\>m ■ a v'v &. &H S* [* ■/..; **■*>&' ***« *• *<*<'.'/ vt^*ï' IwfS % % b». LA CELLULE LA CELLULE RECUEIL DE CYTOLOGIE ET D'HISTOLOGIE GÉNÉRALE PUBLIE PAR t. b. carnoy, professeur de biologie cellulaire, g. gilson, professeur d'embryologie, t. denys, professeur d'anatomie pathologique, a l'Université catholique de Louvain. AVEC LA COLLABORATION DE LEURS ÉLÈVES ET DES SAVANTS ÉTRANGERS. TOME V ir FASCICULE. I. Les glandes odorifères du Blaps mortisaga et de quelques autres espèces, par G. GILSON. II. Division et dégénérescence des cellules géantes de la moelle des os, par H. DEMARBAIX. III. Etude bactériologique sur les péritonites par perforation, par le Dr L. LARUELLE. IV. Nouvelles recherches sur la constitution cellulaire de la fibre nerveuse, par L. GEDOELST. V. Quelques remarques à propos du dernier travail d'Arnold sur la fragmentation indirecte, par le D' J. DENYS. VI. L'Axe organique du noyau, par A VAN GEHUCHTEN. VII Un nouveau cas de purpura avec diminution considérable des plaquettes, par le D' J. DENYS. LOUVAIN GAND Aug. PEETERS, Libraire, H. ENGELCKE, Libraire, rue de Namur, 11. rue de la Calandre, i3. LIERRE Typ. de JOSEPH VAN IN & Ci0, rue Droite, 48. 1889 liSX LES GLANDES ODORIFERES DU BLAPS MORTISAGA et de quelques autres espèces PAR G. GILSON PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN {Mémoire déposé le 3o juin 1888J INTRODUCTION. On connaît aujourd'hui chez les insectes et chez certains crustacés des cellules glandulaires munies d'un canal excréteur propre. Ces remarquables éléments désignés parfois sous le nom de glandes unicellulaires, furent décrits pour la première fois, pensons-nous, en iS5q, par Leydig (i), le savant naturaliste dont les recherches comparées ont valu à la science tant d'intéressantes découvertes. Après lui de nombreux auteurs, et surtout Claus (2), Forel (3), Nussbaum (4) et Schiemenz (5) signalèrent et décrivirent soit ex professo , soitcursivement, dans leurs travaux zootomiques, des éléments du même genre dans une foule d'espèces. On les a retrouvés en différents points de l'organisme. Chez les insectes ils existent dans certaines glandes buccales et certaines annexes de l'ap- pareil génital ; mais c'est surtout à la face interne de l'enveloppe cuticulaire que leur présence est fréquente dans cette classe. Les glandes cutanées des insectes constituent le type classique de ces singulières cellules; on les y trouve le plus souvent isolées, parfois groupées. Nous avons institué sur ces éléments quelques recherches dans une espèce de coléoptère où personne, à notre connaissance, ne les a étudiés jusqu'à présent, le Blaps mortisaga. Ces recherches nous ont révélé dans ces cellules diverses particularités de structure et de disposition qui n'ont pas encore été signalées. Mais ce qui nous engage surtout à en publier les résultats, c'est notre désir d'établir plus exactement qu'on ne l'a fait jusqu'ici les rapports du canal excréteur avec le cytoplasme, et de préciser la signification cytologique des curieuses (1) Leydig : Zur Anatumie der Insekten ; Muller's Archiv. i85q » Ueber Argulus foliaceus; Zeitschr. f wiss. Zool. i85o. » Altes und Neues ûber Zellen und gewebe; Zoologischer Anzeiger, 14 mai 1888. (2) C. Claus : Ueber die Entwickelung. Organisation und systematische Stellung der Arguliden; Zeitsch. f. wiss Zool., 1875. (3) A. Forel : Der Giftapparat und die Analdrûsen der Ameisen ; Zeitsch. f. wiss. Zool , XXX. suppl. ' (4) M. Nussbaum : Ueber den Bau und die Thàtigkeit der Driisen; IV Mittheilung. Arch. f. mil;. Anat., 21. Bd. (5) Schiemenz : Ueber das Herkommen der Futtersaftes und die Speicheldrusen der Biene, etc.: Zeitsch. f. wiss. Zool. XXXVIII Bd. i883. j G. GILSON productions qui font de ces cellules des cléments si hautement différentiés pour la sécrétion. L'étude de ces deux questions nous a amené à chercher dans d'autres espèces des termes de comparaison et à figurer trois cellules de même nature prises dans le Carabus catenulatus. Le Blaps mortisaga est une espèce extrêmement favorable à l'étude des cellules à canal interne : tant à cause de la grandeur et de la beauté qu'elles y présentent que de la facilité avec laquelle on peut les extraire de l'animal sans les altérer. En effet, on y trouve les cellules à canal interne non point répandues isolément sous la cuticule, disposition fré- quente qui en rend la préparation difficile, mais groupées au contraire de manière à constituer deux organes très volumineux, bien limités et faciles à dégager. Ces organes sont des glandes, mais, comme on le verra, des glandes d'une structure toute particulière. STRUCTURE ET CONTENU DE CES GLANDES. On est surpris en disséquant ce coléoptère de rencontrer dans la région postérieure de l'abdomen deux corps cylindriques, disposés sur les côtés de la portion terminale du tube digestif. Ces deux corps s'unissent sur la ligne médiane ventrale, en dessous du système génital, où elles constituent un tube unique très court à paroi chitineuse, qui rejoint rapidement la cuticule du dernier anneau abdominal. Leur développement est très variable; en longueur on les voit osciller entre 2 et 5 millimètres. Leur coloration varie du blanc pur au jaune orange, fig. 1. Ces organes méritent le nom d'appareil odorifère. Ils produisent la substance qui donne à ces insectes leur odeur si intense et si caractéristique; il est facile de s'en assurer par l'examen du contenu des deux sacs. Un faible système grossissant, — tel que l'objectif A de Zeiss, avec l'oculaire 2, ou même une forte loupe-- est suffisant pour l'étude anatomique de ces organes. Ils constituent deux sacs ou invaginations cuticulaires, à paroi trans- parente, sur lesquels s'insèrent un grand nombre de lobes d'un blanc mat, fig. 1. Ces lobes affectent des formes diverses : les uns sont de simples boutons très courts, les autres sont des cordons plus allongés; beaucoup sont divisés en plusieurs lobes secondaires. Ce sont eux qui donnent à l'organe l'aspect villeux qu'on reconnaît déjà à l'œil nu. Nous avons dit que le volume des sacs est variable; en effet il est en rapport avec la quantité de substance qui s'y trouve accumulée. Vides et rétractés, ils ont à peine 2 millimètres de longueur; remplis et dilatés par le LES GLANDES ODORIFERES 5 produit de la sécrétion des lobes blancs, ils peuvent atteindre 5 millimètres. Nous reçûmes un jour une vingtaine de Blaps capturés dans le réservoir à son d'un moulin. Ils étaient presque sans vie et se mouvaient avec une extrême lenteur. Nous les élevâmes en les maintenant dans une atmosphère humide, et en les nourissant de pain et de sucre. Ils devinrent extrêmement vifs et alertes comme des carabes. Au moment de leur capture leurs glandes odorifères étaient fort peu développées; les réservoirs étaient vides et l'organe entier revêtait lacouleur blanche et mate des lobes eux-mêmes. Après quinze jours de nouriture abondante, les deux glandes atteignaient 5 millimètres et présentaient une couleur jaune-orange. Si on agace l'ani- mal en cet état, on voit poindre à l'extrémité de l'abdomen, sous le rebord des élytres, une goutte d'un liquide huileux, qui est parfois projetée à distance; mais ordinairement elle s'étale rapidement à la surface de l'abdo- men, et remonte même au-dessus des élytres de manière à enduire tout le corps. En même temps l'odeur caractéristique se manifeste avec intensité. Ces glandes cutanées réunies en organes paraissent donc fournir aux Blaps un moyen de défense, comme les glandes anales des carabiques, organes qui sont d'une toute autre nature. Les Blaps mortisaga que nous avons capturés en Italie nous ont tou- jours présenté des glandes odorifères beaucoup moins développées que les individus pris en Belgique. Le contenu jaune des glandes des Blaps est ordinairement de con- sistance pâteuse. Examinée au microscope cette pâte se montre formée d'une infinité d'aiguilles cristallines d'un jaune ambré, libres ou réunies en faisceaux et baignées dans une huile incolore, fig. 2. Souvent ce contenu est divisé en plusieurs masses solides, de forme lenticulaire, superposées dans les sacs. Ces lentilles présentent la même constitution que la pâte; l'huile y est seulement moins abondante. Si on écrase cette pâte sur un porte-objets, l'odeur caractéristique se répand immédiatement. Les gouttelettes recueillies sur l'abdomen à l'aide d'un porte-objets, pendant la vie de l'animal, sont formées d'huile incolore charriant un assez grand nombre de cristaux jaunes. Telle est la glande dans son ensemble. STRUCTURE DES LOBES. L'étude des lobes sécréteurs est plus délicate; elle exige de l'attention et nécessite les mêmes précautions que celle des éléments cellulaires qui les 6 G. GILSON constituent. C'est pourquoi nous exposerons ici les principaux modes de préparation que nous avons adoptés. i° Méthode. Nous avons employé la méthode des coupes minces et celle de la disso- ciation sur porte-objets. L'action des agents dissolvants nous a servi aussi dans l'étude de certains détails. Coupes. Tous les agents fixateurs sont loin de convenir à notre objet : la liqueur de Kleinenberg, l'acide picro-nitrique, les acides nitrique et chromique et, en général, toutes les solutions acides nous ont donné de fort mauvais résul- tats; ces réactifs produisent tous le gonflement des cellules et, par suite, des altérations profondes du protoplasme et des formations spéciales qu'il contient. Le bichlorure de mercure, au contraire, donne de bonnes préparations. Nous avons fait usage d'une solution aqueuse à 5 0/0. Après dix minutes d'action nous lavons à l'alcool au tiers, puis nous faisons passer l'objet par une série de cinq alcools de plus en plus concentrés, en le laissant dix mi- nutes dans chacun d'entre eux; enfin nous enrobons à la paraffine. Nous avons trouvé préférable de ne colorer l'objet qu'après la confection des coupes sur le porte-objets. Les colorants les plus divers nous ont servi soit isolés, soit combinés. Les meilleurs résultats nous ont été fournis par l'action successive de la fuchsine acide et du vert de méthyle. Après avoir appliqué la fuchsine acide en solution aqueuse très diluée, on lave, puis on dépose sur les coupes une goutte de solution glycérinée (1) additionnée d'un peu de vert de méthyle; on place le couvre-objets et on lute immédiatement. Après quelques heures, ou plus tôt, si l'opération est bien conduite, l'élément nucléinien des noyaux a pris une coloration verte; le protoplasme est gris ardoisé et la vésicule radiée, dont nous parlerons plus loin, est rouge. On obtient facilement des résultats semblables à l'aide d'autres pro- cédés de coloration multiple, mais il est inutile de les décrire. (0 Voici la formule de cette solution : Eau distillée ..... 5o gr. Glycérine 5o gr. Benzoate de soude . . . 20 ctgr. Acide acétique 10 gr. Voir G. Gilson : Etude comparée de la spermatogénèse chez les arthropodes; /. t Cellule, t. II. Ir fascicule, y> 87. LES GLANDES ODORIFERES 7 Ce traitement fournit des préparations de démonstration très stables, utiles pour l'examen de certains détails, mais insuffisantes cependant pour l'étude fine et complète de la structure compliquée de ces cellules. Dissociation. L'organe est extirpé à l'air libre, et non dans une cuvette à dissection. On le dilacère aussitôt dans une très petite goutte de vert de méthyle en solution aqueuse acide, puis on l'expose aux vapeurs d'acide osmi que pendant une demi-minute environ. Il est ensuite immergé dans une solution conservatrice possédant un indice de réfraction un peu plus élevé que la solution de Ripart et Petit, et dont voici la formule : Eau distillée ... 90 gr. Glycérine . . . . 10 gr. Benzoate de soude . . 20 ctgr. Acide acétique glacial . . 20 ctgr. Nous ajoutons parfois une goutte de safranine ou de fuchsine acide. Il nous est arrivé d'obtenir de bons résultats en appliquant l'acide picrique. Après avoir enlevé par un lavage avec une solution osmique très faible, le vert de méthyle dans lequel s'est faite la dissociation, on dépose sur l'objet une goutte d'une solution aqueuse d'acide picrique. Enfin après un nouveau lavage on ajoute la liqueur conservatrice mêlée d'un peu de vert de méthyle. L'alcool au tiers ne nous a été d'aucune utilité. Quant aux sérums, ils produisent sur les cellules des altérations dont on peut parfois tirer parti; nous en parlerons à l'occasion. Agents dissolvants. Nous avons appliqué surtout la potasse à 2 0/0 pendant 24 heures, à la température ordinaire, dans le but d'enlever l'enchylème et de faire ap- paraître le réticulum plasmatique. L'ammoniaque nous a aussi servi dans le même but. 2° Description . Notre fig. 3 représente un des lobes de l'appareil odorifère. Il en est de plus compliqués et de plus ramifiés, car on les voit parfois s'anastomoser par leurs branches. g G. GILSON Les volumineuses cellules qui constituent ce lobe sont disposées en épithélium à la surface interne d'un tube à parois hyalines. Elles sont très volumineuses et, sur le vivant, ou sur des coupes bien fixées, on reconnaît qu'elles laissent entre elles dans l'axe du tube une lumière fort étroite. Dans le lobe qui est figuré en coupe optiquelongitudinale, fig. 3, cet espace central avait subi une dilatation notable, due à l'action de l'acide acétique dilué mêlé d'acide osmique, de sorte que les cellules y sont beaucoup plus dis- tantes les unes des autres que pendant la vie de l'animal. C'est précisément grâce à cette altération qu'un faible système grossissant peut nous révéler les faits suivants : chacune des cellules est munie d'un tube; ce tube au moment où il sort du cytoplasme parait gros et plus ou moins pelotonné sur lui-même, mais bientôt il s'amincit et passe à l'état de filament canaliculé à paroi mince et élastique. Le canal mince se poursuit jusqu'au bas du lobe où il rencontre la paroi cuticulaire du réservoir, dans lequel il s'ouvre par un pore étroit. Ainsi, chaque cellule possède un canal qui la met en communi- cation directe avec l'extérieur. N'était cette particularité remarquable, les lobes seraient tout simplement des tubes épithéliaux analogues à n'importe quels récessus glandulaires, aux glandes de Brunner, par exemple. Mais la communication directe des cellules avec la surface extérieure en fait des organes tout différents. En effet, le point d'attache des tubes à la cuti- cule représente sans doute le point de fixation primitif du corps de la cellule à cette membrane. Quand est survenu, pendant le développement, l'allonge- ment des tubes, ces points de fixation n'ont pas varié dans leur position; il n'y a donc pas eu d'invagination proprement dite, et la cavité que limitent ces cellules n'est pas un véritable récessus glandulaire. Ajoutons que, physio- logiquement parlant, ce ne sont pas des glandes tubuleuses : le liquide hyalin et peu abondant qui s'y trouve paraît n'être que du plasma ordinaire baignant les tubes excréteurs, ainsi qu'il est indiqué dans la coupe trans- versale représentée dans la fig. 5. Notons qu'on voit parfois des cellules séparées, situées hors du tube, qui se relient aux lobes par un pédicule plus on moins long; elles ont la même structure que les autres. Le lobe, représenté dans la fig. 3, en porte deux. Schiemenz (î) assigne une structure semblable aux lobules du sys- tème I des glandes buccales de l'abeille. Nous avons contrôlé cette obser- vation et nous l'avons trouvée exacte. Leydig (2) décrit aussi une disposition (1) Schiemevz : Loc. cit., Pl. V, fig. 8, ac 4. (2) Leydig : Loc. cit. LES GLANDES ODORIFERES 9 analogue dans les glandes anales de YAcilius et du Dytiscus, ainsi que dans ' la glande venimeuse de plusieurs hyménoptères. STRUCTURE DES CELLULES. Connaissant dans ses grands traits la structure de l'appareil odorifère, nous pouvons à présent entamer la description des cellules qui en consti- tuent les lobes sécréteurs. Ces cellules présentent des particularités étranges, insolites, qui sautent aux yeux de l'observateur et sur lesquelles nous allons tout d'abord attirer l'at- tention de nos lecteurs, pour les étudier ensuite chacune en particulier et plus en détail. Pour éviter toute description abstraite, analysons notre fig. 8. Cette figure fournit un bel exemple de cellule à canal, obtenue par la dissociation de l'organe dans une goutte de vert de méthyle osmiqué. Elle a été dessinée sous un fort grossissement, à l'aide de l'objectif apo- chromatique à immersion homogène et de l'oculaire 8 de Zeiss. Ce qui frappe tout d'abord en elle, c'est une volumineuse vésicule, plus claire que le protoplasme, et dont le contenu présente une disposition radiée. Au cen- tre on remarque une ampoule qui se continue avec un tube mince, lequel se dirige vers l'extérieur en cheminant à travers le cytoplasme. Bientôt ce tube s'engage dans un étui transparent qui décrit une anse et va en s'amin- cissant au point de rejoindre finalement le tube interne et de disparaître en s'y accolant. Le protoplasme, le noyau et la membrane de cette cellule ne présentent rien de spécial. Le protoplasme est ordinairement très dense, granuleux, opaque, fig. 6, 7 et 8. D'autres fois, pourtant, il est plus clair et plus aqueux; on y distin- gue alors un réticulum parfaitement organisé et dont les trabécules les plus puissantes affectent une disposition radiale. Ce réticulum existe d'ailleurs dans toutes les cellules, même dans celles qui paraissent homogènes; en effet on peut l'y faire apparaître à l'aide de diverses manipulations, spécia- lement en traitant la cellule par une solution alcaline qu'on enlève ensuite par l'eau acidulée d'acide acétique. On y observe alors la même disposition radiée qui, du reste, est si fréquente dans les cellules. La simple application du sérum amniotique, iodé ou non, produit souvent le même effet, surtout lorsqu'on prolonge son action quelque temps et qu'on l'arrête ensuite par une goutte d'alcool au 1/3, fig. 4. 171 lO G. GILSON Un mot seulement au sujet de la radiation des trabécules du réticulum. Cette radiation n'a pas exclusivement pour centre le noyau, ainsi qu'on l'observe dans la plupart des autres cellules. Elle part, au contraire, à la fois de la vésicule et du noyau, mais surtout de la vésicule. Les trabécules les plus voisines du noyau prennent seules cet élément pour centre d'irradiation. Cette remarque peut avoir son importance au point de vue cytologique général. Notons encore la présence dans le cytoplasme d'un certain nombre de corpuscules allongés qu'on y observe presque toujours, en nombre variable. Ce sont sans doute des enclaves d'une nature spéciale ; elles fixent le vert de méthyle plus intensément que ne le font d'habitude les productions de ce genre. Cette propriété jointe à leur forme les fait ressembler à des bâtonnets nucléiniens, fig. 6, 8, 12, 13, 14. Le noyau contient un élément nucléinien plus ou moins fragmenté. La membrane est fort nette et assez résistante; elle parait se fusionner avec celle de la gaine du canal. Étudions maintenant, chacune en particulier, les quatre parties qui cons- tituent l'appareil éliminateur de la cellule odorifère : la vésicule radiée, Y ampoule centrale, le tube et sa gaine. A. La vésicule radiée. ■ Cette production est l'organe terminal de l'appareil sécréteur des cel- lules odorifères. C'est elle qui produit ou qui extrait la substance odorante. Nous avons dit qu'elle est beaucoup plus claire que le protoplasme qui l'entoure. Il s'en faut cependant que ce soit une simple vacuole. Son contenu, même à l'état vivant, présente une apparence radiée. Elle contient en effet un grand nombre de filaments rectilignes qui se fixent d'une part à la paroi vésiculaire, et de l'autre à la paroi de l'ampoule centrale. Ils ne marchent point exactement vers le centre de la sphère ; leur direction varie suivant le point de l'ampoule auquel ils se fixent. Ces filaments sont de nature plastinienne, comme les trabécules du réticulum ordinaire, mais ils sont plus résistants, plus réfractaires aux agents dissolvants que le réticulum délicat du cytoplasme des mêmes cellules. Traitées par la potasse à 2 o/o ou, mieux encore, soumises à l'action d'un extrait de muqueuse stomacale de porc pendant plusieurs jours, puis lavées à l'eau légèrement osmiquée, les cellules présentent souvent l'aspect rendu par la fig. 9. Dans le cytoplasme le réticulum est très dégagé, même partiellement détruit, et présente de LES GLANDES ODORIFERES 1 1 larges mailles. Les rayons de la vésicule au contraire ne sont pas attaqués; ils y sont aussi nombreux qu'avant, mais ils deviennent plus distincts, la digestion ayant moins de prise sur eux. Ces filaments s'aperçoivent aisément, quel que soit le mode de prépara- tion que l'on adopte; néanmoins c'est sur les cellules dissociées et fixées par les vapeurs d'acide osmique, suivant la méthode indiquée ci-dessus, qu'on les observe le plus facilement. Ils sont très distincts encore après la fixation au bichlorure de mercure et la confection des coupes à la paraffine; mais cette méthode y produit souvent de notables altérations. Ainsi, par exemple, il arrive très souvent que les filaments rayonnes ne se rattachent plus à l'ampoule centrale; témoins la fig. 10 et les diverses cellules de la fig. 5. Il existe alors un vide entre l'ampoule et la couche périphérique du contenu, qui seule montre encore des rayons. Nous pensons que cette altération est due à l'action violente des réactifs coagulants, sans refuser d'admettre cependant qu'elle puisse se produire pendant la vie des cellules. Mais il est certain que c'est une altération, car, à l'état normal, les filaments s'insèrent sur l'ampoule. Le liquide qui remplit la vésicule et en baigne les rayons est plus réfrin- gent que l'eau; c'est une solution, apparemment concentrée, de substances albuminoïdes et autres; peut-être n'est-il que le liquide enchylématique lui-même débarrassé de ses granules. La chaleur, l'alcool, le bichlorure de mercurele coagulent, et c'est ce phénomène qui entraîne souvent la rupture des rayons. Assez souvent ce liquide contient de fins granules qui sont toujours ac- cumulés vers le centre, au voisinage de l'ampoule, fig. 8. Ils dérobent cette dernière à la vue, quand l'objet n'est pas exactement au foyer de l'objectif. Il nous reste à parler de la membrane qui limite la vésicule et la sépare- du cytoplasme. Elle est assez épaisse et plus résistante encore que les rayons à l'action des agents digesteurs. Elle présente l'aspect de la plupart des membranes nucléaires ordinaires. En coupe optique, elle n'est pas complètement ho- mogène, mais elle est formée d'une série de points brillants alternant avec des portions moins réfringentes et plus minces, ainsi qu'on le voit sur nos figures. La gravure ne rend jamais cette structure de manière à satisfaire l'œil de l'observateur. Les préparations digérées par les bases sont parti- culièrement favorables à l'observation de ces détails, fig. 9. Nous avons cherché à établir exactement les rapports de la vésicule radiée avec le cytoplasme. Ces rapports ne sont point faciles à constater de 12 G. GILSON visu; ils sont rarement évidents sur les cellules simplement fixées par l'acide osmique ou le bichlorure de mercure. Cependant ces traitements permettent de les vérifier sur certaines cellules : celles dont le cytoplasme parait plus clair, plus aqueux et semble avoir subi pendant la vie des phénomènes d'autodigestion. Mais la rencontre de ces éléments est assez rare, comme nous l'avons dit plus haut; c'est pourquoi nous avons soumis les cellules à l'action de divers liquides, qui produisent dans le cytoplasme des altérations dont on peut tirer profit. Tels sont l'eau additionnée d'une trace d'acide osmique, la liqueur de Kleinenberg et le sérum amniotique. Ces liquides ont pour effet d'introduire de l'eau dans le cytoplasme et de le gonfler fortement. Ce résultat est surtout marqué après l'action du sérum; ce qui prouve que c'est bien souvent à tort qu'on lui attribue les qualités d'un liquide indifférent. La fig. 4 représente une cellule qui avait séjourné dans le sérum amniotique de vache, pendant environ une heure, et qui avait été lavée ensuite à l'alcool au 1/3. Les cellules digérées par la potasse à 2 0/0 nous ont également servi dans cette recherche. De nombreuses expériences de ce genre nous ont démontré d'une ma- nière positive que la vésicule radiée n'est point libre dans le cytoplasme, comme le serait un corps solide flottant au sein d'un liquide. Elle présente au contraire des adhérences très solides avec le réticulum plasmatique dont les trabécules radiales s'insèrent à sa membrane. Il y a plus; ces trabécules ne font pas que s'insérer sur la membrane de la vésicule, elles la traversent et se continuent avec les rayons internes. Ceux-ci ne sont donc que les tra- bécules radiales du cytoplasme, qui, fortifiées et régularisées, se poursuivent à travers la membrane de la vésicule jusqu'à la paroi de l'ampoule centrale. Ces rapports sont très distincts dans nos fig. 4 et 9, bien que le graveur les ait indiqués moins nettement qu'ils ne l'étaient sur nos dessins. On les y con- state surtout sur certaines trabécules qui se distinguent de leurs voisines par une épaisseur notable. Ces faits nous paraissent indubitables ; ils sont en parfait accord avec l'existence générale du réticulum plasmatique; ou plutôt ils en sont une nouvelle confirmation. B. L'ampoule centrale. Cette portion de la cellule n'est qu'une dilatation piriforme de l'extré- mité interne du canal. Elle se voit bien sur les cellules fixées par les vapeurs LES GLANDES ODORIFERES 1 3 osmiques; les coupes à la paraffine ne sont pas favorables à son étude. C'est sur les préparations fixées légèrement par l'acide osmique, puis traitées par la potasse diluée ou l'ammoniaque que l'on distingue le mieux la struc- ture de sa membrane. Ces bases dissolvent en effet une grande partie des granules qui l'entourent ordinairement et la font apparaître avec netteté. On constate alors qu'elle présente l'aspect de la membrane de la vésicule radiée elle-même; comme celle-ci, elle semble formée de points juxtaposés qui, souvent, sont très marqués. Les filaments radiés aboutissent à chacun de ces épaississements. Assez généralement, au lieu d'un simple point, c'est un véritable bâtonnet brillant que l'on aperçoit à l'extrémité des rayons, fig. 9. L'ensemble de ces bâtonnets constitue alors tout autour de l'ampoule une épaisse zone radiée dont le contour extérieur est parfois irrégulier, et que l'on distingue déjà, quoique moins nettement, à frais et avant l'action de la potasse. Il est très difficile de décider si ces bâtonnets sont de vrais épaississe- ments des trabécules radiales, ou bien de petites gaines d'une substance brillante, visqueuse qui en garniraient les extrémités. La potasse les amin- cit et les atténue notablement. C. Le canal excréteur. Le canal est un tube hyalin, formé d'une substance élastique très ré- fractaire aux réactifs. Ses parois sont épaisses et sa lumière très étroite. Le passage du tube à l'ampoule se fait insensiblement : le tube s'évase douce- ment; parfois cependant il est plus brusque et le col de l'ampoule porte alors un léger étranglement. Dans sa partie intravésiculaire la paroi du tube présente ordinairement la même structure que celle de l'ampoule, mais en général il perd cette structure en pénétrant dans le cytoplasme. Au sortir delà vésicule, il se comporte diversement. Tantôt il se fléchit et décrit une ou plusieurs anses; tantôt il demeure rectiligne et s'enfonce directement dans sa gaine. Sa portion nue est donc plus ou moins longue ; elle peut même ne pas exister et, alors, la gaine s'avance jusqu'à toucher la paroi vésiculaire, fig. 10. Dans la gaine sa paroi reprend souvent la struc- ture ponctuée, pour la perdre en en sortant. Le tube peut présenter accidentellement des dilatations ovalaires ; la fig. 4 présente un exemple de cette particularité. Il débouche, avons-nous dit, par un pore très mince à la surface de la cuticule, où sa paroi présente parfois un épaississement annulaire extrême- ment léger. • 14 G. GILSON D. La gaine du canal. Cette production est visible sur toute sa longueur dans la fig. 4 et sur sa plus grande partie dans la fig. 8. Comme on le voit, elle constitue un tube hyalin plus transparent encore que la vésicule radiée et moins réfringent qu'elle. Ce tube possède, comme la vésicule, des trabéculcs radiales qui relient le canal interne à sa paroi ; mais les rayons y sont plus espacés. L'étui dont nous parlons possède une membrane propre et indépen dante sur toute la portion qui est engagée dans le cytoplasme. Au moment où il sort de la cellule, sa membrane paraît se confondre avec la membrane cellulaire qui la revêt, et se soude avec elle assez intimement pour cesser d'être distincte. La gaine est d'une longueur variable et plus ou moins sinueuse. Sa portion interne, comme sa portion libre, peut s'incurver fortement, s'entortil- ler sur elle-même. D'autres fois, au contraire, elle est courte et ne subit qu'une inflexion légère; ces diverses particularités sont représentées dans nos figures. Lorsqu'elle est très peu développée, il arrive qu'elle ne sorte pas de la cellule ; alors le tube s'engage, à sa sortie de la gaine, dans un prolongement de cytoplasme non différentié. Cette variété est représentée dans la fig. 7, sur une cellule qui était extérieure au lobe glandulaire. Quand la gaine est longue et pelotonnée, on en obtient facilement des coupes transversales, qui montrent fort bien la disposition radiée des trabé- cules qui unissent la paroi au tube interne. L'extrémité interne est toujours arrondie; l'externe, nous l'avons dit, va en s'amincissant doucement jusqu'à ce que sa paroi se confonde avec celle du tube qu'elle entoure. Nous n'avons trouvé aucune trace de cette gaine dans les dessins des auteurs qui ont étudié les glandes unicellulaires. Leur a-t-elle échappé, ou bien faut-il la regarder comme une particularité spéciale à la famille des Piméliides, à laquelle appartient le Blaps mortisaga? Nous l'ignorons. Nous avons retrouvé les mêmes particularités, à part quelques légères variations, dans la Pimclia bipunctata et YAkis spicata que Mr Salvatore Lo Bianco a bien voulu nous envoyer de Naples. SIGNIFICATION DE CES PRODUCTIONS. Après avoir décrit en détail un organe ou une partie d'organe, l'anato- miste qui veut donner à ses travaux un caractère scientifique se demande LES GLANDES ODORIFÈRES 15 quelle est la valeur morphologique de cet organe. De même le cytologiste ne peut se borner à la description sèche et stérile des particularités qu'il découvre dans une cellule donnée; il doit en rechercher la signification cytologique. Qu'elle est donc la signification cytologique des quatre productions qui constituent l'appareil sécréteur des cellules à canal interne que nous venons d'étudier? Nous avons tout d'abord cherché la réponse à cette question dans les travaux de nos devanciers. Mais ces recherches sont demeurées sans résul- tats : les auteurs s'étant bornés à la description, fort incomplète d'ailleurs, de ces formations, ou s'étant exprimés en des termes trop vagues pour qu'il nous soit possible de saisir exactement leur pensée (1). Force nous est donc d'y répondre nous-mêmes en nous basant sur nos propres observations. La vésicule radiée, l'ampoule, le tube et la gaine sont des produits de la differentiation du cytoplasme. En d'autres termes, ce sont des portions du cytoplasme qui ont pris une forme et une texture particulière. Les rapports de ces parties avec le cytoplasme non différentié fourni- ront à notre thèse son principal appui. Considérons d'abord la vésicule radiée. Sa membrane, avons-nous vu, se présente, en coupe optique, comme formée de points distincts; à ces points aboutissent les trabécules radiales du cytoplasme qui se continuent avec les rayons internes et se terminent à la paroi de l'ampoule. L'enveloppe de la vésicule est donc une membrane interne plongée dans le cytoplasme et en contact avec lui par ses deux faces. Elle affecte avec le protoplasme cellulaire les mêmes rapports de continuité que les membranes nucléaires ordinaires ; celles ci, on le sait, présentent le même aspect ponctué. Or, il est bien connu aujourd'hui que les membranes nucléaires se forment au sein du cytoplasme dont elles circonscrivent une portion plus ou moins forte qui (1) Voici, par exemple, quelques-unes des expressions dont ils font usage en parlant des stries radiales que présentent les cellules glandulaires de l'argule : Feinen hellen Strossen (Nussbaum). heller Streifen in Verbindung mit der secretorischen Thàtigkeit der Zelle (Claus). das Spongioplasma welches durch seine Anordnung die hellen Strassen bedingt und begrenzt, — puis plus loin : Die Streifen, welche sich in der Abbildung bei Nussbaum in die » Strassen» herein- ziehen, hatte ich auf Anfànge cuticularer Abscheidung gedeutet, was ich jetzt nicht mehr thun mûchte; vielmehr ware anzunehmen, dass es fadiges Secret gevvezen sei, welches in der angefûhrten Zeichnung veranschaulicht erscheint. (Leydig) Ces expressions, étrangères pour la plupart au langage plus rigoureux de la cytologie actuelle, ne nous renseignent nullement sur la véritable nature de ces rayons. 10 G. GILSON devient le caryoplasme. Ce fait a été démontré il y a longtemps par Carnoy(i) dans les grandes métrocytes testiculaires du Lithobius forficatus, et, plus tard, dans les œufs de certains nématodes où des membranes sup- plémentaires viennent entourer secondairement le noyau (2). Rappelons aussi que ce savant attribue aux membranes des vacuoles ordinaire la même constitution et le même mode de formation (3). Ces rapprochements nous permettent de penser que la membrane de la vésicule s'est formée de la même manière. Il est à remarquer que les rapports de cette membrane avec le protoplasme rayonnant interne sont plus aisés à constater que ne le sont les rapports des membranes nucléaires avec le caryoplasme dans la plu- part des noyaux; c'est qu'en effet le caryoplasme est souvent très peu abondant, et rarement son réticulum se fortifie et s'oriente comme le fait le cytoplasme emprisonné dans la vésicule radiée. Cependant, dans certains noyaux, ceux des chilopodes entre autres, ses adhérences et sa continuité avec la membrane du noyau sont faciles à mettre en évidence. Ainsi la membrane de la vésicule est une lame qui se taille au sein du cytoplasme. Selon la règle de la formation des membranes, elle doit se former par une condensation du réticulum, un resserrement de ses mailles, compliqué peut-être de phénomènes ayant pour siège l'enchylème. Les points, comme ceux des membranes nucléaires et cellulaires en général, représentent les points nodaux, les entrecroisements de la lame réticulée qui, d'après les vues émises par Carnoy, constitue le squelette des mem- branes, même les plus homogènes. La membrane de la gaine paraît avoir absolument la même signification que celle de la vésicule, c'est une membrane intracytoplasmique. La gaine est donc une formation analogue à la vésicule. Il semble seulement que cet étui ait subi, en se développant, un certain gonflement, qui expliquerait à la fois la moindre réfringence de son contenu et la distance assez grande qui sépare ses rayons. Quant à la paroi du tube mince, c'est encore une production du même genre, c'est une membrane aussi. Sa texture ponctuée en certains endroits et ses rapports avec le réticulum radié delà vésicule et de la gaine le prouvent. Sa formation doit être unphénomèneanalogueà laformation de la membrane (1) Carnoy : La Cytodiérèse chez les arthropodes; La Cellule, t. I, 2e fascicule. (2) Carnoy : La Cytodiérèe de l'œuf; La Cellule, t. III, 1'' fasc. (3) Carnoy : La Cytodiérèse chez les arthropodes; La Cellule, t, II, 2« fasc. p. 232 et suivantes. LES GLANDES ODORIFERES 17 vésiculaire. Seulement la cavité que limite cette paroi, la lumière du tube, semet en communication avec l'extérieur. On peut concevoir que cettecavité soit à ses débuts une simple fente virtuelle et se dilate ensuite pour s'ouvrir au pôle terminal. La paroi de l'ampoule est évidemment de la même nature. Quelques recherches poursuivies chez d'autres insectes, dans le but de contrôler et de vérifier nos observations, fournissent un nouveau soutien à notre manière d'interpréter ces productions, et jettent encore quelque lumière sur leur genèse. Voici, par exemple, ce que nous avons observé dans les glandes unicellulaires de la gaine génitale du Carabus calenulatus. ) Ces cellules sont de deux sortes : les unes sont longues et fusiformes, les autres sont globuleuses, fig. 12, 13 et 14. Ces deux formes se trouvent entremêlées. Toutes deux possèdent un canal excréteur semblable à celui des cellules odorifères du Blaps mortisaga. Mais dans les premières ce canal est plongé tout entier dans le cytoplasme et sa terminaison n'est point garnie d'une vésicule radiée. Or, l'on voit très nettement dans ce cytoplasme des trabé- cules radiales s'insérer directement sur le tube, comme leurs analogues du Blaps s'insèrent sur l'ampoule et sur le tube après avoir traversé la mem- brane de la vésicule ou de la gaine. Notons en passant que ces cellules contiennent des c claves semblables à celles dont nous avons signalé la présence chez le Blaps, fig. 6 et 8. Mais nous devons surtout attirer l'attention sur la disposition radiale par rapport au tube axial qu'elles affectent dans la fig. 14, comme les trabécules elles-mêmes le font dans la fig. 13 ; la direction de ces bâtonnets indique une orientation sem- blable du réticulum, caché ici par les granules de l'enchylème. Dans les secondes cellules, fig. 13 et 14, les rapports du cytoplasme et du tube sont les mêmes; on le reconnaît surtout dans la queue de la cel- lule représentée fig. 13. Mais l'extrémité du tube plonge dans une vésicule radiée tout à- fait semblable à celle des cellules odorifères du Blaps. La gaine transparente et radiée n'existe pas dans ces cellules ; le tube est en rapport direct avec le cytoplasme ordinaire sur toute sa longueur, à part la portion comprise dans la vésicule. Ces deux dispositions des glandes du Carabus catemilatus et celle du Blaps mortisaga représentent très bien, nous semble-t-il, les trois stades du développement du type le plus compliqué deces cellules, qui se trouve réalisé dans cette dernière espèce. Les cellules fusiformes du Carabus catemilatus 172 t8 G. GILSON correspondent au premier stade : le tube vient de se différentiel- dans le cytoplasme, dont les trabécules radiales s'insèrent directement sur lui, sans traverser ni une vésicule ni une gaine. Les cellules globuleuses du même animal correspondent au deuxième stade : une membrane s'est édifiée tout autour de l'extrémité du tube ren- flée en ampoule; la portion des trabécules radiales qui se trouve empri- sonnée dans cette membrane s'est fortifiée et régularisée ; en d'autres mots, il s'est formé une vésicule radiée, mais pas encore de gaine. Enfin, le troi- sième terme est représenté par la cellule odorifère du Blaps mortisaga elle-même; la dernière complication est survenue : une gaine, semblable à la vésicule par sa structure, s'est constituée autour d'une certaine portion du tube excréteur. RÉSUMÉ Voici, résumés en quelques propositions, les principaux résultats de ces recherches : i° Il existe chez le Blaps mortisaga un appareil odorifère très déve- loppé qui est constitué par les cellules dites glandes unicellulaires cutanées. 2° Ces cellules sont groupées de manière à constituer des lobes ressem- blant à des tubes glandulaires, mais différents de ceux-ci par la connexion qu'établit un tube excréteur spécial entre chaque cellule et l'extérieur. 3° Chaque cellule. possède un appareil sécréteur comprenant quatre parties : une vésicule radiée, une ampoule centrale, un tube excréteur mince et une gaine du tube qui est une formation analogue à la vésicule radiée. 4° Les portions solides de ces parties sont en rapport intime de con- tinuité avec le réticulum du cytoplasme. 5° Lés rayons internes de la vésicule et de la gaine sont des tra- bécules radiales, du cytoplasmes régularisées et fortifiées; 6° La membrane de la vésicule, celles de la gaine, du tube et de l'am- poule sont des formations analogues aux membranes cellulaires et nuclé- aires, ce sont des productions du cytoplasme. Rappelons encore un fait qui est de toute évidence dans ces cellules : la radiation du réticulum n'a pas nécessairement pour centre le noyau de la cellule; des productions cytoplasmiques toutes différentes peuvent donner insertion à la plus grande partie des trabécules radiales; tels sont la vési- cule radiée, la gaine et le tube excréteur lui-même. EXPLICATION DE LA PLANCHE. FIG. 1. Appareil odorifère du Blaps mortisaga. Gross. environ 12 fois. FIG. 2. Contenir pâteux du réservoir; aiguilles jaunes charriées par une huile incolore. Gr. obj. 1/12, oc 1. FIG. 3. Un des lobes de la glande. Gr. obj. D, oc 1. FiG 4. Cellule à canal obtenue par dissociation dans le sérum amniotique et macérée dans ce liquide pendant une heure, puis fixée par l'alcool au i/3. Gr. obj. apoc. imm. homog. oc 8. FIG. 5. Coupe transversale d'un lobe fixé par le bichlorure de mercure et en- robé à la paraffine. La lumière du tube contient des tronçons des tubes appartenant aux cellules situées plus haut que la coupe. On y voit aussi des sections de la gaine appartenant aux cellules intéressées dans la coupe. Gr. obj. apoc. imm. homog. oc 8. FIG. 6. Deux cellules ayant subi le même traitement que la coupe précédente. Coupe transversale du lobe. L'inférieure contenait une gaine très longue qui s'est trouvée coupée transversalement en deux endroits ; ces deux sections montrent la disposition des rayons qui unissent le tube interne à la paroi de la gaine. Dans la supérieure, la partie intracytoplasmique de la gaine était au contraire très courte; elle est coupée longitudinalement. Gr. obj. apoc. imm. homog. oc 8. FIG. 7. Cellule extérieure au lobe; la gaine y était fort courte et ne sortait pas de la cellule. Un prolongement du protoplasme ordinaire reliait cette cellule à son lobe et engainait le tube déjà débarrassé de son étui transparent. Gross. obj. apoc. imm. homog. oc 4. FIG. 8. Cellule obtenue par dissociation dans le vert de méthyle osmiqué. La gaine est en partie déroulée; sa portion interne était fort courte. L'ampoule cen- trale de la vésicule radiée y est entourée de granules brillants Les dimensions de la vésicule radiée y dépassent la moyenne. Gr. obj. apoc. imm. homog. oc 8. FIG. 9. Partie centrale d'une cellule fixée légèrement par l'acide osmique en vapeur puis traitée pendant deux jours par une solution de potasse à 2 0/0, lavée par une solution très faible d'acide acétique et montée dans la solution conservatrice indiquée p. 4. Tout l'enchylème a disparu et une bonne partie du réticulum dé- licat du cytoplasme a été détruite. La membrane et les rayons de la vésicule ont au contraire bien résisté à l'action dissolvante On peut y constater, mais moins nettement que sur la préparation qui a servi de modèle, la continuité de certaines 20 EXPLICATION DE LA PLANCHE trabécules radiales du cytoplasme avec les rayons de la vésicule. La zone radiée qui eatoure la vésicule semblait formée par des épaississements de la portion ter- minale des rayons. La membrane de la vésicule se montrait plus nettement ponctuée qu'avant l'action de la potasse. Gr. obj. apoc. imm. homog. oc 8. FIG. 10. Portion centrale d'une cellule fixée par le bichlorure de mercure et coupée à la paraffine. Ses rayons se sont rétractés et ont brisé leurs attaches avec l'ampoule. Gr. obj. apoc. imm. homog. oc 8. FIG. 11. Tube excréteur avec son ampoule arrachée de la vésicule par la _ dissociation d'un lobe. Des lambeaux de protoplasme ont été entraînés par l'ampoule mais les rayons n'y sont plus visibles. Gr. obj. apoc. imm. homog. oc 8. FIG. 12. Cellule à canal globuleuse du Carabus catenulatus. La gaine n'existe pas. Le tube excréteur est plongé dans le cytoplasme dont les trabécules radiales, par endroits, se fixent à sa paroi. Gr. obj apoc. imm. homog. oc 8. FIG. 13. Cellule à canal fusiforme de Carabus catenulatus. Les trabécules radiales du cytoplasme s'insèrent toutes directement sur le tube. Pas de gaine, pas de vésicule. Gr. obj. imm. homog. oc 8. FIG. 14. Cellule semblable; le réticulum du cytoplasme est moins visible; les enclaves en bâtonnets sont disposées radialement par rapport au tube. Gr obj. apoc. imm. homog. oc 8. BIBLIOGRAPHIE i Leydig : Zut Anatomie der Insekten; Muller's Archiv, 1859. » Ueber Argulus foliaceus ; Zeitschr. f. wiss Zool., i85o. » Altes und Neues ùber Zellen und Gewebe. Zoologischer Anzeiger, 14 mai 1888. 2 C. Clans : Ueber die Entwickelung, Organisation und systematische Stellung der Arguliden ; Zeitsch. f. wiss. Zool., 1875. 3 A. Forel : Der Giftapparat und die Analdrûsen der Ameisen ; Zeitsch. f. wiss. Zool. Bd. XXX, Suppl. 4 Nussbanm : Ueber den Bau und die Thàtigkeit der Drùsen ; IV Mittheilung. Arch. f. mik. Anat., 21 Bd. 5 Schiemen\ : Ueber das Herkommen des Futtersaftes und die Speicheldrùsen der Biene, etc.; Zeitsch. f. wiss. Zool, XXXVIII. Bd. i883. 6 Carnoy : La cytodiérèse chez les arthropodes; La Cellule, t. I, 2e fascicule. 7 G. Gilson : Etude comparée de la spermatogénèse chez les arthropodes ; La Cel- lule, t. I, ir fasc , t. II, ir fasc, t. IV, ir fasc. TABLE DES MATIERES Introduction. 3 Struct are et contenu de ces glandes. 4 Structure des lobes 5 i° Méthode 6 Coupes . G Dissociation . . 7 Agents dissolvants 7 2° Description . 7 Structure des cellules. 'i A. La vésicule radiée IO B. L'ampoule centrale 12 C. Le canal excréteur 13 D. La gaine du canal '4 Signification de ces productions. '4 Résumé. .... 18 Explication de la planche 19 Bibliographie 21 ■ l avazrv DIVISION ET DÉGÉNÉRESCENCE DES CELLULES GEANTES de la moelle des os PAR H. DEMARBAIX ÉTUDIANT EN MÉDECINE A LUNIVERSITÉ DE LOUVAIN. (Mémoire déposé le 15 juillet 1888.,) Travail du laboratoire d'anatomie pathologique et de pathologie •expérimentale de l'université de louvain. '73 DIVISION & DEGENERESCENCE DES CELLULES GÉANTES de la moelle des os. Les cellules géantes de la moelle des os ou myéloplaxes ont été, dans ces dernières années, surtout au point de vue de leur division, l'objet de plusieurs travaux. D'après Arnold, elles se segmenteraient suivant un procédé particulier, qu'il a décrit en premier lieu chez elles, et auquel il a donné le nom de fragmentation indirecte. Werner, outre qu'il admet le mode signalé par Arnold, en décrit trois autres : la division par étranglement en deux parties égales, la division par étranglement en deux parties très inégales, et enfin la division multiple et simultanée, également par étranglement, en plusieurs cellules plus petites et de grandeur égale. Denys rejette la division par fragmentation indirecte. D'après lui, les cellules géantes présentent les deux modes de division : la sténose et la cinèse. Dans le premier cas, elles donnent naissance soit successivement, soit simul- tanément à des cellules du volume des globules blancs, et cela sans aucune augmentation nécessaire de chromatine. Dans le second cas, elles subissent des transformations en tout comparables à la division cinétique ordinaire, avec la différence qu'au lieu de fournir deux couronnes polaires, elles en donnent au moins trois. Leur cinèse est donc une cinèse multiple. Cornil, dans un travail fait indépendamment de celui de Denys, admet également que les myéloplaxes subissent la division indirecte, seulement, d'après lui, la division n'est pas multiple, mais binaire. 28 H. DEMARBAIX En résumé, on a décrit dans les cellules géantes des os six modes de division. i° La fragmentation indirecte (Arnold, Werner); 2° La division directe en deux parties égales (Werner) ; 3° La division en deux parties très inégales (Werner, Denys) ; 4° La division simultanée en plusieurs petites cellules équivalentes (Werner, Denys); 5° La division cinétique multiple (Denys); 6° La division cinétique binaire (Cornil). Comme ce court exposé le démontre, il existe sur la division des myé- loplaxes des divergences nombreuses et radicales, intéressantes à éclaircir, non seulement au point de vue de ces éléments en particulier, mais aussi au point de vue du phénomène de la division en général. C'est ce qui nous a engagé à reprendre cette étude. Nous aurons en outre l'occasion d'insister sur une forme particulière de myéloplaxes que nous considérons comme le résultat d'une dégénérescence normale de ces cellules. Nos recherches ont porté sur environ 50 animaux divers : rats, lapins, chiens, chats, chevreaux. Nous diviserons notre travail en 4 paragraphes : i° La fragmentation indirecte des cellules géantes; 2° Leur division cinétique, binaire et multiple ; 3° Leur division directe; 4° Leur dégénérescence normale. PARAGRAPHE PREMIER. Fragmentation indirecte des Cellules géantes. Arnold (1) a décrit pour la première fois ce procédé dans les myélo- plaxes du lapin et du cobaye. Il distingue parmi ces éléments deux variétés principales. La première est caractérisée par un noyau clair, vésiculeux, et constitué par une membrane, un suc nucléaire et des filaments de chroma- tine disposés probablement en réseau. Sous l'action du vert de méthyle, les filaments seuls fixent la matière colorante, le suc reste incolore; ce dernier ne renferme par conséquent pas de chromatine. Les fig. 1, 2, 10, 11, 12, 13, 25, 26, 33, 36 de notre Pl. I correspondent à cette première variété. (1) Arnold : Beobachtungen ûber Kerne und Kerntheilungcn in den Zellen des Knochenmarkes; Virch. Arch., B. XCIII, i883. DIVISION ET DEGENERESCENCE DES CELLULES GEANTES 29 Dans la seconde, la forme du noyau est en général plus complexe ; il est brillant et réfringent, sa structure interne est peu marquée ou invisible, de sorte qu'il paraît plutôt homogène ; enfin il se colore uniformément et d'une façon aussi intense que les figures caryocinétiques. Ces diverses propriétés sont dues àla grande richessedeces noyaux en chromatine, car cette substance y existe non seulement en filaments plus gros et plus nombreux que dans la première variété, mais elle a envahi également le suc nucléaire et y est devenue assez abondante pour masquer la structure du noyau. Les fig. 6, 7, 8, 18, 29, 30, 35, 37 feront saisir facilement la différence qui existe entre les noyaux que nous venons de décrire et ceux de la première variété. Quelle relation existe-t-il entre ces deux sortes de myéloplaxes? D'après Arnold, la première correspond à l'état de repos des cellules géan- tes, la seconde à un stade d'un mode de division particulier : la fragmenta- tion indirecte. Ce mode comprend les étapes suivantes : Première étape. Les filaments chromatiques du noyau s'épaississent et deviennent plus nombreux; la chromatine diffuse dans le suc nucléaire, du moins dans ses couches périphériques. Deuxième étape. La chromatine dissoute dans le suc devient de plus en plus abondante, à tel point qu'elle finit par masquer les filaments. Troisième étape. La chromatine abandonne certaines parties du noyau pour s'accumuler exclusivement dans d'autres. Dans cet état, le noyau pré- sente des endroits colorés à côté d'autres incolores. Ces derniers disparais- sent et les amas de chromatine, devenus indépendants, constituent autant de nouveaux noyaux. Quatrième étape. Le protoplasme entre à son tour en division et se segmente en autant de parties qu'il y a de noyaux. Plus tard, Arnold (i) décrivit des phénomènes semblables dans les petites cellules de la moelle, dans les globules blancs, et dans la rate et les ganglions lymphatiques hyperplasiés qu'on observe à la suite de maladies infectieuses (fièvre typhoïde, scarlatine, diphtérie). La fragmentation indi- recte ne constituerait donc pas un mode de division spécial aux myéloplaxes, il s'observerait aussi chez d'autres cellules, aussi bien à l'état normal qu'à l'état pathologique. (i) Arnold : Weitere Beobachtungen ûber die Theilungsvorgànge an den Knochenmarkzellen und weissen Blutkôrpern ; Virch. Arch., B. XCVII, 1884. Ueber Kern- und Zelltheilung acuter Hyperplasie der Lymphdrûsen und der Milz; ibid., B. XLV, 1884. 30 H. DEMARBAIX Un élève cTArnold, Werner (i), constata également chez le lapin, le chien, le chat et l'homme, la présence des deux espèces de noyaux dont il a été question plus haut. Par contre, Denys (2) ne put les retrouver chez le lapin, mais il les observa chez le rat; seulement il en donne une inter- prétation toute différente. D'après lui, leur homogénéité n'est pas due à une infiltration diffuse du noyau par la chromatine, mais à un retrait du noyau qui a eu pour effet de serrer les filaments chromatiques les uns contre les autres, et leur a fait perdre ainsi, en apparence du moins, leur individualité. Denys, du reste, n'a pu retrouver aucune des étapes ultérieures décrites par Arnold et rejette complètement la fragmentation indirecte. Cornil (3) n'est pas plus heureux dans sa recherche des divers stades décrits par Arnold, et Aoyama (4), à la suite de l'examen de plusieurs tumeurs, arrive à la conclusion que le professeur d'Heydelberg a été induit en erreur par des altérations cadavériques, opinion à laquelle Flemming s'était déjà rangé pour quelques-unes des figures d'ARNOLD. Cette interpétation ne fut pas admise par ce dernier savant. Dans un nouveau travail (5,), il maintient l'existence de la fragmentation indirecte comme mode particulier de division de la cellule, et dans une dernière publication, parue tout récemment (6), il annonce que ce procédé est fréquent dans la rate de la souris blanche. Nos recherches ont porté sur le cobaye, le lapin, le rat (A fit s decumanus), le chien et le chat, et nous avons eu recours aussi bien à la dissociation qu'aux coupes microtomiques. Comme liquide dissociateur, nous avons em- ployé l'eau salée à 6 0/00, et surtout l'acide acétique à 1 et à 2 0/0. Ce dernier réactif distend quelquefois un peu la membrane cellulaire, mais pour l'étude de la structure du noyau à frais, il est préférable à l'eau salée, surtout quand on combine son action à celle du vert de méthyle. Pour le (1) W. Werner : Ueber Theilungsvorgànge in den Riesenzellen des Knochenmarkes ; Virch. Arch., BCVI, 1886. (2! Denys : La cytodiérèse des cellules géantes et des petites cellules incolores de la moelle des os; La Cellule, t. II, 1886. (3, Cornil : Sur la multiplication des cellules Je la moelle des os par division indirecte dans l'inflammation; Arch. de physiol. norm. et pathol., T. X, 3">° série, 1887. (4) Aoyama : Pathologische Mittheilungen ; Virch. Arch, B. CX, 1886. (5) Arnold : Ueber Theilungsvorgàange an dcn Wanderzellen ; Arch. f. mikr. Anat., 1S87, B. XXX. p. 255 et 256. (6) Arnold : Weitere Mittheilungen ùber Kern- und Zelltheilung in der Milz; Arch. f. mik. Anat., B. XXXI, 1888. DIVISION ET DEGENERESCENCE DES CELLULES GEANTES 31 durcissement, nous nous sommes servis d'abord de la liqueur de Flemming forte, mais comme elle noircit fortement les coupes et nuit à leur clarté, nous avons supprimé dans la suite l'acide osmique et nous l'avons remplacé par de l'eau pure. Notre solution, qui présente tous les avantages de la liqueur de Flemming, sans offrir ses inconvénients, était par conséquent composée comme suit : Acide chromique. . . . 14 parties Eau 18 — Acide acétique glacial ... 1 — Les pièces séjournent 24 heures dans ce liquide, puis on les lave pen- dant 24 heures, en renouvelant plusieurs fois l'eau, et on les monte dans la paraffine suivant les procédés ordinaires. Les coupes fixées au porte-objets au moyen du collodion, sontcolorées à la safranine d'après la méthode décrite par V. Babes (()• Dans ce but, l'on dissout la safranine dans de l'eau saturée d'huile d'aniline, on colore au bain-marie à une douce chaleur (500 à 6o°), et on corrige l'excès de coloration en plongeant les coupes pendant quelques instants dans de l'alcool renfermant un peu d'acide chlorhydrique (1 à 2 gouttes pour un grand verre de montre d'alcool). Les préparations sont ensuite montées dans le baume. La coloration à la safranine ainsi exécutée constitue un réel progrès sur l'ancienne manière. En étudiant la moelle par les procédés que nous venons de décrire, il nous a semblé que les noyaux riches en chromatine d'ARNOLD faisaient dé- faut quand on se servait de matériaux très frais, mais qu'ils devenaient de plus en plus abondants à fur et à mesure que la mort remontait à une date plus reculée. Nous nous sommes donc demandé s'ils n'étaient pas le résultat d'une altération cadavérique, et, pour éclaircir le problème, nous avons, sur une série de diverses espèces animales, examiné la moelle immédiate- ment après la mort, et ensuite à des intervales plus ou moins éloignés. Les résultats auxquels nous sommes arrivé sont consignés dans le tableau suivant; la première colonne indique l'espèce animale, la deuxième la nature des noyaux, noyaux clairs et noyaux brillants d'ARNOLD, les suivantes le chiffre relatif de ces noyaux à diverses époques après la mort, obtenu par la numération d'une série de cellules géantes prises indifférem- ment dans l'ordre où elles se présentaient. (i) V. Babes : Ueber einige pathologisch- histologische Methoden und die durch dieselben erzielten Resultate; Virch. Arch., B. CV, 1886. 32 H. DEMARBAIX Rat I Rat II Rat III Rat IV Rat V Rat VI Lapin I Lapin II Lapin III Lapin IV Lapin V Cobaye I IMMÉDIATEMENT 14 HEURES APRÈS 24 HEURES APRÈS APRÈS LA MORT LA MORT LA MORT Noyaux clairs 100 o/o 17 O/O 0 0/0 — brillants 0 0/0 83 0/0 APRÈS 12 HEURES 1 00 0/0 Noyaux clairs 100 o/o O O/O — brillants o o/o 100 0/0 APRÈS 24 HEURES APRÈS 30 HEURES Noyaux clairs îoo o/o 10 0/0 O 0/0 — brillants o o/o go 0/0 APRÈS 14 HEURES 100 0/0 Noyaux clairs ioo o/o 0 0/0 — brillants O 0,0 100 0/0 APRÈS 3o HEURES Noyaux clairs îoo o/o 0 0/0 — brillants o o/o ÎOO 0/0 APRÈS 24 HEURES Noyaux clairs i oo o/o 0 0/0 — brillants o o/o 100 0/0 APRÈS 7 HEURES APRÈS 22 HEURES Noyaux clairs ioo o/o 45 0,'0 3o 0/0 — brillants o o/o 55 0/0 APRÈS 24 HEURES 70 0/0 Noyaux clairs i oo o/o 0 0/0 — brillants o o/o 100 0/0 APRÈS 24 HEURES Noyaux clairs ioo o/o 0 0/0 — brillants o o/o ÎOO O/O APRÈS 24 HEURES Noyaux clairs ioo o/o O 0/0 — brillants o o/o IMMÉD. APRÈS LA MORT ET 2 HEURES 100 0/0 PLUS TARD APRÈS 3 HEURES APRÈS 5 HEURES Noyaux clairs 100 o/o 83 0/0 33 0/0 — brillants o o/o IMMÉDIATEMENT 17 O/O Oy 0/0 APRÈS LA MORT APRÈS 6 HEURES APRÈS 24 HEURES Noyaux clairs ioo o/o 42 O/o 17 O/O — brillants o o/o 58 0/0 83 0/0 DIVISION ET DEGENERESCENCE DES CELLULES GEANTES 33 APRÈS l8 HEURES APRÈS 48 HEURES Cobay e II Noyaux clairs ioo o/o 34 o/o 7 0/0 — brillants O 0,0 66 oo APRÈS 14 HEURES g 3 0/0 APRÈS 28 HEURES Chien I Noyaux clairs ioo o/o 1 2 0/O 0 0/0 — brillants o o/o 88 0/0 APRÈS 5 HEURES 100 0/0 APRÈS 2Û HEURES Chien II Noyaux clairs 100 o/o 55 00 0 0/0 — brillants o o/o 45 0/0 APRÈS 14 HEURES 100 0/0 APRÈS 2t~> HEURES Chien III Noyaux clairs 100 o/o 7 0/0 0 0/0 — brillants O 0/0 g3 0/0 APRÈS 1 2 HEURES 100 0/0 APRÈS 24 HEURES Chat Noyaux clairs ioo o/o 47 0/0 0 0/0 — brillants o o/o 53 0/0 100 0/0 Comme ce tableau le démontre, on ne trouve immédiatement après la mort que la première variété de noyaux d'ARNOLD, fig. 1, 2, 10, il, 12, etc. La deuxième variété, fig. 6, 7, 8, 18, 29, etc. fait complètement défaut, mais elle apparaît assez rapidement. Ainsi, chez le cobaye I, les cellules géantes à noyau brillant constituent, 6 heures après la mort, 58 0/0 du nombre total de ces éléments; chez le chien II, on en compta, après 5 heures, 45 0/0; chez le lapin I, après 7 heures, 55 0/0; et chez le lapin V, après 3 heures, 17 0/0 et, après 5 heures, 67 0/0. Après 24 à 4S heures, les noyaux pâles ont presque toujours totalement disparu. Il découle de ces faits que les noyaux riches en chromatine d'Arnold ne sont qu'une altération cadavéri- que, et que, loin de constituer une étape de division, ils sont le résultat d'une dégénérescence. Il suffit de comparer les planches d'ARNOLD avec les nôtres pour être convaincu de l'identité des figures. Il est vrai que cet auteur affirme ne s'être servi que de matériaux frais, mais que faut-il entendre par matériaux frais, quand nous voyons que deux heures après la mort, l'aspect de la moitié des cellules géantes peut s'être modifié complètement? Quelle valeur peuvent avoir dans ce cas les recherches faites sur le cadavre humain, comme celles d'ARNOLD dans l'hyperplasie de la rate et des ganglions lymphatiques, qui accompagne certaines maladies infectieuses? Assurément aucune. Les figures du travail de Werner montrent également que cet auteur a eu sous les yeux des matériaux altérés. Nous avons vu plus haut que Denys n'avait pu retrouver les cellules à noyau brillant chez le lapin, mais '74 34 H. DEMARBAIX qu'il les avait rencontrées chez le rat. D'après une communication verbale du professeur de Louvain, .les observations précédentes donnent également la clef du problème ; la moelle de lapin était examinée toute fraîche ou durcie immédiatement après la mort; quant aux rats, ils n'arrivaient au laboratoire qu'à l'état de cadavre, et quoique leur mort ne remontât qu'à peu d'heures et qu'ils ne présentassent aucun signe de décomposition, les cellules géantes s'étaient pourtant déjà altérées. Enfin cette altération rapide explique également pourquoi Cornil ne put retrouver aucun stade de la fragmentation indirecte. C'est que ce savant opérait uniquement avec des animaux qui venaient d'être sacrifiés. Les résultats contradictoires auxquels les différents observateurs sont arrivés s'expliquent ainsi très-bien par les modifications rapides qui surviennent après la mort dans les myéloplaxes. Il nous a paru intéressant de rechercher si l'altération des myéloplaxes était spontanée, ou bien si elle était sous la dépendance des organismes de la putréfaction. La rapidité de son apparition parle, il est vrai, contre l'in- tervention des microbes; néanmoins nous avons voulu demander la solution du problème à l'expérimentation directe. Nous avons, avec les précautions antiseptiques de rigueur, inoculé par piqûre 4 tubes de gélatine avec la moelle du rat IV, 16 heures après la mort; à ce moment, tous les noyaux des myéloplaxes étaient devenus brillants. Nous avons ensemencé de même 4 tubes avec de la moelle du cobaye II présentant les mêmes modifications mais à un moindre degré. Or, 15 jours après l'inoculation, les tubes ne présentaient pas le moindre développement. Afin d'exclure toute participation éventuelle de microbes anaérobies, nous avons ensemencé la moelle du lapin V, 2 et 5 heures après la mort, dans plusieurs tubes d'agar, renfermant en outre une colonne d'huile de 10 centimètres de hauteur. Les tubes avaient été stérilisés préalablement à la vapeur d'eau pendant 2 heures, et, après l'ensemencement, ils furent maintenus à la température de 370. Ils restèrent parfaitement stériles. Ils furent inoculés plus tard avec un microbe anaérobie (le Bacilus lactis aerogenes), et celui-ci s'y multiplia très bien, preuve que le milieu était parfaitement apte au développement des microbes. Nous avons de plus employé la méthode de Gram pour la recherche des bactéries, mais sans plus de succès. La transformation des noyaux est donc un phénomène spontané, indépendant de toute putréfaction. DIVISION ET DEGENERESCENCE DES CELLULES GEANTES 35 En recueillant la moelle à des intervalles variables après la mort, on peut poursuivre pas à pas l'altération. Elle débute par un gonflement des nucléoles et des grains de chromatine, qui en même temps se colorent plus intensément. On dirait une cinèse à son début. Les fig. 14 et 22 du cobaye et 27 du rat représentent ce premier stade de la dégénérescence. La chro- matine y est déjà notablement plus abondante que dans les ligures corres- pondantes 10, 11, 12, 13, 25 et 28. Dans les fig. 15 du cobaye et 33 du chien, l'altération est plus avancée encore, et les mailles qui séparent les éléments chromatiques sont presque réduites à des points. Plus tard, ces mailles disparaissent elles-mêmes et la partie colorable du noyau forme à la périphérie de celui-ci une couche continue; dans les parties centrales on aperçoit par ci par là un nucléole gonflé. Ces noyaux sont représentés en coupe optique dans les fig. 3 et 4 du lapin, et 16 et 17 du cobaye. La surface externe de la couche périphérique s'applique exactement contre la membrane du noyau, et se dessine par des lignes courbes régulières; la limite interne, au contraire, est irrégulière et présente des dents et des enfoncements concaves. Cette couche se colore d'une façon intense par le vert de méthyle ; c'est probablement ce qui a fait dire à Arnold que la chromatine diffuse se montre d'abord surtout à la périphérie du noyau. La partie centrale, laissée en blanc dans les mêmes figures, paraît colorée également, mais beaucoup moins ; elle est verte, non pas, d'après nous, parce qu'il y existe de la chromatine dissoute, mais bien plutôt à cause de la couche périphérique qui ferme cet espace en haut et en bas, et dans laquelle les rayons lumineux qui traversent la partie centrale se colorent en vert. Au stade où nous sommes arrivé, la partie achromatique du noyau est encore représentée par une cavité relativement considérable, mais, au fur et à mesure que l'altération progresse, cette cavité se rétrécit davantage. Dans les fig. 5 du lapin et 20 du cobaye représentant des coupes optiques du noyau, elle ne constitue plus qu'un canal mince, souvent aplati et qui occupe l'axe des travées du noyau. Plus tard encore, elle est réduite à de petites vacuoles, fig. 18 et 19 du cobaye, 30 du rat, 37 du chat, qui peuvent disparaître à leur tour, fig. 6, 7, 8 du lapin, 29 et 38 du rat, 37 du chat. Le noyau constitue alors une masse pleine, compacte, entièrement homo- gène, et dans laquelle il est impossible de distinguer soit une granulation, soit une fente, soit un filament. Comme le lecteur s'en est déjà aperçu par l'énumération des figures, le phénomène que nous venons de décrire n'est pas particulier à une espèce 36 H. DEMARBAIX animale, mais il s'observe dans toutes les espèces que nous avons eu l'occa- sion d'étudier. Notons encore un détail : il nous a semblé que les noyaux en dégénérescence se déforment aisément ; sous l'action des aiguilles, ils se laissent étirer, et même expulser partiellement ou en totalité de la cellule sous la forme de gouttes ou de larmes. La fig. 22, provenant d'un cobaye, montre une cellule qui a subi cette action pendant la dissociation. La dimension des nucléoles et des grains de chromatine indique que cette cellule se trouve dans la première période de l'altération cadavérique que nous avons décrite. Le noyau présentg 3 portions très minces, réduites à de simples filaments; les deux principales, indiquées par les lettres a, n'étaient colorées par le vert de méthyle que près de leur point d'attache ; dans le reste de leur étendue elles étaient incolores. La fig. 23, qui se rapporte à un noyau altéré d'avantage, montre également trois étirements semblables; en outre, dans cette figure, une partie du noyau a fait saillie hors de la cellule, tout en conservant avec la partie restée incluse des rapports évidents. On pourrait penser qu'il s'agit dans ces deux cas de divisions par étranglement du noyau, mais on doit rejeter cette hypothèse, car ces étirements ne s'observent que sur les noyaux altérés et dans les préparations obtenues par dissociation. Comme nous l'avons vu plus haut, Arnold distingue dans sa fragmentation indirecte, un stade dans lequel les futurs noyaux nouveaux sont encore reliés entre eux par des bandes et des fila- ments incolorées; ce stade, d'après nous, est constitué simplement par des noyaux étirés et doit son existence à des altérations cadavériques. La fig. 21 peut être considérée comme correspondant au dernier stade de la fragmentation indirecte, le noyau primitif s'est résolu en plusieurs masses distinctes homogènes, brillantes, fortement colorées et devenues complètement indépendantes les unes des autres. Mais cet aspect ne se rencontre pas dans les préparations faites immédiatement après la mort, et en y regardant de près, on reconnaît facilement que cette figure n'est autre qu'une division cinétique multiple au stade des couronnes polaires. Malgré la confluence des bâtonnets, les couronnes sont encore nettement reconnais- sablés en bas aussi bien par leur aspect que par leurs rapports; en haut plusieurs ont été étirées et déformées. Cette altération des noyaux est-elle accompagnée de modifications chi- miques appréciables dans la constitution de la chromatine? Nous le croyons, et pour les motifs suivants. DIVISION ET DEGENERESCENCE DES CELLULES GEANTES 37 Dans les préparations colorées à la safranine et décolorées dans l'alcool additionné d'un peu d'acide chlorlrydrique, les noyaux des myéloplaxes non altérés sont complètement ou presque complètement décolorés, comme du reste les autres noyaux à l'état statique de la préparation. Au contraire, les noyaux dégénérés présentent une coloration intense, aussi accusée que celle des figures en division indirecte. Quand oncolore suivant l'excellente méthode de Bizzozero et Vassale(i), on arrive au même résultat. Ces savants ont, comme on le sait, montré qu'on pouvait avec la méthode de Gram pour la recherche des bactéries obtenir une coloration isolée des noyaux en cinèse. D'après nos recherches, cette méthode fournit même un contraste beaucoup plus marqué entre les noyaux au repos et les noyaux en division indirecte que celle de Flemming; les premiers sont toute à fait décolorés, tandis que les seconds présentent une coloration violette intense. Or dans une moelle traitée suivant le procédé des auteurs italiens et renfermant à la fois les deux espèces de noyaux, ceux qui ont conservé la structure normale sont incolores; au con- traire ceux qui sont devenus brillants et homogènes sont teints avec une grande intensité. Ces faits ne peuvent s'expliquer à notre avis qu'en admettant une com- binaison plus stable de la chromatine avec les principes colorants dans les noyaux altérés, ou, en d'autres termes, une modification dans la structure moléculaire de cette substance. D'après Arnold, les noyaux brillants et homogènes seraient plus riches en chromatine que les noyaux normaux. Il est incontestable que le vert de méthyle leur communique une coloration très intense, et il se peut très bien que ce fait soit dû à une augmentation de la chromatine; dans ce cas, l'altération cadavérique se révélerait non seulement par des changements optiques du noyau, mais aussi par une production plus abondante de chro- matine aux dépens d'une substance-mère préexistante, mais sans affinité pour les principes colorants. A notre avis pourtant cette conclusion ne s'impose pas, et il est possible que la coloration intense soit due à une pénétration plus facile du vert de méthyle à l'intérieur du noyau. On conçoit en effet, que les grains de chromatine sont, à l'état normal, peu perméables aux colorants, mais, qu'après gonflement, l'accès de ces matières soit facilité. Dans ce cas, la (i) Bizzozero et Vassale ! Ueber die erzeugung und die Régénération der Drùsenzellen bei den Saûgethieren ; Virchow. Arch., B. CX, 1887. 38 H. DEMARBAIX coloration intense serait due non à une augmentation de la chromatine, mais à une augmentation des molécules de chromatine combinées avec les réactifs colorants. Nous avons vu plus haut que l'altération des noyaux s'accompagnait d'un changement dans la nature de la chromatine. Quel est ce changement? Nous l'ignorons, mais, vue la grande résistance que la chromatine nouvelle oppose aux agents décolorants, il est possible que cette dernière est ana- logue, sinon identique, avec la chromatine des noyaux en division indirecte. Nous avons vu plus haut qu'AiïNOLD admet également que la fragmen tation indirecte forme un mode de division des petites cellules de la moelle et des globules blancs. Pas plus que Denys et Cornil, nous n'avons pu nous convaincre de son existence et nous sommes persuadés qu'ARNOLD a été ici encore victime d'altérations cadavériques. On observe en effet dans les petites cellules des dégénérescences analogues à celles des myéloplaxes, seulement elles se montrent beaucoup plus tard. D'ordinaire, tous les noyaux des cellules géantes sont devenus brillants avant qu'on n'observe un com- mencement d'altération dans les petites. Nous avons représenté une série de cellules lymphatiques de la moelle dans les fig. 40, 41, 42 et 43; la fig. 40 montre des cellules lympha- tiques normales de la moelle du lapin; la fig. 42 les mêmes cellules chez le rat. Les corps nucléiniens y revêtent la forme de grains arrondis ou irré- guliers. Dans les fig. 41 et 43, on voit les mêmes éléments, mais ayant subi des altérations profondes dans la structure de leur noyau. La fig. 41 pro- vient de la moelle d'un lapin mort depuis 48 heures, dans la cellule a la substance chromatique se présente sous la forme d'un réseau irrégulier, à travées épaisses; dans la cellule b, la substance chromatique remplit toute la cavité du noyau, à l'exception de deux petites vacuoles ; dans la cellule c, le noyau est tout à fait compact. On le voit, ces altérations sont en tout semblables à celles des cellules géantes. Les cellules de la fig. 43 proviennent d'un rat mort depuis la veille. Dans les cellules a à h, la nucléine forme à la périphérie une couche continue ou interrompue, d'épaisseur inégale. Les cellules c, d et g rappellent bien le stade de la fragmentation indirecte, dans lequel la chromatine s'est retirée en deux ou trois endroits du noyau pour donner DIVISION ET DÉGÉNÉRESCENCE DES CELLULES GEANTES 39 naissance aux noyaux nouveaux. Dans les figures i et j, le réseau chroma- tique est devenu, grâce au gonflement, beaucoup plus apparent que dans les cellules de la fig. 43; les cellules k à o correspondent aux cellules à noyau en boudin de la même figure; dans les figures p et q, les fragments sont pleins et occupent encore la partie centrale de la cellule; dans les figures r à t, ils ont émigré vers sa périphérie. Enfin la cellule u représente le stade des couronnes polaires : les bâtonnets se sont gonflés, à tel point qu'ils se sont fusionnés en deux masses homogènes. PARAGRAPHE II. Cinèse des Cellules géantes. La division cinétique ou indirecte des cellules géantes a été étudiée simultanément par Denys (i) sur le lapin et le chien, et par Cornil (2; sur le cobaye. Les résultats auxquels sont arrivés ces deux observateurs sont loin de concorder. Denys distingue cinq stades. i° Le filament nucléinien s'épaissit, devient plus régulier. La mem- brane du noyau disparaît. 2° Le filament se coupe en courts tronçons, repliés en V et qui se disposent en une boule régulière. La boule et le nombre de bâtonnets sont d'autant plus grands que le noyau d"origine est plus volumineux. 3° Les bâtonnets s'ordonnent en une corbeille à mailles polygonales. A ce moment, survient la division longitudinale des bâtonnets. Chaque polygone, après cette division, possède son contour propre. 4° Les polygones s'écartent les uns des autres, et se portent davan- tage vers la périphérie du noyau. En même, temps ils s'arrondissent et deviennent de véritables couronnes polaires. 5° Les couronnes se reconstituent en noyau ordinaire, en même temps que le protoplasme se divise. La division des cellules géantes est par conséquent une division multiple. Quant à la division binaire, Denys n'a jamais pu en saisir le moindre indice. (1) J. Denys : Loc. cit. (2) Cornil : Loc. cit. 40 H. DEMARBAIX Cornil a étudié la multiplication des cellules géantes dans l'inflamma- tion des os, ou plutôt dans leur régénération. Il a choisi le fémur des cobayes, qu'il écrasait sous la peau au moyen d'une forte pince, et il a examiné la moelle le second, le troisième, le quatrième, le cinquième, le sixième et le septième jour après le traumatisme. Voici comment, d'après lui, s'opère la division des cellules géantes. i° Les noyaux deviennent sphéroïdes, les filaments de chromatine s'isolent et s'accroissent. La membrane du noyau disparaît. 2° Les filaments de chromatine sont plus volumineux, plus nombreux, plus colorés ; ils s'anastomosent et s'enchevêtrent en montrant à la périphérie de leur pelotonnement des extrémités libres terminées par des renflements ou des anses. 3° La concentration des filaments devient plus complète et aboutit à la constitution d'une plaque, dans laquelle on ne distingue plus les filaments par les interstices qui les séparent, mais seulement par leur relief à la surface de la plaque. 4° Les filaments se divisent transversalement et longitudinalement et se rendent à deux pôles où ils forment une nouvelle plaque, la plaque bipolaire. La segmentation s'achève par la reconstitution du noyau et la division du protoplasme. Cornil admet par conséquent que la division des myéloplaxes est bipolaire, tandis que d'après Denys, il y a toujours formation d'au moins trois couronnes polaires. Dans une communication faite au congrès des naturalistes deWiesbaden, Denys (i) fit ressortir les divergences qui existaient entre les recherches de Cornil et les siennes et conclut que le savant français avait, ou bien observé des cas pathologiques de division, ou bien employé une méthode qui ne mettait pas à l'abri de déformations accidentelles les figures cinétiques. Cornil, en effet, examinait surtout la moelle après l'avoir étalée sans liquide dissociateur sur des couvre-objets, à la surface desquels elle subissait une demi-dessiccation. Nous avons repris les expériences de Cornil sur la régénération des fractures chez le cobaye et nous les avons étendues au lapin, au chien, au chat et au rat. Nous avons utilisé en tout vingt animaux, en évitant comme fi) J. Denys : Quelques remarques sur la division des cellules géantes de la moelle des os; Anat. Anz., 1888, n° 7. DIVISION ET DÉGÉNÉRESCENCE DES CELLULES GÉANTES 41 Cornil de produire des fractures communicatives. Au lieu d'écraser l'os avec une pince, nous avons préféré le rompre transversalement. A la suite de cette opération il se produit souvent des déchirures assez étendues dans le canal médullaire, mais comme les tissus lacérés sont reconnaissables à l'infiltration sanguine dont ils sont le siège, on peut retrouver facilement la zone de prolifération qu'il s'agit d'étudier. Elle est formée par le tronçon de moelle qui est immédiatement en contact avec cette zone. C'est à ce niveau qu'on voit dès le second jour apparaître une couche de tissu conjonctif embryonnaire, qui devient d'autant plus épaisse que la fracture est plus ancienne. Plutôt que de recourir à la dissociation suivant le procédé de Cornil, nous avons préféré étudier la moelle après durcissement dans la liqueur chromo-acétique et coloration à la safranine. Nous avons examiné ainsi des fractures du deuxième, du troisième, du quatrième et du cinquième jour. Remarquons de suite que nous n'avons pu nous convaincre d'une caryo- cinèse plus fréquente des cellules géantes dans le voisinage de la solution de continuité, ni d'une augmentation du nombre de ces éléments. Dans un cas seulement, une fracture de cobaye du 4me jour, ces phénomènes parais- saient plus actifs. D'après nos observations donc, ces cellules se comportent dans la régénération d'une manière passive, et ne prennent aucune part à ce travail. Quant aux myéloplaxes en division qui se trouvent englobés dans la zone d'irritation ou qui sont proches de cette zone, ils présentent les mêmes figures que les myéloplaxes des os intacts et ces figures identiques à celles qui ont été décrites par Denys chez le lapin et le chien à l'état normal. On peut s'en assurer par l'examen de la planche II. Les fig. 44 et 45 représentent le premier stade de la division caractérisé par un boyau nu- cléinien régulier, gros et accolé contre la membrane encore conservée du noyau. En a, on voit ce boyau en coupe optique; en b, de face. Les fig. 46 et 47 montrent un stade plus avancé; la membrane du noyau a disparu, le boyau s'est sectionné en tronçons, dont la disposition rappelle encore les boursoufflures et les lobes du noyau dont ils sont issus. Dans les fig. 48 et 49, on reconnaît le stade des polygones, dans les fig. 50 et 51, celui des couronnes multiples disposées régulièrement en sphère. Dans les quatre dernières figures, nous n'avons reproduit que la moitié supérieure du noyau afin de ne pas compliquer les dessins. Les couronnes polaires, a, du centre sont vues de face et se présentent comme des anneaux; celles de la périphérie, b, se montrent obliquement; les cou- '75 4o H. DEMARBAIX rcmnes incomplètes, c, se continuaient, pour se fermer en anneau, dans le segment inférieur non représenté. • Toutes nos figures se font remarquer comme celles de Denys par l'ab- sence de système achromatique. Nous ne voulons pas en conclure qu'il n'existe pas, nous croyons au contraire que les filaments sont trop délicats pour être visibles. Ces figures proviennent du cobaye où il semblait que les cellules géantes avaient augmenté de nombre, et ont été prises presque toutes dans le foyer de la fracture même, c'est-à-dire, dans la zone de prolifération ou dans son voisinage immédiat. Comme on le voit, elles s'écartent considéra- blement des descriptions de Cornil; de plus, dans aucun cas, nous n'avons pu constater ni la division binaire des cellules géantes, ni rien qui fut un indice de cette division. Nous croyons donc que les cellules géantes ne se divisent jamais par cinèse en deux, pas plus à l'état pathologique qu'à l'état normal. Cornil du reste, comme il l'avoue lui-même, n'a jamais pu observer dans les cellules géantes la séparation en deux de sa plaque équatoriale unique, ni l'éloignement des deux moitiés aux deux pôles, ni l'existence des deux plaques polaires, quoiqu'il ait pu constater ce phénomène pour les petits éléments de la moelle. Pour les derniers stades de la cinèse des grandes cellules il est réduit à l'analogie. Le motif pour lequel ils lui ont échappé est bien compréhensible, la séparation en deux, comme nous venons de le voir, n'existant pas. Mais comment se fait-il que l'étape des polygones et celle des couronnes multiples aient échappé à cet observateur? Nous croyons que celaest dû à la méthode qu'il a principalement suivie dans ses recherches. Comme nous l'avons vu plus haut, il a pris avec un scalpel la moelle rouge qui se trouve à l'extrémité des fragments osseux, raclé la surface interne du canal médullaire pour la recueillir complètement et étendu cette moelle semi-liquide sur des lamelles, comme on étale les crachats pour en étudier les bactéries. Le suc ainsi étalé se dessèche un peu, mais avant que la des- siccation fût complète, Cornil plongeait les lamelles dans les liquides fixa- teurs : alcool ou solution de Flemming. On peut se demander avec raison si ces manipulations n'ont pas eu pour effet de tirailler les cellules géantes, de changer plus ou moins la position réciproque des filaments chromatiques et surtout d'en faire, par la dessiccation, une masse plus ou moins homogène. Nous nous croyons d'autant plus autorisé à émettre ces conjectures que DIVISION ET DEGENERESCENCE DES CELLULES GEANTES 43 nous n'avons jamais pu réussir à trouver dans nos préparations des figures semblables aux fig. i i et 12 de la planche II du travail de Cornil, et qui représentent les éléments chromatiques formant deux masses presque com- plètement distinctes, ni des figures compactes et sans structure interne apparente, comme sa fig. 2 de la planche III. Pour juger jusqu'à quel point nos suppositions étaient fondées, nous avons fait quelques préparations d'après la méthode de Cornil et nous avons constaté, pour les petites cellules du moins, qu'effectivement cette méthode donne aux figures des apparences trompeuses et semblables à celles décrites par cet auteur. Ainsi les formes de roue dentée et de couronne à fleurons, sur lesquelles il insiste dans la description de la première étape, sont abondamment représentées dans les préparations obtenues de cette façon. Au contraire, dans les préparations faites par dissociation dans l'acide acétique à 1 0/0 ou 2 0/0, et dans les coupes après durcissement dans la liqueur chromo-acétique elles font défaut. D'après nous, ces formes ne sont que des couronnes ordinaires dont la dessiccation a tassé et agglutiné les bâtonnets. Notons encore que, d'après Cornil, les éléments nucléiniens affectent une forme très variable : celle de grains, de filaments simples ou anasto- mosés, bifides, renflés à leur extrémité, etc. Pour autant que leur petitesse permet de juger de leur configuration, nous n'avons pu reconnaître dans ces éléments qu'une seule forme : celle de bâtonnet simple, sans anastomose ou division et sans renflement ; ce sont, en un mot, des bâtonnets en tout semblables à ceux que l'on observe dans la division cinétique en général. Denys n'avait étudié la cinèse multiple des myéloplaxes que chez le lapin et le chien; il ne l'avait pas rencontrée chez le rat, et il croyait que ce mode de division y faisait défaut, mais d'après nos recherches il s'y rencontre également ; de plus nous l'avons constatée dans la moelle intacte et normale du chat et du chevreau, c'est-à-dire chez tous les animaux où nous l'avons cherchée. L'abondance de ces figures oscille dans des limites assez larges, quelquefois il est nécessaire d'examiner plusieurs coupes avant d'en rencontrer une; d'autrefois on en trouve deux, trois, quatre, cinq et même davantage dans la même coupe. Elles nous ont paru surtout nom- breuses chez le cobaye et nous nous souvenons avoir rencontré deux fois, chez ce dernier animal, six cellules géantes en cinèse dans un seul champ du microscope foc. 3 et object. D de Zeiss). Nous avons tenu à insister sur l'existence des cinèses multiplus à l'état normal, parce que, chose assez 44 H. DEMARBAIX étonnante, divers auteurs éprouvent des difficultés pour élever ce mode de division au rang de processus physiologique. Schottl^înder (i), un élève d'ARNOLD, va même jusqu'à mettre en doute les observations si péremptoires de Denys. D'après cet auteur, le professeur de Louvain n'aurait vu aucun stade de la cinèse multiple anté- rieur à celui des couronnes polaires. L'assertion est tellement curieuse qu'elle mérite d'être citée textuellement : -Ich mochte nur die Thatsache hervorheben dass Denys auffallender Weise tiber fruhere Fhasen des Mehr- theilung (c'est-à-dire des étapes antérieures aux couronnes polaires) gar nichts erwâhnt.'. Or dans le travail de Denys, il n'y a pas moins de 20 figures (fig. 24 à 43) consacrées à ces différents stades, et les phénomènes qui s'y rapportent sont décrits en détail aux pages 267, 268 et 269. Comment peut-on soutenir, dans ces conditions, que cet auteur ne fait absolument aucune mention des premières étapes? Cornil (2) décrit également une caryocinèse partielle dans les myélo- plaxes. Il entend par là que, dans une cellule géante, un noyau ou une partie d'un noyau peut subir isolément des modifications caryocinétiques, tandis qu'un ou plusieurs autres noyaux restent à l'état de repos; mais il suffit d'examiner les figures que l'auteur donne à l'appui de son assertion pour se convaincre qu'il s'agit d'inclusions de petites cellules dans une grande et non de cellules plurinucléées. Nous n'avons jamais pour notre part observé cette caryocinèse partielle. PARAGRAPHE III. Division directe des Cellules géantes. Nous l'avons vu dans la courte notice bibliographique qui se trouve en tète de ce travail, on a décrit plusieurs modes de division directe dans les myéloplaxes. On peut les classer en trois groupes : A. La division par étranglement en deux cellules équivalentes ; B. La division par étranglement en deux cellules de dimension très inégale; C. La division simultanée en plusieurs petites cellules équivalentes. (1) SchottL/Ender : Ueber Kern- und Zelltheilungsvorgànge in dem Endothel der entzûndeten Hornhaut; Arch. f. mikr. Anat., B. XXXI, 1888. (2) Cornil : Op. cit., p. 60. DIVISION ET DÉGÉNÉRESCENCE DES CELLULES GÉANTES 45 A. Division par étranglement en deux cellules équivalentes. Ce mode de division est admis par Werner (i), mais nous n'avons pu nous convaincre de son existence. Il est vrai que l'on rencontre quel- quefois des noyaux présentant vers leur milieu une incisure faisant tout le tour, ou plus communément une partie du tour du noyau, mais ces in- cisures ne se distinguent en rien de celles qui sillonnent le noyau dans d'autres directions et elles n'ont, sans doute, aucune valeur spéciale. Nous dirons la même chose des incisures que l'on remarque quelquefois dans le protoplasme. Elles sont presque toujours unilatérales et s'obser- vent surtout quand on dissocie des moelles d'animaux tués depuis quel- que temps. Werner invoque également comme preuve de la division par étrangle- ment en deux la fréquente juxtaposition de deux cellules et la démarcation peu nette qui les sépare. La première de ces deux raisons nous paraît dénuée de toute valeur : vu le grand nombre de cellules géantes réparties dans la moelle, il n'est pas étonnant que quelques-unes se trouvent côte à côte, par un pur effet du hasard; dans les moelles riches en myéloplaxes, comme celles du cobaye, il n'est pas rare d'en rencontrer 3, 4 et même 5 situées les unes à côté des autres. A-t-on le droit d'en conclure qu'elles se sont divisées par étranglement? Nous ne le croyons pas. Il est vrai que Werner a vu, dans certains cas, entre les deux cellules une délimitation peu nette et qu'il considère comme l'indice d'une division en voie d'achèvement. Mais, ici encore, la réserve la plus grande s'impose à l'observateur. En effet, il est naturel que deux éléments de même nature et en contact intime, pré- sentent une démarcation moins tranchée du côté où ils se touchent que sur le reste de leur pourtour, où ils sont en rapport avec des éléments de propriétés optiques différentes : leucocytes, cellules jaunes et globules rouges. La limite sera encore plus vague, si leur surface, au lieu de se présenter de profil à l'œil de l'observateur, se présente obliquement ; dans ce cas elle pourra même lui échapper complètement. En résumé, les faits apportés par Werner nous paraissent susceptibles d'une autre interprétation; en tout cas, ils sont insuffisants pour justifier une sténose des cellules géantes en deux parties égales. a1 Werner : Loc. cit. 46 H. DEMARBAIX B. Division par étranglement en deux cellules de dimension très inégale. Ce mode de division comprendrait la séparation par étranglement d'une excroissance du noyau du 'reste du noyau, de sorte que la cellule géante renfermerait un grand noyau représentant presque tout le noyau primitif et un petit, de la grandeur du noyau des globules lymphatiques. Ce dernier se découperait ensuite dans la cellule-mère un territoire protoplasma- tique. Si cette dernière opération se fait à la périphérie, la jeune cellule conquiert immédiatement sa liberté; si, au contraire, elle se fait vers le centre, la cellule-fille reste emprisonnée, momentanément du moins, dans la grande (division endogène). D'après Werner, ce mode de division serait fréquent, et cet auteur voit des fragments de noyaux prêts à s'isoler dans toutes les boursoufflures qui ne sont attachées au reste du noyau que par des pédicules minces. C'est ainsi que, d'après lui, les figures 9 à 13 de sa planche, reproduisent des noyaux sur le point de se segmenter. C'est évidemment aller trop loin. Un argument plus sérieux en faveur de la sténose inégale, c'est la présence dans le corps des myéloplaxes : i° de petits noyaux libres sans protoplasme propre; 20 de petits noyaux entourés d'une zone de protoplasme clair mais sans limite précise; 30 de petites cellules complètes, avec noyau, corps protoplasmatique et membrane cellulaire. Ces trois sortes d'inclusions correspondent en effet aux trois stades que la cellule-fille, formée par voie endogène doit parcourir avant son achèvement. Ces trois étapes ont été figurées par Denys ; en outre, Lowit, Werner et Cornil ont donné des figures représentant des cellules géantes renfer- mant 1 à 3 petites cellules; mais les plus remarquables ont été dessinées par Denys, qui, chez un petit lapin, a compté plus de cent cellules empri- sonnées de cette façon. Les préparations du professeur de Louvain montrent clairement que les petites cellules sont renfermées dans la grande, et non logées dans des dépressions à sa surface. Nous avons vu des productions analogues chez un rat captif, devenu malade, et que nous avons tué en pleine agonie. Elles y étaient très nombreuses, et nous en avons représenté quatre dans la planche I. Les fig. 31 et 32 ont été dessinées d'après une préparation faite par dissociation dans l'acide acétique à 1 0/0, immédiatement après la mort. En haut se trouve le noyau géant, les petites cellules au nombre de 12 dans la première et de 9 dans la seconde ont un noyau en forme de DIVISION ET DÉGÉNÉRESCENCE DES CELLULES GEANTES 47 boudin. Les fig. 38 et 39 ont été exécutées d'après une préparation faite le lendemain; les noyaux, ceux des cellules géantes aussi bien que ceux des globules blancs, présentent les altérations cadavériques dont il a été question plus haut. En faisant rouler ces éléments dans le liquide de la préparation, on s'assure facilement que les petites cellules se trouvent bien réellement à l'intérieur des grandes, et ne sont pas adhérentes à leur surface. Denys avait remarqué que chez le lapin toutes les petites cellules renfermées dans les grandes avaient un noyau en boudin avec des étran- glements, et que le noyau de la cellule enveloppante n'avait pas diminué de volume. Les mêmes remarques s'appliquent exactement à nos cellules du rat; celles-ci ne diffèrent des productions semblables du lapin que par le petit nombre de cellules incluses. Nous ne les avons pas vu dépasser le chiffre de 18. Comment faut-il interpréter ces figures? Trois hypothèses se présentent : i° Il s'agit d'éléments en voie de fusion, en d'autres termes de la formation des cellules géantes. Cette interprétation nous semble devoir être rejetée. En effet, les cellules enveloppantes ont toujours atteint tout leur développement, et loin de se fusionner avec les petites cellules, elles se laissent plutôt distendre par elles de façon à acquérir souvent un volume considérable. L'hypothèse de la fusion est de plus défavorable au fait, observé par Denys, de l'atrophie du noyau principal, quand l'accumulation devient considérable. Enfin, malgré l'abondance de ces inclusions, on ne rencontre jamais les petites cellules en voie de fusion entre elles, de façon à constituer des éléments plus volumineux. 2° Les petites cellules sont dues à une sténose inégale, dans laquelle des bosselures du noyau se sont successivement isolées du restant du noyau, et se sont découpées dans le protoplasme un territoire propre. C'est l'opinion à laquelle s'est ralié Denys. 3° Enfin on peut penser qu'on se trouve devant un phénomène de phagocytose, opinion que Lôwit a déjà exprimée à propos de ses obser- vations de cellules géantes renfermant une petite cellule. Il est impossible, avec nos observations actuelles, de trancher la ques- tion et de décider s'il faut croire plutôt à la division qu'à la phagocytose; mais nous penchons plutôt vers cette dernière interprétation, qui explique- rait en même temps fort bien pourquoi le noyau géant ne diminue pas de volume au fur et à mesure que les petites cellules deviennent plus nom- 48 H. DEMARBAIX breuses. Nous sommes disposé à interpréter de la même façon les cellules géantes ne renfermant qu'une ou deux cellules, d'autant plus que nous avons rencontré ces inclusions que très rarement chez les animaux sains; elles étaient, toujours plus fréquentes chez ceux qui avaient succombé à des infections microbiennes, provoquées intentionnellement dans d'autres buts. Ainsi la fig. 34, où l'on voit cinq cellules renfermées dans une cellule géante en voie de dégénérescence, provient d'un chien qui avait succombé à une péritonite septique. Quant aux fig. 31, 32, 38 et 39, elles ont été pris chez un rat, qui comme nous l'avons vu, était sur le point de mourir, probablement par infection naturelle, au moment où il a été tué. C'est peut- être de la même façon qu'il faut expliquer plusieurs figures du travail d'ARNOLDsurla division des cellules de la rate et des ganglions lymphatiques dans les maladies infectieuses (i), et dans lesquelles on voit plusieurs cellules renfermées dans une autre plus grande. Quoi qu'il en soit de cette façon de considérer les cellules géantes englobant de petites cellules, il est sûr que si la sténose inégale existe, elle ne constitue, à l'état physiologique, qu'un cas peu commun de la division des myéloplaxes, car chez les animaux normaux nous n'avons rencontré, comme nous venons de le dire ces productions que très rarement ; chez beaucoup elles semblaient même faire défaut. C. Division simultanée en plusieurs cellules équivalentes. D'après ce mode de division, le noyau géant se décomposerait en même temps en plusieurs noyaux du volume de ceux des globules blancs et cette division serait suivie d'une division semblable du protoplasme. Ce mode est admis par Denys et Werner pour certaines espèces animales telles que le rat. Il est incontestable que chez certains animaux, cobayes et rats, on rencontre beaucoup de cellules géantes plurinuclées, fig. 13, 16, 17, 20, 26, 30. Tantôt les noyaux sont petits, tantôt ils sont plus grands et très inégaux de volume. Ce sont ces cellules qui ont été considérées comme appartenant au premier stade de la division simultanée; mais aussi longtemps qu'on se trouve dans une ignorance absolue touchant l'origine des cellules géantes, on peut interpréter toutes ces figures aussi bien dans le sens de la formation des myéloplaxes par fusion de petites cellules, que dans le sens de leur segmentation. De plus, il est également possible que les noyaux peuvent à certains moments se segmenter en plusieurs tronçons et se fusionner de nouveau plus tard en une masse unique. (i) Arnold : Op. cit. DIVISION ET DÉGÉNÉRESCENCE DES CELLULES GEANTES 49 En résumé, il n'existe aucune preuve décisive que les cellules géantes se multiplient par voie directe suivant un des trois modes indiqués plus haut, et toutes les apparences invoquées en faveur de l'un ou l'autre de ces modes sont susceptibles d'une autre interprétation. PARAGRAPHE IV. Dégénérescence normale des Cellules géantes. Plusieurs auteurs ont décrit dans les myéloplaxes des phénomènes de régression. D'après Rindfleisch (1), ces cellules seraient vouées fatalement à la dégénérescence et se transformeraient en masses fibrineuses. Arnold (2), sans contester la possibilité d'une dégénérescence, admet que ces éléments de plus susceptibles de se diviser. Werner (3) se rallie à l'opinion d'ARNOLD. En outre, il décrit cer- taines formes qu'il considère comme des cellules en régression. Ce sont des éléments renfermant des globes d'une substance qui se colore d'une façon intense et homogène, et qui est répartie sans ordre. Il compare ces globes à des fragments de noyau, transformés en gouttes dénuées de structure. Cornil (4) a rencontré des productions analogues dans la moelle des os fracturés. Il les décrit comme des cellules dont le noyau se colore d'une façon homogène et très foncée ; on n'y distingue plus les grains de nucléine ni les filaments achromatiques, mais seulement une masse homogène, qu'il compare à une flaque d'une substance semi-liquide sans structure. Tantôt le noyau reste entier, tantôt il se fragmente en grains et gouttelettes doués des mêmes propriétés. Ainsi d'après Werner et Cornil, les noyaux subissent une dégénéres- cence, à la suite de laquelle ils perdent toute structure et se transforment en une masse molle qui se colore intensément. (1) Rindfleisch : Arch. f mik. Anat.; B. 17, 187g. (2) Arnold : Beobachtungen etc., op cit. (3) Werner : Op. cit. (4) Cornil : Op. cit. .76 50 H. DEMARBAIX Lôwit (1) a signalé un autre mode de dégénérescence dans laquelle la chromatine diminue peu à peu, et finalement disparaît en totalité. Le noyau se présente alors comme une vessie, couverte d'incisures et de lobes et qui ne se colore plus sensiblement. Nous avons représenté dans les fig. 53 à 58 une série de noyaux tels qu'on en rencontre fréquemment chez le cobaye. Ils sont dessinés d'après une préparation faite par dissociation dans l'acide acétique dilué immédiatement après la mort, Lorsqu'on les compare aux noyaux du même animal, figurés dans la planche I, fig. 10 à 13, on y remarque des différences profondes. i° Dans les noyaux de la planche I, la partie colorable forme des grains, accolés pour la plupart contre la membrane du noyau. Un petit nombre, surtout les plus gros (nucL'oles), se trouvent dans la cavité elle-même du noyau suspendus à des filaments minces qui les rattachent aux parois. Sous l'action du vert de méthyle, les grains seuls se colorent, la membrane du noyau et les filaments restent décolorés. Il n'en est pas de même dans les noyaux des fig. 53 à 58, la partie co- lorable forme à la périphérie une couche continue, assez épaisse, brillante et sans structure. A l'intérieur, on voit un ou deux, rarement trois nucléoles plus gros que dans les figures précédentes. Sous l'action du vert de mé- thyle, ces parties se colorent fortement et d'une façon homogène, de sorte que la membrane du noyau est tapissée à sa face interne d'un manteau continu de substance colorable, qui suit toutes ses inflexions. 2° Les cellules 10 à 13 possèdent un protoplasme abondant, tandis que celui-ci paraît faire complètement défaut dans les fig 53 à 58. Dans les fig. 53, 54 et 55, on constate en certains endroits l'existence d'une mince membrane, limitant du côté du noyau une cavité, mais celle-ci paraît vide et on n'y distingue aucune substance granuleuse que l'on puisse assimiler au protoplasme. Cette membrane est surtout visible dans les préparations obtenues par dissociation dans l'acide acétique; elle se présente alors fréquemment sous forme de soulèvements. Mais il est impossible de démontrer l'existence de cette membrane à l'extérieur de tous les noyaux, surtout sur les plus petits, même au niveau des incisures et dans les moelles dissociées dans l'acide acétique, de sorte que beaucoup de noyaux paraissent complètement libres, fig. 56, 57 et 58. (i) Lôwit : Ueber Neubildung und Zerfall weisser Blutkôrperchen ; Sitz. Ber der Akad. z. Wien, B. XCII, III. Abth., i885. DIVISION ET DEGENERESCENCE DES CELLULES GEANTES 51 On pourrait se demander si ces noyaux sans corps protoplasmique n'ont pas été mis en liberté par la dissociation. Il n'en est rien, car, grâce à leur structure spéciale, on les distingue immédiatement des noyaux géants sortis accidentellement des cellules et de plus on les retrouve dans le même état sur des coupes faites après durcissement. Ces productions s'observent non seulement chez le cobaye, mais chez tous les animaux où nous lès avons cherchées (lapins, rats, chats, chiens). Ainsi les fig. 60 à 64 proviennent d'un lapin; la fig. 59 d'un rat; dans cette dernière on observe en bas, entre ce noyau et la membrane extérieure, quel- ques granulations protoplasmatiques. Quelle est la signification de ces noyaux? On pourrait dont d'abord les considérés comme des noyaux apparte- nant à des cellules géantes en voie de formation; mais cette hypothèse s'harmonise peu avec l'absence de protoplasme et la distribution de la chromatine. Comme nous l'avons vu, celle-ci forme à la périphérie du noyau une couche continue sans structure, et qui présente par conséquent beaucoup d'analogie avec le premier stade de l'altération cadavérique, dont il a été question dans le paragraphe I, fig. 3, 4 etc.. En outre, les deux espèces de noyaux se colorent intensément et retiennent la matière colorante avec une égale ténacité sous l'action des agents décolorants (alcool, alcool additionné d'acide chlorhydrique, essence de girofle). Ces différentes propriétés nous font croire que les noyaux des fig. 53 à 59 répondent à un stade de dégénérescence normale des cellules géantes, présentant certains points de contact avec la dégénérescence cadavérique. Mais l'analogie ne va pas plus loin; tandis que dans l'altération post mortem, la partie colorable envahit tout le noyau, dans la dégénéresrence normale la couche non structurée reste mince et ne quitte pas la périphérie. Enfin, est-il besoin pour diffé- rencier encore davantage ces deux espèces de noyaux, de dire que les uns apparaissent seulement quelques heures après la mort, tandis que les autres s'observent immédiatement après que l'animal a succombé. Outre la forme de dégénérescence que nous venons de décrire, nous avons également trouvé immédiatement après la mort, mais en beaucoup moindre abondance, les formes décrites par Werner et Cornil. Nous en avons représenté quelques-unes dans les fig. 60 à 64, et nous nous rangeons à l'opinion de ces auteurs, aussi bien pour leur origine que pour leur signi- fication. Ce sont des masses protoplasmiques, renfermant des gouttelettes d'une matière semi-fluide, sans structure et qui se comporte vis-à-vis des 52 H. DEMARBAIX matières colorantes comme le noyau des cellules géantes en dégénérescence cadavérique, c'est-à-dire qu'elle se colore intensément et qu'elle se décolore difficilement. Souvent plusieurs de ces gouttes sont sorties; dans d'autres cellules, toutes ont abandonné le protoplasme, fig. 63. Nous ne saurions dire si cette dernière variété de cellules en dégéné- rescence constitue un stade ultérieur de la première variété. La présence d'un corps protoplasmatique parle contre cette interprétation. Quant au mode de dégénérescence décrit par Lôwit, et d'après lequel la chromatine finirait par disparaître, nous ne l'avons pas retrouvé. Au contraire, les noyaux dégénérés se coloraient tous plus intensément sur nos préparations que les noyaux intacts, et se rapprochaient par cette propriété des figures cinétiques. CONCLUSIONS. i° Pendant la vie et peu de temps après la mort, les myéloplaxes présentent tous un noyau vésiculaire, composé d'une membrane, de filaments achromatiques, de corps chromatiques et d'un suc ou enchylème. 2° Les noyaux riches en chromatine d'ARNOLD, caractérisés par un aspect brillant et homogène ainsi que par l'intensité avec laquelle ils se colorent, n'existent pas pendant la vie. Ils apparaissent peu de temps après la mort et constituent une altération cadavérique des noyaux décrits sous le n° î . 3° Cette altération commence par un gonflement des corps chromati- ques ; bientôt la partie colorable forme à la face interne du noyau une couche continue qui s'épaissit de plus en plus, et finit par occuper toute la cavité du noyau. 4° Cette altération est indépendante de toute intervention de micro- organismes, et précède de beaucoup une altération semblable des petites cellules de la moelle. 5° Ce sont ces altérations qu'ARNOLD a pris pour un mode de division spécial, la fragmentation indirecte. 6° Les noyaux dégénérés opposent aux agents décolorants une ré- sistance analogue à celle des noyaux en cinèse, ce qui fait penser que la chromatine a subi une modification par laquelle elle devient analogue, sinon identique, à la chromatine des figures caryocinétiques. Il est possible que l'intensité de coloration des noyaux dégénérés soit due à une augmenta- DIVISION ET DEGENERESCENCE DES CELLULES GEANTES 53 tion de la chromatine, mais elle se laisse également expliquer par une per- méabilité plus grande des éléments nucléiniens pour les matières colorantes. 7° Les phénomènes qu'ARNOLD a décrits sous le nom de fragmentation indirecte dans les cellules lymphatiques de la moelle, la rate et les ganglions lymphatiques hyperplasiés sont aussi des altérations cadavériques. 8° On observe à l'état normal la division cinétique multiple dans les myéloplaxes de tous les animaux où nous l'avons cherchée; il faut donc admettre que cette division constitue un mode phyriologique. 9° Malgré le grand nombre de figures que nous avons eu l'occasion d'examiner, nous n'avons jamais rien vu qui indiquât que les myéloplaxes présentent la division cinétique binaire. io° Contrairement à ce qu'affirme Cornil, la division, dans les frac- tures des cellules géantes, est encore multiple et non binaire. 1 1° La division cinétique multiple est le seul mode de division bien établi des cellules géantes de la moelle. Les indices de division directe sont susceptibles d'autres interprétations, parmi lesquelles l'hypothèse de la phagocytose doit surtout être prise en considération. 12° A l'état normal, un certain nombre de cellules géantes présente des phénomènes de régression. Ils sont de deux sortes. Dans la première, le noyau se transforme en une goutte d'une substance semi-liquide, homo- gène, qui peut se fragmenter ultérieurement en plusieurs gouttes plus petites. Ces dernières sont quelquefois expulsées du protoplasme. Dans la seconde, le protoplasme disparait rapidement ; la partie colorable du noyau forme à sa surface interne une couche réfringente, continue et homogène. Dans les deux sortes la coloration est intense. Qu'il me soit permis en finissant d'adresser mes plus sincères remer- cîments à Mr le professeur Denys, pour les conseils qu'il a bien voulu me donner et sans lesquels je ne serais pas parvenu à mener ce travail à bonne fin. EXPLICATION DES PLANCHES Toutes les figures ont été dessinées à la chambre claire au moyen de l'obj. 3 et du i / 1 8 de pouce à immersion homogène de Zeiss. Sauf les fig. 44 à 51 et les fig 60 à 64, elles proviennent de préparations obtenues par dissociation dans l'acide acétique à i ou à 2 %, et colorées par le vert de méthyle. PLANCHE I. Les fig. 1 à 9 proviennent du lapin, les fig. 10 à 24 du cobaye, les fig. 25 à 32 et 38 à 39 du rat, les fig. 33 à 35 du chien, les fig. 36 et 37 du chat. FIG. 1 et 2. Cellules géantes du lapin avec noyaux non altérés. En plusieurs endroits on reconnaît que les nucléoles et les grains de chromatine se trouvent sur des filaments achromatiques. FIG. 3 et 4 Cellules géantes du même animal. Les noyaux, reproduits en coupe optique, présentent le premier stade de l'altération : la chromatine forme à la périphérie du noyau une couche continue. On y voit aussi quelques nucléoles gonflés. FIG. 5. L'altération est plus avancée; il ne persiste plus au centre des travées du noyau qu'un canal étroit, réprésenté en coupe optique. FIG. 6, 7, 8. L'altération est plus avancée encore, la chromatine occupe tout le noyau. On n'y distingue plus aucune structure. FIG. 9. Cinèse multiple au stade des polygones, mais rendue presque méconnais- sable par l'altération. FIG. 10, 11, 12. Cellules géantes uninucléées du cobaye. FIG. 13. Cellule géante du même animal avec cinq noyaux. FIG. 14. Commencement de l'altération cadavérique. Les fragments de chroma- tine sont plus gros et s'allongent. FIG. 15. Altération plus profonde. La chromatine est disposée en réseau. FIG. 16 et 17. Les noyaux sont représentés en coupe optique. La nucléine forme sous la membrane du noyau une couche continue. FIG. 18, 19 et 20. Noyaux complètement envahis par la chromatine, à part quel- ques vacuoles représentées en blanc. Dans la fig. 20, la chromatine affecte encore dans un des fragments une disposition en réseau. 56 H. DEMARBAIX FIG. 21. Cinèse multiple (stade . des couronnes polaires) présentant l'altération cadavérique. FIG. 22. Noyau présentant un commencement d'altération et étiré en 3 endroits par les aiguilles. FIG. 23. Noyau étiré également en 3 endroits. En bas et à droite, une partie du noyau fait hernie. FIG. 24. Noyau transformé en gouttes de chromatine dont trois présentent des vacuoles laissées en blancs. FIG. 25 et 26. Cellules géantes intactes du rat, l'une uninucléée, l'autre polynucléée. FIG. 27. Début de l'altération. FIG. 28 et 30. Altération plus profonde. FIG. 29. Le noyau est devenu plus complètement massif et a perdu toute structure. FIG. 31 et 32. Cellules géantes d'un rat malade, renfermant plusieurs petites cellules à noyau en boudin. FIG. 38 et 39. Cellules du même rat. Préparation faite le lendemain. FIG. 33. Cellule géante intacte de chien. FIG. 34. Cellule géante à noyau altéré, renfermant cinq petites cellules. FIG. 35. Cellule géante à noyau complètement envahi par la chromatine FIG. 36. Cellule géantes de chat normale. FIG. 37. Cellule du même altérée. PLANCHE II. FIG. 40. Cellules lymphatiques normales du lapin- FIG. 41. Cellules lymphatiques du même, présentant les altérations correspondantes des cellules géantes. FIG. 42. Cellules lymphatiques normales du rat. FIG. 43. Cellules lymphatiques du même altérées. Pour les détails, voir le texte. FIG. 44 à 51. Cellules géantes en cinèse multiple du cobaye, provenant d'un foyer de fracture. FIG. -44 et 45. Premier stade : Constitution du boyau. En a, les filaments e' coupe optique; en h, les filaments vus de face. FIG 46 et 47. Deuxième stade : Décomposition du boyau en tronçons. FIG. 48 et 49. Troisième stade: Constitution de la corbeille à mailles polygonales. FIG. 50 et 51. Quatrième stade : Couronnes polaires multiples; a, couronnes entières vues de face; b, couronnes vues très obliquement; c, couronnes qui ne pos- sèdent que quelques bâtonnets dans l'hémisphère supérieur, seul dessiné, de la figure cinétique. FIG. 52. Cellules lymphatiques en division indirecte de la moelle du cobaye. FIG. 53 à 58. Cellules et noyaux libres de la moelle normale et très fraîche de cobaye. EXPLICATION DES PLANCHES 57 FIG. 53, 54 et 55. La nucléine est disposée sous la forme d'une couche périphé- rique mince sans structure; à l'intérieur, quelques nucléoles gonflés. Le protoplasme a complètement disparu ; la membrane cellulaire m est visible en plusieurs places et est revenue fortement sur le noyau. FIG. 56, 57 et 58 Le noyau a la même structure que dans les figures précédentes, mais il est impossible devoir soit un corps protoplasmatique, soit une membrane cellulaire. FIG. 59. Cellule géante de rat. Noyau comme dans les figures précédentes. En bas, on voit la membrane, avec quelques granulations protoplasmatiques. FIG 60 et 61 Cellules géantes de moelle très fraîche dans lesquelles le noyau s'est résolu en gouttes réfringentes sans structure et très avides de vert de méthyle. FIG. 62. Les gouttes sont plus nombreuses et plus petites que dans la figure précédente, la plus grosse renferme 3 vacuoles. FIG. 63. Les gouttelettes sont toutes sorties du corps protoplasmique, fortement diminué de volume. FIG 64. Cellule géante très réduite; le noyau est transformé en une goutte non structurée; en haut et à droite, 3 vacuoles, limitées par une mince couche de chroma- tine, probablement des fragments de noyaux en régression. r 10 I-, .-'^fe-- 2J" '.-•v . .. -V* *«" 0 *7 T. de!. Lilh: Dumoril. Louomrv. Fer// io 'n h d 3 h m ij 4. f ' ni' *" ** \ \— 1 --- - \ " i / ■v - .-'/> ^ *. *':'< fcs_Vc Vf' ^vv""^ trt'^V: " ,4 •% '- / s. V-, i ''<< /C i '\ < ■*^-*ife IIP 7 r~\ 43 18 ■y 2d 20 2->, . -d2 -13 JJt 10 11 */ J2 - - :> v ■ m & LIA L TABLE DES MATIÈRES Historique Remarque sur CHAPITRE I. CHAPITRE II. CHAPITRE III. CHAPITRE IV. CHAPITRE V. CHAPITRE VI. CHAPITRE VII. CHAPITRE VIII. la méthode suivie ... .... Des organismes observés dans l'exsudat des péritonitts par perforation De la nature du bacille trouvé dans nos péritonites par perforation Du rôle du bacille vulgaire de l'intestin dans les péritonites par perforation Injection du bacille vulgaire de l'intestin dans le tissu sous cutané Du rôle joué par le contenu intestinal et la bile dans les péritonites dues au bacille du colon. ...... Parallèle entre nos expériences et celles de Erawitz et de Pavlowsky De l'importance du Bacillus coli communis dans la pathogénie humaine I. Le polymorphisme des cultures sur gélatine du Bacillus coli communis II. Absence de sporulation chez le bacille vulgaire de l'intestin. III. Rareté d'espèces liquéfiantes dans les selles IV. Des organismes de l'intestin autres que le bacille du colon. V. Que faut- il penser des organismes décrits par Bienstock? . PAGES 61 62 63 68 70 100 io3 107 110 112 "7 117 .18 JJ Jo J2 te JS J» ^ J ^% ) jtf mmm 38 « ** ^ A f, v* ' Liih /-" NOUVELLES RECHERCHES SUR LA CONSTITUTION CELLULAIRE DE LA FIBRE NERVEUSE PAR L. GEDOELST DOCTEUR EN SCIENCES NATURELLES. (Mémoire déposé le 31 mai 1889J !85 BIBLIOGRAPHIE Un certain nombre de mémoires nous ayant échappé lors de la rédaction de notre premier travail, nous nous permettons de les reproduire ici à titre purement documentaire. Nous donnons ensuite la bibliographie des années 1887, 1888 et 1889 concernant l'histologie de la fibre nerveuse à myéline. 10 16 Malacarne Reil Sprengel, C Wen^el, J . et C Baiter et Home Hodgkin et Lister Raspail Weber, E. H. Krause II Ehrenberg 12 B erres, J i3 i5 Valentin H en le Hannover Nuove espositione dell cerveletto umano; Torino, 1776. Exercitationes anatomicœ: de structura nervorum; Halas, 1796. Institutiones medicas; Amstelodami, 1809. De penitiori structura cerebri hominis et brutorum ; Tubin- gse, 1812. Philos. Transact. for the Year 1818, 1821 et 1824. — Meckel's Archiv, Bd. V, 1819 et Bd. VII. Carus : In Seiler's Naturlehre des Menschen; Dresden et Leipzig, 1826. Annals of philosophy for Aug. 1827. — Froriep's Notizen, 1827. : Froriep's Notizen, 1828, Bd. XX, n° 19. Allgemeine Anatomie, in Hildebrandt's Handbuch der Ana- tomie des Menschen; Braunschweig, i83o. Einige Bemerkungen ùber die feinsten Nervenfasern ; Pog- gendorf's Annalen der Physik u. Chemie, 2e Reihe, Bd. I, 1834. Bemerkungen zum vorhergehenden Aufsatz; Ibid. , Bd. I, 1834. Microscopische Beobachtungen ùber die innere Bauart der Nerven u. Central-Theile des Nerven-Systemes; Medicin. Jahrbùcherdesk.k.Oesterreich. Staates, Neueste Folge, Bd.IX. Repertorium f. Anat. u. Phys., Bd. III, i838. Arch. f. Anat., Phys. u. wiss. Med., i83g. Mikroskopiske Undersôgelser af Nervesystemet; Kjôbenhavn, 1842. Das peripherische Nervensystem der Fische, anatomisch u. physiologisch untersucht ; Rostock, 1849. ~ Nachrichten von den G. A. Universitàt u. der k. Ges. d. Wissenschaften zu Gôttingen, i85o. Stannius 128 L. GEDOELST 17 18 19 20 21 22 23 24 26 27 28 29 3o 3i Hassall : Roudanovsky : Arnold : Kutschin : Kôlliker : Schwann : Babuchin : Schult^e : Mikroskopische Anatomie des menschlichen Kôrpers im ge- sunden u. kranken Zustande ; Leipzig, i852. Sur la structure du tissu nerveux étudié par une nouvelle méthode; Comptes-rendus de l'Acad. d. Se. de Paris, t. 5g-6o, 1 864-1 865. Ueber die feinere histologischen Verhàltnisse der Ganglien- zellen in dem Sympathicus des Frosches; Virchow's Archiv, Bd. 32, i865. Zur Structur des Nervengewebes. Vorlàufige Mittheilung ; Med. Centralbl., III, n° 36, i865. Handbuch der Gewebelehre des Menschen, 5e Aufl., 1867. Bullet. de TAcad. d. Se de Belgique, 37e année, 20 série, t. 25, 1868. Ueber den feineren Bau und Ursprung des Axencylinders ; Centralbl. f. d, med. Wiss., n° 48, 1868. Allgemeines ùber die Structurelemente des Nervensystems, in Stricker's Handbuch der Lehre von den Geweben, Bd. I, 1 868-1871. 25 Roudanovsky : Ueber die Structur der Axencylinder in den Primitivnerven- rôhren der Spinalnerven und ihr Verhàltniss zu letzteren; Archiv f. path. Anat , Phys. u. wiss. Med , Bd. 52, 1871. — Centralbl. f. d. med. Wiss., n° 10-11, 1872. Ranvier : Des étranglements annulaires et des segments interannulaires chez les Raies et les Torpilles; Comptes-rendus de TAcad. d. Se. de Paris, 1872. Robin : Anatomie et physiologie cellulaires ; Paris, 1873. Tliin : A contribution of the anatomy of connective tissue, nerve and muscle, with spécial référence to their connexion with the lymphatic System; Proceedings of the royal Society of London, vol. XXII, n° i55, 1874. Roudanovsky : Structur der Nervenfasern ; Bericht ùber d. physiol. und histol. Mittheil. auf d. 4. Versamml. russischer Naturforscher zu Kasan, Pflùger's Archiv f. d. ges. Physiol., Bd. VIII, 1874. Roudanovsky : De la structure des racines des nerfs spinaux et du tissu ner- veux dans les organes centraux de l'homme et de quelques animaux supérieurs; Paris, 1875. Ranvier : Des tubes nerveux en T et de leurs relations avec les cellules ganglionnaires; Comptes-rendus de TAcad. d. Se. de Paris, vol. 81, 1875. — Med. Centralbl., XIV, n° 3o, 1876. 32 Tourneux et Le Goff : Note sur les étranglements des tubes nerveux de la moelle épinière; Journal de TAnatomie, 1875. BIBLIOGRAPHIE 129 33 34 35 36 38 39 40 4i Schwalbe Mayer Lawdowski : Leydig 37 Benda et Rosenheim Retfonico Galli Nansen Nansen 42 Bornand 43 Schifferdecker 44 Schiffer decker 45 Lahousse, E. 46 Nansen 47 Joseph 48 Jakimovitch Das Ganglion oculomotorii. Ein Beitrag zur vergleichenden Anatomie der Kopfnerven; Jenaische Zeitschrift, Bd. XIII, 1879. Ueber Vorgànge der Degeneration u. Régénération im un- versehrten peripherischen Nervensystem; Zeitschrift f. Heil- kunde, Bd. II, 1881. Neue Thatsachen zur Histologie, Entwicklungsgeschichte u. Physiologie der peripherischen Nerven u. der nervôsen End- gebilde. XXII. Der Bau der Nervenfasern ; S' Petersbourg, i885. (Analyse dans Jahresbericht v. Hofmann u. Schwalbe, Bd. XIV, 1886.) Zelle und Gewebe. Neue Beitrage zur Histologie des Thier- kôrpers; Bonn, 1 885. Ueber das Vorkommen u. die Bedeutung der Mastzellen im Nervensystem des Menschen ; Verhandlungen d. physiol. Ges. zu Berlin, 1886, n° 17-18. : Sulla origine délia guaina di Schwann ; communicazione fatta alla Societa medico-chirurgica di Pavia; Milan, 1886. : Colorazione degli imbuti nelle fibre midollate periferiche col Bleu di China; Zeitschr. f. wiss. Mikroskopie, Bd. III, 1886. : The structure and combination of the histological éléments of the central nervous System ; Bergens Muséums Aarsberetning fôr 1886; Bergen, 1887. : Nerve-elementerne, deres struktur og Sammenhàng i central nervensystemet ; Nordisk med. Ark., Stockholm, Bd. XIX, n" 24, 1887. : Étude histologique des nerfs et de la muqueuse buccale chez les poissons; Bullet. de la Soc. Vaudoise des Se. nat., 3e série, vol. XXIII, n° 96, 1887. : Beitrage zur Kenntniss des Baues der Nervenfasern ; Arch. f. mikr. Anat., Bd. XXX, 1887. : Nachtrag zu meiner Arbeit ûber den Bau der Nervenfasern ; Archivf. mikr. Anat., Bd. XXXI, 1887. : Sur l'ontogenèse du Cervelet; Mém. couronnés de lAcad. royale de méd. de Belgique, t. VIII. 1S87. : Die Nervenelemente, ihre Struktur und Verbindung im Cen- tralnervensystem ; Anat. Anz., t. III, n° 6, 1888. : Zurfeineren Struktur der Nervenfasern; Verhandl. d. physiol. Ges. zu Berlin, n° 5-6, 1888. : Sur la structure du cylindre-axe et des cellules nerveuses ; Journal de l'Anat. et de la physiol. norm. et path., t. XXIII, 1888. 130 49 5o 5i 52 53 54 55 56 57 58 59 6o L. GEDOELST Joseph : Ueber einige Bestandtheile der peripheren markhaltigen Ner- venfaser; Sitzungsber. d k. preuss. Akad d. Wiss. zu Berlin, Adamkie\vic\ Momidloivski Çybulski Leydig Ueber die Nervenkôrperchen des Menschen; Przed. lekarski, n° 25, 1888. — Sitzungsber. d. k. Akad. d. Wiss. Wien, Bd. XCVII, 1888. — Anzeigerd. k. Akad. d. Wiss. Wien, n° 24. — Deutsche Medicinalztg., 1, Jahr. IX, 1888. Ueber die Nervenkôrperchen von Prof. Adamkiewicz; Przeg- lad lekarski, n° 16, 188S. — Wiener klinische Wochenschrift, I, n° 19-20, 1888. Einige Bemerkungen ùber die Nervenkôrper des Prof. Adam- kiewicz; Przeglad lekarski, n° 46, 47 et 49, 1888. Altes und neues ûber Zellen und Gewebe; Zoolog. Anzeiger, Ramon y Cajal Spronck : Bijdrage tôt de kennis van den aanvang der Schwann'sche scheede aan de spinale zenuwwortels ; Feestbundel a. P. C. Donders, Amsterdam, 1888. Nota sobre la estructura de los tubos nerviosos del lôbulo cérébral eléetrico del Torpédo; Revista trimestrial de Histolo- gia, I, n° 2, 1888. Retins : Ueber myelinhaltige Nervenfasern bei Evertebraten ; Biolog. Fôreningens Fôrhandlingar, Verhandl. d. biolog. Vereins in Stockholm, Bd. I, Hft. 3, n° 9, 1888. Ret^ius : Der Bau des Axencylinders der Nervenfasern; Biolog. Fôre- ningens Fôrhandlingar, Verhandl d. biolog. Vereins in Stockholm, Bd. I, Heft 4, n° 14, 1889. Ranvier : Traité technique d'histologie, 2e édit. ; Paris, 1889. Kulliker : Handbuch der Gewebelehre des Menschen, 6e Aufl., Bd. I; Leipzig, 1889. Leydig : Bemerkungen zum Bau der Nervenfaser; Biolog. Centralbl., Bd. IX, n° 7. 1889. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE Les progrès réalisés pendant ces deux dernières années dans nos connaissances sur la constitution de la fibre nerveuse, n'ont guère été marquants. Les quelques travaux qui ont été publiés sur cette question, ont plutôt confirmé les données antérieurement acquises, qu'apporté quelques contributions nouvelles à nos connaissances. Schifferdecker (43) expose dans un très important mémoire ses recherches sur la structure des fibres nerveuses : il étudie tout particulièrement les étranglements annulaires de Ranvier et les incisures de Lanterman. Pour lui, ces formations sont de même nature : elles sont remplies par une substance qui se gonfle sous l'action de l'eau et qui, sous l'in- fluence de certains réactifs coagulants, prend la forme des espaces qu'elle occupe et donne naissance aux formations connues sous le noms de disques intermédiaires et de entonnoirs intermédiaires. L'endosmose se fait facilement au niveau des entonnoirs et des disques et assure ainsi la nutrition du cylindre-axe. Il confirme sur ce point les observations de Koch et les nôtres en opposition avec celle de Ranvier; il se rapproche également de Schou et de nous, lorsqu'il admet au niveau des incisures obliques l'existence d'une substance spéciale de nature plasmatique. Schifferdecker rejette la conception de Boveri sur la disposition de la membrane de Schwann : celle-ci est continue sur toute la longueur de la fibre nerveuse. Le cylindre-axe est également ininterrompu. On peut y distinguer deux parties : une zone périphérique résistante, élastique et très mince; et une interne molle et fluide. Il admet l'existence d'un espace périaxial, mais dénie toute gaine particulière au cylindre-axe : la membrane de Mauthner, ainsi que l'enveloppe protoplasmique de Ranvier, n'existe pas en réalité ; ces membranes résultent plutôt de la stratification de la gaîne médullaire sous l'action des réactifs. Enfin l'auteur rejette la théorie de Ranvier et celle de Boveri relatives à la constitution générale de la fibre nerveuse. Nansen (40, 41, 46), dont les recherches ont porté surtout sur les invertébrés, mais qui les a étendues aux genres Amphyoxus et Myxine, propose une théorie nouvelle de la con- stitution des fibres nerveuses. Le contenu des tubes nerveux serait formé, non de fibrilles primitives et d'une substance semi-liquide interfibrillaire, mais de petits tubes (tubes pri- mitifs) à parois solides, qui seraient remplis d'une substance homogène semi-liquide (le hyaloplasma de Leydig). Le spongioplasma ne constituerait donc pas une substance réticu- lée, comme l'admettait Leydig, mais formerait les parois des tubes primitifs. Leydig (53, 60) paraît s'être rallié à cette manière de voir. 132 L GEDOELST Lahousse (45), dans le cours de ses recherches sur l'ontogenèse du cervelet, a étudié le développement du réseau de Kûhne et Ewald. D'après lui les lamelles cornées sont for- mées aux dépens des prolongements prôtoplasmatiques de la névroglie embryonnaire plus ou moins différentiée. Ces prolongements réticulés, au lieu de s'épanouir, forment de lon- gues trainées enchevêtrées, des tubes fenêtres. Dans la lumière de ces tubes, le suc para- plasmatique engendre les fibrilles du cylindre-axe. Joseph (47, 49), s'est occupé surtout de l'étude de la structure intime du cylindre-axe. D'après cet auteur, il existe dans le cylindre-axe un réseau (Axengerùst) qui se continue avec le réseau périphérique de la couche médullaire (1). Le réseau central et le réseau péri- phérique sont de même nature; ils présentent les mêmes propriétés vis-à-vis des réactifs. L'Axengerùst n'est pas un produit artificiel ; il n'est pas de nature nerveuse; il serait destiné à mettre de l'ordre dans le faisceau irrégulier des fibrilles nerveuses, qui constituent le véritable élément nerveux conducteur. Ces conclusions ont tout dernièrement été attaquées par Retzius (57) qui conteste que l'Axengerûst présente sous l'action des réactifs colorants les mêmes caractères que le réseau périphérique. D'après cet auteur, les trabécules de l'Axengerûst sont formées de granules, qui correspondent à la coupe optique des fibrilles. Celles-ci sont régulièrement réparties dans tout le cylindre-axe à l'état normal. La disposition réticulée est due aux réactifs par la formation de vacuoles, qui repoussent les fibrilles et déterminent ainsi l'apparition d'un réseau. Retzius adopte ainsi la manière de voir de Kupffer sur la disposition des fibrilles dans le cylindre-axe, mais il rejette l'existence d'un sérum, dans lequel flotteraient ces fibrilles ; il admet plutôt l'existence d'une substance plus ferme, semblable à l'hyaloplasma des cellules nerveuses. Joseph, dans sa première note (47), étudie également le réseau de Kùhne et Ewald; il en conteste la préexistence. Il reconnaît à la vérité qu'il existe dans la couche médullaire, à côté de la myéline, une autre substance qui sous l'action de certains réactifs apparaît sous la forme d'un réseau. Quelle en est la nature? L'auteur se borne à poser la question sans la résoudre. Il reconnaît toutefois que la dénomination de névrokératine, qui lui a été donnée, ne lui convient pas. Dans une seconde communication (49), Joseph revient sur sa première affirmation et déclare que ce réseau est très probablement préformé dans la couche médullaire (2). Jakimovitsch (48) étudie le cylindre-axe à l'aide de la méthode de l'argent. Il formule les conclusions suivantes : le cylindre-axe est formé de fibrilles délicates et d'une substance intermédiaire; les fibrilles primitives sont formées de deux substances différentes : une substance non colorée alterne avec une substance colorée en brun par l'argent, et détermine (1) Ce dernier réseau n'est pas autre chose que le réseau de Lanterman que nous avons identifié avec le réseau de Kûhne et Ewald. (2) L'auteur confirme ainsi nos premières observations qu'il a bien soin de passer sous silence, bien qu'elles lui soient parfaitement connues. Il a probablement jugé que si nos conclusions méritaient d'être adoptées et reproduites comme personnelles, nos observations par contre n'étaient pas dignes d'être citées. Nous ne l'imiterons pas dans sa manière d'agir; nous nous bornerons à signaler de pareils procédés, chaque fois que nous en aurons l'occasion. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 133 ainsi une apparence striée La substance colorée est dense, élastique et plus solide que l'autre. On peut les séparer par la macération, et la fibrille primitive se décompose en particules nerveuses qui sont les éléments primitifs. Ces particules sont réparties irrégulièrement dans le cylindre-axe à l'état de repos, mais se groupent pour former des stries pendant l'activité. Ranvier (58), dans la 2e édition de son traité technique, attribue à l'action des réactifs l'apparition du réseau de Kùhne et Ewald, dont il conteste ainsi la préexistence. Kôlliker (5g), dans la nouvelle édition de son traité d'histologie, émet une opinion semblable. Enfin si nous citons encore la note de Bornand (42) sur la structure fibrillaire du cylindre-axe; et les articles de Adam kiewicz (5o), Momidlowski (5i), Cybulski (52) sur les Nervenkôrperchen, où ces auteurs s'évertuent à démontrer l'existence de ces éléments, nous aurons passé en revue tout ce qui a été publié pendant ces deux dernières années sur la constitution intime de la fibre nerveuse. Comme on peut le voir par cette courte analyse, nos connaissances sur cette question n'ont guère progressé; aucun fait nouveau n'est venu enrichir la science histologique 186 OBSERVATIONS. I. L'élément réticulé de la gaîne de myéline. Dans un précédent travail, nous formulions les conclusions suivantes sur la constitution de la gaîne de myéline des fibres nerveuses : i° Il y existe un réticulum qui a été entrevu et décrit successivement par Ewald et Kuhne et par Lanterman ; 2° Les dispositions observées par ces auteurs répondent à une struc- ture unique de la gaine médullaire : le réseau de névrokératine est identique au réseau de Lanterman; 3° Ce réseau est préformé et ne dépend pas de l'action des réactifs sur la myéline. 5° ........ La lécithine imprègne les travées du réseau, tandis que la cérébrine en occupe les mailles ; (•) Nos premières observations avaient été faites sur quelques types de batraciens, d'oiseaux et de mammifères. Afin de pouvoir généraliser les résultats que nous avions obtenus, il importait d'étendre nos recherches aux poissons et aux reptiles. C'est ce que nous avons fait. Nous avons étudié les types suivants : Parmi les poissons : Callionymus maculatus Bonap. ; Cyclopterus Uimpus L. ; Blennius ocellaris L.; Scorpœna porcus L.; Labrus maculatus Bl.; Pleuronectes hmanda L.,- Rhombus maximus L. ; Conger vulgaris Cuv. ; Syngiiathus acus L.; (i) Etude sur la constitution cellulaire de la fibre nerveuse; La Cellule, t. III, fasc î 1887, pp. 211—212. 136 L- GEDOELST Raja clavata Rond. ; Torpédo marmorata Risso ; Squatina angélus L. ; Scyllium canicula Cuv.; (1) Perça fluviatilis Rond. ; Cyprinus carpio L. ; Esox litchis L. ; Parmi les reptiles : Tropidonotus natrix Gesn.; Lacer ta viridis L. ; Cistudo europœa Schneid.; Testudo grœca L. ; De plus, nous avons étudié encore quelques types de batraciens : Siredon pisciformis Shaw. ; Salamandra maculosa Laur. ; Triton cris ta tu s Laur. ; Pelotâtes fusais Laur. Ces nouvelles observations nous ont donné des résultats absolument identiques à ceux de nos premières recherches. Aussi n'insisterions-nous guère sur celles-là, si pour cette étude nous n'avions eu recours à des mé- thodes nouvelles pour mettre en évidence l'élément réticulé de la gaîne médullaire. D'abord nous avons utilisé le liquide de Perenyi, simple ou additionné d'une trace d'acide osmique. Sous l'influence de ce réactif, le réseau appa- raît très distinctement, la gaîne de myéline ayant perdu sa réfringence caractéristique, fig. 28. Si ensuite on laisse un nerf ainsi traité digérer pendant un certain temps dans l'alcool à 700, le réseau s'accuse avec plus de netteté encore et apparaît sous la forme typique et classique du réseau de Ewald et Kuhne; mais il importe de remarquer que déjà avant l'action de l'alcool, alors que la myéline n'était pas encore dissoute, le réseau se reconnaissait parfaitement et que, par conséquent, il n'est pas possible d'at- tribuer son apparition à l'action de ce dernier réactif. Celui-ci n'a pour effet que de le mettre mieux en évidence en enlevant la myéline, dans laquelle il est plongé. Une seconde méthode consiste dans l'emploi du nitrate d'argent. Dans certaines conditions, dont il ne nous est pas possible de préciser la nature, (1) Nos observations sur les poissons marins ont été faites au laboratoire de zoologie maritime de Concarneau, où Monsieur le professeur Pouchet nous a accordé l'hospitalité la plus gracieuse. Nous tenons à lui exprimer ici publiquement toute notre reconnaissance LA FIBRE NERVEUSE 137 le réseau apparaît imprégné en noir par l'argent. Cette réaction n'est mal- heureusement pas constante. Nous y attachons néanmoins une grande importance, car il est impossible dans le cas actuel d'attribuer l'apparition du réseau à l'action dissolvante du réactif. Ici rien de tel ne se produit, aucun élément n'est dissout ; le réseau protoplasmique réduit tout simple- ment le sel d'argent et apparaît ainsi en toute évidence. Enfin comme troisième méthode, nous avons employé un mélange d'acide osmique (solution à 1 : 100) et d'alcool absolu. Nous avions reconnu en effet que la lécithine imprègne les travées du réseau et se colore en noir par l'acide osmique. Nous nous sommes donc fait le raisonnement suivant : en faisant agir en même temps l'acide osmique et l'alcool fort, la léci- thine réduira l'acide osmique sur les travées du réseau, avant d'être dissoute par l'alcool et, lorsque celui-ci produira son action dissolvante, l'osmium se déposera sur les travées, et le réseau apparaîtra coloré en noir. Nos prévi- sions se réalisèrent en effet ; cette méthode confirme nos conclusions anté- rieures sur la répartition de la lécithine dans la gaîne médullaire. Nos observations complémentaires sur les poissons et les reptiles nous permettent d'étendre à toute la série des vertébrés nos conclusions sur la structure de-la gaîne médullaire de la fibre nerveuse. Les nouvelles métho- des que nous avons mises en œuvre, démontrent parfaitement que l'élément réticulé de la gaîne de myéline est préformé et ne résulte pas de l'action dissolvante des réactifs. Il constitue un élément normal de la fibre nerveuse des vertébrés. Ainsi se trouvent confirmées et étendues nos conclusions 1 , 3 et 5 de notre premier mémoire. Notre conclusion 2 a fait également l'objet d'observations nouvelles. Lorsque nous affirmions l'identité des réseaux de névrokératine et de Lan- terman, nous faisions la réserve suivante : » La disposition de Lanterman » ne diffère de celle de Ewald et Kuhne que par l'existence dans la première » des incisures obliques. Nous ne sommes guère parvenu à reconnaître » d'une façon certaine sur le réseau de névrokératine des interruptions cor- r respondant aux incisures de Schmidt. Cependant nous croyons pouvoir » déclarer que cette question est loin d'être complètement élucidée pour » nous (1). « Une observation que nous avons faite depuis, explique à notre avis cette différence. Quand on traite un nerf par le liquide de Flemming ou (1) Loc. cit. p. 202. i ;;s L. GEDOELST bien par l'acide osmique simple à 1 : 1000, et qu'on le dissocie ou mieux qu'on en fait des coupes microtomiques longitudinales, on observe que les incisures obliques ne se présentent plus sous l'aspect qu'on leur reconnaît toujours. Au lieu de constituer des solutions de continuité de la gaine médullaire, séparant complètement les segments cylindro-coniques les uns des autres, on remarque que ces espaces sont traversés par un nombre variable de trabécules réunissant deux segments voisins, trabécules présen- tant les mêmes caractères de coloration que les segments eux-mêmes, et paraissant continuer la substance de l'un à l'autre, fig. 1 et 2. Ils constituent en quelque sorte, si nous pouvons nous exprimer ainsi, des espèces de ponts unissant deux segments voisins. Ces ponts sont en nombre variable, 3, 4, 5 ou 6, rarement davantage. La fig. 3 montre une incisure, dans laquelle ces ponts sont en outre unis par une travée transversale. Il est fort aisé, en observant sur le frais l'apparition des incisures obli- ques, de reconnaître l'existence de ces ponts. En dissociant à frais un nerf de grenouille et en y ajoutant ensuite une goutte de liquide de Perenyi, simple ou additionné d'une trace d'acide osmique, on assiste à la formation des incisures. Elles apparaissent comme une série de vacuoles entre deux segments cylindro-coniques, les vacuoles étant séparées par des trabécules unissant encore les deux segments. Ensuite les vacuoles augmentant de volume, ces trabécules se brisent, les tronçons sont refoulés et disparaissent. On a alors devant soi une incisure complète, telle qu'on la représente tou- jours. Nous avons vu les mêmes phénomènes en employant une solution de nitrate d'argent. Ces observations faites ainsi sur le frais sont des plus instructives. Quelle est la signification de cette disposition? Devons-nous, avec Ranvier, qui en donne une figure fort imparfaite, l'attribuer à la décompo- sition de la myéline? Nous ne le croyons pas; il n'y a, en effet, pas de raison de considérer avec Ranvier comme normales les incisures obliques, et comme artificielles les trabécules qui traversent celles-ci. Ou bien ces deux formations sont préformées, ou bien toutes deux sont le produit de l'action des réactifs. Comme nous considérons les incisures obliques comme répon- dant à une disposition préexistante de la gaîne de myéline, de même nous considérons comme normales les travées qui les traversent et nous croyons pouvoir en proposer une interprétation scientifique. Ces ponts ne sont, à notre avis, que des trabécules du réseau proto- plasmiquc qui existe dans la gaîne médullaire. Au niveau des incisures, LA FIBRE NERVEUSE 139 dans les mailles du réticulum, il existe une substance spéciale qui se gonfle par l'eau, comme Schifferdecker le signale. A ce niveau se produisent des phénomènes osmotiques, sous l'influence desquels les extrémités des segments cylindro-coniques sont écartées et mettent en évidence les trabécules qui les unissent. Si le courant osmotique augmente d'intensité, les segments sont écartés outre mesure, et les trabécules sont rompues. Notre fig. 5 montre une pareille incisure, où l'on reconnaît encore parfai- tement l'indication des travées rompues. Cette figure est dessinée dans la même préparation que les fig, 1 et 2 ; on peut dans une même coupe ob- server tous les degrés d'écartement des extrémités des segments cylindro- coniques, depuis le type représenté par nos fig. 1 et 2, jusqu'au type de l'incisure oblique classique sans indication de travées unissantes. Cette disposition explique très aisément la différence que nous avions signalée entre le réseau de Lanterman et celui de Ewald et Kuhne. En effet, lorsqu'on développe le réseau corné au moyen de l'alcool absolu et de l'éther, aucun phénomène osmotique ne se produit au niveau des incisures obliques, les extrémités de deux segments voisins ne sont pas écartées et le réseau n'est pas rompu à leur niveau, il est continu dans toute la longueur du segment interannulaire. Si, au contraire, on emploie l'acide osmique, ou un autre réactif en solution aqueuse, pour mettre en évidence le réseau de Lanterman, les incisures obliques apparaissent, les segments cylindro- coniques s'écartent les uns des autres, et le réseau de Lanterman est inter- rompu. Enfin cette observation rend compte de certaines figures que nous avions observées et que nous avions reproduites déjà dans notre premier mé- moire. Telle est celle que nous représentons fig. 4. Lorsqu'on fait des coupes microtomiques transversales de fibres nerveuses montrant le réseau de Lanterman, on reconnaît dans la gaîne de myéline une série de points ou de bâtonnets qui correspondent aux trabécules du réseau, que la coupe a intéressées. Mais sur certaines fibres on remarque que ces bâtonnets, au lieu d'être isolés les uns des autres, sont réunis entre eux par leurs extré- mités, de manière à circonscrire des mailles véritables. Cette disposition qui nous avait intrigué et que nous n'étions pas parvenu à interpréter alors, s'explique très aisément aujourd'hui en admettant que ces coupes passent au niveau d'une incisure oblique, telle qu'en représentent nos fig. 1 et 2. Cette explication se justifie en outre par le fait que, dans ces mêmes coupes de nerfs, nous n'avons jamais rencontré la disposition figurée par Ranvier comme correspondant à une incisure oblique. 14o L. GEDOELST Étudiant ainsi la constitution des incisures obliques, nous avons cher- ché à reproduire les formations signalées par Rezzonico et Golgi, les en- tonnoirs-spirales. Nous avons suivi fidèlement les méthodes proposées par ces auteurs et celles qu'ont données ensuite Mondino, Cattani, Galli, etc., mais jamais nous ne sommes parvenu à reproduire leurs figures ; jamais nous n'avons pu reconnaître une véritable spirale au niveau des incisures obliques. Sur des coupes nous obtenions les figures décrites plus haut et, sur une vue de champ, nous n'avons jamais pu distinguer autre chose qu'un certain nombre de trabécules, auxquelles il nous a toujours été impossible de reconnaître une disposition spiralée. Encore bien moins sommes-nous parvenu à isoler et à dérouler une pareille spirale, comme le figure Rezzo- nico. Aussi nous croyons que les fig. 4 c, d, e et f, de ce dernier auteur sont bien plutôt le produit de son imagination que la reproduction fidèle de ses préparations. Après avoir examiné bien attentivement les figures de Golgi, nous nous sommes convaincu que ces entonnoirs-spirales correspondent parfai- tement aux dispositions que nous venons de décrire. Sa fig. 5 surtout est presque identique aux nôtres et ne peut guère être interprétée comme il le fait. Il y décrit en effet, au niveau des incisures obliques, un système non interrompu de fines fibrilles transversales qu'il considère, à tort à notre avis, comme la section optique des fibrilles circulaires. Nous croyons qu'elles représentent les trabécules telles que nous les avons décrites plus haut. En présence de ces faits, on doit se demander quelle est la signi- fication des incisures obliques. Sont-elles préformées, ou bien sont-elles le résultat de l'action des réactifs? Ces questions ont été l'objet de solu- tions bien différentes. La plupart des auteurs ont cherché à les résoudre par l'observation directe des fibres nerveuses vivantes, soit dans le poumon, soit dans le mésentère, soit dans la membrane interdigitale de la grenouille. Les uns ont répondu affirmativement : les incisures sont préformées et se voient sur les fibres vivantes; les autres ont répondu négativement : elles n'existent pas sur les fibres vivantes. A quoi attribuer de pareilles divergences d'opinions entre des observateurs consciencieux et rompus aux difficultés de la technique histologique? Nous croyons que tous ont bien observé et que leurs divergences d'opinions résultent soit de leur mode opératoire, soit de l'état d'intégrité plus ou moins parfaite des organes qu'ils étudiaient. Les remarques que nous avons faites plus haut, rendent parfaitement compte LA FIBRE NERVEUSE 1 4 1 de la chose. En effet, il n'est guère possible d'examiner le poumon ou le mésentère de la grenouille, sans léser plus ou moins ces organes, sans les mettre dans des conditions qui doivent troubler leur fonctionnement normal, et altérer par le fait même plus ou moins leurs tissus. Il ne serait donc pas extraordinaire que dans ces conditions certains phénomènes, je ne dirai pas pathologiques, mais tout au moins anormaux, se produisent et modifient l'aspect d'éléments aussi délicats que les fibres nerveuses à myéline. C'est dans de pareilles conditions que certains auteurs ont pu reconnaître l'exis- tence des incisures obliques, alors que d'autres placés dans des conditions plus heureuses ne sont pas parvenus à les reconnaître. Les observations nouvelles que nous avons faites sur les incisures obliques nous permettront peut-être de résoudre aujourd'hui cette question : les incisures sont-elles préformées? Nous répondrons oui et non. Non, s'il s'agit de solutions de continuité complètes dans la gaine médullaire, comme on l'a admis jusqu'ici, puisque nous venons de voir que ces espaces sont traversés par des trabécules qui unissent deux segments cylindro-coniques voisins. Oui, si par incisure oblique on entend une disposition spéciale de la gaîne de myéline, disposition qui présente une certaine importance pour la structure de cette gaîne. Les incisures obliques répondent donc à une disposition préexistante. Quelle en est la signification? Quel rôle jouent-elles dans la physiologie de la fibre nerveuse? Comme Koch, Schou, nous-même, Schifferdecker l'avons reconnu, au niveau des incisures obliques, il existe une substance plasmatique spéciale, qui se gonfle par l'eau et permet au courant osmotique de se produire en ce point pour assurer la nutrition du cylindre-axe. Cette substance possède des réactions spéciales qui la différencient nettement des autres composés de la fibre nerveuse : elle se coagule par certains réactifs et peut persister alors à l'état de membranes diaphragmatiques entre les segments cylindro-coniques (Schwalbe, Kuhnt, Schifferdecker); elle réduit les sels d'argent, se colore par certaines matières d'aniline (Boveri, Galli), etc. Elle remplit certaines mailles spéciales du réseau et fait partie ainsi de l'enchylème du segment interannulaire, tel que nous l'avons défini dans notre premier travail. Enfin, notre conception nouvelle des incisures obliques nous permet de réfuter l'opinion de Boveri qui admet entre les segments cylindro-co- niques l'existence de membranes diaphragmatiques, analogues aux - Z)vi- schenmarkscheide « de Kuhnt. Nous avons vainement essayé de reproduire '87 142 L GEDOELST les figures de Boveri en employant fidèlement sa propre méthode. Nous n'avons jamais réussi. Il paraît en effet que la réaction sur laquelle cet auteur base sa description, n'est pas constante, bien plus elle ne se produi- rait qu'exceptionnellement sans qu'on puisse déterminer les conditions de sa production. On s'étonne qu'un auteur sérieux et consciencieux se con- tente d'une observation aussi superficielle, pour étayer une nouvelle théorie scientifique sans la contrôler par d'autres méthodes. Il est probable que, s'il avait agi autrement, il aurait modifié sa manière de voir. En effet, l'existence des Zwischenmarkscheide , au sens de Kuhnt et de Boveri, n'est pas admissible par le fait seul de l'existence d'un réseau non interrompu dans le segment interannulaire. Nous croyons avoir ainsi confirmé pleinement la deuxième conclusion de notre premier mémoire : le réseau de névrokératine est identique au réseau de Lanterman. II. La constitution des étranglements annulaires. Dans notre premier mémoire, nous avons exposé les diverses opinions émises sur la nature et la constitution des étranglements annulaires de Ranvier. La théorie généralement admise dans les traités d'histologie est celle que Ranvier a proposée lui-même. Mais de nombreuses divergences d'opinions se sont produites sur cette question; aussi avons-nous cru inté- ressant de reprendre cette étude et de rechercher avec soin la constitution intime des étranglements annulaires. Nous avons utilisé pour cette recherche deux réactifs principaux : l'acide osmique et le nitrate d'argent. Nous nous empressons de déclarer que c'est le premier qui nous a donné de loin les meilleurs résultats. Nous l'avons employé comme tel en solutions faibles : 1 pour 600, 800, 1000 et même pour 2000; ou bien mélangé à d'autres substances (liqueur de Flemming, etc. ). Nous avons étudié avec soin l'action de l'acide osmique sur les fibres nerveuses et nous avons reconnu que les solutions faibles conviennent le mieux, parce que ce réactif en solution concentrée 1 1 : 100) produit certaines altérations dans la gaîne de myéline et y détermine une coloration trop intense, qui rend impossible l'observation des fins détails de structure. Les nerfs soumis à ce réactif étaient fixés en extension physiologique, et ensuite dissociés sur le porte-objets ou débités en coupes microtomiques longitu- dinales. LA FIBRE NERVEUSE 143 Le nitrate d'argent a été employé en solution à 2 : 100 et à 0,5 : 100. C'est dans cette dernière proportion qu'il nous a donné les meilleurs résultats. Les fibres nerveuses étaient dissociées à frais sur le porte-objets sans réactif, en évitant avec soin l'évaporation et la dessiccation. Ensuite nous ajoutions une goutte de la solution du sel d'argent, dont nous poursuivions la réduction sous le microscope. Cette méthode est moins avantageuse que la première, parce que la dissociation à frais des fibres nerveuses a pour résultat de les altérer par suite des tiraillements qu'elles subissent de la part des aiguilles. Or, ces tiraillements portent leurs effets principalement sur les étrangle- ments annulaires qui représentent la partie la plus délicate de la fibre, le locus minoris resistentiœ. Les étranglements non altérés sont relativement rares, même dans les préparations exécutées avec le plus de soin, le plus de délicatesse, comme nous le montrerons plus loin. Nous décrirons successivement les résultats que nous avons obtenus par ces deux méthodes et nous chercherons ensuite à les interpréter. Au niveau de l'étranglement annulaire, on observe une ligne transver- sale obscure, qui en approchant de la membrane de Schwann s'élargit pour venir se terminer en s'étalant contre elle, fig. 6, 7 et 8. Cette ligne présente une épaisseur- variable : tantôt elle est fort délicate, surtout en son milieu; tantôt au contraire, elle est épaisse et possède un développement considé- rable. Elle vient s'étaler contre la membrane de Schwann et y constituer un épaississement plein triangulaire, à large base dirigée vers l'extérieur, le sommet se continuant dans la strie transversale. Quelquefois cette strie semble se dédoubler vers l'extérieur, le centre de l'épaississement présen- tant une densité moindre que les bords, fig. 8, ou paraissant complètement vide, et les deux feuillets divergeant vont s'accoler à la membrane de Schwann et se continuer avec elle, fig. 9 et 16. Si l'on emploie des grossissements puissants, des objectifs à immersion homogène, et si l'on met au point ces stries transversales, on observe qu'au centre elles ne sont pas homogènes, mais constituées par une série de gra- nules plus ou moins allongés, placés les uns à côté des autres et correspon- dant aux fibrilles du cylindre-axe, qui vient s'épanouir et se continuer à travers l'étranglement annulaire. On dirait que cette strie est due à des épaississements des fibrilles du cylindre-axe. Ces épaississements sont plus ou moins accusés et déterminent ainsi le plus ou moins d'épaisseur de la strie transversale. L'espace restant entre le cylindre-axe épanoui et la mem- brane de Schwann, est occupé par l'épaississement triangulaire que nous 144 L. GEDOELST venons de décrire et qui constitue ainsi un anneau périphérique. Dans d'autres cas, au contraire, cet espace est nul et la ligne des granulations occupe tout l'étranglement sans se dédoubler à la périphérie. Le cylindre- axe s'épanouit jusque contre la membrane de Schwann elle-même, fig. 11. Si l'on relève ou si l'on abaisse le microscope, on reconnaît que cette strie occupe toute l'épaisseur de la fibre nerveuse. Quelle que soit l'instal- lation du foyer, on conserve toujours l'impression de cette ligne obscure : elle constitue donc une plaque et non une simple ligne. Sur des coupes microtomiques longitudinales de fibres nerveuses, nous avons observé les mêmes détails, fig. 10. Nous y avons en outre remarqué deux autres dispositions que nous avons représentées dans les fig. 12 et 13. Notre fig. 12 est absolument identique à celles que Boveri et Jacobi don- nent, à l'exclusion de toutes autres, dans leurs recherches sur les étrangle- ments annulaires. — Notre fig. 13 représente une disposition que nous avons observée plusieurs fois : l'étranglement est occupé par une plaque transversale percée d'une ouverture centrale que traverse le cylindre-axe dont les fibrilles, au lieu de s'épanouir, paraissent intimement réunies en un faisceau serré. Cette membrane diaphragmatique, qui possède un certain développement sur la fibre que nous avons figurée, est plus restreinte dans d'autres cas et peut même se réduire à un simple épaississement périphéri- que contre la membrane de Schwann. L'ouverture centrale qui augmente ainsi dans la même mesure, donne toujours passage au cylindre-axe, dont les fibrilles s'épanouissent dans la même proportion. Il n'est pas rare d'observer un dédoublement de la plaque transversale. Au lieu d'une série unique de granules, on remarque alors une double série de points. Chaque fibrille du cylindre-axe porte un double épaississe- ment, dont l'ensemble constitue une double plaque transversale, fig. 14. Sur la fig. 15 ce dédoublement ne parait pas encore achevé sur toute l'éten- due de la plaque. Enfin la fig. 17 représente un étranglement annulaire, où il nous a été impossible d'observer la moindre trace d'une plaque transversale. Nous nous bornerons ici à appeler l'attention sur le fait que l'étranglement est fort étendu, les deux culots de myéline sont fort espacés. Nous verrons plus loin l'importance de ce détail, qui nous sera utile pour l'interprétation de cette disposition. De pareils étranglements ne sont pas rares dans les préparations obtenues par dissociation, même dans les préparations exécu- tées avec le plus de soin. On voit tout simplement les fibrilles du cylindre- axe traverser l'espace situé entre les deux manchons de myéline. LA FIBRE NERVEUSE 145 Toutes les dispositions que nous venons de décrire ont été observées sur des fibres nerveuses traitées par l'acide osmique. Examinons maintenant les résultats obtenus par l'emploi du nitrate d'argent. Et d'abord, faisons une remarque générale sur les figures que l'on ob- tient avec ce réactif. Tout le monde connaît les croix que Ranvier a décrites pour la première fois. En employant le nitrate d'argent dans les conditions que nous avons indiquées plus haut, la barre transversale de la croix n'est pas simple, comme on l'a toujours figurée ; elle est au contraire divisée par une ligne blanche, plus ou moins large; tantôt celle-ci est à peine visible, tantôt, au contraire, elle est largement espacée, comme on peut le voir dans nos fig. 20 à 27. La barre transversale de la croix se présente ainsi sous la forme d'une barre double. Si l'on examine avec attention l'espace compris entre les deux culots colorés par l'argent, on reconnaît qu'il est traversé par les fibrilles du cylindre-axe. Ces fibrilles y affectent la disposition d'un fuseau, fig. 20 21 22, et dans quelques cas présentent en leur milieu un épaississement, fig. 20, analogue à celui que nous avons signalé dans. les fibres traitées par l'acide osmique. Ces épaississements y constituent également une plaque transver" sale, qui, dans certains cas, peut être double, fig. 24, comme nous l'avons vu plus haut. Cette plaque est tantôt relativement épaisse, fig. 20, tantôt au contraire d'une délicatesse extrême, fig. 26. La fig. 25 représente un étranglement que, par sa forme, nous pou- vons rapprocher de celui que nous avons dessiné, fig. 17; on y reconnaît encore une plaque d'une minceur extrême. Dans la fig. 24, nous avons reproduit un étranglement où le réactif a déterminé une rétraction des deux segments et une rupture s'est produite au niveau de la plaque. C'est ainsi du moins que nous croyons pouvoir interpréter cette disposition. Le tronçon supérieur est délimité par une double rangée régulière de granules fortement colorés par le sel d'argent, tandis que rien de semblable ne s'aperçoit sur le tronçon inférieur. Les digestions nous ont fourni aussi quelques résultats intéressants. Les fig. 18 et 19 montrent les mêmes détails que nous venons de décrire. Elles peuvent être rapprochées des fig. 6, 10, 11, 20, 26, etc. Elles sont empruntées à des fibres digérées par le ferment pepsinique, et fixées ensuite par l'acide osmique. Le nerf a été coupé longitudinalement au microtome. l46 L- GEDOELST Enfin dans notre fig. 28, on aperçoit une plaque transversale des plus nettes et à double contour. Le contenu des deux segments ayant été légère- ment rétracté, la constitution de l'étranglement annulaire est mise en pleine évidence. Cette fibre a été traitée par le liquide de Perenyi additionné d'une trace d'acide osmique. D'autres méthodes encore nous ont donné des résultats analogues : le nitrate d'argent additionné d'acide osmique ou d'acide nitrique, le lactate d'argent, le chlorure d'or d'après le procédé de Ranvier au jus de citron, etc. Nous pouvons donc affirmer que les dispositions que nous venons de décrire ne sont pas le résultat de l'action d'un réactif spécial, mais répon- dent à une structure préformée, qu'un grand nombre de réactifs peuvent mettre plus ou moins bien en évidence. Quelle est la signification de cette plaque transversale? Existe-t-elle au niveau de tous les étranglements annulaires? Nous n'hésitons pas à la considérer comme une membrane. En effet, elle en présente tous les caractères : elle est formée par les épaississements des fibrilles du protoplasme, dont elle possède les propriétés chimiques; elle est réfractaire au ferment pepsinique et par conséquent elle est proba- blement formée de plastine ou d'élastine. La position qu'elle occupe au niveau de l'étranglement annulaire, permet de supposer également qu'elle constitue la membrane séparatrice de deux cellules voisines, les deux segments interannulaires voisins. Nous n'oserions affirmer d'une manière catégorique que cette membrane existe au niveau de tous les étranglements. Néanmoins nous sommes porté à le croire. En effet, plus la méthode employée pour les mettre en évidence est délicate, plus grand est le nombre de ces membranes qu'on aperçoit dans une préparation. On peut presque affirmer qu'il existe un rapport réel entre la perfection de la méthode et le nombre des plaques. Ces membranes sont d'une délicatesse extrême. J. B. Carnoy, qui a été le premier à signaler l'existence générale d'une plaque cellulaire dans les cellules animales et qui a tout spécialement étudié cette question, s'exprime ainsi : - La - plaque est délicate et se désagrège sous les moindres influences : la pres- » sion, le mouvement des aiguilles, l'action des réactifs durcissants, etc. » Les matériaux qui la constituent se répandent alors dans le cytoplasme; » il n'en reste que les épaississements nodaux des filaments, et parfois un * échaffaudage de trabécules difficiles à distinguer dans le cytoplasme » granuleux. Aussi est-il nécessaire de recourir à des objets frais et traités LA FIBRE NERVEUSE H7 » avec la plus grande délicatesse, pour apercevoir ces détails; nous avons - vu plus d'une fois la large bande des lithobies, s'évanouir sous nos yeux v en quelques instants « (i). Nous sommes intimement convaincu que ces observations s'appliquent parfaitement à la plaque cellulaire des fibres nerveuses. C'est ainsi que nous pouvons interpréter les fig. 17 et 25. Par la dissociation, les étran- glements annulaires ont été étirés, les granules constituant les épaississe- ments des fibrilles se sont effacés complètement, fig. 17, ou presque com- plètement, fig. 25, et la membrane a disparu dans la même mesure. Tou- tefois cette explication ne s'applique guère à la fig. 12. Là, en effet, il ne peut être question, croyons-nous, d'étirement. Cette figure a été dessinée dans une coupe microtomique longitudinale d'un nerf. Nous avons compté un certain nombre d'étranglements semblables à côté d'autres étranglements possédant une plaque cellulaire parfaitement formée. Peut-être bien qu'elle a disparu pour des raisons qu'il n'est pas possible de déterminer. Quoi qu'il en soit, de pareils étranglements constituent une infime minorité dans l'ensemble de nos préparations et ne peuvent être considérés comme repré- sentant la constitution générale des étranglements annulaires, comme Boveri et Jacobi l'ont prétendu. Là où le cylindre-axe occupe toute la lumière de l'étranglement, la plaque n'est constituée que par les épaississements de ses fibrilles ; mais là où il ne remplit qu'une partie de la lumière, l'intervalle jusqu'à la membrane de Schwann est occupé par une portion périphérique, que nous pourrions appelerplaque complétive. C'est cette portion que nous avons décrite comme constituant un épaississement périphérique, plein, de forme triangulaire en coupe optique, fig. 6, 7, 8 et 28, ou comme se dédoublant en deux lamelles laissant entre elles un espace vide triangulaire, les deux lamelles allant se continuer avec la membrane de Schwann. Cette dernière disposi- tion se reconnaît parfaitement sur les fig. 9 et 16 et ne laisse aucun doute sur la constitution de la plaque transversale. Dans la fig. 13, l'anneau périphérique que traverse le cylindre-axe pourrait être' considéré comme représentant la plaque complétive, soit que celle-ci se soit formée seule, soit que la plaque principale ait disparu pour une cause ou l'autre. Nos fig. 14, 15 et 27 représentent des plaques dédoublées. Nous n'avons pu nous empêcher, en observant ces dispositions, de songer aux ponts in- (i) La Cytodiérese chef les arthropodes; La Cellule, t. 1, i885, p. 378. 148 L- GEDOELST tercellulaires que Ide a si bien étudiés (1). Nous n'entendons pas les identifier avec ces formations, nous tenons seulement à faire un rapproche- ment que paraît légitimer notre fig. 15, où on croirait assister à ce dédou- blement de la membrane primitive. Toutefois nous n'avons aperçu qu'un seul exemple de cette dernière disposition, aussi n'oserions-nous formuler aucune conclusion à ce sujet. Tout ce que nous pouvons affirmer en thèse générale, c'est qu'au niveau des étranglements annulaires, il existe le plus souvent une membrane cellulaire. Primitivement formée par les épaississements des fibrilles proto- plasmiques, cette membrane peut acquérir un développement plus considé- rable, surtout à la périphérie contre la membrane de Schwann, par la trans- formation de l'enchylème et par l'apposition de nouvelles couches. Le règne végétal nous offre de nombreux exemples de semblables formations. La partie centrale de la plaque peut conserver sa structure primitive ou bien s'achever également. Monsieur le Professeur J. B. Carnoy a bien voulu nous montrer un filament mycélien de champignon, où l'on pouvait obser- ver tous les détails que nous venons de décrire dans les étranglements annu- laires. Le protoplasme passait d'une cellule à l'autre à travers la membrane séparatrice, dont la périphérie seule présentait un épaississement notable, tandis que la partie centrale paraissait avoir conservé sa structure granu- leuse primitive et était d'une grande minceur. Examinons maintenant quels sont les rapports du cylindre-axe et de la membrane de Schwann avec cette membrane transversale. Le cylindre-axe est-il interrompu au niveau des étranglements annulaires? Il est un fait d'observation que le cylindre-axe n'est pas interrompu dans sa continuité. L'existence d'une membrane transversale ne contredit pas ce fait. Cette membrane, comme toute membrane cellulaire, n'est qu'une différentiation du protoplasme cellulaire, et, dans le cas présent, des fibrilles du cylindre-axe. Elle est donc en continuité parfaite de substance avec celui-ci. A ce niveau, les fibrilles du cylindre-axe n'ont pas perdu leurs caractères ; elles se distinguent seulement en ce point par une accumulation de substance, un simple épaississement. Cette membrane, d'une délicatesse extrême, présente toutes les propriétés des fibrilles du cylindre-axe, dont en somme elle fait partie intégrante. On peut donc dire que le cylindre-axe (i) La membrane des cellules du corps muqueux de Malpighi; La Cellule, t. IV, fasc. 2, 1888. LA FIBRE NERVEUSE 149 d'un segment se continue à travers la membrane avec le cylindre-axe du segment suivant et n'est ainsi jamais interrompu dans sa continuité. Nous nous sommes demandé si cette membrane n'aurait pas la consti- tution des plaques cribreuses des végétaux. Cette assimilation ne nous répugne certes pas ; il suffirait en effet de supposer que l'enchylème de la membrane se solidifie par une transformation chimique, pour que les fibrilles du cylindre-axe passent d'un segment à l'autre à travers une série de ponc- tuations absolument analogues à celles des plaques cribreuses. Nous croyons volontiers que dans certains cas la membrane transversale peut acquérir une certaine épaisseur, fig. 6, 8, 18 et 28, qui permettrait de supposer qu'elle doit être perforée pour laisser passer les fibrilles du cylindre-axe. Un grand nombre d'auteurs se sont aussi posé la question suivante : la membrane de Schwann est-elle interrompue au niveau des étranglements annulaires? On y a répondu affirmativement et négativement. A notre sens, ce défaut d'accord résulte surtout de ce fait que la question a été mal posée et envisagée à un point de vue faux. Rien ne paraît si simple que de résoudre cette question. Il suffit, dans l'état actuel de nos connaissances, de comparer une fibre nerveuse à une algue filamenteuse ou à un mycélium de champignon. Ces filaments sont formés de cellules placées bout à bout et dérivant d'une seule et même cellule par une série successive de bipartitions se faisant à l'aide de plaques cellulaires transversales, identiques à celles des animaux (î), identiques par conséquent à celles que nous avons décrites plus haut. Chaque cellule possède une membrane propre, qui n'est elle-même qu'une portion de la membrane primitive de la cellule-mère. On peut donc affirmer ici que la membrane externe n'est pas interrompue par les membranes transversales qui délimitent le territoire de chaque cel- lule. A notre avis la membrane de Schwann doit être considérée de la même manière : elle n'est pas interrompue au niveau des étranglements annulaires; elle ne s'infléchit pas, soit pour venir se terminer contre le cylindre-axe, soit pour venir le revêtir; elle se continue sans interruption sur les étranglements en donnant tout simplement insertion à la membrane transversale, comme le montrent fort bien les fig. 9, 16 et 28. Nous commencions ce chapitre en rappelant l'opinion de Ranvier sur les étranglements annulaires. Il admet à ce niveau un renflement. » Ce ren- » flement(le renflement biconique), d'une forme presque géométrique, paraît (i) Voir J. B. Carnoy : La cytodiér'ese che^ les arthropodes; La Cellule, t I, i885. ■88 150 L. GEDOELST » constitué par deux cônes réunis par leur base et dans l'axe desquels r, passerait le cylindre-axe. Leur surface de jonction, au lieu de présenter » un angle dièdre aigu, correspond à un méplat analogue à la troncature » d'un cristal « (1). Telle est la description que l'auteur donne ; elle ne concorde guère avec les nôtres. En effet, rien dans nos figures ne correspond au renflement biconique de Ranvier. Notre membrane transversale s'élargit plutôt en approchant de la membrane de Schwann, tandis que le renflement bico- nique vient s'y appliquer par son sommet aigu. On doit donc se demander quelle est la signification de ce renflement. Remarquons d'abord que Ranvier l'a mis en évidence par l'emploi du nitrate d'argent et en a reconnu l'existence à une petite distance de l'étran- glement, ce qu'il expliquait par ce fait que le renflement qui, normalement, se trouve au niveau de l'étranglement avait été déplacé par les manipula- tions des aiguilles. C'est donc dans les figures que nous avons obtenues par l'emploi du nitrate d'argent que nous chercherons l'explication de cette formation. Rappelons d'abord ce que nous avons dit plus haut : le plus souvent ce réactif détermine au niveau des étranglements l'apparition non d'une barre transversale simple, mais bien d'un double dépôt d'argent. Disons aussi que rien n'est plus variable que cette action du nitrate d'argent. Tantôt les deux dépôts sont massifs, nettement délimités, fig. 27, tantôt au contraire, ils constituent deux stries délicates plus ou moins éloignées l'une de l'autre, fig. 23 et 25. Le plus souvent elles sont symétriques aux deux côtés de la membrane transversale ; quelquefois, au contraire, on n'en trouve qu'une seule sur l'un des côtés de l'étranglement, tandis que rien de semblable ne s'observe de l'autre côté. C'est ainsi que nous avons vu souvent un culot noirâtre présentant une certaine épaisseur, rappelant par ses di- mensions et sa forme le renflement biconique de Ranvier, situé à une petite distance de l'étranglement annulaire, tandis qu'on ne voyait rien de l'autre côte. Nous croyons que c'est une disposition analogue que Ranvier a ob- servée et décrite sous le nom de renflement biconique. Ce qui démontre à notre sens que ce renflement n'a pas d'autre signification, c'est qu'il n'est pas rare d'en voir deux semblables, un de chaque côté de l'étranglement. Ce fait prouve à lui seul que ces formations n'ont aucune signification pour la structure de l'étranglement annulaire et qu'elles ne sont que des dépôts (i) Traité technique d'histologie, 2° édition, 1889, p. 556. LA FIBRE NERVEUSE I 5 1 d'argent, dont il n'est guère encore possible de donner une interprétation satisfaisante. Remarquons encore que depuis Ranvier personne n'a confirmé l'exis- tence du renflement biconique. Dans les traités classiques, on a reproduit simplement sa conception et la figure qu'il a donnée, sans renouveler ses observations sur ce sujet. Nous terminons en adressant l'hommage de notre reconnaissance à notre savant maître, Monsieur le chanoine Carnoy. Depuis longtemps dans le cours de ses recherches cytologiques, il avait observé l'existence d'une membrane spéciale au niveau des étranglements annulaires. Il nous a auto- risé à reprendre cette étude et il a bien voulu nous faire profiter de ses premières observations. Qu'il reçoive ici tous nos remerciements. EXPLICATION DES FIGURES Toutes nos figures ont été dessinées à la chambre claire, les fig. i À 6. g, 18 et 19 avec l'objectif apochromatique 0,95-4,0 mm , oculaire compensateur 12; les fig. 8, 10, 12, 14 a 17 et 20 à 27 avec l'homogène immersion apochromatique 1,40-2,0 mm., oculaire compensateur 8 ; les fig. 7, r 1 et i3 avec /e même objectif et l'oculaire compensateur 12 , sn/ÎH Ici fig. 28 flî'ec l'immersion apochromatique à l'eau 1, 25-2, 5 mm., oculaire compen- sateur 12. Tous nos dessins représentent des fibres empruntées au nerf sciatique. à l'exception des fig 9 et 1 5 qui proviennent du nerf trijumeau. FIG. 1, 2, 3 et 5. Fibres nerveuses de crapaud, traitées par l'acide osmique. Coupe longitudinale tnicrotomique. Brun de Bismarck, baume de Canada. FIG. 4 Coupe transversale d'une même fibre nerveuse. FIG. 6. Fibre nerveuse du pigeon. Acide osmique, glycérine FIG 7 et 8. Fibres nerveuses du pigeon. Liqueur de Flemming, glycérine. FIG 9. Fibre nerveuse de la perche Acide osmique, glycérine. FIG. 10, 12 et 13 Fibres nerveuses du crapaud. Coupe longitudinale microtomique. Acide osmique, brun de Bismark, baume de Canada. FIG 11. Fibre nerveuse du pigeon Coupe longitudinale microtomique. Liqueur de Flemming, baume de Canada. FIG. 14. Fibre nerveuse de la grenouille. Acide osmique 1 : 2000, glycérine. FIG. 15. Fibre nerveuse de la perche. Acide osmique, glycérine. FIG 16. Fibre nerveuse de la grenouille. Acide osmique 1 : 1000, glycérine. FIG. 17. Fibre nerveuse du pigeon. Acide osmique, glycérine. FIG. 18 et 19. Fibres nerveuses de la grenouille. Pepsine, acide osmique. Coupes longitudinales microtomiques. Baume de Canada FIG. 20, 21, 22 et 23. Fibres nerveuses de la grenouille. Nitrate d'argent o,5 : 100, glycérine. FIG 24, 25, 26 et 27. Fibres nerveuses de la grenouille. Acide osmique, nitrate d'argent, glycérine. FIG. 28. Fibre nerveuse du pigeon. Liqueur de Perenyi osmiquée, alcool à 700, glycérine. TABLE DES MATIÈRES Bibliographie ..... Revue bibliographique .... Observations ..... I. L'élément réticulé de la gaine de myéline Observations sur les poissons et les reptiles Méthodes nouvelles de recherches Confirmations de nos précédentes conclusions Recherches sur la constitution des incisures obliques Identité des réseaux de Ewald et Kûiine et de Lanterman Critique des observations de Golgi et Rezzonico . Significations des incisures obliques; leur préexistence Critique de l'opinion de Boveri . II. La constitution des étranglements annulaires Méthodes d'observations . Résultats obtenus par l'emploi de l'acide osmique Résultats obtenus -par l'emploi du nitrate d'argent Autres méthodes utilisées Il existe une plaque au niveau des étranglements Signification de cette plaque Constitution de cette plaque Rapports du cylindre-axe avec cette plaque Assimilation de cette plaque avec les plaques cribreuses des végétaux Rapports de la membrane de Schwann avec cette plaque . Critique de l'opinion de Ranvier sur le renflement biconique Explication des figures ...... PAGES 127 i3i i35 1 35 i35 i36 >37 i37 ,3g 140 140 141 142 142 ■43 145 i45 146 14Ô '47 148 149 149 149 ■ 53 I i 1)1 ' I lifiiL M : I 1 II «il -4 I 11 I llil i jï T In* i 7■) .10 M . u 38 ■ Lith u QUELQUES REMARQUES A PROPOS DU DERNIER TRAVAIL D'ARNOLD SUR LA FRAGMENTATION INDIRECTE PAR le Dr J. DENYS PROFESSEUR d'aNATOMIE PATHOLOGIQUE (Mémoire dépose le ier juillet 1889.J TRAVAIL DU LABORATOIRE D ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET DE PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 189 QUELQUES REMARQUES A PROPOS DU DERNIER TRAVAIL D'ARNOLD SUR LA FRAGMENTATION INDIRECTE C'est à J. Arnold que nous devons la description d'un mode spécial de division, auquel il donna le nom de fragmentation indirecte, et dont il s'efforça de démontrer l'existence à l'aide de plusieurs travaux (1). C'est sur- tout dans la moelle rouge des os et dans les ganglions lymphatiques que ce mode de division s'observerait le plus facilement, aussi bien à l'état normal qu'à l'état pathologique. Si l'on fait abstraction de WerneR (2), un élève d'ARNOLD, la descrip- tion du professeur de Heidelberg ne rencontra que de l'opposition de la part de tous ceux qui s'occupèrent de ce sujet. Flemming (3), le premier, émit l'idée qu'elle reposait entièrement sur des divisions indirectes mal fixées. Ayoma (4) rencontra des figures semblables à celles décrites par Arnold dans différentes tumeurs, et les considéra comme des altérations cadavériques. Nous-même (5j et Cornil (6) ne purent les retrouver dans la moelle des os, où pourtant elles seraient très fréquentes. Enfin H. Demarbaix (7 ), qui reprit (1) Arnold : Beobachtungen ûber Kerne und Kerntheilungen in den Zellen des Knochenmarkes; Virch. Arch.. B XCIII, i883. Weitere Beobachtungen ùber die Theilungsvorgânge an den Knochenmarkzellen und weissen Blut- kôrperchen; ibid., B. XCVII, 1884. Ueber Kern- und Zelltheilung acuter Hyperplasie der Lymphdrûsen und der Milz; ibid., B. XCV, 1SS4. (2) Werner : Ueber Theilungsvorgânge in den Riesenzellen des Knochenmarkes; Virch. Arch., B. CVI, 1SS6. (3) Flemming : Zellsubstanz, Kern- und Zelltheilung, 1882 (4) Ayoma : Pathologische Mittheilungen ; Virch Arch., B. CX, 1886. |5) Denys : La cytodiérèse des cellules géantes e>. des petites cellules incolores de la moelle des os; La Cellule, t. II, i88t5. (6) Cornil : Sur la multiplication des cellules de la moelle des os par division indirecte dans l'inflammation; Arch. de phys. norm. et path., t. X, 3m» série. 1887. (7) Demarbaix : Division et dégénérescence des cellules géantes de la moelle des os ; La Cel- lule, t. V, 1880. 160 J- DENYS l'année passée, sous notre direction, la question si controversée de la divi- sion des cellules géantes de la moelle des os, démontra à toute évidence que les différents stades de la fragmentation indirecte n'étaient que des altérations cadavériques, des modifications survenues post mortem. Ces stades manquent en effet complètement quand on examine la moelle immé- diatement après la mort; mais, déjà peu d'heures plus tard, on les y trouve en quantité considérable. Après 24 à 48 heures, toutes les cellules géantes peuvent simuler l'un ou l'autre stade de la fragmentation, et cette transfor- mation est indépendante de toute putréfaction ou développement microbien. Nous ne pouvons assez engager les savants, que la question intéresse, à répéter les expériences si décisives de Demarbaix. Elles n'exigent ni beau- coup de temps, ni des objets difficiles à se procurer, ni l'apprentissage d'une méthode particulière. Le premier mammifère tué convient parfaitement, et il suffit de dissocier, à des intervalles variables, un peu de moelle rouge soit dans l'eau, soit dans l'acide acétique dilué, avec ou sans addition de colorant, pour se pénétrer de l'exactitude de ses observations. Dans les fragments dissociés instantanément après la mort, on ne trouvera aucun stade de la soi-disant fragmentation indirecte ; dans ceux recueillis quel- ques heures plus tard, ces figures commenceront à se montrer sous la forme de noyaux réfringents; enfin, le lendemain, ils constitueront la majo- rité, si pas la totalité des cellules géantes. La démonstration sera encore plus décisive, si, pour exercer ce contrôle, on veut bien jeter un coup d'ceil sur les planches des travaux cI'Arnold et de Werner. L'identité des figures qu'ils ont décrites avec l'aspect des noyaux apparus après la mort, ne laissera pas le moindre doute dans l'esprit de l'observateur. Malgré tous ces travaux, la fragmentation indirecte continue à être mentionnée comme un type de division dans les livres classiques, môme les plus récents. C'est ce qui nous a déterminé à revenir sur cette question, d'autant plus qu'au moment où le travail de Demarbaix était achevé, Arnold fit paraître, sur le même sujet, un nouveau mémoire, dans lequel il annonce avoir trouvé dans la rate des souris blanches un excellent objet pour l'étude de la fragmentation indirecte. Ce travail méritait d'autant plus l'atten- tion, qu'il y est dit d'une manière formelle que l'examen à frais et le durcis- sement des pièces ont été pratiqués immédiatement après la mort. Il ne peut donc plus être question ici d'altérations cadavériques. Aussi nous sommes- nous empressé de contrôler les dernières recherches du savant allemand; nous allons consigner dans les quelques pages qui suivent les résultats de nos observations. LA FRAGMENTATION INDIRECTE l6l D'après Arnold, le processus de la division comprendrait, chez la sou- ris, les mêmes étapes que dans les cellules de la moelle des os, des ganglions lymphatiques et du sang. Les grains et les filaments de nucléine deviennent plus nombreux et plus gros, la chromatine se répand dans le suc nucléaire, au point de rendre les grains et les filaments difficilement visibles. Dans le noyau apparaissent ensuite une ou plusieurs taches claires, produites par le retrait de la chromatine; enfin, le noyau se divise en deux ou plusieurs fragments, qui, une fois séparés, parcourent en sens inverse les premiers phénomènes de la division, c'est-à-dire que la chromatine dissoute disparaît et que la richesse en chromatine figurée retourne à l'état primitif. A côté de ce mode de division, Arnold admet, en outre, également dans la rate, les deux autres modes : la division indirecte ou cinèse, et la division directe ou sténose. Les cellules de cet organe se multiplieraient donc à la fois d'après des procédés très divers. Quoique nous fussions peu enclins à croire que les souris blanches, qui ne constituent pas même une espèce, fussent particulièrement privilégiées pour cette étude, nous les avons prises comme objet principal de nos obser- vations. De plus, nous avons examiné les rates de plusieurs autres espèces de mammifères. Nous tenons aussi à déclarer que nous avons suivi aussi scrupuleusement que possible la technique indiquée par Arnold. Disons de suite que, malgré les recherches les plus patientes, nous ne sommes nullement parvenu à retrouver les phénomènes décrits par cet auteur. Nous pourrions ajouter que la description qu'il donne des éléments de la rate, même à l'état de repos, nous semble en plusieurs points inexacte. Pour procéder avec plus d'ordre, admettons la marche suivie par Arnold, et occupons-nous en premier lieu, comme ce savant, des petites cellules de la moelle, et en second lieu des cellules géantes. Des petites cellules de la rate. A l'état de repos, elles présentent, d'après Arnold : i° Une membrane achromatique; 2° Une substance claire, non figurée et qui remplit le noyau : suc nucléaire; ;j° Un ou plusieurs nucléoles, arrondis ou anguleux, se colorant avec intensité ; 4° Des filaments clairs dont l'arrangement et les rapports ne peuvent être reconnus avec certitude. 162 J DENYS Cette description est exacte dans son ensemble. Nous devons pourtant faire une restriction à propos du quatrième point : l'arrangement des fila- ments. La disposition ne nous parait pas toujours aussi difficile à débrouiller que le veut Arnold. Avec de forts grossissements (1/18 de pouce à immer- mersion homogène), on parvient bien souvent à reconnaître que ces fila- ments s'insèrent au nombre de plusieurs sur la masse chromatique la plus volumineuse et qu'ils partent de là, en rayonnant à travers le suc, pour aller se fixer à la membrane du noyau. C'est surtout près de la masse chromati- que qu'ils sont bien visibles, ils sont souvent moins nets ou deviennent invisibles près de la membrane, fig. 1 à 4, 20 et 21. Très souvent on peut constater à leur point d'insertion sur celle-ci, des fragments de nucléine ou chromatine plus petits. Les filaments que nous venons de décrire ne prennent pas les bonnes matières colorantes du noyau. Ils ne sont donc pas formés de nucléine. Ils représentent peut-être l'étui plastinien du boyau de nucléine de J. B. Carnoy, et correspondent à des segments de ce boyau d'où la nucléine s'est retirée. Dans certains cas, ainsi qu'au commencement de la division, la nucléine se répand de nouveau dans la gaîne plastinienne, et alors les filaments se colorent. Un noyau de ce genre est représenté dans la fig. 8, le vert de méthyle en a coloré tous les filaments. Voilà pour le noyau en repos. Quand la fragmentation est entrée dans son premier stade, le noyau comprend, toujours d'après Arnold : i° Une membrane achromatique ; 20 Une membrane chromatique; 3° Des nucléoles plus gros et plus nombreux; 4° Des filaments également plus gros, plus nombreux et plus sombres. Dans cette énumération, il est fait mention d'une membrane chroma- tique,qui n'existe pas à l'état de repos. Elle double intérieurement la mem- brane achromatique. Pour nous, cette membrane n'existe pas, elle n'est qu'une illusion d'optique qu'il faut expliquer de la manière suivante. Quand on examine au microscope une fine granulation colorée, elle apparaît, quand elle est exactement au foyer, comme un point nettement limité et offrant son maximum de coloration. En élevant l'objectif, ses contours deviennent plus vagues, mais la couleur persiste, tout en perdant de son intensité; il en est de même si l'on abaisse l'objectif. La granu- lation n'est donc pas seulement visible pour une mise au point exacte, mais pour toute une série de mises au point, aussi bien au dessus qu'en dessous de la première. LA FRAGMENTATION INDIRECTE 163 Appliquons ces données au noyau. Les granulations et les filaments chromatiques s'y rencontrent presque exclusivement contre la membrane du noyau. Si celui-ci en renferme peu, ils ne pourront se confondre, du moins ils ne le feront que rarement, et, dans leurs intervalles, la membrane paraîtra incolore. Or, c'est précisément à l'état de repos, que la nucléine est peu visible; aussi Arnold, et avec raison, regrette-t-il l'existence de la mem- brane chromatique pour cet état. Mais si les fragments nucléiniens sont très nombreux, et surtout s'ils s'allongent sous la forme de filaments, la rétine est impressionnée à la fois par les fragments qui sont exactement au foyer du microscope, sur le pourtour du noyau, et aussi par ceux qui se trouvent plus haut ou plus bas. Il en résulte, à la face interne de la membrane nucléaire, une ligne colorée, continue en apparence, mais formée en réalité par des points ou des tronçons situés à des hauteurs diverses et indépendants les uns des autres. Cette illusion est encore favorisée par les tronçons qui traversent obliquement le champ du microscope. On peut pourtant éviter l'erreur par un examen attentif des préparations dont les éléments chromatiques sont colorés seuls et d'une façon intense. De plus, si au lieu de concentrer son attention exclusivement sur le pour- tour du noyau, on examine soit sa face inférieure, soit sa face supérieure, on peut s'assurer facilement que dans l'intervalle des fragments de nucléine, la membrane est incolore. La membrane chromatique n'est donc que le résultat de jeux optiques. Dans le deuxième stade de la fragmentation, le nombre des filaments augmente encore, et un certain nombre de noyaux présente une coloration diffuse, plus ou moins forte, égale partout ou inégale. Cette coloration est due à l'apparition de la chromatine diffuse : fig. 43, reproduite d'après Arnold. Dans le troisième stade, la coloration s'accentue davantage, de plus elle se montre dans tous les noyaux. C'est à ce moment que les premiers indices de la division proprement dite se manifestent. Ils apparaissent dans le noyau sous la forme de champs clairs, arrondis, allongés ou angu- leux. Ces champs ne dérivent pas du protoplasme cellulaire, mais ils sont une transformation de la substance même du noyau, comme le démontrent les restes de filaments chromatiques que l'on voit quelquefois encore à leur intérieur. Nous avons fait reproduire d'après les planches d'ARNOLD un noyau avec un champ dans lequel il existe encore quatre filaments chroma- tiques : fig. 44 de notre planche. Ces champs sont souvent très petits, 1Ô4 J- DENYS d'autres fois ils sont si grands qu'ils donnent au noyau l'apparence d'un anneau. S'ils sont nombreux, le noyau semble composé de travées anasto- mosées. Quant aux travées elles-mêmes, elles sont réfringentes, et souvent tout à fait homogènes, sans aucune trace de structure. Par contre, les champs sont finement granuleux. Alors le noyau se sépare en plusieurs parties, les travées se rompent et donnent naissance à un nombre variable de jeunes noyaux. Peu après le protoplasme se divise également. En résumé, le troisième et le quatrième stade de la fragmentation sont surtout caractérisés par la chromatine diffuse et les champs ou taches claires qui se forment aux dépens du noyau. Ces deux stades sont particuliers à la fragmentation indirecte, et concourent en grande partie à lui donner sa phy- sionomie propre. Il est nécessaire de nous y arrêter quelque temps, car de leur existence dépend celle de ce mode de division. Commençons par la chromatine diffuse et examinons sur quelles bases son existence est établie. On ne saurait contester que le seul moyen dont nous puissions disposer actuellement pour reconnaître l'existence de la chromatine dissoute, soit l'emploi des substances colorantes. Nous ne pouvons en effet l'étudier, comme la chromatine figurée, ni dans sa forme propre : car elle n'en a pas, ni au moyen de réactifs digérants : car sa disparition ne se traduirait par aucun signe. Nos procédés d'investigation se réduisent donc nécessairement aux réactifs colorants. Mais est-il indifférent de recourir soit à telle substance, soit à telle autre? Évidemment non. Car beaucoup de colorants se fixent sur les productions les plus diverses, qui ne possèdent, nous le savons per- tinemment, aucune analogie avec la nucléine. Ainsi quelques-uns colorent à la fois le noyau et la substance fondamentale du cartilage. D'autres se fixent sur certaines granulations du protoplasme. Nous pourrions multiplier ces exemples. Mais, même parmi les réactifs qui passent pour avoir une affi- nité particulière pour le noyau, il y en a qui se comportent d'une façon toute différente : les uns colorent tout le noyau, aussi bien le suc que les éléments chromatiques, les autres se fixent au contraire exclusivement sur ces derniers. Enfin tel réactif, qui, dans certains cas, ne colore que la chro- matine, imprègne, dans d'autres cas, le noyau dans sa totalité. Comment, dans ces conditions, pourra-t-on s'assurer qu'une coloration diffuse est due à l'existence d'une chromatine diffuse? Pour trancher la question, il faudrait disposer d'un réactif dont on saurait qu'il ne peut LA FRAGMENTATION INDIRECTE IÔ5 jamais colorer autre chose dans le noyau que la chromatine. Or ce réactif nous ne l'avons pas, et c'est précisément cette lacune qui donne un carac- tère hypothétique à toute l'œuvre d' Arnold. Si parmi les réactifs colorants, il en est un qui doit inspirer de la con- fiance, c'est bien le vert de méthyle. Car, comme Carnoy l'a fait valoir le premier depuis plusieurs années, on ne l'a jamais vu colorer à l'intérieur du noyau autre chose que la chromatine, à l'exclusion de tout autre corps de nature chimique différente, et dont plusieurs ont été confondus longtemps avec la nucléine. Il suffit pour cela de l'appliquer avec certaines précautions. Si l'on veut rechercher avec quelque certitude la chromatine diffuse, c'est donc bien à lui que l'on doit recourir. Une des meilleures façons de s'en servir, d'après nous, est la suivante. On dissocie un fragment de tissu dans une solution aqueuse d'acide acétique de 1 à 2 o/o, et on ajoute avec la pointe d'une aiguille la quantité de vert de méthyle en solution aqueuse, justement nécessaire pour colorer tous les noyaux. Avec un peu d'habitude, on parvient vite à saisir cette quantité, et on évite ainsi d'un côté une coloration incomplète et, de l'autre, la nécessité de recourir à un lavage qui entraînerait beaucoup d'éléments. Si l'on craint de mettre trop de colorant ou pas assez, on peut placer un fragment de tissu dans une petite quantité d'acide acétique, à la concen- tration indiquée, et additionnée de vert de méthyle. On l'y laisse séjourner assez longtemps pour que la matière colorante ait pénétré jusqu'au centre; on lave ensuite avec soin dans beaucoup d'eau, et l'on dissocie. Or, en opérant suivant l'une ou l'autre de ces deux méthodes, nous n'avons jamais pu trouver de noyau présentant à la fois un réseau chroma- tique coloré et un suc coloré. Ce dernier reste toujours complètement et parfaitement incolore, aussi bien chez les souris blanches que chez les autres mammifères que nous avons examinés. Nous en concluons que l'existence de la chromatine dissoute ne repose jusqu'à présent sur aucun fait; elle ne peut donc servir à établir un mode spécial de division. Comment Arnold a-t-il obtenu des noyaux colorés dans toute leur masse : réseau- et suc? La description, écourtée à certains points de vue, qu'il donne de ses méthodes, ne nous permet pas de répondre d'une façon complète à cette question. Mais nous devons déclarer que la plupart des réactifs qu'il a appliqués ne peuvent donner sur l'existence de la chromatine dissoute aucun renseignement sur, parce qu'ils ne satisfont pas à la condi- tion essentielle énoncée plus haut, et sans laquelle toute recherche de cette 190 166 J DENYS nature reste forcément stérile. Cette condition est celle de ne colorer dans le noyau que la chromatine ou nucléine. Ce réactif par excellence est le vert de méthyle; or, il n'est pas renseigné dans l'énumération des réactifs employés par Arnold. _ Il faut donc bien admettre que cet auteur ne s'en est pas servi. Par contre, il mentionne l'hématoxyline, la safranine renfor- cée par l'huile d'aniline et le violet de gentiane (méthode de Gram, modifiée par Bizzozero et Vasale). Personne ne reconnaîtra à l'hématoxyline les propriétés précieuses qui font du vert de méthyle un colorant unique; elle teint en effet le suc nucléaire même dans des noyaux qui sont manifestement en repos. De plus, elle se fixe avec plus ou moins d'intensité sur un grand nombre de sub- stances : protoplasme, fibres striées, faisceaux conjonctivaux, substance intermédiaire du cartilage, etc. Son emploi ne donne donc aucune garantie. Quant à la safranine et au violet de gentiane, ils ne peuvent nous aider davantage à résoudre la question de la chromatine dissoute. Ces matières sont employées de façon à produire d'abord une surcoloration. Or, tout le monde sait que ces procédés sont loin de fournir constamment une coloration exclusive du réseau chromatique. Généralement, la partie achromatique, ou suc nucléaire d'ARNOLD, conserve une teinte plus ou moins accentuée. Ce procédé présente en outre des inconvénients, pour ainsi dire inséparables de son usage. Si les décolorants agissent trop peu de temps, on rencontre, à côté de noyaux colorés seulement dans leur partie chromatique , des noyaux dont le suc présente également un degré plus ou moins intense de coloration. Au contraire, si leur action se prolonge davantage, ces derniers disparaissent, mais alors on remarque presque toujours que la partie chromatique elle-même de certains noyaux a pâli, et s'est même décolorée complètement. Qui pourra dire dans ce cas si la coloration diffuse du noyau est due à de la chromatine diffuse, ou à un simple retard de la décoloration, provenant de ce que le noyau est situé plus profondément que d'autres, ou de ce qu'il a une membrane plus épaisse, ou pour d'autres causes différentes? Ces inconvénients, déjà considérables par eux-mêmes, deviennent en- core beaucoup plus marqués, quand on recourt à des liquides durcissants qui diminuent l'élection des matières colorantes pour la nucléine. Parmi eux, il faut compter, à coup sur, le chlorure de platine qu'ARNOLD recommande à la concentration de 1/3 0/0. Nous l'avons essayé en suivant exactement les indications de ce savant, et nous devons dire que, jamais, nous n'avons LA FRAGMENTATION INDIRECTE 1 67 obtenu de colorations aussi diffuses du noyau ! Ce n'est assurément pas avec de pareils réactifs que l'on pourra faire avancer d'un pas la question de l'existence ou de la non existence de la nucléine diffuse. On peut pourtant se servir dans certains cas avec avantage du violet de gentiane, par exemple en durcissant les fragments de la rate dans le sublimé corrosif et en traitant ensuite par la méthode de Gram. Dans les préparations réussies, le réseau chromatique est d'un violet foncé, tandis que le reste du noyau est complètement incolore. Les avantages de ce procédé résultent de ce fait que la matière colorante est combinée beau- coup plus énergiquement à la chromatine, de sorte que la décoloration de cette dernière ne s'opère que très lentement, et longtemps après celle des autres parties de la préparation. On ne risque donc pas de prendre des noyaux avec chromatine diffuse pour des noyaux en voie de décoloration, comme après le durcissement par l'alcool. Le durcissement au sublimé ne donne malheureusemsnt pas de résultats constants ; il est probable que la concentration et la durée de l'immersion jouent à cet égard un rôle consi- dérable, mais encore mal défini. Nous l'avons dit plus haut : en nous servant des réactifs les plus dignes de foi, nous n'avons pas réussi à trouver des noyaux colorés dans leurs deux parties : suc et élément chromatique. Par contre, nous avons rencontré des noyaux très réfringents qui ne présentaient aucune trace de structure, sauf quelquefois une vacuole centrale, et qui se coloraient d'une façon intense et homogène par le vert de méthyle. Ces noyaux sont tantôt uniques, arron- dis ou profondément lobules, fig. 37, tantôt multiples, fig. 38, et situés soit au centre, soit à la périphérie de la cellule. Ils sont identiques aux leucoblastes dégénérés que Demarbaix a représentés dans la fig. 41 de son travail. Ils ont aussi une ressemblance frappante avec un certain nombre de figures d'ARNOLD, destinées à représenter des stades de la fragmentation. De plus, à côté de ces cellules en dégénérescence, on rencontre aussi de petites masses arrondies, très brillantes, du volume d'un noyau, ou plus petites, homogènes ou pourvues d'une vacuole, et fixant le vert de méthyle avec une grande avidité, fig. 39. Ces corps ont tous les caractères des noyaux dégénérés, dont il vient d'être question, et on ne peut douter, il nous semble, que ce ne soient des noyaux ou des fragments de noyaux devenus libres par suite de la fonte du corps protoplasmatique. Ce fait démontre également que les cellules à noyau homogène et brillant doivent être prises pour des éléments qui sont plutôt en voie de régression qu'en voie de division. 168 J- DENYS Les cellules à noyau en dégénérescence sont peu abondantes à l'état normal, et il est quelquefois nécessaire de chercher longtemps avant d'en trouver. Par contre, chez des animaux ayant succombé à des infections diverses, nous les avons souvent trouvées en quantité considérable. On peut y constater leur présence de suite après la mort, de sorte qu'on doit les considérer comme préformées et non comme un produit cadavérique. Arrivons maintenant au deuxième point : l'apparition des taches claires dans le noyau, signe précurseur de sa séparation en deux ou plusieurs mor- ceaux. Ce phénomène est décrit par Arnold dans son dernier travail avec beaucoup plus de netteté et de précision que dans ses mémoires antérieurs. Ces taches apparaissent dans le noyau au début de leur formation, et on peut souvent les voir traversées par des filaments chromatiques en voie de régression (fig. 44 d'après Arnold). Ce fait, s'il était vrai, serait de nature à ne laisser aucun doute sur leur origine; malheureusement, ici encore, nous devons nous mettre en opposition formelle avec cet auteur : les taches qu'il décrit n'existent pas. Ce savant a été induit en erreur par le fait suivant. Quand on examine attentivement les nucléoles des cellules de la rate, on constate qu'il y en a de deux sortes. Les uns sont réfringents, ayant l'aspect de corps solides et se colorant fortement par le vert de méthyle, fig. 1 à 4, 25 à 27, etc. Les autres apparaissent comme une vésicule creuse, à contour propre et nettement limité, fig. 17, 18 et 31 à 36. Ils n'ont pas de réfringence spéciale et le vert de méthyle ne les affecte pas ; ce réactif colore seulement les filaments qui en partent et qui semblent former un feutrage à leur surface. La membrane qui limite ces nucléoles est souvent aussi marquée que la membrane du noyau lui-même, de sorte que celui-ci paraît à première vue avoir la forme d'un anneau. Le lecteur voudra bien remarquer surtout nos fig. 17, 18, 31, 32 et 33. Mais il suffit de faire rouler la cellule dans le champ du microscope, pour se convaincre chaque fois que la tache claire n'est pas un canal qui traverse de part en part le noyau et prépare sa séparation, mais simplement un corps sphérique, logé tout entier à l'intérieur du noyau et correspondant aux nucléoles solides, pour son volume, sa position et ses rapports avec les filaments. La fig. 34 représente une de ces vésicules ac- colées à la face interne du noyau, comme le sont souvent les nucléoles. Nous croyons que ces nucléoles » vides « n'ont pas encore été signalés. Nous ignorons complètement leur signification. LA FRAGMENTATION INDIRECTE 169 Un mot encore à propos des petites cellules. D'après Arnold, un cer- tain nombre de ces noyaux seraient couverts de pointes nombreuses, qui hérisseraient toute leur surface (fig. 45, reproduite d'après Arnold). Nous ne sommes pas parvenu à retrouver ces singuliers noyaux ; tous ceux que nous avons observés avaient une surface lisse ou légèrement bossuée. Cellules géantes de la rate. La rate des souris blanches renferme pendant toute la vie des cellules géantes. Elle se distingue par là de la rate de la plupart de nos autres mam- mifères, qui n'en possèdent que pendant la vie embryonnaire et quelquefois encore pendant les premiers temps de la vie extra-utérine. Ces cellules sont identiques aux myéloplaxes de la moelle rouge des os, et semblent se ren- contrer partout où il y a formation de globules rouges (FOA). Comme elles sont de même nature que les cellules géantes de la moelle, il paraît de prime abord peu probable qu'elles se divisent autrement dans la rate que dans les os. Et effectivement nous n'avons pas été plus heureux pour trou- ver dans la pulpe splénique des stades de fragmentation des cellules géantes que nous ne l'avons été pour les petites cellules. Quand on se sert du violet de gentiane, de l'hématoxyline et de la safranine, on trouve bien, il est vrai, des noyaux dont le suc est coloré (fig. 47 reproduite d'après Arnold) ; mais quand on recourt au vert de méthyle suivant les règles exposées plus haut, les grains et les tronçons de la nucléine se colorent seuls. Ces résultats ne doivent pas étonner, puisque les cellules géantes de la rate sont les mêmes que celles de la moelle des os, et que celles-ci se divisent par cinèse multiple ( 1). Nous n'avons pas, il est vrai, observé des figures de division dans la rate, mais nous ne doutons pas qu'avec de la patience, on ne les y trouve. Notre insuccès s'explique par la rareté de ces cellules dans la rate, et peut-être aussi par une torpeur plus grande de ces éléments dans un organe dont la fonction hématopoiétique est certainement très affaiblie. Pour établir la fragmentation indirecte, Arnold s'appuie encore sur l'existence de cellules géantes possédant, à côté d'un noyau volumineux, plusieurs autres petits noyaux. D'après lui, ces derniers se seraient isolés (1) Denys : Op. cit.; Demarbaix : Op. cit — Il est vraiment singulier de voir certains auteurs, entre autres Kôlliker dans la dernière édition de son Histologie, considérer ce mode de division comme un phénomène pathologique, alors qu'il suffit de dissocier un morceau de moelle du premier cobaye venu, pour en constater l'existence. 170 J DENYS du grand noyau par étranglement. Ce seraient les noyaux des futures petites cellules. Nous-mème, nous avons admis antérieurement que le noyau des cellules géantes donnait, par bourgeonnement, naissance à de petits noyaux qui s'entouraient ensuite de protoplasme, tout en niant que ce phénomène était lié à une augmentation de chromatine ou à l'apparition de chromatine diffuse. Plus tard, nous avons dû reconnaître que les figures sur lesquelles nous nous appuyions étaient susceptibles d'une autre interprétation et qu'elles se rapportaient plutôt à des phénomènes de phagocytose. Les motifs s'en trouvent exposés dans le travail de Demarbaix, auquel nous renvoyons. Depuis la rédaction de ce mémoire, nous avons eu plus d'une fois l'occasion de vérifier pour la rate l'exactitude des raisons invoquées par ce micrographe. Ainsi, chez des souris mortes spontanément, ou après ino- culation d'organismes pathogènes, nous avons rencontré de ces éléments en assez grande quantité. Dans certaines cellules géantes, les petites cellules englobées avaient encore le protoplasme et le noyau bien conservés; dans d'autres, le protoplasme avait été digéré et le noyau, plus résistant, repré- sentait seul l'élément primitif; enfin, ailleurs encore, celui-ci était réduit à des petites granulations se colorant fortement par le vert de méthyle. Chez les rats, nous avons observé des faits analogues. La fig. 40 re- présente une cellule qui en englobe une autre. La première présente un noyau qui a tous les caractères d'un noyau vivant ; la deuxième possède un noyau homogène, brillant, se colorant fortement et uniformément par le vert de méthyle, et présentant, en un mot, tous les caractères des noyaux en régression. Dans les fig. 41 et 42 on voit, à côté du noyau vésiculeux et pâle de la cellule, de nombreux restes de noyaux, présentant les mêmes caractères que celui de la fig. 40. Dans la fig. 42, un de ces fragments s'est vacuolisé. Les cellules de la rate jouissent donc de la propriété d'englober d'autres cellules et de les digérer. C'est une propriété qu'on ne doit donc pas perdre de vue pour juger de la nature d'une cellule possédant plusieurs noyaux. Enfin, si l'on veut procéder avec toute la rigueur nécessaire aux inves- tigations scientifiques, on doit reconnaître que les figures d'ÂRNOLD sont encore susceptibles d'une autre interprétation : elles peuvent se rapporter tout aussi bien à des cellules géantes en voie de formation par confluence de petites cellules, qu'à des cellules en voie de division. Il est vrai que rien ne prouve ce mode de formation, mais il n'est pas non plus démontré qu'il soit impossible. LA FRAGMENTATION INDIRECTE 1 7 1 En résumé, les nouvelles recherches d'Arnold sur la rate des souris blanches ne prouvent absolument rien en faveur dune division par fragmen- tation indirecte, car les faits sur lesquels elles s'appuient sont ou bien repré- hensibles au point de vue de la technique et de ï observation scientifique, ou bien susceptibles d'une autre interprétation. Jusqu'ici on ne connaît avec certitude qu'un mode de division pour les cellules de la rate, la cinèse ou division indirecte. Ce mode est du reste admis par Arnold lui-même, et il suffit de jeter un coup d'œil sur ses planches pour reconnaître que beaucoup de ses figures se rapportent à la cinèse, par exemples ses fig. 25, 26, 27, 46, 48, 49, 50. Il n'y a donc pas lieu de considérer la fragmentation indirecte comme un mode de la division cellulaire; cette fragmentation n'existe pas. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Toutes les figures ont été dessinées à la chambre claire, avec le 1/18 de pouce à immersion homogène et l'oc. 3 de Zeiss. FIG. 1 à 12. Cellules de la rate de la souris blanche. FIG. 13 à 16. Cellules de la souris commune, dissociées dans l'acide acéti- que à 2 0/0, et colorées au vert de méthyle. Nucléoles pleins. FIG 17 et 18 Cellules de la même préparation, avec nucléoles vides, don- nant au noyau l'aspect d'un anneau. FIG. 19 à 30. Cellules de la rate du rat {Mus decumanus). Ac. ac. 2 0/0 et vert de méthyle Nucléoles pleins. FIG. 31 à 36. Cellules de la même préparation. Nucléoles vides. FIG 37 et 38 Cellules de rat avec noyau dégénéré. FIG. 39. Noyaux dégénérés de souris blanche, devenus libres. FIG. 40. Cellule de rat englobant une cellule morte. FIG. 41 et 42. Cellules du même animal avec noyaux et débris de noyaux dégénérés. FIG 43 à 47. Ces figures ont été reproduites aussi fidèlement que possible d'après le dernier travail d'Arnold. FIG. 43. Cellule destinée à montrer la coloration simultanée du suc et du réseau chromatique. FIG. 44. Cellule destinée à montrer l'apparition de la tache claire dans le noyau Dans la tache on voit des filaments en atrophie. FIG. 45. Noyau couvert de pointes. FIG. 46. Cellule géante à suc non coloré. FIG. 47. Cellule géante avec suc coloré (chromatine diffuse). ^ 19 il u /4 16 1 39 m e ■ô£Zk a 3! 33 10 n 3Z 11 il JS 1Z li Je 36 m titk.Diinioiit sculp LAXE ORGANIQUE DU NOYAU PAR A. VAN GEHUCHTEN PROFESSEUR d'aNATOMIE A L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. (Mémoire déposé le 10 juillet 1889J 191 L'AXE ORGANIQUE DU NOYAU Une des questions les plus importantes parmi celles qui ont été soulevées par les derniers travaux concernant la division cellulaire, est celle de savoir si l'élément nucléinien, qui joue un rôle si considérable pendant la division cinétique, ne possède pas, dans le noyau au repos, une orga- nisation particulière et typique, rappelant plus ou moins la disposition qu'il prend pendant les premières phases de la cinèse. Rabl, dans son travail sur la division cellulaire (i), et Carnoy, dans ses recherches aussi importantes qu'étendues sur la cytodiérèse chez les arthropodes (2), ont soulevé les premiers et en même temps cette impor- tante question. Rabl, en se basant sur les phénomènes observés dans les noyaux des larves de salamandre, distingue dans la partie chromatique du noyau au repos des filaments primaires et des filaments secondaires. Les filaments primaires sont les plus épais. Ils affectent dans le noyau au repos la même disposition que dans la première phase de la division ou phase du » dichter Knàuel «. Au commencement de la cinèse l'élément chromatique est formé de plusieurs tronçons distincts et non d'un filament unique. Ces tronçons, placés parallèlement les uns aux autres, sont situés le long de la face interne de la membrane nucléaire. En suivant la courbure de cette membrane, ils convergent vers un même point, mais au lieu de s'y rencontrer et de s'y entrecroiser, ils se réfléchissent sur eux-mêmes en décrivant une anse à convexité supérieure, et retournent vers la partie opposée du noyau où ils se terminent librement. En étudiant les différentes phases de la division, Rabl a pu constater que le point du noyau, vers lequel convergent toutes les anses (i) Rabl : Uebcr Zelltheilung; Morphologisches Jahrbuch, Bd. X, p. 214 — 33o, i8S5. (1) J. B. Carnoy : La Cytodiérèse che\ les Arthropodes; La Cellule, t. I, fasc. 2, i885. ,7S A. VAN GEHUCHTEN chromatiques, devient plus tard le pôle du fuseau achromatique. C'est pour ce motif qu'il a appelé la face du noyau où se fait cette réflexion des tronçons nucléiniens, la face polaire ou Polseite. La face opposée du noyau, celle où les filaments chromatiques se terminent librement et sans disposition caractéristique, s'appelle, par opposition à la première, face antipolaire ou Gegenpolseite. La partie de la face polaire libre de toute substance chromatique et circonscrite par les anses des filaments nucléiniens forme le champ polaire ou Polfeld. Cette disposition si évidente et si caractéristique de l'élément nucléinien, au commencement et à la fin de la cinèse, persisterait, d'après Rabl, dans le noyau au repos. Si elle y est plus difficile à constater, c'est simplement parce que les filaments primaires envoient, sur toute leur longueur, des prolongements chromatiques ou filaments secondaires qui, en s'anastomo- sant avec les prolongements venus des filaments primaires voisins, forment un réseau chromatique à la face interne de la membrane nucléaire. Les filaments secondaires, se formant aux dépens des filaments primaires, dimi- nuent l'épaisseur et la régularité de ces derniers et contribuent ainsi large- ment à cacher la disposition primitive. Carnoy, dans ses recherches sur la division cellulaire chez les arthro- podes, aobservé, indépendamment de Rabl, la même disposition de l'élément nucléinien dans les noyaux au repos des cellules testiculaires des arachnides et de certains crustacés (l). La disposition observée et décrite par Carnoy est plus typique et plus frappante encore que celle trouvée par Rabl dans les noyaux de la salamandre. Rabl, en effet, n'a pas constaté directement dans le noyau au repos la disposition particulière de la partie chromatique; c'est pour lui une simple hypothèse basée sur l'étude des phénomènes de la cinèse. Chez les arachnides et les carides, au contraire, Carnoy a prouvé que le boyau nucléinien conserve, dans le noyau au repos, la disposition régulière qu'il affecte à la fin de la cinèse. Ici des prolongements secondaires ne viennent pas cacher la régularité et l'indépendance latérale des filaments nucléiniens. Il suffit de jeter les yeux sur les fig. 165, 166, 169, 177, 183, 185, 186 et 198 qui accompagnent le travail de Carnoy, pour être con- vaincu que, dans le noyau complètement au repos, les tronçons nucléiniens sont placés le long de la face interne de la membrane nucléaire et convergent tous vers deux centres opposés appelés pôles. En étudiant les 0) J. B. Carnoy : loc. cit , pp 198, 296, 309 et 337, l'axe organique DU NOYAU 179 phénomènes de la division cinétique, Carnoy a démontré que les pôles du noyau au repos correspondent aux pôles du fuseau de la cinèse précédente, et que ces deux pôles deviendront les pôles de la figure caryocinétique lors d'une nouvelle division. La ligne qui relie les deux pôles du noyau au repos forme l'axe organique du noyau : » Nous avons ainsi appelé, dit Carnoy, la ligne qui joint les deux points de rayonnement des circonvolu- tions nucléiniennes. Celles-ci sont distribuées régulièrement par rapport à cet axe et, lorsque le noyau entre en division, cet axe devient l'axe de la figure caryocinétique « (1). Il est à remarquer que cet axe organique du noyau est indépendant de Y axe de figure et peut correspondre soit avec le petit axe, soit avec le grand axe de figure. D'après les observations de Rabl et de Carnoy, l'élément nucléinien du noyau au repos présenterait donc une disposition régulière et nettement déterminée. L'orientation que la partie chromatique du noyau possède à la fin d'une cinèse persisterait d'une manière permanente dans le noyau au repos pour s'y retrouver toute faite au commencement d'une nouvelle cinèse. Si une pareille organisation pouvait se retrouver dans tout noyau au repos, elle acquerrait, ainsi que le remarque fort bien Waldeyer (2), une grande importance pour la signification des phénomènes de la caryocinèse. Il existe pourtant des différences considérables dans la façon dont Rabl et Carnoy décrivent le noyau au repos. D'abord les filaments secondaires mentionnés dans les noyaux de la salamandre n'existent pas, d'après Carnoy, dans les noyaux des cellules testiculaires des arthropodes. Cette différence pourrait provenir de la nature des éléments cellulaires étudiés. Rabl s'est adressé à un tissu fixe, à des cellules qui, une fois entrées en division, retournent au repos pour un temps plus ou moins long. Carnoy, au contraire, a étudié des cellules testiculaires en pleine activité, c'est-à-dire des éléments cellulaires qui croissent et se multiplient sans cesse : une cinèse est à peine terminée que les deux cellules-filles se disposent à entrer dans une cinèse nouvelle. On comprendrait que dans de pareilles cellules l'élément nucléinien n'eût pas le temps -de rentrer aussi complètement au repos que dans les cellules épithéliales. On pourrait donc supposer que, si les cellules épithéliales de la cavité buccale de la salamandre se divisaient aussi rapidement que les cellules testiculaires des arthropodes, leur noyau au repos ne présenterait (1) J B. Carnoy : Ibid., p. 338. il) Waldeyer : Ueber Karyokinese ; Archiv f. mikr. Anatomie, Bd. XXXII, p. 191 180 A VAN GEHUCHTEN que des filaments primaires; de même que dans les cellules testiculaires on trouverait peut-être les filaments secondaires de Rabl si, après chaque cinèse, les noyaux-filles retournaient au repos pour un temps plus ou moins considérable. Toutefois, l'existence des filaments secondaires et leur forma- tion aux dépens des filaments primaires devrait se confirmer (1). Mais il existe une différence plus importante, et qui est pour ainsi dire fondamentale, entre les observations de Rabl et celles de Carnoy. Dans les noyaux des arthropodes, en effet, le filament nucléinien est unique, ou du moins présente des anses aux deux extrémités de l'axe organique. Aux deux pôles du noyau la disposition rayonnante des tronçons nucléiniens est donc la même. Aussi ne saurait-on distinguer une face polaire et une face antipolaire, mais simplement deux faces polaires absolument iden- tiques, possédant chacune un champ polaire dans le sens de Rabl. Dans les noyaux de la salamandre, au contraire, l'élément nucléinien n'est pas continu. Dans les premières phases de la division, Rabl a pu compter jusque 20 tronçons indépendants, et il suppose que cette indépendance des tronçons chromatiques se maintient dans les noyaux au repos. Dans tous les cas, ces filaments se réfléchissent sur eux-mêmes à un seul pôle du noyau, tandis qu'ils se terminent librement au pôle opposé. L'aspect des deux pôles est donc différent. La différence entre les deux faces polaires des noyaux de la sala- mandre, et l'identité de ces mêmes faces dans les noyaux de certains arthro- podes ont amené ces deux savants à concevoir d'une manière toute différente l'orientation de l'élément nucléinien. Pour Carnoy, la partie chromatique d'un noyau au repos affecte une disposition régulière par rapport à un axe : l'axe organique qui relie les deux pôles. Pour Rabl, au contraire, ainsi que cela ressort clairement d'une note toute récente (2), l'élément chromatique n'est pas orienté autour d'un axe, mais simplement autour d'un pôle du noyau : le champ polaire, existant sur la face polaire. 11) Nous tenons à faire cette restriction, parce que dans les nombreux noyaux de tous genres et de toute provenance que nous avons tus sous lus yeux, nous n'avons jamais rencontré des détails rap- pelant les filaments secondaires de Rabl. Au~si nous demandons-nous si Rabl n'a pas pris pour ses filaments secondaires des parties du caryoplasme qui n'ont avec les filaments primaires que des rap- ports de contiguite. Nous savons, en effet.que l'hématoxyline et la safranine. employées par Rabl, ne sont pas des réactifs spécifiques de l'élément nucléinien; ils colorent bien souvent des parties . 1 ment dépourvues de nucléine. Il nous est impossible cependant de nous prononcer au sujet des ux des larves de salamandre;nous n'avons pas eu l'occasion de les étudier. Rabl : Ucbet Zelltheilung : Anatomischer Anzeiger, IV. Jnhrg., n° i, p. 21— 3o, 1889. l'axe organique du noyau 181 En étudiant, dans ces derniers temps, la structure histologique du tube intestinal des larves de quelques diptères, nous avons eu la bonne fortune de rencontrer des noyaux où l'orientation de l'élément nucléinien se présente d'une manière plus évidente encore, peut-être, que dans les exemples cités par Rabl et Carnoy. Cette disposition est toute différente de celle observée par Rabl dans les noyaux de la salamandre. La partie chromatique est orientée non par rapport à un pôle, mais par rapport à un axe absolument comme dans les noyaux étudiés par Carnoy. Mais, le filament nucléinien n'est pas continu : on trouve dans ces noyaux un nombre variable de tronçons distincts. L'élément chromatique est d'ailleurs un véritable boyau nucléinien dans le sens de Carnoy, c'est-à-dire qu'il est formé d'un étui plastinien dans lequel se trouvent des plaques de nucléine. Il est, en effet, strié dans le sens transversal. Nous avons rencontré ces noyaux dans les cellules de deux glandes annexes du tube intestinal de la larve d'un diptère némocère, le Ptycoptera contaminata. Ces glandes débouchent dans l'intestin un peu au-dessus des tubes de Malpighi, entre l'intestin moyen et l'intestin terminal. Ce sont des glandes volumineuses d'environ 3 centimètres de longueur et de 1 à 2 millimètres de largeur. Elles ont un aspect laiteux et sont toujours rem- plies d'une matière blanchâtre qui s'écoule à la moindre lésion de la paroi glandulaire. En publiant prochainement les résultats de nos recherches sur la structure histologique de l'appareil digestif de cette larve, nous tâcherons d'élucider la fonction physiologique de ces glandes. La paroi glandulaire est formée d'une seule couche de cellules volumineuses, polygonales, visi- bles à l'œil nu, de près de 1 millimètre de diamètre(i). Pour étudier ces cel- lules et leur noyau, il suffit d'introduire la lame d'un fin scalpel à une extré- mité de la glande, de l'ouvrir alors sur toute sa longueur et d'étaler la paroi glandulaire sur un porte-objets. On comprend aisément que, vu l'extrême délicatesse de cette paroi glandulaire, toutes ces manipulations doivent se faire sous l'eau. Pour ne pas altérer les cellules nous avons toujours employé de l'eau alcoolisée. Lorsque la paroi glandulaire adhère légèremeut au porte-objets on place le tout dans un liquide fixateur. Nous nous sommes toujours servi soit de l'alcool acétique, qui nous a rendu de si bons services dans nos recherches sur les œufs d'Ascaris megalocephala (2), soit de l'alcool {11 Nous avons mesuré deux de ces cellules prises au hasard : l'une mesurait g5g p dans un sens et 823 |J- dans l'autre, la seconde avait 781 |-i suivant son grand axe et 479 \>- suivant son petit axe. (2) A. Van Gehuchten : L'alcool acétique comme fixateur des œufs d'Ascaris megalocephala' Anatomischer Anzeiger, III. Jahrg., n° 8, p. 237 — 240, 1888. 1(S2 a. van gehuchten sulfureux recommandé par Carnoy et Gilson. Ces fixateurs sont employés pendant 5 minutes sur porte-objets, puis on continue la fixation pendant 24 heures dans l'alcool à 05°. Comme colorant, c'est l'hématoxyline de Gre- nacher en solution diluéç qui nous a donné les meilleurs résultats. Après lavage à l'eau distillée et déshydratation par les alcools successifs, la prépa- ration est éclaircie par l'essence de girofle et montée dans le baume de Canada. Pour pouvoir étudier un même noyau par ses deux faces et pour- suivre ainsi plus facilement le trajet des tronçons nucléiniens nous avons eu recours à l'ingénieuse méthode de Rabl, c'est-à-dire que nous avons examiné la paroi glandulaire étalée entre deux couvre-objets. A un faible grossissement, on trouve au milieu de chacune de ces cel- lules gigantesques, un noyau volumineux, ovalaire, mesurant de 70 à 75 n suivant son grand axe de figure et de 4S à 52 [x suivant l'axe perpendiculaire au premier. Ces noyaux ne sont pas très riches en substance chromatique, ce qui rend d'autant facile l'étude des circonvolutions nucléiniennes. La ri- chesse de ces noyaux en nucléine varie d'ailleurs considérablement d'une glande à l'autre, comme on pourra s'en convaincre en jetant les yeux sur nos figures. La première chose qui frappe dans ces noyaux c'est la distribution de la substance chromatique; tout en occupant la face interne de la membrane du noyau, cet élément ne tapisse pas cette face dans toute son étendue. A un faible grossissement déjà, on voit que la partie de la membrane du noyau, tournée vers l'œil de l'observateur quand la paroi glandulaire est bien étalée, est entièrement dépourvue de filaments nucléiniens. La même disposition s'observe quand on examine ces noyaux par la face opposée. Ces faces sont les pôles du noyau ; la ligne qui les relie correspond à son axe organique, celui-ci est donc perpendiculaire au grand axe de figure. Dans ces conditions, il est impossible de se rendre un compte exact de la disposition des tronçons chromatiques. Car à cause de la faible épaisseur de ces noyaux (trente à trente cinq [*.), tous les éléments constitutifs arrivent en même temps au foyer, et, bien qu'on puisse suivre avec une extrême fa- cilité chaque filament chromatique sur toute sa longueur, il est impossible de distinguer quels tronçons arrivent à l'une des faces et quels tronçons aboutissent à la face opposée. Mais à un grossissement plus considérable — l'objectif DD avec l'oculaire 4 de Zeiss suffisent - l'observation est plus aisée. L'indépendance des filaments nucléiniens devient alors évidente. En poursuivant attentive- l'axe organique du noyau 183 ment ces tronçons la main appuyée sur la vis micrométrique, on constate facilement qu'il n'y a absolument rien de régulier ni dans leur nombre, ni dans leur longueur. C'est ainsi que dans le noyau représenté dans notre fig. 1, nous n'avons pu compter que 5 tronçons indépendants, alors qu'il y en a 7 dans les fig. 3, 4 et 5, et Q dans la fig. 2. Ces différents tronçons tapissent les faces latérales du noyau et, arrivés à l'un ou l'autre des deux pôles, ils se terminent librement, ou bien se réfléchissent sur eux-mêmes soit en longeant la membrane, soit en traversant le corps du noyau. Si le filament est court, il peut être rectiligne et s'étendre alors d'un pôle du noyau à l'autre, fig. 2, 3 et 4, ci; ou bien il peut présenter une anse tournée vers un des pôles, tandis que les deux extrémités libres arrivent au pôle opposé, fig. 2, 3 et 5, b. La plupart des tronçons ont une longueur plus considérable, ils se réfléchissent alors plusieurs fois sur eux-mêmes de façon à former, au niveau de chaque pôle, une ou plusieurs anses chromatiques. La disposition de l'élément nucléinien dans les noyaux de ces cellules glandulaires n'est de loin pas aussi régulière que dans les noyaux de la salamandre ou dans ceux des cellules testiculaires des arthropodes. Une seule chose est régulière et constante, l'existence des deux pôles. La grande variabilité dans la disposition des tronçons chromatiques est plus facile à saisir sur nos figures qu'à rendre dans une description. Nous prions donc le lecteur de bien vouloir jeter un coup d'œil sur la planche qui accompagne ce travail. Chaque noyau a été représenté par ses deux faces, et dessiné soigneusement à la chambre claire (obj. G, ocul. 2 de Zeiss). Les parties striées dans chaque noyau correspondent aux portions des filaments chromatiques qui tapissent directement la face tournée vers l'œil de l'observateur. Pour mieux faire saisir la disposition de la partie chroma- tique dans son ensemble, nous avons donné de chaque noyau une figure schématique, dans laquelle tous les tronçons nucléiniens ont été reproduits sur toute leur longueur. Pour examiner un de ces noyaux de profil, il faut recourir à un accident de préparation. Il arrive souvent que, malgré toutes les précautions que l'on prenne, la paroi glandulaire se plisse longitudinalement. Dans ce cas il n'est pas rare de voir ces plis passer par un ou plusieurs noyaux, ceux-ci se présentent alors de profil, les faces latérales tournées vers l'œil de l'obser- vateur. L'aspect du noyau est alors tout différent : les pôles ont disparu, et toute la face interne de la membrane est parcourue par des tronçons parallèles présentant de temps en temps une anse chromatique soit au bord 184 A VAN GEHUCHTEN supérieur, soit au bord inférieur du noyau, fig. 6. Quelquefois le noyau se trouve dans une position un peu oblique, comme c'est le cas pour le noyau dessiné dans la fig. 5. L'élément nucléinien affecte donc dans les noyaux de ces cellules glan- dulaires une disposition régulière : les différents tronçons qui le constituent sont distribués par rapport à un axe : l'axe organique du noyau. Les circon- volutions des filaments chromatiques, tout en suivant la courbure de la membrane du noyau, ont la même direction que l'axe organique. Arrivés aux extrémités de cet axe, les filaments chromatiques s'infléchissent et descendent vers la face opposée, circonscrivant ainsi autour de chaque extrémité un espace libre qui constitue le pôle. Les deux pôles du noyau ont le même aspect. On y rencontre aussi bien les extrémités libres que les anses des filaments chromatiques. Il n'y a donc pas lieu de distinguer entre une face polaire et une face antipolaire et, sous ce rapport, ces noyaux diffè- rent de ceux des larves de salamandre, d'après la description de Rabl. Si l'on fait abstraction de l'absence de filament continu, ces noyaux glandulaires ressemblent entièrement aux noyaux des cellules testiculaires des arthropodes. Il est bien vrai que dans ceux-ci l'orientation est beaucoup plus régulière, mais l'on ne doit pas oublier que cette orientation doit être considérée comme un héritage provenant de lacinèse antérieure. Au moment où les cellules sortent d'une cinèse, la disposition de l'élément chromatique est régulière et typique, comme elle l'était dans toutes les phases de la division. Cette disposition se conservera si cette cellule est destinée à subir bientôt une nouvelle divison. Si au contraire la cellule retourne pour quel- que temps au repos, des modifications pourront survenir dans la disposition de la partie chromatique, par suite de son accroissement et de l'activité nucléaire. Si ces modifications sont légères, il sera toujours aisé de retrouver l'axe organique du noyau ; lorsqu'elles sont plus profondes, l'axe organique peut disparaître totalement, au moins en apparence. C'est ce que Carnoy remarque fort judicieusement quand il dit : » Pendant le développement subséquent du nouveau noyau, la disposition primitive des anses se maintient ou se trouble. Dans le premier cas, le noyau au repos conserve cette structure rayonnée et parallèle que nous avons signalée chez les arachnides et chez certains crustacés. Dans le second il la perd, les anses étant déplacées et rejetées de côté et d'autre durant l'accroissement. Les noyaux de ce genre sont fréquents, et ils se rencontrent même souvent à côté d'autres dont la structure primitive n'a subi aucune modification. L'axe l'axe organique du noyau 185 organique du noyau n'est plus alors discernable. Persiste-t-il dans sa posi- tion première? Varie-t-il avec les changements de direction des anses du boyau? On ne saurait le dire. Quelle que soit sa position, on peut admettre que c'est lui qui détermine l'axe du fuseau, et par conséquent l'orientation de la figure caryocinétique « (1). C'est assez dire que cette orientation de l'élément chromatique ne saurait être prouvée directement dans tout noyau au repos. Vraie et ap- parente pour certains noyaux, elle restera toujours hypothétique, du mo- ment qu'on voudra l'appliquer à tous. Les faits observés par Carnoy et ceux que nous venons de décrire prouvent l'existence d'une orientation de la substance chromatique par rapport à l'axe organique du noyau. Rabl a donc tort de considérer l'orien- tation autour d'un pôle seulement comme typique. Car le schéma général qu'il donne de la structure du noyau au repos ne s'applique pas aux noyaux des arthropodes étudiés à ce point de vue par Carnoy et par nous. Le schéma de Rabl subira, croyons-nous, le sort réservé à tout schéma en biologie, c'est-à-dire qu'il sera de plus en plus démenti par les faits d'obser- vation. Ci) J. B. Carnoy : loc. cit., p. 338. Fio. 1 -d~.FaziGelmcMeii. del. Lith Duuiord vei d UN NOUVEAU CAS DE PURPURA AVEC DIMINUTION CONSIDÉRABLE DES PLAQUETTES PAR le Dr J. DENYS PROFESSEUR DANATOMIE PATHOLOGIQUE. TRAVAIL DU LABORATOIRE DANATOMIE PATHOLOGIQUE ET DE PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. .92 UN NOUVEAU CAS DE PURPURA AVEC DIMINUTION CONSIDÉRABLE DES PLAQUETTES. Nous avons publié, il y a deux ans, un cas de purpura (i) dans lequel le sang présentait, comme seule lésion notable, une diminution considérable du nombre des plaquettes, à tel point qu'elles avaient presque complètement disparu du sang. Au fort de la maladie, nous fûmes même plusieurs fois dans l'impossibilité de les retrouver dans nos préparations. Depuis lors nous avons eu l'occasion d'observer un nouveau cas, sur- venu chez un enfant jouissant de toutes les apparences de la santé, et que nous allons relater brièvement. X., âgé de 10 ans, se présente devant nous pour la première fois le 2 juin 1889. Depuis une quinzaine de jours sa peau est le siège de taches hémorrhagiques. Tout au début, elles ont été, au dire du malade, nom- breuses et petites ; plus tard elles se sont montrées plus rares en même temps qu'elles devenaient plus grandes. Ces phénomènes n'ont été précédés ni accompagnés d'aucune altération de la santé; l'appétit est resté bon, la digestion facile, et il n'y a eu ni diarrhée, ni constipation. Il n'existe aucune gène respiratoire et la fièvre semble avoir fait complètement défaut. Les articulations n'ont jamais été douloureuses. Depuis l'apparition des taches, le malade a eu plusieurs épistaxis ; on n'a remarqué de sang ni dans les selles, ni dans les urines. Le seul symp- tôme morbide subjectif dont X. ait à se plaindre, consiste en une lassitude générale, intense, et à cause de laquelle il se met au lit pendant une partie de la journée. (1) J. Denys : Etudes sur la coagulation du sang dans un cas de purpura avec diminution considérable des plaquettes, La Cellule, T. III; 1887. lOO J DENYS État présent. Développement osseux et musculaire un peu au-dessous delà moyenne. Nutrition assez bonne. Aucun signe d'anémie; pas d'œdèmes. Sur le corps on remarque un certain nombre d'ecchymoses, surtout abondantes aux membres inférieurs. Elles sont plus discrètes sur les mem- bres supérieurs, rares sur le tronc, et manquent complètement à la tète. Sur les membres, elles siègent surtout du côté de l'extension. Leur grandeur varie d'une pièce de 2 centimes à une pièce de 5 francs. Quelques-unes sont plus larges encore. La plus grande, de forme elliptique, située au côté interne du genou gauche, mesure 12 centimètres de longueur. Ces taches présentent toutes vers leur centre un ou plusieurs noyaux durs, de la gran- deur d'un pois ou d'une fève, et légèrement douloureux à la pression. Ces noyaux présentent une coloration foncée, rouge bleuâtre, tandis que le reste de l'ecchymose offre une teinte moins foncée, jaune ou verte. D'après les explications du malade, ces taches posséderaient à leur apparition la gran- deur des noyaux durs, et puis s'étaleraient plus lentement jusqu'au moment où elles ont atteint leur volume définitif. L'examen des différents appareils, fait avec tous les soins, ne dénota rien d'anormal, sauf une augmentation légère mais douteuse de la matité de la rate. L'examen du sang donna les renseignements suivants : Les globules rouges ont sensiblement tous la même grandeur et la même intensité de coloration. Ils s'empilent bien. A la numération, nous obtenons le chiffre de 4,680,000 par millimètre cube. Les résultats de cet examen concordent par conséquent avec l'absence d'anémie constatée plus haut. Les globules blancs ne présentent non plus rien de pathologique, ni pour le nombre, ni pour leurs diverses variétés, du moins pour autant que le révèle un examen fait sans l'aide de colorants spéciaux. Par contre, on est frappé de suite de la rareté des plaquettes. Ainsi, dans une préparation colorée au violet de méthyle et examinée à l'endroit où la goutte de sang a été déposée, nous ne trouvons qu'une dizaine de ces éléments par champ microscopique. Dans une préparation de notre sang, de même épaisseur, le champ du microscope en est au contraire tout constellé. Cette diminution considérable des plaquettes ne fut pas seulement constatée dans une préparation unique, mais sur toute une série. Nous renvoyons pour les précautions prises dans ces examens à notre première publication. Ici, comme antérieurement, nous avons renoncé à faire des UN NOUVEAU CAS DE PURPURA 191 numérations à cause de l'altérabilité rapide des plaquettes. Les inconvé- nients qui en résultent sont d'autant plus sensibles que ces éléments sont plus rares. Pourtant, pour fixer les idées sur le degré de leur réduction, nous avons fait le 6 juin une numération en prenant pour point de comparaison les globules blancs, qui ne présentaient ni diminution, ni augmentation sensible de leur nombre. Ce dénombrement fut fait à l'endroit où la goutte de sang avait été déposée. Les chiffres des plaquettes sont donc plutôt trop forts que trop faibles, ces éléments restant accumulés de préférence à l'en- droit où le sang a été recueilli. Nous avons obtenu par champ microsco- pique les chiffres suivants : GLOBULES BLANCS. 1 1 PLAQ UETTES 1 12 2 9 2 1 1 6 9 3 7 4 6 1 65 19 Ce qui fait en moyenne 1 plaquette pour 3 globules blancs ; or on sait qu'à l'état physiologique il y a 40 plaquettes pour 1 globule blanc. Leur nombre n'est donc plus que la i42me partie de ce qu'il est normalement. Ce chiffre concorde du reste très bien avec les résultats que nous avons obtenus à d'autres jours en comparant directement l'abondance des plaquettes dans les préparations de notre malade avec celle des mêmes éléments dans des préparations d'épaisseur égale, provenant de personnes saines. Nous avons également dirigé notre attention sur la rapidité de la coa- gulation et sur la quantité de fibrine formée, mais nous n'avons pu constater aucune différence saillante avec l'état normal. Dans les-trois semaines qui suivirent, nous eûmes encore plusieurs fois l'occasion de voir le malade. Pendant tout ce temps, l'affection ne présenta aucun changement ni en bien, ni en mal. Tous les jours, il se formait une ou plusieurs taches nouvelles, pendant que les plus anciennes disparais- saient. L'état général resta le même, et notre petit patient se remit à fré- quenter l'école. 192 J. DENYS Nous pouvons dire que ce cas présente, avec celui de Marie D. P., la plus grande ressemblance. Des deux côtés, nous avons une éruption abon- dante de petites taches sanguines, qui ne dure que peu de temps, et qui est suivie d'une période plus longue (plus de deux ans chez D. P.), pendant laquelle les taches deviennent beaucoup plus rares, mais par contre beau- coup plus grandes. L'état général, du moins pendant cette deuxième période, ne présente d'autre altération marquée qu'une grande lassitude. L'identité continue à exister pour les caractères du sang. Des deux côtés, on constate les faits suivants : i° La quantité du sang, le nombre et l'aspect des globules rouges n'ont pas subi de modifications notables. 2° Les globules blancs ne présentent aucune altération sensible. 3° La coagulation n'est pas retardée, et la quantité de fibrine ne pré- sente pas de diminution. 4° Par contre les plaquettes sont devenues très rares. Che~ le petit malade, leur nombre n'est plus, d'après notre évaluation, que la i42me partie de ce qu'il devrait être. Che\ la femme D. P., nous pouvons assurer que pendant longtemps leur chiffre était encore moins élevé. On peut considérer comme certain que l'on trouvera la même pauvreté en plaquettes dans d'autres cas de purpura. Quant au mode de formation des ecchymoses, il nous semble que les derniers travaux de Hayem (i) permettent d'établir une relation des plus étroites entre ce symptôme mor- bide et l'abaissement du chiffre des plaquettes. Cet auteur a trouvé qu'en injectant du sang de cheval ou de bœuf à des chiens, on détermine instan- tanément la précipitation des plaquettes sous la forme de concrétions in- nombrables, pour la plupart visibles à l'œil nu, à tel point qu'elles rendent le sang grumeleux. Ces concrétions embolisent les vaisseaux et donnent naissance à des hémorrhagies multiples. Quand elles sont volumineuses, elles produisent des lésions graves, notamment dans les poumons, et déter- minent la mort par asphyxie au bout de quelques minutes. L'abaissement considérable du nombre des plaquettes dans nos deux cas d e purpura avec la coexistence des hémorrhagies, doit faire admettre un phénomène tout à fait analogue. Les plaquettes sont devenues rares parce qu'elles se sont précipitées; et les masses compactes qui en résul- (i) Hayem : Nouvelle contribution à l'étude des concrétions sanguines par précipitation; Comptes- rendus de l'Académie de Paris, T. 107, 1888. UN NOUVEAU CAS DE PURPURA lg3 tent ont obstrué les vaisseaux. Mais tandis que dans les expériences de Hayem la cause de l'altération siège dans le mélange de deux sangs étran- gers, elle reste enveloppée d'une obscurité complète dans nos cas de purpura. Notons encore chez la femme D. P., que c'est précisément à l'époque où les hémorrhagies étaient les plus nombreuses, que les plaquettes étaient les plus rares. Ce fait vient encore à l'appui de notre thèse. Lors de la relation de notre premier cas de purpura, nous avons à la dernière page rendu compte d'une éruption d'ecchymoses survenues chez un phtisique sans diminution des plaquettes. Ce fait paraît en opposition avec cette manière de voir, mais il est à noter que, chez ce malade, la pous- sée hémorraghique a été unique, et que nous n'avons eu l'occasion d'examiner le sang que plusieurs jours plus tard. Il se peut qu'à cette époque ces élé- ments se soient déjà reformés; ils paraissent en effet susceptibles d'une régénération très rapide. On peut du reste également admettre qu'il existe plusieurs espèces de purpura, les unes dues à la précipitation des plaquettes, les autres à des causes qui doivent encore être élucidées. Quoi qu'il en soit, nous pouvons affirmer que, dans certains cas de pur- pura, du moins, l altération capitale réside dans une diminution du nombre des plaquettes et que les hémorrhagies sont le résultat de leur précipitation et de l'obstruction qu'elles déterminent dans les vaisseaux. C'est, à notre connaissance, la première fois que l'anatomie pathologique de cette affection est formulée ainsi et qu'elle a été basée sur des faits précis. Le purpura serait une maladie des plaquettes. Il va de soi que la cause elle-même de l'altération des plaquettes dans cette maladie n'est pas tranchée. LA CELLULE LA CELLULE RECUEIL DE CYTOLOGIE ET D'HISTOLOGIE GÉNÉRALE PUBLIE PAR J. B. CARNOY, PROFESSEUR DE BIOLOGIE CELLULAIRE, G. GILSON, PROFESSEUR D'EMBRYOLOGIE, J. DENYS, PROFESSEUR D'aNATOMIE PATHOLOGIQUE, a l'Université catholique de Louvain. AVEC LA COLLABORATION DE LEURS ÉLÈVES ET DES SAVANTS ÉTRANGERS. TOME V 2° FASCICULE. I. Sur les peptonisations provoquées par le chloroforme et quelques autres substances, par J. DENYS et H. DE MARBAIX. II. Le poumon des arachnides, par L. BERTEAUX. III. Nouvelles observations sur les cellules épithéliales, par M. IDE. IV. Recherches sur la structure des organes segmentaires des hirudinées, par H. BOLSIUS. LIERRE LOUVAIN Typ. de JOSEPH VAN IN & C", Aug. PEETERS, Libraire, rue Droite, 48. rue de Namur, 11. 1889 SUR LES PEPTONISÀTIONS PROVOQUÉES PAR LE CHLOROFORME ET QUELQUES AUTRES SUBSTANCES J. DENYS PAR & H. DE MARBAIX PROFESSEUR D ANATOMIE PATHOLOGIQUE ASSISTANT AU LABORATOIRE a l'université de louvain Travail du laboratoire d'anatomie pathologique et de pathologie expérimentale. (Mémoire déposé le i5 décembre 1889.J ig3 LES PEPTONISATIONS PROVOQUÉES PAR LE CHLOROFORME. L'exposé des recherches qui suivent comprend l'étude d'une digestion se développant dans le sang quand on y mêle certaines substances, et abou- tissant à la formation de peptones. Comme elle n'a pas encore été décrite jusqu'ici, nous sommes dispensés de faire son historique, et nous abordons immédiatement nos recherches personnelles (1). REMARQUES GÉNÉRALES SUR LA MÉTHODE SUIVIE. Comme nous venons de le dire, la digestion dont il est question pos- sède la propriété de peptoniser certaines substances albuminoïdes. Nous avons donc été souvent dans le cas de devoir reconnaître la présence des peptones. Dans ce but, nous avons eu surtout recours au procédé d'HoF- meister, l'ébullition avec certains hydroxydes, parmi lesquels nous avons presque exclusivement employé l'hydroxyde ferrique. Après acidification légère par l'acide acétique, on fait bouillir une première fois le liquide ou les organes, on filtre, on ajoute au filtrat une certaine quantité d'acétate de sodium en solution aqueuse à 10 o/o, et on laisse couler dans le mélange une solution de perchlorure de fer, jusqu'à ce que le liquide conserve une coloration rouge. On fait arriver alors une solution de soude caustique de façon à neutraliser le liquide, ou plutôt à ne lui laisser qu'une acidité faible. On fait bouillir quelques minutes, on filtre, et on recherche les peptones par la réaction du biuret, au moyen de la soude ou de la potasse caustique et du sulfate de cuivre en solution diluée. (i) La plupart des résultats contenus dans ces pages ont déjà été exposés par l'un de nous au premier congrès des physiologistes, à Bàle. lyS J. DENYS et H. DE MARBAIX Dans la plupart de nos expériences, afin d'arriver à des résultats com- parables, nous avons opéré avec des quantités déterminées de réactifs, pro- portionnées à la masse à analyser. C'est ainsi que pour 10 ce. de sang, nous prenions 15 ce. de la solution d'acétate de sodium à 10 0/0, et 2 ce. de la solution de perchlorure de fer de la Pharmacopée belge. Au lieu de neutra- liser exactement, nous avons préféré nous arrêter à une réaction très faible- ment acide, qui, d'après Hofmeister et Schmidt-Mulheim, paraît plus favorable qu'une réaction neutre pour obtenir la précipitation totale des albumines. Nous avons fait souvent le dosage de la quantité de peptones au moyen de la méthode colorimétrique par la réaction du biuret. Un dosage appro- ximatif étant tout à fait suffisant pour le but que nous voulions atteindre, nous avons renoncé à employer le procédé exact, mais un peu compliqué de Hofmeister (1). Nous nous sommes contentés de verser dans des tubes à essai de même calibre, des quantités égales des solutions à examiner, et d'y ajouter un même volume de soude caustique. Ensuite nous y laissions tomber goutte à goutte une solution de sulfate de cuivre à 2 0/0, en ayant soin de bien agiter et de compter le nombre de gouttes nécessaires pour imprimer à toutes les solutions la même nuance. Ce point atteint, le nombre de gouttes employées donnait la proportion de peptones. Nous avons également essayé de doser les peptones par le polarimètre, mais nous avons reconnu à ce procédé les inconvénients signalés par Hof- meister, et nous l'avons abandonné. Nous avons emplo)'é plusieurs fois l'ébullition avec l'hydroxyde de plomb, ainsi que la précipitation par l'acide phosphotungstique, en suivant les indications fournies par Hoppe-Seyler, mais les pertes subies par ce dernier procédé sont trop notables pour que nous nous en soyons servis souvent. Cet inconvénient est du reste connu. Il est vrai que le procédé d'HoFMEiSTER pour la recherche des peptones par l'acétate de sodium et le perchlorure de fer, n'est pas non plus complètement à l'abri de ce reproche, mais, comme cet auteur et Dogiel (2) l'ont démontré, les pertes sont petites. Enfin, nous avons employé assez souvent la méthode de Kuhne au sulfate d'ammoniaque. Nous reviendrons sur ce point plus bas. (i) Fr. Hofmeister : Ueber die Verbreitung des Peptons im Thierkûrper; Zeitschr. f. phys. Chcmie. B VI, 18N2. (2) A. Dogiel : Einiges ûber Eiweisskorper der Frauen- und Kuhmilch; Zeitschrift f. phys. Chem , B IX SUR LES PEPTONISATIONS 199 A moins d'indications contraires, nos digestions ont été faites à la tem- pérature du corps. Notons encore qu'après chaque filtration nous avons eu soin d'exprimer fortement la masse, afin de recueillir le plus de liquide possible (i). D'autres indications sur la technique suivie trouveront mieux leur place ailleurs. RECHERCHES DES PEPTONES DANS LE SANG PUR DIGÉRÉ A LA TEMPÉRATURE DU CORPS. Il va de soi que ces digestions réclament une asepsie complète. A l'effet d'éviter l'introduction de micro-organismes dans le sang sur lequel nous voulions expérimenter, nous l'avons reçu directement au sortir des vaisseaux dans des tubes stérilisés et bouchés avec un tampon d'ouate. Cette opération se fait le plus aisément sur une carotide. On la dénude sur une longueur de plusieurs centimètres, en évitant autant que possible d'infec- ter la plaie; on lie le vaisseau du côté de la tète ; du côté du cœur, on place, aussi bas que possible, une pince hémostatique. On fait alors une petite ouverture latérale entre la ligature et la pince, on soulève légèrement l'artère au moyen du fil, afin de l'isoler des chairs environnantes, et en pressant sur la pince, on obtient un jet de sang que l'on reçoit directement, sans qu'il touche l'animal, dans les tubes. Il est inutile de compliquer cette opération par le placement de canules et de tubes pour conduire le sang. D'après notre expérience, on ne fait qu'augmenter ainsi les chances d'infection, qui, par la méthode que nous venons de décrire, sont presque nulles. Nous avons recueilli ainsi plusieurs portions de sang, provenant de douze chiens, et variant de 7 à 20 ce. Les tubes furent laissés dans le thermo- stat pendant un temps allant de 15 heures à 8 jours. La réaction du biuret fut généralement essayée après avoir ramené la solution au volume du sang employé, quelquefois cependant avec la solution réduite par évaporation de moitié, ou plus encore. Or, dans tous les cas, elle fut négative. Il ne s'était donc pas opéré de peptonisation, même après un séjour de 8 jours dans le thermostat. (i) Pour nous assurer que la méthode oVHofmeister au perchlorure de fer donne des résultats comparables et exacts, nous avons divisé 70 ce. de sang en 7 portions égales et. après avoir additionné celles-ci d'un centimètre cube de chloroforme, nous les avons analysées au point de vue de leur richesse en peptones après un jour de thermostat. Or tous les tubes nous ont donné la réaction du biuret avec la même intensité. 200 J DENYS et H. DE MARBAIX Ces résultats étaient de nature à nous étonner, l'existence de peptones dans le sang, du moins à certains stades de la digestion, paraissant prouvée par les recherches de Schmidt-Mulheim(i) et deHoFMEiSTER(2). Le premier trouva dans le sérum centrifugé de chiens mis en digestion, de petites quan- tités de peptones; par contre il ne put les déceler chez des chiens maintenus à jeun depuis 24 heures. Ces faits furent confirmés par Hofmeister, qui trouva 8 fois sur 1 1 des peptones dans le sang de chiens en digestion, et aucune fois dans le sang de chiens qui n'avaient pas été nourris depuis 24 heures. Les résultats contraires, auxquels nous sommes arrivés, ne peu- vent s'expliquer par l'état d'inanition de nos animaux, car nous avons opéré avec du sang recueilli à toutes les époques de la digestion. Ils ne semblent pas pouvoir s'expliquer davantage par le séjour du sang dans la couveuse, car, d'après Schmidt-Mulheim, Hofmeister et Salvioli (3), ce liquide ne jouit pas de la propriété de transformer les peptones en albumine. Du reste, nous avons opéré 5 fois avec des quantités de sang assez considérables, provenant de 5 chiens différents, et que nous avons soumis immédiatement à l'analyse sans les faire séjourner dans le thermostat, et nous n'avons pas été plus heureux. Les deux premières portions, l'une de 20 ce. et l'autre de 22 ce, furent reçues directement dans l'eau bouillante. La troisième de 50 ce, quantité généralement employée par Hofmeister, fut analysée im- médiatement après le battage. La quatrième et la cinquième, comprenant chacune également 50 ce, furent versées avant la coagulation dans l'eau bouillante. Les chiens, dont ces deux dernières portions provenaient, se trouvaient à la sixième heure de la digestion, par conséquent au stade où, d'après Hofmeister, les peptones sont assez abondantes. Une portion avait été obtenue par saignée de la jugulaire externe, et traitée par le perchlorure de fer; l'autre par saignée de la carotide, et traitée par l'hydroxyde de plomb. La réaction du biuret fut essayée dans chacun de ces cinq cas plusieurs fois, d'abord avec le liquide étendu, puis avec le liquide plus concentré et, enfin, avec le liquide réduit par l'évaporation à un très petit volume. Comme nous l'avons déjà dit, elle fut constamment négative. Notons que nous avions pris soin, comme le conseille Hofmeister, d'abandonner pendant 24 heures le liquide à lui-même après l'ébullition avec l'hydroxyde ferrique, afin de per- mettre à l'eau d'extraire les peptones emprisonnées dans le précipité. (1) Schmidt-Mûlheim : Beitrâge zur Kenntniss des Peptons ; Arch. f. Phys., 1880. (s) Fr. Hofmeister : Loc. cit. (3) Salvioli : Die gerinnbaren Eiweissstoffe im Blutserum und in der Lymphe des Hundes ; Arch. f. Phys., 1881. SUR LES PEPTONISATIONS 201 Nous ne saurions dire à quoi tiennent les divergences qui existent entre nos expériences et celles de Schmidt-Mulheim et Hofmeister. Mais Was- serman (1), dans ses recherches sur la peptonurie et sur la peptone pendant la digestion, n'a pas non plus su confirmer les résultats des deux auteurs allemands. D'après lui, le procédé d'HoFMEisTER ne fournirait pas toujours un liquide privé de toute albumine. Pour éliminer complètement cette der- nière, il serait nécessaire de traiter la solution par l'acide acétique et le ferrocyanure de potassium, de filtrer après plusieurs heures, d'éliminer le ferrocyanure par l'acétate de cuivre, et le cuivre par l'hydrogène sulfuré. En opérant de cette façon, Wasserman n'a pu trouver de peptones dans le sang de la veine-porte de trois chiens en pleine digestion, quoique les portions analysées fussent considérables (100, 180 et 210 ce). Ces recherches con- firment donc les nôtres. Notons enfin, que les expériences d'HoFMEisTER elles-mêmes ne sont pas de nature à dissiper tout doute sur l'existence de peptones dans le sang d'animaux en digestion. Chez trois chiens en pleine digestion, cet auteur n'a pas trouvé cette substance. Or, d'après nous, il semble que ce fait doit donner à réfléchir. La résorption intestinale n'est pas un phénomène de peu de durée, intermittent, s' opérant sur un espace restreint, et dont les effets sont susceptibles d'échapper à un moment donné aux recherches ; mais c'est un acte durant sans interruption et sur une étendue considérable pen- dant de nombreuses heures. Même en admettant qu'il puisse être interrompu dans certains segments de l'intestin, il doit se continuer dans d'autres, et le sang par conséquent doit charrier des peptones pendant toute la durée de la digestion. La question de la présence des peptones dans le sang nous paraît digne d'être reprise et étudiée à nouveau. Au point de vue de nos recherches pré- sentes, la solution du problème est néanmoins accessoire: qu'il y ait ou non de petites quantités de peptones dans le sang, il importe peu; il nous suffit de démontrer que, dans certaines circonstances, il s'y en développe des quantités considérables. Si nous ne parvenons pas à en déceler dans le sang frais, notre démonstration n'en sera que plus péremptoire. (1) Wasserman : Note sur la peptonurie et sur la peptone pendant la digestion ; C. R de la soc. de biol.. T. II, i885 203 J. DENYS et H. DE MARBAIX AUTODIGESTION DU SANG ADDITIONNE DE CHLOROFORME. Comme nous venons de le voir, dans le sang abandonné à lui-même dans la couveuse, on ne peut pas déceler de peptones, même après plusieurs jours de digestion. Il en est tout autrement quand on y ajoute du chloro- forme. Pour ces expériences, il est inutile de recueillir le sang antiseptique- ment, le chloroforme constituant un excellent antiseptique qui empêche le développement de tout micro-organisme. Le plus souvent nous ajoutions 10 o/o de ce liquide, mais comme nous le verrons plus bas, de moindres quantités ont le même effet. Le tableau suivant résume nos expériences sur ce point. La première colonne renferme le nom de l'espèce animale; la deuxième, la quantité et la nature du sang, tantôt défibriné, tantôt pas ; la troisième, la quantité de chloroforme ajouté; et, enfin, la cinquième, les résultats de la réaction du biuret, obtenue avec le filtrat ramené au volume de sang employé. TABLEAU I. ESPÈCE QUANTITÉ DE SANG QUANTITÉ DE CHLOROFORME DURÉE DU SÉJOUR DANS LE THERMOSTAT RÉACTION DU BIURET Chien i . 10 ce. de sang artériel. I ce 4 heures. réaction faible mais évidente. Chien 2. i5 ce. id. Pas mesuré 14 id. forte réaction. i5 ce. id. id. 65 id. réaction intense Chien 3. i5 ce. id. i,5 ce. 18 id. id. Chien 4. 10 ce. id. 1 ce. 1 jour. forte réaction. 10 ce. id o,5 ce id. réaction. Chien 5. ■ 20 ce. id. id. id. Chien 6. 20 ce. id. 4 jours. réaction rouge intense Chien 7. 10 ce. de sang veineux 1 ce. '. jour forte réaction. Chat 1. . 10 ce de sang. 1 ce. 1 id. id Chat 2 . 10 ce. de sang artériel. 1 ce. ? id Putois. 5 ce. de sang. o,5 ce. 1 jour. réaction. Femme. 16 ce. id. i,5 ce. ' 2 jours. id Le dernier sang, obtenu par l'application de ventouses scarifiées provient d'une femme à l'âge de retour et sujette à des bouffées de chaleur vers la tête; à part cette incommodité, la santé était parfaite. SUR LES PEPTONISATIONS 203 Notre tableau comprend 13 portions de sang, dont 9 provenant de 7 chiens, 2 de 2 chats, 1 d'un putois et 1 dune femme, et, dans toutes nous avons pu déceler des peptones en quantité notable . Elles y existaient déjà après 4 heures. Quand on compare ces résultats à ceux précédemment obtenus (p. 199), l'intervention du chloroforme dans la production des peptones est manifeste, et elle est d'autant plus évidente que les portions chloroformées et non chloroformées de sang de chien proviennent des mêmes animaux. Il n'y a entre elles d'autre différence que la suivante : les unes ont été mises dans le thermostat sans chloroforme, les autres avec chloroforme. Nous avons préféré classer les résultats à part, pour donner plus de clarté à notre exposé. C'est du reste une règle générale que nous avons adoptée dans ce mémoire. Souvent, avec le sang d'un seul animal, nous avons fait des expé- riences très diverses que nous avons groupées suivant leur nature, et non suivant l'ordre chronologique. On ne peut donc nous objecter d'avoir opéré dans chaque série d'expériences, avec des animaux différents, et d'avoir obtenu ainsi des résultats peu comparables. Nous insistons particulièrement sur le point suivant, qui est d'une importance capitale : l'absence dans nos digestions de micro-organismes auxquels on pourrait attribuer la peptonisation. Le chloroforme par lui- même est déjà un garant sur de leur exclusion; mais nous ne nous sommes pas contentés de cette certitude. Dans le plus grand nombre de cas, nous nous sommes assurés directement, à l'aide du microscope, que nos digestions ne renfermaient pas de micro-organismes, et, dans un certain nombre d'autres, nous avons procédé avec les précautions antiseptiques les plus rigoureuses; c'est-à-dire, que nous avons fait usage de tubes stérilisés préalablement et dans lesquels on recevait directement le sang jaillissant de la carotide, et de pipettes également stérilisées, pour ajouter le chloroforme et d'autres liquides dont il sera question plus bas. Dans les cas où l'eau entrait dans la compo- sition des solutions employées, nous l'avons préalablement stérilisée par l'ébullition. De plus, à la fin des digestions, nous avons plusieurs fois ense- mencé des tubes de gélatine avec de grandes quantités de sang, afin de nous assurer de son asepsie complète ; or, dans aucun cas nous avons eu de déve- loppement. Enfin, nous avons fait la contre-épreuve de ces expériences, en mêlant intentionnellement des microbes au sang, sans addition de chloro- forme, avant de le porter à la couveuse. En même temps, nous y déposions du sang du même animal, mais chloroformé et qui devait servir de témoin. Le tableau suivant se rapporte à l'une de ces expériences. "h 204 J. DENYS et H. DE MARBAIX TABLEAU II. QUANTITÉ DE SANG DURÉE DE LA DIGESTION REMARQUES RÉACTION DU BIURET Tubes ' chloroformés. 1 IO ce. i jour la gélatine inoculée reste stérile. forte réaction. 10 ce. 2 jours. id. id. Tubes infec i IO ce. i jour. pas d'odeur de putréfaction, pas de réaction tés avec quel-l une inoculation sur gélatine donne ques gouttes ( de nombreuses colonies. d'eau io ce. 2 jours. odeur de putréfaction, au micros- id. ordinaire. cope beaucoup de bâtonnets. Ainsi dans les deux tubes où il s'est développé des micro-organismes, l'analyse n'a pu démontrer la présence de peptones. Hofmeister n'en a pas trouvé davantage dans du sang de mouton en putréfaction depuis plusieurs jours. Elles y apparaissent néanmoins plus tard, et même quelquefois plus tôt, comme nous nous en sommes assurés à plusieurs reprises, mais toujours en moindre quantité que dans le sang additionné de chloroforme. La pep- tonisation, que nous constatons dans nos tubes chloroformés, n'est donc pas le résultat de l'action des micro-organismes. Presque toutes nos digestions au chloroforme ont été faites avec 10 o/o de cette substance, mais elles réussissent également bien avec de moindres quantités : à preuve le tableau suivant. TABLEAU III. QUANTITÉ QUANTITÉ DURÉE DE LA DE SANG DE CHLOROFORME DIGESTION REACTION DU BIURET 10 ce. i ce. = io o/o 5 heures. bonne réaction IO ce. 0,75 ce. = 7,5 00 id. id. 10 ce. o,5 ce. = 5 0/0 id. id. IO ce. 0,4 ce. = 4 0/0 id. id. IO ce. 0,2 ce. = 2 0/0 id. id. SUR LES PEPTONISATIONS 205 La quantité de peptones était sensiblement la même dans les différents tubes; il est probable que l'on obtiendrait encore un effet sensible avec des proportions beaucoup plus faibles, mais nous n'avons pas fait de recherches dans cette direction. Pour établir que les corps donnant la réaction du biuret étaient bien des peptones, nous avons mis à digérer 500 ce. de sang chloroformé de chien, nous les avons traités par la méthode d'HoFMEiSTER, puis concentrés et précipités par l'alcool. Nous avons obtenu ainsi un précipité relativement abondant que nous avons redissous dans un peu d'eau et qui précipitait abondamment : i° avec le tannin; 2° avec l'acide phosphotungstique; 3° avec la liqueur de Millon (coloration rouge à l'ébullition). L'acide azotique n'y produisit aucun trouble; avec l'acide acétique et le ferrocyanure de potassium, nous obtînmes un très léger précipité bleu foncé (bleu de Prusse) dû à un reste de fer, de sorte que, dans ce cas, cette réaction ne fournit pas de résultats décisifs. Nous avons saturé plusieurs fois, au moyen du sulfate d'ammoniaque, une partie de la solution claire et transparente obtenue par l'ébullition avec l'hydrate de fer, et, après filtration pour séparer l'excès de sulfate, nous avons fait la réaction du biuret. Dans certains cas, elle était tout aussi intense que celle fournie par la partie non traitée par le sulfate; dans d'au- tres, elle était notablement affaiblie. L'existence de la réaction démontre en tous cas, que, dans la digestion par le chloroforme, il se forme de véri- tables peptones dans le sens de Kuhne. DIGESTION DU SANG AVEC D'AUTRES SUBSTANCES. Il était naturel de se demander si le chloroforme jouissait seul de la propriété de provoquer une digestion dans le sang, ou si d'autres corps la possédaient également. Nous avons d'abord étudié deux substances qui, au point de vue chimique, lui sont très rapprochées : l'éther sulfurique et l'alcool. 206 J DENYS et H. DE MARBAIX Expériences avec l'éther sulfurique. 50 Ce. de sang de chien furent divisés en 5 portions de 10 ce. chacune. Elles furent additionnées d'une quantité variable d'éther, et analysées après vingt-quatre heures de séjour dans la couveuse. Le tableau suivant donne les résultats. TABLEAU IV. QUANTITÉ DE QUANTITÉ D'ÉTHER RÉACTION DU BIURET SANG 10 ce. 0,5 ce. == 5 0/0 réaction très faible. 10 ce. 1 ce. = 10 0/0 réaction moyenne 10 ce. 2 ce. = 20 0/0 id. id. 10 ce. 5 ce. = 5o 0/0 id id. 10 ce. 10 ce. = 100 0/0 id intense. L'éther sulfurique jouit par conséquent de la même propriété que le chloroforme, et son action semble s'accroitre avec la quantité ajoutée. Expériences avec l alcool. 20 Ce. de sang de chien sont divisés en 2 portions égales, qui sont additionnées d'alcool. Après deux jours de séjour dans la couveuse, elles fournissent les résultats suivants : TABLEAU V. QUANTITÉ DE QUANTITÉ DALCOOL RÉACTION DU BIURET SANG 10 ce. 5 ce. = 5o 0/0 après concentration à 14 ce., réaction faible. 10 ce. 10 ce = 100 0/0 après concentration à 8 ce., réaction faible. L'alcool possède donc les propriétés du chloroforme et de l'éther, mais pas à tous les degrés de concentration. Le tableau suivant prouve ce fait avec beaucoup plus d'évidence encore. SUR LES PEPTONISATIONS 207 TABLEAU VI (1). RÉACTION DU BIURET C/3 w a QUANTITÉ DE SANG quantité d'alcool AVEC LE SULFATE DE CUIVRE A 2 0/0 a h 5 GTT. 8 GTT. IO GTT. A IO ce 0 négative. B 10 ce. I ce = iO 0/0 id. C 10 ce. 2 CC = 20 O/o violet très faible. D 10 ce. 3 ce = 3o 0/0 violet avec une nuance rose faible. violet. E 10 ce. 4 ce. = 40 0/0 rose avec un peu de violet. rose-violet. violet avec trace de rose. F 10 ce 5 ce. = 5o 0/0 id. violet. G 10 ce. 7.S ce. = y 5 0/0 violet très faible. H 10 ce. 10 ce. = 100 0/0 négative. I 10 ce 20 ce. = 200 0/0 id. Les tubes sans alcool et avec 1 ce, 10 ce. et 20 ce. d'alcool n'ont donc pas été le siège de peptonisation. Celle-ci a eu lieu dans les tubes renfermant de 2 ce. à 7,5 ce. d'alcool, quoique à des degrés différents. Son intensité augmente du tube C au tube E où elle atteint son maximum, pour diminuer progressivement dans les tubes F et G. Ainsi, avec 5 gouttes de sulfate de cuivre, les tubes C et G donnent une réaction où il n'y a plus trace de coloration rose, qui est comme on sait la première nuance qui apparaît dans la réaction du biuret; dans les tubes D et F, la teinte rose a complètement disparu après l'addition de 8 gouttes; dans le tube E elle persiste encore, quoique faiblement, après 10 gouttes. La concentration optimale de l'alcool paraît donc être de 40 0/0. En deçà et au-delà il y a diminution, puis extinc- tion de la propriété (2). ;i) Nous devons un mot d'explication sur les termes employés pour indiquer le résultat de la réaction. Dans une solution renfermant des peptones et de la soude caustique, le sulfate de cuivre détermine en premier lieu l'apparition d'une coloration rose. Cette coloration est d'autant plus vive et persiste d'autant plus longtemps, si l'on continue à faire suivre du sulfate de cuivre, que la quantité de peptones est plus considérable. Par l'addition de nouvelles quantités de sel cuivrique, on fait appa- raître dans la couleur rose une légère nuance violette qui devient de plus en plus nette au fur et à mesure que de nouvelles gouttes de solution cuivrique tombent dans la solution En même temps la couleur rose s'efface de plus en plus, elle finit par s'éteindre et la couleur est alors franchement violette. (2) Tous les histologistes connaissent les effets dissociateurs de l'alcool au tiers, découverts par Ranvier. L'explication de ce fait est encore inconnue. Ne serait-ce pas un phénomène de même nature que celui de la digestion du sang par l'alcool? 208 J. DENYS et H. DE MARBAIX Les expériences comparatives que nous avons faites prouvent que : l'action peptonisante de l'alcool est bien plus faible que celle de l'éther et du chloroforme. Ce dernier corps semble être celui qui jouit de cette propriété au plus haut degré. Outre ces trois substances, nous en avons examiné plusieurs autres dont on se sert fréquemment pour empêcher la pullulation des microbes dans les digestions in vitro. Tels sont le thymol, l'acide phénique et l'acide salicylique. Expériences avec le thymol. Nous avons employé une solution alcoolique à 10 o/o. TABLEAU VII. Sang de chien analysé après 1 jour. QUANTITÉ QUANTITÉ QUANTITÉ DE DE SOLUTION ALC. DE DE RÉACTION DU BIURET SANG THYMOL. THYMOL l5 ce. 2 ce. = 1 3,3 0/0 1,3 0/0 bonne réaction. 24 ce. 3 ce. = 12,5 0/0 1,2 0/0 id. TABLEAU VIII. Sang de chien analysé après 2 jours. QUANTITÉ QUANTITÉ QUANTITÉ DE DE DE RÉACTION DU BIURET SANG SOLUTION DE THYMOL THYMOL 10 ce. 0,1 ce. = I 0/0 0, 1 0/0 réaction négative. 10 ce. 0,2 ce. = 2 0/0 0,2 0/0 id. 10 ce. o,5 ce. = 5 0/0 0,5 0/0 id. 10 ce. 1 ce. = 10 0/0 I O/o forte réaction. 10 ce. 2 ce. = 20 0/0 2 0/0 réaction faible. 10 ce. 5 ce. = 5o 0/0 5 0/0 réaction négative. 10 ce. 10 ce. = 100 0/0 10 0/0 id. SUR LES PEPTONISATIONS 209 Pour ce corps, comme pour l'alcool, nous trouvons une concentration optimale, mais qui répond ici à la proportion de 1 0/0. A un examen super- ficiel du tableau, on pourrait être tenté de croire que la digestion est le fait de l'alcool et non du thymol lui-même, mais il suffit d'un moment d'atten- tion pour se convaincre du contraire. Comme l'indique le tableau VI, l'alcool est inactif à la concentration de 10 0/0. Or, dans le tableau VIII, le qua- trième tube, renfermant la même proportion d'alcool, donne une forte réac- tion. Celle-ci ne peut donc être que le résultat du thymol. Nous nous sommes du reste assurés que, par l'addition d'un peu de thymol seul, écrasé entre les doigts, à du sang, celui-ci acquiert des pro- priétés peptonisantes. Par contre, dans un mélange de 10 ce. de sang et de 10 ce. d'une solution aqueuse saturée de thymol, il ne s'était pas produit de traces de peptones, même après deux jours de thermostat. Ce fait prouve de nouveau que, pour être efficace, la quantité de thymol doit atteindre une certaine proportion. Expériences avec l'acide phénique. Nous avons employé une émulsion de 10 gr. d'acide dans 90 gr. d'eau, que nous avions soin d'agiter fortement avant chaque prise. TABLEAU IX. Sang de chien, analysé après un jour de thermostat. QUANTITÉ QUANTITÉ QUANTITÉ DE DE DACIDE RÉACTION DU BIURET SANG SOLUTION PHÉN PHÉNIQUE 10 ce. o,5 ce 0,5 0/0 réaction négative. 10 ce. I ce. I 0,0 id. 10 ce. 2 CC. 2 O/O id. faible. 10 ce. 3 CC. 3 0/0 id. moyenne. 10 ce. 5 CC. 5 0/0 id. faible. 10 ce. ■ IO CC. 10 0/0 id. douteuse. 10 ce. 20 CC. 20 0/0 id. négative. Ici encore, nous constatons l'absence de réaction avec les concentrations extrêmes. La réaction optimale correspond à 3 0/0 d acide phénique. Le thymol et l acide phénique transforment par conséquent le sang en milieu digestif. 210 J. DENYS et H. DE MARBAÏX Quant à l'acide salicylique, il est dénué de cette propriété, comme on peut le voir par le tableau suivant. TABLEAU X(i). QUANTITÉ DE SANG quantité d'acide RÉACTION DU BIURET IO ce. I o/oo réaction négative. IO ce. 2 o/oo id. IO ce. 5 o/oo id. IO ce. 7 o/oo id. IO ce. i o/o id. io ce. 3 o/o id. Nous avons ensuite fait quelques essais avec l'essence de térébenthine, le phosphore et la créoline; ces trois corps se sont comportés comme l'acide salicylique. Il est vrai que nos recherches ont été très peu nombreuses. Il serait intéressant d'étudier à ce point de vue un grand nombre d'autres sub- stances, mais le temps nous a fait défaut. Ces expériences, répétons-le, ont été exécutées sans l'intervention d'organismes vivants quelconques. NATURE DES SUBSTANCES QUI SUBISSENT LA PEPTONISATION. Dans le sang, nous avons plusieurs substances capables de fournir des peptones : l'hémoglobine, la fibrine, les albumines dissoutes dans le plasma, enfin celles qui entrent dans la composition des globules blancs, des pla- quettes et du stroma des globules rouges. Sont-elles toutes peptonisées après l'addition du chloroforme, ou bien n'y en a-t-il que quelques-unes, voire même une seule? C'est ce que nous allons rechercher. Digestion des globules rouges. Dans le but de rechercher si les matériaux fournis à la digestion chloroformique se trouvent dans le plasma ou dans les éléments figurés, nous avons commencé par soumettre séparément à l'action du chloroforme le sérum et le caillot provenant d'une même saignée. (i) A moins d'indication contraire, le sang employé dans les expériences suivantes est du sang de chien. SUR LES PEPTONISATIONS 21 1 TABLEAU XL Du sang de chien et du sang humain sont abandonnés à eux-mêmes, et après rétraction on recueille à part le sérum et le caillot ; celui-ci est coupé en petits morceaux. QUANTITÉ DURÉE DE DE LA RÉACTION DU BIURET CHLOROFORME DIGESTION Chien i . 10 ce. de sérum. I ce. i jour. réaction négative. io ce de caillot. id. id. id. forte. id. id. id. id. id. id. id. id. id. id. Chien i. io ce. de sérum rose. i ce. 3g heures. réaction très faible io ce. de caillot. id. id. id. très intense. Homme. 3 ce. de sérum. o,5 ce. i jour. réaction négative. id. id. id id. id. 5 ce. id. id. 3 jours. id. id. 10 ce. de caillot. I ce. i jour. id. moyenne. id. id. 3 jours. id forte TABLEAU XII. Expérience avec le sérum et le caillot additionnés de thymol (solution alcoolique à 10 o/o). QUANTITE DE SOL. ALC. DE THYMOL DUREE DE LA DIGESTION REACTION DU BIURET io ce. de sérum rose, io ce. de caillot i ce. id. 3g heures, id. réaction négative, réaction très intense. De ces expériences se dégagent des faits intéressants : i° Dans le sérum chloroformé ou thymolisé, il n'y a pas de formation de peptones, ou du moins il ne s'en forme que des traces. ■95 212 J. DENYS et H. DE MARBAIX 2° Au contraire, dans le caillot chloroformé ou thymolisé, la digestion est très active et les peptones sont même plus abondantes, toute proportion gardée, que dans le sang digéré en totalité. Ces expériences sont {le nature à établir que ce ne sont pas les albumines dissoutes dans le sang qui subissent la peptonisation, mais les globules rouges ou la fibrine ou les deux ensemble. Nous négligeons momentanément les plaquettes et les globules blancs, en proportion trop minime pour pouvoir fournir la réaction intense observée. Le tableau qui suit nous permet d'affirmer de suite que les hématies sont une source de peptones, car pour peu que le sérum en renferme, il donne la réaction du biuret et cela avec d'autant plus d'intensité que les hématies sont plus nombreuses. TABLEAU XIII. QUANTITÉ DE SANG QUANTITÉ DE CHLORO- FORME DURÉE DE LA DIGESTION REMARQUES IO ce. I ce. 24 heur. le sérum est pur. 10 ce. id. id. il renferme très peu de globules rouges. 10 ce. id. id. il en renferme davantage. 5 ce. o,5 ce. 24 heur. sérum pur. 5 ce. id. id. sérum recueilli en dernier lieu, rouge opaque. REACTION DU BIURET Chien 1 . Chien 2. réaction nulle, id. très faible. id. faible. réaction nulle, id. marquée. Chien 3. 5 ce. 5 ce. o,5 ce. I24 heur, id. id. sérum transparent, légèrement rose. sérum pris en dernier lieu, rouge opaque. réaction douteuse. bonne réaction. Si, au lieu de sérum plus ou moins impur, on opère avec du sang défibriné, dépouillé complètement de la fibrine par filtration à travers un linge, on obtient une réaction plus intense. Beaucoup de digestions du tableau I sont faites après ce filtrage et ne laissent aucun doute sur le rôle des globules rouges. Il est inutile d'en rapporter davantage. SUR LES PEPTONISATIONS 213 Le globule rouge est lui-même composé de plusieurs substances albu- minoïdes dont les principales sont l'hémoglobine et celles qui entrent dans la constitution du stroma et de sa membrane. Est-il possible de déterminer celles qui fournissent des peptones? Grâce à l'obligeance de M. Jacquet, de Bâle, nous avons pu instituer quelques expériences avec de l'hémoglobine cristallisée, très pure. Au mi- croscope on ne voyait que des cristaux ou des fragments de cristaux. Une portion dissoute dans l'eau et traitée par la méthode d'HoFMEisTER fut trouvée absolument libre de peptones. Si donc nous trouvons ces substances après l'action du chloroforme, nous devons les considérer comme le produit d'une digestion. Avec les cristaux nous fîmes cinq séries d'expériences, composées chacune de deux espèces de tubes : i° un tube de sérum simplement chlo- roformé; 2° un tube de sérum également chloroformé, mais tenant en plus une certaine quantité d'hémoglobine cristallisée en dissolution. La première espèce de tubes servait de témoin et nous donna une réaction négative, sauf dans un cas où nous obtînmes une réaction très faible, due sans aucun doute à ce qu'il n'était pas absolument pur. Quant à l'autre espèce de tubes, elle donna chaque fois une bonne réaction de peptones. Ces expériences prouvent que la digestion porte sur l'hémoglobine. Digestion de la fibrine. Nous avions déjà remarqué incidemment, lors de plusieurs digestions avec le sang in toto, que les caillots étaient devenus très mous et qu'ils se laissaient écraser par le doigt avec la plus grande facilité. Ce fait donnait lieu à supposer que la fibrine était attaquée. On peut s'en assurer facilement en mettant de la fibrine dans du sérum additionné de chloroforme ou d'éther, et porté à la couveuse. Le tableau suivant rapporte quelques-unes de ces expériences. 214 ESPÈCE Chien i Chien 2. Chien 3. Chien 4. Chat. Lapin 1 . Lapin 2. J. DENYS et H. DE MARBAIX TABLEAU XIV (1). NATURE DE LA DIGESTION QUANTITE DE CHLOROFORME OU D'ÉTHER RESULTATS 10 ce. de sérum -J- une boule de fibrine fraîche de chien 10 ce. de sérum 4- i,5o gr. de fibrine de chien 20 ce. de sérum 4- 5 gr. de fibrine de chien. 20 ce. de sérum centrifugé -|- 2,5o gr de fibrine. 5 ce. de sérum 4- petite boule de fibrine. 5 ce. de sérum 4" fibrine de chat. 5 ce. de sérum + un flocon de fibrine de lapin. id. 1 ce. de chloro- forme. id. 2 ce. id o,5 ce. d'éther. id. o,5 ce. de chloro forme. id après 9 heures commencement de désagrégation. Après 18 heures dissolution complète. après 4 heures dissolution presque complète ; le lendemain complète. Après 3 jours, nouvelle addition de fibrine (o,5o). Le lendemain elle est encore intacte, le surlendemain dissoute. après une nuit d'étuve, tout est trouvé dissous. id dissolution après 9 heures. après 3 heures la plus grande partie est dissoute ; tout a disparu après 6 heures, dissolution après un jour. dissolution entre 27 et 44 heures. Pour les digestions chloroformiques du tableau précédent, nous avons employé un excès de chloroforme : 10 0/0. Il serait faux pourtant d'en con- clure qu'une proportion aussi considérable est nécessaire. Le sérum ne paraît pas dissoudre beaucoup plus de chloroforme que l'eau, qui en dissout environ 7 pour 1000; l'excédent, plus lourd, s'accumule au fond des tubes, (1) Nous faisons remarquer, une fois pour toutes, que le temps renseignant la dissolution de la fibrine indique l'époque où celle-ci a été trouvée dissoute, et non le temps vrai au bout duquel elle s'est dissoute. Ce temps est souvent en réalité plus court que celui indiqué. SUR LES PEPTONISATIONS 215 et représente la plus grande masse de ce qui a été ajouté. Pour que la digestion puisse se mettre en train, il ne faut pas même que le sérum soit saturé de chloroforme et on obtient encore des effets rapides avec un plasma renfermant seulement la cinquième partie de ce qu'il est capable de dissou- dre, comme l'expérience suivante le prouve. TABLEAU XV. Une portion de sérum est agitée avec du chloroforme en excès; 10 ce. servent de témoin, le reste est mêlé en proportions variables à du sérum non chloroformé, qui fournit en outre également un témoin. QUANTITÉ DE SÉRUM QUANTITÉ DE SÉRUM non chloroformé ÉTAT DE LA FIBRINE APRÈS chloroforme 3 H. 4 H. 2 JOURS 10 ce. o ce. dissolution. 6 ce. 4 ce. presque tout dissous. dissolution. 4 ce. 6 ce. encore assez dissolution. bien de petits fragments. 2 CC 8 ce. un peu plus de la moitié dissous. dissolution. 0 CC. io ce. o 0 o La fibrine s'est dissoute dans tous les tubes chloroformés, mais pas dans tous avec la même rapidité. Après 3 heures de couveuse, la digestion est d'autant plus avancée que la quantité de chloroforme en présence est plus considérable. Après qautre heures, la disparition est générale, mais il est probable que si les tubes avaient été examinés dans l'intervalle, on aurait observé une dissolution successive et non simultanée. La dilution du chloroforme a pourtant ses limites et, si elle est poussée trop loin, la pëptonisation est incomplète ou même ne s'établit pas du tout, comme l'observation suivante le démontre. 216 J. DENYS et H. DE MARBAIX TABLEAU XVI. Du sérum est divisé en portions de 5 ce. et mélangé avec de l'eau salée chloroformée en quantité variable. QUANTITÉ QUANTITÉ ÉTAT DE LA FIBRINE APRÈS DE SÉRUM FORMÉE 3 H. 24 H. 48 H. 5 ce. I ce. un peu de les flocons ont un Putréfaction désagrégation peu diminué. et dissolution partielle. id. o,5 ce. id. pas de dissolution évidente. id. id. 0,25 ce. 0 0 id. id. 0, 1 ce. 0 0 id. Il découle de cette expérience que la réussite de la digestion exige la présence d'une quantité suffisante de chloroforme. L'alcool, l'acide phénique et le thymol nous ont déjà présenté un phénomène semblable. Toutes ces expériences nous montrent que la fibrine se dissout dans le sérum additionné d'éther ou de chloroforme. C'est chez le chien que l'on observe la dissolution la plus rapide. En moyenne elle est complète, à part quelques petits noyaux qui paraissent plus résistants, après trois heures de couveuse, quelquefois cependant après quatre heures seulement; par contre, il arrive qu'elle a disparu après deux heures. Chez le lapin, elle est plus lente. Chez l'homme, d'après une expérience qui viendra plus loin, elle paraît se faire avec la même facilité que chez le chien. Nous avons vu plus haut que du sang additionné en proportion con- venable d'alcool ou d'acide phénique renferme au bout de quelque temps des peptones. L'action exercée par ces deux corps peut, comme celle du chloroforme et de l'éther, être rendue accessible à la vue si on les fait agir sur de la fibrine suspendue dans du sérum. L'expérience suivante a été faite avec de l'alcool absolu, du sérum et de la fibrine de chien. La première colonne indique la proportion d'alcool. Il y a en outre deux tubes témoins, l'un sans aucune ajoute, l'autre additionné de chloroforme. SUR LES PEPTONISATIONS 217 TABLEAU XVII. ÉTAT DES TUBES APRÈS PROPORTION REMARQUES d'alcool I H. 2 H. 6 H. IO H. 24 H. 32 H. 9 J- t. A, 0 0/0. 0 O 0 O O O t. B, 10 0/0 de 0 disso- chloroforme. lution. t. C, 5 0/0 0 0 0 O ? la plus d'alcool. grande partie est dissoute. t. D, 100/oid. 0 0 la désagré- gation commence. presque tout dissous. dissolution, pas de microbes. t. E, 200/0 id. le sérum devient opalescent. 0 0 0 0 0 0 0 t. F, 400/oid. le sérum se trouble fortement. 0 0 0 0 0 0 0 Les résultats concordent parfaitement avec ceux fournis par les di- gestions alcooliques du sang. Ici encore nous remarquons une infériorité manifeste de l'alcool vis-à-vis du chloroforme. Dans le tube témoin chloro- formé B, la fibrine a disparu après 2 heures; dans le tube D, celui où la digestion alcoolique est la plus marquée, il y a encore des restes après 10 heures. En outre, tandis que la fibrine s'accommode bien de proportions très variables de chloroforme, elle se montre plus difficile vis-à-vis de l'alcool, dont l'action présente un optimum très accusé. Si nous comparons la proportion optimale accusée par la digestion du sang complet avec celle fournie par la digestion de la fibrine, nous trouvons une différence sensible. Dans la première, l'effet le plus fort correspond à 40 0/0 d'alcool; dans la seconde, à 5 0/0, mais nous devons remarquer que le milieu est notablement différent. Il n'est pas impossible que l'hémoglobine accapare une certaine quantité d'alcool, de même qu'elle accapare le chloroforme. Comme Schmiedeberg(i) (1) O. Schmiedeberg : In.-Diss., Dorpat (cité d'après le traité de thérapeutique de Rossbach et Nothnagel). 218 J. DENYS et H. DE MARBAIX l'a démontré, le sang absorbe de grandes quantités de cette dernière substance tandis que le sérum n'en dissout qu'une très faible proportion. Si l'alcool se comportait de la même façon, on comprendrait facilement pourquoi il en faut d'avantage dans le sang pour provoquer la digestion que dans le sérum. L'acide phonique se comporte comme l'alcool. TABLEAU XVIII. PROPORTION DACIDE REMARQUES ÉTAT DE LA DIGESTION APRÈS PHÉNIQUE 3 H. 8 H. 24 H. t. A, témoin o o/o. O O 0 t. B, témoin chlorof. désagrégation commenc. dissolution. t. C, 0,12 o/o. 0 dissolution. pas de microbes. t. D, o,25 o/o. 0 0 0 le sérum est devenu trouble. t. E, o,5o o/o. le sérum se 0 0 0 trouble. sérum trouble. sérum mi-solide t. F, 0,75 0/0. il se trouble fortement. 0 0 sérum mi-solide. 0 Dans nos tubes phéniqués, nous n'avons de digestion que dans celui qui renferme 0,12 0/0 d'acide; à partir de 0,25 0/0, la fibrine est restée in- tacte. Dans notre expérience de digestion avec le sang, le maximum d'effet a été obtenu avec une proportion notablement plus forte : 3 0/0, mais la remarque, que nous avons faite à propos d'une contradiction apparente sem- blable fournie par les digestions alcooliques, trouve ici également sa place. Les digestions qui précèdent ont été faites à l'étuve, mais la fibrine se dissout également à la température de la chambre, quoique plus lente- ment. C'est ainsi qu'une boule de fibrine fraîche de chien, mise dans 5 ce. de sérum -f 0,5 de chloroforme ne montra pas de changement après 3 heures ; mais après 4 heures et demie la désagrégation commença, et la dissolution fut complète après 17 heures. Un tube témoin, fait exactement avec les mêmes matériaux, mais porté dans le thermostat, subit la digestion complète en 3 heures, donc environ en 6 fois moins de temps. SUR LES PEPTONISATIONS 219 Quant à la quantité de fibrine susceptible de se dissoudre, elle est rela- tivement considérable. Nous n'avons pas cherché sa limite extrême, mais nous avons vu, dans une expérience, 10 grammes de fibrine disparaître dans 20 grammes de sérum après 4 heures de thermostat. La rapidité de la dissolution paraît indépendante de la masse de fibrine, un petit flocon dans une quantité déterminée de sérum n'y disparaissant pas plus vite que des masses considérables. Pou* bien établir que la dissolution de la fibrine dépend de l'addition de chloroforme ou de substances similaires, nous avons fait plusieurs séries d'expériences dans lesquelles nous avions deux sortes de tubes : des tubes renfermant du sérum et de la fibrine, et des tubes contenant en outre du chloroforme (10 0/0). Un certain nombre de ces expériences sont exposées dans le tableau suivant. La fibrine employée provient du même animal que le sérum. TABLEAU XIX. ESPÈCE COMPOSITION DES TUBES RESULTATS Chien i . Sérum chlorof. Sérum non chlorof Dissolution après 5 heures. Pas de dissolution après 24 heures. Chien 2. Sérum chlorof. Sérum non chlorof Dissolution après 5 heures. Pas de dissolution après 3 jours Odeur de putréfaction. Chien 3. Sérum chlorof. Sérum non chlorof. Dissolution après 2 1/2 heures Pas de dissolution après 3 jours. Odeur de putréfaction. Lapin. Sérum chlorof. Dissolution après 20 heures. Sérum non chlorof. Pas de dissolution après 48 heures. Homme. Sérosité de vésicatoire chloroformée. Sérosité non chlorof. Dissolution après 3 heures Pas de dissolution après 4 1/2 heures. ■ g6 220 J. DENYS et H. DE MARBAIX Nous pourrions multiplier ces exemples. Tandis que clans les tubes additionnés de chloroforme la fibrine se dissout relativement vite, dans les non chloroformés elle ne disparaît qu'après des jours, alors que la putré- faction a envahi le sérum. Elle est alors produite par des organismes infé- rieurs, comme on le sait'depuis longtemps. Si l'on empêchait l'introduction de ces derniers, la fibrine se maintiendrait intacte pendant des jours, si pas indéfiniment. On pourrait fournir la démonstration directe de cette propo- sition en se servant uniquement de sérum et de fibrine comme dans les expériences précédentes, mais à la condition d'opérer avec toutes les pré- cautions antiseptiques pour éviter l'introduction même d'un seul germe. Mais cette démonstration, qui n'est pas impossible et qui exigerait seule- ment des soins minutieux, est inutile. Nous avons vu en effet, au début de ce travail, que du sang, recueilli sans mélange dans des tubes stérilisés, s'y conserve pendant une semaine, et peut-être plus longtemps, sans subir de digestion. Dans ces tubes, le sang se coagule, et se sépare en caillot et en liquide incolore. Cette séparation se maintient pendant toute la durée de l'observation. Si la fibrine y subissait une digestion, le caillot ne conser- verait ni son individualité ni sa forme; il se déliterait au bout de quelques heures, et il se trouverait de nouveau intimement mélangé avec le sérum. Or, cela n'arrive pas. La dissolution de la fibrine est donc bien liée à la présence du chloro- forme ou de substances similaires. Sans elles, pas de digestion. SUR LA NATURE INTIME DE LA DIGESTION EN PRÉSENCE DU CHLOROFORME ET DES SUBSTANCES SIMILAIRES. Nous devons à présent nous demander pourquoi certaines substances déterminent dans le sang la formation de peptones. Agissent-elles directe- ment sur l'hémoglobine et sur la fibrine, comme l'acide sulfurique dilué sur l'amidon, ou bien exercent-elles leur action indirectement, par l'intermédi- aire d'une autre substance, d'un ferment auquel elles donneraient naissance, par exemple en modifiant l'état de certaines substances albuminoïdes. Nous avons d'abord essayé de résoudre la question en soumettant le sang à des températures voisines de 6o°. On sait en effet qu'un grand nombre de ferments sont détruits par un chauffage de courte durée, et nous pouvions espérer rendre par ce procédé le sang inactif, même après addition subsé- quente de chloroforme. SUR LES PEPTONISATIONS 221 Nos expériences ont porté sur du sang généralement défibriné, mais néanmoins toujours susceptible de fournir des peptones, puisqu'il renfer- mait encore toute son hémoglobine. TABLEAU XX. 50 Ce. de sang de chien défibriné et passé à travers un linge, sont divisés en 5 portions égales : la première doit servir de témoin et n'est pas chauffée; les autres sont soumises pendant quinze minutes aux températures de 450, 500, 550 et 6o°. A toutes, nous ajoutons 1 ce. de chloroforme, et nous les analysons après 19 heures de couveuse. La réaction du biuret fut faite avec la totalité du liquide ramené à 10 ce. m PQ TEMPÉ- RATURE RÉACTION DU BIURET AVEC LE SULFATE DE : U I V R E A 2 0/0 D H 2 GTT. 6 GTT. IO GTT. 12 GTT 24 GTT. 36 GTT. A non chauffé rose rose violet. violet. B 450 id. rose. rose foncé. le rose vire au violet. encore nuance rose. violet. C 5o° id. id. id. id. violet. D 55° id. un peu de violet. violet avec nuance rose légère. violet. E 6o° réaction négative. Ce tableau nous apprend : i° Qu'une température de 6o°, prolongée pendant 15 minutes, a en- levé au mélange tout pouvoir digestif. 20 Qu'une température de 550 est déjà nuisible à la peptonisation; car, dans le tube soumis à cette température, il s'est formé moins de peptones que dans les tubes chauffés à 450 et à 500, ainsi que le démontre le nombre de gouttes de sulfate de cuivre nécessaires pour faire virer la couleur au violet pur; dans le tube D, 12 gouttes suffisent; dans les tubes B et C, au contraire, il en faut 36. 3° Dans les tubes B (450) et C (500), les peptones sont plus abondantes que dans le tube A, témoin, qui n'a pas été chauffé. Une température mo- dérée semble donc augmenter le pouvoir digestif. 2 22 J DENYS et H. DE MARBAIX L'expérience suivante a été pratiquée dans les mêmes conditions, avec la différence que, au lieu de porter sur du sang défibriné, elle a été faite avec du sang coagulé coupé en petits morceaux. TABLEAU XXI. M TEMPÉRATURE RÉACTION DU BIURET AVEC LE SULFATE DE CUIVRE D H 4 GTT 12 GTT. 24 GTT. 36 GTT. 44 GTT. A non chauffé. rose. un peu de violet. violet. B 45" id rose foncé. mi rose, mi-violet violet prédomine. violet. C 5o° id. id. id. id. violet. D 55" id id. perdu. E 6o" réaction négative. Ici encore, le tube E (6o°) donne une réaction négative, et les tubes B (45°), C (500) et D (55°) des réactions plus intenses que le tube A, qui n'a pas été chauffé. Les résultats du tableau XXI pouvaient du reste être prévus avant l'analyse, car, dans les tubes A à D inclusivement, les caillots avaient dis- paru ou étaient devenus friables au point de céder facilement sous la pres- sion des doigts ; dans le tube E, au contraire, ils étaient intacts et avaient la consistance des caillots frais. Nous rencontrerons plus loin d'autres expériences corroborant celles que nous venons de rapporter. On doit conclure des unes aussi bien que des autres que : r action d'une température de 60° , prolongée pendant 15 mi- nutes enlève au sang chloroformé toute propriété auto-digeslive. Les résultats sont les mêmes, que l'on ajoute le chloroforme au sang avant de le soumettre à l'élévation de température, ou qu'on l'ajoute après. A la température de 6o°, le sang est sûrement rendu inactif. On obtient parfois le même résultat à des températures plus basses, sans que nous puissions en donner la raison. Le fait est indubitable, car, d'un côté, nos opérations ont été conduites avec tout le soin possible, et, de l'autre, les résultats partiels de chaque expérience, envisagée en elle-même, offrent une concordance qui exclut toute idée de hasard'. SUR LES PEPTONISATIONS 223 Voici ces expériences TABLEAU XXII. 70 Ce. de sang défibriné sont divisés en 7 portions égales. Celles-ci sont chauffées pendant 10 minutes à des températures variables, addition- nées de 1 ce. de chloroforme et analysées après un jour de thermostat. TEMPÉRATURE RÉACTION DU BIURET 42° bonne réaction. 47° réaction moins forte. 52° pas de réaction. 6o° id. 65° id. 70° id. 8o° id. Une température de 520 prolongée pendant 10 minutes a enrayé la digestion; une température de 470 l'a affaiblie. TABLEAU XXIII. Dans l'expérience précédente, le sang a été chloroformé après avoir été chauffé; dans celle-ci, le sang a été d'abord mélangé de chloroforme, puis chauffé. Les portions sont toujours de 10 ce. TEMPÉRATURE RÉACTION DU BIURET 450 réaction faible. 47° réaction très faible. 49° pas de réaction. 5i° id. 53° id. Ici il n'y a plus eu de peptonisation dans le tube chauffé à 490, et elle a été affaiblie par 470, sinon déjà par 450. Que peut-on conclure de ces expériences? Elles nous montrent qu'une température relativement basse, enlève au sang sa faculté digestive, et elles donnent un certain appui à l'hypothèse d'un ferment, agent de la peptoni- sation. Mais elles sont loin d'être concluantes, car le chauffage pourrait avoir agi de deux manières : soit en détruisant le ferment, soit en modifiant 224 J. DENYS et H. DE MARBAIX l'hémoglobine et la fibrine et en les rendant inattaquables. L'expérience suivanteétablitquec'est bien cette dernière interprétation qui paraît la bonne. Elle comprend douze tubes de sang de chien défibriné ; deux n'ont pas été chauffés; les autres ont été chauffés deux par deux pendant quinze mi- nutes à des températures différentes : 560, 580, 6o°, 620 et 640. Le sang élevé à la température de 620 est devenu sirupeux, celui élevé à la température de 640 a une consistance semi-liquide. A tous nous ajoutons 1 centimètre cube de chloroforme; de plus, à 6 tubes, chauffés aux différentes températures, nous mêlons intimement 5 ce. de sérum de chien non chauffé, très pur. Cette addition a pour but de rechercher si le chauffage n'a pas rendu l'hé- moglobine réfractaire. Notre sérum, en effet, est à même de fournir éven- tuellement le ferment, car, additionné de chloroforme, il dissout la fibrine. Si donc la peptonisation ne s'opère plus dans les tubes chauffés par suite de la destruction d'une zymase, elle se rétablira après addition de sérum non chauffé. Les résultats sont consignés dans le tableau suivant. La deuxième grande colonne renseigne la réaction pour les tubes non addi- tionnés de sérum; la troisième, pour ceux qui en ont reçu. L'analyse fut faite après 20 heures de couveuse. TABLEAU XXIV. RÉACTION DU BIURET RÉACTION DU BIURET (tubes sans sérum) (tubes avec sérum) tubes témoins. bonne réaction. bonne réaction. tubes chauffés à 56. réaction faible. id. id. 58. réaction négative. A peine réaction. id. 60. id. réaction négative. id. 62 id. id. id. 64. id. id. Si nous comparons entre eux les résultats des deux colonnes, nous remarquons, que dans la première il n'y a plus eu de digestion à partir du troisième tube (580), tandis que dans la seconde, la réaction est absente à partir du quatrième, encore est-elle à peine marquée : il n'y a qu'une trace de réaction, indiquée par une coloration violette à peine visible. L'absence de digestion observée dans les tubes chauffés (tableau XX à XXIII) ne peut donc pas être attribuée à la destruction d'un ferment, mais à une modification de l'hémoglobine, produite par la caléfaction et qui l'a rendue rebelle à toute peptonisation ultérieure. SUR LES PEPTONISATIONS 2 25 Dans la dernière expérience, l'addition de sérum paraît pourtant avoir facilité dans certains tubes la digestion, car la réaction est plus marquée dans le second tube de droite que dans le tube correspondant de gauche; de plus, à droite, nous avons une réaction, quoique très faible, dans le tube trois, tandis qu'elle est négative dans le même tube non additionné de sérum. D'où provient cette différence que nous avons plus d'une fois constatée en des circonstances analogues? Nous pensons que l'addition du sérum, en diluant le sang, a favorisé la peptonisation. Après l'addition du chloroforme, le sang se prend en une masse sèche, et partant peu favorable à une fermentation active, l'addition de sérum la rend plus humide et, du même coup, plus propice à subir une digestion. Il est probable que si nous avions laissé le troisième tube de gauche plus longtemps dans la couveuse, nous aurions pu également y dé- celer des peptones. La voie dans laquelle nous sommes entrés pour rechercher si la pepto- nisation est due à une zymase ou au chloroforme lui-même, ne peut donc nous conduire au but, car, si le chauffage détruit les ferments, il rend en même temps le sang rebelle à la digestion. Nous devons tâcher de résoudre le problème d'une autre façon. Nous avons vu plus haut que la fibrine, plongée dans du sérum chloroformé, y disparait rapidement par dissolution. Si ce phénomène est dû à un ferment, il ne se produira plus si l'on opère avec du sérum chauffé à une température qui détruit les zymases. Dans ce but nous avons fait une série de digestions avec du sérum chauffé pendant un temps plus ou moins long à une température voisine de 6o°. En même temps nous faisions des tubes témoins avec du sérum non chauffé. Or nous avons remarqué que, dans le sérum chauffé, il y a presque constamment un retard par rapport au sérum qui n'a pas été soumis à l'action du chauffage. Dans nos premières expériences, nous avons cru pouvoir en conclure avec certitude à l'existence d'un ferment; mais dans nos expériences suivantes, nous n'avons plus observé un écart aussi considérable. Nous rapportons ici quelques unes de ces expériences. 226 J. DENYS et H. DE MARBAIX TABLEAU XXV. NATURE DES TUBES ETAT DE LA DIGESTION Chien i . Chien 2. Chien 3. Sérum non chauffé Sérum chauffé 12 minutes à 620. Sérum non chauffé. Sérum chauffé 1 heure entre 61 63°. Sérum non chauffé. Sérum chauffé 1/2 h. à 6o°. id. 1 h, id. id. 2 h. id. Dissolution de la fibrine après 4 heures. Après 4 heures, désagrégation et dissolution partielle. Dissolution après 3 heures. Après 3 heures, plus de la moitié dissoute, dissolution complète après i5 heures. Dissolution après une nuit de couveuse, id. id. id. Il est indifférent si le sérum chauffé a été chloroformé d'abord ou après. Si au lieu d'élever à 620 du sérum frais, on opère avec du sérum qui a été chloroformé ou éthérisé 24 heures auparavant, les résultats sont les mêmes. On ne peut donc objecter à nos expériences du tableau pré- cédent de porter sur un liquide dans lequel le ferment n'a pas encore été développé. Si au lieu d'opérer avec du sérum chauffé, on fait bouillir celui-ci avec son volume d'eau et qu'après l'avoir filtré on y introduit du chloroforme et de la fibrine, on voit cette dernière s'y dissoudre encore, et souvent dans un temps relativement très court. TABLEAU XXVI. ÉTAT DE LA DIGESTION APRÈS COMPOSITION DES TUBES 4 H. 6 H. 8 H. 20 H. 5 ce. de sérum O commencement presque tout dissous (pas de chauffé 10 minutes à 6o°. de dissolution. dissous. microbes). id. 0 id. id. id. chauffé 10 minutes à 620. 5 ce. de sérum bouilli. O id. id. id. id. O id. id. id. SUR LES PEPTONISATIONS 227 Le sérum ou le sang simplement bouillis renferment encore assez bien d'albumine. On peut les en débarasser plus complètement si on acidifie légèrement le filtrat avec l'acide acétique et si l'on fait bouillir une seconde fois ; on obtient alors un liquide qui ne renferme plus que des trace d'albu- mine. Or ce liquide neutralisé ou alcalinisé légèrement digère encore la fibrine. TABLEAU XXVII. Il comprend 3 tubes, le premier renfermant du sérum non chauffé, sert de témoin, le second contient du sérum simplement bouilli, le troisième le même sérum bouilli une seconde fois après acidification, et rendu légère- ment alcalin. A tous, nous ajoutons de l'éther. NATURE DES TUBES ÉTAT DE LA FIBRINE APRÈS I H. 2 l/2 H. sérum sérum bouilli et filtré. sérum bouilli après acidification 0 O O dissolution. id. id. Nous pourrions encore citer des observations analogues, mais c'est inutile. Le sérum chauffe vers 60 à 630, le sérum simplement bouilli et le sérum bouilli après acidification par l'acide acétique dissolvent la fibrine quand ils sont additionnés délher et de chloroforme. Que conclure de ces résultats? Sont-ils de nature à faire rejeter l'inter- vention d'une zymase, produite par le chloroforme ou par des substances similaires? Il faut distinguer. Il est évident ce nous semble, que si un fer- ment est en cause, ce ne peut pas être un ferment à la façon de la pepsine, de la trypsine ou des zymases en général. En effet si l'on élève à une tem- pérature relativement peu élevée les extraits de la muqueuse gastrique, de la glande pancréatique, etc., ils deviennent définitivement inertes, car l'ac- tion destructive de la chaleur s'exerce aussi bien sur les zymases toutes formées qu'ils renferment que sur leurs zymogènes, et les substances albumi- noïdes contenues dans ces extraits, sont incapables de régénérer le ferment. Il en est tout autrement pour le sérum. Il peut être chauffé et même bouilli sans qu'il perde ses propriétés et si l'on admet que la digestion s'opère par l'intermédiaire d'un ferment, il faut admettre en même temps qu'aussi longtemps qu'il y a des albumines dissoutes, même en quantités minimes, '97 228 J DENYS et H. DE MARBAIX celles-ci sont capables, sous l'action du chloroforme, de donner naissance à des zymases. L'hypothèse n'a pas beaucoup de probabilité en sa faveur, mais on ne peut pas non plus la rejeter comme absurde. Si l'on se ralie à cette manière de voir, il faut admettre que le ferment a d'autres sources encore. En effet, comme nous le verrons plus bas, si l'on immerge de la fibrine bien lavée dans de l'eau salée physiologique chloro- formée, elle se dissout. On ne peut évidemment pas recourir ici aune zymase dérivant de l'albumine du sérum, et il ne reste plus pour expliquer la disso- lution que d'admettre que le ferment peut également se développer aux dépens des substances albuminoïdes que la fibrine abandonne constamment aux solutions salines. C'est le seule explication possible de ce phénomène; si on la repousse, il ne reste plus qu'à admettre que. le chloroforme peptonise directement la fibrine, sans l'intervention d'aucun ferment. Comme les recherches précédentes ne permettent pas de formuler des conclusions nettes et précises sur la nature de la peptonisation subie par la fibrine et l'hémoglobine, nous avons essayé d'atteindre notre but par un autre procédé. Il est fondé sur la grande volatilité de l'éther. Il consiste à ajouter à du sérum une certaine quantité d'éther, 10 o/o par exemple, et à porter celui-ci dans la couveuse pendant quelques heures, afin de permet- tre éventuellement au ferment de se développer. On retire ensuite le sérum, on le verse en couche mince dans des vases plats et on laisse l'éther s'évapo- rer. On peut favoriser cette opération en chauffant vers 400. Quand toute odeur est disparu, on divise le sérum en deux portions, on met un flocon de fibrine dans chacune, et de plus, on ajoute à l'une, mais à l'une seule- ment, une nouvelle quantité d'éther, 10 0/0 par exemple. On porte les deux portions dans le thermostat et on observe ce qui va arriver. Or dans un certain nombre de cas, nous avons vu la fibrine se conserver intacte jusqu'à la putréfaction dans le sérum qui n'avait pas reçu une seconde fois de l'éther, tandis qu'elle se dissolvait rapidemment dans l'autre. Ce fait nous semble favorable à l'hypothèse d'une action directe de l'éther, car si ce corps agissait en donnant naissance à un ferment, nous ne comprendrions pas pourquoi la digestion ferait défaut après l'expulsion de l'éther. Dans d'autres cas pourtant, la fibrine s'est dissoute, mais comme il est difficile de débarasser tout-à-fait le sérum de l'éther qu'il tient dissous, nous pensons qu'il faut expliquer la disparition par un reste de cette substance. Les résultats négatifs nous paraissent peser plus fort que les positifs. SUR LES PEPTONISATIONS 229 Il y aurait peut-être un autre moyen de trancher la question. Ce serait de soumettre à la digestion chloroformique dans l'eau salée de l'hémoglobine cristallisée, absolument pure. Ici l'on ne pourrait pas invoquer l'intervention d'une substance albuminoïde agissant comme zymogène, mais le temps nous a manqué pour entreprendre ces recherches. En résumé, la digestion chloroformique peut s'expliquer de deux façons ou bien par une action directe du chloroforme, ou bien par une \ymase dé- veloppée par ce dernier. C'est la première hypothèse qui parait la plus pro- bable, sans que pour cela nous soyons parvenus à en faire une vérité reposant sur des bases certaines. SUR QUELQUES CONDITIONS DE MILIEU NÉCESSAIRES A LA DIGESTION CHLOROFORMIQUE. L'action des ferments est subordonnée à certaines conditions de milieu. Les uns, comme la pepsine, demandent un milieu acide; d'autres, comme la trypsine, ne travaillent bien que dans un milieu neutre ou alcalin. En outre, beaucoup restent sans effet s'ils ne sont pas aidés dans leur action par la présence de-sels. A. Schmidt a prouvé que la coagulation de la fibrine est impossible sans la présence de sels dissous. Dans ces derniers temps, H. Buchner (n, en collaboration avec Orthenberger, a montré que le ferment bactéricide du'sang devient inactif si, par la dialyse, on soutire au sérum les sels qu'il tient en dissolution, ou si, par l'addition d'eau distillée, on les dilue trop fortement. Mais celui qui a le plus complètement étudié l'influence que les sels exercent sur les zymases, est O. Nasse (2). Cet auteur a démontré que plusieurs d'entre elles (ferment inversif de la levure, fer- ment diastasique de la salive, du pancréas et des graines d'orge) sont très sensibles à l'action des composés salins. A une faible concentration, ils faci- litent les dédoublements ; à une concentration plus forte, ils les ralentissent et même les arrêtent complètement. De plus, Nasse fit voir que certains sels favorisent plutôt tel ferment, et certains, plutôt tel autre. Nous nous sommes demandés si les phénomènes décrits dans les pages précédentes n'étaient pas, eux aussi, sous la dépendance de certaines con- ditions accessoires, et nous commençons cette étude par celle de l'influence de la réaction. (1) H. Buchner : Ueber die nàhere Natur der Bacterientôdteten Substanz im Blutserum; Cen- trait^, f. Bakt., B. VI, :88g (2) O. Nasse : Untersuchungen ùber die ungeformten Fermente; Pfluger's Arch.. B. XI. 1875. 230 J. DENYS et H. DE MARBAIX Influence de la réaction. Un milieu acide est-il un obstacle à la digestion chloroformique? Nous commençons par une expérience avec l'acide chlor hydrique. TABLEAU XXVIII. COMPOSITION QUANTITÉ DACIDECHLOR- HYDRIQUE A 0,5 O/O RÉACTION IMMÉDIATE- MENT APRÈS LE MÉLANGE ÉTAT DE LA DIGESTION APRÈS DES TUBES 4 H. 17 H. 41 H tube A, 5 ce. de O alcaline. tout dissous. sérum -|- fibrine de chien. tube B, id. 2 CC alcaline. presque tout dissous. tout dissous. tube C, id. 5 ce. légèrement 0 la plus grande pas de progrès, acide partie est dis- soute, mais la réaction est devenue très faiblement alcaline. réaction faiblement alcaline. tube D, id. 7 ce. franchement 0 0 0 acide, le réaction est réaction le papier de faiblement acide, encore tournesol le papier de faiblement de\ ient tournesol acide. rouge vif. devient seule- ment violet. Dans le tube D, nous avons à côté de 5 ce. de sérum, 7 gc. d'acide chlorhydrique à 0,5 0/0 (l'acide liquide ordinaire). Cette proportion parait à première vue considérable, elle est en effet de plus de 3 0/00 ; mais si l'on réfléchit un instant, on s'aperçoit qu'en réalité elle est très faible. En effet, il fauttenir compte de l'alcalinité du sang, qui, pour être neutralisée, demande déjà plus de 4 ce. de notre acide dilué. Dans le tube C, nous avons laissé couler d'abord 4 ce. d'acide, la réaction était devenue très légèrement acide, mais un quart d'heure plus tard, la réaction était de nouveau alcaline, elle est redevenue acide par l'addition d'un cinquième centimètre cube ; de plus, comme le tableau le mentionne, la réaction acide n'a pas persisté ; après SUR LES PEPTONISATIONS 231 17 heures, le papier de tournesol avait viré au bleu, et c'est bien à ce nou- veau changement de réaction qu'il faut attribuer la dissolution de la fibrine. Dans le tube D, où la réaction est restée acide, il n'y a pas eu le moindre indice de digestion, et pourtant, là aussi, l'acidité avait diminué; au début la réaction était franchement acide, mais après 17 heures elle ne faisait plus que colorer en violet le papier bleu. En tenant compte que 5 ce. d'acide n'ont pas été à même de neutraliser définitivement le sérum, il faut admettre que l'acidité du tube Détait tout au plus représentée par 2 ce. Évaluée en chiffres, cette acidité est inférieure à 1,5 0/00. L'acide chlorhydrique en proportions faibles enraye donc la digestion. Cette expérience suffirait à elle seule à démontrer que la digestion n'est pas sous la dépendance de la pepsine, qui, comme Bruche l'a prouvé, se rencontre dans plusieurs organes. Cette zymase n'agit en effet que dans un milieu acide. Dans une expérience faite avec un acide organique, Yacide acétique, la fibrine fut digérée dans certains tubes malgré la réaction acide, mais pas dans tous. Chaque tube contenait 5 ce. de sérum de chien et fut additionné de chloroforme (0,5 ce), de fibrine de chien et d'un nombre variable de gouttes d'acide acétique à 5 0/0. Un tube, sans ajoute, servit de témoin. TABLEAU XXIX. DEGRÉ ÉTAT D E LA DIGESTION APRÈS d'acidification I l/2 HEURE 9 HEURES 6 HEURES tube A, témoin commencement de dissous. (pas d'acide.) dissolution. tube B, 1 gtt. d'acide id. presque tout dissous. dissous . tube C, 2 gtt. id. id. id. dissous. tube D, 3 gtt. id. 0 ? dissolution partielle. tube E, 4 gtt. id. 0 0 0 A la fin de. l'expérience, la réaction fut trouvée légèrement alcaline dans le tube A, et acide dans les tubes suivants, quoique le degré d'acidité variât notablement. Dans le tube B, le papier bleu prit à peine une nuance vio- lette; dans le tube C, il devint plus nettement violet; et cette nuance s'ac- cusa encore plus franchement dans le tube D et surtout dans le tube E. Dans ce dernier, où la digestion fut nulle, la quantité d'acide ajoutée était 232 J. DENYS et H. DE MARBAIX d'environ 2 o/oo. Dans les autres, la dissolution fut seulement retardée, ou incomplète. Nous pouvons conclure de ces expériences, que la digestion chlorofor- mique se trouve vis-à-vis de la réaction dans une dépendance étroite. Il suffit d'un degré léger d'acidité pour l'enrayer complètement. Influence des sels. Mais la peptonisation chloroformique n'est pas seulement dépendante de la réaction, elle l'est également de la présence d'une certaine quantité de sels. Nous avons vu plus haut qu'elle s'opère dans du sang bouilli et ne renfermant plus que des traces d'albumine. Ce fait nous a fait penser que la digestion s'accomplirait dans l'eau salée physiologique chloroformée et les résultats ont confirmé notre supposition. De la fibrine de chien, lavée à fond, et conservée depuis plusieurs jours dans l'eau chloroformée plusieurs fois renouvelée, se dissout dans cette solution, quoique plus lentement que dans le sang bouilli; mais si on l'immerge dans de l'eau distillée chlorofor- mée, elle se conserve intacte, comme on peut le voir par le tableau suivant. TABLEAU XXX. COMPOSITION DES TUBES RESULTATS eau salée physiologique. eau distillée. après 10 heures, la plus grande partie est dissoute, après 32 heures, presque tout est dissous. pas de modification, même après io jours. Si à du sang bouilli et filtré, on ajoute des quantités de plus en plus fortes d'eau distillée, on voit la digestion se ralentir proportionnellement. L'expérience suivante en est un exemple. La réaction de tous les tubes était neutre. De plus, dans chacun, on introduisit î ce. de chloroforme et un fragment de fibrine de chien, bien lavée. SUR LES PEPTONISATIONS ^33 X X X W J ffl C " W CO CD •a « CO ,S CD CD lH 1-1 _= O CO CD 0 0 0 to c M Q W CO CD -a 1 s CO CO , •A ^ O CJ CO CD O U CO CD 0 >n 0 C W CO CD C W CO CD CO TD -a . CO (O -M 0) CD 0) eu OS ^ 0 0 cd u O O en eu 0 & ^i- G C d -3 O CD d m ai X 0 0 c W CD c a O en Q [3 G 0 Q "ô3 O en en 5 n) 0 3 On Oh a, cd en CD G O ci 3 •cd 1-. 0 w a eu Se G a 0 0 ni _£ g ni en O n-. 0 0 a 0 •0) t^ W CO 0} CO en G 0 p ■a n! bo "U "3 0 à CO _3 CD T3 G eu M 60 rtie oute. tielle- 0) u 3 0 r^. 0 0 0 10 ni ccj w 1-. Ph w 03 tt Cm H en s. •3 w co W Q •w 0 0 O d d d O 0 O 0 0 0 z <: 1-. W H "-> m M W h. co 0 ^ co 2 O CN lo rC a* 0 ,* 3 CJ CJ O d d d S z ri 0 O O 0 0 0 O < 2 u-> in u C/5 O O t^ m c-l - O 234 J. DENYS et H. DE MARBAIX Plus le sang est dilué, plus la dissolution est lente. Dans l'eau distillée elle est nulle; il n'y a pas même de désagrégation, et pourtant la nature de la fibrine est absolument la même. Le sang qui avait servi à l'expérience précédente, n'était pas complètement dépouillé d'albumine, car il avait été simplement bouilli. On pourrait objecter à la rigueur que le retard peut s'expliquer par la dilution de l'albumine, mais il n'en est rien. Car, si l'on opère avec de l'eau salée physiologique, les résultats sont les mêmes, la dissolution est beaucoup plus lente, la composition de ce liquide ne parais- sant pas aussi favorable à la digestion que celle du sang bouilli. Le tableau suivant se rapporte à une de ces expériences. L'eau salée a été, comme le sang bouilli du tableau précédent, diluée par des quantités progressivement plus fortes d'eau distillée. La fibrine est la même. Chaque tube reçoit 1 ce. de chloroforme. La réaction est neutre. TABLEAU XXXII. COMPOSITION DES TUBES ÉTAT DE LA DIGESTION APRÈS EAU SALÉE PHYSIOL. EAU DISTILLÉE 6 H. 8 H. 24 H. 2J. 4 J 9 J- '4 J- 10 ce. 0 o Un peu Plus de la La plus Progrès Quelques Presque de moitié grande douteux restes tout désagrég. dissoute partie dissoute. dissous. 7,5 ce. 2,5 ce. o w. Part. diss. Plus de li moitié dissoute Id. Id. Très peu de restes. 5 ce. 5 ce. o o Désagrég. commence. Part. diss. Id. Id Id 2,5 ce. 7,5 ce. o 0 Désagrég commence Désagrég Id. Id. Id 0 io ce. o 0 0 0 0 0 0 La peptonisation provoquée par le chloroforme présente donc ce fait curieux d'être sous la dépendance d'une certaine quantité de sels. Ce carac- tère la rapproche des. dédoublements opérés par les vraies zymases, et il serait de nature à faire considérer la digestion chloroformique comme une véritable action zymatique, si par les expériences précédentes nous ne sa- vions que cette manière de voir est difficile, si pas impossible, à concilier avec les faits. SUR LES PEPTONISATIONS 235 Les digestions dans l'eau salée que nous venons d'exposer sont du reste un nouvel argument plaidant contre cette interprétation. Comme nous l'avons dit, elles furent instituées avec de la fibrine lavée à fond et conservée dans de l'eau distillée chloroformée. Cette eau ne donnait aucun trouble avec l'acide azotique; elle ne renfermait par conséquent tout au plus que des traces de matières albuminoïdes. De plus, avant de l'employer, nous avions soin de l'exprimer fortement. Dans ces conditions, il est difficile, si pas impossible, d'expliquer sa dissolution par un ferment qui aurait pris naissance au contact du chloroforme. Tout au plus pourrait-on invoquer la possibilité d'une zymase imprégnant la fibrine elle-même et fixée sur elle, mais comme nous l'avons vu plus haut, cette supposition est inadmissible, car la fibrine conservée dans l'eau chloroformée et lavée rapidement à l'eau pure avant d'être plongée dans le sérum, afin d'éloigner tout le chloroforme, n'y subit pas la moindre altération aussi longtemps que les microbes de la putréfaction ne pullulent pas dans le liquide. De l'eau chloroformée, du sel de cuisine à 7 o/oo et du chloroforme autant qu'il s'en dissout dans l'eau, c'est-à-dire fort peu, constituent par con- séquent à eux seuls tous les éléments nécessaires pour dissoudre la fibrine de chien. Influence du carbonate de sodium. Nous avons déjà constaté qu'une petite quantité d'acide chlorhydrique ou acétique libre suffit pour paralyser l'action du chloroforme. Voyons à présent ce qui se passe, quand on rend le milieu alcalin au moyen du car- bonate de sodium. La présence de ce sel à la dose de 1 o/o est, comme Heidenhain l'a démontré, favorable à la digestion par la trypsine. La di- gestion chloroformique subit-elle la même influence? Les expériences sui vantes prouvent que non. i98 236 J. DENYS et H. DE MARBAIX TABLEAU XXXIII. 30 Ce. de sérum de chien sont chloroformés abandonnés pendant 3 heures dans le thermostat, divisés en trois parts égales et additionnés de fibrine de chien en quantité égale. Deux tubes reçoivent en outre du carbonate. QUANTITÉ PROPOR- DE TION DE APRÈS I 3/4 H. APRÈS l3 3/4 H. APRÈS 2 J. SÉRUM CARBONATE A 10 ce O O/O Commencement de désagrégation. Trouble très fort. Dissolut, complète. B Id. 0 5 0/0 Rien. Digestion douteuse Digestion douteuse. C Id. I O/'O Id. Rien. Rien. Une proportion de carbonate de 1/2 0/0 a donc tellement entravé la digestion qu'elle reste douteuse, même après deux jours; dans le tube ren- fermant 1 0/0 de carbonate, il ne survient aucune dissolution, et pourtant ce même sérum, additionné d'un extrait glycérique de pancréas, digère rapi- dement la fibrine en présence du carbonate dans des proportions tout aussi fortes; la suite du tableau le montre. QUANTITÉ PROPORTION QUANTITÉ DE DE D EXTRAIT APRÈS I 3/4 APRÈS l3 3/4 SÉRUM CARBONATE PANCRÉATIQUE D 10 ce. 0,5 0/0 0,5 ce. Presque tout est dissous. Tout est dissous. E Id. I O/O 0,1 ce. Id. Id. Le carbonate de sodium exerce par conséquent une action d'arrêt sur le chloroforme à un degré de concentration auquel il n'empêche nullement la digestion trypsinique. Cette différence est très nette. Elle ressort encore tout aussi clairement des tableaux suivants. SUR LES PEPTONISATIONS 237 TABLEAU XXXIV. 15 Ce. de sérum de chien, après avoir été mélangés d'éther et avoir séjourné une nuit dans la couveuse, sont partagés en trois portions. Ces dernières sont additionnées de Na2C03, comme il est indiqué ci-dessous. QUANTITÉ PROPOR- DE TION DE APRÈS I 1/4 H. APRÈS 3 1/4 H. APRÈS 4 1/4 H. APRÈS 24 H. SÉRUM CARBONATE 5 ce. 0 0/0 Presque tout est dissous. Encore un petit reste. Tout est dissous. 5 ce. 0,5 0/0 Rien. Rien. Rien. Dissolution commençante)?). 5 ce I O/'O Id. Id. Id. Rien. TABLEAU XXXV. 20 Ce. de sérum sont laissés une nuit dans la couveuse avec du chloro- forme, et additionnés le lendemain de fibrine de chien et de carbonate de sodium. QUANTITÉ PROPORTION DE DE APRÈS 3 H. APRÈS 5 H. APRÈS 24 H. SÉRUM CARBONATE 5 ce. O Dissolution presque complète. Dissolution complète. 5 ce. 0,25 0/0 Dissolution complète. Id. 5 ce. 0,5 O/'O Dissolution partielle. Id. 5 ce. I O/O Rien. Rien. Rien. Après 24 heures, nous ajoutons au dernier tube, contenant encore de la fibrine intacte, 0,10 ce. d'extrait glycérique de pancréas. Grâce à cette addition, la dissolution s'opère en 6 heures. Le milieu n'était donc nulle- ment réfractàire à la digestion trypsinique. Dans les deux expériences suivantes, nous avons opéré conjointement avec du sérum simplement chloroformé et du sérum chloroformé et addi- tionné d'extrait glycérique de pancréas. Notre but était de faire agir le chloroforme et la trypsine dans un milieu identique et partant d'arriver à une comparaison plus exacte de leurs propriétés respectives. !3« J DENYS et H. DE MARBAIX > X X D < PQ < o o iO 4-> 'O o r-1 O M 3 > O u en C! en 3 CD s Ih o ^ c S c 3 O Ih O Xi U C O T3 ai '(U ii a, 43 -a o o en C O -t-> 3 O 'a? 3 ^ O ■ir> w -m « M o ai £ S 3 î-i ND tn eu O w a •W es O Q ci S O o HXVNOHHVO aa noix -aodoad 0) w T) -1) cfl bn m n U< — •M 3 C71 o> d 3 C u C/l 3 W Ul u 0) tu a! T) en ba a i-l C al T3 Q o T3 bfi • — d <; • — ■a E o U c _o 15 bc -u 1-1 bjo O -3 ■s => .3 O TD tn "h a) T3 a, o o "o" "o" o ^ o" o d 00 o" o o < m o •JBMOUBd }IB.I}X3 SUES uiruag w to eu 3 3 O CT w M eu T", >— i u PM O -a) 1*5 S -*-» o S O c/: en •a M (3 M X < W < o ce S O 1-1 o o > O O 1-1 .O en C ai T3 3 C. CD C -m a ri C CD Oh eu" -m a G 2 o ■p ^ >-H S-i O ni a, o 2 s 1») c 0 0 eu n 'O rr T3 ni CU u C ni. su" c 5 0 '-5T co ii o u _o o v-. SU en eu O •< ►J w D H •M Pf Q os O CS M H h <: 2-. o m ai < h i-: Cl) 0 f/1 ta ■_j3 3 0 c/) co fin a ri c; t! -a "3 ï 3 tfl CD o -g eu o c CD e H o u .0 -eu O o u d Ph Q Q -2. °_ "o" d" O "*> o" -2. -9. "o "o" 10 « < m o Q w tu •aiu.iojojojqo }iiauia[duns uinia<5 eu 3 Cm 3 o eu 3 er Q Q Q Ph '•$ 0 000 0 0 0 000 0 0 0 0 ^ "-" u-» CS 0 " < m ù p w fe snaiouBd ap o£.\3 'Jjxap 01 o ap auuopippB }3 aiuJojojojqD uiruag 240 J. DENYS et H. DE MARBAIX Il ressort de toutes ces expériences que le carbonate de sodium, même en la proportion de 2 0/0, n'empêche pas la trypsine de dissoudre la fibrine dans un milieu tel que le sérum. L'action de ce ferment est à la vérité ralen- tie quand la proportion de sel atteint environ 1 0/0 ; mais le retard est relativement peu considérable. Il faut tout au plus un temps double pour arriver au même résultat; tandis que dans les tubes A', B' et C, la digestion demande deux heures, dans le tube E' elle exige trois heures, et dans le tube F' quatre heures. Il en est tout autrement de la digestion chloroformique. Même vis-à-vis d'une proportion de 0,5 0/0 de carbonate, dose qui n'exerce aucune action ralentissante sur la digestion trypsinique, son pouvoir se trouve diminué d'une façon évidente (voir surtout les tableaux XXXIII et XXXIV); et, en présence d'une dose de 1 0/0 de carbonate, il devient nul ou douteux, même après plusieurs jours. C'est ainsi que, dans le tableau XXXVII, le ferment du sang, en présence de 1,5 0/0 et de 2 0/0 de carbonate, n'est pas parvenu entamer la fibrine en 3 jours, alors que la trypsine l'avait dissoute en 4 heures, c'est-à-dire en un temps 18 fois plus court. La même action inhibitrice du carbonate s'exerce aussi bien sur le sang in toto et sur le sang défibriné que sur la fibrine suspendue dans le sérum. Nous prenons comme exemple une expérience avec du sang défibriné, divisé en quatre parts égales de 10 ce. et auxquelles nous ajoutons 1 0/0 de carbo- nate à des époques variables. L'analyse est faite après trois jours. Plus le carbonate a été ajouté tardivement, plus la réaction est intense. TABLEAU XXXVIII. ÉPOQUE DE L'ADDITION DU CARBONATE RÉACTION DU BIURET AVEC LE SULFATE DE CUIVRE I GTT 12 GTT. 24 GTT. 32 GTT. A g5 min. violet très faible. B 3 heures. rose avec nuance violette. violet. C 5 heures. rose. violet avec rose. violet. D 21 heures. rose. rose. violet avec rose. violet. SUR LES PEPTONISATIONS 24I Ainsi, après 2 gouttes de sulfate de cuivre, la réaction est violette pour le tube A (95 min.); après 12 gouttes, pour le tube B (3 heures); après 24 gouttes, pour le tube C (5 heures); après 32 gouttes, pour le tube D (24 heures). L'addition de carbonate de sodium a ainsi manifestement suspendu la digestion dès son introduction dans le sang. // est donc bien établi qu'entre la trypsine et le chloroforme il y a une différence manifeste eu égard à leur susceptibilité vis-à-vis du carbonate de sodium. Déjà plus haut, nous avons signalé une différence profonde entre la peptonisation chloroformique et la peptonisation pancréatique : tandis que la première est rapidement paralysée par la présence du carbonate de sodium, la seconde supporte des doses relativement considérables de ce sel. Continuons à présent le parallèle entre les deux digestions et examinons comment elles se comportent vis-à-vis des sels neutres. L'expérience que nous allons rapporter comprend à la fois des diges- tions dans l'eau salée physiologique et dans l'eau fournie par le réservoir du laboratoire. Cette dernière se trouble légèrement par le nitrate d'argent ; elle renferme donc des sels, quoiqu'en très minimes proportions. Aucune des deux ne rougit le papier de tournesol. La fibrine employée est de la fibrine de chien se dissolvant après huit heures dans du sang bouilli, filtré et chlo- roformé. Le ferment pancréatique était un extrait glycérique de la glande. Afin d'uniformiser les conditions autant que possible, nous avons ajouté la même quantité de glycérine pure aux tubes non additionnés d'extrait. 242 J. DENYS et H. DE MARBAIX « eu < z o H c/i a o oo O a s w w D z o o o a a h 01 '■£ ui 3 O rt ni fcO •0) u bo .2 " 3 g Û. al ai '2 s O , "bc aauSajduii uaïqo ap auuqi^j 3 ai r 13 ■ai M o a. xi n M o o ai ai u. r, rt a xi rt 5 « ai _a> 4-1 a ai 0) 01 G S .a 3 X) •ai Kl C b o a u •01 u. Oh a} T) C 01 ni rt tfl 3 "S. -M rt 3 O c/i w ■5 X) C 0) X) c o ai X) c ai ai S P C ai _3 "n a) h-1 as u. bo .H u rt 3 O C/l o U •3 _3 "Si uw XI u XI 0) ■ut 01 C .û ,o O br> 0 — 3 O « c/1 •01 XI ■" O en ra c u H 3 ce i-> CU m 3 3 O 3 3 XI -U* 3 (U o" + -0) o rt -0) Ut O c rt rt ai XI U S* 01 -a ci 1-1 'o bc 6 o O + ai H o o > Ut 0) Ut 3 •a 0 01 •01 •ai s "-« 01 X) ;iej}X9 -f U3iip ap suijqij SUR LES PEPTONISATIONS 243 Dans les tubes additionnés d'extrait pancréatique, la digestion est déjà avancée après trois heures et demie dans le premier et après deux heures dans le second. Dans les tubes sans extrait, on ne remarque encore aucune modification après onze heures. Enfin, tandis que la dissolution a marché à peu près avec la même rapidité dans les deux tubes avec trypsine, et s'est accomplie en trente heures, elle est encore incomplète après dix jours dans l'eau du réservoir additionnée de glycérine pure. La digestion chloroformique est donc bien plus dépendante de la pré- sence de sels neutres que la digestion trypsinique. C'est encore une différence entre les deux processus. La première consistait, comme nous l'avons vu, dans une susceptibilité très différente vis-à-vis du carbonate sodique. Toutes les deux suffisent par elles-mêmes pour établir que la digestion par le chlo- roiorme et celle par le pancréas sont des phénomènes dus à des causes différentes. QUELQUES REMARQUES FINALES. Avant de terminer, nous désirons faire quelques remarques et quelques rapprochements. i° Le fait le plus intéressant qui découle des expériences précédentes est assurément la possibilité de transformer le sang en un milieu digestif par la simple adjonction de substances considérées jusqu'ici comme inertes : le chloroforme, l'éther, l'alcool, l'acide phénique, le thymol et sans aucun doute beaucoup d'autres. La première idée qui s'est présentée à notre esprit, c'est que ces substances modifiaient certaines albumines de façon à leur conférer des propriétés zymatiques. C'est l'interprétation que nous avons d'abord admise et que l'un de nous a exposée au premier Congrès des phy- siologistes de Bâle, mais nous devons faire des réserves à ce sujet, pour les raisons exposées dans ce travail. La peptonisation doit peu-têtre être consi- dérée comme le résultat d'une action directe du chloroforme et s'exerçant sans l'intervention d'une zymase quelconque. Dans cette hypothèse, le chloroforme, l'éther, etc., agissent comme de véritables ferments, et leur action se rapproche d'autant plus de celle de ces derniers, qu'elle est, comme eux sous la dépendance de facteurs accessoires, tels que la réaction du milieu et la présence d'une certaine quantité de sels. On sait depuis longtemps que la fibrine peut se dissoudre sans l'inter- '99 244 J- DENYS et H. DE MARBAIX vention de zymases. Le phénomène a été étudié d'abord par Denis (i i, puis par beaucoup d'autres, et enfin, dans ces derniers temps par Limburg (2), qui donne dans son travail la littérature complète sur ce sujet. Introduite dans des solutions concentrées de sels alcalins ou alcalino-terreux, et même dans des solutions de composés organiques, tels que l'urée, la fibrine s'y dissout au bout d'un certain nombre de jours, en donnant naissance à des globulines, de la propeptone et de la peptone. Cette dissolution s'opère sans intervention d'organismes inférieurs et donne naissance à un produit identique à celui de la digestion chlorofor- mique, la peptone. La façon dont elle est amenée diffère pourtant radica- lement. Dans les solutions salines la dissolution est due précisément à la concentration, à l'abondance des sels en présence, et elle n'exige nullement la présence de chloroforme. La dissolution chloroformique, au contraire, n'exige qu'une faible teneur en sels. D'après quelques unes de nos expérien- ces non encore publiées, une concentration un peu forte est même nuisible, et le chloroforme y joue un rôle décisif. Les deux processus, quoique abou- tissant au même résultat, ne peuvent donc être identifiés. Par contre, nous croyons qu'il existe dans la littérature certains faits inexpliqués ou mal interprétés jusqu'ici et dont nos expériences fournissent peut-être la clef. Nous visons ici surtout les recherches portant sur la fibrine conservée dans l'eau chloroformée ou thymolysée, ou additionnée d'éther, et que l'on a vu se désagréger et se dissoudre plus ou moins com- plètement au bout d'un certain temps sans cause bien appréciable. Dans ses recherches sur la digestion de la fibrine par la trypsine, Hermann (3) semble s'être trouvé en présence de ce phénomène. Ayant besoin de fibrine bien pure, il la lave dans de l'eau renfermant 5 0/0 de sel de cuisine et une forte quantité de thymol. Au bout de quelque temps, il remarque que l'eau de lavage ne renferme plus que des traces de substances albuminoïdes dissoutes, puis brusquement, du huitième au quinzième jour, elle se charge d'une grande quantité d'albumine se coagulant complètement vers 550. Le thymol ne serait-il pas pour quelque chose, sinon pour le tout, dans cette dissolution? (1) P. S. Denis : Nouvelles études chimiques, physiologiques et médicales sur les substances albuminoïdes. (2) Pu. Limburg : Ueber Lôsung und Fallung von Eiweisskôrpern durch Salze: Zeitsch. f. phys Chemie, B. XIII. 1889. (3) Hermann : Ueber die Verdaunug des Fibrins durch Trypsin; Zeitschr f. phys (".hernie. B. XI, 1 SUR LES PEPTONISATIONS 245 Dans un travail de l'année dernière, Salkowski (i) a décrit des phéno- mènes de dissolution de fibrine, qu'il rattache à un ferment sécrété par les organismes de la putréfaction, mais qui pourraient bien être déterminés par le chloroforme. Ayant mis dans de l'eau chloroformée de la fibrine bien lavée et exprimée et qui était restée abandonnée à elle-même pendant quel- ques jours à une température de 8 à io°c, il remarqua après trois semaines que la fibrine s'était désagrégée et que la solution s'était troublée légèrement. Le mélange ne contenait pas d'organismes. Trois semaines plus tard, il filtra le liquide, et dans une partie il put déceler de la globuline, de la serine et des traces d'albumines et de peptones ; dans une autre partie, analysée 7 mois plus tard, il trouva que les albumines et les peptones avaient aug- menté beaucoup, tandis que les premiers produits de la transformation avaient diminué. D'après Salkowski, la peptonisation a été déterminée non par un ferment provenant du sang ou de la fibrine et fixée sur cette dernière, mais par un ferment sécrété par des microbes qui se sont déve- loppés sur la fibrine avant son arrivée dans l'eau chloroformée, c'est-à-dire pendant les quelques jours qu'elle a été laissée à elle-même. Pour le prouver, Salkowski fit l'expérience suivante : Une partie de fibrine fut stérilisée pendant une. heure dans la vapeur d'eau bouillante et conservée dans l'eau chloroformée. Une autre de même provenance, fut mise directement dans cette dernière. Après trois mois, toutes deux étaient encore intactes et dans le liquide, l'analyse chimique put seulement découvrir des traces de pep- tones. Le ferment ne provient donc pas du sang et, de la façon dont le dilemme est posé, il ne peut provenir que des microbes. Mais au lieu d'être produite par un ferment sécrété par des organismes inférieurs, la dissolution de la fibrine observée par Salkowski ne serait-elle pas simplement provoquée par le chloroforme? Les germes de la putréfac- tion sécrètent assurément des zymases qui peptonisent la fibrine, mais dernières ont-elles pu se développer suffisamment pendant les quelques jours que la fibrine a été abandonnée à elle-même, à une température rela- tivement basse? Salkowski ne dit malheureusement pas si l'eau dont il s'est servi pour conserver la fibrine, était de l'eau distillée ou de l'eau renfermant des sels. Si nous étions fixés sur ce point, la question pourrait être tranchée de suite, et dans le cas où l'eau contenait des substances salines en solution, (1) E Salskowski : Ueber das eivveisslûsende Ferment der Fâulnissbakterien und seine Einwir- kung auf Fibrin; Zeitsch. f. Biologie, B. XXV. 1889. 246 J DENYS et H. DE MARBAIX la dissolution devrait être considérée comme produite simplement par le chloroforme. Nous croyons du reste que c'est ainsi que doivent être interprétés les phénomènes observes par le professeur de Berlin. Il est vrai qu'une seconde expérience donna des résultats négatifs, mais il est impossible de juger de sa valeur, puisque nous ne sommes pas renseignés sur la composition exacte du milieu. Quant aux résultats obtenus avec la fibrine stérilisée, ils ne sont guère en opposition avec notre façon de voir, une température peu élevée (630) prolongée seulement pendant 10 minutes, rendant la fibrine rebelle à l'action du chloroforme. Loin d'être contraire à notre interprétation, ce fait lui semble plutôt favorable. Nous avons du reste observé nous-mêmes un phénomène identique à celui décrit par Salkowski. Ayant mis de la fibrine de cheval bien lavée dans de l'eau chloroformée, nous avons vu celle-ci se troubler après une huitaine de jours, le tout étant conservé à la température de la chambre. Après quinze jours, toute la fibrine s'était dissoute, à part une certaine quantité de détritus qui s'était déposée au fond. Tout ce travail s'était fait sans aucune intervention de microorganismes. L'eau de conservation était de l'eau de puits, c'est-à-dire tenant en dissolution une certaine quantité de sels. Jusqu à preuve contraire, nous pensons que les faits observés par Salkowski supportent une explication toute différente de celle que cet auteur en a donnée. 2° Une grande circonspection est nécessaire pour juger d'une digestion faite en présence d'un antiseptique, l'action de ce dernier ne se bornant pas toujours à empêcher le développement des germes, mais pouvant aussi pro- voquer des dédoublements pour son propre compte. Lorsqu'on veut rechercher si un liquide ou un organe renferme des pep- tones, on se gardera donc bien, si l'on ne peut faire l'examen immédiatement, d'ajouter du chloroforme, du thymol ou d'autres substances douées de pro- priétés analogues, afin d'empêcher la putréfaction, sinon on s'expose à découvrir des peptones en quantité même considérable là où il n'en existait pas de traces. C'est pour n'avoir pas tenu compte de ce fait que.FiscHL (1) a trouvé (i) W. Fischl : Zur Kenntniss des in Uterusfibromen vorkommenden Peptons; Zeitschr. f. phys. Chem., B. X, 1886 SUR LES PEPTONISATIONS 247 dans un myome assez de peptones pour pouvoir reconnaître la plupart de leurs réactions. La tumeur, qui était riche en vaisseaux sanguins, fut divisée en petits morceaux, et mise à macérer pendant quatre heures dans de l'eau thymolisée, chauffée à 300. D'après nos recherches, le liquide de macération devait renfermer tout ce qui est nécessaire pour donner naissance à des peptones : des sels, de l'hémoglobine et du thymol. Il n'est donc pas éton- nant qu'à l'analyse on y décela des peptones. Le travail lui-même de Fischl nous fournit la preuve que celles-ci dérivaient bien du sang, car, après avoir décanté le premier liquide de macération, il fit bouillir la tumeur avec de l'eau, et dans ce second liquide il ne put découvrir aucune trace de pep- tones. Comme il le fait remarquer non sans justesse, le fait est singulier, mais quand on connaît l'action peptonisante du thymol, il s'explique de lui-même. Il est pourtant des digestions dont la marche parait indépendante de l'addition du chloroforme, ou du moins n'est pas influencée par lui dans des proportions notables. La digestion de la fibrine par le pancréas est de ce nombre, comme les tableaux suivants l'indiquent. Dans ce but, nous avons enlevé à un chien, qui venait de succomber, la glande pancréatique, nous en avons immédiatement trituré la moitié avec du sable et nous l'avons délayée dans 50 ce. d'eau. Le sable et l'eau avaient été stérilisés, afin de retarder la putréfaction. L'émulsion ainsi obtenue fut divisée en deux parts égales : l'une fut additionnée de chloroforme, l'autre pas, et les deux furent portées à l'étuve pendant deux heures, afin de per- mettre au chloroforme de transformer éventuellement le zymogène en tryp- sine. Après ce temps, elles furent additionnées chacune d'une boule de fibrine et de carbonate de sodium à raison de 1 0/0. L'addition de ce dernier corps avait pour but, non seulement de favoriser la digestion, mais aussi, et sur- tout, d'empêcher toute transformation ultérieure du zymogène en ferment. Les résultats de la digestion sont consignés dans le tableau suivant. !48 J. DENYS et H. DE MARBAIX TABLEAU XL. COMPOSITION ÉTAT DE LA DIGESTION APRE s TUBES 7 h; 19 H 3l H. 43 H 5o H. 0) -eu Tube non 0 Encore quelques 'ri chloroformé traces de fibrine. pancréas e suite. Pas d'odeur de putréfaction. Rares TD micro-organismes. • CD -a .3 / *-« 1 3 ri CD -G o Cl S CD c -* 3 10 ce. de sérum + 2 gr. de pancréas -f- fibrine de bœuf. Id. 2 ce. Presque tout dissous La plus grande partie dissoute. Dissous. Encore qq restes Le résultat est entièrement semblable aux précédents. Quoique le pan- créas fût riche en zymogène, comme le prouve la série faite 24 heures après la mort, le chloroforme n'a exercé aucune action accélératrice sur sa trans- formation. Bien plus, le tube chloroformé de la deuxième série présente de nouveau un retard par rapport au tube non chloroformé. 3° Il n'est pas inutile de rappeler ici certaines expériences de chloro- formisation prolongée, exécutées sur les animaux. Les premières recherches de cette espèce datent de 1S87, et furent entreprises par Ungar (1) et son élève Junkers (2). Ces auteurs firent inhaler du chloroforme à des chiens (1) E Ungar : Vierti-ljahressclir f gerichtl. Medicin, _|S. Jahrg. (2) Junkers: TJeber fcttigeEntartung in Folge von Chloroforminhalationen : Inaug. Dissert., Bonn, (883. SUR LES PEPTONISATIONS 25 1 pendant plusieurs heures de suite, et répétèrent la même opération les jours suivants. Ils tuèrent au bout de quelque temps un certain nombre d'ani- maux, d'autres moururent sans cause apparente après avoir traversé une ou deux séances de chloroformisation. Or, les uns aussi bien que les autres présentèrent à l'autopsie une infiltration graisseuse remarquable du foie, du cœur et quelquefois d'autres organes. Ces expériences furent confirmées par Strassmann( i ) et par Ostertag(2), Ce dernier auteur eut de plus le mérite d'avoir étendu ces recherches à un assez grand nombre d'espèces (chien, chat, lapin, cochon d'Inde, rat et pi- geon) et d'avoir généralisé les altérations constatées d'abord chez le chien. L'infiltration graisseuse ne paraît pas seulement se produire à la suite de l'inhalation prolongée du chloroforme, mais, d'après Nothnagel (3), elle survient également après l'administration par la voie sous-cutanée ou par la bouche. Cet expérimentateur a constaté une infiltration graisseuse du foie, du cœur et des reins chez les lapins, en recourant à ces deux modes d'administration. Les altérations, que nous venons de signaler, sont de nature anatomi- que, mais elles ne sont qu'une manifestation des troubles intimes survenus dans la nutrition. Le chloroforme, introduit par les poumons ou par le tube digestif, détermine une accélération notable dans la désassimilation des matières azotées. Strassmann (4), après avoir chloroformé un chien pendant 3 heures, trouva une augmentation de un cinquième de la quantité d'azote excrétée pendant les deux jours suivants, et Salkowski (5) constata que la quantité d'azote éliminée pendant les 24 heures par un chien auquel il admi- nistrait journellement par la bouche 1,5 gr. de chloroforme, monta de 16,60 et 17,13 gi". à 25,29 gr., et cela sans qu'il se manifestât le moindre symp- tôme de narcose. Faut-il rapprocher l'action que le chloroforme exerce sur le sang in vitro de celle qu'il exerce dans l'organisme vivant? Des expériences actuellement en cours dans notre laboratoire ont fourni des renseignements précieux sur ce point et ont permis d'affirmer que le chloroforme agit sur certains albu- minoïdes dé l'organisme vivant à la façon d'un ferment peptonisant. Ces recherches, en cours de rédaction, vont être publiées très pro- chainement. (i) Fu Strassmann : Die tôdtliche Nachwirkung des Chloroforms, Virch. Arch., B. CXV, 18S9. (2) R. Ostertag : Die tôdtliche Nachwirkung des Chloroforms, Virch. Arch., B. CXVIII, 1889. (3) Nothnagel : Berl. Klin. Wochenschr. , 1886. I4) Strassmann : Loc. cit. (5) E. Salkowski : Zur Kenntnis der Wirkungen des Chloroforms; Virch. Arch , B. CXV, 1888. .99. LE POUMON DES ARACHNIDES PAR L. BERTEAUX ÉTUDIANT EN MÉDECINE A L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. APERÇU HISTORIQUE ET INTRODUCTION. Les organes respiratoires des arachnides sont connus depuis longtemps. Ils n'ont pas échappé à Cuvier(i), qui distinguait déjà dans cette classe un appareil trachéen et un appareil pulmonaire. Tréviranus (2), Meckel(3) et Dugès (4) s'occupèrent de ce dernier, mais pour en faire un appareil branchial : en effet, dit Meckel, les pou- mons sont. » des organes respiratoires formant une cavité, aux parois de - laquelle se ramifient des vaisseaux sanguins. - Or, ce n'est pas le cas pour la cavité remplie de feuillets, qui constitue l'organe respiratoire des arachnides soi-disant pulmonés. Cependant Duvernoy (5) , dans les Leçons d'Anatomie comparée' de Cuvier, continue à faire usage du terme poumon. Dans sa description il se montre encore l'excellent observateur que l'on connaît; ses recherches, et surtout ses injections lui permettent, comme à Dugès, de considérer » chaque » lame pulmonaire comme une double poche laissant un vide entre elles i> deux dans lequel le sang pourrait pénétrer «. Jean Muller (6) et Strauss (7) sont du même avis; le premier combat Tréviranus et Meckel. Léon Dufour (8j affirme avoir été le premier à disséquer le poumon frais des scorpions; ses prédécesseurs utilisaient des matériaux conservés. Il étudie à l'aide d'une puissante lentille la structure des lames vues à plat, mais il ne signale guère que des détails de surface, et ne nous révèle rien sur leur constitution interne. Il suppose dans l'épaisseur des lames, qu'il compare à des cornets falciformes, l'existence de fines ramifications vascu- li) Cuvier : Règne animal, t III (rédigé par Latkejli.e) (2) Tréviranus : Ueber anat. der Arachnid. 131 Meckel : Traité d'anatomie comparée. Traduct. franc, vol. Vil, Paris, i [4I Dugès : Observations sur les Aranéides; annales des Se. naturelles, zool , 2" série, t VI. i8!îtî. (5) Duvernoy : Traité, etc., Vol. VII. (61 Jean Mûller : Anat. des scorpions; Archives de Meckel. 1828. (7' Strauss Dûrckheim : Considérations générales sur l'Anat. comp des animaux articulés, Paris, 1828. (8) Léon Dufour : Étude anatomique et physiolog. des Scorpions; mémoire de l'académie des Sciences, Paris Savants étrangers, vol. XIV, 1 856 ) 256 L BERTEAUX laires, et combat l'opinion de Tréviranus et de Duvernoy, qui admettaient la présence de l'air autour des feuillets et celle du sang dans leur intérieur. En somme, nous avons constaté, dans la discussion à laquelle se livrent ces anciens observateurs, une certaine confusion dont nous n'avons pas bien saisi la clef. Leuckart(i), sans donner de la structure des lames une description plus complète que ses devanciers, les compare à des trachées. Leydig(2) se rallie à cette manière de voir. Mais il fournit aussi quelques nouveaux détails sur la constitution des lames; ainsi, pour lui, certaines productions appelées » Kôrnchen - par Leuckart ne sont autres que des piquants chitineux s'élevant de leur surface. Bertkau (3) est du même avis. Schimkewitsch(4), dans son anatomie de l'épeire, donne de la structure du poumon une description qui nous a paru peu compréhensible, et les figures qu'il y joint n'ont fait qu'augmenter notre perplexité. Nous n'avons pu comprendre, entre autres points, la signification des tubes dont il parle à la page 61 : » En faisant une coupe passant par les poumons, dit-il, on voit que » ceux-ci présentent une série de tubes fermés dont les cavités correspon- - dent aux intervalles compris entre les feuillets. « Nous espérions que l'étude de ses coupes du poumon lui permettrait de nous donner enfin une bonne idée de la structure des lames ; malheu- reusement, sa description prouve qu'il n'a pu avoir sous les yeux que des sections de poumon mal conservé, et nous devons considérer ses figures comme des schémas tout à fait inexacts. Ce n'était donc pas à Schimkewitsch, ni à son collègue Mitrophanof, dont il cite la manière de voir à l'appui de la sienne, qu'il était réservé de fournir à la science des données précises sur ces organes difficiles à dé- brouiller. En 1884, J. Mac Leod (5) de Gand, en fit une étude anatomique com- plète à l'aide de méthodes plus certaines que celles de ces devanciers. D'après lui, l'organe comprend un sac communiquant avec l'extérieur par (1) Leuckart : Ueber den Bau un i die B-deutung der sog. Lungen bei den Arachniden; Zeitschrifi fiir \vi5s. Zool., t. I, 1849. (2) Levdig : Bau der Arthropoden; Archives de Mùller, i855. (3) Ph Bertkau : Ueber die Respirationsorgane der Araneen; in Arch f Naturgesch. 38e jahrg , 187a, (4) Schimkewitsch : Anat. de l'Epeire; Annales des Se. Naturelles, 1884. (5) J Mac Leod : Recherches sur la structure et la significat. de l'appar. respir. des Arachnides; Archives de biologie, 1884. LE POUMON DES ARACHNIDES 257 le stigmate. Dans le sac sont logées des lames minces disposées sur le fond comme les feuillets d'un livre, avec cette différence qu'elles adhèrent aussi aux parois latérales par leur bord interne et par une portion plus ou moins longue de leur bord externe. Il y a un sac semblable de chaque côté de la ligne médiane, et leur cavité est en communication par un canal transversal voisin de la chambre sousstigmatique, appelée aussi vestibule. Cette description morphologique est généralement admise aujourd'hui; c'est ainsi que Carl Vogt et Yung la confirment dans leur description de l'épeire (i). Mac Leod a aussi étudié la structure des lames elles-mêmes : chaque lame se compose, d'après lui, de deux lamelles chitineuses très minces, dont l'une est nue, et l'autre couverte d'un treillis formé de piquants chiti- neux, anastomosés par des branches horizontales qui relient leurs sommets. Ces deux lames sont réunies par un grand nombre de piliers protoplasma- tiques contenant deux noyaux, et dans lesquels on distingue une portion latérale anhiste. Il appelle cette dernière : colonnettc musculaire, et la con- sidère comme une partie contractile, dont la fonction serait de produire le rapprochement des lamelles chitineuses. Entre tous ces piliers circule le sang; il a vu parfois une membrane divisant les piliers en deux moitiés qui possèdent chacune un noyau; en s'appuyant sur ce fait, il les considère comme le résultat de la fusion de deux cellules. Carl Vogt et Yung (2) admettent, chez l'épeire, une structure analogue; toutefois, pour ces zoologistes, les piquants chitineux qui recouvrent l'une des lamelles, sont des poils ramifiés, des bouquets de filaments, dont toutes les branches se touchent d'arbre à arbre en s'enchevètrant. La paroi du sac porterait des ornements semblables, mais plus volumineux. Quant à la structure interne, ils se bornent à dire que les deux lamelles sont réunies par de petits ponts transversaux. Ray-Lankester (3) décrit certains détails cuticulaires de la surface des lames chez YAndroctomis occitan us. Il représente une coupe de ces lames; dans ces figures, les cellules interlamellaires sont souvent cloisonnées trans- versalement, et dans chaque moitié se trouve un noyau. (i) Carl Vogt et E. Yung : Traité d'Anatotnie comparée pratique, p. 22g, etc. (2) Carl Vogt et E. Yung : Op. cit. (3) Ray-Lankester : Notes on certain points in the Anatomy and generic characters of Scorpions; Trans. zool. soc. of London, vol. XI, part. 10, London, i885. 258 L. BERTEAUX William Locy (i), dans son étude sur le développement de YAgelena, figure des stades embryonnaires du poumon, mais sans fournir de données bien précises au sujet de la formation des lames. Les deux lamelles con- stituant une lame sont très minces, et dépourvues l'une et l'autre de tout piquant ou treillis chitineùx. L'auteur pense que les colonnes cellulaires de 1 adulte doivent être le résultat de la fusion de deux des cellules qu'on trouve d'abord logées entre les lamelles; mais cela ne ressort nullement de ses figures. C'est du reste, d'après Mac Leod, qu'il considère les colonnes comme bicellulaires. On peut résumer de la manière suivante l'état actuel de nos connais- sances au sujet du poumon des arachnides. Ces organes comprennent un sac s'ouvrant à l'extérieur par une fente stigmatique ; sur le fond (l'extrémité antérieure) et sur une partie des parois latérales sont insérées des lames(2). Dans ces lames circule le sang, comme le pensait Duvernoy. Elles sont composées de deux lamelles chitineuses, se continuant l'une avec l'autre au bord libre des lames ; la supérieure porte un treillis de pointes chitineuses anastomosées; l'inférieure est nue. Les deux lamelles de chaque lame sont réunies par des colonnes, piliers ou ponts dont Carl Vogt et Yung n'indiquent pas la nature cellulaire, mais que Mac Leod considère comme formés de deux cellules, par la raison qu'ils contiennent deux noyaux. Mac Leod distingue aussi dans chaque pont une partie longitudinale protoplasmatique et une partie musculaire. Locy a remarqué qu'il n'y a pas de pointes chitineuses sur les lames récemment formées de l'embryon, et que les colonnes cellulaires n'y pré- sentent aucune différentiation musculaire. Ces données sont suceptibles d'être complétées. La partie cytologique de l'histoire des lames nous parait même complètement à refaire ; du reste, l'absence de figures exactes et détaillées, dans les divers ouvrages que nous avons signalés, rendait désirable la publication d'un mémoire descriptif accompagné de nombreux dessins. Nous avons entrepris cette tâche sur le conseil de M. le professeur Gilson ; grâce à son dévouement constant, nous sommes arrivé au but (i) W Locy : Observation on the devclopm of Agelena nœvia; Bulletin of the Muséum of comparative zoologie, Havard collège. Cambridge, 1886. Nous appelons lames ce que Mac Leod appelle / imellcs et M. le professeur Plateau, feuillets pulmonaires. Nous n'attachons pas d'importance à cette nomenclature, mais il nous semble naturel d'appeler lame, le tout, et lamelle, chacune des deux portions qui le constituent . LE POUMON DES ARACHNIDES 259 que nous nous étions proposé. Nous le prions d'agréer ici l'hommage de notre profonde reconnaissance. Dès nos premières coupes, nous avons constaté : que les éléments constituants du poumon des arachnides étaient loin de manquer d'intérêt au point de vue cytologique ; que les descriptions des auteurs au sujet de certains détails étaient entachées d'inexactitude et, enfin, que plusieurs particularités de la structure fine de ces organes n'avaient pas encore été signalées. Après avoir indiqué les méthodes qui nous ont servi dans ces recher- ches, nous exposerons succinctement nos résultats en les comparant avec ceux de nos devanciers dans une série de remarques critiques. MÉTHODES. Nous avons pratiqué deux méthodes principales : les coupes microto- miques et le montage des lames entières. Coupes. L'imprégnation de l'abdomen d'une araignée par la paraffine présente, comme on sait, quelques difficultés. Elle exige un séjour assez prolongé dans la substance fondue, séjour qui n'est pas sans inconvénients au point de vue de la conservation des cellules. Nous avons cherché à l'éviter en extirpant les deux poumons simulta- nément, par l'excision d'un lambeau de la cuticule abdominale comprenant les deux organes. Néanmoins il est préférable de fixer d'abord l'abdomen entier, et de se borner ensuite à en enlever, après durcissement, à l'aide d'un scalpel, toute la partie supérieure ou dorsale, de manière à diminuer l'épaisseur des organes compacts, que la paraffine doit traverser pour arriver aux poumons. Voici d'ailleurs, plus en détail, la méthode à laquelle nous nous sommes définitivement arrêté, après quelques tâtonnements. L'araignée est tuée par les vapeurs de chloroforme (î), puis l'abdomen sectionné est plongé dans la solution mercurique de Gilson (2). C'est le liquide fixateur qui nous a le mieux réussi. Après deux heures environ d'immersion, la pièce est lavée à l'alcool au tiers, puis à l'eau pendant 11) Nous les avons aussi tuées par le vide, ou par CO„ sans résultats appréciables. (2) Voyez Bolles-Lee et Henneguy : Manuel de technique 26o L. BERTEAUX quelques heures, et plongée dans le carmin aluné; ensuite la pièce est reprise par l'eau, et par une série d'alcools jusqu'à l'alcool absolu. La méthode d'enro- bage qui nous a donné les résultats les plus satisfaisants, consiste dans l'emploi combiné du collodion et de la paraffine. De l'alcool absolu la pièce est trans- portée dans un mélange à parties égales de ce même alcool et d'éther, puis dans le collodion. Nous l'y laissions d'abord séjourner au moins vingt-quatre heures, mais plus tard nous nous sommes mieux trouvé d'une pratique déjà signalée par M. le professeur Gilson. Elle consiste à soumettre le col- lodion à une ébullition ménagée, jusqu'à réduction en une masse épaisse. Ce procédé a l'avantage de faire pénétrer rapidement et complètement dans tous les interstices des tissus un collodion qui, à la fin de l'opération, se trouve très concentré et qui, par suite, perd moins en volume par la coagu- lation. L'ébullition du collodion exerce peu d'action sur les tissus, étant donnée la basse température d'ébullition du mélange d'alcool et d'éther qui en est le véhicule. On peut par cette méthode passer en quelques instants à l'enrobage à la paraffine. La pièce est tirée du collodion et plongée dans le chloroforme; après une heure de séjour dans ce liquide, le collodion qui l'imprègne est suffisamment durci; on la porte alors directement dans la paraffine fondue, où on la laisse séjourner quinze à trente minutes, ou même une heure si l'abdomen est à peu près entier. Les coupes faites sont montées soit dans une solution glycérinée, soit dans la gélatine glycérinée salicylique, soit enfin, mais rarement, dans un milieu résineux : baume de Canada, dammar ou colophane. Ces derniers milieux sont peu favorables à l'étude des détails cuticulaires. Examen des lames à plat. Il est assez facile d'enlever un poumon et d'en détacher un certain nombre de lames à l'aide d'un scalpel fin. On les fixe soit par les vapeurs osmiques, soit par l'alcool saturé d'anhydride sulfureux. On les monte ensuite dans la solution glycérinée. La potasse et la soude éclairassent complètement les lames en atta- quant les cellules interlamellaires, ainsi que les globules et les granules sanguins. Nous avons employé cette méthode pour l'étude des détails de la lamelle supérieure des lames, surtout quand nous faisions usage de matériaux conservés dans l'alcool. CHAPITRE I. DESCRIPTION. Aperçu général de la structure du poumon. Les araignées de notre pays présentent ordinairement sur l'abdomen, près du céphalothorax, de chaque côté de l'écusson génital, une tache blan- châtre, triangulaire, à sommet antérieur arrondi, et dont la base est dirigée vers la partie postérieure de l'animal. Le long de cette base, l'œil, armé de la loupe, découvre une fente transversale qui s'infléchit un peu en avant sur le côté externe. Les taches claires correspondent aux poumons, la fente est le stigmate qui y donne accès. Ces araignées sont dipneunwiics. D'autres aranéides, la mygale, ont quatre poumons, et sont appelées tetrapneumones. Les scorpions ont quatre paires de poumons, échelonnées symétriquement du troisième au sixième anneau abdominal. Débitons l'abdomen d'une dipneumone en une série de coupes antéro- postérieures et verticales, l'animal étant supposé marcher sur une surface horizontale. Nous distinguons, parmi les coupes ainsi obtenues, une série de sections longitudinales d'un des poumons d'abord, puis une autre série comprenant l'autre organe. Plusieurs d'entre ces sections présentent l'aspect reproduit dans notre fig. 1, qui va nous servir pour décrire succinctement le poumon des arachnides en général. Le lecteur sait que cette description a été faite par Mac Leod, puis par Carl Vogt conjointement avec Yung; ce que nous en rappelons a seulement pour but de nous créer quelques points de repère destinés à faciliter notre exposé. La section que nous représentons dans la fig. l, peut se ramener, si l'on nous permet cette comparaison géométrique, à un triangle rectangle ABC dont l'angle droit est en A, et l'hypothénuse, plus ou moins curviligne, à concavité supérieure (1), en BC; ce côté BC correspond à la surface infé- rieure de l'abdomen. (1) Concavité gauche sur la Planche 262 L- BERTEAUX Dans ce triangle, on voit serrées les unes contre les autres les sections des lames qui constituent l'appareil respiratoire : ces lames sont superpo- sées comme les feuillets d'un livre. La fig. l nous apprend qu'elles s'insèrent à l'angle C et aux côtés adja- cents à cet angle. Il faut noter que ce point correspond à la portion de l'organe la plus proche du point de réunion de l'abdomen avec le céphalothorax. Un certain nombre de lames s'insèrent sur la portion antérieure (1) de la voûte de la cavité pulmonaire, voûte qui correspond au côté AC, et un nombre plus grand sur la portion antérieure du plancher, p; celui-ci correspond aussi au côté BC. Enfin le bord postérieur, bp, des lames est libre. Mais comment se comportent les bords latéraux? On se convainc facilement, à l'aide découpes transversales de l'appareil, que le bord latéral interne de toutes les lames est adhérent à la paroi interne du sac pulmonaire. Quant au bord latéral externe, il adhère aussi à la paroi externe du sac; toutefois, un certain nombre de lames (nombre variable d'espèce à espèce, et peut-être d'individu à individu) possèdent un bord externe libre sur une certaine partie de leur longueur, vers l'arrière. Ce sont les lames les plus proches de la voûte qui présentent au plus haut degré cette parti- cularité. Au reste, il n'y a pas de démarcation bien tranchée entre le bord postérieur et la portion libre du bord externe. Entre la voûte et la lame supérieure, entre le plancher et la lame qui lui fait face, enfin, entre les lames elles-mêmes existent de profonds récessus; ce sont les espaces aériens, ea, supérieur, eas, inférieur, eai, et interlami- naires. Tous débouchent dans un espace qui occupe la partie postérieure de l'organe, espace aérien postérieur ou vestibule, ve. La solution de continuité que l'on remarque sur le côté AB est due à la section de l'orifice stigmatique. Les lames sont maintenues à distance les unes des autres par d'innom- brables petites épines chitineuses, que porte leur face supérieure(2). Nous étudierons en détail la structure de ces lames ; bornons-nous à dire pour le moment que ce sont des replis cuticulaires, contenant des cellules et des cavités sanguines. Ce sont des soulèvements de la cuticule qui tapisse d'une manière continue la cavité pulmonaire; on voit en effet cette mem- brane se continuer directement avec la face supérieure de la dernière lame 1) L'inférieure sur la fig i. \2) A gauche sur la fig. 1 LE POUMON DES ARACHNIDES 2Ô3 (la plus à gauche sur la fig. 1) et avec la face inférieure de la première; enfin, passer d'une lame à l'autre sans interruption. Nous reviendrons plus loin sur les parois de la cavité ; on peut déjà remarquer, sur la fig. l, des particularités existant à sa face interne. Le plancher est supporté par la cuticule ou tégument externe de l'animal ; aux abords de la lèvre antérieure du stigmate sont implantés des poils. Dans l'épaisseur de la cuticule on voit des sections de glandes cutanées, et enfin, dans l'épaisseur du plancher, un certain nombre de sinus sanguins. Chez certains scorpionides, sinon chez tous, l'orientation des lames n'est pas la même que chez les aranéides. L'animal étant supposé marcher sur un plan horizontal, les lames seraient disposées verticalement, présen- tant ainsi deux faces latérales et quatre bords : l'antérieur et le postérieur, le supérieur et l'inférieur. Ces données préliminaires établies, nous croyons pouvoir aborder l'ex- posé de nos observations, avec l'espoir que le bienveillant lecteur nous y suivra sans peine. Nous décrirons la structure des lames et celle des parois dans les divers genres que nous avons étudiés, en nous basant surtout sur YAgelena, qui nous a fourni les renseignements les plus complets. Après les aranéides, nous passerons en revue quelques scorpionides. ARANÉIDES. I. STRUCTURE DES LAMES PULMONAIRES. On l'a vu par la description générale, chaque lame comprend deux faces, des bords libres et des bords adhérents. Décrivons successivement chacune de ces parties externes, avant de passer à l'étude du contenu des lames, des cellules et des cavités sanguines. Toutefois, la description du bord adhérent sera comprise dans celle de l'intérieur des lames. A. Surface des lames. a) Face inférieure. Cette face est tapissée d'une lamelle cuticulaire mince, transparente, parfaitement lisse : la lamelle nue, ///, fig. 5, etc. Nous n'y découvrons aucune particularité digne de nous arrêter, sauf près du bord libre, où elle est souvent envahie par les détails de structure que nous allons décrire sur la face supérieure, et surtout sur le bord lui-même. 264 L- BERTEAUX Z1 Face supérieure. La lamelle cuticulaire qui recouvre cette face présente une structure des plus intéressante. Ainsi qu'on le remarque dans la plupart de nos figures, elle porte une véritable forêt de tiges, ou d'épines, translucides et hyalines, rectilignes et parallèles. A leur base d'implantation, ces épines présentent une faible dilatation, un léger empâtement, et souvent la lamelle qui les porte se soulève quelque peu, à ce niveau. La présence de ces sou- lèvements communique parfois à cette membrane, vue en coupe, un aspect ondulé : on peut le constater, par exemple, sur les fig. 3, 5, 6 Parfois aussi on observe à leur base un très petit triangle vide, sur- monté d'une strie courant dans toute la longueur de l'épine, laquelle parait alors creusée d'un canal excessivement ténu. Le sommet des tiges est libre, jamais acuminé, mais arrondi, présentant un renflement léger tantôt en massue, tantôt en boule ou en tète d'épingle. La longueur de ces tigelles : épines, bâtonnets ou piquants, est assez uniforme. Cependant, s'il est impossible de constater une différence entre deux pointes voisines, les tiges les plus proches du bord adhérent de la lame sont en général notablement plus courtes que celles qui avoisinent son bord libre. Le fait est facile à vérifier dans la fig. 3. Pour compléter nos renseignements, examinons des lames dissociées, étalées autant que possible ; voici ce que l'on peut observer sur la lamelle épineuse. Un véritable réseau se présente au regard, fig. 4; si, après avoir mis au point ce réseau, l'on relève avec précaution l'objectif, on n'aperçoit plus à un moment donné que des points brillants sur un fond clair. Ces points brillants représentent la section optique des tigelles hyalines. D'ail- leurs il est facile de retrouver ces tiges, vues suivant leur longueur, grâce aux plis accidentels que présente d'ordinaire l'objet en observation. Analysons le réseau dont nous venons de parler. Avec un peu d'atten- tion, on remarque aisément que les tiges jaillissent toutes des points d'en- trecroisement des trabécules. Celles-ci ont, à peu de chose près, le diamètre des tigelles elles mêmes; elles sont moins brillantes et moins droites, on en trouve facilement d'incurvées dans la fig. 4. La forme des mailles qu'elles délimitent varie beaucoup. Elles peuvent se ramener à des polygones de trois à six côtés, mais, dans chacune de ces figures géométriques, surviennent de grandes modifications dépendant de la longueur diverse des côtés. Assez souvent l'on distingue dans ce réseau des figures polygonales plus ou moins parfaites, résultant de l'agencement régulier d'un certain nombre de mailles autour d'un même centre. LE POUMON DES ARACHNIDES 2Ô5 L'irrégularité des mailles, l'inégalité de longueur des trabécules qui les circonscrivent, jointes au fait de l'implantation des épines aux nœuds d'entrecroisement des trabécules, nous apprennent que les tigelles, qui hé- rissent la lamelle supérieure, sont loin d'y être semées en rangées parallèles et tirées au cordeau; leurs distances réciproques sont assez variables, plus peut-être que ne l'indiquent les sections que nous avons figurées. Les trabécules de ce réseau sont, à notre avis, des détails de la structure interne de la lamelle cuticulaire supérieure ou épineuse. Nous inclinons à croire que chacune d'elle fait une légère saillie à la surface de cette lamelle, bien que les meilleurs objectifs apochromatiques ne nous aient pas permis de le contrôler avec certitude : à cause des jeux de lumière que présente toujours la coupe optique de la cuticule, et à cause aussi de la présence des tigelles dans des plans sous-jacents à celui de la section mise au point. Tous les sommets des piquants qui garnissent la lamelle épineuse ou dorsale des lames sont libres, avons-nous dit tantôt ; cette affirmation com- porte deux exceptions. La première concerne la dernière lame, la plus éloignée de l'orifice stigmatique, et dont la lamelle épineuse fait face à la voûte. En effet, les tiges de cette lamelle sont toutes ramifiées au sommet; en outre, toutes les ramifications se réunissent les unes aux autres. Le lecteur peut s'en assurer en jetant un regard sur la fig. 2. En second lieu, une modification semblable se remarque sur toutes les lamelles épineuses, aux approches du bord libre dont nous allons nous oc- cuper ; ce que nous en dirons s'applique en tout point à la lamelle que nous venons de signaler. c) Bord libre. Nous avons vu que les lames adhèrent à la paroi du sac pulmonaire par leur bord antérieur, leur bord latéral interne et leur bord latéral externe. Quelques-unes cependant, dont le nombre varie d'espèce à espèce, peut-être d'individu à individu, avons-nous dit, ont la partie postérieure de leur bord latéral externe libre. Tous les bords postérieurs sont libres. La longueur des tigelles, ou piquants, est plus grande aux environs du bord libre que près du bord adhérent : premier fait à constater. Mais, si l'on suit la série des tigelles en marchant vers le bord libre, on découvre bientôt de nouvelles particularités dans leur structure. Etudions-les dans la fig. 3. Dans chacune des trois lames représentées, les tigelles, à une certaine distance du bord, se ramifient brusquement. En 266 L. BERTEAUX coupe optique, toutes paraissent seulement se bifurquer ; mais des vues obliques, et surtout des vues de face, démontrent à toute évidence qu'elles peuvent fournir jusqu'à cinq branches. Ces branches partent toujours du bout de la tige et, rayonnant autour de son sommet, s'anastomosent de tige à tige; si bien que chacune de celles-ci se trouve reliée à autant de voisines qu'elle présente de ramifications apicales. Une des lames de la fig. 3, dont la portion terminale a été brisée accidentellement, pf, manifeste clairement cette disposition. Ainsi donc, le bord libre des lames est muni d'une sorte de cage, formée de tiges analogues à celles qui couvrent la face supérieure, mais anastomo- sées entre elles par un système de branches ; ces branches, vues d'en haut, composent un réseau très semblable à celui qui réunit les tigelles par leur base, et qui appartient à la lamelle épineuse elle-même. Nous appellerons cette cage palissade marginale, pm. La lamelle nue et la lamelle épineuse se confondent au bord libre; ce dernier lui-même appartient cependant à la lamelle épineuse, qui le garnit de ses tiges et de ses mailles. Très souvent, la face inférieure, près du bord libre et surtout dans la portion postérieure de celui-ci, est envahie par la palissade marginale, sur une certaine longueur; on peut le voir déjà dans la fig. l, plus nettement dans la fig. 7, prise à un fort grossisement. La structure des lamelles chitineuses qui revêtent les lames pulmonaires chez plusieurs espèces d'Epeira, entre autres la diademata (i), chez la (i) C'est à l'obligeance de M. L. Beckek, l'arachnidologue bien connu, que nous devons la détermination de la plupart des aranéides et des scorpionides , dont nous avons fait l'étude Nous sommes heureux de lui exprimer ici nos remerciements. Au sujet de \' Epeira nous tenons à justifier le terme diademata, dont nous usons, à l'exemple de Thorell et de Blakwell, au lieu de diadema, qui se retrouve souvent dans les auteurs. Mr Becker trouve juste de conserver à cette espèce le nom spécifique qui lui fut donné en premier lieu par Clerck, quelles que soient les modifications que l'on a fait subir depuis au nom générique L'appellation de Ci.erck a certainement la priorité, comme le prouve le tableau synonymique suivant, qui est dû aux recherches de M. Becker. Araneus diadematus, Clerck, 1757. Aranea diadema. Linné, 1758 Aranca Linnœi, Scopoli, 1763. Aranea cruciger, de Geer, 1778. Aranea papalis, Fourcault, 1785. Aranea myagria, Walkenaer, 1S02. Epeira diadema, Walkenaer, 1825. Epeira diadema, Hahn, 1834. Epeira stellata, C. Koch, i 836. LE POUMON DES ARACHNIDES 267 Pardosa saccata, la Tetragnatha et la Clubione est essentiellement la même que chez Y Agelena, fig. 8 à 13. La Segestria florentina, grande espèce capturée aux environs de Ville- franche, possède des tiges chitineuses plus robustes que celles de nos arai- gnées indigènes, dont nous avons fait 1\ tude. La palissade marginale, pin, fig. 14, se distingue par l'épaisseur de ses tiges et de leurs rameaux anas- tomotiques. On y constate facilement que les tigelles verticales, ainsi que les trabécules horizontales du réseau supérieur elles-mêmes sont tubulaires; c'est donc un système de canalisation compliquée qui garnit ici le bord libre des lames. Il est probable que ces tubes contiennent un liquide; en tous cas, ils ne contiennent pas d'air. Les tigelles verticales sont fermées à leur base par une cloison nette, séparant leur cavité d'avec le protoplasme des cellules sous-jacentes. Nous retrouvons dans les lames de la Mygale une lamelle nue et une lamelle épineuse. Les tigelles sont beaucoup plus fortes que chez les di- pneumones. Mais il y a des différences plus caractéristiques. Ce sont, d'une part, l'anastomose de tous les sommets des tigelles par des traverses, et cela partout; et, d'autre part, l'absence de trabécules reliant les bases des tigelles. On aen rend facilement compte par l'observation de lames étalées, fig. 18, ou sectionnées, fig. 19. Par suite de cassures, il arrive de rencon- trer des piquants ramifiés en étoile, ou en T, ou même de simples bâtonnets droits, analogues à ceux qui recouvrent la surface des lames chez les dipneumones. Les branches anastomotiques sont un peu moins grosses que les tigelles d'où elles rayonnent. Deux de ces branches peuvent se fusionner au milieu de leur trajet en un seul rameau, pour gagner un sommet quelconque. Enfin, nous avons des raisons de croire que, au niveau du bord libre, il y a renforcement très notable des tigelles et de leurs anastomoses; mais, n'ayant pu disposer que d'une série d'individus conservés depuis de longues années dans l'alcool, nous sommes resté dans l'incertitude à ce sujet. B. Intérieur de lames Des coupes minces nous permettent seules de pénétrer la texture intime des lames, et encore ne fournissent-elles des données certaines que si elles occupent un plan perpendiculaire à celui de ces organes. Un simple coup d'ceil sur de telles coupes met l'observateur en face d'un fait déjà mentionné par Mac Leod, à savoir que les deux lamelles cons- 26S L BERTEAUX tituant une lame sont unies par des ponts. Ces ponts sont plus ou moins distants l'un de l'autre, et, dans les espaces qui s'étendent entre eux, l'on observe de nombreuses cellules sphéroïdales libres ordinairement isolées. On peut le voir dans les fig. 3 et 5 (Agelena), 8 et 9 (Epeira), il (Tetra- gnatha), enfin, dans la fig. 19 {Mygale). La même structure existe dans la Clubione. Les espaces, es, sont des cavités sanguines, des récipients où circule le sang qui doit y subir l'action de l'air : absorption d'oxygène et dégagement d'anhydride carbonique. Les cellules sphéroïdales ne sont que des globules de sang. Les lamelles sont rarement parfaitement parallèles : elles sont en cer- tains points très rapprochées l'une de l'autre, et en d'autres endroits, très éloignées. Mac Leod avait déjà observé ce fait, mais sans le figurer d'après nature. Nos planches en fournissent maints exemples, fig. 5et8. Nous avons été frappé de voir à quel point l'espace, qui sépare les lamelles, peut varier sur l'étendue d'une même lame pulmonaire, et surtout d'une lame à l'autre, dans une même coupe. Tantôt cet espace est d'une minceur extrême, c'est le cas pour les lames /', /", /"' de la fig. 8, d'autres fois il est très large, comme en es, fig. 8, et aussi sur les fig. 9 et il, par exemple. Nous avons rencontré dans nos coupes des régions entières du poumon présentant l'aspect des lames /', /" et /'", dans lesquelles les cellules, prenant la forme d'un disque extrêmement large et aplati, semblent se fusionner les unes avec les autres; les espaces sanguins, en certains endroits, se réduisent à une simple fente interlamellaire. La première conséquence de cette variabilité d'écartement des lamelles, c'est une variabilité correspondante de la longueur des colonnes, ou ponts qui les réunissent. Ces ponts sont des cellules, on ne saurait en douter, et désormais nous les appellerons cellules interlamellaires, ci. Leur description nous arrêtera quelque temps. Leur forme est généralement cylindrique, à bases évasées, fig. 5, 8, etc. Ainsi que nous venons de le dire, leur longueur est toujours en rapport avec le degré d'écartement des lamelles. Un certain rapport s'observe aussi entre leur longueur et leur épaisseur, mais ce rapport est loin d'être absolu. En général, les plus longues sont les plus minces; cependant on en trouve aussi de très épaisses, atteignant presque la longueur des plus grêles ; les fig. 5, (Agelena) et il, (Tetragnatha), en fournissent des exemples. Leur LE POUMON DES ARACHNIDES 269 hauteur et leur épaisseur varient dans de larges limites. On y rencontre tous les degrés imaginables, depuis l'étirement en une longue et mince colonnette jusqu'à l'aplatissement le plus marqué. La fig. 8, remarquable au point de vue de la différence d'écartement des lamelles, ne l'est pas moins quant à la forme des cellules. Celles-ci sont extrêmement aplaties dans la lame /', aussi sont-elles très larges, et s'insinuent-elles entre les deux lamelles, sur une grande longueur. L'espace sanguin a disparu, et parait entièrement rempli de protoplasme; deux noyaux, produisant une saillie notable à la surface des lamelles, indiquent seuls l'emplacement primitif des cellules. Plus loin, les deux lamelles s'écartent un peu, mais ce n'est que pour loger une série de globules du sang, qui s'y trouvent emprisonnés et serrés de près par le protoplasme. Dans la lame /'", le rapprochement des lamelles est encore poussé plus loin ; une seule cellule, dont le noyau s'aperçoit près de la portion dilatée, s'étend au loin dans un état d'aplatissement extrême. La lame /" est intéressante à un autre point de vue : les lamelles y sont encore extrêmement rapprochées, mais elles sont vides de protoplasme, sur une aire considérable; un globule du sang emprisonné, g, y produit une légère saillie. Nous avons signalé tantôt un évasement aux deux bases des cellules interlamellaires; c'est une sorte de pied qui s'amincit progressivement jus- qu'à se confondre avec la lamelle chitineuse. L'élargissement terminal est ordinairement plus marqué sur les cellules épaisses que sur celles qui revê- tent la forme d'une colonnette grêle, fig. 5 et 11. Mais, outre les cellules cylindriques qui sont en contact avec les deux lamelles constituant une lame pulmonaire, on en trouve parfois d'autres cia, aplaties, paraissant ramper sur une seule de ces lamelles; soit sur la lamelle nue, soit sur la lamelle épineuse, fig. 5 et il. Elles sont le plus souvent en continuité avec la base, ou avec le sommet d'une cellule colon- naire, voire même avec deux ou un plus grand nombre de ces éléments à la fois. A notre connaissance, l'existence de ces cellules n'a été signalée par aucun de nos devanciers. Etudions maintenant la structure des cellules interlamellaires. Leur protoplasme est assez variable d'aspect. En général, il est passa- blement opaque et grossièrement granuleux dans les cellules épaisses; le réticulum y est très peu visible. Les cellules étirées, de, sont beaucoup plus 270 L. BERTEAUX claires et moins granuleuses que les autres, dont elles se distinguent par un aspect tout différent. Le réticulum y est très apparent, sous la forme de trabécules longitudinales très fortes, plus ou moins variqueuses, qu'on peut suivre sur toute la hauteur de la cellule, fig. 5 et 11. La membrane, m, est' bien distincte partout; elle est brillante et trans- lucide ; sa face externe est lisse ; sa face interne semble raboteuse, hérissée de saillies ponctiformes, qui correspondent évidemment aux points d'attache des trabécules du réticulum plastinien. Ce sont les cellules étirées en co- lonnes qui se prêtent surtout à l'examen de cette membrane, elle y parait plus épaisse que celle des autres cellules. Toutefois nous pensons que ce n'est là qu'une apparence trompeuse; la membrane y est simplement plus manifeste, parce qu'elle n'est plus cachée par les nom breux granules qui l'avoisinent ailleurs. La présence de cette membrane se constate facilement aussi sur les cellules aplaties et accolées à une seule des lamelles. Lorsqu'on la suit le long du pied des cellules, on la voit très souvent se perdre dans un amas de substance granuleuse, qui représente un coa- gulum de plasma sanguin, fig. 9. Mais on trouve sans peine des endroits exempts de ces granules, et alors on peut suivre la membrane de la cellule jusqu'au point où elle semble se confondre avec la lamelle chitineuse adja- cente. Elle est généralement plus mince aux environs du pied; elle présente son maximum d'épaisseur au niveau du corps de la cellule. Le noyau des cellules interlamellaires n'offre rien de remarquable dans sa structure; il est assez petit, ordinairement oblong ; l'élément nucléinien s'y présente sous la forme de bâtonnets plus ou moins fragmentés. Mac Leod (et Locy parait admettre sa manière de voir) nous dit que chaque colonne interlamellaire contient toujours deux noyaux. C'est in- exact; nous admettons qu'il y a fort souvent deux noyaux — nos figures le prouvent — ; mais fort souvent aussi il n'y en a qu'un seul, parfois même il n'y en a pas du tout, fig. 5 et il. Dans ce dernier cas, on constate fréquemment la présence d'un noyau dans un amas de protoplasme, gisant contre l'une des lamelles, à peu de distance du pied de la colonnette, fig. 5, ci a. Telles sont les cellules interlamellaires. Nous n'y avons jamais constaté de membrane transversale, qui put nous faire considérer chaque colonnette comme formée de deux cellules, selon l'opinion de Mac Leod. Jamais non plus, nous n'avons rien constaté qui soit de nature à expliquer la description que donne cet auteur d'une portion musculaire comprise dans ces éléments. LE POUMON DES ARACHNIDES 271 Il y a peu de chose à dire au sujet des cavités sanguines qui, sur une section, s'étendent entre les colonnettes ou cellules interlamellaires. Remar- quons seulement qu'à l'intérieur de chaque lame le sang circule dans une seule cavité, entrecoupée par des cellules figurant les piliers d'une salle très basse, suivant la comparaison de Mac Leod. Les parois de cette cavité sont formées par les deux lamelles chitineuses. Ces parois, en beaucoup d'endroits, paraissent complètement dépourvues de protoplasme, et consti- tuées exclusivement par la substance chitineuse des lamelles; ce fait n'est pas sans intérêt. Mais, en d'autres points, elles sont au contraire tapissées par une masse protoplasmatique qui est en continuité avec le pied des cellules interlamellaires, et qui contient parfois un noyau, fig. 5, cia. Les globules du sang sont d'assez grandes cellules dont le volume est variable ; leur protoplasme est moins opaque et moins grossièrement gra- nuleux que celui des cellules interlamellaires. On en rencontre parfois de beaucoup plus clairs, à protoplasme très finement granuleux, presque hyalin, fig. 8, /', gc. Nous ignorons la signification spéciale de ces globules clairs. Signalons, pour terminer, la rencontre, assez rare toutefois, de globules à deux noyaux, fig. 8, lame /. Le moment est venu de tracer rapidement l'histoire du bord adhérent des lames. Le lecteur voudra bien jeter les yeux sur la fig. 10. La la- melle épineuse d'une lame quelconque, perdant tout à coup ses piquants, s'infléchit pour se continuer avec la lamelle nue de la lame sus-jacente; (les sous-jacentes sur la figure.) On peut souvent remarquer en cet endroit une dilatation légère de l'espace aérien. L'anse formée par l'union des deux lamelles est toujours dépourvue de piquants; elle est en rapport, par sa face interne, avec les sinus sanguins creusés dans l'épaisseur des parois du sac pulmonaire ; cette anse est parfois libre et, alors, la cuticule est baignée d'un côté par l'air, et de l'autre directement par le sang; ailleurs, elle se rattache à des cellules entrant dans la constitution des parois des sinus. Au bord adhérent des lames, leurs cavités sanguines se continuent avec d'autres cavités : les sinus sanguins qui parcourent les parois. Aucun indice ne nous a décelé des voies distinctes pour l'entrée et pour la sortie du sang. II. PAROIS DU SAC. La paroi du sac pulmonaire est de nature chitineuse. Elle se continue avec la cuticule dermique aux lèvres du stigmate. Elle porte en divers en- droits des appendices de forme très curieuse, analogues aux palissades mar- 272 L- BERTEAUX ginales dont nous avons mentionné la présence au bord libre des lames, mais beaucoup plus développés et plus compliqués que ces dernières. Ces productions atteignent leur taille maximum en trois points de la paroi pulmonaire : au-dessous,, ou bien, si l'on veut, au-devant de la fente stigma- tique, au-dessus de cette fente et sur la voûte de la cavité. Ces régions sont indiquées, bs, dans notre fig. 1. La partie des parois latérales qui ne donne pas insertion aux lames est aussi munie d'un revêtement semblable, fig. 3. Le plancher, sur les trois-quarts antérieurs de sa surface, est couvert de pointes libres, identiques à celles des lames, fig. l. Les fig. 2 et 3 fournissent de bons exemples de la diversité de forme et de taille que peuvent présenter ces appendices chitineux. Leur structure est d'une délicatesse extrême, nos figures n'en sont que de pâles reflets. La fig. 2 représente une coupe transversale de l'espace aérien supérieur, et montre, du côté droit, une section de la lame pulmonaire supérieure, ou plutôt de sa lamelle épineuse; car le reste de la lame n'a pas été dessiné. La partie gauche de la figure appartient à la voûte. L'une et l'autre de ces parties est tapissée par une cuticule, d'où s'élèvent des tiges de grosseur très variable. Toutes ces tiges se ramifient à leur sommet; mais celles de la lame supérieure (à droite) ne se divisent qu'à leur cime en un petit nombre de branches, s'anastomosant d'arbre à arbre, comme nous l'avons dit pré- cédemment. Celles de la voûte, au contraire, sont des troncs volumineux donnant des branches échelonnées sur une certaine partie de leur hauteur. Ces branches se ramifient elles-mêmes, et leurs derniers rameaux rencontrent toujours les rameaux venant de troncs voisins, et s'abouchent très exacte- ment d'arbre à arbre. On pourrait donc, jusqu'à un certain point, comparer cet ensemble architectural à ces taillis formés par une souche unique du Ficus indica ; avec cette différence, qu'il est impossible, dans le buisson chitineux des aranéides, de découvrir un seul rameau se terminant librement; tout est anastomosé, les bouts libres que l'on rencontre dans les coupes sont toujours dus à des fractures accidentelles. Tout cet ensemble de troncs et de branches anastomosées constitue ici, comme dans la palissade marginale, un système canaliculé. Tiges et rameaux sont creux; ce sont des tubes à paroi mince et transparente, on n'en peut douter à l'aspect que présente leur section optique. Les sections optiques démontrent encore un autre détail de facile observation, signalé déjà dans LE POUMON DES ARACHNIDES 273 les palissades marginales, à savoir : une cloison transversale, séparant le tronc d*avec le protoplasme des cellules épithéliales qui constituent la ma- trice cuticulaire, fig. 2, bs. Cette cloison appartient à la dernière couche de la cuticule, tandis que la paroi des troncs se continue avec les couches supérieures de cette membrane, au niveau de la cloison. Il en résulte que la cavité des troncs et de leur système de rameaux sont des espaces intra- cuticulaires, compris entre la couche inférieure et les couches supérieures de la membrane chitineuse. La position de cette cloison varie à un certain degré. Tantôt elle est située tout à fait à la base de la tige, occupant ainsi la partie la plus évasée de celle-ci; d'autres fois elle se trouve plus haut, et alors le protoplasme de la cellule sous-jacente s'avance plus ou moins dans le corps de l'arbre. Ces derniers détails sont visibles dans plusieurs de nos figures; nous y ren- voyons le lecteur, en le priant de lire l'explication détaillée que nous en donnons à la fin de ce travail, fig. 2, 14, 16, 17. Certaines particularités sont d'ailleurs plus en relief que chez Y Agelena dans d'autres espèces d'aranéides, où nous avons choisi quelques objets d'aspect différent, mais de structure analogue, et que nous allons décrire rapidement/ La fig. 14 représente une section, intéressant à la fois la paroi posté- rieure de la cavité pulmonaire de la Segestria florentina et le bord libre des lames qui font face à cette paroi. Le buisson chitineux y diffère notablement de celui qui a été décrit plus haut : les troncs y sont beaucoup plus élevés, plus cylindriques, moins ramifiés; leurs branches, peu nombreuses, conser- vent toujours un diamètre plus fort que chez V Agelena. Un coup d'ceil, jeté sur la fig. 17, fera saisir le faciès tout différent du même buisson chez la Mygale : les troncs y sont bien plus trapus et plus noueux ; les branches y naissent et s'y ramifient d'une façon beaucoup plus capricieuse. Le dessin ne saurait rendre avec fidélité le singulier aspect de ces arbres translucides, les jeux de lumière qui s'y produisent, l'imprévu de leurs ramifications désordonnées. La fig. 17. montre bien les cloisons basales des troncs. Mais voici une variété plus curieuse encore, une modification plus profonde de la production cuticulaire. Sur la paroi interne du vestibule, au voisinage de l'embouchure du canal qui fait communiquer les deux sacs pul- monaires, et dont Mac Leod a déjà signalé l'existence, ainsi que dans ce canal lui-même, du moins près de ses orifices, la paroi cuticulaire présente, chez la Segestria, l'aspect qu'on a cherché à rendre dans les fig. 15 et 16. 274 L- BERTEAUX La fig. 16 est une coupe de cette paroi, on y reconnaît les troncs rami- fiés qui nous occupent. Us sont tous dessinés en section optique. Leur aspect rappelle un peu celui du buisson da la paroi postérieure du même animal, mais ils sont bien moins ramifiés encore; beaucoup ne le sont pas du tout, ce sont de belles colonnes droites. Mais le fait le plus remarquable c'est la terminaison de tous les troncs dans une plaque épaisse, supportée par eux, comme par autant de piliers simples ou ramifiés. Cette plaque est creuse, comme les troncs eux-mêmes, et la cavité de ceux-ci s'abouche direc- tement dans la sienne. De plus, elle est perforée d'ouvertures tantôt très larges, tantôt très étroites; celles-ci se constatent le mieux sur la fig. 15, qui représente la plaque vue de face. Le lecteur reconnaîtra aisément, dans la section de cette plaque, fig. 16, la structure que nous lui assi- gnons. Les espaces blancs, dans cette section, appartiennent aux parties de la cavité interne de la plaque, qui ont été coupées transversalement. Les parties grises correspondent à la paroi verticale des pertuis qui traversent la plaque entière, et qui mènent dans les espaces sous-jacents, espaces dans lesquels se dressent les troncs. Les disques de moyenne taille, recouverts d'un léger pointillé dans la fig. 15, correspondent à l'insertion des troncs ou des branches sur la lame inférieure de la plaque. Elles ne sont vues qu'à travers la lame supérieure, grâce à la transparence de cette dernière. Nous les avons recouvertes du pointillé homogène qui, dans nos figures, indique conventionnellement les substances hyalines et homogènes ; les parties laissées en blanc indiquent toujours des cavités. Quoique bien différente des buissons de YAgelena, de YEpeira ou de la Clubione, cette curieuse production, cette étrange plaque perforée et supportée par des piliers est évidemment leur analogue, une réalisation diversifiée du même plan. Sans doute, à première vue, il existe une grande différence entre l'aspect de cette plaque, vue de face, et l'apparence réticulée ou feutrée des buissons examinés de la même manière. Cependant on démêle dans l'une et l'autre de ces images, des parties de même valeur : les espaces séparant les branches du buisson représentent les trous de la plaque en écumoire ; les branches anastomosées ont pour correspondantes les parties solides de la plaque qui limitent ses pertuis. Rappelons au lecteur la fig. 17 de la mygale. N'y voit-on pas beau- coup de rameaux prendre une direction horizontale, ou voisine de l'être? Que ce buisson gagne en simplicité, par la disparition des branches inférieures, et que les rameaux supérieurs prenant tous une direction horizontale s'élar- LE POUMON DES ARACHNIDES 275 gissent suffisamment ; on les verra former une plaque creuse, comme le reste du système, et perforée. Les perforations de la plaque correspondent aux vides qui séparent les branches, et par lesquels la lumière et l'air peuvent pénétrer dans la profondeur de la futaie. Le canal de communication qui relie les deux sacs est garni, au moins à la voûte, chez YAgelena et YEpeira, d'un buisson analogue à celui dont est revêtue la paroi du sac. Ces productions sont fort intéressantes au point de vue de la connais- sance de la membrane cellulaire. Ce qui en fait un objet aussi bizarre que difficile à expliquer dans sa genèse, c'est l'anastomose constante et parfaite des rameaux. Nous ne connaissons ni chez les animaux, ni chez les plantes aucune production qui puisse en être rapprochée exactement ; mais nous reviendrons sur ces faits dans le chapitre II. SCORPIONIDES Rappelons au préalable que la situation des lames dans l'espace n'est pas toujours identique à celle des mêmes organes chez les aranéides. L'ani- mal étant supposé marcher sur un plan horizontal, les lames pulmonaires, au moins dans certains genres, ne sont plus parallèles mais perpendiculaires à ce plan. Par conséquent il ne s'agit plus dans ces descriptions de faces supérieures, ni inférieures. Nous suivrons pour les scorpionides l'ordre que nous avons adopté pour les aranéides, c'est-à-dire, que nous parlerons d'abord des lames (surface et intérieur), puis en second lieu des parois du sac pulmonaire, sur lesquelles nous aurons peu de chose à dire. I. STRUCTURE DES LAMES. Les lames pulmonaires des scorpionides sont construites sur le même plan que celles des aranéides; elles n'en diffèrent que par des détails. Nous y distinguerons aussi deux lamelles réunies par des cellules, et séparées par des espaces où circule le sang. A. Surface des lames. a) Lamelles. Étudions-les d'abord dans le petit scorpion du Midi de la France, V Euscorpius flavicaudis. 276 L. BERTEAUX La fig. 20 représente un segment de section longitudinale. Elle démon- tre que cette espèce se rapproche beaucoup des aranéides dipneumones au point de vue de la constitution générale du poumon. Les lames y présentent une lamelle nue et une lamelle épineuse. Cette dernière est parsemée de pointes libres comme chez les araignées ordinaires. Le bord libre est aussi muni d'une palissade marginale à tiges anastomosées, très semblable à celle des dipneumones et s'avançant comme elle un peu au-delà du bord libre sur la face inférieure. Les pointes libres deviennent excessivement courtes dans cette espèce aux environs du bord adhérent des lames. La fig. 21 les montre déjà fort réduites. Ces lames examinées à plat ne révèlent aucune trace de ce réticulum dont nous avons signalé la présence dans l'épaisseur de la lamelle cuticu- laire épineuse chez les aranéides dipneumones. Le Scorpio indiens présente des détails, qui sans avoir une signification différente de ceux que nous avons mentionnés jusqu'ici, donnent aux lames un habitus tout particulier et méritent une description spéciale. Les fig. 22, 23, 24 y ont trait. Les pointes de la lame épineuse sont longues et robustes et les particularités de leur sommet les distinguent nettement de celles dont nous avons parlé jusqu'ici. Les unes se terminent tout simple- ment en s'effilant et s'incurvant un peu; les autres présentent un coude brusque, poussé parfois jusqu'à l'angle droit, et se terminent de même par une partie effilée en pointes; d'autres, enfin, se divisent en deux ou trois pointes semblables, qui rayonnent alors à partir du sommet. Toutefois ces tiges à sommet libre n'occupent pas toute la surface des lames. Une partie de cette surface, voisine du bord adhérent, présente une conformation toute nouvelle : les tigelles de la lamelle épineuse d'une lame sont adhérentes par leur bout à la lamelle nue de l'autre lame : la fig. 24 représente cette disposition, BC. Au premier abord, nous avons hésité à admettre la réalité de cette soudure; — que l'on se souvienne de la difficulté que nous avait causée la simple application de la lamelle nue contre les piquants de la lame sous-jacente chez les aranéides. Mais en disséquant les lames sous l'eau, nous nous assurâmes qu'elles adhèrent fortement l'une et l'autre aux environs du stigmate, sur une surface étendue. Ajoutons que nos coupes en fournirent bientôt une autre preuve. On y distingue en effet, à l'union de la région libre et de la région soudée, fig. 24 B, certaines tigelles brisées qui demeurent adhérentes à la lamelle nue de la lame voi- LE POUMON DES ARACHNIDES 277 sine. Ce fait ne s'observe jamais qu'à ce niveau, là précisément où les espaces aériens présentent souvent une dilatation brusque, laquelle pourrait bien avoir été la cause de la fracture ou du descellement des quelques premières pointes à sommet soudé. La présence de ces quelques piquants adhérents à la lamelle nue prouve qu'il y a réellement soudure dans cette région. La région à parties libres se délimite très nettement de la région des soudures. On le vérifie facilement sur les lames examinées à plat. La fig. 22 représente, observée de cette manière, un fragment de lame pris sur la limite des deux régions. On y voit d'une part un champ constellé de points ronds ; ces points correspondent à l'insertion des tiges sur la lame supérieure, à laquelle elles se soudent (lame supérieure quand elles sont étalées). Ils diminuent de grosseur vers le bord du fragment qui est la partie la plus voisine du bord adhérent de cette lame. C'est que les tigelles y deviennent plus grêles. Sur le reste du fragment sont disséminées les pointes libres, et c'est leur sommet qui est au foyer du microscope; aussi y distingue-t-on les petits spicules simples ou multiples qui y couronnent les pointes chiti- neuses, ainsi que nous l'avons dit plus haut. Une autre espèce de scorpionides, le Buthas europceus, possède des ornements plus différents encore de ceux qui décorent la lamelle épineuse des aranéides; et, fait digne de remarque, ces détails s'y rencontrent sur l'une et l'autre face des lames. Il n'y a donc pas lieu d'y distinguer une lamelle nue et une lamelle épineuse, toutes deux ont la même structure. Examinons d'abord une lame étalée sur le porte-objet. La fig. 25 en représente un fragment pris à la limite des deux zones, dont nous décrirons les caractères distinctifs. La première (occupant la partie gauche de la figure) montre d'abord un réseau de fortes trabécules limitant des mailles polygonales, toutes allongées dans le même sens. Les trabécules minces et ondulées d'un réseau beaucoup plus serré, aux mailles très irrégulières, serpentent dans les grandes mailles reliant entre elles les fortes trabécules qui limitent celles-ci. La partie droite de la figure appartient à l'autre région. On n'y remar- que au voisinage du bord qu'une foule de points ronds qui sont d'autant plus petits et plus nombreux qu'on les considère plus près du bord. Ces points figurent en coupe les innombrables tigelles que portent les lamelles et que nous reverrons tout à l'heure en étudiant nos coupes. Entre ces parties extrêmes s'étend une région mixte où le réseau s'efface insensiblement en 2?8 L. BERTEAUX marchant de gauche à droite, et en même temps les pointes apparaissent. Ce sont les trabécules du gros réseau qui disparaissent d'abord : elles com- mencent par perdre en épaisseur, et circonscrire en même temps des mailles de forme moins allongée, plus irrégulières. Dès le début de l'amincissement des trabécules, les pointes' surgissent sur leur parcours (sous forme de points ronds si l'on examine les lames étalées). Bientôt on ne distingue plus le gros réseau. En s' atténuant, ses mailles ont fini par se confondre avec celles du réseau délicat, hérissé lui-même alors de piquants chitineux'; mais à peu de distance, ce dernier lui-même commence à s'effacer; il se morcelé et l'on ne voit bientôt plus de ses trabécules que des restes rayonnant à partir de cer- taines tiges. Au delà, toute trace de réseau s'est évanouie. Ces deux réseaux s'observent sur chacune des deux lamelles qui com- posent une lame et, comme le contenu des lames devient translucide par l'ad- dition d'une solution alcaline, il s'ensuit que l'aspect des préparations de ce genre est en réalité très compliqué, car il présente à l'œil de l'observateur le réseau des deux lames à la fois. Les mailles de ces deux réseaux ne présen- tent pas exactement la même direction, ce qui ajoute encore à la complica- tion de l'image. Néanmoins, avec le secours de bons objectifs, on arrive facilement à séparer les deux plans occupés par chacune des lamelles, et à démêler ainsi les détails appartenant à chacune d'elles. Abordons maintenant l'étude des coupes. Celles que nous figurons, fig. 26 et 27, appartiennent à la région où les lames sont adhérentes des deux côtés à la paroi du sac pulmonaire La fig. 26 fait voir l'extrémité de l'une des deux lames; la fig. 27 reproduit l'extrémité opposée de la section de l'une de ces lames. L'aspect de l'espace aérien, fig. 26, surtout à gauche, rappelle celui du même espace décrit précédemment chez le Scorpio in- diens. Les deux lamelles, appartenant à daux lames voisines, y sont réunies par des tiges chitineuses. Ces tigelles sont justement celles-là dont les sec- tions optiques transversales parsèment la partie droite de la fig. 25. Nous avons étudié soigneusement ces tiges à l'aide de l'objectif 1/20 apochroma- tique de Zeiss, et, mieux que chez le Scorpio indiens, nous avons déchiffré leurs rapports avec la cuticule qui les porte. Leur pied montre un élargis- sement notable dans lequel on distingue parfois un petit espace triangulaire clair, limité par deux lignes qui, en se rejoignant, constituent le corps de la petite tige. Celle-ci paraît donc creusée d'un mince pertuis dont la cavité n'est que virtuelle et cette structure les rapproche encore davantage des arbres que nous avons décrits sur la paroi du poumon des aranéides et qui LE POUMON DES ARACHNIDES 279 sont évidemment des productions analogues. Ajoutons que leur paroi comme celle de ces arbres, paraît aussi se continuer avec la lamelle superficielle de la cuticule. La fig. 27 présente un tout autre aspect : les deux lamelles qui limi- tent les espaces aériens, ea, sont ici plus écartées, les espaces aériens sont plus dilatés et leur largeur varie capricieusement d'un point à un autre. C'est qu'en cet endroit, comme chez les aranéides, nul obstacle ne s'oppose à la dilatation de ces espaces; les deux lamelles ne sont plus rivées l'une à l'autre par des tiges chitineuses. Ces deux lamelles présentent sur la coupe figurée une série de tubercules, r; ce sont les seuls appendices que l'on y distingue. Il n'est pas difficile de se convaincre, en parcourant une série de coupes, que ces prétendus tubercules ne sont pas autre chose que les sections transversales du gros réseau, déjà décrit sur la partie gauche de la fig. 25. On trouve sans peine des tronçons de trabécules coupées obli- quement, et, quand les coupes sont un peu renversées sur le côté à la surface du slide, on peut contrôler ce fait de visu : les côtes du gros réseau deviennent en section optique les tubercules de la surface des lamelles. On distingue à leur base, comme à celle des tiges, une petite cavité à section triangulaire et surmontée d'une fente longitudinale. Cette cavité est limitée par deux bandes épaisses et brillantes comme la cuticule. A la base on voit ces bandes s'amincir, puis se continuer avec la couche superficielle de la cu- ticule, fig. 27. Ainsi donc, le réseau à grandes mailles et à trabécules épais- ses est très saillant à la surface de la cuticule et il existe sur les deux lamelles. Ces trabécules apparaissent comme des replis épaissis de la couche super- ficielle de la lamelle chitineuse. Nous pensons qu'il faut envisager les tra- bécules de ce réseau comme les homologues des tiges qui couvrent la lame épineuse des dipneumones ; mais nous réservons la démonstration de cette homologie pour nos remarques et conclusions. b) Bords libres. Nous avons peu de chose à dire du bord libre. Chez VEuscorpio flavi- caudis il est garni d'une palissade marginale, semblable à celle des araignées ordinaires. Chez le Scorpin indiens, au contraire, il est hérissé d'une vé- ritable brosse, br, de piquants effilés et libres de toute anastomose, fig. 23. La couleur jaune brun de ces piquants leur donne l'aspect des formations pileuses et rigides, qu'on rencontre en si grand nombre à la surface des cuticules chez la plupart des arthropodes. 28o L. BERTEAUX Nous n'avons pas à étudier ce bord chez le Bathits, les matériaux nous ont fait défaut. c) Bord adhèrent. Le bord adhérent rie présente rien de remarquable. La fig. 20 nous montre chez Y Euscorpius de larges sinus sanguins, creusés dans la paroi et communiquant avec les cavités sanguines, comme chez les araignées. Nous avons constaté les mêmes faits dans d'autres espèces. B. Intérieur des lames Comme celles des aranéides, les lames pulmonaires des scorpionides renferment des cavités sanguines et des cellules interlamellaires. Chez Y Euscorpius l'aspect de ces parties rappelle presque exactement les aranéides. Les cavités toutefois y atteignent un degré de dilatation plus considérable, fig. 20. Quant aux cellules, il suit delà remarque précédente qu'elles atteignent aussi un degré d'étirement plus prononcé que chez les araignées. A côté de cellules basses et épaisses, on y voit des colonnettes étonnamment grêles;' il en existe de beaucoup plus minces et plus longues que celles de la fig. 20, et presque filiformes. A part cela, leur aspect diffère très peu de celui des colonnettes des aranéides ; les parties cylindriques allongées présentent seulement à un plus haut degré la transparence et la striation que nous y avons signalées. Nous devons attirer l'attention de nos lecteurs sur les deux plus longues colonnettes de la fig. 20, et nous les prions de noter que la colonnette grêle et striée y repose sur un coussinet de protoplasme, où est blotti le noyau ; cette disposition est fréquente aussi chez les aranéides, mais elle n'est figurée dans aucun des ouvrages publiés par nos devanciers. Remarquons enfin l'existence de cellules aplaties rampant sur l'une des lamelles sans avoir de rapport avec l'autre, fig. 20. Chez le Scorpio indiens les lames et tous leurs éléments atteignent des dimensions bien plus fortes que chez les genres précédents, et que chez les dipneumones indigènes étudiées jusqu'ici ; la fig. 24 le prouve. Les cellules interlamellaires y possèdent une taille et une structure remarquables. Les unes, occupant la partie supérieure de la figure, sont des colonnes cylindri- ques hyalines, fortement striées suivant leur longueur ; elles sont au nombre de quatre. Plus bas, on en voit une beaucoup plus large et de longueur un peu moindre. LE POUMON DES ARACHNIDES 28 1 Quelque prononcée que soit leur striation, elles n'ont rien de muscu- laire ; nous connaissons bien des cellules épithéliales présentant des trabé- cules parallèles aussi fortes, et que personne n'a jamais regardées comme des muscles. Une seule d'entre ces cellules contient deux noyaux; les quatre autres n'en possèdent pas. Nous avons trouvé un noyau dans beaucoup de cellules voisines, mais nous avons voulu représenter la section choisie telle qu'elle se montrait à nous. Nous sommes loin de croire que ces cellules ne contenaient réellement pas de noyau, celui-ci était probablement niché dans une petite masse de protoplasme accolée à l'une des lamelles et en continuité avec les colonnes striées, ainsi que nous l'avons constaté en d'autres points des mêmes lames, mais sans le figurer. Notons que ce noyau est aplati, et d'une petitesse extrême. Il peut donc se dérober facilement aux investiga- tions. Son absence ne doit pas nous étonner ici plus que chez les aranéides, où nous avons signalé le même fait en l'expliquant par le voisinage de cel- lules rampantes, dont la colonnette n'est qu'une portion spécialisée. Les cavités sanguines, fort spacieuses, ne diffèrent pas de celles du scor- pion de Nice. Nous y avons vu assez souvent les globules sanguins collés contre les cellules interlamellaires, fig. 23, sans que nous puissions préjuger si cette disposition possède une signification quelconque. Les cellules interlamellaires du Buthus, fig. 26, ne diffèrent que faible- ment de celles du Scorpio indiens. Elles sont un peu moins volumineuses et leur striation surtout est moins accentuée, elles sont plus granuleuses et plus opaques, même quand elles sont cylindriques et allongées. La lame supérieure de la fig. 26 en présente une qui a souffert d'un choc ; on y voit le protoplasme contracté à l'intérieur. La membrane, isolée du côté droit, se montre ici avec plus d'évidence qu'ailleurs ; voilà pourquoi nous attirons l'attention du lecteur sur cette cellule, bien que l'existence de la membrane soit pour nous d'une évidence manifeste sur toutes les cellules interlamel- laires sans distinction. IL PAROIS DU SAC. Nous avons eu peu d'occasions de les étudier intactes, aussi en réservons- nous la description à plus tard, s'il y a lieu. Bornons-nous à signaler, chez VEuscorpius enropœns, l'existence d'un bourrelet mamelonné sur la paroi, là où elle ne donne pas insertion aux lames. Les mamelons qu'il porte sont des massifs formés par les cellules de la matrice cuticulaire, et recouverts d'une mince lamelle chitineuse. Cette lamelle chitineuse est elle-même accidentée de très petits tubercules hyalins. Ces mamelons se retrouvent aussi sur la paroi du poumon chez le Scorpio indiens. 282 L. BERTEAUX CHAPITRE II. REMARQUES ET CONCLUSIONS. Nous nous sommes borné jusqu'ici à la description pure et simple des organes qui ont fait l'objet de nos recherches. Il nous reste à comparer ces résultats avec ceux de nos devanciers, à exposer notre manière de voir au sujet de la signification des divers détails que nous avons étudiés, et à présenter au lecteur certaines remarques qui découlent de l'ensemble de nos observations. A. Remarques sur les observations antérieures. Le lecteur au courant des publications de nos devanciers, et surtout de celles de Mac Leod et de Carl Vogt et Yung, doit avoir remarqué les divergences qui nous séparent. Le moment est venu d'expliquer ces diver- gences et de faire un peu de critique. Nous nous attacherons surtout à la description de Mac Leod, qui est de loin la plus complète et la plus répan- due dans les traités généraux. Occupons-nous d'abord des particularités de la surface des lames. Nous trouvons dans le travail de Mac Leod la phrase suivante qui résume sa description de la face supérieure ou dorsale (notre lamelle épi- neuse) : » Cette cuticule dorsale est recouverte d'une véritable forêt de piquants » chitineux placés régulièrement les uns à côté des autres. Les sommets de y ces piquants sont reliés entre eux par des branches transversales, de sorte » qu'il existe, à une certaine distance au-dessus de la cuticule un treillis » chitineux soutenu par les piquants. « (1) Nos résultats ne nous permettent pas de déclarer cette description, dans son ensemble, exacte et complète ; nous ferons à son sujet les remarques suivantes : i° Dans les genres qui ont fait l'objet de nos observations les pointes chitineuses ne sont pas disposées aussi régulièrement que Mac Leod semble l'indiquer. Notre fig. 4 donne une idée de leur espacement réciproque, qui varie dans des limites assez étroites, il est vrai, mais suffisantes pour rompre l'alignement en séries parallèles. Ii) J. Mac Leod : Loc. cit , page 8, premier alinéa. LE POUMON DES ARACHNIDES 283 2° Chez les dipneumones (au moins chez les espèces que nous avons étudiées), les pointes chitineuses sont libres, et non réunies par leur sommet de manière à constituer un treillis. Rappelons toutefois que nous avons formulé deux exceptions : l'une à propos de la palissade marginale; l'autre concernant la lamelle épineuse de la lame pulmonaire supérieure. Ces faits se constatent sur des coupes bien perpendiculaires au plan des lames et suffisamment minces, pourvu que l'on ait soin de choisir les endroits où les lames sont écartées l'une de l'autre, disposition représentée en divers points de nos fig. 3, 5, 7, 8, etc. Hàtons-nous d'ajouter que notre opinion sur cette constitution de la lame épineuse ne s'est assise qu'après d'assez longues hésitations. Nous nous demandions, au début de ces recherches, si la séparation des lames et leur indépendance réciproque étaient bien une disposition naturelle, et non une altération due aux manipulations. Théoriquement, on pourrait en effet concevoir ces lames comme étant réunies par des tiges chitineuses, scellées aux lamelles opposées par leurs deux extrémités ; les pointes à bout libre proviendraient alors d'une fracture. Mais nos doutes se dissipèrent lorsque des champs entiers de lames écar- tées se furent montrés dans nos coupes. Les pointes étaient toujours alors fixées sur la lamelle supérieure ou dorsale des lames; jamais, chez les aranéides, nous n'avons pu en découvrir le moindre fragment sur la lamelle inférieure, ou lamelle nue. L'objet n'est donc pas des plus faciles à étudier; la présence d'un treillis ou palissade marginale, au bord libre des lames, ainsi que sur toute l'étendue de la lamelle épineuse de la lame supérieure, a pu facilement induire Mac Leod en erreur, au sujet des tiges chitineuses che\ les dipneu- mones. Le fait suivant prête encore à illusion. On voit dans notre fig. 6, par exemple, des piquants recourbés à leur sommet à des degrés variables, parfois à tel point que la portion supérieure fait un angle droit avec la por- tion inférieure Les tronçons infléchis s'entrecroisent en ogives ou en arceaux, et leur ensemble, surtout dans les coupes un peu épaisses, figure souvent une suite de trabécules unissant les sommets, comme dans la palissade mar- ginale ou sur la dernière lame. Ces incurvations se rencontrent surtout aux environs de la palissade marginale; cela n'a rien d'étonnant, car nous avons vu que les tiges sont généralement plus longues vers le bord libre que près du bord adhérent. 284 L- BERTEAUX Des actions mécaniques, le contact de la lame voisine surtout, peuvent y produire plus facilement qu'ailleurs la flexion des tigelles. C'est à la minceur de nos coupes et à l'emploi des excellents objectifs apochromatiques de Zeiss, que nous devons d'avoir élucidé ces apparences trompeuses. Enfin, la présence d'une palissade, ou treillis continu, sur toute la surface des lames chez la Mygale, fig. 18, doit encore avoir confirmé Mac Leod dans une opinion qu'il a le toit de vouloir étendre à toutes les lames et à tous les arachnides. 3° Un autre détail qui peut avoir eu de l'importance aux yeux de Mac Leod pour prouver l'anastomose des tigelles par leur sommet, c'est l'existence d'un réseau dans l'épaisseur de la lamelle épineuse. Les trabécules de ce réseau réunissent la base des tiges, et non leur sommet; cependant, à l'examen des lames étalées, il n'est pas toujours aisé de reconnaitre le niveau du plan qui les contient et, sans l'étude préalable des coupes, l'ob- servateur s'y tromperait facilement. En fait, Mac Leod ne décrit nullement ce réseau; il n'en signale pas même l'existence. Néanmoins, nous persistons à croire qu'il l'a eu sous les yeux en examinant, comme il déclare l'avoir fait, les lames pulmonaires étalées sur le slide; et nous croyons en trouver une preuve, en même temps que l'explication de son silence au sujet du réseau basai, dans la description de la lamelle cuticulaire, qu'il nous fait dans les termes suivants : r> D'autre part, comme Chun l'a déjà démontré, et comme nous avons r, eu nous-même l'occasion de le constater, les lamelles pulmonaires d'arai- r> gnée, traitées par le nitrate d'argent suivant les méthodes ordinaires, lais- » sent voir à leur surface des champs polygonaux, délimités par un dépôt y> d'argent absolument comme un enclothélium ordinaire. Nous croyons que » ces champs sont des limites de cellules appliquées sous forme de lamelles » d'une extrême ténuité à la face interne de la cuticule chitineuse des la- » melles pulmonaires. Vers le centre de chacun de ces champs se trouve r> placé le noyau cellulaire au milieu d'une petite portion de protoplasme y qui fait saillie dans la cavité interne de la lamelle (î). « Pour notre part, nous avons échoué dans toutes nos tentatives d'obtenir à l'aide du nitrate d'argent la délimitation de cellules sous-cuticulaires, autres que les cellules interlamellaires espacées qui constituent les colonnes unis- (i) Mac Leod : op. cit., page 21, quatrième alinéa. LE POUMON DES ARACHNIDES 285 sant les deux lamelles. Les » champs polygonaux délimités par le nitrate d'argent « ne sont autre chose que les mailles du réseau qui unit la base des tiges chitineuses. Les trabécules de ce réseau se colorent un peu par le nitrate d'argent. Mais elles appartiennent en propre à la cuticule même, et nullement à un épithélium sous-cuticulaire continu. Nous reviendrons plus loin sur ce point; il nous suffit d'avoir établi que le réseau de la cuticule cpineuse, reporté par l'œil à un niveau supérieur à celui qu'il occupe, peut avoir induit le savant de Gand en erreur, en lui faisant considérer les épines comme réunies à leur sommet par des branches anastomotiques. 4° Enfin, la description que Mac Leod applique à l'ensemble des arachnides pulmonés est encore moins complète pour les scorpionides que pour les aranéides. Il nous suffira de rappeler qu'elle ne fait mention ni du remarquable réseau saillant que portent les deux lames cuticulaires chez le Buthus, ni des appendices de forme diverse que porte la lame épineuse chez le Scorpio indiens, ni des brosses de couleur foncée qu'y présente le bord libre, ni enfin de la réunion des deux lamelles qui limitent les espaces aériens par des tiges soudées, chez ces deux espèces. Quant aux appendices qui garnissent les parois de la cavité pulmo- naire il paraît leur assigner la même structure qu'à ceux qui garnissent les lames: "... les bords libres des lamelles, dit-il, sont tous munis de piquants » chitineux, ainsi que les parois de la cavité pulmonaire, cp. « Il ne décrit nullement les curieuses particularités de la structure de ces buissons anastomosés. Passons à la description que le même auteur fait de la structure interne des lames. i° Nous rencontrons dans son exposé deux phrases qui nous parais- sent peu conciliables. Voici la première : » Comme la lamelle pulmonaire ne •n renferme, en dehors des globules sanguins dont l'aspect est très caracté- » ristique, aucun autre élément cellulaire, nous devons considérer ces colon- » nettes comme des éléments chitinogènes (1). « Nous nous trouvons entièrement d'accord sur tous les points exprimés dans cette phrase; mais, cinq lignes plus loin, l'auteur affirme ce qui suit : » Nous croyons que ces champs sont des limites de cellules appliquées y sous forme de lamelles d'une extrême ténuité à la face interne de la cuticule » chitineuse des lamelles pulmonaires. « Il ajoute même : •> Vers le centre (1) Mac Leod : Op. cit., p. 21, troisième alinéa 20 | 286 L. BERTEAUX - de chacun de ces champs se trouve placé le noyau cellulaire au milieu » d'une petite portion de protoplasme qui fait saillie dans la cavité interne » de la lamelle(i). « Quoi qu'il en soit, nous avons expliqué, p. 264 et 265, la vraie signifi- cation de ces » champs polygonaux. „ Ils ne correspondent nullement à une couche de cellules, mais bien au réseau propre de la lamelle. Entre les cellules constituant les colonnes interlamellaires, en dehors des endroits où l'on constate des cellules aplaties rampant à la surface d'une des lamelles, la face interne de celles-ci est nue sur des plages entières. Les cellules interlamellaires, colonnaires ou rampantes, que nous avons décrites, con- stituent les seuls éléments des lames pulmonaires qui puissent mériter le nom de cellules chitinogènes. Tels sont les faits qui découlent de nos observations. 20 La structure que notre honorable devancier assigne aux cellules interlamellaires ne s'accorde pas davantage avec nos résultats. Notons d'abord qu'il ne signale pas ces amas de protoplasme munis d'un noyau, que l'on rencontre de temps en temps appliqués contre une seule des lamelles, et que nous appelons cellules interlamellaires aplaties ou ram- pantes. Nos figures semblent prouver que Mac Leod ne peut avoir ces éléments en vue, quand il décrit les prétendues cellules sous-cuticulaires » dune extrême ténuité «, dont les limites constitueraient des champs polygonaux analogues à un endothélium ordinaire; il ne figure d'ailleurs pas ces cellules sur ses coupes, fig. 29. D'après Mac Leod, les colonnes renferment » habituellement deux, rarement trois noyaux (2). « C'est vrai; mais nous avons ajouté que, très souvent aussi, elles n'en contiennent qu'un seul et on en trouve facilement qui n'en possèdent pas. Nous avons interprété cette dernière éventualité en considérant la colonne, dans ce cas, non comme une cellule complète, mais comme une portion limitée du protoplasme d'une cellule adjacente aux deux lamelles; le reste du protoplasmecontenant les noyaux se voit souvent à côté de la colonne appliquée contre une seule de ces lamelles, fig. 5 et il. Mais l'auteur ne se borne pas à signaler ce fait ; il va plus loin et, pour expliquer la genèse de ces éléments, il considère chaque colonne comme résultant de la fusion de deux cellules primitivement libres (2). il) Mac Leod : Op. cit., p. ai, quatrième aliné.i (2 Mac Leod : Ibid , p. 22, premier alinéa. LE POUMON DES ARACHNIDES 287 Remarquons d'abord que l'existence fréquente de deux noyaux dans les colonnes ne prouve nullement qu'elles soient formées de deux cellules. Com- bien de cellules possèdent deux noyaux — ou plus - pendant une longue période de leur vie? Contentons-nous de citer, dans le règne animal, les cellule du foie de beaucoup d'espèces, et, parmi les plantes, les cellules du parenchyme, etc., etc. Toutefois, d'autres apparences observées chez l'adulte l'ont aussi amené à attribuer aux colonnettes ce mode de genèse embryonnaire, ou du moins à les considérer comme formées de deux cellules : » Celle-ci (la colonnette) renferme en effet, écrit-il, les deux noyaux des » deux cellules par la réunion desquelles elle est constituée ; de plus, dans » certains cas, (deux ou trois fois) nous avons vu vers la moitié de la hauteur » de la colonnette une ligne transversale très distincte par laquelle elle était » séparée en deux : ce sont ces dernières images qui nous ont conduit à - l'interprétation que l'on vient de lire (1). « Quant à nous, nous n'avons jamais constaté cette ligne transversale sur les objets bien conservés; et nous devons ici nous séparer aussi de Ray Lankester qui figure cette ligne sur un certain nombre de colonnes dans une coupe, chez Y Androctonus (i). Sa présence doit constituer une particularité tellement rare, qu'elle ne nous autorise nullement à regarder les colonnes en général comme bicellulaires. » Voici dans quels, termes Mac Leod décrit la genèse des colonnes : » En regard d'une saillie quelconque appartenant à la cuticule se trouve » placée sur l'autre cuticule de la même lamelle une autre saillie semblable : * ces deux saillies se touchent, se réunissent, se fusionnent et finissent par y> ne plus constituer qu'une masse unique, la colonnette (3). - C'est là une hypothèse. Ajoutons du reste que ces saillies — non figurées du reste - correspondent aux prétendues » cellules appliquées sous forme de lamelles d'une extrême ténuité à la face interne de la cuticule. * Or, nous avons dit que ces éléments n'existent pas ; il nous paraît donc impossible de soutenir cette hypothèse. Les colonnes sont unicellulaires, même dans les cas où elles contiennent plusieurs noyaux. 4° En outre, Mac Leod a signalé dans les colonnes une particularité remarquable; il y distingue une portion musculaire, et voici en quels termes (1) Mac Leod . Op. cit., p. 22, deuxième alinéa. (2) Ray Lankester : On certain points, etc. Loc. cit (3) Mac Leod : Op. cit., p. 22. 288 L BERTEAUX il la décrit. » De plus ces colonnettes présentent une particularité très » curieuse dont la constance ne s'est démentie sur aucune des nombreuses » préparations que nous avons examinées. En un endroit du pourtour y> de la colonnette se trouve toujours une portion plus réfringente que le ■x reste. Cette portion, Pl. I, fig. 4, m, a des contours très nets : elle r> est limitée latéralement par des lignes droites et absorbe faiblement » les réactifs colorants. Nous n'avons pu y découvrir une trace de structure » quelconque. Nous croyons que cette partie à contours nets est de nature » musculaire (1). « Cette portion musculaire est indiquée m dans sa planche I, fig. 4 que nous avons reproduite fig. 29. Elle y revêt la forme d'une colonnette très régulière, anhiste, occupant tantôt le milieu, tantôt le bord de la colonne interlamellaire. Nous n'avons pu découvrir une portion musculaire dans ces colonnes. Nous le savons, une observation positive a le pas sur une observation négative. Néanmoins, si, en dépit des meilleurs objectifs apochromatiques, et malgré la multiplicité de nos observations et la variété de nos méthodes de fixation, une particularité, signalée comme constante, nous a toujours échappé, nous nous croyons autorisé à en contester l'existence. Ajoutons que Locy ne la figure pas chez les jeunes Agelena naevia; il dit au contraire qu'il n'a pu parvenir à l'y découvrir. Ray Lankester ne la signale pas davantage chez Y Androctonus. Nous avons cherché en vain dans nos préparations un détail quelcon- que qui nous pût expliquer la fallacieuse apparence dont l'auteur doit avoir été le jouet. Quoi qu'il en soit, nous soutenons que les colonnettes interlamellaires sont formées de protoplasme ordinaire, comme l'indiquent nos figures, et qu'elles ne contiennent pas de portion musculaire. En terminant cette revue des recherches de Mac Leod, nous prions le lecteur de comparer l'ensemble de nos figures, ayant trait à la structure des lames, à la fig. 4 de Mac Leod, qui se rapporte au même objet, et que nous avons reproduite, fig. 29, avec beaucoup d'exactitude, quoique par un procédé différent du sien. Il est regrettable que le savant de Gand ait schématisé toutes ses figures. Ce procédé rend difficile la critique d'une publication qui paraît d'ailleurs le fruit d'un travail consciencieux et de laborieuses recherches. (1) Mac Leod : op. cit., p. 2:, troisième alinéa LE POUMON DES ARACHNIDES 289 L'étude de YEpeira publiée par Carl Vogt et Yung n'est pas un mé- moire descriptif spécial comme, celui de Mac Leod; ce n'est qu'un cha- pitre de leur traité d'Anatomie comparée pratique. Leur description est donc, comme de juste, beaucoup plus sommaire. Ils sont d'accord avec Mac Leod sur la plupart des points, tout en s'écartant de sa description au sujet de certains détails que nous allons examiner rapidement. D'après eux, la lamelle épineuse ou feuillet dorsal » porte sur sa face r, interne une grande quantité de petits poils ramifiés dont les extrémités » libres se touchent presque toutes de manière que les ramifications s'en- chevêtrent les unes dans les autres (1). « Ainsi donc, au lieu de tiges simples, ce sont des poils ramifiés qui s'enchevêtrent, mais sans s'anasto- moser, — ils l'admettent implicitement. - Malgré ces inexactitudes, leur description est plus proche de la vérité que celle de Mac Leod, car elle comporte l'existence de bouts libres, non anastomosés, et la figure qui l'ac- compagne les représente en effet, fig. 104 B. Pour ces deux savants, les cellules interlamellaires sont des ponts; ils ne précisent pas davantage. Remarquons en passant qu'ils n'y signalent pas de portion musculaire. Ils paraissent avoir étudié la paroi du sac pul- monaire à l'aide d'objectifs plus puissants que ceux dont Mac Leod a fait usage, et leur figure du buisson pariétal, quoique très élémentaire, en donne une représentation schématique un peu plus exacte. W. Locy (2) ne traite du poumon qu'au point de vue génétique. Cepen- dant nous tenons à signaler la figure qu'il donne du poumon d'une très jeune Agelena naevia comme la plus exacte de celles que nous ayons rencontrées, au point de vue de l'aspect des cellules sous un grossissement assez faible. L'auteur a pourtant le tort d'admettre que les colonnes sont bicellulaires. B Remarques cytologiques sur divers détails de la structure du poumon. 1° Signification de la lamelle chitineuse qui tapisse la cavité pulmo- naire et ses lames. Nous avons souvent désigné cette membrane sous le nom de cuticule; Mac Leod et beaucoup d'autres auteurs font de même. Mais nous ne som- mes pas absolument certain d'être tout à fait d'accord avec ces micrographes (1) Carl Vogt et Yung : Loc. cit., p. 23 1. (2) W. Locy : Loc. cit. 290 L. BERTEAUX au sujet de la signification du terme lui-même. C'est pourquoi nous jugeons utile de préciser ce que nous entendons par cuticule, en répétant ici la défi- nition qu'en donne le professeur Carnoy dans ses leçons. - Une cuticule est une membrane continue formée par la soudure d'un » certain nombre de membranes, produites par la différentiation directe du - protoplasme d'autant de cellules sous-jacentes. La portion de cuticule » qui correspond à une cellule-matrice est la face cuticulaire de cette » cellule. - Telle est la valeur cytologique de la lame formée de chitine qui tapisse les parois et les lames de la cavité pulmonaire. Il n'est donc pas étonnant que Carl Vogt et Yung aient cherché en vain à distinguer une » conforma- tion cellulaire « dans cette membrane. Mais les rapports des cuticules avec leur couche de cellules formatives, appelée aussi matrice, présentent de nombreuses variétés, et quiconque s'est occupé de l'histologie des arthropodes doit l'avoir constaté. Citons-en deux variétés : la cuticule à matrice continue et la cuticule à matrice discontinue. La membrane pariétale de la cavité pulmonaire paraît être une cuticule à matrice continue, aussi bien que la cuticule dermique dont elle n'est qu'une réflexion interne. Au contraire, la cuticule des lames est à matrice discontinue. Cette dernière est formée exclusivement par les éléments qui consti- tuent les colonnes interlamellaires et les cellules rampantes. Ces cellules interlamellaires sont espacées les unes des autres et, entre elles, il existe des plages entières de cuticule nue à sa face interne. Ces sur- faces sont exagérées dans les figures de Carl Vogt et Yung et de Mac Leod. Ces auteurs n'ont pas remarqué en effet que le protoplasme des cellules colonnaires s'étale souvent sur une assez large surface, tout autour des points d'insertion des colonnes. Ils n'ont pas fait non plus mention des éléments aplatis que nous appelons cellules rampantes. Les" parties nues occupent, dans leur plan général de la lame pulmonaire, une surface beaucoup trop étendue. Néanmoins, répétons-le, les surfaces nues y sont considérables. Mais ce mot surface nue nous oblige à préciser notre pensée, car les cytologistes de l'avenir pourraient nous demander si nous sommes entière- ment certain de la nudité absolue de cette surface. Répondons d'avance que non. Nous pensons que la dernière couche cuticulaire des plages nues n'est pas la couche même qui est adjacente au LE POUMON DES ARACHNIDES 291 protoplasme, au niveau de l'insertion des cellules sur la cuticule. Ce n'est pas la dernière couche de la cuticule proprement dite. En effet, la mem- brane qui revêt les faces latérales des cellules colonnaires s'amincit, avons- nous vu, en gagnant le pied des colonnes, et là, elle se perd insensiblement sur la cuticule, fig. il, 24, 26 et autres. Il est donc possible que la dernière couche de la paroi chitineuse des cavités sanguines ne soit pas la dernière couche cuticulaire, mais une membrane cellulaire complète, en continuité avec la membrane des faces latérales des colonnettes. Il serait extrêmement difficile de constater ce fait sur les lames pul- monaires des arachnides, à cause de la minceur des membranes, et nous y avons renoncé. Mais, quoi qu'il en soit, nous croyons que le professeur Carnoy a raison de considérer l'accroissement des productions cuticulaires nues, tel que celui des lamelles pulmonaires que nous avons constaté chez YEpeira diademata, fig. 12 et 13, comme une preuve de la nutrition des membranes par intussusception; car, pour y admettre l'accroissement par juxtaposition, il faudrait soutenir qu'une couche de protoplasme infiniment mince existe encore entre la dernière couche cuticulaire proprement dite et la mince membrane interne dont nous avons parlé; mais l'existence de cette couche ne peut être constatée avec nos moyens d'investigation. 2° Signification des appendices chitineux des lames et des pavois. Nous réunissons ces deux espèces d'appendices, parce que nous les considérons comme exactement homologues et de même valeur. Quelque grande que soit la différence entre les buissons compliqués de la Mygale et de la Segestria fiorentina, ou même le bouclier perforé plus étrange encore de cette dernière, et les simples tiges rectilignes de Y Agelena ou de YEu- scorpius, ces productions, au point de vue cytologique, sont de même nature : toutes sont des particularités des couches superficielles de la cuticule, n'intéressant pas la couche profonde. Leur étude rentre donc dans l'histoire de la membrane cellulaire. Nos figures nous permettront sans peine d'établir cette thèse. Elles démontrent en effet que la cavité des appendices cuticulaires, quand elle est visible, n'est jamais en communication directe avec le proto- plasme. Une mince membrane l'en sépare toujours. Cette cloison séparatrice c'est la couche profonde de la cuticule. Rappelons l'attention du lecteur sur quelques-unes de nos figures. Les fig. 2, 14 et 17 lui montrent, au pied des stipes du buisson pariétal de Y Agelena, de la Mygale et de la Segestria, et 292 L. BERTEAUX la fig. 16, à la base des piliers du bouclier de cette dernière, une mince membranule, une cloison séparant le protoplasme d'avec la cavité des ap- pendices. Nous avons dit que cette mince membrane se continue avec la couche inférieure de la cuticule. D'autre part, les fig. 6, 9. 14, 19 et 23 démontrent que le petit triangle vide, ainsi que la cavité linéaire qui le surmonte dans les espèces à grosses tiges libres, sont de même séparés du protoplasme par une fine lamelle cu- ticulaire, la couche profonde de la cuticule. Enfin, le même fait est évident chez le Buthus, à la base des sections transverses des trabécules du gros réseau saillant qui décore les deux lamel- les, fig. 27. Sans aucun doute, il faut regarder les trabécules de ce réseau du Buthus comme les homologues des pointes chitineuses ordinaires des lames. Un fait qui paraît confirmer cette manière de voir, c'est l'apparition des tiges sur le parcours même des trabécules, dans la zone-limite, au moment où ces trabécules s'amincissent pour se confondre sans tarder avec le réseau mince, fig. 25 et 26. Ce dernier n'est pas visible en coupe ; il est l'homologue de celui dont nous avons signalé la présence chez les di- pneumones. Il disparaît lui-même dans la partie voisine du bord libre de la lame, où les tiges s'élèvent d'une surface non réticulée, comme chez la Mygale. Mais une autre particularité de la surface des lames paraît plus difficile à expliquer. C'est le système de tiges soudées aux deux lamelles, que nous avons décrit chez le Scorpio indiens, et surtout chez le Buthus. Dans le premier cas, il est évident que l'adhérence des piquants à la lamelle nue est le produit d'une soudure secondaire. Mais chez le Buthus, où les deux lamelles portent les mêmes détails, où les deux extrémités de chaque tigelle unissant les lamelles, dans toute une région de la lame, présentent la même disposition et le même aspect, on pourrait émettre un doute au sujet de leur signification. Il est à regretter que le développement embryonnaire des lames nous soit si peu connu, car la genèse de ces tigelles pourrait seule nous donner la certitude au sujet de leur valeur. Si l'on constatait que les pointes de chaque lamelle sont unies et forment une seule tige, dès le début, on pourrait voir dans ces tiges des productions analogues aux ponts intercellu- laires dont notre ami Manille Ide a étudié le premier la genèse dans les LE POUMON DES ARACHNIDES 293 épithéliums digestifs du veau (1). Ce seraient alors des productions appar- tenant à la structure interne de la membrane cellulaire. Ceci supposerait que les cellules qui constituent chacune des lames voisines dans cette région sont nées, par division, d'une seule couche cellulaire primitive; ce qui n'est ni impossible, ni démontré. Mais nous avons tout lieu de croire que les tiges unissantes ont exactement la même valeur que les autres détails de la cuticule : celle de soulèvements particuliers, de protu- bérances externes des couches périphériques de la membrane. Elles ré- sulteraient donc d'une soudure, ou plutôt d'une coalescence, entre les protubérances des deux lames, chez l'embryon du Buthus, ou entre les protubérances de la lamelle épineuse et la face externe de la lamelle nue chez celui du Scorpio indiens. Cette soudure se produit sans doute de très bonne heure, à la naissance des deux cuticules et alors qu'elles sont encore faiblement incrustées. Toutes les productions saillantes des lames et des parois sont donc de même nature : ce sont des soulèvements particuliers des couches périphé- riques de la cuticule. Nous ne disons pas de simples soulèvements, mais des soulèvements particuliers, et dont le développement doit être accom- pagné de phénomènes d'accroissement ménagés d'une façon spéciale. En employant ce terme soulèvement, nous pensons exprimer un mou- vement qui se produit réellement dans la genèse de ces détails étranges. Nous possédons en effet certaines données sur l'accroissement des plus simples d'entre eux, les tigelles à bouts libres; voici ces faits. W. Locy a observé et figuré les lamelles constituant les lames sous forme de deux membranes très minces et absolument lisses, sans la moindre trace de productions ou appendices saillants, chez l'embryon de YAgelena naevia, espèce qui possède à l'état adulte des piquants chitineux très déve- loppés. Un peu plus tard il constate sur ces mêmes lamelles de légers tubercules. Nous-mêmes nous avons étudié le poumon de jeunes Epeira diademata, peu après l'éclosion de l'oeuf. Nous y avons trouvé des lames bien constituées, fig. 13, mais dont les lamelles épineuses portaient déjà des rudiments de tigelles, à diverses étapes de leur développement. Elles sont encore à l'état de simples tubercules sur l'une des deux lames figurées, et déjà on remarque à leur base une membrane continue qui ne prend (1) Manille Ide : La membrane des cellules du corps muqueux de Malpighi; La Cellule, t. IV, 2" fascic, 1888. 205 2Q4 L. BERTEAUX aucune part à leur formation. Or, chez l'adulte, fig. 12, les pointes sont de longueur moyenne, à peu près comme dans la Tetragnatha. Les petits tubercules en question doivent donc s'allonger beaucoup dans la suite du développement. Et puisqu'ils contiennent une cavité, ou tout au moins une fente, on doit considérer leur formation comme un phénomène de soulèvement dû à un accroissement particulier siégeant en une multitude de points épars à la surface de la lame cuticulaire, et n'intéressant que les couches périphériques de cette lame. Chez le Buthus, le soulèvement est accompagné, ou plutôt causé par un accroissement, un épaississement considérable de certaines parties des feuil- lets superficiels; de plus, au lieu d'être limité à des foyers ponctiformes, le phénomène se produit suivant un système de lignes qui, en s'entrecroisant, constituent le réseau saillant. La genèse des buissons pariétaux et des palissades est plus difficile à concevoir. Toutefois, l'évidente homologie de ces productions avec les tiges libres et l'étude du réseau du Buthus nous permettent de regarder leur forma- tion comme un phénomène du même genre, mais un peu plus compliqué. La difficulté consiste à expliquer les branches anastomotiques. Il nous répugne d'admettre que ces arceaux, qui unissent les divers arbres, soient le résultat de la rencontre et de la soudure secondaire d'une série de rameaux s'échappant des troncs et se soudant d'arbre à arbre, comme Mac Leod semble l'admettre dans son travail sur les trachées (1). L'absence complète de bouts naturellement libres et de traces de suture nous ont fait rejeter cette hypothèse. Tout le système doit s'être formé d'une pièce, et l'union des divers troncs est originelle, et non secondaire. Mais alors comment comprendre la formation des branches? Le réseau du Buthus nous mettra peut-être sur la voie. Que l'on sup- pose une cuticule embryonnaire portant un réseau analogue; il suffit que certaines portions des trabécules de ce réseau se détachent de la surface cuticulaire, s'arrondissent et se transforment en tubes, puis, que les parties non détachées s'allongent perpendiculairement, pour que l'on obtienne un système analogue aux buissons ou aux palissades. Ce n'est qu'une hypothèse, mais elle paraît plausible. En fait, répétons-le, ces diverses productions homologues sont évidem- ment des détails de la couche superficielle de la cuticule ; cela est indubi- (1) Mac Leod : La structure des trachées et la circulation péritrachéenne. Bruxelles, 1880. LE POUMON DES ARACHNIDES 295 table, parce que leurs parois sont en continuité directe avec cette couche. Leur cavité, petite ou grande, simple ou compliquée, est donc une cavité intracuticidaire . Des productions du même genre existent à la surface de beaucoup de cuticules; beaucoup de poils cuticulaires ont une structure semblable. Notons enfin que l'accroissement de ces tiges, réseaux ou arborisations anastomosées, constitue une belle preuve de la nutrition par intussusception. C. Signification histologique des lames pulmonaires Pour faire à leur sujet une remarque purement histologique, dans le sens étymologique de ce mot, nous dirons que les lames pulmonaires des arachnides constituent un tissu tout particulier, qu'on pourrait appeler tissu interrompu. On pourrait tout aussi bien l'appeler tissu caverneux, mais les anatomistes, auxquels un usage invétéré conserve à tort le nom d'histolo- gistes, ont donné ce nom à des productions de nature toute différente. On pourrait définir ce tissu : un épithélium interrompu produisant une cuticule par ses deux faces. Monsieur le professeur Gilson nous dit qu'on trouve chez les arthro- podes d'autres exemples de tissus semblables. D. Signification morphologique des poumons. Leurs rapports morphologiques avec les trachées. Nous avons vu que les auteurs ont discuté autrefois sur la signification des sacs respiratoires des arachnides. Les uns y voyaient des branchies, les autres des poumons. Plus récemment, Mac Leod, ayant étudié simultané- ment les branchies des limules et les poumons des arachnides, établit l'ana- logie remarquable de la structure de ces deux organes, et les considéra comme homologues. Cet auteur regarde aussi comme homologues les trachées des arachnides et leurs poumons. Nos résultats nous permettent de confirmer partiellement cette ma- nière de voir dans ses grands traits, mais nous obligent aussi à ajouter aux considérations de Mac Leod quelques remarques additionnelles ou restrictives. 296 L- BERTEAUX i" Le principal caractère qui établit l'homologie des poumons des arachnides et des branchies de la limule, ce n'est pas; à notre avis, la pré- sence d'une cavité pulmonaire, mais l'identité de structure des lames res- piratoires. Nous n'avons pas contrôlé les recherches de Mac Leod sur la limule; mais, en acceptant son schéma de la structure des lames, nous trouvons dans celles-ci, comme dans celles des arachnides, un épithélium interrompu, produisant une cuticule par ses deux faces opposées et creusé de sinus sanguins. Mais les branchies des limules ne sont pas les seuls organes qui pos- sèdent ces caractères. Beaucoup d'autres lamelles branchiales ont la même structure, Citons comme exemple, les appendices abdominaux des édrioph- thalmes. Notre fig. 28 représente une coupe transversale des lamelles bran- chiales du Gammarus pulex. On y reconnaît facilement des lamelles cuticu- laires, supérieure et inférieure, des cellules interlamellaires et des cavités dans lesquelles le sang charrie ses globules. La principale différence qui distingue ces branchies des lames appelées pulmonaires, chez les arachnides que nous avons examinés, c'est l'absence de surfaces cuticulaires nues. Les sinus sanguins sont tapissés de tous côtés par le protoplasme des cellules, au moins dans la région figurée, et les échanges gazeux de la respiration doivent s'effectuer à travers cette couche relativement épaisse. Mais ces sinus ne sont pas moins, dans les deux cas, les cavités intercellulaires d'un tissu caverneux; ici comme là, elles résultent d'un écartement des cellules. Seulement, chez les arachnides, cet écartement a été poussé beaucoup plus loin, et il en est résulté la production de vastes espaces sanguins, limités en partie par des surfaces cuticulaires apparemment nues. Il n'y a là qu'une différence du plus au moins. Nous distinguons chez le Gammarus un autre détail différentiel, et dont nous avons nié l'existence chez les diverses espèces d'arachnides dont nous avons fait l'étude : nous voulons parler de la ligne séparant transversalement en deux parties les colonnes qui unissent les lamelles cuticulaires. Cette ligne est ponctuée, traversée par des trabécules du réticulum, et elle présente l'aspect des membranes cellulaires de récente organisation; elle manque assez souvent. Il paraît donc évident que l'épithélium caverneux dérive d'une seule couche de cellules qui parfois subissent une division incomplète; tandis que chez nos arachnides elles restent indivises. Notons en passant que les figures de Locy, malgré le faible grossissement sous LE POUMON DES ARACHNIDES 297 lequel elles ont été prises, indiquent que les lames, à leur début, sont formées aussi d'une seule couche de cellules. Tout ceci est encore en oppo- sition avec l'hypothèse, émise par Mac Leod, de la genèse des colonnes par soudure des prolongements de cellules sous-cuticulaires aplaties. L'homologie des lames pulmonaires des arachnides, des limules et des édriophthalmes paraît donc évidente. Ces derniers présentent le cas le plus simple : leurs branchies sont de simples bourgeonnements aplatis, lamellaires et caverneux de l'ectoderme, situés à la base des pattes et sail- lants à la surface du corps. Les cellules qui les constituent ne sont que faiblement écartées, au moins dans la partie extérieure, et limitent des sinus sanguins étroits. Chez les arachnides et les pœcilopodes, ce sont encore des appendices de même nature; mais ils sont réunis en nombre variable à la surface de l'abdomen; de plus, cette surface, à leur base d'implantation, s'est invaginée dans l'intérieur du corps, de telle sorte que les lames se trouvent enfermées dans un sac profond. Enfin, les cellules interiamellaires y sont très espacées les unes des autres, et limitent de très larges sinus ou cavités' sanguines. Voir les fig. 30, 31, 32, 33, Pl. II. 2° Quant aux rapports des trachées des aranéides dipneumones avec les poumons des tétrapneumones et des scorpionides, nous les comprenons de la manière suivante. Sans doute, il faut .considérer comme des organes homologues, au point de vue morphologique pur, les poumons de la deuxième paire chez les tétra- pneumones et les trachées qui occupent leur place chez les dipneumones; sous ce rapport, nous adhérons pleinement à une manière de voir très juste, exposée avec précision par Mac Leod. Mais nous regardons comme tout à fait artificielle la relation plus intime que divers auteurs voudraient établir entre ces organes, en disant que les poumons sont des trachées, mais des trachées modifiées. » Chaque lamelle, nous dit Gegenbaur, en parlant des arachnides, n'est » autre qu'une branche trachéenne raccourcie et étalée, et le tout corres- » pond à une- touffe de trachées « (î). C'est Leuckart qui a émis le premier cette opinion; Leydig s"y rallie (2). il) Gegenbaur : Manuel d'anatomie comparée Traduction française. 1874. p. 415. (2) Leydig : Traité d'histologie, p. 44 Traduction française. 1866. 298 L- BERTEAUX Mac Leod l'adopte aussi dans son travail sur les trachées : * Ces » organes (les poumons) ne sont que des paquets de trachées modifiées r, dans leur forme et leur structure, et réunies, localisées dans un espace « restreint (1). » La manière dont nous concevons la structure et la genèse du poumon des arachnides nous porte à rejeter cette conception théorique ; nous esti- mons au contraire que l'analogie des lames, branchiales et pulmonaires, des arachnides avec celles des crustacés édriophthalmes et pcecilopodes est beaucoup plus naturelle. Sans doute, il existe une certaine analogie entre les poumons et les trachées, même au point de vue morphogénique; mais cette analogie se borne au fait suivant : les cavités pulmonaires des arachnides, comme les trachées des mêmes animaux, et des trachéates en général, sont des invagi- nations plus ou moins compliquées de l'ectoderme, ou, si l'on veut, de la cuticule dermique et de sa matrice. Ce caractère génétique des trachées leur est commun, non seulement avec les poumons, mais avec une foule d'autres organes ectodermiques. Mais le développement ultérieur des sacs pulmonaires diffère tellement de celui des invaginations trachéennes, que toute comparaison entre leurs pro- duits définitifs est absolument artificielle, et contraire à la vraisemblance. Une trachée, comme un poumon d'arachnide, n'est à ses débuts qu'un cul-de-sac de l'ectoderme, invaginé dans l'intérieur du corps, fig. 30, Pl. II. Encore une fois, bien d'autres productions naissent de la même façon. Mais une trachée se développe, aux dépens de ce cul-de-sac primitif, par la formation, à sa surface, d'un système compliqué de ramifications tubulaires, c'est-à-dire d'invaginations ectodermiques secondaires, fig. 31, Pl. II. Un poumon d'arachnide, au contraire, selon toute apparence et con- formément aux figures de Locy, est le résultat d'une série de soulèvements de la paroi du sac primitif pénétrant dans l'intérieur de ce sac et consti- tuant donc, par rapport au revêtement ectodermique général, une série d'évaginations, ou plutôt de bourgeons, solides à leurs débuts, aplatis et extérieurs, aussi bien que les lames branchiales des édriophthalmes, fig. 32 et 33, Pl. II. (i) Mac Leod : La structure des trachées et la circulation péritrachéenne Bruxelles, 1880, p. 48. LE POUMON DES ARACHNIDES 299 Si ces évaginations secondaires ne sont pas visibles à l'extérieur, comme chez ces derniers animaux, c'est qu'elles se produisent en un endroit de l'ectoderme qui est le siège d'une invagination constituant le sac pulmo- naire, la gaîne commune des lames. Il semble que théoriquement l'on pourrait considérer les espaces inter- lamellaires comme des évaginations extérieures d'un sac primitif peu profond et correspondant seulement au vestibule de l'adulte. Ces sacs interlamel- laires seraient les trachées aplaties de Leydig(i) et de Mac Leod(2). Mais ceux qui ont interprété de cette façon les poumons des arachnides ne peuvent avoir porté leur attention que sur la portion cuticulaire de l'organe, et paraissent avoir fait abstraction de l'épithélium qui lui donne naissance. Ils n'ont guère analysé le mode de genèse des trachées et des poumons. Étant donné que chaque lame est formée d'une seule assise de cellules adhérentes aux deux feuillets ou lamelles cuticulaires qui la constituent, on ne peut considérer les recessus interlamellaires comme des culs-de-sac extérieurs à la cavité d'invagination primitive, et comparables aux branches d'une trachée, qu'en imaginant un processus génétique particulier, différent de l'invagination et tout nouveau, car nous n'en connaissons aucun exemple dans le règne animal. Au contraire, rien de plus simple que de regarder les lames comme des bourgeons aplatis, solides d'abord, puis creusés de cavités intercellulaires, nés sur l'épithélium ectodermique et saillants à la surface de cet épithélium; s'il ne sont pas proéminents à la surface du corps, c'est parce qu'ils se forment au fond d'une invagination de ce feuillet. Voir nos fig. 30, 31. 32 et 33, Pl. II. Ainsi, la deuxième paire de poumons des tétrapneumones a pour homologues morphologiques la paire de trachées des dipneumones. Mais, au point de vue morphogénique, comme à celui de la structure à l'état parfait, il existe entre ces organes des différences trop considérables pour qu'on puisse enseigner que les poumons sont des trachées modifiées. Tous les -poumons d'arachnides ont pour analogues morphogéniques les lames branchiales des pcecilopodes, des édriophthalmes et d'autres crustacés. (i) Leydig : Op. cit. (2) Mac Leod : Op. cit. 300 L. BERTEAUX E. Remarques sur les mouvements des cellules interlamellaires et le fonctionnement du poumon. i° Mouvements des cellules. Les cellules interlamellaires sont le siège de mouvements. Ce fait nous parait indubitable, et peu de personnes pourraient en douter à la suite d'une étude un peu attentive des lames pulmonaires en sections transverses. Mac Leod aussi admet que les colonnes sont animées de contractions; il le conclut de la variabilité decartement des lamelles. Nous voyons même dans cette opinion l'un des motifs qui l'ont porté à admettre dans ces lames l'existence d'une portion musculaire. Pour nous, deux considérations nous font admettre l'existence de con- tractions dans ces cellules : la variabilité de l'écartement des lamelles, et l'aspect même des cellules interlamellaires. Nous avons dit à quel point l'espace qui sépare les lamelles est variable dans une même région du poumon, voire même sur l'étendue d'une seule lame; nos figures permettent au lecteur de se faire une idée de cette varia- bilité. Cela suffit déjà pour rendre fort probable l'existence de mouvements alternatifs d'éloignement et de rapprochement des lamelles. Mais la présence de globules du sang emprisonnés entre des lamelles très rapprochées comme on en voit des exemples sur nos fig. 8 et 9, nous paraît une preuve suffisante de la réalité du phénomène. L'aspect des cellules, avons-nous dit, indique aussi que, pendant la vie, elles sont le siège de mouvements de contraction et d'extension, entraînant la dilatation et le resserrement successifs des espaces sanguins. Rappelons le lecteur à nos trois planches, et demandons-lui d'abord si, à en juger par la forme extérieure seule, les cellules ne lui font pas l'impression d'éléments fixés brusquement par un réactif énergique, dans divers états de contraction ou d'extension. Pourquoi les cellules emprisonnées entre des lamelles très rapprochées sont-elles le plus souvent extrêmement larges, et pourquoi celles qui unissent des lamelles très écartées sont-elles longues et minces? Nous trouvons surtout l'indication des mouvements actifs de ces cellules dans les minces colonnettes transparentes que présentent certaines d'entre elles, et que nous avons décrites plus haut, fig. 5. Elles paraissent avoir été fixées au moment de leur extension maximum, ou au début de leur contraction. LE POUMON DES ARACHNIDES 30 1 Ainsi donc, nous regardons la contraction et l'extension alternative des cellules interlamellaires comme un fait certain. On pourrait aussi se demander si ces éléments ne subissent jamais de déplacements latéraux, si ces cellules ne cheminent pas à la surface des cuticules. Ceci est beaucoup plus difficile à démontrer rigoureusement. Nous pensons toutefois qu'il en est ainsi, et des indices divers nous permettent d'adopter cette opinion comme probable. Bornons-nous à signaler l'aspect particulier des cellules aplaties qui n'adhèrent qua une seule lamelle. Les renflements et les dépressions de leur surface les font ressembler à des amibes en mouvement ; c'est pour cela même que nous les avons appelées cellules rampantes. Du reste il n'est pas impossible que tous les autres éléments interlamellaires présente de semblables changements. Les mou- vements latéraux doivent en tout cas se réduire à de légers déplacements. Ce qui parait certain, c'est que la surface de contact des cellules avec les lamelles s'accroît beaucoup par le rapprochement de ces dernières, et diminue quand elles s'écartent. 2° Fonctionnement du poumon. Les conditions dans lesquelles s'effectuent les échanges gazeux dans les lames pulmonaires des arachnides sont les suivantes : un liquide, le sang, cède des gaz à l'air à travers les parois cuticulaires nues ou tapissées de protoplasme, et absorbe, à travers les mêmes parois, l'oxygène du mélange atmosphérique qui remplit la cavité pulmonaire où sont logées les lames. Pour assurer la continuité de ces échanges, condition indispensable à la vie de l'animal, il est nécessaire que, d'une part, le sang contenu dans les lames se renouvelle et circule, afin de porter aux autres parties du corps l'oxygène absorbé et d'en reprendre les gaz à dégager. D'autre part, il faut que les gaz qui baignent les lames se renouvellent sans cesse. Le mécanisme qui réalise ces conditions a déjà fait l'objet des recher- ches de plusieurs naturalistes; citons Mac Leod et, surtout, F. Plateau qui a fait à leur sujet des expériences d'une précision remarquable (1). (0 F. Plateau : De l'absence des mouvements respiratoires perceptibles chez les arachnides Arch. de Biologie, t. VII, 1887. 206 302 L. BERTEAUX Le renouvellement du sang dans l'intérieur des lames est assuré par les contractions des cellules interlamellaires, ainsi que l'a dit Mac Leod. Nous avons exposé les raisons qui nous font admettre l'existence de ces contractions. Ajoutons ici que nous voyons en elles le seul mécanisme qui soit capable de faire circuler le sang dans leur intérieur, étant donné qu'il n'existe pas, dans ces lames, de canaux définis. Il n'y existe qu'un espace unique parsemé de piliers, et le raccourcissement de ces piliers est seul capable d'y faire circuler le sang. La contraction des colonnes, diminuant la capacité des cavités sanguines, oblige évidemment une certaine quantité du sang à sortir du poumon et à rentrer dans les sinus de la base des lames, d'où il peut s'écouler dans le reste du système. Mais comment le sang est-il rappelé dans les lames? C'est sans doute par leur dilatation. Et quelles sont les causes qui produisent ce dernier phé- nomène? Nous en voyons trois possibles, et il n'est pas prouvé qu'elles n'agissent pas toutes les trois simultanément; ce sont : i° L'extension active des cellules colonnaires. Cette cause, si elle existe, doit être faible. 2° L'élasticité des lamelles chitineuses, qui peut avoir une action plus forte. 3° La pression qui règne dans les cavités sanguines abdominales et qui doit tendre à introduire du sang dans les lames, aussitôt que la contrac- tion des colonnes cesse et que, par suite, la pression interne s'abaisse en dessous de la pression abdominale. C'est la cause principale. Nous admettons donc les contractions des colonnes, et nous y voyons la seule explication possible des variations observées dans l'espacement des lamelles, ainsi que la seule cause possible du renouvellement du sang fonctionnel dans le poumon. Mais ces mouvements sont-ils seulement possibles? Voilà une objection que pourraient nous faire ceux qui regardent la contractilité comme insépa- rable de la structure musculaire. Mac Leod paraissait être de cette opinion en 1884, car il nous dit page 23 : y Or, nous ne connaissons à l'intérieur des lamelles qu'un seul élément » qui soit peut-être capable de produire par sa contraction un amincissement » de l'organe : c'est la portion anhiste des colonnettes cellulaires, Pl. I, » fig. 4, m, que nous appellerons portion musculaire(i). « (i) Mac Leod : Op cit., p 23. LE POUMON DES ARACHNIDES 303 A cela, nous pouvons répondre que la contractilité est considérée aujourd'hui comme une propriété essentielle du protoplasme. Tout proto- plasme vivant est contractile à un degré quelconque. De plus, on connaît tant d'exemples de cellules se contractant, même d'une manière active et rythmique, sans présenter en rien la structure musculaire, qu'il serait oiseux d'en citer d'autres que le plus classique de tous : le cœur de l'embryon du poulet qui bat avant qu'il n'y existe une seule fibrille musculaire. Il est donc admissible que les cellules interlamellaires sont animées de contractions et de dilatations alternatives, bien que leur structure ne rappelle en rien celle d'un muscle. Au sujet de la cause de ces contractions, on ne peut faire que des hypothèses comme au sujet de tous les mouvements rythmiques que l'on observe dans les cellules. Quant à la dilatation, c'est, comme on sait, un phénomène qui suit toujours la contraction active. Nous n'avons jamais constaté la moindre trace de nerfs dans les lames pulmonaires. Toutefois, nous n'avons pas recherché si aucun tronc nerveux ne se dirige vers le poumon; mais pour ce qui regarde les lames, nous n'y avons pas vu le moindre indice de filament ou de terminaison ner- veuse. La contraction rythmique des cellules colonnaires résulte donc selon toute apparence d'une cause, interne ou externe, étrangère à l'excitation nerveuse. Ce phénomène du reste ne constituerait pas un fait isolé en physiologie; le cœur de l'embryon de poulet ne bat-il pas vigoureusement, d'un rythme régulier, avant qu'il existe dans l'animal un seul tronçon nerveux, avant qu'une seule cellule nerveuse s'y soit différenciée? Au sujet du renouvellement de l'air, nous ne pouvons nous rallier sans réserve à l'hypothèse de F. Plateau. Pour ce savant, il serait suffisam- ment ménagé par les variations de volume que subissent les lames. Il est clair que si ces lames diminuent de volume, en se contractant pour expulser du sang, la capacité de la cavité qui loge ces lames s'en trouve augmentée d'une égale quantité. La pression des gaz contenus dans cette cavité tend donc à baisser ; conséquemment, la pression atmosphérique doit y faire pénétrer une certaine quantité d'air par le stigmate. Nous considérons ces contractions comme servant utilement à renou- veler l'air compris dans les espaces interlamellaires, mais nous les croyons insuffisantes, pour peu que la respiration soit active chez les animaux, à renouveler convenablement 1 atmosphère générale du sac pulmonaire. 304 L- BERTEAUX Si toutes les lames subissaient au même instant leur maximum de contraction, l'augmentation de volume qui en résulterait pour la cavité générale de l'organe serait encore très faible; or, l'aspect des coupes d'objets fixés de différentes façons nous a toujours démontré le contraire. A côté de régions resserrées, ces coupes en contiennent toujours d'écartées. Nous avons fait à ce sujet quelques expériences en tuant les araignées par des procédés différents : soit en les précipitant directement dans les solutions fixatrices indiquées, soit en les asphyxiant au préalable par l'anhydride carbonique ou le chloroforme, et même en les maintenant sous la cloche de la machine pneumatique sous une pression réduite à douze centimètres de mercure. Dans ce dernier cas la mort survenait après un quart d'heure environ. Jamais l'aspect de nos coupes n'avarié; on y voyait toujours des lames contractées et des lames dilatées, et, très souvent, une même lame y présentait une portion dilatée et une ou deux portions contractées. Dans ces conditions la variation de la capacité aérienne du poumon devait être extrêmement faible, en proportion du volume compris dans le vestibule et dans l'espace aérien supérieur. Il semble donc que d'autres causes doivent agir dans le phénomène du renouvellement de l'air. Loin de nous l'idée de révoquer en doute l'exactitude des observations d'un observateur aussi distingué et aussi expert dans l'étude des mouve- ments que F. Plateau. Nous admettons, sur sa déclaration, l'absence de tout mouvement respiratoire à la surface de l'abdomen. Mais nous nous demandons si des causes internes, l'action de certains muscles, ou les variations de volume de certains organes voisins ne pourraient imprimer indirectement au sac pulmonaire un mouvement de soufflet, sans que rien ne trahisse ce mouvement à la surface de la cuticule dermique. Une. autre considération nous porte à admettre l'existence de causes internes assurant le renouvellement des gaz dans la cavité pulmonaire. F. Plateau a expérimenté, entre autres, sur des aranéides dipneumones (Epeira, Meta, Tegenaria). Ces animaux possèdent des poumons et des tra- chées. L'expérimentation la plus délicate ne lui a pas permis d'y découvrir le moindre mouvement de la surface du corps. Aussi l'auteur recourt-il à des contractions possibles des lames pulmonaires pour expliquer la venti- lation de l'espace qui les loge. LE POUMON DES ARACHNIDES 305 Nous avons dit la part qui peut revenir à la contraction des lames dans ce mécanisme. Mais comment se fait la ventilation dans les trachées? Puisqu'elle se produit sans mouvements visiblesàl'extérieur.ellerésultede causes internes; et, si l'on accepte la description que nous font les auteurs de la structure des trachées, rien n'y correspond aux cellules interlamellaires des lames pulmonaires; aucun élément contractile propre n'y peut rétrécir ni dilater les espaces aériens; l'air s'y trouve dans les mêmes conditions que chez les trachéates proprement dits. Son entrée et sa sortie des trachées ne peuvent être causées que par des variations de la pression qui règne dans les espaces où courent ces conduits. Chez les insectes, ces variations résultent, comme le dit Plateau, des modifications que subit » alternativement la capacité - du système, soit par l'allongement et le raccourcissement alternatif de y> l'abdomen, soit par le rapprochement et l'écartement des arceaux qui - composent les somites (i). « Ni l'un ni l'autre de ces mouvements ne se produit chez les dipneu- mones. Il n'y a chez elles ni contractions siégeant dans l'organe lui-même, ni mouvements perceptibles à l'extérieur. Le renouvellement de l'atmosphère interne des -trachées y résulte donc de causes différentes, et qui, vraisem- blablement, produisent sur les sacs pulmonaires le même effet que sur le système trachéen ; ces causes sont internes. Les oscillations de l'abdomen tout entier que F. Plateau a observées d'une façon constante chez les aranéides (2) ne seraient-elles pas en rapport avec la respiration ? Théoriquement l'on pourrait concevoir l'insertion de l'abdomen sur le thorax, ménagée de telle sorte que si le premier se relève, sous l'action de certains muscles, la pression y augmente, pour diminuer quand il s'abaisse, ou vice-ver sa. Ces variations de pression auraient pour effet d'animer les cavités pul- monaires d'un mouvement de soufflet. En fait la chose paraît difficile à vérifier. Ajoutons qu'il faudrait avant tout s'assurer de l'existence normale de ces oscillations chez les animaux libres de toute entrave, et constater qu'elles ne sont pas dues à des efforts continus que ferait, pour se dégager, l'araignée liée au chevalet d'expérience, ou à quelque autre cause irritante. (1) F. Plateau : Zoologie élémentaire, p. 294 (2) Par sa méthode des projections 3o6 L- BERTEAUX Mais cette hypothèse même ne parait pas applicable aux scorpionides, dont l'abdomen n'est pas pédicule. F. Plateau n'a du reste constaté chez ces derniers aucun mouvement correspondant à l'oscillation des aranéides. En résumé, nous ne possédons encore que des données hypothé- tiques sur le mécanisme de la ventilation, pulmonaire et trachéenne, des arachnides. Espérons que le savant professeur de Gand en possession de ces don- nées nouvelles, qu'il réclame des histologistes, dans son travail sur la respi- ration des arachnides (1), jugera à propos d'instituer de nouvelles recherches sur ce mécanisme. La question nous parait se poser comme il suit : La respiration pulmonaire des arachnides est ou bien extrêmement faible ou bien assez active. Si elle est extrêmement faible, la diffusion naturelle des gaz intra- pulmonaires et extrapulmonaires, légèrement activée par les faibles varia- tions de volume des lames, est suffisante. Si elle est active, les variations de pression, dues à ces variations de volume, sont trop faibles pour assurer une ventilation convenable des cavités respiratoires ; d'autres causes doivent y contribuer. Quelles sont ces causes?... Ajoutons, pour clore ces remarques sur le fonctionnement du poumon, que les piquants, palissades, réseaux, tous les détails, enfin, faisant saillie à la surface des lamelles chitineuses, servent évidemment à favoriser le contact du sang et de l'air, en évitant l'application des feuillets les uns contre les autres. RÉSUMÉ. Résumons sous forme de thèses les principaux résultats de nos re- cherches. A. Détails extérieurs des lames et des parois du sac pulmonaire. i° La face supérieure ou dorsale des lames pulmonaires des dipneu- mones est recouverte de tigelles chitineuses à bouts libres. (Agelena, Epeira, Tetragnatha, Clubiona.) 2° Un réseau à mailles polygonales, appartenant à la cuticule même, réunit ces tigelles par leur base. (1) F. Plateau : De l'absence de mouvements respiratoires perceptibles chez les arachnides. Archives de Biologie; t. VII, 1887, p. 348. LE POUMON DES ARACHNIDES 307 3° Chez la mygale ces tigelles sont, au contraire, anastomosées à leur sommet, et leur ensemble constitue un treillis. On n'y constate pas le réseau basai. 4° Le bord libre des lames chez les dipneumones est garni d'une palissade marginale, formée de tigelles anastomosées semblables à celles de la mygale. 5° Les tigelles portées par toute la surface de la lame pulmonaire supérieure sont anastomosées de la même manière chez plusieurs dipneu- mones. 6" Chez YEuscorpius flavicaudis la structure des lames pulmonaires est presque exactement la même que chez les aranéides dipneumones. 7° Chez le Buthus europœus, les deux lamelles constituant une lame portent les mêmes productions chitineuses : un réseau à grandes mailles et àtrabécules saillantes sous forme de côtes, un réseau plus serré de trabécules fines qui correspond au réseau de la lamelle épineuse des dipneumones et, enfin, dans une région latérale, des tiges chitineuses adhérentes par leurs deux bouts aux lamelles chitineuses non réticulées. 8° Chez le Scorpio indiens, les lames se divisent de même en deux zones; dans l'une de ces zones une des lamelles est nue, l'autre est couverte d'épines analogues à celles des dipneumones. Dans la seconde zone les deux lamelles appartenant à des lames différentes sont réunies, comme chez le Bntlnis, par des tiges adhérentes à leurs bouts ; mais cette adhé- rence paraît être le résultat d'une soudure secondaire des pointes à la lame qui leur fait face. 9° Les parois de la cavité pulmonaire portent des productions chiti- neuses diverses; chez les aranéides ce sont des palissades formées de troncs, plus ou moins ramifiés, et de branches exactement anastomosées d'arbre à arbre. La plaque perforée de la Segestria florentina correspond aux branches anastomosées des autres espèces décrites. io° Toutes ces productions : tiges simples ou anastomosées, buissons, plaque perforée de la Segestria, réseau saillant du Buthus, etc., qui garnis- sent les lames ou les parois de la cavité, sont analogues. Ce sont des parti- cularités de la structure des couches périphériques de la cuticule ; leurs cavités sont des cavités intracuticulaires. ii° Les tiges rectilignes à bout libre que portent les lames pulmo naires de YEpeiva diademata apparaissent chez l'embryon sous forme de- 308 L. BERTEAUX protubérances de la cuticule. Ces protubérances s'allongent énormément dans la suite du développement. B. Structure interne des lames. i° Les deux lamelles chitineuses constituant une lame pulmonaire sont réunies, tant chez les aranéides que chez les scorpionides, par des cellules. Ces cellules sont séparées par de larges espaces dans lesquels circule le rang ; elles s'étalent plus ou moins à la surface de la cuticule. 2° Il existe des cellules qui ne sont en rapport qu'avec une seule des lamelles. 3° Toutes ces cellules sont assez mal délimitées les unes des autres par celle de leurs faces qui est adjacente à la cuticule. Les » champs réti- culés « que Mac Leod a observés à la surface des lames traitées par le nitrate d'argent ne correspondent pas à ces cellules, ni à d'autres cellules; ils sont dus au réseau basai de la cuticule. 4° L'agencement particulier des cellules constituant les lames pulmo- naires des arachnides et les lames branchiales de divers crustacés, en fait un tissu d'un type spécial, qu'on pourrait appeler épithélium caverneux ou épithélium interrompu . 5° Le protoplasme des cellules interlamellaires, qui constitue les colonnes unissant les lamelles, présente souvent de fortes trabécules longi- tudinales, mais il n'a rien de musculaires. C. Fonctionnement du poumon. i° Les cellules interlamellaires sont animées de contractions. 2° Leur contraction et leur dilatation alternatives ont pour résultat le renouvellement du sang contenu dans les lames. 3° Cette contraction peut avoir aussi pour conséquence de faire entrer une faible quantité d'air dans le poumon, et cette dilatation, celle d'en faire sortir une égale quantité. Mais ces mouvements paraissent trop restreints pour assurer une ventilation suffisante de l'organe, pour peu que la respi- ration des arachnides soit active. Dans ce dernier cas, des causes inconnues doivent intervenir pour im- primer au sac pulmonaire un mouvement de soufflet. 4° F. Plateau, en démontrant l'absence de mouvements respiratoires perceptibles à l'extérieur chez les aranéides dipneumones, a fourni une LE POUMON DES ARACHNIDES 309 grande présomption en faveur de l'existence de causes internes animant le poumon d'un mouvement de soufflet, sans amener une déformation de la surface du corps ; car dans les trachées de ces animaux il n'existe, si l'on en croit les auteurs, aucun élément contractile pouvant fonctionner comme les cellules interlamellaires du poumon. D. Signification et rapports morphologiques des poumons des arachnides. i° Les lames pulmonaires des arachnides sont des productions ana- logues aux lames branchiales de divers crustacés, des édriophthalmes et des pœcilopodes en particulier. 2° Morphologiquement les trachées des aranéides dipneumones sont aussi les homologues de la deuxième paire de poumons des tétrapneumones; mais cette homologie tient à la position de ces organes, et non à leur struc- ture, ni à leur genèse, qui en diffèrent profondément. 207 BIBLIOGRAPHIE Treviranus Cuvier J Millier Dugés Meckel Duvernqy Leuckart Leydig L. Dufour : Ph Bertkau : C. Gegenbaur : F. Plateau : J. Mac Leod : Schimkewitsch : J. Mac Leod : Cari Vogt et Yung : Ray-Lankester : W. A . Locy : F Plateau : M. Ide : : Ueber Anat. der Arachniden. (Physical-medicinische Societât in Erlangen; Nurnberg, 1812.) : Règne animal, T. III (rédigé par Latreille, 1817). : Anatomie des scorpions (Archives de Meckel, 1828.) : Observations sur les aranéides. (Annales des se. naturelles, zool. 2e série, T. VI, i836.) : Traité d'anatomie comparée, trad fr., T. VII, Paris, i838. : Leçons d'anat. comp. de Cuvier, volume VII. : Ueber den Bau und die Bedeutung der Sog. Lungen bei den Arachniden. (Zeitschrift fur wiss Zool., T. I, 1849.) : Bau der Arthropoden. (Archives de Mûller, i855.) : Étude anatomique et physiolog. des scorpions (Mémoire de l'Aca- démie des se, Paris, Savants étrangers, volume XIV, i856.) : Ueber die Respirationsorgane der Araneen (Archiv f. Natur gesch., 38e Jahrg., 1872.) : Manuel d'anat. comparée. 1874. : Zoologie élémentaire. (Mons, Monceaux, 1880.) ; Mémoire sur la structure des trachées et la circulation péri- trachéenne. (Bruxelles, Manceaux, 1880.) Sur l'anatomie de l'épeire. (Annales des se. naturelles, 5e série, volume XVII, 1884.) Recherches sur la structure et la signification de l'appareil res- piratoire des arachnides. (Archives de biologie, tom. V, 1884.) Traité d'anatomie comparée pratique. Notes on certain points in the anatomy and generic characters of scorpions. (Trans. zool. soc. of London, vol. XI, part. 10, London, i885.) Observations 011 the development of Agelena nœvia ; (Bulletin of the Muséum of comparativ zoolog. Harvard Collège, vol. XII, Cambridge, 1886.) Sur l'absence de mouvements respiratoires chez les arachnides. (Archives de biologie, tome VII. 1887.) La membrane des cellules du corps muqueux de Malphighi. (La Cellule, t. IV, 2e fas., 1888.) EXPLICATION DES FIGURES. N. B Toutes nos figures ont été dessinées à la chambre claire et au niveau de la table du microscope, le tube ayant 16 centimètres de longueur. PLANCHE I. Grossissement : Fig 1 obj. A, oc. 3. — Fig. 2 à 13, sauf la fig. 9 : oc. 4. — Obj. imm. homog. 1/12; fig. 9 : obj. apochrom., imm, homog., oc. 8. Agelena labyrinthica. FIG 1. Coupe longitudinale du poumon, v, paroi supérieure ou voûte du sac pulmonaire; bs, buisson; eas, espace aérien supérieur; s, sinus sanguins; ve, ves- tibule; bp, bord postérieur des lames pulmonaires; p. plancher ou paroi inférieure du sac, hérissé de piquants dans sa portion horizontale et muni d'un buisson, bs, aux abords de- la lèvre antérieure du stigmate. FIG. 2. Coupe transversale de la voûte du sac pulmonaire et de la lamelle épineuse de la dernière lame à un niveau où celle-ci se continue par ses deux bords latéraux avec la voûte; y, voûte; bs, buisson; [bs, indique aussi dans cette figure une cloison basale d'un tronc ) le, lamelle épineuse de la dernière lame revêtue de tigelles dont tous les sommets sont reliés entre eux. FIG. 3. Fragment de coupe transversale, pie, paroi latérale externe se conti- nuant avec une lame ; cette partie faisait face au bord libre des autres lames ; un accident de préparation l'a ramenée à la position qu'elle occupe dans le prolonge- ment de la lame supérieure; pm, palissade marginale;/*/, palissade marginale fracturée; cie, cellule interlamellaîre étirée; cic, cellule interlamellaire contractée; ea, espace aérien; es, cavité sanguine; gs, globule sanguin. FIG. 4 Lamelle épineuse vue à vol d'oiseau. Les bases des tigelles sont réunies par des traverses chitineuses courant dans l'épaisseur de la lamelle. FIG. 5. Fragment de coupe transversale. In, lamelle nue; le, lamelle épineuse; es, cavité sanguine; g, globule sanguin; cic, cellule interlamellaire contractée; cie, cellule interlamellaire étirée; cia, cellule interlamellaire aplatie; n, noyau; m, mem- brane; ea, espace aérien. FIG. 6. Fragment de lame pulmonaire, ec, épines courbées ; ecl, lamelle épi- neuse clivée en deux feuillets séparés ; es, cavité sanguine. FIG. 7. Portion postérieure d'une lame pulmonaire; la palissade pm se pro- longe sur la face inférieure beaucoup plus qu'au niveau des bords latéraux, fig. 3. 314 L BERTEAUX Epeira. FIG. 8. Coupe transversale de quatre lames pulmonaires /, lame dilatée; /', /", /'", lames contractées; g, globule sanguin; gc, globules clairs; es, cavité sanguine; le, lamelle épineuse. FIG 9 Coupe transversale d'une lame g, globule sanguin ; gr, grumeaux ; m, membrane; n, noyau. FIG. 10 Coupe transversale de quatre lames au niveau de leur insertion. c, cuticule; me, matrice de la cuticule; es, cavité sanguine; s, sinus sanguin; g, globule; ea, espace aérien. Tetragnatha. FIG. 11. Coupe transversale de lames, cie, cellules interlamellaires étirées. Epeira diademata. FIG. 12. Coupe longitudinale d'une lame pulmonaire de l'adulte. FIG. 13. » » de deux lames d'un individu très jeune; les tigelles ou piquants y sont dans un état très rudimentaire. PLANCHE II. Grossissement : Obj. imm, homog. 1/12, oc. 4. Segestria florentina. FIG. 14 Extrémité postérieure de lames pulmonaires et portion de la paroi qui leur fait face /, lame; le, lamelle épineuse; In, lamelle nue; ea, espace aérien; pm, 'palissade marginale; ci, cellule interlamellaire; m, membrane; n, noyau; mbs, matrice de la cuticule portant la paroi ; cl, cloison basale fermant le canal qui parcourt les tiges du buisson. FIG. 15. Paroi du canal de communication entre les deux poumons, vue à vol d'oiseau ; c'est une plaque perforée ; on y aperçoit par transparence l'insertion des colonnes, FIG. 16. Coupe optique de cette paroi : colonnes creuses dont la lumière est fermée près de la base par une cloison, et dont les sommets se perdent dans la plaque perforée représentée de face dans la fig. 15. Les parties sombres de la plaque représentent la paroi verticale des pertuis. Mygale. FIG. 17. Buisson garnissant la paroi du sac pulmonaire. FIG. 18. Lamelle épineuse à vol d'oiseau. Les tigelles sont reliées par le sommet et non plus par la base. FIG. 19. Coupe transversale d'une lame pulmonaire; le, lamelle épineuse; In, lamelle nue; gs, globule sanguin; ci, cellule interlamellaire; n, noyau; m, membrane. LE POUMON DES ARACHNIDES 315 Euscorpius flavicaudis. FIG. 20. Fragment d'une coupe longitudinale du poumon p, paroi postérieure; v, vestibule; 5, sinus sanguin; ea. espace aérien; pm, palissade marginale; cia, cel- lule interlamellaire aplatie; cie, id étirée; cic, id. contractée; es, cavité sanguine; FIG. 21. Coupe d'une lame près de son insertion, les pointes sont très courtes. Scorpio indicus. FIG. 22. Portion d'une lame pulmonaire à vol d'oiseau ; deux zones distinctes : l'une où les tigelles sont munies d'appendices terminaux et parfois anastomosées par leur sommet; l'autre où elles sont simples FIG. 23. Extrémité postérieure d'une lame pulmonaire, le, lamelle épineuse; es, cavité sanguine; gs (ou g), globule sanguin; ci, cellule interlamellaire; n, noyau; m, membrane; br, brosse garnissant le bord libre. FIG 24. Coupe transversale de deux lames pulmonaires. Dans la région BC les tiges sont adhérentes par leurs deux bouts aux lamelles chitineuses. Dans la région AC elles sont libres à leur sommet; celui-ci porte un ou plusieurs appen- dices effilés. Plusieurs tiges paraissent anastomosées par leurs sommets ; cette anas- tomose est réelle ou simplement apparente et produite par la juxtaposition de deux appendices effilés. Schémas. FIG. 30. Schéma représentant l'invagination de l'ectoderme qui peut fournir soit la cavité pulmonaire des arachnides, soit une trachée principale chez les arthro podes en général. FIG. 31. Schéma représentant le développement de ce diverticule ectodermique quand il donne naissance à une trachée. Il porte un certain nombre d evaginations secondaires de sa paroi (invaginations par rapport au corps de l'animal). FIG. 32. Schéma pour le développement du même diverticule donnant nais- sance à un poumon d'arachnide. Aucune évagination de sa paroi ne se produit. Il se forme sur le fond une série de bourgeons aplatis, solides d'abord et formés plus tard d'un tissu interrompu. Ces bourgeons font saillie dans la cavité du diverticule et doivent être considérés comme extérieurs par rapport à la surface de l'ectoderme. FIG. 33' Schéma représentant les lames pulmonaires des édriophthalmes. Ces lames, sont comme les lames pulmonaires des arachnides, des bourgeons plats, solides d'abord, puis formés de tissu interrompu, et extérieurs à la surface du corps. Chez les limules, elles sont contenues dans un cul de sac général comme chez les arachnides. PLANCHE III. Buthus europœus. FIG. 25. Lame pulmonaire à vol d'oiseau. A gauche, se voit la zone à gros réseau dont les mailles sont parcourues par un réseau plus fin ; à droite, la zone sans réseau où des tiges unissent les deux lamelles. 3i6 L- BERTEAUX FIG. 26. Coupe transversale des lames pulmonaires près de leur insertion à une paroi, ci, cellule interlamellaire; m, membrane; n, noyau; r, section des tra- bécules du grand réseau de la fig.. 25. FIG. 27. Coupe d'une des deux lames de la fig. 26 près de son insertion à la paroi opposée, r, section des trabécules du grand réseau de la fig. 25; es, cavité sanguine; ea, espace aérien Gammarus pidex. FIG. 28. Coupe d'une lame branchiale, c, cellule interlamellaire avec plaque; es, cavité sanguine; m, membrane; n, noyau; gs, globule sanguin (dans un coagulum c). FIG. 29. Reproduction de la fig. 4, Pl. I, de Mac Leod Schéma de la structure d'une lame pulmonaire d'après cet auteur. On voit en p les piquants chitineux recouvrant une des trabéculesde la lamelle; cm, colonnette cellulaire; m, portion musculaire de celles-ci ; g, globule sanguin. TABLE DES MATIÈRES Aperçu historique et introduction ...... Méthodes ......... CHAPITRE I. — DESCRIPTION. Aperçu général de la structure du poumon .... 255 25g 261 ARANEIDES. I. STRUCTURE DES LAMES PULMONAIRES A. Surface des lames a) Face inférieure . b) Face supérieure . c) Bord libre B. Intérieur des lames et bord adhérent II. STRUCTURE DES PAROIS DU SAC 263 263 263 264 265 267 271 SCORPIONIDES. I. STRUCTURE DES LAMES A. Surface des lames a) Lamelles . b) Bords libres c) Bord adhérent B. Intérieur des lames II. STRUCTURE DES PAROIS DU SAC 275 275 275 279 280 280 281 CHAPITRE II. REMARQUES ET CONCLUSIONS. A. Remarques sur les observations antérieures .... B. Remarques cytologiques sur divers détails de la structure du poumon i° Signification de la lamelle cuticulaire qui tapisse la cavité pulmonaire et ses lames ........ 20 Signification des appendices chitineux des lames et de la paro C. Signification histologique des lames pulmonaires D Signification morphologique des poumons, leurs rapports morphologiques avec les trachées E. Remarques sur les mouvements des cellules interlamellaires et le fonc- tionnement du poumon i° Mouvements des cellules 20 Fonctionnement du poumon Résumé ...... Bibliographie ..... Explication des planches 282 289 289 2g 1 29? 2g5 3oo 3oo 3oi 3o6 3n 3r3 PL I rTTTTTT Lïbh Uwn ■ ■ ■ I pl.k le ' J4- W-^" S5 - wf 'Ml 50 17 /S 1 \ 22 32 2-3 le, br 24 li. B erteaujc; ad- nai oLet L itfu Dumoizts -teie , jcit^f- pl, ni L,.3erteaxuc',a>cl iixià: ciel Ldh DzvnnoriZ Fercl>. (j^sle, --ict^lfi. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ËPITHÉUALES PAR MANILLE IDE INTERNE A l'hÔPITAL Sl-PIERRE DE LOUVAIN, ASSISTANT A L'iNSTITUT CYTOLOGIQUE DE L'UNIVERSITÉ. (Mémoire déposé le i5 décembre 1889J 208 NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES INTRODUCTION ET APERÇU HISTORIQUE. Dans un premier mémoire, publié en 1888(1), nous avons affirmé l'existence de la membrane des cellules épithéliales, décrit sa structure, fixé la signification des « ponts intercellulaires » en démontrant, par leur genèse, qu'ils font partie de cette membrane elle-même. Nous sommes heureux d'avoir vu nos observations confirmées depuis par un histologiste de la valeur de Kôlliker. Le savant de Wurzbourg, qui a bien voulu contrôler nos recherches, en a vérifié les conclusions sur presque tous les points. Il admet déjà avec nous l'existence de la membrane dans la plupart des cellules épithéliales, particulièrement chez l'embryon, et il comprend comme nous les rapports des ponts avec cette membrane (2). Aussi avons-nous la confiance que bientôt l'existence de la membrane dans toute cellule ne sera plus mise en doute par personne. Depuis cette époque nous avons acquis de nouvelles données, concer- nant surtout les rapports de la membrane avec le cytoplasme. Elles nous permettront de discuter certaines opinions émises par divers observateurs, (1) Manille Ide : La membrane des cellules épithéliales et les ponts iniercellulaires. La Cel- lule, tome IV, 1888. (2) Kûlliker : Handbuch der Gewebelchre des Menschen, 1889. 1. Bd , p. 192 : « Meiner Ansicht « nach sind bei allen Oberhautzellen, die Membranen besitzen, die Intercellulàrbrticken Fortsàtze der « Zellmembran .... » 322 MANILLE IDE en particulier la théorie générale de Renaut sur la structure des cellules épithéliales. Nous croyons nécessaire avant d'entrer dans l'exposé de ces nouvel- les recherches de rappeler encore une fois, mais d'une façon très som- maire, les différentes théories émises jusqu'ici sur le mode d'union des cellules, et, par une relation inévitable, sur la structure et la signification des ponts. Après avoir considéré les ponts comme des canaux intercellulaires avec Schrôn, comme des dents engrenées avec Schultze, comme des dents soudées bout à bout avec Bizzozero, les histologistes admirent finalement avec Ranvier l'existence de filaments protoplasmatiques ininterrompus et reliant les cellules voisines. Restait à les analyser dans leur structure et leurs rapports. Heitzmann et son école les considéraient à priori comme des canaux de protoplasme non différentié, passant d'une cellule à l'autre. Ranvier, en 1 882, accepte cette interprétation. Les ponts lui parais- sent constitués par un filament protoplasmatique entouré d'une gaine de substance intercellulaire. Ramon y Cajal y ajoute un prolongement cylin- drique de la membrane cellulaire. Nous avons combattu ces opinions, et Kolliker aujourd'hui les qua- lifie de peu vraisemblables, du moins pour les cellules épithéliales qui ont certainement une membrane (1). Renaut soutient depuis 1885, que la cellule épithéliale dans sa zone exoplastique contient des faisceaux de fibres parallèles, qui vont traverser les espaces intercellulaires pour se continuer directement avec les faisceaux de la cellule voisine. Il attribue à ces fibres une importance considérable et une signification toute spéciale, et étend sa théorie à tout le groupe d'épithéliums qu'il appelle le groupe du type Malpighien. Pour Sheridan-Delépine des faisceaux analogues unissent non seule- ment les cellules, mais les noyaux mêmes des cellules voisines; en outre, ces faisceaux représentent les faisceaux de la cytodiérèse eux-mêmes. Kolliker, récemment, s'est occupé de la question des cellules épithé- liales. Il a vu la membrane réticulée dans les cellules de l'embryon, et il a (i) « Nach einer anderen Auffassung sind die fraglichen Bildungen (les ponts) auch im letzteren « Falle île cas ou il existe une membrane) Protoplasma-Fortsàtie, die entvveder durch Poren der Mem- « bran heraus treten oder eine Bekleidung von derselben mitnehmen, Annahmen die vorlâufig als wenig « wahrscheinlich zu bezeichnen sind. » Kolliker : Loc cit. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES EPITHELIALES 323 constaté aussi que les ponts s'inséraient aux nodosités de ce réseau. Il admet donc avec nous(i) que, dans toutes les cellules épithéliales qui ont une membrane, les ponts sont des dépendances de cette membrane. Mais il ne croit pas à l'existence de la membrane cellulaire dans les couches les plus profondes de l'épithélium, et il estime, en conséquence, que les ponts, dans ces dernières, sont des prolongements du protoplasme. Notons aussi qu'il a observé et figuré un beau réseau dans le protoplasme de certaines cellules. Dans d'autres il a vu des faisceaux de fibres parallèles et d'autres fibres affectant une direction perpendiculaire ; ces deux systèmes paraissaient reliés entre eux et constituer aussi, par conséquent, un réseau véritable. Les nouvelles données que nous avons acquises, depuis 1888, ne font que confirmer la manière de voir que nous avons émise dans notre premier mémoire au sujet des ponts intercellulaires, tout en complétant les données que nous possédions alors au sujet des rapports de la membrane avec le cytoplasme. Nous décrirons certains éléments épithéliaux qui nous ont fourni des données intéressantes sur ces deux points, successivement dans le sabot de l'embryon du veau et du porc, dans certains cancers et dans les éléments fusiformes du cristallin. (1) Manille Ide : Loc. cit. CHAPITRE I. DESCRIPTIONS. I. Sabot de l'embryon de veau. A. Aperçu de la structure de l'organe. L'épithélium générateur de l'ongle est déjà volumineux à l'âge de 4 à 5 mois. Il constitue une couche de consistance cartilagineuse molle, d'une épaisseur variant de 1 à 2 ou 3 millimètres. Il comprend dès ce moment des éléments divers disposés en cinq couches superposées. A la base, contre le tissu conjonctif, on distingue d'abord une assise de petites cellules non différentiées, granuleuses, présentant le même aspect que celles de l'assise inférieure des autres couches de Malpighi des em- bryons. Ce sont évidemment les cellules les plus jeunes, les éléments en voie de multiplication. Les cinq ou six assises suivantes sont formées de cellules polygonales plus grandes, à réticulum irrégulier, séparées entre elles par des espaces intercellulaires traversés par des ponts. Au delà on observe une nouvelle série formée aussi d'un nombre varia- ble de cellules à ponts intercellulaires, mais dont le réticulum présente un aspect fibrillaire particulier. Puis viennent quelques assises de cellules plus claires, à réticulum irrégulier, à membranes plissées et dépourvues de ponts intercellulaires. Ces éléments paraissent déjà plus ou moins kératinisés. Enfin la dernière couche comprend des cellules aplaties, fortement kératinisées. B. Aspect des cellules sous un faible grossissement. Notre fig. 1 montre l'aspect que présentent, sous un faible grossisse- ment des coupes de 15 a 20 microns, c'est-à-dire très épaisses. Elle peut donner au lecteur une idée assez nette de l'ensemble de l'organe et de sa division en couches, mais nous tenons à dire que, pour ce qui concerne 326 MANILLE IDE la structure des membranes cellulaires dans ces diverses couches, elle est entièrement fautive. Notre but, en la publiant, n'est autre que de prouver la nécessité de l'étude des coupes minces et de l'usage d'instruments d'optique perfectionnés, dans l'étude de la structure intime des cellules épithéliales. La première couché de cellules, fig. I1, est recouverte, avons-nous dit, par plusieurs assises de cellules polygonales, fig. 1*. C'est au-dessus de ces couches de petites cellules qu'on rencontre une zone de cellules plus différentiées, beaucoup plus grandes et plus ou moins kératinisées, fig. i3. Leur structure et leur mode d'union vont nous occuper quelque temps. Examinons d'abord à l'aide d'un système grossissant de puissance moy- enne, (D. 4, de Zeiss, par exemple), une coupe épaisse d'une trentaine de micromillimètres et pratiquée suivant un plan normal à la surface du sabot. Au premier coup d'œil, on découvre dans la couche des grandes cellules moyennes une série de faisceaux de stries plus ou moins parallèles, courant pour la plupart, de la base du sabot vers sa périphérie, tout en divergeant assez irrégulièrement les uns des autres, fig. l3. A la suite d'une observation quelque peu suivie on se fait vite une opi- nion sur ces stries : chacune d'elles est une fibre bien nette; beaucoup sont même très épaisses et semblent passer d'une cellule à l'autre, pour relier en- semble toute une série plus ou moins rectiligne de ces éléments, qui semblent ainsi cousus entre eux. Tout cela rappelle assez bien la description de Renaut (i) : nous avons sous les yeux les fibres unitives qui, d'après lui, unissent entre elles toutes les cellules épithéliales. Etudie-t-on une de ces cellules en particulier, on y distingue bientôt un noyau assez gros, logé dans un espace central un peu plus clair que le reste de la cellule. Au moment où le noyau est au point, on aperçoit dans le protoplasme moins de fibres que lorsqu'on examine la face inférieure ou la face supérieure de la cellule; on en remarque surtout de bien nettes sur les côtés du noyau. (i) Renaut : « L'exoplasme, ou écorce de chaque cellule de Malpighi, a, comme on le voit, « ses réactions histochimiques, sa consistance et sa réfringence propres ; il existe à l'état de formation « distincte, et déterminée sur tout le pourtour de l'élément. Il est de plus traversé par une multitude « de fibres uoyées dans sa substance ou faisant relief à sa surface, mais faisant corps avec la cellule, « et qui, parties de là, s'engagent dans les lignes de ciment, gagnent une seconde cellule, s'appuient « tangentiellement ou se noient dans son exoplasme. pour dépasser encore la cellule et en gagner une « troisième, etc.... » Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales, directeurs A Dechamere et L Lereboullet Article : Epithéliums . par J. Renaot. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES EPITHELIALES 327 Ainsi donc, l'étude des grosses coupes avec de faibles objectifs paraît confirmer la théorie de Renaut, à savoir : les cellules épithéliales compren- nent deux régions, une région centrale logeant le noyau et une région corticale contenant des fibres très longues, les fibres unitives, qui se conti- nuent à travers une série de cellules. Le sabot de l'embryon de veau est précisément l'objet sur lequel Renaut base sa théorie. Mais si l'on cherche à voir la membrane de ces cellules, ou bien si, prenant dans une cellule une fibre quelconque en particulier, on s'efforce de constater sa continuité avec une des fibres de la cellule suivante dans le même faisceau, on se heurte à des difficultés inattendues. L'objectif à immersion homogène ne sert alors qu'à déconcerter encore davantage l'observateur désireux de voir se confirmer l'idée qu'il se fait des cellules et de leur singulier mode d'union. Il constate bientôt qu'il est totalement impossible de contrôler les apparences fournies par ces premières coupes, sans en pratiquer d'autres beaucoup plus fines. Bien plus, si l'on étudie avec les objectifs apochromatiques des coupes très fines, de 3 à 5 micromillimètres, on constate aisément qu'on a été le jouet d'une illusion. 77 n'existe dans le sabot aucune production méritant la dénomination spéciale de fibres unitives, dans le sens de Renaut. Les cellules qui constituent cette production épithéliale chez l'embryon de veau possèdent, comme toutes les cellules ordinaires, une membrane, un noyau, une masse protoplasmatique réticulée; rien de plus. Une disposition particulière du réticulum protoplasmatique y produit, il est vrai, quand on l'étudié à l'aide d'un système grossissant trop faible et sur des coupes trop épaisses, l'illusion trompeuse d'un faisceau continu de fibres régulières, traversant sans interruption toute une série de cellules. Mais ces fibres ne sont que des portions épaissies et régularisées du réseau plastinien des cellules ; elles sont loin de posséder l'importance et la signification toute spéciale que leur attribue le savant de Lyon. Nous espérons le démontrer par la description détaillée de ces éléments. C. Structure des cellules. Nous divisons généralement la description d'une cellule en trois parties : le noyau, la membrane, la masse protoplasmatique. Mais, dans le sabot, le noyau présente fort peu d'intérêt au point de vue de la question qui nous occupe. Dans toutes les cellules de cet organe, il présente une membrane épaisse, un caryoplasme assez abondant souvent vacuolisé et un élément 209 328 MANILLE IDE nuclcinien d'ordinaire fort fragmenté. Nous ne nous en occuperons pas davantage. Les autres parties de la cellule présentent, au contraire, d'intéressantes particularités. ij La membrane. La membrane des cellules du sabot embryonnaire du veau offre tous les caractères que nous avons assignés, dans un précédent mémoire, à la membrane d'autres éléments embryonnaires du même animal : les cel- lules épithéliales du feuillet et de la peau. Sa structure étudiée successivement dans les diverses assises cellulaires qui se superposent, depuis le tissu conjonctif du membre jusqu'à la surface libre, démontre que son évolution est en tout semblable à celle des éléments précités. Nous allons décrire succinctement cette structure dans quelques-unes de ces assises. Les cellules les plus voisines du tissu conjonctif constituent une seule assise qu'on peut regarder comme une couche formatrice, donnant naissance, chez l'embryon, à de nouvelles cellules du sabot. C'est assez dire que leur membrane est mince et délicate. Elle est même assez difficile à distinguer. Néanmoins, l'étude de coupes fines et l'usage des objectifs les plus puis- sants, nous permettent de lui assigner la même structure qu'à celle des éléments jeunes du feuillet et de l'épiderme. C'est une membrane simple, non clivée, commune aux deux cellules voisines. Elle ne paraît pas homogène dans sa structure, mais formée d'une série de points brillants légèrement saillants à sa surface. Dans les couches suivantes la membrane présente des modifications assez brusques. Elle se clive en deux feuillets, constituant chacun la mem- brane propre des cellules adjacentes et réunis par des ponts de longueur variable, fig. 2. Nous avons étudié précédemment, en détail, la genèse des ponts dans le feuillet de l'embryon de veau, qui est à ce point de vue, un objet d'étude bien préférable au sabot. Rappelons seulement que les points brillants qu'on distingue dans la lame non clivée, correspondent aux ponts des cellules plus âgées. Ceux-ci ne sont autre chose que ces points allongés en bâtonnets. On peut faire les mêmes observations dans les cellules du sabot, mais non sans difficulté. Le passage brusque de la couche formative aux couches à ponts y rend difficile la recherche des stades divers de ce processus. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 32Q. Cependant on retrouve, ça et là, dans la deuxième et jusque dans la troisième couche de cellules, des membranes cellulaires encore simples, for- mées d'une seule rangée de points brillants unis entre eux. Ces membranes ne sont pas clivées ; leur structure ponctuée rappelle celle des plaques cellulaires de la division. Il semble qu'elles se trouvent fixées d'une façon définitive dans un état qui représente la première étape du développement de la membrane en général, fig. 3, msp. Les ponts sont très beaux et d'une observation facile dans les cinq ou six assises de cellules qui font suite à la couche inférieure, fig. i2. Dans toute cette zone, il est possible d'étudier la membrane cellulaire de face, grâce à l'aspect plus clair qu'y prend le protoplasme, tandis que son opacité dans la première couche rendait cette étude impossible. On distingue assez facilement sur certaines cellules une membrane réticulée très semblable à celle que nous avons décrite dans notre premier mémoire. Nous avons du reste déjà figuré ce réticulum du sabot dans ce même travail (fig. 24). Mais à mesure que les cellules s'éloignent de leur couche d'origine, on voit les ponts se raccourcir et les espaces intercellulaires s'amincir. Néan- moins ils sont encore fort neta dans la troisième couche, qui est la couche des cellules globuleuses de Renaut, fig. 2, p. On voit ces espaces et ces ponts s'effacer complètement dans la couche des cellules plissées, fig. ll. La membrane cependant est loin de s'atténuer dans cette dernière région; elle s'épaissit plutôt. Les cellules s'y plissent et s'y engrènent très exactement les unes dans les autres. Ce phénomène du plissement paraît être la conséquence d'une dimi- nution de volume que subirait leur contenu pendant le processus de la kératinisation ; processus qui parait accompagné d'une perte d'eau et, par suite, d'une diminution de la turgescence. La membrane se plisserait parce qu'elle devient trop grande pour son contenu. Quoi qu'il en soit, l'on ne distingue entre les plis engrenés que présen- tent les membranes à cette période, ni espace intercellulaire, ni la moindre trace de ponts ; ceux-ci ont disparu. Il y a dans ce phénomène de la disparition des ponts un mécanisme qui nous échappe. On serait tenté en effet de considérer cette disparition comme le résultat d'une augmentation de la pression que les cellules exer- cent les unes sur les autres ; et d'autre part, cependant, le plissement paraît résulter d'une diminution de volume du contenu cellulaire, ce qui suppo- 330 MANILLE IDE serait au contraire une diminution de pression. Peut-être les cellules des couches sous-jacentes qui sont jeunes et turgescentes exercent-elles sur les couches extérieures une certaine pression en les refoulant contre les couches tout à fait périphériques plus différentiées qui constituent une enveloppe peu élastique. Cette pression serait la cause de la disparition des ponts; tandis que les plis que présentent les membranes cellulaires, dans la couche 4, résulteraient d'une diminution de la turgescence de chaque cellule en particulier. Tout ceci n'est du reste qu'une hypothèse et l'on pourrait sans doute en faire d'autres au sujet de la cause de ces phénomènes. Mais, quel qu'en soit le mécanisme, le fait est certain : les ponts disparaissent, avec les espaces intercellulaires, dans les couches supérieures plissées. 2) Le protoplasme. La structure de la masse protoplasmatique présente dans les diverses couches du sabot embryonnaire des caractères aussi variés que ceux de la membrane. Dans la couche-matrice, le protoplasme, ainsi que nous l'avons déjà dit, est granuleux et assez opaque, comme on l'observe d'habitude dans les tissus formatifs. Il n'y présente aucune particularité digne d'être signalée. Mais, dès la couche 2 où les ponts intercellulaires sont bien développés, on y voit le réticulum se dessiner nettement. La fig. 1 nous montre ces cellules parcourues en tous sens par des fibrilles ramifiées. Cependant, c'est dans les couches suivantes que la structure du protoplas- me présente ses dispositions les plus curieuses. Nous avons dit plus haut que ce qui frappe à première vue dans ces cellules, c'est la structure fibreuse de leur contenu. Elle se constate très aisément même sous de faibles grossisse- ments. Chaque cellule paraît contenir un faisceau de filaments à peu près parallèles. Ces faisceaux sont tous orientés de la même façon, ou peu s'en faut; tous courent vers la surface du sabot, mais non cependant sans diverger notablement les uns d'avec les autres. Il arrive que ces faisceaux présentent exactement la même direction dans plusieurs cellules placées bout à bout, et alors ils paraissent se poursuivre sans interruption à travers toute cette série d'éléments. Nous avons déjà fait remarquer que cette disposition, qui confirme apparemment la description et la théorie de Renaut, est d'autant plus visible que la coupe examinée est plus épaisse et, dans une certaine mesure, NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 331 que le système optique employé est moins puissant. Le moment est venu d'expliquer ces apparences trompeuses, en étudiant à l'aide des objectifs apochromatiques des coupes très minces. On reconnaît facilement dans ces conditions que le protoplasme con- tient en effet des fibres très puissantes, courant dans une direction à peu près parallèle, fig.2. L'observation montre qu'elles sont formées uniquement par une série de trabécules du réseau, orientées dans le même sens, et qui ont acquis dans ces cellules une vigueur remarquable. Elles sont donc loin de représenter de simples filaments cousant les cellules entre elles. Telles qu'elles sont, elles constituent des parties intégrantes du réticu- lum général de chaque cellule. En effet, rien n'est plus aisé que de voir une foule de trabécules obli- ques s'insérer sur ces fibres allongées, fig. 2. En outre, il n'est pas moins aisé de constater qu'une foule d'entre elles, au lieu de marcher droit à la membrane et de la traverser de part en part, s'incurvent, se ramifient, s'effi- lochent et se perdent dans le réticulum général. Telles sont les prétendues fibres unitives. Hâtons-nous, cependant, d'ajouter que l'on trouve, sans peine aussi, mais non dans les cellules les plus voisines de la zone précédente, des fibres qui, tout en restant en rapport avec le réticulum par des branches collatérales, s'avancent jusqu'à la membrane, se continuent directement avec un pont intercellulaire, puis, dans la cellule voisine, avec une fibre semblable. Ce fait, qui n'est ni étonnant ni nouveau pour les cytologistes, ne nous empêche nullement de combattre la théorie générale des fibres unitives de Renaut, ainsi que nous le dirons au chapitre des Remarques et Conclusions. C'est dans la couche périphérique du protoplasme que court le plus grand nombre des fibres épaisses; disposition fréquemment décrite et familière à quiconque a observé des cellules à réticulum puissant. La partie voisine du noyau possède un réticulum irrégulier; elle est parfois plus granuleuse que la portion tout à fait périphérique. Ceci nous amène à parler d'une autre particularité très fréquente dans les cellules de cette zone. Nous voulons parler d'une membrane interne plus ou moins parfaitement constituée, qui circonscrit autour du noyau une zone assez considérable de protoplasme. La fig. 2, mi, montre nettement deux exemples de cellules présentant cette particularité. 332 MANILLE IDE En coupe optique, cette membrane a le même aspect qu'une membrane nucléaire ordinaire. Vue de face, elle se montre finement réticulée; une foule de trabécules s'insèrent sur elle, comme on l'observe souvent sur la membrane des noyaux. Cette production est analogue à la seconde membrane du noyau des cellules-mères spermatiques du Lithobius (1), ainsi qu'à la membrane in- terne que J. B. Carnoy a observée dans l'œuf de la Coronilla (2). Sa signification et sa genèse sont évidemment identiques; c'est un produit de la différentiation du protoplasme, une condensation, plus ou moins incrustée, du réticulum cytoplasmique. J. B. Carnoy a décrit la formation de la seconde membrane du Lithobius aux dépens de ce réticulum; cette manière de voir trouve dans les cellules du sabot une évidente confirmation. En effet, la continuité du réticulum du cytoplasme avec le réticulum de la mem- brane interne y est manifeste en maints endroits. On la constate surtout dans certaines membranes qui paraissent inachevées d'un côté, fig. 2, mii. Le protoplasme contenu dans cette enveloppe interne est généralement plus clair que dans le reste de la cellule. On y distingue toujours un réti- culum à mailles polygonales, limitées par de fortes trabécules. Mais l'aspect de ces mailles nous porte à les considérer comme des vacuoles véritables; dans ce cas, les trabécules qui paraissent les limiter ne seraient que la coupe optique des parois plus ou moins complètes de ces vacuoles. Notons aussi que la membrane interne n'est pas constante, tant s'en faut ; elle manque dans un grand nombre de cellules. Mais le noyau n'en est pas moins entouré d'une aire plus claire que le reste, réticulée et très semblable à la masse de protoplasme qui est comprise dans la membrane interne, quand elle existe. Dans la zone suivante du sabot, l'aspect du protoplasme change assez brusquement; il devient plus clair et montre moins d'affinité pour les ma- tières colorantes. Il subit évidemment la transformation kératinique. La première modification que l'on constate dans sa structure interne, c'est la disparition des fibres parallèles ; toute la masse du protoplasme reprend l'aspect d'un réticulum ordinaire à larges mailles, fig. 1. Il conserve cet aspect jusque dans les couches où les cellules s'aplatissent. Au-delà, sa structure devient plus difficile à déchiffrer; on n'y distingue plus que des (1) Voyez G. Gilson : La Spermatogéncsc chcj /l-s Arthropodes, La Cellule, t. 1, ier fascicule, et J. B. Carnoy : La Cytodiérïse. Ibid., t. 1, 2">" fascicule. (2) J. B. Carnoy : Ibid., t. III, 1" fasc. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES EPITHELIALES 333 granules, des restes de trabécules et des portions plus ou moins hyalines, creusées de vacuoles. Telles sont les cellules du sabot de l'embryon de veau; ou plutôt tels sont les principaux caractères de leur protoplasme et de leur membrane, car le cadre que nous nous sommes imposé ne nous permet pas de décrire les détails, bien intéressants pourtant, que l'on peut découvrir dans d'autres variétés de ces cellules, à la description desquelles nous ne pouvons nous attarder. Nous avons noté dans les cellules du sabot de l'embryon du porc une structure à peu près semblable. Notons seulement que les ponts s'y con- servent bien plus longtemps ; on les retrouve jusque dans les cellules com- plètement kératinisées. C'est ce que montre la fig. 4. Nous ne pensons pas qu'on ait jamais signalé leur existence dans des cellules aussi profondément différentiées. 3) Rapports de la membrane avec le protoplasme. Nous n'avons nullement l'intention de démontrer que la membrane cellulaire a des rapports intimes avec le protoplasme. Monsieur le professeur Carnoy enseigne depuis longtemps, et a montré, dans sa Biologie cellulaire, et dans ses divers mémoires sur la Cytodie'rèse che\ les animaux, que les membranes sont des produits de la différentiation directe du protoplasme, et que toutes, mêmes les plus homogènes en apparence, possèdent une structure réticulée aussi bien que le protoplasme lui-même, structure que divers moyens permettent de rendre apparente. Il n'est donc pas étonnant que l'on constate souvent la continuité directe des trabécules du réticulum protoplasmatique avec le réticulum de la membrane cellulaire. Il s'en faut que les cellules du sabot soient un objet exceptionnelle- ment favorable à l'étude de ces rapports. Néanmoins, grâce à la vigueur du réticulum, l'on y constate facilement dans les cellules de la troisième couche l'insertion des trabécules du réseau sur la membrane. La fig. 13, en parti- culier, montre bien ce fait. De nombreuses petites trabécules du réticulum s'implantent sur la membrane cellulaire, et en maint endroit on peut remar- quer qu'elles aboutissent soit à un pont intercellulaire, soit à un nodule, dans les membranes simples. Ce fait n'a rien de surprenant; en effet, les points fig. 3, msp, comme les ponts, correspondent aux entrecroisements des tra- bécules du réticulum constitutif de la membrane; laquelle n'est qu'une por- tion du réticulum général, souvent orienté d'une façon spéciale, condensé et incrusté. 334 MANILLE IDE Il est à noter que les filaments qui se dessinent dans le réticulum gé- néral, quand ils sont longs et bien constitués, aboutissent le plus souvent à des membranes simples, formées de points, fig. 3, msp; les membranes clivées présentant des ponts ne reçoivent d'ordinaire que de petites trabé- cules appartenant au réseau normal. Néanmoins, répétons-le, nous avons vu des filaments parallèles aboutir à des membranes munies de ponts, et se poursuivre apparemment d'une cellule à l'autre, fig. 2 et 3. Mais ce fait est beaucoup plus rare qu'on ne pourrait le penser, si l'on se bornait à l'étude de coupes imparfaites à l'aide d'objectifs trop faibles. Nous reviendrons sur ce sujet au Chapitre II. II. Epithéliomes. Nous n'avons nullement l'intention de reprendre d'une manière com- plète l'étude histologique de ces tumeurs épithéliales ; il n'entre pas même dans notre cadre de décrire toutes les variétés de cellules que l'on peut y rencontrer. Nous choisirons simplement parmi ces cellules quelques exemples intéressants au point de vue de l'étude de la membrane et de ses rapports avec le protoplasme. Trois variétés de cellules cancéreuses sont figurées dans nos planches. Nous allons les décrire succinctement. ier Type. Les cellules de ce type ressemblent, à s'y méprendre, à certains élé- ments de l'épithélium du feuillet de l'embryon de veau ; le lecteur peut s'en assurer en jetant ses regards sur les fig. 5, 6, 7, 8 et 10. Ce sont des cel- lules à ponts intercellulaires. Elles ne sont point rares. Si l'on excepte les éléments les plus jeunes, qu'on trouve rarement dans les coupes, et les cellules cornées des perles épithéliales où toute structure disparait, on peut dire qu'elles forment à elles seules toute la masse épithéliale de la généralité des cancers. Elles se montrent en grand nombre, même dans les epithéliomes où apparaissent les cellules du second type. Elles constituent dans ce cas les assises les plus rapprochées du tissu conjonctif. Mais la constatation de ce fait exige parfois beaucoup d'attention et toujours de bonnes coupes et de bons objectifs. Bien souvent après l'examen de coupes médiocres, il nous est arrivé de conclure à l'absence de ces cellules ; plus tard, l'étude de sections minces, à l'aide NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 335 d'un grossissement plus fort, nous démontra que le plus grand nombre des éléments constituant un cancer donné appartenait au contraire à ce type. Cette remarque ne doit pas étonner; car, dans les coupes épaisses, tant de ponts se superposent que les espaces intercellulaires paraissent se combler et cessent d'être distincts. Le protoplasme de ces cellules ne présente dans sa structure aucune particularité digne d'être signalée. Il est finement granuleux; on n'y distingue guère le réticulum qui s'y trouve caché par l'enchylème, ce n'est qu'à l'aide d'agents dissolvants qu'on parvient à le mettre en évidence. La membrane ressemble fort à celle des cellules de l'embryon de veau. Étudiée en section optique, elle apparaît comme une ligne réfringente, très mince, parfois difficile à saisir. Ces cellules ne sont pas en contact direct l'une avec l'autre; elles ne sont en rapport sur la plupart de leurs faces que par l'intermédiaire des ponts. Ceux-ci se soudent à chacune des membranes qui limitent les espaces intercellulaires et présentent, comme tous les ponts, un léger renflement à leurs points d'insertion. Si l'on étudie cette membrane de face, on ne parvient qu'avec la plus grande difficulté à y distinguer un réseau propre ; sous ce rapport les cellules cancéreuses diffèrent notablement des éléments du sabot ou des épithéliums digestifs de l'embryon. Nous avons cependant aperçu quelques lambeaux de ce réticulum sur certaines cellules très volumineuses. Mais en général, la surface n'apparaît que comme un champ régulièrement semé de points bril- lants. Ces points correspondent aux ponts vus en coupe optique transver- sale au niveau de leur insertion sur la membrane. C'est à grande peine que l'on constate ci et là quelques trabécules linéaires, s'irradiant de certains de ces points, fig. 10,5. Quoi qu'il en soit, l'analogie complète entre la structure de cette mem- brane et celle de la membrane nettement réticulée d'autres cellules épithé- liales, nous paraît trop évidente pour que nous jugions utile d'y insister davantage. Nous admettons donc qu'ici aussi les ponts aboutissent aux points d'entrecroisement du réticulum, plus ou moins distinct, qui constitue la couche limitante des cellules cancéreuses à espaces intercellulaires. Les rapports de la membrane et de ses ponts avec le cytoplasme ne peuvent s'étudier dans cette variété de cellules ; le réticulum y étant comme nous l'avons dit, trop ténu et trop caché par l'enchylème. 336 MANILLE IDE Mais il est une particularité assez curieuse que l'on peut observer dans certains îlots de ces cellules à ponts : c'est la présence de leucocytes dans les espaces intercellulaires. On les rencontre assez facilement dans toutes les parties où l'on peut constater de l'inflammation. La fig. 8,/ en montre deux très volumineux situés non loin l'un de l'autre. Il est évident qu'il existe à leur niveau une large lacune dans le système des ponts. Ceux-ci n'existent plus dans l'espace occupé par un leucocyte. Que sont-ils devenus? Ont-ils été repoussés sur les côtés? Ont-ils été détruits, digérés par les leucocytes? Nos observations ne nous permettent point d'o- piner pour l'une ou l'autre hypothèse. Remarquons seulement que les leucocytes exercent sur les membranes cellulaires une certaine pression qui a pour effet d'agrandir les espaces in- tercellulaires, fig. 8 et 10. Aussi remarque-t-on que les ponts les plus voisins du globule sont étirés et bien plus longs que dans le reste du même espace intercellulaire. Ce fait prouve que les ponts sont doués d'une certaine extensibilité. 2rac Type. D'autres cellules, différentes des premières, surtout par les caractères de leur membrane, se montrent aussi dans les coupes que nous possédons de deux cancroïdes. Elles se retrouvaient au niveau des assises moyennes, dans les bourgeons comme à la surface cutanée voisine du cancer. Les pre- mières assises contre le tissu conjonctif étaient toujours du 1er type. La fig. il montre deux beaux exemples de cette nouvelle variété. Ces cellules ne présentent pas de ponts intercellulaires ; leur membrane est de- meurée indivise. Cette membrane paraît formée de corpuscules brillants alignés en série plus ou moins droite à la limite de deux cellules adjacentes, fig. il. Sa structure n'est exactement la même ni sur toutes les cellules voisines, ni sur toutes les faces d'une même cellule. Tantôt les points brillants sont petits et serrés ; d'autres fois ils sont plus gros et plus distants les uns des autres ; souvent il semble qu'ils sont même sans rapports les uns avec les autres, mais nous nous garderons de l'affirmer, car des jeux de lumière très gênants nous ont toujours empêché d'arriver à la certitude sur ce point. L'analogie, du reste, nous permet de croire que si ces points ne sont pas unis ici comme dans les membranes bien constituées par une véritable lamelle solide, ils le sont cependant par de minces trabéculcs transversales NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 337 analogues à celles que l'on a observées dans certaines plaques cellulaires ou dans certaines membranes de très récente formation. En d'autres endroits d'ailleurs, ces points très serrés sont visiblement unis entre eux d'une façon très intime et constituent une lame solide, une membrane proprement dite. C'est ce qui se voit en me dans la fig. 11. L'aspect de cette lame est très net et, même en coupe optique, on distingue au premier coup d'œil les membranes bien constituées des couches limitantes, où l'union des points n'est pas aussi solidement établie. On trouve parfois, sur le bord des coupes, des cellules dont la membrane a été légèrement arrachée par le rasoir; la parfaite autonomie de cette membrane est dans ce cas mise hors de doute. Le protoplasme de ces cellules paraît être d'une texture fine et serrée. Les granules enchylématiques y sont ténus, et le réticulum plastinien y est aussi très fin et régulier. On y distingue une foule de filaments grêles, mais très nets. C'est surtout dans la couche périphérique du cytoplasme que ces filaments sont nombreux. La plupart affectent dans cette zone une direction plus ou moins radiale, et marchent directement vers la membrane, l'attei- gnent au niveau d'un de ses nodules, et se continuent dans la cellule voisine avec une fibre semblable. Ces fibres, sur les coupes minces, se montrent rarement très longues; beaucoup se perdent dans le réticulum irrégulier qui existe dans la partie centrale. Mais si l'on choisit parmi les coupes celles qui entament la cellule près de sa face supérieure on en distingue facilement de beaucoup plus longues. Nous nous sommes même assuré à plusieurs reprises que certaines d'entre elles se poursuivent obliquement, à travers la zone corticale, sur une grande longueur, et même se continuent directement avec les fibres radiales qui traversent la membrane d'une face opposée de la cellule. La zone centrale, plus granuleuse, révèle souvent une orientation réticulaire toute différente de celle de la zone périphérique : les trabécules principales s'unissent et s'épaississent de manière à constituer, non plus des fibres radiées, mais des filaments concentriques par rapport au noyau, fig. il. 3me Type. Nous avons observé dans un cancer de la peau de la main une variété de cellules très intéressantes; elles nous furent indiquées par Mr le Prof. Denys, qui voulut bien nous en donner plusieurs préparations. Nous n'avons trouvé ultérieurement qu'un seul épithélioma qui présentât des cellules du 3 |8 MANILLE IDE C'est donc une variété de cellules qu'on rencontre rarement. Encore ces cancers exceptionnels présentaient-ils toujours un mélange des trois types, sans compter d'autres variétés. Les assises de cellules les plus voisines du tissu conjonctif, étaient, comme toujours, des cellules du premier type; ce n'est qu'à mi-chemin entre le tissu conjonctif et la surface kératinisée qu'on retrouve les cellules du second et du troisième type en plein développement. Au point de vue de la membrane, elles possèdent des caractères inter- médiaires à ceux des deux autres variétés, La fig. 13 en reproduit quatre exemplaires. La puissance de la portion filamenteuse y frappe avant tout les regards. La disposition de ces filaments ne paraît pas différer de celle qu'ils affectent dans les cellules du second type ; seulement ils y sont beaucoup plus épais. Ici aussi c'est la portion périphérique qui contient ces filaments ; le centre de la cellule est plus gra- nuleux et présente un réticulum ordinaire. On constate plus facilement ici, que beaucoup de ces filaments passent directement d'une cellule dans une autre à travers la membrane cellulaire. Cela se voit mieux sur des coupes d'une certaine épaisseur que sur des sections trop fines ; dans ces dernières les faisceaux de fibres sont souvent coupés obliquement et semblent se per- dre dans une seule des deux cellules voisines. Il est donc préférable de les suivre sur des coupes de 15 à 20 micromillimètres, si l'on veut étudier leur cheminement. Ajoutons qu'il n'est nullement nécessaire de suivre chaque filament en particulier sur toute sa longueur pour constater qu'ils passent véritablement d'une cellule à une autre ; l'aspect des faisceaux entiers ne laisse point de doute à cet égard. La fig. 13 est la reproduction d'une sec- tion optique de quatre cellules ; elle a été dessinée à la chambre claire pres- que sans toucher à la vis du microscope. Aussi les fibres y paraissent-elles beaucoup moins nombreusss qu'elles ne le deviennent quand on fait varier le niveau du foyer optique pour fouiller les plans situés au-dessus et en- dessous de la section mise au point. Les sections très minces sont au contraire très utiles pour étudier les rapports que les fibres conservent toujours avec le restant du réticulum. On peut y constater à l'aide des meilleurs objectifs, que ces filaments aussi ap- partiennent bien au réticulum général. On en découvre qui se perdent dans ce dernier en se ramifiant; de plus on remarque aussi que de fines trabécules s'insèrent sur eux et même sur ceux qui au premier abord semblent le plus régulièrement filiformes. Du reste, quel cytologiste pourrait aujourd'hui leur attribuer une autre signification que celle de portions du réticulum orientées d'une façon régulière ? NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 339 La membrane présente des caractères différents sur les diverses faces de ces cellules, comme on le remarque dans les fig. 12 et 13. Tantôt c'est une membrane propre à chaque cellule, née du clivage d'une membrane primitive et portant des ponts intercellulaires. D'autres fois, c'est au contraire une membrane simple non clivée, com- mune à deux cellules adjacentes. On le voit, la membrane de ces cellules présente en certains points les caractères de la membrane du premier type, et en d'autres ceux de la mem- brane du second type. Suivons, par exemple, le contour de la cellule 4 à partir du point p. De p en c nous trouvons d'abord un espace intercellulaire traversé par des ponts et limité par deux membranes propres à chacune des cellules voi- sines. Le protoplasme voisin de la membrane, dans les deux cellules, est simplement granuleux; c'est à peine si on y distingue quelques trabécules réticulaires. Aux approches du point c l'espace intercellulaire se rétrécit; les deux membranes se rapprochent et les ponts se raccourcissent d'autant. Ils se réduisent bientôt à de simples points et en cet endroit la membrane reprend l'aspect des membranes simples non clivées. De c en g elle présente encore cette même disposition, mais ici tous les points brillants sont traversés par une forte trabécule, par un de ces longs filaments dont nous avons signalé plus haut le passage d'une cellule à l'autre. Sur toute la face de cette cellule qui avoisine la cellule 2, les points brillants sont disposés assez' irrégulièrement sur une ligne flexueuse, ils paraissent avoir des rapports peu intimes les uns avec les autres. On ne par- vient à y constater entre eux ni lamelle ni trabécules unissantes. Au contraire, démena s'étend une membrane simple commune aux deux cellules voisines mais bien organisée en lame compacte. On y distin- gue encore très bien les points brillants, mais ils y sont très serrés et visi- blement unis entre eux d'une façon très intime. Les points étant fins, serrés et nombreux, il n'est pas étonnant que les filaments qui traversent cette membrane y présentent les mêmes caractères. Ce rapport entre le nombre, le calibre et la distance des points d'une part et des filaments de l'autre suffirait à démontrer que chaque fil est relié à un point, même si ce fait ne pouvait être constaté par l'observation directe. Du point a au point t>, les points d'épaississement des filaments sont grêles et allongés, et leur série paraît former une membrane encore plus mal constituée, plus inachevée que sur la face d'union des cellules 2 et 3. 340 MANILLE IDE On dirait ici que les granules brillants, au lieu de tendre à s'unir entre eux, au cours du développement, se sont allongés, étirés le long de leurs filaments. De b en p l'on retrouve un espace intercellulaire, des ponts et deux membranes. Celles-ci se rapprochent vers les angles de la cellule, et finis- sent par s'y rencontrer pour reformer une membrane simple. Mais le fait le plus remarquable que présente cette face, c'est la pré- sence simultanée de ponts et de filaments allongés passant d'une cellule à l'autre; chaque filament se continue avec un pont. Nous avons déjà dit, et nos figures ne nous démentent pas, que les ponts existent le plus souvent sur des cellules qui ne présentent pas de longs filaments plastiniens, ou sur les faces qui ne sont en contact qu'avec un réticulum ordinaire. La coexistence et la continuité des ponts et des fila- ments se constatent plus rarement. Appelons encore l'attention du lecteur sur la face d'union des cellules i et 3. On y voit un beau faisceau de filaments allongés passer d'une cellule à l'autre, comme en d'autres endroits, mais, fait à noter, sans porter de points d'épaississement brillants à la limite des deux cellules. Celles-ci paraissent être en continuité directe, cytoplasme à cytoplasme. Sur les parties latérales des faisceaux au contraire, on distingue à droite et à gauche une série assez irrégulière et mal organisée de points brillants. Nous reviendrons sur cette disposition dans nos Remarques. III. Cristallin. Heitzmann (i) admet que les fibres du cristallin, comme les autres éléments des tissus, sont unies par des cordons de protoplasme. Ces fibres n'échappent donc pas au réseau ou symplaste (plasmodium) général qui d'après lui constitue l'organisme. Il en donne un dessin exécuté d'après des préparations traitées par le nitrate d'argent (grossissement 600). Guaita (2) en 1887, sans connaître le livre de Heitzmann, décrivit des productions semblables chez le crapaud et la grenouille. Il traitait aussi les fibres par le nitrate d'argent. fi) C Heitzmann : Ueber den feineren Bau des Glaskôrpers; Klinisch. Monatbl. fur Augenheil- kunde; Jahr. XXI, Beilage, i883. (2) L. Guaita : Contribuzione alla citologia degli epithelii del cristalino; Siena, 1887. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES EPITHELIALES 341 Les coupes, dont il publia plusieurs photographies, montraient des espaces intercellulaires assez vaguement striés, et ces stries d'après lui se- raient des filaments implantés sur la membrane cellulaire et traversant les espaces intercellulaires. Le lecteur peut remarquer que cette manière de comprendre les ponts, en général, est en parfait accord avec celle que nous avons exposée précédemment. Malheureusement, appliquée au cristallin comme le fait Guaita, elle est complètement erronée, et pour cause. En effet, disons le sans plus tarder, nous soutenons contrairement à Heitzmann et Guaita qu'il n'existe pas de ponts entre les cellules allongées du cristallin, au moins chez l'adulte. C'est à tort, d'après nous, que ces au- teurs expliquent par la présence des ponts intercellulaires certaines appa- rences qui correspondent, en fait, à une disposition toute différente. Comme leur interprétation est acceptée aujourdhui par beaucoup d'histologistes, nous croyons utile d'étudier en détail les images qui ont donné naissance à cette opinion, selon nous erronnée. Si l'on examine dans un milieu possédant un indice de réfraction peu élevé, comme la solution de Ripart et Petit, des fibres du cristallin de la grenouille dissociées par l'alcool au tiers, on trouve sans peine des images rappelant au premier abord les figures de Heitzmann et Guaita, surtout si l'on fait usage d'un objectif peu puissant, comme le D de Zeiss par exemple. Nous avons assayé de rendre cet aspect dans les fig. 15 et 16. On y distingue, à la limite de deux cellules adjacentes, une zone striée transversalement dans laquelle un examen superficiel permet de retrouver une apparence de ponts intercellulaires analogues à ceux des cellules épithéliales de la couche de Malpighi de la peau, ou des épithéliums digestifs du veau embryonnaire, mais bien plus courts et infiniment moins nets que ces derniers. Les points noirs, dans cette figure correspondent à un prétendu cément ou Kittsubstani, qui, pour ces auteurs, remplirait tous les espaces intercel- lulaires. Les espaces séparant les points noirs seraient les ponts. Mais si l'on étudie cette zone attentivement à l'aide d'un grossissement plus fort, on ne tarde pas à reconnaître que ces stries sont tout autre chose que des ponts intercellulaires. Elles sont produites par des dentelures qui s'engrènent, et non par des filaments unissant des membranes. Les deux membranes des cellules adjacentes sont très intimement appliquées l'une à l'autre, et aux saillies de l'une correspondent les creux de l'autre. 342 MANILLE IDE La taille des dentelures est très variable sur une même fibre; elle est en rapport, dans une certaine mesure, avec le diamètre de la fibre, dans la même région; les parties minces sont finement dentelées; les parties larges présentent des dents plus saillantes et plus larges. Mais ce rapport n'est pas d'une constance absolue. Il y a même toujours certaines portions de la cellule qui sont dépourvues de dents, fig. 14. C'est surtout dans les parties à gran- des dents que l'on reconnaît aisément la véritable explication des stries en question. Avec un peu de patience on trouve toujours des endroits ou deux fibres dérangées par les manipulations, s'écartent tout à coup l'une de l'autre, ainsi qu'on le voit dans la fig. 19, tout en restant intimement engrenées sur une certaine longueur. On constate alors sans doute possible le fait de l'engrènement, même sans recourir aux objectifs les plus puissants, comme le prouvent les fig. 17 et 18 qui ont été dessinées au grossissement de 400. Avec l'aide d'un bon objectif à immersion dans l'huile on constate faci- lement que les deux membranes adjacentes sont intimement appliquées l'une à l'autre et qu'il n'existe entre elles qu'une fente virtuelle sans épais- seur appréciable et sans traces de ponts, fig. 19. Il est certain que le nitrate d'argent est un fort mauvais réactif pour l'étude des ponts en général; mais il l'est surtout pour celle des fibres du cristallin. Les apparences qu'il fait naître à la limite des deux fibres adja- centes ressemblent tellement à des ponts, du moins sous un grossissement moyen, que la méprise de Guaita et Heitzmann ne nous étonne nullement. Ajoutons que des jeux de lumière très gênants contribuent encore, dans les objets un peu épais, à la production de ces images trompeuses. Nos observations antérieures nous ont appris que des membranes qui se trouvent dépourvues de ponts, à un moment donné de leur existence, peuvent en avoir présenté de très beaux au cours de leur développement. C'est le cas pour les cellules des couches externes du sabot chez l'embryon de veau. Et ce rapprochement est d'autant plus frappant que ces cellules, en perdant leurs ponts, se plissent à leur surface et s'engrènent très exactement les unes avec les autres. Il n'est donc pas impossible que les fibres du cristallin aient présenté, à un stade donné de leur développement embryonnaire, cette variété de membrane qu'on appelle membrane à ponts intercellulaires. Mais nous n'en avons pas la preuve, n'ayant pas porté nos recherches chez l'embryon. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 343 S'ils ont existé, ils étaient probablement fort minces et délicats. Quoi qu'il en soit, les apparences striées que présentent les fibres du cristallin, chei le crapaud et la grenouille adultes, ne sont pas dues à des ponts, mais à des dentelures qui s'engrènent. En terminant la partie descriptive de ce mémoire nous prions nos lecteurs de lire attentivement l'explication de nos Planches. Nous espérons qu'ils nous sauront gré d'avoir reporté dans cette explication détaillée l'in- dication de nombreuses particularités que nous avons passées sous silence jusqu'ici, et d'avoir abrégé d'autant notre texte. CHAPITRE II. REMARQUES ET CONCLUSIONS. I. Signification cytologique des particularités décrites. Nous avons présenté au lecteur, dans les pages qui précèdent, un exposé purement descriptif de nos observations sur la membrane et le protoplasme des cellules du sabot embryonnaire, de certaines cellules can- céreuses et des fibres du cristallin. En d'autres termes, nous avons décrit des faits. Ces faits par eux-mêmes ne seront peut-être pas dépourvus d'intérêt pour le lecteur qui s'adonne à l'étude histologique de ces organes ou de ces tumeurs. Néanmoins, en se plaçant au point de vue plus général de l'étude comparée de la cellule vivante, on pourrait désirer savoir jusqu'à quel point ils s'accordent avec les données que nous fournit la cytologie sur la structure de la membrane et du protoplasme. C'est pourquoi nous allons nous efforcer, dans la deuxième partie de ce travail, de trouver par la comparaison et l'induction le lien qui coordonne ces faits entre eux et qui permet de les rattacher à d'autres faits connus. Un examen même superficiel de nos figures permettra au lecteur de reconnaître, dans les diverses espèces de cellules que nous avons étudiées, trois variétés de membranes : 344 MANILLE IDE 1° Des membranes simples, ponctuées et communes à deux cellules adjacentes ; 2° Des membranes propres' à chaque cellule, mais intimement appli- quées l'une à l'autre de cellule à cellule; 3° Des membranes propres à chaque cellule et séparées l'une de l'autre par un espace intercellulaire traversé par des ponts. Ces trois variétés diffèrent-elles essentiellement l'une de l'autre; consti- tuent-elles de simples caprices de la nature, sans lien ni rapports naturels; ou bien peut-on les rattacher au plan général de structure de la membrane cellulaire? Telle est la question que nous allons examiner rapidement, sans né- gliger les questions connexes des rapports des cellules entre elles, et des rapports des membranes cellulaires avec le protoplasme. L'analyse et l'étude comparée des détails que nous avons eus sous les yeux nous conduisent à la conclusion suivante, dont nous faisons notre thèse: Les trois variétés de membranes que nous avons décrites trouvent leur explication dans le mode de genèse des membranes à l'aide d'une plaque cellulaire. Ce mode de genèse explique aussi les rapports de ces cellules entre elles et ceux de la membrane avec le protoplasme. Rappelons d'abord les données que nous fournissent, au sujet de la plaque cellulaire, les divers mémoires de J. B. Carnoy sur la cytodiérèse chez les animaux fi). La division du protoplasme, chez les animaux aussi bien que chez les végétaux, débute par l'apparition d'une série de points brillants à la limite des deux futures cellules. Le plus souvent ces points ou granules apparaissent d'abord à l'équateur du fuseau nucléaire, pour constituer la plaque fusoriale. Plus tard, le reste du protoplasme se divise parla formation d'une nouvelle série de granules en dehors du fuseau, au sein du cytoplasme lui-même. J. B. Carnoy, qui a découvert ces phénomènes chez les animaux, nous dit que cette nouvelle plaque, la plaque complétive, apparaît d'abord sur le pourtour de la plaque fusoriale et s'avance ensuite progressivement jusqu'à la membrane ; ou bien contre la membrane cellulaire, pour progresser vers le fuseau ; en tout cas, elle est formée de granules comme la première. On s'assure facilement, en étudiant la plaque fusoriale, que les granules sont (i) J. B. Carnoy : La Cellule, t. 1, 2" fasc, t. III, î" fasc. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 345 placés sur les filaments mêmes du fuseau nucléaire; ce sont des épaissis- sements de ces filaments. Dans la plaque complétive il est souvent possible de constater qu'ils sont placés sur des trabécules du réticulum, qui d'ordi- naire passent sous forme de fils plus ou moins longs, d'une cellule à l'autre. Ce fait n'est pas étonnant, car les filaments eux-mêmes ne sont que des parties du réticulum général; nous prions le lecteur de ne pas perdre de vue cette donnée fondamentale. Il faut ajouter à cela que la plaque cellulaire peut se former dans des cellules qui ne contiennent pas trace de fuseau, soit que la caryodiérèse s'y soit faite par voie de sténose, soit que le fuseau cinétique y ait disparu avant l'apparition de la plaque. Celle-ci se compose alors exclusivement de gra- nules formés sur le trajet de certaines trabécules du réseau cytoplasmique. D'après J. B. Carnoy, la plaque, même dans le fuseau, ne reste pas longtemps à l'état de simple rangée de granules enfilés sur des filaments longitudinaux. Lorsqu'elle est bien établie, elle est réticulée elle-même; les granules portés par les fils longitudinaux s'unissent entre eux par des trabé- cules transversales. Plus tard, tout le système se charge de substances par- ticulières, s'épaissit et constitue une membrane véritable. La plaque peut alors se cliver en deux lames propres à chaque nouvelle cellule. Ces données établies, voyons comment elles nous permettent d'inter- préter chacune des trois variétés de membranes que nous avons décrites. ire variété. Membrane simple, ponctuée et commune à deux cellules adjacentes. Cette variété représente exactement le premier stade de la formation des membranes à l'aide d'une plaque. Nous la trouvons représentée dans la fig. 3, msp, pour le sabot embryonnaire du veau, et dans les fig. 9, 11, 12, 13, pour les cellules cancéreuses. Ces membranes, comme les plaques cellulaires récemment établies, sont formées de points ou granules brillants placés sur des filaments protoplas- matiques passant d'une cellule à l'autre. Que l'on -compare ces membranes à la plaque cellulaire de l'œuf du Filaroides mustelarum représentée par J. B. Carnoy, et reproduite par nous, fig. 24, et l'on reconnaîtra qu'il y a entre ces deux formations une similitude frappante. Bien plus, notre savant maître a décrit et figuré les plaques cellu- laires ponctuées et traversées par des filaments, dans des cellules de même nature que certaines d'entre les nôtres, dans des cellules cancéreuses, à deux 346 MANILLE IDE stades de leur développement ; nous avons reproduit ses dessins, fig. 22 et 23, et nous demandons au lecteur s'il est possible de mettre en doute l'identité de structure de ces plaques cellulaires jeunes et des membranes adultes que nous avons étudiées et représentées, fig. 3, 9, il, 12 et 13. Nous croyons inutile de nous appesantir davantage sur ce point. Les membranes simples, ponctuées et communes à deux cellules adjacentes représentent donc des plaques cellulaires consolidées dans la structure lâche et fort simple qu'elles affectent dès les débuts de leur formation. Comme les plaques cellulaires de récente formation, elles paraissent formées d'une série de points d'épais- sissement portés par des trabécules passant d'une cellule à l'autre. L'ana- logie nous permet d'admettre que, aussi bien que ces plaques, elles peuvent elles-mêmes devenir réticulées. Les rapports du protoplasme avec la membrane dans cette première variété s'expliquent donc très naturellement : une série de trabécules proto- plasmatiques s'attachent aux points brillants qui la constituent, parce que ces points ne sont que des épaississements nés sur certaines parties du réticulum et constituant la plaque cellulaire. Les rapports de ces cellules entre elles ne sont pas plus étranges. Étant donné que les granules de leur membrane ne sont que les points de la plaque cellulaire, il n'est pas étonnant que les fibres allongées d'une cellule se continuent avec celles de la cellule voisine. Ce qui distingue les cellules dont nous parlons de beaucoup d'autres éléments où l'on ne constate pas cette continuité de certaines trabécules à travers la membrane, c'est que, dans ces dernières, les trabécules disposées en fibres parallèles qui portaient la plaque dans le principe, se réduisent plus tard en trabécules de toute forme et de toute direction, en un mot, retournent au réticulum or- dinaire ; tandis que dans certaines cellules cancéreuses beaucoup de ces fila- ments, servant de base à la plaque, se conservent au contraire et même se consolident beaucoup dans la suite du développement. Nous avons dit dans certaines cellules : en effet, même dans ces tissus, le protoplasme de beaucoup de cellules retourne à une structure simplement réticulée et toute différente. Le plus souvent la membrane revêt alors une autre structure aussi, comme nous le verrons plus loin. Ajoutons une remarque à propos de la membrane indiquée m dans la fig. 11. Bien que ponctuée comme celle qui ferme les autres faces de la cellule, cette membrane paraît former un feuillet solide, une vraie lame. Tous les granules d'épaississement y sont réunis entre eux par une sub- NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 347 stance solide et brillante. C'est un stade ultérieur du développement des membranes en général, et il n'est point extraordinaire de l'observer dans ces mêmes cellules, qui paraissent entourées d'une membrane faiblement constituée sur d'autres faces. Au contraire, l'on peut y voir une confirmation de l'hypothèse que nous formulons au sujet de ces dernières : elles représen- tent l'état primordial d'une membrane arrêtée dans son développement et simplement consolidée sans dépasser ce premier stade, tandis que la mem- brane complète m ne s'est trouvée fixée qu'au stade suivant, alors qu'une union intime s'était déjà établie entre les granules. 2e variété. Membranes propres à chaque cellule, mais intimement appliquées l'une à l'autre de cellule à cellule. Nous avons signalé cette disposition dans la 4e couche du sabot em- bryonnaire du veau et du porc, ainsi que dans les fibres du cristallin. Nous pensons du reste que loin d'être exceptionnelle et rare, elle existe au con- traire dans la plupart des tissus épithéliaux qui se laissent dissocier, soit par l'alcool au tiers, soit par d'autres agents. Remarquons que l'union des deux membranes accolées, peut être pri- mitive ou secondaire. Elle est primitive, quand les membranes accolées dérivent du clivage d'une plaque cellulaire ou d'une membrane simple. J. B. Carnoy a signalé le premier, chez les animaux, ce clivage des plaques qui est, du reste, un phénomène bien connu chez les plantes. Elle est secondaire quand les deux cellules adjacentes ne dérivent pas d'une même cellule-mère, mais se sont accolées l'une à l'autre par suite de glissements ou de mouvements divers se produisant au cours du développe- ment de l'organe. Dans les couches périphériques du sabot, l'accolement des membranes est, en général, primitif; car les cellules voisines y ont d'ordinaire des rapports génétiques directs. Mais il a cela de particulier qu'il est consécutif à une période de séparation. En effet, nous avons vu que les cellules de la quatrième couche finissent par perdre leurs ponts et par s'accoler intimement les unes aux autres tout en se plissant. Nous avons cru trouver la cause de ce plissement et de ce rapprochement d'une part dans la grande turgescence des cellules plus profondes et plus jeunes et, de l'autre, dans la diminution de turgescence que subissent les cellules périphériques. La pression récipro- que de ces cellules, en les rapprochant au point de ramener leurs mem- branes à un contact parfait, a pour conséquence la disparition de l'espace intercellulaire et des ponts. 348 MANILLE IDE Les membranes remises en contact paraissent affecter alors l'une vis- à-vis de l'autre les mêmes rapports que les membranes accolées secondaire- ment. Mais il y a lieu de croire cependant que ces rapports sont tout différents. Si les ponts ont cessé d'y être visibles, il n'est pas impossible qu'au niveau de chacun'd'eux il existe encore un point d'attache entre les deux membranes. Rien ne prouve en effet que les ponts aient été brisés ou détruits, ils peuvent s'être simplement raccourcis, et alors, au niveau de chacun d'entre eux, il persisterait une continuité directe de la substance des deux membranes. Ce fait pourrait avoir une certaine importance au point de vue du phénomène de la desquamation. Le cas des fibres du cristallin ne nous paraît pas entièrement élucidé. Nous soutenons, il est vrai, qu'à l'état adulte il n'existe pas entre ces fibres la moindre trace de ponts. Ces longues cellules à la fin de leur développement se plissent et s'engrènent comme les cellules de la dernière couche du sabot ; mais sont-elles bien dans les mêmes rapports mutuels que ces dernières cellules? Nous n'osons l'affirmer, parce que nous n'avons pas vérifié le fait de la présence ou de l'absence de ponts chez l'embryon. Néanmoins, nous nous demandons s'il est possible que la croissance de ces cellules ait été tellement égale que leurs points d'attache n'aient été tiraillés ni brisés par aucun phénomène de glissement? Les rapports de la membrane avec le protoplasme ne présentent dans cette variété rien de spécial. Quand le réticulum est bien développé, on en voit les trabécules s'insérer sur la membrane de la même manière qu'avant le clivage de la plaque cellulaire; ce fait n'a plus besoin d'explication. 3e Variété. Membranes propres à chaque cellule, et séparées l'une de l'autre par un espace intercellulaire traversé par des ponts. Cette disposition dérive évidemment d'un mode particulier de clivage de la plaque cellulaire. Ce mode diffère du mode ordinaire en ce qu'il de- meure incomplet ; les deux lamelles, au lieu de se séparer complètement, restent unies par des filaments. Nous avons démontré en 1888 (1) que ces filaments, ou ponts intercellulaires, correspondent aux points brillants que l'on distingue dans les membranes jeunes, et qu'ils en dérivent par un simple allongement. Certaines de nos figures, tant du cancer que du sabot, en fournissent une nouvelle preuve, fig. 3, 12, 13. i) Manille Ide : La membrane des cellules du corps muqueux de Malphigi; La Cellule, t. IV, 2. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHELIALES 349 En plusieurs endroits on y voit les membranes se rapprocher et les ponts se raccourcir jusqu'à se réduire à de simples points brillants, analogues aux points d'épaississement de la plaque cellulaire, fig. 3 msp et 13 p'. Nous trouvons encore dans plusieurs de nos figures une autre particu- larité qui est en plein accord avec notre manière de voir au sujet des ponts. Très souvent, dans la première variété de membranes, les corpuscules bril- lants n'ont pas la forme de simples granules; ce sont de petits fuseaux plus ou moins allongés. Les granules primitifs de la plaque cellulaire sem- blent s'être étirés, dans ces membranes, en véritables bâtonnets semblables aux ponts. Ils se sont donc comportés comme les granules qui donnent naissance aux ponts proprement dits; seulement ici aucun phénomène de clivage ne s'est produit, fig. 9,g et 12,msf. Nous savons donc que les granules qui constituent la plaque cellulaire peuvent non seulement se conserver et se retrouver dans les membranes achevées, mais même s'allonger notablement. Dès lors, il faut admettre que l'évolution de la plaque cellulaire, quand elle persiste, peut suivre deux voies différentes, et qu'il faut distinguer, dans le développement des granules qui la constituent, deux modes distincts. Dans \e_premier mode, décrit par J. B. Carnoy dans les cellules grais- seuses, les métrocytes spermatiques des arthropodes et les œufs de divers nématodes, il paraît clair que les granules, après s'être allongés un peu, se scindent en deux parties. Ce fait est très nettement indiqué entre autres dans sa fig. 245 h' (1). On y voit le clivage marcher progressivement de la périphérie de la plaque au centre, sans qu'il soit possible de rapporter la cause du phénomène à un étranglement périphérique, car la membrane de la cellule-mère y reste étrangère et passe intacte au-dessus du sillon de clivage. Dans le deuxième mode, qui est réalisé dans les cellules à ponts inter- cellulaires, ces mêmes granules ne se scindent jamais ; ils se fortifient au contraire et s'allongent. Mais ici surgit une question fort délicate. Sans aucun doute, les granules de la plaque cellulaire ne se scindent pas ; ils s'allongent au contraire et deviennent des ponts. Mais que se passe-t-il entre ces granules, entre ces ponts ? Une mince membrane s'est-elle établie dans les espaces qui les séparent? Dans ce cas, cette membrane se clivera bientôt en deux feuillets; telle serait l'origine de la membrane complète et réticulée, qui entoure les (\j J. B. Carnoy : La Cytodiérese che% les arthropodes; La Cellule, t. I, Pl. VIL 350 MANILLE IDE cellules à ponts intercellulaires et qui apparaît en coupe optique, comme une ligne brillante et continue, limitant chacune des cellules adjacentes. Mais nous n'avons observé ni cette membranule ni son clivage. La petitesse des espaces intercellulaires, la minceur des membranes, les jeux de lumière qui s'y produisent, sont autant d'obstacles qui, dans les objets que nous avons eus sous les yeux, s'opposent à la constatation directe de ces faits. Nous ne désespérons pas qu'on parvienne un jour à trancher cette question par l'étude d'objets plus nets, munis de ponts, de membranes et d'espaces intercellulaires plus développés, en un mot d'objets privilégiés; mais pour notre part nous n'avons pu, même avec le secours des meilleurs objectifs, arriver à la certitude sur ce point, en ce qui concerne les cellules du sabot et les cellules cancéreuses munies de ponts intercellulaires. Au contraire, il nous paraît évident qu'une semblable membranule s'établit entre les granules de la plaque cellulaire et les cimente solidement entre eux, dans d'autres membranes non clivées, telles que celles de la plu- part des cellules épithéliales à membrane commune et, en particulier, telles que celles dont nous avons signalé la présence sur certaines cellules cancé- reuses; la face ni de la cellule ni, fig. 13, et la face me de la fig. 11 en présentent des exemples. Il n'est pas prouvé que de telles membranes se clivent jamais pour donner des ponts. (Ajoutons ici qu'en employant le terme membranule nous n'entendons pas trancher la question catégoriquement; au lieu d'une mem- branule, c'est peut-être un système de trabécules transversales qui unit les granules de la plaque; la chose importe peu, car en coupe optique un réti- culum serré et une membranule se présenteraient sous la forme identique d'une ligne brillante.) Mais, pour en revenir aux membranes à ponts, il se pourrait aussi que les granules de la plaque qui leur donne naissance n'aient jamais été réunis par une lame simple comme la membranule dont nous venons de parler. Les deux lamelles, qui unissent les ponts à chacune de leurs extrémités et qui constituent avec eux l'enveloppe propre de chaque cellule, se seraient formées alors séparément, chacune pour son compte, après la production d'une cer- taine rétraction du protoplasme entre les ponts. Dans ce cas il n'y aurait donc pas eu de clivage proprement dit dans la plaque cellulaire, mais seule- ment inachèvement de la membrane commune aux deux cellules, étirement des granules qui constituent cette membrane, rétraction du protoplasme et formation d'une membrane des deux côtés à la surface du protoplasme rétracté, entre les extrémités des granules étirés et transformés en ponts. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES EPITHELIALES 351 Ces deux hypothèses peuvent être admises. Et à l'appui de la possibilité de la dernière, rappelons un instant au lecteur ces séries de bâtonnets ou fuseaux que l'on observe à la limite des cellules dans certains éléments can- céreux, tels qu'en représentent les fig. 9, 12 ms,fu, 13 ab et gc. Il nous a été impossible de mettre en évidence l'existence de la moindre liaison entre ces divers fuseaux; il n'est donc pas impossible qu'ils soient aussi indépendants que les granules de la plaque à leurs débuts. Ces fuseaux dérivent des points de la plaque cellulaire qui se sont allongés comme s'ils allaient former de véritables ponts intercellulaires; mais, entre eux, le protoplasme ne s'est ni rétracté ni transformé superfi- ciellement en une mince membrane, il est demeuré en libre communication de cellule à cellule. Quoi qu'il en soit, nous pensons avoir établi clairement notre thèse; c'est dans la plasmodiérèse à l'aide d'une plaque cellulaire qu'il faut chercher l'explication de toutes les variétés de membranes que nous avons décrites, et, ajoutons-le, celle de bien d'autres variétés encore. Vouloir en trouver ailleurs la raison et l'interprétation, ce serait s'enga- ger dans une voie sans issue; ce serait refuser la lumière que nous fournis- sent les belles études de cytologie comparée de ces dernières années. II. Remarques sur les observations antérieures. Néanmoins tel n'a pas été jusqu'ici la voie suivie par les histologistes qui ont porté leur attention soit sur les ponts intercellulaires, soit sur les rapports mutuels des cellules épithéliales. Remarquons d'abord que beaucoup se sont bornés à la description détaillée des dispositions particulières qu'ils avaient observées dans un tissu donné, sans chercher dans la série des êtres des faits de nature à en fournir une explication rationnelle. D'autres observateurs ayant constaté une disposition particulière dans un ou plusieurs organes ont cru pouvoir, sans en chercher la raison génétique, la généraliser soit à tous les tissus, soit à certains groupes de tissus. Parmi ces derniers, l'on remarque surtout Heitzmann et Renaut. A. Théorie de Heitzmann. Cette théorie bien connue revêt un caractère de généralité plus marqué que celle de Renaut. Pour Heitzmann toutes les cellules du corps sont en communication 352 MANILLE IDE directe les unes avec les autres, de telle manière que le protoplasme de chaque cellule se continue, par un nombre variable de bras, avec celui des cellules voisines ; il en résulte que l'ensemble de l'organisme n'est en somme qu'une syncytium, comparable jusqu'à un certain point au plasmo- dium multinucléé d'un myxomycètc. Nous n'avons pas l'intention d'entamer ici la discussion complète de cette théorie, dont nous ne pouvons nous déclarer partisan; nous nous bor- nerons à la placer en face de certains faits dont les pages précédentes con- tiennent la description. Les ponts intercellulaires, sans aucun doute, ont fourni à Heitzmann les bases premières de sa théorie. Néanmoins nous croyons pouvoir lui reprocher, d'abord, d'accorder trop d'importance à une disposition qui est bien loin de présenter un caractère de généralité. Bien plus, même dans les cellules qui possèdent les ponts intercellu- laires les plus distincts, ces productions, loin d'être favorables aux idées de Heitzmann, nous fournissent au contraire un argument convaincant contre sa théorie. Mais ici, pour éviter toute équivoque, nous croyons nécessaire de préci- ser le sens que nous attribuons au mot protoplasme. Pour nous, tout proto- plasme est une substance structurée; nous ne sommes plus au temps où l'on considérait la cellule comme » un globule de matière albuminoïde ». Le protoplasme vivant comprend deux éléments distincts, le réticulum plastinien et l'enchylème (1). Une trabécule du réticulum plastinien n'est donc pas du protoplasme ; ce n'est qu'un des éléments constituant du pro- toplasme. Si Heitzmann veut assimiler l'ensemble des cellules du corps à un plasmodium, il doit donc considérer les bras anastomotiques, non comme de simples trabécules réticulaires, mais comme des prolongements du cyto- plasme comprenant eux-mêmes du réticulum et de l'enchylème. Ce serait parfait si l'on pouvait, à la suite de Ranvier (2), de Ramon y Cajal et de Heitzmann lui-même attribuer aux ponts la signification de véritables prolongements de la masse protoplasmatique. On pourrait alors comparer certains tissus normaux et pathologiques à un plasmodium de myxomycète, tout en tenant compte de certaines diffé- rences bien marquées. (1) Voir J. B. Carnoy : Biologie cellulaire; Van In, Lierre, 1884. (2) L. Ranvier: Sur la structure du corps muqueux de Malpighi; Comptes Rendus de l'Ac. des se, t. 95, 1882, décembre. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 353 Mais nous croyons avoir démontré qu'il n'est pas possible de leur attri- buer cette valeur. Les ponts intercellulaires appartiennent en propre à la membrane cellulaire : leur genèse le prouve. D'ailleurs leur structure, même si on l'étudié avec les meilleurs objectifs, exclut le doute à l'égard de leur signification : ce sont de simples trabécules du réticulum propre de la mem- brane cellulaire. Ce n'est pas tout. Ces ponts, appartenant en propre à la membrane cellulaire, ne sont pas seulement de simples trabécules du réseau protoplas- matique, ce sont des trabécules profondément différentiées et présentant des caractères chimiques particuliers, comme le prouve leur résistance à l'action des agents dissolvants. Au lieu d'unir les protoplasmes voisins, ils établissent donc entre eux une barrière plus puissante que les membranes ordinaires. Loin de constituer des sortes de tubes de communication par lesquels la substance protoplasmatique pourrait cheminer et se mélanger mécaniquement de cellule à cellule, ce sont de véritables piquets de sub- stance réfractaire. Selon toute apparence leur rôle est bien différent de celui que l'on pourrait attribuer à de véritables bras anastomotiques, susceptibles d'être le siège de courants de substance plasmatique. Ils paraissent avoir plutôt pour effet de maintenir les cellules à distance, et d'établir entre elles des espaces libres, dans lesquels peuvent circuler les liquides nourriciers, voire même les leucocytes, quand survient l'inflammation, fig. 8 et 10. Ces remarques nous paraissent suffisantes pour rendre inacceptable une théorie qui, d'ailleurs, parait avoir fait son temps, malgré les efforts de Heitzmann (i) pour la soutenir et l'étendre à tous les tissus, même au car- tilage hyalin. Au reste, bien d'autres considérations nous permettraient d'établir que l'hypothèse du syncytium général est en contradiction avec les données que la cytologie a retirées de l'étude comparée de la cellule, à tous les degrés de l'empire organique. B. Théorie de Renaut. Pour Renaut les cellules épithéliales, ou du moins celles du groupe malpighien, dont le type se trouve dans les couches inférieures et moyennes de l'épiderme des mammifères, sont réunies par des productions toutes spéciales, des filaments réguliers qui les cousent entre elles : se sont ses fibres unitives. (i) Heitzmann : Journal de Micrographie de Pelletan; n° i, t. XIV, 1890. 354 MANILLE IDE Toutes ces cellules comprennent deux parties : une partie centrale con- tenant le noyau, c'est l'endoplasme, et une partie corticale, l'exoplasme. Ce dernier est traversé par les fibres unitives. Cette théorie est principalement le résultat des recherches que l'auteur a faites sur le sabot de l'embryon de veau. Nous ferons au sujet de cette doctrine deux remarques. i° Son auteur ne l'a pas vérifiée sur tous les épithéliums, tant s'en faut. Il s'en suit que, pour tous les objets qu'il n'a pas étudiés, la théorie des formations endoplastiques et exoplastiques et des fibres unitives demeure une pure hypothèse, une supposition analogique dépourvue de base solide. 2° Généralisée, comme le voudrait Renaut, elle est de plus contraire aux faits observés. Il existe en effet quantité de cellules épithéliales dans lesquelles on chercherait en vain à distinguer une substance centrale et une substance corticale, et qui ne présentent pas trace de fibres unitives. Faut-il en citer des exemples? Nous en trouvons jusque dans les objets qui ont conduit Renaut à bâtir sa théorie, ou dans d'autres qui, à première vue, semblent en fournir une évidente confirmation. On trouve parmi les cellules du sabot de l'embryon de veau et de porc des cellules présentant exactement la même structure intime dans toutes les régions de la masse cytoplasmique, et qui sont entièrement dépourvues de fibres quelconques, à plus forte raison de fibres unitives. Rappelons que le clivage de la plaque cellulaire, tel que J. B. Carnoy l'a décrit dans divers tissus, comporte une scission des points brillants de cette plaque et la séparation complète des deux lamelles de division et, par suite, des deux cellules auxquelles elles appartiennent. Partout où ce phé- nomène se produit, il ne peut donc y avoir de fibres unitives ; car on ne peut concevoir que deux modes de division du cytoplasme dans la cytodiérèse : l'étranglement qui était regardé autrefois comme la règle chez les animaux, et la formation d une plaque cellulaire qui, depuis les travaux de Carnoy, doit être considéré aujourd'hui comme le mode le plus général. Si Renaut se range parmi les partisans du premier mode, il ne peut plus expliquer la présence de fibres unitives que par la formation nouvelle, par le développement secondaire de filaments unitifs qui, pour se continuer dans les deux cellules voisines, seraient obligés de percer les deux jeunes membranes adjacentes et de se souder ensuite l'un à l'autre. Ce serait déjà un phénomène fort étonnant ; il serait plus étonnant encore que cette réunion mdaire Iules, séparées d'abord par un étranglement, constitue la règle générale. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 355 Si au contraire le savant professeur de Lyon admet la plaque cellulaire, ainsi que la structure réticulée du protoplasme, il ne peut échapper à l'inter- prétation plus large que nous donnons des fibres réticulaires que l'on voit çà et là passer d'une cellule à l'autre, à l'état adulte comme au début de la formation de la plaque; il doit les regarder comme des portions du réticulum général. Mais en supposant qu'il attribue cette valeur aux fibres unitives, sa théorie, telle qu'il l'énonce, est trop générale; car il est certain que beaucoup de cellules épithéliales ne sont pas cousues ensemble comme elles devraient l'être, si son schéma pouvait être généralisé. Il ne manque pas d'exemples à faire valoir à l'appui de cette objection ; nous nous bornons à choisir l'un de ceux qui à première vue paraissent, mais bien à tort, confirmer la doctrine des fibres unitives. Nous voulons parler des cellules à ponts intercellulaires en général. Un examen superficiel pourrait faire admettre que les ponts représen- tent tout simplement la portion des fibres unitives qui s'étend dans l'espace intercellulaire. Mais nous avons fait remarquer que dans les cellules où le protoplasme présente de fortes trabécules parallèles, des faisceaux de fibres distinctes au sein du réseau, les faces de la cellule auxquelles ces trabécules aboutissent sont rarement munies de ponts intercellulaires en continuité avec elles : au contraire la plupart des cellules à ponts possèdent un protoplasme très finement réticulé et dans lequel aucune fibre ne se distingue du réticulum général. Sans doute dans ces cellules les rapports de la membrane avec le pro- toplasme sont les mêmes que partout ailleurs; mais puisque les trabécules qui aboutissent à la membrane ne s'y distinguent pas des autres parties du réticulum, il serait peu sensé de rechercher parmi elles des fibres unitives, pour en faire des productions toutes spéciales destinées à servir de lien entre les cellules. Mais rappelons surtout que les ponts appartiennent à la membrane elle-même, comme nous l'avons démontré, et non à la couche du cytoplasme à laquelle RenauT donne le nom d'exoplasme. Ainsi donc les ponts ne sont pas du tout des fibres unitives dans le sens de Renaut; ils appartiennent en propre à la membrane et l'on peut assez rarement constater leur continuité avec des trabécules réticulaires plus fortes que les autres. Il nous reste un mot à dire de cette division du cytoplasme en une 356 MANILLE IDE substance centrale granuleuse et une substance fibrillaire, dans laquelle le même auteur voudrait voir une disposition généralisable à toutes les cellules. Sans doute on remarque souvent une différence d'aspect entre la zone périphérique et la zone centrale de certaines cellules épithéliales; très souvent aussi c'est dans la zone corticale que courent les plus vigoureuses trabécules réticulaires. Disons plus, la membrane cellulaire elle-même n'est que la zone la plus périphérique, plus ou moins différentiée du cytoplasme. Celui-ci montre donc souvent une tendance à se différentiel" plus tôt à la périphérie qu'au centre. Mais il nous semble que c'est vouloir resserrer la nature dans des limites trop étroites que d'imposer à toutes les cellules une division nette en deux substances. Répétons-le : mainte et mainte cellule ne montre pas le moindre indice de cette division. C. Opinion de Kôlliker. Avant de conclure il ne nous reste qu'un mot à ajouter sur les opinions le plus récemment émises par Kôlliker. Le savant de Wurzbourg admet (i) que beaucoup de cellules épithé- liales possèdent une membrane; dans ce cas il trouve invraisemblables les opinions de Heitzmann, de Ranvier, de Ramon y Cajal, et il comprend comme nous la signification cytologique des ponts intercellulaires. Mais n'étant pas parvenu à déceler une membrane dans les couches épithéliales voisines du tissu conjonctif, Kôlliker croit (puisqu'il existe une striation intercellulaire à ce niveau) que les ponts y sont de vrais pro- longements du protoplasme. Il nous est impossible de nous rallier à cette manière de voir. En effet, dans notre premier mémoire (1888) nous avons déjà signalé et dessiné, fig. 23, la membrane dans la première rangée de cellules épithéliales cylindriques de la peau adulte. Aujourd'hui encore, nous affir- mons que dans la peau qui entoure les cancers comme dans les bourgeons cancéreux, notre ir type de cellules épithéliales existe, et, ce qui plus est, existe seul à ce niveau dans toutes nos préparations. Or ce type est bien celui que nous avons décrit dans notre premier mémoire, celui des cellules avec membranes et ponts dépendant des membranes. (1) Kôlliker : L. c. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 357 Nous croyons donc inutile de faire pour un même épithélium la division étrange des ponts en deux classes si profondément différentes, et de consi- dérer les uns comme de vrais bras protoplasmatiques alors qu'on accepte pour les autres la signification de dépendances de la membrane cellulaire. D. Manière de voir actuelle de Ranvier. Nous avons vu que Ranvier en 1882 professait au sujet des ponts une manière de voir qui semblait être une émanation de la théorie que Heitz- mann enseignait et généralisait avec tant de hardiesse. Aujourd'hui son opinion paraît s'être un peu modifiée. Le texte de la deuxième édition de son Traité technique nous apprend déjà que les filaments d'union sont » une dépendance de tout un système y> de fibres qui fait partie des cellules elles-mêmes * (1). Il y a déjà loin de là aux prolongements de protoplasme contenant un filament d'union dont il parlait en 1882 (2). Mais la figure nouvelle qui accompagne ce passage nous a surtout frappé. On y voit des filaments assez longs passer d'une cellule à l'autre. A la limite des cellules ces filaments portent généralement des points d'épais- sissement qui parfois s'allongent en bâtonnets. En quelques endroits seule- ment ils sont en continuité avec des ponts traversant un espace intercellu- laire. Ces ponts présentent alors un nodule d'épaississement, non pas au milieu, mais à chacune de leurs extrémités. Ailleurs, c'est-à-dire sur presque toutes les faces qui ne sont pas tra- versées par un faisceau de filaments, on voit des ponts tout à fait semblables, mais qui ne sont en continuité avec aucun filament interne. Tout cela ressemble étonnamment à certaines coupes des cancers et du sabot examinées avec des objectifs un peu trop faibles. D'autre part, cette figure diffère tellement de l'ancien dessin de Ranvier — encore reproduit dans le texte cependant — que nous nous demandons s'il est possible de les concilier entre eux et de les faire servir d'appui, tous deux à la même manière de voir au sujet de la signification des ponts? Nous ne pouvons nous empêcher de penser, à en juger d'après cette figure, que si le savant professeur du collège de France avait étudié l'objet (i) L. Ranvier : Traité technique d'Histologie, deuxième édition, 1SS0 p. 210. (2) L. Ranvier : Sur la structure des cellules du corps muqueux de Malpighi; Comptes rendus, 1882, décembre. 358 MANILLE IDE de plus près, s'il avait porté son attention, comme Kôlliker, sur la mem- brane cellulaire, il aurait fait un dessin plus précis encore, plus en accord avec les données que nous avons publiées il y a un an, et qu'il se serait séparé plus complètement de Heitzmann, en regardant les ponts non plus comme des pseudopodes réunis, mais comme les dépendances de la mem- brane cellulaire. CONCLUSION. Concluons : le protoplasme prend mille formes et sa structure varie à l'infini dans ses détails tout en restant toujours la même dans son essence. L'épaississement des trabécules réticulaires alignées qui donne naissan- ce parfois à des faisceaux de fibres parallèles, dans les cellules du sabot et d'autres organes, n'est qu'une des mille manifestations de cette variabilité. L'étude comparée de la cellule à tous les degrés de l'échelle des êtres vi- vants nous en fournit mille autres exemples des plus divers. Aucune de ces dispositions spéciales ne peut être étendue à toutes les cellules, mais toutes trouvent leur explication dans un fait général, permettant de relier entre elles toutes les variétés possibles. Ce fait général c'est la structure réticulée du protoplasme vivant et le pouvoir qu'il possède de se différentier de diverses façons. La connaissance de cette structure réticulée a rendu possible l'acquisi- tion d'une autre donnée, moins générale, mais d'une extension encore très large : le mode de formation et de scission de la plaque cellulaire. Celle-ci jette une vive lumière sur un grand nombre de variétés de membranes et permet d'établir entre elles un lien. Elle fournit aussi l'explication des différences que l'on observe dans les rapports mutuels des cellules dans les tissus. Ces remarques justifient cette conclusion, que nous rappellerons encore une fois en terminant : Les trois variétés de membranes que nous avons décrites trouvent leur explication dans le mode de genèse des membranes cellulaires à l'aide d'une plaque. Loin de vouloir généraliser un fait particulier observé dans quelques cellules, nous préférons nous baser sur un fait général pour expliquer tous les cas particuliers. BIBLIOGRAPHIE 1. L. Ranvier 2. C. Heit\mann 3. C. Heit\mann 4. J. B. Cavnoy 5. G. Gilson 6. J. B. Carnoy 7. Ramon Y Cajal S. 9 L. Guaita J. Renaut 10. J. B. Carnoy il M. Ide 12. Kblliker 13. !.. Ranvier 14. C Heitpnann : Sur la structure des cellules du corps muqueux de Malpighi; Comptes Rendus de l'Ac. des Se, t. g5, 1882, décembre- : Microscopical Morphology of the animal body in health and disease; New-York, i883. : Ueber den feineren Bau des Glaskôrpers; Klinisch. Monatbl. fur Augenh., Jahr. XXI, Beilage i883. : Biologie cellulaire; Van In, Lierre, 1884. : La spermatogénèse chez les arthropodes; La Cellule, t. I, Ier fasc, i885 : La Cytodiérèse chez les arthropodes; La Cellule, t. I, 2e fasc, i885. : Contribution à l'étude des cellules anastomosées des épithé- liums pavimenteux stratifiés; Journal international mensuel d'anatomie et d'histologie, t. III, 1886. : Contribuzione alla citologia degli epitelii del cristallino; Siena, 1887. : Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales; directeurs A. Dechambre et L Lereboullet. Article : Épithéliums : La Cytodiérèse. La Cellule, t. III, 1887. : La membrane des cellules du corps muqueux de Malpighi ; La Cellule, t. IV, 2e fasc, 1888. : Handbuch der Gewebelehre des Menschen, 188g. : Traité technique d'histologie, deuxième édition, 1889. : Journal de micrographie de Pelletan, N° i, t XIV, 1890. 2.? EXPLICATION DES PLANCHES Sabot de l'embryon de veau. FIG. 1. Coupe de vingt microns d'épaisseur. Aspect sous un grossissement d'en- viron i5o II est impossible dans ces conditions de se rendre un compte exact de la structure du tissu, et surtout des cellules. On n'y distingue pas, ou que très difficilement, les ponts et l'on est porté à voir dans la zone 3 un grand nombre de faisceaux continus de stries passant d'une cellule à l'autre. Néanmoins ce dessin met sous les yeux du lecteur les quatre couches principales que l'on distingue dans le sabot, i Couche matrice — une seule assise de cellules. 2 Couche dont les cellules, étudiées sous un grossissement plus fort, montrent des ponts et dans les assises supérieures, un réticulum protoplasmatique très marqué, mais de structure irré- gulière. 3 Couches des cellules à réticulum très fort dans lesquelles certaines trabécules réticulaires fortes et parallèles traversent la zone périphérique du protoplasme et, se poursuivant parfois à travers deux ou trois cellules, ont donné naissance à la théorie des fibres unitives de Renaut La fig. 2 représente, sous un grossissement plus fort, trois cellules de la portion inférieure de cette couche. 4 Couche externe — cellules plissées et aplaties; les ponts disparaissent dans cette région. FIG. 2. Trois cellules de la couche 3 de la fig. 1. Gr. : obj. 1/12, oc. 4. Sous ce grossissement il est possible de distinguer l'espace intercellulaire et les ponts qui le traversent. De très fortes trabécules plastiniennes parcourent le protoplasme sous la forme d'un réticulum à larges mailles. Dans ce réseau l'on distingue de fortes fibres parallèles, formées par l'alignement et 1 epaississement d'un certain nombre de trabécules. Ces fibres sont reliées au reste du réseau par un grand nombre de trabécules latérales. Ce sont ces fibres qui, en se régularisant encore d'avantage, sur- tout dans la portion moyenne de cette couche, produisent l'apparence de faisceaux de filaments passant, constamment d'une cellule à l'autre; apparence trompeuse, car si beaucoup d'entre ces fibres se continuent avec une fibre semblable de la cellule voisine, un plus grand nombre encore se perd dans le réseau de leur propre cellule. mi, Membrane interne ; détail connu par l'étude d'autres cellules ; elle limite ce que Renaut appelle zone endoplastique. Noter que cet auteur ne l'a pas décrite. mii, Membrane interne incomplète, montrant sa continuité avec le réticulum cytoplasmique — donnée importante au point de vue de la genèse des membranes. 362 MANILLE IDE FIG. 3. Cellules de la couche 3, prise un peu plus haut que celles de la fig. 2. Les fibres parallèles, évidemment reliées au reste du réticulum, passent d'une cellule à l'autre Aux environs du point msp où la membrane est simple, ponctuée, et représente la plaque cellulaire à son premier stade; le clivage ne s'était pas produit, chaque point est porté par une fibre. On voit cette membrane msf s'ouvrir en deux membranes à ponts. Ces membranes simples et ponctuées sont assez rares, et ce n'est guère qu'à leur niveau que nous avons constaté d'une manière indubitable le passage des fibres pa- rallèles d'une cellule à l'autre. Cette cellule ne présente pas de membrane interne. Sabot de l'embryon du porc. FIG 4. Cellules de la couche la plus externe du sabot. Elles sont déjà for- tement kératinisées; leurs noyaux deviennent déjà indistincts. Cependant chacune d'elles possède encore une membrane fort nette et des ponts intercellulaires bien distincts, ce qui les différentie nettement d'avec les cellules de la couche 4 corres- pondante, chez le veau fig. 1. Il est remarquable que la persistance des ponts coïncide précisément avec l'absence de plissement; remarque qui confirme notre hypothèse au sujet de la cause de la disparition des ponts. Cellules cancéreuses. FIG. 5. Cancer de la lèvre; cellules du premier type — très nombreuses dans beaucoup de cancers. — Espaces intercellulaires très grands. Des coupes traitées par le bleu de méthylène montraient les cellules colorées en bleu ardoisé très sombre et les espaces intercellulaires parfaitement clairs, incolores et vides. Les ponts s'y montraient avec une évidence remarquable FIG. 6. Cellules du premier type provenant d'un cancer de la main. Les espaces intercellulaires y sont plus larges encore Nous croyons pouvoir attribuer la dilatation de ces espaces à la pénétration d'exsudats inflammatoires. FIG. 7. Cellules voisines du centre d'un bourgeon cancéreux (cancer de la main). Premier type aussi — variété aplatie. FIG. 8. Même objet, premier type. Des leucocytes ont pénétré dans les espaces intercellulaires. FIG. 9. Cellules du troisième type appartenant à la peau voisine d'un cancer de la main. Membrane rappelant sur des faces diverses de chaque cellule les carac- tères du premier (ponts) et du deuxième type (membrane simple ponctuée). Les points fu ont pris la forme de fuseaux aussi longs que certains ponts, mais le protoplasme au niveau de ces faces ne s'est pas clivé; il communique librement d'une cellule à l'autre, entre les fuseaux. FIG. 10. Cellules du même cancer que la fig. 8. Deux cellules sont vues en section optique, la troisième est vue de face; les ponts y sont verticaux au milieu et prennent une direction de plus en plus oblique à mesure qu'ils se rap- NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CELLULES ÉPITHÉLIALES 3Ô3 prochent des parties latérales fuyant vers le bas. /, Leucocyte dans l'espace inter- cellulaire; s, surface; p, ponts. FIG. 11. Cellules du deuxième type. Epiderme avoisinant le même cancer. La membrane cellulaire est constituée par une série de corpuscules placés sur le trajet de minces fibrilles passant d'une cellule à l'autre. Cette disposition représente le premier stade de la plaque cellulaire fixé et consolidé. La face me (membrane complète) toutefois a atteint le stade suivant de l'évolution de la plaque, les points y sont réunis par une ligne mince qui parait être soit une fine lamelle continue, soit la section optique d'une série de trabécules transversales reliant ces points in- dividuellement. Les fibres radiées du protoplasme occupent surtout la partie périphérique. La portion centrale granuleuse contient des fibres affectant souvent une disposition con- centrique par rapport au noyau ; mp, membrane ponctuée. FIG. 12. Même objet; cellules du troisième type. En p, la membrane présente les caractères de celle du premier type : mem- brane à ponts intercellulaires; en msp elle est simplement ponctuée comme dans le deuxième type, et les points n'y sont pas réunis entre eux. En ms fu les points sont allongés en fuseaux comme dans la fig. 9. Les fibres parallèles passent d'une cellule à l'autre en divers endroits, en traversant les membranes ponctuées. FIG. 13. Même objet; troisième type. p. Ponts intercellulaires; p\ membrane simple aux deux extrémités, mais clivée au milieu et traversée en ce point par des ponts qui sont en continuité avec des filaments réticulaires. De a en b, membrane simple à points allongés en fuseaux. De a en g, membrane ponctuée, mais complète ; les points sont réunis entre eux; ces points ténus et nombreux sont traversés par des filaments minces et aussi nombreux ; g, membrane simple, série de granules placés sur des fibres parallèles dont beaucoup traversent toute la cellule en contournant le noyau; d, faisceau passant d'une cel- lule à l'autre sans porter de points à la limite; à ce niveau il ne s'est pas formé de plaque cellulaire, ou bien, si celle-ci a existé, elle s'est détruite en ne laissant de traces que sur les côtés, en dehors du faisceau de filaments. Ce dernier arrivé près du noyau se recourbe brusquement et sort de la cellule par la face oblique c; il pénètre dans la cellule voisine en traversant encore une membrane simple et ponctuée. Fibres du cristallin. FIG. 14. Fibres du cristallin d'un fœtus de veau dissociées — membrane sans ondulations FIG. 15. Fibres du cristallin du même embryon, mais prises en un autre en- droit et dessinées sous un grossissement de 400 diamètres. Nitrate d'argent. Il semble qu'il existe entre ces fibres une substance cémentaire et des ponts intercellulaires. FIG. 16. Même objet ; même grossissement. En réalité, l'apparence de ces deux figures 15 et 16, est trompeuse; il n'existe pas de ponts intercellulaires, mais seulement des plis de la membrane, contrairement à l'opinion de Guaita et de Heitzmann. 364 MANILLE IDE FIG. 17, 18 et 19. Fibres du cristallin de la grenouille, dissociées. Elles montrent la véritable disposition de l'image reproduite fig 15 et 16 : chaque cel- lule est parfaitement limitée par une- membrane; celle-ci présente des plis qui loin de se rencontrer et de se souder pour former des ponts intercellulaires s'engrènent au contraire, comme il est manifeste dans la fig. 19, où l'on voit au point e deux fibres s'écarter l'une de l'autre FIG. 20. Coupe du cristallin de la grenouille, perpendiculaire aux fibres; partie centrale de l'organe. Pas trace de ponts ni même de dentelures; ce fait a été vérifié à l'aide des grossissements les plus puissants. En gc sont figurées d'énormes cellules qu'on y rencontre de temps en temps. FIG. 21. Coupe semblable passant dans la région périphérique du cristallin; même grossissement; même structure; n, noyaux. FIG. 22. Petite cellule cancéreuse en division; plaque cellulaire; d'après Carnoy. FIG. 23. Cellule semblable plus grande; plaque cellulaire; d'après Carnoy. FIG. 24. Œuf de Filaroides mustelarum ; première segmentation. Plaque cellulaire, fusoriale et complétive, traversées par des filaments réticulaires, l'une aussi bien que l'autre; d'après Carnoy. TABLE DES MATIÈRES. Introduction et aperçu historique .... CHAPITRE I — DESCRIPTIONS i. Sabot de l'embryon de veau. .... a) Aperçu de la structure de l'organe b) Aspect des cellules sous un faible grossissement e) Structure des cellules ..... 1. La membrane. ..... 2. Le protoplasme ..... 3. Rapports de la membrane et du protoplasme . Epiihéliomcs ir0 Type 2' Type 3e Type 4. Cristallin CHAPITRE 1. Signification cytologiq. ir8_ Variété' 2° Variété 3" Variété 2. Remarques sur les observations antérieures a) Théorie de Heitzmann b) Théorie de Renaut . c) Opinion de Kôlliker d) Manière de voir actuelle de Ranvier Conclusions ..... Bibliographie .... Explication de la planche II. - REMARQUES ET CONCLUSIONS •te des particularités décrites 321 325 325 325 325 327 328 33o 333 334 334 336 337 340 343 343 345 347 348 35 1 35 1 353 356 357 358 359 36 1 gm^LMÊÊ -. wm êMëm Sg^SEÎTI %' fgp&if |W| ^Sw^ •f<- u ' à à- w i m /. flff J -\ vv. Ï*V niiiiiiijiiiniin.ninniiiiiiuiiini^^^^^ aJ- ^ \jffn tronnnpD^111 /? v/ /*- *^pp '! 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Nous ne nous attacherons pas dans ce travail à discuter cette homo- logie ; rappelons simplement que la structure des organes segmentaires peut se ramener, dans tous les groupes, au type primitif d'un tube simple ou ramifié, en rapport plus ou moins direct, d'une part avec la cavité périvis- cérale, ou l'une de ses dépendances, et de l'autre avec le milieu extérieur. On observe néanmoins dans les réalisations diverses de ce type des divergences remarquables ; et l'une de ses formes les plus caractéristiques est bien celle que nous présentent les hirudinées. Notre intention n'est pas non plus de faire une description anatomique complète des organes segmentaires de ce groupe ; nos recherches ont porté surtout sur la structure intime de leurs éléments constitutifs. Néanmoins la description de certaines particularités de structure et d'agencement de ces éléments nous conduira à nous occuper aussi du plan général de struc- ture de l'appareil. Après avoir résumé les données que nous fournissent les auteurs sur la structure et la disposition des cellules du corps segmentaire, et exposé 370 H. BOLSIUS nos méthodes de recherches, nous présenterons successivement les résultats de nos investigations sur les hirudinées indigènes suivantes : Hirudo medicinalis. . Aulastomum gulo. Nephelis vidgaris. Clepsine complanata. Ces recherches ont été faites à l'Institut cytologique de l'Université de Louvain. Nous tenons à exprimer ici à MM. les Professeurs J. B. Carnoy et G. Gilson nos sincères remercîments, pour les bons conseils et la bienveil- lante direction qu'ils nous ont prodigués dans nos travaux. APERÇU HISTORIQUE. Nous avons dit que notre but est avant tout d'étudier les organes segmentaires au point de vue cytologique, c'est-à-dire d'analyser la struc- ture intime et les rapports mutuels de leurs éléments constitutifs. Très peu d'auteurs nous ont précédé dans cette voie. Nous trouvons néanmoins dans les études anatomiques ou histologiques de Leydig, Gegenbaur, O. Schultze, Bourne et Nussbaum, quelques détails assez concis sur les cellules qui forment la paroi des canaux. Nous allons les résumer brièvement. Gegenbaur rapporte que c'est Von Siebold qui, le premier, a reconnu les organes excréteurs des hirudinées; mais c'est à Williams qu'ils doivent leur nom d'organes segmentaires. Leydig (i) traite des organes segmentaires des hirudinées, en même temps que ceux des synaptes, des trématodes, des turbellariés et des rota- teurs; il donne très peu de détails sur ceux du groupe qui nous occupe. La nature intracellulaire des cavités ne paraît pas avoir été connue de lui, pas plus que l'existence des ramuscules d'origine. Mais sa fig. 208, donne une très bonne idée de la structure du canal central de YHaemopis. Néanmoins comme il n'explique nullement cette figure, nous n'avons pas la preuve qu'il comprend bien les divers détails réprésentés. (1) Leydig : Traitée d'histologie comparée de l'homme et des animaux; Paris, 1866 . ORGANES SEGMENTAIRES 371 Gegenbaur (i) ne nous instruit pas beaucoup mieux sur la structure de ces organes. Il y distingue cependant une masse de canaux labyrinthi- formes et un canal excréteur sortant de cette masse. Mais il n'étudie guère la structure de ces deux parties. Il est certain qu'il n'a pas découvert le caractère intracellulaire des canaux; car il nous apprend |que » la partie » labyrinthiforme est formée d'une agrégation de grandes cellules, entre ~ lesquelles se développe le réseau de canaux transparents Les parois - de ces derniers sont immédiatement formées par des cellules, de manière - à ce que chacune d'elles participe à la constitution de deux, trois ou plus - de cavités canaliculaires voisines. « D'après cette description, les organes segmentaires des hirudinées seraient construits sur un plan très semblable à celui des glandes en général. Au sujet de la structure intime des cellules, il se borne à dire que leur contenu est finement granuleux. Ray-Lankester(2/), dans une note succincte publiée parle Zoologischer An\eiger, signale, en passant, la structure fibrillaire vraiment remarquable des cellules néphridiennes. Après une longue macération dans le liquide de Muller, les cellules, dit-il, se décomposent en un grand nombre de bâ- tonnets dirigés de la surface de la cellule vers le canal excréteur. Il rappro- che cette particularité de la structure décrite par Heidenhain dans les cellules épithéliales des tubes contournés du rein des mammifères. A. G. Bourne (3) est le premier auteur qui consacre spécialement une partie de son mémoire (sur YHirudo medicinalis) à l'étude des cellules et de leur constitution. C'est à lui qu'est due la découverte des ramuscules terminaux et du caractère intracellulaire des cavités segmentaires. Il y traite ex professo, dans son chap. V intitulé « The ductules and nephridial cells, - les mêmes sujets qui vont nous occuper presque exclusi- vement dans ce travail : le noyau, la membrane, le protoplasme, ainsi que la structure des canaux. Toutes les cellules possèdent un noyau sphérique. Sa capsule (mem- brane) est très nette; elle contient une masse réticulée et un nucléole. Chaque cellule est entourée d'une membrane délicate qu'il appelle « cuticule membraneuse ». Le protoplasme a une structure rayonnée en (1) C. Gegenbaur : Manuel d'anat. comp., 1874. (2) Ray-LANKESTER : Zoolog. An^eiger, n° 49, 1880. (3) Bourne : On the structure of the ncphridia of the médicinal Leech; Quart, journal of micros, se, t. XX, 1880. 372 H. BOLSIUS forme de bâtonnets; cette structure est bien nette, surtout à la périphérie des cellules, où il distingue une zone particulière, la * substance corticale «. Les branches terminales des canaux internes se ramifient dichotomi- quement dans le protoplasme et leurs derniers rameaux semblent avoir » une relation bien définie avec la substance corticale « ; mais l'auteur ne nous indique pas la nature de cette relation ; il ne nous apprend donc qu'une chose : c'est que ces arborisations prennent leur origine dans la zone corticale. Parlant des canaux plus larges, Bourne y signale l'existence d'une vraie cuticule tapissant leur paroi interne, et il ajoute qu'il a vu souvent cette paroi dans un » état de desquamation-, du moins sur les préparations durcies. Nous citons ce détail parce que nous ne saisissons pas bien la pensée de l'auteur; pour nous une surface recouverte d'une vraie cuticule ne se desquamme jamais. Il est donc probable que Bourne n'attache pas le même sens que nous soit au mot cuticule, soit au terme desquamation. A. Lang, (i) dans son mémoire sur les planaires, après avoir traité de la Gunda segmentata, fait une étude comparée de divers systèmes d'organes excréteurs; et à propos des hirudinées, il déclare qu'on distingue dans leurs organes segmentaires : 1° un canal formé de cellules placées bout à bout et perforées; 2° une partie glandulaire, qui contient des cellules perforées aussi, mais munies, en outre, de canaux ramifiés. A ces deux parties il s'en joint une troisième chez les hirudinées à trompe : c'est un entonnoir à cils vibratils. Une dilatation vésiculiforme existe aussi à l'extrémité inférieure ou extérieure du canal, chez la plupart des hirudinées à mâchoire; mais dans dans d'autres elle n'existe pas, par exemple chez la Clepsiue. Les canaux ramifiés de la Clepsine et de Y Aulastomum débouchent dans le canal principal; il n'en est pas de même chez YHirudo. Dans un second travail publié en 1882, Bourne (2) nous apprend que l'usage du carmin boracique lui a révélé la présence de noyaux dans l'épais- seur même de la paroi propre du canal collecteur de l'organe segmentaire. Cette paroi, dit-il, est donc elle-même formée de cellules; ce n'est pas une simple cuticule, comme il l'avait pensé d'abord. La difficile question des rapports qu'affectent entre eux les divers genres de canaux de l'organe, l'occupe beaucoup. A ce propos il combat (1) Lang : Mittheil. d. zool. Station Neapel, t. 3, 1881 (21 Bourne : Quart, journ. of microsc. se, t. XXII, iS ORGANES SEGMENTAIRES 373 Lang qui niait chez VHirudo, la communication, du système des canaux minces de la glande avec le - central duct » , tout en l'admettant chez YAulaslomum et la Clepsine. Il a reconnu en même temps que la couche des cellules qui environne le » vesical duct » (c'est-à-dire la partie inférieure du canal collecteur, qui est entourée d'une seule couche de cellules glandulaires), contient aussi des canaux internes communiquant avec les autres canaux de la glande. C'est chez YAulastomum que les cellules, qui environnent le » central duct » et en forment la paroi, sont faciles à observer, bien qu'elles y soient dans un état prononcé de dégénérescence. Remarquons que Bourne décrit chez VHirudo une partie récurrente du canal excréteur. Ce canal, avant de gagner la vésicule dans laquelle il doit s'ouvrir, reviendrait sur ses pas en sillonnant une seconde fois la glande. La question de la structure des organes segmentaires des hirudinées en était là, lorsque O. Schultze(iJ la reprit. Il chercha surtout à élucider deux questions : i° La question de la communication des canaux latéraux avec le canal central, question sur laquelle Lang et Bourne se trouvent en désaccord, au moins au sujet de VHirudo. 2° La question du trajet du canal dans l'épaisseur de l'organe, et l'existence d'une partie récurrente du canal signalée par Bourne. Ses observations le conduisent à confirmer les données de Bourne au sujet de VHirudo. Il accepte pour la structure des cellules à ramifications la description que Bourne en a faite chez cette dernière espèce. Mais, à côté de ces cel- lules, il en découvre aussi d'autres qui ne contiennent qu'un canal simple passant directement de l'une à l'autre. Toutes ces cellules forment un massif qui entoure le canal central comme un manchon. Au sujet de la communication des canaux, il n'est d'accord ni avec Lang ni avec Bourne : il nie l'existence de toute communication collatérale entre le système de canaux internes que contient le manchon et le canal central qui est compris dans ce dernier. Ceci s'applique aux deux genres : Hirudo et Âulastomum. Chez la Nephelis, il a observé que le corps segmentaire possède une structure toute différente. Nous croyons pouvoir résumer comme il suit la (i) O. Schultze : Beitràge f. Anatomie des E.rcrctioiisapparatcs der Hirudlneeiv, Arch. f. micr. Anat., t. XXII, i883. 374 H. BOLSIUS description qu'il en donne. L'organe a la forme d'un ruban. Ce ruban est formé d'une série de cellules placées bout à bout et creusées d'un seul canal; mais, comme cette série est recourbée deux fois sur elle-même, il s'ensuit que le canal central présente une partie récurrente analogue à celle que Bourne a signalée chez YHirudo. On s'explique ainsi comment il se fait que certaines sections transversales de la glande ne contiennent qu'un seul canal tandis que d'autres en présentent deux ou trois. Remarquons bien que pour lui chaque lumière possède sa cellule pro- pre. Toutes le sections de canal que l'on rencontre dans les coupes affectent, selon lui, un même conduit replié sur lui-même. Il décrit chez la Clepsine une disposition semblable. Toutefois le mode d'union des cellules y est un peu différent : elles ont une forme globulaire, et s'unissent entre elles par des prolongements qu'il appelle commissures. Il nie en termes exprès l'existence d'une vésicule terminale dans la Clepsine, et il déclare que le canal central s'ouvre directement à la surface du corps. Carl Vogt et Yung (1) acceptent .à peu de chose près les données de Bourne. Ils y ajoutent pourtant une figure très instructive au sujet de la circulation sanguine de l'organe. Nussbaum (2) a émis une idée particulière, en parlant de la genèse des organes segmentaires de la Clepsine complanata. Il pense que les cellules perforées qui logent les canaux proviennent de la fusion de plusieurs cellules voisines, fusion d'où résulteraient d'abord des cellules à deux ou trois noyaux; néanmoins à l'état adulte on ne trouve plus, dit-il, que des cellules à un seul noyau. MÉTHODE. On peut étudier les organes segmentaires, soit en les extirpant par la dissection, pour les monter ensuite dans leur entier, ou pour en faire des préparations par dissociation, soit à l'aide de coupes microtomiques traver- sant tout le corps de l'animal. La première de ces méthodes nous a toujours donné de mauvais résul- tats, bien que nous ayons expérimenté tous les procédés signalés comme bons par les auteurs. Elle convient à peine pour l'étude anatomique de l'organe, et encore ne fournit-elle que des données peu précises et incom- 11) Carl Vogt et E. Yung : Traité d'anat. comparée, 5e livraison (2) Nussbaum : Recherches sur l'organogénie des Hirudinées; Arch slaves de biol , li 85. ORGANES SEGMENTAIRES 375 plètes. Pour l'étude de la structure interne elle nous a toujours extrêmement mal réussi : il n'est pas possible d'extirper l'organe segmentaire en entier, sans tirailler ou comprimer ses éléments constituants en quelque manière. Après une assez longue série de tentatives inutiles, nous nous en som- mes tenu exclusivement à la méthode des coupes. Nous avons sectionné soit l'animal en entier, soit des tronçons séparés quand l'individu était de grande taille. Les sections ont été pratiquées sui- vant les trois dimensions, c'est-à-dire que nous y avons fait : i° des coupes transversales ; 2° des coupes longitudinales verticales et 3° des coupes longi- tudinales horizontales. Pour prévenir une contraction désavantageuse de tout le corps, nous anesthésions les grands individus par l'eau mêlée d'un peu d'alcool et de quelques gouttes de chloroforme. Les petits individus étaient déposés dans une solution d'acide chromique à 1 o/oo, ou plus faible encore. D'ordinaire le déroulement était presque complet après 5 minutes d'immersion. Nous passions ensuite à la fixation. La fixation étant un point de première importance, nous avons varié nos méthodes, au début de nos recherches, dans le but de trouver la meilleure. Le bichromate de potassium nous a donné des résultats passables; nous y laissions les pièces une quinzaine de jours. Nous lavions ensuite, soit à l'eau pure pendant deux ou trois jours, soit à l'eau encore, pendant une dizaine d'heures, puis à l'eau additionnée d'une faible quantité d'une solution très concentrée d'anhydride sulfureux dans l'alcool, suivant la mé- thode indiquée par G. Gilson. Mais le bichlorure de mercure convient beaucoup mieux à notre objet. Nous avons fait usage tantôt d'une solution aqueuse saturée, tantôt de la liqueur de Gilson. Les effets de ces deux liquides sont à peu près les mêmes; le dernier donne peut-être plus de netteté à certains détails et fixe plus rapidement. Nous appliquions l'une et l'autre de la même manière. Les petits individus y étaient plongés de 15 à 30 minutes. Les grands, après un séjour équivalent dans la liqueur, étaient sectionnés en tronçons, puis re- placés dans le réactif pendant un temps variable suivant les dimensions de ces tronçons. Un autre agent fixateur nous a donné des préparations excellentes pour l'étude de certains détails cellulaires : c'est le nitrate d'argent à 2 0/0. Les objets, après un séjour d'une quinzaine de jours dans l'alcool à 8o°, étaient plongés dans cette solution et maintenus à l'obscurité pendant quinze autres 21.S 376 H. BOLSIUS jours. Puis, après lavage à l'eau distillée, ils étaient enrobés à la paraffine et débités en coupes. Leur consistance était généralement excellente. Les coupes montées, soit dans le baume du Canada, soit dans une solution gly- cérinée, étaient ensuite exposées à la lumière directe. Nous n'avons pas appliqué de matières colorantes après l'emploi du nitrate d'argent, car les noyaux, comme on le sait, se colorent très mal dans ces conditions; et, quant aux détails de structure des membranes et du pro- toplasme, ils étaient suffisamment colorés par l'argent réduit. Les objets fixés par le bichromate de potassium ou les solutions mer- curiques ont été colorés le plus souvent à l'aide d'un carmin picro-aluné, dont la formule est encore inédite, et qui est très en usage au laboratoire de Louvain. Il parait être le plus électif de tous les carmins, et convient très bien aux cellules des organes segmentaires. Le vert de méthyle nous a en général mal réussi. D'ordinaire nous faisions la coloration en bloc, avant l'enrobage; elle prenait de 6 à 24 heures. CHAPITRE I. DESCRIPTIONS. /. Hirudo medicinalis. Aperçu anatomique sur l'organe segmentaire Nous croyons nécessaire pour faciliter l'intelligence de nos descriptions, de rappeler au lecteur la constitution de l'organe dans ses grandes lignes, avant d'entrer dans l'exposé de nos observations sur la structure et le mode d'union des cellules qui le constituent. Plusieurs auteurs, entre autres Bourne, Schultze, Vogt et Yung, et même les traités élémentaires signa- lent les particularités suivantes dans la structure macroscopique de cet organe. Les corps segmentaires sont disposés par paires dans les espaces qui séparent les nombreux diverticules de l'intestin. On en trouve aussi néan- moins dans la partie antérieure du corps, où le tube digestif est dépourvu de diverticules; mais ils y sont moins développés, et, tout en conservant la même constitution, ils y affectent des formes un peu différentes. Aussi avons nous pris comme types de l'organe, ceux qui occupent la région moyenne du corps. Leur forme est reproduite sous un faible grossissement dans notre fig. 1, qui est un peu schématique. L'organe segmentaire des hirudinées en général est un appareil du type glandulaire. Chez Y Hirudo medicinalis on y distingue, comme dans toute glande, des cellules sécrétantes et des canaux excréteurs. L'ensemble des cellules sécrétantes constitue une masse irrégulièrement fusiforme, amincie à ses deux extrémités, et repliée sur elle même, comme l'indique la fig. 1. L'une des extrémités de ce fuseau replié n'est autre que le canal excréteur principal; l'autre extrémité ne comprend que des cellules glandu- laires avec leurs canalicules propres, qui nous occuperont plus tard. 378 H. BOLSIUS Le canal excréteur marche vers la face inférieure ou ventrale de l'animal, et s'ouvre brusquement dans une vésicule assez spacieuse, communiquant elle-même avec une autre vésicule plus petite qui s'ouvre à l'extérieur par un pore, fig. 11. Ce pore caché au fond des sillons interannulaires est très difficile à découvrir, surtout quand l'animal est contracté. Quant à l'extrémité supérieure de l'organe, nous n'avons étudié jusqu'ici d'une manière complète et approfondie ni son mode de terminaison, ni ses rapports avec les organes voisins et avec la cavité périviscérale. Leur con- naissance, dans tout le groupe des hirudinées, présente encore bien des lacunes. Il y a plus : on trouve dans les auteurs des contradictions, même au sujet de l'existence ou de l'absence d'un appareil terminal ou entonnoir. C'est ainsi que Bourne(i) non seulement affirme l'existence de ces enton- noirs chez YHirudo medicinalis, YAuIastoinitm, la Nephelis et la Clepsine, mais en donne même des gravures, tendant à représenter les corps seg- mentaires avec leur entonnoir, de forme particulière dans les diverses espèces. Malheureusement ses gravures schématiques ne tranchent pas la question des relations de l'entonnoir avec les canaux, et le texte ne nous renseigne pas plus clairement sur ce point capital. D'autre part, Gegen- ba"ur(2) nous dit que les organes segmentaires sont privés d'orifices internes dans une division des hirudinées, et il cite à ce propos le genre Hirudo. Ajoutons que Ose. Schultze(3) après bien des recherches, avoue n'avoir pas encore découvert, chez les hirudinées, l'entonnoir à cils vibratils que Hoffmann (4) y signale avec figures à l'appui. Ces divergences s'expliquent par les difficultés pratiques auxquelles on se heurte inévitablement dans ces recherches. C'est ce qui nous engage à remettre à plus tard la publication des données encore trop incomplètes que nous possédons sur ce point. Une étude attentive et comparée de l'extrémité supérieure des organes segmentaires pourra seule nous éclairer au sujet de la présence ou de l'absence des appareils vibratils terminaux, de leur signi- fication physiologique et de leur structure dans les diverses familles d'hi- rudinées. Nous étudierons successivement la glande, le canal collecteur et les vésicules terminales. (i) A, G. Bourne : Quart, journ. of micr. se, t. XX, 1884. (2) C. Gegenbaur : Manuel d'anat. corap. (3) Ose. Schultze : Retirage f. Anat. d. Excret; Arch. f. mikr. Anat., t. XXII, i883. (4) Hoffmann : Untersch. ùb. d. Bau u. Entmick. d. Hirudineen; Haarlem, 1880. ORGANES SEGMENTAIRES 379 i° Glande. La structure de cet organe est toute spéciale. Sa forme extérieure, il est vrai, rappelle les glandes ordinaires : c'est une masse de cellules sécré- tantes d'où l'on voit sortir un canal excréteur général. Mais sa constitution interne diffère notablement de celle des glandes en général. Les rapports des cellules avec les cavités qui livrent passage à leurs produits de sécrétion sont tout autres. Ces cellules, dans les glandes ordinaires, sont en rapport avec les cavités par une de leurs faces et c'est par cette surface externe qu'elles déversent les liquides qu'elles sécrètent. Ici, au contraire, chacune d'elles est traversée par un canal, ou par un système de canalicules internes courant dans leur protoplasme ; et c'est à travers les parois de ces cavités intracellulaires que se fait l'excrétion des substances produites. La fig. 2 montre l'aspect d'une coupe passant par la portion moyenne de la glande. On y voit les cellules glandulaires groupées d'une façon irré- gulièrement rayonnée autour des sections transversales d'un canal ; ces sec- tions, désignées par les lettres ce, sont au nombre de cinq dans cette coupe. Toutes ces cellules, ou peu s'en faut, contiennent, ainsi que quelques auteurs l'ont déjà remarqué, un canal interne, tantôt simple, tantôt bifurqué. Cha- cun de ces canaux prend naissance dans une de ces cellules par un système de fines ramifications arborisées qui n'ont pas été figurées dans toutes les cellules, parce que, de fait, on ne les rencontre pas dans toutes les sections qu'on y pratique; elles n'existent que dans certaines régions de la cellule. Ajoutons que quelques cellules éparses au milieu du massif glandulaire ne possèdent ni canal central, ni ramifications. Nous avons pu nous en assu- rer, mais non sans peine, en étudiant soigneusement, avec les meilleurs objectifs, la série complète des coupes intéressant ces cellules. Voici donc quelle est la structure générale de l'organe. Un système de rameaux d'origine très fins, serpente dans le protoplasme des cellules glan- dulaires; ces rameaux se réunissent de façon à constituer des canalicules plus gros, qui en s'unissant eux-mêmes finissent par constituer un tube de plus fort calibre, le canal central de la cellule. Celui-ci sort alors de sa cellule et passe à la cellule voisine; ou bien, ce qui se voit souvent, il s'ouvre en deux branches qui s'abouchent chacune dans le tube correspon- dant des cellules adjacentes. De cette façon, la glande comprend donc un massif de cellules à canaux internes, intimement unies entre elles par des canaux de grosseur moyenne, formés par l'union des canalicules d'origine . 38o H. BOLSIUS Ce système continu de canaux communique avec le canal collecteur en divers endroits, comme nous le verrons plus loin. Rappelons que les auteurs qui nous ont précédé ne sont pas d'accord sur ce point (i). Ces données préliminaires établies, nous pouvons, sauf à les compléter plus tard, entamer la description détaillée des cellules elles-mêmes. A. Description des cellules. Le noyau. Il ne présente aucune particularité marquante , comme Bourne, Schultze et autres l'ont déjà observé; complétons cependant les descrip- tions de ces auteurs en faisant remarquer que l'élément nucléinien y est concentré dans une petite massse sphéroïdale, le nucléole. La membrane de ce nucléole n'est pas toujours très nette, fig. 7, noyau de gauche; parfois cependant son existence est indubitable, et alors cette masse est, à n'en pas douter, un véritable nucléole-noyau, dans le sens de Carnoy, fig. 7, noyau de droite. Dans tous les cas, c'est un nucléole nucléinien. L'élément nucléinien s'y présente rarement sous la forme d'anses fila- menteuses bien évidentes; en général il y revêt la forme apparente de granulations. Le caryoplasme est très abondant, clair et fortement réticulé ; la fig. 7 montre que les trabécules de ce réticulum, ou du moins, les mieux consti- tuées d'entre elles, rayonnent à partir du nucléole. La membrane. Elle est mince et peu apparente; en coupe on constate que sa face externe est lisse et sa face interne plutôt rugueuse. Les rugosités corres- pondent aux points d'insertion des trabécules radiales, fig. 8. Examinée de face, elle se montre finement pointillée ; ces points correspondent aux points d'insertion de ces trabécules radiales, fig. 7, A, mf. Le protoplasme. Son aspect varie notablement d'une cellule à l'autre; néanmoins il con- serve dans toutes une structure dense et serrée. Nous n'y avons jamais con- staté de vacuoles. L'enchylème, ainsi que nos devanciers l'indiquent aussi, est finement granuleux; il est dépourvu d'enclaves. Quant au réticulum, il varie légère- (i) Lang, Bourne, Schultze : Op. cit.; et alii. ORGANES SEGMENTAIRES 38 1 ment d'aspect d'une cellule à l'autre. On y reconnaît souvent l'orientation radiale des trabécules. La fig. 5, entre autres, indique très bien cette dis- position. Elle met en relief la direction rayonnée de toutes les trabécules que l'œil parvient à suivre sur une certaine longueur. Parmi ces trabécules on en distingue de beaucoup plus fortes qui s'étendent parfois depuis le noyau jusqu'à la membrane, en se ramifiant plus ou moins. C'est surtout au voisinage de la membrane que cette orientation s'accuse nettement et se régularise; on la remarque déjà dans les fig. 8 et 9; mais elle est bien plus caractérisée dans certaines cellules à réseau vigoureux, dont la fig. 5 re- produit un exemple. Ici les trabécules aboutissant à la membrane sont non seulement toutes perpendiculaires à sa surface, mais de plus, beaucoup plus fortes que le reste du réseau. Aussi la zone périphérique paraît-elle régulièrement striée. Cette zone se détache très nettement de la masse protoplasmatique, autant par son aspect strié, que par la réfringence par- ticulière qu'elle possède parfois. Cette réfringence paraît due à la présence d'une substance brillante qui l'imprègne. Bourne donne à cette zone le nom de * substance corticale «. Les canaux internes. Cette description convient à l'ensemble des cellules qui constituent la glande chez YHirudo medicinalis. Mais, dans la plupart d'entre elles, on observe en outre une particularité qui se rencontre rarement : c'est ce système de canaux ramifiés dont nous avons déjà parlé, et qui représente les racines du système excréteur de la glande. La description de ces canaux internes va nous arrêter quelque temps, car les données que les auteurs nous fournissent à leur sujet sont loin d'être complètes. La fig. 8 représente un des plus beaux exemples de cellules à canaux internes que nous ayons rencontrées dans nos coupes ; nous prions le lecteur d'y jeter les yeux avant de nous suivre dans cet aperçu descriptif. Le système des canaux s'y montre avec une grande netteté ; nous recon- naissons même qu'il y est beaucoup plus frappant que dans nos prépara- tions. Cette différence d'aspect résulte de ce que nous avons négligé, à dessein, de représenter la paroi des canaux dans les parties qui se présen- tent de face à l'œil de l'observateur. Elle n'est représentée qu'en coupe optique; tandis qu'en réalité, quelles que soient la précision des objectifs et la minceur des coupes, cette paroi s'aperçoit toujours de face, au moins 382 H. BOLSIUS dans les parties minces des canaux, en même temps que sa coupe optique de droite et de gauche. Mais si l'on avait représenté par la gravure les parties vues de face, avec leur structure propre, tout le système se serait détachj, avec très peu de netteté sur le protoplasme voisin et serait devenu peu distinct. L'ensemble de ces canaux constitue un système arborisé, dont les der- niers rameaux, très fins, gisent presque tous dans la partie périphérique de la cellule, et sont pour la plupart très voisins de la membrane. Ils se per- dent, comme le dit Bourne, dans » la substance corticale «. Ces ramuscules terminaux, malgré leur extrême minceur, présentent généralement une ex- trémité arrondie en doigt de gant. Ils s'unissent les uns aux autres pour constituer des rameaux plus forts, qui eux-mêmes s'ouvrent en nombre va- riable dans un canal central. Celui-ci, comme le montre la fig. 9, s'abouche largement dans le canal correspondant d'une cellule voisine. Mais il faut noter que ce canal central lui-même, comme nous l'avons dit, se divise sou- vent en deux ou trois branches, fig. 9, et s'abouche alors avec plusieurs cellules voisines. Cette remarque a son importance, car elle explique la genèse d'un système complet de canaux de moyenne grosseur qui parcourt toute la glande, et qui appartient aux cellules terminales elles-mêmes, aussi bien que les ramifications arborisées; car tous les éléments de l'organe, ou peu s'en faut, sont des cellules terminales. Ce système de canaux excréteurs de moyen calibre parait constituer un seul tout, un treillis inextricable sillonnant tout l'organe, sans s'interrompre nulle part. La fig. 10 représente la section d'un lobe dans lequel ces canaux laby- rinthiques présentent un calibre très fort et une forme très irrégulière. On n'y distingue pas de terminaisons ramifiées. Le dessin a été pris, en effet, sous un grossissement assez faible, condition dans laquelle il est souvent fort difficile de distinguer les canalicules terminaux. Ces derniers, certes, étaient bien rares dans cette région, peut-être même faisaient-ils entièrement défaut dans la plupart des cellules; celles-ci ne contenaient alors qu'un seul canal simple et de fort calibre. Signalons encore un détail que plusieurs ont relevé déjà : au moment de sortir d'une cellule, le canal présente presque sans exception une dilata- tion plus ou moins marquée; c'est donc au niveau du point d'union de deux cellules que les canaux entreillis présentent leur diamètre maximum, fig. 9. De là vient l'aspect variqueux que présentent souvent ces canaux. ORGANES SEGMENTAIRES 383 La fig. 2 donne une idée nette de la disposition de ces canaux de moyenne grosseur en un seul système treillissé. Quant aux rapports de ce treillis canaliculé avec le canal collecteur gé- néral, ils sont fort difficiles à reconnaître, et nous ne sommes pas les premiers à éprouver cette difficulté. Nous n'avons pas réussi jusqu'ici à constater leur communication directe avec le canal collecteur général, dans les parties moyenne et supérieure de la glande. Nous n'avons eu le fait sous les yeux que dans la partie inférieure où une seule couche de cellule entoure ce canal. Nons y reviendrons plus loin, fig. 4,B,em. Examinons à présent la structure de la paroi de tous ces canaux et les rapports qu'elle affecte avec le protoplasme. Étudiée en section optique, elle présente un aspect qui est très familier à quiconque a porté son attention sur la structure des membranes cellulaires ou nucléaires, et des couches limitantes en général. Elle parait formée d'une série de points brillants très rapprochés les uns des autres. Ils sont unis entre eux par une ligne de même réfringence qui représente soit la section d'une lamelle unissante extrêmement mince, soit celle d'un système tra- béculaire reliant les points entre eux. Ces points paraissent faire une saillie plus prononcée du côté interne, dans la masse cytoplasmatique, que du côté de la lumière du canal. Cette structure des membranes a déjà été signalée et analysée mainte fois en détail dans divers travaux publiés dans cette Revue (1). Nous savons que ces points brillants correspondent aux endroits où les trabécules du réticulum protoplasmatique s'attachent à la membrane limi- tante; on doit même admettre avec J. B. Carnoy (2), qu'ils correspondent aux points d'entrecroisement des trabécules du réseau constitutif de ces membranes elles-mêmes. Il n'est pas difficile de constater dans les canaux internes de YHirudo, que les trabécules cytoplasmatiques aboutissent à ces points, fig. 8 et 9. Mais l'examen de cette paroi vue de face n'est pas moins instructif. Elle parait striée très finement et régulièrement dans le sens transversal, fig. 9. Si l'on étudie ces stries à l'aide d'un objectif puissant, on s'assure aisément qu'elles sont elles-mêmes formées de points semblables à ceux qu'on distingue dans les sections optiques de la membrane. Et, en réalité, (i) Voyez les mémoires de J. B. Carnoy, de G. Gilson et de M. Ide. (2) J. B. Carnoy : La Cytodiérèse de l'œuf. La Cellule, t. III, i« fasc, p. Si. 216 384 H. BOLSIUS ce sont ces points eux-mêmes, ces nodules d'épaississement, que présente la membrane au point d'insertion des trabécules du réticulum. Mais ici on aperçoit ces trabécules par leur bout. Leur disposition en séries régulières est un détail intéressant. Nous y reviendrons dans nos Remarques et Conclusions. Bornons-nous à dire pour le moment qu'il nous a été impossible de décider si ces stries courent autour du canal sous forme d'anneaux successifs, ou bien si elles constituent un seul filament spirale. Néanmoins certains indices nous font incliner vers cette dernière hypothèse. On peut suivre ces stries pointillées jusque très avant dans les ramus- cules du système; toutefois dans les portions terminales elles sont fort diffi- ciles à saisir, et il devient bientôt impossible de les distinguer au sein de l'image confuse que présente à l'œil le cytoplasme ambiant. Il nous reste un mot à dire sur les deux extrémités de la portion glandulaire. La partie supérieure, qui avoisine toujours le testicule, présente cela de particulier qu'elle est complètement dépourvue de canal collecteur. Celui-ci est donc plus court que l'organe entier. La glande ne comprend dans cette partie supérieure qu'un treillis de canaux intracellulaires anastomosés, prenant naissance dans les cellules par des arborisations terminales, ainsi que le montre la fig. 3. Les fig. 4, A et 4,5 ont rapport à la structure de la partie inférieure de la portion glandulaire. Le canal collecteur, comme on le voit, n'y est plus entouré que d'une seule couche de cellules glandulaires, disposées régulière- ment. Celles-ci sont creusées de canaux assez larges qui passent de l'une à l'autre et qui correspondent au système treillissé du reste de l'organe. Là encore, nous avons constaté des ramifications terminales; mais nous ne les avons pas figurées dans ce dessin, parce que la coupe qui lui a servi de mo- dèle n'en présentait pas. Ces canaux terminaux, en effet, dans cette région comme dans le plein de la glande, sont loin de sillonner régulièrement toute la masse cytoplasmique; ils se localisent souvent à un seul côté, c'est ce qui explique que des sections entières n'en présentent parfois pas la moindre apparence. C'est dans cette région de l'organe que nous avons vu certaines branches du système treillissé s'aboucher dans le canal collecteur. La fig. 4.5 en pré- sente un exemple, en em. Ce fait est d'une grande importance; rappelons qu'il est contesté par certains auteurs. ORGANES SEGMENTAIRES 385 B. Rapports des cellules entre elles et avec les cellules de la paroi du canal collecteur. Les rapports des cellules glandulaires entre elles sont très intimes; nous en avons déjà parlé en traitant du système des canaux en treillis. No- tons toutefois que l'étude de ces rapports est plus aisée chez d'autres espèces que chez YHirudo medicinalis, ainsi que nous le verrons. Rappelons d'abord que, dans l'espèce qui nous occupe, la plupart des cellules de la glande sont en rapport avec toutes les cellules qui les touchent directement, par l'intermédiaire d'un canal assez large appartenant au sys- tème en treillis. Une union intime parait donc établie entre les cellules voisines, par la continuité des parois du canal qui les traverse. Mais ce n'est pas tout; très souvent elles paraissent intimement soudées l'une à l'autre par toute leur surface de contact, fig. 5 et 10. On se demande même, à l'aspect de certains groupes de cellules, tels qu'en représentent les fig. 5 et 10, si cette union n'est pas congénitale; c'est- à-dire si la lamelle brillante qui sépare les cellules en contact, représente autre chose que la cloison qui est venu séparer en deux cellules-filles une cellule-mère commune. La notion de la division du protoplasme à l'aide d'une plaque cellulaire permettrait d'adopter cette opinion; mais hâtons-nous d'ajouter que nous n'avons aucune indication positive sur laquelle nous puissions nous baser pour en faire notre thèse. L'étude minutieuse du développement embryon- naire de l'organe pourrait seule nous instruire à ce sujet ; jusqu'ici nous ne possédons malheureusement aucune donnée sur ce point d'histogenèse. Rien ne prouve donc que l'union des cellules de la glande segmentaire soit primordiale, et, dans l'absence d'indices suffisants, on peut tout aussi bien la ranger parmi ces cas de soudure secondaire dont la cytologie com- parée nous offre une série déjà nombreuse. Les rapports des cellules tubuleuses du canal collecteur avec les cellules glandulaires voisines sont identiques : une mince ligne brillante existe entre elles. Néanmoins elles paraissent aussi intimement unies que les cellules glandulaires entre elles. 2° Le canal collecteur. Nous avons dit que ce canal court dans l'épaisseur de la masse glan- dulaire, sans en atteindre toutefois l'extrémité supérieure. Dans la partie la 386 H. BOLSIUS plus épaisse de l'organe il se trouve emprisonné dans un massif puissant formé par plusieurs assises de cellules; mais vers le bas, à mesure que la glande s'amincit en fuseau, les cellules deviennent moins nombreuses et se réduisent bientôt à une seule assise. Enfin, à une faible distance de la vési- cule, elles disparaissent complètement et le canal collecteur s'y montre à nu. Dans son trajet à travers la glande, le canal collecteur présente des sinuosités assez marquées. Aussi sa section transversale ou oblique se re- trouve-t elle toujours un certain nombre de fois dans les sections longitudi- nales ou obliques de cette glande, fig. 2. La structure propre du canal collecteur n'est pas moins intéressante que celle des canaux en treillis, avec lesquels, du reste, il a beaucoup d'ana- logie; car, malgré son calibre plus fort, il a lui aussi la signification d'un canal intracellulaire. La section transverse présente le même aspect dans toute la portion glandulaire, fig. 2. Sa lumière large et toujours béante est entourée d'une paroi assez épaisse, dans laquelle on ne remarque pas trace de subdivision en cellules distinctes. Un examen très superficiel permet déjà de s'assurer que cette paroi appartient à une seule et même cellule de forme tubulaire. La section transversale de certains tubes de Malpighi des trachéates présente parfois un aspect analogue, avec cette différence qu'on découvre presque toujours en un point de la paroi une ligne radiale, représentant la section de la membrane cellulaire. Ces cellules, en effet, d'après ce que nous dit Monsieur le professeur Gilson, présentent en réalité une forme aplatie et c'est en s'incurvant fortement que chacune d'elle arrive à circon- scrire à elle seule la lumière cylindrique du tube. La ligne brillante qui coupe la paroi de ce tube, représente la surface d'application des deux bords de la cellule incurvée, l'un contre l'autre. Cette ligne ne s'aperçoit jamais dans la paroi du canal collecteur de l'organe segmentaire. Les cellules qui la constituent ne sont pas des cellules incurvées, ce sont des cellules perforées. Ce canal est donc formé par la juxtaposition bout à bout d'une série de cylindres ou manchons unicellulaircs et sans suture, comme le montrent les fig. 4,^1, 4, fi et 11. Les sections longitudinales du canal collecteur permettent de constater que les cellules tubulaires qui le constituent demeurent toujours assez indi- vidualisées pour qu'on puisse les distinguer l'une de l'autre. On remarque d'habitude une légère dépression au niveau de l'union de ces diverses cellules : la lumière du tube présente donc une série de dilatations annulaires assez régulières, fig. 4, A et 11. ORGANES SEGMENTAIRES 387 La structure du protoplasme de ces cellules tubulaires ne présente rien de spécial. Dans la portion glandulaire elle est tantôt simplement granu- leuse, fig. 4, A, tantôt, et plus souvent, elle présente une striation radiale très marquée. C'est surtout dans la partie inférieure, la plus voisine de la vésicule urinaire, que cette striation est distincte, fig. 11, 12, 13 et 14; c'est à l'aspect de cette partie que convient le mieux la description de Ray- Lankester, citée plus haut. Quant à la couche limitante de la lumière, elle présente la même struc- ture que la paroi des tubes en treillis, avec cette légère différence qu'elle paraît un peu plus compacte et plus résistante. Vue de face, elle présente la même striation transverse, un peu plus marquée peut-être, mais sans qu'il y soit possible cependant de reconnaître si les stries sont annulaires ou spiralées. 3° Vésicule urinaire. La fig. il donne une bonne idée de la structure de cette dernière portion de l'organe segmentaire. Les rapports du canal avec cette ampoule terminale, que nous appelle- rons vésicule urinaire, sont indiquées dans les fig. Il, 12, 13 et 14. On y observe que Je canal ne s'unit pas au sommet de cette vésicule ; il y pénètre plutôt latéralement, souvent après avoir couru parallèlement à sa paroi sur un trajet de longueur variable. A son embouchure on remarque un bourrelet saillant dans l'intérieur de la vésicule et formé de deux ou trois assises de de cellules. Ce bourrelet est souvent plus marqué que ne le montre la coupe longitudinale reproduite dans la fig. 11. La fig. 14 représente une coupe très oblique, mais assez voisine d'être parallèle à la paroi portant l'embouchure; elle fait voir de face l'orifice circulaire du canal entouré de son bourrelet. Sa partie inférieure présente certaines particularités. Tout d'abord remarquons la présence, à quelque distance de l'orifice externe, d'un étranglement très resserré muni d'un anneau de fibres muscu- laires lisses, c'est-à-dire d'un véritable sphincter, fig. il an. Les auteurs ne font pas mention de cet organe important. Au-delà de ce sphincter, on remarque d'ordinaire une seconde vésicule plus petite que la prernière, qui se rétrécit bientôt au point de ne plus former qu'un simple tube devenant fort mince au moment où il atteint la surface épidermique. Les parois de cette curieuse vésicule urinaire sont formées de petites cellules qui ne paraissent pas fortement cimentées entre elles : elles sont de forme assez irrégulière, et chacune d'elles fait une saillie plus ou moins pro- noncée dans la cavité vésiculaire. 388 H. BOLSIUS //. Aulastomum gulo. U Aulastomum gulo diffère très peu de YHirudo medicinalis. Les seuls caractères qui distinguent extérieurement ces deux espèces très voisines, résident dans le dessin de' la peau et dans la taille. Quant au corps segmentaire de Y Aulastomum, sa disposition, son dé- veloppement dans les diverses parties du corps, son organisation interne, sa forme, la grandeur même des cellules constituantes, tout en un mot rap- pelle exactement YHirudo. Les extrémités supérieure et inférieure sont semblables dans les deux espèces; car le canal collecteur avec sa vésicule urinaire y sont identiques; si la question de l'entonnoir est encore à élucider dans Y Aulastomum comme dans YHirudo, les amas de cellules qu'on a considérés jusqu ici comme les appareils terminaux s'y montrent entièrement similaires. Toutefois, il est certains détails de la structure intime de ces organes qui présentent un faciès particulier et parfois des dimensions plus fortes chez Y Aulastomum. Nous nous bornerons à la description succinte de deux de ces détails qui se sont montrés plus propices à l'observation que chez YHirudo. Le premier se rapporte à la structure des parois des canaux moyens et du canal collecteur ; le second touche aux relations des parois du canal collecteur avec les cellules qui l'entourent. A. Paroi des canaux moyens et du canal collecteur. Ainsi que nous l'avons dit antérieurement, cette paroi, vue en coupe optique, nous présente une série de points brillants reliés entre eux par une ligne très mince. Nous avons exprimé très clairement, en traitant de YHirudo, notre manière de voir au sujet de ces points et de la structure de la membrane. Mais, en certains endroits de la glande, un nouveau détail se révèle dans la structure de cette paroi : un plateau strie bien évident, y revêt la face interne de certains canaux de moyenne grosseur (treillis) et du canal collecteur. Nos fig. 15 et 16, Pl. II, représentent l'aspect de ces plateaux. La fig. 15 est la reproduction d'une coupe qui passe obliquement par une des anses que décrit le canal collecteur avant d'arriver à la vésicule urinaire, cf. fig. il, Pl. I. La face inférieure du canal affecté par cette coupe, nous montre sur toute sa longueur, ou à peu près, un plateau d'aspect strié. ORGANES SEGMENTAIRES 389 Les stries partent des points brillants, dont nous avons traité dans la description précédente au sujet de la paroi du canal chez VHirudo. Elles sont droites, et ne présentent jamais de courbure. Au sommet de chaque strie on remarque encore une granulation. Nous ne sommes pas parvenus, même à l'aide des plus puissants objectifs, à décider la question de savoir si ces points terminaux sont réunis par une ligne transversale, ou bien s'ils sont indépendants les uns des autres. Quoi qu'il en soit, ces stries n'avaient nullement l'aspect de cils vibra- tils ; et nous nions formellement l'existence de ceux-ci à la surface des canaux intracellulaires des organes segmentaires. On aura remarqué déjà que la face supérieure du canal dans la fig. 15 n'est pas entièrement tapissée de plateaux, et que près du noyau, à gauche, le plateau va en s'amincissant. A vrai dire, nous ne savons pas si cette irré- gularité tient à un défaut de la préparation, ou si elle représente l'état normal de la paroi du canal. Toutefois, comme nous n'avons trouvé ces plateaux que rarement, il n'est pas impossible qu'ils soient caducs. On pourrait donc se demander si les plateaux amincis de la fig. 15 ne sont pas des plateaux en voie de formation, et si la facette nue qu'on voit à droite, sur la paroi supérieure du canal, n'est pas un endroit momentané- ment dénudé. Ce que nous venons de dire expliquerait peut-être un détail rapporté par A. G. Bourne (i) sur la desquamation des parois. Ne serait ce pas des lambeaux de plateau qu'il a vus, sans reconnaître leur véritable nature? Les plateaux ne se présentent pas exclusivement dans le canal collec- teur : certaines portions des canaux de calibre moyen, qui constituent le treillis de la masse glandulaire, en sont aussi pourvus. La fig. 16 en repro- duit l'aspect. La cellule renfermant ce canal à plateau, gisait dans la partie la plus développée de l'amas glandulaire. Le plateau occupe toute la surface interne du canal ; dans tous ses détails il est identique aux plateaux du canal collecteur, fig. 15 : les stries sont toutes droites, implantées sur les points nodaux de la paroi et surmontées chacune d'une granulation au bout opposé. ■ (i) A. G. Bourne : Op. cit. 1880 : « The ductules of this wider and larger kind are lined with a very distinct cuticle which in sections of hardened préparations is often seen in a state of desquamation. » 3Q0 H. BOLSIUS B. Rapports des parois du canal collecteur avec les cellules glandulaires voisines. Ces rapports sont indiqués dans la fig. 17. Nous avons dit que chez YHirudo les cellules glandulaires voisines du canal collecteur paraissent intimement unies avec les cellules tubulaires qui constituent la paroi de ce canal. Néanmoins, une ligne brillante, c'est- à-dire une membrane sectionnée, se voit d'ordinaire entre elles. Si l'union de ces éléments est intime, elle ne va pas cependant jusqu'à la fusion com- plète des cytoplasmes. Néanmoins nous avons constaté en maint endroit, chez X Aulastomum d'abord et, ensuite, au cours de nos recherches, dans quelques Hirudo medicinalis, une fusion véritable des cellules perforées du canal collecteur avec les cellules circonvoisines, fig. 17. Aucune trace de membrane ne se voit entre ces cellules. On constate seulement à leur limite une zone plus sombre et plus nettement réticulée, qui tranche sur le reste du cytoplasme. Il semblerait que cette zone est le résultat de la dislocation de la membrane des cellules voisines et de son retour à l'état de protoplasme réticulé. Les trabécules qu'on y distingue, sont orientées pour la plupart dans un sens à peu près radial par rapport à l'axe du canal collecteur, et aussi par rapport au centre de chacune des cellules, dans la portion qui leur appartient. Ap- paremment elles représentent encore les trabécules radiales périphériques de chaque cellule; trabécules qui sont toujours plus fortes et plus régulières que les autres, ainsi que nous l'avons dit. On observe souvent la même fusion entre les cellules placées côte à côte qui entourent le canal ; une zone sombre et réticulée ou fibrillaire se voit aussi entre elles, fig. 17. III. Nephelis. Aperçu anatomique La constitution de l'organe dans le genre Nephelis nous présente de si grandes divergences avec les deux espèces précédentes, que nous ne croyons pas sans utilité d'en faire la description sommaire, avant de nous occuper de ses détails. Les organes segmentaires sont disposés par paires sur toute la longueur du corps. Leur forme est filamenteuse d'un bout à l'autre. Leur portion glandulaire reste mince sur toute sa longueur; elle comprend une seule as- sise de cellules, circonscrivant un ou plusieurs canaux longitudinaux. Rien n'y rappelle le système en treillis de YHirudo et de Y Aulastomum . ORGANES SEGMENTAIRES 391 Mais nous allons bientôt revenir sur ces particularités de structure in- time, qu'il n'est pas possible de décrire avant d'avoir examiné une série de coupes de l'organe. Pour le moment nous nous contenterons d'appeler l'at- tention du lecteur sur notre fig. 18, où l'on voit le ruban segmentaire ser- penter entre les fibres musculaires et les sinus sanguins qui longent le tube digestif. Cette figure, légèrement schématique, a été composée d'après une série de coupes pratiquées dans le sens longitudinal. Ici encore, la disposition de l'extrémité supérieure est douteuse. Parmi les observateurs qui nous ont précédé, les uns disent y avoir trouvé un en- tonnoir rosacé et cilié; les autres soutiennent que l'entonnoir n'existe pas. Nous nous réservons d'élucider la question dans un mémoire suivant. L'extrémité opposée débouche dans une vésicule simple qui s'amincit en tube, sans s'étrangler comme chez VHirudo, et qui s'ouvre à l'extérieur par un pore caché entre les anneaux. Après cet aperçu sommaire, passons à l'étude des parties constitutives de l'organe. Nous parlerons successivement de la glande, du canal collecteur et de la vésicule terminale; les similitudes et les divergences entre les espèces précédentes et l'espèce qui nous occupe seront plus saisissables. i" La glande Nous avons déjà remarqué que dans la Neplielis cet organe ne constitue pas un corps massif, comme chez VHirudo, mais qu'il prend la forme rubanée ou filoïde. Les coupes microtomiques de ce ruban présentent des aspects divers. Notons d'abord que les coupes qui sont bien transversales ne compren- nent jamais qu'une seule cellule, fig. 24. Les coupes longitudinales, au contraire, en intéressent toujours plusieurs placées bout à bout, fig. 19 et 22. Mais ces deux sortes de coupes présentent elles-mêmes des particulari- tés. Toutes, il est vrai, montrent la section de cellules à cavités internes; mais les cavités béantes, qui seules nous occupent en ce moment, varient en nombre, en forme et en disposition. Dans certaines de ces sections, la cellule coupée présente une seule cavité, un seul canal interne de calibre légèrement variable. Telle est la fig. 19. D'autres fois la cellule contient deux canaux, fig. 21 et 24. Enfin, d'autres fois encore, elle en possède trois, fig. 24, 25 et 26. 217 392 H. BOLSIUS De plus, outre ces canaux larges et cylindriques, certaines cellules contiennent un système de canaux ramifiés, analogues à ceux que nous avons décrits chez YHirudo et VAulastomum. Notons que les coupes de la portion inférieure du canal voisine de la vésicule urinaire ne contiennent jamais qu'une seule section de canal interne, fig. 27, es. L'étude de ces divers aspects nous a conduit à la conception suivante de la structure générale de l'organe segmentaire chez la Nephelis. Cet organe comprend un seul cordon formé de cellules placées bout à bout, et contenant une ou plusieurs cavités internes. Ces cavités sont au nombre de une, de deux ou de trois, suivant les régions de l'organe, c'est-à-dire qu'elles constituent dans l'ensemble du ruban segmentaire, un, deux ou trois canaux intracellulaires, traversant de concert la cellule unique qui constitue l'organe sur une coupe transversale. Chacun de ces trois canaux prend naissance par des arborisations ter- minales qui se ramifient dans certaines cellules. Quant à leur terminaison du côté inférieur, nous pouvons affirmer qu'ils finissent par s'unir entre eux, puisque la section du ruban aux abords de la vésicule urinaire, ne possède jamais qu'un seul canal. Ainsi, le ruban est une chaîne de cellules placées bout à bout, per- cées, suivant les régions, d'un seul, de deux ou de trois canaux internes, et dont un certain nombre contient des arborisations terminales se raccor- dant à l'un ou à l'autre des canaux. Le système des cavités internes est donc encore plus remarquable par sa complexité chez la Nephelis que chez YHirudo et VAulastomum. Ces données mises en lumière, le lecteur nous suivra aisément dans la description des particularités de ces cellules perforées, qui nous semblent dignes d'intérêt. Encore une fois, c'est seulement après cette étude des cellules et de leurs rapports que nous pourrons nous faire une idée plus complète et plus exacte du plan général de structure de l'organe. A. Description des cellules. Le noyau. Rien de très particulier dans sa structure, ni de bien différent de ce que nous avons dit de YHirudo. Nous en avons représenté trois, fig. 20 et 21, pour donner au lecteur une idée dufacies qu ils revêtent chez la Nephelis. ORGANES SEGMENTAIRES 393 L'élément nucléinien y est condensé dans un nucléole-noyau d'un aspect plus ou moins granuleux. La fig. 20 montre que ce nucléole présente par- fois un corpuscule central. Le caryoplasme offre, comme chez YHirudo, un réticulum très puissant. La membrane. Elle est très mince et assez difficile à saisir. Sa surface externe est par- faitement lisse, fig. 23. 24, 25, 26. A l'intérieur elle présente des rugosités sur chacune desquelles viennent s'implanter les trabécules radiales. Le protoplasme. La structure du protoplasme est très régulière dans la plupart des cel- lules de cet organe. Il est pourvu d'un enchylème finement granuleux, semé de corpuscules plus forts. Ceux-ci se montrent surtout dans la partie péri- phérique, fig. 19. Ces corpuscules, dans les cellules qui contiennent plusieurs canaux, sont parfois disposés régulièrement et paraissent circonscrire un territoire de protoplasme, fig. 22 et 24. Bornons-nous à constater ce fait, sur lequel nous reviendrons plus loin. Le réticulum est encore plus apparent et plus vigoureux ici que dans les deux genres précédents. L'orientation radiale des trabécules y est plus marquée. Il est à noter que le noyau est bien loin d'être toujours le centre principal d'irradiation ; c'est au contraire, à partir des canaux eux- mêmes,, qu'on voit s'orienter le plus grand nombre de trabécules. Du reste, l'aspect du protoplasme est assez variable d'une cellule à l'autre; les unes sont opaques, les autres sont plus claires, ainsi que nous avons cherché à le rendre dans la fig. 22, qui n'indique pas assez nettement, toutefois, la grande différence que présentaient les trois cellules figurées; différence qui était due autant à la coloration plus forte qu'elles avaient prises, qu'à la texture plus dense de leur protoplasme. Les canaux internes. La présence de canaux internes constitue le trait le plus caractéris- tique de ces cellules. Si l'on compare ces canaux internes à ceux de YHirudo et de YAulas- tomum, on trouve dans leur disposition et dans la structure de leurs rami- 3Q4 H. BOLSIUS fications terminales certaines différences que nous allons esquisser briè- vement. Nous avons dit que toutes les cellules sont traversées par un, deux ou trois canaux de calibre variable. On peut assimiler ces canaux à ceux du système en treillis des deux genres précédemment étudiés. Chacun d'eux prend naissance dans un système de ramifications terminales, comme chez VHirudo et YAulastomum. Puis il se dirige directement vers l'orifice infé- rieur de l'organe en traversant toute la série des cellules qui l'en sépare, et sans s'anastomoser entre eux. Nous avons vu que les sections transver- sales du ruban contiennent un, deux ou trois canaux; ce dernier chiffre n'est jamais dépassé, quand la cellule coupée ne loge qu'un seul canal, celui- ci en occupe généralement lecentre, fig. 23. Quand elle en contient plusieurs elle prend souvent une forme aplatie, et les canaux se placent l'un à côté de l'autre dans le sens de la plus grande largeur, fig. 24, 25, 26. Notons ce- pendant qu'ils peuvent aussi subir une certaine torsion autour de l'axe du ruban et se déplacer quelque peu l'un vis-à-vis de l'autre. De l'existence des sections munies d'une, de deux ou de trois cavités cy- lindriques, il faut conclure que la portion supérieure du ruban ne contient qu'un canal, la portion moyenne deux et la portion inférieure trois. Ajoutons que, par suite, ces canaux sont d'inégale longueur, et que celui qu'on rencontre seul dans certaines cellules doit être le plus long. Nous n'avons pas étudié l'organe segmentaire extirpé en entier, afin de vérifier le fait une seconde fois. En tout cas, les portions supérieure et moyenne doivent être très courtes, car les sections à trois canaux sont beaucoup plus nombreuses dans les coupes que celles qui n'en possèdent qu'une ou deux. Disons aussi que nous ne croyons pas la description de O. Schultze tout à fait exacte. Il nous dit que, dans les portions à trois cavités, on en distingue toujours une de plus fort calibre, qui est ordinairement placée entre les deux autres. Notre fig. 24 prouve qu'il n'en est pas toujours ainsi. La fig. 26 reproduit une disposition moins fréquente, mais qui corres- pond peut-être à ce dont Schultze voudrait faire la règle. On y voit un canal médian, c2, à section circulaire et deux canaux laté- raux dont la cavité est plus réduite et de forme très irrégulière. Cette image correspond assez bien à la description de Schultze, mais elle est loin de représenter la disposition générale des canaux sur toute la longueur du ru- ban. La forme irrégulière des deux canaux c' et cz paraît due à un ratatine- ORGANES SEGMENTAIRES 395 ment particulier. La fig. 25 montre qu'il peut être poussé beaucoup plus loin et même jusqu'à réduire la lumière à une simple fente virtuelle. Mais ce ratatinement ne se poursuit jamais sur une grande longueur, et le tube reprend bientôt une forme et une dimension plus normales. Pour compléter ces données sur la disposition des canaux, disons en core que les cellules contenant des ramifications terminales doivent être assez rares chez le Nephelis. Nous ne sommes pas parvenu jusqu'ici à constater l'abouchement d'une arborisation terminale dans un canal de taille ordinaire. Toutes les cellules à tubes ramifiés contenaient un canal de dégagement beaucoup plus grêle que ceux qui traversent les cellules dépourvues de branches terminales. La fig. 21 nous aidera à nous expliquer. La cellule A contient une arborisation terminale qui se condense en un seul tube de faible calibre. Ce tube, ainsi que nous l'a révélé l'examen des coupes suivantes, se continuait, après avoir décrit une anse, avec la por- tion indiquée c°. La cavité c1 appartient au contraire à un canal entièrement distinct et possédant le calibre normal; mais aucune ramification ne s'y abouche. Partout où l'on trouve une arborisation terminale on trouve aussi un canal longitudinal plus mince que les autres, et communiquant avec cette arborisation. Les canaux longitudinaux ne possèdent donc un système ramifié originel que dans leur partie supérieure amincie. Un mot encore au sujet de la fig. 23. Elle représente la coupe trans- versale du ruban en un endroit où il n'existe encore qu'un seul canal, le plus long des trois évidemment. Dans le cytoplasme on distingue une série de ramifications, ;•/. Ces ramifications n'appartiennent pas au canal n° î le plus long, mais bien à la partie tout à fait supérieure du canal n° 2, qui ne tarde pas à se montrer avec évidence, dans les coupes suivantes de la même cellule. La structure de la paroi propre des canaux est essentiellement la même que chez YHirudo. En coupe optique elle est ponctuée. De face elle est striée, et présente un aspect quelque peu varié; parfois, comme dans la fig. 25, elle présente un aspect réticulé assez irrégulier. Néanmoins, même dans ce cas, on distingue dans cette paroi un grand nombre de trabécules orien- tées dans un sens transversal, comme si l'ordination de ces trabécules en cercle ou en spirale y avait débuté sans s'achever. Ailleurs, au contraire, leur disposition ne paraît plus du tout réticulée, mais cycloïde ou spiraloïde. Très souvent, cette structure est extrêmement régulière et bien plus facile à 21g 396 H. BOLSIUS observer que chez YHintdo. Cependant, pas plus chez la Nephelis que chez YHirudo, nous ne sommes parvenu à reconnaître avec certitude si ces stries parallèles de la paroi sont disposées en cercles ou en spires; mais, comme chezYHirudo, nous sommes plus disposé à accepter cette dernière hypothèse. Quant aux ramifications terminales, ici aussi elles se dirigent radiale- ment vers la périphérie. Seulement elles présentent un aspect particulier que nous n'avons pas observé chez YHirudo. Au lieu de se terminer en doigt de gant, elles vont s'effilant au point de passer à l'état de simple filament, dans lequel on ne distingue plus de lumière, et qui se perd bientôt en se confondant avec une trabécule réticulaire. Très souvent on peut les suivre jusque dans la région périphé- rique où, comme nous l'avons vu chez YHirudo, les trabécules sont orientées d'une façon très nettement radiale; on peut constater leur continuité avec l'une de ces trabécules qui aboutissent à la membrane, fig. 21, A, rt. Déjà avant qu'elles se confondent avec de véritables trabécules, leur lumière devient fort difficile à distinguer, et c'est à grand'peine qu'on par- vient à les différentier d'avec de simples trabécules en réseau. C'est assez dire que leur étude exige l'emploi des meilleurs objectifs, et que des sections microtomiques extrêmement minces sont indispensables. L'extrémité inférieure est constituée par un canal unique, qui se déverse dans la vésicule urinaire. Malheureusement le point de jonction des trois canaux en un seul canal collecteur, ne s'est pas offert à nos regards, ainsi que nous l'avons dit. Constatons seulement que ce point doit être très rapproché de l'embouchure inférieure, car le tronçon qui fait immédiate- ment suite au canal représenté dans la fig 27, CS, montrait déjà, dans ses sections transversales trois lumières l'une à côté de l'autre. B. Rapports des cellules entre elles. Les rapports des cellules entre elles semblent plus simples, et leurs liens plus faibles que dans les espèces précédentes. Nous en avons déjà parlé incidemment en décrivant l'organe lui-même. Rappelons d'abord que toutes les cellules de l'organe sont des cylindres percés d'un, de deux ou de trois canaux, et soudés bout à bout. La structure de l'organe entier a donc la plus grande analogie avec celle du canal collecteur seul de YHirudo et de Y Aulastomum. Chacune de ses cellules adhère seulement à deux cellules voisines par ORGANES SEGMENTAIRES 397 ses bouts. Cette adhérence peut être plus ou moins profonde. Tantôt elle paraît aller jusqu'à la fusion complète des cytoplasmes, fig. 19. D'autres fois il n'y a pas fusion, et alors la membrane persiste entre les deux masses cytoplasmatiques, fig. 21 et 22. Cette membrane parait simple et commune aux deux cellules, de sorte qu'on peut les rapprocher de ces membranes, décrites par Ide dans les cancers et dans le sabot des ruminants, et que cet observateur explique en les considérant comme des plaques cellulaires con- solidées, mais non clivées. Quoi qu'il en soit, l'union de ces cellules parait être très intime. Notons ici une particularité, déjà signalée chez les autres espèces : au niveau du point d'union des^cellules, la lumière du canal subit d'ordinaire une dilatation plus ou moins marquée, fig. 19 et 22. Les tubes sont donc plus ou moins moniliformes. 2° Le canal collecteur. Le canal collecteur de la Nephelis est entièrement libre; on se rappelle que chez YHirudo et YAulastomum, il est au contraire plongé dans une masse glandulaire, sur presque toute son étendue. Ici la longueur du canal est faible. Si nos soupçons sont exacts, il ne doit guère comprendre qu'une seule cellule assez allongée, il est vrai, quoique moins longue, peut-être, que la cellule terminale du canal chez la Clepsine, comme nous le verrons. Les cellules qui constituent la paroi du canal collecteur ne se distin- guent en rien des autres cellules de l'organe. Leur protoplasme présente des trabécules radiales s'insérant normalement sur la membrane externe et sur la paroi du canal; les coupes transversales prouvent à l'évidence que le canal est formé, non de cellules disposées en épithélium, comme dans les trachées des insectes par exemple, mais de cellules perforées, peut-être d'une seule. La striation de la paroi du canal, vue de face, est complètement iden- tique avec la striation représentée dans les différentes figures précitées. Ajoutons encore que ni le canal collecteur, ni les canaux de la partie glandulaire, dans aucune de nos préparations, ne nous ont montré le moindre indice soit de plateau, soit de cils vibratils. Quoique cet argument soit purement négatif, nous nous croyons autorisé, vu le nombre considérable de nos préparations, à ne pas admettre leur existence. 398 H. BOLSIUS 3° La Vésicule urinaire. Cette portion terminale de l'organe est représentée d'une manière très nette dans la fig. 27. Toute la cavité est tapissée intérieurement d'un épi- thélium assez serré. Les cellules épithéliales ont toutes une forme allongée, et leur direction est toujours oblique, de haut en bas et de dehors en dedans. La partie inférieure est très étroite, et s'allonge en forme de tube qui débouche dans un sillon interannulaire, fig. 18, si, par un pore étroit. La vésicule ne présente qu'une seule cavité, et l'existence d'un sphinc- ter autour du tube inférieur ne se manifeste nulle part; au contraire, les coupes longitudinales horizontales nous ont prouvé que les muscles entre- croisés de la peau l'environnent seuls; jamais on n'y voit l'anneau complet que les coupes, faites de la même manière, présentent dans VHirudo et YAulastomum. La fig. 27 nous indique aussi le rapport du canal collecteur avec la vésicule urinaire. Le point de jonction, si non toujours, au moins dans la plupart des cas observés, est situé un peu sur le côté de la vésicule, quoi- que moins latéralement que dans VHirudo et YAulastomum. Le canal ne longe pas la paroi de la vésicule, et ne s'incurve pas pour y pénétrer ; il y pénètre sans déviation aucune, fig. 27. Nous n'avons constaté dans aucun cas ce bourrelet que présentent VHirudo et YAulastomum au point d'inser- tion du canal dans la vésicule ; la paroi de celle-ci n'est formée sur la portion de l'embouchure, comme partout ailleurs, que d'une seule assise de cellules. Une coupe transversale passant par l'orifice du 'canal produit une figure analogue à celle que nous avons donnée pour VHirudo, fig. 14, moins le bourrelet. IV. Clepsine. L'organe segmentaire de la Clepsine, dans ses grandes lignes, diffère peu de celui de la Nephelis. C'est donc un organe de forme rubanée, qui serpente, comme celui de la Nephelis, entre les diverticules de l'intestin, les sinus et les fibres musculaires. Il se déploie plus librement dans la Clepsine que dans la Nephelis, car les lobes testiculaires ne sont ni aussi nombreux ni aussi volumineux. Il suit de là qu'on peut le distinguer aisément sur toute la longueur du corps, et constater la disposition symétrique sur les côtés du tube digestif dans chaque segment. ORGANES SEGMENTAIRES 399 Les opinions des auteurs sur la disposition de l'extrémité supérieure sont partagées (1). Pour notre part, nous faisons ici, comme aux chapitres précédents, nos réserves sur ce point, que nous étudierons simultanément plus tard dans les diverses espèces. Quant à l'extrémité inférieure, les auteurs ne l' étudient pas en détail; nous la décrirons plus loin. Nous avons dit que l'organe a la forme d'un ruban. Ce ruban, comme chez la Nephelis, est formé d'une seule série de cellules, parcourue par des canaux internes. La forme de ces cellules est capricieusement variée, ainsi que leur grandeur; les fig. 29, 30, 31, 36 suffisent à le prouver. Les canaux, comme chez la Nephelis, se montrent dans les coupes transversales au nombre de un, de deux ou de trois. Au sujet de leur longueur nous avons les mêmes remarques à faire que dans le genre précédent. Contrairement à l'assertion de Schultze, nous n'y avons constaté l'existence d'un canal principal et de deux canaux de calibre plus faible. Ces canaux sont beaucoup plus sinueux que chez la Nephelis, et, bien qu'ils ne communiquent pas entre eux dans le trajet de la glande, ils passent souvent les uns au-dessus des autres, fig. 29; parfois même on y voit un canal décrire un segment de spirale dans sa cellule, fig. 30, cellule A. On rencontre aussi chez la Clepsine des cellules à ramifications termi- nales, fig. 28. Elles ont été observées, mais décrites d'une manière très superficielle par les auteurs déjà cités à différentes reprises. Le nombre de ces cellules est plus restreint encore que chez la Nephelis. A. Description des cellules. Le noyau. Le noyau dans la Clepsine présente quelques particularités dignes d'être notées. Tandis que ses dimensions dans les espèces précédentes étaient assez uniformes, elles sont au contraire extrêmement variables chez la Clepsine. Le lecteur peut s'en rendre compte en jetant un regard sur les fig. 33, A, B, Cet 34, A, B, qui ont été dessinées au même grossissement. Les auteurs ont déjà signalé la présence de noyaux énormes dans les organes segmentaires de la Clepsine; mais sans indiquer la variabilité (U Comparez Lang, Bourne, Schultze. Hoffmann, Nussbaum : Op cit. 400 H. BOLSIUS de leurs dimensions, et surtout sans en décrire ni la structure, ni la forme, qui est parfois remarquable. Notons d'abord les caractères de son contenu. Ce qui frappe surtout, dans ce contenu, c'est la présence constante d'un corps sphéroïdal qui, tantôt gît au centre du noyau, tantôt y occupe une position excentrique. C est le nucléole, et, pour préciser d'avantage, c'est un nucléole-noyau : il possède, en efiet, une membrane propre et un contenu de nature nucléi- nienne. Laforme qu'y revêt l'élément nucléinien est rarement reconnaissable; en général, tout le nucléole parait homogène ou granuleux, et coloré d'une manière uniforme par les réactifs. Cependant au milieu du contenu nucléinien on distingue parfois un cor- puscule plus foncé, fig. 33, ,4 et B. Il semble que l'élément nucléinen y est accumulé et condensé. Enfin, dans d'autres cellules, le nucléole lui-même contient un corps muni d'une membrane et tout-à-fait analogue au nucléole ordinaire. La fig. 34, A, en montre un bel exemple. Le nucléole de cette énorme noyau présente un aspect réticulé; il est plus sombre que le caryo- plasma proprement dit, et absorbe davantage le carmin. Le nucléolule qu'il contient possède une membrane propre; il paraît contenir tout l'élément nucléinien figuré, car il se colore plus fortement que tout le reste du noyau; néanmoins, sans être homogène dans sa struc- ture, il ne nous a montré aucun bâtonnet ou corpuscule distinct. Le caryoplasme, ainsi que le montrent nos figures, est très abondant chez la Clepsine. Il y présente un réticulum d'une vigueur remarquable, entre les mailles duquel on aperçoit un autre réticulum beaucoup plus serré et plus fin. La membrane est très forte aussi. Elle est même plus épaisse que la membrane cellulaire. Comme cette dernière, elle est ponctuée en coupe optique, et l'on peut s'assurer ici aussi qu'une trabécule réticulaire aboutit à chaque point ou granule. Mais le trait le plus curieux que nous ayons relevé dans la structure de ces noyaux, c'est la forme étrange que présentent certains d'entre eux ; la fig. 35, A, B, C en donne trois exemples. Leur surface, comme on le voit, n'est plus lisse et régulière, comme celle des autres noyaux; elle est héris- sée de protubérances de toutes formes et parfois très allongées. Au lieu de sphéroïdes, ces noyaux sont des corps mûriformes très irré- guliers, à contours des plus capricieux. Nous reviendrons sur ce détail. ORGANES SEGMENTAIKES 40I La membrane. La membrane cellulaire est très mince, comme les divers auteurs l'ont déjà remarqué; en coupe, elle présente 1 aspect que nous avons décrit chez les autres espèces. Vue de face, elle présente des détails identiques à ceux que nous avons signalés précédemment. La fig. 32 représente une coupe optique passant en partie un peu au-dessous de la surface d'une cellule. La portion adroite, nettement limitée, est la membrane vue un peu obliquement par sa face extérieure. Elle montre des séries de points extrêmement fins et placés très régulièrement. Un peu vers la gauche, la partie moyenne, plus claire, est la membrane vue exactement de face. Ces points forment encore des séries, mais elles paraissent moins régulières. Enfin, la portion voisine du bord gauche représente ce qui se voit immédiatement en dedans de la membrane; c'est la première couche réticulée du protoplasme. Le protoplasme. La texture réticulée du protoplasme est très évidente, quoique beau- coup moins accentuée que chez la Nephelis. Les trabécules, à la périphérie des cellules, sont placées normalement; parfois il en résulte une zone bien marquée et plus réfringente que le reste du protoplasme, fig. 28 (surtout la partie inférieure de la cellule). Schultze, qui l'a comparée à la substance corticale, que Bourne décrit dans YHirudo medicinalis, semble indiquer que cette zone existe clans toutes les cellules de l'organe; nous avons constaté que souvent cette couche périphérique, parfois très distincte, fait défaut dans beaucoup de cellules. Dans l'intérieur delà cellule, l'orientation des trabécules varie fortement d'une cellule à l'autre. Aux alentours des canaux, les trabécules s'insèrent normalement à ceux-ci sur une étendue plus ou moins grande, fig. 28 et 29. Cependant, dans l'espace situé entre cette zone des canaux et la zone péri- phérique, l'arrangement est très variable. Tantôt l'aspect du protoplasme y est très finement réticulé et granulé, par exemple dans la fig. 29 ; tantôt les trabécules sont plus fortes, alors elles sont orientées assez normalement par rapport à l'axe des canaux, fig. 30. Mais comme cet axe lui-même est beaucoup moins rectiligne que chez la Nephelis, il s'en suit que la striation du protoplasme est bien moins nette que chez cette dernière espèce ; parfois l'orientation, même des trabécules les plus fortes, y est tout à fait désor- donnée. Une granulation très fine apparaît dans les mailles du réticulum. 402 H. BOLSIUS Les canaux internes. Nous avons peu de chose à. en dire, à cause de la grande similitude qu'ils présentent avec ceux de la JSephelis. La structure de leur. paroi est la même que dans les genres précédents, mais elle est encore plus claire et plus élégante. Un coup d'œil sur les fig. 28 à 31 permettra au lecteur de se faire une idée de la netteté avec laquelle les points apparaissent dans les bonnes coupes. C'est dans la Clepsine surtout qu'on découvre aisément les bandes circulaires ou spiralées des membranes vues de face. Malheureusement nous n'avons pas encore pu arriver à y décider la question des anneaux ou de la spirale. Dans cette espèce on n'observe plus de dilatations infundibuliformes au niveau de l'union des cellules qui constituent le ruban segmentaire, fig. 29 et 30. Les cellules à arborisations terminales paraissent plus rares encore dans la Clepsine que dans la Neplielis ; mais elles y sont fort belles. Notre fig. 28 en représente un magnifique exemplaire. Les derniers canalicules se confondent comme chez la Neplielis avec certaines trabécules du cy- toplasme. Avant d'aller plus loin nous devons faire une remarque. Nous avons dit, en parlant de VHirudo, de Y Aidastomum et de la Neplielis, que ces ramuscules terminaux avaient une grande tendance à se distribuer dans la zone périphérique du cytoplasme. Notons toutefois que nous n'avons pas nié que certaines branches puissent se terminer ailleurs que dans cette zone. Mais, chez la Clepsine, nous avons constaté à mainte reprise les terminai- sons de ces ramuscules dans les parties internes du cytoplasme, loin de la membrane, et même au centre de la cellule. La fig. 28 met le fait sous les yeux du lecteur; si un certain nombre de ramuscules finissent dans la zone des trabécules radiales voisine de la membrane cellulaire, un nombre à peu près égal se perd dans les portions internes, après s'être effilés en pointes très aiguës. Il est à noter que cette figure représente une des coupes microto- miques qui intéressaient la profondeur de cette cellule. Il est donc certain que les deux branches les plus proches du milieu de la figure étaient bien plongées dans la partie centrale du protoplasme, et non pas voisines de la membrane. ORGANES SEGMENTAIRES 403 B. Rapports des cellules entre elles. Les rapports des cellules segmentaires dans la Clepsine sont des plus intéressants ; ils sont plus complexes que dans les espèces traitées plus haut. Rappelons d'abord que chez la Clepsine les cellules sont placées les unes à la suite des autres, comme chez la Nephelis; jamais elles ne consti- tuent une masse compacte comme chez YHirudo et Y Aulastomum. Mais tandis que chez la Nephelis les cellules en forme de cylindre sont soudées par toute la surface basilaire, chez la Clepsine la soudure est moins étendue : elle est limitée à certains points de cette surface. Prenons, comme point de départ, la partie terminale inférieure de l'or- gane, fig. 36. A ce niveau, comme chez la Nephelis, on constate un canal unique. Les cellules y sont de forme arrondie, ainsi que Schultze l'a déjà remarqué ; aussi le ruban segmentaire présente-il chez la Clepsine un aspect moniliforme très caractéristique. Au niveau des points d'union de ces cellules il existe toujours un sillon profond qui s'avance jusqu'à peu de distance du canal interne. On voit très nettement au fond de ce sillon la membrane d'une cellule se continuer directement avec celle de la voisine. Sous cette membrane la fusion des deux cytoplasmes parait complète; on n'y distingue pas trace de cloison séparatrice. On peut s'en convaincre par l'examen de la fig. 30, qui offre le même détail à un grossissement plus fort. La fig. 31 montre que le col d'union peut parfois s'allonger un peu; Schultze semble avoir eu ce détail sous les yeux. Mais ce n'est pas toujours de cette manière relativement simple que le rapport des cellules s'établit. Nos recherches nous ont décelé, en d'autres points de l'organe, un mode d'union qui est plus compliqué. Dans les endroits où le ruban contient trois canaux, ceux-ci, au lieu de passer de concert d'une cellule à l'autre, en traversant tout simplement le cytoplasme, comme chez la Nephelis, paraissent cheminer chacun pour son compte et passer d'une cellule à l'autre à travers un manchon de proto- plasme qui lui est propre. Les cellules, en ces points, sont unies par autant de prolongements qu'il y existe de canaux, et chaque prolongement, par- faitement distinct des autres, contient un canal interne. Notons cependant qu'on rencontre parfois deux canaux logés dans le même prolongement unitif, mais ce cas est plus rare. La fig. 29 met en lumière cette disposition particulière qui constitue le trait différentiel principal entre la Clepsine et la Nephelis. 404 H BOLSIUS Pour justifier cette figure, nous tenons à déclarer que plusieurs coupes optiques successives dans le même objet ont été réunies dans ce dessin syn- thétique. Dans une seule des sections il y avait deux passages, et un peu plus bas, sur le côté, se présentait le troisième. Nous prions le lecteur de remarquer qu'on aperçoit le tissu conjonctif enveloppant, dans la lumière même des percées qui séparent les divers cylindres d'union des cellules. Ce fait lève tout doute au sujet de la sépa- ration réelle de ces cylindres. La fig. 30 montre seulement deux canaux passant séparément de la cellule B à la cellule C; mais un seul a été entamé lui-même par le rasoir et se voit en coupe optique ; l'autre est vu de face, il gisait plus profondé- ment. Il n'arrive presque jamais que les trois canaux soient intéressés de la même façon dans une coupe. 2° Le Canal collecteur. Chez la Clepsine, comme chez la Nephelis, les trois canaux segmentaires, après un trajet assez long, pendant lequel ils s'avancent indépendamment l'un de l'autre, finissent par se réunir. Le canal collecteur commun est plus long que chez la Nephelis, la fig. 35 le prouve. Rien de particulier à signaler au sujet de ce canal collecteur. Remarquons seulement que la cellule terminale présente une forme assez remarquable. Elle est très allongée et effilée à la partie inférieure, ce qui lui donne une forme de massue. La description que nous présente O. Schultze de cette curieuse cellule, avec figure à l'appui, ne correspond pas exactement avec nos observations, faites sur plusieurs individus; il affirme que cette cellule est ronde, et porte un prolongement, un appendice allongé, qui conduit au dehors les produits de sécrétion. Or, pour nous, jamais cette cellule n'est ronde; toujours elle affecte la forme indiquée fig. 36, large par le côté supérieur, et se rétré- cissant insensiblement vers le bas. Tout nous porte à croire que Schultze, en dissociant, a trop étiré les cellules; cette remarque s'applique d'ailleurs à peu près à tous ceux de ses dessins qui ont rapport aux cellules segmentaires. Nous avons trouvé deux noyaux dans cette cellule terminale. Plus d'une fois nous avons observé près de son extrémité un petit noyau, fig. 36 n ; il était toujours de dimensions relativement faibles en comparaison du noyau de la partie supérieure de cette même cellule. Pour donner une bonne idée de la grandeur relative de ces deux noyaux, nous les avons réunis dans la FIG. 34. ORGANES SEGMENTA1RES 405 3° La vésicule urinaire. La portion, à laquelle nous donnons le nom de vésicule urinaire, a été implicitement niée par A. Lang (i). Il affirme que la cellule terminale, allongée, porte au dehors du corps les substances sécrétées. Ceci revient à dire qu'il n'y a pas d'intermédiaire entre l'ouverture de cette cellule et la surface cutanée. Ose. Schultze (2) se prononce en termes formels : il nie l'existence de toute vésicule, en disant que c'est la cellule terminale elle-même qui débouche à l'extérieur. Or nous avons nettement constaté la présence d'un conduit, peu étendu il est vrai, et sans renflement, fig. 36. Nous lui avons conservé le nom de vésicule urinaire. En réalité, c'est une vésicule bien rudimentaire, mais elle suffit pour établir la parfaite ressemblance de l'organe segmentaire de la Clepsine avec celui des autres espèces que nous avons étudiées. Les dernières cellules de la vésicule sont plus allongées que les autres et constituent un petit bourrelet, une proéminence autour du pore cutané qui est très étroit. A sa partie supérieure il y a quelques rangées superposées de cellules épithéliales, dans lesquelles s'emboîte la partie effilée de la cellule en massue. Tout ce conduit épithélial est caché dans l'épaisseur de la couche mus- culaire; le sphincter que nous avons signalé chez YHirudo et YAulasto- mum fait entièrement défaut chez la Clepsine comme chez la Nephelis. Remarques. Plaçons ici deux observations qui concernent les quatre hirudinées dont nous venons d'étudier les organes segmentaires. 1) Ces organes paraissent munis d'une membrane enveloppante mul- tinucléaire et de nature conjonctive. Nous avons vu, chez YHirudo et Y Aidastomum , que la masse entière de l'organe est plongée dans un tissu conjonctif assez compact, fig. 2, pl. I. Chez la Nephelis nous avons constaté, à quelques endroits du moins, l'existence des cellules conjonctives sur la face extérieure des organes, fig. 21 et 23, pl. II. Chez la Clepsine nous avons observé souvent une couche relativement forte de tissu conjonctif, enserrant l'organe dans une gaine continue; la fig. ( 1 ) Lang : Op. cit. (2) Ose. Schultze : Op cit 4o6 H. BOLSIUS 31 rend ce détail, et la fig. 29 présente la couche conjonctive à un grossisse- ment plus fort : on y distingue les noyaux et les cellules de forme allongée. Mais en beaucoup d'endroits cette gaîne est extrêmement difficile à voir, introuvable même. Les noyaux seuls en décèlent la présence, et, comme ils sont très aplatis et souvent très distants les uns des autres, on est facilement porté, mais à tort pensons-nous, à croire que l'organe est réellement nu. On décrit en histologie grand nombre de membranes de ce genre, aux- quelles Leydig donne le nom de tunica propria; mais celle des organes qui nous occupent, dans certaines régions, est bien l'une des plus difficiles à mettre en évidence autrement que par l'action des réactifs qui altèrent les cellules glandulaires, qui sont toujours plus délicates que les cellules de la propria. ■2) Notons aussi qu'on doit considérer comme le point initial de l'organe segmentaire proprement dit, dans les quatre genres étudiés, non pas l'orifice cutané de la vésicule urinaire, mais l'orifice par lequel le canal lui-même débouche dans cette vésicule. En effet, il paraît évident que la vésicule urinaire est une simple invagination de l'ectoderme, un simple enfoncement dont l'épithélium reste en continuité directe avec l'épiderme. L'organe segmentaire proprement dit est au contraire un système tout particulier, un agencement de canaux intracellulaires parfaitement indivi- dualisé et prenant son origine sur une seule cellule. Son orifice est perforé à travers cette cellule unique; celle-ci constitue la limite entre le système des cavités épithéliales et le système des cavités intracellulaires. Nous proposons de lui donner le nom de cellule-porte. CHAPITRE II. REMARQUES ET CONCLUSIONS. Avant d'entamer l'exposé de nos résultats, nous eussions désiré établir nettement l'état dans lequel les observations de nos prédécesseurs ont laissé la question, à la solution de laquelle nous avons consacré nos recherches. Mais les divergences profondes, les contradictions même qui se mani- festent dans les travaux publiés jusqu'à ce jour, nous ont rendu la chose impossible. Nous avons dû nous borner à résumer succinctement, au début de ce mémoire, les principales assertions de chaque observateur, en nous réservant d'en faire la critique plus tard, après avoir exposé nos propres résultats. ORGANES SEGMENTAIRES 407 Dans le présent chapitre nous présenterons d'abord une série de re- marques sur les observations publiées antérieurement par Bourne, Lang et Schultze, les trois histologistes dont les investigations ont pénétré le plus avant dans la structure intime des organes segmentaires. Puis nous expose- rons quelques considérations au sujet de certains détails qui nous paraissent intéressants, soit au point de vue de la connaissance de l'organe segmentaire des hirudinées considéré en général, soit à celui de la cytologie comparée. Enfin nous terminerons en résumant les données nouvelles qui sont le fruit de notre travail. 1. Remarques sur les observations antérieures. 1° BOURNE. Si nous considérons les données contenues dans les deux mémoires du savant anglais, nous devons constater que c'est lui qui a fait le plus avancer nos connaissances sur la structure des organes qui nous occupent; ses conclusions sont plus voisines de la vérité que celles de tous les autres observateurs. Il décrit en effet dans l'organe segmentaire de YHirudo et de YAulasto- mum deux parties principales : des cellules sécrétantes et un canal collec- teur ou central. Ces deux parties existent réellement. Un mot sur la description qu'il fait de ces deux parties et sur sa ma- nière de comprendre les rapports qu'elles affectent entre elles. Sa description des cellules qui constituent la partie massive de l'organe, sans être parfaite au point de vue cytologique, est assez exacte. Il y décrit un noyau entouré d'une membrane, ainsi qu'une membrane cellulaire bien nette, et il signale la structure fibrillairedu protoplasme, surtout aux environs de la membrane. Enfin, comme nous l'avons dit, il découvre dans la masse cytoplasmique un système de canaux intracellulaires. Tout en regrettant le caractère un peu rudimentaire de ses dessins, nous pourrions donc accepter les données qu'il fournit au sujet des cellules. Le lecteur remarquera que nous y avons ajouté divers détails et que nous avons surtout étudié de plus près la structure de la membrane du noyau, de la membrane cellulaire et de la paroi des canalicules. A propos de cette dernière nous ne nous sommes pas contenté de dire qu'elle offre dans les branches terminales » une relation définie- avec » la substance corticale- ; nous avons établi la nature de cette relation, en faisant remarquer que les 4o8 H. BOLSIUS trabécules du réticulum cytoplasmique s'insèrent sur la paroi des canaux internes, et cela non seulement dans la » substance corticale », mais sur toute la longueur des canaux. Bourne avait donné dans son premier mémoire une définition de la paroi du canal central qui nous faisait croire qu'il se formait une assez bonne idée de sa signification et de sa structure. Il décrit cette paroi comme étant une cuticule véritable. Nous pensions qu'il désignait par là la mince membrane ponctuée, que nous avons décrite en détail, et dont Leydig seul a donné un dessin, concernant YHœmopis vorax, qui est d'une exactitude remarquable, vu l'époque où il a été publié (1866). Mais la lecture de son second mémoire nous a fait changer d'avis : ce n'est certainement pas à cette mince membrane que s'applique sa description; c'est à la paroi tout entière du canal collecteur, paroi qui est formée, avons- nous vu, de cellules perforées, en forme de manchons et placées bout à bout. En effet, l'emploi du carmin boracique lui a décelé la présence de noyaux dans l'épaisseur de ce qu'il prenait d'abord pour une cuticule. Ce qu'il appelait cuticule, c'était donc une paroi épaisse formée de cellules, et non pas la membrane mince et ponctuée que nous avons décrite. Dans sa première manière de voir il devait considérer les cellules glandulaires voisines du canal comme constituant la matrice de ce tube cuticulaire. Mais plus tard, en même temps qu'il découvrait les noyaux de la paroi, il observa que ces cellules voisines du canal, même là où elles l'entourent d'une seule couche, contenaient aussi des canalicules internes appartenant au système général de la glande. Sa conception de la structure générale de l'organe devenait dès lors beaucoup plus exacte. Nous avons dit que Bourne admet une partie récurrente du canal cen- tral. Quant à nous, nous ne l'avons jamais vu revenir sur ses pas dans l'intérieur de la glande. Néanmoins, ce canal y décrit un trajet assez sinueux pour rendre une méprise possible, surtout pour celui qui se bornerait à étu- dier l'organe simplement extirpé ou dissocié, sans pratiquer des coupes microtomiques. Au sujet des rapports des cellules de la glande entre elles et des relations de leurs canaux internes avec le canal central, la manière de voir de Bourne paraît exacte; il admet que ces deux espèces de canaux sont en communica- tion, et il combat Lang qui ne croit pas à l'existence de cette communication chez XHirudo. Il s'exprime avec peu de détails et ne met pas le fait sous les ORGANES SEGMENTAIRES 409 yeux du lecteur, ainsi que nous le faisons dans notre fig. 4 B, em. Nous ne savons pas s'il a réellement constaté cet abouchement. 2° Lang. Le travail de Lang, postérieur au premier mémoire de Bourne, en confirme les données principales, sauf sur un point : chez Y Hirudo il n'exis- terait pas de communication entre les canaux latéraux qui longent les cellules de la glande et le canal central, comme nous venons de le dire plus haut. Le lecteur se rappelle que c'est précisément chez X Hirudo que nous avons figuré l'abouchement des canaux en treillis dans le canal collecteur. A propos de la Clepsine, le savant suisse nous dit que la vésicule uri- naire manque. Selon nous, cette vésicule existe au contraire, et notre fig. 36 en fait foi. Le conduit épithélial qui termine le canal collecteur, malgré ses proportions exiguës, représente cependant, au point de vue morpholo- gique, la vésicule plus spacieuse des autres espèces. 3° SCHULTZE. Le mémoire de cet auteur confirme les données de Bourne au sujet des cellules -de la glande. Il y ajoute cependant une indication : il existe dans la glande des cellules dépourvues de ramifications terminales et sim- plement perforées d'un canal droit. Ceci correspond à la structure du lobe représenté dans notre fig. 10. Notons que la disposition des canaux dans sa fig. 12 n'est pas fort naturelle. D'après cette figure, les canaux, correspon- dant à notre système en treillis, marcheraient directement du centre d'une cellule au centre d'une cellule voisine, où ils se diviseraient en un nombre variable de branches. Notre fig. 2 montre que leur trajet est loin d'être aussi direct, qu'ils occupent souvent dans les cellules une position tout à fait excentrique et qu'ils se ramifient d'une façon irrégulière. Mais, pour ce qui concerne le plan général de structure de l'organe et, en particulier, les rapports des canaux de moyen calibre avec le canal cen- tral, les résultats de Schultze sont loin de constituer un progrès. Pour lui," l'organe chez Y Hirudo et YAuIastomum comprend deux par- ties : i° un cylindre plein dans sa portion supérieure, se transformant plus bas en un cylindre creux, et formé de cellules perforées de canaux et de ramifications; 2° un canal central enchâssé dans l'axe de ce manchon. Jusque là cette description peut se concilier avec celles de Bourne, avec celle de Lang, et, pour ne pas nous arrêter aux détails, avec la nôtre. 410 H. BOLSIUS Mais il déclare ensuite qu'il n'existe aucune communication entre le système de canaux intracellulaires compris dans les parois du manchon et le canal central logé dans sa cavité. Sur ce point il se trouve en désaccord à la fois avec Lang et avec Bourne, puisque son assertion s'applique à XHirudo et à YAulastomitm. Le lecteur sait que l'observation directe nous a obligé à regarder cette négation comme entièrement erronée. Schultze a porté ses recherches sur deux genres un peu négligés par ses devanciers, la Nephelis et la Clepsine. Mais, ici encore, il n'a pas été heureux dans ses travaux; et nous en voyons la cause dans sa méthode. L'extirpation et la dissociation ont été ses procédés favoris. Or nous avons déjà dit que cette manière d'opérer ne fournit que des données peu précises. Il est de toute évidence, à en juger par ses dessins, que Schultze a eu sous les yeux des objets profondément altérés par les tiraillements, qu'il n'est guère possible d'éviter en procédant comme il l'a fait. Pour Schultze le corps segmentaire de la Nephelis et de la Clepsine a la forme d'un ruban. Nous sommes d'accord avec lui. Mais ce ruban, selon lui, ne contient qu'un seul canal replié deux fois sur lui-même, de sorte que toutes les cavités que l'on peut rencontrer en sectionnant l'organe, affectent un seul et même conduit. Ce conduit est donc creusé dans un chapelet de cellules placées bout à bout, qui décrit au moins deux courbures, deux anses, dont l'une est plus grande que l'autre, mais qui sont intimement accolées l'une à l'autre sur une certaine longueur. Pour nous, au contraire, le chapelet de cellules est percé de trois canaux d'inégale longueur, présentant leurs racines d'origine à des niveaux différents, fig. 23, 24, 28. Les cavités que l'on rencontre dans les coupes transversales peuvent appartenir à trois canaux distincts. Bref : selon Schultze, les trois lumières, que présente par exemple notre fig. 24, appartiennent à trois anses du même canal et passent par trois cellules accolées. Selon nous, au contraire, ces trois lumières, appartiennent à trois canaux différents et passent dans une même cellule. L'examen minutieux de plusieurs séries de coupes microtomiques pou- vait seul nous fournir ces données. C'est surtout au sujet de la Clepsine que sa méthode défectueuse a in- duit Schultze en erreur. Des lambeaux d'organe segmentaire endommagés par l'étirement et dont le canal lui-même devait avoir été ratatiné et chiffon- né, lui ont paru contenir des ramifications passant d'une cellule à l'autre en traversant les » commissures «. Nous avons eu mainte fois sous les yeux des ORGANES SEGMENTAIRES 41 1 images absolument semblables à sa fig. 18, mais elles n'ont servi qua nous confirmer dans notre manière de voir au sujet de ses dessins. Ils représen- tent des objets^altérés. Chose étrange ! Schultze a vu que ces cellules sont réunies par des prolongements; il en a conclu que le canal interne passe d'une cellule à l'autre par ces prolongements : mais il n'a pas pu suivre le canal sur son trajet par ces » commissures «, tellement il y devient étroit (voire même nul). En réalité cependant le canal ne se rétrécit guère à ce niveau, fig. 29, 30; il y conserve son calibre quand les objets sont convenablement fixés. Il est à peine besoin de dire qu'il n'a pas remarqué que les cellules présentent très souvent plus d'un prolongement unitif livrant passage à chaque canal séparément. 2. Remarques sur la structure des organes segmentaires des hirudinées en général. A. Caractère particulier de ces organes au point de pue histologique. Personne ne met en doute le caractère glandulaire des organes seg- mentaires des sangsues. Ce sont des organes de sécrétion, ou, si l'on veut, d'excrétion. Bien plus, on les considère comme des reins véritables, et, non contents de leur attribuer cette valeur physiologique, beaucoup de zoologistes les regardent comme les homologues morphologiques du rein des vertébrés. Néanmoins ces organes, au point de vue histologique, diffèrent pro- fondément des glandes ordinaires. Le trait essentiel qui les en distingue, c'est le caractère intracellulaire de leurs cavités. Tandis que les glandes en général contiennent des cavités intercel- lulaires, des espaces résultant de l'écartement des cellules, de véritables méats, dans le sens des botanistes, les organes segmentaires au contraire ne possèdent chez les hirudinées, que des cavités intracellulaires, des espaces percés à travers le cytoplasme et qui, sur des coupes transversales, se mon- trent limités de tous côtés par une seule cellule. Au lieu d'envisager l'ensemble de l'organe, si l'on considère seulement son orifice, on peut faire une remarque semblable. L'orifice des glandes, en général, est percé entre plusieurs cellules, c'est un espace méatique. Celui des organes segmentaires, au contraire, est percé au travers d'une seule 412 H. BOLSIUS cellule glandulaire, la cellule-porte, comme nous l'avons appelée précédem- ment. Sans doute, malgré la différence profonde qui existe entre une glande à cavité intercellulaire et un organe segmentaire, on peut, en tenant compte de la fonction physiologique, conserver à ces derniers l'appellation d'organes glandulaires. Mais, si l'on voulait dresser un tableau général de classification des glandes, il conviendrait, semble-t-il, de les diviser tout d'abord en deux groupes principaux : les glandes à cavité intercellulaire et les glandes à cavité intracellulaire. B. L'extrémité inférieure et l'orifice de l'appareil segmentaire. Nous venons de voir que l'orifice de l'organe segmentaire est percé à tra- vers une seule cellule, la cellule-porte. Celle-ci, dans les quatre espèces que nous avons étudiées, est toujours placée au fond d'un récessus de 1'épiderme. Dans YHirudo, VAulastomum et la Nephelis, ce récessus est très déve- loppé et prend les proportions d'un véritable réservoir. Chez la Clepsine, au contraire, il est faible; néanmoins il existe, et présente une forme cylin- drique si bien définie, fig. 36, qu'il nous est impossible de le regarder comme une production artificielle due aux contractions violentes qui se produisent dans tous les muscles du corps, au moment de l'arrivée des réactifs fixateurs; et cela surtout parce que nous trouvons régulièrement autour du pore de ce conduit un cercle de cellules plus allongées constituant un bourrelet qui fait saillie. En présence de ce fait dûment constaté, comment expliquer la formation de ce conduit par une contraction vers l'intérieur? Nous sommes donc ici en désaccord avec A. Lang et Ose. Schultze; le premier ne signale pas l'existence d'une vésicule chez la Clepsine, l'autre la nie explicitement. Si A. Lang l'a observée, il a cru sans doute pouvoir négliger un récessus aussi peu développé et lui refuser la dénomination de vésicule. Mais O. Schultze ne l'a certainement pas eue sous les yeux : car il déclare que la dernière cellule débouche directement à la surface du corps. Nous sommes d'avis que ce récessus, si faible qu'il soit, a son impor- tance morphologique. Il nous oblige, en effet, à admettre que, dans les quatre hirudinées étudiées par nous, la cellule-porte n'est jamais une cellule épithéliale placée au même niveau que le reste de la couche épidermique; elle occupe toujours le fond d'un récessus de l'ectoderme. ORGANES SEGMENTAIRES 413 C. Hypothèse sur la genèse des organes segmentaires des hirudinées. Le développement des organes segmentaires est encore assez peu con- nu (1); leur histogenèse est même complètement à faire. Un vif intérêt s'attache pourtant à la genèse de ces singuliers organes, à cause des allures toutes particulières qu'ils présentent chez l'adulte. Il est étrange, en effet, de voir des organes aussi complexes et aussi volumineux se rattacher à une seule cellule initiale, la cellule-porte. Que présumer de cette structure, au point de vue du mécanisme de leur genèse? Elle nous fait songer à certaines productions épidermiques des végé- taux, à certains poils à tète compliquée, comme la plupart des poils glan- dulaires, par exemple, qui reposent sur une seule cellule basillaire. Mais si ce rapprochement est rationnel, ne peut-on pas le pousser plus loin et l'appliquer aussi à la genèse de ces deux productions? Les poils dont nous parlons dérivent d'une seule cellule épidermique par une série de divisions; c'est un fait bien connu. On peut donc se demander si les organes segmentaires qu'on peut rap- procher de ces poils, malgré leur complication, ne dérivent pas comme eux d'une seule cellule épithéliale appartenant à l'ectoderme? C'est la question que nous posons aux embryologistes. D. Hypothèse sur la formation des cavités intracellulaires. La genèse des cavités n'a jamais été décrite chez les hirudinées, et cela ne saurait étonner celui qui connaît par expérience toutes les difficultés dont leur étude est entourée, même chez l'adulte. Nous ne croyons pas inutile d'attirer l'attention des embryologistes sur ce point, en énonçant les deux hypothèses qu'on peut faire à son sujet, en partant des données que nous a fournies l'étude des organes segmentaires. chez l'adulte. Théoriquement, on peut concevoir que ces cavités s'organisent dans chaque cellule séparément par une différentiation spéciale du protoplasme. La membrane .des canalicules s'organiserait d'abord au sein du réticulum, de manière à constituer de fins tubules, ramifiés ou non, qui se dilateraient ensuite et s'anastomoseraient de cellule à cellule, de façon à constituer suc- cessivement les canaux en treillis de YHirudo et le canal collecteur lui-même. (1) Voir entre autres les mémoires de R. S. Van den Berghe : Die MetdrAùrpkoseh von Aulastoma gulo; Arch. a d. t zool Inst. Wùrzburg. — Voir aussi Nussbaum : Op. cit. 414 H. BOLSIUS Mais on ne peut pas cependant, jusqu'à preuve du contraire, rejeter entièrement l'hypothèse d'une invagination particulière de la membrane de la cellule-porte, invagination qui, après avoir perforé cette première cellule, se poursuivrait à travers la seconde, et ainsi de suite, puis se bifurquerait dans l'épaisseur de la glande pour former, en s'anastomosant, le système en treillis de YHirudo, et qui, en se ramifiant plus finement, donnerait nais- sance aux dernières ramifications des cellules terminales. La difficile question que nous posons aux embryologistes est donc la suivante : les canaux internes débutent-ils dans les cellules terminales par différentiation interne, et se développent-ils ensuite en marchant de dedans en dehors, vers la cellule-porte ; ou bien débutent-ils dans cette der- nière cellule par une invagination de la paroi, qui marcherait de dehors en dedans vers les cellules terminales? E. Mécanisme de l'excrétion du liquide produit par la glande segmentaire. Nous n'avons pas de raisons de croire que le corps segmentaire des hi- rudinées sécrète le liquide qu'il rejette à l'extérieur, autrement que les glan- des à cavités intercellulaires. Ce liquide, pour passer dans les canaux excré- teurs, doit en effet traverser une membrane mince qui paraît avoir la même constitution intime que les membranes cellulaires proprement dites. Mais nous sommes en mesure d'ajouter un détail à ce qu'on sait de V excrétion du liquide produit par la glande. On connaissait l'existence d'une vésicule plus ou moins marquée à la partie inférieure de l'organe. Sa présence permettait d'admettre que le liquide produit par la glande s'accumule pendant un certain temps, avant de s'écouler à l'extérieur. Nos recherches nous ont fait connaître chez YHirudo et VAulastomum une particularité qui ajoute encore à la complication déjà si grande de l'or- gane segmentaire des hirudinées, et qui nous fournit de plus une indication très précise sur le mécanisme de l'excrétion de l'urine segmentaire. Nous voulons parler de la présence, dans ces deux animaux, d'un sphincter très développé à la base de la vésicule, fig. il cm. L'existence de cet organe obturateur prouve que le liquide sécrété par la portion glandulaire s'accumule pendant un certain temps dans le réservoir, avant d'être déversé à l'extérieur. L'émission de l'urine n'est donc pas conti- nue, mais intermittente, aussi bien chez les hirudinées que chez les animaux supérieurs. ORGANES SEGMENTAIRES -M5 Remarquons que la vésicule est dépourvue de tunique musculaire. L'expulsion du liquide qu'elle contient est donc causée par la pression qu'exercent sur elle les organes voisins, pression à laquelle s'ajoute peut-être l'élasticité de la tunique épithéliale. F. Les noyaux de la Clepsine. ■ Le lecteur se rappelle que nous avons décrit chez la Clepsine des noyaux de forme étrange. Un seul exemple de noyau de cette forme se présente à notre esprit : c'est le noyau de l'œuf des batraciens et des poissons à certains stades de leur développement. Mais les protubérances des noyaux de la Clepsine sont bien plus longues. Nous nous sommes demandé si ces formes n'étaient pas dues à l'action violente des réactifs fixateurs. On voit certainement les réactifs coagulants donner quelquefois au noyau une forme aplatie ou étranglée, chiffonnée même, mais il est difficile d'admettre qu'ils produisent des surfaces nucléaires hérissées de prolonge- ments cylindriques en doigt de gant, comme en portent les noyaux figurés. Ajoutons que nous avons rencontré ces cellules à noyaux mùriformes semées pêle-mêle dans l'organe segmentaire, et gisant côte à côte avec des cellules à noyaux parfaitement lisses et réguliers. Il faudrait donc admettre tout au moins que les premiers avaient une disposition toute particulière à se comporter d'une façon si spéciale vis-à-vis des réactifs. Le réticulum caryoplasmatique de ces noyaux ne parait pas du tout altéré; il semble qu'il est ordonné régulièrement selon les prolongements, tel que l'indique la fig. 35, noyau A. Ils possèdent d'ailleurs les mêmes dé- tails que les noyaux de forme régulière ; le réticulum montre des trabécules très fortes et des trabécules plus faibles rattachées aux premières, ainsi que des points d'épaississement. L'enchylème est finement granuleux ; les nu- cléoles sont de forme et de grandeur différentes. En un mot, leur contenu présente la même constitution que celui des noyaux sphéroïdaux. On pourrait donc croire que ces formes de noyaux sont naturelles; nous regrettons de n'avoir pu vérifier le fait sur des cellules fraiches. 410 H. BOLSIUS G. Rapports des ramifications terminales avec le réticulum du cytoplasme. Nous avons dit que ces ramifications, chez YHirudo et VAulastomum, paraissent se terminer en doigt de gant à extrémité arrondie. Chez la Nephelis et la Clepstne, au contraire, elles s'amincissent en pointes aiguës qui se continuent visiblement avec une trabécule réticulaire. Cette différence n'est pas essentielle. En eflet, l'on voit une foule de trabécules s'insérer sur tous les points des canaux internes, et jusqu'au sommet de leur ramuscules terminaux, et cela aussi bien chez la Clepsine et la Nephelis que chez YHirudo et VAulastomum. Les rapports de ces ramuscules avec le réticulum sont donc identiques dans les deux cas, et peuvent s'expliquer avec la même facilité dans l'une et dans l'autre des hypothèses que nous avons émises au sujet de la genèse des cavités intracellulaires. Si les cavités internes se forment par un refoulement compliqué de la membrane cellulaire, il n'est pas étonnant que les trabécules du réticulum s'insèrent sur leurs parois, puisque cette insertion se constate sur toutes les membranes en général. Si elle dérivait au contraire d'une excavation, ou vacuole, qui se pro- duirait à l'intérieur d'un système de trabécules réticulaires, hypothèse con- ciliable avec la continuité des ramuscules avec une trabécule terminale, il n'est pas plus étonnant que d'autres trabécules s'insèrent sur eux, puisque toutes les trabécules peuvent être unies entre elles. Les deux variétés de ramuscules terminaux peuvent donc s'expliquer dans l'hypothèse de la genèse par invagination, aussi bien que dans celle de la genèse par différentiation interne. H. Radiation du réticulum cytoplasmique. Ces rapports du réticulum avec les canaux internes suggèrent une autre réflexion. Certains auteurs ont déjà fait remarquer que le noyau n'est pas toujours le centre d'irradiation des trabécules du réticulum, contrairement à ce que l'on admettait assez généralement depuis un certain nombre d'années. ORGANES SEGMENTAIRES 417 C'est ainsi que G. Gilson, dans son travail sur les glandes odoiïfères du Blaps mortisaga, nous dit que - la radiation du réticulum n'a pas néces- » sairement pour centre le noyau de la cellule ; des productions cytoplas- * miques toutes différentes peuvent donner insertion à la plus grande partie v des trabécules radiales ; tels sont la vésicule radiée, la gaine et le tube » excréteur lui-même « des glandes odorifères du Blaps mortisaga et d'autres coléoptères (1). Récemment Solger (2) a démontré que dans beaucoup de cellules pigmentaires il existe une disposition radiale des granules mélaniques, qui n'a pas son centre au noyau, mais en un autre point du cytoplasme. L'exemple décrit par G. Gilson a cela d'intéressant qu'il a trait à l'irra- diation des trabécules réticulaires elles-mêmes, et à des productions intra- cellulaires semblables à celles que nous avons étudiées. Nous pouvons ajouter à ces observations une nouvelle remarque. Chez les hirudinées aussi, les trabécules radiales du cytoplasme peuvent prendre pour centre non pas le noyau, mais les cavités internes et toutes leurs branches. Nous pouvons même dire que dans ces cellules, comme dans celles des glandes odorifères décrites par G. Gilson, ce n'est pas le noyau qui est le centre principal de l'irradiation, mais ce sont les parois des cavités intracellulaires. C'est chez la Nephelis que le fait est le plus frappant. Notre fig. 23, par exemple, montre la disposition î^onnée extrêmement nette et régulière qu'affectent les trabécules du réticulum par rapport au canal interne. Voir aussi la fig. 26 et autres. C'est à grand' peine que nous avons pu découvrir dans ces cellules quelques trabécules s'insérant sur le noyau; tout part du canal, et, quand celui-ci est sinueux, l'axe d'irradiation l'est au même degré, de sorte que, ainsi que nous l'avons fait remarquer, le disposition des tra- bécules devient alors très embrouillée. Ce n'est pas tout. Quand la cellule contient, comme chez la Clepsine et surtout chez la Nephelis, deux ou trois canaux, chacun en particulier possède son système de trabécules divergentes et devient un axe d'irra- diation. C'est ce qu'on peut remarquer sur les fig. 24, 25 et 26, surtout sur la première. (1) G Gilson : Les glandes odorifères du Blaps mortisaga et de quelques autres espèces; La Cellule, t. V. i« fasc, 1888. (2) Solger : Zur Structur der Pigment-Zelle ; Zoolog. Anz., N° 324, 188g 418 H. BOLSIUS I. Structure de la paroi des canaux internes. Nous n'allons pas reprendre la description de cette structure qui est la même dans tous les canaux internes que nous avons examinés. Remarquons seulement que la structure annelée ou spiralée qu'elle présente dans les plus gros canaux, se retrouve dans les conduits excréteurs de beaucoup d'organes. Citons le canal de la glande anale des carabiques, celui de plusieurs glandes annexes des organes génitaux des insectes, et les trachées elles-mêmes. On le voit, cette disposition se présente aussi bien sur la paroi des cavités intracellulaires que sur celles des cavités méatiques ou épithéliales. J. Fusion des cellules dans la paroi du canal collecteur. Nous avons dit que les cellules de la paroi du canal collecteur se fusion- nent entre elles, surtout chez l'Aulastomum, mais aussi chez YHirudo. On pourrait nous faire ici une objection. Le terme fusion implique, en effet, la réunion secondaire de deux cellules primitivement libres. Pouvez- vous prouver, nous dirait-on, qu'au lieu de subir une fusion véritable, une réunion secondaire, ces cellules n'ont pas été le siège d'une plasmodiérèse incomplète? Si la division du protoplasme n'avait fait que s'ébaucher; si le protoplasme, à la limite des deux cellules, n'avait fait que s'orienter, comme il le fait au début de la genèse de la plaque cellulaire, sans que celle-ci s'établisse ensuite sous forme de corpuscules en série, il pourrait en résulter une disposition semblable à celle qui est figurée chez l'Aulastomum à la limite des cellules voisines. Cette hypothèse est en parfait accord avec les données fournies par J. B. Carnoy sur la genèse de la plaque(i). Bien plus, les recherches de Manille Ide (2) qui confirment ces données, établissent aussi que, dans certains tissus, normaux ou pathologiques, la plaque cel- lulaire peut se trouver arrêtée dans son développement et fixée à des stades d'achèvement très divers. Étant donné que l'on ne connaît pas l'histogenèse des organes segmentaires, ne pourrait-on pas, en conséquence, interpréter diversement l'existence de la zone obscure à la limite des cellules adjacentes, et trouver dans sa structure même un argument en faveur d'une plasmo- diérèse incomplète? 11 J. B Carnoy : La Cytodiérèse che^ les Arthropodes; La Cellule, t. I, 20 fasc. j Manille Ide : Xoitvellcs observations sur les cellules épithéliales; La Cellule, t V, 2e fasc . 1889. ORGANES SEGMENTAIRES 419 On le pourrait sans doute, théoriquement. Mais nous possédons des faits qui prouvent la fusion secondaire. En effet, dans les individus jeunes, et encore de petite taille, les cellules du canal collecteur et les cellules glan- dulaires voisines sont parfaitement distinctes et nullement fusionnées. Une membrane très nette existe entre eiles, de même qu'entre les diverses cellules avoisinantes. La fusion réelle de ces éléments est donc un phénomène qui survient plus tard, et probablement à une période assez tardive de l'existence. La réunion de ces cellules dans les individus âgés constitue donc un cas de fusion cellulaire, phénomène dont les cytologistes connaissent déjà de nombreux exemples. Citons-en deux entre cent : la fusion des cellules vitellines avec l'œuf fécondé, décrit par P. Hallez(i) chez les dendrocœles d'eau douce, et celle des divers éléments spermatiques avec les cellules épithéliales, fusionnées elles-mêmes, que G. Gilson a décrite en détail chez les crustacés isopodes (2). Mais ajoutons que, tandis que la fusion dans ces deux exemples est un phénomène de développement, elle paraît plutôt revêtir, chez YAulastomum, un caractère régressif. RÉSUMÉ. Nous croyons être utile aux chercheurs qui voudraient reprendre l'étude de la structure des organes segmentaires, pour la pousser plus loin que nous, et contrôler nos assertions, en résumant à la fin de ce mémoire, dans une série de propositions concises, l'ensemble de nos résultats. A Plan général de l'organe segmentaire. Dans toutes les hirudinées, les cavités de l'organe segmentaire, hormis celle de la vésicule qui en garnit l'extrémité inférieure, sont des cavités intracellulaires. Hirudo et Aulastomum. L'organe segmentaire comprend deux parties : i° Une partie glandulaire, 20 Un canal collecteur. La partie glandulaire contient un treillis de canaux anastomosés. Ces canaux eux-mêmes reçoivent les troncs principaux d'un système de rameaux intracellulaires sillonnant le cytoplasme du plus grand nombre de ces cellules. (1) P. Hallez : Embryogenèse des dendrocœles d'eau douce; Paris, 1887. (2) G. Gilson : Spermatogénèse des Arthropodes; La Cellule, tome II, i* fasc., i£ 420 H. BOLSIUS Ce treillis de canaux communique lui-même avec le canal collecteur,' par un nombre de rameaux qui parait fort restreint. Le canal collecteur, formé de cellules perforées, placées bout à bout, ne s'étend pas jusqu'à la partie supérieure de la glande qui avoisine le testicule. Il s'ouvre en bas dans une vésicule urinaire, tapissée d'un épithélium. Cette vésicule est munie d'un sphincter. Son orifice est percé à travers une cellule, la cellule-porte, qui établit la limite entre le système intercellulaire ou épithélial de la vésicule, et le système intracellulaire de l'organe segmentaire. La présence d'un sphincter autour du col de la vésicule, prouve que l'excrétion de l'urine segmentaire n'est pas continuelle, mais intermittente, comme chez les animaux supérieurs. Xephelis et Clepsine. L'organe segmentaire a la forme d'un ruban constitué d'une seule chaîne de cellules. Cette chaîne est perforée de trois canaux d'inégale longueur; c'est ce qui explique la présence d'une, de deux ou de trois lumières sur des coupes transversales, suivant les régions. Ces canaux prennent tous leur origine dans le c3?toplasme même de certaines cellules, par un système de ramifications analogues à celles de YHirudo et de l'Aulastomum. Ces trois canaux doivent se réunir, car la portion inférieure de l'organe ne contient plus qu'une seule lumière ; nous n'avons pas eu sous les yeux leur point de réunion. Le canal unique s'ouvre, comme chez YHirudo, par un orifice perforé dans une cellule unique. La vésicule urinaire est très réduite, surtout chez la Clepsine; mais contrairement à l'assertion de Lang et de Schultze, elle est représentée aussi chez ce dernier genre ; nulle part la cellule-porte ne s'ouvre directement à la surface de l'épiderme. Cette vésicule est dépourvue de sphincter. B Structure des cellules. Notons comme particularités dignes d'être signalées : i° La structure des noyaux : le caryoplasme est abondant, fortement réticulé ; il contient un nucléole nucléinien qui possède souvent une mem- brane distincte et mérite alors le nom de nucléole-noyau. ORGANES SEGMENTAIRES 421 Chez la Clepsine, on trouve des noyaux mùriformes, portant des pro- longements souvent cylindriques. 2° La structure pointillée des membranes cellulaire et nucléaire, ainsi que de la paroi des canalicules internes et l'insertion des trabécules du cytoplasme sur ces membranes, insertion qui établit un rapport intime entre les canaux et le réticulum. 3° L'irradiation des trabécules du réticulum cytoplasmique, non pas à partir du noyau comme centre principal, mais à partir de tous les canaux et canalicules internes. 4° La présence d'un plateau strié à la surface interne de certains canaux. C. Rapports des cellules entre elles Ils sont très intimes partout. Dans la glande de YHirudo et de 1' ' Aiilastomum , les cellules commu- niquent par le système des canaux anastomosés en treillis. Au niveau de leurs surfaces de contact, on n'aperçoit pas, ordinaire- ment, deux membranes accolées appartenant à chacune des cellulesvoisines, mais une seule lamelle très mince, qui représente peut-être une membrane primaire formée lors de la plasmodiérèse et demeurée indivise. Cependant chez les vieux individus, surtout chez Y Aulastomum , une fusion complète paraît s'établir, et spécialement entre les cellules constitu- tives du canal collecteur et les cellules glandulaires voisines. Des rapports analogues se constatent dans le ruban segmentaire de la Nephelis. Chez la Clepsine, le mode d'union des cellules segmentaires présente une particularité : cette union s'établit par des prolongements assez minces des cellules voisines. Dans le cas ordinaire, ces prolongements sont en nombre égal à celui des canaux de la région, et chacun d'eux livre passage à un seul canal. EXPLICATION DES PLANCHES. (*) PLANCHE I. Hirudo medicinalis. FIG. i Corps segmentaire de YHirudo medicinalis légèrement schématique. a. Canal collecteur. bcd Glande. de. Lobe supérieur sans canal collecteur v. Vésicule urinaire. se Sillon cutané. s. Sinus sanguin latéral. FIG. 2. Grossissement A, oc. 4. Coupe dans la paroi bcd du corps segmentaire. ce Canal collecteur serpentant dans la masse glandulaire. — Disposition rayon- nante des cellules voisines. cap. Capillaires sillonnant toute la masse glandulaire. te. Tissu conjonctif dans lequel tout le corps segmentaire est plongé. Ce tissu entre dans la masse et la sillonne aussi dans toutes les directions comme les capillaires. FIG 3. Grossissement A, oc. 4. Coupe dans la partie de dépourvue de canal collecteur. Lettres comme dans la figure précédente. FIG 4 A. Grossissement A, oc 4. Coupe transversale dans la partie inférieure de l'organe, entre a et b. m. Membrane très délicate des cellules qui environnent le canal collecteur. n. Noyau pr. Protoplasme. Il est plus dense près de la membrane. cl Canaux latéraux intracellulaires dans les cellules qui environnent la paroi du canal collecteur. — Ces cellules se tiennent toutes à la base, où elles sont sou- dées sur une surface très réduite ; elles sont soudées aussi aux endroits où un canal passe d'une cellule à l'autre. La paroi du canal collecteur est formée par une seule cellule creusée d'un large- canal ; le noyau de cette cellule est sur la droite en bas. cap. Capillaire sanguin. (*l Toutes les figures ont été dessinées à la chambre claire avec un stativ Zeiss, con 'ensateur Abbe. 424 H. BOLSIUS FIG. 4 B. Grossissement A, oc. 4. Coupe longitudinale dans la même partie. Lettres comme dans la figure précédente. cm. Embouchure d'un canal latéral dans le canal collecteur; communication entre ce dernier canal et le système en treillis. ce. Canal collecteur. A la partie supérieure la paroi est vue par sa face interne. FIG. 5 Gross . apochr. immersion homogène 1/12, oc. compensateur 4. Aspect de cellules dépourvues de canaux internes; coupe de 2 \x d'épaisseur. m Membrane. n Noyau pr. Protoplasme II est régularisé à la périphérie; les trabécules sont placées normalement à la membrane; quelques-unes s'allongent jusqu'au noyau, sur lequel elles s'implantent. FIG 6. Gross. 1/12 imm hom., oc. 4. Trois cellules vues à des niveaux différents. Membrane cellulaire et terminaison des canaux. A. m. Membrane cellulaire vue de face. A l'endroit qui est le plus exactement au point, le pointillé est manifestement en séries. B. Coupe optique à 2 jj. au dessous de la surface cellulaire. m. Membrane vue en coupe optique. Elle se présente comme une ligne très délicate granulée en dedans. pr. Protoplasme. Vers le milieu de la coupe optique, on voit des granulations de diverses grosseurs entre les mailles; vers la périphérie, la membrane se montre obliquement. ri. Ramifications terminales des canaux. Les ramifications, dont les terminaisons se dirigent parallèlement à l'axe du microscope, présentent une forme circulaire. Les canaux plus gros, formés par la réunion des ramifications, sont situés plus bas dans le protoplasme, et ne se voient pas encore dans cette coupe optique. C. Coupe optique à 4 p. au-dessous de la surface rt. Ramification terminale dirigée dans le plan de la coupe optique. Cette ra- mification se termine avec un petit canal, cl, qui s'enfonce dans le protoplasme en s'élargissant toujours, et qui passe finalement dans la cellule sous-jacente. Tout ce canal est vu par transparence dans le caryoplasme; il n'est pas exac- tement au point FIG. 7: Gross, apochr. imm. hom, oc. comp. 12. Noyaux. m. Membrane du noyau, en coupe Elle est un peu plus forte que la mem- brane cellulaire et rugueuse à l'intérieur. cp. Caryoplasme. Les trabécules s'insèrent sur la membrane aux points d'inser- tion des granulations plus fortes On remarque que, aux points d'entrecroisement des trabécules, il y a un léger épaississement. Les trabécules elles-mêmes sont plus ou moins moniliformes, parfois très délicates. Entre les mailles il existe un granulé très fin. ORGANES SEGMENTAIRES 425 un. Nucléole. La granulation du caryoplasme autour du nucléole est souvent plus dense. Les trabécules du caryoplasme rayonnent plus ou moins régulièrement autour du nucléole, et s'y rattachent par des épaississements légers. FIG. 8. Gross., 1/18 imm. hom , oc. 4. Cellule avec ramifications terminales m. Membrane, mince, granulée au dedans. 11 Noyau. pr. Protoplasme. Il est strié à la périphérie de la cellule, et le long des ca- naux et des ramifications terminales. Le reste est finement réticulé avec granula- tions de différentes dimensions entre les mailles. rt. Ramifications terminales placées le long de la périphérie. Les ramifications se terminent en culs de sac. Sur ces culs de sac viennent s'implanter quelques trabécules de protoplasme. Les ramifications se réunissent pour former des canaux qui vont s'unir à leur tour, et former un canal unique qui passera dans la cellule avoisinante. Les ramifications et les canaux sont représentés en coupe optique. Nous avons jugé utile pour la clarté du dessin de ne pas figurer leur paroi vue de face. L'endroit, où le plus grand canal, résultant de la confluence de tous les petits canaux, sort de la cellule, se trouve plus bas, et n'est pas indiqué dans cette figure. FIG. 9. Gross., 1/12 immers, hom., oc. 4. Trois cellules avec canal passant de l'une à l'autre. A. Cellule à ramifications. Le canal qui réunit tous les petits canaux passe à la cellule B en s'élargissant au point de passage. Le même élargissement se présente au passage à la cellule C. B. Cellule à l'intérieur de laquelle un nouveau canal, vu en coupe au haut de la cellule, se jette dans le canal venant de la cellule A. La partie pointillée donne l'aspect de la paroi du canal vue de l'intérieur Ce sont des séries de granulations placées régulièrement, en séries transverses, circu- laires ou spiralées. Remarque Dans la cellule A ce pointillé est arrêté brusquement pour mettre plus en évidence les canaux et les ramifications comme dans fig 8. C. Cellule contenant la suite du canal cl venant de A et B. Vers le milieu de la cellule le canal descend dans la profondeur du protoplasme. FIG. 10. Gross DD, 4. Groupe de cellules avec canaux anastomosés larges et dépourvus de branches. FIG. 11. Gross DD, 4. Coupe longitudinale dans la vésicule et le canal collecteur. CS. Canal collecteur de l'organe segmentaire, partie terminale, non entourée de cellules, mais plongée dans un tissu conjonctif. La lumière du canal est creusée à l'intérieur des cellules placées bout à bout. Le protoplasme de ces cellules est granuleux et rayonne autour du canal. Le noyau ne semble pas influencer la radiation du réticulum. 426 H. BOLSIUS or. Orifice du canal percé dans la cellule-porte; celle-ci est enclavée dans la couche épithéliale et s'ouvre librement dans la cavité vésiculiforme. ep. Epithélium tapissant toute la cavité A l'endroit où le canal entre dans la cavité, il y a deux rangées superposées de cellules épithéliales, formant le bourrelet d'attache. V. Vésicule urinaire. V". Vésicule supplémentaire située sous le sphincter. cm. Cellules musculaires, en coupe, formant le sphincter qui produit l'étrangle- ment du col si Sillon interannulaire, dans lequel débouche la vésicule par un pore étroit. eu Cuticule de la peau, qui commence à être visible sur les cellules extrêmes du conduit excréteur, et s'étend sur toute la surface du corps. FIG 12, 13, 14 Gross. DD, 4. Coupes traversant la vésicule et le canal collecteur. FIG. 12. La coupe passe à un niveau où le canal n'est pas encore engagé dans l 'epithélium . FIG 13 Coupe au niveau où le canal commence à s'engager dans l'épithé- lium. — Le canal, étant coupé un peu obliquement, présente une lumière allongée. FIG. 14. La coupe passe juste devant l'orifice de la cellule-porte, et le montre de face. CS. Canal collecteur en coupe, montrant l'irradiation des trabécules autour de la lumière prise comme axe. PLANCHE II. Aulastomum gulo FIG. 15. Gross , apochr. imm. hom , oc. compens. 8. Coupe oblique dans le canal collecteur, près de la vésicule urinaire. m. Membrane des cellules tubulaires. n Noyaux. pr. Protoplasme. Remarquer la striation régulière, normale à l'axe du canal, et les trabécules plus fortes près de la membrane des cellules. ps. Plateau strié. Les stries du plateau aboutissent d'un côté aux points nodaux de la paroi du canal; de l'autre côté elles portent une granulation terminale Les plateaux s'amincissent au point de soudure des cellules tubulaires et indiquent par là la limite de ces cellules, dont le protoplasme se présente fusionné de cellule à cellule. Remarquer les parties dénuées de plateau Les portions de plateau mince, à gauche et à droite de la figure, représentent peut être des plateaux en voie de formation. ce. Canal collecteur, lumière. FIG. 16 Gross., apochr imm hom , oc. compens. 8. Coupe microtomique d'une cellule de la masse glandulaire, contenant la section d'un tronc du système en treillis. Les parois de ce tronc portent un plateau strié semblable à celui qu'on rencontre en certains endroits du canal collecteur. ORGANES SEGMENTAIRES 427 Lettres comme dans la fig. 15. FIG. 17. Gross., apochr. imm. hom., oc. compens. 4 Coupe transversale dans la partie du canal collecteur où une seule assise de cellules glandulaires entoure ce canal. m. Membrane des cellules glandulaires. Remarquer que cette membrane est nette et distincte là seulement où ces cel- lules glandulaires ne sont pas en contact réciproque. Aux endroits qui se touchent, on n'aperçoit qu'un enchevêtrement de trabécules ; la membrane, en ces points, est retournée à l'état de protoplasme réticulé. n. Noyaux. rt, Ramifications terminales Dans cette portion de l'organe les cellules glandu- laires contiennent un système de canaux en treillis, qui n'est que la continuation de celui de la masse glandulaire proprement dite chez V Aulastomum comme chez VHirudo. pr Protoplasme des cellules glandulaires. Remarquer que le protoplasme des cellules avoisinantes est fusionné avec le protoplasme des cellules tubulaires qui contiennent le canal collecteur La mem- brane séparatrice, entre la cellule tabulaire et les cellules glandulaires, est retournée complètement à l'état de protoplasme réticulé et granuleux, dans la portion droite de la cellule. A gauche la fusion semble être moins avancée. Le protoplasme de la cellule tubulaire est très régulièrement granulé, mais peu strié dans le sens radical; c'est l'orientation concentrique qui l'emporte ici. cl. Canaux latéraux, qui forment le treillis cap. Capillaires sanguins, s'insinuant entre les cellules glandulaires. Nephelis vulgaris. FIG 18 Corps segmentaire. Figure légèrement schématique; faible grossissement. Cette figure est la synthèse d'une série de coupes longitudinales faites dans un individu préparé en entier Elle représente l'organe segmentaire qui précède immé- diatement l'orifice du spermiducte. CS. Corps segmentaire. Il présente la forme d'un ruban pelotonné et entortillé dans la cavité périviscéral. S. Sinus sanguin latéral. mn Muscles longitudinaux et transversaux. V. Vésicule urinaire dans laquelle débouche l'organe segmentaire. si. Sillon interannulaire, dans lequel s'ouvre par un [iore étroit le prolongement tubulaire de la- vésicule FIG. 19. Gross., apochr. imm. hom., oc. compens. 4. Coupe longitudinale dans la portion à canal unique. m. Membrane cellulaire. 11. Noyaux. 428 H. BOLSIUS pr Protoplasme. Il est strié normalement à l'axe du canal. Les trabécules du protoplasme s'étendent d'une granulation placée à la surface intérieure de la mem- brane cellulaire à une granulation de -la paroi du canal. Au niveau de la soudure des cellules tubulaires le protoplasme est entièrement fusionné d'une cellule à l'autre. c. Canal intracellulaire unique. La paroi vue de face est régulièrement striée; vue en coupe optique, elle pré- sente une série de points nodaux qui font saillie tant du côté de la lumière du canal que du côté du cytoplasme. A, B, C, D. Cellules montrant soit le canal en coupe longitudinale soit la paroi du canal vue de face. Au niveau du passage d'une cellule à l'autre on aperçoit les élargissements du canal. E. Cellule très superficiellement et obliquement entamée par le rasoir. Le réti- culum y apparaît irrégulièrement ordonné. FIG 20. Gross., apochr. imm. hom., oc. compens. 12. Noyaux des cellules segmentaires. m. Membrane nucléaire. Elle est très visible et porte des points d'épaississement. cp. Caryoplasme. Les trabécules rayonnent autour du nucléole grossièrement granuleux, et s'implantent sur les épaississements de la membrane nucléaire Entre les mailles du réticulum il existe une granulation très fine. FIG. 20. Gross. comme fig. 20. Noyau dont le nucléole contient un corpuscule sphéroïdal FIG. 21. Gross, apochr. imm, hom., oc. compens. 4. Coupe transversale à l'origine du deuxième canal. m. Membrane cellulaire. n. Noyau. pr. Protoplasme. Il est légèrement strié à l'intérieur et très nettement près de la membrane cellulaire. Il est sillonné de trabécules plus fortes qui se subdivisent. c'. Un canal intracellulaire de calibre ordinaire; c'est le plus long des trois canaux de l'organe. c2. Tronçon du deuxième canal qui commence à se former. rt Ramifications terminales ou branches d'origine de ce même canal c*. Elles sont à pointes aiguës sur lesquelles s'implantent une ou plusieurs trabécules venant de la périphérie de la cellule; elles se continuent avec des trabécules réticulaires occupant surtout la zone périphérique. Remarque. Les ramifications se jettent toutes dans un faible canal sinueux, qui, dans les coupes situées au-dessus, se montrait en continuité avec le tronçon c*; il représente par conséquent l'origine de ce canal. cap. Capillaire sanguin, longeant la surface de la cellule. te. Tissu conjonctif. On ne constate que la présence de noyaux aplatis, collés contre la cellule glandulaire. La membrane conjonctive ne se voit distinctement qu'aux alentours du noyau conjonctif. ORGANES SEGMENTAIRES 429 FIG. 22. Gross., apochr. imm. hom., oc. comp. S. Coupe longitudinale dans la portion qui loge deux canaux. m Membrane cellulaire. pr. Protoplasme. Remarquer que la densité du protoplasme varie assez brusquement d'une cellule à l'autre. La striation du protoplasme est très nette dans les cellules A et B. Dans la cellule C la coupe est oblique par rapport à l'axe des canaux, et la striation du protoplasme y est beaucoup moins apparente. f. Zone de trabécules enchevêtrées et de granulations grossières entre les deux canaux c'. Un canal intracellulaire dont on voit la paroi de face en deux endroits c2. Autre canal intracellulaire qui subit une torsion autour du premier; on le voit partiellement par transparence FIG. 23. Gross., apochr. imm. hom., oc comp. 8. Coupe transversale du ruban segmentaire au niveau de l'origine du deuxième canal. c. Canal de calibre normal. m. Membrane cellulaire. n. Noyau. rt. Ramifications terminales, origine du deuxième canal, plongées dans le pro- toplasme strié et s'irradiant à partir du canal principal. te. Tissu conjonctif. v. Vacuoles. FIG. 24. Gross., apochr. imm. hom., oc. comp. 4. Coupe transversale du ruban segmentaire dans la portion qui contient trois canaux c1, c2, c3. Coupes transversales des trois canaux juxtaposés et indépendants La cellule est considérablement élargie. Autour de chaque canal le protoplasme est orienté normalement à l'axe de celui-ci. \. Zone de granulations grossières, délimitant au sein du protoplasme une aire propre autour de chaque canal. FIG. 25. Gross., apochr. imm. hom., oc. comp 4. Coupe longitudinale dans la portion de l'organe, analogue à celle de la figure précédente. c'. Canal intracellulaire de calibre ordinaire. La paroi, vue de face, présente une striation moins régulière; c'est plutôt un réticulum qu'un système de cercles ou de spires. c*, c1. Les deux autres canaux ratatinés, à lumière très réduite, parfois nulle. Ces canaux aplatis se renflent dans les cellules suivantes et reprennent l'aspect normal. FIG. 26. Gross., apochr. imm. hom., oc. comp. 4. Coupe transversale dans une cellule analogue à celle de la fig 25. c-. Canal intracellulaire à l'état normal Le canal qui a conservé son calibre normal tient ici la place du milieu ; dans la fig. 25 il était sur le côté. c1, c"\ Les deux autres canaux à lumière réduite. 430 H. BOLSIUS FIG. 27. Gross DD, oc. 2. Coupe longitudinale dans la vésicule urinaire et le canal collecteur. CS. Canal collecteur. Cellule porte de l'organe ; canal unique. or. Orifice libre du canal segmentaire. V. Vésicule urinaire. Elle est à cavité unique, et ne possède pas de sphincter. ep. Epithélium tapissant toute la cavité. Les cellules épithéliales sont toutes de forme allongée et inclinée de haut en bas et de dehors en dedans. eu. Cuticule épidermique. PLANCHE III. Clepsine complanata. FIG. 28. Gross, apochr. imm. hom., oc. compens. 4. Cellule contenant l'origine du canal n° 2. c1 Canal de calibre normal. La striation de la paroi du canal, vue de face, est nettement formée de points placés en séries transversales. c2. Deuxième canal qui a son origine dans de nombreuses ramifications. Ce deuxième canal ne communique pas avec le premier, mais il se dilate dans les cellules suivantes jusqu'à présenter un calibre égal à celui du premier canal, qu'il continue à longer. rt. Ramifications terminales Elles sont effilées et portent, à leur extrémité, des trabécules plasmatiques. Ces ramifications ne se trouvent pas toutes le long de la membrane cellulaire; elles naissent aussi au sein du protoplasme; c'est là qu'on voit le plus clairement l'insertion des trabécules sur leur extrémité. La couche du protoplasme près de la membrane est fortement striée; à la partie inférieure de la cellule elle était très réfringente. Cette réfringence diminuait vers la partie supérieure. FIG. 29. Gross., apochr. imm. hom., oc. compens 4. Tronçon de l'organe contenant trois canaux. m. Membrane cellulaire. te. Tissu conjonctif. Ce tissu enveloppe d'une couche continue les cellules du tronçon. n. Noyau conjonctif. c', c2, c5. Les trois canaux du corps segmentaire. Chaque canal passe d'une cellule à l'autre par un manchon spécial. Ces manchons sont enveloppés séparément par la couche de tissu conjonctif. FIG. 30. Gross., apochr. imm. hom., oc. compens. 4. A c1. Premier canal Le canal qui est représenté en coupe dans le prolongement inférieure de cette cellule A, se continue, dans une autre coupe optique de l'objet, avec l'anse du canal qui est dessiné de face. Celui-ci fait suite au bout du canal dessiné en coupe, et ce bout lui-même est en rapport avec le large canal qui pénètre dans la cellule C. B c°. Deuxième canal passant de la cellule B à la cellule C. C, D. Deux cellules communiquant largement entre elles dans le plan de la coupe. ORGANES SEGMENTAIRES 431 FIG. 31. Gross. DD, oc. 2. Tronçon du corps segmentaire. m. Membrane cellulaire. Elle se continue d'une cellule à l'autre, enveloppant le protoplasme des cellules et des manchons sans trace de suture. pr. Protoplasme. Il est toujours strié à proximité de la membrane cellulaire et de la paroi du canal. Parfois la striation s'étend sur toute la largeur de la cellule Il n'existe pas trace de cloisons dans les prolongements qui relient les cellules. 11. Noyau te. Tissu conjonctif enveloppant toute la série des cellules FIG. 32. Gross., apochr. imm. hom , oc. compens. 4. Coupe entamant obliquement la surface d'une cellule. La partie gauche est la plus profonde; elle montre la première couche réticulée du cytoplasme. Le pointillé de la partie droite appartient à la surface de la membrane cel- lulaire vue obliquement. FIG. 33, 34, 35. Gross , apochr. imm hom., oc. compens. 12 FIG. 33. Divers noyaux des cellules segmentaires. m. Membrane. La forme et le volume de ces noyaux sont très variables Tons ont une membrane nette, pourvue de granules saillants à l'intérieur et sur lesqm ls s'implantent les trabécules du caryoplasme. cp. Caryoplasme Les trabécules rayonnent plus ou moins régulièrement autour du nucléole noyau. nn Nucléole. Le nucléole est aussi variable de forme et de grosseur. Il pos sède une membranule limitante nette, et contient souvent un corpuscule sphérique L'enchylème du caryoplasme est dense et finement granuleux. FIG. 34. Les deux noyaux de la cellule terminale, ou cellule-porte . Leur con- stitution est la même que celle des noyaux précédents. La figure représente ces deux noyaux sous leurs dimensions respectives, au même grossissement. Le noyau A contient un nucléole très volumineux Ce nucléole loge un autre corps sphérique, un nucléolule ; ce dernier contient l'élément nucléinien sous la forme de granules dispersés ou groupés. FIG. 35. Divers noyaux mùriformes des cellules segmentaires. Cette forme bizarre se rencontre fréquemment dans des cellules dont les voisines mùriformes contiennent des noyaux régulièrement formés. La grandeur et la forme de ces noyau-x varient dans des limites très larges. Leur nucléole est aussi net que celui des noyaux réguliers. Leur réticulum est aussi distinct que celui des autres noyaux : les mailles semblent ordonnées suivant les prolongements. FIG. 36. Gross DD, oc. 2. Partie terminale de l'organe, contenant le canal collecteur. Les cellules sont à peu près isodiamétrales, excepté la dernière, la cellule-poite, qui prend la forme d'une massue, et qui contient à sa partie inférieure un petit noyau , outre l'énorme noyau de la partie supérieure. ep. Épithélium du petit conduit qui occupe la place de la vésicule urinaire des autres espèces. Cet épithélium forme un bourrelet autour du pore excréteur. eu. Cuticule épidermique qui est en continuité avec l'épithélium vésiculaire BIBLIOGRAPHIE, Leydig C Gegenbaur Ray-Lankester Buurne Hoffmann long Bourne O. Schultçe Cari Vogt et E Yung Nussbaum J . B. Carnoy G. Gilson P. Halles Manille Ide Solger R S. Van den Berghe Traité d'histologie de l'homme et des animaux; Paris, 1866. Manuel d'anatomie comparée; 1874. Zoolog- Anzeiger, n° 49, 1880. On the structure of the nephridia of the médicinal Leech; Quarterly journ. of micr. se , t. XX, 1880. : Untersuchungen ûber den Bau u. Entwick. d. Hirudineen; Haarlem, 1880. : Mittheil. d. zool. Station Neapel, t. 3, 1 88 1 . Quart, journ. of micr. se, t. XXII, 1882. : Beitràge zur Anatomie der Excretionsapparates der Hiru- dineen; Arch. f. mikr. Anat., t. XXII, 1 883. : Traité d'anatomie comparée, 5me livraison. : Recherches sur l'organogénie des Hirudinées; Arch. slaves de biol., i885. : La Cytodiérèse chez les animaux; La Cellule, t. I, 2e fasc ,i885. : La Spermatogénèse chez les arthropodes; La Cellule, t. I, Ier fasc, t. II, 2me fasc, t. IV, Ier fasc. Les glandes odorifères du Blaps mortisaga et de quelques autres espèces; La Cellule, t. V, Ier fascicule. Embryogenèse des Dendrocœles d'eau douce; Paris, 1887. La membrane des cellules épithéliales et les ponts inter- cellulaires; La Cellule, t. IV, 2me fasc, 1888. Nouvelles observations sur les cellules épithéliales; La Cel- lule, t. V, 2me fasc, 1889. Zur Structur d. Pigment-Zelle ; Zoolog. Anz , N° 324, 1889. Die Metamorphosen von Aidastoma gulo ; Arb. a. d. zool. zoot. Inst., VVûrzburg. TABLE DES MATIÈRES Introduction Aperçu historique Méthode. PAGES 36g 370 374 CHAPITRE I. DESCRIPTIONS. Hirudo medicinalis. Aperçu anatomique sur l'organe segmentaire 377 i° Glande ....... 379 A. Description des cellules . 38o le noyau ..... 38o La membrane ..... 38o Le protoplasme ...... 38o Les canaux internes .... 38 1 B. Rapports des cellules entre elles et avec les cellules de la paro ' du canal collecteur. .... 385 2° Canal collecteur. ..... 385 3° Vésicule urinaire ..... 387 //. Aitlastomitm gulo. A. Paroi des canaux moyens et du canal collecteur 388 B. Rapports des parois du canal collecteur avec les cellules glandu laires voisines ..... 3go ///. Nephelis. Aperçu anatomique ...... 390 i° Glande ....... 3g 1 A. Description des cellules .... 3g2 Le noyau ..... 3g2 La membrane ..... 3g3 Le protoplasme ..... 393 Les canaux internes .... 3g3 B. Rapports des cellules entre elles 3g6 20 Canal collecteur. ..... 397 3° Vésicule urinaire ..... 3g8 436 H. BOLSIUS / V. Clepsinè matomique Glande ... : A. Description des cellules Le noyau La membrane Le protoplasme Les canaux internes 3g8 398 3ng Sqg 401 401 402 2" B Rapports des cellules entre elles Canal collecteur. 403 4°4 3° Vésicule urinaire 40.S CHAPITRE II. REMARQUES ET CONCLUSIONS. Remarques sur les observations antérieures 1° BOURNE .... 2° LANG .... 3° SCHULTZE .... Remarques sur la structure des organes segmentaires des hirudinées en général ..... A Caractère particulier de ces organes au point de vue histologique B L'extrémité inférieure et l'orifice de l'appareil segment aire C. Hypothèse sur la genèse des organes segmentaires des hirudinées D. Hypothèse sur la formation des cavités intracellulaires E. Mécanisme de l'excrétion du liquide produit par la glande segmentai Les noyaux de la Clepsinè . Résumé F. G. H. I. J- B. C. Rapports des ramifications terminales avec le réticulum du c Radiation du réticulum cytoplasmique Structure de la paroi des canaux internes Fusion des cellules dans la paroi du canal collectcu Plan général de l'organe segmentaire . Hirudo et Aulastomum Nephelis et Clepsinè Structure des cellules Rapports des cellules entre elles Explication des planches. Bibliographie ■toplasme 407 407 409 409 411 411 412 4i3 4>3 414 4>5 416 416 418 418 419 419 419 420 420 421 423 433 i'L 1 ch >£ ' '""/** v_ 4rB 1 . m -!•£> **C f fH '7/1 -(--'-----» • !■. ■' ,-/- -- -! ' C %/' ./ if oM. iiïft Dumonb. ■ PLU - PLm 1 ' ■ kHfX-* c ^||f|ll§F A B '" 'zisBJ.adii-oi-d.el. Lith Ch II::. ' Giéls&cn TABLE DES MATIERES DU TOME V. I. Les glandes odorifères du Blaps mortisaga et de quelques autres espèces, par G. Gilson. ..... i II. Division et dégénérescence des cellules géantes de la moelle des os, par H. Demarbaix . . . . .25 III Étude bactériologique sur les péritonites par perforation, par le Dr Laruelle ...... 5g IV. Nouvelles recherches sur la constitution cellulaire de la fibre nerveuse, par L. Gedoelst . . . . .125 V. Quelques remarques à propos du dernier travail d'ARNOLD sur la fragmentation indirecte, par le Dr J. Denys . . 1 57 VI. L'axe organique du noyau, par A. Van Gehuchten . . 175 VII. Un nouveau cas de purpura avec diminution considérable des plaquettes, par le Dr J. Denys . . . .187 VIII. Sur les peptonisations provoquées par le chloroforme et quelques autres substances, par J. Denys et H. De Marbaix . ig5 IX. Le poumon des arachnides, par L. Berteaux . . 253 X. Nouvelles observations sur les cellules épithéliales, par M. Ide. 3 19 XI. Recherches sur la structure des organes segmentaires des hi- rudinées, par H Bolsius ..... 36- tù \ \ ^-V •y— Jf Illlllll UH 11T2 M m &r. «-*; M? » * *UL jjàteiyt' ui*ir ■ iâftfc «.***