**»* \. ♦ »* *& •■à- 4U*f, iiM! I * , ^fcïK & , *; LA CELLULE LA CELLULE RECUEIL DE CYTOLOGIE ET D'HISTOLOGIE GÉNÉRALE PUBLIE PAR J. O. OAxyJNCJY, PROFESSEUR UE BIOLOGIE CELLULAIRE, G. GILSON, PROFESSEUR DE ZOOLOGIE ET d'kMBrVOLOGIB, J. DLNYS, PROFESSEUR D'ANATOMIE PATHOLOGIQUE, a l'Université catholique de Louvain AVEC LA COLLABORATION DE LEURS ÉLÈVES ET DES SAVANTS ÉTRANGERS TOME XI i» FASCICULE. I. Recherches chimiques sur la membrane cellulaire des champignons, par Eugène GILSON. II. La composition chimique de la membrane cellulaire végétale. (Quelques mots de réponse à Monsieur E. Schultze), par Eugène GILSON. III. La régression du fuceau caryocinétique. Le corps problématique de Platner et le ligament intercellulaire de Zimmermann dans les spermatocytes des Hélix, par Arthur BOLLES LEE IV. Contribution à l'étude de la structure interne de la moelle épinière chez le poulet et chez la truite, par le D' Is. MARTIN. V. On some protein crystalloids and their probable relation to the nutrition of the pollen-tube, par Lily H. HUIE. VI Recherches sur la fermentation alcoolique, par Ph. BIOURGE. VII. La moelle épinière de la truite (Trutta fario), par A. VAN GEHUCHTEN. VIII. Sur le mécanisme de l'immunité chez le lapin vaccine contre le streptocoque pyogène, par J. DENYS et J. LECLEF. LIERRE LOUVAIN Typ. de JOSEPH VAN IN & O, A. UYSTPRUYST, Libraire, rue Droite, 48. rue de Namur, 1 1 . I8g5 Iî$ TABLE DES MATIÈRES DU TOME XI. I Recherches chimiques sur la membrane cellulaire des champignons, par Eugène Gilson ....... 5 II. La composition chimique de la membrane cellulaire végétale. Quelques mots de réponse à Monsieur E. Schultze, par Eugène Gilson . 17 III. La régression du fuseau caryocinétique. Le corps problématique de Platner et le ligament intercellulaire de Zimmermann dans les sper- matocytes des Hélix, par Arthur Bolles Lee . . .27 IV. Contribution à l'étude de la structure interne de la moelle épinière chez le poulet et chez la truite, par le Dr Is. Martin . . .53 V. On some protein crystalloids and their probable relation to the nutrition of the pollen-tube, par Lily H. Huie. . . . .81 VI. Recherches sur la fermentation alcoolique, par Ph. Biourge . . g3 VII. La moelle épinière de la truite (Trutta fario), par A. Van Gehuchten. iii VIII. Sur le mécanisme de l'immunité chez le lapin vacciné contre le strep- tocoque pyogène, par J. Denys et J. Leclef . . . 175 IX. Sur le Nebenkern et sur la formation du fuseau dans les spermatocytes des Hélix, par Arthur Bolles Lee ..... 223 X. On inter cellular bridges in columnar epithelium, by E. W. Carlier, M. D. 261 XI. L'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates, par J. Sadones. 271 XII. Étude comparée des glandes de Gilson, organes métarnériques des larves d'insectes, par Maurice Henseval ..... 327 XIII. Sur la production d'une antileucocidine chez les lapins vaccinés contre le staphylocoque pyogène, par J. Denys et H. Van de Velde . 357 XIV. La miellée du hêtre rouge, par J. Van der Plancken et Ph. Biourge. 373 RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA MEMBRANE CELLULAIRE DES CHAMPIGNONS PAR Eugène GILSON CHARGÉ DE COURS A L'UNIVERSITÉ DE GaND (Mémoire dépose le 25 juillet 1894J RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA MEMBRANE CELLULAIRE DES CHAMPIGNONS En dépit des nombreux travaux traitant de la membrane cellulaire des champignons, nous devons reconnaître que sa composition chimique est encore loin d'être fixée. Nous ne possédons à son sujet que des données bien vagues, incomplètes et souvent contradictoires. D'après certains auteurs, notamment Richter(i), elle contiendrait de la cellulose; d'après d'autres au contraire, elle serait constituée par une substance spéciale appelée fungine (Braconnotï, métacellulose (Fremy), ou Pil-cellulose (De Bary). Dans notre dernier travail sur la composition chimique de la mem- brane cellulaire végétale(2), nous nous sommes déjà occupé des champi- gnons. Mais comme nous avions dû nous borner alors à une analyse microchimique, nous n'avons pu conclure d'une façon positive, soit à la présence, soit à l'absence de la cellulose dans ces membranes, et nous nous sommes contenté de dire : » Il est donc probable que les membranes n des champignons ne contiennent pas de cellulose. Si elles en contiennent, » celle-ci s'y trouve dans un état différent de celui sous lequel on la ren- » contre dans les membranes des autres végétaux. - Nous nous réservions de revenir plus tard sur ce point. Nous publions aujourd'hui les principaux résultats de l'analyse ma- crochimique à laquelle nous avons soumis ces membranes, résultats qui, entre autres, nous permettent de trancher définitivement cette question: les membranes cellulaires des champignons renferment-elles oui ou non de la cellulose? (i) Richter : Beitrâge qur genaueren Kenntniss der chemischen Beschaffenheit der Zellmem- brancn tci den Pil^en; Sitzungsb. der Akad., math.-natur. Classe, I. Abth., Bd. 83; Wien, 1881 (2) E. Gilson : La cristallisation de la cellulose et la composition chimique de la membrane cellulaire végétale; La Cellule, t. IX, 2e fasc , iS._(3. 1. 8 Eugène GILSON Mais avant de présenter l'exposé de nos recherches, nous croyons utile de résumer brièvement les travaux qui ont paru sur ce sujet depuis la publication de notre dernier mémoire. Pour constater la présence de la cellulose dans la membrane des champignons, Dreyfuss (i) a traité par la méthode de Hoppe-Seyler (fusion avec de la potasse caustique) une série d'espèces appartenant à des familles très différentes, depuis un Polyporus jusqu'à des bacilles. L'auteur conclut de ses recherches que les premières espèces qu'il a examinées, — un Polyporus et VAgaricus campestris, et principalement le Polyporus, — contiennent certainement de la cellulose. Quant aux autres espèces, elles ont fourni, après la fusion avec la potasse, un résidu insoluble, présentant, il est vrai, les réactions de la cellulose, mais en si faible quantité que la question ne peut être considérée comme dé- finitivement tranchée et qu'un doute subsiste encore sur la présence de cet hydrate de carbone dans ces espèces. On trouvera également dans le travail de Dreyfuss un court exposé historique de la question. L. Mangin (2) a appliqué à l'examen des tissus des champignons l'analyse microchimique qu'il avait déjà employée dans l'étude de la membrane des Phanérogames. L'auteur arrive aux conclusions suivantes. Il existe dans la membrane des champignons plus d'une substance. On ne peut donc admettre le terme de fungine (Braconnot), de méta- cellulose (Fremy), de Pil{cellulose (de Baryj, impliquant l'existence d'une substance unique dans la membrane. La cellulose manque le plus souvent chez les champignons; quand elle existe, elle possède des caractères différents des propriétés habituelles : insolubilité dans le réactif de Schweizer, inertie vis-à-vis des réactifs iodés. C'est la callose qui représente la véritable substance fondamentale du mycélium; elle est plus répandue chez les champignons que dans les autres groupes de plantes. E. Winterstein (3) a constaté dans le Boletus edulis la présence d'un hydrate de carbone soluble dans l'acide sulfurique dilué à l'ébullition et fournissant par hydratation de la dextrose; il l'a nommé paradextrane. (i) J. Dreyfuss : Ueber das Yorkommen von Cellulose in Bacillen, Schimmel und anderen Pil^en ; Zeitschr. fur physiologische Chemie, B. XVIII, 3. und 4. Heft, September i8g3. (2) L. Mangin : Observations sur la constitution de la membrane chef les champignons; Comptes rendus, n° 2?, 4 décembre i8g3, p 816. (3) E. Winterstein : Ueber ein im Steinpilf (Boletus edulis) enthaltenes Kohlenhydrat; Berichte der Deutschen chemischen Gesellschaft, N. ig, 8. Januar 1894. RECHERCHES CHIMIQUES 9 Vu la façon dont le produit a été obtenu, il est probable qu'il constitue un des éléments de la membrane. Aucun de ces travaux ne nous a paru suffisamment démonstratif. Nous ignorons encore si la membrane des champignons en général ou de certains champignons en particulier renferme de la cellulose. Pour trancher définitivement cette question, il faut extraire et isoler de ces membranes — et en quantité suffisante pour pouvoir l'analyser — soit de la cellulose pure, soit un autre corps jouant dans ces membranes le rôle de la cellulose. C'est là ce que nous avons entrepris de faire. Nos recherches n'ont porté jusqu'ici que sur deux espèces que l'on peut se procurer facilement en grande quantité pendant l'hiver : le Claviceps purpurea à l'état de sclérote et YAgaricus campestris. Nous avons d'abord traité le Claviceps purpurea par la méthode indiquée par E. Schulze (i) pour la préparation de la cellulose. Le produit finement pulvérisé et préalablement dégraissé au moyen de l'éther est traité à plusieurs reprises avec une solution de soude caustique à 1/2 %; puis il est lavé à l'eau distillée jusqu'à disparition de la réaction alcaline. On le soumet alors à l'ébullition pendant six heures avec une solution d'acide sulfurique à 2 1/2 °/0; on le lave ensuite complètement à l'eau distillée. L'ébullition avec l'acide sulfurique dilué a fait passer en solution une notable partie du produit. On abandonne le résidu insoluble pen- dant quatorze jours avec un mélange de 12 parties d'acide nitrique d'une densité de 1,15 et d'une partie de chlorate de potassium. On débarrasse ensuite lé produit de l'excès d'acide par un lavage à l'eau distillée, puis on Je fait digérer pendant une heure environ à la température de 6o° dans une solution très diluée d'ammoniaque. Finalement, on lave complètement à l'eau distillée, puis à l'alcool et l'on sèche. Nous avons obtenu de la sorte un produit bien différent de la cellulose. En effet, il est insoluble dans la liqueur de Schweizer et ne se colore en bleu, ni par le chlorure de zinc iodé, ni par l'acide sulfurique concentré et l'iode. L'examen microscopique, démontre qu'il est formé de cellules vides réduites à leurs membranes. (1) E. Schulze : Zur Chemie der pflan^lichen Zellmcmbranen ; Zeitschr. fur physiolog. Chemie, B. XVI, 4. und 5. Heft, Mârz 1892, p. 41 3. ÎO Eugène GILSON Pour reconnaître si la substance que nous avions en main n'était pas constituée soit par un mélange, soit par une combinaison de la cellulose avec un autre corps, comme c'est le cas notamment pour la lignine, nous l'avons soumise à la fusion avec la potasse caustique, mé- thode qui a été indiquée par Hoppe-Seyler et Lange pour la sépa- ration et le dosage de la cellulose, spécialement dans les tissus lignifiés. Voici comment on opère : on introduit dans une cornue tubulée, placée dans un bain d'huile, 1 partie de substance, 4 parties de potasse caus- tique et 4 parties d'eau. On chauffe d'abord lentement, puis progres- sivement jusqu'à i8o°-iqo0, et on maintient l'appareil à cette température jusqu'à ce que la masse cesse de se boursouffler et paraisse sèche. On laisse alors refroidir jusque vers 8o°, puis on ajoute une grande quantité d'eau chaude pour dissoudre la potasse. On laisse déposer la solution pendant quelque temps, puis on filtre à la trompe. Enfin, on lave à l'eau distillée jusqu'à disparition de toute réaction alcaline. Quoique le produit ainsi obtenu à l'aide du Claviceps purpurea se colore en rose violacé par l'iode et l'acide sulfurique concentré, il est absolument différent de la cellulose ; en effet, il est insoluble dans la liqueur de Schweizer. De plus, il présente cette particularité très intéres- sante d'être insoluble dans l'acide chlorrrydrique de concentration moyenne, mais de se dissoudre déjà à froid dans ce même acide très dilué. Cette dernière solution précipite par l'addition de quelques gouttes d'acide con- centré. En outre, il se dissout dans l'acide sulfurique dilué à chaud, et se précipite par refroidissement. Enfin il contient de l'azote. La solubilité de ce produit dans l'eau acidulée par l'acide chlor- hydrique suffit pour démontrer qu'il ne contient pas de cellulose. Pour nous assurer que l'azote renfermé dans la substance ne pro- venait pas de l'action de l'acide nitrique ou de l'ammoniaque dont nous avions fait usage pendant la préparation, nous avons traité une deuxième portion d'ergot de seigle comme précédemment, avec ces dif- férences toutefois que le traitement à l'acide nitrique a été supprimé et l'ammoniaque remplacée par de la soude caustique très diluée. Après fusion avec la potasse caustique, nous avons obtenu une substance con- tenant de l'azote, identique à celle que nous avons décrite plus haut. UAgavicus campestris, soumis à la même méthode, nous a fourni un corps azoté soluble dans l'eau acidulée par l'acide chlorhydrique, etc., présentant en un mot tous les caractères de celui que nous avions isolé de l'ergot de seigle ; nous l'appellerons à l'avenir Mycosine. RECHERCHES CHIMIQUES 1 1 Mycosine. Nous ne sommes pas encore parvenu à obtenir ce corps à l'état cristal- lin; mais, comme il fournit avec les acides des combinaisons cristallines, nous passons par celles-ci pour obtenir un produit pur. Pour le préparer, on ajoute petit à petit à la solution aqueuse du chlorhydrate une solution de potasse caustique. Il se forme immédiatement un précipité de mycosine. On le. laisse déposer pendant quelque temps, puis on s'assure que ce liquide contient un léger excès de potasse. On jette alors le précipité sur un filtre et on le lave complètement à l'eau distillée d'abord, puis à l'alcool, et enfin on le sèche. On obtient ainsi un corps amorphe, d'aspect plus ou moins corné, blanc jaunâtre, inodore, insipide, insoluble dans l'eau, l'alcool, les dissol- vants neutres, les alcalis, les acides de concentration moyenne. Il est soluble à froid dans les acides chlorhydrique et acétique très dilués; l'ad- dition d'acide concentré à cette solution en précipite la combinaison saline. Il est également soluble, mais à chaud seulement, dans l'acide sulfurique dilué; par refroidissement, le sulfate se précipite. La mycosine se colore en rose violacé par l'iode dissous dans l'iodure de potassium, pourvu que cette solution renferme une trace d'un acide, comme c'est le cas pour les solutions préparées depuis quelque temps ; celles-ci contiennent toujours de l'acide iodhydrique. Avec l'acide sulfurique concentré et l'iode et le chlorure de zinc iodé, on n'obtient une coloration que si l'on opère en présence d'une quantité d'eau suffisante pour diluer convenablement les réactifs. Si l'on opère à sec ou en présence de très peu d'eau, aucun de ces deux réactifs ne colore le produit. Ceci pourrait peut être expliquer les divergences que l'on constate entre différents auteurs au point de vue de l'action des réactifs iodés sur la mem- brane des champignons, principalement après l'action de la potasse sur ces membranes. Les analyses élémentaires de la mycosine ont fourni les résultats sui- vants. I. 0,1347 gr. de substance ont fourni 0,2149 gr. d'anhydride carbo- nique et 0,0898 gr. d'eau, correspondant respectivement à 43,52 0/0 de car- bone et 7,40 0/0 d'hydrogène. II. 0,1212 gr. de substance ont fourni 0,1935 gr. d'anhydride carbo- nique et 0,0826 gr. d'eau, correspondant respectivement à 43,53 0/0 de car- bone et 7,57 0/0 d'hydrogène. 12 Eugène GILSON III. o,i985gr. de substance ont fourni 0,3188 gr. d'anhydride carboni- que et o, 1314 gr. d'eau, correspondant respectivement à 43,80 0/0 de carbone et 7,35 0/0 d'hydrogène. I. 0,5003 gr. de substance ont fourni 32 ce. d'azote à 170 sous la pres- sion de 752 mm., ce qui correspond à 7,34 0/0. II. 0,3529 gr. de substance ont fourni 22,7 ce. d'azote à 1 9° sous la pression de 760 mm., ce qui correspond à 7,36 0/0. III. 0,2447 gr. de substance ont fourni 16 ce. d'azote à 200 sous la pression de 756 mm., ce qui correspond à 7,44 0/0. I. II. III. MOYENNE. Calculé pour CuH28NaO10. c 43,52 43,53 43,8o 43,62 43,74 H 7,40 7,57 7,35 7,44 7,30 O 4i,74 41,54 4i,4i 41,56 41,65 N 7,34 7,36 7,44 7,38 7,31 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 Ces résultats, combinés avec ceux des dosages de l'acide chlorhydrique dans le chlorhydrate, correspondent le plus exactement à la formule Ils pourraient toutefois également s'appliquer, quoique moins exacte- ment, à C7H13N06 et C7H15N05. L'étude de la constitution du produit pourra seule nous faire con- naître quelle est sa formule véritable. Nous ne connaissons encore rien de cette constitution ; il nous paraît cependant probable que la mycosine est un dérivé azoté des hydrates de carbone. La formule C7H,5N05 correspond à la méthylglycosamine. Chlorhydrate de mycosine. Pour la préparation des sels, nous choisissons dé préférence YAgaricus campestris, parce qu'il fournit plus facilement que le Claviceps purpitrea un produit peu coloré. On débite donc ce champignon en petits morceaux qu'on fait ma- cérer pendant vingt-quatre heures dans une solution de soude caustique à 1%. On exprime et on lave à l'eau. On fait alors bouillir le résidu RECHERCHES CHIMIQUES 13 pendant six heures avec une solution d'acide sulfurique à 2 i/2°/0(i). On exprime, on lave une seconde fois à l'eau jusqu'à disparition de la réaction acide, puis on traite la partie restée insoluble pendant douze heures par une solution de soude caustique à 1/2 °/0. On lave encore une fois à l'eau, ensuite à l'alcool et à l'éther. Le produit ainsi obtenu est soumis à la fusion avec la potasse caustique de la manière que nous avons indiquée plus haut. A la suite de ces différents traitements, on obtient une substance insoluble dans l'eau, qui est constituée par de la mycosine impure. Pour la transformer en chlorhydrate, on l'agite à plusieurs reprises avec de l'acide chlorhydrique d'une densité de 1,12. Puis on lave en faisant usage du même acide. Celui-ci dissout les substances minérales, notamment des sels de calcium et d'autres impuretés qui souillaient la mycosine; celle-ci. est transformée en chlorhydrate insoluble dans l'acide chlorhydrique employé. On reprend le résidu insoluble par l'eau; le chlorhydrate se dissout; on filtre pour obtenir une solution limpide, on porte le liquide à l'ébullition et on l'additionne d'un demi volume d'acide chlorhydrique d'une densité de 1,12. Par refroidissement, il se précipite une poudre cristalline de chlorhydrate de mycosine. On la recueille sur un filtre, on la lave d'abord à l'acide chlorhydrique d'une densité de 1 , 1 2? puis à l'alcool; finalement on la sèche. On peut encore purifier ce corps par recristallisations dans l'acide chlorhydrique. Toutefois, il faut éviter de le chauffer avec cet acide qui le colore facilement en jaune brunâtre. Le chlorhydrate de mycosine se présente sous la forme d'une poudre blanche légèrement colorée en rose, formée de cristaux microscopiques agissant sur la lumière polarisée. Il est soluble dans l'eau, cette solution précipite par l'addition d'un acide; il est insoluble dans l'alcool. Les alcalis en précipitent de la mycosine. Le nitrate d'argent fournit un précipité de chlorure d'argent. Il ne se colore pas par les réactifs iodés. Les dosages de l'acide chlor- hydrique dans ce sel nous ont fourni les résultats suivants. I. 0.3402 gr. du sel ont fourni 0,21 16 gr. de chlorure d'argent, corres- pondant à 15,82 0/0 d'acide chlorhydrique. (1) L'ébullition avec l'acide sulfurique dilué fait passer en solution une partie notable de la mem- brane, de même que dans le Claviceps purpurea. Nous n'avons pas analysé cette substance qui parait être identique ou analogue au paradextrane de Winterstein. 14 Eugène GILSON II. 0,6554 gr. de sel ont fourni 0,4069 gr. de chlorure d'argent cor- respondant à 15,78 0/0 d'acide chlorhydrique. trouvé : Calculé pour I. II. C14H28N2O10 + 2HCl. 15,82 0/0 15,78 0/0 15,95 0/0 Sulfate de mycosine. On prépare d'abord la base à l'état impur en partant de X Agaricus catnpestris, comme nous l'avons indiqué à propos du chlorhydrate, puis on la dissout dans l'acide sulfurique dilué à chaud, on filtre également à chaud. Par le refroidissement, le sulfate se précipite. On peut le purifier par recris- tallisation, mais il faut éviter de chauffer longtemps la solution sulfurique, car elle se colore facilement en brun sous l'action de la chaleur. Le sel se présente sous la forme d'une poudre cristalline d'un blanc rose ressemblant beaucoup au chlorhydrate. Il s'en distingue par sa solubilité; il n'est en effet soluble que dans l'eau chaude, tandis que le chlorhydrate se dissout facilement à froid. De plus sa solution fournit les réactions des sulfates. CONCLUSIONS. Dans les membranes cellulaires des deux champignons que nous avons examinés le Claviceps purpurea et X Agaricus campestris, il n'existe pas de cellulose. Celle-ci y est remplacée par une autre substance également très résistante à l'action des réactifs, quoique chimiquement bien différente : elle renferme en effet de l'azote. Quand on soumet cette substance à la fusion avec de la potasse caustique, on obtient un corps nouveau que nous avons appelé mycosine. C'est une base se combinant aux acides pour former de véritables, sels. Nous ne connaissons encore rien de sa constitution, néan- moins il nous paraît assez probable que c'est un dérivé azoté des hydrates de carbone. La mycosine n'existe pas à l'état libre dans la membrane des cham- pignons, cela résulte de l'action des réactifs, notamment des acides, sur ces membranes. Y existe-t-elle à l'état de combinaison? Ou bien est-elle un produit de décomposition d'un corps plus complexe? Ce sont là des ques- tions auxquelles nous ne saurions répondre pour le moment. Signalons toutefois l'analogie qui existe entre la lignine et la substance squelettique des champignons. Quand on soumet la lignine à la fusion avec RECHERCHES CHIMIQUES 15 la potasse, on obtient, d'une part, de la cellulose, et d'autre part, des corps encore peu connus : les acides ligniques de Lange. Quand on soumet au même traitement la substance squelettique des champignons, on obtient de la mycosine, corps très résistant aux agents chimiques, et d'autres corps inconnus, mais solubles dans l'eau. La mycosine se colore en rose violacé par l'iode en présence des acides. C'est là un point important, parce qu'il pourrait la faire confondre avec la cellulose ou l'amyloïde. Différents auteurs ont signalé que les membranes de certains cham- pignons se colorent en bleu ou bleu violacé, lorsqu'on les traite par les réactifs iodés après les avoir soumis à l'action de la potasse. Ils en ont conclu à la présence de la cellulose dans ces membranes. Il est possible, sinon probable, que sous l'influence de la potasse la mycosine ait été mise en liberté, et que ce soit celle-ci qui se colore par les réactifs iodés. Cela nous démontre une fois de plus la nécessité qu'il y a de contrôler par d'autres caractères les réactions de coloration que l'on considère trop souvent comme distinctives. La mycosine est le second corps absolument différent de la cellulose et de l'amyloïde, quoique se colorant par les réactifs iodés, que nous sommes parvenu à extraire de la membrane cellulaire vé- gétale. En effet, nous avons démontré ailleurs (1) que l'acide phellonique, l'un des constituants de la membrane des cellules du liège, se colore en rose violacé parle chlorure de zinc iodé et l'acide sulfurique concentré et l'iode. La mycosine se rencontre-t-elle dans tous les champignons ? Certains champignons renferment-ils de la cellulose? Nous nous réservons de revenir plus tard sur ces questions. Toutefois, vu la façon très différente dont les membranes des diverses espèces de cham- pignons se conduisent en présence des réactifs microchimiques, il nous paraît peu probable qu'elles renferment toutes une seule et même substance squelettique, comme les phanérogames qui renferment tous sans exception de la cellulose. Notons en terminant que la présence d'une substance azotée dans la membrane cellulaire des champignons est un caractère qui rapproche ces êtres des animaux. Ce rapprochement est d'autant plus justifié que les propriétés de cette substance azotée présentent de nombreuses analogies avec la chitine. Cette remarque nous paraît avoir un certain intérêt au point de vue de la biologie générale. ;i) Y.. Gilson : La subérine et les cellules du liège; La Cellule, t. VI, fasc. i, i8go. LA COMPOSITION CHIMIQUE DE LA MEMBRANE CELLULAIRE VÉGÉTALE Quelques mots de réponse a Monsieur E. SCHULZE par Eugène GILSON CHARGÉ DE COURS A L'UNIVERSITÉ DE GAND. (Mémoire déposé le 5 septembre 1894.) LA COMPOSITION CHIMIQUE DE LA MEMBRANE CELLULAIRE VÉGÉTALE Dans un récent travail sur la composition chimique de la membrane cellulaire végétale, E. Schulze (i), répondant à notre mémoire sur la cristallisation de la cellulose (2), émet des idées quelque peu différentes des nôtres. Bien que les divergences qui existent entre nous ne portent somme toute que sur un seul point, l'action des réactifs iodés (3) sur les éléments de la membrane, nous ne pouvons laisser cette publication sans réponse. Ces divergences proviennent de ce que E. Schulze ne s'est occupé que de l'analyse chimique et n'a pas contrôlé ses résultats par l'examen microscopique, examen qui dans l'espèce était indispensable et pouvait seul trancher la question. Présentons d'abord une rectification. Nous avions écrit dans notre travail : « La mannoso-cellulose de E. Schulze est un mélange de cellulose et d'un autre hydrate de carbone, le paramannane ». L'auteur se plaint de ce que nous ne l'avons pas bien compris ; en effet, nous aurions du dire : 'La préparation de cellulose de E. Schulze est un mélange de cellulose et d'un autre hydrate de carbone, le paramannane. L'auteur avait donné le nom de mannoso-cellulose, non au produit qu'il avait isolé, ainsi que nous (1) E. Schulze : Zur Chcmie der pflan^lichen Zellmembranen. III. Abhandlung; Zeitscbr. f. physiol. Chemie, B XIX, Heft i, 1894. (2) E. Gilson : La cristallisation de la cellulose et la composition chimique de la membrane cellulaire végétale; La Cellule, t. IX, 2e fascicule, i8g3. (3) Réactifs iodés. Nous désignerons brièvement sous cette dénomination les mélanges d'iode et de diffé- rents corps, tels que chlorure de zinc, acide sulfurique concentré, acide phosphorique concentré, etc., mélanges que les micrographes ont employés jusqu'ici pour caractériser la cellulose. 20 Eugène GILSON l'avions pensé, mais à un corps dont il supposait (i) l'existence dans ce pro- duit. De plus, il énumère les propriétés de ce produit et donne les résultats des combustions dans un chapitre intitulé : Ueber die Mannoso-cellulose. Au surplus, nous n'avons guère attaché d'importance à cette dénomi- nation; pour nous, il s'agissait de démontrer que le produit isolé par E. Schulze était un mélange de cellulose qui se colore en bleu par les réactifs iodés et d'un autre hydrate de carbone fournissant par hydratation de la mannose et ne se colorant pas par ces mêmes réactifs. Nous avions été amené à cette conclusion par nos recherches micros- copiques, mais il importait de confirmer ces résultats par l'analyse chimique du produit. C'est ce que nous avons fait dans la deuxième partie de nos recherches. Arrivons en maintenant au point sur lequel nous sommes en désaccord. Une de nos conclusions portait : » Il n'existe dans la membrane qu'un » seul corps insoluble dans les acides dilués à l'ébullition, soluble dans la •» liqueur de Schweizer et se colorant en bleu par le chlorure de zinc iodé; v il n'existe qu'une seule cellulose. « En résumé, c'est cette conclusion qui est mise en doute par E. Schulze, et cela s'explique parce que cet auteur ne tient aucun compte des recherches microscopiques. En effet, nous avons démontré par ces recherches que si l'on traite convenablement par la liqueur de Schweizer, puis par l'ammo- niaque, des coupes se colorant en bleu par le chlorure de zinc iodé, on arrive aux résultats suivants. i° On obtient toujours des cristaux se présentant sous le même aspect et avec les mêmes caractères : insolubilité dans les alcalis et les acides dilués à l'ébullition, solubilité dans l'acide sulfurique concentré et la liqueur de Schweizer, coloration bleue par les réactifs iodés. 2° On constate que c'est toute la partie de la membrane qui se colore en bleu et seulement celle-là que l'on peut obtenir sous forme de cristaux présentant les caractères que nous venons d'indiquer. Nous avons montré ensuite par nos recherches chimiques que ce corps qui cristallise à l'intérieur des cellules et qui se présente toujours avec les mêmes caractères ne fournit par hydratation que delà dextrose; c'est un individu chimique. (i) En effet, à ce moment il n'était pas démontré qu'il y avait dans cette « préparation Je cellulose » deux hydrates de carbone différents fournissant par hydratation, l'un de la dextrose, l'autre de la mannose : il était possible que les groupements dextrose et mannose y étaient réunis pour former un seul hydrate de carbone. Voir notre mémoire, p. 2S. LA COMPOSITION CHIMIQUE 21 Il résulte également de ces faits que les corps qui accompagnent la cellulose clans la membrane végétale, — les hémi-celluloses, — ne se co- lorent pas en bleu par les réactifs iodés. Nous aurons l'occasion de revenir plus loin sur ce dernier point. Oc- cupons-nous maintenant plus spécialement des objections présentées par E. Schulze. D'après cet auteur, l'hydrate de carbone, qui est contenu dans les graines de café et qui fournit de la mannose par hydratation, se colore très probablement en bleu par les réactifs iodés (i). Nous sommes parvenu à isoler cet hydrate de carbone, — le paraman- nane, — et nous avons pu nous assurer qu'il ne se colore pas en bleu par les réactifs iodés. Mais, suivant E. Schulze, le paramannane est probablement un hy- drate du corps renfermé dans les graines (2), hydrate qui pourrait posséder des propriétés différentes du corps anhydre et notamment ne pas se colorer en bleu par les réactifs iodés. C'est là une simple supposition. Deux remarques ont conduit Schulze à l'émettre. i° La " préparation de cellulose „ obtenue au moyen des graines de café se colore aussi intensément par l'iode et l'acide sulfurique que la cel- lulose pure. A cela nous pouvons répondre que, si l'on traite de la cellulose par l'iode et l'acide sulfurique concentré, on obtient une coloration bleue si intense qu'il est très difficile, sinon impossible, de juger de l'intensité plus ou moins grande de la coloration. De plus, si on soumet à l'action du même réactif un mélange de para- mannane et de cellulose renfermant io°/0 ou moins encore de ce dernier produit, la coloration bleue qui apparaît est aussi foncée que celle que l'on obtient avec de la cellulose pure. Ce fait qui à première vue peut paraître étrange s'explique facilement; en effet, si on exécute la réaction sur porte- objets et si on examine au microscope, on voit que le paramannane se dissout rapidement dans l'acide sulfurique, tandis que la cellulose persiste et se colore en bleu intense. Le paramannane qui s'est dissous ne peut donc en rien modifier l'intensité de la coloration. (1) E. Schui.ze : L. c, p. 56. (2) E. Schulze : L. c, p. 5û. 2 2 Eugène GILSON 2° La " préparation de cellulose „ soumise à la combustion accuse 1 à 2 % de carbone en plus que le paramannane. Mais il ne faut pas perdre de vue que cette » préparation de cellulose « n'est pas un corps pur, c'est un mélange de cellulose, d'un autre hydrate de carbone et de petites quantités d'impuretés diverses, notamment de sels minéraux et dans certains cas de produits azotés, etc. Au surplus, voici les résultats des combustions d'après E. Schulze. PREMIÈRE PRÉPARATION. DEUXIÈME PRÉPARATION. Produit séché à io5°. Produit séché à 1 10". Produit séché à 1050. MOYENNE : MOYENNE : MOYENNE : C 44,770/0 45,i3o/o 43,97 0/0 H 6,35 „ 6,30 „ 6,54 ,, O Calculé pour : Trouvé pour le paramannane : C5H10O5. Séché à 1050. Séché à 1100. C 44,440/0 41,550/0 42,620/0 H 6,17 „ 6,52 „ 6,65 „ O 49,39 „ 51,93 ,, 50,73 » Ces résultats ne permettent pas de tirer des conclusions rigoureuses, surtout si l'on tient compte des variations que présente la composition cen- tésimale de ces hydrates de carbone suivant la façon dont la dessiccation a été effectuée et si l'on se souvient que certains d'entre eux, notamment le paramannane, absorbent rapidement l'humidité. Enfin, au point de vue auquel nous nous sommes placé, peu importe que le paramannane soit ou ne soit pas un hydrate du corps renfermé comme tel dans les graines du café, si ce corps ne se colore pas en bleu par les réactifs iodés. Or, l'examen microscopique démontre qu'il n'y a dans les graines du café qu'un seul corps se colorant en bleu par les réactifs iodés, la cellulose, et que celle-ci est accompagnée d'un ou de plusieurs produits ne se colorant pas par ces réactifs. En effet, si on traite convenablement des coupes de ces graines par la liqueur de Schweizer, etc., on observe que tout ce qui se colore en bleu par le chlorure de zinc iodé, et seulement cela, peut être obtenu sous forme de cristaux caractéristiques de cellulose. LA COMPOSITION CHIMIQUE 23 E. Schulze avait défini les hémi-celluloses : les hydrates de carbone de la membrane qui se dissolvent facilement dans les acides dilués à l'ébullition; nous les avions définies : les hydrates de carbone de la membrane qui ne se colorent pas en bleu par le chlorure de zinc iodé. En nous exprimant ainsi, nous n'avons pas voulu prendre comme base de classification l'action des réactifs iodés. E. Schulze n'a pas saisi notre pensée. Il est bien évident que c'est la constitution des corps qui doit fournir cette base. Le paramannane ne doit pas s'appeler cellulose, non parce qu'il ne se colore pas en bleu par les réactifs iodés, mais parce que par hydratation il fournit de la mannose et non de la dextrose. Mais, si pour définir les hémi-celluloses et les distinguer de la cellulose, nous avons eu recours à l'action des réactifs iodés, c'est que nous avions observé que de tous les hydrates de carbone de la membrane le seul qui se colore en bleu par ces réactifs est précisément le plus résistant aux acides dilués à l'ébullition; c'est celui qui peut être obtenu sous forme cristalline et qui fournit par hydratation de la dextrose; c'est la cellulose. Les autres, plus facilement solubles dans les acides dilués à l'ébullition, ne se colorent pas par ces réactifs. En outre il n'existe pas d'autre caractère distinctif pratique. Notre définition n'était donc qu'une définition provisoire et pra- tique ou empirique. Nous continuons à la préférer à celle de E. Schulze. En effet, celui-ci caractérisait les hémi-celluloses en disant qu'elles se dis- solvent facilement dans les acides dilués à l'ébullition. Or, c'est là un très mauvais caractère, car ainsi que nous le faisons observer dans notre premier mémoire, » la résistance des différents hydrates de carbone de la mem- » brane aux acides dilués à l'ébullition est très diverse : si les uns se dissol- » vent facilement, d'autres, tels que le paramannane, exigent une ébullition y> prolongée, et la cellulose elle-même est attaquée par ce traitement. » E. Schulze reconnaît sans doute le bien fondé de ces observations, car il abandonne sa définition primitive des hémi-celluloses. En effet, après avoir constaté la difficulté qu'il y a de classer les éléments constitutifs de la membrane, il dit (i) : « Man kann die hier vorhandenen Schwierigkeiten zum r> Theil umgehen, indem man sich entschliesst, den Namen Cellulose fur » die in Traubenzucker uberfuhrbare Substance, welche ich im Vorigen als t. Dextroso-Cellulose bezeichnet habe, zu reserviren und aile iibrigen Koh- y lenhydratartigen Zellwandbestandsteile mit Ausnahme des schleimge- » benden Stoffe und des Amyloids zu den Hemicellulosen zu rechnen. » E. Schulze : L. c, p. 68. 24 Eugène GILSON L'auteur semble donc admettre aujourd'hui, comme nous, qu'il est préférable de réserver le nom de cellulose à un seul hydrate de carbone, à celui qui par hydratation fournit de la dextrose, et d'appeler hémi-cellulose, tous les autres, sauf ceux qui constituent les mucilages et l'amyloïde. C'est là exactement ce que nous avions proposé dans nos conclusions, avec cette légère différence toutefois, que nous ne voyions pas, et que nous ne voyons pas encore d'inconvénient à classer l'amyloïde et les hydrates de carbone constituant les mucilages parmi les hémi-celluloses. Mais dans notre définition nous avons fait mention de l'action des réactifs iodés, et E. Schulze doute encore qu'il n'y ait que la cellulose qui se colore en bleu par ces réactifs(i), et cela pour les raisons que voici : i° Une préparation renfermant de 80 à 85 % d' hémi-celluloses et environ 4 % de cellulose se colore intensément en bleu, par le chlorure de ^inc iodé. 2° D'après Reiss, les celluloses de réserve se colorent en bleu par les réactifs iodés. Puisque les hémi-celluloses ne peuvent être séparées de la cellulose sans altération, il faut évidemment pour trancher la question de leur colo- ration ou de leur non coloration par les réactifs iodés procéder à l'étude microscopique de la membrane. Cette étude, nous l'avons faite dans notre précédent travail. Nous nous bornerons à rappeler ici que : i° Dans, les membranes végétales, on trouve toujours à côté de la cellulose (2; des hydrates de carbone plus ou moins facilement solubles dans les acides dilués, ne se colorant pas en bleu par les réactifs iodés, ne cristallisant pas dans les conditions que nous avons déterminées pour la cellulose; ce sont les hémi-celluloses. Mangin, du reste, avait déjà démontré que les matières pectiques qui se rencontrent dans tous les tissus parenchymateux et qui doivent rentrer dans la classe des hémi-celluloses, ne se colorent pas en bleu par les réactifs iodés. 20 De plus, si à un mélange de 4 parties de cellulose et de 96 parties de paramannane on ajoute du chlorure de zinc iodé, on obtient une colora- tion bleue intense. Nous avons donné plus haut l'explication de ce fait. 3° Enfin, comme nous l'avons déjà dit"(3), les » celluloses de réserve de Reiss « sont constituées par un mélange de cellulose qui se colore en (1) E. Schulze : L. c, p. 64. (2) La cellulose fait probablement défaut dans la membrane des champignons. (3) L. c , p. 40. LA COMPOSITION CHIMIQUE 25 bleu et de' paramannane qui ne se colore pas. Depuis la publication de notre dernier mémoire, nous sommes parvenu à préparer le paramannane, non seulement avec les graines du café, mais encore avec celles du Phytelephas. On le voit donc, les différences d'opinion qui existent entre E. Schulze et nous proviennent de ce que cet auteur n'a pas étudié la membrane au point de vue microscopique et n'a pas tenu compte des résultats de cette partie de notre étude. Or, nos recherches chimiques avaient simplement pour but de contrôler ou de confirmer les résultats que nous avions obtenus au microscope, et c'est justement la concordance de ces résultats qui nous a permis de tirer des conclusions rigoureuses. En conséquence, nous n'avons absolument rien à changer aux conclu- sions de notre dernier mémoire sur la cristallisation de la cellulose et la composition chimique de la membrane cellulaire végétale. LA Régression du Fuseau Caryocinétique Le Corps Problématique de Platner et le Ligament Intercellulaire de Zimmermann dans les Spermatocytes des Hélix. PAR Arthur BOLLES LEE (Mémoire déposé le 4 janvier 1895J LA RÉGRESSION DU FUSEAU CARYOCINÉTIOUE INTRODUCTION. Les pages suivantes ont trait à un mode particulier de régression du fuseau caryocinétique, mode qui n'est pas dépourvu d'intérêt. En 1886, Platner (1) décrivit et figura un corps de conformation parti- culière, qu'il avait trouvé dans les spermatocytes de certains lépidoptères et de Y Hélix pomatia. - Ce> corps », dit-il, « est d'une forme irrégulière; il est homogène et de petite taille. Il est situé d'habitude dans une espèce de cavité, de sorte qu'il paraît entouré d'un espace clair. — Une particularité qu'il présente souvent, c'est d'être en continuité directe avec un élément semblable d'une cellule voisine, de sorte que les deux éléments forment un pont qui s'étend de l'une à l'autre cellule. On trouve souvent plus d'un de ces ponts sortant d'une cellule. J'ai vu des cellules qui étaient reliées de cette façon à trois de leurs voisines. Chez l'Hélix, ce corps est fort rare. Il se maintient jusqu'à la formation du fuseau, avec lequel il n'entre en aucun rapport ni de position ni de genèse, et finit par disparaître dans le proto- plasma pendant la formation des asters. Il ne reparait plus après la division. » Platner examine aussi la question de savoir si ce corps ne représenterait pas peut-être le Nebenkern, ou n'aurait quelque rapport avec lui, et conclut qu'il en est entièrement différent. En 1888, Prenant (2) toucha à la question du corps problématique de Platner. Il en vérifia l'existence, mais il n'osa cependant pas considérer comme suffisamment établie la distinction que Platner avait faite entre ce corps et le Nebenkern. En effet, dit-il, » je ne puis affirmer que j'aie vu nettement le Nebenkern et ce corps existant côte-à-côte dans une même (1) Platner : "Die Karyokinese bei den Lepidopteren ; Intern. Monatsschr, f. Anat. u. Hist., Bd. III, N° 10, 1886, p. 34g. (2) Prenant : Observations cytologiques sur les éléments séminaux des gastéropodes pulmonés; La Cellule, t. IV, i' fasc, 1888, p. 137. 30 A. BOLLES LEE cellule «. Je dirai dès maintenant que sur ce point Platnek avait eu parfai- tement raison. Dans les préparations heureuses, il est facile de trouver dans une seule et même coupe des centaines de cellules qui possèdent en même temps le corps en question et un Nebenkern typique. On en voit trois dans la fig. 22, et j'ai spécialement dessiné dans la fig. 16 une cellule qui montre en même temps un Nebenkern et un „corps particulier" de Platner, l'un et l'autre parfaitement typiques. Si dans les autres figures de ce travail il ne se rencontre pas de Nebenkern, c'est parce que ces figures repré- sentent des cellules qui sont à des stades où le Nebenkern ne s'est pas encore formé (stade de la reconstitution des noyaux), ou auxquels il a cessé d'exister (prophases avancées). En 1891, K. W. Zimmermann (1) décrivit dans les spermatocytes de Y Hélix, outre le Nebenkern, un élément qu'il appela » Zellkoppel «, déno- mination qu'on peut rendre en français par celle de * ligament intercellu- laire -. Voici la description qu'il donne de cet élément. » Toutes les cellules d'un même groupe ou famille, — lisez : Spermatogemme, —sont reliées entre elles par un cordon protoplasmatique particulier, que je propose d'appeler « Zellkoppel «. Ce cordon envoie vers chaque cellule de la famille une courte branche, qui se termine sur la membrane cellulaire par un bouton plus ou moins apparent. Je vois de fins filaments sortir de ce bouton, péné- trer dans l'intérieur de la cellule, et s'unir au réticulum protoplasmatique. « Cette description est assez exacte, mais j'aurai à la compléter et à la rectifier en certains points. Je me propose de prouver aussi rigoureusement que possible que le corps problématique de Platner et le « Zellkoppel « de Zimmermann sont deux phases d'un même élément, et que cet élément résulte de la métamor- phose régressive du fuseau caryocinétique. TECHNIQUE. L'étude de la régression du fuseau dans les cellules qui vont nous occuper exige spécialement l'emploi d'une technique appropriée. Voici quelques indications qui peuvent être utiles à l'observateur qui désire se familiariser avec ces phénomènes intéressants. Il me semble qu'on peut employer indifféremment soit Y Hélix pomatia, soit l'une ou l'autre espèce du même genre, l'aspect de l'ovotestis étant (1) K. W. Zimmermann : Veb. d. Kerntheilungsmodus bei der Spermatogenese von Hélix pomatia; Verhandl. der Anat. Gesellschaft, 1891, p. 187. LA RÉGRESSION DU FUSEAU CARYOCINÉTIQUE 31 absolument identique dans toutes les espèces que j'ai préparées. Cependant mes meilleures préparations proviennent de l'Hélix pomalia. Il est très important de ne pas prendre des animaux trop jeunes. Car dans la glande reproductrice des individus qui sont encore éloignés de la maturité, les spermatogemmes sont peu abondants, ou font défaut; on est exposé à n'y trouver que des spermatogonies, voire même seulement des cellules sexuelles primordiales, évoluant soit au sein de l'épithélium glandulaire, soit libre- ment dans la lumière des ampoules. Il faut extirper la glande avec les plus grandes précautions, et la porter immédiatement dans un fixateur puissant, tel que le mélange fort de Flemming. J'y laisse mes pièces au moins 24 heures. Il va sans dire que l'étude doit être faite sur des coupes ; les disso- ciations ne sont ici que de fort peu d'utilité. Le point important à observer, c'est qu'il est absolument nécessaire que les coupes soient traitées par un colorant plasmatique approprié. On arrive bien à démontrer les restes fusoriaux sur des coupes qui n'ont été traitées que par un colorant de l'élément nucléinien, tel que la safranine, etc., mais ces corps sont alors très pâles, et il est impossible d'en saisir tous les dé- tails. Parmi les colorants plasmatiques connus, il n'y en a vraisemblable- ment que fort peu qui mèneront au but. Il importe enfin d'observer que ce n'est pas non plus dans les réactifs du Nebenkern qu'il faut chercher les colorants des vestiges fusoriaux. Les meilleurs colorants du Nebenkern que je connaisse sont l'hématoxyline à l'alun de fer de M. Heidenhain, le procédé à la safranine suivie du Lichtgrîin de Benda, et le procédé de l'osmium suivi de pyrogallol ou d'acide pyroligneux brut de Lee et Her- mann. Or, tous ces réactifs, qui colorent le Nebenkern d'une façon intense, laissent précisément les restes fusoriaux incolores, ou teintés seulement d'un gris pâle tout à fait insuffisant. Le meilleur réactif que j'aie trouvé pour les mettre en évidence est sans contredit le Kernschwarz de Plat- ner. On peut l'employer soit seul, soit en combinaison avec un colorant de la nucléine, comme cela est suffisamment indiqué plus loin dans l'explica- tion des figures. J'ajouterai que les précautions les plus minutieuses ne suffisent pas pour assurer le succès dans les recherches. Il faut avant tout que les coupes contiennent les stades de cinèse voulus. C'est là affaire de hasard ; et la réus- site dépendra toujours en dernier lieu de ce que je ne sais plus quel auteur a si bien appelé « la courtoisie de la nature ». 32 A. BOLLES LEE OBSERVATIONS. A. Le corps problématique de Platner. Nous avons à montrer en premier lieu que le corps problématique de Platner est formé par le fuseau en régression. Voici comment. La cytodiérèse, tant des spermatogonies que des spermatocytes, se fait toujours par voie cinétique; la division directe y fait absolument défaut. La plasmodiérèse de ces divisions s'effectue tantôt peut-être par simple étranglement, tantôt par étranglement accompagné de la formation d'une plaque fusoriale. Voici pour quel motif j'ai dit » peut-être par simple étranglement «. Les plaques que j'ai pu observer avec certitude jusqu'ici ont été peu nom- breuses, de telle sorte qu'à première vue il peut paraître naturel d'admettre que ces formations constituent une exception et non la règle. Mais il faut bien réfléchir à deux choses. Les granules ou microsomes constitutifs de ces plaques sont évidemment des éléments d'une très grande délicatesse; il paraît certain que sous l'influence des réactifs ils se fusionnent ou dispa- raissent avec la plus grande facilité, se dérobant ainsi à la vue, même dans des plaques observées au moment de leur plus parfait épanouissement. A l'aide de méthodes perfectionnées, on arrivera certainement à les mettre en évidence en nombre incomparablement plus grand. En second lieu, comme nous allons bientôt le voir, ces plaques n'ont physiologiquement qu'une durée très limitée comme telles; à peine sont-elles formées qu'elles sont destinées à prendre part à un processus de transformation pâteuse qui les intéresse aussi bien que tout le reste de la portion équatoriale du fuseau. Ces deux considérations suffisent pour établir au moins la possibi- lité que la formation d'une plaque fusoriale soit la règle et non l'excep- tion. N'oublions pas de noter ici que ces éléments ont été déjà vus par Prenant dans YHelix. J'ai observé bien des fois des images qui me font penser que les plaques fusoriales peuvent être accompagnées au moins d'une ébauche de plaque complétive. J'ai dessiné une de ces images dans la fig. 3, mais je ne la donne pas comme certaine, les deux cellules n'étant malheureusement pas couchées d'une manière parfaitement horizontale; elles chevauchent un peu l'une sur l'autre, ce qui donne de l'incertitude à l'interprétation de l'image microscopique. LA RÉGRESSION DU FUSEAU CARYOCINÉTIQUE 33 Les fig. 3, 4, 6 et 7 montrent quatre plaques fusoriales. Les fuseaux des autres figures ne montrent pas de microsomes spéciaux à l'équateur; il convient d'admettre pour le moment qu'ils peuvent avoir été dépourvus de plaque, sans toutefois vouloir trancher définitivement la question dans un sens plutôt que dans l'autre. La fig. 3 représente une spermatogonie au stade des couronnes po- laires. Dans la plaque fusoriale qui unit les deux moitiés de la figure, on aperçoit un petit nombre de microsomes ou granules fusiformes plongés dans la masse générale de la substance fusoriale. On peut s'assurer que chacun de ces granules est en continuité de substance avec un filament du fuseau, dont il représente un renflement spécial. Il y a exactement quatre de ces éléments sur la coupe optique; ce qui en donnerait environ douze pour la plaque entière, si ces éléments étaient également distribués à travers toute son épaisseur. Mais il y a des motifs pour croire qu'il n'en est pas ainsi. Des vues de surface m'ont montré des microsomes seulement à la périphérie, fig. 7. D'ailleurs, il y a des motifs pour admettre que cette portion du fuseau est creusée d'un canal axial, fig. 10, il et 14. Les mi- crosomes se colorent d'une façon beaucoup plus intense que le reste du fuseau, et, dans la cellule qui nous occupe, ils ont pris une teinte assez vive sous l'influence de la fuchsine acide. La fig. 4 nous présente également une spermatogonie, mais dans un stade plus avancé. Le noyau s'est reconstitué ' entièrement et s'est entouré d'une membranule ou membrane très-mince. La plaque fusoriale est sem- blable à celle de la fig. 3, si ce n'est qu'elle est beaucoup plus étroite; elle ne présente que deux microsomes sur la coupe optique. Un coup d'ceil jeté sur la fig. 5, qui représente deux jeunes spermato- gonies dans un stade peu éloigné de celui de la fig. 4, permettra peut-être au lecteur de se rendre compte de la difficulté qu'il y a de dire avec certi- tude si un fuseau à ce stade a porté une plaque ou non. On conçoit aisément avec quelle facilité des microsomes délicats peuvent disparaître à la vue au milieu d'une masse fusoriale aussi dense. La fig. 6 nous montre un spermatocyte en voie de plasmodiérèse, le noyau s'étant déjà divisé depuis quelque temps et les noj'aux-filles se trou- vant au stade de reconstruction. On y voit une plaque fusoriale assez déve- loppée et, ce qui est sans doute fort intéressant, dédoublée. On y voit deux rangées de microsomes fusiformes, cinq en nombre pour la coupe optique de chaque rangée. Les deux rangées ne se touchent pas, mais sont nette- ment séparées par un court pont de substance fusoriale pâle et homogène. 34 A. BOLLES LEE Il est plus que probable que l'ébauche de clivage représentée dans cette cellule n'était pas destinée à s'achever et à prendre part à la formation d'une portion de membrane cellulaire. En effet, comme nous le verrons, ces cellules-filles resteront probablement encore unies pendant fort long- temps. Les fuseaux sans plaque apparente, fig. 5 et 21, présentent un aspect en tous points semblable à celui des fuseaux à plaque, sauf que les microsomes équatoriaux leur manquent ; et ils subissent les mêmes phéno- mènes de régression. Nous pouvons donc désormais faire abstraction de la présence ou de l'absence d'une plaque. Nous pouvons également englober dans une description commune l'histoire des fuseaux des spermatogonies et des fuseaux des spermatocytes, les deux processus étant identiques dans les détails essentiels. Le début de la régression du fuseau se produit au moment où les groupes de bâtonnets-filles sont complètement arrivés à leur position polaire, et commencent à se reconstituer en noyaux. Il se caractérise par la brisure ou coupure des filaments unissants du fuseau à la région périnucléaire. Ce phénomène peut précéder l'apparition des épaississements équatoriaux qui forment l'ébauche des plaques, ou la suivre de près. De même, il peut pré- céder ou suivre de près l'étranglement de la région équatoriale du fuseau et de la cellule. Voici de quelle manière se fait cette brisure ou coupure. Dans le voisi- nage des chromosomes, la substance des filaments du fuseau se meta refluer, pour ainsi dire, vers l'équateur, et, sur un trajet qui est de longueur égale pour chaque filament, s'étire en un fil d'une finesse qu'il est impossible de mesurer, et dont on ne peut même constater l'existence que dans les images les plus irréprochables, fig. 1. Ces fils sont moins bien visibles dans la fig. 2, et point du tout dans la fig. 3. Que la substance fusoriale se soit étirée en ces fils en refluant vers l'équateur et non vers les chromosomes, c'est ce que montrent les fig. 1, 2 et 3. On y voit cette substance accumulée sous la forme d'une petite gouttelette, ou léger renflement pointu, à l'extrémité des principaux filaments du fuseau. Les fils fins deviennent bientôt invisibles, et les noyaux en reconstruction sont alors séparés du fuseau par un espace clair. Les renflements terminaux des filaments fusoriaux disparaissent sur place; du moins je n'ai jamais pu observer qu'ils se séparassent du reste du fuseau pour former le « petit mitosoma » de Platner. Ensuite toute la portion périnucléaire du fuseau ne tarde pas à disparaître du voisinage du LA RÉGRESSION DU FUSEAU CARYOCINÉTIQUE 35 noyau, soit qu'elle tombe en désintégration granuleuse, fig. 4, soit qu'elle se rétracte sans dégénérescence notable vers l'équateur, comme cela paraît être le cas pour la fig. 6 et, mieux encore, pour la fig. 21. Pendant que ces changements s'accomplissent dans la région périnu- cléaire du fuseau, sa région équatoriale se met en mouvement. Elle s'étran- gle, et s'il doit y avoir formation d'une plaque, les renflements équatoriaux se produisent. L'étranglement et la rétraction de la substance fusoriale vers l'équateur se poursuivent pari passû. Le fuseau perd rapidement son aspect filamenteux, devient d'abord simplement strié, fig. 5, par exemple, et passe bientôt à un état pâteux, presque homogène, ou au plus très vaguement strié, fig. 12. J'ai essayé de donner par les fig. 5, 9, 10 et il une idée des apparences qu'il présente pendant la transition de l'état filamenteux à l'état pâteux ; mais ces images sont d'un dessin extrêmement difficile, et je ne puis me flatter d'avoir entièrement réussi. Pendant les stades que nous venons de parcourir, chaque moitié du fuseau possède, en somme, l'aspect d'une comète; les figures déjà citées le démontrent suffisamment. La tète de la comète est très bien figurée par la portion la plus équatoriale du fuseau, car ici sa substance est beaucoup plus dense qu'ailleurs, fig. 4, 6 à il. Ment-on à regarder un tel moignon fusorial d'en haut, c'est-à-dire en vue polaire, on a l'image de la fig. 7. Au centre de la figure, on aperçoit un corps rond, homogène ou granuleux; c'est la portion équatoriale dense, qui présentera des granules, s'il y a eu formation d'une plaque dont les microsomes aient persisté. Autour de ce corps central s'étalent des rayons réguliers, finement grenus ou presque homogènes, dont quelques-uns sont plus forts que les autres. Cela est dû au rayonnement, en partie optique, en partie réel, du reste de la substance fusoriale. Certes, en voyant ces images, l'observateur non prévenu pourrait bien se croire en présence d'une » Archosphère - munie de son » Centrosome -. La portion équatoriale plus dense, ou tête de la comète, a-t-elle été enlevée par le rasoir, nous aurons en vue polaire l'image de la fig. 8. Ici la masse fusoriale parait siéger à côté du noyau. C'est un fait de projection optique; en réalité elle en est bien éloignée dans un plan supérieur, circon- stance dont il n'est pas toujours facile de s'assurer. Elle parait alors comme un corps rond, assez nettement délimité du cytoplasme environnant, à sub- stance fondamentale homogène ou très finement grenue, et parsemée de granules plus gros ; ceux-ci sont les coupes optiques des filaments les plus 36 A. BOLLES LEE puissants du fuseau, lesquels résistent plus longtemps que le reste de la substance fusoriale à la métamorphose pâteuse. Nouvelle occasion pour l'observateur ingénu de se distinguer en décrivant un Nebenkern granuleux, ou une - demeurerait avec un moignon simple, formé uniquement par la moitié du dernier fuseau. Ces considérations nous font comprendre à la fois la formation des chaînes de ponts fusoriaux et l'existence, à côté des cellules ainsi réunies, de cellules qui ne sont pas traversées par un pont. Un pont ne peut tra- verser une cellule que lorsque deux divisions successives se sont effectuées sous un certain angle, condition qui ne se réalise pas toujours. Les ponts simples, ou réunion de deux corps de Platner, ne sont pas soumis à cette condition et doivent se former toutes les fois qu'un fuseau persiste après s'être étranglé en son équateur, et ne se clive ni n'est coupé par la constric- tion plasmodiérétique. Les conditions nécessaires pour la formation d'une chaîne de ponts fusoriaux doivent assurément se réaliser bien souvent en dehors des cellules testiculaires des Hélix. Les divisions à angle droit ne paraissent pas être exceptionnelles ; elles paraissent être la règle, par exemple, pour les épithé- liums. Et toutes les cellules qui, se multiplient avec une grande rapidité doivent par cela même offrir au fuseau l'occasion de se maintenir jusqu'à la génération suivante. Aussi la persistance de fuseaux en régression pendant un temps plus ou moins long a-t-elle été notée par plusieurs observateurs. On en trouvera de nombreux exemples décrits et figurés dans le grand mémoire de Carnoy sur la cytodiérèse chez les arthropodes. Je dirai ici' en passant que maintenant que j'ai appris à connaître les plaques fusoriales si délicates que j'ai décrites plus haut, je ne puis que m'associer à l'opinion de ce savant cytologiste, à savoir que ces formations sont peut-être beaucoup plus répandues dans les cellules animales qu'on ne le suppose en général. Flemming a trouvé depuis chez la salamandre un reste fusorial persis- tant et servant de trait d'union entre deux cellules-sœurs, et l'a décrit et figuré sous le nom de „Zwischenkôrperchen:', ou corps intermédiaire. Nous avons vu dans l'introduction que Platner a trouvé de pareils corps chez des lépidoptères. Prenant (i) en a décrit et figuré chez la scolopendre et les lithobies (l'auteur n'a pas distingué ses deux objets ni dans le texte, ni dans la planche). Ryder et Pennington (2) ont donné des figures tirées de l'épithélium intestinal de Porcellio, qui ressemblent à tel point à celles que j'ai fait con- |i) La Cellule, t. III, 3mo fasc. 12) Analomischer Anzeiger, B. IX, N° 2-1-25, 1894. 46 A. BOLLES LEE naître dans ce travail que je ne puis douter qu'elles ne se rapportent à des fuseaux en régression. Par un étrange iSreepov TtpoTepov, ces auteurs y voient une «conjugaison de noyaux». C'est bien là une des plus curieuses perversités d'interprétation qu'on puisse imaginer. Moore (1) doit avoir décrit de semblables restes fusoriaux persistants dans les spermatocytes de la salamandre; mais je n'ai malheureusement pas encore pu voir ce travail. Meves (2) a dessiné quatre spermatocytes de salamandre reliés ensem- ble par un cordon noueux, qui rappelle beaucoup les chaînes de ponts fuso- riaux de l'Hélix. L'auteur décrit cette disposition (p. 174) comme résultant de l'union de quatre „sphères attractives" par étirement de leur substance, sans toutefois pouvoir expliquer comment, de cette façon, il puisse résulter un pont reliant plus de deux cellules à la fois. Si j'ai bien compris la pensée de Meves, il paraît soupçonner que les «sphères attractives" se sont fusionnées avec des restes fusoriaux persistants. Peut-être les faits exposés plus haut pourront-ils contribuer à élucider cette question. Sans doute en fouillant la littérature on trouverait d'autres exemples de fuseaux persistants mentionnés par les auteurs avec ou sans connais- sance de leur véritable nature; je n'ai cité que ce qui me vient à l'esprit en ce moment. CONCLUSION. Dans les spermatogonies et les spermatocytes de YHelix, le fuseau caryocinétique persiste en général pendant sa régression sous la forme d'un corps pâteux, unissant les deux cellules issues de la cellule qui l'a formé. Ce corps est le corps problématique de Platner. Les corps ainsi formés par le fuseau régressif persistent normalement à travers plus d'une génération cellulaire;' et, de la fusion de deux ou plusieurs de ces restes fusoriaux appartenant à des générations successives, résulte la formation d'une chaîne de ponts fusoriaux reliant entre elles un nombre considérable de cellules. Ces chaînes sont le „Zellkoppel" ou ligament intercellulaire de Zimmermann. Cette fusion dépend de deux conditions, à savoir : persistance du fuseau étranglé à l'équateur, et division des cellules sous un certain angle. (1) Moore : Quart. Journ. Mie. Sri., i8g3, vol. XXXIV, N° 85. (2) Meves : Arch. fur mik. Anat., Bd. 44, I. Hit., 1894, Taf. XI, Fig. 64. LA RÉGRESSION DU FUSEAU CARYOCINETIQUE 47 t Lorsque ces conditions se présentent, cette fusion est inévitable. Il paraît probable que ces conditions se réalisent beaucoup plus souvent qu'on ne le pense. En conséquence, il est probable que les restes fusoriaux, soit simples : ponts fusoriaux simples, soit composés : chaînes de ponts fusoriaux com- posés, sont beaucoup plus répandus qu'on ne le soupçonne d'habitude. Il est bien entendu qu'en disant cela je n'ai pas un seul instant l'inten- tion de mettre en doute l'existence générale d'autres modes de régression fusoriale. Toutes les fois, par exemple, que le fuseau se coupe à l'équateur sans étranglement préalable, laissant ainsi ses filaments éparpillés au sein du cytoplasme, sa régression sera certainement différente. Ses éléments se mêleront en ce cas directement au cytoplasme, ou, s'ils persistent, ce sera sous une autre forme que celle de ponts intercellulaires ou de corps de Platner. Il a été démontré que le fuseau pendant sa métamorphose régressive peut prendre des formes qui peuvent donner l'illusion de sphères attractives, de centrosomes, etc., là où ces formations n'existent pas en réalité. La connaissance de ces apparences illusoires est évidemment de la plus haute importance pour le cytologiste. Elle ne l'est peut-être pas moins pour le pathologiste. Car certes il importe au pathologiste de savoir qu'un simple reste parfaitement normal d'un fuseau en voie de régression peut se présenter comme un corpuscule de formes très variées, tantôt blotti au fond d'une vacuole du cytoplasme, comme » enkysté « dans la cellule ; tantôt renflé en massue ou courbé en demi-lune, ou traversant les espaces intercellulaires sous la forme d'une chaîne articulée qui peut simuler un bourgeonnement de protiste. Il est permis de suggérer que ces apparences peuvent bien avoir servi de base à quelques-uns au moins des récits de prétendus parasites intercellulaires, que l'on trouve dans la littérature patho- logique récente. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE. Toutes les figures ont été faites au grossissement de i5oo, excepté la fig. 22 qu l'a été à celui de 400 environ. Les figures de la série A et de la série B sont tirées de YHelix pomatia. Les figures de la série C et de la série D sont tirées de YHelix hortensis. Les méthodes de préparation ont été les suivantes. Pour la série A : liquide fort de Flemming, 24 heures ; paraffine, coupes. Puis Kernschwarz, 18 heures, différentiation pendant 2 heures dans une solution de car- bonate de lithine étendue ; essence ; damar. Pour la série B (qui continue la précédente) : même traitement préalable, puis coloration pendant 2 heures dans le Kernschwarz, différentiation deux minutes dans le carbonate de lithine, deuxième coloration dans une solution aqueuse concentrée de Bleu Victoria ; alcool ; essence ; damar. Au lieu du Bleu Victoria, on peut prendre la safranine, qui donne un plus grand contraste de couleurs. Pour la série C : liquide de Hermann, 24 heures; paraffine, coupes. Puis, tein- ture d'iode, i5 minutes; Bleu Victoria, 18 heures; Orange, sol. sat. aq., 10 minutes; fuchsine acide, sol. aq., o,5 0/0 , 10 minutes; alcool, essence, colophane. L'iode dans ce traitement sert de mordant pour le Bleu Victoria, dont il augmente beaucoup la résistance à l'alcool, et est très recommandable. Pour la série D : sublimé, 1 heure ; coloration par l'hématoxyline à l'alun de fer de M. Heidenhain ; mordançage, 2 heures, teinture 18 heures ; essence; colophane. FIG. i. Série C. Spermatogonie, anaphase. Fuseau montrant des réticulations évidentes, ses filaments se coupant par étirement près des chromosomes. Les pôles du fuseau visibles comme de petites pyramides entourées par les chromosomes. Du sommet de chaque pyramide part un petit tortillon pâle qui se rend à la membrane cellulaire, et dont la nature est demeurée douteuse. Pas de corpuscules polaires. FIG. 2. Série D. Spermatogonie, anaphase. Coupure des filaments fusoriaux comme dans la Fig. 1. Début de l'étranglement du fuseau, et début des épaississe- ments équatoriaux de ses filaments principaux. Pas de corpuscules polaires. FIG. 3. Série C. Spermatogonie, anaphase. Plaque fusoriale avec peut-être indication d'une plaque complétive. Quatre microsomes dans la coupe optique de la plaque. Cette figure représente une coupe, non une cellule entière. Pas de corpus, cules polaires. 5o A. BOLLES LEE FIG. 4. Série C. Spermatogonie, noyau en prophase (voir le texte), fuseau persistant. Fuseau en régresssion granuleuse dans la région périnucléaire. Plaque fusoriale montrant deux microsomes. Cette cellule étant partiellement débordée par d'autres, les détails du cytoplasme ne sont pas distincts. FIG. 5. Série B. Jeunes spermatogonies, noyaux au repos, pas de nucléoles. Reste fusorial encore vaguement filamenteux. FIG. 6. Série B. Spermatocyte, anaphase. Fuseau persistant, état fibrillaire, plaque fusoriale dédoublée. Dans l'angle d'une des cellules naissantes, on voit le moignon, m. f. a., persistant d'un fuseau antérieur. Ce moignon est vu par le bout; il est à l'état pâteux. FIG. 7. Série C. Vue polaire d'un fuseau régressif de spermatogonie simulant une « archosphère ». On y voit les restes d'une plaque fusoriale, peu distincts dans le dessin, mais bien évidents par l'emploi de la vis micrométrique. FIG. 8. Série B. Portion de spermatocyte en anaphase, montrant un noyau en .reconstitution et le fuseau en coupe. Même spermatogemme que la Fig. 6. N, le noyau ; f. r., le fuseau régressif en coupe optique passant par la portion fibrillaire, il simule une « archosphère » à granules ; les « granules » sont les coupes optiques des filaments forts du fuseau. FIG. 9. Le même fuseau, la tête de la comète fusoriale étant au foyer du microscope. FIG. 10. Fuseau du même spermatogemme, un peu plus avancé en régression, vu de profil. Pore axial à la tête de la comète fusoriale. FIG. 11. Fuseau régressif d'une cellule voisine, vu un peu obliquement. Le canal ou pore axial comme un point brillant au centre de la tête de la comète. Dans ces trois figures, début de l'état pâteux du fuseau régressif. FIG. 12. Série B. Fuseau régressif de spermatocyte, à l'état pâteux, (corps de Platner), montrant la vacuole environnante et les filaments rayonnants. Il n'est pas étiré en un pont intercellulaire. FIG. 13. Même coupe. Fuseau pareil, mais étiré en un pont intercellulaire. La membrane cellulaire paraît former un mince revêtement indivis à ce pont. FIG. 14. Même coupe. Moignon d'un fuseau pareil, vu par le bout. Canal ou pore axial sous la forme d'un espace clair au centre de la masse pâteuse. Vacuole environnante avec filaments rayonnants. FIG. 15. Série B. Moignon fusorial persistant, au même stade de régression que les figures précédentes, vu un peu obliquement. FIG. 16. Série A. Spermatocyte en prophase. On voit un Nebenkern collé contre le noyau. Dans une vacuole commune, deux moignons fusoriaux, dont l'un, le plus gros, m. f. r., est récent, l'autre, m. f. a., vraisemblablement antérieur. Le caryoplasme du noyau nettement réticulé. FIG. 17. Série A. Spermatocyte en prophase plus avancée. Fuseau persistant vu de profil, très longuement étiré en un pont intercellulaire, et apparemment soudé à un autre pont fusorial transversal, mais cette soudure n'est pas absolument cer- LA RÉGRESSION DU FUSEAU CARYOCINÉTIQUE 51 taine. Le fuseau est situé sur l'équateur de la figure caryocinétique. Point de cor- puscules polaires. FIG. 18. Portion d'une cellule du même spermatogemme que la précédente. Fuseau persistant dans la région polaire, au-delà du centre de l'aster. Point de corpuscule polaire. FIG. 19. Série B. Spennatocyte, métakinèse; la coupe n'intéresse qu'une por- tion de la cellule. Fuseau persistant, position équatoriale. Il est étiré en un long pont fusorial qui passe apparemment à travers une cellule (qui ne se présente pas dans la coupe avec une épaisseur suffisante pour qu'elle ait pu être dessinée), et se termine dans une troisième (ou quatrième ?) cellule à gauche. Point de corpuscules polaires. FIG. 20. Série A. Spennatocyte, métakinèse. Un moignon fusorial très évident dans la région sub-polaire, et un corpuscule pyramidal d'aspect similaire collé contre la membrane cellulaire près du pôle opposé. Point de corpuscules polaires. FIG. 21. Série B. Trois spermatides, les noyaux en anaphase. Les cellules A et B sont profondément entamées par le rasoir. Formation d'un pont fusorial composé. Voir le texte. FIG. 22. Série A. Groupe de spermatocytes à un faible grossissement, mon- trant une chaîne de ponts fusoriaux composés ou « Zellkoppel » de Zimmermann. Les cellules en prophase, toutes ont un Nebenkern. La cellule A a été reproduite en détail dans la Fig. 16. FIG. 23. Détails de la chaîne de ponts fusoriaux de la figure précédente. La cellule A de la figure précédente n'est pas reliée à cette chaîne, c'est pour cela qu'elle n'est plus reproduite dans ce dessin. Il est absolument certain que les restes fusoriaux en B et C sont en continuité de substance. Il n'est pas certain que le tronçon i soit relié à celui de B. Il est certain que les autres tronçons numé- rotés sont en continuité de substance les uns avec les autres. Le détail des cellules par lesquelles ils passent n'a pas été donné, parce que ces cellules chevauchent les unes sur les autres, ce qui en rend les contours indécis. Pour plus d'explication voir le texte. FIG. 24. Série B. Chaîne de ponts fusoriaux reliant quatre spermatocytes au repos. Les vacuoles ont presque disparu. Explication dans le texte. FIG. 25. Chaîne semblable, même ampoule que la dernière. Spermatocytes. CB, contour de la cellule basale. Il n'est pas certain que la chaîne passe à travers la cellule F, ou dessous. Elle paraît passer sous D, mais en lui envoyant une branche latérale. Elle passe certainement à travers B et C. Aux endroits où la chaîne paraît coudée, — aux articulations, -- les ponts sont reliés entre eux par des ligaments d'une substance plus pâle, homogène, qui rappelle la substanc : pâle qui sépare les deux moitiés de la plaque fusoriale dédoublée de la Fig. 6. J'fcAW fy-2 Fùh9 Fig. 10. '■-?*'' Fuy.J. Fuj//. FigA. Fiff. 13 Fuj.6 fiff. 2o - - Fig.7 **/>-- Pt/a *L SB ^vir ■,< - ^â^Vr^?^".-- >£ /*/. ijr. Ptg Si-. ■ ■ CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA STRUCTURE INTERNE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE chez le Poulet et chez la Truite l'.\i; le Dr Is. MARTIN. (Travail fait a l'Institut Vésale et présenté au concours universitaire le 31 janvier 1894.) CONTRIBUTION A L'ETUDE DE LA STEUCTUEE INTEENE MOELLE ÉPINIÈRE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE La méthode au chromate d'argent fut inventée par Golgi(i) vers l'année 1875; mais c'est à Ramon y Cajal que revient le grand mérite d'avoir mis en évidence toute la valeur de cette méthode en l'appliquant à l'étude du système nerveux embryonnaire et en montrant qu'à cette époque les fibres nerveuses, encore dépourvues de leur gaine de myéline, fixent par- faitement le chromate d'argent dans toute leur étendue. C'est grâce à cette méthode si ingénieuse que le savant professeur de Pavie lui-même, Ramon y Cajal, Kollikek, Lenhossek, Van Gehuchten, Retzius et bien d'autres ont fait, dans ces dernières années, des découvertes vraiment remarquables dans l'histologie du système nerveux. Il y a longtemps que nous désirions entreprendre quelques recherches sur la structure interne de la moelle épinière des vertébrés, afin de nous former une opinion basée sur des observations personnelles; une des questions posées pour le concours universitaire de l'année 1893-1894 : » appliquer la méthode de Golgi ou de Ramon y Cajal à l'étude d'une partie du système nerveux d'un animal vertébré; présenter des préparations bien démonstra- tives, « nous engagea à mettre ce projet à exécution. Nous avions avant tout pour but d'appliquer la méthode de Golgi à l'étude de la moelle d'embryons de poulet arrivés à différents stades de développement. C'est là, en effet, l'objet d'étude de prédilection de tous ceux qui ont essayé d'éclaircir, avec les méthodes nouvelles, la structure si complexe de la moelle épinière. (1) Golgi :. Sulla fina struttura dei bulbi olfattorii; Reggio Emilia, 1875. 56 Is. MARTIN En choisissant cet objet d'étude si facile à obtenir, nous nous mettions à même de contrôler, à notre tour, tous les faits nouveaux qui ont été signa- lés clans ces dernières années; en même temps, par la comparaison de la réduction obtenue dans nos coupes et des dessins qui accompagnent les travaux des auteurs, il nous était donné de constater si, oui ou non, la mé- thode de Golgi, si inconstante dans ses résultats, en donnait de sérieux entre nos mains. Nous nous proposions ensuite d'appliquer la nouvelle méthode à l'étude de la structure interne de la moelle épinière dans un groupe de vertébrés qui, jusqu'à cette époque, avait presque complètement été oublié dans les recherches des auteurs : nous voulons parler de la moelle épinière des poissons. Nous avons eu la bonne fortune de pouvoir disposer, pendant les mois de février, mars, avril 1893, d'un certain nombre de jeunes truites à tous les stades de développement, et nous avons cru l'occasion favorable pour tenter une étude de l'organisation interne de leur moelle épinière. Nous espérions ainsi pouvoir apporter à la suite de nos recherches sur la moelle des oiseaux, qui ne pouvaient que confirmer des faits déjà connus, quelques données nouvelles, destinées à rehausser la valeur de notre travail. Malheureusement, nous n'avons pu réaliser qu'une partie de notre pro- gramme; les éléments nerveux de la moelle de truite semblent réduire le sel d'argent plus difficilement que ceux de la moelle des oiseaux et des mammifères. Aussi, malgré nos essais réitérés et les légères modifications que nous avons apportées à la méthode de Golgi, soit en augmentant la proportion d'acide osmique du bain osmio-bichromique, soit en prolon- geant ou en raccourcissant la durée de fixation, soit en employant la méthode de la double et même de la triple imprégnation recommandée par Ramon y Cajal, nous n'avons obtenu, dans les centaines de coupes que nous avons pratiquées, qu'un certain nombre de préparations quelque peu réussies, montrant quelques-uns des éléments constitutifs de la moelle des poissons. A l'époque où nous commencions nos recherches, le travail de Nan- sen (1) sur la moelle épinière des poissons cyclostomes et l'article de : Nansen ; The structure and combination of the histological cli ments of tke central nervous System ; Bergens Muséums Aarsberetnmg, p. i63, LA MOELLE ÉPINIÈRE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE 57 Lenhossek(i) sur quelques éléments constitutifs de la moelle d'embryons de Prisiiurus étaient les seules publications, à notre connaissance, dans lesquelles la méthode au chromate d'argent avait été appliquée à l'étude de la moelle épinière des poissons. Au mois de juin 1893 parut le cinquième volume des » recherches biologiques <- de Retzius (2), dans lequel ce savant consacre un chapitre à la description des cellules épendymaires et de quelques cellules nerveuses de la moelle épinière de Salmo. Ces recherches, entreprises d'une façon indépendante des nôtres, venaient confirmer dans leurs points essentiels les résultats que nous avions obtenus, plusieurs semaines auparavant, dans nos recherches sur l'organisation interne de la moelle épinière de la truite. Le présent mémoire renferme donc les résultats de nos recherches sur la moelle d'embryons de poulet du 5e au 15e jour d'incubation et sur la moelle de truites âgées de 1 à 13 jours. Pour mettre un peu d'ordre dans notre description, nous nous propo- sons de traiter successivement les différents points suivants : i° La forme et la disposition des cellules nerveuses de la moelle, qui donnent origine aux fibres motrices périphériques et que l'on désigne communément aujourd'hui sous le nom de cellules radiculaires. 20 La forme et la disposition des cellules nerveuses qui entrent dans la constitution des ganglions spinaux, et la façon dont se comportent les fibres sensitives de la racine postérieure à leur entrée dans la moelle épi- nière. 3° La description de quelques éléments constitutifs de la substance grise de la moelle, connus sous le nom de cellules des cordons. 4° L'origine et le mode de terminaison des collatérales naissant des fibres nerveuses qui forment les différents cordons de la substance blanche de la moelle. 5° Quelques mots sur les cellules épendymaires. (1) Lenhossek : Beobachtungen an den Spiimlganglien und dem Rùckenmark von PHstiurus- embryonen ; Anat. Anz , 1892, Jahrg. VII. (2) Retzius : Biologische Untersuchungen ; Neue Folge, V. 1893. 58 Is. MARTIN I. LES CELLULES RADICULAIKES. En 1851, Rud. Wagner (i) a établi que, parmi les différents prolonge- ments qui dépendent des cellules nerveuses de la torpille, un seul était en rapport avec une fibre nerveuse. Cette découverte importante fut bientôt confirmée par Remak et par Deiters (2) pour les cellules nerveuses de la corne antérieure de la moelle. Ces savants crurent pouvoir tirer de leurs observations cette conclu- sion importante, que le prolongement spécial des cellules nerveuses de la corne antérieure devenait le cylindre-axe d'une fibre motrice de la racine antérieure. Il convient cependant de faire remarquer que cette opinion de Remak et de Deiters, concernant les cellules motrices de la corne antérieure de la moelle, n'était pas rigoureusement établie par les faits d'observations, puisqu'il avait été impossible à ces auteurs de poursuivre ce prolongement spécial depuis la cellule d'origine jusqu'en dehors de la moelle dans la racine antérieure du nerf périphérique. Ce fait n'a été constaté en toute évidence que depuis l'application de la méthode au chromate d'argent, d'abord par Golgi lui-même, puis par Ramon y Cajal, Kôlliker, Van Gehuchten, Lenhossek, Cl. Sala, Retzius, etc. Ces cellules d'origine des fibres motrices périphériques ont reçu de Ramon y Cajal le nom de cellules radiai! aires. Nous avons retrouvé ces cellules radiculaires dans un grand nombre de nos préparations, tant dans la moelle embryonnaire de poulet, que dans la moelle de la truite. Notre fig. 1 représente quelques-unes de ces cellules, empruntées à la moelle de poulet au 12e jour d'incubation. Les cellules radiculaires chez le poulet sont situées dans les différentes régions de la corne antérieure ; elles affectent les formes les plus variées, triangulaires, polygonales ou ovalaires. Elles présentent de nombreux pro- longements protoplasmatiques, qui se ramifient dans la substance grise, un peu dans toutes les directions, et dont plusieurs s'avancent même en dehors jusqu'entre les fibres constitutives de la substance blanche périphérique. (1) Wagner : Handworteibuch der Physiologie; Bd. III, iS5i. (2) Deiters : Untersuckungen ùbcr Gehirn und Rûc/cenmark des Menschen und der Sàugethiere ; i865. LA MOELLE EPINIEEE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE 59 Lorsque les cellules radiculaires sont situées dans la partie interne de la corne antérieure, on voit des prolongements protoplasmatiques traverser la commissure antérieure et s'y entrecroiser avec ceux venant de l'autre côté. C'est la commissure protoplasmatique décrite par Ramon y Cajal(i) et Van Gehuchten (2) dans la moelle des oiseaux et des mammifères, et retrouvée par Cl. Sala (3) dans la moelle épinière des batraciens. Tous ces prolongements protoplasmatiques sont très irréguliers; ce sont de véritables arborisations, dont les différentes branches se terminent toujours librement en gardant leur indépendance. Le prolongement cylindraxile se détache tantôt du corps cellulaire, tan- tôt d'un gros prolongement protoplasmatique; il présente généralement à son origine un petit épaississement triangulaire. Il traverse la corne antérieure de la substance grise et la substance blanche voisine, en décrivant le plus souvent plusieurs flexuosités, et peut être poursuivi quelquefois très loin dans la racine antérieure; fréquemment on le voit s'arrêter soit à la périphérie même de la moelle, soit dans la zone la plus externe de la substance blanche. Cette dernière disposition des prolongements cylindraxiles des cellules radiculaires nous a intrigué pendant longtemps, au point que nous avons hésité au début, pour décider s'il fallait réellement considérer les cellules réduites dans la moitié droite de la fig. 1 comme des cellules radiculaires. Il nous semblait étrange, en effet, de voir la réduction du prolongement cylindraxile s'arrêter tout juste à la périphérie de la moelle. L'explication de cette disposition spéciale nous a été fournie par des coupes longitudinales et frontales, fig. 2, 'de la moelle épinière d'un embryon de poulet, passant par les points d'émergence des racines antérieures. Quand la réduction a quelque peu réussi, on voit souvent les fibres radiculaires de la corne antérieure sortir de la moelle et s'étendre un peu au-delà du ganglion intervertébral correspondant. Sur ces coupes, on constate ce fait important, que les fibres motrices de la racine antérieure ne proviennent pas exclusivement des cellules (i) Ramon y Cajal : Nucvas observaciones sobre la estruciura de la modula espinal de los mamiferos; Barcelone, 1890. (2) Van Gehuchten : La structure des centres nerveux, la moelle épinière et le cervelet; La Cellule, t. VII, ir fascicule, p. 7, 1S91. — Les éléments nerveux moteurs des racines postérieures ; Anat. Anz , VIII. Jahrgang, iSg3. (3) Cl. Sala : Estructura de la medu'.a espinal de los latracios; Barcelone, 1S92. 6o Is. MARTIN motrices de la substance grise, placées au niveau où se fait la pénétration de ces fibres dans la substance blanche. A leur entrée dans la substance blanche, on voit, en effet, les fibres de la racine antérieure s'écarter en éventail les unes des autres ; les moyennes seules pénètrent horizontalement, les supérieures et les inférieures prennent une direction oblique ascendante ou descendante, pour traverser la sub- stance blanche et se rendre dans la substance grise, où elles rejoignent leurs cellules d'origine. L'examen de la fig. 2 prouve aisément que toutes les coupes trans- versales de la moelle faites dans l'espace compris entre deux ganglions spinaux superposés rencontrent les fibres radiculaires obliques; ce n'est que sur les coupes passant par le ganglion spinal que l'on pourra poursuivre les prolongements cylindraxiles des cellules radiculaires jusque en dehors de la moelle. Golgi, Ramon y Cajal, Van Gehuchten (i) et Lenhossek (2) ont démontré que le prolongement cylindraxile des cellules radiculaires pouvait émettre en traversant la substance blanche de petites collatérales, qui rentrent dans la substance grise pour s'y terminer par des ramifications libres. Golgi considérait cette disposition comme générale, tandis que Ramon y Cajal, Van Gehuchten et Lenhossek n'ont trouvé ces collatérales que dans quelques cas rares et isolés; nous n'avons pas eu la bonne fortune jusqu'ici d'en rencontrer dans nos préparations. Nos recherches sur la moelle des jeunes truites nous ont donné la réduction de quelques cellules radiculaires ; nous en avons dessiné trois dans la fig. 3, a. Elles présentent toutes les trois un corps cellulaire volumineux, de forme quelque peu allongée, et des prolongements protoplasmatiques très irré- guliers qui se ramifient librement, surtout du côté externe, et dont quelques- uns s'avancent à travers la substance blanche jusque près de la périphérie de la moelle. Les prolongements cylindraxiles naissent, comme chez le poulet, tantôt du corps cellulaire, tantôt d'un gros prolongement protoplasmatique, en présentant souvent à leur origine un petit épaississement triangulaire; (1) Van Gehuchten : Les éléments nerveux moteurs des racines postérieures ; Anat. Anz., VIII. Jahrg., 1893. (2) Lenhossek : Der feinere Bau des Nervensy stems im Lichte neuester Forschungen ; Fort- schritte d. Medicin, 1892, Bd. X, p. 716. LA MOELLE ÉPINIÈRE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE 0 1 puis, ils traversent la substance grise et la substance blanche, sans donner naissance à aucune collatérale, et ils sortent par la racine antérieure. Nos observations confirment sur ce point les recherches récentes de Retzius (i), faites indépendamment des nôtres, sur la moelle épinière de Saltno. Elles concordent également avec les observations de Lenhossek (2) sur les cellules radiculaires de la moelle des embryons de Pristiurus. On avait toujours cru, jusque dans ces derniers temps, que la vieille loi physiologique établie par Ch. Bell, que les racines postérieures ne contenaient que des fibres sensitives et les racines antérieures que des fibres motrices, était à l'abri de toute contestation. Les dernières recherches faites par la méthode de Golgi paraissent prouver clairement qu"il existe des exceptions à cette loi fondamentale. Déjà en 1878, FreudC3) signalait, dans ses recherches sur les ganglions spinaux de Petromyion, l'existence de fibres nerveuses traversant les gan- glions spinaux, sans entrer en relation avec une cellule bipolaire; mais il ne put déterminer ni l'origine ni la terminaison de ces fibres. En février 1890, Ramon y Cajal (4) remarqua, dans une coupe de moelle de poulet au 5e jour d'incubation, l'existence de grosses fibres nerveuses venant de la racine postérieure et s'avançant jusque dans la corne antérieure de la moelle. Au mois de juillet de la même année, Lenhossek (5) obtint la ré- duction de cellules de la corne antérieure de la moelle de poulet au 4e et au y jour d'incubation, dont les cylindre-axes traversaient toute la substance grise et sortaient par la racine postérieure. Bientôt, Ramon y Cajal (6) vînt confirmer les observations si curieuses de Lenhossek. (i) Retzius : Op. cit. (2) Lenhossek : Op. cit. (3) Freud : Uebcr Spinalganglien und Rùckenmark des Petromy^on ; Sitzungsber. der K. K. Akad. der Wiss., Wicn, 1878, Bd. 78, Abt. 3, p. 81. (4) Ramon y Cajal : Sur l'origine et les ramifications des fibres nerveuses de la moelle em- bryonnaire; Anat. Anz., 1890, Jahrg. V, p. 112. (5) Lenhossek : Ueber Nervenfasern in den hinteren Wurçeln, welche aus dem Vorderhorn entspringen; Anat. Anz., 1S90, Jahrg. V, p. 360-362. (6) Ramon y Cajal : A quelle époque apparaissent les expansions des cellule': nerveuses de la moelle épinière du poulet; Anat. Anz., 1890, Jahrg. V, p. 6i3. 8 62 Is. MARTIN En juillet 1893, Van Gei-iuchten(i) démontra l'existence de ces cellules spéciales dans une moelle de poulet au 1 ie jour d'incubation et, tout récem- ment encore, Retzius (2) les retrouva dans une moelle embryonnaire de poulet au 8e jour d'incubation. Nous avons obtenu également, dans une coupe de moelle de poulet au 12e jour d'incubation, la réduction de deux magnifiques cellules, situées dans la partie externe de la corne antérieure, dont les cylindre-axes tra- versent toute la substance grise et s'étendent jusqu'au point d'émergence de la racine postérieure. Les deux cellules se superposant, nous avons cru préférable de les dessiner séparément, fig. 4 et 5. Ces cellules sont volumineuses et ont tout à fait l'aspect des cellules radiculaires; elles présentent de nombreux prolongements protoplasmatiques très irréguliers, qui se ramifient librement dans toutes les directions et dont plusieurs vont se terminer dans la substance blanche du voisinage. Le prolongement cylindraxile dans la fig. 4 se détache directement du corps de la cellule, puis traverse la substance grise en décrivant quel- ques petites flexuosités et se recourbe alors brusquement en dehors, avant de sortir par la racine postérieure. Le cylindre-axe de la seconde cellule, fig. 5, naît d'un gros prolonge- ment protoplasmsrtique, suit à peu près le trajet de l'autre en se tenant un peu plus en dehors, puis s'infléchit aussi brusquement, avant de sortir par la racine postérieure. Ces deux prolongements cylindraxiles né présentent pas de collatérales pendant leur trajet à travers toute l'épaisseur de la moelle épinière. Nous considérons, avec Lenhossek, Ramon y Cajal, Van Gehuchten et Retzius, ces cellules comme des éléments moteurs, mais nous ignorons quel rôle leur est réservé dans l'innervation générale. On les désigne sous le nom de cellules radiculaires postérieures, poul- ies distinguer des cellules radiculaires antérieures ou cellules qui donnent origine aux fibres de la racine antérieure. En observant ces cellules spéciales, nous avons eu de la peine à nous défaire de l'idée, que c'étaient peut-être là des éléments nerveux dont les pro- longements cylindraxiles allaient se terminer dans les ganglions de la chaîne (1) Van Gehuchten : Les élémei trs des racines postérieures; Anat. Anz., VIII. Jahrg., 1893. (2) Retzius : Biologische Untersuchungen; Neue Folge, V, i8g3. LA MOELLE ÉPINIÈRE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE 63 sympathique, et mettre ainsi ce second système, si important et encore si énigmatique, sous l'influence du système nerveux cérébro-spinal. Nous devons cependant ajouter qu'il nous a été impossible de pour- suivre ces prolongements cylindraxiles jusqu'en dehors de l'axe nerveux, de telle sorte qu'il nous serait impossible d'apporter la moindre preuve pour confirmer notre hypothèse (1). A propos des cellules radiculaires postérieures, il convient de faire re- marquer, ce que les auteurs semblent oublier quelque peu, que ces cellules n'ont encore été signalées jusqu'ici que dans la moelle embryonnaire du poulet. Rien ne prouve par conséquent que ce soit là une disposition générale devant se retrouver dans la moelle des mammifères et de l'homme, dont la structure est plus complexe. Le seul fait qui plaiderait cependant en faveur de leur existence chez les vertébrés supérieurs, c'est l'observation de Joseph (2), d'après laquelle la section des racines postérieures des nerfs spinaux, faite en dedans du gan- glion spinal, détermine dans le nerf périphérique la dégénérescence d'un certain nombre de fibres nerveuses. Dans la moelle épinière de truite, nous n'avons pas encore retrouvé ces cellules radiculaires postérieures; cependant, Freud (3) a signalé dans les ganglions spinaux du Petromy\on des fibres nerveuses indépendantes des cellules du ganglion et qui ont probablement aussi leur origine dans la substance grise. II. GANGLIONS SPINAUX ET RACINES POSTÉRIEURES. A. Les ganglions spinaux. Ehrenberg découvrit le premier les cellules nerveuses des ganglions spinaux, mais on considéra longtemps celles-ci comme indépendantes des fibres sensitives de la racine postérieure. En 1847, Robin, Rud. Wagner et Bidder (4) trouvèrent dans les (1) Depuis que ces pages ont été écrites (Janvier 1894), Lenhossek a exprimé la même opinion en se basant sur les recherches expérimentales de Steinach, d'après lesquelles l'excitation par des courants induits des racines postérieures chez la grenouille produit des contractions locales et des mouvements péristaltiques et antipéristaltiques de l'intestin. (Lenhossek -. Bcitrdge \ur Histologie des Nervensrstems ; Wiesbaden, 1894, pp. 186 et 187.) (2) Joseph : Zur Physiologie der Spinalganglien ; Archiv f. Anat. 11. Phys.. 1887, l'hysiol. Abih.. p. 2. (3) Freud : Op. cit. (4) Cités d'après Van Gehuchten. 64 Is. MARTIN ganglions spinaux des poissons des cellules bipolaires qui se continuaient avec une fibre nerveuse à chacune de leurs extrémités. Kôlliker(i) signala, en 1844, l'existence des cellules unipolaires dans les ganglions spinaux de la grenouille. Les recherches de Schwalbe, Stieda, Ranvier, Axel Key et Retzius, établirent d'une manière irréfutable l'existence des cellules unipolaires dans les ganglions spinaux des mammifères, des oiseaux, des reptiles et des batraciens. Il semblait dès lors exister une différence fondamentale entre les gan- glions spinaux des poissons, qui ne contenaient que des cellules bipolaires, et ceux des batraciens, des reptiles, des oiseaux et des mammifères, où on n'avait rencontré que des cellules unipolaires. En 1875, Ranvier (2) et bientôt après Axel- Key et Retzius (31 établis- sent clairement que le prolongement unique de certaines cellules des gan- glions spinaux présente chez les mammifères, non loin de la cellule d'origine-, une division tantôt en T, tantôt en Y ; ils ne peuvent cependant pas décider par leurs observations si c'est là un fait constant pour toutes les cellules des ganglions spinaux. Ce fait de la division du prolongement unique en deux fibres distinctes tendait donc à faire disparaître la différence morphologique qui séparait les cellules des ganglions spinaux des poissons de celles des ganglions spinaux des mammifères. Bientôt après, Freud (4), dans ses recherches sur les ganglions spinaux du Petromy^on, trouva dans un même ganglion des cellules unipolaires, des cellules bipolaires et toutes les formes intermédiaires entre ces deux extrêmes. En 1880, Retzius (5), grâce à une méthode spéciale à l'acide osmique, démontre l'existence des cellules bipolaires chez les poissons et des cellules (ij Kôlliker : Die Selbstàndigkeit und Unabhangigkeit des sympatischen Nervcnsystcms ; Zurich, 1844, p. 21 (cité d'après Lenhossek). (2) Ranvier : Des tubes nerveux en T et de leurs relations avec les cellules ganglionnaires; Comptes rendus de TAcad. des sciences, 1875, t. LXXXI, p. 1274. (3) Axel-Kev et Retzius : Studien in der Anatomic des Nervensystems und des Bindegetvebes ; Stockholm. 1876. (4) Freud : Uebcr Spinalganglien utid Rûckenmark des Petrômyjon; Sitzungsb. d. mathem. wiss. Cl. d. K. AUad. Wiss., Wien, Bd. 78, III. Abth., pp. 81-167, !879- Retzius : Untersuchungen ùber die Nerven^ellen der cerebrospinalen Ganglien und der ûbrigen peripherischen Kopfganglien; Archiv f. Anat u. Phys., Anat. Abth., 18S0, pp. 369-398. LA MOELLE EPINIÈRE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE 65 unipolaires chez tous les autres vertébrés. Ce savant fait remarquer qu'après la bifurcation du prolongement unique des cellules unipolaires, une des fibres est beaucoup plus grêle que l'autre, mais il ne sait ce qu'elles de- viennent. A la même époque, Stiénon (i), dans ses recherches sur la structure des ganglions spinaux chez les mammifères, les oiseaux, les reptiles et les batraciens, rencontre seulement dans quelques cellules la bifurcation du prolongement unique et il ne peut décider si cette disposition est une règle générale pour tous les prolongements des cellules ganglionnaires des verté- brés supérieurs. La division du prolongement unique des cellules unipolaires ne fut pas retrouvée par Rawitz(2); aussi cet auteur maintient-il une différence fon- damentale entre les cellules des ganglions spinaux des poissons et celles des ganglions spinaux des autres vertébrés. Lenhossek (3) le premier a pu démontrer que la fibre grêle, qui provient de la division du prolongement unique, est toujours la fibre cen- trale, c'est-à-dire celle qui va rentrer dans la moelle. En 1 886, His (4) fit des recherches sur les ganglions spinaux d'embryons humains; il put constater toutes les formes intermédiaires entre les cellules bipolaires et les cellules unipolaires; sur des embryons de cinq semaines, il ne rencontra que des cellules bipolaires, tandis que dans les ganglions spi- naux d'embryons de neuf semaines il ne retrouvait plus que des cellules unipolaires avec quelques formes intermédiaires. Ramon y Cajal (5) appliqua la méthode de Golgi sur les ganglions spi- naux de l'embryon de poulet; vers le 8e jour d'incubation, il ne trouva que des cellules bipolaires, tandis que plus tard, vers le 20e jour, ses préparations montraient les formes intermédiaires entre les cellules bipolaires et les cellules unipolaires. Comme pour les cellules de la grenouille, étudiées par Lenhossek, le prolongement central se montre ici plus grêle que le prolongement périphérique. (ii Stiénon : Recherches sur la structure des ganglions spinaux chef les vertébrés supérieurs; Annales de l'université de Bruxelles, t. I, pp. 147-163, 1880. (2) Rawitz : Ueber den Bau der Spinalganglien ; Archiv f. mikrosk. Anat., Bd. 18, p. 3oi, 1880. (3; Lenhossek : Untersuchungen ûber die Spinalganglien des Frosches; Arch. f. mikr. Anat., Bd. 26, pp. 270-453, 1886. [4I His : Zur Geschichte des menschlichen Rûckcnmarkes und der Nervenwurjeln ; Abhand. der mathemat. pbys. Cl. d. K. Sachs. Ges. der Wiss., Bd. XIII, n° VII. pp. 477-514, 1886. (5) Ramon y Cajal : Contribution al estudio de la estructura de la médula espinal ; Revista trimestrial de Histologia normal y pathologica, n° 3 et 4. p. 90, 1889. 66 Is. MARTIN Ce même savant (1) étudia les ganglions spinaux de rats nouveau-nés et n'y trouva que des cellules unipolaires avec la division en T ou en Y; comme chez le poulet, le prolongement interne beaucoup plus grêle rentre dans la moelle, tandis que l'autre devient fibre périphérique. Retzius observa, vers la même époque, l'existence de cellules nette- ment bipolaires dans les ganglions spinaux d'embryons de chat. En 1892, Van Gehuchten (2) vint confirmer les mêmes faits chez l'embryon de canard au 20e jour d'incubation et chez la souris blanche nouveau-née. Il semble donc établi par toutes ces recherches que les cellules consti- tuantes des ganglions spinaux de tous les vertébrés, les poissons exceptés, commencent par être des cellules bipolaires, qui se transforment insensible- ment dans le cours du développement en cellules unipolaires. Chacune de ces cellules donne aussi naissance à deux prolongements : un prolongement interne destiné à la moelle épinière et un prolongement externe se rendant dans le nerf périphérique. Il semble établi aussi que le prolongement interne est, dans l'immense majorité des cas, plus grêle que le prolongement externe. Nous avons retrouvé la même disposition dans les ganglions spinaux des embryons de poulet. Des coupes de moelle de poulet, du 9e-i2e jour d'incubation, nous ont donné une très belle réduction des cellules des ganglions spinaux et nous permettent de confirmer à notre tour les découvertes de Retzius, His, Ramon y Cajal et Van Gehuchten sur les ganglions spinaux des oiseaux. Dans la fig. 6, la plupart des cellules ganglionnaires sont encore net- tement opposito-bipolaires : on peut cependant remarquer qu'un certain nombre d'entre elles évoluent déjà vers la forme unipolaire; c'est alors qu'on voit les deux prolongements partir d'un même côté du corps cellulaire à des distances plus ou moins rapprochées. Cette transformation des cellules unipolaires semble consister, d'après les descriptions de Van Gehuchten, dans la fusion, sur une étendue plus ou moins considérable, des deux pro- longements primitivement indépendants. Nous croyons que le processus n'est pas aussi simple. D'après ce que montrent nos préparations, les prolongements primitifs restent indépendants l'un de l'autre d'une façon (ii Ramon y Cajal : Pequenas communicaciones anatomicas : I Sobre la existencia de termi- naciones nerviosas peri-cellulares en los ganglios nerviosos raquidianos; 20 december 1S90. (2J V.i:.- Gehuchten : Contributions à l'étude des ganglions spinaux; Bull, de l'acad. roy. de Belgique, 3e série, t. XXIV, n° 8, pp. 117-154, 1892. LA MOELLE ÉPINIÈRE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE 6~ permanente; mais dans le cours du développement le corps cellulaire lui- même modifie sa forme, s'accroît considérablement par une de ses faces et produit ainsi insensiblement la transformation de la forme bipolaire en la forme unipolaire. Nous avons taché de reproduire les diverses phases de cette transformation dans la figure schématique 25. On a admis pendant longtemps que les cellules nerveuses des ganglions spinaux des poissons étaient opposito-bipolaires, et on s'appuyait sur ce fait pour établir une distinction morphologique profonde entre les ganglions spinaux des poissons et ceux des autres vertébrés. Freud (i) observa le premier leur transition en cellules unipolaires chez le Petromy^on. Plus tard, Nansen (2) et Retzius (3) firent les mêmes observations chez la Myxine glutinosa, un autre représentant des cyclostomes. Tout récemment encore, Lenhossek (4) a signalé le même fait pour les cellules des ganglions spinaux d'embryons de Prisliurus. Toute différence morphologique semble donc disparaître, puisque, même chez les poissons, on observe la forme unipolaire caractéristique des vertébrés supérieurs. Dans nos recherches sur les ganglions spinaux des jeunes truites, nous avons obtenu la réduction des cellules opposito-bipolaires et unipolaires avec toutes les formes intermédiaires. La fig. 7 représente en a une cellule nettement opposito-bipolaire; dans la cellule b, on voit les deux prolongements partir d'un même point du corps cellulaire; la cellule c est nettement unipolaire. Il en est de même dans la fig. 8. Comme pour les cellules des ganglions spinaux de l'embryon de poulet, le prolongement périphérique est ici beaucoup plus épais, et dans les cellules unipolaires la différence est frappante. La branche périphérique semble continuer le prolongement unique, tandis que la branche centrale n'est qu'une fibrille analogue à une collatérale. (1) Freud : Op. cit. Nansen : The Structure and Combination of thc Instological éléments of the central nervous System ; Bergens Muséums Aarsberetuing, p. i63. 18S6. (3) Retzius : Ueber die Ganglien^êllrn der Ccrcbro-Spinalganglien und ûber subalterne Ganglien- \ellen bel Myxine glutinosa ; Bioi. Unters., Neue Folge, I, pp. 91-99, Stockholm, 1890. (4) Lenhossek : Beobachtungen an den Spinalganglicn und dem Rùckenmark von Pristiurus Embryonen ; Anat. Anz., Jahrg. VII, 1892, 68 Is. MARTIN Conclusions. i° La forme unipolaire des cellules des ganglions spinaux n'existe pas seulement chez les mammifères, les oiseaux, les reptiles et les batraciens, comme on l'avait cru pendant longtemps, mais se retrouve aussi chez un grand nombre de poissons adultes : Myxine, Petromy\on (Freud, Nansen et Retzius), Pristiuras (Lenhossek) et la truite (d'après nos observations). 2° La forme bipolaire s'observe donc chez les embryons de tous les vertébrés sans distinction aucune. B. Racines postérieures. Nous savons par les recherches embryologiques de His (î) que les fibres des racines postérieures ne sortent pas de la moelle épinière, mais qu'elles proviennent des cellules nerveuses des ganglions spinaux et que, pendant le cours du développement, elles pénètrent dans les cordons posté- rieurs de la moelle pour y devenir des fibres constitutives de ce cordon. Nansen le premier, en étudiant avec la méthode de Golgi la structure interne de la moelle épinière de VAmphioxus, a fait cette découverte impor- tante, que les fibres des racines postérieures, à leur entrée dans la moelle, se bifurquent en une branche ascendante et une branche descendante. Cette disposition a été retrouvée par Ramon y Cajal chez les oiseaux et les mammifères et a été bientôt confirmée par Kolliker, Van Gehtjchten, Retzius, Lenhossek, Cl. Sala et bien d'autres, pour la moelle des ba- traciens, des oiseaux et des mammifères. Dans nos recherches sur la moelle embryonnaire du poulet, nous avons eu plusieurs fois l'occasion de vérifier l'exactitude de cette disposition si importante. Pour ne pas allonger inutilement ce travail, nous n'apportons comme preuve de l'exactitude de cette disposition qu'une seule figure excessivement démonstrative. C'est une coupe longitudinale et frontale d'une moelle d'un embryon de poulet au 12e jour d'incubation, passant près de la face postérieure de la moelle; elle montre d'une manière claire et évidente la façon dont se com- portent les fibres des racines postérieures à leur entrée dans la moelle épinière. (1) His : Op. cit. LA MOELLE ÉPINIÈRE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE 69 On constate parfaitement dans la fig. 9 la bifurcation en Y de plu- sieurs fibres sensitives et, malgré le grand nombre de fibres réduites, on peut en poursuivre quelques-unes et observer qu'il s'en détache de petites collatérales. La même bifurcation des fibres sensitives dans les cordons postérieurs de la moelle se retrouve chez les batraciens d'après les observations de Cl. Sala. Dans la moelle épinière des poissons, le fait n'a pas encore été signalé, si ce n'est pas Nansen dans la moelle de Petromyion. Lenhossek ne l'a pas observé clans les embryons de Pristiurus, et Retzius ne le signale pas davantage dans ses observations sur la moelle de Salmo. Dans la moelle épinière de truite, nous avons retrouvé cette bifurcation typique des fibres des racines postérieures à leur entrée dans le cordon postérieur. Les fig. 8 et 11 représentent l'arrivée de trois fibres sensitives dans la moelle et leur bifurcation en Y comme chez les oiseaux. La fig. 10 montre la même disposition. Pour bien comprendre cette dernière figure, il faut remarquer que, chez les jeunes truites que nous avons examinées, les ganglions spinaux sont situés sur la face latérale de la moelle épinière, dans le voisinage immédiat de la racine antérieure. Des deux prolongements qui proviennent de chaque cellule de ces gan- glions, l'un, le plus grêle, se dirige toujours -en arrière et en dedans pour pénétrer dans la moelle épinière; l'autre, le plus épais, va devenir le cylindre-axe d'une fibre périphérique. Parmi ces prolongements périphé- riques, quelques-uns quittent le ganglion par sa face dorsale, longent la partie voisine de la racine postérieure du nerf, pour pénétrer ensuite dans les tissus du dos, ainsi que nous l'avons représenté dans la figure sché- matique 12. Si on pratique une coupe oblique passant par les flèches A-B, on aura nécessairement dans cette coupe à la fois les fibres de la racine postérieure, qui sont minces et grêles, et une partie des fibres périphériques, plus épaisses que les premières. C'est ce que l'on observe dans la fig. 10. Les cellules ganglionnaires ne sont pas comprises dans la coupe, mais on voit très bien les deux faisceaux de fibres sortir des ganglions spinaux. Les unes, plus épaisses, se prolongent bien loin à la périphérie; les autres, 70 Is. MARTIN beaucoup plus grêles, pénètrent dans la moelle et, arrivées dans le cordon postérieur, elles se bifurquent en une branche ascendante et une branche descendante. Nous poupons doue conclure d'après nos recherches sur la moelle de la truite : i° Que les cellules des ganglions spinaux des téléostéens sont d'abord opposito-bipolaires et deviennent insensiblement unipolaires, comme Freud, Nansen et Retzius l'ont observé chez les cyclostomes et comme Lenhossek l'a décrit chez les embryons de Pristiurus. 2° Que les prolongements internes des cellules des ganglions spinaux de la truite, arrivés dans le cordon postérieur de la moelle, se bifurquent en une branche ascendante et une branche descendante; ce qui confirme les recherches de Nansen chez le Petromyçon. III. CELLULES DES CORDONS. La substance grise de la moelle épinière est excessivement riche en cellules nerveuses. Nous savons par les recherches récentes que toutes les cellules qu'on y trouve appartiennent aux deux types cellulaires découverts par Golgi : i° Les cellules nerveuses à cylindre-axe long, considérées par Golgi comme des cellules motrices. 2° Les cellules nerveuses à cylindre-axe court, dans lesquelles Golgi crut devoir reconnaître des éléments nerveux sensitifs. Les observations concordantes de ces dernières années semblent pour- tant peu favorables à cette division physiologique établie par Golgi entre ces deux espèces de cellules nerveuses. Pour ne rien préjuger sur la nature fonctionnelle, les auteurs sont unanimes actuellement à les désigner sous le nom de cellules nerveuses à cylindre-axe long et cellules nerveuses à cylindre-axe court ou cellules de Golgi. Les cellules de Golgi semblent prédominer dans les cornes postérieures; nous ne les avons pas obtenues réduites dans nos nombreuses coupes de moelle du poulet et de la truite. Le plus grand nombre des cellules nerveuses de la substance grise ap- partiennent cependant au groupe des cellules nerveuses à cylindre-axe long. Golgi et Ramon y Cajal ont démontré que le prolongement cylindraxile de toutes ces cellules nerveuses se rendait dans la substance blanche de la LA MOELLE EPINIEEE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE 71 moelle pour y devenir le cylindre-axe d'une fibre constitutive; Ramon y Cajal a appelé ces cellules de la substance grise : cellules des cordons. Et comme, parmi ces cellules, les unes envoient leur prolongement cylin- draxile dans la substance blanche de la moitié correspondante de la moelle, tandis que les prolongements cylindraxiles des autres passent par la com- missure antérieure pour se rendre dans la substance blanche de la moitié opposée, Ramon y Cajal a proposé d'appeler ces dernières cellules commis- surales et de réserver aux premières le nom de cellules des cordons propre- ment dits. Comme Van Gehuchten (i) l'a fait remarquer, cette dénomination de cellules commissurales porte à confusion, puisqu'elle pourrait faire penser à priori qu'il s'agit ici d'éléments nerveux analogues aux éléments du cerveau antérieur, qui entrent dans la constitution du corps calleux et de la com- missure antérieure, c'est-à-dire des éléments nerveux qui relieraient l'une à l'autre la substance grise des deux moitiés de la moelle. Aussi propose-t-il de conserver la dénomination de cellules de cordons à tout le groupe des cellules à cylindre-axe long, mais d'y distinguer des cellules des cordons tautomères ou cellules de cordon dont les cylindre-axes se terminent dans la moitié correspondante de la moelle et des cellules des cordons hétéromèresou cellules de cordon dont les cylindre-axes se terminent dans la moitié opposée de la moelle. A. Les cellules des cordons proprement dits ou cellules des cordons tautomères, chez l'embryon de poulet, sont éparpillées un peu partout dans la substance grise et affectent les formes les plus variées, comme on peut le remarquer dans les fig. 1,6, 13 et 14. Leurs prolongements protoplasmatiques toujours très irréguliers se ramifient librement dans la substance grise et s'avancent très souvent entre les fibres constitutives de la substance blanche voisine. Quelques cellules des cordons tautomères, situées dans la région interne de la corne postérieure, émettent des prolongements protoplasmatiques, qui traversent la commissure postérieure pour se terminer dans la substance grise du côté opposé. De même qu'il existe une commissure protoplasmatique au-devant du canal central de la moelle épinière, commissure formée principalement par les prolongements protoplasmatiques des cellules radiculaires, on retrouve aussi une commissure analogue derrière ce canal, commissure formée par les prolongements protoplasmatiques des cellules des cordons. (i) Van Gehuchten: Le système nerveux de l'homme; Leçons professées à l'Univ. de Louvain, 1893. 72 Is. MARTIN Les prolongements cylindraxiles des cellules des cordons proprement dits se séparent tantôt directement du corps cellulaire, tantôt d'un gros pro- longement protoplasmatique et se rendent soit dans le cordon postérieur, soit le plus souvent dans le cordon latéral, quelquefois dans le cordon anté- rieur, mais toujours dans la substance blanche de la moitié correspondante de la moelle. Pendant son trajet à travers la substance grise, le cylindre-axe peut se diviser en deux branches, lesquelles se rendent dans un même cordon ou dans des cordons différents pour y devenir des fibres constitutives de la sub- stance blanche. B. Les cellules des cordons hétéromères occupent toutes les régions de la substance grise. Pour la forme et les prolongements protoplasmatiques, elles ont le même aspect que les cellules des cordons tautomères, mais leurs prolonge- ments cylindraxiles traversent la commissure antérieure et se terminent dans le cordon antéro-latéral de la moitié opposée de la moelle, pour y devenir des fibres constitutives de la substance blanche, fig. 6 et 14. Lenhossek(i) a signalé le premier l'existence des cellules des cor- dons chez les poissons dans ses recherches sur la moelle des embryons de Pristiurus. Tout récemment, Retzius (2) est venu confirmer le même fait dans la moelle de Sahno, et nos recherches, faites tout à fait indépendamment de celles de Retzius, nous ont donné dans la moelle de truite de très belles réductions de cellules des cordons proprements dits et de cellules commis- suralcs. Nous avons dessiné un certain nombre de ces cellules des cordons dans les fig. 3, 15, 16 et 17. Ces cellules sont disséminées un peu partout dans la substance grise; leur forme est souvent allongée, très irrégulière. Leurs prolongements pro- toplasmatiques se ramifient dans la substance grise et s'avancent très sou- vent entre les fibres constitutives de la substance blanche. Lorsque ces cellules sont situées dans la corne postérieure, elles peuvent envoyer des prolongements protoplasmatiques à travers la commissure pos- térieure, fig. 15 et 16, ce qui prouve qu'il existe une commissure protoplas- matique postérieure chez les poissons comme chez les oiseaux. (1) Lenhossek : Op. cit. (2) Retzius : Op. eu. LA MOELLE EPINIERE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE 73 IV. COLLATÉRALES. La substance grise de la moelle n'est pas seulement formée par les corps cellulaires et par les prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses que nous venons d'y décrire, on y trouve encore, comme second élément constitutif, les ramifications entrelacées des fines fibrilles nerveuses qui naissent des fibres nerveuses de tous les points de la substance blanche périphérique et rayonnent dans la substance grise centrale. La découverte de ces ramifications collatérales des fibres nerveuses de la substance blanche est due à Golgi (i) : ce savant entait que ces fines collatérales arrivées dans la substance grise de la moelle prenaient part à la constitution d'un réseau nerveux diffus, dont il admettait l'existence dans tout l'axe cérébro-spinal. Ces ramifications collatérales ont été étudiées d'une façon spéciale par Ramon y Cajal (2), qui leur a donné le nom de collatérales, ensuite par Kôlliker, Van Gehuchten, Lenhossek, Retzius, Ramon y Cajal, Cl. Sala et beaucoup d'autres. Nous avons retrouvé ces collatérales en grand nombre dans toutes nos préparations de moelle embryonnaire de poulet, et dans quelques-unes de nos coupes provenant de la moelle de truite. La façon particulière dont ces collatérales naissent des fibres de la sub- stance blanche s'observe le mieux sur des coupes longitudinales, fig. 18 et 19. Les collatérales se séparent généralement à angle droit des fibres des cordons en présentant souvent un petit épaississement à leur origine, puis elles s'avancent plus ou moins loin dans la substance grise centrale en se bifurquant une ou plusieurs fois. On juge le mieux de la distribution exacte de ces nombreuses collatérales en étudiant des coupes transversales. Presque toutes les collatérales, à leur entrée dans la substance grise, se divisent une ou deux fois, puis se terminent librement en présentant souvent à leur extrémité un épaississement terminal. i° Les collatérales, provenant des fibres du cordon antérieur, se rami- fient principalement dans la substance grise de la corne antérieure. Elles sont assez grosses et décrivent de nombreuses flexuosités. (i) Golgi : Le réseau nerveux diffus des centres nerveux; Arch. Ital. de Biologie, t. XV, 1S91, p. 447. (2) Ramon y Cajal : Sur l'origine et les ramifications des fibres nerveuses de la moelle em- bryonnaire; Anat. Anz. , V. Jabrg., 1890, p. 8g. 74 Is. MARTIN Quelques-unes, provenant surtout de la partie la plus interne du cordon antérieur, traversent la commissure antérieure pour se terminer dans la corne antérieure du côté opposé, fig. 21. 2° Les collatérales naissant des fibres du cordon latéral se rendent généralement dans la substance grise la plus proche, fig. 20; quelques-unes s'avancent parfois assez loin, passent par la commissure postérieure et peu- vent être poursuivies jusque dans la substance grise du côté opposé, fig. 21. 3° Les collatérales du cordon postérieur sont de différentes grandeurs; généralement beaucoup plus grêles que celles du cordon antérieur, elles se bifurquent aussi moins souvent. Le plus grand nombre s'épanouissent dans les régions moyennes de la substance grise, fig. 20, tandis que d'autres s'avancent jusqu'à la corne an- térieure : ce sont là les collatérales sensitivo-motrices de Ramon y Cajal. Tous les auteurs, qui ont étudié le mode de distribution des collatérales dans la substance grise de la moelle, les ont toujours représentées dans les figures qui accompagnent leurs travaux comme se terminant dans la sub- stance grise elle-même. Nous avons observé plusieurs fois dans le cours de nos recherches une disposition différente, déjà signalée par Van Gehuchteni i), qui nous paraît avoir une grande importance. Ainsi que le montre la fig. 22, parmi les collatérales qui viennent des fibres du cordon postérieur, quelques-unes peuvent être poursuivies à travers toute l'étendue de la substance grise, jusque dans la substance blanche du cordon antéro-latéral. On sait que les auteurs ne sont pas encore d'accord sur la valeur phy- siologique qu'il faut attribuer aux prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses. D'après Golgi, Nansen et les élèves de Golgi, les prolongements pro- toplasmatiques ne jouiraient pas de la fonction de conductibilité nerveuse et auraient pour fonction de présider à la nutrition des éléments nerveux. Pour d'autres, Ramon y Cajal, Van Gehuchten, Lenhossek et Retzius, ces prolongements protoplasmatiques jouissent de la conductibilité nerveuse comme le prolongement cylindraxile. Pour soutenir cette manière de voir, ces auteurs se basent surtout sur la disposition spéciale que présentent les cellules nerveuses du bulbe olfactif, les cellules pyramidales de l'écorce cérébrale et les cellules de Purkinje du cervelet. (i) Van Gehucktkn : Contributi ■ ■' téens\ La Cellule, t. X, fasc. i, 1894. LA MOELLE ÉPINIÈRE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE 75 Kôlliker (i), tout en admettant la fonction de conductibilité pour les prolongements protoplasmatiques d'un certain nombre de cellules nerveuses, semble cependant disposé à méconnaître cette fonction de conductibilité aux prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses de la moelle. Le principal argument qu'invoque ce savant en faveur de la non-con- ductibilité des prolongements protoplasmatiques, c'est qu'un certain nombre de prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses de la moelle viennent se terminer entre les fibres constitutives de la substance blanche et que là ils ne peuvent pas se mettre en contact avec les terminaisons des collatérales pour y recueillir l'influx nerveux. La disposition spéciale que nous venons de signaler chez le poulet, c'est-à-dire l'existence de collatérales venant du cordon postérieur et se terminant entre les fibres constitutives du cordon antéro-latéral, renverse, nous semble-t-il, l'argument de Kôlliker. Toutes les collatérales des fibres du cordon postérieur ne se terminent pas dans la substance grise de la moitié correspondante de la moelle. Chez les oiseaux, quelques-unes de ces collatérales traversent la commissure posté- rieure, fig. 21, pour se terminer dans la substance grise du côté opposé. Un point important dans l'étude de ces collatérales, c'est leur mode de terminaison. Pour bien élucider cette question, on doit avoir recours à des coupes dans lesquelles la réduction n'a pas été complète. Dans toutes nos préparations, nous avons toujours vu ces collatérales se terminer librement. Cette observation a son importance. Dans son travail sur la moelle épinière du lapin, Masius (2) décrit et figure des anastomoses non seulement entre les fibrilles nerveuses distinctes (fig. 1 à 6 du travail de Masius), mais aussi entre des fibres nerveuses et des prolongements protoplasmatiques (fig. 13 à 17.) Un grand nombre des anastomoses représentées dans ces figures et considérées par Masius comme appartenant à des fibres distinctes nous semblent être plutôt des divisions et clés subdivisions appartenant à une fibre nerveuse unique. C'est dans ce sens que nous sommes tenté d'inter- préter les fig. 2, 3, 4 et 6 du travail de Masius. Les fig. 13 à 17 peuvent aussi bien être considérées comme réprésen- tant un simple contact entre fibres nerveuses et prolongements protoplas- matiques que de véritables anastomoses. (1) Kôlliker : Handbuch der Gewebelehre des Menschen; Bd. II, Heft I, 1893. Masius : Étude sur la fine anatomie de /.i moelle épittière ;' Bull, de l'Acad. roy. des Sciences, 3e série, t. 23, pp. ij-19, 1891. — Recherches sur le système nerveux central; Arch. de Biol., t. XII, 1892. 76 Is. MARTIN V. CELLULES ÉPENDYMAIRES. Golgi (î) fut le premier auteur qui, grâce à sa méthode, décrivit d'une manière évidente les cellules épendymaires. Quelques années plus tard, Magini(2) signala dans le cerveau embryon- naire des mammifères l'existence de cellules épendymaires, analogues à celles décrites par Golgi. Presqu'en même temps, Ramon y Cajal (3) et Falzacapa (4) confirmè- rent ce fait dans la moelle et le cerveau de l'embryon de poulet. Depuis lors, Van Gehuchten, Kolliker, Lenhossek, Retzius et tous ceux qui ont pratiqué quelque peu la méthode rapide au chromate d'argent sur des moelles embryonnaires, ont pu constater l'exactitude des faits annoncés par le savant professeur italien , car les cellules épendy- maires sont les éléments de la moelle qui se réduisent avec le plus de facilité. La cellule épendymaire est un élément très allongé : l'extrémité interne très courte est renflée et contient le noyau, d'où part un petit prolongement, qui s'avance parfois à l'intérieur du canal central. La portion périphérique, beaucoup plus longue, est toute garnie de petites branches épineuses et se termine par un petit renflement en dessous de la pie-mère. Pour mieux juger de l'aspect que présentent les cellules épendymaires suivant les régions de la moelle qu'elles occupent, nous avons dessiné dans une même figure les cellules épendymaires prises dans les différentes ré- gions d'un certain nombre de coupes de moelle embryonnaire de poulet (8e au 12e jour d'incubation). En jetant un coup d'œil sur la fig. 23, on remarque immédiatement qu'il existe surtout trois groupes principaux de cellules épendymaires dans la moelle épinière, présentant des caractères bien différents dans la forme et la longueur. i° Les cellules épendymaires antérieures, étendues entre la partie an- térieure du canal central et le fond du sillon longitudinal antérieur. (1) Golgi : Sulla fina anatomia degli organi centrali dcl sistema nervoso; Milano, i8S5. 12) Magini : Nouvelles recherches histologiques sur le cerveau du fœtus ; Archives ital. de biologie, fasc. I, t. X, 1888. (3) Ramon y Cajal : Sur l'origine et les ramifications des fibres nerveuses de la moelle em- bryonnaire, Anat. Anz., 1890. (4) Falzacapa : Genesi délia cellula speciftea nervosa e intima structura del sistema centrale nervoso drgli uccelli ; Bull, délia soejeta di naturalisa in Napoli, sér. I, vol. II, 1888. LA MOELLE EPINIERE CHEZ LE POULET ET CHEZ LA TRUITE 77 C'est dans cette région que les cellules épendymaires sont le plus courtes; celles qui occupent le centre de ce faisceau sont droites, mais à mesure qu'elles se trouvent dans une position plus latérale, elles se disposent en arc. Une autre particularité des cellules épendymaires antérieures, c'est que dans leur partie interne elles ont des contours bien lisses, tandis que dans la zone périphérique, où elles sont croisées par les fibres commissurales, elles présentent de nombreuses ramifications épineuses, qui soutiennent proba- blement les fibrilles de la commissure antérieure, comme les isolateurs d'un poteau télégraphique en soutiennent les fils, selon l'ingénieuse comparaison de Ramon y Cajal. 2° Les cellules épendymaires postérieures. Au niveau de la commissure postérieure, on trouve un nouveau faisceau de cellules épendymaires d'un aspect tout particulier. Elles sont droites, peu déplacées, parallèles entre elles et s'étendent depuis le canal central jusqu'en dessous de la pie-mère, au fond d'une légère dépression que présente la moelle à ce niveau. Elles constituent par leur ensemble la cloison médiane dorsale de la moelle. 3° Les cellules épendymaires latérales. Leurs prolongements périphériques sont divergents, plus ou moins flexueux, présentant un grand nombre de petits épaississements et sont chargés de fines arborisations épineuses. Il n'est pas rare de voir cette por- tion périphérique se bifurquer une ou plusieurs fois, avant d'atteindre la surface de la moelle. A partir du 8e jour d'incubation, certaines cellules épendymaires la- térales n'atteignent plus le canal central ; il semble que le prolongement interne s'atrophie ; ce sont peut-être là les formes primordiales des cellules de la neuroglie. Quant aux cellules épendymaires des commissures, elles persistent pro- bablement comme telles pendant toute la vie. Nos recherches sur la moelle de la truite nous ont donné la réduction d'un assez bon nombre de cellules épendymaires, tout à fait semblables à celles décrites récemment par Retzius dans son étude de la moelle de Salmo. Nous avons groupé dans la fig. 24 les cellules épendymaires provenant d'un certain nombre de coupes et prises dans les différentes régions de la moelle de truite. 78 Is. MARTIN Ce qui frappe surtout à première vue, c'est le développement considé- rable de ces éléments de soutien relativement au peu d'épaisseur de la moelle de truite. On peut distinguer ici trois groupes de cellules épendymaires d'un aspect bien différent. i° Les cellules épendymaires antérieures : ce sont les plus courtes, elles présentent un corps globuleux placé dans le voisinage du canal central. Du corps cellulaire part un petit prolongement central, qui s'étend jusqu'au canal épendymaire; le bout périphérique à peu près droit porte très peu de ramifications latérales et s'étend jusqu'à la pie-mère. 2° Les cellules épendymaires postérieures, à peu près droites et paral- lèles, s'étendent depuis le canal central jusqu'à la périphérie de la moelle. Elles se ramifient très peu, présentent de nombreux épaississements et se renflent vers la partie médiane qui contient le noyau. 3° Les cellules épendymaires latérales sont vraiment remarquables. Elles possèdent un corps cellulaire volumineux, d'où se détache un prolon- gement central très court, qui s'avance parfois un peu à l'intérieur du canal médullaire. La portion périphérique beaucoup plus longue peut se bifur- quer, fig. 24; elle décrit souvent plusieurs flexuosités et se termine en dessous de la pie-mère. Elle attire surtout l'attention par les nombreuses petites arborisations épineuses dont elle est chargée. Avant de terminer ce travail, nous tenons à remercier Monsieur le Professeur Van Gehuchten, sous la direction duquel nous avons entrepris ces recherches et qui ne nous a ménagé ni les conseils, ni les lumières de sa longue expérience. EXPLICATION DES FIGURES PLANCHE I. FIG. 1. Coupe transversale de la moelle épinière d'un embryon de poulet au douzième jour d'incubation : cy, prolongement cylindraxile. FIG 2. Deux portions d'une coupe longitudinale frontale de la moelle d'un embry- on de poulet de 1 1 jours et passant par les points d'émergence des racines antérieures : gg, ganglion spinal; f. rad. ant., fibres radiculaires antérieures. FIG. 3. Coupe transversale de la moelle épinière d'une truite de i jour : a, cellules radiculaires; b, cellule commissurale. FIG. 4 et 5. Deux cellules radiculaires postérieures de la moelle d'un embryon de poulet de 12 jours. FIG. 6. Coupe transversale de la moelle épinière d'un embryon de poulet de 10 jours : gg, ganglion spinal; ce, cellule commissurale; cy, prolongement cy- lindraxile. FIG. 7. Trois cellules provenant des ganglions spinaux de jeunes truites à différents stades du développement et montrant les transformations de la forme bipolaire en la forme unipolaire : pr. centr., prolongement central; pr. pér., prolongement périphérique. FIG. 8. Cellule unipolaire d'un ganglion spinal de jeune truite. Le prolonge- ment central, pr. c , pénètre dans la moelle épinière et s'y bifurque en une branche ascendante et une branche descendante. FIG. 9. Coupe longitudinale frontale de la moelle d'un embryon de poulet de 12 jours montrant l'entrée des fibres des racines postérieures. FIG. 10. Coupe faite dans le sens de la flèche AB de la fig. 12 et montrant l'entrée des fibres des racines postérieures dans la substance blanche de la moelle : gg, ganglions spinaux; n. pér., nerfs périphériques; r. post., racines postérieures; c. post., cordon postérieur de la moelle. FIG. 11. Deux fibres de la racine postérieure se bifurquant à leur entrée dans la moelle (truite de 5 jours). FIG. 12. Figure schématique montrant la direction AB suivant laquelle a été pratiquée la coupe de la fig. 10. 80 Is. MARTIN PLANCHE II. FIG. 13 et 14. Coupes transversales de la moelle d'un embryon de poulet de g jours : ce, cellules commissurales ; c. ep., cellules épendymaires ; cy., prolonge- ment cylindraxile. FIG. 15, 16 et 17. Coupes transversales de la moelle épinière de jeunes truites montrant la forme et la disposition des cellules des cordons. FIG. 18. Coupe longitudinale du cordon latéral de la moelle d'un embiyon de poulet de g jours montrant l'origine des collatérales. FIG. 19. Quelques collatérales des fibres du cordon latéral de la moelle d'une truite de 5 jours. FIG. 20 et 21. Coupes transversales de la moelle d'un embryon de poulet de 12 jours montrant la disposition des collatérales des différents cordons. FIG. 22. Coupe transversale de la moelle d'un embryon de poulet de g jours montrant des collatérales du cordon postérieur se terminant dans la substance blanche du cordon antéro-latéral. FIG. 23. Disposition des cellules épendymaires dans la moelle d'un embryon de poulet de 12 jours. FIG. 24. Disposition des cellules épendymaires dans la moelle d'une jeune truite. FIG. 25. Figure schématique montrant la transformation d'une cellule bipolaire en une cellule unipolaire. Planche I - Planche II ■ ON SOME PROTEIN CRYSTALLOIDS AND THEIR PROBABLE RELATION TO THE NUTRITION of the POLLEN-TUBE BY Lily H. HUIE Hollywood (Edinburghj (Mémoire déposé le 26 janvier 1895.J 10 ON SOME PROTEIN CRYSTALLOIDS AND THEIR PROBABLE RELATION TO THE NUTRITION of the POLLEN-TUBE By the use of spécial fixing and staining methods, Zimmermann(i) has, during the last few years, greatly extended our knowledge of Protein CiyTstalloids; and Stock (2), using the same methods, has rccently investi- gated their relation to the metabolism of the plant. Apart altogether from those found in aleurone grains, Protein Crystalloids may be classified according to their position in the cell as, 1. Nuclear Crystalloids. 2. Cytoplasmic Crystalloids. 3. Cell-sap Crystalloids. 4. Ch'romatophoric Crystalloids. Nuclear Crystalloids. Zimmermann has found that, in the nuclei of Pteridophyta and Angiosperms, Protein Crystalloids are of much more fréquent occurrence than was formerly supposed. He has found them in a very large number of Feras, and in 47 species of Phanerogams belonging to ten différent families. Cytoplasmic Crystalloids occurring in the body ofthe cell hâve been demonstrated only in a very limited number of instances. Much difficulty has been experienced by observers in determining whether such crystalloids really occur in the cytoplasm, or in the cell-sap, because ofthe thickness of (1) Zimmermann : Beitràge ^ur Morphologie und Physiologie der Pflanjen^elle \ Heft i, p 54 and Heft 2, p. 112. (2) Stock : Ein Beitrcig jur Kenntniss der ProteinkrysialU ; Cohn's Beitràge zur Biologie der Pflanzen, Bd. 6, 1892. 10 84 Lily H. HUIE their sections. Up till now, in one instance only, that of the potato tuber, hâve protein crystalloids been proved to be in the cytoplasm. Those which form the subject of the présent paper are also cytoplasmic, and are found in Se illa patula, etc. Cell-sap Crystalloids. Under this head it is convenient to group ail other known instances of crystalloids occurring in the body of the cell, ( 1 1 in ail, according to Zimmermann), since, with the exceptions just mentioned, whenever their true position has been investigated they are said to hâve been found in the Cell-sap. Chroma top horic Crystalloids . Schimper(i) has alreadycarefullystudied the protein crystalloids of Chromatophors, and enumerated the instances of their occurrences, and Zimmermann has extended his researches in this direction. METHODS. Former methods. Zimmermann and Stock fix the material preferably in a saturated solution of corrosive sublimate in absolute alcohol; imbed in paraffin and eut sections, which vary in thickness from 5 to 10 \>.. The sections are left for 24 hours or more in a 0.2 0/0 solution of Sâure-fuchsin in distilled water; washed out in running water, until sufficiently decolou- rised ; dehydrated with absolute alcohol, cleared up in xylol, and mounted in xylol-balsam. Though both histologists hâve endeavoured to find other methods for the successful démonstration of thèse bodies, they hâve not succeeded in doing so, and corne to the conclusion that Sâure-fuchsin acts as a spécifie stain. My methods. The ovaries of Scilla patula were fixed by me in three différent ways : 1. In absolute alcohol. 2. In Mann's Picro-corrosive Alcohol (2), which consists of a saturated solution of HgCb and Picric acid in absolute alcohol. 3. In Mann's Watery Corrosive Fluid (3). (1) Schimper : Untersuchungen ûber die Chlorophyllkûrper, und die ihnen homologen Gcbilde ; Pringsheim's Jahrbuch, Bd. 16, p. i. (2) Mann : Trans. Bot. Soc. Edin., vol. XVIII, pp. 429, 432, 1S90. 13) Journ. Scot. Micros. Soc, 1894, p. i55. ON SOME PROTEIN CRYSTALLOIDS 85 To a boiling 0.75 per cent common sait solution, sublimate is added to saturation (12 grm. for 100 ce). The solution is then allowed to cool, when crystals of sublimate make their appearance. Préserve the solution without decanting (M. Heidenhain). Martin Heidenhain's HgCb solution — 100 ce. Picricacid 1 grm. Tannic acid — 1 grm. (The Tannic Acid may be omitted if preferred). Material fixed in absolute Alcohol gives, however, poor results with the stain I employed, and requires very great care in the decolourising process. The picro-corrosive alcohol gives much better results, but the material which stained most successfully was fixed by the watery picro- corrosive. The tissues were carefully dehydrated, and taken through Chloroform into Paraffin, and sériai sections eut not thicker than 2 — 3 p. Sections of this thinness permit the exact position and the détails of the conglomerate crystalloids to be determined with the greatest facility. The paraffin sections were spread out on warm water (40-450 C) after Gulland (1) and fixed to the slide by Mann' s albumen method (2) and then stained in Mann's Methylblau-Eosine mixture as follows : Requisites. The staining fluid. a. 1 per cent methylblau in Aq. dist. — 35 ce. 1 per cent watersoluble eosin in Aq. dist. — 45 ce. Aq. dist. — 100 ce. b. 1 per cent NaOH solution in Aie. absol. The Methylwasserblau (C37 H26 N3 S3 O9 Na3) was obtained from Dr Grubler, Leipzig. Method : 1. Stain for 24 hours. 2. Rinse the dark blue sections in ordinary water. 3. Dehydrate thoroughly with absolute alcohol. (1) Gulland : Journ. of Anat. and Physiol., 1891, p. 56. (2) Mann : A new fixing fluid for animal tissues; Anat. Anz.. Jahrg. VIII, 1893, N° I2-I3, p. 442, and Journ. Scottish Microsc. Soc, 1S94, p. 161. 86 Lily H. HUIE 4. Transfer the slide to a vessel containing absolute alcohol 30 ce. and 1 per cent NaOH solution in absolute alcohol 4 drops. Wait till sections are of a rust colour. 5. Remove ail traces of NaOH with absolute alcohol. 6. Rinse sections in ordinary water for one minute. Red clouds are given off and the sections become bluish. 7. Place slides for two minutes into water slightly acidified with acetic acid. This is done to deepen and fully restore the blue colour, and also to fix the eosin. 8. Dehydrate, clear with xylol, not clove oil and mount in turpentine- balsam. For results see Figs 1-14. By using simply a 1/2 0/0 watery solution of eosin, and decolourising with alcoholic NaOH in the way detailed above, I succeeded in staining the crystalloids, but the resuit is inferior to that produced by the contrast of the double stain. Other acid dyes were tried with less success, Magdala- rot (echt) giving the next best results. I hâve used Mann' s stain for the crystalloids in the aleurone grains of the seeds oï Riciiuis, with beautiful results. I hâve also examined the tissues of various plants in which Zimmermann finds protein crystalloids, both with Mann's stain and with the Sâurefuchsin, with the resuit, that, whenever I succeeded with the one method in demonstrating them, I succeeded also with the other; and whenever I failed with the one stain, I failed equally with the other. Comparing Zimmermann's method with the one I employed, I certainly prefer the latter because of the great preciseness with which crystalloids are stained. CYTOPLASMIC CRYSTALLOIDS OF SCILLA PATULA AND HYACINTHUS SP. While examining the ovaries of Scilla patula with the help of the Methylblau-eosin doûble-stain, my attention was arrested by numbers of bright red granules and crystalloid bodies in the cytoplasm of the unicel- lular hairs, that occur in considérable numbers on the placentas in this and other species of Scilla. From their resemblance to many of Zimmermann's figures it at once occurred to me that thèse bodies were protein-crystalloids. Proceeding to test them I found, ON SOME PROTEIN CRYSTALLOIDS 87 They hâve a higher refractive index than the cytoplasm. Iodine colours them darkly. By Zimmermann's method of staining they were well shown, but not unless the sections were of a thickness of at least 7 p ; which is a disadvan- tage for minute cytological work. The hairs in which the crystalloid bodies occur are extremely numerous immediately above the uppermost ovules, and are more sparsely distributed on the lower portion of the placenta. I hâve studied them from the time when they are first differentiated from the surrounding epidermal cells, till the withering of the flower, when they degenerate. In young ovaries (about three millemetres in length, in- cluding the pistil), the upper ovules of which show four nuclei in the embryo-sac, the hairs are only slightly larger than the other epidermal cells, fig. l,a, and are not specially rich in cell protoplasm, although the nucleus stains deeply. In ovaries five millemetres long, at the time when the embryo-sac first contains eight nuclei, the hairs hâve elongated greatly, and are remarkably rich in protoplasm, and in nuclear chromatin, and, with few exceptions, each hair possesses several (2-6) nucleoli, figs 2 and 3. At this period any appearance of erythrophilous bodies outside the nucleus is extremely rare. A few hair-cells may hâve undergone division ; but, as a rule, they continue to be unicellular throughout life. Dumb-bell shaped nuclei, fig. 3, are very common, both at this period and later. I examined 50 cells of this stage, making careful drawings of each sériai section, and found that there were as follows : Hairs with three to six nucleoli 14. Hairs with two nucleoli 24. Hairs with one nucleolus 12. Only two cells of the total number contained crystalloids or granules; and thèse occurred in the lower, better nourished, and therefore more ma- ture part of the ovary. One of them had one nucleolus; and the other contained two. On the examination of the ovary of a bud about seven millemetres long, numbers of erythrophilous granules and slender crystalline rods are found in the cytoplasm. I believe the granules are also crystalline in form ; but, they are usually so very small, that I hâve not satisfied myself on this point, figs. 4 and 5, cr and crk. 88 Lily H. HUIE Out of 50 cells of this stage examinée! and drawn, there were as follows : Hairs with more than 2 nucleoli 9. Hairs with two nucleoli 19. Hairs with a single nucleolus 22. Of the 22 cells containing one nucleolus, 18 had erythrophilous granules and crystalloids outside the nucleus; two of the cells with 2 nucleoli showed them ; while the cell with 3 nucleoli only exhibited a few granules. In the ovaries of opening floivers the hairs are at their fullest state of developement, Figs. 6-9, being often of very large size, Figs. 8 and 9. They stain intensely blue, owing to their exceeding richness in protoplasm; while the crystalloid bodies are conspicuous from their large size, and the brilli- ancy with which they take the red dye. The crystalloids now often resemble at first sight some of Zimmermann's figures of single large irregularly shaped ones, but with careful focussing they are seen to consist of conglomerations of smaller, generally elongated crystals, Figs. 8 and 9, cr. Long slender forms also occur singly, and show in transverse section an oblique rhom- boidal outline. Occasionally they are bent or curved, and not infrequently one may observe them bordering a vacuole, Fig. 10. I examined and drew 50 hairs from the ovary of an opening fiower and of thèse there were : Cells containing more than 2 nucleoli 1 . Cells containing 2 nucleoli 7. Cells containing a single nucleolus 42. Ail thèse cells, except one containing 2 nucleoli, had granules and crys- talloids in great profusion. The cell with 3 nucleoli has been represented in Fig. 8, and two of its nucleoli are seen to be very small. In ferlilised ovaries, when the ovule has undergone its first division, the few hairs which still retain their normal size and shape show some crys- talloids; but the protoplasm and nuclei begin to exhibit the characteristic affinity of degenerating cells for acid dyes-, for they stain of a purple colour, Figs. 11 and 13, a. Most of the hairs, however, are entirely red, Figs. 12 and 13, b, contain large vacuoles in the protoplasm, fig. 12, v, and also in the nucleus, nv, and possess few or no crystalloids. Some of the hairs are quite withered and shrivelled up, fig. 13, b. I hâve several times observed, lying in the loculi of ovaries of this âge, groups of crystalloids discharged by withered hairs, fig. 13, c. Sometimes the entire shrunken hair remains in close proximity to the crystalloids; at other times, as in fig. 13, only a few traces of protoplasm, pr, are discernible about the group, looking as if a large hair had burst. ON SOME PROTEIN CRYSTALLOIDS 89 The graduai increase in quantity of the cytoplasmic, and corresponding diminution of nucleolar erythrophilous matter, would seem to point to some relation of the crystalloids to the nucleolus, which latter has been regarded by some authors as a storehouse of nourishment. Stock has further shown that protein crystalloids are deposits of reserve albumen, and Green(i) has lately examined the style of the lily, and states that „ the distribution of nutritive material, especially starch, in this organ was found to hâve a very definite relation to the progress of the pollen tube, " and further, „ The nutrition of the tube is a process in which the grain itself, and the tissue through which it grows take a part, both contain a reserve material and enzymes ". May it therefore not be that the function of the placental hairs, so rich in protoplasm and crystalloids, is to nourish and thus to guide the pollen tube? A parallel chain of facts to that furnished by the life history of the hairs is given by those epidermal cells lining the three slits which are placed symmetrically in the tissue of the ovaries, and are formed by the upper surfaces of the three carpellary leaves failing to unité at thèse places. In young buds thèse cells show several nucleoli, frequently six. In older stages the nucleoli diminish in number to one, which latter is often so diminutive as to be ail but imperceptible : at this time minute hexagonal crystalloids make their appearance in the cytoplasm, fig. 14, cr. Out of 50 such cells examined in the ovary of a bud of 5 millemetres in length thére were : Nuclei with more than 2 nucleoli 19. Nuclei with 2 nucleoli 26. Nuclei with only 1 nucleolus 5. None of them showed erythrophilous bodies external to the nucleus. Out of 50 cells from the ovary of an opening flower there were : Nuclei with more than 2 nucleoli o. Nuclei with 2 nucleoli 6. Nuclei with only 1 nucleolus 44. AU thèse cells showed the little crystalloids. Undoubtedly in this case, the number of nucleoli in the individual cells is diminished to some extent by cell multiplication; and, if there is really any connection between the crystalloids and nucleoli, this may account for the small size of the nucleoli in thèse cells. (1) Geeen : Armais of Eotany, June 1894. 90 Lily H. HUIE Before long I hope to carry out some investigations on living material ; and also to extend the research to the ovaries of allied plants. The only one of thèse, which, owing to the time of year, I hâve been able to procure as yet, Hyacinthas orientalis albulus, was forced in a green house, and shows in the hair-cells of à mature ovary, and in some other cells of the ovarian wall cubical crystalloids like those of the potato tuber, but I hâve not had the opportunity of investigating the history of thèse crystalloids as yet. In conclusion I gladly avail myself of this opportunity to acknowledge my deep obligation to Dr Gustav Mann for his constant and invaluable help throughout the préparation of this paper. DESCRIPTION OF THE PLATE. Ail the figures were drawn with the help of Zeiss's caméra lucida, the paper being placed on the table, and inclined at an angle of 200. Except for figs. 1 and 13 Leitz's 1/12 oil immersion objective ivas used with Zeiss's N° 4 ocular. For figs. 1 and 13 Leitz's 1/12 oil immersion objective with Zeiss's ocular N° 2 iras employed. LIST OF ABBREVIATIONS. a. — cell showing sénescence. b. — withered cell. c. — burst cell. pr. — protoplasm. n. — nucleus. ni. — nucleolus. e. — endonucleolus. v. — vacuole, nv . — ■ nuclear vacuole, cr. — crystalloid. crk. — granular crystalloids. FIG. 1. From young ovary, 3 millemetres in length. Hair cell, a, at the stage when it is first distinguishable from other epidermal cells. FIGS. 2-3. Hairs from ovary 5 millemetres 'long. No erythrophilous bodies outside the nucleus. Fig. 2 shows 4 nucleoli in the nucleus. Fig. 3 exhibits characteristic dumb-bell shaped nucleus, containing 3 nucleoli. FIGS. 4-5. From an ovary 7 millemetres in length. Fig. 4 is a very typical hair cell of this stage with numerous small erythrophilous granules in the cytoplasm, crk. Fig. 5 shows slender crystalloids, cr, as well as granules, crk. FIGS. 6-10. Mature hair cells from the ovary of an opening flower. Fig. 6. The nucleus lias a peculiar, almost pear-shaped outline : 9 small crystalloids are seen in the cytoplasm. Fig. 7 shows a group of large and small elongated crystalloids. 92 Lily H. HUIE Fig. 8 shows a nucleus with i large, and 2 small nucleoli, one of which is close to the periphery of the nucleus. There is a conglomerate mass of c^'stalloids in the cytoplasm, and also a few small scattered rods and granules. Fig. 9. Hair cell with one conglomerate group of large crystal- loids, and exhibiting marked vacuolation of the cytoplasm, v. Fig. 10 shows a large vacuole, ;', surrounded by crystalloids. FIGS. 11-13. From an ovary in which fertilisation had taken place and the ova of which in most of the ovules had undergone their first division. Fig. 11. Large hair-cell in which the protoplasm and nucleus hâve commenced to degenerate. Crystalloids are still présent. Fig. 12. Very long hair, with degenerated protoplasm. There is a very large vacuole in the cytoplasm, v, and the nucleus is also vacuolated, nv, while the nucleolus has a large single centrally placed endonucleolus, e. Two crystalloids lie in the cytoplasm . Fig. 13 shows a partially degenerated and much vacuolated hair cell, a; a completely withered hair, b; and a group of crys- talloids, c; which hâve been discharged by a withered cell, the latter being represented only by vestiges of cytoplasm, pr, and nucleus, n. FIG. 14. Cell from dorsal epidermis of carpellary leaf, containing small rhomboidal crystalloids. Yy/y^/r/.Js/s/r r?,/.j/«//r/f/) - _ X X m T _ c M . _ t-- t^ t> C! -i en N ■-I w N N ro •i CI ro Cl Cl S Cl Cl Cl c M S Cl Cl N 01 m m N HO«N M ro -1- Cl o o Cl O O O Cl m -t- ^o a» Cl c^ Cl -r -t m _ m i>. in X M tf) CI Tf H Cl Cl H in ro rO r-. H H - 1 Cl -1 M tJ- <0 _ m M «n OO O O m co ^O OO t^ r>. co O -f o -i CO Ci M \o - -— rO C] M 00 !>- in in N m ic m Cl O M O^ rn t->. M O H o — ro - o. <" + 0 n oo ro co ro m O en m m in — ^4- ro Ci ro ro m CO ^o — , Ci -t- •1- -r l'a es H M M X^a ci o r- m m H Cl -o (O in Ti- Cl r^ O r^ m »n in M Ci fO ■o M 1-1 -3- o Ti- -r ro m f H C» O X — . X !>. m o ^r -i- ■. X M S 'S M ■-1 — ' M m i c X-K M r-. m 1- Cl CT\ in X OJ 00 00 O c-*. r>- C7. 1>* «o iC in !>■ ï% H X m >-> vo X _-, W S < M 0 in ■ m o nf ■*■ -r ^r tj- tT r>- t^ r^. co in in m n gjnaoïjg] uou rO ro O ro o t^ r>- et UD c*. r-» O Cl d M u co t^- •f X rO Cn, tn X ro _'i }jEj)xg O -r u-i m S-* m m o r- r^ \Û o o in O -3- lÛ X X X 00 -*■ -i- o iO m °/o in M in Cl in m m in in 0 C>, o ^J- c> o o -t- »n Ci o m. o Cl c> t>- -t- i> o c>. 0 o H M 1-1 •]OA U3 1003[V C-- m n m m m in 10 t~- -i- in m in m rr o\ Tj- Cl Cl Cl ro ro ro Tj- m in Z "eu ÔT o (H XJ u 3 DURÉE DE La MENTAT 3 t/3 "c B t/5 o m co m m t"S m rO r^ C-. X o en "o C 'o E 3 O co "6 O -r w 'o tn "5 E tn 3 O u 3 u 3 .2. - z H ■*■ 1-1 CI H M H ro H E M O « M W 1-1 Cl h Z O O 3 H O ENTRA DU MOUT. _, — Xi o o C O u c s o co m* s s « 0 rO en Ci o m m' « s O 4 « s C» C\ o 00 fO M 0 X Cl i- 3 ci « a 3 C O u G R o ro O — 0 TT O z O 00 o CI u U ni ,J E Z > J • C3 > r CJ £ s 3 *t/ï es « rt t/5 •U w 3 Ri eu u 3 CD i- 3 CD S > 3 s a 0 s i- S Im 3 > eu o > ^J z J - ri ro ■*r in O r-* 00 C- o ~ c, ro Tt- m o !>. X Ci 0 Cl N Cl Cl N Cl n RECHERCHES SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE 99 ri m m m » x> _. -i 6 h o . ■" " '' 1 ■o « t>. i£> -i-ooomcie'TlOO'-'in-f- m fl t O m *>-<""-•("** ci t^oocoiOinx o t t in -r I T-4-t-in -too^ cfif^i "-J . »" "00 "i*i OCtCi'-'ÛG^COMûO'-' -r « o» -i* i oi>-"jo Minoocoin -^-t^ ej -r-r-r-r; *4-tin tOOfÔ «Jifô 2 oo m oo M m m m en _,_ -t- ">• 0 (O -. H - _*. r> M m m m m in m -ri- m in m "r> t-* r*** "' in 3 S S S S ro fO fO > O £ » a a s: <" "T. X eu fi o (U c •a -°. o : 00 ci in c. o in Cl m oo m t-^ ec< C» .H "u -a X t^ 00 oo t-^ t-^ co ■>- m -1- t^ u I .g S. s O t/1 3 *-3 ai -a 1/3 en eu SU s T3 H C3 t>- E eu CJ C m u > > -M .= « 3 O rt > C3 •a ~ S 3 rïï S .2 o CU O c o en 3 £ 0) Q u O ri d 3 yi (U tu 4) (U Q. a* ri — ai X eu : I 0} G !2 c CD 3 C O Ui a* -— t» h fi « Cfi se "o a ■C c ri -a c ni (U •a C - o — rt ■a = ?, 5 a & CD oo .2 £ "S c in P. c c •a 3 S .a) CU ^^ 3 CU C J2 p a* s eu CD eu ri V U* O) Ih "S •5 cu 3 O C C o . ___ a» o ■r o o — llll. Ph. BIOURGE Réunissons dans un même tableau les quantités d'alcool, celles d'acides volatils et les temps de fermentation : NOM DU FERMENT o o > o u u < < OBSERVATIONS 3. 4- 5. 6. 7- S. 9- io. il. 12. i3. 14. i5. 16. 17- iS. 19. 20. 21. 22. 23. 24- 25. 26. 27. 28. 29. 3o. 3i. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. Levure haute L » DK FermeDts du lambic » Levure haute V » Levure basse D » haute DK ,, « DK Lev. haute. Races I et IV » .. I, II, III et IV Levure haute V Lev. haute. Races I, II, III et IV Levure basse \V haute DK Levure haute. Races IV » « II et III ,, « III » » 1 1 Mucor racemosus Levure haute V » Levure haute DK » basse W » haute DK » o DK Levure haute. Race I Levure basse \V » haute L » » V » » V Mucor racemosus Levure haule. Système Van Lacr Levure haute L » L » L » L Mucor racemosus Levure haute V 9.75 11.25 7.55 5.o 7.10 17.59 7.0 22 54 7.0 2 3 6.4 3.o 5.74 2.6 5.6 2 2 5.5 4.5 5.5 3.3 5.4 3.5 54 6.2 5.35 z-4 5.3 3.i 5 5.25 2.3 5.2 2.45 5.i5 3.4 5.i5 2.85 S.ïS 2.5 5 1 0.9 5.o 4.0 5.o 6.2 5o 1-4 5.o 3.2 4 97 2.95 4.95 09 4.80 2.7 4.70 3o5 1-4° 5-7 3 90 3 0 375 5.3 3.40 0.7 • 3.oo 1.0 3.oo 7-5 2. g5 3.4 2.75 3.2 2.70 3.4 2.70 1.1 2.00 3.4 3 mois 1/2 17 jours 3 ans 3 » 6 jours 28 » 3 mois i3 jours 17 >> 16 » l't » V » 16 » 3 mois 8 jours 16 » 1-, » n. )> 8 » 4 mois 8 jours i5 » 7 » 3 mois 1 2 16 jours 5 » S » 3 mois 7 » 5 jours 3 ans 3 mois 4 jours 45 » 34 » 3j » 3o » fermenté à l'abri de ferments acétiques bouillie avec la levure production d'acides volatils nulle production d'acides volatils nulle production d'acides volatils nulle RECHERCHES SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE ÎOI Nous constatons que le facteur le plus important de la production d'acides volatils est le temps. Dans les huit premiers jours, même pour de fortes doses d'alcool, la quantité d'acides volatils n'atteint guère que 18 mg. pour 110 cm5 de liquide, c'est-à-dire oSr, 152 par litre, chiffre dont il faut défalquer l'acidité volatile primitive du moût, que nous avons trouvée être de 0,043 par litre pour un moût de i38r,8 p. c. d'extrait Il est à remarquer que, dans la plupart de nos fermentations, il faudrait décompter près de deux jours à cause de la faible quantité de levure ensemencée. Il est vrai que cette circonstance écarte l'autophagie de la levure, que nous pouvons par le fait même négliger. Il faut en général des mois pour atteindre une acidité de 5 cm3 de soude normale décime pour 100 cm3 de liquide, ce qui correspond à 0,270 d'acide acétique par litre. Une seule fois, après une fermentation de trois mois et demi, avec production de près de 10 p. c. d'alcool, l'acidité volatile s'est élevée en culture pure au maximum de oSr,6i3 d'acides volatils par litre; encore s'agit-il d'une levure toute spéciale, dont la fermentation principale est très faible (40 p. c. environ; et la fermentation secondaire très longue, où par conséquent l'autophagie ou, si l'on veut, la désassimilation de la levure peut exercer une influence sensible. Au contraire, dès qu'un microbe acidifiant envahit une bière, on trouve rapidement des doses d'acides volatils considérables. Exemple : la bière n° 36 du tableau des pages 98-99, faite avec la levure basse W, restée trois ou quatre jours en vidange, accuse isr,77 d'acides volatils par litre au lieu de 0,171 qu'elle accusait d'abord; la bière n° 23, envahie par un ferment acétique de mauvaise nature, acquiert en 16 jours une acidité de 28r,23 par litre au lieu de 0,065. Les bières de fermentations spontanées accusant, comme les bières 37 et 38 après trois ans de cave, osr,959 ou 1,350 d'acides volatils par litre, seront considérées comme fermentées par des levures sans infections microbiennes, à moins que l'acidité fixe ne dépasse de loin la normale des moûts concentrés, normale qui pourrait atteindre au maximum 3 gr. d'acide lactique par litre. Il n'en est évidemment plus de même, quand l'acidité totale monte à 15,20 ou 40 gr. par litre. La conclusion à tirer est que le dosage des acides volatils permet de découvrir une contamination de la levure, même quand le microscope n'y révèle pas la présence de bactéries. 12 102 Ph. BIOURGE Si nous voulons maintenant nous faire une idée plus exacte de l'influence du temps sur la formation des acides volatils, il suffira de jeter un coup d'œil sur les analyses d'un même liquide aux différentes étapes de la fermentation. Ainsi, la levure haute marquée D. K. donne : après 5 jours, 0,9 cm5 NaOH^ pour 110 cm5. <5 1 3 2 2 n 17 - 4,5 avec la levure. Dans une autre expérience, cette même levure donna : après 7 jours, 1,4 8 » 2,3 16 ,. 2,95 sans la levure. Dans une troisième expérience, après la même période, bien que la quantité d'alcool soit moitié plus forte, l'acidité volatile est toujours de 5 cm3. Pour la levure haute marquée V, nous avons : après 5 jours, une acidité volatile correspondant à 3,0 cm3 » 8 » » » 4,o » » 15 r> » » 6,2 » r> 40 » » " 6,2 » La même levure, en milieu très riche (20 p. c. d'extrait), après 6 jours de fermentation, donne 7,1 d'alcool et 0,7 d'acides volatils, ce qui correspond à osr,o36 par litre. Dans l'industrie où on sépare cette levure de la bière après quelques jours de repos, celle-ci accuse à un mois d'âge, avec 6,4 p. c. d'alcool, une acidité de 3,0, c'est-à-dire o§r, 162 par litre, tandis qu'après 6 mois, pour une quantité d'alcool équivalente au tiers de celle-là, cette acidité est dépassée, la bière restant en contact avec la levure. Nous pouvons, croyons-nous, en conclure rigoureusement qu'il n'y a pas de rapport à établir entre l'alcool formé et l'acidité volatile des bières. Quant au rapport entre la quantité d'acides volatils et la quantité d'extrait disparu, les chiffres du tableau des accises anglaises (1) pourraient être adoptés pour les quantités d'acides inférieures au maximum cité plus haut. Mais si les ferments microbiens producteurs d'acides volatils entrent en jeu, il serait bien étonnant que chacun d'eux produisit une quantité d'acide correspondant toujours et dans le même rapport à la quantité (1) Morris and Moritz : A L'xt book of the science of breming, p. 5o3. RECHERCHES SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE 103 d'alcool détruite. Nous .sommes, pour notre part, parfaitement certain du contraire(0. D'autre part, combien de ferments de brasserie ne font pas des acides volatils aux dépens des matières azotées? et parmi ceux qui en font aux dépens des sucres, sans passer par l'alcool, en est-il un seul qui le fasse suivant la proportion admise pour le mycoderma aceti? Quant à la concentration des milieux nutritifs, nous ne pouvons guère juger de son action sur la production des acides volatils. Nous aurions dû attendre quelques mois pour constater l'acidité volatile pro- duite par les levures hautes DK et V, et déterminer au moment voulu l'acidité due à la levure haute L dans les essais avec le moût à 20 p. c. d'extrait. Nous inclinons pourtant à croire que l'influence de ce facteur est insensible, quand nous voyons que pour des moûts à 8,5, 9,5, 10,5, 13, °, 13,8, 14,3, 1 5,5, 16,5, la durée de fermentation exerce une action évidente et tout à fait prépondérante. Il nous reste à parler des rapports entre l'alcool formé et Textrait disparu. Nous avons dit déjà que les brasseurs du continent font l'analyse de la bière en se basant sur la notion de l'extrait réel, tel que Balling l'a établie, et sur les facteurs d'analyse que les recherches de ce tra- vailleur lui ont permis d'établir. Holzner, en particulier, a édité de nombreuses tables de calculs faits pour la facilité du chimiste. Morris et Moritz ont supprimé cette notion de l'extrait réel Balling. Ils reportent la bière dépouillée de son alcool non au poids, mais au volume primitif, et ils en prennent la densité à 150. A l'aide d'une table dressée par les accises anglaises et au moyen de la densité du distillât, ils évaluent l'extrait disparu ou plutôt la diminution de densité de leur moût par suite de la fermentation. Cette table donne des résultats certainement très voisins de l'exactitude. Nous ignorons si les fermentations qui ont servi à dresser cette table étaient des fermentations par levure pure. Nous y constatons seu- lement quelques irrégularités dans la marche du facteur d'alcool. Il est certainement trop faible pour les doses d'alcool élevées, peut-être aussi pour les doses inférieures. Nous croyons, à la suite d'une cinquantaine d'analyses faites à diverses périodes de fermentation de levures pures ou de levures de brasseries, pouvoir admettre comme facteurs d'analyse (1) Dans l'analyse reproduite dans les pages 96 et 97, la perte d'alcool dépasse 2 p. c. 104 Ph. BIOURGE de la bière le chiffre î,57ô comme multiplicateur de l'alcool en volume, et le chiffre 1,97 comme multiplicateur de l'alcool en poids à 1 5°. On calcule ainsi l'extrait à 150 disparu par la fermentation. En y ajoutant l'extrait correspondant à la densité à 150 du liquide dépouillé d'alcool et ramené au volume primitif, on obtient l'extrait primitif à 150. Le tableau de Schultze donnera immédiatement la densité cor- respondante et l'extrait par hectolitre à cette température. Ce dernier s'obtient en multipliant les décimales de la densité par 2,65 pour les densités inférieures à 1,0500, et par 2,67 pour les densités de 1,0500 à 1,0830. Cette méthode très simple, n'exigeant qu'un bon alcoomètre (1) et un bon densimètre donnant aisément la quatrième décimale, nous a permis de calculer chaque fois l'extrait primitif à de très faibles erreurs près. Plus d'une fois nous en avons comparé les résultats avec ceux des formules de Pasteur, Metz, etc., et toujours à son avantage. Abstraction faite de l'influence que pourrait exercer une race spéciale de levures, 1 gramme d'alcool demanderait donc pour s'élaborer i?r,97 d'extrait du moût de brasserie. En adoptant la table des accises anglaises, il faudrait tantôt 1,84, tantôt 1,93, etc. Lorsque l'acidité volatile est considérable, il faut évidemment redistiller après neutralisation du distillât. Si l'on prend le titre acide avec la soude normale décime, on a approximativement la correction de l'extrait primitif en multipliant le nombre de centimètres cubes de soude employés par 0,00514. Exemple : Alcool après neutralisation : 3,28; soude employée pour 100 cm3 : 37,7. Extrait disparu =3,28X1,576+37,7X0,00514 ou plus simplement 0,005. Extrait primitif =5,169+0,193 (ou 0,188), soit 5,36+extrait corres- pondant à la densité du liquide dépouillé d'alcool et reporté au volume, 4,27, donc 9,63. C'est bien la densité d'un moût de bière courante du pays wallon . Une première analyse de la même bière avant l'invasion du ferment acétique avait donné une quantité d'extrait primitif égale à 9,52- Nous avons établi, à l'usage des chimistes de brasserie, des tables des densités jusqu'à la cinquième décimale et des quantités d'alcool en volume et en. poids qui leur correspondent de o à 10 p. c. en volume. Nous en avons rapproché la perte de densité correspondante (1) M. Lagazy de Bruxelles construit un saccharomètre Balling. de telle façon qu'il donne à I7°,5 C. l'extrait correspondant à la densité à i5°. RECHERCHES SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE 105 calculée d'après la table des accises anglaises, et celle correspondant à deux facteurs d'alcool, dont nous parlons plus loin. Nous ferons bientôt pour le densimètre belge le même travail, ce qui permettra à ceux qui se servent du Balling ordinaire d'appliquer la méthode. En Autriche, le saccharomètre officiel correspond sensiblement à celui dont nous nous sommes servi. En Allemagne, si l'on prend dans le tableau de Schultze-Ostermann, sans faire de correction pour la différence de température entre 17,5 et 150 C., l'extrait correspondant à la densité, qui, d'après le tableau de Balling, répond à l'indication du saccharomètre, on aura des résultats largement satisfaisants. Si l'on cherche, d'après le tableau reproduit pages 107-109, les facteurs qui, selon les accises anglaises, devraient servir à multiplier la quantité d'alcool pour obtenir l'extrait fermenté, on trouve pour chaque degré de l'alcoomètre les facteurs suivants : pour i°, 1.2610 X 1 = 1.201 d e> itrait ■)0 — > i.3g8S X 2 = 2.791 » 3°, 1.4560 X 3 = 4.36S » 4°, 1.4935 x 4 = 5.974 n 5°, 1.5236 X 5= 7.618 » 60, 1.5556 X 6 = 9.333 » 7°, 1.5762 X 7 = 1 i.o3 » 8°, i.556i X 8 = 12.448 » 9°. 1.5565 X g = 14.008 » 10°, 1.5356 X 10 = i5.356 ï> On constate que le maximum correspond à 7 P- c. d'alcool et que ce facteur est égal à celui auquel nos recherches nous ont conduit. Les six derniers facteurs fournissent le facteur moyen, 1,5504 ou 1,551, pour lequel les écarts sont : -I-0.29 en faveur du facteur moyen, et -\- o.3i en faveur du facteur 1.576 -f o.35 + 0.36 + o.33 -j- 0.26 moyenne : -|- 0.10S -\- 0.12 moyenne : 4-0.247 0.0 + 0.16 + 0.18 + °-4° r i°, + 0.29 2°, -|- o.3o 3°, + 0.28 4°. -f-O.23 5", + o.i3 6o, — o.o3 7°. — 0.18 8°, — 0.04 9°, — o.o5 IO°, -fo.i5 lOô Ph. BIOURGE Ces chiffres permettront à ceux qui voudront faire l'essai cle la méthode que nous préconisons de vérifier aisément s'il y a lieu d'adopter soit le facteur 1,551, soit le facteur 1,076. Le premier revient à mul- tiplier l'alcool en poids par 1,939, le second, à le multiplier par 1,97. Dans tous les cas, l'erreur moyenne possible ne dépasserait pas 0,2 d'extrait p. c. Nous ne pensons pas qu'il y ait lieu de désirer mieux. Nos tables ont d'ailleurs l'avantage de permettre au brasseur de s'assurer de la richesse de sa bière en alcool, en se servant uni- quement d'undensimètre donnant l'extrait à 15° (saccharomètre Balling de Lagazy . Il lui suffira pour cela de faire bouillir 100, 150 ou 200 cm3 de sa bière jusqu'à réduction de volume à moitié ou aux deux cinquièmes et de reporter ensuite au volume primitif. Connaissant la concentration primitive de son moût et la concentration de sa bière débarrassée d'alcool, il aura, en soustrayant la seconde de la première, l'extrait disparu pendant la fermentation. Les tables lui donneront immédiate- ment la quantité d'alcool correspondante. CONCLUSIONS A la suite des recherches que nous venons d'exposer, nous croyons pouvoir formuler les conclusions suivantes qui offrent un intérêt biolo- gique général : i° La quantité des acides volatils produits dans la fermentation alcoolique par les levures les plus diverses est indépendante de la quantité d'alcool formé; elle est nulle dans la fermentation par le Mucor racemosus. 2° La concentration du liquide en fermentation n'exerce aucune influence sensible sur la production des acides volatils. 3° Cette production croit proportionnellement à la durée cle la fermentation, toutes choses égales d'ailleurs. On peut donc considérer ces acides comme des produits de désassimilation des cellules de levure et non comme le résultat direct du dédoublement des sucres. La forte proportion d'acides que la levure livre à la distillation, comme nous l'avons vérifié après Mr Duclaux, prouve la légitimité de cette conclusion. 4° L'influence des diverses races de levures demanderait à être étudiée de plus près. Les conclusions du récent mémoire de Mr Prior nous paraissent prématurées. RECHERCHES SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE 107 Alcool Alcool Spirit indication Perte de Extrait Extrait fer- Extrait fer- Densité à i5° en volume en poids denshé cor- respondante perdu corres- pondant menté Aie. X i-55i menté Aie. X 1-576 0.999S5 0.1 00S o.i5 0.00045 0.11S o.i55i 0 1576 0.99970 0.2 0 16 o.3o 0 00090 0.237 o.3lo 0 3i5 0.99955 0.3 0.24 0.45 o.ooi35 o.355 0 465 "•473 0.99940 0.4 o.32 0 60 0.001S0 0-474 0.620 o.63o 0.99925 0.5 0.40 0.75 0.00225 0.590 0775 0.788 0.99910 06 0.48 0.90 0.00270 0.710 o.g3i 0.946 0.99895 0 7 o.56 i.o5 o.oo3i5 0.72S 1.086 i.io3 0.99880 0.8 0.64 1.20 370 0 S46 1.241 1.261 0.99865 0.9 0.72 1 35 0.00425 1.064 i.3g6 1.418 0.99850 1.0 0.80 i.5o 0.00480 1.261 i.55i 1.576 0.99835 1.1 0.88 1.65 o.O' 5 1.378 1.706 i.734 0.99820 1.2 0.96 1.S0 o.ooSgo i.548 1.S61 1.S91 0.99805 1.3 [.04 1.95 0.00640 1.679 2.016 2.04g 0.99790 1.4 2.10 0.00700 1.835 2. 171 2.206 0.99775 1.5 1.20 2.25 O.O" 1 979 2.326 ;,,, 0.99760 1.6 1.2S 2.4O 0.00S20 2.14S 2.522 0.99745 1-7 1.36 2.55 0.00S75 2.291 2.637 2.679 0.99730 1.8 1. 1 1 2-7° 0.00940 2.4597 2 792 2.837 0.99715 1.9 1.52 2.85 0.01000 2.6i55 2 947 2.994 0.99700 2.0 1 60 3 00 0.01070 2.797 3.102 3.152 0.996S6 2.1 1.68 3.14 o.on3o 2.953 3.257 3.3io 0.99672 2.2 1.76 3.28 o.ongo 3.108 3.412 3.467 0.99658 2.3 1.84 3.42 0.0I250 3 263 3.567 3.625 0.99644 24 1.92 3.56 0.01320 3.443 3.722 3.7S2 O.gg63o 2.5 2.0 3.70 o.oi3So 3.598 3.S78 3.940 0.99616 2.6 2.08 3.84 0.01440 3.752 4.023 4.09S 0.99602 2-7 2.16 3.98 o.oiSio 3.933 4.188 4-255 0.99588 2.S 2.24 4 12 o.oi56o 4.061 4-343 4.413 0.99574 2.9 3.32 4.26 0.01625 4 22S 4.498 4.57g 0.99560 3.0 2.40 4.40 0.01680 4.368 4.653 4.728 0.99548 3.1 2.48 4Ô4 0.01750 4^47 4 808 4 Stô 0.99532 3.2 2.56 4.6S 0.01810 4.700 4-963 5.043 0.99518 3.3 ' 2.64 4.82 0.01870 4.854 5.IIS 5 201 0.99504 3-4 2-72 4.96 0.01935 5.02I 5.273 5.35S 0.99490 3.5 2.8o 5.IO 0.01990 5.i6o 5.428 5.5i6 0.99476 3.6 2.S8 5 24 0.02060 5.338 5.5S+ 5.674 0.99462 3.7 2.96 5.38 0.02120 5 491 5.739 5.83i 0.99448 3 S 3.04 5.52 0. 02190 5 669 5.S94 5.98g 0.99434 3.9 3.12 5.66 0.0225o 5 S22 6.049 6.146 0.99420 4.0 3 20 5 So 0.023IO 5.974 6.204 6.304 0.99406 4-1 3.2S 5.94 o.o238o 6.i5i 6.35g 6.462 0.99392 4-2 3.36 6.0S 0.02450 6.328 6.5i4 6.61g 0.99378 4.3 3.44 6.22 o.o25io 6.480 6.669 6.777 0.90 4-4 3.52 6.36 o.025So 6 656 6.S24 6.g34 0.99330 4-5 3.6o 6.5o 0.02640 6.S08 6.980 7.092 io8 Ph. BIOURGE Alcool Alcool Spirit indication Perte de Extrait Extrait fer- Extrait fer- Densité à i5° en volume en poids densité cor- respondante perdu corres- dant menté Aie. X !-551 menté Aie. X 1 575 0.gg336 46 3 68 664 0.02710 6.gS5 7.135 7.25o 0.90322 4-7 3.76 6.7S 0.027S0 7.161 7 2go 7- l"7 0.99308 4.8 3.S4 6 92 ■ - 1 12840 7.3n 7-445 7 565 0.99294 4-9 3.92 7.06 o.o2gio 7487 7 f "h K ■ 7 722 0.99280 5.0 4.00 7 20 o.o2g7o 7.638 7 755 7.SS0 0.99267 5.i 4.08 7.33 o.o3o35 7-792 7 910 8.o38 0.99254 5 2 4.16 7.46 o.o3ioo 7.965 8 o65 ^8. i95 0.99241 5.3 4-24 7.5g 0.03170 8.140 8.220 S 353 0.99228 5.4 7.72 o.o323o 8.289 8 375 8.S10 o.9g2r5 5.5 4.4o5 7.85 0 03295 ' S 53i S.66S 0.99202 5.6 4 486 79S o.o336o S 6i3 8.686 S S26 0 99189 5.7 4.567 S. 11 0.034J6 S.S02 8.841 8.g83 0.99176 58 4.648 S.24 1. o5oo 8.g63 8.996 9-I4I 0.99163 S.g 4.729 8.37 o.o35So Q.161 g.i5i 9.29S 0.99150 6.0 4 . S 1 0 8.5o o.o365o 9.334 9.3o6 g.456 0.99137 G.i _ 4.891 S.67 0.03740 9.557 9.461 9.614 0.99124 6.2 4-972 8.80 o.o3Soo 9.705 9.616 9-771 o.ggin 63 5 o53 8.g3 o.o3SSo 9.903 9 7/1 9-929 0.99098 64 5.i34 9.06 0. 03945 io.o65 9.926 10.086 o.ggo85 65 5.2iS 9.1g 0.04020 10.248 10.0S1 10.244 0.99072 6.6 5 290 g. 32 0.04080 10.396 10.237 10.402 0.99059 6.7 5.377 9.45 0.04145 10.556 10.392 10. 55g 0.99046 6.8 5 45S g.58 0.04210 10.715 10.547 10.717 0.99033 69 5.53g g. 71 0.04275 10.875 10.702 19.874 0.99020 7-° 5.620 9»4 0.04340 11.034 10.S57 II 032 0.9900S 7-i 5.701 9.96 0.04 400 11. 181 11. 012 11.190 0.98996 7.2 5.782 10.08 0.0. | 11.328 11 167 II 347 0.98984 73 5.863 10.20 0 04510 11.450 11.322 n.5o5 0 98972 7-4 5.944 10.32 0.04570 11.597 "•477 11.61 0.9S960 7-5 6 025 10.44 0.04620 11. 719 n.633 11.820 0.98948 7.6 6.106 10.56 0.046S0 11.866 Il 7S8 11.978 0.98936 7-7 6.187 10 68 0.04740 12.012 Il 943 I2.I35 0.98924 7.8 6.268 10. So 0.04S00 I2.I5S n.ggS 12 293 0.9S912 7-9 6.349 10.92 0.04860 i2.3o3 12.253 i2.45o 0.98900 S.o 6.430 11.04 0.-04920 12.449 12.408 12 60S 0.98S88 S.i 6 5n 11,16 0.04990 12. 619 12.563 12.766 0.98876 8.2 6.5y2 11.28 o.o5o5o 12.765 12.718 12.923 0.98864 S.3 6.673 11.40 0.05I2O 12.934 12.S73 i3.o8i o.g8852 8.4 6.754 II 52 o.o5i8o i3.oSo 13.02S I3.23S 0.9S840 8.5 6.825 II 64 0.05240 13.224 13.184 i3 3g6 0.98S2S 8.6 6.916 11.76 o.o53io i3.3g3 i3 33g I3.554 0.98S16 8.7 6.997 11.88 0.05370 13.537 13.494 13.711 0.98S04 8.8 7.078 12.00 0.05430 I3.6S2 13.64g i3.S6g 0.98792 S.g 7.i5g 12.12 o.o55o5 13.864 13.804 14.026 0. 98 780 9.0 7 ■•■!" 12.24 0 o5562 14.009 13.959 14.184 RECHERCHES SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE I OC Alcool Spirit indication Perte de Extrait Extrait fer- Extrait fer- Densité à i5° en volume en poids densité cor- respondante perdu corres- pondant menté Aie. X 1-55 1 menté Aie. X 1-576 0.9876g 9.1 7.321 12.35 0 05617 I4i33 14.114 14.342 0.9875S 9.2 7.402 12.46 0.05674 14.271 14.269 14-499 ' ' 98747 9.3 7.483 12.57 o.o573o 14.402 14-4-4 i4.657 0.98736 9 4 7.564 12.68 0.05787 14.539 14.579 14.814 0.98725 g.S 7.645 12.79 0.O5835 14.654 14.735 14 972 1 1 9*714 9.6 7.726 12.90 0. o58go 14.785 14.890 i5.i3o 0.9S, 9-7 7.807 i3.oi 0.05945 14.918 15.045 15.287 0.98692 9.8 7.88S 13.12 0.06010 14.071 I5.20O 15.445 0.9S6S1 9-9 7.969 13.23 o.o6o65 14.203 15.355 i5.6o2 0.98670 10. 0 8.o5o 13.34 o.o6i3o ] 4.356 i5.5i 15.760 13 LA MOELLE ÉPINIÊRE DE LA TRUITE (Triatta fario) PAR A. VAN GEHUCHTEN PROFESSEUR D'ANATOMIE A L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. (Mémoire déposé le 10 septembre 1895J 14 LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE La moelle épinière des poissons n'a été étudiée que très incomplète- ment encore au moyen de la méthode au chromate d'argent de Golgi. Nansen, Retzius, v. Lenhossek et Martin sont les seuls auteurs qui, à notre connaissance, ont essayé jusqu'ici d'éclaircir la structure interne de la moelle épinière des poissons à l'aide de l'imprégnation de ses éléments constitutifs par le chromate d'argent. La moelle des poissons cyclostomes a été étudiée par Nansen (i), Retzius (2) et v. Lenhossek (3) ; les résultats obtenus par ces auteurs sont cependant trop incomplets encore pour que l'on puisse se faire une idée exacte de la forme et de la disposition des éléments constitutifs. Nous devons à v. Lenhossek (4) un travail sur la moelle épinière des embryons de Pristiurus, de même que des observations incomplètes encore sur la moelle épinière des raies (5). Nous parlerons de ces recherches dans le courant de ce travail. La moelle épinière des poissons osseux a été, presque à la même époque, l'objet de recherches spéciales de la part de Retzius (6) et de Martin (7). Le premier a étudié la moelle de Salmo Sa/ar, le second a fait 11) Nansen : The structure and combination of the liistological éléments of the central nervous System ; Bergens Muséums Aarsberetning, 1886. (2) Retzius : Zur Kenntniss des centralen Nervensystems von Amphioxus lanceolatus. — Zur Kenntmss des centralen Nervcnsystems von Myxine glutinosa; Biol. Untersuchungen, Bd. II, 1891. — Studien ïtber Ependym und Neuroglia; Biol. Untersuch., Bd. V, 1893. (3) v. Lenhossek : Der feincre Bau des Nervcnsystems im Liclile neuester Forschungen; i8g3. (4) v. Lenhossek : 'Beobachtungen an den Spinalganglien und dem Rùckenmark von Pristiurus- embryonen ; Anat Anz., 1892, p. 5ig. (5) v. Lenhossek : Zur Kenntniss des Rm kenmarkes der Rochen; Beitràge zur Histologie des Nervensystems und der Sinnesorganen. Wiesbaden, 1894. (6) Retzius : Studien liber Ependym und Neuroglia. — Die nervûsen Elemente im Rùckcnmarcke der Knochenfische ; Biol. Untersuch., Bd. V. 1S93. (7) Martin : Contribution à l'étude de la structure interne de la moelle épinière; La Cellule, t. XI, i895. 114 A. VAN GEHUCHTEN ses recherches, dans notre laboratoire et sous notre direction, sur la moelle de jeunes truites (Tnttla farid) âgées de 1 à 15 jours après éclosion. Dans le travail de Retzius, on trouve décrite, d'une façon très dé- taillée, la forme si caractéristique des cellules épendymaires de la moelle. Ce savant a obtenu dans ses coupes, imprégnés par le chromate d'argent, quelques types de cellules radiculaires antérieures, de cellules commissu- rales et de cellules des cordons proprement dites, ainsi que les collatérales des fibres de la substance blanche. Il a signalé en même temps l'existence, dans les ganglions spinaux, de cellules bipolaires, de cellules unipolaires et des formes intermédiaires. Tous ces faits ont été observés également par Martin sur la moelle épinière déjeunes truites. La publication en a été retardée forcément, parce que Martin désirait prendre part au concours universitaire annuel institué par le gouvernement belge. Ses observations ont été faites pendant les mois de février, mars et avril 1893. Pour lui permettre de prendre date, nous avons signalé les principales de ses conclusions dans un travail paru à la • fin de l'année 1893(1). Le mémoire de Martine été déposé à la fin de janvier 1894 et n'a pu être publié qu'il y a quelques semaines. Outre les faits publiés par Retzius et signalés plus haut, Martin a décrit et figuré la bifurcation que subissent les fibres des racines postérieures dès leur entrée dans la substance blanche de la moelle. Cette bifurcation n'avait été observée ni par v. Lenhossek chez l'embryon de Pristiurus, ni par Retzius chez le Saluio; Nansen l'a décrite, le premier, dans la moelle épinière de Myxine, longtemps avant que le même fait ne fut signalé par Ramon y Cajal dans la moelle d'embryons de poulet, par Kolliker, Van Gehuchten, v. Len- hossek, etc., dans la moelle des mammifères. Cette bifurcation des fibres des racines postérieures dans la moelle de Myxine a été confirmée par Retzius au moyen de la méthode au bleu de méthylène. Martin a encore signalé l'existence d'une commissure protoplasmatique postérieure, ainsi que la disposition spéciale des cellules radiculaires par rapport au point d'émergence de la racine antérieure. Les résultats obtenus par Retzius et par Martin sont encore très incomplets. Cela tient avant tout à la difficulté d'imprégnation des éléments nerveux, difficulté qui a frappé les deux auteurs : « Zuerst mislangen die * Farbungsversuchen nach der Golgi'schen Méthode, dit Retzius (2). Nach- li) Van Gehuchten : Contribution à l'étude du système nerveux des Téléostéens ; La Cellule, t. X, 1S94. (2) Retzius : Loc. cit., p. 19. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 1 15 « dem ich aber die erste Einwirkungsdauer der Chromosmium-Mischung « bis auf einen Tag herabgesetzt und nach Cajal's Vorschrift eine doppelte « Behandlung angewandt hatte, bekam ich eine Reihe schoner Fârbungen « sowohl vom Ependym, wie von clen nervosen Elementen des Riicken- « marks und des Gehirns. » « Im ganzen war es ziemlich schwer, dit-il plus loin (1), eine gute « Fàrbung der Ganglienzellen und ihrer Fortsâtze zu bekommen; am besten « gelang es bei jungen Exemplaren von 18-24 mm. Lange. Da ich mit Hun- « derten von Exemplaren arbeitete, erhielt ich auch einenicht unbcdeutende « Reihe guter Praparate. « « Les éléments nerveux de la moelle de truite, dit Martin (2), semblent « réduire le sel d'argent plus difficilement que ceux de la moelle des oiseaux « et des mammifères. Aussi, malgré nos essais réitérés et les légères modi- - fications que nous avons apportées à la méthode de Golgi..., nous n'avons - obtenu, dans les centaines de coupes que nous avons pratiquées, qu'un « certain nombre de préparations quelque peu réussies, montrant quelques- « uns des éléments constitutifs de la moelle des poissons. » Pendant les mois de février, mars et avril 1894 et 1895, nous avons entrepris de nouvelles recherches sur la moelle épinière de truite, en nous servant d'embryons âgés de 30 à 50 jours (3) et de jeunes alevins de 1 à 30 jours que nous avons pu nous procurer, grâce à l'extrême obli- geance de M. Fernand Hayez, pisciculteur à Fouron-S'-Pierre. Nous tenons à lui adresser ici nos plus vifs remerciements pour l'empressement et le désintéressement qu'il a mis à satisfaire toutes nos demandes. Nous avons obtenu les meilleurs résultats sur des embryons de 45 à 50 jours et sur déjeunes alevins de 1 à 25 jours. (1) Retzius : Loc. cit., p. 27. (2) Martin- : Loc. cit., p 56. (3) Le développement plus ou moins rapide dus embryons de truite semble être en rapport immédiat avec la température extérieure. Pour éviter tout malentendu, nous tenons à faire remar- quer que l'éclosion ou la sortie de l'œuf, pour les truites de la pisciculture de Fourou-St. Pierre, se fait communément, d'après les observations de M. F. Hayez, entre le 45e et le 5o° jour après la fé- condation. Dans une eau où la tempéiature reste à S" centigrades, nous écrit-il, vous aurez toujours des alevins 47 ou 4S jours après la fécondation. Les jeunes alevins, au sortir de l'œuf, sont pourvus d'un gros sac vitellin; celui-ci diminue insensiblement de volume pour disparaître complètement vers le 5o° jour après l'éclosion. Ces détails ont leur importance. Dans son travail sur les lobes optiques des Téléostéens (Morphologisches Jahrbuch, 18SS, p. 375), Auerbach parle de jeunes alevins perdant le sac vitellin entre le 60e et 708 jour. 11 est évident que, pour les truites étudiées par Auerbach, le développement a été plus lent que pour celles que nous avons eues à notre disposition. 116 A. VAN GEHUCHTEN Comme il est de toute impossibilité d'obtenir isolée la moelle épi- nière des embryons et des alevins de truite, nous nous contentions, après avoir enlevé le sac vitellin, de sectionner l'embryon ou l'alevin en morceaux de quelques millimètres d'épaisseur que nous laissions invariablement pen- dant trois jours dans le mélange osmio-bichromique. Une première impré- gnation est généralement insuffisante; aussi, sans contrôler même le résultat obtenu, avons-nous eu systématiquement recours à une triple, quelquefois même à une quadruple imprégnation. Pour mettre un peu d'ordre dans notre travail, nous décrirons succes- sivement : Les cellules radiculaires. Les cellules des cordons, comprenant i° les cellules commissurales ou cellules des cordons hétéromères et 2° les cellules des cordons proprement dites ou cellules des cordons tautomères. La commissure accessoire ou commissure de Mauthner. Les ganglions spinaux. Les fibres des racines postérieures. Les fibres de la substance blanche. La neuroglie. Et nous terminerons par quelques considérations sur la valeur des pro- longements collatéraux provenant du prolongement unique des cellules ner- veuses unipolaires des animaux inférieurs. Cellules radiculaires. Les cellules nerveuses de la substance grise de la moelle qui don- nent origine aux fibres des racines antérieures des nerfs périphériques occupent les diverses régions de la corne antérieure, ainsi que la partie de la substance grise située de chaque côté de la coupe du canal central. Ces cellules radiculaires sont généralement unipolaires, quelquefois bipo- laires, plus rarement multipolaires. Les cellules unipolaires présentent un corps cellulaire volumineux à contours arrondis, fig. l, 2a, 4 à 9a, ou bien quelque peu irréguliers, fig. 3b. Le corps cellulaire se prolonge en un gros tronc protoplasmatique d'où partent, d'une façon quelque peu variable de cellule à cellule, les dendritès ou prolongements protoplasma- tiques se ramifiant et se terminant entre les fibres de la substance blanche, LA MOELLE ÉPINIÈRE DE LA TRUITE L t 7 et l'axone ou prolongement cylindraxile qui traverse la substance blanche de la moelle pour devenir une fibre constitutive de la racine antérieure. Les cellules radiculaires bipolaires, fig. 2b, Ab, 6b, 1b, et les cellules multipolaires, FiG.4û?,5rf, "!d, 9c/, présentent également un corps volumineux d'où partent, d'une façon variable, les prolongements protoplasmatiques qui se ramifient dans la substance blanche du cordon latéral de la moelle et le prolongement cylindraxile pénétrant dans la racine antérieure. Les prolon- gements protoplasmatiques de toutes ces cellules radiculaires partent, d'une manière générale, de la face latérale du corps cellulaire pour s'épanouir directement dans la substance blanche de la moelle. Les prolongements protoplasmatiques internes semblent très rares. Nous ne les avons rencon- trés, dans les nombreuses coupes que nous avons étudiées, que sur les deux cellules, d, représentées dans la moitié droite de la fig. 4. Les prolongements internes de la cellule d' passent même quelque peu la ligne médiane et semblent représenter ainsi une ébauche de la commissure protoplasmatique décrite, dans la moelle des mammifères et des batraciens, par Cajal, Van Gehuchten et Sala. Cette rareté relative des prolongements protoplasma- tiques internes est, sans aucun doute, en rapport avec le peu de développe- ment de la moelle chez des alevins âgés tout au plus de 10 jours. L'examen comparé des cellules radiculaires reproduites dans nos fig. 1 à 9 et qui proviennent de la moelle épinière, soit d'embryons de truite âgés de 45 et de 49 jours, soit de jeunes alevins de 1 à 10 jours, montre en toute évidence que la richesse des prolongements protoplasmatiques est assez bien en cor- rélation avec le degré de développement de la moelle. Les cellules radiculaires des poissons ont été décrites et figurées par v. Lenhossek dans la moelle d'embryons de Pristiurus et dans la moelle de jeunes raies, par Retzius dans la moelle de Salmo, et par Martin dans la moelle de Trutta. Les cellules radiculaires de la moelle de raie sont remarquables par leurs nombreux prolongements protoplasmatiques se ramifiant dans toutes les régions de la substance blanche et par la position et la forme caractéristique des plus externes d'entre elles qui, situées à la limite de la substance blanche et de la substance grise, décrivent une courbe à concavité interne et envoient, de leur face externe, de nombreux prolongements pro- toplasmatiques jusque dans la zone la plus externe du cordon latéral. Ces cellules radiculaires sont, sous ces deux rapports, identiques aux cellules motrices de la moelle de Salamandra maculata et de Tropidonotus natrix, ainsi que nous le montrerons sous peu dans un autre travail. 118 A. VAN GEHUCHTEN Les cellules motrices de la moelle de truite ne présentent pas un développement aussi considérable, ainsi que cela ressort nettement de l'examen des figures de notre planche I. Ces cellules radiculaires ressem- blent complètement aux trois cellules figurées par Martin, mais diffèrent assez bien, par leur richesse en prolongements protoplasmatiques, des deux cellules reproduites par Retzius. Un détail important qui ressort encore de l'examen de nos coupes, c'est que, dans quelques-unes d'entre elles, on voit le corps cellulaire situé dans le voisinage immédiat de la coupe du canal central, fig. 4, 5 et 6 ; même dans la fig. 7, la cellule limite, par sa face interne, la lumière même de ce canal. Ces faits sont en concordance parfaite avec les observations embryo- logiques de His(i), confirmées par Cajal(2), v. Lenhossek(3) et Retzius(4). Toutes les cellules nerveuses de la moelle proviennent, par transformations successives, des cellules germinatives de His. Or, d'après les recherches de Altmann, ces cellules gernfinatives n'existent, chez tous les vertébrés, les amphibiens exceptés, que dans la couche cellulaire qui entoure immédiate- ment le canal central. Ces cellules germinatives, en se transformant d'abord en neuroblastes, puis en neurones définitifs, quittent insensiblement leur emplacement primitif pour se répandre dans les diverses régions de la corne antérieure et plus particulièrement dans le voisinage immédiat de la sub- stance blanche. Dans la fig. 4, 5 et 6, le déplacement s'est déjà quelque peu effectué. Ce qui prouve d'ailleurs que ces cellules sont arrivées à un état plus avancé de leur développement, c'est qu'elles sont plus riches en pro- longements protoplasmatiques. Les deux cellules de la fig. 3 représentent un stade encore plus avancé, en quelque sorte intermédiaire entre le stade précédent et celui de la cellule radiculaire définitive représenté par les cel- lules b et d de la fig. 7. Sur les coupes provenant de truites plus jeunes encore, fig. 1 et 2, les cellules radiculaires imprégnées par le chromate d'argent semblent déjà occuper leur emplacement définitif. Il résulte de ces faits que la transfor- mation des cellules germinatives en cellules radiculaires dans la moelle de truite ne se fait pas en même temps pour tous les éléments nerveux, con- formément d'ailleurs à ce que l'on observe dans la moelle des embryons de (i) His .- Die Neuroblasten und deren Entstehung im embryonalen Mark-; 1889. (2) Cajal : A quelle époque apparaissent les expansions des cellules nerveuses...; Anat. Anz., 1S90. (3) v. Lenhossek : Zur Kenntniss der ersten Entstehung der Nerven^cllen und Nervenfasern beim Vogelembryo; Verhandl. des X. intern. medic. Kongresses, Berlin, 1890. (4) Retzivs : y.ur Kentnniss der ersten Entwickclung...; Biol. Unters., Bd. V, 1893. LA MOELLE ÉPINIÈRE DE LA TRUITE 11Ç poulet, où, d'après les recherches de v. Lenhossek (1), cette transformation s'effectue plus ou moins rapidement pour les diverses cellules, du troisième au neuvième jour d'incubation. Le prolongement cylindraxile des cellules radiculaires naît générale- ment d'un point quelconque du gros tronc protoplasmatique à une distance variable du corps cellulaire lui-même. Ce prolongement cylindraxile, dans la moelle des poissons, est généralement dépourvu de branches collatérales. v. Lenhossek n'en parle pas pour les cellules de Pristiurus et relève d'une façon toute spéciale l'absence de collatérales dans la moelle épinière de la raie : « Kollateralàste, wie sie beim Menschen und Saugern nachGoLGi'sEnt- » deckung, die ich unlàngst vollauf bestâtigen kônnte, so hâufig vorkommen, « sind mir hier kein einzigesmal begegnet (2). » Et dans son excellent livre sur la structure interne du système nerveux, il exprime même l'idée que ces collatérales font complètement défaut dans la moelle épinière des poissons, des amphibiens et des reptiles : " Bei Fischen, Amphibien und Reptilien « vermisse ich sie vollkommen, dit-il, und da sie hier auch von anderer Seite « bisher nicht beschrieben sind,glaubeichmich zudemAusspruchberechtigt, « dass sie bei diesen Thieren vollkommen fehlen*(3).Quand v. Lenhossek a écrit ces lignes, il avait, sans aucun doute, perdu de vue qu'une collatérale motrice avait été vue et figurée par Cl. Sala sur le prolongement cylindra- xile d'une cellule radiculaire de la moelle de Bufo (4). Ces collatérales paraissent faire défaut également dans la moelle épinière de Sahno : - collatérale Aeste, dit Retzius (5), sah ich bei den « Axencylinderfortsàtzen der motorischen Zellen der jungen Lachse nie v. Martin est arrivé au même résultat négatif pour la moelle de truite. Dans les nombreuses coupes de la moelle que nous avons eues sous les yeux et dans lesquelles un certain nombre de cellules radiculaires étaient imprégnées par le sel d'argent, nous avons observé quelquefois l'existence d'une petite branche collatérale sur le prolongement cylindraxile d'une cel- lule radiculaire. Nous avons figuré trois de ces cellules dans les coupes transversales reproduites dans les fig. 2, 3 et 5, cm, et deux de ces cellules pourvues de collatérales dans la coupe longitudinale de la fig. 8. (1) v. Lenhossek : Der feinere Bau des Nervensystems itn Lichte neuestcr Forschungen; 2° Aufl., i8g5, p. 92. (2) v Lenhossek : Loc. cit., p. 46. (3) v. Lenhossek : Loc. cit., p. 254. (4) Cl. Sala : Eslructura de la mcdula espinal de ks batracios ; Barcelone, 1892, fig. 5. (5) Retzius : Loc. cit., p. 38. 15 120 A. VAN GEHUCHTEN Ces collatérales motrices (Golgï s Seitenfibrillen comme les appelle v. Lenhossek) existent donc également pour les cellules radiculaires des amphibiens et des poissons. Découvertes par Golgi et considérées par lui comme une disposition commune à toutes les cellules radiculaires, ces col- latérales motrices avaient été retrouvées, dans quelques cas isolés, par Cajal, Kôlliker et VanGehuchten. Les recherches récentes de v. Lenhossek (i) prouvent que ces collatérales, conformément à la manière de voir de Golgi, représentent en réalité une disposition constante, au moins dans la moelle épinière des mammifères et de l'homme. Les collatérales motrices n'ont pas encore été signalées, à notre con- naissance, pour les nerfs crâniens, v. Lenhossek les a obtenues colorées en noir sur le trajet des fibres radiculaires du nerf accessoire chez l'homme. Nous-mème nous les avons vues sur le trajet de quelques-unes des fibres radiculaires du facial dans nos coupes de l'encéphale de truite. D'après la doctrine émise tout d'abord par nous en 1891 (2), acceptée et défendue peu de temps après par Ramon y Cajal (3), les prolongements cylindraxiles des cellules nerveuses, ainsi que toutes les collatérales qui en dépendent, possèdent la conduction cellulifuge, tandis que les prolongements protoplasmatiques ou dendritiques jouissent de la conduction cellulipète. Retzius (4) a adhéré à cette manière de voir. v. Lenhossek, après avoir combattu quelque temps cette opinion (5), s'y est rallié dans son dernier travail (6), sans cependant admettre cette doctrine dans toutes ses con- séquences. Pour v. Lenhossek, les collatérales nées des prolongements cylindraxiles des cellules radiculaires ne posséderaient pas la conduction cellulifuge, mais bien la conduction cellulipète (pp. 133, 258 et 307); elles viendraient en connexion, dans la corne antérieure, avec les ramifications terminales des collatérales sensitivo-motrices émises par les fibres exogènes des cordons postérieurs et auraient pour fonction de recueillir les ébranle- ments amenés par ces collatérales et de les transmettre aux cellules radi- culaires. De la même conduction cellulipète jouiraient les collatérales nées (ï) v. Lenhossek : Die feinere Bau des Nervensystems; i8g5, p. 254. (2) Van GtHucHTEN : La structure des centres nerveux; La Cellule, t VII, 1891, p. 83. (3) Ramon y Cajal .- Sobre el papel desempenado per los expansiones protovlasmaticas y nerviosos de las celulas centrales; Barcelone, iSgi. (4) Retzius : Zur Kenntniss der ersten Entwickelung der nervûsen Elemcnte im Rûckenmarke des Hûhnchens; Biolog. Unters., 1S93, p. 54. (5) v. Lenhossek : Ursprung, Verlauf und Endigung der sensiblen Nervsnfasern bel Lumbricus; Archiv. f. mikr. Anatomie, 1892. (6) v. Lenhossek : Der feinere Bau... etc., i8g5, p. 141, LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 121 de la première portion du prolongement cylindraxile de toute cellule ner- veuse : * Ich komme also, dit-il p. 134, nach ail dem zu der Vermutung, « dass man den Nebenàstchen des Axons nicht durchgehend dieselbe funk- « tionelle Bedeutung beilegen darf; diejenigen der erste Strecke (Golgfsche « Seitenfibrillen) scheinen in Bezug auf ihre physiologische Rolle eigentlich « mit den Dendriten in eine Kategorie zu gehôren, indem sie an der Auf- « nahme der Reize beteiligt sind, erst die spâteren, die echten Cajal'schen « Kollateralen besitzendie Bedeutung von reizabgebendenApparaten,gleich « dem verzweigten Endstiicke des Nervenfortsatzes. Die ersteren sind « Axodendriten... die letzteren sind richtige Paraxonen. „ D'après v. Lenhossek, les collatérales émises par les prolongements cylindraxiles des cellules nerveuses se diviseraient donc en deux groupes : les unes, à conduction cellulipète, naissent de la première portion de l'axone : ce sont les collatérales de Golgi < Golgi's Seitenfibrillen), les axoden- drites de v. Lenhossek; les autres, à conduction cellulifuge, comprennent toutes les autres collatérales émises par les prolongements cylindraxiles : ce sont les collatérales de Cajal (Cajal'sche Kollateralen), les paraxones de v. Lenhossek. Cette manière de voir de v. Lenhossek, appliquée indistinctement à toute cellule nerveuse, se trouve en opposition avec ce fait : c'est que les collatérales nées du prolongement interne des cellules des ganglions spinaux possèdent toutes la conduction cellulifuge. Si l'opinion de v. Lenhossek était l'expression de la vérité, on arriverait à cette situation étrange que les premières collatérales émises par les fibres des racines postérieures, dès leur entrée dans la substance blanche du cordon postérieur, auraient la conduction cellulipète. Or, ces- premières collatérales sont précisément les collatérales sensitivo-motrices pour lesquelles v. Lenhossek lui-même, d'ac- cord en cela avec Cajal, Kolliker, Retzius, nous-mème et bien d'autres, admet la conduction cellulifuge. Appliquée exclusivement aux collatérales des cellules radiculaires, l'opinion de v. Lenhossek se trouve combattue par les observations que nous avons faites sur la moelle épinière de la truite. Ici, les collatérales motrices existent, quoiqu'elles ne constituent pas une disposition constante, et elles ne viennent nullement en connexion avec les collatérales des fibres des cordons postérieurs qui s'épanouissent toutes, ainsi que nous le verrons plus tard, dans la substance grise des cornes postérieures. 122 A. VAN GEHUCHTEN D'après les recherches de Martin, faites sur la moelle épinière d'em- bryons de poulet, les fibres d"une racine antérieure donnée ne proviennent pas uniquement de cellules motrices placées dans la substance grise au niveau de l'origine apparente de cette racine, mais bien d'une colonne de substance grise verticale occupant une assez grande étendue dans la corne antérieure. Il s'en suit que toutes les fibres d'une racine donnée, au sortir de la corne antérieure, convergent les unes vers les autres en traversant la substance blanche jusqu'au point d'émergence de la racine examinée. La même disposition se retrouve dans la moelle de la truite. On peut s'en rendre compte facilement en étudiant des coupes longitudinales passant par les points d'émergence des racines antérieures ; les fig. 8 et 9 représentent deux de ces coupes empruntées à des embryons de truite âgés de 50 jours. Avant de quitter les cellules radiculaires nous tenons encore à faire remarquer que, dans aucune des nombreuses coupes que nous avons étu- diées, nous avons vu une fibre de la racine antérieure traverser la commis- sure de Mauthner pour se rendre à sa cellule d'origine dans la substance grise de la moitié opposée de la moelle, ainsi que cela avait été admis gé- néralement par les auteurs qui ont étudié le système nerveux des poissons (Stieda) (1J. Nos recherches sur la moelle épinière des mammifères, des oiseaux, des reptiles et des batraciens nous ont conduit à la même conclu- sion : les fibres des racines antérieures des nerfs spinaux sont toujours des fibres directes; elles proviennent de cellules nerveuses éparpillées dans la substance grise de la corne antérieure et dans celle qui se trouve de chaque côté de la coupe du canal central. Cette conclusion, conforme d'ailleurs aux observations de Cajal, v. Lenhossek, Kôlliker, Retzius, etc., mérite d'être relevée d'une façon spéciale. Golgi (2) prétend encore, en effet, i° que les cellules radiculaires occupent toutes les régions de la substance grise, la substance de Rolando exceptée; 2° qu'un certain nombre de fibres d'une racine antérieure donnée sont des fibres croisées et proviennent de cellules nerveuses situées dans la substance grise du côté opposé de la moelle. De plus, cette opinion erronée de Golgi se trouve reproduite dans les livres de Edinger, de Obersteiner et de Bechterew (3). (1) Stieda : Sludien ùber das centrale Nervensystem der Knochenfische; Zeitschr. i. wiss. Zool., 186S. (2) Golgi : Ergebnisse der Anatomie und Entwickelungsgeschichte ; Bd. I, 1S91. Article : Nerven- system ; pp. 2S2-2S3 et p 3i6. (3) Dans son travail sur la moelle épinière des Téléostéens, paru pendant la correction de ces pages, Haller soutient la même opinion. Nous relèverons les observations de Haller à la fin de ce mémoire. LA MOELLE ÉPINIÈRE DE LA TRUITE 123 Cellules des cordons. a) Cellules commissurales ou cellules des cordons hélëromères. Les cellules commissurales s'imprègnent par le chromate d'argent avec une extrême facilité. Elles sont généralement unipolaires, quelquefois bipo- laires, et présentent un corps cellulaire volumineux à contours arrondis, se prolongeant en avant en un gros tronc protoplasmatique. Du corps cellulaire et du tronc volumineux qui en dépend partent latéralement des dendrites se ramifiant entre les fibres de la substance blanche. L'extrémité antérieure du tronc protoplasmatique, en se rétrécissant, donne naissance au prolonge- ment cylindraxile ou prolongement à conduction cellulifuge. Celui-ci s'in- cline vers la commissure accessoire ou commissure de Mauthner, traverse cette commissure, pénètre dans la substance grise de la moitié opposée de la moelle, puis dans la substance blanche du cordon antéro-latéral où il s*infléchit, soit en haut, soit en bas, pour devenir le cylindre-axe d'une fibre constitutive de ce cordon. Quelquefois, avant de pénétrer dans la substance blanche, le prolongement cylindraxile se bifurque en deux branches d'égale épaisseur qui pénètrent ensuite, chacune pour son compte et à une distance variable l'une de l'autre, dans la substance blanche du cordon antéro-latéral. Toutes ces cellules commissurales appartiennent au groupe des cellules des cordons hctéromères. Dans aucune de nos préparations, nous avons rencontré un exemple des cellules des cordons hécatéromères, c'est-à-dire une cellule nerveuse dont le prolongement cylindraxile se bifurque, dans la substance grise, pour donner naissance à deux branches, dont l'une seule passe la com- missure pour se rendre dans la substance blanche de la moitié opposée de la moelle, tandis que l'autre devient le cylindre-axe d'une fibre du cordon antéro-latéral de la moitié correspondante. Les prolongements cylindraxiles de ces cellules nerveuses, pendant leur trajet dans la substance grise, sont généralement dépourvus de bran- ches collatérales. Cette absence de collatérales n'est cependant pas absolue. Nous avons reproduit, dans la fig. 48, un tronçon de prolongement cylin- draxile appartenant à une cellule commissurale, qui émet deux petites col- latérales avant de traverser la commissure de Mauthner. Les cellules commissurales se trouvent, dans la moelle épinière de la truite, dans toutes les régions de la substance grise. Les nombreuses figures que nous avons jointes à ce travail prouvent ce fait en toute évidence. A 124 A- VAN GEHUCHTEN côté de cellules commissurales situées dans la corne antérieure entremêlées aux cellules radiculaires et dont les fig. 14, 17 et 20 reproduisent quelques beaux exemples, on en trouve d'autres dans la partie de la substance grise située de chaque côté du canal central, fig. 3, 5, 6, 11, 12, 14, 16. 21. On les rencontre cependant de préférence dans toute l'étendue de la corne postérieure et principalement à la limite interne de la substance blan- che du cordon postérieur. Les cellules commissurales des cornes postérieures envoient leurs pro- longements protoplasmatiques entre les fibres constitutives du cordon pos- térieur et de la partie postérieure du cordon latéral, où ils arrivent en contact avec les nombreuses collatérales nées des fibres de ces cordons, fig. 13 et 37. Leur prolongement cylindraxile traverse d'arrière en avant toute l'étendue de la substance grise pour s'infléchir dans la commissure de Mauthner et par là se rendre dans le cordon antéro latéral du côté opposé. Parmi ces cellules commissurales des cornes postérieures, quelques- unes, de forme bipolaire ou multipolaire, envahissent par leur corps cellu- laire la partie médiane de la moelle de manière à venir se placer dans le voisinage immédiat du septum médian; ces cellules envoient un gros tronc protoplasmatique à travers les cellules épend)?maires qui constituent cette cloison médiane pour aller s'épanouir entre les fibres du cordon postérieur et du cordon latéral de la moitié opposée de la moelle, fig. 5, 6, 10. Elles concourent ainsi à former une commissure protoplasmatique postérieure déjà signalée par Martin dans la moelle épinière de la truite. Ces cellules commissurales des cornes postérieures nous paraissent avoir une grande importance. Quelques auteurs, Bechterew (î), Edinger (2), Auerbach (3) et Waldeyer (4), en se basant sur des préparations colorées à l'hématoxyline d'après la méthode de Weigert, ont pu poursuivre des fibres nerveuses depuis la" partie la plus reculée des cornes postérieures jusque dans le cordon antéro-latéral du côté opposé. Bechterew, Edinger et Auerbach ont considéré ces fibres nerveuses comme appartenant aux ra- cines postérieures et ont conclu de leurs recherches que, parmi les fibres radiculaires postérieures, quelques-unes se recourbent horizontalement en avant dès leur entrée dans la moelle, traversent toute l'étendue de la (i) Bechterew : cité d'après (4) Waldeyer : Ueber einige neucre Forschungen...; 1891, p. 63. (2) Edinger : Ueber die Fortset^ung der hinteren Rùckenmarkswurçeln \um Gehirn; Anatom. Anz., 188g, p. 121. (3) Auerbach : Zur Anatomie der aufsleigend degenerirenden Système des Rûckenmarks ; Ana- tomischer Anzeiger, 1890. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 125 substance grise pour passer par la commissure antérieure et se prolonger jusque dans le cordon antéro-latéral du côté opposé de la moelle, où elles deviennent les cylindre-axes de fibres constitutives de ce cordon. Depuis les résultats obtenus par la méthode de Golgi, Edinger(i) a modifié sa première manière de voir, en ce sens qu'il admet que ces fibres commissurales proviendraient de cellules nerveuses situées dans la corne postérieure elle-même. Dans des recherches d'anatomie comparée faites sur la moelle à' An- guis fragilis, de Tropidonotus natrix, de lapins, de chats et de chauve- souris, Karl Schaffer est arrivé à des conclusions conformes à la première manière de voir de Edinger : - Auf Grund meiner Angaben, conclut-il (2), „ wird also die Edinger'sche Behauptung, dass im Vorderseitenstrang die „ gekreuzten Hinterwurzelfasern verlaufen, bekraftigt, jedoch mit der Mo- » dification, dass dièse Fasern 'zumindest beim Tropidonotus natrix) ohne » eine zellige Unterbrechung im Hinterhorne diesen Weg zuriicklegen. » Les observations que nous avons faites sur la moelle épinière de la truite nous ont prouvé qu'aucune fibre des racines postérieures n'arrive jusque dans la commissure antérieure, et, de plus, que toutes les fibres commis- surales que Schaffer a colorées dans ses coupes ne sont que les pro- longements cylindraxiles de cellules nerveuses situées dans la partie la plus reculée des cornes postérieures. Cette conclusion s'applique également aux fibres commissurales de la moelle épinière de Tropidonotus natrix, ainsi que nous le montrerons sous peu (3). Schaffer est encore arrivé à une seconde conclusion. D'après lui, certaines fibres des racines postérieures, dès leur entrée dans la moelle, s'inclinent en dehors pour pénétrer dans le cordon latéral du même côté, puis quittent ce cordon pour traverser la commissure antérieure et se (1) Edinger : Einiges vom Verlaufe der Gefùklsbahnen im centrale» Nervensystem; Deutsche medicin. Wochenschr., 1S90, nr 20. (2) Schaffer : Vergleichend-anatomische Untersuchungen ùber Rùckenmarksfaserung ; Arch. fur mikr. Anat., 1891, p. 173. (31 Haller a observé ces fibres à direction antéropostérieure dans la moelle épinière de différents poissons osseux. Dans son travail sur le système nerveux central à'Orthagoriscus mola (Morpbologisches Jahrbuch, 1891, p. 22D\ il donne à l'ensemble de ces fibres à direction antéropostérieure le nom de commissure perpendiculaire. Ces fibres renforceraient, dans le cordon antérieur, le funiculus inferior pour se rendre ensuite dans les racines antérieures des nerfs périphériques. Dans son mémoire plus récent sur la moelle épinière des Téléostéens Morphologisches Jahrbuch, iSg5. p. 114), il donne à l'ensemble de ces fibres le nom de commissure verticale (verticale Kommissur). 11 ne parle plus des relations de ces fibres avec les racines antérieures, mais admet comme probable : « dass dièse Fortsàtze in den Ventralstràngen zu Làngsfasern wurden und dass dieselben mit den Pyramidenstrangen hirnwàrts streben, wie dièses Edinger meint ». 126 A. VAN GEHUCHTEN rendre dans le cordon antéro-latéral du côté opposé. Nous n"avons pas retrouvé ces fibres nerveuses dans la moelle épinière de la truite; elles n'existent pas davantage dans la moelle de Tropidonotus; mais nous avons obtenu, imprégnées par le sel d'argent, dans la corne postérieure de la moelle de la couleuvre, un certain nombre de cellules nerveuses qui en- voient leur prolongement cylindraxile dans la partie postérieure du cordon latéral de la moelle, et, de plus, sur la face interne de ce cordon, d'autres cellules nerveuses dont le prolongement cylindraxile traverse la commissure antérieure. La méthode de Weigert ne colorant que la myéline des fibres nerveuses, Schaffer a, d'après nous, eu sous les yeux les prolongements cylindraxiles de ces deux neurones. Il n'existe donc pas, dans la substance blanche du cordon antéro-latéral de la moelle des vertébrés, de fibre nerveuse qui soit la continuation directe d'une fibre des racines postérieures. b) Cellules des cordons proprement dites on cellules des cordons tautomères. Ces cellules spéciales ont été vues et figurées dans la moelle épinière des poissons par v. Lenhossek, Retzius et Martin. Les observations que nous avons faites sur des coupes transversales de la moelle de truite ne nous ont appris rien de nouveau à ce sujet. Nous avons reproduit, dans nos fig. 2, 3, 12, 15, 16, 18, 19, 20, 21, 22. 23 et 24, quelques types de cellules des cordons empruntés à la moelle épinière de truites arrivées à des stades différents dans le développement. Ces cellules des cordons sont généralement bipolaires ou multipolaires. Les prolongements protoplasmatiques qui en dépendent se ramifient entre les fibres nerveuses de la substance blanche voisine, tandis que le prolongement cylindraxile, né soit directement du corps cellulaire, soit d'un point quelconque d'un gros tronc protoplasmatique, décrit un trajet plus ou moins compliqué dans la substance grise avant de se recourber dans la substance blanche du cordon antéro-latéral soit comme tel, soit après bifurcation préalable en deux branches d'égale épaisseur. Ces cellules des cordons existent dans toutes les régions de la substance grise; on en trouve jusqu'à l'extrémité des cornes postérieu-res dans le voisi- nage immédiat du septum médian. La cellule représentée dans la fig. 20 envoie même un gros tronc protoplasmatique à travers cette cloison mé- diane et concourt ainsi à former avec quelques-unes des cellules commissu- rales des cornes postérieures une commissure protoplasmatique postérieure. LA MOELLE EPINIÈRE DE LA TRUITE 127 Toutes les cellules des cordons, cellules commissurales ou cellules des cordons hétéromères et cellules des cordons proprement dites ou tautomères, ont donc ce caractère commun que leur prolongement cylindraxile va devenir le cylindre-axe d'une fibre constitutive de la substance blanche de la moelle. Dans la moelle des mammifères, des oiseaux, des amphibiens et des reptiles, nous savons, par les observations concordantes de Cajal, Kôlliker, Van Ge huchten, v. Lenhossek, Retzius, Cl. Sala et bien d'autres, qu'arrivé dans la substance blanche, le prolongement cylindraxile d'une cellule des cor- dons peut se comporter de deux façons distinctes : quelquefois, il se recourbe simplement, soit en haut, soit en bas, pour devenir une fibre ascendante ou une fibre descendante ; le plus souvent, il se bifurque en deux branches, dont l'une devient une fibre ascendante et l'autre une fibre descendante La disposition ne semble plus être la même dans la moelle épinière de la truite. Nous avons étudié à ce point de vue, d'une façon spéciale, des cen- taines de coupes transversales de moelle montrant imprégnées par le chro- mate d'argent une ou "plusieurs cellules des cordons et toujours il nous a semblé que, arrivé dans la substance blanche, le prolongement cylindraxile de la cellule examinée se recourbait simplement en haut ou en bas. Dans la moelle épinière des embryons de Pristiuriis, v. Lenhossek a pu se convaincre plusieurs fois que le prolongement cylindraxile des cellules commissurales se bifurquait en une fibre ascendante et une fibre descen- dante. Il semble ne pas avoir observé le même fait pour le prolongement cylindraxile des cellules des cordons tautomères. Dans ses recherches sur la structure interne de la moelle épinière de la raie, il n'a poursuivi le prolongement cylindraxile des cellules des cordons que jusque dans la sub- stance blanche, sans avoir pu élucider comment il s'y comporte : « er taucht » nach geschlàngeltem Verlaufindie mittleren Teile des Seitenstranges ein, » dit-il en parlant de ce prolongement cylindraxile; ou bien encore : " der " bogenformig nach vorn lenkt, um in das vorderste Gebiet des Seiten- « stranges einzutreten.... ; „ et plus loin : « den Nervenforsatz aber stets « nach vorn schicken und ihn das oben beschriebene dorsale Grobfaser- « biindel eintreten lassen (1). » Dans la moelle épinière de Salmo, le prolongement cylindraxile des cellules des cordons parait se comporter comme dans la moelle de Trutta : « er tritt dann transversal duich die vordere Commissur in die andere « Halfte des Markes hiniiber, dit Retzius (2) en parlant de l'axone des cel- (i) Loc cit., p. 5g. (2) Loc. cit., p. 28. 16 128 A. VAN GEHUCHTEN Iules commissurales, und zieht, nach aussen-hinten verlaufend, eine kiir- „ zere oder lângere Strecke weiter, bis er nach aussen hin in die Strang- » région hinaustritt und in die longitudinale Richtung einbiegt, uni in dem „ betreffenden Strang als Lângsnervenfaser seinen Lauf fortzusetzen. » Et sur les figures qui accompagnent le travail de Retzius, aussi bien que sur celles du mémoire de Martin, on voit le prolongement cylindraxile des cel- lules des cordons se perdre dans la substance blanche. Aucun des auteurs qui ont étudié, au moyen de la méthode de Golgi, la structure interne de la moelle épinière des poissons ne semble avoir ob- tenu des résultats favorables sur des coupes longitudinales. Nous avons consacré à ce point spécial une attention toute particulière. Les meilleurs résultats nous ont été fournis par des moelles d'embryons de truite de 45 à 50 jours. Nous allons poursuivre successivement, sur ces coupes longi- tudinales, le prolongement cylindraxile des cellules des cordons tautomères et celui des cellules des cordons hétéromères. Cellules des cordons tautomères. Les fig. 26, 27, 28, 29, 30 et 33 re- produisent quelques types de cellules des cordons proprement dites ou cellules des cordons tautomères complètement imprégnées par le chromate d'argent. Ces figures montrent que le prolongement cylindraxile de ces cellules nerveuses, arrivé dans la substance blanche, se recourbe soit en bas, fig. 26, 27, 29 et 30, soit en haut, fig. 28 et 33, pour devenir une fibre constitutive de la substance blanche, ainsi que cela a été observé par Retzius. Elles montrent de plus ce détail important, qui a échappé à v. Lenhossek, Retzius et Martin, c'est que, après un trajet ascendant ou descendant plus ou moins long, ces prolongements cylindraxiles se recour- bent, dans l'immense majorité des cas, une seconde fois sur eux-mêmes, pour se bifurquer en deux branches qui s'écartent l'une de l'autre sous un angle variable. De ces deux branches de bifurcation, l'une devient le cylindre-axe d'une fibre ascendante, l'autre celui d'une fibre descendante de la moelle. Cette bifurcation tardive du prolongement cylindraxile des cellules des cordons tautomères est intéressante à noter. Elle doit nous mettre en garde contre des conclusions trop hâtives basées sur l'étude exclusive de coupes transversales. A ne considérer que ces dernières, nous aurions été tenté de conclure que l'axone d'une cellule des cordons, arrivé dans la substance blanche de la moelle, se recourbait simplement pour devenir une fibre descendante ou une fibre ascendante. L'étude des coupes longitudinales LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 12Ç nous montre que, après avoir été pendant un court trajet une fibre ascen- dante ou descendante, l'axone se bifurque pour donner naissance à deux fibres, dont l'une monte et dont l'autre descend dans la moelle. Ces deux branches de bifurcation peuvent atteindre une longueur considérable : c'est ainsi que nous avons reproduit dans la fig. 36 une cellule des cordons tautomères, dont la branche ascendante du prolongement cylindraxile a pu être poursuivie sur une longueur de sept vertèbres, et la branche descen- dante sur une longueur de quatre vertèbres. Ces fibres étaient plus longues encore, mais elles ont été sectionnées par la lame du microtome. Les deux branches de bifurcation provenant du prolongement cylin- draxile d'une cellule des cordons sont généralement d'égale épaisseur. Quel- quefois cependant, l'une de ces branches est plus volumineuse que l'autre. Dans les deux cas de cette espèce reproduits dans notre fig. 33, la branche ascendante était plus volumineuse que la branche descendante. La bifurcation de l'axone des cellules des cordons tautomères n'est cependant pas une règle absolue. On rencontre de temps en temps une cellule des cordons, dont le prolongement cylindraxile, arrivé dans la sub- stance blanche de la moelle, se recourbe simplement pour devenir une fibre ascendante ou une fibre descendante. Nous avons reproduit une telle dis- position dont la fig. 30b et 33b. Dans la figure 29a, on trouve également trois cellules des cordons, dont les prolongements cylindraxiles deviennent des fibres descendantes de la moelle. L'intérêt des cellules reproduites dans cette figure consiste dans ce fait, que les axones de ces trois cellules nerveuses se rendent dans le faisceau de fibres nerveuses des cordons antérieurs compris entre la commissure ventrale et la commissure accessoire, et désigné par nous sous le nom de faisceau dorsal du cordon antérieur. Ce faisceau dorsal est la continuation, dans la moelle, du faisceau longitu- dinal postérieur. Comme nous l'avons établi dans un autre travail (î), le faisceau longitudinal postérieur est, chez la truite, un faisceau descendant, contrairement à la manière de voir de Kôlliker(2) et de Ramon y Cajal(3), qui considèrent le faisceau longitudinal postérieur des vertébrés supérieurs comme un faisceau ascendant. Les fibres constitutives les plus proximales de ce faisceau proviennent de cellules nerveuses situées dans le cerveau moyen (il Van Gehlchten : Le faisceau longitudinal postérieur ; Bull, de l'Acad. de méd de Belg., i8g5. (2) Kôlliker : Handcitt.li der Gewebelehre des Menschen; 1S93, Bd. II, pp. 29g et 3oo. (31 Ramon y Cajal : Apuntes para el estudio de! bulbo raquidio, cerebelo y origen de los ner- vios encefalicos. — Fasciculo longitudinal posterior; pp. 5i-5g, Madrid, i8g5. l3o A. VAN GEHUCHTEN au-dessus du noyau d'origine du nerf oculo-moteur commun. En descendant dans le tronc cérébral, ce faisceau longitudinal augmente de volume par l'adjonction de nouvelles fibres nerveuses provenant de différents niveaux du tronc cérébral et notamment de cellules nerveuses situées dans le noyau terminal sensitif du nerf acoustique et dans celui du nerf trijumeau. La fig. 29 prouve, de plus, que, même en descendant dans la moelle, le faisceau longitudinal postérieur reçoit de nouvelles fibres nerveuses pro- venant de quelques cellules des cordons. Cette disposition peut s'observer également sur des coupes transversales : témoin la fig. 14, dans laquelle le prolongement cylindraxile de la cellule a se recourbe dans le faisceau dor- sal du cordon antérieur de la moitié opposée de la moelle. Cellules des cordons hétéromères . Le prolongement cylindraxile des cellules commissurales se comporte comme celui des cellules dont nous venons de faire l'étude. Dans les coupes longitudinales sagittales reproduites dans les fig. 27 et 33, on voit quelques fibres nerveuses sortir de la commis- sure accessoire, monter ou descendre dans la substance blanche du cordon antérieur, puis, après un trajet de longueur variable, quitter ce cordon pour se diriger vers la partie postérieure du cordon latéral et là se bifurquer en une fibre ascendante et une fibre descendante. Ces deux branches de bifur- cation présentent généralement la même épaisseur. Cependant la fibre d de la fig. 33 donne naissance à une branche descendante plus volumineuse que la branche ascendante. Les fig. 32, 34 et 35 représentent des coupes vertico-transversales pas- sant par la commissure accessoire. Elles montrent également que l'axone des cellules commissurales, après avoir passé la ligne médiane, se bifurque en une branche ascendante et une branche descendante qui vont devenir des fibres constitutives soit du cordon antérieur, soit du cordon latéral. Des deux branches de bifurcation provenant des fibres a etb, dans la fig. 35, la branche ascendante est plus volumineuse que la branche descendante. La disposition reproduite dans la fig. 34 mérite une attention spé- ciale. La fibre a représente l'axone d'une cellule commissurale. Après avoir passé par la commissure accessoire, cet axone se bifurque, dans le cordon antérieur, en deux branches d'égale épaisseur. La branche descendante quitte bientôt le cordon antérieur pour se rendre dans le cordon latéral ; la branche ascendante présente le même trajet et peut être poursuivie jusque très loin dans la moelle allongée. Mais en remontant dans le tronc cérébral, ce prolongement cylindraxile augmente insensiblement d'épaisseur. LA MOELLE ÉPINIÈRE DE LA TRUITE 131 Cette différence dans le calibre de l'axone, aux différents points de son trajet, est d'ailleurs assez fréquente dans la moelle épinière de la truite et dans la moelle de la salamandre. Il en est de même, d'après les observa- tions faites par Cl. Sala Ci), dans la moelle épinière de la grenouille. Grêle et délicat dans le voisinage immédiat de la cellule d'origine, nous avons vu très souvent l'axone s'épaissir dans son trajet ultérieur(2). Cette disposition mérite d'être signalée. Dans son article sur le faisceau longitudinal postérieur, Ramon y Cajal admet que les fibres constitutives de ce faisceau sont des fibres ascendantes, se terminant par des arborisations libres dans le noyau supérieur du faisceau longitudinal postérieur de Edinger et dans la couche optique. Pour admettre cette manière de voir, il se base sur ce fait, que les fibres de ce faisceau sont beaucoup plus grêles au-dessus qu'au-dessous du noyau du nerf III et que par conséquent on doit les considérer comme des branches terminales : - No hemos logrado precisar, dit-il (3), la terminacion « de estas fibras mas largas, que después de cruzar el fasciculo de Meinert, « se doblan hacia adelante y abajo; pero su extrema delgadez que contrasta «■ con la notable robustez de las mismas antes de emitir las colaterales desti- « nadas a los nucleos oculo-motores, nos obliga a estimarlas como ramitas - terminales y no como cilindros-ejes nacidos en el cerebro intermedio. » Le fait que les fibres du faisceau longitudinal postérieur sont plus minces au-dessus qu'au-dessous du noyau d'origine du nerf III ne suffit pas, à lui seul, pour faire admettre que les fibres de ce faisceau sont des fibres ascendantes, puisque la fibre ascendante de notre fig. 34 est plus épaisse dans la moelle allongée que dans le voisinage de sa cellule d'origine. (1) Cl. Sala : Estructura de la medula espinal de l»s batracios; Barcelone, 1892. (2) Bêla Haller, dans son travail sur la moelle épinière des téléostéens, dont nous parlerons à la fin de ce mémoire, a observé plusieurs fois une disposition analogue L'explication qu'il en donne ne concorde cependant pas avec ce que nous avons observé : « Die Erklàrung dafùr ist am ehesten « wohl die, dass der sich verdickende Theil des Fortsatzes einen Verstàrkungsast, sei es aus einer et anderen Ganglienzelle oder aus einer anderen Nervenfaser, in einer Rkhtung erhàllt, die auf die « Schnittebene senkrecht steht und deshalb nicht beobachtet werden kann (p. 96'. » Nous avons exa- miné la coupe de la fig. 34 par ses deux faces et nous n'avons trouvé nulle part trace d'une branche anastomotique venant renforcer la fibre primitive. (3) Ramon y Cajal : El fasciculo longitudinal posterior -. « Nous n'avons pu préciser la termi- naison de ces fibres plus longues, lesquelles, après avoir croisé le faisceau de Mlynert, se recour- bent en avant et en bas ; mais leur extrême finesse, qui contraste avec la notable épaisseur que ces mêmes fibres présentent avant d'émettre les collatérales destinées aux noyaux oculo moteurs, nous oblige à les considérer comme des branches terminales et non comme des cylindre-axes nés dans le cerveau intermédiaire. » 132 A. VAN GEHUCHTEN Une disposition curieuse nous est offerte encore par la fibre a de la fig. 33. Au sortir de la commissure accessoire, cet axone d'une cellule commissurale se bifurque en une branche descendante et une branche horizontale; celle-ci, après un court trajet, se bifurque de nouveau en une branche descendante et une branche ascendante. La cellule commissurale à laquelle appartient cet axone donne donc naissance à trois fibres médul- laires, dont deux descendantes et une ascendante. Cette subdivision de l'axone d'une cellule nerveuse peut se faire beau- coup plus loin encore de la cellule d'origine. C'est ainsi que la fibre c de la même fig. 33, dont nous ne connaissons pas la cellule d'origine, se bi- furque, pendant son trajet dans la substance blanche, en deux fibres descen- dantes, dont l'une occupe le cordon antérieur et l'autre le cordon latéral. Il peut aussi arriver que cette bifurcation du prolongement cylindraxile se fasse au niveau du corps cellulaire lui-même. C'est ainsi que nous inter- prétons la cellule b de la fig. 29 qui donne directement naissance à deux axones descendants. L'étude de ces coupes longitudinales nous montre encore un autre point d'une certaine importance, surtout au point de vue de l'étude des dégénérescences secondaires, à savoir que les fibres nerveuses de la substance blanche ne restent pas, sur toute leur longueur, fibres d'un même cordon. Un exemple frappant de cette disposition nous est fourni par la fibre e de la fig. 33. Dans la partie supérieure de cette figure, cette fibre appartient à la partie postérieure du cordon latéral, puis elle se coude brusquement en avant, gagne le cordon antérieur et là se recourbe en bas en devenant fibre de ce dernier cordon. Un exemple plus frappant encore est fourni par la fibre c de la fig. 29. Élément constituant du cordon postérieur, cette fibre s'incurve en avant pour descendre dans le cordon antérieur. Après avoir appartenu pendant un certain temps à ce cordon, elle s'infléchit en arrière, puis se recourbe en bas pour rentrer dans le cordon postérieur. Les cellules des cordons et les cellules commissurales dont nous avons parlé jusqu'ici occupaient les différentes régions de la substance grise. Il nous est arrivé, cependant, dans les centaines de coupes que nous avons examinées, de rencontrer quelquefois des cellules nerveuses, soit au milieu des fibres de la substance blanche, fig. 19, soit plus souvent dans le tissu de neuroglie situé, sur la ligne médiane, entre la substance blanche des cordons antérieurs, fig. 18 et 37. La cellule de la fig. 19 est une cellule LA MOELLE EPINIÈRE DE LA TRUITE 133 des cordons dont le prolongement cylindraxile se rend dans la substance blanche du cordon antéro-latéral. La cellule de la fig. 18 montre un pro- longement cylindraxile sectionné par la lame du microtome. Ces deux cellules envoyaient un prolongement protoplasmatique à travers la commis- sure de Mauthner. Dans la fig. 37, la cellule reproduite est une cellule commissurale; son axone a pu être poursuivi jusque dans la substance blanche du cordon latéral. Commissure accessoire. La substance blanche des cordons antérieurs de la moelle épinière, chez la truite adulte, se trouve divisée en deux faisceaux distincts par un groupe de fibres nerveuses à direction transversale, auquel on a donné les noms de commissure accessoire ou commissure de Mauthner, commissure transverse ou commissure de Stieda . Cette commissure transverse divise ainsi chaque cordon antérieur en un faisceau ventral et un faisceau dorsal. Le faisceau ventral se continue en dehors avec le reste de la substance blanche du cordon antéro-latéral ; c'est le cordon antérieur proprement dit. Le fais- ceau dorsal est remarquable par l'épaisseur considérable de quelques-unes des fibres nerveuses qui le constituent chez l'adulte, par les cylindre-axes volumineux qu'on y trouve sur la moelle dont les fibres sont encore dépour- vues de myéline; c'est le Grobfaserbiindel des auteurs allemands. Nous l'avons désigné dans ce travail sous le nom de faisceau dorsal du cordon antérieur. Ce faisceau dorsal constitue, d'après nos recherches, la continua- tion dans la moelle du faisceau longitudinal postérieur (i). Dans la partie postéro-latérale de ce faisceau, on trouve la section d'une fibre nerveuse re- marquable par son volume; elle est connue souslenomdei/?ZT£> de Mauthner. Entre ce faisceau dorsal et la coupe du canal central de la moelle existe une commissure grise ou commissure ventrale. Comment est constituée la commissure de Mauthner? D'après Stieda, cette commissure, formée de fibres nerveuses à myéline, se trouve en connexion avec la racine antérieure des nerfs périphériques, en ce sens, qu'un certain nombre des fibres de chaque racine sont des fibres croisées et proviennent de la corne antérieure du côté opposé en passant par la commissure transverse. Nous avons vu, plus haut, que cette opinion de Stieda est combattue par les faits nouveaux que la méthode de Golgi nous a permis de mettre en évidence. (i) Van Gehuchten : Le faisceau longitudinal postérieur; Bulletin de l'Académie de médecine de Belgique, iSg5. 134 A- VAN GEHUCHTEN Kôlliker émet l'idée que les fibres de la commissure accessoire repré- sentent les prolongements cylindraxiles des cellules commissurales : « Ich « môchte eher glauben, dit-il (1), dass die Fasern dieser Kommissur von « Strangzellen abstammen, die ihre Fortsâtze gekreuzt in den ventralen « und den Seitenstrang der andern Seite senden, welche Fasern wenigstens « andeutungsweise vor kurzem von v. Lenhossek bei Pristiurus gesehen « wurden. v. Lenhossek hat freilich dièse Fasern nicht in der commissura « accessoria beobachtet, da er nur Embryonen untersuchte, wenn man " jedoch beriicksichtigt, dass die von ihm abgebildeten Kreuzungsfasern aile « in der Mitte zwischen dem Centralkanale und der ventralen Oberflàche « des Ventralstranges lagen, so wird man doch mit einiger Wahrscheinlich- « keit annehmen dtirfen, dass erwachsene Pristiurus in dieser Gegend eine « commissura accessoria besitzen. » Les cellules commissurales ont encore été reproduites par Retzius dans la moelle de Salmo et par Martin dans la moelle de Trutta, sans que ces auteurs insistent sur la constitution de la commissure accessoire. v. Lenhossek seul dit expressément que, dans la moelle de la raie, la commissure accessoire est formée par les prolongements cylindraxiles des cellules commissurales. Les observations beaucoup plus complètes que nous avons faites sur la moelle d'embryons et de jeunes alevins de truite âgés de 1 à 30 jours montrent, en toute évidence, que la commissure accessoire est formée pres- que exclusivement par l'entrecroisement des prologements cylindraxiles des cellules commissurales. Les prolongements cylindraxiles de ces cellules des cordons hétéro- mères ne passent cependant pas exclusivement parla commissure accessoire; un certain nombre d'entre eux passent entre les fibres constitutives du fais- ceau dorsal du cordon antérieur, fig. 24 et 26, et même, dans certains cas, on peut rencontrer des fibres nerveuses passant la ligne médiane entre le faisceau dorsal et la coupe du canal central, c'est-à-dire en traversant la commissure grise ventrale, fig. 23. Sur des coupes longitudinales, parallèles à la face antérieure de la moelle et passant par la commissure accessoire, fig. 32, on voit nettement les fibres à direction transversale sortir de la substance grise de la moelle, passer la ligne médiane, puis se bifurquer dans le cordon antérieur en une (1) Kolliker : Handbuch der Geivebelehre des Menschen; Bd. II, 1893, p. 168. LA MOELLE ÉPI-NIERE DE LA TRUITE 1 15 branche ascendante et une branche descendante, ou bien s'enfoncer plus avant dans la substance grise du côté opposé. Outre ces prolongements cylindraxiles des cellules commissurales, on trouve encore, comme élément constitutif de la commissure transverse, un entrecroisement de collatérales nées des fibres du cordon antéro-latéral fig. 34, 35 et 33, ainsi que quelques rares prolongements protoplasma- tiques, fig. 18 et 19. La commissure accessoire de la moelle épinière des téléostéens repré- sente donc, en tous points, l'homologue de la commissure blanche antérieure de la moelle chez les vertébrés supérieurs. Ganglions spinaux. Les cellules des ganglions spinaux de la truite se comportent, dans le cours du développement, comme les cellules des ganglions spinaux de tous les autres vertébrés. Nettement bipolaires et opposito-polaires dans les pre- miers temps du développement embryologique, ainsi que le prouvent les fig. 1, 39 et 42, ces cellules se transforment insensiblement en cellules uni- polaires, fig. 5, 39, 42, 44, 45 et 46, pourvues d'un prolongement unique se bifurquant, à une distance variable de la cellule d'origine, en un prolon- gement périphérique et un prolongement central. Le prolongement central ou interne est généralement plus grêle que le prolongement externe, ainsi que cela apparaît nettement dans les fig. 5, 41, 42, 44, 45 et 46. Cepen- dant cette disposition n'est pas constante : témoin la fig. 39 a, dans laquelle le prolongement central est de loin plus volumineux que le prolongement périphérique. Cette transformation des cellules bipolaires en cellules unipolaires ne se fait pas à la même époque pour toutes les cellules d'un ganglion spinal : tandis que, dans quelques-unes de nos coupes, nous avons observé des cellules unipolaires dans les ganglions spinaux d'alevins âgés de i jour, nous avons, par contre, rencontré encore fréquemment des cellules nette- ment bipolaires dans les ganglions spinaux d'alevins âgés de 20 jours. Le fait de l'inégalité d'épaisseur entre les deux branches de bifurcation du prolongement unique des cellules des ganglions spinaux repose sur les observations concordantes de v. Lenhossek, Cajal, Kôlliker, van Gehuch- ten, Retzius, Sclavunos et bien d'autres. Il a été contesté, dans ces der- niers temps, par Benda, devant la société de physiologie de Berlin, lors de la discussion qui a suivi une conférence de Waldeyer résumant l'état n 136 A. VAN GEHUCHTEN actuel de la science sur la théorie des neurones. Voici ce qu'on lit dans le compte-rendu de cette séance qui a paru dans le Neurologisches Cen- tralblatt, 1895, pp. 133 et 134. " Insbesondere bemerkt Herr Benda, dass » nuch er mit der Golgi'schen Méthode viel gearbeitet und die dabei ge- » wonnenen Resultate mit denen aus anderen Methoden verglichen hat. » Er erkennt die Verdienste, welche die neue Méthode hat, an, meint aber, » dass man sie nicht bei Fragen anwenden soll, auf die sie kein Antwort » geben kann. In zwei Punkten scheint ihm dies der Fall zu sein. Der eine » Punkt betrifft die besonders von van Gehuchten aufgestellte Ansicht, » dass- der Achsencylinderforsatz stets cellulifugal, die Protoplasmafortsâtze » cellulipetal sein sollen. Dies sei jedenfalls fur die Spinalganglien sehr ge- » wagt, dessen in Form eines T abgehende Fortsatz von verschiedenen « Kaliber sein sollen, was Benda nach Untersuchungen am Ganglion spi- r> raie acusticum fiir falsch hait. » A cette négation si catégorique de Benda, nous pourrions opposer l'af- firmation non moins catégorique de v. Lenhossek, Cajal, Kôlliker, van Gehuchten, Retzius et bien d'autres et ajouter ces mots de Benda - dass » auch sie mit der Golgi'schen Méthode viel gearbeitet haben. » L'affirma- tion de Benda, qu'il est faux qu'il existe une différence d'épaisseur entre les deux branches qui proviennent du prolongement unique des cellules des ganglions spinaux, est pour le moins très hasardée, puisque Benda se base exclusivement sur des recherches faites sur les cellules du ganglion spiral, ganglion dans lequel il n'existe pas de cellules en T. D'ailleurs, pour les cel- lules du ganglion spiral, le fait est encore en discussion, puisque Ramon y CaJal(i) admet que c'est le prolongement périphérique qui est le plus épais, tandis que v. Lenhossek (2) a trouvé que c'est le prolongement central. Retzius (3) et van Gehuchten ('4) ne semblent pas avoir attaché beaucoup d'importance à ce détail : des figures qui accompagnent leurs travaux, il résulte que les deux prolongements ont presque la même épaisseur. Benda trouve également que les deux prolongements de ces cellules bipolaires sont égaux. S'appuyer sur un fait aussi incertain, pour affirmer catégorique- ment que ce qu'on a vu dans le ganglion spiral acoustique doit exister dans (1) Ra.mon y Cajal : Nuevo concepto delà histologia de los centros nerviosos \ i8g3, p. 56. (2) v. Lenhossek : Die Nervenendigungen in den Macula? und Crista? acustica:; 1S94, pp. 19 à 21. — ■ Der feinere Ban des Nervensystems; iSg5, pp. iy et 58. (3) Retzius : Hiolog. Untersuchungen; 1892, Bd. III. (4) Van Gehuchten : Contributions à l'étude des ganglions cérébro-spinaux; Bulletin de l'Ac. royale de Belg., 1832. — Voir aussi : La Cellule, 1892. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 137 les ganglions cérébro-spinaux, nous paraît aller un peu vite en besogne. Benda aurait pour le moins dû examiner, avec la méthode de Golgi, quel- ques cellules en T des ganglions cérébro-spinaux, où la différence de volume entre les deux prolongements est, dans l'immense majorité des cas, un fait incontestable. D'ailleurs, les observations récentes de Retzius (i) sur le développement des cellules du ganglion spiral acoustique chez les vertébrés prouvent, en toute évidence, que c'est le prolongement interne de ces cel- lules bipolaires, plus grêle que le prolongement externe, qui est le véritable axone. Quant à la question de savoir si, oui ou non, les prolongements proto- plasmatiques possèdent toujours la conduction cellulipète et le prolongement cylindraxile la conduction cellulifuge, nous la traiterons dans un autre tra- vail. Qu'il nous suffise pour le moment de relever que cette opinion, émise par nous en 1891 et défendue quelque temps après par Ramon y Cajal, trouve de jour en jour de nouveaux partisans. Retzius l'a admise depuis longtemps, v. Lenhossek s'y est rallié dans son dernier travail, Rauber l'a accueillie dans son Traité d'Anatomie, et tout récemment Mislawsky (2) l'a mise en lumière par des expériences galvanométriques. Dans cette même séance de la Société de Physiologie de Berlin, l'in- dépendance des neurones a été encore attaquée par Benda, Rawitz et Fritsch. - Der zweite Punkt, dit Benda, dass die einzelnen Neurone, d.i. Gan- r, glienzellen mit ihren Fortsâtzen, vollstandig isolirt sind und nur durch „ Contact mit einander in Verbindung treten, werde durch die Golgi' schen » Praparate nicht voll bewiesen. „ Les cellules de Purkinje imprégnées par le chromate d'argent seraient, d'après lui, plus petites que quand on les a mises en évidence avec d'autres méthodes. Et dire qu'il y a quelques années, Rossbach et Sehrwald (3) affirmaient le contraire : les cellules imprégnées par le chromate d'argent dépassaient de 1/4 à 1/3 le volume des mêmes cellules fixées par le mélange osmio-bichromique et ils s'appuyaient sur ce fait pour défendre l'idée que le sel d'argent se déposait dans des fentes lymphatiques péricellulaires! Benda conclut : « Daher ist immer noch die (1) Retzius : Œliol. Untersuehungen ; 1894, Bd. VI. p. 55. (2) Mislawsky : Sur le rôle physiologique de dendrites; Compte-rendus de la Société de Biolo gie, 29 juin i8g5, pp. 488-489 (3) Rossbach et Sehrwald ; Ueber die Lymphwege des Gehirns; Centralbl. f. medic. Wiss. 1888, p. 470. 138 A. VAN GEHUCHTEN « Môglichkeit vorhanden, dass Fortsatze von Zellen, welche sich vielleicht « durch dièse Méthode nicht darstellen lassen, mit anderen Fasern in Ver- « bindung stehen. » C'est là une pure hypothèse, et dans le domaine des hy- pothèses la discussion est impossible. Sur quoi Benda peut-il bien se baser pour croire que la méthode de Golgi ne colore pas tous les prolongements des cellules nerveuses? De l'avis de tous les auteurs, la méthode au chro- mate d'argent et la méthode au bleu de méthylène font ressortir la richesse des prolongements des cellules nerveuses mieux que toutes les méthodes connues jusqu'ici. Avec des méthodes imparfaites, ne mettant pas en relief tous les pro- longements des cellules nerveuses, on admettait, presque comme un dogme de foi, les anastomoses entre cellules distinctes, le réseau nerveux de Gerlach ou celui de Golgi. Maintenant que la méthode de Golgi nous montre que les cellules nerveuses sont pourvues d'une richesse de prolongements dont on n'avait pas d'idée, au point que Kolliker ne sait plus quoi en faire, et qu'il trouverait la structure de la moelle épinière beaucoup plus simple si les cellules étaient dépourvues de prolongements protoplasmatiques (1), certains auteurs sont d'avis qu'il n'y en a pas encore assez et qu'en dehors des prolongements mis en relief par la méthode de Golgi, les cellules ner- veuses en posséderaient d'autres qui échappent à l'action du sel d'argent. Et tout cela, parce que, avec les nouvelles méthodes, les anastomoses, qui logi- quement devraient être plus nombreuses et plus serrées, ne tiennent pas debout devant un examen attentif. Et cependant, si le réseau nerveux existait réellement, ne devrait-il pas surgir plus évident encore et plus serré avec la méthode plus parfaite au chromate d'argent? Quant à nous, nous ne croyons pas à ces prolongements hypothétiques que personne n'a vus et, en attendant que de meilleures méthodes nous permettent de les voir par les yeux du Corps et non par les yeux de l'esprit, nous continuerons à affir- mer que, dans l'état actuel de la science, les neurones sont indépendants les uns des autres. Les observations précédentes serviront également de réponse aux ob- jections de Rawitz : « Herr Rawitz, dit le compte-rendu, stimmt mit den « Einwânden, welche der Vorredner 'Benda) gemacht hat, zum grossen « Theil ùberein, erkennt die Vorziige der Méthode riickhaltlos an, hait aber « eine Discussion uber die betreffenden Fragen fur eine rein academische, « solange man keine anderen Methoden hat, welche die Fortsatze der li) Kôi.liker : Handbuch der Gewebelehre des Menschen; Bd. II, i8g3, pp. 126 et 127. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 139 * Ganglienzellen besser zur Darstellung bringen als es durch die Golgi'sche « Méthode geschieht. Rawitz hait das Vorhandensein eines Nervennetzes - aufrecht, welches er im Nervensystem des Flusskrebses gefunden hat und « zwar vermittelst der Golgi'schen Méthode, so dass diejenigen, welche das « Bestehen eines solchen Netzes leugnen, mit ihrer eigenen Méthode ge- - schlagen sind. » Fritsch combat également l'indépendance des éléments nerveux : « Die Verbindung der Ganglienzellen im Nervensystem verschiedener nie- » derer Thiere sind so breite, dass eine Trennung derselben nicht môglich „ ist. Er behauptet, dass die Ganglienzellen, welche durch die Golgi'sche y Méthode dargestellt werden, besonderer Art sind. - Nous nous contenterons de faire remarquer qu'à ce compte là, toutes les cellules nerveuses de tout l'axe cérébro-spinal sont de la même nature spéciale, puisque, dans nos coupes provenant des différentes parties de l'axe nerveux de la couleuvre, de la salamandre, de la truite, de l'embryon de poulet et de jeunes mammifères, nous avons obtenu imprégnées par le chro- mate d'argent tant de cellules nerveuses qu'il nous était impossible d'en poursuivre les divers prolongements. On se demande, dans ces conditions, si toutes les cellules mises en évidence par le chromate d'argent sont des " cellules de nature spéciale, » où peuvent bien se trouver les véritables cellules nerveuses sensibles à l'action du carmin ! Pour expliquer la différence de volume entre les deux prolongements des cellules des ganglions cérébro spinaux, v. Lenhossek tient compte de la longueur relative de ces deux prolongements et il s'efforce de prouver que si le prolongement interne est, le plus souvent, plus grêle que le prolongement externe, c'est parce que, dans ces cas, il est également plus court que ce dernier. Pour appuyer cette manière de voir, il fait appel aux cellules bi- polaires du ganglion spiral acoustique. Pour ces cellules, le prolongement périphérique est beaucoup plus court que le prolongement central, ce qui est le contraire de ce qui s'observe communément pour les cellules des ganglions cérébro-spinaux, mais aussi le prolongement périphérique serait ici le plus grêle. « Das Làngenverhâltniss zwischen den beiden Auslâufern ist « also umgekehrt, dit-il (1), und damit wird auch, wie ich zeigte, das Brei- « tenverhaltniss ein umgekehrtes. » (i) v. Lenhossek : Der feinere Bau des Nervensystems , 1895, pp. 57-58. 140 A. VAN GEHUCHTEN Depuis la publication de ce travail de v. Lenhossek, nous avons revu quelques-unes de nos préparations concernant le ganglion spiral acoustique de la souris; les deux prolongements nous ont toujours paru avoir la même épaisseur. Le même fait ressort de l'examen des figures 139, 140 et 141 du livre de Ramon y Cajal (1), figures qui représentent les cellules bipolaires du ganglion de Corti et du ganglion vestibulaire d un rat de quatre et de cinq jours. De plus, dans le travail de Retzius déjà cité (4), le prolonge- ment périphérique est dessiné plus épais que le prolongement central. Ce n'est donc pas à une différence dans la longueur des deux prolon- gements que l'on peut attribuer la différence dans leur épaisseur. D'ailleurs, ce qui prouve que la manière de voir de v. Lenhossek n'est pas d'accord avec les faits, c'est l'épaisseur relative des deux prolongements qui dépen- dent des cellules bipolaires de la muqueuse olfactive et de l'organe de Jacobson. Ces cellules doivent être considérées comme les homologues des cellules des ganglions cérébro-spinaux. Or, tous les auteurs sont unanimes à admettre que le prolongement périphérique de ces cellules olfactives, quoique le plus court, est considérablement plus épais que le prolongement central. Le prolongement central des cellules des ganglions cérébro-spinaux est généralement plus grêle que le prolongement périphérique. Voilà le fait. Il peut nous suffire. Si nous voulions à tout prix en donner une explication, nous dirions que le prolongement central est généralement plus grêle, parce qu'il est le prolongement cylindraxile aussi bien morphologiquement que physiologiquement. Le corps des cellules des ganglions cérébro-spinaux a été considéré gé- néralement comme présentant une surface lisse et régulière, dépourvue com- plètement de prolongements dendritiques. Disse (2), le premier, a signalé, dans les ganglions spinaux de larves de grenouille, à côté des cellules bipo- laires, unipolaires et des formes intermédiares, l'existence de cellules multi- polaires pourvues de 4, 5 et même 6 prolongements, v. Lenhossek (3) a retrouvé des cellules analogues dans les ganglions spinaux d'embryons de poulet et Retzius (4) les a figurées dans le ganglion spiral acoustique de (1) Ramon y Cajal : Elcmentos de Histologia normal; Madrid, i8g5, pp. 343 à 348. (2) Disse : Ueber die Spinalganglien der Amphibien; Verhandl. d. Anatom. Gesellschaft, 1893. (3] v. Lenhossek : Zur Kenntniss der Spinalganglien; Beitrilge zur Histologie des Nervensystems, Wiesbaden, 1S94, p. 129. (4) Retzius : Zur Entwickelung der Zellen des Ganglion spirale acustici... ; Biol. Unters., Bd. VI, 1894, pp. 52-57. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 1 4 1 jeunes embryons de souris. Dans quelques-unes de nos coupes de la moelle épinière de la truite, nous avons observé, dans les ganglions spinaux, non pas de véritables cellules multipolaires comme celles décrites et figurées par Disse, v. Lenhossek et Retzius, mais des cellules à corps irrégulier présentant une surface quelque peu épineuse, analogues à celles que nous avons reproduites dans les fig. 45 et 46. Disse considère les prolongements surnuméraires aux deux prolonge- ments typiques comme des dendrites. v. Lenhossek partage la même opi- nion. Recherchant la valeur physiologique de ces prolongements surnumé- raires, ce savant émet l'idée que ces prolongements peuvent servir à rendre le contact plus intime entre les cellules des ganglions spinaux et les ramifications cylindraxiles terminales des fibres sympathiques décrites par Ramon y Cajal. Si cette manière de voir était conforme à la réalité, on se demande pourquoi les prolongements surnuméraires n'existeraient pas à toutes les cellules ganglionnaires et, ensuite, pourquoi on ne les a ob- servés jusqu'ici que dans le cours du développement embryologique; car, de l'aveu même de v. Lenhossek; ces cellules multipolaires ne s'observent jamais chez les mammifères nouveau-nés ou âgés de quelques jours. v. Lenhossek fait encore entrevoir comme seconde possibilité, - dass - etwa auch Kollateralen aus dem Ruckenmark her in den proximalen Theil « der Ganglien hineintreten, um sich darin unter Verflechtung mit den « Dendriten jener multipolaren Formen in Endbàumchen aufzusplittern. - Mais ces collatérales extra-médullaires n'ont été observées par personne. Nous sommes plutôt porté à admettre la manière de voir de Retzius, d'après laquelle ces cellules multipolaires ne sont que des cellules bipolaires en voie de développement. Avant de quitter les cellules des ganglions cérébro-spinaux, nous tenons encore à appeler l'attention sur la cellule reproduite dans notre fig. 47. Elle provient du ganglion de Gasser d'un embryon de truite âgé de 45 jours, et se montre pourvue de trois prolongements, dont un externe et deux internes. Le prolongement externe est le plus gros, il représente le prolongement périphérique à conduction cellulipète de toute cellule d'un ganglion spinal. Les deux prolongements internes sont beaucoup plus grêles. Ils ont tous les deux les caractères morphologiques des prolongements à conduction cellulifuge. Nous avons pu les poursuivre jusque dans le tronc cérébral, mais nous n'avons pu établir leur sort ultérieur. Si les prolongements in- 142 A. VAN GErfUCHTEN ternes des cellules du ganglion de Gasser se comportaient, dans le tronc cérébral, comme les prolongements internes des cellules des ganglions spinaux, c'est-à-dire, s'ils s'y bifurquaient en une branche ascendante et une branche descendante et si nous avions pu établir que, dans le tronc cérébral, l'un des prolongements internes de la cellule en question se recourbe en haut et l'autre en bas, on aurait pu considérer cette cellule comme une cellule typique dans laquelle la bifurcation du prolongement central s'est effectuée au niveau de la cellule elle-même. Mais cette inter- prétation ne pourrait convenir, puisque chez la truite, ainsi que nous l'avons établi ailleurs (i), les prolongements internes des cellules du ganglion de Gasser se recourbent directement en bas pour devenir des fibres constituti- ves de la racine sensitive ou racine spinale. Le fait que nous venons de signaler prouve donc qu'une cellule des ganglions cérébro-spinaux peut être multipolaire, sans être pourvue de pro- longements protoplasmatiques. Racines postérieures. Les fibres des racines postérieures pénètrent dans le cordon postérieur delà moelle où elles se bifurquent chacune en une branche ascendante et une branche descendante; c'est là un fait qui a été prouvé surabondamment dans ces derniers temps chez les mammifères, les oiseaux, les reptiles et les batraciens. Cette bifurcation des fibres des racines postérieures avait été découverte par Nansen dans la moelle épinière du Petromy~on. Depuis lors elle a été retrouvée, par la coloration au bleu de méthylène, par Retzius dans la moelle de Myxine. En dehors du groupe des poissons cyclostomes, elle n'a été décrite jusqu'ici dans aucun autre poisson, si ce n'est par Martin dans la moelle épinière de la truite, et encore les préparations obtenues par Martin n'étaient pas très démonstratives. Dans le cours de nos recherches, nous avons fréquemment rencontré dans nos préparations la bifurcation typique et régulière des fibres des racines postérieures. Les fig. 39, 40, 41, 42 et 43 reproduisent quelques-unes de nos préparations. Elles sont suffi- samment claires pour nous dispenser de toute description. Il y a cependant un point que nous voudrions faire ressortir; il a rapport à l'épaisseur relative des deux branches nées de la bifurcation. D'après v. Lenhossek (2), la branche descendante serait généralement plus (1) Van Gehuchten : Contribution à l'étude du système nerveux des téléostécns; La Cellule, 1894. (2) v. Lenhossek : Dcr feinere Bau des Nervensystems ; 1892. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 143 grêle que la branche ascendante. Kôlliker(i) n'a pu se convaincre de cette différence signalée par v. Lenhossek. D'après ce savant, la bifurcation donne naissance à deux branches d'égale épaisseur. Dans la moelle épinière des mammifères, des oiseaux, de la salamandre et de la couleuvre, nous avons toujours vu les deux branches avoir le même volume. Nous avons consacré une attention spéciale à ce point dans nos recherches sur la moelle épinière de la truite. Nos figures montrent que la division de la fibre radicu- laire postérieure en deux branches d'égale épaisseur est le cas le plus fré- quent, fig. 39, 41, 42 et 43. Quelquefois cependant, une fibre radiculaire postérieure donne naissance à une branche ascendante plus épaisse que la branche descendante. Cette disposition était évidente pour la fibre a, fig. 39, et pour les trois fibres a de la fig. 40. Dans la fig. 42, la fibre radiculaire rt, arrivée dans la moelle, se recourbe simplement en haut. Nous ignorons si c'est là un fait normal. La branche descendante a-t-elle échappé à l'imprégnation par le sel d'argent? Nous ne saurions le dire. Nous avons étalé cette coupe sur un verre couvre-objets de façon à pouvoir l'examiner par les deux faces et nous n'avons trouvé nulle part une trace de bifurcation. La fibre a de la fig. 43 nous a paru donner naissance à deux fibres descendantes et à une fibre ascendante. Si cette division s'était faite au ni- veau du corps cellulaire lui-même, nous aurions eu une cellule multipolaire pourvue de trois prolongements internes, lesquels, arrivés dans le cordon postérieur, se seraient recourbés l'un en haut et les deux autres en bas, c'est-à-dire un cas presque identique à celui que représente la cellule du ganglion de Gasser reproduite dans la fig. 47. Les fibres de la substance blanche. Les fibres de la substance blanche de la moelle épinière ne présentent pas toutes, chez la truite, la même épaisseur. Les plus grosses occupent presque toute l'étendue du cordon antérieur, ainsi qu'on peut s'en con- vaincre facilement en examinant une coupe transversale d'une moelle de truite adulte colorée par la nigrosine, fig. 48. Dans le cordon antérieur lui-même, il existe encore une légère différence d'épaisseur entre les fibres du faisceau dorsal et celles du faisceau ventral de ce cordon, au point que le premier de ces faisceaux, ou faisceau dorsal du cordon antérieur, est (i) Kôlliker : Handbuch der Gewebclehre ; Bd. II, 1S93, p. 76. 18 144 A- VAN GEHUCHTEN désigné communément sous le nom de Grobfaserbïtndel par les auteurs allemands. De toutes les fibres de la moelle, les plus volumineuses sont, sans contredit, les deuxfibres de Mauthner, placées chacune dans la partie postéro-latérale de ce faisceau dorsal. La même différence dans l'épaisseur relative des cylindre-axes de ces fibres nerveuses se retrouve dans la moelle d'embryons et de jeunes alevins de truite à l'époque où toutes ces fibres nerveuses sont encore dépourvues de leur gaine de myéline. C'est ce que montre en toute évidence notre fig. 31, au moins pour les fibres du cordon antérieur. Pendant leur trajet ascendant ou descendant dans la moelle, toutes les fibres nerveuses de la substance blanche émettent de nombreuses collaté- rales. Ces collatérales ont été vues et figurées à la fois par Retzius et Mar- tin. Cependant, les figures que ces auteurs en donnent dans leur travail ne rendent pas ces collatérales sous leur véritable aspect. Il suffit de comparer la fig. 8, planche XIV, du travail de Retzius et la fig. 19 du travail de Martin avec la fig. 30 du présent travail et avec la fig. 1 2 de notre travail sur le faisceau longitudinal postérieur ( 1) pour se convaincre que ces collatérales, bien imprégnées par le sel d'argent, présentent des ramifications beaucoup plus riches que celles reproduites par Retzius et par Martin. Les collatérales existent aussi sur les fibres de Mauthner. Fibres de Mauthner. On donne ce nom aux deux fibres volumi- neuses qui existent dans la partie postéro-latérale du faisceau dorsal de chacun des cordons antérieurs de la moelle chez la plupart des téléostéens et chez un grand nombre d'autres poissons. On ignore encore où ces fibres colossales trouvent leurs cellules d'origine. Les auteurs les considèrent cependant généralement comme des fibres descendantes provenant, d'une façon croisée, de cellules volumineuses placées au niveau de l'origine du nerf acoustique (Goronowitsch, Mayser, Burckhardt). Dans quelques- unes de nos préparations, nous avons obtenu ces fibres colossales impré- gnées par le chromate d'argent; nous croyons qu'elles s'étendent même jus- que dans le cerveau moyen, mais ce point demande encore confirmation. Nous n'avons pas encore pu établir le siège de leurs cellules d'origine. Comme notre fig. 3i le montre, les fibres de Mauthner, en descendant dans la moelle, abandonnent de petites branches collatérales, conformément aux observations de Goronowitsch, Burckhardt et Fritsch. Mais ces (11 Van Gehuchten : Le faisceau longitudinal postérieur ; Bull, de lAcadémie royale de méd., 1895. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 145 collatérales sont plus courtes, plus raides, et moins richement ramifiées que les collatérales des autres fibres de la substance blanche (i). La disposition et le mode de répartition des collatérales des différents cordons, telles qu'elles apparaissent sur des .coupes transversales de la moelle épinière, n'ont pas encore été étudiés chez les poissons. Nous avons essayé de combler cette lacune et nous avons reproduit dans la fig. 38 une coupe transversale d'une moelle épinière de truite âgée de 20 jours, dans laquelle nous avons dessiné les collatérales des fibres des différents cordons telles que nous les avons observées dans un grand nombre de nos coupes. Le premier point important qui ressort de l'examen de cette figure, c'est qu'un grand nombre des collatérales nées des fibres du cordon anté'ro- latéral se ramifient et se terminent entre les fibres de la substance blanche sans pénétrer jusque dans la substance grise. Cette disposition a son im- portance. En étudiant les cellules nerveuses de la substance grise, nous avons vu, en effet, que les prolongements protoplasmatiques qui naissent de ces cellules nerveuses se ramifient et se terminent également entre les fibres de la substance blanche. Ces collatérales courtes, comme nous les appellerons, ne peuvent donc pas venir en contact avec le corps des cellules nerveuses, et, comme elles doivent cependant avoir une certaine valeur physiologique, il faut bien admettre qu'arrivant en contact avec les prolon- gements protoplasmatiques des cellules nerveuses elles servent à transmettre les ébranlements nerveux à ces mêmes prolongements protoplasmatiques. Les prolongements dendritiques des cellules nerveuses de la moelle épinière servent donc, au moins dans la moelle épinière de la truite, à la conducti- bilité nerveuse, contrairement à l'opinion de Kôllikek. Nous savons par les observations de Cl. Sala que la même disposition s'observe dans la moelle épinière des batraciens, fait que nous pouvons confirmer nous-même pour la moelle de Salamandra maculata; il en est de même dans la moelle épinière de Tropidonotus natrix, ainsi que nous le montrerons dans un autre travail. Haller. dans son récent travail sur la moelle épinière des téléostéens, signale également l'existence de collatérales aux fibres de Mauthner. Cependant les collatérales, que nous avons vues dans nos coupes, n'étaient de loin pas si nombreuses que celles que décrit Haller : « Auf einem Quer- « schnitte, dit-il p. 9-). kann man manchmal 7-9 solche mit Karmin sicht nicht fârbende feinste Aeste « erkennen. » Nous n'avons pu établir, dans nos coupes la façon dont se terminent les fibres de Mauthner à leur extrémité inférieure. D'après Haller, ces fibres, par leurs branches terminales, deviennent des fibres constitutives des racines antérieures des trois derniers nerfs spinaux et sont des- tinées à innerver la musculature de la queue : « Endàste der Mauthner'schen Fasern treten mit den u ilrei letzten ventralen Spinalnerven aus dem Rùçkeomarke (p q5;. 11 146 A. VAN GEHUCHTEN En dehors de ces collatérales courtes qui s'épanouissent entre les fibres de la substance blanche, la fig. 38 prouve encore l'existence, pour les fibres des différents cordons, de collatérales longues qui se ramifient et se ter- minent dans la substance grise et dans la substance blanche. Les collatérales longues des fibres du cordon antérieur se terminent dans la substance grise de la corne antérieure du même côté; quelques-unes traversent cette corne pour se terminer entre les fibres internes du cordon latéral. Outre ces collatérales directes, les fibres du cordon antérieur émettent encore des collatérales croisées passant par la commissure accessoire pour se terminer dans la corne antérieure du côté opposé, fig. 34, 35 et 38. Les collatérales longues du cordon latéral se terminent dans la sub- stance grise de la corne antérieure et de la région moyenne du même côté de la moelle. Un certain nombre cependant de ces collatérales passent la ligne médiane, en avant ou en arrière de la coupe du canal central, pour se terminer en partie dans la substance grise et en partie entre les fibres du cordon latéral du côté opposé. Ces collatérales croisées du cordon latéral donnent donc naissance, dans la moelle de la truite, à une commissure postérieure analogue à la commis- sure décrite par Cajal, Kolliker et Van Gehuchten chez les mammifères. Les collatérales des fibres du cordon postérieur nous ont toujours paru être, sur des coupes transversales et longitudinales, des collatérales courtes se terminant entre les fibres de ce cordon et dans la partie voisine de la corne postérieure. Quelques-unes de ces collatérales passent également par la commissure postérieure pour s'épanouir dans la corne postérieure du côté opposé. Nous n'avons pas observé, dans nos coupes, les homologues des collatérales sensitivo-motrices qui sont si nombreuses dans la moelle des mammifères. Ces collatérales font-elles défaut dans la moelle de la truite? ou bien, ont-elles résisté à l'imprégnation par le chromate d'argent? Nous ne saurions le dire. Toutes les collatérales que nous avons obtenues dans nos coupes sont des collatérales courtes. Ce qui nous porte à croire que les collatérales sentivo-motrices des fibres des cordons postérieurs pourraient bien ne pas exister dans la moelle épinière de la truite, au moins avec le même degré de développement que dans la moelle des mammifères, c'est l'extension considérable qu'y prennent les cellules radiculaires. Par leurs prolongements protoplasmatiques, ces cellules radiculaires s'étendent, en effet, entre les fibres du cordon latéral et même jusque entre les fibres du cordon postérieur. Les collatérales courtes que nous avons vues imprégnées dans nos coupes pourraient donc servir à fermer l'arc réflexe. LA MOELLE ÉPINIÈRE DE LA TRUITE 147 La neuroglie. Dans la moelle épinière des poissons osseux, la neuroglie paraît con- stituée exclusivement par les cellules épendymaires qui s'étendent à travers toute l'épaisseur de la moelle depuis le canal central ou depuis le septum médian dorsal jusqu'à la face profonde de la pie-mère enveloppante ; telle est la conclusion qui se dégage des observations de Retzius sur la moelle d'embryons et déjeunes alevins de Salmo, ainsi que de celles de Martin sur la moelle embryonnaire de Trutta. Nos observations sur la moelle d'embryons de truite ainsi que sur celle de jeunes alevins âgés de 1 à 5 jours confirment pleinement les faits signalés par Retzius et Martin. Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer les quelques cellules épendymaires de la moelle d'un alevin de 5 jours, que nous avons reproduites dans notre fig. 49, avec les fig. 1 , 2, 3, PI. VIII, du travail de Retzius et avec la fig. 24 du mémoire de Martin. Ces cellules épendymaires présentent une extrémité interne fortement renflée. Les cellules situées dans le voisinage plus ou moins immédiat du canal central limitent directement, par cette extrémité renflée, la lumière de ce canal; celles, au contraire, qui sont placées perpendiculairement à la direction du septum médian dorsal ne sont généralement plus en connexion, par leur extrémité renflée, avec le canal central; quelquefois, cependant, cette extrémité s'y trouve reliée par un fin prolongement interne, fig. 49. Au corps cellulaire fait suite un prolongement périphérique épais et irrégulier que l'on peut poursuivre jusqu'à la surface libre de la moelle, où il s'applique contre la face profonde de la pie-mère le plus souvent par un bout légère- ment renflé. Ce prolongement périphérique des cellules épendymaires est couvert, sur toute sa longueur, d'un nombre considérable de petites branches épineuses qui lui donnent un aspect tout à fait caractéristique. La forme des cellules épendymaires situées sur la ligne médiane de la moelle, en avant et en arrière de la coupe du canal central, est beaucoup plus simple : leur prolongement périphérique se montre presque dégarni des petites branches épineuses si caractéristiques des autres cellules épendymaires, fig. 50 et 52. Retzius a trouvé que les cellules épendymaires de la moelle de Salmo présentent toujours les mêmes caractères, aussi bien chez des embryons de 16 mm. de longueur que chez des alevins âgés de 30 jours et d'une longueur de 30 mm. - Ich habe, dit-il (1), eine grosse Anzahl von Lachsjungen von (1) Retzius : Loc. cit., p. 19. 148 A. VAN GEHUCHTEN « 16 mm. Lange (noch im Ei) bis auf 30 mm. Lange (einen Monat nach « dem Ausschlûpfen) untersucht. Bei allen waren die Verhaltnisse so iiber- « einstimmend, dassich nur eine iïbersichtliche Darstellung liefern werde. » Nos observations sur la moelle épinière de jeunes alevins de truite âgés de 1 à 35 jours nous ont conduit à des résultats qui diffèrent quelque peu de ceux obtenus par Retzius. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer entre elles les cellules épendymaires que nous avons reproduites dans nos fig. 49 à 54 et qui proviennent de moelles d'alevins d'âges différents. De l'examen de ces figures, il résulte, en toute évidence, que l'aspect des cellules épendymaires se modifie au fur et à mesure que l'animal gran- dit. Cette modification ne porte pas sur la place occupée par les cellules épendymaires ni sur leur connexion avec le canal central : dans toutes les coupes de moelle que nous avons eues sous les yeux, même de celles prove- nant d'alevins âgés de 45 et de 50 jours, presque toutes les cellules épendy- maires restent tendues entre le canal central ou le septum médian dorsal et la face profonde de la pie-mère. Mais les modifications portent surtout sur l'aspect et sur la longueur des branches qui naissent du prolongement périphérique des cellules épendymaires. Tandis que dans la moelle d'embryons et de jeunes alevins ce prolon- gement périphérique est couvert de toutes fines branches assez comparables à un duvet, nous voyons qu'au fur et à mesure que l'animal se développe ces fines branches s'épaississent, s'allongent, se raidissent, se divisent et même se subdivisent au point de changer complètement l'aspect primitif. Nous voyons encore que, dans le cours du développement, le prolon- gement périphérique peut se bifurquer en deux branches d'égale épaisseur pouvant être poursuivies jusqu'à la face profonde de la pie-mère. De plus, le renflement périphérique s'épaissit pour son compte et peut se trans- former quelquefois en une masse tellement volumineuse qu'on pourrait la considérer au premier abord comme représentant le corps cellulaire lui-même, fig. 51. Une telle disposition a été constatée également par Retzius dans la moelle de Salmo pour certaines cellules constitutives du septum médian dorsal. « In der Mittellinie, dit-il (1), im Septum, findet « man jedoch lange, schmale, wenig verzweigte Zellen (Fig. 3 der Taf. VIII - und unten (2) auf den Taf. XIV liber den Nervenzellen des Markes), deren - Kerne eigenthumlicher Weise noch in der aussersten Peripherie liegen; (1) Retzius : Loc. cit., p. 20. (2) Rltzius parle, sans aucun doute, des deux cellules épendymaires postérieures de la fig. 2, PI. XIV. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE I49 - wahrscheinlich haben sie ihre centralen 'Fortsàtze von hinten in das « Septum und bei dem Verschluss der Spalte des Kanales sodann nach « vorn hin geschickt. » Nous croyons que Retzius se trompe quand il considère ce bout péri- phérique renflé comme représentant le corps cellulaire englobant le noyau; la cellule de notre fig. 51 le prouve en toute évidence, puisque le prolonge- ment périphérique de cette cellule épendymaire se bifurque et que chacune de ses branches se termine par une extrémité renflée tellement volumineuse qu'elle en impose, au premier abord, pour la partie de la cellule occupée par le noyau. L'examen comparatif de nos figures nous prouve enfin que certaines cellules épendymaires perdent, dans le cours du développement, leur con- nexion primitive avec le canal central, fig. 52. Elles cessent, par conséquent, d'être de véritables cellules épendymaires tout en ne se transformant pas en cellules de neuroglie, cellules de Deiters ou astrocytes, comme cela est la règle dans la moelle épinière des mammifères. Les astrocytes semblent même faire complètement défaut dans la moelle épinière de la truite, au moins pendant la période embryonnaire et chez des alevins âgés de 1 à 4.5 jours. Nos observations confirment sous ce rapport les résultats négatifs obtenus par Retzius et Martin. La façon spéciale dont se comportent, chez la truite, les cellules épendymaires pendant le cours du développement, — point sur lequel nous insisterons dans un instant, — nous porte même à croire que les véritables cellules de neuroglie pourraient bien faire défaut également chez l'animal adulte. Si ce fait se confirme, la moelle des téléos- téens serait, de par son tissu de soutien, inférieure en organisation à la moelle des sélaciens, et même à la moelle des cyclostomes, ainsi que le remarque très judicieusement v. Lenhossek (1). La moelle épinière de la truite présente donc, au point de vue de la neuroglie, une différence profonde avec la moelle des mammifères. Quand on compare, au point de vue de la neuroglie, la moelle épinière des mammifères avec celle des oiseaux, des reptiles, des batraciens et des poissons, on constate que, pendant les premiers temps du développement embryologique, le tissu de soutien présente la même disposition chez tous les vertébrés; partout, du haut en bas de l'échelle, on trouve des cellules épendymaires régulièrement étendues entre le canal central et la surface (1) v. Lenhossek : Der feinere Bau des Nervensystems; p. 241. 150 A. VAN GEHUCHTEN libre de la moelle; partout aussi ces cellules épendymaires présentent une forme excessivement simple. A un moment donné cependant, cette disposition primitive se modifie. Chez les mammifères, d'après les observations de Cajal, Retzius, Kolliker et v. Lenhossek, un grand nombre de cellules épendymaires perdent leur connexion avec le canal central, subissent des modifications profondes dans leur forme extérieure et des changements considérables dans leur emplace- ment, et se transforment insensiblement en cellules de neuroglie. Celles-ci vont occuper d'abord les couches périphériques de la moelle, puis les couches centrales. Au fur et à mesure que ces transformations s'exécutent, les cellules épendymaires, qui ont conservé leur emplacement primitif dans le voisinage immédiat du canal central, subissent des modifi- cations dans leur prolongement périphérique : celui-ci semble s'atrophier et disparaître, de telle sorte que, chez l'animal adulte, les cellules épendymaires n'envahissent plus, par leur prolongement périphérique, que les régions voisines du canal central. Dans la moelle épinière de la truite, on n'observe rien de pareil. Si quelques cellules épendymaires ne restent pas en relation avec le canal cen- tral, elles conservent cependant leurs caractères primitifs et ne subissent pas ces modifications profondes qui les transforment en cellules de neuro- glie. D'autre part, les cellules épendymaires, loin de s'atrophier, se dévelop- pent au contraire parallèlement avec le développement de la moelle. Leur prolongement périphérique se couvre d'un nombre considérable de petites branches épineuses, grêles et délicates, qui s'épaississent, s'allongent, se divisent, se subdivisent, au point qu'une seule cellule épendymaire finit par occuper dans la moelle d'alevins de 35 jours la même place qu'occupaient deux ou trois cellules épendymaires dans la moelle embryonnaire. Il semble donc qu'il existe, entre les cellules de neuroglie et les cellules épendymaires, un certain antagonisme quant à leur développement. Là où les cellules épendymaires sont fort développées, on ne trouve guère de cel- lules de neuroglie; par contre, chez les animaux où les astrocytes forment l'élément constitutif principal du tissu de soutien, les cellules épendymaires s'atrophient et dégénèrent dans leur bout périphérique (1). Une disposition analogue à celle que nous venons de décrire pour la Sala y Pons dans son travail sur la neuroglie {La neuroglia de los Vertebrados, Madrid, 1894) a déjà fait remarquer que, dans l'accomplissement de la même fonction, les cellules épendymaires et les cellules de Deiters pouvaient se remplacer. LA MOELLE EPINIÈRE DE LA TRUITE 151 truite semble exister également pour la moelle des batraciens. D'après les recherches de Sala, auxquelles nous pouvons joindre les observations per- sonnelles que nous avons faites sur la moelle épinière de la Salamdndra maculata, les cellules de neuroglie semblent faire défaut chez les batraciens; par contre, les cellules épendymaires y prennent un développement excessif, beaucoup plus important encore que dans la moelle de la truite. Dans la moelle des ophidiens au contraire, il n'en est pas de même. Ici, les cellules épendymaires, grêles et délicates, ne prennent pas le déve- loppement considérable qui les caractérisent chez les amphibiens et les poissons; elles se rapprochent du type des cellules épendymaires des oiseaux, ainsi que nous avons pu le constater dans la moelle embryonnaire de Tropidonotus natrix. Nous insisterons plus longuement sur cette étude comparée du tissu de neuroglie dans toute la série des vertébrés, quand nous aurons publié nos recherches sur la moelle épinière de Salamandra maculata et de Tropidonotus natrix. Le plus grand nombre des cellules nerveuses qui entrent dans la con- stitution de la moelle épinière de la truite, — au moins pendant la période embryonnaire et chez des alevins âgés de i à _|5 jours, — sont des cellules unipolaires. Il suffit de jeter les yeux sur les figures qui accompagnent ce travail, pour se convaincre que presque toutes les cellules que nous avons obtenues imprégnées par le chromate d'argent appartiennent à ce type. La même forme de cellules unipolaires prédomine dans les diverses parties de l'encéphale de la truite. La forme unipolaire de la plupart de ses cellules constitutives rapproche le système nerveux de la truite de celui des animaux inférieurs, tandis qu'elle l'éloigné, en apparence du moins, du système ner- veux des oiseaux et des mammifères. Chez les vertébrés supérieurs, en effet, toutes les cellules nerveuses de l'axe cérébro-spinal sont des cellules multipolaires. Chez les animaux inférieurs, les crustacés (Biedermann, Retzius), les vers (v. Lenhossek, Retzius, Cerfontaine), les cellules uni- polaires constituent de loin la forme prédominante. Ces cellules unipolaires des crustacés et des vers présentent beaucoup de ressemblance avec les cellules de la moelle épinière de la truite : le corps cellulaire se prolonge en un gros tronc nerveux {Stammfortsat{ de Retzius), lequel, après avoir abandonné des branches collatérales (Nebenfortsàt^e de Retzius) qui s'épuisent dans la substance fondamentale (Punksubstani de Leydig), quitte la chaîne ganglionnaire pour devenir le cylindre-axe d'une fibre périphérique. Dans la moelle épinière de la truite, le tronc unique qui 19 l52 A. VAN GEHUCHTEN dépend de la cellule nerveuse abandonne également des branches collatéra- les avant de devenir le prolongement cylindraxile et de se rendre, soit dans la racine antérieure des nerfs périphériques, soit dans un des cordons blancs de la moelle elle-même. Les auteurs ont discuté et discutent encore sur la valeur fonctionnelle qu'il faut attribuer aux deux espèces de prolongements (Nebenfortsàtie et Stammfortsat^O que l'on distingue aux cellules unipolaires des crustacés et des vers. D'après Retzius et Cajal, les Nebenfortsàt~e seraient comparables aux prolongements dendritiques des vertébrés supérieurs, avec cette différence qu'au lieu de naître de la cellule elle-même, ils proviennent de la première partie du prolongement unique. Waldeyer(i) partage une autre manière de voir. D'après lui, les Neben- fortsàt{e du prolongement des cellules nerveuses unipolaires ne sont pas, chez les animaux inférieurs, les homologues des prolongements dendritiques des cellules nerveuses multipolaires des oiseaux et des mammifères, mais doivent être identifiés avec les collatérales du prolongement cylindraxile de ces cellules multipolaires, de telle sorte que les cellules nerveuses des animaux inférieurs seraient complètement dépourvues de prolongements dendritiques : " ob man die von den Stammfortsâtzen entspringenden Ne- „ benfortsatze auch mit den Protoplasmafortsatzen der Wirbelthiere ver- „ gleichen darf, dit-il, wie Retzius es thut, bleibt mir zweifelhaft. Ich wiirde „ eher annehmen, dass den Krebsen bis auf sehr wenige Fâlle die Proto- „ plasmafortsàtze ganz abgehen. „ v. Lenhossek se montre quelque peu hésitant entre ces deux manières de voir. Il ne veut pas poser de règle absolue et pense que la question devrait être résolue pour chaque cas en particulier. D'une manière générale cependant, il est plus porté à admettre l'opinion de Retzius et de Cajal. Il se base pour cela sur deux ordres de considérations. i° Des considérations histologiques. On trouve, dans la chaîne gan- glionnaire du lombric, à côté des cellules unipolaires, quelques cellules mul- tipolaires ainsi que des formes intermédiaires. L'examen de ces formes intermédiaires montre que les collatérales du prolongement unique des cellules unipolaires deviennent les prolongements dendritiques des cellules multipolaires. « Die Nebenfortsâtze sind also nichts anders als dislozierte « Dendriten (2) ». (1) Waldeyer : Ueber einige neuere Forschungen.... 1891, p. 3g. (2) P. 86. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE I53 2° Des considérations physiologiques. Chez les vertébrés, l'appareil de réception des éléments nerveux est constitué, d'après v. Lenhossek, par les prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses et par les collatérales de Golgi du prolongement cylindraxile. Dans le lombric, les ramifications terminales des fibres sensitives ne viennent pas en contact avec le corps cellulaire des cellules motrices, mais bien avec les premières colla- térales du prolongement unique. Comment se constitue alors l'arc réflexe ? „ Es bleibt also nichts anderes ubrig, dit v. Lenhossek, als anzunehmen, „ wenigstens ftir die centralen motorischen Zellen, dass die Aufnahme der „ sensibeln, die Reflexbewegungen auslosenden Eindriicke durch die Ne- » benfortsâtze des Axons erfolgt. Dièse leiten die Erregung also durch den » Anfangstheil des Stammfortsatzes zur Zelle, in deren Protoplasma sie in » einer fur uns unbegreiflichen Weise in einen Bewegungsimpuls umgesetzt » wird, worauf dann der neue motorische Erregungsstrom durch den Stamm- - fortsatz zu den Muskeln hinlàuft. Somit leiten die Nebenfortsdt\e cellipetal, » sie siud Re^eptionsorgane der Rei^e, sind also physiologisch wenigstens, » den Dendriten oder vielleicht noch richtiger den ersten Seitenfibrillen des y> Nervenfortsatzes bei den Wirbeltieren gleichzustellen. Wir diirfen sie also, « zur Unterscheidung von den Cytodendriten und im Gegensatz zu den bei - Wirbeltieren vorhandenen Paraxonen als Axodendriten auffassen. » Nous avons montré plus haut que l'idée de v. Lenhossek d'attribuer la conduction cellulipète aux collatérales motrices des cellules radiculaires et aux collatérales de Golgi de toute cellule nerveuse se trouve en opposi- tion manifeste avec les faits observés. Les branches collatérales du prolonge- ment unique des cellules nerveuses, chez les animaux inférieurs, ne peuvent donc être comparées, ni morphologiquement ni physiologiquement, aux premières collatérales nées du prolongement cylindraxile. Les observations que nous avons faites chez la truite prouvent, à nos yeux, en toute évidence, que les branches collatérales qui proviennent du prolongement unique des cellules nerveuses sont, non seulement physiologi- quement, mais encore morphologiquement, les véritables prolongements protoplasmatiques. Chez la truite, le tronc nerveux qui dépend du corps cellulaire n'est pas un axone, c'est un prolongement protoplasmatique. Celui-ci, en s' éloignant de la cellule dont il provient, se ramifie en donnant naissance à des bran- ches collatérales qui, morphologiquement, sont de nature dendritique et qui, physiologiquement, possèdent la conduction cellulipète. C'est seulement 154 A. VAN GEHUCHTEN quand ce tronc protoplasmatique a donné naissance à un grand nombre de branches collatérales, qu'il se transforme, aussi bien morphologiquement que physiologiquement, en un prolongement cylindraxile à conduction cellulifuge. L'axone de ces cellules nerveuses ne naît donc pas directement du corps cellulaire, il provient, — comme cela a été constaté d'ailleurs pour un grand nombre de cellules multipolaires, — d'un prolongement protoplasma- tique à une distance plus ou moins considérable de la cellule d'origine. Les branches collatérales du prolongement unique ne sont donc pas des axodendrites, comme les désigne v. Lenhossek! comparables aux parax- ones des vertébrés supérieurs, mais les branches collatérales avec le tronc nerveux dont elles proviennent sont de véritables cytodendrites, comparables aux prolongements protoplasmatiques des cellules multipolaires. Nous croyons que la même interprétation doit s'appliquer aux cellules nerveuses unipolaires des animaux inférieurs : tous les Nebenfortsàtçe de Retzius, ainsi que la portion de son Slammfortsat^ dont ils proviennent, doivent être considérés comme des prolongements dendritiques ; c'est seule- ment au-delà de ces Nebenfortsdt^e que le Stammfortsati de Retzius de- vient véritablement prolongement cylindraxile. Pendant la correction de ces dernières pages, nous avons observé, dans quelques-unes de nos coupes, un petit nombre de cellules des cordons he'caiéromères, c'est-à-dire des cellules nerveuses dont le prolongement cylindraxile se bifurque dans la substance grise et dont une des branches se recourbe dans la substance blanche de la moitié correspondante de la moelle, tandis que l'autre passe par la commissure accessoire pour se re- courber dans la substance blanche de la moitié opposée de la moelle, fig. 14. Les trois espèces de cellules des cordons signalées dans la moelle des oiseaux et des mammifères se retrouvent donc dans la moelle de la truite. Dans aucune de nos coupes, nous n'avons rencontré des cellules à cylindre- axe court ou cellules de Golgi. Note. En parlant, p. 123 de ce travail, des collatérales qui naissent du prolongement cylindraxile des cellules commissurales, nous avons ren- voyé, par erreur, à notre fig. 47. Le prolongement cylindraxile dont il s'agit a été reproduit dans la fif. 11, a. APPENDICE Le présent travail, rédigé pendant les mois de juillet et août de l'année courante, a été déposé à la rédaction de - La Cellule » au commen- cement du mois de septembre. Pendant la correction des épreuves, nous avons pris connaissance d'un travail très étendu de Bêla Haller(i) con- cernant la moelle épinière des téléostéens, publié dans le ir fascicule du Bd. XXIII du Morphologisches Jahrbuch paru le 10 septembre 1895. Nous avons attentivement lu et relu ce mémoire, dont les principales conclusions sont basées sur des observations faites, avec la méthode de Golgi, sur la moelle épinière de la truite. Nous aurions pu faire abstraction des recher- ches de Haller dans le présent travail, mais les conclusions qu'il a for- mulées sont si étranges, si en opposition manifeste non seulement avec tout ce que la méthode de Golgi nous a révélé dans ces six dernières années, mais encore, et surtout, avec les résultats que nous avons obtenus nous-mème chez la truite, que nous croyons remplir un devoir impérieux en démontrant que les conclusions de Haller sont fausses et qu'il n'est arrivé à ces résultats si extraordinaires, que parce qu'il n'a pas de la méthode de Golgi une pra- tique suffisante pour interpréter convenablement les faits observés et pour se mettre à l'abri de toutes les causes d'erreur. La méthode de Golgi a de commun avec toutes les autres méthodes de technique microscopique qu'elle exige, de la part de celui qui l'emploie, une certaine expérience basée sur une assez longue pratique. Or, en lisant les descriptions de Haller et en étudiant ses figures, on acquiert sans peine la conviction que cette expérience et cette pratique lui ont complètement fait défaut. La grande cause des erreurs dans lesquelles il a versé, c'est qu'il n'est pas parvenu à distinguer, dans ses coupes, le prolongement cylindraxile et les prolongements protoplasmatiques, ainsi que nous le prouverons plus loin ; ensuite c'est que, convaincu de l'existence d'un réseau nerveux de par ses recherches avec sa Osmiumsàure-Karminmethode, il a (1) Bela Haller : Untcrsuchungen ûber das Rùckenmark der Teleostier ; pp. 21-120. 156 A. VAN GEHUCHTEN voulu, à toute force, retrouver ce réseau par la méthode de Golgi et a repro- duit avec empressement dans ses figures toutes les apparences d'anastomoses qu'il a vues dans ses coupes. Nous disons - apparences d'anastomoses », parce que tous ceux qui ont travaillé avec la méthode de Golgi savent, par expérience, que ces apparences se montrent fréquemment dans les coupes du système nerveux central, mais qu'il suffit dans ces cas d'examiner la coupe avec un grossissement plus considérable, ou mieux encore de l'étaler sur un verre couvre-objets de façon à pouvoir l'examiner par les deux faces, pour se convaincre qu'au lieu d'union véritable il y a simplement entre- croisement ou superposition de fibrilles-nerveuses. D'après les indications bibliographiques fournies par Haller lui-même, l'existence d'un réseau nerveux repose uniquement, après les recherches de Gerlach, sur des observations positives de Boll, de Stricker et Unger, de Bellonci et de Klaussner, travaux dont Haller dit lui-même : « Dièse « Literatur war nicht eingehend genug, uni der Kontinuitàtslehre bei dem « plotzlichen Auftauchen der Kontakttheorie zu niitzen (!). Sie blieb an- « greifbar und Bezeichnungen wie « anatomische Hypothèse » etc. waren « in Anbetracht der Umstande nicht uberraschend (1) ». Alors parurent les travaux de Haller prouvant, au dire de l'auteur, l'existence d'un réseau nerveux dans toute l'étendue du système nerveux central, aussi bien chez les vertébrés que chez les animaux inférieurs, de même que la double origine des nerfs périphériques : l'une, directe, dans les cellules de la corne antérieure, l'autre, indirecte, dans le réseau nerveux. Ces observations de Haller ont été confirmées par Rawitz, Bernard, Eisig et même, au dire de Haller, par Nansen avec la méthode de Golgi. A toutes ces observations positives, dit Haller, on oppose uniquement les résultats négatifs de Biedermann et Retzius avec le bleu de méthylène. Ces auteurs n'ont pas vu le réseau nerveux. C'est pourquoi les résultats négatifs obtenus par eux sont sans aucune importance, « sind bei der Beur- « theilung der Kontinuitât des centralen Nervensystems belanglos(2) ». Restent alors les résultats négatifs obtenus par la méthode de Golgi. Haller, pas plus que les autres auteurs, n'a pu mettre en évidence le réseau nerveux en employant la méthode au chromate d'argent. De ce qu'il a pu observer sur des coupes transversales de la moelle adulte de Cyprin us carpio, dans des cas très rares et dans des conditions spéciales (1) P. 32. (2) P. 34. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 157 d'imprégnation (!), il conclut que le réseau nerveux existe, mais que le chro- mate d'argent n'imprègne généralement qu'une partie des trabécules, de telle sorte que les parties imprégnées paraissent être des ramifications libres, soit de prolongements protoplasmatiques, soit de prolongements cylindraxiles. « Die mitgetheilte Beobachtung, dit-il, erklârt auf einfache Weise die « Entstehung der ganzen Kontakttheorie. Die Golgi'sche Méthode lâsst aus « irgend einem, zur Zeit noch unbekannten Grunde besonders diejenigen « Theile des centralen Nervennetzes ungeschwârzt, welche die engsten « Maschen besitzen, und es kommen somit die Maschen in ihrem ganzen " Umfang nur selten zur Darstellung. Auf dièse Weise enden die Netz- « fortsâtze der Ganglienzellen und der centralen Achsencylinder, sowie der « Beginn der Nerven indirekten oder Netzursprunges scheinbar zu « End- « bàumchen (1) ». Outre ce réseau nerveux, on trouve encore, dans toute l'étendue de l'axe cérébro-spinal, un réseau neuroglique à mailles très serrées formé par les anastomoses entre cellules de neuroglie et renforcé, dans toute l'étendue de la substance blanche, par de nombreuses petites branches nées du prolon- gement périphérique des cellules épendymaires. Le réseau nerveux de Haller n'est pas le réseau de Gerlach, puisque les ramifications des prolongements cylindraxiles des cellules nerveuses con- courent à sa formation. Ce n'est pas non plus le réseau de Golgi, puisque les prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses constituent sa partie la plus importante. Il est, de plus, beaucoup plus étendu que celui de Gerlach et que celui de Golgi, puisqu'il envahit non seulement la sub- stance grise, mais encore toute l'épaisseur de la substance blanche. Ce réseau nerveux n'est pas mis en évidence par la méthode au chro- mate d'argent (si ce n'est que partiellement et encore dans des cas très rares), ni par celle au bleu de méthylène (si ce n'est dans des cas plus rares encore). Haller en conclut naturellement que ces deux méthodes sont imparfaites, ne méritent que peu de confiance et ne doivent être employées qu'avec énormément de prudence. « La méthode de Golgi est une méthode im- « portante, dit-il, pour certains objets, « doch ist sie bezuglich der feinsten « Strukturverhaltnisse nur mit grosser Vorsicht zu verwenden. So bin ich « denn heute der Ansicht, dass man bei den hôheren Wirbelthieren auch « mit der Golgi'sche Méthode stellenweise und redit selten die feinsten « Strukturverhaltnisse bruchstiickweise darstellen kann (2) ». (1) P. 36. (2) p. 22. 158 A. VAN GEHUCHTEN Haller n'a guère fait de recherches personnelles avec la méthode de Ehrlich, mais Biedermann et Retzius, qui l'ont appliquée d'une façon si avantageuse à l'étude du système nerveux des animaux inférieurs, ne sont pas parvenus à mettre en évidence le réseau nerveux. Ces résultats négatifs suffisent pour former l'opinion de Haller : « Ich glaube aber, dit-il (i), dass « es mit dieser Méthode sich ganz ahnlich verhalt, wie mit der Golgi'schen, « d. h. das centrale Nervennetz làsst sich nur ausnahmsweise, aber vielleicht « nicht einmal so hâufig darstellen, wie mit jener. » La seule méthode qui jouisse de toute la confiance de Haller, c'est sa méthode à l'acide osmique et au carmin. Nous n'avons fait personnelle- ment aucune recherche avec la méthode de Haller, nous l'avouons en toute franchise ; mais il y a cependant un fait, sur lequel nous allons insister un instant, qui aurait dû frapper Haller, lorsqu'il compare sa méthode à celle de Golgi, et qui nous permet de juger de la valeur relative des deux méthodes. Ce fait, le voici : Tous les histologistes, même ceux qui admettent l'existence d'anasto- moses soit entre cellules nerveuses, soit entre fibres nerveuses (Lavdovsky, Dogiel, Renaut), sont unanimes pour reconnaître que, avant l'application de la méthode de Golgi, on n'avait qu'une idée très imparfaite et très in- complète de la richesse des cellules nerveuses en prolongements protoplas- matiques. Que l'on compare, par exemple, les cellules de Purkinje de l'écorce cérébelleuse ou les cellules pyramidales de l'écorce cérébrale telles qu'elles sont reproduites par les auteurs qui ont travaillé avec les méthodes préconisées par Haller, avec ces mêmes cellules telles que nous les mon- trent des préparations quelque peu réussies obtenues avec la méthode de Golgi, et on sera complètement édifié à ce sujet. La méthode au chromate d'argent a prouvé, avec une netteté remarquable, que les cellules nerveuses possèdent une richesse de prolongements protoplasmatiques dont on n'avait pas d'idée. Elle a, de plus, montré que les fibres nerveuses de la substance blanche, que l'on croyait simplement tendues entre deux points plus ou moins éloignés de l'axe cérébro-spinal, émettent, sur tout leur trajet, de fines branches collatérales se divisant et se subdivisant encore un grand nombre de fois. Ce sont là des faits que Haller ne saurait contester. Pour la mise en lumière des prolongements protoplasmatiques et cylindraxiles, la méthode de Golgi est donc de loin supérieure à la méthode de Haller. (i) P. 33. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 159 Si le réseau nerveux de Haller, formé précisément par les anastomoses entre les prolongements protoplasmatiques et cylindraxiles des cellules ner- veuses, existait réellement, qui contesterait qu'avec une méthode plus parfaite, faisant ressortir ces prolongements, prétendument anastomosés, mieux qu'aucune autre méthode ne l'a fait jusqu'à présent, ce réseau ne doive se révéler plus évident et plus serré que jamais? Or, c'est précisément le contraire que l'on observe : les anastomoses disparaissent avec une impré- gnation plus complète ! Qu'est-ce à dire? si ce n'est que ces prétendues anas- tomoses étaient dues uniquement à l'imperfection des méthodes. Si Haller n'a obtenu, dans ses coupes, que des imprégnations incom- plètes, comme toutes ses figures le prouvent d'une façon indiscutable, cela ne peut nullement tenir à la méthode elle-même, quoique celle-ci soit, de l'avis de tous les auteurs, inconstante et capricieuse dans ses résultats; mais uniquement à un défaut d'expérience, à une pratique trop courte, et surtout, croyons-nous, à un objet d'étude aussi défavorable que la moelle épinière de poissons complètement développés. Pour ne pas limiter notre critique du travail de Haller à une simple discussion de la valeur relative des méthodes, nous allons passer en revue les observations que l'auteur a faites avec la méthode de Golgi et qui se trouvent consignées dans le troisième chapitre de son travail intitulé Der Ban desRùckenmarkes, et prouver, en nous appuyant sur ses propres figures, que ses conclusions ne sont nullement en rapport avec les faits observés et reproduits dans ses figures. Ces faits se rapportent : i° à la constitution de la racine antérieure ; 2° à l'origine et à la destinée des collatérales; 3° à la constitution de la racine postérieure. Tous ces faits ont été étudiés par Haller sur des coupes transversales et sur des coupes longitudinales. Coupes transversales. Racine antérieure. En se basant sur l'examen des préparations colorées au carmin, Haller admet comme fibres constitutives de la racine antérieure du nerf périphérique : i° des fibres provenant de cellules nerveuses situées dans la corne antérieure grise de la moitié correspondante de la moelle; l6o A. VAN GEHUCHTEN 2° des fibres se continuant avec une fibre longitudinale de la partie dorsale ou de la partie ventrale du cordon latéral ainsi que de la partie ventrale du cordon antérieur ; 3° des fibres provenant de la moitié opposée de la moelle en passant par la commissure de Mauthner. Nous n'insistons pas sur ces faits observés par la méthode au carmin et nous passons aux observations que Haller a faites avec la méthode de Golgi sur la constitution de la racine antérieure. Les cellules radiculaires qu'il a observées ont été réproduites dans la fig. 26, cellules 20, 13 (1), 2 et 3; fig. 30, cellule 19 et fig. 27, cellules 1, 2, 4 et 11 . Nous avons examiné attentivement toutes ces figures du travail de Haller et, à notre sens, toutes les cellules signalées par Haller ne sont pas des cellules radiculaires; nous n'oserions, par exemple, pas considérer comme telles les deux cellules 2 et 11 de la fig. 27. Quant au prolongement antérieur de la cellule 1 , nous le pz"enons pour un prolongement proto- plasmatique. La cellule 4 de la même figure pourrait bien ne pas être une cellule radiculaire, puisqu'on ne peut pas poursuivre son prolongement cylin- draxile, d'une façon ininterrompue, jusque en dehors de la moelle. Les autres cellules reproduites par Haller sont des cellules radiculaires; elles prouvent uniquement qu'un certain nombre des fibres de la racine anté- rieure proviennent de cellules nerveuses situées dans la substance grise de la moitié correspondante de la moelle. La cellule 2 de la fig. 26, que nous considérons comme une cellule radiculaire ordinaire pourvue d'un gros tronc protoplasmatique antérieur donnant deux petites branches protoplasmatiques avant de devenir prolon- gement cylindraxile, a reçu de Haller une interprétation spéciale : il la considère comme pourvue de trois prolongements cylindraxiles (!) devenant autant de fibres motrices de la racine antérieure. Haller semble avoir observé fréquemment, dans ses préparations, une bifurcation du prolongement cylindraxile des cellules radiculaires. Il décrit, p. 86, une cellule radiculaire dont le prolongement cylindraxile se bifurque pour donner naissance à une branche grêle (Nebenfortsat{) destinée à la racine antérieure, et à une branche plus grosse (Haiiptfortsat{) devenant une fibre longitudinale du cordon ventral ; malheureusement, la cellule 4 de la fig. 30 qui devait reproduire cette disposition ne nous montre rien de pareil. (1) Indiquée par Haller comme appartenant à la fig. 30. LA MOELLE ÉPINIÈRE DE LA TRUITE loi Le cellule 17 de la fig. 30 représenterait, d'après Haller, une cellule radiculaire pourvue de deux prolongements cylindraxiles, dont l'un se rend à la racine antérieure du même côté et l'autre à la racine du côté opposé. Nous ne pouvons considérer le premier de ces prolongements comme de nature cylindraxile; quant au second, s'il a réellement été vu par Haller tel que le reproduit sa fig. 30, il nous faudra bien admettre, devant un fait aussi positif, que certaines fibres nerveuses de la racine antérieure provien- nent de la corne antérieure du côté opposé de la moelle, mais nous devons avouer que, pour entraîner notre conviction personnelle, ce fait demande confirmation. Haller prétend avoir observé fréquemment une origine croisée pour les fibres de la racine antérieure, et pour soutenir sa thèse, il fait appel à la cellule 5, à la fibre 20 et à la fibre nerveuse voisine de cette dernière cellule dans sa fig. 30, ainsi qu'à la cellule 9 de sa fig. 27 ; mais aucune de ces figures ne démontre cette origine croisée : elles représentent toutes des cellules nerveuses dont le prolongement cylindraxile passe par la commis- sure de Mauthner sans pouvoir être poursuivi jusque en dehors de la moelle. Quant à la fibre 6 de la fig. 31, elle ne montre pas du tout ce que Haller décrit à la page 86 : « Auch das habe ich beobachtet, das eine « Faser durch die accessorische Kommissur in den anderseitigen Ventral- « strang gelangte und sich dort in zwei nach vorn und hinten verlâufende « Lângsfasern theilte, von denen eine einen Ast als direkten Achsencylinder « in die ventralen Nervenwurzel entsandte -. De telle sorte que, malgré le grand nombre de fois que Haller prétend avoir vu une fibre radiculaire croisée et malgré les nombreuses cellules que, dans ses figures, il considère comme devant démontrer ce fait, la conclusion à laquelle il arrive : « Es « wàre somit der direkte Nachweis erbracht, dass Achsencylinderfortsàtze - von Ganglienzellen aus der einen Riïckenmarkshalfte auch in den Spinal- * nerven der anderseitigen Hàlfte gelangen, » repose exclusivement sur la cellule 17 de la fig. 30. A nos yeux, cependant, ce fait unique serait suffisant, si nous avions la conviction intime qu'il a été bien observé. Tous les autres prolongements des cellules radiculaires se perdent, dit Haller, p. 87, dans le réseau nerveux, soit de la substance grise, soit de la substance blanche et il appelle à l'appui de sa thèse les cellules reproduites dans les fig. 26, 27 et 31. Dans toutes ces figures cependant, les prolon- gements protoplasmatiques, incomplètement imprégnés, se terminent par des ramifications libres. 162 A. VAN GEHUCHTEN Collatérales. Depuis la découverte de Golgi, on sait que le prolongement cylin- draxile des cellules nerveuses émet fréquemment de petites branches collatérales. Les collatérales nées du prolongement cylindraxile des cellules radiculaires portent le nom de collatérales motrices, pour les distinguer des collatérales émises par les axones des cellules des cordons et par les fibres de la substance blanche. H aller prétend avoir observé fréquemment des collatérales motrices se ramifiant et se terminant dans le réseau nerveux. Mais les cellules aux- quelles il renvoie, fig. 26, cellules 1 et 26; fig. 27, cellules 1 et 40 et fig. 30, cellule 6, ne montrent pas des collatérales motrices telles que nous les connaissons par les travaux de Golgi, Ramon y Cajal, v. Lenhossek et Van Gehuchten. Haller décrit encore longuement ce qu'il appelle des collatérales commissurales, c'est-à-dire des collatérales qui passent par la commissure de Mauthner; mais de toutes les figures qu'il indique comme démontrant l'existence de ces collatérales, il n'y a que la fig. 31, fibre 16, qui soit pro- bante. La fibre 2 de la fig. 28, que, Haller considère comme un prolonge- ment cylindraxile émettant une collatérale commissurale, est tout simple- ment un gros tronc protoplasmatique ! et la fibre située en dessous de la cellule 8 dans la fig. 26, qui représente, d'après Haller, un prolongement cylindraxile émettant également une collatérale commissurale, n'est rien d'autre qu'un tronçon de prolongement protoplasmatique d'où naît le véri- table prolongement cylindraxile passant par la commissure accessoire !. Cette fibre appartient donc à une cellule commissurale. Ces deux exemples prouvent, à n'en pouvoir douter, que Haller n'est pas parvenu à distinguer, dans ses coupes, le prolongement cylindraxile des prolongements proto- plasmatiques. La preuve de ce fait, nous la trouvons encore dans les figures que Haller décrit longuement à propos des fibres commissurales (pp. 91 et 92). Dans la fig. 27, il dessine un tronçon de prolongement protoplasmatique, y, d'où naît le prolongement cylindraxile passant par la commissure; il considère le premier comme le prolongement cylindraxile et le second comme une branche commissurale ! Quant à admettre que ce véritable axone né du tronçon protoplasmatique, y, va se continuer avec la cellule 10, nous ne le pouvons. Nous considérons cela, de la part de Haller, comme une erreur d'observation. LA MOELLE ÉPINIÈRE DE LA TRUITE 1Ô3 Haller décrit encore longuement sous le nom de « kombinirte kom- missurale Verbindungen - la cellule 1 de la fig. 28 et la cellule 8 de la fig. 26. Chacune des branches nées du prolongement principal de ces cel- lules nerveuses est considérée par lui comme de nature cylindraxile, de telle sorte que la cellule 1 de la fig. 28, abstraction faite des prolongements in- complètement imprégnés, émet trois prolongements cylindraxiles, dont deux se continuent avec des fibres longitudinales du cordon ventral et le troi- sième devient une fibre radiculaire motrice! Or, cette cellule, telle que nous la montre la fig. 28 (en supposant toutefois qu'elle ait été reproduite exactement), nous paraît être une cellule pourvue d'un gros tronc protoplas- matique passant par la commissure de Mauthner en émettant quelques branches collatérales de nature protoplasmatique se terminant entre les fibres de la substance blanche. Le prolongement 6 est, à nos yeux, le véritable axone, mais il n'a pas été reproduit sur une longueur suffisante pour qu'on puisse se rendre compte de sa destinée définitive. Quant à la cellule 8 de la fig. 26, dont Haller décrit méticuleusement le trajet compliqué de toutes les branches de division et de subdivision, il ne nous est pas possible de l'interpréter convenablement telle qu'elle a été figurée par Haller. Cette confusion regrettable entre les deux espèces de prolongements d'une cellule nerveuse ressort de l'examen de toutes les figures du travail de Haller et est, à notre avis, la principale cause des erreurs dans lesquelles il a versé. Aussi comprenons-nous, dans ces conditions, que Haller n'admette pas une différence réelle entre les deux espèces de prolongements qui dé- pendent d'une cellule nerveuse; nous comprenons encore qu'il ait pu dire(i) que l'expression « d'hypothèse anatomique » appliquée par Golgi au réseau nerveux de Gerlach serait mieux appliquée " auf seine Annahme von zweier- » lei Ganglienzellfortsatzen ; - et comment il ait pu conclure (2) : « Aus ail » dem folgt aber, dass eine Scheidung der Ganglienzellfortsâtze in soge- » nannte Protoplasmafortsâtze und Nervenfortsàtze nur unter Beriicksich- „ tigung der obigen Gesichtspunkte, nicht aber in dem Sinne Golgi's noch - in dem derjenigen Forscher, die die Protoplasmafortsâtze fur nervôs er- » klaren, zulassig ist. » Le prolongement d'une cellule nerveuse n'est pro- longement cylindraxile, dit-il encore, que pour autant qu'il devient une fibre nerveuse périphérique (!), « nicht aber in so fern er nach langerem » Verlaufe sich im Centralnervensystem auflôst (2). - (1) P. 27. (2) p. 118 164 A- VAN GEHUCHTEN Coupes longitudinales. Les faits que Haller prétend avoir observés sur des coupes longitudi- nales sont plus étranges encore que ceux que nous venons de passer en revue et prouvent une fois de plus que Haller confond à chaque instant les deux espèces de prolongements d'une cellule nerveuse. Sur la coupe longitudinale de la fig. 32, Haller a reproduit un grand nombre de cellules nerveuses de la corne antérieure. Ces cellules présentent un gros tronc protoplasmatique antérieur se bifurquant bientôt en une branche antérieure ou ascendante et en une postérieure ou descendante. Ces deux branches, qui ont tous les caractères morphologiques de prolon- gements protoplasmatiques, sont pour Haller des prolongements cylin- draxiles, puisqu'ils deviennent des fibres longitudinales. A leur extrémité, ces fibres longitudinales peuvent, d'après Haller, se comporter de trois façons différentes : i° Elles peuvent se recourber dans une racine antérieure et devenir le cylindre-axe d'une fibre motrice périphérique. La cellule 3 de la fig. 31, qui devrait prouver ce fait, ne prouve rien du tout, puisqu'on ne peut pas poursuivre le prolongement en question jusqu'e/z dehors de la moelle. Les fibres des racines antérieures ne proviennent donc pas directement de cellules nerveuses situées dans la corne antérieure, mais peuvent venir de n'importe quelle partie grise de l'axe nerveux. C'est ainsi que Haller admet ce fait tout à fait incroyable que les fibres de Mauthner, qui pro- viennent de cellules nerveuses situées dans le voisinage du nerf acoustique, descendent comme fibres longitudinales à travers toute la longueur de la moelle pour sortir de celle-ci par les racines antérieures des trois ou quatre derniers nerfs spinaux ! 20 Elles peuvent se perdre dans le réseau nerveux. La fibre v de la figure 32 appelée à l'appui de ce fait se termine cependant par bout libre. 3° Elles peuvent s'anastomoser avec d'autres fibres longitudinales. De ces fibres longitudinales naissent de fines branches collatérales que Haller distingue en collatérales périphériques et collatérales centrales. Les collatérales périphériques sont de nature cylindraxile, elles pénè- trent, après un trajet plus ou moins complexe, clans la racine antérieure dont elles deviennent des fibres constitutives. Une seule et même fibre lon- gitudinale peut émettre un grand nombre de collatérales périphériques qui vont toutes devenir des fibres motrices périphériques. Contrairement à ce que tous les auteurs admettaient jusqu'ici comme un fait indiscutable, à LA MOELLE ÉPINIÈRE DE LA TRUITE 1 65 savoir que toute cellule radiculaire ne donnait origine qu'à une seule fibre motrice périphérique, Haller admet donc qu'une seule et même cellule nerveuse peut donner naissance à un grand nombre de fibres nerveuses ap- partenant même à des racines distinctes ! C'est ainsi, pour n'en donner qu'un seul exemple, que la cellule 10 de la fig. 32 donne naissance à huit colla- térales périphériques, c'est-à-dire, d'après Haller, à huit fibres constitu- tives des racines antérieures ! Ces collatérales périphériques prennent même toutes les directions pour gagner les racines antérieures : c'est ainsi qu'on les voit nettement sur la fig. 32 qui représente une coupe verticale antéro-postérieure passant par la corne antérieure, et tout aussi nettement sur la fig. 31 qui représente une coupe verticale transversale passant par les cornes antérieures au niveau des fibres de Mauthner; c'est-à-dire que ces collatérales périphériques ne peuvent sortir de la moelle que par la face latérale de celle-ci ! Cela nous conduirait trop loin d'expliquer encore l'idée que Haller se fait des voies courtes et des voies longues. Chaque fibre de la voie courte n'est pas le prolongement cylindraxile d'une seule cellule nerveuse, mais résulte de l'anastomose d'un grand nombre de fibres superposées ! Les fibres longitudinales de la moelle, qu'elles soient courtes ou longues, s'anasto- mosent les unes avec les autres par des branches collatérales ; " hieraus ■» wird wahrscheinlich, conclut-il (1), dass aile Lângsfasern, mogen sie auch v lange Bahnen vorstellen, Verbindungen unter einander eingehen oder » dass die Làngsfaser morphologisch uberhaupt dadurch, dass sie mit einer » anderen verschmilzt, ganz auf hôrt. Man kônnte dann eigentlich mehr nur « im physiologischen Sinne von Lângsbahnen noch sprechen. » Racines postérieures. Il est difficile de se former une idée nette et claire de la façon dont Haller comprend l'origine des fibres nerveuses des racines postérieures. S'il est un fait que les recherches embryologiques, histologiques et patholo- giques de ces dernières années ont prouvé d'une façon indiscutable, c'est que les cellules des ganglions spinaux représentent les cellules d'origine des fibres sensitives des racines postérieures. Contrairement à cette manière de voir, Haller admet que toutes les fibres des racines postérieures ont leur origine dans la moelle elle-même! Pour les unes, cette origine est direc'e, ii) p. 106. !Ô6 A. VAN GEHUCHTEN c'est-à-dire que ces fibres proviennent de cellules nerveuses situées dans la corne antérieure de la moelle conformément aux observations de v. Len- hossek, Cajal, Van Gehuchten, Retzius et Martin, qui ont décrit ces cellules radiculaires postérieures dans la moelle embryonnaire du poulet. Quelques-unes même de ces fibres motrices postérieures seraient, d'après Haller, des fibres croisées. Mais Haller n'a pas mi, dans ses coupes, de cellules radiculaires postérieures ! Les faits sur lesquels il se base ne prou- vent, en effet, rien ni pour ni contre l'existence de ces cellules, puisque le prolongement postérieur de la cellule 37, fig. 27, — si tant est qu'il représente le prolongement cylindraxile, — ne peut être poursuivi sur une longueur suffi- sante et que la fibre 1 S de la fig. 26 ne représente, à nos yeux, qu'une col- latérale incomplètement imprégnée d'une fibre des cordons postérieurs. Toutes les autres fibres des racines postérieures ont une origine indi- recte, c'est-à-dire qu'elles proviennent du réseau nerveux soit de la moitié correspondante, soit de la moitié opposée de la moelle. Haller décrit longuement cette origine en faisant appel aux nombreuses fibres de la fig. 27 et quand on examine les fibres de cette figure (fibres 28, 33, 29, 36, etc.) qui doivent prouver tous ces faits, on ne trouve que des tronçons de collatérales sans origine, ni terminaison ! Quant à la fibre 26 de la même figure que Haller décrit en détails, elle représente tout simplement un tronçon de prolongement protoplasma- tique se ramifiant dans les cornes postérieures ! Haller décrit encore des fibres provenant de cellules nerveuses de la corne antérieure et se terminant dans le réseau nerveux de la corne posté- rieure soit du même côté, fig. 26, 29, soit du côté opposé, fig. 27, 30. Mais dans la fig. 26, il n'existe pas de fibre 29 et dans la figure 27, on ne trouve pas la fibre 30 ! Et c'est en se basant sur de tels faits que Haller affirme(i) : « Die « Fasern der hinteren Spinalnerven nehmen ihren Ursprung 1) aus dem « Oberhorne derselben Seite, 2) aus dem Oberhorne der anderen Seite, 3) aus « dem dorsalen Strange derselben Seite, 4j aus dem der entgegengesetz- « ten Seite, 5) aus dem Unterhorne derselben Seite und 6) aus dem der « anderen Seite. Somit haben die hinteren Wurzeln ein sehr weites Ur- « sprungsgebiet. » Nous croyons inutile d'ajouter que pas la moindre de ces affirmations n'est basée sur une observation incontestable ! (1) p. 107. LA MOELLE ÉPINIÈRE DE LA TRUITE 1Ô7 Nous pourrions passer en revue encore un grand nombre d'autres faits erronés décrits par Haller. mais nous croyons avoir démontré suffisamment, par ce qui précède, ce que nous avons annoncé au commencement de cette critique, c'est que l'expérience et la pratique de la méthode de Golgi, néces- saires'pour bien interpréter les faits, ont fait complètement défaut à Haller. Avant de quitter ce mémoire, nous voudrions cependant relever encore quelques erreurs bibliographiques. Haller reproche aux neurologistes partisans de la doctrine de l'indé- pendance des éléments nerveux de n'avoir confiance que dans les résultats obtenus par la méthode de Golgi, au point « dass Ailes, was nicht mit der - Golgi'schen Méthode entdeckt wurde, einfach als nicht vorhanden zu - betrachten sei, und selbst ftir den Fall mtissten solche Entdeckungen » ignorirt werden, falls man sie durch die Golgi'sche Méthode bestâtigen v kann, wie dièses thatsachlich vielfach erfolgte (p. 25, note). » Nous pourrions adresser à Haller un reproche contraire et prouver par des extraits de son travail que, à ses yeux, tout ce qui n'a pas été vu sur des coupes traitées par la Osmiumsàure-Karminmethode ne mérite guère de confiance. Il reproche encore à Golgi d'ignorer la littérature se rapportant au système nerveux des vertébrés inférieurs (p. 26, note et p. 29); à v. Len- hossek d'attribuer à Golgi des découvertes qui appartiennent à Gerlach (p. 81, note); à Cajal, Golgi, v. Lenhossek, Kôlliker et bien d'autres d'oublier totalement les faits observés par Boll (p. 78), et ainsi de suite. On ne peut pourtant pas tout savoir. Haller, qui parait si scrupuleux poul- ies autres, prouve d'ailleurs, en plusieurs endroits de son travail, ou qu'il ignore la littérature nerveuse, beaucoup plus importante à nos yeux, de ces dix dernières années, ou qu'il a mal compris les travaux qu'il cite. Nous n'en donnerons comme preuve que les quelques faits suivants : i° Pag. 24, Haller attribue à v. Lenhossek d'avoir prouvé en 1891, par ses observations chez le lombric, que les fibres motrices périphériques ont leurs cellules d'origine dans le système nerveux central et se terminent dans les organes périphériques, tandis que les fibres sensitives périphé- riques ont leurs cellules d'origine en dehors du système nerveux central et se terminent dans ce dernier. Or, ce fait a été prouvé, chez les vertébrés supérieurs, par His dès l'année 1886! 20 Haller a mal compris la manière d'être du prolongement cylin- draxile pour les deux types de cellules nerveuses établis par Golgi. En 168 A. VAN GEHUCHTEN parlant de ces types, il dit p. 25 : « Die Ganglienzellen des ersten Typus » (auch motorische oder psycho-motorische genannt) geben Nervenfortsâtze r ab, welche direkt — es sei, dass sie zuvor eine Strecke weit als Lângs- - fasern verlaufen, oder dass sie in horizontalem Verlaufe direkt in peri- - pherische Nerven gelangen — zu peripherischen, motorischen Nerven- r> fasern werden, nachdem sie zahlreiche feine Seitenàste abgaben. - De là, il résulte que, dans l'idée de Haller, Golgi considère exclusivement comme cellules du premier type (cellules de Deilersj les cellules d'origine des fibres motrices, périphériques c'est-à-dire les neurones moteurs périphériques. Il n'en est pas du tout ainsi. Dans quels types faire rentrer alors les cellules pyramidales de l'écorce cérébrale, les cellules mitrales du bulbe olfactif, les cellules de Purkinje du cervelet et presque toutes les cellules qui con- stituent les masses grises de l'axe cérébro-spinal en dehors des noyaux d'origine réelle des nerfs moteurs? Non, Golgi, et, après lui, tous les neurologistes considèrent comme cellule de Deiters toute cellule nerveuse dont le prolongement cylindraxile devient le cylindre-axe d'une fibre ner- veuse, soit motrice, soit sensitive, soit centrale, soit périphérique. L'idée que Haller se fait d'une cellule du second type ou cellule de Golgi, est tout aussi erronée : « Die Nervenfortsâtze des zweiten Typus, » dit-il, werden nie zu peripherischen Nervenfasern fnon, ne deviennent ja- » mais cylindre-axe d'une fibre nerveuse, soit centrale soit périphérique), » sondern verasteln sich nach lângerem oder kurzerem Verlauf innerhalb » des Centralnervensystems auf hôchst komplicirte Weise. » Si cette défini- tion de Haller était exacte, on devrait considérer comme cellules de Golgi, toutes les cellules nerveuses à cylindre-axe long ayant leur origine et leur terminaison dans le système nerveux central ! Tous les neuro-histologistes savent cependant qu'une cellule de Golgi est celle dont le prolongement cylindraxile ne devient jamais le cylindre-axe d'une fibre nerveuse, mais se termine dans la substance grise voisine de sa cellule d'origine 3° A la pag. 77 de son travail, parlant de la constitution de la racine antérieure, il range Golgi parmi les auteurs qui admettent que toutes les fibres des racines antérieures sont des fibres directes, et cependant Golgi a défendu de tout temps et défend encore maintenant une origine croisée pour un certain nombre de fibres de chaque racine motrice! 4° A la même page, parlant de la constitution de la commissure anté- rieure, il dit : « Die vordere Kommissur soll vielmehr bloss von sogenann- •> ten Protoplasmafortsàtzen und nach VanGehuchten durch Collateralâste LA MOELLE ÉPINIÈRE'DE LA TRUITE 169 « von Làngsfasern der Ventralstritnge gebildet werden. » Or tous les au- teurs, qui ont publié dans ces derniers temps sur la structure interne de la moelle, considèrent les prolongements cylindraxiles des cellules commis- surales comme l'élément constitutif essentiel de la commissure antérieure de la moelle. 5° A la page 80, il se demande si, dans la colonne de Clarke, il n'exis- terait pas de cellules nerveuses donnant origine à certaines fibres des racines postérieures, et il ajoute : « Es scheint mir nàmlich, dass dièse Zellsaulen auf « dièses Verhalten hin noch nicht eingehend genug untersucht worden sind. » Et il oublie les recherches spéciales de Cajal et de v. Lenhossek sur la destinée du prolongement cylindraxile des cellules de la colonne de Clarke. Il reproche encore à v. Lenhossek, Kolliker, Retzius et d'autres, de ne plus tenir compte des travaux publiés avant l'introduction de la mé- thode de Golgi et pense que les anatomistes, qui acceptent les résultats remarquables dus à l'application de la méthode au chromate d'argent, n'osent pas aborder la question de l'origine phylétique du système nerveux, « ein « Thema das von den Anhângern der Kontakttheorie mit einer gewissen « wohlbegrtindeten Scheu umgangen wird (1) ». Mais il faut au moins nous laisser le temps d'aborder, avec la méthode de Golgi, toutes les questions ! Il n'y a pas encore cinq années que la mé- thode au chromate d'argent a gagné la confiance des histologistes. On a couru au plus pressé. On a étudié le système nerveux des vertébrés supérieurs, animaux que l'on pouvait facilement se procurer aux stades favorables, et encore n'a-t-on étudié, chez ces vertébrés supérieurs, que les parties les moins complexes : la moelle épinièrc, l'écorce cérébrale, le bulbe olfactif et l'écorce cérébelleuse. On commence d'ailleurs déjà à étudier les vertébrés inférieurs : les batraciens (Cl. Sala), les reptiles (Cajal et Retzius), les poissons (v. Lenhossek, Retzius, Martin et Van Gehuchten). Pour l'es animaux inférieurs, on peut citer les travaux de v. Lenhossek et de Retzius sur le vers de terre, les recherches de Retzius sur les mollusques, etc. La méthode de Golgi n'a pas encore dit son dernier mot. Que Haller veuille attendre encore quelques années ; qu'il laisse aux travailleurs le temps d'étudier les conditions nécessaires à l'application fructueuse de la méthode au chromate d'argent au système nerveux des animaux inférieurs, et la question de l'origine phylétique du système nerveux recevra sa solution comme tant d'autres. il P. 47. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE I. FIG. 1. Coupe transversale de la moelle d'un embryon de truite de 45 jours. FIG. 2. Coupe transversale de la moelle d'un embryon de truite de 49 jours. FIG. 3. Coupe transversale de la moelle d'un alevin de truite de 1 jour. FIG. 4 et 5. Coupes transversales de la moelle d'un alevin de truite de 5 jours. FIG. 6 et 7. Coupes transversales de la moelle d'un alevin de 10 jours. FIG. 8 et 9. Coupes longitudinales antéro-postérieures passant par la corne antérieure de la moelle d'un embryon de truite de 48 jours. PLANCHE II. FIG. 10, 11 et 12. Coupes transversales de la moelle d'un embryon de truite âgé de 5o jours; fig. 11, a, prolongement cylindraxile d'une cellule commissurale pourvu de deux collatérales, indiqué dans le texte comme reproduit dans la fig. 48. FIG. 13. Coupe transversale de la moelle d'un alevin de 1 jour. FIG. 14, 15, 16 et 17. Coupes transversales de la moelle d'alevins âgés de 5 jours; dans la fig. 17, le prolongement cylindraxile de la cellule commissurale la plus postérieure se termine, dans la commissure transverse, par un cône de croissance. FIG. 18 et 19. Coupes transversales de la moelle d'un alevin âgé de 10 jours montrant des cellules nerveuses situées entre les fibres de la substance blanche. PLANCHE III. FIG. 20, 21 et 22. Coupes transversales de la moelle d'alevins âgés de 10 jours. FIG. 23. Coupe transversale de la moelle d'un alevin âgé de 17 jours. FIG. 24 et 25. Coupes transversales de la moelle d'un alevin de 25 jours. c, collatérales passant par la commissure postérieure, c', collatérale passant par la commissure antérieure. /M, fibre de Mauthner. PLANCHE IV. FIG. 26. Coupe longitudinale sagittale de la moelle d'un embryon de 46 jours. FIG. 27. Coupe analogue de la moelle d'un embryon de 45 jours. FIG. 28. Coupe analogue de la moelle d'un embryon de 40 jours. FIG. 29. Coupe analogue de la moelle d'un alevin de 5 jours. 172 A. VAN GEHUCHTEN a, cellules dont le prolongement cylindraxile descendant devient une fibre con- stitutive du faisceau dorsal du cordon antérieur. b, cellule présentant deux prolongements cylindraxiles descendants. c, fibre passant du cordon postérieur dans le cordon antérieur, puis se recour- bant en arrière pour rentrer dans le cordon postérieur. FIG. 30. Coupe sagittale de la moelle cervicale d'un embryon de 5o jours. b, cellule à prolongement cylindraxile descendant. FIG. 31. Coupe sagittale passant par le cordon antérieur de la moelle d'un embryon de 45 jours; /M, fibre de Mauthner. FIG. 32. Coupe frontale passant par la commissure accessoire de la moelle d'un embryon de 45 jours; c, collatérales passant par la commissure accessoire. PLANCHE V. FIG. 33. Coupe longitudinale sagittale de la moelle épinière d'un embryon de truite âgé de 46 jours. a, fibre commissurale donnant naissance à deux fibres descendantes et à une fibre ascendante. b, cellule des cordons dont le prolongement cylindraxile se recourbe en haut pour devenir une fibre ascendante. c, fibre descendante présentant sur son trajet une bifurcation en deux fibres d'égale épaisseur, dont l'une descend dans le cordon antérieur et l'autre dans le cordon latéral. d, fibre commissurale qui, après un trajet descendant assez long, se bifurque en une branche descendante volumineuse et une branche ascendante beaucoup plus délicate. e, fibre qui se rend du cordon postérieur dans le cordon antérieur. f, fibres commissurales se bifurquant en une branche ascendante épaisse et une branche descendante grêle. FIG. 34. Coupe longitudinale frontale passant par la commissure accessoire de la moelle épinière d'un alevin âgé de 5 jours. a, fibre commissurale se bifurquant dans le cordon antérieur en deux branches d'égale épaisseur; la branche ascendante peut être poursuivie jusque dans la moelle allongée et pendant ce trajet elle augmente insensiblement d'épaisseur. FIG. 35. Coupe longitudinale frontale passant par la commissure accessoire et provenant de la moelle épinière d'un alevin de 10 jours. a et b, fibres commissurales donnant naissance, au point de bifurcation, à une fibre ascendante plus grosse que la fibre descendante. f. r, fibres radiculaires antérieures. c, collatérales motrices. FIG. 36. Coupe longitudinale sagittale de la moelle épinière d'un alevin de 10 jours. LA MOELLE EPINIERE DE LA TRUITE 173 FIG. 37. Coupe transversale de la moelle épinière d'un alevin de 25 jours FIG. 38. Coupe transversale de la moelle épinière d'un alevin de 20 jours montrant la disposition des collatérales qui naissent des fibres des différents cordons. PLANCHE VI. FIG. 39. Coupe longitudinale sagittale de la moelle d'un embryon de truite de 5o jours montrant la bifurcation des fibres des racines postérieures ; a, cellule bipolaire d'un ganglion spinal pourvue d'un prolongement interne plus épais que le prolongement externe. FIG. 40. Coupe analogue à la précédente provenant de la moelle d'un embryon de 45 jours; a, fibres dont la branche de bifurcation ascendante est plus épaisse que la branche descendante. FIG. 41. Coupe analogue à la précédente provenant de la moelle d'un embryon de 5o jours : cellules unipolaires d'un ganglion spinal dont la branche périphérique est plus épaisse que la branche centrale. FIG. 42. Coupe analogue à celle de la fig. 39 provenant de la moelle d'un embryon de truite âgé de 5o jours; a, cellule bipolaire dont le prolongement in- terne, entré dans la moelle, se recourbe simplement en haut. FIG. 43. Coupe longitudinale sagittale de la moelle d'un embryon de 46 jours; a, fibre de la racine postérieure donnant naissance, dans la moelle, à une branche ascendante et à deux branches descendantes. FIG. 44. Cellules bipolaires d'un ganglion spinal d'un alevin de 10 jours. FIG. 45. Cellule unipolaire d'un ganglion spinal d'un alevin de 3o jours. FIG. 46. Cellules unipolaires et bipolaires d'un ganglion spinal d'un alevin de 3o jours. FIG. 47. Cellule du ganglion de Gasser d'un embryon de 45 jours, pourvue de deux prolongements internes et d'un prolongement externe. FIG. 48. Moitié gauche de la coupe transversale de la moelle cervicale d'une truite adulte, colorée à la nigrosine. Gr. : A, IV. PLANCHE VII. FIG. 49. Cellules épendymaires de la moelle d'un alevin de 1 jour. FIG. 50 et 51. Cellules épendymaires de la moelle d'un alevin de 10 jours. FIG. 52. Cellules épendymaires de la moelle d'un alevin de i5 jours. FIG. 53. Cellules épendymaires de la moelle d'un alevin de 25 jours. FIG. 54. Cellules épendymaires de la moelle d'un alevin de 35 jours. Planche I ^A. KuiGehwMùn. ad. nal deL. Planche 11 ■ Planche 111 ' Planche Ml Planche V Planche YL Phncht ru SUR LE MÉCANISME DE L'IMMUNITÉ CHEZ LE LAPIN VACCINÉ contre le STREPTOCOQUE PYOGÈNE PAR J. DENYS & J. LECLEF PROFESSEUR d'aNATOMIE PATHOLOGIQUE ASSISTANT AU LABORATOIRE DE BACTÉRIOLOGIE ET DE SÉROTHÉRAPIE a l'Université de Louvain. (Mémoire déposé le 15 octobre 1895J SUR LE MECANISME DE L'IMMUNITÉ chez le LAPIN VACCINÉ contre le STREPTOCOQUE PYOGÈNE. Nous publions dans les pages suivantes une partie de nos recherches exécutées dans le courant des années 1894-1895 sur le streptocoque pyogène. Cette partie comprend les investigations faites dans le but d'éclaircir par quelques côtés nouveaux le mécanisme de l'immunité, que les lapins présentent vis-à-vis du streptocoque pyogène quand ils ont été vaccinés contre cet organisme. Nous divisons ce travail en quatre chapitres : Chap. I. Méthode suivie pour la vaccination des lapins. Chap. II. Action in vitro du sérum et des leucocytes tant des animaux neufs que des animaux vaccinés sur le streptocoque pyogène. Chap. III. Action in corpore de ces mêmes éléments sur le streptocoque pyogène. Chap. IV. Considérations générales sur l'immunité et comparaison de nos résultats avec ceux de différents auteurs. CHAPITRE I. Méthode suivie pour la vaccination des lapins. Nos recherches ont été faites avec deux streptocoques d'origine différente : i° Un streptocoque provenant d'un abcès développé au cou; 2° Un streptocoque obtenu par l'ensemencement du pus d'un gan- glion suppuré de la même région. La suppuration était consécutive à une diphtérie de la gorge. Ces deux streptocoques présentaient sensiblement les mêmes carac- tères et la même virulence. Le second surtout a été utilisé dans nos expériences. 178 J DENYS & J. LECLEF Au début, la virulence de ce streptocoque était assez faible. Il fallait injecter dans la plèvre d'un lapin 5 ce. de bouillon pour le tuer. Par des passages successifs, nous sommes parvenus à exalter considérablement sa virulence et finalement nous sommes arrivés à produire un érysipèle de toute l'oreille par l'injection sous-cutanée de 1/10000 de centimètre cube d'un bouillon de 24 heures. Nous croyons inutile d'entrer dans de longs détails sur la morphologie de nos deux streptocoques. Quelques auteurs, entre autres Von Lingels- heim (1), ont fait de multiples efforts pour distinguer plusieurs espèces de streptocoques, mais nous croyons encore toujours avec De Marbaix(2), qui a étudié à fond cette question dans le laboratoire de Louvain, que tous les caractères invoqués pour légitimer cette division reposent sur des pro- priétés variables et par conséquent sans valeur. En effet, von Lingelsheim avait pris pour base de sa classification la longueur des chaînettes et le pouvoir pathogène. D'après lui, le type à courtes chaînettes serait dépourvu de pouvoir pathogène et devrait être séparé du type à longues chaînettes. Dans ce dernier type, il y aurait lieu d'établir encore plusieurs espèces d'après leur action pathogène spéciale pour tel ou tel animal. Or, De Marbaix a démontré à l'évidence que les streptocoques à courtes chaînettes peuvent posséder une virulence égale à celle des streptocoques à longues chaînettes. De plus, il a mis en pleine lumière la variabilité extrême de virulence que présente un même strepto- coque suivant qu'il est accoutumé à vivre en parasite ou en saprophyte. Les caractères invoqués par von Lingelsheim sont donc insuffisants. Nous croyons que les différences signalées par d'autres auteurs, et qu'ils ont voulu ériger en caractères spécifiques, ne sont pas mieux fondées et, jusqu'à preuve du contraire, nous tenons pour l'unité spécifique du streptocoque. Ne voit-on pas du reste d'autres organismes modifier d'une façon profonde leurs propriétés? Pour n'en citer qu'un exemple, le coli-bacille peut per- dre sa faculté de dégager des gaz et de former une culture abondante sur pomme de terre (3). Va-t-on prétendre faire de cette variété une espèce distincte? (1) von Lingelsheim : Experimentelle Untcrsuchungcn ûber morphologische und pathogène Eigen- schaften verschiedener Streptokokken; Zeitschrift f. Hygiène, 1891. (2) H. De Marbaix : Étude sur la virulence des streptocoques; La Cellule, t. VIII, 1892. (3) Denys & Martin : Sur les rapports du pneumo -bacille de Friedlânder, du ferment lactique, et du bacillus typhosus; La Cellule, t. IX, 1893. MECANISME DE L IMMUNITE 179 Pour clore ces remarques, rappelons que Marmorek (i), dans un im- portant travail sur le streptocoque, vient confirmer la manière de voir de De Marbaix et se déclare lui aussi partisan de l'unité. N'attachant par conséquent qu'une importance médiocre aux signes particuliers de nos streptocoques, ne nous attarderons-nous pas à les décrire minutieusement. Contentons-nous de signaler qu'ils troublent le bouillon d'une façon diffuse, contrairement à d'autres types qui végètent sous la forme de grumeaux ou de beaux nuages blancs et laissent au bouillon sa transparence naturelle. Pour vacciner les lapins contre le streptocoque, différents procédés ont été suivis. Roger(2) emploie un bouillon conservé sous l'huile, filtré après quinze jours et chauffé à la température de 1 10 degrés. Mironoff (3), après avoir essayé diverses méthodes, conclut que la meilleure consiste à commencer par des cultures stérilisées par la chaleur et à finir par des cultures virulentes à doses progressivement croissantes. Par ce procédé, il arrive à obtenir des animaux supportant sans troubles aucuns des doses de 5 à 10 fois supérieures aux doses fatales pour un ani- mal non vacciné. Nous nous sommes bien trouvés de l'emploi exclusif de cultures viru- lentes à doses croissantes et nous sommes parvenus à faire supporter sans trouble une dose supérieure de 1000 fois au moins à celle capable de pro- duire un érysipèle grave, sinon mortel. Nous inoculons une première fois le lapin avec une dose suffisante pour produire un érysipèle sérieux, sans provoquer la mort de l'animal. La dose nécessaire pour atteindre ce but variait, d'après l'état de virulence du microbe, de 1/50 à 1/10,000 de centimètre cube de bouillon. L'inflam- mation ainsi produite entrait en régression après trois à quatre jours et se terminait ordinairement sans laisser de traces de son passage. Quelquefois cependant, une partie plus ou moins considérable de l'oreille était envahie par la gangrène et s'éliminait, laissant l'organe plus ou moins mutilé. (i) Marmorek : Le streptucoquc et le sérum antisireptococcique ; Annales de l'Inst. Pasteur, t IX, 1895. (2) Roger : Action des produits solubles du streptocoque de l 'érysipèle ; Compte rendu de la Soc. de biologie, t. XIV, 1S91. (3) Mironoff : Immunisation des lapins contre le streptocoque; Archives de Méd. expérim. et d'Anat. path., t. V, 1893. 180 J. DENYS & J. LECLEF Quand l'inflammation a terminé son cours, on constate que l'animal a subi une perte de poids plus ou moins considérable. Aussi, avant de pratiquer une seconde injection, est-il avantageux d'attendre que le lapin ait repris son poids primitif. Nous conseillons de faire alors une deuxième injection avec une dose multiple de la première, car si l'on se contente de la même dose, on n'obtient presque toujours qu'une réaction insignifiante. La deuxième inoculation a souvent peu d'effet, elle ne produit dans bon nombre de cas qu'une inflammation qui reste localisée, mais quand elle fait naître un second érysipèle, celui est notablement plus bénin : il a moins de tendance à s'étendre, le gonflement est moins prononcé et moins dur, la chaleur est moins vive, et la gangrène ne se produit plus; enfin, le processus est plus court et tout peut se dissiper en quarante-huit heures. Quand la perte de poids, occasionnée par la deuxième injection, a dis- paru, on procède à une troisième, à une quatrième, etc., avec des doses toujours croissantes. Finalement, on peut injecter un centimètre cube d'un bouillon, dont la dix-millième partie produit un érysipèle intense, sans occasionner autre chose qu'un peu de rougeur locale, qui a disparu le lende- main sans avoir montré la moindre tendance à s'étendre. L'expérience suivante peut servir d'exemple de vaccination et de tolérance. 28 Juin : A trois lapins pesant respectivement 1700, 1940 et ig5o gr., nous injec- tons 1/100 ce. de bouillon de streptocoque. 29 » Chez tous les trois s'est déclaré un érysipèle plus ou moins étendu de l'oreille. 2 Juillet : Les érysipèles se sont largement développés et ont envahi l'oreille en totalité ou dans sa plus grande partie. L'inflammation est en pleine régression. Injection de 1/10 ce. de bouillon. Tout s'est borné à une petite réaction locale. Injection de o,5 ce. de bouillon. Les lapins ont présenté une réaction faible, déjà disparue. Injection de 1 ce. de bouillon en deux endroits différents. Réaction locale insignifiante. Les lapins pèsent 1790, 1920 et ig3o gr. Cette expérience montre que l'on parvient facilement à faire tolérer des quantités considérables de culture. A la première injection, qui était de 1/100 de ce, les trois lapins ont réagi par un érysipèle bien développé. Après 22 jours, une dose 100 fois plus forte ne déterminait plus qu'un peu de rougeur et de chaleur au point d'inoculation, phénomènes qui se sont dissipés après quelques heures. 4 » 6 » 8 » 1 1 » i3 » 20 » MÉCANISME DE LIMMUNITÉ 1 S 1 Nous devons avouer pourtant que la vaccination n'est pas toujours in- offensive. Dans le cours des opérations, on perd un bon nombre de lapins. La cause de leur mort ne réside pas dans l'infection microbienne, mais dans une cachexie aboutissant à un amaigrissement extrême et qui les fait mourir par un processus intime qu'il serait sans doute intéressant d'élucider. CHAPITRE II. Action in vitro du sérum et des leucocytes des animaux neufs et vaccinés sur le streptocoque pyogène. Dans une étude sur l'immunité, il importe de tenir compte de deux facteurs : les humeurs et les leucocytes. Dans le corps de l'animal, ces deux facteurs ne sont jamais séparés. Aussi, pour se faire une idée exacte de leur puissance, est-il nécessaire de les mettre en jeu isolément. Comme nous le verrons de suite, on atteint facilement ce but en opérant dans des tubes. Dans un premier paragraphe, nous nous occuperons du premier de ces facteurs : le sérum. Dans un second, nous considérerons les leucocytes. § I. Action du sérum des lapins neufs et vaccinés sur le streptocoque. Sérum des lapins neufs. Les expériences faites par l'un de nous (1) sur l'action meurtrière exercée par le sérum sur les spores du bacille du foin ont établi, d'une façon qui est à l'abri de toute critique, que cette humeur possède, du moins in vitro, une action bactéricide réelle, qui ne peut pas s'expliquer par un changement du milieu. Tout travail portant sur l'immunité doit donc tenir compte du facteur sérum. Nous avons opéré avec du sérum obtenu par l'action centrifuge. Le sang, recueilli soit par la carotide soit par la veine jugulaire externe, est battu et centrifugé. Des portions de 2 à 3 ce. de sérum sont ensemencées avec une ou plusieurs anses d'une culture fraîche de streptocoque dans le bouillon. Elles sont ensuite maintenues à la température du corps pendant toute la durée de l'expérience. Par l'examen microscopique direct et par la confection de plaques à l'agar, on suit pas à pas le sort des microbes inoculés. On constate ainsi que le streptocoque pyogène, ensemencé dans le sérum du lapin neuf, pullule immédiatement et avec une grande rapidité. (1) J. Leclf.f .- Etude sur l'action sporUide des humeurs; La Cellule, t. X, 1894. 182 J. DENYS & J. LECLEF A preuve, nous rapportons les deux expériences suivantes, donnant le nombre de colonies développées sur les plaques à partir de l'ensemencement. IMMEDIATEMENT APRÈS l'ensemencement APRÈS 2 l/2 HEURES APRÈS 4 1/4 HEURES Lapin I. Lapin II. 17,400 6,720 31,780 72,000 806,400 Innombrables Comme on le voit, la progression est extrêmement rapide. On peut formuler comme règle générale, que quelques centimètres cubes de sérum ensemencés avec une ou plusieurs anses fournissent après 5 heures de cou- veuse une vraie culture de streptocoques. La pullulation se fait même plus rapidement et plus abondamment que dans le bouillon, comme nous nous en sommes assurés en étudiant parallèlement le développement dans ce dernier milieu. Sérum des lapins vaccinés. Si, au lieu d'employer le sérum d'un animal neuf, on opère avec celui d'un animal vacciné, on constate une différence considérable. Tandis que le sérum du lapin ordinaire n'oppose aucune résistance à la multiplication du streptocoque, le sérum du lapin immunisé la ralentit considérablement. Le phénomène est tellement marqué que, bien souvent, le sérum du pre- mier est devenu une vraie culture, alors que celui du second laisse seule- ment apercevoir les premiers indices d'un développement. EXPÉRIENCE. Elle comprend deux lapins, un neuf et un vacciné, fournissant chacun deux por- tions ensemencées avec des quantités différentes. DE SUITE APRÈS APRÈS APRÈS APRÈS APRÈS 3 HEURES 5 HEURES 8 HEURES IO HEURES ( irc portion Lapin neuf} ( 2me I) ÔOO g, 600 II,O0O 352,000 485,000 1,766,000 2,060,000 4,576,000 ,' ire portion Lapin face. ( 2mo )) 600 9,600 3,400 7,260 6,700 i 19,200 4,800 18,400 5,690 102,400 MECANISME DE L IMMUNITE ■183 Le retard chez le lapin vacciné est des plus accusés. Pour en saisir toute l'importance, il est utile de comparer les chiffres enregistrés dans la deuxième colonne pour le lapin réceptif, avec les chiffres de la cinquième colonne enregistrés pour le lapin vacciné. Les premiers dépassent les seconds respectivement du double et du triple, de sorte que la pullulation a engendré plus d'individus en trois heures chez le lapin neuf qu'en dix heures chez le lapin immunisé. Des différences aussi fortes et même plus fortes se remarquent dans l'expérience suivante. EXPÉRIENCE. Elle porte sur trois lapins, un neuf et deux vaccinés. Chacun fournit deux portions. APRÈS 2 l/2 HEURES APRÈS 5 HEURES APRÈS 8 HEURES APRÈS 10 HEURES Lap neuf ire portion 2me )) 440 4, 100 6,700 108,000 50,400 576,000 1,324,000 3,200,000 Lap. vacc. ire portion 2me » (1) 2,340 7,900 3,840 9,200 7,900 11,440 34,560 28,160 Lap. vacc. ire portion 2me 1) 1,620 8,400 2,420 14,000 3,25o i5,ooo 3,6oo 26,000 Nous avons eu l'occasion de répéter plusieurs fois ces expériences avec le même résultat. Il est inutile de les rapporter toutes. Dans le cours du travail, nous aurons du reste l'occasion d'en rencontrer de nouvelles. Elles mettent en évidence une propriété spéciale du sérum des lapins vaccinés. Ce sérum possède, in vitro du moins, une action ralentissante marquée sur la pullulation du streptocoque. Nous disons une action ralentissante et non une action microbicide. En effet, nous n'avons pu que rarement mettre en évidence une action de ce genre. En général, dès le début de l'expérience, les plaques renseignent un accroissement du nombre des colonies. Les strep- (1) Dans cette expérience, comme dans beaucoup des suivantes, les chiffres de la première colonne ne sont pas complets. Il nous a semblé inutile de faire ur.e plaque avec tous les tubes immédiatement après l'ensemencement, le chiffre des microbes devant être le même, du moins dans les portions ensemen- cées avec des quantités égales. Le chiffre unique ou les quelques chiffres de la première colonne doivent être entendus pour tous les tubes ensemencés avec la même dose. 23 184 J- DENYS & J. LECLEF tocoques ne sont donc pas habituellement tués, leur pullulation est gênée, et si on prolonge l'expérience pendant douze à vingt-quatre heures, elle devient aussi forte que dans le sérum ordinaire. En résumé, le sérum du lapin neuf est un excellent milieu de culture pour le streptocoque pyogène; cet organisme y pullule immédiatement et rapidement. Le sérum du lapin vacciné commence par entraver la pullula- tion, plus tard il devient un milieu aussi excellent que le sérum ordinaire. § II. Action des leucocytes des lapins neufs et vaccinés sur le streptocoque. Pour nous procurer des leucocytes en quantité suffisante, nous injec- tons dans la plèvre des cultures stérilisées de staphylocoque pyogène. L'in- jection est faite le soir; le lendemain matin, on trouve généralement dans la plèvre un exsudât riche en globules blancs, tous bien vivants. Les microbes ont presque toujours disparu. Nécessité d'étudier les leucocytes dans le sérum du sang et non dans la sérosité de l exsudât. A première vue, un exsudât paraît répondre parfaitement au but que l'on poursuit; en effet, il renferme un grand nombre de leucocytes et ceux-ci se trouvent dans un milieu qui est éminemment favorable à leur conserva- tion. Il semble qu'on n'a plus qu'à faire un ensemencement pour résoudre le problème de l'influence des globules blancs sur le streptocoque. Mais Van de Velde (i) a démontré que la partie liquide des exsudats, à laquelle nous donnerons dorénavant pour plus de facilité le nom de sérosité, exerce une action bactéricide extrêmement énergique sur le staphylocoque pyo- gène. Si la sérosité possédait la même propriété vis-à-vis du streptocoque, nous ne pourrions évidemment pas nous servir de l'exsudat comme tel, car il serait impossible de déterminer la part qui revient dans son action aux leucocytes et celle qui revient à la partie liquide. Il faut donc avant tout s'assurer si l'on peut considérer la sérosité comme un milieu neutre, au même titre que le sérum. Dans ce but, nous avons centrifugé un certain nombre d'exsudats, et nous en avons comparé la partie claire, c'est-à-dire la sérosité, avec le sérum sanguin du même animal, obtenu également par l'action centrifuge. (i) H. Van de Velde : Etude sur le mécanisme de la virulence du staphylocoque pyogène; La Cellule, t. X, fasc. 2, 1894, p. 401. MECANISME DE L IMMUNITE 185 Voici quelques-unes de ces expériences. EXPERIENCE. A remarquer que la sérosité reçoit deux fois plus de microbes que le sérum. Son action nuisible sur le microbe en ressort d'autant plus clairement. DE SUITE APRÈS APRÈS 3 HEURES APRÈS 7 HEURES Sérum 1 anse de bouillon Sérosité 2 anses de bouillon 16,200 41,400 998,000 30,700 Examen microsc. culture Examen microsc. Pas d'organismes Les expériences suivantes, conduites pendant un temps plus long, font encore mieux ressortir l'action de la sérosité. EXPÉRIENCE. DE SUITE APRÈS APRÈS 6 HEURES APRÈS 24 HEURES Sérum Sérosité 16,400 18,100 Sérum troublé Sérum transparent Colonies innombr. 5,840 EXPERIENCE. APRÈS 12 HEURES APRÈS 30 HEURES Sérum Fort trouble Culture de streptocoques Sérosité Transparent Transparence conservée Rares chaînettes au microsc. Rares chaînettes // découle de ces expériences que la partie liquide de Fexsudat entrave considérablement le développement du streptocoque. De plus, nous avons eu souvent l'occasion d'observer que non seulement la pullulation est en- rayée, mais qu'il y a une véritable destruction d'organismes, comme le démontre le nombre des colonies qui se développent sur les plaques. Dès 186 J. DENYS & J. LECLEF lors, si nous voulons connaître l'influence propre des leucocytes, il est indispensable d'éloigner la sérosité. On atteint parfaitement ce but en cen- trifugeant l'exsudat. Les leucocytes se tassent fortement au fond du tube et on peut très facilement décanter toute la partie liquide. Afin de les débar- rasser des dernières traces de sérosité, on lave à plusieurs reprises avec du sérum prélevé sur le même animal, on secoue le dépôt de leucocytes avec une dernière portion de sérum et on obtient ainsi une suspension de ces éléments dans un liquide qui, nous l'avons vu, n'exerce aucune influence nocive sur le développement du streptocoque. Tout ralentissement éventuel pourra donc être attribué aux globules blancs. Action des leucocytes du lapin neuf dans le sérum du lapin neuf sur le streptocoque. La manière dont les streptocoques se comportent varie suivant l'im- portance de l'ensemencement. Si celui-ci est très abondant, le nombre d'organismes ne diminue pas, ou seulement dans une mesure insignifiante. Au bout de peu d'heures, ils ont formé une véritable culture. EXPÉRIENCE. Sérum Sérum -|- leucocytes 980,000 4,800,000 3,870,000 7,680,000 Dans cette expérience, la pullulation est presque aussi rapide que dans le sérum témoin, mais cette absence d'action ne s'observe, comme nous venons de le dire, que lorsque la quantité de microbes ensemencée est réellement prodigieuse. Si l'ensemencement est modéré, on remarque au contraire que la pré- sence des globules blancs excerce sur le développement du streptocoque une influence inhibitoire nette. MECANISME DE L IMMUNITE 187 EXPERIENCE. DE SUITE APRÈS APRÈS 3 HEURES APRÈS 5 HEURES Sérum Sérum -\- leucocytes 16,200 998,000 55,ooo Au microscoque culture • Pas d'organismes (1) En résumé, le sort des streptocoques ensemencés dans du sérum de lapin neuf contenant des globules de lapin neuf dépend de l'abondance de l'ensemencement. Si celui-ci est très large, il y a pullulation rapide; s'il est modéré ou faible, il y a inhibition. Influence du nombre des leucocytes. L'effet inhibitoire sur la pullulation dépend du nombre des leucocytes. Plus ceux-ci sont nombreux, plus la diminution des microbes est accusée et plus leur pullulation est retardée. On le démontre facilement en ajoutant au sérum des doses croissantes de leucocytes. On opère comme il suit: dans les tubes à centrifuger, on dépose des quantités d'exsudat diverses et exactement mesurées. Par exemple, dans un premier tube on introduit 0,1 ce, dans un second 0,3 ce, dans un troi- sième 0,6 ce. Ces trois tubes sont centrifugés, la sérosité est soigneusement décantée et remplacée par une même quantité de sérum : supposons 3 ce. par tube. Après agitation, on a trois émulsions dont la richesse en leucocytes est dans la proportion de 1 , 3 et 6. Ces tubes sont ensemencés, en même temps qu'un tube témoin de sérum pur, avec une quantité égale de streptocoques. EXPÉRIENCE. L'addition des globules ralentit la prolifération. DE SUITE APRÈS APRÈS 3 HEURES APRÈS 7 HEURES Sérum pur Sérum avec un vol. de leucocytes Sérum avec 3 vol de leucocytes Sérum avec 6 vol. de leucocytes 20,800 r, 440, 000 86,000 72,000 24,600 Innombrables 2,994,000 2,816,000 608,400 (1) Le lecteur rencontrera souvent cette expression : Pas d'organismes. Elle ne signifie pas que tous les microbes sont détruits, mais simplement que l'examen microscopique n'en décèle pas. i88 J. DENYS & J. LECLEF Dans le tableau suivant, l'influence des leucocytes est encore plus manifeste. EXPÉRIENCE. L'addition de globules produit une destruction des microbes. DE SUITE APRÈS APRÈS 3 HEURES APRÈS 7 HEURES Sérum normal 14,400 288,800 Innombrables Sérum avec i volume de 34,400 267,000 leucocytes Sérum avec 3 volumes de 2,400 2,880 leucocytes Sérum avec 6 volumes de 1,980 600 leucocytes Dans le deuxième tube, il n'y a qu'un ralentissement de la pullulation, mais le troisième et le quatrième tube révêlent une diminution considérable des organismes ensemencés. Dans le dernier surtout, le phénomène est mar- qué : 600 colonies après 7 heures contre 14,400 au début. Ici encore nous pourrions multiplier les exemples, mais la chose nous paraît d'autant plus inutile que nous en rencontrerons de nouveaux dans le cours de notre exposé. Tous confirment du reste la même proposition : Plus on ajoute de leucocytes an sérum, plus le développement est retardé. On peut même, si la quantité est suffisante, observer une diminution passagère du nombre des microbes. Mode d'action des leucocytes. Comment les leucocytes agissent-ils? Quand, au cours d'une expérience, on fait des préparations à la méthode de Gram, on constate que les leucocytes ont englobé un certain nombre de streptocoques ; mais cette constatation ne nous apprend pas si les organis- mes ont été saisis à l'état vivant ou à l'état cadavérique. En effet, depuis que nous savons que la partie liquide de l'exsudat renferme une substance délétère pour les streptocoques, nous devons nous demander si cette sub- stance ne continue pas d'être sécrétée par les globules après que ceux-ci ont été introduits dans le sérum, et si ce n'est pas elle qui, dissoute dans MECANISME DE L IMMUNITE 189 cette humeur, va frapper de mort le microbe, que le globule recueille en- suite à l'état de cadavre. La question est facile à trancher. Si l'action nocive du milieu sérum 4- leucocytes est due à un produit excrété par ces derniers, le sérum, additionné de globules et débarrassé de ceux-ci après un certain temps de contact, doit avoir acquis des propriétés nuisibles pour la pullulation microbienne. Voici comment nous avons procédé : des globules blancs soigneuse- ment débarrassés de toute sérosité sont introduits dans du sérum. Le tout est laissé à la couveuse pendant quatre à cinq heures, afin de permettre à l'élément liquide du milieu de se charger plus ou moins de la substance toxique que nous supposons fabriquée et excrétée par le leucocyte. Passé ce temps, le sérum est centrifugé de nouveau pour le débarrasser des élé- ments figurés, et ensemencé conjointement avec un tube de sérum témoin qui n'a pas subi le contact des globules. Or, les deux portions se compor- tent vis-à-vis du streptocoque de façon sensiblement égale. EXPÉRIENCE. Elle porte sur deux lapins. Le second a fourni deux portions de sérum qui ont été en contact avec les globules. Ces deux portions diffèrent en ce que l'une a reçu deux fois plus de globules que l'autre. Durée de contact : 4 heures. DE SUITE APRÈS APRÈS 4 3/4 HEURES LE LENDEMAIN | Sérum ordinaire 1,224 20,460 Troublé culture abondante Lapin I V le Sérum ayant subi contact des leucocytes i8,5oo Id. 1 Sérum ordinaire i,o5o 23,400 Id. Sérum ayant subi 19,750 Id. Lapin II " contact des leucocytes Idem, mais nombre 18,800 Id. 1 double de leucocytes îço J. DENYS & J. LECLEF EXPERIENCE. APRÈS 2 1/4 HEURES APRÈS 6 HEURES Sérum ordinaire Sérum ayant subi le contact des leucocytes 13,400 22,200 27,600 407,000 352,ooo A un examen attentif, l'ensemble de ces expériences semble déceler une action légèrement plus accusée du sérum dans lequel ont été conservés les leucocytes, mais la différence est si faible que nous ne savons pas si elle ne rentre pas plutôt dans la limite des erreurs de la méthode. En tout cas, l'avantage est beaucoup trop faible pour pouvoir expliquer, par une simple sécrétion, l'action nocive exercée sur le streptocoque par le leucocyte agis- sant dans le sérum. Cette action n'est pas le résultat d'une sécrétion, elle dépend de la présence même du globule. Un phénomène d'un autre ordre, la mort prématurée des leucocytes, démontre également que l'action nuisible du milieu sérum -f- leucocytes ne dépend pas d'une substance dissoute, mais de la présence réelle des leucocytes. Quand on ajoute au sérum des quantités variables de leucocytes, on observe quelquefois qu'au bout d'un certain temps la pullulation marche dans le milieu riche en leucocytes plus rapidement que dans le milieu pauvre. Nous n'aurions peut-être pas trouvé la clef de ce fait paradoxal, si nous n'avions pris l'habitude de nous renseigner fréquemment par l'examen microscopique sur la vitalité des globules blancs. Or, nous avons remarqué ceci : il arrive quelquefois que les leucocytes meurent plus rapidement dans les tubes où ils sont abondants que dans ceux où ils sont plus rares. Cette mort prématurée s'observe surtout dans les tubes où les globules sont telle- ment serrés qu'ils rendent le milieu visqueux. Leur dépérissement est suivi à court intervalle d'une pullulation rapide. L'expérience suivante, poursuivie au microscope, donne une idée nette du phénomène. Elle comprend un tube de sérum pur, où la multiplication est évidente dès le premier examen trois heures après l'ensemencement. Les trois autres tubes ne montrent à ce moment aucun indice de multipli- cation, mais celle-ci se déclare au fur et à mesure que les globules perdent leur vitalité, c'est-à-dire d'abord dans le tube 4, quoique le plus riche en éléments, puis dans le tube 3. Le tube 2 est le plus pauvre en leucocytes, MECANISME DE L IMMUNITE 191 ils se sont conservés le plus longtemps vivants et le développement micro- bien y a fait moins de progrès. EXPÉRIENCE. APRÈS APRÈS APRÈS APRÈS LE 3 HEURES 5 l/2 HEURES 9 l/2 HEURES II HEURES LENDEMAIN Sérum pur Quelques chaînettes par champ mi- croscopique Culture de streptocoques Sér. -\- 1 vol. de leucocytes Pas d'organismes visibles Pas d'organismes visibles. Leucocytes bien mobiles Comme précé- demment Comme précé- demment Peu d'organismes La plupart des leucocyt. mobiles Sér. -f- 2 vol. de leucocytes Id. Id. La plupart des leucocytes mobiles, les autres morts Comme précé- demment Petite culture Leucocytes morts Sér. -)- 4 vol. de leucocytes Id. Id. Petite culture Tous les leucoc. morts Ainsi, l'action inhibitive des leucocytes est liée intimement à leur vita- lité. Ils ont beau être légion; s'ils succombent prématurément, la multipli- cation prend son essor et le milieu se transforme avant le temps en une vraie culture, malgré la présence d'innombrables globules morts. Faisons remarquer, à propos de cette dernière expérience, que ce serait commettre une erreur profonde que de croire que la pullulation microbienne doit être précédée fatalement de la mort des globules. Il n'en est ainsi qu'ex- ceptionnellement, dans le cas où les globules sont d'une fragilité extrême, ou bien encore quand ils s'étouffent mutuellement. En général, la multipli- cation commence alors que les leucocytes jouissent encore pleinement de leur mobilité, comme le démontre l'examen fait sur la platine chauffante. Leucocytes du lapin neuf dans le sérum du lapin vacciné. Dans les expériences précédentes, nous venons de voir comment se comportent les streptocoques et les leucocytes d'un lapin neuf, mis en présence les uns des autres dans le sérum d'un lapin également neuf. 24 \yj. J- DENYS & J. LECLEF A présent, nous abordons un point nouveau. Qu'advient-il si ces deux éléments, streptocoques et leucocytes de lapin neuf, sont appelés à réagir dans le sérum de lapin vacciné ? Pour bien saisir l'influence qui résulte du changement de sérum, rap- pelons-nous d'abord ce qui se passe entre microbes et globules d'animal neuf dans le sérum d'un animal neuf, quand on a fait un ensemence- ment modéré d'organismes. Du côté des streptocoques, on observe un arrêt dans le développement, mais en général cet arrêt ne dure que quelques heures et fait place à une pullulation intense. Du côté des leucocytes, on constate une absence de phagocytose ou une phagocytose peu active; pour- tant ces éléments ne cessent de donner des signes de vitalité (déformations amiboïdes), et il n'est pas rare de les trouver tous vivants, sans signes de faiblesse ou de dégénérescence, alors que le milieu s'est transformé en une vraie culture. Mais si les leucocytes du lapin neuf sont en suspension dans le sérum d'animal vacciné, le résultat est profondément modifié. Du coté des strepto- coques, la pullulation est enrayée aussi longtemps que les leucocytes restent vivants, ou du moins aussi longtemps que leur vitalité n'est pas affaiblie. Bien plus, la pullulation n'est pas seulement entravée, mais la diminution du nombre des colonies sur les plaques indique une destruction active des streptocoques. Du côté des leucocytes, on observe une phagocytose active et généralement une survie notable par rapport aux leucocytes du même ani- mal, plongés dans leur sérum propre. Voici quelques expériences à ce sujet. Elles sont faites sur le même plan. Les leucocytes, provenant d'un exsudât pleurétique produit chez un lapin neuf, sont répartis dans une ou plusieurs portions de sérum d'un animal neuf et une ou plusieurs portions de sérum d'un animal vacciné. Les leucocytes sont distribués de telle façon qu'à chaque portion de sérum normal correspond une portion de sérum vacciné renfermant le même nombre de globules, condition essentielle, nous le savons, pour obtenir des résultats comparables. Enfin, chaque expérience est complétée par un tube de sérum pur de l'animal neuf et un tube de sérum pur de l'animal vacciné. Ces deux tubes servent de témoins et nous apprennent ce que les streptocoques deviennent quand ils se trouvent exclu- sivement sous l'influence du sérum. A la rigueur, on pourrait se passer du premier tube, sérum ordinaire, où le microbe ne rencontre jamais d'entrave à sa multiplication, mais l'emploi du second tube est nécessaire, sinon on MÉCANISME DE LIMMUNITÉ 193 pourrait imputer à l'influence inhibitrice du sérum vacciné la différence que l'on observe entre les globules suivant le milieu où ils sont plongés. Dans ces expériences nous attirons l'attention, non seulement sur les chiffres qui nous renseignent sur le développement, mais aussi sur la survie des leucocytes dans le milieu vacciné. Cette survie est le plus souvent très marquée et, aussi longtemps qu'elle persiste, la pullulation microbienne est jugulée ou ne fait que des progrès insignifiants. Outre les faits nouveaux, le lecteur y trouvera la confirmation de faits déjà connus, tels que : La pullulation immédiate dans le sérum normal ; La pullulation retardée dans le sérum vacciné ; La pullulation également retardée dans le sérum normal renfermant des leucocytes; La persistance des mouvements amiboïdes au sein de vraies cultures de streptocoques. EXPÉRIENCE. Il convient de noter : i° La forte action du sérum vacciné seul. Non seulement le développement est enrayé jusque dans la nuit, mais les colonies diminuent dans la première partie de l'expérience. 20 Le peu d'influence du sérum normal additionné de globules normaux, malgré la vitalité longtemps conservée des leucocytes. 3° La survie des leucocvtes dans le sérum vacciné. DE SUITE APRÈS APRÈS APRÈS APRÈS 5 HEURES 9 HEURES 24 HEURES Sérum normal 7100 473,600 Trouble 4,020,000 Sérum vacciné 198 Transparent 3oo Transparent 334,400 Sérum normal -\- 149,700 2,3l2,0OO 2,744,000 glob. norm. Leucocytes bien mobiles. Beaucoup de chaînettes libres Leucocytes bien mobiles Leucocytes morts Sérum vacciné -|- 20 20 3,3oo glob. norm. Pas d'organismes libres Beaucoup de leucocytes mobiles 194 J. DENYS & J. LECLEF EXPERIENCE. A noter : i° La pullulation fortement retardée dans le sérum vacciné par rapport au sérum normal. 2° La différence entre le sérum norm. -\- glob. norm. et le sérum vacciné -|- glob. norm. Malgré la mort assez rapide des leucocytes, la pullulation après 20 heures dans le dernier tube est encore à ses débuts. DE SUITE APRÈS APRÈS 5 HEURES APRÈS g HEURES APRÈS 20 HEURES Sérum normal Sérum vacciné Sérum normal -\- glob. norm. Sérum vacciné -j- glob. norm. 4,600 6,000 1,792,000 5,280 56o,ooo Leucocytes bien mobiles. Aussi bien d'organismes libres 7,800 Très rares organismes libres 1,680,000 3,840,000 Leucocytes morts Culture de microbes libres 32,640 Leucocytes morts Rares organismes libres Rares organismes libres EXPERIENCE. Elle porte sur un lapin vacciné et deux lapins normaux. DE SUITE APRÈS APRÈS 5 HEURES APRÈS 9 HEURES APRÈS 20 HEURES // Sérum vacciné Sérum norm. Sérum norm. -|-glob, normaux Sérum vacc. -|-glob, normaux / Sérum norm. I Sérum \ nor/w.-j-glob, normaux Sérum vacc. -\- glob, normaux 5,040 1,920 io,5oo 1,472,000 Petite culture 339,200 Leucocytes mobiles Beaucoup d'organismes libres 980 Pas d'organismes libres 998,400 3,120 Leucocytes bien mobiles. Pas d'organismes libres i,56o 702,000 Bonne culture 921,600 Beaucoup de leucocytes bien mobiles 25,200 La plupart des leucocytes bien mobiles Culture 130,400 Leucocytes morts Peu d'organismes libres 800 Leucocytes bien mobiles. Pas d'organismes libres Le plus grand nombre des leucoc. morts. Culture d'organismes libres 75,900 Le plus grand nombre des leucoc. vivants. Pas d'organismes libres 1,228,800 201,600 La plupart des leucocytes morts MECANISME DE L IMMUNITE 195 EXPERIENCE. DE SUITE APRÈS APRÈS 4 HEURES APRÈS 6 HEURES APRÈS 9 HEURES Sérum normal I I,l6o 92 1,6oO Trouble 1,536,000 Sérum vacciné 27,200 20,000 Transparent 168,960 Sérum normal 2,401,280 3,532,8oo Tous les -\- glob. norm. Leucocytes mobiles Beauc. de leucoc. morts. Culture d'organismes libres leucocytes morts Sérum vacciné 25,200 52,ooo 192,000 -\- glob. norm. Un certain nombre de leucoc. morts Cette expérience est faite avec deux doses de globules, qui sont entre elles comme 1 est à 6. A noter particulièrement le rôle joué par le nombre des globules, aussi bien dans le sérum normal que dans le sérum vacciné. Très intéressante aussi est la compa- raison entre le sérum normal -\- forte dose de globules et le sérum vacciné -f- faible dose. L'avantage reste à ce dernier. DE SUITE APRÈS APRÈS 4 HEURES APRÈS 6 HEURES APRÈS 9 HEURES Sérum normal 11,160 1,070,000 Sérum vacciné 27,280 Sérum normal 180,000 -\- 1 volume glob. norm. Sérum normal 3 1,000 -\- 6 volumes glob. norm. Sérum vacciné 3,o8o -f- 1 volume glob. norm. Sérum vacciné 2,200 -f- 6 volumes glob. norm. 2,5o8,ooo 20,000 1,945,000 Leucocytes mobiles Culture d'organismes libres 44,800 5,2So i,5oo 168,900 Leucocytes morts 806,000 Leucocytes mobiles Beauc. d'organ. libres 23,040 Leucocytes mobiles 8,740 Leucocytes mobiles Pas d'organ. libres 196 J. DENYS & J. LECLEF L'expérience suivante est remarquable par les fortes doses de microbes ajoutées : 0,25 ce. de culture pour des portions de 2 ce. TABLEAU A noter particulièrement : i° Dans le sérum normal -\- globules norm., il y a partout accroissement direct, lent, il est vrai, dans le tube ensemencé avec une anse, mais rapide dans ceux ensemencés avec 0,1 et o,25 ce. 20 Dans le sérum vacciné -f- globules norm., il y a partout diminution, même dans le tube additionné de o,25 ce. de culture. 3° Parmi les tubes contenant le sérum normal -f- globules, le premier seul (1 anse de culture) reste quelque temps sans organismes libres. Après huit heures, il en renferme. Les deux autres (0,01 et o,25 ce. de culture) en montrent tout le temps et le nombre des microbes va rapidement en croissant. 40 Parmi les tubes contenant le sérum vacciné -f- globules, le premier (1 anse cuit.) ne montre pas d'organismes libres, aussi longtemps que les leucocytes vivent. Le second (0,1 ce.) n'en montre qu'à la 8me heure. Le troisième en renferme tout le temps, mais ses propriétés phagocytaires sont si intenses, qu'après 10 heures les colonies sont encore infé Heures en nombre à celles du début. DE SUITE APRÈS APRÈS APRÈS APRÈS APRÈS APRÈS 5 HEURES 6 HEURES 8 HEURES 10 HEURES 20 HEURES Sér. normal 3,5oo 149,000 1, 68g, 000 Sér. vacciné 3,5oo 120,600 309,120 Sérum norm .-)- glob . norm.-j- 1 an- se culture 3,5oo 4,400 16,200 Pas d'organ libres 63, 800 Plusieurs chaîn. libres par champ microsc. 237,000 998,000 Leucoc. morts Sérum no;'»2.-j-glob. norm.-(- 0,1 ce. culture io3,ooo 5i2,6oo Beauc. de chaîn. libr. par champ microsc. 844,800 Beauc. de chaîn. libres par champ I,l52,000 Sérum norm. ~\- glob. norm. -)- o,25 ce. culture 258,ooo 5 1 3,ooo Beauc. de chaîn. libr. par champ 1,126,400 Petite culture de chaîn. libres 1,612,000 Sérum vacc. -j- glob. norm. -)- 1 an- se culture 3,5oo 1,200 600 Pas d'organ libres 0 Pas d'organ. libres 0 Pas d'org. libres 619,320 Leucoc. morts Sérum vacc. -f- glob. norm. -f- 0,1 io3,ooo 23,ooo 25,5oo Pas d'organ. libres 18,900 Rares chaîn. libres 24,000 Rares chaînettes 1,408,000 Leucoc. morts ce. culture Sérum vacc. -j- glob. norm. -j- o,25 ce. culture 258,ooo 63,36o Plusieurs chaîn. par champ 73,58o Plusieurs chaîn. par champ 92,720 Plusieurs chaînettes 222,720 Beauc de leuc. morts Beauc. de chaîn. i,o39,36o MÉCANISME DE L'IMMUNITÉ 197 Toutes ces expériences viennent ainsi confirmer ce que nous disions plus haut, à savoir que le leucocyte du lapin neuf, plongé dans le sérum d'un lapin vacciné, acquiert pis-à-vis du streptocoque une puissance toute nou- velle. Au sein du sérum ordinaire, il n'exerce vis-à-vis de lui qu'une activité phagocytaire peu vive, quelquefois à peine sensible, qui permet au microbe de se multiplier rapidement ; mais dans le sérum d'un animal immunisé, il englobe et tue les organismes avec une intensité considérable et ce n'est que lorsqu'il meurt ou que sa vitalité commence à faiblir, que la pullulation microbienne trouve le champ ouvert devant elle. Comparaison des leucocytes du lapin neuf avec ceux du lapin vacciné. Les expériences précédentes nous ont révélé deux particularités cu- rieuses du sérum des animaux vaccinés. i° Il retarde le développement du streptocoque par une action directe sur le microbe; 2° Il augmente l'activité des leucocytes et concourt ainsi à enrayer la pullulation d'une façon indirecte. Mais notre tache n'est pas finie. Jusqu'à présent, nous n'avons considéré que les humeurs du lapin immunisé; il faut à présent nous occuper de ses leucocytes. Ceux-ci se distinguent-ils par quelque activité spéciale des leucocytes de l'animal neuf? Et pour préciser davantage, le leucocyte du lapin vacciné, indépendamment de l'action stimulante qu'il pourrait recevoir du sérum, jouit-il d'une puissance phagocytaire supérieure à celle du leucocyte d'un lapin normal ? Le problème ne peut pas se résoudre en comparant simplement les leucocytes d'un lapin vacciné en suspension dans le sérum de ce lapin avec les leucocytes d'un lapin normal en suspension dans leur sérum propre. En effet, il y a tant de différence entre l'action de ces deux sérums, qu'il ne serait pas possible de bien démêler dans le résultat la part qui revient au leucocyte même. On ne peut comparer les leucocytes des deux sortes de lapins, qu'en les faisant agir dans des milieux identiques, soit tous les deux dans le sérum normal, soit tous les deux dans le sérum vacciné. Nous avons choisi les deux voies. 19& J. DENYS & J. LECLEF Nos expériences, telles que nous les rapportons plus bas, comprennent quatre tubes qui se répartissent en deux groupes. A. Le groupe du sérum normal, comprenant : i° Le sérum normal -f- globules normaux. 2° » » -f- » vaccinés. Ce groupe est destiné à nous montrer que le globule du vacciné, plongé dans le sérum normal, n'oppose guère plus d'entrave à la multiplication streptococcique que le globule normal dans le sérum normal. B. Le groupe du sérum vacciné, comprenant : i° Le sérum vacciné -f- globules vaccinés. 2° » » -j- » normaux. Ce groupe montre que le globule normal, plongé dans le sérum du vacciné, acquiert toute la puissance du globule vacciné plongé dans le même sérum. EXPÉRIENCE. A noter : i° Pour le sérum normal, aucune différence entre les deux sortes de globules. 2° Pour le sérum vacciné, une pullulation plus rapide dans le tube à globules N, sans doute à cause d'une fragilité spéciale de ces derniers. APRÈS APRÈS APRÈS 6 l/2 HEURES 9 HEURES 20 HEURES / -(- globules N Culture Presque tous les Tous les leucocytes morts Sér. normal 1 leucocytes morts [ -j- globules V Id. Id. / -)- globules V Pas d'organismes Leucocytes vivants Pas d'organismes Peu de leucocytes Beaucoup d'organ. Sér. vacciné vivants ' -\- globules N Pas d'organismes Petite culture Petite culture \ \ Leucocytes vivants Leucocytes morts MECANISME DE L IMMUNITE 199 EXPERIENCE. A noter : i° Pour le sérum normal, aucune différence entre les deux sortes de globules. 2° Pour le sérum vacciné, une petite différence finale en faveur des globules N. APRÈS 6 1/2 HEURES APRÈS 8 l/2 HEURES APRÈS 20 HEURES / -f- globules N Sér. normal \ Sér. vacciné |- globules V -|- globules N -f- globules V | Culture Presque tous les < leucoc. morts Id. Pas d'organismes La moitié des leucocytes morts Id. Pas d'organ. Le plus grand nombre des leucoc morts Id. Très peu d'organismes Pas d'organismes EXPERIENCE. DE SUITE APRÈS APRÈS 3 HEURES APRÈS 5 HEURES APRÈS 7 l/2 HEURES APRÈS 20 HEURES Sér. norm. l-\- globules V ', -f- globules N ■ -f- globules V Sér. vacc. + globules N 60,000 Colonies innombra- bles Id. 7,5oo 6,480 Leucoc. bien mobiles Id. Leucocytes morts Id. 7,680 70,584 Leucocytes \ Leucocytes mobiles 5,760 Leucocytes mobiles morts 60,384 Leucocytes morts 25 200 J. DENYS & J. LECLEF EXPERIENCE. A noter, dans le second groupe, l'avantage léger des globules N sur les globules V. DE SUITE APRÈS APRÈS APRÈS APRÈS IO HEURES 22 HEURES 3o HEURES -f- globules N 6,000 123,200 Peu d'organism. libres. Leucoc. Culture Leucoc. morts mobiles Sér. norm. i -f- globules V 236, 160 Peu d'organism. libres. Leucoc. mobiles Id. 1 ' -j- globules V Pas d'organism. Pas d'organism. 107,520 i libres. Leucoc. Presque tous Peu de leucoc. \ | mobiles les leucocytes mobiles Sér. vacc. < mobiles \ -\- globules N Id. Id. 25,920 Peu de leucoc. mobiles EXPERIENCE. A noter : i° Après cinq heures, le tube sérum normal -f- globules N paraît en avance sur le tube du même groupe -j- globules V, mais l'avance n'est qu'apparente, les microbes formant dans le tube 2 des chaînettes, tandis que dans le tube 1 ils se trouvent sous forme de coques et de diplocoques. 20 Dans le groupe du sérum vacciné, on ne remarque pas d'avance de l'un tube sur l'autre. DE SUITE APRÈS APRÈS APRÈS APRÈS 5 HEURES 7 HEURES 9 1/2 HEURES ( -}- globules N S, 100 8,448,000 Sér. norm. j j -f- globules V S, 400 129,000 1,655,000 Culture serrée [ -\- globules V 1,800 Pas d'organism. Pas d'organism. Sér. vacc. j ( -\- globules N 3,520 Id. Id. MECANISME DE L IMMUNITE 201 EXPERIENCE. A noter : i° La marche parallèle des deux tubes du premier groupe. 2° L'avantage léger, dans le second, des globules N sur les globules V. DE SUITE APRÈS APRÈS 4 HEURES APRÈS 9 HEURES APRÈS 20 HEURES Sér. norm. -\- globules N -{- globules V -\- globules V Sér. vacc. \ -f- globules N 16,400 Culture 3,200,000 Leucoc. morts Id. 36, 000 Beauc. de leucoc. mobiles 200 La plupart des leucocytes mobiles Id. Beaucoup de chaînettes Pas d'organismes 89,880 68,320 Si nous comparons, dans ces six expériences, les résultats fournis par les différents mélanges, nous pouvons formuler les conclusions suivantes : i° Les globules N ou V, dans le sérum normal, présentent la même durée de survie. Presque chaque fois, on a constaté leur mort le soir même de l'expérience, sans que les globules V aient témoigné d'une résistance spéciale. 20 Dans le sérum normal, qu'il soit additionné de globules N ou de globules V, il se produit une pullulation si rapide que, dans cinq cas sur six, le milieu devient une vraie culture six heures au plus tard après l'ensemencement. 3° Dans le sérum de lapin r>acciné, les leucocytes N et V conservent beaucoup plus longtemps leur vitalité. Dans un cas, ils ont été trouvés mo- biles trente heures après le commencement de l'expérience. Dans quatre expériences sur six, les leucocytes V meurent aussi rapidement que les leu- cocytes N. Dans les deux autres (première et sixième), il y a une légère avance en défaveur tantôt des globules V, tantôt des globules N. 4° Dans le sérum des lapins vaccinés, quelle que soit la qualité des globules, la pullulation est tellement retardée, que le lendemain il n'y a le 202 J- DENYS & J. LECLEF plus souvent pas d'organismes libres. L'action empêchante des globules N, comparée à celle des globules V, paraît de même force. En effet, si nous faisons le détail des résultats fournis par ces deux sortes de globules dans le sérum vacciné, nous trouvons : dans î cas, l'action est égale (5me expér.); » 2 » r> v en faveur des globules V (ire et 2me expér.); » 3 » " " » N (3me, 4meet 6meexp.). Vis-à-vis de ce partage, nous ne nous croyons pas en droit de déclarer les globules de l'une sorte supérieurs à ceux de l'autre. La différence, peu importante du reste, peut très bien s'expliquer par une inégale vitalité des leucocytes, suivant qu'ils proviennent de tel ou de tel animal. Il nous a semblé, en effet, que, toutes choses égales d'ailleurs, certains lapins four- nissent des globules plus viables que d'autres, et cela indépendamment de de toute vaccination antérieure. Ajoutons que nous avions pris nos précau- tions pour faire agir des globules en nombres égaux. Aussi, ne craignons- nous pas de formuler nettement notre manière de voir dans la proposition suivante : Le globule V lient sa puissance phagocytaire du sérum V. Mis dans le sérum N, il ne jouit d'aucun pouvoir spécial. Le globule N acquiert toute la puissance du globule V dans le sérum V. Par des préparations effectuées de temps en temps et colorées par le procédé de Gram, on peut constater que les globules, quelle que soit leur origine, plongés dans le sérum normal, ne montrent que peu de tendance à saisir les microbes. Bien souvent on ne parvient pas à constater la moindre phagocytose, alors même que les leucocytes conservent leur vitalité pen- dant un temps considérable et qu'ils sont entourés d'organismes. Au con- traire, les globules d'animal immunisé ou non, en suspension dans le sérum d'un animal vacciné, exercent une phagocytose bien évidente. Dans les cas où l'ensemencement a été abondant, on peut même constater dans la plu- part des leucocytes un ou plusieurs streptocoques, montrant souvent, par la pâleur de la coloration, qu'ils ont subi un commencement de digestion. CHAPITRE III. Action in corpore du sérum et des leucocytes des animaux neufs et vaccinés sur le streptocoque pyogène. Dans le chapitre précédent, nous avons vu quelle action le sérum et les leucocytes exercent in vitro sur les streptocoques. MÉCANISME DE L IMMUNITE 203 Cette action peut se résumer comme il suit : i° Le sérum des animaux neufs n'oppose aucune résistance à la pul- lulation de ces organismes. Ceux-ci s'y développent sans retard et avec abondance. 2° Le sérum des animaux vaccinés au contraire oppose au développe- ment du streptocoque une résistance manifeste. Pendant les premières heures qui suivent l'ensemencement, la pullulation est enrayée ou ne fait que des progrès lents. 3° Les leucocytes des animaux neufs agissant dans le sérum des mêmes animaux ne possèdent qu'une puissance phagocytaire faible. Les microbes pullulent abondamment en leur présence et finissent par les tuer avant l'extinction normale de leur vie extra-corporelle. 4e Ces mêmes leucocytes, plongés dans le sérum des animaux vacci- nés, acquièrent un pouvoir phagocytaire intense, de façon à enrayer complè- tement la pullulation microbienne aussi longtemps qu'ils sont vivants, ou du moins aussi longtemps que leur énergie vitale est intacte. 5° Les leucocytes des animaux vaccinés tiennent leur puissance des propriétés du sérum. Voilà les résultats que nous ont fournis l'étude in vitro du sérum et des leucocytes. Ces résultats sont-ils applicables à l'animal ? C'est ce que nous allons rechercher à présent. § I. Intervention in corpore du sérum. C'est l'injection de streptocoques dans la plèvre qui met le mieux cette action en évidence. Cette action peut pour ainsi dire être suivie pas à pas, quand on injecte une dose mortelle, pour les lapins neufs, de bouillon de streptocoques à une série de lapins neufs et de lapins vaccinés. De temps en temps, on sacrifie un animal de chaque sorte et on examine l'état de la plèvre. Les phénomènes que l'on observe sont les suivants : Du côté des animaux neufs, on note un accroissement rapide du nom- bre des microbes, accroissement qui tantôt est immédiat, tantôt précédé d une diminution passagère. Du côté des animaux vaccinés, on constate une di- minution rapide et ininterrompue des organismes, de sorte qu après un petit nombre d'heures ils ont disparu. Ajoutons que des deux côtés il se fait un afflux de globules blancs sensiblement égal en abondance, du moins pendant les premières heures qui suivent l'injection. ?04 J. DENYS & J. LECLEF Voici deux expériences qui font ressortir ces phénomènes. Ceux-ci sont reproduits dans le tableau suivant qui comprend trois colonnes. La première colonne indique les trois points sur lesquels l'attention a été spécialement portée. Ce sont la quantité d'exsudat, le nombre et la vitalité des leucocytes, et le nombre des microbes. Cette dernière donnée est appréciée de trois façons : i° par l'examen microscopique à frais; 2° par la numération au moyen des plaques, qui nous donne le nombre d'organis- mes renfermés dans deux anses du fil de platine ; enfin 30, s'il y a lieu, une troisième évaluation tient compte à la fois et du chiffre fourni par les pla- ques et de la quantité d'exsudat. L'opération qui consiste dans la multipli- cation de ces deux valeurs donne l'expression réelle de la progression ou de la régression microbienne. Outre l'état de la plèvre droite dans laquelle est faite l'injection, nous donnons celui de la plèvre gauche qui, chez les animaux neufs, s'infecte ra- pidement. EXPÉRIENCE. Lapins de 1200 gr. Injection dans la plèvre de 1,3 ce. de bouillon, dont deux anses fournissent 3,040,000 colonies. Toutes les 3 heures, on sacrifie deux lapins. LAPINS NEUFS. LAPINS VACCINÉS. APRÈS 3 HEURES. A droite A droite A gauche A droite A gauche Quantité d'exsudat Leucocytes Microbes Quantité d'exsudat Leucocytes Microbes Quantité d'exsudat Leucocytes Microbes Quantité d'exsudat Leucocytes Microbes Quantité d'exsudat Leucocytes Microbes 3 ce. Peu, tous mobiles Culture serrée Plaque : 4,608,000 o,3 ce. Peu, tous mobiles Petite culture Plaque : 1,075,000 '4 1 \i f. plus qu'au début 1 2 fois moins APRÈS 6 HEURES. 4,8 ce. Peu, tous mobiles j Culture très-serrée (Plaque : Innombrables 1,8 ce. Beaucoup, tous mobiles J Culture serrée | Plaque : 6,400,000 après 9 HEURES 3,2 ce. Beaucoup Culture serrée Plaque : Innombrables Traces Assez bien Culture serrée Plaque : Innombrables 2,7 ce. Beaucoup, tous mobiles Pas vu Plaque : 370 0,6 ce. Rares, tous mobiles Pas vu Plaque : o Trace Guère Pas vu Plaque : o MÉCANISME DE L IMMUNITE 205 EXPERIENCE. Lapins de 1 kilogr. Injection dans la plèvre de o,5 ce. de bouillon, dont deux anses fournissent 1,600,000 colonies. Un témoin neuf meurt dans la nuit, un témoin vacciné survit. LAPINS NEUFS. LAPINS VACCINÉS. A droite Quantité d'exsudat Leucocytes Microbes 1,2 ce. Peu, tous mobiles APRÈS I HEURE. 0,6 ce. Peu, tous mobiles Culture Très rares Plaque : 3,52o,ooo Plaque : 1,440 2 fois plus qu'au début Environ 2600 fois moins APRÈS 4 HEURES. A droite A gauche A droite A gauche Quantité d'exsudat Leucocytes Microbes Quantité d'exsudat Microbes Quantité d'exsudat Leucocytes Microbes Quantité d'exsudat Leucocytes Microbes 1,1 ce. Beaucoup, tous mobiles I Culture serrée \ Plaque : Innombrables Un peu Beaucoup 0,2 ce Peu, tous mobiles Pas d'organismes Plaque : o APRÈS 6 HEURES. 3 ce. 2,5 ce. Beaucoup, tous mobiles Très nombr., tous mobiles | Culture serrée ! Plaque : Innombrables Un peu Beaucoup, tous mobiles Plaque : Innombrables Pas d'organismes Plaque : o Quelle est la cause de la disparition des streptocoques de la plèvre des animaux vaccinés? On peut émettre trois suppositions : i° Les streptocoques sont détruits par les humeurs. 2° Ils sont, détruits par les leucocytes. 3° Ils sont entraînés par le courant lymphatique. ire Supposition. Les streptocoques sont détruits par les humeurs. Cette supposition mérite d'être prise en sérieuse considération. Il est établi, par des expériences faites par l'un de nous avec Kaisin(i), que les (1) J. Denys et A. Kaisin : Recherches à propos des objections récemment élevées contre le pouvoir bactéricide du sang; La Cellule, t. IX, 2, 1S93. 2o6 J- DENYS & J. LECLEF coli-bacilles subissent dans le sérum des dégénérescences qui aboutissent à leur disparition. Dans le même ordre d'idées, Van de Velde (î) a démontré que le staphylocoque pyogène non virulent subit une régression semblable dans le sérum du lapin. Enfin, dans nos expériences in vitro sur le strep- tocoque, nous avons vu que le sérum des lapins vaccinés exerce une action inhibitive des plus nettes sur la prolifération de cet organisme. Or, on peut supposer que, in corpore, cette action est plus énergique et se manifeste non plus par un ralentissement de la multiplication, mais par une action plus profonde, par une action dissolvante. Dans le but de fixer l'exactitude de cette hypothèse, nous avons recher- ché minutieusement si dans la plèvre des lapins vaccinés le streptocoque subit des dégénérescences. Le résultat de nos investigations a été toujours négatif. Cet organisme se raréfie rapidement, mais rien, ni dans son as- pect, ni dans son affinité pour les matières colorantes, n'indique un stade de dissolution. 2me Supposition. Les streptocoques sont détruits par les leucocytes. Cette supposition doit être rejetée comme la première. Les organismes ont généralement disparu avant que les leucocytes aient apparu en quantité notable. Dès les premières heures qui suivent l'injection, on trouve, il est vrai, de rares globules dans l'exsudat, mais même en leur supposant un pouvoir phagocytaire des plus élevés, ils ne pourraient certes détruire qu'une partie infime des organismes. Du reste, nous devons avouer que, malgré des recherches patientes, nous n'avons pas pu découvrir des microbes à l'intérieur des leucocytes chez nos animaux vaccinés, inoculés dans la plèvre. 3me Supposition. Les streptocoques sont entraînés par le courant lymphatique. On sait que les séreuses absorbent avec facilité et rapidité les fines particules qu'on y dépose. Ainsi, il a été démontré que les granulations de carmin, injectées dans la plèvre ou le péritoine, se rencontrent déjà après peu de minutes dans les ganglions lymphatiques en relation avec ces séreuses. Il y a donc lieu de rechercher si cette absorption s'exerce avec une intensité suffisante sur les microbes pour en débarrasser totalement une plèvre en peu d'heures, quand on y injecte des quantités aussi fortes que celles que nous employons. (i) Loc. cit. MECANISME DE L IMMUNITE 207 Pour fixer ce point, nous avons eu recours à des injections de cultures tuées par la chaleur et dont la pullulation ne pouvait par conséquent plus compliquer le problème. L'abondance des microbes est déterminée par l'examen microscopique. Expérience avec des streptocoques morts. Trois lapins de 1 400 gr. reçoivent dans la plèvre droite l'équivalent d'une dose mortelle, soit 1,4 ce, et sont tués respectivement après 1 , 2 et 3 heures. Les résultats sont les suivants : ier Lapin : Exsudât 2,5 ce. Quatre fois moins de microbes que dans le bouillon injecté. 2me Lapin : Exsudât 0,3 ce. Rares microbes. 3me Lapin : Exsudât 0,6 ce. Pas de microbes. Après trois heures, tous les streptocoques ont disparu de la plèvre. Expérience avec des coli-bacilles morts Trois lapins de 1500 gr. reçoivent 1,5 ce. de bouillon de coli-bacilles tués et sont sacrifiés après 1, 1 1/2 et 5 heures. ier Lapin : Exsudât 1,2 ce. Dix fois moins de microbes que dans le bouillon. 2me Lapin : Exsudât 0,4 ce. Quinze fois moins. 3me Lapin : Exsudât 0,5 ce. Pas de bacilles. Si l'on tient compte, non seulement du nombre des microbes dans une préparation, mais aussi de la quantité d' exsudât, on trouve que les coli- bacilles ont disparu dune façon graduelle en moins de cinq heures. Expérience avec des bacilles du foin sporulés et tués à 125°. Deux lapins de 1300 gr. reçoivent 1,3 ce. d'émulsion serrée et sont sa- crifiés après 1 1 /2 et 3 heures. 1er Lapin : Exsudât 1,3 ce. Les organismes ont diminué des trois quarts. 2me Lapin : Exsudât 1,2 ce. Plus de bacilles visibles. Les bacilles du foin ont disparu en moins de 3 heures. La conclusion de ces expériences et d'autres analogues, que nous ju- geons inutiles de rapporter, est la suivante : La plèvre du lapin est capable 208 J. DENYS & J LECLEF de résorber en très peu d'heures une quantité considérable d'organismes, et non seulement les formes les plus petites, comme celles de coques et de diplocoques, état que nos streptocoques présentent dans le bouillon, mais aussi les formes plus volumineuses, comme celles du Bacillus subtilis. Il est en outre évident que cette résorption est aussi efficace vis-à-vis des organismes vivants que des organismes morts. Les streptocoques vivants sont entraînés comme les streptocoques tués. Si la pullulation l'emporte sur l'absorption, l'infection devient triomphante; mais si c'est l'absorption qui a le dessus, la plèvre finit par se débarrasser de tous les microbes et l'infection est évitée. La première alternative se réalise chez les animaux neufs, la seconde chez les animaux vaccinés. Quel est le facteur, qui chez ces derniers empêche la multiplication des microbes de compenser les pertes subies par la résorption? Nous l'avons vu plus haut, ce n'est ni la dissolution des organismes, ce n'est pas non plus la phagocytose; dès lors il ne reste plus qu'à admettre l'intervention de cette propriété exercée par le sérum des animaux vaccinés clans les tubes, l'action suspensive sur la pullula- tion streptococcique. Che\ le lapin neuf, l'injection de streptocoques dans la plèvre est suivie d'une infection pleurétique, parce que la résorption es* impuissante à contrebalancer la rapidité de la pullulation. Che\ le lapin vacciné, les propriétés acquises du sérum paralysent le développement micro- bien, et la pleurésie est écartée, tous les organismes se trouvant entraînés rapidement loin du foyer d'injection. Ainsi se vérifie in cor pore l'influence inhibilive exercée in vitro par le sérum des animaux vaccinés sur le strep- tocoque pyogène. Et qu'on ne nous objecte pas que la résorption se fait plus facilement chez les animaux vaccinés. Par une expérience aussi simple que démon- strative, on peut établir que che^ les animaux neufs les microbes sont entraîné aussi rapidement que chey les animaux vaccinés. Pour cela, il suffit d'additionner à la culture de streptocoques vivants des organismes morts que l'on peut distinguer nettement des premiers par l'examen micros- copique, par exemple des bacilles du foin. Quand on injecte un mélange semblable, on remarque que les bacilles disparaissent aussi vite chez les animaux vaccinés que chez les neufs. Chez les premiers, ils sont même quelquefois entraînés plus rapidement. Nous pourrions rapporter à ce sujet plusieurs expériences; choisissons- en une. MECANISME DE L IMMUNITE 20Ç, EXPÉRIENCE. On mélange à volumes égaux un bouillon de streptocoques vivants et une sus- pension serrée de bacilles du foin tues à l'autoclave. Ce mélange est injecté à raison de 1,7 ce. à sept lapins de 1700 gr., cinq neufs et deux vaccinés. Un lapin neuf est laissé comme témoin ; il meurt d'infection streptococcique huit heures après l'injection. Un des deux lapins vaccinés, servant également de témoin, ne présente aucun trouble après l'injection et est tué douze heures après. La plèvre ne présente rien d'anormal. Voici ce que nous constatons chez les autres, tués à différents intervalles. LAPINS NORMAUX. LAPIN VACCINÉ. Tué après i 1/2 h. : Exsudât : o,5 ce. Petite culture de streptocoques Plaque : 3,23o,ooo colonies En moyenne 2 bacilles par champ microscopique dans ['exsudât, tandis que le liquide injecté en montre 1000 Tué après 2 1/4 h. : Exsudât : 1 ce. Culture serrée de streptocoques Plaque : Innombrables Plusieurs bacilles par champ microscopique Tué après 3 3/4 h. : Exsudât : 3,5 ce. Exsudât : o.a5 ce. Culture serrée de streptocoques Peu de coques et diplocoques Plaque : Innombrables Plaque : 588, 800 Pas de bacilles visibles Très rares bacilles Cette expérience montre non seulement que l'absorption pleurétique continue à bien se faire chez les animaux neufs injectés avec une dose mor- telle de streptocoques, mais aussi qu'elle peut s'opérer avec plus d'intensité, sans doute parce que le courant lymphatique s'accélère sous l'influence de l'inflammation occasionnée par la pullulation microbienne. § II. Intervention in corpore des leucocytes. Dans les expériences portant sur la plèvre, nous n'avons pas eu l'oc- casion d'étudier comparativement l'intervention des leucocytes chez les animaux neufs et vaccinés. En effet, chez ces derniers, les microbes dis- paraissent avec tant de rapidité, que les globules blancs ne trouvent guère l'occasion d'exercer leur pouvoir. Pour donner à celui-ci l'occasion 2io J- DENYS & J. LECLEF d'intervenir, il faut choisir un autre objet, l'oreille. Injectés sous la peau de cet organe, les microbes ne sont pas soumis à une rapide résorption comme dans la plèvre, ils demeurent sur place ; les leucocytes arrivent en rangs serrés et viennent se prêter, dans des conditions excellentes, à une étude de leur rôle phagocytaire. Les expériences ont été faites en injectant sous la peau de l'oreille des quantités relativement considérables de streptocoques, par exemple o, 1 ou 0,2 ce. d'une culture de vingt-quatre heures dans le bouillon. En employant des doses aussi fortes, on supprime chez les animaux neufs le stade d'in- cubation et l'infection progresse d'emblée. Un cercle noir, tracé à l'encre autour de la petite bosse produite par l'injection, permet ultérieurement de retrouver exactement l'endroit où les microbes ont été déposés. Chaque ex- périence comprend deux séries d'animaux, une série de lapins neufs et une autre de lapins vaccinés. Les animaux sont sacrifiés deux par deux à des intervalles déterminés, par exemple toutes les deux heures. Dans certaines expériences, l'oreille injectée est étudiée à frais ; dans d'autres, elle est durcie à l'alcool, coupée au microtome et colorée à l'hématoxyline ou à la méthode de Gram modifiée par Weigert. L'examen des coupes fournies par les lapins neufs donne les résultats suivants : i° Sort des microbes. Le nombre des microbes augmente incessam- ment. Sur les coupes provenant d'un lapin tué immédiatement après l'in- jection, on voit les microbes déposés en une bande étroite et courte entre la peau et le cartilage de l'oreille. Peu d'heures après, on constate qu'ils se sont infiltrés à travers les faisceaux distendus du tissu conjonctif jusque sous l' épidémie ; en même temps ils ont gagné tant de terrain latéralement autour du foyer primitif, qu'au bout d'une douzaine d'heures ils ont envahi toute une moitié de l'oreille. 20 Arrivée des leucocytes. Peu de temps après l'injection, les leuco- cytes apparaissent dans le foyer d'infection. D'abord rares, ils deviennent de plus en plus nombreux et, après une douzaine d'heures, ils deviennent tellement abondants que tout le tissu en est farci. 3° Phénomènes de phagocytose. Pendant les deux premières heures, on note souvent certains leucocytes qui renferment des streptocoques, mais cette manifestation est de courte durée ; pendant les heures qui suivent, tout signe d'englobement disparait et il faut attendre le troisième ou le quatrième MECANISME DE L IMMUNITE 21 1 jour, c'est-à-dire l'époque de régression, pour voir réapparaître des globules contenant des organismes. Chez les lapins vaccines on note les phénomènes suivants : i° Sort des microbes. Toute augmentation de nombre des microbes paraît faire défaut. Nous avons étudié soigneusement les coupes faites dans des oreilles enlevées immédiatement après l'injection et nous avons comparé leur richesse en microbes aux coupes provenant d'oreilles enlevées pendant les heures suivantes et, dans aucun cas, nous n'avons pu nous convaincre d'une pullulation microbienne. Autant celle-ci s'impose chez les lapins neufs, autant elle est douteuse chez les lapins immunisés. 2° Arrivée des leucocytes. Peu de temps après l'injection, il se forme une accumulation de leucocytes, qui n'est ni plus ni moins abondante que chez les animaux neufs. 3e Phénomènes de pliagocytose. Les leucocytes englobent rapide- ment les microbes et, au bout de peu d'heures, tous ceux-ci se trouvent emprisonnés. Donnons un exemple. EXPERIENCE. Cinq lapins neufs et autant de lapins vaccinés reçoivent dans l'oreille 0,2 ce. de bouillon de streptocoque. Ils sont tués après 2, 3, 4 et 10 heures. Après 2 heures : Après 3 heures Après 4 heures : LAPINS NEUFS. Gonflement ne dépassant pas le cercle tracé à l'encre. Quelques leucocytes renferment des streptocoques. Gonflement comprenant i,5 c. sur 3 c Pas de phagocytose. Culture serrée d'organismes. Gonflement de 5 c. sur 3 c. Leucocytes bien nombreux, pas de phagocytose. Après 10 heures : Demi-oreille envahie. Pas de phagocytose. LAPINS VACCINÉS. Guère de gonflement. La plupart des leucocytes renfer- ment des streptocoques. Guère de gonflement. Pas d'augmentation des microbes. Presque tous sont englobés. Guère de gonflement. Leu- cocytes très nombreux renfer- mant des microbes. Pas d'or- ganismes libres. Le processus est resté limité au foyer primitif. Tous les mi- crobes englobés. 2 12 J. DENYS & J. LECLEF Par l'examen des oreilles à frais, on peut en outre constater que, chez les lapins neufs, les leucocytes pris en plein foyer d'infection, en pleine cul- ture microbienne, ont, du moins pendant les premières heures, conservé toute leur motilité; ce n'est que plus tard, à partir de la sixième ou de la huitième heure, qu'on en rencontre beaucoup privés de tout signe de vie. La différence principale que l'on constate entre les deux sortes de lapins consiste donc en une phagocytose intense et durable d'un côté et à peine ébauchée de l'autre. A quoi tient, chez les animaux neufs, l'englobement passager que l'on observe immédiatement après l'injection? Plusieurs suppositions sont permises : peut-être le poison microbien, encore peu abondant à ce moment, permet-il à certains leucocytes de rem- porter ce léger avantage; peut-être aussi, le bouillon injecté renferme-t-il des substances qui font entrer la phagocytose en jeu? Quoi qu'il en soit, cette réaction est essentiellement transitoire et sans importance sur l'issue du conflit. Aussi, peut-on dire que la différence essentielle que l'on remarque entre les deux sortes d'animaux est la suivante: Dans l'oreille des animaux neufs, les streptocoques, injectés à dose notable, pullulent immédiatement et ne sont pas englobés par les leucocytes qui ac- courent en grand nombre; dans l'oreille des animaux vaccinés au contraire, il n'y a pas de signe évident de multiplication, et les organismes sont tous emprisonnés au bout de peu de temps par les leucocytes. Ainsi se trouvent confirmées in corpore les expériences faites in vitro. Dans les tubes où nous mettions en présence dans le sérum neuf simulta- nément les globules neufs et le streptocoque, nous avons pu constater un certain degré de phagocytose; le milieu se montrait tout d'abord défavorable à la multiplication , mais cette situation ne se prolongeait pas : au bout de peu de temps, les microbes pullulaient et formaient une vraie culture. Dans cette culture, les leucocytes conservaient d'abord la pleine possession de leurs mouvements, ils envoyaient leurs pseudopodes dans toutes les di- rections, mais sans s'emparer des organismes, et finissaient par succomber avant le terme normal de leur vie extra-corporelle. Dans le conflit qui a pour siège l'oreille du lapin, nous n'avons parlé que de phagocytose et nous avons laissé de coté l'action nuisible exercée directement par le sérum sur le microbe. Est-ce dire que cette action ne joue ici aucun rôle? Évidemment non. L'inspection de nos coupes nous a MÉCANISME DE L IMMUNITÉ 2 13 au contraire confirmés dans notre opinion. En effet, si on compare attentive - ment les premiers stades chez le lapin neuf et chez le lapin vacciné, on est frappé de ce fait qu'après une ou deux heures le nombre de streptocoques s'est accru nettement chez le premier, tandis que chez le second il paraît être resté stationnaire. Il est vrai que la phagocytose est plus prononcée chez l'animal vacciné, mais elle nous parait incapable d'expliquer la différence. Il semble qu'une autre force entre en jeu, paralysant la multiplication. Cette force ne peut être exercée que par le sérum ; seulement dans l'oreille, elle est moins apparente à cause de la diapédèse intense qui succède à l'injection. CHAPITRE IV. Avant de terminer, nous croyons utile de préciser notre manière de voir sur l'immunité contre le streptocoque en particulier et sur l'immunité en général. Rôle du sérum. Comme le lecteur a pu s'en convaincre, nous attribuons une part dans la préservation contre le streptocoque aux propriétés du sérum, indépen- damment de l'intervention immédiate des leucocytes. Notre manière de voir est fondée sur l'action que le sérum des lapins vaccinés exerce sur ce microbe in vitro. Tandis que le sérum des lapins neufs est un milieu de culture tout prêt, celui des lapins immunisés entrave pour un temps assez long toute pullulation notable; quelquefois même, il manifeste un vrai pouvoir bactéricide, se révélant par une dimi- nution du nombre des microbes ensemencés. Cette même action nuisible se décèle également in cor pore. Un excel- lent moyen de la mettre en évidence consiste à injecter dans la plèvre une dose mortelle de streptocoques. Alors que, chez le lapin neuf, il se forme un exsudât où les microbes pullulent à l'infini, chez le lapin vacciné, ceux-ci diminuent rapidement, et après trois à cinq heures, on ne parvient plus à en déceler ni par le microscope ni par les cultures. Quelle est la cause de cette disparition? Nous avons vu qu'il est im- possible de l'expliquer par la phagocytose. Pour qu'il y ait phagocytose, il faut des leucocytes; or, bien souvent tous les microbes ont disparu avant l'arrivée des globules. De plus, le petit nombre de phagocytes présents est 214 J DENYS & J. LECLEF incapable de se rendre maître de la masse d" organismes injectés. Enfin, même quand certains globules auraient pénétré dans la plèvre, jamais nous n'avons réussi à découvrir des streptocoques à leur intérieur. Loin de nous l'idée de nier toute phagocytose; il nous suffit de constater que, même en admettant que l'un ou l'autre microbe devienne la proie des leucocytes, leur nombre est tellement infime que leur prise ne peut exercer aucune influence décisive sur le conflit. Nous avons vu également qu'aucun indice ne permet de croire qu'ils se dissolvent dans la plèvre. En effet, aucun gonflement, aucune perte de réfringence, aucune diminution d'affinité pour les matières colorantes n'in- diquent une dégénérescence. Nous pouvons ajouter que, poussés par l'hy- pothèse que les microbes se seraient peut-être accolés aux parois de la cavité séreuse, nous avons examiné soigneusement le produit de raclage de ces parois, mais sans y découvrir plus d'organismes que dans l'exsudat. C'est à la suite de ces constatations que nous avons été amenés à reconnaître que les streptocoques disparaissaient des plèvres, parce qu'ils étaient résorbés. Par des expériences faites sur des organismes tués, strep- tocoques, coli-bacilles, bacilles du foin, nous avons montré la possibilité d'une résorption aussi rapide et nous en sommes arrivés à formuler comme il suit la façon dont les choses se passent chez le lapin neuf et chez le lapin immunisé, soumis à une injection de streptocoques dans la plèvre : Che\ le lapin neuf comme che{ le lapin vacciné, l'injection est suivie dune résorption active des microbes; mais tandis que che\ le premier une mul- tiplication rapide compense le nombre d'organismes entraînés et permet même à ceux-ci de devenir de plus en plus nombreux, che^ le lapin vacciné cette pullulation est entravée et, au bout de peu de temps, la plèvre est complètement purgée des envahisseurs. Il ressort clairement de ce résumé que, dans le conflit pleural, le sérum joue le rôle capital, sinon exclusif, les leucocytes trouvant à leur arrivée le terrain déblayé. Nous croyons ainsi avoir apporté une preuve péremptoire de l'intervention directe du sérum dans la protection contre les microbes. Il y a peu de temps encore, les adversaires de la doctrine humorale prétendaient expliquer l'action bactéricide ou microbicide des humeurs par le simple changement du milieu. Tous les faits que l'on pouvait utiliser pour appuyer cette manière de voir ont été condensés par Metchnikoff dans le redoutable réquisitoire qu'il dressa, il y a peu d'années, dans la Se- MÉCANISME DE L IMMUNITE 2 15 maine médicale (1). Il n'entre pas dans notre intention de passer au crible de la critique les raisons que l'éminent savant fit valoir en cette occasion; à notre avis, ses objections tombent toutes devant le fait signalé par l'un de nous (2), la destruction des spores du bacille du foin dans le sérum du lapin. Ici, on ne peut plus invoquer le changement du milieu; en effet, le bacille qui sort de la spore en germination dans le sérum, n'a pas connu de milieu antérieur; dès sa naissance, il a dû s'adapter à cette humeur. Or, que voyons-nous ? A peine est-il sorti de sa coque, sa croissance est frappée d'arrêt et il meurt. Et pourtant peu de microbes ont la vie plus facile que cet organisme, qui se développe dans les terrains les plus pauvres, et pour qui le sérum chauffé à 6o° constitue un milieu de pre- mière qualité. Il n'y a qu'un moyen d'expliquer son dépérissement : le sérum renferme une substance qui l'empoisonne : en d'autres termes, le sérum est réellement microbicide. Nous convenons volontiers que ces expériences, portant exclusivement sur le sérum extrait du corps, sont insuffisantes pour établir que ce liquide jouit du même pouvoir in corpore, mais cette lacune est précisément com- blée par nos injections de streptocoques dans la plèvre. Celles-ci établissent d'une manière irréfutable que l'action immédiate du sérum est un des facteurs de l'immunité. Rôle des leucocytes. A côté du sérum, se place, pour la protection de l'organisme, un autre facteur important : le leucocyte. Nous avons déjà eu l'occasion de faire ressortir ce fait singulier que l'on constate dans l'infection streptococcique, à savoir l'afflux considérable de leucocytes dans le foyer microbien, sans que ces éléments fassent entrer enjeu leur fonction phagocy taire. Jusqu'à présent, on a, nous semble-t-il, confondu deux phénomènes qui doivent être distingués. On considérait comme dépendant d'une seule et même cause l'arrivée du leucocyte et la saisie du microbe. Cette cause, c'était la chimiotaxie positive. Mais la façon dont les choses se passent chez le lapin dans l'infection streptococcique nous oblige à distinguer dans le phénomène deux processus différents. Le premier, c'est l'attraction exer- cée sur les leucocytes. Sous son influence, ceux-ci arrivent nombreux, ils (1) Metchnikoff : L'immunité dans les maladies infectieuses ; La Semaine médicale, 1892. (2) J. Leclef : Étude sur l'action sporicide des humeurs; La Cellule, t. X. 2., 1894, P- 347- 27 2i6 J- DENYS & J LECLEF infiltrent les tissus en rangs serrés; mais là s'arrête chez le lapin neuf leur intervention. Tout en conservant pour un temps considérable l'entière puissance de leurs mouvements amiboïdes, tout en vivant côte à côte avec les microbes, ils laissent à ceux-ci toute leur liberté, et pour que leur puis- sance phagocytaire entre en jeu, il faut l'intervention d'un nouveau facteur. Alors seulement, l'englobement s'opère et la pullulation microbienne se heurte à la phagocytose. La façon la plus élégante de mettre en lumière l'indépendance des deux phénomènes, l'afflux des leucocytes et l'entrée en jeu de leur propriété phagocytaire, consiste à mettre à profit l'exsudat d'un lapin ayant survécu un à deux jours à l'injection et présentant les phénomènes qui font prévoir une issue mortelle. On sacrifie le lapin, on ouvre la plèvre et on recueille l'exsudat. Très souvent, on trouvera que celui-ci renferme, à côté d'une cul- ture de streptocoques, un nombre considérable de leucocytes bien mobiles. On divise cet exsudât en deux parts; à l'une, on ajoute un peu de sang ou de sérum d'animal neuf, à l'autre un peu de sang ou de sérum d'animal vacciné, et on met les deux portions à la couveuse. Après une demi-heure au plus tard, on pourra constater que les leucocytes du tube additionné de sang de lapin vacciné sont bourrés de streptocoques, tandis que ceux du tube témoin ont conservé pour les microbes toute leur indifférence. N'est-ce pas la légitimation lumineuse de la distinction que nous établis- sions plus haut ? Du reste, comment interpréterait-on le phénomène? Comme chimio- taxie positive ? Mais il y a répulsion entre les leucocytes et les microbes, puisque les uns refusent de saisir les autres. Comme chimiotaxie négative ? Mais alors, que fait-on de l'attraction puissante que le foyer microbien exerce sur les globules ? On le voit, on se heurte de chaque côté à la même difficulté, parce que l'on veut confondre dans la même expression deux processus distincts. Mais en quoi consiste cette action du sérum sur le globule ? D'après Metchnikoff, le sérum jouerait le rôle d'un stimulant; d'où le nom de siimuline donnée à la substance vaccinante. Cette manière de voir a été développée par un élève de Metchnikoff, par Gabritchewsky (i). Comparant chez les animaux neufs et vaccinés les fn Jabritchewsky : Annales de l'Institut Pasteur; 1S94. MECANISME DE L IMMUNITE 2 1 7 processus anatomiques qui succèdent à une inoculation de bacilles diphté- riques, l'auteur constate que chez les animaux vaccinés l'accumulation de leucocytes est plus considérable que chez les animaux neufs. Chez les pre- miers, les bacilles sont l'objet d'une phagocytose énergique, tandis que chez les seconds ils ne sont pris qu'en petite quantité. Gabritchewsky explique cette différence en admettant que le sérum antidiphtérique renferme une substance qui stimule l'action du leucocyte. A notre avis, les recherches de Gabritchewsky n'imposent nullement cette conclusion; elles la laissent à l'état d'hypothèse. En effet, pour donner à sa manière de voir la valeur d'une certitude, l'auteur eut dû nous montrer que l'action de l'antitoxine portait uniquement sur les leucocytes et qu'elle ne changeait en rien l'action directe des humeurs sur les bacilles diphté- riques. Or, nous venons précisément de voir, par l'étude de l'infection streptococcique, qu'il existe des états réfractaires dans lesquels les mo- difications des humeurs jouent un rôle important. La même chose ne pourrait-elle pas se produire chez l'animal immunisé contre le bacille de la diphtérie ? Du reste, rien ne prouve que, dans l'action du sérum vacciné sur le leucocyte, il intervienne une stimuline. Si nous avons bien saisi le sens du terme, une stimuline serait une substance excitant les fonctions du leucocyte. Celui-ci, chez l'animal neuf, souffrirait d'une espèce de paresse, d'apathie, que la substance vaccinante viendrait secouer, fouetter. Or, précisément rien ne nous semble moins démontré que cette paresse du leucocyte. Dans les infections streptococciques, nous le voyons arriver aussi vite chez les animaux neufs que chez les animaux vaccinés, et il présente des pseudopodes aussi mobiles dans un sérum de lapin réceptif rempli de streptocoques que dans un. sérum pur de lapin réfractaire. Où est la paresse ? A notre avis, on pourrait tout aussi bien admettre que la substance vaccinante ou antitoxique agit, non pas sur le leucocyte, mais sur un poison renfermé dans le corps du microbe ou dissous dans le milieu, et qui pré- serve le microorganisme contre les atteintes du leucocyte. La question, il est vrai, est bien obscure, et d'autres hypothèses pourraient sans doute être formulées. Mais si l'on n'est pas fixé sur la nature de l'influence que le sérum pré- servateur exerce sur le globule blanc, on ne peut méconnaître que cette influence ne soit des plus considérables. 218 J. DENYS & J. LECLEF Dans un travail récent, Mr BordetCi) a fait des études intéressantes sur le mode de formation des substances bactéricides dans l'infection par le vibrion du choléra. N'ayant pas fait de recherches analogues sur l'infection streptococcique, nous ne sommes pas en mesure d'affirmer si les données énoncées par ce savant s'appliquent à l'organisme étudié par nous. Apparition rapide de l'état réfractaire. Un phénomène digne d'être noté est la rapidité avec laquelle l'état réfractaire se déclare chez le lapin infecté par des streptocoques. Douze heures après l'inoculation, il existe déjà d'une manière assez accusée pour rendre le lapin réfractaire à une nouvelle dose de microbes. Cette seconde inoculation ne provoque pas, comme la première, un érysipèle franc, mais tout au plus une réaction locale et, si elle est faite trente-six heures après la première, il ne se produit plus de réaction du tout. ' EXPÉRIENCE. Cinq lapins reçoivent 0,01 ce. de bouillon de streptocoques dans l'oreille droite, et respectivement 12, 24, 36, 48 et 60 heures plus tard la même quantité dans l'oreille gauche. Chez tous se développe à droite un érysipèle qui envahit l'oreille dans sa totalité. A gauche, l'inoculation faite après 12 heures produit une réaction du diamètre de 1 1/2 centimètre. » 24 » produit une réaction insignifiante. » 36 » ne produit rien. » 48 » » » 64 » » (1) Bordet : Les leucocytes et les propriétés actives du sérum che\ les vaccinés; Ann. Institut Pasteur, IX. 6, iSy5, p. 398. Dans ce travail, Mr Bordet s'appuie sur deux sortes d'expériences pour établir que la substance bactéricide provient des leucocytes. La première consiste à jeier une ligature sur une oreille ou une patte de cobaye ou de lapin et à comparer le pouvoir du liquide de l'œdème à c-'lui du sérum sanguin. Celui-ci est beaucoup plus bactéricide et, comme le sang renferme plus de leucocytes que la lymphe transsudée, notre savant com- patriote en conclut que ce sont les globules qui fournissent aux humeurs la substance microbicide. Cette conclusion ne nous semble pas s'imposer. Il se pourrait fort bien que l'infériorité de la lymphe tienne à ce que la substance en question transsude difficilement à travers les capillaires. Nous savons en effet que l'albumine traverse plus difficilement les parois vasculaires que l'eau et les sels et tout tend à nous faire admettre que la substance bactéricide est un corps albuminoïde ou du moins un corps très complexe (Buchner). Dans une seconde série d'expériences, Mr Boruet s'attache à démontrer que du sang appauvri en globules par l'injection de particules fines perd une partie de son action bactéricide. Cette raison nous semble bien meilleure que la première, mais l'auteur aura oublié que M1' Van de Velde a démontré, ' une année auparavant, que les exsudats sont d'autant plus bactéricides qu'ils sont plus riches en leu- cocytes et que, dans les cas où la diapédèse est très abondante, la partie liquide de l'exsudat acquiert un pouvoir bactéricide réellement extraordinaire. (La Cellule, t. X, 2, 1S94, et Comptes rendus du Congrès international de Buda.) MÉCANISME DE LIMMUNITÉ 2 1 O. Chose curieuse, malgré l'état réfractai re qui s'établit si rapidement, l'inflammation produite par la première inoculation continue de s'étendre : ainsi, chez le premier lapin, l'érysipèle occupe, au moment de la seconde inoculation, les deux tiers de l'oreille, après vingt-quatre heures, les trois quarts et après quarante-huit heures, toute l'oreille. A ce moment, la deux- ième inoculation a déjà cessé de faire des progrès depuis vingt-quatre heures. Que conclure de cette expérience? C'est que che\ les lapins inoculés avec des streptocoques, il se produit en peu d'heures un état réfractaire qui rend inefficace l'injection d'une nouvelle dose d'organismes. Cette immunité acquise est d'abord très faible, mais elle devient peu à peu plus forte pendant le cours de l'infection même et, quand celle-ci est vaincue, elle continue encore à gagner en puissance. EXPÉRIENCE. Un lot de six lapins est inoculé dans l'oreille droite avec 0,01 ce. de bouillon de streptocoques. Chez tous se développe un érysipèle. Quatre jours après l'inoculation, trois lapins sont réinfectés avec 0,01, 0,1 et o,5 ce de bouillon dans l'oreille gauche. L'inoculation de 0,01 ce. produit une légère réaction locale. » 0,1 ce. produit un érysipèle modéré de presque toute l'oreille, i) o,5 ce. produit un érysipèle intense de toute l'oreille. Neuf jours après la première inoculation, on réinfecte dans l'oreille gauche les trois lapins restants. L'inoculation de o,oi ce. ne produit rien. » o,i ce. produit une simple réaction locale, n o,5 ce. produit un érysipèle de la moitié de l'oreille. Un témoin inoculé avec o,oi ce. présente un fort érysipèle. Cette expérience montre nettement que le degré d'immunité acquis pen- dant l'infection continue à s'élever pendant la période subséquente. Quatre jours après la première inoculation, les érysipèles étaient en pleine régres- sion. A ce moment, on inocule trois lapins; leur immunité est suffisante pour résister à o,oi ce, mais elle est incapable de préserver l'organisme contre o,i. Cinq jours plus tard, cette même dose est devenue inactive à son tour, et 0,5 ne parviennent qu'à produire un érysipèle limité de l'oreille. Nous croyons avoir été les premiers à signaler cette réaction de l'orga- nisme pendant l'infection même. L'un de nous ( 1 ), en collaboration avec (i) J. Denys et A. Kaisis : Recherches à propos de* objections récemment élevées contre le pouvoir bactéricide dit sang; La Cellule, t. IX, 2, i8g3, p. 335. 220 J. DENYS & J. LECLEF A. Kaisin, a décrit un phénomène analogue dans la maladie charbonneuse du lapin. Le sang de cet animal est incapable- de détruire la bactéridie, mais pendant la période d'incubation de la maladie, il acquiert un pouvoir bactéricide prononcé. Nous ajoutons une grande importance à l'établissement rapide d'un état réfractaire, même relatif. C'est lui, sans doute, qui empêche la généra- lisa tion de l'infection. CONCLUSIONS. Expériences in vitro. i° Le sérum des lapins neufs n'exerce pas d'action bactéricide sur le streptocoque pyogène. Cet organisme y pullule dès le moment où il est en- semencé. 2° Le sérum des lapins vaccinés enraie le développement pendant plusieurs heures. Quelquefois même, il montre un vrai pouvoir bactéricide. 3° Les leucocytes des lapins neufs, mis dans le sérum des mêmes la- pins,ne témoignent pour le streptocoque qu'un pouvoir phagocytai re faible. Ils succombent avant le terme normal de leur existence. 4° Les mêmes leucocytes, transportés dans le sérum des lapins vacci- nés, détruisent énergiquement les streptocoques. Ils conservent leur durée normale de vitalité. 5° Les leucocytes des lapins vaccinés, agissant dans le sérum des mêmes lapins, se comportent comme les leucocytes des lapins neufs dans le sérum des lapins vaccinés. 6° Les leucocytes des lapins vaccinés, introduits dans le sérum des lapins neufs, se conduisent comme les leucocytes des lapins neufs dans le sérum des lapins neufs. Che\ le lapin vacciné, le leucocyte tient du sérum son pouvoir d'englober et de détruire le streptocoque pyogène. Expériences in corpore. 7° Quand on injecte dans la plèvre d'un lapin vacciné une dose de streptocoques mortelle pour un lapin neuf, c'est surtout l'action directe du sérum qui empêche la pleurésie de se produire. 8° Quand on injecte sous la peau d'un lapin vacciné une dose capable de produire l'érysipèle chez un lapin neuf, l'infection est empêchée surtout par les leucocytes. MÉCANISME DE L'iMMUNITÉ 22 1 En somme, l'animal vaccine combat le streptocoque : i° par une action directe de son sérum, 2° par ses leucocytes. Ces derniers toutefois doivent au sérum l'entrée enjeu de leur pouvoir. 9° Chez un lapin neuf inoculé avec des streptocoques, l'état réfractaire se déclare déjà douze heures après l'infection. Il continue à croître après que l'infection est enrayée. LA CELLULE LA CELLULE RECUEIL DE CYTOLOGIE ET D'HISTOLOGIE GÉNÉRALE PUBLIE PAR J. 13. CARNOY, PROFESSEUR DE BOTANIQUE ET DE BIOLOGIE CELLULAIRE, G. GILSON, PROFESSEUR DE ZOOLOGIE ET D'EMBRYOLOGIE. J. DENYS, PROFESSEUR D'ANATOMIE PATHOLOGIQUE, a l'Université catholique de Louvain AVEC LA COLLABORATION DE LEURS ÉLÈVES ET DES SAVANTS ÉTRANGERS TOME XI 2" FASCICULE. I. Sur le Nebenkern et sur la formation du fuseau dans les spermatocytes des Hélix, par Arthur BOLLES LEE. II. On inter-cellular bridges in columnar epithelium, by E. W. CARLIER, M. D. III. L'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates, par J. SADONES. IV. Etude comparée des glandes de Gilson, organes métamériques des larves d'insectes, par Maurice HENSEVAL. V. Sur la production d'une antileucocidine chez les lapins vaccinés contre le staphylocoque pyogène, par J. DENYS et H. VAN DE VELDE. VI. La miellée du hêtre rouge, par J. VAN DER PLANCKEN et Ph. BIOURGE. LIERRE LOUVAIN Typ. de JOSEPH VAN IN & Cie, A. UYSTPRUYST, Libraire, rue Droite, 48. rue de Namur, 1 1 . 1896 SUR LE Nebenkem et sur la Formation du Fuseau DANS LES SPERMATOCYTES DES HELIX PAR Arthur BOLLES LEE (Mémoire déposé le 8 février 1896.J 2S SUR LE NEBENKERN ET SUR LA FORMATION DU FUSEAU DANS LES SPERMATOCYTES DES HELIX INTRODUCTION Dans un mémoire précédent (La Cellule, t. XI, ir fasc, 1S95, p. 27;, j'ai donné l'histoire de la régression de la portion équaloriale du fuseau dans les spermatocytes des Hélix. Les pages suivantes sont destinées à complé- ter cette histoire en décrivant la régression de la portion polaire du fuseau. L'auteur qui s'est occupé le plus longuement du corps connu sous le nom de Nebenkern dans les spermatocytes des gastéropodes pulmonés est incontestablement Platner. Négligeant ses communications plus anciennes, qui contiennent des opinions que l'auteur désavouerait sans doute aujour- d'hui, nous trouvons que les conclusions les plus récentes de Platner à ce sujet peuvent être résumées à peu près comme il suit (1). Chez les Hélix, le Nebenkern consiste en un élément pelotonné qui, au début de la cinèse, se résout en un groupe de 1 2 bâtonnets, orientés autour d'un n centrosome «. Ce centrosome se divise en deux, et le groupe de 12 bâtonnets se scinde en deux groupes de six, distribués autour de chaque centrosome-fille. Ensuite, chaque bâtonnet se divise en deux, de sorte qu'il y a maintenant 12 bâtonnets orientés autour de chaque centrosome. Les cen- trosomes s'éloignent l'un de l'autre en étirant entr'eux un pont de substance (1) Platner : Samenbildung und Zellthcilung bel Paludina vivipara and Hclix pomatia; Arch. f. mik. Anat., Bd. 33, 1889, pp. I25-I53, et plus particulièrement p. 134 et seq. Je prie le lecteur de bien vouloir m'excuser si je cite ces travaux d'une façon assez sommaire; n'en disposant pas en ce moment, je suis obligé de me fier à mes souvenirs et à mes notes. 226 Arthur BOLLES LEE qui devient le fuseau caryocinétique de la division à son début. Ils se rendent aux pôles du noyau, accompagnés chacun de son groupe de 1 2 bâton- nets. Arrivés aux pôles, ils émettent des rayons qui pénètrent dans le noyau et s'attachent aux chromosomes, devenant ainsi des filaments du fuseau (Spindelfasern). Les 12 bâtonnets deviennent les „ rayons principaux* (Hauptstrahlen) de l'aster. Ces » rayons principaux « sont homologues aux fibrilles des » cônes antipodes « de Van Beneden; cependant ils ne s'étendent pas, comme le font les cônes antipodes, jusqu'à la surface de la cellule. A la fin de la division, le centrosome de chaque pôle se divise comme aupa- ravant; ses 12 » rayons principaux, « redevenus maintenant, en se con- tractant, des » bâtonnets «, se divisent comme avant en deux groupes, et toute la succession des phénomènes se répète comme nous l'avons dit... En conséquence, le Nebenkern est un élément constant du cytoplasme, qui ne disparaît jamais, mais subit seulement les transformations que nous avons décrites. Il n'est plus à aucun moment un élément nucléaire, comme Platner l'avait admis anciennement. Au contraire, il n'est autre chose que la » sphère attractive « de Van Beneden, » l'Archoplasme « de Boveri. Je reconnais avec Platner que le Nebenkern contient des éléments qu'on peut appeler des « bâtonnets * ; mais à mon grand regret je serai obligé de m'inscrire en faux contre toutes ses autres assertions. Dans une communication, lue à la 5me réunion de la société anatomique allemande, K. W.Zimmermann(i) s'exprime dans les termes suivants au sujet des phénomènes qui nous occupent. « A l'état de repos, le Nebenkern se présente comme une masse an- guleuse, plissée, se colorant au même degré que le cytoplasme, et dans laquelle on peut reconnaître quelques lignes plus foncées. A l'approche d'une division cellulaire, le contour du Nebenkern devient indécis et sa substance plus homogène; en même temps, on en voit sortir de fins rayons (« feine, radiâre Strahlen *). A mesure que ces rayons se développent, le Nebenkern diminue, de sorte qu'on est bien autorisé à conclure que le Nebenkern se transforme en la figure rayonnée. Le centre du rayonnement est appliqué étroitement contre la membrane nucléaire. Ce système radiaire se divise ensuite en deux parties. Les systèmes radiaires-filles s'éloignent l'un de l'autre, toujours le long de la membrane nucléaire, mais sans jamais atteindre (1) K. \Y. Zimmermann : Ueber den Kerntheilungsmodus bci der Spcrmatogcnese von Hclix pomatia; Verhandlungen der anatomischen Gesellschaft, 1891, p. 187. LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 227 deux points diamétralement opposés du noyau. Leurs rayons se croisent, mais ne sont pas continus d'un centre à l'autre ». La membrane nucléaire se résout; il se forme un fuseau suivant un mode que Zimmermann n'a pu reconnaitre, et les systèmes radiaires viennent occuper les pôles de la figure, sans cependant que leurs rayons se soient mis en rapport avec les chro- mosomes. Il est intéressant de remarquer que Zimmermann, quoiqu évidemment excellent observateur, n'a pas vu les bâtonnets de Platner, qui sont pourtant l'élément du Nebenkern qui s'impose le plus au regard de celui qui examine les cellules vivantes. A part cela, sa description constitue un progrès sur celle de Platner. Le Nebenkern se transforme effectivement en une figure astrale, mais d'après mes observations celle-ci ne se divise nullement en deux pour fournir les asters de la figure achromatique. Hermann, dans un travail célèbre (1), a touché à ce sujet. Contrôlant le travail de Platner, il a été conduit à contester l'assertion de Platner qVun groupe de six bâtonnets se divise pour donner naissance à un groupe de douze, car il en a toujours trouvé douze en tout temps. Il donne une figure de ces éléments, qui les représente sous la forme de petits filaments arqués, ce qui constitue un progrès réel sur la description de Platner. Il a trouvé de pa- reils filaments dans » l'Archoplasme « des spermatocytes de Proteiis. Cette découverte est importante, car elle nous permet d'établir sans aucun doute possible l'identité des Nebenkerne des pulmonés et des » Archoplasmes « ou » sphères attractives « décrits par les auteurs dans les spermatocytes des amphibiens. M. Heidenhain (2), sans avoir étudié le Nebenkern des pulmonés, nous fait part d'une opinion qu'il s'est formée à son sujet. Dans cette opinion, le noyau des cellules des métazoaires serait l'homologue du macronucleus (sic) des infusoires, et leur Nebenkern serait l'homologue du micronucleus (sic) des infusoires. Les bâtonnets ou « Archoplasmaschleifen » du Neben- kern des gastéropodes seraient des chromosomes, hérités des dits infusoires, et ayant perdu leur chromatine dans le long trajet qu'ils ont dû faire pour arriver des infusoires aux gastéropodes pulmonés. Je montrerai tout à l'heure que ces éléments n'ont pas une origine aussi lointaine, mais proviennent seulement du fuseau de la dernière division cellulaire. (i) Hermann : Bcitrag %ur Le/ire von der Entstehung der karyokineihchen Spindcl; Arch. f. mik. Anat., Bd. 37, H. 4, 1S91, p. 56g. (2) Heidenhain : Ncue Uniersuchungen ùter die Centralkôrper ; Arch. fur. mik. Anatomie, Bd. 43, Hft. 3, 1894, pp. G90 à 694. 228 Arthur BOLLES LEE Flemming, clans une communication lue à la réunion de la société anatomique citée plus haut, a proposé [op. cit., p. 129) d'abandonner le terme de Nebenkern, parce que, dit-il, on a décrit sous ce nom des choses tout à fait hétérogènes. Depuis lors, nous voyons que dans tous ses travaux, ainsi que dans tous ceux de ses élèves, l'expression - sphères attractives » remplace celle de Nebenkern. Je serais heureux de me rallier à la proposi- tion de Flemming, qui me paraît être faite dans un esprit excellent, si elle pouvait avoir l'effet désiré, celui de donner plus de précision à nos discussions. Malheureusement elle ne le peut pas, car bien certainement on a décrit sous le nom de » sphères attractives « des choses tout aussi hétérogènes. Flemming lui-même, dans un travail qui vient de paraître (Ergebnisse der Anatomie, Bd. IV, 1894 (1895), p. 403), donne le nom de » sphères « égale- ment aux Nebenkerne et aux ponts intercellulaires résultant de la régression de la portion équatoriale du fuseau, comme je l'ai décrit dans mon travail précédent (1). Dans ce travail, j'ai montré que, dans les spermatocytes des Hélix, la portion équatoriale du fuseau subit, après l'achèvement de chaque ci- nèse, une dégénérescence pâteuse-granuleuse qui aboutit à la formation des corps inter- et intra-cellulaires déjà décrits sous les noms de » corps pro- blématiques « et de y Zellkoppel « par Platner et par Zimmermann, et que Flemming, paraît-il, est encore aujourd'hui disposé à regarder comme des » sphères attractives «. Je me propose maintenant de montrer que la portion polaire du fuseau subit, après chaque cinèse, une dégénérescence sem- blable, qui aboutit à la formation du corps connu sous le nom de Neben- kern; que cette dégénérescence est totale et aboutit à l'incorporation dans le cytoplasme de tous les éléments de la portion polaire du fuseau ; et enfin qu'aucun élément du Nebenkern n'intervient à titre d'élément figuré et actif dans une cinèse subséquente. Pour mieux appuyer les preuves que je donnerai de ces faits, je décrirai par la même occasion la genèse du fuseau; je montrerai qu'il est formé tout entier, jusqu'au dernier atome, dans et par le noyau; qu'il n'est autre chose que le noyau devenu fusiforme; et qu'en conséquence le Nebenkern ne joue aucun rôle dans sa formation. Je décrirai l'apparition dans la cellule, pendant les prophases de la division, d'un corps qui pourrait bien correspondre à la » sphère attractive « de Van Beneden, ce qui fournira un argument de plus, si tant est qu'il en est besoin, A. Bolles Lee : La régression du fuseau caryocinêtique ; La Cellule, t. XI, ir fasc, iSg5, p. 27. LE NEE-ENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 2 29 pour conclure que les auteurs qui assimilent les Nebenkerne ou tout autre produit de la dégénérescence du fuseau aux sphères attractives de Van Beneden font fausse route. Il y aura utilité à commencer par l'histoire de la formation du fuseau. Je suppose connus du lecteur les faits décrits dans mon travail précé- dent; il est nécessaire qu'il les ait présents à l'esprit pour l'intelligence des descriptions et des figures qui vont suivre. CHAPITRE I. La formation du fuseau. L'histoire de la formation du fuseau dans les spermatocytes des Hélix peut être divisée comme il suit : A. Transformation du caryoplasme réticulé et granuleux du noyau quiescent en une substance spéciale, parfaitement hyaline et sans granules, et absolument achromatique. B. Fibrillation de cette substance, c'est-à-dire production en son sein, par une différenciation ultérieure, de filaments de nature particulière, réfrin- gents, homogènes et parfaitement achromatiques envers la plupart des colo- rants, qui deviendront les futurs filaments fusoriaux, ou » Spindelfasern. « C. Apparition dans le cytoplasme, mais en contact avec le noyau et vraisemblablement formés par le fait et aux dépens de celui-ci, de deux amas coniques reliant deux points opposés de la surface du noyau à la mem- brane de la cellule, et formés apparemment de la même substance homo- gène particulière en laquelle s'était transformé le caryoplasme du noyau : c'est-à-dire, constitution de deux pôles matériels nucléaires et cellulaires. D. Agencement des filaments fusoriaux, jusque-là irrégulièrement distribués dans le noyau, en une figure fusiforme dont les deux pointes aboutissent aux deux sommets des amas coniques : c'est-à-dire, constitution du fuseau en sa forme définitive. Ces divisions n'impliquent pas une suite chronologique stricte dans l'ordre indiqué. Ainsi B empiète sur A, la fibrillation pouvant commencer avant que la transformation du caryoplasme en substance hyaline ne se soit effectuée à travers toute l'étendue du noyau, et progressant ensuite pari passû avec cette transformation. De même pour la phase C : la formation des amas coniques a apparemment lieu en général avant l'achèvement des deux processus A et B. 230 Arthur BOLLES LEE a. La métamorphose hyaline dn caiyoplasme. Les noyaux au repos présentent, après traitement par les réactifs fixateurs et colorants, l'apparence que j'ai essayée, avec un degré de réussite qui ne répond pas à mes désirs, de rendre en la fig. 1. Ils ont un certain aspect sombre et mat. Ils possèdent un élément chromatique dont la manière d'être est difficile à définir avec certitude, existant peut-être, comme j'en ai l'impression, sous la forme d'un filament unique et très délié, très étroitement pelotonné, peut-être aussi sous la forme de la » Kerngerust - ou charpente nucléaire de Flemming. Ce détail est sans importance pour nous ici; ce qu'il importe de retenir, c'est que cet élément est toujours uniformément répandu à travers toute l'épais- seur du noyau. Cette disposition est, je crois, reconnue par tous les auteurs comme caractéristique des noyaux au repos. Mais elle ne suffit pas, je pense, à expliquer l'aspect sombre et mat de ces noyaux. Cet aspect dérive, à ce qu'il me semble, de la coloration partielle par les réactifs du réticulum achromatique existant à côté de l'élément chromatique, et d'un enchylème ou hyaloplasme finement granuleux, contenu dans les mailles de ce réticulum. Le noyau contient en outre deux ou trois nucléoles plasmatiques, dont le plus gros ou les deux plus gros se montrent dans certaines préparations entourés, d'une aréole claire, au milieu de laquelle ils sont comme suspendus par des fils rayonnants (fig. l et 2) (i). Ces nucléoles sont situés le plus souvent dans la profondeur du noyau, et non à sa surface. Le début de la métamorphose hyaline paraît coïncider avec le début du pelotonnement de l'élément nucléinien, fig. 2. Celui-ci apparaît sous la forme de tronçons irréguliers, richement hérissés de filaments achromatiques tortueux qui y adhèrent. Dans ces cellules, il n'y a pas formation d'un spirème ou peloton régulier : le peloton se segmente au fur et à mesure qu'il se dégage de l'élément primitif. Les nucléoles diminuent degrandeur, tout en conservant leurs aréoles claires et rayonnées. A l'intérieur du noyau, on aperçoit main- tenant un espace arrondi, e. c, fig. 2, parfaitement clair et homogène, ne contenant aucune granulation visible. Il n'est jamais traversé par la moindre trabécule du réticulum caryoplasmique, et se montre si hautement achroma- tique qu'il ne prend pas la moindre trace de coloration dans aucune des (i) Ces aréoles ont été décrites et figurées par plus d'un auteur : ainsi par Leydig, « Zelle und Gewebe », p. 26, fig. 102 et autres, et par Lavdowsky, Anat. Hefte, Bd. IV, H. III, p. 3yo. Lavdowsky les appelle 0 achromatische Kernkugel » et en fait dériver la « portion médullaire » du fuseau. LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 231 teintures les plus renommées comme colorants plasmatiques. En même temps, le reste du contenu du noyau : l'élément nucléinien, le caryoplasme qui l'enrobe et les nucléoles, se trouve refoulé vers la surface du noyau. L'impression que m'a laissée une étude attentive et fort prolongée de l'élément achromatique qui surgit ainsi dans le noyau, c'est qu'il est de consistance mi-solide ou gélatineuse, plutôt que liquide. A mesure qu'il se développe, il refoule, comme je l'ai dit, vers la surface du noyau tous les autres éléments que celui-ci contient. Or, je ne comprendrais pas comment la production d'un liquide dans le noyau put produire un effet semblable. Il semblerait au contraire qu'un liquide dut s'insinuer entre ces éléments et les faire flotter sans les déplacer, effet dont on n'observe pas de trace. Au contraire, la surface de cet espace hyalin, quelque peu nettement délimitée soit-elle, n'est jamais débordée par les segments chromatiques; ceux-ci, avec leurs appendices achromatiques, se moulent pour ainsi dire sur elle. Cet espace, ou, comme je préférerais dire, ce corps, a une figure sphé- rique ou ovale. Il ne présente pas de limite très accusée à la surface de sé- paration d'avec le caryoplasme environnant; ces deux substances semblent se continuer l'une dans l'autre comme le font la portion liquide et la por- tion coagulée d'un œuf à moitié cuit, si ce n'est qu'ici c'est la substance cen- trale et claire qui parait être la plus consistante des deux. Je ne voudrais cependant pas assurer qu'il ne peut posséder quelquefois une très mince membranule. Son contour se devine en général, plutôt qu'il ne se voit; c'est ce que j'ai essayé de rendre dans les fig.2,3,4 et 6. Il continue à augmenter de volume jusqu'à ce qu'il ait envahi le noyau tout entier; à ce moment, son contour se confond avec celui de la membrane nucléaire, fig. 5. Sa sub- stance est à un haut degré réfringente; les noyaux, arrivés à ce stade, brillent comme des perles au milieu des cellules non différenciées. Ils ne contien- nent à la fin que des segments chromatiques, accompagnés de quelques restes de fibrilles achromatiques et enrobés immédiatement dans la substance hyaline. Les nucléoles ont disparu, sans que j'ai pu savoir de quelle façon, et à la fin il ne reste plus une trace de caryoplasme pour communiquer un liseré sombre et mat au contour nucléaire, fig. 5. b. La fibrillation de la substance hyaline. Lorsque la substance hyaline a atteint tout son développement, fig. 6, on voit apparaître en son sein des points réfringents, fig. 6 et 7. Ils sont encore plus brillants que le fond déjà très brillant de la substance hyaline. Ils sont » achroma- 29 232 Arthur BOLLES LEE tiques -, mais non pas à un degré aussi absolu que la substance hyaline; ils se teignent, quoique très légèrement, pour ainsi dire pas, dans plusieurs teintures plasmatiques; je les ai obtenus colorés d'une façon assez vigou- reuse dans des séries préparées par la méthode à l'orange de Flemming ou à l'hématoxyline de M. Heidenhain, fig. 7. Ils mesurent environ o,75 micron de diamètre. Avec beaucoup d'attention, on acquiert la conviction que ce ne sont pas des granules, mais des coupes optiques de filaments. Il est cependant impossible d'apercevoir ces filaments dans le sens de leur longueur; ils sont apparemment trop peu différenciés optiquement de la gangue environnante pour que cela soit possible. Ils ont des contours par- faitement lisses. Ils sont toujours nettement isolés au sein de la substance hyaline et ne paraissent jamais être en rapport avec les filaments du réti- culum, primitif qui peuvent encore se trouver autour des segments nucléi- niens. Ils sont d'abord peu nombreux; ainsi, dans le noyau représenté dans la fig. 6, je n'en ai pu voir avec certitude que trois. Plus tard, lorsque les segments chromatiques ont perdu leurs fibrilles adhérentes et sont devenus compactes et lisses, ils sont beaucoup plus nombreux, fig. 7. A ce stade, on peut quelquefois en compter une vingtaine. Et, pour tout dire en un mot, il est devenu évident que l'on a devant soi, irrégulièrement distribuées dans le noyau, les ébauches des futurs filaments fusoriaux. Dans la cellule de la fig. 3, je n'ai pas pu apercevoir ces éléments avec certitude, mais il se peut qu'il y en ait un. La fig. 4 est dans le même cas, et il en est ainsi aussi de la fig. 5, tandis que le noyau de la fig. 6, qui est au même stade de l'évolution des chromosomes, en montre nettement. Ces faits paraissent indiquer que la fibrillation commence au moment en- viron où les segments chromatiques achèvent de se constituer en chromo- somes définitifs. c. Les amas coniques ou entonnoirs polaires. En examinant avec beaucoup d'attention le cytoplasme de cellules dont le noyau a achevé, ou à peu près, sa transformation en substance hyaline, on arrive à découvrir, dans des exemplaires favorables (î), une ou deux taches claires, d'aspect particulier, fig. 3, 4, 5 et 6. Elles sont toujours situées au voisinage du noyau. Lorsqu'il y en a deux, elles sont éloignées l'une de l'autre d'une distance considérable, mais rarement de tout le diamètre du noyau. Je n'en ai guère trouvé de plus rapprochées que celles de la fig. 5. Leur posi- (0 Cctta observation est extrêmement délicate. LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 233 tion ne paraît pas avoir de rapports essentiels avec celle du Nebenkern, qui existe en général encore à cette époque, fig. 3, 4 et 5. Elles présentent en général en coupe optique un contour circulaire ou elliptique. Leur diamètre mesure en moyenne de 5 à 7 microns. Un contour circulaire ou elliptique en coupe optique n'implique une figure sphérique ou ovale que s'il se répète, avec le changement voulu de dimensions, à travers toute la profondeur de l'objet. Or, il n'en est pas ainsi de ces objets. Ils aboutissent extérieurement, dans la grande majorité des cas, si non toujours, à la membrane cellulaire. Ils peuvent y provoquer une légère saillie, fig. 5, mais, qu'ils le fassent ou non, toujours est-il qu'en cette région ils sont considérablement aplatis. Et en suivant avec beaucoup d'attention leur coupe optique dans la direction opposée, c'est-à-dire vers le noyau, on trouve que leur contour diminue plus brusquement que ne le ferait celui d'une sphère, et qu'il aboutit à un point circulaire tantôt clair, tantôt foncé, situé sur la membrane du noyau ou tout près d'elle. Ces objets paraissent donc être, pour ce qui regarde leur figure extérieure, piriformes. Dans la fig. 4, à droite, j'ai essayé d'indiquer ce rétrécissement; mais je n'ai pas encore pu obtenir une image de profil satisfaisante clans les cellules à ce stade. La raison de la difficulté qu'il y a à obtenir des images de profil est, je crois, celle-ci : toute la figure est très pâle et ne se voit guère que grâce à ces filaments radiaires que nous allons décrire. Ceux-ci aussi sont si pâles qu'on ne les distingue facilement que quand on les voit par le bout ; c'est exactement ce que nous avons constaté pour les ébauches des filaments fusoriaux contenus à l'intérieur des noyaux à ce stade. La substance dont ces corps sont composés est hyaline et absolument achromatique; elle rappelle en tous points la substance hyaline dont le noyau est rempli à ce moment. Du point clair ou sombre, que j'ai men- tionné comme étant appuyé contre la membrane nucléaire, — détail qui n'a pu être rendu par les dessins que dans les fig. 3 et 6, -- partent en rayon- nant des filaments réfringents, qui aboutissent à cette portion de la figure pinforme qui est en contact avec la membrane cellulaire, et s'y insèrent au moyen d'un petit renflement. Ces filaments courent surtout à la surface de la figure conique, mais ils existent également à son intérieur. La surface de la figure paraît être limitée par une membrane ou membranule homogène, très mince, qui relie les filaments superficiels en une sorte de 234 Arthur BOLLES LEE palissade. L'épaisseur des filaments, mesurée en coupe optique contre la membrane cellulaire, est de o,5 à 0,75 micron, c'est-à-dire qu'elle est com- parable à celle des filaments fusoriaux observés à l'intérieur du noyau et dans les fuseaux achevés. Ils s'amincissent insensiblement à mesure qu'ils se rapprochent du noyau, et paraissent finir en pointe contre la tache claire ou sombre qui relie la figure à la membrane nucléaire. Ces caractères rappelleront sans doute à l'esprit du lecteur les » cônes antipodes « découverts par Van Beneden dans les œufs d'Ascaris; nous parlerons tout à l'heure des rapports qu'il peut y avoir entre ces deux formations. La tache claire ou sombre, qui siège au sommet du cône clair et paraît être appliquée étroitement contre la membrane nucléaire, est un objet micros- copique des plus difficiles à débrouiller. Elle est si difficile que très souvent on n'arrive pas à la mettre en évidence. Dans les meilleures images que j'ai pu obtenir, elle se présente comme un petit cercle clair d'environ un demi-micron de diamètre : fig. 6, en bas; comparez aussi le cône antipode de la fig. 10. Dans les cas, plus nombreux, où elle se présente comme un point sombre, elle a moins de netteté et fait souvent plutôt l'impression d'une tige axiale que d'un point. Je crois que dans ces cas nous n'apercevons pas le véritable sommet du cône, et que le point sombre est la synthèse optique des filaments radiaires qui se rapprochent en ce point de façon à se toucher presque, ou entièrement. Je crois aussi que le point clair est un véritable pore, par lequel le cône clair communique avec l'intérieur du noyau. En conséquence, il semble que les cônes ou entonnoirs clairs sont com- posés non seulement d'une substance semblable à la substance hyaline du noyau, mais de la même substance. Je pense qu'ils doivent leur origine à une émission de substance nucléaire, et qu'ils sont demeurés en continuité de substance avec le noyau. Il en résulte que celui-ci est, par leur intermédiaire, mis en rapport direct avec deux régions de la membrane cellulaire. On pourrait dire aussi qu'à ce stade le noyau est une sphère reliée à la mem- brane cellulaire par l'entremise de deux entonnoirs formés de sa propre substance; ou bien qu'il a pris la forme d'une sphère surmontée de deux cônes renversés; car là où il y a substance nucléaire, il y a noyau. L'ensemble achromatique n'a pas une figure géométrique régulière. D'abord les deux cônes n'occupent que rarement les extrémités d'un diamètre du noyau, mais se trouvent situés sur des points de sa surface sensiblement plus rapprochés. C'est pourquoi, si je puis me permettre d'emprunter une LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 235 phrase descriptive bien connue de VanBeneden, » l'axe de la figure dicen- trique est une ligne courbe ». Ce n'est pas tout. Les cônes ne sont pas droits, mais plus ou moins courbés; ils ont la forme d'un cor de chasse; et ils ont presque constamment des flexions telles que, si la base de l'un d'eux regarde en haut, la base de l'autre regarde en bas. Ainsi, dans la fig. 4, l'entonnoir de droite regarde en haut vers le spectateur, qui en voit d'abord l'intérieur, tandis que celui de gauche regarde en bas, et sa surface exté- rieure est tournée vers l'observateur. Dans la fig. 6, c'est l'entonnoir le plus clair qui est tourné vers le haut ; celui qui est représenté en plus foncé regarde au contraire vers la surface inférieure de la cellule. Dans ces cellules, qui me paraissent typiques, l'axe de la figure dicentrique est non seulement une ligne courbe, mais une ligne courbe à deux flexions; elle a la forme d'un S. Cette disposition se maintient, ou peut se maintenir, jusqu'à la formation de la couronne équatoriale. Elle est par exemple très prononcée dans les deux cellules des fig. 9 et 10; malheureusement, le dessin ne permet pas d'en rendre compte d'une manière satisfaisante. Le cytoplasme des cellules au stade que nous contemplons, fig. 3 à 7, ne montre aucune différenciation spéciale qui soit en rapport avec les enton- noirs polaires. Il ne montre pas la moindre trace d'asters autour de ces éléments et, en tout ce qui regarde la formation de cette figure achroma- tique, il est demeuré entièrement passif. d. Achèvement de la figure achromatique. La phase que nous venons de décrire peut être considérée comme ayant atteint son complet déve- loppement, lorsque le noyau s'est muni de ses deux entonnoirs polaires, que la différenciation des filaments fusoriaux en son sein est achevée, ou du moins fort avancée, et que ses segments chromatiques se sont lissés et ont pris la forme de chromosomes définitifs. Les phénomènes qui suivent main- tenant doivent être à peu près simultanés. Cependant, il y en a un, dont la connaissance me paraît être de la plus grande importance et qui semble avoir le pas sur les autres. Le noyau, jusque là sphérique, change défigure. Il devient pointu là où il est en contact avec les entonnoirs polaires, et en même temps il s'allonge en prenant une forme fortement arquée, fig. 9 et 10. Ce phénomène n'est certainement pas accidentel, car il parait être abso- lument constant. Cela fait, ou en même temps que cela se fait, le cytoplasme se dispose en deux asters autour des entonnoirs polaires, fig. 9, 10 et 10 bis; les fila- 236 Arthur BOLLES LEE ments fusoriaux s'agencent brusquement en un fuseau de forme régu- lière, fig. 10, et ce fuseau, d'abord arqué comme dans les fig. 10 et 10 bis, se rectifie peu à peu, fig. 11. Ce n'est qu'après la régularisation complète du fuseau et l'établissement de la couronne équatoriale, — phase qu'il ne m'a pas semblé nécessaire de reproduire dans mes dessins; on en trouvera une représentation dans mon travail précédent, — que la mem- brane nucléaire se résout et que la figure achromatique, y compris les en" tonnoirs polaires, est envahie par une substance provenant du cytoplasme, qui lui communique l'aspect sombre et granuleux caractéristique de la phase équatoriale. La fig. 11 montre un jeune fuseau encore entouré de la mem- brane nucléaire. On observera que ses éléments ne sont pas encore entière- ment régularisés. Il manque encore l'adjonction d'un filament méridien ou deux de chaque côté. Ses deux pôles doivent aussi s'éloigner davantage l'un de l'autre, c'est-à-dire qu'il doit encore se rectifier. Il semblerait qu'en même temps que la membrane nucléaire se résout et que l'élément cytoplasmique fait irruption dans le fuseau, il se passe un phénomène analogue dans les entonnoirs polaires. Il est certain qu'à partir de ce moment ils sont souvent beaucoup plus difficiles à distinguer qu'au- paravant. Ils prennent souvent un aspect plus sombre, fig. 9; l'apparence de membrane enveloppante qu'ils offraient auparavant fait défaut ou n'est plus que faiblement marquée. En outre, à côté des filaments réfringents homogènes et de diamètre mesurable qui en constituaient l'élément le plus apparent, se distinguent maintenant d'autres rayons mats et granuleux, plus fins, d'une finesse telle qu'on ne peut plus les mesurer. Je pense que ces entonnoirs ont été envahis par des rayons des asters. Ceux d'entr'eux qui sont dans ce cas répondent maintenant assez exactement à la description des « cônes anti- podes « des cellules d'Ascaris, donnée par Van Beneden et Neyt (Nouvelles Recherches, p. 53). - Les fibrilles qui constituent autant de génératrices de ces surfaces coniques sont plus épaisses que celles qui sont plus voisines de l'axe de. la figure, et aussi de celles qui sont situées plus en dehors. Toutes ces génératrices s'insèrent à la surface de la cellule suivant une circonférence concentrique au pôle. « Je pense donc que ces cônes sont bien et dûment les cônes antipodes de Van Beneden, et si dans le cours de la description que j'en ai faite je leur ai donné de préférence le nom d'entonnoirs polaires, cela a été parce que je ne leur reconnais pas le même mode de genèse que celui que Van Beneden attribue aux cônes antipodes, et surtout aussi parce que j'ai cru utile d'insister sur ma conviction qu'ils sont dès le début en continuité de substance avec le noyau, dont ils ne sont que des appendices. LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 237 D'après mes observations, les asters se forment séparément autour de chaque cône. Je déduis cette conclusion du fait que je n'ai jamais pu obser- ver la moindre trace d'un aster existant dans une autre position, encore moins d'un aster unique se dédoublant pour en fournir deux. Les rayons des asters jeunes sont composés d'une substance mate et très finement granuleuse; ce ne sont pas des fibrilles continues, mais des traînées de granules. Je n'ai pu rendre cette apparence que d'une façon assez sommaire dans mes dessins; on pourra s'en faire une idée excellente en re- gardant les belles figures de Boveri, par ex., figures 39 à 44 de ses » Zellen- studien, « Heft II. Je ne pense pas cependant que cette substance granuleuse soit une substance spéciale, un » Archoplasma « de Boveri. Je pense que ce n'est pas autre chose que l'enchylème granuleux ordinaire de la cellule qui se porte en masse aux pôles de la figure cinétique et s'y condense pour former le premier fondement de l'aster. A mesure que l'aster se développe, les trabécules du réticulum cytoplasmique, qui sont elles de véritables fibrilles continues, sont attirées peu à peu dans le système astral. Ainsi, un aster complet contient deux éléments constitutifs, qui sont mêlés ensem- ble, mais non confondus, à savoir : un élément appartenant à l'enchylème cytoplasmique et un élément appartenant au réticulum; ou, pour nous ser- vir de la terminologie excellente de Leydig, un élément hyaloplasmique et un élément spongioplasmique. Et c'est l'élément hyaloplasmique qui a été l'initiateur et le primum mobile du mouvement cytoplasmique qui aboutit à la formation de l'aster. Le centre de chaque aster est représenté par le point de contact du sommet du fuseau et du sommet du cône antipode. Autour de ce point, la substance astrale est plus fortement condensée qu'ailleurs. Il arrive sou- vent que, soit en conséquence de l'irrésolvabilité optique de ses éléments, soit en conséquence de leur fusion réelle, cette région présente l'image d'une masse centrale à peu près homogène. Mais elle ne contient aucun granule ni amas de granulations qui mérite le nom de » centrosome «. Les asters montrent souvent des cercles concentriques de granules plus gros, ou peut-être ferait-on mieux de dire, de granules fusionnés, fig. 9, à gauche. Je ne sais jusqu'à quel point ce phénomène est identique à celui qui a déjà attiré l'attention de plusieurs auteurs : Van Beneden, M. Heidenhain, Druener, et probablement d'autres qui ne me sont pas présents à l'esprit en ce moment. Il me fait l'effet d'être l'expression d'ondes successives d'une action chimique ou même physique se propageant autour d'un centre. Je 038 Arthur BOLLES LEE ne lui ai pas consacré une étude spéciale qui m'autorisât à en parler ex pvo- fesso, et je ne le mentionne que pour mémoire. Les chromosomes sont uniquement attachés aux filaments fusoriaux, et n'ont aucun rapport, si ce n'est rarement un rapport purement accidentel, avec les rayons des asters. Pendant toute la durée de l'évolution des phénomènes que nous avons passés en revue, le Nebenkern leur est demeuré entièrement étranger. CHAPITRE II. Le Nebenkern. Il résulte de la description de la genèse du fuseau donnée dans le cha- pitre précédent que je le considère non comme un paquet de filaments, isolés et flottants dans un suc nucléaire, mais comme un paquet de filaments reliés ensemble par une gangue enveloppante, plus consistante qu'un suc liquide, gangue amorphe, de la substance de laquelle ils se sont différenciés, mais dont ils ne sont pas devenus indépendants. En d'autres termes, je les considère comme des condensations linéaires de cette gangue. Je dirai ce que j'ai pu savoir du sort de cette substance en même temps que j'exposerai le sort ultérieur des filaments. L'histoire de l'un et de l'autre de ces éléments, pour autant que j'ai pu la suivre, se résume en ceci : les filaments et la substance hyaline qui les réunit sont englobés momentanément ensemble dans le jeune noyau-fille à la fin de la cinèse. Mais ils ne demeurent pas longtemps à l'intérieur du nouveau noyau, ils en sont bientôt expulsés, à peu près tels quels, et persistent pendant quelque temps à côté du noyau sous la forme de Nebenkern. Ensuite, ce Nebenkern dégénère et disparait dans le cytoplasme, sans avoir jamais en aucun moment joué un rôle actif dans l'économie de la cellule. Mesurés au stade de la couronne équatoriale, ou au début de la méta- cinèse, les filaments d'un fuseau de spermatocyte des Hélix ont une largeur d'environundemi-micron, avec une longueur d'environ 7 microns, en comptant à partirdeleur insertion sur les chromosomes. Ils gardent approximativement le même diamètre jusqu'au voisinage immédiat du pôle, où ils s'amincissent assez brusquement pour se terminer en une pointe insensible. Ils paraissent souvent s'y fusionner ensemble; mais je crois qu'd s'agit là pour la plupart d'une simple fusion optique et non physique, et que dans la nature ils ne LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 239 se rencontrent même pas au pôle géométrique du fuseau, mais sont disposés dans le voisinage de ce pôle sous la forme de l'ouverture d'une nasse. En d'autres termes, je pense que le sommet du fuseau est un pore, tout comme le sommet du cône antipode, ou fond de l'entonnoir polaire, est un pore. Mais cette opinion n'est rien moins que certaine, car les images que j'ai obtenues de cette région ont toujours été plus ou moins indécises. Dans la majeure partie de leur parcours, les filaments sont légèrement vari- queux et leur substance est assez réfringente, tandis que la région polaire a un aspect plus mat. Lorsque les chromosomes-filles sont arrivés à mi- chemin de leur position polaire, on peut constater que les filaments fusoriaux n'ont pas sensiblement changé de diamètre, tout au plus sont-ils devenus un peu plus réfringents. A la fin de la métacinèse, ils sont à ce point recou- verts par les chromosomes qu'il est impossible de mesurer leur longueur ou leur largeur; tout ce qu'on peut dire, c'est qu'à ce moment ils ne peuvent certainement pas avoir plus de 3 microns, environ, de longueur, et qu'il n'y a pas de motif pour admettre qu'en se raccourcissant ils aient gagné sensi- blement en épaisseur. Il semble plus probable qu'au lieu d'avoir subi simplement un change- ment de forme, ils ont subi une diminution de volume par suite d'une conden- sation de leur substance. La dernière image qu'on obtient du cône fusorial, blotti au milieu des chromosomes passant à l'état de repos, est celle d'un corps conique très compacte et réfringent. A la fin, on ne distingue plus que le sommet de ce cône, qui brille comme une petite papille surgissant du fond d'un godet formé par les chromosomes, fig. 12 et 13. Ce corps conique, fig. 13, est sensiblement plus déprimé que ne l'était le sommet du fuseau dans les stades antérieurs. On dirait que les chromo- somes en s'écartant, pour affecter la disposition bien connue de godet aplati, de la ligne droite qu'ils auraient dû suivre pour arriver à une position strictement polaire, ont dû nécessairement élargir la base du cône polaire en emportant avec eux dans leur nouvelle direction les filaments auxquels ils sont attachés. C'est d'ailleurs là je crois une considération qui n'a pas échappé aux auteurs ; si j'y insiste, c'est parce que cette forme dépri- mée du cône fusorial, au moment de son engloutissement dans le noyau en reconstruction, est un détail important pour nous : le cône fusorial est devenu un mamelon très déprimé, et on retrouve dans le Nebenkern cette forme de mamelon déprimé, ou de cône ouvert, quoique masquée et difficile à reconnaitre. 3o 240 Arthur BOLLES LEE Il est certain que le cône fusorial est enveloppé par les chromosomes et incorporé, comme je l'ai dit, jusqu'à sa pointe extrême clans le noyau en reconstruction; il est infiniment probable qu'il sort de cette position pour devenir un Nebenkern. Il serait très intéressant d'établir de quelle façon il sort du jeune noyau. Sort-il en se glissant à travers le pore polaire resté encore ouvert, comme il l'est dans les fig. 12 et 13? Ou bien au contraire se fraie t-il un chemin du côté opposé, à travers les chromosomes, c'est-à-dire du côté équatorial, après avoir coupé ses attaches à l'entonnoir polaire, à peu près comme cela a été décrit par Meves ( Ucber eine A rt derEntsteh un g ringfôr- miger Kerne, Kiel, 1893) pour certaines spermatogonies de la salamandre? Je n'ai pu résoudre ce problème. Les fig. 12 et 13 sont destinées surtout à montrer toute la difficulté qu'il y a à suivre par l'observation le sommet du fuseau, après qu'il a été entouré par les chromosomes. La fig. 12 montre en outre un détail que j'ai observé deux ou trois fois, et qui parait justifier la supposition que le reste du fuseau sortirait par la face équatoriale du noyau. On y aperçoit, du côté équatorial du groupe de chromosomes et dans l'espace clair qui s'est formé entre ceux-ci et les bouts coupés des filaments fusoriaux, une voûte hyaline, incolore, qui fait l'impression d'une sphère qui serait en train de sortir du groupe de chromosomes. Mais je n'ai pas pu pousser cette observation plus loin. En présence de l'impossibilité qu'il y a à établir par l'observation ce que devient le cône fusorial à partir du moment où il est dérobé à notre regard par les chromosomes qui l'enveloppent en se constituant en noyau- fille, je n'ai que la ressource de prier le lecteur d'admettre avec moi pour un instant que le Nebenkern n'est autre chose que le cône fusorial persistant, et de voir en quels points les caractères de ces deux éléments correspondent. Cette correspondance deviendra, je crois, assez évidente au cours de la description qui va suivre. On trouve toujours le Nebenkern parfaitement développé à côté des noyaux des spermatocytes au repos. Il n'y a pas de cellules au repos qui en soient dépourvues ; et il n'y en a pas non plus qui en montrent à l'état rudimentaire. On ne trouve jamais rien qui fasse penser à un rudiment de Nebenkern ; nous avons évidemment affaire toujours à un corps tout fait. La conclusion, semble-t-il, s'impose déjà; puisque nous avons la certitude, LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 24 1 et je le répète, c'est une certitude, que le Nebenkern ne se forme pas dans le cytoplasme, il faut bien qu'il provienne du noyau (i). Il consiste en un paquet de » bâtonnets « ou courts filaments réfrin- gents, enrobés dans une gangue commune de substance homogène, parfai- tement hyaline et sans forme propre; c'est-à-dire qu'il a la composition d'un fuseau, s'il n'en a pas la forme. Dans les cellules vivantes, examinées dans le liquide périviscéral de l'animal, soit pur soit additionné de violet de gentiane ou de dahlia, la sub- stance hyaline n'est pas visible, fig. 14 à 18. Mais dans les cellules vivantes traitées par du liquide périviscéral additionné de solution vieille (dichroïque) de bleu de méthylène, elle apparaît, car elle y prend une teinte plus violette que le reste de la cellule, fig. 19, 20, 21, 23. On reconnaît qu'elle n'affecte pas de forme particulière; c'est une gangue amorphe. Dans les coupes faites à travers un matériel convenablement fixé et coloré, elle s'observe assez facilement, fig. 1, 24, 25. Les - bâtonnets « ou filaments arqués se voient facilement dans les cel- lules vivantes grâce à leur réfringence, même sans addition d'aucune matière colorante. Ils se teignent légèrement en bleu par l'addition de violet de gentiane, de dahlia ou de bleu de méthylène. Ils mesurent en moyenne de 2 à 3 microns en longueur et de o,5 à 0,73 en largeur; mais ces mesures peu- vent bien être excessives, car la forte réfringence de ces éléments leur donne un double contour, et il semble aussi que la substance hyaline se condense à leur surface, de telle sorte qu'il est très difficile de dire où finit l'un et où commence l'autre. C'est précisément la difficulté que j'ai toujours éprouvée en mesurant les éléments du fuseau, auxquels on se rappellera que j'ai trouvé des dimensions qui correspondent assez bien avec celles-ci, surtout si l'on tient compte du fait que les mesures du fuseau ont été prises sur des matériaux fixés et en conséquence plus ou moins ratatinés. En effet, les bâ- tonnets mesurés sur les coupes ne dépassent pas la plus faible des moyennes que j'ai indiquées; qu'on veuille bien comparer les fig. 14 à 22 avec les FIG. 1, 2, 24 et 25. Les bâtonnets ou filaments arqués sont tantôt droits ou légèrement sinueux, fig. 1, 2, 14, 15, 19, 24, tantôt franchement courbés en croissant, (n Certains auteurs, Prenant entr'autres (La Cellule, t. IV, irfasc, 1S88, p. 137), pensaient que le Nebenkern peut résulter de la condensation de certains granules ou » cytomicro^omes - spéciaux qui se trouvent dans le cytoplasme. Je connais très bien ces granules, et je puis assurer qu'ils ne servent pas à former le Nebenkern, car on les voit en masse à côté Je lui. Je pense plutôt qu'ils peuvent provenir, en partie du moins, de la dégénérescence du Nebenkern. 242 Arthur BOLLES LEE fig. 15, 16, 17, 18, 20, 21 et 22. On trouve aussi toutes les étapes intermé- diaires entre ces deux extrêmes. Il est facile de constater que ces diverses formes ne sont que l'expression de divers états de contraction ou d'extension du cytoplasme. J'ai maintes fois vu tout un groupe d'éléments passer rapi- dement, en quelques secondes, de la forme de bâtonnets droits à celle de filaments arqués, et après quelque temps reprendre la forme droite, et vice versa, ces changements étant accompagnés et apparemment causés par de brusques contractions et dilatations de tout le corps de la cellule. Ils pa- raissent être des mouvements passifs et non pas des mouvements activement exécutés par les filaments eux-mêmes (î). Dans les cellules parfaitement fraîches et vigoureuses, c'est-à-dire pendant la première demi-heure de l'ob- servation, c'est la forme droite qui domine. A mesure que l'observation se prolonge, les formes arquées deviennent plus nombreuses et, après la cin- quième heure, on ne trouve guère que celles-ci dans la préparation. Il paraît naturel de conclure de ces faits que la forme droite indique un état tonique du cytoplasme, la forme arquée un état atonique. Dans les bonnes préparations de cellules vivantes, on constate quelque- fois que les filaments sont légèrement variqueux, fig. 19. Nous avons vu plus haut que cela est aussi un caractère des filaments du fuseau. Les filaments paraissent très souvent être disséminés sans aucun ordre dans toute la masse de la substance hyaline. Mais avec un peu d'attention, on arrive très souvent aussi, on pourrait peut-être même dire le plus souvent, à reconnaître qu'ils affectent une disposition symétrique par rapport à un point de la substance hyaline, qui est approximativement central, ou bien situé sur la membrane nucléaire. Ils rayonnent avec plus ou moins de régu- larité autour de ce point, fig. 1, 2, 14, 15, 18, 22, 24 et 25. Ou bien ils s'écartent de ce point pour se coucher assez irrégulièrement, mais en gar- dant souvent comme un souvenir de la disposition rayonnée, à la surface de la masse de substance hyaline, fig. 19, 20, 21, 24 et 25. En ce cas, on peut remarquer, dans des circonstances favorables, que, autour de ce point central, la substance hyaline parait plus claire, moins colorée, comme amincie; on peut même avoir l'impression qu'il y a là un pore, fig. 24 et 25; il semble qu'on regarde dans un entonnoir. Or, il n'est guère besoin de rappeler au lecteur que les filaments d'un fuseau rayonnent autour de ses pôles et que les régions polaires sont formées d'une substance plus ténue que le reste du fuseau, car on sait que leurs filaments y finissent en pointe li) Ces éléments se comportent donc comme des corps élastiques. LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 243 et qu'elles ont un aspect plus mat que le reste. J'avoue qu'en regardant ces images la conclusion devient pour moi irrésistible qu'un Nebenkern est un cône fusorial défait. Je n'ai jamais vu ici, pas plus qu'au sommet du fuseau, la moindre trace d'un » Centrosome «. Dans les cellules au repos, on seulement au début de la prophase, on peut compter jusqu'à une vingtaine de filaments. Je n'ai jamais remarqué le nombre de 24, qu'il faudrait pour avoir une correspondance exacte avec le chiffre des chromosomes de ces cellules. Mais je ne me suis jamais donné la peine de rechercher si ce chiffre peut être démontré, étant suffisamment convaincu sans cela que les filaments du Nebenkern ne peuvent être autre chose que des filaments fusoriaux. Si Platner n'en a trouvé que six, et si Hermann n'en a pu voir que douze, c'est peut-être que ces auteurs ont trop négligé l'étude de la cellule vivante. En effet, dans les coupes, les fila- ments, fortement colorés, se recouvrent mutuellement en grande partie, et forment des tas dans lesquels il est extrêmement difficile de distinguer les éléments isolés. Mais dans les cellules vivantes, qui n'ont pas eu à souffrir du ratatinement provoqué par les réactifs, ce tassement n'existe pas. Il y a aussi une autre cause d'erreur, qui s'applique aussi bien à l'étude des cellules vivantes qu'à l'étude du matériel fixé. Les filaments ont, en effet, une grande tendance à s'accoler par paires dans le sens de leur longueur, et il est sou- vent impossible de dire si l'on a devant soi un seul élément ou une paire qu'on ne peut pas résoudre optiquement. Ainsi, des huit éléments apparents de la fig. 15, il est assez probable que les quatre droits, qui aboutissent au noyau, sont des paires, ce qui expliquerait leurs dimensions apparemment exagérées. C'est sans doute l'observation de ces paires qui a fait dire à Platner que les six éléments qu'il admettait dans la cellule au repos se di- visaient pour en fournir douze au commencement de la cinèse. Je pense que ce curieux accouplement est une conséquence du fait que tous ces éléments sont enrobés dans une gangue commune de nature visqueuse; et j'y vois une nouvelle preuve de la consistance gélatineuse et non liquide que j'ai été con- duit à attribuer à cette substance. Il va sans dire qu'on ne trouvera le chiffre d'une vingtaine de filaments que dans les cellules jeunes; à mesure que le Nebenkern dégénère, le nombre de filaments visibles diminue, et à la fin on n'en trouve plus du tout, fig. 3, 4 et 23. Ainsi, dans la fig. 14, qui représente une cellule au repos, on en compte 18 ou 19; tandis que dans la fig 15, dont le noyau montre un pe- 244 Arthur BOLLES LEE loton déjà entièrement segmenté, on n'en trouverait que douze en comptant les quatre filaments droits comme des paires. (Dans mes dessins, je n'ai fi- guré que les éléments qui se voyaient avec assez de netteté pour que je pusse tracer leurs contours avec un degré raisonnable d'exactitude.) Dans les préparations de cellules vivantes colorées par le violet de gentiane ou le dahlia, on ne distingue guère que les détails qui ont été mentionnés jusqu'ici. Mais les préparations faites au bleu de méthylène (i) montrent en outre un fait important. La substance hyaline, qui dans toutes les autres préparations paraît parfaitement homogène et ne renfermer que les filaments, montre maintenant un nouvel élément fortement coloré en violet par le rouge de méthylène dégagé par la » maturation * de la solution de bleu de méthylène. Le reste de la cellule étant coloré en bleu verdàtre, ce nouvel élément se détache avec une grande netteté, et les images qu'on obtient sont en même temps très élégantes et très instructives. Cet élément, fig. 19 à 23, consiste en un nombre plus ou moins grand de granules, de gouttelettes ou de globules disséminés sans ordre dans la substance hyaline. Ils ont un aspect mat, à bords lavés; ils ont des formes irrégulièrement sphériques ou allongées en larmes. Ils ont évidemment une tendance à devenir confluents. Je n'ai pas pu établir avec certitude quelle est leur con- sistance, mais ils sont certainement plutôt liquides que solides, et la déno- mination de granules doit être celle qui leur conviendrait le moins. Ils sont parfois en très petit nombre, fig. 21; d'autres fois, ils sont si nombreux que tout le Nebenkern parait comme criblé de vacuoles colorées, fig. 22 et 23. Sans aucun doute, ils peuvent sortir du Nebenkern, car on en trouve souvent dans le cytoplasme (2). Ces gouttelettes sont de bien loin l'élément le plus fortement coloré de la cellule; or le lecteur n'est sans doute pas sans avoir remarqué qu'un des (i) On brise d'un coup de petit marteau le sommet de la coquille d'un escargot vivant. Il sort de la fenêire ainsi formée des gouttes de liquide périviscéral. Ce liquide doit être limpide; s'il est laiteux, ce qui arrive très souvent, il faut rejeter l'individu et en prendre un autre. On recueille ce liquide, en évitant soigneusement d'y mêler des débris de coquille, dans un verre de montre, et l'on y ajoute quelques gouttes de solution vieille (dichroique) de bleu de méthylène à o.r o/o dans une solution de chlorure de sodium à o.5 o/o. Il faut en mettre assez pour avoir un mélange fortement bleu. On déchiqueté avec des aiguilles une ampoule testiculaire dans une goutte de ce mélange, et l'on ajoute un verre à couvrir. La réaction se produit quelquefois au bout de 5 à 10 minutes, mais il est en général nécessaire d'attendre 20 à 3o minutes avant qu'elle ne soit nette. 12) Cette production de gouttelettes de plus en plus nombreuses et de plus en plus confluentes aboutit souvent à la conversion en une vacuole unique de tout l'intérieur du Nebenkern. Et si, en iSS5, Carnoy et Gilson ont décrit comme des vacuoles les Nebenkerne de certaines Ci llules d'arthro- podes, je ne doute pas un instant de l'exactitude essentielle de cette description. LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 245 caractères des produits de la dégénérescence du protoplasme est une affinité excessive pour les matières colorantes. Cela est surtout vrai des colorations dites * vitales-. Je regarde comme établi par mes propres observations, aussi bien que par l'excellent travail de Galeotti (Zeit. f. nnss. Mikroskopie, XI, 2, 1894, p. 172), que toutes les fois que dans une cellule vivante un élé- ment se colore d'une façon vive et persistante, cet élément ne fait plus partie de la trame vivante de la cellule (qu'on veuille bien comparer les explications que j'ai données à ce sujet dans la nouvelle édition du Traité des méthodes techniques de lanatomie microscopique, Lee et Henneguy, Paris, O. Doin, 1896). Et il me semble impossible de ne pas conclure, tant d'après la diffé- rence chimique révélée ici par le bleu de méthylène, que d'après le simple changement morphologique dont il témoigne, que la substance hyaline du Nebenkern est en pleine dégénérescence. L'étude des coupes ne nous offre pas des images semblables à celles des préparations » vitales- au bleu de méthylène; mais elle en a donné d'autres qui témoignent de la façon la plus indiscutable du fait que le Nebenkern est un corps en dégénérescence. Dans les coupes, les gouttelettes relativement grosses révélées par le bleu de méthylène ne sont pas visibles ; mais on y rencontre les aspects les plus variés d'une indiscutable dégénérescence granuleuse. Dans les fig. 24 et 25, qui sont tirées de cellules au repos, les Neben- kerne se présentent avec toute l'intégrité qu'ils peuvent avoir; ils ne montrent pas de granules, et leurs filaments ne sont pas disséminés dans le cyto- plasme, mais forment un groupe compacte. Dans la fig. 1, qui représente également une cellule au repos, il n'y a pas de granules non plus; mais les filaments ont commencé à disparaître. On en voit dans le Nebenkern qui paraissent beaucoup plus petits que les autres et il n'y en a qu'un petit nombre. En revanche, on aperçoit dans le cytoplasme une douzaine de petits éléments filiformes, éparpillés sans ordre, qui ne sauraient guère être autre chose que des filaments du Nebenkern en train de s'y dissoudre et dispa- raître. Dans la fig. 2, on aperçoit les filaments collés ensemble en une masse assez compacte et, autour de cette masse, un large espace clair rempli de lignes rayonnantes formées de granules très petits, expres- sion évidente d une réaction centripète ou centrifuge, n'importe, qui s'est établie entre le Nebenkern d'une part et le cytoplasme de l'autre. Dans la fig. 3, qui représente une cellule en prophase avancée, les filaments se sont apparemment entièrement fondus en une masse amorphe, qui s'est brisée ensuite en une demi-douzaine de gros grumeaux qui sont évidemment 246 Arthur EOLLES LEE en train de se résoudre en parcelles plus petites. Autour de ces grumeaux se voit, comme dans la figure précédente, une figure étoilée composée de lignes de fins granules rayonnant entre le cytoplasme et les restes du Nebenkern. Il est évident qu'ici ce qui reste du Nebenkern touche à sa fin. La cellule de la fig. 4 est à peu près dans le même cas. Le Nebenkern y est réduit à une boule amorphe, très pâle, entourée d'un espace clair montrant quelques faibles indices du rayonnement observé dans les cas précédents. Dans la fig. 5, on ne voit plus qu'une masse sombre de granules, dans laquelle on entrevoit, plutôt qu'on ne voit, les débris de deux ou trois filaments du Ne- benkern. Ici, la figure astrale même a disparu, si toutefois elle a jamais existé. Dans la cellule de la fig. 6, il ne reste plus aucune trace ni du Nebenkern, ni de la figure astrale, ni d'un amas de granules. Le lecteur aura bien compris que dans un processus de destruction comme celui que nous venons d'esquisser il ne faut pas s'attendre à trouver toujours une marche régulière. Il semblerait que le Nebenkern peut se détruire en se fusionnant, comme nous l'avons vu, en une masse amorphe se désagrégeant en granules qui se dispersent dans le cytoplasme; ou bien qu'il peut simplement se disloquer et éparpiller ses filaments dans le cyto- plasme, où ils se dissolvent, chacun pour soi. Le Nebenkern se conserve en général sous la forme d'un corps recon- naissable comme tel jusqu'au stade de la segmentation complète du boyau nucléinien. Il ne se conserve jamais comme corps reconnaissable jusqu'à la formation des asters caryocinétiques; mais il semblerait que ses élé- ments isolés et disséminés dans le cytoplasme peuvent persister jusqu'à ce stade, et même plus longtemps. Dans la cellule de la fig. il, qui est bien près du stade équatorial, on voit dans le cytoplasme une vingtaine d'objets filamenteux qui font tout l'effet d'être des filaments de Nebenkern. Voir aussi la fig. 1. Il est vrai que cette cellule provient d'une coupe colo- rée par le procédé de Benda, à la safranine et au LichtgrLin, procédé qui donne souvent des résultats extrêmement brillants, mais qui est un peu héroïque et demande de la prudence dans l'interprétation des images qu'il fournit. Il serait facile, mais je pense parfaitement superflu (î), de multiplier les figures montrant des Nebenkern dans les divers stades de dégénéres- (i) Ce serait d'autant plus superflu que ce phénomène n'est nullement difficile à observer. Toutes les bonnes coupes en donnent des centaines d'images excellentes. LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 247 cence granuleuse. Ce phénomène a déjà été l'objet de descriptions détaillées de la part de plusieurs auteurs. Ainsi, comme nous l'avons vu dans l'intro- duction, Zimmermann décrit à peu près comme je l'ai fait la dégénérescence du Nebenkern et sa métamorphose en une figure astrale. Jusque là, je suis d'accord avec Zimmermann. Mais quand cet auteur persiste à dire que cet aster se divise en deux et que chacune de ses moitiés se rend à l'un des pôles de la figure cinétique, je ne puis qu'opposer à cette affirmation la négation la plus formelle. Dans toutes les centaines de milliers de cellules que j'ai exa- minées, je n'ai jamais vu le moindre indice d'une division de cette figure astrale. On rencontre en abondance, comme je l'ai dit, au moment de l'achè- vement du fuseau, des asters polaires situés en apparence assez près l'un de l'autre. Mais ces asters ne sont pas en réalité situés aussi près l'un de l'autre qu'ils peuvent le paraître; ils sont toujours situés au-dessus des pôles du fuseau très arqué, et il n'y a pas le moindre motif pour admettre ni qu'ils provien- nent de la figure étoilée formée par la dégénérescence du Nebenkern, ni de la division d'un autre aster préexistant quelconque. Je nie aussi bien la pré- tendue division de la masse granuleuse provenant de la désagrégation du Nebenkern, division qu'admet Zimmermann, que la division en deux groupes de ses » bâtonnets « encore intègres, admise par Platner. De même, Meves (Arch. f. mikroskopische Anatomie, Bd. 44, Heft i, 1894) a décrit avec beaucoup de détails, appuyés par de nombreuses figures, la dégénérescence du Nebenkern des spermatogonies de la salamandre. Les descriptions et dessins de Meves correspondent en grande partie avec les observations relatées ici, et auront contribué à préparer l'esprit du lecteur à les admettre. Il est vrai que Meves appelle » sphère attractive « ce que j'ai préféré appeler Nebenkern, et qu'il est convaincu que ce corps, après s'être résous en granules, se reconstitue en » sphère attractive « pour jouer un rôle important dans la cinèse. Or, cette reconstitution n'a bien certainement pas lieu dans les spermatocytes des Hélix. Mais en tout cas, l'idée d'une métamorphose granuleuse de ce corps n'aura plus rien d'étrange pour personne. Le point sur lequel j'insiste, c'est que, dans les spermatocytes des Hélix, cette métamorphose est totale et définitive, et aboutit à l'incorporation complète des éléments du Nebenkern dans le cytoplasme, par lequel ils sont entièrement absorbés et assimilés. 3i 248 Arthur BOLLES LEE CHAPITRE III. Revue critique. Le cycle caryocinétique des spermatocytes des Hélix peut se résumer comme il suit : la chromatine du noyau prend la forme de chromosomes; son caryoplasme se transforme en fuseau; les chromosomes et le fuseau se divisent; les moitiés des chromosomes sont transportées aux pôles; une partie du fuseau demeure à l'équateur, où elle entre en régression en formant les moignons fusoriaux décrits dans mon travail précédent; une autre partie du fuseau se rend aux pôles avec les chromosomes, et demeure à la région polaire, où elle entre en régression en formant le Nebenkern; tous ces phénomènes de caryodiérèse sont indépendants des phénomènes de plasmodiérèse qui les accompagnent, ou, pour mieux dire, qui les suivent. Dans tous ces changements, le noyau n'emprunte rien au cyto- plasme, il construit par lui-même, de sa propre substance et par sa propre initiative, sa figure cinétique, et du commencement à la fin il garde sa souveraine autonomie. Ce n'est pas ainsi que l'entendent la plupart des auteurs récents. Un nombre considérable de savants, et ce sont des observateurs à juste titre des plus réputés, admettent un cycle qui se formule plutôt ainsi : la chromatine du noyau prend la forme de chromosomes, mais c'est là la seule action que le noyau exécute de son chef; un petit corpuscule du cytoplasme, dit cen- trosome, vient à son aide, se divise en deux, et, par un mystérieux processus d'accroissement d'un pont de substance qui relie ses deux moitiés, donne naissance à un fuseau au moins mille fois plus grand que lui : ce fuseau pénètre par effraction dans le noyau ; les deux moitiés du centrosome, devenues maintenant des corpuscules polaires, émettent des rayons, qui sont, cette fois, seulement environ cent fois plus volumineux qu'eux; ces rayons, semblables aux fils pécheurs d'un siphonophore, s'attachent aux chromosomes et les attirent aux pôles; et pendant tout ce temps, le noyau, comme il sied à un corps qui ne consiste qu'en du Kernsaft et une membrane, ne fait rien, mais laisse tout faire pour lui; après quoi, les rayons pécheurs se contractent autour du corpuscule polaire, redevenu cen- trosome, pour former avec lui une » sphère attractive, « qui demeurera dans le cytoplasme jusqu'au moment où celle-ci sera appelée à jouer un rôle sem- blable dans la division suivante. LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 249 Jusqu'à quel point les faits que j'ai observés peuvent-ils se concilier avec ce schéma? Je n'ai observé sur les fuseaux des spermatocytes des Hélix aucun corpuscule polaire, et je n'ai observé dans leur cytoplasme aucun centro- some. J'y ai bien vu des corpuscules ayant quelques-uns des caractères attribués aux centrosomes par les auteurs. J'en ai dessiné deux dans les fig. 26 et 27. Ce sont des corpuscules approximativement sphériques, de 0,5 à 0,75 de micron de diamètre, qui paraissent sortir du noyau en soule- vant la membrane, ou une lamelle de la membrane, en une petite papille. Ils sont en général peu chromatiques, et en conséquence n'apparaissent que rarement. Cependant, j'ai eu une série de coupes dans laquelle ils étaient colorés d'une façon intense par le violet de gentiane. Ils ne restent pas toujours collés à la membrane, mais peuvent souvent être observés, au nombre de deux ou de trois, dans des régions quelconques du cytoplasme. Je ne les ai jamais vus en état de division ; il ne se produit aucune différen- ciation du cytoplasme autour d'eux; il semble qu'ils y sont simplement ré- sorbés. Il n'y a rien qui fasse supposer pour un instant qu'ils y jouent le rôle qui est attribué aux centrosomes par les auteurs. Je pense que ce sont des globules de chromatine, et que leur expulsion du noyau est en rapport avec la nutrition du cytoplasme. Je n'admets donc pas l'existence de » centrosomes « dans ces cellules. S'il n'y a pas de » centrosome, « il ne peut pas y avoir non plus de fu- seau cytoplasmique formé par la division de ce corps et l'accroissement du pont de substance unissant ses deux moitiés. » Mais, « me dira peut-être quelque lecteur, » dans les FiG.9et 10 vous avez dessiné une disposition qui, si elle ne représente pas le fuseau cytoplasmique des auteurs, du moins lui ressemble. On y voit les deux asters réunis par des rayons dont l'ensemble délimite certainement un espace fusiforme, lequel est même situé dans une dépression du noyau ! Ne serait-ce point là un de ces fuseaux, mal observé, mais observé au moment où il pénètre dans le noyau qu'il a déjà défoncé? « Nullement! Il est certain qu'entre ces asters il n'y a aucun fuseau, mais seulement un espace fusiforme accidentellement délimité par la ren- contre des rayons des asters sous l'angle voulu. Il n'y a point là erreur de ma part, et ce qui le prouvera à toute évidence, c'est que, dans l'une de ces cellules, celle de la fig. 10, on voit nettement que le fuseau n'est pas dans le cytoplasme, mais bien dans le noyau. Il ne serait pas même/exact de dire que l'espace fusiforme qui se remarque entre les asters est situé dans 250 Arthur BOLLES LEE une dépression du noyau; il est situé dans un angle rentrant formé par la forte courbure du noyau, qui est dans les deux cas fortement arqué. Ne serait-il pas possible que quelques-uns des prétendus fuseaux cytoplas- miques des auteurs fussent des illusions dues à une interprétation erronée, semblable à celle dont je me défends ici? Mais s'il n'y a pas de fuseaux cytoplasmiques dans les spermatocytesdes Hélix, il ne s'en suit nullement qu'il n'y en ait ailleurs. Nous savons par les travaux de Carnoy (i) qu'il existe deux sortes de fuseaux, qu'on pourrait appeler, faute de mieux, fuseaux pleins et fuseaux creux. Les fuseaux pleins sont ceux qui portent des chromosomes répandus sur toute l'étendue de leur section équatoriale, les fuseaux creux sont ceux qui portent des chromo- somes exclusivement à leur surface rangés en un cercle régulier. Il semble- rait que l'histoire de la genèse des fuseaux des spermatocytes des Hélix soit de nature à nous permettre d'envisager cette distinction intéressante au point de vue suivant. La genèse décrite plus haut est un processus de dif- férenciation graduelle du caryoplasme. On conçoit aisément que cette diffé- renciation puisse ne pas avoir lieu au même degré dans toutes les sortes de cellules. Dans les unes, le caryoplasme se différencie à travers toute son étendue en des filaments porteurs de chromosomes, comme c'est le cas pour les spermatocytes des Hélix. Ce processus nous donne des fuseaux pleins et des couronnes équatoriales pleines. Dans d'autres cellules, la dif- férenciation en filaments porteurs de chromosomes n'intéresserait que la surface du noyau, et il resterait une portion centrale composée soit de ca- ryoplasme non différencié, soit de caryoplasme différencié en filaments, mais en filaments qui ne portent pas de chromosomes. Ce processus nous donne- rait des fuseaux creux et des couronnes équatoriales creuses. — Voir les fio-ures de ces deux sortes de couronnes dans le travail précité de Carnoy. — Devons-nous, à cette explication si simple et si naturelle, préférer la marche tortueuse et compliquée, décrite par les partisans de la théorie des fuseaux cytoplasmiques ? Hermann, qui est le principal fondateur de la doctrine en question (2), appelle » fuseau central (Centralspindel) « la portion axiale des fuseaux creux qui ne porte pas de chromosomes, et » manteau fusorial « (Spindel- mantel) la portion corticale qui en porte. Comme nous l'avons dit, il admet (i) J. B. Carnoy : La Cytodiêrese che; les Arthropodes; La Cellule, t. I, iSS5, p. 327. (2) Hermann : Bcitrag zur Lchre von dtr Entstehung der karyokinetischen Spindel; Arch. f. mikroskopische Anatomie, Bd. XXXVII, 1891, H. 4, p 56g. LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 25 1 que le » fuseau central « se forme dans le cytoplasme, et de là pénètre tout fait dans le noyau. Il est à peine nécessaire de faire observer que cette as- sertion ne saurait être vraie ni pour les spermatocytes des Hélix, ni pour aucune autre cellule à couronnes équatoriales pleines; comme les fuseaux de ces cellules n'ont pas de fuseau central, il est évident qu'aucun fuseau central n'a pu leur arriver du cytoplasme. Au point de vue de Hermann, les fuseaux pleins doivent nécessairement consister entièrement en n man- teau, « et il ne resterait plus qu'à rechercher si, comme il le croit, ce man- teau a été uniquement formé par des rayons émanant des » centrosomes « qui sont le complément obligé de cette théorie. Or, ayant établi qu'il n'y a dans les spermatocytes des Hélix ni » centrosomes « ni corpuscules po- laires, j'estime que l'application de la théorie de Hermann à ces cellules doit être définitivement écartée. Il ne resterait donc plus qu'à prémunir le lecteur contre certaines images illusoires, qui peuvent paraître plaider en faveur de la doctrine de l'émanation des rayons du fuseau des prétendus corpuscules polaires. Si nous prenions la cellule de la fig. 10 et lui faisions subir un mou- vement de rotation d'environ 90 degrés autour de l'axe qui relie les centres des deux asters, de sorte que la surface convexe du noyau vint se pré- senter au-dessus de cet axe, nous aurions une image analogue à celle de la fig. IObis. Cette figure représente la cellule-sœur de la fig. 10. Le noyau, très arqué, est vu par sa face convexe. On ne voit qu'un aster et un sommet du fuseau, presque achevé, qui est contenu dans le noyau. L'autre aster et l'autre sommet du fuseau sont cachés sous le noyau, probablement au ni- veau du groupe de chromosomes (je n'ai pas pu les voir). Le noyau est encore revêtu de sa membrane aux endroits où je l'ai dessinée. Cette membrane se voit nettement sur tout le sommet du fuseau jusqu'à la hauteur des chromosomes et sur toute la surface bombée qui est au-delà des chromosomes. Mais elle parait manquer sur une bande équatoriale de la largeur environ du groupe de chromosomes; en cet endroit on aperçoit qu'une bande de cytoplasme commence à envahir le noyau. Or, si la membrane nucléaire ne s'était pas conservée jusqu'à ce stade, le fuseau paraîtrait moins nettement délimité des rayons de l'aster qu'il ne l'est à présent; il pourrait sembler être un secteur de ces rayons, émanant du centre de cet aster et s'attachant à un côté seulement des chromosomes, et se présenterait sous un aspect conforme aux descriptions de Van Beneden, de Hermann et d'autres auteurs. Toute la figure parais- 252 Arthur BOLLES LEE sant plongée dans le cytoplasme, il serait peut-être difficile d'établir que le fuseau jusqu'aux chromosomes n'appartient pas au système astral, mais au noyau. Une pareille difficulté surgit toutes les fois qu'on examine une cellule qui a été coupée suivant un plan qui ne comprend qu'un seul des asters et une portion des chromosomes, et l'illusion est encore plus forte s'il s'agit d'une cellule dans laquelle la membrane nucléaire a disparu. Ces réflexions ne pourraient et ne devraient-elles pas s'appliquer à l'in- terprétation des figures de Hermann (7. c.)? Nous savons par Hermann que, dans les spermatocytes de la salamandre, la membrane nucléaire dis- paraît de très bonne heure. Du moment qu'elle n'existe plus, il doit y avoir quelque difficulté à dire ce qui, dans ces cellules, appartient au cyto- plasme et ce qui appartient au noyau énorme, en quelque sorte débordant dans le cytoplasme. En conséquence, de ce que, dans de semblables conditions, nous voyions un élément s'élaborer dans une région de la cellule qui par sa position paraîtrait appartenir au cytoplasme, nous ne devons pas nécessaire- ment conclure, semble-t-il, que cet élément soit par sa substance de nature cytoplasmique. Ne se pourrait-il pas qu'en cette région de la cellule il se trouve de la substance nucléaire? En ce cas, la portion de fuseau qui en dériverait serait formée par le noyau; car, comme il a été dit plus haut, là où il y a substance nucléaire, il y a noyau. J'offre ces réflexions à titre de principe général d'exégèse de ces sortes d'images et sans songer à les appliquer en détail à l'interprétation des figures de Hermann. Pour faire fructueusement une semblable interpréta- tion détaillée, il serait nécessaire de s'adresser à des cellules de la même espèce exactement que celles qui ont fait l'objet de la description de Her- mann, c'est-à-dire à des spermatocytes de salamandre. Car il paraît que dans des cellules même très voisines de celles-là, représentant la génération intermédiaire entre les spermatogonies et les spermatocytes, les choses ne se passeraient déjà plus comme dans l'objet de Hermann. D'après Druener C» Siudien ïiber den Mechanismus der Zelltheilung;* Jenaische Zeitschrift, Bd. XXIX, Hft. 2, 1894, p. 291 et 292), il n'y a pas la moindre trace d'un fuseau cytoplasmique dans cette génération intermédiaire de cellules. Je considère donc comme établi que la théorie des centrosomes et des fuseaux cytoplasmiques est loin d'être applicable à toutes les sortes de cel- lules. Dans les spermatocytes des Hélix, il n'y a ni centrosomes ni fuseaux LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 253 cytoplasmiques ; y aurait-il des - sphères attractives « ou quelque chose qui leur corresponde? Nous avons rencontré non moins de trois éléments qui pourraient à première vue prétendre au titre de sphères attractives. Ce sont le Neben- kern, les restes de la portion équatoriale du dernier fuseau et les entonnoirs polaires. Pour le Nebenkern, il a été prouvé qu'il ne saurait être une sphère attractive de Van Beneden, parce qu'il se détruit entièrement sans intervenir en quoi que ce soit dans la nouvelle cinèse. Quant aux restes de la portion équatoriale du dernier fuseau, il a été prouvé dans mon dernier travail (La régression du fuseau caryocinétique; La Cellule, t. XI, ir fasc, 1895) qu'ils ne sauraient non plus être des sphères attractives, parce qu'ils se transforment en des corps compactes unissant les cellules-filles et persistant sans changement à travers plus d'une génération cellulaire, de sorte qu'il est impossible qu'ils puissent intervenir en quoi que ce soit dans la nouvelle cinèse. Restent les entonnoirs polaires. Ceux-ci certainement jouent un rôle dans la cinèse, et par cela seul ont certainement plus de titre que les Neben- kerne et les restes de la portion équatoriale de fuseaux antérieurs. Voici en quels ternres Van Beneden et Neyt (Nouvelles Recherches , p. :>i) décrivent la sphère attractive de l'œuf de l'Ascaris. « C'est une figure radiaire bien circonscrite et à contour circulaire; dans les limites de cette région, circulaire en coupe optique, sphéroïdale en réalité, on distingue des fibrilles très apparentes, dirigées radiairement ; ces fibrilles aboutissent à la surface des sphères et y présentent d'habitude des renflements. Au centre de la sphère siège le corpuscule polaire, ou centrosome des auteurs, qui est formé par un amas de granulations. Immédiatement autour des centrosomes, on distingue dans la sphère une zone circulaire plus claire, dans les limites de laquelle les radiations sont peu marquées et peu nombreuses. Elle est délimitée par un cercle de granulations assez volumineuses. Des fibrilles réunissent ces granulations aux corpuscules centraux. » Van BENEDEN.et Neyt donnent à ces zones centrales des sphères le nom de » zones médullaires *, en réservant le nom de » zones corticales « à leur couche périphérique (/. c, p. 52). On voit bien qu'une partie de cette description s'applique fort bien aux objets que j'ai appelés entonnoirs polaires; c'est celle qui définit les zones médullaires. En effet, nous pouvons dire d'un entonnoir polaire que c'est une figure radiaire bien circonscrite et à contour circulaire en coupe 254 Arthur BOLLES LEE optique; que c'est un corps clair; que ses radiations sont peu nom- breuses et peu marquées; qu'il est délimité, en coupe optique, par un cercle de granulations assez volumineuses; et que des fibrilles réunissent ces granulations au centre de la figure. Les différences qu'il faut noter entre les deux objets sont les suivantes. Je n'admets pas de corpuscule central. Il y a bien dans les entonnoirs polaires une tache centrale, mais je la considère comme étant surtout un phénomène optique; cependant, je ne regarde pas ce désaccord comme fondamental. Secondement, je ne vois rien dans mes préparations qui ressemble à une zone corticale. Mais cela non plus ne parait pas devoir invalider la supposition d'une ho- mologie essentielle; il se pourrait bien que la zone corticale fut une partie accessoire et non essentielle de la sphère. C'est du reste là, si je ne me trompe, l'opinion de plus d'un des partisans de la théorie des centrosomes, par exemple, de Boveri. Enfin, j'ai attribué à mes objets une figure conique ou piriforme et non une figure sphérique. Cette différence peut paraître plus essentielle, mais je pense qu'elle ne l'est pas en réalité. Car si, comme je le fais, nous considérons les entonnoirs polaires comme résultant d'une émission de substance nucléaire, nous ne devons pas faire de difficulté à admettre que cette émission peut très bien avoir lieu sous la forme d'une sphère et que cette sphère viendrait ensuite s'aplatir contre la membrane cellulaire tout en restant attachée au noyau par une tige, ce qui donnerait naissance à la figure piriforme. Ou, en d'autres termes, on peut admettre que si les entonnoirs polaires n'avaient pas d'insertion sur la membrane cellu- laire, ils prendraient probablement la forme d'une sphère. Je suis donc, pour ce qui me concerne, et au point de vue morphologique, tout disposé à ad- mettre l'homologie, si non l'identité, des entonnoirs polaires avec les jolies médullaires des sphères attractives de Van Beneden. Au point de vue de la fonction, je ne puis attribuer aux entonnoirs po- laires le rôle un peu mystérieux d'initiateurs de la cinèse, qu'on attribue aux sphères attractives. Je pense que ce sont des organes temporaires du noyau, servant à le fixer vers le centre de la cellule pendant les mouvements violents de la cinèse, comme les chalazes d'un œuf servent à amarrer le jaune au centre de l'albumen. Je pense que ce sont bien à ce point de vue les équivalents des cônes antipodes de Van Beneden. En résumé donc, il paraît que ni les restes de la portion équatoriale d'un fuseau antérieur contenus dans les spermatocytes des Hélix, ni leurs Neben- kerne, ne peuvent prétendre au titre d'homologues de la sphère attractive LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 255 de Van Beneden, mais que les entonnoirs polaires qu'on y observe le pour- raient dans une certaine mesure. Et comme il est évident, d'après les travaux de Hermann, de Flemming (/. c. dans l'introduction), de Meves et d'autres, que l'élément étudié par les auteurs sous le nom de » sphère « dans les cel- lules reproductrices des amphibiens urodèles est identique au Nebenkern des pulmonés, il en résulte que ces auteurs ont fait fausse route et que le véritable homologue de la sphère de Van Beneden dans les cellules des am- phibiens reste encore à découvrir. Cette conclusion me rappelle qu'il y a un point sur lequel je n'ai pas assez insisté. Les entonnoirs polaires que j'ai décrits sont un objet microgra- phique de la plus grande difficulté. Il faut non seulement un outillage micros- copique irréprochable, mais aussi une fort bonne vue, je ne dis pas pour les étudier, mais rien que pour arriver à les apercevoir. Si donc ils existent dans les cellules des amphibiens, il ne serait nullement étonnant qu'on ne les ait pas vus jusqu'ici. Je crois les avoir aperçus chez l'Axolotl, mais avec tout l'indécis et tout le vague d'un rêve. Le lecteur se rappellera sans doute que plusieurs auteurs des plus com- pétents, tels que Flemming, Carnoy, Boveri, font dériver le fuseau, en tout ou en partie, de la substance nucléaire. Ils admettent qu'il est constitué par un réagencement des trabéculesdu » Kerageriist* ou du réticulum caryoplas- mique. Il ne serait donc pas une néogénèse, mais simplement un élément préexistant arrangé dans une nouvelle forme. Ce que l'on observe dans les spermatocytes des Hélix n'est pas tout à fait la même chose. Il semble fort difficile, sinon impossible, que les filaments puissants et réfringents de leurs fuseaux puissent résulter du simple agencement dans une nouvelle disposi- tion des trabécules pâles, mates et tortillées de leur caryoplasme, trabécules qui n'ont pas plus du cinquième ou du dixième de l'épaisseur d'un filament de fuseau. Il semble au contraire que le fuseau y est une formation toute nouvelle, que le caryoplasme se défait entièrement et se change en une substance spéciale, en une » substance fusoriale «. Au stade de la couronne équatoriale, il ne reste absolument rien des éléments figurés de l'ancien noyau, excepté les chromosomes. Il en résulte qu'il n'y a pas tant division d'un noyau tel quel qu'une ^caryolyse « (Auerbach), suivie de l'édification de deux noyaux-filles par l'activité des chromosomes qui, suivant l'expression pittoresque de Carnoy (i), » se bâtissent à chaque cinèse une nouvelle de- meure « sur un nouveau territoire du cytoplasme. (i) J. B. Carnoy : Biologie Cellulaire, 1884, p. 25 1. 32 256 Arthur BOLLES LEE CONCLUSIONS. Pour les spermatocytes des Hélix : Il a été démontré dans mon travail précédent (La Cellule, t. XI, ir fasc, 1895) qu'à la fin de la cinèse la portion équatoriale du fuseau subit une dé- générescence pâteuse, granuleuse qui la convertit en un pont intercellulaire unissant les deux cellules-filles. De même, il a été démontré ici que la portion polaire du fuseau subit une dégénérescence semblable qui la transforme dans le corps décrit par certains auteurs sous le nom de Nebenkern, par d'autres sous le nom de y sphère attractive «. Ce corps ne persiste pas, mais dégénère totalement et disparait dans le cytoplasme pendant les prophases de la nouvelle cinèse, dans laquelle il ne joue aucun rôle. Ainsi, la totalité du fuseau subit une régression qui fait que ses élé- ments sont tôt ou tard incorporés au cytoplasme, sans avoir joué aucun rôle dans l'édification du nouveau fuseau. Le fuseau est formé entièrement par et dans le noyau, à la suite de la transformation du caryoplasme en une substance spéciale, substance fuso- riale; cela se fait sans l'intervention d'aucun élément cytoplasmique. Il ne possède aucun corpuscule polaire, et ne provient d'aucun centrosome. C'est à tort qu'on a attribué soit au Nebenkern, soit aux restes de la portion équatoriale du fuseau, la qualité de » sphères attractives « de Van Beneden. Ils n'en ont ni les caractères morphologiques ni les fonctions. Pendant les prophases de la division, il apparaît au voisinage du noyau deux corps clairs qui en constituent les pôles et qui présentent quelques- uns des caractères des sphères de Van Beneden ; ils peuvent en être les homologues.. Mais ces corps paraissent être formés par le noyau et en être des dépendances. Ils ne forment pas les asters; les asters se forment autour d'eux. Leur rôle paraît se borner à la fixation des pôles du fuseau. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE. Toutes les figures ont été faites au grossissement de i5oo. Toutes les figures se rapportent aux spermatocytes de Hélix pomatia, excepté celles qui sont expres- sément attribuées à H . nemoralis. Le mode de préparation a été indiqué pour chaque objet. Le mode opératoire pour l'étude des cellules vivantes a été décrit dans la note, p. 244. Pour les coupes, il est utile d'observer les points suivants. Il faut effectuer une très forte fixation; un séjour de 24 heures dans le mélange fort de Flemming ou de Hermann n'est pas exagéré. Le sublimé peut servir, mais il donne des images plus « floues ». Il est dit dans mon dernier travail, p. 3i, que les meilleurs colorants pour le Nebenkern sont l'héma- toxylir.e à l'alun de fer de M. Heidenhain, le procédé à la safranine suivi de Lichtgrùn de Benda, et le procédé de l'acide osmique suivi de pyrogallol de Lee ou de Hermann (voyez de nouveaux détails sur ce procédé dans la nouvelle édition du Traité des méthodes techniques de Tanatomie microscopique de Lee et Henneguy, 1896, p. 174). Cette indication n'est pas parfaitement exacte; ces trois méthodes sont effectivement celles qui donnent les colorations les plus énergiques du Nebenkern, mais non pas les colorations les plus délicates. La meilleure méthode que j'ai trouvée pour l'étude tant du Nebenkern que des autres éléments, dont il est question dans ce mémoire, consiste dans le procédé du Kernschwarz suivi de safranine que j'ai indiqué dans mon dernier travail, p. 4g. J'ai donné de nouveaux détails sur ce procédé dans le Traité précité, p. 11 1. LEGENDE : Nk, Nebenkern; m.f, moignon de la portion équatoriale du der- nier fuseau ; ff, filaments fusoriaux en formation; e.p, entonnoirs polaires; a.pn, aréole périnucléolaire ; e.c, espace clair, prodrome du fuseau; g.p., globule problématique. FIG. 1. H. nemoralis, cellule au repos. Nebenkern montrant de 7 à 10 bâ- tonnets ou filaments, d'autres disséminés dans le cytoplasme (comparez fig. 11); a.pn, aréole périnucléolaire. Mélange de Hermann, safranine et Lichtgrùn de Benda. FIG. 2. Début du pelotonnement. Dans le noyau, on commence à apercevoir des tronçons de boyau nucléinien, et l'on voit à côté des aréoles périnucléolaires, a.pn, un espace clair, e.c, premier prodrome du fuseau. Nebenkern sous la forme d'un paquet de bâtonnets étroitement collés les uns contre les autres et rayonnant vers un point situé sur la membrane nucléaire. Autour de ce paquet, un espace clair 258 Arthur BOLLES LEE radiaire. Les nucléoles sont plus petits que dans la figure précédente. Mélange de Hermann, Kernschwarz, safranine. FIG. 3. Pelotonnement et segmentation avancés. Il n'y a plus de nucléoles. L'espace clair a envahi les trois quarts du noyau. Nebenkern fortement dégradé, consistant en une demi-douzaine de gros grumeaux entourés d'un espace radiaire (il paraît être relié au noyau par un trajet de substance claire, fait qui s'observe fréquemment). Dans l'espace clair du noyau, un seul point, f.f, qui peut être un filament fusorial naissant. En haut, un seul entonnoir polaire (voir le texte). Mé- lange fort de Flemming, Kernschwarz, bleu Victoria. FIG. 4. Même stade pour le pelotonnement, mais l'espace clair a envahi presque tout le noyau. Nebenkern très dégénéré, semblable à un sac pâle à parois très fortes (« Sphaerenhùlle » des auteurs). Autour de lui, une vacuole. De chaque côté du noyau, un entonnoir polaire. Même glande que la précédente. Coloration par le procédé à l'orange de Flemming, modification de Reinke. FIG. 5. H . nemoralis. Même stade environ pour le pelotonnement, mais l'espace clair a envahi tout le noyau. Du Nebenkern, il ne reste plus que quelques débris à peine inconnaissables. Deux entonnoirs polaires. Mélange de Hermann, coloration à l'orange de Flemming. FIG. 6. H. nemoralis. Stade un peu moins avancé que la figure précédente : il reste encore une bonne partie de l'ancien réticulum caryoplasmique non transformée en substance hyaline. Dans la substance hyaline, trois ébauches de filaments fuso- riaux. Deux entonnoirs polaires. Il n'y a plus trace de Nebenkern. Même préparation que pour la figure précédente. FIG. 7. Noyau plus avancé que dans les figures précédentes ; les chromosomes sont presque achevés. On y voit, en coupe optique, de nombreuses ébauches de filaments fusoriaux qui sont assez fortement colorés. Même préparation que pour la fig. 4. FIG. 8. Cône antipode, vu par la base. Mise au point sur la membrane cel- lulaire, quelques rayons d'aster autour. Pour comparer les dimensions des coupes optiques de ses filaments avec ceux de la figure précédente. Mélange fort de Flemming, Kernschwarz. FIG. 9. Phase précédant la phase équatoriale. Chromosomes achevés (leur vé- ritable forme n'est pas reconnaissable). Noyau très fortement arqué en croissant, étiré en deux cornes. Autour de celles-ci, deux asters très fournis; e.p, entonnoirs polaires ou cônes antipodes, celui de gauche paraît plus foncé que celui de droite, parce qu'il est vu à travers l'aster, qui est foncé. Autour de ce cône, on aperçoit une bonne portion de deux cônes microsomaux extérieurs, appartenant au cytoplasme; voir le texte. Point de centrosomes ; voir le texte. Entre les centres des asters, un espace biconique ou fusiforme qui peut simuler un fuseau cytoplasmique, mais qui ne l'est pas; voir aussi le texte. Même préparation que pour la fig. 2. FIG. 10. Même phase que la précédente. Dans le noyau, on aperçoit des filaments fusoriaux. La membrane est certainement intacte sur la majeure partie de son pourtour. A gauche, un entonnoir polaire ou cône antipode de Van Beneden. LE NEBENKERN ET LA FORMATION DU FUSEAU 259 Au sommet de ce cône, un petit cercle clair qui peut être un pore par lequel le cône serait en communication ouverte avec l'intérieur du noyau. Au centre de l'aster de droite, un amas vague qui n'est pas un centrosome, mais une apparence résul- tant de la superposition optique du centre dense de l'aster et du sommet du cône ; celui-ci n'est pas visible, étant situé au-dessous de l'aster. Entre les deux asters, un espace rayé simulant un fuseau cytoplasmique, comme dans la figure précédente. Au pôle gauche, le c3'toplasme est déprimé autour du cône, laissant celui-ci nette- ment visible sur un fond libre de tout élément réticulé ou astral. Même coupe que dans la figure précédente. FIG. 10 bis. Cellule sœur de celle de la figure précédente. Même phase, mais le noyau, au lieu de se présenter en profil, est vu par sa face convexe. Le fuseau est presque, si non entièrement, achevé. On n'en voit que la moitié de gauche, le pôle de droite est caché sous la courbure du noyau. Membrane nucléaire intacte, excepté sur une bande équatoriale de la largeur du groupe de chromosomes. Un cône antipode vaguement apparent au-delà de l'aster de gauche. Point de centro- some. FIG. 11. H. nemoralis. Même phase environ. Le noyau, fortement arqué, est vu par sa face convexe. Il s'est en partie différencié en filaments fusoriaux qui se sont agencés en un fuseau arqué. Cependant, en haut et en bas à droite, on voit des régions où la substance hyaline n'a pas encore subi la différenciation en fila- ments fusoriaux. La membrane nucléaire est intacte sur les trois quarts de son pourtour, mais en bas à gauche elle n'est pas visible et paraît être débordée par le cytoplasme. Une partie des chromosomes est en place sur le fuseau, d'autres ne le sont pas. On voit les deux asters, mais les entonnoirs polaires ou cônes antipodes ne sont pas visibles. Dans le cytoplasme, on voit des filaments, f,f,f, qui ont tout l'air d'être des filaments persistants de Nebenkern (comparez fig. 1). Même préparation que pour la fig. 1. FIG. 12. Cellule-fille, noyau en reconstitution, f.e, portion équatoriale du fuseau se séparant pour former un pont fusorial intercellulaire (la cellule étant coupée obli- quement, l'équateur du fuseau n'est pas dans la coupe). Portion polaire du fuseau englouti dans le groupe de chromosomes. Entonnoir polaire persistant. Dans l'espace clair autour des chromosomes, on aperçoit une voûte pâle, ? ; voir le texte. Mélange fort de Flemming, Kernschwarz, safranine. FIG. 13. Noyau- fille en reconstruction, pour montrer la forme de la papille fusoriale. Les chromosomes soudés en une masse pâteuse, mais cela ne doit pas être regardé comme un phénomène normal. Fixation dans un mélange d'acide chro- mique, d'aldéhyde formique (formol) et d'acide acétique. Kernschwarz, safranine. FIG. 14. Cellule vivante, au repos. Forme sinueuse des filaments du Neben- kern. Disposition radiaire. FIG. 15. Cellule vivante, prophase avancée. Peu de filaments de Nebenkern visibles. Filaments gonflés, ou collés par paires ou par groupes de plus de deux. FIG. 16. Cellule vivante, repos. Nebenkern constitué par un groupe de filaments arqués en croissant. Voir le texte. 33 260 Arthur BOLLES LEE FIG. 17. Autre étude d'un Nebenkern pareil, mise au point plus élevée. FIG. 18. Autre étude d'un Nebenkern pareil. FIG. 19. Cellule vivante, dans le bleu de méthylène; repos. Dans la substance hyaline du Nebenkern, de nombreuses vacuoles, vivement colorées en violet rose, le cytoplasme étant teinté en bleu verdâtre. FIG. 20. Cellule semblable, même traitement. Vacuoles plus nombreuses, con- fluentes. FIG. 21. Cellule semblable, même traitement. Les filaments, étant couchés à la surface de la substance hyaline, qui paraît du reste être plus dense ici qu'à l'in- térieur, donnent au Nebenkern l'aspect d'une cloche (image de la « Sphaerenhùlle » des auteurs). Vacuoles grosses, peu nombreuses. FIG. 22. Cellule semblable, même traitement. Le Nebenkern est vu en pro- jection optique au-dessus du noyau, qui se voit au-dessous. Forme rayonnée du Ne- benkern, il n'a pas de contour propre. L'espace clair, m. f., est la vacuole d'un moignon de fuseau antérieur, portion équatoriale, ces restes demeurant absolument incolores à la coloration « vitale » par le bleu de méthylène. FIG. 23. Cellule semblable, même traitement. Le Nebenkern n'est plus qu'un groupe de vacuoles dans la substance hyaline; aucun filament n'est visible. FIG. 24. Nebenkern d'une cellule au repos, coupe; même préparation que pour la fig. 2. Forme de cloche, centre ou sommet clair. FIG. 25- Autre Nebenkern de la même coupe, mêmes caractères. FIG. 26. Cellule montrant un globule chromatique, g p., qui paraît avoir été expulsé du noyau. Voir le texte p. 249. Mélange fort de Flemmixg, gentiane de Bizzozero. FIG. 27. Portion de noyau de la cellule-sœur de celle de la figure précédente, avec globule chromatique pareil. Dans le beau livre de Henneguy, Leçons sur la Cellule, Paris, G. Carré, qui nous arrive pendant la correction de ces pages, se trouvent, p. 376, des figures de spermatocytes de Hélix qui viennent à l'appui des nôtres. Comme nous, Henneguy y a trouvé une vingtaine de filaments de Nebenkern, et pas plus que nous il n'a pu y voir de centrosome. Nous constatons avec plaisir qu'au sujet de la régression de la portion équatoriale du fuseau, Henneguy a observé des faits tout à fait sem- blables à ceux que nous avons décrits dans notre travail de iSg5 : La Régression du Fuseau caryocinétique. A . Halles Lee ad naC dehn . ON INTER-CELLULAR BRIDGES IN COLUMNAR EPITHEUUM BY E. W. CARLIER, M. D. Lecturer on Expérimental Physiology and Histology IN THE UnIVERSITY OF EdINBURGH. (Rcad before the Scottish Microscopical Society, 17 January 1896). 34 ON INTER-CELLUUR BRIDGES IN COLUMNAR EPITHELIUM That the cells of some cellular tissues are united together by bridges of protoplasm has long been held as a recognized fact. This led Heitz- mann(i) in 1883 to consider the tissues as constituting so many cell colonies, the individuals of which are ail dépendent, to a greater or less extent, the one upon the other. The cell bridges were first noticed in stratified squamous epithelium and for a long time that tissue was supposed to remain unique in this par- ticular. The continuity of the spongioplasm of one cell with that ofanother through the bridges has been reinvestigated as recently as 1892 by E. Kromayer(2), who used a spécial method for its démonstration; and more recently still, the bridges hâve been demonstrated in the outer root sheath of the hair follicle, which is derived from the Malpighian layer of the skin, by A. v. Brunn (3). In 1888 Kultschitzky(4) described similar bridges as uniting the fibres of nonstriped muscle; he was the first to definitely distinguish them in this tissue, though the discovery had been foreshadowed by Leydig (5) and by (1) Heitzmann : Mikroskopische Morpliologie des Thierkôrpers ; Wien, i883. (z) E. Kromayer : T>ie Protoplasmafaserung der Epithel\elle ; Arch. f. mikr. Anatomie, 1892, Bd. 39, p. 141. (3) A. v. Brunn : Zur Kenntniss der Haanvurçelscheiden ;] Arch. f.fmikr. Anat., 1894, Bd. 44, p. 207. (4) Kultscbitzky : Biologisches, Centralbl , 188S, Bd. VII, p. 572. (5) Leydig : Zelle und Gewebe; p. 127. 264 E- w- CARLIER Busachi (i) in hypertrophiée! muscle fibres. In 1889 Heymans(2) described similar bridges in the muscles of the leech; and they hâve again in the case of mammals been more recently described by Barfurth (3) and by Carl Klecki (4), in 1891; by C. de Bruyne (5), in 1892; and by Guido Werner (6) and by Boheman (7), in 1894. Similar bridges hâve been described as uniting the endothelial cells in the serous membranes and blood vessels, by A. Kolossow (8) in 1893 and by G. Muscatello (9) in 1895. Paladino (10) described bridges Connecting the cclls in the Graafian follicles. With regard to columnar epithelium A. Nicolas (1 1), in a study of the alimentary canal of the frog, described the cells as united by bridges and states that in longitudinal sections of the epithelium the cells could be seen connected below the level of the nucleus by bridges of protoplasm, and in 1892 Ogneff (12) described similar bridges between the columnar cells of the stomach in the cat and rabbit; but Stohr(i3) in the same year and Cloetta(i4) in 1893 denied their existence, stating that the projec- tions they noticed in the columnar cells were due to shrinkage of the cell protoplasm from the cell walls; but Cohn (15) in 1895 reaffirms their existence and figures them in the stomach of the salamander. For the purpose of this research the tissues were fixed by injecting picro-corrosive sublimate solution (G. Mann's formula Sp. Gr. 1020) heated to the body température, through the aorta of animais just killed, and were (1) Busachi : Ziegler and Nauwerk, Tathology. 1S8S, Bd. IV. (2) J. F. Heymans : Mémoire d'anatomie générale; Bruxelles, 1SS9. (3) D. Barfurth : Ucbcr Zellbrùcken glatter Muskelfasern ; Arch. f. mikr. Anat., 1S91, Bd. 38. (4) Carl Klecki : Experimentelle Cntersuchungen Uber die Zellbrùcken in der Darmmuskulatur der Raubtiere; Dorpat, 1S91. (5) C. de Bruyne : Contribution à l'étude de l'union intime des fibres musculaires lisses; Archives de Biologie, 1S92, t. XII, p. 345. (6) Guido Werner : Zur Histologie der glatten Muskulatur ; Diss. Dorpat, 1894. (7) Boheman : Intcrccllularlùcken und Saftlûcken der glatten Musculature Anat. Anzeig., 1894, Bd.10. (8) A. Kolossow : Ueber die Struciur des Pleuroperitoneal- und Gefâssepithels (Endotheh); Archiv f. mikr. Anat., 1893, Bd. 42, 3i8. (9! G. Muscatello : Virchow's Archiv, iSg5, Bd. 142, p. 327. (10) Paladino : Anat. Anzeig., Bd. 5, p. 254. (11) A. Nicolas : Internat. Monatsschrift f. Anal, und Physiol., Bd. VIII ; Comptes rendus de la Soc de Biol., iSg5. (12) Ogneff : Einige Bemerkungen uber das Magenepithel , Biolog. Centralblatt, 1S92. (i3) Stùhr : Ueber das Darmcpithcl; Ergebnisse der Anat. u. Entwickelungsgeschichte ; 1892. (14) M. Cloetta : Beitràge $ur mikroskopischen Anat. des Vogeldarms ; Archiv f. mikr. Anat., 1S93, Bd. 41. (i5) Th. Cohn : Ueber Intercellularlùcken und Kittsubstanj ; Wiebbaden, 1895. ON INTER-CELLULAR BRIDGES IN COLUMNAR EPITHELIUM 2Ô5 subscquently treated as recommended by that author. The sections varied in thickness from 1 n to 5 n and were stained on the slide either by M. Heidenhain's substractive method with Bordeaux red and iron haemato- xylin, orby Mann's methylblue eosin (I used his long method), and finally mounted in balsam (1). The sections were examined with Leitz's 1/12 oil immersion objective and compensating eyepieces, and subsequently photographed. It is commonly believed that the columnar epithelial cells lining the alimentary canal are held together by a clear interstitial cernent substance which is blackened on treatment with silver nitrate when exposed to light. So recently however as last year Th. Cohn (2), working under the direction of M. Heidenhain, has shown that this view requires important modifica- tion. He states that the cells are throughout the greater part of their extent separated from each other by a narrow lymph space, bridged across by cellular prolongations. He further states that this lymph space is eut off from the cavity of the stomach by a thin layer of true cernent substance, which is présent only near the free extremity of the cells, where it forms a délicate intercellular network -■- « cernent net » — that surrounds the cells in that région. His observations were made on the salamander. Bonnet (3) has described a similar arrangement in the human stomach (1895). In the stomachs of the various animais examined by me (cat, dog, rab- bit, hedgehog, rat, mouse), this cernent network is very visible and entirely cuts off the lymph space between the cells from the cavity of the organ. This network is very thin and in vertical sections of the epithelium appears as little dots between the cells just at the points where their free extremities begin to separate from one another, and sometimes it happens in the sect- ions that a ring of this cernent substance is seen encircling the cell body near the free end where the cross diameter of the cell is greatest, and when viewed from the epithelial surface it présents the appearance of a fine net- work through the meshes of which the free ends of the cells project; it is remarkably well demonstrated by treatment with Bordeaux red and iron haematoxylin (M. Heidenhain's method) by which it is stained deep black. My observations on this point are therefore quite in agreement with those of Cohn. (1) For détails of methods see : M. Heidenhain : Arch. fur mikr. Anat., Bd. 43, pp. 436-443. — G. Mann : Fixing solution; Proc. Scott, microsc. Soc, Vol. I, p. 154, and Journ. Anat. and Physiol. , Vol. XXIX, p. 483. — Staining solution ; Proc. Scott. Microsc. Soc, Vol. I, p. i63, and Journ. Anat. and Physiol., Vol. XXIX, p. 4S3. (2) Loccit. (3) Bonnet : Schlussleisten von Epithelien ; Deutsche med. Wochenschrift, 1S95. 266 E. W. CARLIER Immediately beneath this network the cell bodies are slightly further apart from each other and again approximate somewhat at the level of the nuclei which cause a slight bulging. Below the level of the nucleus the cell body tapers rapidly to a pointed attached extremity, leaving a relatively wide intercellular lymph space through which the bridges can be very clearly seen passing, therefore beneath the level of the cément net the whole sur- face of each cell is surrounded by a lymph space traversed by inter-cellular bridges. The bridges are best studied by making a séries of very thin (in) hori- zontal sections parallel with the surface of the mucous membrane. In such a séries from within outwards one sees first of ail, the free ends of the columnar cells side by side, but separated from one another by a narrow interval, which is merely the dip of the collapsed gastric cavity. Immediately below this the cells appear as a mosaic let into the meshes of a network of cément substance — the cernent net of Cohn (i). Below this again sections of the cell bodies exhibit a clear centre filled with mucigcn surrounded by a narrow ring of deepîy stained protoplasm, the cell bodies being separated from each other by a narrow clear space bridged across at close intervais by processes of the protoplasmic ring pas- sing from one eell to another. The bridges are comparatively thick. The spaces between them often contain a little coagulated lymph which stains faintly and renders them somewhat difficult to distinguish clearly. Still lower down on a level between the mucigen cup and the nucleus the cross sections of the cells hâve the ordjnary protoplasmic appearance throughout, and the inter-cellular bridges are somewhat longer and nar- rower. The bridges springing from a single cell vary in number at any one level from five to nine in the case of the cat, and the clear intervais between them are distinctly visible owing to contrast with the deeply stained sub- stance of the cells and bridges. At the level of the nuclei the inter-cellular lymph space is again some- what narrower and the bridges are correspondingly shorter. Below the nuclei the cells taper rapidly and the tissue appears on transversë section as if made up of a number of stars united by six or more rays. The attached ends of the cells are fixed to a slight condensation of the subjacent connective tissue, which is also full of lymph spaces that commu- nicate freely with those between the cells. (i) Loc.cit, ON INTER-CELLULAR BRIDGES IN COLUMNAR EPITHELIUM 267 Hère and there a leucocyte may be seen in process of migration through the epithelium. As the body of the leucocyte is much larger than the inter- vais between the bridges, it must, in passing through, either break thèse connections across, or stretch them and push them aside. In the first case we must suppose, if the bridges are broken across, that they reunite again, otherwise after an extensive migration of such cells (and this is very com- mon especially in the small intestine) so many bridges would be destroyed, that the cells would become practically isolated; but in ail the préparations I hâve examined I hâve found no trace of such isolation, the bridges being perfect everywhere. It seems to me therefore, that the second hypothesis, that the bridges are stretched and pushed aside — is the more probable — the more so that the leucocytes may be seen to be surrounded by a ring of bridges, appa- rently unbroken, which form a temporary pseudocapsule for them ; and one can readily conceive how the elasticity of the bridges enables them to regain their original length. Ide (1) states that the intercellular bridges of stratified squamous epi- thelium are elastic in nature and inclines to the view that the leucocytes produce stretching of them during their passage through thetissue, he feels, however, unable to make a definite statement on that point. ,« I also endeavoured to détermine whether the state of the stomach had anything to do with the appearance of the bridges, and for that purpose examined a number of stomachs taken from cats killed at différent periods after a full meal, but hâve come to the conclusion, that the bridges are least visible when the cells are rendered turgid by the absorption of lymph, and become most visible when the animais hâve been deprived of food and water for a considérable time. When the lymph spaces between the cells are full of a lymph rich in proteid matters, this tends to become coagulated by the fixing agents, and remaining in a stainable condition in the lymph spaces, diminishes the contrast between them and the neighbouring cells, thus producing a more homogeneous appearance throughout the sections. The points above detailed will therefore be rnost easily demonstrable in animais that hâve fasted for a considérable time. The inter-cellular bridges are as distinct at the pyloric end of the stomach and in the ducts of the cardiac and pyloric glands as they are at the cardiac end of the stomach. The above description applies especially to the appearances presented (1) Ide, M. : Nouvelles observations sur les cellules épithéliales ; La Cellule, t. V, p. 336. 268 E. W. CARLIER by the stomach of the cat, but similar préparations may be obtained from the dog. In the other animais examined (rabbit, hedgehog, rat, mouse), the bridges are not so fully developed though évident enough. In the frog and salamander, as pointed out by Nicolas (i) and Cohn (2), and in the newt and tortoise the bridges are also présent, but appear to be limited to the part of the cell below the level of the nucleus. Surface epithelium of the rilli of the duodénum and small intestine. In the duodénum and small intestine of ail the animais examined the cément net surrounds the striated hem only at its base, and has the same characters as in the stomach. The inter-cellular lymph spaces begin imme- diately below the cément net but are narrower than in the stomach, they however wideri out somewhat near the attached ends of the cells. Hère, as in the stomach, this lymph space is bridged across throughout its whole extent by numerous fine inter-cellular bridges. I hâve been unable to'see in the intestine any bridges springing from the chalice cells, the neighbouring columnar cells appearing to lie in close apposition to them. As is well known the migration of leucocytes between the epithelial cells is more fréquent in the intestine than in the stomach, the greater nar- rowness of the lymph spaces not appearing to offer any serious cjbstacle to their movement. The above description also applies to the epithelium lining the large intestine and the glands of Lieberkuhn. We can therefore say that from mouth to rectum the epithelial cells lining the alimentary canal, whether they be squamous or columnar, are everywhere held together by bridges of cell substance. Whilst this paper was in the press, S. Garten (3j has published an im- portant work on inter-cellular bridges, the greater part of which relates to stratified squamous epithelium, only a small section at the end of the paper being devoted to the columnar cells lining the stomach ; no mention what- ever is made of those situated in the small and large intestine. It is gratifying to note that his observations on the stomach confirai myown in ail essential particulars. (i) Loc.cit. (2) Loc.cit. (3) S. Garten : Die IntercelMarbr&cken der Epithelien und ihre Function; Arch. f Anat. und Physiol. (Anat. Abth.), 1S95-96, p. 401. EXPLANATION OF PLATE. FIG. 1. Vertical section of epithelial cells lining the cavity of the stomach of a fasting cat. (Semi-schematic). Reduced from a caméra drawing. The cells are seen united througb. out their whole length by cell bridges that stretch across tbe intervening lymph spaces. k. Appearance and position of cément net that cuts off the lymph spaces from the cavity of the stomach-. f. Slight condensation of the subjacent connective tissue to which the cells are attached. a, b, c, d, e, indicate the levels at which figs. 2, 3, 4, 6 and 7 hâve been taken. FIG. 2. A somewhat oblique section through the surface epithelium of the stomach of a fasting cat ; shovving the inter-cellular bridges. Obj. oil imm. 1/12 and oc. compen. Leitz (Caméra lucida). a. T. S. Cell body just below the cément net; the central clear areas contain mucigen. b. T. S. Cell body at level of base of mucigen cup. c. T. S. Cell body at level between mucigen cup and nucleus. d. T. S. Cell body at level of nucleus. FIG. 3. Transverse section of surface epithelial cells of stomach of fasting cat, at a level between a. and b. in fig. 1. Obj. oil imm. 1/12 and Oc. compen. Leitz (Caméra lucida). FIG. 4. Transverse section of epithelial cells lining the surface of the stomach of a fasting cat, at a level e. below the nucleus. The cell bodies are very small, the bridges long and slender. (Semi-schematic.) FIG. 5. Photograph of an oblique section through the epithelium lining the surface of the stomach of a fasting cat. 900. FIG. 6. Photograph of a transverse section through the epitheliun lining the surface of the stomach of a fasting cat. 900. FIG. 7. Photograph of a transverse section through the epithelial cells lining the surface of the stomach of a fasting cat, at level e. 900. FIG. 8. Photograph at a level a little below that of fig. 7. Showing a leucocyte in process of migration through the epithelium. 900. FIG. 9. Photograph of a tangential section through the epithelium covering a villus of the small intestine of a cat ; showing transverse sections of the cells at various levels and the inter-cellular bridges by which they are connected together, 900. 35 lu •-lr L'Appareil digestif et respiratoire larvaire DES ODONATES DISSERTATION INAUGURALE PRÉSENTÉE POUR LOBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR EN SCIENCES NATURELLES PAR J. SADONES, ASSISTANT A L'iNSTITUT ZOOLOGIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. (Mémoire déposé le 15 juin 1895J. 36 L'Appareil digestif et respiratoire larvaire DES ODONATES. I. APERÇU HISTORIQUE. Le mode si particulier, si étrange, de respiration des larves des libel- lules a depuis longtemps attiré l'attention des naturalistes. Nous trouvons dans Oustalet (1) la liste complète des auteurs qui ont publié des observa- tions soit sur la structure du rectum, soit sur le fonctionnement de l'appareil respiratoire dans son ensemble. Nous pouvons donc nous borner à renvoyer le lecteur au travail du savant français pour toute la période qui a précédé ses propres recherches. Voici la liste des auteurs qu'il cite : Swammerdam (2), Réaumur (3), De Geer (4\ Lyonnet (5), Cuvier (6), Duvernoy (7), Marcel de Serres (8), Suckow (9), Ratzeburg fio), Dufour (11), Milne Edwards (12). Parmi les prédécesseurs d'OusTALET, quelques-uns : Cuvier, Duver- noy, Marcel de Serres, Suckow et d'autres, avaient facilement reconnu qu'il existe autour du rectum un appareil trachéen très développé, auquel correspondent intérieurement des séries d'organes lamellaires, et ils étaient amenés naturellement à considérer ces lames comme des organes respira- toires, des branchies. (1) Oustalet : Mémoire sur la respiration des larves des libellules; Annales des sciences na- turelles, 5e série (Zool.), t. il, 1S69. (2) Swammerdam : Bib. nat., 1680. Dans collection anat.. t. 5. (3) Réaumur : Mémoires pour servir à l'histoire des insectes; t. 6, 1742. (4) De Geer : » » » » » » t. 2, 1771. (5) Lyonnet : Ouvrage posthume publié par M. de Haan en iS32. (6) Cuvier : Mémoire sur la manière dont se fait la nutrition des insectes; 1798. (7) Duvernoy : Anat. comp. de Cuvier, 2e éd , t. VII. (8) Marcel de Serres : Observations sur l'usage du vaisseau dorsal; 1 S 1 3. (9) Suckow : A natomie et respiration des larves des libellules; Heusinger Zeitschrift, Bd. III. (10) Ratzeburg : Insectes nuisibles aux forêts; 1844. (11] Dufour : Etudes anatomiques et physiologiques et observations sur les larves des libellules; Annales des sciences naturelles, 3° série, t. 17, iS52. (12) Milne Edwards : Leçons sur l'anatomie et la physiologie, t. 2. 274 J- SADONES Mais un seul observateur, Léon Dufour, avait découvert que les tra- chées s'avancent dans l'intérieur des lamelles. Bien qu'il soit assez ambigu dans ses déclarations, il donne un dessin représentant une lamelle qui con- tient des trachées; c'est donc bien Léon Dufour, qui a le premier signalé le fait. Oustalet a confirmé cette observation imparfaite de Dufour, et décrit avec beaucoup de netteté, et à l'aide de bons dessins, la distribution des tra- chées à l'organe entier et aux lamelles en particulier. Il signale une dispo- sition bien remarquable de ces organes à l'intérieur de la lamelle rectale : « Les stries observées par Léon Dufour dans leur épaisseur, dit-il, sont bien des trachées, et celles-ci ne sont pas seulement recourbées, mais bien anastomosées à plein canal, de manière à former des anses : » Il met ce fait sous les yeux du lecteur dans deux figures un peu élémentaires, mais assez exactes. Oustalet a donc fait faire un grand pas à la connaissance des organes qui nous occupent. Toutefois, il n'étudie pas la structure histologique des lamelles et il ne s'attache pas à rechercher la situation exacte occupée par les troncs trachéens et leurs dernières ramifications en anses. Nous ferons remarquer ici que, si Oustalet est le premier auteur qui ait décrit les anses trachéennes et les ait figurées, on ne peut cependant lui attribuer la découverte de cette disposition curieuse. L'honneur en revient à Leydig qui, quelques années auparavant, l'avait signalée très laconique- ment, il est vrai, et sans dessins. Voici dans quels termes il s'exprime à leur sujet : « Les feuillets branchiaux du rectum des larves de la libellule présentent un grand intérêt : les petites trachées montent jusqu'au bord des feuillets; pendant le trajet sinueux et parallèle qu'elles parcourent les unes à côté des autres, elles se ramifient pour se terminer en anses „ (1). Chun (2), Poletajew (3), Amans (4), Roster (5), Fausser (6), (1) Leydig : Traité d'histologie Trad. franc , 1866. (2) Chun : Ueber den Bail, die Entwickelung mid physiologische Bedeutung der Rectaldrûscn bei den Insekten; Abhandl. d. Senckenb Naturf. Ges , Bd. 10, 1876. (3) Poletajew : Quelques mots sur les organes respiratoires des larves des Odonates ; Hors; soc. Entom. Rossicae, XV, 1SS0 (4) Amans ■. Recherches anatomiques et physiologiques sur les larves d'jEschna; Revue des sciences de Montpellier (3), I, 1881. (5) Roster : Contributo all'anat. degli Odonati; Bull. Soc. Entom. Ital.. an. 17, tri m. 3/4, 1886. (6) Faussek : Beitrâge \ur Histoh gie des Darmkanals der Insekten; Zeitschr. f. wissen. Zool., Bd. 45, Hft. 4, 1SS7. L APPAREIL DIGESTIF ET RESPIRATOIRE LARVAIRE DES ODONATES 275 Martin (i), Dewitz (2) ont ajouté aux descriptions de Oustalet quelques données anatomiques, histologiques et surtout physiologiques, sans cepen- dant les compléter notablement au point de vue de la structure des lames. Chun signale à la base de la lamelle deux épaississements épithéliaux, entre lesquels s'avance, avec les troncs trachéens, un amas de cellules qu'il appelle tissu conjonctif. Son dessin est très imparfait ; nous aurons plus loin l'occasion d'en faire la critique. Tel est, en résumé, pensons-nous, l'état des connaissances actuelles au sujet de la partie respiratoire du système digestif des larves des odonates. Nous avons entrepris d'en faire une étude spéciale et comparative, en insis- tant davantage sur la fine structure des organes. Toutefois, nous ne nous bornerons pas à l'étude du rectum respiratoire; nous passerons en revue le tube digestif tout entier. Qu'on nous permette de citer ici une phrase de Oustalet : « Venant après tous ces maîtres, je ne pouvais avoir l'intention de faire des décou- vertes très importantes. Toutefois, en disséquant avec soin un grand nom- bre de nymphes de libellules, et m'aidant de moyens d'investigation plus parfaits que ceux dont pouvaient disposer Léon Dufour et ses prédéces- seurs, j'ai aperçu certains détails, relevé certaines erreurs qu'il est peut-être bon de signaler. » Bien qu'arrivant après le savant qui s'exprime avec tant de modestie et après une série d'autres observateurs distingués, nous pou- vons dire encore : s'il n'y a plus de grandes découvertes macroscopiques à faire dans la structure de ces organes, il y a encore des choses à décrire avec plus de précision, et des erreurs à réformer, surtout au point de vue histologique. La Libellula depressa nous occupera surtout dans ces pages. Nous y avons introduit quelques remarques au sujet de certains jEschnides dont nous n'avons pu déterminer l'espèce. Et terminant cette introduction, nous avons à cœur de rendre hommage au dévouement de M. le professeur Gilson, qui nous a dirigé dans cette étude. Qu'il veuille bien recevoir ici l'expression de nos sentiments de vive reconnaissance. (1) Martin : Sur la respiration des larves des Libellules; Bull. soc. philom. Paris (S), t. .(, n° 3, 1892. (2) Dewitz : Einige Bcobaehtungen beti effend das geselilossene Tracheensystem bei Insecteularven ; Zool. Anzeiger, Bd. i3, 1S90. 276 J. SADONES II. RECHERCHES PERSONNELLES. Méthodes. Nous avons eu recours, pour l'étude de l'appareil digestif de nos larves, aux deux méthodes ordinaires : la dissection et les coupes microtomiques. i . Dissection. Pour isoler l'intestin, nous commençons par couper au moyen de ciseaux la cuticule constituant les bords tranchants de l'abdomen. Cette opération étant faite, il est facile d'enlever la cuticule abdominale, soit du côté dorsal, soit du côté ventral. A l'aide d'un scalpel ou de fins ciseaux, on enlève sans trop de difficulté les parois thoraciques sans endom- mager le tube digestif, bien que l'opération soit plus difficile que dans l'abdomen. Mais l'étude anatomique et histologique des organes exige absolument l'emploi d'une méthode plus délicate, celle des coupes microtomiques. 2. Coupes microtomiques. Nous avons presque toujours pratiqué nos sections à travers l'intestin isolé des parois du corps; souvent même nous avons cherché à le débarrasser des trachées les plus grosses qui l'ac- compagnent surtout dans la région moyenne et postérieure, parce qu'elles nuisent à la confection des coupes. Fixation. On peut fixer l'intestin en le jetant simplement après ex- traction dans le liquide fixateur. Mais nous nous sommes trouvé mieux d'injecter celui-ci soit dans le rectum par l'orifice anal, soit dans la cavité périviscérale en introduisant la pipette entre deux somites abdominaux. Ces deux modes ne donnent pas les mêmes résultats : le premier ne fixe que le rectum, mais il le fixe à l'état de dilatation; Je dernier mode fixe le tube digestif entier et l'attaque par sa face externe. Il est bon d'ouvrir l'animal après l'injection et de le plonger tout entier dans le liquide fixateur. Il nous est arrivé d'employer simultanément les deux modes d'injection. Les agents fixateurs dont nous nous sommes servi sont : la liqueur de Flemming, celle de Hermann, le sublimé, et surtout la solution de Gieson. La liqueur de Perenyi nous a été utile également pour des recherches purement anatomiques. Coloration. Nous avons obtenu de bons résultats au moyen des colorants suivants : le paracarmin alcoolique de Mayer, le bleu carmin et l'hématoxyline alunée. Cette dernière a été le plus souvent employée seule. L APPAREIL DIGESTIF ET RESPIRATOIRE LARVAIRE DES ODONATES 1! 7 7 Les deux premiers ont été généralement associés et nous ont donné des colorations très électives, les noyaux se colorant en rouge, le protoplasme en bleu, les muscles et les cuticules prenant une coloration vert-pàle. Cette coloration spéciale au moyen du bleu carmin permet souvent de distinguer avec une grande facilité les fibres musculaires très fines qui, lorsqu'elles se présentent en section, se confondent aisément avec d'autres éléments anatomiques des tissus. Enrobage. L'enrobage à la paraffine pure nous a permis d'exécuter des coupes dans les parties les plus dures du système digestif de nos larves, par exemple dans le gésier. Rarement, nous l'avons combiné avec l'enrobage au collodion. Montage. Nous avons monté nos coupes microtomiques dans les milieux résineux ou dans la solution glycérinée. Cette dernière méthode s'impose pour l'étude des fins détails de la structure des lamelles bran- chiales, comme on le verra plus loin. Dessins. Nos dessins ont été faits à l'aide du prisme de Nachet, avec les oculaires et les objectifs de Zeiss, la longueur du tube étant de quinze centimètres et le pupitre se trouvant à la hauteur de la table du microscope. A. Aperçu anatomique. Nous étudierons séparément les trois parties que l'on distingue embryo- logiquement dans le tube digestif : l'intestin antérieur, d'origine épiblas- tique; l'intestin moyen, d'origine hypoblastique ; l'intestin postérieur, d'ori- gine épiblastique aussi. Chacune de ces parties peut se subdiviser en plusieurs tronçons, fig. l, ainsi qu'il est indiqué dans le tableau suivant : Intestin antérieur, Intestin buccal. Œsophage et jabot. Gésier. Tronçon d'union avec l'intestin moyen. Intestin moyen; ne se subdivise pas. Portion grêle. Ampoule prérectale. 3 . I ntestin postérieur. ' Rectum. Tronçon anal. 278 J SADONES i. Intestin antérieur. Nous ne nous occuperons pas, dans ce travail, du tronçon buccal. 1. Œsophage et jabot. L'œsophage, fig. 1, œs, est un tube droit, à section circulaire, dépourvu d'appendices. Il peut présenter un certain nombre d'étranglements, fig. 1, qui sont dus, comme le montre l'examen de la dissection à un faible grossissement, à l'action de bandes musculaires qui l'étreignent à des niveaux divers. La partie postérieure peut se renfler en une poche volumineuse, sphéroïdale, le jabot, /, qui est ordinairement colorée en brun par la pulpe alimentaire. Notons dès maintenant un puissant sphincter qui sépare l'œsophage du gésier, et qui produit entre les deux organes un sillon d'autant plus mar- qué que sa contraction est plus forte. 2. Gésier, g. C'est une dilatation de forme à peu près sphérique. Sa forme est d'ailleurs sujette à des variations en rapport avec la quantité d'aliments qu'on y trouve renfermés. Quand elle est vide ou à peu près, elle montre quatre taches d'un brun noirâtre : ces taches correspondent à des dents cuticulaires, saillantes dans la cavité. Ces dents ont déjà été décrites par Dufour chez une Aeschna et chez la. Libellula depressa. Deux de ces dents, dit-il, comparables à des incisives, sont triangulaires et ont une arête tranchante qui porte un crochet chez Y Aeschna et deux chez la Libellula depressa ; les deux autres sont des espèces de molaires ovalaires qui portent chez V Aeschna six pointes sail- lantes et chez la Libellula depressa des dents acérées. Il ajoute à sa des- cription une figure trop réduite et peu exacte. Nous avons essayé de les rendre avec plus de fidélité dans la fig. 2, a et b. Deux de ces dents, les incisives de Dufour, s'élèvent sur les faces latérales de l'hexagone, qui représente la section transversale du gésier, mais elles sont plus rapprochées du côté central, fig. 7, d, i. Elles ont la forme d'une plaque rhomboïdale, quand on les voit de face. Sur cette plaque s'élève une crête longitudinale qui devient de plus en plus saillante et se termine par une pointe. Sous la pointe, la crête se dédouble en deux crêtes divergentes qui vont en s'attënuant progressivement. La face qui regarde le plan médian et qui a aussi plus d'étendue que l'autre porte près du bord libre de la crête un fort tubercule pointu. La fig. 7 représente une coupe transversale passant un peu au-dessus du tubercule. L APPAREIL DIGESTIF ET RESPIRATOIRE LARVAIRE DES ODONATES 279 Les deux autres dents sont portées par les faces latérales de l'hexagone qui regardent le côté dorsal. Elles portent aussi une crête longitudinale mé- diane, qui se bifurque assez vite en deux autres crêtes dirigées obliquement en bas, fig. 2, b. De ces deux crêtes, la plus voisine du plan médian est pourvue d'une série de cinq ou six tubercules; l'autre reste sensiblement lisse. La fig. 7 représente une section passant au niveau du deuxième tuber- cule de la crête interne. Les coupes de ce genre permettent de constater que la partie la plus proéminente de la crête des dents ventrales s'engage dans la dépression qui sépare les deux crêtes des dents dorsales. 3. Tronçon d'union avec l'intestin moyen. Le gésier s'unit en arrière avec un tube assez court qui le raccorde à l'intestin moyen. Il importe cependant de noter que cette union a lieu au fond d'une invagination de l'intestin antérieur qui s'enfonce dans l'intestin moyen et cela assez profon- dément, car il arrive que des coupes transversales passant vers le milieu du gésier entament déjà la paroi incurvée de l'intestin moyen. 2. Intestin moyen. Il est court et droit, et constitue une dilatation très accentuée du tube intestinal. Il a la forme d'un cône renversé, dont la petite extrémité s'avance jusqu'au point où débouchent les tubes de Malpighi. Il est complètement dépourvu d'annexés. 3 Intestin postérieur. L'intestin proctodéal se divise nettement en plusieurs tronçons : un premier tronçon grêle, fig. 1, tg; puis une dilatation ovale, ap., que nous appellerons ampoule prérectale; puis le rectum, re, renflé en forme de sac ovalaire; et enfin un petit tronçon anal de faible calibre, tra. i. Tronçon grêle. Cette partie est souvent appelée intestin grêle. Plateau la désigne plus justement sous le nom de portion grêle de l'intestin terminal; en effet, la dénomination d'intestin grêle évoque naturellement l'idée d'une production entodermique. Ce tronçon est court et se recourbe en S, tout en restant dans le plan médian du corps, de manière que sa région antérieure est située plus près de la face ventrale que sa région postérieure. 37 280 J. SADONES 2. Ampoule prérectale. Ce tronçon est d'un calibre plus fort et, grâce à ses parois plissées, il peut se renfler en une poche assez volumineuse, rem- plie par les aliments ou parfois aussi par du gaz. Son expansibilité est plus grande du côté dorsal. Même en dehors du cas de distension, la région de l'ampoule offre la plus grande largeur vers son milieu. Quand cette dila- tation est vide de matières alimentaires, on y observe à droite et à gauche, par transparence des parois, deux plaques ou disques blanchâtres. Ces plaques, pour autant que nous le sachions, n'ont pas été signalées par les auteurs; nous les décrirons plus loin. 3. Le rectum est la partie la plus remarquable du tube digestif, tant au point de vue anatomique qu'au point de vue physiologique. Aussi, sa singulière structure et sa merveilleuse adaptation à une fonction nouvelle, la respiration, ont transporté d'admiration les anciens anatomistes. Des trachées innombrables, ramifications des troncs aériens longitudinaux de l'animal, s'enfoncent dans la paroi rectale suivant douze lignes longitu- dinales, rapprochées deux à deux, et vont se ramifier à l'infini dans les six doubles rangées de lamelles branchiales, qui garnissent la face interne de la paroi. La structure de ces appareils sera décrite dans la deuxième partie de ce travail. 4. Tronçon anal. C'est un tube court et droit qui s'ouvre à l'exté- rieur entre les pointes cuticulaires, qui terminent le dernier segment ab- dominal. B. Structure des différentes régions. i. Intestin antérieur. i . Œsophage. Notre croquis anatomique, fig. 1, donne une idée suffisamment exacte de la forme générale de l'œsophage. La fig. 3 montre cet organe en section transversale et fait voir que sa sur- face interne est sillonnée de plis longitudinaux extrêmement saillants. Cette figure nous renseigne aussi sur la structure de sa paroi. Comme c'est la règle chez les insectes, cette portion du tube digestif est tapissée d'une cuticule, eu; celle-ci est assez épaisse et très résistante. Il est de toute impossibilité d'éviter qu'elle se détache de son épithélium-matrice : quelle que soit la mé- l'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates 281 thode de fixation employée, cet épithélium se contracte invariablement et se décolle complètement de la lame chitineuse, qui'garde ses dimensions naturelles. Nous avons tenu à présenter la coupe telle qu'elle s'est offerte à nos regards, sans rien y corriger. Des traînées fibrillaires y réunissent souvent la cuticule à l'épithélium rétracté, fig. 4,f. Nous parlerons plus loin de fibrilles analogues, mais plus développées, que l'on voit dans le gésier. L 'épithélium , fig. 3 et 4, ép, ne présente aucun intérêt spécial; il est cuboïde sur les replis et légèrement aplati sur les parties profondes. La tunique musculaire de l'œsophage est puissante. Il y a une tunique extérieure, composée de fibres circulaires assez serrées les unes contre les autres, dans laquelle on remarque des anneaux épaissis bien distincts, fig. 5, ann. Les fibres qui constituent ces anneaux sont un peu plus puissantes que leurs voisines; de plus, elles sont souvent disposées en deux assises. Nous ne figurons ces bandes de renforcement qu'à l'état de constriction ; elles entament alors profondément la lumière de l'organe et y produisent autant de crêtes circulaires saillantes, fig. 5. A l'état de relâchement, ces anneaux constituent des bandes larges et plus minces. Les fibres longitudinales, internes par rapport aux autres, ne forment que quelques cordons que l'on trouve dans les replis épithéliaux, fig. 3 et 4, ml. Elles y pénètrent plus ou moins profondément. Jabot. Quoique bien distinct extérieurement de l'œsophage, ce tron- çon du tube digestif mérite à peine une dénomination spéciale. Sa structure est la même que celle de l'œsophage. Sa tunique musculaire est un peu plus puissante, surtout dans le bas; les fibres longitudinales y sont plus nombreuses et les circulaires s'y disposent en plusieurs assises, de manière à constituer un sphincter plus ou moins bien défini. Sur les objets fixés, ce sphincter est souvent violemment contracté; c'est lui qui assure l'oblitéra- tion de la partie supérieure du gésier. 2 . Gésier. Nous prions le lecteur de vouloir ici jeter un coup d'œil sur les fig. 6, 7 et 10, qui représentent, la première, une section transversale du gésier dans sa partie antérieure, la seconde, une section dans sa région moyenne, la troisième, une section dans sa région postérieure. On y constate deux choses : le grand développement de la musculature et les modifications subies par la cuticule et son épithélium-matrice. 282 J- SADONES i. La cuticule. La cuticule, dans ses parties qui ne constituent pas les dents, se présente avec les mêmes caractères que dans l'œsophage; elle est assez épaisse, résistante, détachée de sa matrice sur de larges surfaces. En maints endroits, on observe aussi des fibrilles qui la rattachent à l'épithélium. Les épaississements qu'elle présente en divers points ne sont autre chose que les dents dont nous avons parlé, et surtout les crêtes de ces dents. Chaque plaque dentaire correspond à un soulèvement de la cuticule et de l'épithé- lium, et les crêtes sont des épaississements pigmentés de la cuticule. On distingue souvent dans la cuticule deux couches assez nettement délimitées : une couche supérieure, naturellement brune et très dure, et une couche inférieure plus jeune, plus molle, blanche, mais présentant sou- vent elle-même une portion externe se colorant en bleu verdàtre par le bleu carmin. C'est surtout au sommet des dents que ces deux couches sont dis- tinctes, fig. 7. Signalons encore trois endroits où la cuticule est très épaisse, et où elle ne se détache guère de sa matrice. Ce sont d'abord les angles où s'unissent les faces latérales et la face ventrale du gésier, fig. 6 et 7, c, c'. On y voit une crête épaissie qui se retrouve dans presque toutes les coupes trans- versales du gésier; elle ne disparait en effet que dans la région postérieure. Elle est le lieu d'insertion principal des fibres musculaires de cet organe. La troisième région d'épaississement de la cuticule est le fond du sillon qui sépare les deux dents dorsales, fig. 7, 5. Faisons ici une remarque au sujet d'une disposition particulière que nous constatons toujours dans nos préparations en certains points de la cuti- cule. Au niveau des portions qui séparent les plaques saillantes, ou dents, on remarque dans l'épaisseur de ce revêtement chitineux trois parties bien nettement séparées : une lame interne, épaisse et dure; une lame externe, mince et ordinairement non détachée de l'épithélium et enfin entre les deux un large espace qui parait du à un clivage interne. Cet espace est loin d'être vide : il loge une infinité de fibrilles analogues à celles que nous avons si- gnalées dans l'œsophage, mais plus fortes, plus nombreuses, souvent très ondulées, fig. 9. Elles sont plongées dans une substance assez dense, mais peu réfringente. Nous nous sommes demandé, au début, si ces cavités internes sont artificielles, c'est à-dire causées par l'action des réactifs, ou si elles exis- tent avec leurs fibrilles pendant la vie. Aujourd'hui, nous sommes très porté à croire qu'elles existent naturel- lement. Il nous est difficile d'admettre que ces fibrilles si nombreuses, si l'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates 283 puissantes et si régulières, résultent d'une dislocation interne produite par des tiraillements; quant à la substance qui les englue, on se demande d'où elle viendrait. De plus, ces fibrilles ne représentent pas, simplement isolés, les éléments de structure de la trame même de la substance cuticulaire. En effet, cette trame, d'après M. le professeur Carnoy(i), comprend, dans les cas normaux, trois systèmes de stries perpendiculaires. Or, on n'aperçoit pas entre les fibres dont nous parlons la moindre trace des fibrilles corres- pondant aux couches parallèles à la surface qui devraient les réunir entre elles ; et cependant ces dernières sont les seules que nous soyons parvenu à distinguer dans cette cuticule à texture extrêmement fine. Les grosses fibres à direction radiée, qu'on trouve libres dans les cavités, corres- pondent peut-être aux éléments perpendiculaires à la surface, mais alors ceux-ci y sont fortifiés énormément ou confondus en faisceaux réguliers et leur formation suppose un travail lent et délicat, un processus vital bien plus complexe qu'un brusque tiraillement. C'est durant la vie qu'il doit se produire là un clivage particulier. Ce clivage correspond à celui de la mue des cuticules ordinaires ; mais tandis qu'il se fait, les fibres radiées de la trame, loin de se briser, se laissent distendre et en même temps se nourrissent, se fortifient beaucoup, se dégagent des autres systèmes de fibres qui se détruisent, et enfin apparaissent sous la forme de faisceaux parallèles. Cette disposition a peut-être pour effet de donner aux parties qui sé- parent les dents une élasticité spéciale qui joue un rôle dans le fonctionne- ment de ces dernières. 2. L'épithélium. L'épithélium du gésier existe sous deux formes dif- férentes, de même que la cuticule. La première forme est essentiellement la même que celle de l'épithélium œsophagien ; elle se rencontre dans les espaces interdentaires. L'autre forme, fig. 6 et 7, E, existe au niveau des dents cuticulaires : l'épithélium présente sous celles-ci un pli saillant formé de cellules prisma- tiques, parfois très longues et d'un aspect particulier, fig. 8. D'une façon générale, cette portion de l'épithélium se colore beaucoup moins que le reste. Le contenu des cellules y reste fort clair; on y voit des faisceaux de fibrilles ramifiées souvent très puissants, à direction longitudinale. Ces faisceaux se colorent intensément par les colorants du protoplasme, surtout par le bleu carmin. Ce sont des cordons protoplasmiques, formés par les mailles et les (1) Caknoy : Biologie cellulaire, 18S4. 284 J- SADONES trabécules du réticulum cellulaire; on ne voit des granules que près de la membrane et au voisinage du noyau ; le reste est hyalin et assez peu réfrin- gent. Nous n'avons pas examiné cet épithélium à frais; mais il nous paraît certain que les espaces incolores, dont nous parlons, doivent être pendant la vie remplis d'un suc cellulaire aqueux et non d'une matière dense, car les agents fixateurs n'y laissent aucune trace de coagulum. En un mot, ce sont des espaces vacuolaires mal limités et d'un aspect douteux. Rôle de l'épithélium sous-dentaire. S'il nous est permis d'émettre une hypothèse à ce sujet, nous dirons que fort probablement ces cellules n'ont rien de sécrétoire, mais fonctionnent comme autant de coussinets élas- tiques supportant les dents. Leurs fortes fibrilles d'aspect rigide et leur turgescence probable à l'état frais sont en rapport avec cette fonction. Ajoutons que nous avons trouvé en d'autres endroits chez nos larves, chez d'autres insectes et même chez des annélides, un épithélium d'aspect semblable. Toujours, il gît en des endroits où s'exercent des pressions, parfois très fortes, et où la sécrétion est nulle. M. le prof. Gilson nous dit en connaître, chez les insectes, un exemple où les fibrilles, devenues très puissantes, sont fortement chitinisées et transformées en colonnettes très rigides, bien que l'aspect de la cellule reste le même. 3. Tunique musculaire. Nous avons dit qu'elle est très puissante. Nulle partie du tube digestif ne peut rivaliser avec le gésier sous ce rapport. Elle comprend des fibres circulaires et des fibres longitudinales. i° La couche des fibres longitudinales est externe, à l' encontre de celle de l'œsophage; elle est très faible et se compose de quelques cordons bien distincts de fibres grêles, dont on voit les sections assez espacées sur le pourtour de l'organe. On les enlève en grande partie, quand on dépouille le gésier de son réseau trachéen. Elles sont cependant recouvertes par la propria, mais celle-ci se laisse facilement arracher et entraîne ces faisceaux. 2° La couche des fibres circulaires est au contraire puissamment développée; mais, comme le montrent les fig.6, 7 et 10, son épaisseur n'est pas uniforme sur tout le pourtour. Cette couche se subdivise nettement en plusieurs massifs distincts, dont certains ont une fonction spéciale dans le mécanisme stomacal. Accordons un moment d'attention à chacun de ces massifs. i . La zone périphérique constitue le premier massif. Elle est formée d'éléments circulaires, qui décrivent un cercle complet autour du tube diges- tif, c'est-à-dire qui se comportent comme le font d'ordinaire les éléments de l'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates 285 la tunique intestinale circulaire. Comme la fig. 7 le montre, c'est surtout au niveau des deux crêtes chitineuses ventrales, c, d, que l'on constate réel- lement l'existence de ce premier massif, a. Il n'y est formé que d'une, ou tout au plus de deux rangées de fibres. 2. Sous cette couche circulaire complète, il existe deux autres massifs de fibres semblables et orientées de la même façon, mais dont les extrémités s'insèrent directement sur la cuticule en c et c. Le premier de ces massifs constitue une bande ventrale, formée d'éléments à direction transversale qui s'insèrent sur les deux crêtes chitineuses ventrales, fig. 7, b. 3. Le deuxième groupe, appartenant à cette même assise profonde de la musculature, a les mêmes points d'insertion que le précédent, mais ses fibres bien plus longues, au lieu de passer ventralement sous le gésier, en contournent la face dorsale, fig. 7, g. Le mode d'insertion des fibres musculaires sur les parois du gésier s'étu- die très bien sur les crêtes chitineuses ventrales, fig. 12. On y voit les fibres s'attacher directement à la cuticule en s'insinuant entre les cellules épithé- liales de la matrice cuticulaire. On trouve ces cellules comprimées et défor- mées entre les petits tendons musculaires. Ceux-ci représentent simplement, comme Ide l'a démontré chez les crustacés (1), l'extrémité de la cellule mus- culaire. Ils sont légèrement chitinisés et ont perdu la striation transversale du muscle, mais les stries longitudinales y sont encore très marquées. 4. Les dents elles-mêmes possèdent des fibres spéciales, fig. 7, d. Celles-ci appartiennent à un plan plus profond encore que les deux massifs précédents et sont contenues dans les saillies dentaires. Elles s'insèrent sur les deux lames qui constituent les faces latérales des dents. On observe que les plus profondes d'entre ces fibres n'ont pas exactement la même direction que les externes. Elles sont souvent coupées un peu obliquement, alors que ces dernières le sont longitudinalement. 5. Enfin, dans la partie inférieure du gésier, la cavité des dents dor- sales contient des éléments qui se présentent obliquement dans les coupes transversales, fig. 10 et 11, mo. On peut s'assurer, en examinant la série des sections transversales, qu'elles appartiennent à la tunique circulaire; ce sont des portions de certaines fibres circulaires qui se coudent assez brus- quement et se dirigent vers le haut de l'organe. Nous avons cherché en vain à les voir se fixer à la cuticule; on peut les suivre jusqu'à l'épithélium élastique, mais là on les perd de vue. (i) Ide : Le tube digestif des édriophthalmcs ; La Cellule, t. VIII, fasc. i, 1892 286 J SADONES 4. Tissu conjonctif des dents. Il existe sous chaque dent un massif d'un tissu spécial, remplissant l'espace à section triangulaire qui gît sous l'épithélium élastique. Il présente l'aspect de certains tissus muqueux, fig. 7 et 8, te. On y voit de nombreuses cellules isolées, plongées dans une sub- stance indivise. Ces cellules sont pour la plupart allongées, fusiformes, par- fois renflées au niveau du noyau, et se terminent en fibres assez minces, parfois ramifiées. Elles peuvent contenir plusieurs noyaux. Leur direction la plus ordinaire est longitudinale, un peu oblique par rapport à l'axe du gésier. Aussi, les sections allongées dominent-elles dans les coupes longitudinales, et les sections circulaires ou ovales dans les coupes trans- versales de l'organe. La substance conjonctive, fixée, paraît très finement granuleuse et formée de traînées plus ou moins teintées. Mais dans son ensemble, elle présente peu d'affinité pour les matières colorantes. A en juger par les apparences, cette substance parait moins aqueuse, plus ferme que celle du tissu muqueux des vertébrés. Ajoutons que ce tissu est parcouru par de nombreuses trachées de fai- ble calibre. Remarque sur le rôle du gésier. Les anciens observateurs attri- buaient sans hésitation un rôle masticateur à la région du tube digestif qui, chez beaucoup d'arthropodes, présente des dents chitineuses internes. Plus tard, à la suite des recherches de Plateau sur les crustacés et les insectes, on revint de cette opinion et l'on est généralement porté aujourd'hui à re- garder ces dents comme jouant plutôt le rôle d'un grillage, retenant momen- tanément les aliments, que celui d'un appareil broyeur. Personne ne soutient toutefois que ces dents n'ont nulle part une action triturante sur les aliments, et il faut ici se garder de toute généralisation prématurée. Pour ce qui regarde les larves de la Libellula depressa, nous ne pou- vons nous empêcher de penser que, si ces dents peuvent retenir les aliments pendant quelque temps dans le gésier, où ils s'imbiberaient des liquides digestifs remontant de l'intestin moyen, elles servent aussi à les triturer. — Nous ne les regardons pas, il est vrai, comme un puissant appareil masti- cateur, capable de diviser les aliments plus finement que les mandibules et les mâchoires. Mais nous pensons qu'elles compriment la masse alimen- taire et en expriment les portions liquides en s'y enfonçant. Ces liquides, comprenant tant les fluides qui imbibent naturellement les aliments que le produit des cellules sécrétoires de l'intestin, pourraient remonter encore et baigner à nouveau la masse. l'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates 287 Mais il nous paraît très vraisemblable que, à un moment donné, elles agissent autrement sur la masse alimentaire qu'elles ont d'abord comprimée une ou plusieurs fois : elles débitent cette masse devenue compacte en fines portions, qu'elles font ensuite passer dans l'intestin moyen. C'est donc une action triturante que nous leur attribuons d'abord, action qui serait suivie d'une action divisante. Elles diviseraient non pas les particules alimentaires elles-mêmes, parce que celles-ci ont subi déjà l'action plus puissante et plus précise des pièces buccales, mais la masse alimentaire tout entière. Leur action compressive a, en effet, rendu cette masse trop compacte et trop dure pour qu'elle puisse aisément passer dans l'intestin, sans subir un nouveau travail de division. Voici quelques-unes des raisons qui nous portent à regarder ces crêtes comme destinées à agir activement sur la masse alimentaire, et non pas seu- lement à la retenir. 1. La puissance de la paroi musculaire du gésier, fig. 11. 2. La disposition et la forme des dents. En effet, les dents dorsales, fig. 2, b, sont creusées dans leur moitié inférieure d'un sillon ou gout- tière, dans lequel s'engage la dent ventrale plus tranchante. De plus, les fortes pointes de celles-ci sont dirigées vers le bas. 3. La présence, sous la dent, de l'épithélium que nous avons appelé élastique. Nous avons remarqué, en effet, l'existence de ces productions dans beaucoup d'endroits, où les parois d'un organe subissent des pressions intenses. Ce revêtement protecteur n'aurait pas de raison d'être, si les crêtes stomacales n'étaient violemment appuyées contre la masse alimentaire par la puissante tunique musculaire. 4. Enfin, la complication de la musculature n'indique-t-elle pas que les dents peuvent se mouvoir de différentes façons, devenir plus saillantes ou s'effacer, s'incliner, en un mot fonctionner autrement que pour retenir les aliments et pour les laisser simplement passer ensuite sans les attaquer. 3. Tronçon d'union avec l'intestin moyen. Le gésier est suivi, comme nous l'avons dit plus haut, d'un court tron- çon, qui a le même calibre que l'œsophage. Il est invaginé dans l'intestin moyen et on ne l'aperçoit à nu qu'en étirant cette invagination. 1 . Epithélium . L'épithélium y est identique à celui de l'œsophage et forme également des replis très saillants, fig. 13, ep. m. Il est pourvu d'une 38 288 J. SADONES cuticule résistante qui s'en détache facilement. Mais, avant de s'unir à l'épi- thélium de l'intestin moyen, il subit quelques modifications : les cellules, de cuboïdes qu'elles étaient, deviennent de plus en plus hautes, tout en restant très étroites, fig. 14; le protoplasme et les noyaux y conservent les mêmes caractères morphologiques, mais présentent une plus grande affinité pour les matières colorantes. Au niveau de cet épithélium épaissi, la cuticule mince ne se sépare guère de sa matrice. On notera que le revêtement épithélial prend brusquement d'autres caractères au point a, fig. 11. C'est le point d'union de l'intestin antérieur, épiblastique, avec l'intestin moyen, hypoblastique. Le passage de l'un à l'autre se fait toujours sans aucune transition, fig. 14. 2. Musculaire. La musculaire de ce tronçon est puissante. Les fibres circulaires sont disposées en une ou deux assises dans la partie moy- enne. Mais, aux deux bouts, la tunique s'épaissit notablement et forme deux anneaux plus ou moins distincts du reste, deux larges sphincters qui assu- rent l'occlusion du gésier. D'ailleurs, le tronçon entier pourrait être consi- déré comme un sphincter unique, fig. 11. On voit en outre des fibres, naissant dans les replis épithéliaux, fig. 15, passer à travers la couche circulaire et prendre une direction le plus sou- vent oblique, fig. Il, mt., pour devenir des éléments de la tunique longi- tudinale de l'intestin moyen. 2 Intestin moyen. Nous avons des raisons de croire que l'intestin moyen des larves de libellules constitue un objet de choix pour l'étude morphologique et sur- tout physiologique des épithéliums digestifs et sécrétoires. Mais outre que le temps nous a fait défaut pour poursuivre des recherches entreprises en vue de contrôler et de compléter les observations de nos devanciers : Frenzel, Heidenhain, Van Gehuchten, etc., nous pensons qu'une étude aussi spé- ciale doit se faire comparativement dans une série de formes et sortirait par conséquent du cadre de ce travail. Nous nous bornerons donc à indiquer sans détails les divers éléments qui constituent la paroi de l'intestin moyen. Toute sa surface interne est tapissée par les plateaux striés qui recou- vrent la face interne des cellules épithéliales. Mais, cette surface est perforée d'une infinité de pores, correspondant à la lumière très étroite d'innombra- bles cryptes épithéliales cylindriques, dont le fond est constitué par u n l'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates 289 amas solide de cellules de forme irrégulière, qui n'ont aucun rapport avec la lumière de l'intestin, fig. 16. On trouve presque partout à la surface de l'épithélium une infinité de vésicules de sécrétion, les unes détachées, les autres encore rattachées aux cellules à plateau qui les ont formées. Cette disposition générale de l'épithélium n'a rien de bien spécial ; elle s'observe communément chez les trachéates. La tunique musculaire comprend la couche circulaire interne et la couche longitudinale externe qui se constate régulièrement en cette région. La tunique circulaire se renforce notablement à l'extrémité inférieure, et, comme le calibre du tube est très réduit en cet endroit, cette portion de la musculaire peut fonctionner comme un sphincter et en produire l'obtura- tion complète. 3 Intestin postérieur. Union de l'intestin moyen avec le tronçon grêle, et embouchure des tubes de Malpighi. L'intestin moyen s'unit à l'intestin postérieur par l'intermédiaire d'un petit tronçon cylindrique de faible calibre. Ce tronçon appartient en propre à l'intestin terminal; il est recouvert d'une cuticule très mince. La paroi porte une série de replis longitudinaux, que la fig. 17 montre en section transversale et qui se terminent en haut comme en bas par une saillie assez nette. Ils servent évidemment à pro- duire l'occlusion de la lumière, aussi bien que les replis semblables de la 1 base du gésier. On en compte une vingtaine en section transversale. Mais le détail le plus saillant de la constitution de ce tronçon consiste dans l'embouchure des tubes de Malpighi. Ces canaux glandulaires sont extrêmement nombreux, mais il s'en faut de beaucoup que chacun d'eux débouche isolément et possède un orifice propre dans la paroi du tube digestif. Ils se réunissent au contraire à plu- sieurs, souvent à cinq et plus encore, pour donner naissance à un petit con- duit commun, fig. 18, v. Ce conduit est un peu dilaté dans le sens vertical et aussi dans le sens horizontal. Les divers tubes y débouchent les uns au- dessus des autres. On en voit également deux s'ouvrir parfois côte à côte dans le conduit commun dilaté, v, comme on le remarque dans les coupes transversales du tube digestif, fig. 17. 290 J. SADONES Tous les conduits communs s'ouvrent dans l'intestin par leur extrémité rétrécie et leurs orifices se disposent sur un même cercle, fig. 18, ca. Cha- cun de ces orifices est situé juste à l'extrémité supérieure du sillon qui sépare deux replis obturateurs voisins, fig. 17, s. La fig. 18 montre que la lumière du court conduit commun, v, est assez notable dans la portion qui reçoit les divers tubes. Mais le canal d'embou- chure, ca, qui lui fait suite est, au contraire, fort mince, et l'orifice par lequel le liquide sécrété se déverse dans l'intestin terminal est excessivement étroit, fig. 18, o. On remarque encore dans la fig. 18 que cet orifice, o, est séparé de la première crypte, cr, de l'intestin moyen par quelques cellules semblables à celles de la paroi du conduit commun et du canal d'embouchure. En résumé, les tubes de Malpighi se réunissent à plusieurs pour for- mer un conduit commun dilaté, d'où part un canalicule très mince qui s'ou- vre entre les replis du tronçon d'union. Les sillons qui séparent les replis obturateurs sont autant de gouttières recevant le liquide sécrété par ces tubes. Notons aussi que le bord inférieur de l'intestin moyen est très saillant dans la cavité ; il est formé de cryptes glandulaires très élevées qui descen- dent obliquement et pénètrent un peu dans le tronçon d'union, fig. 20, cr. i. m. Il y a donc au-dessus de la série des orifices malpighiens un bourrelet circulaire très saillant qui s'oppose à la remonte du liquide sécrété. Du reste, la tunique circulaire de l'intestin moyen, épaissie en un sphincter puissant dans la partie inférieure, fig. 20, m. tr, doit opposer à ce reflux un obstacle insurmontable. Toutefois, c'est surtout au-dessous du cercle des embouchures que l'oc- clusion du tube digestif est puissamment assurée. Toute la portion infé- rieure du tronçon d'union est en effet entourée d'un fort anneau musculaire, d'un véritable sphincter très nettement individualisé, fig. 20, s. C'est lui surtout qui, en appliquant les uns contre les autres les replis longitudinaux, oblitère complètement la lumière et rend impossible tout reflux du contenu de la portion grêle de l'intestin terminal dans l'intestin moyen. En dehors de ce sphincter, il existe aussi des fibres longitudinales, fig. 20, f. I. Comme le montre la fig. 17, elles passent entre les divers faisceaux de tubes de Malpighi et leurs conduits communs, m. I. Elles se continuent en avant avec les fibres longitudinales de l'intestin moyen, en arrière avec celles de la portion grêle de l'intestin terminal. L APPAREIL DIGESTIF ET RESPIRATOIRE LARVAIRE DES ODONATES 29 1 Certaines sections longitudinales de cette région nous ont permis de constater en outre que les fibres à direction antéro-postérieure n'existent pas seulement en dehors du sphincter. En effet, au niveau de l'embouchure des tubes malpighiens, où les fibres circulaires font défaut, on voit certaines fibres longitudinales se diriger du côté interne, puis passer en dedans du sphincter, et s'insinuer dans les replis épithéliaux dont la région sphincté- rienne est pourvue, fig.20, m.l.i. Ici, ces fibres émettent des ramifications plus ou moins ténues qui s'engagent dans les replis secondaires et s'attachent à l'épithélium. Tubes de Malpighi. Ces organes ne présentent chez les libellules rien de bien saillant, fig. 19. Leurs cellules sont de dimension médiocre. Elles sont, comme c'est le cas ordinaire, revêtues d'un plateau strié; mais ce plateau est très mince, et ses stries peu marquées ne se voient bien qu'en certains endroits et demandent l'emploi de puissants objectifs. i . Tronçon grêle. i. L'épithélium. La paroi de cette région est tapissée par deux épi- théliums d'aspect bien différent et recouvrant deux aires distinctes, fig. 21. On les voit représentés dans la fig. 22. L'un est un épithélium formé de cellules à peu près cuboïdes ou un peu aplaties, identiques à celles qui recouvrent les plis longitudinaux du tronçon d'union, fig. 26. Il occupe la face supérieure ou dorsale du tronçon, face qui présente des plis longitudinaux très développés, fig. 22. L'autre est bien différent : il est formé de cellules élevées et à proto- plasme fibrillaire, fig. 22. Il occupe la face ventrale ou inférieure de la région et présente une série de sillons longitudinaux peu profonds. Mais la surface de cette plage à épithélium cylindrique est en outre entaillée de plis transversaux assez développés qui logent des trachées et que l'on n'aperçoit bien que sur des sections longitudinales, fig. 20. La fig. 25 reproduit l'aspect des remarquables cellules de cet épithé- lium ventral. Elles sont très difficiles à délimiter les unes des autres ; il est même impossible de distinguer dans la partie profonde le territoire qui appartient à chacune d'elles. Du côté interne, au voisinage de la lumière, on peut au contraire apercevoir assez bien les limites de chaque cellule. Mais là encore la membrane cellulaire doit être extrêmement mince et se confon- dre en section avec les fibrilles parallèles qui constituent la masse du pro- toplasme, et un très bon objectif est nécessaire pour constater son existence. 292 J. SADONES Certaines coupes, parallèles à la surface, nous ont montré assez nettement le contour polygonal de ces cellules. Les fibrilles, ou cordons protoplasmatiques, dans cet épithélium, sont extraordinairement nombreuses, fines et régulières, et c'est à grand peine qu'on constate entre elles l'existence de quelques granules très fins. La face interne de ces cellules est recouverte d'une mince cuticule. Le noyau est toujours placé tout près de la face interne, à l'extrémité qui avoisine la cavité digestive. Cette position fixe du noyau constitue un trait remarquable, constant, et bien caractéristique de cet épithélium. Cette partie de l'épithélium digestif est d'une préparation extrêmement délicate. On la trouve souvent fortement altérée dans les coupes : une cavité parfois très large s'y produit sous la forme d'une vaste déchirure coupant irrégulièrement l'assise en deux couches, dont l'une reste adhérente à la propiïa, tandis que l'autre colle à la cuticule. Les solutions mercuriques, les liqueurs cIcFlemming et de Hermann, produisent presque invariablement cette déchirure. Seule, la liqueur de Perenyi nous a permis assez souvent de l'éviter. Mais ce liquide est, comme on sait, peu favorable à l'étude des détails du noyau et du protoplasme. Notons qu'il existe parfois, au voisinage de l'extrémité interne ou cuti- culaire de ces cellules, des cavités claires, sorte de vacuoles, qui paraissent vides sur les objets fixés. 2. Musculaire. Elle comprend des fibres circulaires internes et des fibres longitudinales externes. Les fibres circulaires forment un revêtement complet. Comme on le voit dans la fig. 20, elles ne s'engagent guère dans les replis épithéliaux transversaux de cette région. Les fibres longitudinales, continuant celles du tronçon précédent, se montrent d'abord irrégulièrement disséminées à la périphérie des sections transversales. Plus loin, elles arrivent graduellement à se grouper en bandes distinctes qui se présentent en nombre fixe et occupent une position déter- minée. Elles sont au nombre de six : i . Il y en a deux à la face ventrale, de chaque côté de la ligne médi- ane; c'est à leur niveau qu'on voit les trachées pénétrer dans les replis transversaux de l'épithélium épais. 2. Deux autres occupent les faces latérales, à peu près à la hauteur des bords de la gouttière ventrale que forme l'épithélium épais. 3. Les deux dernières courent le long de la face supérieure, à droite et à gauche de la ligne médiane. L APPAREIL DIGESTIF ET RESPIRATOIRE LARVAIRE DES ODONATES '-293 Ces six bandes sont parfois encore bien plus nettement individualisées que ne le montre la fig. 22. 2. Ampoule prérectale. 1. Epithélium. Les deux espèces d'épithélium que nous avons dé- crites dans le tronçon grêle sont représentées dans la partie dilatée. Le premier, l' epithélium mince, en tapisse toute la surface et forme un grand nombre de replis très irréguliers, les uns transversaux, fig. 20, les autres longitudinaux, fig. 23, dont l'importance et la disposition va- rient suivant le degré de dilatation de la poche. Le second, l'épithélium élevé, est localisé sur deux plaques discoïdes, dont nous avons dit un mot dans l'aperçu anatomique. Notre fig. 23 donne une idée exacte de leur position : elles occupent les deux faces latérales de l'ampoule. Leur forme, étudiée en section sur des objets fixés, est très variable. Tantôt elles sont bien planes et la saillie qu'elles font à la surface de l'épi- thélium général n'est due qu'à la hauteur de leurs cellules, fig. 35. Mais d'autres fois, et c'est le cas le plus fréquent, elles sont fortement plissées et enfoncées dans la cavité de l'ampoule. Dans ce cas, il est visible que la pro- fonde invagination qu'elles subissent en se retroussant est due, au moins en partie, à l'action des muscles circulaires de la paroi. Ce sont donc des or- ganes très mobiles qui peuvent alternativement s'enfoncer, devenir très saillants dans l'ampoule, puis s'abaisser, s'aplanir, et ces mouvements sont dus à l'action des muscles de la paroi. On trouve dans les coupes des plaques occupant toutes les positions intermédiaires possibles entre les deux cas extrêmes reproduits dans les fig. 23 et 35. Comme on le voit dans nos fig. 23 et 27, l'épithélium épais se continue sur tout le pourtour de la plaque avec l'épithélium mince. Celui-ci peut s'enfoncer plus ou moins sous la plaque. Il se forme alors une sorte de pédicule, tapissé d'épithélium mince, et dont l'épaisseur varie beaucoup suivant le degré de contraction de la tunique musculaire. Comparez à ce sujet les fig. 23 et 27. Le sang est donc largement en contact avec les plaques, et des trachées assez nombreuses s'étalent sur la surface externe ou s'engagent dans les plis de ces organes. L'épithélium, nous le répétons, est identique à celui de la plaque ven- trale du tronçon grêle : les cellules sont longues, minces, fibrillaires ; le noyau est placé tout au bout, près de la surface intestinale de la plaque, fig. 23, surface qui est recouverte d'une mince cuticule. 294 J SADONES 2. Musculature. Elle n'est pas distincte de celle de la portion grêle. On y voit, comme dans cette dernière, six bandes longitudinales et des fibres circulaires. Celles-ci s'engagent souvent plus profondément entre les replis transversaux de l'épithélium, fig. 23. Union de F ampoule prérectale avec le rectum. Elle se fait par l'intermédiaire d'une courte région sphinctérienne, fig. 28. Cette région est complètement tapissée d'un épithélium mince, iden- tique à celui qui tapisse la portion grêle et l'ampoule prérectale, quoiqu'un peu plus élevé. Les coupes longitudinales montrent que ses replis sont assez courts et bien limités en haut et en bas. La couche musculaire circulaire y est beaucoup plus épaisse que dans la région précédente et constitue un sphincter assez puissant. La couche longitudinale correspond aux six zones de la région précé- dente, demeurées plus ou moins distinctes. On voit, dans la fig. 28, quel- ques fibres passer de l'ampoule à la portion respiratoire; d'autres fibres prennent naissance dans les replis épithéliaux de la région sphinctérienne et passent sur le rectum, fig. 28. 3. Rectum ou portion respiratoire de l'intestin terminal. Nous avons vu dans l'aperçu anatomique que cette partie du tube di- gestif est très renflée, et qu'en l'étudiant extérieurement on la trouve enve- loppée d'une riche canalisation trachéenne. Les trachées envoient de nom- breuses branches à la paroi de l'organe ; celles-ci y pénètrent au niveau de douze zones longitudinales. Si on ouvre le tube, on constate qu'il est muni de six doubles séries de lamelles imbriquées. Chaque rangée simple reçoit une des douze séries de branches trachéennes. La forme, la disposition, la structure interne de ces lamelles, ainsi que leurs rapports avec les trachées et avec les cavités sanguines, vont nous oc- cuper dans les pages qui suivent. î . Forme des lamelles. Les lamelles respiratoires de nos larves ont la forme de petites écailles très minces et dissymétriques. Notre fig. 29 montre le contour, dessiné à la chambre claire, d'une lamelle prise dans le bas de l'organe. On y voit pénétrer les trachées. l'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates 295 Une aire opaque s'aperçoit le long du bord concave. C'est le bourrelet basai dont nous parlerons plus loin. Cette aire est due à la présence de deux plaques de cellules de nature différente. La première, discoïde, fig. 29, ep, est un épaississement très remar- quable de l'épithélium sous-cuticulaire, épaississement que l'on voit en coupe dans la fig. 33, b. La seconde, de forme variable suivant les lames, triangulaires dans la portion moyenne des séries, est formée d'éléments analogues au corps adi- peux de la larve ; ces éléments appartiennent à ce dernier tissu et n'ont rien de commun avec l'épithélium. Nous en parlerons plus loin. Un simple coup d'œil sur la fig. 36, qui représente une série de lamel- les en section, complétera ces notions sur la forme générale de ces organes. Ils sont extrêmement minces, sauf au niveau du bourrelet basai. La fig. 30 représente une lamelle semblable prise dans la région moy- enne du rectum. Les feuillets respiratoires y sont, comme on voit, un peu plus larges et d'une forme plus arquée. Le bourrelet basai y a une forme différente : il est triangulaire, un peu incurvé. 2. Piliers interlamellaires. Les lamelles portent sur leurs faces trois tubercules saillants, espèce de boutons coniques et plus ou moins élevés. Deux d'entre eux, fig. £9 et 31, /', t ", appartiennent à la face antérieure de la lamelle ; le troisième, t, voisin du sommet, appartient à la face postérieure. Dans les sections, on remarque à leur niveau dans l'épithélium un amas de noyaux, fig. 41, /. Ces pro- ductions ont évidemment pour effet d'empêcher les lamelles de s'accoler trop. étroitement les unes aux autres. Elles jouent ici le même rôle que les pointes et appendices variés que portent sur une de leurs faces les lames respiratoires des arachnides. Mais ces dernières productions sont de sim- ples dépendances de la cuticule, ainsi que Berteaux (1) l'a démontré, tan- dis que les tubérosités coniques dont nous parlons sont des éminences inté- ressant toute l'épaisseur de la cuticule creuse, et suivies par les cellules sous-cuticulaires. Ces piliers inter-lamellaires, à notre connaissance, n'ont jamais été si- gnalés par les auteurs. (1) Berteaux : Le poumon des Arachnides ; La Cellule, tome V, 2e fascicule, 1S89. 39 296 J. SADONES 3. Disposition des lamelles. Nous avons dit que les lamelles sont disposées en six doubles séries longitudinales. Dans chaque série simple ou rangée, les lamelles ont toutes la même orientation. Mais leur orientation est inverse dans les deux ran- gées parallèles d'une double série : les lamelles se regardent de rangée à rangée par leur bord concave, c'est-à-dire que leur bourrelet basai est voisin de la ligne de symétrie d'une double série. Le bord d'insertion des lamelles, qui est la charnière sur laquelle oscille le feuillet respiratoire, est à peu près transversal, un peu oblique, cependant, en avant et en dehors, par rapport à la ligne de symétrie de la double série, fig. 32. La position des lamelles ainsi appendues à la paroi, étudiée par rap- port à l'axe du tube digestif, est très variable ; elles peuvent se relever et s'abaisser, leur face postérieure, celle qui regarde vers l'anus, se rapprochant et s'éloignant de la paroi rectale. Ce mouvement n'est évidemment pas tout à fait antéro-postérieur, puisque la charnière ou bord d'insertion est légère- ment oblique. Remarquons que les rangées de lamelles n'ont pas la même largeur sur toute leur étendue : elles vont en s'atténuant vers les deux extrémités du rectum. Les lamelles n'ont pas toutes les mêmes dimensions; les plus grandes occupent le milieu des rangées et elles diminuent vers les deux bouts. 4. Structure interne des lamelles. Les lamelles respiratoires ne sont autre chose que des projections, des évaginations plates de l'épiblaste qui recouvre l'intestin postérieur. Elles comprennent donc chacune deux feuillets séparés par une cavité. Mais l'un de ces feuillets, l'antérieur, présente en un point un épaississement considé- rable : le bourrelet basai dont nous avons parlé. Occupons nous d'abord de la structure de l'épithélium de ce bourrelet. 1. Epithélium du bourrelet basai. On l'aperçoit en b dans la fig. 33. Il parait formé d'une substance assez claire, peu granuleuse, mais très fibril- laire. Les fibrilles, fig. 34, y affectent surtout une disposition perpendicu- laire à la surface de l'organe. A en juger d'après leur aspect, on est tenté de les considérer comme assez rigides et élastiques. On y voit souvent une grosse trabécule se diviser vers la paroi en un pinceau de fibrilles plus minces L APPAREIL DIGESTIF ET RESPIRATOIRE LARVAIRE DES ODONATES 297 qui vont se fixer à la fine cuticule. D'autres trabécules, obliques, incurvées ou affectant même une direction presque transversale, relient entre elles diverses trabécules principales. De volumineux noyaux sont plongés dans cette masse fibreuse. Mais il nous a été impossible de découvrir le moindre indice de limites cellulaires dans les bourrelets. La fusion des éléments épithéliaux paraît y être com- plète. Les coupes tangentielles, parallèles à la surface des bourrelets, ne pré- sentent pas davantage l'indice d'une division en territoires cellulaires dis- tincts. La fig. 37 montre aussi une foule de filaments souvent ramifiés. Ces filaments s'irradient toujours à partir des noyaux. Ces derniers ne se montrent jamais entourés d'un espace polygonal qui correspondrait au pourtour d'une cellule vue en section optique ou réelle. Ils sont, au con- traire, le foyer d'une irradiation qui se perd ou bien s'unit à des rayons voisins formant ainsi un réseau à mailles ininterrompues, dont les noyaux occupent les points nodaux et non pas le centre. Disons cependant qu'en beaucoup d'endroits nous avons vu, sur des coupes transversales du bourrelet, les fortes trabécules qui partent des deux pôles du noyau, diverger un peu en se rapprochant de la cuticule, et l'espace compris entre elles, au contact de cette dernière, était rempli d'une substance granuleuse et finement réticulée. Il y avait donc dans le bourrelet une série de faisceaux de fibrilles, contenant le noyau dans leur portion moyenne et se terminant à leurs deux extrémités par une espèce de plaque basale plus ou moins distincte, qui indique vaguement le territoire de la cellule correspon- dant au noyau, fig. 34. Toute cette masse de fusion paraît avoir été envahie par de grandes vacuoles, qui, résorbant les couches limitantes des cellules, ont conflué entre elles, donnant aussi naissance à un labyrinthe de cavités parcourues de fais- ceaux de fibrilles et remplies d'un liquide aqueux. Les noyaux du bourrelet épithélial sont de deux espèces. Les uns, très gros, occupent environ le milieu des piliers fibrillaires. On en voit souvent deux, surtout en examinant le bourrelet à plat, situés côte à côte et consti- tuant ensemble un centre d'irradiation trabéculaire, fig. 37. — Leur forme est variable : vus sur des coupes parallèles à la surface de l'organe, ils sont sou- vent ovoïdes, mais leur contour est fréquemment aussi anguleux et dans ce cas les angles donnent insertion à des cordons trabéculaires. Sur des sections transversales des bourrelets, on trouve les noyaux plus épais que larges et souvent concaves du côté de la face postérieure de la lame, fig. 34. Alors, on voit certaines trabécules parallèles du protoplasme s'insérer sur leur bord 293 J- SADONES saillant. Parfois aussi, la face concave porte elle-même d'autres saillies recevant de même leur fibrille plasmatique, fig. 34. L'autre face est convexe ou aplatie, rarement concave, mais son pourtour donne également insertion à des fibrilles. Ces noyaux possèdent tous un nucléole très chromophile, ainsi que des granules ou des bâtonnets plus chromophiles encore. Outre ces gros noyaux ordinaires, on trouve assez fréquemment des novaux plus petits dans la couche périphérique du protoplasme au voisinage de la face postérieure de la lame. Ils sont ordinairement aplatis, mais leur forme est variable, fig. 33 et 34, ri . Nous ne possédons aucune indication au sujet de la signification de ces noyaux. Ajoutons que l'on trouve de temps en temps d'autres noyaux encore, plus petits que les derniers, au voisinage de l'autre face du bourrelet, du côté de la cuticule, fig. 33, ri' . Leur signification n'est pas moins énigma- tique que celle des premiers. Plaque adipeuse. Intercalons ici la description d'un massif cellulaire aplati qui n'appartient pas à l'évagination épiblastique constituant la lamelle respiratoire, mais qui se trouve engagé à la base de l'organe, entre les deux feuillets de cette évagination. Chun l'a mentionné chez la Libcllula depressa et Faussek indiqua une production semblable chez YAeschna. Ils lui donnent le nom de tissu con- jonctif. Nous n'adopterons pas cette dénomination, parce qu'il nous paraît certain que cette production est de même nature que le corpus adiposum de la larve, et c'est une inexactitude au point de vue embryologique d'ap- peler tissu conjonctif ce dernier tissu qui est d'origine hypoblastique ou vitelline. Il serait à désirer que l'on adopte pour désigner ce tissu une déno- mination moins fautive aussi que celle de tissu adipeux, puisqu'on n'y trouve parfois aucune trace de corps gras. Toutefois, comme le terme de tissu adipeux est compris de tout le monde, nous l'emploierons encore faute de mieux. Cette masse apparaît parfois sur les coupes transversales du bourrelet comme une plaque unique, continue, formée d'une seule assise de cellules de forme régulière. En d'autres points, elle est moins régulière, les cellules s*y disposent souvent sur deux ou plusieurs rangs. C'est ce qui se produit souvent aux bords de la plaque et toujours vers le bord d'insertion de la lamelle, fig. 33. En outre, la plaque peut se diviser à ce dernier endroit en plusieurs masses distinctes de forme variable. l'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates 299 Ce massif est tapissé en avant par le bourrelet épithélial, en arrière par une matrice cuticulaire très mince, qu'on ne distingue nettement que si la section est bien perpendiculaire à la paroi, fig. 36. Rappelons que ce lobe de tissu adipeux déborde souvent de divers côtés le disque épaissi ou bourrelet basai de l'épithélium. 2. Portion mince de la lamelle. Si l'on excepte le bourrelet basai, l'on peut dire que les lames respiratoires sont des évaginations plates exces- sivement minces. On peut juger de leur épaisseur ou plutôt de leur minceur par les fig. 41 et 42, qui ont été dessinées avec l'objectif 1/12 et l'oculaire 4 de Zeiss. Notons d'abord quelesdeux feuillets épithéliaux de chaque invagination, y compris le bourrelet basai, sont recouverts d'une mince cuticule, comme toute la partie épiblastique du tube digestif. En outre, ces deux feuillets n'offrent pas exactement les mêmes rapports entre eux dans toute leur étendue : vers le bord adhérent, ils s'écartent et limitent une cavité plus ou moins large. Ceci se passe dans la région qui loge les gros troncs trachéens et ce sont ces gros troncs qui maintiennent les deux feuillets écartés. Dans le reste du limbe de la lame, il n'y a plus que des trachées de mince calibre, ainsi que nous le dirons plus loin, en décrivant ces éléments et en parlant de la position spéciale qu'ils prennent dans cette portion. Les deux feuillets peuvent dans cette région s'appliquer complètement l'un à l'autre, et alors la cavité intralamellaire disparait. 5. Rapports avec les trachées. Nous avons à parler à présent des trachées elles-mêmes. Six gros troncs trachéens, avons-nous dit, longent l'intestin respiratoire. Ils se divisent et donnent des branches aux six doubles séries de lamelles. Ces branches envoient de nombreux ramuscules aux rangées simples et ce sont des rami- fications de ces derniers que l'on voit, dans les fig. 29 et 30, s'engager dans la lamelle par son bord adhérent. La disposition et la ramification des branches trachéennes intralamel- laires est remarquable. 1. La ramification des gros troncs est normale, c'est-à-dire nettement dichotomique, fig. 29. Mais dans les branches de calibre moyen des lamel- les, les rameaux naissent souvent très près les uns des autres, donnant ainsi naissance brusquement à tout un bouquet de fines trachées. Cependant, si 300 J. SADONES on examine la base de ces bouquets avec attention, on y constate presque toujours que les divers petits troncs ne sont pas exactement à la même hau- teur. La réunion en bouquet est due simplement à la réduction du tronc principal, fig. 45. Ainsi donc, les troncs moyens paraissent donner naissance brusquement à un bouquet de filaments homologues, rappelant le bouquet terminal des araignées dipneumones (1). Mais en réalité il n'y a là qu'une apparence trompeuse; les tubes se divisent suivant le mode ordinaire. 2° La situation des trachées dans les lamelles doit s'étudier sur les coupes. Les gros troncs sont tout simplement compris entre les deux feuillets dans la cavité intralamellaire. Mais ils n'y sont pas libres. Ils se fixent soit à l'un, soit à l'autre, soiHe plus souvent aux deux feuillets à la fois. Cette union s'établit par les cellules péritrachéennes qui s'accolent à la couche sous-cuticulaire ou bien lui envoient des prolongements, fig. 41. Quant aux petites branches, elles courent dans l'épaisseur même de la matrice sous-cuticulaire. C'est là une disposition toute particulière qui n'a pas été signalée, croyons-nous, par nos devanciers. On constate la position de ces troncs dans la couche sous-cuticulaire dans nos fig. 39, 42 et 43. Cette couche elle-même paraît formée d'une masse unique de proto- plasme logeant des noyaux. Il nous a été impossible d'y reconnaître aucune limite cellulaire. La fusion des cellules épiblastiques y parait complète, que l'on examine les lames en surface ou qu'on en étudie des sections transverses. Cette masse loge deux espèces de noyaux d'aspect différent. Les uns sont assez gros, ovales, à élément nucléinien fractionné en granules et peu avide de matières colorantes, fig. 44. Les autres, plus petits, sont parfois allongés, mais plus souvent globuleux, plus chromophiles; souvent leur contenu est uniformément coloré et trop opaque pour qu'on puisse y distinguer les corps nucléiniens. Ils présentent souvent un détail digne de remarque. Les examine-t-on dans un milieu résineux, réfringent, tel que le baume de Canada, on remarque à leur surface un enfoncement de la paroi plus ou moins profond et plus ou moins large. Mais si l'on fait' usage d'un objectif à immersion homogène et surtout si l'on examine à plat des lamelles fixées, mais n'ayant pas subi le traite- (i) Voir Leydig : Traité d'histologie. L APPAREIL DIGESTIF ET RESPIRATOIRE LARVAIRE DES ODONATES 30 1 ment de l'enrobage, on constate que cet enfoncement loge une vésicule hyaline. Le noyau porte donc une espèce de vésicule, qui d'une part soulève sa paroi, de l'autre entame son contenu, fig. 44. Disons cependant que la présence de cette vésicule sur ce genre de noyaux n'est pas absolument constante. Nous pensons que ces derniers noyaux appartiennent à l'élément tra- chéen. On en trouve de très semblables le long des trachées, en dehors des lames. Quant aux autres, plus rares et plus gros, il faut les considérer comme appartenant aux cellules de la couche matrice, ou hypoderme. La couche de protoplasme sous-cuticulaire serait donc le produit de deux éléments fusionnés : les cellules de l'épithélium sous-cuticulaire et les cellules péritrachéennes introduites dans cette couche par les fines ramifi- cations qui l'envahissent. S'il est facile de distinguer à frais les fines trachées remplies d'air qui parcourent les lames, il est beaucoup moins facile de fixer exactement leur position dans les organes, ainsi que nous venons de le faire. En effet, les plus fines branches trachéennes seules pénètrent la couche sous-cuticulaire. Leur membrane est excessivement mince et leur lumière extrêmement étroite. Aussi, disparaissent-elles aisément dans la masse des granules du cytoplasme. Pour les voir, il faut employer de bons objectifs et examiner de fines coupes dans un milieu peu réfringent, tel que la glycérine diluée. Telle est la situation des trachées dans les lamelles respiratoires de la Libellula depressa. Anses trachéennes. Mais ici une question se pose : comment les trachées se terminent-elles ? Les auteurs, depuis Oustalet, dont nous avons cité les paroles plus haut, déclarent que les dernières ramifications trachéennes se recourbent et s'unissent ensuite pour reformer de nouveaux troncs plus gros. Voici comment s'exprime Chun sur le même point : « Die grosseren zu den Kiemen verlaufenden Tracheenstàmmchen ziehen zwischen der Muskellage durch, theilen sich meist dichotomisch, ebenso wiederum die kleineren Aeste, so dass gegen der Mitte der Kiemen zu ein âusserst feines System von dunnen Luftcapillaren entsteht, die dicht- gedrângt bis zu der Spitze der Kiemen verlaufen, hier umbiegen, und sich spàter wieder zu starkeren Stâmmchen vereinigend ein geschlossenes Sys- tem von Luftrohrcn bilden. » 302 J- SADONES Il est donc certain pour tous que les trachées ne se terminent pas librement dans les lames, mais y forment toujours des anses. Cela est exact. Il suffit pour constater le fait d'examiner une lamelle extirpée à frais et simplement étalée sur un porte-objets. Les trachées pleines d'air se voient parfaitement et on n'y trouve jamais de bout libre. Mais il est une autre question qu'on se pose naturellement à propos du mécanisme du renouvellement des gaz contenus dans ce système de ca- nalicules : les anses terminales sont-elles fixées par les deux bouts à un même tronc, ou bien relient-elles des troncs distincts? Et dans ce dernier cas ces troncs distincts aboutissent-ils tous deux au même gros tronc longi- tudinal ou bien à des troncs différents ? Ces questions ne sont pas dépourvues d'importance au point de vue du fonctionnement de l'organe et de tout l'appareil respiratoire. En effet, si les anses terminales retournent directement à leur tronc d'origine, l'air se trouve emprisonné dans leur cavité, comme il l'est au bout d'une arborisation trachéenne ordinaire. Si au contraire, elles aboutissent à des troncs longitudinaux différents, chaque lamelle posséderait un système afférent, un système efférent, et un riche faisceau de tubes non ramifiés, les anses, réunissant ces deux systèmes. Il serait alors fort admissible que des différences de pression ve- nant à se produire dans les deux troncs longitudinaux d'origine, un courant traverserait les anses et en renouvellerait le contenu. Une circulation d'air pourrait alors s 'y produire d'une façon plus ou moins régulière. Il ne suffit pas de poser ces questions, si simples qu'elles paraissent, ces questions de fait, pour les résoudre. Voici ce que nous en pensons dans l'état actuel de nos recherches. Tout d'abord, il paraît certain que les trachées de moyenne grosseur, qui marchent vers une lamelle donnée, proviennent toutes d'un seul gros tronc longitudinal. Cela ressort implicitement des descriptions et des figures des auteurs, bien qu'aucun d'entre eux ne semble avoir eu son attention atti- rée sur la question envisagée au point de vue d'une lamelle individuellement. En fait, quand on enlève des lamelles pour les examiner à plat, on con- state que chacune reçoit non pas un seul tronc, mais plusieurs petits troncs naissant à une certaine distance d'un même tronc plus gros, qui, lui, con- stitue une branche du tronc longitudinal principal. Mais dans la Libellula depressa, les petits troncs nés en dehors de la lamelle et y pénétrant indivi- duellement se disposent en deux groupes, dont l'un est plus voisin du bour- l'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates 303 relet basai, l'autre plus voisin du bord libre de l'organe, fig. 29. Bien que nous ne soyons pas encore arrivé à une certitude absolue sur ce point, il nous semble que les anses terminales, parties des troncs de l'un de ces groupes, aboutissent à des troncs appartenant à l'autre groupe, et que, dans la première partie de leur trajet, elles courent le long d'un des bords de la lamelle et dans la seconde le long de l'autre. L'hypothèse d'une circulation d'air dans les faisceaux d'anses est donc peu probable, car les causes capables de modifier la pression dans les racines trachéennes, qui pénètrent dans une lamelle, nous échappent, et, si elles existaient, elles seraient les mêmes pour les deux faisceaux de racines, puisque ceux-ci partent d'un même tronc à peu de distance de la lamelle. Cependant, nous nous croyons obligé de faire part au lecteur d'une ob- servation que nous avons faite chez les jEschna. En examinant le rectum dilaté de ces larves, on constate que de très fines trachées, parties des rameaux qui pénètrent dans les lamelles d'une série, s'unissent à des troncs qui s'engagent dans les lamelles d'une série voisine. C'est ce qu'on observe, par exemple, sur la ligne médiane dorsale; il existe en effet en cet endroit de fines et nombreuses trachées unissant le département du tronc dorsal droit à celui du tronc dorsal gauche. Si donc une différence de pression extérieure s'établissait entre le tronc droit et le tronc gauche, il y aurait des courants passant de l'un à l'autre, courants qui pourraient intéresser le contenu des anses. Nous n'avons pu répéter cette observation, d'ailleurs incomplète, sur la Libellula depressa, parce que les matériaux frais sont venus à nous manquer. Notons que les troncs qui portaient ces trachées anastomotiques étaient de petits troncs tout prêts à pénétrer dans les lamelles ou y ayant déjà péné- tré. Ce n'étaient pas des anses terminales. Si donc un courant s'établissait dans ces voies de communication, il n'intéresserait encore le contenu des anses que secondairement par entraînement. Nous ne pouvons donc résoudre d'une façon absolument complète et définitive la question de savoir s'il existe, dans le système trachéen des lamelles rectales de la Libellula depressa, des courants capables de renou- veler les gaz qui y sont contenus. Mais nos observations laissent fort peu de place à cette hypothèse. 40 304 J- SADONES 6. Cavités sanguines. On attribue au sang, dans les branchies du type ordinaire, un rôle pré- pondérant dans le mécanisme respiratoire. C'est lui qui va y chercher l'oxy- gène pour le porter aux autres organes et c'est lui aussi qui y porte l'anhy- dride carbonique pour l'éliminer de l'organisme. En est-il de même dans les branchies trachéennes, où il existe une cana- lisation spécialement affectée à la fonction de respiration ? Nous dirons plus loin quelques mots de ce point de physiologie. Mais la question en suppose résolue une autre qui est d'ordre anatomique : existe-t-il des cavités sanguines dans la branchie trachéenne des odonates? Des recherches assez délicates nous ont conduit à résoudre cette question par l'affirmative. Ces cavités existent dans la branchie; mais la constatation de ce fait était loin d'être aussi simple et aussi aisée qu'on pourrait le croire. Si l'on se borne à examiner la section des lamelles préparées suivant les méthodes habituelles, c'est-à-dire fixées par simple immersion dans le liquide fixateur, on trouve le plus souvent les deux feuillets constituant une lamelle très intimement appliqués l'un à l'autre, et l'on ne remarque pas de trace d'une cavité intralamellaire. Il semble alors que ces organes ne reçoivent pas de sang. En injectant le liquide fixateur dans le rectum, comme nous l'avons fait souvent, on obtient des lamelles encore plus minces et plus complète- ment dépourvues de cavités sanguines. Toutefois, nous n'avons jamais accordé une confiance entière aux aspects fournis par ce genre de coupes et nous avons cherché à mettre en évidence les cavités que nous supposions exister réellement, mais réduites à l'état de fente virtuelle. Après quelques essais infructueux, nous sommes arrivé à des résultats positifs et bien nets. En faisant des injections non plus dans le rectum, mais dans la cavité périviscérale, qui n'est autre chose qu'une lacune sanguine, nous avons réussi à faire pénétrer divers liquides dans les lames elles-mêmes, à en écarter les deux feuillets constituants et à faire apparaitre une cavité intra- lamellaire bien nette. Nous y avons fait pénétrer diverses masses d'injection, entre autres l'encre de Chine, ainsi que nous le montrons dans la fig. 38. Cette cavité se voit fort bien dans les fig. 41 et 42. Il est tout à fait certain qu'elle n'a rien d'artificiel. On l'obtient en injectant très modérément la cavité périviscérale, et même on la découvre çà et là, surtout à la base des l'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates 305 lamelles, entre les grosses racines trachéennes, et au bord du bourrelet basai, sur des rectums fixés par une simple immersion. Du reste, la disposition même des cellules et des trachées dans cette cavité, ainsi que la délimitation nette des deux couches matrices sous-cuticulaires, indique qu'il ne peut être question d'un décollement artificiel. Remarquons ici que, dans les parties modérément dilatées, on voit çà et là des cellules en forme de piliers réunissant les deux feuillets de la lame. Elles appartiennent à l'un ou à l'autre feuillet et ne sont pas des éléments interposés entre ceux-ci. Ajoutons aussi que certaines apparences que nous avons eues sous les yeux nous font penser qu'il se produit en certains points une véritable union, une soudure entre les deux feuillets sous-cuticulaires. En ces endroits, la cavité intralamellaire est réellement supprimée sur une aire plus ou moins étendue et l'injection ne permet pas de la faire réapparaître sans déchirure, fig. 43. Enfin, disons, pour lever tous les doutes, que l'on constate, tant sur les coupes, fig. 40 et 41, que sur les lamelles examinées à plat dans leur entier, l'existence de cellules du sang, alors que ces lamelles n'ont été soumises à aucune manipulation spéciale. Il existe donc dans les lamelles rectales des odonates une cavité' san- guine, assez étroite, mais communiquant assez largement, pensons-nous, avec la cavité périviscérale. Remarques sur le mécanisme de la respiration trachéo-branchiale. 1 . Circulation sanguine dans la lame branchiale. Nous venons d'établir qu'il existe dans la branchie des cavités san- guines, et par conséquent aussi une circulation sanguine. La lame respira- toire des odonates se trouve donc, sous ce rapport, dans les mêmes condi- tions que celle des crustacés ou des arachnides. Mais, dans les branchies du type ordinaire, la circulation sanguine non seulement existe, mais est très active. Le sang y coule à flots. En est-il de même chez nos larves? Nous ne le pensons pas. La circulation n'y est ni très rapide, ni très riche. En effet, les cavités sanguines y sont étroites au point d'être malaisées à démontrer même à l'aide d'injections. En outre, on ne découvre pas chez ces êtres dépourvus de vaisseaux proprement dits un mécanisme spécial bien établi de circulation branchiale. On ne fait qu'entrevoir, en étudiant la disposition anatomique de ces organes, 3o6 J- SADONES des causes capables d'y attirer et d'en expulser alternativement le sang de la cavité cœlomique. Ces causes possibles d'un courant sanguin dans la branchie sont les suivantes : 1 . La contraction des cellules qui passent çà et là d'un feuillet de la lame à l'autre, et les unissent comme des ponts. En se contractant, ces ponts ou piliers doivent rapprocher les deux feuillets, réduire par là même la cavité intralamellaire et en expulser une certaine quantité de sang. Une cause semblable agit certainement dans la branchie des crustacés édriophthalmes et le poumon des arachnides. Mais il n'est nullement prouvé à nos yeux que ces cellules peu nom- breuses, sauf au voisinage des gros troncs trachéens, irrégulièrement réparties et peu puissantes, soient douées d'une contractilité efficace. Elles n'ont rien de l'aspect vigoureux, ni de la structure fibrillaire des piliers des édrioph- thalmes et des limules, mais rappellent plutôt des cellules conjonctives. Si elles sont contractiles, on ne peut cependant les considérer comme de puissants agents de la circulation branchiale. 2. Les variations de la pression du liquide intrarectal ou eau de respi- ration. Les. lames branchiales pendent librement dans le rectum. Leur cavité communique avec le sang périviscéral et leurs parois minces et déli- cates sont extrêmement flexibles. Toute rupture d'équilibre entre la pression sanguine qui agit sur leur surface interne et la pression intrarectale qui agit sur leur face externe doit tendre à les rapprocher ou à les écarter. Si la pression rectale s'élève, elle tend à rapprocher les deux feuillets de la lame et à refouler le sang qu'elle contient vers le ccelome. Si elle s'abaisse, la pression de la cavité cœlomique qui tend à écarter les feuillets, pourra agir et du sang cœlomique s'introduira dans la branchie. Or, des variations de ce genre se produisent certainement, puisqu'à certains moments l'eau est attirée dans le rectum pour en être ensuite expul- sée avec plus ou moins de violence. Sans étudier ici la part qui revient, clans la production de ces courants alternatifs d'inspiration et d'expiration, à la paroi rectale et à la paroi du corps, nous pouvons considérer comme indubitable ce fait qu'il se produit des variations très marquées dans la pression intrarectale. Par suite, il doit se produire des courants sanguins d'entrée et de sortie dans les lames branchiales. Cette dernière cause pourrait être assez efficace et produire un renou- L APPAREIL DIGESTIF ET RESPIRATOIRE LARVAIRE DES ODONATES 307 vellement assez actif du sang branchial, si les cavités de l'organe n'étaient si étroites et si encombrées vers la base par les gros troncs trachéens. Ces diverses considérations nous mènent à la conclusion que voici : il existe une circulation sanguine dans les branchies des larves d'odonates, mais cette circulation n'est pas très active. Elle est certainement beaucoup moins active que celle des lames branchiales des édriophthalmes qui, d'après Delage, sont parcourues par un courant sanguin ininterrompu. 2. Mécanisme de l'absorption de l'oxygène par les trachées branchiales. Ce n'est pas sans raison que nous nous sommes attaché à rechercher la situation exacte des trachées dans la lamelle branchiale. Les rapports des anses terminales, qui constituent la partie fonctionnelle de l'appareil, avec le sang et avec le protoplasme des cellules sous-cuticulaires étaient impor- tants à reconnaître. La connaissance de ces rapports compte parmi les don- nées fondamentales du problème extrêmement difficile du mécanisme des échanges gazeux dans les trachées branchiales. Miall, dans son excellent livre sur les insectes aquatiques, émet à ce sujet quelques réflexions fort justes. On croit généralement, dit-il, que le principe de ces échanges est aisé à comprendre, et on déclare sans trop de réflexion que l'oxygène dissous dans l'eau ambiante passe dans les cavités trachéennes par simple diffusion à travers la mince membrane qui sépare ces deux milieux. On ne se demande pas ce qui attire ce gaz dans les cavités trachéennes, et ce qui l'y met en liberté, au début du phénomène. Sans doute, on pourrait comprendre que le phénomène une fois amorcé, se continue régulièrement. En effet, si l'oxygène trachéen est continuellement absorbé par les tissus voisins, on découvre dans la différence de richesse en gaz des deux milieux une cause de diffusion continue au même degré. Mais dans la larve jeune, les trachées sont d'abord remplies d'un liquide aqueux; on y voit apparaître à un mo- ment donné de petites bulles gazeuses qui deviennent de plus en plus nom- breuses, se fusionnent et finissent par en expulser complètement le liquide. On ne saurait expliquer par les simples lois de l'osmose et de la diffusion la production soudaine de ce phénomène et, comme le dit Miall, il est peu probable qu'un physicien voudrait entreprendre la construction d'un appa- reil capable de le réaliser dans les mêmes conditions, c'est-à-dire sans mo- dification de la température ni de la pression. 308 J. SADONES On ne peut expliquer le début du phénomène, ni même, à notre avis, sa continuation, que par une action particulière du protoplasme vivant qui déverserait activement le gaz dans les trachées par une sorte de sécrétion spéciale, une sécrétion gazeuse. La difficulté est la même pour tous les organes dans lesquels l'oxygène puisé en dehors est mis en liberté dans une cavité interne, comme la vésicule hydrostatique des poissons, les chambres à air du nautile et d'autres. Et même, tout bien considéré, il faut attribuer le phénomène des échanges gazeux à l'action du protoplasme vivant dans tous les cas de respiration, quels qu'en soient les organes, chez les animaux et chez les plantes. Cela ressort surtout des modifications que l'on observe dans ces échanges aussitôt que les cellules épithéliales qui tapissent les organes viennent à être tuées (1). On voit donc que la position des anses terminales des trachées bran- chiales à l'intérieur même du protoplasme de la couche de cellules plus ou moins fusionnées, qui tapisse la cuticule branchiale, valait la peine d'être notée. Elle fournit une confirmation à la manière de voir que nous venons d'exprimer. Si le protoplasme vivant est l'agent du phénomène, il n'est pas étonnant de trouver ces anses complètement plongées dans la matrice cuti- culaire et ainsi en contact intime avec lui sur toute leur longueur. 3. Mécanisme de la circulation galeuse dans la branchie. En traitant de la répartition des trachées dans les lamelles, nous avons exposé le résultat des recherches, malheureusement encore incomplètes, que nous avons faites en vue de décider comment le contenu de la canalisation trachéenne est renouvelé. Nous avons signalé les faibles indices qui per- mettraient de supposer que, au moins chez les seschnides, il se produit certains courants déterminant un renouvellement du contenu gazeux des anses respiratoires. Nous nous sommes demandé alors si, chez les larves des odonates et en général chez tous les insectes, la diffusion seule suffit pour assurer d'une façon continue le renouvellement des gaz dans l'arborisation trachéenne, en d'autres termes si l'oxygène, provenant de l'eau de respiration ou directe- ment de l'atmosphère ambiante, n'arrive que par la seule force de diffusion jusque dans les dernières ramifications trachéennes qui s'étendent à tous les organes du corps. (i) Voir les expériences de Tigerstedt et Santesson, Svenska Vet. Akad., 1886, et celles de Bohr, C. R., CXIV, 1892. L APPAREIL DIGESTIF ET RESPIRATOIRE LARVAIRE DES ODONATES 309 A cette question, chacun sera tenté de répondre et à bon droit : non, cette action ne suffit certainement pas, car elle est toujours assez lente et elle doit être en outre fortement entravée par l'attraction de la paroi, quand elle se passe dans des tubes capillaires et spécialement dans des tubes d'une finesse aussi excessive que les anses branchiales des odonates. De plus, il existe partout des mouvements respiratoires, c'est-à-dire des moyens de renouvellement mécanique du contenu des trachées, et, à première vue, il semble qu'il doive en exister de semblables dans le département branchial du système trachéen. Acceptons provisoirement cette thèse sur laquelle nous reviendrons plus loin. Comment donc expliquer le mécanisme de ce renouvellement dans les trachées en général et dans les anses branchiales en particulier ? Nous avouons que nous nous sommes creusé la tète longtemps sur cette question sans trouver de solution satisfaisante. En général, les auteurs admettent que les mouvements respiratoires des insectes ont pour effet de dilater et de comprimer alternativement le système trachéen. Cette explica- tion est acceptable pour les insectes qui possèdent de gros troncs trachéens à paroi déprimable et surtout ces vastes sacs trachéens du genre de ceux que tout le monde connaît chez l'hydrophile et d'autres coléoptères. La diminution de volume que subit la cavité trachéenne est due alors à une déformation de sa paroi. Mais l'esprit se refuse à admettre qu'une telle déformation se produise dans les fines branches trachéennes, où l'épaisseur de la paroi est relativement bien plus forte, par rapport au calibre du tube, que dans ces grandes cavités, et dont la rigidité, la résistance à l'écrasement, est bien plus considérable. En outre, on ne découvre aucune cause d'écrase- ment, d'aplatissement de ces troncs, spécialement dans les trachées bran- chiales; car si ces organes subissent une compression, celle-ci est exercée par le milieu liquide ambiant et elle agit uniformément sur toute leur surface. Voici, nous parait-il, la seule explication que l'on puisse donner de ce mécanisme; elle s'applique à tout le système trachéen des insectes. Si l'on ne peut admettre une dilatation de la cavité trachéenne par aug- mentation du diamètre des tubes, parce que la chitine qui constitue sa paroi n'est pas extensible ou l'est infiniment peu, ni une réduction de cette cavité par déformation, parce qu'on ne découvre aucune cause capable de la pro- duire, il ne reste qu'une explication à donner : c'est l'augmentation de la cavité par élongation. Ceci nous oblige à rappeler quelques détails de la structure des tra- chées en général. 3io J- SADONES La membrane chitineuse interne ou cuticute trachéale contient un épaississement spirale libre ou à tours de spire réunis par des travées obliques plus ou moins développées. Ces tours de spire sont reliés par une membranule demeurée très mince. Celle-ci est ordinairement plus ou moins infléchie vers l'extérieur entre les tours de spire qui se trouvent ainsi rap- prochés les uns des autres. Ce rapprochement est parfois tel, entre autres dans les gros troncs des odonates, qu'il amène les tours de spire presque en contact les uns avec les autres. La mince membrane infléchie reste flexible. Si donc on exerce une traction sur une trachée suivant son axe longitudinal, on pourra, en déplis- sant et redressant la membrane d'union, écarter les tours de spire, allonger l'organe et par conséquent, augmenter le volume de sa cavité. Voici une expérience concluante à cet égard. Une longue trachée d'odonate est placée sur un porte-objets et recou- verte d'un fragment de couvre-objets. On met au point sa surface à l'aide d'un grossissement assez faible, comme l'objectif A et l'oculaire 4 de Zeiss. Puis, avec l'assistance d'un aide, on exerce des tractions sur les bouts de la trachée. On voit alors avec la plus grande netteté les tours de spire s'éloi- gner et les espaces intermédiaires s'élargir jusqu'à égaler l'épaisseur de la spire. Il est donc certain que les trachées peuvent dans une certaine mesure se déplisser comme un accordéon et subir ainsi une certaine élongation et par suite une augmentation du volume de leur cavité. Cette augmentation peut être considérable, car si tous les tours de spire s'écartent, elle pourrait même, suivant notre expérience citée, doubler le volume trachéen. Nous pensons que c'est là le mécanisme qui permet le renouvellement du contenu des trachées en général. Quand, pendant les mouvements d'inspiration de l'animal, la pression interne du corps baisse, la pression atmosphérique, agissant par les stig- mates sur la surface interne des trachées, les allonge en dépliant la mem- brane interspiralaire. Cette action peut se produire jusque dans les der- nières ramifications trachéennes. L'air se renouvelle donc dans les trachées de la même manière que dans un soufflet ordinaire ou dans un accordéon. Chaque expiration produit l'expulsion d'un peu d'air appauvri en oxygène et chaque inspiration détermine l'entrée d'un peu d'air pur, et, grâce à ces mouvements alternatifs d'élongation et de raccourcissement rapidement répétés, l'air introduit se mélange au gaz non expulsé. L APPAREIL DIGESTIF ET RESPIRATOIRE LARVAIRE DES ODONATES 31 1 Tel est aussi le mécanisme qui peut produire le renouvellement des gaz contenus dans les trachées branchiales. Les oscillations de la pression cœlomique et intralamellaire, qui accompagnent certainement les mouve- ments respiratoires, produisent une alternance d'élongation et de raccour- cissement dans les trachées spiralées du corps et des branchies, et par suite un renouvellement actif des gaz contenus dans les ramifications terminales et capillaires de ces trachées. La dilatation de la cavité des trachées par élongation, par déplissement de leur paroi, paraît donc être le principal facteur du renouvellement des gaz trachéens dans les branchies rectales des odonates, étant donné qu'une circulation régulière ne peut se produire dans les anses terminales. Ainsi donc, l'étude de la structure des trachées et des lames bran- chiales permet de penser que le contenu gazeux des anses trachéennes peut se renouveler grâce à des mouvements alternatifs. Elle ne démontre pas que ces mouvements se produisent réellement, ni jusqu'à quel point ils sont efficaces. Bien plus, il n'est pas même certain qu'une cause extérieure aux anses elles-mêmes soit nécessaire pour assurer la circulation du gaz qu'elles absorbent pour le distribuer à tout l'organisme. En effet, si l'oxy- gène est extrait de l'eau par le protoplasme de la couche sous articulaire et déversé par lui dans les anses trachéennes qu'il contient, celles-ci se trouvent être le siège d'un courant continu d'oxygène. Elles déversent elles-mêmes ce gaz dans le système trachéen général. Le renouvellement du contenu des anses est le résultat de l'entrée continue de l'oxygène dans leur cavité. Pour ce qui regarde l'absorption d'oxygène, le mécanisme ventilateur extérieur dont nous avons démontré la possibilité n'est donc nullement né- cessaire. S'il se produit dans la branchie comme dans le reste du système, il y agit comme adjuvant du courant de production. 4. Mécanisme de l'élimination de l anhydride carbonique. Mais les organes respiratoires en général n'ont pas seulement pour fonction d'absorber l'oxygène et de le déverser dans le reste de l'organisme par des trachées ou par le sang ; ils servent aussi à l'évacuation de l'anhy- dride carbonique que le sang y amène de tous les points de l'organisme. Or, si nous admettons que les anses branchiales sont traversées par un courant de production, nous ne pouvons plus concevoir que l'anhydride carbonique y pénètre. 4' 312 J. SADONES Cette com pénétration de deux courants contraires n'aurait rien d'im- possible, s'il s'agissait ici de simples courants de diffusion. Mais nous avons dit que des phénomènes aussi lents de leur nature, retardés encore par l'at- traction des parois des tubes capillaires, sont absolument incapables, selon nous, de suffire à l'activité respiratoire de l'animal. L'hypothèse contraire se poserait comme une exception en contradiction avec tous les exemples bien étudiés de respiration aérienne, trachéenne ou pulmonaire. Nulle part, le renouvellement de l'air ne se fait par la diffusion gazeuse seule. Partout, il existe une ventilation mécanique, dont l'arrêt produit la mort par asphyxie. Il s'agit donc de courants mécaniques et deux courants mé- caniques opposés ne se compénètrent pas, même quand ils sont formés de gaz différents. Il paraît donc évident que les anses trachéennes ne constituent pas la voie éliminatrice de l'anhydride carbonique; elles servent uniquement à l'absorption de l'oxygène et l'anhydride carbonique doit s'éliminer par une autre voie. Quelle est cette voie? Sans aucun doute, c'est le sang branchial qui circule entre les deux feuillets de la lame, — au moins pour une part. Nous pensons que ce sang reçoit très peu d'oxygène, parce que l'oxygène qui est absorbé par la couche sous-cuticulaire est déversé par celle-ci dans les anses, voie qui le conduira dans le système trachéen général et, par celui-ci, le distribuera à tout l'organisme. Les anses trachéennes prennent donc tout l'oxygène absorbé par le protoplasme de la couche sous-cuticulaire, ou à peu près tout; elles n'en laissent guère pénétrer jusqu'au sang. Celui-ci, de son côté, n'en a guère besoin, car il n'est presque pas de cellule dans le corps d'un insecte qui n'ait sa trachée; l'oxygène est fourni aux cellules à l'état libre. Le sang n'est pas, comme chez les vertébrés, le véhicule de ce gaz. Mais s'il n'apporte pas l'oxygène aux cellules chez les trachéates, il est la seule voie qui puisse éliminer l'anhydride carbonique. Il faut donc qu'il s'en débarrasse lui-même et, les branchies étant un endroit où il n'est séparé du milieu ambiant que par une mince cloison, il est naturel d'admettre que le protoplasme vivant de cette cloison l'excrète activement. La seule objection que l'on puisse faire à cette conception du processus éliminatoire de l'anhydride carbonique est que les espaces sanguins sont peu développés dans les branchies. L APPAREIL DIGESTIF ET RESPIRATOIRE LARVAIRE DES ODONATES 313 On peut se demander si cette voie, qui ne paraît pas proportionnée à celle qui est consacrée à l'absorption de l'oxygène, suffit à l'élimination de l'anhydride carbonique. Il est certain que le sang est beaucoup moins richement fourni à la branchie de la libellule qu'il ne l'est à celle des isopodes, par exemple, ou au poumon des arachnides. Riais il faut tenir compte de ce fait, que, chez ces divers animaux, le sang est l'unique véhicule de l'oxygène, tandis que, chez les larves d'odonates, il existe une riche canalisation spécialement affectée à son transport, les anses trachéennes. Ce qui suffit à l'élimination de l'an- hydride carbonique ne suffirait peut-être pas à l'absorption de l'oxygène, qui est un gaz infiniment moins soluble. Il est donc permis de croire que, si faible qu'elle soit, la circulation sanguine dans la branchie suffit à cette élimination. Cependant, nous nous sommes demandé si certains organes, qui peuvent être également en rapport avec l'eau de respiration, ne répondent pas à cette fonction, n'agissent pas comme adjuvants des lamelles branchiales. Nous voulons parler surtout des disques épithéliaux contenus dans la vésicule prérectale, et de la lame de même nature qui occupe la face ven- trale du tronçon grêle. L'ampoule prérectale est, on se le rappelle, fermée en bas par un sphincter qui la sépare du rectum. Mais ce sphincter peut s'ouvrir et rien ne prouve que l'eau de respiration ne pénètre pas dans l'ampoule. Là, elle baignerait les disques latéraux et ceux-ci sont largement en rapport avec le sang cœlomique par leur face postérieure. Nous avons vu que ces disques peuvent s'aplatir, ou, au contraire, devenir très saillants dans l'intérieur de l'ampoule. Ces mouvements doivent avoir pour effet de renouveler à la fois le sang sur leur face externe et le liquide que nous supposons respira- toire, sur leur face interne. A quoi pourrait servir un tel mécanisme, dans un organe où il ne passe que des excréments et des produits urinaires; si ce n'est à éliminer un produit contenu dans le sang? Ce produit est peut-être l'anhydride carbonique. Nous nous garderons d'affirmer quoique ce soit au sujet de ces organes énigmatiques, mais l'hypothèse que nous venons d'émettre nous guidera dans des recherches que nous allons entreprendre à leur sujet. Note sur les lamelles de l'Aeschna. Nous ajouterons à ces données concernant la Libellula depressa quel- ques observations qu'il nous a été donné de faire sur les lamelles rectales 314 J- SADONES des larves des seschnides. Ce n'est pas une description complète que nous allons présenter ici, mais simplement quelques remarques qui nous permet- teront de critiquer plus aisément les descriptions et les figures de Chun. Cet auteur est cité par tout le monde à propos de la structure de ces organes, et en effet c'est lui qui en a fait l'étude la plus approfondie jusqu'ici au point de vue histologique. Cependant, ses descriptions et ses dessins sont fortement entachés d'inexactitude. Les lamelles des œschnides étudiées en coupe diffèrent de celles des Libellula surtout par ce fait, que la plaque épithéliale de leur bourrelet basai est double, fig. 46, b.c. En outre, le tissu adipeux qui pénètre entre ces bourrelets est divisé en lobes plus distincts, et même est parcouru par des trachées assez grosses, qui se rendent dans la partie mince de la la- melle, disposition qu'on n'observe jamais dans la plaque adipeuse de la Libellula depressa. D'après cela, il nous paraît évident que Chun a eu sous les yeux une œschnide et non pas une Libellula depressa, comme il le déclare. En effet, il figure à la base de la lamelle non pas un bourrelet épithélial, mais deux épaississements identiques ; de plus, il figure des trachées assez grosses tra- versant le - tissu conjonctif » (zellig-blasiges Bindegevvebe) pour passer dans la région mince de la lamelle. En outre, même si sa description et ses figures s'appliquaient à Y /Eschna, elles seraient encore très fautives. Nous reproduisons, fig. 47, le dessin que cet auteur donne de la section d'une lame. On y remarque : i° que les épaississements épithéliaux de la base, au lieu d'être nettement limités, comme nous le figurons, vont en s'effaçant insensiblement vers le haut. 2° Que l'épithélium pariétal qui unit les bourrelets et les lames est aussi épais que celui des bourrelets, fig. 46, e.p, tandis qu'il est en cet endroit excessivement mince et réduit à l'état de matrice. Ajoutons que Chun, tout en répétant après Leydig et Oustalet que les trachées se terminent en anses, ne figure pas ces dernières et que sur ses dessins il n'indique pas leur existence. Il ne figure que quelques gros troncs qui se ramifient. Quant à la position si particulière de ces anses dans l'épais- seur même de la matrice sous-cuticulaire ou hypoderme, il ne s'en occupe pas. Il ne dit pas un mot non plus des cavités sanguines, et le problème important du rôle du sang dans la respiration trachéo -branchiale ne s'est pas même posé à son esprit. l'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates 315 Ces remarques suffisent à démontrer que Chun n'avait publié à ce sujet que des observations superficielles et que de nouvelles recherches étaient à désirer pour les compléter. Un autre auteur, Fausser (1), dit un mot de la structure du rectum des JEschna, sans rien représenter. Relevons une de ses assertions qui est inexacte. Il y aurait, d'après lui, des lames dépourvues d'épaississement épithélial basai, d'autres munies d'un seul épaississement, d'autres encore munies de deux épaississements. Il est vrai que ces trois apparences peuvent se rencontrer sur une section longitudinale, par exemple, du rectum ; mais si l'on suit toutes les sections intéressant une lamelle donnée, on s'assure que toutes possèdent la même structure. Toutes ont deux bourrelets épithé- liaux basilaires, mais la coupe peut entamer la lamelle sans intéresser ces bourrelets, et alors il semble en effet que la lamelle est recouverte seulement d'un épithélium mince dans toute son étendue. 6. Musculaire rectale. La musculaire du rectum comprend deux couches : i° Une couche interne de fibres annulaires. Elles sont disposées sur une rangée et forment une tunique assez serrée, s'écartant seulement pour laisser pénétrer les trachées dans les invaginations lamellaires de la paroi rectale, fig. 48. 20 Une couche externe de fibres longitudinales. Celles-ci forment six cordons assez forts. Elles n'existent qu'au niveau de l'espace longitudinal qui sépare chaque double série de lamelles de ses voisines, fig. 48. 4. Tronçon anal. Cette partie, très courte, commence là où finissent les séries de lamelles respiratoires. D'abord, sur une certaine longueur, elle n'est formée que d'un épithélium mince recouvert par la musculaire. Les replis de cet épithélium sont plus ou moins développés et nombreux suivant l'état de contraction de la musculaire. Plus loin, les coupes transversales montrent la section de six bourrelets épithéliaux épaissis. L'épithélium y prend un aspect plus clair que dans le bourrelet basilaire des lamelles; de plus, il est stratifié. Il comprend une couche assez épaisse de grosses cellules très réticulées, fig. 49, b. Sous cette (1) Faussek : Beitrâge zur Histologie des Darmkanals der Insekten; Zeitschr. f. wiss. Zool. Bd. 45, 4. Heft, p. 710. 3i6 J- SADONES couche se trouve un lit assez irrégulier de cellules globuleuses ou polyédri- ques, c, plus ou moins séparées les unes des autres, et dont certaines sont énormes. Leurs noyaux, parfois très gros, sont pauvres en nucléine, et souvent on en trouve deux dans chaque cellule. Les noyaux qu'on trouve sous la cuticule, près de la lumière du tube, sont ordinairement semblables à ceux de la couche b, c'est-à-dire normaux et ovalaires; parfois, nous les avons trouvés comme altérés, écrasés, fig. 49. Il semble que cette assise supérieure soit alors comme comprimée et réduite, tandis que les couches sous-jacentes se sont fortement développées. Ces six productions sont réunies entre elles par un épithélium mince, qui esquisse quelques légers replis. Le tissu adipeux est très peu développé; il constitue un faible massif de chaque côté de l'épaississement épithélial, fig. 49, t, a. La musculaire du tronçon anal comprend, outre six bandes longitudi- nales et la tunique circulaire, six faisceaux de muscles radiaux, qui prennent naissance dans les replis de l'épithélium mince qui sépare les glandes rec- tales, et vont se rattachera la cuticule dermique, m. r. Ils sont évidemment dilatateurs. Chez YsEschna, ces bourrelets ont été signalés et décrits par Fausser sous le nom de glandes rectales (Rectaldnisen). Trois d'entre eux sont cou- verts d'un épithélium épais, régulier, non stratifié, quoique offrant plusieurs noyaux dans sa profondeur. Cet épithélium est très semblable à celui du bourrelet basilaire des lamelles. Les trois autres, qui alternent avec les précédents, sont recouverts d'un épithélium mince. La saillie du bourrelet est causée surtout par une masse de tissu adipeux située en dessous; dans les trois bourrelets à épithélium mince, ce tissu est la seule cause de la saillie. Ici, comme dans les lamelles rectales, le tissu adipeux est parcouru par des trachées. REMARQUE SUR LES GLANDES RECTALES. C'est une opinion qui s'est généralement répandue à la suite des tra- vaux de Leydig (i), Gegenbaur, Chun, Fausser, que les bandes de la- melles respiratoires rectales chez les larves de libellules sont homologues des productions que, perpétuant une notion erronée des anciens anato- mistes, on appelle encore aujourd'hui glandes rectales. (i) Leydig : Traité d'histologie, p. 385. l'appareil digestif et respiratoirae larvire des odonates 317 Nous n'entrerons pas dans la discussion qui s'est élevée entre Gegen- baur (1), Chun (2) et Fausser (3) au sujet de la valeur phylogénétique relative de ces glandes rectales et de ces organes respiratoires. Mais, nous ne pouvons nous abstenir de faire remarquer que l'intestin postérieur des larves de Libellula et d'Aeschna contient deux productions différentes : les six doubles séries de lamelles rectales et les six bourrelets du tronçon anal. Fausser considère les uns et les autres comme des organes évidemment homologues. Pour lui, les lamelles respiratoires ne sont que des bourrelets modifiés. Dans la discussion générale, cette homologie n'est jamais mise en doute. Cependant, nous pensons que ces bourrelets n'ont pas la même signi- fication que les doubles séries de lamelles : en effet, ils n'occupent pas la même position. Les six doubles rangées sont disposées en deux groupes latéraux de trois : trois à droite et trois à gauche du plan médian. La ligne médiane dorsale et la ligne médiane ventrale, occupées extérieurement par une bande musculaire longitudinale, correspondent donc à un sillon interne séparant les doubles séries droites des séries gauches. Au contraire, le tronçon anal n'a que quatre bourrelets latéraux. Les deux autres occupent respectivement la ligne médiane dorsale et la ligne médiane ventrale. Ils alternent donc avec les doubles séries de lamelles respiratoires. Il n'est par conséquent guère possible de ne pas considérer ces bourre- lets comme des productions différentes morphologiquement des doubles séries de lamelles rectales. Cette remarque introduit un nouvel élément dans la discussion et la question qui se pose à présent est celle de savoir si les organes, si répandus dans la classe des hexapodes et appelés glandes rectales, sont les homologues des bourrelets du tronçon anal des odonates ou des lamelles respiratoires lar- vaires de ces mêmes insectes. (1) Gegenbaur : Grund^ùge d. vcrgl. .ln.it. (2) Chun : Loc. cit., p. 37. (3) Faussek : Loc. cit., p. 710. p IBLIOGPvAPHIE. Amans Berteaux Bohr Carnoy Chun Cuvier De Geer Deii'itî Dufour Duvernoy Faussek Gegenbaur Ide Lejrdig Lyon net Marcel de Serres Martin Milne Edwards Oustalet Poletajeiv : Recherches anatomiques et physiologiques sur les larves d'/Eschna ; Revue des Sciences de Montpellier, (3), I, 18S1. ; Le poumon des Arachnides; La Cellule, tome V, 2e fasci- cule, 1889. : Comptes rendus de l'Acad. des Se. Paris, CXIV, 1892. : Biologie cellulaire, 1884. : Ueber den Bau, die Entwickelung und physiologische Bedeu- tung der Rectaldrûsen bei den Insekten ; Abhandl. d. Senc- kenb. Naturf. Ges., Bd. 10, 1876. : Mémoire sur la manière dont se fait la nutrition des In- sectes ; 1798. ; Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes; t. 6. 1742. : Einige Beobachtungen, betreffend das geschlossene Tracheen- system bei Insektenlarven ; Zool. Anzeiger, Bd. i3, 1890. : Etudes anatomiques et physiologiques et observations sur les larves des libellules ; Annales des sciences naturelles, 3e série, t. 17, i852. : Anatomie comparée de Cuvier, 2e édit., t. VII. : Beitrage zur Histologie des Darmkanals der Insekten ; Zeit- schrift f. wissen. Zool., Bd. 45, Hft. 4, 18S7. : Grundzùge d. vergl. Anatomie. ; Le tube digestif des édriophthalmes ; La Cellule, t. VIII, fasc. 1, 1892. : Traité d'histologie; trad. franc., 1866. : Ouvrage posthume, publié par M. de Haan en i832. : Observations sur l'usage du vaisseau dorsal; 18 i 3. : Sur la respiration des larves des Libellules ; Bull. soc. philom. Paris, (S), t. 4, n° 3, 1892. : Leçons sur l'anatomie et la physiologie; t. 2. : Mémoire sur la respiration des larves des Libellules; Annales des sciences naturelles, 5e série (zool.), t. ri, 1869. : Quelques mots sur les organes respiratoires des larves des Odonates ; Hora- Soc. Entom. Rossicae, XV, 1880. 42 ;>2o J. SADONES Rat^eburg Roster SuchoiP S a> animer dam Tiserstedt et Santesson Insectes nuisibles aux forêts; 1844. Contributo ail' anat. degli odonati ; Bull. soc. Entom. Ital., an. 17, trim. 3/4, 1886. Anatomie et respiration des larves des libellules; Heusinger Zeitschrift, Bd. III. Biblia nat, 1680. Dans collect. anat., t. 5. Svenska Vet. Alcad , 1886. EXPLICATION DES FIGURES. ABREVIATIONS GENERALES. eu., cuticule; ep., épithélium ; ep.e., épithélium épais; ep.m ., épithélium mince; /./., fibres longitudinales; m.L, muscles longitudinaux; m.c , muscles circulaires; m.o., muscles obliques; t.c, tissu conjonctif; T. M. ou M., tubes de Malpighi ; tr., trachées; ;?., noyau. PLANCHE I. FIG. 1. Croquis anatomique du tube digestif. — œs., œsophage; )., jabot; g, gésier; i.m., intestin moyen; M., tubes de Malpighi; t. g., tronçon grêle; a. p., ampoule prérectale; re., rectum; tr.a., tronçon anal. FIG. 2. Dents du gésier, a., — dent ventrale; b., dent dorsale. FIG. 3. Coupe transversale de l'œsophage. Gr. AX2. La coupe est un peu oblique et passe par une bande depaississement de la musculaire annulaire. FIG. 4. Fragment de coupe transversale de l'œsophage. Gr. DX^. — /., fibrilles articulaires. FIG. 5. Fragment d'une coupe longitudinale de l'œsophage. Gr. AX4- — ann., anneau d'épaississement des muscles circulaires; r.e., repli épithélial. FIG. 6. Coupe transversale dans la région supérieure du gésier. Gr. AX2. — E., épithélium épaissi; c.,c'., crêtes cuticulaires. FIG. 7. Coupe transversale vers le milieu du gésier. Gr. AX2. — c.,c'., crêtes cuticulaires; d.s., dent supérieure ou dorsale; d.i., dent inférieure ou ventrale; s., cuticule épaissie au fond du sillon qui sépare les dents dorsales; a., b., g., d., divers massifs musculaires. FIG. 8. Coupe transversale d'une dent ventrale au niveau du tubercule latéral. Gr. DX2. — c.b., couche pigmentée; c.v., couche moyenne, verte par le carmin; c.bl., couche interne, bleue par le même colorant; /., fibrilles cuticulaires; m., muscles circulaires. FIG. 9. Fibrilles spiralées qui réunissent les deux lames de la cuticule clivée. La lame intérieure, très mince, tapisse l'épithélium. Gr. DX2. FIG. 10. Coupe transversale de la région inférieure du gésier. Gr. AX2. — p.c., poils cuticulaires. FIG. 11. Coupe longitudinale du gésier et du tronçon d'union avec l'intestin moyen. Gr. AX2. — u.ce., union avec le jabot; c.g., cavité du gésier; m.t., muscles allant du tronçon d'union vers l'intestin moyen; ep'.e., épithélium épaissi du tronçon d'union; a., point où l'épithélium stomodéal se continue avec l'épithélium hypoblas- tique ep mo. 322 J- SADONES FIG. 12. Insertion des muscles sur la crête cuticulaire, c, du gésier. Gr. DX4- Les tendons passent entre les cellules épithéliales et les compriment. FIG. 13. Coupe transversale passant à peu près au fond de l'invagination de l'intestin antérieur. Gr. AX4- — i.m., épithélium de l'intestin moyen ; ep., épithélium épaissi de la partie ascendante du tronçon d'union; m.c , m'.c, muscles circulaires; m , muscles allant du tronçon d'union vers l'intestin moyen ; ils sont situés dans l'espace, c, extérieur au tube digestif; ep.m., épithélium mince du tronçon d'union. FIG. 14. Épaississement de l'épithélium du tronçon d'union, au point où il est près de se réunir, en a, à l'épithélium de l'intestin moyen. Gr. DX4- FIG. 15. Segment de coupe transversale du tronçon d'union. Gr. DX2. — m , muscles naissant dans les replis épithéliaux et passant sur l'intestin moyen. PLANCHE II. FIG. 16. Une crypte de l'intestin moyen. Gr. DX2. — u.c., noyaux de la couche conjonctive; 5., produit de sécrétion. FIG. 17. Coupe transversale passant un peu obliquement au niveau de l'embou- chure des tubes de Malpighi. Gr. DX2- — ca-, canal étroit faisant communiquer les tubes avec la cavité intestinale; s., sillons longitudinaux que présente l'épithélium épiblastique vis-à-vis de chaque embouchure. FIG. 18- Fragment de coupe longitudinale passant par l'embouchure des tubes de Malpighi. — c, portion dilatée du conduit commun; ca , sa portion étroite; o., son ouverture dans l'intestin; m.i.t , muscles circulaires du tronçon antérieur de l'intestin terminal; m. ci., muscles circulaires de la base du médi-intestin ; ep.i.t., épithélium de l'intestin terminal; a., cryptes du médi-intestin. FIG. 19. Fragment d'un tube de Malpighi. Gr. DX4- FIG. 20. Coupe sagittale médiane de la base de l'intestin moyen, de la portion grêle de l'intestin terminal et de l'ampoule prérectale. Gr. AX2 — i.m., intestin moyen avec ses cryptes, cr.i.m.; s., sphincter sous l'embouchure des tubes de Malpighi; ce, canal commun des tubes de Malpighi; m.l.i., fibres longitudinales situées dans les replis épithéliaux; p.v., plaque ventrale formée par l'épithélium épais de la portion grêle de l'intestin terminal; m.c, muscles circulaires de l'ampoule pré- rectale. FIG. 21. Croquis montrant la place occupée par l'épithélium épais de l'intestin terminal. — a., plaque ventrale de la portion grêle; b., plaques de l'ampoule prérectale. FIG. 22. Section transversale au niveau 1 de la fig. 21. Gr. AX2- L'épithélium épais forme un repli transversal dans lequel on voit des trachées. FIG. 23 Section transversale de la région dilatée au niveau 2 de la fig. 21. Gr. AX2- — p-, plaques épithéliales plissées ; m.c, muscles circulaires engagés dans les replis transversaux (comparer fig. 20). FIG. 24. Section transversale du tronçon d'union avec le rectum au niveau 3 de la fig. 21. Gr. AX2- H n'y a plus d'épithélium épais. l'appareil digestif et respiratoire larvaire des odonates 323 FIG. 25. Cellules de lepithélium épais. Gr. DX2. Les limites cellulaires se voient un peu à la partie supérieure des cellules. A la base, on remarque la propria avec des noyaux aplatis. FIG. 26. Cellules de l'épithélium mince de cette région. Gr. DX2- FIG. 27. Section sagittale latérale au niveau 4 de la fig. 21. — p., plaque épithéliale. La cavité est assez fortement dilatée. Gr. AX2. FIG. 28. Coupe longitudinale de la région sphinctérienne séparant l'ampoule du rectum. Gr. AX2- — S., sphincter; r.ep., replis épithéliaux; ?\, cavité du rectum; a . , ampoule prérectale. FIG. 29. Lamelle respiratoire de la région postérieure du rectum, vue à plat. Gr. AX2- — '•» t'., t"., tubercules; p., pointes cuticulaires ; ep.e , bourrelet épithélial; t. g., tissu adipeux; /., portion mince de la lamelle. FIG. 30. Lamelle respiratoire de la portion moyenne .du rectum. Gr. AX2- V. figure précédente FIG. 31. Quelques lamelles vues de haut, offrant deux tubercules, t' et t", sur la face antérieure et un, t, sur la face postérieure. FIG. 32. Schéma indiquant l'orientation et le mode d'insertion des lamelles. Les accolades embrassent chacune une double série. — m./., bande musculaire lon- gitudinale; l.s., ligne de symétrie de chaque double série; b.b., bourrelet basai; /., insertion de la portion mince de la lamelle; A, et P., côtés antérieur et postérieur du rectum. FIG. 33. Coupe transversale du bourrelet basai et de la lamelle. Gr. DX2- — b., bourrelet épithélial; tg., plaque de tissu adipeux, ici séparée du bourrelet épithélial; /., lamelle respiratoire; «'. et /;"., noyaux secondaires. FIG. 34. Bourrelet épithélial en section transversale. Gr. 1/12X2. — n' , noyau accessoire. PLANCHE III. FIG. 35. Coupe transversale de l'ampoule prérectale, montrant les disques en- tièrement aplatis. Gr. AX2 FIG. 36. Fragment d'une coupe à peu près longitudinale du rectum. Gr. AX4- Cinq lamelles en section transversale. Tissu adipeux, tg. , enclavé entre le bourrelet épithélial, ep.e., et une matrice cuticulaire, cp.m. FIG. 37. Coupe tangentielle de l'épithélium du bourrelet basai. Gr. DX4- Les noyaux, réunis deux à deux ordinairement, sont le centre d'irradiation des trabécules protoplasmatiques. FIG. 38. Bourrelet basai, montrant une injection d'encre de Chine qui a pénétré entre le tissu adipeux et l'épithélium épais jusqu'à la base du limbe de la lamelle respiratoire. FIG. 39. Coupe transversale d'une lamelle dans sa partie mince. Gr. 1 I2X2- — n., noyaux; //-., coupe d'une trachée capillaire logée dans le protoplasme sous- cuticulaire; /., ligne de séparation des deux feuillets de la lamelle. 324 J- SADONES FIG. 40. Même coupe passant par le bord de la lamelle. Gr. 1/12X2. — g s., globule sanguin dans la cavité qui existe entre les deux feuillets de la lamelle. FIG. 41. Même coupe que la précédente, passant par un tubercule, t. ; on y voit l'amas de noyaux. Gr. 1/12X4- — g-s-> globule sanguin. FIG. 42. Coupe transversale d'une lamelle dilatée. G. 1/12X4- On v0^ ^a cavité intralamellaire, c. Le protoplasme péritrachéen réunit les deux feuillets au niveau tr. FIG. 43. Même coupe que la précédente. Gr. 1/12X2. Les deux feuillets sont naturellement écartés à la base de la lamelle, au-dessus du bourrelet épithélial, bb., et du tissu adipeux, t. a. Plus loin, lecartement s'est produit avec déchirure des couches protoplasmatiques. FIG. 44. Noyaux de la lamelle. Gr. 1/12X4 — "•, noyau de l'hypoderme; n' , noyau de l'élément trachéen, avec sa vésicule hyaline. FIG. 45. Division en bouquet des troncs trachéens moyens. FIG. 46. Coupe transversale du bourrelet basai de Y. Eschna. Gr. DX2. — be , be,, bourrelets épithéliaux; t. a , tissu adipeux. FIG. 47. Figure (réduite) par laquelle Chun représente une section transver- sale d'une lamelle rectale de Libellula depressa. — i., intima; e., épithélium; m.q., muscles circulaires; ml., muscles longitudinaux. FIG. 48. Fragment d'une coupe transversale du rectum. Gr. AX2. Les bour- relets basaux sont rapprochés deux à deux. Les muscles longitudinaux, m.l., situés en dehors des muscles circulaires, occupent l'espace entre les doubles séries. FIG. 49. Coupe transversale d'un bourrelet épithélial du tronçon anal. Gr. DX2- — a., couche de noyaux aplatis; b., couche moyenne ; c , couche profonde de l'épi- thélium ; t. a , tissu adipeux; m.r., muscle radiaire. TABLE DES MATIÈRES et embouchui I. Aperçu historique ..... II. Recherches personnelles .... Méthodes .... A. Aperçu anatomique .... i. Intestin antérieur ... 2. Intestin moyen .... 3. Intestin postérieur .... B. Structure des différentes régions i. Intestin antérieur .... i. Œsophage .... 2. Gésier .... 3. Tronçon d'union avec l'intestin moyen 2- Intestin moyen .... 3. Intestin postérieur .... Union de l'intestin moyen avec le tronçon grêle des tubes de Malpighi . i. Tronçon grêle 2. Ampoule prérectale. Union de l'ampoule avec le rectum 3. Rectum ou portion respiratoire de l'intestin terminal i. Forme des lamelles. 2. Piliers interlamellaires 3. Disposition des lamelles 4. Structure interne des lamelles 5. Rapports avec les trachées . 6. Cavités sanguines Remarques sur le mécanisme de la respiration trachêo-branchiale 1. Circulation sanguine dans la lame branchiale 2. Mécanisme de l'absorption de l'oxygène par les trachées branchiales ....... 3. Mécanisme de la circulation gazeuse dans la branchie 4. Mécanisme de l'élimination de l'anhydride carbonique Xote sur les lamelles de ^Eschna 7. Musculaire rectale . 4. Tronçon anal Remarque sur les glandes rectales Bibliographie. ...... Explication des figures ..... 273 276 276 277 278 279 279 280 2S0 2S0 2S1 287 28S 289 289 291 293 294 294 294 293 296 296 299 304 3o5 3o5 307 3oS 3n 3i3 3i5 3i5 3i6 319 321 Plajichr I Planche II ■ ■ ■ Planche fil - i Étude comparée des Glandes de Gilson, ORGANES MÉTAMÉRIQUES DES LARVES D'INSECTES DISSERTATION INAUGURALE présentée pour l'obtention du grade de Docteur en Sciences naturelles par Maurice HENSEVAL assistant a l'Institut zoologique de l'Université de Louvain. {Mémoire déposé le 15 juin 1895J 43 ÉTUDE COMPARÉE DES GLANDES DE GILSON I. INTRODUCTION ET REMARQUES PRÉLIMINAIRES. Les organes dont nous allons traiter ont été découverts chez les trichop- tères par M. le professeur Gilson (i), qui a bien voulu nous charger d'en faire une étude détaillée et comparative. Ils débouchent sur la ligne médiane ventrale, souvent au sommet d'une protubérance. La première au moins de ces protubérances s'allonge au point de devenir une véritable canule, assez semblable à la canule fileuse portée par le labium des larves de lépidoptères. Ce dernier trait rend d'autant plus étonnant le fait qu'ils avaient mis en défaut jusqu'ici la sagacité des naturalistes. Cette canule est, en effet, très facile à voir avec l'aide d'une loupe et même, dans certaines espèces, à l'œil nu. Aussi n'a-t-elle pas échappé à Réaumur (2). Mais cet habile observa- teur n'a pu découvrir sa fonction ; il est, au contraire, porté à la considérer comme une canule fileuse des glandes à soie, bien qu'il déclare n'en pas avoir vu sortir le fil. C'est assez dire qu'il n'a pas même soupçonné l'existence de la glande qui y aboutit, ni, à plus forte raison, des glandes homologues que portent les segments suivants dépourvus de canule. Depuis Réaumur, personne ne semble s'être occupé de la canule, à l'exception de Miall, qui, dans son tout récent ouvrage (3), réforme la supposition de Réaumur et déclare que ce n'est pas la canule fileuse, parce que celle-ci est située juste derrière la bouche. La pointe incurvée, située entre les deux pattes anté- (1) G. Gilson : On segmcntally disposed thoracic glands in the larvx of trichoptera ; Procee- dings Linnean Society, feb. 1896. (2) Réaumur : Alémoires pour servir à l'histoire des insectes. (?) Miall : Natural history of aquatic insects. London, iSq5. 330 Maurice HENSEVAL rieures, est donc, dit-il, un organe dont la fonction est encore inconnue : « whose fonction is as yet unknown. » Les glandes que nous décrivons sont donc intéressantes d'abord en leur qualité d'organes nouveaux; elles le sont encore à cause de diverses particularités de leur structure, de leur disposition, de leur valeur morpho- logique, et elles nous ont donné l'occasion de faire quelques remarques d'un certain intérêt au point de vue cytologique. Nous avons éprouvé quelque difficulté à leur trouver une dénomination convenable. Le terme glandes segmentaires prête à confusion. Celui de glandes thoraciques ne nous satisfait pas davantage, parce que rien ne prouve que la région abdominale est privée d'organes homologues dans tout le groupe des arthropodes. Il y a sur ce point des recherches à faire. Pour notre part, nous n'oserions affirmer qu'elles n'existent pas ailleurs qu'aux segments thoraciques, même chez les trichoptères, la révision de l'ordre que nous avons entreprise à ce point de vue n'étant pas terminée. Nous proposons de les appeler tout simplement glandes de Gilson, dé- nomination exempte d'équivoque et qui ne préjuge rien au sujet de leur valeur morphologique. En ceci, nous imitons l'exemple suivi par notre maître lui-même, qui appela glandes de Filippi(i), — du nom du naturaliste qui les a décou- vertes, — les glandes annexes des organes producteurs de la soie. Ce terme désignera donc des glandes sans rapports avec les membres et s'ouvrant sur l'arceau ventral des somites chez les arthropodes. Nous traiterons plus loin de leurs homologies. Nous sommes heureux de présenter ici à M. le professeur Gilson nos remerciements pour la direction qu'il nous a donnée dans ces recherches. Nous ne pouvons nous empêcher en outre, arrivé au terme de nos étu- des, de remercier M. le professeur Carnoy d'avoir bien voulu nous recevoir pendant trois ans à l'institut cytologique. Que ces deux maîtres dévoués reçoivent ici l'expression de notre vive reconnaissance. Enfin, nous présentons aussi nos remerciements à M. Mac Lachlan, de Londres, qui nous a très obligeamment prêté le' secours de sa haute compétence pour la détermination des espèces sur lesquelles nos recherches ont porté. (i) G. Gilson : La soie et les appareils sérieigenes ; La Cellule, t. VI, i, 1890. ÉTUDE COMPARÉE DES GLANDES DE GILSON 331 Méthodes de recherche. Nous avons employé dans l'étude de ces glandes la fine dissection et la méthode des coupes en série. Dissection. Pour disséquer les glandes des phryganes, nous attaquons nos larves par le dos, nous rejetons le tube digestif sur le coté, en prenant soin de détacher les lobes de la première glande, qui l'enserrent souvent très intimement. Puis, nous aidant d'une bonne loupe, nous dégageons celle-ci des organes voisins. La dissection nous a servi pour l'étude de la forme et de la position exacte des glandes. Méthode des coupes en série. Les résultats fournis par la première méthode doivent naturellement être complétés et vérifiés par la méthode des coupes microtomiques de la partie antérieure de l'animal entier. Mais cette méthode présentait de sérieuses difficultés : nous avons tâtonné longtemps avant d'obtenir de bonnes coupes de la tète de l'animal, ainsi que du premier anneau thoracique, parties qui sont munies d'une cuticule épaisse et cornée. On peut se rendre compte de son épaisseur en jetant un coup d'œil sur nos dessins. Après bien des tâtonnements, nous nous sommes arrêté au procédé suivant. Fixation. Nous injectons toujours le corps de l'animal avec le liquide fixateur, afin d'empêcher la contraction et la formation de replis dans la paroi du corps, replis qui rendent bien difficile l'étude de la topographie des organes. Afin de faciliter la pénétration des réactifs, nous sectionnons longitudinalement la paroi dorsale de l'animal; puis, nous détachons la tête avec les quatre premiers anneaux thoraciques. Comme fixateur, nous avons employé le sublimé, formule de Gilson. La liqueur de Perenyi nous a aussi rendu des services; elle rétracte peu les tissus, mais les préparations obtenues étaient impropres à l'étude cytologique. La liqueur de Hermann est peu favorable à l'étude de notre objet. Coloration. Nous colorons souvent nos pièces en bloc avant de faire les coupes. Cette coloration suffit pour l'étude anatomique; mais pour l'étude cytologique, les meilleures colorations s'obtiennent après coupe. 33'2 Maurice HENSEVAL Comme colorant, nous avons employé le paracarmin, le carmin aluné et l'hématoxyline, ainsi que divers colorants protoplasmatiques. Déshydratation, Nous déshydratons progressivement nos pièces en passant par une série intermédiaire d'alcools. Nous consacrons beaucoup de temps à cette opération : les objets restent 24 heures dans l'alcool absolu. Enrobage. Par l'enrobage à la paraffine simple, nous ne sommes jamais parvenu à couper la tête des phryganes. Nous avons dû recourir à la méthode combinée du collodion et de la paraffine. Nous laissons séjourner nos pièces dans un collodion très liquide pen- dant 3 semaines. Dans le but d'accélérer cette opération, nous plaçons sou- vent nos pièces en flacon fermé dans une étuve à 500. Le bouchon est fixé à l'aide d'une ficelle qui l'empêche de céder à la pression qui se développe. La pénétration se fait plus rapidement dans ces conditions. Nous laissons toujours évaporer le collodion jusqu'à ce qu'il constitue une masse très épaisse. Ensuite, nous débarrassons les pièces de leur excès de collodion et nous les jetons dans le chloroforme pour les durcir. Cette dernière opération demande toujours au moins une heure. Après cela, nous plaçons nos pièces quelque temps dans la paraffine, un quart d'heure suffit, et nous coupons. Les coupes sont alors montées soit dans le baume de canada, soit dans la glycérine. Pour l'étude cytologique, nous avons eu recours tantôt à des coupes microtomiques fines montées dans la glycérine, tantôt à des dissociations. II. DESCRIPTION DES GLANDES. Nous avons jusqu'ici étudié les glandes de Gilson dans les six espèces que voici : Phryganea grandis. Un phryganide non déterminé. Limnophilits rhonibicus. « flaincornis. y extricatus. Anabolia nervosa. ETUDE COMPAREE DES GLANDES DE GILSON 333 Le nombre, la situation, la disposition et la forme générale de ces or- ganes nous occuperont d'abord, leur structure interne ensuite. C'est l'ordre que nous avons suivi dans nos recherches et c'est celui qui s'impose à toute recherche microscopique. Étudier les éléments constitutifs, cellules ou tissus, d'un organe, dont on n'a pas une connaissance anatomique complète, précise et détaillée, c'est s'exposer aux plus étranges méprises. i. Aperçu anatomique. A. — PHRYGANEA GRANDIS. Nombre et situation des glandes. Elles occupent trois segments successifs : les trois segments thoraciques, c'est-à-dire ceux qui portent les pattes. Leur orifice occupe la ligne médiane ventrale ; il est situé entre les deux articles basilaires de chaque paire de pattes, quoique à un niveau un peu antérieur. Disposition et forme de chaque organe. PREMIÈRE GLANDE. Elle est très volumineuse dans cette espèce et divisée en deux lobes, s'étendant en dessous et sur les côtés du tube digestif et gagnant même sa face supérieure. C'est une glande tubuleuse composée. Chacun de ses lobes est formé d'environ une dizaine de tubes rappelant assez par leur apparence extérieure les tubes de Malpighi de certaines larves. Ces tubes s'unissent d'une façon variable d'abord, puis finissent par former trois canaux plus forts, fig. 14, qui eux-mêmes s'abouchent pour former un seul canal com- mun. Tous ces tubes, comme le montre la fig. 3, convergent vers la ligne médiane ventrale. Le canal commun de chaque côté se trouve en dedans des glandes filières. Ils marchent l'un vers l'autre en se dirigeant obliquement vers l'avant et prennent à un moment donné une direction descendante. Dans ce trajet, ils passent à droite et à gauche de la chaîne nerveuse, fig. 6. Entre la section des canaux, c, on remarque celle des commissures ner- veuses, com-. Ce sont les commissures qui unissent le deuxième ganglion abdominal au troisième. 334 Maurice HENSEVAL Les fig. 3, 6 et 7 donnent une idée exacte de la position relative des organes. Le réservoir. Un peu plus loin, ces deux canaux se dirigent parallèlement en avant et s'unissent, fig. 6. Le canal résultant de leur union est une espèce de réservoir de forme grossièrement triangulaire, fig. 3. En avant, il s'amincit et se termine par un tube étroit qui pénètre dans la projection cuticulaire que l'on aperçoit sur la face extérieure du segment. La canule. Celle-ci se voit en relief dans les fig. l et 2 qui représentent la partie antérieure d'une larve examinée à la loupe. Les fig. 4 et 5 la font voir en section longitudinale et transversale. La première permet de voir l'épithé- lium glandulaire non loin du sommet de la canule avec l'épithélium matrice de la cuticule dermique. La canule de cette espèce a une longueur considérable : elle atteint 1 millimètre chez les grands individus. DEUXIÈME GLANDE. Elle est beaucoup moins volumineuse que la première. Ses deux lobes ne s'étendent qu'en dessous et sur les côtés du tube digestif. Jamais, ils ne s'avancent au-dessus de cet organe. Comme la première, c'est une glande tubuleuse composée. Ses tubes, moins nombreux, ne forment ici en s'unis- sant que deux canaux collecteurs s'abouchant de chaque côté en un canal commun. Ces tubes s'avancent sur les côtés du corps jusqu'au niveau des disques imaginaux des ailes, ainsi que le montre la fig. 10. Ils y forment un pe- loton qui s'insinue entre les organes imaginaux et les muscles pariétaux. Les deux canaux communs latéraux convergent vers la ligne médiane ventrale, contournant un groupe de muscles pariétaux, puis le troisième ganglion nerveux avec leurs commissures, puis enfin une saillie cuticulaire interne dont nous reparlerons plus loin et que nous appellerons lefulcre, fig. 8 et 10. Ces canaux s'unissent de chaque côté pour former un canal unique à lumière très réduite, fig. 9. ETUDE COMPAREE DES GLANDES DE GILSON 335 La deuxième glande est donc dépourvue de réservoir; notons seulement qu'au voisinage de la ligne médiane la lumière des deux canaux latéraux se dilate très légèrement. Le canal impair assez court, fig. 4, passe dans une masse de tissu imaginai, sous lequel il atteint la cuticule du deuxième segment thoracique. Il s'y ouvre par un pore très étroit, ordinairement clans un sillon de la cuticule, qui n'est qu'un pli temporaire causé par la contraction des muscles pariétaux. Cet orifice est situé sous la saillie cuticulaire du fùlcre dont nous venons de parler, un peu au-devant du troisième ganglion de la chaîne ventrale. Il occupe un niveau un peu antérieur à celui des pattes de ce segment. Le fulcre et ses muscles. Le fulcre est une saillie conique de la cuticule, une invagination tubu- laire rigide. Il se dirige vers l'arrière et passe entre les deux commissures nerveuses qui vont du deuxième au troisième ganglion. Son sommet donne insertion à des muscles. La fig. 3 montre ces muscles tels qu'ils apparaissent à la dissection; on en remarque quatre, disposés en croix, deux se dirigent obliquement en dehors et en avant et les deux autres divergent vers l'arrière. D'autre part, ces muscles se terminent à la paroi du corps. Nous n'avons pu jusqu'ici étudier la fonction de ce curieux appareil. Embryologiquement, il correspond à la fuvea, que Wheeler décrit comme dérivant de la portion moyenne de la plaque ectodermique ventrale chez le Dorrp/wra (1). TROISIÈME GLANDE. Elle est moins volumineuse encore que la précédente. Toutefois, il y a moins de différence entre la deuxième et la troisième qu'entre la première et la seconde. La structure est la même et ses rapports sont analogues. Elle s'ouvre également sous un fulcre, mais celui-ci ne porte que deux muscles dirigés vers l'arrière; son orifice occupe sur le troisième segment la même position que celui de la précédente. fi) Wheeler : The Embryology of Blatta germanica and Dorjyhora decemlincata; Jou nal of Morphology, vol. III, 1889. 44 336 Maurice HENSEVAL Avant de terminer cette courte description des glandes de la Phryga- nea grandis, nous désirons attirer spécialement l'attention du lecteur sur la fig. 3, qui est un dessin d'ensemble fait d'après une dissection. On y voit les trois glandes abdominales successives et l'on y constate leurs rapports avec divers organes voisins, surtout avec les ganglions nerveux. Le réservoir du premier organe s'aperçoit en R. Comme il occupe la ligne médiane, il n'est visible que grâce à l'écartement qu'on a fait subir aux commissures reliant le premier ganglion de la chaîne nerveuse au deuxième. En gl.s., on aperçoit les glandes séricigènes ; elles traversent le fais- ceau de tubes glandulaires de la première glande. Ce rapport n'est pas absolument constant : souvent, le faisceau entier est situé au-dessus de ces organes. Le canal commun, ou pédicule du faisceau, passe entre les deux tubes fileurs. B. — PHRYGANIDE NON DÉTERMINÉ. Nous n'avons malheureusement pas pu déterminer cette espèce dont nous ne possédions qu'une larve fixée. Elle possède trois glandes bien dé- veloppées et très semblables à celles de la Phryganea grandis. La fig. 16 appartient à^cet animal. On y voit les canaux collecteurs de la première glande au moment où ils descendent entre les glandes filières pour aller se rejoindre et former un réservoir sous la chaîne nerveuse. C. — LIMNOPHILUS FLAVICORNIS. Le système des glandes qui nous occupent est ici bien moins développé que dans les deux phryganides dont nous venons de parler. Une seule glande existe : la première, portée par le premier anneau thoracique. Le deuxième et le troisième anneau en sont dépourvus. En outre, la glande du premier segment est elle-même bien moins volumineuse que dans les espèces précédentes. C'est une glande tubuleuse simple, non ramifiée. Notre fig. 21 la fait voir en coupe transversale. La fig. 22 la montre dans son entier, telle qu'une dissection délicate permet de l'obtenir. Nous y avons laissé adhérer la canule conique section- née à sa base. On remarque qu'elle est recouverte de papilles cuticulaires. ETUDE COMPAREE DES GLANDES DE GILSON 337 La glande s'étend jusque vers le milieu du deuxième segment thora- cique; elle se pelotonne un peu sur elle-même en marchant vers l'avant. Chose assez remarquable, elle se maintient dans ce trajet au-dessus de la chaîne nerveuse, tandis que, dans les autres espèces, elle appartient à un plan inférieur, puisque la queue de ses lobes latéraux passe sous les commissures. La coupe transversale, représentée fig. 20, montre ces rapports. La glande les conserve jusqu'au niveau du premier espace interganglionnaire; arrivée là, elle se recourbe vers le bas et passe entre les commissures ner- veuses pour s'engager dans la canule, fig. 19. Celle-ci est assez semblable à celle de la Phryganea grandis. Elle est toutefois beaucoup plus longue et cela d'une façon absolue, bien que l'animal soit d'une taille inférieure. En outre, elle est incurvée vers le haut et porte de petits poils, qui sont de simples soulèvements de la cuticule. Elle atteint jusque un millimètre et demi dans les grands individus. Les deux segments thoraciques suivants portent un fulcre analogue à ceux que nous avons décrits chez la Phryganea grandis, mais ils ne pré- sentent aucune trace de la glande. Les rapports de la glande avec les organes voisins se voient bien aussi dans la fig. 23, qui est une coupe longitudinale médiane. On y remarque la glande au moment où elle passe au-devant du deuxième ganglion de la chaîne, entre les deux commissures, et plus loin on la voit pénétrer dans la canule. A ce moment, elle s'amincit beaucoup et sa paroi cesse d'être glan- dulaire. L'épithélium y est formé d'éléments assez aplatis et beaucoup plus petits que les cellules de la partie sécrétoire. D. LIMNOPHILUS RHOMBICUS. E. LIMNOPHILUS EXTRICATUS. F. ANABOLIA NERVOSA. Ces trois espèces ne possèdent qu'une seule glande. Elle y est simple et présente les mêmes particularités, sauf des détails sans importance, que chez le Limnopliilus flavicornis. 2. Structure interne des glandes. Nos fig. Il, 12, 13, 21, 24, 25, mettent sous les yeux du lecteur l'aspect de ces divers organes en coupe microtomique. On y constate que la structure de toutes les glandes est essentiellement la même et que, dans les glandes multitubuleuses, elle ne varie pas d'une 338 Maurice HENSEVAL portion de l'organe à l'autre; le canal collecteur est dans sa constitution semblable aux tubes glandulaires. Ce sont des tubes épithéliaux, des invaginations ectodermiques, et non des accumulations de glandes simples, telles qu'on en observe chez les insectes (1). Forme du canal. Leur canal est parfois d'un calibre uniforme et régulier; c'est le cas de la glande prothoracique simple des Limnophilus. Mais chez les Phryganides, sa lumière est au contraire très irrégu- lière, resserrée en certains points et brusquement dilatée en d'autres, fig. 12 et 15. Ces variations de calibre s'observent aussi bien à frais, sui- des glandes simplement extirpées et examinées dans leur entier, que sui- des sections microtomiques d'objets fixés. Structure des cellules. Le protoplasme de l'épithélium glandulaire est d'une texture fine et serrée. Les granules y sont toujours très ténus. Sur les sections transversales, on y distingue une infinité de trabécules distribuées radiairement autour du canal, fig. il et 21. Ces trabécules sont peu distinctes dans les portions centrales de la cellule; elles le sont davantage au voisinage de la périphérie de l'organe. Mais c'est surtout près du canal cuticulaire qu'elles deviennent puissantes et bien distinctes, fig. 21 et 25. Ce sont des portions régularisées du réticulum général. La membrane de ces cellules varie d'épaisseur et de structure sur les diverses faces. Sur la face externe, elle est mince et difficile à distinguer. Celle qui tapisse les faces latérales, c'est-à-dire les faces de contact des cellules, est au contraire fort nette et assez épaisse. Mais on la trouve souvent incomplète : elle s'arrête ordinairement à quelque distance du canal cuticulaire et les cellules paraissent fusionnées à leur base tout autour de ce dernier, fig. 21. La portion de la membrane cellulaire qui tapisse la lumière du tube est la plus remarquable. Elle y constitue, ainsi que nous l'avons déjà dit, une cuticule, c'est-à-dire une lame produite par des cellules distinctes, mais indivise en elle-même, la portion appartenant à chaque élément cellulaire étant fusionnée avec celle que produisent les éléments voisins. (2) G. Gil on : Les glandes odorif ères du Blaps mortisaga et de quelques autres espèces; La Cellule, t. V, i» fasc, i i. ÉTUDE COMPARÉE DES GLANDES DE GILSON 339 Cette cuticule est assez mince, mais elle est néanmoins très résistante; on s'en assure en examinant des glandes violemment déchiquetées avec des aiguilles sur un porte-objets. On la trouve alors, très souvent, séparée du protoplasme et brisée, mais jamais déchiquetée ou désorganisée. Nous nous sommes attaché à l'étude de sa structure intime, en faisant usage des meilleurs objectifs à immersion et en examinant des objets pré- parés de diverses façons : fixés, coupés, dissociés et macérés. Notre but était surtout de rechercher : 1 . Si cette couche, au lieu d'être continue, comme elle parait l'être, n'est pas plutôt formée par l'union plus ou moins intime de plateaux du genre de ceux que portent les cellules épithéliales de l'intestin, des tubes de Malpighi et d'autres organes. Mais jamais, elle ne montre la moindre indication d'une division en ter- ritoires appartenant en particulier à chacune des cellules sous-jacentes. 2. Si elle présente la structure striée, bacillaire, caractéristique des plateaux et correspondant aux soi-disant Porenkanàlchen de Leydig. Mais ici encore, nous sommes arrivé à des résultats négatifs : nous n'avons pu distinguer dans son épaisseur aucun détail, aucune structure distincte, à part quelques faibles indices de couches concentriques. C'est donc une membrane continue et homogène, ou plutôt c'est une membrane continue et aussi homogène en apparence que le sont beaucoup de vérita- bles cuticules, telles que les lames chitineuses minces qui recouvrent divers organes non sécréteurs des arthropodes. Nous insistons sur ce point qui nous paraît intéressant au point de vue de la physiologie et sur lequel nous reviendrons plus loin. Couche sous-cuticulairc. La couche périphérique du protoplasme avoisinant le tube cuticulaire présente une structure particulière et constitue une couche distincte, très épaisse et souvent bien autonome, bien délimitée du protoplasme. Elle est nettement striée dans le sens radial. Cela se constate aisément sur les coupes transversales et longitudinales et très bien aussi sur les objets entiers simplement étalés sur porte-objets, fig. 11, 12, 13, 24. Nous disons qu'elle est souvent bien délimitée du reste du cytoplasme; en effet, elle en est parfois séparée par une ligne régulière, pointillée, qui semble être une véritable couche limitante. 340 Maurice HENSEVAL C'est ce qui s'observe, par exemple, dans les tubes multiples de la Phryganea grandis, fig. 13. Dans ce cas, cette couche striée résiste assez bien à la déformation et on peut l'obtenir complètement dénudée par arra- chement du cytoplasme. D'autres fois, sa face externe ou cytoplasmatique n'est pas aussi régu- lière et parait dépourvue de couche limitante. Ces deux dispositions s'ob- servent parfois côte à côte sur des points voisins d'un même tube. On peut toujours, mais surtout dans le dernier cas, s'assurer très aisé- ment d'une chose : c'est que les stries radiales de la couche sous-cuticulaire ne sont que le prolongement des fibres radiales du cytoplasme qui y pé- nètrent et s'y régularisent. C'est ce que l'on a tâché de rendre dans la fig. 11, où, en certains points, il n'y a pas de couche limitante. Une couche sous-cuticulaire analogue a déjà été signalée dans divers organes des insectes. Noyaux. Les noyaux sont volumineux dans toutes les portions sécré- toires de ces organes. Ils produisent souvent à la surface de l'organe une saillie considérable qui donne aux tubes entiers un aspect mamelonné, sinueux, rappelant celui de certains tubes de Malpighi. Ces noyaux ont très souvent une forme concavo-convexe; la paroi qui avoisine le tube cuticulaire semble alors avoir été refoulée dans sa cavité en se chiffonnant irrégulièrement. Propria. Comme tous les organes analogues contenus dans la cavité périviscérale, les glandes thoraciques sont étroitement enserrées dans une membrane hyaline formée de cellules très plates, à petits noyaux, fig. 11. C'est la propria de Leydig. On en voit parfois s'en détacher de fins prolon- gements conjonctifs. Remarque. Les glandes de Gilson sont totalement dépourvues de fibres musculaires. Innervation des glandes. Il n'est guère aisé de découvrir les nerfs qui aboutissent aux glandes. Cependant, nous avons pu nous assurer qu'elles reçoivent des nerfs res- pectivement du deuxième (première glande), du troisième (deuxième glande) et du quatrième (troisième glande) ganglion de la chaîne abdominale. ÉTUDE COMPARÉE DES GLANDES DE GILSON 34' Cette constatation établit indubitablement le caractère métamérique des glandes de Gilson. Le fait est représenté dans les fig. 17 et 18, où l'on voit un tronc pro- venant du troisième ganglion donner un petit filet très court qui se termine sur un tube de la deuxième glande. Les filets nerveux aboutissent au som- met des tubes et s'y terminent par un petit épatement conique, une plaque un peu surélevée contenant un ou plusieurs petits noyaux très différents des énormes noyaux des cellules glandulaires. Ces filets sont toujours ex- trêmement ténus. Nous n'avons pu décider si le fil terminal pénètre dans le protoplasme de la cellule ou si il reste superficiel. Ce qui est certain, c'est qu'il s'insinue sous la propria. Mais quoi qu'il en soit, le fait de la terminaison des filets nerveux dans cet organe est intéressant par lui-même, en ce qu'il constitue un nouveau cas de terminaison nerveuse sur des cellules glandulaires. La glande étant dépourvue de vaisseaux et de muscles, on ne peut douter que tout filet pénétrant sous la propria ne soit destiné aux cellules sécrétantes elles-mêmes et ne constitue réellement un nerf glandulaire. Ajoutons que les canaux communs reçoivent aussi des filets nerveux. III. LE PRODUIT DE SÉCRÉTION. Les glandes segmentaires sécrètent un produit huileux. On l'aperçoit dans les tubes glandulaires, fig. 14. Il y est à l'état d'émulsion, c'est-à-dire divisé en globules, qui sont charriés par un liquide de nature différente, un liquide aqueux. Le produit sécrété se présente sous le même état dans le réservoir de la glande du Cossus ligniperda. Nous pensons que ce liquide huileux est de la même nature que l'essence de Cossus que nous étudions en ce moment. Outre qu'il est sécrété par une glande qui a la même structure : un tube épithélial tapissé par une cuticule, il présente quelques caractères semblables à ceux de la dite essence : i° Il est en émulsion dans les tubes glandulaires; 2° Il est soluble dans l'alcool absolu ; 3° Il se colore en rouge par la solution d'anchusine; 4° Le liquide qui charrie les gouttelettes noircit par l'acide osmique, tandis que ces dernières demeurent incolores. 3V. Maurice HENSEVAL IV. REMARQUES ET CONCLUSIONS. I. Le processus de la sécrétion. Le trait le plus remarquable de la structure des glandes dont nous venons de parler est la présence d'un revêtement interne cuticulaire, très solide et d'aspect homogène dans les tubules, c'est-à-dire 'dans la partie sécrétante elle-même. Cette disposition, qui s'observe encore ailleurs chez les arthropodes, est de nature à étonner celui qui étudie le processus de la sécrétion cellu- laire. On sait, en effet, que les membranes chitineuses sont à la fois les plus résistantes et les plus imperméables que l'on connaisse. Quiconque s'est occupé de l'anatomie fine des arthropodes a eu l'occasion de constater la difficulté avec laquelle ces membranes se laissent traverser par les réactifs et la résistance que même les plus minces d'entre elles opposent à tous les mouvements d'osmose. Nous ne sommes parvenu à découvrir dans l'épaisseur du revêtement chitineux de nos glandes rien qui rappelle les stries radiales des plateaux, rien qui indique l'existence de voies perméables bien nettes. Nous ne dou- tons pas pourtant que ce revêtement possède la structure ordinaire des cuticules; mais ici, comme dans bien d'autres cas, cette structure est très fine et l'incrustation y est assez profonde pour cacher complètement la trame réticulée ou même en souder les éléments au point que celle-ci n'est plus visible comme telle. C'est à travers cette membrane que doit passer le produit de sécrétion, et ce produit est un liquide insoluble, non miscible à l'eau. Ce dernier fait rend plus remarquable encore le processus de la sécré- tion dans ces organes. Gilson répartit tous les cas de sécrétion méritant vraiment ce nom au point de vue cytologique, c'est-à-dire en éliminant ceux dans lesquels la cellule sécrétante se détruit, suivant deux types généraux : la filtration lente à travers une membrane et le déversement direct (1). Or, le liquide huileux dont nous parlons ne s'accumule pas sous une forme visible dans les cellules; celles-ci ne crèvent jamais; leur membrane ne s'ouvre pas. Il n'y a donc jamais déversement direct et c'est bien par filtration que ce liquide insoluble passe dans le canal de la glande. Des cas de passage d'un (:) Gilson : On secreting cells; Report of the British Association for the avancement of Science, Leeds, iSgo. ETUDE COMPAREE DES GLANDES DE GILSON 343 corps gras, en émulsion, au travers d'une membrane cellulaire sont connus : citons le processus de l'absorption des graisses tel qu'on l'admet le plus communément. Les graisses réduites à l'état de globules excessivement ténus peuvent passer de l'intestin dans le protoplasme des cellules épithé- liales. Mais dans ce cas, la membrane cellulaire est un plateau strié ; il y existe des espaces libres entre les divers bâtonnets qui constituent ce plateau. Ici, au contraire, la membrane est extrêmement compacte et ap- paremment homogène. Le mécanisme de la sécrétion dans les glandes des trichoptères est donc extrêmement intéressant au point de vue cytologique et jusqu'ici tout à fait énigmatique. Des recherches sur cette question se poursuivent en ce moment à l'Institut biologique de Louvain. IL Signification morphologique des glandes des trichoptères et d'autres productions. Les affinités des arthropodes avec les annélides sont si étroites que le zoologiste est naturellement porté à rechercher dans ces vers les homologies de toute production nouvellement décrite chez les premiers, ou du moins à se demander si tel organe d'arthropode est représenté chez les annélides et a, par conséquent, un caractère primitif, ancestral, ou bien si c'est une formation nouvelle, relativement récente. Or, nous voici en présence d'organes glandulaires qui peuvent se répéter au moins dans trois métamères adjacents. Sont-ils primitifs, annélidiens, ou bien faut-il les considérer comme des productions nouvelles, spéciales, dont le développement a été provoqué par des conditions d'existence particulières. La dernière de ces hypothèses n'est guère soutenable. En effet, s'il est un fait qui donne à des organes d'arthropodes un caractère d'ancienneté, un faciès annélidien, c'est bien celui de sa répétition dans une série de méta- mères voisins. Celui qui adopterait cette hypothèse et regarderait ces glandes comme des productions nouvelles, dont l'apparition aurait été provoquée par la vie aquatique et tubicole, devrait fournir une explication de cette répé- tition segmentaire. Pourquoi chez la Phryganea se serait-il formé trois glandes, trois organes de petites dimensions portés chacun par un des trois segments thoraciques, mais extrêmement rapprochés les uns des autres. Une seule glande aurait pu très aisément remplir la même fonc- tion en se développant un peu et sans devenir gênante, car le volume des trois glandes réunies est encore extrêmement petit. 45 344 Maurice HENSEVAL N'est-il pas beaucoup plus rationnel d'admettre que ces organes se ré- pètent segmentairement parce qu'ils sont primitifs? Représentants d'organes métamériques, ils se sont conservés dans trois segments à cause des services qu'ils rendent à la larve aquatique et tubicole. La vie aquatique et tubicole est elle-même un caractère primitif et c'est peut-être à sa persistance chez la larve que les glandes de certains segments doivent de n'avoir pas disparu chez les trichoptères, alors qu'elles ont cessé de se développer chez la géné- ralité des insectes. Il est intéressant, à ce point de vue, de noter qu'elles disparaissent aussitôt que, lors de la nymphose, la vie aquatique fait place à la vie aérienne. Le fait de leur répétition métamérique communique donc à ces organes une note d'ancienneté, une valeur primitive, annélidienne, qu'on ne pourrait leur attribuer s'ils n'existaient que dans un seul segment. Nous avons donc tout lieu de rechercher quels organes glandulaires des annélides pourraient bien être représentés par les trois paires de glandes que nous venons de décrire chez les larves des trichoptères. Mais au lieu de remonter directement aux vers segmentés qui paraissent si voisins de la souche commune des arthropodes, arrêtons-nous plutôt à cette forme étonnante qui, à des caractères d'annélides mieux conservés que chez aucun arthropode proprement dit, joint des caractères d'arthropode hautement différentié, des caractères de trachéate : le Peripaius. Deux espèces bien distinctes d'organes glandulaires se répètent seg- mentairement chez cet animal : les néphridies et les glandes coxales qui trouvent aussi leurs homologues chez les annélides. Les glandes de Gilson représentent-elles des néphridies ou des glan- des coxales? Leur éloignement des membres est un caractère qui les sépare des glandes coxales en général et de celles du Peripatus en particulier. Cette remarque a d'autant plus d'importance que l'on n'a jamais signalé jusqu'ici le cas de deux glandes indubitablement coxales qui auraient quitté complè- tement le membre et s'en seraient éloignées au point d'atteindre la ligne médiane et de s'y fusionner en un organe à canal unique. Il reste donc à les considérer comme des néphridies ou plutôt comme des restes profondément transformés de néphridies. Cette homologation par exclusion conserve, sans doute, un caractère hypothétique. Seules, certaines observations embryologiques pourraient, semble-t-il, donner la certitude à ce sujet. Si l'on venait à constater que ces ETUDE COMPAREE DES GLANDES DE GILSON 345 glandes dérivent de rudiments assimilables aux bandes néphroblastiques des annélides, la question serait tranchée : ce seraient indubitablement des néphridies. Mais si, au contraire, l'embryologie démontrait qu'elles sont de véritables invaginations épiblastiques, ce qui est du reste extrêmement pro- bable, leur valeur resterait hypothétique, comme elle l'est en ce moment, en l'absence de toute donnée positive. En effet, bien des néphridies s'ouvrent dans une invagination épiblastique. Celle-ci peut même devenir une véri- table vessie urinaire néphridienne, possédant même un mécanisme spécial, ainsi que Bolsius(i) l'a démontré chez les hirudinées. Il se pourrait que la portion proprement néphridienne de l'organe ait disparu chez les trichop- tères et ne se forme plus même chez l'embryon, tandis que l'invagination épiblastique se serait au contraire développée et transformée en une glande spéciale. Les considérations d'ordre génétique ne pourraient donc nous donner la certitude au sujet de leur valeur morphologique que dans la première hypothèse. Mais en toute hypothèse, il est permis de considérer comme néphridiennes ces glandes qui, selon toute apparence, ne sont ni des glandes coxales, ni des productions adaptives. Certaines considérations d'ordre comparatif plaident encore en faveur de leur valeur néphridienne. Ainsi, une remarque qui a ici son importance, c'est que, s'il n'existe pas de glandes coxales rapprochées et pourvues d'un seul canal commun et impair, cette disposition s'observe au contraire dans certains organes de nature évidemment néphridienne. Telles sont les glandes salivaires du Peripatus lui-même, qui occupent la place d'une paire de néphridies. Elles sont munies, au début de leur dé- veloppement, d'un véritable néphrostome qu'elles perdent ensuite. Comme les glandes de Gilson des trichoptères, ces néphridies salivaires s'unissent sur la ligne médiane et y forment un tube impair. Bien d'autres organes des arthropodes s'ouvrant sur la ligne médiane sont considérés comme des néphridies transformées, y compris les canaux génitaux. Les tubes de Malpighi eux-mêmes sont des organes de ce genre. En effet, leur fonction excrétoire pouvait déjà faire présumer leur nature né- (i) Bolsius : Recherches sur la structure des organes segmentaires des Hirudinées; La Cellule, t. V, 2e fascicule, 1S89. — Nouvelles recherches sur la structure des organes segmentaires des Hirudinées; Ibid., t. VII, \' fasc, 1891. 346 Maurice HENSEVAL phridienne. Leur embouchure dans le tube digestif semblait cependant les en différencier radicalement. Toutefois, ce fait n'empêcha par Gegenbaur de formuler l'hypothèse. Et en 1890, les recherches de Wheeler(i) sur le développement du Doryphora vinrent lever la difficulté. Le professeur de Chicago découvrit en effet que les tubes de Mal- pighi apparaissent très tôt, alors que le proctodœum n'est encore qu'une faible dépression de la surface épiblastique. En somme, ce sont à leur début non pas des annexes du tube digestif, mais des tubes s' ouvrant séparément sur la surface du corps, dans une légère dépression. Cette dépression devient très profonde ensuite, mais ce fait n'altère par l'homologie et l'hypothèse purement théorique de Gegenbaur se trouve aujourd'hui étayée par des faits qui la rendent inattaquable. Or, les glandes de Gilson du prothorax se présentent chez la Phry- ganea disposées exactement comme les tubes de Malpighi de la plupart des insectes : elles se fixent sur un tronçon impair que l'on doit considérer comme homologue du proctodœum. Et quant à celles du mésothorax et du métathorax, leur canal commun est si court qu'il est presque nul. Elles sont bien près de s'ouvrir séparément sur la surface du corps, trait qui les rap- proche encore davantage des néphridies. Chez les Limnophilus qui n'ont qu'une seule glande simple, les organes néphridiens ont disparu sur les deux segments postérieurs et ceux du protho- rax ont subi une forte régression. Il n'en reste plus que la partie impaire : le tronçon de fusion correspondant au canal simple des glandes des autres espèces, et homologue au proctodseum des néphridies Malpighiennes. Toutes ces remarques donnent un haut degré de probabilité à l'opinion que nous exprimons au sujet de la signification de ces organes et que nous pouvons résumer comme il suit. Les glandes de Gilson représentent les néphridies chez les trachéates au même titre que les tubes de Malpighi. Ceux-ci ne sont que les glandes de Gilson du dernier segment du corps ; le proctodaeum n'est autre chose que leur canal impair très développé et communiquant avec l'intestin moyen par une soudure secondaire. Cette interprétation est basée surtout sur leur caractère non coxal et sur leur répétition métamérique. Ce dernier caractère, qui manque aux tubes de Malpighi, en fait des organes encore plus nettement néphridiens que ces derniers. (1) Wheeleh : Loc. cit. ETUDE COMPAREE DES GLANDES DE GILSON 347 Ajoutons que d'autres organes ont très probablement la même valeur et doivent être considérés comme des glandes de Gilson au même titre que celles des trichoptères et que les tubes de Malpighi : tels sont la glande odorante de certains hémiptères, les pentatomes, et la glande ventrale — Bauchdrïise — de certaines larves de lépidoptères, étudiée par Rogen- HOFER (1), GOSSENS (2), PoULTON (3), K.LEMENSIEWICZ (4) et ScH.EFFER (5). Il serait intéressant de savoir si ces dernières ne sont pas plus déve- loppées ou répétées dans divers segments chez les lépidoptères à larve aquatique ou tubicole. Nous commençons en ce^moment l'étude de maté- riaux recueillis en vue de cette recherche. (1) Rogenhofer : Verh. k. k. zool.-bot. Ges , WieD, 12, Bd. 7. (2) Gossens : Annales de la Soc. Ent. de France, IX, 1869. (3) Poulton : Trans. Entom. Soc. Lond., 1886, Part 2 et 1887, Part 3. (4) Klemensiewicz : Zur nàheren Kenntniss der Hautdruscn bei den Raupen und bei Malaehius; Verh. k. k. zool.-bot. Ges., Wien, Jahrg. 1S82, 32. Bd. 15) Sch.effer : Beitrâge fur Histologie der Insekten ; Zool. Jahrbiicher, 1S89, Bd. III, Heft 4. — Ueber die Bauchdrùsen', der Raupen -, Zoologischer Anzeiger, XIII. Jahrgang, 1S90, n" 325. BIBLIOGRAPHIE Réaumur : Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, 1734-1742. Leydig : Traité d'histologie, 1857. Gegenbaur, C. : Eléments of comparative Anatomy. Trans. by F. Jeffrey Bell. Lon- don, 1878. Klemensiewk\ : Zur naheren Kenntniss der Hautdrùsen bei den Raupen und bei Malachius; Verh. k. k. zool.-bot. Ges., Wien, Jahrg. 1882, 32. Bd. Rogenhofer : Verh. k. k. zool.-bot. Ges., Wien, 12. Bd. Gossens : Annales de la Soc. Ent. de France, IX, 1869. Poulton : Trans. Ent. Soc, London, 1886, Part 2. » i) i) » 1887, » 3. Schàffer : Beitràge zur Histologie der Insekten; Zoologische Jahrbiicher, 1889, Bd. 3, Heft 4. Ueber die Bauchdriisen der Raupen; Zool. Anz., XIII, 1890, n° 325. Wheeler : The embiyology of Blatta germanica and Doryphora decemlineata ; Journal of Morphology, vol. III, 1889. Bolsius : Recherches sur la structure des organes segmentaires des Hirudinées; La Cellule, t. V, 2<= fasc, 1889. Nouvelles recherches sur les organes segmentaires des Hirudinées ; La Cellule, t. VII, ir fasc, 1891. Gilson : Les glandes odorifères du Blaps mortisaga et de quelques autres espèces; La Cellule, t. V, ir fasc, 1889. On secreting cells ; Report of the British Association for the advan- cement of Science; Leeds, 1890. On segmentally disposed thoracic glands in the larvœ of trichoptera ; Proceedings linnean Society, feb. 1896. Miall : Natural history of aquatic insects ; London, i8g5. EXPLICATION DES PLANCHES. Les fig. 1, 2 et 3 représentent des objets examinés à la loupe. Les suivantes ont été dessinées à la chambre claire, à la hauteur de la table du microscope, avec divers objectifs et oculaires de Zeiss. GROSSISSEMENTS. Fig. 4; 6 et 7; 10; 22 et 23 : Obj. A, oc. 2. Fig. 8 et 9; 14; 16; 19 et 20 : Obj. A, oc. 4. Fig. 11; 12; 24 et 25 : Obj 1/12, oc. 2. Fig. 13 : Obj. 1/12, oc. 4. Fig 5 : Obj. D, oc. 2. Fig. 15; 17; 18 et 21 : Obj. D, oc. 4. SIGNIFICATION DES LETTRES. ca. : canule de la première glande de Gilson; p. : article basilaire des pattes; œ. : œsophage ; md. : mandibules ; g c. : ganglion cérébroïde ; coll.œs. : commissure péri-œsophagienne ; g\ g*, gz, g*, g", ge : premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième ganglion de la chaîne ventrale; corn1, corn* : commissures longitudinales reliant ces ganglions ; G/1, G/2, Çlz : première, deuxième et troisième glande de Gilson; et. : canaux terminaux; c. : canal commun ; R. : réservoir ; /', fl : premier et deuxième fulcre ; ma. : matrice cuticulaire générale ; g.sg. : globules sanguins; ep.gl. : épithélium glandulaire ; ci. : canal impair formé par la réunion des deux canaux communs dans la deuxième et la troisième glande; or A. : organes imaginaux des ailes ; n.gl. : nerf glandulaire ; tr. : tronc trachéen; m . : membrane latérale ; c.s.c. : couche sous-cuticulaire ; p. : propria; x. : canal interne dénudé. 352 Maurice HENSEVAL PLANCHE I. Phryganea grandis. FIG. 1. Partie antérieure d'une larve de Phryganea grandis vue à la loupe. En ca, on voit entre les pattes prothoraciques la canule qui reçoit le canal impair de la première glande de Gilson ; p., article basilaire des pattes sectionnées. FIG. 2. La même larve vue de face. Première glande FIG. 3. Dissection d'une larve fraîche, œ., œsophage rejeté de côté; nid., mandibules; g.c, ganglion cérébroïde ; coll.œs., commissure péri-œsophagienne ; g', g-, gz, gi, gs, g6, premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième ganglion de la chaîne ventrale; com', coin"-, com*, corn1, corn'1, commissures longitu- dinales reliant ces ganglions; G/1, première glande de Gilson; et., canaux terminaux; c, canal commun; r., réservoir;/1, premier fulcre avec les quatre faisceaux de muscles en croix qui s'insèrent à son sommet. Immédiatement en dessous, on aperçoit la deuxième glande de Gilson, G/s, avec son peloton de canaux terminaux se réunis- sant pour former deux canaux collecteurs qui vont former le canal commun, c, de la deuxième glande ; f*, deuxième fulcre portant deux muscles à son sommet ; G/3, troisième glande de Gilson. Son orifice se trouve immédiatement en dessous du deuxième fulcre. FIG. 4. Coupe longitudinale passant par les orifices des trois glandes segmen- taires. Remarquer que, au sommet de la canule, ca, et des deux autres orifices, I'épithélium des glandes se continue avec la matrice cuticulaire, ma. Les fulcres f' et fi sont coupés en long. A leur extrémité, on voit la coupe des muscles qui viennent s'y insérer. FIG. 5. Coupe transversale de la canule, ma est la matrice cuticulaire de la canule. En g.sg., on voit quelques globules sanguins; ep;gl. est I'épithélium glandu- laire. Du côté de la face supérieure, on remarque que I'épithélium glandulaire est très mince et qu'il se confond avec la matrice cuticulaire. FIG. 6. Coupe transversale de la partie antérieure du corps passant par le réservoir, R, et les deux canaux communs, c. On peut voir que les canaux communs passent en dedans des glandes filières et contournent les commissures, com', du premier au deuxième ganglion. FIG. 7. Coupe transversale du corps passant au niveau du peloton de canaux terminaux de la première glande. Les canaux terminaux entourent le tube digestif; ils se •trouvent entre le tube digestif et les muscles pariétaux. Ils ne s'insinuent jamais sous ces muscles. Pour rendre notre figure plus claire, nous n'avons représenté que quelques canaux, afin d'indiquer leur position. La première glande empiète sur le deuxième segment thoracique; c'est pour cela qu'en f on aperçoit la coupe du premier fulcre et des deux canaux communs de la deuxième glande, G/'2. ÉTUDE COMPARÉE DES GLANDES DE GILSON 353 PLANCHE II. Deuxième glande. FIG. 8. Coupe transversale de la partie inférieure du corps passant par les deux canaux communs, c, de la deuxième glande au moment où ils s'avancent l'un vers l'autre pour se réunir. /' est la coupe du premier fulcre; corn*, commissures unissant le deuxième au troisième ganglion. FIG. 9. Coupe transversale de la partie inférieure du corps passant au niveau du canal impair, ci., formé par la réunion de deux canaux communs de la deuxième glande, c, dont on voit la coupe dans la figure précédente. FIG. 10. Coupe transversale du corps entier intéressant les tubules de la deuxième glande. Ces canaux naissent au niveau des organes imaginaux des aîles représentés en or.i. Ils se trouvent entremêlés entre les muscles pariétaux et les organes imaginaux du corps. En n.gl., on voit un petit nerf, parti d'un tronc voisin, se terminer sur le canal commun de la deuxième glande. C'est un nerf semblable qui a été dessiné sous un plus fort grossissement dans la fig. 18. En tr, on voit un gros tronc trachéen. FIG. 11. Coupe transversale d'un des canaux terminaux de la première glande. On peut y remarquer l'aspect granuleux du protoplasme avec ça et là quelques tra- bécules radiées. En m, on voit la section d'une membrane latérale. En c.S.c, on voit la couche sous-cuticulaire du canal interne légèrement striée. En p, on voit un noyau aplati appartenant à la propria. FIG. 12. Coupe oblique d'un canal terminal de la première glande. On y voit très bien que le canal interne est très irrégulier. FIG. 13. Un des canaux pelotonnés préparé par dissociation. On y voit très bien que la couche sous-cuticulaire, es c, est radiée. En un endroit, le protoplasme a été arraché et la couche sous-cuticulaire est restée adhé- rente à la cuticule. FIG. 14. Coupe longitudinale passant par le canal commun et les trois canaux initiaux résultant de la réunion des canaux terminaux. En x, on voit un des canaux dénudé de protoplasme. Dans le canal commun, on voit le contenu de la glande à l'état d'émulsion : de petites gouttelettes d'huile et un liquide baignant ces gouttelettes. FIG. 15. Tube interne d'un canal vu de face. Phryganide non déterminé. FIG. 16. Coupe transversale de la partie inférieure du corps au niveau des deux canaux communs. Ils se trouvent en dedans des glandes filières. 354 Maurice HENSEVAL PLANCHE III. Phryganea grandis. FIG. 17. Extrémité d'un tube de la première glande, sur lequel vient se termi- ner un filet nerveux. A remarquer près de sa terminaison un petit épatement conique avec un noyau très aplati. FIG. 18. Un nerf partant d'un tronc voisin plus gros se termine sur le canal commun. On y voit aussi un noyau très aplati situé dans une petite dilatation conique. Limnophilus flavicornis. FIG. 19. Coupe transversale de la partie inférieure du corps. On y voit en Gl la glande traversant les commissures nerveuses qui unissent le premier ganglion de la chaîne au deuxième pour se rendre à la canule. Elle est fortement comprimée entre ces commissures. FIG. 20. Coupe transversale suivante de la partie inférieure du corps. Cette figure est destinée à montrer les rapports de la glande; elle se trouve au- dessus de la chaîne nerveuse, sur la ligne médiane, en dessous des glandes filières. FIG. 21. Cette figure représente une section transversale de la glande du Limnophilus flavicornis. ci. est le canal interne muni d'une forte cuticule. Le protoplasme est radié transversalement. La membrane latérale des cellules ne se prolonge pas jusque sur la membrane interne ; les cellules sont donc fusionnées au centre. Limnophilus rhombicus et extricalus. FIG. 22. Cette figure représente la glande simple du Limnophilus extricalus, telle qu'on l'obtient par dissection. Ca est la canule avec un lambeau de la cuticule dermique. On peut y voir que le canal interne est tout à fait uni et ne présente pas de saillies sur son parcours. La canule ne porte pas de poils cuticulaires. FIG. 23. Coupe longitudinale du corps passant par la glande de Gilson. La glande, GL, passe au-devant du deuxième ganglion de la chaîne ventrale pour se rendre à la canule; /' et /"-, fulcres. FIG. 24. Fragment de coupe longitudinale de la glande. La couche sous-cu- ticulaire est fortement radiée au voisinage du canal interne. On y voit des vacuoles dans le noyau. FIG. 25. Coupe transversale de la glande du Limnophilus extricatus. La membrane latérale des cellules s'étend jusque sur le canal interne. Les cellules ne sont pas fusionnées au centre. Le protoplasme est fortement radié. / TABLE DES MATIÈRES I. Introduction et remarques préliminaires . Méthodes de recherches . II. Description des glandes 1. Aperçu anatomique A. Phrygonea grandis Première glande Deuxième glande Troisième glande, B. Phyganide non déterminé C. Limnophilus flavicornis D. Limnophilus rhombicus E. Limnophilus extricatus F. Anabolia nervosa 2. Structure interne des glandes Innervation des glandes III. Le produit de sécrétion IV. Remarques et conclusions . i . Le processus de la sécrétion . 2. Signification morphologique des glandes des tr productions Bibliographie Explication des planches . choptères et d'autres 329 33i 332 333 333 333 334 335 336 336 337 337 337 337 340 341 342 342 343 349 35i Planche I Planche 11. Maurice Henseval ad nat delin Lith.F Pepermans. Bruxelles Planche III. Figl*. ice Henseva. Lith t Peperman?. Bruxelle, ' SUR LA PRODUCTION D UNE ANTILEUCOCIDINE CHEZ LES LAPINS VACCINÉS contre le STAPHYLOCOQUE PYOGÈNE PAR J. DENYS & H. VAN DE VELDE PROFESSEUR DANATOMIE PATHOLOGIQUE ASSISTANT A LA CLINIQUE MÉDICALE a l'Université de Louvain. (Mémoire déposé le 1 novembre 1895.) 46 SUR LA PRODUCTION D'UNE ANTILEUCOCIDINE CHEZ LES LAPINS VACCINÉS contre le STAPHYLOCOQUE PYOGÈNE. Dans un travail paru l'an dernier, l'un de nous(i) a attiré l'attention sur un singulier produit sécrété par le staphylocoque pyogène et auquel il a donné le nom de leucocidine, à cause de l'action destructrice, leucocide, que ce produit exerce sur les leucocytes. Rappelons en quelques mots comment ce produit a été découvert. Quand on injecte dans la plèvre de lapin une culture de staphylocoque pyo- gène virulent, on constate d'abord la formation d'un exsudât, dans lequel nagent un nombre plus ou moins considérable de leucocytes vivants : la vitalité de ces leucocytes se reconnaît non seulement à leur aspect (noyau invisible, protoplasme finement granuleux), mais aussi aux changements incessants de forme que ces éléments présentent, quand on les observe à la température du corps. Plus tard, c'est-à-dire 6 à 10 heures après l'injection, on trouve dans l' exsudât non plus des globules vivants, mais exclusivement des globules morts ; leur aspect a totalement changé : ils sont réduits à une vésicule vide, dépourvue de tout mouvement amiboïde, et renfermant un noyau plus ou moins altéré. Quand, à cet exsudât, on ajoute des globules blancs vivants, on voit ceux-ci s'altérer rapidement et présenter les mêmes signes de dégénéres- cence que les globules préexistants. Mais si l' exsudât a été chauffé préala- (i) H. Van de Velde : Etude sur le mécanisme de la virulence du staphylocoque pyog'enc; La Cellule, t. X, 1894. 36o J DENYS & H. VAN DE VELDE blement pendant quelques minutes à la température de 580, les globules que l'on y ajoute conservent leur vitalité. Nous en avons conclu qu'il existe, dans l'exsudat provoqué par l'injection de staphylocoques virulents, une substance hautement délétère pour les leucocytes, facilement détruite par la chaleur, et à laquelle nous avons donné le nom de leucocidine. Cette substance se forme non seulement dans le corps de l'animal sou- mis à l'infection par le staphylocoque, mais également dans les milieux de culture, tels que le sérum et les bouillons, quoique avec plus de lenteur et moins d'abondance. Dans le mémoire que l'un de nous a publié sur ce sujet, il a fait ressortir le rôle que cette substance joue dans l'infection par le staphylo- coque; en effet, les globules blancs constituent pour les animaux un moyen puissant de protection et leur destruction doit nécessairement favoriser l'en- vahissement du microbe. Nous engageons vivement tous ceux qui s'occupent d'anatomie patho- logique ou de bactériologie à profiter d'un exsudât de lapin produit par le staphylocoque virulent pour étudier ces transformations de visu. En effet, elles nous semblent constituer une des dégénérescences les plus inté- ressantes que l'on puisse observer. C'est une destruction cellulaire aussi rapide que profonde, portant à la fois sur le protoplasme et sur le noyau : le premier semble se vider complètement, tandis que le second perd sa forme polymorphe pour se concentrer en une petite boule ronde. Cette action n'est pas seulement remarquable par la dénaturation pro- fonde que subit le globule blanc, mais aussi par l'infime dose de leucocidine nécessaire pour la provoquer. Il y a tels exsudats que l'on peut diluer avec 500 et même 1000 volumes d'eau salée physiologique ou de sérum de lapin normal et qui exercent encore sur les globules blancs leur action destruc- tive. Quand on pense que la masse de l'exsudat est composée surtout d'eau, de sels et d'albumine et que la leucocidine ne peut s'y rencontrer qu'en petite quantité comme élément de sécrétion microbienne, on doit admettre que ce produit est une substance hautement active. C'est sans doute une sorte de ferment énergique, dont le simple contact suffit pour démolir tout l'édifice cellulaire du leucocyte. D'autres cellules paraissent également sensibles à ce poison. Ainsi, dans le cours de quelques recherches instituées à ce sujet sur la moelle osseuse dissociée de lapin, nous avons constaté la dégénérescence des globules blancs et des cellules éosinophiles après un contact d'une minute avec l'exsudat à production d'une antileucocidine 36 1 leucocidine. Après 7 minutes, les hématoblastes étaient encore conservés, mais ils furent bientôt atteints à leur tour de la même façon que les leuco- cytes : leur contenu protoplasmatique se vida et le noyau devint apparent. Les globules rouges subissent également une altération : ils se gonflent et se dissolvent. Ces expériences plusieurs fois répétées conduisirent chaque fois aux mêmes résultats, tandis que les mêmes éléments mis dans l'eau salée physiologique conservaient indéfiniment l'intégrité de leur structure. Les ganglions du sympathique de lapin dissociés dans la leucocidine montrent des altérations analogues : après 10 minutes, les noyaux des gaines conjonctives et des cellules nerveuses deviennent très visibles; dans l'eau salée physiologique au contraire, cette dégénérescence n'apparaît pas. Nous avons recherché si d'autres microbes pathogènes sécrètent une substance semblable. Nous avons examiné à ce sujet les exsudats produits par le coli-bacille, le streptocoque, le bacille de Lœffler, le bacille de la fièvre typhoïde, le pneumocoque, mais nous n'y avons pas trouvé les dégé- nérescences produites par le staphylocoque. Dans ces exsudats, on observe souvent, il est vrai, des globules ne poussant plus de pseudopodes, mais ils se présentent avec un aspect tout différent : ils ne sont pas vides et ont un protoplasme dense, réfringent, comme les globules vivants. On peut très bien comparer leur état à celui que produit par exemple l'action de l'alcool, tandis qu'il faudrait comparer le mode d'action de la leucocidine à celui de l'acide acétique ou de l'eau distillée. Dans le présent travail, nous nous proposons surtout d'étudier, chez les lapins vaccinés contre le staphylocoque, la production d'une substance qui neutralise les effets de la leucocidine et à laquelle nous donnons le nom à' antileucocidine. Disons d'abord avec quels produits nous avons immunisé les lapins. Nous avons donné la préférence aux bouillons filtrés, injectés sous la peau à doses croissantes. Les premières inoculations produisent une diminution de poids, mais plus tard celle-ci s'efface et fait place à une augmentation. Nous avons également essayé les cultures vivantes peu virulentes, et les cultures non filtrées, tuées par la chaleur. Les lapins, traités de ces deux façons, fabriquent également de l'antileucocidine, mais ils tombent dans une cachexie avancée, et présentent souvent, à l'endroit d'injection, des abcès et même de la gangrène. 362 J. DENYS & H. VAN DE VELDE Donnons quelques exemples de vaccination. LAPIN I. DATE POIDS QUANTITE DE TOXINE INJECTÉE REMARQUES '7/4 i3oo 4 ce. 19/4 1200 1 ce. 22/4 1200 1 ce. 25/4 i325 2 ce. 3o/4 1200 2 ce. 7/5 i25o 4 ce. n/5 i3oo 4 ce. i6/5 1250 4 ce. 25/5 i5oo 4 ce. 27/5 Saignée de 4 ce. par la veine. 3o/5 Saignée de 10 ce. pour l'expérience III (page 367). 3/6 1425 4 ce 12/6 i5oo 8 ce. 21/6 1600 16 ce. 127 Saignée de 10 ce. Le 147, l'animal reçoit dans la plèvre une dose 10 fois mortelle de staphylocoques virulents et suivit. LAPIN II. QUANTITÉ DATE POIDS DE TOXINE INJECTÉE REMARQUES r7/4 3200 4 ce. 19/4 2g5o I ce. 22/4 3o25 I ce. 25,4 2975 4 ce. 3o/4 2975 4 ce. 7/5 2923 4 ce. n/5 2960 8 ce. i6/5 3i75 8 ce. 2i/5 3225 — 25/5 2425 4 ce. 3o/5 Saignée pour l'expérien- ce II (page 367). 3/6 3225 12 CC. 126 3 600 8 cc. 21/6 3 600 3occ. PRODUCTION D UNE ANTILEUCOCIDINE 363 LAPIN III. QUANTITÉ DATE POIDS DE TOXINE INJECTÉE REMARQUES 8/6 i85o 2 CC. 12/6 1800 2 CC. 18/6 i85o 4 CC. 24/6 i63o 4 CC. 7/7 2025 8 cc. 4/3 2300 4 cc. io, S Saignée par la veine de i5 cc. de sang pour l'expé- rience I (page 367). Le 14/8, l'animal reçoit dans la plèvre 1/40 de cc. de staphylocoque virulent et survit. Ces quelques exemples suffisent pour faire comprendre la marche sui- vie. Comme nous l'avons dit, nous avons également immunisé des lapins avec des injections de cultures vivantes de staphylocoques atténués. Tous les animaux, aussi bien ceux qui ont reçu les cultures filtrées que ceux qui ont été traités par les cultures mortes ou vivantes, possédaient un sérum doué d'une propriété nouvelle, celle de neutraliser les effets délétères de la leucoci- dine sur les globules blancs. Pour mettre cette propriété nouvelle en évidence, il _ est nécessaire d'avoir à sa disposition deux éléments : i° une solution de leucocidine; 2° des leucocytes vivants. Voici comment on peut s'y prendre pour obtenir de la leucocidine. On injecte dans la plèvre d'un lapin ordinaire une dose mortelle de staphylocoques vivants et virulents. Le lapin succombe en vingt-quatre heures en moyenne, avec un exsudât renfermant beaucoup de microbes et un certain nombre de leucocytes tous dégénérés. Cet exsudât, par le repos, se sépare en deux couches; l'une claire, superficielle, l'autre opaque, pro- fonde, et renfermant les globules dégénérés. C'est la couche superficielle qui sert à l'expérience, car elle renferme la leucocidine à l'état de dissolution. Pour obtenir le second élément nécessaire à l'expérience, les leucocytes, on injecte dans la plèvre d'un autre lapin une suspension de staphylocoques morts. Après un certain nombre d'heures, l'animal est sacrifié. La plèvre renferme un exsudât riche en leucocytes doués tous d'une grande vitalité. 364 J- DENYS & H. VAN DE VELDE Nous laissons cet exsudât se déposer, afin d'obtenir les globules séparés autant que possible de la sérosité dans laquelle ils sont plongés. Si, à présent, on met sur un porte-objets une goutte de la solution de leucocidine, et qu'au moyen d'un fil de platine, on y transporte des globules blancs, en ayant soin de bien mélanger le tout, on voit les leucocytes subir la dégénérescence caractéristique. On constate successivement les modifications suivantes : i° les leucocytes rétractent leurs pseudopodes et deviennent ronds ; 2° une zone claire apparaît à leur périphérie, tandis que leur centre devient granuleux; 3° la zone claire envahit le centre, tandis que les granulations dispa- raissent ; 4° le globule se vide complètement et il est réduit à une vésicule creuse constituée par une mince membrane et dans laquelle se trouve habi- tuellement le noyau sous la forme d'une gouttelette très réfringente; plus tard, cette gouttelette peut elle-même disparaître. Avec une solution de leucocidine pas trop faible, toutes ces modifica- tions se produisent, à la température du corps, en moins de deux minutes. Si, au lieu d'employer la solution de leucocidine comme telle, on la mé- lange à du sérum de lapin normal, son action nocive reste intacte, c'est-à- dire que les leucocytes continuent à périr, à moins qu'on ne pousse la dilu- tion trop loin. Si, au contraire, on additionne à la leucocidine (î) du sérum de lapin vacciné, cette substance perd toute action, et le milieu, de délétère au suprême degré, devient inoffensif. EXPÉRIENCE. — Lapin de 925 gr. 4 janv. Injection dans la plèvre d'un bouillon de staphylocoques chauffé à 620. 7 janv. Injection au même endroit de 1/40 de ce. d'une culture de staphylocoques virulents. 26 janv. Injection au même endroit de i/5 de ce. de la même culture. 2 février. Injection de 3/io de ce. i5 mars. Un mélange d'une goutte de sérum avec une goutte de la solution de leucocidine est sans action sur les globules vivants. Ceux-ci y conservent leurs mouvements amibdides pendant plusieurs heures. Dans un mélange de cinquante gouttes de sérum normal et d'une goutte de la solution de leucocidine, les leucocytes présentent immédiatement la dégénérescence caractéristique. (1) Dorénavant, quand nous parlerons de leucocidine tout court, il faudra, sauf indication spéciale, entendre par là la partie claire de l'exsudat produit par le staphylocoque. production d'une antileucocidine 365 Nous pourrions multiplier ces exemples, mais ce seraient des répéti- tions inutiles, car le phénomène est sans exception : tout lapin, qui a reçu plusieurs inoculations de cultures complètes ou filtrées de staphylocoque, possède un sérum doué de cette propriété singulière. Après avoir constaté chez le lapin vacciné la présence d'une antileuco- cidine, nous avons été amenés à la doser. Il s'agit ici d'un dosage non pas absolument rigoureux, mais approximatif, permettant de donner une idée suffisamment exacte de la quantité d'antileucocidine qui s'accumule dans le corps des lapins immunisés. Comme terme de comparaison, il est nécessaire de posséder une solu- tion de leucocidine de puissance connue. Or, la quantité de leucocidine variant d'un exsudât à un autre, il est indispensable de ramener celui-ci à un titre fixe. Dans ce but, nous diluons l'exsudat soit avec du bouillon, soit avec de l'eau salée physiologique, soit avec le sérum d'un lapin normal. Les opérations se font de manière à déterminer progressivement une dilution de plus en plus forte de l'exsudat. Après chaque nouvelle dilution, nous exa- minons si la propriété leucocidique est conservée. Ainsi, par exemple, nous mélangeons une première fois un volume d'exsudat avec quatre volumes de sérum et nous examinons au microscope, sur la platine chauffante, le sort des leucocytes que l'on y introduit. S'ils dégénèrent, nous diluons l'exsudat au dixième et nous y déposons de nouveau des leucocytes ; nous continuons cette opération jusqu'à ce que les globules cessent d'être impressionnés par le poison. On est averti que l'on approche de ce terme par un ralentissement de la dégénérescence. Aussi longtemps que l'on en est éloigné, la dégéné- rescence marche avec une très grande rapidité; elle s'accomplit aussi vite dans l'exsudat moyennement dilué que dans l'exsudat pur; mais quand on atteint la limite de la dilution compatible avec la conservation du pouvoir leucocidique, la dégénérescence ne commence qu'après un certain temps (plusieurs minutes) et marche avec lenteur. Tout le processus, au lieu d'évo- luer en une ou deux minutes, n'évolue qu'en cinq, dix, quinze minutes. 47 » dilue ; au I/IO )) » au i/5o » i) au i/ioo )) » au 1/200 )) » au i/5 00 366 J DENYS & H. VAN DE VELDE Voici un exemple de ce genre de recherches : Exsudât pur. Destruction des leucocytes • en moins de deux minutes. l'eau salée. Id. ,, Id. » Id. » La dégénérescence commence après deux minutes et est achevée une minute plus tard. » La dégénérescence commence après trois minutes et a atteint la plupart des globules six minutes plus tard. » » au 1/1000 » Les globules conservent leurs mouve- ments (observation d'une demi-heure). Dans cette expérience, le pouvoir leucocidique existe encore dans l'ex- sudat dilué au 1/500, mais c'est la dilution limite; dilué au millième, l'exsu- dat est devenu inactif. Notre solution type, qui sert à mesurer la puissance d'un sérum anti- leucocidique, est précisément une solution de leucocidine étendue de telle façon, au moyen d'un liquide neutre, qu'une dilution ultérieure lui enlève son pouvoir. En d'autres mots, c'est la solution active la plus faible. Nous avons dit plus haut que nous nous servons pour diluer l'exsudat de différents liquides, l'eau salée physiologique, le bouillon, le sérum de lapin normal. Dans tous ces milieux, les leucocytes poussent des pseudo- podes pendant un temps suffisamment long pour permettre de bien suivre les phénomènes, mais nous avons remarqué entre l'eau salée et le bouillon d'un côté et le sérum de l'autre une légère différence. On ne peut pas pousser la dilution de l'exsudat aussi loin dans le sérum que dans les deux autres milieux, mais l'écart est bien faible et il est nécessaire de procéder lentement et graduellement pour la percevoir. A quoi tient cette différence? On peut formuler deux hypothèses. Dans la première, on peut supposer que tout lapin possède dans son sérum un peu de substance antileucocidique, très faible à la vérité et con- stituant une quantité négligeable en présence de celle que l'on trouve chez les lapins vaccinés. PRODUCTION D'UNE ANTILEUCOCIDINE 367 Dans la seconde hypothèse, on peut penser que la différence tient à la composition du milieu. L'antileucocidine est une espèce de ferment et l'on sait combien l'action de ces substances est facilement ralentie ou accélérée par une légère différence dans la composition du milieu. Nous ne saunons dire laquelle de ces deux hypothèses doit être ad- mise; la question n'a du reste pas d'importance pour le moment. Revenons au dosage de l'antileucocidine chez les lapins immunisés. Cette opération revient à rechercher combien il faut de sérum d'animal vacciné pour neutraliser la leucocidine d'un exsudât de puissance connue. Pour cela, on tire de la veine d'un lapin vacciné une petite quantité de sang qu'on laisse se coaguler ou que l'on soumet à l'action centrifuge. La quantité nécessaire du sérum pour neutraliser l'action leucocidique nous donnera sa puissance antileucocidique. EXPÉRIENCE I. Sérum du lapin III, retiré le 10 août (voir p. 363). La leucocidine, diluée au centième, tue les leucocytes avec un léger retard. Or, un volume de sérum de ce lapin neutralise complètement un volume de cette leucocidine non diluée. Dans le mélange d'un volume de sérum et de deux volumes de leucocidine, la dégénérescence se produit, mais lentement. EXPÉRIENCE II. Sérum fourni par le lapin II (voir page 362), le 3o mai. La leucocidine, diluée dans 200 parties de sérum normal, détruit les leucocytes en 3 1/2 minutes. Or, deux volumes du sérum du lapin vacciné neutralisent complètement un vo- lume de la leucocidine non diluée. EXPÉRIENCE III. Sérum fourni par le lapin I (voir page 362), obtenu le 27 mai. La leucocidine diluée au 1/100 détruit les leucocytes avec un retard appréciable (3 minutes). Or, une partie de sérum neutralise complètement quatre parties de la leucocidine . Une partie de sérum additionnée à neuf parties de leucocidine exerce encore une action appréciable, la dégénérescence débutant seulement après 2 1/2 minutes. 368 J- DENYS & H. VAN DE VELDE Nous pourrions citer encore de nombreuses expériences ; elles don- nent toutes le même résultat. Chei tous les lapins, sans exception, soumis pendant quelque temps à l immunisation contre le staphylocoque, le sérum acquiert une propriété qui n'existe pas ou dont il n'existe que des traces à peine appréciables che\ les lapins neufs : il préserve les leucocytes contre l'action de la leucocidine. On ne peut pas douter que cette propriété joue un rôle considérable dans l'immunité acquise par les lapins contre le staphylocoque. En effet, l'un de nous, dans le travail cité plus haut, a démontré que le leucocyte est un des éléments importants de la lutte du lapin contre cet organisme. Par sa propriété phagocytaire, il concourt à empêcher ou à ralentir la pullula- tion microbienne. Rappelons à ce sujet quelles sont les phases de l'infection. Quand on injecte dans la plèvre d'un lapin ordinaire une petite dose de staphylocoques virulents, le premier effet de cette opération est de déterminer la production d'un exsudât et l'arrivée d'un certain nombre de leucocytes. Ceux-ci conservent pendant un temps court leur vitalité et, par conséquent, leur faculté phagocytaire; mais 6, 8, 10 heures après l'injection, ils subissent la dégénérescence caractéristique. Dès lors, ils sont perdus pour la défense de l'organisme. Cette dégénérescence se pro- duit quand les microbes sont relativement peu nombreux, fait qui indique combien la sécrétion de leucocidine est active dans la plèvre. Chez le lapin vacciné, au contraire, le triomphe des microbes n'est pas aussi facile. La leucocidine se trouve neutralisée par l'antileucocidine, et les leucocytes, abrités pour ainsi dire par cette substance, peuvent prolonger la lutte contre le staphylocoque. Un petit calcul démontre clairement quelle doit être l'importance de cette protection. Sans aucune exagération, on peut admettre qu'en moyenne l'exsudat d'un lapin neuf mort d'infection staphylococcique est tellement riche en leu- cocidine, qu'il est nécessaire de le diluer avec cent parties de sérum normal, si on veut le rendre inoffensif pour les globules blancs. Supposons que cet exsudât soit de 5 centimètres cubes et que le lapin, du poids de 1500 gr., renferme dans son sang et dans ses tissus 100 centimètres cubes de sérum. Ces 100 centimètres cubes suffiront à peine pour neutraliser la cinquième partie de l'exsudat. Considérons à présent un lapin vacciné. Admettons, ce qui est modéré, qu'un volume de son sérum neutralise une masse égale de l'exsudat précité. PRODUCTION D'UNE ANTILEUCOCIDINE 369 Avec 5 ce. de son sérum, - - n'oublions pas qu'il en possède 100, — il pourra rendre inactive toute la substance leucocidique contenue dans l' exsudât, et, la neutralisation étant faite, il lui restera encore assez d'antitoxine pour pa- ralyser l'effet de 19 exsudats tout aussi actifs et tout aussi abondants. Dans ce calcul, nous supposons que le sérum du lapin vacciné rencontre un exsudât déjà tout chargé de poison et provenant d'un animal mort. En réalité, dans le corps, les choses ne se passent pas ainsi. L'antileucocidine rencontre la leucocidine dès que celle-ci commence à se former, et l'issue de la lutte ne s'en présente que plus favorablement. Chose curieuse, les lapins vaccinés non seulement supportent sans trouble marqué des doses plusieurs fois mortelles de staphylocoques très virulents, mais ils se comportent vis-à-vis de cette infection comme le chien. L'un de nous a démontré que, dans l'infection staphylococcique, le chien se comporte autrement que le lapin. Si l'on inocule à un lapin une dose faible de microbes très virulents, par exemple 1/100 de centimètre cube de bouillon, le développement des organismes suit une progression quasi continue. L'animal succombe avec un exsudât qui est une vraie culture et dans lequel tous les leucocytes sont dégénérés. Si l'on inocule une dose proportionnelle au chien, celui-ci ne présente guère de troubles. Il faut, pour le tuer, recourir à des doses considérables, 20 centimètres cubes par exemple. A l'ouverture de la plèvre, on constate que les microorganismes sont rares ; il est quelquefois nécessaire pour les déceler de recourir à la culture. Quant aux leucocytes, ils sont tous mobiles. En résumé, le lapin succombe après que ses moyens de défense contre la pullulation intrapleurale ont été vaincus; le chien meurt avec la conser- vation, si pas intégrale, du moins peu entamée, de ces moyens. Chez le lapin, c'est une mort à la fois par infection et par intoxication; chez le chien, c'est l'intoxication qui est le trouble dominant. Or, le lapin vacciné se comporte comme le chien. Il devient insensible aux petites doses, et, s'il succombe aux grandes, c'est avec des globules blancs intacts, exactement comme le chien. En voici un exemple. EXPÉRIENCE. Un fort lapin bien vacciné reçoit dans la plèvre droite o,3 ce. de staphylocoques représentant cent fois la dose mortelle. Il meurt après 48 heures. 370 J- DENYS & H. VAN DE VELDE L'autopsie fait découvrir : A droite : l'énorme quantité de 5o ce. d'exsudat, dans lequel, après repos, la colonne des globules blancs forme le tiers de la hauteur totale. Tous sont vivants, comme le démontrent leurs déformations observées dans la chambre chauffée de Zeiss. A gauche : 26 ce. d'exsudat, avec moins de globules, mais également tous vivants. Ainsi, chez ce lapin vacciné, contrairement à ce que l'on rencontre con- stamment chez le lapin neuf inoculé avec des staphylocoques virulents, tous les leucocytes étaient restés vivants jusqu'à la mort de l'animal. Il n'y a que l'antileucocidine qui peut les avoir protégés ainsi. Faisons une remarque destinée à faire ressortir davantage le rôle im- portant de l'antileucocidine. Le lapin vacciné n'a pas les humeurs plus bactéricides que le lapin normal. Celles-ci ne peuvent donc pas lui prêter le secours d'une substance bactéricide. Une question qui ne manque pas d'intérêt est celle du mode d'action intime de l'antileucocidine sur la leucocidine. Le problème du mécanisme de la réaction des antitoxines sur les to- xines a été agité à propos d'autres poisons microbiens. Behring admet que l'antitoxine de la diphtérie neutralise la toxine de cette maladie en formant avec elle une combinaison inoffensive. Dans cette réaction, il y a par conséquent à la fois disparition de la toxine et de l'anti- toxine. Buchner, Roux et Calmette ne sont pas de cet avis. Pour eux, l'anti- toxine n'agit pas directement sur la toxine, mais sur les tissus et soustrait ces derniers aux effets nuisibles du poison. Dans leur pensée, la toxine n'est pas détruite; elle est seulement rendue impuissante. A l'appui de sa manière de voir, Buchner fait ressortir que des mé- langes de toxine et d'antitoxine tétaniques composés de telle sorte qu'ils ne produisent aucun symptôme convulsif chez les cobayes, en déterminent néanmoins chez les souris. Ce fait serait incompatible avec la destruction de la toxine, telle que Behring l'entend. En effet, celle-ci, se trouvant dé- truite au moment du mélange, ne pourrait plus exercer son effet sur aucune espèce animale. Roux a observé que des mélanges de toxine et d'antitoxine, sans action sur les animaux bien portants, produisent les effets de la toxine sur des animaux qui ont été affaiblis antérieurement par des inoculations micro- biennes variées. PRODUCTION DUNE ANTILEUCOCIDINE 371 Enfin, Roux et Calmette appuient encore leur manière de voir sur le fait suivant : ils mettent à profit la propriété que présente l'antitoxine d'être détruite par une température qui respecte la toxine. Voici comment ils opèrent. A une dose mortelle de venin de serpent, ils ajoutent la quantité de sérum antivénimeux nécessaire pour obtenir la neutralisation. Le mélange injecté aux animaux les laisse en vie. Ils chauffent alors le mélange à une température de 700. Cette opération détruit l'antitoxine, mais est sans action sur la toxine. Or, le mélange ainsi chauffé produit chez les animaux les mêmes accidents que la toxine seule. Il faut en conclure que le poison n'avait pas été détruit par l'antitoxine et que par conséquent ce dernier n'exerce pas une action directe sur le poison. Comment agit l'antileucocidine? S'attaque-t-elle directement à la leu- cocidine, ou, en portant son action sur le globule blanc, épargne-t-elle la toxine? Nous inspirant des expériences de Roux et Calmette, nous avons re- cherché si le chauffage à une température déterminée ne pouvait pas nous donner la solution. Une série d'expériences nous a démontré que la leucocidine est détruite par un chauffage de dix minutes à 580, tandis que la même opération n'affai- blit en rien le sérum antileucocidique. Dès lors, la possibilité de résoudre le problème se présentait. Pour faire l'expérience, il est nécessaire de déterminer d'abord exacte- ment la force de l'exsudat à leucocidine et celle du sérum antileucocidique. Ces deux points établis, on fait un mélange dans lequel l'antitoxine neutralise exactement la toxine. Un mélange pareil est sans action sur les leucocytes, comme aussi il est incapable de les préserver contre une nouvelle dose de leucocidine. Ce mélange est chauffé pendant dix minutes à 580. Cette opé- ration a pour but de détruire la toxine et de libérer l'antitoxine dans le cas où ces substances auraient conservé leur indépendance. Or, après le chauf- fage, le liquide est devenu incapable de préserver les leucocytes, même contre les dilutions étendues de leucocidine. Il faut donc bien admettre qu'entre la leucocidine et l'antileucocidine il se produit un véritable conflit, dans lequel il y a dépense, destruction de ces deux substances. En un mot, dans le cas actuel, se vérifie l'opinion de Behring. Nous avons recommencé cette expérience plusieurs fois et constam- ment avec le même résultat. Afin d'exclure toute intervention étrangère, 372 J. DENYS & H. VAN DE VELDE nous n'avons employé dans l'une d'elles, comme milieu de dilution, que de l'exsudat chauffé à 580. Le résultat a été le même. Il va de soi que ces ex- périences n'infirment en rien celles de Roux et Calmette, portant sur un tout autre objet. Pour finir, disons que nous avons cherché, mais inutilement, la pré- sence d'une antileucocidine chez des lapins fortement immunisés contre le streptocoque pyogène et le bacille commun de l'intestin. CONCLUSIONS. 1 . Chez les lapins immunisés contre le staphylocoque pyogène, il existe dans le sang une substance neutralisant les effets de la leucocidine et qu'on peut appeler antileucocidine. 2. Cette substance joue un rôle important dans l'immunité des lapins vaccinés contre le staphylocoque. 3. Elle semble détruire la leucocidine en se combinant avec elle. 4. Elle parait propre au lapin vacciné contre le staphylocoque. LA MIELLÉE DU HÊTRE ROUGE PAR J. VAN DER PLANCKEN & Philibert BIOURGE docteur en sciences chargé de cours a l'Université de Louvain. (Mémoire dépose le 15 juin 1895J. 48 LA MIELLÉE DU HETRE ROUGE. Pendant les chaudes journées du mois de juillet 1893, l'un de nous a recueilli une quarantaine de grammes d'une matière sucrée, qui exsudait des feuilles de trois grands hêtres rouges et tombait sur le sol en larmes blanches de la grosseur de grains de sable. M. Macquenne(i) a décrit un produit ana- logue fourni par le tilleul. Sur l'invitation de M. Bruylants, il avait examiné ce singulier produit, que nous nommerons « la Miellée du hêtre rouge. » Au lieu de laver les feuilles à l'eau froide, comme l'a fait M. Macquenne, et d'évaporer le liquide à consistance sirupeuse, il avait préféré recueillir les larmes de miellée qui tombaient spontanément. Le produit récolté tant bien que mal dans la gouttière de la serre, ombragée par ces arbres, était plein de poussières et mélangé de feuilles séchées, de pétales de fleurs et de débris de toute nature. Comme il attirait l'humidité, il fut conservé pendant longtemps sur l'acide sulfurique concentré. Pour le purifier, on enleva patiemment avec des pinces les saletés les plus grossières; on mit ensuite le tout dans une grande capsule et vanna le produit en soufflant sans cesse. Les parties légères s'envolèrent et il ne resta plus que les perles blanches mélangées de grains de poussière noire. Profitant de la forme sphérique des premières, on parvint à les isoler en mettant la substance, par petites portions, sur une feuille de papier glacé inclinée légèrement : les larmes de miellée roulaient dans la capsule desti- née à les recevoir, tandis que les poussières restaient sur le papier. Tout cela devait se faire au grand soleil; à l'ombre et avec la moindre humidité, les grains se collaient en masse. De cette façon et à force de patience, nous avons obtenu la miellée du hêtre rouge presque blanche, ne renfermant plus d'impuretés qu'à l'intérieur des larmes, à concurrence de 3 0/0. Propriétés physiques. La miellée du hêtre rouge forme de petits grains sphériques, blancs, sans odeur, très hygroscopiques. Elle possède une saveur sucrée et colle aux dents comme la gomme. (i) Comptes rendus, 10 juillet iSg3, p. 127 ; Bulletin de la Société chimique de Paris, 5 septem. bre iSg3, p. -jii. 376 J VAN DER PLANCKEN & Ph BIOURGE Elle est très soluble dans l'eau et l'alcool dilué. L'alcool concentré n'en dissout qu'une minime partie. Elle est insoluble dans l'éther sulfurique et le chloroforme. Examinés au microscope, les grains semblent formés de sphéro-cris- taux. Avec l'acide carminique, ils prennent une couleur rouge comme les gommes. Leur solution dévie fortement le plan de polarisation vers la droite. Propriétés chimiques. La solution aqueuse précipite par l'alcool fort. Ce précipité redissous dans l'eau n'est pas coloré par l'iode. Les amylo- ou érythro-dextrines, ainsi que le glycogène et l'amyloïde font donc défaut. Le filtrat alcoolique précipite par addition d'éther : présence de sucres. La solution aqueuse de miellée précipite par l'acétate neutre et basique de plomb. Il y a donc évidemment un corps du groupe des gommes, car ni les sucres, ni les dextrines ne précipitent par ces réactifs, à l'exception du mannose, du moins en solution aqueuse pas trop concentrée. La miellée renferme un sucre très réducteur : on constate en effet la réduction à froid de la liqueur de Fehling; la réduction également à froid de la liqueur de Ost; la réduction du sous-nitrate bismuthique en solution alcaline; la réduction à froid des sels mercuriques en solution alcaline; la décoloration du carmin d'indigo additionné de carbonate sodique; la colora- tion brune avec la soude caustique; la coloration rouge avec l'acide picrique en solution alcaline; la réduction du ferricyanure de potassium additionné de potasse caustique : ce sel perd sa couleur rouge et donne ensuite un préci- pité de bleu de Prusse avec le chlorure ferrique; enfin la formation d'osazone avec la phénylhydrazine acétique. En dissolvant une partie de miellée, 2 parties de chlorhydrate de phé- nylhydrazine et 3 parties d'acétate sodique cristallisé dans 20 parties d'eau et en chauffant une demi-heure au bain-marie, il se forme d'abondants cristaux de glycosazone, se présentant au microscope en aiguilles jaunes disposées en houppes. Nous en avons comparé le point de fusion avec celui de l'osazone du glycose pur; l'une et l'autre ayant été redissoutes dans l'alcool chaud et recristallisées fondent vers 203 à 2040 C, quand on les chauffe rapidement. Nous avons recherché l'azote dans la miellée d'après la méthode Kjel- dall : elle ne renferme pas de principes azotés. La miellée laisse 1,55 0/0 de cendres. Celles-ci sont constituées par CaO, MgO et KsC05. LA MIELLÉE DU HETRE ROUGE 377 La présence de ces cendres s'accorde avec la précipitation par l'acétate neutre et basique de plomb pour conclure à la présence de gommes. Celles- ci, en effet, laissent à l'incinération CaO, MgO, K2C05. Afin de connaitre la composition chimique de la miellée, nous l'avons soumise à une série d'essais chimiques et biologiques. Désirant pour ces déterminations analytiques disposer de solutions de miellée de teneur exactement établie, nous avons dissous un poids connu de miellée clans un volume déterminé d'eau distillée. Les solutions étaient assez claires, mais il se déposait toujours une légère quantité de poussière noire qui était emprisonnée dans les larmes. On filtre sur un filtre taré après dessiccation à ioo° : les solutions passaient fort claires. Après lavage du filtre à l'eau chaude et dessiccation à 100°, on défalque les milligrammes de poussière du poids primitif de miellée. On connaît ainsi exactement le titre des solutions. Avant de les employer, on détermine leur densité à 150 à l'aide du flotteur de Reimann. A. ESSAIS CHIMIQUES. Premier essai. La miellée a été examinée : 1° comme telle ; 2° après hydratation pendant 20 minutes avec 1/10 d'acide chlorhy- drique fumant à 650 C; 3° après hydratation pendant 3 heures avec HC1 dilué. Dans ce triple essai, nous avons déterminé : au polarimètre de Schmitt et HâNSCH ( au polaristrobomètre de Wild; le pouvoir réducteur par la méthode Soxhlet, en pesant le Cu prove- nant de la réduction de l'oxyde cuivreux par l'hydrogène. Les résultats de ces expériences sont résumés dans le tableau I. Ces chiffres proviennent de trois essais, où nous avons varié la quantité de miellée, en conservant le même volume de liquide. Dans le ir essai, la solution était à 12,7788 0/0; D. 1,0485. " -e " » 1 1 ,2796 0/0; D. 1,0429. " 3e " y 9,5048 00; D. 1,0358. Les degrés lus au sacchari mètre de Schmitt et HaNSCH sont calculés sur la moitié du poids normal pour le saccharose. Pour examiner le pouvoir rotatoire avec cet instrument, il a fallu diluer les solutions, le pouvoir dex- trogyre de la miellée étant intense. le pouvoir rotatoire j 37« J VAN DER PLANCKEN & Ph. BIOURGE En employant ces mêmes solutions à 10 o/o, nous avons calculé l'angle de rotation d'après la formule : «D a X 100 7x7' dans laquelle a est l'angle trouvé; /, la longueur du tube en décimètres; c, le nombre de grammes dissous dans 100 cent. c. Toutes les lectures polarimétriques ont été faites à 20° C. TABLEAU I. MIELLEE COMME TELLE APRÈS HYDRATAT. PENDANT 20 MIN. A 65° C AVEC i/lO HC1 FUMANT APRÈS HYDRATAT. PENDANT 3 HEURES AVEC HC1 DILUÉ i gramme de miellée donne Cu réduit. / 1 3,024 gr. dans 100 ce. au polarimètre de Schmitt et H/ENSCH. 10 gr. dans 100 ce. au polaristrobomètre de WlLD. Pouvoir rotatoire «D. 0,3l2 o,3og o,3o6 2 d o,56o 0,557 -f- io3 -\- 100 -\- 102 + 97 + 93.4 + 96,3 + -f-207 + 203 -j- 206 + 196 + 195 + 194 CTv + -f i38 + i34,5 + i37,5 + + 129 -j- 125 + 129.7 + 1.477 1.474 Quel est, dans la miellée, le sucre qui réduit la liqueur de Fehling? La gomme et la dextrine sont-elles sans influence? Pour répondre à ces ques- tions, nous avons recherché le pouvoir réducteur de la dextrine purissima à l'alcool et de la gomme arabique naturelle. Pour réduire 10 ce. de liqueur de Fehling préparée d'après Violette, soit pour fournir 0,0996 gr. de Cu réduit par l'hydrogène, il faut 0,650 gr. de dextrine et environ 8 gr. de gomme arabique. Il faut de plus remarquer que la réduction est lente et difficile avec la gomme. La solution de miellée a été bouillie avec la liqueur de Fehling pen- dant quatre minutes seulement. Sans donc tenir compte de la nature des corps gommeux ou dextrineux existant dans la miellée et qu'il faudrait avant tout connaître, on peut dire que la réduction, dans ces conditions, ne provient pas de ces substances. LA MIELLÉE DU HÊTRE ROUGE 379 Nous avons donc à rechercher parmi les sucres réducteurs celui ou ceux qui pourraient se trouver dans notre produit. Nous devons donc faire l'analyse qualitative de notre liqueur, ce qui n'est pas précisément chose facile. Il existe en effet un certain nombre de réactifs caractéristiques des sucres réducteurs, mais parmi eux beaucoup sont des réactifs de groupes et nous serviront seulement à affirmer la présence d'un représentant de ces groupes ou l'absence du groupe entier. D'autre part, il en est un certain nombre dont l'étude n'a été faite que pour les sucres anciennement connus. Enfin, pour les tout derniers venus dans le domaine de la science des hy- drates de carbone, on a une tendance néfaste à se servir exclusivement de l'un "ou l'autre réactif nouveau sans rapporter l'action des agents d'analyse employés couramment. A ce point de vue, le dernier ouvrage encyclopédique de Edm. von Lippmann est tout à fait instructif. Le nombre de réactions est fabuleux pour les sucres bien étudiés : on sait à peine y faire un choix et, en fin de compte, la série se termine très souvent par cette constatation : » en présence d'autres corps, nous n'avons pas de réaction qualitative bien probante, - ou bien » d'après un tel et un tel, cette réaction est caractéristique pour ce sucre. « Nous avons donc dû choisir un certain nombre de réactions dites caractéristiques et en refaire l'étude sur les sucres que nous avions en notre possession et cela comparativement avec notre miellée du hêtre rouge. Parmi les solutions cuivriques, nous avons étudié : i . La liqueur de Fehling-Soxhlet : sulfate de cuivre recristallisé pur, 34 gi". 639 dans 500 c3 d'eau, sel de Seignette 173 gr., soude caustique à l'alcool 90 gr. dans 500 c3 d'eau. Les solutions cuivrique et alcaline étaient conservées séparément, sans dépasser trois mois depuis leur préparation. Elles ne donnent jamais de précipité d'oxydule, quand on les chauffe après mélange, à l'état naturel ou après dilution, ce qui nous est arrivé parfois, quand le sel de Seignette ou la soude étaient impurs. 2. La liqueur de Ost, ne renfermant pas d'alcali libre, que l'on pré. pare en ajoutant à une solution de 250 gr. de carbonate neutre de potasse et de 100 gr. de bicarbonate de potasse dans 700 ce. d'eau chaude, une solution de sulfate de cuivre renfermant 23,5 gr. de ce sel. Le mélange bien agité est complété à un litre et filtré s'il y a lieu. Le liquide ne se trouble pas par l'addition de 4 volumes d'eau. On s'en sert en analyse quantitative le plus souvent, en suivant les indications de Ost, c'est-à-dire en faisant agir sur 50 ce. de sa liqueur 25 ce. de la solution sucrée, laissant bouillir 10 minutes et lavant le précipité dans un tube de Soxhlet garni d'asbeste. Pour le calcul, on se sert des tables dressées par l'auteur. 38o J- VAN DER PLANCKEN & Ph. BIOURGE Qualitativement, nous avons opéré dans des tubes à essai au bain- marie en mélangeant i volumes de la solution cuivrique et 1 volume de la solution sucrée. Mais c'est à froid que la liqueur nous a fourni les meilleurs résultats. 3. La liqueur de Barfoed, qui doit contenir 6 gr. 66 d'acétate normal de cuivre et 1 d'acide acétique glacial pour 100 de liqueur. 4. La même solution, où, après quelques essais, nous avons remplacé l'acide acétique par 0,5 d'acide tartrique pour 100 de liqueur. 1 o/o d'acide citrique donne un bon réactif, mais qui ne peut se conserver, parce que l'acide citrique forme un citrate acide insoluble surtout à chaud et qui finit par cristalliser quantitativement à froid, l 0/0 d'acide tartrique empêche la précipitation de l'oxydule de cuivre, quand on mélange les solutions volume pour volume. C'est cependant un aide qui peut être fort utile, car il n'est réduit au bain-marie bouillant que par le lévulose. La suppression totale de l'acide ne présente aucun avantage; elle offre l'inconvénient très sé- rieux de donner des sels basiques par un simple chauffage au bain-marie. La liqueur de Barfoed doit être très bien préparée pour ne pas être sujette au même reproche. L'acide tartrique empêche complètement cette précipi- tation de sous-sels ; quanta son action invertissante sur le saccharose, il suffit de se rappeler que, par le chauffage et même à froid, il déplace l'acide acétique et que, dans ces conditions, il n'offre pas plus de causes d'erreur que l'acide acétique libre de la liqueur de Barfoed. 5. La liqueur carbonatée de Pellet au sel de Seignette, carbonate et bicarbonate de soude, additionnée d'un peu de sel ammoniac. Cette liqueur, peut-être à cause de la rareté du potassium dans sa formule, donne des précipités cuivriques mal formés et déposant très mal. La liqueur de Ost lui est bien préférable. 6. La liqueur mercurique de Sacchsse, modifiée par Heinrich, ren- fermant par litre 18 gr. d'iodure mercurique sec, 2.r, gr. d'iodure de potas- sium et 10 gr. de potasse caustique solide et pure. Pour les essais qualitatifs, nous, avons mélangé 2 volumes de la liqueur mercurique et un volume des solutions sucrées et laissé la réaction s'opérer à froid. Pour les dosages, on fait bouillir 40 ce. de la liqueur titrée (au moyen de glycose à 6 gr. par litre), et on y laisse couler d'une burette la solution à essayer, jusqu'à ce qu'un essai filtré ne renferme plus de mercure. 7. L'acide molybdique ou plutôt le molybdate d'ammoniaque addi- tionné d'une goutte d'acide sulfurique dilué au 1/10. Nous nous sommes servis d'une solution de molybdate au i/10 que nous ajoutions, dans des LA MIELLÉE DU HETRE ROUGE 38 1 tubes à essai, à un volume égal de nos solutions sucrées. Les essais com- mencés à froid ont été continués au bain-marie à 65-700 C. 8. Le nitrate de cobalt en solution alcaline préconisé par Reich (1). Nous avons suivi les prescriptions de Papasogli (Bulletin de l Association des chimistes, 1895, 13, 68) pour la recherche du saccharose. On doit avoir : i° une solution de nitrate de cobalt à 5 0/0; 20 une solution de soude caustique à 50 0/0 en poids. La méthode permettrait de reconnaître le saccharose dans un mélange de 1 de ce sucre avec 9 de glycose, en employant la quantité suivante de liquide : solution sucrée 15 ce, solu- tion de nitrate 0,5 ce, soude 2 ce. D'après l'auteur, la gomme arabique et la dextrine donnent une coloration bleue permanente et doivent être préalablement éliminés par le sous-acétate de plomb ou la baryte caus- tique; le glycose une coloration bleu-turquoise passant rapidement au vert sale; le sucre de lait une coloration bleue passagère; le saccharose une coloration améthyste permanente. Les réactions se font à froid. D'après Reich, le saccharose soumis à cette réaction donne un précipité vert quand on le chauffe. Ce précipité ne se produit pas quand on opère d'après Papasogli. Cependant, la coloration améthyste due au saccharose se change lentement en une coloration rougeâtre et, après quelques jours, il se forme, quand on chauffe le tube à réaction au bain-marie, un précipité brun d'oxyde de cobalt et la coloration violette réapparaît. Nous avons essayé le lévulose, le galactose, le maltose, l'arabinose de la gomme du cerisier, ainsi qu'une gomme arabique ne donnant pas la réaction des pentoses avec la phloroglu- cine. Le lévulose donne à froid une coloration gris-bleu, ou plus exactement gris-fer; cette coloration ne change pas après plusieurs jours; elle passe alors au bleu quand on chauffe l'essai; il se forme un précipité suivant la concentration du liquide sucré. Le galactose, comme le sucre de lait et la gomme arabique, donne une coloration bleuâtre et un précipité brunâtre; la coloration passe au jaune un peu verdàtre et s'y maintient. Le chauffage ne fait que foncer la coloration. On serait tenté de n'y voir que l'action de l'alcali sur ces sucres, si la gomme dont nous nous sommes servis n'était si peu attaquée par la soude et si l'on n'avait vu l'effet de l'addition de quelques gouttes de nitrate cobaltique à la solution alcaline. La dextrine purissima à l'alcool, très peu réductrice et exempte de pentose, donne à froid une colo- ration bleue permanente, sans précipité quand elle est assez concentrée. La chaleur fait pâlir fortement la teinte à l'inverse de ce qui a lieu pour le M.) Journal fur praktischc Chemic, /, 43, 70. Reproduit d'après von Lippmann. 49 382 J- VAN DER PLANCKEN & Ph. BIOURGE lévulose et la rend un peu violacée; le maltose donne une coloration bleue avec précipité gris teinté de bleu, tandis que le précipité du glycose est bleu-violacé. Enfin, l'arabinose donne à froid une coloration rougeâtre de- venant rouge-sang à chaud, avec formation d'un précipité rouge foncé. La présence du saccharose dans le mélange est réellement facile à déceler. 9. Nous avons encore essayé sur les mêmes substances l'action de la résorcine et de la phloroglucine en solution chlorhydrique. La solution de résorcine se prépare en dissolvant 1 gr. de résorcine dans 120 ce. d'acide chlorhydrique préalablement étendu d'un volume d'eau ; celle de phloro- glucine en saturant l'acide avec la substance. Pour les essais qualitatifs, on peut dans des tubes à essai ajouter à un volume de liquide sucré un volume égal d'acide chlorhydrique concentré et quelques gouttes des réactifs, ou bien ajouter directement un volume des réactifs à un volume de solution sucrée. C'est ce que nous avons fait. Les actions peu sensibles à froid sont très rapides à 65-700 C. Il ne faut pas dépasser ces températures pour utili- ser l'action élective de ces agents sur les pentoses et les pentosanes et sur les sucres donnant du lévulose par hydratation. Avec la résorcine, tout ce qui renferme des pentoses donne une coloration d'abord orangée, puis rouge- brun. Il ne s'y forme que très lentement, après chauffage prolongé, un préci- pité noirâtre. Le groupe lévulose donne très rapidement une coloration éosine, puis rouge cerise, avec formation d'un précipité très abondant rouge foncé. Les autres sucres ne donnent aucune réaction à 65-70% à moins qu'on ne chauffe trop longtemps. La phloroglucine donne facilement et à tempé- rature relativement basse une coloration rouge sang avec les pentoses et une coloration brune avec tous les sucres renfermant le lévulose. Cette colora- tion est accompagnée d'un précipité. Les autres sucres ne réagissent que si, par un chauffage prolongé, on détruit partiellement leur molécule. Nous résumons ces caractères dans un tableau pour mieux en faire ap- précier l'utilité. Nous ferons remarquer à propos de la réaction au nitrate de cobalt qu'il n'est pas indifférent de chauffer les essais tardivement ou immédiate- ment après leur préparation. Ainsi pour le saccharose, on peut chauffer très longtemps l'essai cobaltique récent sans déterminer de précipité, tandis que ce dernier se forme rapidement, quand l'essai a pris avec le temps une teinte vineuse. De même, si l'on chauffe immédiatement les essais renfer- mant du glycose, du maltose ou du galactose, il apparaît rapidement une coloration vert tendre qu'on n'observe pas autrement et un précipité mauve en présence d'un excès de cobalt. LA MIELLEE DU HETRE ROUGE 383 . * a g - u ° 3 < e °0 »■ g a d »■ 5, w H os + H < CQ O O w Q O ri w Q u w CS ï § O 05 a 13 o + W O a < .- O > O « o w « D -S a pq o os 05 P W S a g Id M O O z <: j Q w u 13 13 Cu (D o '-, V •_ _o 3 . 'o -3 T-î eu i; p o ° + 3 O 3 13 -eu o 3 13 "S u O "o 3 ri r3 3 a ^ n 0 ~ ri ri > u ri M O > 0 ■j 0 u 0 0 _ ■ - o 3 o o c eu CD 3 CD : CD 3 ni CU r2 ri : (U ri ■ n 0 A 0 3 0 0 Cu 0 3 O CD - 3 Tl w 3 CD . T3 3 ri a 'o en -Q ri 13 t3 'S. -3 ri -a ^ 3 O d 'ta 3 Cu 13 a CD ■>-> 3 '3 -i 3 o 3 3 13 HD „ -ri O ri Cu S o 3 13 -CD CD eu ri 3 ri CD 3 . en .g Cu « ë o cd 3 (_) 3^2 p J ft.ï, -O 2 a '2 eu ri Cu en 3 ^ 13 O Çn '■3 53 g eu O 3 O CD C/J eu 1-H 0 0 -ri 3 l-1 p-s 11 -ri 0 <(U aï CN cr P^=: S v-« 0 0 f-U o CD 3 cr eu Pu o "3 > -CD ri C/5 CD en O I ri 3 13 3 3 g ri O CD Cu 3 f-, a" fco o O CD 5 .g S 0,0210 O,0I29 0,Ol37 » 72 » O,0l86 O,0205 0,OI72 » 96 » 0,0125 0,0123 0,0202 » 120 Total o,oo38 0,0054 0,0100 0,1186 o,l^i3 0,1223 Discussion. 1. En présence d'un mélange de glycose, de maltose et de saccharose, ces trois levures donnent des quantités de CO, fort va- riables; car leur pouvoir fermentatif est très différent. Avec la miellée, elles fournissent à peu près la même quantité. Le sucre de la miellée, également fermentescible par les levures Frohberg et liégeoise, ainsi que par le Saccha- romyces Ludwigii, ne peut donc être que du glycose, du lévulose ou du saccharose, le Saccharomyces Ludivigii ne pouvant faire fermenter ni le maltose, ni le lactose. 2. 46,65 gr. C02 correspondent à 100 gr. de glycose. Calculant à l'aide de ce facteur, nous trouvons que TABLEAU XL UN GRAMME DE MIELLÉE CONTIENT, D'APRÈS COj FOURNI PAR la levure la levure Frohberg liégeoise le saccharomyces Ludwigii Glycose ou lévulose. 0,254 o,238 0,262 3. La quantité de lévulose trouvée au moyen de la liqueur de Fehling n'est que 0,162. D'où provient cette différence? Seraient-ce la gomme et la dextrine de la miellée qui fermentent en même temps que le lévulose? Nous avons ensemencé, avec les mêmes levures, des solutions à 10 ojo de dextrine et de gomme arabique, préala- blement pasteurisées et additionnées du liquide Raulin. Les divers essais ont été conservés à l'étuve à 24° C. pendant 6 jours. Ils n'ont rien perdu de leur poids. LA MIELLEE DU ?IETRE ROUGE 397 De là, par analogie, nous pouvons présumer que la gomme et la dex- trine de la miellée ne sont pas fermentescibles par ces levures. Y a-t-il en présence du lévulose un autre sucre fermentescible, mais non réducteur ou moins réducteur que le lévulose? Cela paraît extrêmement pro- bable; mais il nous serait actuellement impossible de dire lequel. Une seule explication nous parait admissible : c'est que notre lévulose serait mélangé d'un polymère donnant les mêmes réactions, mais avec un moindre pouvoir réducteur. Nous savons queson pouvoir rotatoire devait être moins lévogyre, nul ou légèrement dextrogyre. Troisième essai. Jusqu'ici, le sucre seul de la miellée fermentait; la dextrine et la gomme étaient inattaquées. Pour parvenir à faire fermenter la dextrine, en même temps que le sucre, nous avons ajouté à la solution de miellée (+ le liq. Raulin) la levure Frohberg et quelques centimètres cubes d'extrait diastasique. Dans ces conditions, la levure absorbe le sucre directement fermentescible, ainsi que le maltose de la dextrine, au fur et à mesure que celle-ci est saccharifiée. Mais dans l'extrait, il y a déjà des sucres préformés et d'autres produits qui pourraient fermenter. Il fallait donc le faire fermenter seul avec la même levure et dans les mêmes conditions. En retrar*chant le C04 fourni par l'extrait diastasique, nous connaissons la quantité de ce gaz provenant du sucre et de la dextrine. Jl suffit ensuite de défalquer le COs fourni par le sucre pour connaître celui qui provient du maltose. De là, ces trois essais : 10 ce. miellée _|_ 10 ce. Raulin + levure Frohberg. io ce. miellée + 10 ce. Raulin + extrait diastasique + lev. Frohberg. 5 ce. extrait diastasique + 10 ce. Raulin + levure Frohberg. TABLEAU XII. UN GRAMME DE MIELLÉE FOURNIT CO„ COMME TELLE ADDITIONNEE DE DIASTASE Après quatre jours' 0,1186 o,3o6 Discussion. i° Le maltose provenant de l'action de la diastase sur la dextrine (à 24° C. durant quatre jours) a donc fourni 0,306 — 0,1 186 = 0,1874 gr. CO,. Si 398 J- VAN DER PLANCKEN & Ph. BIOURGE 100 gr. de saccharose donnent 48,85 COa. En admettant que le maltose, dont la formule est la même, fournisse une quantité égale, nous trouvons par cet essai 0,308 gr. de maltose, ce qui correspond à 0,292 de dextrine. On voit que ces essais sont peu encourageants, du moins au point de vue de l'analyse quantitative. CONCLUSIONS. Ce travail peut se résumer dans les propositions suivantes. La miellée du hêtre rouge ne renferme pas de matières a\otées. Elle laisse 1,55 0/0 de cendres composées de CaO, MgO, K4C05. C'est un mélange de gomme, de dextrine et de sucre lévulose. Elle ne contient pas de saccharose. — Nous avons remarqué que la composition des divers échantillons variait légèrement. Cela se conçoit d ailleurs. La composition d'un produit de sécrétion est intimement liée à l'état de nutrition, à la nature de l'arbre, du sol, et à mille autres circon- stances. Gomme. La gomme de la miellée est levogyre et dénuée de pouvoir réducteur. Elle précipite par les acétates neutre et basique de plomb, et donne probablement du lévulose par hydratation. Dextrine. Elle doit avoir un pouvoir dextrogyre intense. Elle est dif- ficilement saccharifiée par la diastase et peut-être très incomplètement. Quant au dosage de ces trois principes : gomme, glycose, dextrine, il est très incertain, sinon impossible, et cela pour les raisons suivantes. a) Pour doser une substance au moyen d'une réaction donnée, il faut qu on ait affaire à cette substance toujours identique. Y a-t il des produits plus différents, plus difficiles à identifier que les gommes, les dextrines et lesglycoses? On pourrait donc faire de graves erreurs en appliquant aux principes de la miellée les coefficients d'analyse adoptés pour le lévulose pur, la dextrine artificielle et la gomme arabique. b) En supposant même que ces coefficients puissent servir, on arrive- rait à doser ces principes, quand ils sont isolés. Mais à l'état de mélange, d'autres obstacles se présentent. Tantôt une réaction faite en vue d'un seul LA MIELLEE DU HETRE ROUGE 399 d'entre eux empiète en même temps sur les autres, telle l'hydratation par- les acides dilués; tantôt les précipitations et séparations se font très incom- plètement : la séparation de la dextrine et de la gomme d'avec le gly- cose, etc. On peut cependant admettre la composition suivante comme approxi- mative. Sucres directement fermentescibles : lévulose et analogues, solubles dans l'alcool méthylique absolu : 26 à 30 0/0. Dextrine . . . : 74 à 70 0/0. Les conclusions secondaires de ce travail sont les suivantes : 1. La dextrine pure du commerce réduit la liqueur de Fehling. Il faut 0,650 pour décomposer 10 ce. de liqueur de Fehling. 2. La gomme arabique réduit aussi, mais très lentement et après un long temps. Il faut environ 8 gr. Il en est qui ne réduisent pas du tout. 3. Dans l'hydratation pendant 20 minutes, les gommes et les dex- trines s'hydratent en partie. 4. L'hydratation selon Fernbach pendant une minute avec 1/1000 H2SOt n'attaque point les dextrines ni les gommes. L'inversion des solu- tions diluées de saccharose est complète. 5. Le meilleur moyen de précipiter les gommes consiste à laisser tomber goutte à goutte la solution gommeuse dans le sous acétate de plomb en excès, en agitant sans cesse très fortement pour que legommate ne s'ag- glutine pas trop. 6. Les divers échantillons de gomme arabique n'ont pas tous le même pouvoir rotatoire. 7. Au moyen de l'alcool méthylique, on ne parvient pas à séparer complètement les sucres d'avec la gomme et la dextrine. 8. A l'état d'osazones, les sucres ne s'éliminent pas complètement. 9. La gomme arabique et la dextrine artificielle ne fermentent pas avec les levures Frohberg et liégoise, ni avec le Saccharomyces Ludwigii. Cette étude sur la miellée montre que les méthodes de séparation et de dosage des gommes et des dextrines sont fort incertaines. Nous nous proposons d'y revenir. Nous ne manquerons pas non plus, si l'occasion nous en est encore offerte, d'achever cette étude, où nous avons nous-mêmes relevé déjà bien des lacunes. MBL WHOI LIBRARY "II"' bJH ITTÔ A n 0 s C5* X*W * A Nfc^i ■ ■ ■■■ . . ■. m <" " VÈ:::iAià ■ -4& J^à