie par M. Mathias Duval, professeur à la Faculté de médecine de Paris [Suite) (1). J’en ai fini avec l’œil de V Hatteria, il ne nous restera plus qu’à voir la forme, si parfaite ici, se dégrader peu à peu dans la série animale, puis bientôt ne plus présenter ({u’un rudiment, qui sous la forme de. glande pinéale en restera le seul vestige, le seul témoin. Mais avant d’entreprendre ces nouvelles études, il ne sera pas sans -intérêt de faire une petite excursion dans le domaine des théories des causes finales, toujours à propos de notre œil pinéal. Si nous cherchons, en effet, à saisir l’enseignement philosophique qui résulte de ce que nous venons d’étudier, nous nous trouvons en face de deux interprétations bien opposées. L’une, la vieille doctrine, celle des causes finales, admet que dans la nature tout a été fait dans un hut nettement déterminé et exclusivement pour cela, que tout être a été créé pour le milieu dans lequel il se trouve que tout organe a été construit spécialemont pour la fonction qu’il remplit actuellement ; qu’en un mot tout est invariable dans la création. L’autre doctrine, le transformisme, admet au contraire que tout orga¬ nisme doit, pour survivre, tendre à s’adapter de plus en plus au milieu dans leifuel il se trouve, se modifiant avec ce milieu, au moyen de la (1) Recueillies par M. P. G. Mahoudeau. (Voir Jouy'nal de Micrographie, t. XII, 1888, p. 401.) 430 JOURNAL DE MICROGRAPHIE sélection qui est ainsi une cause incessante de perfectionnements. A propos de l’œil, les partisans des causes finales disent qu’en voyant cette merveille d’appareil optique, il est absolument impossible de ne pas admettre une intelligence supérieure qui l’a fait ainsi pour être ce qu’il est. Pour les transformistes, au contraire, l’œil commence par être un organe très grossier qui va peu à peu en se perfectionnant pour ré¬ pondre aux besoins d’un organisme qui s’élève. Les partisans des causes finales, les téléologistes, ne présentant pas de faits, sont obligés de raisonner, d’argumenter par ctmparaison. Suivons- les, pour les réfuter un peu sur leur terrain. Pour eux un œil, de même qu’une montre, indique un fabricant, un créateur, parce qu’ils comparent l’œil à un instrument d’optique, à un produit de l’industrie bumaine, et que, dans ces conditions, l’œuvre, le produit, les amène à cbercber l’ouvrier, le fabricant, le créateur. Mais les Boschimans, ce peuple si inférieur de l’Afriifue Australe, raisonnent évidemment de la même ma¬ nière, mais en partant- d’un point de vue différent. Comme ils ne sont pas industriels, pas ouvriers^ ne connaissent aucun produit d’industrie, ils raisonnent d’après ce qu’ils ont sous les jeux, à savoir des animaux qui s’accouplent et se reproduisent. C’est pourquoi ils ne conçoivent pas l’existence d’une chose autrement que par la production sexuelle, la seule qu’ils constatent : aussi « de deux chariots qu’ils voient, l’un grand, l’autre petit, ce dernier est considéré par eux comme l’enfant du premier. » (Hovelacque, Les Races humaines, 1882.) Ne font-ils •pas de même, ces téléologistes (jui, voyant un œil, en concluent à la volonté d'un créateur, parce qu’une montre suppose un horloger. Mais si nous voulions convaincre nos Boschimans de tout à l’heure que le petit chariot n’est pas issu du grand, que devrions-nous faire, sinon leur montrer comment pièce par pièce le charron construit le charriot, et poui* ce faire nous les conduirions dont l’atelier où il tra¬ vaille. Le Boschiman serait convaincu. Or qu’ai-je fait en vous montrant comment se forme pièce par pièce l’œil du Vertébré, l’œil de l’invertébré? L’anatomie comparée nous montre l’œil si simple de la myxine, ([ui n’est formé que d’une ré¬ tine sans cristallin et qui est semblable dans son état adulte à celui du début chez l’embryon. Puis nous voyons que les phases ({ue nous pré¬ sente l'échelle animale se retrouvent suivies pas à pas par l’embryon en voie de développement. L’ontogénie vient donc confirmer la phylogénie. La réalisation d’un œil de Vertébré supérieur se fait ainsi par trans¬ formations graduelles, et nullement par création tout d’une pièce (1). Les téléologistes d’aujourd’hui s’abstiennent des exemples naïfs du genre de ce que donnait Bernardin de Saint-Pierre {Harmonies de la nature) ; ainsi, dans son admiration naïve. Bernardin de Saint-Pierre, (1) Pour plus de détails, voyez : Mathias Duval; Le développement de l'œil : Société d’anthropologie, 10 mai 1883. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 431 nous apprend « que le melon a été divisé en tranches par la nature, afin d’étre mangé en famille » ; il remarque que « les puces se jettent, partout où elles sont, sur les couleurs blanches. Cet instinct leur a été donné afin que nous puissions les attraper plus aisément. » En poursui¬ vant de semblables idées, on conçoit la pensée de je ne sais plus quel Père de l’Eglise, qui admire la sagesse divine et la remercie d’avoir mis la mort après la vie, « car, dit-il, si le Créateur avait mis la mort avant la vie, on n’aurait pas eu le temps de se préparer à faire une bonne mort. » Aujourd’hui les partisans des causes finales sont moins naïfs. Ils ont même soin de se munir de connaissances exactes en histoire naturelle, en anatomie, en physiologie. Ainsi Paul Janet {Les Causes finales, Paris ISS'â), prenant l’étude de l’œil comme un de ses prin¬ cipaux arguments, a eu soin d'étudier dans tous ses détails cet organe, d’après le traité de physiologie de Müller. Mais cf* traité de physiologie remonte à une quarantaine d’années ; il ne contient aucune donnée sur l’embryologie de l’œil, sur son ontogénie, pas plus que sur sa phylogénie. Aussi n’est-il pas étonnant de voir Paul Janet, en décri¬ vant la merveille d’optique qui est un œil humain, dire qu’en présence d’un pareil organe, l’idée du but est impérieusement provoquée et ([Li’il est impossible de ne pas en conclure à l’existence d’un créateur qui a voulu réaliser sa pensée. Mais s’il avait vu comme vous l’atélier où cela se fait, s’il avait vu cet œil se compliquer graduellement et ne point apparaître tout parfait du premier coup, ne modilîerait-il pas son opinion ? C’est pourquoi j’ai voulu, à propos de l’œil pariétal et de sa compa¬ raison avec la rétine et le cristallin classiques, insister sur les rapports embryologiques, et constater différents types d’évolution. Il me semble que ce qui dans cette étude nous intéresse surtoul, nous instruit au plus haut point, ce sont les considérations philosophiques qui découlent de cette série, nous montrant que tous les processus de formations que nous pouvions imaginer existent, et qu’ainsi donc l’œil pinéal, en venant la compléter, apporte de nouveaux et d’irréfutables arguments au transformisme. Nous venons de voir que l’œil pinéal de VHaiteria possède un véritable cristallin, une véritable rétine ; il en est de même en ce qui regarde son nerf optique ; chez ce Reptile nous nous trouvons bien réellement en présence d’un nerf identique à ceux des autres yeux : il est en effet formé par un faisceau plein, composé de fibrilles qui vont se répartir à la périphérie de la vésicule oculaire pinéale. Tout chez Vllatteria est donc parfait, rien ne manque de ce (jui est indispen¬ sable à la constitution d’un organe de la vision. Mais il n’en va plus du tout de même dans les différents types que nous allons étudier maintenant, et que nous allons voir nous présenter toutes les phases de dégradation possibles. Le nerf optique ne sera plus un cylindre 432 JOURNAL DE MICROGRAPHIE plein, mais deviendra un tube creux qui ressemblera au nerf optique primitif de l’embryon, faisant communiquer la cavité oculaire avec les cavités des ventricules cérébraux. Les nerfs pinéaux que nous trou¬ verons seront donc des nerfs restés à l’état embryonnaire. Dans tout ce qui précède nous n’avons encore étudié, à proprement parler, que les deux points extrêmes de la série : d’une part, l’organe devenu rudimentaire, réduit à l’état de petit tubercule plein, la glande pinéale de l’homme; d’autre part, l’organe pinéal le plus parfait connu, l’œil pariétal de V Hatteria, qui se trouve justement occuper la même place que la glande pinéale. Mais, entre ces deux extrêmes, pour les relier l’un à l’autre, pour être par conséquent bien sûrs que ce ne sont pas là deux organes dif¬ férents, m.ais un seul et même organe à des états plus ou moins rudi¬ mentaires ou plus ou moins parfaits^ nous dexmns étudier de suite la série des formes intermédiaires. Cependant, avant d’entreprendre cette énumération, permettez-moi de vous dire quelques mots sur la physiologie de l’anl de X Hatteria. Cet organe, avec un bon cristallin, une rétine complète, un nerf optique plein, est réellement si bien développé qu’on est fortement tenté de croire qu’il fonctionne, que l’animal qui le porte peut voir avec lui. Cependant nous ne savons rien de positif à cet égard, parce que jusqu’à présent ce reptile a été rare, et que pour ses recherches B. Spencer a dû surtout se servir d’échantillons conservés dans l’al¬ cool. LeD*’ Baudoin (Progixs Médical) a entrepris des expériences à ce sujet sur les Lézards de nos pays ; mais comme elles ne sont possibles que pendant l’été et qu’elles sont très délicates, nous n’avons pas encore de conclusions formelles à vous présenter. 3Iaintenant nous allons aborder la série des types intermédiaires ou se dégradant que vont nous offrir les Lézards, avant d’entreprendre l’étude des modifications de l’appareil pinéal chez les autres animaux. Le premier qui se présente à nous est un grand Lézard africain que sa taille de 1 mètre à 1 ni. 50 cent, a fait surnommer le Crocodile de terre : c’est le Varamis giganteus. Chez ce Varan, l’œil pinéal se trouve situé sur une écaille interpariétale. Sur sa tète, où les écailles sont nombreuses, on en remorque une qui a la forme et la saillie d’un verre de montre, clic est ronde et léiïèrement bombée; au-dessous d’elle on rencontre un point noir, qui est le globe oculaire. Sur une coupe, ce globe se montre sphérique, un peu aplati, présentant à sa partie antérieure un épaississement formé de cellules allongées : c’est son cristallin ; mais ces cellules allongées sont fortement infiltj'ées de granulations pigmentaires, et cela surtout vers le centre, où elles forment une tache noire, (iette pigmentation constitue dans ce cas une véritable cataracte, mais où le pigment remplace l’infiltration- graisseuse ; c’est donc une sorte de cataracte ])igmcntairc. L’hémisphère profond est épais, formé de couches granuleuses ; il est JOURNAL DE MICROGRAPHIE 433 privé de couches granulées, c’est-à-dire qu’il manque du réseau ner¬ veux anastomatique des rétines normales; il y a donc là déjà atrophie. De plus, les cellules nerveuses qui sont ordinairement placées entre les fibres de Mïiller ou éléments de soutien font aussi défaut, ce qui est tout naturel du moment où l’on a constaté la disparition des fibrilles. Cependant cette rétine reçoit encore un nerf optique plein analogue à celui de V Haiteria. Le type suivant nous est fourni par le Lézard ocellé {Lacerta ocel- lata) \ chez ce dernier, l’ensemble de l’organe est placé dans l’épais¬ seur de la dure-mère, et un peu au-dessous du trou pariétal, de telle sorte que l’œil semble s’être retiré. On remarque, en outre, une parti¬ cularité qui pourrait faire hésiter sur rassimilation réelle avec la glande pinéale : le pédicule de cet œil présente à sa base un gros renflement, qu’on pourrait certainement bien penser devoir être tout ce qui reste chez l’homme, et dès lors notre glande pinéale correspondrait seu¬ lement à cette partie, toute la partie supérieure s’étant atrophiée ; il n’en n’est rien cependant, et, ainsi que nous le verrons plus loin, la glande pinéale humaine représente bien tout l’appareil du troisième œil qui a graduellement diminué. Cet œil du Lézard ocellé possède un très beau cristallin, mais par contre sa rétine est de pms en plus dégradée ; il n’y a plus de couche granulée, plus d’éléments de soutien : le tout se réduit à la cou¬ che des grains fortement infiltrée de pigment noir. Vous le voyez, nous marchons de plus en plus vers la dégénéres¬ cence, et celle-ci s’accentue encore davantage dans le type suivant, que nous offre le Caméléon. [A suivre.) LA TERMINAISON DES NERFS DANS LES PLAQUES ÉLECTRIQUES DE LA TORPILLE La terminaison des nerfs dans les j)laciues électriques de la Torpille est-elle un plexus ou un 7'èseaUy ou ni Vun ni Vautre., mais une disposition toute spéciale ? Après tout ce qui a été écrit, de notre temps, sur le mode de ter¬ minaison des nerfs dans les plaques électriques de la Torpille, et particulièrement après le dernier travail de W. Krause, intitulé : « Die Nerven endigung im electrichen Organ », il me paraît opportun et même nécessaire de résoudre la question que je mets en tete de 434 JOURNAL DE MICROGRAPHIE ce mémoire. Mais, pour le faire convenalilement, je crois qu’il faut d’abord établir tout ce sur quoi l’on doit s’entendre et ce que signifient réellement les deux termes principaux de la question, c’est-à-dire les termes dep/c^rif6' et de réseau. Je dis donc que les histologistes modernes, principalement les Allemands, donnent le nom de 'plexus à cette terminaison des nerfs dans laquelle il y a seulement accollement des fibres, et de réseau à celle dans laquelle il y a union des fibres entre elles. Après avoir ainsi établi le sens de ces deux vocables, nous avons à examiner en quoi et comment la terminaison des fibres nerveuses des plaques électriques de la Torpille participe du plexus ou du réseau, ou bien n’appartient réellement ni à l’iin ni à l’autre. D’abord, je note que dans les plaques électriques traitées par toutes les substances que l’on emploie aujourd’hui pour mettre en évidence les dernières terminaisons nerveuses, comme le hleii de méthylène, le nitrate d’argent, le chlorure d’or soit simple soit double, l’acide osmique seul ou renforcé par riiématoxyline et la fuchsine acide, la lamelle nerveuse, comme l’appelle Ranvier, se pré¬ sente à nous de telle sorte qu’on répugne à l’idée de plexus. En effet, on n’y voit que les dernières ramifications des cylindres-axes de chacune des fibres nerveuses s’unissant çà et là par des tractus plus ou moins gros et courts de substance nerveuse, qui vont d’un cylindre- axe à l’autre. Et de ces tractus d’union ceux qui sont d’une certaine grosseur sont visibles et démontrables même avec les objectifs ordi¬ naires à sec ; mais les autres, plus nombreux encore, sont assez fins pour qu’il soit nécessaire d’employer, pour les voir distinctement, les objectifs à immersion homogène avec un grossissement de 1000 à 1500 diamètres. Mais outre ces filaments d’union, qui sont indubitablement de nature nerveuse, car ils montrent les mêmes granulations extrême¬ ment fines, le pointillé que présentent les cylindres-axes, j’ai réussi à découvrir un autre mode d’union, qui se fait par l’intermédiaire de certains filaments, fins arrondis et homogènes, lesquels ne peuvent être vus que quand la susdite lamelle nerveuse a été séparée et isolée des plaques nerveuses préalablement colorées par l’acide osmique à 2 pour 100 et tenues en macération pendant quelques jours dans l’alcool au tiers. Ce second mode d’union, qui n’a pas été vu par d’autres observa¬ teurs avant moi, je le crois d’origine et de nature connectives, ‘parce qu'il se produit par des prolongements qui naissent des cellules connectives que l’on voit souvent superposées aux fibres nerveuses pâles, soit avant soit après que celles-ci se sont dépouillées de leur JOrRNAL DE MICRODRAPHIE 435 seconde gaine. Ces prolongements, qui dans leur trajet se divisent •et se subdivisent, viennent tantôt raser et tantôt embrasser dans une spirale les fibres pâles, et les accompagnent jusqu’à leurs dernières ramifications. Mais, nonobstant ce double mode d’union ou d’anastomose, le professeur W. Krause a cru devoir appeler plexus la terminaison propre des nerfs dans les plaques électriques. Et, si je ne me trompe, il me parait qu’il a été amené à cette conclusion, non par ses propres observations, mais par l’idée préconçue que, dans les plaques électriques, toutes les fibres nerveuses finissent uniquement par des ramifications. Dans cette opinion, il ne fait que suivre Boll, qui, plusieurs années avant lui, pour appuyer davantage cette conception, montrait trois figures négatives de cette ramification, figures obtenues avec le nitrate d’argent. Dans la première de ces figures, que Boll qualifie de représentation négative très incomplète de la ramification nerveuse finale dans les plaques électriques, on voit un assez grand nombre d’anastomoses, c’est-à-dire un réseau à mailles de diverses formes et ■de différentes grandeurs, avec quelque rares terminaisons en extré¬ mité libre faisant saillie entre les mailles. Dans la seconde figure, que Boll désigne comme une représentation négative moins incomplète de la même ramification nerveuse finale, les anastomoses sont en beaucoup moins grand nombre, avec une seule forme irrégulière de mailles de réseau, et une grande quantité d’extrémités libres. Dans la troisième figure enfin, que Boll donne comme une repré¬ sentation négative presque complète de la ramification nerveuse finale, si l’on voit encore dans une partie quelques anastomoses et des mailles de réseau, dans l’autre on distingue un grand nombre de cylindres-axes qui finissent librement. Maintenant, à mon avis, ces trois figures négatives de Boll, pour qui les voudra étudier avec attention, ne montrent qu’une seule chose, à savoir que le nitrate d’argent, selon qu’il diffuse plus ou moins, fournit des images des terminaisons nerveuses qui se rapprochent plus ou moins de la vérité. Et la preuve qu’il en est ainsi, on la trouve dans la largeur de plus en plus petite, de la première à la troisième figure, des ramifications des cylindres-axes. Aussi Krause, pour donner avec juste raison le nom àe^plexits, au lieu de réseau^ aux terminaisons nerveuses dans les plaques électriques de la Torpille, n’aurait pas dû s’arrêter aux seules images négatives fournies par le nitrate d’argent, lesquelles sont toujours ambiguës, mais s’adressant aux images positives obtenues avec le bleu de méthylène, le chlorure 43G JOURNAL DE MICROGRAPHIE d’or^ l’acide osmique, il aurait dû comparer les unes aA'ec les autres. S’il avait ainsi fait, je ne doute pas qu’il se serait convaincu que les unions que nous montrent invariablement toutes ces substances sont de véritables anastomoses, et non de simples accolements des cvlindres- axes des fibres nerveuses. La particularité de structure qui singularise principalement et dis¬ tingue de toutes les autres la terminaison spéciale des nerfs dans les plaques électriques est, sans contredit, cette très fine granulation, cette infinité de points réguliers et uniformes qui font paraître poin- tillées les ramifications finales des cylindres -axes de la partie par aquelle ces ramifications sont fixées au tissu muqueux des plaques. W. Krause veut que ces points soient V expression optique de bâton¬ nets solides, ou, ce qui est la même chose, des petits piliers de la lissade de Remak ; et en cela, il est de nouveau d’accord avec Boll. Ranvier, au contraire, les regarde comme n’étant pas autre chose que l’extrémité des meme piliers, extrémité renllée en forme de bouton. Quant à moi, j’ai cru jusqu’en 1875, et aujourd’hui non seulement jelecrois, mais je l’affirme d’après de nouvelles observations faites par moi à Vareggio, au mois d’avril de l’année dernière, que la ponctua¬ tion résulte de petites boules massives comme des têtes d’épingles, fixées au sommet de fins et courts filaments qui s’élèvent du plan des¬ cylindres-axes. Je crois aussi, comme par le passé, que ces petites- boules sont différentes des filets qui les supportent, en vertu de quoi elles résistent plus longtemps aux liquides dissociateurs et aux macé¬ rations ; c’est aussi pourquoi, comparativement aux filaments et aux ramifications finales elles-mêmes des cylindres-axes, elles se colorent toujours d’une manière plus intense par l’acide osmique, le chlorure d'or et les couleurs d’aniline. Je n’ai pas à défendre mon opinion des attaques dont elle a été l’objet de la part de Krause, qui affirme que ces boules, qui frappent tout particulièrement la vue quand les plaques électriques sont traitées- par les sels d’or, ne sont que l’effet de la précipitation de ces sels sur l’extrémité des piliers de Remak. En effet, elles paraissent également très visibles, quand au lieu du chlorure d’or on a employé l’acide osmique ; et, de plus, quand les plaques ont été traitées par cet acide, il n’est pas très difficile, avec l’aide des aiguilles, de détacher les. boules de l’extrémité des filaments et de les voir tournover dans le- liquide où l’on vient de faire la dissociation des plaques. J’ajoute encore que ces boules, contrairement à ce qu’affirme Krause, sont encore visibles au sommet des filaments dans les coupes minces des plaques électriques, faites perpendiculairement à la surface, à l’aide da- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 437 microtome; j'ai pu les ■ montrer ainsi à plusieurs des personnes qui viennent à mon lalioratoire. Quant à la nature des filets qui supportent les boules, ou en d’autres termes des piliers de Remak, Krause dit qu’il est persuadé que ce sont seulement des sortes de petits clous à l’aide desquels les fibres plates du plexus nerveux final s’attachent à la plaque électrique, et qu’ils appartiennent à ce névrilème particulier qui accompagne les fibres nerveuses pâles jusqu’à leur terminaison ultime. Et sa convic¬ tion, il la fonde principalement sur les effets qui résultent, chez les Torpilles, de la section des nerfs électriques, efiets dont le plus notable est certainement de conserver intact le pointillé de Boll, qui, d’après Krause, comme il est dit plus haut, dépend entièrement des palis de Remak. Mais son explication expérimentale, pour qui la pèse bien, paraît de peu de poids. Car, ainsi que cela a été montré par Ranvier, le premier, il y a plusieurs années, et confirmé ensuite par Krause lui-même, les ramifications nerveuses finales des organes élec¬ triques de la Torpille, à la suite de la section des nerfs qui s’y rendent, ne subissent pas d’autre altération sensible qu’un certain rapetissement, ou ce qu’on pourrait appeler une légère atrophie. Conséquemment, la ponctuation de Boll et les palissades de Remak, qui la produisent et qui sont une dépendance des dites ramifications finales, doivent encore persister après la section. En meme temps, la nature nerveuse des filets ou palissades de Remak, loin d’être contredite par l’expérionce de la section des nerfs électriques, est, au contraire, raffermie. Et, en outre, j’ajoute que cette espèce de névrilème, dont Krause assure que sont accompagnées les dernières terminaisons des fibres nerveuses pâles dans les plaques électriques, est une chose tout à fait fantastique, comme le montre l’acide osmique, qui, en les colorant en brun clair, nous fait voir que ces terminaisons ne sont que des cvlindres d’axe nus, la traîne de Schwann n’étant visible et démon- trahie que jusqu’au point où commence la véritable terminaison des dites fibres. Je reviens maintenant à la terminaison particulière des nerfs dans les plaques électriques et au nom que l’on peut le plus justement lui appliquer. Et je dis, pour conclure, que si Ton veut avoir égard aux anastomoses qui s’y trouvent certainement, on doit la qualifier de réseau^ et non plus de plexus. D’autre part, en considérant qu’outre les anastomoses, il y a aussi beaucoup de cylindres-axe qui finissent libres et avec une extrémité plus ou moins contournée, elle appartien¬ drait à cette espèce de réseaux qu’on appelle incomplets. ^lais je crois qu’il vaudrait mieux abandonner le mot réseau et le remplacer par celui intrication {intreccio, intcxtus des Latins) qui a une 438 JOURNAL DE MICROGRAPHIE significalioii plus large et facile à comprendre. Et cela surtout parce que, si l’on veut considérer la susdite terminaison, suffisamment grossie avec les objectifs à immersion homogène supérieurement construits par les meilleurs opticiens modernes, on leur trouve une facture toute spéciale, constituée de cjdindres d’axe seuls et nus plus ou moins larges et aplatis, lesquels, tout en serpentant, se divisent et se subdivisent à de courtes distances et, dans leur trajet, partie se réunissent les uns aux autres, partie se terminent en une extrémité plus ou moins contournée. De telle sorte que, dans son ensemble, au lieu de ressembler à un réseau ordinaire composé de fils d’une même grosseur formant des mailles d’une même figure, elle ressemble à un dessin d’arabesques. C’est ainsi, ou à très peu de chose près, ce que je décrivais pour la première fois, en 1875 {Lo Spallanzani, XllI, fasc. 10), puis, en 1877 [Mem. Acad. Sc. de Bologne, sér. III, t. Yll) le mode de ter¬ minaison des nerfs dans les plaques électriques de la Torpille ; aujour¬ d’hui, après tant d’années écoulées, et bien des expériences nouvelles faites par moi dans cet espace de temps, je ne crois pas avoir rien à y ajouter, ni rien à en retrancher. (Brescia, Septembre 1888.) G. V. Ciaccio, Professeur à l’Université de Bologne. LES APOCIIROMÂTIQUES JUGÉS EN AMÉRIQUE V American Monthly microscopicàl Journal d’octobre, rend compte du lODneeting annuel de V American Society of Alicroscopnsts et nous apprend comment le prof. H. J. Detmers apprécie les apochro- matiques. Nous croyons intéresser les lecteurs du « Journal de Ali- crographie » en leur apprenant comment on écrit parfois l’histoire : (( Le premier mémoire fut lu par le professeur H. J. Detmers, de « rUniversitéde l’Etat de l’Ohio, et était intitulé : « Ce cpue je vis dans « les étahlissements d/ optique de V Allemagne » Le prof. Detmers « venait d’arriver d’Allemagne et le sujet était encore Irais dans sa « mémoire. 11 est décidément d’opinion que les appareils des Améri- « cains sont supérieurs à ceux de l’Allemagne, et que la plupart des « perfectionnements apportés aux instruments allemands ont été inven- « tés par les Américains. Le mémoire a été discuté par plusieurs « gentlemen, entre autres par le prof. Seaman, de ^Yashington, qui ne « partage pas tout à fait l’opinion du prof. Detmers. » JOURNAL DE MICROGRAPHIE 439 Nous prenons dans le « Druggist », de Saint-Louis, le résumé du mémoire du D‘‘ Detmers : « Le docteur, qui est allemand aussi bien par sa naissance que par l’éducation, a donné un rapport intéressant de ses visites aux grands ateliers d’optique de Zeiss à léna, de Seibert à Wetzlar, etc. Dans cha¬ cun de ces ateliers il a consacré un jour, dont la plus grande partie lut employée à comparer des objectifs, avec les micrograplies les plus habiles. Il avait emporté avec lui un l[iO® homogène de Herbert Spen¬ cer, un l|12®homog. de Bauscb et Lomb, un de Toiles et quelques autres objectifs de première classe de fabrication américaine ; il avait en outre, comme test, une préparation Ainphipleura pellucida du lac Nepissing N. Y. dans le baume. Le prof. Detmers était persuadé que les meilleurs objectifs américains égalaient ceux d’Allemagne, pourvu qu’ils fussent maniés par des mains habiles, et il demanda qu’on comparât les objectifs apochromatiques renommés de Zeiss à ceux qu’il avai/: avec lui. L’épreuve fut acceptée, et le D‘’ Cari Zeiss étant malade, il députa son frère, le D*’ Rodericb Zeiss, pour manier les objectifs. Tout ce qui pouvait aider à faciliter la résolution de la diatomée fut mis en œuvre; mais, après quelque temps de laborieux efforts, il dut s’avouer vaincu, tandis que le D*’ Detmers avec sa monture et ses objectifs amé¬ ricains obtint promptement la résolution des stries. « Battu, pour la vision, le D’’ R. Zeiss demanda l’essai par la photo¬ graphie, prétendant que c’était là le seul critérium réel de la valeur d’un objectif. (( Le résultat fut toutefois identique: malgré un outillage parfait, une chambre noire très coûteuse et un héliostat d’une précision mer¬ veilleuse et de haut prix, il ne put obtenir qu’un photogramme, mon¬ trant V A'inphipleitra tellement rempli de lignes d’interférence et de diffraction, qu’on eût dit que la valve était couverte de ponctuations carrées. De son côté, le D'' Detmers se mit à l’œuvre et, avec sa petite chambre, faite chez lui, et une lampe à huile minérale, il obtint un né¬ gatif absolument dépourvu de lignes de diffraction, et où les stries de la diatomée étaient aussi claires et aussi nettes que les barreaux dTine échelle. Les expériences faites à léna furent répétées à Wetzlar. » Nous sommes grand admirateur des objectifs de Spencer et de Toiles, et nous leur avons rendu justice dans la 3*^ édition de notre Traité du microscope. Toiles, avec qui nous fûmes en relation pendant de longues années, était un artiste hors ligne, et plusieurs des objectifs que nous possédons de lui sont de vrais chefs-d’œuvre. Nous avons longtemps considéré les objectifs de Toiles comme supé¬ rieurs à tous ceux que l’on faisait en Europe, mais nous ne pouvons cependant nous rallier aux assertions du 1)'’ Detmers. Les apoebroma- tiques ont une telle supériorité sur tous les objectifs bomogenes, môme américains, qu’on ne peut plus la nier, une fois qu’un examen sérieux et comparatif a été fait. 440 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Nous connaissons M. Seibert comme étant un excellent constructeur, mais nous n’avons pas vu ses apochromati([ues, et nous ne pouvons donc en parler. Mais nous connaissons les apocliromaticpies de MM. Zeiss^, Reichert, Powell et Lealand : tous sont admirables ; ils ne sont peut-être pas plus résolvants que les meilleurs objectifs bomogénes de Toiles, mais l’image que donnent ces derniers est incomparablement moins pure que celle des apocbromatiques. Il suffit d’examiner un instant le Podura avec les apocbromatiques et ensuite avec les Toiles pour reconnaître combien est rouge et peu nette l’image des jioints d'exclamation, tandis que cette même image a à peine un soupçon de rouge avec les apo- chromatiques de Zeiss et de Reichert, et une trace de vert avec les objeetils de Powell et Lealand. En photographie, la différence est bien plus grande encore, et si nous comparons les clichés que nous obtenons avec les apocbroma- liques et ceux que nous donnent les homogènes, alors la supériorité des premiers ne peut être mise en doute un instant. Nous ne comprenions donc pas les assertions de M. le prof. Detmers et nous nous permîmes de demander à M. le 1)'' R. Zeiss lui-même quelle était la cause de cet insuccès. M. le D'’ R. Zeiss nous répond en nous donnant copie d’un passage d’une lettre qu’il vient d’adresser à l’éditeur de V American Montlily Mic. Jour. Nous traduisons ici ce passage : « Permettez moi d’informer les lecteurs de votre journal que le compte rendu du « Prugglst^Ae. Saint-Louis, est un conte, du premier mot au dernier. « Le professeur Detmers n’a pas passé un jour dans les ateliers de Zeiss. 11 n’y a fait qu’une courte visite, d’environ une heure etdemie; il n’a pas exprimé le désir de comparer des objectifs : il n’avait avec lui ni microscope américain, ni chambre noire, et si peut-être il avait dans sa poche des objectifs américains, il ne m’en a pas informé. La seule chose qu’il me montra était une préparation A Amphipleurapellucida^ (|u’un court examen me montra être fort mal faite. Enfin, durant la visite du prof. Detmers, on ne fit de photographie ni A Amphiplenra., ni d’autre chose, et on n'essaya pas non plus d'en faire. «Mon père, le D'' Cari Zeiss, ne vit pas le prof. Detmers et, durant sa visite dans les ateliers, le prof. Detmers n’eut de rapports ([u’avec moi. » Cette lettre se passe de commentaires : le moment de mettre nos apocbromatiques au rebut ne semble pas encore arrivé. D’* H. Van Heurck, Directeur du jardin Botanique d’Anvers. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 441 LISTE COMPLÈTE DES DIATOMÉES FRANÇAISES d c • * , • . « (Suite) (1) ABRÉVIATIONS Je n’ai mentionné pour chaque espèce que l’indication de la figure qu’il me paraissait le plus utile de consulter. A. S. Atl. — Ad. Schmidt, Atlas der Diatomaceenkimde , A. S. Nords. Diat. — Ad. Schmidt, Nordsee Diaioniaceen. Brun. A. ,1. — Brun., Diatomées des Alpes et du Jura. Grun., 1860, 63 ou 65. — Mémoires de Grunow et cette date dans les Botanische Gesellschaft. J. de M. — Journal de Micrographie. K. K. Bacc. — Kutring, Kieselsthaligen Baccilarien. M. J. — Micrographie Journal. O. M. I. D. — 0’Meara, /y’/5/i Diatomaceœ. H. P. Villefr. — H. Peragallo, Diatomées de Yillef ranche. Sm. B. D. — W. Smith, Synopsis of British Diatomaceœ. T. M. S. — Transactions of the Roy. Microscopical Society. V. H. Syn. — Van Heurck, Synopsis des Diatomées de Bel- gi '15 25 Novembre 1888 JOURNAL ' DE MICROGRAPHIE SOMMAIRE : Evolution des micro-organismes animaux et végétaux parasites. — Les Mastigo- phores [suite], leçons faites au Collège de France, par le prof. G. Balbiani. — Le troisième œil des Vertébrés [suite), leçons faites à l’Ecole d’ Anthropologie, })ar le prof. Mathias Duval. — Microbes et Alcaloïdes, leçon faite à l’Hôpital Necker, par le prof. M. Peter. — Le Peronospara ou la brûlure des Vignes en 1888, par M. Chavée-Leroy. — La castration parasitaire du Lychnis dioïca, par le prof. A. Giard. — Liste des Diatomées françaises [suite], par M. H. Peragallo. — Offres et demandes. — Avis divers. TRAVAUX ORIGINAUX ÉVORIION DES MICRO-ORGANISMES ANIMAUX Eî VÉGÉTAUX PARASITES Leçons faites au Collège de France, par le Professeur G. Balbiani LES 3IASTIG0PH0RES [Suite] (1) Un représentant du genre nouveau Trichomastix a été découvert par M. Kunstler dans l’intestin du Lézard vert [Lacerta viridis) et décrit très sommairement par cet auteur dans les Comptes rendus de V Académie des Sciences (et dans le Journal de Micrographie, nov. 1883), puis par Bütschli qui le désigne sous le nom de Tricho¬ mastix Lacertae. Il a un corps piriforme avec quatre longs filaments moteurs, à la base desquels se trouve un lobule qui donne entrée dans (1) Voir Journal de Micrographie, t. X, 188G ; t. XI, 1887; t. XII, 1888, p. 41, 134,225,268, 303, 394, 421. — DU. P., sténogr. 454 JOURNAL DE MICROGRAPHIE un court tu])e œsophagien. Sur run des côtés du corps est une côte longitudinale, mais point de membrane ondulante. C’est l’absence de cette membrane qui différencie ce genre Trichomastix du genre Trichomonas. Des quatre filaments trois sont dirigés en avant, et le quatrième, plus long, est renversé en arrière, où il effectue des ondulations plus ou moins vives, représentant ainsi la membrane ondulante des Tri¬ chomonas. 11 y a un petit noyau à la partie antérieure, mais pas de vésicule contractile. Le mode de reproduction de cet être estjnconnu. Fig. 1. — Trichomonas vaginalis, d’après J. Kunstler. J’ajouterai que Kunstler a signalé le premier ce fait, qu’on le trouve toujours en compagnie d’un autre Flagellé, V Heteromita Lacer tœ^ et Blochmann a observé aussi cette association. — C’est là tout ce que nous savons sur cet animal. é Les familles des Chlamydomonadina et des Volvocina ne compren¬ nent pas de parasites ; nous arrivons à celle des Polymastigina. Les êtres qui sont compris dans cette famille ont l’extrémité pos¬ térieure prolongée en deux filaments, avec deux ou trois flagellums égaux de chaque côté à la partie antérieure. Ils forment les trois genres Hexamitus, Megastoma, Polymastix. Hexamitus ou Hexamita. (Dujardin, Saville Kent). — Ce genre JOURNAL DE MICROGRAPHIE 455 présente sixflagellums, dont quatre insérés en avant, et formant deux paires, chaque paire naissant sur un point différent, à droite et à Fig. 2. — Trichomonas Batraçhorum, d’après Steiu. gauche ; puis, deux flagellums caudaux qui prolongent le corps à la partie postérieure, tantôt séparés à leur naissance, tantôt confondus. Dujardin, qui a créé ce genre, a décrit trois espèces, dont une Fig. 3. — Hexamitus infiatus, d’après Stein. parasite, XlUxamitm intestinalis , qui vit dans l’intestin des Tritons et autres Batraciens. Les deux flagellums sont confondus à la hase. D après Saville Kent, l’animal se fixe par ses deux flagellums eau- JOURNAL DE MICROGRAPHIE daux et agite vivement ses cils antérieurs, de sorte que ces filaments caudaux semblent lui servir à se maintenir sur les parois de l’intestin pour ne pas être entraîné par le courant des matières intestinales. Plus récemment, ce Flagellé à été trouvé chez des Tortues, VEmys Europœa, et chez des Poissons, chez la Torpille, dans la vessie uri¬ naire. Le corps est piriforme ou furiforme, très variable, d’ailleurs, mais les filaments antérieurs ne naitraient pas de deux points diffé¬ rents du corps, par paires ; ils naîtraient comme chez les Tricho¬ monas, d'un seul point placé au pôle antérieur. Cette observation, si elle se confirmait, devrait amener à modifier les caractères que Bütschli attribue à ce genre. Les flagellums antérieurs naissant d’un même point, se renverseraient seulement, deux d’un côté et deux de l’autre, de façon à se croiser enX ; iis restent, à leur origine, appli¬ qués contre le corps pendant une certaine étendue avant de s’élever, et c’est ce qui fait supposer qu’ils naissent d’un seul point, ce qui paraît plus normal et plus en rapport avec ce qui a lieu chez les autres Flagellés voisins. Le mode de reproduction de cet animalcule n’est pas connu. M. Certes a trouvé dans l’Huître un Hexamita qu’il croit iden¬ tique à V Hexamita inflata de Dujardin, lequel se rencontre dans les eaux stagnantes, ce qui serait assez singulier, puisque ce dernier est un animal à vie libre et qui vit dans les eaux douces. Il parait facile de trancher cette question. Megastoma (Grassi, Arch. liai, de Biol. 1882). — Grassi décrit une espèce, le Megastoma entericnm, qui habite l’intestin des Rats, Souris et quelquefois du Chat et de l’Homme. D'après la description qu’il en donne, ce serait un animal à forme assez bizarre et compli¬ quée. Il le compare à une poire que l’on fendrait longitudinalement par le milieu. Le corps aurait ainsi une face convexe et une face plane. Les deux cinquièmes de la surface plane sont excavés assez profondément, excavation qui a la forme d’un rein en travers, avec le hile à la partie postérieure. En arrière de ce hile s’étend une saillie ou crête, ou carène longitudinale, qui arrive jusqu’à l’extrémité posté¬ rieure. Dans l’excavation, de chaque côté, se trouve un corps c^air, elliptique avec le grand axe dans le sens longitudinal ; Grassi se demande si ce ne sont pas deux vacuoles. A l’extrémité anténeure de la crête longitudinale est un corpuscule assez visible, que cet auteur pensait être un noyau ; mais il a essayé de le colorer par les réactifs et n’y est pas arrivé, d’où il conclut que ce n’est pas un noyau. Cela n’est pas certain, néanmoins, car il y a des noyaux qui se colorent très difficilement. Enfin, l’organisme présente huit flagellums, dont 'JOURNAL DE MICROGRAPHIE 457 six à la partie anterieure et latérale du corps (trois de chaque côté, les deux premiers insérés au niveau dii bord postérieur de l’excava¬ tion^ le dernier, plus court, plus en arrière) dirigés latéralement ou vers la partie postérieure. A l’extrémité sont deux filaments caudaux divergents formant une queue bifide. L’animalcule est doué de mouvements très rapides, il voltige ça et là en tourbillonnant ; ou bien il reste immobile en tournant sur lui- méme quand il est embarrassé dans les matières, intestinales au milieu desquelles il vit. La fossette, ou excavation qui occupe toute la partie antérieure du corps, paraît fonctionner comme une ventouse à l’aide de laquelle l’animal se fixe contre les cellules épithéliales de l’intestin. Grassi pense, en conséquence, qu’il a la mauvaise habitude de se nourrir des cellules épithéliales. Il a avalé de ces parasites à titre d’expérience, et n’en a pas été incommodé. Il faut lire le mémoire de Grassi qui est fort curieux. Le mode de reproduction de cet animal est inconnu, mais la trans¬ mission à l’homme se ferait par les Rats et les Souris. Les paysans de la Lombardie présentent souvent ces parasites dans les matières de la diarrhée. Ils conservent, en effet, le pain dans leurs greniers où les Rats et les Souris déposent continuellement leurs ordures. M. R. Blanchard, dans sa Zoologie Médicale, reproduit la figure d’un Cercomonas intesiinalis . Mais ce n’est pas un Cercomonas, et la figure, qui en est donnée, montre que l’organisme en question peut- être identifié avec le Megastoma entericum. On voit combien ces recherches mériteraient d’être poursuivies, et Les personnes qui sont à meme de le faire rendraient de vrais services en éclaircissant toutes les questions aujourd’hui encore en suspens. Polymastix. — Ce genre a été fondé par Bütschli dans ses Proto- ^oa,pour des Flagellés découverts à la fois par Grassi et parKunstler dansla larve du Hanneton Kunstler n’en a pas donné de figure (Voir G. R. Ac. des Sc. 1882, et Journal de Micro¬ graphie, octobre 1882) ; il décrit le corps comme allongé, aplati, arrondi en avant et pointu en arrière, paraissant couvert de côtes longitudinales ; il est souvent plus déprimé sur les côtés, de sorte qu’il présente deux sortes d’ailes latérales. Il a six longs flagellurns an¬ térieurs et une espèce de queue qui naît à la partie postérieure de la face ventrale dans une échancrure de cette partie, avant le point où se termine le corps. Kunstler décrit en outre, suivant son habitude, une bouche, un œsophage, une vésicule contractile, un noyau fixé sur le canal œso- 458 JOURNAL DE MICROGRAPHIE phagien. Il y aurait même une sorte de cavité digestive. Kimstler a vu fréquemment le corps hérissé de filaments, qu’il compare à des fers de lance étroits très allongés, un peu contournés, et qui sont agités dhin continuel mouvement de frémissement. 11 a pu en compter jusqu’à quinze sur le même individu et se demande quelle est leur significa¬ tion. Peut-être sont-ce des corps étrangers à l’animalcule. Mais Grassi les a trouvé chez le même Flagellé et pense que ce sont des trichocystes. Kimstler a observé aussi, dans l’intesÜH d’un têtard de Grenouille un autre Flagellé, munis de six flagellums et d’un filament traînant ; de plus il porte une espèce de queue distincte du flagellum, striée en travers comme une fibre musculaire et quelquefois double. Cette dis¬ position méritait d’être fixée par une figure. Kimstler n’en donne pas. L’animal n’est pas nommé, mais il peut rentrer dans les Polymasti- ginès en raison de ses six flagellums. Tel est l’exposé bien sommaire de riiistoire des divers Flagellés parasites qui rentrent dans les différents genres établfs par Bütschli. Mais un certain nombre d’espèces, et ce ne sont pas les moins inté¬ ressantes, ne paraissant pas pouvoir rentrer dans ces genres. Ce sont pourtant bien des Flagellés, mais qui présente des caractères anor¬ maux et forment évidemment un passage à d’autres groupes. Tels sont les Proteromonas Regnardi, Bacterioïdomonas sporifera, de Kimstler, le Grassia Ranaram, de Fisch, le Lopjhomonas Blatta- rurn, de Stein et de Bütschli, etc. Nous aurons donc encore à examiner ces êtres et a rechercher la place qu’ils doivent occuper dans la classification méthodique des Protozoaires. Nous aurons aussi à étudier l’organisme que M. Henne- guy a appelé Bodo necator, la seule espèce de Flagellé ecto-parasiie que Ton connaisse jusqu’à présent. Tous ces faits intéressants nous obligeront à revenir encore sur l’histoire des Flagellés parasites. (A suivre) JOURNAL DE MICROGRAPHIE 459 LE TROISIÈME œiL DES VERTÉBRÉS. Leçons faites à l’École (l’Anthropologie, par M. Mathias Duval, professeur à la' Faculté de médecine de Paris (1). 'Suite) Vous le voyez, nous marchons donc de plus en plus vers la dégéné¬ rescence et celle-ci s’accentue encore davantage dans le type suivant que nous offre le Caméléon dont l’œil pinéal (fig. 22), bien que situé dans le trou pariétal, est resté dans un état embryonnaire, car il se présente comme une simple sphère rattachée au cerveau par un pédi¬ cule dont la partie moyenne seule est pleine, et dont les deux extrémités Fig. 22. — Œil pinéal du Caméléon. — Ep, peau. — C, R, les deux hémisphères de la sphère pinéale. — No, nerf optique ; — Pa, Pa, l’os pariétal. sont creuses. Les parois de la sphère oculaire sont formées de cellules cylindriques placées l’une à côté de l’autre, mais qui ne se sont que fort peu transformées pour former des cellules cristalliniennes ; la région rétinienne est un peu mieux conservée, elle présente une couche de cellules analogues aux grains. Vient ensuite un Lézard serpentiforme de la Nouvelle-Hollande, chez (1) Recueillies par M. P. -G. M.vhoude.vu. (Voir Journal de Microqraphie^ t.XlI, 1888, p. 429.) 460 JOURNAL DE MICROGRAPHIE lequel les membres très atrophiés ne servent guère qu’à aider à la reptation, c’est le Cyclodus gigas. Chez lui, le pédicule de l’œil est resté creux dans toute sa longueur, son extrémité périphérique est à peine dilatée, c’est moins une vésicule oculaire que la simple termi- Fig. 23. — Œil pinéal du Cyclodus gigas (Baldwia Spencer.) naison d’un cylindre (fig. 23). Ainsi donc, dans ce type, l’œil pinéal ne forme plus qu’une évagination allongée partant du ventricule des couches optiques. Ce fait nous fait assister à une formation dans laquelle Torgane terminal n’est pas encore sensiblement différencié de son pédicule. Nous le voyons, la simpliûcation augmente graduellement ; aussi, chez le Ceratophora aspersa, remarquons-nous la disposition générale se concentrant encore davantage ; l’œil reste tout à fait dans l’intérieur du crâne et le trou pariétal est à peu près oblitéré. Fig. 24. — Œil de l’Orvet {Anguis fragilis.) — H, hémisphère cérébral ; — V 3, troisième ventricule ; — O, lobes optiques ; — Pa, os pariétal ; — Ep, épiderme. Le Gecko des murailles, si commun dans le Midi de la France, ne possède plus comme appareil pinéal qu’un simple cul-de-sac sans renflement, situé à la face interne du crâne dans la dure-mère et sans aucun rapport avec l’extérieur ; le trou pariétal est oblitéré. Jusqu’ici le mode de dégradation que nous venons d’étudier s’est JOURNAL DE MICROGRAPHIE 461 présenté à nous sous forme de rétraction et d’arrêt de développement. Les types que nous allons voir maintenant et que nous plaçons ainsi en dernier lieu, bien que, comme le Calotes^ ils possèdent certaines par¬ ties bien conservées, présentent ce fait remarquable, que l’œil est séparé du cerveau, c’est qu’il y a eu amputation du pédicule, le nerf optique n’existe plus. Ces cas nous sont fournis par le Calotes dont vous avez vu la vésicule oculaire si parfaite, bien qu’absolument sans connection avec lecerveau, par le Lézard vert, dans nos contrées, et enfin par l’Orvet dont les membres aussi présentent un état si rudimentaire. En effet, chez l’Orvet, la base de l’organe pinéal n’est qu’une évagination en doigt de gant qui va en s’effilant ; et au dessus, sans communication avec cette base, l’œil reste isolé dans la boîte crânienne. Chez la grenouille, comme nous le verrons ultérieurement, une amputation semblable a lieu, mais comme elle se produit très prématu¬ rément, lorsque le crâne n’est pas encore tout a fait formé, il s’en suit que la partie qui représente l’œil se trouve rejetée au dehors de la boîte osseuse et est sous-jacente à la peau. Nous en avons fini maintenant avec ces exemples tirés des Sauriens, mais leur étude nous apprend deux choses très importantes : 1® Les différents processus selon lesquels a pu se faire l’atrophie de ce troisième œil ; 2® Comment il se développe. En effet, nous voyons par l’exemple du Gecko, que l’atrophie s’est faite en réduisant la totalité de l’appareil à Informe d’un doigt de gant plus ou moins court; c’est donc par arrêt de développement que s’est produit le processus atrophique dans ce premier cas ; mais ce n’est pas le seul mode employé par la nature, car il peut se faire que la glande pinéale résulte d’une amputation, ainsi que cela se rencontre chez le Calotes, l’Orvet, etc. ; dans ce second cas, l’atrophie n’est plus le résultat d’un arrêt de développement, mais pour ainsi dire d’un accident. Cette amputation peut même avoir pour résultat de laisser en dehors du crâne toute une partie de l’ancien appareil pinéal ; c’est ce que nous trouverons chez la Grenouille. Ainsi donc, l’atrophie peut se produire par deux processus différents : l’arrêt du développement en premier lieu ; une sorte d’accident en second lieu. En est-il toujours ainsi, et comment se forme la glande pinéale chez l’homme? Nous le verrons en étudiant ce qui se passe chez les Oiseaux et chez le Lapin, et cela nous amènera à l’étude de la production atro¬ phique chez l’Homme, laquelle revêt une forme mixte qu’on ne peut définir qu’en la montrant, c’est-à-dire par des faits, dont nous verrons bientôt l’exposé. Passons maintenant à ce que nous apprend la série que nous avons étudiée, sur le développement de l’œil pinéal. Pour des raisons précédemment énoncées et qui tiennent à la rareté 402 JOUIINAL DE MICROCillAPlHE de l’animal, on n’a pas pu encore suivre le développement embryolo¬ gique de V Hatteria punctaia. On verra évidemment que cet œil naît sous forme d’une évagination partant de la partie postérieure du troisième ventricule, que son extré¬ mité périphérique se dilate, et que la différenciation des éléments se produit dans la cavité vésiculaire. Mais si ces recherches n’ont pas eu lieu sur V Hatteria, elles ont été faites sur l’Orvet à une époque où l’on ne savait pas quelle était la signi¬ fication morphologique de cet organe. Hoffman, en 1885, avait remar¬ qué que sur l’embryon de l’Orvet il se produit de très bonne heure, à la partie postérieure des couches optiques, une évagination dirigée en haut, qui bientôt s’incline en avant, allant vers la face interne du crâne en voie de formation. Cette évagination ne tarde pas à se rétrécir, mais ce rétrécissement, au lieu de donner naissance à un nerf, aboutit à une section et à la résorption du tissu intermédiaire : alors la diffé¬ renciation a lieu entre ces deux portions que les Allemands appellent proximale et distale. Mais ce mode de formation, à l’amputation près, bien entendu, n’est-ce pas ce que nous avons vu quand je vous ai montré comment se formaient les vésicules oculaires proprement dites, seulement alors elles se formaient des deux côtés, par paire, tandis qu’ici la formation est impaire ; mais au fond le processus est identique. Voilà donc l’embryologie qui, même avant l’assignation morpholo¬ gique de cet organe, était venue démontrer qu’il se développait comme un œil, que c’en était donc bien un. Aujourd’hui que, après l’étude de V Hatteria, l’œil pinéal du Lézard nous apparaît d’une manière si nette, on peut se demander comment il se fait que ces choses, si évidentes chez les Lézards où l’œil pinéal existe bien développé, n’aient pas été reconnues plus tôt. Une première cause vient de l’habitude qu’ont les anatomistes de mettre le cerveau à découvert en arrachant d’un bloc la calotte cr⬠nienne ; on comprend que déchirant ainsi le pédicule, on n’ait pu voir que la partie basale, proximale des Allemands. Mais, dira-t-on, 'comment n’a-t-on pas vu le trou pariétal? Et, en effet, ce trou n’est pas mentionné dans les ouvrages d’anatomie comparée antérieurs à la découverte du troisième œil. Ce trou, très petit chez nos Lézards des environs de Paris, est impair et médian ; il se retrouve très net, très développé chez tous les grands Sauriens fossiles tels que flcthyosaure, le Plésiosaure, etc. ; chez ces animaux, à ces périodes lointaines, cet œil si manifestement développé devait être capable de fonctionner, il devait répondre à un besoin, être utile. Ce fait est bien dans l’ordre d’idées que nous devons au transfor¬ misme, et d’après lesquelles cet œil atavique devait se rencontrer chez les Sauriens fossiles à un état de développement prouvant qu’alors il fonctionnait normalement. Comment aussi n’avait-on pas vu l’écaille interpariètale, remarquable JOURNAL DE MICROGRAPHIE 4g:3 par son aspect, qui rappelle celui d’une cornée, et la tache qui révèle, a, son niveau , le globe oculaire vu par transparence ? Ainsi que je vous l’ai déjà dit, cette écaille a été figurée dans un dessin représentant le Lézard piqueté et faisant partie d’un travail de Milne-Edvvards, paru en 18:29 : elle avait été vue par l’artiste chargé des gravures, mais n’est pas mentionnée dans le texte du mémoire. En Allemagne, Brandt, dans un Traité de zoologie médicale, en 1829, avait fait le contraire; il décrit la tache produite par l’œil pinéal et ne la reproduit pas dans ses figures; cependant il dit qu’il doit y avoir dessous quelqu’organe problématique, sans doute une glande. La véritable découverte en revient donc bien à celui qui, le premier. Fig. 25. — Crâue du Lacerta agilis (d’après Wiedersheim.) — CO^ condyle occi pital ; — OS, occipital supérieur; — P, pariétal avec le trou pariétal fp ; — SQ, squamosal ; — F, frontal ; — PF, préfrontal ; — M, maxillaire ; — N, nasal. l’a décrit comme un œil spécial, un œil pinéal, c’est-à-dire à B. Spencer. Sur certains Lézards des environs de Paris l’œil est facile à voir à travers les écailles, si donc il y a lieu de s’étonner que cette découverte ait été si tardive, que le trou pariétal du crâne n’ait pas été signalé, cela tient à ce que, lorsque la grosse ostéologic d’un animal a été faite, en général on n’y revient plus, elle n’est plus l’objet d’un contrôle, de nouvelles recherches, personne ne pensant qu’il puisse y avoir quel¬ que chose à découvrir encore. Il n’en est plus de même lorsqu’une science nouvelle vient à naître, ou pour mieux dire, lorsque de nouveaux moyens d’étude sont mis en usage. C’est ce qui arriva par le fait des procédés d’investigation propres à une science nouvelle, celle qui a pour but l’étude des tissus, l’histologie. C’est aux recherches microscopiques sur le cerveau des Sauriens, qu’on doit ainsi la découverte du troisième œJl des Vertébrés. 464 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Mais si cette découverte n’a pu être fait plutôt c’est que l’apparei^ pinéal de nos Lézards est trop incomplet. En 1853, Leydig publia une série d’études détachées sur l’anatomie des Poissons et des Reptiles (1) et, dans l’étude qu’il fit alors de la glande pinéale, il n’en vit que la partie basale. Revenant sur ces recher¬ ches en 1872, il découvrit alors sur les Lézards agitis et viridis (2) au dessous du crâne, une petite vésicule creuse à épithélium cylindrique; n’en pouvait préciser la signification, il l’appela Y organe frontal problématique; et 'dans la science on le connaît sous le nom d’or- gane de Leydig. En 1882, Rabl Ruckard, dans ses travaux sur la glande pinéale des Poissons osseux, fut conduit à étudier cette même glande sur les Lézards et arriva ainsi à en suivre le développement. Il est remarquable de constater que le simple fait de comparaison embryologique l’amena à une conclusion identique à celle à laquelle nous arrivons, nous qui venons d’étudier cet organe avec tout un ensemble de documents qui lui faisaient défaut ; c’est-à-dire que la glande pinéale est un œil impair, médian, identique à celui des Inver¬ tébrés, et n’existant plus chez les Vertébrés que comme un témoin de l’évolution phylogénique. — Voici le texte même de cet auteur ; Rabl-Ruckhard. — Zur Deutung und Eictioickelung des Gehirns der Knochenfische.ikxGo. f. Anat. und Entwicklung. 1882 p Heft 2-3, page 132. ) « Plus je réfléchis au mode de développement et à l’anatomie de cet organe problématique, et plus je suis persuadé qu’il s’agit là d’une formation d’une haute signification phylogénétique. Au début de son développement la glande pinéale apparaît avec tous les apanages d’une partie cérébrale de haute importance, puis elle se réduit à l’obscure apparence d’une prétendue glande vasculaire san¬ guine, c’est-à-dire d’un organe sur lequel nous pouvons seulement dire que nous ne savons rien. Dans les premiers temps de son exis¬ tence, elle apparaît sous la forme d’une évagination de la paroi dorsale de l’encéphale, entre la première et la seconde vésicule cérébrale, évagination dont la formation est tout à fait comparable à celle des vésicules oculaires primitives. Seulement, tandis que ces vésicules oculaires, grâce à la formation ectodermique qui donne naissance au cristallin, et grâce à la participation du mésoderme, arrivent à former l’organe des sens le plus complexe, l’œil ; au contraire, la glande pinéale embryonnaire, quoique très favorablement placée, par son extrémité périphérique, au voisinage de l’ectoderme, ne donne en définitive rien de semblable. Mais supposons qu’ici l’ectoderme arrive à se comporter comme il le fait au niveau des vésicules oculaires, que dans le mésoderme environnant apparaissent des éléments pigmen- (1) Fr. Leydig. — Anatomisch-Histologische XJnleTsuchungen üher Fische und Reptilien. Berlin 1853. (2) Fr. Leydig. — Rie in Reutschland lehenden Arten der Saurier. 1872. JOURNAL DE ]\IICROGRAPHIE 465 taires, et alors nous concevons très facilement qu’ici se développerait un organe oculiforme, un œil impair et médian. Il est intéressant de voir que ce même organe, à un certain stade du développement chez les Reptiles {Lacerta, Angiiis), présente ces mêmes dispositions, et que dans la région qu’il occupe, on voit, chez l’animal adulte, un trou dans l’os pariétal. On sait que Leydig a décrit ces dispositions et a émis l’hypothèse qu’il s’agit peut-être là d’un sixième sens. Nos connaissances actuelles sur le développement de la glande pinéale rendent cette hypothèse très vraisemblable. En comparant les Vertébrés avec les Articulés, on pourrait se demander si la glande pinéale des premiers ne serait pas l’homologue, atrophié, d’un point oculiforme des seconds. Certainement, à cet organe se rattachent de longues séries de développements phylogénétiques qui ne se retrouvent plus ni chez les animaux actuels, ni sur les types actuellement connus des animaux fossiles, et c’est ainsi que la glande pinéale a une haute signification embryologique, bien autre que ce que nous pouvons pour le moment déduire de son anatomie. » Vous voyez combien est surprenante cette prédiction d’une découverte anatomique, combien elle légitime l’induction embryolo¬ gique qui a permis ainsi de prédire la formation d’un organe. Cela nous autorisera donc à nous appuyer avec confiance sur l’em¬ bryologie chaque fois que d’autres documents viendront à faire défaut. Il ne nous reste plus maintenant pour poursuivre nos études, qu’à rechercher ce qu’est l’appareil pinéal chez les êtres placés dans la série zoologique au dessus de VHatteria, et chez ceux qui sont hiérarchique¬ ment ses inférieurs. (A suivre.) MICROBES ET ALCALOÏDES Leçon faite à l’Hôpital Necker, par le professeur M. PETER. Cetie leçon pourrait aussi bien avoir pour titre ; « Grandeur et décadence du microbe ». C’est qu’en effet, si, les années précédentes, j’ai combattu le microbe alors qu’il était tout-puissant et qu’il régnait en maitre dans le domaine des maladies dites infectieuses, je veux encore m’occuper de lui en ce jour, bien que son action pathogéni({uc ait été singulièrement amoindrie. N’allez pas croire, cependant, que je veuille, dans les leçons de cette année, m’éloigner de la clinique ; mais le mouvement scienti- li({ue quî, à l’heure actuelle, entraîne le monde médical, est tel, ({uc le JOURNAL DE MICROGRAPHIE 4C)G clinicien ne peut pas se désintéresser de ces nouvelles doctrines ; et, ce que je veux vous montrer, c'est révolution qu’elles ont subies. Grâce aux recherches patientes des memes savants qui, naguère invo¬ quaient l’action exclusive des micro-organismes, l’esprit médical s’est porté brusquement d’un pôle à l’autre de la pathologie. Vous vous rappelez, sans doute, que je vous avais fait voir, il y a deux ans, comment les outranciers de la localisation étaient devenus les outranciers de la généralisation. Après avoir localisé la maladie dans un organe, puis dans le tissu de cet organe, puis dans les élé¬ ments de ce tissu, ils avaient fini par trouver le microbe comme cause prochaine des lésions. Prenons la pneumonie pour exemple : elle était, autrefois, considérée comme une fièvre, la « fièvre péri- pneumonique », c’est-à-dire une maladie générale avec détermination morbide sur le poumon ; par le fait de l’anatomie pathologique elle devint une phlegmasie pulmonaire, et l’on disait en montrant l’exsu¬ dation alvéolaire : « voilà le mal ». On prenait la lésion pour la maladie. Mais sous l’influence des doctrines contemporaines, les recherches suivent une autre voie ; le pneumocoque est découvert, et l’on dit : « voilà la cause de la pneumonie ». Or, ce pneumocoque étant un agent infectieux, on en conclut que la maladie engendrée par lui est une maladie infectieuse, et voilà comment, de par l’histologie patho¬ logique, la pneumonie redevient une maladie générale. Mais, au hasard ou à son gré, ce pneumocoque peut être endocardo- coque ou méningocoque — faire alors une endocardite ou une ménin¬ gite — et voilà l’agent tout matériel de la spécificité qui nous éloigne de la spécilicité. C’est le chaos ? Actuellement, nous assistons à une transformation du même genre, le solidisme aboutit à l’humorisme, et c’est le microbe qui sert de trait d’union entre les deux doctrines : le microbe n’est plus dangereux par lui-mème, mais par les alcaloïdes qu’il sécrète. Et ce sont les pères mêmes de la microhie qui en sont arrivés aux « vaccins chimiques ». Ce sacrifice d’Abraliam est le détrônement du microbe. On a cherché laborieusement, de toutes les façons, et toujours infruc¬ tueusement, le microbe de la rage ; cependant, la rage est infectieuse, transmissible. Et, tout en se passant du microbe, on a vu, ou cru voir, qu’il y avait dans cette moelle rabique quelque chose comme un poison soluble qu'on a qualifié de « vaccin chimique ». Mais comment? par qui ? par quoi ? celui-ci s’y est-il faliriqué ? Sans microbe, assurément ; et par la moelle incontestablement. Et voilà la moelle qui crée des poisons ! Vous prenez une moelle rabique fraîche, vous l’inoculez à un lapin, et il meurt. Vous faites sécher une moelle rabique fraîche, pendant quarante-huit heures, à 35% vous l’inoculez ensuite, et le lapin reste vivant. Puis, à quelque temps de là, vous inoculez ce même lapin avec une moelle rabique fraîche ; il résiste. Il est vacciné. IVu* quoi ? Par .TOrRXAL DE MICROGRAPHIE 4(37 quelque chose de vivant ? Non, certes, mais par un agent chimique ; et voilà le microbe aux gémonies ! Ce qui fit autrefois le triomphe — triomphe aussi éclatant qu’éphé¬ mère — des théories microbiennes, ce qui les fit accepter avec enthou¬ siasme c’est le simple fait, la pullulation indéfinie des germes intro¬ duits par effraction dans l’organisme. Il suffit, disait-on, de prendre une goutte, une gouttelette, un atome de liquide virulent, de l’inoculer et l’on assiste alors à la « pullulation des micro-organismes », d’où l’en¬ combrement des vaisseaux dans les organes les plus importants, d’où les accidents observés ; et voilà comment une si petite masse de liquide (de liquide^ j’insiste sur ce mot) peut infecter la masse énorme de l’or- G,’anisme ! Les esprits superficiels étaient satisfaits; j’ai le bonheur de dire que je ne l’étais pas. Or, aujourd’hui on repousse cette pullulation, et l’on reconnaît qu’il s’agit plutôt de phénomènes toxiques dus à la présence d’alcaloïdes ; et voilà que le virus agit qualitativement et non plus quantitativement : son action est analogue à celle que produirait une parcelle de musc (jui, placée dans un ap|)artement, l’emplit de ses émanations odorantes sans perdre la plus belle partie de son poids. Le mystère des maladies infectieuses nous semblait révélé par les microbes et nous voilà par les alcaloïdes rejetés dans les ténèbres ! Je me suis toujours efforcé de vous faire comprendre que les mi¬ crobes ne sont que les colporteurs d’un produit morbide etmorbifiquq. Ce n’est pas dans l’air en effet qu’on va prendre avec une pince un microbe pathogène ; on le prend dans une goutte de liquide puisé dans un organisme malade. Qu’est-ce donc que ce liquide que vous inoculez? C’est un liquide virulent contenant des bactéries, plus des alcaloïdes. On en met une goutte dans des bouillons successifs et l’on constate que ces bouillons sont de moins en moins virulents ; en les inoculant à des animaux on les rend réfractaires à l’action des liquides les plus virulents, c’est-à- dire qu’on a procédé de cette manière à une véritable mithridatisation du sujet en expérience. 3Iais les bactéridies du dixième bouillon sont MORPHOLOGIQUEMENT identiques à celles dit premier, et elles ont cessé d’être pathogéniquement identiques . Elles se sont donc DÉPOUILLÉES de cquelque chose, et c’était précisément ce cpielque chose dont elles étaient imprégnées qui les rendait nocives. Ainsi s’explique l’absence de nocivité des bacilles du dixième bouillon. Voici d’autres faits non moins concluants : Koch (de Berlin) a décou¬ vert le bacille dit cholérigène. Or, ayant pris du liquide cbolériijue, il a fait des cultures et a constaté ([uc les bacilles de ces cultures n’étaient pas virulents, l’intestin étant dans des conditions normales. Eh bien, le bacille « virgule » contenu dans ces cultures peut accpiérir de nouveau des propriétés virulentes, grâce à certains artifices d’expé¬ rimentation. LœxveiUhar (de Lausanne) semble l’avoir prouvé. Mais si ce bacille peut, d’une ])art, perd)-e et, d’autre part, acquérir, c’est 468 JOURNAL DE MICROGRAPHIE donc qu’il contracte, et, dès lo7's, il n’a que des propriétés d’emprunt. Voici comment Lœwentlial a opéré pour redonner au bacille toute sa virulence : il a pris des cultures ordinaires du bacille de Koch (non virulentes), et dans le laboratoire de celui-ci, il les a ensemencées sur une pâte de sa composition, formée de viande, de farine de légu¬ mineuses et de suc pancréatique, c’est-à-dire une sorte de milieu in¬ testinal artificiel. Il a redonné ainsi au bacille toute sa virulence et a pu, de la sorte, inoculer le choléra. Donc le bacille de Koch, cultivé à la manière ordi¬ naire, perd ses propriétés, et, cultivé par le procédé de Lœwentlial, il les retrouve. C’est donc qu’il n est pas virulent par lui-même. Je vous ai exposé, il y a quelques instants, les diverses manières dont on avait compris Taction des microbes sur l’organisme ; pour les uns, pullulation des bactéries qui agissent alors par leur masse et leur nombre, mécaniquement ; pour les autres, décharges microbiennes, traumatisme cellulaire, dans le rein par exemple, d’où les néphrites infectieuses, selon quelques autres, plus délicats, action physiologico- chimique, les microbes dépouillant les hématies de leur oxygène, d’où l’asphyxie; mais, quoi qu’il en soit, les microbes, dans toutes ces hypothèses, agissent per se. Puis, voici que pour certains, dont Koch, le bacille agit par V alca¬ loïde qu’il sécrète. C’est là qu’est l’évolution; mais cette évolution est un suicide ! Nous allons voir maintenant qu’on peut expliquer les faits morbides des maladies infectieuses sans faire intervenir les microbes. Et tout d’abord, point n’est besoin d’invoquer leur nombre ; M. Straus a démontré que dans le choléra, il y avait des cas foudroyants, où l’on ne trouve que peu ou même pas de bacilles « virgules ». De tels faits, absolument inexplicables dans la doctrine du microbe (( facteur du mal », et que les microbiens passeraient volontiers sous silence! de tels faits sont des plus simples dans la doctrine que je leur objecte et l’explication en est des plus faciles ; je dis que le temps a manqué à la chose, le malade est mort trop vite pour que les microbes aient pu apparaître ; or, quand il n’y en a pas, on ne peut pas dij*e qu’ils sont les auteurs du mal ; et quand il y en a très peu pour un mal si grand, on ne peut pas décemment les en accuser davantage. Mais dans une maladie bien autrement banale, dans la phtisie, où il y a encore le bacille de Koch, mais « rectiligne » cette fois, dans la phtisie aiguë, on trouvé d’immenses quantités de granulations sans bacille, tandis que dans la phtisie chronique, les hacilles sont en très grande abondance, notamment dans les parois des cavernes. C’est qu’évidemment le bacille vient après ; il est là comme témoin et non comme complice, encore moins comme malfaiteur. Vous citerai-je encore le fait si intéressant de la tuberculose zoogléique, où le bacille n’apparaît (ju’à la deuxième ou troisième génération ? JOURNAL DE MICROGRAPHIE 469 Enfin, j’arrive à la rage, c’est bien là une maladie sans microbe ; et elle est transmissible ! Il y a donc des maladies virulentes sans microbe, d’autres avec peu de microbes, et quelques unes avec beaucoup de microbes. C’est qu’en effet se sont maintenant les alcaloïdes qui font tout. Peyraud (de Libourne) a eu la très ingénieuse idée de chercher s’il n’y avait pas dans les végétaux des substances nuisibles dont l’action se rapprocherait de celle des alcaloïdes d’origine animale. Il a pris de l’essence de tanaisie, et l’ayant inoculée, il a remarqué qu’elle donnait lieu à des symptômes analogues à ceux de la rage. 11 a remarqué, en outre, que le chloral empêchait l’éclosion de ces accidents, et un jeune homme mordu par un chien enragé, et traité par le chloral, serait resté à Pabri de la rage. Etant sur cette voie, il a poussé ses recherches plus loin, et voici les curieux résultats qu’il a obtenus : il a injecté progressivement à des animaux de l’essence de tanaisie, et a déter¬ miné ainsi l’accoutuniance. En possession de cette « simili-rage », comme Jenner Pétait d’une « simili-variole », il a voulu voir si elle ne s’opposerait pas au développement de la vraie rage, et, pour cela, il a inoculé du virus rabique aux animaux auxquels il avait injecté de l’essence de tanaisie. Le virus rabique dont il s’est servi était des plus authentiques, car il provenait de Berger, mort à Bordeaux six mois après avoir subi, à Paris, les inoculations pasto¬ riennes. Or, les animaux ainsi inoculés. n’ont pas succombé. D’ailleurs, M. Peyraud a remarqué, dans d’autres expériences, que les inocula¬ tions « intensives » de son essence de tanaisie, loin de préserver de la rage, en accéléraient l’éclosion! Aujourd’hui, il a varié son procédé, et après avoir inoculé la rage, il injecte l’essence de tanaisie tout autour du point inoculé, pour essayer de neutraliser le virus rabique. C’est, j’ai le devoirde ledire, M. Peyraud qui, le premier, a trouvé le vaccin chimique. J’ai prononcé devant vous plusieurs fois déjà, les mots d’ccalcaloïdes» il me reste à vous en parler plus explicitement. C’est à M. le professeur Gautier que nous devons la découverte de quelques-uns de ces alcaloïdes animaux, véritables produits toxiques, fabriqués par les fonctions mêmes de la vie ; il leur a donné le nom de « leucomaïnes ». Par les actes intimes de la vie, ai-je dit, dès 1869, nous faisons ce que j’ai appelé, de 1’ « autotyphisation », chaque fois que nous nous trouvons dans l’impossibilité d’éliminer certains produits toxiques, fabriqués par nous ; autotyphisation se traduisant généralement par des troubles du système nerveux, des hémorrhagies et quelques autres symptômes variables, suivant qu’il s’agissait de « typhus urinèmiciue^ » (ou urémie), « cholèmique » (ou ictère grave), « athèromique » (ou en¬ docardite ulcéreuse), puey'pèral » (ou fièvre puerpérale). Mais c’est M. Gautier qui, dans ses belles recherches sur les leucomaïnes, a dé¬ montré l’existence de ces alcaloïdes toxiipies, produits par chacun de nous ; ce sont la xantho-créatinine, la cruso-créatininc, etc. Ce qu’il 470 JOrilNAL DE r^IICROGRAPlIIE nous importe surtout de savoir, c/est que ces substances sont le résul¬ tat de la vie propre, de la vie intime de la cellule musculaire. « Si donc la vie intime de cette partie des cellules animales grou- « pées en tissus, et vivant sans oxygène emprunté à l’air, semblable « par la façon dont elle assimile et désassimile la matière organique à « la vie des ferments bactériens , nous devons, dans nos produits « d’excrétion, observer ces substances mêmes qu’on retrouve dans la « fermentation anaérobie des albuminoïdes, c’est-à-dire dans les fer- « mentations putréfactives. Nous retrouvons, en effet, dans nosexcré- « tiens normales, et presque exclusivement, l’ensemble des produits de « la putréfaction proprement dite....» Telles sont les paroles mêmes deM. Gautier. La présence de ces alcaloïdes s’est révélée jusque dans l’acte respi¬ ratoire. MM. Brown-Séquard et d’Arsonval en ont trouvé dans l’air expiré. Comme la peau, comme les reins, les poumons laissent échapper des produits excrémentitiels dont la toxicité est aujourd’hui parfaitement établie. Depuis longtemps, du reste, M. Bécbamp y avait trouvé ce qu’il appelle une « zymase ». MM. Brown-Séquard et d’Arsonval ont ainsi démontré que Tair expiré est toxique, et cela sans microbe. Mais la salive elle-même l’est, toxique ! et tout semble prouver que chez les chiens elle acquiert, sous l’influence d’une excitation géné¬ sique intense et contrariée, les qualités virulentes de la salive rabique. Est-ce que vous ne savez pas que, dans nos pays tempérés, il est mauvais de manger du poisson au moment du frai ? Or, il y a dans l’Inde, climat plus excessif, des poissons dont la consommation est des plus dangereuses à ces moments d’excitation génésique, et que pour cette raison on a qualifié de toxicophores, dans cette période de leur vie physiologique. De tout ce qui précède, n’ai-je pas le droit de conclure que par suite des actes physiologiquesde la vie, il se produit des substances éminem¬ ment toxiques ? C’est désormais monnaie scientifique courante que « l’air est peuplé {[e germes », et que ces germes sont les agents de la contagion. Et puis voici queM. le professeur Straus a pu établir, par des expériences d’une grande précision, que chacun de nous absorbait, dans une salle d’hôpital, à chaque inspiration, (309 bactéries ou spores, et qu’à chaque expiration il sortait, savez-vous combien de microbes? un, rien qu’un. Nous admettrons que le poumon en absorbe une moyenne de 600 en chiffres ronds. 20 inspirations par minute, cela fait en vingt-quatre heures le joli total de dix-sept millions deux cent quatre-vingt mille bactéries ou spores que nous engloutissons. Mais alors on peut dire ({Lie nous nous en nourrissons. Le poumon, suivant M. Straus, jouerait le rôle de « filtre », et rendrait l’air bactériolook^lement pur, moi j’ajoute alcaloïdk^üement impur \ ce qui n’est pas sans JOURNAL DE MICROGRAPHIE 471 importance puisque, vous le savez, l’air expiré est toxique, et cela de par le fait d’un alcaloïde. Ici encore apparaît la toute puissance de la spontanéité vitale. Comment ? je passe chaque matin plusieurs heures dans une salle d’hôpital, dont l’atmosphère est remplie des germes de la pneumonie de la tuberculose, de la lièvre typhoïde, et cependant je ne contracte ni l’une ni l’autre de ces maladies. C’est donc alors que mon organisme « ne veut pas tomber malade », qu’il est réfractaire ; et nous arrivons de la sorte, en présence même des expériences des microbiens, à la prédisposition morMde ; c’est-à-dire que l’on ne devient malade que parce qu’on l’est déjà. Après le poumon, qui reçoit impunément tant de germes, voici la plaie chirurgicale exposée à leur action, non moins impunément. Ce que M. Straus a fait pour démontrer la résistance du poumon aux microbes de l’air, M. le professeur Le Fort vient de le faire pour prouver la résistance des plaies à ces mêmes microorganismes. On admettait autrefois que si les plaies suppuraient, c’est (ju’elles étaient en contact avec l’air extérieur chargé des microbes de la suppu¬ ration ; d’où le pansement de Lister, qui avait pour but d’opposer un un rempart infranchissable à l’introduction de ces germes. Il est in¬ contestable que le pansement de Lister a rendu de grands services ; d’abord c’est un pansement rare, puis il a forcé les chirurgiens à se laver plus soigneusement les mains et à nettoyer leurs instruments : s la crainte du microbe aura été le commencement de la... propreté. » M. Le Fort n’admet pas la théorie des ferments.de l’air; pour lui, les complications habituelles des plaies sont dues à la contagion opérée par les doigts du chirurgien, les éponges, les instruments. C’est au moyen du germe-contage que se fait la transmission de l’infection purulente, de l’érysipèle, etc. ; le microbe ne sert que de véhicule ; à lui seul, il ne peut rien ;.il faut le germe « plus quelque chose ». Pour démontrer l’innocuité de l’air, il n’a fait, cette année, à ses opérés de Necker, aucun pansement cachant la plaie, celle-ci restant librement exposée à l’air. (Il avait déjà fait ces expériences à l’hèpital Beaujon en 1876 et à l’Hôtel-Dieu en 1880). Pour empêcher le frottement des draps contre la plaie, il se bornait à recouvrir la partie avec un grillage métallique ; l’air pouvait libre¬ ment circuler à l’entour. Et, sur trois amputés de cuisse, trois amjiutés de jambe, un réséqué du coude, tous ont guéri sans su})puration et par première intention. Il n’a eu ni mort, ni érysipèle, ni accident (piclcon- que. Ce n’est pas tout : il a puisé avec un fil de platine, préalablement rougi, du liquide qui humectait ces plaies ; avec ce licpiide, cette lym¬ phe plastique, il a fait des cultures et il a trouvé sur toutes les Hla- phylococcus alhiis ou aureus et su)' quelques-unes le Strepiococcits regardé comme spécifique de ï infection purulente ou de Vèrysipèle, 472 JOURNAL DE MICROGRAPHIE et cependant les opérés n’ont eu infection jiurulente, ni érysi¬ pèle a Je vous parlais tout à l’heure de la résistance de l’organisme aux bactéries ; or, un savant, Metschnikoff, a fourni, pour rendre compte de cette résistance, une explication originale. Pour lui, ce sont les cellules qui mangent les microibes : chaque organisme est pourvu de « phagocytes » (ou mangeurs de microbes) de différentes espèces ; les uns sont constitués par les cellules fixes, les macrophages ; les autres, ou microphages, sont les globules blancs du sang. Nous retombons ici en plein solidisme : mais laissons là ces luttes homériques d’une batrachomyomachie, où l’imagination joue un rôle si oriental, et qui sont loin d’étre appuyées sur un nombre assez considérable de faits expérimentaux pour être admis au titre de vérité démontrée. Il y a beaux jours que Robin disait qu’un microorganisme n’est mal¬ faisant qu’à la condition de sortir d’un organisme malade. Une bacté¬ ridie charbonneuse n’est pas morbifique par elle-même, mais parce qu’elle sort d’un milieu infecté ; ce que disait Béchamp, il y a bien longtemps, reste toujours vrai : on ne prend pas la maladie dans l’air, on la prend dans un liquide. MM. Bouchard et Charrin viennent de faire des expériences qui semblent donner à cette manière de voir un appui sérieux ; ils ont démontré que ce ne sont pas les microbes, mais les liquides de culture qui sont virulents. Ils prennent des cultures pyocyaniques, les filtrent sur la porcelaine, les dépouillent ainsi de tout corpuscule organique, et inoculant à petites doses le liquide ainsi filtré à des lapins, les rendent réfractaires. M. Bouchard a obtenu les mêmes résultats en se servant de l’urine éliminée par les animaux infectés, le rein ayant servi de filtre. Cette doctrine des vaccins chimiques, a-t-elle un grand avenir ? Je voudrais le croire, mais les résultats obtenus jusqu’ici ne sont pas très encourageants. L’immunité est surtout pratiquement valable par sa durée ; bornée à quelques jours, elle n’a qu’un intérêt de laboratoire (et c’est ce que Lœwenthal a démontré pour la fameuse vaccination anticholérique qui dure jours et ne va pas jusqu’à quinze) ; étendue jusqu’à un an, deux ans, elle permet aux animaux « de boucherie » de vivre assez pour y aller. Mais, en ce qui concerne l’application à l’espèce humaine, que d’incertitudes encore ! Est-ce que le chiffre de la mortalité par la rage a diminué depuis les vaccinations soi-disant antirabiques ? Non ; il aurait plutôt augmenté. Berger est mort, six mois après sa prétendue vaccination, de rage paralytique ; et Sinardot a succombé à la rage convulsive vingt-sept mois, vous entendez bien, vingt-sept mois, deux ans un quart après le traitement de la rue d’Ulm. Peut-on savoir, après de tels faits,- ce qu’il adviendra des autres inoculés de 188G, 1887 et 1888! JOURNAL DE MICROGRAPHIE 473 quées par des savants de grande valeur sont très intéressantes mais nous conduiront-elles jamais à des résultats pratiques, appliquables à Thomme? C’est là ce dont il est permis de douter. Dans le cours de ma carrière médicale, qui commence à être longue, j’ai vu la grandeur et la décadence de bien des doctrines. J’ai été témoin de l’agonie de la théorie de Broussais, associant l’archée gas¬ trique de Van Helmont aux sympathies rayonnantes de Willis et de Rega ; j’ai vu les beaux jours de la théorie numérique ; puis ce furent les embolies de Virchow, qui nous ramenaient aux eiTeurs de lieu de Boerhaave , plus tard enfin tout était rapporté à faction réflexe. Cela m’a rendu philosophe ! Aujourd’hui, nous venons à peine d’assister à la naissance des théories microbiennes, que les microbes font déjà place aux alcaloïdes, nous ramenant ainsi du solidisme à l’humorisme. Mais, au fond, tout cela c’est le progrès I car chacune de ces théories contient une part de vérité. Le malheur est de vouloir trop généraliser, et de généraliser trop hâtivement ; de chacune de ces théories il nous reste une vérité partielle. De Broussais, il nous reste l’irritation ; de la méthode numérique, une précision plus grande ; de Virchow, les embolies ; de Claude Ber¬ nard, les actions réflexes, et des doctrines microbiennes une hygiène plus rigoureuse. Grâce à elles, nombre de gens auront appris qu’il est décidément très bon d’ètre propre, de boire de l’eau pure et de manger des choses saines. Et c’est la somme de ces vérités partielles qui fait la vérité totale, la vérité vraie, ({ue j’essaie de chercher avec vous. LE PERONOSPORA OU LA BRULURE DES VIGNES En 1888 Cette année les vignes ont eu beaucoup à souffrir d’une maladie appelée scientifiquement Peronospora, vulgairement Mildew et Mil¬ diou, et anciennement Mèlin et Brûlure. Elle est caractérisée sur les feuilles par des taches de couleur rousse plus ou moins développées. Les vignobles atteints fortement de cette affection paraissent comme grillés. La maladie se montre le plus ordinairement dans les plaines et les bas fonds, à la suite de rosées abondantes ou de brouillards intenses alternant avec une température élevée. D’après M. Viala, professeur de viticulture à l’école nationale d’agriculture de Montpellier, « c’est sur « le bord des étangs, sur le littoral, sur le bord des fleuves et des 474 JOURNAL DE MICROGRADiriE » rivières, dans les parties basses et les plaines humides que le Pero- » nospora s’est surtout étendu. » Quand des pluies fréquentes pendant l’été alternent avec le soleil, les taches rousses qui caractérisent la maladie se montrent indistinctement partout et occasionnent parfois de grands ravages, aussi bien sur les vignes en coteaux très élevés que sur celles en vallées. C’est ce qui est arrivé pendant le cours de l’été froid et humide que nous venons de traverser. Autrefois, on attribuait la cause de cette singulière affection à des coups de soleil. Aujourd’hui des savants illustres prétendent qu’elle est occasionnée par des Mais ces savants n’expliquent pas pour¬ quoi ces microbes, inconnus de nos ancêtres, sont plus nombreux de nos jours qu’autrefois ; ni pourquoi, une année, ils se multiplient tout- à-coup en assez grand nombre pour produire des ravages considé¬ rables simultanément sur une foule de points de la France et même de l’Europe, tandis que l’année suivante leur présence ne se constate plus que dans quelques endroits fort rares. Ils ne disent pas davantage pourquoi ces êtres microscopiques font plus de mal par une tempéra¬ ture élevée alternant avec des rosées, des pluies ou des brouillards fréquents que par une sécheresse prolongée. Ils laissent également ignorer pourquoi ces microbes malfaisants attaquent généralement les cépages en vallées tandis qu’ils respectent ceux en céteaux. En un mot, comme de vulgaires vignerons, les promoteurs des théories micro¬ biennes constatent ces faits, mais sont impuissants à en déterminer les causes. Il incombe, ce nous semble, à M. Prillieux, plus qu’à tout autre, de combler ces lacunes d’une importance capitale. La réputation scien¬ tifique universelle du Directeur du laboratoire de pathologie végétale de Paris, et sa haute compétence dans la science des infiniments petits, lui en font un devoir. Nous l’attendons à l’œuvre. Entre-temps nous allons faire connaître la théorie ingénieuse d’un modeste praticien sur la maladie du Peronospora. Naturellement elle est moins scientifique et moins mystérieuse que celle des microhes- cause palronnée par le Gouvernement, mais, par contre, elle a sur elle l’immense avantage de donner des solutions rationnelles à des faits restés inexpliqués jusqu’à ce jour. On va en juger : « La chaleur du soleil, quelqu’intense qu’elle soit, dit ce vieux pra¬ ticien, ne grille jamais les feuilles des vignes lorsqu’elles peuvent soutirer du sol Thumidité nécessaire pour résister à la dessication. Ce n’est donc pas à une chaleur excessive, dont nous avons du reste été complètement privés en 1888, qu’il faut attribuer la cause de cette affection. Ce n’est pas non plus au défaut d’humidité dans le sol, il n’a pas été un instant desséché cet été. » Mais les alternatives de chaleur et de froid-humide qui impres¬ sionnent si défavorablement notre pauvre humanité, impressionnent davantage encore les feuilles de vigne, tissus vivants, minces, légers, JOrll^'AL DE MICROGRAPlirE 475 délicats et doués d’une très grande sensibilité. Les changements répé¬ tés de température, rendus plus nuisibles encore par le séjour fréquent et prolongé de gouttelettes d’eau froide sur les feuilles, finissent par en altérer les tissus sur les points les plus sensibles. La désorganisa¬ tion des tissus, ou plutôt leur décomposition, engendre, — comme généralement toutes les décompositions sous l’action de la chaleur, — des moisissures, des champignons, des cryptogames ressemblant par¬ fois à des cristallisations. Ces moisissures, champignons et crypto¬ games sont effet de la décomposition des tissus et non cause, aussi elles ne précèdent pas les décompositions, elles les accompagnent. Sur les points où les tissus se désorganisent, la feuille perd naturellement sa couleur primitive pour prendre la couleur caractéristique de la maladie, après avoir passé préalablement par plusieurs teintes différentes. Les organes aériens de la vigne étant ainsi paralysés ne peuvent plus fonc¬ tionner d’une manière normale; ils attirent alors à eux peu de sels nu¬ tritifs qu’ils ne peuvent élaborer qu’imparfaitement et voilà pourquoi la plante s’arrête dans son développement. Les feuilles ne fonctionnant plus que très faiblement arrivent promptement à une vieillesse préma¬ turée et tombent avant l’époque ordinaire assignée par la nature. Quant aux raisins restés exposés sans abri sur le cep, ils se dessèchent d'autant plus vite, sous faction de la température estivale, qu’ils ne reçoivent plus de nourriture ; si le soleil manque d’ardeur pour les dessécher, ils restent verts, acides et finissent par pourrir sousl’inllence de pluies prolongées. » Voulant nous assurer par une preuve incontestable des effets nui¬ sibles que les brusques changements de température accompagnés de pluies fréquentes exercent sur les feuilles de la vigne, nous avons, en septembre dernier, arrosé avec de l’eau de citerne, plusieurs fois par jour pendant plusieurs jours consécutifs, la moitié de la partie aérienne d’une vigne en treille exposée en plein midi. Quelque temps après les feuilles étaient en grand nombre atteintes du Peronospora tandis que toutes celles de la partie restée comme témoin étaient immaculées. » Il est facile de concevoir que des intempéries capables de déter¬ miner sur les organes élaborateurs des végétaux des effets nuisibles, empéehent par cela même les engrais de produire les résultats qu’ils donnent par une année normale. C’est en effet ce qui a été constaté cette année, non seulement dans le Midi pour les vignes, mais dans le Nord pour les blés et les betteraves. » Vous voyez, ajouta mon vieux praticien, qu’il n’est pas nécessaire de faire intervenir le soleil brûlant d’Afrique ni les microbes ambulants d’Amérique pour expliquer la cause de la chute prématurée des feuilles dans les vignobles français. » — Mais, lui répliquai-je, s’il en est comme vous le dites, nous n’avons plus désormais qu’à nous croiser les bras, car on ne peut em¬ pêcher les intempéries ? — « Pardon, me répondit-il, voyez mes vignes chargées de raisins 476 JOURNAL DE MICROGRAPHIE sains, bien développés et d’une teinte admirable, elles ont encore toutes leurs feuilles et forment comme une oasis au milieu des vignes envi¬ ronnantes qui ont perdu de bonne heure toutes les leurs ; ceci n’est pas un fait isolé : on voit dans tous les pays, non loin de ceps malades, des ceps parfaitement naturels qui n’ont cependant jamais reçu aucun traitement insecticide ou microbicide. C’est que les vignes nourries convenablement depuis longtemps, ou qui sont placées dans un sol privilégié, renfermant toutes les substances nutritives réclamées parleur nature, ont des feuilles de meilleure composition, plus épaisses, possé¬ dant une vitalité plus forte et partant une résistance plus grande. Si on ne peut empêcher les intempéries, cherchons du moins, par des engrais appropriés au sol et aux besoins .des plantes, à mettre nos végétaux cultivés dans les meilleures conditions vitales possibles pour leur permettre de les mieux supporter. » — Comment faut-il s’y prendre pour trouver un engrais approprié au sol et au cépage d’un vignoble malade? — « Il faut faire dans ce vignoble des champs d’expérience sur de petits carrés avec des engrais chimiques différemment composés, et ensuite observer attentivement les effets qu’ils produisent. On par¬ viendra de cette manière à connaître les éléments qui conviennent le mieux au sol et au cépage. « On peut encore arriver au même but, et plus promptement, par le procédé suivant : supposons qu’il s’agisse d’une vigne complantée d’un cépage unique gravement malade. Cherchons une vigne complantée du même cépage, mais qui soit dans d’excellentes conditions de santé et donne des fruits abondants et de parfaite qualité ; quand nous la trou¬ verons, ce qui n’est pas difficile, nous aurons une preuve évidente que le sol contient en suffisante quantité, et dans de bonnes proportions, toutes les substances nutritives réclamées par ce cépage. Faisons alors analyser la terre de cette vigne et la terre où se trouve le cépage ma¬ lade, puis comparons les résultats, ils seront différents. Efforçons-nous ensuite de mettre le sol de la vigne malade dans les mêmes conditions chimiques, au point de vue des éléments solubles, que celui dans lequel se trouve la vigne saine et vigoureuse. Nous y parviendrons en lui donnant, dans les proportions voulues, de l’acide pliosphorique, du sulfate de chaux, du sulfate de fer, de la potasse, de la magnésie, de l’azote, etc., etc., en un mot chacun des éléments qu’il contient en trop faible quantité. Lorsque nous aurons équilibré convenablement ces éléments entre eux, comme ils le sont dans le sol où se trouve la vigne naturelle et pleine de vigueur, si le climat et l’exposition ne diffèrent pas trop, nous verrons notre vigne malade revenir promptement à la santé, parce que les maladies dont elle est la proie, depuis le pourridié et le phylloxéra des racines, l’oïdium et le peronospora des feuilles, l’anthracnose et le charbon des sarments, jusqu’au black-rot ou pour¬ riture des raisins, ne sont que des manifestations d’un état constitution¬ nel anormal qui s’aggrave sous l’influence des intempéries. » JOURNAL DE MICROGRAPHIE 477 Ces conseils, appuyés par les résultats magnifiques que nous avons constatés de visu et les explications rationnelles rapportées ci-dessus, nous ont paru trop fondés pour ne pas être soumis aux réflexions des intéressés. Chavée-Leroy, Membre de la Société des Agriculteurs de France. Clermont-les-Fermes (Aisne), 28 octobre 1888. N. -B. — Depuis plusieurs années nous avons fait connaître, par une foule de lettres et d’articles publiés dans les journaux, les heureux résultats obtenus à l’aide du sulfate de fer associé au plâtre, et au phosphate de chaux pour guérir nos vignes des nombreuses maladies dont elles étaient atteintes. L’emploi de la potasse, du phosphate de chaux, du sulfate de fer, du plâtre, de la magnésie et autres substances chimiques pour la culture des vignes, nous a permis de constater deux faits particulièrement im¬ portants : c’est que les substances calcaires rendent les raisins plus sucrés, tandis que le sel ferreux pousse à leur coloration. Ces constatations faites, nous avons donné simultanément au sol ces deux substances en grande quantité et dans les proportions réclamées par les cépages ; nous sommes parvenu ainsi à obtenir des fruits, qui, comme qualité et comme beauté, font l’admiration de tous nos visiteurs. Aujourd’hui nous pouvons assurer, sans crainte de nous tromper, qu’à l’aide d’engrais chimiques appropriés, employés dans des sols sains, on peut obtenir, à bonne exposition, sous tous les climats suffisamment chauds, des raisins aussi sucrés, aussi ambrés, aussi transparents que ceux de Fontainebleau dont la réputation est universelle. Mais l’emploi judicieux des engrais chimiques ne s’acquiert que par une longue pratique car il n’y a pas de bonne formule applicable indis¬ tinctement à tous les sols et à tous les cépages. C’est ce qui nous fait dire que, pour beaucoup de viticulteurs inexpérimentés, l’emploi des engrais chimiques peut produire le même effet qu’un rasoir entre les mains d’un singe. Beaucoup de viticulteurs, se basant sur les données de la science, croient encore que le sol est toujours assez riche en fer pour subvenir aux besoins des plantes et dédaignent de prendre la peine de faire les essais que nous conseillons. Nous pourrions leur démontrer par de nombreux renseignements reçus depuis peu, qu’ils ont grand tort; nous nous contenterons, pour le moment, de rapporter ce que vient de publier le Jommal d' Agriculture 'pratique^ dans son numéro du 25 octobre : Depuis deux ans, dit M. le marquis de Paris, agriculteur au château de La Brosse (Seine-et-Marne), j’ai fait la culture mairaîchère et j’ai traité mes arbres fruitiers par les engrais chimiques. Pour la culture maraîchère, j’ai obtenu des résultats qui m’ont étonné : les légumes poussent bien plus vite, sont beaucoup plus tendres, plus savoureux et 478 JOURNAL DE MICROGRAPHIE plus beaux ; il en est de même pour les fruits. Les treilles qui ont été traitées par les engrais chimiques et le sulfate de fer sont splendides ; elles ne sont pas attaquées par le phylloxéra qui a envahi pourtant toutes les vignes de la commune . Le sulfate de fer que j’ai employé partout m’a donné do très bons résultats, et je ne comprends pas qu’on ne le fasse pas entrer dans les compositions d’engrais chimiques. Si M. le marquis de Paris est surpris de ne pas voir entrer le sulfate de fer dans les compositions d’engrais chimiques, nous avons sujet d’être plus étonné encore, après tout ce que nous avons publié sur ce sel fertilisant et mis sons les yeux de M. Prillieux et de M. Tisserand, directeur général de l’agriculture, de voir ces Messieurs faire la sourde oreille et continuer leurs agissements en faveur des théories micro¬ biennes. G.-L. SUR LA CASTRATION PARASITAIRE DU LYCHNIS DIOÎCA PAR L’USTILAGO ANTHERARUM Les particularités signalées récemment par M. Magnin(l) sur l’hermaphrodisme du Lychnis dioïca L., infesté -psir VUstilago antherarum Fr. [Ustilago violacea TuL), ne sont pas absolument nouvelles. Quelque temps après la découverte de Tulasne nous avons, M. Maxime Cornu et moi, observé maintes fois, aux envi¬ rons de Paris la curieuse modification des pieds femelles parasités, et le fait fut exposé par l’un de nous à la Société botanique de France [Comptes rendus des Séances, série, t. XYl, p. 213 ; 1869.) Depuis, j’ai pu répéter bien souvent ces observations dans le nord de la France où VUstilago antherarum est très commun, non seulement sur le Lychnis dioïca, mais aussi sur le Silene inflata, Sm. Il y a deux ans, j’ai de nouveau attiré l’attention des biologistes sur les etfets du parasitisme de cette Ustilaginée (2). Je me suis efforcé, dès lors, de rattacher ce phénomène à un ensemble considérable de faits que j’ai étudiés sous le nom de castration parasitaire, et sur lesquels j’ai eu l’honneur de présenter déjà plusieurs communications à l’Académie. Aussi la présente note a-t-elle bien moins pour objet de revendiquer une priorité à laquelle j’attache peu d’importance, que d’insister à nouveau sur la généralité des processus physiologiques et morphologiques résultant de l’action des parasites sur la sexualité des organismes végétaux ou animaux (3). A ce point de vue, le travail de M. Magnin renferme un détail nouveau et intéressant ’. je veux parler de la variabilité remai quable qui a été constatée dans les effets de la castration (1) C. R. Ac. Sc., 22 oct. 1888. (2) C.R. Ac. Sc., 5 juillet 1886: De l'influence de certains parasites sur les caractères sexuels de leurs hôtes. (3) Voir A. Giard : La Castration parasitaire (Bull. Scientif. du nord de la France, 2‘“® Sér. 10® année, 1887, p. 1-28) et Nouvelles recherches (même Recueil, 3™® Sér., P® Ann., 1888, p. 12-45.) 1 JOURNAL DE iMICROGRAPHIE 479 j)arasitaire chez les divers pieds femelles de Lychnis envahis par VUstilayo. Cela concorde absolument avec mes observations sur les Crustacés châtrés par les Bopyriens ou les Rhizocéphales, et avec celles de Ferez sur les Andrènes stylopisées. En présence de l’extension croissante de ces phénomènes, il importe de bien définir les termes que nous avons employés précédemment ou que nous emploierons à l’avenir dans ce genre de recherches. Nous appelons castration parasitaire l’ensemble des modifications produites par un parasite animal ou végétal sur l’appareil générateur de son hôte ou les parties de l’organisme en relation indirecte avec cet appareil. Au point de vue physiologique, ces modifications peuvent aller depuis un simple trouble de la fonction génératrice, diminuant à peine la fécondité, jusqu’à la stérilité complète en passant par tous les états intermédiaires ; on observe souvent, en outre chez les animaux infestés, une interversion de l’instinct génital. Au point de vue morphologique, la castration parasitaire agit plus ou moins énergiquement sur les caractères sexuels primaires et même secondaires de l’or¬ ganisme parasité ; elle fait souvent apparaître dans un sexe les caractères ou une partie des caractères du sexe opposé. Pour simplifier le langage, on peut dire que la castration parasitaire est andro¬ gène lorsqu’elle fait apparaître dans le sexe femelle certains caractères apparte¬ nant ordinairement au sexe mâle. Elle est théligène^ au contraire, lorsqu’elle pro¬ duit chez le mâle des caractères du sexe femelle. Nous disons enfin qu’elle est amphigène lorsqu’elle mêle les caractères des deux sexes en développant dans chacun d’eux des caractères du sexe opposé. C’est ainsi que la castration des Crustacés décapodes par les parasites Bopyriens où Rhizocéphales, dont nous avons cité plusieurs exemples dans les Comptes rendus, est généralement une castration théligène. D’autre part, des observa¬ tions récentes nous conduisent à penser que la castration de certains Crustacés décapodes (Ecrevisses) par d’autres parasites (Branchiobdelles), est une castration androgène (faisant apparaître chez la femelle les appendices abdominaux mâles de la première paire). La castration du Lychnis dioïca par VUstilago anihera- rum est également une castration androgène. Enfin, la’castration des Andrènes par les Stylops, si bien étudiée par Ferez, présente tous les caractères d’une castration amphigène. Les exemples de castration parasitaires sont aussi nombreux dans le règne végétal que dans le règne animal. Four les plantes comme pour les animaux, le parasite gonotome peut, d’ailleurs, être animal ou végétal. Lorsque la plante infestée est normalement dioïque, elle affecte, selon que la castration est androgène, thèlygène ou amphigène, les allures d’une plante androdioïque, gynodioïque ou hermaphrodite. Feut-être même trouverait-on dans certains cas, une relation causale, entre les faits précédemment indiqués et la dioïcité de certains types appartenant à des famillesde végétaux généralement hermaphrodites. C’est ce que semble avoir entrevu Gaertner dans ses belles recherches sur la contabescence des étamines (1) ; mais, au lieu d’attribuer, comme il le fait, la dioicité à une tendance de certaines plantes à la contabescence, nous serions plutôt porté à supposer que la contabescence, résultant de la présence d’un parasite, a déterminé progressivement la dioïcité. (2). Frof. A. Giard. (1) Gaertner : Beitrœge zur Kenntniss der Befruchtung,p. 117 etsuiv., 1884. (2) C. R. Ac. Sc. 5Nov. 1888. ^ f 480 JOURNAL DE MICROGRAPHIE LISTE COMPLÈTE DES DIATOMÉES FRANÇAISES Ù (Suite) (l) ASTERIONELLA Bleakéleyi Sm. (V. H. Syn. 52, f. 1). — Villefranche, H. P. *Formosa Hass. (V. H. Syn. 51 f. 19, 20). — Normandie, Breb.; Alpes et Jura, Brun. ^Formosa. Var. gracillima Grun. (V. H. Syn. 51 f. 22). — Belgique, V. H. ^ ‘Formosa. Var. inflata (V. H. Syn. 51 f. 23). — Belgique, V. H. Ralfsii Sm, (V. H. Svn. 52, f. 2). M. — Le Croisic, Villefranche, H. P. ASTEROLAMPRA Greyillei Grev. (Grev. T. M. S., 1860, 4 f. 21). M. — Ville- franche^ H. P. Greyillei. Var. adriatica Grun. (V. H. Syn. 127 f. 12). — Ville- franche, H. P. Greyillei. Var. eximia Caslr. (Castr. Chall. Exp. 5 f. 6). — Ville- franche, H. P. Marylandica E. (T. M. S., 1860, 2 f. 13). — Le Croisic, Cette, Vil¬ lefranche, H. P. ^ Marylandica. Var. major. (T. M. S., 1860, 2 f. 14). — Villefranche, H. P. ASTEROMPHALUS Arachne Breb. (A. S. Atl. 38 f. 3). — Villefranche, H. P. Robustus Castr. (H. P. Villefr. f. ). — Villefranche, H. P. ATTHEYA Décora Wist. (T. M. S., 1860, 7 f, 15). — Normandie, Breb. AULISCUS CŒLATUsBail. (A. S. Atl. 32 f. 12-20). — Villefranche, H. P. Cœlatus. Var. latecostata (A. S. Atl. ). — Côtes-du-Nord, Leuduger; Villefranche, H. P. Cœlatus. Var. (X. S. Atl. 32 f. 12). — Villefranche, H. P. Leudugerii h. P. (H. P. Villefr. 4 f. 32). — Villefranche, H. P. Sculptes Ralfs. (Schm. Atl. 30 f. 8). — Répandu. (1) Voir Journal de Micy'o graphie. 1888, p. 409, 441. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 481 AURIGULA Amphitritis Castr. (H. P. Villefr. f. 18). — Villefranchc, H. P. Mucronata (H. L. Sm.). — H. P. •— (H. P. Villefr. 6, f. 48. = Am- phora H. L. Sm.). — Villefranche, H. P. BACILLARIA ursoria Donk. = Nitzschia cursoria. Paradoxa Gmel. (V. H. Syn. 61 f. 6. = Nitzschia). — Très répandu. SociALis Sm. (V. H. Syn. 61, f. 8. = Nitzschia), — Côtes-du-Nord, Leuduger. BAGTERIASTRÜM Curvatum Shdb. == B. varians. Turcatum Shdb. = B. varians. Hyalinüm Laud. (Laud. T. M. S., 1864, 37, f. 7). — Cette, H. P. Varians Laud. (V. H. Syn. 80, f. 3, 5. — B. furcatum et curva¬ tum). — Cette, Gu.inard; Cette, Villefranche, H. P.; Belgique, V. H. BERKELEYA Dilwinii (Ag.). Grun. (V. H. Syn. 16, f. 15. = Schizonema Ag.). M. — Côtes-du-Nord, Leud.; Finistère, Crouan.; Méditerra¬ née, Grun., H. P. Fgrailis Grev. (V. H. Syn. 16, f. 12). — Normandie, Breb.; Finis¬ tère, Crouan.; Méditerranée, Guin., H. P.; Midi de la France, Smith. Fragilis. Var. adriatica K. (K. Bacc. 22, f. 4). — Normandie, Breb.; Finistère, Cr. Micans Lyngb. (V. H. Syn. 16, f. 11. — Raphicloglœa K. = Ho- mœocladiapenicillata). — Normandie, Breb.; Côtes-du-Nord, Leud.; Belgique, V. H. Obtusa (Sm.). Grun. (V. H. Syn. 16 f., j6. — Schizonema. — Côtes-du-Nord, Leud.; Finistère, Crouan. Parasiticum (V. h. Syn. 16, f. 19. = Schizonema). — Côtes-du- Nord, Leud.; Finistère, Crouau. PuMiLA (Ag.). Grun. (V. H. Syn. 16, f. 13. = Schizonema et Ho- mœoclaclia). — Normandie, Breb.; Finistère, Crouan.; Ville- franche, H. P. Rutilans (Ag.). Grun. = Schizonema rutilans et implicatum. — Répandu. Rutilans. Var. viridis. — Belgique et Normandie, V. H. 482 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Biblarium. Crux, Glans, sjpecioswn. = Tetracyclus lacustris. BIDDULPHIA Aurita Lyngb. (Y. H. Syn. 98, f. 4, 9). — Très répandu. Aurita. Yar. minima (Y. H. Syn. 98, f. 11-13). — Belgique, Y. H.; Yillefranche, H. P. Baileyi Sni. (Y. H. Syn. 10, f. 4, 6. = B. raobiliensis^ Bail.). M. — Répandue. Granulata Roper. (Y H. Syn. 99, f. 7, 8). M. — Belgique, Y. H. Laevis Roper. (Y. H. Syn. 104, f. 3, 4). M. — Normandie, Brebis- son; Languedoc, Guinard; Belgique, Y. Hcurck. Mohüiensis Bail. = B. Baileyi, Sm. Obtusa Ralfs. (Y. H. Syn. 100, f. 11-14). M. — Côtes-du-Nord, Leud . PuLCHELLA Gray (Y. H. Syn. 97, f. l-o). M. — Très répandue. Radiata Roper. (Y. H. Syn. 103, f. 12. ■= Cerataulus Smithii. — Euj)odiscus racliatus). M. — Répandu. Regina Sm..(Y. H. Syn. 98, f. 1). M. — Yillefranche, Languedoc, H. P. Rhombus Sin. (Y. H. Syn. 99, f. 1-3). 31. — Assez répandu. Rhombus, Yar. trigona Cl. (Y. H. Syn. 99, f. 2. = Tr. striolatum et T. Bidditlphia, E.). — Languedoc, Guinard; Belgique, Y. Heurck. Roperiana Grev. (Y. H. Syn. 99, f. 4-6). — Languedoc, H. P. Tuomeyi Pritch. (Y. H. Syn. 98, f. 2, 3). 31. — 3Iousse de Corse, Breb.; Yillefranche, H. P. Turgida Sm. (Y. H. Syn. 104, f. 1,2. = Cerataulus turgidus E.). — Cotes-du-Nord , Leuduger; Finis.tère, Crouan ; Belgique, Y. Heurck. BREBISSONIA Boeckii(E.). Grun. {=Navicula, Cocconema Doryphorà Bœc- kii). A. D. — Languedoc, Guinard. CA3IPYLODISCUS Adriaticus Grun. (A. S, Atl. 16, f. 13). 31. — Yillefranche, H. P. Adriaticus. Yar. massiliensis (A. S. xVtl. 16, f. 14). 31. — 3Tlle- franche, H. P. Adriaticus. Yar. A. S. Atl. (16, f. 18). 31. Yillefranche, H. P. Angularis Greg. (A. S. Atl. 18, f. 7). 31. — Côtes-du-Nord, Leud.; 31ousse de Corse, Breb.; Yillefranche, H. P. Argus Bail. = G. eclieneis E. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 483 Bicostatus Sm. (A. S. AU. oo, f. 4, 6). — Cherbourg, Breb.; Bor¬ deaux, H. P.; Océan, Sm. Clypeus E. (A. S. AU. 54, f. 7, 8). M. — Belgique, V. H.; Nor¬ mandie, Mousse de Corse, Breb.; Embouchure de la Seine, Manoury. *CosTATUs Sm. (A. S. Atl. 54, t*. 9-l(). = C. Hibernicus E. = C. noricus . — Répandu, A. D. *CoSTATUS. Var. [i. — Pyrénées, Sm. Crebrecostatus. Var. speciosa (A. S. Atl. 15, f. 16). — Villefran- clie, H. P. Cribrosus Sm. = C. Echeneis E. ÜECORUS Breb. (A. S. AU. 14, f. 14, 15). M. — Répandu. ÜECORUS. Var. pinnata H. P. (H. P. Villefr. 1, f. 1). — Villefran- che, H. P. Echeneis E. (A. S. AU. 54, f. 3-6. = C. et Cribrosus) . — Répandu. Eximius Greg. (A. S. Atl.. 15, f. 8). — Côtes-du-Nord, Leud.; Mousse de Corse, Breb.; Villefrancbe, H. P. Eximius. Var. Grun., 1862, 11, f. 5. — Côtes-du-Nord, Leud. Eximius. Vaiu briocencis (A. aS. AU. 52, f. 1, 2). — Côtes-du-Nord, Leud.; goltc de Gascogne, H. P. Fluminensis Grun. (A. S. Atl. 14, f. 6). — Villefrancbe, H. P. Hibernicus E. = C. costatus Sm. Hodgsonii Sm. (Sm. Brit. Diat. 6 f. 63). — Assez répandu. Horologium. Var. Mediterraneus. = C. Mcditerraneus, Grun. Imperialis Grun. (A. S. Atl. 52, f. 7). — Mousse de Corse, Ville- franche, H. P. Imperialis. Var. A. S. (53, f. 7). — Villelranche, H. P. Impressus Grun. (A. S. Atl. 51, f. 10). — Languedoc, H. P. Limbatus Breb. (Greg. D. C. 3, f. 55). — Répandu. Lorenzianus a. s. (A. S. Atl. 14, f. 24). — Côtes-du-Nord, Leud.; Manche, Villefrancbe, H. P. Mediterraneus Grun. (A. S. Atl. 7, f. 7. = C. Horologium, Var.). — Villefrancbe, H. P. ^Noricus e. (A. S. Atl. 55, f. 8). A. D. — Répandu. Parvulus Sm. (A. S. Atl. 77, f. 2). — Répandu. Productus Johnst. = Surirella lata. Punctatus Bleisb. = C. noricus. Radiosus E. = C. noricus. Ralfsii Greg. (A. S. Atl. 14, f. 1-3). — Répandu. Samoensis Grun. (A. S. Atl. 15, f. 19, 20). — Mousse de Corse, Vil¬ lefrancbe, II. P. SiMULANS Greg. (A. S. Atl. 17, f. 12-14. = C. Tlmrctii, Breb.).— Répandu. Spiralis Sm. = Surirella spiralis. Thuretii Bréb. = C. Simulans, Greg. (A siiicre) 484 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Pépinières Croex* & Fils Au VAIi ü’Al'LiAAA, près Sceaux (Seine) Culture générale de tous les végétaux de plein air, fruitiers et d’ornement. Grande spécialité d’arbres fruitiers, formés, très forts en rapport et d’arbres d’ornement propres à meubler de suite. 20,000 pommiers à cidre d’après l’ouvrage de Boutteville et Hauchecorne, sont disponibles. GRANDS PRIX Expositions universelles de 1867 et 1878 Envoi franco du Catalogue général descriptif et illustré et du prix-courant des arbres forts. OFFRES ET DEMANDES (1) A VENDRE 200. Lampe â încaiiclescence à air libre, de Reynier-Trouvé, nickelée, neuve, au lieu de 70 francs . 50 fr. 201. Indieateur de vitesse Deprkz-Carpentier, neuf, au lieu de 150 fr. 120 fr. 202. Lampe Reynier à crémaillère, au lieu de 125 francs . 85 fr. 203. Hydromètre Ducondun-Guiciiard n“ 4, au lieu de 50 fr . 40 fr. 204. Régulateur électrique à are, système Berjot, grande course, au lieu de 225 . 150 fr. 205. Moteur électrique Trouvé, 3 kilog., neuf, au lieu de 125 fr . 80 fr. 206. Moteur électrique Clovis Raudet, au lieu de 140 francs . 85 fr. 20T. Planimétre d’Amsler, en écrin, au lieu de 60 francs . 45 fr. 208. Œîl artificiel de Rémy, avec 12 dessins en couleur, au lieu de 20 fr. 13 fr. 209. Ophtalmoscope de Wecker (Crétès) neuf, en boîte gainerie . 15 fr. 210. Récepteurs de télégraphes à cadrans, système Breguet, à mouve¬ ment d’horlogerie (Mors) . 14 fr. 211. Anneau Gramme, 14 c/m diam. avec arbre et collecteur, construction Bréguet . 90 fr. 212. Lanternes de sûreté, de Trouvé, à parachutes, neuves . 40 fr. 213. Machine Gramme, type d’atelier, réduction, 20 volts, 5 ampères.. 135 fr. 214. Téléphones Corneloup, métalliques, au lieu de 35 fr. la paire _ 16 fr. 215. Microscope de Schieek, vis de rappel, 3 oculaires, 5 objectifs, 1, 3, 4, 7 et 9 grossissant de 24 à 1200 diamètres, en boîte acajou . 225 fr. (1) S’adresser au bureau du Journal. — Les articles portés au présent Cata¬ logue sont expédiés contre mandat ou remboursement. — La demande doit rappeler le numéro d’ordre de l’article au Catalogue. — Le port et l’emballage sont à la charge de l’acquéreur. Le Gérant : Jules Pelletan Fils. Paris, lmp. J Bolbach, 25. rue de Lille. Douzième année 16 10 Décembre 1888 JOURNAL DE MICROGRAPHIE SOMMAIRE : Revue, par le D*" J. Pelletan. — Les éléments et les tissus du système conjonctif, leçon d’ouverture faite au Collège de France, par le prof. L. Ranvier. — Le troisième œil des Vertébrés {suite), leçons faites à l’Ecole d’Anthropologie, par le prof. Mathias Duval. — Contribution à l’histoire naturelle des Diatomées {suite), par le prof. H. L. Smith. — Sur une Bactériocécidie du Pin d’Alep, par M. P. VuiLLEMiN. — Offres et demandes. — Avis divers. REVUE On lit dans le Journal d'Hygiène : « La grande cérémonie de l’inauguration de l’Institut Pasteur s’est accomplie selon le programme, arrêté longtemps à l’avance, d’une fête nationale. « Les journaux de Paris, de province et de l’étranger (politiques, scientifiques, littéraires et autres) ayant donné les détails les plus mi¬ nutieux sur cette grande journée, nous avons pensé pouvoir garder le silence sans le moindre inconvénient. « Nous aurions pu cependant relever dans le discours de M. le D'' Grancher un fait de la plus noire ingratitude . Sur la liste des admi¬ rateurs de la première heure, le nom de Henry Bouley brille par son absence. « Pauvre ami ! Il valait bien la peine, dans nos réunions intimes de la Presse scientifique, de gourmander les collègues qui n’applaudis¬ saient pas, avec assez de conviction, vos éloquents exposés des travaux de l’illustre chimiste. « Vous avez été la colonne d’appui la plus solide de la méthode ; votre parole, toujours chaude et imagée, a toujours transporté dans les régions lointaines de l’idéal vos chers auditeurs hypnotisés par le doute 486 JOURNAL DE MICROGRAPHIE et le scepticisme; et au jour du triomphe, lorsque M. le D" Grancher monte au Capitole pour remercier les Dieux, il couvre du voile de l’oubli votre chère mémoire ! « Triste ! triste ! triste ! » Il est bon, écrit avec raison le Gauloü, d’être les amis de M. Pas¬ teur. Jugez-en, chers lecteurs. « M. le D*' Grancher, docteur en médecine de 1873, nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1886, est promu officier de l’Ordre avant les deux années de grade requises par la loi. Si la mention commode de services exceptionnels a pu être invoquée une première fois , la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur aurait bien pu ne pas l’accepter pour la seconde. Non bis in idem ! « M. Duclaux, professeur de chimie biologique à la Sorbonne, promu officier de la Légion d’honneur le 14 novembre, est nonimé le 26, membre de l’Académie des sciences, dans la section... d’^cono- mie rurale ! « M. le D*" Chantemesse, docteur en médecine de 1884, reçoit la double récompense : « De chevalier de la Légion d’honneur, « D’auditeur au Comité consultatif d’hygiène publique de France ! « A qui le tour? » Tout cela est parfaitement juste. Je ferai seulement remarquer que M. Duclaux, professeur de chimie biologic^ue, est un homme singu¬ lièrement veinard. La chaire qu’il occupe à la Sorbonne, et que voieî transférée à l’Institut Pasteur, a été créée pour lui il y a quelques années. Il fallait absolument alors que M. Duclaux fût professeur quel¬ que part, comme il faut absolument aujourd’hui qu’il soit académicien, quitte a être fourré dans la section ^'Economie rurale, M. Duclaux ne fera pas plus d’économie rurale à l’Académie des sciences qu’il ne faisait de chimie biologique à la Faculté, où il faisait tout simplement de la microbiologie, traitant de Fart de cultiver les microbes, culture extraordinairement féconde comme on le voit. J’ajouterai encore que parmi les professeurs ou fonctionnaires qui ont trouvé des situations magnifiques au Palais de la Rage (c’est ainsi que les Parisiens désignent maintenant l’Institut Pasteur) on cite MM. Metschnikoff et Gamaleia. M. Metschnikoff est un savant russe très estimable, dont les travaux sont parfaitement connus et appréciés en France. Il a incontestable¬ ment rendu de notables services à la doctrine microbienne par son invention phagocytes, cellules qui mangent les microbes, inven¬ tion que M. Peter traitait l’autre jour d’ «orientale» et que M. Baum- garten juge imaginaire ; mais enfin M. Metschnikoff est russe et il JOURNAL UE MICROGRAPHIE 487 semble que la première condition à réaliser pour pouvoir professer dans un établissement français devrait être celle d’ôtre français. Et je pense qu’il n’aurait pas été difficile de trouver ici des professeurs qui eussent été enchantés de l’aubaine et qui l’eussent méritée. Quant à M. Gamaleia, c’est un inconnu, et, étant données les pré¬ tentions qu’il élève sur le prix de 100.000 fr. fondé par M. Bréant, prétentions soutenues par M. Pasteur, son intrusion dans le personnel enseignant de la rue Dutot éveille tout de suite des idées de pots-de-vin, de partages, de tripotages bons à enrichir les dossiers de M. Nurria Gilly. On eût trouvé facilement cent professeurs français pour remplir cette place, certainement mieux que ne le fera M. Gamaleia. Mais il faut croire qu*il y avait des raisons pour le choisir. Nous ne tarderons pas à les connaître. La microbiologie est évidemment une science française, puisque c’est Davaine et M. Pasteur qui l’ont fondée, et par un singulier phénomène, il arrive aujourd’hui que la plupart de ses procédés sont d’origine alle¬ mande, procédé de Baumgarten, procédé de Koch, procédé d’Ehrlich, procédé de Kiihne, etc. Peut-être, maintenant que la France s’est dotée d’un Institut bactériologique, va-t-il en être autrement. Mais ce qui me semblerait particulièrement utile, ce serait d’inventer des méthodes un peu plus simples que celles qui nous viennent d’Alle¬ magne. Je pense que les procédés de la technique sont d’une grande importance en micrographie, mais je crois aussi qu’il faut les simplifier . le plus possible ; d’abord, parce qu’ils seront plus facile à mettre en pra¬ tique et par conséquent donneront plus aisément des préparations con¬ venables; ensuite, parce que moins il y aura d’opérations à faire subir aux objets d’étude, moins on aura de chances d’y déterminer des appa¬ rences ou des produits artificiels. Si l’on veut voir un tissu, une cellule, un organisme tels qu’ils sont, il faut leur faire subir le moins d’opérations possible, sinon on s’expose à voir ce qui n’est pas et à commettre des erreurs graves, comme l’ont fait déjà tant de microgra¬ phes et d’histologistes célèbres. Ainsi, dans un travail publié récemment dans V Archiv de Vir¬ chow, par le même M. Metschnikoff dont je citais le nom tout à l’heure, je trouve fexposé de la méthode, dite de Kühne, pour la colo¬ ration des préparations sur lesquelles le savant russe se proposait de suivre le rôle phagocytaire des cellules géantes dans la tuberculose. Je ne parle pas des diverses opérations qu’on a fait subir aux tissus pour les durcir convenablement, faire des coupes minces, recueillir les coupes, etc., il .s’agit seulement de la coloration. Voici la méthode que je décompose en des divers temps : 488 JOrilNAL DE MICROGRAPHIE 1® Les coupes sont plongées dans une forte solution d’hématoxyline, ou dans une solution alunée d’extrait de bois de Campèche ; 2° On porte les coupes colorées dans l’eau distillée, pour enlever l’excès de matière colorante ; 3° Puis, dans l’alcool absolu, pour deshydrater ; 4® Les coupes, colorées en bleu-violet, sont mises pendant deux heures dans une solution alcoolique de fuchsine mélangée avec parties égales d’une solution à 1 p. 100 de carbonate d’ammoniaque et d’eau de thvmol ; 5° On lave les coupes dans Peau ; 6° On les déshydraté dans l’alcool ; 7® On les plonge pendant quelques minutes dans l’huile d’aniline ; 8° Puis, dans la térébenthine ; 9° Puis, dans le xylol ; 10° Puis, de nouveau, dans l’huile d’aniline; 11° Puis, dans une solution concentrée d’auramine à l’huile d’aniline; 12° Puis, dans l’huile d’aniline ; 13° Dans, la térébenthine ; 14° Dans, le xylol ; 15° On les monte dans la résine Damar dissoute dans le xylol. Et notez que quand on deshydrate, par deux fois, les coupes lavées dans l’eau, il ne s’agit pas de les plonger brutalement dans l’alcool absolu ; il faut, pour bien faire, les porter successivement dans des alcools de plus en plus concentrés jusqu’à l’alcool absolu. Voilà la méthode ! Et vous croyez qu’après tous ces lavages, ces plongeages, ces colorations, décolorations, recolorations, déshydrata¬ tions, etc, etc., ce que vous allez voir maintenant dansTOs coupes y existait certainement avant toutes ces opérations ? — Pour moi, je ne le croirai jamais, ou du moins jamais je n’aurai confiance dans les résultats obtenus par des méthodes aussi laborieuses, et surtout pour des recher¬ ches où il s’agit de prendre, pour ainsi dire, la nature sur le fait et où, par conséquent, il faut se garder de multiplier outre mesure les causes modificatrices qui peuvent être autant de causes d’erreur. Je ne critique pas le travail de M. Metschnikoff; je ne sais pas si les cellules géantes dévorent les Bacilles de la tuberculose, mais si je vou¬ lais m’en assurer, je ne me servirais pas de ces méthodes qui n’en finissent pas et qu’affectionnent les micrographes allemands ; je pense que je trouverais dans les laboratoires français des procédés plus simples et plus sûrs, — et si je n’en trouvais pas, j’en invente¬ rais, ce qui n’est pas aussi extraordinairement difficile qu’on pourrait le croire. Quand au phagocytisme en lui-méme, c’est évidemment un fait exact; il est certain que les cellules lymphatiques, les cellules migra¬ trices, englobent, comme les Amibes, les corps étrangers qu’elles rencontrent sur leur chemin : grains de carmin, fragments de glo¬ bules, gouttes de myéline, microbes, et les digèrent dans leur proto- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 489 plasma, s’ils sont digestibles. Mais de là à admettre une lutte entre les cellules et les corps étrangers envahisseurs, il y a loin, et affirmer que l’économie suscite, pour ainsi dire, une armée de cellules dévorantes pour se défendre conire l’invasion des parasites étrangers, cela me paraît, je l’avoue, rentrer dans le domaine de la fantaisie. C’est sous les ongles, paraît-il, que s’accumulent et se conservent le plus longtemps les parasites extérieurs, microbes saprophytes et pathogènes. De là vient sans doute que les égratignures faites avec les ongles sont, dit-on, « venimeuses », c’est-à-dire s’enflamment aisé¬ ment. Il faut donc se laver les mains le mieux possible et se nettoyer les ongles avec énergie. Ne croyez pas que ce soit une chose facile. En France, on ne se lave pas bien les mains; c’est M. Furbringer, chi¬ rurgien à Berlin, après de nombreuses expériences faites par Gœrtner, Fœrster, etc., qui a inventé l’art de se laver les mains. Cela consiste en trois opérations : Lavage au savon ; Lavage à l’alcool à 80® ; Lavage au sublimé à 1 pour 1000. Le lavage au savon est l’opération détersive, que complète l’action de l’alcool, liquide qui mouille complètement et pénètre dans les an¬ fractuosités de la peau. Le lavage au sublimé est particulièrement anti¬ septique. On comprend que le lavage parfait et l’aseptie complète des mains du chirurgien sont d’une grande importance pour le succès des opéra¬ tions chirurgicales; aussi, MM. J. Roux et H. Reynès ont entrepris de vérifier si le système de lavage de M. Furbringer a réellement toute la valeur que celui-ci lui attribue. Et ils ont trouvé, qu’après la triple ablution faite suivant la formule et avec le plus grand soin, les raclures de l’espace sous-unguéal, ensemencées sur la gélatine, ont produit des colonies dans quatre séries d’expérience sur huit, c’est-à- dire que l’aseptie n’a été réalisée que dans la moitié des cas. Ce qui prouve qu’en Allemagne on n’a pas les mains plus propres qu’ici; que là-bas comme en France, il est mauvais d’avoir les ongles en deuil et dangereux de se les ronger. Je connais, de mon coté, l’iiistoire de la trouvaille faite sous l’ongle rose du doigt du milieu de la main droite d’une très jeune, très jolie et très élégante dame, par un bactériologiste indiscret, qui, lui aussi, cul¬ tiva sa trouvaille et récolta... Je vous raconterai cela une autre fois. 490 JOURNAL DE MICROGRAPHIE »■-■■■■ *1" • — * - ^ Il est bon de combattre les parasites, mais les utiliser est peut-être mieux. Il y a déjà longtemps qu’on a essayé, sans succès d’ailleurs, de multiplier les parasites de la vigne qui sont en même temps les enne¬ mis du phylloxéra ; plus récemment, on a proposé de détruire les insectes nuisibles avec différents champignons, avec la levure de bière ; M. 9iard, M. Laboulbène avaient conseillé d’essayer les Sapro- légniées ; 3J. Ch. Brongniard revient sur ce sujet à propos des inva¬ sions de scutei'elles qui désolent l’Algérie. Parmi les Saprolégniées sont les Entomophthora , curieux crypto¬ games qui attaquent les mouches et les font à peu près toutes mourir vers la fin de l’automne. Tout le monde a vu ces mouches mortes, fixées sur les boiseries, les vitres, les glaces, au milieu d’une petite auréole de poussière blanche. Cette poussière est formée par les spores d’un Entomoplithora qui a pénétré dans le corps de la mouche, l’a rempli, tuant l’insecte, et fructifie tant en dedans qu’en dehors du corps de l’animal. Car ce champignon a deux formes de végétation : dans l’une il fructifie en dehors, on l’appelle alors Empusa; dans fautre il fructifie à l’intérieur, et on le nomme Taridiium. On croyait autrefois que ces deux formes constituaient deux genres différents, alors que ce sont deux phases de végétation d’une même espèce. M. Giard a tué une chenille, une guêpe, une abeille, un ver de farine en semant sur eux V Entomophthora de la grosse mouche à viande. M. Ch. Brongniard qui a vu, dans le département de l’Eure, des grandes quantités de sauterelles tuées par V Ento}nophtho7^a colorata, propose de semer ce cryptogame sur des asticots. Ceux-ci tués par le parasite seraient séchés, pulvérisés et la poudre répandue dans les champs comme on répand les engrais chimiques ou les semences . M. Ch. Brongniard rappelle, à ce sujet, que Brefeld a tué des che¬ nilles de la Piéride du chou en les arrosant avec de l’eau contenant des spores de VEnt07nophtJi07‘a sphœrosjjermà. C’est là évidemment une idée ingénieuse ; je ne sais pas si l’empoi¬ sonnement général de tous les insectes d’un pays n'aurait pas aussi des inconvénients, mais je pense que c’est évidemment une chose possible. En 1875, alors que j’étudiais les maladies des Vers à soie pour la rédaction de mon Manuel p^Yitique du Microscope appliqué à la Sériciculture sur deux nids de chenilles processionnaires que j’avais trouvés dans mon jardin les rinçures du mortier contenant les débris de Vers à soie pébrineux qui m’étaient envoyés, pour les exa¬ miner, de tous les côtés de la France. Or, toutes les chenilles mouru¬ rent, la plupart dans le nid même, les autres à peu de distance, car on trouvait leurs cadavres tout autour de l’arbre. Je pense qu’il y aurait un certain danger à semer la pébrine, même JOURNAL DE MICROGRAPHIE 491 dans un pays où Ton ne fait pas d’élevages industriels de Vers à soie, mais les Entomophthora ne présenteraient sans doute pas les mêmes inconvénients. Peut-être, en tuant les Sauterelles, diminuerait-on un peu les Mouches, ce qui, en vérité, ne serait pas un grand malheur. Mais qu’est-ce que deviendraient les Abeilles? C’est ainsi, dit-on, que tout s’enchaine ici-bas, que ce qui fait le bien de l’un fait le mal de l’autre, et qu’il n’y a dans ce monde rien d’absolument bon..., quoiqu’il ait des choses et des hommes absolu¬ ment mauvais. \y .1. P. TRAVAUX ORIGINAUX LES ÉLÉMENTS & LES TISSUS DU SYSTÈME CONJONCTIF Leçons faites au Collège de France, par le professeur L, Ranvier Leçon d’ouverture (5 Décembre 1888) (1) Chaque année, au début de ce Cours, j’ai l’habitude de prévenir les nouveaux auditeurs qu’ils ne doivent pas s’attendre à un exposé didactique des questions annoncées dans le programme. Ceux qui m’ont déjà suivi savent que l’enseignement au Collège de France est tout autre que dans les Facultés : nous ne préparons pas aux exa¬ mens, nous ne conférons pas de grades ; nous sommes libres de fixer notre programme. Il y a à ce sujet, et surtout en ce qui regarde l’enseignement des Sciences biologiques, une tradition que je tiens de Claude Bernard et qui est beaucoup plus ancienne, c’est celle de Magendie, de Laënnec. Cette tradition, je ne dirai pas nous oblige, — car une tradition ne saurait nous obliger, et je me considère comme absolument libre de faire l’exposé didactique de l’ensemble de l’histologie si je le juge convenable, et peut-être le ferai-je un jour quand ma carrière sera plus avancée, — cette tradition, dis-je, nous conduit à faire des recherches, des expériences, et à les exposer à mesure. La question du programme indique seulement la direction que nous nous proposons de suivre ; mais cette direction, cela est évident, peut changer puisque, dans une forte mesure, elle va (1) Sténographiée par le D>’ J. Pklletan. 492 JOURNAL DE MICROGRAPHIE dépendre des recherches elles-mêmes et que, dans les Sciences expé¬ rimentales, qui dit recherches dit modifications à apporter aux idées, à la direction des expériences par d’autres expériences. La méthode expérimentale qui a été si brillamment suivie par les professeurs du Collège de France, inaugurée d’une manière si saisissante par Spal- lanzani, le veut absolument. Et pour bien connaître, pour bien suivre le mode d’enseignement que j’ai adopté ici, j’engage mes auditeurs à relire le Traité de la digestion, de Spallanzani. C’est la meilleure introduction possible à la méthode expérimentale dans les Sciences biologiques. Mais si la question indiquée au programme peut être changée, pourquoi fixer cette question ? pourquoi l’indiquer et pourquoi choisir telle ou telle question puisque le programme n’est pas imposé par le Conseil des professeurs ou par le Grand-Maître de l’Université comme dans les autres établissements, et reste au choix du profes¬ seur lui-même ? — Cela se résume à cette autre question : Qu’est-ce qui m’a conduit à choisir, cette année, comme sujet de ce cours les éléments et les tissus du système conjonctif^ — Une première considération. Depuis que j’occupe la chaire d’ Anatomie générale, je n’ai pas encore traité ce sujet, extrêmement important, et dont j’ai toujours saisi l’importance puisque dès 1869 j’ai publié, sur le tissu conjonctif, des observations, des expériences, des recherches, en un mot, qui ont eu l’approbation d’un grand nombre d’histologistes. C’est là surtout une considération qui devait me conduire à m’occuper plus tôt ici du système conjonctif; mais j’ai été tellement absorbé dans ces dernières années par l’étude du système nerveux et du système glandulaire que j’ai faite devant vous, que tout mon temps a été pris et que j’ai dû laisser pour plus tard l’étude du tissu conjonctif. C’est pour cela que le tissu conjonctif n’a pas encore figuré sur l’affiche du Collège de France. Je n’en ai cependant pas fini avec les nerfs, ni avec les glandes. C’est ainsi que l’année dernière, malgré que j’aie consacré un grand nombre de leçons aux éléments des centres et des cordons nerveux, j’ai dû laisser subsister dafts vos esprits, et dans le mien, des doutes très sérieux sur plusieurs points et des points très importants de la structure et de la signification morphologique des éléments nerveux, des tubes nerveux à myéline, en particulier. Je m’étais promis, et je dirai : je vous avais promis d’employer le temps des vacances à étudier et à élucider quelques-unes de ces questions ; mais il en est des projets d’étude comme des programmes du Collège de France : on est souvent forcé d’abandonner ses projets ou de les modifier comme de changer les termes du programme. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 493 An mois de mai de cette année, j’avais à peine terminé mon cours, quand l’éditeur de mon Traité technique cVhi^tologie est venu m’an¬ noncer que le deuxième tirage de la première édition était épuisé et il me proposait de faire un troisième tirage avant de préparer une véritable seconde édition. Je n’ai pas voulu que les choses fussent ainsi ; les trois premiers fascicules de cet ouvrage remontaient à quinze ans, et en quinze ans beaucoup de points exposés dans ces fas¬ cicules ont pu être modifiés, la Science a progressé. Moi-même, je tenais à introduire dans cette nouvelle édition l’exposé des faits que j’avais observés au fur et à mesure de cet enseignement et que j’avais déjà exposés devant vous. — Tout mon temps a été pris et j’ai été dans l’impossibilité de réaliser mon projet et obligé de laisser de côté, pour cette année, l’étude de l’origine et du développement de certaines parties constitutives des éléments nerveux, par exemple, des fibres à myéline. Du reste, la question était celle-ci : y a-t-il dans les tubes nerveux à myéline des parties qui doivent être rattachées au système con- jonctif, ou dépendent-elles du système nerveux proprement dit, ou du système épithélial considéré d’une manière très générale? — C’était là la question, et pour en commencer l’étude, il n’était pas mauvais, il était même nécessaire de reprendre, dans une certaine limite, l’exposé, et je dirai même l’analyse minutieuse du tissu con¬ jonctif. Prenons un exemple : Des recherches reprises maintes fois, pour¬ suivies pendant plus de dix ans, m'ont conduit à comprendre le tissu conjonctif des centres nerveux d’une façon particulière. — Je ne reviendrai pas sur la discussion. — J’ai vu dans le tissu conjonctif des centres nerveux tout à fait formés qu’il y avait un rapport tout particulier entre les fibres et les cellules. Deiters avait découvert dans la moelle épinière, en dehors des éléments nerveux proprement dits, des cellules spéciales, des cellules de la névroglie, cellules étoilées, munies de longs prolongements. Ce sont bien là les cellules de Deiters, les cellules-araignées, les cellules de la névroglie telles qu’on les connaissait. Ayant remarqué, moi aussi, que ces fibres avaient une très grande longueur et ne pouvaient être considérées seulement comme des prolongements de cellules, j’ai observé que ces prolongements ne partaient pas simplement des cellules, mais qu’ils les traversaient, de sorte que ces cellules paraissaient placées aux points de confluence d’un grand nombre de fibres de la névroglie. L’année dernière, reprenant ces études, j’ai remarqué qu’il y avait de grandes différences entre les fibres qui jouent le rôle de fibres de soutien ou d’union >et celles du tissu conjonctif ordinaire. Les fibres 494 JOURNAL DE MICROGRAPHIE du tissu conjonctif offrent une résistance extrême à la macération : on peut laisser des portions d’organe dans l’eau froide pendant des jours, des semaines et des mois, les fibres du tissu conjonctif résis¬ tent, et presqu’autant que la substance osseuse. Les filires de la névroglie, au contraire, se ramollissent et se dissolvent avec une facilité et une rapidité très grandes dans Teaii froide. Voilà une dif¬ férence fondamentale qui sépare complètemeni les fibres de la névroglie de celles du tissu conjonctif. Mais il y a lieu de se demander s’il n*y aurait pas certains rapports entre le tissu conjonctif des centres nerveux et le tissu conjonctif ordinaire, au point de vue du rapport des fibres avec les cellules, au point de vue du développement de ces fibres. Le développement des fibres de la névroglie paraît tout à fait net, et je dirai même qu’il ii’y a pas besoin, comme je l’ai montré, de le suivre chez de très jeunes embryons. On trouve d’abord des cellules étoilées, ramifiées, avec des prolongements protoplasmiques dont la substance est semblable à la substance cellulaire elle-même. Mais bientôt dans ces prolonge¬ ments il se fait une différenciation en vertu de laquelle se constituent les fibres de la névroglie, qui sont distinctes du protoplasma. Dans l’encéphale, ces fibres conservent le caractère embryonnaire, tandis que dans la moelle épinière elles deviennent des éléments névro- gliques complets, chez l’adulte. Ainsi, c’est bien net : ici les fibres de la névroglie se développent aux dépens du protoplasma des cellules, dont elles peuvent être considérées comme une différenciation produite au sein du protoplasma lui-même. Il pourrait en être de même pour les faisceaux du tissu conjonctif. Dans le tissu conjonctif ordinaire ou tissu cellulaire de Bichat, il y a des faisceaux de fibrilles caractéristiques, que l’on a comparés à des mèches de cheveux, fibrilles tellement minces qu’on leur a toujours attribué un simple contour ; nous verrons ce qu’il faut penser de ce simple contour. Ces faisceaux conjonctifs sont de diamètre très va¬ riable et leur longueur est indéterminée, comme celle des fibres du tissu conjonctif de la moelle ou de la névroglie. Comment se dévelop¬ pent ces faisceaux ? C’est là une discussion bien ancienne et qui n’est pas encore close aujourd’hui. Les uns soutiennent que ces faisceaux se développent dans le tissu conjonctif embryonnaire entre les cellules qui le compo¬ sent, sans la participation directe de ces cellules ; et ils s’appuient sur ce fait que ces cellules ne sont jamais comprises dans l’intérieur même du faisceau, mais entre les faisceaux. Les autres, au contraire, pensent que les faisceaux de tissu conjonctif se développent aux dépens des cellules du tissu conjonctif embryonnaire. Et là, les opi- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 495 nions se divisent: d’après Tune, les cellules embryonnaires se déconi- j)oseraient en fibrilles, de telle sorte qu’une seule cellule concourrait à la formation d’un faisceau connectif qui serait ainsi la décomposition fibrillaire de la substance protoplasmique constituant la cellule. D’après une autre, chaque fibrille du faisceau, bien que très mince, procéderait d’une cellule distincte, de sorte que les faisceaux du tissu conjonctif procéderaient de la juxtaposition d’un nombre considérable de cellules devenues fibrillaires. Aujourd’hui, avec les faits qui existent dans la science, étant donnée l’autorité des divers auteurs qui ont soutenu les uns une opinion, les autres une autre, il serait impossible de prendre un parti, et je ne crois pas que personne ait le droit, en ce moment, en présence des faits que nous connaissons, d’affirmer que Tune ou l’autre de ces trois opinions doive être absolument rejetée. Nous trouverons les mêmes difficultés au sujet des fibres élastiques. Il y a deux opinions absolument différentes, et anciennes, encore sou¬ tenues aujourd’hui: celle de Henry Millier, d’après laquelle les fibres élastiques se formeraient entre les cellules ; celle de Donders, d’après laquelle les fibres élastiques ne seraient que des prolongements cellu¬ laires ayant subi une différenciation particulière, de manière que le protoplasma lui-même prendrait le caractère de fibres élastiques et acquerrait la résistance aux réactifs comme aux agents mécaniques. Mais il n’y a pas, dans le tissu conjonctif, que des faisceaux con¬ nectifs et des fibres élastiques, il y a encore des fibres particulières sur la nature desquelles on n’est pas encore fixé : ce sont les fibres annulaires et les fibres spirales, que l’on observe autour des faisceaux et les enserrant, pour ainsi dire. Les uns, — et des auteurs tout à fait modernes, comme Axel Key et Retzius dans leur grand ouvrage sur le système nerveux, — considèrent ces fibres comme des fibres élastiques ; Boll les regardait comme des formations cellulaires bien distinctes des fibres élastiques. On peut les considérer aussi comme des fibres d’une nature toute spéciale et c’est le parti que j’avais pris moi-méme. Toutes ces opinions doivent être examinées avec le plus grand soin et en faisant de nouvelles expériences. Puis, il y a les membranes conjonctives qu’on appelle anhistes, ou amorphes, dans lesquelles on n’à pas trouvé de structure, comme certaines membranes glandulaires, les membranes basales qui se trouvent à la surface du derme, des muqueuses, limitant les papilles ou les villosités, les membranes de Bowmann et de Descemet qui limitent la cornée et beaucoup d’autres. — Toutes ces membranes sont-elles de nature conjonctive ? On a vu déjà que quelques-unes de ces membranes ne sont pas anhistes, mais sont formées de cellules .JOURNAL DE MICROGRAPHIE 49f) soudées. — Il faut reprendre toutes ces études avec les moyens que nous avons aujourd'hui. Enfin, tous les éléments de tissu conjonctif ne sont pas des fibres et des membranes, il y aussi des cellules. Dans la plupart des Traités d’histologie qui existent aujourd’hui, on décrit les cellules connectives comme étant toutes semblables et se présentant avec un caractère constant. Virchow avait dit qu elles étaient creuses, ramifiées, anastomosées les unes avec les autres ; c’était les cellules plasmatiques. Pour d’autres, elles étaient pleines, massives; et, comme alors on disait qu’il faut que les sucs circulent, Virchow avait dit qu’ils circulaient dans les cellules connectives creuses ; puis, on avait inventé les canaux du suc dans lesquels étaient placées les cellules pleines. Cependant, rien n’est plus variable que la forme des cellules du tissu conjonctif, quand bien même il n’existe ni canaux du suc ni canaux plasmatiques. On a dit aussi que ces cellules changent de forme, qu’elles sont amiboïdes, qu’elles sont contractiles; qu’excitées, elles reviennent sur elles-mêmes comme les cellules musculaires lisses ou striées. Eh bien ! il s’agit de voir si ces opinions sont fondées, il faut faire des expériences tout à fait précises, portant sur les différentes formes de cellules du tissu conjonctif. Nous en avons déjà fait quelques-unes , par exemple sur la cornée et je vous ai montré que ce que les auteurs avaient dit sur les changements de forme des cellules et leur contrac¬ tilité était absolument faux, qu’en excitant les cellules de la cornée il était impossible d’amener des changements de forme analogues à celles que l’on produit sur les cellules musculaires lisses ou striées. Je vous montrerai combien sont variées les formes des cellules qui appartiennent au tissu conjonctif. Elles peuvent être globuleuses, aplaties, ramifiées, de forme épithéliale (et on les appelle alors endothéliales). Et je dirai même que les cellules endo¬ théliales, les cellules connectives proprement dites, les cellules carti¬ lagineuses et les cellules osseuses, quand on les considère isolées n’ont pas de caractère qui puisse les différencier les unes des autres. Je sais bien que dans les cellules de cartilage on peut observer quel¬ quefois des réactions qui les séparent des cellules conjonctives et des cellules osseuses, mais il y a lieu de voir si dans les cellules de tissu conjonctif ordinaire on ne peut pas observer des réactions semblables. Nous examinerons ces questions. Quant à la substance connective, celle qui se trouve entre les ceE Iules conjonctives dans les tendons, par exemple, dans le tissu con¬ jonctif sous-cutané, entre les faisceaux de tissu conjonctif, est- le composée d’une substance très différente de la substance cartila- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 497 gineuse et de la substance osseuse ? Nous aurons aussi à examiner cette question. Il y a évidemment de très grands rapports entre le tissu conjonctif proprement dit, le cartilage et les os. C’est ce qui avait conduit Reichertà présenter une grande synthèse par laquelle il groupait ces différents tissus sous le nom de substance conjonctive. Cela se comprend : il n y a pas, par exemple, entre les substances chimiques que l'on peut extraire du tissu conjonctif, du cartilage ou des os, de très grandes différences. La géline, substance que l’on retire du tissu conjonctif diffus ou des tendons, se transforme en gélatine par l’ébul¬ lition, comme l’osséine, substance organique, que laissent les os atta¬ qués par l’acide chlorydrique ou un autre acide. La chondrine du cartilage ne diffère guère de la gélatine, et l’on peut dire que toutes ces substances sont extrêmement voisines. Du reste nous pouvons trouver entre les différentes formes du tis¬ su conjonctif chez un même animal des différences aussi grandes que celles qui peuvent exister par exemple entre les tendons et les os. Nous trouverons aussi des différences, suivant les âges, chez un même animal et suivant les espèces animales. A ce propos, je vous rappellerai une expérience que j’ai faite souvent devant vous, expérience très intéressante au point de vue du rapport des muscles et des tendons, et qui consiste à maintenir une Grenouille pendant 15, 20 ou 30 minutes dans de l’eau portée à la température de 55". Vous savez que le tissu conjonctif qui compose le derme est tout à fait ramolli, de sorte que la peau s’arrache avec la plus grande facilité; le tissu conjonctif qui unit et sépare les faisceaux muscu¬ laires est complètement dissous, de sorte que chaque faisceau se sépare aisément de ses voisins : c’est une manière d’isoler facilement les faisceaux musculaires. Mais les tendons ne paraissent pas modifiés, pas plus que les expansions tendineuses. Par contre le tissu conjonc¬ tif des viscères est complètement ramolli. Si l’on examine au micro¬ scope le mésentère, on trouve les faisceaux de tissu conjonctif dissous ou transformés en cylindres vitreu/et homogènes ; si l’examen porte sur un tendon ou une expansion tendineuse comme celle du gastro- cnémien, du triceps crural, l’aponévrose fémorale, on trouve les fais¬ ceaux conjonctifs ondulés et conservés ; la cornée est restée transpa¬ rente et n’a rien perdu de sa solidité. Chez la Grenouille, la sclérotique est cartilagineuse, mais elle est réunie à la cornée par un ligament de tissu conjonctif; après le séjour dans l’eau à 55°, ce ligament est dissous. Ainsi les faisceaux conjonctifs du derme, du tissu conjonctif musculaire, du tissu conjonctif du mésentère et des principaux viscères, du tissu conjonctif qui réunit la cornée à la sclérotig^ue sont 498 JOURNAL DE MICROGRAPHIE dissous, mais les tendons, les expansions tendineuses, les ligaments ne sont pas du tout ramollis par l’eau à 55®. Il y a donc des différences très considérables dans la constitution du tissu conjonctif, suivani que l’on considère tel ou tel organe, chez la Grenouille. Mais si nous mettons un Rat dans le meme bain à 55", nous consta- tons que le tissu conjonctif de cet animal reste presqu’aussi résis¬ tant que s’il n’avait pas été porté à cette température. Il y a donc des différences de constitution dans le tissu conjonctif des différents , organes d’un même animal el des différences de constitution dans le tiss:i conjonctif des différents animaux (1). Entre la Grenouille et le Rat, cette différence est extrêmement tran¬ chée, mais il se peut qu’il y ait des différences moins accusées entre des animaux appartenant à la même classe, par exemple entre Mam¬ mifères, mais qui n’en seraient pas moins réelles. Il faudrait aussi tenir compte des âges. Je vous rappellerai un fait sur lequel j’ai insisté il y a quelques années. Chez le Lapin le tissu conjonctif sous-cutané est tellement friable que la peau s’arrache avec la plus grande facilité et sans qu’on ait besoin d’employer d’instru¬ ment tranchant, tandis que chez le Chien le tissu conjonctif présente une grande résistance et, pour écorcher un chien, il faut avoir recours au scalpel. Mais cette différence n’existe que parce qu'on sacrifie ordi¬ nairement les lapins jeunes ; on ne garde guère les lapins et on ne les laisse pas souvent vieillir. Mais si, comme nous le faisons parfois dans nos laboratoires, on conserve un lapin seulement pendant deux ou trois ans, le tissu conjonctif sous-cutané devient chez cet animal aussi résistant que celui du chien, et pour enlever la peau il- faut avoir un bon scalpel. Vous voyez qu’il y a dans le tissu conjonctif proprement dit des différences de constitution aussi grandes qu’il y en a entre certains épatements conjonctifs, les cartilages et les os. D’autant plus que si (1) Dans le cours de nos recherches sui le tissu conjonctif, je ne manquerai pas de vous signaler les faits intéressants qui se présenteront à mon observation, quand bien même ils porteraient sur d’autres systèmes. En faisant, avant la leçon, cette expérience dont je vous parlais tout à l’heure sur le Rat, j’ai observé un fait qui n’est pas sans intérêt. Après l’action de l’eau à 55° les poils du Rat se déta¬ chent avec la plus grande facilité et l’on arrive aisément à dénuder complètement la peau. On voit alors sur la peau, à des distances de 3 à 4 millimètres les unes des autres, de petites éminences blanches, et tout l’animal en est couvert. Ces taches sont trop espacées pour correspondre à des glandes ; cela doit être des organes relatifs au tact. Pour m’en assurer je ferai des coupes de la peau. Je crois que ce sont des poils tactiles. Ce fait est intéressant, car si l’on trouve des poils tactijes chez les Mammifères, sur toute la surface du corps, cela donne à ces organes une bien plus grande importance qu’on ne leur’ attribuait jusc^u’à présenC JOURNAL DE MICROGRAPHIE 499 Ton considère non plus isolément le tissu conjonctif, le tissu cartila¬ gineux et le tissu osseux chez un animal en particulier, mais si on les considère chez cet animal en voie de développement, on remarque qu’il y a une substitution très facile de ces trois espèces de tissus les unes aux autres, et je vous montrerai certainement dans la suite de ces leçons des exemples très nombreux de ces substitutions. Le tissu cartilagineux se substitue au tissu fibreux, le tissu osseux se substi¬ tue au cartilage, etc., ce sont là des faits connus. Mais cette substi¬ tution se fait non seulement chez un individu dans une espèce animale pendant le développement, elle se fait aussi dans la série zoologique des espèces. C’est ainsi qu’on peut voir le squelette représenté par du tissu fibreux, cartilagineux ou osseux. Par conséquent, comme l’avait dit Reicbert, ces trois tissus consti¬ tuent un vaste système qui représente une sorte de squelette et auquel il convient de donner un nom. Le nom que lui avait donné Reicbert est mauvais parce qu’il ne se comprend pas : substance conjonctive, représentant trois systèmes organiques ; d’autant plus que ce mot est fondé sur une interprétation tout à fait erronée que la plupart d’entre vous connaissent. Reicbert, en examinant au microscope des lambeaux de tissu conjonctif sous-cutané, se demanda si les fibres qu’il observait existaient véritablement, s’il ne s’agissait pas là d’un produit artificiel, d’un plissement d’une substance homogène; et il affirma qu’il en était ainsi, que la substance qui constitue le tissu conjonctif est en réalité homogène mais forme seulement des plis. Le tissu conjonctif était ainsi composé par une substance amorphe comme le cartilage et les os ; il y avait donc une substance homogène dans les trois ordres de tissus, c’était ces substances amorphes que Reicbert groupait sous le nom de substance conjonctive. Jusqu’à présent nous n’avons pas de meilleur nom pour exprimer cette idée des rapports intimes qui existent entre ces trois systèmes. C’est pour cela que n’ayant pas de mot spécial, je me suis vu dans la nécessité d’inscrire sur le programme du Collège de France : Eléments et tissus du système conjonctif. Du reste, il suffit que nous nous entendions et que je vous montre les rapports très grands qu’il y a entre les trois grands groupes de tissus du squelette, le tissu conjonc¬ tif, le tissu cartilagineux et le tissu osseux. (A suivre) 500 JOURNAL DE MICROGRAPHIE LE TROISIEME ŒIL DES VERTÉBRÉS. Leçons faites à l’École d’Anthropologie, par M. Mathias Duval, professeur à la Faculté de médecine de Paris (1). [Suite] S’il est un argument qui puisse, si c’est possible, donner encore plus de force aux conclusions que l’on peut tirer de l’induction embryolo¬ gique, c’est ce fait bien digne assurément d’être remarqué que Rabl Ruckard n’a pas été le seul à faire la prédiction que nous avons citée précédemment. Les grandes découvertes ne viennent jamais fortuite¬ ment, tout un ensemble de reche:t;ches, de travaux, de circonstances y prépare, et toujours sur plusieurs points à la fois, des mouvements pré¬ curseurs se font jour. C’est ainsi qu’un an ou quelques mois peut-être après que R. Ruckhard eut émis cette opinion, un autre anatomiste allemand, Ahlborn, sans avoir eu en aucune façon connaissance de ce qui avait paru déjà sur ce sujet était conduit à s’exprimer à peu près dans les mêmes termes; et sa bonne foi scientifique ne saurait être mise en doute, car, après la publication de ses idées, ayant été averti qu’il avait été précédé dans cette voie par R. Ruckhard, Alborn s’excusait de ne pas avoir connu plus tôt ce travail. Voici, en effet, le très remarquable passage du mémoire d’ Ahlborn (2) : « La comparaison de l’épiphyse cérébrale avec une vésicule oculaire primitive me paraît fournir une série d’arguments du plus grand poids pour une nouvelle et plus juste interprétation de cet organe. Je suis amené à cette comparaison par le fait de l’étroite similitude des pre¬ mières phases du développement de ces deux organes. De même que les vésicules oculaires primitives naissent par une évagination creuse de la paroi cérébrale, de même la glande pinéale se forme par un pro¬ longement en cul-de sac de cette paroi. Il n’y a de différence qu’en ce que les vésicules oculaires primitives sont d’un volume considérable et placées symétriquement de chaque côté, tandis que l’épiphyse est, dès le début, très petite et forme un organe impair placé dans la- région dorsale médiane. Il n’y a absolument aucune autre différence qualita¬ tive entre les premiers rudiments des vésicules oculaires et celui de l’épiphyse. De même que les vésicules oculaires communiquent avec la cavité de l’encéphale par un pédicule creux, le futur nerf optique, de (1) Recueillies par M. P. -G. Mahoudeau. (Voir Journal de Micrographie t.XII, 1888, p. 429.) (2) Fr. Ahlborn. — XJeber die Bedeutung der Zirbeldrüse. (Zeitschrift fur Wissenschaftliche Zoologie. 1884, tome XL, page 333). .TOURNAT. DE MTCROGRAPHTE 501 même l’épiphyse, constituée aux début par une vésicule creuse, est reliée au cerveau par une tige canaliculée. Vésicules oculaires et vési¬ cule épiphysaire se forment aux dépens de la première vésicule céré¬ brale primitive, et dans la partie de cette vésicule qui plus tard portera le nom de couches optiques. L’épiphyse prend naissance en avant de la commissure postérieure, exactement sur la limite entre les deux grands départements cérébraux des nerfs optiques, à savoir les couches optiques et les lobes optiques [corpora quadrigemina). Et même chez l’adulte, quoique devenue rudimentaire, l’épiphyse présente encore de remarquables analogies avec une vésicule oculaire. Chez les Sélaciens, les Ganoides et les Amphibiens, l’épiphyse est munie d’un long pédi¬ cule semblable à un nerf, et sa vésicule terminale est placée bien loin en avant. Chez les Raies et les Poissons ganoïdes cette vésicules est incluse dans la voûte crânienne cartilagineuse. » Mais, pour nous, une telle coïncidence ne nous apprend-t-elle rien ? N’est-ce pas là une preuve bien éclatante de la vérité de ce principe que la constatation d’organes actuellement plus ou moins atrophiés, plus au moins transformés, permet cependant d’établir la généalogie des différentes formes qui le possèdent, de les relier entre elles et enfin d’affirmer leur étroite parenté avec des formes inconnues dans la série phylogénique. C’est ce qu’a fait le naturaliste allemand Hæckel, quand, se basant sur des organes dont l’ontogénie lui offre seule les traces, il en conclut à l’existence nécessaire d’un ancêtre porteur de ces organes ; c’est ce qui lui permet d’assigner une place et un nom à un type pri¬ mordial des Vertébrés, ou pour mieux dire des Cordés ; les Vertébrés débutant par une corde non segmentée. 11 était certainement très hardi pour Ahlborn de se livrer alors à un semblable parallèle ; car si nous nous l’avons fait il est vrai, c’est que nous savions, ce qu’il ignorait, que la glande pinéale était un oeil. Nous le voyons parfaitement indiquer que les centres nerveux qui doivent percevoir les impressions reçues par cet appareil pinéal sont les mêmes que ceux qui reçoivent celles qui proviennent des nerfs optiques ordi¬ naires, à cette simple différence prés, que ces derniers abordent ces centres, les couches optiques, par en bas, tandis que le nerf pinéal les aborde par en haut ; mais les rapports sont les mêmes. En un mot, on ne peut contester que sa citation ne réponde bien à l’indication pré¬ cise d’une véritable découverte ; laquelle en effet devait, ainsi que vous l’avez vu, être faite trois ou quatre ans plus tard. Tels furent les tra¬ vaux auxquels donnèrent lieu l’organe si incompréhensible, si problé¬ matique de Leydig, qui en furent le point de départ. Hoffman, dans ses recherches sur la glande pinéale de l’Orvet, arriva à saisir l’embryologie de cet organe qu’il vit dériver de l’évagination Mais tout cela nous amène en quelque sorte à reprendre l’historique ( de la question de la découverte du troisième œil ; nous avons fait cet historique au début, mais au point de vue seulement des travaux de 502 JOURNAL dp: micrographip: vulgarisation ; et, de fait, nous ne pouvions procéder autrement car, ne sachant pas alors ce que c’était que cet œil, il nous était impossible de citer ceux qui en avaient prévu par l’embryologie cette importante dé¬ couverte. Nous avons cependant fait connaître les premiers mémoires parus sur cette question, notamment ceux du hollandais de Graaf, et ceux plus importants du véritable auteur de la découverte, de l’an¬ glais B. Spencer. Connaissant maintenant, mieux que nous ne pouvions le faire en commençant, les différents cotés de cette étude, nous allons en reprendre l’historique d’une façon plus minutieuse pour vous signaler certains faits sur lesquels il n’était pas possible d’attirer alors votre attention. C’est ainsi qu’il y a lieu de faire remarquer que de Graaf commit une erreur dans sa description de l’œil pinéal. Il vit bien sans doute la rétine et en reconnut les différentes couches, mais lorsqu’il arrive au cristallin, il le décrit, non comme la prolongation de cette rétine dont les éléments se seraient différenciés, mais comme séparé nettement des couches rétiniennes et enchâssé seulement par ses bords dans ces couches, sans aucune continuité avec elles; c’est-à-dire, qu’au lieu d’avoir reconnu ce fait si remarquable pour nous que ce cristallin était, comme la rétine, d’origine nerveuse, il crut qu’il provenait direc¬ tement de l’épiderme. B. Spencer, dans son remarquable travail sur la question, ne commit point cette erreur et il montre bien que la vésicule pinéale, évagination du toit du troisième ventricule cérébral, voit ses éléments se transformer graduellement pour constituer un cristallin à l’hémisphère antérieur, une rétine à l’hémisphère postérieur. Son mémoire est parfait. Maintenant il nous reste à nous demander comment cette surpre¬ nante découverte a été reçue par le monde savant et, principalement, de quelle manière elle a été accueillie par les zoologistes. Le premier qui s’en occupa, après la publication du mémoire de B. Spencer, ce fut encore R. Ruckhard, qui déjà avait été le premier à l’annoncer. R. Ruckhard ne changea pas d’avis, ne modifiant en rien son opinion; il émit cependant alors une idée nouvelle, hypothèse il est vrai, mais qui, en raison de son admissibilité possible, mérite d’attirer notre attention (1). Pour lui l’organe qu’on venait de retrouver si bien constitué chez certains Lézards, ne devait plus à l’époque actuelle être un organe servant à la vision, à la perception de la lumière ; il pensa que ce devait être plutôt un organe de perception de la chaleur, ce que semble prouver sa situation, car, placé sur le sommet de la tête, rece¬ vant directement les rayons du soleil, que les Lézards aiment tant à sentir, il ne pouvait guère servir à la vision, tandis qu’il pouvait ren¬ seigner l’animal sur l’état de la température, sur la puissance des rayons calorifiques du soleil. (1) H. Rabl- Ruckhard. — Zur Deutung der Zirheldrüse (Epiphyse), — (Carn* Zoolog. Anzeiger, 21 juin 1886, n® 226, page 405). JOURNAL DE MICROGRAPHIE 503 Au fond, ainsi que vous le savez, lumière et chaleur ne sont guère que les deux modalités différentes d’un même fluide, dont les ondula¬ tions varient de longueur mais proviennent d’une môme source. Or, l’œil pinéal de VHatteria ne peut-il pas être considéré comme un or¬ gane qui, à l’aide d’une lentille convergente, concentre des rayons calorifiques sur un organe sensible à l’action de ces rayons ? Une telle hypothèse n’a rien en elle-même de si invraisemblable, de si impos¬ sible, qu’on se refuse de prime abord, à l’admettre, sauf naturellement à la prouver plus tard. Cependant si un organe appréciateur de l’intensité des rayons solaires peut-être utile aux Lézards, en est-il de même dans toute la série placée au-dessous ? C’est fort douteux. Mais ce qui ne l’est assu¬ rément pas, c’est que, pour quelques uns de ces animaux inférieurs aux Lézards et qui, les Poissons, vivent dans un milieu liquide, un semblable organe de la chaleur devient à coup sûr fort superflu ; et néanmoins ils le possèdent et son état de dégénérescence n’est pas tel qu’on pourrait le croire, en le considérant comme destiné à apprécier la chaleur solaire. Aussi devant de tels faits n’est-il pas plus rationnel, infiniment plus probable d’admettre que nous sommes là bien réellement en présence d’un œil ordinaire, d’un œfi véritable, qui servit aux ancêtres de la série phylogénique et fut pour eux un organe visuel (1). Rien au surplus ne peut ensuite nous empêcher de penser que devenu de plus en plus inutile, comme organe de la vision, dans des milieux qui se modifiaient, cet œil est, en se transformant, arrivé à se maintenir chez les Lézards, où il a pu, dès lors, devenir propre à l’appréciation des ondes calorifiques spécialement, s’étant ainsi adapté à une nouvelle fonction. La transformation des êtres nous présente continuellement des faits qui ne sont pas sans analogie avec celui-ci, et pour n’en citer qu’un, on peut se rappeler comment, chez les Serpents qui perdent leurs membres, ces derniers peuvent encore parfois persister sous forme (1) L’œil pinéal actuel peut être certainement devenu un organe servant à apprécier la chaleur, mais si telle avait été sa destination première il serait encore très développé chez tous les Lézards auxquels il peut être utile, et dans ce cas il serait plus développé chez ceux des pays tempérés que chez ceux des régions tro¬ picales; or le contraire a lieu. En outre, pour une même contrée, un même milieu, on ne devrait pas trouver de différence dans l’état de développement de cet organe, or si le Varan le possède, dans le Sahara il est des Lézards, ses com¬ patriotes, auxquels il semble absolument faire défaut. Pour ces divers motifs il semble que si VHatteria de la Nouvelle-Hollande a un œil pariétal si parfait, ce n’est point parce qu’il lui est utile comme thermomètre, pour ainsi dire, mais seulement parce que la faune et la flore de ce pays semblent être plutôt des survivances des époques tertiaires qu’appartenir aux temps actuels. Aussi ne faut-il pas trop s’étonner de trouver en bon état l’œil pinéal d’un Lézard contemporain de l’Ornithorhynque, du Kanguroo, etc. C’est un type ancestral encore vivant et porteur d’un organe atavique seulement pour la faune actuelle. {Note du Rédacteur), _ 504 JOT^RNAL DE ISIICROaRAPHIE de crochets qui, n’étant plus utiles à la locomotion, peuvent encore servir à l’accouplement. Leydig va plus loin, pour lui l’œil pariétal ne serait pas un organe qui a pu changer de fonction, ce serait un sens spécial, nouveau, un sixième sens ; aussi ne craint-il pas de le comparer à des cupules sensitives qu’on trouve sur certains Poissons et desquelles on ignore la fonction ; il les rapproche encore de ces stemmates ou ocelles qui se trouvent entre les deux gros yeux à facettes des Insectes et qui, d’après lui, ne seraient pas des yeux, mais bien plutôt les organes d’un sens qui nous est inconnu, toujours son sixième sens (1). Tout cela est à démontrer. En tout cas, l’œil pariétal qui, par sa situation sur la ligne médiane, peut être rapproché des ocelles des Insectes, semble chez les Vertébrés un organe légué par les Invertébrés. Sert-il réellement bien à la vision ? Cette question ne pourra être tranchée que par l’expérimentation, et la rareté de Vllatteria y est un obstacle. Parmi nos Lézards, seul le Lézard agüis pourra peut-être s’y prêter, si toutefois sa rétine est encore suffisante. Après R. Ruckhard, le premier qui s’en soit occupé est un des hommes les plus éminents de la science en Allemagne, Kœlliker, qui a publié un mémoire sur l’organe pariétal et le désigne, en effet, comme un œil (2). Dans une récente note de zoologie, Vidersheim (3) s’est nettement posé comme le champion, l’avocat de l’œil pinéal comme organe réel delà vision, c’est-à-dire que pour lui c’est bien un œil qui voit. Et parmi les preuves qu’il présente à l’appuî de son opinion est celle-ci : - que chez l’Iguane le tissu conjonctif qui couvre la région pariétale est abondamment pourvu de pigment noir, sauf toutefois à l’endroit où se trouve l’œil pinéal qui, lui, est entouré d’un tissu clair, sans pigment, transparent comme la cornée, tandis que tout une zone fortement teintée et opaque l’entoure de tous les côtés. Un des frères Hertwig, embryologiste allemand, dans le dernier fas¬ cicule de son traité d’Embryologie (4) qui vient de paraître, à propos de l’œil pinéal dont il fait brièvement l’histoire, se range aussi à l’opi¬ nion que c’est bien un œil. Ainsi donc, nous voyons la plupart des homnîes spéciaux s’accorder sur ce point, être tous du même avis, et tous aboutir à la même conclu¬ sion, c’est que cet organe est un véritable œil, un œil qui voit. (1) F. Leydig. — Bas Parieialorgane der Wirhelthiree. (Carus, Zoolog. Anzeiger, 10 oct. 1887, page 534). F. Leydig. — Bie Augenahnlichen Organe der Fische. Bonn 1881. (2) Kœlliker. — über das Zh'hel oder Scheitelauge. Sitzgsber. ds. Wursbg. Phys. med. Ges. 1887). (3) WiEDERSHEiM. — Ueber das Pdrietalauge der Saurier.{kiidX. Anzeig. 1886, page 148). (4) Oscar Hertwig. — Lehrbuch der Entwicklungsgeschichte. léna, 1886- 1888. . .TOT'RNAL dp: MICROCtRAPHIP: 505 La paléontologie vient apporter son appui à cette opinion, en nous montrant l’existence de l’œil ehez tous les animaux qui lurent les ancêtres de ceux qui le possèdent actuellement. Nous reviendrons sur cette question. Il nous reste maintenant à voir, ce que l’embryologie d’une part, ce que le processus atrophique d’autre part, pourront nous apprendre sur ce troisième œil. Nous comparerons ce qu’il offrira chez les autres ani¬ maux avec ce que nous venons d’étudier chez les Lézards. Pour répondre à l’idée que, d’après les données du transformisme, nous devons nous faire des modifications qui doivent se produire dans la série zoologique, il faudrait que nous voyions l’œil pinéal avorter de plus en plus, devenir de plus en plus rudimentaire, méconnaissable à mesure qu’on étudie des êtres placés plus haut au dessus des Lé¬ zards; tout au contraire, il faudrait que chez ceux qui sont placés hiérarchiquement au dessous de ces derniers, on retrouvât comme dans une série ancestrale, cet œil d’autant mieux conservé qu’on descend plus bas, ou que tout au moins on trouvât un organe moins atrophié que chez les Vertébrés supérieurs. Or, ainsi que nous devions nous y attendre, ces données conformes aux phénomènes transformistes trouvent pleine eonfirmation. Chez les Poissons notamment, laglande pinéale se présente comme un organe bien complet, dont toutes les parties anatomiques sont en parfaite con¬ nection, quoique cependant, par suite du milieu, ce soit devenu un organe entièrement superflu et que ses éléments histologiques soient dégénérés. Voyons d’abord comment cette atrophie se présente ehez les Verté¬ brés supérieurs aux Sauriens, e’est-à-dire chez les Oiseaux et chez les Mammaliens. Nous allons étudier son mode de disparition d’après les renseignements que nous fournit à eet égard l’animal le plus faeile à suivre dans son développement embryologique, le Poulet. Vers le 4® jour de l’incubation, lorsque la tête a déjà eommencé à s’ineurver, on remarque, à la jonetion du toit des couches optiques et des tubercules quadrijumeaux, qu’il se manifeste une légère saillie sous forme de petite éminence : c’est le commencement de l’évagination de la glande pinéale (1), qui se trouve ainsi eonstituer une petite bosse placée entre les deux yeux. Cette petite vésicule peut être comparée avec les vésicules oculaires primitives qui formeraient les yeux ordi¬ naires. Jusque vers le milieu du o® jour, cette évagination pinéale reste à cet état, mais pendant ce temps là les parties voisines ne sont pas restées stationnaires, elles ont fortement augmenté de volume et la (1). Pour les figures, nons renvoyons à V Atlas d' embryologie par Mathias Duval (en voie de publication lors de la rédaction de ces pages) et spécialement aux planches VIII (fig. 120), IX (fig. 126, 131, 133), XXII (fig. 354 et 355), XXIV (fig. 392), XXVIII (fig. 445), XXIX (fig. 460), XXXIII (fig. 516, 517), XXXV (fig. 543), XXXVI (fig. 560). 506 JOURNAL DE MICROGRAPHIE glande apparaît enfoncée entre les vésicules des hémisphères cérébraux est le cervelet. Entre le o® et le S*" jour, lorsque l’organe spécial est encore dirigé en avant, autour de lui le tissu conjonctif devient très vasculaire et forme des séries de cloisons qui, refoulant ses parois, le décomposent en une série de tubes placés les uns à coté des autres. Puis, du 10® au lo'‘ jour, chacun de ces tubes s’étrangle à la base et arrive ainsi à consti¬ tuer une sphère, un follicule indépendant qui ressemble dès lors à des grains disposés autour d’un épi. Il ne reste plus de la cavité pinéale que la partie la j)lus inférieure, celle qui constituait le ventricule pinéal de Gratiolet. Maintenant, si l’on fait une coupe de ces cavités sphériques isolées, follicules arrondis, on trouve qu’elles sont creuses, formées par un épithélium cylindrique existant seulement dans les deux tiers de la paroi de la cavité, le dernier tiers (en dehors) conte¬ nant des cellules rondes. Mais, cette disposition histologique ne s’éloigne pas tant de celle d’une rétine qu’on ne puisse en conclure à un organe ne servant plus, dans lequel a eu lieu une prolifération cellulaire qui, bien que désordonnée, ne peut cependant en voiler complètement l’origine. En somme, la glande pinéale se présente dans ce cas sous la forme d’un organe piriforme entouré complètement d’un abondant tissu cel¬ lulaire et entièrement dominé par les parties voisines. Car lorsque cette glande arrive au contact du crâne, elle n’augmente plus de volume tandis que les hémisphères cérébraux eux continuent à croître, que le cervelet augmente et se porte en avant ; il en résulte que la glande pinéale se trouve placée verticalement entre les hémisphères et le cer¬ velet au milieu desquels elle disparaît. Nous sommes donc bien là en présence d’un organe subissant un pro¬ cessus atrophique des plus complets et qui cependant, par son évolution embyrologique , rappelle parfaitement celui de l’œil pariétal des Lézards. Comment, à un échelon plus élevé, ehez l’Homme, se fait ce déve¬ loppement pinéal ou, ce qui revient au même, l’atrophie de cet organe '! A peu près exactement de même; l’appareil pinéal se présente au début d’une façon identique, il se transforme suivant les mêmes pro¬ cédés, seulement les vésicules voient leurs cavités disparaître et se remplir de cellules rondes ou polyédriques ayant de gros noyaux. C’est précisément cet état sous lequel se montre la glande pinéale chez l’homme, qui est la cause ou’on l’a si longtemps considérée comme une glande lymphatique; et de fait, autrefois, lorsqu’on ne connaissait pas son embryologie comparée, lorsqu’on ignorait qu’elle représentait les rudiments d’un œil atavique, il n’y avait pas, il ne pouvait pas y avoir d’autre conclusion à tirer. En effet, l’historique des recherches ayant trait à l’embryologie, au développement de la glande pinéale chez l’Hcmme et chez l’Oiseau se présente à nous divisée en deux périodes. Dans la première, où l’on ne / JOURNAL DE MICROGRAPHIE 507 faisait usage que de la dissection et de la dissociation, il n’était pas possible de considérer, de reconnaître la glande pinéale autrement que comme un organe vasculaire sanguin, que comme une dépendance de la pie-mère au milieu de laquelle elle se trouve enveloppée (ïied- mann, Rathke, Reichert) (1). Ce ne put être que dans la seconde période d’études que, par les coupes histologiques, par le développement em¬ bryologique, il fut possible d’arriver à en préciser la véritable nature. (A suivre) CONTRIBUTION A L’HISTOIRE NATURELLE DES DIATOMÉES (Suite) (2) Ainsi, nous pouvons considérer le frustule diatomé comme une boîte siliceuse dont le couvercle emboîte généralement l’autre partie , mais quelquefois les valves ne sont qu’apposées par les bords, (je mon¬ trerai la signification de ce fait en traitant de la conjugaison), et recou¬ vertes par une enveloppe extérieure qui sert, dans une certaine mesure, à les maintenir en contact. En cela toutes les Diatomées sont semblables. Je vais maintenant essayer de démontrer que, relativement à certaines différences, autant qu’elles sont connues, on peut les répartir en trois grands groupes, et que, de plus, dans chaque groupe on trouve les mêmes variations générales d’une forme typique. J’ai appelé dans la « Synopsis, » qui a été publiée en 1872 dans The LenSy ces trois groupes ; ï, Raphidées ; II, Pseudo-Raphidées ; III, Crypto-Raphidées. Et M. Henri Van Heurck, dans son savant ouvrage sur les Diatomées de Belgique, le plus considérable et le plus complet depuis l’époque de Kützing, a adopté cette classification, et même il a ajouté dans un appendice à son traité sur le Microscope, une (1) Tiedmann. — Anatomie und Bildungsyeschichte der Gekirns im Fœtus der Menschen. Wurzburg” 1861, pag. 131. H. Rathke. — Enticickelungsgeschichte der Wirbelthiere, Leipzig 1861, pag. 100. Reichert. — Der Bau der menschlichen Gehirns ; I. Abth. pag. 18. (Leipzig 1861). (2) Yoiv Journal de Micrographie, t. XII, 1888, p. 22. Nous allons continuer régulièrement la publication de l’intéressant travail du prof. Hamilton L. Smith, que nous avons été forcé d’interrompre depuis long¬ temps à cause de la difficulté de reproduire les planches. — La Rédaction. 508 JOURNAL UE jMICROGRAPHIE traduction de la « 8yyioj)sis » entière, telle qu’elle a paru dans le Lens. Les trois grands groupes sont établis sur des particularités facile¬ ment reconnaissables dans la structure du frustule et, quoique la tran¬ sition ne soit pas dans tous les cas très tranchée d’un groupe à l’autre; cependant il y a, en somme, très peu de difficultés pour déterminer le groupe auquel appartient une Diatomée donnée, car la distinction est ainsi établie : I. — Présence d’un véritable raphè, ou, comme on l’appelle quel¬ quefois, une généralement avec des élargissements terminaux et médian (plus ou moins prononcés), ou nodules. II. — Absence deraphé sur les valves, mais présence d’une pseudo¬ ligne médiane, quelquefois seulement d’un espace lisse, sans élargisse¬ ments ou nodules (le vrai raphé se trouvant le long des bords des valves). Toutes les formes appartenant à ce groupe sont plus ou moins bacillaires, c’est-à-dire que les valves sont beaucoup plus longues dans la direction du raphé ou pseudo-raphé. III. — Le raphé est entièrement caché, et il n’y a pas de pseudo- raphé. Dans ce groupe les valves sont généralement circulaires, plus rarement elliptiques, larges et souvent angulaires. Ce qu’on appelle un « rapJiè » est une véritable fente qui, dans la forme typique du groupe I, divise la valve symétriquement et est indu¬ bitablement l’ouverture par laquelle la Diatomée conserve ses rapports avec le monde extérieur. Il a été indiqué comme tel par Schleiden, et quiconque étudie les Diatomées vivantes le reconnaît facilement. On voit très bien que c’est une fente réelle quand on examine un fragment de valve d’une grande Naviculée (Pinnularia) tel qu’on en trouve dans beaucoup de dépôts fossiles. Normalement, dans le groupe I, le raphé est au milieu de la valve et présente deux élargissements ou nodules terminaux et un central, et il existe sur chaque valve. La fig. 1 représente un fragment de valve de Navicula onaj or ; ch ldi ÏQwiQ ou. raphé s’étendant le long de la valve et paraissant au-dessous et sur le côté du nodule central e ; en réalité, il y a une arête saillante, ondulée, s’élevant perpendiculaire¬ ment sur la ligne de la fente, qu’on ne verrait qu’à peine en regardant la valve perpendiculairement à son plan et qu’on prendrait, ordinaire¬ ment, pour la fente ou ligne médiane elle-même, si la valve n’était pas brisée. Les bords saillants le long de la véritable fente, • qui sont très bas dans les Navicula et quelquefois tout à fait usés, apparaissent comme des quilles de carène, ou des ailes chez les Amphiprora. Nous les trouvons aussi dans le groupe II, mais alors marginaux comme les quilles des Nitzschia et les ailes des Surirella, le raphé courant le long des bords des valves. On ne manquera pas de remar¬ quer ici que quand le raphé s’éloigne d’une manière excessive, de la position symétrique au milieu de la valve, qu’il occupe dans les Navicula type, passant dans une position intermédiaire dans les JOURNAL DE MICROGRAPHIE 509 Cymhella, où il est plus ou moins excentrique ou unilatéral, il arrive à être tout à fait marginal, et l’on a une transition du groupe I au groupe IL Le dessin de la fig. 1 a été fait avec beaucoup de soin à la chambre claire et montre quelques autres détails de structure. Le^iodule central e n’est pas une simple bosse épaissie de silice, il est un peu en forme de coupe et peut être mieux reconnu dans une vue à angle droit sur celle qui est représentée. Il faut remarquer qu’Ehrenberg ainsi que Kützing considéraient par erreur ces nodules comme des ouvertures. Le bord ondulé de la quille est représenté par la ligne courbe indiquée Fig. 1. — Fragment de valve du Navicula major. — c6, fente ou raphé; e, nodule central ; a, rf, parties brisées. à droite de la fente c. En a on voit une partie lisse de la valve siliceuse où deux des côtes ont été enlevées ; en d, le bord fracturé de la partie lisse de la valve est vu passant sur les côtes, qui se projettent au-delà et sont, en réalité, sur la face de dessous de la valve (prés du contenu interne) ; ces côtes sont tubulaires, avec une ouverture au centre. Ici encore, si l’on veut imaginer que ces côtes sont retournées et courent le long du bord du frustule, on aura quelque chose d’analogue à ce qu’on appelle les canicules des Surirella., dont j’aurai encore à parler. Bien que le raphé puisse être considéré comme une voie de commu¬ nication entre le contenu interne du frustule et le monde extérieur, cette communication s’effectue surtout en deux points qu’il est presque toujours facile de reconnaître à la terminaison du bord élevé de la fente, de chaque côté du nodule terminal. Ces points sont de véri- 510 JOURNAL DE MICROGRAPHIE tables ouvertures dans la valve, comme je le montrerai, tandis que la fente elle-même est toujours plus resserrée. Le groupe II est normalement représenté par les Synedra, et les frustules sont très bacillaires, sans ligne médiane, ni nodules. La pre¬ mière, cependint, est représentée par une aile, arête ou quille, longeant le bord de jonction des valves dans les Nitzschia, et tout le groupe possède des mouvements actifs à l’état de santé. Même chez les Swdrella, on trouve la fente le long des deux bords de chacune des valves, et ils n’ont pas un mouvement aussi actif en avant et en arrière, mais plutôt une sorte de roulement lent. Dans les Synedra et les formes filamenteuses appartenant à ce groupe, les communica¬ tions avec le monde extérieur ne sont pas aussi évidentes ; ces espèces sont sessiles ou restent, quand elles sont séparées, entièrement immo¬ biles. Elles ont souvent une ligne ou un espace lisse sur les valves (un pseudo-raphé). Les formes appartenant au groupe III ont, normalement, des valves circulaires, et sont généralement aussi développées qu’aux zones mar¬ ginales ou membranes connectives, et si solidement adhérentes après la division qu’elles se présentent ordinairement, quand elles sont vivantes, sous cet aspect qu’on appelle « vue de face. » Plus rarement, on trouve dans ce groupe des formes à valves ovales, c’est-à-dire des frustules comprimés, ou en dé à coudre, ou en coupe; quelquefois les valves sont nettement triangulaires. Si nous prenons le Coscinodiscus pour forme typique, nous trouverons que le frustule est assez sem¬ blable à line boîte à pilules, les valves sculptées étant représentées par le couvercle et le fond de la boîte, les zones connectives par ses côtés. Ces valves sont quelquefois aussi faiblement attachées à la zone con¬ nective que le couvercle et le fond de la boîte aux côtés correspondants. La communication avec l’extérieur s’effectue probablement, dans ce groupe, le long de la jointure des valves et des zones connectives. On conçoit sans peine que dans ce groupe il n’y a pas de mouvements en avant ou en arrière, comme dans les groupes I et II. Il faut remarquer aussi que la zone connective de ces formes circu¬ laires n’est pas toujours un cercle entier ou anneau ; il y a souvent une fente dans le cercle, de sorte qu’on dirait un ruban plat d’une longueur définie roulé en forme de cylindre, et dont les deux bouts sont ensemble sans se recouvrir mais seulement se rejoignant exactement. Dans quelques espèces, cependant, la fente ne s’étend pas sur toute la largeur de la zone. Toutes les formes connues de Diatomées peuvent être comprises dans l’un ou l’autre de ces trois groupes, et il va presque de soi que les genres naturellement alliés, autant qu’on peut en dire quelque chose, seront rapprochés. Considérons maintenant les variations d’une forme normale ; elles suivent les mêmes lois dans tous les groupes. Je donne ci-dessus (fig. 2) ce que je regarde comme une forme nor- JOURNAL DE MICROGRAPHIE 511 male de chaque groupe. Les figures sont copiées d’après Kützing par ce que, bien qu’elles soient moins délicatement finies et moins Fig. 2. — A. Navicula viridis, a vue de profil ou face valvaire ; B. Synedra ulna\ G. Coscînodiscus 'patina ] a vue de profil ou face valvaire; h vue de face ou face connective. belles que beaucoup de dessins modernes, elles sont caractéristiques et classiques. A. Navicula viridis, E. ; c’est une forme type du groupe I repré¬ senté en a en vue du profil {side vieiv) c’est-à-dire montrant la valve; en h en vue de face (front view) montrant la zone suturale ou mem¬ brane connective (1). B. Synedra ulna, E. ; représente le groupe II, a' eu profil et b de face. C. C os cino dis eus patina, E. ; on peut le prendre comme une forme normale du groupe III, à en vue de profil, b en vue de face. Toutes, en vue de face, sont rectangulaires ou à peu près, et par conséquent. Fig. 3, — Cymhella Ehremhergii, a vue de profil ; h vue de face. ont la zone suturale ou membrane connective de largeur uniforme, et les valves sont symétriques. (I) « Lucus a non lucendo. » Kützing les appelle (a) Haupt side et {h) Nehen side, ce qui est mieux; mais je conserve les anciens noms, parce qu’ils sont plus employés. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 0l2 Dans les trois groupes nous avons, par adhérence des frustules (ce qui est d’ailleurs normal), des formes filamenteuses droites : ainsi, dans le groupe I, nous avons le genre Biadesmis , fondé sur ce seul carac¬ tère ; dans le groupe II, le genre Fragilara qui n’est qu’une associa¬ tion de Synedra en forme de filament droit ; et dans le groupe III, le genre Melosira qui est un filament droit composé de frustules qu’on ne peut en rien distinguer des Cyclotella ou même des Coscino- discus, si ce n’est par l’adhérence plus ou moins grande des frustules après la division. La première variation d’une forme normale tout à fait type avec les valves plates (ce qu’on trouve rarement au moins d’une manière absolue) est un renflement plus ou moins grand des valves, c’est-à- dire que quand celles-ci sont séparées de la membrane connective, elles ressemblent à des auges basses dans les groupes I et II et quel¬ quefois dans le groupe III; très souvent aussi dans ce dernier groupe elles ont la forme de bassins circulaires bas. Cette forme renflée ou bombée peut presque être dite normale, car elle est presqu’universelle dans les trois groupes et les frustules sont partout symétriques. La première déviation de ce type consiste en un développement iné¬ gal de la zone suturale par suite duquel elle devient plus large à l’une des extrémités du plus petit axe, ou d’un rayon si la valve est circulaire. Nous pouvons appeler cette variation « équatoriale » par opposition à l’inégal développement à une extrémité du grand axe que nous appellerons variation « axiale ». Ces deux variations se produisent dans les trois groupes. Dans le groupe I, quand la zone suturale devient plus large dans le sens équatorial, le raphé est plus ou moins courbé et ne divise plus les valves symétriquement. Fréquemment, la valve elle-même est lunulée ou courbée en vue de profil. C’est le cas des Cymbella (fig. 3) comme le représente le C. Ehrenbergii, en vue de face {h) et de profil (à). La partie de la zone suturale qui suit le bord le plus convexe de la valve et qui est plus large que celle qui suit l’autre bord, a été appelé le « dos » et la partie la plus étroite, le « ventre ». Et quoique ces termes « dorsal » et « ventral » n’aient vraiment pas ici une applica¬ tion bien appropriée, je continuerai à m’en servir, au besoin. La partie ventrale de la zone suturale est presque, ou tout à fait, de la même largeur partout, comme dans un Navicula type, mais la partie ventrale est renflée et plus large au milieu du frustule, c’est-à- dire au sommet du bord convexe. Quand cette largeur devient excessive, comme lorsque le Cymbella passe à V Amphora, le frustule, quand on le laisse prendre sa position sous l’influence de la gravité, tombe sur la surface élargie de la zone suturale, ou sur le dos, pour ainsi dire, la partie la plus étroite de la zone suturale se trouve ainsi en dessus, les deux valves, avec la ligne médiane et les nodules sont en vue à la fois, JOURNAL DE MICROGRAPHIE 513 et la coupe transversale du frustule est trapézoïdale avec des faces plus ou moins courbes. Que cet inégal développement de la zone connective soit réellement un bon caractère pour un nouveau genre, c’est une question. De fait, les différentes phases de variation depuis le Navicida avec un raphé central, une zone connective symétrique et également développée, à la forme dont le raphé est un peu excentrique et qu’on a appelée Anor- thoneis^ puis à celle où il est plus ou moins marginal comme dans les Cymbella et les Améliora, avec un développement correspondant de la zone connective, ces phases sont si faciles à tracer que ces genres pourraient presque ne paraîtré que des variétés de Navicitla. Dans le groupe II, nous pouvons prendre les Epithemia, et dans le groupe III, les Pàlmeria (Euodia), comme représentant la même modification, c’est-à-dire l’expansion équatoriale de la zone suturale. Dans le groupe I, un grand nombre de Cymbella adhérents, comme dans le genre Syncyclia d’Ehrenberg, formeront une masse plus ou moins globulaire. — La même chose est vraie des Epithemia, dans le groupe II et aussi chez les Pahner-ia dans le groupe III. Quand l’expansion de la zone suturale est axiale, c’est-à-dire se pro¬ duit à l’extrémité du grand axe et à l’un des bouts de la valve, le frustule toujours, et les valves quelquefois, deviennent plus ou moins cunéiformes. Dans ce cas, pour le groupe I, le raphé divise les valves symétriquement, mais le nodule central est toujours plus près de l’ex¬ trémité élargie comme dans les Gomphonema. On comprendra facile¬ ment que l’action d’une membrane extérieure se contractant sur le frustule qu’elle entoure, poussera le frustule en avant, aussi trouvons- nous que la plupart des espèces cunéiformes, si ce n’est toutes, sont stipitées, par cette action, attachées par la plus petite extrémité au stipe, et non simplement sessiles comme beaucoup des formes droites. La même remarque s’applique à quelques formes qui ont les extré¬ mités pointues, comme les Cocconema, dans le groupe I, genre qui ne diffère des Cymbella que parce qu’il est stipité. Dans le groupe II, nous trouvons les Liemophora et les Rhipidophora munis de longs stipes, et dans le groupe III, les Podosù^a, aux valves fortement con¬ vexes, qui se différencient des Melosirà par leur pédicelle. Quand le développement axial se produit dans le groupe II, il fournit les Meridion et les Rhipidophora ; les premiers quelquefois, les seconds toujours pédicellés. Fréquemment cependant les frustules de Meridion restent cohérents après la division et, en raison de leur forme en coin, constituent des filaments circulaires ou spiraux, qui font de très beaux objets pour les collections. J’ai trouvé quelquefois de ces derniers avec les frustules cunéiformes en position alternante de sorte qu’ils forment ainsi des filaments droits. Dans le même groupe II, nous trouvons les Surirella qui, outre leur forme en coin sur la face frontale éprouvent une modification dans la forme des valves du coin à l’ovale large, comme dans le Surirella 514 JOURNAL DE MICROGRAPHIE crumena, et plus circulaire encore, comme dans le Campylodiscus horologium. Les valves dans ce dernier genre sont souvent plus ou moins fléchies ou en forme de selle. Le développement axial de la zone suturale se trouve rarement dans le groupe III, et seulement quand les valves sont plus ou moins ellip¬ tiques. On le voit cependant chez les Eucmnpia, et la forme en coin du frustule dans la face frontale donne naissance à des filaments courbes, comme chez les Meridion. Prof. H. L. Smith. (A suivre,) SUR UNE BÀCTÉRIOCÉCIDIE ou TUMEUR BACILLAIRE DU PIN d'aLEP Le rôle des Bactéries, en pathologie végétale, a paru, jusqu’à ce jour, se borner à une action destructive^ décrite sous les noms de pourriture^ morvCy gan¬ grené, tavelure, corrosion, etc. Dans le fait suivant, la présence d’un Bacillus provoque une réaction de l’organisme attaqué, une hypertrophie considérable de ses tissus, et amène la formation d’une galle bactérienne ou bactériocécidie. Les Pinus halepinsis des Alpes-Maritimes et des Bouches-du-Rhône présentent sur leurs rameaux des excroissances atteignant la taille d’une noix, d’un œuf de poule ou davantage. Lisses au début, ces tumeurs se crevassent à la fin et devien¬ nent le repaire de divers insectes et le support de nombreuses Mucédinées. M. Madon, inspecteur des forêts à Toulon, a, depuis plusieurs années, appelé l’attention sur les sérieux ravages causés par cette maladie, et des recherches suivies ont amené ce savant à d’importants résultats en ce qui concerne la marche et l’extension de la maladie. Ce côté de la question fera l’objet d’un mémoire spécial . Grâce à l’obligeance de M. Henry, professeur à l’École forestière, nous avons pu étudier des tumeurs de tout âge, provenant de Coaraze, près de Nice, vers 1.000 mètres d’altitude, et en élucider la nature. Sur une coupe pratiquée dans une grosse excroissance, on distingue dans un parenchyme hypertrophié, des noyaux ligneux, inégaux, à contour circulaire ou sinueux. Une dissection plus complète combinée avec l’examen d’exemplaires jeunes, apprend que tous ces corpuscules durs sont reliés entre eux et qu’ils sont des expansions d’une masse ligneuse dépendant du bois normal de la tige. Ce corps ligneux et les diverticules qui s’en détachent sont traversés par de fins canaux. Ceux-ci peuvent même s’étendre au-delà des limites du bois dans la gangue d’éléments tendres. Les trachéides sont étendues en couches parallèles aux canalicules et en suivent toutes les circonvolutions. Une gaîne isolante de cellules mortifiées, écrasées et refoulées par le contenu des canaux, sépare ce contenu de la coque ligneuse. Le contenu de la cavité se compose uniquement d’une accumulation de Bacilles immobiles, mesurant de 1 ;j. 8 à 1 p 5 sur 0 [j. 6 à 0 [j. 8, ayant une faible affinité pour les couleurs d’aniline. Un mucilage réunit les Bacilles en houles zoogléiques JOURNAL DE MICROGRAPHIE 515 dont les plus grandes dépassent| 20 [j.. Ces boules, entassées sans ordre dans le milieu des canaux, forment vers les parois une assise plus régulière. Elles se réunissent en lobules à contour arrondi, séparés par des expansions de la gaine isolante qui se moule exactement sur eux. De la sorte une coupe radiale du tube a des bords festonnés; une coupe tangentielle offre une surface alvéolée. Les Zoo- glées et les Bacilles qui les composent offrent des caractères identiques dans des tubercules de toute taille. Sur une coupe passant par l’axe de l’excroissance, on constate le point de dé¬ part du système de canalicules qui renferme les Zooglées. Le bois secondaire forme plusieurs couches régulièrement concentriques. Dans une certaine étendue, la dernière de ces couches régulières est séparée de la suivante par une lame de tissu mortifié, exactement moulée sur elle, et que nous nommons disque initial. Le centre de ce disque est le fond de la cavité zoogléique, qui s’en détache per¬ pendiculairement et offre plus loin de nombreuses circonvolutions. Les couches ligneuses suivantes, au lieu de rester concentriques, se contournent pour suivre la direction des parois mortifiées des canaux zoogléiques. Les premières sont inter¬ rompues en un point seulement; les plus jeunes le sont à différents niveaux par suite des ramifications de la masse des Bacilles. Si les canalicules ont encore peu divergé les uns des autres, ils sont englobés dans une masse ligneuse commune, dont les vaisseaux présentent des torsions compliquées ; les branches isolées ont, au contraire, un étui d’une grande régularité. Notons l’absence de toute corrosion des membranes liquifiées, soit sur le plancher de la cavité, soit sur ses parois la¬ térales. 11 résulte de ces faits que le Bacille préexistait aux couches ligneuses contournées et que, par son mode de pullulation, il a provoqué et réglé le déve¬ loppement. Le mécanisme de la production des excroissances est dès lors fort simple. A une époque marquée par l’interruption brusque des couches concentriques du bois, un Bacille a pénétré à travers les tissus mous jusque dans le cambium. Au point infecté, l’assise génératrice mortifiée est devenue le point de départ de la gaine isolante. L’action toxique du parasite, s’irradiant de tous côtés, a produit le disque initial. Au contact de la gaine isolante, le cambium a exagéré ses propriétés génératrices et a donné en dedans la coque ligneuse qui emprisonne le parasite en dehors de puissantes assises du liber secondaire. Cependant, le Bacille fusait dans plusieurs directions et produisait dans l’assise génératrice de nouvelles solu¬ tions de continuité. On a finalement un cambium irrégulier, très contourné et fenêtré. D’ailleurs, ce cambium continue à fonctionner comme un cambium nor¬ mal,. et tous les noyaux qui remplissent la tumeur ont la même origine que le bois secondaire ordinaire. Nous ne savons pas comment pénètre le jBaci7^M5. Peut-être est-il inoculé par des piqûres d'insectes. Les espèces qui se logent dans les anfractuosités des vieilles tumeurs pourraient colporter le mal sur des branches saines. L’auto-infec¬ tion est aussi probable. Nous avons vu de petits disques initiaux entre les strates contournés du bois, ce qui indique des foyers secondaires d’infection de l’assise génératrice. Ajoutons que, sur certaines branches, la progression basipète des tumeurs était nettement indiquée par leur taille décroissante à partir du som¬ met (1). Paul 'Vuillemin. (1) C. R. Ac. desSc., 26 nov. 1888. 516 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Pépinières Croèx & Fils Au VAli près Sceaux (Seine) Culture générale de tous les végétaux de plein air, fruitiers et d’oruement. Grande spécialité d’arbres fruitiers, formés, très forts en rapport et d’arbres d’ornement propres à meubler de suite. 20,000 pommiers à cidre d’après l’ouvrage de Boutteville et Hauchecoriie, sont disponibles. GRANDS PRIX Expositions universelles de 1867 et 1878 Envoi franco du Catalogue général descriptif et illustré et du prix-courant des arbres forts. OFFRES ET DEMANDES (1) A VEA'DRE 200. Lampe à îiieandesceiice à air libre, de Reynier-Trouvé, nickelée, neuve, au lieu de 70 francs . 50 fr. 201. Indicateur île vitesse Deprez-Carpentier, neuf, au lieu de 150 fr. 120 fr. 202. Lampe Reynier à crémaillère, au lieu de 125 francs . 85 fr. 203. Hydromètre Ducondun-Guichard n® 4, au lieu de 50 fr . 40 fr. 204. Régulateur électrique à are, système Berjot, grande course, au lieu de 225 . . . ; . .'. 150 fr. 20o. Moteur électrique Trouvé, 3 kilog., neuf, au lieu de 125 fr . 80 fr. 206. Moteur électrique Clovis Raudet, au lieu de 140 francs . 85 fr. 207. Planimètre d’Amsler, en écrin, au lieu de 60 francs . 45 fr. 208. Œil artificiel de Rémy, avec 12 dessins en couleur, au lieu de 20 fr. 13 fr. 209. Ophtalmoscope de TVecker (Crétès) neuf, en boîte gainerie . 15 fr. 210. ' Récepteurs de télégraphes à cadrans, système Breguet, à mouve¬ ment d’horlogerie (Mors) . . 14 fr. 211. Anneau Gramme, 14 c/m diam. avec arbre et collecteur, construction Bréguet . 90 fr. 212. Lanternes de sûreté, de Trouvé, à parachutes, neuves . 40 fr. 213. Machine Gramme, type d’atelier, réduction, 20 volts, 5 ampères.. 135 fr. 214. Téléphones Corneloup, métalliques, au lieu de 35 fr. la paire _ 16 fr. 21 0. Microscope de Schieck, vis de rappel, 3 oculaires, 5 objectifs, 1, 3, 4, 7 et 9 grossissant de 24 à 1200 diamètres, en boîte acajou . 225 fr. (1) S’adresser au bureau du Journal. — Les articles portés au présent Cata¬ logue sont expédiés contre mandat ou remboursement. — La demande doit rappeler le numéro d’ordre de l’article au Catalogue. — Le port et l’emballage sont à la charge de l’acquéreur. Le Gérant : Jules Pelletax Fils. Paris, lmp. J Bolbach, 25. rue de Lille. Douzième année 17 25 Décembre 1888 JOURNAL DE MICROGRAPHIE SOMMAIRE : » Evolution des micro-org'anisraes animaux et végétaux parasites {suite), leçons faites au Collège de France, par, le prof. G. Balbiani. — Le troisième œil des Vertébrés {suite), leçons faites à l’Ecole d’ Anthropologie, par le prof. Mathias Duyal. — Méthodes de préparations microscopiques pour l’étude des Muscinées. par M. Amann. — Table alphabétique des matières contenues dans le Tome XII. — Table alphabétique des auteurs. — Tables des Figures et des Planches. — Avis divers. TRAVAUX ORIGINAUX ÉVOLUTION DES HICRO-ORGANISHES ANIMiOX ET VÉGÉTAUX PARASITES Leçons faites au Collège de France, par le Professeur G. Balbiani LES MASTIGOPHORES {Suite) (1) Il nous reste à étudier quelques formes de Flagellés qui ne ren¬ trent dans aucun des titres établis par Bütscbli, soit parce qu’elles ont été découvertes depuis la publication de la classification dressée par cet auteur (2), soit parce qu’elles présentent des caractères qui ne répondent à aucune des divisions établies par Bütscbli parmi les Flagellés. Parmi ces formes, celle qui s’éloigne le moins de l’organisation ordi¬ naire des Flagellés est celle que M. Henneguy a fait connaître sous le nom provisoire de Bodo nôcator en le rapportant au genre Bodo (1) Voir Journal de Micrographie, T. X, 1886; T. XI, 1887; T. XII, 1888, p. 41, 134, 225, 268, 303, 394, 421. — J. P. stén. (2) Voir pour la classification des Flagellés par O. Bütschli, Journal de Micro¬ graphie, T. XI, 1887, n® 7, p. 246. 518 JOURNAL DE MICROGRAPHIE (le Stein, adopté par Bütsclili. — Je vous ai déjà parlé de la manière diverse dont ce genre a été caractérisé par les auteurs depuis Ehrenberg, qui Ta créé, jusqu’à Bütsclili, en passant par Dujardin, Stein, Saville Kent. La famille des Bodonina de Bütsclili, qui forme avec les Anisonemina le sous-ordre des HETEROMASTIGODA, est caractérisée par un llagellum moteur antérieur et un üagellum traînant dirigé en arrière, tous deux s’insérant ordinairement au même point. L’animal décrit par M. Henneguy, au lieu de deux filaments, en présente trois, ^forts inégaux, tantôt dirigés tous les trois en avant, tantôt renversés en arrière. Par conséquent, ces caractères ne répondent pas à la diagnose du genre Bodo établie par Stein et Bütsclili : il faudrait qu’il n’y eut que deux filaments, et non trois. Bütscbli ayant eu à s’occuper de cette espèce, l’a exclue avec raison de ce genre et s’est rappelé à propos que Saville Kent a décrit sous le nom de Trimastix marina une espèce trouvée dans des Algues en décomposition, espèce analogue de forme, à corps piri- forme, atténué en avant, terminé par une pointe un peu inclinée vers la face ventrale, à extrémité postérieure un peu renflée. Le bord droit du corps se prolonge dans toute l’étendue de celui-ci sous forme d’une membrane, ce qui donne à la face ventrale une apparence excavée. Il y a trois ilagellums dont un dirigé en avant et deux en arrière. Ce genre n’est donc pas très différent de celui de M. Henneguy, qui a trois flagellums inégaux aussi, et une excavation profonde sur la face ventrale. L’animal a la forme d’une petite écuelle ou d’une coquille d’Haliotide. Quand il est fixé sur la peau d’un Poisson, les deux bords latéraux de son corps se recourbent vers la face ventrale et entre eux reste un espace, sillon ou gouttière dans laquelle sont logés les trois flagellums, le plus long dépassant beaucoup le corps en arrière. Quant le parasite abandonne le Poisson, les deux bords du corps s’écartent, l’animal s’étale en quelque sorte, le sillon où étaient logés les flagellums s’efface et ceux-ci, devenus libres, se dirigent vers la partie antérieure du corps, tous les trois. C’est l’attitude ordinaire de l’animal quand il nage. Quand le parasite est fixé sur la peau du Poisson, la fixation à lieu par le rostre qui est enfoncé dans les cellules épidermiques dont il pompe certainement les parties liquides. Il vit ainsi en troupeaux serrés et couvrant de larges espaces. Ainsi plongé dans l’espèce de mucus sécrété en grande abondance par cet épiderme irrité, l’ani¬ mal parait être dans la position qui lui convient le mieux, car, quand il abandonne son bote, quand celui-ci est mort, il ne peut pas JOURNAL DE MICROGRAPHIE 519 parcourir de grandes distances dans l’eau, car il e^t détruit par l’eau : il faut qu’il trouve rapidement un autre Poisson pour s’enfouir dans le mucus. Dans l’eau il meurt sans laisser de traces, sans for¬ mer de' kyste. Dans les infusions il meurt aussi rapidement. Dans l’eau très aérée qui convient aux Truites, il doit être plongé dans le mucus qui tapisse l’épiderme du Poisson et s’est adapté à ce milieu spécial tandis qu’il ne résiste pas à l’eau pure dont l’action lui est promptement mortelle. Ce Flagellé se multiplie rapidement par division. M. Henneguy a suivi le phénomène dans toutes ses phases. C’est le mode de reproduc¬ tion le plus énergique. Ce parasite, à la multiplication si rapide, exerce une action des plus meurtrières sur les jeunes alevins de Truite que, depuis Coste, nous obtenons chaque année au Collège de France, par fécondation artificielle. Sa première apparition remonte à 1883. Au printemps de cette année nous vîmes périr nos Truites, qui venaient à peine de résorber leur vésicule ombilicale, d’une maladie inconnue qui les décimait rapidement. La peau était couverte de plaques blanches, dans lesquelles l’examen microscopique nous fit découvrir des petits Infusoires en quantités innombrables. C’était la première fois qu’une espèce du groupe des Flagellés se présentait à l’état ecto-parasite, toutes les autres étant des endo-parasites, et des endo-parasites inof¬ fensifs, mêmes ceux qui se trouvent dans les selles des cholériques et des phtisiques où ils apparaissent comme épiphénomènes, effets de la maladie probablement, miais en tous cas pas cause. Celui-ci, au contraire, se révélait comme un être des plus malfaisants. Depuis lors, à chaque printemps, il fait son apparition au mois d’avril, et, cette année même, il a am.ené la destruction complète de tous nos jeunes alevins. Quant au remède, encore à trouver, nous avons essayé un grand nombre de moyens notamment l’eau salée à 10 ou 20 pour 100, espérant qu’elle détruirait le parasite. Il n’en a rien été. Ce qui nous a le mieux réussi jusqu’à présent, c’est une couche de sable fin déposé au fond des bacs, avec des plantes aquatiques, contre lesquelles les poissons se frottaient et se débarrassaient d’un certain nombre de parasites. (Voir les Cowyptes rendus de l’Ac, des Sc., 5 mai 1883, et Arch. de Zool. de Lacaze Duthiers, 1885). Je vous ai dit que le nom de Bodo necator n’est que provisoire ; il s’agit, en effet, de donner un nom à cet être qui ne se ra])porte à aucun genre existant, et de lui assigner une place. D’après la description que je viens de vous présenter, cet animal diffère trop des Trimas- tix, pour qu’on puisse l’attribuer à ce genre, ayant trois cils iné¬ gaux dirigés tantôt en avant, tantôt en arrière, tandis que chez les 520 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Trimastix les cils sont presque égaux, l’un dirigé en avant et deux en arrière. M. Henneguy m’a laissé le soin de lui donner un nom : je propose comme désignation générique lé nom de Costea, en mémoire de Coste, mon éminent prédécesseur dans cette chaire, et attendu que ce parasite s’est montré pour la première fois dans l’établisse¬ ment de pisciculture créé ici. par Coste, il y a de longues années. La visite de cet hôte parmi les petits Poissons qu’il élevait pour repeupler nos cours d’eau eut été très désagréable à Coste, promo¬ teur de la pisciculture en France, mais chez lui le pisciculteur était doublé d’un savant et c’est au savant que nous dédions le nouvel être : Costea necatrîx^ c’est le nom que je crois devmir lui donner, et qu’il conservera, je l’espère. Dans la classification des Flagellés il se place¬ rait à coté des Trimastix^ et formerait avec eux une famille nouvelle des Trimastigina caractérisée par trois filaments inégaux, avec un corps excavé à sa face ventrale et recevant dans cette gouttière, tantôt d’une façon permanente, tantôt d’une façon transitoire, les trois fiagellums. Cette famille s’ajouterait au sous-ordre des HETE- ROMASTIGODA de Bütschli, dont on élargirait la diagnose : trois filaments inégaux insérés à la partie antérieure du corps. Saville Kent avait déjà proposé la création d’une famille des Tri- MASTiGODA avec son genre Trimastix et le genre Trichomonas, décrit aussi avec trois filaments. Mais le Trichomonas vàginalis en a quatre, tandis que le Tricho¬ monas Batrachorum n’en avait que trois jusqu’ici. Une de ces deux espèces ne serait donc pas de la famille. D’ailleurs, nous avons exa¬ miné le Trichomonas Batrachorum^ il y a quelques jours, et nous avons constaté qu’il a parfaitement quatre fiagellums. Il faut donc l’expulser des Trimastigodés de Saville Kent. Quant au genre Tri¬ mastix, jo lo conserve pour l’associer au Costea de création nou¬ velle. Un animal fort singulier est celui que Stein a trouvé en 1860 dans le rectum de la Blatte orientale {Periplaneta orientalis), c’est le Lophomonas Blattarum, étudié de nouveau par Bütschli en 1878. — Il a une forme ovalaire, étranglée à la partie antérieure, avec une touffe de cils très nombreux, inégaux, en panache, les cils du centre plus ou moins agglomérés et ceux de la périphérie libres et en vibra¬ tion ; à l’intérieur on voit , vers la partie antérieure, deux plaques formées par une substance dense et incolore, qui rappellent tout à fait, sauf qu’elles ne sont pas colorées, les Chromatophores en plaque de quelques Euglénoïdiens. Ces deux plaques sont inclinées l’une vers l’autre, laissant entre elles un espace triangulaire au milieu duquel JOURNAL DE MICROGRAPHIE 521 est placé le noyau. Hier, (1) nous avons vu que ces plaques se se réunissent à la partie postérieure de manière à former une sorte de fer à cheval circonscrivant un espace circulaire dans lequel est situé le noyau. . . L'intérieur du corps renferme des granulations d’aliments, mais la situation de la bouche laisse de l’incertitude. Stein croyait que la bouche était au centre de la touffe de cils ; Bütschli n’a pas confirmé cette opinion. Grasei avait observé aussi Fanimal bourré de particules alimentaires, mycéliums de champignon, spores, etc,, et bourré au point de ne plus avoir à la surface qu’une mince couche de proto¬ plasma libre, mais il n’a pas pu constater la situation de la bouche non plus que l’existence d’une vésicule contractile. Quant au mode de reproduction de ce singulier animal, aucun des Fig. 4. Lophomonas Blattarum, d’après Stein. auteurs qui en ont parlé n’a pu observer quoi que ce soit qui se rap¬ porte à la reproduction. Mais, d’après quelques observations que nous avons faites hier, nous pensons avoir surpris quelques indices de multiplication par division. Le corps, outre son panache, très longuet en mouvement continuel d’oscillation, portait à environ 45° de là pre¬ mière touffe, une seconde touffe de cils, et entre les deux touffes comme une trace de sillon. C’est très incomplet, comme vous le voyez, et nous 'ne pouvons pas affirmer que ce détail se rapporte à une divi¬ sion commençante ; cependant cela parait très probable. Mais nous avons observé, de plus, à la partie antérieure, un prolongement de la cuticule formant une collerette qui entoure la base des cils comme la collerette des Choanoflagellés ; et, à l’aide de cette collerette, les cils paraissent se. disposer en cercle, ce qui confirmerait l’observation do Stein sur la présence de la bouche au centre de la touffe, ou en spi¬ rale, ce qui indiquerait une sorte de péristome. Mais ces détails n’ont pas pu être constatés avec certitude. (1) 23 mai 1887. 599 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Ainsi, rorganisation de cet être n’est pas entièrement connue, et l’extreme petitesse de l’animal rend l’observation difficile. On le ren¬ contre communément dans le rectum de la Blatte orientale. Bütschli a trouvé une autre espèce, le Lojihomonas striata, à corps allongé en forme de radis avec les extrémités en pointe aigüe et la sur¬ face parcourue par des stries serrées, en spirale ; la touffe de cils est très fournie. Aucun détail interne n’est signalé, ni vésicule contrac¬ tile, ni noyau, probablement par suite d’uns observation incomplète. M. Kunstler a vu cet animal et lui a décrit une bouche placée à la partie antérieure, entourée par un bourrelet saillant entrevu d’ailleurs par Bütschli sur l’autre espèce et que nous avons très bien vu sur cette dernière. On ne sait rien du mode de reproduction du Loj)homonas striata. C’est à cela que se borne ce que l’on sait sur ce curieux genre. J’ajouterai cependant que la Blatte orientale n’est pas le seul insecte qui renferme ces parasites. Grassi et Saville Kent en ont reconnu dans un autre genre d’Orthoptères, les Termites ou Fourmis blanches ; et même, Grassi en a trouvé plusieurs formes dans l^Caloternies /fa- vicoUis, espèce de Termite qui vit dans le midi de la France et en Italie, et en a formé un genre nouveau : Joennia, dont il a décrit une espèce, Joennia annectens, dans le Bulletin de l’Académie des Sciences Naturelles de Catane (1878). Saville Kent en a trouvé aussi dans les Termites de la Tasmanie et les signale dans un mémoire sur ces variétés de Termites {Ann. and Mag. of Nat. History, '"885). Nous ne savons pas s’il s’agit d’éspèces nouvelles. Ces Termites, vous vous le rappelez, présentent d’autres para¬ ntes très curieux, par exemple les Trichonympha. La présence de ces parasites dans les seuls Orthoptères indique que ce sont des espèces particulières et spéciales à ce groupe d’insectes. (Les Ter¬ mites forment la transition des Névroptères aux Orthoptères) . Leydig, en 1859, a trouvé dans la Courtilière un organisme sphérique qui présente sur un certain point du corps une touffe de cils. Ne serait-ce pas encore une forme de Lopltomonas? La position systématique de ces êtres fait depuis longtemps ques¬ tion dans la science. Stein, qui les a découverts, fait des Lopliomo- nas des Flagellés de la famille des Monadina. Bütschli de même dans le Zeitschrift f. Wiss. Zool. T. 30, 1878 ; mais dans ses Protozoa, il n’en dit aucun mot dans la partie de cet ouvrage qui traite des Flagellés, ce qui indiquerait qu’il a changé de manière devoir. Saville Kent les maintient dans les Flagellés et en fait une famille des JOURNAL DE MICROGRAPHIE 523 Lophomonadina dans son groupe des PANSTOMATA. Grassi en lait une Cercomonade. Ainsi tous, sauf Bütschli, sont d’accord à faire de ce Lopliomonas un Flagellé. Il rentrerait alors dans la famille des Polymastigina de Bütschli, mais je crois qu’on pourrait en faire un Infusoire Cilié : on peut dire que c’est un Infusoire Cilié qui a un très grand nombre de cils placés à la partie antérieure, dans le voisinage du point ou l’on soupçonne qu’est la bouche. Ce serait donc un Infusoire Péritriche ayant une ceinture de cils conduisant à la bouche. J’admets qu’on puisse soutenir cette opinion. On peut enfin considérer le Lopiliomo- nas comme un tj^pe de transition des Flagellés aux Ciliés ; et ce serait peut-être à cette manière de voir que je me rangerais le plus volon¬ tiers. {A suivre.) LE TROISIÈME (EIL ÜES VERTÉBRÉS. Leçons faites à l’École d’Anthropologie, par M. Mathias Duval, professeur à la' Faculté de médecine de Paris (1). [Suite] Cependant, on s’aperçut bientôt des rapports des premiers rudi¬ ments de la glande pinéale avec le toit de la vésicule des couches optiques. Déjà Baer les avait entrevus (2); ils avaient été vérifiés par Remak (2 ôeis*), par Schmidt (3), puis Lieberkuhn (4), sur les Oiseaux, puis sur le Lapin, par Mihalovicz, 1877 (p. 94), et sur le Lapin et le Mouton, par Kœlliker. En 1888, Kraushaar (3) l’étudie chez les Rongeurs et spécialement (1) Recueillies par M. P. -G. Mahoudeau. (Voir Journal de Micrographie, t. XII, 1888, p. 500.) (2) Baer. — Ueber Entwicklungsgeschichte der Thiere. Beobachtung und Reflexion. — I. pag. 130 (Konigsberg). (2 his) Remak. — Untersuch. ub. die Entwickelung. der Wirbelthiere, Ber¬ lin, 1855, pag. 33 et planche IV, fig. 36 et 37. (3) Schmidt. — Beitrœge zur Entwichelungsgesckichte der Gehirns (Zeits¬ chrift f. wissenschaft. -Zoologie. 1862, tome XI, page 49). (4) Lieberkuhn. — Ueber die Zirbeldrüse (Sitzungbericht. zur Reforderung der gesammten Naturwissenschaften zu Marburg, 1871, n° 4). (5) Richard Kraushaar. Entwicklung der Hijpophysis und Epiphysis bei Nagethieren (Zeitschrift f. Wissenschaft. Zoologie. 1885, tome LI, page 79). 524 JOURNAL DE MICROGRAPHIE chez le Rat (ou Souris blanche); il en décrit Torigine par une évagina¬ tion de la voûte ; puis la partie périphérique se transforme en une grappe de bourgeons creux, par le fait de poussée en dedans des élé¬ ments piemériens ; la partie inférieure reste creuse. Passons maintenant aux Vertébrés inférieurs aux Lézards. D’abord les Batraciens : Si l’on s’en rapportait seulement aux textes des auteurs, on pour¬ rait croire que l’appareil pinéal est connu depuis longtemps; mais chez les Batraciens, chez les Poissons et les Tortues, tout ce qu’on a décrit, tout ce qu’on connut autrefois, ce ne fut que la partie basale, l’œil étant, comme vous le savez, toujours arraché par l’enlèvement de la calotte crânienne. En 1852, Wyman décrivant la glande pinéale, la considérait comme une saillie du toit des couches optiques. En 1865, Stieda découvrait chez la Grenouille cet organe dont nous avons déjà parlé, et qui parut si singulier, si problématique, se pré¬ sentant sous l’aspect d’un petit tubercule placé sur le crâne, sous la peau, médian, juste entre les deux yeux, qu’on appela depuis du nom de cet auteur : Vorgane de Stieda. Leydig, toujours à la pour¬ suite de son sixième sens, se mit à l’étudier, et ayant remarqué qu’une branche récurrente du trijumeau allait s’y distribuer, il se crut sûr de son fait, et pensa dès lors avoir bien réellement trouvé là un sixième sens (1). En 1875, cette question reçut une grande lumière des travaux de l’embryologiste allemand Gœthe, qui, dans une monographie sur le Crapaud à ventre rouge, si commun dans les mares en Normandie, et qu’on rencontre également dans les environs de Strasbourg, suivit la naissance d’une évagination de la vésicule des couches optiques, la vit se développer, aller atteindre la peau, puis se trouver à un moment donné, ayant une partie supérieure en dehors de la zone d’ossification de la boîte crânienne; puis, le pédicule se rétrécissant, ne plus possé¬ der qu’un mince filet reliant la partie extérieure avec le cerveau, et enfin, l’oblitération du trou crânien ayant eu lieu, ne plus laisser sous la peau, séparé complètement des centres nerveux, qu’un petit tuber¬ cule qui était en définitive l’inexplicable organe de Stieda. Cette persistance même d’une partie de l’appareil pinéal à rester sous-jacente à la peau semble prouver que dans les types ancestraux cet œil était bien réellement placé sous la peau. Mais alors que signifiait le fameux rameau de Leydig, cette émana¬ tion du trijumeau? Ce fut de Graaf qui se chargea d’élucider la question; (l) Stieda. — Uebdr den Bau der Haut des Frosches (Reichert’s und Du Bois-Reymond’s Arch. f. Anat. 1865. Leydig. — Ueber Organe eines sechsten Sinnes (Nov. Act. Acad. Leop. Oar. 1868, page 34. JOURNAL DE MICROGRAPHIE 525 il l’étudia, et se convainquit de l’erreur commise par Leydig; le nerf ne fait qu’effleurer, que côtoyer le tubercule de Stieda, mais n’y pénétre pas. Donc c’est bien l’œil pinéal. Certains Batraciens, le Triton (Salamandre d’eau), s’ils ne possèdent plus une rétine en état de servir, gardent encore leur appareil pinéal complet, c’est-à-dire que l’œil conserve ses connections. Cet œil était très développé, comme nous l’avons déjà vu chez les Lacertiens et les Reptiles fossiles; il l’était aussi chez les Batraciens; ainsi on trouve un trou pariétal très évident chez le Labyrintodon, le Pélosaure, le Stétocepliale, etc. Nous le retrouverons et l’étudierons chez les Poissons dipnoïques, chez les Poissons osseux, chez les Poissons cartilagineux, chez la Lamproie, chez l’Amphioxus et enfin chez les Ascidies qui, chose re¬ marquable, ne possèdent plus que ce seul œil : l’œil pinéal. Pendant longtemps, l’existence de la glande pinéale a été niée chez la Tortue. Stieda était encore de cet avis en 1875 (1), n’ayant rencontré sur le toit de la cavité du troisième ventricule, que des replis analo¬ gues à ceux du plexus choroïde. Ce prétendu plexus choroïde était en réalité l’analogue, au moins en partie, de la partie inférieure ou basale de l’appareil pinéal que nous avons décrite chez l’Hattéria. Ce furent R. Ruckhard et Hoffman (2), qui découvrirent que de ce pseudo-plexus partait un prolongement, le pédicule qui allait se termi¬ ner par un renflement situé sous le crâne, ne sortant pas, il est vrai, et constitué par un épithélium polyédrique à gros noyaux, analogue à ceux des glandes vasculaires sanguines. Nous arrivons maintenant aux animaux qui appartiennent aux classes que leur organisation moins perfectionnée a fait placer au des¬ sous des Reptiles et des Batraciens, ce sont les Poissons avec lesquels nous terminerons les Vertébrés. Il y avait, sans nul doute, un puissant intérêt à savoir si ces formes survivantes des étapes phylogéniques antérieures aux Lacertiens possé¬ daient un appareil pinéal et dans quel état de conservation, de modifi¬ cation, cet appareil se trouvait chez elles. C’est ce que nous allons étudier à présent; mais avant d’en arriver aux Poissons véritables, aux Poissons classiques dont les formes sont connues de tous, nous allons rapidement passer en revue les Poissons dipnoïques ou dipneustes. En effet, ces Poissons sont surtout bien intéressants pour nous, ces êtres qui nous permettent de surprendre sur le vif un des faits les plus dé- (1) Stieda. — Ueber den Bau der centralen Nervensystems der Schildkrote, 1875. (2) Rabl-Ruckhard. — Bas gegenseitirje Yerhaltniss der Cliorda (Morpholog. Jahrbuch, 1880. Page 568. C.-K, HofFxMann. — Weitere UntersucJmngen zur Entwickelungsgeschichte der Reptilien (Morpholog. Jahrbuch. 1885. Page 196 et 197). 526 JOURNAL DE MICROGRAPHIE monstratifs de l’influence des milieux sur la variation des espèces. Ces Poissons, en effet, par leur double mode de respiration, sont la transi¬ tion entre les Reptiles, dont la respiration est aérienne, et les Poissons ordinaires dont la respiration est aquatique. Ils ne sont connus que depuis 1837, époque à laquelle Natterer, dans la vase désséchée des fleuves du Brésil, découvrit le Lepidosiren 'paradoxus. Ce n’est pas seulement son double mode de respiration qui se pré¬ sente chez cet animal comme paradoxal, comme problématique, tout dans son organisme empêchait, au premier abord, de le classer dans une série plutôt que dans une autre, aussi Natterer en fît-il un Reptile icthyoïde ; sa forme rappelle celle d’un Axolotl, d’une Anguille ; ses écailles, son squelette, ses branchies le rattachent aux Poissons, tandis que par ses poumons, par son cœur qui commence à se tordre et à se diviser, il appartient aux Batraciens et aux Reptiles. C’est bien là un de ces types mixtes, intermédiaires, de transition qui montrent la sou¬ plesse de l’organisme à se transformer, à revêtir des formes spéci¬ fiques et qui, par leurs doubles caractères, n’en permettent pas l’assimi¬ lation, le rapprochement avec les espèces classiques bien nettement délimitées. Aussi ces animaux sont ils très embarassants pour les classificateurs. J. Millier en a formé un groupe spécial qu’il place à part dans sa classification des Poissons; il a, d’après cela, fait des Poissons dipnoïques le premier des six groupes de sa division des Poissons. Lorsque les cours d’eau où il habite coulent à pleins bords, le Lepidosiren, vit et respire comme les Poissons ordinaires, d’est-à-dire à l’aide de ses branchies ; quand arrivent les grandes et longues chaleurs de l’été, pendant que le fleuve se dessèche, l’animal s’enfouit dans la vase et bientôt, n’ayant plus d’eau autour de lui, obligé d’emprunter directement l’oxygène à l’air ambiant, il respire avec sa vessie natatoire qui se transforme ainsi en poumon. Le milieu venant à changer, l’animal est forcé de modifier son genre de vie. C’est là, vous en conviendrez, un fait bien remarquable et qui nous fait assister aux conditions qui, aux époques géologiques, ont pu permettre aux Vertébrés aériens de sortir, de se détacher de leur souche ancestrale, les Vertébrés aquatiques. L’embryologie du Têtard de la Grenouille vulgaire, par exemple, nous reproduit ces mêmes étapes de la phylogénie. Ne le voit-on pas, après s’ètre déve¬ loppé dans un milieu liquide où il vivait respirant avec des branchies, prendre des poumons et sortir définitivement de l’eau dans laquelle il ne saurait plus vivre immergé. On arrive, il est vrai, sinon a arrêter du moins à retarder beaucoup ces métamorphoses, en donnant aux larves une nourriture pauvre et en les forçant de demeurer conti¬ nuellement plongées dans l’eau. C’est ainsi qu’on peut maintenir pen¬ dant un an à l’état de Têtard les embryons des Grenouilles vul¬ gaires. Les Poissons dipnoïques ou dipneustes qui nous présentent la phase de transition, le passage de la vie aquatique à la vie aérienne ne sont JOURNAL DE MICROGRAPHIE 527 connus actuellement (jue par trois types vivants. Ce sont le Lepidosi- ren&xx Brésil, le d’Australie et le Pr^otopterus de l’Afrique tropicale. Mais ces êtres, si rares actuellement, étaientau contraire très abondants à l’époque jurassique, ce ({ui vient bien confirmer nos induc¬ tions transformistes. Nos données sur l’anatomie de ces Dipneustes sont encore incom¬ plètes ; leur embryologie reste encore, en grande partie, à faire. 11 ne serait donc pas étonnant qu’aucune notion ne nous fut actuellement acquise sur leur appareil pinéal. Heureusement il n’en est pas ainsi. Huxley, faisant en 1876 l’anatomie du Ceratodus , eut l’idée d’examiner ce qu’était la glande pinéale chez ces animaux (1). Le Ceratodus a cela de spécial qu’il ne possède qu’un seul poumon, il est monopneumone ; cependant ce poumon unique commence déjà à émettre des cloisons et à se bilober, formant ainsi la transition entre les Poissons qui n’ont que leur vessie natatoire et les autres espèces de Dipnoïques, lesquelles sont dipneumones. Huxley trouva chez ce Vertébré un prolongement qui, parti des couches optiques, allait aboutir au crâne, mais restant à l’intérieur, c’est-à-dire, dans l’endocràne, se terminait par une vésicule cordiforme. Cette particularité de la partie terminale de l’ap¬ pareil pinéal ne parait devoir s’expliquer que par un commencement d’invagination de la vésicule ; et c’est ce que probablement des recher¬ ches ultérieures viendront confirmer. (A suivre). MÉTHODES DE PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES POUR L’ÉTUDE DES MUSCINEES Les indications qui suivent pourront peut-être rendi'e quelques ser¬ vices aux bryologues. J’emploie ces méthodes depuis ([uelques années pour une collection de préparations microscopiques des mousses d’Eu¬ rope, destinées à servir à l’étude des propriétés optiques de la mem¬ brane cellulaire chez ces végétaux et, comprenant à l’heure qu’il est, déjà plusieurs centaines de spécimens. 1° Préparation du pèristorne et des feuilles pour V examen microscop iq ue . On obtient des images d’une très grande netteté et d’une clarté admi¬ rable en plaçant les deux moitiés de la capsule humectée et divisée (1) Huxley. — On Ceratodus Forsteri (Pioc. of the Zool. Soc. of London, 1876, page 29). 528 JOURNAL DE MICROGRAPHIE dans le sens de sa longueur dans une goutte d’un mélange de parties égales de glycérine pure et d’acide phénique concentré. On recouvre d’un verrelet et on chauffe jusqu’à l'ébullition sur une petite flamme (lampe à alcool ou allumette). Ce traitement a pour but de chasser l’air contenu dans les cellules et de rendre les parois capsulaires plus transparentes. Il offre en outre l’avantage de redonner aux parties dé¬ formées par la dessication, leur forme primitive. Cette méthode s’applique aussi aux feuilles et autres parties vertes, en ayant soin de diluer la gouttelette de glycérine phéniquée avec une gouttelette d’eau pure et évitant de chauffer pour ne pas déformer les cellules à parois minces et délicates. La couleur naturelle des parties vertes ainsi traitées se conserve parfaitement. 2° Préparations à conserver. Les préparations montées dans la glycérine phéniquée peuvent se conserver, sans autre manipulation, pendant plusieurs années lors- ({u’elles sont gardées dans une boîte ad hoc, à l’abri de la poussière. Il faut seulement avoir soin de remplacer le liquide qui s’évapore pen¬ dant les premiers jours ; plus tard, la glycérine se concentre assez pour ne pas s’évaporer du tout. Si l’on veut monter la préparation d’une manière plus stable, on coînmence par lui faire subir le traitement décrit plus haut, puis, on la place dans une gouttelette de gomme phéniquée, sur le porte-objet, on couvre d’un verrelet et on laisse la gomme se dessécher. Ce mode d’inclusion me paraît préférable à celui ordinairement employé dans la gélatine glycérinée en ce qu’il permet d’opérer à froid, ce qui, pour les parties vertes, est bien préférable. Voici la formule de la gomme phéniquée que j’emploie : gomme arabique en morceaux choisis et blancs, 5 grammes; eau distillée, O grammes; après dissolution, ajoutez glycérine phéniquée, 10 gouttes, et chauffez légèrement pour obtenir une liqueur limpide. 3° Coupes. On attribue maintenant à l’étude des coupes microscopiques des feuilles, de la capsule et de la tige une importance si considérable, qu’un bryologue consciencieux est constamment appelé à en exécuter. Il faut une certaine habilité pour réussir ces coupes. Si Ton veut être sûr d’en obtenir de très minces, on emploiera les méthodes d’inclu¬ sion dans la paraffine molle pour les parties solides et épaisses (cap¬ sule, pédicelle, etc.), dans la gomme arabique glycérinée pour les parties délicates : feuilles, spores, etc. Si l’on est pressé, on se contente de placer l’objet à couper dans deux plaques comprimées de moelle de sureau. Je n’emploie que rarement ces méthodes. Avec un peu d’exercice on JOURNAL DE MICROGRAPHIE 529 arrive à obtenir de fort bonnes coupes en plaçant tout simplement l’objet à couper humecté d’eau, sur l’ongle du pouce de la main gau¬ che et imprimant au rasoir le mouvement alternatif d’un couteau à hacher (1). On porte ces coupes dans une goutte de glycérine phéniquée placée sur le porte-objet entre deux verrelets et on recouvre d’un troisième verrelet dont les bords sont supportés par les deux premiers. Il est facile alors de faire rouler les coupes sous le microscope de manière à les placer dans une position convenable pour l’examen. La glycérine phéniquée est préférable pour ce but à l’eau pure, vu sa consistance plus épaisse. Ces préparations de coupes peuvent être montées dans la gomme glycérinée comme ci-dessus, on donne alors au verrelet comme soutien, de petites bandes d’étain en feuille, collées sur le porte-objet, ou de bitume bien sec. Je n’ai trouvé l’indication de ce petit « truc » dans aucun traité sur la matière, quoiqu’il soit sans doute d’un usage assez général chez les bryologues. 4® Réactifs. Jusqu’ici, l’emploi des réactifs microscopiques a été complètement négligé par les bryologues. Ils pourraient cependant leurs rendre de bons services. C’est ainsi que je me sers, depuis longtemps, d’une solution très diluée de perchlorure de fer (Perchlorure liquide officinal, 1 partie ; eau distillée, 9 parties) pour rendre plus visible les détails de structure du péristome et pour différencier bien nettement certaines parois cellulaires, remarquables par leurs caractères optiques. Les méthodes de tinction employées par les microscopistes sur une si grande échelle à l’heure qu’il est, pourraient peut-être aussi pré¬ senter quelque utilité pour l’étude de l’anatomie de nos petits végétaux. Je fais, depuis quelque temps, des essais de tinction sur le péristome et je me réserve de rendre compte des résultats obtenus dans un article ultérieur. (2) Aman N. A Davos (Suisse). (1) Je pose une ou plusieurs feuilles, ordinairement un rameau, sur une lame de verre que je place sur la platine d’un microscope de dissection. Je maintiens l’objet avec une aiguille tenue de la main gauche et, avec un petit scapel, je fais les coupes de la main droite; avec un peu d’habitude, on arrive à faire très promptement de bonnes coupes, et plusieurs à la fois si l’on a pris un rameau garni de feuilles. Avec un doublet un peu fort on a l’avantage de voir immédiate¬ ment si elles sont faites convenablement et on ne perd pas de temps à porter sous le microscope composé une préparation inutile. 11 faut que l’objet soit mouillé, mais il ne faut pas trop d’eau; à sec, les coupes sautent souvent en dehors de la lame de verre ou sont emportées par le moindre courant d’air; s’il y a trop d’eau, elles sont plus difficiles à faire et elles nagent et voyagent dans le liquide. — Si l’on n’a pas de microscope de dissection, on ne peut se servir d’une loupe montée. T. Husnot. (2) Revue Bryologique. 530 JOURNAL DE MICROGRAPHIE AU VAL D’AULNAY Près Sceaux (Seine) Collection générale de tous les Végétaux de plein air, fruitiers et d’ornement Grande spécialité d’arbres fruitiers formés, très forts, en rapport et d’arbre d’ornement propres à meubler de suite. 20,000 POMMIERS A CIDRE, d’après l’ouvrafle de Boutteville et Haocliecorne, soot dlsponHles. GRANDS PRIX Aux Expositions Universelles de 1867 et 1878 Envoi franco du Catalogue général descriptif et illustré et .du Prix-Courant des arbres fruitiers. Le Gérant : Jules Pelletan Fils. lmp, J. Bolbach, 25, rue de Lille. « TABLES I DU TOME DOUZIÈME « TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOAIE DOUZIÈAIE Du Journal de Micrographie A Absorption du Bacillus subtilis par les globules blancs (De 1’), par le D"' E. Gallemaerts . Alcaloïdes (Microbes et), par le Prof. M. Peter . Anatomie du Phylloxara ailé (L’), par le Prof. Y. Lemoine. . . . Anguillules qui peuvent s’observer dans la maladie vermineuse de rOignon (Des diverses), par le D’’ Johannes Chatin. . . A nos lecteurs, par le D*" J. Pelletan . Apochromatiques jugés en Amérique (Les), par le D’* H. Van Heurck . ' Application de la méthode d’inclusion dans la parafliine et la botanique, par le D"' J. W. Mohl . 111 Atropine dans la Belladone (Localisation de 1’), par M. A. de WÈVRE . B Bacillus suhtilis par les globules blancs (De l’absorption du), par le D^ E. Gallemaerts . Bactériacée cbromogène (Sur le Cycle évolutif d’une nouvelle), par M. A. Billet . Bactériacée marine, Bacterium Laininariœ (Sur le Cycle évolutif et les variations morphologiques d’une nouvelle), par 31. A. Billet . Bactérienne de bœuf (Sur l’Hémoglobinurie), par 31. V. Babes. Bacteriocécidie ou tumeur bacillaire du Pin d’Alep (Sur une), par 31. P. VuiLLEMiN . . . Bacterium Laminariœ (Sur le Cycle évolutif et les variations morphologiques d’une nouvelle Bactériacée marine), par 31. A. Billet . Belladone (Localisation de l’Atropine dans la), par 31. A. de WÈVRE . • . JOURNAL DE MICROGRAPHIE 533 Bibliographie. — Catalogue des plantes de France, de Suisse et de Belgique, pitr M. E. G. Camus, notice par le D"" J. Pelletan. . . 194 — Biatomacèes . — Mission du Cap Horn, par M. Paul Petit, notice par le D" J, Pelletan . 354 — Diatomées de Ludion et des ‘‘y rénées Orientales, par M. E. Belloc . 96 — Die Diatomaceen der Polycystinen- kreide von Jeremie in Haïti, par MM. A. Truan v Luard et D’’ 0. Witt, notice par le D*" J. Pelletan . 16â — Bistruzione e rinnovamento del paren- chima ovarico, par le Prof. G. Paladino ; notice par le D"" J. Pelletan . 223 — Les Champignons parasites des plantes cul¬ tivées, par les Prof. Briosi et Cavara . . 450 — Les Diatomées, Histoire Naturelle, clas¬ sification et description des principales espèces, par le D'' J. Pelletan, note par le J. Pelletan . 419 Les genres de Diatomées connues, séries de préparations microscopiques, par M. Tempère, notice par le D" J. Pelletan. . 226 — Matériaux pour servir à l’étude de la Faune des Açores, par le D'' Th. Bar- rois . 323 — Mission scientifique du Cap Hoim. — Diatomées, par M. Paul Petit, notice par le D'’ J. Pelletan . 354 — Muscologia Gallica, par M. T. Husnot . . 323 — Revista trimestrial de histologia, etc. puhl. par le D"" S. Ramon y Cajal . 387 — Revue Biologique du Nord de la France, puhl. par les Prof. T. Barrois, R. Mo- NiER et P. Hallez . 418 — Revue Bryologique, puhl. par M. T. Hus- ' NOT . 388 ; — Revue Mycologicque, puhl. par M. G. Rou- MEGUÈRE . 388, 419 G Castration parasitaire du Lychnis dioîca par VUstilago an- therarum (Sur la), par le Prof. A. Giard . 478 Cerveau du Phylloxéra (sur le), par le Prof. V. Lemoine . 150 534 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Chœtonotus et les Dasydytes (Observations sur les) par le D’’ A. G. Stores . . 19, 49 Choléra des Poules et des Lapins, par M. Voitellier . 119 Choléra (L’élevage du), par M. A. Berthier . 386 Collodion dans la technique de l’Embryologie (Le), par le Pro¬ fesseur Mathias-Düval . 197 Coloration des tissus à l’état vivant, par M. A. Pilliet . '283 Commission supérieure du Phylloxéra (La), par M. Ciiavée- Leroy . 132 Consultation sur la maladie des Vins de Chàteau-Laffite, 1884, par M. Chavée-Leroy . 28 Contribution à PHistoire Naturelle des Diatomacées, par le Prof. H. L. Smith . . . 22, 307 Correspondance . — Lettre de M. le D’’ A. Vignes fds . 90 Cristatella Mucedo, par M. J. Kunstler . 73 Cycle évolutif d’une nouvelle Bactériacée chromogène (Sur le), par M. A. Billet . 333 Cycle évolutif et les variations morphologiques d’une nouvelle Bactériacée marine, Bacterimn Laminarice (Sur le), par M. A. Billet . 122 D Dans le bleu, par M. V. Meunier . 383 Dasydytes (Observation sur les Chœtonotus et les), par le D'’ A.-C. Stores . . 19, 49 Diatomacées (Contribution à l’Histoire naturelle des), par le Prof. H.-L. Smith . 22, 307 Diatomées (les), par le D*" J. Pelletan . 191 Diatomées françaises (Liste des), parM. îL Peragallo. 409,441, 480 Digestion chez les Rhizopodes (La), par M. Grenwood . 60 E Éléments et tissus du système conjonctif (Les), par le Prof. L. Ranvier . 491 Élevage du Choléra (L’), par M. A. Berthier . 386 Émail (Lois mathématiques régissant la distribution de 1’), par le Prof. A. Éternod . 87 Embryologie (Le Collodion dans la technique de 1’), parle Prof. Mathias Du val . 197 État des Vignobles (juillet 1888), par M. Chavée-Leroy . 330 Étiologie du paludisme, par le D"" E. Maurel . 124, 134 Évolution des Micro-organismes animaux et végétaux parasites, par le Prof. G. Balbiani . 11,41 134, 173, 203, 233i 266. 303, 394, 421, 453, 517. Excursion hydrologique. ..." . 291 JOURNAL DE MICROGRAPHIE 535 Explication de l’immunité naturelle et de l’immunité vaccinale, par M. Delamotte . 1B3 Exposition de Wiesbaden (La Micrographie à 1’), par M. L. Er¬ rera . * . 61,93 Foraminifère nouveau (Un), par M. J. Kunstler . 189 G Ganglions lympathiques (Sur les tissus veineux des), par le Prof. L. Ranvier . 148 Globules blancs (De l’absorption du Bacilhcs siihiUis par les), par le D*" E. Gallemaerts . 51 H / Hémoglobinurie bactérienne du Bœuf (Sur 1’), par M. V. Babes. 448 Histoire Naturelle des Diatomacées (Contribution à 1’), par le Prof. H.-L. Smith . . 22, 507 I Immunité naturelle et de l’immunité vaccinale (Explication de 1’), par M. Delamotte . 183 Influence du mâle sur la production de quelques anomalies ou monstruosités, par M. G. -F. Mazzarelli . 380 L Leçon faite à l’hôpital Necker : Microbes et Alcaloïdes, par le Prof. M. Peter . 465 Leçon faite au Collège de France, en 1888 : Les Eléments et les Tissus du système conjonctif, par le Prof. L. Ran¬ vier . 491 Leçons faites à l’Ecole d’Anthropologie : Le Troisième œil des Vertébrés, par le Prof. Mathias Duval . . . . 250, 273 308, 336, 368, 401, 429, 459, 500. Leçons faites au Collège de France : Evolution des Microorga¬ nismes animaux et végétaux parasites, par le Prof. G. Balbiani . 11,41 134, 173, 205, 235, 266, 303, 394, 421, 453, 517. Leçons faites au Collège de France : Le mécanisme de la sé¬ crétion, par le Prof. L. Ranvier . 3, 33 65, 104, 165, 212, 243, 298, 329, 364, 589. Liste des Diatomées françaises, par M. A. Peragallo. 409, 441, 480 Localisation de l’Atropine dans la Belladone, . par M. A. de WÈVRE . 31 Lois mathématiques régissant la distribution des prismes de l’émail, par le Prof. A. Eternod . 87 Lychnis dioïca (Castration parasitaire du) par VUstilago antherarum, par le Prof. A. Giard . 478 536 JOURNAL DE MICROGRAPHIE M Maladie des Vins de Chàtcau-Laffitte, 1884 (Consultation sur la), par M. Chayée-Leroy . 28 Maladie des Vins de Chàteau-Laffîtte (Sur la), par M. Chayée- Leroy . * 57 Maladie Yerniineuse de rOignon (Des diverses Anguillules qui peuvent s'observer dans la), par le D'' J. Chatin . 290 Maladies de la Vigne (Recherches expérimentales sur les), par 3IM. P. ViALA et L. Ravaz . 284 Mécanisme de la Sécrétion (Le), par le Prof. L. Ranvîer . 3, 33 65, 104, 165, 212, 243, 298, 329, 364, 389. Méthode de triple coloration de Raumgarten . 415 Méthode d’inclusion dans la paraffine à la botanique (Applica¬ tion de la), par le D’' J.-W. Mohl . 111, 144 Microbe pyogène et septique, Sta^jliylococcus ])yosepticus (Sur un), par MM. J. Héricourt et Ch. ^Iichet . 449 Microbes et Alcaloïdes, par le Prof. M. Peter . 465 Micrographie à l’Exposition de Wiesbaden (La), par M. L. Errera . 61,93 Microorganismes animaux et végétaux parasites (Évolution des), par le prof. G. Ralbiani . 11, 41 * 134, 173, 205, 235, 266, 303, 394, 421, 453, 517. Micro-pbotograpbie instantanée, par M. Stefano Capranica. . . 227 Microscope anglo-continental ou Microscope d’étudiant de MM. Watson et Sons, par le D’' H. Van Heurck . 314 3Iicroscope et Télescope, par M. J.-C. Houzeau . 77, 116 Mildew (Les véhicules du), par M. Chayée-Leroy . 280 Mollusques (Structure anatomique des Muscles des), par le Prof. H. Fol . 91 — (Sur les Nephromyces parasites du rein des), par le Prof. A. Giard . 323 Monstruosités (De l’influence du mâle sur la production de quelques anomalies ou), par M. G. -F. Mazzarelli . 380 Montage instantané dans le milieu de gomme et de glycérine de Farrant, par le D*’ R. -H. Ward . 259 Mousses (Sur le Protistes des), parM™*" D'’ M. Sacchi. 340, 376, 405 âluscinées (Méthodes de préparations microscopiques), par M. Amann . 527 N Nephromyces, Champignons parasites du rein des Mollusques (sur les), par le Prof. A. Giard . 323 O Observations sur les Cliœtonotus et les Dasydytes, par le D" A. C. Stores . 19, 49 JOURNAL DE MICROGRAPHIE 537 Oignon (Des diverses Anguillules qui peuvent s’observer dans les maladies vermineuses de F), par le D" J. Chatin. . . . 290 P Paludisme (Etiologie du), par le D'’ E. Maurel . 124, 154 Parasites (Evolution des Micro-organismes animaux et végé¬ taux), parle Prof. G. Balbiani . 11^ 41 134', 173, 205, 235, 266, 303, 394, 421, 453, 517 Peronospora ou brûlure des Vignes en 1888 (Le), par M. Cha- vée-Leroy . 473 Phylloxéra ailé (L’anatomie du), par le Prof. V. Lemoine . 282 Phylloxéra (La Commission supérieure du), par M. Chavée- Leroy . 152 Phylloxéra (Sur le cerveau du), par le Prof. V. Lemoine . 150 Phylloxérique à la Chambre des Députés (La question), par M. Chavée-Leroy . 218 Préparations microscopiques pour l’étude des Muscinées (Mé¬ thodes de), par M. Amann . 527 Prophylaxie de la Rage (La), par M. G. Percheron . 318 Protistes des Mousses (Sur les), par M“° D’^M. Sacchi. 340, 376, 405 Q Question phylloxérique à la Chambre des Députés (La), par M. ChavÉe-Leroy . 218 • .4 R Rage (La Prophylaxie de la), par M. G. Percheron . 318 Recherches expérimentales sur les maladies de la Vigne, par MM. P. ViALA et L. Ravaz . 284 Revue, par le D'’ J. Pelletan . 97, 130 229, 263, 295, 325, 357, 485. Rhizopodes (La digestion chez les), par M. Greenwood. . ! . . . 60 S Sécrétion (Le mécanisme de la), par le Professeur L. Ranvier. 3, 33 65, 104, 165, 212. 243, 298, 329, 364, 389. Staphylococcus pyosepticus, (Sur un Microbe pyogène et septique), par MM. J. Héricourt et Ch. Richet . 449 Structure anatomique des muscles des Mollusques, par le Prof. H. Fol . 91 Système conjonctif (Les éléments et les tissus du), par le Prof. L. Ranvier . 491 T Technique de l’Embryologie (LeCollodion dans la), par le Prof. Mathias-Duval . 197 538 JOURNAL DE MICROGRAPHIE Télescope (Microscope et), par M. J. C. Houzeau . 79, 116 Terminaison des nerfs dans les pla({ues électriques de la Tor¬ pille (La), par le Prof. G. V. Ciaccio . 433 Tiges souterraines de \ TJtricularia montana (Sur les), par M. M. Hovelacque . 120 Tissus veineux des ganglions lymphatiques (Sur les), par le prof. L. Ranvier . 148 Torpille (Terminaison des nerfs dans les plaques électriques de la), par le Prof. G. V. Ciaccio . 433 Triple Coloration de Baumgarten (Méthode de) . 415 Troisième œil des Vertébrés (Le), par le Profeseur Mathias- Duvaî . 250, 273, 308, 336, 368, 401, 429, 459, 500, 523 U Ustilago antherarum (Castration parasitaire du Lychnis dioïca par T), par le Prof. A. Giard . ' 478 TJtricularia montana (Sur les tiges souterraines de F), par M. M. Hovelacque . 119 V Vaccin anticholérique (Le), par G. Percheron . 348 Véhicules du Milde^v (Les), par M. ChavÉe-Leroy . 280 Vignes en 1888 (Le Peronospora ou la Brûlure des), par M. Chavée-Leroy . 473 Vignobles (Etat des), juillet 1888, par M. Chavée-Leroy . 350 JOURNAL DE MICROGRAPPIIE 539 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS A Amann. — Métliodes de préparations microscopiques pour l’étude des Muscinées . 527 • Bases (V.). — Sur l’Hémoglobinurie bactérienne du Bœuf. . . . 448 Balbiani (Prof. G.). — Evolution des Micro-organismes ani¬ maux et végétaux parasites. — Leçons faites au Collège de France, sténographiées par le D*’ J. Pelletan . 11,40 134, 173, 205, 235, 266, 303, 394, 421, 453, 517. Baumgarten. — Méthode de triple coloration . . . 415 Berthier (A). — L’élevage du choléra . 386 Billet (A.). — Sur le cycle évolutif d’une nouvelle Bactériacée chromogène . 353 — Sur le cycle évolutif et les variations morpho¬ logiques d’une nouvelle Bactériacée marine (Bact. Laminariæ) . 122 Briosi (G.) et Cavara (F.). — Les Champignons parasites des plantes cultivées. — Notice . 450 G Capranica (Stefano). — Microphotographie instantanée . 227 Cavara (F.) et Briosi (G.). — Les Champignons parasites des plantes cultivées., — Notice . 450 Chavée-Leroy. — Commission supérieure du Phylloxéra (La), 152 — Consultation sur la maladie des Vins de Ghàteau-Laffite en 1884 . 28 — Etat des Vignobles en juillet 1888 . 350 — La Question phylloxérique à la Chambre des députés. . . • 218 — Le Feronospora ou hrùlui*e des vignes en 1888 . 473 — Les véhicules du Mildevv . 280 — Sur la maladie des Vins de Chàtcau-Laflitte. 57 Chatin (D’’ J.). — Des diverses Anguillules qui peuvent s’ob¬ server dans les maladies vermineuses de l’Oignon . 290 CiAccio (Prof. C.-V.). — La Terminaison des nerfs dans les plaques électriques de la Torpille . 433 540 JOURNAL DE MICROGRAPHIE D ('• Delamotte. — Explication de l’immunité naturelle et de l’im¬ munité vaccinale . 183 Duval (Prof. Mathias). — Le Collodion dans Ja Technique de de l’Embryologie . 197 ’ — Le Troisième œil des Vertébrés. — Leçons recueillies par M. P. -G. Mahoudeau . 200,273 308, 336, 368, 40 J, 429, 459, 500, 523. E Errera (Léo). — La Micrographie à l’Exposition de Wies- bade . 61 , 93 Eternod (Prof. A.). — Lois mathématiques régissant la distri¬ bution des prismes de l’Email . 87 F t Fol (Prof. Hermann). — Structure anatomique des muscles des Mollusques. .... .^ . . . 91 G Gallemaerts (DUE.). . — De l’absorption du Bacülus subtüis par les globules blancs . ' . • 51 Grard (Prof. A.). — Castration parasitaire du Lychnis dioïca par VUstüago antherarum . 478 — Sur les Nephromyces parasites du rein des Mollusques . 323 Greenwood. — La digestion chez les Rhizopodes . 60 H Héricourt (J.) et Richet (Ch.). — Sur un microbe pyogène et septique (Staphylococcus pyosepticus) . 429 Houzeau (J -G.).' — Microscope et Télescope . 79, 116 Hovelacque (M.). — Sur les tiges souterraines de VUtricu- laria montana . 120 K Kunstler (J.). — Criiiatelld Muced'o . '. . . 73 — Un Foraminifére nouveau . 189 ^ » L » 1 ». * Lemoine (Prof. V.). — L’anatomie du Phylloxéra ailé . 282 — Sur le cerveau du Phylloxéra . 150 JOURNAL DE 'MICROGRAPHIE 541 ^ ^ ■■ . . — - - - - - ' -- . . ' ' . .. <*■ ’i . 4 M ' ' Maurel (D*’ E.). — Étiologie du paludisme . . . . . 124, 154 Mazarelli (G. F.). — Influence du mâle sur la production de quelques anomalies ou monstruosités . 380 ‘ Meunier (Victor). — Dans le bleu . 383 Mohl (D’’ J.-W.). — Application de la méthode d’inclusion dans la parafine à la botanique . . 111, 144 Pelletan (D’’ J.). — A nos lecteurs . . . 1 — Bibliographie. — Notices sur ; — Catalogue des plantes de France, de Suisse et de Belgique, par M. E.-G. Camus . 194 — Diatomées de Luchon et des Pyrénées- Orientales, par M. E. Belloc . 96 — Die Diatomaceen der Polÿcystinen- kreide von Jeremie in Haïti, par MM. A. Truan y Luard et O. Witt. . 162 — Les Diatomées, Hist. nai., prépara¬ tion , classification et description des principales espèces, par le D’' J. Pelletan. — Notice . 419 — Les genres de Diatomées connues. — Préparation par M. Tempère. — No¬ tice . 226 — Matériaux pour servir à l’étude de ' la Faune des Açores par le D*" T. Bar- rois. — Notice . 323 I — Mission scientifique du Cap Horn — Dia- tomacées, par M. P. Petit. — Notice. . 354 — Distribuzione e rinnovamento del pa- renchima ovarico, par le prof. G. Paladino.. . 223 — Les Diatomées . 191 — , Revue . 97,130 229, 263, 295, 325, 357, 485. Peragallo (h.). Liste des Diatomées françaises . 409, 441, 480 Percheron (G.). — La Prophylaxie de la rage . 318 — Le Vaccin anti-cholérique . 348 Peter (Prof. M.). — Microbes et Alcaloïdes . 465 PiLLiET (A). — Coloration des tissus à l’état vivant . 285 542 JOURNAL DE MICROGRAPHIE R Ranvier (Prof. L.). — Le mécanisme de la Sécrétion. — Le¬ çons faites au Collèî^e de France en •, 1887 et sténographiées par le D'’ J. Pelletan . 3, 33 65, 104, 163, 212. 243, 298,329, 364, 389 — Les Eléments et les Tissus du Système conjonctif. — Leçon faite au Col¬ lège de France en 1888 et sténogra¬ phiée par le D’’ J. Pelletan . 491 — Sur les tissus veineux des ganglions lymphatiques . 148 Rayaz (L.) et ViALA (P.). — Recherches expérimentales sur les maladies de la Vigne . 284 Richet (Ch.) et Héricourt (J.). — Sur un microbe pyogène et septique (Staphylococcus pyosepticus) . 429 Sacchi (D*^ Maria). — Sur les Protistes des Mousses et leur en- kystement . 340, 376, 405 Stores (D*" A.-C.). — Observation sur les Chœionotus et les Dasydytes . . . 19, 49 Smith (Prof. H— L.). — Contribution à l’Histoire naturelle des Diatomacées . . 22, 507 \ * \ V Van Heurck (D'' H.). — Les Apochromatiques jugés en Amé- ri(|ue . 438 — Microscope continental ou microscope d’étudiant de MM. Watson et fils. . . 312 VlALA (P-) et Ravaz (L.). — Recherches expérimentales sur les maladies de la Vigne . 284 Vignes (D’’ A. fils). — Lettre sur l’Elixir Eusthénique . 90 VoiTELLiER. — Le choléra des Poules et des Lapins . 119 VuiLLEMiN (P.). — Sur une bactériocécidie ou tumeur bacillaire du Pin d’Alep . 514 W Ward (D*" R. -H.). — Montage instantanée dans le milieu de gomme et glycérine de Farrànt . . 259 WÈVRE (A. de). — Localisation de l’Atropine dans la Belladone. 31 JOURNAL DE MICROGRAPHIE 443 1 TABLE DES FIGURES LE TROISIÈME OEIL DES VERTÉBRÉS 5'ures l. — Schéma des trois vésicules cérébrales primi¬ tives . 277 — 2. — Les deux hémisphères cérébraux tendant à recouvrir la vésicule des couches optiques et la glande pinéale . 278 — 3. — Schéma de la formation du corps calleux, du trigone et de la toile choroïdienne . 27h — 4. — Plaques squameuses de la tête du Lézard pi¬ queté et du Lézard pommelé^ d’après H. Milne Edwards . 337 — 5. — OEil pinèal du Calotes, d’après B. Spencer.. . . 358 — 6. — Coupe du crâne à travers l’œil pinéal du Seps Chalcidica . 338 — 7. — Le cerveau de \ lîatteria punctala, d’après B. Spencer . 339 — 8. — Ensemble de la formation pinéale de VHatteria, d’après B. Spencer . 340 — 9. — Coupe de l’œil pinéal de XLLatteria, (B. Sp.). 369 — 10. — Structure de la rétine pinéale de X lîatteria, (B. Sp.) . 369 — 11. — Partie centrale de cette même rétine . 370 — 12. — Schéma de l’œil humain (coupe antéro-posté¬ rieure) . 371 — 13. — OEil de X Amw.ocœtes . 371 — 14. — Schéma de la rétine humaine . 372 — 15. — Partie antérieure du corps du Poulet au 3®jour. 373 — 16. — Coupe de la tète et du cou d’un embryon hu¬ main long de 4 millim., d’après His . 374 — 17. — Formation de la vésicule oculaire secondaire.. . 375 — 18. — Première phase du développenient de Pœil d’un Céphalopode . 401 — 19. — Deuxième phase du même . 402 — 20. — Vésicule secondaire (Poulet au 3® jour) . 403 — 21. — Troisième phase de développement d’un œil de Céphalopode . 403 — 22. — OEil pinéal du Caméléon . 459 — 23. — OEil pinéal du Cyclodus gigas (B. Sp.) . 460 — 24. — OEil pinéal àQXOvwQi (Anguis fragilis) . 460 — 25. — Crâne du d’après Wiedersheim. 463 JOURNAL DE MICROGRAPHIE LE MICROSCOPE ANGLO-CONTINENTAL DE MM. WATSON ET FILS Figures 1. — Microscope anglo-continental de MM. Watson et fils . 31-6 — 2. — Appareil micropliotographique de MM. Watson et fils . 317 ÉVOLUTION DES MICRO-ORGANISMES ANIMAUX ET VÉGÉTAUX PARASITES Figures 1. — Trichomonas vaginalis, d’après M. J. Kuns- ter . 454 — 2. — Trichomonas B atrachorum, à' .. . 455 — 3. — Hexamitns inflatus, 455 — 4. — Lophomonas Blattarum, Stein . 521 - ' J CONTRIRUTION A L’HISTOIRE NATURELLE DES DIATOMÉES Figures 1. — Fragment de valve du major . 509 — 2. — Navicula viridis^ Synedra ulna, Coscino- discus patina . 510 — 3. — Cymhella Ehrenbergii . 510 544 TABLE DES PLANCHES Planches 1. — Dasydytes saltitans A. E. St. — 2. — Leucocvtes dévorant un Bacille